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1:
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NOUVELLE ÉDITION, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE.
Corruptio opt'unï pejftma.
A AMSTERDAM.
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I
■
TABLEAU
CHAPITRE CCVL
Vrocarairs.. Huijfiers.
Jji vous avez dans votre mailbn nn endroit fale , obfoir , fétide , mal-propre , plein d'or- dures, tes fouris & les rats s'y logent infailli- JblemenLAinfi dans la fange Scie chaos abomb nablede notre jiarifpiudence,onavunaîtreU jace rongeante des procureurs Se des huïfliers.
Ils fe plaifènt dans les détours ténébreux <dè la chicane ; i!s vivent gralïcment dans le labyrinthe de la procédure ; il faut les y (iiivre malgré vous ; vous êtes forcé de vous fou- nettre à leur miniilere. Ces papcraflèursdnc acheté la déplorable charge qui en fait des -vampires publics & privilégiés ; mais com- me le premier mal ell dans une législation
Tome IL A
% Tableau
contradîâoire & embrouillée, le praticien fe rit de la niifère du plaideur , & tient au «^ice antique qui lui eft (i profitable.
Notre jurîfprudence n'eft qu'un amas tfë- nigmes prilès au hafard dans les ouvrages de quelques jurifconfultes d'une nation étran- ge]^ ; & quand les coutumes & les loix dif- férentes font privées de clarté ^ ne vous éton-» nez pas des monftmofités de la procédure.
Entr^ dans un greffe de propuregr , ap- pelle improprement étude ^ huit à dix jeunes ge^s piquant la dure efcabelle , font occu- pés à gratter du papier timbré du matin au fbir. Bi/sl emploi ! Ils copient des avenirs , des exploits^ des fignificatiôns , des requé^ tes ; ils grqffhyent. Qu'eft-ce que grojfoyer? Ceft l'art d'alonger les mots & les lignes, pour employer le plus de papier pofTible , & le vendre ainiî tout barbouillé aux malheu^ leux plaideurs ; de forte qu'on puîffè en for»- Jîier des dofjicrs épais. Et qu'eft-ce qu'un àoffier ? C'efl la mafîè bizarre de ces épou- vantables procédures. Et un dojjier épais ^ que coûte-t-il bien ? Sept k huit mille francs, four commencer à éclaiicir un peu les chofes.
Mais toutes ces paperaflès fervent-elles du moins au juge ? Jamais. Quand il y a un rapporteur, Ion fecrétaîre fait fur une feuille rolante un extrait de ces énormes groflès, & toutes les raifons du procureur refient au £)nd du Çzç : airifi ce délpge d'écritures no
deParis. 3
fêivira pas même dans la caufe dont il s'a- git , le juge ne verra que l'extrait du fecré- taire fidèle ou infidèle ; & voilà ce qu'on ap- pelle Vinjlruâion chez un pewple civililè y ou foi-difant tel.
Le procureur dans fon grefife eft environne de ces dofliers érigés en trophées & qui montent jufqu'au plancher , k peu près com- me le fauvage de l'Amérique s'en/ironne dans fa hutte & (bfpend autour de lui les chevelures de ceux qu'il a fcalpés.
II y a' environ huit cents procureurs, tant au châtelet qu'au paflement , fans compter cinq cents huiflîers exploitants ; & tout cela rit de l'ancre répandue à grands tlots fur le- papier timbré.
Dites ^ un praticien qu'il y a plufieurs
f)ays en Europe , ou h juftice fè rend fans e fatal mînîftere d'un procureur ; où les frais de juftice font nuds , pour ainfi dire ^ oii des / pacificateurs , dans le veftibule du temple de la juftice , vous arrêtent avec un intérêt ten- dre , prennent a cœur d'arranger les parties^ & y parviennent ordinairement. Lepraticieii lèvera les épaules, fonnera & dira k (on clerc^ g^offbye^^ muUiplic^Us incidents y ^ Jbn^ g^ ^^/e la philojhphie e/l. dangcrajc.
Les brigandages qui s'exercent dans ces greffes poud,reux font légitimés par les friand^ amateurs dépices ; on ne fe fait point U. guerre , o n partage paifiblement le tiers de;^
A i " [. "'
.•V. ^
4 Tableau
fucceflîons. Ils font toujours en noirs , difoit un payfan : Save\yous pourquoi ? Ccft parce qûiU héritent vraiment de tout le monde*
Il faut que le brigandage foit porté loin , pour qu'il foit réprimé. Les procureurs en font prefque toujours quittes à l'audience pour des farcafmes de la part des avocats , & des menaces d'interdidion de la part des juges. L'un d'eux difant un jour au plus ef- fronté : Maître un tel^ vous êtes unfrip^
, pon. — Monfeigneur a toujours le petit mot pour rire , répondit le praticien.
Quelques procureurs roulent carroflè , & tirent de leur greffe quarante à cinquante mille francs par an. Les avocats les courti- fent aflîdument pour avoir des caufes. Ils font le (oîr la partie de Madame en che- veux longs , & î'cncenfent de tout leur pou- voir , afin que le choix tombe fiir eux pour les pièces d'écritures , partie lucrative , chère àl'onfre, 8c qui mérite bien qu'on déroge un peu à l'ait de l'orateur ,& que Ton ménage
-les bonnes grâces de la femme du praticien,
C'eft toujours lui qui choifit Favocat. Le
plaideur ne connoît que la boutique du pro-
, cureur;& comme il faut commencer par l'aflîgnation , le praticien eft néceflàirement l'agent de toute la procédure i auffi les avo- cate font-ils plus fouples & plus dociles de-
: vant fes procureurs v<^ué l'apothicaire ne l'cft
^ ilffvalxt m dodeur de la- &culcé.
>
DE P A R I 5^ Ç
Il faut paflèr par les longues épreuves de la cléricature pour être habile à podeder- une charge ; il faut monter lentement la pé^ ^ nible échelle. Ce trîfte noviciat eft de huit H dix années. Ainlî les procureurs ont des dçrcs à bon marché ; le maître - clerc lui- même, limonnierde V étude , n'a que de foi- bles gages; les autres clercs barbouillent le papier du matin au foîr pour leur pauvre nouF* riture. Ils vivent d'efpérance , logent dans des man(ardes,en attendant une charge vacante.
Les plus adroits , dans les petites études^ tâchent d'intéreflcr la procureufe , afin d'a-^ doucir la rigueur de leur joug; mais dani les grandes ^ JHiz^a/Tze ne faurait fe réibudre,. \i manger avec des clercs.
Elle oublie que fon mari n*cft qu*un an- cien cîerc qui vkm dachetet une charge. Le nigaud- approuve le noble orgueil defà femme , fon panache , fes polonoifes , fès femmes-de- chambre, fes tons, fes airs. U ne veut plus communiquer qu'avec les amîi de Madame , parce -qu ik lui ont promis une riche clientcUe.
'Lqs huiffiers , qui marchent k la fuite des procureurs, ne font pas moins redoutable^. & plus ardents encore à ki curée. Quand, une fois fa brèche eft ouverte , alors ils moiv tent à Fâfïàut , & traitent une mailbh com- me une ville livrée au pillage. Voyez le vau- tour acharné fiir fk proie ^ & qui la dépecé
A 3
é Tableau
avec fon bec noîr & crochu , c'eft l'image de leur joie avide, quand leurs mains ar- mées de la fatale plume faîfiflènt les meu- bles pour les porter en vente fur la place publique.
• Ces mêmes huîflîers qui , comme une meute dévorante, fe déchaînent contre les particuliers , pour peu que la bride leur foît lâchée , n'ofent porter un exploit à un mem- bre du parlement ou à un homme en pla- ce ; c'eft à qui fe rcfufera k cet office. Quand on veut pourfuivre un grand , il faut avoir recours au procureur-général, pour obliger un fimple huiflîer à faire (on devoir.
Ainfi le bourgeois à Paris , outre (es au- ^es fardeaux ^ a dans la nobleflè impérieufe & hautaine une véritable ariftocratie h. com- battre ; il rencontre une ligue qui infenfible- ment devient plus formidable que jamais.
Ceft par ces agents fubalternes de la juC- tîce , & qui infeftent les avenues de fon temple , que l'on n'en approche plus qu'avec crainte & tremblement. Ceft par eux que les juges fe font trouvés au milieu des piè- ges & des furprîfes , & que la longueur des affiiîres a fait renoncer aux meilleurs droits, parce que la ruine inévitable des familles a pani devoir (iiivre la demande la plus lé- gitime. \.
Ce fléau , que les tribunaux fupérieurs ne fimgent pas à réprimer y dévore la partie
V ■y
B E P A R I S. 7
indigente ; & Ton a vu des hommes ini- ques menacer encore de la juftice ceux qu'ils avoîent dépouillés , s'ils n'étoufFoient pour toujours leurs plaintes 8c leurs murmures ; 6c les infortunés voulant conferver les débris de leur fortune , fe font tus , craignant que le monftre de la chicane ne vînt leur enlever ces foibles reftes.
Tous ces praticiens ont entr*eux un geru'ô de plaifanterie qui équivoque perpétuellement fur les mots de leur profeffion. Il n^ a rien de plus gothique & de plus mauilàck que les railleries des hommes d'afl&ires : mais pour être plattes & groffieres , elles n'en font pas moins inhumaines ^ car ils plaifantent en- core ceux qu'ils om vexés & rongés.
Ce n'eft pas que l'improbité foit attachée a h profemon : quelques procureurs honnê; tes ne préfèntent pas fans ceflê la juftice k leurs parties, pour ne leur en faire embrafler- que Tombre. Ils emploient leur habileté à (au- ver leurs clients d*un dédale d'erreurs & d'un embrafement funefte: Plufieurs ennpbliflènt leur profeffion par la vertu qui les orne tou- tes; Us fervent de modèle aux autres, &ils méritent Feftime & la confiance du public : mais on peut dire d'eux auffi :
Apparent rari nauta in gurgîti vafi^m
Ce^ communautés de procureurs font Kées au parlement d'une manière fort étroite*
A 4
X
8, TABLIAiJ
Elles en fuîvent les mouvements, & en ëpont^ fètii les idées avec la plus grande chaleur«
CHAPITRE CÇyiL La Ba:^cb^
V^'eft une communauté de clercs quî ju- gent entr*eux de leurs différends. Autrefois il y a voit le roi 4e la Bazoche, maître du royaume de la Bazoch^ , Se qui établiflbit des jurifdiâions Bazochiales y mais , attendu y que le nomhfe d^ clercs. alToît à près de ^ dix mille , Henri HI révoqua le titre àe roL U étoit bien peureux , dira-t-pn ; mais {bu- rent les hommes fe font laiflS conduire par des mots , & plus loin qu'ils n'auroient d'a- bord imaginé;
Les armoiries de la Bazoche font trçis. ccritoircs. Oh ! quel fleuve dévorant , fem- blable aux noires eaux du Styx , fort de ces armes parlantes , pour tout brûler & odnfii- mer fur fon paflàge ! Quoi ! Montefquîeu ^ Roufleau , Voltaire & BufFon ont aufli trem-» pé leur plume dans une écrîtoîre ! Et l'huila fier exploitant & l'écrivain lumineux fe fer- vent chaque îour du même jin(Uument 1
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DE P A B. I ?• .^'
^:
CHAPITRE CCVIIL
ComédunSn
X-iCS comédiens feront toujours des cxcontf^ munies , jufqu'à ce qu'il plaife au roi , au parlement & au clergé de lever Tanathême. Tel eft l'empire de la coutume, des préju- gés ; ou , G vous l'aimez mieux , de Tincon- féquence nationale. Us auront plutôt fait de rire de l'excom/nf/izîctf/4^/2,.que .de vouloir s*en affranchir, .
La demoifelle CUôron ayant fait uh mé^ moire â. conjidter fur cet objet , Favocat. entreprenant & téméraire fiit au/E- tôt rayi du tableau ; & l'amante de Tancrede Ce- trouva obligée de procurer un état à fôft. défenfeur , qui avoit perdu le fien en ta» chant de la réconciliet avec Féglife. L'avo- cat, plein de fon fujet , monta bientôt (lir Je théâtre; mais il n'y fut pas plus heureux iqûhu barreau , Qc excommunication alla fe placer fur fa tête , ainfi que fur celle de la^ demoifelle Clairon.
Elle prit quelque temps après de Phumeur contre le public : un aâeur ou uneaârice^ .«nt toujours tort de bouder cet augufte foiK .ffirain*. JEJle axott xefuië de jou^r , la faite
À %
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10 Tableau
étant pleine & le rideau levé , à raifon âm je ne fais quelles rixes de foyer. Elle fut fort maltraitée du parterre , & le foir même elle alla coucher au Fon-rEvéque, Pour fe ven- ger des clameurs de ce parterre infblent & de ceux qui i'avoieht emprifonnée , elle aban- donna le théâtre , penfant que le lendemain on feroit à fes genoux pour la fupplîer de vouloir bien rentrer. Qu'arriva-t-il ? Le public loublia , & elle perdit fon talent , faute d'exercice. Elle pafla , dans l'obfcurité & •^loin des applaudiilèments , des jours qui au« roient été remplis & glorieux fous l'habit de Melpomene , qu'elle faifoit parler avec iftie forte de dignité.
Louis XIV n'a jamais reçu de comédiens qu'ils n'euflènt de la taille & une figure noble. Le théâtre de la nation , où revi- vent les héros de Pantîquité , exîgeroit un choix plus fcvere. On voit parmi les aâeurs aduels , trop peu d'hommes bien faits ; ce qui ne difpofe pas l'étranger à concevoir une idée avantageufe de notre goût pour le beau. Quand il voit de petites natures répré- fenter ce qu'il y a de plus împofant & de plus fameux dans Fhiftoire des peuples , il prend une idée défavorable du phyfique de la na- tion 9 & la remporte malgré lui dans fa patrie.
La vanité des aâeurs de petite taille favo- xiiiç la réception d'aâeurs exicore plus petits. >
• *.
DE Pari s.
Il
parée que ceux-là s'iniaginent , par ce moyen de comparaifon , devoir paroître plus grands (ùr la fcene; mais fî cette mante de rapetiC- (èr les perfonnages tragiques fubfifte encore pendant une génération , nous n'aurons bien*^' tôt plus que des Lilliputiens , qui en vou-^ lant faire les héros y ne feront que gro^^ tefques.
Un aâeur y quand il efl mince ou fluet , ou bien quand il ne préfente plus que des os revêtus d'un . parchemin . livide , a beau pofleder une certaine intelligence : les efïbrti de fa frêle poitrine font fouftrir; & plus il gefticule avec fierté , plus il paroît fe rappe- tiflèr. Son front dégrade la majefté de Mel-
E)n\ene. Le palais qu'il habite , l'idiome re- ré qu il parle , les paflioiis grandes & ora- genfès qu'il veut peindre , tout 1 ecrafe & Panéandt : iJ eft trop disproportionné avec ce qui l'environne , pour que l'œil ou ToreiUe puiuènt lui faire grâce. . Alexandre , dira-t-on 9 pour juftifier le» nain tragique , étoit' petit , oc portoit le cqI: penché : je l'autois kdmiré de fon vivant dans (à tante avec fa taille exiguë & fa tête fur une de fes^ épaules j mais mort , j'exige qu'il prenne une ftature , un front , un port & un ' gefte qui répondent au conquérant doht le nôni remplît l'univerç. ,'/.
Là Duclos jouoit dans les Horaces 2 a la fin de iss imprécations , elle fort furieufe ^
A 6
12 Tableau
comme Ton fait ; ladrice s*embarraflà dans la queue très-longue de fa robe , & tombai On vît fbudain i'adeur qui faifoit Horace oter poliment fon chapeau (i) d'une main , la relever de l'autre , la reconduire dans la coulillè , & la , remettant fièrement fon cha-^ peau , tirer fon épée & la tuer , conformé- ment à fon rôle.
Ces inepties ne fe commettent plus ; mais que de réformes k defircr encore !
La tragédie , depuis la retraite de Mlle. Dumefnil & depuis Fexil incroyable de MDe, Sainval (i) , eft devenue chantante , roide , ampoulée , monotone ; les aâeurs fùbalter- nés ne font pas aflèz attentifs à maintenir Tillufion. Ils commettent des fautes nom- brei^fes contre le coftume & le fens de leurs rôles. Qu'aï- je befoin , par exemple , de la coquetterie de nos prînceflès de théâtre , de leurs téces bichonnées au gré de la folie dû jour ? Quand j'apperçois la main mauflâde dd cocfFeur , Je ne vois plus Qéopâtrc , Mé- tope , Atbalie , Idamé.
Moii's d'oripeau , plus de vérité. Com* mert ne pas rire , en voyant des valets de
(i) Les aâeurç tragiques portoient , dans tout> s les tragédies, un clvapeau, fiirinonfé de plumes ; & c'eft ainfi qu'on a jrué en Frrncc pend.nht prés de cent ans Corneille & Racinei
(2) Exilée par lettre de cachet^
DE P À H T S. tj
théâtre traveftis en fënateurs Romains , for- tir des coulîflès avec les robes rouges des médecins du Malade imaginaire ; des per- ruques bouclées Se traînantes , grolfiéremenc chargées de poudre , & qui ,. pour comble de ridicule , veulent figurer la démarche de nos jeunes confeillers ?
Et quand les fpeâateurs revoient ùt\$ celle les mêmes toiles mefquines & rembrunies , quelquefois trouées ; qu'ils rencontrent les Scythes & les Sarmates dans un palais d'ar- chiteûure grecque , & le farouche Zamore fous un portique Romain , peuvent- ils s'em- pêcher d'accufer l'avarice des comédiens à la part , & leur cupidité qui néglige un ac- cefîbîie fait pour influer fur les repréfen-* ratîom ?
Deux théâtres qui rivalîïèroieflt , qui en- dretiendroient entre eux une émulation fuivie en jouant les mêmes pièces , qui feroîent enfin l'un pour l'autre un perpétuel objet de comparaifon , reftitueroient à l'art fa pompe , fa noblelïè & fa dignité.
On fe plaint généralement de voir la (cène Françoife déchue de fon ancien luftre. La tragédie fiir-tout eft défigurée k un pointillé- connoifl&ble. De là ces vers :
On ne voit plus pleurer perfonne : Tour notre argent nous avens du plalfir S £t le tragique qu*on nous donne % Efi hUn fait pour nous réjouir.
14 T A 1 L E A V
• «
CHAPITRE ,CCIX.
Spectacles gratis! ,
JLjes comédiens donnent le fpeôacle gratis , à l'occaGon de quelques événements cèle* bres , comme la paix , la naijfance d'iat prince , &c. Le fpedacle alors commence à midi ; les charbonniers 8c les poiflardes oc- cupent les deux balcons , fuivant Tufage ; les charbonniers font du côté du roi , & les poiflardes du côté de la reine. Ce qu'il y a de plus étonnant , c'eft que cette populace applaudit aux beaux endroits , aux endroits, délicats même , & les fent , tout comme Faflèmblée la mieux choifie (i). Quelle poé-. tique , pour qui fauroît l'étudier ! Après la pièce , Melpomene , Thalie Terpficore don- nent la main au porte-faix , au maçon , au décroteur. Préville & Brizard danfent avec^ la fille de joie fiir les mêmes planches où l'on a repréfenté Polieuâe & Àthalie. Les fufiliers font plus circonfpeds ces Jours - là ^ & la garde bleue a un front populaire. Les comé.
(i) Oq a conteflé le fait : j^en appelle à Texpé- rlence. Les grands traits a*oot jamais pafle faift 9pglaudii^smen^
3 E P A ÎR. I S* 15
diens ne fe prêtent pas par amour du peuple à ces danfes bruyantes , maïs par politique ; ils voudroîent bien pouvoir s'en exempter. Leur dépendance leur fait un devoir de cette corvée , & ils jouent très - bien le con- tentement.
Les fpeâacles des Boulevards , k leur exem* pie , les grands Danfcurs du roi , t Ambigu comique , les Variétés amujàntes , donnent aufE une repréfentation gratis dans les mê- mes cîrconftances ^ ils affichent de même , relâche pour lejirvice de la cour ^ fpcSacle gratis pour la naijfance^ &c. Ce qui cha- grine oc mortifie étrangement les comédiens ordinaires du roi , qui ne craignent rien tant que d'être aflimîlés aux acteurs forains , k peu près comme un procureur au parlement craint qu'on ne le confonde avec un huiflier à verge.
On diftingue a Paris les planches des Bou* levards des planches privilégiées ^ celles qui portent Jeannot de celles qui portent le gros Dc^Jfarts ; mais c'eft une diftinâîon qui échappe au peuple : il range fur la même ligne & dans la même claflè tous ceux qui, chantant , déclamant ou aboyant , contri- buent k fes plaifirs pour de l'argent.
Il n'y a que le- riJihU peccata da combat du taureau qui n'obtient pas l'honneur d*at fembler le public gratis , 8c de mériter par- là les bonnes grâces ôc le regard de la cour j mais il doit préfeiiter requête.
i6 Tableau
CHAPITRE CCX.
Langue du Maître aux Cochers. .
V-/n diftîngue parfaitement le cocher d une* courtHanne , de celui d'un prefident , le co- cher d'un duc d'avec celui d'un financier^, mais à la Sortie du (peâàcle , vouiez-vous^ (avoir au jufte dans quel quartier va fe rendre tel équipage? écoutez bien l'ordre que donne le maître au laquais , ou plutôt que celui- cî rend au cocher. Au Marais , on dit , au lo^ gis ; dans i'isle Saint-Louis , à la mai/on ;. au fauxbourg Saint-Germain , à Fhôtcl ; 8c dans le fauxbourg Saint-Hocoré , û/Ze^. Oi^ fent , fans avoir befoin d'un commentaire ^ tout ce que ce dernier mot a d'împofant.
A la porte des fpeâacles fe trouve tou* jours un ahoyeur à la voix de Stentor^ qur crie : le carrojje de M. le marquis ! le car-^ rojfe de Mme. la comtejfc f le carra ffe de Af» le prefident ! Sa voix terrible retentit jufqw^au £ind des tavernes où boivent les laquais j jufqu'au fond des billards où les cochers iè querellent & fe dilputent. Cette voix qui rem- lit un quartier , couvre tout , abforbe tcmt ^ e bruit confus des hommes & des chevaux^ Laquais & cochers , à ce %nal retentiflànt»
E
D E P A R r s. 17
abandonnent les pintes & les queues , te-
Prennent la bride des chevaux , & ouvrent i portière.
Cet aboyeur^ pour donner à fa poitrine une force plus qu'humaine , renonce au vin , & ne boit que de Teau-de-Vie. Il eft toujours enroué ^ maïs cet enrouement même impri- me k fa voix un fon rauque & épouvanta- ble , qui reflèmble à un tocfin. Il crevé bien- tôt à ce métier. Un autre le remplace \ il hurlé de même , boit de même , & meurt , com- me fon prédéceflèur , à force d'avoir avalé de Fcau-de-vie d'épiciqr*
CHAPITRE CCXI,
Difcours prorumcc à la. Comédie Frart^ çoifi à la rentrée de ce Spectacle.
xJ n comédien plus véridîque que fês ca- marades , plus fortement frappé de ce qu'il devoit au public , & fufceptible de cette hon-i nête pudeur que quelques --<jns confervenC encore , Chargé du complimeut d*ufage ^ ^'avança , Fan paflë, Cir le bord du théâtre ^ & là , après une profonde révérence , il fe releva lentement , & dit d^une voix modefte, mais afiùrée : 'i> Meilleurs , deux fois par an , nous voul^
i8 Tableau
» rendons humblement Fhommage que nous » vous devons à bien des titres , nous vous >î rappelions les obligations qui nous impo- » fent 1^ nécefCté de vous plaire , nous vous » careflôns par des louanges , afin que vous n fermiez les yeux fur nos défauts. Nous ne » les taifons pas toujours,. car il nous leroit » impoflible de les diflimuler ; mais ce que » nous nous gardons bien de vous avouer ^ » & ce que le cri de ma confcience m'ar- » rache devant vous, c'eft le peu d*émula- i> tîon & d'accord qui règne entre nous , D c'eft notre parefle , notre orgueil, & les i> miférables débats qui nous empêchent de » nous réunir , foît pour vous donner de nou- « velles pièces qui varient vos plaîfirs , foi't » pour repréfenter plus décemment celles » qui ont fixé votre attention ; & nous ne » rougiflbns pas dé faire doubler celles-ci, » en bravant un murmure que nous favons » devoir être paflàger.
. » Aiijourd'hui , plus vrais qu'autrefois , n Meflîeurs , nous vous confeflbns nos torts p multipliés , en vous fiappliant de nous im- ^ pofer la punition qui vous paroîtra la plus » falutaire & la plus propre à nous faire dé- » tefter nos mauvaifes habitudes ; votre in- » dulgence exceffive ne les a que trop enra-? » cinées dans nos cœurs. Nous penfons qu'une i) défeition totale de notre fpedacle pendanjç » quelque temps nous réveilleroit avec fo^xre
DE Paris. 19
» de l'engourdiflèment où nous fommes pion- » gés , Ê ranîmeroit parmi nous Tamoiu: du » travail , que vingt mille livres de rente » émouflènt furieufement^ Nous fommes ri- » ches par les petites loges , avant même de » lever le rideau. Comment voudriez -vous » que nous puiflions nous livrer à des études » fuivîes , lorfque nous fommes fi bien payés 9 d'avance t Que nous importent Part & Tau- aï) teur , lorfque notre bourfe eft bien rem- r> plie ? Nous n'aimons point Part , nous ai- » mons l'argent , MefGeurs , & vous nous » en donnez trop pour que vous foyez bien » fervis.
» Diminuez donc notre recette ; nous » ferons plus refpeâueux envers l'trt, plus » attentifs envers l'auteur ; notre théâtre » rendu quelque temps défèrt, nos befoins » nous enfèigneront le fecret de .vous plaire;' » vous y gagnerez , parce que nous nous eP- » forcerons , par des repréfentations foignées » & intéreflàntes , de retrouver ce que nous » aurons perdu par notre négligence. Nous' » n'avons pas la force de nous corriger par » nous-mêmes; notre place eft devenue une » prébende fimple & inamovi^ e : ufez donc, » Meilleurs , ufez du châtiment falutaire qui » nous convient; abandonnez- nous; {tour^ » nant la tête vers le contour de la falle ) I» que ces loges , cet amphithéâtre demeu- » rent vuides pour quelques mois ; 6c notre
lO T A B^ L E A U
» intérêt alors , puiflàmment réveille par cet » aiguillon , nous ramènera aux principes que » nous avons trop oubliés. «
\
CHAPITRE CCXIL
Battements de mains.
JLiangue & monnoie unîverfelles des Pa^ rifiens ; ils ne s'expliquent point autrement ;. ils claquent pour la reine & pour les ptfn- ces quand ils paroiflènt dans leurs loges , & qu'ils ont fait là gracieufe révérence^ ils cla^ quent quand Taâeur paroît fur la Jlcene , &: tout audi fort ; ils claquent pour un beâut vers ; ils claquent ironiquement, quand la'. piecf les ennuie ou 1er impatiente \ ils cla-^
Ïfuent , quand ils demandent impérieufement 'auteur ; ils claquent pour Gluck & font plus. de bruit que tous les inftruments de l'or- cheftre, que Ton n'entend plus. Ils claquent. dans un jardm public au retour d'un héros j. ils claquent dans la chapelle de l'académie Françoîfe , lors d'un panégyrique , ou même d'une oraifon funèbre : nouveauté fort étran- ge, & qui pourroit foumettre bientôt les prédicateurs évangélîquès au joug de l'ap-
Eobatîon & de ilmprobation. Ils claquent i vers & k proie dans toutes les féances
-ft E Paris. ai
académiques-ou afièmblees littéraires. Quel- quefois ces battements de maiiis vont juf* qu'à^ la frénéfie ^ on y a joint depuis quel- que temps les mots, de b/avo^ bravijJinKù On bat aufTi des pieds & de la canne \
tintamarre afSeux , éteurdiflànt , & qui cho- que cruellement Tame raifonnable & fen-
. iible qui quelquefois . même, en eu l'objet. Cette manie bruyante avilit beaucoup les
"^jugements de nos parterres , & en général le prononcé du public , dans nos faUes 4e ipeftacles.
On avoît confeillé à un auteur perpétuel»- lement fifïlé, de faire conftruire une ma-
-chine qui itniteroit les claquements de trois i quatre cents mains, & de la confier dans nn coin du fpedacle k un ami fidèle & (ur. Il n avoit qu'à acheter des billets , com- me certairis confrères ; c'eût été Ja même chofe.
Jufqtfk quand le Parifien abufera-t-il de la faculté de claquer , interrompra - 1- il avec étourderie un couplet éloquent, en détrui- ra-1- il tout Tefifet en le coupant avec une folle impatience ? Cette précipitation tumul- tueufe nuit à Taôeur & au poëtfr ; on ne les iaifle point achever , & Fillufion , ait milieu de ce -bruit infenfe, s'enfnit à tir^- iTafle. Pourquoi tant babiller avec les mains ^ .& plus qu'aucun peuple de la terre n'a ba« iMfié avec la langue?
ai Tableau
Mais quel eft Papplaudiflèment qui doit flajtter le grand poiëte & le grand adeur î Celt lorfqtfun (ombre & profond fîlence règne dans la (aile, loriijue le fpeâateur, le cœur brifé & l'œil baigne de larmes, n'a ni la penfëe ni la force de fe livrer à des battement de mains ; que , plongé dans fillufion viâorieufe , il oublie le comédien & l'art ; tout fe réalife autour de lui ; un trait ifiei&çable defcend dans fbn ame , 6c le preftige l'environnera long^- temps.
C H A P:^I T R E CCXIII.
Théâtre Bourgeois.
/iLmufement fort répandu , qui forme la mémoire , développe le maintien , apprend à parler , meuble la tête de beaux vers , & qui fuppofe quelques études. Ce paflè-temps vaut mieux que la fréquentation du café , l'infîpide jeu de cartes 8c l'oifiveté abfolue. On penfe bien que ces aûeurs , qui re- préfentent pour leur propre divertiflèment , ne font pas aflèz formés pour fatisfaire l'hom- me de goût ^ mais en fait de plaifirs , qui rafi fine a tort. Pour moi, j'ai remarqué que la pièce que Je connoiflbis devenoit toujours nouvelle , lorfque le^ aâeurs m'étoient nou^^
z) JE Paris. 13
veaux. Je ne iàis rien de plus faftidieux quq d'aififter à une troifieme & quatrième re- préfentatîon par leç mêmes comédiens.
Je n'ignore pas qu'on y déchire (ans mi- fërîcorde les chefs - d'œuvre des auteurs dra- matiques , qu'on y eftropie les airs des meil- leurs çompofiteurs ; que ces aflèmblées don- nent lieu à des fcenes plus plaifantes que celles que Ton repréfente : & tant mieux ; le fpeâateur s'amuTe à la fois de la pièce & des perfonnages. Puis les allufions de- viennent plus piquantes ; car l'hîftoire des aârices a la publicité de Thiftoire romaine.
On joue la comédie dans un certain mon-f de , non par amour pour elle, mais k raifbn des rapports que les rôles établirent. Quel amant a refufé de jouer Orojmanc ? Et la béante Ja plus craintive s'enhardit pour le rôle de Nanine,
J'ai vu jouer la comédie à Chantilly par le prince de Condé & par Madame la du- çheflè de Bourbon. Je leur ai trouvé une aîfance , un goiit, un naturel qui m'ont fait grand plaifir. Vraiment ils auroîent pu être comédiens , s'ils ne fuflènt pas nés princes.
Le duc d'Orléans , à Saint - Aflîfe , s'ac- quitte aufli très-bien de fes rôles avec facilita oc roTndeur. La reine de France , enfin , % joué la comédie à Verfailles dans fes petit$ appartements. N'ayant pas eu l'honneur de la voir 9 je n'en puis rien dire.
24 Tableau
Ce goût eft répandu depuis les plus hau- tes claflès Jufqu'aux dernières ; il peut con- tribuer quelquefois k perfedionner Tédiica^ tîon , ou à en réformer une mauvalfe , parce qu'il corrige tout k la fois Faccent , le main- tien & rélocution. Mais cetamufement ne convient qu'aux grandes villes , parce qu'il fiippofc déjà un certain luxe & des moeurs peu rigides- Gardez-vous toujours des repré- (èntatîoiis théâtrales , petites & fàges r^u- bliques ; craignez les fpeâacles : c'eit un au- teur dramatique qui vous le dit.
Parmi les anecdotes plaîfantes que four- hiffènt les amateurs bourgeois, dont la fo- reur eft de jouer la tragédie , je chèifiraî cette hiftoriette , que je trouve dans le 5a- ailard.
» Un cordonnier habile k chaufler le pied » mignon de toutes nos beautés , & renom- » mé dans fa profeflion , chauflbît le cothur- » ne tous les dimanches. Il s'étoit brouillé » avec le décorateur. Cellii-ci devoît pour- » voir la fcene , au cinquième aâe , d'un H poignard ^ & le pofer fiir l'autel. Par une » vengeance malicîeufe , il y fubftitua un « tranchet ; le prince , dans la chaleur de la » déclamation , ne s'en apperçut pas ; & » voulant fe donner la mort k la fin de la » pièce , il empoigna , aux yeux des (peâa- » leurs , Finftrument bénin qui lui fervoît k » gagner fà vie «• Qu'on juge des iclats de
9 E !P A X. X 5. 1^
(ire qu'excita Cf^^ouemect) <pj. |)e..pan]t- pa?;oa£ique.\V.ji". _ ,. ".- 'V.;
. CHAPITRE ce XIV,
JN oua iw fomnie^,rai^ 4??i Ropiaîhs ;. noi» n'avons- pas voulu batir tin amphithéâtre qui fubfîliât au bout de. 4ix- huit fiecles ; nous n'avons pas voulu aflèmblcr deux cents mille
)eâateursi c'eut ëté.trop.îpour la garde, de
'aris. Nous n'avops .i(ouI^ qu'emprunter Ifc lioni d'un des plus majelhieùx moQi;riients ^e Rome) Scie défigurer «ncorev.^car le iuperbe amphithéâtre ?appelJoit XeColloffce. Notre Colijéc après dix ans tombe en ruines. Les créanciers l'opt j{k|(î ^ & n'ont Jamais pu enfuite être d^aççaçd^pn l'a fermé. Ij[,ji^^. voit de beau & d'agréaUe que fon emDlac&* ment, dans la pofibion la plus heureulejàion .^itpu çhoifîr. L'intérî/^ de ce* caravenferai étoit trifle ; des fyixipljionîes. monotones , des danfes miférables^ou.pqççiles; des .joutes fut
une eau fale 5^ bou^beMiè ; des feux d'arti-
.me lans variété ^.pi^e cohue fatigante ou un
vuide ennuyeux : vqi]^ touf le divertiilèmeoC
de ces fortes d'endr9jt%> î j.' . .,.;
La redoute Chïnoifi Ta remf lacé ; 'tem- Tomt IL B
«.« 1* A H -X E À^ U
-^le àom^eati \ ouvert à PoMîvîté abïbliie ^ 8fc !<]ui enlevé aux nobles repréfentations draitiai» tiques une foule 4e fpeâaieur^. ^IJÊ^^Ïe fert ïvaïikTMae defpeâacfe Xes Aâoùis au teint blafard , les Narciflès adofânc kurs images dans les glaces , lès-lé* ros d'opéra frcdonn;mt des airs, les fatsji •cheveux longs , lç$ laîs a la tête haute y cir* .culent&. font foule* ^ ' "7
'"' 'Qàand on coriij|af^''î<*s''Vaux -Ifill âipc lieux charmants dêXoidàres , on voit ique.Ic 'François ne coimpît ^Ain genre deplaîfîr^ -celui de voir & d'être vu: L'Anglois a des jgufe plus'vifs , plus variés , plus profonds ; H -tiefe nourrit pas dé Vanité', de l'étalage, de isL partire^ , de clinquant ., june promenade jenrt)n4 hiîlle fois répétée devant fcs n^éniçi x>bjets. Il lui feut des divertiflèments pli|$ •fiibftantiels. La différence des gouvethfr- tnents enfin fe fait fèntir par le contraïlè de la froide élégance 4e;riôs aflfèmblées , &. de ïabondanceyarîéc'-fip' |)igv?ahte qui j-çgneen JAiigleterre.
^ Il efl vrai que'PAhgteîs donne une guî- -jnée , & que nous débâurfens mefquinejtnent ifrente fols. Puis , qiri :ne fe mêle pas de nos 4)làifirs , é'efl-k-dirç v^uî ne Jes corrompt çasî.PautDrîtéprâSdeV^ows nos divertiflë- ^éiits*;bn nous !« arifahge,, & il ne noife ^ jpas pçrmîs de Jc# . ifaodifier. •'
D E. V A 9i l à. 17
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';C H A FIT R E CCXV. Foire Sàint^trmairu
Jt^f S (peâacles des Boulevards font ob& gés d'aller ii cette foire , à laquelle on devroit bien donner une entrée (pacieufe; car il n V a qu'une pone étroite , dont lé temin det* cend encore en pente. Il faut que toutes les voitures & les fantaffins pâle-méîe paflènt par ce dangereux fentîer.
Lk , des hommes de fixple^, montés fijr des brodequins-^ coëffës comiM des fuk- tans , paflènt pour des géante \JM^;i(>i!it(b safèe , épilée , k oui l'on a pafle unci^^êitiiî^^ un habit, refle & 4:ialotte j Cs momtre^ eém^ me un animal unique, extr;rordin<iÉe. Un coloflè de beis parle ^ parce qu'il a <lans le ventre un petit garçon de quatre }mi. H&ut' k ré^jtolution de plufieuis années pour tme^ per à l'œil du naturalsfte qudque chùCe digne defon àttentibn* La charlatanerie giomeri' 9& la fur fon trône. Le (altinbanque effi^nté :a obtenu le privilège de duper le publia ; il a payé ce* privilège , qu'importe eimîfe qu'il donne des gourdes au Panfien ^Qn4e «g^* noit (i bonnace, qu'on ûit d'avancé qu'util &UX merveilleux l&tranfportera'>tion hloins ^ue s'il étoit véritable; / :• )-!c' ■
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a.8 T A B l. E A JJ
Les falles des farceurs font prefque too^ ^tttî twnpKes. On y jolie des pièces obfcenes' ou déteûables ^ par<;e uu'on leur interdît tout 'ouvrage qui auroît un peu de fel , aef prit & de raÛbn. Qupi ^ voilà un théâtre tout dcefle, un peuple tout aflèmblé, & Fo^ Condamnera les aùdiiitieurs i^ n'entendre. qu4 des ibtti{es , tandis que notre théâtre fi riche 4evroit jâtre c<xifîdéré conmn^un tréibr nàr tional 1 ]^ pourquoi appajtiendroî(-il^ «xclufi* iFemexK s^uc comédiens du roi ? ' s Quoi , Dqg^uson feroit Théritîer de.G>c^ Vieille i Quoi , ces chefs - d'oeuvre que tout %ùv à^ fqii^rainf ne fauroit faire renaître , ài^nye^ewt . m> propre à une poignée de 4g)m4^ti$ ! Quoi ils. u'appartiendroient pas eÎQ^nri^llçmwtlà tous ceux qui fe fentent lame & le talent de les laire valoir ! Quoi , rauteuK'auroit pu* avoir une autre idée que de t^2méffi jpit'UM (èsprodùétions & fa gloire! Qiai[9 J&^i6eff fart à Fintérêt pafBiger. de taâe»r:«CMnfr!ileiU3a: ijulun pdmt reflèné aii-^^i^ iiid'ob^ep k : prendre tel organei, £a(î^ir^ FttifirumeDt qu'il anime ; 6c quand j'ai compofé, je donnoisdonc mes pièces a une.iieuie fi-oupe ! Brûlons nos pièces.
I^e gcand duc derToicaÊne ^ qui poflède le vérita^eri^nle iTun^ législateur , parmi une fpule^, dftrk>iK!utâês &' conçues dans une igiMft 'fageflfeif a: idônné jl «tous lés théâtres la tibexré abfolue du chokrdes pièces i certain
D 1 P A R l'S. 19
qi]e la concurrence & l'émulation fejrvîroîent ce M art beaucoup mieux que tous les rcgîe^^ ments au'un petit efprit de claffificatîon a établis parmi Aous> pour lui bter ion eflôr S^ fà grandeur.
Là enfin on voit ( & qu'importe le lieu ? ) le célèbre Cornus , homme doué du géixnr y pkii fouple & te plus inventif, & qui ^ fatis les études ordinaires , doit >out à la d- ^sûcité rare qu'il i reçue de ht nature. Ce ^hyficîen fécond en découvertes^ en éton-* Dant nos regards , exerce 6c furprend notre intelligence. Il faut bien fe garder de le con« fondre avec les faifiurs de tours dont il effi environné. Quiconque l'aura vu, ne tombera pas dans cette erreur grofliere : non-feule- ment il eft réniule de teax qui étudient la nature ; mais il a droit encore à un rangdif^ tîngué parmi les plus habiles fcnitateurs de fes phénomènes : lés merveilles qui s'opèrent ((JUS fës mains induftrieufes , valent bien quelques pages fyllématiques écrites en beau ftyle. ;
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• CHAPITRE CCXVU
; Comédiens Italiens^
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Quf en cpnfervânt ce ditre, ils ne re-f
préfentent plu^ aucune pi^çc italienne ^ ou ^ ^pur mieux àne^^cçsxi3[(incvas où Carlin «j^ fi' fouvent déployé un^jea aflàiTonné de tant de grâces naïves & piquantes. Ils fontrcn-* (rés dans le droit de donner au public de$ pièces nioraks & imérefji^ntes : droit dont ils n'aûifèut point ,\ il |àut l'avpuer ^ niai$ les pièces à vaudevilles ayant pris faveur ,:îl^ ont obéi au goût momeiit^né de la capkale* ih. iè piqueot de fervir le public avec un» zek infatigable ; on ks voit ardents à Iq récréer de nouveautés ^ n'épargner ni (oins ^ peines. Leur défintérellèment efl rare. Ik ne leaunenl^ point (ur les décorations ni fur les habillements \ jaloux dé donner aux rjfr* préfentatîons le plus grand éclat. Ils ont un tad aflèz sûr pour la niufique vive-, légère y expreffive ; mais ils nt? ftivent pas encore ju- ger les comédies d'unft manière auflî jufte : cela viendra.
Les pièces a vaudevilles occupent donc prefque exclufivenient ce théâtre depuis dix- huit mois. Comme tout fuccès touche a un
1^ E P A'. R r s. Ji.
excès, il eO: à ^craindre que ce -Xb^tr^iXie: s'mfefte de rébus , de couplets ti^àpJibrcSy. ^équivoques , 'dv. Pourquoi faire ramer les- yenx aux grâces? . ■ /. , . -o ».,/
Ces jolis «rbns offrent des tabieatix naïfs*' &.ne G)nt pas dépourvus de gaieté \ xçlÙs: il eâ.'à craindre que ces bluçts , nés daos un: champ fenile,4i'étûir£^t le^ j^js npuni^ cîcxs, rubftanttelsj8c a la tête dojeeç; :: . , . ,^
Les. auteurs avoient* cru poi|voi|r ,&ajbIiiL (ûr cette fcene un fécond théâtre national^ ils n'ont.pas réfléchi que Part dii chant ex- cluoit prefque toujours celui delà déclania<-i . !^ 9 PC que les pièces, vcainien t. dramatiaue^- avcMent un caraâere trop profond dour s al-. Ueikla légèreté. ^^^ces 'pqtltesmëces^ lai plupart vuides de jÇîns. Uariette & le vau- deville tueiXMSt toujours Marivaux &,lèsiùcv ceilèurs^^
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CKA£PI.T RE CÇXV/ÏI^;
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Sp^acles des Jioulevards^*
TiQ peuple 9 qui a befcàn d'amufements, s'y, précipite en foule ; mais ce% théâtres (ont ceux qui- mérîteroiént le plus ^attention - dû ma- giftrat, & les pièces devroîent être; des compofltions. agréables 8c morales \ caii
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3z Tableav
îî n'y*a''^as d'oppofîtîon entre ces deux mots '^t^rtju'en dîTent le^i poëtcs CQimp»' teurs.'-.^'* ' "-■ ■■ ■ ■' ' '
Pourquoi ces pièces font-eBès pour la plu*^ part haffis , plates , ordurîcres? Ceft qu'une poîgiîée de corné iîens ofe dire cpi'il n'ap- partient CfJ^ eux de repréfenter des pièces raifontiabW; c*êft ''qu^on feç foutîent dani cçpte pdicije prëtendoti ; c'efl qu^ la fiiâle 4^ cetie îticit^ahle & hontëufe Icgîdation ^ le peurfc ett condaniïié. à ^entendre que réxprèflion du libertinage & de la fottîfe*. Et voilà oii aboutit la polite dès fpeâacles cbeexm peuple renomihé p^ {èst;he6-d'oeii« f re dramariques, * ' ^ '''
Les pàiades^ qu^rn "tei^fente extérieure- ment (îir ïe balcon comnrte'une efpece d*iti- vîtatîon publique, font tris - préjudiciables, aux uayaux journaliers, en ce qu'elles ameu- tent une foule d'ouvriers qui , avec leç inf. truments de leur profeflSoii^ous-Ie bras, de^ meurent là la bouche béante , & perdent les faeutès les plus précieufibs de la ']oùttïéè.
Les figures çn cire ^u fieur C^rtius font très - célèbres fiar les Boulevards , & très- vifitées ; il a modelé les rois , les gran4& écrivains , les jolies femmes , & les femeux voleù^ V on y voit Jeànnçf , Defrues ^ te comte 'd'Eftaîng & Lihguet ; on y voit la femilîe 'royale aflife à un banquet artificiel r Pemperetu: çft à côté du roi. Le crîeur s^jégo-
H £ F A B. £ 5ï: Ji)
fille k kl porte lErttrçi^, tntrc;^, Aicffièurs , ycnc^ voir le grand couvert , entrc{^ ^ cUfi tout comme à Vcrfailles. Oii donne deux fols par perfonne , & le fîeur Curdus fait quelquefois ^ufc^'à cçnt écus par jour , avec la mtoncre de ces mannequins enluniinés.
CHAPITRE CCXVIIL
Lectures.
il s'eft întroduîtun nouveau genre de ^ec^- tacles. CéX un auteur qiii ne Ik pas k. fes amis pour en recevoir des- confeils ôc. des avis , mais quî mdique tel jour , telle heure ( & il ne manque plus que raiHcbe \ qui entre dans un fallon meublé, fe place: entre deux âambeaux , demande un fiicriei" bu du fyrop , calomnie fa poitrine \ tire fôn manufcrit de fa poche , oc Ut avec em- pha(è fa produâion nouvelle , quelquefois fiminîfere.
II. ne manque point d^admirateurs^ ^ rarceb qu'il les convoite avec toutes les fuppBquei adroites de Torgiieilleux amoiir-propre \ 6it lut prodigue de ces mots obligeants cpi^ott lie refufe pas , & qu'A prend k la lettre, pour des éloges finceres. Quand U imprime ^ '% public & cit de Touvra^ admiré dans leiàt»-
j4 Tablé a ir
Ion. ÏTadteur funéax , cik que le gôAt eUt perdu*. Se que la décadence de la littérature e& vifible, puifqu'on ne (ènt pas comme fei» premiers juges oc admirateurs.
Dans ces (ôrtes de leâures tout prête air ridicule ; le poëte arrive avec une tragédie rimée & faftidieufe , ou avec un gros poë* fne^ique , dans une aflènïblée peuplée dé: jeunes & jolic$ femmes dîfpofées à folâ- trer 8t à nre , qui ont à côté d'd les" letds amants ; elles s'occupent plus de ce qui lesu environne , que de l'auteur & de fa- pièce. Une* inâexioa de voix , un mot, ungefte, un rien fûBk pour dilpofer les caraâeres à la plus grande gaieté. Qu'ime femme rie par. balard, une autre éclatera , & tout le cer- cle fera de vains ef&rts pour, contraindre (à belle humeur.. Que deviendra, le pauvre au- teur avec fon rouleau de papier ? S'il mon- tre du courroux ^ il paroîtra plus, ridicule en^ core ; qu'on ne Fécoute point , ou qu'oal'en^^ . tende mal , il eft obligé de continuer. Le yoilîi fur là fellette , expofe à toutes les ré^ flexions, malignes ! On corrige tout bas fon 5iiiour-propre qui perce d^s fon débit; il s'en doute : il gcftîcule -avec plus de vc- liémence , comme pour, fbrcer les fufîia4 ges : ce n'eft plus un auteur y c'efl un co- médien*
Et pourquoi lire k d'autres qu'à fes amîs^? Pourquoi j^eAdre. d'autres jugesque lé pu-^
!>: E Paris. 3|r
plie ? Pourquoi fe montrer G jaloux d'une approbation équivoque? Enchanter un cer-^ cîe ou une cotterie , n'cft-ce pas rétrécir Pi- dée qu'un écrivain doit fe former de la gloi-* re? Voila les fautes où toaibent journelle- ment les beaux; esprits âc les hommes, de : r 22/ de la capitale. Ceft ici qu'il faut cltec fameux doâeurSaoroton (i) qu'ils n'ont pas lu pour leur malheun nfaut apprécier y , dit^il , lestaient dans la place publique y . & jamais ailleurs ; c*eji,la fin vrai jour ; : des ficclsde cfiamhr&fint toujours des fiior - ces douteux. . ,
On a vu. une fpcîç't|^ intitulée , /ei Trente ^ faire paroli zixy^Quarantc de Tacadéinie franr çoife., établir des l'eâures publicwes, dont pkifîeurs furent ttès-îméreltàntes ^ qc fans une fatale' divifîon ( inévitable- craraii -les beaux c^ats.) cette [ociété devçioïc une acfadémié en regfey quf aurphirivàlif^ avec la (ùperbe^ ua repas chez ui> traiteur préccdoit les lec- tl^:es^ Hélas d l'efprit chez eux n'écoit jamais à jeua: ainfi faiibient les. célèbres auteurs du .
(dernier fieclel ,
. - rf ...
- , , 41 fefornae plofieùrs affhntbUcs littéraires v .ddnt Jes miemores ne fe çp)ient pas inférieurs aùxidunortek i ^lifent un jour delà femai^
•«*■
• (i) Comédie parade>iî un afte, îittprînaéeà Bffis ehez la Veuve Ballard» imprimeur du rol^
^6. Tableau
ne, les auditeurs applaudirent, & ceux qui font applaudis font aufC contents le foir de leur tiriomphe , qu'un acadëmicien feft lotf- qu'on l'a claqué au Louvre pour fes vers ovl pour fa profe.
La loge des Neuf fieurs renferme aufE des auteurs qui lifent leurs produâtons dam des fêtes brillantes, & dont la littérature fàk le principal> ornement ; 6t pourquoi n'y au^ loit-il que les académiciens qui euflênt \t droit de débiter leurs ouvrages 8t d'être a|K plaudis ? ne fau^-il pas donner une libre iflue au confolant amçur-propre de chaque écri* vain, fi heureux quand il felit , quand il en*- tend ùi voix réfonner dans un lieu peuplé \ L'équiti^ ( difons miéioc ) la compafCon Fcb^ donne.
Un ledeur fameux eut une (brte dé çélé^ brité dans Parcs , il y a huk à dix ans ; oit en raffola ^ on (è l'arracha^ Il rendoît avec intelligence ôcprécifion, avec une variété 3è Ion furprenante , tous les perfonnages d^bné pièce de théâtre. Seul il donnoît au dramt qu'il déclamoit , les honneurs, de la repréfeti^ tatîon ^ il valoit une tràttpe entière > ^aîk S s'identifioit tellement avec \U pièce add^ tée, qu'il simagîhoit , ou peu s'en ftut*^ l'avok faite , ce que Fauteur préfent lui p^*^ donnoit facilement & d)e bon cceur \| miC que cette forte îllufibn lui étoic néceuàire
pous luicux eotrei â4D&' fe fixa dea t6k^
J> E P A n r s. J7
Or 5 fauceiu: qui étok pcéfent, c'étoît moi; Ce famieux leâeur , par une contradiâioa finguliere , ëtott aâeur médiocre fur les plan-» chés , lorfqu'il ne débitoic qu'un rôle ; il lu% falloit une piec& entière pour dév:elopper foa talent prefque unique ; il donnoit un peu la comédie par tout l'appareil & le préambule qu'il mettoit dans fes leâures^ mais cela ne le rendok que plus rare.. Enfin il fut célébré & fêté dans les provinces comme dans la capitale , & par - tout il fit oubliée fauteiu;
CHAPITRE CCXIX. Préteurs à ta peikc Semaine^
Vifiirièrs qu'on ne connc^ guère ipi'àPar»;^ & 911 jugent eux-mêmes leur. niétier et<* tréniement hmteux , puffqu ils ont le fironi perpémellement voilée Leurs courtiers habi- tent autour des lialles ; ks femmes qui ven» idenc desfniifis & des légumes qu'elbs por-* lent &aL Cévmtmrt , les détaiUeuiTi en : txxjs
S euros ont be&nn le'plus fôuwent de la ma* iqne avance ifun écu de fîx livres pour acheter des maquereaux , des pcMS , rdes gror lèilles y des poires , des cerues. Le prêteur le confie k condition qvTon lu rapportera a(^
Jf T A B'L t A-^U*
bfeut dé la femaîhe fept Iî\rres ^atre foli ;- ainfi Ton écu , quand it travaille ^ lui rap- porte près de fofxante livres par an, c'eft- à-dire^ dix fois fk valeur. Voilà le taux mo-» déré des prêteur à Ja^ petite femainej . '■ J *
Si je dtfois quedes hommes opulents font: àînfi manoeuvrer leurs fonds^ & qu*ib exer-» cent cette ufure énorme fans remords ; quelle • idée ne (è formera-t-on pas de la dureté de • certaines âmes , & de leur foif cmelle pou? les richeflès?
Mais lequeldoit furprendre le ptùs , dâr là détreflè extrême de ces petits détailleurs » qui ne (avem pas avoir nx livres devant : eux , ou du fuccès confiant d'une au/E ter-* rible ufure ? Mais^quî ^ ayant tout fbld^ & : payé , rcfte avec un louis .d*or en propriété abfolqe'î rolèrois dite^qùe'ié^tîers de Paris ; c'en èft pas encore venu là : aufli les av^fÊ^ teiirs (àvent eombieii l'elpidce^ mçnnoyéê d^ - vient 4-arè dé^ jour ett joiir^"; parce que» ki ; emprunts^ publics , ces funeftes abimbants des fonds du commerce , en ont tari le cours; .
Ils vendent <kKiG l'àrgentitout' ce qu'ils : peuvent' le iténdlev or pliïjioiï/jeft pamne^ , m'oins ùa ^1^ asfir autrement <;qèè a pièce de nîéilhoië' k la màitt^ Pbint de crédit : pour l'indigent \ & pa» l^méme raifon qu'il «' paie le vin & la viande bien plus. cher que - te prince du fàng, il acheté un éca de Gk-, lîvces à uu. prix exoiJbiraut . : de. l^ vient jqu^24
M-efidâScilé de jTomr (b £abyme oii il eft "plofigé , lë& mains & les pieds lui gliflènt qtian^ il veut s'élancer au dehors ^ car il eft Ineft' plus difficile de. faiire fîx franc» avec cinq fols, que de gagïier un mîUiotKavec ijïx mille lirr^..
" Oh ! qui ne reculé pas Toeil époorantë^^ -quand il vient à contempler de prq^ la hit* ce étemelle deJa-milère de de l'opulence? - Ces avanceurs ne s'en rapportent pas tou- -jours à leurs courtiers ou agents ; ils font cu- rieux deux buUoîS' fois l'année de voir Taf^ 'ièmbrée deces étemeb débiteurs quî les en- richiflènt , & de juger par eux-mêmes de h* difpofîtion des efprits & de la. manœuvre des ftibaltemeSi '
Le même homme quV porte un habit d^é- €arlate> des galons, la canne à pomme d'or,
2ui ne fort qu>A voseui^ , qui fait briller k m doigt un riche diamant, qui. fréquente •les fpeâacleiL& voit bonne compagnie , prend certains jours duiBois un habit râpé ^ une vieil- l€L.pemique , de vieux foulicrs^ des bas rappe* lafBs^laifle croître fa barbe, fé peint les che- veux & (è blanchit les fouicils : il & rçand alors dans inve maifon écartée, dans une •Elle où il n'y à qu'une mauvaife tapiflerié'^ .un grabat, trois chaifes & un crucifix ;i là il donné audience à foixante poiflàrdes, re- vendeulcs & pauvres fruitières 'y puis il leur dit d'une voix com{>olee : » Mes axuies. j^
vous voyez i|uè je ne fuis pas {)lus ildie 4}ue vous , voilk mes meubles , voilà le Ur* cil je couche quand je viens à Paris \ je voiis^ donne mon argent fur votre confcience 8c religion v car je n'ai de vous, aucune fîgiufc- ture , vous le favez , je ne puis rien réda- mer en tuflice. Je fuis utile à votre coixit- nierce; oc quand je vous prodigue ma con- fiance 9 je dois avoir ma mreté* Soyez donc toutes ici folidaires f une pour Tautre , Se jurez devant ce crucifix ^ Timage de notre divin Sauveur, que vous ne, me ferez. au- cun tort, &que vous me rendrez fidellc^ ment ce que )e vais vous confier «,. -,
Toutes les poif&rdes & fruitières Icvei#: k main & jurent d'étrangler celle qui ne féroît pas fidellé au paiement : des (èrnientK .épouvantables fe mêlent k de longs fîmes; de croix. Alors l'adroit fycophante prend \t&. noms , 8c difirîbue à chacune-un écu de fis livres^ en leur difant , » je ne gagne pas ce iique vous gagnez , il s'en faut «.La cohue fe difTipe & l'anthropophage refte (eul avec deux émiilaires dont il règle les comptes &: 4)aie Its gages*
• Le lendemain il ttaverfé les halles Se ht {dkce Maubett dans un équipage ; perfoime one le reconnoit & ne peut le reconnoîtrej c'feft un autre homme ; il eft brillant , H cft reçu dans la bonne fociété ^ & fouvent
au coin de vo^ cheminées de nurbre ^ Sk
B s P A H I S. 4f
parie de bien&i&nce 6ç d^hittilanké/ Pem lônne ne hu cbntefte la probité, l'honneur^ même cme forte de génâ^d^f Ôc pendant ^'on le juge ak^li , InviâUe & pt'éftnCy datist quatre ou cinq entrepôts obfcurs , il pompe, il exprinie la fubfUnce é^ pauvre peuple*
C « A PI T R R CiGXX. Charlatans»
Kjn nomme :aîn£ jceost qui , montés (ùc les tréteaux > appeUenOïles paflants dafis les places puUiqœs. Le pcenûet médecin dit xoî a cfaoffî jtous ces Yendeunu d'orvûécan ^ qui ntuTbi^nt aux intérét^(fii la- compagnie fourrée. Il n'y en a plus narai^oant le peui» pie , & c'dd don^nagé^ car le doâeur Sa^ croton difoit à ion élevé yen M faifant fé^ snimération des avantagies du charlatantfme ; Comptes4u pour rien de voyager par^tour p de porter te Jabre au côté , les pijiolets à V arçon , te bonnet fourré en tête ^ davoit un char qui., arrivé fur ta ptace, fi mé^ tamorphofi tout^-à^coup en théâtre^ avec kl rapidité ydtmc décoration d^ opéra ; & ta , fimbtable aux orateurs Romains , de, parler en public , haranguant tour^à-tour ks nations \ ^partant m iiberti à unpm*
42. î A B t » A If^
{^\ourdhuL,,(m puhUcJtti.Pcrfonnç^ motA émi^pcrfhrme,apfi€pti wus. Tu^f^euxTCufi fir pflr lapatbU^ çf alUrptus loinque^u^
rjus de pos, Thomas^ plus^de haiangueun fous la \route du ciel* Le premier médecin ^r,dé^|Ut finis pi^ Xfs deniicn re&e» ^ liberté ,' 8c penbiîne ne difliribue pliK m opiatis]^ ^[clhci'ts i ni jppudrA- Lp .mé- tier appartient en totalité . aux fùppôts de.* la faculté.
Les charlatans fc font réfugiés dans P^mr- pire des fdences Sc^e^ la. litcératiare. UvÀ. vous .promet lajdécouferte: démontrée dc^ It définition cxaâe d'an ^nt univer&l-, .^- 9 la. propriété de ^ ^modifier la .matière eti^ tout &ns , .&i d'opérer toutes les merveille» - de la nature.^'
L'autre voûs-^ explîquôra , d'iîne maniera daire & dénbonflraô^e y les caufes de^ Tat^ traôion , der Ix rotadon des planètes fur leuf . axe^f & de leur; drconTobtion autour du - foleil^
Le troifîëme vous donnera la ^théorie du (bleil ^. celle des étoiles, des mondes, des planètes ,. -des comètes, fur --tout de notre gjlobe , éc détfonera JbTei^tcnsu pour foa.couà 2'efîài, ' !.
Un quatrième, moins ambitieux , nr vous oi£:e que Jeifecret de .k. génération^ il.voui^
n E p A n I s. 43
tlîra , pour une- foùfçriprion de titentf - fet livres.^ ce que c-eft que réconomie animale;. U vous înfijruiia par - deflùs le marc&é du mé^ chanifme des paflion^ ,& vous aurez U (cîen^ ce univerfcUe pour douze ëcus.
Rangeons dans cetçe clafle ces naturalifles- qui, en robe-* de -chambre, en pantoufles &. en bonnet ;de nuit ,. font de» fyftêmes fi» h formation .des montagnes , qu'ils n'ont jamais vues xih parcourqes ; qui , feichauf&ot a un bon feu , écrivent fur les, glacien do . la Suifîe. Ils n'ont examiné , ni les maîtres Xîi les granits des Alpes , & ils prononcent fur ces grands objets, en ordonnateurs des ifnot\d<îs ^ expUqvkant die : deflùs- leui:. latuiîfe] là ftruâure Se les fondements du ^ksbo:^ tandî^ que leurs pieds n'bnt jamais foulé'jni un itochei ^eve,. ni un: abyme uh peu profond Bjemôc & ofèront dire^, je vois. diAinâement le n(^aa de la terre , car il eft tranfparent pour moi* . Kangeons : encore aàns la même claflè Ces acadéJiiicjeps. beaux • efprits , qui n'ont rien écrft, dont ie^ no£Qç,{ont inqonnus>,.qui colo- rent les penfions , & qui fe font payer pour des ouvrages qu'ils n'achèveront jamais : ils difent refpeâer le public, ce qui reflèmble beaucoup au refged dés impuiilànts pour les femmes,
Polydore porte lé petît-collet , paflè-port de l'impudence ; il veut fe donner non-fèu- lemenc un air d'émdition , maïs de goût ^
44 Tableau
maïs de fupérîorké, mais de génie v il pari* avec emphafe d'un auteur grec , il fe ré- crie fur la beauté de Texpreflion , fur la fineflè des tours. Les modernes n'ont pa^ Fombre de cette phyfionomie. Le divin Pîn- dare a le rithme qui conimiuiique avec les dieux , & le fublime Homère frappe mep* veilleufemeiit Tanapéfte. Quand il a pronon-^ té ces grands mots devant des femmes 6c quelques financiers, il fe recueille & fè tait^ comme fi le génie le faifîfibît tout-k-ccKip^ & Paccabloit de tout fon poids. Ne diriez^ vous pas que Polydore a étudié, médité Tau- teur dont il a parlé , qu'il le poflède • par* &item#f!t9-^yez fôr 4iéanmpin$ qu'il i/tfna là <nië h^ tïraduâion tdût au plus , qu'il etîtëifid mal te texte, & que s'il ra ouvert {nr fil table, c'eit pour en impofer aux fots; Sc comment croit-il en impofer à d'autres ? On dit aux charlatans des places publiques , gui- riffh^:' on pdutroît dite aux chanatans lit* téraires , plus nombreux que jamab , impt^ mc^; Dfiais ils n'imprimeiit pas% '
o
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D E P A 11 I s. 45
CHAPITRE ce XXL
Vcrjificaieurs.
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J.ls pullulent. Malheur à qui fait des vers en 2 78 r ! Le François 9 (a provijion bien ^m« ^ pic ; il eft devenu e;xce(iivement difficile ; car queft - ce qu'une nouvelle^combinaifoa des hétm(Ucties de Racine 9 Boileau , Rou& feau-, Voltaire , Greflèt , Colardeau ? Ce ti eft pas trop la peine tle nous donner labo^ xleuCensent la mèine empreinte ; n'eft-ilpas tldîcule de voir fe^ M. Dosât arotr 4^ des copiftes 8c des imitateurs? Quand on lit ÏAlmanaçh des MvfcSy ne diroit-on pas que toutes Jes pièces de vers font du même auteur ? unt les idées , le %le & leton ons une couleur unig^riBe. ...
Quand on rencontre un verfîficatear, if &iit lui dire, poi;r ^vit^ toute difpute , j^ ne me çonnois pas en vers. Alors il vous prend ap mot ^ .& vous, dit modeftement^* qu'il n'y a que trois ou (fuatrc perfonnes en état'd'apprécier ioà mue talent ^ -que fe^dift par txcdUncc^éii x^^^xi dans fa tête* ât aatis celle de ttçiis 01^ quatre pcrfojanès , quji f i^dmirent. Ou fouf jft , jtôut^ bas , Sc pn 1^ kiilè due , car cela le rend bienheureux*. '
^6 T A B I ï: A u
Sî JTon difôit k un verfificateiir qui couct toiidbelle hémiftiche pendant un mois en- tier , que tel écrivain en profe ( qu'il n*a par lu,; parce qu'il ne lit qWe Aacine) eft un grand poëte , que tel écrivain Anglois qu'il appelle barbare^ outre (on 'originalité & £bn génie , a fouvent plus de goût que Ton BoF> leau , il ne vws -comprendrcat certainemeol pas : aufli cootentez-^vous de lui c&e , je" njé me connois pas en vers. Par ce moyen , vous ménagerez vos poumons , & vous aurez le plaifîr de voir jufqu'à quel point un verfiiSca-* ceur déraifonne & rétrécit fks idées.
Mais c^eft encore plus la faute de la Ian« gue que»îa fîerine propre; Ce verfificateur lue^ .navaille, & il ne manque au fonê que 4ie diicemementi *
Qtfeft-ce qu'une langue où le génie 'k chaque pas rencontre robflacle invincible de quelques diiEcultés grammadcales^ où la chi- cane à chaque vers troiAre à Reprendre , où hsjbidigneurs (i) gagnent tout le terrein que perd Kécrivain tadaciéux^ où toute in-
->
DE'- 1?A.3. I «. 47
iKxvadon a le dedbit^^iôu cette cxpreâïcnide Cariieilie ilV'pu ft :natùraliren> : ^. • ^ •
II faut dire hardiment que cette lan- gue rfeft pas poétique ; que (à poéfie n'eft qu'une prdfe rimce ; .qûVUe Ti'a ni abon- dance, ni énergie, ni audace; qq'cllen'en aura ]ZTrvSs ^ mi6çiCil eft. défendu de Penri« fcHr ^.puîfquelaTnaithe^ Idîti 'd'être libre^ fiere , eft conipaflKe , mefiiféè ,'retrécîe ,' foUr- mifè au compas. Ajoutons qu'il faut être in- fenfé pour ^îdïnjettîr au lâche caprice d'un peuple attaché k ces (bttes habiniues.; con*- fiiltant les joumaliftes V aflàflii^ périodiques de la poéfie ,•& qui , conformciïieht k leur ftyle tampant , rejettent la jEbrce Sc.l'énergîe ^ lorC- que le poète s^en ^ert pour pjriadre les pcnr» ices 2vec les ' fons qui lui plaîfènt. '
Puifque ce penpie ne veut adopter que ce ju'il a , foTttâÙe oc indigent ^flbueau oc foa ec & dur Rouïlfau^ il faut Je laîïlè^dàns le loin pMéfîle dé (calculer 4<» *lyllabès , au lîea ^a'imagmef & dt crëer^HîificTcmleîd'expf^^ •fions qui hri 'manquent. XàpréuVè que ïk poéfie eft nulle, c'eft qu'il eft encoteà s*cn appercevpîr.
Les verfificatews ne, me pardonneront pas ce chapitre V je parlè.néanmoins en leur laveur, & les poètes m'entendront.
Il eft ur^ parallèle qui revient (ans ceflê ^xis Jes coAveriations des vexfificateurs ^ 8c
?
le
48 T A 1 L E A U
qui m^ennuic écrangement ; c'efi le paraHele de Corneille 8c de Racine, ^véc une lueuiD de Jjitfiéiamre , des fots parlent une heure en** tiere ûr cet objet , & ont Tair de dire <peW que cibofe. Cela pafle dans les brochures que le plus petit commis, au lieu de faire des bordereaux, fabrique avec une ^rte dç préfompûon ; & pluf^eurs jpurnaux roiiloit a Tappui de trqis ou Quatre no|xis femïïla- hles inceflamment reflàfles.. On dirou quf feflbrt de FeTprit humain fe trouve dans une tragédie françcile, & rîen dephisÊua cependant* ;
Un jeune homme vint prier Timothëe de fui apprendra, k jouer de la flûte. KTavez^ vous pas déjà eu quelques maîtres , lui de^ çianda le . pojete t Oui , r^Hmdit le jeune homme. Ëh bien ! repUqua Timothée , en devenant mon difciple , vous me devrez une
plier les principes dont yqos êtes im]hù , 8ç que je vous enfeigne enfuite ce dont vous jae . vous doutez feulement pas. .
.4 • > «
* ■
i' . .' ».
CHAip;
DE Paris. 49
CHAPITRE CCXXIL
Calembours. >
Xjalanguç menreilleufe des calamboars tire à (à fin. Quelques adeptes la cultivoient , 8c elle leur tenoit lieu d'efprit & de talents. Que vont-ils . devenir ? Comment une fi brillante xenommëc s'évapore-t-elle fi promptement > Quelle ingratitude après tant de cris dad- miratious ! Oh , que le peuple de Paris eft léger dans l'encens qu'il prodigue !
On citoît , on claflbit ii part ceux que l'inC* piratlon ou lekaCard avoîent favorifés^ &c de fort honnêtes gens qui n'auroient jamais pu fe faire imprimer o^ incognito , étoient par-^ venus , à l'aide de ce nouvel idiome, à com* pofer une petite brochure qui les plaçoît fu- bitement au rang diftingué des heureux plai- (ants de ce monde.
Le peuple ne les a pas trop goûtés ; il a mieux dmé le langage de Vadt qui peignoir une nature baflè , mais du moins exiftante. Il ppuvoit juger de la reflèmblanee ; mais lorlqu'on voulut lui expliquer toute la fineflè d'un calambour , il dit dans fon ftyle naïf: Quand Jean Béteejl mort , il a laijféhien des héritiers.
Toutes ces mauvaifcs plaifanterîes ten^ Tomt IL C
^o . Ta- fi l e ^ u
doient k dénaturer la langue , à prefcrire le peu de mots nobles 8c harmonieux qui nous teftent , à gêner perpétuellement l'écrivain^ obligé d'aller au devant de Téquivoque folfe ' ou licencîeufe. Les frères càlambourdiers fc font donc rendu coupables du crime de U:^ majcflcfrançoife , qiuant à la langue , noni- bre d'expreffions font devenues impropres dans le ityle ôc dans la convetfàtion , parce qu'ils les avoient profanées. On revient de •ce ridicule qui ne pouvoir être durable •& qui a trop duré \ mais c*eft aux écrivains fbfH fés qu'il appartient de fe roidir dans tous les temps contre les excluions bizarres de mots, & de braver les mauvais plailàntâ & les fots rieurs qui abondent.
CHAPITRE CCXXIIL
Feux dartificc.
Vyn a remarqué qu'il ne s'étoit prefquè jamais donné de fpeâacles extraordinaires au public , qu'il n'y fut arrivé quelque mal- heur : la populace Parifienne ne fait point établir Tordre dans fesmouvemenjs^ une fois fortie des bornes , elle devient |)étu** îante , incommode & tumultueufe»
C'eft par cette raifon qu'on^ a fopprimé
;© E Paris. .51
îe feu de la Saint - Jean , & les feux que J'on tiroit pour la naiilànce des princes & princeflès , ou pour des viftoires cquivo- <jues. Au lieu de ces ftériles jouillànces , on <jiiarie des filles , on délivre des prilonniers^ Eh bien ! ces idées - la font encore dues à sdes écriva'ns patriotiques.
Je voudrois voir tous les artificiers du royaume ruinés : ce luxe de nos fêtes amené toujours quelques accidents ^ & comment .|)eut-on fe réfoudre d'ailleurs à voir fauter en Faîr ce qui pourroit fuffire à l'entretiea & à la nourriture de >cent familles pauvres pendant une année ! Comment donner un fi grand prix d'un plaifir G court ! J'aûiie encore mieux les cocagnes de Naples, où les rigoureux lazzarons font un repas qui dure trois jours, & artrappent un gifët par deflug Je marché.
II eft bien inconcevable qu*on ait choifi
pour l'exécution de ces feux d'artifice^ hi
place de Grève , qu'on ait vu l'effigie du fbu-
verain élevée avec pompe fiir le même pavé
^11 l'on a écartelé Ravaillac & Damien :
• cpmnlent les emblèmes mythologiques de la
'^oie publique peuvent-ils fuccéder à la roue
& au bûcher ? & comment érige-t-orr les
armés de Fra/zt'e au même endroit eu trois
jours auparavant l'échafaud dégouttoit du fang
xdu crime ? Comment & pourquoi le corps
.municipal a-t-il£u fi long-temps des idées il
V
«52 Tableau
fcadès & fi rampantes ? Pourquoi ! OefL •qu'il vouloit appercevoir de fes fenêtres ôc ^avec la même aifance le (tu de joie & la potence.
Connoiflèz-voqs , mes chers leâeurs y un î)eau feu d'artifice ? Ceft celui qu'a donné le feu roi de Danemarck ; il fit dreflèr une telle charpente. Le peuple amoncelé s'at- tendoit aux fufées volantes, au bruit des -pétards ., des gerbes brillantes & pafl&geres. •Quatre hérauts d*arm€S , magnifiquement vê- •tus , parurent aux quatre coins de l'édifice ; =î!s tirèrent chacun uii papier , le peuple fit lilence ; c'étoit un édit généreux, qui remet- toit au peuple quatre impôts fur les denrées, ^es plus à charpe à fa fubfiftance.
Il n'eft pas befoin de décrire un feu d'artî- %Qe\ toutes les expreflîons n'atteindroient pas k la rapidité., au brillant , au tonnant de ces gerbes radîeufes & enflammées qui charment l'œil fans le bleflèr , & plaifent à l'oreille fans l'épouvanter ; mais il nous fauf décrire les banquets ou la munificence des «chevins appelle le peuple.
Ces buffets font merveilleux dans les def^ -crîptions ; de près , cela fait pitié. Imaginez des échafàuds d'où l'on jette des langues fourrées, des cervelats, & des petits-pains ; le laquais luî-mémc fuît le fouciflbn envoyé par des mains qui s'amufent \ le lancer avec Ibr^e à la tête de la multitude* Les petits^
, D E V A K l 9. $}
{mm deviennent , pour aînfi dire , des cail- aux entre les mains de ces infolents diftrî- buteurs. Imaginez. enCiîte deux tuyaux étroitS' qiii verfent un vin allez infipide. Les fortsi de la Halle & les fiacres s'uniflènt enfera-- ble , mettent un broc au haut d'une longue perche 9 relèvent en l'air: mais la difHculté eft de Paflùjettîr au milieu d'une foule ^mr- portée & rivale y mii déplace inccflàmmenr. le vafe où coule la liqueur; les coups de^ poings tombent comme la- grêle; il y av plus de vin répandu fiit le pavé que dans Je* broc; celui qui n'a pas les larges épaules d'unî porte-faix, &, qui n'eft point entré dans la^ riguc , pourroit mourir de foif devant ces. fontaines de vin , après s'être enflammé le gpfier par la charcuterie..
La petite bourgeoiCe, que la fîmple cu- riofîcé a amenée , s'écarte avec frayeur de ces hordes qui viennent de conquérir un feaa de vin : elfe craint d'être heurtée , ren^- verfée, foulée aux pieds; car ces terribles. CQfiquérants vont revenir pour chaflèr leurs- lîvaux , & mettre à fec les futailles.
L'abj^dion & la mifere, voilà les con^ vives de ces fameux banquets ; voyez - les. dévorer debout les cervelats qu'ils ont at'- trapés ; on diroit d'un peuple famélique , livré dépuis un an aux horreurs de la di* fette , & a qui un nouvel Henri IV auroit envoyé du pain & du porc aflaifonné.
C 3.
54 Tableau
Enfuîte des fymphonîftes déguenillés^ perchés fur des tréteaux, & environnés de fales. lampions , font crier des violons ai- gres fous un dur archer; la canaille fait uii rond immenfe, fans ordre ni mefure, faute, crie, hurle , bat le pavé fous une danfe lourde : c'eft une bacchanale beaucoup plus. grolfiere que joyeufe ; & comment donne- t - on une aulli fraide orgie pour une féte- natîonale ? Eft - ce ainfi que les anciens faî- foient participer les citoyens pauvres à Talé- greflè publique ?
Si Toiî jette de l'argent, c'eft pis encore: malheur au grouppe tranquille , où l'écu efl. tombé ! Des furieux , des enragés , le vifàge fànglant & couvert de boue , fondent avec cmpoitenjent , vous précipitent fur le pavé^ vous rompent bras & Jambes pour ramaflèr la pièce de monnoie : c'eft une maflè qui tombe & fe relevé , ainfi qu'on voit dans les forges l'énorme marteau de fer qui écrafe tout fur fon paflàge en un clin-d'œil.
On eft oblige de fuir la cohue tumul- tueufe , de fe retrancher chez foi , parce que Ton riïque de perdre la vie au milieu d'une populace qui vous blefle pour un cervelat^ ou pour une pièce de douze fols.
Ce qu'il y a de plus noble & de plus împofant dans ces fêtes , c'eft le Te Deum qu'on chante dans Téglife cathédrale. Le Li'uit du canon qui fe mêle par intervalles.
B JE P A^R r S.. 55
au ion de la mufîque exécutée par un or- cheftre (avant & nombreux , produit un. éf&i fîhgulief f rare & touchant.
G H A P I T R E CCXXIV.
Mcjfcs. .
v^n dît par jour quatre a cînq mille meC- fes à quinze fols pièce. Les capucins font grâce de trois fols. Toutes ces meflès in- nombrables ont été fondées par nos bons*, aïeux qui pour un rêve commandoient à ^ perpétuité le facrifice non fanglant. Point de teftament (ans une fondation de mcflès ;. c^eùt été une impiété, & Je$ prêtres auroîent refufé. Ja (epulture k quiconque eût oublie. c«t article , ainfi que les faits anciens le prouvent.
Entrez dans une églifc, a droite , à gau- • che y en face , en arrière ^ de coté , un pré- . tre ou confacre , ou élevé l'hoflie , ou la mange, ou prononce l'//e miJJTa cjl.
Des prêtres Irlandois fe font quelquefois . avifés de dire deux méfies par Jour; & vu nmmenfîté de la ville, le hafard feul aiait reconnoître la fupercherie. Un dou- ble appédt les forçoit à cette double celé- - firadon.
C4
56 ' T A B L E A U
Dans le Gecle paffî ^ un prêtre du Petit- Saint-Antoine étoît marié fecrétement , & tenoit fon ménage près de la place Mau- bert. Il fe panagcoit avec la même ferveur entre l'autel & fon époufe. Bon prêtre , bon mari , père de cinq enfants , il s'habilloit deux fois par jour pour tromper les rega^ & remplir les doubles fondions qui lui étoient également chères. Sa félicité fut traverfce par un cruel délateur j le parlement caflà fon mariage , & il fut exilé à perpé- tuité : heureux de ne pas fubir une peine, plus grave.
L'abbé Fellegrin n'étoit pas marié ; mais il faifoit des opéras tout en difant la meflè. Le démon ne préfidoit pas à fes compor- tions; car elles étoient extrêmement froi- des. On fit fur lui ces vers :
\j Lt- matin- catholique , & U fiir îMdtre y
// dine de l'autel & foupe du théâtre. ,
Un prince ayant nommé pour fon au- mônier l'abbé P * * * connu par fes nom- breufes & intéreflàntes produâîons, lui dit à fa première audience: M. l'abbé, vous voulez donc être mon aumônier ; mais fâ- chez que je n'entends point de meflès. *— Et moi , Monfeîgneur , je n'en dis point.
Où appelloit mejfe mufquée,^ une meflè
tardive , qui fe difoit , il y a quelques années^
au Saint-Efprit à deux heures -, le beau mondé
'^v pareflèux s'y rendoit en foule ayant le dî«^
B'E P A R I Sr. 5:7
net:. On donnoit trois livres au prêtre , parce qu'il étoît obligé de jeûner jufqu'à. cette- heure; la loucutè de chaifes y gagnoit en- core. L'archevêque a défendu cette meflè ,. & l'on a pris depuis la méthode de s'en.
Eaflèr. Il auroit mieux valu ne point abolir: i mejfe mujquée.
Depuis dix ans , le beau monde ne va. plus kîa meflè , ou n'y va que le dimanche ,,
£our ne pas fcandalHèr les laquais , 8c les. quais lavent qu'on n'y va que pour eux. Le' 3 Août 1670,1e nommé François Sarra^n , natif de Caen en Normandie ,, âgé de vingt-deux ans , d'abord huguenot y
Îuis catholique , mais toujours ennemi de a préCence réelle , attaqua l'hoftie l'épée à. la main , au moment que le prêtre la levoit^, dans ^é^^[e Notre - Dame , à l'hôtel de la Sainte Vierge. En voulant percer ladite hoftie immédiatement après la confécra— tîon,îl bleflàdedeux coups le prêtre, qui prit la fuite ^ mais fèshleflùrcsne furent pas» dangereufes..
Aujffi-tot toutes les meflès ceflerent ; onr. dépouilla les autels de leurs ornements ; l'é- glife fut fermée jufquau jour de la. rccon^ ciliation.
Le 5 Août, François Sarra:^nBt amen- de honorable, ayant un écriteau devant &. derrière , portant ces mots ^facrilegc impie^ On lui cojpa le poings, & il fut brûlé vi£
^8 Tableau
en place de Grève. II ne donna aucun fîgne de repentir ni de regret de mourir. . Le 1 X fe fit la réparation folemnelle di* faciilege commis. 11 y eut une procefllon gér.ciaie, où aflifterent toutes les cours fou- veraii es. Tontes les boutiques, tant de kr ville que de^ fauxbourgs , furent fermées par ordre du fieur de la Reynie , lieutenant de police. Voyez la Ga-j^tu de France i6yo ^ page 771 , jufqu'àla page 79 5^
Aucun facriîege de cette efpece, ^aces à Dieu , n'a été commis dans notre necle , malgré les éci its , les difcours & le grand nombre d'incrédules. L'on n'ia pas troublé- la moindre afperCon d'eau bénite ; 8c juC- ques dans les proceffions publiques du jubi- lé , le culte , toujours extérieurement ref- pedé, n'a reçu aucune atteinte.
On dira que la Barre d'Abberîlle a don-r né un fcandale public. Il n'y a rien de moins prouvé que la mutilation de ce crucifix fiir un pont. Ce crucifix de plâtre étoît à portée d'être renverfè à chaque minute par les charrettes , & le chevalier de la Barre -n'é- toît pas homme k tirer l'épée contre un crucifix ^ il avoît de la raifon & de la phi- lofophîe. Il mourut avec une fermeté tran- quille. Le parlement , uniquement pour prouver aux jcfuites fon attachement à la foi, rendit un arrêt femblable à ceux de Finquî- fitîon ; il s'en eft repenti lorfqu'il n'ctoit plus tcm-^s.
DE Pari s. . $9
On peut affùrcr qu'il ne févîra dëfomiaîs d'une manière aufli violente ^ que contre un nouveau François Sarran^n , fi un pa- reil înfenfé fe repréfentoit^ ce dont on doute très-fort.
On a Tair d'un fot écolier qui n'a rien vu & rien entendu , quand on le met a dé- clamer contre les myfteres & les dogmes. Il n'y a plus que les garçons perruquiers qui faflènt des plaifànteries lur la mefle. La dît qui veut, l'entend qui veut j on pe parle plus. de cela.
CHAPITRE CCXXV- Meji de h Pie^ ,
%Jn boargeoîs àvoît perdu pliifièufe fbùr* chettes d'argent -, il en acàîfa fa fervante, porta fa plainte , & la livra a la juftice. La pftice la pendît. Les fourchettes fe retrou- ▼erefat fix mois àpris fiir un vieux toit der- rière an amas -de 'tuiles, où une pie les a voit cachées. On (ait q^e cet oifeatu , par un in{- dnâ ine!xpircahle , dérobe & amaflè. de^ fiiaticres d'or 6c d'argent. Qa fonda k Saints Jean-en-Greve une me(ïè, annuelle pour le orepos àc Tzùie innocente. L'àme des juge?^- iâli^avoît yn piis gnind be&ui.
Q6:
V
6o T A B L 1 A tr
C'eft fort bien fait que de dire une mefler mais il falloir enfuite rendre L'inftruâion plu» icrupuleufe , abolir cette peine difpropomon-^ fiée au délit \ car la févérité exceflive de la: loi Tannullc entièrement ^ & le vol domet tique , très fréquent parmi nous , eft prefque impuni de nos jours , parce que le maîtro & le juge détellent intérieurement Ton ex^ tréme rigueur.
Une punition modà-éejmais inévitable^ rétabliroit îordre bien plus puiflàmment. .Sur dix fervantes, quatre font des yoleufes» Perfonne ne veut fe charger de Facculation^ à>caufe des fuites. On les renvoie , elles vor lent chez le voilm , & s'accoutument à Tim- punité: ^ -
Il eft trifte d'être obligé d'avoir inceflànir* ment Tœil ouvert fur les dômefliques , &: l'on peut dire qp'i Paris il ne règne aucui^s confiance entre le maître & le fervitciu:. Là maitreflè de la maifon a une poche rem-» plie d^ clefs différentes ; elle tient fous le pêne le vin , le fucre , l'eau-de-vie , les ma* carons , l'huile & les confitures. Les fem-^ mes de procureurs enfei^netu' le pain & le; xeftes du foupé , échappa à la voracité des clercs. L'une d'elles ébnt allée dîner en rilléj, & ayant oublié de donner k la fervante la clef de la miche , le troifîeme clerc , qui nç s'embarraflbit pas d'avoir fon congé , chargçt le bu&t fur les épauler, d'.un jrobuile porte-Caq^;^
1> E P A R I s. 6h
& entrant dans la falle à njanger , dît tout haut : La clef, Madame , voici V armoire ?'
CHAPITRE CCXXVL
La Feu-Dieu.
laa féte-Dîcu eft la fête la plus pompeufe du catholicifme. Paris ce jour-lk eft propre ^ sur , magnifique & riant : on vroit que lesL églifes poflèdent beaucoup d'argenterie , (ang. Compter l'or & les diamants; que les orne- ments font d'une richeflè peu commune , &. que le ailte ejafin coûte & a coûté excefli- vement au peuple \ car tous ces tréfors fta-<^ gnants ont été pris fur lui.
On dit qu'on a vu , il y a quelques an- nées ^ à la proceflîon de Saint-Sulpice , deux chevaliers de Saint -Louis carcflèr l'orgueil & le fafte des cardinaux , en portant l'extrê- mité de leurs manteaux rouges , à peu près comme des laquais portent la queue à une ducheflè. Seroit-il poflîble que des guerriers décorés, à l'appât d'une médiocre ou forte récompenfe , euflènt pu fe refondre à faire la fonâion des plus vils de tous les hommes ^ & cela aux yeux de la nation !
Qui ne croiroît , en voyant la pompe de cette fête , que la ville ne renferme aucua
6t Tableau
incrédule dans (on (eîn ? Tous les ordres de- Tétat environnent le faint facremeni:. Toutes, les portes font tapiflces ; tous les genoux fié- diiflènt ; les prêtres femblent les domina- teurs de la ville ^ les l'oldats font a leurs or- dres 9 les firrplis commandent aux habits uni- formes , & les fufils mcfurant leurs pas ,, marchant à côté des bannières. Les canons, tirent fur leur paflàge ; la pompe la plus fo* lemnelle accompagne le cortège. Les fleun y. l'encens , la miuique , les fronts proftemés , tout feroit croire que le catholîcifme n'a pas, un feul adverfaire , un feul contradideur ; , qu'il règne , qu'il commande à tous les ef- prits.... Eh bien , Ton a admiré la marche- & Tordre de la proceflîon , le dais , le fo-- leil, les coups d'êncenfoirs qui jàiliiflènt k, temps égaux , la beauté des ornements ; on . à entendu la mufique militaire entrecoupée de fréquentes & majeftueufes décharges ; Pon a compté les cardiiiaux , les cordons-bleus , les évéques , les préfident^ en robe rouge ,' qui ont afTifté à cette folemnité ; on a com- paré les chafubles & les chapes des différen- tes paroifïès ; on a parlé des repofoîrs : voilà. ce qui a frappé tous les efprits ; voilà ce qui- a attiré leur refpeû & leurs hommages. •• Le foir les enfants font des repofoirs dans les rues. Ils ont des chandeliers de bois j des chafubles de papier , des encenfoirs de* fer-blanc ^ un d^s de carton , un petit foleSl
0 E P A R I s. 6j
cfétaîn. Uun fait le curé, Fautre le fous-dia- cre. Us promènent Phoftie en chantant, dî- fcnt la meflc ^ donnent la bénédidion , & obligent leurs camarades à fe mettre à ge- noux. Un petit bedeau ùàt le furieux dès que l'on commet la moindre irrévérence. Les grands enfants qui le matin ont fait à peu
Îrès les mêmes cérémonies , lèvent les épau- îs , & iè moquent de la proceflion des pe* tits , quand ils la rencontrent»
Le marquis de Brunoî, fils du banquier Montmartel , riche de vingt-fîx millions j dépenfoit à Brunoi cent mille écus pour le fepofoir & la proceflion de cetre fête an- nuelle. Jaloux dlmprimer le plus grand éclat aux cérémonies de Téglife , il raflembloit de tous côtés des eccléfiaftiques , qu'il chargeoit d'ornements magnifiques , & qu'il traitoît cnfuite d'une manière fpJendide.. Comme fes parents folliciroient fon interdidion à raî- fon fur-tout de ce fafte religieux , il répondît au juge qui lui fai(bit fubir un interrogatoi- re : » Si j'avois donné cet argent aune cour- » tifanne , on ne l'eût pas trouvé mauvais ; je » l'ai appliqué à la décoration du culte ca- » tholique dans un royaume catholique , & » Ton m'en a fait. un crime «.
Ce millionnaire a été interdit fur la re- quête de fes parents. Les détails de f^n pro- cès font infiniment curieux ; & le caraâere du marquis de Brunoi eu un vrai phéno-
6^ T A B L 1 A Xr-
mené moral. Il vient de décéder. Son opt^ lence a fait fon malheur..
CHAPITRE CCXXVIL.
ConfeJfionnaL
Je traverfe une églîfe , je vois une robe: foyeufe , ondoyante , qui tombe avec grâce fur une jambe dont mon œil devine la lë*- géreté fie le contour : un mantelet ferre desL appas , fans en dérober Télégance ;* des che^ veux blonds percent à travers la coëffiire i je m'arrête , il faut que je devine Page fàni voir la figure, . . Ceft une beauté de dix-fept ans , qui eft à genoux dans la boite , le cou baiflë , & dont Fhaleine douce , firaiche 8c pure (e perd dans la barbe grifè (Tun capu-- cin V également intéreflànte ^ foit qu'elle mente par pudeur , foit qu'elle hafarde pat crainte des demi-aveux. Mais fi elle fe con- fefle à un jeune vFcaire aux fourcils noirs ^ au nez aquilin , à la belle jambe , aux man-- chettes liflees , quelle borne auront la eu- riofité de Fun 8c la naïve confiance de l'autre î. Je ne la vois pas , mais je devine encore eue fon fein palpitç ; elle parle & n'ofe fouf- iier. Sans doute elle eft innocente en com- paraifon de cette &mme âgée qui fait con-!»
D £ F A 11 I s. 6^
^^c- poids. Pourquoi donc la confcffion de la jeune fîUe eft-clle plus longue î Pourquoi !..• Qui l'entend î qui l'interroge ? qui fe fcnt afièz de force , de dignité & de prudence pour ne pas craindre fon cœur en fcnitant celui d'une jeune perfbnne qui s'agenouille ^ les yeux baifles , les mains jointes , qui at- tend fon arrêt ^ & qui ne peut pas pleurer les péchés qu'elle a commis ou fait corn* mettre ? Voyez-la fortir du confeflionnal r elle eft muette , interdite , penfive : elle fuit vos regards avec une modeftie profonde ^ mais le remords n'eft pas peint fur cette phy^ fionomie douce : la rougeur couvre fes joues; mais cette rougeur , on ne la prendra point pour de la honte*
Quand M. de la Lande lut k l'académie des fcîences un mémoire fur les comètes , & qu'on crut qu'il admettoit la poflibilité. d'un globe venant heurter notre planète & la réduifant en poudre ; comme une comète traverfoit alors notre tourbillon , le bruit de la fin du monde fe répandit dans tout Paris & plus loin encore ; car il pénétra jufques dans les montagnes de la. Suiflè. L'alarme fut univerfelle ; & l'aftronome , fans y pen- fer, fit plus avec fes rêveries que tous les
{)rédicateurs enfemble. On fe précipita dans es églifes avec tremblement & frayeur. On vit les confeflionnaux des paroîffès environ- nés d une foule de perfonnes qui vouloient
66 Tableau
fe munir d*ûne abfolutîon ;.c'étoît \ cjuî en-^ treroit dans le facré tribunal. Le grand pé- nitencier de Notre-Dame , à qui fcul eft remis le droit d'entendre les cas r^irvés y fut plus afiàilli que les autres ; autour de (à chapelle erroîent des figures telles qo^on n'ent avoit jamais vues ; des phyfionomies pâles & mélancoliques , des hommes qui ârm- bloîent fortir du fein des forêts \ leur con- feffion étoit comme empreinte fur leurs fronts j la crainte & le repenttr commencés n'en' rk)uvoient adoucir encore la férocité. Le jour marqué pour le défaftre univerfel , fiit écoulé fans que la terre eût été choquée : alocs^ tous ces vifages effrayants & effrayés dî^a- rurent ; la foule devint plus rare autour dei- confeflîonnaux : les mains qui ne pouvoîent luffire à marquer du figne de la réconcîlia*- tîon tant de têtes tremblantes ou coupables^. rentrèrent dans une oifiveté abfolue^
9 £ F A R t s» $J
CHAPITRE CCXXVIII.
Billets de Confeffion.
L
/archevêque de Paris ^ aufli fortement àé^ claré pour la défunte compagnie de Jéfus , que le cardinal Paflionei (i) en itûk l'en- nemi , s'étoit avifé de rcfufer les derniers facrements aux janféniftes ; & pour mieux les diflinguer ^ il exigeoit des billets de con- fefjion , afin de connoitre quel ctoit le di-* reâeur de la confcience du malade. Quand il refufoit les facrements^ on vouloir les ol>< tenir à toute force.
