RAS ra Pt BR SE Re ir LE WEx La; pi 4 35 . ? À 4? RE LUE e A PS PARENT MOULE Leur THÉATRE D'AGRICULTURE. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/thtredagricu02serr Theatre. d. Agricullure = | AIl'loim de tous ces maux que 4e Tuxe fait natre, Ilcureux 1e Laboureur, trop heureux s'il {ait l'être ! La Terre hberale et docile à {es {oms, Contente à peu de frais {es rufhques befoins Georg. de Vzy Læ.2. A RP AR A EE à on Monsiat 1 : ; Aug. Deloaux Jeufp THÉATRE D'AGRICULTURE ET MÉNAGE DES CHAMPS, D'OLIVIER pe SERRES. Où l’on voit avec clarté et précision l’art de bien employer et cultiver la terre, en tout ce qui la concerne , suivant ses différentes qualités et. cli- mats divérs, tant d’après la doctrine des Anciens, que par l'expérience. REMIS EN FRANÇOIS, PéRLA: M GISORS. RUN ER "SEL CON D: A PARIS, CHez MEURA NT, libraire pour Agriculture, rue des Grands-Augustins, n°. 24, | PNR TES 0 à EU THÉATRE D'AGRICULTURE. LIVRE QUATRIÉME, CHAPITRE PREMIER. De la nourriture du Bétail en général. I. est reconnu que le gain le plus assuré de tous, est celui qui vient avec le moins de coût. Caton, l’oracle de son tems, fondé sur cette maxime, donna pour réponse no- table : Que pour devenir bien riche , il falloit bien paitre; que pour étre moyennement riche , médiocrement paitre ; et interrogé de plus pour être riche, qu’il falloit mal paître ; voulant dire par cet avis sévère, que quoi- qu'on ne s’entende point au gouvernement du bétail, on ne laisse pourtant pas d’en Tome II, A 2 TOR ECS THE tirer du profit ; d’où il semble vouloir con- clure que la nourriture du bétail est l'unique moyen pour bien faire ses affaires en mé- nage, et que les autres biens de la terre ne sont qu'accessoires du bétail, d'autant plus qu'il s’entretient avec peu de dépense, eu égard à celle qu’on est forcé de faire pour le recouvrement des bleds et des vins. Le gouvernement du bétail étoit l’exergice de nos premiers pères. On ne peut lire sans admiration les histoires d'Abraham, d’Isaac, de Jacob, de ses freres, de Job , de David et d’autres saints personnages du sus passé, non-seulement parce qu’ils étoient eux-mêmes pasteurs, mais encore par le grand nombre de bétail qu’ils entretenoient, suffisant pour nourrir plusieurs peuples. On voit une infi- nité de grands hommes qui ont été pasteurs et laboureurs ,. même des rois qui se sont fait surnonmmer bergers. Dans l’ancienne Rome, l’état rustique devançoit l’urbaïn ; là, les premiéres places étoient pour les gens de Jäcampagne. Les quatre principaux quartiers della ville étoient commis à leur garde ; savoir: Suburra, le Mont-Palatin, le quartier de la Porte de la Colline, et le Côteau d’Esquilia. On a tiré de leur ordre plusieurs grands RE ET + = bp A enr 0 UÙ 2: TÜÙU R E. 3 capitaines et chefs d'armée, qui ont fait avec succès de grandes actions; leur charge expi- rée, ils la quittoient plus volontairement qu'ils ne l’avoient auparavant acceptée, pour re- tourner à leurs petites métairies, Les romains appeloient leurs enfans par des noms propres, les uns Bubulci, Caprarii, les autres Porcii, qui signifient bouviers, chevriers, porchers; et un homme righe Locuples, du mot latin locus , qui signifie un champ de terre. Par ces choses, il est constant qu'on tenoit en grand honneur dans ce tems la culture des champs , principalement la nourrituré du bétail, comme en étant la première partie ; aussi la majeure parlie du domaine de Rome consistoit alors en pâturages, presque seul et commun avantage des peuples anciens ; c’est pourquoi il n’y avoit pas d'autre commerce dans les premiers siècles civilisés que celui du bétail, qui servoit par échange à recou- vrer tout ce que ces tems produisoient pour le service des hommes, comme aujourd’hui la monnoïé, appelée par eux pecunia, du mot latin pecus, qui signifie brebis, et qu'à la longue da nécessité, maïtresse des arts; inventa heureusement. Les romains appe- loient pasquiers, éurs deniers publics, pro- À 2 4 USE) AUD RTE venant du pâturage, et les pâturages scrip- turæ , comme les plus signalés registres de leurs revenus. Pour le même objet, par ce mot peculium, ils entendoient toutes leurs facultés, en quoi qu’elles consistassent. Leur première monnoie fut forgée avec de l’airäin par Servius Tullus, roi de Rome, sous le type de la vache et de la brebis; ensuite sous celui du bœuf, du mouton, du pour- ceau, toutefois distinctement , selon leurs diverses valeurs; les coupables ayant encouru une amende pécuniaire, étoient aussi con- damnés en ce bétail. Le prix du bœuf était alors de cent oboles, et celui du mouton de dix : ils méloient toujours du bétail dans leurs sacrifices, leurs jeux et autres exercices pu- bliës, tant ils l’avoient en considération. Avant les romains, quelques autres nations ont aussi battu monnaie sous la marque de l’agneau et de la brebis, comme cela se reconnoît dans Vhistoire de Jacob. Les moutons d’or de France, la vache de Foix, la toison d’or d’Espagne, monnoie de nos ancètres qu’on voit encore, imitation de l’antique, prouvent que plusieurs nations ont eu la connoissance du bétail. On pourra donc regarder comme accompli DA GRICULTURE. 5 l'héritage qui Jouira de cet avantage de Ja vie champêtre, autrement il demeureroit mutilé comme d’un de ses principaux mem- bres; car ni la longueur des tems , ni les différentes révolutions des choses humaines, n'ont pu éteindre le crédit du bétail, qu'il ne demeure encore aujourd'hui en grande réputation. Sans bétail, on ne peut labourer ni beaucoup fumer, principalement pour l'intérêt des jardinages, des terres à grains et des prairies. Les vignobles supportent mieux ce défaut que les labourages ; néan- moins ils reçoivent un grand soulagement par les fumiers qui, ne provenant, ou la plupart, que du bétail, prouvent par con- séquent que le bétail est utile et nécessaire dans tous les endroits de la terre; et on peut avec raison appeler cette partie du mé- nage la mère des autres, comme aussi la plus antique ; ce sera mettre fin à la querelle du pasteur et du laboureur dont parle Columelle, l’un desirant des herbages pour nourrir ses bêtes, et l’autre ne craignant rien tant que d'en voir ses guérets chargés, il rend par- là compatibles ces deux différens exercices, en les joignant ensemble. Comme il y a diverses espèces de bleds À 5 6 THÉATRE et de vins, il en est de même du bétail, qui est divisé en gros et en menu. C’est de-là -qu'on a' fait ces subdivisions : le gros se dis- tingue en bouvine ou chevaline, et le menu en bêtes à laine et à poil. Par la bouvine, on entend les bêtes à cornes, comme bœufs et vaches, autrement dites, omail, du mot latin omentum , signifiant gros bétail à en- graisser; par la chevaline, les chevaux, jumens, ânes, ânesses, mulets et mules. Les bêtes à laines sont les moutons et les brebis. Les bêtes à poil, les chèvres et pourceaux. Ceci s'entend des bêtes à quatre pieds, excepté les chiens, et non de la volaille, qui n’est pas mise au rang de cette espece. Tout ce qui provient de la plupart de ce bétail, est de grande utilité; leurs chairs, laitages, peaux, laines, poils, sont très-pro- fitables pour la nourriture et le vètement de l’homnie ; les cornes mêmes et leurs osse- mens servent en plusieurs endroits, sort pour des remèdes aux maladies, soit pour l’orne- ment de nos meubles : il a été amplement parlé de l’utilité de leurs excrémens et de la richesse qui en provient; et ce qui est plus, le gros bétail nous aide au port, au charroïi et au labourage, par cette raison LS D'ÀÂAGRICULTURE, 7 appelé jument , du mot latin juvare ; et malgré que ce titre soit particulièrement donné à la femelle du cheval, comme à l'espèce d'animal le plus propre à cela, ce n'est pas moins avec raison que ce même titre est accordé à toutes bêtes chevalines, de même qu'aux bouvines, le bœuf et la vache étant fort utiles au labourage ; ce bé- tail-ci surpassant tout autre gros et menu en ce point, qu'il est employé pour servir, nourrir et vêtir l’homme. Quant au profit de ce bétail, d’un commun accord, c'est le premier du ménage; il n’est pas possible de représenter naïivement le plaisir qu'on éprouve à voir le bétail de tout âge et de toute espèce , louer le père de la nature dans tout ce dont il s'occupe; savoir, à travailler, à paître, à mugir, hennir, bramer, bèler, gromeler, sauteler, et autre- ment s'exercer suivant leur genre et divers naturel. f Distinguer les pâturages pour les employer selon les différentes espèces du bétail, est le principal de ce ménage. C’est de lui d’où dépend la juste correspondance du bétail à la viande. "Foute sorte de bétail haït les pâtis marécageux , et sur-tout celui à laine, qui A 4 6 TRE A TIRE ne peut profiter qu'en lieu aéré et sec ; les chèvres aussi s'accordent à ce naturel, c’est pourquoi nous destinerons les herbages qui sont dans les endroits les plus élevés de. notre domaine pour ces deux espéces de bétail, conservant les autres pour la cheva- line et l’omaille, parce que le gros bétail sapporte plus patiemment l’humidité que le menu, excepté les pourceaux qui se nour- rissent de toutes sortes de pâturages et en tous lieux. Quant à leur logis et entretien particu- lier, il en sera traité en lieu convenable, seion le naturel de chaque espèce de bétail et pour la nourrir généralement (a l’imita- tion du capitaine Prudent, qui ne s’enferme dans une place forte, sans les vivres néces- saires pour sa garnison), Je démontrerai au préalable quels sont les herbages pour sa nourriture, et la manière de s’en pourvoir. Pp'AGRICULTURE. 9 CPAS EVER ERUET. Des Pacages, Pâturages et Herbages en général, pour le Bétail, et particulière- ment des sauvages et naturels. ; OA herbages pour nourrir toutes sortes de bétail, se distinguent en sauvages et francs, chacun très-utile en sa qualité. Les sauvages sont les pacages et patis, que la nature a formé d'elle-même, qui ne sont point sujets à la culturê, et sont communément revêtus d'arbres sauvages dont les forêts sont com- posées, connues de tout tems et par tout le monde; et les francs, les prairies com- munes, diversement faconnées et travaillées, selon les lieux qu’on a, secs ou humides, et encore le sainfoin, l’esparcet, la vescé, les farrages , en quoi il est à desirer que notre domaine soit pourvu pour la richesse et la beauté. Ayant des pâatis sauvages, vous ne serez assujetti à d'autre entretien qu’à celui d’avoir soin de leur conservation, à empêcher que le bétail d'autrui ne les ruine, afin que vous io THÉATERE ayez en hiver une réserve de mangeaille pour vos troupeaux; cela vous sera facile si votre domaine est en V, comme il s’en trouve plusieurs dans ce pays, a vous en propre et en particulier, et les voisins n’y ayant rien de commun. Outre l'herbage du fonds, les fruits bâtards des arbres et leurs feuillés aideront beaucoup à la nourriture de votre bétail, avec d’autant plus d'avantage, que plus vos forêts abonderont en glands, poires, pommes, cormes, cornouilles , noisettes et semblables fruits. Les forêts et les paturages sauvages manquant, il conviendra de s’en pourvoir par artifice. Le moyen d’édifier les forêts est amplement décrit au traité des arbres sauvages, et en cet endroit on montre seulement la façon de se pourvoir de pâtis et de pâturages sauvages : que le pére de famille laisse en perpétuelle jachère quelque partie de son labourage, dans les quartiers où les terres sont les plus pendantes, maigres, pierreuses et plus difficiles à cultiver, afin que la terre demeurant en friche se charge d’herbages, tels que le naturel du fond et du climat les produit. Les terres les moins propres aux grains sont employées à cet usage, par le peu qu’elles rapportent en D? À GR EI GU L'TIU R Er. 11 Jabourage, quoique les plus grasses et les plus fertiles soient les plus abondantes en herbes. Cela néanmoins dépend de la volonté et des moyens du seigneur, car s’il desire nourrir, ainsi qu’il convient, un grand nombre de bétail, et s’il est largement pourvu de bonnes terres, pourquoi épargnera-t-il à son bétail quelque partie de son bon terroir, vu même que c’est le bétail qui engraisse les terres maigres, ce qui récompense la perte qu'il pourroit y avoir, sans mettre en compte l’autre profit résultant de son entretien. Or, que les terres que l’on emploie en pälurages soient maigres ou grasses, il sera nécessaire de faire attention avec soin à ce qu'il n’y pousse point d'herbes malfaisantes, mais des plus salutaires pour le bétail. ‘Si par la nature vous n’êtes pas satisfait en cet endroit, vous ensemencerez le lieu de graines de bonnes herbes , choisies avec le même soin que l’on emploie en pareil cas aux prai- ries nouvelles, et vous les logerez de même en terre; c’est-à-dire, après avoir bien la- bouré le fonds, vous y Ctendrez la semence, ensuite vous la couvrirez avec la herse, en applanissant le dessus du parterre, layant au préalable épierré et déchargé des eaux 19 THÉATRE nuisibles, selon le besoin, pour que rien n’empêche l’accroissement de l’herbe. Il n’est pas nécessaire d’aller avec tant de soin pour en Ôter entièrement tous les arbres, mais principalement ceux qui nuisent à la pousse de l'herbe, comme cela peut arriver où ils sont trop touffus et pressés; car en les éclair- cissant, l’herbe se logera et croîtra très-bien au-dessus : cela approchera des forêts natu- relles , qui nourrissent avec les arbres l'herbe dans leur fonds. Il faudra clore si bien ces herbages, qu'aucune bête n’y puisse entrer que dans les saisons propres pour les paitre, afin qu'ils se maintiennent toujours en bon état. À l’assiète"particulière de ces lieux, on observera que les herbages destinés pour l'hiver regarderont le midi; ceux de l'été le nord; et pour les autres saisons, les en- droits indifféremment où cela se rencontrera le mieux : par ce moyen, le bétail paissant à son aise, ne pourra manquer de bien se porter. Si on a la commodité des arrosemens, on emploiera l’eau de manière qu'elle ne serve qu'à humecter et non à pourrir le fonds , afm que l’eau n'y croupissant jamais, donne en abondance un herbage salutaire, ce qu'on ne peut espérer de la terre trop. ] D'ÀÂGRICULTURE. 