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Hygiène des énervés et des névropathes, par le DA CUBLERRE. 1 vol -InAGS EE Lee je. si STE HYPNOTISME, DOUBLE CONSCIENCE ET ALTÉRATIONS DE LA PERSONNALITÉ, par le D' AzaM, professeur à la Faculté de Bordeaux. 1 vol. in-16. ANERAAEL 6 7: Leila ane a008) af nie) 0 ee ES LE CERVEAU ET L'ACTIVITÉ CÉRÉBRALE au point de vue psycho-physio- logique, par ALEX. HERZEN, professeur à l’Académie de Lausanne. 1 vol. ER CON RENE SUR RENE ER LE SECRET MÉDICAL. Honoraires, mariage, assurances sur la vie, décla- ration de naissance, expertise, témoignage, ete., par P. BROUARDEL, pro- fesseur et doyen à la Faculté de Paris, 1 vol. in-16: *:5ù Qu .. 3 1r.60 MICROBES ET MALADIES, par J. SCHMITT, professeur agrégé à la Faculté de Nancy. 1 vol. in-16, avec 24 figures . TE . {0 et1 0e DROITE EE LA GALVANOPLASTIE, le nickelage, La Celine 5 de ure et l’électro-mé- tallurgie, par E. BOUANT, agrégé des sciences. 1 vol. in-16 savecfig. 3 fr. 50 La COLORATION DES vins par Jles couleurs de la houille, méthode ana- lytique et marche systématique pour reconnaitre la nature de la colo- ration, par P. CAzENEUVE, professeur à la Faculté de Lyon. 1 vol. in-16; avec A pla Le ss Ve d'OS La PRÉvISION DU TEMPS et les prédictions météorologiques, par G. Dar- LET, d9 vol, in-16,-avee 40 figures, 7275 FANS COMME LE Larr. studes chimiques et microbiologiques, par DucLaux, profes- seur à la Faculté des sciences de Paris. 1 vol. in-16,avec figures. 3 fr. 50 LES ANCÊTRES DE NOS ANIMAUX, dans les temps géologiques, par Albert Gaupry, prof. au Muséum, membre de l’Institut. 1 vol. in-16, avec Les TREMBLEMENTS DE TERRE, par FOUQUÉ, professeur au Collège de France, membre de l’Institut. 1 vol. in16. . . . . . . . . . 3 fr. 50 L'ORIGINE DES ARBRES CULTIVÉS, par M. DE SAportA, correspondant de l’Institut de France. 1 vol. in-10, avec figures, . , . . . . . 3 fr. 50 La LUTTE POUR L'EXISTENCE CHEZ LES ANIMAUX MARINS, par LÉON FRE- DERICO, professeur à l’Université de Liège. 1 vol. in-16, avec fig. 3 fr. 50 L'HOMME AVANT L'HISTOIRE, par CH. DEBIÈRE, agrégé de la Faculté de Lyon. 1 vol. in-16, avec figures. RE RÉ Coulommiers, — Imp. P, BRODARD et GALLOIS, 9 '1r. 501 x, Û RE RER GC 63 45e SOUS LES MERS CAMPAGNES D'EXPLORATIONS DU « TRAVAILLEUR » ET DU « TALISMAN » PAR Le Marouis DE FOLIN | MEMBRE DE LA COMMISSION SCIENTIFIQUE D'EXPLORATIONS DES GRANDS FONDS DE LA MÉDITERRANÉE ET DE L'ATLANTIQUE Avec 45 figures intercalées dans le texte A: 0e PARIS LIBRAÏRIE J.-B. BAILLIÈRE er FILS 19; RUE HAUTEFEUILLE, 19 Près du boulevard Saint-Germain. 1887 Tous droits réservés. A MON PETIT-FILS À HENRI DE FOLIN AVANT-PROPOS L’ère des recherches sous-marines s'était ouverte par quelques campagnes qui prouvèrent que leur utilité était incontestable. Les découvertes d'animaux jusqu'alors inconnus avaient considérablement augmenté le nombre des espèces zoologiques. De plus, elles s'étaient opérées dans des conditions telles, qu’il était démontré que de nouvelles explorations étaient indispensables pour faire connaître tous les êtres habitant les . mers. En effet, chaque localité explorée présentait, comme résultat des dragages, des animaux nou- veaux aussi bien que des formes spéciales à cha- cune d’elles ; et l’on pouvait en conclure que toutes les surfaces immergées devaient être soumises à linvestigation. | Elles montrèrent également tous les profits que pouvaient en tirer les sciences autres que l’histoire VIII AVANT-PROPOS naturelle, à condition de ne pas s'arrêter à ces préludes, mais en continuant des travaux qui rame- naient du fond des abimes des données authenti- ques sur leurs profondeurs, leur nature et leurs habitants. Tout ceci fut bien compris, croyons-nous, car aux premières campagnes nous voyons succéder des expéditions plus largement organisées, ayant le même but, dénotant pendant plusieurs années une ardeur et un zèle qui permettaient d'espérer qu’on ne s’arrèterait pas en aussi beau chemin, que l'œuvre était considérée dès lors comme d'utilité publique internationale, et que chaque année, pen- dant longtemps, chaque nation fournirait sa cam- pagne productive en résultats scientifiques. Cependant le feu sacré, qui paraissait si vivement allumé, a perdu de son intensité, l’ardeur s’est ralentie, le zèle s’est refroidi; on le dirait du moins, car les marines européennes n’ont rien entrepris comme recherches sous-marines depuis quelques années. Est-ce à la situation politique du vieux monde qu'il faut attribuer ce relâchement funeste ? c'est possible... Mais est-ce faire un bon calcul que d'économiser une somme, en vérité peu Impor- NEC à re CARLA LEE ER SLS Aa EVENT 20 EES _ ART = à 1 AVANT-PROPOS IX tante, alors qu’il s’agit d’un intérêt qui doit pri- her toute autre considération, puisqu'il s’agit d’un élément de prospérité générale, d’une source de progrès? En réfléchissant, on comprendra que cette étude des mers doit porter des fruits qui, dans l’avenir, auront une grande influence sur la situation économique des peuples. Pour nous, qui n'avons rien perdu de notre foi en la valeur de l’œuvre et de ses conséquences, nous déplorons douloureusement l’apaisement qui a suivi l'enthousiasme avec lequel on avait accueilli les collections amassées par le Travailleur et le Talisman en quatre campagnes. C’est avec l'espoir de réveiller le sentiment que cet enthousiasme révélait, sentiment de l’utilité d'une marche en avant à la recherche de tout ce qui peut servir au progrès, favorable consé- quemment aux recherches sous-marines, que nous avons songé à les rappeler au public. Nous avons pensé que nous avions quelque chance de réussir en montrant ce qu’elles ont été en France, en mettant sous les yeux des lecteurs ce qu’elles ont produit, en énumérant les richesses zoologiques qu’elles ont fait acquérir, les données scientifiques qu’elles ont permis d’accumuler, en faisant ressortir X AVANT-PROPOS le peu qu’elles constituent cépendant si lon con- sidère limmense inconnu qui demeure voilé. Les trésors acquis peuvent faire entrevoir ceux bien autrement considérables qui restent à conquérir. Peut-être ainsi parviendrons-nous à remuer assez la fibre du public intelligent pour lui faire conce- voir et exprimer le désir de voir reprendre d'aussi productifs et utiles travaux... En même temps, nous associerons ce public à l'hommage à rendre à un homme qui, compre- nant toute l’utilité de l'étude des mers, s’y livre avec une ardeur qui lui fait honneur : Au prince de Monaco, qui de son yacht a fait un bâtiment dragueur, avec lequel il a déjà exé- cuté quelques campagnes d’exploration, et qui en ce moment en accomplit une importante, si l’on en juge d’après l'itinéraire qu’il a l’intention de suivre. Puisse son exemple être imité par les proprié- taires de navires et de bateaux de plaisance! Nous leur avons déjà dit et nous leur répéterons 11 : « Au but attrayant de visiter des contrées curieuses; de naviguer, de jouir de la mer, ajoutez celui non moins plein de charmes des dragages, source de jouissances comme nul sport n'en peut procufet; + e FT à \rSes « alu Ë us Ad 5LS à 3 AVANT-PROPOS XI ils le comprendront bien ceux qui liront les pages qui suivent. » _ Puisse notre voix être entendue! Marquis DE FoLIN. Biarritz, 1°r juin 1887. Médaille frappée en commémoration des campagnes de dragage du T'alisman, sous les auspices de l’Institut de France (Académie des Sciences), et due au burin de M. Daniel Dupuis, LAPS ER DER SOUS LES MERS CAMPAGNES D'EXPLORATION DU TRAVAILLEUR ET DU TALISMAN La drague est la main de l'homme descendant sur les fonds même les plus profonds. INTRODUCTION LES RECHERCHES SOUS-MARINES I. — rHporiance et utilité des recherches ‘sous-marines. L'étude du fond des mers ou plutôt l’étude des mers est importante à plus d’un titre. Elle est utile, car elle concourt à la marche en avant du progrès en général et intéresse quelques- unes des sciences dont l’homme cherchera encore longtemps le dernier mot : la physique, la géolo- gie, la zoologie, la météorologie. Elle étend les connaissances humaines, elle développe leur utilité en rendant plus pratiques quelques-unes de leurs applications. DE FOLIN. — Sous les mers. I LES RECHERCHES SOUS-MARINES WU - Elle manifeste la toute-puissance de Dieu, de même que la contemplation du ciel, que les re- gards portés avec intelligence sur la terre. Elle en démontre la vérité en faisant connaître des lé- sions de créatures d’un ordre tellement inférieur que l’on s'étonne qu'il leur ait été commandé de s’organiser et de vivre; mais qui se posent en preuves irrécusables aussitôt que l’on remarque que des lois destinées à régulariser leur marche progressive leur ont été imposées et qu'elles s’y astreionent, sans que jamais le hasard vienne en bouleverser les fonctions, ainsi que cela aurait lieu si le hasard était pour quelque chose en pareille œuvre. Si je m'arrète un instant sur ces considérations, c'est que c’est surtout sur ces formes initiales des séries zoologiques qu'il est facile d’observer la simplicité avec laquelle s’opèrent les développe- ments de l’organisation. L’ordre de succession que ceux-ci déterminent se déroule si naturellement qu'on ne peut s'empêcher de l’admirer comme une nouvelle preuve de cette merveilleuse har- monie qui marque d'un sceau éclatant toute la création. Et alors on sent que Dieu seul a le pou- voir de maintenir ces créatures dans la voie pour laquelle il les a fait vivre, et de leur conserver l’incomparable régularité de leur fonctionne- ment. Les recherches sous-marines, indispensables à "étude des mers, rendent celle-ci fort intéressante. AC . RS D se ni -… IMPORTANCE ET UTILITÉ 5, Les travaux nécessaires deviennent une source de satisfactions et de jouissances intellectuelles. J'ai parlé de satisfactions, c’est peut-être trop _ peu, laissez-moi vous montrer la vivacité des im- pressions que presque toujours on éprouve en pareil cas. Pour cela, je dirai une anecdote racon- tée par un de mes amis, célèbre zoologiste anglais, le Dr Gwyn Jeffreys. ’était à bord d’un yacht appartenant à un conchyliolooiste également anglais et non moins éminent, M. Mac Andrews. Il avait invité quelques conchyliologistes de ses amis à une partie de dra- gages; l'instrument relevé allait rentrer à bord, Tous, avec émotion, se précipitent vers l'appareil pour l’entourer. Au premier rang, parmi les plus ardents, se trouvait un Russe de distinction; dans son empressement, il écarte ses voisins, et cela avec une telle fougue qu’il en renverse deux sur le pont. Leur chute le rappelle à lui. Ses habitudes courtoises, son savoir vivre, son bon ton repren- nent le dessus; 1l s'arrête, se découvre, puis, après avoir salué les deux victimes, s’adressant à toute la réunion, il s'excuse en ces termes : « Pardonnez- moi, messieurs, pardonnez-moi, car, voyez-vous, je suis ivre, oui, grisé par le fait de tout ce que rapporte cette drague. » La perspective d'intérêts variés que cette science nouvelle à fait découvrir peu à peu était assez ré- trécie lorsque l’idée d’une étude méthodique et générale des mers fut conçue. Elle s’est étendue 4 LES RECHERCHES SOUS-MARINES en même temps que la mise en pratique s’est dé- veloppée, elle s’élargira davantage, nous en som- mes convaincu. La navigation, l’industrie, aussi bien que les sciences ont déjà profité des utiles renseignements qu'elle a donnés, et c’est à peine si l’on s’est mis à l'œuvre. Parmi les services qu’elle rendra, il en est un surtout qui nous semble sus- ceptible de primer tous les autres : nous croyons fermement qu’elle aidera puissamment aux pro- grès de la météorologie. Entreprendre l'étude des mers! c’était là une idée facile à exprimer. Mais lorsqu'il fallut songer à la réaliser et que le programme en fut dressé, la multiplicité des questions qu’une pareille œuvre embrassait et qui vinrent successivement se pré- senter à l’esprit en fit paraître l’exécution difficile. Pendant quelques années, tel fut l'obstacle; le projet demeura à l’état purement théorique, et il en fut ainsi jusqu’au moment où le hasard vint dévoiler les ressources d’une méthode pratique, assez simple pour être immédiatement appliquée. Elle réussit, et l’un de ses succès fut de répandre la pensée de l’entreprise. | Par suite, des explorations officielles, c’est-à- dire dont quelques États se chargèrent, furent résolues et accomplies. Elles produisirent de si heureux résultats, qu’actuellement elles sont con- sidèrées comme d'utilité publique et nécessaires au développement des connaissances qui condui- sent au progrès. | RECHERCHES PRIVÉES 5 Quelle que soit l’immensité du travail, quelque compliqués que soient les détails qu’il comporte, il est adopté : il marche et ne s’arrêtera pas, car chaque pas qu’il fait montre ce qu’il vaut, car la foi en l'utilité de ces travaux se perpétuera avec la tradition des grandes explorations aussi bien qu'avec celle des recherches privées, dont les opé- rations se bornent généralement à scruter les fonds situés sous des eaux peu profondes. II. — Les recherches privées. Le cadre des opérations privées est naturelle- ment moindre que celui des grandes explora- tions; elles rendent cependant de très grands services, des services tels qu'il faut désirer les voir devenir plus communes. Il faut que chaque plage, chaque rivage soit étudié à fond par un ou plusieurs naturalistes et même par de simples amateurs. Il faut que tout propriétaire de bateau de plai- sance ait pour but de ses promenades à la mer le dragage en eaux moyennes, s’il ne peut faire MIQUX.. : . Les opérations privées ne s’exécutent guère que dans les eaux peu profondes, c’est-à-dire dans celles qui appartiennent aux trois zones zoologi- ques dites du Littoral, des Laminaires et des Coral- lines. ; | Sur les bords de la mer chacun peut voir jour- 6 LES RECHERCHES SOUS-MARINES nellement comment on y procède et les résultats qu'on obtient; il suffit pour cela d’observer ce qui se passe sur les bateaux de pêche. III. — Les grandes explorations. Il n’en est pas ainsi des grandes explorations : je vais chercher à donner une idée de ce qu’elles sont, des installations qu’elles nécessitent, com- ment celles-ci fonctionnent et de ce qu’elles pro- duisent. Nousprendronscommetype le Travailleur(fg.x), puisque c’est le bâtiment sur lequel j'ai fait trois campagnes de recherches sous-marines. Le navire explorateur est à vapeur. Indépendamment de la machine propulsive, il doit être muni de ce que l’on appelle un petit cheval, d’une chaudière auxiliaire dont la vapeur fait marcher un treuil au moyen duquel on relève les lignes de sonde et les apparaux de dragages. Les premières sont en fil d’acier, tout simple- ment de la corde à pianos; elles supportent un sondeur composé d’un tube en fer auquel on ajoute un ou plusieurs poids de 30 kilogrammes cha- cun. Le tube les traverse, ils sont retenus vers son milieu au moyen d’un fil de fer dont les extre- mités, formant œil, sont capelées sur des ergots. En arrivant sur le fond, la tension de la ligne cesse, elle prend du mou, les poids ne sont plus sou- tenus, ils font appel sur les ergots, qu’ils forcent à Fig. 1. — Le Travailleur. ô LES RECHERCHES SOUS-MARINES basculer; leur soutien s'en échappe, et lorsqu'on fait force sur le fil pour faire rentrer le tube à bord, il les abandonne et remonte sans eux, mais rempli en partie de vase qui ne peut s'échapper, étant retenue par deux godets fermant l'orifice inférieur aussitôt que le fil se tend. L'idée d’em- ployer le fil d'acier comme ligne de sonde est due à un des savants les plus éminents de la Grande- Bretagne, sir Woyville Thomson, qui a fait faire ainsi un grand progrès à la navigation. C’est à bord du Travailleur que le procédé fut inaugure. Son usage est d’une extrême commo- dité et présente de grands avantages. Le fil des- cend directement, verticalement ou peu s’en faut, et cela très rapidement. Quelle que soit la profon- deur, il permet de percevoir très sensiblement le choc qui se produit au contact du sondeur avec le fond aussitôt que celui-ci est atteint. Il est sur- tout précieux lorsqu'on navigue en des parages où il est indipensable de sonder souvent. Si la pro- fondeur est au-dessous de 100 mètres, on peut le faire sans arrêter la marche. Il y a donc économie de temps et de forces, car on relève au treuil sans fatigue pour l’équipage. À bord du Zravailleur, nous avions 10 000 mètres de fil semblable en- roulés sur un touret peu volumineux. Les dragues sont de plusieurs sortes et de di- verses dimensions ; quelques-unes des nôtres pou- vaient rapporter au moins deux tonnes de vase; à mon avis, ce ne sont point les meilleures, je pré- . LES GRANDES EXPLORATIONS 9 _ fère les petites, elles ramènent moins, maïs de meilleure qualité. Tout à l'heure, je dirai pour- quoi. 1 _ La drague est destinée à courir sur le fond en le labourant de manière à faire entrer la couche superficielle dans un grand sac envergué sur le châssis en fer qui est la partie essentielle de l’ins- _trument, celle qui laboure. On la promène donc sur les surfaces pendant un certain temps, et théo- riquement elle ne devrait que les écrémer, les animaux qui les habitent ne s’enfonçant jamais profondément. Lorsqu’on a affaire à un fond dur, c’est ainsi que cela se passe; mais s’il s’agit de draguer sur des vases molles, les engins lourds pénètrent et se remplissent sur place. On traine alors inutilement l'instrument, qui n’a pris qu’une très minime quantité de ce qui est utile. Avec de petites dragues, cet inconvénient est au moins évité en grande partie. Parfois, on substitue le chalut à la drague; sur certains fonds, il donne de meilleurs résultats. Remarquons qu’on aurait bien étonné les chalu- tiers de nos côtes si on leur avait parlé, il y a quelques années, d'opérer avec leurs filets par des profondeurs de 2000 ou 3000 mètres, et cepen- dant il n’a fallu qu'un peu de hardiesse pour y arriver. Jamais chaluts ou dragues ne sont envoyés sur les fonds sans qu’on leur adjoigne un certain nom- bre de fauberts, c’est-à-dire des réunions de vieux 10 LES RECHERCHES SOUS-MARINES cordages effilés, dont les effets comme collecteurs sont très puissants. Des balais de bruyère sont également employés, mais ils sont beaucoup moins efficaces. Et ce n’est pas tout, car lorsque l’on est en pêche, l'esprit surexcité s’ingénie à trouver le moyen d’accroitre les chances de succès, et on use alors de tout ce qui peut être utilisé comme innovation ou comme perfectionnement. Pour faire usage de tous ces engins, on les fixe sur des cordages auxquels on donne le nom de funes : nous en avions près de 40 000 mètres de toutes espèces. Environ 10 000 mètres des plus fortes en un seul bout étaient toujours disposés par glènes de 200 mètres sur des cabillots ou che- villes en fer fixés tout le long de la muraille du gaillard d’arrière à tribord. Lorsque le moment d’opérer est venu, la fune se garnit sur un treuil de déroulement qui est muni d’un frein au moyen duquel le mouvement de descente peut être ralenti ou arrèté subitement. Le bout du cordage passe ensuite dans une poulie supportée par des bigues qui surplombent le cou- ronnement du navire, puis il vient s’amarrer sur la drague ou sur le chalut, en faisant une patte d’oie si c’est sur ce dernier. On ajoute quelques fauberts ou balais sur les flancs de l'instrument, un thermomètre au point d'amarrage et les pré-! paratifs sont terminés. Tout est en ordre, la machine est stoppée, et, aussitôt que la marche est interrompue, l’appareïl æ bn LES GRANDES EXPLORATIONS WT est mouillé, on file lentement la fune sur une longueur de 200 ou 300 mètres. La descente est alors interrompue pendant un instant pour fixer sur le cordage une gueuse de so kilogrammes. Suivant la profondeur, on place de la même façon deux, trois ou quatre autres gueuses distancées les unes des autres de 100 mè- tres environ. C’est afin d’obtenir sur la fune une longueur de quelques centaines de mètres qui, à l'aide de ces poids, se maintiendront sur les ter- rains dans une position à peu près horizontale. On préviendra ainsi les redressements de la dra- gue sous les efforts de la tension, et elle demeu- rera en situation de mordre le fond. À partir du point où la dernière gueuse se trouve amarrée, on échelonne des fauberts en les plaçant à quelque distance les uns des autres sur uñe longueur variant de $o à 100 mètres. Ils captureront les animaux nageurs qui évoluent dans la zone la plus rapprochée des surfaces sur lesquelles on opère. [ls ramasseront aussi quelque- fois sur les fonds eux-mêmes, et cela quand, la profondeur diminuant pendant la course de la dra- gue, ils trainent quelques instants sur les pentes. De temps à autre, on prend le soin de placer, de 500 mètres en $soo mètres, des thermomètres, ce qui permet de noter la température des eaux à diverses profondeurs. Les meilleurs instruments pour les observations de cette sorte sont ceux de Miller Casela, de Londres. IS 12 LES RECHERCHES SOUS=MARINES Il est essentiel que la quantité de fune mise de- hors dépasse sensiblement la profondeur accusée par la sonde. D’après l’état de la mer, on doit en filer comme minimum un tiers en plus, et porter la touée à une fois et demie la profondeur, parfois davantage, suivant ce qui est jugé nécessaire. Aussitôt que la longueur du cordage mis à l’eau paraît suffisante, il est solidement amarré et l’ins- trument est abandonné au travail pendant un cer- tain temps. Pour obtenir de l’eau des couches en contact avec les fonds, on mouille en même temps que la drague, mais par la hanche et avec uné ligne de sonde de lancien système, une bouteille 4 eau, instrument spécialement destiné à puiser le liquide sur un point voulu et à le rapporter à bord. Cet instrument est pourvu de robinets qui demeurent ouverts pendant toute la durée de la descente l'eau qu'ils laissent pénétrer se renouvelle cons- tamment par l'effet du courant qui se produit au dedans, la pression augmentant à chaque: instant. C’est ainsi qu’arrivée sur le fond, ce n’est plus que celle de la couche la plus basse que la bouteille contient, car c’est elle qui s’est introduite en der- nier lieu. Cependant, pour plus de certitude, on maintient l’instrument au fond pendant quelques instants, puis on laisse glisser tout le long de la ligne de sonde un poids de 15 à 20 kilogrammes, ayant la forme d'une bague et qui agit dans le sens de ceux du sondeur. En traversant la bouteille, elle LES GRANDES EXPLORATIONS i ge ferme les robinets, et en même temps d’épaisses _ soupapes de caoutchouc qui résistent assez effica- cement à l'expansion des gaz contenus dans l’eau. Il en résulte qu’au retour, lorsque l’on ouvre les premiers, 1l arrive souvent que l’eau est projetée au dehors avec une force telle qu’il se produit un jet assez puissant. C’est à bord du Travailleur que ce nouveau système de bouteilles à eau ou à puiser a été imaginé. Il est dû au commandant Richard et à M. Villesente, lieutenant de vaisseau. Revenons à la principale opération. Aussitôt que la durée du travail de l’engin paraît suffisante, le double de la fune est porté sur le treuil du petit cheval, que l’on met en marche, et le cordage rentre rapidement à bord. Cependant ce ne peut être qu'avec de bien grandes précautions que cette partie de l’opération s'exécute. Si, en descendant l’appareil, il a fallu une attention soutenue de la part du commandant ou de l'officier de quart qui le supplée pour qu’elles soient scrupuleusement prises, la surveillance de tous les incidents qui se présentent doit être bien plus minutieuse pour le relèvement. N'ayant qu’une vitesse à peine sensible, le navire ne gouverne que très difficilement; cependant il doit être maintenu dans une position favorable au travail. Et, pour cela, il arrive un moment où un petit mouvement en arrière est devenu nécessaire, car la traction augmente par trop. Mais ce ne sont pas seulement les efforts d’une trop grande tension contre les- 14 LES RECHERCHES SOUS-MARINES quels il faut se prémunir, il y a également à se garantir des excès contraires qui proviennent d’une mollesse trop déterminée, alors que, par une cause ou par une autre, l'instrument est devenu immo- bile et que le navire est revenu vers lui. Dans ce cas, la fune paraît venir de dessous le bâtiment, on doit parcourir quelques mètres en avant le plus lentement possible. C'est donc une vigilance de tout instant qui est indispensable si l’on veut éviter les risques de voir le cordage se rompre, de le perdre avec lappareil qu’il soutient et tout ce que celui-ci contient. Et cependant, quelque attentif que l’on soit pour prévenir de tels èchecs, il est des cas où les acci- dents se produisent malgré tout. L’instrumeut rencontre un obstacle, une pointe de rocher dans les aspérités de laquelle il s'engage, elle est trop solidement implantée ou trop volumi- neuse pour qu'elle puisse être arrachée, c’est la fune qui est la plus faible, elle cède et tout de- meure au fond. Si la force exercée parvient à l’emporter sur l'obstacle, ce n’est pas sans de grands efforts, il en résulte des avaries. Des blocs de ro- ches pénètrent dans la drague ou dans le chalut; ils déchirent sacs et filets, les châssis en fer revien- nent tordus, brisés, hors de service, mais, à l’aide de la forge, ils sont bientôt remis en état, et, grâce à l’habileté des matelots, regréés à neuf. Lorsque la mer est grosse, au moment où l’on pourrait croire que tout est sauvé, car l'instrument _ LES GRANDES EXPLORATIONS i (A) apparaît à la surface de l’eau, se montrant pesam- ment chargé, un brusque et violent coup de tan- gage le soulève en même temps que l'arrière du navire; il éprouve un soubresaut qui imprime à la fune un choc tellement sec, rude et subit qu’elle se rompt parfois. Telles sont quelques-unes des péripéties qui acci- dentent les dragages; il en est d’autres encore, mais celles que nous venons de dire suffisent pour montrer que ces opérations sont plus délicates à exécuter qu'on ne pourrait le supposer. L’état de la mer exerce également une certaine influence sur le temps nécessaire pour relever une drague. Cependant on peut en moyenne virer de à 1000 1200 mètres de fune par heure. Il est possible de juger par là de la durée de chaque opération; ces heures d’attente sont toujours trop longues. Aussi chacun cherche le moyen de les abréger : pour les uns, c’est la lecture; pour d’au- tres, c’est l'étude ou la préparation de quelque animal ; il en est qui trouvent qu'une partie de whist est la chose qui raccourcit le mieux la durée du temps d’expectative. Comme on le sait, toute médaille a son revers. Eh bien, les jouissances que ces captures font éprouver ont le leur. C’est l'étude des animaux à bord du bâtiment lorsqu'il est nécessaire d'em- ployer le microscope. On ne saurait imaginer le malaise que produit l’usage de cet instrument sous l'influence des mouvements de roulis et de tangage, 16 LES RECHERCHES SOUS-MARINES et, si l'observation se prolonge pendant un certain temps, cela devient une véritable souffrance. Mais alors c’est qu’on peut faire d’importantes constata- tions, que l’occasion ne s’en présentera peut-être plus : cette crainte suffit pour qu’on résiste. IV. — Les conquêtes de la science. Aussitôt qu’un timonier vient prévenir que la première gueuse est sur le point de rentrer à bord, tout est bien vite abandonné ; c’est à qui arrivera le premier. Alors il y a foule sur l'arrière, la masse de fer est saisie, on en débarrasse la fune, elle est examinée en tous sens pour y trouver quelques traces de vase, car elles peuvent donner une idée de la façon dont le travail s’est accompli. C'est l’affaire d’un instant, car le premier faubert se présente presque aussitôt; rapidement détaché de la fune, il est suspendu à un hauban, et vingt mains s’acharnent à fouiller ses longues franges, ses brins d’étoupe détordue. Comme par enchantement, les cuvettes en vette se remplissent. Crustacés, Annélides, Echinoder- mes, Polypiers, Zoophytes, y sont entassés pèle- mêle à mesure qu’on les dégage d’une vingtaine de fauberts revenus peu à peu. On pourrait dire que chacun d'eux représente un terrain de chasse dont chaque parcelle est attentivement scrutée. C’est avec une fiévreuse avidité que tout en es retiré, et cependant sans négliger les précautions LES CONQUÈTES DE LA SCIENCE 7 indispensables pour ne pas détériorer des sujets tantôt inconnus ou bien si rares qu'ils valent presque autant. C’est, du reste, fort simple : on coupe avec de longs ciseaux les brins de filasse qui ont emprisonné comme dans un filet les bras, les pattes, les piquants, parfois les corps tout entiers. Ces captures provoquent une satisfaction que manifestent des cris de joie ou d’étonnement ; elle s'accroît peu à peu et se change, en vérité, en une ivresse réelle. Elle fait naître un état d’excitation bien autrement vif, bien autrement poussé que tout ce que le chasseur ou le pêcheur le plus heu- reux peut ressentir, car c’est sans trève que les sensations se renouvellent incessamment. Pendant le temps ainsi employé, l'engin ne cesse pas de remonter. Rentré à bord, si c’est un chalut, la chasse se re- nouvelle dans ses mailles, qui retiennent non seu- lement des animaux semblables à ceux rapportés par les fauberts, mais aussi des Poissons, des Holothuries, des Mollusques, des grands Poly- piers, etc. Lorsqu'une drague est revenue, on en vide peu à peu le contenu dans un appareil composé de quatre tamis superposés. Le premier est à larges mailles; sur le dernier, elles sont, au contraire, excessivement fines : la pompe à incendie y délaye la vase, et lorsque le lavage est achevé, on fait sécher ce qui reste sur chacun des tamis, puis se renouvellent les émouvantes trouvailles, les décou- DE FOLIN. — Sous les mers. 2 18 LES RECHERCHES SOUS-MARINES vertes qui surprennent : ainsi que cela a déjà eu lieu, c’est le troisième acte de la cérémonie. Cependant le temps manque pour tout voir, pour bien voir surtout; ces résidus sont soigneu- sement réunis et renfermés en sacs. C’est au retour dans le laboratoire, bien à l'aise, qu’ils sont encore examinés, et cela bien des fois avant qu’on en ait retiré tout ce qu'ils renferment de précieux. Et ils procurent encore là des joies : aussi grandes, des émotions aussi vives qu’à leur arrivée à bord. Il est des journées pendant les- quelles ce que nous venons de chercher à expliquer se renouvelle deux, trois et même quatre fois et se prolonge alors fort avant dans la nuit. C'est à lun de ces tardifs dragages que nous devons la découverte d’un fait très important. | Un soir que le chalut avait été mouillé assez tard par une assez grande profondeur, comme il ne pouvait rentrer à bord que le lendemain matin de bonne heure, chacun était allé attendre dans son lit le retour de linstrument. Il eut lieu vers trois heures, par un temps fort obscur : remontés sur le pont assez à temps pour le voir paraître à la surface de l’eau, il nous fut facile de reconnaître qu'il montrait de nombreuses lueurs phophores- centes ; cette particularité n'inspira d’abord que peu d'intérêt, la mer présentant souvent les mêmes effets lorsque quelque frottement ou quelque choc l'agite. | … Mais combien la surprise fut grande quand on put LES CONQUÈTES DE LA SCIENCE 19 retirer du filet un grand nombre d’Isis Gorgonides ayant le port d’un arbuste, et que celles-ci jetèrent des éclats de lumière qui firent pâlir les vingt fanaux de combat qui devaient éclairer les recher- ches et qui avaient pour ainsi dire cessé de luire aussitôt que les Polypiers se trouvèrent en leur présence. Cet effet inattendu produisit d’abord une _sorte de stupéfaction qui fut générale, puis quelques spécimens furent portés dans le laboratoire, où les lumières furent éteintes. Dans l'obscurité profonde de cette pièce, ce fut pour un instant de la magie: nous eûmes sous les yeux le plus merveilleux spec- tacle qu’il soit donné à l’homme d'admirer. De _tous les points des tiges principales et des branches de l’Isis s’élançaient par jets des faisceaux de feux dont les éclats s’atténuaient, puis se ravivaient pour passer du violet au pourpre, du rouge à l'orange, du bleuâtre à divers tons de vert, parfois au blanc : du fer surchauffé. Cependant la couleur bien dominante était sensiblement la verte; les autres n'apparaissaient que par éclairs et se fondaient rapi- dement avec elle. Si, pour aïder à se rendre quel- que peu compte de ce qui nous charmait, je dis que tout ceci était bien autrement beau que la plus belle pièce d'artifice, on n’aura encore qu’une bien faible idée de l’effet produit, et pourtant je ne puis rien trouver d’autre pour comparer le phéno- _ mène. | Pour nous, il n’eut pas une plus longue durée! La vie s’éteignait peu à peu chez ces animaux, la 20 LES RECHERCHES SOUS-MARINES vivacité des éclats diminuait à chaque minute, les feux s’en allaient mourants avec l’organisme. Au bout d’un quart d'heure, leur pâleur dernière dis- paraissait eile-mème pour ne laisser au Polypier que l’aspect miorne et sombre d’une branche des- séchée. Si l’on examine un petit fragment de ce Gorgonide, de cet Isis ou Mopsea, on voit en effet que son axe calcaire est bien peu de chose et que le sarcosome qui le revêt et qui projette la lumière ne peut avoir une grande épaisseur. Et cependant il était assez puissamment organisé pour jouer à la lumière électrique, au feu d'artifice, je serais presque tenté de dire au soleil, et cela en toutes les parties comprises entre les zooïces. Pour faire juger de cette intensité, nous dirons que d’une extrémité à l’autre du laboratoire, à une distance de plus de 6 mètres, nous pouvions lire comme en plein jour les caractères les plus fins d’un journal. Bien des fois déjà nous avions remarqué quelques faits analogues. Les yeux de certains crustacés s'étaient montrés avec un développement énorme, ayant un éclat lumineux paraissant provenir d’un foyer profon- dément situé au dedans. En les examinant, on comprenait qu’ils devaient servir à l'animal comme le font pour un cocher les deux lanternes de sa. voiture, ils devaient l’éclairer dans sa marche, dans ses poursuites, dans ses combats. Mais cette fois nous constations une source de. lumière bien autrement puissante sur des êtres LES CONQUÈTES DE LA SCIENCE 24 1 fixés sur les fonds, stationnaires, mourant à la place même où ils naissent. Assurément, ce ne peut être pour leurs propres besoins que les [sis allument ces merveilleuses illuminations. On peut croire que, comme des phares perpétuels, elles sont destinées à éclairer les espaces immergés. Des Astéries se sont également montrées très phospho- rescentes; qu'on me pardonne ce mot, qui indui- rait peut-être en erreur, car il n’est pas prouvé que cette propriété lumineuse soit due au phosphore; on peut en douter quand on a vu les Isis en feu. L'électricité pourrait y trouver des enseignements utiles, la médecine en tirer quelque profit, peut- être aussi d’autres sciences, mais c’est déjà assez. Il faudra voir également par quelles relations l’ap- pareil lumineux intéresse celui de la vision. Plus tard de grands poissons, des Squales de plus de 1 mètre de longueur que nous primes sur la côte de Portugal, aux environs de Setubal, par 1500 mètres de profondeur, nous montrèrent, eux aussi, de grands yeux lumineux. Sans doute, bien d’autres constatations du même genre viendront successivement se joindre à celles déja nombreuses qui sont enregistrées, et l’on reconnaîtra peu à peu que tous les animaux habi- tant de grandes profondeurs jouissent de cette propriété de répandre de la lumière. Mais déjà on peut bien croire que si les rayons de soleil ne peuvent pénétrer à travers les prodi- gieuses masses d’eau que l’on sait, pour parvenir 220 LES RECHERCHES SOUS-MARINES jusqu'aux abimes, Dieu y a suppléé par des moyens que nous commençons à découvrir ; que ces espaces, que l’on supposait aussi profondément obscurs qu’ils sont profondément situés, ne: le cèdent en rien comme splendeur lumineuse à nos plus brillants paysages terrestres. Car si quelques faits, tant qu’ils demeurèrent isolés, ne purent faire songer à l'existence de la lumière au fond des mers, en se multipliant, ils se groupent pour montrer … qu'ils dérivent d’une loi générale, et dës lors la question n’est plus douteuse. ; Cette découverte sera assurément un des faits les plus importants dus aux explorations du Travailleur. À une époque fort rapprochée de nous, ilya quelques années à peine, on était également fer- mement convaincu qu'au-dessous de 500 mètres la vie n'existait plus, qu'elle était impossible, c’est-à- dire que les amas d’eau et les surfaces plus pro-: fondément situées étaient tout à fait dépourvus d'habitants. Non seulement l'erreur est dissipée, mais nous commençons à connaître cette faune des abimes, car il en est une qui leur est propre, et un grand nombre des animaux qui lui appartien- nent, vivant dans les grandes profondeurs sans les : quitter, sont déjà connus. Nous avons pu observer sur beaucoup d’entre eux quelques-unes de leurs allures habituelles, comprendre d’après celles-ci le jeu et l’usage de quelques-uns de leurs organes, et cela en saisis- sant à leurs derniers moments leurs modes de PA À à É': LES CONQUÈTES DE LA SCIENCE 27e) locomotion, leurs poses d’attaque, de défense, les moyens de s'emparer de leur proie, etc. Grâce à la drague, cette main de homme quil étend jusque sur les fonds des abîmes pour les fouiller, pour les rapprocher en détail de son œil, nous avons pu pendant nos campagnes d’explora- tions nous familiariser avec ces faits. Et c'est à l’aide de ce que nous avons ainsi appris que nous allons essayer d’ébaucher quelques traits du spec- . tacle qu'ils présentent. Quelque surprenantes que puissent paraître cer- taines particularités, on peut croire que ce que nous esquisserons m'est pas de la fiction, car tout ce que nous dirons, répétons-le, repose sur des faits constatés de visu, consiste en souvenirs de ce que nous avons remarqué de plus frappant. Ce sera donc un simple exposé d’observations faites séparément dont il sera question; seulement, si nous les rapprochons les unes des autres, nous replacerons ainsi les individus dans leur situation d'ensemble, et en les supposant replongés dans ‘leur élément, nous reformerons assez fidèlement le tableau qu'ils offriraient au regard si l'œil pou- vait arriver à le faire pénétrer jusque-là. Voyons d’abord le milieu dans lequel la scène se passe. Nous le connaissons bien, c’est l’eau de l'Océan. Mais remarquons que c’est avec de prestigieux * éclats que l'œil perçoit tout ce qui lui apparaît à travers ce cristal si pur. 24 : LES RECHERCHES SOUS-MARINES Ce milieu repose sur une surface moelleuse comme si elle était de velours, nous pouvons bien le dire, ayant vu combien étaient chatoyantes les vases qui s’étalent pour la former. Des Polypiers, des Alcyonaires, des Gorgonides groupés sur mille points différents l’éclairent de ces feux éclatants qui nous ont ébloui. On dirait des arbustes parfois isolés ou composant des grou- pes, des bosquets. Ils portent des masses de fleurs souvent fort serrées les unes contre les autres. Les uns semblent couverts d’immortelles ou de pâque- rettes; sur d’autres, on supposerait que ce sont des roses. Nous ne pouvons dire sous leurs ombrages, puisque tout au contraire d'ombre ils projettent autour d’eux des rayonnements de feux. Mais à leurs pieds, sur les fonds dont ils émergent, sur . ceux qui les environnent, une multitude d’êtres qui, eux aussi, ressemblent étonnamment à des fleurs, émaillent les surfaces. | Ce sont des Gephyriens, des Actinies, des Holothuries, des Edwardsia, des Adamsia et tant d’autres. Bien que fort probablement lumineux par eux-mêmes, ils paraissent cependant se réjouir chaque fois qu’un éclair frappe plus vivement sur eux. Leur satisfaction semble témoignée par des mouvements qui produisent des changements de tons en leurs brillantes couleurs, soit qu’ils s’épa- nouissent en s’allongeant ou qu’ils se referment en se rétractant. LES CONQUÈÊTES DE LA SCIENCE 25 Ca et là des Spongiaires montrent leurs formes variées, très souvent bizarres, parfois élégantes et gracieuses. Ce sont des Holtenia, des Euplectella, des Hyalonema, des Rosella et tant d’autres qui figurent des buissons touflus, des ifs taillés ainsi qu'ils l’étaient dans les anciens jardins, des fruits de Cucurbitacés, des nids, des réseaux, des cha- peaux même : il y en a pour tous les goûts. Quel- ques-uns sont supportés par des tiges composées de longs fils siliceux assemblés en colonnes torses ou en faisceaux clairs et brillants comme du véri- table cristal, mais trop grêles, nous paraissant sur- tout ainsilorsque nous les avons arrachés du sein des eaux; c'est ce qui fait que le moindre mouvement qui se produit autour d’eux les agite : un poisson qui passe rapidement ou qui les frôle, un mollus- que qui vient se reposer sur eux, un crusticé qui les touche. Sous l’impression la plus faible, les voilà qui s’inclinent, et pendant quelques instants ils oscillent avec grâce comme un pendule. Leurs trames de spicules, également pures et diaphanes, se massent en certains points, et sur toutes les faces de ceux-ci la lumière s’épanche, se concentre, se reflète en scintillements qui les rendent compara- bles à ces arbres des contes arabes qui portaient comme fruits des diamants. Tous ces êtres, car tous sont animaux, sont soumis à des mouvements accidentels; mais, in- dépendamment de ceux-ci, il en est qui leur sont propres. Seulement ils remuent sur eux-mêmes, 26 LES RECHERCHES SOUS-MARINES étant fixés au fond et ne pouvant changer de place. La chose est bien différente s’il s’agit de la foule de ceux auxquels la circulation n’a pas été inter- dite, foule mouvementée qui profite de cette faculté pour se livrer aux ébats les plus agités, animant ainsi les bosquets, les parterres dans les- quels elle circule, au-dessus desquels elle plane. On sy coudoie, on s’y heurte, on s’y cherche. Ce sont des poursuites et des fuites, des attaques et des combats, l’occasion pour chacun de déployer ses allures, d’user de sa force, d’étaler son adresse, de montrer ses instincts, de faire parade de ses grâces. Comme partout ailleurs, ce sont des besoins qui suscitent cette animation : c’est la faim, c’est l’amour, c’est la haine, la vengeance qui soulèvent des passions. Si nous nous trouvions en ce moment autour d'une drague ayant opéré sur un fond profondément situé, je pourrais montrer chacun des animaux qui . composent cette foule. D'abord, nous remarquerions ensemble ce Crus- tacé charmant de forme, gracieux d'ensemble et tellement diaphane que ses contours ne se révèlent que parce que les faces de sa carapace produisent sous le feu des jets lumineux les mêmes effets de réfraction que si c'étaient celles d’un diamant. À ses côtés, d’autres espèces, par les’ mêmes jeux de lumière, apparaîtraient comme des rubis, la nuance de cette pierre étant celle qui les revêt dans toutes leurs parties sans exception, tandis LES CONQUÈÊTES DE LA SCIENCE 27 qu’il en est qui se montreraient unissant au rubis une parure de saphir. On comprendra sans peine comment ces effets de réfraction se produisent si je dis que ces animaux sont aussi purs, aussi trans- parents que les gemmes auxquelles je les compare, et qu'en même temps ils possèdent la même colo- ration. Tous les Crustacés ne sont pas dans ce cas, beaucoup sont opaques : ceux-ci sont revêtus d’épaisses cuirasses, mais on reconnaît bien vite que, sur elles, le luxe de l’ornementation se sub- stitue à l’éclat. Ce sont des pointes, des ronds de bosse, des cordons, des astragales, des gaufrages, des festons, des sillons qui sont bizarrement scul- ptés sur de bizarres carapaces aux nuances chaudes et riches que rehaussent parfois quelques tons d’or. Cette même profusion d’opulentes couleurs se retouve en jetant les yeux sur les Annélides aux corsages d’émeraude, de grenat ou d’améthyste, à côté desquelles des Mollusques étalent la nacre de leurs coquilles et le satin de leurs manteaux. Mais ces derniers sont pâles à côté des Asté- rides, des Ophiurides, des Echinides aux vigou- _ reuses teintes orangées, rouges ou violettes. Pâles surtout auprès de la merveilleuse Brisinga. Parmi les humbles, des multitudes de Rhizo- podes et de Foraminifères allongeant leurs pseu- dopodes pour en composer des réseaux dont ils multiplient les mailles suivant leurs besoins, qu’ils réduisent de mème à leur volonté, les rétractant en _ partie par des effets de coalescence ou faisant ren- 28 LES RECHERCHES SOUS-MARINES trer complètement tout l'appareil dans leur coquille, s’ils pressentent quelque danger. Alors celle-ci, qui n’est plus qu’une demeure restant sans soutien, tombe sur le fond, et souvent l'animal parvient ainsi à se soustraire au péril et à se sauver. Enfin, les puissants de ce monde étrange et si diversement composé, les poissons aux formes assez souvent fantastiques, aux yeux enflammés, aux robes de velours noir ou de taffetas azuré. Ce ne sont pas les moins turbulents. Beaucoup sont également fort remarquables au point de vue zoo- logique, l’un d’eux surtout, que je dois indiquer. C’est l’Eurypharynx pelecanoïdes, capturé pendant la dernière campagne du Zravailleur, le 2 août 1882, sur la côte O. du Maroc, par 2300 mètres de profondeur. Ce qui le rend surtout précieux, c’est que ses caractères paraissent permettre de le regarder comme type d’une nouvelle famille dont il serait le premier représentant Il faudrait encore mettre sur les rangs les Cri- noïdes, ces curieuses formes qui n'étaient connues naguère que par des fossiles; mais ces animaux sont fort rares; nous en avons pris un si petit nom- bre que nous ne les connaissons pas assez pour pouvoir dire quel rôle ils jouent. En cette foule, on trouve une image du mouve- ment perpétuel; car on ne s'y arrête pas: sice n'est lun, c’est l’autre qui se remue. Celui-ci sautille sur place, celui-là danse, il en est qui décrivent des hélices, des spirales en tournant, ou bien ce sont LES CONQUÈTES DE LA SCIENCE 2 LA de rapides coureurs qui passent comme des flèches ; s'ils s'arrêtent, ils reculent.bientôt pour repartir plus vivement encore. Quelques-uns marchent ou rampent, passent d'une fleur à l’autre, grimpent le long des tiges, se logent dans un calice; cepen- dant il s'en trouve qui demeurent immobiles, des guetteurs ou des indolents. C’est bien imparfaitement que j'ai mis sous les yeux du lecteur quelques parties du tableau, mais elles suffiront pour qu’il puisse se le figurer beau- coup mieux que je ne l'ai représenté. Puis, quand il aura ce spectacle en l'esprit, il ne s’étonnera plus si, bien longtemps avant nous, l’homme avait pres- senti les magnificences des abimes. Il comprendra alors comment il y eut des poètes qui en firent des descriptions se rapprochant presque de la vérité, car il sentira bien que ce que l'imagination pro- duit n’est que le fruit de l’intuition. En voulez-vous une preuve : prenez ce qui vous paraîtra constituer les plus fantastiques créations de l'esprit, quelques dessins de Callot par exemple ou bien ceux des Chinois, des Japonais; ils semblent parfois de l’ex- centricité la plus outrée, et cependant ces formes réputées impossibles se retrouvent dans la nature sans que jamais ceux qui les ont représentées aient soupçonne leur existence. Revenons aux recherches sous-marines. Il est certain que beaucoup a été fair, que les résultats obtenus sont nombreux et satisfaisants, mais tout cela est bien peu de chose si on le com- 30 LES RECHERCHES SOUS-MARINES pare à ce qui reste à faire. Il suffit pour cela de réfléchir à l'immense infériorité que présentent comme étendue les superficies explorées vis-à-vis de celles qui ne l’ont pas été, ce n’est donc point une témérité de prédire de nouvelles conquêtes sur l'inconnu. Elles sont assurées par ce fait qu’à chaque opération en eaux profondes on ramène quelques espèces qui apparaissent pour la première fois. Il n’est donc pas douteux que dans quelques années d'ici, la drague ayant poursuivi son travail, on pourra raconter beaucoup d’autres merveilles et décrire bon nombre d'animaux qui n’ont pas encore été ramenés. Fig. 2. — Engins de pêche. FER JE EE — Fig. 5, — Modiola attenuata (Méléagrinicole). CHAPITRE PREMIER ÉTUDES PRÉLIMINAIRES I, — Ce qui fit naître l’idée d’une étude générale des mers. En lisant la Géographie physique de la mer de lil- lustre Maury, nous avions été frappé de la cons- tance avec laquelle se produisent les preuves de relations qui existent entre les phénomènes observés à la surface de la mer et ce qui se passe dans les couches inférieures de l'atmosphère. Ce contact intime de l’air et de l’eau détermine des communications d'actions qui influent de l’un à l’autre et cela sans aucune interruption. 32 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, qui suf- fira à faire bien comprendre les échanges qui s’opèrent et les effets qui en résultent, nous nous bornerons à citer les faits suivants : les courants, en raison de la température des eaux qu’ils char- rient, réchauflent ou refroidissent les couches d'air contre lesquelles ils frottent en passant et les obligent par là à des mouvements indispensables au rétablissement rigoureux de leur équilibre ther- mique. Au contraire, des efforts qu'elles font pour obtenir ce résultat naissent les rides, les ondula- tions, les vagues, les soulèvements tempétueux. C’est par suite de l'intervention d’autres causes d'ordres divers que souvent une accumulation de force devient nécessaire, et que parfois elle est assez violente pour remuer les océans jusqu’à quelque profondeur. À l’ouragan de l'air corres- pond la tempête de la mer. En résumé, des enseignements que nous re- cûmes de la Géographie physique de la mer, ce qui fixa le plus vivement notre attention fut cette remarque, conséquence déduite de presque tous : que les phénomènes de l'atmosphère sont intime- ment liés à ceux de la mer. Cependant les troubles atmosphériques préoc- cupèrent l’opinion assez complètement pour que d'eux seuls il fût question. Sans doute parce que les tempêtes de l'air affectent plus sensiblement les populations par les dommages, les pertes, les acci- dents, les dévastations et les catastrophes qui ter- CE QUI FIT NAÎTRE L'IDÉE 99 fifient et dont les traces. ne disparaissent qu’à la longue. C’est ce qui semble expliquer l’élan avec lequel on s’occupa-de la météorologie. Les pro- grès rapides qu’elle fit comme science d’observa- tion la mirent bientôt en état de rendre d’impor- tants services. On se sentit presque satisfait. De l’autre élément il ne fut pas question, on n'y songea pas plus que s’il n’y eût aucune utilité à soccuper de ses influences, de la participation qu'elles pouvaient avoir dans la question de l'air. Cet oubli de la mer nous parut alors se pré- senter comme une négligence avec laquelle nous pensions qu'on pourrait bien avoir un jour à compter, Nous en rapportant à ce que nous avait appris la Géographie de la mer, nous étions per- suadé que les effets qui s'y trouvaient démontrés devaient entrer comme facteur dans le grand pro- blème de la prévision du temps, qu’ils devaient surtout remplir un rôle important dans la re- cherche des lois régissant les mouvements de l'atmosphère. Et nous en concluions que l’élimi- nation de ce terme entraïnerait à des solutions dont l’exactitude ne pourrait être rigoureuse. La pensée que l’étude de la mer devenait aussi indispensable que celle de Pair naissait naturelle- ment de cette conséquence, et nous l’envisagions de suite telle qu’elle devait être pour remplir son but, c’est-à-dire exécutée de telle sorte qu'aucune surface du fond des mers ne demeurât inexplorée, et que tous les secrets de ses abimes, tous leurs DE FoLIN. — Sous les mers. 3 34 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES mystères parvinssent à être dévoilés et révélés. Ce serait alors, pensions-nous, que les choses ainsi apprises pourraient être utiles aux progrès de la météorologie. L'étude des mers... Quelle immense entre- prise! quel vaste programme elle comporte! c’est en effet l’histoire naturelle de toute la partie du globe submergée. Elle comprend l’orographie, la bathymétrie, la géologie, la lithologie, la zoolo- gie, la botanique, la physique des océans. Ce fut d’abord avec épouvante que fut consi- dérée cette série, dont chaque terme s’étend en détails infinis. Comment satisfaire aux exigences qu’ils nécessitent, pourvoir à tout ce qu'ils récla- ment ? Nous nous rassurons cependant en réfléchissant que pour sonder ces immenses profondeurs, fouiller toutes ces masses d’eau, scruter tous ces rivages, nous avions le temps devant l’œuvre, et que comme elle serait celle de tous les peuples, chaque rivage aurait ses chercheurs, chaque étendue ses explorateurs. Nous nous disions enfin que si, déjà hors du berceau, la météorologie par- venait en grandissant à obtenir des résultats non complètement rigoureux, mais cependant suffisants, sans avoir besoin de se servir des données que l’étude des mers pourrait lui fournir, la science générale n’en profiterait pas moins des décou- vertes qui seraient faites et dont quelques-unes pourraient devenir la source d'immenses richesses. +4 { DAMES As 7 1 à >” LES PRÉCURSEURS 35 Ce fut pendant cette première période de con- ception que nous eûmes la bonne idée de commu- niquer notre pensée à un homme dont l'esprit élevé en saisit de suite la portée. Dès ce moment, notre ami le professeur Léon Périer devint un col- - laborateur sympathique. Immédiatement en com- munion de vues, nous recherchions les moyens de vaincre les obstacles qui entravaient l’exécution de ce que nous regardions comme nécessaire, une inauguration de l’œuvre méthodique et com- plète. Si nos efforts furent d’abord vains, le temps qui leur fut consacré ne fut pas perdu. Il nous servit à discuter quels systèmes d'investigation seraient les plus efficaces, quelles méthodes de recherches seraient les plus pratiques. Nous ou- - vrions des voies, et en même temps nos aperçus ANT at Pt SLR NE opel ER PRO A THE, DE RON ER TS PAPAS SA PE MUC Te ; $ : \ w sur le plan et ses divisions s’élargissaient. Nous élaborions la théorie des recherches sous-marines et nous l’établissions. II, — Les précurseurs. Cette étude des mers, grâce à l’esprit d’investi- gation que possède l’homme et qui le pousse à reconnaître ce qui l’entoure, avait été entreprise dès les premiers âges de la civilisation. Nous ne devons rien négliger pour atteindre le but propose, pas plus les efforts des premiers piro- guiers qui, luttant contre un courant ou profitant du retour de la marée pour regagner la terre, obser- LE ” È ÉTUDES PRÉLIMINAIRES 2 vaient, apprenaient et léguaient leur science à leurs fils, que tous les autres travaux qui furent exécutés depuis les temps les plus reculés, chacun d’eux pouvant fournir quelque chose à l’œuvre générale lorsqu'ils traiteront des questions relatives à la mer. En faisant connaître les principaux d’entre eux, nous établissons ainsi un état de situation de l’étude des mers au moment où nous songions à la rendre complète et méthodique. Dans l'antiquité, Hérodote, Strabon, Pline et d’autres encore pouvaient fournir quelques docu- ments, de même que l’on devait en obtenir des navigateurs phéniciens, égyptiens, carthaginois, grecs, massiliotes. Après eux, les Normands en livreraient leur part dans les récits de leurs expé- ditions transmis par les bardes; de même encore les poésies scandinaves si riches en relations de campagnes maritimes, en descriptions de la mer et de ses profondes retraites. | De même encore les nombreux auteurs qui se sont occupés de son histoire naturelle : Aldro- vandus, Bellon, Rondelet, Ambroise Paré, Linné, | Otto Muller, l'abbé Bonnatère, Camper, Pallas, Salvianus, Réaumur, Lacépède, Buffon, Cuvier, Dumeril, E. Geoffroy Saint-Hilaire, Henri Milne- Edwards. Citons les voyages de Colomb, de Balboa, de Magellan, d'Americ Vespuce, de Vasco de Gama, les observations de Pierre Martyr et de Humphrey à À; “AN LES PRÉCURSEURS 37 È Gilbert, puis ceux des Flamands; des Dieppois, _dé quelques Espagnols et Portugais, des Français découvrant le Canada. L’atlas de Pierre Visconti, publié à Venise en 1518 est à consulter, comme le voyage de Dampier autour du monde et les cartes de Buache. Jusqu’alors c’est la sonde qui seule a joué son rôle, mais voici que la drague est mise au service . de l’histoire naturelle dans les mains habiles d’un conseiller d'État danois, Frédéric Otto Muller, les études zoologiques s’en ressentent; cependant pendant longtemps il n’a que de rares imitateurs : - Abilgaardt, Chemnitz, Ellis, Cavolini et quelques autres savants. Vers la même époque s'exécutent les voyages de Cook et des deux Forster, puis ceux de Bou- gainville, de d’Entrecasteaux, de Lapeyrouse, de Beaudin, un peu plus tard ceux de /’Uranie, de la Coquille, de la nouvelle Astrolabe avec Dumont d'Urville, Duperrey, de Freycinet, Jacquinot et les naturalistes Peron, Quoy, Gaimard, Lesson, Gau- dichaud, Eydoux, Reynaud, Souleyet. En 1818, sir John Ross, dans son exploration . de la baie de Baffin, ramène de la profondeur de 1000 brasses une vase verdâtre peuplée d’Anné- lides, et vers la même époque, par les ordres de l’Amirauté anglaise, l’Isabelle et l Alexander exécu- tent un voyage de découvertes. Ce fut en 1826 que l'illustre Henri Milne- Edwards, une des erandes gloires scientifiques de FA L PEAR DEP AT ET ST 38 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES la France, commença en compagnie d’Audouin ses campagnes zoologiques sur les côtes françaises et qu'il continua ensuite sur celle de Sicile avec M. de Quatrefages. Lütke en 1828 explore, pour la Russie, l’archipel des îles Carolines et s’occupe, comme le fait déjà depuis quelques années Flinders, des iles de for- mation corallienne. Pendant cinq années, de 1831 à 1836, Fitz-Roy, que nous retrouvons plus tard à la tête du service météorologique en Angleterre, et Ch. Darwin font sur le Beagle le tour du monde et rapportent de nombreux documents précieux pour l’hydrogra- phie et pour les sciences naturelles. Ed. Forbes, l’âme de la commission nommée en 1837 par l'Association britannique pour lavan- cement des sciences, afin de draguer les côtes du Royaume-Uni et d'étudier les fossiles de la période pliocène, opère, ayant comme collaborateurs : Gray, Goodsir, Patterson, Thompson, Smith, Ball, Strickland, Johnston, Austen. Ce ne fut qu'en 1850 que Forbes publia son rapport général sur la zoologie marine des Iles-Britanniques, puis les catalogues suivirent. Les Sociétés d'histoire naturelle du Northum- berland, de Durham, de Newcastle, de Dublin rivalisent de zèle, et la faune sous-marine britan- nique jusqu'à la profondeur de 100 brasses ne laisse plus rien à découvrir. C’est alors que Mac Andrew pousse ses opéra- v 1 (2 PA \ (| d nt gui / { ÿA Ê ; ais FETE SUR LES PRÉCURSEURS 39 tions de dragage jusque sur les côtes d’Espagne et de Portugal, dans la Méditerranée, va jusqu'aux Canaries et revient sur les côtes de Norvège. Nous avons encore l’expédition russe de Kotze- bue, l’expédition autrichienne de la Novarra, une italienne autour du monde et celle de MM, Issel dans la mer Rouge. Michael Sars et son fils G.