®Itp i. M. Util ICtlirarg Spécial Collections SF525 Dk V.3 THIS BOOK MUST NOT BE TAKEN FROM THE LIBRARY BUILDING. Digitized by the Internet Archive in 2009 witii funding from NCSU Libraries Iittp://www.arcliive.org/details/traitcompletsu03dell TRAITE COMPLET SUR LES ABEILLES. TRAITÉ COMPLET SUR LES ABEILLES, JlV ne Uce Méthode nouvelle de les «roin erncr, trie & qu'elle se pratique à Syra , ile de FArclnpo] ; Précédé d'un Précis liistoriqnc et écanomiqne de celle île. DÉDIÉ A MADAME. ParM.Fabbé Della VidCCA^-YUr --Gv'>néral de Syra. Aémirsnda tibâ îevitnrs speaacula rcïam : ïlag-ianîmoîqne doces , toiÎBsqae rs ordicc j4Êîîs, Moies e-ï stadia , et popolos', et praeiia tiiasjjo^' Ib tetiiïî laboT, at teauis noa f^orîï. .-. . . vtxe. Gae^v4^. TOME TROÎSIEM A PARIS , (Bleuet pcre. Libraire, Pont-Saiîîî-MîcheL Chez < RÉGENT et Bernard, Libraires, Quaî des ( A«gusi>Ds, d''. 37. 1790. -**Sï ' sa AVERTISSEMENT. (^ E troisième voUîme termine tout ce que nous avions à dire sur la nouvelle méthode de gouverner les abeilles , pratiquée dans l'Isle de Sjra. Ces trois volumes nous ont donc paru renfer- mer un Traité complet sur cette partie de l'économie rurale. Cependant nous ^comptons y joindre par forme de sup- plément un ou q]cux volumes , dans lesquels nous développerons plusieurs pratiques très - intéressantes sur cette même économie , et des découvertes essentielles sur l'histoire de nos in» sectes , qui mettront les amateurs en état de connoître plus à fond leur ca- ractère , et d'en tirer un profit aussi constant que les vicissitudes des sai- sons , sur-tout dans ces contrées j peu* vent le permettre. 148339 a iij TÎij Table ChAP. VT. Du miel ; de la matùère dont les abeilles^ le recueillent ^ et le déponent dans les alvéoles y . 79 ChAP. VJL Suite du même sujet ; dijférentes qualités et propriétés du miel y 99 ChAP. Vlîl. Manière de faire f hydromel et autres boissons cjui se préparent avec le miel y tirées de MM, Piugeroii et Bu- carne j 119 ChAP. ]X. De la propolis ; de la, molividhe ou poussicre des étamines ; de ieau (jue les abeilles rapportent dans la ruche j et de r usage qu'elles enfoui: y 129 ChAP. X. De la fausse teigne qui détruit les rayons des abeilles y 1 48 ChAP. XI. Bu dégât que font les teignes dans les ruches y des moyens de les en préserver y et de les sauver y quand elles en sont atta- quées y 109 LIVRE VL Des ennemis des abeilles , de leurs mala- dies , et de. (|uel(jues autres particula- rités coiiccruaut leur jrouvernemeut. Chap. 1. Du pillage réciproque que se font DES Chapitres. ix les abeilles ^ et de la manière de VeTupC" cher y 173 ChAP. II. De lanianitre de fournir aux abeil- les le miel donl elles manquent j, tirée de M. Di;carfie j 19 J Chap. ]]I. Ixéjle.vions diç'erses de M. Bu- carne y sur la manière de nourrir les abeil- les y et leur applieation à ma méthade de construire les ruches y 207 Chap. IV. Des ennemis des abeilles ■, et des moyens de les en garantir , 219 Chap. V. Bvs maladies des abeilles y et de la manière de les soigner y quand elles en sont attaquées ^ 289 Chap, VI. D''une maladie épidémique qui emporta , il y a quelques années y les abeilles dans Vile de Syra. LIVRE VIL Sur la récolle des ruclies , et sur la ma- liière de retirer le iniel et la cire des rayons, 269 Chap. I. Réjlexions sur la vendange des ru- elles y et sur la manière de la faire y ibid. X Table Ch AP. II. Autres réflexions sur le même sufef^ ou on rapporte plusieurs obsen>ations très- intéressantes pour V économie des abeil^ les y 2jS CflAP. m. Opinion de M. Vahbé Bienaimé ^ contraire à ce que nous avons dit sur le temps le plus favorable pour faire la ré- colte du miel et de la cire , 3o2 Chap. IV. Observations de M. BucJiet contre la coutume d'enlever aux abeilles _, au prin- temps ^ leurs provisions. 3lo ChAP» V. De différentes méthodes "vicieuses en usage pour s^ approprier les proi'isions des abeilles j tirées de M, Ducarne ^ avec cfuelques réflexions , 323 ChAP, VL 6'w//e du même objet , 333 ChAP. vil Méthode pour prendre aux abeil- les leurs provisions sans les faire périr y tirée de M. Ducarne y. 353 Ciïj^P. VIU. Manière très-simple et très-com- mode de récolter les ruches de notre fa^ con , 382 ChAP. IX. Manière de récolter nos ruches ^ exempte de tous les inconvéniens reprochés. DES Chapitres. xj par les auteitjs uux usages de tailler les niches ordinaires, ^99 ChAP- X. Oii^ Von fait roir que toutes les inanitres de récolter les ruches ordinaires y rapportées dans les chapitres VI et Vil y d'après M. D iicarne j peuvent être exécutées aifec nos ruches. ùpj ChAP. XL Du produit d* une ruche y et de la jnanièred'en avoir le plus grand parti pos- sible , t\.22 ChAP- XIL De la méthode de récolter les ruches plusieurs J^ois dans l'année ; règles 1res - nécessaires et intéressantes pour cet effet y 480 ChAP. XIIL Sur les moyens de mettre nos ruches cylindriques en état d essaimer tous les ans y 4.Î0 ChAP. XIV. Sur r usage de faire voyager les ntches y pour leur procurer de nouveaux pâturages y suivant la pratique de différens peuples Jinciens et modernes ; et de son utilité y 4.59 Chap. XV. De la jnanièie de retirer y à Syra y le miel et la cire des rayons y ^^S ChAP. XVL Du li eu propre à faire le miel ei xi] Table des Chapitres. la cire , et des ustensiles nécessaires pour fabricf lier Fini et T autre j 494 ChAP. XVJT. Manière défaire le premier miel j tirée de V ouvrage de M. Lagrenée y Chap. XVJI]. D^une nouvelle méthode ima- ginée par V auteur pour séparer la cire des rayons , plus commode et plus expéditive fju aucune des précédentes j 620 Fin de la Ta ble. 58 TRAITE COMPLET SUR LES ABEILLES. LIVRE V, Sur le travail intérieur des abeilles, et sur les différentes matières qu'elles y emploient. CHAPITRE L Des rayons et de leur constructiorié A PEINE un essaim est-il placé dans une ru- che , qu'il se met à nétojer et à débarrasser l'en- droit où il doit attacher ses premiers rayons, de tout ce qui peut lui nuire et arrêter son travail. Après cette opération, il pose les bases qui doi- vent soutenir tout le poids de sa bâtisse. Tome III, A D. H. HILL LIBRARY North Caroiina State Collège fi T R A I T É C O M P L E '1 Tous les auteurs modernes , qui traitent sur les abeilles ,et que j'ai parcourus, ne font men- tion d'autres matériaux, dont elles se servent en posant la base de leurs rayons, que de la pro- polis. Cependant les anciens ont reconnu , outre la propolis , deux autres substances que les abeilles emploient à cet efiet, avant la propolis. Pline nous dit que la première substance, avec laquelle les abeilles enduisent l'endroit où elles commencent la construction de leurs rayons , s'appelle Commosin; c'est une drogue très-amère au goût. Sur cette première couche, elles eu étendent une seconde d'une moindre consistance , qu'il appelle Pissokeros (i). Ce n'est qu'après ces deux couches que les abeilles se servent de la propolis, qui est, dit Pline, moins visqueuse que les deux autres, et se rapproche davantage de la nature de la cire. Effectivement, si on fait bien attention, on peut aisément reconnoître ces trois sortes de drogues, employées par les abeilles, en posant (i) Albert croit que ce PissoJceros n'est autre chose, que pùigue oleinn instar cerœ pice admixtœ , c'est-à-d i re , une espèce d'huile grasse , provenant d'un mélange de cire et de poix. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. I. 3 ]es fondemens de leurs rajons , et en bouchant les fentes de leurs ruches ; et on verra par là l'exactitude des anciens dans leurs observations. Nous avons déjà dit, en parlant des essaims, que, des leur départ de la mère, ils sont pour- vus de tout ce qui leur est nécessaire pour commencer leurs premiers ti-avaux, et pour se nourrir pendant quelques joiîrs. La preuve en est, que quand le cultivateur est trop lent à les recueillir, ils forment, dès l'instant , là où ils sont posés , les fondemens de quelque rayon. L'activité des abeilles est si grande dans ces momens-là , que pendant que les unes nétojent la ruche et bouchent ses fentes , les autres tra- vaillent à la construction de leurs rajons ou gâ- teaux , et à la sublime régularité de leurs cellu- les ou alvéoles. Quelquefois celles qui ont préparé les maté- riaux , sont aussi chargées de la construction de l'édifice ; quelquefois ce sont d'autres qui leur succèdent; mais toujours celles qui ont élevé le corps de l'ouvrage ne sont point celles qui le polissent ; il en vient d'autres qui ont cette com- mission , qui rendent les angles plus exacts , applanissent les superficies, et donnent à tout la dernière perfection, Aij 4 T R A I T É C O M P L E T On a remarcjné , nous dit M. l'abbé de Lille, (de qui j'ai emprunté presque toute cette des- cription sur les rayons des abeilles, dans ses No- tes sur les Georg. de Virg. liv. 4 pa^-. 