13 abreuvée qui ne produit d’autre herbe qu’en- rouillée et de maligne nature, qui cause différentes maladies au bétail qui en mange, jusqu'à lui foire pisser le sang, sans les autres incommodités qu’elle leur occasionne. CELA POELE TT ORPE OCT T Des Prés, Herbages francs et artificiels. N ous ferions en vain les louanges de la prairie , puisqu'elle n’est méprisée de per- sonne , ou plutôt parce qu’elle a l’estime de toutes les nations. Les anciens ont préféré le revenu de la prairie à tout autre profit de la terre, parce qu’il est retiré plus net- tement que dans aucun autre; car les bleds, les vins, le rapport des arbres et des jardins, ne viennent pas sans semer, planter ét la- bourer continuellement ; mais les foins, avec si peu de souci qu'on les estime presque venir directement du bienfait de la nature, et me craignant ni tempêtes ni orages, tant ils sont de grande facilité. Aussi le pré est toujours prêt à rendre service, suivant l’éty- mologie de son nom, tiré du mot latin 14 R'MUITEÉ À TE EX pratum, presque paratum ; et les vieux romains lui accordaient la même réputation: C’étoit l'humeur de Caton, que de se fonder en prairies, pâtis, taillis, étangs, moulins et semblables propriétés de petit entretien et d'un rapport assuré, qu’en payen, il disoit que Jupiter même ne pouvoit l’ôter ; tant il prisoit l’économie ; aussi assuroit-il que pour bien faire aller le ménage, ces deux articles étoient les seuls nécessaires, savoir le labourage et l’économie. Quant à la beauté de la prairie, quel plus agréablè ornement peut la décorer qu’elle ? la vér- dure: continuelle de son herbe, la tapisserie” de ses: fleurs dans la saison, répaissent les yeux. et l'imagination, et son accès facile nous donne toujours des promenades déli- cieuses. | On''distingne aussi les prairies de deux mänièrés ; savoir en sèches ét humides : les sèches’se font en tous terroirs, pourvu qu’ils soient fertiles ; mais lés humides, seulement dans les ‘lieux 'arrosés : d’eau ‘courante : les premières rendent le foin en parfaite bôrité, ét les autres ’avéc d'autant plus d’abondanñcé, que le fonds en est meilleur, et que les eaux qui les ‘ärrosent sont plûs douces. L'une ‘et pD'AGRICULTUR E. 15 l’autre demandent à être posées sous les éta- bleries , afin de profiter des engrais prove- nant des fumiers qui vont en bas par l’égoût des pluies, article qu’il ne faut pas oublier. Pour ‘drësser ces prairies, il est nécessaire de choisir la terre grasse, même si c’est pour une prairie sèche, car pour lhumide» il n’est pas nécessaire de faire un choix si recherché , d'autant que l’eau supplée au défaut du fonds ; et reprenant ce qui a été touché ailleurs, je dirai encore que la terre doit être ainsi employée : la meilleure partie en prairie; la moyenne en labourage, et la moins bonne en vignoble, toutefois selon les circonstances et rencontres qui permettent de biaïiser dans cette distribution, où toute terre arrosée est ütile en prairie; car que la terre en soït maigre et la situation bizarre, cela n’empêchera pas d’y faire une bonne prairie, et elle sera d’autant meilleure que plus son assiète approchera de la plaine par- faite ; cela s’entend si la terre est plus sa- blonneuse qu'argilleuse, parce que le sablon sucañt l’eau , tient toujours la prairie, quoique plate, én bon état; äu contraire, si la terre est plus argilleuse que sablon- neuse, retenant l'eau faute de pente, le lieu 16 THÉATRE se convertit en marais; c’est pourquot il faudra donner tous ses soins pour que par une disposition convenable la prairie satis- + fasse à notre desir, en faisant par ce motif pencher un peu la terre argilleuse et non la sablonneuse (si cela est à notre disposi- tion), parce que de quelque qualité et assiète qu’elles soient, elles ne laisseront pas de nous être utiles en cet endroit, telles que nous les aurons moyennant le bienfait de l’arrosement. Le lieu destiné en Prairie sera labouré à plusieurs fois réitérées pendant seize mois, en diverses saisons , la terre étant toujours bien disposée, ni trop sèche, ni trop humide ; en commençant au mois de septembre, ow quand il vous, plaira, les moissons étant faites ; au bout de ce tems, qui sera au commencement de février, le lieu se trou- vera très-propre à recevoir la semence du foin. Ce long terme vous étant incommode, considérez qu’en moins de loisir vous ne pouvez rendre votre terre en poudre, comme elle est nécessaire pour la prairie, autrement vous n’auriez pas le pré de la bonté que vous desirez, le terroir sur -tout en étant {ort et tendant à l'argile ; c’est pourquoi il vaut p’Â REG EITIU R E. 17 vaut mieux prendre plus. de tems: pour faire une réparation bonne et! perpétuelle que de se-précipiter et gâter l’ouvrage. Si cependant vous ne:voulez pas attendre: si longtems, un chemin,plüs court vous -est ouvert; c’est de rompre le fonds à un ‘bon pied et: deïfñ de profondeur, à force de, bras, avec des houes , des bêches et autres, instrumens propres,:maniés par des hommes robustes, en Ôtant les pierres, les racines et. les autres embarras qui s'y rencontreront ,-afin que la tete cuite et déchargée de ces choses, soit disposée-en:;son, tems à recevoir la semence du foin ,.en Janvier et février, pourvu -que ce défrichement soit fait dans le mois d'oc- tobre ou novembre, ‘afin, que sous l’efoft des froidures, et gelées de l’hiver, la terre se dompte, ét $’approprie ; mais il ÿ a trop de dépense à cela, en ce que ce seroit une mauvaise | Économie que de se mettre dans un lieu -où..le coutre ne pourroit jouer par la trop grande abondance de pierres et,de rochers ; car là.où on laboure commodément à frais re rar par. le tems et, le bétail, on-satisfait à ce qui. est dit ci-dessus. Il est nécessaire d’épierrer ,en.,.cet ouvrage; c'est pourquoi après le,travail..onenlève toutes Tome IT. gr: 18 THÉATRE les pierres que le soc découvre et fait sortit de terre, ainsi que les racines et les arbustes, pour que le fonds libre soit entièrement donné au foin, qui viendra plus abondam- ment qu'il sera moins voisin d’aucune plante. Plusieurs, par cette raison; n’épargnent pas les arbres, et quoiqu’ils soient bons, il les arrachent jusqu'au dernier du lieu destiné en pré, par ce moyen, ils parviennent à la perfection dé ce ménage. - Ces labourages réitérés, avec la longueur du tems, préparent très-bien la terre À la perfectionnént ét l'engraïssent, mais non pas autant qu'il est besoin pour le pré. à quoi suppléant, il conviendra de la fumer fort dans le commeñicement, alors lé lieu viendra bien en pré et facilement, ‘et la vertu du famier lui restant pendant plusieurs années; on ne se mettra pas en peine (come chose inutile) de la refumer de longtems. On ‘émploié avec plus d'avantage, en ce cas, le nouveau fumier que le vieux, parce que le premier produit plus d’herbages que le der- mier, cé qüe vous desirez. 11 sera charrié dé ce fumier en bonne quañtité lau champ déstiné en pré, deux mois avant l’ënsemen: cemment, qui pourra avoir lieu vers le mois D’ÂAGRICULTURE. 19 de décembre, et alors les glaces ne l’empé- chant pas, on l’étendra par-tout le lieu, en le couvrant de terre, d’un seul travail, le plus profondément qu'il sera possible, afin d’enfermer sa force dans la terre pour y durer long-tems. Cet ouvrage est la dernière main du la- boureur, et il n’est pas nécessaire d’y retour- ner avec le soc, ce qui seroit plutôt préju- diciable, vu qu’aprés avoir fumé le champ, par un autre travail , le fumier en ressort à l'air. au-dessus de la terre, dans laquelle il faut qu'il demeure enfermé. Ce sera seule- ment avec la herse, les rouleaux, les rateaux et semblables instrumens qu’on applanira et unira la superficie du nouveau pré, aussi proprement qu’on pourra, afin que les fau- cheurs ne trouvent rien qui empêche le libre passage de la faulx. Il faudra ne pas ense- mencer le nouveau pré plutôt qu’à la fin de janvier , ou au commencement de février , la terre étant plus sèche qu'humide, pour pou- voir mieux la remuer plus nettement et y mettre la semence plus également, ce qu’on pourra retarder encore pendant tout le mois de mars en ‘pays froid, et de même en pays chaud, l’année étant tardive. Il est à souhaiter B 2 20 ŒuHÉATERE dans cette circonstance que la pluie survienné aussi-tôt après, par le besoin que la semence du foin a du secours de l’eau, sans quoi elle ne peut germer, mais desséche de soif ‘en peu de tems, d'autant plus vite que le nouveau pré se trouvant fumé, ne peut en- durer la chaleur du fumier ; c’est pourquoi il conviendra d’attendre que le tems s’adonne à la pluie, et d'employer avantageusement cette commodité. On choisira la semence du foin la plus subtile et la plus müre qu'il sera possible, à laquelle on ajoutera la moitié d'avoine, et le tout ensemble mis en terre pour, de compagnie, pousser, croître et ètre cou- pées, l’avoineétant parvenue en maturité, dont le grain paiera une partie des frais de l’œuvre. Voici le moyen d'ensemencer le pré : on dis-. perse la semeñce par sillons, afin que ce soit également, sans être faites au soc, mais avec un bâton qu’un homme traîne pour marque. Le lieu aura été auparavant applani avec la herse ou un autre instrument propre à cela, comme il a été dit, pour écarter plus uni- ment la semence qui, jettée en terre fort drue , sera dès aussi - tôt couverte avec de même instrument, par deux passades, l’une s # p’AÀAGRIC:ULT-U RE. 21 croisant l’autre, ce qui achèvera d’applanir et réunir votre pré en perfection. Il convient après de clorre le pré avec autant de soin comme une chose de grande conséquence, car le pré étant abandonné à la merci du bétail, 1l ne faut pas en attendre un grand revenu , quand même il n’y auroit qu'une petite partie de la pointe des herbes qui en seroit mangée; c’est pourquoi le pré sera si bien fermé par des murailles, fossés ou autrement, que nulle bête n’y entre jamais contre notre volonté. Parmi les bonnes gens de village, le pré clos est appelé la pièce glorieuse du domaine, en faisant le plus de cas, comme de celle dont ils tirent le plus d'avantage. I] faudra avoir soin pour la pre- mière année qu'aucun bétail ne paisse dans le nouveau pré, de peur d'empêcher la motte | de’se fortifier par le trépignement des bêtes, et par leur morsure, d'en faire mourir la nouvelle herbe. Mais au bout d’un an, après avoir été fauché, il sera à votre liberté de le faire manger à toute sorte de bétail, excepté aux pourceaux, parce qu'avec leur groin ils ne cessent de fouir et de renverser les mottes ,sur-tout en tems humide ; par cette raison , le bon ménager ne soufrira jamais B 5 22 TR É LEE ES à cet animal l'entrée de son pré, ni à aucun autre, que lorsque lé fond sera affermi par la sécheresse, afin que le bétail, surtout le gros, par Ka pesanteur de son corps, n’en- fonce pas ses pieds dans la motte, ce qui gâterait l'ouvrage. Voila la manière la plus facile pour for- mer des prés; commune à toutes les prairies sèches et humides , laissant à la liberté de chacun d’y mettre du trefle, de la vesce, et autres semences excellentes, pourvu que _ facilement on les puisse recouvrer ; car de se mettre en peine pour en envoyer chercher au loin avec dépense, cela me paroît être. une chose plus curieuse que nécessaire, vu que la seule avoine, avec la force du fumier, satisfait à cela; les racines de laquelle pro- duisant en abondance de bon herbages, en fournissent le lieu ainsi qu'il appartient, d'autant plus promptement, que plus le fonds tend de lui-même à l'herbage, commeil s’en trouve de tels qui deviennent en prés sans aucun art. . Il ne faut pas oublier de sarcler le nou- veau pré dans son commencement, en le purgeant de toutes les herbes malfaisantes qui y croissent avec les bonnes, prévenant 1e D AGRICULTURE. °3 par la diligerice et le soin, la malpropreté d'icelu,.et s'évitant la peine de le mutiler en entier , quand pour en extirper les plantes vicieuses qui y auroient par trop pris racine £ on. est contraint, comme unique reméde, de renyerser totalement le pré par une pro- fonde culture. La prairie faite et affermie veut être fumée de tems à autre, mais si la graine du fonds et l’eau courante lui manquent, elle ne peut être bonne et fertile. On lui donnera du fumier en bonne quantité, de trois en trois ans ou de quatre en quatre, toujours dans le mois de décembre ou de janvier, après en avoir fait manger la dernière herbe, pour que par lhumidité restante de l'hiver et les pluies du printems, sa vertu dissoute pé- nèitre jusqu'aux racines de l’herbe. IL est nécessarre que ce fumier soit menu et bien pourri (au contraire de celui qu'on emploie en faisant la prairie, qu’on choisit grossier et nouveau par les raisons dites), afin de se dissoudre facilement; car en ne l'employant pas ainsi qualifié, faute de ne pas être à tems consommé sur le pré, les faucheurs le trouvant entier, le mélent avec le foin, et il est après porté au grenier avec lui. On | B + s4 DREITR SE aûra soin aussi dé faire entrer dans le pré les égoûts des étableries et chemins, en tenant à cet effet ouvertes et curées leurs entrées, pour que. par la venue des pluies aucune graisse ne se perde; moyennant cet entre- tien, le pré, quoique sans eau, rapportera abondamment , il sera fauché plus d’une fois chaque année, si le tems n’est pas extraor- dinairement sec, et il faudra qu’on n’en fasse pas ronger trop long-tems le paquis au bétail, ni ne permettre jamais que la pointe de herbe en soit broutée. Pour éviter ce mal, le pré sera tenu clos et fermé. À ce qui est dit ci-dessus, il ne sera ajouté autre chose que l’eau pour les prairies d’abreu- vage, ce qui augmentera d’autant plus le re- venu du pré, qu’elle sera plus fertile ét mieux conduite, sous, cependant, la propriété du chimat, qui, sur toutes les parties du ménage, tient la souveraineté. Selon notre précédente distinction, nous diviserons en deux les eaux, savoir, en froides et en chaudes, pour être utilement employées selon leurs qualités. Plu- sieurs eaux froides sont aussi sablonneuses, et par conséquent peu nutritivés ; niais presque toutes les chaudes-sont grasses; les premières n’apportent au pré que l’humi- J pD’AÂAGRICULT'UR E. 25 dité, et les autres, l'humidité et la fertilité tout ensemble : par cette double utilité, les eaux chaudes sont préférées aux froides, qu'on emploie seulement au défaut des chaudes. Les eaux froides procèdent com- munément des montagnes de telle situation, augmentent en froidure à mesure que les neiges fondent par l’approche de l'été, et acquièrent le vice du sable, en coulant dans des terroirs sablonneux. Les chaudes dé- coulent de sources et fontaines, d’où selon leur abondance se forment des ruisseaux et des petites rivières; or, quelles que soient des eaux froides ét chaudes, on ne doit pas les donner au nouveau pré dans sa première année , tant de peur d’en noyer les semences tendres et déliées , que pour obvier à ce ‘qu'iline s’y fasse aucun enfoncement et val- lon par l'eau courant dessus la motte qui n'est pas encore affermie. Les eaux froides ne seront pas employées, que leur vice ne se soit entièrement corrigé par le tems, c’est-à-dire, qu'elles ne se soient quelque peu échauflées par le voisi- nage des chaleurs, et alors on les donnera aù pré sans regret : cela n'arrive presque jamais devant la mi- mai, et bien souvent 26 , THÉÈATRE de tout ce mois, elles n'atteignent le point qu'on desire par la tardivité de la saison ; ce qui est. cause qu'elles ne peuvent beau- coup servir pour les premiers foins , dits Maïens, parce qu’on les recueille au mois de mai, mais bien pour les suivans, second et troisième. Tout pré arrosé de ces eaux froides demande beaucoup de graisse ou de fumier, sans quoi elle n’est pas de grand rapport, attendu que les eaux, par le vice de leur froidure et des sablons qu'elles ciar- rient, l’amaigrissent plutôt qu’eiles ne l'en- graissent, ne faisant que l’humecter quel- qu'échauffées qu'elles soient par le tems le sable lui étant toujours nuisible, mais prin- cipalement quand elles sont: troubles; car alors en venant au pré elles l’ensablent quel- quefois jusqu'a la rendre infertile pour jamaïs; c'est pourquoi on se donnera bien de garde, comme d'une chose très - dommageable ; de laisser entrer dans le pré aucune eau de la qualité susdite, étant engrossies par les pluies, et de houcher si bien les entrées du pré, qu’elles n’y puissent alors pénétrer:en aucune manière, ni même aucune autre hu midité que celle tombant du ciel, et les la- vures des chemins ; vous garantirez ainsi votre S DA GRECULTUR E. 27 pré de ruine, que vous arroserez au be- soin , ces eaux étant claires, maïs jamais quand elles sont troubles. Il n’en est pas de même des eaux douces et chaudes , étant employées au contraire des autres par la différence de leur naturel, c’est-à-dire qu’elles sont mises au pré, lors- qu’elles sont troublées par les pluies, etant en ce point plus valeureuses que quand elles sont claires, à cause que passant par des terres grasses, elles en attirent leur fertilité, ou m1 passant point, elles n’amènent jamais de gra- vier, quoique troubles : d’ailleurs, par leur chaleur naturelle, elles sont presque toujours propres et bonnes pour les faire courir aux prairies, peu de tems excepté. Après que le paquis de votre pré aura profité, cette eau y sera inconlinent mise, pour y glacer dessus, et par ce moyen