-O. Sars, Morrell, Torrel et Chydenius draguent sur les côtes du Groënland, de Norvèsce, des îles Lofoden, du Finmark et du Norland. En France, M. Aimé s’occupe des questions de température et de courant et, vers la même époque, M. Savy de la salure des eaux de la mer. En Russie, le capitaine Ivaschinzoff étudie l’orogra- phie de la mer Caspienne. Nous arrivons aux recherches qui vont être poussées jusque dans les abimes. Les travaux pour la pose d’un câble transatlantique sous- matin donnent occasion au midshipman Brooke,de la marine des États-Unis, d'imaginer un sondeur pouvant descendre jusque dans les plus grandes profondeurs. Au moyen de cet instrument, le D' Walich, naturaliste du Bulldog, obtient des Foraminifères venus de 2000 brasses (1860). Dans la séance du 15 juillet 1861, M. Alph. Milne-Edwards présente à l’Académie des sciences un mémoire sur les animaux marins trouvés sur le cable méditerranéen rompu l’année précédente et provenant d’une grande profondeur. 40 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES M. Barboza du Boccage retire d’une profondeur de 500 brasses, sur la côte de Portugal, ses éton- nantes éponges, les Hyalonema. | Les deux Sars continuent leurs recherches dans les mers du nord et commencent à les pousser jusque dans les eaux profondes. Sans doute bien des noms nous ont échappé dans cette rapide revue, nous la croyons cependant suffisante pour que l’on puisse bien juger quel était l’état de la question quand nous entreprimes la tâche d'organiser cette œuvre, comprenant que dorénavant les détails devaient en être conçus, or- ” donnés et exécutés dans le but de concourir à un terme unique et cénéral, l’étude méthodique de 8 > q la mer. Au point où nous la trouvions, elle était déja assez avancée, mais pour parvenir à lui donner : le caractère voulu et pour la continuer dans cette nouvelle direction, de grandes ressources étaient nécessaires. ‘était du moins ce que nous pensions; nous serions donc probablement demeurés comme para- lysés par l’effet de ce que nous supposions une exigence de notre théorie, si un hasard heureux n'était venu nous présenter un vaste champ d’ex- plorations et nous révéler en même temps un mode d’opérer des plus simples. 4 ; À É EXPLORATIONS A SEC 41 III. — Explorations à sec sur des coquilles de Méléagrine. Un jour, nous eûmes entre les mains un certain nombre de valves de la Meleagrina margaritifera ; elles nous étaient données par le capitaine d'un bâtiment qui en avait pris une trentaine de tonnes, aux îles aux Perles, près. de Panama. Cette bivalve abonde en effet dans ces parages, et les pècheurs qui en exploitent les bancs après avoir chargé leurs bateaux de coquilles viennent les déposer sur les iles. Entassés sur le sol, les Mollusques ne tardent pas à s’y décomposer, et, aussitôt que les tissus ont à peu près disparu, on procède à la recherche des perles qu’ils ont abandonnées. Les valves ne sont pas perdues, on les expédie en Europe, où leur nacre est utilisée. Nous avions eu l’idée d’en adires quelques- unes en peignant de petites marines sut leur sur- face intérieure. L’une d’elles nous ayant paru peu propre à cet usage fut rejetée, non sans dépit et avec quelque force; elle se brisa sur le parquet, et les fractures laissèrent échapper de son épaisseur deux ou trois coquilles également bivalves, mais d’un genre tout différent, des Modioles. Notre attention excitée, nous reprimes les frag- ments, et nous découvrimes que la Méléagrine était criblée de perforations (fig. 3). . Parmi les Mollusques, il est quelques familles qui Û er U F4 Be | à Ft We E 2 PE ? 42 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES ne peuvent vivre en liberté dans les eaux qu’elles habitent, il en est qui s’enfoncent dans la vase et y demeurent enfouies, ne communiquant avec les couches liquides qui la recouvrent qu’au moyen de siphons. D’autres se creusent des demeures dans le bois, dans les roches, etc. Les animaux que nous venions de découvrir appartenaient à cette seconde catégorie, aux Perforants. Peu après sa naissance, le jeune Mollusque s’ap- plique sur la valve de la Méléagrine comme il le ferait sur une roche, et, malgré la dureté de celle- ci, il ne tarde pas à y pénétrer. Le trou qu’il pra- tique et par lequel il s'introduit, demeure ouvert; il est souvent agrandi, car c’est par le canal auquel il sert d’orifice que les siphons parviennent au de- hors et remplissent leurs fonctions, attirant dans les viscères l’eau nécessaire à la respiration, qui contient à la fois les matières utiles à la nutri- tion et les principes que l’organisme élabore pour produire la sécrétion dont le test est com- posé. Cette situation singulière constituait un fait curieux qui devenait plus intéressant encore en raison du nombre des espèces de Modioles que nous rencontrâmes logées dans les valves de Méléa- grines. Nous pûmes en effet recueillir abondam- ment des Modiola (Lithodomus) appendiculata, atte- nuata (fig. 3), caudigera, cinnamomea, fusca, opifex et une espèce inédite à laquelle nous donnâmes le nom de excavata (fig. 5). 4 $ À 2 4 ; : EXPLORATIONS A SEC 43 Elles sont parfois d’une taille relativement fort grande : nous possédons un exemplaire occupant encore la retraite qu’il a perforée, il mesure 80 mil- limètres de longueur et 16 de diamètre. Qu'on juge ce qui pouvait rester de l'épaisseur de la valve autour de la partie creusée, 1 millimètre à peine, et en quelques endroits le Mollusque avait été obligé de sécréter une lame auxiliaire pour fermer au de- dans les déchirures pratiquées par la Modiole. Ce fait de reconstruction ou plutôt de réparation se présente assez fréquemment ; nous avons bien des fois ren- contré des sortes de boursouflures qu'on aurait pu prendre pour des perles adhérentes et qui n'étaient qu'une espèce de rempart élevé par le Mollusque, légalement propriétaire, pour se préserver du con- tact gênant et nuisible du parasite. Il arrive même que l’envahisseur, continuant à croître, doit nécessairement augmenter la capa- cité de son réduit; la couche réparant l’avarie est de nouveau percée, puis reproduite, et, sur certains sujets, on trouve trois et quatre lames superpo- sées. C’est au hasard, on le comprend bien, que les cavités se creusent; il arrive donc que deux Mo- dioles dirigent leur travail dans des directions qui doivent amener une rencontre. Malheur à celle qui a dépassé la première le point d’intersection des deux lignes de marche; celle qui vient ensuite l’aborde par son travers et, continuant brutalement son chemin, traverse valves et animal sans s'in- 5 . | . | 44 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES quiéter de celui-ci, qui périt bientôt, victime du 2 passage de son congénère. IL est fort intéressant de suivre et d'observer ces travaux de perforants dans les couches de nacre; il est facile de le faire en les écaillant petit à petit au moyen de coups légers donnés avec un mar- teau et en s’aidant de la pointe d’un canif. On s'aperçoit alors que les Modioles ne sont pas les seules bivalves qui établissent leurs de- meures dans l’épaisseur des valves de Méléagrine, lesquelles se trouvent souvent réduites à fort peu de chose par suite de l’envahissement. Au lieu d'une masse qui devrait être dure et compacte, on ne rencontre plus qu'un corps devenu fragile et facile à briser en raison du nombre considérable des cavités qui le criblent. De plein qu'il était, le test ne consiste plus qu’en une série de cavernes plus ou moins populeuses, dans lesquelles on ren- contre des intrus d’une foule d’espèces. En effet, aux Modioles viennent se joindre des Gastrochènes, des Pholades, des Saxicaves, des Pétricoles, etc., tout un monde destructeur de la nacre, et quand ses représentants meurent, ils sont bien vite rem- placés par de nouveaux accapareurs des places qu’ils ont laissées vides. Des embryons d’une foule d'espèces parmi lesquels se trouvent de nombreux Gastropodes s’introduisent par les communications que les perforations conservent avec le dehors et, he def. 2 nr ie À Se s’y trouvant commodément et sûrement logés, y grandissent et y vivent sans trouble. Le “ _ EXPLORATIONS À SEC 40 Nous voilà donc fouillant toutes les cavités, tous. - les trous qui se découvraient sous nos coups de / , marteau, et, comme résultat de ce travail, nous eùûmes bientôt tout un catalogue à dresser. L'émi- nent professeur Deshayes, auquel nous fimes part de la découverte, consentit avec une grande bien- _veillance à nous aïder dans l’accomplissement de cette tâche. Quelques mois après la rupture de la valve qui nous avait montré inopinément tout ce que pou- vaient renfermer ces coquilles, en ayant reçu un assez grand nombre d’autres, nous avions pu re- cueillir à peu près toutes les espèces de cette faune méléagrinicole. Ce fut alors que nous pré- sentâmes à la Société linnéenne de Bordeaux une Note sur. les perforations de la Méléagrine, — fait qui n'avait pas encore été signalé, — en lPaccompa- gnant de la liste des animaux que, depuis près de deux années, nous avions rencontrés en elle. Nous n'indiquerons ici que les noms de genre, ils suf- _ iront pour qu'on puisse juger de ce monde nou- É; - ÿ veau de cavernicoles. Gastrochena, quatre es-| Crassatella. pèces. Septifer. Teredo. Modiola, sept espèces. Pholas, deux espèces. Perna. Saxicava, trois espéces. Malleus, deux espèces. Sphenia, deux espèces. Lima. Cumingia. Ostrea. Cochloderma. Terebratula. Petricola, deux espèces. Hipponix. Erycina, deux espèces. | Scutellina. Cypricardia. | Crepidula, quatre espèces. MAS EN. CR LA WA He 4 1 Lire 92 LD TLANITONX Ro Dés SE ÿ 46 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES Cæcum, onze espèces. Triforis, trois -especes. Fossarus. à Columbella, deux espèces. Vitrinella. Nassa. Adeorbis, deux espèces. Marginella. Skenea. Ovula. Rissoa, cinq espèces. Cerithium, quatre espèces. Turbonilla. Folinia (fig. 4) 1. Assiminea. Balanes. Jeffreysia. Ostracodes. Eulima, six espèces. Foraminifères. Turbo, deux espèces. Spongiaires. Sigaretus. Annélides ?. Les animaux des deux dernières classes (Spon- giaires et Annélides) habitaient des perforations de leur fait; celles des Spongiaires de la famille des Vioa étaient des plus destructives. Encouragé par M. Deshayes, qui ne nous épar- gnait pas ses excellents conseils, nous nous déci- dîimes à faire connaître une partie des espèces inédites que nous avions retirées des valves de la Méléagrine. Parmi elles il s’en trouvait quelques-unes appar- tenant au genre Cæcum, qui, bien que de très petite taille, n’en est pas moins un des plus curieux de. tous les Gastropodes, en raison des changements qu’il opère, on peut dire, dans le test qui lui appartient. La coquille embryonnaire est d’abord hélicoïdale; en grandissant, la spire se détache du nucleus et devient tubulaire, conservant une cour- bure résultant du caractère initial. Lorsque le 1. Genre établi par M. Crosse d'après nos échantillons. 2. Le nombre des genres et des espèces s’est sensible- ment accru depuis l’époque où ce catalogue fut dressé. Fig. 4. — Folinia insignis, Meleagrinicole. Iles aux Perles (Panama). tube atteint un certain développement, le Mollus- que pratique, sur un point choisi assez en arrière pour que la portion en avant puisse le contenir, une clôture, un septum; celui-ci terminé, la partie embryonnaire ou du premier Âge est détachée par une rupture et demeure abandonnée. L’animal continue sa croissance et en même temps le tube _s’allonge, toujours légèrement recourbé, un nou- veau septum est formé et le test adolescent est rejeté ainsi que le fut le premier. La petite bête vit alors dans le tube définitif, qui s'agrandit jus- qu'au moment où, complètement adulte, elle le termine souvent en renforçant son ouverture. Quelques espèces montrent une ornementation … des plus élégantes. ns ne ÉTUDES PRÉLIMINATRES ESA Remarquons combien d'enseignements nous tis rions des explorations opérées dans les valves de la : Méléagrine. Non seulement c’étaient des animaux la plupart inconnus qui nous apparaissaient, mais aussi des animaux qui nous livraient les secrets de .« leurs mœurs, de leurs habitudes dans les retraites qu'ils ont choisies et où ils sont demeurés, nous | montrant des particularités de détails que nous saisissions sans peine et qui nous échapperaient partout ailleurs. Ainsi.en fouillant les excavations vides de Perfo- rants, nous rencontrons des sujets de Cæcidæ repré- sentant toutes les phases de transition et tous les âges qui caractérisent la croissance et les change- ments de domicile, et c'est par eux que nous pou-. vons savoir fort exactement ce que nous venons de dire sur leur compte. Nous ne saurions trop recommander ces dra- gages à sec sans sortir de chez soi, à tous ceux. qui pourront se procurer des matériaux propres aux recherches de ce genre. C'est la chasse, c’est la pêche dont on se pro- cure ainsi les plaisirs et les émotions, avec toutes les péripéties qu’elles présentent, leurs déceptions lorsqu'un bijou de coquille se brise avant qu'on ait pu l’extraire, lorsqu'un précieux sujet ne se rencontre que mutilé; mais avec toutes ses joies quand par la persévérance et l’adresse on obtient le succès. C’est une sorte de sport intelligent, agi- tant celui qui s’y livre. “À L EXPLORATIONS A SEC 49 Puis comme résultat d’une expédition à travers toutes les perforations d’une Méléagrine, ou des coups de loupe donnés méthodiquement dans un amas de sable pris sur une plage favorable, on réunit une foule de spécimens triés, on contemple ces formes élégantes, qui brillent souvent d’un vif éclat rehaussé par des nuances harmonisées, et l’on éprouve une nouvelle jouissance. Et ce n’est pas tout : le classement s’opère, et larrangement des espèces les faisant apparaître sous un nouveau jour, on se reprend souvent à admirer ce fruit de recherches qui sont vôtres; on s’excite ainsi et on en exécute bien d’autres. C'est un peu de propagande en faveur du but proposé, que nous faisons ici, car les résultats obtenus, quels qu’ils soient, viendront sans aucun doute enrichir le trésor des documents utiles. Nous voulons également vulgariser une source de jouissances d’un genre spécial, que nous savons par expérience assez vives pour donner satisfac- tion à tous ceux qui les chercheront. R Bien que fort importante au.point de vue scien- tifique, ainsi que M. Deshayes nous l’affirmait, la découverte avait pour nous une portée bien plus orande. Elle nous révélait en effet un moyen très pratique de commencer immédiatement l'étude des mers. Son application nous présentait un champ immense dont l'exploitation, puis l'application en grand devaient nous fournir d’abondants maté- riaux avec lesquels il nous serait permis de faire DE FOLIN. — Sous les mers. A 2 50 - ÉTUDES PRÉLIMINAIRES entrer l’œuvre dans la période d'exécution effective. En effet, si cette seule rade des îles aux Perles nous avait mis en possession d’une aussi grande quantité d'animaux, parmi lesquels beaucoup ap- partenaient à des espèces inconnues, on pouvait prévoir avec quelque certitude que bien d’autres points se trouvaient dans une situation identique; et, s’il s’en présentait qui n’offrissent pas un égal intérêt et les mêmes charmes de découvertes à faire, ils n’en seraient pas moins dignes d’être sou- mis à l’observation. Il était nécessaire de les con- naître aussi bien que tous autres; n’y eût-il pas de catalogue à dresser, il était utile encore de pouvoir le proclamer. La solution du problème, que nous trouvions si difficile à résoudre quelques mois auparavant, était entre nos mains; elle s’était dévoilée dans la situa- tion si étrange des valves de la Méléagrine; il ne nous restait plus qu’à nous en servir, à nous pro- curer sans retard des spécimens. des fonds de toutes les mers. Nous eûmes bientôt la preuve que cette partie de l’exécution n'était pas chose bien difficile. IV. — Comment furent obtenus les premiers échantillons du fond des mers. Chaque jour en relation avec les capitaines du port de Bordeaux et avec ceux qui le fréquentaient, j'obtins d’eux ce que nous désirions; ils se montrè- rent tous d’une obligeance qui les honore et dont. PREMIERS ÉCHANTILLONS DU FOND DES MERS 51 nous demeurons profondément reconnaissants. La tâche au reste pouvait aisément être remplie; en l’accomplissant, ils devenaient coopérateurs de l’œuvre et ils comprirent que, utile à tous, elle mé- ritait que tous la servissent. D’anciens camarades -accueillirent de même avec faveur les requêtes que nousleur adressämes ; des résidents en quelquesports devinrent également de fervents correspondants. Notre programme était du reste fort simple à remplir. Nous disions : « Lorsque vous allez à terre, prenez le long d’un môle ou sur le rivage, ou faites prendre par un de vos canotiers, quelques poignées du fond, sable ou vase, que vous étiquèterez du nom de sa provenance. « Ayez soin, lorsque vous lèverez vos ancres, de conserver une partie de la vase que leurs pattes ramènent du fond; au nom de la rade ajoutez sut votre étiquette la profondeur de l’eau à l’endroit de votre mouillage. « Si vous avez l’occasion de sonder, fixez suf votre plomb de sonde, à 1 mètre ou 2 de dis- tance, au moyen d’une patte d’oie en bitord, uné boîte de conserve vide; en traïînant surf le fond elle se remplira, et le sable ou la vase qu’elle vous raméë- nera sera pour nous un échantillon fort précieux. Ayez bien soin d'indiquer la latitude et la longi- tude du point où il sera pris et la profondeut donnée par la sonde. « Enfin si, en certains jours, sur certaines rades, vous n'avez rien à faire, avec une ‘embarcation, 52 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES usez de votre plomb de sonde ainsi armé et vous pourrez draguer le fond; la boite défoncée et garnie d’une manche en toile fera l'office d’une excellente petite drague. » La plupart des marins auxquels nous remimes ces instructions les remplirent, et nous eûmes bientôt entre les mains des centaines de spécimens de fond pris sur presque tous les points du globe. La méthode était donc bonne, nous pourrions dire excellente ; elle est adoptée aujourd’hui par une foule de naturalistes qui s’en servent sans en con-. naître l’origine, elle s’est propagée de l’un à l’autre comme une tradition, mais on peut en retrouver la source en consultant notre publication : les Fonds de la mer. Une fois entre nos mains, les échantillons furent immédiatement utilisés. Quelques parties en étaient préalablement détachées pour être analysées par M. Périer. | Ce prélèvement fait, s'ils se composaient de sable, ils subissaient le triage. Environ la valeur d’une cuillerée du spécimen était placée sur une plaque de verre ayant 1 décimètre carré et garnie sur ses quatre faces d’un rebord haut de 7 à 8 mil- limètres. En agitant, le sable s’épanche sur toute la surface transparente, et à l’aide d'une loupe on peut en extraire aisément tous les animaux, tous. les tests, tous les végétaux et tous les débris utiles, mème les plus petits. Si, au lieu de sable, on avait à examiner une PREMIERS ÉCHANTILLONS DU FOND DES MERS 53 masse de vase qui arrivait toujours sèche et com- pacte, il fallait d’abord la dissoudre en la plongeant dans une cuvette pleine d’eau; lorsqu'elle était bien délayée, on tamisait la solution, et les résidus demeurant sur les tamis fins, aussitôt resséchés, étaient traités de la même façon que les sables. Ce sont les mêmes procédés, les mêmes systèmes d'opérations qui, un peu plus tard, furent appliqués en grand à bord des navires explorateurs. De véritables richesses zoologiques, de nom- breux documents chimiques et physiques, miné- ralogiques et géologiques se trouvèrent ainsi réunis après quelques mois de recherches. Le moment était donc venu de proclamer l’œuvre en cours d'exécution, en faisant connaître les succès obtenus par la mise en pratique du système adopté et les perspectives qu’ils faisaient naître. Ce fut M. Périer qui se chargea plus particulièrement des soins de la publication. Il obtint d’abord de la Société de pharmacie de Bordeaux qu’elle accueiïllerait nos premières pages dans son Bulletin; elle le fit cha- leureusement, vaillamment. Nous lui en conser- vons une vive reconnaissance. Cependant la multiplicité des découvertes inté- ressantes, résultat de nos recherches dans les échan- tillons de fond qui nous arrivaient de toutes pro- venances, devenait une source d’exigences et nous créait des obligations auxquelles il fallait répondre. IL était indispensable d'obtenir, pour la continua- tion de l’œuvre, le concours de bien des spécia- 54 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES listes. En conséquence nous soumettions nos vues, nos plans, nos résultats déjà obtenus, nos espé- rances, à des savants de toutes les nations. Tous répondirent à nos sollicitations avec la plus grande bienveillance, par leur empressement:; ils prouvèrent qu’ils nous comprenaient et qu'ils avaient foi en cette grande entreprise. Aussitôt que l’idée conçue avait pris une forme très saisissable, nous l’avions soumise à l’illustre professeur L. Agassiz; par de bonnes paroles il nous encourageait à poursuivre l’œuvre com- mencée et nous assurait de son concours. Le D' Baird, du British Museum, accueillait éga- lement favorablement les ouvertures que nous lui faisions et nous donnait des preuves de son bon vouloir en nous mettant bientôt en rapport avec le D' G. Brady, qui se chargea de la détermination de nos Ostracodes et de la description des espèces nouvelles ; indépendamment de la compétence qu’il possédait en cette matière, la rare habileté avec laquelle il dessine donne à ses figures une énorme valeur. Nous reçûmes les mêmes preuves de considéra- tion sympathique pour l’idée d’une étude des mers, méthodique et coordonnée, de la part du profes- seur M' Sars, qui déjà avait reconnu l’existence de la vie animale dans les grandes profondeurs. Un peu plus tard nous enregistrions comme adhérents : Aux États-Unis, MM. Anthony et de Poéreles : _ PREMIERS ÉCHANTILLONS DU FOND DES MERS 35 En Angleterre, Hanley, H. Brady, Gwyn-Jef- freys, A. Norman, Boog Watson, Davidson; En Croatie, le professeur Brusina; En Espagne, M. Hidalgo; En Portugal, M. Barboza du Boccage, les offi- ciers de marine Sampayo et de Capello; En Italie, la marquise Paulucci, le marquis de Monterosato, MM. Issel. En France, — nous réservions cette liste comme nous étant plus particulièrement chère. Ce sont en effet des souvenirs pleins de charmes qui se rattachent à nos premières relations avec ces bienveillants savants, dont les conseils et l’aide furent si précieux pour nous. Souvenirs de res- pectueuse admiration, souvenirs de cœur et de chaleureuse reconnaissance de la part d’un sim- . ple, mais ardent chercheur qu’ils ont consenti à guider: C’est à Deshayes, à Henri Milne-Edwards que nous payons ce tribut d’admiration et de grati- tude, en réservant une part au président de la Société linnéenne de Bordeaux, Ch. des Moulins, cet aimable savant qui nous encouragea si sou- vent avec tant de oracieuse courtoisie; souve- nons-nous qu'il caractérisait notre préface des Fonds de la mer par ces mots : jolie, modeste et pleine. Enfin citons, comme de sympathiques amis, ces collaborateurs de la première heure, MM. Alph. Milne-Edwards, Léon Vaillant, Paul Fischer, Crosse, et profitons de l’occasion pour les remer- cier encore. - i 56 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES n V., — Les grandes explorations AMÉTCES anglaises, etc. Frs L’ère des recherches en eaux profondes était ouverte, et nous avons quelque raison de croire que notre programme, communiqué aux savants que nous avons nommés en premier lieu, con- tribua un peu à leur donner l’idée d'entreprendre de grandes explorations. En eflet, Louis Agassiz faisait prendre aux cam- pagnes du Corwin et du Bibb une allure moins spéciale; à l’hydrographie s’alliaient les recherches zoologiques. Vint ensuite la grande expédition qu’il entreprit avec le Hassler et dont il nous en- voya des échantillons de fonds. Depuis, chaque année, un navire de la marine des États-Unis reçut la mission d'exécuter des recherches sous-marines. Les dernières ont été dirigées par Alexandre Agassiz, digne successeur d’un père illustre dont- le nom, glorieux dans la science, porté par lui, conserve son lustre. Placons à côté de ce nom celui de M. de Pourtalès, qui, croyons-nous, fit partie de toutes les expéditions. En Angleterre, sur la demande de la Societé royale, lAmirauté met à la disposition du D' Carpenter et de Woyville Thomson la canon- nière le Lighining. L'année suivante, c'est /e Porcu- pine avec Gwyn-Jeffreys qui dirige l'exploration. Le même bâtiment avec Carpenter drague jusque LES GRANDES EXPLORATIONS N7 dans la baie de Biscaye (golfe de Gascogne), puis, exécutant un troisième voyage, opère entre les Feroë et les Shetland. En 1870,M. Marshall Hall, avec son yacht Norna, se rend sur les côtes d’Espagne et de Portugal, et y effectue de fructueux dragages. Presque en même temps une nouvelle campagne du Porcupine a pour but des recherches dans la Méditerranée. Enfin le Challenger, grande corvette à batterie couverte, commandée par le capitaine Nares, est armée pour exécuter un voyage autour du monde, voyage de recherches de toutes espèces, de dra- gages surtout. C'est avec un luxe scientifique des mieux entendus que ce bâtiment est aménagé pour que l'étude soit instantanée et permanente, qu'il est pourvu de tous les instruments de ma- nœuvres et de laboratoire. Tout ce qui a paru pouvoir être utile, engins anciens et nouveaux, se trouve à la disposition d’un état-major de savants, afin qu'ils en tirent les meilleurs résul- _tats. Le chef de la mission scientifique est Wyville \ : ANT Thomson. — Thomas Maclear est chargé des observations magnétiques; — Willmoæs Sulsm, des animaux inférieurs; — Murray, des vertébrés; — Moseley, des collections botaniques; — Buca- nan, des analyses chimiques; — enfin un dessina- tems #4 KE - + 2 a. æ. F* - Guayra, à Rio-Janeiro, à Valparaiso, à San-Fran- 60 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES \ mer des Antilles, surtout à la Martinique, à la cisco, à Ceylan, à la Réunion, aux Comores, aux Açores, dans la plupart des ports du Levant, à Terre-Neuve, à l'embouchure de la Gironde. D’autres remarques également intéressantes ont encore été faites, mais elles demandent, pour être formulées, d’avoir été soumises à de nouvelles confrontations. Pour ce qui regarde la physique du globe, nous avons pu enregistrer une remarquable série d’ob- servations thermométriques que nous devons à M. le baron Duperré, commandant la Clorinde, et exécutées par M. Aude, médecin-major de cette frégate, pendant la campagne qu’elle fit dans les mers d'Islande en l’année 1868. D'autre part, des observations sur les courants ont été faites par quelques coopérateurs de l’œuvre et serviront pour étudier leurs influences. La zoologie a la meilleure part. Parmi les nom- breux échantillons de fonds scrutés, il s’en trouve une quarantaine dans lesquels des genres et des espèces nouvelles ont été découverts. Si l’on résume ce premier chapitre, on pourra en conclure que si les auteurs des Fonds de la mer n'ont fait que combiner et compléter les systèmes isolés suivis jusqu'alors, ils n’en ont pas moins constitué un ensemble nouveau que Maury seul a peut-être entrevu, mais sur lequel il ne s’est jamais explique. TT pi Ad mt int puitel bad eo MODE ÈS énutaagt Pa ph et 2 ES SN Sat: inter aû Aer. or Ne dates Es oh à nt bn de 4 due Foi RÉSULTATS OBTENUS PAR NOUS 61 _ Les travaux du professeur Bache pour préparer - la pose du premier câble transatlantique, les fruc- tueuses recherches des Russes et des Scandinaves manquent toujours de plusieurs des caractères de . l'œuvre française. Les grandes explorations ame- ricaines et anglaises sont postérieures à la publi- cation des premières livraisons des Fonds de la mer. . La méthode que nous avons eu lidée d’em- ployer fait connaître scientifiquement un très - grand nombre d'animaux qui sans doute seraient demeurés encore longtemps inconnus. On peut en outre en conclure que si tous les chercheurs en usaient et que si elle inspirait le goût de s’en ser- _vir, l'étude des mers y trouverait son profit. A cette période d’explorations quasi sédentaires dont nous venons d’esquisser les principaux traits devait en succéder une plus active. Les résultats qu’elle produisit présentèrent un tel intérêt qu’elle prépara la mise en œuvre de bâtiments de l’État, seuls en situation de pouvoir exécuter de sérieuses et importantes recherches. Fig. 5° — Modiola excavata, de Folin. 1 Fig. 6. — Le phare de Biarritz, sur le cap Saint-Martin, une des remarques qui ont servi à tous les dragages d la Fosse de Cap-Breton. : CHAPITRE II LA FOSSE DE CAP-BRETON ; LA CÔTE DES BASSES- _ PYRÉNÉES I. — La Fosse de Cap-Breton. Ayant été nommé capitaine de port à Bayonne, je cessai d’entretenir des rapports journaliers avec “les nombreux marins de Bordeaux, ce qui me fit perdre une bonne partie de mes moyens d’action, et je dus craindre de voir s’épuiser les sources aux- quelles s’alimentait notre publication, les Fonds de la mer, laquelle poursuivait son œuvre presque uniquement à l’aide des échantillons de fonds qui m’étaient rapportés. Ce fut en effet ce qui se produisit. Ces ressources diminuant et notre entre- prise pouvant en souffrir, il fallait de toute néces- 4 = 4 4 1 4 3 : Ë 4 | CPE PER LA FOSSE DE CAP-BRETON 63 sité se tourner vers un autre côté et trouver un nouveau moyen de poursuivre l’œuvre sans qu’elle _ perdit rien de sa valeur. En arrivant à mon nouveau poste, voulant me rendre bien compte de cette situation de l’embou- chure de l’Adour qui avait la réputation d’être d’un accès difficile, je pris une carte du golfe de Gas- cogne pour maider à étudier cette question. Presque immédiatement j'étais frappé par les pro- fondeurs indiquées sur quelques points rapprochés les uns des autres; je remarquais en même temps qu'ils appartenaient à cette curieuse et profonde dépression dénommée Fosse de Cap-Breion et que dans le pays on appelle le Gouff (Gouffre), et l’idée me vint que c'était dans ses eaux qu’il fallait cher- cher les matériaux nécessaires à la continuation de l’œuvre. | Disons quelques mots de ce point étrange et de la côte sur laquelle il est situé. Jusqu’à Biarritz c’est le sable des Landes qui _ constitue la côte, et c’est par les plantations de pins L . maritimes qu'on est parvenu à en fixer les dunes que le vent bouleversait autrefois. Cet état explique . peut-être les modifications subies par l’Adour dans P P son cours inférieur, et les trois bouches succes- sives par lesquelles ce fleuve s’est déversé dans » l'Océan. Rien de stable en effet dans ces sables » jusqu’au moment où la main de l’homme est Le A NE eee ra Nu. : gr ; venue fixer l'embouchure actuelle. Ce sont eux qui, depuis embouchure de la Gironde jusqu’à LL, Pi nf (pi Latr IUCS 27 Le 64 LA FOSSE DE CAP-BRETON Biarritz, forment les rivages, et souvent ils pénè- « trent fort loin au sein des terres, de même qu'ils s'étendent au large recouverts par les eaux. C'est ainsi que le littoral de la Vendée, du Poitou, de la Saintonge, de la Gironde et des Landes ne des- cend que lentement vers les grandes profondeurs. Un plan incliné en terrasse succède à la terre ferme et se prolonge d’abord assez loin vers la haute mer. Il se resserre à mesure qu’il descend vers le sud, et, mesurant environ 300 milles à la sortie de la Loire, il n’en a plus guère que 30 ou 40 lorsqu'il arrive vis-à-vis d'Arcachon. A l'embouchure de l’Adour on peut le dire dis- paru, car à moins d’un demi-mille dé terre on se trouve par 50 mètres de fond, et à une dis- tance de 10 à 15 milles la sonde accuse plus de 1000 mètres. Cependant la queue du plateau subsiste encore, bien que très rétrécie, vis-à-vis du. village de pêcheurs de Cap-Breton, et c’est en plein dans le sein de cette lisière que commence à se creuser tout à coup à moins d’un demi-mille du rivage une fosse, puisqu'on l'appelle ainsi, qui, d'abord légèrement sinueuse et étroite, s’élargit presque régulièrement en courant vers l’ouest et en s’évasant brusquement du côté du nord. C’est dans un massif rocheux que cette déchirure s’est produite, ceci est indiqué par quelques-uns de ses points culminants qui semblent des jalons mon- trant les limites de la dépression s’enfonçant jusqu’à près de 1000 mètres. Au pied de l’un de "uo1aIg-de) 9p osseutg — *L *S14 RS A en S MERE T SR NET Te DS Sous les mers. DE Foix. -- - 66 LA FOSSE DE CAP-BRETON ces faîtes qui s’échappent de la chaîne en remon- tant presque verticalement, c’est-à-dire en falaise presque à pic, on trouve une profondeur de 800 mètres, tandis que, sur le sommet du massif, qui porte le nom de Champ des Vaches, nous n'avons dragué que par 40 à 50 mètres, alors qu’au pied du point culminant il y avait infiniment plus d’eau, ainsi qu’on le voit. | La plupart des roches qui appartiennent Ce système et qui servent de paroïs d'encaissement à la Fosse, et probablement toutes, appartiennent, suivant ce que nous avons pu juger par les échantil- lons rapportés en nos dragues, à une ramification de la chaîne nummulitique qui se découvre à Biar- ritz et sur quelques autres points voisins. Les spé- cimens que nous avons extraits de la Fosse nous ont fourni la preuve qu'ils étaient bien du même cal- caire. Cette constatation nous a donné lieu de re- marquer que ce calcaire nummulitique, abondant à Biarritz, surtout au Port Vieux, disparaît en s’affais- sant sous les sables de la Chambre d'amour. On le retrouve se relevant au milieu de l’Adour; les roches balisées, les Casques, en sont composées; il reparaît encore au village du Boucau et au mou- lin d'Esbouc, en deux ou trois pointements, puis s'enfonce de nouveau sous les sables recouverts aujourd’hui de Pignadas, et jusqu’à présentonna plus revu de traces de la chaîne ou du massif; ce n’est que sous les eaux de l'Océan qu'il se mani- feste encore pour servir de cuvette à la profonde LA FOSSE DE CAP-BRETON 07 vallée sous-marine qu’il encaisse et dans laquelle s'accumulent les vases. Assurément nul autre point n’était plus propre à mieux nous servir. À proximité de notre rési- dence, présentant jusqu'à un certain point les caractères d’un fond de grande profondeur, puis- qu’elle était située bien plus bas que toutes les zones ordinairement explorées et à la connaissance des- quelles on s'était borné jusqu’à l’époque des recher- ches que l’on commençait à opérer en eaux pro- fondes, la Fosse de Cap-Breton devait sûrement nous offrir un champ fertile d’investisations. _ L'idée de l’exploiter se présentait donc fort natu- rellement à notre esprit; mais, pour en venir à l'exécution, il nous fallait quelques ressources pécuniaires, le nerf de la guerre, indispensable en ceci comme en toute entreprise. Fort heureuse- ment, notre projet d'exploration fut goûté par deux hommes auxquels nous demeurons recon- naissant du soin qu’ils prirent de nous mettre en état d'opérer des recherches sous-marines dans la Fosse : M. Jegou, inspecteur général des ponts et chaussées, et M. Daguenet, ingénieur en chef, appuyèrent notre demande au ministre des tra-, * vaux publics, et une subvention de 400 francs - par an, qui fut ensuite portée à 600 francs, nous fut accordée. Bien que modique, ce fut avec cette somme que nous nous mimes en campagne. Les pêcheurs de Cap-Breton, hardis marins, qui affrontent les mers souvent terribles de ces parages 68 LA FOSSE DE CAP-BRETON lorsque les vents règnent de l’ouest ou du sud- ouest, emploient, avec un succès qu’une longue expérience a consacré, un genre d’embarcation. tout à fait particulier et local, que dans le pays on nomme pinasse. Elles ont des formes qui peut- être ont inspiré celles données aux baleinières, dont les qualités sont si précieuses. Bien qu’à fond à peu près plat, elles sont stables; leurs extrémités finement resserrées et bien relevées leur permet- tent de s'élever facilement sur la lame, qu’elles coupent sans embarquer d’eau. Huit hommes d'équipage et un patron leur sont nécessaires, car elles marchent plus souvent à l’aviron qu’à Ja voile (fig. 7). Elles sont, il est vrai, un peu lourdes, mais la force résultant des huit avirons mis en mouvement par des bras vigoureux remédie à l'inconvénient d’un poids qui leur donne une assiette très assurée et un tirant d'eau des plus convenables. La pêche à Cap-Breton se fait également d’une facon toute particulière. L'armement de chaque pinasse comprend un certain nombre de trémails ayant chacun au moins 100 mètres de longueur sur une hauteur d’un peu plus de 2 mètres. C'est dans la Fosse qu’on les pose à une profondeur plus ou moins grande. En les mouillant, on a le soin de les placer de façon que les courants ne puissent avoir d'actions nuisibles sur eux. Ils sont allon- gés sur toute leur longueur et maintenus vertica- lement dans le sens de leur hauteur par les plombs LA FOSSE DE CAP-BRETON 69 qui garnissent leur ralingue inférieure. Après avoir ainsi disposé ses engins, la pinasse rentre au port, car ceux-ci doivent demeurer en pêche au moins pendant vinot-quatre heures. Le poisson qui ren- contre les filets se maille dans les nappes sans les apercevoir et s’y trouve pris. Ce sont les Merlus (Merlucius vulgaris) qui se capturent en plus grand nombre et qui rendent la pêche fructueuse, L. puis des Roussettes ou Chiens de mer (Scy/lium x canicula), qui viennent pour dévorer le poisson pris et qui demeurent eux-mêmes embarrassés dans les filets sans pouvoir se dégager, malgré les ava- ries qu'ils leur font subir. À certaines époques, on prend aussi assez abondamment des Daurades (Chrysophrys aurata), enfin assez fréquemment des Langoustes, des Homards et des Crabes tour- teaux. Deux petits cours d’eau de très peu d’impor- tance, le Bouret et le Boudigau, en se réunissant, forment ce que l’on appelle le chenal ou port de Cap-Breton, sans largeur, sans profondeur, juste ce qu'il faut pour que les pinasses puissent s’y placer. La marée s’y fait bien sentir : il en résulte qu’avec les courants de jusant les embarcations peuvent facilement opérer leur sortie, de même que ceux de flot leur permettent de rentrer sans difficulté. On a songé à profiter d’une situation qui tout d'abord parait fort séduisante. On a eu l’idée de créer un port à Cap-Breton, et l’un des points visés par ce projet était la perspective d’avoir une en- PO ie LA FOSSE DE CAP-BRETON trée plus commode que celle du port de Bayonne. Si l’on considère en effet qu'on trouverait un chenal tout tracé, un immense bassin presque déjà creusé dans le vaste espace qui était encore, il y. a quelques années, un grand étang d’eau douce, l'étang d’Ossegor, on peut être séduit par les avan- tages d’une telle position, que rehausse également la proximité de la Fosse. Sa profondeur atténue en effet la force des vagues, de sorte qu’à sa sur- face il n'y a jamais de grosse mer et que les navires peuvent y trouver un abri relatif. Mais le côté séduisant de l’idée a seul été aperçu; on n’a pas réfléchi que les inconvénients que l'on reproche au port de Bayonne seraient bientôt aussi ceux du port de Cap-Breton. Que l’on envisage en effet ce qui se passe sur la côte de la Gironde, sur celles des Landes et des Basses-Pyrénées. On comprendra que la configuration du littoral ne se modifiant pas, demeurant avec toute la raideur. d’une ligne droite, sans pointes ni caps pour la fléchir, de la pointe de Grave au cap Saint-Martin, il ne peut y avoir qu’un seul et même régime sur toute cette étendue et que ce qui a lieu sur un point doit se produire nécessairement sur tout . autre. Toute cette longue plage est formée par des sables si peu fixés que les courants ont toute faci- lité pour éroder sans cesse les rivages, dont ils entraînent les éléments vers le sud. Mais si cette descente rencontre l'embouchure d’un cours d’eau, le mouvement du courant se trouve contrarié par À LA FOSSE DE CAP-BRETON 7 ceux de marée; il en résulte des remous dans les- quels les sables ne sont plus dirigés par une force unique : ils tourbillonnent, finissent par se déposer et, en s accumulant, forment un banc qui s’allonge en regard de l’entrée de l'estuaire à une distance plus ou moins grande du littoral selon la force que possède le courant de jusant. Ce banc ainsi formé est ce que l’on appelle une barre, dont la situation n’est fixe ni comme position, ni comme élévation, ces exhaussements du fond étant soumis aux varia- tions que subissent les causes produisant l'effet. Cette barre existe devant l’entrée du chenal ou port de Cap-Breton. Il est évident qu'on accroîtra son importance en proportion de celle qu’on don- nera à celui-ci, et en conséquence le point visé, qui mériterait d’être pris en considération, sil pouvait être réalisé, n’est pas susceptible de l'être. D'ailleurs les inconvénients qu’on attribue à l’entrée de l’Adour sont loin d’être aussi sérieux qu’on veut bien le dire; ils ne peuvent motiver des _ appréhensions, qui, si elle subsistent encore, résul- tent plutôt d’une vieille réputation un peu exa- gérée que de ce qui existe actuellement. Autre- fois la marine à voiles pouvait rencontrer des difficultés et courir des dangers, lorsqu'il lui fallait entrer ou sortir du port de Bayonne. Aujourd’hui ceci n’est ni plus difficile ni plus dangereux que dans tout autre, par la raison que la marine à vapeur se substitue à l’ancienne. Avec les moyens d’action que possède un bateau à vapeur, franchir 72 LA FOSSE DE CAP-BRETON la barre n’est plus rien : il suffit d’être bien piloté, et les voiliers qui restent peuvent jouir du même avantage en se servant des remorqueurs. On n'a du reste qu’à consulter les statistiques et on aura la preuve que proportionnellement il y a moins de naufrages à l'entrée de l’Adour qu'ailleurs. II. — Personnel et outillage d’exploration. Après avoir attentivement étudié le plan que nous devions suivre afin d'exécuter des recher- ches sous-marines dans la Fosse de Cap-Breton, notre premier soin fut de nous rendre sur les lieux pour y organiser le service de l'exploration. Nous nous mimes aussitôt en rapport avec un patron de pinasse, dont nous fûmes par la suite très satisfait. Du reste quelques antécédents le recomman- daient : il avait été employé par les ingénieurs hydrographes lors des derniers travaux de son- dage exécutés sur la côte assez récemment. Bien au courant de toutes les particularités concer- nant les lieux où nous voulions draguer, il était déjà familiarisé par son service avec les hydro- graphes à se servir d’une boussole qu’en marine on désigne sous le nom de compas, pour prendre des relèvements; il savait déterminer du large la direction dans laquelle se trouve un point de remarque bien en vue et situé à terre. Nous n'avions donc pas à lui apprendre comment PERSONNEL ET OUTILLAGE D'EXPLORATION 73 prendre ce soin essentiel. Essentiel en effet, car c'est par cette méthode que l’on peut connaître la position du lieu où l’on a opéré. En relevant au compas les directions de deux _ points portés sur la carte, un clocher, un phare, LE une balise, un cap, un arbre quelquefois, on se procure ainsi les deux côtés d’un angle, et, si onles trace sur la carte, leur point d’intersection, le sommet de langle, sera exactement le point de la mer duquel les relèvements ont été pris, c’est- à-dire où l’on a en même temps exécuté un son- dage ou un dragage. En cours d'opération, on se borne à inscrire les relèvements sur un carnet, et ce n’est que chez soi que l’on établit sur la carte les points d’opéra- tion. Dordezon était encore un des pêcheurs les plus expérimentés de la localité, et son embarca- tion passait pour la meilleure de toutes. Intelligent, il comprit sans difficulté ce que nous attendions de lui; nos conventions furent aisément arrêtées. Chaque journée d’exploration devait être payée à raison de 40 francs et elle devait être em- ployée à exécuter le plus grand nombre de dra- gages possibles, cinq au minimum. Le personnel ainsi assuré, je dus m'occuper de le munir de l’outillage indispensable aux opéra- tions, c'est-à-dire des cordages et des engins pro- pres à recueillir sur le fond une légère couche de sable ou de vase, prise en labourant légèrement sa surface; puis de récipients destinés à recevoir le 74 LA FOSSE DE CAP-BRETON contenu des appareils à leur retour du fond, c’est- à-dire des bailles pour un premier tamisage, des bocaux, des flacons, des liqueurs antiseptiques pro- pres à la conservation des sujets délicats devant être plongés dans lalcool ou autres liquides à leur sortie de l’eau, enfin d’un certain nombre de tamis de divers calibres. Aussitôt que notre arsenal de dragage fut bien pourvu et au complet, nous choisimes un jour de marée convenable et nous retournâmes à Cap- Breton. | | Le lendemain matin, de bonne heure, nous embarquions dans la pinasse. Tout y était : l’ou- tillage prêt à être mis en usage, les ustensiles bien arrimés. Nous démarrâmes ; le jusant nous eut bien vite conduits au bas du chenal et nous attei- gnimes la tête de l’estacade. Devant nous, à peu de distance, la barre était dessinée par quelques lames qui déferlaient sur sa crête; en decà et au delà, la mer presque plate. En cet instant, sans préambule, Dordezon assis, la barre du gouvernail à la main, se lève, se dé- couvre et prononce ces mots : « La prière! » Aussitôt les huit marins lèvent leurs avirons, ôtent leurs bonnets. Le patron trempe la main dans la mer, fait le signe de la croix, puis pro- nonce avec une certaine solennité le Pater et l’Ave Maria, que répète en mème temps que lui chacun des matelots. Jamais une pinasse ne prend la mer sans accomplir ce pieux soin. Nous fûmes pro- ce Hole des 5er eue cd à: ee, pe 46 ER OT CRE pe Va BA ra CT KT At der à PREMIÈRE CAMPAGNE 75 fondément touché, et notre émotion devint plus vivé en songeant que ces hardis pècheurs, pour agir ainsi, sentent bien le peu qu’ils peuvent en les périls qu'ils vont affronter, qu'ils sont impuissants à les vaincre s’ils ne sont pas secourus par Dieu. III. — Première campagne. Je voulus, en ce premier jour de recherches, faire une sorte de reconnaissance de la Fosse, c’est-à-dire opérer successivement sur chacun des points saillants du système rocheux et aussi dans les parties profondes qui restent à leur pied. C’est à un tiers de mille environ de la côte que s'ouvre la dépression, par une profondeur de 163 mètres, descendant rapidement à 266, puis à 346. C’est à peu près vers ce point sonde que se trouve sur le bord nord de la dépression le premier pointement du massif, les Roches du Moulin. La cuvette s'enfonce alors jusqu’à 383 et 448 mètres; vis-à-vis de cette sonde on rencontre sur le contour du sud les Roches du champ de Talère. Au delà, la profondeur atteint 534 mètres, puis 641, tandis que sur la rive nord se présen- tent les Roches Duprat. Suivant les cartes, on pourrait atteindre, à quelque distance . de la dernière profondeur, 1155 mètres; nous n’avons pu rencontrer ce point. En poursuivant vers l’ouest, du côté du nord, est placé le Champ des Vaches, qui s'élève à près de 76 LA FOSSE DE CAP-BRETON 800 mètres de la surface du fond. Celle-ci descend encore jusqu'à 995 mètres, et le dernier pointe- ment, qui est situé au sud, les Roches du Doigt: mordu, se trouve placé un peu au delà. Enfin la cuvette paraît se relever, la profondeur n’est plus que de 700 mètres et revient bientôt à une moyenne de 300. | Cette investigation de la Fosse de Cap-Breton nous parut suffisante pour être assuré que nous y rencontrerions de quoi donner ample satisfac- tion à notre besoin de matériaux. Elle nous mon- trait de plus que son exploration pourrait, dans une certaine mesure , être comparée à celles qu’exécutaient, avec des moyens infiniment plus puissants, les marines américaines, anglaises et norvégiennes. Ce fut donc en 1870 que commencèrent nos opérations dans la Fosse de Cap-Breton. Les . points de relèvement que nous choisimes furent : d’une part, le phare de Biarritz, qui s'élève sur le sommet du cap Saint-Martin (fig. 6); de l’autre, la grande balise de Cap-Breton, qui est située un peu au nord du chenal, sur une dune assez rap- prochée du bord de la mer. Le nombre des dragages de cette campagne ne fut que de quatorze. Qu’on ne s’en étonne pas et qu'on veuille bien se rappeler que la modique somme à notre disposition ne nous avait permis, une fois l'outillage payé, que de consacrer trois journées seulement aux opérations, et, pendant la PREMIÈRE CAMPAGNE 77 dernière, la perte de la drague, qui demeura accrochée dans les roches au troisième dragage, vint limiter les chiffres de ceux-ci, que nous espé- rions porter à dix-huit au moins. Cependant nous nous trouvions satisfait et ne regrettions pas ce que nous avions dû ajouter de nos deniers lorsqu'il fallut régler les comptes de la campagne : il y a toujours en pareil cas des imprévus et nous n’y avions pas songé. Les résultats étaient en effet assez remarquables pour être jugés dignes d’être communiqués à l’Acadèmie des sciences. Ils donnèrent lieu d’abord à une série d’analyses chimiques et géologiques de chacun des échantil- lons des fonds rapportés, analyses dues à M. Périer et dont l’ensemble formera par la suite un docu- ment précieux et des plus utiles. C’est qu’en effet ces analyses, exécutées avec un grand talent de chimiste, stéréotypent exactement la nature du fond de chacun des points où la drague a opéré. Un mot, en passant, à propos de cet instru- ment, qui, lorsqu'on en use, devient en quelque sorte un prolongement de la main de l’homme, puisqu’avec son aide il va chercher jusque dans les abimes les plus profonds une partie de leur sol submergé et ramasse en même temps les animaux qui sy agitent aussi bien que ceux qui y sont fixés. Bien dirigé, cet outil répond par- faitement à ce qu'on attend de lui et remplace utilement la main, qui ne peut descendre comme lui, mais qui le guide dans ses recherches et dans VAUT RES TES, L'EST DR nc L | Fe D PESTE 78 LA FOSSE DE CAP-BRETON ses captures. Avec lui, en renouvellant plusieurs fois les dragages sur un même point, on peut être certain d'acquérir une connaissance exacte d'une partie de sa faune, et, comme nous le dirons plus loin, si l’on emploie en même temps le chalut, on la complétera parfaitement. Indépendamment des analyses des fonds dont nous avons parlé, cette première campagne nous fournissait déja, par l'observation des animaux capturés dans les divers dragages en 1870, des résultats d’une grande valeur, puisqu'ils nous per- mettaient de formuler les remarques suivantes : 1° La nature des fonds a souvent autant d'importance que la profondeur pour la réparti- tion des espèces. 2° Si quelques espèces ne peuvent vivre qu'à de certaines profondeurs, il en est qui se rencon- trent depuis le fond des plages jusque sur ceux situés les plus bas. 3° On retrouve sur les côtes de l'Océan des espèces qui étaient considérées jusqu'alors comme méditerranéennes. 4° La continuité de la faune lusitanienne avec la faune océanique française rend inutile Phypo- thèse d’une communication existant à l’époque tertiaire entre la Manche et la Méditerranée et à travers la France, pour expliquer certains faits en apparence anormaux observés dans la distribution géographique des animaux marins. s° Enfin les courants n’ont aucune action Éa ie = » > [2 PREMIÈRE CAMPAGNE 70 appréciable sur la répartition des Mollusques non pélagiens, mais les faunes se succèdent et se remplacent insensiblement en allant dans notre hémisphère du nord au sud. Ces conséquences résultaient de ce que nous avaient appris nos premières recherches et nos nouveaux travaux. | Il nous faut indiquer maintenant en quoi con- sistaient les récoltes que nous avions faites. Les Bryozoaires, mal recherchés, nous devons en convenir, auraient dû fournir un bien plus grand nombre d'espèces; nous nous sentons un peu honteux de n’avoir à citer que : Caberea Boryi. Crisia eburnea. Cellaria foraminoïdes. Eschara elegantula. Les Foraminifères, examinés et déterminés par MM. Brady et Van den Broeck, sont : Globigerina bulloïdes. Truncatulina labatula. _ Orbulina universa. Textilaria cuneiformis. Polymorphina lactea. Cristellaria calcar. Bulimina pupoides. Miliola trigonula. Biloculina ringens. M. Mariæ. Pulvinulina auricula. P. vermiculata. Puis apparaissent pour la première fois dans POcéan les formes méditerranéennes suivantes : Textilaria lœvigata. Orbiculina compressa. Un Nodosaria radula. fragment d’un individu de Polytrema universa, fixée | grande taille. sur des coquilles mortes. Planorbulina Mediterra- nensis. 