On a vu plus d'une fois un huiflier (ignî* fier au porte -Dieu d'apporter fur l'heure le viatique ; le porte-Dieu prenoit la fuite ; Je parlement le décrétoit ; les deux partis cou« roient à Vcrfailies pour avoir raîlbn ^ on ne favoit auquel entendre. Enfin ces querelles bizarres & fcandaleufes ont fini , grâces aux gens de lettres , parce qu'on s'eft moqué fort haut & fort à propos de ces quittances far cerdotales»
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(i) Ce cardinil fe âifoît fort de prouver l papier fur table , que le général des jéfuites dif» tribuoit pour 14 millions de penfions fecrctef en Europe*
66 Tableau
fe munir d*ûne abfolutîon ; c*étoît k (Juî en-^ treroît dans le facré tribunal. Le grand pé- nitencier de Notre-Dame , à qui feul cft remis le droit d'entendre les cas rSfcrvés ^ fut plus aflàilli que lès autres ; autour de fà chapelle erroient des figures telles qu'on n*en avoit jamais vues ; des phyfionomies pâles & mélancoliques , des hommes qui itm- bloient fortir du fein des forêts ; leur con- feffion étoît comme empreinte fur leurs fronts;^ la crainte & le repentir commencés rfetf pouvoîent adoucir encore la férocité. Le jour marqué pour le défaftre univerfel , fiit écoulé fans que la terre eût été choquée : alors^ tous ces vifages eflrayants & effrayés difpa- rurent ; la foule devînt plus rare autour des- confeflîonnaux ; les mains qui ne pouvoîent luffire à marquer du figne de la réconcilia-- tîon tant de têtes tremblantes ou coupables^ rentrèrent dans une oifiveté abfolue.
#
9 Ji F A R i s» Gf
CHAPITRE CCXXVIIL
BiUtts de Cànfc/pon.
L
l'archevêque de Paris ^, auflî fortement dé- claré pour la défunte compagnie d^ Jéjiis , que le cardinal Paflîonci (i) en ^^ck îen- nemi , s'étoit avîfc de rèfufer les derniers facrcments aux janfëniftes ; & pour mieux les diftinguer j il exigeoit des billets de con^ fejfion , afin de connoître quel étoit le di- reâeur de la confcience du malade. Quand il refufoît les facrements, on vouloit les ob- tenir a toute force.
On a vu plus d'une fois un huîflîer fîgnî- fier au porte -Dieu d'apporter fur l'heure le viatique ; le porte-Dieu prenoit la fuite \ le parlement le décrctoit ; les deux partis cou- roient à^ Verfailîes pour avoir raîfon ^ on ne favoit auquel entendre. Enfin ces querelles bizarres & fcandaleufes ont fini , grâces aux gens de lettres , parce qu'on s'eft moqué fort haut & fort à propos de ces quittances fa^ cerdotalcs.
(i) Ce cardinal fe fàifoit fort de prouver l papier fur table , que le général des jèfuites di(^ tribuoit pour 24 millions de pendons fecretes en Europe.
68 Tableau
Le caraâere du prélat de la capitale for* mera un chapitre infùiimem curieux dans Phiftoire du fiecle. Ardent zélateur de la dît cipline eccléfîaftique, doué d'une volonté forte & permanente , il auroît eu dans tout autre fiecle la plus grande influence politique ; & dans le nôtre même , il a lutté contre le par»- lement & contre le trône avec une fermeté inflexible. Son parfait dévouement k- la puiC- fente compagnie de Jéfus a commencé far fortune , & il s'eft monué recennoifl^nt aïK âelà* de route expreflion.
La fkmeufe réponfe dç Jean-Jacques Rouf^ feau k fon mandement le citera à la poftérité la plus reculée ; & fi le prélat a bien fu lire^ ce morceau vigoureux & convaincant , îl a dû fentir qu'on pouvoit réfifter aux puiflàn- ces de la terre avec une forte d'avantage , mais qu'il n'auroit pas fallu Jouter împru* demment contre un philofophc armé d'une telle dialeâique^
e^L-v^-^j^
CHAPITRE CCXXIX.
Saint - Jofcph.
1^'eft une petite chapelle fuccurfale , fîtuée dans la rue Montmartre \ mais Molière & I^r Fontaine y repofent , de ces deux écrivains
B E P A K. I s. ^9
îorîgînaux me plaifent plus avec Fcnclon Se la Bniyere , que tous les autres auteurs du fie- <rle de Louis XIV , de quelques noms qu'ils «'appellent. Saint-Etîenne-du-Mont, qui ren- ferme les cendres de Blaife Pafcal & de Jean Racine, m'intéreflè beaucoup moins.
Blaife Pafcal avoit néanmoins des penfées ^e génie k côté de penfées abfurdes.
On fait qu'il fallut toute la fermeté de Louis XIV , pour qu'on rendît les honneurs .de la fëpulture à Pauteur du Tartuffe ; qu'un prêtre oratorien voulut faire faire amende' lionorable publiquement au bon La Fontaine.; /enfin, qu'on a refufé de creufec une foflè cour la le Couvreur & Voltaire.
•CHAPITRE €CXXX.
Protcjîants.. \
ijes proteftants avoient un temple à Cha- fenton , leauel pouvoit contenir cinq mille perfonnes; ils y tinrent leurs fynodes natio- naux de 1613 , 1631 , 1644. ^^ ^^ë^ ^^^^ de Nantes , donné par Henri IV , ayant été. révoqué par la dure j8c- aveugle intolérance de Louis XIV, on détruifit le temple en cinq jours.
On imagina d'établir Cir fes ruines ufi
7© Tableau
couvent où l'on pratiqueroît une adoration perpétuelle du S. Sacrement, comme pour expier ce qui avoir été prêché en ce lien contre la foi de la préfence réelle du corps de notre Seigneur Jefus-Cfarift dans TEu- charîflie.
Aujourd'hui les proteftants n'ont plus de teniple \ ils vont chez les ambafladeurs de leur communion : ils font néanmoins en très-
Îjrand nombre , & compofent un fixieme de a ville. Ik n'infultent en aucune manière an culte reçu , ni à ceux qui le profeflènt ; ils font paifibles, laborieux, & attendent en filence un changement que les lumières morales & politiques doivent infailliblement amener.
Pourquoi le parlement de Paris, ibllicîté
par 1 autorité royale d'aflùrer enfin leur état
civil en France , a-t-il tergiverfé dans l'ac-
compliflèment de ces vues fages & pater*
nelles ? Pourquoi s'eft-il oppofé à la fîjp-
preffion des corvées, à celle des maîttî-
•ies?... J'examinerois le pourquoi; maïs
jiion fujet m'emporte , & je ne puis Ta-
abandonner.
tTÎ
il £ P A R î S. 71
CHAPITRE CCX-XXL
Liberté RèligieuJL
ija liberté relîgîeufe eft au plus haut de- gré poflible à Paris ; jamais on ne vous de- mandera aucun compte de votre croyance: vous pouvez habiter trente ans fur une pa- roiflè uns y mettre le pied , & fans cort- noître le vifage de votre curé : vous aurez loin toutefois d*y rendre le pain béni , d'y faire baptifer yos enfants fi vous en faites, 8c d'accomplir la taxe des pauvres ^ taxe modique , que tout citoyen 4evroit tripler de Juî-même. Quand vous ferez malade ^ le curé ne viendra point vous troubler, à moins qu'il ne fbit impoli , ou que vous ne foyez un homme célèbre ou très-connu. Vous pouvez néanmoins lui fermer la porte au nez , fi fa vifite vous déplait trop fort.
Le prêtre n'entre plus que chez le petk peuple 5 parce que cette claJÎe n'a poiiH: de portier. Chez tout autre malade , on attend qu'il agonife : alors on envoie en hâte k la paroifle^ le prêtre eflbufHé accourt avec les iàintes huiles. Il n'y a plus perfonne ; la bonne intention eft réputée pour le fait.
On commande un convoi de cent pifto*
71 TAlLEAir
les , & Ton a à Fenterrement un fimulacre de confeflèur en robe théologale , qui n*a jamais vu le mort en vie : on lui donne un louis d'or & un gros cierge pour cette ccrni- plaifance. Le curé , le confeflèur , les héri- tiers , tout le monde eft content : ainfî le fage décampe k petit bniit pour l'autre mon- de ; il y aborde en louvoyant , fans trop choquer les ufages de celui-ci , & ûms eau* fer de fcandale.
Il y plus de cent mille hommes qui re- gardent ie culte en pitié. On nç voit dans les églifes que les perfonnes qui veulent bien les fréquenter. Elles font remplies certains jours de Tannée : les cérémonies y attirent la foule \ les femmes compofent toujours les trois quarts au moins de l'aflèmblée. On va dans le carême entendre les prédicateurs un peu renommés , pour juger leur llyle , leur éloquence & leur débit.
On difoît à un ^ éque , » de quoi vous plai- gnez-vous ? avez- vous vu un (èul , facrilege ? un feul phîlofophe a-t-il troublé le moindre catéchifme ? ceux qui prêchent en chaire ont- ils rencontré un feul argumenteur ou con- tradîâeur ? ils ont conftamment joui du plus beau droit poflîble , celui de n'être jamais in- terrompus ni contredits , quoi qu'ils difent *. L'évêque reprit : Plut à Dieu qu'il y eût de cmps en temps quelques Jacrileges ! on
penfiroit
» fi P A i I 5. 73
pétnftroit du moins à nous ; mais on oublie de nous manquer de reJpeS.
On n*a rcfufé la fépulture , que Je fâche , qu'à M. de Voltaire ^ & le curé de Saint- Sulpice a fort mal entendu ce jour - là \e^ intérêts de fa religion. Dix autres curés , à là place , J'aurolent enterré , parce qu'il étoit mort; ils Pauroîent enterré de plus, comme converti & bon jcatholique, ôc ils aui:oient très-bien fait. . Son corps n'en a pas moins été dépofé en terre fainte ; & fi on lui a refufë un fer\'ice à Paris , il l'a obtenu à Berlin dans Téglife Otholique , par ordre du roi de Pruflè, bon
Îlaifant quand il s'en mêle. Le fang de Agneau a coulé fur la. tombe de Fauteur de Mahomet. Le parti opiniâtre des philofo- phes n'en, a pas eu le démenti ; ii a obtenu la mefle pouf le repos de (on ariie, & au- cun d'eux ne veut être privé de cet avanta- ge ; car tel eft leur plaifir.
Les juifs, les proteflants, les déifies, les afhées , les janfénifles , non moins coupables aux yeux des molinifles , les riennijles vi- vent donc à leurTantàîfie; on ne dlfpute plus nulle part (ùr la religion. C'eft un vieux procès définitivement juge ; & il étoit bien temps, après une inflruûion de .tant de fieçlçs. Il h'y arien qui annonce un plus mauvais ton , * ^e de vouloir railler un prêtre dans une fo- ciété : il.faitfonniétier^ienient,ainri cjuun Tome //. D
-74 T A H L £ A -U
^officier fait le fien. Qii ne fcandâKfe pW perfonne^ & Ton n*eft plus fcsmdàlîfë. Quand if arrive tm jubilé, on cooit les
r ^glîfcs pdf ton : itiah cette ferreoMft paflÀ^ gère ; oc; C6ut qui ont vdtrbr fè montrer 4Sà^ ttoîhbredes croyaùts ^ pocor fe difUngtier^ ohh blient leur rôle trois mens aprè», & retom--
^Jbent dans rinfoifciancif ^6ale , cjÀ tfaffué* térife aujourd'fitii k ce iiijet tom lei hmatofé de la capitale qui ne (ont pas peti^.
Le!s lamieres ont amené ce twtsà dcfifia-
;b1e, & le fanatîfme eft rédfait k fe àéfOteÈ lui-même. On rfentfend fins parler di> 'yuÀ*
' lïifme 8c du molihifme que dans qMelqiie^ lïiâifons obfcures, ou régnent fat fottife df rhypocrîfie ; & patt^elques feiîmtesqWyB* pouvant partager les plaifirs dti monde ,'ÀmM- cûpent de ces vieilles dîfpotej devant dA habitués de paroîflè , (Kreôeurs nés àt hl
, canaiBe , & piîefqoe confondus avec elte*
M
c H A F î r R E CCXXXîl
Plébéiens.
,j\lâîs âûffi \t liherté pôMqite^ cfâ fert* eftcore plus prérfeufe , a Paris eft nulle. Je* fuppofe que Fon veuille refïofciter patfmfrtoot
lld Jttqna dcplçbéU/iS : eh bien ! cela ftroîtinf^
* D E P À R ' I 5. 7^
• pôllîble , parce qu'il n'y auroit aucun fens > attaché à ce mot. On ne pourroic pas dire Iç plébéien François ^>aînfi qu'on dit lepléBéicrt Anglois. Le plébéien n'exifte pas a Paris : il ^ftjyeUplé, populalce ou 6ourg.eois : il a dei titrfô', des makons, des privilèges ou de* dîatges -, mais il n'a pc^nt d'exîftence politî- -t^uè : il rfâ ni Fhabitudé ni le pouvoir cfex- poféî fans cofttraînte fa haine ou fon mécon- tônferfielit. ï>e plébéien Anglois )uge, pour ♦ âind dite eh corps , fes intérêts & (es guides: Il a un càraSefe de raiibn & de reâitude. Lé / , peuple dé P'aris ^ ptîs en mafle , n'a point cetl it\ftinâ lur qui démêle ce qui lui ferôit con« / vensAlé, parce qu'il manque d*inftruSîonJ qu'il né fâtt point lire, aînu cpie le plébéien Anglois.
Comme il ne jouît poîrit de la liberté de la préfïe , il manquera long-temps de capa- cité ^ il elt voué à l'ignorance. Sonpatrio^ rifme n'étant pas éclairé, il eft néceflàire- ment foible ou ne connoit que des faillies ui fe réfroidrflènt. Il nV pas même la ïitert^ [e fe livrer k fes afFeélîons : on redouteroit peut-être fes applaudiâements autant que fe^ naunnures.
Paris enïn n*a point 4e bouche publique ^ par où s'éthappc fe crî fort & direft de la vérité : elle ne tonne jamais à Toifeille d» fouverain ; elle fort d'une manière timide & détournée du fein du petit nombre quiv,
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76 T A B X £ A. U
fupportant moins le fardeau des mau^-pa-
' fclics , voit avec plus d'indiffirencc ies mé- prifes du gouvernement.
Aînfi point d'aftivîté, point d'énergie pour les chofes publiques , parce que le peu- ple n'a ni le droit de parfer ni d'être écouté. Il fait très -bien qu'on .métamorphoferoît en attentat fcdîtîeux , en révolte illégitime , k contradiâion la plus légère, la moindre impatience , & il fe rend fimple fpeâateur âes opératiotis miniftérielles. Il croit que le gouvernement eft , comme le cours du foleil , phyfîquement déterminé par une nature in- variable. Auffi la ftupîdité & Ilgnorance po- litique font le caraâere de la multitude à Paris, plus que dans les iautres pays de l'Eu-^ rope ; & je n'en excepte aucun.
On ne peut donc rien imaginer de plus fot que la manière dont un bourgeois parle des pliiflànces voifines. Il arrange tout fiar Kdée àwjyndic de (à communauté , 8r il prend la hiérarchie du commiJPairc, du Ticu-^
' tenant de police , & du minijtre^ pour le modèle de tout gouvernement. Il ne conçoit pas pourquoi des républicains fe mêlent fi
' vivement de la chofe publique ; il eft dîfpofé à les regarder comme des mutins, des ledî- tîeux , qu'un roi devroit moriginer , pourries
! rendre plus paifibles.
i> E Paris:. 77
C H A P I T R E CCXXXIII,
Capitation. t
X oute tête laïque la pale , même lê dàu-» phinde France v, comme premier fujet , ce qui eft un bon perfifilage. J. f. Rouflèau s'étoit obftlné à ne point payer de capitation , allé«^ guant que le bureau delà ville, qui avoit alors le département de Popéra, luidevoity&ir^/z/e mille francs pour fon Devin du village.
On étoit fur le point d'envoyer gamifon dans fon grenier , lorfque le receveur averti k temps, por^ le cas litigieux au tribunal du prévôt des marchands , éche vins & quarte-* Di'ers. II y eut afîèmblée ; & après avoir re- cueilli les voix, il fut décidé qu'on remettroifr généreufement les trois livres doic^efols dé- capitation (i) k l'auteur H Emile.
Tofe attefter ce fait , ayant été témoin des* pourfuites & de la réfîflance opiniâtre de Jean- Jacques. Il avoit défendu k & femme 8ç à fes amis de payer pour lui au bureau y fous peine d'encourir fon indignation éter- nelle« On lui objeâoit que. la garnifon n'a-* voit point de reiped pour les grands écrî-s
(i) C'eft la taxe ordinaire d une fervante*
D 3
78 T A, jl L )l A U
yaîns , quels qu'ils fuflènt. Eh bien ! répond. dSt-il , fi Von s'empare 4^ ma chambre & 4e mon lit , j'irai m'ajfeoir au pied if un arbre ^ ^ là y y attendra^ la mort, }\ éio\t homme k le faire comme il le difbit : heu* reufement qu'on reconnut à temps quel homme pauvre & illuftre on pourfuivoit, Jl demeurent alors au cmquiem^ ^ge ^ rue. Plâtriere, non loin de U gr^de pofif.
Cecinippt, qui ifà point un titre hono?. xsiûXe , alarme plus que le$ dixièmes & qu^ ]§s entrée , parce qu'il frappe direâtment ^n^yjidu , & qu'il foumet fa pcrfonne. S ; lappoirte peu en comparaifon des autires im^ pphtipns. Il ne difpofe pas le citoyen à coo- f^yoir de lui - même un noble orguc'ûi VIW 9 grâce au travail financier , il prend dlpiiis quelques années, un accroiilèment atw^ . bitraire, qui ne tarderoit pas à le rendre Ipurd & r(?dout^ble , fi la voie des réclama*^ tjQns n'ctoit pas ouverte. Le prévût'des mar» . chands eft juge en cette partie j & il fait 4rQit aux requêtes^ quand on s'y prend de . boni)? heure. *
A cette capitation fe joignent Iti; quatn» {pis pour livre , & la taxe impofée pour 1» ràablidèment du palais , &c. Tout cela coni-^ pofe un fecpnd impôt prefqu'équivalent au premier.
. ^Sî Id finaiic^ n'étûit pas i'amipodede la rgifonôç^e riuim^nitç, l'impôt feroir aflkv.
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Giï lés arts 8c le luxe, tels que les équipa^ ges , les h&tels^ les liiqtiaîs , les jardins ea* dos dans la ville ^ 8c Ton ne demanderok ^ de Ysageùt^\Ji-k ceux qui ont de Targent.
Si Ton ne payoît pas fa capitatîon , il n y aorolt pas âLCXôcution civile ; c*eft-à-dire , ^ <|Lfon n'cnleveroit pas vos meubles pour les - vendre fur le carieau : mais il y auroit exé" - çution miluaire. Le receveur , au nom du J»! de France ^ vous^ enverront gamijbn , St vous auriez chez vous des loldats qui conchcroient dans votre Ut , 8c qui feraient la foupe dans votie âtre.
Zi'opéra donne tous les ans quelques re-»- |>rérema)tîon5 extraordinaires pour la capita — ikyn des acieurs Ainfi ils paient en monnoie de finge vc'eft-^-4ire,en lauts 8c en gani- B^es : le furplqs leur tient lieu de gratî- - fieatian» •.
Il ya des capîtitîons de trente fols ; 8c ' Ton envoie des commandements de par le rot dans des cecoins placés fous des tuiles y. . 8c ouverts \ txx& les vents. Dans PInde , les pauvres paient le tribut avec des poux ; , ils donnent ce qu'ils ont. Les infortunés dont je^ parle , s'acquitteroient beaucoup plus fa- cilement félon la méthode indienne.
Des extenfîohs iaiçperçues ont doublé graduellement la capîtation. On a augmenté * de la même manière les vingtièmes , la . taille 8c JeS'-acccflbiresi 8c pendant quel*^
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8o Tableau
temps ? Sous radmîniftratîon de M. Necker. n a cependant pafle pour n'avoir pas mis d'impôts.
II faut que le bourgeois de Paris ait Fat- tention de ne pas ranger le commis de la capitation & des doubles vingtièmes parmi les citoyens honorables. Il doit, conforma ment à refprit & àlexpreffion de TEvangile^ les regarder comme des publlcains. Ceft une petite vengeance légitime , qu'il doit exercer en paflànt pour punir à fa manief e les âpres agents du fifc & la dureté de leur emploi , & fouvent de leur caraâere ; car ils font toujours difpofës a fe feparer-de Fîn- térêt général des citoyens , pour embraflèr & faire exécuter des loix arbitraires. Ainfi l'on ne doit pas les efiimer par leurs fonâions qui ont un caraâere oppreflif , ou du moins abufif. Voyez ce que M. Necker dit lui- même au roi , de la capitation foumifc à des principes incertains , & qui excite fréquemment des difficultés & desplaintes. Il avoue qu'elle dépend d'une répartition arbitraire. Qu'ajouter à ce mot î
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CHAPITRE CCXXXIV.
Filles d'Opéra^ .
X-i'argent coule pour des fêtes , pour des fpeûacles , pour les ftrvoles jouiuances du luxe. L'opéra , fur - tout , elt entretenu \ grands fraîs^ ^ pour efFémîner les courages ^ fondre lés têtes fortes de la. nation dans Iç creufet de la volupté , & les couler en mpL ïeffe. ^
On. n'a rien épargné. L'art des enchante^ reflès prodigue ces molles pofturcs qui jet- tent Vétiricnle des defirs dans de jeunes or- ganes. La^hardieffè de leurs regardî^, iqui de-^ vroît révolter, invite, une. folle . jeuneflc. On •ubiie que ces beautés ïbnt à. prix d\jr, & qu'elles ont. des. rivales qui ne font point vénaleis. On leur prête miHe gçaces picjuai*. tes , parce qu'elles femhlent pleines dii dieu qu'elles célèbrent & qu'elles chantent; & ce n'eft que dans leurs bra^ qu'on . fe djéfabufe de leurs ,charmes. Toute viâîme de la dé- bauche eft toujours une froide prétrefle de Tamour. ^'
Une fille eft enlevée au pouvoir paternel*, dès que fon pied a touché les planches du dieatre. Une loi particulière rend vaines les,
loix les plus ^ antiques & les plus folenuiel'* . les. Cme fille d'opéra fe montre aux foyen c, tputç r^fplencjiflànte 4^ 4îani^t$ : çlle e(l . refpeâée de fes compagnes , k raifbn de Gl robe éclatante ^ de f%*vaitMre. légère , de{è& ; chevaux fbperbes. Il s^établit même un in->. tervaUe entre elles , fejpn le degré 4*ofwlenf ^ ce , & Fpn ne dirpît plus que la plus riçlie feit le rneme rnétiçr. plj^ reçph ^vac haij^ . . teur celle qui débute : d|e..trj|îte avee l^ WÇ- . durefcnm^e de qq^ilit^i ,1c lïijouttpr fédui-^ f^nt & Pinduftripufe marçluiruip dc mo4e$. . Le magifb-at déride fon front en fa pré{èi)çe ^ . le çpurtifaix lui (burit , le ^lilife^r^ p^pfiç la , ^rufqwer. Sa .toilette eft tpqs Içs m^ôite fw- - ç^iargéç de npi^vpaux préfents; le Ptâol^ fejnplç rouler éterpellement çhe:^ elle*..
Mais la nipde qui l'élevé vient k çba^gçf» Une petîçe rivale qu elle n'appercçvoit pm^ ^ qu'elle dçdaignoît , fe rpet jniblçniimcnt for r Igs rangs, brille , J'éclipfe, & fait àéfeiKçt <, fpn fallon. La courtifanne ^i^pçrbe ^ qupi- qu'ay^^nt encore de la beauté , ft trouve Fan- _ née fuivante ftole > avec dçs dettes imnajeii- lès. Toqs les aniapts fe fpxit enfottîsL; 8c ^u^id fes a|&ires ff ipnt liqu^çes ^ ^ peîrvp ^ aura-t-elle de quoi payer fa chai^fl&ît.^ftf./ feftjrauge< .
ir « P A K T s* 83;
CHAPITItE CCXXXV. .
Répugnance pour le Mariage. .
X ai^db que tant de filles }ouiflênt d'une ? liberté lîcendcufe ôc (jui ne tooroe pas mê- > me an profit de la popuUtîon>*Que ferer<« vous de ce. nombre infini de nues, (bus ; Taile de leurs parents 9 auftei^ gardiens de : kurpudicité^ & qui {bm condamnées par lear indigence ., ou pat leur fotte fierté, k paflèr leur vie dans le célibat ? Ne (bn^-retles pas inceflànniment ûirle baisd de -Tabyme^j &.ne deviendront-elley pas tôt ou tard la proie de la niéUncolie oa^e la débauche ?
Xa beauté & h vertu n'ont parmi nous aucune val^r, (i une dotue vient à leixt appui : il &ut qu'il y ait un vice radical dans notre Jégi^telûon i ifiûi6{m les bomnies fiiient & redoutent de figncr le plus doux des con- • Q3is« ËSra^-des cbarge^ (|i>ntraine k titre ^; nwî^ l'bômnir nt vem plus j^yfit k tri- Itoi à une p^e it^^f ou abufêe.
Ck les i^nvu^s o«it agi çcmtr^ dks-nïê- Wif^' en fe livrant i»M^l^xry op lyyis rve fom^ nM^ pas ébignéa du deri^ tmr^ die la cor^ ruf^n. On ne presid pb$ de iemmes (ans
4»&>j(« biM»nafs.m k vsmcpt plu$ ou xie:
84 TABLEAU
fe marient cpi^k regret. Quel renverfement dans Tordre focial ! & quel eft le remède & apporter à ce vice politique ?
Comment n'y auroît-îl pas des célibataires dans une ville oii le vice trouve tant de fa- cilites } 8c comment la diïïîpation de nos femmes , le mépris qu'elles font de leurs de- voirs, n'épouvanteroient-ils pas les hommes fur les fuites d'un nœud que Fufàge tourne en ridicule , que lés loix ne protègent crae quand le mal eft fait , & qu'il n'y a plus rien à ajouter au fcandale ?
Détaillons dans les chapitres fi]ivant:s ce qui fait^ pour ainfî dire , du mariage un.ob* jet de dérifion. Tout Pavanoge eu pour le vice i & que refte-r-il k la vertu î
c H A p I T R E ' ccxxxrr:
Le Nom que vous voudrc^: ^ ■
JL#a foule nombreufe des courrifànnes, qùî anétent dans leurs filets la jeuneflè la phi^ brillante , & l'enlèvent aux autres femmes , a fait naître à Paris une efpece de femmes , qui, fins avoir l'efïronterie du vice, n'ont pas l'auftcre rigueur de la vertu. Elles n'ont pas la même adùrance dans le maintien ^ mais le regard à peu prè$ auifi çpinpiaifant:
D E P A R I s. 8^
•lies ne reçoivent point d'argent , mais elles acceptent des bijoux qui ont un air de dé-' cençe. Elles déclament afFreufement contre les filles , leurs rivales & leurs ennemies ; mais tantôt elles ont perdu au jeu , elles fè plaignent tout bas d'être ruinées , & on leur prête fecrétement de quoi n'être pas gron- dées de leurs maris , qu'elles favent craindre & non refpeâer.
L'homme qui veut les pofleder , n'auxa guère que la peine de changer leur navette, leur étui , leurs boîtes, parce que l'or ne fera point de pluGeurs couleurs , & qu'il cft indiC penfablê que la mode à cet égard foit coni^. tamment fiiivie.
La mode autorifeque ces femmes femon» trentau bal , au Colifée, aux (peâacles; & tju'on ne dife pas en les rencontrant, ccjiime telle, mais c'ejl Madame. une telle ^ à qui M *** donne le bras. Malheur à qui voudroit en médire ! Tout le cercle des bonnes amies , qui , de proche en proche , fe prolonge joC- qu'à l'innni , préndroit feu ; & toutes les fois que lemédifant fè préfenteroit quelque part ,' on auroit des migraines a fbn fervice ; il fe-' roît regardé comme le perturbateur de tous les petits arrangements de fociété , & , pour fe fervir du terme reçu , un monftre. Cette épithete m'avertit de clorre bien vite le chapitre.
tf 7 A B L I A^ITM
C H A P I T RE CCXXXVILl,
De certaine Femmes. .
Oii les femnii» attaquoîcht , que de^icn^ drions-nous devant leurs chamies ^ devaor ^ leur audace paiHoutKC & leurs amo^rmix : tranfports ? La nature leur a donno la pudcu jr , ^ eft une fuite du. défaut de forces qui leur ont été (àgement réfutées. Aujourd'hui çf r^. - tatnes femanes par défoeuirreniimt , par ciirÎQ- titèSc fur- tout par ambition , ne s^erdHènt point Pattaque : nms le fyftên:»e de la nature xHeifi pas xomçvi pour cela \ les homaies onU ÎP droit de refufer ^ ou en font quî«e po«t r miepajfade
Ce petit chapitre ne fera point entendâ t dans les pays fortunés où règne eiKore Pin- - nocence : ailleurs il ne. le fera que .trop. Jç ? n**i donc pas befoîn de Fachever. Cc^ bîen^ i à ïegrçt que ma plume touche à CIR t^cpEj I- tuàes V nuis je pewis Paifise :.
r, *^*
ir-E >Fa ,». r «i . ZT
CHAPir|lJ& ÇÇXX5CVIÏI. .
Fitks publiques. .
JC^lles fe donnent après tout pour ce <ju*élles. ^ font \ elles ont jtjin vice de mo}ns, rhypocri-- fie : elles ne peuvent çaufer les ravages qu'une femme libertine & pnide occafîoniie fou vent fous les fauf&s apparences de.l^mo* dcftie & de raipoof ^ Maihenreu(ès viâlnir$ dç Tindigence qu de ^abandon de leurs pa- rles , rarement délerminées par un tenV: péranicnt Ip4guf luc ; elles ne s'ofienfent m dç' routrage m du niépris ^ elles font avi^ lîçS à leurs proipres yeux V & ne pouvant plus régner par les grâces de la pud^iu , elles^^ ^ jettent du cuté oppofë, &el]es étalent l'a»-» daf e de rin^amie.
Mais il y a encore des degrés dans cet abyme de corruption ; Fune fe livre tout- J^-U-foîs aux plaîfirs & a l'argent; Pautre ^ ^â une brute qui n'a plus de féxç , Çc qui he^i'. fertt pas même la dériSou qu'elle infpire.
Nous n'ofiÈEinferons pas ici les oreMfes _ chaftes , ni les yeux de nnnoçence , en leur': p][érentaii|t les icen,es de b débauche & de fa crapule ; nous tairons les fantaifîes du li^ feçttioage.^ leç f^ûlftes &.le5 fougjiies. de ceçfe:
88 Tableau
cinquante mille célibataires voués k trente mille proftîtuées. Elles ront a ce nombre.
Ua peintre qui a. du. génie , M. Retîf de- là Bretonne en a tracé h tableau dans {5n P ayf an perverti: les touches^ en font fi vî-- goureufes , que le tableau en eft révoltant ^ mais.il n'eft malheureufement que trop vrai. Arrêtons-nous, & gardons-nous d'épouvan- ter les imaginations fenfîblcs ; car les dé- {brdres voilés deThumanité ne. (ont pas bons, à.mettre au grand jour.
Di{bns feulement, que le nombre des^ filles publiques ne favoriiànt que trop le dé- (ordre des pafHons , a donné aux jeunes, gens un ton libre , qu'ils prennent avec les. femmes les plus honnêtes ; de forte que dans ce ficelé fi poli , on eft groflîer en amour..
Nous fommes fi élofgnés de la galanterie îngénîeufe de nos pères , que notre converr fation avec les femmes que nous eftimons le plus , eft rarement délicate. Elle abonde: en mauvaîfes plaifanteriés , en équivoques & en narrations icandaleufes. Il feroit temps de corriger ce mauvais ton ; c'èft aux fem- mes qu'il appartient d'établir la réforme, en ne permettant plus ces propos qu^êlles ont été obligées de loufFrir , fous peine de palier pour bégueules»
Les pa (fions honteufes & publiques por- tent avec elles leur contre-poifon , & ne font pas peut-être fi difficitesà réprîixcerque cçlt
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1» £ P A H I s. 89
dent le dérèglement paroît excufàble \ en<- forte que je croirois o^xxrxt fille publique eft
lus près de devenir hpnxiéte fenimie , que
femme galante.
Mais le fcandale des filles publiques eft pouflë trop loin dans la capitale. Il ne fau- droit pas que le mépris des mœurs fût fi vifîble , fî affiché : il faudroit refpeâer da- vantage la pudeur & rhonnêtetc publique.
Comment un père de famille, pauvre 8ç honnçte , fe flattera-t-il de conferver (à fille innocente & intaâe dans l'âge des paflions , lorfque celle-ci verra à (à porte une profti* tuée mife élégamment, attaquer les hommes, faire parade .da vice , luriller au fein de la débauche, & }ouir, fous la prote&ion des loix même , de la licence effirénée ? Le retour qu^Ie fera (nt tWe-mème lui dira qu'il n j^ a aucun prix (blide attaché à l'exercice de la vertu , & elle fe laffèra de fe combattre elle-même, La raifon ne pourra pas lui faire appercevoir diftinâement les avantages qui rélultent de la fageflè \ elle ne verra que l'exemple le plus dangereux des (eduâeurs , fiir- tout pour (on fexe.
Auflî n'eft-il guère poflîble que Timagî- nation la plus hardie ajoute à la licence des moeurs aâuelles : la corruption dans le der- nier ordre des citoyens , ainfi que dans le premier , n'a pretque plus de progrès à faire.
On compte à Paris trejjte mmt filles pu**
JO T A B t Jî A ir
èliaues^ c^eû^li'iii^ y vulgivagacs ; & d» mule enriron moins inaecentes^ qui font tntretmujts^ & qui dTannée pn. année par- lent en di^rentes mains. On les appdloff autrefois fimmes amour$i^s , jfflkr fMf^ de leur corps. Les ffles poUiones ne font , point amoureiifes ; & 1î elles iont foHes df . leur corps 9 ceux qui les ûéqaentent fbm. beaucoup plus in(èn£és.
La police va chejxher des tjpionncs dans > ce corps infâme. Ses agents mettent cc^ < malheureufès à contribution , ajootent leiii$^ . defordres aux défbrdres de la cfaofè., exerr* (Cent un empire fourdement tyrannÎMe (îir -^ cette portion .avilie , qui penife qu'îi ny a plus de loix pour elle. Ilsfe montrent enfin - jguelauefbis plus horriblement cortompiQ . que U f^\:*^ viîv prQftîcvïçc ; car ceBe - d îic-
quîert le droit de les traiter avec méorS^ , tant ils remportent le prix de la bafleffè! Qui 5 il y a des êtres au-deflbns de ces fem- mes de mauvaîfe vie; & ces êtres font cer- t^ins hommes de potuè^
Une ordonnance de police fait dëfénfii ôiîx marchands de louer à ces femmes^ à ; prîx d'argent , à la femairie ou à la journée, des robes y des pellffesy des moMelets y & autres ajuftemen^s; ce qui prouve cfùn côté Fextrême mifere, & de Fautrc Tufure ef- froyable que ces marchands ne rougiflbient p^ d*exercerfur . ces créatures^ qui n'ont m
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meubles ni vêtements , &, qui fentient la iiécêffité de (e parer , afin d'être payées i uq plus haut prix; car une petijfc fe rtnd pliiit exigeante qu\in eafaquin.
Toutes les (èmaines on en fait des enlè- vements noâurnes avec une facilité qui , liep exccffive , ne fàuroh msuiquer de dé- plake au fpëculateur politique , malgré le mépris qu'inlpir e f efpeQç que Ton traite ainfî; Le fpéculateur Songera à ia violation de Kàfyle dpmeftique dans les heures de la fiuit , à la fplbleflè du fèxe, aux mauvais traitements qu'il efliiie , & aux inconvénients qui peuvent en réfiilter , ces créatures étanjt quelquefois enceintes ; car le libertinage ne fcs difpenfe pas toujours d'êtr.e mères*.
On les conduit dans l^ prifon de la ruç S^ Martin , & h dernier vendredi du mois cUes pttjfent à la police ; c'eft - à - dire , qu'elles reçoivent à genoux la (èntence qui les condamne à être enfermées à la Salpc- triere. Elles n'cmt ni procureurs , ni avo- cats, ni défenfeurs; on les juge fort arbir ttairenient.
Le lendemain on les fait mcinter dans, an long chajrriot , qui n*eft pas couvert. Elles •font toutes debout otpreflSes.. L'une pleure^ Fautre gémît ; celle - ci fe cache le vifage j , les plus effrontées foutîennent les regards de la populace qui les apoftrophe v elles rîpof- - lent indécemment ,& bravent le$, huéei.
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qui s'élèvent (ur leur paflàge. Ce char fcaii"» daleux traverfe une partie de la ville en pleio jour ; les propos que cette inarcfie occa^ fionne font encore une atteinte k rhonné-; teté publique.
Les plus huppées & W matrones , avec un peu d'argent, obtiennent la permîilioii, d'aller dans un charriot couvert*
Anivées à l'hôpital , on les^ vifite , & on l^pare celles qui font infeâées , pour les- envoyer a Bicêtre , y trouver la cjire pu la mort : nouveau tableau qui s'ofire à ma plu^r me , mais que je recule encore y frémiuànt de le tracer , & non guéri de fimpreflioa honible qu'il a laifïee dans tous mes fens.
O toi qui loin des villes refjpires eu paix l^r des monts, heureux habitant des Ah pes ! tu ne vois autour de, toi que des beau-» tés innocentes, pures , intaâes, comme la neige qui couronne les fommets refplendiÇ- fants de ces montagnes qui ceintrent l'ho- rizon \ dans ce fë jour des vertus , auffi éloigné par tes mœurs du fiege brillant de la cor- ruption , que tu en es loin par te^ goûts (im- pies & paîfibles, apprends à connoître & k mieux goûter les chaftes embraflèments d'une tendre époufe^ & les careflès d'une fœur aimée. Tu fais combien la pureté de l'amc & la modeftîe vraie &. touchante prêtent de charme & d'intérêt k. la beauté ^ quelle diftance infinie fé trouve entre le fou-
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rire maniéré & le regard d'une Parifîenne ^ & le front animé & pudique de ces vierges brillantes de fraîcheur &c de fanté, pour qui la débauche cft encore un mot fans idéesj Ah ! trop heureux républicains , confervez tous , dans vos paifîbles retraites , cette pu- reté de mœurs, gage de la félicite & des vertus domeftiques; pleurez fiir le jeune im- prudent , qui épris d*un vain fafte , amou- reux d'un luxe puérile , trompé par une li- berté licencieufe , va fe précipiter dans les Eroflieres voluptés de la capitale ; retenez- ï , enchaînez-le v & de peur que des mots honteux neyiennent frapper les chaftes oreil- les des jeunes beautés qu'il abandonne, & qui les fcroient rougir fans qu'elles en com- priflènt togte l'étendae, dites-lui en langue non vulgaire: SiJIe ^ mifir ! IbiAaxus & avaritia màtrimonio dcfcordi jungiintur .; ibi ingenuitas moriim corrumpitur & ven^ ditur auro ; ibi horribilis cacomonades Vcneris temphim & voluptatum fedts ocy cupat ; ibi amoris fagittce mortifcrœ & vcncndtœ ; ibi exercentar artcs damnofœ Jeu fdhtm vanœ & prorjîis inutiles ; ibi moventur Ut es & jurgia ; ibi jujlitià ipja gladium pro miferis tenet ; ihi tndèros agricolas excoriant & procurator & pu-^ blicanus , nec mijjiira cutem , nijî pUna cruoris , hirundo ; ibi faftus & opes do^ minantur; ibi virtus laudatur & alget.
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dum vida coronantur. Undc vroyerbium, frcqmns &fokmnc : omne mahim ab urba On peut évaluer k près de cinquante milr lions par an , Targent qu'on prodigue aiix Jiïlcs publiques , en les comprenant toutes fous cette dénomination. L'article des au« mônes ne va guère qu'a trois millions.^ •ilifproportion qui donne à réfléchir. Cet argent va aux marchandes de itiodes , ixA f>i]outiers , aux loueurs de cslrroâes , aux trâi^ teurs , aux ai4>ergifles , aux hôtels garnis ^ &c Et ce qui infoire un profond eflfroi ^ c'eÔ H^e fi la proftitution venoît aifclïer tout<> :a-coup , vingt mille filles p^i^^m de mU {ère, les travaux de ce fexe malheureux ne pouvant pas (uffire ici à fon entretien ni 4 la nourriture. Aufli ce débordement eft - il comme inféparable d'aune ville populeufe; & une infinité de métiers ne fiibfiftent que par la circulation rapide des efpeces qu'en*- tretient le libertinage. L'avare lùi-méme tire (on or de fon coBre , pour eft acheter de jeunes attraits que le befoin lui foùmct v unenàfEon plus forte a dompté fa padioti chérfe. Il regrette fon or, il pleure vïîwi for a coulé.
m-E Paris. , 55
C« A FI T R« GCXXXIX
Xcfuriifanrtts^
^Jn appelïê iiece nom celles c|uî ^toujoufs couvertes de diamants, mettent leurs faveurs à la ^us^ haute eficliare, &ns avoir <)uekjue- fois pJïas de Beauté que Kncfigente qui fc vend à has pkc. Afeî» le caprice ^ le fort, le manège , un peu d'art pu d'efprit mettent
- une énorme diJance entre des femmes qui rfont que le même but.
Depuis Ts^tiere Laïs qui vole k Long^
. <^hamp dans, nn brillant équipage ( c|ue fans
fà préfèno^ licencieufè on attribueroit ^ une
jeune ducJbeflè ) ^ ji^qu'à^ la raccrocheujt
c]ui fe moffond le foir au coin d^une borne,
- quelle hiérarchie dans le même métier ! Qut de diâinâiôns^de nuance»,* de noms di-
' ven^j. & ce pour oscptinifei l^éanmoins une . feule & méme4:ho{è ! Cent n^ille livres pac
. aov, ou ude pièce d atgent oa de monnoïe pour un q(iart-^d*heu[te y xau&m ces déno-^ niinaii^ns qirrne niafqueîit (f&e les échelles du vice ou delà profonde kîdigence*
On peiit pincer les-oourtifannes entre le»^ femmes décèmmém «i^reienues Ôc les filles publiques^ Uirauteufk^a ttès^bien définies* .7»Sdw les prendroit , dît-il , pour W femefleS
9^ T A B L E A jr
» des courtifans ; elles ont efFeâivement tous x) les mêmes vices , emploient les mêmes » rufes & les mêmes moyens , font un mé* » tier aufli défàgnéable, ont autant de fkti* » gués, font aum infatiables; en un mot, » leur reflêmblent beaucoup plus que les fe-- j> melles de certaines efpeces ne ii:flêmbka( »k leurs mâles ce
€ H A PITRE CCXL-
Filles entretenues.
JHLu-deflbus des courtifannes par le tang^ elles font mams dépravées. Elles ont un amant qui paie, dont elles ït moquent, qu'elles rongent & dévorent , ^ un autre à leur tour , qu'elles paient , & pour lequel elles font mille folies.
Ou ces femmes deviennent infènfîbles, ou elles aiment jufqu'à la fureur. Alors elles paient ^ l'amour le tribut d'un cœur délicat. Sur le retour elles ont la rage de fe marier. Ceux qui préfèrent la fortune k l'honneur, les époufent & s'avilîflênt. Ces époufèurs font ordinairement un petit violon , un mé- diocre peintre , un mince architeâe.
On ne dît point en Perfe ( felon le mar- ijuîs d'Argens ) la Zaîdc , la Fatime ; mais
D s P A H I S* 97'
I la cinquante iomans ^ h vingt tomans. ( Un toman vaut quinze ëcus de notre, monnoie. ) De même, ajoutent- il, aux noms de nos filles entretenues , on devroit fubffituer ceux de la cent louis , la cinquante louis , la dix louis , &c. le tout pour l'utilité publique & fjnftmâion des étrangers , qui paient fort fouvent à un prix exceflif ce qui eft k très^ bon marché pour tout 4e monde.
CHAPITRE rCXLL
Le Payfan perverti. Par M. Rctîf de la
Sretonne.
J 'ai renvoyé pour ce que je ne potivoïs pa« dire , à ce roman iiardiment de/Gné , qui a paru il y a quelques années. La force du pinceau y fait un portrait animé des dé- (ordres du vice & des dangers af&eux aux-^ quels l'inexpérience & la vertu ibnt expo- iées dans une capitale diflbiue. Cet ouvrage doit être falutaire , mdgré fes peintures trop nues de xxoç expreflives , parce qu'il n'eÔ: pas un père en [province , qui , d'après cette leâure , ne fixe conftamment fon fils auprès de lui : & c'eft un très-grand mal que cette 4tnanie récente d'envoyer tous les enfants à Tome IL »
^3 TAi£.KAy
X arls , où ils viennent fe perdre & (ê cor* rompre.
Les villes du fécond & du croifieme ordre fe dépeuplent infenfiblement , & le gou^ fre imnienfe de la pipîtale dévore non-feo- lement for des parents , mais encore Thon- nêteté & la vertu native de leurs fils , qui paient cher leur imprudente curiofité.
Le filence abfolu des littérateurs iiir ce roman plein de vie & d'expreffion , & dont fi peu d entr'eux font capables d'avoir conçu le plan & formé l'exécution ^ a bien droit de nous étonner & nous engage à dépofèr ici nos plaintes fur Tinjuitice ou Finfenfi- bilité de; la plupart des gens d^ lettres , qui n admirent que de petites beautés froides & conventionnelle^ , & ne favent plus recoiï- noitre ou avouer les traits les plus fiappàCnts & les plus vigoureux d'une imagination forte & pittorefquCé
Éft • ce que le règne de Pimagination (èroît totalement éteint parmi nous , & qu'on ne fauroit plus s'enfoncer dans ces comportions vafies, morales & attachantes, qui cara3é- rifent les ouvrages de fabbé Prévoft & de (on heureux rival, M. Rétif de la Bretonne? On fe confume aujourd'hui fur des hémis- tiches , nugœ canorœ ; on pefe des mots ; on écrit des puérilités académiques : voilà donc ce qui remplace le nerf, la force , l'étendue des idées & la multiplicité des ta*
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P K P A H I s. 99
bleaux. Que nous devenons (ècs & étroits! Il refte à une plume douée de cette énet-
fie un tableau- neuf à tracer : une mère màl- eureufè qui fe trouve preflee entre la famine & le déshonneur , qui ne peut échapper à la mort qu'en livrant fa fille qui combat long-i temps , qui triomphe & qui expire au mi- lieu des hommes cruels , calculateurs de (es foufiances ^ Se qui attendoient d'elle ce &- crifice horrible & forcé. Elle meurt avec la confcience de la vertu , il eft vrai ; mais (a mort eft fans fruit. Le lendemain de fon trépas 9 (à fille tombe dans les embûches du vice , ou plutôt elle cède au malheur 6c k l'inexpérience.
Si quelque homme opulent me Ut , s'il eft du nombre de ceux qui avancent Vcac pour corrompre , il aura trouvé fans doute des mères faciles & criminelles, & à un tel point que je n'ofe ici l'écrire ; mais il (aura en même temps qu'un pareil tableau ne mériteroit pas d*étrc relégué dans la dafle des fixions imaginaires.
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CHAPITRE CCXXJJ. .5iî/ <^« V Optra*
X^e bal de Topera entretient cette licence^' la confacre par une forte de convention g^ ^érale. Il invite les caraderes les plus réfer- yh k fe livrer au goût univerfellcment ayouç. Il eft réputé très beau , quand on y eft écrafii: Jus il y a de cohue,, & plus oniè félicite e lendemain. d*y avoir afiiftc.
Quand la preflfe eft confidérable, les feni^ niçs {t jettent dans le flux & Je jreflux \ & Jeurs corps délicats fupportent très- bien d'êtije /Comprimés en tout fens au milieu de la foule, qui tantôt eft immobile , &. tantôt .flotte & ,roule^
Il faut avoir bien peu jSt{^x\x.^ dit -on, pour n'en avoir pas fous le mafque; ce qu'on y entend eft cependant beaucoup moins (pi- rituel que ce qui fe dit dans nos cercles. On n'y parle point des perfonnes ni des événements \ & tous Jes propos deviennent vagues , futiles , excepté ceiix de galanterie- Si le gouvernement pemiettoit pour un feul .ibal un franc parler Sfola , c^la feroît très- .piquant.
J^es filles entretenues , les ducfaefles , \^
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D E P'A K 15. rôt
bourgeoifès font cachées fous le même do-- mino, 8c on les dîiHngue : on diftingue beaucoup moins les hommes; ce qui prouve que les femmes ont en tout genre , des nuan- ces plus fines & plus cara^l^ifëes;
Il regnoit autrefois dans les bals une grofle gaieté ; il *n'y en a plus ; on s'obîferve fôu$ le mafque autant que dans la fociété.
J'ai vu à Paris un bal où cinquante**** avoient fous leurs domfînos fix coups à tirer. - Il eft vrai qu'on ne le fiit que le lendemain j mais il faut avouer que cétoit urt fingùlîeiî bal que celui -làé-
Ceft au bal ^ vers le matin , que Ton peut dire qu'à Paris fur-tout on rencontre des lai*, deurs aimables.
Je fîiis fâché qu*6n y perde infenfiblement cette tournure attentive & polie que Fon doit aux femmes dans toutes les circonftances i & fur-tout dans une aflèmblce publique.
Quand un carme , un cordelier , un bé-i nédidin s'échappant du cloître , a pu aflifter «ne fois au bal de Popera fans être vu ni reconnu, il s'eftime le plus heureux des hom- mes ; il ne (ait pas que l'ordre lévitique y abonde , 6c que les petits collets qui courent- tout le jour en habit violet , font blafés fur ce divertiflement.
La feule chofe que Pon exécute à Paris gravement, & comme s'il s'agiflbit de l'aP Élire la plus importante , c'eft un qiiOr*
E 3.
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driUc. Tai été ftupëfait de la dignîcé qu'on y mettoît.
On fait que Ton envoie une poupée pour fervir de modèle chez rën:anger; mais (ait-on que dans une lettre on envoie le plan d'un bal- let , d'une contre -danfe variée par mille fi- gures , ou d'un quadrille nouveau , pour le &ire exécuter avec jufleflè & précifion à dnq cents lieues de diftance ?
Le bal de l'opéra a donné lieu k un évé* nement qui tiendra & place dans l'hiftoire , en ce qu'il aura fervi a prouver que , mal-' gré les changements des fîedes , les anciens ufaees reviennent rapidement fur leurs pas, lorlque quelques circonftances frappantes rap^ pellent le génie national.
On donne lîx livres par tête , pour enten- dre une lymphonîe bruyante & monotone. Quand on n'a rien à demander aux femmes , on s'y ennuie ; mais on y va pour dire le len» demain , j'ai été hier au bal , ôc j'ai manqué d'y étouffer.
On y danfe quelquefois ; mais celui qui a vu les danfes vives & animées des jeunesr beautés du pays célèbre par les foupirs de JuUe y les pas gais & légers des vives Alfa- ciennes \ les fauts des Provençales , l'expreC- (îon de la joie fincere & ingénue parmi- les Bretonnes , ne pourra plus fouffrir les grâces froides & l'afftterie de nos danfes de bal , foit paré , foit mafqiié.
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CHAPITRE CCXLIII.
Sans Titre*
Xl eft des vices fur lefquels la cenfure doit fe taîre , parce qu'elle rifqueroît de les dé- voiler fans les corriger. Que fera la morale contre ces vices déplorables & ces turpitude» deftinées k mourir dans les ténèbres ? Com- ment les complices de ces abominations fe*^ crêtes reviendroient-ils aux vertus dont îlg font incapables ? Ceft une génération qui ne laifTe plus d'efpcrance ^ frappée de gangrené^ elle doit tomber , pourrir & difparoître ; & rindignation même peut fe clfânger en pitié ^ quand on fonge à favilifièment où fe plon- gent ces êtres fi baflèment corrompus.
La rigueur contre ces erreurs monflrueufes rft on remède dangereux , & le plus fotiverit inutile. Il eft défavantageux d'attaquer ce qu'on ne peut détruire v & lorfiju'il s'agît de la corredion des mœurs , 3 faut réufEr, 8c ne point faire de vaines tentatives.
Le magiflrat qui tient un regiflre fecret des prévaricateiirs des loix de la nature , peut s'effiayer de leur nombre : il doit réprimer les mœurs coupables qui vont julqu'au fcan^ dale \ mais hors de la , ^quelle circonfpec-
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tion ! La recherche deviendroit aufli odîeii(è ^ue le crihie : quelle étonnante effirontenè dans des vices nouveaux ! Ils n'avoîent pas de noms parmi nous il y a ceqt ans ; au- jourd'hui les détails de ces débordements en- trent dans nos entretiens. Les vieillards (br- tent de la gravité de leur caraâere , pour parler de ces licences criminelles ; la fainteté des mœiKs eft o&nfée par des propos d'au** tant plus dangereux qu'on plaifaste prefque publiquement fur ces incroyables turpitudesw
D'où vient ce nouveau fcandale qui a ichté parmi nous ? Qui a fait à l'honnêteté publique ce cruel outrage ?. Qui a livré k la dérifioQ 1^ fainte douleur de la vertu qui gt^ mit fur ces infamies qui aviliflènt les fem- mes , en font un ordie à part dont on dé- crit les defirs & les étranges fitreurs ? Etoît- ce là où devoit conduire le progrès de la civilifation & des arts ? Quelle dégradation l Ce genre de corruption a été un phénomène même pour quelques efprits libertins ; & dans fes excès , il n'a pas choqué notre fiiecle autant qu'il l'auroit dû.
Il faut gémit: , laiflèr ces vices honteux ^ qui' puniïTent ceux qui s*y livrent, fe fondre & difparoitre devant lés paflions douces , honnêtes 8c vertueufès , qui par leur charme étemel doivent reprendre leur aimable em- , pire. C'ell l'idée de Montefquieu , & il l'a- Yoit furement mé^uie y lorfqu'il la publia
i3f E Paris. rony
dans un Ii\rre . aufE grave que VEfprit des^ loix.
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CHAPITRE CCXLIV.. JUs petits Chiens. .
XJi folie des femmes eft pouflee au dernier " période fut cet article. Elles font devenues gouvernantes de roquets , & ont pour eux des foîns inconcevables. Marchez fur la patte d'un petit chien, vous êtes perdu dans l'efprit d*une femme ^ elle pourra diflimuler, mais cUe ne vous le pardonnera jamais : vous avez. blefle fon manitou. .
Les mets les plus exquis leur font prodi- gués : on les régale de poulets gras , oc Font ne donne pas un bouillon au malade qui gît' dans le greiuèr. .
Mais ce qu'on ne voit qu'kTaris , ce font de grands imbécilles qui, pour faire leur cour à des femmes , portent leur chien publique- ment fous le bras dans les promenades & dans les rues ; ce qui leur donne un air fi niais & fi bête , qu'on eft tenté de leur rire au nez , pour leur apprendre à être hommes.
Quand je vois une belle profaner fa bou- ché en couvrant de baifets un chien qui fou- vent eft laid ÔC hideux , & qui , fut-il beau •
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ne méri^ pas des afFeâions (1 vives , je trou-^ ve Tes yeux moins beaux ; fes bras , en re- cevant cet animal , paroiflènt avoir moins de grâces. J'attache moins de prix à fes ca- ref&s ; elle perd à mes yeux une grande par- tie de fa beauté & de fes agréments. Quand la mort de fon épagneul la met au dëfefpoir^ qu'il faut le partager , pleurer avec elle & attendre en (îlence que le temps amené Tou- bli d'un (i grand dctaAre , cette extravagance anéantit ce qui lui refte de charmes.
Jamais une femme ne fera Cartéfîenne : jamais eUe ne confentîra à croire que (on petit chien n'eft ni fenfible ni raifbnnable quand il la careflè. Elle dévifageroit Det- cartes en perfonne , s'il ofoit lui tenir un pareil langage ; la feule fidélité ^e fon chien vaut mieux , félon elle , que la raifbn de tous les hommes enfemble.
J'ai vu une jolie femme fe fâcher fèrîeu- ; / fement & fermer là porte à un homme qui 7 avoit adopté cette ridicule & impertinente opinion. Comment a-t-on pu refufcr la fen- fibilité aux animaux ? Croyons-les très-fenfi- blés ; 8c loin de judifier la barbarie des hom- mes à leur égard , ne leur faifons que le moin- dre mal pofïible : mais , en nous nourriflànt de la chair des bœufs , des moutons & des dindons , n'accablons pas de folles careflès un , petit chien que nous ne mangeons pas. La femme d'un médecin avoit fon petit
HE Paris. 107
chien malade : fbn mari avoit promis de le guérir ; il n'en faifbit rien , ou n'en étoit pas venu à bout : impatientée , elle fit venir Lyonnois ( i ) , qui réuflît parfaitement. Combien vous &ut-il , dit le brave doâeur de la faculté au confervateur de l'efpece ca- nine ? Oh , Monjieur , entre confrères , re- prit Lyonnois ^ il ne faut rien.
CHAPITRE CCXLV.
Suffijance.
XLUe eft aflèz familière au PariCen qui a de là fortune. La fufEfànce de Tofficier n'eft pas prononcée comme celle de l'homme de robe, ou celle du fade petit-collet. Elle dé- pare -un peu dans preique tous les états la politeflè & le favair- vivre ^ mais comme c'cft un défaut général , il devient prefqu'in- fenfible. L'extrême urbanité eft le réfiJtal d'une infinité de points délicats qu'il faut fai- Cr : elle n'exifte réellement que chez certains honmies dont le careâere eft élevé & Famé très-fenfible. L'homme de cour poflède par- faitement cette noble urbanité , quoiqu'il ne
WHH«OTP«*
(1) Fameux médecin de ckiens.
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loS Table au
Tait pas dans le cœur^ v c*eft qu'il fènt avecÈ fineffe ^ &c qu'il eft attentif aux convenances*. L'attitude du militaire a toujours quelque: chofe de plus forcé que celle de Thomme de cour ; celui - ci s'arrête au véritaUe degré ^ {autre le franchit.
Quand la nuance eft un- peu forte , elle ti'à plus cette grâce & ce.te ailknce qui diC^ tingue les bons originaux en ce genre. Les copiiles, en voulant en approcher, tombent ^dans une impertinence bien décidée : tels, font les commis de Verfailles , plufieurs financiers , quelques officiers aux Gardés ^, quelques auteurs, & les voila entachés de- cidicule aux yeux du connoiilèut.
G H À P I T R E CCXLVL^
Venu, de VEau^:
C^uand on dît en Sùîfle, où lès fbntaîner publiques abondantes & commodes (bn^ multipliées 1 jufques dans le moindre village y qu'on vend l'eau à Paris ; que le robinet des fonr raines eft à fec la moitié de l'année ; que Ics^ chevaux font obligés , pour boire , d'âlfer à la rivière ; que Ton ne voit jaillir l'eau que» dans les fales bailins, de quelques prooi^o^
i> E Par I S; no^
des i on fe prend à rire , & Ton hauflè le$. épaules d'étonnement & de pitié,
La vente de l'eau monte dans, la capitale àunefomme effrayant/?. Mettons neuf cents, niille habitants, ( car c'cft là mon compte ) , & taxons-les à trois livres, par an ; c*eft-àr^ dire , trente voies d'eau l'une portant l'autre ^ deux fols :, voilà deux millions fept cents, mille livres.
La ville de Londres , au moyen d^ neuf pompes à feu , fe trouve arrofee & fournie, d'eau abondamment,. On vient, d^en établir qne près de la grille de Chaillot , & l'on nous fait efpérer qu'on multipliera ces machines^ à feu dans tpus les quartiers où le befoin Çexi gérai
Voici donc une innovation qui porte uit caraâere de grandeur & d'utilité nadonale,. La prompte dirtribution de l'eau , indépen- damment de fes nombreux avantages , a ce- lui de procurer un air pius falubreàrefpirer. Et quel fçrvice a, rendre, aux habitants de la c^apitale !
Mais pourquoi prendre lès eaux G bas l N'étoit-il pas plus fimple d'amener les eaux du Port-à^l'Angloîs par une machine hidraiv» » lique, à la place de l'Eftrapade , la plus éle-. vée de Paris ?, de -là, elles fe répandroicnt plus facilement , & fcroient plus pures : mais on a vouLi commencer par le quartier le plus; îîche ^ le fauxbourg Saint-Honoré ,. coiuinc
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iio Tableau
le plus en état de payer les a7ance$ de la. compagnie qui a fait des fonds pour Téta-* bliflèment des machines à feu. Ces avan- ces montent \ près de deux millions.
Il en coûtera cinquante livres par an pour un muid d'eau par ]our : vingt muids cou«> teront donc mille livres, & aînfi à propor- tion les tuyaux conduâeurs de diifërenteS groflèurs , félon le befoin des particuliers ^ aboutironr à chaque maîfon , & Teau s'élè- vera d'elle-même à quinze pieds.
Plus de prétexte pour les boulangers qui font le pain avec Teau des puits , infedée par la filtration des foflès d^iifance & de mille autres immondices ; ils auront une eau pure ^ ainfi que les brafleurs , les teinturiers , les lîmonnàdiers , les dégraiffêurs , les blanchit feufes , &c. Outre que ces pompes feront, d'un grand fecours contre les incendies , elles laveront encore a volonté le pavé de Paris y le plus infed & le plus immonde de toutes les villes du royaume.
Ceft le feu qui élevé Teau dans ces deux curîeufes machines fituées au deflùs de la porte de la Conférence. La fimple vapeur de l'eau en ébullition eft l'agent d*un mou- vement prodigieux , & que nulle autre force connue ne pourroit produire ; elle élevé l'eau à cent dix pieds au deflùs des baflès eaux de la Seine , & fait monter en vingt-quatre heures quatre cents mille pieds cubes d'eau.
DE Paris. ut
pefant vingt-huit millions huit cents nulle livres. Ainfi voilà de quoi abreuver , laver & inonder à fouhait tous les quaitiers de la ville ; il ne manque plus que des tuyaux , de l'argent & la bonne volonté des petits pro^ priétaires , qui ne s'empreflènt pas , dit-on , a fe ranger dans la claflè des foufcripteurs. Tant les vieilles & fottes habitudes préva-^ lent dir les innovations les plus utiles ; ou- plutôt tant le bourgeois , foulé de mille manières, devient mefquin pour les chofes eilèntielles.
Mais quand toutes ces pompes à feu feront dreflees , douze à quinze mille porteurs d'eau^ n'auront plus d'emploi •, peut-être feront-ils incapables de tout autre travail , car ils ont la fàngle imprimée entre les deux épaules , & l'habitude de leur corps voué à réquilibrc fè prêtera difficilement à porter des fardeaux* d'une autre nature.
Les frères Perrier font les entrepreneurs de ces machines \ l'un invente avec génie , & l'autre exécute de même.
Ils s'occupent en ce moment d*un travail curieux & utile , celui de réduire en petit tous les arts & métiers. Aucun infiniment des pro* feilions méchaniques n'y manquera , joliment exécuté en relief dans la proportion d'un' pouce pour un pied ; cette colleôion déjà commencée appartiendra à Mgr. le duc de Chartres. C'eft immortaliièr les arts que de
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leur donner aînS Tafyle refpedé des palais r* fi les anciens avoient eu cette prévoyance^, nous ne ferions pas à gémir fur la pêne d'une^ infinité de procédés qu'il a fallu reconcpiériir à. travers la pénible lenteur des fiecles, &. dont plulieurs nous manquent . fans doute ■ encore \ nous aurions pu retrouver dans un» p^tit coffre enfevelî fous terre à Herculanum i ou ailleurs ^ les découvertes de tous les peiHr pies ingénieux qui nous ont précédés. L'En- cyclopédie écrite fera toujours vague, bor-- née , înfufEfante , en comparaifon de Tobjet^ roênie qui frappe k la fois Foeil & Teiitende- ment ; Tobjet ne leur dérobe alors micune de^ fes proportions : il eft vu fous toutes fes faces. , Les rapports deviennent palpables, &il ny* a plus de langue morte à apprendre , ni de . calculs incertains & longs à tracer , pour-' :i)outîr le plus fou vent k une erreur ingéniea<^ fement profonde.
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CHAPITRE CCXLVIL. Les Dcmoifillés^ .
XV-ien de plus faux dans le tableau de nos- mœurs que notre comédie, où l'on fait Fa-r mour k dps dcmoiJelUs, Notre théâtre mentj.
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•n ce point Que Fctxanger ne s'y trompe pas : on ne fait point l'amour aux dcmoifellcs ; elles font enfermées dans des couvents jufqu'au jour de leurs noces. Il eft moralement impoC- £ble de leur faire une déclaration. On ne les voit jamais, fèuks,, & il efl contre les moeurs d'employer tout ce qui reflèmbleroit à la féduâion. Les filles de la haute bourgeoise (ont auffi dans des couvents ; celles du (econd étage ne quittent point leur merc , & les filles, en général, n'ont aucune efpcce de li- berté & de communication familière avant le mariage.
Il n'y a donc que les filles du petit boiu-- geois , du (impie artifan 5c du peuple , qui aient toute liberté d'aller & de venir , & con- lequemment de fàtire l'amour à leur guife. Les autres reçoivent leurs époux de la majn de leurs parents. Le contrat n'eft jamais qu'un marché , & on ne les confiilte point. On ap* pelle grljénes les filles qui peuplent les bou- tiques de marchandes de modes , de lingeres & de couturières. Plufièurs d'entre elles tien-? nent le milieu entre les filles entretenues Se Ips filles d'opéra.
Elles font plus réfervées & plus décentes; dles font fufceptiWes d'attachement : on les entretient à peu de frais , & on les entretient fans fcandale. Elles ne fortent que les diman^ ches & fêtes ^ & c'eft pour ces jours-lk qu'elles cherchent un ami qui dédommage
114 Tableau
de Tennui de la femaine ; car elle eft bien longue , quand il faut tenir une aiguille du matin au foir. Celles qui font fages amaflènt de quoi fe marier , ou ëpoufent leur ancien amant. Les aua:es vieilliflènt Taiguille ï la main , ou fe mettent en maifon.
Or un auteur comique devroit étie fort attentif fur toutes ces convenances, & {avoir qu'une déclaration d'amour ne fe fait jamak à une demoîfelle que lorfqu'on y eft autori-^ fé par le vœu des parents , & le mariage eil alors ordinairement arrêté. Ainfi tios auteurs modernes, en faifant de toutes les amoureu^ fis de théâtre des filles de qualité, n^ont peint que les amours des grifettes.
Us doivent dorenavent n^admettre que de jeunes veuves , s'ils ne veulent pas aller di- reftement contre les ufages. Mais aufE pour- quoi , dans toutes les comédies , des filles de qualité^ ainfi que des comtes & des marquis^ tandis qu'un étage plus bas la fcene devient plus variée , plus plaifante , plus animée ? Mais comme il y a le jargon conventionnel de la tragédie, de même on a créé un autre jargon pour la comédie : & ni les rois ni les gens de qualité ne reconnoiffcnt là leur idio- me. C'en eft un que Tauteur s'eft fait avec une étude infinie, & pour manquer péni-^ blement toutes fes pièces. / -
DE FAHIS. 115
C H A FIT R E CCXLVIIL
CalanterUm
llfUe remplace l'amour qui regnoit encore «I Paris , il n'y a pas plus d'un (îecle. Du temps de Louis XIV ^ on mettoic dans Tes goûts de la décence 5c de la délicateflè.
Les fortes pallions font rares aujourd'hui ; mais auflî n'ont-elles pas ce caraâere farou- che qui faifoit (ucccder la vengeance à la ten- dreflè , 6c les crimes aux plaifirs les plus doux. On ne fe bat plus pour les femmes \ leur conduite a rendu ces combats ridicules.
Ce que l'imagination ou exaltée ou trom- pée avoit ajouté de trop à l'amour , on Ta émondé; & à confidérer le changement d'un œil philofophique , l'amour que nous avons adopté convient à la foibledè de notre carac- tère & dn peu de beibin que nous avons de (èntir notre ame s'élever & prendre un "Certain eflbr. Nous nous paflbns de force & de grandeur dans tout le refle : pourquoi en mettrions-nous dans l'amour ?
On ne voit plus un amant délaifS , cher-^ cher dans le poifon un remède à fes maux : il y en a de plus doux ; & l'inconllance ( que je ne prétends pas juftifier ) vaut cependant
i:i6 Tableau
mieux que les mouvements frénétiques., qui tenotent encore plus 11 Tôrguefl perfonnel qu'à la vraie tendreflè.
IL feroit dangereux , dit-on , que ramoui dévorât toutes nos autres paflions. La patrie & la focîété y perdroient>,Ne voir, n'adorer qu'un feul objet, lui tout (acrifier, c'eft perdre la liberté , c'eft livrer à une forte de délire & d'extravagance toutes le» facultés de notre ame. Voilà la logique reçue,
L'eftime vraie & fentie, ajoute -t^-on^ quand elle eil perpétuée , fuppofe bien phis de vertus dans l'objet aimé : rôc une femme qui fent avec délicateflè , eft* bien plus ja- loufe d'infpirer un tel fentiment , que d at- tirer les hommages uniquement attribués à fès charmes , parce que ces hommages s'éva« porent & ne font pas dus à fon ame. C'eft . ainfi que Ton prétend juftifier nos mœurs : mais la. patrie , dont on pade., y. a tout perdu.
L'amour proprement dît n'eft donc plus a Paris , fi nous ofons l'avouer , qu'un liber-' tinage mitigé , qui ne foumet que nos fens-4 fans tyrannifer la raifon ni le devoir : aufE éloigné de la débauche que de la tendr«ilè\^ décent dans fes vivacités quand ii peut Cétre, & délicat dans fon inconftance , il n'exige point de facrifice qui nous coûteroit trop cher. Loin de nous armer les uns contre, les autres i^ il ne s'approprie point le^
J),E JP -A Jl J S. 117
jnoments qui font confacrés au devoir \ il refpefte les nœuds de Famitic,,. quelquefois même il les rcflcrrc : enfin, il fait paflèr l'honneur avant tout , & profcrit .également toute foibledè 6c toute lâcheté.
Le législateur pourroit e&cer aujourd'hui de fon code les loîx. contre la violence. Nos Lucreces if ont plus.de Taïquins à redouter. Le fédufteur ne Tefl: que pour celle qui veut bien Jtre fëduite., & .lavveritable vertu peut fe conferver intafte au milieu de tant d'exem- ples contraires. Mais fera-t-rori honneur à mon fieclè, de l'àbfcnce d'un tel vice? Je ne crois pas , parce qu'il fuppofe l'a- néantiflèuient de plufieurs vertus. Le viol pouvoit, ainfi -que le facrilegc, que les Femmes & les autels étoientjrcligieufement adorés.
L^amour ne fera donc point appelle par- mi nous le bourreau des cœurs. Toujours cornent , toujours Folâtre , il s'envole avant l!ennui : 41 attaque avec tant de légèreté , que fes ^atteintes ne bleflènt que les cœurs gui confententà être blefïes.
Je dis qu'en ôtant à cette paflîon ce qu'elle avoit de féroce & de redoutable^ on a diminué quelques crimes fie beaucoup de grands talents. A en juger par l'hifloire-, les forfaits fanglants croient comme infépa- rables des afFedions profondes , jaloufes 8c vindicatives, qui tyranriifoieut nos aïeux* ainfi tout eft compentëi
iiS Tableau
Les grandes paffions, difent les apolo- giftes du fiecle, font aflèz încomparibles avec le bonheur : il n'apparrient quli elles ^ il eft vrai ; mais le bonheur eft fî rare , qu'il vaut mieux prendre en légère monnoie la fomme des plaifîrs. N'ayant plus de gran- des chofes à faire , nous n avons (Jus befoin de paillons fortes.
CHAPITRE CCXLIX.
Dts Femmes.
JLa remarque de Jean -Jacques Rouflèau n'eft que trop vraie , que les femmes à Paris , accoutumées à fe répandre dans tous les lieux
Eublics , à fe mêler avec les hommes , ont iir fierté, leur audace, leur regard & prefque leur démarche.
Ajoutons que les femmes, depuis quelques années , jouent publiquement le r&le d en- tremetteufes d'amires. Elles écrivent vingt lettres par jour , renouvellent les (bllicita- dons , aîliegent les miniftres , fatiguent les commis. Elles ont leurs bureaux, leurs re- giftres ; & k force d'agiter la roue de for- tune , elles y placent leurs amants , leurs &voris , leurs maris , 8c enfin ceux qui les paient.
> £ Paris. 119
Oii voit beaucoup de femmes qui difènt d'après Nkîon ,ye me Jiiis faite homme. Auffi une infultante galanterie ne rend plus aux belles qu'un culte ironique & offcnfant.
Jamais autrefois , en parlant du fèxe , on ne difcMt les femmes ; on auroît proféré une «xpreffion groflîere.
Jean - Jacques Rouflèau a dit des chofès 'fi dures aux femmes de Paris , que je n'o(è même le combattre. Il avoue que l'on peut , & que Ton doit y chercher une amie. Je penfe en effet qu'il s'y trouve beaucoup de femmes fcnfées , véritablement (ènfibles aux nobles procédés , & capables de la plus grande confiance en amitié. Mais en amour . . • Oh ! *)e n'ai pas le droit , comme Jean- Jacques , de leur dire de terribles vé- rités. Lui fèul a fu leur plaire en ne les flattant pas.
Mylord Chefterfield , après avoir encenfé de fon mieux notre nation , a fini par dire; âi Foreille de fon fils , que les femmes par- mi nous font de grands enfants qu'il &ut àmufer avec deux hochets , la vanité & la galanterie.
Nous avous des mines charmantes , des yeux vifs & malins , des phyfionomîes gra- cieufes & fines , des têtes fpîrîtuelles ; mais on compte les belles têtes , & elles font ex- ceflîvement rares.
Pourquoi les fenmies aiment-elles la ca-%
riti "T A ^ L E -A tr
; très -refpeâablesvcVIl celle A\\ (êcond ordre. de la ]x)urgecîfîe. Attachées à leurs itiarit & à leurs eofants ^ foigneuiès , économes , ^attentives k leur^ maliens ^ elles cffient Iç niodele de la (kgeÛè &''du traralir Mai^ ces femmes, n'ont point de fortune , xrhcr- ■ chent a en am^f&t , (ont peu .brillantes , en- core nioîns inftruites. On ne les àpperçoit pas, & cependant elles font à Paris Thurn^ jReur de leur fexc..
* , La coutume , de Pans.a. L^rpp accorda au 'fi?mnies ; ce qui les rend impaietifes & en* géantes. Un mari eft ruiné , s'il perd {a femme. Elle aura été malade pendant ^ années , elle lui aura coûté infiniment : il |aut qu'il reftitue tout à foh décès, pie - là la tiiiteflè avec laquelle ;pnierre des noeuds qui ailleurs font fi doux.
A un certain âge , la femme* quî ne fc fait pas betefprit , fe coniUtue dévote. Elle en prend la contenance , aflifle-à tous les fermons, court toutes les bénédiâions, vîftte fon dîreâ^ur , & s'imagine enfuîte qu'il i^y a qu'elle au monde qui f:^ de bonnes ac- tions. Elle fe le perluadé G bien ,. qu'elle daimie tous ceux qli'eOe reâçontTe , &'iîff- . tout ceux qui impriment. . \
Nos femmes ont perdu le caraâère lè plus touchant de leur fexe , la timidité , la (implicite , la pudeur naïve ; elles ont rem- pla(^;cette perte immenfe par les a^éments
D ï Pari s. 0.3
3e Pcfpnt.^ les grâces du langage & des ma^ nieres, elles font plus courues , moins rerpeo* tées: on les aime fans croire a leur amour ^ elles ont des amants plutôt que d^' amis. Ceux-là difparoiffènt, oc ceux-ci ont le mal* heur de les ennu)^r. Elles £e trouvent feules .fiir le retour de l'âge , apcès avoir pafts au milieu de'&tant d'hommes dont «lies om plu- tôt captivé le x:oeur que .Peftirae.
Elles ont fait trop de chemin pour pou- voir revenir li leur (èxe ; il faut qu'elles fe ùS* dfent hommes tout-a-fait , au rifque de perdre encore davantage. Mais du moins elles ne iferont plus des êtfes mixtes , & notre hom- -naage alors fera fhs ierieux*
^
C H A P I T fi E C CX^
:Cocardc^
IL^es mêmes femmes qm préfldoient acte -tournois , qui eiurichiflbient de leurs mains les cottes-d'armes de leuis anlants , qui letc préfentoient leurs armures , qiii les en* voyoient au combat , s'acquittent aujour* d'hui envers la gloire ^ en donnant une co* .^ardt. Ceft que Tamour pour la patrie eft ;d'un poids tout aulli léger que le préfent. Les femmes aiment «^ elles les hommes
F 2
1x6 Tableau
circor fiances, où elle fembloit d'abord demecw rer indcci(e.
Qu'il y ait une rixe entre mari & fenmie : le mari commence par avoir tort ; & au bout de trois jours , il eft peint des plus afieufès^ couleurs. La Itgue of&nfîve & dëfcHfive fe manireHe de tous côtés : enfin les avocats ^ les loix , le jugement font pour le pauvre époux ; tout cela eft caflë à un autre tri^ ounal. I es femmes foutiennent leur parri , malgré les démonftrations les plus authen*- tn}'es ; & après avoir ameuté les efprits ,> iinilîènt par les entraîner, \ Mais malheur a celle qui n^cft pas mariée f
sien ne lui eft permis , on lui fait un crime de tout. Les mères (ont d'autant plus vigi^ lantes qu^elles connoiflènt- tous les tours que les pafTions peuvent infpirer. Aînfi le rèle (for fille eft le plus cniel rôle du monde. On la dieflè à tous les riants atours de la mîgnar- dîfe & de la coquetterie ; on ne lui imprime que Tamour des arts qui fervent & embel-^ liflènt la volupté ; on ne lui impofe d'autre devoir que la fcierjce de plaire : & l'on veut- que , renonçant an but de tant d'inftruâibns ^. elle foit froide , fonrde ^ tous les propos qui- circulent autour d'elle, 8c qu'eDe demeure même infenfîble au plai& qui naît de Fim* preflion de fes charmes.
Il faut donc qu'elle dîflîmule avec un coeur laeuf , & qui ne fembloit pas né pour fou«^
tenir le rôle d'ime feinte perpétuelle. Elle ne peut jamais dice un mut de ce qu'elle tant iî bien ;. le monde devient, ihjufte & abTurde àfbn cfgard. Qu'elle. (bij; mélancolique ^. elle eft toun^iejçitee , dit-ron , /du de|îr»&:du be* (birï d'avdlr un anupr. JËft - elle gaie , folâ- tre ? Cet enjouement touche à peu de réfenreé . Elle ne peut ni rire ni foupirer : on veut^p'elle • ^foît fille , & qa'elle ne le foit pas,
£t voilà pourquoi les .fiUes ^'enni4ent avec lesTemmes, & Jes femmes avec les fiile^ Aufli ne peuvent-elles pas cauTer enfemble ; & s'il y a une très-étroite union entre une ' femi;ne & une fille , l'innocence de. celle-dL _ tQuche k fon terme» .
C, H A .P I T RE. C C L 1 1 1. .
Les Vapeurs.
%i/^ vers de Voltaire eft d'un, phyfîcîen; . En effet, la moUellè du corps indique i'in- - aâion dp J^ame«. Toutes les parties de notre coT^ tombent dans un relâchement qui ei>- levé aïo. fibres l'^afticiténécedaire pour que ' les fecrétions fe fiflènt avec régularité.
De là les vapeurs qui naiflènt de ce dé- fiiut d'ocoçâuipn. qui à détérioré les facultés »
li8 T A=B'L'k A ff
de l'amç. Uîriiagînatîon eft^dViîtant plus ac- tive, qu'elle régné fitr des organes délicats ^ qui inceflàmment flattés , ont perdu leur reC- fort, & Ce (ont affkifles dahstiiié^4uigueur qui foumet les rtetfe aito • plus tërrîbfe^ con*' vulfions , parce qile , détendus par trop de 'jouiOànces , ils fe replient & agiflènt Iiir eux-mêmes,
C'eft rimagînatîon qui ouvre lé champ de la douleur , parce que cette puiflànce, qnàn4 -elle n'a pas un objet qui la captive , a le ; di»n de fnéfamorphofer en maux tout ce cjiî'l'én- vîronne. L*oilÎTeté fevorîfé les paflîoni trop fenfuelles ; & celles-ci font fi tôt épuifées, que le principe de fenfibilité qui forvît hê fait plus où fe prendre & s'attacher*
Ce principe fatigue , devient un tourment. Il n'y a plus de voluptés pour l'être miféra- ble qui fe fent exifter , oc qui voudroit des plaifirs a l'infini ; tandis que fes organes for.c oblitérés, & que les nerfs ne peuvent plus tranfmettre les Tenfations dont ils font les véhicules. i >
Terrible état ! c'eft le fuppBce de toutes -les amesefFéminées-, que i'înaâion ajMrécipi- tées dans des voluptés dangereiifôs , & qui , pour fe dérober aux 'triayaux impofës- par la nature , ont emlurafiSf tous leû iàntômes de l'opinion.
Nos dodeurs accoutumés a tâter le pouls à nos jolies femmes , ne connoiflènt plus qu€
B £ P A H I s. 129
les vapeurs 8c les maux de nerfs. Quand un [ fort de la halle eft malade , ils difenc qu'il a ! des vapeurs , & ils le mettent au bouillon de j poulet & à Teau de tilleul.
Une jolie femme qui a des vapeurs , ne fait plus autre chofe que de fè traîner de fa baignoire k fa toilette , & de (a toilette à fon ottomane ; fiiivre dans un char commode une file ennuyeufe d'autres chars , cela: s'ap- pelle yS /^rome/ier ; & elle ne prend point d'autre exercice. Celui-ci eft même réputé U'op violent , & elle n'en ufe que deux fois le mois:
Aînfi les riohes (ont punis du déplorable emploi de leur fortune. En voyant d'un œ2 fec la mifere cPauûriû ^ ils n'en looc pas plus heureux ; 8c ne fâchant point tirer un parti réel & avantageux de leur c^lence , ils'font maudits , (ans faire uti pas de plus vers W bonheur. j
-» 1
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X30 Tableau
CHAPITRE CCLIV. De Vldolc de Paris , le Joli (i)«.
jj'entreprends de prouver qœ le joli , danr- tous les genres , en la perfeâtou cm beiu 8c même du fublime \ que Payantage d'être aimable remporte (ur tous les autres ; & que- k peuple qui peut fe dire la plus jdietiationy doit paflèr fans contredit poCir le premiee peuple delà terre. J'écris pour les hommes^ femmes de Paris.
. .Qn a eu jufqu'ici une fiuifle opinion de- ce qui méritoit l'hommage univerfel des» hommes. La nature a betoin d'être corrî*^ gée 6c embellie par l'ar^tw Si on la moriley c'eft comme on fait , jx>ur la rendre plitt, gracieufe. L'agrément eft le dernier traitque l'on puidè donner aux belles, chofès» Finit-- on un édifice^ un tableaa, un inftrumentr on lui prête des ornements qui feuls le font ' valoir. Il en eft de même des mœurs , mi; ne commence à jouk que lôrfqu'bn com^ mence à raffiner.
Lor(qu'une nation efi encore barbare , elle
(i) Ce chapitre tronîque a déjà été imprimé «; mais ceû id U vé/xtabU place«.
0 r P A R I s. 13^
peut facilement rencontrer le lùblime, Ctft ainC que rœil fivide de l'Arabe . découvre loiubce à*\m arbuQe au milieu des déferts brûlants où H s'égare. On fait alors de gran-r de$ chples v i^^îs ceil iàns le fa voir : on- n'agit que par inftinâ:, Qu'eft-ce en effet que „ le mblime :, finon une exagération perpë- tuçlleyun.coloflè que l'ignorance . conlmiît Se adn^tr^ ? Le g<^,bie ^ dans £es bonds im« ; pétuèux. 4 extravague en nous étonnant. Les > > peuplés méme$ les plus iauvages ont créé uns ^ e^bk,ce<{bbUhle. tant admiré : la rude& ■.: des naflions fufEt pour l'enfanter^. .
C eft upie nature, brute-, qui n'a pas befbiti deiculture. Alors onr peint les tableaux com- muns du lever 8c . du coucher du foleil ; on s'èxtaÇe kh vwe d'uti.. cid étoUé ; on & promené à pas knts fur le, bord de la mer ^ ôlPoo admise ces: flots w^iSknts ^^quibafe . teat majcffuei^me^t ks rives^ ; / Qn îdol^p: ïerf^htpmi^ de la^liberté, & :ToA a U fottUç- de.^CQijiîbattre & de mourir pour elle. Oh rejeçtc un riant èfclavage qui nTeiï mérite pas 6: noitV^ 8t (pii doit youiB j&éer unç; ;foiue<ie.pUi£;s .enchanteurs : état .délicieux ,. ôà. dea: chaînes à*br 6c de foie nç'vouj ca^ve^t; que pour vous faire par- xourik' TO, cercle d aitwferaentr variés , oii Fon vous, pte une fôrCe dangereufe , pour vouslaider une f6iUe(& fortunée^ On redife; âaïas. ces terops grpQkxs dîélç ver des roisJGjr
iji Tableau
fà tête , & Ton fe prive ftupîdement de FaC ped d'une cour brillante , qui réunit, &les chefs-d'œuvre heureux desaxts & du gbÛc. On vit fans peintres y fkns ftatuaîres y fans muficîens , fans coefîèiyrs , (ans cuîfiniers. y fans confifeurs. H règne dans les mœurs un courage gîgantcfque , une vertu fërere & pédante : tout eft grand & ennuyéui. Les maifons font vaftes comriîe des cloîtres ;tous. les dîvertîflèments publics & partîcolîersfpor-. tent avec eux l'empreinte d'un caraôeremâle^ Les femmes font féqueftrées. de lafociété^ & n'allument le feu de l'amour que dans le cœni de leurs époux. Elles tie. *ïe dîfputent point les hommes*; elles 'fe bônj«»nt. ^ don- lier des citoyens , ^ tes ëltevcr , à gouverner un ménage.. L'autorité paternelle , Pautorité maritale, noms fi judicieufement deve-» '%us ridicules parmi nous , jouiflènt de tous kurs trilbs droits. Les mariâgfes font féconds v une manicçè de vivre unîfoiriie & fêrieuf^ cft le caraûferfe dominant* de ce peuple^ qui ne difïere guère des ours^
Mais, dès quHjn layoo vîeot Pédaitier, dès qu'il fort de cette gravité împofknte & tacitnrnç , il comméticic d'abord a entrevoir le beau ; il taille , il façonne , il (è cr^è èes, règles : le goqt & la déIîcatefH'v^etlnéI)t & enfantent le /oû\ mille fois phs fedut^ fant^ On ne voit plus, fur les tables le dos^ àiPiwe d'Un hç&iiip d'iio fenglîcr ^ ou df«x.
B E P A R ï s. 133
cerfl On ne voit plus des héros greffiers éévoret des moutons , des princeilès iileF ou Ûire la leffivê.^ On s'honore d'une noble oifiyeté ^ & des mets délicats ^ remplis de (bcs quinteflènciés , fe fuccedent pour ré- veiller on appétit fans ceilè éteint oc renou- ▼ddéé
Les guerriers ( fi toutefois ils mangent ) effleurent Faile d'un faifan t)u celle d'une perdrix ; quelques-uns d'entr'eux. ne vivent même que de chocolat ou de fucreries. On ne vuide plus des outres \ on goûte des li- queurs ânes , poifcm déleâablé & chéri. Les hommes au ^oigtiet dé fer , à l'eftomac d'autmche ^ aux mufijies nerveux , ne fe mon« ttent qu*k la foire.
C'eft fheureux fiecle où Ton répand plus à'aifance dans le commerce de la vie , où f on hriliante tous les ob^ts , où l'on ima;- -gine chaque jour dé nouveaux divertifle* ments pour cha&r ^immortel ennuK. • On y€Àt nakre erJ^lz bonne comfmgnie y terme parfait de la fiicceflion graduelle des chofes ; & la coëffiiie devient l'a&ire im-> portante & capitale^
■ ' L'amour n*(eft fjus auffi cette flamme con-^ filmante qui fai(bit pleurer les Aehilles , quî pécrflbit les Faladkis à travers tes txionts ÔC les fixêts; c^efl une a&ire de vanité: & telle femme s'imagine l'emporter en mérite fiiK h% 4JL^€& femmes à {uroportioa ^de foc»
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§34 T A B L E A If
amants. Elles, ont le coeur allez bon poix fe^ ; croire obligées de faire beaucoup d'heureux» Tout change ; nufs^ çVft pour le mîeuXà. Fils ! vous ne dépendiez plus fervîlemeoi; . d'un père qui penfoit bonnemeas que la na- ture lui avoit donné* cpiclque empijre (iir c vous. Femme ! vous vous moquerez de .fo- . tre époux ; plus de liens géfiants ; chaque > ttidividu eft libre , & n'eft. founw qu^W jwg, r politique ...
O comme tout devient fiicile & uatunel ! ; Ce qui enflammoit llmagîhàtioh de nos^ . aïeux mélancolk)ues9 eflr à peine, un^ fiijet de pkifanteriè. Ces idées Ciblimes , .qui' ivoiene- - ^gaté des têtes ardemes , qiue lieur avoient înipuré ce fanarifme opiniâtre qui tient à^ . fortes penfées , & qui fait peut-être I^ grands > hommes, ne parbiiïènt plus quefiirun fté- nie papier , où elles font jugées , noù fur leur ^gré d'élévation & de force , m^is iiu: l'eifr^ pre/Hon qui les habille Se les &core. M., db là Harpe vous dira que Milton^ Dame , Sb»* l:efpear , &c. font des écrivains monfirueux^ Il eft vrai que M. l'académicien eft. éloigné, de cette monjiruojîté^
Ce beau même qui , convne une ftatue ÎQanimee 8t polie , n'avoit parlé qu'à l'amc> Be femble plus qu'une image intelleâuelle^, &ite pour les rêveries des philofophes. Mais: fc joli eft revenu à fca tour ; le joli» a tou- ché, tousu les fensi le \mà eft louiouis chaJQ^
n E Paris. ryç
triant , jufques dans Ces caprices. Il prête, en effet des attraits à la volupté \ il eft Torateur des cercles v il attache la curiofitë ; il orne les talents de tous les avantages : toujours^ léger & différent de lur-mênie , il voit dans, toutes fes attitude^ le goût préiider a fa ftrue* lure délicate^
U ^alloit toute l'étendue de nos lumières pour donner une forme à cet enchanteur , quf revêt des couleurs les plus riantes les 6b» Jets de la nature, qu'il imite , ou plutôt qu'il fiirpaflè.
Qu'eft-ce que la beauté ? Un rapport^ une jufte proportion , une harmonie très-- fouvent froide & dénuée de grâces. Le joli n'a pas befoin d'être examiné ; il infpîre fîî- vreflè dès qu'il eft apperçu : un foupir invo- lontaire rend hommage à Ê perfeâîbn. VoyeiL ces petits chefi-d*œuvre gracieux, ces minia- tures exqpiïès , ces merveilles fragiles ;. elles en font plus précîeufes , Toei! s'y fixe avec complaifance , l'iDeil admire , & Fimagînap-^ tîon , tout aâive qu'elle eft , iè trouve &tis* faite , & ne conçoit rien au deUi. ; Tranfportons en idée dans nos villes un. ie ces hommes qui peuploient jadis les fçh- têts de la Germanie , ôt qui reparoîflènt eûr core fur notre globe fous les noms de Tàr^ tares , de Hongrois , Stc. Vous apperce- vrez une haute ftature , une large & forte poitrine ,, ua menton qui nourrit une barba
iy6 T A B L ï A tr
rude & épaiilè , des bras charnus , une jam« be fortement tendue , qui a chaque pas faîr jouer un faîfceau de mufcles élaftiques 8t iouples. Cet homme eft aufli agite que ro buite. Il ftippoite la faim , la loif ; il cour che (ùr la terre ; il brave l'ennemi , les fan fons & la mort. Plaçons k fes cotés cet élé- gant que les grâces ont (emUé careflèr en ïc formant ^ il exhale au loin une odeur d'anx^ bre ; Ton fourire eft deux , & &s yeux (ont yifs. A peine fon menton porte l'empreinte de la virilité ; fa jambe eft fiiie & légère j ks mains femblent créées , non pour les tra-- . vaux de Mars , mais pour piller les trélbrs de Famour» La faillie étmcele en fortant de îk bouche de rofè ; il voltige comme l'abeille , & ne paroît formé que pour repofer comme elle dans, le calice des neurs ; il gronde lé zéphyr ^ pour peu qu'il dérai^e fêdifice de (a chevelure. Impatient ^ k peine s'arrête^ t-il fur une idée ; fou imagination eft aufli prompte , auflî changeaute que fou être eft lemillant.
Eh bien l prononcez ^ gentils Franco^. ^ kquel des deux mérite la préférence î Avouent
Î|ue le premier vous fera peur, autant que autre vous caufera de plaifir à voir ou. à entendre^
PaûTonsatac arts.. On s'eft donné , je croîs^ k mot pour admirer ces produôions dram^ liques , où lesperfonnages font agitée dcmou^
© i P A -R I 5. 137
vemenç convulfifs, cfu les paflions fonr peinâ- tes fous leurs vraies couleurs : cela peut étr^ fort bon' pour tempérer fennuî majeftueûri
S* iirègite^'dans nos g;randesfalles de fpeÔa- e,* TyC^i*^ Iprfqu'a table on ^^t appçller la ^è'të,*'tticôre plus nécjefliîré au bien-être que %s vins les plus délicieux , récitera-t-oîi alBfs , cbihnie faifoîetit les anciens , les mor- teàut tratîques de cet épouvantable Shakef- peat 6b ' 0e ce trifte Sophocle ? O que le temps- eft bien mieux eliiployé ! Le'nnièur iplai&nt , le chanfonnîer aimable l'ertiporteht même furies maîtres du Parnaflè. Un cou- plet de chanfon , un vaudeville , un madri- gal, un petit conte, tiennent tous les et prits attentifs ^ bons ou mauvais , on rit tou- jours , parce que le j!pli eft le père de la joie , & qu'il mérite la couronne , lorfque l'homme , rendu à lui-^même , & dépouillé de fa robe , ofe avouer (es goûts , fes capri* ces , & paroître . ce qu^l eft. .
Légers Anàcréons de nos jours , qui valez ou qui croyez Valoir le Vieux chanti'e deBa- thylle , accourez , aimables frivoliftes , & faîtes difparoître le fubllmé Homère , le divîu Platon & tous ceux qui leur reflèmblent !