3o i ; ) on a remarqué , dis-je , que celles-ci travailloient beau- coup plus loni^- temps que . les autres, sans se reposer, comme si le travail de polir étoit moins fatigant que celui d'édiKcr (i). Pour la plus grande économie du temps, pendant qu'une partie des abeilles est occupée à la construction des rayons , une autre partie est chargée de la nouriture des ouvrières: ainsi les travaux ne sont point interrompus , et l'ouvrage avance ayec une vitesse incroyable. Aussi, a-t-on vu des mouches élever en vingt- quatre heures des rayons d'un pied de long et (i ) L'abeille qui s'occupe à la construction des rayons, ne travaille cjue tant qu'elle a de la matière dans sou gosier; après quoi il est nécessaire qu'elle s'en procure de nouvelle dans les champs , ou qu'elle en reçoive dans la ruche même, des abeilles qui en reviennent. L'abeille au contraire qui polit les cellules, travaille autant qu'elle trouve de nouveaux rayons, c'est pourquoi son travail est plus long que celui delà première. Quoique les autres détails de notre auteur paroissenl assez vraisemblables, cependant on ne peut rien prononcer de certain. SUR LES ABEILLES. LiV. V. CkAP. I. 5 de six pouces de large , qui contenoient près de quatre mille alvéoles. A Syra, on observe souvent de forts essaims , dans les bonnes années , en vingt-quatre heures , former plusieurs rayons ronds, parmi lesquels on en voit quelques-uns d'un pied de diamètre. Quelqu'un pourroit ici demander si les abeil- les ne se reposent jamais, sur- tout pendant les ténèbres de la nuit; Virgile le croit : Omnibus, dit-il , una qui es operum _, labor omnibus umis. On les voit s'occuper , se délasser ensemble. « Nous sommes forcés de convenir (c'est l'ob- servation que fait M. l'abbé de Lille , sur ce vers de Virgile ) qu'il se trouve ici plusieurs méprises. Les abeilles travaillent la nuit comme le jour; se reposent le jour comme la nuit, et ne travaillent jamais toutes à la fois. Dans la plus grande chaleur de l'ouvrage, on voit tou- jours une partie des ouvrières qui se tiennent dans l'inaction , attachées les unes aux autres par les petits crocs qu'elles ont aux pattes antérieu- res , et vraisemblablement dans cette position elles se délassent de leurs fatigues. Effective- ment, il étoit naturel d'imaginer que des in- sectes qui habitent perpétuellement les ténèbres dune ruche, et qui dans ces ténèbres élèvent A iii 6 Traité COMPLET des oiivrai^es aussi finis que les leurs ; qui ont plus de seize mille yeux , lorsque nous n'en avons que deux; qui ont ces jeux taillés dif- féremment que les nôtres; qui aperçoivent sû- rement des différences, où nous ne yovons que de l'uniformité , des espaces où nous ne décou- vrons que des points, qui voient enfin où nous ne voyons plus; il étoit, dis-je, naturel d'imagi- ner que des êtres ainsi conformés, ne dévoient g-uères connoître et attendre ce retour périodi- que de lumière et d'obscurité que nous avons appelle le jour et la nuit.» Je suis d'autant plus persuadé que les abeilles travaillent de nuit comme de jour, (pi'à quel- qu^lieure qu'on s'approche de leur ruche, pen- dant la nuit, on entend un bruit contiiiucl, occasionné par le mouvement qu'elles font en travaillant. Mais il n'est pas également certain que toutes les abeilles qu'on voit accrochées les unes aux autres, restent dans une inaction inu- tile à leur communauté. Nous observons tou- jours dans nos ruches, que le gros de ces pelo- tons se porte sur les rajons qui sont pleins de couvain , ou du côté que les abeilles travaillent à de nouveaux gâteaux. De là, nous concluons que ces pelotons serveirt à produire une chaleur SUR LES ABEILLES. LiV. V. ClIAP. T. 7 nécessaire aux embryons pour hâter leur avan- cement , et aux abeilles qui travaillent pour te- nir la cire molle et plus maniable. On pourroit aussi penser que ces mêmes abeilles attachées les unes aux autres , ont le go- sier plein de cire , qu'elles purifient avec leurs dents et leur langue , pour ensuite l'employer d'elles - mêmes, ou la faire passer à d'autres abeilles qui bâtissent de nouveaux rayons. Je dis cela , parce qu'un jour, observant, au tra- vers d'un verre, les abeilles pendant leur tra- vail , j'en ai vu une qui attachoit un rayon sur le verre , avec de la cire qui sortoit comme un fil de sa bouche; et aussitôt que la cire finissoit, je la voyois courir du côté du peloton ; comme elle m.e paroissoit la même, je pensois qu'elle alloit auprès des autres se pourvoir de maté- riaux pour avancer son travail. Qui sait encore si ces mômes abeilles n'ont pas le ventre rempli de molividhe, de miel et d'eau, et si elles ne se tiennent pas ainsi tranquilles pour donner à ces trois substances le degré de cuisson le plus propre à la nouriture de leurs embryons ? M. Duchet croit que toutes ces abeilles en pelotons sont pleines de miel , et qu'elles se A iv 8 Traité complet tiennent ainsi pour le digérer plus vite , et que par ce moyen , le miel s'évapore en pure cire à travers leurs anneaux. Nous combattrons ail- leurs cette opinion de M. Ducliet. Revenons à la construction des rayons. Les abeilles travaillent d'abord au haut de leur ru- che, c'est là qu'elles attachent leurs gâteaux, dont la direction est perpendiculaire à la base de la ruche. Cette méthode paroît avoir bien des inconvéniens. Leur ville est , pour ainsi dire, suspendue en l'air. Le poids des alvéoles et des magasins de miel et de cire, sembicroit devoir faire craindre pour la solidité de l'ouvrage ; mais nos architectes ont pourvu à tout. Ils atta- chent d'abord les rayons avec une glu extrême- ment visqueuse , avec leur propolis ; ils multi- plient de tous côtés ces attaches , et ne négli- gent rien pour assurer les fondemens; en même temps pour diminuer le poids du bâtiment , ils donnent aux cellules la moindre épaisseur qu'il est possible; et comme les inconvéniens naissent Jes uns des autres , et que le peu d'épaisseur de ces cellules les mcttroit hors d'état de résister au mouvement perpétuel des mouches , elles ont soin de fortifier d'un rebord de cire l'entrée de leurs alvéoles, comme étant la partie qui doit SUR LES ABi:iL.LES, LiV. V. ChaP. I. 9 Roiiffiir le piny, et qui sera attaquée le plus sou- vent. Elles ne se contentent pas de travailler à un t-eul rayon; elles en élèvent plusieurs à-la-fois, qui sont parallèles entre eux, et qui, attachés éi^alement à la voûte de la ruche, tombent aussi perpendiculairement sur la base. 11 v a toujours entre les difîérens rajons un espace vide propre à laisser passer deux mouches de front; ce sont les grandes rues de leur cité. Déplus, elles ont ménagé dixïérens petits trous par lesquels une mouche peut passer promptement d'un rayon à l'antre, sans prendre un long circuit. Ainsi la communication paroît tort bien établie entre les difiéientcs parties de leur empire , et la cor- le.spondance entre les citoyens peut être fort prompte. Dans des circonstances où elles sont pressée^ par l'ouvrage, et où elles doivent préparer des berceaux pour recevoir les œufs de la reine , elles ne donnent aux nouveaux alvéoles qu'une partie de la profondeur qu'ils doivent avoir ; elles les laissent imparfaits, et diffèrent de les finir jusqu'à ce qu'elles aient ébauché le nombre des cellnles qui sont nécessaires pour le temps pré- sent. lo Traité COMPLET Chaque rayon est composé d'un double t^wj; d'alvéoles , qui sont adossés les uns contre les autres, et qui ont une base commune. La figure de l'alvéole est un hexagone régulier à six pans. Pappus , fameux géomètre de l'antiquité , a prouvé que cette figure avoit le double avan- tage de remplir un espace sansj^ laisser de vide, et de renfermer un plus grand espace dans le même contour (i); et il est bien étrange que Jes abeilles aient précisément choisi ou rencontré entre une infinité de figures , la seule qui put remplir exactement leurs conditions aussi essen- tielles. La figure de la base est une p;yramide formée de trois losanges parfaitement égales ; les quatre angles de ces losanges sont encore si heureusement combinés , et leur ouverture est dans une telle proportion, que la cire est em- ployée avec la pins grande économie possible. (i) Nos Archimèdes modernes, dit un autre auteur, admirant les dispositions .de la forme de ces alvéoles, ont trouvé résolu, par un nu'eanisme naturel, un des plus beaux et des plus difficiles problèmes