80 LA FOSSE DE CAP-BRETON Enfin, une forme très intéressante, semi-vaseuse, semi-arénacée, que notre ami, le D' P. Fischer, décrivit en lui donnant le nom de Arenistella agolu- tinans (fig. 8). Plus tard, des doutes s’élevèrent au sujet de ce curieux organisme, et on crut recon- naître en lui une forme complètement arénacée, l'Ammodiscus Lindahli de l'expédition du Porcupine, Fig. 8. — Arenistella agglutinans P. Fischer. et dragué au nord de l'Espagne. Nous avons eu de nombreux spécimens de cette espèce et nous avons pu constater quelle appartenait bien à l’ordre des Rhizopodes (on l'avait mis en doute), et qu’elle différait de l’Aremistella agglutinans, non seulement en ce que la composition de l’enveloppe de celle-ci, ayant pour base la vase à laquelle se mêlent des grains de sable pour lui donner plus de force, lui permet de demeurer plus comprimée, mais aussi par l'allongement plus grand des bras ou rayons qui lui donnent une apparence stellée que l’Ammodiscus ne peut montrer. La couleur de CUS ES PREMIÈRE CAMPAGNE SI l'enveloppe diffère également et le sarcode interne est aussi mieux pourvu d’appendices plus allongés. Suivant nous, les deux espèces sont caractéri- sées si différemment qu’elles ne peuvent être con- fondues. Nous avons retrouvé, depuis ces premiers dragages, un assez grand nombre de sujets des deux genres et nous avons été ainsi en état de bien juger la question. Les Echinodermes n’ont pas été capturés en grand nombre et sont arrivés en très mauvais état : Ophiures et Echinocyamus. Cependant plusieurs sujets d’un Brissopsis, parvenus sans avarie, ont été examinés par le Dr Fischer, qui s’est exprimé comme il suit à leur propos : « Les échantillons de cet Échinide qui ont été rapportés des parties les plus profondes de la Fosse diffèrent du B. Zyrifera de Forbes par leur fasciole péripétale plus étroite, leur forme plus ovale, leur région sous-anale plus rostrée. Malgré ces points de distinction, nous avons cru devoir le rapporter à l’espèce de Forbes, en le désignant seulement comme une variété que nous appellerons Biscayensis. » Les Mollusques recueillis dans les dragages de cette première campagne donnent lieu. à quelques remarques importantes; en voici avant tout la liste : Lamellibranches. Cardium paucicostatum. Circe minima. Leda commutata. : Astarte triangularis. Tellina serrata. Erycina ferruginosa. Syndosmia prismatica. E. bidentata. Coralliophaga lithopha- Cardium minimum. gella. DE FoLIN. — Sous les mers. 6 82 LA FOSSE DE CAP-BRETON LE Cylichna acuminata. C. umbilicata. Bullea utriculus. Rissoa abyssicola. Solen pellucidus. Lucina flexuosa. Lepton nitidum. Brachiopodes. R. inconspicua. Terebratulina caput-ser-| R, proxima. pentis. R. vitrea. Megerlia truncata. Argiope detruncata. Cistellula (sp. incer.). Fragment de Thecidea me- diterranea. Eulima distorta. Ringicula buccinea. Eulimella acicula. E. nitidissima. Chemnitzia fenestrata. Odostomia decussata. Solénoconches. à Eglesia subdecussata. Dentalium dentalis. Dentalium gracile. D. Janii. Dischides bifissus. Gastropodes. Murex Edwardsi. Nassa semistriata. Ptéropodes. Cleodora pyramidata. Cyclostrema striatum. Quelques-unes de ces espèces appartenant à la 1 j° . | faune méditerranéenne n'avaient pas encore été rencontrées dans l'Océan; la drague en les rame- nant nous révèle donc déjà que cette faune n’est pas aussi spéciale qu'on le croyait. Mais le fait le plus important de la campagne est la constatation de l’existence à l’état vivant du Nassa semistriata, caractérisant les marnes bleues de Saubrigues. On ne le connaissait qu’à l’état de fossile dans les couches de la fin de l’époque miocène, parmi lesquelles se rencontre aussi le Dentalium Janii, que nous retrouvions également vivant. D’autres espèces des mêmes époques furent draguées sur les mèmes points; mais ne les ayant eues que presque fossilisées, nous ne les désignons pas. Il semble cependant résulter de la présence de ttes pre +, fétés "= . Fe + PREMIÈRE CAMPAGNE 83 ces formes que les faluns de Saubrigues conti- nuent en ces lieux leurs dépôts sur place. Cette localité des Landes n’est du reste éloignée que de quelques kilomètres de la Fosse de Cap-Breton. Les Ostracodes, ces curieux Crustacés qui se ren- ferment, comme les Mollusques acéphales, entre deux valves, ont été déterminés par notre dévoué et savant collaborateur le D' Brady, dont la compé- tence en pareille matière est des plus grandes. En voici la liste : | Asterope Mariæ. Cythere Stimpsoni, Bythocythere constricta. Cytheridea angustata, B. turgida. C. elongata. Cythere albomaculata. Bairdia inflata. C. antiquata. Loxoconcha cuboïdea, n.s. C. emaciata. Pontocypris mytiloïdes. C. Jonesi. Philomedes Brenda, _ C. lacticarina. P. Groenlandica, . C. oblonga. PFalini; mis. Les Philomedes sont des animaux qui ne se rencontrent que très profondément; l’espèce nou- velle que nous avons draguée dans la Fosse est une des plus grandes de cette classe; elle est en plus fort remarquable par son ornementation. Les Crustacés encore peu nombreux sont repré- sentés par : Crangon spinosus. Pagurus galatea. Portunus marmoreus. Des Cumas: Des Ebalias. 84 LA FOSSE DE CAP-BRETON IV. — Campagne de 1871. Pendant la campagne de 1871, les dragages ont porté sur trente-deux points différents et ont été répétés plusieurs fois pour quelques stations. Les profondeurs sont comprises entre 50 et 500 mètres. Nous avons employé avec succès des fauberts ajus- tés sur les dragues. Le nombre des espèces animales recueillies est très considérable, et leur détermination a été des plus laborieuses et des plus longues; il en est même qui sont demeurées indécises. Elles peuvent être rangées en zones, dont les principales sont de so à 7o mètres, caractérisées par une série de Mol- lusques ne variant guère. Un Brachiopode, l’Ar- giope cistellula, s'y rencontre. Les Crustacés y sont abondants; nous citerons les suivants : | Eurynome aspera. Corystes dentatus. Pilumnus hirtellus. Bodotria ferox, nova spe- Ebalia chiragra; nova spe-| cies, cies. Pagurus levis. Porcellana bicuspidata,| P. Hyndmani. nova species. Crangon trispinosus. Nika platyura,novaspecies.| Diastylis. Galathea rugosa. Cuma, etc. Les fsopodes sont représentés par des Anthura; Les Cirrhipèdes, par Verruca stronua; Les Foraminifères, par : Spiroculina: Polystomella. Orbulina: | Cristellaria. * CAMPAGNE DE 1871 | 85 Les Annélides, par : SSs Phyllodoce. Nereis. Aphrodite. Les Bryozoaires, par : Aglaophenia. Crisia. Trabularia.. | Cellepora. Tubulipora. En quelques points, des amas d'Hermelles ou de Sabellaires, sur lesquels vivent de nombreux Crustacés, recouvrent presque complètement la surface du fond, où habitent aussi des Echinides, Ophiurides, etc. | La seconde zone peut être comprise entre 80 et 200 mètres. Aux Mollusques de la première on peut ajouter : | Venus ovata. Ostrea cochlear. Lucina spinifera. Mangelia striolata. Tellina serrata. M: attenuata. Galeoma Turtoni. M. brachystoma. On y rencontre de plus les Solarium fallacio- sum et Murex lamellosus, qui n'avaient pas encore été signalés sur les côtes océaniennes et qui étaient considérés comme appartenant à la faune médi- terranéenne. _ Les grès abondent en Brachiopodes : Argiope decollata. Platidia Davidsoni, fixée Megerlia truncata. sur la roche. Crania anormala. 80 . LA FOSSE DE CAP-BRETON La découverte de cette dernière espèce était un fait très important, car on ne l’avait encore trouvée que sur les fonds coralligènes des côtes de la Tunisie. Des Mollusques perforants creusent les grès. Ce sont surtout des Gastrochena, des Modiolina, des Pholadidea papyracea, dans les perforations des- quelles on rencontre aussi des Saxicava rugosa, des Kellia suborbicularis, etc. Les Coralliaires se développent aux mêmes lieux que ceux où se rencontrent les Brachiopodes, aux- quels ils servent presque toujours de points d'appui, et parmi eux nous signalons d’abord le Paracyatus striatus, encore une espèce que l’on disait exclusi- vement méditerranéenne, puis des A/cyonium, des Gorgones, le Muricea placomus entre autres, enfin le Veretillum Pusillum, polypier flottant que l’on ne connaissait que provenant des côtes de Sicile. N'oublions pas les Bryozoaires : Crisia eburnea. Tubulipora serpens. Discoporella hispida. | Diastopora simplex. Proboscina tubigera. ! Electra pilosa. Parmi les Echinodermes, on remarque : Amphiura. Echinus. Asteracanthion. | Echynociamus. Les Crustacés sont : Inachus scorpio. | Portunus hollsatus. Stenorhynchuslongirostris. 4 # ? ë » CAMPAGNE DE 1871 87 _Les Cirrhipèdes : Balanus perforatus. Pyrgoma anglicum, dans Verruca stromia: les polypiers. Les Annélides : Trophonia. Aspidosiphon. Sternapsis. Pectinaria. Sthalassemoïdes. P. serpula. Sipunculus s. (?). P. echinata. S. dentalii. P. crystallina. On supposait aussi que ces deux dernières espèces n appartenaient qu’à la Méditerranée. Les Spongiaires sont représentés par : Geodia Audouini. Halichondria. Uteglabra. Les Foraminifères, par : Miliola oblonga. Polystomella crispa. M. trigonula. Truncatulina lobatula. Cristellaria calcar. Polytrema miniacea. Orbulina universa. Arenistella agglutinans. Rotalia Beccarii. La troisième zone se trouve à partir de 250 mè- tres. Les Mollusques qui y dominent sont : Rissoa vitrea, Lucina borealis. Odostomia conoïdea. L. flexuosa. Dischides bifissus. Montacuta bidentata. Dentalium gracile. Syndosmia alba. Lucina spinifera. Saxicava plicata. Les Bryozoaires les plus remarquables qu’on y rencontre sont : Escharipora figuralis. | Cupularia Oweni. 88 LA FOSSE DE CAP-BRETON Cette dernière espèce n'avait encore été signalée que sur les côtes d'Afrique. | Parmi les Echinodermes on trouve : Des Amphiura. [ Des Synapta. Des Brissopsis 1. Les Foraminifères sont représentés par : Orbulina universa. Miliola seminulum. Cristellaria calcar. | M. Mariæ. Rotalia Beccarii. Les Annélides, par : Pectinaria. | Clymena. Les Ostracodes sont peu nombreux, mais appar- tiennent à de remarquables espèces : Asterope Mariæ. | Philomedes Folini. La quatrième zone, sans doute insuffisamment explorée, paraît assez pauvre, ne présentant qu’un petit nombre d’espèces de Mollusques : Nassa striata. Mangelia brachystoma. Bullea scabra. Dentalium gracile. Scaphander lignarius. Syndosmia alba. Rissoa vitrea. Lucina flexuosa. Parmi.les Annélides on trouve des Sternapsis. 1. Ces Echinides s’y trouvent en si grand nombre qu'ils peuvent servir à caractériser cette zone. CAMPAGNE DE 1872 89 V. — Campagne de 1872. En 1872, nous avons exécuté vingt-neuf séries de dragages à la drague et au chalut, celui-ci d’une taille très médiocre : il fallait en effet que la pinasse fût en état de le trainer sur le fond. Cette campagne se trouve caractérisée par quel- ques découvertes fort curieuses, ayant une impor- tance scientifique considérable : elles impriment à l'exploration de la Fosse de Cap-Breton une valeur répondant aux espérances que nous avions fondées et qui l'ont fait classer parmi les travaux utiles. Les faits que nous allons signaler feront suffi- samment voir combien d'animaux que l’on ne soupçonnait pas vivent sur ces fonds, et combien ceux-ci présentent de particularités ignorées. Citons d’abord la rencontre de deux espèces de Crustacés : l’une, l’Ebalia Pennanti, appartient à une forme nouvelle pour la faune française; l'autre, le Lambrus Massena, dont la physionomie curieuse et originale le spécialise parfaitement, _était bien cru méditerranéen. En plus, une espèce nouvelle : Cuma Folini. Les Mollusques ramenés du fond de la Fosse sont des Lucina, Pandora, Thracia, Lucinopris, Pholadidea, Arca, deux espèces : Coralliophaga et Anomia; Kellia, dont une espèce nouvelle : Xellia Mac Andrew: ; Sportella recondita, espèce également ! inédite et qui représente à l’état vivant un des fos- 90 LA FOSSE DE CAP-BRETON siles du bassin de Paris; Scintilla crispata. Le genre Scintilla fut créé pour des coquilles de la période éocène, et nous en trouvons une espèce vivante dans la Fosse. L'Hindsia Jeffreysiana est également une nou- Fig. 9. — Vasconia Jeffreysiana, P. Fischer. velle espèce d’un genre de l’époque éocène et qui vit également dans les mêmes lieux. Cette bivalve est excessivement remarquable par sa forme etson “ ornementation. Une erreur de synonymie a dû lui « faire donner le nom définitif de Vasconia Jeffreysiana (fig. 9). Nous ne nous en plaignons pas, la déno- # mination de Vasconia spécifiant l’habitat. ë Le ZLepion glabrum est une nouvelle espèce; « Tellina compressa, encore une espèce qui n’était connue que comme fossile. Les autres Acéphales CAMPAGNE DE 1872 OI | sont : Kellia Geoffroyi et Nœrea cuspidata, Spnene Benghami, Crenella petagme. Parmi les Gastropodes on trouve : Ringicula, deux espèces; Cyhichna, Solarium, Eulimella, Chem- mizia, Dischides, Dentalium, Aclis, Rissoa, le Fos- sarus costatus, réputé méditerranéen, puis un Cæ- cum des plus curieux, représentant une nouvelle coupe dans le genre, en raison du revêtement d’épines dont il est armé et que pour cette raison nous avons nommé : Cæcum spinosum ; de plus, les espèces inédites suivantes : Salassia Dagueneti ; Eulimella intersecta. M. le professeur Vaillant a déterminé comme espèce nouvelle parmi les Annélides un Sivalion de la Fosse. En Echinodermes, nous avons obtenu l’Ophiactis Ballii et une des plus curieuses espèces d’Holothu- ries des mers du nord : Thione fusus de Muller, H. papillosa d’Abilgaardt. Un très beau Foraminifère, Quinqueloculina Fo- lini, nous a êté dédié par M. Schlumberger. Sans doute, nous aurions encore eu d’autres résultats à enregistrer, si la détérioration de nos engins et la perte de plusieurs d’entre eux, tandis qu'ils manœuvraient au milieu des roches, n'avaient contrarié nos opérations. 92 LA FOSSE DE CAP-BRETON VI. — Campagnes de 1873 à 1880. En 1873, si nos récoltes ne nous procurent pas un aussi grand nombre de sujets remarquables, cela tient surtout à ce que nous avions réuni tous nos efforts pour entamer les grès, dont l'étude est si intéressante. Sans avoir eu beaucoup de succès, nos tentatives nous ont fait comprendre de quel. appareil spécial il faudrait user pour scruter ces parois de rochers verticales sur lesquelles vivent certainement une infinité d’êtres, dont bon nombre demeureront inconnus, tant qu’on n'aura pas em- ployé pour les draguer un outil approprié. Mais ce n’est que sur un grand bâtiment que ces ten- tatives peuvent être exécutées. Les opérations sur les fonds ordinaires ont pro- curé un grand nombre des espèces de Mollusques déjàatrouvées, parmi lesquelles on remarque surtout : Dentalium gracile. Des Corbula. D. novemcostatum. Des Neœra. Dichides bifissus. Des Venus. Bulla cylindracea. Une Ringicula d'espèce B. utriculus. nouvelle, Ringicula Passieri, B. scabra. Morelet. B. umbilicata. Des Brissopsis. Rissoa vitræa. Des Philomedes, Nassa semistriata. Des Asteropes. Des Hyales. Un énorme fragment de Des Cleodores. Dendrophyllia. Des Syndosmia. Jusqu'en 1880, chaque année, une série de dra- gages tels que ceux dont il vient d’être question a CAMPAGNE DE 1873 A 1880 93 furent exécutés et donnèrent lieu à la décou- verte de quelque nouvel organisme. C’est à cette époque qu ayant réuni un grand nombre de spé- cimens d’Alcyonaires de la Fosse, nous en avons publié le Catalogue, grâce à l’obligeance de M. Marion, professeur à la Faculté des sciences . de Marseille. C’est aussi pendant cette même période que nous découvrimes dans la Fosse un petit corps de l'aspect le plus singulier. Il paraissait formé par de la vase concrétée, et ses diverses branches acumi- nées, rayonnant du même point, lui donnaient parfaitement la forme d’une petite griffe d’asperge. Nous en recueillimes plusieurs exemplaires. Quel- ques-uns furent adressés aux spécialistes, nos cor- respondants pour les Foraminifères; ils ne purent se décider à se prononcer sur les sujets, qu’ils examinèrent pourtant avec grande attention. Ce ne fut que plus tard, alors que familiarisé avec les formes de Rhizopodes de la tribu des Vaseux, les explorations du Travailleur et du Talisman nous en ayant procuré un très grand nombre, que nous reconnûmes que nos orga- nismes de Cap-Breton en faisaient partie. Et en effet, traités par l’acide azotique, de même que tous les autres sujets de la tribu, ils montrent, une fois la vase éliminée, l’animal sarcodique dégagé de son enveloppe. Nous avons dès lors nommé ce Rhizopode : Rhizopela irregularis (fig. 10). Nous avons tout dernièrement découvert une seconde 94 LA FOSSE DE CAP-BRETON ‘espèce de ce genre, dans un dragage exécuté sur la côte non loin de Biarritz. | Nous ne pouvons analyser en détail toute la série des dragages de 1874 à 1880 : les résultats que nous avons obtenus sont consignés dans « les Fonds de la mer » par les soins de MM. A: Milne- Edwards, P. Fischer et Marion, pour les Crustacés; Marion, pour les Vers; Gwyn-Jeffreys, P. Fischer et nous, pour les Mollusques; P. Fischer, pour les Bryozoaires; G. Brady, pour les Ostracodes; P. Fischer, Henri Brady, Van den Broœck et nous, pour les Foraminifères et les Rhizopodes; M. L. Périer, pour les analyses des fonds. Avec un outillage et des moyens d’action plus puissants, nul doute que nous serions arrivés à obtenir une connaissance parfaite de la Fosse. La zoologie aussi bien que la géologie n’auraient plus rien à y chercher. Nous aurions pu en effet dra- guer la surface entière du fond de cette cuvette, arracher, aux massifs de roches, des spécimens de leurs pentes raides et rapides, même de leurs parois parfois verticales, quelques fragments des aspérités qui les accidentent, et quelques-uns des animaux qui y vivent fixés. Cette dépression si intéressante et qui, en raison de ses limites restreintes, pouvait voir se terminer assez rapidement l’étude qui la concerne, mérite sous ce rapport que l’on prenne en considération ce que l'on en sait déjà et qu’on se soucie de la complèter. CAMPAGNE DE 1873 A 1880 95 # Et comme preuve de l’importance que présente cette étude particulière, rapportons ce qui advint lorsque les Fonds de la mer eurent fait connaître la plupart des faits dont nous venons de parler. Ainsi que pour tout et en tout ce qui est fran- çais, la jalousie des Anglais jeta sur nous un regard de travers, puis elle nia la possibilité de nos découvertes. Mais comme ces négations ne produisaient sur nous aucune impression désa- gréable, sûr que nous étions de les réduire, les spé- cimens en main, la drague prête à retourner en chercher de nouveaux sur les mêmes points et sous les yeux de nos contradicteurs, il fallut bien faire contre fortune bon cœur et céder avec l’air d’être satisfait. Nous enregistrions en effet de nou- veaux faits, de nouvelles constatations; le silence ne pouvait être gardé. Ce fut alors qu’un des natu- ralistes les plus éminents de l’Angleterre, un de ceux qui avaient dirigé les explorations du Porcu- pine et du Ligthning, M. Gwyn-Jeffreys, fut chargé de venir à Bayonne se mettre en relation avec moi afin d'examiner tous les animaux provenant de la Fosse de Cap-Breton. Espèces du Nord, espèces méditerranéennes, espèces connues seule- ment comme fossiles, il eut tout entre les mains, il put tout examiner à loisir et prendre toutes les notes qu’il voulut pendant les quelques jours qu’il _ consacra à leur examen. Puis il exprima avec fran- chise son impression,et son expansion fut peut-être un peu exagtrée, en nous disant que ce qu’il 96 LA FOSSE DE CAP-BRETON éprouvait était de l'admiration, ajoutant qu'elle était en partie causée par cette remarque qu'il était surprenant qu'autant de choses aussi remarquables aient pu se rencontrer dans un espace aussi res- treint que celui de la Fosse. Ce qui résulta en plus de sa visite, c’est que nous nous plûmes et nous nous quittämes excellents amis. Quelque temps après, cette visite fut suivie de. celle de l'éminent professeur de géologie de l’uni- versité d'Oxford, M. Prestwich, qui était accom- pagné de celui de Cambridge, M. Hughes, du D' Evans, d’un colonel du génie et de deux autres géologues. Fig. 10, — Rhizopela irregularis. ms \P Fig. 11. — Mytilus luteus, supporté par son byssus implanté dans la vase, par 1019 mètres. 1 CHAPITRE Ill LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » LE GOLFE DE GASCOGNE I. — Le golfe de Gascogne. Nos opérations dans la Fosse de Cap-Breton se bornaient à quelques journées de dragages pen- dant chaque année. Il nous restait donc bien du temps pour en exécuter de moins dispendieux sur quelques points situés entre l’embouchure de la DE FOLIN. — Sous les mers. 2 98 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DÜ « TRAVAILLEUR » Gironde et celle de la Bidassoa. Et c’est ainsi que nous pûmes réunir les matériaux qui nous servi- rent à esquisser l'étude de la faune des côtes du sud-ouest. Sur le littoral si pittoresque des Basses-Pyrénées s'élèvent assez souvent de blanches maisons. Distancées les unes des autres, elles se détachent en points clairs sur les fonds bleus et violacés qui sont les chaudes nuances dont les derniers reliefs de la chaîne pyrénéenne se colorent. Réunies en groupes un peu serrés, on les trouve plus rapprochées des rivages, et alors elles sont habitées par des pêcheurs,’ descendants de cette race hardie de Basques riverains, qui, des premiers, affrontèrent les périls de la pêche de la baleine. Ils furent maîtres en l’art de les vaincre, après avoir acquis par une pratique dure et pénible une expérience qui a servi à établir les règles dont on use encore aujourd'hui pour donner la chasse, harponner, dépecer, réduire en huile les gigantes- ques cétacés qu’ils ne craignaient pas de combattre, quelque dangereuse que devenait souvent la lutte. Ces réunions d'habitations reluisantes de blan- cheur se sont élevées là où s’est rencontrée une petite plage ou quelque chose d’approchant, pente de la rive sur laquelle pouvait être halée l’embar- cation de pêche, au retour de la mer; et, dès les âges les plus reculés, leur situation les avait fait choisir, car autour d’elle on rencontre souvent des silex taillés, preuve qu'à l’époque où ces armes et LE GOLFE DE GASCOGNE 99 4 ustensiles étaient en usage, ces points étaient déjà choisis pour être habités. De génération en géné- ration, ces hommes de la mer se sont légué leurs engins, leurs méthodes, leurs traditions, et leurs villages n’ont pas changé de place. Un des plus pittoresques de ces ports, qui n’en sont pas, tant ils sont en l'air, on peut dire, sans abri et d'aventure, c’est Guethary, dont les mai- sons ont envahi peu à peu jusqu’au sommet de la falaise et qui se trouve situé entre Biarritz et Saint-Jean-de-Luz. Guethary fut un de nos quartiers de dragages préférés. Il nous plaisait d’y arriver vers la fin du flot. Nous y trouvions un vieux pêcheur tout prèt à pousser son canot à l’eau, nous y embar- quions notre bagage d’engins et d’ustensiles, et nous sautions dedans. Si la brise était favorable, la voile était établie; sinon, à l’aide des avirons, nous nous rendions sur les fonds que nous faisait connaître notre pêcheur, en nous donnant sur leur nature des aperçus toujours fort justes. Nous passions toute la marée de jusant et souvent une partie de l’autre occupés à draguer, et le flot nous ramenait au point où le canot reprenait son poste, - à sec sur la pente sablonneuse et assez haut pour que la mer ne puisse l’atteindre. Un jour, tout en halant sur la fune de la drague pour relever celle-ci, je parlai de la Fosse au vieux Basque. Ce que j’en dis excita en lui, paraît-il, un certain dépit, et il le manifesta par des propos assez 100 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » vaguement formulés. Il aimait mieux ses fonds, ses ruisseaux, comme il appelait les parties plus profondes que les autres et qu’il considérait comme des ruisseaux, parce qu’elles lui paraissaient sous forme de dépressions sinueuses s’allongeant sou- vent fort loin, et il voulait nous convaincre que nous devions y trouver mieux. | « Mais ce n’est pas aussi profond, » disions-nous. Alors s’animant : « Pas si profond! reprenait-il. Ah! vous en voulez des profonds, eh bien, jen connais qui le sont bien autrement que la Fosse, mais il faut une autre embarcation que la mienne pour y aller. Oui, j'en sais des ruisseaux où j'ai filé autrefois plus de 1200 mètres de ligne sans trouver le fond, et ce n’est pas bien loin d’ici. » Cette boutade pouvait dénoter quelque chose de sérieux, elle ne fut pas perdue. Seulement, comme il m'aurait fallu 2000 mètres de cordage pour pouvoir draguer par les profondeurs que signalait mon homme et que je ne les avais pas, je dus me borner pour le moment à prendre note de ce qu’il avait laissé échapper comme à contre- cœur, et presque jaloux de conserver pour lui la connaissance de ce point, enfin à réfléchir au moyen de me procurer 2000 mètres de fune. L’assertion du pêcheur de Guethary me reve- nant souvent à l'esprit, j interrogeai à ce sujet les patrons des caboteurs espagnols, tous pratiques des côtes du nord de la péninsule qui venaient LE GOLFE DE GASCOGNE JOI fréquemment à Bayonne; elle me fut confirmée par eux et aussi par les capitaines des bateaux à vapeur faisant un service d’escales dans les prin- cipaux ports du Guipuscoa, de la Biscaye, des Asturies et de la Galice. Ce fut ainsi que j’obtins la certitude qu’au fond du golfe de Gascogne, fort près de terre, on devait rencontrer des dépressions profondes ana- logues à celle de Cap-Breton. J'écrivis au Dépôt des cartes de la marine, afin de savoir si elles étaient connues, mais on me répondit qu’on n’en avait aucune idée. Je m'adressai ensuite au département hydro- graphique du ministère de la marine espagnole, et comme je parlai avec assurance des faits en ques- tion, en faisant remarquer l’importance qu'il y aurait à en constater l’exactitude, une enquête fut ordonnée par le ministre. Elle fut faite dans tous les ports par les autorités maritimes, et on ne peut plus gracieusement le procès-verbal m’en fut envoyé du ministère. Il résultait de l’interroga- toire qu’on avait fait subir aux pêcheurs et prati- ques de la côte l'affirmation qu’il existait entre les méridiens du cap Figuier et celui de la Estacca de Varres, non loin de terre, de très grandes profon- deurs, que, dans bien des localités, on les consi- dérait comme formant un canal, désigné sous le nom de canal ou vallée de la Pregoña, ayant comme maximum environ 1600 mètres de profondeur. Ce document avait une importance capitale, il 102 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » assurait l’existence d’abimes jusqu'alors non offi- ciellement soupçonnés et dans lesquels des recher- ches pourraient aisément être faites. C’était une occasion des plus favorables qui se présentait. Nous nous adressions donc à M. le ministre de linstruction publique, lui exposant les faits parvenus à notre connaissance et le priant de- remarquer l’immense intérêt que présenterait une exploration de ces grandes profondeurs. Nous insistions également sur ce point qu'elle ferait prendre enfin à la France une participation dès lors officielle à ces travaux de recherches au fond des mers, auxquels concouraient depuis plusieurs années les nations marchant comme elle en tête de la civilisation. Participation d’autant mieux indiquée que des explorations de ce genre ne pou- vaient être convenablement exécutées que par des bâtiments de l’État, et nous demandions que l’on voulût bien en accorder un. Nous le demandions pour la seconde quinzaine de juillet, fixant cette époque, parce que nous pouvions, d’après ce que nous avions observé depuis plusieurs années, pré- voir du beau temps à peu près fixe pendant cette période. En même temps que nous adressions notre demande au ministre de l'instruction publique, nous faisions connaître les faits qui la motivaient à M. H. Milne-Edwards. Grâce à sa bienveillante intervention, grâce aussi à l’académie de Bordeaux, ce que les Fonds de la mer réclamaient avec tant 2e PREMIÈRE EXPÉDITION OFFICIELLE 103 _ d’ardeur depuis plus de quinze années était enfin . accordé : il était décidé qu’une expédition offi- cielle aurait lieu. II. — La première expédition officielle est décidée. Toutes les démarches furent faites en avril; dès le mois de mai, ainsi qu’on le verra par l’extrait et la dépêche qui suivent, tout était réglé et en voie de préparation. | M. H. Milne-Eduwards à M. de Folin. Dès à présent, je puis vous annoncer que le ministre me charge, comme président de la commission des missions scientifiques, d’organiser avec vous une commission d’explo- ration, et il a obtenu de son collègue de la marine que, ainsi que vous le demandez, le stationnaire de Rochefort soit mis > à notre disposition pendant la seconde quinzaine de juillet, pour effectuer les dragages projetés. Mon grand âge ne me permettra pas de prendre part aux opérations de mer, mais je tâcherai de vous procurer les collaborateurs dont le concours nous paraîtra pouvoir être utile, et je désirerais avoir le plus tôt possible votre avis sur ce point. M. le ministre de la marine à M. le Préfet maritime de Rochefort. Paris, le 5 mai 1880. Monsieur l’Amiral, M. le Ministre de l'instruction publique m’a fait connaître que, depuis plusieurs années, M. le marquis de Folin, capi- taine de port à Bayonne, exécute dans le fond du golfe de - Gascogne, et notamment dans la Fosse de Cap-Breton, des | dragages offrant un sérieux intérêt scientifique. Des savants [O4 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » étrangers, MM. Gwyn-Jeffreys, A. M. Norman et quelques naturalistes ont manifesté récemment le désir de participer aux opérations que M. de Folin entreprendra en juillet: pro- chain. I] s'agirait à cette époque d’opérer des dragages dans la Fosse de Cap-Breton, dans ses environs, et, si cela est possible, dans les grandes profondeurs que des capitaines et pêcheurs espagnols assurent exister sur les côtes canta- briques et des Asturies, fort près de terre. En vue de fournir à M. de Folin les moyens d'explorer ces grands fonds situés par 800 brasses d’eau environ, M. le Ministre de l'instruction publique s’est adressé au départe- ment de la marine. Mon collègue m’a prévenu en même temps qu'il charge- rait une commission spéciale, présidée par M. Milne-Edwards, d'assister aux opérations. J'ai l'honneur de vous donner avis de ces dispositions et de vous informer que le Travailleur devra être mis à la dis- position de M. de Folin et de la commission, pendant la seconde quinzaine de juillet, pour leur donner les moyens d’effectuer leurs recherches scientifiques. Le Ministre de la marine, JAURÉGUIBERRY. Expliquons comment MM. Gwyn-Jeffreys et Norman devaient assister à notre exploration. En Angleterre on se préoccupait de plus en plus des preuves acquises et incessamment de plus en plus nombreuses de la connexité entre la faune méditer- ranéenne et celle de la Fosse de Cap-Breton, par suite de celle du golfe de Gascogne. Les points com- muns devenant chaque jour plus significatifs, les savants anglais voulurent voir, encore de plus près qu’ils ne l’avaient fait, ce que nos dragues rappor- taient. Et comme nous n’avions aucune raison de le leur cacher, que nous pensions que par leur pré- AR ner mn Ep TM nee 2 PREMIÈRE EXPÉDITION OFFICIELLE 105 sence ils consacreraient péremptoirement l’exacti- tude des faits, nous n’hésitèmes pas, aussitôt qu’il nous parut qu'ils en avaient le désir, à les inviter à assister à nos dragages de 1880, dans la Fosse de Cap-Breton. Enfin, sur notre demande, M. Milne- Edwards poussa la bienveillance jusqu’à les faire officiellement inviter à se joindre à la commission scientifique qu’il devait présider; il me pria de lui en désigner les membres et les fit nommer par le ministre de l'instruction publique. Il fut convenu que cette commission, composée de MM. Alph. Milne-Edwards, Léon Vaillant, Paul Fischer, Marion, Léon Perier, s’embarque- rait à Bayonne sur l’aviso à aubes /e Travailleur, qui avait été choisi pour opérer sur les côtes du Guipuzcoa, de la Biscaye et des Asturies. Aussitôt qu’il en reçut l’ordre, M. le lieutenant de vaisseau E. Richard, qui commandait ce bâti- ment, se mit immédiatement en relation avec nous, et, sans perdre un instant, entreprit l’œuvre d'organisation spéciale propre au service qu’on attendait de lui. Étudiant tout ce qui avait été établi et employé à bord des navires anglais, amé- ricains, suédois et autres, il fut bientôt très au courant des diverses méthodes en usage pour effec- tuer les recherches auxquelles nous allions nous livrer. D’instinct, il perfectionnait quelques-uns des engins indispensables, et leur fonctionnement amélioré prouva qu’il avait bien jugé l'efficacité de ses modifications. Sous son habile direction, 106 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » aidé par un état-major d'élite, chacun de ses off- ciers montrant le même désir du succès, la même ardeur à faire ce qu’il fallait pour l’obtenir, son bâtiment devint tel qu’auraient pu le désirer les plus expérimentés dragueurs en eaux profondes. M. Jeffreys, qui avait dirigé les opérations du Porcu- pine et du Valourous, eut la courtoisie de le recon- naître en arrivant à bord et de le proclamer à son retour en Angleterre au congrès de l’Association britannique. III. — Départ du « Travailleur ». Le 17 juillet 1880, à dix heures et demie du matin, le Travailleur larguait les amarres qui le retenaient au quai de la place d’Armes à Bayonne et descendait l’Adour. Un peu avant midi nous franchissions la barre. La barre, mot terrible autrefois, dont il reste injustement encore quelque chose, la barre de Bayonne. Il nous souvient du terrible tableau qui nous en était fait, à bord du vaisseau-école, par maître Franco, ce type du maitre de manœuvre, un des derniers du genre qui a disparu aujourd’hui. Il était venu à Bayonne — peut-être en était-il — du temps où l'arsenal de cette ville fournissait : encore quelques bâtiments à la flotte. Ses descrip- tions de cette terrible chose, la barre, étaient faites pour frapper; il nous la dépeignait comme tenant 2 | Pe- DÉPART DU « TRAVAILLEUR » 107 des effets d’un cataclysme, répandant l’épouvante . et la destruction sur tout ce qui en approchait. Selon lui, malheur au navire qui se trouvait à sa portée, il l’attirait et l’abimait sous ses immenses vagues d’eau mélangée de sable. Son récit était positivement terrifiant, et nous comprenons fort bien que de semblables descriptions, faites par des marins venus à Bayonne et qui exagéraient peut- être un peu par vanité les périls qu’ils croyaient de bonne foi avoir courus en franchissant la barre, aient fait à ce port une aussi terrible réputation. Il est certain que lorsque, de terre, on voit s'élever ces lames monstrueuses de hauteur, qui s’avancent mugissantes jusque sur le point diff- cile, pour s’y abattre en déferlant presque verti- calement avec un horrible fracas, un tel spectacle vous saisit. On ne peut s'empêcher de ressentir une vive ‘épouvante, en songeant à ce qui se pas- 4 2 . 2 4 S 2 ñ : serait sur un navire, poussé par elles, engagé et tourmenté par ses tourbillonnements, étreint par ses masses, soulevé par son mouvement d’ascen- sion, puis retombant avec la volute qu’elle produit en déferlant. Mais elle n’est pas toujours en sem- blable état, et ce qui change tout à fait la situation d'autrefois, c’est que les difficultés qu’elle présen- tait ont à peu près disparu. D’une part, de remar- quables travaux ont servi à atténuer ses violences; puis c'est que si, au vieux temps, les voiles n'avaient comme auxiliaires pour franchir la barre que les embarcations des lamaneurs, elles ont . 7 Ë 108$ LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » aujourd'hui la vapeur, et qu’avec un puissant re- morqueur les difficultés disparaissent, à plus forte raison s’il s’agit d’un bâtiment à vapeur. La mer s’ouvre toute large devant le Travailleur, mais ce n’est point vers l’ouest que nous avons affaire. Sur bâbord nous restent le mont Jaïz-. guibel avec la Bidassoa, Fontarabie et le cap Figuier à ses pieds, puis l’entrée du Passage et la côte du Guipuzcoa. C’est dans cette direction que nous faisons route, car c’est par là que nous de- vons rencontrer le point signalé par notre pêcheur de Guethary. A 1h. 59, le commandant fait stopper; nous jetons un coup d'œil en arrière et nous aper- cevons les terres françaises, qui commencent à s’estomper. Les contours des collines qui des rivages s’élèvent graduellement vers les massifs de l'Oursouïa, du Mondarrain et d'Hartzamundy, tendent à s’effacer, pour se noyer dans un fond de vapeurs bleues; encore quelques instants et elles se confondent dans un tout d’une teinte violacée sur lequel se détachent cependant fort distincte- ment les flèches de la cathédrale de Bayonne. Le panorama est vraiment splendide et mérite qu’on s'arrête à l’admirer. Nous allons sonder, et cela avec le fil d'acier, la corde à pianos, dont 6000 mètres sont enroulés sur un petit touret armé d'un compteur. C’est une épreuve, car rien de l'outillage n’a encore été essayé. Il se déroule parfaitement, et le sondeur DÉPART DU «( TRAVAILLEUR » 109 ; est arrivé au fond : le fait est constaté avec la - plus grande précision, aussi bien par l’arrêt subit du déroulement que par la secousse que reçoit l'appareil en touchant le fond et qui se transmet instantanément à bord, avec une incroyable net- _teté. Le compteur accuse 420 mètres. Le sondeur, rendu à bord, rapporte dans la vase que renferme le godet un assez grand nombre de _ petits Crustacés, des Mysis. Le fait est assez remar- quable; la capacité du récipient étant fort res- treinte, il faut qu'il y ait sur le fond une grande abondance de ces animaux; de plus il est encou- rageant. Un premier dragage est décidé, à 3 h. 35; on mouille une drague en filant 600 mètres de fune; elle reste à l’eau pendant 1 heure, et à son retour à bord il est aisé de voir qu’elle n’a pas touché _le fond. Un second sondage est exécuté : cette fois il _ indique une profondeur de Io19 mètres. Ce chiffre nous indique d’abord que nous avons trouvé ou à peu près le point que nous cherchions; ce qui me rassura, car le premier métrage avait été reçu avec quelques sourires; le doute avait com- mencé à s'emparer des esprits, qui ne pouvaient se faire à l’idée que des abimés existaient en vue de terre. Il expliquait également ce qui nous était arrivé; pendant l'intervalle qui s'était écoulé entre . le premier sondage et la mise à l’eau de la drague . nous avions dépassé le fond de 400 mètres et IIO LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » l’instrument avec 600 mètres de fune était resté suspendu à 419 mètres du fond. A 4 h. 48, la drague est immergée de nouveau avec un poids de 100 kilogrammes fixé à 200 mè- tres en avant d'elle; on file 2000 mètres de fune. À 5 h. 42, on commence à la relever, elle se retrouve à bord à 7 h. 45, et cette fois elle est si pleine que la vase en déborde. Mais la nuit est venue, nous faisons route pour aller coucher en rade de Saint-Sébastien. Pendant ce temps on vide le contenu de la drague dans des bailles. Le lendemain, de fort bonne heure, tout le monde est debout, pressé de voir ce qui avait été ramené du fond. On s’empresse de procéder au lavage et au tamisage de la vase. Le premier animal qui se présente est une Calveria. Singulière particularité, ce genre si cu- rieux d’Échinide, trouvé pour la première fois à bord du Porcupine, fut dédié au capitaine Calver, qui le commandait. Celui que nous venons de rencontrer paraît appartenir à une espèce nouvelle; ceci nous permet de donner lieu à un heureux rapprochement, en dédiant les prémices de nos récoltes au capitaine du Travailleur. Ce bel animal fournira ainsi l’occasion de réunir scientifiquement les noms des deux marins qui auront commandé, l’un l'expédition anglaise, l’autre l'exploration fran- çaise, puisque l’organisme portera les noms de Cal- veria Richard. = Nous avions lieu de nous féliciter : on aurait AR s 174 % LM EN 4 . | _ LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN III pu dire que nous étions servis à souhait, car bien d’autres espèces inédites se montrèrent. | Un Mollusque surtout fort remarquable mérite une mention particulière. Il fut d’abord pris pour le Mytilus incurvatus par M. Jeffreys, mais c’était bien une espèce nouvelle, et des plus belles, qui porte aujourd’hui le nom de Mytilus luteus (fig. 11). Indépendamment des brillantes couleurs de son épiderme, il montrait un byssus fort particulier sus- ceptible en s'épanouissant de former une base assez large qui s'implante dans la vase et qui supporte le mollusque en dessus d’elle, exactement comme un chevelu de racines pour certaines plantes. IV. — La côte aux environs de Saint-Sébastien. Le 19 au matin, nous reprenons la mer; c’est > D _ peut-être un peu trop dire, car nous ne nous éloi- gnons guère de la côte. Est-ce en effet prendre la mer, lorsqu'on ne perd pas la terre de vue? À 6h. 35, nous trouvions le fond par 331 mètres. Les fils de fer au moyen desquels les poids destinés à alourdir le sondeur sont maintenus y attenant jus- qu’à ce qu il ait atteint le fond et ne s’étant pas déca- - pelés, l'appareil revient à bord avec sa surcharge. : LL ‘ À 7 h. 20, la sonde n’accuse plus que 224 mètres; fond de sable vasard de couleur jaunâtre. Nous obtenons successivement 573 mètres, 374, 618, 995. - . À ce brasseyage, on mouille la drague en filant 112 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR : 1250 mètres de fune. Nous nous apercevons aisé- ment qu’elle a rencontré un fond très inégal sur VEN, Se) lequel elle travaille péniblement; les tensions de l'accumulateur, les secousses brusques que reçoit le treuil de déroulement accusent parfaitement tous les efforts que fait l'instrument. À 3 heures du soir, on le rentre à bord, ne con- tenant guère que le cinquième de sa capacité; mais, sur ce fond dur, nous avions recueilli pas mal d’ani- maux nouveaux pour la faune du golfe, aussi bien que plusieurs espèces inédites. A 4 h. 15, ayant sondé, nous nous trouvons par 1670 mètres. Nous dépassions déjà le maximum indiqué comme profondeur des dépressions. Cette fois on fixe, sur une ligne de sonde en chanvre, des fauberts, des balais de bruyère et on file pour en faire l’essai. Cet appareil, rentré à bord, nous apporte des Crustacés, des Échinides et une énorme quantité d’un Rhizopode Arénacé rameux, le Rhab- dammina (fg. 12), qu’il est bien difficile de dégager des filaments des fauberts, ceux-ci en retenant les branches enchevètrées. Celui que nous trouvons. ainsi appartient à une nouvelle espèce. A 10 heures du soir on sonde encore une fois; le fond est à 490 mètres; c’est la dernière opération de la journée. Le 20, à 1 h. 30 du matin, — on doit remarquer que le commandant Richard ne donnait guère de repos aux instruments, — par 43° 31' 5” de lati- tude N. et 5° 9° 25” de longitude O., la sonde 4 1 ie oi west VPMRAUEVES LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN II3 accusait 123 mètres. À $ h. 20, nous nous trou- vions par 43° 36° 45” lat. N.et s° 23! $” long. O.: la profondeur est de 703 mètres. Un peu plus d’une heure après, par 43° 41' 15” lat. N. et s° 22! long. Fig. 12 et 13. — ARÉNACÉS. Fig. 12. Rhabdammina À bys- Fig. 13. Rhabdammina sorum, Sats. major, de Folin. O., nous arrivions sur des fonds bien autrement bas situés et qui distançaient considérablement ceux - qu’onnous avait indiqués : nous nous trouvons par - 2450 mètres. La position de ce point n’est peut- - être pas parfaitement déterminée, la terre était - embrumée, et elle n’a pu être obtenue que par un seul relèvement et par l’estime. À 10 heures, c’est un peu plus bas encore que se trouve le fond : nous trouvons 2651 mètres. DE FoLiN. — Sous les mers. 8 TÉL EX PREMIÈRE CAMPAGNE DU &« TRAVAILLEUR » À 10 h. 22, on mouille la drague et on la laisse travailler jusqu'à midi 55. À ce moment, on commence à-la relever; 2900 mètres de fune avaient été filés sur la grande drague et 3000 sur une petite qui avait êté mise à l’eau un peu après la première. Un poids de 75 kilogr. était placé à 100 mètres de celle-ci et un de 40 à 20 mètres de la seconde. À 3 heures, ces en- ginsrentraient à bordnousrap- portant une belle récolte d’es- pèces intéressantes et d’ani- mauxencoreinconnus,aunomr bre desquels un curieux Rhï- zopode Globigérinacé (fig. 14). & 4 Parmi les Crustacés, il en est " quelques-uns qui sont aveu- À oles. 4 # Ash.rsdusoir,par43°30! Fig. 14. — Globigéri- lat. N. et 5° 37' 35° long-O., < nacé : Rheophaxopsis nousavonsremontéunepente; elegans, de Folin. ; S É ce qui le montre c’est que la profondeur n’est plus que de 984 mètres. 3 Nous nous dirigeons sur Santander. Vers 9 heures F et demie, la nuit étant assez obscure, un pêcheur, se donnant comme pilote, nous accoste et monte à bord. Le croyant sur parole, le commandant se fie « à lui et le laisse diriger le navire. Qu'il fût incapable £ ou qu’en raison de lobscurité il ne pût reconnaître « les remarques, le maladroit nous échoue sur un des « bancs de sable qui rendent assez incommode le Æ # PAST 0 Re. - - QE = FR. d LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN II5 chenal conduisant au mouillage. L'événement ayant eu lieu en jusant, nous sommes forcés d’at- tendre que le flot ait fait suffisamment monter l'eau pour nous renflouer ; nous demeurons donc sur ce point une bonne partie de la nuit; mais comme c’est sur un fond de sable très mou que le bâtiment s’est arrêté, il n’en souffrira aucunement Un pilote de bon aloï est venu remplacer le pêcheur, et vers 3 heures du matin nous étions en rade, bien mouillés. 21 juillet, repos, c’est-à-dire que les grandes opérations sont suspendues; mais, avec les embar- cations, quelques dragages s’exécutent sur plu- sieurs points de la baie. Parmi nos captures en Mollusques, nous rencontrons quelques espèces méditerranéennes , le Cyclops neritoides , entre autres, non encore signalé dans l'Océan. 22 juillet, nous reprenons nos travaux au res a 2h 53 "du soir, par 43° 43! lat. N. - et 6° 2' long. ©., la sonde nous indique une profondeur de 1006 mètres. À 4 h. so, nous étant rapprochés de terre d'environ 4 à $ milles, nous trouvons 225 mètres. À 6 heures, la latitude étant de 43° 46! 10” N. et la long. de 5° $9' 10" O., le fond est situé bien plus profondément; la sonde accuse 2708 mètres. La drague avait êté mouillée à 5 heures et demie en filant 2950 mètres de fune. Elle arrivait sur le fond à 6 h. 45. On la - laisse en travail jusqu’à 7 h. 47; puis on procède à son relèvement; elle était à bord à 9 h. 25. En 0 PP DOME OP ATEN N'7R 116 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » moins de 2 heures, l’opération était terminée. Une petite drague mouillée en même temps que la grande par la hanche de bâbord, avec 3500 mètres de ligne de sonde sur laquelle étaient placés des fauberts, se retrouvait à bord environ 20 minutes après la première. Ni l’une ni l’autre n’avaient labouré le fond. Assurément nous avions traversé une dépression de beaucoup plus profonde que les points sur les- quels la sonde s’était reposée, et lorsque la grande drague avait atteint le fond, ce qui avait été cons- taté, elle n'avait pas tardé à le quitter, parce qu'il s'était enfoncé plus profondément. Nous n’eûmes donc ici que des regrets à exprimer, au lieu des expressions joyeuses qui d'habitude accompagnaient la découverte, dans l’engin, de formes inusitées. Le 23 juillet, à 3 h. 30 du matin, nous trouvant par 43° 38! de lat. N. et 6° 29’ 50” de long. O., sondé, le fond se trouve par 1204 mètres (vase). A sh. so, ilest plus bas situé; on trouve 1353 mètres. En remontant le fil d'acier, il se rompt; on en perd 100 mètres avec le sondeur. À 4h. $, on avait mouillé la drague eton avait filé 2000 mètres de fune; elle arrivait sur le fond à s h. 7; elle y travaille jusqu'à 6 h. 55 et se trouve de retour à bord à 8 h. 35. Il avait donc. fallu 1 h. 39 pour faire rentrer les deux kilo- mètres de cordage à l'extrémité duquel elle étai fixée; la vitesse du dragage avait été d’un nœud. La petite drague avait également opéré avec ses AE Pro FE, _— UT QUE PR NE rs D MNT UN DU | : AL At NEA (ie ASE af À d'os Les SU RS >: È Lo “ 2, RE LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN 117 fauberts. Comme résultat, même intérêt que pré- cédemment, beaucoup de sujets qui se montrent pour la première fois et parmi eux un Flabellide rappelant une forme des Antilles récemment décrite par M. de Pourtalès. | À 9h. 25 du matin, la latitude étant de 43° 35° 20” N. et la longitude 6° 25' O., sondé, trouvé 1107 mètres (vase). Le temps est beau; cependant les terres élevées des environs de Gijon et du cap Peñas sont légèrement embrumées. Les montagnes neigeuses des Asturies montrent quelques cimes perçant les bandes de vapeur qui couronnent la côte. Les teintes roses et bleuâtres, dont elles sont colorées, nuancées en tons harmonieux, se déta- chent à peine de l’azur du fond du ciel, tandis que par échappées quelques rayons de soleil, dorant les plages et les rochers des rivages, donnent au spec- tacle une fraîcheur et un éclat ravissants. Une mul- titude de bateaux — nous en comptons plus de cent trente portant une élégante voilure — sont dispersés autour de nous, courant dans toutes les directions. Ce sont des pêcheurs de thon. Leur grand mât très incliné sur l'arrière, leur misaine de deux tiers plus petite que la grand’voile, les longues gaules sur lesquelles sont genopées les lignes de pêche leur impriment un cachet particu- lier, bien que leur type appartienne à toute la côte du nord de l’Espagne. Vers 10 heures, un baleinoptère d’assez grande taille se montre inopinément, à fort peu de distance I 18 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU «( TRAVAILLEUR » du Travailleur ; notre voisinage ne paraît nullement l’effrayer ; il plonge plusieurs fois, se relève pour souffler, et ne s’éloigne que lentement en nous passant sur l'avant. À 10 h. 15, on mouille la grande drague, qui arrive sur le fond à 11 h. 10. La petite est également mise à l'eau; l’une et l’autre travaillent avec une vitesse d’un nœud résultant de la dérive. . Nous voyant stoppés, un des bateaux de pêche des plus rapprochés de nous, supposant que nous avons éprouvé quelque avarie, nous accoste pour nous offrir ses services. Le commandant le remercie en l’assurant que nous n’avons besoin de rien; il s'éloigne, mais patron et matelots demeurent fort intrigués de ce que nous faisons là. Leur étonne- ment est facile à voir. La drague fonctionne d’abord parfaitement, puis tout à coup l’accumulateur dénonce une tension fort considérable; le treuil de déroulement, sur lequel la fune reste amarrée, reçoit un choc qui l’ébranle; cependant l’un et l’autre résistent, l’ap- pareil pare l’obstacle. Il aura rencontré une tête de roche, une épave peut-être, et pendant un instant il est demeuré arrêté. À midi on commence à relever, et à 1 h. 14 les dragues sont à bord. Une heure un quart de remonte, c’est bien aller. Cette rapidité est d'autant mieux appréciée que les ins- truments rentrent complètement pleins. Cette fois nous avons capturé un poisson d'es- pèce particulière aux grands fonds; à première vue nes ira sn aue ne Press sn , an tb de. side at colis dé En 6 mc TAN on die ar tes phauts PAST are ni LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN 110 elle paraît nouvelle. Indépendamment de cetté bonne prise, nous avons une abondante récolte en Crustacés, Échinides, etc., et encore des espè- ces inédites. A2h.35, par 43° 38" 30” lat. N. et 60° 31’ long. O., le fond ne se trouve plus qu’à 163 mètres, et il est constitué par du sable mêlé de débris de coquilles; nous passons donc des sommets aux vallées, et traversant celles-ci nous remontons vers de nouveaux sommets. En effet, à 3 h. so, nous obtenons à la sonde 321 mètres; on mouille la petite drague sur ce point, elle ramène des animaux appartenant à la faune des zones littorales. Quelque intéressante que soit la récolte, elle ne nous impressionne pas autrement que pour remarquer quil n’est pas nécessaire pour obtenir ces espèces d'employer un bâtiment de l'État, et malgré l'attrait qu’il y aurait à renouveler pareille pêche, on reconnaît unanimement que le Travailleur ne doit draguer que sur les fonds à grandes profondeurs. À 6h. $5 du soir, la sonde accuse 600 mètres. A7h. 47,nous ne trouvions plus que 190 mètres. A 8 h. 30, nous retombons à 201 mètres, fond de sable. À 9 h. 30, 232 mètres; ce sont des roches. A 10 h. 47, 167 mètres; sable et gravier. À 11 h. 30, 167 mètres. Le Travailleur a donc couru pendant une heure sur un plateau qui se prolonge vers l’ouest. En effet, le 24, à 1 h. 20 du matin, le son- . deur ne descendait encore qu’à 167 mètres, rap- 120 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR * portant également du sable et du gravier. À 2h. 35, avec une différence de 9'en latitude nord et de 25! en longitude ouest, le fond, qui a légèrement changé de nature, ne se trouve plus qu’à 152 mètres. À 3 h. so, de 5’ plus au nord et de 9” plus à l’ouest, la profondeur est de 160 mètres. À 4 h. 40, elle est de 176 mètres; à 8 h. 17, de 140 mètres. À 10 h. 15, la sonde retrouve 396 mètres. D'après la position des points de sonde, on peut croire que le plateau s’étend vers le N.-O. Re- connu jusque dans le N.-E. du cap Peñas, il est immédiatement nommé plateau du Travailleur. C’est entre lui et la côte que doivent se trouver les dépressions indiquées par les pêcheurs espagnols sous le nom de canal ou vallée de la Pregona. À 2 h. 30, après être revenu dans l’est, nous nous trouvons dans le nord de Saint-Vincent de la Barquera, petit port de la côte des Asturies. La sonde nous apprend que sur ce point il ya 1495 mètres, fond de vase. On mouille les dragues à 4 h. 25, par 1190 mètres; elles travaillent en vue des terres avoisinant Liencres et sont de retour à bord à 7 h. 25, complètement pleines. Il s’y trouve d’intéressants Crustacés, entre au- tres l’Amathia Carpenteri, qui fournit à M. Alphonse Milne-Edwards loccasion de rectifier la classifica- tion de cet animal; désormais il devra être rangé dans une nouvelle division générique, qui réunira en un genre commun l’Amaihia Carpenteri et la Scyra umbonata, sous la dénomination de Scyramathia. " ” séx U ac) se r La 1 + 6 he tac M rl ed, dE nina bé ile dites dock dd ile ddl dd db 4 dd éaug G RME donnent rt au démon mg à Re A Dia sn 0 LA CÔTE AUX ENVIRONS DE SAINT-SÉBASTIEN 121 De nombreux Mollusques, beaucoup de Géphy- riens et, autant qu’on peut en juger à première vue, de nouvelles espèces de Phalcolosoma; d’Aspidosiphon et de Sipunculus. De magnifiques exemplaires de Cidaris, de Procidaris, de Brisopsis, d’Archaster, d'Astropecten, de Calveria, et, brillant par-dessus toutes ces formes brillantes, de splendides Bri- . singas. Malheureusement la fragilité des membres de cet animal ne peut résister aux efforts qu’excite Pirritation qu’il éprouve lorsqu'il se sent embar- rassé et gêné dans ses mouvements; au lieu de céder à la contrainte, il se brise, et l’on ne trouve plus dans la filasse des fauberts ou dans la vase de la drague que des individus mutilés. Le disque central s’est débarrassé de ses longs bras épineux mesurant 50 à 60 centimètres; il demeure de son côté, tandis que les bras restent accrochés par les nombreuses pointes qui les hérissent et qui ren- dent très difficile leur extraction des fauberts. Ajoutons à ce butin, déjà bien riche, une belle espèce de Paracyaius, des Rhizopodes, des Spon- giaires variés. C'était assurément notre plus beau coup de dra- gue. Aussi avec quel empressement chacun cher- chait-il à retirer ces animaux des entraves qui les emprisonnaient, s’eflorçant de débarrasser d’abord ceux qui semblaient les plus beaux, chose difficile; il y avait à compter avec l’embarras du choix. On ne peut guère se figurer la surexcitation que tous éprouvaient, commandant, commission, officiers, 122 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU € TRAVAILLEUR » équipage : c'était bien une sorte d'ivresse; on proclamait ce que l’on trouvait, et les annonces se croisaient en tous sens et sur tous les tons; les exclamations s’accentuaient de plus en plus. « Oh! quel Crustacé! | — Un Mollusque magnifique! — Un poisson, oh! un poisson! — Quelle splendide éponge ! quelle belle Anné- | hdetr | | — En v’la-t-il un Chancre! s’écriait un matelot. — Et ct’ étoile! » disait un autre. Puis c’étaient des allées et venues sur le gail- lard d’arrière, où étaient dressées des tables de travail, sur lesquelles les préparations des sujets pour leur conservation s’opéraient. Une fiévreuse activité animait tout le monde à bord; on ne ces- sait de s'adresser des félicitations, comme si l’évé- nement le plus heureux pour la patrie venait d’avoir lieu. C’est que nous étions bien tombés; l’état- major du Travailleur s'était franchement associé à nous; il s’était si rapidement intéressé à nos re- cherches que les mêmes satisfactions étaient par- tagées par tous. Puis, ce qui du reste est facile à comprendre, à l’exemple de leurs officiers, les matelots eux-mêmes s'étaient bientôt accoutumés à prendre leur part des joies que causait un heureux coup de drague. Pendant ce temps-là, le bâtiment faisait route pour Sandander et mouillait sur la rade vers onze heures du soir. un ete ne dan LE a Sd dd Li LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 123 V. — La côte près de Santander. Dimanche 25, séjour à Santander. Nous faisons une visite au marché au poisson; de nombreuses et belles espèces étalent leurs brillantes couleurs sur les tables où elles sont rangées. Ce sont surtout les Girelles aux nuances coquettes qui charment l'œil. Il est bien clair que le poisson abonde sur cette côte, aussi bien que les Crustacés et les grands Mollusques. Nous avons vu là des Langoustes d’une taille énorme, des Cancers, des Tritons, des Ranelles, des Buccins, des Cardium et des Pecten, dont les uns étaient vendus comme comestibles, tandis que d’autres l’étaient comme objets curieux ; parmi ceux-ci se trouvaient divers Polypiers. Le 26 juillet, nous sortons de Santander faisant route pour nous écarter quelque peu de la côte, avant de reprendre les opérations. Le temps est magnifique; nous voilà de nouveau entouré par de nombreux pêcheurs courant à toutes les aires de vent; ils animent et égayent le splendide _ tableau que nous avons sous les yeux. Une mer d’un beau bleu, de laquelle s'élèvent des terres, finement mais nettement dessinées et dont les accidents se distinguent facilement. Colorées en teintes délicates, leurs masses s’harmonisent avec celles du ciel et des eaux entre lesquels elles s’in- » terposent. Vers le sud, c’est un vaste panorama 2 ui se déroule sous nos veux, s’effacant peu à peu 2 y 124 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEURD bien au loin dans l’est et dans l’ouest. Il nous - montre les caps Mayor, Quintres, Ajo, Quexo, les pointes élevées de Sonavia, celles qui désignent « l'entrée de Santorña : tels sont les principaux points qui occupent la partie centrale de cette longue étendue de côte; ce sont donc ceux dont les détails . se perçoivent le mieux. De tels spectacles ont été décrits bien des fois et cependant ils sont vraiment si beaux, ils frappent si vivement l'esprit, quand on est assez heureux pour en jouir, qu'on se sent entraîné à en parler malgré tout. À 3 h. 37 du soir, la sonde nous apprend que le fond se trouve à 1910 mètres. On mouille la drague à 4 h. 30; à $ h. 50, elle touche.le fond. En ce moment, la sonde donne 1960 mètres; à 7 h. 29, on commence à relever l’appareil, et dans un peu moins de 2 heures les 2600 mètres de fune qui avaient été filés sont de retour à bord. Comme d'habitude, la récolte est des plus variées; nous y trouvons de précieux échantillons en Crustacés : parmi eux se distingue un nouveau type de Gala- thea, dont les yeux se sont transformés en épines, des Amphipodes, Tysanopodes, Tanais, etc., des Mollusques, des Échinides, dont un Pourtalesia, des Pennatulides; enfin des Spongiaires des genres Farrea et Holtema. La petite drague, qui avait été mouillée sur une ligne de sonde, est perdue avec 2000 mètres de celle- ci, les thermomètres Miller-Casella et les engins fixés sur elle. US DUT AE nr ARTE TUE NTS da is fat Es nc rit ei) pbs à sde ue): dé ni aédaué bed data ee d'ou aies CES de ns ch vérités it Lu ds: > MSN LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 25 À 9 h. 25 du soir, on procède au quarante- deuxième sondage, qui donne comme résultat une profondeur de 1300 mètres. À 10 h. 30, le fond n'est plus qu'à 124 mètres, et à 11 heures à 203 mètres. Le 27 juillet, à minuit 40, 149 mètres ; à 1 h. 40" du matin, 124; à 3 heures, la crête se trouve fran- chie. La sonde retombe à 1214 mètres; mais, à 4h.18",ilny en a plus que 630; 1100 à $ h.34"; ah 2"; 31328 h.47 1207 à 9 h: 4: BéRauoh:13",et33$Sà 15h. 20. Q À 10 h. 32, une grande drague à châssis avait été mouillée; relevée, elle arrive jusqu’à la sur- face de l’eau. On est à même de constater qu’elle est bien pleine; la joie éclate ; mais, avant que le palan qui doit la soulager pour l’embarquer ait pu être croché sur elle, un fort coup de tangage lui fait éprouver une violente secousse; elle émerge en partie; puis, lorsqu’elle retombe, la fune se casse et tout retourne au fond, bien perdu. Ainsi qu’on le voit, à ce métier-là, comme en tout autre, il y a heur et malheur. Cette perte nous consterne et nous nous prenons à supputer ce qu’elle devait assurément nous rapporter de merveilles non encore aperçues, les plus beaux spécimens de la campa- gne, des trésors que l’on ne retrouvera jamais, un inconnu qui demeurera tel. Les regrets ne s’effacent même pas au retour de la petite drague, qui cependant revient avec de bonnes espèces. Dans les fauberts qui y étaient 126 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR Ÿ annexés se trouvent un grand nombre d’individus de PEchinus elegans. | À 2 h. 32" du soir, la sonde ayant accusé 1081 mètres, on mouille la plus grande des dragues sur une fune neuve de 55 millimètres de circonfé- rence dont on file 1500 mètres; une petite drague est également envoyée sur le fond. Cette fois les résultats sont peu satisfaisants; cependant un Anfe- don Sarsii est recueilli. C’est le premier reprèsen- tant du groupe des Crinoïdes que nous capturons. Un Jsidien, avec ses zoaires vivants, fait également partie du maigre butin. À 4 h. 2, à la rentrée de l'appareil, la sonde indique une profondeur de 960 mètres; à 7 h. 3", 900 mètres. La drague avait été immergée à 6 h. 20; elle rentrait à bord à 9 heures. On y trouve de nombreux Pféropodes, des Échinides, quelques Mol- lusques et un second exemplaire d’Antedon Sarsii. À 10 heures du soir, on trouve le fond par 2021 mètres. Le 28, à 1 h. 30 du matin, il n’est - plus qu’à 1200 mètres; à 3 heures, la sonde n’accuse que 915 mètres. À 4 h. 40, nous avions atteint la crête de la pente sur laquelle nous avions remonté toute la nuit à partir de la grande profondeur ren- contrée la veille. Nous trouvions en effet 176 mè- tres et le sondeur dénonçait des roches. À $ h. 30, le fond: est à 217 métres/wases 6 h. 25", 166 mètres, sable ; à 7 h. 7", 730 mètres, vase. À 7 h. 27, on mouille les appareils; ils par- viennent sur le fond à 8 heures et y demeurent | | | Ë ê À à 3 + L. 2 % : Ë ? 