causer une grande fertilité au pré, presque semblable à ceux qui auront été le mieux fumés, d’antant que l’herbe se nourrit très - bien sous ces eaux glacées, faisant un amas de fertilité en faveur du#pré, comme cela se reconnoit à la pre- mière vue, lorsque l’herbe s'avance gaillar- dement par dessus toute autre , n'ayant pas ainsi été gouvernée, et encore mieux quand 28 THÉATRE on le fauche, par l'abondance du foin qu’elle rend: De ces bonnes eaux étant troubles, aucune partie ne se perdra (comme j'ai dit), ménageant par ce moyen la graisse qu'elles ‘charrient alors, dont le pré s’en trouvera si bien, que sans autres dépenses, il se ren- dra trés-fertile ; au moins le peu de fumier que vous y ajouterez avant l’arrosement lui servira plus que l’abondance de celui qu’il faut de nécessité donner aux prés arrosés d’eau froide et sablonneuse. Vous continuerez Varrosement jusqu’au premier ou quinze de février sans interruption, et alors vous ces- serez, pour que l’eau n’y soit pas remise avant ‘que la terre n'ait été réchauffée par le soleil, afin que l’herbe pousse, ce qui pourra être vers la fin de mars, plus tôt ou plus tard, selon le pays et la saison. Or, comme cette attente est nécessaire (n'étant pas possible que l’herbe s’avance sans cha- leur), la continuation de l’arrosement l’est aussi durant les froidures, pour la prairie avantagée d’eau chaude et qualifiée comme dessus, parce que l’herbe ayant été actou- tumée à l’eau en hiver, elle ne peut sup- porter d'être à sec, tant que règne le froid, ainsi elle se dessèche. comme au contraire D’AGKRICULTUR E. 2q elle fait très-bonne fin par la vertu de l’eau, glacée et employée comme il,a été dit. Le fonds du pré, étant échauffé:.par la bonté du tems, sera arrosé de foisä:autre, d’antant plus souvent, que les pluies de, la saison seront moins fréquentes, et plus elle tendra à la chaleur et à la sécheresse : cela se fera de huit en huit jours, ,ou de dix en dix, plus fréquemment ou plus rarement, comme vous verrez le besoin ,.ne souffrant pas que le pré ait soif, ni qu'il soit noyé par trop d'eau, mais la distribuant avec raison par une juste proportion de chaleur et d'humidité, pour que le pré produise.en abondance. Le pré qui est tout plat s'arrose plus facilement et avec plus de soin que le pendant et relévé, parce qu'il ne, faut. Y mettre l’eau que par l’un des bouts, pour la faire répandre par-tout le pré, par. cette facilité, l’eau suit également le lieu; en s’y glissant tout doucement, ty étant: retenue par des petits RARE. de terre, de la hauteur d'un pied et dei” plus,ou, moins, comme des chaussées qu’on dresse à l'entour du pré; cela même sert à retenir, la; graisse des fumiers et les eaux chaudes, lesquelles se répandent avec égalité par: tout. le pré, 50 | LE Ne qui s’en trouve très - bien fumé et arrosé ; avantage qui n’est pas dans ceux dont l’as- siète est pendante; on fait des petits canaux d’un pied de largeur et de demi de profon- deur, pour les arroser, en s’assujettissant à la situation du lieu : lesquels canaux traver- sant le pré, et de tel niveau, que sans pente où au moins très-pelite, l’eau qu'on y met, verse également par toute leur longueur, et elle se dispersera avec plaisir pour arroser tous les endroits du pré, quoiqu'il y ait une grande pente, à la charge cependant qu'on fasse au pré plusieurs de ces petits canaux ou fossés traversant le lieu par dis- tance égale de quinze à vingt pas, afin que Veau tombant des uns aux autres, elle soit prôéportionnément distribuée par-tout le pré. L’aft suppléant ainsi au défaut de la nature, ét comme par le mon que l’eau charrie les petits fossés sont facilement comblés et ren- dus inutiles en peu de tems par leur petite Jargeur , il est nécessaire de les curer sou- vent, pour que rien ne détourne le cours de l'eau en saison. Un hômime aura soin de ces choses, en oùvrant et fermant alternativement les ca- maux, et de jour à autre, il visitera promp- D’ À GK É CU LÉT-U R €. 51 tement les endroits du pré -afin qu'aucune partie ne reste inutile | mais que toutes en- sémble satisfassent à l’espérance que chacun a de la prairie; car de l’abandonner à la négligence {comme font certains mal avisés sous l'ombre de son entretien facile), n’est pas le fait d’un bon ménager, qui avec raison regarde le pré comme la meilleure partie de son domaine; aussi tient -il (avec plus de soin et de curiosité que de péine et de l& beur) toujours son pré nettement, sans souf frir s’y accroitre aucune épine, ronce, ni buisson; ni séjourner des pierres, fruits dé la paresse ; ‘il tâche même d’ën bannir les taupes, par le grand mal qu’élles ÿ font, à quoi il parviendra par 6e moyen. Ce méchant bétail hait l’eau; donc, nous nous mettrons sur nos gardés ‘quand il atra fraîchement ‘travaillé, et ‘ée, par la terre nouvellement remiuée ; alors il faudra promp- tement donner l’eau’aw pré; cette eau con- traindra la thupe'de Sortir de terre én évi- dence pour s'en garantir, et vous la brendreg facilement toute vive : de méme; vers :lé soleil levant: qi est l'heure où ‘la taupe fra: “vaille le‘plus, il convient d’être en sentinelle pôur J’attraper avée la pioche, eñ ’crécsant 52 Tr An D Be la terre dans .l’endroit où ,.à votre vue,-.la taupe a remué, en la soulevant par en haut: Quelques-uns par ce soigneux remède at- trapent beaucoup de taupes : on enfouit dans le pré jusqu’à la gueule un, vase de terre verni en dedans, ayant le col long et le ventre gros; l’on enferme la nuit une taupe vive dedans ,; qui par: son cri, quoique petit et doux, se. sentänt emprisonnée, appelle les autres, qui y accourent à la file et en foule _et se jettent inconsidérément dans le vase, par la facilité de son. entrée, la trouvant à raz de terre ;.d’où elles ne ressortent. pas, parce qu’elles ne peuvent gravir l’intérieur; à cause du vernis qui le rend'glissant ; par ce moyen là, elles s’enferment d’elles-mêmes. Les. vieilles, prairies ‘seront, gouvernées , comme les nouvelles, excepté qu’elles de- mandent d’autant plus de fumier que plus ou les voit tendre à leur fin, dépérissant par le tems, comme on le connoït à leur peu de rapport.et à d’autres choses, même par la, mousse ;et. autres herbes rampantes sur la, motte, signe: certain d’une extrême vieillesse ; les cendres de.lessiye servent plus que tout autre fumier à faire disparoïtre: la : mousse des prés; par! cetle cause, on, en donnera D? À @ pr CUËLET Ÿ RE. 58 donnera en bonne quantité aux prés qui en sont importunés en hiver et au tems des autres fumiers ; mais si l’on voit que ce re- mède-ne profite pas, et que d’ailleurs votre pré ne rapporte pas suffisamment, ne soyez pas si mal avisé que de le souffrir avec un si petit revenu; en le changeant d'usage vous le convertirez en terre labourable, en quoi il profitera plus dans un an, produisant de beaux bleds et pailles, que de six en foin: donc, le fonds étant renouvellé au bout de quelques années, si vous le desirez ainsi, il sera remis en prairie par l’ordre déjà montré. Le tems de faucher les foins étant venu, le bon ménager ne tardera pas à les faire couper en toute diligence pour être d’autant plutôt serrés dans les greniers, que l’on a plus à craindre les pluies, et l’arrivée des moissons qui talonnent les fénaisons, ces deux récoltes assemblées donnent trop de fatigue au ménager. Par ces craintes et par le na- turel de la chose, il vaut mieux se hâter de faucher que. de retarder ; car en prenant le foin un peu verdelet, il n’en sera que pluk abondant, plus appétissant et plus savoureux pour le bétail, et meilleur pour faire avoir du lait aux vaches que le trop mür, et en Tome TI. C d4 THÉATRE outre le pré en demeure plus prompt à pro- duire le regain ét la seconde herbe, que si on avait long-tems tardé d’en couper la pre- miére, ne servant à rien de dire que pour peupler d'herbe le pré, quand elle n’est pas assez épaisse , 1] faille laisser grainer'le foïñil en maturité et laisser tomber la graine sur le fonds, vu que sans cela il y a un plus prompt et meilleur remède pour pourvoir à ces défauts ; c’est à savoir en jettant sur le pré de la semence de foin, et en même tems que le fumier ; si le tems tend à la sécheresse, vous ne manquerez pas de faire arroser le pré un jour devant que de mettre la fanlx en œuvre, parce que l’herbe ainsi humectée sera fauchée et ramassée beaucoup mieux que sèche : la pluie surprenant les faucheurs, comme cela arrive quelquefois, il faudra s'abstenir de remuer le foin abattu, qu’au préalable la parlie qui regarde le ciel ne soit sèche par le retour du beau tems; car, par ce moyen, l’eau de la pluie ne lui nuira pas beaucoup. Ne différez pas, le foin _ étant sec, de le faire accumuler en plusieurs monceaux, chacun d’une charretée; qu'après la crainte des pluies passée (auxquelles il résistera facdement ainsi amoncelé), vous _ D'AéREFCULTURE. 35 ferez charrier au grenier au fom. Vous n’abuserez cepeédant pas de ce loisir, mais employant ‘le tems , vous ne’ laisserez pas Jong-tems séjourner le foin préparé sur le pré par l'intérêt’ dé sa perte, et de peur d’oflensér I fonds en lémpêchant de pro- duire dela nouvellé herbe. Le foin sera bottelé en faisceaux à l'usagel Au ‘pays, en- levé et transporté en son lieu dans les ore- miers à foin, sous les couvertures ;, ou en fénil exposé à air, la commodité du logis Manquant. Le foin se conserve très-bien en fénil, même plus d'une année, si les fénils sont bien façonnés, ne s’y en gâtant que fort peu ; car il s’en pourrit seulement quatre doigts où demni-pied du dessus par les pluies, le reste demeurant sam el entier, d'autant plus que le foin se presse tant de lui-même, que l’eau ne peut nullement pénétrer dedans. On disposé corimunément les fénils de figure ronde, finiséäst en pyramide, afin que par li-pente dé dessus, l'eau glisse! en dehors; ct pour les afféxmif contre les vénts, on planté profondément dans terre uné häute et forte perche autour de laquelle on bâtit également le fénil, que ladite perche surpasse d’un pied C 2 36 UNE CRE AT © À ou environ, par où l’on attache, plusieur& cordes soutenant ‘des pierres, pesantes, pres sant toujours le foin contre la perche, comme, il a été dit des paillers. Aussitôt que le pré est fauché et dépouillé de son. premier foin, il sera de suite arrosé pour le préparer, au regain et foins suivans, prenant. garde qu'aucun bétail n’y paisse avant que les der- niers foins en soient levés; il convient même d'attendre un mois après, afin de donner le loisir au pré de se revêtir pour pouvoir four- _nir des pâturages au bétail qui s’y nourrit d'ordinaire durant l'hiver. . C’est par l'entretien des près communs, que le père de famille tire un grand revenu de sa prairie; car il la fauchera deux fois, même trois, s'il se.règle exactement sur les observations susdites, et finalement sur l’en- trée de l’automne, elle reproduira du paquis en telle abondance qu’elle suffira pour bien entretenir, son bétail pendant une grande partie de l’hiver , selon la propriété du :cli- mat, étant un point essentiel dans cet en- droit, de ne, pas rester trop long-tems sans faire paître les prés, tant à cause de l'intérêt de ne pas les fumer à tems , que de ne pou- voir les arroser en hiver; de même que si D’ AGcBucULTURE. 37 Therbe-est mangée trop près de terre, elle ne revient pas aussi promptement ni si vigous reusement, que si l’on y va à discrétion. : CR RE OR P PT ET V: Du Sainfoin. O. fait une autre sorte de pré, plus exquise, et de plus grand rapport que les précédentes, de l'herbe appelée en France sainfoin ; en Italie, kerba medica ; en Pro- vence et Languedoc, /uzerne. Le mot de sain, vient de l’excessive louange qu'on a donné à cette plante, à cause de sa vertu médicale. et engraissante pour le bétail qui s’en repait. Par ses propriétés, les anciens l’ont placée au-dessus de toute autre pâture. Pline dit que le nom de r2edica lui est venu du royaume de Médie, quand elle fut por- tée de-la en Grèce, par Alexandre-le-Grand, lorsqu’il:y défit le roi Darius. Elle est peu connue aujourd hui en Italie et en Piémont, mais très - bien en Espagne et en France, principalement dans les provinces de Lan- guedoc, Provence , Dauphiné et voisinage, | C 5 58 dE a rie ee À comme dans la principauté d'Orange, comté Vénaissin, où elle est entretenue avec soin et profit. On fauche la luzerne .cinq ou six fois l'année, même jusquà huit ou neuf, quand elle est dans un lieu bien agréable et bien gouvernée, rendant par ce moyen du foin excellent en très-grande quantité, telle- ment, que le contenu d’une journée de fau- cheur donne plus de foin que trois ou quatre d'autre pré. Elle nourrit le bétail si grasse- ment; que si elle n’étoit pas corrigée avec d'autre foin ou de la paille qu’on mêle parmi; le bétail qui en mangeroit d'ordinaire, en seroit suffoqué par une trop abondarte nour- riture, et spécialement la bouvine qui devient fourbue , en mangeant cette herbe étant verte , dont elle meurt subitement ; par cette raison, il n’en faut jamais donner à ce bétail que de sèche, encore avec modération; au contraire, les chevaux s'en purgent et en- graissent dans huit à dix jours , en leur fai- sant manger leur saoul, au printems, de la première herbe; en tout autre tems leur servant de foin et d'avoine. Cette herbe dif- fère en ceci d'avec les autres prés communs, qu’elle ne veut être nullement mangée sur terre, ni foulée aux pieds par les bêtes, leurs DA GR:ICULT Ÿ RE. 59 dents, leur souffle et trépignemens étant contraires à sa nature; mais $on propre, pour en recueillir le foin, est d'être fauchée prés de terre, avec des faulx bien tran- chantes. Quoique le bon ménager ait d’autres prairies suffisamment , il fera bien de se pourvoir de quelques journaux de cette excel- lente pature, pour en distribuer en hiver a ses bêtes malades, lasses, maigres et ha- rassées , pleines , à lait, pour aider à remettre et fortifier les porteuses, et servir à l’aug- mentation du lait des allaïitantes : il en don- nera aussi à ses poulains, veaux, agneaux, chevreaux, quelquefois, pour les égayer. Pour parvenir à cela, notre père de famille choisira quelqu’endroit de sa meilleure terre, plus sablonneuse qu'argileuse, plus légère que pesante, plus plate que pendante, toute- fois vidant les eaux, pour qu’elles n’y crou- pissent pas, aw’il fera labourer profitablement pendant seize mois; comme il a été, dit dé la prairie commune , pour rendre la terré en poudre et propre à recevoir cette utile semence, fa terre sera aussi soigneusement épierrée et déchargée de toutes racines ; arbres et arbustes, et silest: possible de toutes sortes d'arbres, d'autant plus que le C 4 HE | EME AT RE voisinage de ces choses et les ombrages, qui demandent toute la substance du fonds et de Vair pour avoir leurs racines et leurs herbes libres , nuisent beaucoup au saïnfoin. La lu- zerne vient assez bien sous les arbres, mais pas aussi bonne que dans les endroits expo- sés au soleil; c’est pourquoi il convient de loger cette herbe dans un beau sol et plein, tant pour la qualité que pour la quantité. Si la terre est entièrement bonne, ayant auparavant servi en jardinage, ou pour une autre cause, ayant été de longue main fumée, ne vous mettez pas en peine de l’engraisser de nouveau, mais employez-la telle qu’elie est en cel endroit, sans autre engrais, comme la plus propre, attendu que le fumier nou- veau brûle la semence de luzerne, jetée sur lui avant que d’être dompté par le tems; la rencontre d’une terre ainsi qualifiée est à desirer, pour que la semence puisse y bien fructifier sans hazard; mais s’il arrive que la terre ne soit pas suffisamment bonne pour ce menage, vous l’engraisserez à l'entrée de V’hiver, avec de bons fumiers vieüx et pourris dès long-tems, ou pour