Ouï , lèyo/*/ éft le dieu aimable , unique, cpî met en rtiotivëmfent les fkcultés înté- neures & leur donne 'un refibrt, une viva* cité qu*elles ne reçoivent pas toujours de la vue des plus beaux objets. Le grand , le fu-
X38 T A BLE A, U
Hînie ne font point rares^ ;& .ajboipdeiy: ^âns la^ nature ; nos yeux en font fatigués» Le fublmie eft au fein de cette, iinnienfê forêt ^ dans ce défert fans bornes, da|i$: augufles ténèbres de ce temple fo|îtâjre. fe déploie fur la voûte radicule ^u |rxiû» . nient ; il vole fur le» ailes des temii^eSf^ il s'élève avec ce volcan dont la nanunje rouge & fonibre embra^ la nue ;. il accoiur pagne la majtrftéde ces vaftcs débordenpiemsv S règne fur cet Océan qui joint les (teux inoQp» des -, il defcend dans ces cavernes profondes* ou la terre montre fes entrailles ouvertes* & : déchirées. Mais le joli , le joli , qu*il eft rare I. Il fe cache avec un foin égal à (a gentil* lefle; il faut le découvrir ; c'eft-à-dirè, lavoir le rcconnoître. Où fe trouvent le^ yeux, fins Se exercés , qui font dans la- confidence de fés grâces ? C'eft une fleur paflàgerc , qu'un rayon va brûler, qu'un fouifBe va dé-- ÊTuire ; c'cft a la main de riiomme à la cueil- .^ lir , fans flétrir fon doux velouté ; c'eft à elle feule qu'il, appartient de compofer le bouquet fait pour le fein de la beauté*
Ceft peu : l'homme; unit fbn induflrîe à : l'ouvrage de la nature, & foudain le goût, de l'un furpafle Torgueilleufe création de 1 au- tre. C'eft alors qu'on voit naître ces parterres. , deïïinés ^ ces bocages foumfs à l'ingénieux cîTeau , ces élégantes broderies , ces petits plats., ceaeftanipeS'^ces ariettes. 8c ces vers
r E P À K f s;. 13^-
^cmceknts qui mouflènt comme les pedes^ liquideidu Champagne.
Heureufè nation , qut avex de jolis 'ap* partemencs, de jolis meubles ^ de jolis^ bijoux^ de jolies femmes , de jofies prodwïlions Hc^ léraires;, qui prifez avee Fureur ces char* mantes bagatelles , puiffiez-vous profpërer long -temps dans vos jolies idées, perfèc-*: ttonner encore ce joli pcrGfHage qui vo«$i concilie Tàmour de l'Europe , & toujours: merveiileufement cocfFés , ne jamais loou^ féveiller du joli rêve qui bercé mollement votre légère exiftence F
CHAPITRE e€L\r.
t
Les Convois.
^ivembrunidons nos pinceaux , il en eft temps. Tout change ,, tout paflè avec une effrayante rapidité , lè fbn &s cloches fu- nèbres me l'iannonce. Cette population ira bientôt k fondre dans les cercueils ; ils (ont tout ouverts ,. ils attendent leur proie. li& magafin eft plein : on fait cpe le nombre- des viâimes ne diminuera jamais. On it Fexpérience journalière que la mort, frappé des coups prompts & inattendus \ mais il n'y a pomt de ville oii le fpeâacle «fiit ttié^
140 Tableau
pas faflè hioîns d'iinpreflîon. On eft accou^
tumé aux enterrements ; & qui veut être
pleure après fa mort j ne doit pas mourir
à. Paris ; Ton y ^rc^arde paflèr un convoi
avec . une extrême indigence.
- Les prêtres & les follbyeurs comptent iùr
des . trépas périodiques ; ils connoiuènt les
mois de Tannée où la groflè (bnnerie fe«
tentira plus fréquemment dans les airs^ 8c
lavent quand ks cierges dn poids de deux
]ptte$ Sortiront de la: boutique, dé J'^citr»
Les. jutiés crieur^ reviemient exprès de la
^ campagne ^ & développent d'avance la lu*
eubre tenture. Les fouès font creufées &
ppantes.
Le layetur , fabricateur de noîre dernier vêtempnt ( roht d!ttc ^ robe d'hiver ^ a dit la Fontaine ) , a reçu ordre de Téglife , d'ap- porter un plus g^raiid nombre de bières. Le curé & les fabriques calculent^ chacun de fpn coté , l'argent que produira la mortalité.
Dans les fociétés, rien de (i vrai à la lettre que ce petit dialogue d'une fable ancienne ^ inféré depuis dans la comédie du Cercle. Monfieur un tel eft mort. -^ Je coupe ^xk cœur. — Cela eft fâcheux aflùrément. — Vous. jouez en trèfle, Madame. — Ce- toit un honnête homme ; de quoi eft - il mort? — Carreau.— Il s'eft avifé de mourir fiibitement ... Et la partie continue fans que la moindre altération fe manifefte fur les
D E P A R r s. 141
vîfages : on a froncé les fourcils par aîr ; maïs le cœur eft demeuré froîd. La même indif- férence attend ces âmes indifférentes*
On devroît louer, comme les anciens^ des pleureurs aux enterrements , puîfque nous ne verfom plus une feule larme à la mort de «nos parents & de nos amis. Un homme apprend que fa femme vient de fe noyer;; il frappe du pied & dit ; CeU efi bien dé-- Jà^féabl( P
Dans l'elgace de ceitt années , il faut qpè deu)C mîliôns cinq cents mille individus aé- pofent leurs oflèments & leurs chairs alkalt?-^ fées (ur ïin point de ïîx mille tbîfes de crt- confércncc', & dans cet fc^ape, trente cf- inetières fuffifent 'pour 'recevoir' c^ ^ràhd -nombrie de cadavres. Chaijue |)àrbii(ie îér clame fes morts avec 'un foin jaloux ,' & il faut Açs difpenfes pour aller pourrir , un peu plus loin.
Celtes il n'y a point de champ de bataille
où la mort fafle entendre d'une voîx ^lus
terrible & plus éclatante ces mo^ de la guéfr-
,î:e ijbldats ^ferrer les rangs. Les rangs font
ëclaircis k chaque mftant par des coups àuffî
rapides & aufli invifibles que ceux du boulet;
niab li fréquence des trépas r^amd iin'e forte
4'ihfenfibilité qui des efpritspaflè fiir les fronts.
Un convoi n'eft pis une cérémonie' trïfte ;
les riches ont un grand luminaire , toute Par-
'genterie de l'églife ^ une tenture qui ceint les
i^% T A B L « A tr
colonnes du temple , un poêle richemeik brodé , nn de profundis ^n faux bourdon ■: quatre-vingt prêtres en fiirplis blancs portent des xierges allumés , tandis que toutes les cloches en .branle retentiilènt au loin dans les airs; on chante pofémentJes vêpres ; un «uître des cérémoriies guide & jdace TaC- feniblée ; un beau goupillon pailè dans toutes \^s mains von (è range fur une mémelignti^ ^11 falue & Ton eu ialué avec prelque autant yde grâce que dans un fallon. ^
Pour le pauvre , on le congédie avec quel- ques vcrfets àss laudes ou des matines , li hi pâle lueur .de quatre cierges entamés ^ ^i portent iur des chai>deliers jde cuivre j
on galoppe rindifpexilàble uAr^ri^fz^^s^ & ceux qui portent le cercueil oc la croix de ^is 9 courent d?un pas impatient & |M:é- cipité le jeter dans la foflè. Un petit gou- pillon, dont les barbes font rares 6c uiées^ trempe dans un fale bàiitier où fon a verfô Teau bénite d une main encore avare ; le plus fouvent il.eft ^ fec , & la Biain du fik -eu^e Tami, s'il lui en selle un , ne peut arrofer que de.fes pleurs l'endroit où (ont dépofées des cendres chéries. Le prêtre eft .dé]k loin quand le ifils ôte de (es yeux le mouchoir humide; il (è trouve feul fur k '^ombe de fon pere^ & jufqu'au bedeatt * boiteux , tout a déferré le cimetière en mur- murant contre la pauvreté du défiint & de celôi qui fenterre*
m 1-' P A H :i $• ^iif
"^ Xes feîHets d^ènterrertiems réfïènïbleii a -»^es invitations V vous êtes prié^'ajfificr^ &c. hOiî trouve au bas i de la part de Mad^Jk yeày^ / de la part dé M. Jbri gekdre^ i)n ^evroit y marquer Pàgie^^du décédé \ niafe il n'y aérien de fi incivil à. Paris , que d« s'infoiraer de J'àge des morts & de celttî • des iriyaïlti:' • "- •' " ' - -
On pale toujours devance k YégliCelt xonvoîyle férvice ôc^'entéfrement. On v!Dus préféftté" un tarif tout imprimé 4 •v<)^s choi*- -Ikïèz £!bnibieB< vous ' votfiez de' préfrjcs; , Ht 'cierges, 3e Hanity&attx, de chanddieriS.^^oi>- ^lez-vous la petite ou-Ja grande 'ibnneriei vous paierez tant ^ trois votées pour k pe- tite , mi^ poôi là grîtede y vous €n aUrq^-:
' /- yjtki s'^àj^t quiitu 'fkUin.
Tout cela fe cklciile :^tant pour la préfence <i« M. le cuire , &c: '
Celui ^de, S. Euftache cft beaucoup pte cher que celui de^S. Pierre- aux -poèufi.!^ ^t^i^du qu'il: eft plus gros feigneur. Il h'etÉ- terre que lés penonnes de diftinSîon : cîti- ]quahte^ francs, pour Touyerture d'une foflTe:; j^âf?/ pour le^' chaiftres qui glapiront quanU on defccndrafUe corps ; /^x/îr^pour la garni- ture & le parement du maître*=autel \ tâût «pour le petit chœur x)u \t grand chœur'; 4ant pour le confeflèur ou ton fîmulacre^ *:4am pour JCes gants blgncs.
144 T A V l ^ A^U
On ne viendra chercher le défunt que lorfque vous 4Uf ez délivré, yotre argent ; il. ne vous fcrcît pas permis d'acheter une bière chez .un layetier ^ régliTe en tient niag^ifia & doit feule vous la. vendre ;c'eft un ao-. caparement ^ elle ^aghe fur votre bîere près* de la moitié du pfix intrinfeque.
A peine un homme a-t-îl rendu ie deniîes louper ^ qu'çn Tiariache en^çore chaud dc^ fon lit ç/QH . ne cikçvch^ plus: qy^ ,£ç.débarraflèc 4e Ion .corps. : La. 1(9 tçrîibjejSÇ; fai^P 4es jingt-qoaue heurçs^fegpç ipipBrieMfemeot dans cette • dernière cataflrophe de h vie iiiimaine , comme dans le^ fiûions thé^traless qu'adore la nation. £l]ene.(e départir«f.ja{nais 4e.' ces depx mauvaiies. ^ icn}elles regljes..,.;
* On fuit i on abaqd<jnne le corps; a .un vieil- lard. Ce vieillard "kii un ^jpxi^t !^4^ent & fubakerne , qui garde un mort la nuit , & k qui Ton donne vingt fols & une bouteille de vin. II. lit quelquefois à côté du cadavre', au lieu de Toffice des morts-, TthuÙe 6îi Ja Pucelle ; familîarîfé avec le trépas, U ye'îîl^ indifféremment Tous fon étolé'la beauté quï n'eft plus & lé vieillard qui a termîfié (k carrière \ lé cierge funéraire ne Pattrîftè pai': tandis que le bénitier efl: au pied', du lit , ' U lire fa bouteille cachée fous un c6îh..dù Uû- .ce^il, & il abrège en la vuïdarit, les lon- gues heures de la nuit.*
Avant
D E P A R I S. 141;
Avant les vingt -quatre heures le corps fera dépouillé, enveloppé d'un drap, cloue dans 1^ bière , & porté dans le trou. '^
Le lendemain on ne diftinguera plus (ba
cjcercueil ; quatre ou cinq nouveaux peferônt
fijr le Cen : c^eft ce qu'on peut voir , puif^-
Îu'ils font le plus fouvent à découvert ; & œil , s'il en a le courage , a la permîffiou de les compter. Le foflbyeur ne jeterà de Jâ terre deflùs que quand cette pyramide de tombeaux aura la proportion réquife ^ ils iw feront en terre proprement dît , que quand îl y en aura un nombre fuffifant, & que le gouffre avide fera entièrement rempli.
On s'efl: élevé contre cette précîpîtatîon| inhumaine \ mais les avertijŒements , ceux, même des naturaliftes , ne font rien fur les ufàges enracinés : plus ils font mauvais , plus ils font tenaces.
C H A P I T R E CCLVL D'un Pauvre.
JM.ais peut-être n'y a-t-îl pas auffi de ville bii lès mourants fôîentplns" di&ofës à quitter la vie. Les deux extrêmes de la fociété j^- Kcée lie font pas heureux , l'un par Ténnui , & l'autre par la mifere, li'un a fatigué feg Tome 'IL -G
v/
r45 T A B r e- a "V
fens , & ne retrouve plus le reflbrt nëcefiàire
f)our fes Jouîflànces. L'autre acheté trop cher a courte & pénible (ktisfaâion de fes 1>e« foins. Il eft las de la vie dont le premier eft dégoûte. A ce fujct^ je veux vous donner la âarfation fuivante.
Dans le fauxbourg Saînt-Marcel , lieu où par excellence dominent la mîfere , le mau- vais air, conféquemment le mauvais pain, Phuile empoifonnée , une fièvre pourpreufe , brochant fur le tout , îiioiffimrifoit les pau- vres par centaines. Ils n'avoient pas le temps de fe faire traîner à l'Hôtel - Dieu. Les con- feflèurs ne fortoient pas d'une maifon , & Pextrême-onaion defccndoit du grenier au feptieme étage (i).
Les bras tomboient aux foflbyeurs. Le cercuelt bannal , depuis quinze jours , rou- loit de porte en porte, & ne s'étoît pas trouvé vuide un feul inftant. On avoit de- mandé un renfort pour exhorter les' mou- rants ; car la communauté des prêtres de la paroîfle ne pouvoir plus y fuffire. Vînt Âxn capucîn vénérable : il entre dans une efpece d'écurie baflè ,'où foufBoit une vidîme de lacontagipn. Il y. voit un vieillard mori-
m
• (i^ Parce que le grenier en fonnoit le hukîe-' me. J'ai fait c^rte note pour les Etrangers , qui B^auroient pas conçu comment on pouvoit def> gçndrc «u icpticmç étïgc.
D 1E P A R ï 5. 147
lïond , étendu fur dtîs hàîllbns dégoûtants. B ëtoit fcul : une botte de paille lui fer voit de couverture -& d'oreiller^ pas un meuble, pas une chaife; il avoir tout vendu, dans les premiers jours de fa maladie , pour quel- ques gouttes de bouillon. Aux murs noirg & dépouillés petidoiènt feulement une ha-< che oc deax fcies : c'étpit là toute fe for- tune , avec fes bras , quand il pouvoir les mouvoir; mais alors il n'avoir pas la force de les foulevet. Prcne^ courage^ mon ami, lui dit le confeflèur ; ceft une grande grâce ^ue' Dieu vous fait aujourd'hui ; vous àllei^ incejfamment Jbrtir de ce monde, ou vous n'ave[^ eu que des peines . . • . Que des j^ei^ ' nés ? repm le moribond d'une voix éteinte. f^ous vous trompei^ ; fai vécu ajfe^ con^-^ teht ^^ ne me fias jamais plaint de mon fort. Je ri ai connu ni la haine, ni V envie: mon Jbmmeil étoit tranquille ; je me fa-^ tiguois le jour , mais je repofois la nuit. Les outils que vous voye:i^ me procuroierU un pain que je mangeois avec délices , & je n*ai jamais été jaloux des tables que jai pu entrevoir. T ai vu le riche plus fujet aux maladies quun autre. ^ Tétoïs pauvre^ mais je me fus ajfe:^ bien porté jujqu'à ce jour. Si je reprends la fanté^ ce mie je ne ^ crois pas , j'irai au chantier , '& je con^ tinuerai à bénir la main de Dieu quijufi qu*à préfent a pris foin de moi. Le cbj>
G X
>I48 T A -BLE A U
folateur étonné ne {àvoit trçp -con^unest s'y prendre avec un tel. malade. II oe pou- voit concilier le grabat avec le laif^age du mourant. Il k remit néanmoins, & m dit: Mon fils , quoique . cctu vie nt yous ait pas été fâçhcufc^ vous nc.dcvei^pas^màins vous refoudre à la quUtcr; car il faut fi joumcttrc à la volonté de Dieu ^m,. . Saosj doute , reprit le moribond d'un ton de voix femie & d'un oeil a(£iré^./oz^7€ mande doit y pajfer à Jontour., Toi fiiyiyre , ^je jdurai mourir : je rends grâces à J)ieu de m avoir donné la vie, & de me faire paf fer par la mort^ pour arriver à lui. Je fens le moment* • ^. le voici» . • ..Jldieu^y mon père.
Voilà le fage , Je .croîs 5 & cet homme.^ pendant qu'il vîvoît, fut peut-être mépriff du riche qui ne fait point faire ufage de la vie , & qui fe défoie, en lâche loxfqu'il s'agît de mourir. ^
CHAPITRE ce L VIL.
. Aux Riches^ .
fez, ufez donc du moment qui - vous relie pour faire le bien^ tout va fuir bien- •;tQt.dc vos mains* Soyçz. , charitables, pQjju:
B E Pari s. 149
ne pomt fentîr l'inévîtable reniards <\m vous attend, &. vous endurciflèz votre cœar. En- tendez-vous les cris des néceflîteux ? Us vou* redemandent la portion que vous retenez fur leur fubfiftance , tandis que les excès vous tuent. Venez., approchez; Quel fpec- cacle dëplocabie ! & fi les maux vont tou« jours en croUIànt^.qiael (èira donc le (brt de- eette ville ?
Ici, une malheoteuCe mère , împuîflànte à^tiourrir fon fils à la mamelle , voit fon (ein épaifc tromper la bouche aflamée de l'en- Ûùt chéri ^ dont la débile extAetice pe(è à èelle qui lui a dc^në le tour , & qui ne peut retarder que de cpaelques înftants la «lort prête a Tenlever. Là , l'homme vieilli ^cinquante ans (bus le faix des travaux pu- blics, n'a d'autre per^eftive que la confo* ktion d'être reçu daiSd un hôpital pour y mourir. O vous ! qui nageîs dans Topulence, qui foulez ceniéiiie peuple fous ïd pieds de vos chevaux , tandis que votre regard encorç plus cruel plonge fiir lui arec dédain & or-» gaeîl-, ne croyez pas que fesmaùx foîent ikn^ xemedes : né vous perfiiadéz ^pàs que le malheur foit rîilévitiiibÎ0 partage 1^ plus nombreufè pnrijnnHJioiVimnfîi [V/iyrr dShs le bTen comniencOe bien qui refte à £tire^ & ne penfez '{^s que les moyens manquent poui^ fecourir l'humanité fouf- fêuite.
l^O T A B L £ A TJ
Il efl peu dlioniniesqur^ en donnant aux pauvres , nVît réfléchi qu'il n'allôic pas adèz loin , & que Ton fuperflu appartenoit de droit & en entier aux indigents. Mais on ctouiïè cette voix fecrete^qui efl autant le cri de la juflice que celui de la pitié. On. Vctourdit, op étend fon néceilàireau-delà de Tes vraies dimenfions : on le fent , on cherche à (è le cacher ; mais on s'arroue k foi-mênie qu'on a'a qu'unis charité melquine & imparfaite. Le trait de la vérité é^uip-* pe à notr6 ' pro{H:e & fecrét aveu ; tant la çonfciençe eft. un^ièntiniènt profond ^ dtt-& rable , armé contre nous - ménies { Qn f a& foiblit , mais on ne l'éteint jamaiis.
Je laifliè ceux qui me liront fiif cette ré^ flexion , perfiiadé que , s'ils la négligent^ elle s'élèvera un jour d'une manière terrible contre &jx\ 8c au moment où ils voàdioieût avoir accompli le bien qu'il- fera trop^ tard de vouloir faire. Je les préviens qu'il n'y aura plus alors que l'idée confolante d'avoir été humains , fecourablès , qui applanira pour eux ce paflage fî redoutable pour quicomqiiç n^a pas ; obéi à cette voix intune , notre pe^ mier & incorrupriblfi juge. ^ :^ '
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D B P.A R I S. i^
C,H A PI T R E CGLVIII. .
Suicide^' .
Jr eraî-jeîcî le taUeau du fombre defefpoîr"? ' Dirai-rje pourquoi Ton fe we k Paris depuis environ vingt cinq ans? On a voulu metti:iB fur . le compte de. la philofophîe moderne ce. qui n'eft au fond , je rofaai dire , que l'ouvrage du gouvernement. La difficulté de vivre , & d'un autre côté le jeu & les lo- teries trop autorifées 9 voila ce qui occa- fignne les nonibrcux iùicîdes ^dont on aVn- tendoit prefque pas parler autrefois. Les im- pôts ne diminuent point; les droits d'en- trées font toujours épouvantables. On a gêne le, commerce intérieur^ ou plutôt il n'exîffe pas, tant il eft (ùrchargé d'entravts. Lcf . douanes le fatiguent & le repouflènt ; .qii a defleché, fuccellîvemer^t toutes les brat\- cl^es nourricières v,on a tout fait paflèr daiis la jiiain du roi, argent, charges , privilè- ges , maîtrifès , &c. Les agents de la Ç- na;ice moderne , calculateurs impjitoyables^ fèmblables aux vampires qui vont èncôrii c iucer les morts , donnent le decniftrjcoup^ cabeftan fiir un peuple déjà mis au preftbir. , A la longue , tant de fardeaux . accumulés >
G'.4 ■; ■ "^
I^-r T A B L E A TT
le font fuccomber. Les étemelles loix prohi- bitives enchaînent rinduftrie^ on lui. a ôté fonreflbrt^
' Ceux qui fe tuent, ne fâchant plus com- ment exîfter, ne font rien moins que des phîlofophes : ce font des indigents, las, excédés de la vie , parce que I^ fubfîltance eft devenue pénible & difficultueufe
Quand rendra-t-on à la confommatîon? des denrée3 un cours plus facile ? Quand le mînîftere , femblable a l'enfant oui fait un bouquet de la fleur de Tàrbre , fans s'envr^ barraflèr du fmît , ceffèra-t-il de taxer des denrées , c'^eft-à-dire , d'aller contre fes pro- pres intérêts ? car fi le peuple n'eft pas nourri avec une certaine abondance , comment ^ pourra- 1 -on compter fur la force, fiir la îanté , fur rattachement des citoyens ? Les Farifîens feront énervés , & la plupart fe refuferont à reproduire leurs femblabies (i).^ La police a foin de dérober au public la connoiflànce des fuicides. Quand quelqu'im s'eft homicide, un commifiàire vient fans^ tobe, dreflè un procès- verbal fans le moin- dre éclat, & oblige le curé de la paroîflè à, enterrer le mort fans bruit. On ns traîne jilus fur la claie ceux que des loix. ineptes
. i
(i) De \k\e fvQvcrbt: EfJ^nt de Paris f maii'^ maife nourriture^
ir E P A Ri s. 155.
pourCiivoîent après leur trépas. Cefoît d'aîU laars un fi)eâacle horrible & dégoûtant, ^ qui pouvoir avoir des fuites dangereufes , dans une ville peuplée de feni^ies enceintes^ .
Le nombre des fuicîdes peut monter , . aniiee coÀVmuhe , k cent ^cinquante ffeHbn^ nés. La ville de Londres rfen fpurnît pas autant, (poîque bieaucoup plus peuplée ; & de plus la çonfomptîon eft chez les Anglois - une véritable maladie, qui n'exifte point k i Paris. Cette fcoiiipatiJîïbtt nous dilpenfè de -* toute aiitrè réflexion.'^ • .
A Londres'^ c'cft donc le riche qui fc tue \ parce que là conjdmption 2ttzcjfie TAnglois opulent , & qiié'l- A^nglois opulent eft le plus capricieux des honltnès , conféquemment le plus ennuyé^ A Paris , les fuicides fe trou- - vent daris ' les claffes hifërieures , & ce crime fe commet le plus (buvcnt dans des greniers", . où date des cnatrlhfes garnie^. - Plufieurs fuicîdei ont adopté la coutuhîé d'écrire 'ptéalafbiemeiit' une lettre au liëùtè^ nint de police, afiri d'éviter toute diffiailté après leur 'déèès. Ort rëcompenfe cette ai*» 'tention , en ordonnant leur féjinltuJrè. Aùj- cun papier publier n^hnoncè-^be genre dfe mort; & dans niîHe ans d'ici , ceux qui ccriroient l'hîlloire d'après ces^ papiers, pour- roicht révoquer ert doute ce que j'âvatiçe ici : mais îl h'éft x^é trop vrai 4"^ le fiiicîdfe
J f 4 . T A B r E A u
cft plus commun au}ourd!faui k Far& qw dans conte autre ville dui monde connu*.
1
C JÇ :A P I T. R E , C.CHX^
jlFi/r^f de Saint^ Clouât
9
es corps des maDieareux qui £e noienr n'ont pas tous l'avantage d'ayP^:; ^ J^^ ^ fuperbe Océan pour tombeau , ainfi. qu'ils s en étoient flattés*. Ils ^'acrétent ^ jS^^çepté pendant les (temps de glafces., qux filets- de Saint- Cloud ; Sc çelyi ' qui a cpru. pouvoir s'échapper de ce monde fans laiflèr auame trace , eft reconnu : fe . reftes viennent at- teftef à la morru fon çtifpe , (bp ipfi^rtune^ jSyL-fon erreur^ . • - ?
Dans une fêjre publique a^ V^Jti dçiina^ 2 y a trente-deux ans environ •, fur le bord de la Seine > gonEée .pai; les grpâès eaux-, le defordre & l'injtempérance ayant fait tonv i>er dans la rivière nlufîeurs perlbnnes^ le^ iipmbre s'en trouva fa confîdérable , qu'ott leva les filets de Saint-Cloud, afin que rîeo xi'atteflàt la multitude des maÛxeureuiès vie* times.
On trouve (bu vent dans ces filets les^ pluf fingvliers débris , que le bafard entaflè péle^ mêle y & que la Seine a chariés de la capi«
D E P A-R* I .S. JL^,i{
taie. On dît que cela ne laiflè pas que. dp former un revenu pour ceux qui en oift]['^4- mîniftratîon & le bénéfice.. .:,..!
CHAPITRE. GCLX..;:
CupitaUJîes. j . i
X-ie peuple ii*a plus d'argent ; voila le gratvl , niai. Oh lui TdUtire ce qui lui en refte y* par le jeu infernal d'une loterie meurtrière /8c par des* eniprunts d'une. fédùfSîôh.'dartge-i . reufe^quî fê renouvellent îndéÏÏàmiïienhTUa poche des capîtaliftes oc de..reur$ adnérents* recçle au moins la fpmihe cfeGx ceiits^îpîj- lions. Cêft avec cette n^aflè qrfiis j6&eçt'> ^^^c éternellement contre les citoyens dii rojrau- u me., leurs porte - feuilles ont fait l^^yÇc cette fomme ne rentre'jamaîs dans la; cgr- culation..
Stagnante-^. pour aînfi dire^ elli^ appelle encore les ritheflès, feitrh loi , 'éèitf^,13fl?y^ me tout concurrent^ çfl; étrangère à lîgn- culture , à lYnduftvie ; au coniiggg^;,J^{teflrf' aux arts. Confacree k ragidH&T elle eft Ai- nefte , & par le vuîde qu'elle caufe, & par le p-availobfcur 8c perpétuel 4er»t ellfe fcjïe la natîoiK II faut que danç.cmq.oufix années Targent paflè. toyt ejptier ,, par une oj^ratioi^:
Q 6
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Kj^ Ta b l ît a ij
TÎolente & forcée , dans là maiii de ces pîtaliftcs , qui s'entr'aîdent pour dévorer tout: ce qui n'eft pas eux.
£t néanmoins on taxe les arts , on met "un impôt fur l'induArfe , on fait payer le commerce , Pon demande de Taisent à uh homme quî-travaîlle. Puîfque l'on rfentend , plus que ce mot de Yargent, de Yàrgcnt , encore de Y argent ^ qu'on laiflè donc les moyens d'amallèr de Yàrgeat ; c^t tous., (oient appelles à morceler^ à couper, à dé- pecer là maflè énorme des métaux mon- npyés , qui réfîdent dans un petit nombre^; dé mains \ favorifez tout ce qui peut creufêr lès csmau^ par où ce métal fi attendu doit (è rfjSanrIrf ^ an lipi) de faire des loix , des da — tiits'^ des reglement^î hî^arrpfj, ^^c pr/^K;k;^ tibns éternelles. Quand tout fe fait" avec dc/^ ^ fargent , iTahendez pas que des vertus pu- rement natriotiques germent fur lefol de.Ia.^ mifere & de l'indigence.
G U A PITRE CCLXI...
- JlHôtd des Fermes.
Je ne paflè ^oîhf devant l'hôtel des fermes v fans pouflcr un profond foupir : je me dis ^ \^. g'çngouffre l'argent arraché avec violence-
.■«■■' • •• «
1> t P A K I S. r57
êè toutes les parties du royaume , pour
Su'après ce long & pénible travail , il rentre Itéré, dans les coâres du roi. Quel marché ruineux , quel contrat funefte & illufbire a figné te fouverain ! Il a'confènti à la miftre publique ^ poiu: être moins riche lui-même. Je voudrois pouvoir renverièr cette immenfi^ & infernale machine , qui Taifît à la gorge chaque citoyen , pompe fon fàng fans quïl puifle réfii^r , & le dtlpenfe à deux ou trois tents partîailieis qui poflèdent la maflê en- tière des lîdbeflês. Chaque plume de coith mis eft un tube niewrtrier qui ccrafe le com- merce , Taôivité, rinduftrie. La ferme- «ft Tépouvantaîl qui comprime tous les deflèins hardis & généreux. On ne fonge plus, dans cette anarchie, qu'à fe jeter du parti des vo- leurs ; & Thorrible finance fe foutient par fes déprédations même. Là ^ enfin on tient t'cde publique de pillages raffinés ; là on offre des plans plus oppreffifs les uns que les autres.
La finance eft le ver folitaire qui énerve Je corps politiquer^Ce ver abforbe les princi- paux fiics, fait naître de fauflès faims, & tue enfin le feîn qui le renferme.'
Ce qull y a de finguliér, c*èft qu'pn â voulu abfoudre la finance , parce qu^ellé ga- gne moins aujpiudTiui qu^autrefoîs ; mais il faut bien que fes gains foient encore im-^ menfcs , puifcu!çlle bataille fi vîgoureufe- Bient pour le niaintien de fes opéiratioîis..
1^8 T A 11 L E A ^r .
Ptttflèm les adèmblées provinciales ^ le pliis^ bel établillèiîient de notre fiecle , le plus pro- pre k amener le bien le plus grand Sç, le pli^ defîré, mtiier ce corps financier, auteur de tant de maux & de défordres ! Ceik quan4 .il fera tombé , que Ton s^étonner^ qu'il ait pu fubfider (i long«4emps au dé&vantage dii ibuverain &: de k nation^ L'homme qui ^ préparé ce grand bienfait , peut être sur que fa .méa"voire ne périra poiiif , & qu'il obtien- dra fa place parmi les noms que l'on, pror nonce avec reconnoiflànçe*8C:refpeâ. Il.eft inconteftable que voilà ce qu'il a £àit 4^. i)[xieuf • Le refte ! Ah !
CHAPITRE CCLXII^
^ MontdcPiéti.
\Jn vient enfin d'établir un mont de piété, qu'ailleurs on nomme lombard ; & radmî- niftratioh , par ce fage établilïèmentfi long- temps defiré , a porté un coup mortel à Ta barbare & âpre furie des voraces ulurrefs , toujours acharnés à dépouiller les nécefliteux,. Les agioteurs mafqués , qui cachoicnt leurs opérations vexatoires, fe' font vu forcés dgns. leurs mviGblffs retranchements* II: faut qu^fk
fétioncent k un cotnmeroô/ îiië^dme , ^nt la'irôp pttîi&tttê artiîOJ?éé ctoiiftoît toute fpè- culatioti généréufe , todte etitreprife magna-
nime';j car on ne favoît plus que tourmenter l'argent , pour achever la rukie de celui qui en ctott af&mé* -. r
• >^ien ne prouve mieux le befoîn que (x capkàle avoir de ce lombard, que l'afflueMe tntai^{!able des demandeurs. On raconte des chofes fi fitiguiiéreis ^ fi introyables,'que7e n'ofoles expofer ki avant dfavcir >prîs des informatiotts pluy^artiiciiliéres ^ qui nVailto- tifent à les gfarantii?. On pa-le de qtsarantc
• tonnes remplies (k rftonti;es d'or^ pour expri- mer fans doute la quatjtité prodîgieufe qu'on y en a polrté. Ce que je fais , c'cft que j'ai vu fur les lieux foixante b quatre-vingts perfon- nés qui , attendant leur tour , venoient faite chacune un- emprunt qui nVxcédoit pas fix livriÈ^ Vwn portoit fes chÊmifes , celui ^pî àh meuble; cekiî-ia un débris d'armoîrd; l'autre fes boucles de fouliers , un vieux ta- bleau, un mauvais* habit ;'*&€. ^' On dit que cette foule fe renouvelle prefque tous les jours y &• cela dbnne une tdiéc noitiîquîvo- «pie de là difette extrême oii (bpt plongés ie plus grand nonibre des habitarits*^ ' Q^e donneroit'On à un- auteur pauvre. & ayant du génie, qui porteroit un manufcrit, par exemple , VEfprit des loix , ou rHif-
V ixAre dà ^cùn\mcrc^ d^s deux Indes ; ou VEr
t6o Tableau
mik, non iioppi^ ) QuVa diiok rhuîflîèf-^-
•ftiCeuv ? A quel.UMX aiettroit^il Fouvtagei?
L- opulence empmnte de même <pie la pall^
vtete. Telle fenKiie fort^d'un «quipage^^ en-
velopp(^e dans ià c^K>te^& y dépofe poi^
vingt-cinq mille francs de di^iwili. 9 pour
.Jouer> le ibirJ Telle àpire diétache fotvfopon , .& y detmmde de quôi^avoÎF du ptto. -^
Le mont de piété a fait tomber les dta- «aants , parce que ' cVft la première chofe <pi on y a, mife en gage , & infenfibUtqaènc oui a vu les perfonnes les phfs riches 'i)e|>Ius figurer avec ce bi: illàtxt fiiper flu^ . Il . y à eu en(tiite dans cette jpriv$ition des motifs uès- -refpeâables ^ £c qui nous font connus.^ Plus d7un fervice important a été rendu fax ces .objets dun luxe dont il eft facile de fe paf- fcr. Les femmes* ont donné cet exemple : le fentiment d'avoir fait une bonne aâion peut dédommager amplement leiir anxe fto-
. fiUe de cette frêle & petite jouiflànce. On afliire que le tiers des effets ne (ont pas re- tirés : nouvelle preuve dé Pétrahge dîfette de Péfpece monnoyée» Les ventes quî:fe font, of&ent beaucoup d'objets de Uixe a. un bas prix j ce qui peut faire un peu de tort aux petits marchands : mais d'ailleurs il n'eft pas
. mauvais que ces- objets -Ik , qui avoîetit une valeur démefurée , perdent aujourd'hui de leur taux infetile. • . . • .:
U s'efi déjà glîfle , dit.*<on , dfis abus, .dans
E
DE Paris, i&i
cette adniînîftratîon : otr rudoie un peu trop le pauvre peuple , on prîfe les objets offerts ar l'indigent a un trop vil prix ; ce qui rend e fecours prefqu'ihutile. Il faudroit que le fentiment de la charité dominât entiëre- ment , & remportât fur de futiles & vaines confîdérations. Il ne fèroit pas difficile de faire de cet ëtablîflèment le temple de bz miféricorde , gàiéreufe , aâive & compa- tiflànte. Le bien eft commencé \ pourquoi ne s'acheveroit-il pas de manière a fatisfaire (ùr-tout les plus infbrtuoés?^
CHAPITRE. CCLXIIL,
Monopole..
n homme s'empare d'une efpec. de den- rée en entier : alors il fait la loi tyrannique- ment. Voila où le commerce devient dan>_ gereiix , opprefïîf. C'étoit originairement uii ] échange équitable ; il n'y a plus de. propor- tion , elle eft rompue \ une partie des con- tradants eft écrafëe ; ce n'cft plusnn cora^* merce , c^eft un monopole , je fuis violence...— i
Cet homme tyrannique me vend la choie plus qu'elle ne vaut , parce qu'il la poflède, feul : U doit être .puni par les loix..
^vj
l6z T A BLE A U
Mais fî cette marchandife eft de premiete lîéceflîté *, fi c'eft 'du pain , du via ^ des lé- gumes , de l'huile , &c. il eft mon véritable aflàirin. Qu'on entadè les fophifmes , que les économiftes viennent me prouver que , le bled eft à lui , & qu'il eft libre d'y mefr- ne un prix arbitraire; ce vendeur fera tou- jours un barbare : il me voit {buffirir-) & il augmente le marché fuivant ; il ^t la Êb- mine & il en rit.
' Il fera puni , me dira-t-on , il Ce tron>- peratot ou tard dans Tes calculs^^ Mais bs n>éculations erronées auront été bien plus dançereufes pour moi que pour.lui ^ çary s^'il perd foh argent , moi fauraî perdu la vie*
Non : tant que les hommes feront avi- des , intérefles , iirfenfibles , il ne faut pas , que les denrées de prenoiere néceflîté foient abandonnées aux nmrs projets de l'avarice. Deft ridicule & honteux de livrer k Tétran- ger pour trente fols de plus Cur un fetier , le bled que j'ai vu croître (ous mes yeux ; le citoyen doit être nourri , & de préférence^, des produâîons de (on fol.
Les monopoles ^ tantôt fur les œufs v tan- tôt fiir les légumes , tantôt fur les fruits , tantôt fur les épices , ne font que trop fré- quents dans la capitale , & l'on pourroit âe- cufer les foppôts de la police de complicité ; car elle n'a pas toujours été aflèz vigilante à réprimer cçs indignes abus , qui ai&ment
» ï P A n I ar, 1^3
k pâme indigente du peuple & lui font dé* tefter Texîftence.
Quelquefois les hommes en place nerou- giflent pas de prêter & d'avancer leur argent pour ces opéra;tions abominables. Sous le voile qui les couvre , & qu'ils croient impé- nétrable, ils jouiflènt des fruits infâmes de leur avarice. Ce crime devenu commun- f a flétri des noms jufqu'alors recédés ; c^eft un nouveau forfait de l'opulence , & prefr qu'inconnu avant ce fiecle. J'ai vu arrher & accaparer les cboux , les poires & même les laitues.
Voici quatre vers fur les monopoleurs^^ par M. Dorât , qui m'ont toujours beaû^ coup plû.
Us tngtoutijftnt tout par un trafic honteux p
Souvent même leurs mains , par de taches aittjtis ^
i '. '} " , " ' '■ . .
Vitoutnint de Cires les jolidcs rieheffes^ ■.■:•'• . . ■: . .. . j ,
it la fertilité difptuoit devant eux»
CHAPITRE C CJUX I VJ
Le Regrat, Çiujn^à *^\
T ' ■ . ' (P^'^^7
JLie regrat eft encore ce qur tue la partie ' indigente des habitants de la capitale. Cette liialheureufe portion acheté les denrées beau- coup plus çh&Ly Se n'a que ie .]:ebut. des.au«-
. »
Tableau
rés citoyens^ N'ayant pas le moyen de faire juelques modiques avance^, pour fes provîr bons annuelles ^ .eflepaiç le double de ce qye^ valeriLW-cheû^ l'out augmente d'un tiers \ rii moins çonx cette clalïè infortunée qui ^ 1 eft obligée d'avoir recoursk.de petits mar- I chands qui revendent en détail ce qu'ils ont
\4sak. achprp. en -.détail .^
Ainfi le ^}^^]^S&a)^ maçon^, le tail- leur , le piSfé-lfaix^^Tejoumalier , ôcc, paient le vin , le bois , le beurre , le charbon^ les 3 oeufs 9 &c« à un bien plus haut prix que Iç duc d'Orléans & le prince de Condé..C^ p'eft point là apurement le chef-d'œuvre de I9 fociété. On ne fonge point à jdiminuer ces abus qui empêchent le peuple d'être nourii. L'homme qui a trois millions de revenu , a. les comeftibles à bien meilleur marché. Le vin qu'il boit eft e:xcellent, & ne lui ^ coûte pas plus cher que le vin que rhoninie. du peuple eft obligé d'acheter au cabaret \ car ît faut apprendre à l'étranger qu'à.chaque re- pas l'homme du peuple acheté fa chétîve i ration de vin , n- ayant ' le plus ibuvent nî ' ' cive, ni carafon, nî argent pour en avoir une petite ^xovi^qxï. Aupbis pauvre la be-* face. Plus on eft îndig^entAjJus^njldigence^ Vous mine * & vous rorigej ^^ OLe lel T^ïSr^^xémpfe i que Ton vend par regrat au peuple trei:(e fois la livre (i) eft
(i) Treize fols une livre de fel 1 tandis que
DE P A R I S. 1(^5
tionrSivienysnt falGfic ^dans fon origine , mais et plus rempli de mille ordures qui en com- pofènt près de la moitié. La femie oblige , ^ur^inG dire , ces regratUrs , à empoifon- xier les malheureux confbmmateurs r en leur teridant à eux - mêmes ce fel treize fols : Jb. n'ont tf autre expédient que de le gâter poiUt y trouver leur compte ; ils y verfent .wde Peau , ils y mêlent du fable & des ordures. Un abus auâî intolérable eft public.
La ferme eu donc coupable d'empoîfon- «emenr ; car ce fel analyfé offre des matie- tes étrangères , & cette falfification dange- xeufe eft Toeuvre de la cupidité financière. Comment Tame ne fe fouleveroit - elle pas d'horreur contre ces pitoyables ennemis des citoyens , qu'on rencontre à chaque pas^ pervertiflànt tout , gênant tout , & voulant encore fè détoberà la ilàriflilire qu'ils mé-^ ritent î
Le vin que Ton vend dans les cabaret» en détail , eft de même ïalfifié; & Ton »n'a pas encore yxx pendcfr im mafcfamdde-vm pour avoir tué de cette ; lanière £^ com- patriotes. On met aux galères le contre- . Dandier qui ne corrompt pas les denrées qu il vend. ^
Il tfeft malheureuleihent que trop aifc
la nature le donne à notre rqyaûme i^rcfque pour rien^
'J
166 T A B L E A ¥
de falCfier des boiflbns telles que le vîn , le cidre, Tcau-xle-vie. Le marchand «iifer*- nié dans fbn cellier , cotnpofe fecrétemeiit xes mixtions y y coule la litharge , ou pat avarice ou par ignorance. Ces procédés frau« duleux & toujours ctiminek ne font pasaflèz rigouieufement réprimés par la pcJice ^qui s^endort ou s'oublie fur un article, aufli îm«
porunt. ]Xj(^
Enfin , les farines gâtées ont été difiribuées quelquefois de foice aux boulangers desfaux- bourgs , parce que l'adminiffaration qui avoit ùit magajm de farines quand elles fiifenic endommagées par plufieurs accidents, ne voulut pas perdre fes avances , & força le peuple à manger ce bled pourri (i).
Le commerce des bleds eft donc bien dangereux dans les mains -des iiommes puimnts; ils en font payer aux. autres er* reurs ou les revers. Si je deviens marchand ^ qui fera le métier -de roi ? difoit un fou- verain à qui Ton propofoit un acaparement.
(i) Ceci Veft paffé fous le règne précédent.
. k
• -
» i: P A IL I s. 167
CH A P I T R E CCLXV.
Faljîfications^
\J n devroît donc éclairer de plus près ton* tes les opérations des meuniers , boulangers, marchands de yin , épiciers , regratiers ^ &e. • parce qu'il s'y mêle perpétuellement des frau- des qui pour la plupart nuifenc à la fanté des • citoyens. L'invigilance de la police -à cet égard mérite qu'on lui en fàflè des re-: proches v nialfe fouvcnt auffi les préfents que ces falfificateurs font aux fubalternes prépo-*
fés , leur aflùrent une impvinité dangereufe,^^
Quoi de plus important néanmoins àfiirveit^ J 1er avec vigueur , que ce qui contribue^ à la ^J\ {knté publique?
On pourfiiît avec vigilance les voleurs de mouchoirs , & l'on ne pourfuivroit pas de même celui qui ra'cmpoifonnc? Quelle con- tradiâion !
i68 Tableau
^
CHAPITRE CCLXVI.
Mendiants.
JLit comment voulez-vous , à la fuite de tant (Tabus xxoç^ acaédités , que cette ville , qu'on appelle Jupcrbc , ne pullule pas de mendiants ? Uœil de Tëtranger eft toujours défagréablement frappé de leur nombre, & ii ne revient point de fà furpriiè. Autant de mendiants , autant de taches d%p$ la. législa- tion d'un peuple. Il ne faut pas pour cela les étouffer comme on a fait dans ce qu'on ' nomme dépôts. Ceft une cruauté abomina- ble & gratuite^
On n'a pas aflêz cherché les moyens de remédier à cet épouvantable déïbcdre ; ce qui déshonorera infailliblement nos magiftrats, s'ils ne s'occupent de cet objet. On leur a propofé plufieurs plans également bons ; \k n'ont plus qu'àchoifir,
U paroît que chez les anciens il y avoir des pauvres , mais point d'indigents. Oft voit que les efclaves avoient leurs habits , leurs tables , leurs lits : il n'eft point dit dans au- cun auteur , qu'on rencontrât dans les villes de ces objets fales ôc dégoûtants , qui déter- minent violemment la pitié , ou repouffèfit
DE Paris; 1-^9
la main charitable. La mal-propreté , rongée de vermine , ne couroit pas les rues avec des gémîflèments qui déchirent l'oreille ^ & des plaies qui épouvantent les yeux.
Ces abus font incorporés avec la législa^ tion , plus occupée h conièrver les grandes fortunes que les petites. Les grands proprié* taires , quoi qu'en difent les fyftêmes nou- veaux , font funeftes. Ils peuplent la terre de^^ forets , puis de biches & de daims : ils s*é- puifent en jardins fleuriftes, & Toppreflion' des riches va toujours écraûnc la partie la- plus malheureufe. »
On a traité les pauvres , en 1769 & dans les trois années fuivantes , avec une atrocité ^«. une barbarie qui feront une tache inefFaçable à unfiecle qu'on appelle humain 8c >iclairé^^ On eût dit qu'on en vouloir <détmîre iii race entière , tant on mît en oubli les préceptes de la charité. Ils moururent prefque tous dans les i/e/7o/^ , efpece de prifons où l'indigence - ^ft punie comme le crime; » • i
On vit des enlèvements qui fe faifoiefît <^ .^ nuit par des ordres fecrets. Des vîeîllards^i^. des enfants , des femmes perdirent tout-à- co«p leur liberté , & furent jetés dans des prifons infedes , fans qu'on fût leur impolèr un travail confolateur. Ils expirèrent en in- . vôquant en vain les loixiproteârices & la mi- . féricorde des hommes en place.
Le prétexte étoit , que Tindigence eflt
Tome IL H
.170 T A B L 1 A U
"" ^oiflne du cr>nie , que les fédmonAom- « mencent par cette, ibule d!hommes qui n'ont . rien li perdre; & comme on -alloit &ire.Ie •* commerce -des i>leds , on craignit le àéCeC- . poir de cette foulo de nëcefliteux, parce qu'on ï ièmoit bien que le pain devoit augmentée , On dit , étouffons -^ Us d'aisance ; & ils fttrent étouffes^ on n'imagina ^ pas d'autres ; moyens.
Ces horreurs ont-cèflë ^ grande partiel"
i On .ne fauroit en accufer que des fubalter*
nés avides , qui outre-paflènt le pouvoir , ^
qui , frappent fur le pauvre fans dcfenfè ,
f croyant bien 4'emplir leur emploi par les
' moyens les plus extrêmes & les plus féveres.
En général , ceux mi travaillent de leurs ' ^ ' bras , ne (ont pas aflèz payés, vu la diffi^ : culte de vivre dans la capitale : ce qui préci-
1>ite dans la honteufe mendicité des hommes \ as de tourmenter leur exîftence preiquSn-l fruâueufemçnt.
Le voyageur , dont le premier coup-d'deîl. juge beaucoup mieux que le nôtre corrompu par l'habitude , nous répétera que le peuple de Paris efl le peuple de la terre qui travaille le plus , qui efl le plus mal nourri ^ & cjpi paroît le plus trifte. L'Efpagnol fç procure à bon marché la nounrîture & le vêtement: enveloppé dans fon manteau & couché au pied d'un arbre , il dort & végète paifible- ment. L'Italien s'abandonne à un doux >re^
DE Paris. 171
pos , qu^ntcrrorapt un léger travail , & oii- vre ion ame aux délices journaliere^de la mufique. U Angloîs bien nourri , fort & ro- bufte , heureux & litre dans les tavernes , reçoit tout les fruits de fon aâive indudrie , & en jouit perfonnellement. ^Allemand hoit , fume oc s*engraîflc fans (bucis. Le Suédois hunie Peau -de -vie de grains. Le Ruflè, {ans prévoyance facheufe , trouve une ibrte d'abondance dans Tefclavage. Mais le Par îfien. pauvre , courbé fous le poids éternel ées fatigues & des travaux , élevant , bâtif^ lant , forgeant , plongé dans les carrières , per^ ché fiir les toits , voiturant des fardeaux énor- fnes , abandonné k la merci de tous les hom- mes puiflànts , & écrafë comme un înfede dès qu*il Teut élever la voix , ne gagne qu'a- vec peine 8rà la fueur de fon front une ch^ tîve fubfiftance qui ne fait que prolonger fcs jours, fans luiaîlùrer un lort paifîble pour la vieilleilè.
jCHAPITRE CCLXVIL
Mendiants valides.
iVlaîs s*il eft plufieurs mendiants que la niifere force k tendre la main ,& qui , af- .aiflËs fous le poids du malheur, ont dans
Hz
17^ T A B L E A fU
le gefte l'abattement de la vraie douleur-, ^ dans les yeux le feu fombie. du délêfpoîr., il eft aufli un grand Jiombre de gueux hy- pocrites, cjui par des gcmiflèments împof- teurs & des infirmités faâices , fuiprentient votre libéralité, & trompent votre com^ paillon.
D'une voix artificielle , plaintive & mo- notone, ils articulent en traînant le nom de Dieu , & vous .pouriiiivent dans Jes' rues avçc ce nom facré; mais ces mifcnables ne craignent ni la juftîce ni fa préfence. Ils men- tent à chaque palTant .: entretenus par les aumônes ,.iis font fembiant d'être foum-ants , mutilés , pour ie jj^^hf au rravail qu'il déteftent.
On. a vu jadis des poltrons iè couper le pouce , pour fe difpenier d'aller à la guerre. Eux , ils fe couvrent de plaies hideufcs , pour attendrir le peuple ; mais quand la nuityient, fuivez ces vagaboiiGs dans le cabaret recule de quelque fauxbourg , lieu du rendez- vpus : vous verrez tous* ces jçftropiés, droits & difpos , fe raflèmblcr pour leurs bruyantes or^es. Le boiteux a jette fa béquille.^ l'iaveti- gl(-1bn'elTipIàtie, lei)oflii fa bofïè 3"e crin ; le manchot ptend.un violon ^ le^muet donne le (îgnal de Tintempcrance eflVénée. Ils boi-*- vent, ils chantent, ils hurlent, ils s'eftivirenr; la h'cence la plus débordée règne dans ces .ailènJblées* Ils lè crantent 4es.mip6ts pccle^:
D B P i^ R I S. 173
vés fiir la fenfibîlitë publique , de la violence qu'ils font aux anies compâtiflàntes & cré* dules. Ils- fe communiquent leurs fecrets ; ils répètent leurs rôles lamentables avec des
.éclats de rire licencieux. La communauté de
/emmes efl çn ufage , comme à Lacédémo-^ ne , parmi ces mifërables qui , dans une éga- lité fcandaleufe, ne reeonnoiflènt aucun principe, & ont dépouillé ces (èntiments de pudeur qui. femblent innés dans tous les
. honimes policés.
Ils fe félicitent de fubfifter fans rien faire ,
.de. partager tous lesplaiGrs de la fociété, fans en connoître les charges. Les enfants qui pro- viennent de ces commerces infâmes & lUi- . cites , font adoptes par les premiers d'entre eux , qui ont befoin d'un objet innocent pour exciter la pitié publique. Ils dreflent leur voix enfantine à l'accent de la mendicité ; & à-
, mefiire que l'enfant grandit , il transforme en métier la funefte éducation qu'on lui. a donnée. ' ,
Lorfqu'îls manquent d'enfants , ces mifëra- bles enlèvent ceux d*autrui : alors ilscon* tournent & dîfloquent leurs membres pour leur donner ce qu'ils appellent des jambes & des bras de Dieu.
Cet infâme & criminel métier enrichît- v fôît autrefois plus qu'il n'enrichit aujourd'hui, vil la févérîté de la police fur cet article* On a ^vu- des mendiants donner trente & qi^a-*
H3
174 Tableau
tante mille francs en mariage k leurs filles ^ & vivre chez eux très-commodément , après avoir râlé une journée entière pour attirer des aumônes abondantes.
Maïs cbmment ofe-t-on punir la met)<- dîcité, lorfqu'on voit celle des ordres reli- gieux , revêtue d^une apparence légale , & ^ pour ainfi dire , confacrée ? Ces or<kes (ont riches , & ne mendient , dit-on , que pat humilité \ mais l'exemple n^eft-il pas dafi« gereux ? & comment peut-on étaUir une diffîrence entre des fainéants vêtus d'un froc^ & des fainéants de profeflîon , qui fùbfiilent de la charité publique ?
Toutes ces nlles qui , le foîr , fMS offirent^ leurs appas pour une légère rétriburion , peui-» Tent être conHdérées comme de Jeunes meiH diantes ; car elles font encoi^e plus a&mées, que libertines. Elles vous demandent votre argent plutôt que vos careflès.^
CHAPITRE CCLXVIir.
Néceffitcux^
Jll n*eft prefque pas poflible, dans la fîtua- tion aduelle de notre gouvernement , qu*îl nefe trouve un grand nombre de coupables, parce qu'il y a une fbule de néceffiicux qui
I> fi P A Jl I S. «Tti
n'piit qu'utie exiftence précaire ^ & que la . première loi eft qu*il faut vivre. L'horrible.^ mëgalité des fortunes , qui va toujoiurs en . augmentant^ un petit nombre ayant tout 8c la mukîtude rien ^ les pères de famille de- ^ pouillés de leur argent par la :Voie trop fé-* : duifante de$ loteries & rentes viagères ^ fléau j modecne, & ne laiflànt prelquç plus à leurs . enfants que des contrats en parcnemin an- • nulles à leur décès \ le fardeau de la mifere y . k 'dureté infolente du riche qui marchande :n . tafueUr & la vie du manouvriec, lesentra-^^- ves mifès à Tinduftrie y. les impôts multi- - pliésf, le déplacement & Tmcertitude dès . états y le détàut de circulation» ^ hauflè* tnent^rodiglêûx des denrées ^ ks routes du ' ' commercçjahginiées , tout précipite . Tinfor- ^ tune dans un Jnéviut>le :^^ , ;, .
Amvént les loix ' pénales ^ . entourées de'^^ bourreaux ; mais on corrige rarement le mal * qu'on n*a point (il prévoir. Les potences^ , les échafauds , les roues , les galères y inu« - tiles.vengeanGeSf! Les mêmes délits recom- mencent>. parce que la fource n*eri a pas été. r fermée: il en eft de nijême^e ces plaies , qui verfent toujours un fang corrompu , parce j qu'oà n'attaque point la maffè infèâée. . ,
Plufieurs riches ne font pas devenus plus n humains. L'injufte diftributîon de la propriété - z été maintenue par les loix même & par r les; fupplice^p Le$ coupables ont eu la tenta- .-
Jj6 T A. B L JE A. U
ëon qui naiflbit de leur fituation : leurs be- foins n'ont point change. Ils auroient été fidèles obfervateurs des loix, û les loix les <u(Iènt protégés en quelque chofe : mais leurs mains étant vuides, la loi les repouflbir. jLa faim d'un côté , de Tautre des peines
atroces les tenoient en fùfpenSk Jugez de Timpérieufc & cruelle néceflité, puisqu'ils
ont hafardé leur vie. Je ne parle point ici
de ces crimes atroces &c réBéchis qu'enfantent . k vengeance & la trahifon , mais de ces cri»
mes hardis qui exigent le partage des biens»
Ceft lafociétc qui a commencé le mal ,parc^ , qu'elle n'a pas afièz travaillié pour la (ubfîf^
tance commune , que tous ont droit d'at- . tendre ; ôc le malheureux qui monte fur
l'échafaud , me parok toujours accufer uu
nche.
CHAPITRE CCLXIXt, rHôtel - Dieu.
^ 'irai à thopital , s'écrie le pauvre Parîr fiën ; monperey cjl mort^fy mourrai auffi .; & le voilà à moitié confole. Quelle abn^a- tîon ! Quelle profonde înfenfîbîlité !
Cruelle charité que celle de nos hôpitaux I Fatal feçours, appât trompeur & funeftc!
D E P AR l'S. 177
Mort cent fois plus triftc & plus afFreufe que celle que l'indigent recevroit fous fon toîc , abandonné à lui-mêiiie & a la nature ! Laf maifbn de Dieu ! & on ofe Pappelier ainfi ! Le mépris de rhumanité femble ajouter aux maux qu'on y foufFrc. Le médecin , le chi- rurgien font payés ; d'accord : les remèdes ne coûtent rien ; je le fais : maïs on couchera l&malade à côté d'un moribond & d*un ca- davre ; on lui mettra le fpedacle de la mort tous les yeux , lorfque les angoiflès de la terreur pénétreront déjà fon ame épouvan- tée. . • La maifon de Dieu ! On le plongera dans un air rempli de miâfmes putrides ; on le foumettra a un defpotifme qui n'écoutera . ni le cri de fa douleur , ni fes repréfenta- tions, ni fes plaintes;. on ne lui donnera perfonne pour le confoler, pour l'affèmMr; on fera îndîjfierent à i'enlever comme tnott ou~c6mme.çonvalefcent : la pitié même fera aveugle ôc meurtrière \ car elle n'aura plus ce qui la caraôérifè , la cohipaflion profon- de, l'attention fecourable,, les kmiesde la fenfibilité. . . La maifon de Dieu l -Tout eft dur & farouche dans ces lieux où tout fouP- fjpe. Les maladies leis plus contraires feront fous ,1a même couverture^ & uae fimple iïïdifpofition fe.cqtivcrtiràen unr^mal cruel. Qui ne fuiroit ces hofpiccs fanglants & dénaturés ? Qui pfera mettre le pied dans cette maifon , où. le lit de la miféricorde eft
tjS Tableau
cent fois plus affreux que le grabat nu de l'indigent^ & tandis que ces horreurs révol- tantes afBigent les regards de Pétranger & oppreflènt les cœurs irrités , on apprend avec une furprKè mêlée dVffix)i & d'indîgnaticai ^ que les hommes auxquels cette adminiftra- tion importante eft confiée , n'ont rien fait encore pour éviter du moins la honte des reproches ; que le grand fcandale fubfifle ; que, tandfi que tous les biens du clergé appartiennent de droit aux pauvres , difènc •les faints canons , le clergé n*a point (ècouru puiflàmment lliumanité fouffiante, & que ion zèle a paru riede fiir le devon: le plus iacré que Tes obligations bi impofoient.
Que (croit-ce , h le vol (acrilege des biens dellînés au foiilagement des mifërables , f» ces rîchefîès détournées faifoient fortîr la cruauté des établiflèments même fondés par la bienfaifance ? Eft-il fous le ciel un crime <juî méritât plus Fexécration de tous les hom- mes ? Et cependant la voix publique accufè hautement ces rcgiflèurs , dont le nom ne devroit être cité qu*avec attendriflèment & relpeâ.
UHôtcl-Dieu a été fondé en 660 par Saint Landry 8c le comte Archambaud ,
?our y recevoir les malades de Tun & de autre fexe fans exception de perfonnes. Le juif, le turc, le protcftaut, Fidolâtrc, le
Ihï P A R I s. . ^79' \^
chiétîéri y entrent également. Il y a douze cents lits , St le nombre des maladesfe monte •. à cinq ou fix nuliç. Comptez pour ^Hôpital- - général dîx k douze mille perfonnes , pour ; •Biçétre quatre k cinq mille v vous. aiurez le . dénombrement des infortunés qui ne favent -c où. pofer leur tête ; car dans nos gouverne- - nients modernes J'on reçoit l'exiftence faQ3 •^ obtenir le point ou doit repofer cette même .r e}{iftence. .
Il eft prefquê impoffible de fevoîr quels ,. font les revenus de l'Hôtel - Dieu; Ils font îmmenfesvôc ce qui le feroît aoire , c*eft : Tattentiôn que Fon a d'en dérober ,1a con- noîlTance .au public. Les abus paipitroient beaucoup plus révolunts k coté de cette opu- lence. Rapprochez la mai/on de Charité de Lyon ^ & Y hôpital de VerfailUs de rHôtel-Dîeu de 'Paris ; d'un côté., vous jap- percevrez un ordre . admirable , une régie digne d'éloges, & qui attendrit le. contem- ^^teur ; de l'autte , vous verreîîi. tou&ies vices qui affligent P^ie ,;qui la foulev.ent , & qui ne lui permel|:ent pas de pailèrfur cet obr jet fans exhaler (à profonde indignation.
On elpéroit cp^ le dernieiv ipcendie tourr neroit à' ràyàntag.e des makdés ; qu'on bà- ttroit fur ua nouvel emplacement un édifice , plus fpacieujc, plus fain; mais onra laiffë filbfifter prefque tous les ancien^ abus.
LÎHàteî-Dieix. de Paris a tout ce qu'3 faut. .
li.d:- ^
iSa T A B IcE AJ^
pour être peftilentîel , a caufe de fon atlmiof> phere humide & peu aîrée ; les plaies s'y ino;renent plus facilement, & le fcoibu^ : la gale n^y font pas moins de tarages , pour peu que les malades y féjoument.
Les maladies les plus fîniples dans leur principe , acquièrent des complicadons gra- ves par une uiite inévitable de la contagion . de l'air; c'èft par la même raifbn que les plaies (impies à la tête 8c aux jambes (bnt mortelles dans cet hôpital.
Rien ne confirme mieux ce que j'avance que le dénombiement des miférables qui përifïent tous les ans k l'Hôtel-Dieu de Par ris ôc k Bicêtre : il meurt le cinquième des . malades; calcul effrayant, & qu'on envîGû ge avec la plus parfaite indifférence !
Il efl prouvé par Texpéricnce & par les obfervaûons des phyfîciens ,. qu'iiii hôpital qui contient plus de cent lits , efl une vraie pefle : on peut ajouter qae , toutes les fois •que Ton traitera deux malades dans la même chambre , on les expofera évidemment a (e nuire beaucoup , & que par conféquent l'on agira contre toutes lès loix de l'humanité.'
Puiflè-t-îl fe rencontrer des homme» aflèz courageux pour remédier à ce qui dé- •grade aux yeux de l'étranger cette partie der Fadminîflratîon publiique f Puîfïènt - ils Bra- ver les adverfàires qui frémîflènt du moint- dre changement ! Puîflè enfin le génie du
U E P A IV I S:. I*^
Bien remporter fur le génie du mal , toujours fort, toujours opiniâtre, &. faifànt la plus vîgoureufe défenle contre tous les plans gcr ncreux qui ihtéreflènt l'humanité !
On croit pouvoir aflùrer ici que le revenu de l'Hôtel -Dieu efttel, qu'il fuffiroit pour nourrir prefqye la dixième partie de la car pitale; & le patrimoine facré des pauvres fc trouve livré aux vices d*une adminiftration îhfiiffifànte , pour ne pas dire plus , puifqu elle fç trompe depuis fi long-temps , & dans W choix des moyens , & dans l'exécution.^
Cil A P I T R E CCLXX..
Qamart^
JLes corps que THôtel-Dien vomît jôumet lement , font portés à Clamart : c'eft un vafte cimetière , dont le goufie eft toujours ou- vert. Ces corps n'ont point de bière; ils font coufùs dans une ferpilliere. On fe dé- pêche de les enlever de leur lit ; & plus d'un malade réputé mort , s'eft réveillé fous h main hâtive qui l'enfermoit dans ce groC, fier linceul ; d autres ont crié qu'ils étoient vivants, dans Je charriot même qui les coik duifoit à la fcpulture^.
iSl T A fi L £ A ir
Ce charriot eft traîné par douze hofnniesr: : Htt prêtre fale & crotté • une cloche , une. croix , voilà tout Fappareu qui attend le pau« . vrt : mais alors tout eft égal.
Ce charriot lu^bre part tous les jours de- ^ FHôtel - Dieu k quatre heures du matin % il [ foule dans le fîlence de la nuà.. La cloche . qui le précède , éveille à foa paflàes ceux . . qui dorment ; il faut fe trouver (ur Ta route .. : pour bien fentîr tout ce qu'inlpire le bruît de .• ce charriot , & toute Timpreflion qu!il ce- . pand dans Pâme.
On Fa vu , dans certains temps de moiw. . talité, paflèr jiifqu'à quatre fois en vingt- quatre heures: il peut contenir jiifqu^cinr ^ quante corps. On met les en&nts entre lès^ jambes des adultes. On verfe ces cadavres dans une foflè large & profonde; on y jette ^ enfuite de la chaux vive ; & ce creutet qui ', ne fe ferme point, dît ^ Toeil épouvanté , qu'il dévoreroit fans peine tous les habitants., que renferme la capitale.
L'arrêt du parlement , du 7 Juin 176$ ,'. qui fiipprîme tous les cimetières dans l'en-^ clos de la ville de Paris , eft. demeuré lanSt t&u
La populace ne manque pas , le jour de,^ la féte des morts , d'aller viïîter ce vafte. cimetière , où elle preflènt devoir fe rendre: bientôt à la fuite de fes pères. Elle prie & s'agenouille ^ puis fe relevé pour aller bûirc
DE P A H I S. tiy
Il n'y a là ni pyramides , ni tombeaux , ni înfcri^tions , ni maufblées : la place eft itue. Cette terre gnSk de funérailles eft le champ où les jeunes chtrurgieiis vont la nuk , fran- chiflànt les mui^ , enlever des cadavres pour les foumettre à leur fcalpel inexpérimenté : ainfi après le trépas du pauvre , on lui vole encore (on corps; & Fempîre étrange que Ton exerce fur lui , ne ceflè enfin que quand il a perdu les derniers traits de la reflcm- blance humaine.
CHAPITRE CCLXXL Les Enfants trouvés.
Xj'hôpîtal des enfants trouvés eft un autre gouf&e, qui ne rend pas la 'dixième partie de Pefpece humaine qu*on lui confie. Dans la province de Normandie oij a calculé^ d'après Pexpérience de dix ans , qu'il mou- roit cent quatre enfants fur cent huit. Voyez la Gazette des Deux - Ponts , du 9 Avril 1771 ; le réfultât s'eft trouve à peu près pa- reil dans plufieurs provinces du royaume.
Sept à huit mille enfants légitihies ou illégitimes arrivent tous les ans à l'hôpital de Paris , & leur nombre augmente chaque année. Il y a donc fept mille pères mallieu-
l84 ' T A B L E A.U:
reux , qui refioncent au fentiment le pIiisL cher au coeur de l'homme. Ce cruel aban- don que combat la nature , annonce un» foule de nécefliteux ;& ce fut de tout temps Tiridigence qui caufa la jplupart des défordies trop généralement attribués a.rignorfltnce 8c kla barbarie des hommes.
Dans les pays oii le peuple jouit d'an& certaine aifance , les citoyens même des dernières claflès font fidèles ï la loi de la nature; lamîlere ne fit 8c .ne. fera jamais que de mauvais citoyens.
A ne coofidcrer que les caufes. ordinaires * qui précipitent les enfants dans ce malheu- reux gouffre , mille raifons preflàHtc$ excu- fént une grande partie de ceux qui ont eu ^ le malheur de fe trouver réduits à cette cruelle • néceflité. Les calamités nationales ont épuifi peu- à -peu les forces & les reflburces dii corps politique ; maïs il eft une foule de eau-? fes fécondes qu'il fera très-aîfé de démêler ^ pour peu qu'on veuille réfléchir fur la conf-- titution politique de la capitale.
La difficulté de vivre s*y fait fentirde plus en plus. Quelque envie qu'aient tous les in- dividus de fe procurer de quoi fubfifter hoa*- nêrement , il ne leur eft plus également poCj fibîe d'y parvenir. Et comment fonger à la fbbfiftance des enfants , quand celle qui ac-4 couche eft elle-même dans la mifere , & ne voit de ibn lit que des murailles déppuilléesJt
DE Paris. • 1.85
Le quart de Paris ne fait pas bien fure- ment là veîile fi fes travaux lui fourniront de quoi fubfifter le lendemain. Faut - il lêtre étonné qu'on fe porte au mal moral , quand on ne connoît que le mal phyfique?
En tout temps, a toutes les heures du jour & de la nuit , fans queftion & fans forma- *lité,on reçoit tous les enfants nouveaux-nés qu'on préfente à cet hôpitaL
Ce (âge établiflèment a prévenu & enir péché mille crimes fecrets : Finfanticide eft aufli rare qu'il étoit commun autrefois ; ce qui prouve que là législation change tota- lement les moeurs d'un peuple*
Une fille qui a eu une foibleflè , la dérobe à tous les regards \ elle n'en porte point la peine. Je crois qu'on a mis le libertinage un peu plus à fon aife ; d'accord: mais outre qu'il eft des inconvénients inféparables de toute grande focîeté, &c qu'il féroit inutile de vouloir anéantir, on a paré à une mul- titude de malheurs , de fcandales & de for* faits.
On avoît propofé de faire de tous ces en- fants trouvés autant de foldats.^ Projet bar- bare ! Parce qu'on a nourri- un enfant, a- t-on le droit de le dévouer à la guerre ? Ce feroit une charité bien inhumaine que ceBe qui l'éîeveroit pour lui redemander fon fang « lui ôter la liberté malgré lui. Nul ne doit naître foldat , que tous les citoyens ne. le fbiênt indiflindement : .
i86 Tableau
La tendreflè niaterneBe s*eteîgnoît devant le Entai point-d^honncur , loi^e le généreux faint Vincent de Paule (qui niériteroit ui^. âoge de la niain du panégyrifte de Def- cartes & de Marc - Aurele J of&i^ un afyle k ces innocentes yîâînie$,<P^. doivent le,
{"^our à la foibleflfè , a la féduâîon y ou ao . îbertînage.
J'ai dit que le nombre des enfants trou-.. Tés montoit à fept mille par année ; mais il £iut obferver qu'un grand nombre de . ces , enfants viennent de la province. Là, quand . une fille devient mère , elle &it partir ie-^ . crétement l'enfant qu'elle craint de copfer- . ver, & que dans toute aunre çîrconftanceL. <lle eût idolâtré. !
Ce malheureux enfant , qui perdroît ceik .. qui lui a donné le jour , exilé par le préjugé^ au moment de fa naÛIànce, eft recueiUî, de lieue en lieue , par des mains merçc- . naires. Hélas! c'eft peut-être un Corneille ^ on Fontenelle, un U Sueur, qui dans ce tranfport va fuccomber a rintempérjè dès, . laifons , aux fatigues du voyage ; 1 oferaî-je dire, au défaut de la nourriture j &,ce qu'il ; y a d'incroyable , c'eft que ce mêrue en- fant, venu de Normandie ou de Picardie - à travers mille dangers , y retournera Iç Ibîr ; môme de fon arrivée à Paris, parce que je (brt lui aura donné k la crache une nourrice Normande ou Picarde..
B £ P A R I s. 187
Ceâ un homme qpi apponte fur ion dos les enfants nouveaux - nés , dans une baite matelaflee , qui peut en contenir trois» Ils font debout dans leur maillot , refpirant Tair par en haut. L'homme ne s^arréte que pour prendre fes repas & leur faire fucer un peu de lait,. Quand il ouvre fà boite , il en trou- ve fouvent un de mort ; il achevé le voyage avec les deux autres , impatient de fe dé- barrafîer du dépôt. Quand il Ta dépofé k Kiôpital, il repart fur le champ pour re- commencer le même emploi , qui eft fon gagne ^pain^
Prefque tous les enfants qu'on tran(porte de Lorraine par Vitry, pérîflènt dans cette ville. Metz a vu dans luie feule année neuf cents enfants expoies^ Quelle matière k ré« flexion t
Il (èroit temps de chercher un remède à ce mal. Ou il faudroit ceflèr de méfeftimer la fille honnête 6t ceurageufe qui nourri- coit de fon kit fon enfant , & racheteroit ainfî (à faute par tous les fokis maternels ; ou il faudroit épargner à ces enfants ce tranP» port pénible qui en moiïlbnne le tiers^ tandis qu'Un autre tiéts périt avant T^e de cinq ans.
En Prufle , toutes- lès filles nourrîflènt leurs enfants , & publiquement.. Il (èroît pun? y celui qui les ofFenferoît de paroles dans cette augufte fonâion de la nature. On s'accQUi»
l88 T A, B L E A U
tunie a ne voir plus en elles que des mè- res ; voilà ce qu^a fait un roi philofbphe; voilà comme il a donné des idées (aines à fà nation.
On avoir propofë de (iihftituer aa lait de femme , celui de chèvre & de vache : le Nord fe trouve très - bien de ce fyfléme. Pouiquoi ne profiterions - nous pas de l'idée que nous avons donnée aux nations étrani- gères ? Elles favent mettre en pratique ce que nous imaginons infruâueufement.
CHAPITRE GCLXXII; Loterie royale de France.
A.'Jtre fource de grands ^ maux, & nou-- veilement ouverte. Ceft un fléau qui ne fe renouvelle pas moins de deux fois par mois. Cette loterie , fatale dans tous les fens pof- Ebles , eft une véritable contagion qui nous cft arrivée d'Italie* Elle fut condamnée dV bord a Rome, fous peine de banniflèment^: pourquoi faut - il qu'elle fe foît répandue dans prefque toutes les grandes villes de l'Europe i Paris avoit aflèz de maux inteftins à -com- battre , fans celui - là.
Les entrepreneurs favent très - bien que leur gain efl inimenfe 8c infaillible y que le
le
DE Pari s. 189
Hombre des perdants doit furpaflèr de beau- coup ceux qui gagnent ; que prefquc toutes les chances font k leur avantage ^ qu'il n'y a aucune proportion ,entrc la mifc & le lotj & ils font jouer au pauvre peuple , deux fois par mois, le jeu le plus infenfé & le plus dévorant. Le ftupide vulgaire fe flatte d'attraper un quaternc ou un qidnc.
Les fiiites funeftes de cette cmelle loterie {ont incalculables. L'illufion fait porter aux cent douze bureaux l'argent réfervé k des' devoirs eflèntiels. Les domeftiques , incités >ar un appât dangereux , trompent & vo- ent leurs maîtres. Les parents aveuglés par leur t^ndreflè , croient doubler leur fortune , & la perdent entièrement. Les commis , les caifïiers faafàrdent leitr dépôt, & fe don- nent enfuite la mort par détefpQir. PldGeurs ^ maifons font tombées par re j^u ruineux. Une certaine ivreflè s'empare de tous les infortunés , & ils perdent le dçrnîer foutien de leur vie défaillante'. Oii eft' pleînerhent înftruit de toutes ces fceries tragiques, dé- (aftreufes & prefque journalières V & inal- grc toute l'évidence du. danger. 8f toufc la' forée du fentiment, qui fait voir cette loterie , comme vexatoire , oneri lailïê fiibfifter les^ ffjhéftés opératîorisV tant oh 4;foîf d'argetit,! .taftt' dn fait peu de cas des'tnoéurs & de' 1à ti^aiiquillité des -familles ! ' ttCW tbttqu^ei odieuféè ^ de '^^tîat * fot le» '
190 Tableau-
citoyens , & des citoyens Cm: leurs frères , font- elles dignes de la mère -patrie, & la fociétc devroîc-elle immoler ainfî fes enfants^ leur tendre des ptig^es , & appeller d'inévi* tables défordres , en agitant périodiquement toutes ces roues de fortune ?
On parle de décorer la ville , de bâtir des édifices; Vaifance & Us mœurs en fini îc plus bel ornement , difoit Zenon. La Divi^ Bité ne manepie ni de temples ni d'autels ; mais ce qui doit (ùr-tout réjouir les regards^ c^eft la fubfîjflance aifce & journalière d'un peuple heuremc & content. La prudence eQ politique eft Fœil des autres vettus.
Extrait, anibe, terne, quateme^ quine., mots ci -devant inconnus au peuple, quels, défaftres ne lui avez-vous pas dé)à cau£esl Quel argent ne lui av^-vous pas eidevé fur- tivement ! Helas ! il ignare cpie cette loterie efl toute a Tavantage des banquiers , & il paflè ÙL vie â comFiner des numéros. La crainte & FelpéraïKe le rendent fuperftitieux 6c hébété , & ne lâchant pas même calculer, il refte dans la plus grofEere illufîon. Son igno- rance ii cet égard devrait être fa fauve-garde. Le roi de Prude , fage législateur , a banni les lotenes de Berfin & de fes états : ce grand exemple^ donné par une tête forte & habile à gouverner , £t plus que tous les raifonne» ments ; & fa longue expérience dépolè conti» cç$ jeux qui deflèchesit les forces vitales^oa
«empire, en étant au peuple une partie de ùl fubudance.
CHAPITRE CCLXXIIL Le Chapitre i^uivo^uu
V>*omment préferver Paris de la faîm <pî menace perpétuellement les deux tiers de fes habitants , infenfiblement ruinés par les féduc- . rions les plus perfides & les plus multipliées ? Parlons à une ville dépravée , & dans une
- ville corrompue* Depuis que la focîété a admis & confacré par fes loix même une prodigieufe inégalité de fortunes, le grand forfait a été commis , & depuis chacun a
- & a dû avoir fà manière rfexifter. C'eft un combat perpétuel , où tout fait effort fur la maflè des richeflès , pour en détacher quel- que partie. Il, ne s'agît plus ici des loîx pla- toniques; il faut confîdérer aujourd'hui, le renverfement de la fociété naturelle ^ les effets monftrueux du luxe,' & la dépravation gé- nérale qu^il a entraînée. L^état eft un corps malade , gangrené j il ne s'agît pas de lut in^fer les devoirs d'un ccwrps faîn & vi- goureux, mais de le traiter conformément il' les plaies prefqu'incurables.
>Lc lim toil peut guérir les plaies du luxe :
V
191 Ta b l e a u
c'cft un poifon devenu néceflàire à Tenfèm* ble. La première loi cft de vivre. Le fpec- tacle le plus hideux eil le vilàge de la miïère oifive, & qui attend la niort, les bras crol- fés , en pouiiànt quelijues gémiilèments inar- ticulés ; & comme la capitale eft un amas confus & incohérent d'hommes qui n*ont ni terres a cultiver , ni manufaâures k diri-
fer , ni charges à reniplir , ^ui font éaaSh u fardeau journalier de l'indigence , & qui Tïê peuvent vivre que d'une induftrie prompte & particulière , il faut , puifque le mal eft fait , & qu'on a toléré tant de Coites d'abus , il faut donner des moyens de fiibfîftance à cette foule d'hommes qui poorroient faire
pis.
L'état autorife publiquement une loterie y qui n*eft qu'un jeu de hafard, toujours favo» table au banquier , & dont le gain eft pour lui feul. Et, pourquoi interdire les mêmes jeux aux particuliers , tandis qu'on les ruine d'une manière toujours infruâueufe pour cha- cun d'eux ? Ceft Fétat qui joue , mais . qui joue à coup fîir. Qu'il reftitue donc aux par- ticuliers les avantages & les bénéfices : il vaut mieux qu'un homme foit joueur que d'être un ufuritr , un efcroc , un voleur. Dès que Toifiv^eté règne dans une grande ville ,, le feul moyen de parer à fa deftruûîon iné-. vitable , cil de faiie en forte que les moyens ^e fubfiilance ne foient refufës à perfonne ;
DE Paris. 19 j
car la loi voulant être raifonnable , devien* ^oit aveugle 6c inhumaine.
Le jeu éft un commerce momentané ^ tapîde , fufceptiblè d'un nombre infini de «cluuKes , propre à divifeir merveilleufement les trop grofleis Fortunes. Il forme une cir- 'culation d'argent^ & cette circulation abreu- ve , vivifié , & de plus Favorife les confom-« madons. Ceux qui ne jouent pas , fe reC- ientent du héhéice de ceux qui gagnent. Dans l'ivreflè du gain , l'argent coule , échap- ye ^ SkCe répand fiir tous les pas de l'heureux loueur. L'avarice devient généreufe , & tous les Fronts font déployés par le mouvement aâif de l'^fpérance de de la joie.
One circulation très-rapide eft imprimée à fârgem ; tous les marchands s'en reflèn- stent , & de proche en proche tous les plus petits canaux du corps politique reçoivent des germes de fécondité.
Taimerai toujours, mieux voir dans Paris
;des niai^j^Ds-^le^fitt- 9 ^^^ ^^ tnaifons de -prtilHtuâéiv. Les premières peuvent caufër -quelque bien ylés lecondes ne peuvent qu'être funeftes en %dus Tens. Le fyftême de Lavs fût un jéû'^bHc. Jamais on ne vît tant d'ao- ^vité en France^ le mouvement ^u com- merce étoît rapide , its ifèires multipliées , & tous les petits états jouiflbient. Ce jeti moins défordonné, moins violent, contenu Tome IL i î
^54 Tableau
.dans les limites qui appartiennent à chacfue objet, eût été très -utile.
Ne nous abufons donc pas aujourd'hui « ^ voyons, les chofes telles .qu'elles font. De* puis que Yov eft Teiprit vital des empires^ & que les rois eux-mêmes ne régnent que ,par l'or , on ne compte plus que Tes heu- nreux pof&fièurs. Dans les rangs les plus éle- .vés , tout comme ailleurs , ou fè bau& pour 4:ama(Ièr l'or , & (ànji.lui tout eft vaine dé- .coratioïu .
Les dignités fiériles ne (ont pins des di«
«gnités. La fcience du bla(bn . eft reléguée
.dans les diâionnaires , & nous demandons,
comme l'AngWs , non plus ^fuel homme
.e/l-ce? tti^is cotnbUn a-t-il? ÎJégaikté des
individus , qui le croiroit ! (èmbleidevoitré-
■ naitre des fermentations même du luxe :.«n.
attendant qu'il nous tue , il nous fb(pend ^
égaux, fur les bords de l'abyme. Plus de
maîtres dans nos cités que ceux qu^n fe
donne , plus, d'^^'^ves que- ceux: qui- n'ont
point d'or : qui a de l'or, peut regarder tout
.homme en face ; qui a payé l'impôt au (bu-
verain , eft abfolument quitte envers lui»
On fe l'arrache , on fe le partage -, cet oc . fi nécefiàire ; & dans ce combat , le vain- queur d'aujourd'hui fera demain vaincu. Qui ,ns fent que dans un tel choc politique, & fi jet a tant de balancements , les dirorentes ; places que chacun occupe , n'admettent point
DE Paris. 19^
de différences légitimes aux yeux de la raifon; qu'il n'y a d'autre diftinftion réelle & per- manente que l'or; qu'il faut donc le lancer en tout fens , afin qu'il paflè de main en main ^ ,& que chacun ait le droit dVn obtenir des parcelles? Ne fent-on pas que, confacrer d'un côté les monilrueux héritages , & empêcher de l'autre que tel homme n'hérite d'un autre -à une table de jeu^.c'eil la contradiâipn la plus abfiirde , la plus dangereufe , même au gouvernement aâuel , qui s'étant fait ban- quier y 2L diftraît fciemment le bien qui pou» voit réfulter de ce jeu ef&oyable , où tou^ les dé(avantages font riéceflairement pour ceux qui pontcnt ?
Si ce remède paroît oppofé à des réflexions .plus fages , je ne l'indique que comme ih^ remède momentané, & qui donne le teqips au législateur de recourir à des moyens plu^ jconformes à la vertu. Ceft Colbert qui a commencé le mal, & je fuis pleinemçpt ^uftifié par fcs înftitutîons & celles de' ftç imitateurs. Colbert à la tête du commerce ,& des manufaâures , leur a facrifié l'agri-» culture. U a porté dans le (èin des villes cette ibule d'hommes qui fertilifoient les campa- jgnes ; il a créé la claflê innombrable des r,en- tiers* On avoit des ouvrages d'un travail pré-: .cieuxy 8c l'on manquoît de pain. Qn lit avec étonnement que , durant les troubles de Fran- ce qui précédèrent le règne de Henri JY ^
la
,t^6 Tableau
;le royaume prôduifoic des fubfîftances deuR fois au-delà de la confommarion des habt- étants , & que , pendant les ofpératîotis htiU lantes de Louis XIV , au mîfièn 'des mira- ,cles de la peinture Se àt ,là frtilptûre , {ft nation fouffroit de, la dîfette ; di(k£è qui àé- puis s'eft fréquemment r^nouvellëe : {ce qdi prouTC un vice dans le mînitterè de te Cot- ; rert fi vanté , qui a prdcuné à Louis XÎV .de nouveaux moyens de prodigâUré , qui à /ondu le peuple dans le feri^idë de h CQnir.^i 4]ui a augmenté la puiflànce royde ail-deSi .de fès bornes naturelles.
Et ce qu'il faut remarquer , ^cW que :,
^malgré Colbert , le manufaâurîer & fc màf-
.thand n'ont jamais pu jouir dun degié.d'ef^
time égal a leurs travaux. Pocrrqtidi celtfi
qui acheté fe eroîroit-il au 4cflus de 'ceWî
jçuî vend ? Les befoins ne foiit-ils pas léifi-
^>r6qûes ? & ^e quelle .chôfe dàis te Htàûèk 'argent n'eft-îl pas le figtlè ? On fddâdielè uôrie v.on paie lés autels. Le thdfiirqpe. '8t ,ïe pdntîfe ont des reVeftus qu'ils toùdhënt de leurs mains en mohtiôîe. Les récÔnSpfenfii les plos illuftres ont , dans tdos lès états ttlbî- dérnes , l'argent pour bafe. Je Vdis lésgfariâfe Xeigneurs âqfli âpres ^ l'cibtériîr , que cei& .qui en font totalement privés. Tdùs lès grâhâk xoniédieris de ce nloildè^ depuis ceux qdî îjouent fiir lés tréteaux "jufqu'h cêtnc qui re=- j^iréremetit daïïs tes c^ours ^ font payés ^ J8c
DE Paris.- 197
d'avance : conformité aflêz remarquable. Le commerce , dit-on , eft fôndé fur le gain : voîlk ce qui l'avilit. Mais tout refpîre le gain.'^^ Celui qui fe trouve -an lever du roi , fait une* çfpece de. trafic de fon tenips , de Ces coùr^' les ,.de Ces afiiduités, de (es courbettes* II* j*e voyage cependant que de Paris à V^r-- failles. Le n^ociant vifite tous les ports de • l'Europe ; il eft utile à tous les hommes. Tel -, 9> rapporté de fes voyages une multitude de çonnoiflànçes j Sftel gentilliomme qui ne" veut vendpe que (bq fang , marchande des années entières un régiment qui lui échappe ; & le voilh pauvre, lui & fes defçendants y ppur deux cents années.
Ai-ie plaifanté, ai-îe raifqnné V Ceft cp que je vous laîfïê à deviner , leâeur, - .
C H A PITRE CCLXXIV. AUs lUgrcts , ÇihUn fupcrjlus.
in voyant tout ce qui déshonore à ce point un peuple riche &policé,quel écrivain n'a point regretté de bç pas trouver d^ns cette ville une tribune aux harangues , o^ l'pn parleroit au public affèmblé ? On y tonneroit contre de cruels abus , qui ne cèdent en tous pays , que quand oh les a dénoncés a i'apir
198 Tableau
madverCon publique. Les plus beaux mor- ceaux d'éloquence qui nous reftent de Pan- tîquîté, font émanés de la tribune j & au- jourd'hui , que les lumières politiques de- viennent plus faines , on y propoieroit ce qui pourroit être utile au public.
Qui oferoit y monter (ansfe (èntîr écfaau^ fé des nobles flammes du patriotîfinc ? Au- jourd'hui, dans les gouvernements les plus libres , les peuples ne connoîflent les débats des admîniftrateurs que par les papiers pu- blics ; moyen toujours précieux , mais bien îiiférieur à là parole qui tonne au milieu d'une immenfè aflèmblée.
C H A P I T R E CCLXXV.
Souhait.
X^ette population qui s'accroît, s'accroîtra encore ^ car depuis que les routes font ou- vertes , tout vient , tout fond des provinces fur la capitale ; des colonies de jeunes gens accourent , abandonnent les toits paternels, bit pour y faire formne , foît pour y vivre avec plus de liberté ; & de Ik ce nomore in- fini de gens qui cherchent de l'emploi & de l'occupation. La maffè d'argent s'y pré- cipite , oc d'autant plus qu'il ne reflue pas
i
DE PARI S. lf^9^
vers les provinces , & que les provinces jr verfent inceflkmment le leur. Mais cette* maflè fe concentre en un petit nombre de mains.
Ces confidcradons ont fait defîrer à plu- fîôirs que Paris devînt port, comme il la' été autrefois , à ce qu'il femble. Il eft sûr que le commerce maritime conviendroit très-, bien à la capitale d un royaume auffi peu-- plé que la France , fur-tout fi Ton confidere- que prefque tout Par gent eft -dans Paris. Ce commerce ne nuiroit- en rien aux autres* villes du royaume , parce que les relations . nouvelles, ouvertesavec l'Amérique , pour-; roient occuper le double & le triple des* vaiflèaux qui courent les mers ^ parce que le* propre du commerce eft- de vivifier toutes^... les parties qu'il arrofe ; parce qu'avec le- temps & quelques efîbrts , l'on peut enlever à». FAngleterre ôèà la Hollande une partie de- cet empire prefqu'exclufif qu'elles s'attribuent.'.
. Quelle incroyable adivité ^ & quel fur-t croît d'inauftrie naîtroient de œ nouveau point de vue ! IL agrandiroit & .«nriobliroirf les fpéculatîons de nos financiers , trànsFor-» mes en agioteurs^ faute de plus grands> moyens. Il fourniroit une multitude de reC*' fources à tant d'lK>mmes qui langirillênt ave du coarage&'dii talent.
Le projet de faiife aborder les vaiflèaux- nucchand^ W pied du fuperbe palais desi
ioo Tableau
Tuileries, nVft pas jugé impraticable. On prétend même que , pour vaincre toutes les difficultés , la dépenfe tqjt^e s'excéderoit p^s^. quaranre-fix millions. Tai vu un plan oui Siie femUe Revoir étrç vainqueur dp toupies, ohft^cles, & qui rendroit la rivière navîgsir. ble en tout ternpsv
Eh quoi ! eft-ce ^u pcwpfe qui a ]WA Ia< Méditerranée à l'Océan , eu - ce au pays quiv a enfanté Riquet & Laurent ^ redouter uti»^ entreprife beaucoup plus facile ? Et quand iK fallut ordonner aux eaux du canal de Lan«. guedoc de palier fur un pont ,& de traver-* lei une rivière , de couler à travets une mon- tagne percée à fa aéte , de monter , de def* cendre une autre montagne fkns ^^garer^ c^étoîent d'autres travaux, d'autres difficultés aNdomptét; diiHcu!tés,regardéeiC(tfnme k-^ fbrmontables. On en vint à bout néanmoins, fur plus de quarante lieues d'étendue ; & la fciencedes machines n'étoît point alors per*, feâionnée au point où elle eft aujourd'hui.
Quelle entreprife plus utile & plus nécef^ Sûre ! Pn a dépenfë bien davantage pour^ des bofquets peuplés de marbres ftériles , & qui n'atteftent que l'orgueil des rois , & non . leur magnificence. Mes- voeux hâtent le ma-, ment où cette ville aura un débouché pour fes nombreux enfants , obligés le plus fou- vent de Vexpatriér , ou de ramper- dans* des. occupations qui dégradent l'ame. Je lui vok
}Ï*E P A R I S.
ZOI
alors un gage de fubfiftance affùrée , un gage de félicité , ÔC^je ne^ tremblerai plus fur fes - futiurs deftins ; elle aura un r^ng egal^ux ca« pitales du monde. Mais je ne la conHdérerai vraiment comme floriflante , que quand elle.- fèfèra fait jour au fein des mers y pour ap^ - peller en lig^e direâe Tabondance dans fes murs : (ans ce moyen , le. revers le plus, inattendu peut tout- à- coup la dellecher, la flétrir , & doni^er la mort à fes citoyens.
C HA P I T R E CCLXXVL
^ Paris-Port.^
.i-*u.
l.andîs qu*on a dcpenfë trois ou quatre millions pour des guerres folles , inutiles , inconfëquentes ^ comment n'a -t- on pas réalifé le projet de faire venir les vaiflêaux à Paris? Rendre Paris ^ port ^ comme il Ta été autrefois vrétablir l'ancien commerce ma^ . rîtimede cette grande ville ; y faire aborder les vaiflêaux qui viendrwent y mouiller des <patre parties du .monde ; ne feroît - ce pas donner tout -àr coup au commerce, de la France la plus vîgoureufe dé toutes les iriï* pulfions ? L'opulence de la capitale , fa po- • pulation, Paâivité dé fes habitants, tout g^oantiroitles fonds , les matelots & le fuccès* -
202 T A B L E A V
Le projet eft praticable ; il ne faudroïc que creufer le lit de la rivière , pour qu'elle fût navigable; & les frais devroient - ils étro épargnés pour cette magnifiqoe 8c impor- tante opération î
Alors peut-être, fans la marine royale ( cette coûteufe & inutile décoration ) les armateurs fortiroient en foule, & (è rea- droient redoutables , parce qu'ils macche- roient avec toutes les forces réunies d'une ville peuplée , induftrieufe & riche. Le (brt de la capitale ne fermt plus incertain : der reflburces promptes feroient aflùrées à . tous lés régnicoles. La France comporte par Ces richeilês territoriales , cinq ^ fix villes mari* rimes du premier ordre , & nous en avons à peine trois.
Tout ce qui eft dépenfc à Paris en luxe frivole , en jouiflànces futiles, prendroit na- turellement fon cours vers un commerce •and & généreux , qui élevéroit les âmes l les efpiits. L'agiotage difparoîtroît pour faire place au négoce : mure rougîroit quand elle appercevroit des moyens plus grands^ plus lucratifs & légitimes. Enfin , fi les fuc- ces font proportionnés a la ma(& de pou- voir qu'on met en aâion , de quels avanta-* ges ne pourroît-on pas (c flatter!
La tête d'un pareil royaume figureroît avec plus de fplendeur , environné de mille vaifTeaux \ 8c Tabondance qui ne vient à
DE Paris. 203-
elle ^u'ert épuîfant les environs & fctîguantt les honimçs 5 les. chevaux & leç routes^ vien-; drQH flotteiif fajis peine Q(i:/aii$. efFoits ail^ pi^. de fès : piagnifiq^es rciiipa^ts* -L'i«diife . trie aiguiUounëe en tou^ fens ;^: tïp Terbic plus^« , timide ni obTcure; elle r s'agrândiroit avec/ le projet ; v^Sc la réaâion de tous les efprits opéreroit^ quelque-^ çhofe ^ de grand 9 ç'eil*t a-dire., df Ir^^laof Ji 1? pjiiflànce: réelle du; .: royaumer* .; :^ ^ ' , f.