1 a fe 8 th " LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 127 travaillant jusqu’à 9 heures et quelques minutes; pendant ce dragage, à 8 h. 17, la sonde donnait 677 mètres. ue Après 45 minutes, employées à relever les engins, ils rentrent : les résultats de l’opération sont on ne peut plus satisfaisants. Parmi les Crustacés se trouvent plusieurs exem- plaires de Munida tenuimana, ce Galathien dont les yeux énormes et phosphorescents, comme deux lanternes, illuminent les espaces que parcourt l'animal dans ces abîmes qui ne s’éclairent d’au- cune autre lumière que celle que produisent quel- ques-uns des animaux qui y vivent. Sujet de con- jectures et de perspectives qui font rêver au moyen d'éclairer ces milieux afin de contempler sur place une faune dont la drague ne nous donne qu’une idée, excitant le désir. Ce Crustacé n’est pas seul; il est accompagné de Dorynchus Thompsoni, de Scy- ramathia Carpenteri, de fort beaux Geryon tridens, de Cumas et d’autres encore. Mais la capture capitale de ce dragage est un Crustacé rostré en avant et en arrière, de la plus magnifique couleur pourpre; c’est le Gnathophau- siu zoea (fig. 15), espèce qui n'a encore été trouvée que par le Challenger, à 2000 mètres de profondeur, dans le voisinage des Açores et près des côtes du Brésil. | En Mollusques, nous recueillons de nombreux Lamellibranches, des Gastéropodes, des Ptéropodes. Quelques Annélides, des Échinides, dont les plus 128 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU € TRAVAILLEUR D remarquables sont Brisinga coronata, Echinocyamus typicus. Les Coralliens sont représentés par deux - espèces d’Isis, les Actinies par des Edwardsia et : des Bunodes d’espèces nouvelles; les Spongiaires « fournissent des Holtenia et des Hyalonema. 1 Es Fig. 15. — Gnathophausia 70ea, Wilmæs Sulsm. À 10h. 17 du matin, sondé, trouvé 813 mètres; vase molle; il est 10 h. 33 lorsqu'on mouille les dragues; elles rencontrent le fond à 11 h. 15; on les relève après 3$ minutes de dragage ; elles sont - donc de retour à bord à 1 h. 10. Inscrivons comme résultat sommaire de lopéra- tion : Pentacheles sp. (?), Geryon tridens, Munida tenui- mana, Dorynchus Thompsoni, des Cumacés, des Am- phibodes et autres; en Mollusques, bon nombre de Lamellibranches, de Gastéropodes et de Ptéropodes ; comme Annélides, des Gephyriens, des Chetopodes, LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 120 # F _ 4 +. - un Chetoderma de nouvelle espèce; les Échinides 20 une Holothuria inédite, un magnifique, mais unique exemplaire d'Ophiuride de très grande taille, type tout à fait nouveau; enfin un très grand nombre de Foraminifères. RS = TS LL F SSSR SSSR & SERRE D: ù d à > Fig. 16. — Trioxeia Ediwardsi, de Folin. À 2 h. 40, on proclame 1160 mètres accusés par la sonde. Cette fois on emploie un système d’engins réunis; quatre petites dragues sont disposées sur une vergue ayant $ mètres de longueur, et entre chacune d’elles on garnit de fauberts l’espace demeuré libre; aux bouts de vergue, on fixe des poids en fonte et on y ajoute des balais de bruyère. La disposition de cet appareil avait èté imaginée DE FoLIN. — Sous les mers. 9 A 27) 4 date à rc D La EX M bail ci) santé LE EE RE nn EE Sas ” Vers t LEE L A 130 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU & TRAVAILLEUR » pat M. Richard, qui sans relâche s’occupait d'ap-. - porter quelques améliorations aux méthodes em- ployées. Celle-ci réussit parfaitement; les dragues revinrent pleines sans s’être immédiatement enfon- cées dans la vase; elles purent en glissant labourer la surface sans être gènées par les fauberts, qui de leur côté balayèrent les points sur lesquels les dragues ne portaient pas; en somme le système nous rapporta de très nombreux spécimens. D'abord deux poissons très remarquables; l’un des deux avait, en arrivant, les yeux démesurément gonflés, résultat de la différence entre la pression du fond et celle de la surface. De beaux Crustacés, des Mollusques, des Annélides, des Échinides, des Zoophytes, des Rhizopodes réticulaires, Trioxeia Edwardsi (fig. 16) et Dioxeia Richardi (Gg. 17), entièrement composés de fragments de spicu- les, etc. Nous nous abstenons de nommer ceux qui furent tout d’abord reconnus; la liste en serait trop longue et sans grand intérêt pour notre récit, puisqu’elle doit trouver sa place ailleurs. | A 2h. 32, la sonde ne donne plus que 306 mè- « tres. On prépare le grand chalut; nous n’avons pas encore essayé de cet engin. Comme on peut le remarquer, rien n’est négligé pour obtenir l’explo- ration des fonds aussi parfaite qu’il est permis de pouvoir le faire, car il faut bien se résigner, quels = que soient les efforts et les instruments, on ne fait qu’enlever une goutte, un atome à l'Océan. Qu'on juge de ce qui reste à faire! Le chalut, « 02 f s À PP PMEENT ES OR PE es dit, ce de one nd à nf PV CRE”. ve LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 131 mouillé à 3 h. 10, travaille pendant une heure sur le fond; il faut une demi-heure pour le relever. * En arrivant à la surface, il se présente parfaitement, ce qui prouve qu'il a bien fonctionné. La meil- leure preuve cependant c’est qu’il contient une assez grande quantité de poissons d'espèces assez communes, Soles, Platissias, Trigles, Merlans, Raïes, etc.; des Crustacés; parmi les Mollusques, un bel exemplaire de l'Avicula Tarentina, un Isocar- dia cor ; quelques Coralliaires; enfin, une centaine, au moins, d'Holothuries de grande taille, élégam- ment colorées par de belles nuances vermillon. Elles appartiennent à deux espèces, l’une qui est nouvelle, la seconde qui est méditerranéenne, Remarquons que, si on parlait à nos pêcheurs au chalut d'opérer par. 300 mètres, ils trouveraient la chose tellement surprenante qu’ils pourraient croire qu'on se moque d’eux, et cependant nous irons avec ce filet bien plus profondément encore. À 7 heures du soir, la sonde indique une pro- fondeur de 564 mètres; on mouille de nouveau le chalut; il n’est de retout à bord qu’à 11 h. 23. La nuit est très obscure. De nombreux fanaux, une vingtaine au moins, éclairent aussi bien qué possible tout le gaillard d’arrière du Travailleur cependant, aussitôt que le filet paraît au-dessus du couronneinent, il semble non seulenient vague- nent lumineux, mais on dirait qu’à certains ins-: tants il projette des lueurs. Est-ce une illusion, est-ce le reflet des fanaux? Non, le fait est très réel et s'explique bientôt. Le premier des animaux que l’on retire de l'appareil est un superbe Gorgo- nien, une magnifique Isis, ayant près d’un mètre de haut; il s’en trouvait plusieurs échantillons, qui furent portés dans le laboratoire, dont la lampe fut enlevée, et il nous fut permis de jouir du magni- fique spectacle que présentait la lumière produite par ces animaux. Que d’hypothèses s'accumulent en contemplant un pareil phénomène! que de questions à résoudre ! et si on permet à la pensée de se laisser entraîner par le courant, elle pénètre, mais en vain, dans ce dédale mystérieux dont il n’est pas permis de connaître les détours. Assu- rément, bien des suppositions se présentent à l'esprit, mais connaîtra-t-on la vérité sans aller y voir? En ceci encore une source de méditations; et qu'on ne s'en étonne pas. Ne sommes-nous pas en position d’avoir à chaque instant sous les yeux des spectacles merveilleux qui comportent souvent de mystérieuses énigmes, des faits inex- pliqués, que l'esprit sonde, sans qu’il lui soit donné de toujours en trouver le fond. Le ciel, la mer si profonde, si riche en créatures, le calme, la tempête et le dernier mot de toutes ces choses, Dieu ! Le 30 juillet, à minuit 35, on procède à un nou- veau sondage; c’est le soixante-dixième; le fond se trouve à 1700 mètres. On mouille le chalut et on file 2600 mètres de fune. C’est sur de la vase molle qu'il a trainé, car elle s'échappe encore par les LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 133 mailles lorsqu'il arrive à la surface; il en résulte qu'une grande partie du butin s’est perdue pendant Ja remonte, mais ce qui reste est d'autant plus pré- cieux que nous pouvons en tirer un utile enseigne- ment. Cette opération prouve en effet qu’il est possible de se servir avec fruit de cette sorte de filet, même dans les profondeurs les plus considé- rables; elle à donc une valeur réelle à ce point de vue. ; À 10 h. 33 du matin, la sonde indique 1143 mètres. La vergue garnie de dragues, de fau- berts et de balais est mise à l’eau; on la laisse pendant 1 heure traîner sur le fond et y travailler. Lorsqu’elle est de retour à bord, nous constatons que les résultats obtenus sont encore excellents : Crustacés, Mollusques, Annélides dont quelques Chétopodes, Échinides, etc., sont retirés en très orand nombre des instruments. Plusieurs de ces animaux paraissent appartenir à des espèces nou- velles. À 2 h. 42 du soir, la sonde accuse 700 mètres, fond de vase; à 3 h. $1", 140 mètres, sable fin; HA 6,.1/0 mètres: à 4h67, 422 metres: D No, 622 mètres: 45 h. 50%, 822; mètres On envoie le chalut sur ce fond ; il le racle pendant 1 heure et ramène à bord une assez bonne pêche. À 7 h. 40, le fond est à 283 mètres; c’est de la vase que ramène le sondeur ; à 10 h. 15, on trouve du sable par 140 mètres; à 10 h. 45, le fond est à 166 mètres. 134 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » Le 31 juillet à minuit, on sonde pour la quatre- vingt-huitième fois; on trouve le fond vaseux à 140 mètres; à 1 heure du matin, 142 mètres; à 1 h.35", 133 mètres; à 2 heures, 135 mètres; à 2 h. 35", 373 mètres; à 3 h. 15", 615 mètres; 2 51h50 130 mètres,sable ; à $ heures, 133 mètres; à s h.30", 135 mètres, sable vasard; à $ h. 50", 437 mètres, vase molle; à 6 h. 20", 246 mètres, sable vasard; à 6 h. 40", 144 mètres, à 7 h. 7”, 574 mètres: à 7h. 33",135$ mètres, sur dela vase; à 8 heures, 272 mètres; à 8 h. 35", 276 mètres, fond de roches; à 9 h. 10", 144 mètres, sable et roches: à 10 heures, 327 mètres, même fond; à 10 h. 45", 435 mètres. C’est sur ce fond que l’on envoie la vergue gar- nie; elle y travaille pendant trois quarts d’heure, et son labeur a été rude, car une des petites dragues manque au retour à bord; elle est sans aucun doute restée accrochée sur quelque pointe de roche. Les . autres engins nous rapportent une bonne pêche et nous y reconnaissons la faune de la Fosse de Cap- Breton, les mêmes Crustacés, Annélides, Mollus- ques, Brachiopodes, etc., ce qui n’a rien d’éton- nant, car nous nous trouvons en dedans de ses limites. | A 4h. 15 du soir, on mouille par 337 mètres la grande drague, en filant 800 mètres de fune; le tra- vail paraît dur, si dur et les efforts de la fune sont tellement violents qu’il est nécessaire de faire fré- quemment machine en arrière pour diminuer la 1 | À LA CÔTE PRÈS DE SANTANDER 135 force de la traction. Cependant lorsqu'elle est de retour à bord, la drague n’est qu’à moitié pleine; elle a dû, en rencontrant des aspérités, être chavirée en les franchissant. Les animaux qu’elle ramène sont, comme ceux du précédent dragage, plus par- ticuliers à la Fosse de Cap-Breton qu'aux grandes profondeurs de la côte d’Espagne. Le point où nous nous trouvons fait encore partie du régime de la Fosse. Nous retrouvons en effet, dans la récolte, les Mollusques que lon peut regarder comme caractérisant la faune de cette dépression, tant ils y sont abondants; ce sont : le Nassa semistriata, le Dentalium gracile, le Dischides bifissus, ’'Odostomia conoïdea. Et, parmi les Vers, les Sfernaspis, si com- muns en ces lieux qu’on les ramène à profusion de 300 à 600 mètres au bas du Champ des Vaches, enfin les Pectinaria. En retrouvant ces animaux que nous avons l'habitude de voir depuis plus de dix ans dans la plupart de nos dragages, nous ne pou- vions mettre en doute qu'ils étaient pris sur un point de la Fosse trop éloigné de terre pour que nous ayons poussé jusque-là. C’était donc une im- portante constatation que nous venions de faire et qui était cherchée par M. Richard ; elle confirmait en outre l’assertion du pêcheur de Guethary, qui m'avait assuré que le ruisseau (c’est ainsi qu’il appelait la grande profondeur qu'il m’indiquait) devait se trouver dans le nord du cap Figuier, puis remontait pour rencontrer celles de la Fosse de Cap-Breton. 136 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » Nous faisons route pour nous retrouver vers le point de départ de cette dépression, en suivant une direction à peu près parallèle à la côte, et, bien que nous soyons à environ 20 milles au large, nous revoyons le même panorama qu’à notre sortie de Bayonne. Vers 4 h. 30 du soir, de bons relève- ments, au nombre desquels compte le sommet de la Rhune, qui se montre superbe sous des nuances variées, nous indiquent que nous ne devons pas être éloignés du point où eut lieu notre premier sondage. La sonde confirme le fait : elle nous accuse I120 imètres. À 7 heures du soir nous procédons à notre der- nière opération; le sondage porte le numéro 103, et c’est le vingt et unième dragage qui s'opère par 940 mètres au moyen de la grande drague, à laquelle on ajoute une vergue garnie de fauberts. En rele- vant l'appareil, la fune casse à 800 mètres de l'outil, qui reste au fond. Nous regrettons d'autant plus cette perte qu’il aurait été fort intéressant d’appren- dre, par ce qu’elle aurait rapporté, s’il y a quelque relation entre la faune de ces lieux intermédiaires et celle de la Fosse de Cap-Breton, ou si déjà, pres- que sans transition, on y trouve celle de la côte cantabrique. dar dant NS tie, de fn tit mots RCE contes a déni AS né oh D dé VI. — Résultats. La campagne étant sur le point de se terminer, il fut question de résumer sommairementet d’après E- : $ Ë F # . = Ÿ 8 Ë Ex 4 RÉSULTATS 137 _nos souvenirs ce qu’elle avait produit; chacun avait son lot à signaler, et le résultat fut à l’unanimité proclamé des plus satisfaisants. En effet, un butin des plus considérables allait, d'une part fournir aux collections officielles de Ja France une foule de types appartenant aux faunes profondes dont elles ne possédaient encore rien, et en même temps un nombre considérable d'espèces qui étaient demeurées inconnues jusqu’au jour où _nous les avions retirées des abîimes dans lesquels elles vivaient. La science allait donc aussi largement profiter des travaux qui venaient d’être exécutés avec un zèle inouï de la part de tous et dont les résultats dépassaient de beaucoup, suivant l’aveu des membres de la commission, leurs espérances, Cette campagne avait encore fourni des rensei- gnements qui permettent de faire quelques sup- positions fort vraisemblables sur le système orogra- phique du fond du golfe de Gascogne. Les cent trois sondages exécutés étaient autant de don- nées permettant de présumer que les vallées pyré- néennes, déchirements dirigés dans le sens du S.-E. au N.-O., se prolongeaient sous les eaux, et que les dépressions qui furent si bien constatées font suite à celles qui séparent à terre les diffé- rentes parties de la chaîne de montagnes. Assurément il n’y a là qu’une ébauche, ou plutôt un commencement d’ébauche de travaux d’un immense intérêt, mais il est facile de voir combien la géologie et la zoologie gagneraient à ce qu’ils 138 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » fussent continués, sans parler d’autres branches de la science moins directement intéressées. Malgré les richesses rapportées, il en reste tant encore qui demeurent inconnues sur ces fonds si riches et qu’il serait si facile de se procurer par des campagnes successives d’une égale durée! Juste ce qu'il faut pour s'enrichir et ne pas se fatiguer outre mesure, car, il faut bien qu'on le sache, c’est un métier des plus fatigants que celui qu’a fait Le Travailleur pendant quinze jours; juste ce qu’il faut également pour obtenir peu à peu la déter- mination des profils qui dessinent les profondeurs sondées, pour arriver doucement, mais bien, à une connaissance aussi parfaite que possible de ce golfe, qui est bien un peu du domaine français. Nous faisons donc des vœux, et des vœux ardents, pour que l’exploration commencée soit poursuivie. | Indépendamment des récoltes, les recherches ont permis de faire quelques observations des plus utiles sur les appareils, sur leur fonctionnement et sur les modifications qui pourraient être apportées afin de rendre les opérations plus faciles et plus fructueuses. Comme rapidité d'exécution, l’organisation des engins employés avait été tellement soignée par M. Richard qu'il n’y a rien à désirer; on peut dire, en comparant le temps employé pour chacun des dragages sur le Travailleur à celui qu’ont nécessité les mêmes opérations des expéditions étrangères, : nes Cemt dec ste au it De cou de ÉéÉs LUS jé Leur a 2 of Vin nt dE a Ut ES nt. À n k y Fe ee SL Ex dpi PES La de . L RÉSULTATS 139 qu'il y a un progrès très sensible en faveur des premiers. Ils ont, croyons-nous, atteint sous ce rap- port tout ce qui pouvait être attendu, car il faut aussi avoir égard à la sécurité des funes et ne pas trop les fatiguer par une vitesse de rentrée qui, en accroissant l'effort outre mesure, occasionne- rait la rupture. Les sondages surtout ont été admirables de rapidité et de précision. L'emploi du fil d'acier comme ligne de sonde présente un seul inconvénient : il se rompt trop facilement s’il se forme une coque; pour éviter cet accident, il est indispensable de prendre une foule de précautions et de suivre avec une atten- tion très soutenue son déroulement, aussi bien que l’enroulement sur le touret lorsqu'on relève. M. Jacquet, chargé de cette partie des opérations, a certainement par les soins qu’il y a apportés pré- venu bien des ruptures. Il y aurait peut-être lieu de chercher soit un alliage, soit un métal aussi résistant et aussi maniable que l’acier, mais offrant plus de flexibilité. Si nous considérons ce que ces dragages nous ont appris, à notre avis, les grandes dragues doi- vent être rejetées; elles sont trop lourdes et, pro- portionnellement à leur poids, ne ramènent pas autant que les petites. Dans les très grandes pro- fondeurs, il faut ajouter au poids de linstrument celui de la fune déroulée, et comme elle doit être d’un fort diamètre en raison des dimensions de la 140 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEURD drague, le poids total que la partie sur laquelle on vire doit supporter devient énorme, elle n’a plus la même valeur, car il suffit d’un petit effort pour dépasser son maximum de résistance et la rompre. Es Quant aux dragues, elles s’enfoncent dès leur arrivée, se remplissent immédiatement, et lorsque … la traction commence à agir sur elles, le halage les promène sans rien faire entrer de plus que ce qu’elles contiennent déjà. Il en résulte que l’on ne ramène qu’une partie très restreinte de la sur- face du fond, à moins que sur celle-ci ne se trouve M une couche semi-fluide d’une assez grande épais- seur s’écoulant en partie tamisée par le sac. Il nous a été permis de remarquer plusieurs fois que M nous ramenions des séries de couches parfaite- ment distinctes par les diverses teintes qui les coloraient et par leur densité. En pareille circon- « stance, le travail effectif de l'instrument se trouve « fort réduit, et c’est inutilement qu’on le promène sur le fond. Nous pensons que, pour les fonds vaseux, il est nécessaire d’avoir des dragues ne s'enfonçant pas et ne se déployant que sous les premiers efforts de la traction; ce qui le fait voir, c’est que l’appareil imaginé par M. Richard, la vergue armée de petites dragues, s’est montré plus efficace que les grandes dragues indépendantes, seulement il nest pas tou- « jours assez maniable et son poids est trop considé- M rable. à Il nous semble cependant que, sous de moin- 4 RÉSULTATS i4i _ dres dimensions, cet appareil deviendrait plus propre au service qu'il doit rendre, si l’on em- _ ployait deux vergues, au lieu d’une, qui forme- raient les branches d’un châssis entre lesquelles on placerait les dragues de telle sorte que les lames travaillantes débordent. C’est avec une satisfaction bien facile à com- prendre qu’au moment où la campagne d’explo- ration était terminée nous entendions proclamer qu’elle avait eu un plein succès. Notre joie était d'autant plus vive que c’est nous qui l’avions provoquée et que nous avions assuré qu’elle réussirait, en nous fondant sur les dix années de recherches qui nous avaient permis d’avoir foi en la richesse de la partie de l'Océan que nous commencions à connaitre un peu. Nos espérances avaient été dépassées et nous étions heureux de ce succès, c'en était bien un, puisqu'il enrichissait la science et par-dessus tout la France de sujets zoologiques infiniment pré- cieux et qu’elle ne possédait pas. Heureux également de voir enfin notre pays lancé sur la voie de ces recherches par l'accom- plissement d’une campagne qui non seulement avait donné lieu de faire quelques études utiles sur les dragages en eaux profondes, mais qui avait en même temps initié aux méthodes un groupe d'officiers intelligents de cette marine, toujours prête au service qu’on lui demande et qui le rem- plit toujours avec un dévouement, un entrain et 142 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » | une.intelligence de la chose, admirables. Ceux-ci formeront un noyau autour duquel rayonneront de nouvelles initiations, et, quand le besoin se fera sentir, On saura à qui s'adresser pour avoir des chefs de file expérimentés, auxquels on pourra confier la direction du service des campagnes d'exploration qui, nous l’espérons, succéderont à celle de 1880. Que mes collègues de la commission me per- mettent, eux aussi, de leur exprimer mon admi- ration pour leur courage et leur dévouement à la science, car, n'étant pas marins, ils ont été sou- vent peu à l'aise pour exécuter de minutieux tra- vaux, auxquels ils n’ont jamais renoncé, quelque pénibles qu’ils aient été. Habitués à de splendides laboratoires où tout est commode, il leur a fallu s’accoutumer, dans des espaces rétrécis, à des opérations bien délicates parfois, à des besognes d'autant plus fatigantes qu'elles étaient gênées par les brusques mouvements de roulis et de tan- gage, VII. — Retour à Bayonne. Sous petite pression nous nous maintenons pendant toute la nuit à quelque distance de terre; le temps est menaçant, le ciel noir; nous avons en vue les feux de Biarritz, de Saint-Jean-de-Luz, de Sainte-Barbe, du Socoa, du Figuier, du Passage et de Saint-Sébastien. Mit Ra Nas cn Ed nt 4 ad a A à À RE SN ON D Ft PARA ASE 4 gt L'EU: 0 À PENSANT ji add EN ne AE \ LE KAMAE AS : LED PE Te “ Ac al UE $ | # L y A » D 1 La E, £ 4 | 5 #1 ci tan a a à di COS PEN ONE 1 Î édit 2 #7 de. SU 2 à RETOUR A BAYONNE . 143 Au jour, le dimanche 1° août, nous rallions la * côte de France. Vers 8 heures, nous passons devant Biarritz à un mille de terre, la mer grossit, les pêcheurs de ce port s’empressent de rentrer. La barre de l’Adour sera-t-elle praticable? C’est là une question fort importante pour nous; nous avons hâte de retourner à terre, maintenant que le devoir est accompli. La houle ne brise pas encore sut les plages, ce qui me donne bon espoir, cepen- dant le vent de S.-O. commence à souffler fort et par grains, les lames se creusent et brisent sur les hauts fonds, c’est avec anxiété que nous obser- vons les signaux de l’entrée et tout ce qui peut être un indice pour nous. Un trois-mâts ayant son grand hunier sur le mât, qui se trouvait embrumé dans le nord et dont nous nous sommes rappro- chés, s'aperçoit; il attend sans doute le remor- queur. Bientôt après en effet celui-ci sort du fleuve, et en le reconnaissant nous acquérons la preuve _ que nous pourrons entrer. Nous sommes rassurés et satisfaits. | Vers 11 heures, le pilote major signale 4 m. 50 d’eau sur la barre, c'est assez pour le Travailleur. Le commandant le dirige aussitôt sur la passe et, plus secoué qu’il ne l’a été pendant les quinze jours que nous avons passés avec lui à la mer, _1l parcourt rapidement l’espace qui l’en sépare encore. Le brave navire, il la franchit parfaitement sans coups de mer, et cependant, nous l'avons dit, elle est déjà fort grosse dehors et les lames 144 LA PREMIÈRE CAMPAGNE DÜ € TRAVAILLEUR » qu’elle montre à l'horizon dénotent qu’elle va le devenir plus encore. Et que nous importait maintenant? Nous aper- cevions bien ces signes de mauvais temps, mais nous nous trouvions actuellement à l’abri : nous étions dans Adour. | Vers midi, notre bateau, dont le nom semblait si bien approprié à la mission qu'il venait de rem- plir, se trouvait, comme quinze jours auparavant, amarré aux quais de Bayonne. 4 : À 1 E Ë + : CHAPITRE IV LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR Y, LA MÉDITERRANÉE, LES CÔTES NORD DU MAROC, LES CÔTES DU PORTUGAL, LE GOLFE DE GASCOGNE Les quelques journées de 1880 consacrées à ce qui en définitive n'avait été qu'un essai d’ex- ploration avaient été si fructueuses, que M. Milne- Edwards obtint sans trop de peine qu’une nou- velle campagne aurait lieu en 188r. I] fut d’abord convenu qu'elle s’effectuerait dans la Méditer- ranée ; les événements firent ensuite décider qu’elle se poursuivrait jusque dans l'Océan. I. — La Méditerranée. Du 4 juillet au 16 août, c’est-à-dire pendant une période de 1104 heures, le Travailleur, en parcou- rant 4500 milles marins environ, opéra 104 son- dages et 45 dragages, dont quelques-uns furent doubles. Ce chiffre d’heures peut se décomposer ainsi : so4 furent employées à la marche, 348 en DE FOLIN. — Sous les mers, 10 146 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » relâches pour renouveler le charbon et 252 au travail d'exploration. Les opérations consistaient à exécuter d’abord des sondages au moyen desquels, renseigné sur la profondeur et la nature du fond, on l'était égale- ment sur la quantité de fune qu’il était nécessaire de filer pour que les engins puissent agir efficace- ment. Lorsque le lieu était jugé propice, on pro- cédait aux dragages en se servant de dragues de plusieurs sortes, de chaluts, de vieux filets, de fau- berts disposés de diverses manières, etc. Lessondages nécessitèrent la descente de 104,000 mètres de fil d'acier, auxquels il faut ajouter leur remonte, ce qui donne un total de maniement s’élevant à 208 kilomètres et une moyenne de 1000 mètres environ pour les profondeurs obte- nues. Pour les dragages, au nombre de 45, ne comp- tant pas ceux qui furent nuls, quelques-uns dou- bles ou triples sur le même point et qui ne reçurent qu'un même numéro, il fallut filer et remonter à peu près 250,000 mètres de fune (250 kilomètres). On opérait sur le même fond, soit en mouillant un des engins sur l'arrière et en même temps un second par la hanche de bäbord, soit en répétant deux ou trois fois le dragage sans s'éloigner du point dont la sonde avait permis de coter la pro- fondeur. Aux environs des dragues, des thermomètres Miller-Casella et des bouteilles à eau étaient fixés; PP ER ER ss Et :L ENT LT ds La R' hp, Lilisciidté D: 6. 1, 32 j E ! À 1 | LA MÉDITERRANÉE 147 c'est ainsi que la température du fond était obtenue et que l’on ramenait la valeur d’un litre d’eau puisée dans les couches tout à fait inférieures : elle état pesée aussitôt son arrivée à bord, une partie était ensuite renfermée dans des flacons propres à la conserver autant que possible en son état, une autre était traitée par l’acide osmique et renfermée de même. Si la mer n’était pas parfaitement belle lors des dragages en grands fonds, il était de toute nécessité de procéder fort lentement en relevant les 1000 à 1500 prenuers mètres de fune, lesquels étaient habituellement filés en plus de la profondeur recon- nue. Il fallait donc virer fort doucement en pre- nant force précautions, surtout lorsque le moment était venu de déraper l'instrument, et ce n’était guère qu'alors que la moitié de la touée était ren- trée à bord que le treuil du petit cheval était lancé à toute vitesse et que le cordage s’enroulait en mettant environ une heure, par 1000 mètres, pour se retrouver à bord. Nous pouvons donner tous ces chiffres comme exacts; ils ont été relevés sur le journal des dra- gages, lequel relate les particularités les plus impor- tantes de chaque opération. Avec un outillage un peu plus perfectionné que celui qui nous avait servi pour l'exploration de 1880, avec le même commandant et le même état-major que l’an dernier, tous si sympathiques, tous si appréciés et devenus des amis de bord, c’est 148 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU € TRAVAILLEUR » à-dire vrais et sincères, comptant sur leur habileté qui s’était accrue en raison de l’expérience acquise, nous pouvions beaucoup espérer. Cependant une exploration dans les grandes profondeurs de la Méditerranée ne nous inspirait personnellement qu’une médiocre confiance, et nous avions à cet égard, avant le départ, exprimé à un ami nos doutes et nos appréhensions d’insuccès. II. — De Marseille à Bonifacio et retour. Néanmoins ce fut avec entrain que le 4 juillet, vers 11 heures du matin, nous entendions donner l'ordre de déraper et que nous quittions le port de Marseille, où le Travailleur était venu attendre la commission. Nous traversons rapidement la rade, et cependant nous avons le temps de jeter un regard sur quelques-uns des détails intéressants qu’elle présente, son lazaret aux îles de Pomègue, les usines, les fabriques, les exploitations qui ont été placées aux points où les industries qu’elles représentent trouvèrent le plus d'avantages. Nous remarquons son animation : bateaux à vapeur, remorqueurs, navires à voiles, chalands, canots de passage, bateaux de pêche allant, venant, se croisant, lui donnant cette vie qui indique Pim- mense activité d’un très grand centre commercial et industriel. Nous laissons derrière nous Notre-Dame de la Garde, qui domine tout ce mouvement, qui domine 4 L — h ns 4 s # rh . - - Lit 7 DE MARSEILLE A BONIFACIO ET RETOUR 149 surtout l'horizon et semble le protéger, donnant l'espérance à tout navire qui s'éloigne, le salut d’ar- rivée à celui qui revient; nous doublons Maïré et les Tiboulins ‘, puis Riou aux dentelures si aiguës et si raides, aux arêtes si vives; Planier et ses phares nous restent dans l’ouest. Nous courons vers l’est et nous voilà lancés sur la voie des re- cherches. Nos premières opérations furent assez heureuses, c'est-à-dire qu’elles furent assez productives, mais cela tenait à ce que nos engins ramassaient sur des fonds de 300 à 6oo mètres, sur lesquels les animaux des zones littorales peuvent encore vivre, et ils se rencontraient là, vivants ou morts, en grande abondance. C’est ainsi que nous fimes dans ces profondeurs médiocres d’amples récoltes de Crus- tacés, de Mollusques, d’Annélides, d’Échinides, de Spongiaires, de Bryozoaires, de Rhizopodes, etc. Sans beaucoup nous écarter de terre, nous par- courons les abords de la côte de Provence, jetant la drague çà et là, reconnaissant tous les points du littoral et nous en servant pour déterminer chacun des lieux où la sonde et la drague s’enfoncent. Devant nous se déroule peu à peu tout un pano- rama vraiment remarquable et dont les parties saillantes nous intéressent aussi bien au point de vue pittoresque que par leur importance locale, les souvenirs historiques qu’elles rappellent ou le 1. Mairé, la mère; T'iboulins, les petits. 150 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR Y plus ou moins de notoriété qu’elles ont. Nous apercevons ainsi : La Ciotat, le Bec de l’Aigle, le cap Canaille, le Pilon du Roi, la Sainte-Baume, les Caumes, Bandol, Saint-Nazaire, Sixfours, la mon- tagne de Coudon, celle de Pharon, le cap Sicié, le cap Sépé, lesiles d'Hyères, le cap et la tour de Drum- mond, le cap Roux, les montagnes de l’Estérelles, qui ont eu leurs brigands tout comme les Abruzzes et les Calabres, l’île Sainte-Marguerite, entre elle et la pointe de la Garoube dans le fond, le golfe Jouan, puis Antibes, Cannes, Nice, Villefranche. Nous mouillons en rade de Villefranche pour y passer la nuit, le 7 juillet au soir. Le lendemain nous retournons draguer au large, puis nous rentrons encore coucher au mouillage, pour le quitter de nouveau le 11 juillet au matin. Ce jour-là, nous reprenons notre course non loin des rivages et nous recommençons à voir défiler sous nos yeux les terres accidentées de la côte. Les points les plus remarquables qui se montrent tour à tour sont : la chapelle et la tour de San- Ospizio (Saint-Hospice), sur la presqu'île Saint- Jean, dominée par des terres plus élevées, vers les sommets desquelles on découvre, de temps en temps, une ligne blanche qui coupe les flancs des” croupes supérieures : c’est la route de la Corniche perchée en Pair et qui court ainsi jusqu'à Gênes sans perdre la mer de vue. Ensuite vient le village d'Ezza, placé comme un nid d’aigle au flanc de roches rudement découpées, puis c’est la Turbie, CR RO ER CORTE EN PR PQ PT Ou PAR RALT DE MARSEILLE À BONIFACIO ET RETOUR 151 la Tête de Chien, et enfin Monaco sur son pro- _ montoire dont les falaises verticales se détachent de la rive. Elles sont couronnées par les remparts et les blanches maisons de la ville, capitale d’une principauté dont les habitants n’ont aucune charge d'impôts, situation curieuse et exceptionnelle assu- rément. Par le beau temps qu'il faisait, le spectacle était grandiose et ravissant, malgré quelque mono- tonie dans les nuances résultant de la nature uni- forme des terrains, des roches et de la végétation elle-même, car l'olivier et le pin d'Italie effacent par leur multiplicité tout ce qui nest pas eux. Néanmoins l’œil saisissait avec quelque satisfaction certains détails qui, de temps à autre, ressortaient davantage, des bois, un fort, un phare, cette route de la Corniche reparaissant toujours, un viaduc de chemin de fer disputant le rivage à la mer, des villages s’étalant sur les flancs des montagnes, de profonds ravins, des masses imposantes de rochers bizarrement découpées, et bien d'autres choses encore. Nous n'avions pas le temps de dessiner tout ce qui nous frappait, malgré le grand désir que nous avions de prendre toutes ces vues; cependant nous fimes un assez grand nombre de croquis. S’il est donné à tout le monde de prendre la vue d’un site à terre, si la photographie vulga- rise encore davantage tout ce qu’une ville, une _ région présentent d'intéressant à reproduire, il n’en est pas de même des aspects maritimes; il est encore fort rare de trouver une vue prise ainsi du + 152 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAÎLLEUR large, et la chose est d’autant plus précieuse que généralement les situations apparaissent beaucoup plus pittoresques de la mer que lorsqu’on les voit de terre. Nous n’étions pas seul à penser ainsi; cette opinion devait être partagée par notre ami le professeur Léon Vaillant, qui n’a pas manqué pendant toute la campagne de prendre force vues photographiques, toutes les fois qu'il a pu le faire. Ainsi qu'on peut le remarquer, notre explora- tion avait un double charme. Indépendamment des récoltes dont l'examen nous présentait toujours quelques curieux spécimens à observer, et nous fournissait à chaque instant de nouvelles preuves de la connexion qui existe entre la faune de cette mer et celle du golfe de Gascogne, preuves qui s’accentuaient constamment et qui la rendaient de plus en plus frappante, aussitôt que nous aban- donnions la loupe et les tamis dans lesquels les vases avaient été lavées et sur la toile desquels : demeuraient les résidus des dragages, nous avions le spectacle des côtes qui recréaient nos yeux. Le 12 juillet, après avoir reconnu les cimes nei- geuses du col de Tende, interrompant notre course dirigée vers l’est, nous changeons de route, met- tant le cap au large et nous dirigeant vers la Corse. Sur notre chemin, nous rencontrons des fonds situés par plus de 2000 mètres et sur lesquels la drague est envoyée. Nous allons donc voir ce qu’ils sont au point de vue zoologique. L’instru- ment ne ramène que des vases dans lesquelles nous A PE PI D D Ve PORN LU L] DE MARSEILLE A ÉONIFACIO ET RETOUR 153 \ ne parvenons à trouver que des Ptéropodes qui, après leur mort, ont été précipités, puis se sont déposés, et cela en si grande quantité que les cou- ches qu'ils forment sont d’une incroyable épaisseur. Le lendemain nous avions en vue les côtes de la Corse; les profondeurs sondées étaient les mêmes que celles de la veille et les récoltes également nulles. Ce fut alors que, pour la première fois, nous entendimes dire que les Anglais avaient émis cette opinion qu’il était probable que la vie ne se ren- contrait pas dans les grandes profondeurs de la Méditerranée. Nous avions lieu de commencer à croire qu'en cffet elles étaient inhabitées ou à peu près et de méditer sur cette proposition. Le fait devint pour nous à peu près certain, quand, à une douzaine de milles de terre, en vue du mont Cinto, dont les sommets montrant quel- ques places recouvertes de neige atteignent 2400 mètres de hauteur, et par des profondeurs à peu près égales à cette altitude, nous éprouvions les mêmes insuccès. Nos dragues ne nous rapportaient que des débris provenant des rivages, charriés jusqu’en ces lieux par les courants. Dans la soirée du même jour, nous atteignons les îles Sangui- naires, que nous doublons, et, pénétrant dans le beau golfe d’Ajaccio, nous venons mouiller devant cette ville, pour y renouveler notre charbon. Le 1$, revenant à la mer, nous poursuivons les recherches jusqu'aux bouches de Bonifacio, dans lesquelles nous pénétrons le 16 au matin, après 154 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » avoir doublé le cap Feno, la tour d'Olmetto et les montagnes de la Trinité. Vers huit heures, nous avions la ville de Boni facio par bäbord, et par tribord nous apercevions le cap de la Testa et le golfe de Longogardo sur la côte de Sardaigne, et en arrière-plan les mon- tagnes de l'ile. Pas plus heureux dans ces parages que nous ne l’avions été les jours précédents, n'ayant exécuté que d’infructueux dragages qui ne nous montrent que des restes d'animaux habi- tant la surface des eaux, entassés dans les profon- deurs un peu considérables, nous renonçons à continuer les recherches en ces lieux. Rebroussant donc chemin en nous écartant de terre, afin de ne point nous retrouver sur la route suivie la veille, nous reprenons la direction du nord. Et pour avoir la conscience en repos nous draguons encore dès que nous trouvons plus de 1000 mètres de profondeur. N’espérant rien, nous n'éprouvons aucune déception en ne ramenant aucun être vivant; mais nous sentons mieux que jamais la nécessité de poursuivre cette tâche ingrate et de multiplier autant que possible le nombre des opérations frappées d’avance de nullité, pénétrés de l'idée qu’il est utile d’établir d’une façon à peu près indiscutable l'exactitude du fait en renouvelant les opérations sur une série de points assez distants les uns des autres. Nous espérons en outre qu’elles pourront nous fournir l’occasion de découvrir quel- ques faits dont l'observation pourra peut-être aider Sn et dd Sd ed Ad D CC ds np dés AS SN dd ge NS PAP PPT CCE PRE PES UC - DE MARSEILLE A BONIFACIO ET RETOUR 155 » à pénétrer la cause de cette absence de vie, cause qu’il est important de connaître. Passant successivement devant la tour de Senetose, les curieuses découpures de la Cava, le golfe de Valinco, Propriano, la pointe de Campo Moro, la haute montagne de Boduretta, dont les étages descendent graduellement en variant de teintes jusqu'au bord de la mer, nous arrivons vers 4 heures du soir en vue du Monte de Oro, au pied duquel on aperçoit la ville d’Ajaccio se détachant vaguement sur le fond grisàtre des der- niers contreforts de la montagn®. En passant, nous y prenons notre courrier, puis nous nous remet- tons en route pour Marseille, laissant derrière nous les rudes profils du Bastelica, les îles Sangui- naires, la tour de Parata, Saint-Antoine, Pozzo di Borgo, qui commencent à se noyer dans les pre- mières teintes obscures de la nuit. Nous n’avons plus bientôt que les étoiles qui brillent au ciel pour attirer nos regards, car en beau temps c’est une des distractions que se donne le marin, con- templer aux heures de quart les constellations qui scintillent, admirer les splendeurs de la voûte cé- leste, quand l’air est bien pur et qu’on peut penser. Le 17, nous revoyons les terres de la Provence, les îles d'Hyères, le cap Sicié, les montagnes de la Sainte-Baume, et le 18 au matin c’est Planier, ou plutôt son phare que nous apercevons. À 10 heures, le Travailleur se trouvait de nouveau mouillé à Marseille. 156 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU © TRAVAILLEUR » Ce qu'avait appris cette première période d’ex- ploration motivait parfaitement une modification du plan de campagne. Il fut en effet décidé que nous retournerions à Rochefort avec le bâtiment, que sur notre route nous continuerions à visiter | les fonds de la Méditerranée, ceux de la côte de Portugal, et que nous terminerions la campagne en draguant dans la partie ouest du golfe de Gas- cogne, que nous n'avions pas explorée en 1880. La journée du 19 fut employée à compléter notre charbon, et le 20 au matin nous étions prêts à partir. Une dépèche arrivée ce jour même enjoi- onaît au commandant de passer par Oran et par Tanger, pour montrer notre pavillon sur ce der- nier point. Après être sorti du port et avoir laissé dans la brume du soir Marseille s’effacer sur le fond des hautes collines de ses environs, nous fai- sons route vers l’ouest. Le 21, nous draguions en vue du cap Saint-Sé- bastien; le 22, beaucoup plus au large, et par 1697 mètres nous opérions encore, tandis que, le 23 au matin, sous le cap San-Antonio, que domi- nait assez au loin le mont Mango, la sonde ne donnait plus que 160 mètres. Malgré le temps un peu brumeux, vers 11 heures, nous apercevions les montagnes de Puig Campana, hautes de près de 2000 mètres. Au sommet de l’une d'elles, la plus ouest, apparaissait cette remarquable brèche décou- pée à pic sur son profl et que l’on nomme Cuchl- lado de Roldan, en français le Coup de sabre de Ro- LES CÔTES NORD DU MAROC 197 land. À leur pied, sur la côte, le cap Ifax, fort remarquable et que l’on prétend ressembler à Gi- braltar, ce qui nous semble une erreur, puis, plus à l’ouest, les terres plus basses des environs d’Ali- cante, se succédant par notre travers. Nous sommes alors en dehors du large canal qui est situé entre l'Espagne et les Baléares, et, aussitôt que nous nous trouvons à la hauteur du cap de Gate, nous faisons route sur Oran. III. — Les côtes nord du Maroc. Le 24, à $ heures du soir, après nous être donné la satisfaction d’exécuter dans la journée encore quelques dragages en eaux profondes, et à travers une brume assez forte, nous apercevons devant nous la terre africaine, puis nous reconnaissons Mers-el-Kebir qui perce le voile de vapeurs, et enfin Oran. Une heure après nous étions mouillés dans le port, d’où nous repartions le 25, après avoir rempli nos soutes à charbon. Passant à petite distance de terre, nous remar- quons successivement le cap Falcon, le village d’Aïn-Turk avec son église au milieu de la plaine, le cap Lindless, et à 8 heures du soir nous aper- cevons les îles Habibas. Le 26, dans la matinée, nous laissons sur bâbord non loin de nous les îles Zafarines; désormais les côtes que nous avons en vue appartiennent au Maroc. À midi, nous nous trouvons par le travers 158 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU € TRAVAILLEUR » du cap des Trois-Fourches, et peu après nous pou- vions distinguer, dans les découpures des falaises M tourmentées qui se trouvent à l’ouest du cap, les grottes ou cavernes formant, dit-on, des ports sou- terrains dans lesquels les pirates du Rift cachaient leurs flottilles de carabas, embarcations dont ils se servaient pour courir sus aux navires passant trop en vue de leurs repaires. Vers cinq heures du soir, la montagne de Melilla, d’une hauteur de 983 mè- tres, se montre légèrement teintée en gris bleuâtre ; c’est le seul point remarquable que nous ayons vu depuis midi, la côte s'étant alors em- brumée. Le 27, nous doublons le cap Baba, puis le Peñon de Velez, les quatre tours d’Alcala, l’île d'Iris, la tour de Mostaza, et, par-dessus les diffé- rents plans de montagnes qui s’étagent et se décou- pent les unes sur les autres, en s’estompant de plus en plus, domine le mont Anna, dont les cimes attei- gnent 2300 mètres. D’un côté, nous avons donc des sommets qui, au-dessus de nos têtes, se per- dent dans les nues, de l’autre, mais sous nos pieds, des abîimes qui s’enfoncent aussi profondément que les premiers s'élèvent haut. Nous demandons aux uns de nous révéler les secrets qu’ils recèlent, et les autres nous servent à déterminer les posi- tions sur lesquelles portent nos recherches... Nous avons exécuté plusieurs dragages pendant les journées du 26 et du 27; ils nous ont montré des fonds meilleurs que ceux sur lesquels nous LES CÔTES NORD DU MAROC 159 - avons opère plus à l’est. Sur l’un d’eux, nous avons - trouvé quelques spécimens d’un Rhizopode va- - seux, branchu à l’une de ses extrémités, que nous avons nommé Dendropela (fig. 18). Dans la nuit, le temps devient mauvais, la mer grossit, et vers le jour nous passons entre Gibraltar et Ceuta sans rien en apercevoir, tant la brume est intense. Nous le regrettons, surtout pour ceux d’entre nous qui ne connaissent pas le curieux rocher qui commande le détroit de son nom et vis-à-vis duquel nous ne nous sommes jamais trouvé sans être frappé par son imposante majesté et sans admirer son originalité pittoresque. Sur les 11 heures du matin, le 28, nous mouil- lons dans la baie de Tanger. Tanger la blanche, ville de transition et de con- tact entre le Maroc demi-barbare et stationnaire et Ja civilisation progressive et hâtée de l’Europe. ….. Ici se termine la première partie de notre cam- pagne d'exploration de 1881. Nous ne reprimes en effet la mer et nos opérations que dans l'Océan en dehors du détroit. IV. — Les grands fonds de la Méditerranée ne sont pas habités. Si ces recherches sur les grands fonds méditer- ranéens ne furent pas heureuses au point de vue des résultats matériels, elles servirent cependant à la constatation de faits importants qu’il serait 160 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » utile d'établir aussi rigoureusement que possible. « Des nombreuses opérations exécutées à bord du Travailleur il résulte en effet que partout où elles Fig. 18. — Rhyzopodes réticulaires, tribu des Vaseux, Dendropela typicum, de Folin. ont été faites en dessous de 1000 mètres, presque aucun animal vivant n’a pu être rencontré; la vie paraît donc impossible dans les profondeurs qui dépassent ce chiffre. # LES GRANDS FONDS DE LA MÉDITERRANÉE 161 À quelle cause peut-on attribuer un fait qui est en si complète contradiction avec ce que l’on a également constaté ailleurs ? Le problème à résoudre est intéressant et mé- rite que de sérieuses études soient faites à son sujet; mais, en attendant qu’elles en donnent la _ solution, nous espérons que quelques indices ré- ; . dans les eaux des cuvettes où leur accumulation | L | _vélateurs pourront être obtenus par l’analyse chi- mique des échantillons rapportés de ces fonds. Nous l’espérons, par ce motif que nous pensons que cette cause pourrait bien tenir à ce que la Mé- diterranée, en grande partie au moins, repose sur un sol volcanique, que sans doute la couche qui la sépare des feux souterrains est non seulemen poreuse, mais peut-être criblée de fissures et sur- tout fort peu épaisse. On en trouve une preuve dans la fréquence des éruptions, qui, à certaines époques, font tout à coup surgir des îlots, des terres, qui ne sont er réalité que des boursouflures dont la croûte est si peu solide que leur existence n’est qu’éphémère ._ et qu’elles s’affaissent bientôt. Simples soulève- ments de la surface du sol, ils montrent combien celui-ci doit être mince. Il est donc fort présumable que cette couche relativement faible se pénètre par les fissures d’in- filtrations de gaz meurtriers, qui incessamment - amenés et poussés se trouvent ainsi chassés jusqué rend celles-ci impropres à la vie; que les couches DE FoLIN. — Sous les mers. II 162 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » sont d'autant plus facilement imprégnées que la profondeur est plus grande, puisqu’alors elles pourraient bien être d'autant moins épaisses; que ces gaz ne peuvent s'échapper des fonds qu’à me- sure que leur condensation est assez considérable pour qu’elle ait acquis une force élastique suff- sante, capable de vaincre l’énorme pression sous laquelle ils se réunissent, et alors seulement qu'un courant ascendant ait pu ainsi se produire. L’épan- chement dans la masse générale des eaux s’opère d’abord, puis ensuite a lieu la diffusion dans Pair. S'il en est ainsi, nous pouvons croire que les vases qui tapissent les fonds de ces grandes profon- deurs étant saturées des gaz toxiques, les échantil- lons qui en proviennent en contiendront encore et en fourniront au moins des traces à l’analyse chi- mique. Il est cependant à craindre qu’au contact de l'air ces principes aient totalement disparu. Ce serait donc une analyse au moins sommaire faite à bord au moment de l’arrivée des vases qu’il serait utile de faire. Nous avons dit que, dans ces fonds infectés, la vie ne se rencontre pas; cependant nous n'avons pas voulu poser le fait d’une manière tout à fait absolue, et bien que nous n’ayons guère obtenu d’eux que des animaux morts, nous pensons cepen- dant qu'il peut s’y trouver des animaux qui sy sont acclimatés ‘: 1. Les dragages exécutés sut les côtes de Provence et de Corse avaient produit à bord cette impression générale LES GRANDS FONDS DE LA MÉDITERRANÉE 163 Nous croyons également que tous les grands fonds méditerranéens peuvent bien ne pas être frappés de stérilité, comme paraissent l'être ceux que nous avons explorés, ce que prouverait les résultats que l’on dit obtenus par l'exploration italienne. Les dragages qu’elle a exécutés peuvent bien avoir porté sur des parties dont le sol ne serait pas soumis aux émanations volcaniques. Un fait également important et qui pourrait être invoqué comme argument en faveur de l'hypothèse que nous avons exprimée, car il semble qu’il puisse être dü à la même cause, c’est l’élévation de la température dans ces abimes. Elle se trouve, d’après les observations faites à bord du Travail- leur, bien au-dessus de celle qui à été constatée aux mêmes profondeurs dans les autres mers. Nous l'avons toujours trouvée de 13 degrés au-dessous de mille mètres dans nos sondages de la Méditer- ranée, tandis que dans l'Océan les mêmes thermo- mètres de Miller-Casella descendaient entre un et deux degrés au-dessus de zéro, et ces chiffres sont des termes fixes dans les deux cas. que les grandes profondeurs explorées étaient inhabitées: Cependant, depuis que nous avons écrit ce compte rendu de la campagne de 1881, nous avons reçu de notre ami le - Dr P. Fischer un fapport sur la faune malacologique abys- sale de la Méditerranée qui -a été présenté à l’Académie des sciences le 24 avril 1886 et dans lequel il montre que, sur ces mêmes fonds, vivent un certain nombre d’es- pèces de Mollusques, des acclimatés peut-être, comme nous le disions. 