de la géomé- trie,/îr/re tenir cLvis le plus petit espace possible, le plus grand nombre de cellules, et les plus grandes possi* ble j, Uicc le moins de nuiticrc possible» SUR LES ABF.ILLES. LiV. V. ChAP. I. il en sorte que toute autre losange composée d'an- gles de toute autre grandeur, n'auroit pu pro- curer le même avantage. M, Kœnig, qui avoît fmj"»lové l'analyse des infiniment petits, pour ré- soudre ce problême qui lui avoit été donné par M. de Réaumur, après bien des calculs, n'étoit arrivé qu'au résultat des abeilles. La manière dont elles s'y prennent pour construire tous ces côtés de leurs hexagones , toutes ces losanges de leurs bases, et tous ces angles de leurs lo- sanges , est ausbi étonnante que le choix même des figures. Mais tous ces détails, ajoute M. l'abbé de Lille, sont trop compliqués pour être expliqués en peu de mots , et il faudroit que mes lecteurs eussent eux - mêmes bien de la géométrie , pour entendre toute celle de nos insectes. L'épaisseur de chacun de ces rayons est d'un peu moins d'un pouce ( cependant leur partie supérieure a ordinairement quelque chose de plus ). Ainsi la profondeur de chaque alvéole destiné pour les abeilles ouvrières, est d'environ cinq lignes, et leur largeur est constamment de deux lignes deux cinquièmes dans tous les pays où il y a des abeilles. Voilà donc une mesure invariable que tout le monde connoît, qui se Ï2 TRAITÉCOMPLfT trouve par-tout , et que la nature a fixée sur tous les points du globe. Outre ces alvéoles , qui sont les plus nom- breux , elles en construisent d'autres qui sont un peu plus grands, destinés à recevoir les œufs desquels doivent naître les fanx-bourdons. Les abeilles, dansJa construction de leurs alvéoles, ont égard à ces deux combinaisons, celles de la grosseur et du nombre des mouches qui doivent y naître. Ainsi ces cellules diffèrent des premiè- res par la largeur et la profondeur; mais elles sont aussi toujours d'un diamètre constant, qui est de trois lignes et demie; de sorte f(ue vingt de ces cellules destinées aux faux - bourdons, couvriroient une ligne de cinq pouces dix lignes "et un peu plus; tandis que vingt cellules d'a- beilles ouvrières ont juste quatre pouces de longueur. Tout ce travail est fait avec une telle délicatesse , et les paiois et les bases de ces cel- lules sont d'une si grande finesse, que trois ou quatre de ces cotés, posés les uns sur les autres , n'ont pas plus d'épaisseur qu'une feuille de pa- pier ordinaire. Elles construisent encore plusieurs autres alvéoles destinés à être le berceau des reines : pour lors elles abandonnent leur architecture SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChaP. I. l3 ordinaire ; elles bâtissent exprès des cellules de figure arrondie et oblongue , qui ont beaucoup de solidité. Une seule de ces cellules pèse autant que cent on cent ciiujuante des cellules ordi- naires : il y a moins d'économie dans celles-ci; la cire y est employée avec profusion , les dehors en sont i>uillochés; ce sont des cellules vraiment royales. Elles sont en très-petit nombre en com- paraison des autres. Nos travailleuses, dit M. de Bomare, savent ou paroissent savoir que leur mère ne doit pondre , pour l'ordinaire , que quinze à vingt œufs par an , d'où naîtront d'au- tres mères (i). On peut voir la planche II, fig. i'^. à la fin du second volume, et son explication qui la suit. Cette figure présente un morceau de rayons composé de cellules ordinaires pour les ouvrières, de celles à grands yeux pour les (i) Les abeilles ne couvent effectivement , dans le temps des essaims , que i5à io œufs royaux ; cependant il est certain que la reine en pond , dans le cours de l'année, un plus grand nombre,, dont les abeilles se défont , lorsqu'elles n'en ont pas besoin , comme nous l'avons dit ailleurs. Contardi nous rapporte que dans la troisième partie des Mémoires de la société des abeilles, établie en Lusace, il est fait mention d'un essaim qui avoit un nombre prodigieux de reines. T 14 Traitécomple faux-bourdons , et de plusieurs rojales de dif- férentes grandeurs. Un gâteau comj)osé d'alvéoles est un spectacle charmant ; tout y est disposé avec tant de symé- trie , et si bien fini , qu'à la première inspection on est tenté de le rei^arder comme un chef- d'oeuvre de Tindustrie des insectes. M. de Bulîbn , eiïi ayé des merveilles de l'ar- chitecture et de la géométrie des abeilles, et se refusant à leur reconnoître une intelligence qui auroit surpassé la nôtre , a essayé d'expliquer tous ces faits par le mécanisme seul. Ces hexa- gones, dit - il , tant vantés, tant admirés, me fournissent une preuve de plus contre l'enthou- siasme et l'admiration. Cette figure , toute géo- métrique et toute régulière qu'elle nous paroît, et qu'elle est dans sa spéculation, n'est ici qu'un résultat mécanique, et assez imparfait, Cjui se trouve souvent dans la nature, et que l'on re- marque même dans ses productions les plus brutes, les cristaux , et plusieurs autres pierres. Quelques sels prennent constamment cette fi- gure dans leur formation. Qu'on observe les petites écailles de la peau d'une roussette , on verra qu'elles sont hexagones, parce que chaque écaille croissant en même temps, se fait obstacle SL'R LES AliElLLES. LiV. V. ClIAP. I. l5 et tend à occuper le plus d'espace qu'il est pos- sible dans un espace donné. On voit ces mêmes licxaî^ones dans le second estomac des animaux niminans. On les trouve dans les graines, dans les capsules , dans certaines fleurs, etc. Qu'on remplisse un vaisseau de pois, ou plutôtde quel- que autre graine cylindrique , et qu'on le ferme exactement , après y avoir jette autant d'eau que les intervalles qui restent entre ces grains peuvent en recevoir, qu'on fasse bouillir cette eau ; tous ces cylindres deviendront des colonnes à six pans. On en voit clairement la raison, qui est purement mécanique. Chaque graine , dont la figure est cylindrique , tend , par son renfle- ment , à occuper le plus d'espace possible dans un espace donné ; elles deviennent toutes né- cessairement hexagones, par la compression ré- ciproque. Chaque abeille cherche à occuper de même le plus d'espace possible dans un espace donné ; il est donc nécessaire aussi, puisque le corps des abeilles est cylindrique , que leurs cellules soient hexagones , par la même raison des obtacles réciproques. Cette explication , répond ici M. l'abbé De- lille , est très-ingénieuse ; mais j'ose dire , avec le respect q"ue l'on doit à un écrivain tel que M. l6 T R A I T É C O M P L E T de Buffbn , qu'elle est encore insuffisante. Un des faits les plus certains dans l'histoire de ces in- sectes , c'est que tous les ouvrages de leur pe- tite république ne sont faits que par les ouvriè- res , et que les mâles et les reines, loin de con- tribuer aux travaux publics, n'ont pas même reçu de la nature les organes et les instrumens qui y sont propres. Or, si la régularité de ces alvéoles n'avoit pas d'autre cause que celle que M. de Buffbn lui assigne ; si elle n'étoit produite que par une loi mécanique , et par la com- pression réciproque de ces insectes combinée avec leur figure, il est certain que tous les al- véoles auroicnt la même forme et la mcnie di- mension , puisqu'ils sont tous construits par les ouvrières. Ceux des mâles auroient la même grandeur , ceux des femelles auroient la même grandeur et la même figure , et on ne verroit point cette étonnante proportion du nombre des différentes cellules , avec le nombre des diffé- rentes mouches qui doivent y naître. « Au reste , ajoute M. Deleuze, quiconque aura pu voir les abeilles travailler à la construc- tion de leurs gâteaux , ou observé avec attention des gâteaux commencés , sen(,ira le faux de l'explication mécanique que divers naturalistes ont SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAF. I. \n ont voulu donner de celte régularité de fii^ure, en supposant qu'elle n'est que le résultat néces- saire de ce qu'un g;rand nombre d abeilles tra- vaillent dans un espace étroit; d'où il suit que la figure ronde qu'elles tendent à donner à leurs alvéoles , se change en hexagone par la pression que chacune éprouve de toutes parts. On voit^ au contraire , que les pièces sont faites les unes après les autres, et ont chacune, dès leur pre- mière construction , la figure régulière qui leur est propre , sans aucun indice d'une compression, qui ne peut avoir lieu ni dans une ruche peu peuplée , ni sur les bords des gâteaux. » « Leuwenhoek , en examinant \q?, yeux des abeilles au microscope , avoit cru observer que" la lumière , mêlée aux ombres , peignoit sur leur rétine des celhiles semblables à leurs rayons; ce qui lui avoit fait conjecturer que ces animaux, en travaillant , nefaisoient qu'exécuter ce qui s'of- froit à leurs yeux. Nous ne nous arrêterons pas àdiscuterlefauxdecettesingulièreexplication.