Cette nouvelle > conquête vaudroit bien-^ celle de quelques isles éloignées , fur la poC*. fefEon defquelies s'égare la routine de la po-/ litique moderne»
Si Ton remoiite dansrrhîftoîre, l'on verra que des peuples de.la Suéde , du Daneniarck & de la Norwege, au npmbre de quarante mille hommes ,. ay^nt a leur tête Sigefroi , vinrent en Tannée 8 8 «5 , faire le Gege de Pa- ris avec fept cents v|iîles ^ fans compter les barques;: en forteqpaq rapport ifAbbon,' religieux de l'abbaye Saint -Gemiîijn- des-; Prçs r contempotfûn &.. témoin oculaire , ^ui a écrit l'hillpire dexçtte guerrie.en deux volumes en..vers latins ^ la rivière étoit cou- verte de leurs, bâtiments Cefpaçç de deux, lieqes, Il:;4oute qu^'ilsé^oiçoi^^çjii^^veyo^ jfeis daiisl^nj^êni^./fiecleJ,. ,j-.
Jules-Céûr rapporte dans^ le troifieiiie H^ rxe. de fes Coiumentaîr^ ^ qye.4gr^,d« Ja CQXî9jêteLdes G^^vdeSjilfit faire pendrint uq
204^ T A B L E A V
hiver fîx cents Taiflèaux des bois qui âdeht aux environs de Paris:; qu'au printemps il' fit monter fur ces vaiflèaux Conr armée , avec* armes , bagages , chevaux & plY>vifi(His ,* dt: cKi'il defcendk la Seine 9 palla à Dieppe-, 8c: de-Ëi en Angleterre , dont il fit la conquête»
N'avons-nous pas vu , îî y a quelques an-- nées, le premier Août 17669 le capitaine Berthelot arriver, au PoDt-Rmral, vis-à-vis des Tuileries , fur Ion vaiflèau àe cent Ibixam te tonneaux , de cinquante - ôtKf^ pieds de quille, & dont le grand mât avott quatre- - vingt pieds de hauteur ? Lor£]u'ir partit le 22.. du même mois\ chargé de marchandises ^ Feau dé la Seine étoit à peu ptèsi la même, hauteur , c'èft-à-dire , k vingt - chiq pieds. Ce vaiflèau eft arrivé de Rouen k Paris en fcpt jours , de Rouen à Poîfli en quatre^ & une autre fois du Hawre à Pans en dix jours. ^
Uacadémîe des fciences , belles - lettres & atts de Rouen , annonça dans & féance- publîque, tenue le premier Août 1759 ^ qu'elle propofoit pour fojet du prix de Fan* liée fuîvante , cette queftîbn : La Seine lia-*- trille pas été aiàrrfbis navigable pour des Taijfeaux jphs conftdérables qùtteux qiiettc porte , Çf ny aiiroit-^il pas dés moyens de kii rendre^ ou de lUi procurer cet avanta^ ge ? En 1760, le prix fût remis, Facadémie n'Sijant pas été (àtisfaite des mémoires qui
2> E P A R I Sj Z05
liîiTiirem envoyés. En 1761 9 les nouveaux, ne lui: arant pas paru, meilleurs ^ elle fe dé->, câda à changer la matim^4u prix. , [
Le: piojtt . rli jamais ^ jugé impratica-^. Uepar les ingénieurs, 8c le devis eftimatif^ des ouvrages 9 %né par.|)lu6^iirs archiceâj^^,. a été mis. fous les yeux da miniftere. .
On a de fareent pour des guenres deftruc-^ dves:& tincestaines 9 pour les vîetçc rébus du radc^gemio^léiid; 0x1 n'en a poin(* pour féconder une Ville immen^ , & fou-^ . làger les provinces du tribut énorme jSc .oné* - içux qu'elle en exige. .
C HA P I T R E CCLXXVIL
Zcs Prijbns* .
?t<mibons.de ces fublimes projets k ce ^ e^cifle. Abandonnons nos beaux rêves ^ pour contempler notre indigence & notre pauvreté réelle. Voyons notre extrême in- dijGfêrence pour tout ce qui intéreflè de^fî ^ès Pfaumanits. Des imâgps cunTolantes ont; nté ^toui- de moi : les cashctts ^ les dbaînej^, fc hitilt des çleft diflipentlejfbnge ! .
La loi arrête l'innocent comme le coui {Mible, lorfqail s'agit de conftater un délit j ti^is la priiçu étant déjà, une peiw. tAî^
2o5 Tableau.
grave , elle doit être adoucie :autant qu'il efh {fofSble qu'elle le foit.' Or , pour ^aiSirer :det ma perfonné , il ne faut pas poin; cela att^> quer ma' fanté , lile priver jaes rsegsurds Jdu foleil & de l'air, me jetter dans.utiede-^ meure infeâe , me fiûrç languir ^ mîlieui d'une troupe de brigands, dont la feiile vue eft un fupplice. - ; : ,-..
Sile foupçon exige que je foi&.tataième&tt pivé de ma liberté , que je ne (bis .pôkit k * ta merci de l'avarice d'un geôlier;. qu'eu m'arrachant à mes foyers^ on ne me con- fonde point avec ceux qu'on va 'Conduire au: gibet; car je puis être innocent.
La loi ne me devra aucun c^domm^ge- - ment, quand elle aura reconnu moa inno- cence; d'accord : parce qu'elle aura .agi au^ nom de l'intérêt général , auquel tout eft & doit être fubordonné. Mais que je n'emporte- pas une afFreufe maladie de ma captivité y. tandis qu'il eft fi facile de hi'épargner cèj. borreurs , en m'acscordant un! peu d'air aa milieu de ma folitude. t
Les prîfons-font reflètréesy mft}-&ines^ infèôes : on les a juftement comparées à de hauts 8c laraes puits, aux parois defquels fisroient a&flèes: des mafiires étroites &^l^ deufes. Si le prifonnier veiÉt y être fépair^^ îl paiera /oir^/z^e/r^/zc^ par mois un pe-. tît emplacement de dix -pieds quarrés^ Tout s'y vend Iç double 9 ôc L'on diroit qu'il y a.
B E P A R I S, x6*f'
au guichet une taxe particulière pour rendre la mifere des prifonniers encore plus pro^ fonde.
D'énormes chiens font la garde , & mê- me la police avec les geôliers. Rien n'eft plus frappant que Fanalogie qui les carac-^ térife. Ces élevés font dreflës à faifir un pri- fonnîer au collet , & à le mener au cachot ; ils obéiflènt au moindre figne:
Une petite porte épailîè s*ouvre trente fois par quart -d'heure; il faut que tout ce qui lert à l'entretien &^ la nourriture paflè par-lk : il n'y a point d'autre entrée.
Les cachots font les réceptacles de toutes les horreurs & de toutes les miferes humai- nes : les vices les plus monftrueux y font naturalifés , & le aimînel oifif s'enfonce là dans de nouveaux crimes.
On nomme paiUcux les miférables qui refpirent encore dans ces fouterreîns. L'hu- nïanité eft réellement effrayante & hidèufe- fous ce déplorable point-de-vue : tirons le rideau.
Il y a k la porte de la prîfon un cercueil tannai pour les prifonniers & pailleux qui décèdent ; ils n'obtiennent point de bief© de la charité publique ; on ne leur accotxje quun linceul. Ce cercueil très-épais & tres- folide reçoit chaque jour tons les morts, & îndiftînâement ; quelquefois il en contient deux 9 quand les trépaffîs font des a^olefcencs^
ao8 Tableau
Le cercueil bannal de la:^ifon du Ckâte*- Idt fert depuis plus . de quatre-vingt ans. Les^ paitUux rappellent Id croûte de pâté. O jSau-^ râges errants dans les forées de F Améri* ^e (èpteatrionale ! vous mangez vos enne- mis, vous faites un trophée (ànglant de leur - chevelure ; mais ^ vous n'avez jamais du ■\ moins of&rt à là main tremblante de Fhif-^ - torien les tableaux que j'anrois ici à tracer.»*. . Non , laidbns les monftnieufes turpitudes de FEumanité dégradée fous les voilés épais qui la couvrent, hcs gardiens féroces de ces cri-- minels ne s'attendriflènt jamais , 8c îis ajou* - tent d'eux - même ^ la dureté; de Jeur.mi*- niftere.
Un édit bienfaifant bc paternel va faire - céder une grande partie de ces abus ^ & le bien qui le fait , devient le gage du bien : ^ (è fera. Qu'il fe fait: lentement J
CHAPITRE CCLXXVIIL..
Sentence de mort*
\^uelle voix fîniftre & retentiflànte, em- pliflànt les rues & les carrefours , fe fait entendre jufqu'au fomniet des maifons , 8c trie qu'un homme plein de jeuneflè va pé-^ - tt y égorgé de iâng-froid par un autre hom':^ -
C E P A R I s. 20J
me, au nom de la fôcîétë ? Le colporteur , en courant & hurlant , vend la, fentence ei>- core humide ;. oo f acheté pour {avoir le nom du couipable , & /apprendre queLeft fon crime : on a bientôt ouolié Fun oc faUr- tse. Ceft une condamnation fubite qui vient épouvanteriez efprits au moment où Ton n^^ s'y atsendoit pas. .
La populace quitté les atteliers & les bou«: tiques, & s attroupe autour de Tëchafaud,. ppuir «xâmis^er de qucUe manière le patient accomplira le grand aâe de mourir en pu- blic au milieu des tourments.
Le philofophe qui , du fond de (on afyle^ entend crier la fentence , gémît v & fe re- mettant à-fon bureau , le cœur gonflé , Toeil attendri , il écrit fur les loix pénales & fur ce; cjiâii ncceilîce le fupplice; il examine ûih gouvernement, la loi n'ont rien à fe repra* cher •, & tandis qu'il plaide la caufe <te l'hu- mianité dans fon cabinet (blitaire , ic qu il fonge k remporter le prix de Berne , le bour- reau frappe avec une large barre de ifet , écra-. fe le malheureux fous onze coups., le replie, fbr une roue, non la face tournée vers b: ciel , comme le dit l'arrêt , mais horrible-»^ ment pendante v; les os brifës traveHèntî les chaiix Les cheveux hériâes par la douleur >:. diftillént une fiieut fàngknte. Le patient y dans ce long fupplice , demande^ tour-à* t^uT; d^ IVau ôc. la mort^^Le peuple Xf^
4
2IO Tableau
garde au cadran dé ITîôtel - de - ville , & conipte les heures qui fonnent; il frémît conftérné , contemple & fe tait.
Mais le lendemain un autre criminel fait relever Fëchafakid , & le fpeâade afiFreux de > la veille n'a point empêché un nouveau for» fait. La populace revient contempler le mé« me fpeâacle ; le bourreau lave fes Inains fanglantes , & va (è confondre dans k ibule descitOTens. - * •
Ûafl&flin meurt; & l'homme qui â- fait» é[^ouvêr à une armée entière 'les horreius* de la famine ^ qui a été plus terrible aux. fbldats de la patrie que le fer 8t le feu de Pennemi; quia fait difparoîtjre des voiuires- de farines , & peuplé les hôpitaux^ cet hom-. me vient bâtir un palais devant Fefi%ie da. monarque qu'il a trompé & volé ! Il de- vroit y entendre le murmure de l'état, les cris plaintifs des foldats qu'il a &it mourir d'inanition : il devroit- fe réveiller , agité par la frayeur, & voir des {peûresmena-. çants errer autour de lui. . Cependant il dort» avec fécurité; des rcgiflres fignés par des: hommes de loi, Jtrendus à fes rapines, ont légitimé fes vols. A l'aide de calculs Éiux^ il paroit innocent : fon vil & infâme mé^* tier faccrédire pour ainfî dire , & lui donne- un fang parmi cette race afïaméed'or. Dans, lès moments de bonne huniieur, il raconte jufqu'^ fes exploits meurtriers , 6c comment^
DE Paris. iii
mettant le feu lui-même à des magafins y il a revendu k l'état ce qui lui avoit été payé. Incendiaire & afTaffin en Allemagne , il en plaifante k Paris.
£t le millionnaire qui médite, invente des plans extendeurs d'impofitions ingé- nîeules & calculées fur la partie indigente du peuple , lorfqu'il a bien dîné , calcule ce qui doit lui revenir de tel forfait politique , au moment où il eft travaillé d'une digef- tîon iaborieufe.
Je ne lui pardonnerai jamais ; je le cite- rai inceflàmment au tribunal de ITiumanîté ; je pardonnerai plutôt au malheureux qui^ n'ayant qu'un piftolet & du courage , m'at- taquera au détour d^une me ,* pour m'ôter le fjgne repréfentatif des aliments dont il a^ befbin.
"•Oui, Phomme qui m'aflàffineroit , me paroîtroît moins odieux que tous ces oppreC- îeurs de la patrie. Je lui pardonne d'avance (î'ce malheur doit m'arriver; partie oflfen- fëe, je lui rends mon afFeâîon, je le juftffié même, & je gardè'le fentiment de la haîné pour l'être monftrueux qui égorge dans le fein du luxe & des rrchefîès, oc le fentiment du mépris pour des loix qui n^ont pas la force d'arrêter oi\ de punir ces déteftablesf attentats.
iî% Tableau
CHAPITRE ce LXX IX.
Le Bourrcaiu
JLj'exéaiteur de Ja haute - joftice a pour ga^ ^ dix - huit mille livres par aa. Il n'en touchoic, que feize mille il y a Gx ans^ 11^ avoit le droit de porter fes mains immondes fur les- deturées publiques , pour en prendre^ une portion. On la dédommagé en argient.
U n y a eu qu'un homme oe décapité à: paris depuis quarante ans environ*. Aufli le bourreau t^.- il inexpéiimeuté dans eeUCL fonâion.
La dernière clàilè du peuple connoit par- faitement fa figure ; c'eft le grand aâeur tragique , pour la^ populace grofIîere<, qui court en foule à ces affireux ipeâades> par-^ le (èntiment de cette inexplicable cunouté^ <]uL erKraîne jufqu'à la foule polie, quand Je crime ou le criminel font diftingués.
Les femmes fe font portées en foule au Cipplîce deDamîens; elles ont été les^. der- nières a détourner leurs; regards de cette, bortible fcene.
Le petit peuple s'entretient fréquemment; de l'exécuteur, dît qu'il a table ouverte pour lés pauvres chevaliers de Saint-Louis , .& va-t
» E P A B. I S. 11^
chercher chez lui de la graiflè de pendu,^ .car il vend lés cadavres aux chirurgiens , X)u les garde pour lui^ k Son choix: le cri- "iDÎnel Tife petit^âs fe vèhdre de fon Vivant ^ , ainfi qull fSit k Londi'és.
Rien ne.diftingue cet homme des au- tres^ citoyens, même lorfqu'il exerce fes ^on- vantables fbndîofls; ce qui eft très-^nàl viu Il eft frifë ^ pôUdre-, galonné , en bàS éfe foie blancs , en efcarpins , pour monter aii fatal poteau :.ce qui me paroît révoltant, iHiîfqu'îl devroit porter , en ces momenà; terribles , Tempreinte d'une loi de mort. Ne fkura-t-ôn jamais ^rler k^imàginàtion j & puifqu'il s'agit d'effeayer la multitude, ne connoîtra-t-oîi jârùat^ PètiljSre des formes éloquentes ? t^extérieur dexet homme dé- croît faniioiicer.
Il eft fans cdntrècKt ïe dehiîéfr atôyën dé 'la ville , & lui feul eft frappé par Ton em- ploi d'un àpprôbré inhérent. Il a Ass valets qui exercent , pour ceht iats ^ lè métier •quMl fait pour v'fîx -lîiîHé. fe fl trouve éH ^valett!
ÏI y aunïît teâucdup de rêflexiôîrfs 11 'faîie
iiircet agent dfe nôtre légrslatiàrt àirnShèlfc,
îpour favoh: à qui il apf)arrîeht {péd:^hikëhti
maïs cet examen riôus 'jdtërbft diris xiih
àtflSrtdtiôn étrangère à la'tiâtUtt âfe cet ou-
^vrage.
Il ixuûie fts fiUés , quand tl en a, it dés
114 Tableau
bourreaux de province. Entre eux ils s^p-^ pellent ( k Tinflar des évêc|ues ) Monficur de Paris , Monficur de Chartres , Mon^ fleur d'Orléans , &c ; & Chariot & Jîer- ger fcurniflènt aux entretiens du peuple une jiiatiere inépuifabJe. Tels fàvetiers Êiyenc Thiftoire des pendus & des bourreaux , ainfi qu'un homme de bonne fociété fait fhif- 'toire des xois de. FEurope .Se de leurs mi- niflres.
CHAPITRE CCLXXX. Place de Grèyêm
JLià font venus tous ceux qui fe flattôîent de rimpw itc ( & Ton ne fauroit imaginer comment ils s'abufoîent à ce point extrême }.: un Cartouche , on Kavaillac, un Nivet^ un Damicns , & plus fcélérat qu'eux encore , un Dijrues. Il y montra la froide intrépi- dité & le courage ti:anquîlle de ïhypocrifie. Je l'ai vu & entendu au Châtelet ; car il fe trouvoit alors dans la même prifon aveu: l'auteur de h .Philofi>phie de la nature,; & j'alloîs vîfiter l'écrivain. \ Defrues n'avoit à la bouche que les noms lacrés de Dieu, de religion. Le génie du cri- |Qe n'a ^ere été plus foin j 6c par la m4di-:
B£ Paris. 215
tatlan & par la complication de les for- faits , il a offert un exemple eiFrayant de ce que pouvoit receler & imaginer Tabîme noir & impénétrable du cœur humain , qiiand la pery«mté y vregne.
Cette place cft encore étroite, quoique nouvellement élargie. Les exécutions de- vroient fe faire ailleurs; car on oblige une foule de rentiers qui opt prêté leur argent au roi ,« à voir tous W, apprêts révoltants d'une exécution ; ^ rien de u hideux, de fi indigne de la majefté des loix. Mais tout ce qui concerne la jurifprudence criminelle ett parmi nous dans un G. déplorable cahos^ qu'il y a bien d'autres ^ réfornijçs à faire ^ avant que de donrier aux exéoations . une coulcjur qui les diftingue d'un meurtre fan- glant, ou d'une vengeance atroce.
L'adàffin au fond des bois a-t-il jamais couché un homme fur une croix de Saint- André , pour lui caflèr les os de onze coups ? puis l'a-t-il ployé fur une roue de carroflè , un confeilèur à fes côtés , qui ne peut délier le patient , & qui l'exhorte à foufïrir ? Cer- tes la juftice eft plus effrayante que le crime. Uai&flin donne fon coup de poignard, craint dVnvîfàger fa viâime, fuit avec le remords^ tandis que la juilice compte pendant vingt- tjuatre heures les cris défelpéres.d'un malheu-, reux qu'environne, un peuple immenfe.
.On reproche k la populace de courir çgk
Il6 T A JB L K A Of
foule à ces odieux fpeâacles \ mais quandil y a une exécution remarquable , ou un crimi- nel fameux , renommé , le beau monde y court coimne la plus vile canaille.
Nos femmes , dont Tame eftfî Icofible , le geru:e nerveux fî délicat, qui s'évanouiilèm devant^une araignée , ont afGfté à ?exécu«- tion de Damiens ! je le répète , & n'ont dé- taché que les dernières leurs regards du fiip- plice le phis horrible & le [^ dégoôtant que la jultice ait jamais ôfê imsginèr , poiâ: Venger. les rois.
On avoit fait venir tous les bdonéaux des villes circonvoifînes , pour piéter la main à 'Ves révoltantes opérations qtâ Ont attiré d^ amateurs 8c des curieux.
JL*autênr d'un ouvrage moderne fur la paf- .iîon du Jeu , affiniie que ce jour-È méiiw on joua à la Grève , qu^ony joua dé Forgent, en attendant Thuile bouillante , le ploriib fondu , les tenailles rougies au feu & les qua- tre chevaux qui dévoient écarteler Taflamn^ & nous nous croyons civîlifés , policés ; & nousofons parler de nos lôix , de nos mééufs:; tandis que, fans le cri éloquent des écn- vains , nous n'aurions pas appris k rougir de ces atroces turpitudes. Que nous avons en- core befoin d'être confits à la fenfibifitié '^ à la raifon !
Le patient , tant la coutume a d'empire, tie harangue jamais le public ; ce qu'il fait fi
Couvent
B £ Pari s. ' =217
ifouvent en Angleterre : il n'en obtîendroit pas la permillîon. Le général Lally paroiflànt vouloir parler au peuple , on lui mit un bâillon. Ainfi la forme du gouvernement te -caradérife par-tout, & ne permiet k per- fonne d'élever la voix ; même à (à dernière -heure , 8c de haranguer un inûant avant >^'cxpifer.
Les colporteurs qui crient les fentences de mort, la médaille de cuivre fur i'efto- mac, font quelquefois retentir Tarrét fatal :^uR{U'aux oreilles dufiippKcîé; cruauté im- pardonnable ! Ik appuient fur-tout forte- ment fur. ces mots , qui condamne un af* faffineur. Cet horrible barbarifme eft de leur invention ; mais il firappe plus vivement les ^organes du peuple que le mor ajjitffin , & Je peuple dit & dira toujours ajfajjineur: xela lui femble plus énergique.
Il y a quelques années qu un fils ayant fait
-aflàffiner fon père, fut rompu à la place
Dauphine avec fon complice , exécuteur du
nieurtre. Le parricide, qui a^oit entraîné
jdans le crime un homme foible , par Jfap-
J>ât du plus mince intérêt , fe montra (ur !échafaud^ £ dur, fi hautain-, fi peu re- pentant , tandis que fon compagnon pioit « fe réfignoit , qu'au premier cri qu'il jetta ibus le premier coup de barre , un battement univerfel partit de toutes les mains.
J'ai cm que ce trait , peut-êo'e unique^ Home IL K
ÛA% T A' B. L E A ir
^' <levoit appartenir. au tableau de&tnoeurs:dH peuple de la capitale.
On ne coupe plus de têtes ; ce qui proove que les grands ne prévariquent point. Le fabrequi coupe les têtes nobles, eft rouillé dans le fourneau , 8c l'exécuteur a oublié cette partie de fbn métier. Il ne (ait plus que pen^ dre & rouer : fon bras inexpéximenté a man- iqué le général -Lally.
Chaque année office une race nouTeOé'de ^oleur$,& de fcélérats qui ont un carac- tère diffîrent. Uan pafie , c^écoient des em- poifbnneurs connus fous le nom Stndor-- meurs ^ qui méloient dans le tabac âcdans les boiflbns un venin aflbupiilànt^ dangereux & mortel: cette année; ce font des voleurs d'églifès, des fkcrileges^ qui pendant les Jiuîts enfoncent , pillent les . facnflies , em-
Î)ortent ciboires , calices , croix , chande- iers , &c. On a dépouillé, tant fur la route . de Flandres qu'aux environs de Paris y près de quarante églifcs.
On a vu , ?dit - on , de tes fecrileges qui
avoient volé un ciboire , en renvoyer les
^ hofties au curé du lieu dans une lettre , après
avoir employé une de ces mêmes hoftîcs,
comme pain \ cacheter.
On a révoqué en doute les exécutions
nodurnes , faîtes aux flambeaux. Il paroît
, conftaté que rien nVft moins imaginaire. On
^e conçoit pas comment la loi fe plaît à*-uû
DE P A li X s: Uf
meurtre clandeftin. L'interprétation la plus forcée n'a jamais pu lui donner cet horrible caraâere. La peine de mort ne fauroit être confidérée que comme un exemple , & ja^ mais comme une punition ^ or , qu eft-ce que d'étrangler un homme dans les ténè- bres , à rinlu des citoyens qui dorment ? Si vous lui faites grâce de la publicité , faites- lui grâce de la vie. Ce li'eft qu'au nom de la fociété qu'il doit la perdre ; & votre arrêt cft un crime , fi elle ignore tout à la fois le délit & le fupplice.
Les Anglois & les Suiflès ont une juris- prudence criminelle que la juftice , la raifon & l'humanité peuvent avouer ^ & nous avons encore à rougir de nos formes lamen- tables & barbares : nous n'avons pas encore appris à garantir notre liberté , notre vie & notre honneur des invafions du pouvoir aveugle & .de la (célérateflè réfléchie. La loi refte Indécîfe entre le crime audacieux & l'innocence timide : elle a peine à les diftin- guer ^ & tandis que l'inftrudion s'eft paflSe dans l'ombre loin de l'œil & de l'oreille des citoyens , le fupplice vient épouvanter leurs regards ; & «n voyant fes abominables inC- truments drefles dans la place publique , il faut qu'ils demandent quel eft le coupable & qu'elle eft fon délit.
aZcO T JL B.L E A U
,C H A P I T RE CCLXXXL Sirvantc mal pendue^
^Ll y â-.dix-(iept.ans cmrîron qu'une jeune paylànne n d'une figure aès^agréable, s'étoît niiTe en feiviceich^ un homme qui àvoit tous les vices qu'entraîne U.comiption des grandes villes. Epris de (es charmes, il tenca tous les moyens de la (eduiie. Elle étoit hon- nête \ elle ré(î Aa. La &geflè de. cette &le ne . fit qu*irriter la paflion du maître qui , ne poi^ vant la foumettre à fes defirs ^ imagina la vengeance la.plus noire & la plus abomina- , ble. Il enferma furtivement, dans la caflètte où cette fille mettoît fes hardes, plufîeuts efièts à lui appartenants & marqués à fon nom ; puis il cria qu'il étoit volé , appella jun . commiflàire , &, fit fa dépofîtîon en juftioe : ^ l'ouverture de la caiïètte, on reconnut les effets qu'il avoit réclamés.
La pauvre fervante emprifonnce, r!movi «que fes pleurs pour défenfe; & pour xomt réponfe aux interrogatoires, elfe difoit qu'elle étoit innocente. On ne faproit trop accufèt ^Tiotre jnrifprudence criminelle , quand on fonge que les juges n'eurent aucun (bupçon ^de Ta fçélér^teflè de l'açculàçeur , & qu'ils
D E P A RI S. 21ï.
fuî virent la loi dans toute (à rigueur; ri- gueur exceflive, & qui devroit difparoître de notre code , pour faire place à un (impie châtiment, qui laiâièroit moins de vols «' impunis,
La fille innocente-fût condamnée à ê(tt ' pendpe. Elle le fut mat, parce que c*étok ' lé coup d'eflai du fik de l'exécuteur des" hautes œuvres. Un chirurgien avoir acheté ^ k corps. Il fut porté chez lui. Voulant le • foir même y porter le (calpel , - il fentit un * refte de chaleur ; lacier tranchant lui tomba-^ des mains , & il mit dans fon lit celle qu'il alloit didequer.
Ses foins pour k rappeller a la vie ne fiîrentpas inutiles ; ilmanda en môme temps * un eccléfiaflique , dont il connoiSbit la dit-* crétion & Pexpépience , tant pour le confulter ' fiir cet étrange événement , que pour êtrè^" témoin de fa conduites,
Au moment que cette fille infortunée ou^ vrît les yeux , elle fe crut dans Pautre monde ; \ & appercevant h figure du prêtre , qui avoît ' une groflè tête & une phyfionomie fbite- ment prononcée , ( car je l'ai connu , & c'eft de lui que je tiens^ ce fait ) elle joignît les mains avec tremblement , & s'écria : Père éternel , voiisfave^^ mon innocence , ayei^^pi^ à tié de moi. Elle ne ceflà d'invoquer cet ec- cléGaftique , croyant voir Dieu même. On fut long-temps à lui pet (bader qu'elle n'étotC'
izi Tableau
r; décédée , tant Pidée du fupplÎGC & de mort avoît frappé fon imagination ! Rî«n n*étoit plus touchant & plus cxpreflîf que ce cri d'une ame innocente ^ qui s'élevoit vers celui qu'elle regardoit comme fon jugefo- préme ^ & au défaut de (â beauté attendrif- îante , ce fpeâacle unique étoit fait pour ii\- téreflèr vivement l'homme fenfible & l'hom- me obfervateur. Quel tableaupour un pein- tre ! Quel récit pour un philofophe ! Quelle inftruaion pour un homme de loi !
Le procès ne fut pas foumis à une nou- velle révifion , ainfi qu'on l'a imprimé 4ans le Journal de Paris. La fervante , guérie de fon effroi , revenue k la vie , ayant reconnu IU1 homme dans celui qu'elle adoroit , & qui lui fit reporter fes prières vers le feul Etre adorable , quitta pendant la nuit la maifon- du chinirgien , doublement inquiet pour cette fille & pour lui. Elle alla fe cacher dans un village éloigné , tremblant de ren- contrer les juges , les fatellites & l'affreux poteaux qui ponrfuivoient fes regards.
L'horrible calomniateur demeura impuni , parce que fon crime manifeftc aux yeux des témoins particuliers, ne Tétoitpas de même aux yeux des magiflrats & des loix.
Le peuple eut connoifïànce de la réfur- reâion de cette fille ; il accabla d'injures le fcélérat auteur de cette infamie. Mais dans^ cette ville immenfe ce forfait fut bientôt ou-
DE Pari s. 22 j
Wîé , & le monftre rcfpîre peut-être encore: diumoins il n'a pas poFté devant les hom- mes la peine qu'il méritoît.
Un livre à faire feroit le Recueil de tous ks: Innocents condamnés , pour voir les eau-» fes de l'erreur , & l'éviter dans la Ciite. Ne fe trouvera-t-ii point enfin un magiftrat qui sîoccupera de cet ouvrage' important ?
CH A P I T R4E CCLXXXIL ..
RafiiUe. >
i rifon d'état : c'eft aflez lia qualifier. C*efl ; un^châtedii, dit Saint-Foix , qui , fans être ^ Jprt , efile plus redoutable de V Europe^ •• -
Qui fait ce qui s'efl<fait à la BaftiUe , co qu'ftlle renferme , ce qu'elle a renfermé? ' Mais comment éaira- t-on l'hiftoire de - Louis XIII, deLouisXIV &deXQuî$»XV; , fi; l'on ne (ait pas l'hiftoire de la Baftiîleî Ce qu'il y a de plu&intéreflànt , de plus ca- • rieùx, de plus fingulier 4 s'eft paffe dans fes * murailles. La partie la plus intéreflànte de notre hiftoire nous fera donc à jamais ca*-' chée : rien ne tranfpire de ce goufïre^ noi> ^ pluç que de l'abîme muet des tombeaux^ ' :
Henri IV fit garder le tréfor royal à Itf i Eaftille.. Louis XY y fit enfermer le Diâions -
,*
2^4^ Tableau»
oaire EfieydopédîqMC, qui y pourrît encoce. . Le duc de Gùife , maître de Paris 'en\ 1,588 , le fut auffi de. la BaftiUe & de fAr- (ènal. Il eii fit gouverneur Buifi U Gerc « {procureur au parlenient. £ufli le Clerc ayant;: ii^yefti le parlement., qui refufibiit dedé-^ Ëer les Frànçpis du ferment de: fidâité 6c d'ôbéi(&nce^ conduifît àja Baftilk prclSdtnts : & confeillers , , tous en robe & en bonnet quarré ; là il les fit jeûner au pain & àjéau»
O murs épais de la BaftiUe, qui avez reoit fous les trois derniers règnes 1^ foupirs & les gémiflcments de. tant de vidimes , fi. vous pouviez parler, que vos récits terribles & (ideles démentîroient.le langage timidfi: & adulateur de Thiftoire. ^ Auprès de la Baftifle fe trouve PArfenal ^ qui jec:ele le magafin à poudi;r>9 voi&utge- tout àufli terrible que la .demeure. , . La tour de Vincennes renferme* encorr^ des priibnniêrs d^e'tât , qui pafoiflcnt de vouk y finir Içurs triiles jours. Qui a pu calculer au jufte les lettres de cachet délivrées fous>. les trois derniers règnes.
On a une hiftoire de la Baftille en cinq volgmes , qui oft're quelques anecdotes par- ticulières oc bizarres; mais rien de ce qu'on foAihaiteroit tant d'apprendre , rien , en ml mot, qui puîflè porter quelque jour fur cer- tains fecrets d'état , couverts d'un voile im^ pénétrable. Si Ton en croit Thiflorien ,011
DE Pari s. 21c-
y traîtoît fous un d*Argenfon avec une ri- gueur inouie & une violence tyrannique les f)rifonnîers déjà trop punis de la perte de ^ eur liberté.
Le gouvernement , aujourd'hui plus doux ^ & plus humain qu'il ne l'a jamais été de* ~ puis la mort de Henri IV, s'eft beaucoup ^ relâché (ans doute de cette cruelle févérité, , & l'on n'y inflige plus de ces punitions af- - freufes & inutiles. .
Quand un prifonnier décède à la Baftille ^ ^ on l'enterre à S. P^ul, pendant la nuit k trois* ^^ heures du matin.- Au lieu de prêtres, des* guichetiers portent le cercueil, &c\ts mem- bres de l'état- major aflillent à la fëpulture, Ainfi le corps n'édaappe au . terrible pouvoir que par la route' du tombeau.. ■-.
Dès qu'on, parle de la Baftille k Paris,' on récite fbuda in l'hiftoire du majquc de fer : chacun la fabrique à fon gré , & y mêle- des réflexions non moins imaginaires.
Au refte , le peuple craint plus le Châte-^ let! que la Baftille : il ne redoute pas cette ' dernière prifon , parce-qu elle lui eft comme étrangère, n'ayant aucune des facultés qui en. ouvrent les portes; Par conféquent il ne plaint guère ceux qui y font détenus , & le plus= fouvent il ignore leurs noms. Il ne té- moigne aucune . reconnoifîànce aux géné^ reux défenfeurs de fa caufe* Les Parifiens ai-» niçnt mieux adieter , du pain pour vivre ^
K s .
zzj^ Tableau»
naire EneycIopédi<|Me, qui y pourrit encore. . Le duc de Guife , maître de Paris en\ 1 588 , le fut auffi de la Baftille & de TAr- (ènal. Il eii fit gouverneur Buili Id Gerc , . procureur au parlement. £ufli le Clerc ayant mvefti le parlement., qui reftiibit dedé-^ Ëer les Frânçpis du ferment de: fidâtté &. d'ôbéi(&nce^ conduifît à la BaftiUepréfidents . & confeillers^.tous en robe & en bonnet - quarré ; là il les fit jeûner au pain & a Jéau.
O murs épais de la Baftille , qui avez re< fous les trois derniers règnes les foupiss i les gémificments de. tant de vîdimes , fi. vous pouviez parler, que vos récits mribles & (ideles démentiroient.le langage timide^ & adulateur de Thiftoirc.
Auprès de la Baftille fc trouve FArfenal ^ qui recelé le magafin à poudiv* 9 voi&aga.- tout auffi terrible que la .demeure. .
IflL tour de Vîncennes renferme* encar^^r^ des ptifonniérs d^étât , qui pafoiflcnt devoir; y finir Içurs trifies jours. Qui a pu calculer au jufte les lettres de cachet délivrées fousi. lès trois derniers règnes.
On a une hiftoire de la Baftille en cîrK|^ vcJgmes , qui oft're quelques anecdotes par-- ticulieres & bizarres ; mais rien de ce qu'on jbubaiteroit tant d'apprendre , rien , en ml mot^ qui puîffê porter quelque jour fur cer- taiîQS fecrets d'état , couverts d'un voile im- pénétrable. Si Ton en croit Thiftorien , on
1> E PARIS. ilf
nierquand elle ne lé tue pas , il avoît fup-^ porté Tennui 5c les horreurs de là. captivité- avec une conftanee mâle & ôburageufe. Ses* cheveux blancs & rares aboient- acquis pteC Œie. la rigidité du fer ,* & fon corps plongé* h long-temps dans un cercueil de pierre , en- avoît contradé , pour aînfi :dii:e , la fermeté- compaâte.^
La porte baflè de fon tonAeau tourne- fur fcs gonds effirayants , s'ouvre , non à-de- mi y comme de coutume, & une voix în-^ connue lui dit qu'il peut foi tir. r
Il croit que c'eft un rêve : il héfife, il fe levé , s'achemine d'un pas tremblant , & sJétohne de l'efpace qu'it parcourt. L'efcalier de la prifon , la falle , la cour-, tout lui pa^ roît vafte, immenfe, prefque fans bornes. Il s'arrête comme'égaré & perdu ; fei yeu* ont peine à\ fupporter la clarté ' du - grand Jour ^ il regarde le ciel comme un ©bjetnou** veau; (on œil eô fixe: il ne peut pas pleu- rer : ftupefeit de pouvoir changer de pkce , fes janu)es ^ malgré bî , demeurent auffi im- mobiles que 'fa langue. Il franchit, enfin lé redoutable gatchet/ V
Quand il fé fentit rèufef cfens^ hi voiture qui devoit le ramener à fon ancienne habî-' tation , ii poudà des cris inarticulés; il ne. put -en iiipporter le mouvement extraordî-^ naire , il fallut le faire defcendre.
Ccadiût-par -ua bras cbaritabl» ^ 'û dcb-4
ii6 Tableau
que le plus beau difcôuts- ôii l'on prôuveroît qu'ils ont droit ^ une vfe aîfée. On y met- toit autrefois les écrivains pour bien peu de chofe ^ on a reconnu que l'auteur ^ le livre & fes opinions en acquéroient plus de célé- brité ; on a laîflë l'opinion de la veille s'ef- facer par celle du lendemain ; & Ton a com- pris que , lorfqu'on avoit la force phyfique , il falloitpeu s'inquiéter des idées politiques & morales , verlatiles & changeantes par leur nature.
Là gémît ou ne gémit plus k célèbre Linguet. Quel eft fon délit ? On l'ignore.
Vtffct en efl ëffrtux , la caufi efl inconnue»
Voltaire.
CHAPITRE CCLXXXIIL
Anecdote.
jriu l'avènement de Louis XVI au trône , desminiftres nouveaux & humains firent un aâe de juftice & de clémence, en revifant les regiftres de la Baftillc , & en élargiflànt beaucoup de prifonniers.
Dans leur nombre étoît un vieillard qui depuis quarante- fept années gémiflbit, dé- tenu entre quatre épaifTes & froides murail- les. Durci par l'adverfité , qui fortifie Thom-
t..
rr E P A RIS. iij
nierquand elle ne lé tue pas , il avoît fup-^ porté Tennui §c les horreurs de là. captivité- avec une conftanee mâle & ôburageufe. Ses- cheveux blancs & rares ayoîent- acquis ptcC Que. la rigidité du fer ,■ & fon • corps plongé- fi bng.temps dans un cercueil de pierre , en- avoît contraâé , pour ainfi dire , la fermeté- compafte.^ , ,
La porte baflè de fon tonAeau tourne- fur fes gonds effirayants , s'ouvre , non à-de- mi y comme de coutume, & une voix in-^ connue lui dit qu'il peut foi tir. t
Il croit que -c-eft un rêve : il héfife," il fc levé , s'achenoihe d'un pas tremblant , & sJétoîine de Tefpace qu'ît parcourt. L'efcalier de la prifon , la falle y la cour-, tout lui pa^ roît vafte, immenfe, prefque fans bornes. Il s'arrête comme^égaré & perdu ; fei yeu* ont peine a\ fupporter la darté ' du grand jour^ il regarde le ciel comme un objet xiou** veau; (on œil eô-fixe: il ne peut pas pleu- rer : (hipefeit dé pouvoir changer de pkce , fes jambes vmalgré Ici , demeurent auffi im- mobiles que -fa langue.: Il iraiïthit. enfin \è red<>utable gaîchet.- -^^^ .
Quand il fe fentît rèulef dâtns^ fa voiture qui devoît le ramener à fon ancienne habî-* tation , il pouflâ des. cris inarticulés; il ne; put -en iiipporter le mouvement extraordî-2 naire , il fallut le faire defcendfe.
Qmduit-par -ua bras cbantabl» ^ ë dcb-i
1& G..
9xi T. A 1 L E A ir
Viande la rue oii il logeoir ; il arrnre; &>. xnaifon n'y eft plus , un édifice public ht ■■. xemplace. Il ne rcconnoit ni le quartier , ni la ville 9 ni les objets qu'il y avoit vus aune* fois. Les demeures de Tes* voilkis ; emprein- tes dans (à . mémoire, ont pris de nouvel- les formes. En vain fes regards intecroee* rent toutes les figures , il n en vit pas une. icule dont il eût le moindre (buveiiir.
Effrayé , il s'arrête , & pouffe un pro- fond foupir : cette ville a beau être- peuplée, d'êtres vivants , c'eft pour lui un peuple mort v , aucun ne le connoit, il n'e<i connoii aucun ^^ il pleure , & regrette fon cachoh
Au nom de la Ballille qu^il invoque 8c qu'il réclame comme un afyle , à la vue de fes habillements qui atteftent «n autre fie- €le 9 on Tenvit-onne. La curiofîté , la pitié ^empreflcnt autour de lui : les plus vieux l'in- terrogent, & n'ont auaine idée des faits qu'il rappelle. On lui amené par b^&rd ur> vieux domeftique , ancien portier , trem- blant fur fes genoux, qui, confiné dans fa .^ loge depuis quinze ans , n'iavbit plus que bt force fufBfante pour tirer le cordon , de la porte. Il ne reconnoît pas le maître qu'il a fervî ; mais il lui apprend que fa femme eft marte , il y a trente ans , àt chagrin 8ç de mîfere ; que fes enfants font allés dans des climats inconnus ; que tous fes amis ne font pluSi II fait ce xé^ï% cruel avec cette îudiC-
férence que, l'oïi témoigne pour les Jévéue-- me»t paues & pr efque eSzcés.
Le malheureux gémît y & gémît feiiL. Cette foule nombreufè , qui ne lui of&e qite. desvifàges étrangeis , lui fait fentir l'excès de Ùl miifere plus que la. fblitude efiroyable dans laquelle il yivoît. .
Accablé de douleur, il va trouver' le mîr luftre , dont la conipaflion généreufe lui fit préfènt d'une liberté qui lui pefè. Il s'incli- ne , & dit : faites- moi reconduire dans la prifon d*où vous m'avez retiré. Qui peut fervivre à fes parents, k fes amis, aune gé- nération entière ? qui peut apprendre le tré- pas univerfel des fiens fans defirer le tom- beau ? Toutes ces morts , qui pour les autres hommes n'arrivent qu^eh détail & par gra- dation , m'ont ftappé dans un même mt- tant. Séparé de la focîété , je vivois avec moi-même. Ici , je ne puis vivre ni avec moi , ni avec les hommes nouveaux , pour qui. mon défefpoîr n'eft qu*uh rêve. Ce n*ell pas mourir qui eft terrible , c^ell mourir le dernier.
Le miniftre s'attendrit. On attacha à cet infortuné le vieux portier qui pouvait lui par- ler encore de fa femme & de fes enfants. Il rfeut d'autre confolatioii que de s'en entre- tenir. Il ne voulut point communiquer avec la race nouvelle qu'il n'avoit pas vu naître : il & fit au niiliçu de h ville une elpece de
X3P T A B L E A ir
retraite non moins fbliuire <fie-le cacHot^ qu il avoit habité près d'un demi-fiecle ; Sc- ie chagrin de ne rencontrer petfonne qui pût lui dire , nous nous fommcs vus jadis ^ ne tarda point k. terminer fes jouis...
CHAPITRE GCLXXXiy.
Maijbns de foret. -
Xndëpendamment du château de la Baflille-^ & du château de Vincennes , afFeâés aux^ prifonniers d'ctat , les miniftres avec des let-^. très, de cachet , ou par des formules particu-; lieres , vous envoient à Bicêtre & \ Charen-- ton.. Ce dernier endroit eft pour les infen- fés & pour les maniaques. Mais fous ce nom- font encore quelques prifonniers d'état \ ce- font des religieux de la Charité qui- font les- geôliers de ces prifons.
Sur les plaintes d'une famille , les jeunes- libertins frfnt enfermés à Saint-Lazare. Les- femmes ( cardon les enferme aufli ) font con- duites aux filles de la Madeleine, à Saintes- Pélagie & kla Salpétriere.
Ces différents emprifonnements font né- ceflitcs quelquefois par des circonftances im-r périeufes ; mais il feroit toujours à defirer que la détention d'un citoyen ne dépendit pa&^
DE P A ïl I S. 23!
tf un feul magiflfat , & quMl y eût une forte de trH>unal pour examiner quand ce grand aâe d'autcHÎté , fouflrait à l'œil des loix , ceflè d'être ilUcite,
Quelques avantages réels compenfent ce» formes irrégulieres , & il y a en effet une infinité de défordres que la marche lente & grave de nos tribunaux ne fâuroit ni connoî- tre , ni arrêter , ni prévoir , ni punir. Le cri- minel audacieux ou fubtil triompheroit dans le dédale tortueux de nos loix civiles. Les loix de police plus direâes le furveîllent , le preflènt , & l'environnent dç plus près. L'a- bus eft à côté du bienfeit , j'en conviens ; naaîs beaucoup de violences particulières & de délits bas & honteux font réprimés par cette force vigilante & adive qui devroit néanmoins publier fon code , & le foumet- tre à rinfpedion des citoyens éclairés.
Les infpedeurs de police , hommes nou- veaux dans notre législation , font beaucoup écoutés du lieutenant de police^ (ùr-tout dans les cas particuliers & obfcurs. Mais leurs rap- ports peuvent être fautifs , exagérés , paflîon- nés. La première impreflion demeure dans Tefprit du magîftrat qui , vu (es occup'ations trop étendues , ne fauroit donner à chaque objet qu'un coup-d'œil rapide.
Les infpedeurs de police , qui occafion- ncnt un grai d nombre de détentions ( car ils y font intéiefles ) ne devroient être qu'//?-
132 . T A B L EAU •
veftlgatcurs'à^ délits 8ê captatturs : mais^ . faute d'une procédure exaâe , ils- deviennent ': ^uges pour ainfi dire,.pui{que c'eft (îir leur iîmple dépofition que Foii établit la preuve * & la punition du délit. Or, comme cesinf* - pcâeurs frappent le plus fouventfiirla por^ - tien du peuple qui n'a ni voix, ni dé&n(è , ni' réclamation , & qu'ils font intéreffâ à \ trouver des coupables , il eft aifé d'imaginer ce. que l'erreur & le zèle : même ; fans parler ' • des autres pallions , peuvent produire d'at- ^ tentatoiré à la rigide équité. LTiùmieur & U i pisécipitation ont leur danger. .
Les évéques dans les provinces ,- il y a trente ans , faifoîent encore enlever les filles s de proteftants par lettres de cachet, pour les confiner dans un couvent , & là les dé-, tacher de la communion de leurs pères. Cette . violence a toujours été fort rare dans la. ca-,- pitale.
C H API T R E CCLXXXV./
Dépôts ou RenfcrmcrUs.
x rifons de nouvelle înftitution , imaginées .
Î)our débarraflèr promptément les rues &. : es chemins de mendiants ,• afin que l'on ne ? voie plus la miferc fuppliante àcûté dikfaft^ ^i* in^lent^
DE P A K I S, 233
Ot\ les plooge avec la demîeré inhuma- nité dans des demeures fétides Ôc tënëbreuiès , où on les laiflfe livrés k eux-mêmes. L'inac- tion , la mauvaîfe nourriture , Tabandon où ' ils (ont > l'entaflement des compagnons de leur mifere ne tardent pas à les &ire difpa^^ loître l'un après l'autre.
Ces dépôts ( de quelque prétexte que Fou veuille les colorer) onenfcntàJa fois l'é-- quité naturelle , lès loix civiles , la faine po-^^ Htique , la religion & l'humanité. Il faut que Ton foit bien peu fécond en reilburces &^ en moyens, pouç dévouer kune mort lentè»- tant d'infortunés , au lieu de favoir les em-? ployer^ après leur avoir ôté leur liberté... Au-^ cun pouvoir iiuriiain n'a le droit d'enfermer un mendiant, s'il ne lui offire (ur. le champ un genre d'tKraipation qui exerce (es bras ^; fans l'atterrer.
Ces opreflSons condamnables & qui n^ad-^ mettent aucune exajfe , contriftent l'ame la moins fenfible , & Ton pourroit- rapporteriez des faits capables d'affliger les coeurs les plus indifférents : mais il nous fufSt d'avoir dé- noncé ces horreurs trop bien conftatées aux - bbmmes équitables & puidànts. Il eft même ihipodible qu'elles ne prennent pas^ fin fous un gouvernement fort diftrait , il eft vrai , mais d'ailleurs doux 8t humain. Il fentifa qu'on ne doit pas traiter ainfi les pauvres qui ji'ônt conunis aucun crime ; . & tjue ce n'e-
x."}^ Tableau^"
toit pas la peine de les ravit à une oifîveté volontaire ou forcée , pour leur impofer cette même oiGveté devenue un Supplice, & le défçfpoir & la niort quis'en&ivent.
Quand.un miniftre &it airréter un homme avec une lettre de cachet ou par tm ordre verbal , & que pour des raifons à hû con- nues il ne le f^t pas conduire à la BaftiQé , oa l'enferme aa Châtelet ; & là , Phottime- vidime refte en dépôt. Ceft une exprefEpn toute nouvelle , qui s'applique à^ une- vexa- tion aufli nouveUe. Il faut ^en- apprendre; • aux étrangers toute la richeflë de notre lan- gue. Ainli le mot dépôt a plufîeurs (ignifica-*- . tions : c. q. £ d.
Une lettre, de cachet enlevé , tranfpoite un homme dans un cachot , & Py h]ff& p^ourrir It refte de fes jours ; mais cette me- . me lettre de cachet eft impuiflànte k faife- • (es. biens & à l'en priver.. Les biens de Pem- prifonné reviendront à fes héritiers naturels î^ , ainfî l'argent parmi nous eft baucoup plus* . ûcré que la liberté perfonnell^.
e
DE Paris. 23^5
CHAPITRE CCLXXXVL Vie éCun Homme en place^
Unmînîftre fe lere,fon antichambre eft déjà pleine de gens qui l'attendent : il paroît; des milliers de placets paflènt dans les mains embarraflees de Tes deux fecrétaires, qui , froids & immobiles , rcprcfentent à fes côtés. Il fort V des foUiciteurs fe trouvent fur fon paflage, & le pourfuîvent jufqu'àfa voiture. Il dîne ; des recommandations à droite & à gauche l'inveftiflènt pendant le repas, & des ^ femmes lui parlent à l'oreille pendant le deflert. Il rentre dan^ fon cabinet ^ il voit, fur fon bureau cent lettres qu'il faut lire ; des audiences particulières le tyrannifent encore^
Comment exifte-t-il , dirait-on ? Com- ment > Il eft diftrait pendant qu'on lui parle, & il oublie tout ce qu^on lui dît \ il laiflè à des commis le foin de répondre à tout le monde & d'expédier fon immenfe befogne ;. il figne les lettres , voilà à peu près toutes fes fondions. Mais il fe réferve qwelqulntrigue de cour, qu'il ourdit avec adrcflè, qu'il fuît avec conftance , & dont il prépare le dé- nouement Il fonge toute £à vie,. non au de* voir de fa place , mais à refter en çUc^% '
x^6 Tableau
Les gens en place font d'un férîeux h gla- cer. Leur converfktîon eft Ja féchereffê mê- me : ils ne s'expriment que par monofylla- bes \ mais toute cette démonftration exté- rieure eft pour le public : en particulier , . comme ils n*ont plus la crainte die (è com- promettre , ils abjurent une morgue qui * Quiroit à leurs plaiurs , & Ton voit l'homme qui pour un inftant n'eâ plus dupe de (à • vanité.
Le valet-de-chambre d'un homme en pla- ce jouit quelquefois de quarante mille livres de rentes V il a lui-mêmeun valet-de-cham- - bre , lequel en a un autre fous fes ordres. Ceft . le (ùbalteme qui nettoie PKabit ^ qui apprête,^ la perruque artifce de monfeîgneur ; le valet v en chef la reçoit de la quatrième main , 8c ^ ne fait que la pofer fur la tête miriiftérîelle , où répofent les grandes deftinëes de Fétat. . Aprcs^ette fonftion augufte , c'eft k (on tour' de fe faire habiller par fes gens ; il les ap- . peUeà haute voix, il les gronde; il reçoit fon monde , protège & commande qu'on mette les chevaux k fa voiture. Le valet-de- chambre du valet-de-chambre n'a pas tout- à^fait un équipage^ mais il eft très-bien fervî. .
Tandis que le fervî teur du roi va repré- fchter utilement à Verfailles , le fervîteur de monfeigneur r^réfénte à Paris , & promet . des grâces à ceux qu'il rencontre , comme j â^trouvanUui à ia principale. iburce* .
DE P A R I S. 2.37
Monfeîgneur eft tout puiflànt à onze heu- *ses du matin ^ il donne audience , & fon fal- lon eft rempli. D'un. coup- d'œil il diftribue t la faveur. Heureux ceux qu'il a regardés ! Leur cœur bondit d'efpérance & de joie. L'homme puiflànt invite Ces créatures à fa\/ table ; elles fe profternent , & leur vifage devient rouge de plaifir & de contente- ment. A une heure entre quelqu'un qui vient trouver monfeigneur , le fait paflcr dans fon' cabinet & lui redemande Ye porte-^fciiiUc. Monfeigneur n'ett plus rien. Il fait mettre à voix baflc deux chevaux à fa plus humble voiture , quitte Verfailles fans revoir le vi- fage du maître qui le chaflè , & va dîner feul / ^ Paris avec fon chagrin , & loin de la cohue brillante qui lui prodiguoit les révérences & les adulations. Cette foule qui apprend la 4iouvelle , fe difperfe pour aller dîner ailleurs, / & i:hacun dît à part foi i dtmain j'irai voir 'le Jîicceffiur & It féliciter.
Comment cette portion de royauté que Thomme puiflànt tenoît entre fes mains lui échappe- t-elte tout k-coup ? Cela a Pair d'un fonge , d'un ade de féerie. Les hommes en place ne font-ils que des pantins , amfi que l'a dît Diderot? Coupez le fil qui le faitoit mouvoir , le pantin refte immiroile.
Et que fait le pantin réduit a lui-même t Il cherche k culbuter à fon tour celui qui I!a fait choir ^ il compofe de nouveaux rêves
43^ Tableau
de grandeur; 41 ne peut fe réfoudrê à n*étre
I)lus rien ; il abhorre la tranquillité & le oi£r dont il jouit : ce qui prouve qu'il y a une volupté exquife à régir la fouie des humains ^ à leur infpirer tour-à-tour la crainte & refpérance , & à recevoir , en qualité d'homme puiflànt , leurs louanges intéreflëes , leurs refpeâs Cmulés Se leurs courbettes menfongeres.
Quelle vie , par exemple , que celle d'un lieu- tenant de police ! Il n'a pas un inftantk lui ; il eft obligé tous les jours de punir ; il tremble de (e livrer à l'indulgence , parce qu'il ne fait pas s'il ne fe la reprochera point un jour. Il a befoin d'être fëvere , & d'aller contre le pen- chant de Ton coeur ; il ne fè commet pas un crime dont il ne reçoive l'image honteufè ou cruelle. On ne lui parle que d'hommes vi- cieux 8c de vices ; à chaque inftant on vient lui dire, voilà un meurtre, un Jiiicide , unt violence ! Il n'arrive pas un accident ^ qu'il ne lui faille ordonner le remède , & préci- ^pîtamment ; il n a qu'un inftant pour délî- bérer & agir , & il faut qu'il craigne éga- lement , & d abufer du pouvoir qui lui eft confié , & de n'sn pas ufer à propos. Les rumeurs populaires , les propos extravagants ^ les faâions théâtrales , les faullès aknnes.i tout le regarde.
Repofe-t-il ? un incendie le tire bru{que«' ment de. fon lit. IsTy a-t-il pas d'iiicendicb^
9 £ Paris. ^^^
fdes jeunes gens de qualité font tapage la jiuit , infirment le jjrononcé du coninuïlàire du quartier. On réveille le magiflrat pour juger ces étourdis. La cour, la ville, Ja pro- vince lui font des interrogations multipliées : il faut qu'il réponde a tout a il fiiut yqu'il fuive k la pifte le brigand , radà/Iin obfcur x\\xi a commis un crime ; car le magiftrat pa* roic blâmable, s'il n'apas fu le livrer de bonne heure à la juftice ; on calculera le temps que fes prépofes auront mis à ceitei capture; oc fon honneur exige que l'intervalle entre le délit & i'emprifonnement foit le plus court polFible. Quelles fondions redoutables 1 Quelle vie pénible ! Et cette place eft con- voitée !
On ne s'intrigue aujourd'hui , difbit Du* clos , que pour l'argent : les vrais ambitieux deviennent rares. On cherche des places où l'on ne fe flatte pas même de fe main-* tenir ^ mais l'opulence qu'elles auront pro- curée , confolera de la difgrace. Nos aïeux afpiroient k la gloire toute nue : ce n'étoh pas f fi Ton veut, le fiecle des lumières 4 mais c'étoit cebi de Fhonneur.
Un cotutifan de nos jours difoit : il faut tenir le pot^e-chambre aux miniftres tant qu'ils font en place , Ù le leur verfir Jiir la tête quand ils n'y font plus. Or , les cour<^ dlàns aeiflènt comme i^ parlent.
%'}& Tableau
de grandeur; 41 ne peut fe >réfoudrë à n*étre
I)lus rien ; il abhorre la tranquillité & le oiGr dont il jouit : ce qui prouve qu'il y a une volupté exquife à régir la foule des humains , à leur infpirer tour-a-tour la crainte & refpérance , Se à recevoir , en qualité d'homme puiflànt, leurs louanges intérefliees , leurs refpeâs Cmulés &: leurs courbettes menfongeres.
Quelle vie , par exemple , que celle d^un lieu* tenant de police ! Il n'a pas un inftantk lui ; il ed obligé tous les jours de punir ; il tremble ,de (e livrer à l'indulgence , parce qu'il ne fait pas s'il ne fe la reprochera point un jour. Il a befoin d'être (evere , & d'aller contre le pen- xhant de fon coeur ; il ne fè commet pas un crime dont il ne reçoive l'image honteufè ou cruelle. On ne lui parle que d'hommes vi- cieux 8c de vices ; à chaque inftant on vient lui dire, voilà un meurtre, un Jhicide , une violence ! Il n'arrive pas un accident , qu'il ne lui faille ordonner le remède , & préci- ;pîtamment ; il n'a qu!un inftant pour déli- bérer & agir, & il faut qu'il .craigne éga- lement , & d'abufer du pouvoir qui lui eft confié 9 & de n'sn pas ufer à propos. Les rumeurs populaires , les propos extravagants ^ les faâions théâtrales y les faullès alarmes. ^ tout le regarde.
Repofe-t-il ? un incendie le tire brufque-i' ment de. fon lit. N'y a-t-il pas d'incen^obt
9 £ Pari s. ^^^
fdes jeunes gens de qualité font tapage la
4iuit,iinfirnient le |>rononcé du commiTlàire du quartier. On réveille le magiflrat pour
juger ces étourdis. La cour, la ville, Ja pro- vince lui font des interrogations multipliées:
il faut qu'il réponde à tout^ il faut yqu'il fuive a la pifte le brigand , Tadàflin obfcur
.qui a commis un crime ; car le magtftrat pa- roit blâmable, s'il n'apas fu le livrer de bonne heure à la juftice; on calculera le temps mie (es prépofes auront mis à ceitei capture; oc fon honneur exige que l'intervalle entre le délit & l'emprifonnement foit le plus court polFible. Quelles fondions redoutables î Quelle vie pénible ! Et cette place eft con- voitée !
On ne s'intrigue aujourd'hui , difolt Du^ clos , que pour l'argent : les vrais ambitieux deviennent rares. On cherche des places où l'on ne fe flatte pas même de fe main- tenir ^ mais l'opulence qu'elles auront pro- curée , xonfolera de la difgrace. Nos aïeux afpiroient k la gloire toute nue : ce n'étoît pas , fi Ton veut , le fiecle des lumières 4 mais c'étoit celui de Fhonneur.
Un courtifan de nos jours dîfoit : il faut tenir le pot-de-chambre aux minifires tant qu^ils font en place , Ù le leur verferfitr la tête quand ils n'y font plus. Or , les cour^ tifàns agiflent conmie ils parlent.
l^O T A B L £ A V
CHAPITRE CCLXXXVII.
Orateurs facrés.
'JLies prédicateurs jouiflènt feuk ^ Paris du i)eau droit de parler au peuple afièmblé. Q ièroic k defirer au'ils en fentiflent toute.Fé- tendiie. Nourris des lumières de la philofb- phie, quelques-uns ont expofê des vérités fortes. Au lieu de ridiculiferbêtemâit un em- ploi aulfi noble , ne vaudroit-il pas mieux coa- lâcrer ce rare privilège par les devmrs qu'on leur impoferoit ? devoirs d'hommes & de citoyens. Voici le moment pour eux de fe montrer tels & de mériter la vénération gé- nérale.
Profeffêurs publics de morale , fous Féten- 4iard facrc de la religion , ils pourroient réel- lement combattre par la parole les abus les plus dominants , & , développant les maximes de l'évangile , étendre julqu'k la plus grande circonférence le précepte divin de la charité, en attaquant de toutes parts les malverGitions les plus criantes.
Tout crime , depuis le plus grand jufqu'au moindre , dérive de l'avarice & de la dureté des cœurs. Les prédicateurs pourroient fou- mettre àieur tribunal tous les forfaits poli- tiques
B E P A H I S.
tiques qui caufent les malheurs du peuple. Rien ne fauroit arrêter ce cri de Tame. La vérité nue & fimple a une force qui terraflè; d'ailleurs jamais Fautorité n'a ofc frapper dircdement la fainte vérité.
Sous ce point de vue, les prédicateurs,' fans offenfer le miniftere, pourroient le (èrvir. Qu'ils s'emparent des idées faines , univerfel- lemènt répandues. Toutes les idées utiles à riiumanité font dans l'évangile , qui ne re- commande qu'amour & charité ; la philofo- phie de nos jours eft une branche du chri& tianifme. Quelques - uns , je le répète , ont déjà rempli ce généreux devoir en préfence du monarque : & quelle fublime fonéHon , que de porter à l'oreille du prince les gémît fements qu'il ne peut entendre , & les pen- fées auguftes qu'on voudroit interdire à la royauté {
Je chéris beaucoup Péloquence de la chiiir te ; j'ambitionnerois fortement de poûvoit prendi:e la place de ces orateurs qui peu- vent apporter des confolations aux cala- mités régnantes , parler au pewple d'un ton apoftolique & répandre h parole dîtinej telle qu'elle eft empreinte dansTaugulte mo- rale du livre qui li contient. G'éft en ce moment que la dignité du facerdoce parok dans tout fon éclat. Perfuader , convain- cre, confoler, développer tous les tréfors de là morale la plus (bblime , la plus prct
Tome IL L
Q^ ■ f A U L E A U
|)re \ donner .aux hommes Tamour de k paix & de la xharité, quel lelpeâable emploi !
Quant à. ces abbés beaux-efprits, qui cou^ xent des bénéfices , en faifant.de belles phra* Tes pour prêcher , s'il fe peut ^imavcnt à la xour, qui ne veulent que faire fortune , qui
E illent dans le fonds d'autrui quelques lam- eaux, quelques tournures oratoires, & qui ne difent rien a la foule xpii Touffire \ quant il ces énergumenes fous le froc^ qui vomif- fent de plates groffiérctés contre des philo- :ibphes qu'ils ne favent ni lire , ni entendre^ ni apprécier \ <]ui ont fait divorce avec la raifon, qui transforment le talent de la chaire .en celui d'inventer des imputations calom- .pieufès : je les plains de profaner un aufG .augufte miniftere , de ne pas fentir quelle <çft leur véritable force , & lempire qu'ils P^inôîent prendre fur les efpfits, s'ils s'e- ^dicient à parler aux hommes fur leurs véritables intérêts.
. On dît qu'un ex-jéfuite nommé Êeaure^ gard , qui aftèâe la véhémence , a cru attein- dre le fubKme de fon art , en s'écriant dans fes transports rïfibles€c frénétiques : 0/2 nous accufid* intolérance* Ehl ne JàU-on pas que la charité a fcs futeurs , & que le \ele a fis vengeances ? Une autre fois il commen- ta ainfi un difcours : ^pproches^^ acolyte^ /ine:i ks ricleaux , yoiU'}^ le fanSuaire. .*
DÉ p. A K. t S.
'fr
je vais parler des philofqphcs. . .^ Cela eft fort plaifant.
Tel autre prédicateur prêche dans un faux- bourg «de Bacis , ou dans unmilerable vil- lage , un fermon qu^il a compofé contre le luxe. Mes frères^ dît-il en apoftrophant un auditoire déguenillé , la Jenjîialué de vos tables ^ cei mets recherchés , ces dilicatej^ fes voluptueujes qui réveillent vosfens erv^ , murdis & fatigués de plaifir.*^ Et il dé^ '^ Xite cela a de pauvres malheureux qui ne mangent le dimanche que du pain , du lard ^ des choux à Teau & au fel. '
Que (kit-îl? La répétition d*un difcours qu'il prononcera le lendemain à Saint-Koch , dans le quartier opulent de la finance. Le peuple dort au fermon , parce qu'il eft ra- rement adapté à fon élocution & à fes çoti- tioiûànces. M. Oulîer de Befançon ^t avoir vu, en 1739 ^ dans Féglife Sainte-Claîre à Stockholm, un bedeau qui portoit une longue canne & frappoit (ùr la tête de ceux qui dor- moient pendant la prédication. Si l'on adop** toit cette fonâion en France , la main an vprépofe ne ferdit pas oifive dans nos ten>- pies , & il en faudroît plus d'un.
Lx
9 4^
JWfÔ T A B L B A U
CHAPITRE CCXXXXVIU.
^rui - anglais.
XJn rencontre dans les fociétés f|aelqaes (^étraâeurs de la France ; mais 1^ dÀiaâeucs des nations étrangères fc fùr-toat des Afî* ^lois aboiident , oc n'ont pas plqs de t;^on lans dpute. Il eft très-utile qu'il y ait une efpece de rivalité entre elles , qu'eues fe re- crochpnt leurs fautes , leurs erreurs & leuis iottifes ; qu'elles s'oppofent mutuellement le progrès de leprs arts i qu'elles f^ Qirveillent çiifin. Ceft par ce moyçp qu'elles fe met* tront à ponéc de profitj&r de leurs découver- tes & de mêler leurs lumières refoedives,
La France , par (a poGtion , par Tindi^flrie Çc le caraâere de fes habitants, paroit avoir ^e grands avantages (iir l'étranger; & les injures qu'on lui dit, font de vrais repo^ ç^es d'amants , qui voudroient la voir aufE telle , aufli floriflànte qu'elle pourroit l'être.
Vingt millions d'habitants , cent cinquante millions d'arpents de terre en quarré ou en- viron : quelle puîflànte monarchie ! à qui , d'ailleurs , le phyfîque fournit abondamment toutes les denrées de premier befoin & de }u^e» Ne devroit-elle pas avoir l'avantage
DE Pari s: ^rt
fur tous les gouvernements de l'Europe ? La nature lui a donné la fupérioritë , Se fa po-^ fition a décidé {à puidànce. Pourquoi donc Cieniéme état .ne voit-il pas fa félicité éga- ler fa grandeur .î P4)ucquoi la nation An- gloîfe. a-t-dle ' cette fierté , cette énergie ^ ces rcffburces, ce courage intrépide & cal-» me Qfii la fait réfifter à une guerre civile, à trois grandes puilïànces unies , à fes fac- tions particulières > Eh ! qui ne voit que fa conftitution ^politicpie en a fait des hommes qui figurent avec dignité , & qui ont mé- rité par leur génie , leur fermeté , leurs lu- mières 8ç leurs loîx ^ d enchaîner la tyran-* nie ^ 8c de commander a l'Océan >
>•»
CHAPITRÉ CCLXXXIX.
V Académie Frangoijfi.
m plus
à nos pinceaux ? ïsTôn : elfe. appartient (pé- cialement au ciquet de laf jjratiJe ville. * Richelieu' ne pôu^rôîr ifor nierun étaSliÇ- fement, niêilie çrar'ftiïHn^, din ne tendît au defpotîJTnié. L'inflitôtion de laéadénire efl. v-2S>lemem une inftitution mx>narehtque. On
M-".
T A B I E A U
aa coq)s ^ an dcfant de la foiirde critkpie ^
on emploiera un filence perfide & prân»*
dite. Pbis d'annonceurs 9 plus de pÀiieur&
Il Êiut que le livre s'élève par fes propres for*
ces. Et quel livre dans Çon oriebe a été
apprécié ce qu'il vaut ? Les penuons & les
récompenfes qui vont chercher de Dcéfiarence
les académiciens placés à la umrce des
grâces , achèvent de jetter au milieu de la
fittératuie un (ùjet de plainte & de difixnrdc
Les fervices que l'académie françoife z-
rendus à la langue font foibles, pour ne pas.
dire nuls. La langue , (ans ce corps , eût fait
{àn$ dpute des progrès plus rapides & plus,
audacieux. Quoi de plus £àul que de l'avoir
fixée au milieu de tant d'arts féconds ei>
conceptions neuves? Quoi de plus ridicule
que ce ton dogmatique qu'elle prend quel*
quefois ? Tout en fe moquant de la Sor-
benne ^ ne va -t* elle pas citant de vUux^
mots & de vieilles autorites , conuue des
théologiens qui ergotent fur les bancs ?
Ce corps., compofë d'ailleurs des bons écrivains de îa nation , mais qui eft loin de les renfermer tous , vaut beaucoup , mais iiv^ dividuellement ; raflèmblés , ils fubiflènt la fatale loi des corps : ils deviennent petits j n'ont plus que de petites idées , emploient de petits moyetxs , & font conduits par de petits motifs^ Ce corps deviendroit utile ^ s'il fecouoit jaimis les miférables pt^ugés;
pu P A H I S. p!i^
Qf\ rîny^ftiflEènt^ & s'il ofoit adopter im goût dianiétraltn^nt oppoTé k cebî cpi Taniv me; c'cft-tit-di«c.,:6 au Ueu d'un toi> 8c d'une maiiiere lo^cale, qui reâîbnible:^ lai couleur d'iioe école de peinturé ,. il apperce^i voit. enfin Timnienfité de l'art qui exprime- la penfée^ s'H invitoit ^ s'il adaiettoit tous: les tons, tous les ftyles., toutes les manières^ & qu'il (ut qu^'H rfyra poîtn de rtghs fixxt^
Êour cet art incot>iMii5:qu;i rend fujr 1^ papier/ L force à^.Qf^ i^^ ^ la. chaleur de ^nc^r fentiments. :
Les gens de lettres formant le plus petit nombre dans ce corps littéraire , il fe déna^r ture , s'oppofe à }m - ny^pjs , & recueille» male;ré lui Ces eno^iiiis dans foa propre feiru Il n a pas eu le courage de reponcer à un^ décoration étrangère; &c le crédit , l'intri- gue y ayant fait brèche tant de fois , le lit-^ «orateur pauvre , .fier & n^odefte ^ perdr^l^ bientôt la (ède place que la patrie lui ofFcQÎtu^. & la plus propre à récompenfeç (es tra^aiiw C'eft pour, on grand une jouiilânce de ^i^ que de dépoS&àev un homme de lettres qiU| n'a pour lui que la voix publiqûie. Le boni, Patru , qui étoit franc du collier , récita \ l'académie cet apologue , lorfqu'elle voulut^ nommer \m grand leigneur ignorant , aa lieu d'adoiiettre un écrivàia connu : Ua any- sien Grec avoU une lyre admirable^ à loi^^ ^idU fi ifomfU une corde i au lien ttefi
^ 1
iîd^ T A B X E if 1^
ttmettrt une de bàyaip, il envoûtât une d'argent, & la lyre n- eut plus dt harmonie^
Je crois que les gens.de lettres fètoient beaucoup mieux s'usi^pnetioieiit le par» àm renoncer de bonne heure à cette récom* pen(è infidieufè. Leurs talents en auroîent; eertainement plus de vigueur de de libené;! Ils ne troqueroient plus follement la gloire' ^i les attend loin des muis^dela capitale y Ikmr obtenir la lenomméë de Pai*£;^^ too* ]ours ôrageufè, 6( q» i^^s^ (Moencré que pour bientôt mourir^ ^
Dans les académies , W g^i$ de lettres it voient de tit>p près ; les débuts de cha-^ cun paroiflèn» davantage; fàmour- propre fe tourtte en âigreut; lesintéréts fedivifèm^ pltii de concorde •, Phârmenîe eft détruite.
Paime la réponfe du poète Lainez. Uns membie de Tacadéniie fra^^fe lui propo-^ (bit de &ire des démarches pour entrer dans ce corps» Il répondit fièrement ^ Eh ! qui vous jugeroii ?
L'académie, mue par d)es intérêts partie culiers , ne fent pas afièz que le peuple lec- teur furvcille, juge fès ch6fï,'& trouvé Ijtès-ridicule h réception qui ne lui amené pas un nom connu. Quand il faut analyfër tm mérite qui fort des ténèbres , le public Çer révolte , & rit aux dépens de Tobtcur réci* pîendaire.
Quelques académiciens voudiroient re^
DE PARI S.
préfenter comme hommes de génie. Maïs le génie elt comme la pudeur; il eft impoffî- ble de le Jouer.
Uacadémie françmfe ne prbpofe plus pour- fujet des prix qu elle diftribue annuellement , - quelle eft la plus grande de toutes les ver- - tus du roi , ainfi qu elle faifoit fous le règne de Louis XIV. Aujourd^iui les gens de- lettres^ quîk compofent ( nous leur devons cette juftîce) ne le bornent pas k épurer le- ftyle, ils fe tpgardent encore comme ap- peliés ^ forn^er les nKJeuis de la nation , oc 'imais ifis ne $*avifèront de traiter tine a^iflî % tche & déshonorante qiieftion.. Echappes ia râdalatibn vils n*bnr pu échap* per de mênie it lïne cettaîrie pédanterie:: elle eft plus: fine', plus' adroite , plus ingé-* nieufe chez les uns que 'chez les autres, iî • faut l'avouer; mais tous croient , ou voiv- droient faire, croire- que l'académie eft uti ' tribunal réel , qui commande au goût , & eft fait pour le régler;. que le titre d'acadé- micien -emporte avec fol Picfce d'un juge ' abfolrf des arts : ce ' qui n'éft pas^, vu leur* extrême prévention pour leur propre ma- nière ^ leur dédaiix ^Sk^é pour ^our ce qui ne fe foumet pas au ton de leur école <» & l'ignorance où i& font fur beaucoup à*oui^ vrages étrangers & nationaux , que leur pa- rerfe ou leurs travaux les empêcheiit' de lire ^ te -d'examiner-. * - . • -
i;6'
%!,% T A 1 l. I A D'
CHAPITRE CCXa
«Sur le mot Goût^
V/ n théologien s'échaufi^, derîent fanatî- 91e ) & déraifonne au mot grâce ^ & tel académicien au mot gqûtj. Le decnier vrou^ dra vous fubjuguer, tout comme le gremier prendra le ton dogmatique , & ils ne de-*^ meureront pas inférieurs fun k Fautte ..ea înveâives. (Comment après cela ne ^ con^ venii: que chacun a fa marotte ? Et rac^clé* micFen fè moquera du théoloeien, quand it a , comme celut^ct^la. prétention bizarre de £b croire infaillible».
Comme, on démiit tout le mérite de Fac-^ don la plus excellente & la plus puce , en jbi prêtant de vicieufes intentions , de miême on anéantit un bel ouvrage avec une criti-? que froide 8c mînutieufe. Ceci eil encore fc pafl[è7temps d*un académicien, ou ja-» Ibux, ou chagrin ,.Qu voulant trancher da doâeur^
. , Tel académicien dît ^j^ai du goût^mic& qult n'ofîe pas aire ^ J'ai du gpnic. Il fent bien que tout le monde fait ce que c'èft que îr géniie , parce qu^ eflt aiie de le recont- lipitre \ti. voir donc ^ullne feut en impop^
, »
* JE Paris. 119
fer Ik-deflùs ^ & il fe renfermé dans le tître Shomme de gout^ parce qu'il eft aufli diP^ ficilede le lui contefier , que peu ini|)orcacit| de le lui acicorder» -,
Quand il a obtenu ce titre , 3 s^imaginQ alors que fes ouvrages font pénétrés de goût z ce qui n'eft pas ; car tel a du goût pour ap^ précier les produâions d'autrui , & p'en ft pas pour ce qu.'il fait.- ^, 1 ; ';:
CHAPITRE CCXCL
12 Académie des Injcriptipns & IfelUs-^
Lettres^' ^ ' *. ;
L^ ■ ; ■; ■ • ;j ••^:;
k Tantiiquaîre fburit dfàn: féêÈttta^demt qui ne s'appelle pas Homère ou Earif^idti^ Ariftote Temporte encore fur Defcartes 1^ Newton : {dus les idées font anciennes, naifui: elles valent : le (iecle des Médias n'y a p^ encore droit de bouigeoifie»
Tel érudit ne daigne pas appereevoir k colonnade du Louvre , pour parler d'un ^uk temple de Cérès, dont il refiitue Fentablcr^ ment , Tarchitrave , &c. Si Ton perd ^tm bataille , c'efl qqe Ton a oublié la force 4^ la phalange Macédonienne.
Apelle 8c Zeiixis étoient les premien^ peintres de Tunivers \ car leurs ubleaux^.k focce 4e vétuflé^a'exiûentplus».
iJ6 T A BL B A *
Si nous faiCons quelaue chofe de paflabEéf j-, c?éft par pure rémînifcence ries anciens à^itnt tout dit. , tout vu , tout deviné \^ nous les répétons k. notre info ^ & par un tffûst de la -métempfycofe ; car nouf (bmmes . une race abâtardie , dégénérée, pour les arts :: Vivent Us Grées.
' Notre langue ne Tant pas TITébréa; quîi eft une langue (àcrée : rioos ne conùnence'^ rons a valoir quelque chofe qqe dans quatre * inille ans.^ L. ^■- ^
Tous ces contempteurs dès temps moder* - neKécriyent des in-4.fur les anciens ; t'eft- aux anciens à les lire. Ils traduifent Jes an^
* - • •*
ciénsv& c^ anciehsJa, fôiis leur -plume y. paroiflènt bien fots Scbien vuides. Ils met-* tent tout Homère en rimes plates , pour en t€ndre la leâure k jamais impoflibte , & j)oul^radmir^rfafis doute tout feuls. D'au- tres font de mauvaifij profe, pour nous faire détefter notre idiome ^ & pouvoir crier plus 'haut encore : Vivent lés Grecs ! Cela eft adroit;
Spanheim s*exta(îoît de volupté fur une • médaille antique : il eft bon de regarder nne. inédaille une fois , mais c*eft affez. Si c*eft \ raîfon d'antiquité, tel rocher eft plus vieux '^e Falphabet Phénicien , tranfniîs ou noa tranfmîs aux Grecs, Tel homme de lettres^ eft curieux , c'eft bien fait à h\ , G cela Ta- mufe ; nws tçl autr« ne voit pas fur une.
1> E « Fa It I K. arfi
médaille la valfond-ûM exceffiVe !ifokptét(i')v . Lesfiin^nibjrest de c^ corps fe nonupent. ^OLàimâfini 'i, mais ee titré cft uqô très^^ fbihlc diliin^n. à^ P;am 9, ^ Yon: nt{£àip trop potioqai : c*eft q^'iUr: faut écce&idè Taca^^ éénnc fraiiçoKe pem être un véritable aca<*- dcmicien.
jyçk Yiènt 6e^(di9E«rence entre voifîns qui ne font fëparés aui^Lonijat i)ue^ar,iunG cloifoft.Ul:y a bien autant ,4? pi;éjugçs,„a|i. tant dp prétentions. d'u;a côté, ijue de Fau- frè: plùÊeurs. niicmores paflent; hieme dune; chanibte pour aller dans la chambre voîG* ne ; ils devroient. donc être rangés lur la tnênie ligne v on fait '4c^.yèrs 62; d^^ jiprofe d*uncôte & de l*aiitr'éi/ , .
Lé public, ou.plutot'lVpîpi9!>'x;a-n>îs en-, tre ces^ deux corps un grand 'intervalle. IJ. feroit facile néanmoins dôppôfer racadéniîèt des belles - lettres à l'académie frahçoîfè-, fi" la pi^iere v^ouloit s^niani£^| un peu ayec^ les BèlleS-Iettrés, puifqiVèlle'âî'pbftè Te n6m\ goûter de la littérature, . modexne ^ réciter quelques vers françois, & ne point faire de
(1) Lé, facétieux Piroa a iaîr uiiê épitaplft^ Siflez plaîfante d'un de ces inVeftigateilrs du teii^' paffê. Elle efi peu connue: -
y
, \
Cl git un antiquaire opiniâtre & hn^quê%^ "* • x)
fi tjt tfprit 6^ Ç9rps dans uni cmtlù àruffti^ ^
13^ T A 1 t r A:tr
divorce adirée le bel -eTprît^ Alors toli»^et antiquaires paflèroient pour des- gens* de let« très V & ^on s*atcoiitumerciit. à dire dfeuv qu^ilsont de Fi^jçi^ylê goût pnendtx>k peut*^ ^re enfiike, fie les Quarante krcictii d^K>f- fëdës du privilège exdufif à la rëputaticm fie à Hnimoitalité»
Que cela arrive ou non , je dnat toujours à Facadémie françoife r -
Cette académie né veut plus, dit- on ^ oue (es membres paf&nt déformaiis à l*acâ« demie françoilè , parce que c^efi trop de gloire pour un fîmple mortel /.que de réinir uir (a tête les titres ôppofé^ de JavdrU & dé Bèfef prit : il faudra opter , fie Ton ne poiiirni plu& lèrvîr a la fois lès deux maîtreflès jaloufes fie rivales. Point d'accord entre Céruditian fic &s graciât
^ I. ( â .
' CHAPITRE CCXCIT. '
I
Communautés^
\J n premier édit avoir fupprinfié , fous Ir mjniftere de M. Turgot, tes, jurandes 8c communautés de commerce , ces parties, konteujès de notre gouvernement ; oc tout iQuloit aflèz. Blétik Dix- huit mois après y, vm
X c
DE Paris. 233
fécond ëdk créa fîx corps de marchands y & quarante -<]uatre<:oinmunautés d'arts 8c
métiers.
Les entraves bizarres ftirent fupprimées. Une plus grande liberté eft rendue au cpni^' merce ^ on a réuni des profeflions qui ont de l'analogie enti^elles, & qui autrefois li^. vrces à des procès interminables , fàtiguoient les tribunaux de leurs débats audi coûteux que ridicules.
La porte de Knduftrie eft ouverte à qui- conque veut travailler ; mais il en coûte eiKore de l'argent. Cet argent ne fe donne plus aux communautés \ à qui fe donne-t-il \ Aux coffires royaux : tout rentre infeoGUe-*^ ment dans ce baflin unique.
Les bouquetières ^ les coëi&u(ès de cfenis^^ mes , les jardiniers ^ les maîtres de danfe ^ les favetiers y les vuidangeurs ont été dé^ clarés par le même édit , libres dans leur profeffion, & exempts de payer. ,1/ ::
Avant cet édit on pourfmioit uôe'^lntal^ heureufe femn^^e qui;^ la v^e: de lajrfihet d'un patroa bannal, p<Mtoit dés fleuctf fur fbnéventaire : on écrafoit fe$ fleurs v&^ob \x\ faifoit pa^r une amende^ On Ikififibit à&par k rai,^jujliçc i, Àts QxA\0s ^ àtn&% seftemelés:^ ^ en$t% l'on #icar>6éroiit lé t^ ^léraire qui niettoit dei5^:p^il]otfes fhx. la tête d^une femitie^^ &ns avoir \z pmmtXi qui l'autorifoit k frif^ & pommader les cheveux*
2^34 Tableau
Noos fortons de l'épociae de tontes ces belles- îoftitutions , & nous en- avons encore plu* fietirs k peu pris de cette dignité-là : & voilà*, founage des anciens admmiilrateuis de no* trc grand état».
C H A P I T R E CCXCIIL
AgrimimJIts.^
JLies belles dames , dont la fantaifié com^ lïiande ces ouvrages momentanés ^ (ttfcepti« blés de variations infinies, ignorent (ans dou^ te que les ouvriers qui façonnent les agré* ments dont eUes omenr leurs tobes , fe nomment agréminijîcs. - L'ouvrier donne à la (oie toutes les for- mes poflîbles ; c'eft de fon goût & de fon génie que naiâènt k variété des deiEnis , la;: Sverfîte , des ociuleurs: artiflement unie? \ Fi-* mtJatiôn des-fleurs mtu telles. • On admire une jolie femme , & f(»i ha- hHleifient qui fait partie dé fon exiftence : ihais à^ la vue des effets très - galants qui- féfdldmt i3e< fes* irigretees, de (es pônipotis ^ de fei frangés, ic poëté chanfônnier né s'efl^^
E' 'iHâis avifé 'dè^c^ëbrér un peu le fufeau ,» nasrette .8tflâ'maîn induftriéufe dû pau- vre^gr^/wiiriî/?^v'touC cll^pour celle qui porte.
UM. P. A-IL I ïi. 135
là robe élégante , & rien pour l'ouvrier qui lui a imprimé cet éclat, cette fraîcheur ^ cette légèreté aérienne.
CHAPITRE CCXCIV.: Epinglicts^: CUHititrs^
Un Sauvage admire un clou, & il a raî- {bn. G'efl? à Paris* que l'homme obfervatiéut voit combien l*àftt a^ demandé de combi- riaifons , d'expériences & de foins. Il faut trente mains & trente outils pour la for- mation d*une épingle V vous en aurez mille, pour douie (bis.
Les aiguîlIiers-épîngKers. regardeht leur prefeffion comme l'une des plus anciennes^ pqi(qu'îls fou tiennent qu^Hénoc en fut Tin* tenteur. -
r l'aiguille eft nécfeffaîre'k.prefqtaiettous 1 métiers : pour que l'atguBle ne fprt^ni frtel fiî^caflànte , pour qu'elle reçoive la petféâî6à dont elle eft (ùfceptible , il faut plus de vingt ëpétatibns , toutes également eflèhtielles oc éxtrôiTïement délicates. Les doutiers ôtit'prî? S. Çloud pour patrq0, & les épingl^érs SU Sfibaftîèrt, ^àrce que çcM- Cl fut i[n^^ à coups de fledies^i' . '^ '
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'i^6 T A 1 X k A u
CHAPITRE CCXCV.
GMc dt la PftJ^.
L, .. . .^ ^. ^ f .... es ennemis des livres Te font des lumie-^ res, & par coofëquQntdes hooimes. Les eiitraves dont on furcfaarge la preflè invi- tent à les braver : il Ton jouii&U d'iificS^Ubàrté honnête, on n'auroitpkisrqi^ours i lufioence. Il e£L des maux politiques qite prévient la li-' berté de la prefle , & c'efl déjà un très-grand bienfait. La police intérieure des états a be^ foin d'être éclairée par des écrits deGntéref; fés. Il n'y a que le phiîofophe fàtis^ut .. de la feule eftime de fes concitoyens , qui puide s'élever aa-deilus des nuages me forme TiiH (érét perfonnel , & offrir les aDus d'une cou* tume inCdieufe. Enfin k liberté de la pre(I^ ièra toujc^lrs 1^ m^fùre ,de la liberté tivîle , 6c cVft une efpece de thermomètre, pons connoitre d'un coup - d'oeil ce qu'i» ;peupla a perdu ou gag;ié»
Si l'on adopte cet axiome , chaque jouE nous perdons ^ car chaque jour la preflè eft. plus gênée. - ' • ^ ^, ,j , ^ ^
Aw^Jes iïvresTque Pon imprime aiiM0|Hf>^ d^hui k rarîs font- ils pitoyâibles^ lor{^'iI& roulent fur lliiftoîre , fur la politique , oa fiir la morale des nations,.
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fil P A B. I 5. 137
• LaHIèz: penfer & parler ; le pubUc jugera y Vl faura même corriger les auteurs. Le plus {ur moyen* pour épurer Imprimerie y c'efl 4e la rendre iibre : Fobftacle irrire ; ce font les probibitioxis , les difficultés , qui enfan-^ tent les brochures dont on fe plaint.
Si le deQ>otirme pouvoit tuer la penfée dans fon Ëmâuaice , & nous empêcher de faire voler le trait de iios idées dans l'ame de 1:10s femblableS), il le feroit. Mais ne
Cmvant tout-à*fait arracher la langue au phi-« fophe & lui couper les mains , ilétablit l'in^ quintion fur les routes , pe^ple les frontières de commis , répand les fat^llities y ouvre tou^ tes les cai0ès ^ pour intercepter la progreflion infaillible de la morale Ôc de la vérité : vain & puérile effort ! attentat fuperflu au droit naturel de la fpciété générale & aux droits patriotiques d'une fociété p^culiere ! La laifon de jour «n jour ; frappe les nations d'un plus grand éclat ; elle luira fans nuages^: On a beau craindre ou perfëcuter le génie ^ lien n'éteindra dans fes mains le flambeau de la vérité ; l'arrêt que (à bouche prononce ièra répété d^ns toute la pofiérité contre l'homme in jufie. U a ^oulu ravir k fes kn^ l^lables y plus noble de tous les droits , celai de pen&r , inféparabte de xàui d!étre r il aura manifeflé la foibleflè & fon extrava*- gance , & il méritera le double ceprQche de tycaniûe & d'inipuiflànce^
138 T A B LE A V
O braves Anglois ! peuple gëuéreox y ècrach ger à notre f^vitude iionteufe , confervez avec (bit! parmi vous lâ liberté de la* preflè; elle efi le gage de roue liberté. Vous reprë- fentez aujourd'hui pre(^ feuk pour le genre buniain^; vous foutenez la dignité da nom d'honinie. Les foudres qui frappent Tcirgueil & Pinfolence du pouvoir arbitraire 9 partent du noble (ein de votre kle foitunéc La rai- fon humaine a trouvé dhez vous utiafyle d'où el|e peut inftruire f univers.
Quand les opprefliurs croiront tmpofer Glence k la terre , & la dévorer iàns <pfdle <^e gémir , leurs perfides projets feront éclai- les dans toutes leârs profondeurs , leurs fronts feront <:icatri(& des foudres (acres de la vé- rité : f opprobre les (àifira pour les vouer au mépris & à l-exécration oe la race pré* lente oc future.
O btaves Anglois ! vos Kvres ne font pas ibumis au mandat de M. Le Camus dé Né^ ville ; 6t il &udroit un long conmientaire pour vous expliquer de quelle manière mon- feigneur le garde des fceaux , ou mofifèi-
Î^neur le chancelier de France , quand il a es fceaux , ou monfeîgneur le vice-^ance^ lier , permet ^fin k une mîhce brochure qu'on ne lira pas , d'être étalée & invendue lùr le quai de Gêvres.
Nous fommes fi ridicules 8c fi petits de- vant vous , que vous auriez pD&ine à com«
© E P A K I S. I.3J
prendre Fexcès de notre foibleflè & de no- itre humiliation (i).
Au refte , cette gène fait un 4ort conGdé* rable à laxapitale , & l'étranger en profite. La graphomanic a un côté ridicule , mais -elle fait fubGfter diverfes profefHons. La moiï- tagne* Sainte- Geneviève eft peuplée de col- porteurs 9 de bracheurs 9 de relieurs , &c. qui monrroient de faim Fans le gros com- jmerce de la librairie* Ce trafic n'a rien de préjudiciable à la fociété. Les anciens écri- vains autant que nous , & avoient la même démangeaifon de publier leurs^crits. Ceft •un befbin que nous (àtisferons toujours en donnant notre argent aux predès hollandoi- fes , alfemandes , flamandes de genevoifes.
• CHAPITRE CCXCVL
La petite Pojlc
Oon auteur , Chamouflet, avoit conçu deux cents projets de difërentes efpeces , tous rela^ tits au bien public : celui/* là feu! a pu étro isxécuté , mais très-tatd ;car les hommes en
I 1 É
(i) Il y eut jadis un édlc du roi qui défen- doit au profeffeur Ramus de lire fes propres mi^ vtagesm
-■)
i^o Tableau
place covobwtnt toutes les noureautés , 8c ne cèdent au bien public que loHqu on les y force , ou par une entière convi^on , ou par une forte de violence. Le premier mot d'un miniflre eft toujours , je diftnds , jà- mais j'accorde
Cette polie roule du matin au (bir , por-- tant lettres & paquets. Comme Paris eft un monde , on auroit plutôt Î2ât Ibwrent de iè tranfporter à uente lieues, que de déterrer un homme dans tel quartier : on kn écrit ; les billets économifent le temps , rempla- cent les vifîtes , & font qu'on ne fe d^uace pas pour des riens.
C'etoient autrefois en Italie les vendeurs de poulets qui portoient les billets dtfux aux fenmies ; ils gliflbient le billet fous Faile du plus gros , & la dame avertie né manquoit \J pas de le prendre. Ce manège ayant été dé- couvert , le premier meflàger d'amour cpiî fut pris 9 fut puni par \tflrapadt , avec des poulets vivants attachés aux pieds. Depuis ce temps , poidct eft fy nonyme à biUu doux. Les commis ambulants de la petite pofte en portent & rapportent fans ceuè ; mais une cîre fragile oc re^âée rient fous le voile ces fecrets amoureux ; le mari pradent n'ou« rre jamais les billets adreiSs à (a femme.
Les amis s'avertiflènt pour les jours qu'ils veulent paflcr enfemble ; le commerce de la rie s'embellit de cette facilité. Mais on écrit
pOuiS
^'x
B ï F A £. 4: S. l6%
-pour fes af&ires bu pour fès plaifirs , pai^cc 4}ue cefèroit une grande imprudence d'écrire autrement^ le tout étant entre les mains do la police , qui v^utXavoir jufqu'aux chofes inr* ^ffîrentes.
L'inconvénient eft , cjue les anonymes' •<]uî vous écrivent des injures , font plus k Jeur aife. Mais toute lettre aaonyme eit d'un Jâche, & dès-lors jiiéprî&ble. Cet abus ne Xauroit contrebalancer l'iitilité générale.
Les gens en place ou célèbres reçoîveni» •une foule de lettres oifeufes ; cette afiluenco ne peut manquer de les diftraire, & à br longue de les fatiguer. Le fardeau d'une vafte corseipondance eft un malheur attacfa^ ^ la renommée ; on perd des heuires p|:écieM^-- Tes k répondre k des futilités^ -&. k traçiec fur le papier des icompliments ftérilesou de; -chofes extrêmement vagues.
On ne doit qu'a Tes mtimes amis le tar- •bleau de (es véritables idées : on eft obligé '4e diflimiiler ^vec les autres ^ parce qu'ils Tont toujours prêts k montcer vos lettres , k les faire circuler^ &iiiâme k les imp^oieç. Il faut être trè^rconTpeâ avec la multitude^ ^tar combien de gens vous tendent de^ pie^ ^es fous FappareBCç 4it| zèle , & ne (btit^u^ Raffut des ^diaàe^ qu!i|; peuvent (aifir., ^oi\^>:^.w ^Mil5 d'avoir pu ixompef ou votre cocdSancç^"^ ou votre çréwîté !