164 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » V. — Les côtes du Portugal: Les forts vents d’est qui n'avaient cessé de nous secouer sur la rade de Tanger régnaient encore lorsque nous appareillâmes pour rentrer en plein Océan. Quitter le mouillage lorsque le temps, n'étant pas très beau, montre en outre quelque apparence de devenir tout à fait mauvais, dénote une hardiesse qui réjouit le cœur du marin. C’est dans des conditions semblables que nous repre- nons la mer, que nous allons coucher avec les goé- lands, comme disent les matelots. Aussi fallut-il prendre les précautions d'usage en pareil cas pour assurer la stabilité des objets lourds, petit cheval, treuils, canons, etc., afin de les ga- rantir contre les effets des mouvements trop vio- lents qui peuvent être imprimés au navire, brus- ques secousses de roulis et de tangage. Le ciel prend des teintes de plus en plus grises; les nuages s’épaississent; les vagues de la mer se creusent; ce sont autant d'indices qui rendent ces soins nécessaires, puisqu'ils annoncent l'approche ou plutôt le commencement d’une lutte qui a son charme. On accepte gaiement cette chance de.com- bat sans songer qu'il peut devenir terrible. Il était clair pour un œil un peu au fait que nous aurions une nuit agitée. Pour ceux qui n'avaient pas l'habitude des choses de la mer, tout était pour le mieux; pour les LES CÔTES DU PORTUGAL 165 _ autres, c'était l’affaire du commandant, dans lequel ils avaient toute confiance : ils s’en remettaient à lui; chacun demeurait donc, malgré les apparen- ces, aussi calme que par le plus beau temps. C’est dans ces conditions que le 30 juillet, vers cinq heures du soir, nous doublions le cap Spartel, extrémité occidentale de la côte septentrionale du Maroc, pointe de terre sur laquelle se trouve le phare international entretenu aux frais de quelques États européens, le gouvernement du pays ne sen- tant nullement la nécessité d'éclairer un point cependant bien important, puisqu'il ouvre le dé- troit de Gibraltar au sud. Nous cherchons vainement dans le nord le cap Trafalgar; il est trop embrumé pour que nous puissions l’apercevoir, mais alors, tout à coup, des vapeurs épaisses qui le voilent, sort comme une apparition un grand trois-mâts à la haute voilure, que le mirage élève plus encore et qui malgré le _ temps porte ses perroquets hauts. Il est vrai qu’il court vent arrière vers les longitudes d’où il fera route pour les Antilles, quelque port d'Amérique ou l'Atlantique Sud; sous cette allure il peut porter de la toile. Nous passons sur son avant à une assez grande distance. Bientôt après, la nuit se fait. Elle tombe rapide- ment, sombre, noire, intense; l'humidité se résout en une pluie fine qui nous force à quitter le pont, dont le séjour dans ces conditions est devenu fati- gant et désagréable. 106 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » Cependant il nous plaisait d'entendre ces bruits de mer que le navire écarte et qui reviennent à la rescousse, le frappant comme une riposte, ces grondements stridents des échappements de va- peur inutile, ces ronflements des feux dans les fourneaux, ces retentissements réguliers et saccadés des organes de la machine, des cames de détente plus distincts dans Pobscurité que dans le jour;. enfin le sifflement du vent dans le gréement, les grincements des drosses du gouvernail, et le cri de veille des hommes en vigie : Ouvre l'œil au bossoir, les feux sont clairs, qui revient de temps en temps pour témoigner de leur vigilance et qui rappelle en même temps les dangers d’un abordage. C'est bercé par tous ces bruits différents que nous nous endormons, car, lorsqu'il vente frais, ils sont plus intenses; on dirait qu'ils s’accentuent les uns par les autres, et ils demeurent perceptibles jusque dans les parties basses du navire. Ce fut pendant cette nuit que nous passimes au large du cap Saint-Vincent. Reconnu à son feu, qui fut relevé; au jour il ne s’apercevait plus qu'avec peine. De nombreux bateaux à vapeur n'ont cessé de nous croiser pendant toute la nuit, faisant route pour le détroit. Le 317 juillet, hors de vue de terre, la brise étant toujours très fraîche, mais la mer tombée se trou- vant beaucoup moins grosse que pendant la nuit, nous draguons par 1202 et 1383 mètres, et les ré- sultats de l’opération nous réjouissent, car nous ur ini postes) DE > à PPT + Li LES CÔTES DU PORTUGAL 107 retrouvons la vie sur ces fonds dont la profondeur commence à devenir aussi grande que celle de ceux . sur lesquels nos opérations ont été si infructueuses dans la Méditerranée. L’agitation de la mer encore assez vive nous a bien quelque peu nui; elle a causé la perte d’une bonne partie de la vase que contenaient les dragues, mais les fauberts ramè- nent de nombreux et beaux sujets d’Échinodermes dont quelques-uns nous apparaissent pour la pre- mière fois, des Crustacés, des Rhizopodes, etc. Le 1% août, le jour, en se faisant, nous montre les côtes du Portugal qui sont dominées par la Sierra de Monchique, couronnée elle-même par le mont Foïa, d’une hauteur de 902 mètres. Vers 7 heures du matin, par 1130 mètres, on envoie la drague au fond. Pendant l'opération, comme nous portons en tête de. mât un signal qui signifie : Le bâtiment n'est pas maître de sa manœuvre, un bateau à vapeur s’ap- proche de nous et stoppe pour nous demander si nous avons besoin de secours; il reçoit les remer- ciements qui lui sont adressés, puis il s'éloigne. Il était venu assez près de nous pour que nous puis- sions parfaitement nous rendre compte de la stu- péfaction du capitaine et des hommes qui l’entou- raient ; ils avaient l'air de ne pas comprendre du . tout ce que nous faisions là et pourquoi nous n'avions besoin de rien. Le nom de ce navire anglais était Lebanon. Les résultats de nos deux opérations sont assez 168 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » satisfaisants, et nous éprouvons un véritable plai- sir en retrouvant des fonds qui nous rappellent ceux où l’an dernier nous avons fait de si belles récoltes. Le 2 août, vers 7 heures du matin, nous nous trouvons devant cette vaste échancrure, demi-baie au fond de laquelle se trouve l’embouchure du Tage ; nous reconnaissons au nord le cap Roca, au sud le cap Espichel, qui la limitent. C’est d’abord dans le vague du lointain que ces terres s’élèvent au-dessus de l'horizon; puis peu à peu elles deviennent plus distinctes, et, à mesure que nous nous rapprochons, les détails se montrent de plus en plus accentuës; chaque point se précise et peut être nommé. Bientôt sont visibles les repaires sur lesquels on doit gouverner, pour suivre la passe par laquelle on pénètre dans le fleuve. Parmi les nombreux bateaux de pêche courant en tous sens autour du Travailleur, nous distin- guons celui du pilote, qui bientôt monte à bord; mais c’est en vain que nous cherchons, parmi tous ces bateaux, un seul d’entre eux qui soit encore gréé ainsi que nous les avions vus il y a une tren- taine d’années. Ici aussi le progrès s’est fait, et nous ne pouvons plus considérer ces étranges voi- lures au moyen desquelles les pêcheurs d’alors faisaient dériver leurs embarcations pour traîner leurs filets. Elles se composaient bien d’au moins vingt-deux petits morceaux de toile taillés, les uns en carrés, les autres en trapèzes, en losanges ou ke : . “ LES CÔTES DU PORTUGAL 169 en triangles, grands tout au plus comme une ser- viette, et qui étaient pittoresquement disposés sur des draïlles impossibles et sur des espars placés sur toute la longueur du bateau et le dépassant de l'avant et de l’arrière. C’était on ne peut plus ori- ginal et très caractéristique, et nous ne pouvons nous empêcher de les regretter, tout en recon- naissant que l'intelligence des pêcheurs a eu raison de faire justice d’un pareil système pour le rem- placer par un mode plus efficace et d’une ma- nœuvre plus commode et plus prompte. Sur les indications du pilote, — il en faut un, bien que la chose ne soit pas difficile, — nous sui- vons le chenal qui mène sur la rade de Lisbonne. Passant rapidement devant Cascaës, petite ville à l'aspect gracieux et dont la situation explique la vogue dont elle jouit, aux yeux des habitants de la capitale qui viennent y prendre des bains de mer, en plein Océan, ainsi qu'ils disent, nous voici bientôt par le travers de la Peña de Cintra. Sur son sommet on distingue sans peine l’ancien cou- vent, aujourd’hui palais de Cintra. Nous laissons 1 successivement à bâbord les forts Saint-Julien, San-Pedro, puis celui de Bugio à tribord, et nous voilà arrivés devant Belem, devant cette merveille d'architecture, bijou sculpté qui baigne ses pieds dans les flots. Le 2 août, à midi, nous débarquions sur les beaux quais de cette magnifique ville. Notre premier soin fut de nous rendre à l’École + QT Os Roi 170 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » polytechnique : M. Barboza du Boccage nous en fit les honneurs avec la plus charmante amabilité. Il est vrai que nous n’étions pas étrangers pour lui. Nous pûmes fort à l’aise admirer les magnifiques salles dont il a dirigé et l’édification et l’arrange- ment. Les collections sont riches en sujets rares parfaitement montés et conservés; il est fâcheux. que le personnel soit insuffisant, car il reste bien des matériaux à cataloguer et à placer. Nous vimes là les splendides exemplaires de cette cu- rieuse et gigantesque éponge, que Kent a fait con- naître sous le nom de Askonema Setubalense, et que les pêcheurs de Sétubal ramènent assez sou- vent en retirant leurs lignes. Naturellement M. du Boccage nous donna toute espèce de renseigne- ments sur le genre de pêche que les marins de ce petit port exercent; il fit plus: il nous remit des lettres pour le capitaine de port, pour quelques-uns de ses amis et enfin pour son fils, capitaine du génie, qui précisément se trouvait en ce moment en cette ville, chargé d’y faire des études relatives à la défense des côtes. | Après une très longue visite, nous sortions de cet établissement, qui est un des plus beaux de l'Europe; nous y avions remarqué bien des choses qui prouvent que le Portugal tient un rang dis- tingué parmi les nations les plus savantes et les plus civilisées, et que ce pays marche avec distinc- tion dans la voie du progrès scientifique. Nous en eûmes peu après une autre preuve bien LES CÔTES DU PORTUGAL LT significative, lorsqu’en cherchant un ami, officier de la marine portugaise, M. de Britto Capello, on nous apprit qu’il était parti la veille comme mem- bre d’une commission scientifique chargée d’ex- plorer à fond la Sierra de Estrella, sœur de la nôtre en quelque sorte, puisqu'elle était instituée dans un but à peu près semblable. J'aurais été heureux de revoir cet ami, de lui entendre parler du beau voyage qu’il vient d’exécuter, car il y a quelques mois à peine qu'il est de retour à Lis- bonne, après avoir traverse le continent africain. Pendant notre séjour à Lisbonne, il fut décidé que le professeur Léon Vaillant se rendrait à Sétubal pour obtenir les renseignements qui pour- raient nous permettre d'opérer quelques dragages sur les lieux mêmes où se trouvent les squales, dont la pêche constitue une des industries de cette localité: Il s’y rendit par le chemin de fer et se trouvait de retour à bord le 4 août au soir. Il avait arrêté un bateau de pêche dont le pa- tron avait la réputation d’être le plus expérimenté de tous les pêcheurs du lieu, et nous avions aïnsi toutes les chances possibles pour réussir, car le temps paraissait devoir se maintenir au beau. Le lendemain, $, nous sortions du Tage et, après avoir doublé le cap Espichel, nous mettions le cap sur la petite ville de Cezimbra, où nous devions prendre Joan Correa, notre homme engagé et son bateau monté par huit matelots. Vers 4 heures de l’après-midi, nous passions 172 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » devant le fort d’Arabida. Cezimbra, petite ville habitée par des pêcheurs, est cependant fortifiée; elle se trouve au fond de la baie à peine dessinée qui est située à l’est du fort; adossée à des collines d’aspect assez gai, elle se présente gracieuse et pit- toresque; c’est le sujet d’un joli petit tableau, vue d’où nous sommes. Tout autour du Travailleur, sur une mer assez calme, une foule de bateaux se livrent à la pêche; nous cherchons parmi eux celui qui doit nous rejoindre; nous le distinguons bientôt des autres à la manœuvre qu’il exécute pour se rapprocher de nous. Aussitôt qu’il eut accosté, Correa s’élance à bord ; nous donnons la remorque à son embar- cation, et nous voilà faisant route sur ses indica- tions pour les lieux où doit s’effectuer la pêche. Cependant il était déjà tard quand nous nous éloignons de Cezimbra, et la nuit vint avant que le but fût atteint; notre guide ne pouvant plus dis- tinguer les remarques à terre au moyen desquelles il reconnaît d'habitude ses lieux de pêche, force nous est d'attendre au lendemain. Le 6 au matin, des points de repaire sur la côte ayant permis à Correa de se placer en bonne posi- tion, par plus de mille mètres de fond, pour ren- contrer les poissons des espèces que nous venions chercher, aussi bien que les Askonema qui se trou- vent sur les mêmes fonds, les lignes amorcées d'avance avec des sardines furent mouillées. Surmontant l’exécrable odeur de poisson pu- à up dpi tailaiubes fsétiailt sé éiii néées ‘ 5 LES CÔTES DU PORTUGAL 173 _ tréfié qu’exhalait le bateau portugais, MM. L. Vail- lant et Viallanes s’y installèrent, afin de noter avec soin toutes les particularités et les incidents d’une pêche si particulière. Au bout d’une heure environ, — c'était peu, pensions-nous, — les lignes furent relevées à la main, opération longue et pénible : le résultat fut assez heureux; 21 squales étaient accro- chés aux hamecons, ils appartenaient aux genres Centrophorus et Centrocymnus et étaient de trois espèces. Les pêcheurs nous dirent qu’ils les nom- maient Licha, Zapata, Reganada; ils en prennent encore trois autres qui ne figuraient pas parmi les capturés, ils les appellent Carocho, Albafare et Prepgo. Indépendamment de ces grands poissons, la ligne ramenait aussi quelques individus d’un Gadide, la Mora Mediterranea, espèce très rare que Correa nous désigna sous le nom de Brofa. Pendant cette pêche, nous n’étions pas demeurés oisifs à bord; on avait mouillé une drague par cette même profondeur de 1224 mètres, et quand elle fut relevée, nos Portugais, enchantés de lavoir vu rentrer, bien payés et paraissant très satisfaits, furent congédiés. Nous fimes route pour remonter vers le nord; assez avant dans la soirée, nous perdions de vue le feu du cap Espichel. Le lendemain matin nous étions hofs de vue de toute terre ; la brise, venant du nord, était assez fraî- che; néanmoins, vers 11 heures et demie, nous trou- 174 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » vant à 15 milles dans le O.-N.-O. des Berlingues, par 2590 mètres, une drague est envoyée au fond avec quatre bouteilles à eau espacées de 600 en 600 mètres. On en relève trois; puis par suite des brusques mouvements du navire causés par une mer assez grosse, la fune se rompt et nous per- dons notre drague, fait d'autant plus regrettable qu'il était désirable d’obtenir quelques représen tants de la faune de cette région, située le long de la côte de Portugal. Ce fut ce motif qui détermina, le surlendemain 9, l'immersion d’une autre drague par 1430 mètres; la veille, l’état de la mer ne nous avait permis d’oser la moindre tentative. Celle-ci fut également vaine, car il faisait encore trop mauvais temps pour que l'instrument pût arriver au fond. Ces expériences n’en étaient pas moins instruc- tives, car elles nous apprenaient que, dans de sem- blables circonstances, si l’on veut absolument ten- ter quelque chose, il est nécessaire d’employer de petits engins surchargés de poids relativement lourds et placés de distance en distance sur une grande longueur de la fune, dont on doit filer au moins deux fois la profondeur indiquée par la sonde. Il est en outre indispensable de laisser pour la descente un temps beaucoup plus prolongé que d'habitude et, ce qui est plus diffcile, de cher- cher à maintenir le navire le plus près possible du point d'immersion. Pour obtenir cet effet, il nous semble que l'instrument que nous avons proposé # LE « F4 . + y ne: + LENOIR EE # 2 LES CÔTES DU PORTUGAL E 75 précisément dans ce but serait en pareil cas fort utile. Le ro août, le temps ne s'étant pas embelli, nous continuons notre route sans quil soit pos- sible de sonder. Vers $ heures du soir, nous com- mençons à apercevoir la terre qui nous reste par tribord. À 6 heures, nous reconnaïssons, mais très embrumé, le cap Finistère, et nous relevons le cap * Villano à l’est du monde. Vers les 7 heures, nous ? sommes par le travers de la pointe Bintra, et nous allons bientôt nous retrouver dans le golfe de Gascogne. | Cependant le temps est encore trop mauvais pour que l’on puisse songer à opérer aucun dra- gage; il est décidé que nous irons au Ferrol passer un jour ou deux, qui suffiront dans cette saison pour que la série mauvaise ait son terme. Donc le 11 au matin, nous faisons route pour entrer dans ce port: vers 7 heures, nous doublons la Tour d'Hercule et nous passons devant la Corogne, qui se montre à nous dans le lointain. À 9 heures, nous donnions dans le long et étroit goulet qui rend la rade du Ferrol une position si sûre contre toute attaque. Par-dessus la pointe qui nous reste à tribord et qui paraît tout à fait en dedans, nous apercevons les mâtures d’un assez grand nombre de navires de guerre. Le 22 août, nous levions l’ancre du matin. L] L L1 ° ° vers 6 heures VI. — Le golfe de Gascogne. Sortis des passes du Ferrol, nous rencontrons au dehors la brise assez fraîche et la mer un peu grosse. Cependant, dès que nous nous trouvons assez au large, nous mettons le cap à l’est avec l'intention de relier l’exploration de cette année à celle de 1880. Vers le soir, malgré l’état du temps, qui vraiment n'est guère propice, il est décidé qu’on enverra le chalut sur le fond; ce n’est que dans la nuit qu'il est relevé, et à sa rentrée à bord il fut clairement prouvé qu’il n'avait pu arriver à destination. Le vent imprimait au navire une vitesse de dérive trop considérable pour que l'engin ait pu descendre; les poids qu’on y avait ajoutés en les supposant suffisants ne l’étaient pas; dans ces conditions, il aurait fallu le lester davantage. Si nous n’avons rien ramené, nous avons au moins appris quelque chose : c’est ainsi que l'expérience s’acquiert. Le 14, le temps s’est légèrement amélioré. A 6heures du matin, lasonde nous donne 4547 mètres; à 11 heures, n'étant qu’à 9 milles de terre, nous n'avons plus que 400 mètres. Nous ne pouvons guère draguer à cause de la mer, cependant nous nous rappelons les riches récoltes de l’an dernier sur ces fonds du golfe. Espérant mieux encore, nous voudrions les avoir déjà devant les yeux; anxieux, nous avons hâte d’avoir la preuve que nos espé- î ze 4 # à # LE GOLFEÉ DE GASCOGNE EX A rances ne sont pas vaines. Tout au moins, nous Fig. 10. — Brisinga coronata, O. Sars. comptons bien être plus heureux que dans la soirée DE FoLIN. — Sous les mers. 12 178 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » d'hier. On opère donc, maleré tout, deux dragages, l’un d’eux par 1916 mètres. Ce qu'ilsnousramènent " nous satisfait grandement, car nous retrouvons cette richesse de faune de notre première campagne, et, comme il y a toute apparence que la journée de demain sera tout à fait belle, notre confiance dans les succès futurs est complète; c’est en y songeant que nous nous endormons. Le 15, en effet, une série d'opérations des plus heureuses — nous n’exécutons pas moins de neuf sondages et de cinq dragages par 1225, 953, 1000, 1037, 392 mètres — fait naître au cœur de chacun une joie telle qu’il est donné aux naturalistes seu- lement d’en ressentir après d’heureuses captures. Nous avons été assez favorisés pour ramener presque intact, ce qui est extrêmement rare, un magnifique exemplaire de Brisinga (fig. 19), cet Échinoderme, merveille de la mer, si brillant, si vraiment beau, que l’heureux Norvégien qui en fit la découverte, P. Chr. Asbjornsen, poète et natu- raliste, lui imposa un nom tel qu’il devait, dans sa pensée, proclamer tout ce que l’animal présente de splendeur. Ainsi que le dit M. le professeur Angelo de Gubernatis, « il n’y a que les poètes qui soient capables de deviner, de saisir d’instinct certaines grandes vérités de la science, et Asbjornsen est un grand poète ». Nous pensons de même, croyant qu’il faut une aptitude particulière pour sentir toute la valeur de ces créations produites par des imagi- décn tale ad ie der oi alloué dde de 0 Sith 2e fe LE nat dt » * LE GOLFE DE GASCOGNE 179 nations qui percevaient, sans que l’œil leur soit venu en aide, les splendeurs des plaines sous- marines, des grottes, des cavernes recouvertes par l'Océan, pour s'inspirer enfin de ces révélations et s'en servir ainsi que l’a fait le savant Norvégien. Pour ces esprits qui devinaient en quelque sorte, c’étaient de féeriques jardins, des palais enchantés qu’ils peuplaient d’êtres d’une beauté idéale, les revêtant des métaux les plus précieux, des pierre- ries les plus éclatantes. Il ne leur fut pas donné d’apercevoir combien la réalité se rapprochait par- fois de leurs fictions, mais ceux qui sont plus - heureux qu'eux et qui, les comprenant, parvien- nent à scruter ces abimes, ne s’étonnent que d’une “ chose, combien le sentiment de la réalité les ins- . pirait. Nous comprenons fort bien que Asbjornsen, à reconnaissant pour ainsi dire une description de ses - devanciers dans le brillant animal qu’il venait de - retirer du fond d’un abîme, lui ait attribué le nom même que cette reconnaissance évoquait: Brising - _thebreast ornament, aïnsi que l’a indiqué notre savant - ami, M. le professeur O. Sars, l’ornement posé sur - le sein de Freya, la déesse de l’amour d’après la - mythologie scandinave; suivant les vieilles tradi- + tions, elle était séquestrée par Loke au fond des abimes de l'Océan primitif. On conçoit quelle - doit être la beauté imaginaire du principal bijou qui parait une personnification non moins belle, non moins chaude que partout ailleurs, de ce que le cœur ressent, aussi vivement dans les régions 4 : : ; Mt es AT 180 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » hyperboréennes que sous le ciel brûlant de léqua- teur. Si nous admirons l'esprit poétique qui saisissait si à propos le rapprochement naturel entre le vrai et la fiction, nous apprécions également le mérite de M. Asbjornsen lorsque, s’inspirant des beautés contenues dans les vieilles poésies de son pays, il a su profiter de ce rapprochement, pour en perpé- tuer le souvenir et en vulgariser au moins l’exis- tence au monde entier par cette application zoolo- gique. Indépendamment de ce remarquable exemplaire, le dragage nous a donné de très curieux Crustacés, parmi lesquels il s’en est trouvé un revêtu de cette belle couleur rouge presque pourpre que nous avons déjà si fort admirée sur d’autres espèces. Des Mol- lusques, dont quelques-uns paraissent fort intéres- sants; des Échinodermes rares et dont plusieurs sont probablement inédits; de magnifiques poly- piers, parmi lesquels un Caryophillia que l’on pour- - rait presque prendre pour cette charmante rose- noisette qui porte le nom de Céline Forestier, tant les teintes qu’il revêt sont semblables, tant elles se nuancent par une dégradation des tons qui est tout à fait la même que sur la fleur. Des Rhizopodes, des Spongiaires, des Annélides logés dans les po- lypiers et bien d’autres organismes dont l’examen nous apprendra plus tard toute la valeur. Le tout est en si grande abondance que c’est à peine si nous pouvons suffire à cette besogne de LE GOLFE DE GASCOGNE ISI mettre un peu d’ordre dans un tel amas de riches- ses, ranger les sujets dans des bocaux, dans des tubes, les préparer pour qu’ils arrivent sans ava- rie à leur destination. La nuit nous trouve encore occupés à ces soins; bien à regret nous sommes forcés de quitter le travail et de remettre au len- demain le triage du dernier dragage, qui demeure soigneusement renfermé dans les bailles. Le second de ces dragages, celui de 953 mètres, exécuté par 44° 4'45" de latitude nord et 9° 23' 30” de longitude ouest, nous a procuré une notable quantité d'assez gros morceaux d’un calcaire nummulitique, qui paraît être à peu près le même que celui de Biarritz. Nous avons donc obtenu sur ce point de fort intéressants échantillons géolo- giques, qui ne furent pas les seuls, car, par 1000 mètres, nous avions ramené un grand nombre de cailloux revêtus d’une patine rousse et la plupart chargés de Bryozoaires, de Rhizopodes et autres organismes. C’est donc encore bercés par la perspective de faire pendant le jour qui va suivre des pêches tout aussi fructueuses, que le sommeil nous surprend. Mais hélas! les jours se suivent et ne se ressem- blent pas. Le 16 au matin, lorsque nous nous réveillons, nous sentons de suite que le temps n’est plus celui de la veille; en arrivant sur le pont, nous consta- tons bien vite que la brise a fraîchi pendant la nuit et que la mer est devenue grosse, assez mau- 182 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR» vaise pour nous inquièter relativement aux captures auxquelles nous avions songé et que nous nous promettions. Néanmoins on tente la fortune, une première opération ne réussit guère, trois autres lui succè- dent sans meilleurs résultats, et vers 4 heures, le temps ayant empire et présentant la franche appa- rence d’une série de vents du sud-ouest qui pou- vaient en venir à souffler violemment, le comman- dant renonce à poursuivre l’exploration vers l’est et se décide à mettre le cap sur Rochefort, car il faut que ce qui nous reste de charbon nous y conduise, etnous n'avons plus guère que le nécessaire pour le trajet et pour subvenir à toute éventualité, à toute chance de mer. C’est donc après avoir remonté vers le nord- est que le 17, vers 3 heures de l'après-midi, nous nous trouvons par 44° 48! 30° de latitude nord et 7° 0" 30° de longitude ouest, à peu près sur le pa- rallèle d'Arcachon ou de Bordeaux et sur le méri- dien de Llanos en Espagne, port situé environ à mi-distance entre Santander et le cap Peñas, notre limite occidentale en 1880. En ce moment, le temps s'était légèrement amé- lioré; un sondage s’est bien exécuté; ce serait bien beau pour le dernier dragage de l’effectuer par s 100 mètres. Le sort en est jeté, la drague s’en va à l’eau, seulement on prend les plus grandes pré- cautions pour la descente, pour la remonte encore davantage, et ce n’est que douze heures après le RITES Ne - Sr | CPP PTT TP ON ER PT CU, OT ee, LT © ï DEP sr obtté | UN rar v Cat LE GOLFÉ DE GASCOGNE 183 commencement de l’opération qu’elle se trouve terminée. Ce fut en effet le 18, vers 3 h. so du matin, que les engins rentrèrent à bord. La drague ne contenait que bien peu de chose : il nous parut clairement qu’elle s'était vidée pen- dant le long trajet qu’elle avait fait et l’espace de temps prolongé qu’il avait duré. Il y avait eu néces- sité rigoureuse, afin de ne pas faire rompre la fune, de la virer avec une extrême lenteur pour soulager et relever le poids considérable de près de 7 kilomètres de ce cordage que l’on avait filés et dont le diamètre n’était pas moindre de 3 centi- mètres. Par suite de cette lenteur, chaque mouve- ment de roulis ou de tangage avait donné lieu à des secousses, produisant des soubresauts dont la conséquence était de projeter peu à peu au dehors le contenu de l’instrument. Malgré cette perte, nous nous estimons encore fort heureux, et grâce aux soins minutieux que prit le commandant Richard, à l'attention non interrom- pue avec laquelle il veilla pendant toute l'opération, nous avons la satisfaction bien grande d’avoir réussi et de pouvoir inscrire sur le pavillon du Travail- leur ce chiffre de $ 100 mètres, celui du dragage le plus profond qui ait été exécuté dans l'Atlantique. La réussite d’une telle entreprise était un fait déjà bien beau par lui-même, mais le succès fut complètement caractérisé par le butin que nous recueïllimes dans la faible quantité de vase qui fut ramenée du fond. 184 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR D D'abord la certitude que des animaux de diverses sortes peuvent vivre à des profondeurs aussi énor- mes, profondeurs qui peuvent être correctement appelées des abîmes, fut acquise. Nous avons en effet retiré du produit de ce dragage un nombre d'organismes relativement considérable, qui montre en outre que la vie s’y trouve largement répandue, et que lorsqu'on obtiendra des apports de pareils fonds, des apports normaux bien entendu, on sera amplement dédommagé des peines que l’on pren- dra par les précieuses richesses zoologiques qu’on en retirera. On reconnaîtra alors, plus sûrement que nous n'avons pu le faire, que la faune y pré- sente des types qui lui sont propres, des particula- rités qui paraissent lui imprimer des caractères spé- ciaux, ce quin’est pas surprenant. Ainsi nous trouvons un Rhabdammina qui paraît appartenir à l'espèce flexilis, beaucoup plus déve- loppé et plus fort que tous les individus de la même espèce que nous avons recueillis ailleurs. Au contraire, certains Reophax, l’Argentea par exemple, semblent avoir leur enveloppe plus ténue; ils ont un nombre de loges moindre, des formes moins régulières, et ils sont plus petits, ainsi que paraissent l’être la plupart des formes rencontrées. Le lavage de la vase, qui semble être beaucoup moins plastique que celle des autres fonds, a mis à nu un Crustacé Amphipode, neuf espèces de Crus- tacés Ostracodes : un d’entre eux doit appartenir à un genre nouveau (Onyphera Edwardsii), une LE GOLFE DE GASCOGNE 185 petite Annélide. Nous avons donc ainsi la preuve que des animaux assez élevés dans l’ordre zoolo- gique habitent ces abimes. Nous pouvons même supposer que d’autres qui leur sont supérieurs pourront y être trouvés, si nous nous en rapportons à la rencontre de quelques fines écailles qui paraissent avoir appartenu à des pois- sons, à celle de petites griffes qui semblent avoir armé des doigts, à en juger par leur ressemblance avec celles des pattes de tortue. Mais la récolte la plus remarquable et qui est d’une abondance surprenante est celle des Rhizo- podes. Nous comptons déjà plus de trente espèces d'Arénacés : Reophax, Psammosphera, Haplophrag- mium, Hippocrepina Trochamina, Hemicrypta, Rhab- dammina, et plusieurs autres genres inédits. Les Foraminifères proprement dits sont encore plus nombreux, et parmi eux se trouvent un assez grand nombre de formes nouvelles. Enfin des Radiolaires, des Spicules de Spongiaires, des épines Échinodermes, des Bryozoaires ont été également retirés des résidus après le lavage. Ces constatations préliminaires montrent claire- ment quel puissant intérêt il y a à opérer des dra- gages sur ces fonds situés aussi bas et à une dis- tance de terre qui n’est pas très grande. À notre avis, on devra, pour exécuter ces opé- rations, ne se servir que de petites dragues fort légères à sacs évasés par le bas et qui seront lestées de poids à abandonner, ainsi qu’on le fait avec le 186 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » sondeur. Les funes pourront, par suite, n’avoir qu’un moindre diamètre, et, leur poids étant moins considérable, tout le système se trouvera allégé, on assurera ainsi la réussite des dragages en ren- dant leur accomplissement plus facile et plus ra- pide, en diminuant en même temps les chances d'accidents !. Il sera en outre facile de mouiller deux dragues en même temps, ce qui augmentera les chances de réussite et suppléera à la faible capacité des instru- ments. Ce fut la dernière opération de la campagne de 1881; elle couronna dignement des travaux accomplis non sans peines et sans fatigues, plus grandes encore que celles de 1880, puisqu'elles eurent trois fois plus de durée. Cette année encore, nous rapportions une inté- ressante récolte d'animaux de bien des espèces, parmi lesquelles il s’en trouvait de nouvelles pour la science; de plus, nous avions acquis plus d’ex- périence dans les procédés des recherches. Nous avions appris bien des choses, et il résultait de cette expérience acquise d’utiles enseignements. Ainsi nous pensons qu'il vaut toujours mieux draguer avec de petits instruments dont l’enver-. gure ne doit pas dépasser un mètre. On peut en mouiller trois en même temps, un sur l'arrière, les deux autres par les hanches, en les écartant 1. L'emploi du càble en acier dont il a été fait usage depuis vaut encore mieux. ER PR ER Do LE GOLFE DE GASCOGNE 187 si l’on veut, au moyen d’un espar qui aidera à les rentrer à bord; ils travailleront sur une surface du fond à peu près égale à celle que labourerait une grande drague, et on aura quelques chances de plus de varier davantage les captures. Il sera facile de faire virer les trois funes à la fois, et l'opération, quoique divisée, ne prendra pas plus de temps que si elle était simple. On peut également marier trois petites dragues, même quatre, et si on opère sur un fond de roches et que l’on accroche, on pourra en perdre une, tout en sauvant les autres. En pratiquant cette méthode de mouiller trois petites dragues à la fois, on trouvera l'avantage de pouvoir employer plusieurs thermomètres dont les résultats se vérifieront les uns par les autres. IL sera de même facile de se servir d’un plus grand nombre de bouteilles à eau, de mieux disperser les fauberts qui agiront sur bien plus de points. Enfin on devra faire usage, ainsi que nous l’avions proposé en 1880, d’un jeu d’hameçons de plusieurs tailles; ce que nous avons vu à Setubal a démontré péremptoirement le résultat que lPon peut en obtenir, et il sera facile de les disposer sur les funes sans qu’ils puissent gêner. Il sera bon également d'employer un certain nombre de petits grappins spéciaux, en les plaçant aux environs des dragues et des poids fixés sur les funes. Ce que l’on arrache aux fonds est si peu de chose en comparaison de la multitude des êtres 188 LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAIÏLLEUR » qui les habitent et surtout des immenses espaces sur lesquels les efforts de l’exploration ne peuvent porter, qu’il faut bien reconnaître que c’est à peine si on y touche. Il est donc de la plus impérieuse nécessité d'obtenir tout ce que nos moyens d'ac- tion nous permettent et conséquemment de mul- tiplier ceux-ci autant que nous le pourrons. La drague est, répétons-le, la main de l’homme appli- quée sur le fond des abimes, elle tâtonne encore, rendons-la aussi puissante que possible. Le 18 fut une assez belle journée de mer, pen- dant laquelle nous nous rapprochions du port de retour : nous devions y arriver le lendemain. Il nous restait une importante besogne à accomplir, il fallait procéder à l’ emballage en caisses des pré- cieux produits de l'exploration, et jusqu'au soir cette grosse affaire nous occupa. Le 19, vers 2 heures du matin, nous aperce- vons les feux de la Baleine, puis peu après ceux des autres phares qui éclairent cette partie de la côte où se trouvent situés deux ports importants. Un pilote de l’île d'Aix passe non loin de nous; mais, comme il ne manœuvre pas pour nous ac- coster, nous continuons notre route. Ce n'est qu’alors qu’il n’est plus temps qu’il nous reconnait et qu'il cherche en vain à nous accoster. Au jour, nous avons en vue les terres de France, et vers 7 heures du matin nous mouillons sur la rade de Pile d'Aix, près de l’Arous, qui remplace le Travailleur comme stationnaire. Nous y atten- LE GOLFE DE GASCOGNE 189 dons que le flot ait amené assez d’eau à l’entrée de la Charente pour que nous puissions y entrer. Vers 9 heures, l'ancre est levée, nous traversons rapidement la rade, nous doublons les forts qui défendent l'embouchure du fleuve et nous y péné- trons. Vers midi, la campagne est définitivement terminée, /e Travailleur est stoppé, on procède à son amarrage le long d’un des pontons de l’arsenal de Rochefort. Et maintenant que nous allons nous disperser, c'est avec un sentiment de regret que nous re- gardons tous ces charmants et bons compagnons, que nous songeons aux heures que nous avons passées ensemble dans une étroite conformité de vues, d’espérances, de satisfactions, tous unis par la plus cordiale sympathie qu'aucun nuage ne vint troubler. Nous sentons que nous sommes liés à eux par les joies et les fatigues communes, par les travaux accomplis ensemble, et nous formons les vœux les plus ardents pour qu’il nous soit encore donné de faire, tous réunis, de nouvelles campa- gnes d'exploration. Aussi, en quittant le bon et brave Travailleur, le saluons-nous en lui disant au revoir. Au revoir, au commandant Richard. Au revoir, aux membres de la commission, tous bien chers et que nous n’oublierons jamais. Au revoir à MM. Jacquet, Villegente, Bourget, Rangier, de l’état-major. Au revoir, à l’équipage. CHAPITRE V. LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR », LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE, LES CÔTES DU POR- TUGAL, LES CÔTES DU MAROC, LES CANARIES, MADÈRE, LE GOLFE DE GASCOGNE. I. — Les côtes nord de l’Espagne. Nous n'avions pas espéré en vain lorsqu’en quittant le Travailleur en août 1881 nous lui disions au revoir. Les résultats obtenus pendant les deux premières campagnes avaient été trop importants pour que la continuation de l’œuvre ne fût pas décidée. 4 Le 2 juillet 1882, rendez-vous était donné à Rochefort, et ce fut ce jour-là que nous fimes connaissance avec le nouveau commandant du bâtiment, M. Parfait, avec MM. Festy, de Roc- quancourt, Carmichaël Rangier et Paulze d'Ivoy, composant l'état-major qui avait remplacé celui que nous avions connu les années précédentes. La commission était composée de M. A. Milne- LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE 191 Edwards, président, M. M. de Folin, M. Paul Fis- cher, M. Sabatier et M. Viallanes. M. Sabatier ne vint que jusqu'au Ferrol. Le lendemain 3, à 3 h. 30 de laprès-midi, le Travailleur, ayant largué toutes les amarres qui le retenaient le long des rives de la Charente, prend ses poudres, puis met en route, salué par les parents et les amis, venus pour assister au départ. Descendant rapidement le fleuve, nous passons devant Martrou, puis devant Soubise; enfin nous laissons Fourras derrière nous. À 8 heures, nous trouvant sur la rade de l’île d’Aïx, nous envoyons nos lettres à bord du stationnaire, ayant pu y ajouter quelques mots encore avant de prendre la mer. C’est à 10 h. 40 que nous pouvons dire que nous nous y trouvons, car c’est à ce moment que le point de départ est pris au moyen des trois rele- vements suivants, qui, portés sur la carte, le don- nent très exactement : Feu de Chassiron, au S., 650 E. Haut banc du Nord, au N., 100 O. Feu de Chauveau, au N., 74 E. La mer est belle, rien ne s’oppose à ce que nous passions une bonne nuit. C’est sur cette réflexion que nous descendons nous coucher. À 1 h. 20, le feu de Chassiron disparaît, tout va bien, le navire file ses six nœuds. Vers 7 heures, on apercevait une épave, et ce qui la rendait surtout intéressante, c’est qu’elle 102 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR } paraissait surmontée d’une croix. Gouvernant sur elle, Ze Travailleur s’est bientôt rapproché d’une sorte de plate-forme supportée par d’assez fortes pièces de bois. Après avoir stoppé, un canot est mis à la mer, on visite avec soin l’épave sans rien trouver qui puisse expliquer la structure et l'usage auquel était destiné ce singulier assemblage de bois de dimensions diverses. Dans l’après-midi, les vents passent au nord-ouest en fraichissant, la mer grossit, devient houleuse. Ceci fait naître des appréhensions sur les opéra- tions que nous pourrions bientôt commencer. … Nous avons eu plusieurs bâtiments en vue pendant cette journée, ce qui n’a rien de surpre- nant, car notre route croise à peu près celle des navires quittant les ports de France et qui veu- lent sortir du golfe et celle des navires qui y ren- trent. Le lendemain 5, le vent vient toujours de l’ouest ou ouest-nord-ouest, et dans la matinée nous rece- vons quelques grains, la mer est houleuse. Dans : l'après-midi, vers 3 h. 25, aperçu la terre dans le sud. À 6 heures et quelques minutes, sondé pour. la première fois, trouvé 112 mètres. À 9 h. 30, un troisième sondage par 176 mètres est exécuté. Enfin à 9 h. 46 on opère un quatrième son- dage, relevant le cap Peñas au S., 46° O., trouvé le - fond à 236 mètres. Les vents sont alors au O.-S.-O. Cependant le temps n’est pas encore mauvais; nous nous couchons avec l'espoir qu’il n'empirera pas; 2. < $ , ie Ee-S LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE 193 dans cette saison, les coups de vents sont rares et de peu de durée : c’est ce qui nous rassure. Le 6 juillet au matin, la brise a un peu molli. A 6 h. 15, stoppé, sondé par 564 mètres. On envoie un chalut sur le fond, il ramène une assez riche récolte d'animaux. Nous retrouvons les charmes si prisés de nos pêches antérieures et nous nous absorbons dans leur examen et les soins de leur conservation. Pendant ce temps, un sondage s'exécute un peu avant 8 h.; il accuse 614 mètres. À :12 h. 20, nouvelle sonde de 608 mètres. Au retour de l’appareil, on envoie le chalut sur le fond en relevant le cap Peñas au S. 23° O. Les résultats sont de même très satisfaisants : nous obtenons surtout un assez grand nombre d’exem- plaires de Calveria d’une très grande taille. Bien que les officiers actuels du Travailleur n’aient pas encore le feu sacré et qu’ils aient paru quelque peu indifférents au succès du premier dragage, celui-ci paraît les impressionner davan- tage; ils s’éronnent de l’étrangeté de certains orga- nismes tout nouveaux pour eux. On peut déjà sentir qu'ils prennent goût aux recherches, et l’un d'eux, s’extasiant sur la valeur attribuée aux Calve- rias larges comme de petites assiettes, prétend qu’il serait bien intéressant de pouvoir dire qu’on en a mangé et demande qu’on lui en abandonne pour les mettre à une sauce quelconque. La plaisante- rie lui fut souvent rappelée depuis. Cependant, tout entiers au triage de nos cap- DE FOoLIN. — Sous les mers. 13 194 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » tures, nous ne nous apercevions pas que le temps se couvrait, que la mer devenait plus houleuse. Ceci ne fut bien évident pour nous que lorsque nous voulümes donner un autre coùp de chalut, ce qui eut lieu malgré tout, vers 4 h. 50, par 12 mètres, relevant le cap Peñas au S. 23° O. Cette fois, l'appareil avait rencontré des roches : il en ramena en effet un fragment pesant de 15 à 20 kilogrammes, mais il y perdit la plus grande partie de sa poche et revint à bord fort endommagé dans son armature; la houle aïdant, il avait assu- rèément travaillé très péniblement sur le fond. La nuit n’est point belle. À 2 h. so, da le feu du cap Nesro. Dans la matinée du 8, la brise d’ouest est très. fraîche, la mer grosse, le baromètre baisse, toute opération est impossible. C’est ce qui fait décider une relâche à Gijon, dont nous sommes assez rap- prochés. On fait route sur le cap Torres et nous mouillons sur la rade de cette ville d’assez bonne. heure. Ce mouillage n’est pas des meïlleurs, et dans le port même, pendant l’hiver, les navires qui y viennent sont obligés de prendre des pré- cautions, bien qu'ils puissent s’amarrer sur des corps-morts d’une assez grande force. Le Travailleur était resté dans la partie ouest de la rade, à une assez grande distance de la ville. Aussitôt après le déjeuner, une embarcation nous mène à terre. Pour entrer dans le port, il faut évi- ter des chaînes de récifs, sur lesquels la mer brise LENS 42 24 À ‘ 4 » ! LES CÔTES NORD DE L’ESPAGNE 195 avec assez de violence, surtout pendant le flot. Après avoir parcouru la ville, qui ne présente rien de bien remarquable, nous rentrons à bord pour diner. Le vent tombe peu à peu et nous espérons pouvoir bientôt nous remettre au travail. À 11 h. 30 du soir, l'ancre est levée et nous reprenons la mer. Le 8 à midi, quoique le temps ne soit pas très propice et que nous rencontrions une grosse houle dans les parages où nous nous trouvons, on allume les feux du petit cheval. À 1 heure, la sonde indique une profondeur de 1254 mètres. On envoie le chalut sur le fond; il ne rapporte que très peu de chose, bien qu'ayant travaillé parmi des coraux, mais les mouvements du navire sont très violents et l'appareil les ressent trop pour qu'il puisse opérer efficacement. Les secousses brusques et violentes que le tangage produit ont dû, pendant le retour, bouleverser l’engin et pro- jeter au dehors ce qu’il contenait. Nous en avons la preuve, lorsqu’à 7 heures du soir nous chalu- tons encore par 800 mètres sur un fond de vase; le filet revient à bord complètement retourné et conséquemment tout à fait vide. Cependant on retrouve, sur les fils de quelques mailles, de petits poissons aux dents longues et crochues, par les- quelles ils avaient été retenus. Le feu du cap Peñas restait alors au S. 18° O. Pendant la nuit, nous faisons route à l’ouest, et vers 2 heures du matin nous le perdons de vue. 196 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » À 6 heures, quoique le temps ne soit pas des plus convenables, on allume les feux de la ma- chine auxiliaire et on sonde vers7h. 15. Le fond est trouvé par 170 mètres, mais le sondeur y reste. Le baromètre monte, nous avons donc lespoir de voir le témps s'améliorer, et cette perspective nous tient en haleine. Cependant la mer ne tombe pas et, malgré la grosse houle, vers 8 h. 20, étant par le travers de Navia dont nous apercevons les hautes terres à demi embrumées, on sonde encore, et cette fois on trouve 140 mètres, fond de gravier. Vers 10 heures, nous pouvons reconnaitre Mon- digo, assez haute montagne mamelonnée qui do- mine les autres profils tous assez distancés de Îa côte. À 11 h. 54, le sondeur accuse 170 mètres et rapporte du sable gris. À 12 h. Sr, c’est 200 mètres, sable et gravier; à 1 h. 30, 280 mètres, même nature de fond. Un peu après 2 heures, nous trou- vant plus dans l’ouest, la profondeur augmente, car, après avoir filé plus de 1000 mètres de fil d’acier, il s'engage dans un mouvement de tangage et se rompt. Le mauvais temps s’accentue du reste, et, re- connaissant l'impossibilité de tenter fructueusement aucune opération, il est décidé que ce que nous avons de mieux à faire est de relâcher de nouveau. Nous nous trouvons assez rapprochés de la baie de Barqueiro. C’est sur. elle que /e Travailleur se dirige. Vers 7 heures en effet, nous avons en vue restant au S. 75° ©. la Estaca de Vares, qui se trouve à l'entrée de cet abri. La nuit devient assez 4e, SR LES CÔTES NORD DE L' ESPAGNE 197 obscure, mais, grâce aux feux de la Estaca et de l'ile de Coelleira, nous pénétrons dans la baie et nous mouillons devant Vares vers 9 h. 30. Le 10 au matin, nous nous réjouissons de nous trouver derrière la montagne de Vares, car, malgré son élévation, nous ressentons des rafales de S.-O. d’une violence extrème. Par notre travers, nous apercevons le village du même nom; les maisons sont pittoresquement échelonnées sur la pente qui succède à une jolie plage sablonneuse protégée par une sorte de môle en roches noires, simple- ment accumulées les unes sur les autres; derrière le môle viennent s’amarrer les bateaux de cette petite localité, dont tous les hommes sont marins et pêchent la sardine et les langoustes, qui abon- dent dans les eaux et dans les roches de cette côte”. Nous voulons y aborder, mais à l’arrivée de notre canot deux carabineros viennent nous défen- dre de descendre à terre avant d’avoir été à Bar- queiro. C’est seulement là que la libre pratique peut nous être donnée. Déçus, car l'aspect de Vares et de la montagne nous charmait, nous retournons déjeuner et, aussitôt ce soin pris, le canot nous conduit au fond de la baie derrière une pointe où se cache la bourgade principale, mais à 4 milles au moins du mouillage. Il est étrange que ce soit à Barqueiro que les forma- 1. Depuis quelques années, les viviers de Bretagne s’ap- provisionnent de komards et de langoustes dans ce pays; c’est par cinq ou six mille à la fois qu’on les emporte. ENCRES £ è À À CAEN -A SE 198 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » lités sanitaires doivent s’accomplir, car aucun navire ne peut aller y mouiller, le fond manque à plus de 2 milles du bourg. Au moment où nous nous en approchions, nous remarquons un personnage à cheval galo- pant sur un sentier qui, passant par-dessus les rochers, longe le rivage; il paraissait nous suivre attentivement de l’œil. Nous le primes pour l’au- torité maritime du lieu, mais en arrivant au débar- cadère nous fûmes détrompés : c’était simple- ment un Sardinero, cependant le personnage important de Barqueiro. Les Sardineros sont des capitalistes du pays, ils arment un certain nombre de bateaux qui ramènent d'énormes quantités de sardines aux établissements où on les prépare pour la conservation en les pressant et les empi- lant dans de petits tonnelets, au nombre de trois à quatre mille. Elles se conservent ainsi assez long- temps, et on les expédie à l’intérieur du pays. On en exporte même, il en vient beaucoup en France. Sept ou huit villages riverains, dans cette grande baie de Barqueiro, vivent de cette industrie et ont tous leur Sardinero. À peine débarqués, le nôtre vint à nous et nous rendit immédiatement le service d’aplanir toutes difficultés entre nous et les carabineros, assez né- gligemment vêtus et qui s'étaient portés à notre rencontre. Il nous conduisit ensuite chez l’alcade qui devait nous donner un permis pour pouvoir débarquer à Vares, puis à la poste, et toujours LL LES CÔTES NORD DE L’ESPAGNE 199 nous faisant les honneurs de son pays, il nous amena chez lui. Sa maison, située un peu en dehors du village, était évidemment beaucoup plus confortable que toutes les autres. Ses instances furent telles que nous fûmes obligés d’accepter son hospitalité, offerte du reste avec affabilité, et nous introduisant dans sa salle à manger, il nous présenta à sa femme et à ses filles ; nous dûmes nous asseoir au milieu d'elles, pour boire à leur santé du vin d'Espagne, accompagné de quelques gâteaux secs. Nous primes enfin congé de lui et nous retournà- mes à Barqueiro en faisant un détour qui nous amena dans une fraîche vallée bien cultivée. M’étant un peu écarté de mes compagnons, je suivais un sentier bordé de murs en pierres sèches qui me rappelaient ceux d'Hendaye et d’Itsatsou dans lesquels j'avais trouvé l’Helix Quimperiana; quelle ne fut pas ma surprise, en écartant les mousses et les plantes qui encombraient les interstices entre les pierres, d’y rencontrer le même Mollusque! C’était un fait assez important à noter; l'existence de cette espèce pyrénéenne en cette station indiquait qu’elle doit vivre sur toute la région septentrionale hispanique. Nous retrouvant au sommet de [a pente sur laquelle est bâtie Barqueiro, nous contemplons la beauté du paysage qui se déroule devant nous; nous suivons de l’œil les nombreuses et profondes dé- coupures de la baie qui est échancrée comme le sont les fiords de Norvège. Nous admirons les tons chauds des rochers qui les dessinent et qui sont 200 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » surmontés par des terrains recouverts d’une végé- tation variée aux nuances multiples, s’atténuant à mesure que les croupes s’éloignent et se fondant dans les teintes violacées des montagnes loin- taines qui couronnent l’ensemble du panorama. De retour au débarcadère, nous y retrouvons nos carabineros, mais cette fois en grande tenue. Ils ont appris que le Travailleur était un bâtiment de l’État et ils ont jugé convenable de se montrer sous une allure un peu plus militaire. En nous rendant à bord, nous remarquons que le vent est demeuré toujours violent et que la relâche doit se prolonger; il n’est pas possible de songer à reprendre la mer avant qu’il soit bien apaisé. Le 11 juillet, nous sommes donc encore au mouillage et nous pourrons descendre à terre à Vares. C’est ce que nous faisons après le dé- jeuner. Nous traversons le village et nous gra- vissons la montagne, sur les flancs et le sommet de laquelle sont accumulés d'énormes blocs erra- tiques. Ayant atteint un des points culminants, nous apercevons le cap Ortégal et l’immense baie qui s’enfonce entre lui et la Estaca de Vares, dont la pointe rocheuse s'étend à nos pieds et se pro- longe vers le nord. Les terrains que nous avons en vue sont bien cultivés et paraissent riches. En redescendant et en suivant un petit filet d’eau qui coule dans un pli peu sinueux et le long duquel se trouvent des jardins, nous trouvons l’'Helix inchoata; encore une constatation intéres- LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE 201 sante, car cette espèce n’était connue que comme habitant le Portugal et ne dépassant pas le Tage. Nous ramassons également lHelix Cantabrica, quelques Clausilies et deux ou trois individus d’une petite Succinée. Pendant notre excursion sur le mont Vares, le commandant Parfait avait envoyé un canot draguer dans la baie. À notre retour, nous trouvions une baille remplie de sable; nous y recueillimes les Mollusques dont le catalogue dressé par le doc- teur P. Fischer, bien qu'incomplet assurément, n’en présente pas moins de l'intérêt. Aocéphales. Venerupe irus. Cardium Norvegicum. Solen énsts. RS te Pandora inœquivalvis, — tuberculatum. co Fire Diplodonta rotundata. Woodia digitaria. Donax trunculus. Gastropodes. Mactra subtruncata. Triton nodiferus. — solida. Phasaniella pullus. Cytherea chione. Murex aciculatus. Venus casina. Turbo rugosus. — ovata. Trochus crassus. Tellina tenuis. — zizyphinus. — donacina. — obliquatus. Dosinia tincta. —- magus. Thracia phaseolina. Littorina littorea. Psammobia Ferroensis. Patella vulgata. Nucula margaritacea. Dentalium Tarentinum, Mytilus edulis. Nassa incrassata. — Galloprovincialis. — reticulata. Kellia suborbicularis. — pygmea. Lucina borealis. Cassis saburon. — divaricata. Purpura lapillus, — lactea. — hæmastoma. Lutraria elliptica. Natica monilifera. Arca lactea. Cerithium scabrum. 202 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » Une belle Actinie, l'Adamsia palliata, se ren- contre assez fréquemment, vivant sur les coquilles. Qu'il nous soit permis d'espérer que d’autres dragages seront exécutés sur le même point, quand l’occasion s’en présentera, et peu à peu la faune de la baie de Barqueiro se trouvera parfai- tement connue. C’est la théorie des Fonds de la mer mise en pratique. Le 12 juillet, à 4 heures du matin, l'ancre est levée et nous appareillons. Nous trouvons la mer encore houleuse, bien que le vent ait beaucoup molli. À 7 heures, la sonde indique une profondeur de 183 mètres, sable gris; à 7 h. 44, 175 mètres, fond de sable; à 8 h. 26, 306 mètres, sable; à 9 heures, par 44° 7' lat. N. et 9° 21° 30” long. O., 745 mètres, sable vasard 1. Aussitôt la profondeur connue, on envoie le chalut sur le fond. Les résultats de cette opération sont médiocres et consistent en quelques Crustacés, quelques poissons, des Holothuries, un certain nombre d’Échinodermes et des Zoophytes. Vers 1.heure, la latitude observée étant 44° 4° 45” N. et la longitude 9° 31° 26”, un nouveau son- dage est exécuté par 1600 mètres. Peu après le chalut est immergé, et lorsqu'il est de retour à. bord, il ne contient guère que des animaux de même espèce que ceux obtenus par l'opération précédente. On sonde encore à 5 h. 39, et le fond 1. En relevant le feu de Colleira au S., 43° O., la pointe de la Estacca au S., 529 O., et le cap Ortegal du S., 59° O. LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE 203 ayant été trouvé à 411 mètres, on mouille le chalut en filant 1000 mètres de fune. Cette fois c’est avec de grandes difficultés que l’opération s’accomplit. L'appareil s'enfonce d'abord presque verticalement, puis tout à coup la fune semble prendre une posi- tion horizontale comme si le chalut s’en était détaché. Cependant en la virant elle prend une tension considérable. On peut supposer que l'engin est accroché sur le fond. La situation est émou- vante : que va-t-il advenir? La résistance diminue tout à coup, et quand l'appareil est de retour à bord, on le trouve entièrement défoncé sans doute par un bloc de rocher qui a été arraché et dont le poids a dû déchirer le filet pendant le trajet de retour. À 8h. 45 du soir, le feu de la Estaca de Vares restant au S. 80° O., un dernier sondage pour ce jour-là donne comme résultat 212 mètres, fond de sable. Pendant la journée du 13, malgré la houle, les vents continuant à souffler de l’ouest avec assez de force, nous n’opérons pas moins de 8 son- dages et dragages, dont les résultats sont peu satis- faisants. L’agitation d’une mer houleuse, dont les lames impriment au navire des mouvements plus brusques et plus désagréables que d’ordinaire, est assurément la cause des médiocres récoltes de la journée. Cependant elle n’est pas perdue, et si c’est avec bien des peines que les opérations ont été exécutées, elles n’ont pas été nulles, et ce qu’elles ont produit n’en a pas moins sa valeur. 