le mieux avec quelques menus et fertiles terriers reposés, que vous y ferez charrier en grande quantité, qui, / D'AGRICULTURE 41 avec les fréquens labourages , les fraicheurs et les pluies de la saison, s’incorporeront si bien au fonds, qu’il deviendra capable de re- cevoir celte semence. La crainte des froidures restantes de l'hiver, passée, à-peu-près vers la mi-mars, l’on sémera la graine du sainfoin à la manière des prairies communes, en applanissant soi-. gneusement la superficie du lieu, pour la commodité des fraîcheurs. Les anciens disent que la semence de cette herbe hait le fer, et que par cette raison on ne la doit pas herser ou rateler, en la: semant avec des instrumens dentelés de fer, mais de bois: L'expérience journalière fait voir la puérilité de cette observation; ainsi de quelque matiere que soit dentelée la herse, elle sera toujours bonne à ce service. La quantité. de la semence qu’on donne à la terre, est la sixième partie du bled qui y entre ; c’est-à-dire, que si le heu que vous dressez en luzernière, s’ensemence en fro- ment, avec six boisseaux, un boissean de graine de luzerne y suffira, par la petitesse de la graine, qui est menue comme du millet, et est convenablement employée, ensemen- cée de cette manière, savoir, fort dru, selon âo FH ÉAVRE le naturel de cette graine, qui desirant seule croître, il est nécessaire qu’elle occupe tout le fonds, afin de ne pas y donner place aux plantes malfaisantes. La luzerne, dans son principe, est sujette au hâle du soleil; par cette cause, on la séeme avec de lavoine, de l’orge et de la vesce, par égales portions, la luzerne ne fai- sant que le quart du total, et ces semences ainsi mélangées, croissant ensemble, la lu- zerne se sauve dés chaleurs par l’ombrage du bled, et le bled parvenu à sa maturité, est moissonné, laissant l’herbe de la luzerne maitresse du fonds, l'occupant entièrement. Cela néanmoins ne se rencontre pas tou jours, car il arrive quelquefois que la luzerne est étouffée par les bleds à leur maturité : ce mal étant plus à craindre de l’orge que de l’avoine et de la vesce, et moins de celle- ci que des deux autres bleds, par la sympa- thie du naturel de la vesce et de la luzerne; mais sans espérer aucun avantage du grain desdits bleds, ils sont coupés encore en herbe et non murs, au soulagement de la luzerne qui, se sentant débarrassée de voi- sinage, s'accroît manifestement et beaucoup mieux, que si, sans considération du häle, on D’'AÂAGRICÇCULTURE 48 la:sème seule, quoique ce ne soit pas sans hasard. Ceci n'est nullement à craindre dans les-climats septentrionaux , mais seulement dans les méridionaux, où ce mélange a été inventé et pratiqué par plusieurs, principa- lement à cause de l'abondance des grains qui proviennent des bleds semés parmi la luzerne , à nulle autre semblable, ce qui procède, ou d'une vertu secrète, de ladite plante agréable aux bleds, ou par la bonté du fonds préparé avec art et libéralte. I sera nécessaire de sareler la luzer- mière soigneusement , en arrachant toutes les herbes et les plantes malfaisantes qui s'ÿ seront fourrées en même tems que les bonnes, et ce, au moment où elles paroitront, de peur que devenues grosses par le tems, l’on ne puisse après en dégarnir le lieu, au dé- triment du sainfoin , qui se perd et s’abà- tardit par le voisinage d'autre herbage. Et comme le fumier brûle la grame de luzerne lorsqu'on la sème, ainsi qu'il a été dit, l’eau en pourrit aussi les racines, quand on la lui donne inconsidérément , d’où il arrive que plusieurs veulent que cette herbe ne soit Jamais arrosée, de peur de manquer; cependant il est reconnu qu’en tems des 44 A UE HE AT grandes sécheresse, l’eau l’égaye avec avan- tage; c’est pourquoi 6n ayant alors la com- modité , on l’abreuvera doucement , sans souffrir que l’eau y croupisse jamais ; par cette facilité, autant de peine est épargnée et on donne la liberté de dresser la luzer- nière presqu'en tous lieux ; mais pour y con- server l'humeur nécessaire à l’accroissement du sainfoin , vous donnerez ordre, par pré- voyance, de poser la luzernière en bon fonds, et qui de lui-même ne soit pas trop sec; vous la fumerez très-bien chaque année, ou de deux l’un, au commencement de l'hiver avec du fumier bien pourri et bien menu, lequel se dissolvant par les froidures et les pluies de la saison, sa vertu pénètrera jus- qu'aux racines de l’herbe , dont elle s’humec- tera comme vous desirez. Vous ne permettrez jamais qu'aucun bétail à quatre pieds y entre, s’il est possible, vu que le sainfoin hait la morsure et le trépi- gnement des bêtes, ce qui sera pour avis au père de famille, afin d’en faire soigneuse- ment clorre le lieu; et quoiqu'à cette occa- sion la luzernière soit inférieure au pré com- mun, qui fournit utilement durant l’hiver du paquis pour le bétail, elle ne lui cède D’'AGE&OUL TURE 45 point en revenu, par la grande..abondance de foin exquis qu'elle donne en plusieurs et diverses fauchaisons. | , On ne fauche pas tant de fois cette herbe- ci dans sa première année, que dans les sui- vantes, parce qu’elle n’est pas parvenue à son parfait accroissement en si peu de tems. La seconde année, elle commence à abonder, et. produit, du foin en telle quantité et par plusieurs fois l’année, que c’est une des mer- veilles de notre ménage : cette fertilité dure jusqu'a la douzième et quinzième année, qu'ayant fait tous ses efforts, elle commence à diminuer par vieillesse. Vous choisirez un beau jour pour faucher le sainfoin, afin qu'il se sèche promptement ; on y a de la diffi- culté, parce qu’il est de lui-même fort épais etentre-lié, comme une toison de laine, qui empêche quelquefois de pénétrer toute Yherbe. En le remuant souvent, on accélé- rera la sécheresse du foin , tant pour en prévenir l’échauffement, à quoi il est fort sujet, que pour l’intérèt du fonds, sur lequel séjournant plus d’un ou deux jours ce foin coupé , il lPempèche de rejetter; vous en continuerez ainsi la coupe durant l’été, en la réltérant toutes les fois que vous verrez cette 46 # TRÉATRE “herbe étre en fleur; car c’est alors le vrai . Pont de la faucher, sans attendre d’autre maturité, ni observer autre signe ni lune} vous regarderéz seulement au beau tems; et s'il arrive que Ja pluie surprenne le foin fauché, ne le laissez pas sur le lieu, maïs faites - le transporter dans un autre endroït pour y être séché, afin qu'il ne puisse nuirè au pré, comme il seroit à craindre en y sé: journant par trop, ainsi qu'il a été dit. Etant bien sec, vous ne tarderez pas à le faire charrier au grenier, à couvert, pour être gardé dans ce lieu pour la provision. Ce foin ci ne peut se conserver en fénils exposés à l'air, comme le commun, à cause de sa dé: licatesse qui ne peut supporter le mauvais tems. Mi dr La saison étant quelquefois trop sèche, il s’engendre des petites chenilles noires, appelées babottes, à la seconde herbe de cette plante, qui la font périr en la desséchant. l'unique remède à ce mal, ést de faucher l’herbe aussitôt qu’on s’appercevra que sà cime se blanclit, ce qui est à l'arrivée de ces insectes; sans en attendre la fleur, car par cette coupe avec l’herbe, les babottes D? A G'RtIC/UIL TU RE. 4 meurent toutes, et le jet ne craignant plus ces dommages ; en revient abondant et beau. Si vous voulez tirer de la graine du sain- foin, vous pourrez le faire tous les ans, en commençant au second de son ensemence- ment, pour lui donner le loisir de se for- tifier, et ce à la troisième herbe, à la charge cependant que vous la faucherez une fois moins, la graine tenant lieu de foin, d’au- tant plus qu'il faudra laisser endurcir l’herbe etmurir pour la faire grainer. Elles jette des petites gousses, dans lesquelles la semence est enfermée, qu’on coupe le matin à la rosée, non sur le chaud du jour, doucement avec des faucilles bien tranchantes. Ces gousses sont mises dans des draps, pour que Ja graine ne se perde pas par sa subtilité’ et petilesse, ce qui la rend d'autant plus cou- lante qu'elle est plus mûre; on la fait en- suite sécher au soleil, et là, battue avec des fléaux, elle est'enfin séparée d’avec la balle, à l’aide du van, et mise à part jusqu’à ce qu'on l'emploie. Le reste de l'herbe est recoupé près de terre avec la faulx, afin de réunir le plan du pré, et il se remet en état de rejetter comme devant. Par cet ordre, votre luzernière durera douze 48 TEA Te Ba E ou quinze ans, pas beaucoup plus (quoique Pline lui en donne trente), vu que les ra- cines du sainfoin par le laps du,tems, de- viennent très-grosses et très-longues, ce qui peu -à-peu l'abâtardit : par cette cause, il conviendra au bout de ce tems de renou- veller la luzernière , et d’en retourner entière- ment le fonds, en renversant la terre sans dessus dessous, à la manière de planter la vigne, sur laquelle terre préparée ainsi, vous resemerez de rechef de la graine de luzerne comme la première fois. Le meilleur néanmoins sera de choisir un autre endroit de terre pour y faire une nouvelle luzernière, dans laquelle. ce foin se trouvera mieux quan lieu susdit, la terre s’égayant dela mutation. Si vous ne voulez pas prendre la peine de rompre la vieille luzernière, vous la conver- ürez en pré commun, seulement par un arrosement réitéré et fréquent; car les ra- cines pourries par l’abondance d’eau produi- ront une luzérne bâtarde, que la plupart croient être le vrai treffle ou le triolet. des prés, et à cette occasion, quelques-uns ap- pellent le sainfoin grand treflle, et d’autres foin de Bourgogne, parce qu’en cette. pro- vince D’AGRICULTUR E. 49 vince cette. plante est connue depuis long- tems : ce pré de luzerne étant donc trouvé bon, est mis au rang des meilleurs par la quantité et la qualité de son herbe; et ainsi, puisqu'il nous est d’un ème usage que les près communs, il faut, en les remuant, les fumer, faucher et faire paitre au bétail de même qu'eux. GTA PIE RUE FM De l’Esparcet. L:- pays où l'esparcet est aujourd’hui le plus en usage, est le Dauphiné, vers les quartiers de Die. C'est une herbe fort va- leureuse , qui n’est pas beaucoup inférieure à la luzerne ; elle rend une abondance de foin exquis, quoique gros, appétissant et subs- tanciel , propre à nourrir et engraïsser toutes sortes de bêtes à quatre pieds, jeunes et vieilles ; mêmes pour les agneaux et veaux, faisant abônder en laït leurs mères. L/espar- cet produit aussi du grain chaque année, ser- vant d’avoire au bétail, à engraisser la volaille et pour la faire fertilement over et pondre. Tome II. D 5o THÉATRE lle vient gaiement en terre maigre et y laisse certaine vertu engraissante à l'utilité des bleds qui ensuite y sont semés, qu'elle en est d'autant plus recherchée. Elle ne desire pas l’arrosement, craint la morsure des bêtes, sa délicatesse les y attirant de telle sorte, qu’en ayant une fois goûté, ils viennent la paître de deux lieues à sa ruine, si le lieu n’est pas bien fermé. Le foin de cette herbe demeure assez court, ne montant guères plus que de deux pieds, mais il en est aussi plus épais. On le fauche trois fois l’année, pourvu que le lieu lui plaise, et que l'herbe n’en soit pas rongée par le bétail : la première est à la fin du mois de mai; la seconde, vers celle de juillet, et la dernière à la mi-septembre. Le foin de la première et dernière fauchai- son, n’est pas si gros que celui de la seconde, à cause que dans celle-ci la plante fait graine, et par conséquent grossit et presque s’en- durcit, laquelle fauchée, est aussitôt portée à l'aire , et là, battue par le fléau, à la manière des bleds ; ensuite la graine s’en retire comme à l’avoine, et le foin est serré avec le pre- mier, en attendant le dernier, pour, les trois mélés ensemble, servir au bétail d’utile pro- vision pendant l’année, pp AGRICULTURE, 5i Notre père de famille bien avisé, em- ploiera ce ménage, en considérant l’avantage notoire qui lui en revient, lequel regardant le foin, l’avoine et la graine du champ, ïl trouvera que la chose vaut bien la peine d'envoyer chercher de la semence de cette excellente pâture en Dauphiné, quoique cette province soit placée au bout de la France, sans craindre l'introduction de nouveauté, puisque celle-ci favorise totalement le labou- rage, à quoi il doït principalement regarder; s’assurant aussi qu’en quelque part qu'il soit arrêté en ce royaume, cette herbe profitera par sa facilité à croître, mieux cependant en air tempéré qu'en air trop chaud, de même qu’en terre légère plutôt que pesanie; et pour achever l’économie, je lui donnerai avis que la semence de lesparcet se vend à Die et environs, communément au double prix de l’avoine. Pour loger l’esparcet, on destinera quel- ques arpens de terre choisie comme dessus, non pierreuse, pour la facilité de faucher; ensuite le lieu en sera soigneusement clos, par les raisons dites, et après l’avoir très- bien et a-propos labouré pendant l’hiver, à l'approche du printems, vers la fin de février ns 5a THÉATRE ou au commencement de mars, il sera en- semencé fort dru, étant nécessaire d'y jeter quatre fois plus de cette graine que si c'était du froment, pour couvrir en naissant tout le fonds de son herbe, sans qu’il y reste de place pour aucune herbe malfaisante qui vien- drait s’y fourrer à son détriment. Le parterre sera soigneusement uni, avec la herse, comme une prairie, pour que sans embarras la faulx joue librement. La première année, cette herbe ne fait pas grand jet, l’employant presque tout à se reprendre et fortifier ; c’est aux trois suivantes qu’elle récompense cette tardiveté, produisant en abondance de bon foin ; voilà aussi tout le tems qu’elle demeure en terre, au moins pour y servir, passé le- quel elle s’anéantit d’elle -même : par cette cause, l’esparcetière est alors convertie en labourage, et moyennant que le fonds en soit profondément labouré, il produit pendant trois ou quatre ans de suite de fort beaux bleds, hivernaux et printanniers, tels que vous voudrez lui confier; et afin que vous soyez toujours accommodé de cette bonne pâture, et de beaux bleds avec, vous ferez de ce ménage comme de celui dés étangs ; c’est-à-dire que vous aurez toujours des espar- Dp’AGRICULTURE. 53 cetières nouvelles et vieilles, pour en faire servir quelques-unes en foin et d’autres en bled ; ainsi, de l’un et de l’autre, vous ne pourrez manquer, moyennant la faveur du ciel. CHAPAPPUE TOR EVIL Des Vesces et Farrage. O,. s’accommode de plusieurs autres sortes d'herbages pour suppléer au défant des pâtis et prairies, que la nécessité a fait inventer où l'on est situé, pour le bétail qu’on a à nourrir. La vesce fournit de bonne pâture, si, étant semée dans une terre fertile, elle est fauchée en herbe sans en espérer le grain; mais elle donne en plus grande abondance de la mangeaille au bétail, si on la mêle par - égale portion avec de l’avoine, pour semer: ensemble ces deux graines, et en faucher l'herbe vers le commencement,de mai. Toutes sortes de bêtes aiment cette nourriture ; mais par-dessus tout, la bouvine s’en paït très-bien; les bœufs de labourage en sont toujours forts et robustes; lés vaches en abondent en lait D 3 54 THEATRE 4) et toute l’omaille jeune et vieille qui en est ! nourrie, s’en engraisse. Il ya deux saisons pour semer ensemble la vesce et l’avoine, l’automne et le printems: toutefois les premières de ces semences sont toujours les plus fructueuses, comme les terres grasses abondent aussi plus en herbages que’ les terres maigres. Si vous êtes en pays où l’avoine résiste à l’hiver (car quant à la vesce,, il n’en faut pas faire de doute, sous quel air que ce soit), ne retardez pas ce ménage plus long-tems que de la fin d’octobre; mais votre climat étant par trop froid, vous attendrez / à la fin de l’hiver. Quant à la terre, il est : bien fâcheux d'employer là les meilleurs fonds, vu que le moyen satisfait raisonnablement à ces choses ; c’est pourquoi ce sera en {erre de moyenne fertilité que vous logerez ces semences, s’il ne vous est pas permis de vous servir en cet endroit de la partie de votre plus fécond terroir, sans une grande perte de votre labourage, par l'abondance de bonnes terres que vous aurez. Il serait 4 souhaiter que le lieu fut sans aucunes pierres, pour la commodité des faucheurs. Cette aisance manquant, vous ne laisserez pas de vous servir du lieu que vous aurez, tel qu’il se rencon- p’'AGRÆICULTURE. 