On a [publié une miace brochure^ îotitu^
Tx>m IL M
< i66 T A B L E A u
^ \ée .^ la peritC'Pofte dévàUféc. Ces letttesiônt fiâives \ mais s'il étoit permis de lever pat ' fimple curiofité les cachets ^ & de parcou- rir coûte la correfpondance d'un lèul jour^ • Dieu ! que de chofes curieufes & intér^^ ^ tes k lire ! La certitude que ces lettres n'ont ' été écrites que pour une feule perfonne ^ que Tame s'eft épanchée eti liberté , fonneroic des contraftes finguliers & une leâure unique ; jamais l'imagination d'un auteur ne procniin rien qui en approche ; la détreflè , 1 infortu- .' ne , la mifere , Famour , la jalouCe , l'or- ^ gueil donneroient des tableaux variés , pi«
Suants ; & comme on ne pourroit douter e la réalité , Fintérêt deviendroit plus yif. Quel plàifîr de voir k nu le Ayle de f hom- me d'af&ires , du marquis , de la coiirrîfan- ne , de la jeune fille amoureufe , de Thabitûé ; de paroîflè , de l'emprunteur , du tartuâ^ dans toutes les claflès ! Que ne doimêroit-on pas pour les lettres originales d'un Defnies , pour tenir tel tîUet de tel homme célèbre , dans telle circonftancè de fa vie ! Les gens de lettres en trouveroient de très4>îen écrites ;. les pbilofophes feroient de nouvelles décou- vertesfur le cœur huriiam , & les gramai- riens yerroîent que, fur cent lettréis ,' qdlatre^ vingt n'ont pas Fombre d'^^rthograpfae ; niak qrfen général , celles qui pèchent par c6 dé- &ut , ont plus d'efprit & de naturel que tes autres : ai^ font^cUes icriteç pour lï plupart
D E p A ». I s: 167
})ar des feranies. Et parmi les hommes , pour ne pa^ dirô parmi les autetits^ ceux qui igQoreixt ceitain^- règles gramimaticales ^ $ eiçp9met)t ayac plus.de grâce , de liberté & de force. Or ^ rëfléçhiflèz donc 1^-deiIùs 9 froidi V P^^^"^ '^ v^xàéth écrivains^ qui (avez ou ue favez pas ^la grammaire.
Uîmpreflîon fidelle de toutes ces lettres fetoit^ un monument. bien curieux; mais il îi*eft pas licite de le defirer , car rien a'au* torîl^ àiJçfer de cette maùiere la . confiarice publique.
... Cettç pedte-poftç a été. réunie à la gran- de , parce qu'il eil dit qiie tous les établidè*^ mehts en France appartiendront fùcceffivc^ ment à 4es régies ou à dssf£rmiers ixclujîlfs^
CHAPITRE CCXCVII.
.':: :. Débiteurs*
V|^u'il-^ doux , qu'il «ftyîgréable de payjwr ..^ivfesf.créancîers jjjn dit J^ittjetpn , auteilt Anglois.
rjl paroi^.(|uf>.la:^%isfaâJon que donne le pfijgmenr'rdç ^^ij^^ttes^rt^^^ moins no9 )ffif^if^*lgff^^i japiâis ils net prennent de igpfi^ fi^r J^>çh4çitFe de leurs oUigar ^ons 4 ^r&â fçiQi un;&]et de pïaifante^ie v ils difenfi
i68 T A B 1 £ A :xr
très * férieufement k but homme d'afiaîies xes mots iie là comédie : Dites à mes créan^ ciers que je -m'exécute incejpimmétit , -•que je me marie ^Ù qiuJiUs Me f/tc^tàHt]^ jjt rejierai ga'rçom «'-»- ' -^ Avl.-:^
On'devroicpKflèr (ibvattege le déUteui^ il y en aurok moins ^ car ce n^eft pas^ te vi- jritablè nécefTiteux (]ui empninte , ir^eft lé pro- digue 9 le fou 9 l'iniènfé , le libetttn, le dif& pateur.
Le^créancier eft toujours mahraitépar h loi : ce qui rend hardi le frippon , <& mine 2'honnéte homme. Il "n'y a point aflèz de févétité ; on ilude fi facilement la prilbn , les loix civiles font iî lâches, jqu'elles n'inf- pîrént plus le moindre efinn^ la proprîà6 en eft bleflee , & le commerce gêné. On voit naître une foule d'achettui^ intrépides ^ qui , prévoyant la molleflè des loix , ^''aflÎH içnt a avance dç ce qu'elles n'ont pas futCôe- ièrver aux préteurs. .
Il faudroit imprimer une forte d'infstfnîeX | ^ tout débiteur infidèle. N'eft-il pas hpnteui^ \(j dé' ne j$as payer fon taîiUeur , Ton triût^^ fysk tapifïîer -èc^fen boucW î On piaié^tien les dettes du jeu \ pourquoi ? Parce qrfon'ne feroit plus adniîs dans la-fodété. Il 'Càpk facile k des hix'fhsî^Ç^ni^ii^^ ves , de forcer lés débiteur8^aoq[UKtl^^ de leurs obligations ; c'eft phl&rja nÀaov^ifflfe Volonté que rirhpuiflance;^ ^qiii ^ reAile dev^aflt; les enjgagem^nts les plus foiemnelsu
n E. Paris. ^6f
Plus un débiteur eft riche , moins il paie ; H défend aVec'^ tae partie de fon or j autre poïtion de fon opulence^ il enveloppe fon créfancîér^de tous- les embarfasde-laprocé* dure ,. il le jette dans les détours de la chi- cane ; & à forceàfe reculer l'époque du paie- ment , il laflè & fatigue fon adv erfaire , quîr Jûf abandonne enfin hc moitié ou les trois quarts de ù. créance. •
' J'ai dit , je crois , que les jeunes gens , if y a quarante ans , aimoîent le fracas & le^ (Carillon, & queprefque toutes les nuits ils fe faifoient une gloire mîférable de caflèr des lanternes , ou d^àttaquer les foldacs du guet. Fàî dit que ces* abus avoîent été févérement réprimés comme ils dévoient l'être. Aujour- d'hui nos élégants , moins bruyants & plui Eerfides fe vanteat d'avoir des dettes , par-- »nt du bijoutier, du marchand de chevaux ,> du carroffier , du marchand de foie , qui lesi pourfuivent k toute outrance , les appellenr des impertinents & des dréîés ; ils plaifan- terit enfin fiir la vifite dès huiflîers ; & tirant de leur poche un amas d'exploits , ils les' teûlent lentement à la cheminée tout en fe* Contemplant au miroir. . Et que dirions - nous , G nous le vou-- Bôns, du débiteur fimulé qui fait banque-" roiite pour un* grand fèignetir^ là face du' public ? Mais nous fommes- nous engagés ktotiir dire-?, npmv
M 3
170 Tableau
I-.
■^j
Chapitre ccxcvjit
ObjcSions.
V^ue veut dire cet txagcratcur , et pcïntH
outré y cet homme chagrin , qui voir
tout en noir , qui a déjà fait trois volumes
f)our médire de Paris, centre des voluptés es plus exquifes ? Je foutiens moi , contré lui , que l'art d'exîfter librement ne fe trouve
tion moi. Ne faut-il pas que les riches jouiÇ £bnt de leur opulence ? Ne faut-il pas des plaifirs variés à l*homme ? Y en a-t-il dé)& trop ? Ne lui faut-il pas des vices ? N'entrent- ils pas dans la compontion intime de fbn
être ? Ne font -ils pas Je m'entends*
QueUes couleurs donnez- vous donc, mai^^ vais fermonneur , à cette cité fuperbe & riante , où Ton vît h fon gré ? Tout vous ef&rouche , vous épouvante en elle , jufqu'^ fon immenfe population qui me réjouit fort ;. & ne faut-il pas que la capitale d'un grand royaume foit extrêmement peuplée ? Les pau- vres travaillent : il le faut bien , puîfqu'ils font pauvres i & je jouis moi , parce que je^
DE Par I s. . 171
fais riche. Si j'ctoi>né pauvre , je feroîs alors . pour le rîçhe ce que le pauvre fait pour - moi. Les billets de la loterie humaine ne fauroîent être égaux,; il y a des perdants & ; des gagnants. .
Hors de Paris point de falut ! Que me- parlez -vous de liberté ? Ceit un mot vuide * de fens, comme tant d'autres que les en- tlioufiaftes prononcent. NTai- Je pas la liberté de me livrer à toutes mc5, fantaifies î Que faut-il de plus ?
Paris erf un pays délicieux pour quicon- que cherche à jouir , & non à penfer \ & quoi de plus trifte que de penfçr? que font . les plus fubllmes penfées? Je vous le deman- de. Quand j'ai payé ma capitation , tout le . • pavé du roi m'appartient ; je le broîe à nion gré, pour voler précipitamment à mes plaifirs.
Si j'ai une rixe avec un homme du peu- .. plç qui retarde ma coiirfe, & que je leroflc r un peu vivement pour lui apprendre à ref- peâer un riche de ma qualité: ; fi fa fille > m'a plu , puis m'a déplu huit jours après ^ je me tire d'af&ires avec iin peu d'argent. Je ne me mêle point des amiirc^ d'état ^ & que rii'impprte Ja manœuvre ? Je fuis ;. paflager dans le vaiflèau , je ne veux pas ; gouverner le gouvernement Oh^ DieM m'en ; garde ! Qu'ils s'en tirent ceux qui tn ont pris : îei^ rênes ; .jjadrnirç Iciu? intrépidité.. J'aurois^ <.
M ^,,..
138 T A B LE A V
O braves Anglois ! peufde généreux y étrin» ger à notre fi^vitude iionteufe , confervez avec (bin parmi vdusiâ liberté de lavpreflè; elle efi le gage de voue liberté. Vous reprë» fentez aujourd'hui pre(^ feuk podr le genre buniain^ vous foutenez la dignité du nona^ ^'homme. Les foudres qui frappentr Torgueil & Pinfolence du pouvoir arbitraire 9 partent du noble (ein de votre kle fortunée. La rai- fon humaine a trouvé dhez vous utiafyie d'où el|e peut inflruire Tunivers.
Quand les opprefliurs croiront tmpo(èr Glence k la terre , & la dévorer iàns <pfeDe o(è gémir , leurs perfides projets feront éclair rés^dans toutes leurs profondeurs , leurs fronts feront dcàtrif^ des foudres fàcrés de la vé- rité : fopprdbre les (àifira pour les vouer au mépris & à l'exécration ae la race pré* lente oc future.
O btaves Anglois ! vos Kvres ne font pas fournis au mandat de M. Le Camus dt Né^ ville ; & il &udroit un long conmientaire pour vous expliquer de quelle manière mon» feigneur le garde des fceaux , ou monfèi-
Îjneur le chancelier de France , quand il a es Iceaux , ou monfcigneur le vice-chance- lier , permet ^fin k une mîhce brochure qu'on ne lira pas , d'être étalée & invendue lùr le quai de Gêvres.
Nous fommes fi ridicules 8c fi petits de- vant vous 9 que vous auriez pD&ine à com«
^l3 © E P A K I S. 3.3J
prendre Fexcès de notre foibleflè Scdeno- itre humiliation (i).
Au refte , cette gêne Fait un -tort confîdé* rable à la .capitale , & l'étranger en profite. La graphomanic a un côté ridicule , mais -elle fait fubGfter diverfes profefHons. La moiw tagne' Sainte- Geneviève eft peuplée de col- porteurs 9 de bracheurs 9 de relieurs , &c. qui mourroient de faim Fans le gros com- jmerce de la librairie* Ce trafic n'a rien de préjudiciable à la fociété. Les anciens écri- vains autant que nous , & avoient la même démangeaifon de publier leurs>écrits. Ceft •un befoin que nous Fatisferons toujours en donnant notre argent aux prellès hollandoi- fes , aMemandes , flamandes de genevoifes.
• CHAPITRE CCXCVL
La petite Pojlc
Oon auteur, Chamouflèt, avoit conçu deux cents projets dedifërentes efpeces , tous rela* tifs au bien public : celui -là Feula pu étro isxécuté , mais très-tatd; car les hommes en
(i) Il y eut jadis un édlc du roi qui défen- doit au profeffeur Ramus de lire fts propws mi^ vtagcs»
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roit vainement le tour du globe pour rea^ contrer des aventures au(fi plaîfàntes , auffi rares , auffi fîngulieres ; des beautés très-» aulteres dafiS un cpuH-ticr^'.vtius les xioavtret voluptueufement éiciles àuis un autre.
Audi ne vous étonnex pas de notre 'efprit^ Af. rhumorijic. Que de goûts , de fenrir- ments ^ dappcfcevances fines , de vues neu^ ves , difliuguent un -. homme de la capitale d'un gros campagnard qui ne vit qu'à trente lieues de nous f II eft d'une autre efpece a& 'forëment : ce n'eft phis notre compatriote $ peut-il nous fîiîvie , nous entendre ? Voyez^ le bouche t>eame, œil etonnë ! Il croik au bonheur ^ tandis qu'il n'y a de réel au monde que le plaiGc •; cVfft ia^ rhonnoîe courante de la félicité humaine , & lesgroflès pièces n'ap» partiennent à per(bnne ici - bas. Je ne veqx point du bonhcfur nioiX)tane des champs : c'eft le primicr des plaifirs injîpidcs , difbir Voltaire ; je veux frîfer les fuperficies, & je m'anéte aux voluptés , tov. jours exquifes quand elles font variées. Or , où trouverai-je mieux que dans Paris ? ^
Je fuis à tout fans peine & fans gène. Si je fais couper un habit chez mon tailleur , eh bien , autant vaut -il prendre la couleuf du jour , caca-dauphin que pnitu^monficur. Ceft une (ùprême folie, vous ccrierez-vous; mais tout le monde \ la cour eft ainfi , il n'y a point de réponfe à cela. Il ne faut jamais
DE - P A R I S. . ^7t^
difôuter des goûts tii des couleurs. Je quitte mop habit opcra-brûlc, mon frac tijbn , &; Je m'habille ce foir en caca-dai^phin , d'après l'échantillon véritable & reconnu. Je (aurai bien diftinguer les nuances, & je ;r dirai alors tout cpmme an grand Tcigneur^, ^ cen cft ^ ce rien cjl pas.
Allez ^monfieur le mUanthrope ; il y a ^ df$ chofes très-profondes fous l'habit çaca'^ . dauphin. Je le porte en triomphe aux trois , (pcàacles, & je m'en ferai gloire ; car ap- - prenez que je ne veux point m'écarter de la , plus légère nuance des modes régnantes, ni . de. la capitale & de VerfàllFes , d'une lieue . feulement. Hors de la , Hottentots , Caffres , Efquimaux , peuplades barbares 6ç (ans, goût^ je vous le certifie.
Que répondre à ces adiiiirables objecr^ tiops ? Rien.. Continuons.
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G,H A P ï T R,E CeXClX.
jitmanaçk Royaifi :'.
f*. «r
JU at prè» dW fiéde. H îndiqat. Té^iûcnce des dieux de la terre., des npLÎniûres,,,des hommes en place , des maréchaux de France,' d^ premiers magiftrats , &c; Il marque leur dftoil^fc , je jour &. HïeQre oi\ il eft pernai?^
M.4
Xj6 T A. B L £ A Ut
de les aborder & de brûler Tencem dans leur anti-chambre. Tous les favoris de la fortune font infcrits. dans ce livre , & les moindres ofciilations de là roue y font mar? quées. Ceux cfiiSe (ont jetés dam les routes àç Fambition, étudient Talmaxiachrc^al avec une attention fërieuiè^.
Oh y lit depuis le nom dès priJDces îuf- qu*k ceux des huiflias audienciers du Châ^r ^let. Malheur k qui.n'eft pas dans ^ce livre 1 Il n'a ni rang, ni charge ^ nr titre , ni enir ploiv Heureux les gros aéciniateuis \ ils font encore plus. riches cpe ne le dit l'almanach^
Que de noms divers font renferrpés fous là même couverture ! Le greSiei: ne tient pask
5' lus de place que le pjréudent ^ ni Fexempc !è robe courte que le gentilhomme, de 1^ chambre. . Ceft piefque Pimage de ce qu'ils feront un jour dans le tombeau.
On y voit la Me des confeîUers du roi , ^i n'ont jamais confeillé le monarque , Sà. îjurne lui- parleront jamais; la lifte dès fe- crétaires du roi , qui n ont- jamais écrit une panfi éHà (bus la dîâée.
Plus d'une' belle confulte j'ajmanach royal , pour voir (î fon amant eft lieutenant ou bri? gadier , confeîHer ou préfident, agent de change ou banquier. Le nom d'un fecrétaire^ de minîilre Ce grave bien plus avant dans la* Xîiémoîre que celui d'un académicien ,, &
IQut le monde acheté cet ahnanach. poux
HE P A IL I S. %'JJ
{avoir au jufte à quoi s'en tenir. L'un tombe , & l'autre s'élève \ les noms culbutés font com- me des noms décédés : plus de confidération pour ceux que Plutus ouThémisont challes de leurs temples.
Une fameuft courtifanne avoit chez elle un almanach, royal. Quand, il arrivoît quel-»- qu'un, il falloit qu'il lui montrât fon nom ; s'il n'y étoit pas., elle, jugeoît ce vulgaire mortel indigne de fe&; faveurs , &. dès-lor» fa porte lui étoit ferméoé
Fontenelle difoit que c*étoic le livre qdi contenoic le plus de vérités.
Que de réflexiosks (Hv fait en parcourant cet almanach ! On fiémit, quand on voit (eize colotines en petit caraûere , chargées de noms de procureurs , loifqu ott fuit b lifte de deux cents médecins , de cent cin.-
2uante apothicaires , (ans compter les huif- ers exploitants. On lè perd dans le nom- breux domeftique de la maifon des princes» Quelle valetaille fous tant de noms divers^ & qui cherchent à parer leur fèrvitude ! .
Plus bas vous verrez conibien le public entretient de notaires, d'avocats, de gref- fiers , Se autres gens de plume. Il faut que tout cela vive.^ Quel régiment dçvorateut !
Calculez enfuite combien de mille livres chaque évêché enlevé tous les ans a la terre & aux pauvres cultîvateuis , les fommes im^ xoieufes que coûtent les fucceûcura des humr
±7$ Tableau
Wes apôtres ; vous ferez vraiment effrayé ;• ^ on ne Tefl pas moins lorCqu on monte aux daflès fupérieures : ces perfonnagcs n'oât que . des titres qui annoncent Toifivc^, & tout > For de la nation les couvre. Que de bou- , ches fucent & rongent le corps politique ! • Ceftle catalogue des vampires*
Ceux qu'on voit fur cet almanach nç font y 111 cultivateurs , ni commerçants , ni arti- . (ans , ni artiftes , & c'eft néanmoirjs la, par-. . tie de la nation qui régit entièrement Fautre. Anéantiflèz en idée tous ces noms , la na- . tîon ne fubfifteroît-elle pas encore?,. . • • . . Oh ! très-bien , je vous 1 aflùre.
Cet almanach rapporte près de quarante' .. mille francs par année. Jamais V Iliade pi '- YEjprit des loix n*bnt rapporté autant à leurs . îiiiprimeurs. Homère eût- il imaginé qu*orî împrimeroit tant de noms dévoués à mourir dans la plus profonde obfcurîté, malgré le titre qui (èmbloit devoir les protéger contre le néant ? . . . Que Je crains que l*almanach< préfènt & tout entier n*y defcende avant la révolution du fiecle ! Voyez les almanachs précédents depuis 1699 , & comptez les noms qui furvivent; comptez , vous, dîs-jc ^ par curiofité , ou par (péculation^
i) E Paris. a^y^
C H A P I T R E ÇCa
Mercure de France.
\^ui fait les énigmes , les logogryphes , qui;
* ; abondent au Mercure de France ? Les oiijfs ,qpi s'ennuîenr dans les châteaux foli^ taires de province. Qui îak cette foule de vers innocents ? Des contemplatifs amou^ reux , qui fe croient obligés en confcience de célébrer les charmes de leur niaitreflè , & de faire enregiftrer leurs foupirs au Mer- cure de France. Mais les mauvais vers,, a dit , Voltaire , font les beaux jours des amants. Heureux les mauvais poètes I Ainfî la rîmaillerîe & l'amour marcheront fouvent de front, & le Mercure fera le confiant dé- poiitaire de toutes les tendreflès provinciales qui s'exprimeront en fiances langoureufes^ ou en galatits madrigaux.
Ces vers font envoyés par la pofte ; les paquets font affranchis : bonne précaution ! Voilà déjà la pofle qui y gagne quelque chofe; & certes tous les vers quelle colporte ne valent pas l'argent qu'elle en reçoit; 1» tégifFeur 8c tous les commis feront de mon avis. Tout rimeur ettime qu en verfifîant il U feu un nom dans ce Ùvret bleu« Vun
lia T A B t & A ir*
cherche à louer (a petite ville , & Fautre (a pexibnne-v chacun s'empieflè k donner dës' titres^ à les annoncer à Funivers. L'un nous apprend qu'il efl avocat ou procarésr âcal^ . Fautre , qu'il eft gendarme ou offiden
Le commis , d'une main in^fierente , ouvre les paquets qui.à chaque Courier tom->- bent fia' km bureau & sV amoncelent. A, la naiflànee- d'un- prnice y la gréle redoubb y les cartons dâb^ènt. Chain(bns, madri- gaux^ épitres, fiances, -ficc. pleuvent^ &1e^ commis laflë ne (è donne plus la peine de"* btifer les cachets. Ceft Phomme le plus fà- - tigué devers quiexifte^ ficquî doîtk pW» lés dctefter. Il entaflè & enlèvelk toutes cer; pièces dans d'ehomies cartons, oh-elles dor«' ment, en- attendant qu'on en- pèche une au- befoin. jMblfieur k ceDe qui eft trop longue^ .ou trop courte pour la page qu'ob veut rem-- plir ! Fût-elle excellente, on la rejette pour* choifir celle qui s'ajufte précifément à Fefpace .- vwde^
Le poëté de province s'imagine qtfoir admiré fa prodi^îon , qu'on s'èmpreflè à • Fîmprîmer, & elle eft encore au fond de^ la boîte du eoinmiis. Il attend avec impa- tience le Mercure, il l'ouvre d'une main^ Jttcdpîtée &' tremblante, il cherche; & ne à voyant pas , il croit plutôt à l'infidélité dcr la pofte qu'au dédain de fes juges. '
Il faut lire cent pièces pour c» trouver
' »
B K P A R. I s. 281
iitie paflàble ; c'eft-à-dire ^ qui ne contîen- ncnt pas des fautes grofliefres. On n'imagine pas à quel degré de ridicule 6c de platitude certains rimeurs de je ne fais, quel pays ont fait defcendre la verufication. Paix 6c repos aux bonnes âmes qui compofent ce déluge de vers & de ^otè faftidieufe ! Mais rien ne prouve mieux combien Tennuî ou l'amour régnent en France , puifqu'on y verfifie (î prodigieufement pour des beautés plus belles fans doute que les écrits qu'on fait en leut honneur..
Quand le provincial voit par hafard fés vers imprimés & fignés de fon nom , alors il treflàille de joie , 8c dans un tranfport extatique, il fe dît: en ce moment, Paris, le roi , la cour lifent mon madrigal ;^ & mon nom. devenu célèbre à^ jamais, paflè fous leurs regards. Qui faitfi le roi- ou le i-fti- nîftre ne rêve pas fur un de mes vers 7 & fî ^ frappé de furpriiè & d'étonnement , il ne me defline pas quelque emploi ! Il aflèmble fa famille, lui montre la page îmmortali- lante qui le dillinguera du vulgaire; le vo^, lume circule dai>s toutes les mains , depuis le préfident d'éleâion jufq^'âu notaire ; tous admirent en filence l'ouvrage & le nora burinés , & font intérieurement jaloux.
Anciennement le Mercure dîftrîbuoît des fadeurs ^ il devint tout-à-coup incivil & dur entre ksmaûis d'un pédant. Enfiûte la £&-
iSi Tableau
chereflc & la fottife le défigurèrent , & Tart àxxfousligncur fut pris pour l'art du critique. On eft étonné de voir des écrivains imber- bes ou fans nom, jugeant les arts avec une emphafe ridicule ou monotone , &• Don*- Quichottesdu bon goûty.ieÇcntntt pour fa caufe fans le connoitre. Quelques futiles re- jnarques , quelques chicanes minutieufès » Toilà tout ce qu^on y trouve. Qh ^ combiea de petits auteurs ^ Pari^ font habiles k diflèr- . ter fur des riens !
Comme c'eft une entreprife mercantîlle y & Qfit pluficurs font intérefl& k ce qu'elle (bit lucrative à caufe des pcnjîons { car, qui. : le croiroit î d'honnêtes gens vivent de ces mauvais vers & de cette fotte profe ) , on en a remis le brevet au fieur Pankoukc^ non imprimeur, mais libraire. Il foudoîe . des gagiftes à tant la feuille , & cette mifé- rabîe rapfodie.va toujours fon train^ Par ; une incroyable & vieille habitude, la pro- vince foufcrît & foufcrira pour le Mercure.
On fait d'avance , d'après le nom des. , auteurs, les produéKons qui doivent êtrepor- tées aux nues, & celles qui feront pulvérîfées ; fans miféricorde. Quelques académiciens , par un manège adroit & clandeftîn , fe font » déifier dans le Mercure ; on a vu des auteurs ne point rougir de faire leurs propres ex* traits , & fe donner des louanges fans pu- . deur ; d'autres fe font louer par la main de leurs amis.
B E Paris. x8}
Guillaume ^Thomas Raynal, depuis fi juftenient célèbre par THiftoire philofophi* que & politique des deux Indes , ëtoit au^ teur du Mercure en 1 75 1 , Il y a loin de la platitude de cet .infîpide journal aux idées de cette admirable niftoire. >
M. Fankouke ( car ici il eft auteur & n'eft plus libraire ; a fait dans le Mercure un difcouîs jur h beau. Savez-vous ce que c'eft que le beau ? Ecoutez M. Pankouke. Il établit d'abord que h beau ejl immuable & le même pour tQutes les nations^ Cela vous étonne un peu , ledeiu: : vous verrez où il en veut venir. Il profcrit de (à pleine autorité le beau relatifs le beau arbitraire ^ comme. rCexiflant pas. M. Pankouke a fes raifons particulières : attendez. Après avoir, décidé que le beau efi fixe & immuable , il fe de« mande qui en feront tes juges. Il répond : Ceux qui vivent dans une nation éclairée y ceux qui dans cette nation jbnt nés avec un goût jur , qui fe rapprochent le plus du centre du goût : or quel eft ce centre où Tauteur vouloit nous conduire ? La fiyciété qui a le droit de prononcer Jur le beau dans tous les genres. Et quelle ell cette fociété \ Celle qui renferme les gens qui travaillent pour le premier journal de Funivers , avoué des gens de goût & des penfîonnaîres ; les gagiftes ^ les collaborateurs faits pour parler du beau 6xe , & qui en ont le thermomètre
a84 Tableau
D'où il réfulte évidemment que ce qui eft beau immuablement ^ e^efl ce qui s^in^rime quatre fois par mois dans k Metcure-Pan* kouke : quod erat demonftrandtmu ' Voila ce qu'on imprime ^ Paris^-St ce qu*on diftribue à l'hôtel de Thon. O Suher^f & ton nom eft ignoré de cette courbe mer« oantille 6c pro&iie qui écrit intrq)idem<- ment fur les arts , & dont la plume feche & foible les rabaiflè au plus étrok horizon. Qu'il eft mefquin ce livret bleu dcdié au roi , Sc cp'on nous annonçoit comme devant étce l'ouvrage des hommes de lettres les pti^ diftingués ! Rien de plus aride que l'elprit en corps de ces Mercuiiens*
Au refie, on n'a voulu parier dans ce ehapitre que de la partie littéraire^ la partie politique étant fous la main aUblue du mi-i- niftere , les faits , les idées & les expreffion^ font, déterminés d'avance: c'eft néanmoins cette panie politique qui foutient encore b. malheurcufe partie littéraire.
»E P A«. 1 8. 185
C H A P î Ta î: C C Gi
Auteurs nés à Paris.
Jl aris a fourm.-à Ja lltténture préCyie antani de grands hommes .^ue tout le refie du royaume.
, Je vais les dénombrer autant i^e ma më- lïioire le permettra , & par ordre alphabé- tique ; car je .Qe donne pas ici les rangs ni les places , k l^nftar des régents de^oolfege^ ou de MM. les. journaliftes, /ari/èz/rf du mé> iite des vivants. Voici ma Hfte. MM. d^A* Umbcrt ^ célèbre géomètre & littérateur di& tingué.^^rzo/2/{?/z^,habile machinifte.^myoi/^
frand-aumônier de France & célèbre ti:a« uâeur. AnqueHl , l'hiftorien^de la Kgue & Tauteur de rintrigtie du ::cablnet ^ ot (on frère , <|ui a voyagé dans Ips Jndes orienta- les. Anfiaunu y auteur de. plufîeursr pièces de théâtre. Arnaud d'Andiliy , fame^t paria plaidoierié .contre les Jé(uites, & par (bn excellente eraduâion de • Jofephe« Antoine ^imaud^y un de nos grands^ féconds & inutiles écrivains, ^açulard d'Arnaud^ aih teur de Comtninge^ $2- 4'£uphémie ^ dpn^ J^Sélanie neft qu une copie* Bailli , qui a. éràt.JGiu: j'aiOironQxnîe 6c rêvé fur le peuple
l86 T A B L r A u
inconnu. Le Beau , fecrétaire de Tacadé- mie des belles -lettres, auteur de rHiftoirè du lias -Empire. Caron de Beaumarchms^ Ëinieiis.vpar Tes ixiémbifes fi fupéâ^^irs.JÉ fes autres écrits. Bellin , ingénieur de la marine^ auteur jde l'Hydrographie fhui^oi&« Madame Belot, quia traduit de Tanglois avec quelque (uccès , aujourd'hui Madame la préàdentè Meyniere. Du Bellay , auteur du Siège dt Calais^ tragédie que , dès (on origine, It Tent de la coor a fait voguer à plemesToiles. Le Blond j<m a fait Fartide Jif rr militain dans TEticyctopédie. BoiUàu, le pFemier de nos verfificateuFs. Boindin.' Boucher dAr^^ gis , jufifconfiilte. BougainuiUty de facadé- thie fr^çbife , tm (jui a traduit P Anîi-Liiciece. J)e Bmy , qui a écn t rhifloire. Le célèbre Boù» langer y auteur de TAntiauîté dévoilée , & k qui Ton a pris beaucoup d idées. De Cayïus^ antiquaire^ CarraccioU^ auteur des Lettres fiaives du pape Ganganel}i. CaJJini de Thuri. facques Cajftni,, aitronome. Champuffet^ écrivain patriotique. Le Camus ^ médecin.^ auteur doué diimagination. La Chaujjh*^ pbëte ^amatique. Clairaut, de facâdéini^ des fciences. Cochin, garde des defEns dn cabinet du roi. Colle ^ auteur d« chanfons., vaudevilles , pièces & parades fîngùUeres !^ qui. ont un ton vraiment original. La Con^ damine , fameux par fon voyage. Contant fOrviUcy auteur fécond 8c utile. CrébiUûiê
D Ç P A K. I S. 187
fils , fî connu par Ces romans pleins d'efpriu Crevier , ancien profefleur. Daquin , fils du célèbre prganiûe. Dionis du Séjour , de l'a- cadémie royale des Çcitnces. Démailler d'Ar- ^enville jimitre des comptes. Ducis^ de l'a- cadémie françoife. Dorneval, ^nteux du théa* tre de la foire j recueilli avec le Sage. Dorât, poëte agréable. BiUel Dumont, auteur du Traité mr le luxe, Dupré dt Sairu-Maur , àc l'académie françoiie. Duhamel du Mon^ €cau y de l'académie des fciences. Le Dran^ chirurgien, de la fociété royale de Londres* Fagaru Favart , auteur de pièces ï ariettes^ De Fouchi, fecrétaire perpétuel de l'acadé- mie des fciences. FufcUer. FlonceL Fougc* roux de Bondaroi , de l'académie des fi:ien« ces. Le doâe Four mont. Fourmer^ graveur & fi^ndeUr de caraâeres. Gallimart , géo- mètre. Go guet , auteur de FOrigine des loix^ des arts & d«s (ciences. Mad. de Gomc{^^ atH teur des Cent nouvelles & des Journées amu« (antes. Le favant Gaujet. Guyot de MervUlc. Helveùus père, médecin; Helvetius fils, au« teur du ttop fameux livre de fEfprit. Le pcé- £dehc Ktnaut. Lattaignant ^ chanoine de Reims 9 dianibnnier fëcond. Le comte <& têOuragais , auteur de deux tragédies raresi léOmtUBoiJJy. Lemiere , de Tacadémie fran^ çoife. Lan^fHS Dufrejhoy. De Vlsle , de Ta-* cadémie des fciences. Lorry , avocat. Lorry ^ mtiumsu Lorry, profeilèur en di^oit. ~
a88 T A Tï I E A u
Xieblc , bënédiâin. De Machï, dëmohftra^ teur de chyniie. Maqiur, de racadémie des iciences. Marchand, écrivain enjoué. Ma^ ricttc , amateur de defEns, auteur du Tiaité des pienes gtavées. Marivaux , auteur fin & plein de deuils ingénieux. Le fiuHeux Mal^ Ubranche , doué a une û poiflànte îmagina- -tien. MoUtrc. Moijfy , auteur, de quelques pièces de théâtre. Moreau , évéque de Vence. ilfore^n/^ procureur duroi zuClâtèieLMignûig neveu de Voltaire , abbé àe Sceffîeres , oii il a donné un tombeau ^ &n onde. Moncrif
2u*on a appelle le dernier des François. L^ eux h Monnitr frères ^ de Tacadémie des iciences. Maréchal ^ poète anaccéontique. BUn de Saint^Mart , qui a fait quatre Jié- roîdes & une tragédie encore. Morand père & fils. Patte, archîteâe. Pejelier. Ptta de la Croix, profeflèur en arabe. Pingre, as- tronome. Parfaiâ , auteur de l'Hittoire du théâtre fhinçois. Poinfinct, auteur de la co- médie du Cercle. Poinfinct de Sivry , tra- duâcur de Pline. Poncet de la Riyicre , an- cien évcque de Trc^es. Philippe de Pretot^ auteur du Speâacle de rhiftoire Romaine. Dupont , rédaâeur des Ephémérides du d- toyen. Mad. k Paute , auteur de divers moires d^aftronomie. Prêmonval^ àeVt demie de Berlin. M. & Mad. de Paifiam, Quinaut. Le doâeur Quefiiay , chef de la tfâe économique* JRacinc k fils* Bouffiaa
le
B £ f A OR. I 5. 189
le poëte. Le fanant RolUn. Raymon de .Saint' Marc. Rémoadik Sainte^ Alhinc , auteur du lirre intitulé le Comédien» iVIad. JUccobûnnL Robert de Vaugondy , géogra- phe. Roy 9 auteur du beau Prologue des élé- ments. Du Rafoj 9 auteur du poème des fens. Sage y fameux chymifie* Saurin , de Taca- /démie ùxMfii£e.^Secouffef avocat. Sedaine^ auteur de quelques opéras- comiques, ^or^/^ €fà a tantôt remporté & tantôt di&uté le ^ rix k Pacadémie fuuiçGofe. La mar^iife d^ Sainte £hamond. Le comte de Scneâerre. Thibout^ fameux imprimeur. TUon du Tillet , auteur .du Pamaflè François. Taujfaiat , auteur du iivre des moeurs. f^i22ar^^,xontinuateur de THilloice de France. Madame VlîUneuve^ ^auteur de^plufîeurs romans. Le marquis de Vilette. Voltaire. Watcht , de racadémie <françoi&. JVillemain (fAbancour , verfifi- cateur. Le marquis de Ximenis , qui a fait Amalafbnte & Èpicaris , tragédies.
Taurai fans doute oublié quelques noms ; imais je. fouhaite qoTon dife d'eux : prcêfulge^ tant Cajfius & JBrutus ,eo ipfo quod eonwt xffigies non vijlbantur.
Si Ton. compte qu'ilii'yapoînt.eud'hom'' me célèbre né en province , qui ne foie venu k Paris pour fe former , qui n'y ait vécu par choix , oc qui n'y foit mort , ne pouvant quit>- -tre cette grande ville , malgré l'amour de la ^tne : icette race d'hoomies éclairés , tous
Tome IL N
t^a Tableau
concentrés fur le même point, tandis qoe les autres villes du royaiime offrent des landes d'une incroyable ftérilité 9 devient un profond objet de méditation fur les caufes réelldg 8c •fubfiftantes qui précipitent tous les gens de lettres dans la capitale , & les' y retiennent comme par enchantement.
Tandis que la nature a prodigué Tes dons précieux à ces hommes diftingués du vulgaire, la fortune , comme pour s'envenger ; leur a refufé fes &veurs, & (à malice à cet ^gard eft bien ancienne, Démofthenesétoit fils d'un forgeron , Virgile d*un boulanger , Horace d'un afianchi , Théophrafte d'un fijpier , Amyot d'un corroyeur , la Mothe d'un cha- pelier, Rouflèau le poëte d'un cordonnier, Molière d'un tapiflîer , Quinaut d'un mitron, Fléchier d'un chandelier, RoUin d'un cou- telier , Maflillon d'un tanneur. Un horloger de Genève fut le jpere de J. J. Rou&au, & MM. Giron de Beaumarchais & Dupont Tcconomifte font aufli fils d'horlogers»
Prelque tous les hommes qui fe fbnt&k connoitre dans les arts & dans les fciences, & qui ont formé de leurs travaux accumulés le véritable tréfor de Tefprit humain, ont connu dans leur jeuneflê le befoin, & ont recueilli , comme dit Mérope , ce mépris qui Jîiit la pauvreté,
Homère a mendié. Le Taflè , Mîlton & Pétrarque ont connu la mifere. Corneille ei|^
/
DE Paris. 491
décédé pauvre. Boulanger a erré fur les gran- des routes. Jean-Jacques Rouflèau eft mort
je n'o(è ici le dire.
Les penfions que diflribuent les fouverains ne font pas attribuées de nos jours aux gens de lettres , ou qui en font les plus dignes par leurs travaux , ou qui en auroient le plus Defoin par leur fîtuation. Enfin, jufqu'aux dignités littéraires , tout efl enlevé par la faveur , le crédit ou Tintrigue.
CHAPITRE CCCII. Porte-- faix. :
N,
le
ous avons au coin des rues des Hercules & des Milons de Crotone, pour eniména- er ou déménager nos meubles , & porter es fardeaux du commerce. Vous les appel- iez d^un fîgne , & ils font à vous avec leurs crochets ; appuyés fur des bornes , ib atten- dent qu'on leur donne de Temploi. Vous croiriez que ces hommes ont une taille au- deflùs de la commune , des couleurs ver- meilles , des jambes fortes & de l'embon- point; non, ils (ont pâtes, trapus ^ plutôt maigres que gras \ ils boivent beaucoup plus qu'ils ne mangent.
A toute heure , vous les trouvez prêts à
N 1
>a9i -T A B LE AU
' chajcger leur fdos des poids les plus lôuids. •Xégérement courbés , luutenus fur un bâtM
ambulatoire , ils portent des Ëudeaux qui toù* ' roient ^n^che^^al ; ib^les -pondit avec fba-
pleflè & dextérité 9 ^ti miUeu desembamu •^«des voitures^ & dans des rues Àranglées; ^ tantôt c'^ un» gkce-qui en occupe toute
la largeur^ & fait danfes- toutes les maifons i^pour qui la luit & la regarde $ tantôt «'eft un
niarbre fragile . & précieux ^' ^e£*- d'onivxe
de l'art. Ces hotnmes deviennent comme ^nfibles dans toute leur charge ; & à foroe
de virer, de s'efquiver & de marcher de
biais ^ ils^itent le dhoc roulant delà ibule , impétueufe ; ils si'arrêtent k propos , trottent r de niéme^ jurtnt pour avertir les paflants^
les menacent, tout chargés qu'ils ibnt^ de "' ieiurs bâtons courts ; & à travers tant d'é-
cueils j arrivent au poit fans avoir rien ca£> ' fé ; le -pavé feç , fangeux ou glifïant leur de« ; yient égal.
Oh tranfporte des porcelaines d'un bout
de la ville à l'autre fiir un long brancard j ' & fi rien ne tombe des fenêtres pendantla .'-travcrfée, il n'y aura pas a uneioiiceupe la :' moindre fraâure.
Savez -vous les mtufcles qui travaillent le ' plus, dans le corps des porte-faix. Les exten- Hfeurs des jambes. Voyes&i^les , elles font dans
un trembkment infenfxble , mais néanmoins yvifîblcs«
jy E F A R I 9é^ 193
Lorlique^, dans le. temps des giclées, les roues des . voitures gliSent fiur Je pavé ^ tom- . hçnt dans la pente dq miSèau^ & Veiigre-^ nent Pune dans PaUtrc , les fiacres defccn-.^ d^Qt de:, defltis leut fiege , (bulevent leui-s voitures avec le dos , la dégagent fans Je fe^. cours de^ oui jque ce foit , quoiqu'ils aient.; quatre perlonnes dans leur carroflè , & quel- . quçfois le train chargé de deux ou trois cof^ fres. Quelle force ..dans . les vertèbres de^ l'homme I
Une. voittire chargée d!une énonne pierre >. de taille a -t- elle perdu de (on équilibre? fbixante mains officieufes le rétabliilènt ; ilr 1 faudroît ailleurs fîx heures pour cette qpé- . raçion , elle fc fait en un elin-d'oeil.
Quune foupente. rompe , qu'une roue ft^- caflè^ l'équipage^ eft enlevé avec luie rapi-. • dite prefqu'egale à fa chute* On vous dît : Ileji arrivé là un accident ^^ il n'y pa**. roît ,déjk plus ; tous les porte-faîx de& carre- - fours voifîns ont prêté, la main avec un zèle.,
fratuît. ^ 9s^ accoprent , dès que la voie pu- Itque eft obftruée y 8c la débarradènt fur- ie-champ. Ces fervices, journaliers devroient. r leur être comptés. >
On dît .que les porte-faîx en. Turquie j)or-. teot jufqu'a fept ou huit cents livres pefant ; , les, nôtres ne vont paAfufquesuIk V il s'en faut., Les, porteurs de farine à la Nouvelle -Haller. fiiçit^le^ plus vigQureux de tous ; ils ont la.. ^
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294 Tableau
tète comme enfoncée dans les épaules , & les pieds applaiîs ; les vertèbres , en fe roî- diflant^ ont aflùjetti l'épine du dos à une courbure confiante.
Ces hommes ne font pas doués d'une force e:xtraordinaire ; ils feroient (bibles au ptigilat^ il la lutte , inhabiles k ramer ou à (cier ; ils ont contraâé l'habitude de porter des char- ges fur le dos ou fur la nuque du col , & ils lavent acconiplir merveilleufement les loix de l'équilibre : Tadreflè fait plus que la force ; ne craignez point pour eux une luxation oc- cafionnée par ces poids énormes ; il n'y a rien de û rare dahs les annales de la ad^ lùrgîe.
Mais ce qui fait peine à voir , ce font de malheureufes femmes qui , la hotte pefante fur le dos , le vifage rouge , l'œil prefque fanglant, devancent l'aurore dans des rues fangeufès , ou fur un pavé dont la glace crie fous les premiers pas qui la preflent ; c'eft un verglas qui met leur vie en danger: on foufFre pour elles , quoique leur fexe foit étrangement défiguré. L'on ne voit point le travail de leurs mufcles comme chez les hommes , il eft plus caché ; mais on le de- vine à leur gorge enflée , à leur refpiration pénible , & la compaffion vous pénètre juf qu'au fond de l'ame , lorfque vous les en- tendez , dans leur marche fatigante , pro- férer un jaremen| d'une voix auérée & gla-
/
Vi "E Paris, 2.9c
pîflànte. On fent que leur organe h'étoit pas fait pour CCS mots énergiques & groffiers ; que leur corps n'étoit pas crée pour fuppor- ter ces charges démefurées ; on le fent , puif» que le hâle , le travail journalier , l'endur-» cidèment des bras 9 le calus des mains , n'ont pu les métamorphofer en hommes. Sous leuc vêtement épais , groflier âc fale , fous la craflè , fous leur peau endurcie , elles con- fervent encore les formes originelles qui TOUS font diftinguer au bal de Topera une ducheflç fous le mafque Ôc le domino ; leur fexe n'eft point anéanti pour l'œil fenfible ; & ces malheureufes, créatures lui comman- dent la pitié la plus profonde. Commenc les femmes font -elles réduites parmi noui \ un labeur fi difproportionné aux forces qu'eU les ont reçues de la nature ? Le peuple chez qui on les enferme eft-il.plus cruel que celui qui les livre à ces travaux impitoyables $C renaiflànts ?
Quel contrafte ! l'une fuccombe en nage (bus une double charge de citrouilles , de potirons, en criant, garc,^ place ! L'autre y dans un lefte équipage dont la roue volante rafe la hotte large & comblée , fous fon rouge & Féventail a la main , périt de mol- le0è. Ces deux femmes font-elles du même fexe? Oui.
Quelquefois un de ces porte-faix met fur fes crochets exaâement tout le ménage d'un
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^^6 Tableau
Eauvre individu v Ht , paSlaflè , chaîles , ta^ le , armoire , uftenciles de cuifine ; il def^ cend toute fa propriété d'an cinquième éta- ge y & la remonte ^ un fixieme. Un fèuï voyage lui fuffit pour tranfporter les meu* blés & immeubles du miférable ; le porte- Êix eft plus riche que lui : caf le malhea-^ r^ux^ pour le fimple tranfporr, paiera peut* être le dixième de la valeur indînlèque de fies eâèts. Hélas ! il eft obligé de cfaanger de logement tous les trois mois, parce quUr n'a pu payer que la moitié de fen terme ^ te c'eft à qui le chaflèra plus leinw
Mais comment avoir de la pitîé j dka le locataire ? N'âi-je pas bs payer le pnyriétai^ 7t ï Et le propriétaire dira , n'ai-je jpas à» donner au roi les deux vingtièmes oc 1er liuit fols pour livre , qu'on vient d'augmeiK ter encore î Ceft toujours le motif dont est u£e pour ne faire aucune grâce aux mal* heureux»
A la naillànce d'un fils de France , ces porte-fiûx , crocheteurs , porteurs de chaifes ^ ramonoeurs de cheminées , porteurs d'èau ^ forment des corporations , ayant des mufi- ciens, c'eft-k-dire des violons, k leur tête» Ils voTft à Verfailles pour avoir audience y & s'arrêtent dans la cour de marbre : c'cft de Ik qu'ils complimentent le roi fur fon bal- con ; ils tiennent en main les fymboles de leur indufirie ^ & on les a vus imaginer ^,
Dt r P A R I Sr 297.
dans cesoccafîoxis ^ des facéties divçrtUIantes^
Tantôt c eft un ramonneur caché dans une . chemmce à la pniflîenne ^ .que qiiatre de fes caipar^s portent (uc m^ brancard , .8c qur ' mettant tout-k-coup la. t&e^ors du tuyau ,^ Barangue de cette manière le roi dé France: . n lui dit qu*il préferve des Jnci?ndies, Içs mas; . - fons de fa bonne, ville de Paris, Tantôt les porteuri^^. de chaife promènent uire, figure: coIofl^jUe ;^. dont la: robe eft pariemée . de . fleurs de fys^ fit qui tient Se OHreflfe entre £s bras, robuffes un jiouri0[bh à cpji elle ap« , ^ plîme de très-gros Baiferis; :.
Mais, les poifl&rdçs, ont Je, privilège d*étrè introduites jufquesdam là galeries ,;.6Çwde complimenter le roi particulièrement ; ce qu'îles ^ont; néanmoins à^genôuxi^ Oh leur donne eufuite ^dîper au grand- commun , & c'eflr un des premiers aciers du chef de ^ lia^maifon du roi .qui en fait le$ honneurs^ Ee repas eft^iprendide. ; ,
De.rietour à^ Pâris^ ces poiflafdès Çé phv' nienent.t]£on[lphantes^ 8c rendent compte à lâ HaDè dé la bonne réception qui feur a été &ite..;£a H^ pendant tii mois eft fôrr contente dé la cour. Que le rpi yXénne à, Pariis dans, cet inténraQe ^Jesfo^ès^ voix db ^ quiton y ^^dâhlient le %nal k la place? Maubert & auic autres. marçhés^^hurl^ronC'' le vÎM It roi d\ine mBatûere luuse^.éner-^ j^c, ErcfquTeffiayame;
t.98 Tableau
Toutes ces harangues ou compliments ont été faits par des gens de lettres qui s'en amiv fent derrière le rideau , & qui réuflîflènt mieux qiie s'il avoit fallu fe nommer. J'en; ai lu d'aflèz piquants ; mais tous ne (ont pas connus , ou n'ont pas été prononcés. Jamais la fête ancienne , philofbphique & plaifànte des Saturnales ne fe reproduira de bonne grâce parmi nous ; je crois cependant que tout le monde y gagneroit, même du côté de Tamufement , ii Ton vouloit en eflàyer feulement une petite fois. *
CHAPITRE CCCIII.
Melons.
X^es melons qui crolflènt aux environs de, Paris n'en ont que la figure. Ceux, qui ont goûté les . excellents melons de la Lonibar-. die , les bons melpns cantaloupes de la H0I-' jbmde , ne peuvent toucher ^ cette mauvaise drogue qui ufurpe le nom d'un des meil* Içurs fruits de l'univers. Il eft tellement dé- généré , qu'il devient fiévreux, mal-faîn ,* au })oint que la police eft obligée de l'inter- dire , & de le faire jeter à la rivière vers le ^5 Septembre. Xes Icrm nouvellement établies , avec
^JE Paris. Z99
des vitrages exhàufies 8t ^ui concentrent les rayons du foleil , leur donneront fans doute une maturité qui les rendra moins in-- iklubires*
li n'y a rien de plus pernicieux que les citrouilles, après les premières huîtres, que l'on amené de Dieppe ou de Cancaleàla fin d'Oâobre. Je ne confèille à perfonne de manger des huîtres .dans cette ûdfon qu'a<«
i>rès les premiers froids. Il faut que la po- ice veille à cet égard iùr les gourmands Parifiens , k peu près comme une bonne veille fur des enfants.
C H A P I T RE CG€IV.^
Filles nubiles.
JLe nombre des filles qui ont pafle l'âge du xnariage eft innombrable. Rien dé (I ditfi- ' cile quun mariage 9 noii'pas tant parce c^e^' ce noeud eft éter^d , que; parce qu'il fautj' aller configner une dot pardevalnt notaires. Les filles laides & nubrles abondent ; les jolies ont encore beaucoup de peine à paf^ fer- Ilfaudroit peut-être ! renouveller à Paris eeîqui étoit en ufage'chez les Babybniensi^ On raflèmbloit toutes les filles nubiles datis '^nn Quùché public ; les îeuncs gens venoient , *
r
-j^aa TaIIEAIT
& comme de raifon, achetoient le» plu» belles ; mais Targent qui en provenoit , fciv voit à doter les l^des délaiflees^.
On voit que le mariage eft devenu un^- joug peGuit, auquel on fe fouftrak de tout Ion pouvoir : on voit qu'on a raifonné de- puis peu le céliba^, comme une fituatioir plus douce y plus sûre & plus tiatKpiillek La- fille célibataire par choix , n'èft point raie- aujourd'hui dans Kordre mitoyen : des^(œuts ou des amies sVningent pour vivre enfemr- ble 9 & doubler leurs revenus- en les plaçant en rentes viagères.. Ce renoncement voîon— taire a un lien confiamment chéri des fem* mes, ce iyûâine anti* conjugal' n'eft^S pas. bien remarquable dan^^ nos mœurs >
Chez les Lacédémonfens , les femixies> chaque année fouettoient les célibataires dans le temple de Vénus, Que dîroît Licurgne ,» s*il voyoît aujourd'hui nos deraoîfelles dé- daigner l'autel de l'hymenée , emtoaflîîr le- célibat^ s'en montrer les apologiftes, & vivrt- dans une efpece de liberté msiailine ? liberté- c|^i , chez ai]cun peuple de la terre y ne fut^ le partagede leur (exe*
Qu'arrive - r- il de cet étrange dé(brdre V !Les gens ai(es v qui ne fe marient point, Oft 911 le marient tard , ne font pref^ue- pas- d!crnfants : les gueux qui (é marwnt intrépî^ dément, & qui fe manenttrop tôt, en font kaucoug. V de {brtc ijpe kt ricHeOès.fe
i> E Paris. jqi
centrent de plus en plus dans un très --petit nombre de niains; & l'ordre de la Ibciété à qui elles feroknt le plus néceflàires , en a le moîns^
Dans toutes les compagnies on ne ren-- contre que de ces vieilles filles qui ont fut les devoirs d'époufe & de mère , & quî trottent de maifbns en maîfons. Âf&anchies des peines & des plaiGrs du mariage , elles ne doivent pas ufiirper la confidération Se le refpeâ qui font dus k la mère de fgmille environnée de fes rejetons.; & l'on devroie îes regarder comme ces vignes infertiles., qui au lieu de porter des raifins, n'ont pouflé fous les rayons, du foleil que des feuilles jath* nés & rares..
Ces filles décrépîtes (ont ordinairement plus malicieufes , plus méchantes, plus txsL^ caflieres & plus durement avares que* les. femmes qui ont eu un époux & des. en- £mts».
Il fàudroit aflujettir lès vFeux garçons & les vieîMes filles à. une <;ontributiou ,. reculer encore également pour les deux (exes L'épo* que des vœux forcés on indifcret&^ abolir le célibat des foldats , qui ôccaiionne h cé^ libat des filles ; d^autant plus que des Cbldats mariés, (èroient plus courageux & plus at^» tachés à la patrie. |1< fàudroit enfiiii, que le* lil^islateur fit revivre Sss anciens mariages: ic la. main gaiiçfu. j^ afia de (liminuei: les^
V
3ÔX Tableau
difficultés du mariage. • Une concubine étoit autrefois une femme non mal-honnéte. En roulant trop gêner la Ubené de ' Phonime , on Ta précipité dans de nouveaux écarts ; & c*eft bien le cas de répéter ici , que c*ejl Jbuvcnt la loi qui' fait le péché.
C H A PI t R E • CCCVv
Les Vifites.
JLfes vifites emportent beaucoup de cempa> Vainement fc fait-on écrire chez les portiers : on eft condamné, à certaines époques, ^îi aller d'hôtel en hôtel faire la rérérence , s'aflèoir , dire quelques mots infignifiants ; puis on s'échappe pour faire la même cho(ë dans la maifott voifine. Ceft un travail & une occupation que de fortir ainfi d*un hô- tel pour entrer dans un autre.
Ceux qui ont befbin de protedHôn ^ né vifîtent les grands qu'à leur corps défendant.^ Le devoir , l'orgueil , ou la cupidité les traî- ne à travers les anti - chambres ; ils (buf- frent , murmurent tout bas & fubiflènt là loi commune. Un valet qui doit avoir bon- ne mémoire, annonce à haiité voix ceujc qui entrent ; coutume pfuSente. Oh ouvre les deux battants pour le$ femmes y c'eft
DE Paris. 303
alors que les qualités fonnent agréablement à l'oreule de l'individu qui fe préfente dans le cercle : un nom tout nu a quelque chofe de honteux.
On a beaucoup abrégé les formules de^ premiers compliments. On s'aiflied , fi Ton veut , fans prefque rien dire. L'arrivante oc- cupe^ le fauteuil le. plus proche de la maî- treflè de la maifon , le cède k fon tour , & aînfi (ùccéjfllvement. Les femmes s'exami- nent des pieds k la tête , tout en fe failànt des mines. Ceft le moment où les nouvelles circulent-; de forte quun fait arriva \ huit heures du foîr eft fu àç tout Paris à dix heu- res. Le commentaire & les bons mots qui fbnt airét^ raccompagnent déjà , & il ne fera plus permis d'en parler le lendçmain.
Après les nouvelles , vient l'étalage de cha- que doârine particulière; mais le récit efl court , excepté dans la bouche des officiers de marine (i) qui abufent des circonftan- ces pour tenir école publique de pilotage. Les femmes diflimulent leur ennui , & font
ils la
1) Tous les officiers déterre & de mer ont- ^ connoiflance du fty)e de Turenne T'Le voici après le gain d'une bataille importante : Les en* juniis font venus nous attaquer , nous les avons battus ; Dieu en fait hué l J'ai eu un peu de pei" ne. Je vous fouhahc le tonfoir : je me mts dans* mon ïit*
3,c4 Tableau
g^iflêr adroitement la converfàtion (ur le noiK vel opéra ; on defcend de la vergpe du grand mât aux baflbns de rorcheftre y 6c Ton parle d'une tempête harmonique^. Au moment que j'écris , les dlfputes (îir la mufîque Se (ur la marine (ôm étemelles. £t pourquoi, durent- elles fi long -temps? Ceft qp-oa ne s^entendpas.
Les parFeuis de profisflibn ont mx t^ïep toire tout formé , qui compote tout leur ef- prit. Us n'ont pas. fattentîon de le varier ^ & il y a beaucoup de gçns quF vous éton« nent , mais pour une leule fois» JTy ai été: pris comme bien d'autres^
^^i^yy^y^^^/:^y<^^^^y/*^<^^y.^ w * y -^
CHAPITRE CCCVL
Raraitc^
Vxn ferme fa porte \ Paris , quand* ott veut; ce qui efl impofEble dans les autres; villes. On fe dft a la campagne pour un mois , & vous pouvez être afïuré que pen- dant un mois perfonne ne viendra vous im- portuner.. Les portiers font d'un merv^eux (ècours pour vous faire voyager , tandis que vous boudez tout feul dans un coin*. Ils^ vou& fervent de chevaux de pofîe.
rai lu jadis une pièce de vers întîtuléax
1> E P A H I S. JOÇ
E pitre à mon verroidL L'idée ëtoit phî&nte.^ Un philofophe avok mîs en gro(ies lettres dans Ton cabinet ces trois mots , épargne^ mon temps. Avec cela fai(bit-il fuir les im- portuns? J'en doute. Il n'y a d'autres rem- parts contre les vifïtes incommodes qu'un verrouil : il ne faut donc point faire une épî^e àjort verrouil , mais le tirer;
Combien d'amitiés , combien de lîaifbns inutiles ! Il eft un temps dans la vie , où un homme raifbnnable devroit (avoir à quoife fixer , éprouver ceux qu'il fréquente , & fe^ debarraflèr ainfî de niËe foins que tous ces" amis de noms ufiirpent aux véritables. La Êgeflè- , la philofophie , s'en trouveroîent mieux , & l'on apprendroit de bonne heure à màiager le temps , à prévenir le regret de £i perte.
Certaines, gens font fî fatigués d'èux-mé» mw qu'ils n'exîftent que quand ils ont qua- tre ou cinq perfonnes dans leur chambre pour affilier kleui lever 6c à> leur toilette^
3o6 Tableau
CHAPITRE CCCVII.
Les Affiches.
KJn affiche tous les jours de ^land marin les pièces que l'on donnera le loir aux trois
frands fpeâacles : les théâtres du Boulerard z. de la foire en font de même. On roit fur la même ligne, Athalic & Jeannot che^ le dégraijfeur ; Cajîor & PoUux , ÔC la Danji du petit diable ; il y a de quoi fà- tisfaire tous les goûts. Or , en fait 4^ plai- Crs , je foutiens que perfonne n a tort , pourvu que les pièces ne foient pas indécentes ; & elles ceflèront de l'être , quand on (i) n'aura
(l) Ils le font bien , puifqu'ils décident fi ta
?îece foraine fera ou ne fera pas repréfentée* ugement qui ne devroit appartenir qu*à la po- lice. Faut-il redire ici à quel point les fpeâacles font capables d'influer îiir les opinions d'un peuple , combien ce reffort eft puiflant pour émouvoir (c% afFeâions , combien il importe aa gouvernement de régler , de protéger les repré- fentations théâtrales , & de tourner à Tutilité des mœurs ce qui ne paroiiToit devoir être qu'un fimple amufement ? Comment des fonâions auffi graves ont -elles pu être du reflbrt de deux comédiens !
DE Paris. y>j
plus des comédiens pour cenfiurs moraux.
Qui croiroit qu'il y a une multitude de gens pauvres , qui lifent les affiches fans aller au {peâacle ^ & qui fe confolent de n'y point aller , en fâchant quelle pièce fera repréfcn- tée ? Us l'empruntent , la lifent en fe cou- chant , & rêvent l'avoir vu jouer.
On ne peut rien afficher fans l'attache du lieutenant de police ^ & fî vous avez perdu un chien ou un bracelet , il faut aller de* mander la (îgnature du magiftrat.
Il eft vrai qu'elle eft toute prête , & qu'il y a un bureau de blancs-femgs ^ ^ur fa- vorifer la retrouvaille des ëpagneuls, des perroquets , des manchons & des cannes perdues.
Il n'y a que deux objets qui s'impriment à Paris fans permifjion , les billets ^ enterre^ ment & les billets de mariage. Mais une pareille licence nefauroit durer long -temps dans un gouvernement bien policé , & bien- tôt le bon ordre les foumettra fans doute à la révifion d'un cenfeur & à l'approbation de monfeigneur le chancelier ou de monlèi-
fneur le garde des fceaux \ car un époufeur c un mort ne doivent pas imprimer libre-- ment , quelque preflSs qu'ils foient. C'eft une témérité fcandaleufe & attentatoire à Vau:^ torité.
Des particuliers ( je les dénonce ) s'éman- cipentauffi défaire imprimer y fans mandat ^
3p8^ T A » 1 £ A U
fans privilège , leuts^ noms fur des cartes f & fe donnent le ti^e d^éci^en , de comté , de marquis , de baron, de chevalier, d^or^ vocat erfiïïr Ce font peut-être des ufiirpi^ teurs. £K1 \Fite un qenfeur royal pour appra^, vtr , examiner tomes ]es cartes de .vifîtcs qu'on glîflèra chez, un portier ou ^ns la ùi^. xure. Quelle dîffîrence y a - t-il d!in)primer fur des cartes ou fur du papier ? Les carac^^ Itères d'imprimerie ne dcMvent januis moc- dre le chifton (ans U Jîgnature 6c le para^^ phe : que ncv peut-oD paS' mettre fur , cette carfe / On. s'endort Ik-deflùs, & bien niaL à propos. Le coiiHiiis du fceau $!ea fcanda-: . Eïe étranglement. ,
Il faut (]ue Tafficheur ait (a médaille de^ cuivre fur r^fiomaç^, pour plaquer & cojlet contre les murailles i'annoncci àes^ pièces de^ théâtre , des liyres , des ^terres a vendre. Ces». mêmes afficheurs (i) crient & vendent les fèntences des criminels , & fe réjouiflènt des exécutions, qui leur font gagner quelqu'ar-^: gent , aînG qu*^ l'imprimeun •
Ces affiches font arrachées le lendenfiain , ^ pour &ire place à d'autres. Si la maîiwqui les coUe ne les déchiroit pas, ^ les rues à la longue feroîent obftruées par une efpece de , carton , groflier réfultat du (àcré & du pro- .
{i) lU foat quarante ^ ainft qu'à racadâaîê: fraoçoifta.
DÉ Par -is. . 309
fane m^lés enfèmblé : comme commande^
mcnts ;- annonces dt charlatans ; arrêts
^léia <our- de parlement } urrits^ du con^^
fiilcpi les C2&T^^ biens tn décret , ventes
après décès & au dernier tnchérijfeur ^ mo^
nitoires , chiens perdus ^ fintences du Châ*
teletf avis aux âmes ^ dévotes ^ marionnef*
-tes ^ prédicateurs , expofitiondu Saint-^Sa^
crement , -régiment de dragons ^ Jraité de
l'amc , bandages élajliqûes y &C4 bref, de
«tous ces difféseBts papiers (}ue le public a
'ibus les yeux ^ qu'il ^ne lit pas , .& qui ne fe£«
vent qu'à déguifer la nudité des murailles.
Si le peuple s'accoutumoit à iire:^ces affi- ches ^ il apprendroit peut-être à moins dé- figurer l'jotthographe françoife \ m:ais il ne s'embarraflè ni de Torthographe , ni de tout xe ()u'aniK)nce cette multitude de placards. On voit quelquefois des arrêts de la cour ^ qui ont 'fit ^leàs de h^t fur trois de large , & le caraâere en eft menu. Quel malheu- reux débordement d'inddles paroles ! X)n re- garde l'affiche avec étonnement ; perlbnne *tie la lit. Il s'agit d'un procès obfcur entre .deux particuliers 4fii fe (ont minés pour cou- .Ttir d'un papier noirci un pan de muraille : xette pro(è gothique <;oûte quelquefois foi- xante mille francs. Les greffiers oc les rece- veurs* d'épices ttouvem ce %le-Jlà admirable ^ néceflair^
Les noms des notaires ^^ procureufs^
310 Tableau
des huiflien-prifeuis , &c. (ont imprimés ea gros caraâeres au coin de toutes les mes ; ce ces meffieurs n'en font pas pour cela plus célèbres. Ils font toujours affichés & tou- jours obfcurs. Au défaut de renommée, ils empochenr fargent : un inventaire grofibyë apporte beaucoup plus qu'un bon livre.
Les affiches des fpeâacles (ont en cou- leur , mais un peu trop exhauflees ; on en voit fix ou fept qui forment une véritable échelle , le grand opéra en tête , & les danfturs de corde au dernier nmg. Mais le plus fouvent par refpeâ , les affiches des Jpeâacles des Boulevards s'éloignent des affiches des trois théâtres. Ce <pie c^eft que Tordre & la (bbordination !
CHAPITRE CCCVIIL
Tableaux , DeJJins , Eflampes , &c.
X^a manie coûteufè & infenfëe de? tableaux & des deflins que Ton acheté à des prix fbux^ ell bien inconcevable. Il n'y a point de luxe, après celui des diamants & des porcelaines, plus petit & plus déraifonnable : non qu'un tableau ne vaille fon prix ; mais parce qu'il eft bizarre , ridicule , indécent de couvrir ^or, des peintures dont l'utilité & la jouif- lànce fi)ut également bornées.
9 £ Paris, 311
Que des princes forment des cabinets , ils
.fe doivent k tous les arts. Mais qu'un par--
ticulier entreprenne une colleâion toujours
lincomplette , ces d^enfes énormes Tempe-
• cheront , à coup fur , d'être un bon parent ,
un bon ami , un obligeant citoyen : il n'aura
.phis d'argent que pour des toiles peintes.
Plus il pofledeia , plus il voudra encore poG
-fëder : fa luaifon, fa famille , tout ce qui
l'environne ^ fe fenrira des prodigieux (àcri- "
tfices qu'il of&ira fans ceUe à une manie
dont la nature èfl de ne jamais contenter
celui qu'elle tourmente.
Les méprifes étant faciles & les erreurs
ordinaires , nouvelle fource de chagrins 8c
de contrariétés ,: Penôkement prend la place
-du goût, & la fureur de la poflèflîon em«
pèche la paifîble jouiiSànce.
•Je n'ai jamais pu concevoir comment on ne fe contentoit pas d'une belle copie au /défaut de l'originaL. Souvent l'œil le plus .exercé héCte entre les deux peintures; & quand on pourroit avoir par ce moyen trente beaux tableaux pour le prix qu'on met à un feul , comment iê luine-^t-on pour un tableau unique ?
Tel homme a veçdu (es maîfons & fes terres , pour faire làiié colleâion d'eftampes renfermées dans des porte-feuilles invifibles , & qu'il n'ouvre pas quatre fois l'année. Il fe traîne encore aux ventes ; crie k l'huiffier ,
JIA T A B L E Â V
d'une voix ëceinte ^ unjbl ; dit tout liant ^^il eft fou , empone f objet ; & il haï £usix de foites lunettes pour x:ontem[der (on ao- quifition. A ià moit ^toot^rela feia di^ieifi en.diffîrentes Tnaina^ & î^jutyrc tantpouf- itiivie.ne fera jamais cmnplecto.
Un vieux tableau kvàcmé pekit^ tfbcé^ dont on ne dîftingue plus xien , fcfa préfëré^ parée quHl eft odginal ^ àun taUemmoder* ne & intéreflànt , dont la rouleur: eft Gaâcbt & agréable.. Quel eft donc le^déËutt deœ -dernier? Le peintre ^ft vivant.
Il faut 4ue les particulitis bSflènt anc >|»inces ou aux grands , dont PopoleiKe eft ^exceflive^ie.frmlege de mettre de gtofiès (ommes^en^ tableaux &<en liâmes. Cât une -foHe de confiuner {on ^pammoine en curio- fités ; c'eft un vice d'oublier fesjxaients & 4es amis peur des peinmres <)a oes gravu- res. Ces arts (ont faits pour figurer ddans des (allons publics , & non dansvdes xabinets. L'amateur immodéié^^n'eft qu'un maniaque.
On n'a point encore ridiculUë-fur notre .^cene cette folie ruineufe : elle méiiteroit ibien les pinceaux d'un auteur comique.
fOOJOi
DE Paris. 313
CHAPITRE CCCIX*
Encan.
JVlaîs nos feigneurs , (bus le nom de cz/- rieux , font le plus fouvent des brocanteurs magnifiques , qui achètent fans befbin , fans paflion , & feulement pour avoir de bons marchés , bijoux , chevaux , tableaux , eftam- pes antiques , 6cc. Ils font des haras ou des cabinets, qui font bientôt des magafins : on les croiroit paflionnés pour les beaux arts ; ils aiment l'argent.
Ces vafes , ces bronzes , ces chefs-d'œu- vre , auxquels ils femblent tenir , 5c dont ils fe montrent idolâtres , appartiendront a qui voudra les en débarrailèr pour de for. L2 médaille la plus antique ne refiera pas.ati médaillier , malgré tout Tétalage du proprié-^ taire \ on en fera la conquête. Ces brocan- teurs décorés ufurpent ainG les profits des claflès commerçantes , & ils vous diront néanmoins qu'ils n'achètent que pour les àrtiftes : ils en font les véritables^ tyrâjos. 1
Au refte, c'eft aux ventes que le prîi réel des tableaux fe manifefte , 8c qu'ils n'ea impofent plus , comme dans le fallon de l'orgueilleux poflèflèur. La finit le rôle avan^
Tome IL 0
514 Tableau
tjîigeux de l'homme ufurpatcur & médiocre: là , les prétendus connoîflèurs voient leur pronoticé chimérique réduit à zéro : Ëi , la Tuperbe école Françdife apprend àraliattre vde fa faftueufe préfompriou. Un peintre a ;beau s'appellcr premier peintre du roi , on rdonne pour dix écus ( c'eft-à-dire pour k •toile ) une de fès compofitions de quatce >pieds dé hauteur. L'huifCer-prifeur ne mi fait ipas grâce , >& le livre impitoyablement k /l'acheteur qui va en décorer une antipdbam^ ibre enfumée , ou une falle k jnanger.
PhiKppe duc d'Orléans , régent du royao-
}tne , s'amufoit.à peindra ; Pliais la main de
fon alteflè , habile .à miouvoir l'Europe, ne
furpafibit pas en peinture celle du plus mifô-
rable barbouilleur. Qù^eft-il arrivé ? Son |Mrii>-
cipal tableau , quoique décoré de fon nom^
rucceflîvçment chaflc de tous les c^inets ,
rfe trouve aâuellement expofé dans un paf-
ûge public des Thuîleries , follicîtant en vain
un acquéreur qui lui donne un afyle. On le
•regarde , on lit le nom augufte , on fourit^
£c perfonne ne veut en donner trente-fix
livres ; ce ^i prouve que dans les arts qui
tiennent au génie, on ne paie point le pu-
Mc avec des titres.
© E Paris. 31^
CHAPITRE ce ex.
Chapeaux.
Lie Parifien change avec la même facilité de fyfiéme , de ridicules & de modes. La figure de nos chapeaux , comme toutes les chofès humaines , a fubi le fort de la varia* tion* Les coçfFures dans les boutiques des tnarchands fe fuccedent comme les nou<« celles méthodes dans l'empire des lettres. Le chapeau haut & pointu a prévalu quel« €p€ temps , ainli mie le ftyle académique > •ijui tQmbe enfin , oc que Ton n'imite plus.
Ce penchant pour tout ce qui varie , cette
pafHon qui nous pouflè à créer de nouvelles
modes , nous fait adopter ce que les princes
imaginent en le jouant^ ou par fantaifie>;
tantôt c'eft Pinrention d'une énorme paire
de boucïcs , tantôt c'eft celle d'un frac. Ainâ
Alcibiade donna fon nom à une forte de
, ibuliers ; & fa vanité étoit flattée , lorfqu^il
«ntendoit dire qu'elle étoit de fa création.
Quelquefois des intérêts particuliers font
naître une mode ; Porigine des paniers fut
inventée pour dérober aux yeux du publid
des grofleflês illégitimes, oc les malquet
jufqu'-au dernier inflant \ les grandes maa*
Oz
3i6 Tableau
çhettes furent introduites par des frippons qui vouloient filouter au jeu & efcamoter des cartes.
Nous avons rogné infenfiblement le haut bord de nos larges feutres ; nous les avons enfuite rendu pedts ; & enfin nous avons fait difparoître ces trois cornes fi incommodes. Aujourd'hui nos chapeaux font ro^ds \ & voilà les chapeaux k la mode.
On ne les port^ plus le matin (bps le bras. Ils couvrent la plus noble partie du corps , & pour laquelle ils font faits. A-t-on vu fe [Turc mettre le turban fous fon bras , les évêques tenir Içurs mitres à la n^ain î Mettons donc conftamment notre chapeaii fur notre tête pour garantir nos foibles cer- veaux des rayons du foleîl , & que ce pré- cieux dôme s'oppofe aux évaporations de notre cervelle. N'ctoit-îl pas ridicule de fcnv ployer inceflàmment à la main à des exer^ cices de civilité & de minauderie ?
Je ne ferai point ici rhiftoire des cha- peaux ; je ne remonterai point aux chapeaux gras de Louis XI , qui les portoit tels par ialeté 8c par avarice ; je ne parlerai point de la vertu magique concentrée dans tels cha- peaux ; les uns font d'un mauvais prêtre un grand fèigneur , & les autres un doreur d'un idiot. On fait FefFet que produit tel chapeau fourré mis fur la tête d*un grena- dier \ 8c le diadème enfin , n'eft-il pas' ua
DE Paris. 317
chapeau qui produit une certaine ivreflè ?
J'ai vu des chapeaux dans ma jeuneflè cjpi avoient de très-grands bords ; oc quand ils étoient rabattus , ils reflèmbloient à des parapluies : tantôt on releva , tantôt on ra- baifla fes bords par le moyen des gances. On leur a donné depuis la forme d*un ba^ tcaiL Aujourd'hui la forme ronde & nue pa- roit la dominante ; car le chapeau eft un Protée qui prend toutes les figures qu'on veut lui donner.
Demandez - le à nos femmes , qnî , après tant d'eflàis multipliés , ont définitivement adopté le chapeau Anglais , malgré leur antipathie pour ^Angleterre ; je leur con^ feille de s'y tenir ^ qu'elles l'ornent de per^ les 9 de diamants , de plumes , de cordons , de rubans , de houppes , de boutons , de âeurs ; que les poètes dans leur langage y attachent des afhres & des comètes ; qu'elles les por- tent rouges , verds , noirs , gris , jaunes : mais qu'elles gardent conftamment le char ptau An^is ; les laides y gagnent, & les Délies auffi.
Nous n'avons donc plus nî chapeau pig- mée , ni chapeau coloflàl ; les dames avoient élevé ridiculement leurs coëfîures, au mo- ment que les hommes avoient arboré les petits chapeaux ^ aujourd'hui que les hom- mes en ont augmenté Se arrondi le vo**
03
3iS Tableau
lume^ les coëffùfes ont prodigieufêmeM baifle.
Un poëce difbît alors :
J^éù rs Ckiùntt fjù 9u U jiunt HUimt s. 2>ês ruhâtu de Betuîard leufs fiants i^ùUnt •nU* ^: Le momie étroit de la èaîehu
Paifiit gémir leurs corps emprifonnés» Lturs cheveu» hérijfés fuyoient loin de leur titt i^ Wn panache orgueîlleu» en firmontoit le fatu* Trïs delàfapperçus la Vénus Médicisi,
Sa taille lihre & naturelle J^éployoit aifément fes contours arrondis* Toiu enr elle éeoit fimj^ & tout charmoit M dUa. J^admirai tant de grâces » & tout has je au diai: L'art enfetgAe à Chloris à deiuenir noim heSXt^
Hommes & femmes fe coëÊntheancoop^. mieux. Sî nous fommes dans une voiture^ il nous eft permis du moins d'enfoneer lar tare dans le coin du carrofle, & nous ne rifquons pas d'éborgner notre voifin arec les pointes de notre ancien triangle.
C*ert toujours celui-là qu^ôn porte fous Ic^ bras , lorfqu^on eft habillé ; mais on ne slu* bille plus qu'une ou deux fois la femaine ^ les jours de grandes vifitcs. On voit les gens comme il faut , ^ Wieure même du fpeâa- cle , le chapeau fur la tête.
Le dernier caprice , je croîs , eft le meil- leur •, il a influé fur la couleur. Les chapeaux ne font plus noirs ^ on les poKe blancs >
DE P A K I S. yi^
comme font les carmes & les feuîflants de- puis plus d'un fiecle ", & fur-tout en été , le- foleîl échauffe moins la tête. L'œil qui s'é- tonne d'abord , s'accoutume à tout : on por-- teroit des chapeaux rouges & bleus, verd- pomme & lilas, qu'on s'y ferait •, chacun^ arboreroit fa couleur favorite. Ce feroit un- nouveau coup-d'œil.
On commence par condamner les nou^^ velles modes ; chacun fe récrie fur la folie' changeante : au bout d'un mois elle eft adop- tée par fes plus violents contradideurs^ & tel qui la fronde aujourd'hui, prendra demain^ les idées qu'il avoir combattues.
Puifque c'eft à nous à inonder la terre de nouveaux bonnets , jôuiiïbiff de notre céni«r inventif, plaçons nos ^chapeaux d'hommes furies têtes Suifedèsôc HoUiandoifes. Con-- tînuons de donner toujours la loi prédomi*- nantes de coëi£ires. Toutes lés femmes ont pris nos chapeaux : il s'agit de les faire- adopter définitivement k Vienne , à Berlin ^ & â Pétcrfbourg. Et qui (ait fi nous n'é- tendrons pas encore plus loin, en triompha-r- teuis . Jbeuceui ^ nos iUuftres conquêtes V
O 4
320 Tableau
CHAPITRE CCCXI.
Noces.
\^ue celui qui a vu une noce champécre^ le couple du hameau qui s'avance vers Féglife , les doitgs amouieiifement entrela- cés , portant dans leurs regards le defir in*- gcnu ; les parents qui les wivent aii^ même autel où ils fe font mariés ; les garçons de la fête en habits du dimanche ^ les rubans au chapeau , le bouquet au côté ; les filles en l)lanc çorfet , regardant ce jour-lk leur amant avec plus d^aflùrance ; & le violon un peu aigre , mais qui conduit gaiement la marche £c ferme le cortège , ne s'attende point ^ trouver (bus le luperbe portique de nos temples , ni la gaieté vive & franche , ni le riant tableau de cette joie naïve , ouverte & abandonnée.
L*hymen ici fe célèbre k grands frais ; on ne marche point fur la peloufe le long des haies fleuries, pour arriver k Fautel du bonheur. On s'enferme dans des carroflès à glaces ; on eft chargé d'atours : les coëffeurs ont ocaipé toute la matinée \ on s'obfervc triftement ^ le cérémonial règle tous les pas , & le couple opulent , fous des habits d^or ,
DE Pari s. 321
porte déjk (ùr fon front Teniini qui dpit les accompagner le refte de l«urs jours. La vil- lageoife aimoit de bonne foi avant de fceller la foi promîfe devant le curé ruftique ; & la Parifienne , recevant le riche anneau , jure , avant d'aimer , quelle aimera toujours- Le feftin du village ofFre la même dif- férence. Où eft le rire ingénu , la table dret fée fur l'herbe , la joie de^la parenté, le broc .^ de vin toujours rempli , le veau entier dé- pecé & rôti ? Où font les danfes vives & les mouvements vrais de l'alégreflè ? Où les vieillards paroiflèht* ils en cheveux blancs ^ eflùyant leurs yeux humides de larmes de tendreflè > Où ht-on l'attente du plaifir dans les regards furtifs de la jeune mariée î O^ répoux paroît-il pétulant & impatient de voU*? luire l'étoile du foir ? Où le lendemain l'c- poufè un peu pâle paroît-elle confufe & heu- reufe , étonnée & triomphante ? Ce n'eft point a la ville.
Une aflèmblée de parents a moitié dîvî- fés , qui ne fe font pas vus depuis long- temps , qui ne fe reverront guère pafle ce jour cérémonieux \ des vieillards qui diflîmulent leur caducité; l'étalage des étoffes, des révé- rences compaflees , des faluts melbrés , une ob&rvation maligne , des compliments froids , un maintien compofé , une dignité monie & impofante : voilà comme on s'tn xût dans la capitale,
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312 T A B l. E A If
Il faut defcendre parmi la claflè des bouiv geois du fécond ordre pour revoir quelque» images des anciennes noces , elles font moiiis brillantes ; mais il y a du mouvement & àxL bruit. lÀ on voit des afTemblées de quatre^ vingt à cent perfonnes ; & les invités , chacun à leur tour , rendent le fefUn aux jeunes ma- y nés : c'eft un enchaînement de repas pendanr onze femaines.
Les traiteurs (è plaignent tous hautement y que les feftins de noces deviennent 'de jaat ^en jour moins fréquents , qu'on s'enfuit a la. campagne pour ne point faire de bancpiet ;„ ils difent que la joie tombe, que la .mélan- colie domine la nation , puifqu'bn renonce- à la bonne chère & à l'intempérance dans^ le jour te plus folemnel de la vie , que nos aïeux célébroient tous par la plus complette îvreffè que leur franchîfe ne redoutoit pas. Les ménétriers fe plaignent aufli qu'on ne danfe plus comme on fai(bit jadis.
Vous voyez chez ces traiteurs plaignants des fàlles immenfes & vuides qui n atten- dent que des convives & des danfeurs. II y a place pour la table immenfêment loin gue & pour les contre-danfes en rond.
Le petit peuple danfe encore fort & long- temps ; car il eft le dernier à abandonner les coutumes joyeufes , quoique Ton cherche de toutes parts à avilir (es divertifièments.
La Hcence des paroles règne dang toutes
i
0 E P A K I S. 3133
l<is noces bourgeoifes. Si Ton faifbît un re- cueil de tout ce qui s'y dit de. jovial^ ces • plai&nteries »ne feroienc pas fort délicates ; mais elles offiriroient de loriginaÙtë , ce que le beau inonde n'a pas. Le bourgeois rît ces ^ jours-lk, de manière à avertir tous les pa(r- fànts qu*il eft de férié.
Un homme peu fortuné , gourmand de (on naturel, Çc quraimoit confcquemment à faire bonne chère ( ce qu'on ne fait pas • fans de bonnes rentes) avoit trouvé un fin-- g^ilîer expédient pour être de noce tous les jours de fa vie : habillé en rtoir & fort pro^ » ptement , il étok aflidu toute la matinée k Saînt-Euftache , k 5aint*^Paul , à - Saint-Sut pice, k Saint Roch^ enfin dans toutes les grandes paroiflès ; 8c quand il voyoit un maiîage dont le coitegfe ctoit un peu nom- breux, il fe mâoit parmi la foule. Certains jours il avoit a choim*'; car k la même heure on voit fouvent trois ou quatre mariages de <Ufl^entes daflês, 8c dans la même églife.
A niEie de laiiieflè commence l'indit- penfable feftîn , toujours commandé d'à* vance, 8c qui {è fait ordinairement chez le ttaiteur. Il eft d'ufage que les parents de cha- que conjoints fe réunifient k la même ca-< ble , 8c le plus fouvent ils fe voient poîur la
Eemiere. fois. Or , les parents du mari ^ qui voient -vu k la meflfe , croyoîent notre éirangei: du côté de h foaxmRAJ^n^ qui
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v^
314 Tableau
les parents de la femme le croyoient du eu» té du mari. Il faifoit donc grande chère dans fon rôle équivoque , diftribuant de part & d'autre quelques légers compliments ^ & vous penfez bien qu il poffédok k fond le flyle & les propos du jour.
Il y avoir quatre ou cinq ans que ce ma- îiege duroît , lorfqu'dn parent qui rencon- troit notre habit noir pour k tfoifieme fofc depuis huit jours , s'avifa de lui demandef de quel côté il étoit. Du côté de la porte , :reprit-il en fe levant & pofànt fà ièrviette iùr la taUe. On en étoit au deflèrt.
Si l'hymen n'eft pas cher au village , s'il •en coûte peu à l'habitant de k campagne pour fanâifier Tes plaifirs , il n'en eft pas de même à Paris. L^époufeur fc jette dans tou- tes les dépenfes du kixe & de la repréfenta- tion , pour complaire à la future & à la (btte vanité de fes parents. Huit jours après les noces viennent le regret & les lamenta- tions. Ce font des mémoires de fourniflèurs •i^ui fê fuccedeîit chaque jour ; c*eft le ven- •deurde diamants, le marchad d'étoffes, le bijoutier , le tailleur, le traiteur , la lingere , la marchande de modes , le tapiflier , le mi- roitier , le cocffèur : & paie , pauvre mari , pare ! on ne t'a pris que pour cela : as-tu cm que ta jouiilànce (èroit purement gratuite ? - Auffi aton fait une eftanipe pariante , où Ion voit la dot de l'épouiëe s'envoler en di&
DE P A R I S, 51^
férents jets , & tomber dans tes mains & le tablier d'une multitude de gros & de pé* tits marchands. Le mari , qui fuit d^un œil trille & étonné le vol irréfiftible de fes e(pe- ces , porte douloureufement la main for des facs vuides ; & pour tout dédommagement, il a k fes côtés une femme éternelle , brillante de clinquants & de colifichets.
Le premier enfant achevé la confèdîon entière de la dot ^ l'époux abufé prend de l'aigreur ; les reproches mutuels s'élèvent , & chacun maudit au fond de fon ame le ma- riage trompeur , & les noces difpendieufes que la vanité a commandées.
CHAPITRE CCCXII. '
V
Mariage. Adultère.
X-i'indifiblubilité du mariage fait les adut-^ teres : on ne peut délier le nœud , on le rompt. Faut - il s'en étonner î On a bâti lé même contrat pour des êtres d'ailleurs fi dif- férents dans leur phyfique , dans leur fortu-* ne , dans leurs emplois , dans leurs idées \ Ici la chaîne a été lâche ^ là, trop tendue ;- -ici , tyrannique \ la , fervant de voile à la cupidité. Le foldat , le matelot , le juge , le nulitaire , l'éaivain , le négociant y le cul-
j^6 Ta b t E AU
tiÎTateur , le poftiUon font aflèrvis aux xaes ufages* .
Après cela, un homme qui veille fur (a -. femme , paflè pour jaloux , oc on le blâme. . £ft-<^e infidelle ? on ridiculife le mari. La ; loi qui empêche le divorce , fans avoir égard . àJ'antipathie des caraâeres , eft une loi bi^^ zarre. Elle règne à Paris^ mais qu'en arrive» - wl î Vous le lavez !
Le lendemain des noces bourgeoi&s , ou « tout au plus huit jours après, .quel change- ment s'opère dans l'eTprit de l'amoiuemc : mari ! De quelle hauteur tombent les efpé> rances de tel honnête artifàn ! Il croyoît avoir ^ufé une femme économe , rangée , atten- - tnre à fes devoin. Il lui trouve tout-4coup ? l'humeur diflipatrîce ; elle ne peut plus res- ter à la maifon ; elle joint la dépenfe à la pa- reflè. L'inconféquence , la légèreté , la foKe remplacent les occupations utiles où elle avoit été élevée dès l'enfance. Loin de fixer dans fbn ménage Taifance &: la paix par un fage travail , elle fe livre a la frénéfie des panires.
. Qui Peut dît , que le mariage altéreroit à ' ce point fes premières difpoutions ? Cette fille timide , craintive , occupée dans la mai» Ion paternelle , eft devenue une femme exi- geante , altiere , qui ne fcmge qu^àfes pro- pres jouîflànces , parce qu'elle a mis dans ùi tête que tout l'entretien d'une maifon d^
DE P Alt I S> ^^7^
¥ok rouler fiir le mari , tandis que le r61e% de la femaie écoit de, (è livrer à une vie diiEpée.
Cet artifan aura beau être laborieux &: économe ; rinfouciance journalière de fott époufe mine une mailbn qui s'abyme infen- nblement , parce que la mère de famille a . manqué de vigilance , de tendrefle & d'é- cçnomie. Tous les défordi^es font nés du pre-« mier défordre ; les enfants héritent de la mi^* fere de leurs parents , & voilà Thiftoire de la moitié des mariages qui fe font à Paiis . dans le fécond ordre de la bourgeoifie.
Autrefois, Kadultere étoit puni de mort : . aujourd'hui \ celui qui parleroit de ces loix aufteres Se antiques feroit prodigieufement fifflé.
Voyez.dans toutes nos comédies , C Ton ne rit pas toujours aux dépens des maris ; voyez les petits vers de nos poètes légers 9 Hs plaifantent inceflamment fur le mariage , avec un (èl qui réjouit tout le monde. Ces gentilledès ne font qu'une apologie perpér tuelle de ^adultère : on diroit qu'on a peur que les femmes ne comprennent aflez tôt que leurs charmes ne font pas faits pou^ n'appartenir qu'a un feul.
Tous les arts deviennent con^lîces de ce$ exhortations k Pinfidélité , tous s^empreÉ» lent k les confirmer 4ans cette idée , k ache^ ver d'éteiiadre toutibrupule dins leurs âmes»
328 Tableau
Nos tableaux , nos ftatues & nos eftampes y qu'offrent - ils ? Tous les tours heureux & triomphants joués au pauvre dieu d'Hymen. Nos peintures ne font pas plus chaftes que nos vers.
Mais de nos jours, ^ô raffinement erîmî- nel ! on a été encore plus loin que fadùkere; on a corrompu Tinilitution la phis augutte ; on s'efl fervi des loix mêmes pour confa* crer le libertinage , & en produire les fruits avec audace. Cette dépravation , ce nouveau (candale date de notre fiecle : c*eft encore un crime du luxe.
Un homme opulent eft attaché k une fille , en a des enfants dont la loi feroit des bâtards. Il imagine de leur donner un nom & un rang ^ il ordonne qu'on lui cherche quelqu'un de noble , mais dont les adverfi- tés ont dénaturé l'ame : on le trouve , on le marchande ^ il eft forti d'une famille qui a lin nom , mais indigente ; il a été élevé dans une fierté oifîve , & il n'a pas de pain. Réduit à une pareille extrémité, Phonneur n'eft pour lui qu'un vain nom. On lui pro- pofe d'époufer cette fille , & d'en reconnoî- tre les enfants : il aura une penfion qu'il ira manger dans le coin d'une province éloignée. Le noble d'abord a quelque répugnance ; mais l'or, ce puifîànt mobile des aâions ini- ques , l'or le décide. On le mené chez un notaire, où il ligne un contrat quiluiaflùre
DE Paris. 319
réritablement une penfîôn , mais qui porte une réparation de biens préliminaire.
Figurez- vous cet homme qui, lelende* main , trouve dan$ une chapelle obfcure y quatre témoins , & devant l'autel , une fille jeune & charmante qu'il n'a jamais vue: voiik fa femme , mais fuus la condition ex-^ preflè qu'elle ne fera jamais à lui.
Elle fort en ce moment des bras de la volupté , pour y rentrer après la cérémonie ; l'époux lui touchera une fois la main, pen- dant que le prêtre prononcer les paroles facrées. Paflé cet inftant, à jamais feparé d'elle , il ne reconnoîtra peut-être pas le vifage de celle avec qui il aura contraâé. L'anneau fe donne, le oui fe. prononce de part & d'autre^ 0.1 , pour mieux dire , le parjure & le (acrilege s'accompliflènt.
En fortant de la chapelle , Tépoufe , £\oi faluer fon mari, monte dans un équipage, & fe retrouve dans le lit qu'elle avoit quitté. L'époux fuit vers la province , on lui paie une année d'avance , & il a une femme dont il ne peut pas .vifiter l'appartement, ni même habiter la ville. Il a oc il aura des enfants qu'il n'a point vus , qu'il ne verra point , & ils porteront fon nom.
Il fe bannit , & va manger (à honteufe penfion dans une petite viue , lor(que fa femme déployant fon contrat de mariage & l'aâe de célébration , fe pare publiquement
330 T A B L E A U
du nom qu'elle a acheté. Un marbre offi:e ce nom en lettres d'or au frontij^ice d'iin^ fuperbe hôtel ^ tandis que le mari n'o(ê artK^ ctder le fien dans fa profonde retraite.
Voita ce qui fe pratique fous Toeil de la légiflation : 8c la loi outragée eftt réduite au- fiknce \ car on a tourné contre elle fes pro-
ff es f(M:mes avec une coupable adreflè ;. homme a pam fe venger àibn tour d^kie k)i inflexible & extrême.
N'auroit-il pas mieux valu- ne pas abolir œs anciens mariages mixtes 8c faciles , oîk là femme n^étoit pas déshonorée, oii les* enfants innocents n'étoit pas preffîs entre, hlfanégation &. laiK)nte?
Xîuelqu'un dira qu'il faudroit le fiyle de - Juvénal pour tonner contre cette litience ; mais que feroit le plus véhément (àtyriqueV il quoi remédîéroît-il^ > La perte des moeurs > vient le plus fou vent de Pinfuffifànce des* loix, de leurs erreius 8c. de leurs coiitra<i- 4iâions..
o E Pari s. , 331
CHAPITRE CCCXIII-.
Petits Formats.
Xj^ m2me des petits formats a fuccédë à> celle des marges immenfes, dont on faifoit: le plus grand cas il y quinze ans.. Il falloit alors tourner le feuillet à chaque inftant^ oa n'achetoit que du papier, hlana: mais cefi^. plaifoit aux amaiteurs. , i .
Quelques auteurs vendent encore de^ et-- tampes ou des portraits d^hommes^itsxéle?: Ères , illuftres& vivants par deflùs le marché \^ mais ils n'ont point encore eu la vogue de. M^ Dorât, qui le premier s'eft&itnurchand! d'eftampes, & qui s'y eft nriné; c'eft lui qui a mis en train toutes ces gravures qui: font le principal mérite .de certains .livres y & qui coûtent plus que tous les bons au-^ .leurs enfemble de Fantiquité.
La mode a changé : on ne recherche plus que les petits formats ; on a réimprimé ainfi tous nos jolis poètes. Ces livrets ont l'avan- tage de pouvoir être mis en poche , de four-.- nir au délaf&ment de la promenade , & de parer à l'ennui des voyages : mais il faut en. même . t;emp5 porter une loupe avec foi ; cac le caraâere en eu û fin qu!il exige de bops yeux.
331 Tableau
Didot a imprimé une coUeâion d'auteurs choifis,en petits formats, pour FuËige de Monfeîgnciir comte d'Artois. Ceft un chef d'œuvre de typographique ; mais cette co!- ledion eft cxceflîvemciit rare ^ & ne fe vend point.