>> « Revenons à considérer l'industrie de nos abeilles. C'est avec un vrai plaisir qu'on les voit travailler, chacune suivant son district, à l'ou- vragé commun. Elles volent sur les fleurs de diverses plantes , et s'y roulent au milieu des Tojne III, B i8 Traité complet étamînes, dont la poussière s'attache à une forêt de poils dont leur corps est couvert. La mouche en paroît quelquefois toute coloriée (i)- >> « Elles ramassent ensuite toute cette poussière avec les brosses que nous avons vu qu'elles ont à l'extrémité des pattes, et l'empilent dans la pa- lette triangulaire. Chaque palette est de la gros- seur d'un grain de poivre un peu aplati. Quand les fleurs ne sont pas encore bien épanouies , nos mouches pressent avec leurs dénis les sommets des étamincs où elles savent que les grains de poussière sont renfermés, pour les obliger de s'ouvrir et faire leur récolte ^2). On voit bientôt 0 (i) Ce phénomène n'est qu'un pur accident. Les abeilles qui entrent dans une fleur remplie de poussiè- res, telle qu'un lys, par exemple, pour en sucer le miel , en se remuant et en se retournant se trouvent couvertes sans dessein de ces poussières : je les ai vues souvent ainsi couvertes , rentrer dans leur ruche , et d'autres abeilles les nettoyer entièrement. (2) Vers le temps où le thym est prêt à fleurir , on observe à Syra que les abeilles parcourent les boutons du thym, et qu'elles y ramassent avec leurs dents une matière blanchâtre , que nous croyons n'être t[ue la vraie cire. En effet , nous voyons les abeilles s'en char- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. T. IQ les abeilles rentrer dans la ruche, chargées les unes de pelottes jaunes, les autres de pelottes rouges ou d'auti'es diverses nuances , selon la couleur des différentes poussières. Cette pous- sière qu'elles rapportent est la matière à cire ou la cire brute, car elles ne rencontrent nulle part la cire toute faite (i). » «A peine les mouches, ainsi chargées de la ré- colte, sont-elles arrivées , que plusieurs abeil- les , viennent détacher avec leurs serres une pe- tite portion de cette matière à cire qu'elles font passer dans un de leurs estomacs; car elles en ont deux , l'un pour le miel, l'autre pour la ger, et rentier dans les ruches les pattes pleines. Cette matière est autrement disposée que ne l'est la moli- vidhe. Nous les voyons aussi coramencer la construction de nouveaux rayons avant que le thym soi t fleuri ; preuve que cette matière blanchâtre n'est pas la poussière des étsmines , mais la cire en nature, (i) Nous croyons , au contraire , que cette poussière oumolividh»est une matière différente de la vraie cire, et que les abeilles travaillent celle-ci, comme elles la recueillent. Elles ne font que la purifier de tout corps hétérogène , et la manipuler avec la bouche et les pattes, et elles en composent la matière de leurs rayons. B ij S.0 Traité CG Kl PLET cire (i). C'est dans cet estomac que se fait unt merveilleuse élaboration. La véritable cire y est extraite en très-petite quantité de la cire brute, dont une partie leur sert d'aliment , et le reste est rejeté en excrémens; ce que M. deRéaumur a prouvé par un calcul ingénieux. Il observa que dansune ruche de 1 8 raille abeilles, chacune d'elles pouvoit^aire quatre à cinq voyages par jour; qu'il falloit huit pelottes de cire ( moli- vidbe) pour le poids d'un grain ; que les mouches rapportoient, pendant sept à huit mois consécu- tifs , cent livres et plus de cette matière, et que cependant, si l'on retire , au bout d'une année , (i) La mollvidhe dont nous parlons ne sert que pour alimenter les abeilles et leur couvain. D'ailleurs , elle n'entre pour rien dans la composition de la vraie cire,à moinsqu'il ne s'y trouve de petitesparcelles decire, dont elles peuvent faire la séparation avec les dents, la langue et les pattes ; ainsi , je ne croîs pas aux deux «stomacs qu'on leur attribue communément : elles en ont un véritablement pour la digestion du miel et de la molividhe qu'elles mangent pour se conserver; l'au- tre n'est qu'une vessie qui n'a aucune communication avec leurs viscères. Je suis persuadé que cette vessie ne *ert qu'à recevoir le miel qu'elles recueillent et qu'elles rapportent à la ruche , pour le dégorger dans les alvéoles. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. î. 2t la cire d'une semblable ruche , on n'y trouve qu'environ deux livres de vraie cire , d'où il suit nécessairement que la cire brute fait partie de leur nourriture, et qu'elles en extraient peu de. véritable cire (i). » «Les mouches dégorgent cette cire, sous la forme d'une bouillie ou pâte , par la bouche que nous leur avons vue ; et à l'aide de leur (i) Une abeille peut faire dans un quart d'heure plus d'une lieue de chemin , et il ne lui faut pas plus de tems pour faire son chargement. Un Jour , comme je visi- tois des ruches par un tems très-couvert qui retenoit toutes les abeilles captives , le soleil ayant dissipé les nuages, et le tems s'étaut mis au beau , à l'instant je vis les ru- ches vomir un peuple immense d'abeilles. Je pris ma montre à la main, et je vis avec plaisir qu'il ne s'étoit passé que six à sept minutes depuis le moment de leur départ, jusqu'à celui de leur retour, que je ne distin- guois qu'au butin dont je les voyois chargées. Je crois , d'a- près cela , qu'une abeille peut faire assurément plus de cinq voyages par jour. Le calcul de M. de Réaumur , sur la quantité de molividhe que les abeilles apportent est très-probable 5 il ne s'ensuit cependant pas que la mo- lividhe soit la première matière de la cire. Nous verrons ailleurs quelle immense quantité de miel et de moli-. vidhe les abeilles consomment pour leur nourriture ^ et pour celle de leurs embryoHS. Biij ia Traitécomplet langue , de leurs dents et de leurs pattes , elles construisent ces alvéoles dont nous avons admiré la fioure. Dès que cette pâte est sèche, c'est de la cire ordinaire (i}. » « Les gâteaux nouvellement construits sont blancs, mais ils perdent peu à peu leur éclat en vieillissant; ils jaunissent, et les plus vieux deviennent d'un noir de suie : les vapeurs qui régnent dans l'intérieur d'une ruche , les dé- pouilles des vers, et le miel en sont la cause. La cire qui a été originairement blanche , recou- vre sa blancheur, étant exposée à la rosée: mais toutes les abeilles ne font pas la cire également blanche; ce qui dépend moins de l'insecte que de la nature des poussières des étamines qu'il va recueillir (2). On éprouve même dans les (i) Nous croyons , au contraire, que les abeilles re- cueillent la cire telle qu'elle est sur les plantes, et qu'elles ne font autre chose que la nettoyer des matières hétérogènes , et la manipuler avec leur langue , leurs dents et leurs pattes pour la fabriquer en rayons. (2) La qualité de la cire , et son plus ou moins de blancheur dépendent de la qualité des plantes. Dans notre ile, la cire qu'elles recueillent sur le thym est, SUR LES ABEILLES. LîV. V. ClIAP. I. 23 blanchisseries qu'il J a des cires qu'on ne peut rendre d'un beau blanc. » « Dans les mois d'av^l'il et de mai, les abeilles recueillent du matin au soir de la matière à cire ; mais lorsqu'il fait plus chaud , comme dans les mois de juin et juillet, c'est sur - tout le matin jusque vers les dix heures qu'elles font leur grande récolte , parce qu'alors les poussières des étamines , étant humectées par la rosée de la nuit , sont plus propres à faire corps les unes avec les autres , et à être réunies en mas- se (i). Ces poussières, ainsi réunies, qui for- sans comparaison , la meilleure et la plus blanche. La diversité des poussières des étamînes n'y entre pour rien, puisque les fleurs du thym n'ont pas de cette pous- sière , et que dans le tems qu'il fleurit on ne voit pas d'autres fleurs qui en produisent ; c'est cependant dans ce tems-là que les abeilles produisent la meilleure cire, et en plus grande quantité. (i) Dans le Levant aussi ]es abeilles cessent, lors des grandes chaleurs, d'aller faire la récolte ; et nous croyons fortement que c'est uniquement parce que cette grande chaleur les incommode. Mais lorsqu'il règne un bon vent de tramontane qui rafraîchit l'air, malgré la chaleur du soleil, elles sortent depuis le matin jusqu'au soir, sans discontinuer, et sans relâche. Biv 34 Traitécomplet ment la cire brute , difFèrent essentiellerpent de la véritable cire, qui se ramollit sous les doigts, devient flexible comme une pâte et est ductible, au lieu que Ja cire brune ne s'amollit point sous les doigts, n'y prend point de ductilité, mais s'y brise (i).» « Des expériences très-faciles démontrent que les poussières d'étamines sont les principes de la cire , mais ne sont point la cire. Si l'on met une boulette, formée de plusieurs petites pelot- tes de cire dans une cuiller d'argent sur des cbarbons allumes , au lieu de fondre comme la cire , ces pelottes conservent leur figure , se dessèchent, et se réduisent en charbons. Si l'oa fait un petit filet de ces j)clottes, en les roulant entre les doigts , et qu'on le présente à la flamme d'une bougie , il brûlera sans couler, comme un brin de bois sec et résineux. Si l'on jette la cire brute dans l'eau, on la voit tomber au fond, au lieu qu'on verra la cire surnager : tous ces ca- ractères distinctifs prouvent d'une manière in- (i) Nous verrons ci -après , que toutes ces expérien- ces prouvent clairement que la molividhe n'est pas la matière brute de la cire , avec laquelle les abeilles , après l'avoir digérée , forment la vraie ciie. SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChâP. I. 2.5 contestable l'élaboration qui se fait dans le corps de ces insectes (i). » « M. de Réaiimur,dont le moindre objet d'u- tilité attiroit l'attention , a fait plusieurs ten- tatives pour voir s'il ne seroit pas possible de tirer par art , la cire toute faite de la cire (i) En supposant que les abeilles ne forment la cire que de la molividhe , la conséquence de M. de Bomare est jusfe , puisque ces deux substances sont difFérentes. Pour que la molividhe puisse se convertir en cire , il est nécessaire qu'elle soit digérée dans l'estomac des abeilles , et c'est positivement ce que je ne crois pas. Je ferai voir , au chapitre troisième , ci-après , que 1 o- rigine de la cire est différente de celle que lui donne M. de Réaumur. M. Géer , dans ses Mémoires sur les insectes, avance que ■• suivant tous les chimistes, la " décomposition de la cire de toute manière est im- " possible à effectuer , quand même on y emploieroit " les moyens avec lesquels on décompose toutes les " pierres et les métaux , de sorte que l'estomac le plus >' fort ne peut pas la digérer , excepté la fausse teigneT» ( Quand Je parlerai de ces vers , je ferai voir que c'est une erreur de croire qu'ils mangent la cire. ) Or , sî l'estoinac des abeilles avoit la force de transfoi'mer la molividhe en cire, je ne vois pas pourquoi un autre es- tomac , également chaud , ou quelque procédé chi- mique, ne pourroit pas y parvenir. S.6 Traitécomplet brute : il se proposoit de concourir , avec les abeilles , à la fabrication de la cire ; mais ses expériences n'ont abouti qu'à lui apprendre qu'il ne nous est pas plus aisé de parvenir à faire de la vraie cire avec les étamines des fleurs , qu'il ne l'est de faire du cliyle avec les difierentes substances qui nous servent d'aliment , ou qu'il ne le seroit de faire de la soie en distillant les feuilles de mûrier. » Tout ce que j'ai rapporté de M. de Bômare^ servira pour faire connoître ce que les auteurs pensent communément , d'après M. de Réau- ^ mur, sur l'origine de la cire. Quand ensuite j'expliquerai , dans le chapitre troisième , ce que nous pensons dans l'Ile .de Syra sur cette même origine , chacun jugera ce qu'il trouvera . plus raisonnable , et suivra le sentiment qui luiparoîtra le plus simple et le plus naturel. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. II. I7 CHAPITRE II. De la direction cjue les abeilles donnent à leurs rayons dans nos ruches ; de celle qui seroit la plus utile aux propriétaires , et des moyens de la faire suivre aux abeilles. Il faut se rappeler ici ce que nous avons dit dans le second livre, de la forme de nos ruches, qui doivent être longues , rondes , et posées ho- rizontalement: cela supposé les abeilles donne- ront à leurs rayons une des trois directions que je vais expliquer. La première , la plus commode pour les pro- priétaires , lors de la vendange , est de tirer les rajons droits d'un côté de la miche à l'autre , et qu'ils soient parfaitement ronds , et du même diamètre, à peu de chose près, que celui delà ru- che. En l'ouvrant, on doit avoir devant soi un rayon parfaitement rond , quand il est fini. On voit alors facilement l'intérieur et le fond des cel- lules , les œufs que la reine y dépose , et les vers qu'ils produisent, etc. 28 T R A I T É C O M 1' L E T La seconde direction que les abeilles donnent à leurs rajons est entièrement opposée à la pre- mière. Elle prend depuis le fond de la ruche jusqu'à son ouverture. Les abeilles commencent un rayon dans le fond de la ruche, et ne le ter- minent que lorsqu'elles sont arrivées près du Couvercle antérieur. Il ne faut pas croire pour cela que les abeil- les ne commencent qu'un seul rayon, ni qu'elles le finissent avant d'en commencer un autre ; ce n'est pas ainsi qu'elles travaillent. Elles com- mencent à la fois presque autant de rayons qu'en peut contenir la largeur de la ruche, et elles les perfectionnent en commun , jusqu'à ce qu'ils soient complètement finis. On conçoit qu'il n'est pas possible alors de voir l'intérieur des alvéo- les , à moins que ce ne soit de côté , en y pra- tiquant quelque petite ouverture. La troisième direction tient le milieu entre la première et la seconde. Ses raj'ons sont tirés obliqueipent. De ces trois directions , la plus commode pour la vendange , est la première. La seconde est la })lus difficile*, celle qui est oblique n'a ni les avantages de la première, ni les incommo- dités de la seconde. On parlera de toutes ces difïérences au chapitre de la vendange. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP, II. 29 Quoique les abeilles suivent ordinairement la première direction qu'elles ont commencée, il arrive quelquefois que dans le cours de leur travail, elles en changent pour en prendre une très-irréguliëre et fort bizarre; il est alors plus difficile de les vendanger. Ce changement, se- lon nous, provient de ce que les jeunes essaims, destinés à former une nouvelle république, se regardant déjà comme un corps à part , et ima- ginant travailler pour leur propre compte, ti- rent une espèce de ligne de démarcation entre la cité maternelle et la leur. Voilà pourquoi leur travail n'est jamais dans la même direction. Cela est si vrai, que lorsque deux essaims s'établis- sent ensemble dans la même ruche et restent au moins pour quelque temps séparés, la direc- tion de leurs rayons est diamétralement op- posée. Cela se trouve aussi confirmé par une obser- vation de M. La Grenée sur les ruches de paille, en forme de cloches ; c'est-à-dire lorsqu'un es- saim qui s'y établit se sépare en deux à cause de la pluralité des reines. Dès que chacun d'eux, cantonné dans un côté de la ruche , commence à travailler, alors dit-il, pag. 128, » il est re- marquable que les rayons d'un essaim ne vont 2o TrAITIÉ COMPLET pas dans la même parallèle que ceux de son voisin. Ils forment avec eux deux angles de dif- férens degrés. On voit aussi que certains rayons forment une séparation du haut de la ruche en bas, pour empêcher la communication d'un es- saim avec l'autre. Il y a apparence que ces sor- tes de rayons se font à frais communs. « Un essaim peut se séparer en deux, et occu- per deux postes dans la ruche pour travailler séparément; on ne peut pas en douter. Nous en avons vu un à Syra s'emparer du fonds de la ruche et un autre de la partie antérieure , et faire tous les deux leurs rayons dans une direction op- posée. Rien n'est plus admirable que la paix et la tranquillité avec laquelle ils travaillent réci- proquement. On remarque même dans nos ru- ches que, comme il y a différentes entrées et sorties autour du couvercle antérieur, les abeil- les de ces essaims entrent et sortent par diffé- rens trous. Cependant , malgré cette union , quand les essaims ont pris une certaine croissance, et que les rayons commencent à se joindre , nous croyons que cette séparation ne peut plus avoir lieu, et que leur tranquillité doit être troublée: ces deux essaims sont forcés de se réunir en- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. II. Si semble , et de n'en former qu'un seul, parce que celui de devant remplissant à lui seul la partie antérieure de la ruche , il seroit difficile de concevoir comment les abeilles de l'autre pour- roieni impunément passer, au milieu de tant d'en- nemis. En effet , par tout ce que l'on remarque à cette époque dans les ruches , on doit croire que les deux essaims se sont unis , et qu'ils n'en •forment qu'un seul (i) , ou que l'un d'eux sera allé chercher une autre demeure. (i)" On voit des ruches , dit l'Encyclopédie méthodique, « pag. 319, auniot abeilles , qui ont plusieurs reines « et dans lesquelles la paix règne ; dans ce cas, les ru- " ches sont partagées en autant de divisions qu'il y a de •< reines. Chaque essaim particulier ne confond pas son. « travail avec celui d'un autre ; une cloison intermé- « dîaîre les sépare. Les gâteaux n'y sont pas rangés « dans le même sens. Je suis assuré que l'Intelligence « peut durer plusieurs années de suite dans ces ruches ; « mais ordinairement elle dure peu , à ce qu'on assure, illes. Alors, -dit-on , il y a une •< guerre sanglante entre les essaims , ou les uns et les «« autres prennent la fuite. 