55 trera, car la faucille en fera raïson ; et quoique cet herbage coûte plus a moissonner qu’à faucher, il ne faut pas pour cela laisser de s'en pourvoir ; étant beaucoup plus cher de nourrir mal le bétail, ou d’en aller chercher loin le fourrage avec dépense et souci fâcheux: ne vous mettez point en peine de l’arroser, toutefois, ayant l’eau à commandement ; donnez-leur-en dans la sécheresse, car cela fera plus abonder l’herbage, que si vous le laissiez avoir soif. Ces herbages sont d’une grande commo- dité pour les pays qui manquent de foins et de pâtis : quinze ou seize arpens de terre produisant la nourriture pour toute l’année de dix ou douze bêtes bouvines, dont elles s’entretiennent vigoureusement, comme aussi cette nourriture est agréable aux chevalines, et ce qui augmente le ménage, est que la vesce engraisse plutot qu'amaigrit le ter- roir, après quoi, et l’avoine mêlés ensemble, . on peut utilement semer du froment, du seigle et d’autres bleds hivernaux, pourvu que le fonds en ait été bien et diligemment labouré ; en sorte-que, selon la disposition de votre labourage, vous ferez de cette päture par-ci, par-là, dans les lieux où cela sè rencontrera D 4 56 THÉ ATRE le mieux, la quantité nécessaire pour la nour- riture de vos bestiaux. À la récolte de cette pâture, il faut observer soigneusement ceci, qui est commun à tous autres foins, qu'il faut la serrer étant sèche, par le danger de tout perdre, si elle est portée humide au grenier. Le farrage, est une composition de plu- sieurs sortes de grains francs et sauvages, que l’on tire des criblures des bleds, fro- mens, seigles et orges, comme ivraie, vesce, avoine, orobe ou ers, et autres semblables, jetés confusément dans une terre bien la- bourée et fumée, dès le commencement de septembre; ce mélange se trouve en motte avand l’arrivée de l'hiver pour résister aux froidures, pendant lesquelles le bétail y paît à plaisir, même les brebis portières, pleines et alaiïtantes avec leurs agneaux, pour les- + quelles principalement ce farrage est inventé, Où pose la farragière à l’abri, afin que, cou- verte de la bise, le bétail y puisse commo- dément séjourner et paitre durant l’hiver. C'est aussi Lout son revenu, que ce que le bétail peut en tirer avec les dents sur le lieu même, d’autant que cette mangeaille nc se fauthe pas comme les précédentes, qui, Done d'u mue € ‘ “0 étant destinées pour foin, ne veulent nulle- ment être rongées en terre. Elle ne donne pourtant pas un petit avantage, mais un trés- grand; car non - seulenrent le bétail y paît tout l'hiver, mais encore bien avant dans le printems, et jusqu'à ce que la terre, par la, bonté de la saison, se couvre naturellement de nouveaux herbages pour toutes sortes de bétail. | Avec la seule orge chevaline ou d'hiver, on fait aussi de bons farrages. On sème cette orge en même tems et en même terre que l’autre farrage, et le bétail la paît de même en cam- pagne pendant l'hiver. Si l’en veut s'abstenir de ceci, gardé jusqu’au printems, cette herbe est fauchée ou moissonnée-en herbe; mais petit à petit, pour le faire manger de jour à autre aux chevaux, dont, ils se purgent profitablement, prenant de là le commencer ment de leur graisse. T'out autre bétail, gros et menu, s’en porte aussi très-bien, si on le nourrit modérément de ‘cette herbe; car de leur en donner à discrétion, ils seroient en danger de s’en trouver mal, par trop de re- plétion, tant elle est abondante en substance. Cette orge coupée à-la-foisen herbe, séchée et serrée au grenier, comme l’autre foin, est 0 58 THÉATERE aussi une bonne nourriture pour tout bétail en hiver; et devant que la coupe en soit faite, comme sur la fin d'avril, ou le com- mencement de mai, le rejet de ses racines conservé , reproduira gaillardement une herbe nouvelle et du grain avec le tems, n’étant pas extraordinairement sec. C'E'AP LR EE VIT De la Bouvine. Ne l'appareil de la nourriture du bétail, et en voici l'emploi : comme ‘des bonnes semences et plantes procèdent les bons bleds et les bons fruits, de même le choix de la race du bétail dépend de la honté de sa nourriture. Le bœuf étoit ancienne- ment préféré à tous les autres animaux, et particulièrement chez les preniiers romains, si prisé, que le bœuf et la vache tirant la charrue , étoient gravés dans les fondemens de leur ville, et qu’ils lui accordérent la vie. l’action de tuer un bœuf, dans leur pre- mier siècle, étoit mise au rang des crimes capitaux, excepté dans les sacrifices. I.eur D'AGRICULTURE. 5q pays, par honneur, a tiré son nom du tau- reau, appelé en grec Jialos. Te taureau a aussi été posé à sa louange entre les signes célestes, et par laps de tems, les Romains en ont enrichi leurs bâtimens, comme on voit encore sur plusieurs restes de l’anti- quité des têtes de bœuf gravées par orne- ment, représentant le travail de cet animal, embellir ces superbes édifices. Il a été am- plement discouru touchant l’utité de son service, et chacun juge du profit de sa nour- riture', l’usage étant commun de leurs chairs, laitages et peaux avec de très - grands avan- tapes. Les moyens suivans sont nécessaires à la recherche de la race de cet animal, pour en avoir de la meïileure. Que le taureau ait le regard furieux et terrible, néanmoins plus doux que facile à émouvoir, pourvu qu'il ne soit pas lâche; qu'il soit de moyenne hauteur , long de corsage, de couleur rouge- obscur ; ou noire, ayant le poil fin, mol et délié , large poitrine, assez grand ventre, les reins et côtésouverts, le dos ferme et droit, tête courte, oreilles larges et velues, front large et crêpu, yeux gros, noirs et clairs, les cornes élevées, noires et polies, grand 60 THÉATENr muffle, camard et noir, larges narines, col gros, fanon grand et pendant, fesse ronde, genouil ferme, jambe grosse et ronde, la corne du pied petite, noire et dure, la queue iongue et bien fournie de noil. Les vaches seront aussi de même choisies avec la distinc- tion d’un sexe à l’autre, ayant en outre la tète plus petite que le taureau, ventre fort ample et de grandes tétines, comme le membre où consiste tout leur revenu. Ces signes ne sont pas reçus si généralement, qu'il n'y ait quelqu'exception, ce bétail va- riant en corpulence, et en couleur, par le climat et la nourriture (comme ces diffé- rences se reconnoissentf manifestement à la bouvine des montagnes et à celle du vallon), c'est pourquoi il faudra s’arrêter à la preuve de sa valeur, comme à la plus certaine con- noissance ; retenant toutefois ces moyens, pour les employer selon les rencontres; sur quoi l'on notera que les bœufs qui ont le inantelet noir, craignent plus les mouches, que ceux qui sont d’une autre couleur. Les anciens ont dit que le taureau m'était pas propre à engendrer avant la quatrième année de son âge, et qu'il restoit bon huit ans continuels ; mais les modernes com- D’AGRICULTURE. 6x mandent de l’employer à saillir les vaches avant sa seconde année accomplie, jusqu’à la fin de sa troisième, ne s’en servant pour cela qu’une année, ou dix-huit mois, pour le châtrer après, afin de le mettre au la- bourage ; tant parce que la chose est bonne d'elle-même, selon les expériences commu- nes, que pour prévenir principalement l’im- portunité de cet animal, non châtré, qui, furieux , se rend incompatible avec tont autre bétail, même de son espèce ; malfaisant, en frappant et heurtant inconsidérément ; très- difficile et presqu'impropre au labourâge, ne pouvant s’y assujettir : nous nous tien- drons à cet avis. Quant à la vache, d’un commun accord, on la fait couvrir à deux ans; cependant les meilleures portées sont depuis la quatrième, jusqu'a la huitième année, étant bien âgée à dix ou douze ans: comme le plus nécessaire du service du tau- reau seroït entre ces deux termes, à cause qu’il est alors dans la perfection de sa valeur, auquel l’on s’arréteroit sans les raisons dites. Trente ou quarante vaches sont ja droite charge d’un bon taureau, qu'il couvrira à son aise, étant bien gouverné ; cependant plusieurs ne s'arrêtent pas à ce nombre, 62 D A ÉT AS TRUE lamplifiant jusqu'à cinquante et soixante, et plus encore, selon le pays et le naturel du bétail, qui gouvernent ces choses. ÂAïnsi ce bétail choisi, mâle ou femelle, afin de le faire multiplier par race, il faudra au préalable l’accoupler ensemble ; le tems le plus propre à cela n’est pas limité indif- féremment : les uns veulent que les vaches vélent à l’entrée de l'hiver, un peu avant les grands froids, pour être alors nourries de bon foin ; les autres, que ce soit vers le printems , afin qu’elle paissent la nouvelle herbe, chacun ayant de ses herbagés diverses considérations, selon son climat et sa pro- priété, comme touchant la continuation du lait en hiver et l’élévement des veaux. Celles- la par cette cause seront couvertes au mois de février ou de mars, et celles-ci en juillet ou août, suivant la supputation de leur por- tée, qui est de neuf mois. Dans laquelle des deux saisons que ce soit, on ne mènera pas la vache au taureau, qu’elle ne soit en rut, ce qui se reconnoîtra par son meuglement continuel, per l’enflure de ses ongles, par limpatience recherchée du mâle , montant dessus les bœufs, et à d’autres indices vul- gaires. Si elle est paresseuse à cela, il y a p’ AGRICULTURE. 63 quelque remède pour l’échauffer, comme en : lui faisant sentir les testicules d’un taureau gardés salés, en lui donnant souvent du sel à manger, et, suivant la pratique de quel- ques-uns, du pain fait avec la graine de lin moulue, ou du marc de ladite graine , après en avoir exprimé l'huile; mais sur-tout en traitant bien la vache avec du bon foin ou autres pâturages exquis selon les saisons. Plusieurs regardent à la lune à cette action, nouvelle ou vieille, comme ils l’ont accou- tumé ; et tous les ménagers, que ce soit le matin ou le soir, non sur le midi, et de faire jeuner la vache pendant vingt - quatre heures avant que de la mener au taureau, vu qu’elle conçoit plus facilement vide, que remplie de nourriture; et par l'effet con- traire, le taureau est plus abondant en se- mence étant repu, qu'afflamé, pourquoi il convient de le bien traiter : la petitesse de la taille du taureau, dans son jeune âge, n’empêchera pas cette action, parce qu'on enfoncera la vache dans une fosse longuette, qu’on creusera à la mesure du taureau, lequel par ce moyen saillira la vache à son aise, quelque grande qu’elle soit. De cette époque jusqu'a ce qu’elles vélent, bEe, 2: THÉATRE on ne fera rien autre chose aux vaches qué de bien les traiter, gt le vacher aura soin de les nourrir toute l’année en campagne, et dans les étables, selon les saisons et les pays. Les vaches seront menées aux pâquis en campagne durant l’été, dès la pointe du jour, pour manger l'herbe dans la fraicheur de la matinée, avec la rosée ; on les mettra dans les étables environ vers les dix: heures, où elles séjourneront durant la grande cha- leur (que tout bétail craint beaucoup), la- quelle passée, ou du moins tombée, vers les deux ou trois heures après midi, on les ramènera au pâtis, jusqu’à l'entrée de la nuit, en les enfermant alors dans le logis jusqu'au Jendemain. , C’est une économie profitable pour ‘le bétail et pour les labourages, que de faire coucher la bouvine sur les terres qu’on prétend ensemencer l’année prochaime, dans de bons parcs , comme du bétail à laine : cela a été dit ailleurs; car elle se porte mieux qu'enfermée sous les toits, at- tendu que jouissant de la fraicheur de la nuit, exposée à l'air, ces bêtes sont exemptes de l’importunité des chaleurs, qui, dans les étables, les tourmentent singulièrement, et es graisses, provenant de leurs fientes et urines , DA CRE C DÉS TU R EF. 65 urines, restent à la terre sur laquelle elles séjournent, ce qui la rend d'autant meilleure, que le nombre du bétail est plus grand, en changeant le parc de jour à autre, à l’imi- tation du menu bétail, deux fois par jour en été, le matin et le soir : ces bêtes bou- vines seront abreuvées, en hiver une seule fois, qui sera à midi, toujours avec de l’eau claire, ne pouvant souffrir la trouble, au contraire de la chevaline, qui la boit plus volontiers trouble que claire. Les herbages les plus gras, pourvu qu'ils ne soient point marécageux, sont les meilleurs pour le gros bétail, c'est pourquoi on y conduira ja bou- vine, laissant les autres herbages à l’autre bétail, selon la distinction déjà faite. En hiver , les vaches seront nourries dans les étables, avec de bons fourrages, cela s’en- tend, si le pays est défectueux en pâtis, où que par la froidure du climat, elles ne puissent manger en campagne; mais étant chaud ou tempéré, et que d’ailleurs l’on soit bien fourni de pacage, sans changer d’ordre, on les entretiendra sur eux, jusqu’à ce que les gelées et extrêmes froidures les chassent des champs pour les enclorre dans les étableries. Toutes sortes de bouvine mangera dans Tome II. E 66 THÉATRE les mêmes herbages, cependant avec la dis- tinction du sexe et de l’âge, pour que sans con+ fusion chaque bête vive gaiement, sans s’im- portuner l’une à l’autre. Les bœufs de labou- rage paîtront avec les vaches bréhaïignes, parce qu'ils souffrent que leur stérilité con- versent ensemble sans peine. Lesvachespleines seront séparées de celles à lait et de tout autre bétail, et on veillera très -soigneuse- ment à ce qu’elles ne ‘s’entre - heurtent, qu’elles ne s’eflorcent en sautant des fossés, des haies, des murailles et autres choses semblables, lorsqu'elles approcheront plus de leur terme, afin que leur portée ne vienne pas, à mal en s’aflolant. Les veaux à lait, les bouveaux et génisses marcheront en- semble, par la sympathie de leurs mœurs et âges : sur cette ordonnance, on disposera le logis à ce bétail, par étables séparées, mais ou fera les unes plus grandes que les autres , ayant égard à la corpulence et au nombre des bêtes qu’on veut y enclorre, pour, en hiver et autres saisons, selon le climat, les nourrir dans ce lieu des fourrages à ce destinés. | { D’ À GR I CUILHT ID RE. 67 Mise. | CH A'P LE RE PVETE Des Vaches, Veaux, Laitages, Beurres \ et Fromages. C: £ sT la charge du vacher que d’être toujours près de son bétail, sans jamais l’aban- donffér , de peur qu'il souffre ou se fasse mal, par le loup ou autres accidens, en dégra- dant les terres à grains, les vignobles et pro- priétés semblables. La nuit même, il faut “que le vacher couche près des vaches pour leur aider à véler, leur heure étant vénue ; par ce moyen, on prévient la perte des mères et des veaux, ce qui arrive très-sou- vent, faute d’un prompt secours. Il à été démontré combien la nourriture du sainfoin est profitable; en étant pourvu, on en don: nera par fois aux vaches, chaque jour du- rant un mois ou six semaines avant qu’elles vêlent , afin de les rendre fortes, plus habiles et plus abondantes en lait; mais ce sera du sec, jamais du verd , la luzerne étant en cette qualité contraire à la bouvine, comme j'ai dit; et quelle que soit la pâture des vaches, 7 2 / 68 TuÉéATERE il est nécessaire qu’elle soit toujours bonne et de première qualité, ni moisie, ni humide, ni poudreuse. Le foin sera tel qu'il est re- quis pour les vaches, s’il a été fauché un peu verdelet , après avoir été séché modérément, sans être brülé par le trop de séjour au soleil, et serré au grenier. Cependant on donnera à manger aux vaches avec libéralité et ordre réglé; car en leur épargnant le fouyrage, ce seroit plutôt faire preuve d'évarilaue de profit, d'autant que les mères et les veaux ne paroissent jamais que langoureux, les mères étant foiblement nourries, et au con- traire ce bétail est toujours gaillard et ro#" buste par un bon traitement; mais aussi, qu'on se donne bien de garde de Îles dédai- gner de manger par trop de nourriture, comme cela arrive quand on leur donne du fourrage désordonnément, le trop leur ôtant l'appétit, et ce trop se perd en tombant entre les pieds du bétail, ce qui, à la longue, de- vient une perte considérable, à la honte du vacher. | Âu veau fraîchement sorti du ventre de la mère, on donnera le jaune d’un œuf cru à avaler, sans toucher aucunement le veau, de peur de lui blesser le dos ; on le laissera dans E — : DA GRIGUETURE. 