Ne pourroit- on pas tromper Finquifition littéraire , fî ardente & û inquiète , oui s*op- pofe à rintroduâion des livres phitofbphî- ques les plus eftimés , en les réduifknt à de très-petits formats , en afCijettiflànt a la pié^ ciGon la plus ftrlâe & le papier & les ca* raâeres ? La penféç , par ce procédé nou* veau , fe rapprocheroît , pour ainfi dire , de fon invifibiiité ^ on mettroit une édition en- tière dans un (ac à poudre. Si Fauteur yA^ gnoit un ftyle laconique à cette ingénieuiè typographique , un exemplaire éloquent pour- roit circuler dans une tabatière , dans une boite à mouches , dans une bonbonnière. Les commis a la phrafi , qui attendent les ballots matériels où fe fixe la penfée , pour les faifir de leurs mains profanes & grofEe- res , feroîent tous en dérouté. L'oeuvre du génie devenant inipalpable , fe moqueroit de tous ces vils adverfaires qui lui font une guerre confiante. Les brochures vifibles por- teroient dès-lors une phyfionomie de répro- bation , & la ftupîdîté fe manifefteroit par fa grolTèur. La philofophîe , au contraire , occuperoit , comme le fage , la plus pedte place dans le monde.
DE Paris. 333
On s'adreflèroit enfuite aux opticiens 9 pour pofleder le verre qui grofliroît a fouhait ces menus caraâeres fans fatiguer Toeil. L'im- primerie & Poptique fe donnant la main , deviendroient des fœurs inféparables. C'eft ainfi qu'en mariant les art$ , ils acquièrent une force prodigieufe & préfque illimitée.
Nou5 inyitons les fondeurs de caraûe^res k travailler cette idée qui n'ell qu'ébauchée ; nous exhortons les manufaâures à rendre le papier fin ,' léger au poflîble , afin que nos penfées n« foient plus la proie facile de ces implacables dévaftateurs de Fempire des let- tres fie de la phîlofophie. Regagnons :par fadreflè ce due la force veut nous ôter ; que la matière , {ubtilifée par nos foins , réponde 3u volatile de ces idées , qui par leur nature font faîtes pour braver qui les perfëcute, ou par crainte, ou par ignorance.
Nous favons que Ion pourrôît s'adreflcr à la çhymie , de préférence à l'optique, pour faire pàroître en un clîn-d'œil fur un papier blanc les Icttrts parlantes y tonnantes ^fuU minantes , qui s'effiiceroient enfuite d'elles- mêmes au bout d'un certain, temps. Mais, toute réflexion faite , comme le fecret pour- rôît être facilement découvert , & que la ma-* terialité ne fçroit pas détruite , tenons^ious- en au premier projet. Que dis-je ! on n'aura
{)eut-être pas befoin de fon exécution , vu es lumières nouvelles que les gouvernements
334 Tableau
ont acquifes. Nos penfées , loin de leur nuire, ùe peuvent que leur être très-favo* rables , cpiand, fèmblables aux pilotes habi- les y les hommes en place fauront prendn le vent. Et voilà tout Fart dp Thomnaie d*état.
s*>>>:v:
CHAPITRE CCCXIV.
Maîtres Ecrivains.
J.1 ne s'agit point ici de Corneille , de Pat cal ^ de La Fontaine , de la Bruyère , de Fé- tiâon , de Voltaire , de Jean-J^lcques Rouf feau , de BufFon , de Raynal , de de Paw ( îl s'agît de Paillaflbn , Dautrepè , Rolan , Li- Terloz. Ils figurent le corps des lettres à main pofce , taillent merveilleufemeiit une plume , font le trait & déterminent ce qin caraâérife la ronde , la bâtarde & la couUe. Ils font maître en Part de Pécriture , & non en l'art d'écrire.
Il eft néceflàîre de favoir bien figurer fes lettres ; car une mauvaife écriture reflèmble au bredouîllement de la parole 4 mais un caraâere Hfible fuffit. Les grands feigneurs, les jolies femmes ; les auteurs fe piquent de lavoir mal peindre; ils ont tort. L)'un autre côté, l'importance que les maîtres écrivains mettent à une èelle écriture ^ eft plaiî&me.
DE Par I s. 335
Un peu de netteté , voilà tout ce <|uî con- vient \ c'ell perdre (on temps que de vouloir ^émuler RoflignoL Si ces maîtres ont une belle main, ils n'ont pas en général une niain rapide : tel derc de notaire, telfcribe ,àu palais , fait des expéditions qui ont une ^ace ôc une légèreté dont ces experts^ avec leur peinture exaâe, compare 8c .froide, n'ont jamais approché.
On vient d'ériger en académie ^ettd com- munauté ; m^is Louis XIV a bien établi une Mcadéfiiie de dan/è après V académie d'ar^ mes ; :il n'y a que Yacadémie de coeffurc qui n'a pas encore pu prendre racine : mais vcela viendra dans le fîecle des beaux-arts.
. .11 y a toutes forces d'académies établies par .lettres - patentes ; on vdit a , Touloufir celle des lanternijles. Les anciens avoient .aufli une foule d'académies ; jCUen rapporte, ^u'il et oit exprejfément défendu d'y rire ', afin que V académie fût à Vabri de toutes Jortes de ridicules. Gardons-nous donc bien de rire fous les voûtes de V académie royale .d écriture , qui defline fi parfaitement des O , des M , des F , Se qui chiffre par deflùs le marché.
La fonâion la plus importante de ces :maitres - jurés écrivains, c'eft qu'ils font vérificateurs d'écritures conteflées enjufiice; 'Ceci devient fërieux : l'Encyclopédie ïoutient
4jfxe cette vérification n'eft qu'une fciejnce
336 Tableau
conjeâurale; les experts difent qu'il y a des règles fixes & certaines pour convaincre les faudàires. Les experts ufent de fortes loupes dans l'examen : mais ne faut-il pas autre ehofe qu'une loupe pour décider dans des cas femblables ? Voyez dans le dernier procès du maréchal de Richelieu , la con- fiifion & l'ambiguité des rapports.
La vie d'un homme dépend donc quel- quefois de ces experts vérificateurs : ce fèroit donner un champ troD vafle auxfanflàires, que de déclarer qu'il n y a point de moyens lurs pour les reconnoitre ; mais il faut avouer que FEncyclopédie offire de terribles objec- tions à réfoudre, & qu'il feroit à denrée que l'on confultât tout à la fois & le maître écrivain , & V écrivain philofophe.
CHAPITRE CCCXV. DcV ancienne Compagnie des (Ruvres fortes.
J'abhorre les cyniques encore plus que les pédants : mais je voudrois voir au milieu de Paris un Diogene dans fon tonneau ( l'in- décence toutefois fupprimée ). Je voudrois qu'il fût permis à un homme de cette trem- pe d'apoilropher fcs concitoyens ^ & de leur
repi'ocher
DE Paris. 337
reprocher leurs rices. Paris en auroit bien autrennent be£pin qu'Athènes.
Du moins des cenfeurs du icandale public , âes mœurs , tels qu'ils étoient établis chez ies Romains , feroient très-ncceflàires parmi nous ; car nos loix fi imparfaites préviennent- elles la confufîon des rangs ? répriment-elles les extravagances du luxe, qui mine les for- tunes médioaes ? empêchent-elles les ban- queroutes ? arrêtent-elles la débauche qui va Je front levé î
On a créé des cenfeurs pour les livres : ces cenfeurs profcrivent tout ce qui pèche contre la décence , tout ce qui contredit les Joixde l'honnêteté, &ç. Pourquoi n'y auroit- il pas des cenfeurs qui dejnanderoîent co:iipte à cette foule de défœuvrés de l'emploi de leur temps, qui iroient au devant des grands iifcandales , qui préviendroient les délits ? Nous ne fayqns que punir : un ade public de dé- pravation eiUl donc moins dangereux qu'une phrafe imprimée ?
Sami'Jcry terme k Paris fyncnyme k celui de fe ruinen Nos danfeufes font entretenues par de jeunes gens qui n'ont aucun frein , & dont l'exemple pervertit ceux qui fbrtent de l'adolefcence. On n'oppofe aucune bar- rière à ces défordres qui font là perte des familles. La police attend que le mal foit fait , ,& ne fonge pas a l'anéantir dans fon origine. D'un côté , de dangereufes Circés , de l'au-*
Tome IL ' ' P
^3* Ta b l eau
^ tre des intrigants audacieux corrompent tous les ordres de la focieté. N'cffi-îl pas
^ déplorable que le mot de Molière, T^ayc^
4 de probité que et qu'il en faut pour n*iire
l pas pendu , foit devenu un axiome réduit
. en pratique.
En 1661 , il s'éleva en France une efpece
/ de compagnie qui , éprife d'un zèle ardent pour le rétablillèment des bonnes moeuis^
: le mit a cenfiirer toutes les aâions maI-hon« nétes que les loix ne puniflènt pas. Us fai- foient des perquifîtions fecretes (ùr les mœois & les perlonnes ^ en établiflbient le rapport dans leurs a{Ièmblées , & d'après une déli- bération mdtivée & unanime , ils expofoîent
; au public les délits & la honte des coupables.
Ces redoutables écrivains avoient pris le
nom de compagnies des oeuvres fortes /mais
* comme ils h'avoient pas méiiagé des perfon-
. xres puiflàntes , & qu'ils n'avoient pas plus épargné la conduite des rois que cèUe des particuliers , Louis XIV fe courrouça , & ordonna quon eût à févir contre tous les> membres de la compagnie. Ils ne purent tenir
- contre l'autorité royale ; & les œuvres fortes, qui de jour en Jour s'animoient d'une chaleur
■ nouvelle , n'eurent plus lieu dans la capitale.
De grands noms appartenbient k cette et
pece de ligue ofFenfive contre le vice & les
: mauvaifes mœurs ; mais oii fit entendre à
- Xouis XIV ( ombrageux à l'excès fur toitt
DE Paris. 339
ce qu! avoit un caraâere d'union ) , que ces écrivains -courageux 8c véhéments étoient un refle de la ligue Se de la fronde. Il , le crut (ans examen , Se menaça de les envoyer tous en Canada. .
Or , comme l'a dit M. Thomas , on n'efl
rere tenté de répondre à ceux qui exilent : compagnie fe tut , &: ne cenfura plus per-* Cbnhe. Cependant quelques membres échap-* pés Ce crurent , loin de la capitale 8c au fein de la Bourgogne , plus k portée de reprendre leur hardi projet. L'autorité Us pourfuivit en- core , & la chambre du confeil de la ville de Dijon lança contre leur aflèmblée un arrêt de profcciption , en les menaçant des peines les plus graves. Ces auteurs des œuvres fortes abandonnèrent alors leur vocation , 8c
fe turent pour jamais Je les regrette.
En 1741, on vit à Paris un hardi men-« diant qui , dit - on , avoit du génie , de la force dans les idées Se dans l'expreflion. II demandoit publiquement l'aumône , en apojf- trophant ceux qui paflbient , Se failànt de vives forties fur les diâérehts états , dont il révéloit les rufes Se les fripponneries. Ce nou- veau Diogene n'avoir ni tonneau ,iii lanterne: il en vouloit fur-tout aux prêtres , aux catins Se aux hommes de robe. On appella fon audace effronterie, Se fes reproches des in^ folences. Il s'avifa un jour d'entrer chez un fermier-géuéraT avec fon habillement déchiré
340 Tableau
& craflèux , & de s'af&oir à fa table , dîTant qu il venoit lui faire la leçon , & reprendre bne portion de ce c/û lui avoit -été enlevé. On ne goûta point fes incartades \ & com« me il avoit le malheur de n'être pas né il y a deux mille ans , il fut arrêté ôc mis -en prifoa.
C>e mendiant aurolt dû favoir , puifqu'il avoit de l'efprit , qu'on taxeroit in&illible- ment ile folie ^ Paris , ce qu'on eût admiré dans Athènes. On fouftie pamii nous le plus vil, le plus bas, le plus lâche coquin; mais tout frémit & fe fouleve h la moindre ap- proche de ce qu'on nomme un cynimc , ou de ce qui lui reflèmble : ce caraaere- EL n'exifte pas même à Paris , parce qu'il eft le plus diamétralement oppofé à la forme de notre gouvernement & de notre efprit de (bcictc*
Nous avons des difcours moraux & poli- tiques a foifon , des fermons par milliers : peut - être , pour nous corriger , nous fku- droit-il des plaîfknterîes fanglantes , des fà- fyres vives , à^^ boutades à bout touchant. Mais qui (b chargera de fronder tout ce qui eft vicieux , de méprifer tout ce qui eft vil , de faite tonner la vérité, & d'épouvanter fes enne^nis ? Que quelqu'un ait le courage de braver l'iiùniitié des méchants , on le nom*^ mera un fanatique , une béte féroce , un chien ^nra^éj tandis que les fktteHrs;^ les adulateurs^
j) f; Paris. 341
les menteurs feant les hommes polis, les hon> mes comme ilfaut^ >
^^^ ^,. — ^*>^^.
CHAPITRE CCCXYL. Partes Cochcrcsm>
J^i^s gens qualifiés font jetter , pendant leurs maladies, du fumier devant leurs portes co- cheres & aux environs, pour que le bruit des carrodès les incommode moins. Ce privilège abufif change la rue en un cloac^ af&eux , pour peu qu'il ait plut , 8c faife marcher cenc mille hommes, en douze heures, dans \xr% fumier liquide , noir 6c puant , où Ton en-* fonce jufqu'â mi-jambe. Cette manière d'em^» pailler toute une rue , rend les voitures plus dangereu(ès , en ce qu'on ne les entend pas»
Pour épargner quelque cahot bmyant à une tête malade ou vaporeulè y on expofe la vie de trente mille fantaflîns^ dont la ca-- yaUric fe moque , il eft vrai , mais qui ne doivent pas expirer fous les roues fîleacieu- lès d'un carroflè , parce que M. le marquis a eu un accès de fièvre ou une îndigeftion-
Socrate alloit à pied \ Horace^alloit à pied« ( Jbam forte viafacra ^ficut meusefi mos.y Jean - Jaques Roullèau alloit à pied. Q^y^ Jourdain moderne , qu'un faquin aituna ber*
342. Tableau
lîne Angloîfe & une porte cochere ; kla bon- ne heure ; qu'il éclabouflê les paflants ; eh bien î l'on s'efluie : mais qu'il ne nous écrafe pas dans la fange , parce que ce n*eft point un crime digne de la roue, que de lavoir fe fervir de les jambes 9 ou de rêver un pea Sans fon chemin.
Souvent les portes cocheres vomiflênt des voitures qui fortent k l'improvifte , & qui coupent la me rapidement & tranjfveiûue- ment; de forte qu'il eft impoflible de £e garantir de ce bruique danger : on €e jette dans le péril , ne fâchant G elles tourneront à droite ou à gauche. Ne pourroit-oii pas obliger les portiers k prévenir les paflàcts , & k fiffler d'une certaine manière : ce <pit feroit un 6gnal confervateur. Il y a moms de danger quand les voitures rentrent , parce que le laquais fait fonner le marteau a coup^ précipités ; & l'on eft averti.
Il eft prefqu'ignoble de ne pas demeurer en porte cochere. Fût - elle bâtarde , elle a un air de décence que n'obtient jamais une allée. Celle-ci conduiroit k l'appartement le plus commode , qu'elle feroit profcrite , fut- elle encore large, propre & bien éclairée. Il y a des portes cocheres obfcures , embarrat fies par des équipages , où l'on rifque de don- ner de Peftomac dans le timon & dans l'ef- Ceu, Eh bien ! l'on préfère ce partage étroit k cette voie roturière qu'on appelle allée. Les
D E P A A I S. 34 J,
femmes du bon ton ne vontvpoint vifîter ceux - qui font logés ait^Eu^.
Les portes cocberes font fort- utiles k ceux^ > qui ont de$ dettes. Les exploits s'arrêtent à^ la loge du portier; les^huifiiers ne. vont pas plus loin ; & quand ils en viennent k une faifîe j l'exécution n'a lieu que fur les miféra** • blcs effets qui gamiiiènt la loge. L'huiflier pénètre l'allée julqu'au feptieme. étage , & ; il ne franchit jamais le leuil delà porte co« chère. Voilà de fînguliers ufkges , 8è qui n'en i régnent pas moins : que Fon s'étonne encote après cela de la dé^eur ^des allées bour« geoifes.
Ce qu'elles om vraiment- d'iflcomniode'; , c'eft qife tous Wyaflàutty lâchent leurs eaux ^ & qu'en rfentrant chez foi lk>n trouve au bas < de fon efcalier un piflèur qui vous rega(Sjd#bâi : ne fe dérange pas. Ailleurs^ on le chaflèK>tc; ; ici, le public efl maître des allées, pour les beibins de néceflité. Cette coutume çtt fort fale , & fort embarraâànte poujL les feaime$, .
P4
.r
Tableau
344
CHAPITRE CCCXVII. Le Suiffi de la rue aux Ours.
Vjn brûle tous les ans, le 3 Juillet , Teffigie de ce Suiffe ivre , qui donna , dît -on, un coup de fabre à ime Itatue de la vierge Marie: ce qui en fit couler du fang , ajoute la même hiftoire. Rien.n'eft plus ridicule; mais cet ufage déjà ancien ce s'en obfer^ e pas moins. L'effigie poitoit jadis l'habit fuiflè ; mais les Suifj^ le "fâchèrent , il v fallut l'habiUer 4'une .fouqueulille^ ]^4koit^on pas <qae.Pon ajoute foi à ce miracle , d'après ce oûcher ^^Jji. renouvelle chaque année ? 1 out ie monde "rît en venant ce coloflè d'ofîer , qu'un homme pone fur fes épaules , & ao* quel il fait faire des révérences & des cour- bettes devant toutes les vierges de plâtre qu'il rencontre. Le tambour l'annonce ; & dès qu'on met la tête à la fenêtre , ce coloflè fe trouve de niveau à. l'œil du curieux. Il a de grandes manchettes , une longue perru- que à boiirfe, un poignard de bois , teint en rouge , dans fa dcxtrc ; & les foubrefauts qu'on imprime au mannequin font tout-à- fait plaifants , fi Ton confidere que c*eft uu facrilcge que l'on fait danfer aînfi.
DE P A ïi r S. - 345
Les ufeges les plus confiants ne forment donc qu'un tableau très -équivoque de la vé- ritable croyance d'un peuple : c'eft le plus fouvent un fpeâacle pour la populace , Ôc rien de plus.
Nos plus majeftueufes cérënwnîes n*ont pas d'autre fondement. Aînfi l'on fe (èrt en- core de la faînte - ampoule pour oindre nos rois. Perfonne dans l'aflèmblée ne croît at fiirément qu'elle foît defcendue du ciel au bec d'une colombe. Perfonne ne croit à la guérifon mîraculeufe des écrouelles par Fîm^ pofition & l'attouchement des mains royales* Cependant l'on fe fervira toujours de la petite fiole , & les monarques toucheront toujours les écrouelleux fans les guérir.
Que de faits pareils, chez les voyageurs ^ ont donné lieu parmi nous aux àflèrtions les plus faufïès ! Rien de plus trompeur que les cérémonies publiques , lorfqu'on ne rappro- che pas de i'efprit de leur inftitution Tefprii: qui règne quelques ficcjes après..
On promènera donc encore te Siiiffc de la me aux Of/r^, pour le- plaifir &.la récréa- tion des petits Savoyards que cela amufè beaucoup.. Ils l'àcconçagneront dan^ toutes les rues , en riant & danfant ; 8c dans W./
Cie de leur cœur , ils attendront pour le foîr i fufëes & les pétards qui doivent çréver arec explofion dans les flammes du bûcher. • Autrefois ce même peuple a vu brûler te
34.6 Tableau
Suiilè iconoclafte en réalité , & s*en eft ré- îoui de même. Cette jurirprudence de nos aïeux eft un peu changée Se adoucie : ce qui prouve qu'il vaut mieux voir jetter au feu le mannequin que Phomme ; mais quand ne brûlera- t-on plus le mannequin ? . • . , Je n'en fais rien.
CHAPITRE CCCXVIIL
Savoyards.
• •••••••• Ces honnêtes tnfuits^
^Quï de Sûvoye srrîvent tous ^es ans ,
Et dont U main légèrement ejfuîe
€es longs canaux engorgés far lafuUm
Voltaire.
Ils font ramonneurs, commiflionnaîres, & forment dans Paris une efpece de confédé- ration qui a fès loix. Les plus âgés ont droit d'infpedion j(ur les plus jeunes : il y a des
{munitions contre ceux qui fe dérangent : on es a vus faire juftîce de l'un d'entr'eux qui avoit volé \ ils lui firent fon procès & le pendirent.
Ils épargnent fur le fimple néceflàîre , pour
envoyer chaque année à leurs pauvres parents»
Ces modèles de l'amour filial fe trouvent (bus
' les haillons , tandis que les habits dorés çou-^
vreut les enfants dénaturés.
\
P E P A RIS. 347
Ils parcourent les rues, depuis le matin ju& qu'au foir , le vifagè barbouillé de fuie , les dents blanches , l'air naïf & gai : leur cri eft long , plaintif & lugubre.
La rage de mettre tout en régie en a for-r me une du ramonage des ckeminées. Les régi fleurs ontclafle ces petits Savoyards ; 8c l'on a vu dans, des maisons neuves 6c blanches , tous ces.vifages b^annés 8c noir-^ cîs, qui ëtoieni: aux fenêtres , 4?n .attendant de l'ouvrage. ;.
L'établiflèment de h petite pofte a fait tort aux Savoyards. Ils font moins nom- breux aujourd'hui , 8c l'on dit que leur, fidé- lité , fi long- temps éprouvée , commence a n'être plusja même ^ mais ils fe diftinguent toujours par ramoor de: km:, patrie & de leurs parents.» .
Il eft bien cruel de voir un pauvre enfant de huit ans , les yeux bandés 8c la tête cou- verte d'un fac, monter des genoux 8c du dos dans une cheniinée étroite 8c haute de citt-
?[uante pîed§ , ne pouvoir irefpirer qu'au ommet périlleqx ; redefccndre comme il eft monté , au rifque dç k rompre le col , pour peu que la vétullé du plâtre forme un yuide fous fon frêle .point-d'appui ; 8c la bouche remplie de fuie , l^touftant prefque , les paupières chargées, vous demander cin^ fils , pour prix de fon dânget 8? dé fc;s pei- pest C^ ainE que fe cangionpent toutes le&
54* T A B L ï A tr
ks cheminées de Paris ; & des régifEson tf ont enrégimenté ces petits maHieureiix , que pour gagner encore fur leur médiocre fakire.. Puiflènt ces ineptes & barbares entrepre- neurs (è ruiner de fond en comble , ainfï <pie tous ceux quî ont foUicité des privilèges^ exchijîfs !
Ces Allobroges de tout fexe & de tout âge ne fe bornent pas à être commiflion- naires ou ramonneurs. Les uns portent une vielle entre leurs bras , & l'accompagnent d'une voix na(ale. D'iautres ont une boîte à marmotte pour tout tréfor. Ceux- ci pro- mènent la lanterne magique fiu: leur dos ^ & l'annoncent le foir au moyen d'une orgue Doâume y dont les fons deviennent phis agi éables St plus touchant parmi le filence oc les ténèbres. Les femmes étabnt leur étonnante fécondité fous le mafque de la lai- deur , vous montrent des enfants , & dans leur hotte , & pendus k leurs mamelles , & fous leurs bras , fans compter ceux qu'elles chaflènt devant elles ; le tout pour attirer les aun^ncs : dégoûtantes , maigres , noires, & paroîffànt âgées , elles font toujours groflès. 9 pleine ceinture.
Les vielleufès des Boulevards portent fut «ne gorge fouillée un large cordon bleu y qui quelquefois a fervi à une majeflé. Ce cordon déchu leur fèrt de baridoulfcre,. Aihfi les marques de dignité périflcnt oui ret<^ijC^
.Aeat à liuyc yàiuUfi exiiploi
SE Paris. 349
Maïs fortons des Boulevards , oîi une fou-» îe de travaillettTs rient , comme l'a dit un poëte ,
Di cette hetle route à grande coups de maffut i En caillou» incruftés parqueter VétenduSm
CHAPITRE CCCXIX.
Enfants devant leur perc^
4\ien n'étonne plus un étranger que la ma- nière lefte & peu refpeâueufe avec laquelle un fils parle ici a Ton père. Il le plaifante , le raille , fe permet d^ propos indécents (ùic f âge de l^uteur de Tes jours ; & le père a la molle complaifance d'en rire le premier : la grand'-mere applaudit aux prétendues genr ulleiBès de fon petit-fils*
On ne (àuroît diftinguer le père de jà- miHe dans ion propre logis : on le cherche ; il eft dans un coin , caufknt avec le plus humble & le plus modefte de ta fociëté. S'il ouvre la bouche , fon gendre le contredit , fes enfants lui dtfent qu'il radote ; & le bon homme, qui auroit envie quelquefois de (k ficher , ne l'ofè pas devant ùl femme. Elle femble approuver le» impertineticea de (è& enfants.. "
Un pcre appeSe fon fik Mon^air^ w \^
550 Tableau
tutoie point , & le petit bourgeois à l'inibe-- Hté d'imiter en ce point le grand fèigneur»
Ce (jngulier & déplorable abus vient, de la coutume de Paris. Elle a ôté aux hçm- mes ce que le droit Romaia leur attribuoic : les femmes , en vertu dé la loi , deviennent prefque maitredès* La fource de tout le mal, fi l'on y prend garde , eft donc dans nos loix civiles , oc dans notre coutume qui accorde trop aux femmes.
Qu'un homme fe marie , qu'il perde fbn cpoufe , le voilk ruiné : les enfants viendront demander le bien de leur merç , pourfiiî- vrontleur père en juftice,le réduiront kla mendicité. Les loix confàcreront ks indignés pour&ites des enfants, & perfonne ne trou- vera extraordinaire ce mépris de l'autorité paternelle. Comment a-t-on pu annuUerà ce point le pouvoir du chef de la famille ?
Souvent donc la vie d'un bourgeois fè paflè k être tyrannîfé par fa femme, dédai- gné par fes filles , bafoué par fon fils , défo^ béi par fes domeftiques , nul dans fa niaifon , il eft un modèle de patience ftoïque , ou d'iib. fenfibilité.
V t
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B £ P A K I S. 3^1
V
CHAPITRE CCCXX. De la Langue du Monde.
Juia langue du monde eftla langue des corn-' pliments \ mais on y oublie celle qui expri- me quelque fentimcnt. Les mots y font bien, on les prodigue même \ mais ils n'ont point de fens. On parle enfin comme on s'habil- le , avec un certain luxe agréable, mais vuide & fuperflu.
Les indifférents s'épuifent tellement en pro- tellations , en aflùrances de fervices , que l'a- mi fe trouve réduit a ne dire qu'un mot , pour n'être pas confondu avec eux.
Le monde polit plus qu'il n'inllruit. Il ne faut point être dans fon tourbillon , pour bien le connoître & fur - tout pour l'apprécier. Voulez - vous être fpeâateur ? Placez - voiB à une certaine diftance. Ceft ainC que, pour bien voir la marche d'un régiment , il ne faut point porter le fufil, mais être fur la li- gne où il défile.
Dans le monde il n'y a que deux claflcs d'hommes. Les uns fongent à leurs affaires , & les autres k leurs plaifîrs : les uns fe tuent à travailler , les autres à jouir.
Les gens du monde, quand ils voient
3^1 T À B L E A ir
qu'ils ne peuvent avoir de Pefprit , tëmoi* gnent hautement que c'eft par leur propre choix qu'ils n*en ont point.
CHAPITRE CCCXXL Ton du Monde^
J^a (bciëtc \ Paris a fes loix partiailteres* ^ indépendantes de toute autre , & qui con- tribuent à l'agrément de tous ceux -qui la compofent. La fageflç & la vertu font ret peâahles ; mais elles ne fuffiTent' pas tou* }ours pour anéantir certains défauts deftruc- teurs de la noble & décente familiarité qii doit régner entre les honnêtes gens.
Quelquefois on pouflè fon avis trcç loin , & d'autant pkis à tort que l'on a raîfon. Quoiqu'on ait droit de dédaigner , on dé- daigne avec trop d'appareil On veut fiib- juguer l'opinion de fon voîfin , parce qu'on cfFremplî de fon idée ^ & comme l'homme vertueux néglige ees petits devoirs , d'autant plus que fa confcience ne lui en fait aucun reproche & qu'il fonde fa conduite fîir les
Srands principes qui dirigent fa vie , il "eft on d'inftituei: ces règles fines & fixes , qui ^ comme des entraves falutaircs , arrêtent le bond xxQiç impétueux de la vanité & de roi-» gueil xuéme légitime»
DE Paris. 353
Aînfi Pair , le ton , le gcfte , Taccent , le regard font aflèrvîs à des ufages que l'on dottrefped^r, & ces formalités reçues eîi-' richiflènt le plaifir d'être enfemble au lieu de le détruire.
On a fort bien dit , que Thomme fenfible eft toujours un homme poli. On peut être* gauche , marcher mal , s'aflèoir mal , fe moucher de travers ^ renverfer des fieges-, danfer comme un philofophe , & bleflèr mê^ne le petit chien ; mais la bonté ;du cœur, faffabilité naturelle fc diftingucront toujours à travers l'ignorance du coftume & des coutumes : & c'eft cette affabilité qui conftitue par-tout 8c même à Paris la vraie poKteflè.
Mais on s'îmagîne en même temps que ce don de plaire peut tout remplacer. On ne craint plus de rougir, pourvu que les manières n'aient rien que de gracieux ^ l'et prit, rien que d'ingénieux ^ les raîfonnements , rien que de captieux. Sous un certain man- que de lûenféance on juflifie en d'autres termes Part de ramper & de s'enrichir bàC- fement : on donne ^ plufieurs fortes d'avi- liflcment des noms pompeux : on appclle- roit volontiers fervir l'état, la fervkude au- près des grands ; & bientôt on voudra nous perfuader que le métier cupide de courtifart eft le métier le plus glorieux.
Déjà même on fait entendre qu'il eft une
354 Tableau
fourberie néceflaîre \ qu'un hotinéte hom* me n'eft bon k rien ^ que la probité eft une nuance de bétîfe ; & que dans un fiede corrompu , il n'y a que For qui puiflè dé- doiïimager de Tablènce des vertus* Enfin on commence à faire entendra. •• Mais )entt dois pas tout dire.
CHAPITRE CCCXXII. . Ton d'un grand Monde.' .
JL/ans le grand monde , on ne rencomre point de caraâeres outrés. I^es ridicules y ibnt adoucis ^ & les préjugés , quoique fuo* fiftants 9 femblent fe difliper pouc tout le temps que Ton eft enfemble.
Une noble familiarité y déguife avec adreflè l'amour-propre , & Thômme de ro- be , l'évêque, le militaire, le financier, Phom- me de cour femblent avoir pris quelque cho- fe les uns des autres : il n'y a que des nuan- ces , Se jamais de couleur dominante. On diftinguc les profeffions , mais elles font fon- dues & ne fe montrent point pppofèes.
Ceft là que la fociéte eft par excellence un véritable concert. Les inftruments font d'accord ; les diflbnnances y font exceflîve- ment rares , & le ton général rétablit bien- tôt l'harmonie*
B E Paris. 35 <;
La confiance , l'amitié n'y régnent pas; les épanchements- de cœur y font étrangers: mais au défaut du charme de la cordialité, on y rencontre un certain échange d'idées & de petits fervices qui rapprochent la ma* niere de voir & de fendr , & qui mettent les hommes à l'uniflbn : avantage remar- quable dans une fociété où les prétentions font extrêmes , & où l'orgueil eft terrible , dès qu'il n'cfl: plus voilé.
Ce font les idées qui foutiennent Teforit ; Se pour avoir des idées , il faut avoir 40èm- blé pluGeurs faits. L'efprit naturel ne fuffi- roit pas aujourd'hui , parce qu'il faut être inftruit , & traiter fouvent des grands objets fur le ton de l'agrément 8c de la légèreté.
Plufieurs femmes ayant perfedionné leur efprit par le commerce des hommes éclai- rés 9 réunifient en elles les avantages des deux foxes y valent mieux à la lettre que les hommes célèbres dont elles ont empmnté une partie des connoiflànces qui les diftin- guent. Ce n'eft point un favoir pédantet que y capable de décrédîter toute connoiC»- fance ; c'eft une manière propre d'ofer pen^ fer & parler jufte , fondé for-tout fur l'étude des hommes.
Molière , qui dans (es Femmes favantes ^ en voulant frapper la pédanterie , a frappé le defir de s'inwruire , Molière regretterait d'avoir retardé les progrès des coimoiflànces^
35($ Tableau
s'il voyoît aujourd'hui les femmes qnî or- nciit oc parent la raifon des grâces du fcn- timent.
En général , à Parts , les femmes qui ont de rcfprît , en ont p!us que les honuiies les plus fpiritucls; m^is c^s femmes-là ne fe ren- contrent que dans le grand monde.
Uulàge du monde dépend beaucoup de Fhabîtude : Thabitude feule vous fait difcer* lier au premier coup-d'œîl mille convenances que toutes les belles leçons du (avoîr-vîvie ne^eous apprendront pas; le fbt même par l'habitude a beaucoup d'avantage iùr Fhcùn- me d'efprît. Celui-ci paroîtra décontenancé^ lorfque Fautre fera sur de fon gefte ^ de (ba accent , de fes expreffions : û ûlîGtsl avec jufteâè & précifion tout ce qui forme le commerce de la focîété..
Lorfqué M» de Voltaire eft venu k Pans en 1778, les hommes du ^and monde ^ experts &r ces matières , ont remarqué qu'a*
frès une fi longue abfence de la capitale, écrivain renommé avoit perdu ce pcMnf jufte qui détermine Fempreflèment ou la retenue , l'enjouement ou la réflexion , le filence ou la parole , la louange ou le ba- dinage. Il n'étoit pins d'accord , il montoit trop haut , ou defeendoit trop bas ; H avbit d'ailleurs une éternelle dcmangeaifon de paroître ingénieux. A chaque phrafe on voyoit Feffort , & cet effort dégénéroit en manie.
DE Paris. 3*57
Quelques hommes dans le grand monde (b mettent, à J'ombre de leurs dignités, pour cacher leur infijffiûncei ils fe dérobent det- rîere leurs titres. Il n'y a point de lieu néan- moins^ où il foit plus aifë de fe faire par- donner la nullité d'efprît ; tant les formes , les manières , le ton ÔC la langue qu'on y a adoptés font venus au fecours de ceux qui ont le malheur d'en manquer.
CHAPITRE CCCXXIIL
' ■ ■ Sets UJagcs abolis^ . .
e n'efl: plus que chez le petit bourgeois que Ton emploie ces cércmonies faftidîe^n Tes , & ces façons inutiles & éternelles qu'il prend encore pour. des civilités^ & qiii fa- tiguent à l'excès les gens qui ont l'ul^e du monde. •
On ne vous fait plus mille excufes de vous avoir donné un fi mauvais repas ; on ne vous preflè plus de boire ; on ne tour- mente plus fes convives pour leur prouver qu*on fait recevoir fon monde; on ne vous prie plus de chanter ; on a renoncé à ces ufages ridicules 9 fi familiers à nos ancêtres ^ liialheurcux profélytes d'une coutume gê- nante 8c contrariante qu'ils appelloi^ent iwru^ nëtetL
3^8 Tableau
La table étoit pour eux une atene, où les afliettes renvoyées faifoient &ns ceflè le tour , jufqu'à ce que , venant ^ le ren- contrer dans un choc impétueux , elles (c brifoient fous les mains civiles qui s'effi>r« çoient de les paflèr à leurs voifins. Pas ua moment de repos; on fe bataillott avant le repas & pendant le repas avec une opiniâtreté pédantefque , & les experts ea cérémonies applaudmbient à ces puériles combats.
Les demoifelles , droites, filencieufès^' immobiles , corfëes , bufquées , les yeux éter* nellement baiiles , ne touchoient à rien fîir leurs afliettes; 8c plus on les prefloit dç manger , plus elles comptoient donner une preuve authentique de tempérance 8c de modeftie en ne mangeant pas.
Au deflèn elles étoient obligées de chan^ ter ; & le grand embarras étoit de pouvoir chanter fans pleurer , & de répondre aux louanges 'qui pleuvoîent, fans regarder ceux ^ui les leur adreflbient.
Aujourd'hui les demoifelles mangent, & ne chantent plus , jouiflènt d*une liberté dé- cente, regardent autour d'elles, parlent un eu moins que leurs mères , & d'un ton plus as , & fourient feulement au lieu de rire : elles n'ont que la contrainte qui fîed à leur âge , & qui rehauflè l'innocence 4e leuss charmes.
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/
DE Paris. 3^9
La vraie civilité a banni ces imperti- nentes politefles i, fi chères à nos aïeux. Fon- dée fur le bon fens , elle n'embraflè point & ne paroit point gênée ; elle obéit aux cir« confiances, fe plie fans eâ^rt à tous les ca- raûeres , ne s^appefantit fiir rien , diflimule ce qu'il faut diflimuler , met à fon aife au- trui y & ne s'égare point, parce qu'elle fuit, non des regJes abfiirdes , mais ce que lui diâe une bienveillance raifbnnée.
Cette civilité peut mémie aujourd'hui fê paflèt d'expérience , parce qu'on n'ofïènfe prefque jamais lorfqu on ne veut pas ofFen-* ier, & fiir-tout lorfqu'on ne montre ni or- gueil ikffifànt-, ni prétemions déplacées. Ces «deux vices ne font pas détruits ; il s'en faut ; mais ils ne fe montrent que rarement dans la focîété , on bien Fon en fait juftice fur le champ; ce qui corrige & remet l'homme .impoU au ton généraJu
1 . 1
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360 Tableau
CHAPITRE CCCXXIV,
Légères Obfirvations.
JLes Parificns font fort fujets k giaflèyer.
Il y a plus, ils ne s*appcrçoîvcnt point de ce défaut dans leurs aâeurs \ & quand ceuxr ci ne font pas gratifiés de cet heureux ta« lent , ils l'acquièrent au plus ^nte , afin de plaire davantage,
- Un Parifien a une peine infinie à mouil- ?ler deux LL, & ne peut jamais ptxxioncer x»iTime îl faut, bouiÛaq, paille, VerJailUs*
Les Parifiennes font maigres , & k tnentc ans n'ont plus de gorge : elles font au dc- ièfpoir quand elles commencent à groflîr , & boivent du vinaigre pour fe confèrver la taille.
On criaille dans les focictés de province ; à Paris , on parle bas. On appelle Madame toutes les femmes, depuis la ducheflè juf- qu'k la vendeufe de bouquets \ & bientôt on n'appellera plus les demoifelles que Mada-* mc^ tant il y a de vieilles filles qui font équivoque.
L'étranger a peine à concevoir comment îl y a dans le royaume un prince & une princejfe qui n'ont pas d'autre nom que
celui
DE P A R î S. ^6t
4:elui de Mon/leur &c de Madame , lorfqiie tout le monde l'appelle ainfi; Tous les au^ très individus font donc des« ufiirpateurs de ces deux auguftes ûtres ! Un poète , fore ^mbarraffî du protocole, amis à la fin d'une cpître dédicatoire : Je fuis , Monfiigneur ^ Ae Monfieur^tc très-^mmbît ^ &c.
On donne le nom de demoiJèUe à toutes les filles ^u'ontie tutoie pas. Les demoirelles commencent k aller dans le monde (ans .leur mère.
L'art & le goût pardiflènt plutôt dans le ,rdéshabillé que dans la grande parure.
Les hommes à Paris coiùmencent à fe faner k quarante ans.
Tout fe prend k crédit , (ans quoi le marchand ne vendroit pas. Il aime mieux s'expofèr à quelques pertes , que de ne pas vuider fon magaCn ; il vend un peu plus ther, & paflè en compte tout ce qu'il a perdu.
On n'eft point humilié à Paris par un Monfieur V Intendant , par fon fubdélégué ^
Ear le gouverneur , par le commandant de i province, &c. On ne rencontre point Monfieur le préfid^nt , Monfieur le procu- reur du roi a la mine rogue & fiere; les hommes y font plus égaux qu'ailleurs.
Quatre hommes (ont toujours en fimar^ re,mais on ne les rencontre nulle part^ le
36^ Tableau
chancelier y le premier préfidcnt, le Keuje- Dant .civil , ôcle lieutenant -crimineL
Quand on fe rencontre Êice4 face avec on prince du lang , on le 4'6garde fixement (ans le faluer , Se on lui fait ^^hce par poii- ;eilè :.f 'eft un plus grand feigneur que les feigneurs ordinaires ^ voiËi tout. Il n'eft pas fachc qu'on le regarde ^ cela veut dire cproo le connoît.
Les événements les plus ^xtraocditiaires n'occupent la capiule que pendant huit jours. Les gens à talents, qui abondent , ne font fêtés que dans un moment d*ef&rvefcence^ k lendemain on paflè k un autre heureuxj qui met à profit Téclair de cet enthoufiaG- nie. Et quel eft le ibpréme talent ) Celui d'amufer.
Quiconque a un Sinjfe , refufe le paiement à qui bon lui (ènibie li on publie avec often- tation que Ton ell miné.
Il y a des amîs de table qui enlèvent leuw - promeflès avec la nappe ; quand ils vous ont régalé , ils le croient difpenfés d'acquit- ler leurs paroles.
Lesfcmmes ne tiennent plus en main^ ni l'aiguille a coudre , ni l'aiguille a tricoter ; elles font du filet , ou brodent au tambour. Tout l'argent des provinces reflué dans la capitale, & prefquc tout l'argent de la capitale paflè par les mains des courtilannes. ^es jolies feiiomes s'aflocient à quek^es
DE P A K l S. 363
perfonnes laides, afin qu'elles leur fer vent d'ombre.
Les meubles font devenus le plus grand objet du luxe ou de dépenfe : tous les lix ans on change fon ameublement pour fe pro- curer tout ce que l'élégance du jour a ima- gine de plus beau. U faut que les lits foient uiperbes, que tous les appartements foienc boifés avec un vernis précieux y & des ba- guettes ^n or ; & le Ihxc eft venu pour îmî* ter les colonnes de marbre à s'y méprendre.
On foule des tapis de trente mille livres y dont l'afage n'étoit autrefois que pour le mar^ che-pied des autels*
On ne voit plus de poutres dans les maî- fons; ce feroit une indécence af&eufe. Tous les appartements font percés pour le conduit des fonnettes ; c'eft une fcience à part. Telle femme Tonne quand fon mouchoir eft tom- bé 9 afin qu'on le ramafle.
Un fallon n'eu pas habitable s'il n'a fèîze ou vingt pieds de hauteur : les bourgeois font mieux logés quexi'étoient les monacques , il y a deux cents ans. Il n'y a plus de tabow* r£ts que chez le roi & la reine ^ les metteurs- en-œuvre & les cordonniers.*
Le laquais d'un feigneur porte la montre d'or cifelée , des dentelles , des boucles à bril- lants, & entretient une petite marchande démodes.
Que de gens ne narrent fi facilement^
3^4 T A -B L E A U
- qne parce qu'ils dTfent fans peine ce qui ne •leur coûte rien- à penfer !
Je croîs que^ IHnventaire de notre mobi- lier ctonneroit fon un ancien s^il levenoit au monde. La langue des huifliers<prifeurs , > qui favent le nom de cette foule immenfe de fuperfluités , eft une lapgue très-détâill^ , wès-riche, & très-inconnue au pauvre. Les femmes ne fe mêlent plus dtt mé* " nage , k moins qu'elles ne foient femmes d'artifans.
L'honneur d'une fille cft à elle^ elle y re- garde à deux fois : Thônneur d'une feipme eft k fon mari^ elle y regarde moins.
•Le ton du fiecle a fort abrégé les céré^ monies, & il n'y a plus guère qu'un provin- cial qui foît un homme cérémonieux.
De toutes les couwmes antiques & tri- viales , celle de fàluer lorfqu'on étemue eft la feule qui fubfifte encore de nos jours.
On ofe pre(que fe vanter d'avoir un bon eftomac , ce qu'on n'auroît pas ofé faire il y a vingt ans. Les laquais ne s'en vont plus ' au deflert , & reftent julqu'à la fin du repas. "On ne falonge plus , il eft plus court; & ' cen'eft plus à taHeque Ton difcourt en li- berté , ni que Fon fait des contes amu-i "' iàtîts.
Le public prononce deux fentences : la ' première eft précipitée & précède l'examen^ "la féconde ne vient cpit quelque temps après ;
DE Paris. 355
nuis celle-là. eft niociyée y & ordinairement il n'y a plus d'appel.
Je ne confeille pas à l'honnête homme qui n'a point de laquais , d'aller diner dans une grande nxaifon. Là on ne boit qu'à la. difcrétion des domeftiques. A votre modefte commandement , ils feront une pirouette {iir le talon , & courront au huSét chercher à boire pour un autre. Bientôt la fécherefl^ du gofier vous empêchera d'élever la voix : on n'interprêter^a pas mieux vos. regards ftip- pliantsque vos demandes. Vous (eotkez le feu prendre à votre pal^iis 5 -& vous ne pour- reitplus goûter aucun des mets qui feront fur la taUe. Il fau4ra>atten4re la fin du re- pas pour vous- humeâer enfin d'uir grand verre d'eau. Cette méthode a été imaginée pour donner une forte d'excluiion aux per* fbnnes qui n'ont pas de domeftiques. Ceft ainfî que lès riches préfefvent leur table d'une trc^ grande affiùence. r
La plupart des femmes ne commencent àr dîner qu^ Péntre-mets^
Etre malade à Paris eft un état ; lès fenh* mes le choifîflènt 4^ préférence ^ comme le- plus întéreflant.
L'air de cour eft Jàvôîr, comme les gens dé lettres, une épaule plus élevée que l'autre.
Les hommes portéht maintenant un très^ gros diamant.au col , ôc n'en ont plus à leus montra^
Q3
366 T A. B L E A tf
Il n'y a qu'un homtne abfolument dé- laifle qui doive paflèr tout Tété à Paris. Il eft du bon ton de dire fur le Pont - Royal : JT abhorre la vitte , je vis à là campagne.
Il n'y a plus cThommes ruftkpies \ maïs le fat m encore commun.
Les femmes du rang le plus dîftingué trichent quelquefois au ]eu arec une tran-
Juille audace : elles ont en même temjfl e&ontene de dire ^ celui dont elles ont placé Targent iîir une- carte qui gagne , qu'elles n'ont pas. mis. Comme cela arrive au jeu des princes , on ne peut fe yenget d'elles qu'en publiant le &it le lendemain dans tout Paris. EUes font femblant d'igno- rer le bruit qui court.
Lt ton des femmes de qualité eft devenu extrêmement fier , tandis que le ton des feigneurs eft honnête.
Les. Parifiennes achètent quatre ajufte- Xiients contre une chemife. On a de la toite en province , & des blondes dans la capitale.
Un ouvrage en plufieurs tomes n'eft ja- mais lu à Paris que quand la province Sc l'étranger ont décidé Ion mérite.
Il n'y a rien de fi rare que de trouver parmi nos moines un vifage de pénilent; & les jeunes gens ont un air pâle & livide, qui ne vient pas toujours de la débauche, mais du peu d'exercice.
Nos penfces deviennent fi fubtiles, quVHes
ir E- Paris. 3^7
/exhalent de'nianîere qu'il ne reflerien: la chymie eft la fcience que Ton étudie le plus.
Tel Journalîfte eft quelquefois, coirfor- mément à fes^ intérêts difKrents , le plus vil des flatteurs.^ &^le plus infolenrdes critiques.
Les grands en général ont aujourd'hui Fefprit ai^ vulgaire que le peuple même : ils dédaignent comme lui ce qu'ils ne fen^ tent pas, & ne s'occupent que de rapports puériles & miferables.-
II eft inipoflible à Paris d'avoir ji^ice d'un grand : il obtient fur le champ un arrêt du conièil , & toute inftruâion ceflèv
Un traitant ayant lu fur une colonne Paf^ fiche d'un livre qui portcât^ur tîtrd : Traité de Famc^ demanda- quel pounoit être ce traité , le feul auquel il ne fut point intéreffê ; le feul dont il ne ccmnût point la nature ni le produit. •
Oh appelloît autrefois lés évêques révf' rends ^ révérendiffimes ; aujourd'hui on les appelle Monjeigneur , & perfonne nelcut refufe ce titre , quoiqu'on (burie un peu tout bas en le leur appliquant. Rien de plus cu-^ rieux que de voir deux évêques fe monfci" gncurifcr avec une gravité foutenue.
Les princeflès , les ducheflès font d'un caraâere plus uni, plus -rond, plus facile , que les marquifes , les comteflès , & autres femmes de qualité , en général ailèz im« pertinentes :
Q4
^^8 Tableau
JUmptr avec bsjftffé t» afiSant P audace^ S^engraijer de rëp'au m ûU^féMt l€s /•/« » Etouffer en feentfêm ëmi ft/ûn embraft^ Voilà Phonmeur ^i reggê à /r fuite des wùU^
Os vers de Voitake font pai connus^ & méritent de Fêtre.
Ceft en province que Ton a&âe de prendre les manières & le ton de Paris; mais celui-cî eft aifé , facile , (ans gâne ; & celui qu^on affeâe aHleurs eft lourd , pefiuic ^ uniforme.
Cléon appelle Damis fon ami : c'eft uo Iioimne dont il a fait la connoiHànce il y a vingt - quatre heures ; auili quelqu'un di- ibit : ]'ai fait cette année trou cents foixan* tç- quatre amis. Il étoit au trente -un Dé» cembre»
Toutes les villes du royaume s'inquiètent de Paris autant par jaloufîe que par curio- fitë. Paris ne s'ènibarraflè d'aucune ville da
tlobe ^ & ne fonge qu'à ce qui fe paflè dans m fein , & à ce qui fe fait à Verfailles. On entend parler de Lyen , de Bordeaux^^ de Marfeilles , de Naiites ; on croit à l'opiK lence de ces villes , mais point à leurs amu^ fements, à leurs plaifîrs, encore moin» à leur goût. Le titre d'académicien de province eft un titre qui feît rire \ & tel verulicateur qui ne fréquente que les cafés ^hauflera les ëpau* les au nom d\jn homme de mérite qui lui .paroîtra ridicule , uniquement parce qu'il éait en province.
1> £ P A^ Bi l:3l .
Bariis vent être le centre unique des arts, âès idées , des fentiments , & des ouvrages de littérature ; 8c cependant il n'eft plus, permis qu'aux fpts auteurs d'imprimer en France.
La plupart des opulents Parifiens , enfon- cés dans leur fallon & iè mirarit dans leurs glaces , ne communiquent point avec le fir- mament, ni avec le ciel étoile. Ils regar- dait le foleil lans reconnoiflàiîce ,fans al- miration , & à peu près comme le laquais qui les éclaire»
G HA P I T R E CCCXXV.
Pain de Pommts de terre. ■.
.^tjtcntlf à Paltment des pauvres , dont le nombre doit effrayer , je ne paflèrai pas foi* filence la méthode; d*un ami de rhurrianîtë , qui , tandis que tant d'àuttes artifans du luxe travaillent pour la table des riches ^ a fongé à, celle des indigents.
Grâces foient rendues, k M. Parmentierî Qu'importe que fa méthode ne foit pas nou- velle, quelle foitufitée'aiUeurs? Il aous fa ait connoitre \ nous qui et) avions, hefoin. H a fait des expériences pour la panïfica'- ûtîujdcs .gommes de tçrre \ & fi le fuccès y
Q5v
.370 T A B I E A U
comme il s'en flatte , parvenok à^ (kbftîtuer en partie ce végétal d'une cukure facile & aflùrée , au froment que les travaux & les fiieiirs de l'homme paient fi cfaer^ ce phy* licien auroit fait une découverte infiniment utile , 8c donné un préfent inappréciable k la ioombreufe claflè des néceflîteux. *
C'eft à Park fur-4:out que Ton (êntiroit de €fàc\ prix feroit la reflburce d'une racine qui , (b* développant avec sûreté & bravant les ac- cidents qui. ravagent les meiflons , devien* droit un remède à la difette accidenteUe àxL bled , & aux horreurs du monopole encore plus funefle«
La fubfiftance du peuple , pour qui mon ccpur s'iiitéreflè. fpéçîalement , ne feroit pks livrée à la dîfpontion des éléments & k la fpéculatîpn de l'avarice. La pommt de terre qui ne craint ni les gelées , ni les grêles , ni les orages , ni les vents , ni la pluie , s'offte également dans tous les terreins , pour Ce convertir en pain nourriflànt & favoureux.
Puifle la manipulation en devenir auffi aîïte que la culture ! Cette fubftance fari- neufè , qui fè propage fans peine & fans tSon au deflùs de la furface du fol , l'em-
?ortera fur le bled , qui fi fouvent trompe attente de l'homme , & échappe enfuite aux n^ains qui l'ont fait croître , pour fèrvif d'objet' de coninierce à la cupidité la plu& înçurtriere»
jy E P A R I s. 37r
jTattends donc avec empreflèment le fuc- CCS d'une méthode qui , finiplifiée & rendue générale , donnera une perfedion nouvelle à la panification de ces précieufes racines;' Ma reconnoilîànce particulière éclatera en- vers ce nouveau Triptoleme , qui aura mi^ la fubfiftance de la multitude à l'abri de Tar- dent monopoleur , & j'annoncerai tous les' avantages quc^ j'apperçois dans une décou-* verte que Pigncwrance & hr frivolité- ont dé- daignée avec cette hauteur dénigrante qur* caradérifè le fiecle ou j'écris-
Pour moi , je la regarde comme devanr avoir la plus grande influence for l'homme, » fur fa liberté & fur^ fon bonheur. Je fuis', fur cet article, del'avis de-Mi* Linguet, (r éloquent quand il z raifon % je penfe' ^ com-' me lui , que le bled qui nourrit Thonlme , a été en même temps fon bourreau ^ je croir qae la chymie , la plus utile des fcîences , pourroit nous donner un pain moins chère- ment acheté , moins a ia dîfpofition dcsî^^ grands propriétaires , dé ces tyrans de la < ïociété, îefquels protègent toujours les avides calculateurs , parce qu'Ss partagent avec eux. .
L'expérience a prouvé qu'il étoit- poflible de fabriquer un panr d'une autre fubftance que de fleur de froment : c'eft déjà un grand £oînt. Eh ! qui pourroit demeurer îndifterent %si une pareille découverte , & ne pas voir
372^ Tableau
les avantages immenfes qui en réfulteroîénfr pour la félicité publique ?
Depuis la première impreffion de cet ar- ticle , on a ^ait du bifcuit de pommes de- terre : mais on a encore mieux fait ^ on a converti la patate en pain .& en bifcuit. Quel trélbr pour les colonies affligées par CCS violentes convulfions de la nature , par ces ouragans qui détruisent toute récolte ^ & expofêes d'ailleurs aux ravages de laguene & aux cruels hafards de FOcéan !
Le bifcuit de pommes de terre Femporte £ir le bifcuit de froment ; mak le pain de patate a beaucoup d'avantages (ùr la pom- me de terre , en ce que la patate eft plus, farineufè , moins aqueufe , Se qu'elle con- tient fur -tout un principe fucré & nutritif qui la rend plus propre à être convertie ea pain , & à s'aflimiler à notre fubftance.
Je ne fais fi je me trompe dans mes vœux ardents , mais je penfc que la^chymie pourra tirer un jour de tous les corps u» principe nourriflànt , & qu'il fera alors auffi facile à lliomme de pourvoir à fa fubfiftan- ce , que de puilèr l'eau dans les bcs & les fontaines.
Et que devîendroîent tous ces combats de l'orgueil , de l'ambition , de l'avarice ^ toutes ces cruelles înftitutîons des grande empires ? Une no'Trîture aifee , facile y abondante ^ à la difpofitiou de llionHne ^
D E P A Bi I s. 373
feroît le gage de • fà tranquillité. & de fes vertus. Nos malheureux fyftêmes politiques fèroîent tous renverfés. Travaillez , travail kz , bons chymifies t
CHAPITRE CCCXXVL
Aumônes^
vJrn faifoît , dans le fauxbourg Saint-Ger^ main , une collede pour de pauvres mat- heureux qui avoient été incendiés. Ceux qui recueîlloîent les aumônes , entrèrent chez un particulier qu!on fa voit fort riche : illes reçut au mois de Décembre , dans une chambre froide ; & tandis qu'ils délioient les cordons de leur bourfe , le maître grondoit fort fâ fervante de ce qu'elle avoit employé une allumette entière pour allumer un fagot qi» attcndoit la flamme , lui montrant dans un recoin de la cheminée des allumettes à demi- biûlées , & réfervées pour cet ufage.
Les coUedeurs n^àuguroient pas trop bien de la libéralité du maître qui faifoit une telle femonce , lorfque celui-ci courant a une ar-^ moire fecrete , en tira une fomme telle qu'on n'en donne guère en fait d'aumônes. Les coUeâeurs ne purent s'empêcher de lui mar- quer leur furprilè , ftir-tout après les paroles
ïï
374 T'A B-L E ArJÎ'
*ju*ils *venoîënt dVntendre*- MtJJkurs ^ leur dit Phonime bienfaifant , apprcuG^ que cUft par de telles épargnes que je me mets en état de faire de fortes charkés aux pauvres (i); Les aumônes qui fe font à Paris font abon* dântes ; que Dieu , auteur de tout bien , ett (bit loué ! Ces âmes charitables font plus ppqr Tordre & la tranquillité publique , qu» toutes les loix (ëveres Se réprimantes de la police. Sans ces bienfaiteurs , le frein politi- ue feroit brifé à chaque iniîant par la rag^ le dëfefpoif. Sî^la niaffè deis- calamités
rniculieres eft diminuée, nous- Ir devons une foule d'à mes céleftes qui Hfe cachent pour faire le bien. Le vice , la folie & Por*- gueil fe montrent en- triomphe : la tendre commifération , la - générofité , la vertu fé déroben^ à Toeil du vulgaire , pDur fervir rhumanité en filence , fans fafte & fans oD tentation , fetisfaites du regard de PEter- îiel (i),
(i) Cette aneèdote pourroit fort bien être jéngloife^*- mais on m'a certifié qu'elle s'éteit rc* nouvelle à Paris, Rien de meilleur que Tcxem- ple pour la propagation du bien.
(2) Citons le médecin Bxayer, Chaque premies jour du mois il portoit en cachette à fon curé , pour les pauvres honteux de fa paroifle , un fac oc mille francs ; pendant qtiinze années confécu- tives il fit le même voyage : fomme totale , cent <piatrc-vint mille livres. Faire le bien, c'eft déj^ bcaucoap ; mcûs h confiance dans- le bien l
B E P A K.' 1: S. 375
Sans Paâive chanté qui multiplié les re« hiedes y qui va poner les fécours dans les greniers , qui furprend le malheuseux fur foti grabat , qui le confole , le fortifie , & lui ap« prend qu il n'eft pas oublié dans fon infor- tune folitaire , on trouveroît chaque jour des hommes expirés de faim : le fommet dés maifons regorgeroit de cadavres ; les crimes (broient cent fois plus communs. La plus gfandepartfe dik repos de la ville efl due .à des cœurs fenfibles , qui ^ tandis que les or- donnances punirent les délits, s'occupent k les prévenir , & fervent l'état & les rois , en (bulageant la douleur & en appaifant la plainte & le murmure. Ces hommes rares doivent être précieux à Tadminifiratiôn , qui perdroit peut-être fa force coadive , sMls in- terrompoient le cours de leurs bienfaits. Ho- norons Jes , rendons-leur tout le refpeâ qu'ils méritent. O» ne difoute point le mépris ou ïindignatîon à un fcélérat vil ou cruel : pour- quoi refufer l'ellime Se la gloire aux bonnes & grandes aâioiis ? Pourquoi vouloir anéan- tir & contefter k l'homme la bonté natu- relle ? Ce ne fera pas en la niant , que l'on entretiendra cette vertu innée. Les fophiftes ne pourront rien contre rexpérîcnce. La cruauté dans l'homme efl: une vraie nialadie. Celui qui compte pour rien les autres , eft un être mal orgaiiifé \ Se j'aîme à croire
Iju'il eft peu coniiuuu. La méchanceté ndSt
37^ Tableau
d'une contradiction violente & la cbmpaf- fion eft une chofe ordinaire. . Si nous aimons notre intérêt , nous chériflbns (buvant auffi Fintérét de nos feni^lable» , c'eft même une pafCon dans la jeuneflè ; preuve que la na- tuxe nous a créés plutôt bons que méchants». On comptera plus.d'aâions généreufès de la.
Crt d'un brigand , que d'aâes de dureté de- part d'un homme vertueux.
Les âmes fenfibles voient avec attendrie Cernent que les aâes d'humanité fe multi* plient de nos jouis ; qull ne faut qu'annon- cer un dcfaftre , un accident , pour éveiller la comprflion 8c la charité ; que les bien— fiiits s'efforcent k combler Tabyme de la. mifere. Il eft piofùnd, mais il n'eft.pas in-- tariflàble.
Le Journal de Paris eft devenu Je héraut- des calamités partiailières , & le véhicidt des pfompts fecoiirs donnés aux infortunés. • Aucune plainte Jufqu'ici n'a été dédaignée. Cex emploi rend cette feuille infiniment pré- cieîife & refpeûable. On envie (buvent la fenâion de (qs rédaâeurs.
La naîflànce du Dauphin en 178 1 , a été d?ns la capitale & dans les provinces , le. fignal d'une foule d'adions généreufes & pa-^ triotiques ; on a délivré des prifonniers , on a doté des filles ; on a adopté des orphelin?:: le bien fe fait donc au milieu de tant de lé- gèreté & d'inconféquence « & la bîen&ifance:
DE Pari s. 377
xeéne parmi la diflblution des mœurs vc'efl qu on a fenti que la bonté de l'ame ëtoit la vertu première , qi^ le plaifir d'obliger avoit quelque chofe de célefte & de divin , que le grand crime & le feul peut-être ëtoît la dureté de cœur , que fa varice enfin de voit être conGdérée comme le vice le plus mé- prifable & le plus funefte.
Nul homme n'èfl diipenfe de faire le bien \ le plus pauvre doit encore payer (on tribut à Tinfortunë : un rien lui rend quel* quefois la vie ; ce n'eft point toujours de la monnoie qu'il faut , ce font des foins , des avis , une vifite., une fimple démarche , un ptacet préfenté. k propos.
Que les écrivains fidèles à leur plus noble emploi 9 nourriflènt & entretiennent donc conllamméut cette pente falutaire à la bien^ &i{ance ! DixL
CHAPITRE CCCXXVII. La Paroijfc Saînt-Sulpiçôi.
Je fuis dans une bonne veine , j'ai trouvé un filon heureux que je veux iuivre. Je ne peins les vices & le malheur , que parce que la* peinture en peut devenir le remède devant des hommes^giie ]jp ne crois pas ab^
^g TABL£Air ^
dcpravês , mab iiiatceiHÎfiB , dUEbaiH
oa trop Imcs à ieon plaifirs. On na; doDcer trop d^doges à Tordre âabliiiiBiii pnoiflê Saint-Sa^ce , pour le fiaulageniihl des paufites. Cknre les aumônes- pour l|y layettes , les mois de noairices , les é^fij] gijmka , k& apprentiilàges ^ les habiUggg mests , on a trou?è le moyen de pronyfiy dn traTail à ceux qui ibnc en état de ts^ vûller , & (Eapprendre des médenà ceo^ <fà tftn (àvoîenr point».
CeR un bel exemple propofiS anx aut» paroiflès de cette grande capitale : carf ne fbfiît pas de bpçnmer la men£dlé Jl faut y fulmîruer le tavaiL Rien de phsiv térei&nt que ce qu'on voit sTexécutec |l@ nellement fbr cette paroiflê. Si ces tanSF ttons utiles poovoîent-fe mukipKer , pu ti^ riroit avec le temps les larmes de tous tf infortunés \ on les airacheroit à ce cmel abafr don où b plupart (ont réduits , & à la néc# fité où plufieun fe trouvent de s'avilir pV des bofieflès,^ tou)oi:rs voîfmes des crimes.' Ces établiflèments n'ont point les vîefi phyGques dés hôpitaux ; & par une chariri beaucoup mieux entendue , ils préviennes! le défefpoir du pauvre., l'oifiveté de Tet ùiïïce , les infimiités de la vieiileflè. ■
Nous ofons offrir ce bel ordre d'àdminîl tration , comme le plus propre k fervîr nw manîté fans la dégrader, à la. conduire ili:
j> E Paris. 379
h révoktr, & à la diriger avec douceur vers Fhonnéteté ^ la droiture & le travail. Le cvlte religieux devient fouverainemcnt reC- pedable y <niand le lieu où Ton invoque PE-- ternel cft le refuge des indigents , rafyle des foibles , la retraite des infirmes , & devient pour tous un temple hoIpitaEer.
CHAPITRE CCCXXVIIL
VEnfant-JcjUs.
XlLtabliflement utile , modèle d^humanîté & de (aine politique du au célèbre Languet ^ curé de Saint - Sulpice. Plus de huit cents pauvres femmes & filles y trouvent une re- traite & la nourriture , en filant du coton & du lin. Elles gagnent leur ^ie par le travail , & on leur (fonne l'infimâion \ on les éta- Uit enfuiee.
On nourrit dans une baflè-cour dès bef- tiaux qui donnent du lait k plus de deux mille enfents de la paroiflè de Saint - Sulpf- ce. On y entretient une boulangerie qui fournit par mois plus de cent mille livres de pain aux pauvres dé- fa* paroiflè. On tire parti' des volailles ^ de piufieurs. Bauges de làngliers , dont oik vend les marcafllns ^ d'une apotbicairerie où Ton fait des diftillao
jSo T A B L E A U.
lions d'un grand produit. Uordrc quiregnor dans cette maifôn eft bien fait pour fervir de modèle aux communautés religtéu(ès qû poflèdent de vafles terreins.
Cet établiflèment ^ moins pompeux qot Je bâtiment de Saint-Sulpice aux yeta de Toblervateur fenGbIe , eft cent fois préfêra- ble. L'édifice fomptueux a coûté iimnenfo- ment ^ fans un arantage réel à rbumtanité^ c'eft une. décoration j & voihxouu.X/Enfant- Jcfus , dans iès humbles murailles , renfer- me la pratique afiîdue & journalière de la première des vertus^ la^ charité. V Enfant^ Jéjîis enfin fait pardonner la magnificence inutile du vafte temple.
Ah ! qu'il m'eft agréable , fur ma route pénible ^ de rencpntrer de pareils établiflè- ments ! Mais, je ne rois de tous côtés que des monafteres ftériles , des . Sacré Cœur dt Jcfus f des Affomption i de« Capucinti^ àes Adoration perpétuelle da Saint ^Sa^ crement , des Couture Sainte - Catherine ., dçs Sainte-Agathe ou Filks dujîlcncc,àcc.. On demande à quoi bon tous ces couvents. & toutes ces religièufes , dont la plupart prient très-ferieufement pour le rétablijfe^ ment de la religion romaine en Angleterre ;,, ce dont les fiers amiraux de cette valeureu&. république ne fe doutent leulement pas».
V E Va K TL S. 3^1
Ç H A P I T R E CCCXXIX.
Bureau des Nourrices & des Rccom^
mandarejfes*
^es mcres de Paris ne nourrîflènt pas leurs enfants, & nous ofons dire qu'elles font bien. Ce n'eft point dans Pair épais & fétide de la capitale , ce n'eft point au milieu du tu- multe des af&ires , ce n'eft point au milieu de la vie trop aâive ou trop dillipée qu'on y mené , que Ton peut accomplir tous les de- voirs de la maternité. Il faut la campagne ^ il faut une vie égale & xhampctre , pour ne point fe détruire en donnant, fon lait à &s * enfants.
On voit donc arriver une grande quan» tité de nourrices qui viennent toutes of&ir leurs feins mercenaires. Il n'étoît pas facile de remédier aux nombreux abus qui réfîil- toient du trafic qui s'établillbit entre les pa* rents & la merc pauvre qui fe vendoit ; c'eft ce qu'on a fait cependant avec beaucoup -de fageflè, de prévoyance & de douceur.
Les bureaux des nourrices & recomman^
dareftès font le modèle d'une direâion-éclai*
rée,aâive, vigilante. Cet établiflèraent ne
mérite que des louanges; & le mal oue
4akt à la population une trop nomhreufe la-*
38t Tableau
ciété a ctc réparé , pour aînC dire , par fa police .: tant l'ordre modifie <:ette -étrange efpece iiumaîne , & fupplée à la nature!
On avulejardbier, c'eft-à-dîre, legoo» rernement avoir foin de fa graine , & s!bc- cuper des générations futures.
CHAPITRE CCCXXX. Les Heures du Jour^
JLies ififierentes heures du jmu: offrent tour- à-tour, au milieu d'un tourbillon bruyant & rapide ^ la tranquillité & le mouvement. Ce font des fcenes mouvantes & périodiques, fcparées par des temps à peu près égaux.
A fept heures du matin , tous les jardi- niers, paniers vuides, regagnent leurs ma- rais , aftburchés fur leurs haridelles. On ne voit guère rouler de <:arroflès. On ne ren- contre que des commis de bureaux qui (oient habillés & frifés à cette heure-la.
Sur les neuf heures on voit courir les per- ruquiers (aupoudrés des pieds à la tête ( ce qui les a fait appeller merlans ) tenant d'une main le fer à toupet , & de l'autre la perm- que. Les garçons limonnadîers , toujours en v^ile , :portent du cafë & des bavaroifès dans
DE ^ A U I -S. 383
ks chambres garnies. On voit en même temps des apprentifs écuyers , fiiivis 4'un la- quais ^qui , montés (ur îdes cheraux, -courent battre 4es Boulevards ^ & font payer quel- quefois aux paflànts leur matheureufe inex- périence.
Sur les dbc heures , une nuée noire des lùppôts de la juftîce s achemine vers le Châ- telet & vers le Palais : vous ne voyez que des rabats , des robes , des facs (i) ^ & des plai- deurs qui courent après.
A midi, tous les agents de change & les •Agioteurs fe rendent en foule à la Bourfe , & les ôififs au Palàis-Royal. Le quartier Saint- Honoré, quartier des'flnaïKiers & des hom- mes en place y eft très-battu , & le pavé n*eft tien moins que libre. Ceft Theure des 'folli- citations & des demandes de toute e^ece^ A deux heures les dîneurs en ville, coè'f- fes , poudrés , arrangés , marchant fiir la pointe du pied de peur de (àlir leurs bas blancs , fe rendent dans les quartiers les plus éloignés. Tous les fiacres roulent à cette heure , il fi'y en a plus fur la place ^ on fe les difpute , & il arrive quelquefois que deux perfonnes ouvrent en même temp^la portière , montent & fe placent. Il faut aller
(i) On dit qu'il faut porter trois facs k ce palais; fac dje papier, fac d'argent , fac depa* tiencc. 1
384. Tableau
chez le commiflàire , pour qu'il décide k qm il reftera.
A trois heures ^ on voit peu de monde dans les mes , parce que chacun dîne : c^eft un temps de calme , mais qui ne doit pas du-t rerJon^- temps.
A cinq heures & un quart ^ c*eft un ta* page affi*eux , infernal. Toutes les rues font ëmbarraflees, toutes les voitures roulent en tous fens , volent aux difterents fpeâacles ou fe i^ndent aux promenades. Les cafés b irempfiffcnt.
A Tept heures le calme recommence-:: calme profond & prefque univerfel. Tous les chevaux frappent en vain du ined le pa- vé. La ville ell filencieufe , ''fie le tumulte paroit enchaîné par unemtininvifîble.Ceft en même temps l'heure la plus dangereufè, vers le milieu de l'automne , parce que le guet n'eft pas encore k fon pofte ; & plu- ueurs violences (è font commifes à feutrée deJa nuit (i).
Le jour tombe ; & tandis que les déco- rations de Topera font en mouvement , h foule des manoravres , des charpentiers, des tailleurs de pierre regagnent «n bandes épaif-
(i)Un aflaflin « en 1769» armé d*une fronde courte, avoit dè]i, à la mi^Oâobre , tué trois hommes dans refpace de fis jours , lorfqull fut iixité.
DE Paris.' 3ÎÇ
>fes les fauxbourgs qu'ils habitent. Le plâtre de leurs fouUers blanchit le pavé ^ & on les reconnoit à leurs traces. Ils vont k coucher lorfque les marquifes & les cemteflès fe met* tent à leur toilette.
A neuf heures du (bir le hrvk recom* mence : c'eft le défilé des fpeâacles. Les mai- fons font él^ranlées par le Kmlis des voitures; mais ce bruit eft paflàger. Le beau monde fait de courtes vifitesen attendant le fouper.
Ceft l'heure audi où toutes les proftituées ^ h gorge découverte , la tête haute y le vîfage enluminé , l'œil aufli hardi que le bras , mal«
:é la lumière des boutiques & des réver-^
îres , TOUS pourfiiivent dans les boues en bas de foie & en fouliers plats : leurs propos répondent à leurs geftes. On dit que Tin-^ continence fèrt à préfervcr la chafteté ; que ces femmes vulgivagues empêchent le viol ;
3ue , fans les filles de joie , on (è feroit moins e fcrupule de (eduire & d'enlever de jeunes innocentes. Il eft vrai que le rapt & le yiol font devenus très-tares.
Quoi qu'il en foit^ ce fcandale introyable pour la province , fe paflè à la porte de 1 hon* Bête bourgeois qui a d^ filles 9 (beâatrices. de cet étrange c^rde. Il leur eft impoflible de ne pas voir & de ne pas entetrdre ce que ces femmes licencieufès fe jpermettent de dire. Et que deviendra le traite do philofophe fur la pudeur ?
Tome //• R
386 Tableau
A onze heures, nouveau fîlencè* Ccft l'heure où l'on achevé de fouper. Ceft Tlieure auiTi où les cafés renvoient les oifiâ , les défbeuvres & les rimailleurs dans leurs man- fardes* Les filles publiques qui vaguoient , n ofent plus Ce montrer que fur le bord de leurs allées , dans la crainte du guet , qui j à cette heure indue , Us rama£c. Ceft le terme ufitc.
A minuit & un quart , on entend les voir tures de ceux qui ne jouent pas & qufife re- tirent. Xa ville alors ne paroît pas défeite : le petit bourgois qui dort déjà eft réveille dans (on lit , & fa moitié ne s'en plaint pas» Plus d'un petit FarKien doit (à naulànce ï k
^brufque commotion des équipages. Le ton- nerre eft encore , mais comme par-tout aU-* leurs , un grand populateur.
A une heure du matin, (îx mille payfans arrivent, portant la provifion des légumes, du fniit Se des fleurs. Ils s'acheminent vers la Halle : leurs montures font lafliès & fati* guées ; ils viennent de fept à huit lieues.
La Halle eft l'endroit où jamais Morphéc n'a iecoué les pavots. Là, point de fîlence^ point de repos , point d'entr'ade. Aux ma- rayeurs fuccedent les poiftbnniers , & aux
. poiftbnniers les coquetiers , & à ceux-ci les détailleurs ; car tous les marchés de Paris ne tirent leurs denrées que de la Halle : c'eft l'entrepôt univeffel La hotte <]ui s'élève ea
DE Pari s; ^ij
pyramide , tranfporte tout ce qui fe mange d'un bout de la ville a fautre. Des millions d'œufs font dans des paniers qui motitent, qui defcenderit , qui circulent , & , ô mi- racle ! il ne s'en callè pas un feuL
L'eau -de - vie alors coule à grands flots dans les tavernes. Cette eau-de-vie eft mé- langée d'eau , mais fortement aîguifée par du poivre-long. Les forts de la Halle & les payfans s'abreuvent de cette liqueur ; les plus fobres boivent du vin, Cell un bourdonne- ment continu. Ces marchés noâurnes fe paC- fent dans les ténèbres. On croiroit voir un peuple qui fuit les rayons du Ibleil , & qui Ta en horreur.
Les commis de la marée ne voient ja- mais , pour ainfi dire, raftre du jour, & ne fe retirent que quand les réverbères pâ- liflènt : mais fi l'on ne fe voit pas , on s'entend ; car l'on crie à tue-tâte ; & dàn^' la confufion de ces clameurs univerfelles ,; il faut bien pdflëder l'idiome du lieu, ..pour favoir d'où part la voix qui vous interpelle. Les mêmes fcenes (è paflènt k la même heure au quai de la Vallée. Il s'agit la de lièvres ^ de pigeons , au lieu de ikumons Se de harengs.
Ce tumulte non interrompu forme un contrafte avec le fo.mmeîl qui occupe le itfte de la ville ^ car à quatre heures du ma-»
Ri .
396 T A ]P L £ A .u
tin a n'y a plus que le brigand & Je qui veillent,
A £x heures , ^les boujang^rs de Goneflè^ nojqrrîciers de Paris , apporte^t deux fok la femaîne une très - grande quaiuité de pains : il faut qu ils fe confonimeiit dans l^ yilje ; car il xie leur eft pas pè^qjis .de ks remporter.
Bientôt les ouvriers $*arrach«tit àe km grabats, prennent les inftruments de leur profeflipn y & vont aipc a^telîer^
Le café au lait ( qui le croiroit ? ) a pri^ Çiveur parmi c^ hommes robuftes.
Au coin ,des rues , à la luQpr 4'une pâle lanterne , ,des femmes portant dir leur dos des fontaines de fer-blanc , en fervent dans des pots de terre pour deux fils,. Lfi fucne n'y domine pas , mais enfin l'ouvrier trouve ce café au lait .excellcuit. S'imaginerokrpn que la comrniinauté des limonnadiers, dé- ployant des fiatuts, a tout fait pour interdire .ce trafic légitime ? Ils prétendoîent vendre la même îMe cinq fols dans leurs bouticxies de glaces. Mais ces ouvriers n'ont pas oe*» ibin de fe mirer en prenant leur déjeûner.
Au refte , l'ufage du café au lait a pré- valu , & eft fi répandu parmi le pei^>le ^ qu il efl dev^iu l'éternel déjeûi\er de tous les ouvriers en chambre. Ils ont trouvé plus d'économie , de reflbiirces , de faveur , danç j?et aliment que dans tout autre. jËn coib
jy^ P A R I S. 3^9
iequenee, ils en boivent une prodigieuiè quantité ; ils difent que cela' les foutient le plus (auvent jufqu'au foir. Ainfi ils ne font
Elus que deux repas , le grand dé jeûner 8t i perjîlladc du {oit ^ dontj'ai parlé ailleurs; Le matin , les libertins (ottent de chez W filles publiques^ pâles^ défaite y em{)ottant U crainte plutôt que le remords; & ils gémin rbnt tout le jour de l'emploi de la nuit : maiâ la débauche pu l^bitude eft un tyran qui les (àifira le lendemain ^ & qui les- traînera S pas lents vers le tombeau;
Les joueurs plus pâles encore fortent des} ttipots obfcurs où renommés; les uns (&. fiappant la tête & l'eftomac , jettant au ciel des regards défefpérés ; les autres fe pro-^ lîiettant de revenir k la table qui les a fa- vorifés', mais qui doit les trahir le len^
défmàin^*
- ■ ->
Les loix prohibitives ne feront rien contreF cette malheureufè paflion mife eh aâivité par cette foif de l'or, qui s'eft manifefté dan^ tàm le^rangs^ & que Tes gouvernements au- torifent eux-mêmes fous le nom* de loteries , mais qu'ils profcrivent fous une autre déno-^ mination^
Le marteau du forgenm & du maréchal- ferrant trouble quelquefois le fommeil du matin , pour les pareflèux qui font encore aa^ lit. Si l'on en croyoit nos Sybarites, onre- légueiroh hors des vilfes tous les artifans qui
R3
39© Tableau
font frémir la lime mordante ; il ne (croît plus permis au chauderonnier de battre (à marmite , au charron de cercler la rque d'un &r durable , aux différentes profeffions €jfû coûtent les rues , d élever ces voix aigres & retentîflàntcs qui fè font entendre au iommet & jufques fur le derrière des maifons. Il £ui- droit que le bruit de .la cité fut enchaîné de toute . part , pour protéger leur oifîve liiot- kflê y & que , le calme du fîlençe environ- nant leur paiGble alcôve ^ tous ces- volup* tueux puflènt preflèr la plume, oifeufe juA qu^a la douzième heure , lorfque le foleileft au haut de fa carrière.
Par unç fuite du même efprit, ils ne von- droient pas fentir la boutique du chapelier ^ à caufe ae Pudeur de {zfoidc ; ni celle du cor- royeur , à caufe des huiles; ni celle du ver- nidèur; ni celle du parfumeur, quoiqu'ils faflènt ufage de fes cofmétiques ; ni celle du rapeur de tabac , qui les fait éternuer invo- lontairement lorfqu'ils paflènt. Si Ton écog- toit toutes les prétentions de cçs riches , il n'y auroit que des portes cocheres dans la capitale, & l'on matelajjferoules rues jufqu'à une heure , c'eft-à-dîre , jufcju'au temps ck ils quittent l'édredon ou la chaife longue ; les cloches ne devroîent plus retentir dans les airs ; & le tambour des Gardes , en paflant fous leurs fenêtres , devroit être muet : car il n'appartient qu'à leurs équipages de fiiire
DE Paris. 391
du bruit en roulant for le pavé , & de ré- veiller k deux heures du matin ceux qui dorment.
Les dix , les vingt , les trente du mois , on rencontre , depuis dix heures jufqu'amîdi , des porteurs avec dès Jacockes pleines d'ar- gent, & qui plient foiis le fardeau : ils courent comnie fi une armée ennemie alloit forpren- dre la ville ; ce qui prouve qu'on rfa point fa créer parmi nous le figne politique oc heu- reux qui remplaceroît ces métaux , lefqueJs ^ ail lieu de voyager de caiffè en caifle , ne devroient être que des fîgnes immobiles.
Malheur à celui qui a une lettre de change k payer ce jour-là , oc qui n'a point de fonds 1 Heureux encore celui qui Ta payée & quireîle avec un écu de fix livres ! ^ A peu près tpus les ans, vers le milieu de Novembre , forvîennent desindilpofitions ca- tarrhales , occafionnées par la préfence fub: te' d'une athmofphere humide & froide, & dés brouillards qui foppriment la tranfpîra- Àoti. PluCeurs en meurent ; mais le Parî- fièh , qui ' rît de tout , appelle ces rhumes dangeréiii la grippe ;, la coquette ; & le rieur, trois jours après , eft grippé lui-mêâie & defcènd au tombeau. "
Le paîlàge des appiartements chauds & des faliés de fpeftacte au grand air, rend cette fuppreflîofn de tranfpîration prefque inévitable. La médiode nouvelle de porter
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392. T A B L 1 A If
de grands manteaux eft excellente ; on ft- met y de cette manière , k Tabrir de Kmpref- (îon du froid \ un prompt exercice en (eroit encore le plus (ur préfi^rvatif. Les fetmnes qui font obligées^ d'attendre quelque temns* leurs voitures, ces femmçs. cdiarinantes oc délicates, que je vois fri0bnner lo Iong> des efcalîers & fous les p(»tiqaes, de* vroient penfer que leurs peliflês ne Cont pas fuSifant^ pour les ^rantii: de tout accidç^t•
€ H A P I T R E CCCXXXt I)es Dimanches 6r F^ùu^
Xl n*y a plus que les ouvriers qui connoî& fent les fêtes & dimanches. La Gxutille, lesi Porcherons , la Nouvelle-France fe remplif- fent ces jours-là de buveurs. Le peuple j» va chercher des boiflons à meilleur mardîe que dans la ville. Plufîcurs défordres en ré-. fïiltent ; mais le peuple s'égaie^,, ou plutât s'étourdit fur fon fort; &C ordinairement Pouvrieryizi/ le lundis c'eft-ihdire , s'enivre, encore pour peu qu'il foît en train^.
Le bourgeois qui a befoin d'économie ^ ne fort pas des barrières. Il va fe promener. aÛfiz eimuyeu(è]]aent aux Tl^idleries.,^ ^yk^
d'^h' P à r I s. 393
Euxembourg ^ h l'Arfenal , aux Boulevards, Si dans ces promenades il y a une feule robe' rètrouflee, pariez que c'eft une feiîime ée* province qui la porte;-
Le peuple va erttoré à la rriëfle, mais il commence a Ce paflèr des vêpres, que^' le beau monde appelle Vopéra des gueux. Il faur qu'il refte debout dans les églifes , • ou qu'il paie' une chaife. Cela eft très-mal • va ^ on lui ^demandera fix fois pour enten-* dre un fermon aflis* Les temples feint donc - défert^ -^ excepté dans les grandes folemnî- tés, oîi les cérémonies le rappellent. Quoi, ^ de l'argent encore ppur entendre l'ofBce' divin ! *
Fendant Podave de la Fêtér-Dîeu ,' il y/ 2 toujours beaucoup d^affluence au falut &' à Pexpofitioiï du Saint-Sacrement : il eft vrà^ que c'ett^ pour la petite bourgeoîfie tm pré- texte de fixtir & de fe promener ^ la tom--' bée du jour , dans utie belle (afon. Les* Jeunes fuies fur-^tout font fort dévotes aiï falut & îi la bénédifHpn dii foir*^ ^ gé** néral' le dini^che eft précieun pout'^elks. L'amour fait fon profit des - vacances or^' données par l'églife.
Le magtiific{ue jardin des Tiuiileries eft abandonne aiqourd'hui, pout les allées des GIiamps-Elïfées* -On âdiHiJele^ belles pro- portions 8c le deilin des Thuilevies ; mais aux Champs-Ëlifises , tous les âges^fio tous'
R ^
594 Tableau
les états font raflèmblés : le champêtre du lieu , les maifons ornées de terraiies , les cafés , un terrein plus vafte & moins fym- niétrique , tout invite à s*y rendre*
Il eft fingulier que , dans les états catholi- ques , le dimanche foit {»:efque par- tout un jour de défordres. On a fupprimé enfin 2i Pa- ris quatom jours de f eus par an ; on s'eô arrêté en beau chemin ^ iJ en reile encore trop ; autant d'enlevé du moins à Tivrogne- rie & à la débauche crapuleuiè.
Un favetier voyant un jeudi, au, coin d'une borne, un fergent ivre qu'oa tâchoit de relever & qui retomboit lourdement fur* la pienre , quitta . fon tire - pied , fê pofta devant l'homme chancelant, & après l'avoir contemplé, dit en foupirant : Voilà ceptn^ dant titat oà je ferai dimanche !
Ce trait qui ne doit pas être dédaigné du philofophe , appartient , à ce qu'il me fçmble , à la connoif&nce du peuple , & même à celle du cœur humain; car il eft* très-a{^licable à la logique des paffions. . Au refte , les dimaocheis & fêtes sVui« sioncent par la fermeture des boutiques. On Toit fortîr de bonne heure les petits bourgeois tout endimanchés^ qui fe hâtent d'aller à la grand'meilè pour avoir le refte du jour à eux. Ils arrangent un diner à Faf^ , \ .Auteuil , à Vincetmes , ou au bois dt Boologue.
DE P A K. I ^, 39$^
Les gens du bon ton ne (brtent pas ces jours-la, fiiient les promenades, les fpe^- cles , & les abandonnent au peuple. Les (peâacles* donnent ce qu'ils ont de plus u(ë ; les aâeurs médiocres s'emparent de la fcene : tout cela eft bon pour des parterres moins difficiles^ & pour qui les pièces les plus anciennes font toujours des pièces nou-^ velles. Les adeurs chargent ces jours-là plus que de coutume , Bc obtiennent de grands applaudidèments.
Les bourgeois aifés (ont partis dès la veHlepour leur petite maifon de campagne, voîfine de la barrière. Ils y ont mené leur femme , leur grande fille & leur garçon de boutique, quand oti efft content de lui, ou quand il a fu plaire à madame.
On a porté la veille , dans un fiacre bien plein , toute la proVifion , & un pâté de Lé &r|r. Cell Wjotfr àeî gaudrioles. Lé père fera des contes , la mère rira aux lar- mes ; la grande fille s'émancipera un peii , & fe tiendra .nioinS droite; le garçon de boutique , qui aura acheté des bas de fc^é Umcs & des boucles toutes neuves, ho- imré^dii titre de joli garçon , fera des geii- tilleflès & déploiera tous les moyens dé plaire , attendu qu'il afpire de loin a la main de Mademoifelle ; car elle aura bien en dot dix à douze mille francs , malgré lès deux petits aères qui font en penfîoii ^
K6
J9^ t A B, LE-' AU
6c qui ne participent pas encore aux jouH^ fances de la maifon de compagne , îuCquV. ce qu'ils aient remporté un prix au cdlege. Il ne faut pas les dîfttaiie du loin.. de de- venir un jour de grands hommes-, lor£> «{kfils (auront la langue latine ; c^eft ce qucr.> croient pieufement le pet^ , la . jnere & J»ttte . la maifon.
C H:A P I T R E. CCCXXXIL
Carnaval.]
JLe peuple fôte la Samt^Manin ^ lès Hmi" & le Mardi-Gras : il vend la veiOe iès« chemifes plutôt que de ne pas acheter un dindon ou ua oie. à-la Vallée, Elle eftf couverte d'acheteurs: & vu t'aj99iieiu:e , la. volaille ed hors de prix. 'Le^ cabarets (è rempSfIènt dès le matin. Les commiflàires ne doivent pas (brtir de chez eux ces jours* là ; car le guet leur amènera un. plus grand' nombre de délinquants. Plufîeurs (ûrtiront de la guinguette que pour aller coucher en prîfon.
On voit peu de mafqucs pendant le caF- naval , depuis une trentaine d^amiées ; Çoit que le peuple (è foit dégoûté de ce plaifir, Qjcà veut une Ubexté entière ^ foit plutût ^u'il
Û-E P A K I S; 357/
ait trop peu d'ai(anc« pour figiurer (bus un. élégant domino. Mais, vers les trois derniers jours , la police attcntive.k la repréfenution extérieure de la félicité publiqqe , d'autant, plus que la mifere. règne y. paie à fes frais de nombreufès mafcarades. Tous Ces efpionsr & autres garnements fe rendent kun magafîn oii il y^a de quoi habiller deux ou troi& mille cAiâ/z/i/^. Ils fe répandent ^nfiiite dan&. les quartiers , & vont par bandes crottées, au fauxbourg Saint-Antoine. Lh , ils figu- rent une allégreflè publique 9 faullè & men^. (bngere. .
Plus les années font défallrueulès , plus on a. recours ï une impoftuce plus fortement caraâérifee; mais eue perce à tra^Ters les guenilles .£des.& ufées ^ont le peuple ell couvert : car on a beau vouloir repréfenter les fcenes. riantes &. animées de la folie; on n'y parvient pas quand le cœur^ft mé^^ content ; fa .marotte efl: (ans énergie ScCàos grâces , (es grelot» forment mal dans ces^ fiioides ornes ; ils ne (ont qu'une difcor- dance plaintive â roreiOe* qui (ait .entendre. fiJen nVft . plus attriftant que de voir un p&xpk à qui on commande de lire tel jour, & qui (èpréfie baflèment à cette aviliflànte ordonnance.
Tandis que la pplice (pudoîe ces' mafques^ IfS prêtres expo(ènt le Saint - Sacrement 4ans ks églises y parce qu'ils regardent coïki^
99S Tableau
me une profanation ce qae lè gouvernemehr autorilè. Mais ce n'ell là qu'une des moindres contradîâions qui le trouvent entre nos loix^ nos mœurs & nos ufages.
Pendant le carnaval, la vie des femmes de Paris n*eft pas indolente \ elle eft tout-à-coup réveillée par la voix du plaifîr : voilà une oc- caHon de briller dans les afièmblées. Ces êtres qui, dans de certains moments, femblentn^ vivre q*u*a demi , reçoivent tout-à-^coop une prod gieufe aâivité qui leur fait fupiporter les fatig.ies du ba! : c'eftlk qu'elles fe montrenc infatigables. Les veilles ne leur coûtent rien, & les nuits entières (ont confacr^ k ces exer« cices violents. Le lendemain les hommes fe relèvent fatigués , les femmes en nrviei^ nent plus fraîches & plus brillantes.
A cette même époque , les amants ipiî veo- lent sepoujir hâtent le mariage , parce que Faxhevêque de Paris , pendant tout le ca- rême , fe montre très-difficile fur lés unions conjugales.
Un peu de pouffiere , comme dît Pefpion Turc , que Ton répand le lendemain fur ht tète de ces hommes traveftis , appaife leur fjrénéfie. De foux & d'infenfcs qu'ils étoient, îk redeviennent raîfonnables & calmes.
Les pièces de théâtre les plus licencièufês' ft donnent dans les derniers jours du car- naval ; mais une fois apprifes , elles fe pro- kmgent pendant tout le carême ^-datu uv
DE Paris. 399
temps de Gunteté 6c de mortification : de forte que jamais le fpeâacle n'eft moins hon^ nête qae lorfqu'il devroit l'être le plus.
La loi deTéglife, qui ordonne l'abiUnenct de la viande , efl G gênante^ fi incommode, fi peu praticable au milieu d'une immen(è population, que la police a fait ouvrir 1er Doucheries pendant tout le carême. Elle a fait très- fagc ment, parce que la fubCftance
rérale & aifce eft la première loi civile, qu'une méthode contraire atuquoit la* iknté 6c la liberté du citoyen.
Cette vieille loi, plus bizarre qu'utile,- tombe donc en déTuétude, on plutôt nous remontons aux premiers fiecles de l'églife, oî^^ la volaille en général étoit regardée coiiunè;' un aliment maigre. Cette heurculë opimocP étoit fondée furie récit de la Genefe, qui dit^ que Us oifiaux & les poijjhns furent créés Vf même jour : ce qui nous autorifc k les afli*' miler fur nos tables ; 6c qui ne goàteroit' as cett^ excellente logique? Les évêquei^
abbés commendataires (ont les prèmien a en donner Fexemple, 6c ils font* gras ptM^ bUquement devant la valetaille.
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4pO T A B^ L E ATIT'
CHAPITRE ÇCCXXXIII,
Tragédies modernes.
Xjcs fpeâateurs du thëatre François comr' mencent enfin à f^ntir runiformité fit la ^ reflèmblance de ces plans étroits^ de ces caraâeres répétés qui laidènr un vuide fie impriment une langueur fenfible a nostra- eédies'n^emes.' Uimniuable/?^ rt7/i de la Mebomene Françoife endort o^ révolte les- ^pnts les plus- attachés par- l'tiabitade aux * vieilles op^iions littéraires. On edprelque; d^ccord que cette Melpomene Françoife, fi - exceflîvement vantée , n'a vécu que d'imita- tions ; qu'elle n'offire que quelcpies portraits a« lieu de ces tableaux larges & animés par la multitude des caraâeres qui appartiennent <^ à'Un fujet hiftorique. '
On a. dit tout haut que noitré petite fcece' n!étoit qu'un parloir , que nos vingt-quatre ; heures n'avoient (èrvi qu'à accumuler grof-^ fièrement les invraifemblances les plus m'ep- tes & les plus bizarres. On efl convenu ^u'un feid & même patron dramatique^ pour tous les peuples , poiu: tous les gouvernements ^ pour tous les événements terribles ou tou- chants, {impies ou compliqués, étoit une
Di £• Paris. 401:
adoption puérile qui n'avoît pu être con- ÙLCtét que par les copifles d'un art qu'ils n'ont point eu Iç génie de modifier, tous* adorateurs ferviles de ce qui avoit été fait, «vant eux , & ab&Iunient dépourvus d'in^ vention^
On ridiculifè donc avec juftice cette génV continuelle dans le choix des fujets &dans. la dlfpofîtion de la fable y cette foule d'en- trées & de fortiei vagues & forcées^ qui: ceflèrrent une aâion étendue , dont la mar- che libre eût paru conforme aux faits y &. pour tout dire, raifontiable.. . Le poëte aflùjetti a coupé le tableau his- torique pour le faire entrer dans le cadre, des règles. Quelle inconcevable mal-adreflè ! .