5» Nous n'avons à Syra au- cun exemple de cette désertion totale de ruches pour une pareille cause. 3a Traité COMPLET Revenons à la direction de nos" rayons; et puisque nous avons dit que la première direc- tion est la plus commode pour les propriétaires dans le temps de la récolte, il faut voir s'il y a quelque moyen pour engager les abeilles à la donner à leurs rayons : voici celi^i que nous em- ployons; il est très simple et très-facile. On prend un morceau de bois ou de roseau , de la longueur du diamètre de la ruche; on le fend de la manière prescrite à la Planche II, figure 4; c'est-à-dire en espèce de fourche à deux dents, qui ont environ 5 pouces de long. On tire de quelque ruche un morceau de rayon de 738 pouces de large, sur 5 ou 6 de haut, et on le pose entre les dents de cette fourche, en l'arrondissant dans sa partie supérieure , comme on le voit dans ladite figure. On place dans la ruche ce morceau de rayon avec la pe- tite fourche, de manière que la fourche soit bien assujettie et resserrée entre la partiesupérieure et la partie inférieure de la ruche : on comprend que la fourche doit tenir fortement à la ruche, en- proportion du poids du rayon qu'il faut soute- nir dioit. Pour assurer le rayon et la fourche, on doit mettre au-dessous de celle-ci une petite cale qui étant SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. II. 33 étant ôtée, facilitera le moyen de la retirer, après que les abeilles auront attaché le mor- ceau de rayon à la partie supérieure de la ru- che. Le propriétaire pourra voir alors de quelle manière il aime mieux que les abeilles placent leurs rayons, et il dirigera en conséquence celui qui est dans la fourche. S'il veut leur donner la première direction, que nous croyons la meil- leure, il disposera dans cette direction , le rayon appliqué sur la fourche, et il l'enfoncera Jus- qu'à ce qu'il touche ceux qui sont dans ]a ru- che. La première chose que feront les abeilles, sera d'attacher ce rayon au haut de la ruche; et pour qu'elles puissent le faire plus commo- dément et plus solidement, nous avons observé qu'il falloit que le bout des deux dents de la fourche excédât le ravon d'un pouce. On mé- nage ainsi à |nos insectes ce petit espace pour travailler et attacher leur ravon à la ruche. Après cette opération, les abeilles abandon- nent leur direction ancienne , et suivent exac- tement celle que nous voulons leur donner, parce qu'elles constiuisenl ordinairement leurs rayons pareils les' uns aux autres. 11 faut faire attention que si dans le luiut de Tome m. G 34 Traité complet la ruche , il se trouvoit des vestiges de quelques anciens rayons qu'on auroit taillés, on dott les gratter radicalement, pour que les abeilles ne prennent pas une direction contraire à celle que nous cherchons à leur faire prendre. Cette opération de donner une direction au rayon, p^t se faire en trois temps diffcrens. 1°. Lorsqu'on place un essaim dans une ru- che. On peut y mettre, comme on l'a dit, un morceau de rayon , pour donner aux autres la direction que l'on désire, avant que les abeilles aient commencé leur travail ; et c'est le moment le plus propre et le plus sur pour les engager à donner à leurs ravons cette direction. On doit établir la fourche et le rayon avant dy mettre l'essaim. 5i°.0n peut faire encore cette opération, f[uand les abeilles commencent à travailler et à diriger leurs rayons en sens contraire. 3°. Enfin, on peut aussi la faire après que l'on a vendangé la ruche , en ayant soin , comme nous l'avons remarqué, de bien gratter tous les vestiges de l'ancienne direction des rayons. Rien n'est si facile , par la disposition des ru- ches, qne j'ai proposées pour l'usage des culti- VatejLU's eu France. Supposons qu'une moitié des SUR LES ABEILLES. LiV. V. CHAr. IL S5 rayons d'une de nos ruches soit dirigée , comme nous le désirons, et quf l'autre moitié ait une direction contraire ; alors on vendangera les ru- elles du côté des rayons de la direction con- traire , et on les retirera tous , jusqu'à l'en- droit où ils commencent à avoir la bonne direc- tion ; on grattera bien tontes les attaches , et on y appliquera une ou deux fourches avec des morceaux de rayon, parallèlement aux autres ^qul sont clans la direction désirée , et dans la même année elles travailleront sur cette direc- tion. Cette méthode de placer un ou deux mor- ceaux de rayon dans une rudie est très- utile, non-seulement dans la circonstance que Je viens d'exposer, mais encore dans d'autres occasions; quand on veut mettre , par exemple , quelques morceaux de rajons avec du miel ou même avec du couvain , dans une ruche, où l'on a introduit un petit essaim , pour l'engager à y rester plus facilement, et à s'y établir^ ou lors- qu'on veut faire des essaims artificiels, suivant la méthode que j'ai décrite ailleurs , et que j'ai pratiquée moi-même, en dressant un morceau de rayon sur lequel on met une reine ; ou enfin en ^ plaçant un morceau de rayon , qu Cij 26 T II A I T É C O M P r. E T contienne quelques cellules royales, d'où il ne tarde pas à sortir quelques reines. Voyez le quatrième livre , chapitre i5. On peut placer encore des rayons remplis de couvain dans des ruches fbibles, pour les forti- fier et pour ne pas perdre les petites abeilles, sur-tout quand les rayons ne sont ni trop grands ni trop pesans. En paieil cas, on peut parta- ger le rayon en deux parties, et les dresser à part dans la ruche. Dans le chapitre où l'on par- lera de la récolte ou taille des ruches, on rap- portera à ce sujet quelques autres particularités. Pour faciliter l'opération de changer la direc" lion des rayons, et. procurer aux ruches foibles quelques rayons avec du couvain , j'ai inventé un machine qui m'a paru bien plus propre à remplir cet objet que la fourche de bois ou de roseau, que nous avons décrite. J'en avois d'abord imaginé une simple, telle que je l'ai fait graver, Planche II du second vo- lume; je l'ai ensuite perfectionnée et triplée, au point de pouvoir mettre en même temps trois rayons sur la même direction. On la trouvera gravée. Planche IV, à la fin de ce volume. Pour mieux l'entendre , et connoître tous les avantages que l'on peut en retirer dans le gou- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChâP. III. Sj vcrnement de nos ruches, on peut lire le détail que j'en ai donné à la fin du second volume. CHAPITRE III., De la cire à laquelle on attribue une ori- gine j)lus simple et plus naturelle que eelle cpion a adoptée ju sept ici. Après avoir traité de la construction des rayons , il convient de parler de lamatiëre dont les abeilles composent ces mêmes rayons , c'est- à-dire de la cire. Presque tous les auteurs modernes que j'ai lus s'accordent à rej^arder comme une chose certaine et démontrée, que la cire se forme de cette matière que nous appelons niolividhe , en italien /7^/7C délie api y et en François, r/re bnue^ ou matière de cire. Ces auteurs croient que les abeilles mangent ime quantité étonnante de cette même matière, dont la plus grande partie se convertit en excré- mens , et que ce n'est qu'une très-foible portion, qui digérée dans l'estomac des abeilles , se trans- forme en cire parfaite , c'est-à-dire en une pâte C iij I 28 Traité complet blanche, (jiii sort de leur bouclic , en forme d'écume , et avec laquelle elles construisent leurs rayons de cire. J'avoue franchement que , d'après la persua- sion où nous sommes dans l'Arcliipel que cette cire brute, c'est-à-dire lamolividhe, ne sert qu'à la nourriture des abeilles et à celle de leur cou- vain , et que la cire et la propolis sont deux subs- tances différentes que les abeilles recueillent sé- parément de plusieurs plantes; j'avoue, dis-je, Cjued'aprës cettepersuasion, j'ai étéon