204 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » 4 De plus elles ont servi à constater combien dans ces parages les profondeurs changent rapidement, et combien la configuration du sol sous-marin est accidenté. À 10 h. 40, le feu de la Estaca restait au S. 50° O.; à minuit, au S. 48° O. Le 14 juillet, à 1 heure du matin, le même feu était relevé au S. 340.512 h, aus en 3 heures, au S. 8° ©. ; à 4 heures, auS. 3° E. Sondé à 4 h. 40 m., étant à 2$ milles au nord de la Estaca, filé 2000 mètres sans trouver fond. On sonde de nouveau à 6 h. 39, par 44° z1' latit. et 10° 15° long., point estimé. Le fond est trouvé à 4600 mètres, le sondeur ramène de la vase. À 8 h. 46, le point estimé étant : lat. 44° 9”, long. 10° 15', la sonde indique une profondeur de 3603 mètres, vase, le cap Prior au S. 36° ©. À 10 h. 24, par 44° 07’ de lat. et 10° 16’ long., on trouve 2030 mètres, vase. À 10 h. 55, la grande drague est immergée. Elle commence à draguer à 11 h. 50, ayant 3200 mètres de fune filés. À midi, pendant l’opé- ration, la sonde accuse 2554 mètres. On com- mence à relever la drague à 1 heure, mais après une heure de marche le treuil sur lequel on vire la fune, fatigue, un échauffement se produit : il est impossible de continuer ; on emploie 1 heure et 25 minutes pour le remettre en état. Pendant ce temps, la drague, secouée et ballottée en tous sens par les mouvements que lui imprime Ze Travail- leur, qui est lui-même violemment remué par la LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE 205 grosse mer, ne peut garder son contenu, toute Ja vase qu'elle contenait s'échappe, entrainant avec elle toutes les bêtes qui avaient été captu- rées. À son retour à bord nous ne trouvons plus au fond de la poche que quelques cailloux qui étaient demeurés sur cette partie, resserrée par un amarrage. Nous avions perdu ainsi toute cette journée et le produit d’un dragage qui eût été cer- tainement très riche. C'était encore au temps qu’il fallait attribuer cet insuccès. Mais que devions- nous faire? Nous étions à bord du Travailleur pour draguer, et, dussions-nous opérer toujours sans plus de réussite, le découragement ne pou- vait pas s'emparer de nous. La pensée de tous est que les travaux doivent être continués, quelque fatisants qu’ils soient pour chacun. Le 15, à minuit 45, nous relevions l’un par autre les feux de la Estaca et de Coelleira, au soon +: 4 $h., le cap Ortésal'au N°: 80° E: Le temps est brumeux et à grains; la mer, toujours fort houleuse. À 7 heures, nous gouvernons sur le cap Prior, qui reste au N. 17° E. Les terres dispa- raissent presque complètement dans les grains. Cependant nous nous approchons de terre, nous gouvernons pour entrer au Ferrol. À 7 h. 40 nous doublons le cap Priorino chico, sur les roches duquel la mer brise avec violence; nous venons sur bâbord, et par tribord nous restent la tour d'Hercule et la Corogne. Peu d’instants après, nous recevons le pilote, et, à 8 h. 20, le Travail- ER ne de M LR? 206 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » leur se retrouvait à ce même mouillage qu'il avait occupé un an auparavant. | Dans l'après-midi, nous descendons à terre. Notre course en dehors de la ville à la recherche des Mollusques terrestres n’est point fructueuse. Nous ne rencontrons que des coquilles mortes et en bien petit nombre. Le 17 juillet, appareillé à 4 heures du matin; à 8 heures, relevé le cap Prior et la Tour d'Her- cule; à midi, le cap Villano et les îles Sisargas ; à 4 h. 56, après avoir sondé malgré une très grosse houle, mouillé la drague par 400 mètres sur un fond de sable et de roche, résultats médiocres. A 7 h. 30, envoyé la tringle garnie de fauberts sur un fond de sable par la même profondeur. À mi- nuit, le feu de Villano au S. 25° E. Le 18, le temps s’est amélioré, il est assez con- venable pour faire de bonne besogne. A 7 heures, nous relevons Tarinana au N. 37° E. et le cap Finistère (le phare) au N. 80° E. Stoppé pour sonder, fond par 627 mètres; à 9 h. 35, mouillé la drague, qui rentre à bord à 11 h. 40 : elle est pleine de vase; à 1 h. 30, sondé, 800 mètres, fond de vase; envoyé le chalut à 1 h. 54. A 2h. so, la fune casse malgré les 1500 mètres de touée. À 9 h. 30, relevé les feux de Corrobedo au N. 39° E., de Salvora au N. 68° E., de l’île Ons au N. 88° E., des îles Lies au S. 62° E. Finistère doublé, la route change; le Travailleur est dirigé vers le sud. LES CÔTES DU PORTUGAL 207 II. — Les côtes du Portugal. Le 19, le temps se maintient assez beau dans la matinée. Vers midi, le vent de nord se lève, grosse houle de N.-O. A 8 h. 12, sondé, 1352 mètres, fond de vase. À 9 h.o5, mouillé le chalut, il rentre . à bord à 11 h. 35, rapportant une assez grande quantité de pierres (calcaire) et quelques coquilles d'espèces diverses. À midi 30, sondé, rencontré le - fond par 2080 mètres, fond de vase; envoyé le cha- lut à l’eau à 1 h. 20; la brise fraîchissant de plus en plus et la houle augmentant, on le laisse peu de temps en pêche; à 2 h. so, il est de retour à bord, ne rapportant qu’un petit nombre de Crus- tacés et un poisson intéressant. Etabli la voi- lure et gouverné pour demeurer sur les grands fonds. Le 20, même temps, mer grosse; à 6 h. 45, aperçu la terre au S. 25° E.; à 10 heures, les îles Fariloes à l’ouest, le phare des Berlingues au N. 30° E., celui de Carvoeiro au S. 62° E. Nous gouvernons sur les îles Fariloes, Berlingues et _ Estrellas; la brise est très fraiche, la houle très A forte; le commandant manœuvre pour chercher un abri sous le vent des îles, afin d’y tenter un coup de drague, mais c’est à peine si nous y ren- controns de l’accalmie. Maloré cela, on mouille Pinstrument, qui croche immédiatement dans les roches, on parvient néanmoins à le ramener à RENE Eee PRES. : cn à FO MES 3 TIR 208 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » bord vers midi, mais il rentre tout à fait tordu et démoli. Jamais la tension de la fune n’avait été aussi forte, le treuil à torpilles qui sert au dérou- lement fut renversé, dans les débris du filet un énorme caillou était demeuré. Ces groupes des Fariloes, des Estrellas et des Berlingues ne sont que des roches ou plutôt des fragments de roches qui semblent des parties bri- sées, violemment déchirées, séparées d’une masse que quelque cataclysme a lancée dans les airs et qui a éclaté, répandant des débris aux arêtes sail- lantes, aux pointes aiguës. Seule, la grande Ber- lingue se montre sous un aspect un peu plus res- pectable, et ne se présente pas avec une mine aussi révolutionnaire, au moins elle paraît actuel- lement à peu près sagement posée, et on a pu bâtir un phare sur le point le plus élevé. Cepen- dant l'accès en est difficile et l’on ne peut pas toujours y atterrir. Avec l'état de la mer, il ne fal- lait plus songer à renouveler des tentatives de dragages sur ce fond, qui doit être aussi découpé et hérissé que les parties émergées que nous avions sous les yeux. Nous mettons en route en gouvernant pour nous rapprocher de la côte du Portugal, près de laquelle nous trouvons la mer moins grosse. Notre chemin se fait assez tranquille pour que nous puis- sions jouir à notre aise du spectacle qui se déroule sous nos yeux. À terre nous distinguons facilement les falaises rocheuses et assez élevées du cap Car- LES CÔTES DU PORTUGAL 209 voeiro, puis celles qui se prolongent jusqu’au cap Roca, s’abaissant et se relevant successivement. De temps en temps elles s’interrompent pour laisser dans les brèches les terres descendre jus- qu’au rivage et y former de petites criques, seuls accès par lesquels le pêcheur peut communiquer avec la mer. On les reconnaît aisément à leur teinte argentée qui tranche sur le fond roux des coteaux et les nuances violacées des roches. Vers 2 heures, dominant les ondulations de la croupe des terrains qui couronnent une haute falaise, apparaissent les clochers du palais de Mafra : on dirait, dans les vapeurs qui les enveloppent et dans leur demi-teinte qui se détache à peine du fond bleuâtre des montagnes lointaines, une haute voi- lure de navire; l’effet est remarquable et l’illu- sion parfaite, nous en jouissons pendant assez longtemps. Enfin les profils derrière lesquels se cachaient le palais et la ville leur permettent de se montrer, et le gigantesque édifice étale son immense façade, au centre de laquelle surgissent son dôme et ses hautes tours. Non loin de Mafra, un peu plus au sud, dans un pli de terrain entouré d’une riche campagne, la petite ville d’Ericeira descend par une pente assez douce à peu près jusqu’à la mer, la distance qui en sépare les dernières maisons paraît en effet insi- gnifiante. Son aspect est gai, elle fait un gracieux effet, vue ainsi du large; mais, on le sait, il faut se méfier des vues que l’on juge charmantes quand on DE FoLiN. — Sous les mers. 14 210 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » en jouit ainsi. Est-ce un sentiment instinctif qui porte l’homme à admirer tout ce qu'il voit à terre quand il est à bord d’un navire, étant bien plus fait pour la vie sur le sol que pour les agitations de l’élément liquide? ce qu’il y a de certain, c’est qu'en y touchant on perd bien des illusions. Vers 3 heures, la chaîne de Cintra nous reste par le travers; sur le piton le plus élevé, l’ancien couvent, aujourd’hui palais, domine entièrement l’horizon, bordant ses précipices, qui descendent parfois verticalement jusqu’à la petite ville du mème nom bâtie sur le flanc de la montagne. Ville aux jardins délicieux qui en font pendant la belle saison la résidence préférée de tous les riches habitants de Lisbonne. Vers 4 heures du soir, les montagnes de Cintra se sont défilées, le palais ne se montre plus qu’en profil et quelques contreforts s’abaissant assez len- tement viennent reposer leurs dernières croupes sur la falaise élevée et assez brusquement découpée qui forme le cap Roca. À $ heures, nous dou- blons le cap Razo déjà en dedans du Tage, pointe basse qui ne présente rien de remarquable. La brise du nord a repris de la fraicheur, elle devient de plus en plus forte, et lorsqu'après avoir passé devant Cascaès, nous nous trouvons par le travers d’une partie de la côte qui est trop basse pour nous abriter, nous recevons une si forte ra- fale que /e Travailleur, qui, entre autres défauts, a celui de donner facilement de la bande, s'incline LES CÔTES DU PORTUGAL 211 tellement que notre marche est presque arrêtée, les pales d’une des roues se trouvant éventées, tandis que celles de l’autre sont complètement noyées. | À 8 h. so, mouillé devant les quais de Lisbonne. Pendant ce nouveau séjour en cette belle ville, qui de plus est curieuse et intéressante à visiter, M. de la Boulaye, notre ministre en Portugal, fut pour nous de la plus gracieuse amabilité. Il nous conduisit chez Sa Majesté le roi dom Luis, auquel il avait fait savoir que nous ne devions rester que quelques heures au mouillage et qui daigna nous accorder une audience immé- diate, sans avoir à subir les délais habituels que étiquette rend toujours très rigoureux. Le roi, écoutant en marin savant tout ce qui fut dit sur les recherches sous-marines, témoigna avec une grâce infinie du haut intérêt qu’il prenait à nos explorations, et son fils aîné, qui était à son côté, daigna nous dire qu’il avait lu avec plaisir tout ce qui avait été publié sur elles. Sa Majesté la reine voulut, elle aussi, nous entendre; elle avait donné l’ordre de nous intro- duire auprès d'elle aussitôt que nous aurions reçu congé du roi. Son plus jeune fils se trouvait là, : nous attendant aussi; tous deux exprimèrent leur satisfaction au récit de quelques découvertes dans les abimes et de quelques particularités les plus frappantes de nos recherches. L'accueil de la famille royale avait été tel que nous sortimes du palais 812 LA TROISIÈME CAMPAGNE DÜ « TRAVAILLEUR » d’Ajuda charmés et reconnaissants de la réception qui nous y avait été faite. M. de la Boulaye ne s’en tint pas là; il nous mena ensuite chez un Français, M. le vicomte Daupias, qui voulut bien nous faire lui-même les honneurs de son magnifique musée, non pas une galerie d’amateur, mais un musée comme bien des capitales n’en ont pas. De splendides salles renferment plus de trois cents toiles, dont beau- coup sont des œuvres capitales; nous nous réser- vons d’en parler ailleurs avec quelques détails. Enfin le soir, l’aimable ministre de France nous réunissait à diner au palais de l’ambassade. Nous y trouvions le major Serpa Pinto, aujourd’hui colonel et aide de camp du roi, qui depuis quel- ques jours seulement était de retour d’un voyage | RER CA EN d'exploration à travers l’Afrique équinoxiale; le ministre de la marine, M. Barboza du Boccage, le savant éminent si bienveillant et d’une si par- faite bonté, et quelques autres hommes de science portugais... Charmante intention qui eut un plein succès; la soirée s’écoula sous le charme des plus intéressantes conversations. Nous quittâmes l’ambassade le cœur pénétré de toutes ces délicates et aimables attentions, empor- tant un souvenir plein de gratitude de celui qui s'était montré si bon pour nous. Nous n’en avons rien perdu... Le 23, à $ h. 52 du matin, le Travailleur levait l'ancre et faisait route pour sortir du Tage. . LES CÔTES DU PORTUGAL 213 Vers 10 h. 30, nous trouvant au large du cap Espichel, à peu près aux environs du point où nous . avions fait la pêche aux squales l’année précédente, la sonde nous donne 2000 mètres; à 11 h. 30, envoyé le grand chalut sur le fond; à 3 h. 15, Fig. 20. — Setosella Folini, Jullien. sondé de nouveau par 1500 mètres; à 4 heures, lancé une seconde fois le chalut, il est de retour à 6 heures; résultats médiocres les deux fois. A 7 h. 30, un troisième sondage donne 1900 mètres. Le 24, perdu de vue le feu du cap Espichel à 2 heures du matin, il restait au N. 61° O. En même temps, celui du cap Sinès se relevait au S. 72° E. À 4 heures, sondé, 460 mètres; envoyé le chalut à l’eau, il est de retour à bord à 6 h. 42. Parmi le butin qu’il a rapporté nous avons décou- vert un Bryozoaire fort remarquable, une Seto- 214 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » sella d’espèce nouvelle que M. le D' Jullien a décrite, en lui donnant le nom de S. Folim (fig. 20). Renvoyé le chalut sur le tond à 7 h. 25, puis à 9 h. 40, par 450 mètres. À midi, la sonde accuse 560 mètres. Mis le chalut en pêche à midi 21, il rentre à 2 h. 10; relevé pendant l’opé- ration le feu du cap Saint-Vincent au S. 38° E., Monchique au N. 68° E. Les quatre coups de chalut ont été assez fructueux; la brise pendant l'après-midi fut trop fraiche pour permettre le dragage. À 11 h. 40 du soir, le feu du cap Saint- Vincent restait au N. 36° ©. Le 25, à 5 heures, sondé par 780 mètres, fond de sable. Mouillé le chalut à $ h. 20, il est rentré à 7h. 55 à 7 h. so, sondé, fond à 770 mètres. A 8h. $, mouillé le chalut en vue de la pointe Carvoeiro, des monts Sebral et Foia, dont la cou- pure de séparation nous reste au N. 31° O. La côte s'étend vers le sud. On distingue, mais avec quelque peine. les environs de Faro, le mont Figo que nous relevons au N. 14° E., puis une pointe près de laquelle se trouve Albufeira, mais ce n’est que vers 2 heures que nous nous trouvons par le travers de cette ville. À ro h. 15, rentrée de l’appa- reil; pendant l'opération, on immerge 2 bou- teilles à puiser et 2 thermomètres; 11 h. 15, sondé, fond par 770 mètres; à 12 h. 30, nouveau coup de chalut, immergé de nouveau les bouteilles et les thermomètres; à $ h. 15, la sonde n accuse plus que 440 mètres, fond de sable; à s h. 30, qua- à Pr Le HS te 23). 2 À Ce NME AY SALE PAUE A € SES ES F er e 2 d “= & d et S Ô .S È Le 7 S Nu 3 [qi sb ee LES COTES DU PORTUGAL 219 trième coup de chalut, il rentre à 6 h. 35. Enfin chaluté une cinquième fois. Comme résultats, peu de chose en animaux d’assez grande taille pour être jugés à première vue, mais les résidus après lavage paraissent importants. Le 26, à 6 heures du matin, le feu de Cadix nous reste au S. 88° E. Nous courons dessus. Vers $ h. 30, à petite distance de la rade, nous prenons le pilote et vers 6 heures il nous mouille vis-à-vis des quais de cette ville. _ Cadix, que nous avions déja vue en 1846, ne pouvait avoir beaucoup changé depuis cette épo- que; nous la retrouvons blanche et coquette, se mirant toujours dans les eaux qui l’entourent presque complètement. Nous reconnaissons cette même rade ou plutôt cette grande baie avec tous ses détails. Au fond, les Salines, l’Arsenal, la Caraque, le Trocadéro; en face, sur ses rives, Santa Maria avec son immense cirque destiné aux combats ou courses de taureaux; un peu plus loin, Porto Real, et à l’extrémité, formant la pointe nord, Rota. Pendant la soirée du 27, un fort coup de vent de Levante, ainsi qu’on nomme les vents de S.-E. en ce pays, s’élève assez rapidement; c’est avec la plus grande peine que le canot major regagne le bord, après avoir lutté contre le mauvais temps pendant plus d’une heure et demie. Dans la matinée du 28, la rade présente un coup d'œil fort curieux. Les grands bateaux, qui Dés ART EE A ST Re: 220 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR. } n’ont pas cessé de circuler avec leurs longues antennes sur lesquelles s’enverguent des voiles triangulaires, labourent la mer partout hérissée d’écume, sous toutes les allures possibles. Leur course rapide trace un long sillage qui brode de blanc les volutes jaunâtres de la lame, teinte dénotant le bouleversement qu’elle produit sur le fond. Les goélands et les mouettes volent dans tous les sens, s’abattant brusquement sur la proie que l'agitation des eaux amène à la surface, puis la brise mollit peu à peu, le spectacle perd son charme et redevient ce qu’il est d’ordinaire. N’y trouvant plus le même attrait, nous cessons de nous en occuper. À 10 heures du soir, nous appareïllons et fai- sons route pour la côte du Maroc. À 2 h. 50, perdu de vue les feux de Cadix; à 3 h. 30, aperçu celui de Trafalgar que nous relevons:; 14 bjau/5.767E A midi 18, sondé, par 112 mètres, sable et gra- vier; à midi 30, filé le chalut et une petite drague; àrh.1s,sondé, 115 mètres; à 3 h. 20 m., sondé, 136 mètres; à 3 h. 30, mouillé la drague; à 4h. $0, sondé, 150 mètres; à $ h. 20, 300 mètres; à sh. 34, envoyé le chalut sur le fond, il rentre à 8 h. $. Les résultats sont assez satisfaisants. Jusqu'à midi la brise de S.-E. est demeurée très fraîche, la mer grosse, surtout devant le détroit de Gibraltar, le temps est brumeux; c’est à peine si nous pouvons distinguer le cap Spartel. Vers midi, ER DS mot 4 ï Ge Lt à À #: LES CÔTES DU MAROC 221 L - le vent passe à l’est, le temps s'améliore, il fait . calme dans la soirée. III. — Les côtes du Maroc. Le 30 juillet nous sommes par le travers de la cote occidentale du Maroc, vents de S.-O.; le temps est brumeux, mais dans la matinée il devient _ beau vers 11 heures. À midi, les vents passent au nord, stoppé pour sonder et draguer par 630 mètres, sable vasard. À 2 h. 50, sondé, ÿ30 mètres; envoyé le chalut, qui est de retour à 4 h. 40. Bons résul- tats, Poissons, Crustacés, Calverias et autres Échi- _ nodermes, etc. Le 31, brise de N.-O., puis d’O., mer belle; à . midi 10, nous trouvant à la hauteur de Maza- ghan, sondé et trouvé fond de vase par 900 mè- tres; immergé le chalut et une petite drague qui rentrent à bord à 4 h. $$. À $ h. 30 le chalut et la petite drague retournent sur le fond par 1340 mè- tres; excellents dragages, très remarquables par les Polypiers et les Crustacés qu’ils ramènent. Le mardi 1° août, beau tethps, belle mer, vents variant de l'O. au N.-E. À midi, stoppé, sondé, trouvé le fond à 2030 mètres; à midi 45, mouillé le chalut, filé 2700 mètres de fune, il est à bord à 2 h. ro. Nous retrouvons sur les tamis, après . le lavage, quelques spécimens de ces Rhizopodes - nus, déjà rencontrés dans les vases en 1880 et 1881, auxquels nous avons donné le nom de 222 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » Bathypiopsis : l’un d'eux est caractérisé de telle: sorte que nous l'avons appelé B. astrorhizoïdes (fig. 22). Fig. 22. — Bathy-piopsis astrorhizoïdes, de Folin. Le 2 août, vents de N.-E., temps légèrement brumeux, mer houleuse; à 8 h. 7, sondé, fond par 2300 mètres; à 8 h. 30, immergé le chalut: à midi 50, il rentre à bord, rapportant un poisson LES CANARIES 223 d'une forme très particulière et qui s'écarte cer- tainement, largement de tout type connu : il est d’un beau noir soyeux, on le dirait recouvert de velours, sa gorge forme une poche énorme en des- sous de la tête, son corps est relativement petit et efflé. (Notre collègue, le professeur Vaillant, Pa nommé Eurypharinx pelecanoides.) A 1 h. s, sondé, 2200 mètres; 1 h. 34, immerot le chalut, il est de retour à bord à $ h. 28. La pèche a été bonne, elle a produit de beaux Crustacés, une Holothurie d’un très beau violet qui mesure plus de 40 centimètres en longueur et beaucoup d’autres animaux intéressants, en particulier de splendides éponges Holtenias (fig. 21) et autres. IV. — Les Canaries, Le 3, mer belle, temps brumeux à ce point que nous nous approchons à 6 milles de terre sans aper- cevoir la côte, qui cependant est assez élevée. Ce n’est qu’à 8 heures, n'étant plus qu’à 3 milles de V’ile de Lanzarote (Canaries), que nous la distin- guons, puis peu à peu la brume se dissipe, nous longeons le rivage. À 9 h. 32, sondé, fond de sable par 1200 mètres. À 10 heures, mouillé le chalut; à midi 15, il est rentré. Nous passons devant la pointe Cucharas, les bourgades de San-Miguel-de-Teguise et de Fese- guito, situées sur la montagne : en dessus de la première, un château bâti sur le piton le plus élevé 224 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » domine toutes les crêtes, cratères nus d’une couleur rougeâtre due sans doute au fer, qui paraît y être extrêmement abondant. Ces mornes dénudés sont comme polis, leur surface lisse ne laisse paraître que des stries rayonnantes partant de leurs som- mets et indiquant le parcours des dernières coulées de la lave. À 11 heures, nous apercevons les ports d’Arrecife (fig. 23) et de Naos, dominés par le mont Blanco, un des plus élevés de Pile; à 2 heures, nous nous trouvons par leur travers. Nous distinguons au mouillage un grand bateau à vapeur. Les habitants des Canaries arment pour la pêche un assez grand nombre de goélettes, avec lesquelles ils prennent un poisson très abondant dans ces parages, qu’ils salent et font sécher et qui est fort goûté dans les îles et même en Espagne, où il en est porté des cargaisons considérables; il est consommé en guise de morue. C’est à Arrecife et à Naos principalement qu’on le charge pour cette destination; il est probable que le bateau à vapeur que nous voyons se trouve là pour en prendre une cargaison, car l’île ne produisant presque rien ne peut lui fournir que ces poissons secs ‘. À 2 h. 30, nous sommes par le travers de Guime, autre grand village bâti sur une crête sur- 1, Nous avons tente il y a quelques années d’engager les pêcheurs basques qui se dégoûtent de Terre-Neuve, à faire des essais aux Canaries et le long de la côte d’Afrique, particulièrement sur le banc d’Arguin. Cette pêche serait d’autant plus productive que pouvant se faire en toute sai- son, on pourrait compter sur trois campagnes au moins chaque année au lieu d’une seule comme à Terre-Neuve, ‘(SarIPULTD ‘2J0IVZULT) 9J12911V,P O4 — ‘ET ‘SI DE FoLIN. — Sous les mers. A2 LS GA BAUEE LES CANARIES 227 baissée. À 3 h. 30, nous passons devant la mon- tagne de Hacha-grande, dont les pentes s’incli- nent jusqu'aux rivages sud de l’île. Sur celles-ci ressort le cap Papagayo, que nous apercevons en donnant dans le détroit de la Bocayna. En même temps, par bâbord nous reste l’île Lobos; sur son sommet s'élève un phare, et derrière elle, mais embrumées, les montagnes de Fuertaventura et les rives nord de cette île, qui se prolongent jusqu’au cap Gorda. Après avoir doublé Papagayo, nous retrouvons, à la suite d’une baie assez profonde, les terres du sud de Lanzarote, qui courent encore vers l’ouest jusqu’à la pointe de Pechiguera, avant laquelle, dominant la falaise, se voit la tour d'Aquila. Vers $ h. 30, les mornes de Fuertaventura sont très distincts : on en aperçoit plusieurs plans; à 6 heures, nous doublons le feu de Pechiguera (fig. 24), et peu après nous débouquons du canal. Comme on doit bien le penser, nous avons donné plusieurs coups de drague dans le détroit par des profondeurs de 30 à 100 mètres. Ils nous ont procuré de très beaux Oursins du genre Dia- dema, des Polypiers, des Algues curieuses et de fort belles coquilles parmi lesquelles nous distin- guons une Eulima fort jolie, qui s'y trouve en abondance. Nous la dédions sur place à notre excellent commandant (Eulima Parfaiti). Pendant la nuit nous faisons route sur Ténériffe. Le 4 août, brise fraîche durant toute la nuit; 228 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR pendant la matinée, la brume nous voile les terres; cependant nous sommes en position telle que nous devrions voir la Grande Canarie et Ténériffe. Ce n’est qu'à midi que nous apercevons cette der- nière, sans voir le pic, qui demeure masqué par les nuages. Les brumes de ces parages sont dues à l'humidité prodigieuse qui, pendant la nuit, pro- duit à terre une intense rosée, laquelle est vapo- risée par le soleil du matin. À 2 heures, n étant plus qu’à 4 milles de terre, sondé par 700 mètres, envoyé la drague sur le fond. A 3 h. 30, le pic en vue. Nous trouvant par le travers de Saint-André, donné un second coup de drague sur un fond de roche et par 80 mètres de profondeur. À 4 heures, Santa-Cruz se dessine nettement, le pic se distin- gue très bien par-dessus le mont Esperanza. Vers 6 heures nous passons devant les batteries de San- Miguel del Pilar, de Santa-Isabel et de San-Pedro, et à 6h. 30 nous mouillons sur rade de Santa-Cruz. L'ile de Ténérifle, de même que les autres Canaries, est de formation volcanique; elle est de forme allongée et s'incline à peu près du N.-E. au S.-O. La partie orientale est beaucoup plus accidentée que les rives de l’ouest; les pointes Antequera et Anaga au nord sont surtout tour- mentées : elles présentent à l'œil des masses ro- cheuses, sapées, découpées, bouleversées par les agitations volcaniques qui les ont torturées, on peut dire, pour ne plus laisser subsister qu'un chaos de pointes aiguës, d’arêtes déchiquetées, de ee. "D10I8ZUT ‘TG ‘N NE VIONSIU294 9P n94 — ‘Ve ‘SLA Re LES CANARIES 231 pentes verticales ou en surplomb, de précipices, de ravins tortueux qui ne sont accessibles qu'aux oiseaux de proie et à ceux de mer. Tout cela, comme ton général, revêt une teinte d'oxyde de fer qui parfois passe au brun foncé et qui souvent laisse paraître des points d’un beau vert, dus à la présence dans les crevasses de très remarquables Euphorbes qui croissent partout où quelques parcelles de terre ont pu s’amasser. Ce- pendant, dans quelques endroits, des sentiers ram- pent sur les parties basses de la roche qui s'élève à pic. Ils servent de communication entre la ville et quelques petits villages bâtis au bord de la mer dans des retraits de la montagne, sortes de baies que la masse a laissées vacantes en poussant deux pointes avancées. Parfois aussi ces parties planes ne sont que le débouché d’une barranca. C'est ainsi qu'on nomme ces ravins profonds et encais- sés, qu’on dirait taillés à coups de hache dans la montagne et dont les parois verticales sont en certaines places élevées de quelques centaines de mètres. Ce sont des fossés gigantesques, tortueux, accidentés, au fond desquels les eaux se réunissent pour se rendre à la mer pendant les pluies. Du côté du sud au contraire les terres s’abaissent par des pentes allongées jusqu’à la mer; elles descen- dent ainsi du sommet du mont Esperanza, qui est la dernière croupe de la chaîne semblant former la principale arête de l’île. En avant et en arrière de la ligne de faîte, des contreforts mouvementés 232 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » s’'étagent pour arriver graduellement jusquà l'Océan. C’est au-dessus de ses profils, quand on se trouve devant Santa-Cruz, que se montre le pic de Teide. Il paraît à peine en dominer la ligne, et pourtant il est beaucoup plus élevé que les croupes qu’elle dessine : c’est qu’il est situé sur l’autre côté de l’île, où nous le retrouverons. Santa-Cruz était pour nous une vieille connais- sance, que nous retrouvâmes à peu près telle que nous l’avions vue il y a quelques années. Le 7 août, à 6 h. 45 du matin, appareiïllé; la pointe Anaga doublée, nous nous éloignons de terre. À midi 40, stoppé, sonde; fond à 3700 mèé- tres; immergé la drague en filant 4600 mètres de fune. Elle est de retour à bord à 7 h. 10 du soir, sans son filet, qui a été arraché; il ne reste, dans un lambeau tenant encore au fer, qu’une petite éponge. Le8,à7h. 12, sondé, trouvé le fond à 3850 me- tres. À midi 10, sondé de nouveau par 4063 mè- tres. Pendant la nuit nous avons passé à 15 milles dans l’ouest des îles Salvages. À 1 heure, fait route sur les îles Désertes. Le 9,à sh. 12 du matin, sondé : le fil se casse, nous en perdons 2000 mètres; à 5 h. 44, sonde de nouveau par 4300 mètres. À midi, nous nous trouvons près des îles Désertes. Passé l'après-midi à draguer sur des fonds situés à environ 100 mè- tres: obtenu des résultats assez intéressants. Vers 4 heures, en vue d’une grotte paraissant LES CANARIES 233 assez profonde, on arme une embarcation pour aller la visiter; bien examinée, elle ne présente rien de remarquable. L’accès de Pile est imprati- cable : des roches aussi verticales que des mu- railles s'élèvent à une quarantaine de mètres. L'aspect de ces masses rocheuses excite la curiosité et l’étonnement. Elles ont été poussées au-dessus des eaux avec une brusquerie que déno- tent les détails caractéristiques de leurs décou- pures aussi bien que les accidents de leurs sur- faces, qui se sont refroidies si soudainement, que nul épanchement n’a eu le temps de venir former des rives. Leur couleur, où l’on déméle tout d’abord des veines et des nuances de bleu, de violet, de brun, de rouge, de jaune et de blanc, est attrayante, ce qui fait qu’on l’observe avec attention et que l'on finit par la trouver digne d’être remar- quée, surtout parce qu’elle est peu commune. Elle va bien du reste à ces murailles presque droites, qui sont demeurées fermes, telles que le soulèvement les a fait surgir, et sur lesquelles rien n'a pu s’altérer ni se décomposer assez pour donner lieu à quelque élément de terrain, sur les- quelles en conséquence n’apparaît nulle trace de végétation. Des pigeons d’une espèce qui n’a pu être déter- minée habitent quelques trous ou quelques cre- vasses de ces rochers; nous en fimes lever un certain nombre, qui revenaient assez vite au gîte : peut-être couvaient-ils ? De quoi vivent-ils? Vont- 234 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » ils à la pâture jusqu’à Madère pour revenir à leurs habitations des Désertes ? On ne le sait pas encore. Ils ne sont pas sans doute les seuls animaux vivant sur ces ilots, qui doivent avoir à eux une petite faune particulière; évidemment elle ne peut être qu’assez restreinte. Néanmoins il serait fort intéressant de étudier. | Ces îles s’abaissent dans les flots de même qu'elles en sortent. Cependant, dans le nord de la Grande Déserte, se trouve un point de débar- quement qui sert quelquefois à des habitants de Madère amateurs de chasse, lorsqu'ils viennent tirer des lapins, qui sont fort nombreux sur un espace excessivement limité. Cette chasse est dan- gereuse, car le plateau élevé, seule partie couverte d'herbe, sur lequel on poursuit le gibier, est des plus restreints et se trouve entouré de précipices hérissés par les pointes aiguës de la roche, qui pré- sente partout, comme nous l’avons dit, le chaos d’un soulèvement brusque et instantané. Pendant la nuit nous demeurons à petite dis- tance des Désertes, c’est-à-dire de l’île Bugio, la plus au sud, de la Grande Déserte au centre et de Chao au nord; elles ne sont séparées les unes des autres que par d’étroits chenals. V.— Madère. Le 16, à 6 heures du matin, sondé par 166 mètres, fond de coraux; à 7 heures, 400 mètres, puis 370. MADÈRE 235 Nous nous trouvons sur la chaussée qui relie Madère aux Désertes. Envoyé le chalut sur le fond; il revient à bord le filet déchiré, et il a fallu prendre de très grandes précautions pour le ramener. Néan- moins un autre est immergé, et il rentre dans un état pire que le premier : les fers en sont tordus et le filet est en morceaux, cependant il rapporte deux blocs de pierre dont l’un est volumineux, de plus une abondante récolte de Crustacés, Mollus- ques, Spongiaires, Coraux, etc. De Madère nous sommes aperçus, et la Douane s'émeut, ne comprenant rien à nos allures : elle expédie en reconnaissance un petit bateau à vapeur, qui s'approche le plus qu’il peut, sans trop cepen- dant découvrir ses intentions, et, après un atten- tif examen de notre Travailleur, il s’en retourne sans nous avoir parlé. Nous nous rapprochons de Madère, gouvernant sur son extrémité, l’île Fora, dont le sommet porte le phare de San-Lorenzo. Au large, à 24 milles, on aperçoit les terres de Porto-Santo. Longeant la côte, nous passons de- vant le village de Carrical, et peu après nous avons en vue Machico, bourgade où aborda Machin, le héros des romanesques événements auxquels on _doit la découverte de l’île. ! Nous arrivons devant Santa-Crux, autre village bâti sur une des rares pointes accessibles de cette côte, si bien défendue par des falaises raides et presque toujours verticales, ressemblant à une lon- gue suite de remparts. Enfin, après avoir doublé le 236 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » cap Garajao, le Travailleur mouille devant Fun- chal, à 4 h. 40 du soir. Madère est une île des plus remarquables par suite de l’extrème déclivité de toutes les collines, qui, en s’étageant les unes à la suite des autres, finissent par atteindre des altitudes considérables. Son climat est d’une douceur remarquable et con- tribue à entretenir une splendide végétation sur tout son sol, malgré une nature si tourmentée qu’il est presque impossible d'y établir des routes. Nous recûmes à Madère l'accueil le plus hospitalier du gouverneur, vicomte de Villa Mendo. VI. — Retour; le golfe de Gascogne. Le 13 août, à 11 h. so, nous appareillons et faisons route au N. 45° E. du monde, sur Porto- Santo, que nous apercevons devant nous. Vers s heures nous ne sommes plus qu’à $ milles de cette île. En la longeant, nous jouissons de l'aspect pittoresque qu’elle présente : les pics d’Anna-Fe- reira, de Castello, de Focho et Juliano se profilent les uns à la suite des autres; la capitale Villa-Baleira se détache au bas des contreforts du second; nous doublons l’île de Cima et nous nous éloignons du groupe, que la nuit enveloppe bientôt dans son obscurité. | Le 14 août, temps à grains; en marche sous les deux chaudières pour rallier la côte de Portugal. Le 15, temps nuageux, à grains, mer un peu _ RETOUR, LE GOLFE DE GASCOGNE 237 houleuse; gouverné pour passer sur le banc de Corringe. Le 16, brise de nord, très fraiche, mer grosse. Le 17, brise encore très fraîche pendant toute la nuit. Le Travailleur a beaucoup fatigué. | À 7 h. 55, aperçu le feu du cap Espichel au N. 13° E., celui du cap Sinès au S. 61° E. Le 18 août, 1 h. 30 m., le feu Bugio en vue, puis ceux de Guia et de San-Julian. Au jour, fait route pour Lisbonne; à 7 h. 42 mouillé sur la rade de cette ville. Travaillé immédiatement à faire du charbon. Le 19, nous quittons le mouillage à 4 h. 45. Nous sommes en dehors du Tage avant le cou- cher du soleil. Toute la nuit, mer houleuse; le 20, à 1 heure, relevé le feu des Berlingues et celui de Carvoeiro, perdu de vue celui du cap Roca. . Au jour, il vente grand frais, la mer est grosse; nous nous maintenons sur les grandes profon- deurs, afin de pouvoir sonder et draguer si quel- que embellie le permet, mais le temps reste le même pendant toute cette journée. _ Le 21,à 6 h. 27, sondé, trouvé fond à 2200 mè- tres, vase molle; immergé le petit chalut, vers io heures il revient à bord complètement entor- tillé avec la fune. Opérarion nulle. À 10 h. 36, sonde pat 2140 mètres; à II h. 10, envoyé le chalut en pêche : en le relevant il s'accroche sur le fond, et, malgré toutes les précautions que le commandant fait prendre, la fune se rompt sur 238 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » une épissure à soo mètres de l'engin. En exami- nant la rupture, on trouve du sable et une coquille dans les fils de caret étoupés. Cette particularité donne l'éveil, et, consultant le point de midi, on remarque que le navire doit actuellement se trouver sur un fond de 400 mètres. Il est clair que le chalut a êté trainé sur une pente remon- tant de 2000 à 400 mètres, qu’il a rencontré sur cette déclivité un obstacle contre lequel la fune est restée la plus faible. Le 22, à $ h. 15, sondé, fond 140 mètres. A I h. 28 m., le fond se trouve à 800 mètres, sable ; immeroé le chalut. Le 23, à 7 h. 10, sondé :325 !mètres/isablese* 8 h. 3, la sonde donne 1100 mètres, fond de vase; immergé le chalut; à sa rentrée, il ne rap- porte que quelques Échinides. La nuit avait été fort brumeuse; au jour le temps s’éclaircit. Vers 4 h. 2, fait route pour aller mouiller en rade de Vigo; à 8 h. du soir, l’ancre est au fond. Le 24, nous nous trouvons sur cette belle et vaste rade de Vigo, célèbre par l'affaire des galions chargés d’or et de marchandises précieuses qui, maloré leur belle défense et lappui de quelques bâtiments français, furent coulés avec toutes les richesses qu'ils contenaient. Que sont-elles deve- nues? nul ne le sait. Selon les uns, elles furent enlevées par les Espagnols avant le combat; sui- vant d’autres, ce furent les Anglais qui parvinrent à en extraire une partie. Enfin, d’après une troi- RETOUR, LE GOLFE DE GASCOGNE 239 sième version, tout serait demeuré à bord. Mais le peu de succès qu’eurent les efforts faits par une Compagnie pour retirer des navires les valeurs qui y avaient été embarquées, prouve qu’elles ne s’y trouvaient plus quand les plongeurs avec sca- phandres et lampes électriques descendirent dans les cales immergées pour les fouiller. Ils ne par- vinrent à en extraire que fort peu de chose : quel- ques jarres d’indigo et des boulets complètement passés à l’état d'oxyde et aussi légers que s'ils avaient té en liège. Le 25 août, à 10 heures, le Travailleur lève l’ancre et fait route pour sortir de la rade : il passe d’abord devant Cangas, que surmonte le mont Castello, puis laisse à bâbord Bayona et le cap Silleiro, pour s’engager dans la passe au nord des îles Cies; en en sortant, les îles Onza nous appa- raissent alors à tribord. Fait route au N.-O. du compas. À 7 h. 20, aperçu le feu du cap Finis- tère, que nous avions reconnu avant la nuit, ainsi que le cap Nase. Le 26, dans la matinée, en vue des îles Sisargas, puis de la tour d'Hercule. Le temps est mauvais : il est impossible de draguer. Passé devant le cap Prior; à 10 heures, le cap Ortégal apparaît : il est doublé vers 2 heures, et peu après celui des Aïguillones. L’apparence menaçante du temps, qui devient de plus en plus mauvais, nous force à entrer dans la baie de Barquero. À 7 heures. mouillé devant Vares, dont les hautes terres nous 240 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU « TRAVAILLEUR » protégeront parfaitement contre la grande brise : de S.-O., qui souffle en tempête. Le 27, à 6 heures du matin, quitté le mouillage de Vares. Maloré la mer houleuse, nous avons tenté quelques opérations : la première produit peu de chose; pendant la seconde, l’engin ren- contre des roches : il ne ramène à bord qu’un filet en pièces. Cependant nous trouvons une magni- fique éponge; à la troisième épreuve, le même accident se reproduit. Le 28 août, la houle est encore grosse. Cepen- dant le temps devient de plus en plus précieux; il faut employer. À 6 h. 2, sondé, trouvé le fond à 2540 mètres. À 8 h. 33 m., 1300 mètres; mis la drague à l’eau : elle rentre à bord à 11 h. 17. A 11 h. 31, sondé, fond de sable à ro00 mètres; à midi, renvoyé la drague sur le fond : elle est de retour à 2 h. 15; à 2 h. 26, sondé, 900 mètres, sable et rocher. 2h. 53, la drague retourne au fond. 3 h. 20, sondé, 860 mètres, sable piqué de noir. La mer s'était embellie, et nos opérations ont pu s'effectuer assez bien; elles sont assez fruc- tueuses : ce qui domine dans notre butin, ce sont les Cidaris et d’autres Échinides. À 5 heures, nous faisons route pour Rochefort. Le 29, encore deux sondages : le premier, à midi 35, par 190 mètres, fond de sable; le second, à 2 h. 14, ne donne plus que 154 mètres, égale- ment sur un fond de sable. NZ, RETOUR, LE GOLFE DE GASCOGNE 247 Nous nous retrouvons donc sur la terrasse qui borde la côte de France, sur le littoral du dépar- tement de la Gironde. En effet, entre 9 et 10 heures du soir, nous apercevons le feu de. Cordouan, puis successivement ceux de la Coubre et de la Palmyre. Le 30, à minuit et demi, sondé, fond 26 mètres; à minuit 45, le feu de la Baleine en vue; à 1 h. 10, celui de Chassiron; à 3 h. 35, mouillé sur rade de l'ile d’Aix. À midi 40, appareillé pour entrer dans la Cha- rente; à 3 heures, le Travailleur s’amarre dans le port de Rochefort. La troisième campagne d’exploration française de recherches sous-marines se trouvait accomplie, et, comme les deux premières, elle avait produit de précieux résultats. La science s’enrichissait de documents nombreux et importants; le champ des opérations s'était étendu, poussé jusqu'’assez avant vers le sud sur la côte de l’Afrique occidentale, parages qui n'avaient pas encore été explorés dans leurs grandes profondeurs. De plus, quelques dra- gages dans le golfe de Gascogne pouvaient, en se rattachant à ceux de 1880, permettre d'établir une série spéciale à la côte nord de la péninsule espa- gnole. Elle était, il est vrai, bien incomplète, mais elle n’en était pas moins utile, puisqu'elle servira comme acte préparatoire à de nouveaux travaux qu'il est indispensable d'exécuter pour obtenir une connaissance parfaite de la faune du golfe. Quel- DE FoLIN. — Sous les mers. 16 242 LA TROISIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR » ques efforts encore, et, sans beaucoup de peines, on y arrivera. Ce beau succès nous apparaît cer- tain, et la campagne de 1882 nous sert encore en ceci, car elle peut être regardée comme une affirmation de cette perspective. Merci donc au commandant Parfait, à l’état- major du Travailleur, à son équipage! Espérons que l’an prochain nous nous retrou- verons et qu'une nouvelle campagne affermira nos sentiments déjà si sympathiques. = y —— ne = TZ Fig. 25. — Touffe de Sargasses, Fucus natans, Sargassum bacciferum, mer des Sargasses (p. 318). CHAPITRE VI CAMPAGNE DU « TALISMAN D, LES CÔTES S.-O. DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE, LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC, LES CANARIES, LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL, LES ÎLES DU CAP-VERT, LA MER DES SARGASSES, LES ACORES. LE GOLFE DE GASCOGNE. I. — Le « Talisman », installation et engins. Le Travailleur avait rendu de grands services, mais il ne pouvait convenir qu'à des campagnes restreintes à une courte durée. Peu marcheur, ne pouvant prendre qu’un faible approvisionnement 244 CAMPAGNE DU € TALISMAN ». de charbon, il était insuffisant pour une exploration qui devait être poussée au delà des limites que ces conditions avaient imposées. M. A. Milne-Edwards, s'appuyant sur les riches- ses zoologiques moissonnées pendant les trois cam- pagnes des années précédentes, sur les documents scientifiques obtenus, réussit à faire comprendre que la France ne pouvait rester stationnaire, quand elle avait ouvert une si belle voie aux recherches . sous-marines et aux progrès qui en résultaient. Le ministre de l’Instruction publique comprit qu’il était utile de poursuivre ce qui était si bien commencé et qu’un bâtiment plus propre à une grande expé- dition était nécessaire. Le ministre de la marine, ayant compris de même, décida que l’éclaireur d’escadre le Talisman serait affecté à ce service. Le Talisman (fig. 26) est un beau navire que l'amiral Veron avait pu juger pendant une cam- pagne qu'il fit avec son escadre dans les mers de Chine. Il Pappréciait à un si haut point que, lors- qu’on voulut le condamner, il fit des efforts pour . qu’au contraire on le conservit. Il fut en effet remis à neuf et avait déjà rendu de bons services depuis sa refonte. Navire mixte, c’est-à-dire en état de marcher à la voile sans le secours de sa machine, il pouvait facilement atteindre une vitesse notable, soit en usant de sa force vapeur, soit en se servant de sa voilure. Cependant, pour une grande explo- ration, le Talisman était encore trop petit, comme cela fut prouvé dans le cours de l'expédition. *21P9S9,P INOITE]99 ‘UDIUSIJPZ 2T — ‘OT ‘SIA ‘ LE « TALISMAN » 247 L'ordre ayant été donné de l’approprier au ser- vice auquel il était destiné, les ingénieurs du port de Rochefort se mirent à l’œuvre, et dans leurs mains, comme de la part de toutes les autorités maritimes, le Talisman devint un privilégié, un enfant gâté, auquel rien ne fut refusé. Nous empruntons quelques lignes au rapport du commandant Parfait pour donner une idée des ins- tallations, des engins nouveaux et de leur mise en pratique. Ce que nous en aurions dit n’aurait pu être aussi clair et aussi précis. Donnons d’abord le plan du pont du Talisman (ig. 27). Appareil de sondage (äg. 28). — Il différait quant à son mode de fonctionnement de celui des années précédentes. Il avait été placé au centre du bâtiment et se composait d'une poulie sur laquelle étaient en- roulés 8000 mètres de fil de sonde en acier de 1 millimètre de diamètre, qui se rendait sur un rouet ayant 1 mètre de circonférence, puis descendait sous un chariot mobile le long des bigues, remon- tait sur une poulie fixe et tombait à la mer après avoir traversé un guide qui le maintenait dans le plan de cette poulie, même lorsqu'un peu de dé- rive le faisait incliner hors de la verticale. Le rouet portait sur son axe une vis sans fin mettant en mouvement deux roues dentées indiquant le nom- bre de tours déroulés : l’une marquait les unités, l’autre les centaines; cette dernière était numérotée Fig. 27. — Le pont du T'alisman. A, A’, poulies arrière dans les- quelles passe d’abord le cà- ble en acier; — B, B’, pou- lies avant dans lesquelles passe le càble pour aller dans: — C, la poulie au bout du mât de charge; — D, treuil de déroulement et de re- monte; — E, bobine sur laquelle s’enroule le càble; — F, chambres. LE ( TALISMAN » 5 249 jusqu’à 10 000 mètres. Chaque tour correspondant à 1 mètre, il suffisait de lire le nombre de tours pour avoir celui des mètres de fil déroulés. Sur axe de la poulie d’enroulement se trouvait un frein manœuvré par un levier, à l'extrémité duquel était placé un bout de ligne venant s’amarrer sur le chariot. Lorsque, pendant le sondage, les mou- vements de roulis augmentaient ou diminuaient la tension du fil de sonde, le chariot, sous l’action de ce fil, remontait ou descendait léoèrement le long des bigues; dans ce mouvement, il agissait plus ou moins sur le frein et réglait en consé- quence la vitesse du déroulement. Lorsque le son- deur atteignait le fond, le fil se trouvant subite- ment allégé, le chariot serrait le frein et stoppait instantanément l’appareil. Ce système, imaginé par M. l'ingénieur des constructions navales Thibau- dier, a toujours fonctionné d’une façon remarquable. Manœuvre du bâtiment. — La manœuvre à faire pour sonder consistait à amener le bâtiment de- bout au vent et à l’y maintenir sans vitesse au moyen de quelques tours d’hélice et de la brigan- tine bordée au milieu. Lorsaue les voiles étaient établies avant l’opération, on conservait le grand hunier masqué; sinon il n’était pas employé. Le sondeur convenablement surchargé de ses poids, ordinairement 50 kilogrammes, un thermomètre Miller-Casella à so centimètres en dessus de lui étant disposé, la corde du frein du chariot était mise à poste, le Brotherhood désembrayé et le 250 CAMPAGNE DU « TALISMAN » compteur ramené à zéro. Un homme, appuyant sur le levier du frein, maintenait le sondeur hors de l’eau jusqu’au moment où l'officier chargé de l'opération commandait de lâcher tout. Quand le Passerelle Pont Fig. 28. — Tracé géométrique de l’appareil de sondage. A, bobine d’enroulement ; B, roue de frein; C, lame de frein’; D, levier de frein; E, corde de frein; F, fil de sonde; G, roue à gorge du compteur; H, roue à gorge du chariot tendeur; J, poulie de déroulement; K, pièce à glissière du sondeur ; L,adents de suspension ; M, poids auxiliaires. sondeur arrive sur le fond, on lit l'indication du compteur, le Brotherhood est embrayé et le son- deur se relève avec une vitesse de 150 mètres par minute. Appareils de dragage. — Ils se composaient d’un treuil puissant destiné à relever le càble, d’une : [ : | “PTS LE & TALISMAN » ST bobine sur laquelle était enroulé un câble en acier de 8000 mètres de longueur mis en mouvement par une petite machine auxiliaire, de poulies de retour pour le câble, d’un accumulateur en caout- Fig. 29. — Drague avec ses fauberts. chouc, d’un espar destiné à déborder les filets, enfin de dragues et chaluts. Les machines et poulies ont été construites par M. Le Blanc, à Paris, sur le modèle de celles du croiseur américain le Blake, qui le premier a fait usage du câble d'acier pour les dragages en grandes profondeurs. Treuil. — I] est à deux cylindres et muni de poupées dont l’une a 2 mètres de circonférence. 25 tb) CAMPAGNE DU «& TALISMAN » Un frein est adapté à la grande poupée, qui peut être aflolée à volonté. Un compteur indique les tours de son mouvement. Engins de dragages. — Dragues (fig. 29) et chaluts; ceux-ci, de 3 et de 2 mètres, étaient du mème modèle que ceux employés par le Blake. Bobine. — La bobine est un gros cylindre hori- zontal très solide, ayant 1 mètre de longueur et 65 centimètres de diamètre, portant à ses extré- mités des flasques circulaires qui débordent le cylindre de 42 centimètres; l’un de ces flasques porte, comme la poupée du treuil, un frein puis- sant. Sur l’axe de la bobine est une roue dentée qu'un embrayeur permet d’engrener à volonté avec le pignon d’une machine de dix chevaux disposée pour faire mouvoir la bobine. Cette machine à deux cylindres peut à volonté, comme celle du treuil, marcher en avant ou en arrière. Chaudière. — La vapeur est fournie par une chaudière tubulaire placée en travers du pont, au-dessous de la passerelle. Câble d'acier. — I] a été fabriqué par la Com- pagnie des forges de Châtillon et Commentry. Il était en deux bouts, l’un de 8000 et l’autre de 4000 mètres, et composé de six torons de sept fils n° 6 en acier zingué avec âme en chanvre. Son diamètre était de 10 millimètres, son poids de 350 grammes par mètre, la charge de rupture de 4000 kilogrammes. L’extrémité du câble était munie d’une cosse LE « TALISMAN » 253 dans laquelle passait le boulon de la manille de la drague ou du chalut. à À É Fig. 30, 31, 32. — Accumulateur. Accumulateur (fig. 30, 31, 32). — Il est composé e. HN La ed | | % 254 CAMPAGNE DU « TALISMAN » d’un certain nombre de bagues épaisses, en caout- chouc vulcanisé, séparées les unes des autres par des rondelles en tôle, les unes et les autres traversées par une forte tige métallique terminée par de solides plateaux. A la rondelle supérieure sont fixées quatre tiges qui servent de guides à toutes et qui viennent aboutir sur l’inférieure, portant un anneau pour ser- vir de point fixe. L’effort agit à la partie supérieure de la tige centrale, de telle sorte que l'appareil fonc- tionne par compression des bagues de caoutchouc. Lorsqu'il est détendu, la longueur de l’accumu- lateur entre les deux plateaux est de 1 m. 90. Il n’a plus que 99 centimètres lorsqu'il supporte un effort de 2000 kilogrammes. Il est surtout utile lorsque l'engin vient à s’ac- crocher sur le fond, ce qu’il indique par un excès de compression; on peut alors manœuvrer en consé- quence ; il rend alors de grands services. Espar. — Un mât de charge ordinaire placé sur l'avant du mât de misaine, d’une longueur suff- sante pour déborder la muraille du navire d'environ 3 mètres. À son extrémité, un clan recevant une forte pantoire en fer porte la poulie dans laquelle vient passer le câble de dragage. L’autre bout de la pantoire va passer dans une chappe aiguilletée au mât de misaine sous la basse vergue et vient se fixer sur la tige de l’accumulateur placé le long du mât. Eclairage électrique. — Machine de Gramme et lampes Edison. Manœuvre du bâtiment pour draguer. — Chaque É: LE :( TALISMAN » 255 matin, pendant qu’on donnait le premier coup de sonde, on prenait les dispositions suivantes. On passait le câble dans les poulies de retour de l'arrière (fig. 27) et on venait lni faire faire 7 ou Fig. 53. — Mise en place du chalut pour être immergé. À, accumulateur; C, chalut; E, mât de charge; P, pan- toire soutenant le mât de charge. 8 tours sur la grosse poupée du treuil, en D; de là on le conduisait dans les poulies de retour de l'avant, puis dans celle de la pantoire, et on le frappait sur la drague ou le chalut (fig. 3 3) au moyen d’une manille dont le boulon était main- 256 CAMPAGNE DU « TALISMAN » tenu par une goupille. Le câble ainsi disposé res- tait en place jusqu’à la fin de la journée. Suivant la profondeur et l’état du temps, on se servait d'un grand ou d’un petit chalut. Avec beau temps, les chaluts de 3 mètres ont été employés avec succès jusqu'aux profondeurs de 4060 mètres. Par plus de 4000 mètres, on ne se servait que des. chaluts de 2 mètres. Pour les grands fonds, on les surchargeait de poids d'autant plus lourds que la profondeur était plus grande : ainsi au delà de 3000 mètres nous mettions généralement six poids de 25 kilogrammes sur l’armature du grand chalut et deux gueuses de 25 kilogrammes sur le fond, soit en tout une surcharge de 188 kilogrammes. Quand on voulait draguer, on désembrayait les deux machines; un homme au frein du treuil, un autre au frein de la bobine, se tenaient prêts à filer du câble. Le bâtiment était amené vent arrière ou au moins grand largue, et il faisait route dans cette direction sous les focs et la misaine goélette, aidés de l’hélice s’il le fallait, avec une vitesse de deux ou trois nœuds. Le chalut à l’eau, le déroulement s’opérait sous le seul effort du frein de la bobine; mais aussitôt que la tension devenait considérable, il fallait aussi faire agir le frein du treuil et augmenter la puis- sance de l’un et de l’autre au moyen de poids sus- pendus à leurs leviers. Pour éviter l’échauffement, on les mouillait constamment. As 4 féatz ÉPRPT RTE | de Age: 7 DRE D Fi f } 4 LE ( TALISMAN » 257 La quantité de câble filée variait suivant la pro- fondeur. Lorsque la touée suffisante était dehors, ce qu’indiquait le compteur du treuil, on abaissait les deux freins, laissant le bâtiment courir de l'avant quelques minutes encore pour bien raïdir le câble, puis on mettait la barre dessous, et le navire, venant en travers au vent, n’était plus soumis qu’à la dérive. Elle doit être très lente pour bien pêcher lorsque le filet est sur le fond; si la brise est fraîche, on doit carouer la misaine goélette et haler bas les focs. Pour relever l'appareil, on amenait le bâtiment debout au ventafin d’avoir le moins de roulis pos- sible. Cette manœuvre demande une grande visi- lance de la part des mécaniciens chargés des treuils; il faut qu'ils aient toujours soin que le câble soit très tendu entre la bobine et le grand treuil, qui ne doit être mis en marche qu'après la bobine. Lorsque le filet arrivait à la surface, il était mis à bord au moyen du palan de bout de vergue de misaine et d’un palan d’étai. _ Vitesse de déroulement. — Elle a atteint 100 mètres à la minute; l'expérience a démontré qu'avec cette vitesse on risquait moins d’embrouiller le câble. Vitesse d’enroulement. — Elle était d'environ so mètres à la minute. Cependant, pendant les mois de juillet et d'août, à la suite des avaries éprouvées, elle n'avait qu’une moyenne de 38 à 40 mètres, dépassant encore ce que produisaient les machines des années précédentes. L’état-major du Talisman était ainsi compose : DE FoLIN. — Sous les mers. 17 258 CAMPAGNE DU « TALISMAN » M. Parfait, capitaine de frégate, commandant; M. Antoine, lieutenant de vaisseau, chargé du. détail ; M. Jacquet, lieutenant de vaisseau ; M. Gibory, enseigne de vaisseau; M. Bourget, enseigne de vaisseau; M. le D' Vincent, médecin- major; M. Huas, second médecin; M. de Plas, commissaire. | La commission d'exploration était présidée par M. Alph. Milne-Edwards. En faisaient partie : MM. Léon Vaillant, Edmond Perrier, Paul Fis- cher, Filhol; comme les années précédentes, nous comptions aussi au nombre de ses membres. MM. Ch. Brongniart et Poirault étaient adjoints comme aides naturalistes. II. — Les côtes de la péninsule Ibérique. Le 1° juin 1883, à 11h. 45, du matin, £ Talis- man quittait le port de Rochefort; à 2 h. 5, il mouillait sur la rade de l'ile d’Aix pour embatquer ses poudres; à 4 h. 43, il remettait en marche et faisait route pour la mer (fig. 34). À 9 heures du soir, par de bons relèvements, le point de départ était déterminé ainsi : lat. nord, 46° 2'; long. ouest, 2° 58”. Nous voici de nouveau lancés sur la voie des recherches. L’exploration, aussi bien préparée qu’elle l’est, nous semble promettre d’être non seulement plus fructueuse que les précédentes, mais les soins avec lesquels elle l'a êté permet- CÔTES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 259 tent aussi d'espérer que les investigations, au moyen d'engins plus puissants et mieux appro- priés, auront de plus surprenants résultats. Bercés par ces perspectives que l'imagination fait appa- raître brillantes, et en les développant comme elle en usait avec les cerveaux scandinaves, nous nous endormons, sans souci aucun des bruits mono- tones de la machine, qui nous conduit de plus en plus au large en nous éloignant de la côte de France. Nous ne sommes pas les seuls qui cou- rent ainsi en laissant le port derrière nous : au jour plusieurs navires sont en vue, et dans la matinée trois bateaux à vapeur se découvrent, faisant route dans diverses directions. Le 3 juin, à 10 heures un quart, la terre s’aper- çoit; à 11 h. 25, on reconnait la Estacca de Vares et le cap Ortegal; nous maintenant toujours en vue de terre, nous doublons le cap Prior; puis la Tour d'Hercule se montre vers $ heures. A 9 heures, les feux des îles Sissargas et du cap Villano sont relevés. . Le 4, au matin, vers 4 heures, le cap Finistère s'aperçoit; le nombre des navires qui sont en vue est plus considérable, cela n’a rien d'étonnant: d'abord ce sont les bateaux à vapeur des lignes qui desservent quelques ports de la côte d’Espagne et qui ont aussi des relations avec la France et l'Angleterre, le cabotage actuel. Puis -nous nous trouvons en ce moment sur un point spécial, en vue de cette pointe occidentale extrême de la pé- 260 CAMPAGNE DU « TALISMAN » ninsule, le cap Finistère, dont le nom devient ici significatif : c’est le terme de l’Europe pour ceux qui vont prendre la route des mers lointaines, des Indes et des terres américaines; ils y viennent pour saluer encore d’un signe de main, prendre définiti- vement congé, car c'est surtout de là que compte le départ. Combien de jours vont se passer sans jouir de ce spectacle qui intéresse toujours le marin, une côte sous les yeux? C’est aussi un point de reconnaissance que viennent chercher les naviga- teurs qui, descendant du nord, doivent se rendre sur les rivages du Portugal et s’y arrêter ou sim- plement les longer, ceux qui vont à Cadix ou dans la Méditerranée. Enfin, pour les bâtiments qui reviennent, le cap Finistère, c’est de nouveau l’Europe projetant son flambeau au devant de leurs pas pour éclairer leur retour, leur présenter les approches de la patrie, leur donner l’avant-coût du foyer qu’ils vont re- trouver. Sur l’horizon qui l’entoure on commence à respirer l’air du pays. Aussi c’est avec bonheur qu’on le salue, qu’on l’acclame lorsqu'il est signalé. C’est donc lui que le navire qui opère son retour cherche, c’est lui sur lequel il se dirige pour assurer le point d'arrivée, de même qu’il a servi pour celui du départ. Conséquemment, pour tous, ce point constitue un lieu de rendez-vous, et il est naturel qu’on s’y rencontre en nombre. À 3 heures, stoppé pour sonder; le sondeur rencontre le fond par 1933 mètres, sable vasard. ? { 1 À St DT Un TE CÔTES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 261 À 3 h. 40, immergé la drague, opération nulle; le câble s’est entremêlé sur une grande longueur, l'engin n’a pas touché le fond. Avec du temps et de la patience on débrouille le càble sans qu’il ait éprouvé d’avaries. Dans la soirée, expérimenté la machine Gramme. Le $ juin, nous faisons route tout le jour ; prof- tons-en pour donner une légère idée de la façon dont le service se fait à bord d’un navire de guerre : quelques mots extraits d’une page de journal suf- firont pour cela. 4 heures, changé la bordée de quart, c’est-à-dire que la moitié de l’équipage qui veillait est remplacée par l’autre moitié. 