On rit quand on voit un auteur tragique, prendre £ms façon deux ou trob pièces^ grecques potuTv en compolèr une k fz fan«- taifie; abattre une tête qui lui déplaît pour en coller, une autre fur le trône de telper-. ibnnage ViCeofondre les. parentés des detcen^ dants d' Atr^ & d^(Edipe , (ans craindre Yànui madverfion de ces princes décédés ; traiter; ihdifSbrniment un fujftÂBglois , Allemand,- Ruflè, Turc^ ou Tartaro-Chinois ; ne dai«> gner jamais. lire, (cm original, ni l'hiftoire du temps , ne vouloir que U titre ^ Se dé^ biter hardiment fàcompofirion étrange Ibus* Ëenfeigne de tragédie. On affiché le monfire* (bus cette.dénoniinatioxLy6c.le monfire a (on
401 Tableau
paflè-port ; mais les gens fenfés vont voir par curiofitë de quelle manière un poëte François défigure Tniftoire , Fidiome , le gé- nie , le caraôere de tous les peuples du monde a l'aide de quelques vers ronflants. -
Il eft vraiment plaifant de voir ces cont pirations d'écoliers , de prêter Toreille à ces conjurés qui apprêtent le poignard ou la coupe empoifonnéc ; de voir un adear en inftruire un autre , en rimes très-ftmores , de fa généalogie , de fa naiflànce , de rhîttoîre de fes parents ; dVxamîner ces rbîs tdfos agif- fànt Se parlant de même , n'ayant aucune phyfîonomie diftînâe, dont, pour plus gran' de commodité , le poète a fait des dcfeotes altiers environnés de gardes , comme s*il n'y avoît au monde que cette forme afiatique. Et voilà le fantôme que la nation , par une {btte habitude, adore fous le nom de goûti , Elle afïèâe du mépris pour tout ce qui ri'cft
f)as de fon crû littéraire ; & dans ces foîbles ipéamcnts , où le François fèul a ceconna la figure humaine , il a défié^^ néam^oins fes' voifins,'& femblablé aii moîithtràh de la" fable , ri a fonné la charge & la viâxrirfe , en publiant que lui feul avoît un théâtre tragique, Tout pîiîlofophe , c'eft-à-dîre, celui qui confulte la nature & les homnies au lieu des jbumaliftes & des acadèiiicîëns , (burit de tié en démêlant le faux , le bizarre , & ton menfonger de notre tragédie.
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DE P A H I S. 403
Quoi , fe dir-il , nous fommes au milieu de r£urope , fcene vafte & importante des événements les plus variés & les plus, éton- nants, & nous n'avons pas encore un art dramatique à nous ? Nous ne pouvons com^ pofèr fans le fecours des Grecs , des Ro- mains , des Babyloniens , des Thraces } Nous allons chercher un Agamemnon , un
, (Edipe , un Théfee, un Orefte , &c ? Nous avons découvert TAmérique , & cette dé- couverte fubite a fondu deux mondes en un ,
. a créé mille nouveaux rapports ? Nous avvons riniprimerie, la poudre à canon , les poftes ^ la boullble, & avec les idées nouvelles 6c
^ fécondes qui en réfultent , nous n'avons pas encore un art dramatique à nous ? Nous fommes environnés de toutes les fctences ^ de tous les arts , des miracles multipliés de finduftrie humaine ; nous habitons une capi- tale peuplée de neuf cents mille âmes ,011 la prodigieufe inégalité des fortunes, la va- riété des états ^ des opinions, des caraâeires, forment les contraires les plus énergiques ôc
. lés plus piquants ; & tandis que mille per* jfonnages divers nous enviionneint avec leur? traits caraâéridiques , appellent la chaleur de nos pinceaux, & nous commandent la vérité, nou^ quitterions aveuglément une n;^ ture vivante, où tous les mulcles font enflés, (aillants, pleins de vie & d'expredion , pour aller delfiner un cadayrt grec ou romain y
^ y
404 T A * L E A * .
colorer (es joues livides, habiller £es inkm> bres firoids , le dreflèr fur (es pieds toat chan* eelant , 8c imprimer k cet oeil cecne, à cettf langue glacée y à ces- bras roidis , le regard> tidiôme & les gefies qui font de conve- nance (iir les planches de nos tréteaux? Qoel^ abus du manne^iin !-
Si ce n'edooint là- la pins monftnieufli des &rces , c'e(t aflùrément la plus ridicule^ ou pbtôt G?e(l l'oubU le plus impardonnable des plaifirs de nos nombreux concitoyens & des tableaux vivants- & inftruâtfi qu'ib demandent. Faut*il alors s'étonner fi laixuiI-< dtude neconnoit feulement pas le 110m de vos auteurs-tragiques ?
H n'y a prefque phis qtie les-gens de kt** très qui' (oient infatués de ces eiquiflêsr ihH parfaites 9 Se qui s'en occupent avec on fié** riie déluge de paroles ; mais tandis qi/ik font fort «habiles 2i multiplier d'oifeu(ès dif-- fèrtations , Part n'en fait pas un (èùl pas de plus. Nos tragédies continuentk n^ôffrirque des reflets pales, une imitation fervile; Se h génération aâaelle de nos auteurs^ attes- tera à là (uivante Topiniâtreté du goût le plus aux & le pKis déraifonnablè.
Jeunes écrivains , voule» -vous' connoître^ Fart <» voulez '-vous le faire fortir des bomeS' puériles où il efl enchaîné ? laiflèl Jà ^ les pé-* âodiftes & leurs préceptes cadavéreux. Lifez- Skalufptarc^ non pour le copier^ mais pput'
J» c F A R t s. 40^
TOUS pénétrer dfi Ql manière grande & ^- fée, umple, naturelle, forte,, éloquente:; étudiez- le xomme le fidèle interprète de la nature , Qc vqus verrez bientôt toutes ces petites tragédies éoanglées , uiûformes , (ans plan vrai 8c fans mouvement , ne plus vous of&ir qu une {ëcl^ereilè Sf. une maigreur hideufe.
Les gens de lettres au deflus de trente* cinq ans ont frémi de ces héréfies oppolëes ^ h/aine doârinej parce que 1rs préjugés durciflènt avec la tète qui les renferme. Ils qnt latijcé fbr ThÀéiiodo^ leurs anathémes Singulièrement redoutables. Mais vous favez .combien les braillards ont défendu le plein- chant François qu'ils nommoient mufiquc. Ten appelle Ji la génération qui s^éleve j 00 accueillera .un jour avec tranfport le genre oue notre dfottile -combat aveuglément ; on lentira qu'on a fait en France tout le con^ traire de ce qu'il &lloit &îre ; & l'fa(iftoix# de notre mufîque d^yiet^di^a ^lle de notrie tragédie.
Alors nous appercevrons d'une manière diftinde la difformité burle(que de rK>s pie- ces uniformi?^ & fzOàce^^ & pous adopte* rons une irmovation làlutâire qui tournent au profit de la vérité , du génie ,.des moeurs ^ & des plaifirs de la nation (r). ■*' ■ 't. 1. ■.. ■' ' .11 I. I ■ Il
(i) J*ai combattu Jç preiioler avec jone éxtri;
4o6 Tableau
Un roi de Perfe fit tîrcr un jour (on ho- rofcope. Ce roi qui fe moquoit mez du palfif & même du préfent, était fon inquiet fur Pavenir. Uaftrologue ayai^t bien examiné la conjonSion des ajlrcs , déclara fort inno-' cemment que le roi mourtoit , k coup sAr, d'un long bâillement ; ce qui , félon la tra- duâion des mots perfàns , équivaut à mourir d*enntd. On s'appliqua donc très-fbignelife- ment à prévenir tout ce qui pourrott provo- uer ce (îgne fatal , lequel devoit être , pour a niajefté , Favant-coureur du trépas. Dé- fenfe confcquemment k tout mélancolique-
2
me franchlfe les idées que plufieurs adoptent au* jourd'hui. J'ai fait imprimer en 1775 **" li^^ intitulé du Théâtre « ou Nouvel Effai fur VArt dramatique^ Amflerdam<t qui me valut alors de la part des iournalides (tons réunis contre moi) non pas une feule raifon , mais bien de grofles injures ; & d*un autre c6té , une perfécutioa pref'que rèrieufe , que je détaillerai un )Our* Pour toute réponfe » j*ai étendu mes idées & mes réflexions , en les frappant d'une manière plus haute & plus décidée; laifiant au temps « dont je connois les effets , le foin de mettre mes opinions à leur place. Je compte donc publier bientôt un ouvrage qui aura pour titre : Exa^ men ph'dofophique de quelques pièces du théâtre François y Anglais ^ Allemand^ Efpagnol ^ &C2 avec les oB/ervations de plufieurs écrivains céUhrts ^ fiir la nécefflté de réformer le fyfiimc aàiul du théa^ tre François.
DE Paris.- 407
de trarerferles cours, a! nfi que les efcalîeis des châteaux que le roi pourroit habiter. Or- dre exprès à tout courtifan d'avoir inceflàm- ment le fourîre fur les lèvres & quelques bons contes dans la mémoire. On enleva des bi- bliothèques du prince tous les moraliftes an- ciens &c modernes , tous les diflèrtateurs , les jurifconfultes , les métaphydciens ^ on tapiflà les murailles de peintures pleines de feu &c de gaieté. On ordonna que les gens de jus- tice ne porteroient plus que des habits cou- leur de ro(è. On fit recrue de bouffons , 8ç ils furent largement payés. Bal quatre fois la femaine , comédie tous les jours; mais point d'opéra en plein-chant. A<^x portes du palais, des gens amdés verfoient du café à tous ve- nants ; & quiconque lâchoit un bon mot , ohtenoit fur le champ un paflè-port pour allet par-tout. Rire & &ire rire étoît le propre d*un grand homme qui fervoît dignement fon prince & Fétat. Toutes les dignités appar- tinrent de droit aux plaifants qui narroient les plus joyeufes facéties.
Un poëte qui n'étoît ni trifte ni gai , maïs qui amufoit aÛèiz ceux qui l'écoutoient parler 4e fes vers , étoit parvenu à la cour ^ on ne iàit trop comment : mais enfin il s'y trou- yoit ; & comme l'on confond aflèz volon- tiers dans ce pays les poètes avec les foux , il àvpit fes entrées. Il mît à profit cet avan*- tage , & fit fi bien qu'il obtint de lire 4^*-
^O^ / X. A B L ï A Ù
vancfa majefté une tragédie toute enâeie^ de fit compciGtion ; tragédie , .félon lui , éton- nante, pathétique , qui réuniflbittuat cecpi'A- riftote exige , d'après les drames grecs , car îl ri*a vu que cela dans fa poétique. Cette tragédie étoit prônée d'avance avec qn en- thoufiafme fingulier ;; & chacun de s^écner iàns la 'connottre : ^efi admirable ! Le poète iônt & lut. Le roi bâilla & mourut.
L'auteur eft foudain arrêté , comme cou- pable du crime de lése-majefié au premier chef, & condamné à perdre lavieaiimifieii -des jbppliccs d'étiquette. Il fe récria fort^ ment , moins fiir la violence conmiifè cotw tre fa perfonne,que furFinjufHce horriUe, abominable , que Ton faifoit k £aa ouvrage tragique, admiré de toute une académie. Le goût avoit préfîdé à la conftruâion de chaque vers , 6c ils étoient fî bien iiKMilés îxxï les bons modèles , qu'en cas de befmn on les y trouveroit prefque tous. Voilà ce que le poète avança pour Ùl jullification«
Le tribunal fuprême cm devoir procéder avec toutes les fomialités requifes ; & com- me on repréfente toujours au coupable finf* trument du crime , il fut ordonné au poète de reprendre 8c de relire cette fmtale tragé- die devant tous les juges afièmblés. Lepoëte^ la tête nue , 8c dans la pofture des crimi- nels, environné de tous les ordres de l'état , lut Ùl pièce. Dès le fécond aâe y voilà que tous
la
DE Paris. ^ 409
las fronts féveres &, rembrunis fe déridèrent, & progreflivement de longs éclats de rire ,
?u'on youloit étouffer , fe firent entendre , ç percèrent de différents côtés. Ces crîg bientôt dégénérèrent en convulfions : ils an- nonçpient .ia grâce du poète. En ef&t , tous les juges en fe levant , déclarèrent d'une roiz unaninie , que rien au monde n'étoitplus plaifant que cçtte tragédie, & que le trépas iubit de fbn aug^e majefté avoir eu certaî- iiement une.tojite. autre caufe. En conféquen- ce , le poëte fut remis en liberté , & renvoyé bien abfous au cercle de fes admirateurs ou 4e fon académie. ■
■ C H A PITRE C C C X X X I V;
Comédies modernes.
Jl purquoi rltton moins aujourd'hui qu'on ^e ripit danslfcfîecle paUé? C'eft peut-être parce qu'on a plus de connoiflànces & le ;ta^ plus fin^; deft parce qu'on démêle du premier coiip-d'œil ce qu'il y a de froid & de faux dans ce métue trait qui faifoit rire nos aïeux à gorge ééblôyée. .On rit moins dans le monde ', parce (ju'ony raifonne da- vantage fur toijs les objets , or parce qu'a- près ^voir éj^uITé toutes(lds plaiiàntciies , il a fomc II. S
^10 .T'A B LE A V
fallu en venir malgré foi à un exam^en plus
r iexaû & plus décaillé.
Nous avons lu , nous avons voyagé ^ noas avons vu &c examiné des moeurs bien di^ rentes des nôtres ; nous les avons adoptées en idée , & dès ce. moment les conttafies nous ont moins frappés ; les originaux nous ont paru avoir aufli leur manière d'agir & de penfèr , tout comme ceux qui (tiivoiett les maximes les plus accréditées.^ La pkifàii- teries'eft émouflee néceflairemenc , avec II connoiflànce des ufages diamétralement op^ pofésaux nôtres.
Uexemple de nos voifîns [dus rapprochés de nous ; la leâure des voyages noBveaux ; les gazettes multipliées ^.retnplies de âits ei- traordinaires & inattendus ; le mélange et tous les peuples de Tfiurope , tout nous a
, appris que chacun avoit fa manière de voir , de juger, de fentir ; 8c tel caraâere bizarre
. qui nous frappoit par fa fingularité , s'cft trouvé commun chez nos voifîhs y confe- quemment juftifié & hors* des àtteitites du ppëte comique.
Remarquez que Pon rit. cMt fois phis
: dans un collège , dans une communauté^ dans un couvent , daiis une maifbn aflèrvie à des règles fixes. Eh ! pourquoi ? Parce que
, dès qu'on s'écarte de l'omiere tracée , PiD>-
: ft:aâion marque , & le ridicule naît. Dans
' une pedte vâle il y a lieu à. des rapports
B E Paris. 411
plus frckjuents , plus vifs & plus plai(ants que dans une grande ^ les nuances frappent là bien autrement , parce que tout eft circonC* crit , uniforme ^ oc que l'on veille les uns fur les autres* Il eft un ton général dans le$ ^opinions , dans les ufàges, dans les vêtements même , qu*on ne Ciuroit enfreindre. ._^ c .
Mais à Paris , l'homme eft trop noyé dans la foule, pour avoir une phyfiionomie qui tranche \ le ridicule devient imperceptible. Chacun vivant à fon gré , & les mœurs étant prodigieufement méfees , il n'y a point d'état & de caradere qui ne porte fon excufe avec foi. On dit donc parmi ce peuple une mul- ititude de bons mots qui rélultent de la prOf fonde connoiftance des ehofes; itiaisonâap^ pe rarement ûir fhomme, oq le refpêde; ou (î le trait fe lance au hafard , il eft effacé par le trait du lendemain. La médifance fe maiiifefte moins par méchanceté que pour écarter la lanmieui; &:Jl-ennui. On fekitira aifënient que iousce pomp de vue l'art delà comète p'admet que des tableaux , &qi;i:d^ regarderoit comme, un perturbstteur de li fociété , le pojëte qui livreroit brutalement la guerre k tel ou tel individu. D'ailleurs on iai^ &oit difficilement la reflèmblance. . : . . . t
Une comédie qui èe peut attaquer fous les vices en honneur, ni les ridicules, enno- blis , devoir tomber néceflairement d^ns lo jlyle des. comttEààoQs j .& c'eft ce : qqi eft
^ Si
4'ri Tableau
arrivé. Elle .aura de la fineflè ^ de la grâce : mais difcrete & froide , elle manquera d'é- nergie ', elle rfofcra parler ni du fourbe pu- blic qui va tâte levée , ni du juge qui vend fa voix , ntdu miniftre inepte ^ ni du géné- ral battu , ni du préfomptuenx tombé dans fes propres pièges ; Se tandis qu'au coin de toutes les cheminées on parle , on rit ii leurs -dépens , aucun Âriftopluuie n'eft afièz hardi •pour les faire monter fur le théâtre.
Ayant à tracer des peintures vigoureufes (ùr des modèles récents , il lui efl défendu de concilier Fintérêt des mœurs avec finté- rèt de fon art ^ il ne peut guère attaquer le YÎce qu'en peignant la vemi ; & au lieu de le traîner par les cheveux &r la fcene, de motv* trer ^ découvert fon front hideux , il eft obli- gé de faire une languiflànte tirade de mo- rale. Point de comédie à caraâere vivant dan^ les formes de notre gouvernement. > Molière lui-même , tottt foutenu qu'il étoit psLV fon nom & par Lotiis XiV ^ n'a ofc faire; qu'une comédie en ce genre j c'eft auffi fcn chef-d'œuvre. Dans tes autres ^ fon pin- ceau n'a plus la même force , ni la même élévation. Le trait plus vague caraâérife moins la phyfionomîe. Le Mijanthrope (i)
. •' : ;
(i) Cette pièce a déjà excité plufieurs dé-- bats intérefTants : voici l'impreffion qui qi'en eft reftée» Le Mifdnthrogc m^a toujours paru fort jd.
D f P: A K 1 s. 413'.,
ell encore de nos jo&rs un problème moral , adèz difficile àréfoudre ; & je crois appercevoir que Molière lui-même amolli daus la com- , ppCcion de (es tableaux , qu^iln'a plus oIechoi-<i (if Tindividu ^qui eût donné au portrait :ùne vie plus animée.
Depuis , nptre comédie moderne , en cédant de vouloir peindre des bourgeois , a perdu & la gaieté & fon naturel^ lepoëte, pour faire imaginer qu'il fréquentoitla noble compagnie , n'a plus voulu faire parler que des ducs , des comteflès Se des marquifes ^
férieur au Tartujfe. L'intention de Molière dans cette pièce a sûrement été* pure ; mais on ne peut s'empêcher néanmoins d'avouer qu'elle pa« rpit équivoque à Texamen, Molière « fi je ne 19e trompe, femble vouloir que la vertu foit douce y pliante , accorte , pour ainfi dire « mé- nagée , acconunodante , refpeâant toutes les conventions tacites.Sc faufles des fociétés ; qu*elle ne gronde jamais , quelle ne s'emporte jainais , qu'elle voie tout ce qui blefTe Tordre d'un œil- prudent , circonfpeâ , rcfervé'; mais la vertu £in$ fa marque diftînâive , qui eft le courage , la franchife , la fermeté , & , pour tout dire , la rpideur de la probité, eft elle encore vertu?
Molière femble donner la préférence à Phi* linte fur Alcefie, & faire dq premier un modèle* à fuivre pour les manières & le langage ; il femri Lie dire : Soyez dans certaines circonfiances* plutôt un peu faux avec politeffe que bourru avec probité ^ ménagez tout, ce qui vous envi-.
S3 '
414 Tableau
il a raffiné k tout propos le ftyle & les idées., & il a créé des expreflions recherchées. Au lieu de fonger a mettre les perfbnnages en aâion , il a prétendu au iM)n ton ; & ce ton faâice , il l'a pris pour celui du théâtre & de la fociété.
Qu'eft - il arrivé î L'honnête boulgeoîs écoutant de toutes Tes forces y n'a rien corn* pris à ce nouvel idiome ; &: les gens du monde n'ont pas même reconnu Te leur } tous ces traits , k force de vouloir être dé- licats & fpirituels , (ont devenus maniérés ^
ronne : pourquoi choqoer împrudeinflieDt kf 'vices d*autrui i Cette pièce de Molière enfia iemble écrite fous Tceil de la cour : d^aiUeuri le Mifanthrope , cenfidéré de prés j n'eft qu'un humorifte ; il s*écbauffe le plus fouvent pour des miferes. Molière a mis quelquefois des individus fur la fcene ; mais ce n'eft pas là fon plus bel endroit. En attaquant Bourfaut & de Vifè, il attaquolt fes adverfaires, & non des hommes vicieux ; en frappant Cottin , il a vengé foo amour- propre ; il eût été plus grand d'oublier l'injure , & de la pardonner : les perfonnalités choquantes qu'il s'eâ permifes nuifent un peu à fa gloire. Que de vices troublant la fociété il avoit à combattre ! Mais peu importe aujour« d*hui que Cottin ait été un fot ou un homme d*efprit : & les Femmes favantes , qui ont retardé peut être les progrés des fciences , ne font fai- tes que pour aigrir les débats littéraires , & pro% pager le fcandaie de la littérature.
D E P A R I s. 41 «J
& rfont frappe que foîblement les fpeûa- teurs : ils noht donc applaudi à quelques dë-i ^ils que pour profaire plus généralement : l!eïi(èmhle dénué de mouvement 8c de vie. .
Ce jargon ingénieux n'a pam qu'un effort / hors d'œuvre &.m^-adroit, qu'une griiçacé perpétuelle & Ëncigante ; & le poëte , en ; abandonnant des caraâeres oii les ridicules' ibnt vrais & tranchants , n'a produit qu'une enluminure paflagere-.^ lorfqu'il comptoit : tr^c^ un tableau durable. ..
Ceft de l'efprit d'auteur, a-t-on dit , c'eft/: kil qui parle ^ âc non fes perfonnages ; il a voulu faire fa comédie pour les premières! lo^es^ &. il n'a pas mênie réum devant r eUes , parce que le point de vue de tout : caraâeredait être fai& du^milieu du parterre,.- &. non ailleurs. .
Ainfî le poëté comique =, quand il veut - trop renchérir fur Tefprit de fes devanciers , , feL trompe ^ puifquil faut qu'il s'étudie a ca- cher entièrement fon art ; la montre en étant " encore pl^. infiipportable >dans la ccmiédie • que dans la- tragédie; .
\'oilà* ce que ne croiront point nos au« - teurs comiques, qui de f his ont donné un > {wffiet à la nature , en écrivant leurs pièces « eu vers y &' encom >n vêts énigmatiques : leurs tion-^fiiccès • dcvroieôt cependant leur révéler que leur couleur âk fyxiSe ; mais ils . iR^bftiiljnrQnt à .k garder,: parce qu'ils ne j
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4l6 T A B L E A U^
confulteront point la Bonne Servante de Molière , 8c qu'ils liront à de beaux efprits leurs confrères , au lieu de confulter les bons •fprits y qui en toute chofe cherchent le fond & non ces acceflbires qui l'ëtouf&nt ou le défigurent.
Or , on nous a donné quelques comédies que le jargon précieux n'infeâoit pas , comme le Barbier de Sévllle & le Tuteur dupé ; mais on ne peut confidérer ces pièces que comme des farces où il y a de Tefprit & des mots heureux : ce n'eft point là non plus la bonne comédie qui fait fourire l'âme par une peinture vraie & fine , la feule qui puillè plaire à une raifon exercée.
CHAPITRE CGC XX XV.
,Où ejl Démoerite !
Oi la cojîîédie n'eft plus fur le théâtre, elle left toujours dans le monde. Pour un obfer- vateur défintérefle , il y a de quoi rire com- me Démoerite ; & au fond , rien n'eft meil- leur pour la fanté.
Vous voyez l'abbé quî parle de (es îndî- geftions ; vous entendez les gcmiflements de l'avare qui déclame contre la dureté du cœur humain , les plaintes du plaideur entêté , la
DE Pari s. 417
faffifance de Fauteur qui fronde Porgueîl dont il eft allreînt ; vous contemplez la morgue du grand , qui af&âe quelquefois la bonté , la fatuité du petit - maître , ardent feâateuc des modes les plus futiles. Celui qui prête le plus a la fatyre , eft fatyrîque à l'excès. Les tons & les manières forment des fcenes ex- trêmement variées : Tefprit léger , fugitif & parleur fait contraâer à ces différents per* (bnnages une forte de maintien., une ma- nière qui donne k chaque avantageux Pair Ôc Pattitude de fes frivoles & petites idées.
Il eft curieux d'examiner le nombre infini de ces caufeurs, auxquels on attribueroit la vraie connoiftànce de tous les arts , tandis qu'aucun d'jeux ne fauroit en réduire un feul en pratique : & le ton décifif & haut n'en va pas moins fon train.
Qu'eft-il befoin après cela, d'aller entèn-' dre nos froides comédies moderne^ y qui' n'oflrent rien de tous ces travers ?
Voyez enfuîte le ridiciilé inconcevable & les prétentions refpeâîves des états , leurs débats étemels , la montre de leurs privi- lèges j & riez encore plus fort.
Les fecrétaîres du roi, par exemple, ne (àvent quel rang occuper: ils s'élèvent, ils s?abaiflènt; leur contenance èft malafliirée; ils pofent des lignes de démarcation , mais ces lignes fpnt perpétuellement déran^çés. Quel Icandale pour la pépinière de la fatiire '
S5
4i8 Tableau'
nobleflè ! Leur (crupule dans un temps , leur exceflive indulgence dans un autre , tout place (bus un jour comique leur embarras , leur prodigieufe facilité , puis leur attitude fiere & repouflànte.
Mais favez-vous Thifioire de cet honnête marchand d'étoffes , qui avoit coutume de dire à tout prc^s , je veux être pendu fi cela neft pas vrai , je veux être pendu fi je ne fais pas telle chofi ? Il fit fortune ^ & acheta une charge de fecrétaire. du roi ^ le lendemain même de (on acquifition il s'écria devant une nombreufe a(&mblée : Si ce que j'affirme neft pas véritable^ je veux être decoUL Qui n'auroit pas ri ?
Charge de fecrétaire du roi ^ favonnette à vilain, dit le proverbe. Mais un acqué- reur difoit avec beaucoup de fens : Ce qui eft ridicule aujourdhui, dans cent ans d'ici produira dexceUentes raijbns*
Avoir une occupation diffîrente de fon voi(in , eft un titre pour (è moquer de lui \ Je notaire & le greffier (è jugent (eparément Fun au dedùs de Fautre ; le procureur & rhui(^ fier fe regardent comme de deux caftes di^ fërentes ^ les commis établiflènt entr*eux de plus grandes diffîrcnces ; ITiomme d'un bu- reau s'eftime un petit miniftre, & dit : Nous avons fait, nous avom décidé , & nous or-* donnerons. Le cailTier fe croit fort au defliis du liquidateur , 6c ainfî réciproquement. Je
U E P A R T S^. ^l^
ne fais fî le marchand de ym viûte îe vitiaM giitr y & fî le libraire tk attend pas que le papetier failè les premiers pas ; le confeillér au parlemeint trcÀ en pitié un confeiiler du . châtelet ; 6c fi vous vovdez taire évanouir une femme, dejrobe., vous n'avest qu'à lui parler .: d'ùilç^ préfideiite d'éjeâiofl* .
L'on met fouvent en. délibération daiis k ibourgeoifiè ^ fi toû rendra la vifite à fon v(Mfin ^ & fi l'orl n'en, ferôit pas difpenfé : par quelque dignité perfonnelle , comme par > exemple celle de marguiîlîér, de fyndic de' . & coinmunauté ^ de. quartenîer , de futur ëcheyin*, qui doit, graver fon nom. fous IîI' ■: ftaqie . équeftre. de nos rois«
Parcoures jufqaau)^^ métiers : ils 6nt établi ena:'eux une efpebede féparatîon. Demie-* rement un taîllawr du roi fe fit faire une per- ruque par la main la plus babile , parce qu'iin^ tailleur du roi doit être fùpérieurement coëffé $ quand le maître pemiquîeT eut apporté ôç pofé foui .chrf-d'ôeuvre y. le tailleur lui de- manda avec gravité i^ combien î — Je ne veux point d'argent. — G)mmet)t? '— Non 5 vous éte$ auifi habile dans votre ^ que je W ^is dans h niieti : eh bten , que vos cifeaux me coupent un habit. — . Vous vous mé-^ jprenez^.^ %iofi cher ^ mes cifèàux .& mon aiguille, confacrés a 1» cour ^ ne.tr av^Ilent pas pour un perruquier, r— Et mor , reprit Sanue ^ j[e ne co^&„|ias un taiHeur. £t]i*
&6
410 Tableau
gnant le gefte a la parole , il lui arracHa la perruque de deflùs la tête &c court encore.
Les débats opiniâtres des différentes com- munautés font fort divertiilànts. Ces denian* des refpeâives étoîent d*un excellent revenu pour le palais il y a quelques a(nnées : voilà pourquoi il favorîfoit tant, les maîtri/ès. Les procès font devenus plus rares depuis la rëu- aiion, quoique rentétement foit à peu près le même entre ces petits corps de marchands.
Mais quel corps aujourd'hui ne prà^nd pas s'ifoler au milieu des rapports de la ma- chine politique ! Tout corps , tant il eft frappe 4*aveuglement , ne fent que rinjuftice faite à l'un de fes individus , & regarde comme étrangère à fes intérêts TopprefEon du ci- toyen qui n'eft pas de (à daflè.
Le militaire rît des coups qui tombent fiir l'homme de robe ; l'homme de robe voit avec indifférence le prêtre qui s'avilit ; le prêtre croit pouvoir exifter indépendamment des autres états , & l'orgueil non moins que Pintérêt a divife dçs profeflîons qui fe tou- chent , qui ont entr'ellcs les plus invincibles i;apports : armées les unes contre les autres , elles fe prévalent tour-à-^our des petits avan- tages qu'elles ont obtenus la veille , pour les {>erdre le lendemain ; car pendant cette lutte e gouvernement , en paroiflant vouloir les accorder , les pompe & les deflèche pour les retenir toutes fous fk main & les faire mou- voir à ik yoloQ^é.
D.E Paris, 411
Perfonne ne veut fonger que ces travaux dîflSrents font liés enfembîe , & portent k la maile des connoîflànces un trait de lumière; que la fcience eft néceflàirement une ^ & que toutes les découvertes ne tendent qu'à diminuer la fburce de tous nos maux y Tignorance & Terreur.
Aufli la (bciété , morcelée par cette mul- titude de petites & bizarres diftinâions , eft- • elle devenue une vraie tour de Babel , pour ' la confuGon des idées 6c des fentiments ; la fottife y. parle comme le génie & beaucoup plus haut ; chacun y déploie fa pancarte , fon privilège', ou fcs lettres de maîtrife ; l'aca- démicien & le cordonnier en font également parade de nos jours. O Démocrite ! où eft-tu?
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CHAPITRE CCCXXXVI.
Juc pont au Change , le Petit-Pont & le pont S. Michel font les trois plus anciens de Paris.
La rivière de Seine refte cachée au mi- lieu de la ville par les vilaines 8c étroites maifons quon a bâties fur des arches. Il fexoic bien temps de rendre à la ville y & fo^
411 Tableau
coup-d'œil & Ton courant d'ak , principe de làlubrité.
Sur les ponts où il n'y a point de inàifons , . le point de ^rue eft admirable^ ce qui détroit -. engager le miniftere à prévenir dés accidents ^ qui , dans Tordre des choies, font à peu près- . inëvitables.
Catinat , qui avoit mené la philofophie ;^ à la guerre , difoit qu'il n^avok jamais rien : , vu d'aufTi beau que le coup^'odil du . nûlieu du Pont-Royal : que n'eik-il pas dit , ^ avoit ^ ^ pu plonger ùl vue jufqu'à l'autre exa:émité de la ville ?
C'étQit de làk qu'il falloit voir le feu de la ^ paix en 1763 \ cette enceinte immenfe fi prodigieufement peuplée ^ ces quais chargés^ de têtes rangées en amphithéâtre , & ces figures étrangères , mêlées aux phylîonomies, parifîennes : car une multitude de payfans ëtoient accourus de trente &: quarante lieues. L'on remarquoit à chaque pas des hommes, qui , par leur coftunie , leur étonnement & leur vilàge ^ annonçbient que la curiofîté lesr. avoit appelles du fond de leur province,^
Si quelque chofe a pu donner une idée de cette vallée de Jofaphat dont parie TEcriture ^ c'étoit cette affèmblce mobile & ondoyante 9 qui tantôt s*écouIoit comme des flots , tan- tôt offroît des phalanges mouvantes, qui fè balançoient dans un repos animé & majeC- tueux. Point de tableau plus admirable par
DE P A H I S.. 413
la vRviétéy point de plus étonnant par la population.
On fouhaite un nouveau pont pour la corn* munication du fauxbourg Saint -Honoré, du Roule & de Chaillot , au fauxbourg S. Ger* main , au Palais-Bourbon & aux Invalides. L'accroiflèment de la ville le rend indif- penfable.
Conflruit en face de la grande allée des' Invalides , il ferviroit a joindre les Boule-' vards du nord & du midi , & l'agrément^ s'uniroit à Futilité. D'ailleurs il n'y auroit aucun déplacement ^ faire , & Ton feroic maître du terrein des deux rives oppofées.
Vingt -fix quais revêtus de pierres de taille avec des gardes-fbux à hauteur d'appui cei-* gnent la rivière , & s'ouvrent en dix-huit ou vingt endroits , pour former des abreuvoirs. - Au moyen de quelques alignements , on pourroit avoir , depuis la porte Samt-Jacques jufqu'à celle de Saint -Martin , une rue qui traverferoit tout Paris , & qui auroit deux mille cinq cents toifes. On pourroit aligner une autre rue depuis la porte Saint-Antoine jufqu'à la porte Saint-Honoré , qui auroit la même grandeur, & qui couperoitla précé-- dente à angle droit.
On a plufieurs égouts voûtés & couverts. Il fcroit k délirer que la même conftrudion eût litu dans toutes les parties de la ville. Il n'y a point d'égout dans la cité ^ & ailleurs les immondices vont à la rivière.
414 T A s L E A U
L'eau qui lavoit Pégoût de Bîevre , s'eft perdue dans une de ces concavités efFrayan^ tes j occafîonnées par les carrières dont nous savons parlé , Se fur lefquelles des niaifons font bâties, fans que les habitants, endormis dans une heureuie fecurité , foupçonnenc qu elles portent fur des abymes.
Le fol de la ville efl rempli de coquilla* ges fofFiles ; on y reconnoit des peignes ^ des vis , des buccins , de tellines. Les carrières 4'alentour oôrent auflî des coquillages entre deux couches, dont l'une eft mameufe, l'au- be pierreufè*
La circonférence de Paris eft de dix mille toifes. On a tenté pluGeurs fois del>omer (on enceinte ; les édifices ont franchi les li«- xnites; les marais ont difparu, & les cam- pagnes reculent de jour en jour devant le nianeau & Téquerre,
CHAPITRE CCCXXXVIL
Confommation.
J. ous les almanachs vous difent qu'il (è con- fpmme par au quinze cents mille muids de bled, quatre cents cinquante mille muids de vin, non co^ipris la bière, le cidre, Peau- <k-vxe \ cent nulle bœufs ; quatre cents qua-*
iD E Paris. 415
tre-vîngt mille moutons ; trente mille veaux ; cent quarante mille porcs ; cinq cent mille voies de bois ^ dix millions deux cents bottes de foin & paille ; cinq millions quatre mille*^ livres de fuif ; quarante -deux mille muidis' de charbon , &c.
Ces fortes d'états ont des différences aflèz conGdérables félon les années : il eft prefque impoflible d'avoir des certificats qui aient une certaine jufteflè , parce que ceux qui perçoi* vent les droits fiir ces confonmiations , ont intérêt de déguîfer ce qu'ils reçoivent.
On peut aire que le PariSen en général cft fobre forcément , fe nourrit très-mal par pauvreté , & économife toujours fur (k uble, ' pour donner au tailleur , ou à la marchande de bonnets. Mais trente mille riches , d'un autre côté, gafpillent ce qui nourriroit deux cents mille pauvres.
Paris afpire toutes les denrées , & met tout le royaume à contribution. L'on ne s'y. reflènt pas des calamités qui affligent quelr quefois les campagnes & les provinces , parce que les cris du befoin feroientËi plus dangereux qu'ailleurs , & donneroient un exemple fatal & contagieux. On fait hon- neur de ces approvîfionnements au zèle infati- gable des magiftrats ; il mérite des louanges.
Mais confidérons en même temps , que , placé au milieu de l'Isle -de -France, eiitre la Normandie , la Picardie & la Flandre ,
4z6 Tableau
ayant cinq rivières navigables , h Seine ^ la Marne, ITone , PAifne & TOife ( fans par- ler des canaux de Briare, d^Orléans & de Eîcardie ) , les greniers de la Beauce pre£- mie k (es portes ; une rivière qui ; en (brtant^ (erpente par des contours prefque de cent lieues , comme pour donner aux marchandi«* fes & denrées la facilité de reinonter ^ Par^y d'après ces avantages que la nature lui a ac- cordés , jouit par lui-ménie 4e la fî^âtiotL' la plus heureulè 5c la plus pn^e à vok far^ . bondaricç régner dans fès muraiBes..
Le commerce de cette vill^ n*eft prefijde : qu'un commerce de confommation , excepté.^ quelques objets de goût & de lu^e i mais rc^ confommati6ns font confidérables^
Il tire de toutes les manufaâiHfes da^ royaume ^ mais il a peu de fabriques ^ k caufe. de la cherté de la mairi-d'oèuvre. Il: fait des expéditions pour les pays les plus éloigna. Les marchandes de modes, aînfi que les? bijoutiers , en font le principal commerce ^ parce que la main de ToUvrieJ: Teinportç, toujours fur la rîchelîè de la matieire. .
Tout ce qui entre k Paris n'eft donc pas , pour y refter. Les matières y viennent pour être façonnées ; puis elles en (biftent embel- . lies de ce goût exquis qui leur donne k toutes , une forme nouvelle.
Le bureau des rouliers eft d'une grande oommodité pour faire parvenir dans les pay& .
DE Paris. 417
les plus lointains les marchandifes & effets qu'on leur confie ; les comniîflionnaîres en font fidèles & exaâs. Mais le commerce fe plaint vivement d'une nouvelle ferme , d'un nouveau privilège exclufîf , qui le gène & le lançdnnera dans la fuite.
M. l'abbé d'Expilly, qui a porté fi haut la population générale du royaume, &qiiî
{)arGÎt l'avoir enflée de trois millions^ raoat a population de Paris ^fix cents mille ornes.* Il fe ronde tantôt fur le nombre trente^ dioift pour multiplier les naiflànces , tantôt fur l'état des maifons 8c des familles impofées à la çapitaticn. r
. Mais tous les calculs , ainfi que les raifbn^ nements moraux, fe trouvent, le plus fou* vent en dé&ut quand on parle de la capitale. , Lorfque Ton compte par les baptêmes , com«^ ment fera -t -on entrer dans le calcul cette grande affluence d'étrangers qui. y viennent^ qui y font domiciliés fans y avoir feçu \t baptême ? ce qui , (ans compter les juifs ^ doit augmenter la population d'un quart.
Paris confomme plus de deux millions de feptiers de bled par an. Vjjoilk ce qui eft sur^ & ce que ne diient point %% almanachs nou» veaux. La banlieue renferme quatre centi
2uarante^eux paroifles & quarante-fept mille X cents quatre-vingt-cinq feux. Les limites de la ville fe font étendues. Le Gros-CailloU eft devenu un iSuixbour^ confidésable ; tout
4z8 Tableau
les marais ont été ornés de maifons. M. de Vauban, en 1694 , dctermine la population ^fcpt cents vingt mille perfonnes. Nous cflimons donc que Paris renferme aujour* 4*hui neuf cents mille âmes environ ; & la banlieue , près de deux cents mille. Les calculs de M. de Buffon & ceux de M. d'£xpilly paroillènt également fautifs. Il ne ffiut que des yeux pour voir que , depuis vingt- cinq ans , la population eil par- tout plus con- Gdérable.
Au milieu de ce falmis de Pefpece hu- maine, on peut bien compter deux cents mille chiens & prefqu'autaht de chats , fans les oifeaux, les.finges, les perroquets , &c. Tout cela vit de pain ou de bifcuic-
Point de miférablc qui n'ait dans Ton gre- rier un chien pour lui tenir compagnie : on en intenogcoit un qui partageoît fon pain avec ce fidèle camarade \ on lui repréfentoit qu'il lui coûtoit beaucoup à nourrir, & qu'il devroic fe féparer de lui. Me féparer de lui ! reprit-il, 6» qui m'aimera ? . Or, en fuppofant le fyftcme des écono- miftes admirable , il viendroit toujours fe brifer contre la capitale , qui exige un ré- gime tout différent , parce que ce million d'hommes dévore comme deux & demi, La ville eft ouverte , & prefque dans l'im- poflibilité d'avoir une enceinte de murailles. Elle ofl5:c une furface trop immenfc. U fau-
DE Paris* 419
droit un genre de fortifications particulier ; elle n*a point de tours , de murs , de rem- parts , & n*y (bnge pas. Au lieu de citadeUe & de portes antiques j elle a des barrières , où des contrôleurs ÔC'un receveur vous font payer une roquille de vin , & un pigeon s'il n*eft pas cuit. Comme un jour nous paroî- irons barbares & petits à l'œil de la faine politique , lorfqù'elle aura démontré aux ad- ininiftrateurs des dations la double erreur de leurs raifonnements & de leurs calculs !
CHAPITRE CCCXXXVIIL
Balcons.
fCLi'eft un fpeôacle curieux que de voir Jtout a fon ai& , du hgut d'un balcon , le nom* bre 8c Ja diverficé des voitures qui fe croi<- lènt & s'arrjâtent mutuellement ; les piétons qui , femblables à des oi{èaux effirayés fous le fufil du jchafleur , fe gliflènt à tràv^s les xoues de tous ces chvs prêts à les écrafer ; l'un qui franchit le ruiflèau de peur de s'é- fdaboulïèr, & qui , manquant l'équilibre ^ le ^oxme 4e boue des pieds à la tête ; Tau- jtre , qvii pirouette en fens contraice , une face dépoudrée, 8ç j[cLj>arai]bl.(bus le brask
430 Tableau
Devant une voiture dorée , doublée âc velours , attelée de deux chevaux d'une uîDe .égale & parfaite , dont les glaces tranfpareiv- tes o&ent une ducheflfe dans tout Féclat de !ia parure y fe traîne un fiacre tout délabré ^ couvert d'un cuir brjûlé, & qui, pour glaces ^ a des planches. Le malheureux harcelé & fouette deux chevaux, dont Fun eft borgne & l'autre i)oiteux. Cette voiture traînante arrête Fimpatience des courfîers à la bouche écumante , dont on contient k peine l'ar*- deur. Le brillant équipage eft obligé de mo- dérer fon pas jufqii'au carrefour yoîfin; il s^élance alors comme un trait , broyant le pavé , dont il fait jaillir des étincelles. Com- parez fon vol à la^ marche pefante de ces lourds charriots qui rcailent péniblement (bus des maflès énormes , & enraient le paflànt qui tremble d'être applati fur la horne que leur eflieu déplace.
Un procureur , pour fa pièce de rîngt- •quatre fols , arrête le garde des (beaux ; un recruteur , un maréchal de France, La fille :de }oie ne cédera point le pas k un arche- vêque, lous ces différents états à la file, fie Jes cochers qui parlent leur latigue fcanda- Jeufemcnt énergique devant la robe , Féglifè & les ducheflès ; les porte-faix du coin , qui 4eur répondent du même flyle : quel mélange de grandeur, de pauvreté, de richcflîès,^ de gri^iéreté & de mi&tcl
DE Pari s^ 431
Entendez -voys la petite voix aigre de la marquife impatientée, qui (è mêle aux jure- ments ef&oyables d'un charretier apoftro- |>hant Penfer & le paradis? Tout dah^ ce tableau mouvant àevis^-â-visj de berlines,, de dé/obligeantes , de cabriolets & decor- roffes de rcmijés , paroît èizarre ," fingulier^, rîuble.
Voyezydans 4'équipage .^ glaces la laide femme de qualité avec fon rouge ^ Ces dia- mants , Ùl pâte luiTante fiu: le viiage ; tandis .que la roturière tout à côté , fous une fimple içbc 9 $11 brillante .dcfraîcheur & 4'emboii^ . point.
Voyez le prâat enfoçucé dans Tes coufEns^, ne pemaQt à rien , étalant fa croix peâorale^ tandis ^pie le vieux magiftrat , dans une aiir tique b^line, lit quelque requête. Le petit- maître 9 la tête à la portière , crie a le dé- mettre la luette : Eh bien , marauts , cclafi^ ^ra-t'-U ? Ses mienaces fe perdent dans les j^r^.. Il vou.diroit jurer ^^rnais fon accent grêle né Trappe point fe dur tympar^ de l'oreille des qhiarretters II n'a &it Œjie déranger fes boucla en fe remuant. Le médecin le regarde en pitié , & le gros financier au col apoplec-* ûque eft inâiâ^ent à tout ce qui fe paâGè^ jûnfî '.^ùi Pljewe qui s*écoule. .•i^Vml^a^âs, sV^ccroity enchaîne fix cents Voitures ; 8c il faut çfit <^cun attende , mal« ^4^^'^'^^ ^> que le diéfilé ait pris f(Mi ^cours.
43X Table au
Quel ëtoît donc Pempreflèment de ce mir^ Uflorc (ans voix ? Avoit-il un rendez -vous? Non : c^eft qu'il vouloit fe montrer fucceflî- Tement aux. trois fpeâacles, à l'opéra ^ à la comédie Françoife & aux Italiens.
CHAPITRE CGC XXXIX.
Faux Chlsyeux,
Vous voyez b tête de cette belle femme ^ fi remarquable par l'édifice de fa coëffbre 6c (es longs cheveux flottants ; vous^ en iadmirez là couteur, la forme^ le contour' ferélé- gance ... Eh bien ! ils ne lui appartiennent pas. Ils font empruntés à des têtes de morts ; fie ce qtiî la décore k vos yeux, eft la dé- pouille de fujets qui furent peut-être înfeâés de maladies af&eufes , fie dont les noms feuls oftenferoîent fa délicatefle , fi on ofoît les pro* noncer en fa préfence.
Cependant elle s'enorgueillît de ces' che- veux étrangers. Elle s'expofe à hériter des principes nuifibles qu'ils peuvent receler en- core. En effet, on fe fervoit dç colliers 8c de bracelets de cheveux trejfés : Fexpérîepce à xlécidé qu'il falloir y renoncer , ï caûfb des dartes qu'ils produîfoient
Mais
15 E Paris. 433
Mais les femmes aiment mieux (îipporter des démangaifons incommodes que de re- noncer à leur coëifiire. Elles calment la vi« yacité de ces démangaifons , en faifant ufàge du grattoir. Le (àng fe porte arec inipc- luohté à la tête ; les yeux deviennent rouges & animés : qu'importe ! on étale Tédifice dont on eft idolâtre.
Indépendamment des faux cheveux , il ^ntre dans cette coëSùre un couffin énorme ^ gonilé de crin ^ une forêt d'épingles longues .de feptàiiuit pouces, & dont les pointes aiguës repofènt fur la peau. Une quantité de
Eudre & de pommade , qui admettent dans ir compolitlon des aromates^ & qui.con« iraâent:bientôt de l'àcreté , irritent les nerfs» I^a tranfpiration infènfible de la téce'elt ats- jêtée , & elle ne fauroit i'écre dans cette partie du corps , fans le plus grand danger.
Si un fardeau vencnt à tomber fur cettt fcellc tête , elle rifqueroit d'être .criblée. & percée par tous ces dards d'acier dont eBc ffthériflée. «T
Pendant le femmeil, on comprime en^^ xore & la fauflè chevelure , & les épingles^ & ces fiibftances étrangères & colorantes:, 2l l'aide d'un triple bandeau. La tête ainfi empaquetée acquiert un triple volume , âè Venflamme fur l'oreiller.
' Les maux d'yeux ^ la maladie pédlculairë^ ^Inflammation du cuirxhcvelu , naiilentde
Tome IL T
^34 T A B ,1 fi A V
.cette complaifance outrée pour une coëSissfi hizarre. On ne la quitte poiiit pendant les Jaurès du repos ; & le coûflînet , i)a(ë dSsBr ^\\e 4le r^difice ^ n'eft cpiekpiefois changé 4que brfque k toile ^ft àé/awse { Tolérai - )e ^e ! ) far la crafiè infeâe qm iefourne foty 4Pe brillant dîadépie.
La plupan de^ femmes Jiieiê donnent ^ je temps^enki^ar lout le iopscâu de la téte^ parce qi^ les keuies dn pkîBriîmt préoîedfes, I& cfue la journée ennere eft conlacrée^à it #able , au ]eu r& à k danfe. On jae f)eiit pk» iè coucher qu'À deux ou ttois he^es apnà^ jEuinuit 9 j& il £uit Becan;imei^?er le lende- iioain k même v>îp.
/ la 4)uuéièééi;asige;<m abrège iès^^^ x»n perd le peu de > cheveux qu'on avoît ; >9à f0(ï afiUgé die âuxions , de dpuleprs de denis^ de maux dVeilles , d'éréfîpeles ^ tan^ qoe jk vilkgeoife ^ la ç^^ime^ qim fe tient la ^sête .prcipfje Se nent^ xfâ ne fe iÇêft^que:^ iît^C'tbktic &: bien hSv^^ qui iufe ^l^sn^ pommade fans aromates & d'une oouâseâi» ^ir , lie n^nc aucune de ces Sincraurodi- to& , confetye iès cfaoreux jufquff âains£i viéùr )ûSk^&: les itale aux yeux de (ik :airtiere> p9- jâts^enfants^ lorfqœ ïûege hs a bknchis f»)ur ies raidie ipjus vënéstfbles encore.
Au refte , Part du :pecniqiiîer jdans l'eRK- idbi de ces cEevieux artificiels , eft parvenu jpfjB ^iks iaut .prâit 4e perfeâjon , Se k per«>
tuqae <m le tour initte aujourd'hui le natiuel 4 s'yiuéprendfe de près o^mme de bin.
C W À P^i 1* R-È C CCÎCL
Fmmiffiurs^
%^n ine vofehu'k Paîîs de ces intrépides fcétidjfctits , qui avahcbnt. pendant des a»- nées entières -te paki, la vîaiidè, le ^in, Ici meubles ^ répicèrie , Tapothicairetie , à JV|I. le mafiqilis , k Ml le comte, k M. le duel Ceft le. privilège de la^nobleflè. On ne prêteroit pas .flc tnéme au boutgeois ; on le prefle- fpît : ihaiy on attend , iorfqrfil s'agit d'un i^onvnt titré.
'"''" TOfe ma}fon noble doit an bopchér fîx àtinéîei de ibumitnrer , ï répicier cinq , au l»oulaf)ger quatre ; les domeftiques eai^-mê- mes font crédit de leurs j?ages , tandis que toute maifon roturière lolde au bout de chaque année.
Dès qu'il y a des arftiolnes au-deflùs d'une porce-cochere , le ti^iffier 'meuble Thôtel fur une fucceffion éventnrile ; on compte les maifons qui (ont au pair : il y a toujours dans les pktstiches & les mieux ordonnées, ijuelques années en -arrière.
Quand les Êiurniûburs , impatients d'at-*
iendre , foUicitent enfin leur pakmem , -fân- cendant vient i^v( lever de ]V|.Je'^duc^'& kâ dit : Monfeigneur , votre maitre^d'hôtel iè |)laint ^e le -beueher m^ veut plus sfpuriiir de viande, p^ce qïTil y a trois ans qt^U n'a reçu-* un loi \ votsç cpdbeivdit que '.vous n'avez qu'une feule voiture en ctat dé fervîr ,
** & que le charron nfi mre^ plus avoir Vhon^ neur de votre pratique , fi vous ne lui don* nez un k -t compte de di^ tnille^ fcançs ^/|e jinarcbaiid die vin refufe de, remplir vptrt cave «le tailleur, de v<ous donner des l]kbits««- I»es impertinents! s'écrie :1e maître, iju^p/i aille cà^ d'autre. Je, Mur retire ma pro^ ieâipn.
Il jtrduve d'autres fourmflèurs , quoique, les premiers ^n'aient i)as été payés. Le. loir 2 rifque cinq cents loùis d'or au jeu^ ôc s'il en perd cinq cents autres , il Jes ^paîe le lendeniain. Un créancier de cartes. Femporte
«i^touJQurs iiir un.créancier de pain, ou 4t
-yiande. ^
-'i|^ K. «4?^
1> E P A H I 5. 437
N^.-NV--">K-NV NV-NV-NV-^Kr^Vc^^Vv -NV-
C à JlÎ t T RE CCCXLI.
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PiâtPcs^ neufs. .
plâfaresqûe Potv emploie danslaconC^ truâioô des maifons font beaucoup de mal / paro^cfOrHls^hent difficilement , oc cpie l^n iKÛiè^'impnidenimetit les édifices nouvelle-»* meiirbàtis.-Il'n'y>rien de plus dangereuxr* la vapeur des murs eft funefte & caufè des^ accidents thhombrables. Ces émanations en-* fin ont dans nos foyers des influences meur-* trïeresî De là des paralyfies & autres mala- dies , dont roj^igihe eft attribuée 4i des caufesh étrangetes. x*
Oft abandoône ces maifons neuves & humides aux filles publiques : on • appelle^ eàsi cffuycr Us plâtres 0^ Mais ^ au bout de' deux ou trois années , ces- places n'ont pas^ encoce perdu ce* cpi'ils ont de dangereux. '
Ecoutons ua phyfkien que je vais tranK^^ crke
» Le plâtre & b -chaux , pendant leur^ » caleination y (è chargent d\jne grande quan-' » tité de plil<^{Uque qui tend (ans cmc \k' )» fe difli^h Ce pblogiftique ayant [Jus d'aP » finité avec les acides qu'avec les deux ma-^- ft tieres teneufes. auxquelles il eft uni , les .
T3
43^ T A B JE. « A U .
9 abandonne avec facilité pour s'unir k Pa« » cide déY-m^Ué eetfe unicm il xiéfultr un^ » foufre très*volatîl ; foufre quil^nît à fon » tou£ à 1$. terf à aUtsdiiJt ^ b cliate 6tr ài j> plâtre , & forme une comBinaifon con- » nue en chymié &us>lr aoin S'heûarjîd^ » phuris , ou foie de foufre^ La prélence dç spr ce foie de foufre eft fiînfible , lotofqti^çik » fait éteindra la chaîna dans- un iMi ùttmé^ ( » Suivant, rob&tvaiâoâ de tçm, k^^cfay^ :t xniftes^ le foie de facifre difi^ neurfetH' » lement la ; majeure paitie: des htétaux ^ » mais encore les fu&ftances anjmaies & » végétales : il corrode ^ il détruit fiir-^ufr sitJes: matières animales ; & fôn doit con* at cevoir aii^ment les dâbrdres ai&eux:qii1Ë a^ peut caufer & qu^l caufê en efiet dam. n. nos vifceres , quand nous le refpitons. « M. le comte de MiUy y de ràcadëmië des- fciences , célèbre par des découvertes utiles^ en chymie , a donné un mémoire fur la: ma- nière ^ajfainif les murs nouvellemient faits.. Ceft un préfent fait par un ami de l'huma* nité aux grandes villes^, & fiir-tout à la- capitale , trop indiftcrente fur les maux cpiifc réfuhent des plâtres. On poflède, grâces k- lui , une théorie fàtis&ifante fiir la natare du danger & fiiiî les moyens de le prévenir.. Ce mémoire Je trouve daus lé Journal de-' Monficur , année iJJ^- Tinvîte tous les pro- priétaires & locataires de maiibns, neuves ^ y recourir..
J> E F A R I^ S. 439
CHAPITRE CCCXLIL
Inbculaùont-
JLiong- temps combattue , eUe a enfin trîom* phé. Une fiiite conllante &' non-mterrom-» pue dlieureux Ciceès en ont'fixé parmi nou$ ' le règne & les avantages. L'exemple du mo- narque, de fesfrçres, de plufieucs princes Se* de plus de trois cents mille perfonne^ înocurées en Europe fans fuites, ficheufes ,, ont décidé les efprits en fa faveian
Quand on fe rappelle tout cjs cjui a été iSt ôc imprimé contre cette pratiijiîe ùtlù*' taire , on voit queHe eft l'opiniâtreté de l'eC- pfrit de parti , combien le corps des méde- cins s^oppofe conllamment aux découvertes lès plus intéreftàntes : mais l'on doit fentir aufli , que le temp5 y de conCert avec Texpé-. rience , eft le grand raïaître qui fixe les opi- nions; car ce ne font point les ingrats con- tèm(>orains , qui réeompénferont mventeor heureux; ce fera k pollérité.
On a cm fauflèment (jje k petite vérole Ôoît une rnaladîe purement accidentelle & contagieufe, &quon pouvoit s'en garantir aforcede foins & de^précautîons» Mu, Paulet, cutr'autres , a toujours écrit lk-^deâ[ùs d'ajpib
T 4'
440 Tableau
l'idée de la pefte. Si on Pécoutoit , il toSioît d'établir des loîx , des règlements , & de publier des ordonnances de police contre la pctitt vcroh^ comme on feit pour Fenkve- ment des boues & le balayage des mes.
Cette erreur a conduit M. Paulet a pro^ crire l'inoculation , & il nous ordonne, pour parer aux ravages de la petite vârole, la Jequefiration ; mais tout ce qu'il recom- mande à ce fujet , eft abfohiment în^>offi-* ble & chimérique.
Dans une ville comme Paris , il noos hnpofera la gène , la contrainte , Pînter- diâion de tout commerce & de toute (ô- ciété parmi les citoyens , amis & parents. Cela peut-îl (è propofer, cela eft-il prati- cable , quand même on voudrait fiuvre ^ la lettre cet étrange précepte )
Fui{que , d'après fon propre aveu , les traits de ce fléau font înviGbîes, que tout leur fcrt de véhicule , ils fe répandront par-tout , ils franchiront toute barrière ^ comment les enchahier dans tous les infiants , dans tous les périodes de la vie humaine , tandis que Pinoculatîon nous offre le fail moyen d'a- néantir la petite vérole & de (kuver à la fois la vie & la beauté ? ce que des expé- riences multipliées ne permenent pks de "P.
fcttems chimériques M. Paulet comme avec fon éradirion it
B £ Paris. 44.1
• «
nous a environnés de craîntés menipngcres !.; & qu'il eft bon çp^on -fe raille «n peu 8c à propos de toutes ces produâions enfantées^ dans la folitiiàe du cabinet y oit Pauteur acr cumule mifie^-raifonnements démentis par la- foule ,^ faits.' ' > ;
Mais l'inôdilation^ ^'éft encore en hoft-' neur à Paris ûue dans les çlaflfes Supérieu- res, & chfiJi^ies'perfonnes opulentes; «lle^ n.'eâ: pasefi({br#!dj^fcendue che?^ le bourgeois j' chez Fardfan , encore moins chefz le pauvres
Je me proniene dans la Sùiflè^, ]e vois chaque père- de famille attentif -à faire ino-^ culer iès enfaitts dès Jeur* plus -tendr-e jeu- veSe^ M erairoitimalKiuer v^ un <èe\^oir éf-. fentiel*^ s'il-sîytefiifoît^paf^ négligence : aiiflf je vois la génération; qu^SréleVe> belle-^' fraî- che •& brillantç» Les vi&ge» ne pprtent plus l'empreinte de ce âéàu cruel ; tous les fronts oiit conièmrcetjyat qui ajouté aux traits- deJa Beauté.^ *M r . .: . ' /''
Mais fi je me promeut ^ns Paris , jé TOÎSta^^ec chagrin qitie les vieux préjugés t^y font pas détruits : ■ c'qft encore un fpec- tacle affligeant que de rencontrer des vîfa- ges défigurés , fiir d^ buftes d'ailleurs grk* déusr^iOti a fait intervenir juliju'à là relîgiofi* oomttie obilacle à ^n itfage adopté auioai^ d-'hui'chex tous les peuples raifonnablesr , 8C: Ton ; ne fait combien de temps encore là- bctiuté.,parifieime fera ibiQûife à cjpt^e grée^
442* T A B L s A U
affreufe oui épargne les campagnes & lef villes de 1 heureuie & tcancfoille Helsrétie. .
Pourquoi le Parifien s'ohftine^ t - il k voir le nez 6c le» )oues de Ces fiUes icongés &r cicatrif^ , leurs yeux éraillcst, lort^'elles pourroient conferver ce poli qui avec la grâce qui les omimt ^ en feroit les fixjs çharman*- tes créatures de l'Europe ? car leur démar* cbe 9 leur maintien , kui^ habili^ments onr un agrément qui les diitingu^ides femmes des autres peuples»^
Les premiers oiivrages en faveur de rîno- oïlation font fortis du fein de la capitale^ & les Suiflès ont adopté cet vues heureufes. Tandis que aous nous épuifions en fiérties bipchures ,. que nou^ combattions l'évidence^ que les prén-es fe mâoient de ces queftioos purement phyfiques,un peuple fage qui (è rit de la fùperftition, & qui, étend la liberté dont il contioit le prix , Jaîfifibit les bienfaits de l'inoculation , & nous laiflbit la folie des difputes, & îrppinîâtreté de Paveuglement.
Mais le bon fèns eft peut-être à Paris la faculté la plus rare , &. beaucoup plus rafe que rcfprit même ; c'eft le bon fens qui manque à cette foule d'habitants : fi on les examine de près , ils ont tous plus d'efprit & d'imagination que de logique. Le bon (èos ^ p^s commun dans les républiques^ appar- tient moins à un peuple qui n'a point une exiftence politi<]ue ; il ne iè donne pas la.
pôêine de- chercher la vérité : qu'en feroit-il î. Chacun eft îhdiffîrent à tout ce qui ne con(^ * titue pas fa profeflion particulière ; il ne vt>i^qd'elIe , 8c les connoîflances qui tien- nent k rintérêt général lut échappent, ou ne le touchent que fbiblement* '
Nous avons eu lieu de remarquer plu-j' fieurs fôis^^qde le Pati&»i oi^ d'in£-::
thiâion , qu'îhfuivoit opiniâtrement les pré^ ^ jiigés les pliuf contraires kfes véritables in^* téréts , qu'une^^ foule ' de \ vîeilld; idées liiî étoient encore chères, .Ce .défaut d'infhiic-^ tion dans la majeure partie &i peuple n'eO; ^ p^ un petit inconvénient^ parce qu'il ré^ trécit de jour: en jour les idées reltgietifès'^ & politiques , qu'il fiibordoiine les chofes les plus férieufes à la futile plaifanterie,*&' qu'il fera facile de mouvcrir ce peuple cornue me des marionnettes, tant qu'il n'aura pâi fur certains objets des notiolis exaâes 6c^ prâîmmaifes.
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444 T A B L E A V
CHAPITRE CCCXLIIL
Places publiques^
JLiOuis Xiy a' deux places oii Cosk effigie eft environnée des trophées & attributs de la.viâoire^ ia place des Viâoires & la place Vendôme. Le monarque a payé cher rinfcription liautaine^ Viro immortali. Ce fafte de domination eft ce qui a attiré à Yhomme immortel tant d'ennemis dans FEu* ro|5e, & qui ébtankïent enfin Ton trône. Ces efclaves enchabés^ ces bronzes orgueilleux fofèiterent contre bi des adverfàires qui euP- Utxt'été paifibles fans cet airain trc^ indil* tant. Cette renommée aux ailes étendues , qui le couronnoit de fon vivant , ce glpbe de la terre à Tes pieds, cette mailîie, cette
peau d'Hercule la vraie grandeur eût
dédaigné ce vain appareil. Il avoit mis fur pied , dans le temps de fà (plendeur , deux cents quarante i^ille hommes d^infanterie , foîxante mille chevaux , {ans les troupes de fcs armées navales i j^ixante mille mate- lots enrôlés. Il fut trop heureux^ fur la fin de fon règne , de recevoir la paix. Il laifla l'état endetté & fur le penchant de (à ruine. Les infcriptions de la place Vendôme
D s Paris. 44$
font d'une pelknteur infîpîde , & d'une lon« gueur fatigante \ aufli font-elles de l'acadé-> mie des belles -lettres.
La Place-Royale ofFrt la figure de Louis XIII , repréfenté en général Romain , fans felle & fans étriers. Dans les infcriptions, îl n'eft qucftion que d* Armand de Richelieu; & le fujet eft mis fort au-deflùs du maître. Le poète pour cette fois eut raifon ^ il fait parler ainn le monarque :
Armand t le grand Armand , Vame de mes exploits g Porta de toutes parts mes armes & mes loix , Et donna tout l'aidât au» rayons de ma gloire.
Ce qui précède eft encore plus étonnant Louis XIII dit :
J'ai fauve far mon hras V Europe ^efeUwage ; Et fi tant de travaux n*eujfent hâté mon fort ^ Peuffe attaqué VAfit^ & d'vn pieuse effort p J*euffe du Jaint tombeau vengé le long fervage*
Louis Xin 9 qui auroit attaqué l'Afie , s'il eût vécu, pour venger le fervage du fdint tombeau ! Quelle date donneroit - on à ces vers ? Ils font de 1639. L'idée des crbîfa- des n'étoit donc pas totalement éteinte à cette époque. De quelles opinions fortons* nous , bon Dieu !
La place de Louis XV préfente un fii- perbe coup - d'œiL Depuis le chàteaii (ks^.
^6 T A' B t E A^ U'
Thiiileries jàfqu'i Neailly , la vuen'eft'în-- ftrrompue par aucun ot^et ; mais veut - on^ {avoir le nom des vertus catiataks qui fou-' tiennent la corniche du piédeftal ? Ceft h- fifrce, c^eft VantoitnU la paix , c'eft Izpru-^' dcncc^ c'eft'la juftice. Enfiiite, dans unf' bas-relief 9 Looii XV donne la paix à^'Ëu^-^ zope. Le fculpteur a voubi parler de Tàvant- dmiiere guerre.. Lei connoiflèurs fom {dus- de cas de la figure dû courfîer qi» de celle" du roi. Bouchardon a commencé ce mo- nument, Pîgale l'a iihi. Mais quand no^- ilatuaires (auront - ils faire autre chofè-que de mettre un (ôuveràin à-chevat^ la brÙe à^ U'main ? N'y aurôit-il pas une autre ex{ttef- fibn à donner aci chef d'un pei^le ? On voit-^ toujours avec étonnement des noms d'ëche^ vins figurer dans ces monuments publics: ne pourroit-on pas leur fuUïituer les noms ' dès généraux qui ont fouteni> oti vengée le trône ?
.La ftatue du bon Hefiri IV fur le Pont- Neuf , quoiqu'ifoléé , întéreflè beaucoup plus que toutes les autres figures royales. Cette effigie a un front populaire ; 8c c'eft celle-là * €|ueron conGdere avec attendriflèment &- Wnératiôn.
Qui croiroit que le cardinal de Richelieu ^
?jiî a attaché fon nom par- tout où il a pu accrocher , a fait fu(pèndre à la grifle une itfdiption oii on l'intitule fans raçon , en
rr E Par r s. 44.7'
prince dé Henri le- Grand : Vir fiipra- titidos.
Des y^idèlif^s d'oranges^ & de citrons, fruits aufli beau^ qi;e iàmbres , forment un long cordon fous les regards du bon roi. Janiais la. faltmif n'ipr^vironiie, fa ftatue. Le jour & la nmt^ la foule des citoyens paflè, & ialue ion iniagç»
On vondrdit pouvoir coucher la bafe de œtte. flatue vénérée. On v9 .conftruire des boutiques dans fon enceinte : elles feront peuplées de jolies mardiandesde modes, & cet omement n'éft pas fait pour déplaire )k Tombre dà hàros qui fut ren£i|>le toute ùl vie aux charmes de k beauté;- . Ounfe là place de Louis XIV 9 ce mo-* narque a encore des arcs-de^triomphe érigés à Ùl gloire^ pour .perpétuer le Cbuveinr de Ces viâoires V. nîiais aucun > monument- r!z. parlé de fes défait^,, / ' .i .
Confîdérez la porte Saint - Denis , chef- ^'ÔBuvre d'tf ciM^e^pe : toujoitfs le monar^^ que dans la glbîre .^L Comme Eugène Hiu-* niilia 1 A k porte Saint''^ Bernard , on -voit Louis Xiy tenant k corne d'abondanee avec cette in&nprito ^. LUovico magno àbimdantia parta. Dans un temps de dir; iètte 9 \iXK Qalçdn iiadôifit abimdantia part0 par Yubo/ukinct ^. partU ; & ce contrer jèn5;iv'en étoi& pas usk^ ' : - -
il n'y a plus, de ooitf Saioc-Antoineicm
i
44^ Tableau
Ta fàgement facrifiée k la commodité po^ blique, ainG que l'on a abattu la porte- Saint<» Honoré & la porte de la G>nfëi*ence. Il n'y a plus d*églîfe des Quinze-Vingt^ rue Saint* Honoré ; il n'y a plus d'hôtel: des M oufwe* taires; dans un quart de fiede, la phyno- nomie de la ville a changé, & c'ieft en bien; doux préfkge pour l'avenir. Quand foa-t-onr difparoitre de même tout ce qui gêne la voie publique , & tout ce qui porte un ca-- laâere dégoûtant 6c mefquih > Ecrivons^ & ne nous laflbns pas de plaider en faveur des embèlliflèments utiles ; fatîgtibhs les hommes en place , qui demandent à être Êitigués, '
Quand v>ondra-t-on employer des înfcrîp- tions françoifes, afin que le peuple (àche un peu ce qu\)n veut lui dire î Notre langue ar ùl précifîon & Ion énergie ; pourquoi tou- jours la langue des Ron^in^ 2
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C H A P I T RE CCCXLIT*
JLies parlenients font-îk une értiânatTdn dè^ états - généraux ? Les remplacent - îl^ dans leur abfence par la nature* rttéme- de 4aPmoM^ aarçhie y qui adnict Diéc^irem^if uo corps
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B £ Paris. 449
intermëdîaire ? Ont-ils été plus utiles aux rois qu'aux peuples , ou aux peuples qu'aux rois 2 N'ont - ils pas achevé de détruire nos anti- ques liberté ^ en offirant k la nation un rem- part vain & illufoire ? Sont - ils des repré- lentants de la nation , lorfque leurs charges font tout k la fois héréditaires & vénales ^ caraftere diftinâif de Pariftocratie qui fe trouve au fein de la monarchie ? Qui les a chargés , tantôt de livrer le peuple au roi , tantôt de réfifter au roi (ans le voeu du peuple ?
Mais aufli n'ont-ils pas quelquefois oppofê une digue (alutaire k des édits burlàux , & arrêté les coups trop violents du pouvoir ab- folu ? N'ont - ils pas eu des moments de force & de &ge(Ie ? Mais pourquoi font-ils
J)re{que toujours en-deçk des idées de leur îecle ? Pourquoi ont - ils été mus tantôt par la cour , tantôt contre cette même cour, & le plus fouvent k leur infu ?
Pourquoi le parlement de Paris s'cft-il comme détaché des autres cours ? Pourquoi s'eft-il oppofé k la Cappreffion des corvées, a la fuppreflîon des maîtrifcs ? Pourquoi maintient-il les plus vieilles prérogatives & les plus abufives , le gouvernement féodal étant tombé , & ne devant plus exifter ,
!)uifqu'il n*y a plus qu'un maître ? Pourquoi , bllicité par l'autorité royale, a-t-il refufê d'afliirer aux proteftauts Tétat civil ? Pour-
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quoi a« t-il foutenu le pour & le cûn&t'f comme s'il n'étoit jaloiut que d'élever la voix ? D^oii naît (a foibleflè étrange dans telle circonftance ^ & la force prodigieufe dans telle autre ?
Ce corps a-t-il une politique fiiîvie, on Sien obéit-il< au hafârd? Seroit^il comme le petit poids qui' court fur la balance romai- ne t Ici il n'eft que zéro , là il fait tout- à-coup équilibre à^ une force paillante & MnGdérabre.
Comment lès parlements , devant étre- fldiers aux fbuverains qui ont tour gagné par feur implantation dans le corps poutique « ont-ils prefque toujours été expolesk rixu.- nieur capricieufe de ces mêmes (buverains) Qu'eft-ce que Penregiftrement? Je rfai ja- mais bien fu le comprendre. Qu*eft-cc cpie ces remontrances qui ont quelquefois une éloquence mâle & patriotique, digne des républiques , & qui n*ont rien opéré ? Enfin, qu'eft-ce que la réfiftance des membres du parlement aux volontés du monarque ? Sont- ils des reprcfèntants de la nation, ou de' fimples juges crééypour rendre la jiiftice au nom du roi?
Voilà des queftîorts délicates qui n*appar-- tiennent point à cet ouvrage , & que je me garderai bien de vouloir réfoudre. Les rai- fbnnements & fe faits peuvent militer d©' part» 8c> d'autre , ôc les drcoi^nce^ feu^
j) E Parts. 4^51*
fo& feront de ce corps uiie ombre, ou une léaiité.
. Si les Bourbons^ legnent: aujourd'hui^ ib/ le doivent à la fermeté du parlement de? Raris lors de 1^ ligue. Il pourroît renaître un jour une ^>oque à. peu près femblable>v ou ce corps influeroit d'une manière au£Eki inattendue & tou» aufli dëcifive.
U- 2r fait le ipal cpmme le bien : ob^iâsifir^ ^je* ne Êisqqel moteur invifîble qui le do^ naine tel* .y>ar ^ fes . principes ne paroiflètit^ oen moins que fixes. Il eu toujours le der-- nier à embrauèr les idées faines & nouvel- Us* Il femUe vouloir combattre aajourd'hur. qstte pfailoic^hie dont & voix luf a été der-^ niérement G utile. li a tort. L'éubliflèment: ée Tacadémie françoile ( qui le croiioit) i: ki a in^iré dstm le temps les plus vives< alarmes*. Lâché ^contre les jé(ùites, il a dé- voré Ùl proie avec trop de fureur* Il paroît: avoir un befoih (burd de détmirt plutôt que; d'édifier <xl de réformes avec. une £ige cons- tance.
Le parlement de Paris a fait brûler vif, on i66y^ Simon Morih, parce qu'il fe di- foit incorporé à Jifits-^hrifi^ Cette épou-- vancabl^ barbarie date M beau fîécle der Louis XIV , lo«'(qu'il donnoit des fêtes élé« gantes & fiiperbés ^ lorfqoe Gomèîlle, Ra- cine, La Fontaine écrivoient, lorfque Le* 1mm .tenpijt h . pinceau ^ 1^%^ Lully ôc:
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quoi a- t-il foutcnu le pour & le con^rt^^ comme s'il rfétoit jaloiut que d'âevcr la ^oîx î D'oii naît fa foîbleflè étrange dam^ telle circonflance ^ & la force prodîgîeufe dans telle autre ?
Ce corps a-t-il une politique (uîvîe, oa Sien obéit-il' au hafard? Seroit-il comme le' petit poids qui' court fur la balance rcmiai* ne ? Ici il n*eft que zéro , là il fiiit tout- à'Coup équilibre à^ une force puiflànte & tfonCdéraBre»
Comment lès parlements, devant être fldiers aux fouverains qui ont tour gagné par feur irhplantation dans le corps poHtique ^ ont-ils prefque toujours été expoles à iki- meur capricieufe de ces mêmes fouverains) Qu'efl-ce que Pcnregiflreme nt ? Je n'ai ja- mais bien fu le comprendre. Qu'efl-ce cpie ces remontrances qui ont quelquefois une' éloquence mâle & patriotique, digne des républiques , & qui n*ont rien opéré ? Enfin, qu'eft-ce que la rédilance des membres du parlement aux volontés du monarque ? Sont* ils des repréfentants de la nation, ou de' fimples juges crééypour rendre la juflice au nom du roi ?
Voilà des queftioits délicates qui n'appar-* tiennent point à cet ouvrage , & que je me garderai bien de vouloir réfoudre. Les rai- Ibnnements & Tes faits peuvent militer d©' part» 8cv d'autre , ôc les drconfhnce^ ièu^
DE Pari s. 453
1 776 , r«teur de PhilojQphic dt la naturic. Le châtelet Favoic décrété de prifc de corps , & le-tenoit prîfonnier à coté de Dcfrius.; mais malgré le defir > extrême, qu'avoient les îuge$Hd'envoyer Fécrivain ^ifi( amende ha^ norabUi, la torche en main^ devers Li place de Grève ^ ropinion publique s'oppofa telle^ ment ^ ^ iiqe ientence auflî abfurde , que le parlement , tribunal en dernier reflfort , caflà toute l'inepte procédure , & iienvoya Tauteor abfous.
La perfecution du châtelet parut G mé« ^ifable & fi ridicule qu'elle ne put même .valoir à Fauteur une forte de célébrité : 11 jrefta obfcur. Cet événement Singulier né 4:aptiva point l'opinion publique. On diroit ^ue je pade: ici d'un Ùk ancien^ & 11 eft lout récent.
Ce même pariement fait traîner fur la xlaie les fiiicides y les fait (ufpendie à la po*- .tence par les pieds , au lieu de les conuJé- jcer comme des^ mélancoliques atteints d'une .xnaladie réelle.
Il ùdf brûler les péderàfies ,':(àns fonder jûue la punition de cette vilenie eft un fcan- ^le public, & que c'eft un de ces aâes
honteux qu!il fauc couvrir des voiles les plus.
épais.
Un habitant de Lyon & de la Rochelle
.^ft obligé de venir plaider à Paris. Céft
.aller chercher la jufiiçe kune grande diilaiH
4$i Tableau
Quînaut marioient leurs talents. Maïs les
i)oëtes , les peintres , les fculpteurs , les mu- îciens décorent une- nation, & ne Téclair rcnt pas.
Un phîlofophe: caurageox auroît-Giàvé Èi- vie k Simon Moriiv, en démontrant ktdoiH ble démence des juges & de Tacciifè. Ce philofophe ne fe trouva pas. Boileaa fit la" même ahnée une plate fatyiiev non contre le parlement qui avoit livré k Thorrftle fiiji- plice des flammes un infenfé , mais cbtitre quelques auteurs qui ne verfîfioient passatîflî- heureufement que lui. Racine , sVnfefmant àsitis fon cabinet , compofa une crag^e' françoifè d'après une tragédie grecque \ 3* îmmc^a fon ïphigénie^&c parla àtCaichasi^ (ans ofér faire la moindre allufion k cette atroce cruauté. Fénélon lui - même n*a rieo dit. Qui de tous ces hommes célèbres a parlé > Ceft une honte éternelle k tous les- écrivains polis dabeaujïecle de Louis XIV , que je ferois tenté d'appeller à demi'4>arbare.
Aujourd'hui les aâions des juges font obfervées, & leur iniquité ne paflèroît pas fans réclamation. Quand le même parle- ment fit périr par un horrible fiçplîce Tin* fortuné^ de la Barre, un crî univerfel sVleva contre cet arrêt fanatique , fauva la viâime de la flétriflùre , & rendît le corps, des juges plus odieux que le tribunal dé PInquifitîon.
Ceft ce cri de la raifon qui a fauve , ein
» E Par I «. 4^^
fouslîgnc. Le livre eft ^condamné à, être brûlé au pied du grand efcalier, ou de TefcaKer S. BanhâenH , comme hérétique ^fchijma- .tique^j erroné , violent , blafphémafcur 9 im^ pic ; attentatoire à f autorité ^ perturbateur ,da rep9£ des empires , &.c. ii n'y a pas une feule .épithete à rabattre^
On alhm^un fagot eu pipëfènce de quel- ques poliflbns oifi& qui fe trouvent là par Jtafyxa ; le greffier fubftitue une vieille Bible vermoulue avi livre condamné ; le bourreau brille le iàint vdkme poudreux , & le greffier jiilace Touvrage anathématifé & recherché , fdans fa bibliothèque.
Encore étoui^i du coup de maâSie que
lui a porté le chanceUer Msmpeou , ce eorps|
fie fait plus quelle fente tenk ; <fes i^es fem-*
hlent confufes , embarraOies \ il ne fint ^
4oit embra^r tine certaine xronfiat^ en -lia-
même d*apr^ & bafe antique , txi laifl^ dé-
liouer le fil des événements , peur en mettra
à profit «les dîvecfes arceaftances* Il pareiît
Avoir adopté ce denâer pafé 1 fen repes ref-
, femble à ,un fommeil ; les uns le (^oiem
mort ; il fe rév^Uera , ^Cent les antfesj'^â
ne doime aucun figne de vie , difent les
jtroiliemes , c'eft qu'il prépsoe^ 'fâuneâion;
j^eflc^il médite dans 'le- cthne ce qui là
a toujours manqué, une adroite pcditsque^
il étudiera mieux cp^i'il sh. fait 19$ jd^ ^
^fiecle.
4Î4 T A B L c A tr
ce : mais cet abus eft invétéré , & 3 &mt •^£fficile Retoucher à une coutume qui , dans ion antique bixarrerie , a quelques avantages.
Quand les tois alloient dans une efpeœ •dé 4x>cfae ^ ks oonfeillefs & les préfidems ard voient aupdais^ montés {urune milles aujourd'hui que les rois de Frâncç ont in- finiment plus à dépenfer pour leur maî(bn , il eft jufte que les conseillers & les pré&- 4ents , €^ remontrent ai ^m mTegi/trent, partagent un peu Fopulence & le Iiikc/des -^nonftrques.
Ce parlement s'appine dans 4es t)ra«5'(ur Tes avocats &ies procure|iFs , 6c Iest>b)ige ï >)eûner pour Tes incéféts propres ; on compte >tfnq cents dbqisante ai^ocats &r le tableati^ Il n'y a pas une 'caufe par mois -pour cba^ avocat. Les procureurs , dans ces temps de crife , m goâtent pas infiniment les rtmour tranœs. Les avocats pks fiers dirent qei*ft cnt fermé leurs cabinets , mais les fneces ^d'écritures & les confultations ^ont fburde- ment leur train ; le client en eft quitte jkxbt |>aflèr par Tefcalier àévobê.
Lor(qi^un livre à f approbation Aé FEom- pe^ qu'on le lit par-tout, qu'on en admiie ies idées neuves , fortes , grancfos & juftesi Pavocat-général vient d la barre de la cour^ &it un requîikeire plein de nùhfens & aQ^i" 'Corme de déclamations; il détache quelques ^afes il la .piode des joumaUftes, & ks
I> K f JA. R I S. 457
mgîoent les autres cbrps & fes empêchent de -marcher droit versHin but 'uhk]ue.
Lai-méme donne orï ^fijain li fi(, milice fuperftitieufe qu^l méprife^bâidis «pi'il efti-^ me fés ennemis \ il eil édairé ; il ne <:om- mettra point de grandes fautes ^il f0ngd k l'utile 9 prêt à céder ii Parbitraire quand les Paiements ëclos du fein du temps l'exige jront V enfin ll^lêdéfend^tvec lè^ifeules ai^es <jA lixr refieiit .^ il les ^^ftimie fanta(ii({ue^>^ mais il ne les abandonne point pour ^la ^ parce qu'il connbit la cour , les g^nd$ , la tiation , & k refpeâ involontaire qu'ont les liommes pour des privilèges 4d>fifi&^ rmais antiques, o ^ : . >.'*.'
, . H £ut inmnager^yifiqà'àuxi plum^ (pii lut livrent la guerres il ne ti^pond ^ue jpsir lé iî£* ience ^ lai&knt les difcufiiom thëologiquesaM I)atailleut5 de profeffion^&^s'appuyancavèc 1^ de iùtété iur la'faa& rédUe de fon* qpu>^ ience» . •. »: '- . • **.^ v., -.'v i^-.
.^'^Ce corps nM.jparolt doué de là politkiue la plusc£ne , 6c jùCc^ici la plus heureufe» Moins perfëcuteurs que')amais j ae Ibllicitatit prefque pliis de lettres de cachet contre les proteftants& leurs filles^ pai^tde tdéra»i^ eer, occupé de 'joùiflânces yoluptueufès & paifibles ^ fàtisâiit ', tant icpie rextérieur du cuke ne recevra aucune TOeche ^ il hUTeiTL paflèr les x)pinions cbntraires , (ans leur op- {lofer une digue impmdcntevcarilffent biea
Torm IL V
4$6 Tableau
Quoiqu'il en foit , ce corps a toujours une grande force qui a (buvenc inquiété le tru* ne ; & laquelle ? me demandêrez^yous. La force d'inertie !
GHAPITHE CCCXLV.
Le Clergé.
i3on fiege, pour alnlîdirelnvifible, éft pnth cipalement à Verfailles ; c'eft là (pi'il tra- vaille fourdement , qu'il examine de ptès les claviers qu'il doit toucher. Il maintient (bn exiftence & ion crédit par des.moyens fou^ j>Ies, adroits, & (pii varient (èlon les xûv confiances.
Le corps qui a le moins de préjugés^ ( le croiroit-on ! ) c'eft le clergé ; il lait très- bien ce qu'il fait ; il connoit le cours Sc l'afcendant des opinions régnantes ,; il a re- connu fa véritable poiition ; il fait quelque- fois le fanatique dans des mandements , & il ne l'eft pas. Il fixe les yeux en tremblant iur le précipice ^ù la loi des deftins l'en- traîne, il en recule l'époque qu'il juge lui- même inévitable : mais il l'éloigné «en ri'af- feâant ni crainte , ni audace ; oc mettant à profit les partions de tout ce qui l'environne , il (è défend de ces paflîons indilcretes qui
agitent
mgiœnt les autres cbrps & tes empéchentde -marcher droit versHin but -utikjue.
Lai-méme donne orï ^frain îi fit. milice fiiperftitieufe quYl mépiife , bâidis qu'il efti-^ me fés ennemis \ il m édairé^ 11 tie com- ^oiettra point de grandes fautes ;^il fbnge k i'utile, prêt à céder ii Parbitraire quand les Paiements ëclos du fein du temps l'exige jront v enfin il ^{ê défend avec lei^^feules aiâAies qui lur refieiit ii^ 'il les ^eftimc fantaftique^', mais il neies abandonne point pour ^cela ^ parce q^il connbit la cour , les g^nd$ , la tiation , & k refbeâ involontaire qu'ont les liommes pour des privilèges 4d>fifi&>y mais antiques. >3 '- / >■': •'■'
.11 £ut tnsDager^îiifiqà'àux. plumes' (pii Jiu livrent la guen:e>: il ne répond ique par lé (î^ ience , laiSkht les difcuffionsthéologiquesâos |)atailleurs de profèflion ^ &*s'appuyancavèc 1^ de Gxtèté iur lafaafe réelle de fon qpu>^ ience. . ■ :■:
.^'^Ce corps nie.jparolt doué de la politk|ue la plus:&ie , 6c jiiCc^icila plus heureujfe. Moins perfëcuteurs que '.jamais 9 ne Ibllicitanc prefque plus de lettres de cachet contre les ptoteftants& leurs filles^ parlantde toléra»i^ cer, occupé de jouiflimces vokptueufes & paifibles ^ fàtis&it , tant icpie Fextérieur du cuke ne recevra aucune brèche ^ il laiKIèni paflèr les x)pinions contraires , (ans leur op* {lofer une digue imprudente fcaril dent biea
Tome IL V
46p T A B L rE A U
niais la cour s'attache ainfi la tioBleflè ; & Ton paie les fervices militaires , de même jqae (f autres 4iioifis importants ', avec les 4)ieiis de.i^égUfe.
Qu'efrce que |a ^râille des bénéfices ? Y €ut-il jamais feuille des. bénéfices dans la primitive églife ? Combien detenips darem encore la fetlille des i>énéfices>? Elle /a d^ £ibi Çc fubirasnfenfiUemem diffirentcs mé-
tamorphofes ^ piiis • • ' •< Maisî^ pèub lice di -tindement dans favenir î
On compte xent . ônquapte iiiiîlle . ecd^ £afiiques dans le royaume , tons célibataires, {«es a^ties étoient mariés. Le clergé . a été marié pendant plufieurs fiiedes. Le concîZe •de Trente a.été tout pxât.de;^ermettie le ma- riage aux prêtres. Cent cinquante mille m&' vidus qui vivent dans^un célibat -dângeceuz à eux-mêmes & 'aux* 'autres ! L^feroit-dn croire! Si ce fait'rëtoit rapporté dans une jbiftoire ancienne ^ ne lerévoquetoit-on pas «n doute ? 6c fî l'on étoit forcé /enfin Àe Tad- mettre , de quelles téâeaions ^né J^ccompa* gneroît-bn pas-î • ^ !:
Quant à la ..i^é'liH de jsfidenc» 4 . elk eft £ ouvertement , ficonâàmment violée , qu'il devient i inutile d'en faife.la remarque^ L«s jDu^Ucs W xonnoiflèru:. plus le. front de leac pafteury & ne l'envifagent que fous le rap^ jport d^iip homme opulent , qui fe divertît dans la capitale, 6c qui s'embarraflè.fiirt]^ ,de fon troupeau.
DE P A R ï S. 4^9
de réglifè font le patrimoine jdes pauvres , que lesévêcpies n'en font que.les dëpolàtaîres ^ jque x)e. qu'ik dépenfent en luxe ^ en &fte , en plaiOrs^efl un vol réel, une violation évi-p 'jûente àes^Jaints canons (i) ; vous leur di- ctez une vérité redoutable , & qu'ils ne peu* ,vent fe didiinuler à eux-mêmes. Ornez-la , .cette >vérité féconde^ des expreflions les plus «convaincantes .& ies^ plus animées , afin '^'ellà: defçende dans.touslef coeurs Se dans tous les efprits. Et né poiivez-vous pas ton- .àer y lodqu'un.. prince de Téglife laiilè à Tes héritiers deux ou trois miiiions qu il a frau- diileuCement amades aux dépens des pauvres t Fefez Ik^ffias ,. & répétez qu-a Gi naort , un évique ne doit l^iilèr qu'un linceul pour Tetir JtevfJir. .■ . "•' ; . .'•
r : Laiflèt enfùite lesiévéqaesiCalomnJDer vos .^rits daii^ des mandements iqu^on ne lit pas ^ xm dont on le* moqué. CeSIànitfon de cent axiille : écus- par . an ^ qu'ils diAribuent cesè h^è éloQuence faite^pour les prènes. Que -vous faicleftyle de&piiiones? :> .
A qui donne-t-on les évéchés î Aux no*- blés. Les groi&s abbayiefc 2,- Aux nobles. Tous lés gros bénéfices } Aux nobles. Quoi ^ il faâ êtrt gentilhomme pour (èrvk Dieu 1 Non^
'' ' .•■* ■■'I»
. (i}Ils djfent tous de la miaftîere !a pfiis fortes' 1^ plus inconteAable , que tous les bieîi^ Iles eç- clé/k(liqùcs appartienncot de droit au't âjkiivttfl.
V z
4^* Tableau -
dant la meflè , tandis qu'on levé Fhoftîe , tous les yeux font fixes fur le roi , & c]ue perfonne ne s'agenouille du côté de PauteL Au grand onivert , le Parifien remarque que le roi a mange de bon appédt , que la reine n'a bu qu'un verre d'eau. tVoîlà ce qui fournira à l'entretien pendant quinze jours ; & les fervantes allongeront le col |^ pour mieux écouter ces nouvâles.
Quant aux tableaux , aux ilatucs , aux an- tiques ^ il n'a pas d'yeux pour cek ; maKi il admire les glaces , la àogus/t-.i 1^ d^s d» trône ^ & la quantité de platsr^'s^ pofe fi» la table royale* Les carroflès furdocés , les Cents^Suifïes ^ les Gardes-^Corps & les tambours- le frappent auffi beaucoup.
Ce qui étonna le plus le Sauvag« amené à la cour de Charles IX , ce fut de voû: les Cents -Suites , hauts de (ix nkds, arec kun mouilaches & leurs hallebams ^ obéir à u0 petit homme qui avoit le vi(age pale &c les jambes grêles. Le Parifien eft loin de fentir la reflexion du Sauvage. Qu'on lui dîfe qu'un autre Indien voyant le tableau où St. Mi- chel terrafle le diable avec uric'niaj'éné tfàn • quille & fans effort , s'écria j Ah , le ieau Sauvage ! il ne comprendra pas mieux te trait que le précédent , fùt-il des fix corps ou garde-notes.
Rien n'^mufe plus un philofophe , que de Se promener feul dan^ cette gauerie y 6c de
D-îE Paris* ^6p
• j
CHAPITRE CCCXLVL
î ,. ' . . .'
La Galirie de VerfailUs.
lue ParîGen , le jour dé Ia'Pentéx:ôte , prend* la gaUote']îi(Q^:ti Sèves, & de là court ^ pied à Verfaîlles , pour y voir les princes , la proceflîon des côrdonsrbleus , puis le* parc , pais la^ mériiferie (j).- On lui ouvre les grands àpMMRÀents ; on lui ferme les petits , qui font les phis riches * & le» plus curi^r.^ Ils fe preflènt k midi dans la galerie , pour contempler le roi qui va à la meflè-, &1a reine , & mônfieur , & madame , & monfè^eur comte d'Artois & madame là comtefle d'Ajjtois ; puis ils fe difent Tun à Pàutre : As^tinltlè roi —Oui , il a ri. — * Ceftyrai ; il a ri. '•^ IF paraît content. — *•- Dame ! cUjl qu*il a de quoi. • ' M. Mooiea fort bien obfervé- que pén-
«
(i) En revenant j' le^ petit penple raconte' lliiftoire connue du^Suifle de la n^nagirîe« €•' p.ortler à livrée royale avoit l'emploi de donner tous les jours fix bouteilles de vin dé Bourgogne à- un dromadaire. Cet animal étant venu à mou*- rir^ te Sûifle préfenta on placet', 'par lequel il iileii9ludoi|.àlacoiir Ufifmvànee àr.dromadairi.
V3
^6% Tableau
dant la meflè , tandis qu'on levé Phoftie , loos les yeux font fixes fur le roi , & c]ue perfonne ne s'agenouille du côté de Pautel«
Au grand onivert , le Parifien remarque qiie le roi a mangé de bon appétit , que la reine n'a bu qu'un verre d'eau. Yoilh ce qui fournira à l'entretien pendant quinze jours ^ & les fervantes allongeront le col |^ pour mieux écouter ces nouvâles.