nepeut pas plus étonné que des personnes instruites aient pu embrasser une pareille opinion sur l'origine de la cire. Peut-être nous trompons-nous; mais les preu- veset les expériences sur lesquelles nous sommes fondés, m'ont toujours paru si évidentes que je ne saurois les abandonner. Je vais donc les expo- ser, et si les connoisseurs les trouvent claires et concluantes, je serai charmé d'avoir désabusé le public de son erreur; ou si l'on me prouve que je suis xnoi-méme dans l'erreur, on me tiouvera toujours prêt à en faire l'aveu, et si je puis , à la rectifier. Il est certain que plusieurs espèces de mou- ches, et sur- tout les mouches maçonnes, ra- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. III. 2ç massent lamolividlie comme les abeilles, et en chargent leui^ pattes. Cependant aucmie d'elles ne produit de la vraie cire , cette matière qu'elles ramassent sur les étamines des Heurs ne leur seiTant que pour leur nourriture. Il est donc très- probal)le aussi que nos ruches ne se servent de la molividhe , que pour leur nourriture et celle de leur couvain. On peut objecter que quoique les autres abeil- les ne puissent produire de la vraie cire , par le mojen de la molividhe, ce n'est pas une rai- son pour que les mouches à miel ne puissent pas le faire : cela n'est sansdoute pas impossible; mais ce que nous rapporterons pour faire voir la véritable origine de la cire, et l'analogie qu'on peut observer entre nos insectes et les autres mouches qui ramassent de la molividhe, autorisent à croire que cette matière ne sert à nos insectes, ainsi qu'aux autres mouches, cjne pour leur nourriture. On sait que les abeilles recueillent dans les campagnes , et rapportent [dans leurs ruches , 1°. de la cire dont elles forment leurs (pilules ; i°. du miel qui sert pour leur nourriture et celle de leur couvain ; 3°. delà molividhe pour le même usage; 4°, de l'eau pour se désaltérer, C iv 40 Traité complet jèX préparer avec le miel et lamoliviclhe la nour- riture de leurs vers et de leurs nymphes; 5'\ la propolis pour attacher leurs rayons , et pour boucher les trous qui pourront s'y trouver. Elles apportent le miel et l'eau dans leur ves- sie. Quant à la cire , la propolis et lamolividhe, elles les chargent ordinairement sur leurs pattes de derrière , en forme de petites bou- lettes. Si Ton y fait attention , on verra qfl'il j a une différence marquée entre ces sortes de boulet- tes (i) : celles de la molividhe sont plus grandes , plus unies, de difTerentes couleurs, mais le plus souvent jaunes; celles de la propolis et de la cire sont plus petites, et moins lisses: il y a de plus cette différence que In matière de la propolis est brune, et celle de la vraie cii-e d'un blanc, tirant sur le jaune. (i) Aristote a bien reconnu lui-même ces différenles «liarges de la cire et de ];i molividlie que les abeilles portent également sur leurs pattes. Lib.ç , JiistAnim. C^ 3 pag. 7 7 08, Est et aliits apibus ci bus , quem çeriii- tJnim vocant ; genuit hoc crurfî)us , qnemadmodwn el seram. SUR LES ABEILLES. LiV Y. CbAP. IIF. 4Ï M. Duchet lui-même confirme cette dlfîo- rencesans la connoître : il dit, pag. i98,qu'ayanr examiné avec soin un essaim pendant les cinq premiers jours qu'il avoit été placé dans la ruche, il s'étoit assuré, autant que le permet- toit le flux et reflux continuel des abeilles , que de quarante ou cinquante qui entroient, à peine s'en trouYoit-il une seule qui eût sa charge en farine, charge qui même étoit très- modique. On doit faire attention à cette expression irts- modique : ce sont les charges de la vraie cire, qui , comme nous le dirons , sont autrement disposées que celles de la molividhe , et au moins d'un quart de volume plus petites. Mais nous entrerons dans un plus ample détail, lors- que nous discuterons l'opinion de cet auteur sur l'origine de la cire. Toutes les expériences de M. Réaumur, ci- tées par M. de Bomare, ne prouvent rien con- tre mon assertion. Je crois même qu'elles la fa- vorisent : car si dans toutes ces expériences , on na pu tirer de la vraie cire de ces boules, c'est parce qu'on n'en a recueilli que de moli- vidhe ; mais si les amateurs veulent se donner la })eine de distinguer , par les caractères que j'indique, les boulettes qui servent à la cons- 4^ T R A rr É C O M P L E T truction des gâteaux , ils parviendront faci- lement à connoître que ces dernières contien- nent de la vraie matière à cire, et ils en dis- tingueront le vrai caractère , avant même qu'elle ait pu être travaillée par les abeilles, et em- ployée à la construction de leurs rayons. Je dis que les expériences de M. de Réaumur favorisent no- tre opinion, parce que si dans les poussières des étamines des fleurs , c'est-à-dire dans la molivi- dhc , il ne se trouve aucun principe de cire , il faut dire et croire que la cri^e ne pix>vient abso- lument point de ces poussières , mais qu'elle a «ne autre origine. Examinons à présent les faits et les expérien- ces, sur lesquels se fonde notre opinion con- cernant Forigine de la cire, qu'elle est recueil- lie par les abeilles sur les diH'érentes fleurs et plantes aromatiques, et qu'elles la transportent dans leurs pattes à la ruche. Nous avons déjà dit qu'il y a dans notre île deux difléi-enfes époques où elles travaillent avec chaleur à leurs rayons , au printemps dans les mois de mars, avril et mai , et en été vers la fin de juin , juillet et août. Entre ces deux saisons , il y a une espèce de repos d'environ trois à quatre semaines, où les abeilles ne tra- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IIÎ. ^3 vaillent pas à former de nouveaux rayons, faute de matériaux. Au printemps, où les campagnes fournissent beaucoup deileurs, elles rapportent à la ruche une quantité incroyable de cette moli- vidhe que nous avons décrite ; en été, au con- traire, où les campagnes et les montagnes ne fournissent presque d'autre plante que le thym , on ne les voit guère porter de molividhe à la rnche ; mais elles sont chargées de cette ma- tière blanchâtre, irrégulière et raboteuse que nous crojons être la véritable cire. Malgié une différence aussi marquée , nos insectes bâtissent ordinairement un plus grand nombre de rayons pendant la fleuraison du thym, que dans toute au- tre saison; et ce qui est beaucoup plus fort , il y a quantité de nos ruches, qui, au printemps ne forment aucun ravon nouveau : elles ne s'oc- cupent qu'à augmenter leur population, ce qui prouve que la molividhe ne leur sert que pour élever J[eur couvain. Ce n'est que lorsque le thym fleurit , qu'elles travaillent à toute force aux rayons; or si la molividlie étoit la vérita- ble matière à cire , les abeilles devroient pro- duire plus de rayons au printemps , que dans toute autre saison. 44 Traité complet Il y à même de petits essaims, et des riiclies foî- bles, qui passent des années entières, sur-tout les mauvaises, sans construire de gâteaux nouveaux, quoique les anciens soient remplis de molividiie ou poussières des éiamines. Dans notre île, elles portent dans la ruche une grande quantité de molividhe , dès les premiers jours du mois de février, temps où elles commencent à peu près leurs couvées, et cependant elles n'entre- prennent ordinairement à former les nouveaux rayons que vers la mi-mars. Or si la molividhe étoit la matière preraièie de la cire, aussi-tôt que les abeilles en auroient une certaine quan- tité, elles devroient commencer à fabriquer de nouveaux rayons. De plus, tous les jours on observe, au prin- temps, des ruches qui commencent à travailler avec beaucoup d'activité à des rayons nouveaux, et qui dérangées ensuite par les mauvais temps dont la durée embrasse quelquefois des semaines en- tières et empêchent les abeilles d'aller à la pi- corée, cessent tout-à-fait leur travail. Cepen- dant il est certain que presque toutes ces ru- ches sont fournies de quantité de molividhe ou poussicrcs.Orsi ces poussières digérées formoient SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChaP III. 45 iacirc, pourquoi les abeilles n'en mangent-elles pas pour se procurer de la matière à perfection- ner leurs rayons commencés ? Dira-t-on que c'est pour ménager leurs provisions? Cette réponse pourroft» être jusqu'à un certain point satisCai- santc pour tout autre saison; mais pour le com- mencement du printemps , où nos insectes con- noissent par instinct que la campagne doit fournir abondamment à leur travail et à leur pro- vision , c'est avoir envie de se faire illusion , et être ingénieux à se tromper soi-même, que d'admettre une pareille raison. J'ajouterai que si les poussières