69 l’étable avec la mère, qui n’en sortira pas de deux jours, où, sur une bonne litière, elle se reposera mollement avec son veau : on nourrira la vache selon la saison , de bonne nourriture, et pendant ce tems-là on l’abreu- vera d’eau blanchie avec de la farine, pour la renvoyer ensuite à son ordinaire ;, tandis que la vache sera au pâquis, le veau séjour- nera dans l’étable, jusqu'a ce qu’étant un peu fortifié, il puisse suivre sa mère aux pâturages pour s’y nourrir comme les autres de son âge. Jusqu'ici tous les ménagers sont du même avis concernant ce bétail, mais non pas sur le reste de son entretien , qui par - tout n’est pas entièrement semblable , étant diver- sifié selon. les pays et les coutumes : plusieurs ne nourrissent les veaux que trente, qua- rante ou cinquante jours, et les vendent ou les mangent à cet âge; d’autres les font tetter environ deux mois, en attendant qu’ils prennent goût à l'herbe et au foin, pour achever de s’en nourrir, et les sèvrent alors. Tout:cela tend à l'épargne du lait, où con- siste le plus grand revenusde ce bétail ; d’autres, sans avoir égard à cela, font tetter le veau un an, ou jusqu'à ce que la mére, E 5 70 THÉATRE par une nouvelle ventrée, lui refuse le lait, fondés: principalement sur ce que la vache ne-veut, qu'avec grande difhculté, se laisser traire, sans le veau ; mais lui lâche toujours libéralement le lait, dont ayant fait la pre- mière attraction, le restant est réservé pour les beurres et fromages. Ainsi, pendant sa première année , le veau est nourri de lait ,. d'herbe, de foin et de paille tout ensemble, selon les saisons, à son grand avan- cement; car, par cette nourriture mêlée, il s'agrandit et fortifie à vue d'oeil. Lenaturel des herbages et la race des vaches donnent coup à cette nourriture ;et gou- vernent entièrement ces choses, nourrissant bien où mal les petits veaux, et rendant Vac- tion de traire le lait, facile ou difficile. Re- jetez la difficulté tant que vous pourrez, en choisissant la voie la plus facile, :selon le lieü où vous:ètes contraint de vous ‘plier ; c’est-à-dire , accommodez aussi bien vos pâ- turages qu'il sera possible, pour les rendre utile à ce service; çar, quant au bétail, il n’est pas impossible de s’en pourvoir de bon, quoique de loin. Et, si d'aventure, vos vaches, d’elles-mèêmes , ne lâchent gaiment le lait, de bonne heure, vous n’en aurez pourtant pas D'À GRICUÜÙLTU RE. Fa un moindre profit ; car la chair deveau, par de tems, croissant, récompense le défaut du lait, vu que l'expérience a-appris qu’il y a peu d’intérèt pour le lait même, n’en sor- tant pas en moindre abondancé avec le veau que sans lu.-Et l'usage de certains endroits du Languedoc et d’ailleurs, manifeste que Jes vaches nourrissantleurs veaux, rendent plus de lait que celles qui en sont délivrées; parce.que la vache aime tant son veau , qu’elle lui donne libéralement le lait, dont la quan- tité s'en augmente, le veau n’ayarit pas mis sitôt le trayon-dans la bouche, que le lait #’en sorte, comme levin d’un tonneau qu’on perce; ensuite, en empêchant le veau de continuer, on l’arrache de la-tétine, et le reste du lait est aisément tiré jusqu’à la-dernière goutte ; ily a même des vaches si faciles, qu'à la -seule, vue du veau, elles satisfont à leur de- voir; par cette cause, on attache le veau à une jambe-de la vache, d’où “par elle, avèc plaisir , il est vu et flairé , péndant qu’on la trait. Il ya plus, très-souvent on trompe cet ‘animal ayec une feinte, composée de la peau d’un veau remplie de païlles à l'approche de laquelle là vache croyant que c’est son veau, se laisse volontairement traire. E 4 72 5 0 + EE D VE " Pour que les veaux ne consomment pas trop de lait, étant le jour dans les paquis , ïl faudra les garder à part, et les enfermer la nuit dans des étables séparées ; par cet ordre, äls ne teteront pas à discrétion, comme ils fe- roient, si, pêle-mêle, ils demeuroient toujours avec leurs mères; mais seulement, par règle, lorsqu'on voudra traire les vaches, matin et soir , et autres heures, selon l’usage, en allant et revenant des pacages. À défaut de päquis et gardes séparées, l’art suppléera par des muselitres qu’on attachera sur le front du veau avec des courroies ou des cordes pour les empêcher de teter (sans cependant leur nuire à paitre lherbe);les vaches se sentant piquées par l'approche des:pointes aigues des muselières, ne souffriront pas d'être tetées. Ces muselières ou frontaux sont diversement | composés , selon les fantaisies, en pointes de fer ou de bois, dont on les façonnent , etre- viennent tous au même but, de servir à la | “conservation. du lait; d'autresise servent de peaux. d’hérissons; de cette manière, les va- ches et les yeaux restent ensemble dans les ‘ pâturages sans perte de lait, Nourrir une grande quantité de bétail, fait supposer une abondance d’herbages. On bà- | D’A GR ICULTUR E. 79 tira sur ce fondement, afin de prévenir la dépense et l'embarras d'envoyer au loin cher- cher les fourrages qui manquent dans l’ar- rière saison de l’année; quant à l’improviste, on n’a pas pris les mesures dans ce cas. Ainsi, là où, il y aura des pâturages en suffisance, ce sera sans nombre qu’on entretiendra des vaches et des veaux, mäles et femelles ; mais étant contraint d'acheter des foins et autres fourrages, on sera plus retenu à en élever. Les uns, à cette occasion, ne nourrissent des veaux que par la contrainte du lait, dont ils se défont au plus tard au bout de l’année, ne faisant même aucun état des génissses, pour la conservation de la race ; mais après lés avoir .vendus aux bouchers, ils se pourvoient de vaches , lorsque les vieilles manquent, en les _achetant toutes pleines, ou ayant de frais vêlé, par les foires et marchés voisins. Ceux-ci n’es- pérent sur ce point que l'avantage du lait, et de la chair des vaches engraissées à la longue , qui n’est pas petit; mais il se re- présente beaucoup plus grand, quand avec le profit des laitages est joint celui des chairs de tout sexe et de tout âge. S'il est question d'acheter des vaches, on ajoutera ceci à la précédente adresse, pour la connoissance des . 74 T'Y ANT ER meilleures, qui est de les tirer de pays ex- posé au soleil, vu que dans les vallées om- bragées, les vaches ne sont pas communé- ment bonnes; et si vous n'êtes pas assuré des dieux de leur naissance, craignant la trom- perie, vous jugerez que celles quisont de poil amol,, épais et court, sont sortis d’endroits ex- posés au soleil , ayant la tête petiteetles cornes , petites et dures. Lies qualités contraires se trouvent presque toujours dans celles de pays couvert et ombragé. :! C’est aussi'à la préparation du lait où l’on est. partout d'accord pour les différentes fa- cons de beurres et fromages; tous disent que detraire souvent et soigneusement les vaches, augmenté 'le] lait; car, comme une source de fontainé abonde plus en eau que plus nette- ment'elle est tenue, et les tuyaux mieux où- verts; de même les vaches sollicitées en les trayant fréquemment, donnent du lait en plus grande abondance, qu’en ÿ allant nonchalam- ment. On tire le lait des vaches communé- ment deux fois léjour, matin et soir, et troïs fois en été ; lorsqu'elles sont grassement nour- ries à la éampagne ; cependant cela dépend du naturel de cé bétail, du climat, de Ja vigueur des pâturages , de la conduite; comme aussi D’AÂAGRICULTUR E. 75 de ces qualités procède la cuisson du lait avant de se cailler, selon l’ordre usité des fromages placentins, connus par tout le monde pour leur bonté. En certains endroits de la Suisse et ailleurs, on gouverne ainsi le lait, dont ils contrefont les fromages placentins et lodesans ; mais il y en a peu en ce royaume où l’échauffement du lait sur le feu, jusqu’à bouillir, soit en usage. Sans autre mystère, lelait est mis reposer, et après en avoir séparé le beurre, le reste affermi et caiilé, est con- verti en fromage. | Les saisons différencient le gouvernement du lait, selon leurs différentes propriétés. L'etéet l'hiver, pour lé chaud et pour lefroid, se contrarient directement; mais le primtems et l'automne s'accordent , à cause de la sym- pathie de leur température. Ainsi, en été, al conviendra de cherrher un lieu frais pour reposer le lait ; en hiver, chaud ; et en prin- tems et automue , tiède: Il est vrai qu’au tems des grands froids, il faudra aider à laffermis- sement du lait par le feu; mais avec une telle modération, qu'il n’en soit seulement qu'im pewéchauflé. 10" I y a plusieurs matières pour pressurer et, -cailler le lait ; lameilleure ‘est la tonrnure 76 THÉATRE des chevreaux, agneaux et veaux; faute des- quelles, ou par curiosité, on se sert de la fleur de chardon privé, de la graine de char- don béni, du lait de figuier, de la tournure de lièvre, de la racine d’ortie , et autres choses que l'usage a autorisées. A la tournure des chevreaux et agnvaux, pour en faire de bonne pressure, on ajoute un peu de saffran, de gingembre , et de poivre pulvérisés, avec une bonne quantité de sel, tant pour la préser- ver de corruption , que pour rapporter aux fromages ces bonnes qualités. Et ayant rempli de lait clair les vessies où sera ladite tour- nure, on la laissera ainsi, pour s’en servir de jour à autre; mais s'étant endurcie, comme cela arrive à la longue, elle sera battue dans un mortier, ensemble avec les vessies, et pétrie avec de bon vinaigre; il sera fait de tout cela une pâte qu’on reposera dans un pot de terre verni, pour de là en prendre peu à peu pendant l’année, selon qu'on-vou- dra s’en servir. Ayant-tiré le lait, on le coulera dans un tamis’ ou un linge blancet net, pour le dé- charger de toute immondice, et après om le laissera séjourner dans les ierrines vernies où autres vases couverts et bien nets , l'espace D'AGRICULTURE. 77 de huit à dix heures, au bout desquelles on recueillera le beurre, qui par ce loisir se sera assemblé au-dessus; ensuite la pressure sera ajoutée au lait pour le cailler et l’affermir en la manière et quantité accoutumée , selon les lieux qui, par leurs propriétés particulières , : imposent la loi dans ce ménage. Le beurre pris sur le‘lait, est beaucoup plus délicat que celui qu’on tire du caillé, parce qu'il est pur ; ce qu’on ne peut dire de ce dernier, qui, étant mêlé ayec du caillé, en reste grossier et désagréable. Le printems et l’automne don- nent le beurre meilleur et en plus grande abondance que l’été et l'hiver, à cause des extrèmes chaleurs et froidures. Il y a encore du choix, celui du mois de mai étant à pré- férer à tout autre par sa belle couleur dorée et sa grande délicatesse; dans quelque tems que ce soit, le beurre sera battu et fait'le plutôt qu'il sera possible , afin qu’il ne s’ai- f grisse pas, étant par trop gardé, on ne s’ac— quière quelqu’autre mauvaise odeur ou saveur. C’est pourquoi il est à desirer qu’on ait un bon nombre de vaches, afin que chaque jour donnant du lait en abandance, le beurre abonde de même pour être souvent battu, ce qu'on ne peut commodément fare en 78 HOAË MÉ A DIE S petite quantité, qui cause assemblage d'u grand nombre de journées avec la perte sus- dite. Le beurre desire être fait et tenu très- nettement , ne souffrant aucune saleté; par cette raison, avant qu’on batte le beurre, en le battant, et après l'avoir battu, il faut soigneusement boucher les vases où il séjour- nera , et que les servantes qui le feront, aient les bras bien retroussés et les mains bien lavées. Il n’est pas besoin de parler de la façon de battre et ramasser le beurre parce qu’elle est assez familière à tous ceux qui se mêlent du ménage des vaches, étant aussi raisonnable de laisser à chacun ses vases, ustensiles et coutumes particulières, puisqu’elles tendent au même but; d’ailleurs, de vouloir repré- senter les différences de ces choses, selon l’usage des provinces, ce seroit une entre- prise plus curieuse que profitable. Pour conserver long-tems le beurre, il ne faut que le saler; mais il devient beaucoup plus délicat en le faisant bouillir; tellement qu’étant ainsi préparé, il y a peu de diffé- rence de lui au récent et frais. En le füisant bouillir sur un feu clair et lent, il le faut écumer, pour le décharger soigneusement de tout le terrestre qu'il expulse en haut, em D? À GR:I1CJULTÛ R E. To se cuisant, et à.la fin, il se représente clair et de couleur bionde , comme de la belle huile d'olive ; ensuite mis dans des vases de terre vernis au-dedans, il est gardé aussi long-tems qu'on desire, comme on le pratique en Lor- raine. C’est le propre des vaches que de pro- duire le beurre, quoiqu'il en procède des chèvres et des brebis, mais pas autant que des vaches, lesquelles à ce service précèdent tout autre bétail, Quant au fromage, la vache ne le rend pas si délicat que la chèvre et la brebis; quoi- qu'abondant , il est néanmoins bien en usage ; et, comme j'ai dit, le climat et les herbages lui donnent le nom. Par ce motif, les fro- mages d'Auvergne sont en réputation, connus dans tous les lieux de la France, depuis une mer jusqu’à l’autre, où ils sont transportés en grande quantité. En d'autres différens en- droits de ce royaume, il y a aussi des mon- tagnes fertiles en fromages de vache, par leurs pâturages excellens. On rencontre de même des recoins, de montagnes, de côteau, de plaine , par les provinces en plusieurs quar- tiers, célébres pour les bons fromages de di- verses sortes et diflérens laitages. La Brie, entr'auires , par ses bons fromages appelés 80 TRrÉATRE Angelots, et les baux en Provence, aux li- sières du Languedoc, à cause de la délicatesse de ses petits fromages , sont beaucoup. prisés et fertiles en lait et fromages , et pareïllement dans la province de Bretagne. Quant aux fro- mages, que par délicatesse on apporte en ce royaume, ceux de Milan et de Turquie tien- nent le premier rang ; après ceux de Suisse, et enfin, comme aussi en plus grande quan- tité et de plus grand ménage, ceux de Hollande et de Zélande, pays abondans en pâturages, et par conséquent en laitages ; en telle quan- tité que le commun rapport d’une vache est de vingt-cinq ou trente pintes de lait par jour, et quelquefois de quarante , ce qui a fait dire à quelques-uns, par une supputation inutile- ment curieuse , que pendant l’année il se re- cueille autant de lait en ces deux provinces là, que de vin dans toute la Gascogne. L’abon- dance des laïtages ordonne de la grandeur ou petitesse des fromages, n'étant pas possible qu'avec peu de bétail on puisse faire des fro- mages tels qu'on nous en envoie de la Lom- bardie, par leur grandeur ressemblant à des meules de moulins. Aussi il n’y a nulle su- jétion en cela, non plus que de les faire dans des vessies, comme sont quelques-uns qui D À GR LO/UÏLA OÙ R 81 qui viennent de Turquie; car toujours les fromages seront bons, de quelle forme ou grandeur qu'on les fasse , pourvu que la bonne matière soit bien préparée. : : Les laiterie et fromagerie seront aussi pro- prement tenues, pour qu'aucune mauvaise odeur n’y séjourne, de peur de la commu-. niquer au fromage. Par la même cause, on lavera aussi, et on nettoiera tous les jours les vaisseaux et ustensiles où le lait et les fro- mages séjournent , comme seillons, huches, pots, terrines, couloirs, faisselles, échsses, cagerotes, chazières, et autres semblables qui servent à ce ménage. Îl est très-néces- saire que les servantes lavent bien leurs mains avant que. de toucher aux vaches pour en traire le lait, afin qu’il ne s’en approche rien de sale ni de malpropre; l’une des princi- pales observations de ce ménage. Le fromage se trouvera meilleur, plus dé- licat et plus pesant, lorsqu'il aura été moins ébeurré, parce que la fleur et la graisse du lait s’en vont avec le beurre; lesquelles lais- sant tout au fromage, il en reste plus vigou- reux ; mais il est aussi plus difficile à façon- ner, à cause que la graisse trop abondante se versant dans les côtés du fromage, le Tome II.