6 heures, branle-bas : tout le monde est debout. 6 h. 10, déjeuner de l'équipage. 7 heures, l'équipage à laver le pont, puis à se laver lui-même; pro- preté du bâtiment partout, fourbissage, astiquage. _1o heures, exercice du canon ou du fusil, des petites armes, de manœuvre, etc. Midi, diner de l'équipage par bordées. 2 heures, exercice. s heures, souper par bordée. 6 h. 15, appel aux postes de combat. 6 h. 30, la prière, branle-bas : une bordée se couche, l’autre veille. Ajoutons que, lorsque les opérations de dragage le nécessitaient, les exer- cices n'avaient pas lieu. Dans la matinée, six bateaux à vapeur remontant vers le nord ont été aperçus. À midi, en vue des Berlingues et du cap Carvoeiro. Mis le numéro du Talisman pour le Sémaphore. Nous nous rap- prochons de terre et longeons la côte de Portugal. 262 CAMPAGNE DU &« TALISMAN » À 3 heures, les clochers du palais de Mafra appa- raissent au loin : on dirait un grand navire sous voiles. Puis la côte se défile, et l'immense palais et la ville se montrent; Ericeira leur succède: à s heures, ce sont les hautes croupes des monta- gnes de Cintra que nous avons sous les yeux; à 6 heures, doublé le cap Razo. Nous passons devant l'embouchure du Tage, et nous voilà par le travers du cap Espichel, dont le feu reste en vue jusque vers 10 heures du soir; ii disparaît alors, le Talis- man faisant rapidement son chemin. Le 6 juin, beau temps; aperçu la terre par bâbord. Nous nous en rapprochons, et à 9 heures nous ne sommes plus qu'a 4 milles du cap Saint-Vincent, un peu plus près encore du cap Sagres. Pendant cette journée, trois sondages s’exécutent par 99, 106 et 118 mètres; chacun d’eux est suivi d’un dragage. Ils donnent des Mollusques, des Anné- lides, des Pennatules, des Veritelles, et quelques poissons. Un des engins est tombé sur un banc d'Avicules, ces Acéphales dont les valves lésè- rement renflées présentent quelque peu le gracieux aspect de l’hirondelle. En suivant la côte, nous reconnaissons successi- vement le mont Foia, une des montagnes les plus élevées de cette partie du Portugal, les monts Figo. et Sebral, les situations d'Almadena, de Faro, d’Al- bufcira, d'Alearia, de Cume, etc. À 7 heures du soir, le cap Sainte-Marie. Le 7 juin, à 1 h. 45 du matin, aperçu Chipiena, ee NL E 13 "is 5 ‘À \ 1 L CÔTES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE 263 et, à 3 h. 30, le feu de Cadix. Au jour la blanche Cadix sort des vapeurs qui l’enveloppaient et que dissipent les premiers rayons de soleil. Le spectacle est vraiment un de ceux qu’on ne se lasserait pas d'admirer; mais, la lumière devenant de plus en plus intense et le navire se rapprochant rapide- ment, les aspects changent, devenant plus accu- sés, et, prenant une réalité plus vive, ils perdent un peu de leur charme poétique. Cependant cette ville, qui semble sortir, comme le ferait un cygne, du sein de la mer, n’en demeure pas moins gra- cieuse et enchante toutes les fois qu’on la revoie. À 5 h. 20, nous prenons le pilote; à 6 h. un quart, mouillé sur rade par huit mètres de fond. Le 9, à 9 h. 17 du matin, l'ancre levée, le Talisman fait route pour le large, laissant derrière lui les petites villes du fond de la rade, Santa- Maria, Puerto-Real et Rota. À 1 heure, au large de Cadix, qui nous apparaît encore, mais comme se noyant dans l'Océan, les montagnes derrière elle ayant disparu, stoppé, sondé, 60 mètres. Dragué, résultat assez satisfai- sant en Mollusques, quelques Pennatules. Un se- cond dragage par 126 mètres nous fait rencontrer un banc de Comatules; le filet en est littéralement plein. Une troisième opération par 174 mètres est nulle. Vers 3 heures de l'après-midi, nous apercevions, mais brumeuses et vaguement dessinées, les mon- tagnes de Patria et les terres du cap Roche. Le , \ F 2 = = 5 u 4 L ' x _ . D, 9 2 LS { £ È Es ? So à l'Ouast de Ports 1 - OU ANS Inn. __- — — Itinéraire du Travailleur. Fig. 34. — Itinéraire du 4 Iles Atores Î | | 1 1 \ Porto\Santo A L Fine € Ts hésertas iles Megère 1 A iles (Ca naries CAMPAGNE DU & TALISMAN » LŸ Où ON III. — Les côtes occidentales du Maroc. Le 10 juin, à 2h. 30, beau temps, jolie brise de N.-N.-O., mer un peu houleuse. Dans la journée, sondé par 540, 622, 717 mètres; à-4 h. 10, la sonde accuse 1084 mètres. Quatre opérations de dragage au chalut correspondent à ces sondages; c’est à la hauteur du cap Spartel qu’elles s’effec-. tuent. La première produit une bonne récolte en Calveria, Brissinga, Holtenia, Spongiaires remar- quables, Jsis, Astéries, et, parmi ces étoiles de mer, des Per‘igonuster, enfin des Mollusques. La deuxième re donne que quelques Mollusques, Fuseaux et Syndosmia. La troisième au contraire fournit dz magnifiques résultats : des Cidaris hystrix, ce bel oursin à longues et fortes baguettes; des Ophiures, étoiles de mer formées par un disque armé de longs bras qui ressemblent à de petits ser- pents; une autre Astérie inédite, des Comatules, un grand nombre d’Holtenia, ce joli corail nommé Lophohelia, des Isis, de nombreux poissons. Lorsque le chalut revint à bord pour la qua- trième fois en ce jour, il contenait encore une très belle pêche, de nombreux poissons, des Mora © Médilerranca entre autres, des Macrures et bien d'autres. De magnifiques Crustacés, des Aristées en particulier, ayant plus de vingt centimètres de longueur ; disons, pour mieux faire comprendre la valeur d’une pareille taïlle, que l’Aristée ressemble LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 267 assez à une crevette, et ce terme de comparaison . suffira pour qu’on juge si nous n’avions pas lieu d’admirer.non seulement la dimension, mais aussi la splendide couleur rouge de leur carapace. Il s’y trouvait aussi des Pagures (communément Bernard Pherinite), des Calveria, des Astéries (Etoiles de mer), des Holtemia, des Mollusques, des Coraux, et pourtant le chalut avait été déchiré par ces der- niers et, probablement surtout, par ceux quil n'avait pas arrachés du fond. Dans la soirée, em- ployé la lumière électrique. Le 11 juin, très beau temps; nous nous trouvons au large de la côte du Maroc, par le travers de El-Arish. : Trois dragages sont exécutés, le premier par 958 mètres; fond de vase; le chalut rapporte des Peneus (Crustacés), des Siponcles (Annélides), diverses éponges Holtenia et Aphrocalistes, eï des Mollusques. Les deux autres, par 1216 n :tres,.se confondent en un seul; ils produisent des poissons, au nombre desquels se trouve une remarquable espèce, l’Halosaurus Ouweni, des Holothuries dépri- mées, des Echinides, des Holtenia et, parmi les Mollusques, des Terebratules, c’est-à-dire des Bra- chiopodes qui sont généralement fixés sur les Coraux. Dans les tamis, après le lavage de la vase, nous pouvons déjà distinguer de beaux exemplaires de Foraminifères, Biloculina et Lingulina. Le 12 juin, très beau temps, légère brise de O.-N.-O. 208 ® CAMPAGNE DU & TALISMAN ÿ À 4 h. 34, sonde, fond de vase par 2526 mètres. À 5 h. 55, immergé le chalut; lorsqu'il est de retour à bord, on s’aperçoit qu’une de ses ferrures a été brisée; il rapporte cependant un poisson des plus précieux : c’est le Melanocetus Johnsonii (Gg. 35), connu seulement jusqu’à ce jour par un seul exem- plaire que des pêcheurs de Madère avaient trouvé, à la suite d’une violente tempête, flottant sur l’eau, non loin de Funchal, où il fut apporté. Une légère avarie au treuil est réparée; en même temps on coupe 100 mètres du câble de dragage, devenus suspects par suite de coques qui s’y étaient formées. Cependant à 3 h. tout est en état; sondé, trouvé fond par 142$ mètres. À 3 h. 32, immergé le chalut. Il revient peu chargé, quelques petits Crus- tacés et un Céphalopode. Cette journée s’est passée à environ 70 milles au large de Rabat (côte du Maroc). 13 juin, beau temps, faisant route sous voiles à 5 h. 40 m., sondé fond à 3110 mètres. À 10 h. 30, immergé la drague par 2190 mètres; elle rapporte un second exemplaire d’Halosaurus Oweni, des Holothuries (Leptygone), des Holtenia, divers Mol- lusques. 14 juin, très beau temps; nous nous trouvons à la hauteur de Mazaghan; une série de dragages s’exécutent, le premier par $so mètres : il donne un assez grand nombre de poissons (Sébastes, Ma- lacocéphales, Leptocéphales, Scopelius, etc.), des Pen- dales, jolis crustacés, des Holothuries, des Oursins, LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 271 des Pentagonaster, des Brachiopodes, des Plumu- laires, des sis, des Sertuisires, des Eponges, enfin _ des Mollusques. Le second s'exécute par la mère profondeur, et les résultats sont les mêmes, un Limops:s assez re- marquable en plus. Le troisième par 920 mètres, animaux identi- ques, un grand nombre d'Éponges. Le quatrième, 110$ mètres. Pas mal de poissons (Synaphobranchus, Bathypteroïs, etc.), des Cidaris, des Astéries, Brissinga, Ophiures, des Ascidies, .des Hollenia, quelques Mollusques, et, parmi eux, notons un Fusus d'espèce peut-être nouvelle. Le cinquième, 1319 mètres. Bathypteroïs, Mala- cocephalus et autres, des Arisiées, des Cidaris, des Mollusques. Le sixième, 1635 mètres. Astéries (Pentagonaster entre autres), des Comatules colorées en un beau jaune très franc, des Aristées, des Cidaris. _Remarquons que nous n’enregistrons ainsi que ‘les animaux qui apparaissent de suite au sortir du x filet ou qui sortent de la vase à mesure que le lavage l’élimine. Mais, indépendamment de ceux-ci, il reste toujours sur les tamis des résidus consti- tuës en partie par une foule d'organismes qui ne peuvent être reconnus qu’à l’aide de la loupe et que l’on ne peut séparer qu’alors que ces maté- riaux sont bien secs. Ils sont généralement en nom- bre très considérable, et le temps manquerait pour les extraire; en conséquence, on conserve avec très 272 CAMPAGNE DU € TALISMAN » grand soin dans des sacs, dans des tubes ou dans des boîtes ces éléments de travail, destinés au laboratoire à terre. On peut donc à priori se faire une idée des captures de sujets d’une certaine . taille, mais on ne peut en avoir aucune de la multitude de formes infimes que le dragage pro- cure et dont les catalogues ne peuvent être dressés qu’à la longue et à la suite de travaux minutieux. Dans les tamis, des Cuvieria et des Conchygena apparaissent. 15 juin, très beau temps, qui nous permet d'opérer dans d’excellentes conditions, c’est-à-dire que nous n'avons à redouter que les accidents qui auraient pour cause la nature du fond, des roches à têtes saillantes ou des coraux trop solidement fixés. Nous nous trouvons à la hauteur du cap Blanc, et à 7 heures du matin nous apercevons la terre par bâbord à une très grande distance. Le nombre des dragages est de six. Le premier par 120 mètres, sur un fond rocheux. Le chalut, bien que fortement avarié, ramène des Crustacés, des Mollusques, des Astéries ; une drague le remplace : elle est également très endommagée par les roches. Par la même profondeur, mais le fond étant moins hérissé, la seconde opération ne produit que des résultats analogues à ceux que nous venons d'indiquer. La troisième s'exécute par 410 mètres et pro- cure peu de chose, quelques Flabellum, charmants . 4 LA) PORN TORRES ne LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 273 coraux, des Acanthephira, jolis crustacés, et des mollusques. La quatrième, 723 mètres. Dragage nul, le fond s’est subitement abaissé, et la profondeur est devenue telle que l'instrument n’a pu l’atteindre. La cinquième, 1400 mètres. Important dragage; Fi g. 50. — Malacosteus niger. 15 juin 1885. 1400 m. Eat: N. 55910". Long. O..r1°407. il doit être considéré et noté tout particulièrement, en raison des cris enthousiastes qui furent proférés autour du chalut à mesure qu’on en retirait un à un les individus qu’il avait capturés, cris de joie, et cependant c'était une foule d'êtres qu’il avait arra- chés à la vie. Mais qui pensait à cela en proclamant la prise d’un Eurypharinx pelecanoïdes, de petite taille, il est vrai, représentant néanmoins l'espèce découverte l’année précédente à bord du Travail- leur dans les mêmes parages à peu près, spécimen DE FoLIN. — Sous les mers. 18 274 CAMPAGNE DU € TALISMAN » . bien précieux d’un poisson sans analogue encore. Cependant ce n’était pas tout : on découvre bien- tôt un autre poisson tout aussi noir que le premier, mais ne lui ressemblant pas. Celui-ci est le Mala- costeus niger (fg. 36), qui porte en dessous de cha- que œil et un peu en arrière une plaque d’un jaune verdâtre à travers laquelle l'animal projette d’in- tenses jets de lumière. La nouvelle de cette capture se répand rapidement d’un bout du navire à l’autre, et chacun d’accourir pour admirer, non l'animal, qui par le fait n’est pas très beau, mais la merveil- leuse particularité due à une propriété spéciale de son organisation. Notre ami Jacquet, en sa qualité d’officier chargé des appareils électriques, se sent plus vivement intéressé qu’un autre à la décou- verte : il quitte ses lampes Edison pour venir lui aussi porter son tribut d’hommages à celles plus naturelles que portait un poisson, les allumant sans le secours d'aucun intermédiaire, à son gré, par sa propre volonté et par le fait d’une propriété organique. Après avoir bien examiné le sujet et plus particulièrement ses lanternes : « Comment se nomme-t-il, ce poisson? — Malacosieus niger,répondle professeur Vaillant. — Tiens, tiens, reprend Jacquet, c'est là le nèore qui a mal accosté ‘; rien d'étonnant à ce qu’il se trouve ici. » 1. Accoster est un terme de marine qui s'applique aux embarcations. On dit qu’un canot accoste le long d’un bâtiment, d’un quai, etc. LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 274 Et ce mot est le signal qui fait éclater une de ces périodes d’aimable gaieté caractérisant un de ces bons moments pendant lesquels les esprits, s’excitant, s’épanchaient en joyeuses saillies. Et ces propos humoristiques, source de francs rires, se renouvelaient souvent, et le temps se passait ainsi entre les joies des belles récoltes et les entre- tiens charmants qu’elles suggéraient. Le sixième dragage n’est point fructueux. 16 juin, très beau temps, brise de nord, belle mer. Quatre dragages au large du cap Cantin. Le premier par 2600 mètres. Le filet rapporte des poissons, Bathypterois, Macrurus, etc.; de très remarquables Dentales, d’une dimension extraor- dinaire, Dentalium ergasticum, déjà rencontré l’an- née dernière dans ces parages. Ce sont des Mollus- ques Gastropodes ou plutôt des Soleniconcha, qui ont la forme d’une défense d’éléphant, d'où vient leur nom. D’autres Mollusques encore, puis des Mopsea, polypier ressemblant un peu à un arbuste maigre de feuilles, enfin des Brissinga. Le deuxième, par 2400 mètres, est nul. Le troisième, de 1917 mètres, nous dédom- mage : des poissons, des Pentacrines, des Astéries, des Holothuries, des Flabellum, des Siephanotro- chus, des Mollusques. Le quatrième, par 1435 mètres, tout aussi bril- lant que le précédent, donne des Bathypterois, des Macrurus, des Halosaurus, des Malacocephalus, parmi d’autres poissons à déterminer ; de nom- ML EN 2,5 276 CAMPAGNE DU & TALISMAN » breux Crustacés, des Astéries parmi lesquelles se présentent de belles Calveria, des Holothuries, de magnifiques Hollenia, de fort belles Dentales, des Pleuroiomes et autres Mollusques. Il était plus de huit heures lorsque le chalut rentrait à bord pour la quatrième fois; la nuit était faite, mais nous avions les lampes Edison pour suppléer au jour. 17 juin. Nous nous trouvons encore dans les mêmes parages, ayant fait peu de route pour nous maintenir sur ces fonds riches en animaux. Encore une série de quatre dragages exécutés. Le premier, par 1590 mètres, sur un fond de vase grasse, donne en poissons : Neoscopelus, Bathypterois, Bathygadus, des Astéries, des Holie- mia, quelques Mollusques. Dans les tamis, des Rhizopodes de la tribu des Vaseux. Le deuxième, 1350 mètres, vase rougeitre : mêmes poissons que ceux pris au dernier coup, en plus d'énormes Alepocephalus; des Crustacés fort remarquables, des Echinodermes (Salenia, Cal- veria), des Astéries, et, parmi elles, bon nombre d'Ophiures, et des Pentagonaster, des Pentacrines, des Mopsea, des Caryophylles, des Aphrocalistes, des Holtenia, des Mollusques, parmi ceux-ci encore de belles Dentales. Le troisième, de 836 à 1350 mètres : pas mal de poissons, d'énormes Alepocephalus entre autres, et des Neoscopelus, des Calveria, des Brissopsis, des Pteraster, des Pentagonaster, quatre genres d’Aste- ries fort intéressants, enfin des Holienia, une belle LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC DT éponge du genre Rosalia, des Mollusques, etc. Mais la tringle du chalut a été tordue sur le fond; il faut en employer un autre et réparer l’avarie. _ Remarquons ce que l'examen des résidus nous a appris par la suite : c’est que ce fond se montre identique à quelques-uns de ceux du golfe de Gascogne explorés en 1880. C’est le même amas d'Orbulines au milieu desquelles on rencontre exac- tement les mêmes petits Mollusques, les mêmes Rhizopodes Vaseux, Arénacés, Globigérinacés, Spi- culacés, les mêmes Foraminifères. Si l’on met ces résidus en présence les uns des autres, il est im- possible d’établir entre eux la moindre différence. Le quatrième, par 1123 mètres, vase rouge : le chalut rapporte des poissons, des Comatules, des Holtenia. Dans la matinée, la baleinière 2 avait été armée pour .opérer une pêche de surface; elle fut peu fructueuse. Deux ou trois espèces seulement d’ani- maux furent capturées, mais aucun Foraminifère ne fut rencontré. 18 juin, les vents sont frais, la mer grosse. 1 Par 1048 mètres, deux bouteilles à eau sont immergées : l’une est descendue à 1000 mètres, l’autre à $00, afin de mesurer la densité de l’eau à ces profondeurs. Nous nous trouvons à quelque distance au nord de Mogador. 19 juin, beau temps, bonne brise de N.-E. A 7 h. 55 la terre devant nous: en nous en appro- 278 CAMPAGNE DU & TALISMAN » chant, reconnu le Gebel-Hadid, ou montagnes de fer. Changé de route pour longer la côte. À 9 heures, par leur travers, on distingue fort bien au sommet de la plus élevée le tombeau de Sidi Wasman, : marabout vénéré dans cette partie du Maroc. A 10 heures nous avons par bâbord les dunes de Botof se détachant en mamelons élevés de couleur blan- châtre sur un fond de montagnes lointaines; on commence à apercevoir Mogador à grande distance. Des troupeaux de Marsouins, de Dauphins et autres se montrent autour du Talisiman dans toutes les directions. Ces bandes sont si nombreuses qu’il est impossible de les compter; elles sont en pêche, et il faut que le poisson fourmille sur cette côte pour que la destruction totale ne suive pas les chasses exécutées par tant de milliers de chasseurs. Ces grands animaux, qui marchent par groupes, évoluent avec un ensemble et une rapidité éton- nante ; l’espèce de bond qu’ils font à chaque élan en avant et tous en même temps, donne à chaque troupe quelque ressemblance, comme mouvement, avec un escadron de cavalerie lancé au galop. Ils arrivent ainsi jusqu’à toucher la muraille du navire, dont ils ne s’effrayent nullement, puis plongent su- bitement, passent sous sa quille et reparaissent de l’autre bord, virant souvent pour renouveler le plongeon, comme s'ils désiraient prendre une con- naissance plus approfondie et se familiariser avec la carène du bâtiment. Presque aussi nombreux, des oiseaux de mer de BR EE LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 270 diverses espèces suivent toutes les manœuvres de ces Cétacés : ils guettent ie pauvre fretin poursuivi, qui dans sa fuite monte et descend, court de droite et de gauche et qui souvent s'approche inconscien- cieusement beaucoup trop près de la surface, puis aussi quelques débris de proie qui échappent aux voraces, coupant parfois en deux d’un coup de mâchoire mal calculé l’objet de leur convoitise. Et nous aussi, nous nous mêlons à ces scènes de destruction; un marsouin est harponné, mais c’est un robuste animal, la ligne du harpon ne peut résister à la force qu’il déploie : elle se rompt, et il fuit en emportant l'instrument. À midi, nous ne sommes plus qu'à $ milles de Mogador, dont on relève le plus grand des mina- rets au S.-S.-E. La ville se détache en ombre sur le fond des collines de sable qui s'élèvent derrière elle et par-dessus lesquelles on aperçoit les cimes des premiers contreforts sud de l’Atlas. Du côté du nord des roches très foncées dessinent le rivage. À midi 30, mouillé devant Mogador. Quelques instants après, un pilote se présente et assure au commandant que le Talisman peut sans danger entrer dans la baie; l’ancre est levée avec difficulté, en raison de la houle, qui est très forte en pleine côte, ainsi que nous sommes. À 3 h. 30, mouillé de nouveau par 11 mètres de profondeur en dedans de la pointe de récifs et de l’île de Mogador, qui abritent la rade. 21 juin, appareillé à $ h. 55; une heure après, 280 CAMPAGNE DU « TALISMAN » on se dispose déjà à draguer par 912 mètres; vase rouge; le chalut rapporte de nombreux poissons, des Astéries (Calveria, Pentagonaster, Archaster, etc.), des Mollusques, des Holtenia, des Siephanotrochus, ces beaux polypiers en forme de couronne. Un second dragage par 1050 mètres produit de nombreux cailloux, un jeune Eurypharinx, des Ophiures et autres Astéries, des Cidaris, des Mol- lusques. 22 juin, au large d'Agadir, dragué par 2525 mè- tres; mer houleuse, mouvements du navire très fatigants pour les appareils; le chalut rentre à vide. Peut-être ce fond est-il peu habité. 23 juin, dans les mêmes parages, par 2200 mètres, coup magnifique:grandnom- bre de poissons, des Calve- ria, des Oursins verts, des Comatules, des Holothuries, des Astéries de diverses es- pèces, de beaux Crustacés, un assez grand nombre de N Mollusques se trouvent dans Fig. 37. — Paracypris le filet. De plus, un Ostra- PUS AN den remarquable, es- pèce nouvelle, le Paracypris galeata (fig. 37). Sur le même fond, le chalut retourne travailler et ramène encore d'assez nombreux poissons, dont deux espèces paraissent inédites, puis une anguille à trompe, des Holothuries rampantes, des Calueria, …'- at uote. édit ni : 4 4 4 . LES CÔTES OCCIDENTALES DU MAROC 281 en des Flabellum et des Mollusques. Le dragage par 2200 mètres avait produit une assez grande quan- tité de vase présentant une apparence grasse; lavée et tamisée, la masse du résidu était principalement composée de Ptéropodes de beaucoup d'espèces. Les Anglais ont donné le nom de Globigerine-00xe, vase à Globigérines, à celle où ces Foraminifères dominaient; il nous semble donc utile de noter de même le caractère de ce fond et de le désigner comme étant tapissé par de la vase formée par des Piéropodes, en leur imposant cette dénomination : Fond de vase à Ptéropodes, Vase à Ptéropodes. 24 juin. Nos-récoltes du 23 nous maintiennent dans les mêmes lieux à quelques milles près. Une première opération par 2212 mètres produit des poissons, des Calveria, de petits Oursins verts, des Comatules, un petit Crinoide, des Astéries (Hyme- naster, etc.), des Mollusques. Une petite drague fixée sur le chalut fonctionne bien. Une seconde fois les engins sont envoyés par 221$ mètres; ils ramènent les mêmes animaux que ceux du dragage précédent. Un faubert a été placé au fond de la poche du chalut : il retient une certaine quantité de vase et beaucoup de petits animaux; décidément il rend de bons services et on le maintiendra en cette place. Nous avons reconnu, dans les tamis, des Rhizopodes, arénacés et vaseux. 25 juin. À peu près dans les mêmes parages, trois dragages ont été exécutés. Le premier, par 2104 mètres; malgré la mer 282 CAMPAGNE DU & TALISMAN » houleuse, le chalut rapporte des animaux nom- breux et variés de la même faune. Le second, 2075 mètres : mêmes résultats. Le troisième, 2083 mètres : la faune se montre la même : débris de Democrinus et de Bathycrinus. La violence des coups de roulis fait casser l’estrope de la chape de la pantoire du mât de charge. IV. — Les Canaries. 26 juin. Le chemin fait nous a rapprochés des Canaries, et nous nous trouvons entre la côte du Maroc et l’île de Lanzarote. su ! 2 Quatre dragages pendant cette journée, d’abord ar 123$ mètres : nombreux poissons, Crustacés: 3 (Aristées, Pasiphaës et autres), Scalpellum, magni- fiques Calveria, Astéries, Holtenia, Caryophyllies, Mollusques. Par 1220 mètres, Bathypteroïs, Brissinga en pièces, Mollusques. Puis par 1163 mètres, Mora mediterranca et au- tres poissons, Crustacés, Holothuries, Astéries (Calveria, etc.), Mollusques, dont une Seprola. Rhizopodes dans les tamis. . Enfin par 1180, Mora, Colliodus, Bathygadus, Coryphenoïdes et autres poissons, Brissinga, Coma- tules, Astéries, Holothuries rampantes, Éponges, Polypiers, Mollusques, dont quelques Brachiopo- des. Rhizopodes dans les tamis. «. q n 4 e, RUSSE Ah NS pe. là LES CANARIES 283 27 juin, à 4 h. 45 du matin, aperçu la terre par bâbord. Ce sont les Canaries que nous avons en vue; nous nous trouvons en effet dans les parages de ces îles. À 6 h. 20, la vigie signale un navire faisant la même route que nous. Cinq dragages sont exécutés en cette journée. 865 mètres, vase jaune : Poissons (Alepocephalus, Scorpène, etc.), Crustacés, dont une espèce des Antilles, voisine des Galathées ; Comatules, Poly- piers, Mollusques nombreux, dont une Sepiola et des Brachiopodes. Des Rhizopodes dans les tamis. 975 m., vase à Ptéropodes : mêmes animaux. Dansles tamis, des Biloculina, Lingulina, Amphiexis, Rhabdamnima, etc. 1238 m. : Poissons, Calveria, Ophiures, Coma- tules, Mollusques, Rhizopodes. 905 m., cailloux et roches. Bien que défoncé, le filet du chalut rapporte quelques pierres; l’une d'elles pèse 102 kilogrammes. 28 juin. À 8 heures environ, /e Talisman donne dans le détroit de la Bocayna; huit coups de drague y sont donnés par des profondeurs variant entre 259 et 30 mètres; pris de nombreux Oursins du genre Diadema, des Holothuries, des Polypiers, des Crustacés, des Mollusques et des Bryozoaires. À 10 heures, nous voici par le travers de la tour Aquila; elle nous reste à tribord, tandis que les terres de Fuertaventura se trouvent à bâbord, l’île Lobos s’en détachant vers le N.-E. À une heure, dépassé le mont Roja, et, peu après, doublé la 284 CAMPAGNE DU ( TALISMAN » pointe Pechiguera; son feu est relevé au N. 48° 0. Enfin, à $ heures, la pointe Rossa est en vue au - N. 35° E., à une distance de 18 milles, Nous nous trouvons hors du détroit. de 29 juin. Très beau temps. Au jour, la Grande Canarie par bâbord; à 6 h. 10, aperçu Ténériffe devant nous; à 11 h. 40, mouillé sur rade de. Santa-Cruz par 40 mètres de fond. Dans la soirée, essayé d’une pêche à la lumière électrique. Les lampes Edison, immergées à une certaine profondeur, produisent un charmant spec- tacle. C’est à travers un milieu cristallin bleuâtre que l’on aperçoit une multitude de poissons de diverses tailles, s’agitant et dont les mouvements rapides parfois produisent des traces brillantes, stel- l£es sur leurs bords et dessinant la ligne suivie par l'animal : elle demeure lumineuse pendant quel- ques instants. Un déprédateur s’avance lentement, en sournois; il compte sur une proie, mais la lumière des lam- pes le décèle, toute la troupe s'enfuit, il s’élance alors avec toute la vitesse qu’il peut déployer, et la sphère éclairée devient solitaire pour quelques moments. Puis elle s’anime de nouveau, et les mèmes scènes se renouvellent. Après un séjour de quelques jours, pendant les- quels des excursions dans diverses parties de l’île ont eu lieu, ainsi qu'une ascension au pic de TFeide, nous nous trouvons mieux disposés que ‘jamais à reprendre la mer et à continuer les opéra- À . Lis APE LES CANARIES . 285 tions de l'exploration. En conséquence, le $ juillet nous appareillons vers huit heures du matin. Aussitôt en marche, nous faisons route sur la Grande Canarie. Par suite de la direction que nous suivons, les pentes raides et vigoureusement acci- dentées qui s’élèvent en avant du pic se sont défi- lées, et nous avons pu saisir facilement les détails qui les caractérisent. Ce que nous remarquons surtout, c’est que le pic, qui pourtant est de beau- coup plus élevé que les points culminants des som- mets en avant, parait à peine les dépasser; cepen- dant la distance qui le sépare de ces lignes de faîte est bien peu de chose, quelques kilomètres seule- ment. À 11 heures, nous apercevons la partie S.-O. de la Grande Canarie. Les terres se découpent en sommets aussi dentelés qu'à Teénériffle; elles se présentent à l’œil comme un décor de théâtre, les diverses parties superposées les unes sur les autres et se terminant par des caps et des pointes qui vien- nent, en s’abaissant, se noyer dans les eaux bleues . de la mer. Il est un point cependant, le cap Sardina, nous restant le plus au sud, qui demeure haut et presque vertical, malgré sa grande élévation. En nous retournant, nous voyons encore le pic de Teide : les terres d’en avant paraissent comme abais- _sées, tandis qu’il se montre avec plus d’élévation. À 1 heure 47, à la hauteur du mont Cardones et de la bourgade du même nom, sondé par 2420 mètres. À 2 heures, on peut apercevoir Guia et Galdar, pittoresquement situées sur le flanc d’élé- 286 CAMPAGNE DU « TALISMAN » vations dont les accidents indiquent combien ces terres ont été affreusement bouleversées. À 3 heures, c’est Isleta qui se montre distinctement : nous n’en sommes plus qu’à 9 milles; à 6 heures nous mouil- lons par 12 mètres de fond dans le port de la Luz, à peu de distance de las Palmas, dont le mouillage n’est point sûr. La Luz, où s’exécutent de grands travaux d’abri, est destinée à devenir le port de l’île; les navires y seront fort bien et en sûreté. Le lendemain 6, nous nous rendons en voiture à las Palmas; nous y visitons le musée, dans lequel M. À. Milne-Edwards découvre quelques sujets de Crustacés qui lui permettent de faire d’assez importantes constatations. La côte de l’île est excessivement poissonneuse, nous nous en apercevons, car à chaque pas nous rencontrons des marchandes portant sur la tête des charges de poisson. Celui qui paraît être le plus abondant, la sardine, ou plutôt un petit pois- son qui lui ressemble, se prend avec un filet à mailles de laiton. Aussitôt rentrés à bord, vers 7 h. 15, levé l'an- cre; 7 h. 20, mis en marche; 11 h. 45, perdu de vue le feu de la Isleta. Le 7 juillet au jour, aperçu les terres sud de Fuertaventura; exécuté quatre dragages dans ces parages. Le premier, 201$ mètres. Le chalut rapporte des Poissons (Macrurus, Synaphobranchus entre autres), des Calveria, des Holothuries, des Ophiures, des 4 *, * a LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 207 Mopsea, des Mollusques, parmi eux le Dentalium ergasticum, des Rhizopodes réticulaires, etc. Le second, 2013 mètres : de nombreux Halosau- rus, des Archaster, des Holothuries. Rhizopodes aperçus après le lavage de la vase. Le troisième, 1975 mètres : nous procure un grand nombre d'Holothuries, quelques Mollus- ques, des Rhizopodes. Le quatrième, 1918 mètres : des Holothuries, des Calveria, des Mollusques, Fuseaux, Pleurotor mes, Dentales. V. — Les côtes du Soudan et du Sénégal. 8 juillet, fait route pendant la nuit pour nous rapprocher du littoral africain. À midi 30, nous avons en vue les côtes du Soudan, le cap Bojador et les terres qui l’avoisinent. Sept, opérations de dragage s'exécutent pendant cette journée, la première par 782 mètres, fond de sable, coquilles, coraux. Elle produit des poissons (Scorpènes, Macrures, Hoplostetus, quelques espèces de la Méditerranée et autres), des Arisiées et des Pendales, parmi les Crustacés; des Brisinga, des Calveria de grande taille, des Brissopsis, pas mal de Mollusques, des Rhizopodes. Le second, 646 mètres, même nature de fond que le précédent dragage; il rapporte des Holo- thuries, de nombreux mollusques (Ranella, Dolium, Turbo, Fissurella, Trochus, Lima et Waldheimia), des Rhizopodes. 288 CAMPAGNE DU ( TALISMAN » Le troisième, 345 mètres; le fond est le même; le chalut ramène une quantité énorme de Coma- tules, des tubes d’Annélides, d'Hyalinæcia, qui ressemblent à sy méprendre à des tuyaux de plumes d’oie, des coraux, des Pecien, Mitres et. KRanelles, Rhizopodes. Le quatrième, 250 mètres, toujours même nature de fond. La récolte consiste en poissons divers, un énorme Poulpe, de grands oursins (Echinus acutus), des Comatules; en Mollusques, des Car- dita, Xenophora, Cytherea, Pecten; des Foramini- « fères. Le cinquième, 175 mètres, même fond, même faune. Le sixième, 130 mètres, même fond; nous obte- nons un grand nombre d’Astéries (des Ophiures entre autres), des Comatules, des Cidaris (Cidaris hystrix), des Éponges, des Mollusques. Le septième, 102 mètres; le fond n’a pas varié de nature; le filet rapporte six grands Poulpes, des Octopus, des Mollusques (Venus, Ranella, Pectun- culus, Arca, Pecten). Le 9 juillet, beau temps, ciel nuageux, mer belle, six dragages. Le premier, 410 mètres, sable vasard. Coraux. La pèche consiste en nombreux poissons (Macrurus, Caprosaper, Oplostetus, Dorades, etc.), des crustacés. et en particulier une grande Galathée, des Coma- tules, de belles éponges du genre Askonema ayant la forme d'énormes chapeaux feutrés de spicules M ner is > Le RC RE € nes ou he 4 EC A CUTA UE -S, AT 2% 2 ES ER TR | Rae CE LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 289 siliceux, des Mollusques. Le chalut est cependant revenu déchiré. Le second, 698 mètres, même fond que le précé- dent; produits de l’opération: Brissinga, Ophiures, Calveria. En coraux, des Aphrocalistes imitant des dentelles et qui sont fixées sur des Lophohelia, des Mollusques. Le troisième, 620 mètres, même fond : Bris- singa, un très grand nombre de Mollusques, des Foraminifères. Le quatrième, 882 mètres, mème fond. Des Astéries (Ophiures, Tricaster), des Brissinga d’es- pèces inédites, des Aphrocalistes, une Euplectella nouvelle, des Mollusques, parmi eux des fuseaux intéressants, des Rynchonella. Le chalut rentre à bord en lambeaux. Le cinquième, 143$ mètres, sable vasard : coquilles et coraux. Grande Brissinga nouvelle. Le chalut s’est promené sur une véritable prairie de Pentacrines, mais elles sont presque toutes en morceaux. Pycnogonides. Les principaux Mollus- ques sont : Lerebratulina, Rhynconella, Pecten. Le sixième, de 1128 à 1193 mètres, vase grise. Astéries, Pecten dans une grande quantité de vase. Pendant cette journée, passée sur la côte du Sou- dan, les fonds riches en coraux ont été pernicieux pour les chaluts; ils ont tous été mis à peu près en pièces. Heureusement que parmi les matelots du Talisman se trouvent un assez grand nombre de pêcheurs habituës à raccommoder leurs filets. DE FoLiN. -—— Sous les mers. ‘19 290 CAMPAGNE DU & TALISMAN » Ils sont installés en plusieurs chantiers, et les répa- rations avancent rapidement. Il en est du reste ainsi pour tout à bord d’un bâtiment : on y trouve tou- jours le moyen de remédier au mal qui arrive; le marin est certainement l’homme le plus industrieux parmi ceux même qui passent pour l’être beaucoup. Le 10 juillet, nous trouvant encore sur la côte du Soudan, opéré trois dragages; la profondeur est devenue plus grande; l'exécution demande plus de temps : c’est pourquoi leur nombre est moindre que ceux des deux jours précédents. Le premier s'exécute par 2325 et 2518 mètres; le chalut s’est promené sur une longueur de deux milles environ, sur de la vase jaune d’abord, puis orise; il ne rapporte qu’un seul crustacé Acanthe- phyra de nouvelle espèce, À. pellucida, AL. M.-Edw., sur les pattes de laquelle il existe des bandes lumi- neuses. Quelques Rhizopodes, une fois la vase lavée. | Le 2°, 2638 mètres, vase jaune; le coup est peu productif, il fournit seulement quelques Holothu- ries, un Ophiomusium, une tige de Democrinus et des Mollusques (Dentales, Limopsis, Bulles, Buccins, Pecten). Le 3°, de 1400 à 1495 mètres, vase grise : fort peu de chose, cependant un Crustacé nouveau. 11 juillet. Beau temps, ciel couvert, mer hou- leuse. Nous sommes encore sur la côte du Soudan; quatre dragages. Le 1°’, par 1400 à 1435 mètres, sur de la vase 4 +2 LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 291 grise. Le chalut ramène quelques poissons, qui pa- raissent appartenir à des espèces inconnues, et parmi eux des Centro- phus et des Alepocepha- lus, de nombreuses Astéries, de très gran- des Holothuries, des Crustacés remarqua - bles, des Mollusques Le et des Eponges, des Fig. 38. — Sarsiella globulus, Ostracodes; l’un d’eux, GNT d’une forme exceptionnelle, est une Sarsiella d’es- pèce nouvelle (fig. 38). Le 2°, par 1232 mètres, nous procure des pois- sons, des Halosaurus et un Macrurus d'espèce pro- bablement nouvelle, des Oursins allongés, peut- être inédits, des Mollusques et parmi eux Dentalium ergasticum. Le câble de dragage se trouve avarié sur une certaine longueur ; on en coupe cent mètres présentant en diverses places des fils brisés. Le 3°, par 1250 mètres, sur vase grise, donne des Astéries (Zoroaster et deux magnifiques Ayme- naster), des Cidaris, des Crustacés parmi lesquels des Pasiphaës, un Poulpe {Cirrhoteuthis), des Mollus- ques au nombre desauels on remarque des Den- tales, des Næera, des Scaphander. Dans les tamis, des Cristellaria, des Bathysibhon, des Pelosina et des Ilyosphæra. Le 4°, par 1189 mètres. Pêche qui fournit les mêmes animaux que la précédente. 202 CAMPAGNE DU € TALISMAN D 12 juillet. Temps nuageux, un peu de pluie; la brise fraichit. Toujours un peu au large de la côte du Soudan. Ce fut pendant cette journée que nous traversämes le tropique, et, malgré la cérémonie du baptème, que reçoivent les nombreux néo- phytes se trouvant à bord du Talisman, on n’en exécute pas moins cinq dragages. Le 1°, par 932 mètres, able vasard de couleur verdâtre. On trouve de le chalut des poissons (Scorpènes, Macrures, fig. 39, etc.), un Poulpe (Octo- pus), des Calveria, une profusion d’Actinies, 256, des Astéries (Zoroaster, Ophiures, etc), des tubes d'Annélides (Hyalinœcia), des Mollusques (Den- tales, Marginelles, M. impudica, P. Fischer), etc. Le 2°, 930 mètres, même fond. Nombreux poissons, plus les mêmes animaux qu’au dragage précédent; parmi les Mollusques, Dentalium agile, des Modioles et des Rhizopodes divers. Le 3°, 860 mètres, même fond. Poissons, parmi lesquels les Macrures dominent; des éponges du genre Hyalonema, qui sont soutenues par un fais- ceau de spicules plongeant dans la vase, des 4phro- calistes nouveaux, les mêmes Moilusqiés des Rhi- zopodes. Le 4°, 830 mètres, même fond. Les poissons abondent; on ne compte pas moins de 136 Ma- crures, de nombreux Baihyogadus, des Dibranchus et d’autres, des Crustacés, des Astéries (Archaster, Calveria), 92 Holothuries, les mêmes Mollusques, des Rhizopodes { Trochammina, Saccammina, etc.). "SHANADIDIY — ‘OC *S14 LENS LES CÔTES*DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 205 Le $°, 800 mètres, même fond. Le produit domi- nant de la pêche consiste en Holothuries : il s’en trouve 515 dans le chalut; de magnifiques Calveria, et parmi les Mollusques des Cassidaria et des Mar- ginelles, des Rhizopodes (Clavula, Trochammina, Titanopsis, Hormosina, Rheophaxopsis, Cristellaria). Le 13 juillet, très beau temps, assez belle mer; au jour, un bateau à vapeur en vue. Nous nous trouvons au nord du banc d’Arguin. La journée de pêche comprend six dragages. Le 1°, par 1013 à 1113 mètres, sur sable vasard verdâtre. Grande quantité de poissons, 49 Macru- res, 46 Bathygadus, des Alepocephalus, des Halo- saurus, des Bathypteroïs, 49 Calveria, un embryon de Chimére, etc., d'importants Crustacés, et, parmi les Mollusques, des Pleurotomes. Le 2°, 888 mètres, même fond; la mer est de- venue assez grosse; le chalut s’est tordu sur le fond : on y trouve une anguille (Nemychtis scolo- pacea). Le 3°, 655 mètres, même fond; le câble s’est enroulé sur le chalut, cependant il rapporte des Crâstacés, Caprelles, et Gnatobhausia entre autres, des Astéries, Ophiures, etc.; pendant le dragage le fond a remonté à 175 mètres : c’est ce qui expli- que lenroulement du câble sur l'engin. Le 4°, -175 mètres. Poissons, Bryozoaires, Ophiures, Alcyonaires, Éponges; en Mollusques, des Murex, Fuseaux, Troques et Pecten ; des Rhi- zopodes dans les tamis. 296 CAMPAGNE DU ( TALISMAN » Le 5°, par 225$ mètres, même nature de fond. Poissons, dont un grand Congre pesant 13 kilo- grammes; des Crustacés, de nombreuses Coma- tules; en Mollusques, outre les précédents, des Tritons et des Ranelles; quelques Foraminifères. Le 6°, par 140 mètres. Le peu de profondeur annonce Île voisinage du banc d’Arguin; les ani- maux capturés sont les mêmes que ceux des pré- cédents dragages de ce jour. Dans l'après-midi, des Souffleurs se sont mon- trés, errant tranquillement autour du Talisman. 14 juillet, à minuit 30, coucher de la lune, beau temps, jolie brise de N.-N.-E., des vents alizés, mer belle; nous nous trouvons par le travers du banc d’Arguin, le laissant par bâbord. Trois dragages. Le 1%, de 149$ mètres à 1283. Même nature de fond qu’hier, sable vasard de couleur verdûtre. Le chalut rapporte de nombreux poissons de diver- ses espèces, des Astéries, des Holothuries ; en Crus- tacés, des Pagures et autres; parmi les Mollusques, des Lucina, des Trochus, etc.; dans les tamis, des Rhizopodes. Le 2°, sur un fond semblable au précédent, par 1090 mètres. Poissons (Xenodermictis, etc.), Crus- tacés (Gnatophausia, etc.), Astéries. Pendant cette opération, la mer a changé de couleur : elle a pris une teinte vert bouteille, puis vert trouble, comme si le navire se trouvait sur de petits fonds, ce qui n'est pas, puisque le 3° dragage s’opère par 1230 à LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 207 1160 mètres, sur un fond semblable au précé- dent; il produit : Poissons (Xenodermictis, Chi- mére, etc.), Crustacés, Astéries (Ophiures et autres), un grand nombre d’Actinies; en Mollusques, des Pleurotomes. 15 juillet, très beau temps, bonne brise de N.-N.- E., mer houleuse ; trois dragages. | Poe de 2333 à 2320 mètres. Sur un fond de vase lécèrement grasse et verte, toujours devant le banc d’Arguin, la mer est grosse; cependant le chaiut rapporte des Astéries, parmi lesquelles se trouvent un grand nombre de Brisinga Ediwvardsur, des Comalules, des Oursins, dont un débris de Pour- talesia; en Mollusques, un Dentalium sp. nov., des Scalaria, des Limopsis, etc. _ Le 3°, par 3334 mètres. Mèmes animaux qu’au dragage qui a eu lieu avant celui-ci; en plus, comme Mollusques, des Natica, Bulla, Pleuro- ioma. Nous pouvons sans peine retirer des tamis des exemplaires de Rhizopodes, tribu des Vaseux, dont la taille est proportionnellement gigantesque : ce sont des formes cylindriques de la grosseur du doigt, que nous avons désignés génériquement sous les noms de Myrialobos et d'Enausma. Le 3°, par la même profondeur, donne comme résultats les mêmes animaux. Par suite des mou- vements violents de roulis, le grand treuil éprouve une avarie assez sérieuse et qu'il faut nécessaire- ment réparer avant de pouvoir poursuivre les opé- ration d'exploration des fonds : trois dents sur 298 CAMPAGNE DU « TALISMAN » quatre de l’embrayeur de la bobine ont été brisées. Le 16 juillet, beau temps, petite brise. Vers 1 heure du matin, le temps se couvre, la brise mollit; à 3 heures, coucher de la lune; la mer devient phosphorescente. C’est à regret que je me sers de cette expression consacrée, pensant que la lumière produite est due à un développement d'électricité chez les animalcules contenus dans les eaux. On répare activement l’avarie du treuil. Le chômage donne lieu au puisement d’eau de mer à diverses profondeurs pour observer sa den- sité, soin auquel nous ne pouvons nous livrer alors que les dragages absorbent tout le temps dont nous pouvons disposer. En effet, les captures sont si nombreuses que c’est à peine s’il est possi- ble de les préparer toutes pour les conserver dans de bonnes conditions; aussi l'examen de cha- cun des sujets n’est-il que fort superficiel, et rien de décisif sur leur compte ne peut être dit. Pour mieux les déterminer & posteriori, des notes sont prises, leur coloration est figurée sur des croquis, aucun soin n'est négligé; mais, on doit le com- prendre, les heures s’écoulent en ces travaux, et chaque journée suffit à peine. Les opérations de prise d’eau ont donné les résultats suivants : à 500 mètres de profondeur, densité, 25°,2; à 1000 mètres, densité, 25°,4; à 1500,:25,6:;, 42100258; 4%SD0422e La densité à la surface était de 24°,8, la tempé- lature/de 2 Sos x dut matt dite airml | 4 : (4 " SATA Ë 4 ) Le à #7 | LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL 299 La température à $oo mètres de profondeur, 9°,5 ; à 1000 mètres, 6°,5 ; sur le fond, 2°,8. Des fauberts ont été trainés sur le fond sans rien rapporter. Le 17 juillet, beau temps, presque calme; cou- cher de la lune à 2h. 45. Exécuté deux dragages. Be r*/parr 617 mètres, vase verdtre. Une grande drague est immergée au lieu du chalut; elle rap- porte de la vase, des Pourtalesia, ces curieux Échi- nodermes, des Oursins de forme ovale, c’est-à-dire des Brissopsis, des Dentales, etc. Le 2°, par 1550 mètres, même nature de fond, opéré avec le grand chalut : la pêche consiste en poissons, en grandes Holothuries, en nombreux Brissopsis, une Astérie nouvelle, des Dentales, des Bulles, etc. Coupé 250 mètres du câble de dragage, qui paraissaient usés et avariés par des coques. 18 juillet, beau temps, ciel nuageux, petite brise, coucher de la lune à 3 h. 30. Dans la matinée, aperçu un navire à voiles. Un dragage par 3200 mètres, entre Dakar et l’île de Santiago de l'archipel du Cap-Vert. Résultat de la pêche : Astèries, Brissopsis, Ophiures, petites Éponges; parmi les Mollusques, des Dentales d'une espèce nouvelle, des Cassidaria, des Leda. Khi- zopodes dans les tamis, entre autres d'énormes * Pelosina, mesurant plus d’un centimètre de dia- mètre. 19 juillet, très beau temps, mer belle; dans la matinée de nombreux Requins bleus (Carcharias D] 300 CAMPAGNE DU & TALISMAN » ou Prionodon glaucus) se montrent autour du na- vire. Vers midi un quart, un d’eux est capturé; aussitôt après sa mort, on l’étend sur deux tables juxtaposées et on le dépouille; un matelot auquel on a mis en main un couteau et un scalpel est bien vite au courant de la besogne qu’on lui im- pose, et il opère presque aussitôt comme s’il n’avait jamais fait autre chose. Dans l'après-midi, de grands Cachalots sont en vue, de nombreuses troupes de poissons volants se montrent de tous côtés. Un dragage dans les mêmes parages qu’hier, par 3655 mètres, fond de vase grise; il procure des poissons, des Crustacés, de curieuses Ovhiures ; entre autres Mollusques, des Dentales, Bulles, Fuseaux, Limopis; Rhizopodes. | VI. — Les îles du Cap-Vert. 20 juillet, beau temps, ciel un peu couvert; à 7 h. 53, aperçu l'île Maio; à 8 heures, Boa-Vista, à 45 milles par notre travers : le mont San-Antonio en est le point culminant; à 10 heures, nous-ne. sommes plus qu’à trois milles de la pointe der- rière laquelle se trouve le port de l'ile. Au-dessus se dessine le mont Maio, et plus élevé dans l’est le mont Pinos. Un trois-mâts louvoie pour entrer dans la baie. À 11 heures, San-lago, à 20 milles dans l'O. 20° $.; à 1 heure, le mont San-Antonio, le plus haut de cette île, nous reste au N. 60° O. Les contreforts sont bizarrement découpés : les SP ne: LES R à LES ÎLES DU CAP-VERT 301 dentelures qu’ils montrent indiquent un soulève- ment brusque et violent subitement refroidi. Le Talisman longe les rivages de l’île, dont les terrains eux-mêmes, singulièrement tourmentés, présentent l'aspect de terres rocheuses, sèches et brûülées; leur teinte d’un gris violacé est d’une uniformité peu récréante. Arh.45,mis aux postes de mouillage; à 2 h. 10, laissé tomber l'ancre sur la rade de Porto-Praya; 42h20, recu.la libre pratique. La ville de Porto-Praya est bâtie sur un plateau subitement coupé par une falaise sur le bord de la mer et qui s’abaisse aussi brusquement du côté de la terre ; une pente assez raide, dans la partie nord, est la seule issue par laquelle on puisse pénétrer dans la campagne. Des bouquets de cocotiers à chaque extrémité de la falaise donnent au paysage le caractère tropical. La journée du 2r se passe à parcourir la ville, en commençant par visiter le marché, bien appro- visionné, surtout en poisson, qui est très abon- dant dans ces mers. Comme preuve, un canot du bord, envoyé à la seine, faisait en deux heures une pêche merveilleuse. Dans le fond de Ja baie, un ilot, l'ile aux Cailles, sur lequel se trouvent quelques batteries, sert de défense à la ville. Sur la pointe Temerosa, à l’extré- mité sud de la rade, s'élève un assez beau phare. M. A. Milne-Edwards avait su que le corail, qui se pêche dans la Méditerranée, se trouvait égale- 5O2 CAMPAGNE DU « TALISMAN » ment dans les eaux qui baignent les côtes de San- Jago du Cap-Vert, et qu’une compagnie s'était organisée pour en exploiter la pêche. Grâce au consul, on s’aboucha avec un des corailleurs, et le 23 juillet Ze Talisman appareillait de bonne heure pour se rendre sur les lieux où l’on pouvait espérer trouver quelques échantillons des Poly- piers en question. Longeant la côte sud de l'ile, nous nous trou- vons vers 10 heures du matin par le travers de la Cayetta de San-Martin, petite baie au bord de laquelle les pêcheurs de corail ont élevé quelques huttes et quelques maisons, car il paraît qu'il y a déjà plusieurs années qu'ils pratiquent cette indus- trie, sans cependant avoir jamais eu beaucoup de succès. Nous sommes donc sur les lieux de pêche. On procède à l'immersion des engins, installés par le corailleur et le pilote; mais nous ne réussissons guère. La côte en vue est dominée par le pic de San-Antonio et ses contreforts, qui s’étagent pour descendre en avant jusqu’à la montagne de Rubas, sur les flancs de laquelle s'étale un des plus jolis paysages de l’île. En le contemplant, nous déplo- rions l’état de stérilité dans lequel se trouve la plus grande partie des terrains à San-lago, et nous pensions qu'il y aurait cependant bien peu à faire pour les rendre très productifs : capter les eaux de la même facon qu'on le fait aux Canaries, à Téné- rife, mais surtout utiliser une plante qui croît spon- tanément partout, le Jatropha curcas (Purgueiria POP PE PP ee D PES net UT NES PV’. ts | . | N | LE à De CE 4! LES ÎLES DU CAP-VERT 303 dans le pays). Des plantations entendues de cet arbrisseau sur toutes les pentes y retiendraient les eaux de pluie; elles se couvriraient bientôt d'herbe et de plantes. On pourrait ensuite y cultiver le caféier, qui, sur les rares points de l'ile voisine de Fogo où on l’a planté, donne des produits d’excel- lente qualité. Le Jatropha du reste, qui porte un fruit oléagineux, pourrait être lui-même une source de bons revenus. Du point où se trouve en ce moment Ze Talis- man, on aperçoit Fogo à 40 milles de distance. Nous poussons jusqu’à Ribeira-Grande, l’ancienne capitale de l’île, abandonnée en raison de son insa- lubrité. Puis nous reprenons le chemin de Porto- Praya, pour y débarquer le pilote. À 4 heurues du soir, nous faisons route pour l'île de Saint-Vin- cent, où nous devons prendre du charbon. Indépendamment de la pêche du corail (on en a obtenu quelques échantillons), 3 dragages ont été exécutés. Le 1°”, par 225 mètres, sur fond de sable et roches, produit de nombreuses Gorgones, des Asté- ries, dont une magnifique, possédant onze bras; des Ophiures, des Mollusques, etc. Le 2°, par 105 mètres. Mêmes résultats qu’au coup précédent. Le 3°, par 123 à 283 mètres. Le chalut croche dans les roches et revient ne rapportant rien. À 7 heures, nous étions de nouveau en vue de Fogo, qui apparaissait bien au loin dans l’ouest, et 304 CAMPAGNE DU & TALISMAN » par-dessus sa silhouette élevée brillait la Croix du Sud, cette constellation qui passe pour la plus # * belle de l'hémisphère austral et dont … les quatre étoiles la composant sont. placées les unes par rapport aux autres ainsi que nous le figurons (fig. 40). À 9 heures, la lune se lève; l’éclat des étoiles devient moindre. Le 24 juillet, beau temps, ciel un peu nuageux, mer un peu houleuse. On opère un dragage par 3705 mètres, entre San-lago et Saint-Vincent; le chalut rentre encore une fois vide : il s’était entor- tillé dans le câble. Journée de mauvaise chance; 2400 mètres de fil d'acier ont encore été perdus en sondant. Le 25 juillet, très beau temps; à 2 heures du matin, la terre est signalée au nord du monde. Au jour, l’île de San-Antonio nous reste dans l’ouest et celle de Saint-Vincent dans le N.