Quant aux tableaux j aux âatucs , aux an-« tiques , il n'a pas d'yeux pour cela ; maïs il admire les glaces , la dom^, le dais dor trône 9 & la quantité de platySylny pofè ftur la table royale. Les carroflès fordocés ^ les Cents-Suifïes ^ les Gardes-du-Corps 6c les tambours le frappent auffi beaucoup.
Ce qui étonna le plus le Sauv^« amené à la cour de Charles IX , ce fut de vok les Cents -Sui0ès , hauts de (ix pieds, avec leurs jnouflackes & leurs hallebanKs j obéir à un petit homme qui avoit le vifage pâle & les jambes grêles. Le Parifien eft loin de fentir la réflexion du Sauvage. Qu'on lui dîfe qu'un autre Indien voyant le tableau où St. Mi- chel tertafle le diable avec uricTiiajené tran- quille & fans effort , s'écria j^h, le icau Sauvage ! il ne comprendra pas mieux te trait que le précédent , fiit-il des fix corps ou garde-notes.
Rien n'^mufe plus un philofophe , que de fe promener feul dans cette galerie , & de
DE Paris. 463
roder enfuite par-toi^t. Il îi'â tien à deman* der aux minières , ni aux ^gens en place ; il ne les connoit que de vue ; il ra à leurs au- diences } il aflifte aux ditiés dés |Mince$ & des princeflis j il fe réjouie fort dé ce5 en* trées, do ces révértfn<îftj d^ ce» -dôilief ti- ques , de ces officiers de taUe ^ do fétieux dé toute cette plaifante étiquette. Il fe rappelle alors quelques pages de fon Rabdais (i) , & il rit tout bas ^ car Tefpece htinrmine efl la fous le jour le plus divertidatlft. Il voit trotter les altef&s , le» grandéfîil^ ié lés émë nences pêle-méle avec les pàgeà & les v»^ lets-de-pied ^ & lui , tranquille dl^brrateuri,^ il n*a rien à faire qu'à examiner.
Qui ne Ce donneroit pas ce taré i^laifii? trois ou quatre foiâ rannéê ? Efl-il dahs att^ cune lingue une comédie qui appf ôchcf de celle ouVf&e ^joûfiiellenient VaiCde-bcsUff Quana on a vînés caixtnùm&fi peti/s devant U JoUU , comme dit le itioîndré bdtrf^ géois , il n^eft pJbs^[M>fBbfoiltf lei voir gtifti&^ ailleurs. . /' '
' Mais il Êiot apprendre ttxA êSntâgtti tt( que c'eftqiie Pcfcil-de-bâedf ^ t*eft tfttc aétî** chambrôqtiî rtf tient fou tiorh'étixàé ttréttt de forme ovalcr. iià vif tih StiMfe t|iiâftt? Se
. (1) Quiconque a lu ttahetaii. & n*y ar vu c{u*un hùdthÀ^ k tCvif sâr e^ lin m \ s*appellàt« tl- Voltaire. - '• -
V4
4(54 T A B L 1 A. V
coloflàl: cVft 111^ gros oîfeau dans ht cage« Il boit 9 il mange. ^ il dort dans cette antî* chambre , &. nen fort point : le refie du. château lul^ efl: étranger*. Un fîtnpleparavenfr fçpare (pu. lit. & (à, table: des.puiflances de ce monde*. Doâze. mots fonores ornent (à mémoire , & compofent ionfenrioe. Paffh^^y Meffieurs , p^Jfi^ ! McJJieurs -, lé roi ! retire^ yoiis. On n* entre pas , Monftignmr ! Et Mpnfeigneur file Gtns mot. dire*. ^- ToQt le i^ipnâe le ialue , perlbnne ne le contredit 4: &. voix cbai& dan&.la. galerie des nuées de comtes ^ dé marquis & de « ducs^ ^i fuient dev^tj^fà [parole. 1\ renvoie les princes & princeflès^ & ne lair. parle (pie par monofyllajbes : aucune dignité uibalteme ne lui en impofe ^ il, ouvre pour le maître la portiece de glaces^ & la. referme;. lé refte de h terre eft égd à fes yeux. Quand fa voix» retentir, les pelotons épaçs d&#sourtifàns sV moncelent ou fe difEpent ; tous fixent leurs regards fur cette harge maiti qui tourne le< bouton : immobile ou en adion , elle a vact effet, furpienanti^ tous ceux ^ la 'regar- dent. Ses étnennes montent k cinq cents^ louis d*or ; car on n'oferoit offrir à cette maiiL un méulaufn vil que Eargeo(» -^ v
Le foir un grouppe de courti(àns traver* lent de nouveau roeil-de-boeuf ^ & s'aîtmupept auprès "Û une' porte fermée ^ ep. '"attendant qu elle s^ntr ouvre. Ce loiit des prétendants a .
Br Ê Paris. 46^
Ffibnhair irifigne d&Coupcr zvéc le maître: tel a/pourfuivi cette grâce pendant trente-A_ cinq années , fidèle tous les jours -de fa vie à*' cette porté ingrate 5 &• il ^ft mort à lar pourfuite de fes- faveurs j (ans IWbîr yubâH-- lier pour loi* Chaicun fè ïlaàie étnnc elp^rance qui ne i'ëtéint pas ^ 4Eju6kiue fi'{bBVttirtrom=i pée. Au "bout de deux heures , cette porte adorée & pteSUe dans un tremblement ref^ peâueux , s'entr*oHvrè : un hmffier de la diambre ^ok avec tme liHe ^ Aa, main , Sd cne fept^à huit' ndni^ fortunés ijuî entrent , on plutôt (è gliflèiit dansPétrôk & envi^ paflàge^- Pub fhuiflier ferme fubitement ht porte au-nei des autres qui ^ faifànt fem-** olant defe confoler de cette difgrace , s'en' vonr le chagrin & ledéfefpoir dans lé.cœur,^
Je ne fais' fi r^eft le ha&rd ou la* poIStique^ qui a déterminé cette léeere difiance dit monarque à fa capitale , n le projet fut ri- fléchi^ mais on diroit par les tSetsr^ que ce fut l'ouvrage de la politique la pins raffinée. Cet éloignement de quatre lieues , qui rend le monarque comiiie fnvifîble , qqi le dé- robe aux yeux & aux dameufs" de là mul- titude 9 a eu la plus grande inâiience fur la ^ conftitution du gouvernement.
Quand le roi vient ^ Paris , c'eft une* grâce, un bienfait , ou b'crr il s'y montré ' avec Fapp^eil d'un maître qui vient fàirr exécuter fes voictotés; .
- • V^^ ■
4^6 Tableau
Un bourgeois de Paris dit trèsrfërieufe* inent k un Anglois > cpi*eft-ce que votre roi ? Il eft mal logé y cela fait pitié en vé- rité. Voyei le nôtre , il habite Veriailles. Eft-ce Ikun châféau fuperbe? En .avez^vocK un pareil a citer ï Quelle grandeur y- quel éclat, quel magnificence j Cette foule, cou- verte d'or , tout cela eft l'ouvrage de Louis XIV ^ il a employé près de huit cehts mil- lions pour le château & les jardins ; c'iétoit uu grand roi ! l'article feal du plomb poili} les conduits d'eau étoi|: de trente-deux mil^ fions ; il a brûlé le définitif du compte ; c'eft le plus magnifique palais (pi'il y ait au monde. Nos princes du (ang enfin ont une cour plus brillante que celle de votre roi d'Angleterre.
Et il continue fur i:e ton aqx' yeux de l'Anglois 9 qui , ftupéfait d'un tel raifonne- ment , adinire le Parifien & ne fait que lui répondre.
La reine régnante a fait placer des réver- bères depu^ VerfaiJles jufqu'à la barrière de la Conférence ; de forte que vous pouvci partir dél'œil-de - bœuf & aller jufqu'à la grande allée de Vincennes,c'tft-à-<iire, dans un elpace de cinq lieues & demie , toujours fur une route éclairée. Aucune ville ancienne ni moderne n'a oftert ce genre de n-iagnifi- cence utile. Toute jouiflànce qui devient publique, prend un caraAere de grandeur, & ne doit plus s'apptller luxe.
Sans doute M. Sherlock qulttoit Paris fur
D E ■ P A R ï s, 467
cme fiiperbe route, qufand' il a dît : Jamais^ un homme rUcfi parti dt Farts gai. Quitte qu*tn foit la raifort ^ on tji toujours trijfe enfortant de Pam. On dôît fuf-mt ctiè' trifte, fi je né xtie ttohïpé. <j^âfid^ on (ort*! de la capitale pdur aller aans les' bureaux' de Verfailîes , ou dematidtft qtreîque gracé , ou implorer jufïice , .ou pôUrmîvre quelques ' projeta. Il faut parler k des commis qui vous écoutent fans répondre , & dont le parti eft pris avant de vous avoir entendu.
Vetiailles 9 qdi cdwtîent cèftt.mîlle afnes, s'agrandît contrdérablement ^ & fe défllne avec majefté ; c'étoit un pauvre village il y a cent vingt ans; feS rdfes foht très -larges , bien aérées , & Ton y niarche prefqùe de tout temps à pied feç.
Quoique le foyer des aflEaîres majedfes & politiques , Verfâi!ï§s fe ttouvàr.t datïs fé tourbillon de la capitale, obéira touiouts en fatellîte à fes mouvements, & foîyra in- failliblement la deftinée de fâ'pllneté.
L'efprît de cette ville fecondâ^re tf èft au- tre que l'efprît du châtea\i , & Pon connoît Tefprit du château au bout d*uxï Jour ^'èxa- ' men. Ce qui s*eft faîtla veilfe, fe fi^jfïiaûe* ment le lendemain ; &' qiiî a vu lïn jour , a vu toute Tannée.
Il y afeize mille b6ix dé Saint- touîs en j France , dont fix mille .^ï^arîi" oa daiis les ' environs. Ces ôfficî'eft battéût- en:jfeWi4.
V6
468 Tableau
êhamhn , afiiegeot les bmfiaux de Verlàilr- les , peuplent %s anti-chambres , remplîflènt la galerie, font cirailer les nouvelles , par- lent inceflàmmetit des guenres paflees ^ dér raifonnent en pôHtiqqe 9. parce qu'ils jugent tout en militaires; ils ne^ peuvent, s'accour tomer k ious les changemep^ que le couis^. des événements autorité & nécellite.
Les habitants de ce lieu fe pêrfiiadent aî« fémeiit que Vertailles (ûrpaflè en beauté tout ce qu'il y a dans le refte de l'Europe ^ &. ^u'il eft très-inutile de vpyagér pour lie voir que des chofi» inférieures. Auiiî. ne' cpm« prend - on rien dans ce pays a. la fentaiGe d'un feigneur qui va viuter là HoIIajpde^ FAngleterre , la Sui0è , l'Italie , l'Allemagne & la Ruflîe: on Tàccufê de bizarrerie.
Ici , chacun fe glorifie de l'emploi qu'il exerce , & fe croît ^ pour aînfi dire , niem- . bre de la couronne, pour peu qu'il approche de la botte du monarque \ celui qui met un plat fur une table , s'appelle un gentilhomme y . 6iC un porte-manteau prend le titre àUatyer* Niîl n ofe empiéter le mobs du monde fur , les fonétions de fbn voifîn ; trente ou qua- rante charges font exercées dans un dîner j jufqu'au franfp'ort dû billot de ïa cuifine re- garde un officier ^^Aor. Qui pourroit re- monter à l'origine ', & fuivre 1^ fous-divi- fipn de ces .diffçrems offices, tous acquis à prix d'argent^ & foudoyés en confêquence t
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» E P A' R I Si» 469^
Quel gouf&e ! Quel ' œil o(era en fonder toute la profondeur?
La- haine du peuple dans aucune circonf^ tance ne va jamais jufcu'au monarque ; elle ^ a trop de- milieux à travtrfer ;^ efie s'attache aux commis, aux adminiftrateurs particu- liers , aux hommes en |^âce , aux nHniftres du fécond & du troifieme ordre, ^ remparts T expofës. aux. reproches, aux injures , & à qui l'on attribue les malheurs publics. Ils. font là pour afFoiblir Tinimitié ^ n elle avoit [ lieu. Le peuple (ènt' que le monarque ne . ' faùroit jamais- le haïr , qtfif veut- lé bien y qu'il le dierche , parce qu'il eft dé fôa in-"' lérêt de le vouloir & de le. trouver. ^*
(?eft enfin le pays où Fon fe tient de- bout toute fa vie. On va par-tout fans s'ât feoîr tîulle part. Un courtifan qui a quatre-' vingt ans , nouveau Siméon Stilite , en a bien pafle quarante- cinq (tir fes pieds, dans l'antî- chambre du roi , des princes & des > miniftres.
^ L'étiquette fatigue beaucoup les homm^ ' de cour , mais elle ne &tigue pas moins les perfonnes qui en font îfobjet ; Fétîquette ! donne des loix k ceux qui en dotment à la terre : ainfi tout eft compenfé.
^
470 Tableau
CHAPITRE ÇCCXLVII.
Vc la Cour. ... '.
X^e mot àe cour n^ènimpofe plus parmi iious',^ comme au temps de Louis XIV, On ne ir^çoi^ plus âe la cour les opinioijs régnantes; elle ne décidç plus; des r^ta^ tiohS) en q^eI<J^e genre ^ue ce (bi^; oi^ne dit plus avec une emphafe ridicule iLafCfur a prononcé ainjt. Un calle les jugements de la cour; on die nettement^ elle- nV .eri- tend rien , éOe n'a point d'idées là - deflùs ^ elle ne (auroit en avoir ^ elle n'efl pas dans le point de vue.
La cour elle-même , qui s'en doute , n'ofc pas prononcer affirmativenient fur un livre , lùr une pièce de théâtre , fur un chef-d'œu- vre nouveau , fur un événement fingulîer où extraordinaire ; eUe attend l'arrêt de la capitale: elle-même a gj-and foin de s'en informer , afin de ne pas compromettre fon premier avis, cjuiferoit caflc avec dépens. , Du temps de Louis XIV , la cour étoît plus formée que la ville ; aujourd'hui la ville cft plus formée que la' cour. Leurs idées s' accordent rarement : ce qui ne doit pas étonner ; car l'inflruâion reçue eft trop (Uf-
D E P A R I s. 471
fércnte , pour ne pas dire oppofêe. La cour fe tait fur plufîeurs points , par prudence 8c même par timidité : tant la confcience nous en dit plus <pc Fadulation n*a voulu nous en Êûre croire f La ville parle avec affiorance fiirtoût & fans rdàehe| la coor feht (ju'elle" ne doit pas trop hafarder fon prononcé {H^ nombre d'objets, de peiir du retour. La* vïlle , où font tous les arts & toutes les lu-^ mieres^ qui fe prêtent une plus graïide force par leur mélange , décide hardiqieçt ^'parce' qu'elfe fent (a forcé , & quVlIe eff "plus- fîlre de^ibntaâ tant de fois éprouvé: oC Fautre cftime confuféaient qu'il lui manque plu- (îeurs dwinées propres à confirmer fort opi- nion. •
L^ cour a donc perdu cet afcendant qu'elle ttvoit fiifr les beaux -^rty^ fur les ler^^ très , & (ùr tout ce qui eft aujourdliuT dé leur reflbrt. On citoit dans le (îecle deriirer, le fuffrage d'un homme de la cour , d*an prince ; & perfonne n'ofoit contrednèi Le coup-d'œil n'étoit pas alors aulfi prompt, ni auffi formé ^ il falloit s'en rapporter au jugement de la cour. La phîlofophie ( voilà encore un de fes crimes ) a étendu l'hori- zon ; & Verfaîlles , qui ne forme qu'un point en ce genre, jeft compris. Cette révolution dans les idées eft bien nouvelle ; car lorfqu'on fonge que l'opinion fe joignoit au pouvoir, 6c qu'on réfléchit d'où émanoit
471 T A B L 1. ArMf
rôpinipn 9 ce que c'étbU , quant aux idées ^ que cette cou£ de Louis XIV \ les préjuge groflîers qui yvdominoient; ce qu'étoit la dévotion du.temps^ct que^faUbteiit4iD/^r6* dicattur de VeH^iUes', >mi. ^^rvâSâtr- de coniciçnqe y un confeffcur du. roi \ quand fm penfe^que Luxenuxmrg accufë aUpit&iref une retraite chex Je P. Ja .Chaife:: alors onr obferve avec étonnement, & (ans ofer le croire , .finaoyable dî^ence.d^un (iede à
- r
G^^-dé la! ville que part Tapprobationii ou fimprobation adoptée dans le^reftc do* royaume.
^ Louis XIV trembloit;k là voix de Bof-- ilièt , qui le pénétimt de terreurs imaginât-^ rcs : on fiffleroit' aujourd'hui -l'air?- prophé- tique de Boflùet, fou ton, fes menaces, &» il n'infpireroit pas iès- craintes myftiquesau^ dernier che&d'office. Ceft la ville qui a ap-
?ris \^ la cour la valeur réelle des choies ^ijU epouvantoient alors*
», £ P A ». 1 ?. 4^3^
CHAPITRE CCCXLVIII.
L
Les Extrêmes Je touchent.
(?s grands 8c là canaille fe rapproçhgrit: dans leurs moeurs ; les premiers bravcrowlâ. préuigés, fiers de leur crédit & de leur, opulence j la dernière claflè rfayant à. perdre, ni honneur ni «ftiiiie, Tit lans.g^éne 6ç avec licence; je trouve même que leors efrf^ prits fe reflèmblent \ les harangeres , au ftyle près , ont des mots très:heqj"^w^-# ^M^r que nos femmes de qualité ^ môme ^abon- dance y même tournure | originale ,,.m^9ie libeité dans IV^^refliôn Sç^ti^ l^s ihiàges :^ il y à vràîhierit analogie pour qui fiit enle- ver récorce.; lilne pji^Ià^xmttr^ Cxi autre, ftntlemug;. 3^.tf^#*-^.,. : ;
Les gr^s ne font pas. plus généreux que^ tes mèjidiaritsi mâîs (obtenez quçlqqe. choie, d'un grande il s'àf tachera "S.y iiûs . : ^ pourquoi r . Parce qu'il. Vpus aura donné, il en àttendia. les întérâts. Ainfî fait lé gtieux : s'il a avatKé. quelque chofe a un niiférable , il ne le quitte. j)lu$, & redouble fes bièiifâits^ parce. qu^ ne v^ut pas tout perdre. Un honime de*> mandoit un écu au cardinal de Eleurî^-— . Et que ftrez-vous. d*ûn ccuî — Cêftque,
474 Tableau
quand vous m'en aurez donné un, reprit-il , vous m'en donnerez quelques autres.
Si vous êtes placé chez un prince , tâchez qu'il vous donne quelcpre chofe , Se votre fortune eft faîte. Un poëte nu (è troiive chez fon altefle; le prince mettra fa vanité à le créer : il ne l'aime , ni ne le confidere ; maïs il faut qu'il faflè dire à la renommée : il a enrichi uii ^oëte ; on ne l'approche point qu'ilnejépaiide fur vous les faveurs écla- ilï^er^r^ppaitieiinent à fon rang. . La jorhedes granks^, dîfoît une femme de 1>feaucoùp Sdfnt^'nejl que dans la tétt. des petits. Et ne voilà -t-if pas encore un rapport étonnant fur lequel il y auroit un livre à faire pour qui fait réfléchir } „0;Jkc& grands ,ainu que les miféràbles , ne croient pa^ ï la pfôbltë : ils difènt tous , la probité fi pefi. Ce qu'ils ont le plus lie peine k comnrendre , c eft qu'oui homme ^ît . des moeurs oc de la vertu.
On leur demande toujours ; ils donnent rarement au mérité , plus fouvent à Fadula- tîon & \ i'ifitrigue. Il faut que les grands donnent fans ceffe ^. diïbîc Madame de Choify à Mademoîfêlle de Montpenfîer , ou ih ne font bons à rien*
Un grand croit fon premier apperçu in- faillible ^ quand il à dit oui , il nç recule pas par orgueil , il ne veut pas qu'on lui attribue, dans ik vie deux façons de voir & de jugera
DE Paris. 47lr
Il aura dix frippons à Ton fervice ; il les reconnoitra pour tels dans la fùîce : eh bien^ il continuera à les couvrir de (a proteâion ; il prendça- l'opiniâtreté pour une fermeté noble; fop extrême orgueil nIp trompera ^ ainG que 'le défaut de hiànerés trompe in- çeflamment le menu peuple.
L'aâàmé crie avec audace , parce que le befoin lui anache des plaintes forcées. Tel ;rand , fàx ambition , parie hautement pour
liberté pi4>Uque , 8c tonne dans le templtf des Ipixen^ies bravant ailleurs. ' Que veut le premier ? Uqjn^ceau de pain. Que veut leletond? ynel)lace émmente^
Xes grands ne paîenTpbirit leurs dettes^ ftinfî cgjtt font les petits \ les grands emprunt ^m éterniâlefnûot aôx indigents , qui long'^ umps mwgéf^ kxéanWent enfin , & p^ viennent- k didoudcé. la fiutun» dû fiiperbe emprunteur.
J'ai, vu plus les grands^- mais* je lés M entrevus. Tout. homme a' de l'orgueil ^ je le fais ; . mais le leur^efè* ordinairém^t ' efi raifon de. leur crédit & deieur piâ&flce; ils favent très-bien qu'ils peuvent, bleflèr impunément , & ils ufent volontiers de ce privilège ; ils fe font une efpcce de devoir de meprifer tout ce qui n'eft pas eux; le génie & la vertu les offafquerit & les mo- leftent ; & ils voudroienr ridiculifer la vertu & le génie ^. non par jalonfîe ^ mais par
476 T A B L È A U'
liaine, parce qu'ik mettent fans cefle Teur
fortune & leur rang à^ la place des diftitic*^
lions réelles , qui font les talents & les v«>
tus: cVft fous ce bouclier- qu'ils -fe dérobent
aux engageniùents les plus (acres; Lelir atr
de bwté* .tt'eft ordinatremeiut qu'uK piège ,
ou qu'un orguefl plus fm ou plus raÛbnné.'
Leurs bienfaits font difpofés- de manière
à inviter à Fingratitude» Leur jargon btil<^
tant 9 leurs manières poUrs ne'peinrent enf
tmppfer* qu'aux hommes inexpénhientés \ 'û
fft.aifë de Jes juger*, 6c de voir 'q^i% ùÀ
fffdinairemeott de p^tesames' fort daines ^
fort étroites.^ & des cerveaux {àns" lumierèt
qtilès : ife tdévorenr la patrie , 6c £0 '4a (èr-
T^t pas \ ils ne (ayent guère cni'mtriguef
poturiaire lp,mal , ^^^^' <^<>^ i ^ ûtHiipé#
les petits à^ l'appâr^eleuw promeflès .(r)i
Maihegr à qui vit oroit?^ Il p^i fès bdllèf années. Il faut aller voir quelquefois les grands y difoit La Btuyere , non pour euxj maisr pour Us hommes dtefprit & de mé' ntcipi^ànrcncomiftLiauprès d'eux.
Soy^ fur que h» grands;, feront tou^
à^èé.
(i) Quelqu'un a faitxe^ vers :
Jf fuis depuis lottg'temfs. àda dernière place ; Jâ n*ett fitis ni f4ché, nifurpfis « jù confus* Si je nUi p^às riçft la plus 4^>» jyg< » • ^ V ' h.nnai point ejfuyé la konu d^iiturefjt^^^^^j^^^y^
D E V A R I S. 477
jours parade de leur opulence, chercheront \ rentier,, ne diront jamais è'èft 'aflèz^ & vxHidront hum^ier xeai <f& vïv'ênt de •travaux^phi^ honorables & 'f^ utiles' q[ue les leurs. Ufioûnifi^^ p^ujant un jour avec dédain de ceux, di^it-il, ^ activent pour :dc Vargtjit ( c'écoit ^ malheureù&ment pour lui, devant,!* J..ILpuiïèaa)« £r votre tx^ ^dUncc.pa^^Lm i;A^e^;fe22^?vXeUe. fut la iépon(é modçllç du/philofp^^ . . ^
La fociété r<^refl^moiè [^.&ftçment)pat les deux bouts; vbici il ce âi^t, amifeâeur^ une pçdte fablQ.,9i'iL£uijtt.<|ue je vou&di|(, ^d oofee le rioiti' & lêh auteitf.
>- «
♦ r .
1 4.
OiB Wr Tëntmntfant qutrelU» }f^4 Echelons ^uMeJipiifàê ithêUé
I : ; >'5iir ^ rMg 4^ fkr U\ Béiféfncii : ... ;' .X^ pluâ,iUifi priiéhioh "^
i Poar. U: ffoÙTêr f il piforoiit
/M£/uMik«««| difiîiU, il'^trofl4U'iiJUn'ei:t M D'aiUeuivi ckdimt ^:fui «n fa pÙcê^iàitl ^ nNé Sêiriiè'irCàas lé fyjUmt . \ ' ' ^
Mif^'ciïuMa:iigiim^"\.': ' .. .
>* (2^tfe Condamne la raifin miméf -r
MaiSfjdit l'und^ctuf^ n^usfomtMS teMit deêois^
i b»
478 Tableau
n Ei U kûfitrà noms pu f M ttus^ je pemfim — — « D^Mceord ; mais pUtis ub$ fçU 9 I» Oa admit U frUmim^affi.
n Lêttmff ^ ^fûfii a qnCafitUM kàfiitd,
- M F'oiiséics vtnus un-fu. uufJL, ' Vils Eekelomg , mppnM^ à vus taire u» Omtré éâ cêMfimtrt fi^U -àe fiupfomwit pas, : Un mUfopHi sOwin ^mpitra et Nàelh
Et U^fj^'éiVSr^iêt , "^ . ^ÇkMgUttitmtgif&fiUt'U futHll€M~
C nA ? I T R Ç Ç CCXX IX- i Sages du mande.
X^es (âges du mofidr ont encore deux langues , comme ils ont^dcux viûges. Un grand feigneiir ^ d'aiUeuAs honnétfr^difoità jU)n fils , vous êtes un imprudent. «-^ Qu'ai- je donc fait ? lui demapEula-4>iL -^^ Rappeliez- vous le propos que vous^ dntes hîef . — Eh quoi y Moniieur y cVft le t\iénie que je Yous tins a. vous-même la (eavwe dpixdere : il me femble que yous fi^pprouv^tesi -r- Sans doute , reprit le pérè,.nQiiç.êtiQns.feuIsi^lors ; & d'ailleurs^ Thomme dont vous me par- liez n'ctoit pas en place.
DE Paris.
479
;j 1
C H API TR E CCCL.
Apologie des Gens de lettres.
< .-*>
Xja. calomnie grdfnte Vefi fii^tout atupb^ aii^^os d(& Ipttres ; on le^ a- peinte coa^me pehi^b&teifrs.dQ^ empiras , parce <}u-ils refont iRiontros 1^ ennemis dfrs abus & les pro- tçâ^euis dp Ja,iib^«îé.-pubIîqUefH:Q«iH»lif idée uctle ne leur di>iH3n p^fi JDe «quelle ^abym^ 4'cireMrs &4e mtférablfs ii^réjugés.n'omH^ pas fait fortir les adminiftrateurs des nations l Qtt^eofiNlgnent-ys yfi ce n^eft Taniour de, l'hu* manité^ ^s droitô. de rhbmme & du citoyen î Quelle queâion impcnrtante à la feciétë n'ono- ik pas* examinée ^.diébattue, iixée ? Si le de£» pptirme.s*êft civilifê, fi les fouverains ont conmleiicé à redouter la voix des nations, Ji reTpeâer ce tritxjnal i^préiure ^.c'eft à la plume des écrivains qu^ffon doit ce fteiii nouveau!, inconnu. Quelle inîqiuoé miniiîë;- rielle ou foyaie pounoit (è flatter âUJourd!h»i de paflèr ihipun^mcnt X 8ç; |la rgloire.des rpis n'attend-ellê pa&li-fan^n 4u pliilolbphe^ 11 eft pbihir ce fans pt(i0àace , maisil met en mouvement le en de la caiieh univerfelle* Vus de près , ils font un petit nombre de citoyens épars^ gcmiilàn^ Ùxt ks i^if^t^eui^^ .de Iç^j:
^8o T A B L Ë A cr
patrie 8c fur ceux du genre humain , mais le fius (buvent enreio^f^ dans imé- Jt&ta î^ rile , ou du moins dont les effets (ont fi lents, 'fi impertepâbles , iqa)dlax)técipitatioii d'efpnt eft tentée quelcpefois de les rëvo5|uer en doute, • . ■
Tandis que Penvie , la méchanceté y Pign^ 9ance les attaquent , fls méprifent'des aoits qui dcnvem moUu: , pshrcte «ue û&Èi ne contrebas» lanbê k reinomniée ùnivè^tie.^La -fapéAo^ -tité de leur raiibnieur motltveles («nrages 'Ûes lionihies férfiiUes né» & k naître; & •9s placent la récompenfè de leurs travaux ^ns Famélioràtion' des prdje,ts pour le biea
^cSt-oh Sone trop honotar ce^îiommes
I ^i ét-endent nos lumiereis , qui établiflent le
xode moral des nations 8c les vertus-civiles
-de^ particuliers ? Un poëme ^ un drame y un
*' iBBWii , UBT ouvrage qiii peint vivement la
^vwtii , modèle le leâeur, faite qu^il s'en ap-
'perçoîvef,. fur leç perfonnages vertueux qui
'àgiflènt ; ils intéreflènt , 8c fauteur a per-
■fuadé la mwale fans en parler. Il ne s eft
point enfoncé tlaris des difcuffions fouvent
^hes 8c fatigantes. Pat Part d'nft travail
<naché, ilnous a préfemé certaines qualités
'àe Patne ' revêtues de ces images qui les
font adopter. Il nous fait aimer ces aâions
généteùfes ; '6c Phômmé qui réfifte aux
iéâexions , qui s'aigrit par les leçons dog-
4uatiques^
HE Paris; 481
matîques , chérît le pinceau naïf & pur qui met à profit la fenfibilitédu cœur humain, pour lui enfeigner ce que l'intérêt perfon- nel & farouche repouffe ordinairement. L'auteur fe fait écouter par le plaifir ; & les préceptes de la plus aullere morale fe trou- vant établis fans qu'on ait découvert le bue de l'écrivain : PcSora moUefcunt.
Montaigne dit qu^ il fait bon naître en un fiecle dépravé; car, par comparaifon ^onejl ejihné vertueux à bon marché. Monuigne a tort en ce point. Dans un pareil (iecle, oa ne croit pas k la. vertu , on ne jouit pas de la fienne. On donne aux aâions les plus coura- geufes des motifs bas & lâches ; on ravit à rhomme fon honneur ; on ne lui fait pas gré de fon dévouement. La pervcrfité générale fait voir tous les hommes de la même cou- leur. On ne diftingue que les hommes adroits & les malheureux.
CHAPITRE CCCLL
Querelles littéraires.
V^aandon veut rabaiffèr les gens de let«^ très , on parle de leurs querelles vives & quel- quefois fcandaleufes. Il efl vrai que , dans leuts débats, ils femblent peu éclairés far leurs vé« Tome IL X '
48i Tableau
litablcs intérêts , & qu'ils aîguifent Pun con- tre l'autre des armes redoutables qu'ils de- vroient détourner contre leurs ennemis.
Il fcroit temps qu'ils y fongeaflcnt. Ceux- ci feroient bien foibles alors ; & fans ces di- visons déplorables , la littérature auroit un poids ma}eftueux qui opprimeroit fes adver- faires. Il y auroit p3us de véritable gloire pour eux de fe montrer indifférents à de petites attaques , que de déployer une fenfîhilité qui dégénère en clameurs puériles : les plus pe- tits , étant toujours les plus orgueilleux , font ordinairement erand bruit pour une légère piquure faite à leur amour-propre ; mais les hommes de lettres célèbres , ou fè vengent une fois pour n'y plus revenir 9 ou , ce qui eft bien plus fage, dédaignent à jamais Pinjure. Elle tornbe dés qu^on la méprijc^ dit Tacite.
Après tout, on ne peut reprocher aux gens de lettres que ce qu'on peut reprocher à tous les corps connus, aux avocats, aux médecins , aux peintres , &c> Souvent, pour un intérêt très-médiocre, les' particuliers réputés les plus fages fe plaident à toute ou- trance , en viennent aux outrages les plus fanglants \ & lorfque notre adverfaire en littérature voudra anéantir fous le tranchant du ridicule le fruit de nos veilles & de nos études '5 on exigera une modération extrême ; on voudra le ^eâacle d'un combat froid ,
B E Paris. 483
polî, rçfervé, tandis que nous fommes atta- qués dans la partie la plus fenfîble de nous- mêmes. Eh ! voyez feulement une dit'pute xlans la converiàtion \ il ne s^agit que d'un objet indifférent , apperçu d'une manière dif- férente : quel jchoc d'idées ! quelle chaleur - y mettent les deux partis ! comme Pironîe & le farcafme fe croifent ! Et lorique Ton ^viendra taxer nos produâions avec mépris, ^u'on nous accufera d'avoir mal lu , mal mé- dité , mal écrit , il faudra garder le fang-froîd 4jue tout le monde perd dans les plus lége- ses difcuffions ! N eft-ce pas aufli trop exi- ger de ceux que Pon reconnoît généralement pour avoir un plus haut degré de fenlibUité xjne les autres hommes ?
Mais en condamnant les débats des gens iie lettres , le public fait Thj^pocrite ; il y trouve trop bien fon compte , il devient fpeâateur d une guerre ridicule , qui Pamufe fort. Le public en gros eft malin , indolent, a Pefprît très-avide de Êtyres ; difpofitions favorables pour écouter tous les fàrcafmes que doivent s'envoyer réciproquement les combattants. Le public ne donne- t-il point h palme au plus rude jouteur , à celui qui lance avec le plus d'adrefle & de véhémence les traits les plus prompts & ks mieux acé- rés ? Ne dît- on pas, la Harpe a. bien mordu Clément f & Clément a bien mordu la Har^ pe ? N'a -t- on pas eu le plaifir de voir It
X2. '
i|g4 T A B L E A ir
r oap de dem Ettécdre pocté & leiuki ? N'eft- jon pas indcœ (or k profoodeor tefycGâve de )a, bleffine ? Ne les ]iige-t-on pas aune force ^ pea pfès égale, dignes iféne ceints 4ia mé- jne kmrkr , & de condnaer le journal pouc ^eroùveller le ^peâaclc 9 à la fàdsfadion de jTan^lmliëatie ?
r^ms les converiânons , on Uâme les au- teurs , pour fe donner un ton de digmté & ùe décence : maïs on court à la feuille ù^ tyriqoe qui eft dans Panti -chambre ; on y rhercbe bien yîte Fendroit où Ton fiippofe x]ue répfgramme qu'on attend &ra burinée. Si elle n*eft pas incîGye ; G , oubliant (bu ^el accoutumé , le journatifte a été foible ce jour -la, on dit, en hauflànt les épaules: // n'y a run de piquant dans et numcro. Et la malignité infàriable du ledeur , qui va toujours piêchant la cor corde, ne trouvant point à le fatisfaire , il jette la feuille arec dédain , & dit : Si cela continue , je ncfouf- frirai pliLS.
Faut-ii dire le mot a la portion majeure 4u public ? S'il n'y avoit point de reuùurs^ U ny auroit point de voleurs ^ comme dît }e proverbe. Si le public en gros n etoit pas enclin à protéger tout pç qui rabaillè les ta- lents connus , les auteurs vivroient fans fe faire la guerre. Ccft donc le public qui eft refponfable des excès auxquels ils fe livrent , puifqu'ii foudoie JU troupç des journaliftes ^
DE Paris* 48:$.
puitju'il les encourage a fe déchirer entr'eux ^ & ils ne répondent (jiie trop , depuis quel- ques années , à cette outragjeufe attente. Ja-- niais le mépris des bienféances n'a été poulîe- fi loin , & la critique elt devenue fi dure , fî^ pédantefque , qu'elle a man^c l'efïeL qu elle fè propofoit.
Ces petites & mutiles querelles*, que la- jaloufie 8c l'efprit de parti font naître entrer petits écrivains qui prentvent chacun de leur côté un ton avantageux , font auffi ridicales- que honteufes ^ car il s'agit le plus fou-- vent de rimes , d'hémiitiches, d*un mot dé-- placé, &c. Plus la caufe eft frivole , plus^achar-^ nement eft impitoyable. Le peu d'impor-- tance des objets ne peut manquer de livrer à- la dérifion les agrelïèurs & les répondants^, qui s'enflamment comme fi tout ctoit. ren- veric..
Ma foi f juge & plaideurs ^ il faudrait tout' HeK
Mais on prêchera vainement les poètes à. cet égard ; ils deviennent emportés , ma- niaques, dans leurs, bruyantes difputes f.ir la tournure plus ou moins élégante d'un vers, fur la prééminence d'une tragédie de Racine , fur le goût ; mot qu'ils citent fans celle , 6c- dont ils n'ont pas le plus fouvent la moindre idée. J'ai, entendu làrdeffùs des débats vrai- ment incroyables \ & les gens fenfés m!ac- cuferoîexit ici d'avoir controuvé à plaifir ces-
X3
^86 Tableau
fcenes ridicules, fi je rendoîs au naturel le dialogue des aâeurs. Ceft en fortant de ces rixes extravagantes , qu'ils écrivent ces feuil- les où Ton eft furpris de voir tant de mots & fi peu d'idées.
Il eft vrai que le public , occupé de tant d'autres événements , n'apperçoit qu'a travers un nuage les matières littéraires ; il n'a pas toute la connoiflànce poflible des objets» Son incapacité s'accommode des brufque- ries \ & fa pareflè le mettant hors d'état de porter un arrêt exaâ & motivé , il veut quelqu'un ( dût -il en être trompé ) qui le décide , & qui lui foumiilè périodiquement une petite fentence meurtrière. Car cpi'y a* t-il de plus trifte que d'entendre Péloge d*Uft contemporain? S'il faut louer quelque cho(è à Paiîs, ce ne doit être que par communî* cation , par frénéfie , par efprit de parti ; & tout ce qui n'efl pas divin ^ comme l'a dit Helvétîus , devient détcftablc. Il faut , dans certaines cotteries, être tout-k-la-fois frondeur & enthoufiafte , & paflèr rapidement k ces. deux extrémités , pour favoir bien juger les hommes & les livres.
On prétend qu'une ville îmmenfe comme Paris a un befoin journalier de petites fatyres , pour repaître (on inquiétude & fon agitation perpétuelle ; & celui-là avoit bien raifon , qui a dit le premier ^ qu'w/ze bonne injure eft toujours mieux reçue ù* retenue juun
î
D E P A JL I s. 487
bon raifbnnement. Voilk h théorie àxxjour^ futlipnc tracée en deux mots.
Quand un b^n livre paroit ^ & que les gens de bon fens attendent de Pâvoîr lu & médité pour le juger, les fots crient d'abord ^^ crient long - temps , & barbouillent du pa- pier. Voyez comme.on a falué l'arrivée de tEfpfit des loix , dé V Emile, &c.
Heureux les gens de lettres qui ne con»- noiflènt point cette déplorable guerre lOw eut l'éviter, quand on veille avec foîu fur on amour-propre î car le combat naît tou^ jours d'un jelprit trop orgueilleux de fes idées ^ & qui veut les faire recevoir defpotiquement. On contredit pour humilier autrui , ou pour iàtîsfaîre une humeur fecrete , bien plus que pour s'éclairer. L'aigreur ne tarde pas k couler de la plume , même, à notre infu ; & lorC- qu'on a eu le malheur de porter quelques coups y on devient rerinemi de celui qu'on^ a frappé. L'agreflèur pardonne toujours plus difficilement que celui qui a reçu la hleflureu
X 4.
4S8 T A B L s A U
C H A P I T R E CCCLIL
Belles - Lettres^
X-iCur trône eft à Paris. Ceux qui les cul- tivent furabondent : maïs comme Tétude d» la vraie politique eft prelqu'interdîte en France^ ▼u qu^eÛe n*a aucune iffiie pour fe manifcfter en liberté, & que les autres connoiflànces qui appartiennent à ITuftoire naturelle ou k la chymie demandent un grand loIGr & de Ja fol tune, les efprits ft font mieux accom- modés de la culture des belles -lettres. Le pauvre peut fe livrer à leurs charmes at- trayants ainfi que le riche. Voilà leiu: avan- tage. Elles cmbraflênt d'ailleurs tout ce qui eft du reflbrt de l'imagination ^ & ce cbamp eft îmmenfe , on y voyage à peu de frais. L'ame fenfible , lefprit délicat peuvent éga- lement fe fatisfaire dans la ledure des poètes , des romanciers , des hiftoriens. Ceft ce qui donnera toujours aux belles-lettres une foule d*amateurs que n'auront point les fcîenccs exaûes qui , outre une certaine fécherefle , exigent des avances, & n'offrent pas tout- à-coup de pareilles jouiflànces. Les lettres trompent l'ennui , la folitude , l'infortune \ amufent tous les âges , rempliflènt tous les
D E P A R I s. 489
hiftants \ & Ctceron , quoîqn'homme d'état , en a fait un^ éloge qui a toujours les grâces de la nouveauté , parce qu'il a été générale-- ment fenti dans tous les-fiecles.
Qui croiroit , au premier coup-d^œîl , que^ les découvertes, les inventions utiles , les arts méçhaniques , les meilleure fy^émes politî-v ques dépendent de la culture des^belles-lettres? Elles uiit toujours précédé les fciences pro-^ fondes ; elles ont décoré leur fur face , 8c c'eft par cet artifice ingénieux que- la nation lef a adoptées , puis chéries. Tout eft du reSbrt de rimagination & du fentiment \ même les chofes qui en femblent le plus éloignées." Il fuffit quelquefois de faire poindre l'aurore des lettres dans une contrée barbare , pour lui donner bientôt les arjts folide» &-lesin-^ ventions hardies.
Cet enchaînement eft de fait cheztoutef les nations , & la vraie raifon n*en eft pzi clairement démontrée , finon que l'homme* •commence par fentir, 8c que y dès qu'il fent , il ne tarde pas k raifonner fes fen« fations. Le monde moral reflèmble peutétre au monde phyfique , où les fleurs- précèdent conftamment les fruits : & voila drcjuoi ré^ concilier les farouches ennemis dès grâces avec les légers feâateurs de la brillatue lit- térature;
C'cft donc de cette première împulGon que dépendent les bonnes loix. Il femble
490 Tableau
cju'il faille néceflTairenient commencer par les paroles, pour arriver enfuite aux idées;. & l'on peut remarquer que tout établifle- ment a eu primitivement l'empreinte de l'a- gréable 8c du beau. Seroit-ce une marche confiante de la nature ? Aîiifi l'enfance de l'homme eft gracieufe & riante , & l'âge mûr eft utile. Ainfi tous les arts fe montrent d'abord fous une fuperiicie brillante , & par- lent k la fenfibilîté de l'homme bien avant 4e former fa raifon.
Mais quiconque fait obferver la marche de l'efprit humain , voit qu'infenfiblement tous les genres d'écrire s'appliquent k la mo» raie politique. Ceft le grand intérêt de lliom* ^ me & des nations. Les écrivains tendent à ce but utile. La morale n'eft ni trifte , ni facheufe , ni fombre ; on peut întéreflèr ^ limufer , plaire , tout en inftruifant. Les et prîts vraiment folides , les âmes vigoureufi» ne dédaignent point ce qui peut diftribuer la fcîence , en la parant des couleurs de l'i- magination. Une pièce de théâtre , fut - ce même un opéra comique, peut devenir un peu moins frivole , & paroltre encore plus attachanie. C'tfi V office des gens de bien , dit Montaigne , de peindre la vertu la plus belle qiù Je puijfe.
Lorfque quelqu'un a fait un livre de po^ liîîqne ou de morale, fur- le -champ on lui répète le refrein accouaimc : Trayaux ini'^
D E ' P A R I S; ». ^^t
puijpants ! Peines perdues i Les moturs ne changent point. Les abus feront toujours les /mêmes. Rien ne peut rompre leur im^ pidfion établie ; tes hommes Jeront toujours ce qu* ils font; les chefs^ des nations , ce qu'ils ont été. Cela eft bientôt dit ; maisJ^expérience^. vient démentir vifîblcment cett^ aflèraon, ,
Depuis trente ans. feulement , il s^éft fait une grande 8c importante revolorion dans nos. idées4 L'opmion publique a 'aujourd'hui en .Europe une force prépondérante , à Ia-< quelle on ne r^îftepas rjainfî, en eftîmanc le progrès des . lumières & le changement qu'elles doivent e^anter , i) eft permis d'ef-. pérer qu'elles apporteront au monde le plus grand bien^ 6c que les tyrans de toute ef> pece frénoiront devant ce cri univerfel qui retentit 8c fe prolonge pour remplir 8c éveil- fer j^Europe,
C^eft par le moyen des lettres 6c des éi vains que les idées (aines , depuis trente ans , ont parcouru avec rapidité toutes les pro- vinces, de la France y qu'il s\ eft formé d'excellents efprits dans la magUtrature, Tous les citoyens éclairés agiflènt aujourd'hui pre(^ que dans le noeme fens. lies idées nouvelles ont circulé fans e&rt; tout ce qui eft relatif à rinftruâîon eft adopté courageufement. li'efprit d'bbfervation enfin , cjui Ce rvpand de toutes parts , nous promet les jTiên>f&,
X4 .
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avaiîtages dont jouîflênt qi^ Iqnes^ins de noi liaireiu voifins.
Les écmzËDs ont répandu des tréfbrs re- ntables , en nous donnant des idées piqs fàî- fies , plus douces j en nous infpirant les ver- tus ùtaics & indu^entes. qui forment 8c embelliflènt h fociété. Les extcndmrs crt morale ont paru ne point connoître Fhon> me & irriter fes paflions., au lieu de ks- rendre calmes & modérées- La pente , en* fin , que les lettres fuîvent depuis quelques années , deviendra utile à l'humanité ; & ceux qui ne croient pas à leur falutaire in-^ fluence , font xM des aveugles ou des faypo^ crîtes.
L*înfiaençe des écrivains eflr teGe qu'ils^ peuvent aujourd'hui annoncer leur pouvoir, & ne point déguifer l'autorité légitime qu'ils ont fur les efpriis. Affermis fur la balè dej Pintérct public & de la connoîflànce réejlej de l'homme, ils dirigeront les idées natia-| nale« ; les volontés particulières font entn leurs mains. La morale eft devenue l'étudJ principale des bons efprits \ la gloire litté- raire femble deftinée dorénavant à quiconqui plaidera d'une voix plus ferme tes ihtéréts^j des nations. Les écrivains , pénétrés de ces. fbnâions auguftes , feront jâlojLix de rëpon-^ dre à l'importance du dépôt ; & l'on voit déjà la vérité courageufe s'olancer de tous les points. 1\ efr à préfumer que cette tendance-
Çéncrak çràdu^ra jme jévalutioa iieoieuftw
ir E Paris. 49J
CHAPITRE CCCLIIL Les trois Rois.
Jt ans a été vîfité dernièrement par les foa- verains du nord ; par le roi de Dannemarck ^ à qui Pon donna des fêtes fplendides & coiK teiifts ; par le roi de Suéde , qui n'étoît que prince k fon arrivée , qui s'en retourna nior narque , & qui trama dans cette ville la fameufe révolution dont il n*a point abufé \ par Pempercur , quf , pour être plus Kbre , a logé en hôtel garni , rue de Tournon , 8c qui a bien vu la capitale , même dans un aflèz grand détail. L^empereur a revifité Paris, en 1 78 1 ; mais il n a fait qu'y pafler.
le les ai ccMifidérés tous trois fort attenti- vement , & je n'oublierai point lexrs phy- fionomies, car ils tiendront leur place dans Phiftoire du (îecle.
J^auroîs bien defiré , avec fix cents mille- autres , y vofr le roi de Prude. On dit ce- pendant qu'il y cft venu dans le plus grand - incognito, après kpaix de ij6y Une dame qui a demeuré huit années à Berlin , m'a. aflùré avoir rencontré dans les Thuileries: Biie figure fî* reflèmblante à celle dû héros djB P£iyope| qu'elle eu fut ûappée \ 8c celui
494 Tableait -
ifktWe re^rdoit avec furprife, en fût fî frap-> pc luî-méme , qu'il détourna la tête & s'é- loigna.
On prétend que Frédéric a rifité ce café dît V Antre de Procope , jadis champ de bataille des querelles littéraires , & où il a été tant de fois queftion de fes combats , de^ fes viâoires , de fes écrits , de fes négocia- tions , de {es grandes & rares qualités.
Uempereur a vifité les artiftes , les arti(àns^ les manufaâures, & n'a vu aucun homme de lettres en particulier ; fans doute parce qu'ils font tout entiers dans leurs écrits. U a. afliflé à une féance de l'académie françoife ^ & il a fait cette interrogation au fecrétaire : Pourquoi Diderot & Vabbé Raynal ne Jont- ils pas de V académie f Ils ne fi font pas préjintés , repartit le fecrétaire. Réponfe très- fage & très- adroite.
J'ai vu Maurice , Fontenelle , Montef- quîeu , Tabbé Prévôt , Marivaux , Voltaire , Jean - Jacques Roufleau , la Condamîne , Bufîon , Helvctîus , labbé Raynal , Condil- lac , Diderot , d'Alembert , Thomas , Ser- van , Marmontel , le Tourneur , Mably , Condorcet , Linguet , Rétif de la Bretonne^ Turgot y Mirabeau , Necker , Rameau ^ Vanloo, Cluck , Vernet , Allcgraîn , Rouelr le , Vaucanfon , Jaquet Droz , Servandoni ^ Claîraut , Falconnet , Franklin , Kodney y Hume 5 Sterne , Goldoni , HaUer , Bou-
DE P A H I S« -^ 49^
net ^ &c. Voîlk , je croîs , une aflez belle gêné- ration. Hélas ! je n'ai point vu Frédéric : je n'ai point vu Catherine , ce grand monar- que , moi qui aime tant à contempler parmi les contemporains les êtres qui ont fait de grandes chofes , parce que je cherche à re- connoître dans les traits de leur vifàgf^ quel- que niiarque de ce talent fublime qui les dil* tingue.
Quand j'appris la mort du célèbre capi- taine Cuok , après avoir donné les plus vi& regrets k fa perte , mon chagrin fut de ne pas avoir envifàgé ce hardi navigateur.
Que ne donnerois - je pas au magicien ^ s'il exiftoît, qui évoqueroît tout-àçoup devant moi les ombres auguftcs de Charlemagne , de Guftave ^ de Cromwel , de Michel- Ange , àe Guife , de Sixte -Quint ^ d'Elifabeth , de Bacon , de Calvin (i) , de Galilée , dé New* ton , de Shakefpear , de Richelieu , de Tu- renne , du Czar , du lord Chatam , &c !
Que j'aime k me fentir petit, en m'en- vironnant en idée de tous ces grands hom- me$, & en goûtant le plaifir de les admirer ! Ames fortes & grandes, quelle dignité vous prêtez k l'homme !
(i) Ce réformateur qui fait & fera époque , ètoit un prédicateur infatigable. Il a prononcé deux mille ^ingt-trôis fermons, qui font autant èe pièces différentes. On Us roii & on les coo^ ferve dans la bibliothèque de Genève.
49^^ T A B L E A ir
CHAPITRE CCCLIV..
De ^Influence de la Capitale JiiP Us:
Provinces.,
xLUe •(! trop conddérable , relativement It' rinftuence politique , pour qu'on puiflê en détailler les effets. Je ne prétends la con& dérer ici , que par l'attrait qui féduit tant de jeunes têtes, & qui leur repréfente Paris comme l'àfyle de la liberté , des plaifîrs &. des jouiflànces les plus exquifes.
Q\xt ces jeunes gens font détrompés y quand ils font fur les lieux ! Autrefois les routes entre la capitale & les prorinces n'é- toient ni ouvertes ni battues. Chaque ville retenoit la génération de fes enfants , qui ▼ivoienr dans les murs qui- les avoient vu naître , & qui prétoient un appui a la vieil- leflè de leurs parents : aujourd'hui le jeune homme vend la portion de fon héritage , ppur venit la dépenfer loin de l'œil de fa famille j il la pompe , la deflèche , pour brit Icr un inftant dans le féjour de la licence.
La jeune fille foupire & gémît de ne pou- voir accompagner fon frère.. Elle acçufe fon fexe & la nature. Elle Ce déplaît dans la niaifoxi paternelle. Elle fç peint avec feu ks
DE Paris. 497
plaîfirs de la capitale , 8c 1^ fplendeur de la cour. Elle y rêve toute la nuit. Elle voit Tapera ; elle eft fur les remparts , elle fe promené dans un char fuperbe : on Fadore j tous les yeux font fixés fur elle.
On lui a dit que toutes les femmes y reçoivent un culte perpétuel ; qu'il ne faut que de la beauté pour y être adorée ; qu'elles choîfiflènt à leur gré dans la foule de leurs efclaves le plus feit pour leur plaire; que les maris y font ridicules , fi-tôt qu'ils veu- lent parler de leur empire. Elle compare cette rie libre & voluptueufe k celle qu'elle mené dans Téconomîe d'une maifon rangée , & fon imagination eft trop ardente pour pou- voir s'arrêter : elle n'accorde plus que de i'ef- time à fon amant honnête.
Sa mère la nourrît dans ces trompeufès îHufions. Elle eft avide des nouvelles de cette ville. Elle eft la première k dire avec excla- mation : Il vient de Paris ! il arrive de la cour! Elle ne trouve plus autour d'elle ni grâces , ni efprît , ni opulence.
Les adolefcents écoutant ces récits, fé fi- gurent avec des traits exagérés ce que Tex- périence doit cruellement démentir un jour;^ ils ne tardent pas k obéir a cette maladie générale , qui précipite toute la jeunefle de province vers fabyme de corruption. Heu- reux encore celui qui ne perd qu'une partie de (à fortune , 8c qui apprend a être fkge
498 Tableau
pour le refte de fos jours ! Il n'appartiem qu'a Findigence abfolue & au génie tranf- cendant de vifker cette capitale. Ceux qui vivent dans une heureufè médiocrité, tant du côté des talents que du côté de la fortune, ne (auroient qu'y perdre. 'T^^eux qui reviennent dans leur patrie fe croient en droit d'y méprifer tout ce qui n'eft pas^felon les z^f de la capitale. Us mentent aux autres 8c à eux-mêmes. Sont - ils obliges intérieurement de rabattre des idées qu'ils s'étoient formées ? ils continuent à crier mi- racle y (ans que leur cœur foit de la panie. Us enflent les relations de Paris , qui reflèm- bleut aflèz aux defcriptions des fêtes publi- (]ues : ceux qui les lifent les trouvent tou« jours plus belles que ceux qui les . ont vues.
CHAPITRE CCCLV. « Que diyunira Paris ?
X hebes ^ Tyr , Perfépolis , Carthage , PaU myrc ne font plus. Ces villes qui s'eîevoient fièrement fiir le globe , dont la grandeur y, la puiflance & la folîdité fembloîent pro* mettre une durée prefque éternelle , ont laifle équivoques les traces, même du. lieià qu'elles ont occupé^u
p E Paris. 499
D'autres cités jadis fiorîflântes & peuplées n'offrent aujourd'hui , dans un effrayant dé- fert , que quelques colonnes éparfes y quel- ques monuments brifés ^ trifle refte de leur magnificence padëe. Hélas ! les grandes vil- les modernes éprouveront un jour la même révolution.
Cette rivière utilement reflèrrée dans des quais majeflueux & formés de pierres , en- combrée par des débris îmmenfes , fe dé-^ bordera , & formera des étangs bourbeux & infeâs; les ruines des édifices bouche- ront ces rues alignées au cordeau; & dans ces places où un peuple nombreux s'agite, les animaux venimeux, enfants de la putré* fadion , ramperont autour des colonnes ren- verfées & à moitié enfevelîes.
Efl-ce la guerre, eft-ce la pefte, eftce la famine , eft - ce un tremblement de terre , eft-ce une inondation , eft-ce un incendie , eft-ce une révolution politique qui anéantira cette fuperbe ville ? Ou plutôt plufieurs eau- fes réunies opéreront- elles cette valtc deir truâîon (i) ?
(i) AgézilasVvalnqueur de la Phrygiie » dta Itt habits aux prifenniets , & les expola nuds ea vente , Us vêtements d'un côté , les hommes de* Fautre. Perfonne ne voulut acheter les hommes trop efféminés , trop délicats pour être de boiif efdaves. On fe jeta fur les dépouilles. Agéailai^
500 Tableau
Elle eft inévitable fous h maîn lente & terrible des fiecles, qui iTiîne les empires les mieux afFermis , cfi&ce les villes & les royaumes, 8c appelle des peuples nouveaux fur la poufliere éteinte de peuples anciens.
Notons , a toute aventure , pour les fiecles reculés ( ce que tout le monde fait ) que Pa-: ris eft fous le loe degré de longitude , & au 48c degré 50 minutes 10 fécondes de latitude feptçntrionale.
Echappez , mon livre , échappes^ aux nam* mes ou aux barbares ; dites aux générations futures ce que Paris a été ; dites que J'ar. rempli mon devoir de citoyen., que je n'ai paspafle fbusfilence les poifons fecrets oui donnent aux cités les agitations de la mala- die , & bientôt les convulfions de la mort.. Quand l'épouvantable opulence qui fe con- centre de plus en plus dans un* plus petit nom- bre de mains aura donné à l'inégalité des fortunes une difproportion plus effrayante encore, alors ce grand corps ne pourra plus fe foutenir : il s'afeiflèra fur lui-même ,r & périra.
Il périra ! Dieu ! ah ! quand le fol cou- yrira infenfiblement fes débris , que le bled
élevant la voix , dir à Tes foldats : Foilâ les hom- mes que vous aurcT^ à combattre^ & le butin qui vous récompenfera. Quand je lis ce trait hiftori* que , il me fait toujours frémir.
B E P A H I S. 501
droîtra au lieu élevé où j'écris , qu'il ne ref- tera plus qu'un mémoire confufe du royau- me 8c de la capitale ; l'indrument du cul- tivateur <, en fendant la terre, viendra heur- ter peut-être la tête de la ftatue cqueftre de Louis XV ; les antiquaires aflèmbiés feront des raifonnemenfs à l'infini , comme nous en faifons aujourd'hui fur les débris de Pal- myre.
Mais de quel étonnement ne fera pas frappée la génération d'alors , fi la curiofité la porte k {cuiller les débris de cette grande ville enfevclle & dccédée ? Son fquélette gî- gantefque épouvantera les regard , les tra- vaux exciteront à de nouveaux travaux : nos neveux, en trouvant nos marbres , nos -bron- zes , nos médailles , nos infcrîptions , s'agi- teront fiir ce que nous avons été ; & fi mon livre fiirvit a Ja deftruûîon , ils prendront peut-être pour un roman fantaftique les vé- rités qui y font dépofées : tant leurs mœurs & leurs idées feront différentes des nôtres ! O villes ^mciennes de l'Afie , & qui n'êtes plus ! empires effacés \ générations dont les noms nous font même inconnus i fameux Adantes ! & vous peuples qui avez refpirc fur ce globe , dont la fuperficie ett inceflàm- ment déplacée ; dites quels étoient vos arts ! Faut-il que tout périflc ? Et les travaux accu- mulés de l'homme , qu'il a cru Tmnx)rtalifer par la précieufe découverte de l'imprimerie ,
501 Tableau
périront-ils à la fin , puîfque le feu , le def- podûne , les fecouflès du globe & la barba* rie détniiiènt jufqu'aux feuilles légères où ibnt empreintes les penfëes utiles du génie >
Notre vue plonge dans le mcoide hiâori^ •que à quatre mille ans, pas davantage : en- core rfappercevons-nous de ce monde que des fommités qu^environnent des nuages^ & où la vue fe perd. Tous ces faits éloignés^ quoique féparés par de grandes diftances, le touchent comme très - voifins ; & dans cet intervalle de fîecles une foule prodigieufè d'événements nous échappent. Il en fera de même pour nous; l'avenir engloutira les &its les plus importants , pour ne laiflèr que le fouvenir ou le nom des fiecles. O temps! les individus , les villes, les royaumes, tout finit par tùc jacet.
Herculanum & Pompéîa , villes détruites par une fcule & même éruption du Véfuve, il y a près de dix-fept cents ans , exhumées de nos jours, nous montrent leurs peintu- res, leurs fculptures, leurs arts, les uftenfiles de leurs foyers domeftiques *, & nous avons une idée de fimagination féconde & de Phabileté des anciens arriftes. La lave, les cendres, la pierre -ponce ont confcrvé ces monuments comme pour nous offir une future image de ce que, nos cités devien- dront k leur tour ; mais peut-on réfléchir k cette cataftrophe fans redouter Jes accidents
DE Paris, 503
de la nature , la fureur des éléments , celle des conquérants , plus terrible encore î Qu'of- frirons-nous dans deux mille ans aux re- gards curieux & fcrutateurs ? Quelle eft la itatiie , quel eft le livre qui fiimagera (iir l'abyme dé nos arts engloutis ou rcnverfés par les ravages du temps, ou par le cour- roux des rois?
La poudre infernale ( dont les magaGns fe font multipliés fur - tout en Europe , & auxquels une étincelle fiiffit pour tout dé* Torer ) ne devient-elle pas , dans les mains de Tambition ou de la vengeance , un moyen immenfe de deftrudion, & plus dangereux mille fois que les marieres embrafées que les volcans vomiflènt de leur iilépuifable cra- tère ? Les fléaux de la nature ne font plus rien en comparaifon de ceux que Phomme, à créés pour fa ruine & celle des popukufes cités qu'il habite.
Les manufcrits trouvés dans les maîfons d'Herculanum & dePompéia, qui fe dé- roulent fi lentement, manifeftent les carac- tères de la langue grecque : mais c'eft le hafard qui nous a livré Pun plutôt que Tauc* tre : ainh dans trois mille ans , quel fera l'ouvrage deftiné à donner à nos defcendants une i^e de nos connoiftànces morales 8c phyfiques ? Quel Kvre aura Phonneur de rallumer le flambeau éteint des fciences? Tel diâionnaire , peut -«tre , (pie noua mé-
Ç04 Tableau
prifons aujourd'hui , (èra accueilli avec tranf- port; & une de nos compilations que nous jugeons fatHdieufes ^ deviendra plus précicu- fe fans doute à la poftcrité que les vers de Corneille , de Racine , de Boileau & de Voltaire- Oui , il appartiendra peut-«tie k une brochure dédaignée , de fixer de préfé- rence l'attention de ces peuples nouveaux.
Que nos orgueilleux éaivains ne s'arro- gent donc pas le droit de mëprifèr quicoiH que aujourd'hui tient la plume comme eux; car Fauteur qui fera fortune dans trois miDe ans ^ ^ui dominera les efprits d'alors, qui les éclairera , nul de la génération aâuelle ne peut ni le nommer ni le deviner.
Paris détruit ! Xercès , après avoir atten- tivement confidéré la prodigieufe «mée qu'il conimandôit, verfa des larmes en fbngeant qu'avant peu tant de milliers d'hommes dif- paroîtroîent de deffiis la terre. Et ne puis-je pas aufFi , afFeâé du même fentiment , pleu- rer d'avance fur cette (uperbe ville ?
On a vu en un clin-d'œil une capîule enfevelîe fous fes ruines; quarante-cinq mille perfonnes frappées d'un coup de mort ; la fortune de deux cents mille fujets détruite; une perte générale de deux milliards : quel tableau des vîciffitudes des chofes humai- nes ! Ce phénomène terrible arriva le premier Novembre 17$$.
£h bien , ce coup de foudre qui abyma
tout,
© E P A R «I S. ^OÇ
tout , ùiMYSi le Portugal aux yeux de la po- iitkjue : il étoit conquis fans ce défafire qui
{)rêta à la réfonnatîon , mit une égalité aux brtunes particulières , réunit lesjcœurs & les elprics, & détourna les révolutions qui le menaçoient.
Confidérée ducôtéphyfiqae , ^Fancîenne Lîfbonne n'itoît qu'unexîté d' Afîique , c'eft- â-dire , une.vaftebeurgade , Tans ordre , fans proportions : les rues étoient étroites &c niai diftrîbuées* Le tremblement abattit en trois minutes. ce que la main timide des hommes suroît été fi long-temps à renverfen Le goût déplorable des Maures tomba , & la avilie fe releva pompeufe & fiiperbe.
Que i^vons-nous fur x:e qui fort du (éîn des défaftres ? Que lavons -^nous ?-.... .^ Taris détruit. Oh ! je dirai toujours comme dans Memnon : ce fera bien dommage.
C H A PI T RE CCCLVI-
SuppofitioTU
Je vais faire une (iippofîtion qu'on ^^elletai .certainement bizarre , forcenée , extrava- gante ; mais j'ai mes raifons pour ne pas Ta paflèr fous tilence. Si tous les ordres de .rétat aflèmblés , ayantreconou après un mûc Tome IL X
.^o6 T A B L B A U
< examen que la capitale ^uifc le royaume, dépeuple les <:ampagnes, retient loin d'elles les grands propriétaires , ruine Fagriculture^ .trdcheune multitude de bandits Scd'artifàQS inutiles , corrompt les moeurs de proche - ^n prochç , recule l'époque ^un gouverne- ment fbrmidaWe à î'étnjitiger plus libre & yAas heureux; fi tous les ordres de l'état , dis-je , tout vu & confîdéré , ordonnoient tjn'on mît le feu aux quatre coins de Paris ^ / ^près avoir préalablement averti les habitants tme année d'avaâce . . • • quel feroit le ré- sultat de ce grand (acrifice fajt k la patrie î8c aux générations futures ? Seroit-ce là en ^etun&rvice rendu aux provinces & an royaume? Je vous lalfiè à examiner 8c ï -^décider cet intéref&fit problême , leâeur ; & notez bien que dans cet embrafement Je . comprends VerfaîHes, qui n'eft qu'un appen- dice de la monftrucufe ville ; car Verfailles n'exifte que par Paris , comme Paris fem- ble n'exiftcr que pour Verfailles,
Allons , cvêrtuez-vous , mon cher leâeur, je ne vous dirai pas mon mot aujourd'hui ; ]e m'en donnerai bien de garde : avec de bons yeux , tels que les vôtres , on vdt des chofès que d'auties n'ont point vues , ^ qu'ils ont mal vues , ce qui revient au même*
Et vous , mes chers Parifiens , confen- mez-vous k être biûlé$ , j'entends feulement
B E P A ». î S. 507
VOS maîfons & vos édifices ? Maïs ne fâchant pas combien je vovis chéris , vous me con- .damnez moi-même au bûcher , fur cette fimple fuppQfition. . •> ADons , appeliez tous les féaux , toutes les pompes de la ville , pou» éteindre ce furieux incendie : il n'y a plus (que de la fumée. Bon ! vous voilà (urs de vos maifons k huit étages. Mangeons du pain de Goneflè , comme par le pafle ^ ^ vogHc hi gàUr/^!
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CHAPITRE CCCLVII.
'Riponfè au Courier de V Europe*
è G)urîer de FEurope , dans (à feuille da 3 JnîBet 1781 , a donné l'analyfe de la pre- mière édition de cet Ouvrage en ces termes ^ que je vais copier. Ueihaie que j'ea fais m'oblige à y répondre. ^ » M y a plus de çhojes qui nous font peur , qu'ii n'y ,e/i a qui nous font mal , difbit u^ .ancien ; c*eft Séheque , n je ne me trompe. Cette maxime très- vraie eft appli- cable (iir-tout aux gens doués d'une grande fenfibilité.& d'une imagination très-vive (i) ;
i*«M*l
(1) C^' fteidtés excluent-elies une.vue droite. Jcrjufte ? ,
ço8 T A « I. £ A U
tout eft extrême pour eux ; il n'y a ni petits maux , ni petits abus. Un auteur vient de publier un livre intitulé : Tableau de Paris. Ce tableau n'en^eft point dq^pt le portrait ,
5arceque tous.les traits en (bnt^xagérés (i). ^'out ce qn'oot dit les prédicateurs , .depuis Je. capucin qui prêche dans un village, jut gu'à l'orateur qui parle devant le roi , tout ce^'ont écrit les moraliftes icontre le luxe, les mauvaifes moeurs, Fabus des richeflès & la vanité des grandeurs , n'approche pas de l^e^que dit cet auteur dans iès deux volumes. On ne fait d'abord fi Ton en doit rire, ou H l'on ^doit s'en fâcher {i) '^ car. jamais pço* phete n'a reproché à I&acl Tes iniquités avec plus d'énergie , de .zèle &.d'JiQmeur «.
» Ce n'cft pourtant point un libelle (3)^ i:'eft l'ouvrage d'un. citoyen fenfible & cou- rageux , que -de petites confidératiQns n'ac- rêtçnt point ; il. a voulu voir ce^ueperfonnc
(i) Je ne le crois pas ; j'en appelle à ceux qui auront bien exaniiné fobjet , Sf, avec la même attention que j'y ai apportée.
(1) Tout. comme le critique voudra ; je me fuis attaché à être fidèle ; je n'ai voulu ni flatter « fïï blefTer; & il étoit dii(Ecile,de marcher Jong- temps fur ce pont étroit.
(3) Le critique me fait bien 3e la grâce ! Vous
qui m*avezlu, dites, cet ouvrage peut-il réveil^
^ 1er le moins du monde l'idée de .ce mot odieux
de lihU</ Pourc^Hoi l'avoir employé ? U Qie {^(^
i>^ E Pari si^ fo^
ne contenïple ; il a fixé fes yeux {br des ob- jets dont tout le monde détourne fes regardi autant qu'i! le peut. Il a obfervé la plus vile populace de la Halle , dans les prifons, dan$ lés hôpkaux ^ à Bicêtre (i) , jafques dans fon cimetière de Clamart. En pénétrant danfi ces cloaques de rhumanité, il a va des maux; des crimes , des (ituations horribles, donc hors de li on n'a point d'idée , & qu'on ne trouve point dans les autres livres (i) î> par- ce que peu d'hommes ont la force néceflaire pour aller chercher dé fi trîftes inftruâions; II a conclu que l'inégalité des biens pro<» duifoit tous ces maux (2) : &c il s'eft életé avec une violence terrible contre les riches"^ contre leur dureté , oonae leur vie fcanda^- leufe. Enfin , il termine foh ouvrage pat oonfeiller. de bnMer Paris (4). On croit que-
> .
(i) Je n^aî dît qu'un mot fur Brcètre ; mais j'en parlerai dans un des volumes fuivants.
(a) Voilà un éloge qui me touche beaucoup^* & que Je m'empreflerai -à mériter encore.
(3) Oui , l'horrible inégalité. Quel homme y' auroit réfléchi & ne feroit* pas dé mon avis î
(4) Je n*ai point confeillé de brûler Paris';^ voyez le chapitre Suppofition. L'auteur n'a point • fu me lire , ou plutânt n*a pas voulu m'entendre. Le titre feul du chapitre indique iiiiê hypothefe. I^urquoi me prêter une idée que je n'ai pas eue f ^ Non, je n'ai point rêvé en traçant cet ou vragçr- Blât i Dieu que ce fût* un r£ve l • *
510 Tableau
c^eft un rêve. Paris ne pourroit (bbfifier oûnze jours, s'il étoit tel qu'il eft dépeinu CTcfl ce ^ fent le leôeor : ainfi tour l'e&t qu a voulu produire Fauteur eft décruit. Sans doute tout homme eft né pour mourir & IbuSrir y au hameau comme fur le tzone ^ mais par-tout où la fouffrance prédomine , la deltruâion s^enfuît : c'eû ce qpi a &it dire à prefque tous les philofophes que l'accroiC* ièment de la population étoit la preuve du bonheur d'un peuple. Ce livre qui manqua de plan , de méthode (i) , reflèmble du moins à Paris par les côntradidions qu'il jcnferme. Souvent il détruit dans ua en^ droit ce qu'il avance aiUeurs (x) «r»
» Après avoir déclamé contre les richeffi» avec la chaleur d'Un théologien dans un char pitre , il dit dans un autre : Les aumônes qui fi font à Paris Jbnt abondantes. Si la^ tnajfe des calamités particulières efl dimi-^ nuée , nous le devons à une foule dames ce' lejtes qui fi cachent pour faire h bien. Le
(i) Cela ne pouvoît être autrement. Que les idées foient juÂes , voilà l'efTentiel.
(2) Les mots peuvent quelquefois fe contre* dire, mais jamais les chofes. En opposant deur phrafes ifolées « répandues dans un ouvrage de longue haleine 9 il n'y a point d'auteur qu'on ne fît tomber en contradiâion. Remettez ces phra- tes à leur place , elles confervem leur logique..
\
D E P A R I S^ Çlt
yicc, ta folie Çf t orgueil fc montrent en triomphe : la tendre commifération , la gé^^ rtérofité^ la vertu fi dérobent à tœil di^ vulgaire pour firvir Vhumamti enjilence^ fansfafie &fans ojientation , Jafi^faijtesdii regard de l'Eternel «.
» Cela eftvrai, jufte 8c bien exprima; maïs que deviennent toutes les déclamation^ antécédentes (i) ? Dans vingt chapitres, il parle des femmes comnie fi P^mn'éto|t qu'un lieu de prolUtution , où la pudeur & û décence n ofent plus fe mon trier (i) & dai;» un autre , U èjt néanmoins , dit-il , une claffe de femmes très'refpeclable's yceft celles du fécond ordre de là bourgeoijie ^ attachées à
(i) Une déclamation efi un défaut de fiyle ; mais . on peut déclamer pour le vrai comme pour îé^, faux. Te n'ai point nié qu'il n'y eût dies aipé» cl^airitaUes ; cela empècke-c-il que ks amé^ Aim^-* res & înfenCbfes nefpiefi^ et} dIus grac^l; nom? bre 5 & que la mifere ne foit h p^fta^e, 4f la . moitié de la ville ^
(2) Voilà une iniage & des exâteflions ^u« , je n'ai point employées. J'ai- répété avec 'coAl* plaifance que les. mœurs fe rencontroient dans v £1 bourgeoifie ; j^'ai pu fans cohtradiâion enlufte peindre le vice qui va tète levée; & pkis le Icandale eft grana ^ pliis mes pinceaux ont. dû < s'arrêter fur une dépravation qui n'eft plus|:ni timide, ni voilée : peindre des contraAîes n'«ft. i point fe contredire. Les critiques tricMiphcilt; v trop avec, ces tappcociiements fautifs.
I
\
^X Ta BLE A- u*
Uurs maris & à leurs enfants ^Jbigruuftr, économes , attentives à leurs maijbns ; elles jffflrent le modelé de lajagejfc & du travail Mais ces femmes nr ont point de fbrtimt, cherchent à en amaffer , Jbnt peu brillan^ tes , encore moins inj}ruites ; on ne lés ap- perçoit pas -, & cependant elles Jfvnt à Ptf- ris Vhonneur de leur fixe v.
Cela eft encore vrai; mais cette ch!è da fécond ordre de la bouigeoîfiè compofe prefque les deux tiers des habitants de Paris. Le fevere cenfeur u*a donc déployé tant d'é- nergie que contre les grands qui ne Fécoa- ceipnt pas (i) , & la pogahce qui- iie Pen*- tendra point, &-^dcSuïï n^ a"^neïr*î«fpé* rcr. L^t^ents fortent. prefque tous de a &çeft0$ daflè quîla encore des . moeun ^
ronftlV&fa toujours» MtdldVflïUs au*
:a, difoit Horace. Dès ce tems-rlà^ comme
Kjourd'hui, cet état étoit prefque le fèul qui
ciind^vertus & dû bonheur «j^Jîrr:^^
» Ceqnrin'u le plus liiuiilTfTc'éïrqu'em-
portépar fonzele, cet auteur ait donné le.dé*
menti le plus fôrmçl (i) à -M. dcjBuffbn,
1
(i) Qtt'en favez vous ^ A tout hafard ne faut- il pas leur offrir les images & les penfëes qui peuvent faire îoipreflion fur leur ame foperbe?
ir t: P A vc vs. 513^
a^abW d'Expilli, à M. Moheau, à tous ceux qui ont calculé la population du royaiumô ^ & celle de Paris. Tous s'accordent k ne don- ner que fîx cents foîxante-dîx ou huit cents* mille habitants k P^m : & ces deux derniers ^ aflîirenr qi|e la population du royaume a aHgmente de deux millions d'ames au moins > fous le règne de Louis XV. Ces trois hom- mes véritablemenr^hilofophes ne déclament f)oint; ils toifent, ils calculent. Ils ont fait : . e cens public , le cadàftre du royaume , au-^ - tant qufil eft poflible de le faire ; ils s'ac- - cordent tous trois, fans s'être communiqué leur ouvrage , à dire qu'il n'y a jamais eu i autantde terrein défiîché en France qu'il y en a aujourd'hui ; que les marais dé l'Aunis & de la Flandre , une partie des landes de ^ Bordeaux ont été changés de nos jours en pâ« turages^ ou -^eii terres à bled ; qu'on a planté des vignes fur lesrochers de la Provence abfo- liânent'ilériles il y a cinquante ans (i) \ mais comme ilTCUt que nous foyons pauvres & - malheureux,queParis dévore Je f oyaume (i), ,
vaÎHS. Paîpu obferver moins bien qu'eux ; mais • j'ai obfervé & calculé à ma manière. Je réponds * plus bas à cette critique , la feule qui porte fur ' des faîits. •
(i) Tout ceci eft fort étranger au nombre dei : habitants de Paris*, qui forme ici te vrai point de • laqueftion.
(lY- Non le royaume^, en: entier ^ mais ce' qui^'
Y5.
514 Tableau
fàixnns qutm devant j il faut Imii démendj les caxuls de ces hommes avants & vendi- sses^ 8c fîihfiîntcrlesaroerçus d'une hnaffna- tioQ eiakée à la juftefik <f iBie aritfamétiqpe i^ouicufê. C^ écrivain <pii CQiifiûife de bciÛ^ Farts^ GO cfen faire on port de mer^ car 3 propolê (ecieu(èment fun & Fautre (i^ ^ nous perntemoit-ii de bû concilier de brûler foD OTie (x) , djoter du refte quelques cxagqnancms & cpelques dédamatîons \ & alors ce livre, écrit avec la coUe Uberté ^li convient aux dé£en(èurs de rhumanité, tu>iw feilement (èra un chef-d'œuvre dephilo{i^)hîe & d'élo^ience ; mak il méritera d'être adret £ à tous les uibufiaux , «£a que les magis- trats bien inftruss s'emprcfËnt de comga: ks énormes abus contre lefquek cet auteur s'élève avec un fî noble courage : abus qu'où doit d'autant mieux efpérer de corriger, que ki-méme il convient qu'on en a mpprimé l^ifîeurs depuis qu'il a commencé fon ou- vrage, c'ell-à-dîre , depuis que Louis XVT eft Cil le trône « (3).
Pen^ironne à quarante Keues de circonférences loteTogci les provinces voliines , & écoutez ce qu'elles vous répondront.
(i) Le critiqi:^ fe trompe d'un côté ; qu'il aie rdife pour s'en convaincre.
(2) Au lieu de le brûler. Je l'ai triplé; cela reviendra peut-être au même.
(3) Dans cette Bouvdle édition ^ je me
DE P A R 15-^ ^I^r
Comme la princîpak objedion du criti- que tombe fur ce que j'ai eiiflé la popula-i- tion de Paris en la portant à neaf cents mille âmes , je ne répondrai avec un peu d'éteîï:^ due qu'à cette feule réprimande,^ non que pè dédaigne les au»?es , mais parce que je puis . examiner celle-ci (ans qu'elle tende un piège j à mon ana^our-propi-e.. ,
Les rechercjbes fur la populatiofi as là * France, par M. Moheau, peuvent être appli- . cables k la population en général ; mais elles , ne faur oient l'être à la capitale vp-irce que .- les cauiè^ morales l'emportent ici fur las , ^ cau&s phyfiques. La comparai£pn,du notur^ bjre des morts à. celui des naiflànces ne fuffit pas; l'affluence des étrangejps forme une cladè d'habitants qui, pour ainfî dire, ne naifïènt ni ne meurent ; les provinces feules y verfent une foule de. voyageurs ppi ae font que paflèc, & qui fe renouvellent farts cefle. Une fête publique attire quelquefois citH quante millt étrangers. Paris compte aujoujr-> d'hui beaucoup plus d'habitaaats K^'il a'en
••-■«—^♦■t^— ifi-*iWi_
encore étendu fur les étabUilèments utiles» 9c î^âi pai4é des abus qui ont été corrigés : cela plai*- ioît trop à mon ame, pour paiTer ces amélio- rations fous filence. fe remercie le critique çh^n avoir fait k remarque, ë*cultant plus qii^îl a été le (euk Sa ceniure (hûlleurs »'a rien d'ftmef » &;.
f
comptolt ily a foixante- ans. . Les calaikTiir la durée de la vie^, qui Serrent de bafè aux Spéculations en ce genre , font -erronés 'quand I il ^agit de Paris. Tous Jes enfants qui-y-naif* j fent vont en nourriee-, la moifié meurent , j & les regiftres mortuaires des paroifles de la . ville ne font pas chargés de ^ leuis : S noms ^ il ne faut donc, plus* ccMnpter pdt le regiftre des baptêmes , ni parcekii des> morts.
On croît moins aufourd'buî aux médecins^ ^ lès apothicaires feiuimnt ; on ne court pW, . comme autrefois , aux poifbns multipliés de leurs boutiques meurtrières ^ ik k font cky^ miftes , pour que leut confcience ne leur re- proche pas de participer à la mortâe-leus concitoyens ; ils jugent eux-mêmes les m^ decîns qui n'ofent plus étaler avec la même^^ hardieflè leurs funeftes fyftêmes. La bîen- &ifknte chymie a Gmplifié les remèdes ; il n'y a plus que quelques chirurgiens de Saint- C6me , vieux & ignares, qui commandent encore ces (àignées ^opieufes , ces horribles breuvages compliqués , la honte de la mé- decine & de la pharmacie, que nos pères avaloient , malgré la i-épugnance invincible de la nature. Enfin , le nombre des morts eft diminué même dans les hôpitaux. .
Cet ouvrage ne comporte pas des calculs; mais Je puis avoir les miens, fondés, non fur la fimple appercevance ^ mais Gxc les bât
D^F Par r s; 517^
tlnients nouveaux , fur les quartiers plus peu-
Éés , fur les limites de la ville reculées , fur foule des rentiers qui font venus .jouir k> t Paris*.
D'ailleurs ^ à quel point précii bomera-t^tr là circonférence de la capitale ? Le Gros^ Caillou, Càaillot, h Nouvelle^France^ la*: Courtillc^ le Pctit^GcntiUy^Vaugirard, tcc: . n'appartiennent-ils pas inconteftablement à laf ^
trande ville , puifque les maifons fe touchent ^^ , c qu'il' n'y a plus; d'interruption î Je perhfte donc, malgré le Courier de^ l'Europe ^ ^ donner neuf cents mille âmes à « la. ville de Paris, julqu'àxe^qu'il m'aîtpcouvé le contraire : & je lui^ certifie que jai fait pkifieurs recherches qu'il n'a pas &i tes pour " approcher .le plus près poflîble de la vérités
Si. l'on veut compter les gros bourgs^juî ^ flanquent la capitale & qui y envoient jour-^ nellement ^es hommes qui n'y demeurent - que quelques ^ours, mais qui Je. renouvellent înceflamment, quelle immenfe-pûipulation ! Je le répète^, il ne faut que des. yeux pour en reconnoitre l'étendue.
On m'a accufé enfin d'avoir exagéré les mîferes publiques ; j'ofe répondre que fat retenu quelqucHfbis mon piiiceau ^ afih de ne pas paroître outré. Voici ce qu^on lit dans le Journal de Paris , qui a un cenféur poin- tilleux , & qui eft fcMimis à^ la plus lévere ini^eâion Se jrevifîon.
51& T A F L E A U
» Une femnie chargée d^enfànts , & ié« n duice à la plus affireme mifere , écrivit k n M. le curé de Sainte-Marguerite : Uya. 9 deux jours que je Jîiis fins pain ; mes » enfants meurent de faim , & je n*ai » pas la force daUtr me jetter à vos pieds » pour implorer votre pitié* Ce re(peâar- » oie pafteur vole au fecours de cette fa- » mille infortunée. Au milieu des viiàges » pales & défigurés par le befoin ^ il apper* » çoit un en&nc de ^atre ar^ étendu fiir » le carreau ^ adrefiànt k ùl mère ces pa- » rôles déchirantes : Maman , je vais donc » manger ma chaifi ! « Journal de Fans y ixx Mardi 14. Janvier 1777 (i).
Cette infortunée reçut de nombreux fe- cours ;^ mais elle n^étoit pas la milUenie peut-être dans le cas de la plus horrible: nécefllté*
O toi, riche, qui auras lu ce livre, fi une feule idée t'a plu ; fi dans cet ouvrage , 00 dans mes autres écrits , je t'ai donné la plus légère inftruûion , ou le plus léger plaifir \ fi
(i) Je pourrols^ d*^siprès les papiers publia & des lettres particulières , faire frémir les in- crédules 9 fi î'imprimois ici les détails qui font parvenus k ma conhoiâanee ; mais j'en ai ezp<h lé le réfultat dans cet ouvrage , & j'attefte (nit je a'ai riea donné à rexagérati/oiv
DE Paris. 519
ton efprît ou ton cœur ont éprouve quel- q.u'émodQO ; ^ ^ nion débiteur , & j'ai droit à ta reconnoiflânce ! Veux - tu t'ac- quttter envers moi d'une manière qui re« compenfe toutes mes veilles ? Donne de ton fuperflu au premier être fouf&ant , ou gé- miflànt , que tu rencontreras ; donne à mon compatriote en fongeant k moî \ penfe que plus tu donneras, plus tu te feras de bien a toi-même ; donne afin que je me félicite d'avoir été dans ce monde l'ôccadon de quelque bonne œuvre ^ & que ce don cha- ritable foit l'unique éloge accordé à moa travail»
Fia du Tome féconde
6
TABLE
DES CHAPITRES.
\^KAV.CCVLProjcureur^.HmJ[iers.F. b
Ch ap. ce VII. LaBa^che. &
Chap. CCVIII.. Comédiens. ^
Ckaf.CCîX. SpeSacles gratis. ijy
Chap. CCX. Langage du Maître au Co--
cher. i6<
GhaPw,CCXI, Difcours prononté à là Co^
médie Françoifi à la rentrée de ce SpeC'^-
taché 17
Ghap. CCXIh Battements de mains., lo,
Chap.; CCXIILTA^o/r^ Bourgeois, zx
Chap. . CCI V. . CoUfée. x^
GHAPi CCX V,. Foire Saint-Germain^ xf Chap*- CCXVL. Comédiens Italiens. 30^ Chap, CQyMYL. SpeâacUs des Boule- yards. ^ 3;l Chap. CCXVIII^ZeâSire^., 33. Chap» CÇX\yi..Prétçursà, la petiu Se^ maine. 37V Chap, CCX X, Charlatans^ 41» Chap.,CCXXI. Verfificateurs. . 4c ChaP- CCXXIL. Calembours. 49 CiiAP. CÇXXJII.Fez^x d'artifice. 50 Chap. CCkxiV, Mefes. $ 5. Chap. -CCXX,V. . Meji de la Pie. . 5 9
[t
f xz Table.
Chap. CCXXVI. La Féte-D'utu 6i CHAf . CXDCX\nQ. Conf^nnaL 64 CbAP. CCXXVni. Billets de Canfcfjion.
Chap. CCXXDC. Saint-Jofiplu 68
Chap. CCXXX. Frottants. 6^
Chap. CCXXXI. I3erté JUUgui^e, 71 Chap. CCXXXII. FlAéiens. 74
Chap. CCXXXffl. Capitation, 77
Chap. CCXXXIV. FUUs d'Opéra. 81 Chap. CCXXXV. Bêpugnancc pour te
Mariage, 83
Chap. CCXXXVT. Le. Nom fut vous
raudre^ 84
Chap. CCXXXVn. De certain» ¥401-
fntSm 00
Chap. CCXXXVin. Filles pubUqius. 87
Chap. CCXXXIX. Courtijdnncs. 95 ChaP. CCXL. FiUcs entretenues. 96
Chap. CCXLI. Le Payfan pervertu Par. M* Retîf de la Bretonne. 97
Chap. CCXUI. Bal de rOpéra. loo Chap. CCXLIIL Sans Titre. 103
CliK¥.CCSlA\. Les petits Chiens. 105 Chap. CCXLV. Su^Jance» 107
Chap. CCXLVI. Vente de FEau. 108 Chap. CCXLVII. Les DemoifiUes. 1 1 2 Chap. CCXL VIII» Galanterie. iiç
Chap. CCXLIX. Des Femmes. 118
Chap. CCL. Cacarde. 123
Chap. CCLI, Séparations.. 114
Table: 51J
Çhay. CfCLlL ContraJIe^ ii$
ChaP- CCLIIL Les Vapeurs.. 1 17
Chap. CCXIV* Ifc Vldolc de Paris , U
JolL Chap. CCLV» Les Convois. Chap. CCLVI. D'un Pauvre. Chap. CCLVIL Aux Riches. Chap. CCLVIIL Suicide. Chat.CCUX. Filets de SairU-Clout Chap. CGLX, Capitalipes. Chap. CCLXLV Hôtel des Fermes. 156 Chap. CCLXII. Mont de PUtL i $ 8 Chap- CCLXIII. Monopole. 161
Chap. CCLXIV, Le Regrat. . r6j Chap. CCLXV^ Falfificatïons. 1 67
€h A p. CCLX VL Mendiants. 1 68
Chap^ CCLX VII. Mendiants valides. 1 71 Chap. CCLXVHL Nicejfîtemr. 174
Chap. C.CLXIX. V Hôtel-Dieu. 176 Chap. CCLXX Clamart. rSr
CHAPXCLXXI.Xe^JB/2^zJî/5 rr<M/ydy, 183, Chap. CCLXXIL Lourie royah de
France. « 188
Chap. CCLXXIII^Xe Chapitre êquivo^
que. 10 1
Chap. CCLXXIV. Mes Regrets & bien
fiiperflus^ 29 7
Chap. CGLXXV. Souhait. 198
Chap. CCLXXVIJ^^w-Por/^ 201
Chap. CCLXXVII. Les Prifons. 20Ç CRki^.CClXXV\ïl.Sentencedemort. 108
f x^ Table.
Ghap, CCLXXIX. Le Bourreau^ iix. Ghaf. CCLXXX. Place de Grève. 214 • Ch AP. CCLXXXI- Servante mal pendue,
220
Ghaf. CCLXXXH. BaftiUe. iij
Chap. CCLXXXIII. Anecdote. n6
Chap, CCl^XlOaY.Maifonsdejhrce. 230 Ghap. CCLXXXV. Dépôts ou Raijtr^
merles^. 231
Ghap. CCLXXX VI- Vie dTun Homim
en place.. 235
Ghap.CCLXXXVII. Orateurs facrés.%^0 Ghap. CCLXXXVIII. Anti-Anglois. 2^^ Ghap. CQI^XXILIX. V Académie Frare^yf
Çoifi. 121'»''^
Chap. CCXC* Sur le mot X^oût. 228 ChA'B.CCXCî^ L'Académie des Infcrip^
tiens & Belles-^Lettrés. 229
Ghap. CCXCII. Communautés. 232
Chap. CCXCIII. Agréminijles. 234
CïiA¥. CCXCiy.Epingliers.Cloutiôrs. 23^ Ghap. CCXCV..Ge/2e de la Prejfe. 236 Ghap. CCXCVL La petite Poffe. 139 Ghap. CCXC^nL Débiteurs., %4i
Chap. CCXCVIII. Objcaions. 270
CHAP.CCXCIX.^miz/iacA Royal, xy^ Ghap. CCC Mercure de France. ij^ Ghap. CCCl. .Auteurs nés à Paris. 28^ Çhap. CCCII. Porte- faix. 201
Ghap. CCCIîL Melons. 298
GHAP..CCCiy.i7i:&^ nubiles. 295-
Ta b l e. 5^3
Chab- CCCV- Les Vifitts. 302.
Chap- CGC VI. Retraite. 304.
Chap.CCCVII. Les Affiches. 306
Chab, CCCVIIL Tableaux , Dejfins , EJiampes ,&cc 310
Chap. CCCIX. Encan, 313
Chap, CCCX. Chapeaux. 3 1 ^
Chap. CCCXL Naces. 3 20
Chap- CCCKÏl, Mariage. Adultère. 31^ Chap- CCCXIII. Petits Formats. 3 31 Chap, CCCXIV. Maîtres Ecrivains. 334 Chap. CCCXV- De l'ancienne Compagnie des Œuvresfortes. 3 3 Ô
Chap. CCCX VI. Portes Cocheres. 341 Cha?, CCCXVn. Le Suijfe de la rut aux Qurs^ 344.
Chap. CCCXVaiI. Savoyards. 34^ Chap. CCCXIX. Enfants devant leur père. 349
jChap. CCCXX. De la Langue du Monde.
Chap. CGCXXI. Ton .du Monde. 3 $ % Chap-. CCCXXIL Ton d'un grand Mon^
dct 354
Chap. CCCXXIII. Sots Ufages abolis. 3 $7 Chap. CCCXXIV» Légères Obfervat'ions.
360 Chap- GCCXXV. Pain Âe Pommes de
terte. 3^9
Chap. CCCXXVI. Aumônes. 373
CiiAP. CCCXXVn. La Paroijfe ^Saint-
Sulpicc -5^1
^%6 Table.
Ch AP. CCCXXVIIL V Enfant' Jefus. 379 Chap. CCCXXIX. Bureau des Nourrices & des Recommandarejfes. 38:^
Çylky .CCCiOOi.. Les Heures du Jour. 384 Chap. CCCXXXI. Bes Dimanches & Fêtes. 39Z
Chap. CCCXXXIL Carnaval 39$
Chap. CCCXXXllL Tragédies moder- nes. ^09 Chap* CCCXXXIV* Comédies moder- nes. 409 Chap. CCCXXXV. Où efi Démocritel
Chap. GCCXXXVL Ponts. 4x1
Chap. CCCXXXVII. Confommation. 4Z4 Chap. CCCXXXYlll. BaUons. 429 Chap. CCCXXXIX. Faux Cheveux. 431 Chap. CCCXL. Foumijfcurs. 43^
Chap. CCCXLL Plâtres neufs. 437
Chap. CCCXLIL Inoculation. 439
Chap. CCCXLIII. Places publiques. ^/^/^ Chap. CCCXLIV. Le Parlement. 448
Chap. CCCXLV. Le Clergé. 45 6
Chap. CCCXLVI. La Galerie de Ver- failles. ^61 Chap. CCCXLVII. De la Cour. 470 Chap, CCCXLVm Les Extrêmes Je touchent. 473 Chap. CCCXLIX. Sages du monde. 478 Chap, CCCL» apologie des Gens de let^ très. .47jj
Tablé, ^17
Chap. CCCLL Querelles littéraires. 481 Chap. CCCLII. Belles-Lettres. 488
Chap. CCCLIIL Les trois Rois. 403 Çhap. CCCLIV. De V influence de la Ca- pitale Jiir les Provinces. 496 Chap. CCCL V* Que deviendra Paris ? 49 g Chap. CCCLVI. Suppofition. 50$ Chap. CCCLVIL Reponfi au Courier de V Europe^ 5 07
Fin de la Table du fécond Volume*
.4K
V.