- F 82 THÉATRE fait crevasser et par trop s'étendre; pourquoi l’on estime celui qui, dans ce cas, tient le milieu , c’est-à-dire, qui n’ôte pas tant de beurre, que le fromage en devienne maigre, ni qui en laisse tant qu'il en soit par trop gras ; ainsi, l’on s'accomodera de beurre et de fromage tout ensemble, et si le cas arrive qu’on en Ôte quelque ‘beurre, la susdite su- perfluité se corrigera quelquefois en rompant et démélant le caillé, à force de le battre avec un bâton, avec une cuiller percée, ou avec la main nue, avant que de le mettre dans les éclisses ou cagerottes, pour les con- vertir en fromage, et même si on retarde après à le saler ; car, comme quand on sale le fromage de bonne heure, il s'engraisse, de mème il devient maigre en le salant tard. Le fromage le plus gras par sa délicatesse, est le plus tourmenté des insectes, par ce moyen, celui quise conserve le moins ; au contraire, le plus maigre est celui qui se conserve le plus : ainsi, outre lutilité qu’on tire du beurre, on en tire aussi une autre en lébeurrant, qui est de préserver les fromages d’être mangés des imsectes, tels que es vers, mouches, moucherons, artusons, mittes; mais pour que les fromages soient p’AÂA GRICULT/UR E. 83 qualifiés comme il oonvient, pour la bonté et pour la conservation, on sera retenu à l’ébeurrer, comme il a été dit; et l’on ne s’avancera ni on ne se retardera au saler qu'avec raison, qu’on tirera des expériences des lieux et des matières différentes, selon le climat, telles que les bêtes et les herba+ ges. On prendra garde de même a la quan- tité de sel qu’on leur donnera, ayant égard au naturel du bétail et au lieu où l’on est (plus. ou moins, dans l’un que dans Pautre, les fromages étant salés, Soit par raison ou par la seule coutume), ayant pareillement égard à la grandeur ou petitesse des fro- mages. à Par les trous des faisselles ou éclisses, les fromages s’égouttent, et le petit lait, sortant avec celui qui demeure dans la terrine, se ménagera comme il sera démontré : ces fro- mages un peu aflermis, seront ôtés de la et mis reposer dans la chazière, sur de la paille fraiche, nette et longue, pour y vider le reste de leur nuisible humidité. Au lieu de paille , quelques-uns se servent de jonc, et d’autres , mieux entendus, reposent leurs fromages sur de la toile claire, tendue roi- dement avec'des petits clous sur des châssis F 2 84 THÉATERE de bois; pour éviter les raies et enfonce- mens que la paille et le jonc donnent au fromage, à cause de leur tendreté et mol- lesse, leur poids les ÿ faisant comme en- châsser ; lesquels étant reposés dans leur commencement sur la toile, demeurent unis et nets, et fort propres à être pelés, quand on veut les manger, n'étant besoin que de les racler avec le couteau, pour leur ôter l'écorce, qui en est fort déliée. La chazière commune faite avec des osiers, n'est pas la meilleure , mais celle qui est faconnée à la manière d’un garde manger, et entourée de toile qu’on y attache à l’entour avec des petits cloux, laquelle fermée à clef, empêche les fromages d’être exposés à tous venans, à la poussière et à aucune autre saleté : de même la maison est préservée par - la de la mal- propreté provenant du continuel égout des nouveaux fromages, dont la puanteur est incommode ; cela se fait en ajoutant à cette chazière un grand entonnoir, pour recevoir l'humeur distillante des fromages posés sur lui, dans un petit treillis ou claie à ce ap- proprié, et pour la rendre dans un vase mis au bas de cet entonnoir ; cette liqueur, par un, double avantage , sera ménagée en la don- LS np? At GR IC U L'RU RE. 85 nant au bétail; mais sans sortir de ce propos, il est à remarquer que le petit lait engendre le flux de ventre aux cochons, qui en de- viennent langnissans ; par ce motif, on s’abs- tient de, leur en donner ; et il est réservé pour les grands pourceaux, jeunes chiens , et pour toutes sortes de poulets, mêlé avec des miettes de pain. | En outre, les restes de beurre et de fro- mages se ménagent très-bien ; on en fait la burate , pour servir pendant l’année à la nourriture des serviteurs ; et des fromages, des sarrassons, qui se mangent fraîchement, avec de l’eau rose et du sucre, tenant un rang honorable à la table du maître; ils se conservent longtems salés, mais c’est pour servir de nourriture an ménage. La burate se fait ainsi : ce qui demeure dans la beurrière après en avoir tiré le beurre, est mis dans un sachet de toile pour s’y égoutter durant trois ou quatre jours, au bout desquels on fait une masse, de ce qui se trouve dans le sachet, qui après être salée avec une bonne quantité de sel, qu'on y met en la pétrissant, elle est ensuite séchée et mise dans des pots de terre, où elle s’en- durcit , rend. une odeur forte “ piquante, et F 5 86 THÉATRE par conséquent est propre à donner du goût à la nourriture du ménage. Pour le sarrasson : on ramasse le petit lait restant des fromages de la terrine, qu’on met chaufler dans un petit chaudron, sur un feu clair et lent, en l’écumant toujours, ét afin dé le faire épaissir, quelqu'écuellée de lait pur est ajoutée par-dessus, ou bien le jaune d’un œuf : faisant semblant de bouillir, ôn y jette quelques gouttes d’eau fraiche, arrétant par cé moyen la matière, pour qu’elle né s'élève pas trop tôt en haut, comme cela arrive sans ce remède, et à sa perte, s’exha- lant en vapeur quand on le laisse entièrement bouillir : ainsi, petit à petit, le sarrasson s'épaissit, qu'on prend de dessus en dessus avec une cuiller percée , en le mettant dans des éclisses où faisselles, à la manière des fromages ; d’où étant retiré, il est bon à étre mangé au bout de quelques heures; il peut aussi être conservé frais deux ou trois jours, et tant qu’on veut salé, ainsi que les fromages pour être apprètés en cuisine, comme il a été dit. Revenons aux fromages : ce qui achève de les faconner, est le séjour dans les lieux où l’on les tient, après les avoir sortis de la D'AGRICULTURE. 87 chazière ; deris ces lieux ils prénnént ou leur bieñ ou leur mal, par trop ou trop peu s’éventer ou s’htmécter ; #’est pourquoi il est nécessaire quelplusieurs cabinets ou pe- tités chambrettes, divérséement qualifiés de sécheresse où d'humidité, soient arrangés, Pour chañger les fromages des uns aux autres, selon que l'on reconnoït qu’ils doivent être éventés où humectés de jour à autre; sans cette commodité, on espéreroit en vain avoir de bons fromages, ni tels qu'il appartient pour la qualité et pour la durée. C’est aussi le lieu qui donne et ôte la graisse au fro- mage; car, en lieu humide, il s’engraisse , et en 8ec il devient maigre. Ces observations seront ménagées par la mère de famille, pour s'en servir à propos sans omission d'aucun article, si elle desire avoir honneur et profit en ce fait. Elle tiendra aussi ces lieux-la plus obscurs que clairs, afin d’éviter l'incommodité des mouches. Les cabinets seront faits pour y arranger commodément les fromages (comme boutique d’apothicaire), garmis à l’entour avec des ais bien arrangés ou plutôt des claies proprement tissues, ayant som de tenir ces étages fort nettement, les ‘fromages de même, en les remuant sans F 4 88 na UP ERA TIR = déssus dessous plusieurs fois la semaine, Finalement les fromages seront mis en pile, afin qu’étant enfassés les uns sur les autres, leur fraicheur puisse seféonserver ; mais on les touchera doucement de peur de les casser, par-là prévenant la pourriture, qui arrive certainement à la suite de la rupture ; les grands étant plus sujets à cela par leur pe- santeur que les petits fromages : on peut aussi mieux prévenir que guérir toutes les autres causes qui corrompent les fromages: Les artusons, les mittes, les vermisseaux et autres petites bètes ne mordront pas les fro- mages, si on les frotte avec de la lie molle de bon vin ou avec du fort vinaigre# ou du jus d’écorce .de noix verte écrasée, ou de celui de mûres franches, ou avec de l'huile d'olive, ou de celle de graine de lin, ou du marc de ladite graine, ou avec du beurre, ou bien, si l’on veut dépenser plus, avec de l’eau-de vie. Dans plusieurs endroits; comme en Lombardie et en Suisse, avant que d’oindre leur fromage d'aucune liqueur, ils les raclent superficieliement avec des couteaux émoussés et non tranchans, en leur tant le plus gros- sier de l'écorce, et ils demeurent après fort nets, chose convenable à toute sorte de fra- D? À GR,:IG U LTU RE. 8g mages, grands et petits; tant la netteté est bienséante par-tout, si cependant la matiére des fromages, selon le climat, ne -contrarie à ce soin. Pour sainement et conserver long- tems les fromages, apres qu'ils seront bien secs, on les tiendra dans du millet, de l'orge, ou du froment; mais cela arrive ayec plus d'utilité dans la semence de lin, que dans aucune autre graine, à cause de son naturel particulier, qui est d’être fraîche en été et chaude en hiver, qualités domptant, les in- tempéries des saisons, à l'utilité des fro- mages. * CHA PE T'R°E' TX De la manière de chätrer et.dompter les jeunes Bœufs, de conduire et nourrir ceux: de travail, et d’engraisser toute sorte. d’omaille. : Ls. veaux, el taureaux seront parvenus au point d’être chätrés, quand. ils auront atteint un an et demi, chose nécessaire pour les bœufs destinés au labourage et qui doivent étre mangés ; sans cet art: is sont de nulle 80 CTHÉERTAE ou trés-petite utilité dans l’un et l’autre cas, d'autant plus que cet animal demeure sau- vage et presque furieux, en l’abandonnant à son naturel entier ; mais aussi il s’appri- voise en le châtrant, comme les arbres agrestes par lente; et cet affranchissement se rapporte à sa chair, qui sans ce remède ne pourroit être mangée que pâr contrainte, tant elle seroit dure et fade. Quelques - uns ne tardent pas tant à châtrer les taureaux, ils lé font dès leur sixième mois, afin de les accoutumér de bonne heure à la douceur et à l’obéissance ; mais aussi cette opération précoce diminue leur croissance et leur force, contre l'avis de ceux qui disent que les veaux châtrés plutôt que plus tard croissént mieux. C’est l’expérience d’un nombre infini de bons ménagers, en différentes provinces, que la forcé resté au bœuf, pour toujours plus vi- goureusé, si on lui donne l’avantage de gran- dir en son naturel avant que de le châtrer- On pourra attendre jusqu’à sa seconde on troisième année, et pas plus; car en passant outre ; limpétuosité furieuse du tauréat ren- droit la chose par trop difficile et la vie de Vanimal eh péril. Or, soit que le veau où Île taureau aïf servi d’étalon ou non, ïl sera D'A GA TCULITIUTRE 0 châtré dans le terme susdit, qui est depuis ses premiers dix-huit mois jusqu’à sa troi- sième année, au printems ou dans l'automne, par un jour beau et serein, ni chaud, ni £roid ; ni humide, ni venteux, la lune étant en décours# On fait usage de deux façons pour châtrer les taureaux; savoir, en leur coupant ét ôtant entièrement les testicules par incision, à la mode des autres bêtes ; et l'autre en les leur tordant avec des tenailles, ce qui leur amor- tit les nerfs*auxquels ils sont attachés, et en les fourrant après dans le ventre. Cette ma- nière peut être appelée demi - châtrer, elle est néanmoins par son utilité plus pratiquée que celle-là, d'autant plus que par ce moyen Je bœuf n'est pas du tout efféminé ; mais on lui assoupit seulement la vertu productive , et on Ôôte ce qui le rend furieux, ce que vous desirez , il lui reste du courage mâle suffisamment pour la force du labourage, ce qui n'arrive pas par l’ordre précédent, la majeure partie de sa vigueur s’en allant avec sticules, ce,qui le fait rester du- rant sa vie plus faible ef moins courageux: Malgré ces déux moyens’, lé taureau souffre de grandes douleurs, à mesure qu’il se trouvé LE THÉATRE plus avancé en âge, et jusqu'à mourir, sl n’est pas bien gouverné ensuite : par ce motif, on le nourrira, soigneusement dans l’étable, avec une bonne pâture verte ou sèche, selon le tems, et ce, pendant sept ou huit jours, durant lesquels on lui donnera peu à boire, même dans les deux premiers jours de l’eau tiède avec de la farine : cependant on lui oïndra les bourses des testicules avec du sain-doux, pour en consolider les plaies qui viennent de l'incision ou entorse, et pour que, guéri de son mal, le jeune bœuf re- prenne son premier appétit. Prévoyant les difficultés qu'on trouve das l'apprentissage des jeunes bœufs farouches, et le danger que courent ceux qui les ap- prochent pour les dompter, on commencera de longue main à les apprivoiser, en les flattant de la voix dès leur première année, en les caressant de la main, en les frottant par-iout le corps jusqu’au dedans des cuisses, même la langue, avec du sel et du vin; par ces doux traitemens, iles bœufs se laisseront facilement ‘approcher, rabattront L. de leur fureur et deviendront de Conduite facile, On leur fera souvent voir les attiraiïls du labourage, en les menant avec les grands ’ bp’ A Ga 7 € üu HU RE. 93 bœufs an pâquis et au labour; on les fera passer sur des planches, sur des ponts, sur des bateaux, devant des moulins, des fou- lons , des forges de maréchal et ailleurs où il y aura du bruit, afin de les accoutumer à ne rien craindre et à s'assurer de tout. Vous continuerez ces exercices jusqu’à gemque les jeunes bœufs aient atteint l’âge A. ans, et alors changeant de leçon, vous les atta- cherez à la crèche par les cornes, avec des cordes ; vous leur ferez porter le joug ou à la tête ou au col; quelques jours ensuite, vous y attacherez une longue corde, au bout de laquelle il y aura quelque légère pièce de bois, en les promenant ainsi deux ou trois heures par jour; vous les attellerez à la -charrette vide, que vous chargerez après un peu, et en la leur faisant tirer ainsi, vous éprouverez leur patience, comme aussi en leur donnant un petit coutre, dont vous les ferez labourer sur une terre légère et bien cultivée, afin que la dureté du fonds ne les refroidisse m ne les étonne. L'exemple et la contrainte » les jumeñs entrent en rut ou en amour, demandant le mâle, ce qu'on reconnoît notoirement à plu- sieurs signes, même à ce qu'elles perdent presque l'appétit, par le desir qu’elles ont d'engendrer ; mais si elles sont tardives à cela, de peur que la saison s'écoule, on les y échauf- fera par une augmentation d'ordinaire , en leur donnant force grain à manger, abon- dance d'avoine, quelque peu de froment , de l'orge frite et arrosée avec du vin, en y mélant du-sel parmi, en les faisant séjourner, sans nullement les faire travailler. Par