-O. Nous pouvons facilement saisir tous les déchirements de ses masses de roches, dont les déclivités sont tel- lement raides et découpées en pointes si aiguës, Fig. 40. La Croix duSud. que leur ensemble parait fantastique. Par suite, elles ne peuvent retenir aucune parcélle de terre et demeurent consèquemment sèches, brülées, on pourrait presque dire flamboyantes, tant quel- ques parties sont chaudement colorées. Nous pas- sons devant la baie de San-Pedro, puis c’est la pointe de Botella qui se dessine devant nous par tribord, tandis qu'à bâbord les terres de San-Anto- Fig. 41. — L'ile aux Oiseaux. Saint-Vincent des îles du Cap-Vert; au fond San-Antonio. DE FOLIN. — Sous les mers. 20 LES ÎLES DU CAP-VERT 307 nio nous semblent un peu moins hérissées de crêtes extravagantes et de dentelures aiguës. Et dans le canal qui sépare les deux îles, mais plus rapprochée de Saint-Vincent et supportant un phare qui indi- que l'ouverture de la baie, si tant est qu’on puisse dire qu'il y a une baie à Porto-Grande, l’île aux Oiseaux (fig. 41) se montre : étrange pyramide d’un seul bloc de roche au sommet de laquelle on a établi une tour en fer où s'allume le feu. Elle est si raide dans ses pentes que sur la face la plus propice on peint à la chaux le chemin en lacet qui conduit à la petite maison des gardiens, située un peu plus bas que la tour. Cette précaution est prise afin que, pendant un naufrage, peut-être, celui qui s'aventurerait la nuit sur ce sentier ne puisse en perdre la trace; le moindre écart à droite ou à gauche, et l’on serait infailliblement précipité dans. les flots. À 7 h. 24 du matin, mouillé devant Porto- Grande, où se trouvent un assez grand nombre de navires. Ce port est la station où viennent prendre du charbon tous les bâtiments à vapeur qui ont à traverser l'Atlantique ; aussi le mouvement y est-il considérable. Porto-Grande est bâtie sur la limite d’une plage sablonneuse, peut-être la seule de toute l’île dont la côte entière est inhospitalièrement formée de ro- chers taillés à pic et tellement aiguisés que tout accès est interdit. C’est peut-être parce qu’une plage se trouve là sans qu'il y ait un renfoncement sensible, 308 CAMPAGNE DU « TALISMAN » qu’on lui a donné le nom de baie; il est vrai qu’à. chacune de ses extrémités se dresse un gros morne qui forme pointe. Quoi qu’il en soit, le port ne. pouvait être mieux placé que devant ce rivage, qui se présente propre aux opérations maritimes et qui se trouve placé sur la route des navires, pouvant sans se déranger, venir y mouiller pendant quel- ques heures. C’est ainsi que durant notre séjour sur ce point nous avons vu arriver et repartir une canonnière anglaise, une espagnole, et une frégate américaine, sans compter de nombreux paquebots et navires de commerce. Le gouverneur général des îles du Cap-Vert, dont la résidence est d’ordinaire à Porto-Praya, se trouvait, au moment de notre passage à Porto- Grande, en tournée d'inspection. Il avait reçu de son gouvernement des instructions d’après les- quelles il devait favoriser les entreprises de la mis- sion autant que cela lui serait possible. Ayant été informé par le commandant Parfait que nous dési- rions nous rendre à Branco pour y faire la chasse aux lézards, il fit chercher quelqu'un qui a servir de guide pour cette excursion. Le 26 au soir, deux Portugais viennent à bord pour remplir cette mission. À 11 heures, appareillé pour Branco. Un dragage qui avait été exécuté en rade au moyen d’un canot avait produit de superbes Astéries (Pentaceros dorsatum), des Cida- ris, des Corallines, des Mollusques. Le 27 juillet, à 6 heures du matin, nous nous *19907) SHOUIISOUIDIX — ‘'Tt ‘814 « ë | r Battre ler 20e aus NE. j + CAES EX D: bi = TUE PS LES ÎLES DU CAP-VERT 311 trouvons par le travers de lile de Santa-Lucia, puis peu après c’est la partie sud de Branco qui nous reste par bâbord. On gouverne pour s’en rapprocher et reconnaitre le seul point d’atter- rissage possible : c’est une petite échancrure de quelques mètres dans les roches, sur la surface de laquelle s'étale un peu de sable. Une embarcation est armée, et notre ami Jacquet est envoyé avec les deux Portugais pour s'assurer que le débarquement peut s'effectuer. Il revient et considère la chose comme très difficile. Malgré cela, M. À. Milne-Edwards, qui n'entend pas être venu là pour rien, n'hésite pas à affronter ce que l’entreprise présente de périlleux, la lame brisant assez fortement sur toute cette partie de la côte. Il s’embarque, suivi de quelques autres, et, s’il réussit, on reviendra chercher ceux qui vou- dront encore tenter l’aventure. Heureusement la mer s’est un peu apaisée, et lorsque la baleinière est près de terre, ne pouvant encore accoster, — le ressac la briserait, — ces messieurs se jettent à l’eau, suivant l'exemple du président, et atteignent la partie sablonneuse, sans avoir pris pied, tant l’île est accore, mème en cet endroit. C'était vraiment dangereux : on risquait d’être . jeté violemment sur les roches; l’entreprise ne pouvait être tentée que par ceux qui savaient bien nager. Comme nous ne sommes pas du tout na- seurs, après avoir discuté le pour et le contre avec Jacquet, qui venait de se rendre parfaitement 312 CAMPAGNE DU « TALISMAN » compte de la chose, il fut décidé, de l’avis de tous, que je devais me priver du plaisir de mettre les pieds sur le sol ou plutôt sur les roches de Branco. J'eus plus tard des motifs de me consoler, car il ne fut guère possible de s'éloigner du point de débarquement. L’excursion avait pour but la re- cherche d’un grand lézard, le Macroscincus Coctæi (fig. 42), animal qui ne se trouve qu’à Branco, fait des plus curieux et qui, croyons-nous, n’a pas encore été assez étudié pour qu'il puisse être bien expliqué. La capture de 24 Macroscincus, qui furent ramenés vivants à bord, récompensa des peines prises à cet effet; 16 d’entre eux parvinrent en vie au Muséum. De plus, M. A. Milne-Edwards rappor- tait un oiseau du genre Puflin (Puffinus Edwarsii, Oustalet), d’une espèce nouvelle. Le président de la mission avait chargé M. Poi- rault de réunir tous les éléments d’une flore de Branco. Le jeune botaniste fit avec le plus grand soin toutes les recherches nécessaires et put réunir quatorze espèces de plantes, dont une nouvelle, le Statice Ediwardsi, Franchet. Branco tire son nom de la couleur blanche que revètent ses rochers et qui est due à des apports de sable que le vent amène et qui s’accumulent en se soudant dans un ciment calcaire. Pendant les recherches à terre, le commandant Parfait faisait draguer entre Branco et Razo, autre îlot qui n’est guère plus abordable que le premier. Le dragage fut exécuté sur un fond de roches par PORT ee SE) RSS, LES ÎLES DU CAP-VERT 313 une moyenne de 100 mètres; il ne produisit que peu de chose sans rien de particulier. Nous nous trouvâmes à un certain moment dans une position qui nous permit de n'avoir en vue de Branco que ce que l’on pourrait appeler son profil, c’est-à-dire une vue suivant sa largeur, qui n’est guère considérable : environ quatre cents mètres, comme sa hauteur, nous servant de celle-ci pour l’estimer. Sa longueur cependant est d’au moins trois milles; c’est donc en quelque sorte une lame de couteau qui s'élève abruptement du sein de la mer. Les membres de la commission de retour à bord, le Talisman reprend le chemin de Porto-Grande; il passe assez près de Santa-Lucia et suit cette fois la route qui contourne Saint-Vincent du côté opposé à celui que nous avions longé en venant de : Porto-Praya et pendant la nuit précédente. À huit heures et demie du soir, nous étions rentrés au mouillage de Porto-Grande. Le 28 juillet, passé une partie de la journée à terre; à $ h. o5, appareillé; mais, ayant doublé l’île aux Oiseaux, nous apercevons le paquebot venant de France; il doit nous apporter des let- tres; le Talisman retourne donc encore une fois au même mouillage et laisse tomber son ancre à 8 h. 30. 29 juillet, beau temps. Aussitôt le retour du vaguemestre avec les lettres, c’est-à-dire à 8h. 45, appareillé. 314 CAMPAGNE DU « TALISMAN » Quatre dragages ont lieu entre Saint-Vincent et Saint-Antoine. Le 1°, de 90 à 75 mètres; perdu d’abord un grand chalut; il est remplacé, et l’opération produit des poissons, environ 200 Cidaris, des Ophiures, des Mollusques. | Le 2°, ou plutôt une série de date par 420 à re mètres, fournit des Astéries, des Cida- ris, des Éponges, des Corallines, des Mollusques, parmi lesquels de nombreux Strombes, des Tritons, des Mitres, des Xenophora, des Umbrella, etc. Le 3°, par 410 à 460 m., sur sable et gravier: coup magnifique : plus de 1000 Malacocephalus, une Baudroïe. En Crustacés, 750 Pendales et d’autres espèces encore, un Pentagonaster, Astérie dont les bras sont rudimentaires; elle est de .nouvelle espèce. En Mollusques, des Trochus et des Fuseaux. Rhizopodes dans les tamis, et parmi ceux-ci un grand nombre de très grands et très beaux spéci- mens de la tribu des Spiculacés, appartenant au genre Hyperamminella, que nous avons désignés spécifiquement sous le nom de #1agnifica. Leur taille nous permit de les distinguer facilement parmi les résidus du dragage; le fond n'étant pas vaseux, ils étaient mêlés à un peu de sable et à beaucoup de fins spicules, qui pénétraient dans la peau quand on se servait des doigts pour aider au triage. Il en résultait d'assez désagréables piqûres, qui ne nous arrêtèrent cependant pas dans notre recherche, tant la trouvaille nous paraissait belle et intéressante. de 5 at SR GES + PEL 2 LES ÎLES DU CAP-VERT 315 Le 4°, de 400 à 480 mètres, même fond. Encore -un très grand nombre de Malacocephalus, des Ma- crures, des Pendales, des Aristées, et d’autres Crus- tacés, le même Pentagonaster, les mêmes Mollus- ques, les mêmes Rhizopodes. | À 7 heures du soir, nous nous trouvons devant la pointe Tarrafal, derrière laquelle se trouve la baie du même nom, un des mouillages de San- Antonio. 30 juillet. Nous sommes demeurés dans les mêmes parages avec l’espoir de faire d’aussi bonnes pêches que celles de la journée d'hier. Aussi, à 7 heures du matin, le chalut était à l’eau, sous un brasseyage de 347 à 405 mètres; il ne rapporte que quelques poissons pris dans les mailles du filet, qui a été coupé par les roches dans lesquelles il a croche. À 10 heures, par 550 à 760 mètres, le câble s’est capelé sur le filet; le coup n'est pas brillant : il n'y a qu’un poisson de pris; mais nous, en particulier, nous nous réjouissons, car, malgré tout, il reste dans la poche du chalut quelques résidus, parmi _lesquéls nous découvrons un très grand nombre de Rhizopodes. Le 3° dragage, par 618 mètres, sur sable vasard. Poissons (Dibranchus, etc.), des Crustacés, des Pen- tagonaster ; parmi les Coraux, des Cariophyllus ; des Mollusques. Le 4°, par 623 mètres, procure des Ophiures au disque grisâtre et aux bras de couleur orangée, . ET 6 CAMPAGNE DU & TALISMAN » des Cidaris, de nombreux Gorgoniens, des sis entre autres, du corail blanc à tige rosée, des Bryo- zoaires, des Mollusques, quelques Rhizopodes. Le s', au nord de Saint-Antoine, par 4115 mè- tres, vase jaune. Dans un coup de roulis la pantoire du mât de charge se rompt, ce qui entraîne la rup- ture du câble de dragage, dont 4600 mètres sont perdus, ainsi que le chalut. Cet événement causa une certaine consternation à bord; le cäble n’était peut-être pas assez fort pour les opérations dans les grandes profondeurs, et c’étaient surtout celles-là qui restaient à explorer. Cependant on put reconnaître que la rupture n’était due qu’à la violence de la secousse : la fune métal- lique avait été coupée net, comme avec un instru- ment tranchant. Cette constatation fit reprendre courage, et on se mit de suite au travail pour confectionner une autre pantoire et enrouler’sur la bobine les 4000 mètres de câble de rechange; mais ce n’était point une petite affaire : la glène qu'il fallait tirer de la cale pesait 1500 kilogrammes. À 9 h. du soir, pris le point de départ. Latitude 17° 04' nord, longitude 27° 46” ouest; fait route sous toutes les voiles pour la mer des Sargasses. Le 31 juillet, beau temps, petite brise E.-N.-E. Lever de la lune à 3 heures. De nombreux poissons volants, de tous côtés; au jour, aperçu un navire à voiles courant à contre-bord. Le premier août, très beau temps, ciel un peu nuageux, brise inégale du N.-E. sautant au N.-N.- LES ILES DU CAP-VERT 317 E. À midi, sondé, trouvé le fond à 4815 mètres. Le 2 août, temps couvert, mer un peu houleuse; à 8 h. et demie, sondé par 4450 mètres. Le 3 août, temps couvert; vers huit heures du matin, un bâtiment en vue à grande distance. 4 août, beau temps; poissons volants. On com- mence apercevoir quelques touftes isolées deraisins des tropiques, de sargasses; les amas n’ont que de petites dimensions ; bientôt il en passe de plus en plus le long du bord. Le Talisman se trouvait par 24° 22' de latitude nord et 36° 57’ de longitude ouest. Les opérations de réparation de l’appareil de dragage étaient terminées, une nouvelle pantoire était en place, une forte épissure avait relié le câble de rechange avec ce qui restait de l’ancien, et il avait été enroulé sur la bobine. On aurait donc pu draguer aujourd'hui même ; mais, la sonde ayant accusé une profondeur de 6067 mètres, elle parut trop considérable pour faire l’essai des réparations. Quelque bien faite qu'ait été l’épissure, si elle ve- nait à manquer, la fin de la campagne se trouvait compromise; il parut plus prudent et plus conve- nable de rechercher un fond situé par 2000 mètres, qu'indiquait une carte allemande et qui devait se trouver non loin de nous. Le $ août au matin, très beau temps; un navire en vue; nous nous trouvons en ce moment dans la courbe des 2000 mètres, mais la sonde en accuse 5290. Le commandant dirige alors la route sur un autre fond que la même carte signale comme 318 CAMPAGNE DU & TALISMAN » n'ayant que 1000 mètres de profondeur; il se trouve qu'il en a 4178. Il fallut attendre au lendemain pour atteindre un autre point marqué 1000 mètres sur le parallèle de 30° et le méridien de 42°. Dans la journée, on commença à recueillir pas mal de sargasses; une embarcation fut même ar- mée pour les examiner ÿn situ et faire la pêche des nombreux animaux qui s’y réfugient et y vivent. VII. — La mer des Sargasses. Les sargasses (Sargassum barciferum, Fucus natans), et vulgairement les raisins des tropiques, ne se rencontrent que dans ces parages (fig. 25, page 243). D'où viennent-ils? D’où sortent-ils ? nul ne le sait; ils vivent sur cet espace limité qui a été dénommé d’après eux, cela est certain; mais s’y reproduisent-ils ? On l’ignore. C’est en vain que M. Poirault s’est efforcé, pendant tout le temps que nous sommes restés en ayant autour de nous et pouvant sans cesse renouveler les sujets d'étude, à chercher quelques traces de fécondation, les. organes de la reproduction; il n’a rien découvert. Le mystère subsiste donc; d’où sortent-ils ? Les amas de sargasses rencontrés par le Talisman n’ont jamais été bien considérables et me parurent loin, comme étendue et accumulation, de ceux que j'avais vus étant à bord de la frégate /’Atalante dans sa traversée de retour de Rio-Janeiro en France FRA LA MER DES SARGASSES 319 Il fut cependant on ne peut plus facile de recon- naître la faune qui les peuple, et d’abord de remar- quer les effets étonnants de ce que l’on a appelé le mimétisme. Si la lutte pour l'existence entraine Fig. 45. — Antennarius marmoratus debout. Mer des Sargasses. forcément à la destruction, par une admirable pré- voyance le Créateur, pour en atténuer les effets, a voulu que le faible pût en partie échapper au fort, en donnant au premier le moyen de se dérober à 320 CAMPAGNE DU & TALISMAN » l’investigation de l'œil ennemi. Par une appropria- tion de la couleur du milieu qu’ils habitent, les animaux qui doivent être protégés, en partie se confondent avec ce milieu et, n’étant que diffci- lement aperçus, ne sont pas tous victimes. C’est surtout de la part des oiseaux de mer que les habi- tants des sargasses ont à craindre les déprédations, mais nulle autre part ailleurs les effets de cette adaptation ne sont aussi frappants qu'ici : la simili- tude de coloration est si remarquable que parfois, quelque attentive que soit la recherche du natura- liste dans une touffe de sargasse, il n’aperçoit pas tous les êtres qu’elle renferme. Le nombre des espèces est assez considérable ; citons d’abord l’Antennarius marmoratus, fort sin- gulier poisson qu’on dirait pourvu de bras et de mains, une sorte de clown, lorsque, placé dans une cuvette, appuyant ses mains sur le fond, la tête en bas, la queue en l’air, il semble en jouer le rôle (fig. 43). Ce n'est point la seule particularité qui le rend intéressant; on n’éprouve pas moins de surprise lorsqu'on découvte son nid formé d'un amas de sargasses solidement réunies par des fils que la femelle sécrète. Les autres poissons qui se rencontrent dans les raisins des tropiques sont le Diodon hystrix, le Singnathus œquoreus et des Cas- tagnoles. Les Crustacés sont les hôtes les plus nombreux : des Palémons, des Nautilosrapsus, des Hypolites, puis des Mollusques, les Lithiopia bombyx et Mela- ‘I91119d4 ‘A ps013nq SIOdO4YIASA — pb ‘St RS D — - KE = —— ES IR a == — Le mL | | I Hu | | qu j pas mn Ï a L | AE l'A | | == = =———— \ Ex A = EE. 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Enfin des Aciinies, des Anatifes, des Planaires, et une foule de petits organismes, quelques-uns microscopiques. 6 août, très beau temps; la pêche des sargasses se continue, soit du bord avec des filets emmanchés sur des gaffes, ou bien avec une des embarcations qui est amenée à cet effet. On en met partout à sécher, et on les étudie avec archarnement. Le 7 août, observé de nombreux bolides pen- dant la nuit. À 8 h. 50, arrivés au point qui était indiqué comme présentant une profondeur de 1000 mètres, on en trouve 3540 par un sondage parfaitement exécuté et au moyen d’un instrument excellent. Comment donc ont été tracées les courbes d’égal niveau de la carte allemande ‘? Il est cependant décidé qu’un dragage sera tenté, malgré la profondeur un peu grande, en ne filant que 4000 mètres et en gardant l’épissure en vue, de manière à la surveiller. L’opération réussit fort bien. Le chalut ramenait une assez grande quan- tité de pierre ponce en petits morceaux; le fond semblait donc être de nature volcanique; ils étaient mêlés à de la vase blanche, à des débris de roches, et, bien que l'instrument fût tordu, il contenait cependant des Calveria, des Opbhiures, des Pagures, des Eponges et, parmi les Mollusques, des Leda. 8 août, temps à grains, de 1 heure à 1 h. 30, 1. Deutsche Seewarte Atlantischer Ocean herausgegeben von Direktion. Hamburg, 1582. * 324 CAMPAGNE DU « TALISMAN » grosse pluie. Dragué par 312$ mètres, sur un fond analogue à celui d'hier. Le filet contient des Caryo- phyllies, des débris d’éponges, des Mollusques, des Rhizopodes, etc. 9 août, temps couvert, éclairs et tonnerre; … aperçu un trois-mâts courant au plus près bäbord amures. Dragué par 3432 mètres, même fond. Le chalut rapporte une grande quantité de pierres ponces, quelques Holothuries de couleur violette, des Psychropotes portant en arrière un appendice relevé et fort développé (fig. 44), des Mollusques, des Rhizopodes. Le 10 août, temps orageux, quelques grains de pluie à 3 h. 45. Dragué par 3175 mètres, sur un fond de même nature que ceux des jours précé- dents. Les produits de la pêche consistent en Crustacés, Holothuries, un Céphalopode d’espèce . nouvelle, Mollusques (Fuseaux, Pleurotomes, Limop- sis, Discina). Rhizopodes dans les tamis. Le 11 août, temps couvert, mer un peu hou- leuse; trois dragages au sud des Açores. Le 1°, par 219$ à 2792 mètres, fond de sable et de roches. Le chalut rapporte un magnifique Crustacé d'espèce nouvelle (Gratophausia Goliath), de taille énorme pour le genre, capture d’autant plus importante qu’il sera plus facile de vérifier sur cet échantillon cette curieuse particularité du genre portant des yeux sur les mâchoires. Enfin deux poissons, dont un inconnu. Le 2°, 2921 mètres; la brise est fraîche, la X 1 A LUE SPP ME DENISE PRE CT RP FENETRE) AN Sre Cdt Lt dl re ti Vo 7 dé à Ne CA . ÿ” Ei éottdte abs aa af ot Ve D Af Li pme me its Et Hi ces Te à de r! à tabs dns pt à) Etui 4 PERTE ee TT nb ee da dati Ce MEME Lo Add dre EX le PLAQUE LA MER DES SARGASSES 325 mer creuse. Est-ce à ces circonstances qu'est due la pauvreté du dragage, ou bien cela tient-il au fond ? toujours est-il que nous n’obtenons que quel- ques petits crustacés et trois petits poissons. Le 3°,:2878 mètres. Le chalut rentre vide, sans que quoi que ce soit puisse indiquer qu'il a touché le fond ; la brise était très fraîche et la dérive trop rapide ; il a été entraîné sans arriver à sa destination. Le 12 août, temps couvert, vent d'ouest, mer -houleuse; vers 2 heures du matin, un navire en vue courant au N.-E. Deux dragages. L'un, par 1442 mètres, sur vase grise, donne, maloré un très fort roulis, des poissons, de beaux Crustacés, un assez grand nombre d'Holothuries, des Éponges, des Mollusques (Dentales, Cassidaria, Scaphander). L'autre, par 1440, sur vase grise, ramène à peu près les mêmes animaux et une grande quantité de pierres ponces, fait du reste fort commun depuis le 7 août. Ces opérations ont eu lieu à environ 60 milles dans le sud des Açores. Le 13 août, beau temps; à 2 heures du matin, la terre est signalée : nous avons en vue l'ile de Fayal, qui tire son nom d’une espèce de hêtre peu élevé qui couvrait l’île lors de sa découverte. À 5 h. 30, relevé la pointe Comprida et le cap Guia. Dragué par 500 mètres, sur sable et gravier; malgré un très fort roulis, nous avons obtenu : Poissons divers, Crustacés, Éponges, Mollusques, Bryozoaires, Foraminifères. 326 CAMPAGNE DU « TALISMAN » Par 626 mètres, sable et roches; la houle est très forte, les coups de roulis très violents; le chalut rentre à vide, mais les fauberts rapportent quelques Éponges et des Echinociamus (Oursins) de couleur verte. Pendant que nous nous livrons à la pêche au chalut, un baleinier américain louvoie pour gagner … le mouillage de Horta; en même temps une em- barcation sortie de Guia se met à la poursuite de. Cachalots qui ont été aperçus du côté de Pico. Ces animaux, à certaines époques de l’année, se mon- trent en grand nombre dans ces parages; c’est ce qui y attire les pêcheurs américains, dont il se trouve toujours quelques-uns dans larchipel. Ils poursui- vent leurs campagnes de pêche jusqu'aux Canaries. Dans le canal entre la Horta (Fayal) et Pico, par 8o à 115 mètres, l'engin rapporte beaucoup de sable noir, probablement de la fayalite, comme celle qui nous fut envoyée par M. Guerra, notre consul à Fayal, et dont il a été question dans Les Fonds de la mer ; des Poissons, des Mollusques, etc. À 4 h. 2, mouillé devant la Horta, chef-lieu de l’île de Fayal. 14 août. Séjour à la Horta. VIII. — Les Açores. Les Açores, qui tirent leur nom du mot portu- gais Açor (oiseau de proie, épervièr), groupe de neuf îles, doivent, par leur latitude, leur proximité Be EE OR TE OT CNE PRE NP NAT l Fa LA Mr “th Le ds tontnt st ve su ri TOY LES ACORES 327 _ du Portugal et leur climat, être rattachées à l’Eu- rope. Elles sont éminemment volcaniques et tantôt recouvertes d’une couche de terre végétale très fertile, tantôt de laves, de scories et de cendres qui reposent sur des dépôts basaltiques. Il n’en est pas une qui n’ait ses sources minérales, dont quelques-: unes ont une température très élevée. Leur climat est des plus doux, bien que pendant l'hiver elles soient exposées aux vents tempétueux d'ouest et de sud-ouest. Leur température la plus basse ne dépasse guère $ ou 6 degrés au-dessus de zéro. Le 15 août, très beau temps. À 9 heures du matin, le Talisman appareille; à 9 h. 30, doublé la pointe Espalamaca à bâbord; la pointe Magda- lena nous reste par tribord; devant nous celle de Rosales sur l’île San-Jorge. À 10 heures, la partie nord de Fayal s’est défi- lée; nous avons en vue la pointe Ribeirinha. Bien- tôt après, nous nous trouvons dans le canal entre Pico et San-Jorge. Une roche bizarrement décou- pée, Mo, se détache légèrement de la côte de cette seconde île; puis peu après apparaît la Villa _des Vellas, se dressant sur une pente adossée à des falaises rocheuses d’une grande élévation. Au- dessus d’elles, les terrains, bien cultivés, atteignent des sommets qui paraissent n’être plus que des rochers tailladés par des fissures presque verti- cales. De l’autre côté, le pic de Pico nous appa- raît sous une nouvelle forme. | À 3 heures, l'extrémité de San-Jorge, la pointe 328 CAMPAGNE DU & TALISMAN » Montero, se montre à une distance de 24 milles; elle reste au S. 78° E. Quatre dragages ont eu lieu dans le canal. 1e", par 1258 mètres, vase grise; une petite drague et des fauberts envoyés sur ce fond rap- portent de la vase, des Astéries, des Dentales, Rhizopodes, etc. 2e 132Timetress ui grand chalut expédié sur le fond ne rapporte qu’un peu de sable noir. 3° et 4°; 12N7 et 1255 iétressites beaux résul- tats en poissons (Chimére, Baihybeeroïs, Macru- res); grand nombre de Crustacés, d'énormes Ho- lothuries, des Calveria, des Astéries, des Comatules, des Umbellularia, des Éponges (Hyalonema et de superbes Holtenia), un grand nombre de Dentalium ergasticum, et pere d’autres MONS des Rhizopodes dans les tamis. Le soir, par un beau clair de lune, le pic de Pico se détache nettement; les pentes, faiblement éclai- rées, se noient en un ensemble d’une teinte uni- forme, presque veloutée, et d’une sérénité que rien n’altère. Quelques lumières comme des yeux aux aguets pointent de loin en loin sans nuire à l’har- monie du spectacle. 16 août. Beau temps; ciel un peu nuageux, mer un peu houleuse. 1 h. 45, nord et sud de lextré- mité S.-E. de San-Jorge. 2 h. 45, coucher de la lune. — A 2 heures après midi, Terceira en vue dans le nord, à 36 milles. | Trois opérations ont eu lieu. LES ACORES 329 La 1°, par 983 mètres, fond de sable mêlé de petites coquilles et de vase à Globigérines; la petite drague, envoyée malgré un très fort roulis, rap- _ porte des poissons, des Cidaris, des Coraux, des Mopsea, Desmophyllum, Aphrocalisies, des Mollus- ques. DL 4/2"; par 2220 à 2655 mètres, Sur vase grise, _ molle, exécutée avec un grand chalut, est un joli coup, qui donne en poissons des Syraphobranchus, Macrurus, Malacosteus niger, Collodius, etc., des Crustacés (Pasiphaës, Crangons et autres), des Holo- thuries, cinq espèces d’Astéries, des Ophiomusium entre autres, des Mollusques (Dentales, Pleurotomes, Scuphander, Syndesmia, etc.), des Rhizopodes. La 3°, par 2235 mètres, rapporte poissons (Ha- losaurus, Synaphobranchus, Alepocephalus, etc.), des Calveria, Hymenaster, Ophiomusium, un Poulpe intéressant (Cirrhoteuthis), que l’on croyait propre au Groënland, des Mollusques et une charge de pierres ponces. r7 août. Très beau temps. À 2 h. o5, la terre en vue : c’est San-Miguel. À 6 heures, passé devant Lagoa, pris le pilote; à 6 h. 30, mouillé sur la rade de Punta-Delgada, par 2$ mètres de fond, filé trois _ maillons de chaîne. À 7 heures, reçu la libre pra- tique. | Punta-Delgada, chef-lieu de l’île San-Miguel, est une des villes les plus peuplées de l'archipel des Açores. Sa population est de 24 000 habitants. On y fait de grands travaux pour protéger les navires, 330 CAMPAGNE DU € TALISMAND FA qui, pendant l’hiver, étaient exposés à se perdre sur la rade, celle-ci n’étant abritée que du côté LE À È nord. Les bâtiments du plus fort tonnage pourront bientôt venir s’amarrer derrière d'iniposare = tées, où se trouve déjà un bassin de radoub. Pen- - dant notre séjour à Punta-Delgada, excursions intéressantes aux eaux de Furnas et au lac des Siéte-Ciudades, au fond duquel reposent pe “à bourgades oute. 4 Le 21, à 6h. un quart du soir, appareillé et fait route pour doubler l’extrémité est de San-Miguel; à 10 h. 10, le feu de la pointe Arnel en vue au = N=2600: 22 août. Temps nuageux, calme, petite Heu de S.-E. À minuit, fait route au nord 23° E.; à 2 h. 25, perdu de vue le feu d’Arnel. À 7.heures, sondé : le fond se trouve par 299$ mètres; à 7 h. 44, immergé le chalut sur un fond de vase blanche, au nord de San-Miguel; il rapporte beaucoup de pierres ponces, des poissons (Halosaurus , Anguüil- les, etc.), des Crustacés, des Rhizopodes, etc. : 4 23 août. Temps pluvieux, petite brise d’est, mer belle. 24 août. Très beau temps, petite brise de S.-E., mer belle. À 6 h. 10, sondé; trouvé fond à 3975 mètres; à 7 h. 6, mis le chalut à l’eau. C’est encore sur de la vase blanche que l'instrument travaille; à son retour à bord, on trouve dans le filet un pois- son, des Crustacés : Crangons, Galathées, Pagures, Collossendeis ; l’un d’eux, de nouvelle espèce, À À £ NUE TANT TIR YE LMI LES ACORES | 331 C. Titan, ressemble à une immense araignée : il mesure 70 centimètres; son corps, fort petit, est porté sur des pattes excessivement longues; il est terminé par une trompe plus grosse que lui; l’esto- mac se prolonge dans chaque patte jusqu'aux ongles; de magnifiques Holothuries (Psychropotes), des Mol- lusques, des pierres ponces, des Rhizopodes. Un 2° dragage, par 4060 mètres, avec le grand chalut, rapporte les mêmes Crustacés, des Bris- singa à six bras, des Hymenaster, des Archaster, des Anoïrephanta, des Ankyroderma, des Holothuries, des Actinies, des Bathyactis ; en Mollusques, des Craspe- dotus, des Pygotheca, des Eponges, des Rhizopodes. La 3° opération s'effectue par 4010 mètres; elle produit les mêmes résultats qu'aux deux précé- dents dragages. Point de ces dragages : L. N. Ar r02L, 0:23 36. 25.août. Très beau temps, légère brise de S.-E., mer belle. Au jour, un navire à voiles en vue; vers une heure apparaît une grosse épave par bà- bord, un brick au plus près tribord amures. Dragué par 416$ mètres, profondeur qu'indique la sonde. Moins de pierres ponces ; Colossendeis, Nymphons d’une taille gigantesque. Ces Crustacés, sur nos côtes, n’ont guère, comme taille, que un à deux centimètres au lieu de 70. Le chalut rapporte en outre d'énormes Macrures ; ce sont les plus grands poissons qui aient encore été pèchés; les autres animaux pris sont les mêmes que ceux rot turés hier, mais moins nombreux. 332 : CAMPAGNE DU & TALISMAN ÿ 26 août. Très beau temps, presque calme, mer belle. À 6 heures, sondé, 4255 mètres; à 7 h. 15, . : immergé le chalut sur un fond toujours de vase blanche ; à son retour à bord, il contient des Macrures aussi grands que ceux pris hier, des. Crustacés, des Galathées de nouvelle espèce, puis des Crangons aux yeux rouges, des Ethuses diffé rentes de celles déjà connues, des Amphipodes, des Cirrhipèdes, des Holothuries (Psychropotes), des Calveria, de grands Zoroaster, des Archaster, des Opbhiures, des Bathycrinus, des Mollusques, Fu- À 4 seaux, Bulles, Dentales, des Rhizopodes, etc. Comme on peut le voir, à cette énorme pro- fondeur, dans ces abîimes, — c’est bien ici le cas. d'employer le mot, — la vie se montre des plus variées, et, parmi les animaux qui nous la font voir si active, il s’en trouve qui appartiennent à des groupes élevés de la série zoologique. Ces der- « nières opérations permettent de constater ce fait, qui est d’une grande importance. Nous observions, de plus, que dans ce dernier dragage nous n’avions ramassé aucune pierre ponce, mais des cailloux striés, amenés là sans doute, ainsi que le suppose M. A. Milne-Edwards, par des. glaces flottantes qui, à l’époque quaternaire, s’avari- çaient plus dans le sud que de nos jours, et qui en fondant ont ainsi abandonné entre les Açores et la France les fragments de roches qu'elles avaient arrachés aux lieux d’où elles étaient parties. LES ACORES 333 27 août. Beau temps, jolie brise du nord, mer un peu houleuse. À 6 heures, la sonde accuse 3800 mètres, vase blanche; à 7 h. 7, envoyé le chalut sur le fond. Il rentre vide, ce qui n’est pas surprenant : un son- dage exécuté pendant qu’on le relève indique que _ la profondeur s’est accrue et a atteint 4975 mètres. heures, une seconde opération s’exécute par.ce fond de 4975 mètres, qui augmente encore et arrive à 500$ mètres, vase Michaitée: Cette fois, le filet rapporte, parmi d’autres, un poisson inconnu, Brotulita ; des Crustacés, et, parmi eux, un Pagurus nouveau, P. Jacobii, Al. Milne-Edwards, qui se loge dans une colonie d'animaux vivants d’Epixoanthes, se développant en même temps que lui et qu’il conduit forcément partout où il va; des Holothuries du genre Oneirophanta, d’un blanc pur et dont le corps est garni de longs appendices; . d’autres. des Peuiagones, d’un rose tendre, portant 2 2 2 sur le dos une lame en éventail, et qui se rappro- chent de celles prises par /e Challenger dans les plus grandes profondeurs explorées; de grandes Acti- nies, des Archaster, des Ophiomusium; un orga- nisme inconnu, composé d’un tube subspiralement enroulé, et que nous pensons appartenir aux Rhi- zopodes; des Mollusques (Næera, Poromya, etc.), des Rhizopodes. Ce dragage confirme les observa- tions que nous avions faites les jours précédents, puisqu'à plus de sooo mètres nous retrouvons encore la vie tout aussi activement représentée. 334 _ CAMPAGNE DU « TALISMAN D 28 août. Beau temps, mer assez belle. La jour- | née a été employée à préparer l'emballage pour - l’expédition de tous les matériaux recueillis; Pen- semble en est énorme, et chacun à bord s’étonne et s’émerveille de tout ce que le Talisman a peu. à peu enfoui dans ses soutes ; toutes choses revien- « nent au jour, pour que chacun reconnaisse ce qui. constituera son lot pour l'étude. Charpentiers, fer- blantiers, fourriers sont affairés; les uns clouent des caisses, les autres soudent des cylindres de zinc, les. derniers écrivent des adresses ; sur le ponts’empilent les colis, si nombreux qu’on se dit qu’il est temps d'arriver : on ne pourrait plus rien conserver; l’al- cool est épuisé, même une forte réserve ; les bocaux et flacons manquent; il a fallu depuis quelques jours user de boîtes de conserve vides pour y suppléer. Le 29 août, le temps est couvert, la mer est = un peu houleuse. À 6 heures, sondé : 4787 mètres; vase grise jau- nâtre recouvrant une couche Hanctides 6 h. 36, immergé le chalut. : À 10 h. 7, l’engin est à bord; il contient beau- . n coup de vase, des Astéries, des Holothuries et quelques Mollusques. : Une seconde fois, le chalut est envoyé sur le même fond; la sonde accuse 4789 mètres; ilrap- porte des poissons, entre autres un second M nocetus Jobnsoni, Archaster rouge, de grande taille, des Oneirophanta, des Mollusques, Fuseaux, Den- # tales, Rhizopodes, etc. À LE GOLFE DE GASCOGNE 335 IX. — Le golfe de Gascogne. Le 30 août, temps couvert, presque calme; mer un peu houleuse. À 6 heures, sondé : 228$ mètres. À 6 h. 36, en- .voyé le chalut sur le fond; à 7 h. os, il s’y trouve rendu et travaille jusqu’à 8 h. 30. On le relève à 8 h. 45. À 10 h. 7, le filet est de retour à bord; le dragage est assez médiocre : quelques poissons, dont un Scopelus, des Crustacés (Acantephira, Pasiphaës, Pagures), quelques Mollusques, des Rhizopodes. La dernière opération de dragage de la cam- pagne prélude par la perte d’un sondeur et de 1400 mètres de fil d'acier; on procède cependant au sondage avec un autre instrument, et à midi 31 m., par 45° 59° de latitude nord et 6° 29’ de longitude ouest, c’est-à-dire sur le parallèle de _Chassiron et presque à la limite de la terrasse à “petits fonds qui borde la côte de France, il accuse 1480 mètres, fond de coraux. C'est par une pêche magnifique que la série des dragages en 1883 se trouva close. Bien que le chalut ait été déchiré par les Polypiers du genre Lophopehia, dont il avait dévasté une forêt, et qu'il revienne en pièces, ses lambeaux n’en ra- mènent pas moins un grand nombre d’animaux. Des Crustacés, dont une espèce de Lithode, des Astéries, Arcaster, Ophiures, etc., de très belles Comatules , des Siponcles, des Brachiopodes, Téré- 336 CAMPAGNE DU « TALISMAN » bratules, Meverlia, mo Platidia, etc., dé ma- gnifiques Gorgones, des Mollusques, Solarium, * Pecten, Doris, etc., des débris de Coralliaires dé « diverses espèces, des Rhizopodes, etc. Mais, cap- ture précieuse, une grande quantité de Penta= crinus Wyville- Thomsoni, presque tous parfaite … ment intacts et magnifiques comme sujets. Ainsi … donc, ces organismes, qui n'avaient encore été trouvés que dans les régions les plus chaudes du … globe, venaient d’être découverts vivants en colo- « nies considérables presque sur la côte de France, à sa porte pour ainsi dire. Il est vrai qu'ils habitent les grandes profondeurs et que ce n’est donc point « au climat des surfaces de la mer qu'il faut se con- « former pour établir son habitat, puisque la tempé- rature de ses demeures reste à peu près toujours la même, en raison de leurs positions abyssales. M Cette découverte était un splendide couronnement ; de l’œuvre d’exploration. | Le 3r août au matin, le Talisman mouillait sut la rade de l’île d’Aix, et dans l’après-midi il était amarré dans le port de Rochefort. Les quatre campagnes d’explorations auxquelles nous avons assisté ont été pour nous des occasions de beaucoup apprendre. En outre, elles nous ont procuré des matériaux d’étude comme jamais peut- être aucun naturaliste n’en a eu à sa disposition; nous avons trouvé en eux le moyen de pl Apheneee encore. = È ê Era Le, is PR Le Kat" LS CA PE U x LE GOLFE DE GASCOGNE LAS Si une telle situation nous a été faite, nous la devons à M. A. Milne-Edwards, qui a daigné nous considérer, nous simple pionnier des recherches sous-marines, comme devant demeurer attaché à la commission scientifique qu’il présidait. Nous lui en exprimons chaleureusement et de tout cœur notre vive reconnaissance. Témoignons également celle que nous devons aux professeurs bienveillants, qui furent toujours si attentionnés pour nous et dont l’amabilité parfaite ne s’est jamais démentie, aux commandants Ri- chard et Parfait, à tous les officiers du Travailleur * et du Zalisman. Leur souvenir à tous ne s’effa- cer jamais de notre cœur. DE FoLIN. — Sous .les mers. 22 ÉTUDES PRÉLIMINAIRES, TABLE DES MATIÈRES DÉDiICACE, OP OS M Du a à ne Te GDS AR INTRODUCTION PPS RECHERCHES SOUS-MARINES , , + + + + + è I. — Importance et utilité des Rech ce sous- AAA UE RS en RS Re tn it Halo np Des récherches privées 542%, 0. 0 II. — Les grandes explorations. . . . . . . . .. - res conquétes de lascience. à 5,4, Lu , CHAPITRE PREMIER I. — Ce qui fit naître l'idée. d’une étude générale ES MErS 2 ee ir are AGREE IE Les précurseurs “4... «1... "Ju HT. — Explorations à sec en une coquille de Méléa- AIN au des 2 Ms er ee ete een IV. — Comment furent obtenus les premiers échan- tons du fond des mers mis nr nn V. — Les grandes explorations américaines, an- IAMSÉS ETC. ere .. Site VI. — Résultats obtenus par nous CHAPITRE I La Fosse DE CaP-BRETON, LA CÔTE DES BASSES-PYRÉNÉES, . DES LANDES ET DE LA GIRONDE Pa Fosse de Cap-Bretons -Ys Lien rie II. — Personnel et outillage SE Rae ONE QUE III. — Notre première campagne (1870). : D Campagne de 1871.07, nu ie V. — Campagne de 1872. . . . . + . . . . TE VE. Dadinpasnes dé’1679 A21800 2e ne : CHAPITRE III LA PREMIÈRE CAMPAGNE DU TRAVAILLEUR ». — LE GOLFE DE GASCOGNE. . . . . . PER AT eee . I. — Le golfe de Gascogne Rice II. — La première expédition officielle est décidée. II. — Départ du « Travailleur ». . . . .. A ER IV: = La côte de Saint-Sébastién _:.. 7.448 NA cote de Santander .:..:., .""c Het ME PRES résitats.s ee ... + men pe VII. — Retour à Bayonne. , . . . . . . . LA DEUXIÈME CAMPAGNE DU « AE Sr ». La MÉDITE RANÉE, LES CÔTES NORD DU MAROC, LES CÔTES D PoRTUGAL, LE GOLFE DE GascoëxE 22 sa SP RER I: — La Méditérränée 25705 +0 PO VERS II. — De Marseille à Bonifacio et retour RS A IL. — Les côtes nord du Maroc. . . , La IV. — Les grands fonds de la Méditerranée ne sont pas habités. . . . . . . . . . . . . . . .. V. — Les côtes du Portugal . Ps ee EN OMEUTES VL.-— Le golfe de Gascogne 51,14 2 COS CHAPITRE V LA TROISIÈME CAMPAGNE DU ( TRAVAILLEUR », LES CÔTES NORD DE L'ESPAGNE, LES CÔTES DU PORTUGAL, LES CÔTES OCCIDENTALES DU Maroc, LES CANARIES , MADÈRE, LE.-GOLFE DE GASCOGNE. ., 4 EE SCOR TES I. — Les côtes nord dé l'Espagne .:. .. 10 IL: — Les'côtes du Portugal :: . 4 2 2 OR III. — Les côtes occidentales äu Maroc... 2e IV, — Les Canaries: "22 0e US SENS Vi Madére he 8 cie C'EPSIERESE VI. — Retour, le golfe de Gascogne. ie ETES CHAPITRE VI CAMPAGNE DU « TALISMAN ». LES CÔTES S.-O, DE LA PÉNIN- SULE ÎBÉRIQUE, LES CÔTES OCCIDENTALES DU Maroc, LES CANARIES, LES CÔTES DU SOUDAN ET DU SÉNÉGAL, Æ Fe LES ÎLES DU Car-Verr, LA MER DES SARGASSES, LES ?? AÇORES, LE GOLFE DE BCE PE | L — Le «Talisman», installation et engins . . . | . ET R II. — Les côtes de la péninsule Ibérique 22452 III. — Les côtes occidentales du Maroc . . . . , . IV. — Les Canaries. . . SL, V. — Les côtes du Soudan et du Sénégal. s VER VI. — Les iles du Cap-Vert frs COR VIL: — La mer des Sargasses . "2,97 2 SA 0ORES VIII. — Les Açores. . . . RO | - IX. —.Le golfe de Gascogne JE Le Co SERRE FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS 19. Rue Hautefeuille, près du Boulevard Saint-Germain, Paris. D NAUE SCIENTIFIQUE CUNTENMAIES à A 3 FR. 50 LE VOLUME ET x Nouvellé collection de-volumes in-16, comprenant 300 à 400 pages, imprimés en caractères elzéviriens et illustrés de figures ? intercalées dans le texte, . (Envoi franco contre un mandat postal.) La Bibliothèque scientifique contemporaine, d’un format _ commode et d’un prix modique, s'adresse à tous ceux qui, désireux de ne pas rester étrangers au mouvement scien- tifique de leur époque, n'ont ni le temps ni la facilité de . recourir aux sources. Les questions d’actualité sont présentées avec des déve- loppements en rapport avec leur importance, et débarrassées des formules techniques ; les nouvelles découvertes et les rouvelles application1: de la science sont exposées à mesure qu’elles se produisent; les recherches originales sont vul- garisées par leurs auteurs. Ménager le temps du lecteur, et lui présenter ce qu'il a besoin de connaître sous une forme condensée et attrayante, tel est le but que se proposent les auteurs qui ont promis leur concours à cette œuvre de vulgarisation. Aucune traduction n’est admise à prendre place dans a collection : il n’est publié que des livres originaux, par des auteurs écrivant en langue française. Parmi les plus illustres représentants de Ia science, qui concourent à la rédaction de la Bibliothèque scientifique con- temporaine, nous -citerons : MM. de Quatrefages et Albert Gaudry, de l'Institut et du Muséum; M. Fouqué, de l’Ins- titut et du Collège de France; M. Don de la Faculté des sciences: MM. Brouardel et Cabrel Pont de la Faculté de édecine; MM. Bouant et Maurice Girard, de l'Enseigne- ent secondaire; M. Foville, inspecteur des établissements e bienfaisnce; M. de Baye, de la Société des Antiquaires e France, etc. Paris n’est pas seul à fournir à la Bibliothèque ses collabo- ateurs, Au nombre des savants qui lui prêtent le concours 2 = LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FiLS de leu talent, nous citerons: MM. Beaunis, Léon Garnier et Schmitt, de la Faculté de Nancy; M. Azam, de la Faculté de Bordeaux; MM. Cazeneuve, Debierre et Max Simon, de la Faculté de Lyon; M. Moniez, de la Faculté de Lille, M. Girod, de la Faculté de Clermont-Ferrand: MM. Bourru et Burot, de l'Ecole d': Rochefort; M. de Saporta, corres= pondant de lInstitut, à Aix; M. de Folin, à Biarritz; 3 M. Cuilerre, à la Rochez -sur- one M. Ferry dela Bellonne: à Arles, etc. En Belgique et en Suisse, M. Léon Frédéricq, de l'Uni- versité de Liége; M. Herzen, de l’Académie de Lausanne. Dans le cadre de cette Bibliothèque sont comprises toutes les sciences physiques, chimiques, naturelles et médicales. Parmi les sujets traités, nous signaler ns : En physique : {a Prédiction du temps, la Photographie en voyage. En chimie : Le Lait, la Coloration des vins, les Ferments ct Les fermentations, l'Eau, la Chimie de l'alimentation. &a applications dus thielles des sciences : La Galoano- plustie et l'Electro-métallurgie, l’'Électricité à domicile. En géologie et en paléontologie : Les Ancétres de nos ani- maux, les Tremblements de terre. En anthropologie: les Pygmées. l'Homme avant l’histoire, la France VAE RE lArchéologie préhistorique. En zoologie : Sous les mers, la Lutte pour l'existence chez Les animaux marins, les Pastel les Abeilles. En botanique : La Vie des plantes, la Truffe, les Maladies de lu vigne, l’Origine des arbres cultivés. | En physiologie : Le Magnétisme et l’'hypnotisme, le Som- nambulisme provoqué, La double conscience el les altérations de lu personnalité, l'Activité cérébrale, la Suggestion mentale, En hygiène et en médecine: Les Microbes el les maladies, le Secret médieal, les Frontières d2 lu folie, le Nervosisme et les névroses, la Criminalité, les Maladies de. l'esprit, des Nsuveiles inslitulions de bienfaisance. \ 49, RUE HAUTEFEUILLE, PARIS 3 Opinion de la presse, Dans ces dernières années, les sciences ont fair de ra p'des progrès; elles ont entrepris l'étude ou donné déjà la solution de nombreux et importants problèmes. Les savants mont pas besoin qu'on leur décrive ce mouvemént, qui est leur œuvre; mais les gens du monde, les personnes à l’esprit cultivé ne sauraient le conlempier avec indifférence. C’est dans le but de mettre à leur portée les dernières acquisi- ‘ins de la science que la librairie J.-B. Baïiliière et fils y ent de fonder la Bibliothèque scientifique contemporaine : en {uelques pages, d’une lecture facile, les hommes spéciaux y exposent les questions nouvelles, à la solution desquelles ils _ontplus ou moins contribué (Revue scientifique, 7 avrii 886.) La librairieJ.-B. Baillière et fils inaugure une Bibliothèque scientifique contemporaine dont eile a déjà publié dix volumes. Nous espérons que les volumes annoncés comme devant par-ître seront dignes de leurs aînés ; les xnoms des auteurs nous en sont, du reste, un sûr g rant. Dr P, Caéron, Le National, 17 août 1586. Le succès de la Bibliothèque scientifique contemporaine est assuré, autant par la valeur des œuvres qu’elle publie que par son bon marché et son élégance. (La Science en famille.) La Bibliothèque scientifique contemporaine promet une série de livres utiles et pratiques, qui nous permettent d: lui pro- nostiquer un succès complet et mérité. H. Fèvre, France médicale, 25 septembre 1886. Les gens du monde sont gens heureux, chacun s’empresse à leur faciliter l’accès des sciences qui resteraient lettre close pour eux, si toujours ne se rencontraient écrivains et éditeurs, désireux de récolter leurs suffrages. La Bibliothèque scientifique contemporaine est la preuve de ce fait. Nous sui- vions avec un vif intérêt son développement, car nous sommes de ceux qui pensent que la science ne perd pas à être vulgarisée — c'est le terme irrespectueux d'usage -- et que, lorsque ses admirateurs seront plus nombreux en nctre pays, la haute culture à laquelle chaque nation doit tendre, n'en sera que plus certaine. à DrJuaxr-Rixoy, Archives générales de médecine. 4 "7 LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET ire LES PYGMÉES LES PYGMÉES DES ANCIENS, D'APRÈS LA SCIENCE MODERNE, LES NEGRITOS OU PYGMÉES ASIATIQUES, LES NEGRILLES OU PYGMÉES AFRICAINS, LES HOTTENTOTS ET LES BOSCHIMANS Par A. DE QUATREFAGES Professeur au Muséum, membre de l’Institut (4 vol. in-16 avec fodées Ai MAR she ES IN SET 3 fr. 50. L'histoire des races humaines a le privilège d’attirer l'atten- tion de tout homme instruit, qui désire savoir d’où nous venons et où nous allons. | : M. de Quatrefages, dont les travaux ont toujours un si grand retentissement et une si grande influence, présente aujourd’hui sous une forme littéraire, qui n’exclut en rien la précision scien- tifique, les vicissitudes d’un type: humain curieux à plus d’un titre. Les petits nègres sont à peu près partout dispersés, mor- celés, et souvent traqués par des races plus graudes et plus fortes; ils ne se trouvent plus sur certains points du globe qu’ils ont jadis occupés, et sont en voie de disparition sur bien d’autres. Ils n’en ont pas moins eu dans le passé leur temps de prospérité; ils ont joué un rôle ethnologique très réel. Enfñ», ils : -sont devenus le sujet de légendes qu'ont accueillies les poètes et que n’ont pas dédaigné de nous transmettre les + sérieux au- teurs classiques. Placer la vérité scientifique en regard de ces fables, montrer ce que sont en réalité les Pygmées de l'antiquité, ce qu'ils sont devenus au milieu des contrées sauvages de l’Asie et des déserts de l'Afrique, tel est le but que l’auteur s’est proposé. (or + 49, RUE HAUTEFEUILLE, PARIS LE LAIT ÉTUDES CHIMIQUES ET MICROBIOLOGIQUES Par DUCLAUX PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS ET A L'INSTITUT AGRONOMIQUE 1 vol. MID AVEC MOULES soins soc mesetoanmen teen 2 ŒEPe 0 Le lait joue un rôle important dans l’alimentation et dans l'industrie agricole; il est l’objet de nombreuses altérations et _falsifications. Il était nécessaire d’en présenter une étude com- plète où la question {üt envisagée sous toutes ses faces. C’est ce travail qu’a entrepris M. Duclaux; et il considère le lait suivant les diverses formes qu’il revêt avant d'entrer dans la consommation : lait, beurre et fromage. _ Il consacre une première partie au beurre, et il étudie la cons- titution physique du lait, l’analÿse du beurre, l’action de la lumière et de l’oxygène, l’action des microbes sur la matière grasse du lait. La seconde partie comprend l’étude de la caséine, de la pré- sure, de la caséase et des éléments du lait, l’exposé des méthodes d'analyse du lait et d’un nouveau procédé. La troisième partie, intitulée le fromage, traite de la coagula= tion du lait par la, présure, des microbes aérobies et anaérobies de la maturation des fromages, de l’analyse des fromages, de la com- position des divers fromages (Cantal, Brie, Roquefort, Gruyère, Parme et Hollande). Grâce aux travaux de M. Duclaux, qui comprennent à la fois la partie chimique et microbiologique de la question, l’étude du lait est entrée dans une voie pratique, qui assure le succès des recherches qui seront tentées dans cette direction. 6 LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS LE SOMNAMBULISME PROVOQUÉ ÉTUDES PHYSIOLOGIQUES ET PSYCHOLOGIQUES Par H. BEAUNIS Pro‘esseur à la Faculté de médecine de Nancy DEUXIÈME ÉDITION 1 vol:'in-16; "avec figures. 73055 AMEN RER 3 fr. 50 Parmi les nombreuses publications relatives à la sugges- tion et à l’'hypnotisme, uue des plus importantes est celle du professeur Beaunis. L'autorité de l’auteur, quies un de nos meilleurs phy- siologistes, qui a publié le livré le plus suivi comme Traité complet de physiologie, et qui a certainement appliqué dans toute leur rigueur à ces expériences les lois de la méthode expérimentale, donne un poids considérable à ces récits qui ouvrent à l'esprit des perspectives troublantes, (Polybiblion.) Dans cet exposé de patientes recherches faites à Nancy,avec MM. Liebault, Bernheim et Liégeois, M. Beaunis s’est at- taché à ne parler que des faits précis et parfaitement clairs. Toutes ses observations ont été contrôlées par des instru- ments dont les indications éloignent toute idée de simula- tion chez les sujets observés; on peut donc tenir tout ce qu’il avance comme parfaitement démontré. L'auteur indique les procédés qu’il emploie pour déter-. miner le sommeil hypnotique et expose les résultats vrai- ment surprenants qu'il obt'ent à l'aide des suggestions. 19, RUE HAUTEFEUILLE, PARIS 7 a = -—- De HYPNOTISME DOUBLE CONSCIENCE ET ALTÉRATIONS DE LA PERSONNALITÉ Par le D'° AZAM PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX Avec une préface par M. le Professeur CHARCOT. MM DI0, AVC Houres ... 22.5 usmae-e coco eo aie 3 fr. 50. Tout le monde sait, chose incontestée aujourd’hui, que M. Azam fut un initiateur dans l’étude des phénomènes hypnotiques. Braid avait annoncé ses découvertes ; les circonstances permirent à notre collègue de les contrôler et de les analyser. La préface de M. Charcot met en lumière la part si importante prise par M. Azam dans l’étule de faits qui jadis tenaient du merveilleux et qui aujourd’hui n’étonnent plus personne. Le volume qui vient de paraître devra être consulté par tous ceux, physiologistes ou psycholozistes, qu'intéressent les recher- ches sur les phénomènes nerveux centraux. Les études de M. le professeur Azam sont exposées avec luci- dite; elles sont empreintes d’un cachet scientifique absolu et ne sauraient se prêter au moindre doute sur leur complète authen- ticité. Journal de médecine de Bcrdeaux, 13 février 1887. Aujourd’hui que l’hypnotisme est arrivé à coaquérir définiti- vement sa place parmi les faits de la science positive, il y aurait de l'injustice à oublier les noms de ceux qui ont eu le courage d'étudier cette question à un moment où elle était frappée d’une réprobation universelle. M. Azam a été l’un de ces initiateurs ; le premier en France, il a cherché à contrôler par des expériences personnelles les résultats annoncés par Braid. Les recherches de M. Azam n'ont pas seulement un intérêt historique; l’analyse y retrouve la plupart des phénomènes so- matiques et psychiques d’anesthésie, d’hypéresthésie, de contrac- tures, de catalepsie, que l’on a appris depuis cette époque à produire à volonté, selon un déterminisme rigoureux, en s’adres- sant à une catézorie spéciale de sujets. | La Loi, 1er mars 1887. © LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS MACNÉTISME ET HYPNOTISME EXPOSÉ DES PHÉNOMÈNES OBSERVÉS PENDANT LE SOMMEIL NERVEUX PROVOQUÉ, AVEC UN RÉSUMÉ HISTORIQUE. DU MAGNÉTISME ANIMAL Far le Dr A. CULLERRE Deuxième édition 1 vol. in-16 avec 28 figures.....,.5...es.sonooccsee COS La question du sommeil magnétique ou hypnotique est actuellement à l’ordre du jour. Tout le monde s'intéresse à ces phénomènes, surtout aux faits prodigieux de la sugges- tion hypnotique, tout le monde en parle, mais trop souvent sans en avoir la notion bien précise et l’idée bien nette. M.le Dr Cullerre s’est proposé de mettre cette grave ques-- tion à la portée de tous les esprits, en résumant tout ce qui a paru à ce sujet. Son livre, composé sur un plan excellent, clairement écrit et sans le moindre pédantisme scientifique, est un exposé très méthodique des phénomènes observés pendant le som-- meil nerveux provoqué. F. D., Journal des Débats. L'ouvrage que M. Cullerre offre aujourd’hui au publices un résumé clair, méthodique de tout ce qui a été dit etécrit. sur le magnétisme et l'hypnotisme depuis les temps les plus. reculés jusqu’à nos jours. Les larges emprunts que l’auteur a faits aux travaux récents de MM. Charcot, Richet, Du-- montpallier, Liégeois, Féré, Beaunis, Bernheim et Tucke en. font un ouvrage scientifique que les médecins etles magis-- trats consulteront avec fruit. Ce livre est de ceux qu’on lit en entier, après en avoir lu: la première page : c’est le plus grand éloge que nous puis-- sions en faire. | Dr TaçuerT, Gaz. hebd, des sciences médicales. 19, RUE HAUTEFEUILLE, PARIS 9 —— —————————…—_—_—_——————————"—————————— 7 ——_—_—p2 em NERVOSISME ET NEVROSES HYGIÈNE DES ÉNERVÉS ET DES NÉVROPATHES Par le Dr A. CULLERRE À vol. ER si ae neue à de cos UE à 3 fr. 50 D'où provient l'extrême fréquence des désordres du système nerveux à l’époque actuelle, et comment l’éviter ? Questions que se posent, sans pouvoir les résoudre, bien des gens intéressés cependant à voir clair dans leurs propres souffrances. C’est pour eux que le Dr A. CuLLERRE vient de publier un fort intéres- sant volume, Nervosisme et Névroses, Hygiène des énervés et des névropathes. À côté des préceptes purs de l’hygiène, qui forment comme le fond classique de son travail, et qu’il a traité en plusieurs cha- pitres d’une lecture facile, le Dr A. Cullerre a tracé à grands traits l’esquisse des influences nocives de la civilisation sur le système nerveux des névropaihes, auxquels est dédié ce livre, ‘aans lequel ils puiseront, s’ils veulent bien le parcourir, un grand nombre d'enseignements profitables à leur santé. L’'Hygiène pratique, 10 avril 1887. Voici le sommaire des principales divisions du livre: I, — Le Tempérament nerveux; fréquence actuelle des troubles du système nerveux, le tempérament nerveux, les névropathes. II. — Les Circonstances générales qui influent sur le développe- ment des troubies nerveux : l'âge, le sexe, l’hérédité, les mala- dies, l’habitude névropathique. II. — Les Milieux : l'atmosphère, les saisons, les climats, les vêtements, l'habitation, les villes et les campagnes. IV. — Les Aliments : la chair, le lard, les œufs, les farineux et les féculents, les légumes verts et les fruits, les condiments. V. — Les Boissons: le vin, la bière, le cidre, les vins alcooliques, les liqueurs, les boissons aromatiques. VI. — Le Régime : ordonnance et composition. VII. — Les Éxcitants et les poissons : le tabac, la morphine. V{11.— L'Exercice : gymnastique, équitation, natation, danse, etc. . IX. — Le Repos : les distractions, les bains, le sommeil. X. — Les Sens : le goût, l’odorat, la vue, l’ouïe, les besoirs. XI. — Les Fonctions sexuelles : les perversions, les désordres fonctionnels, etc. XII. none : l'éducaiion, le milieu social, la sensibilité morale. 10 LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS LE SECRET