ce mème ordre, sans autre mystère, on échauf- fera l’étalon froid et paresseux , et en lui mettant aux naseaux une éponge avec laquelle on aura frotte la matrice d’une jument chande , pour la lui faire sentir. Ce moyen ne lé- mouvant pas, rejetez cet étalon comme inu- Tome IT. ï 150 THÉATRE “tile; car ce seroit perdre son tems que de l’ÿ affectionner par des médicamens comme quels ques-uns le veulent, et le remède seroït tou- jours à recommencer. D'ailleurs , quand même ces drogues réussiroient, les poulins qui en proviendroient ne seroïent pas de la bonté requise mi durable au service, parce qu’ils seroient faux dès leur origne. *On ménera l’étalon à la jument en jour frais, et sur la matinée , avant que l’un et l’autre aient bu; et aussi sur le soir, en ‘continuant le lendemain, ensuité jusqu'à tant que la femelle refuse le male qui lui sera encore re- présenté au bout de dix ou douze jours, pour savoir si elle aura concu, ce qu’on tiendra pour certain, si elle le rejette et ne retourne pas en chaleur. Au contraire, en le recevant de rechef , ce sera le signe qu’elle n’aura pas retenu la semence ; alors il cofviendra de le lui redonner comme dessus. La jument étant pleine , sera séparée d’avec les autres, et aussi des jeunes chevaux, afin que leur impétuo- sité ne la détourne de son port, auquel :ac- cident elle est plus sujette au commencement et sur la fin, qu'en tout autre tems, et pour toujours les étalons seront nourris à part, dans des étables séparées, selon l’ordonnance p? À GiR-1 CHU:LIT Ù R E. 131 susdite, vu que leur fréquentation avec les femelles n’est jamais-profitable que lorsqu'ils les saillissent, On remettra la jument à son ordinaire pour être nourrie jusqu’à son pou- linement ; et en attendant , on prendra garde de la presser, heurter, faire courir ou sau- ter, de peux de la faire affoler. Son terme approchant, on la logera dans une étable sé- parée , sèche, chaude, saine, spacieuse, afin qu’elle y séjourne à l'aise, et qu'ayant une bonne litière elle s’y repose mollement pour le bien de son fruit, la dureté du gîte lui Étant contraire. Un valet. ne l’abandonnera jamais ni nuit-ni jour pour la secourir, lors- qu'elle poulinera ; et si c’ést avec difficulté , on lui donnera du polypodium broyé et dis- sont dans une eau tiéde; ce breuvage servant aussi à rémettre en vigueur la jument qui est avortée.. Ge remède, tiré de Columelle, par l'expérience de plusieurs | a été trouvé sa- lutaire. Le poulain nouvellement né sera laissé au prés de sa mére, et avec €lle, enfermé dans l'étable pendant sept cou ‘huit jours, pour après la suivre au paquis, tant pour sa pro- pre commodité , la tetant à son plaisir, que poux le contentement de sa: mère > qui, par Le 192 THÉATRE l'amitié qu’elle porte à son poulain, n’en peut supporier l'absence, et d'impatience en perd le repos, le mañger et le boire. Pen= dant ces jours là, la jument sera délicate- ment traitée, sans lui épargner l’avoine!, soit qu’elle mange du vieux foin ou de nous velle herbe pour la fortifier et la faire abonder en lait, à quoi le sain-foin est très-propre; et si vous en avez l’avantage, vous l’en. nour- rirez, soit en herbe, soit en foin , cependant modérément sans l’en saouler , par les rai- sons dites. La jument sera abreuvée d’eau blanchie avec de la farine, en y mêlant parmi un peu de sel, afin de prévenir les tranchées | que la seule eau lui pourroit causer. On ne touchera aucunement le poulain dans le om: mencement, de peur de lui offenser le dos, ne pouvant , par sa tendreté , souffrir d’être pressé, ni presque touché de la main dans les deux premiers mois. : : LDQUE j! On fera teter le poulain seize ou dix-huit mois , non après , encore est-ce un long terme de la grande taille ou de la moyenne, car ceux de la petite se contentent d’unan ; ainsi, la jument ne portera que de deux ans l’un$ et il reviendra grand profit à la race. Par ce loisir, la jument ayant le moyen de se La DA GRIICULTU RE 153 bien nourrir, et le poulain de se fortifier et grandir à souhait, vu que le lait est si salutaire à ce jeune bétail, qu'il le pousse fort dans son commencement, si bien qu’il se ressent toute sa vie de cette bonne nourri- ture, et on ne doit point être étonné de voir les chevaux qui ont peu teté, petits comme bâtards, dont les mères portent tous les ans, qui pour surcharge, travaillent la plupart du tems, de même que les blés mal nourris des terres qu’on ne laisse jamais re- poser. Le poulain ayant atteint la seconde année, on l’éloignera de sa mère , en le faisant nour- rir un peu de tems en pâquis séparé avec les autres de son âge, afin de commencer dés-lors a jeter les fondemens de la science nécessaire à un si noble animal, suivant que la chose est plus facile, commencée plutôt que plus tard , en quoi il y a plus d’adresse que de peine, car il ne faut que souvent et doucement toucher le poulain avec la main, par tous les endroits de son corps, lui lever une jambe, après l’autre, lui frapper de la main contre le pied, comme si on le ferroit, lui passer doucement l’étrille, le peigne, l’époussette et le bouchoir sur le dos, lui 1 5 L 134 THÉATRE faire voir et entendre le bruit dés ferrures de la bride, entendre la voix de son gou- verñeur pour le connoitre et accoutumer; le flatter de la parole, lui donner quelque peu de pain avéc la main; ne le point battre ni rudoyer, en un mot, Ini arracher par dou- ceur l’aisreur de sun naturel, et il se rendra facile & recevoir la doctrine de son écuyer, lorsau’il sera parvenu à sa troisième année, qui est le vrai tems de commencer à le dres- sér au service. Cinq ou six mois devant cé terme, le retirant de la liberté de la cam- pigre, on commencera à lui faire sentir la servitude, en lui mettant un licol de laine ou de cuir mol, afin qu'il ne le blesse pas, éépendant pas trop foible, mais suffisamment fort pour pouvoir le retenir, avec lequel il sera lié à la crèche dans l'étable, près des chevaux déjà domptés, pour être nourri en leur compagnie, et qu’à leur exemple il s’as- sujeltisse à son Gevoir. De paitre l'herbe dans les pâturages, est salutaire au jeune cheval; non - seulement pour sa propre valeur, maïs cela lui est pro- fitable en ceci, que mangeant en bas, le che- val baisse la tête, qui par ce moyen s’amaïi- grit, vuidant par la bouche certaine humeur D’ÂAGRICULTURE. 155 nuisible dont les yeux du cheval deviennent meilleurs. Le col aussi s’en allonge et les jambes en grossissent, qualités desirables au cheval, provenant de la peine qu’il prend en paissant ainsi en bas; c’est pourquoi il sera utile aussi dans le commencement de dresser la mangecire près de terre, pour faire manger le cheval aussi bas qu’on pourra, comme entre ses jambes, jusqu’à ce qu’il soit en tout dressé, pour être mis au rang des grands chevaux. Dès le grand matin, la li- tière sera relevée , afin de rendre l’étable nette; le cheval sera étrillé, épousseté, bou- chonné ; on lui donnera à manger un peu de paille fraiche pour lui éveiller l’apétit, après du foin, et ensuite on le mènera boire a la riviere, dans laquelle on le mettra jus- qu'au dessus des genoux, où on le fera sé- journer quelqu’espace de tems, afin que par la froideur de l’eau les humeurs des jambes tombant en bas, soient restraintes : cela s'entend en été, pendant les grandes cha- leurs, comme aussi en cette saison on lavera chaque matin la face du cheval avec de Peau fraiche, pour de même lui dessécher la tête, à l'utilité de la vue. Il ne faut pas remettre le jeune cheval dans Pétable avant que les I 4 + 136 THÉ A CTIRUE jambes soïent sèches, ce que ne voulant pas attendre, on leur frotte les jambes en bas avec de la paille, et les eaux en seront re- tirées; cela fait, on lui donnera un peu de foin à manger. Dans le commenement, on le menera à petit pas en allant et revenant de J'abreuvoir, par le licol, sans le presser ; on fera monter dessus, par fois, quelque garçon léger et habile, pour, essayant la patience du jeune cheval, prendre avis de la leçon qu’on aura à lui donner. Sur les neuf heures, on lui donnera de Pavoine , bien nétoyée et quelquefois arrosée avec de Veau claire; mais en petite quantité, e peur que la vue en soit offensée (parce que ce grain produit cet effet aux jeunes bêtes che- valines). Quand ïl aura mangé son avoine, on lui donnera encore un peu de foin, et rien autre chose jusqu'après midi, où on lui donnera à gouter; le cheval demeurant par = ce moyen quelqu'espace de tems sans man-. ger, ce qui lui donnera bon appétit. L’ayanit alors fait repaïître, on l'étrillera et le pan- sera de la main, comme le matin; ensuite; vers le soir, il sera abreuvé , et après qu'oû lui aura fait une bonne litière avec dela paille blanche, on lui donnera du fourrage AN Gy RE CULTURE ‘13n pour le restant de la nuit, soit de foin seul, soit mélé avec de la paille ; enfin l’avoine lui sera donnée, sa portion mesurée, un peu plus grande que celle de la matinée, et on le laissera ainsi reposer pendant ce tems-là. Le palfrenier couchera près de lui dans un lit qu'il y dressera, pour n’abandonner jamais le jeune cheval, de peur qu'en son absence il ne se batte avec les autres, s’enchevètre, ou. qu’il lui ariive quelqu’autre chose. On ne se hâtera jjas trop de le ferrer, afin que la corne du pied s’endurcisse, en allant pieds nuds en bons et mauvais chemins, et qu'il en marche plus légèrement, à quoi il s’ha- bitue par la douleur qu'il sent en touchant du pied sur les pierres et rochers, et vou- lant éviter cette douleur, il épargne tant qu'il peut ses ongles, qu’il sent faibles, en s’aidant de l’adresse des jambes et de l’échine; il s’accoutume ainsi à une légère démarche: par cette cause, plusieurs bons écuyers ne méprisent pas les chevaux qui ont la corne du pied un peu tendre, pourvu qu'ils aient un grand talon, pour y pouvoir commodé- ment asseoir le fer. | Voilà la première éducation des chevaux, propre à tout gentilhomme et autre hono- 158 THéaATER Er rable ménager, moyennant lequel le jeune cheval, en grandissant et se fortifiant, de- viendra capable de la science du savant écuyer auquel il sera envoyé, ayant ces principés, pour recevoir plus facilement linstruction, sans laquelle les vertus du jeune cheval de- meurent ensevelies , comme au contraire cer- taines parties sont éveillées où la nature ianque. Le jeune cheval ayant donc passé par de bonnes mains, se trouvera d’agréable service, ni vicieux, ni rétif , et par ce motif les Latins l’ont proprement appelé equus , comme œGuus ; c’est-à-dire, juste en toutes ses actions, en marchant, galopant, courant, sautant, en s’arrétant et se reposant, sur- tout si son inclination naturelle s'accorde avec l’art et l’industrie de l’écuyer qui l'aura enseigné. Quant à la castration, cela n’est propre que pour ies chevaux qu’on est contraint de nourrir parmi les jumens, ou qui d’eux- mêmes sont trop furieux, ce que desirant faire, le cheval ayant un an accompli, on y mettra la main, et non devant, tant parce qu’alors les testicules lui apparoissent évi- demment, que parce que le jeune cheval est suffisamment fortifié pour endurer la douleur ' L ND A er RTITC U LT 'Ÿ RE, -. 1559 de l'incision. Si l’on craint cependant qu'il ne puisse la supporter ou qu'il demeure trop foible, au lieu de lui couper les testi- cules, on les lui tordra seulement avec des tenailles , à la manière des taureaux ; par ce moyen, évitant ce péril, il lui restera quelque vértu masculine pour la force. Cela fait, le . jeune cheval sera enfermé dans l’étable avec sa mère, pour quatre ou cinq jours, sans sentir l'air : on augmentera l’ordinaire à la mère, afm de la faire abonder en lait, pour restaurer les forces. afloiblies de son poulain. De donner le feu aux jambes des chevaux, est un moyen par lequel on prévient le far- cin, la gale et d’autres maladies qui commu- nément s'attachent aux jambes des chevaux ; eu outre, cela desséche les humeurs ruisi- bles qui abondent en ces parties, en leur endurcissant la chair molle et lâche, amai- grissant et rendant mince celle qui est enflée, et lui guérissant les vieilles douleurs. On se servira de ce remède par l’avis et la main de l’expert-maréchal, qui à propos lui don- dera quelques boutons de feu, dont les cica- trices embelliront plutôt qu’elles n’enlaidiront les jambes du cheval. De fendre les naseaux , de couper les 140 R'TRÉAITIRIE oreilles, les crins et la queue des chevaux, ést inventé afin de donner respiration aux chevaux pour leur allonger l’haleine et pour les rendre assidus au travail, comme on le pratique pour les courtauds dans les bonnes écuries. On emploie tous ces moyens en tems beau et serein, plus frais que chaud, ni plu- vieux, ni venteux, en décours de la lune, plutôt au printems et en automne qu’en été ou hiver. Le haros est ainsi gouverné avèc beaucoup de profit, en ne regardant qu'aux chevaux qui en sortent. En Provence, et dans une partie du Languedoc, outre l’utilité de la croissance des chevaux, celle du gain des bleds se joint à ce ménage, mais cela est propre auxdites provinces par la douceur particulière du climat, l'usage de fouler les bleds en campagne n’étant pas recu en aucun autre endroit de ce royaume. Pendant la ré- coite, aux mois de juillet et d'août, les ju- mens qui le reste de l’année ont chommé après la nourriture de leurs poulains, Lra- vaillent à fouler les grains avec une grande expédition (ainsi que je l’ai dit sur le propos des bleds), tant par le naturel de l’ouvrage que par le grand nombre des jumens que le D’ ÀÂAgcRrICTL TU R E. 141 père de famille emploie en cet ‘endroit, qui par le salaire et louage de. ses sbètés tire la vingtième partie : des bleds que ses ;jumens égrainent, ou autre, selon Les conventions ; d’où il arrive qu’en accommodant ses voi- sins, il ramène une grande quantité!de bleds dans ce petit espace de tems , ce qui lui suffit pour fournir à toutes les! dépenses de cette nourriture durant le reste dé l’année : par cette adresse , il retire nettement de-ce ménage les chevaux qui en sortent, qu'il iimet en ligne de compte du liquide revenu. tit CAP PF TRES Enr Des Anes et Anesses:\: L rulet'est placé après Pâne par sa stéri- lité, et parce que la muletaille s’engendre des bêtes chevalines et asines , accouplées ensemble, comme il sera montré. Ainsi, je ‘traite de la race de l’âne après celle du che- val, afin que notre ménager soit pourvu de toûtes espèces d'animaux ‘propres à son service. L'âne sera tel qu’il convient, s’il est grand de A AVMMÉDUEAES de corps, de poil mol, lisse et poli, de cou- leur noire ou gris-obscur, barré et annellé de noir aux jarrets et sur les épaules, fai- sant la’ croix ; la raïe noire venant depuis le museau jusqu'à la queue, passant le long du dos. S'ilest ramassé dans ses membres, ayant les jambes .assez grosses , nerveuses, et bas enjointées , la corne du pied noire et dure ; les cuisses charnues, le ventre un peu long et non enflé , les’ testicules assez gros, la! croupe ronde, le dos uni et pendant des deux côtés, le devant large, ouvert et merveux, le col gros et fort, la tête, les oreilles et le front tendant plutôt à la petitesse qu’à la grandeur, les yeux gros ;;noirs et clairs; les naseaux larges et ouverts, les mächoires amples. Sil est joyeux et délibéré, non triste ni mélan- colique , sans être cependant trop remuant ni vicieux, mais obéissant, comme il est iné- cessaire pour tout bétail de;senvice: L’anesse, sous les mêmes adresse et shstimction, sera choisie comme a été dit des jumens,, afin qu'accoupiés ensemble, mâle et femelle , la race en sortesde ‘bon ba 4 T7 % 2 $ \ Ale PE À Let PA FA A à] ‘ at { nr h ji Xe NE f ME UE } Pl À Le 2 ALT LR ME DU, Le | rat GATE", 1” \ es 2 x x > 15 rh D REPAS xx PE - \#+ # #A 4 4 Lei ae y nue cs & re