des étamines digérées, et préparées dans l'estomac des abeil- les, deviennent la vraie cire, on ne peut expli- quer d'une manière satisfaisante toute cette quantité immense de poussières que les abeil- les transportent dans leurs rayons, hors le temps même de la bâtisse. Prétendre qu'elles l'avalent, qu'elles la transforment en cire , et que lors- qu'elles n'en ont pas besoin, elles la digèrent, et la font sortir par les excrémens , outre que cette conjecture est arbitraire, elle s'oppose au sentiment de tous les chimistes, qui, selon M. Géer, prétendent que la cire ne peut être digéré* 46 Traité complet par aucun estomac (i), ni même décomposée par aucun moyen. Quelqu'un objectera peut-être que si la cire ne sortoit pas de l'estomac des abeilles, molle et en forme d écume blanche , on ne «pourroit pas expliquer comment elles peuvent faire, avec le seul secours de leur langue , de leurs dents et de leurs pattes , un travail aussi par- fait que leurs rayons. Cette difficulté n'a aucune force : nous avons des épreuves fondées sur des expériences jour- nalières et incontestables, que les abeilles, avec de la cire ramassée dans la ruche et manipulée avec leurs dents, fabriquent de petits rayons, presque aussi raffinés que ceux qu'elles construi- sent avec de la cire vierge recueillie sur les plantes. Il arrive souvent qu'après la vendange des ruches , les abeilles détachent des parcelles de cire dispersées çà et là , ou qui sont attachées dans la partie supérieure, et qu'avec ces par- celles eilcs forment deux ou trois languettes de (i) M. Géer dit, qu'entre tous les animaux, il n'y a que la fausse teigne (Jui mange et qui dévore la cire. Quand je parlerai de cet insecte, je ferai voir que cette opinion est fausse. SUR LES ABEILLES, LlV. V. ChAP. III. 47 nouveaux rayons ; que ces languettes sont for- mées de Ja cire recueillie dans la ruche même, et non dans la campagne : c'est un fait constaté par leur couleur brune , couleur trës-dihférente de celle des nouveaux rayons qui se fabriquent avec la cire vierge recueillie immédiatement sur les fleurs. Mais voici des faits qui prouvent encore plus positivement ce qu'on vient d^avan- cer. Il m'est arrivé souvent, après la récolte de mes ruches , de voir une quantité immense deguêpes, qui attirées par l'odeur du miel vol- tigeoient tout autour. Craignant qu'elles ne les tourmentassent , le soir je fermais les ruches , de façon qu'il passât assez d'air pour ne pas les incommoder , mais sans laisser d'ouverture par où les mouches pussent sortir : quel- ques jours après, je trouvois qu'elles y avoient formé de nouvelles languettes de rayons , moins déliés et moins blancs que ceux qu'elles font avec de la cire vierge , ramassée sur les fleurs. J'ai donc la certitude que ces rayons ne pou- voient avoir été faits qu'avec des morceaux de cire qu'elles avoient trouvés dans la ruche, et pétris et manipulés avec les dents , et non avec de la cire recueillie dans la campagne , puis- 48 Traité complet que pendant ces deux jours il u'étoit pas sorti \une seule abeille. Il arrive encore souvent qu'en hiver , temps auquel elles ne peuvent j)as trouver de pâtu- rage , lorsque nous mettons un morceau de rayon à nos ruclies foibics ou anciennes, dont les rayons sont presque noirs , les abeilles sont dans l'usage de l'attacher à la ruche , ou aux rayons mêmes, selon sa position. Ce travail est l'ait avec de la cire qu'elles ont grattée , ou de leurs rayons , ou de celui même que nous leur avons donné : la preuve en est que ce travail est tout-à-fait de la même couleur. De plus, on voit continuellement les abeil- les, dans nos ruches de terre cuite , ramasser les rognures ou les parcelles de cire qui tom- l)cnt de leur travail, et avec ces rognures for- mer des languettes de dilîërentes figures dans le bas et dans les côtés des ruches. Nous croyons que les abeilles construisent ces languettes , pour ne pas perdre ces rognures, dont elles destinent la cire à quelque travail utile. On dira peut-être que ces faits ne prouvent pas que les abeilles fassent tous ces travaux avec de la cire qu'elles aient elles-mêmes ma- nipulée avec leurs dents , leur langue et leurs pattes SUR LES ABEILLES. LlV. V. Chap. IIÏ. 49 pattes. Il est bien clair que les abeilles retirent de Ja ruche même Ja cire pour ces petits travaux. Il se pourroit aussi qu'elles avalassent toutes ces rognures, et qu'ensuite elles les rendissent sous la forme d'une pâte ou d'une écume, après qu'elles les auroient digérées dans leur estomac; mais cette hypothèse ne pourroit pas se soute- nir , et n'auroit aucune force contre notre opi- nion, parce que si, pour travailler ces frag*- mens, les abeilles dévoient les avaler et les pu- rifier dans leur estomac, il est certain que la cire qu'elles dégorgent devroit être d'une cou- leur plus blanche, plus claire et plus naturelle que celle qu'elles donnent à ces petits ravons; d'autant plus qu'en mettant ces petits morceaux de cire presque noire dans de l'eau bouillante, et en les faisant fondre , la cire qu'on en re- tire est de couleur aussi jaune que la cire or- dinaire. Or, si la seule chaleur de l'eau a assez de vertu pour purifier ces languettes de cire, et pour leur rendre leur couleur naturelle, l'estomac des abeillesdoit avoir , à plus forte rai- son , cette même vertu pour purifier la cire qui y auroit passé. En effet, c'cdt une consé- quence très-naturelle, que si l'estomac des abeil- les a assez de chaleur et de vertu pr)ur conver- Tome III D 5o Traité complet tir la substance de la molividhe en substance de cire, bien certainement ce même estomac , si Jes abeilles avaloient les rognures en question, avant de les employer à la construction des rayons , devroit avoir assez de force et de vertu pour les purifier et pour leur rendre leur couleur naturelle ; ce qu'on ne voit pourtant pas, ainsi que nous l'avons observé. Ne voyant donc aucune différence de couleur entre les petites languettes de rayon qu'elles font dans cette circonstance, et entre les frag- mens de cire dont elles les composent, il faut nécessairement en conclure que les abeilles n'ont aucun besoin d'avaler ces rognures ou parcel- les de cire pour les amollir et pour les ren- dre maniables , et que leurs dents , leur lan- gue et leurs pattes sont suffisantes pour ce tra- vail. La difficulté qu'on nous oppose, que si la cire ne sortoit pas de l'estomac des abeilles, molle comme de la pâte, on ne pourroit pas expliquer' comment elles réussiroient à faire un travail aussi raffiné et aussi délicat, est peu fon- dée et tout-à-fait nulle. Il est vrai que le travail exécuté avec la cire qu'elles rapportent de la campagne, est plus SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. III. 5l fin et plus délicat que celui qu'elles font avec la cire grattée des autres ra^^ons. La raison ea est que celle qu'elles ont butinée immédiate- ment sur les fleurs , doit être plus pure, et par conséquent plus maniable que celle qu'elles ont retirée des anciens rayons, qui ont tout au moins l'inconvénient d'être ternis des vapeurs de toute espèce que l'intérieur de la ruche ex- hale continuellement. Disons donc que les abeilles recueillent la cire , de même que la propolis , sur les plantes aromatiques, telle qu'elle est ; qu'elles la por- tent dans la ruche, et qu'elles l'emploient, sans y faire autre chose que de la purifier avec leur langue, leurs dents et leurs pattes, afin de la rendre propre à former leurs rayons. Si on me demande d'où les abeilles tirent la cire , je ne puis que rapporter deux observa- tions que nous faisons habituellement au Le- vant sur ce sujet. La première , c'est que dans la saison du thym , quand l'année paroît devoir être bonne pour la récolte du miel , nous voyons les abeil- les parcourir les boutons de cette plante, lorS" qu'ils sont prêts à fleurir. Il faut se rappeler la description que j'ai donnée ailleurs de notre Dij 52 Traitécomplet thjTn, dont la fleur forme une petite tête de la grosseur d'un gros pois , composée de plusieurs petites fleurs , en forme de calices dont le fond est rempli de miel. Les abeilles parcourent ces tê- tes de thym , ramassent une bonne quantité de cire , et travaillent à créer de nouveaux rayons, avant de pouvoir retirer du miel du fond des fleurs, dont les boutons ne sont pas encore ou- verts: les abeilles ramassent certainement toute cette cire de dessus ces boutons du tliym qui ne sont pas encore ouverts. En effet, on voit sur ces boutons, à la seule inspection de l'œil , et bien plus clairement avec un micioscope, des suinte- mens qui sortent des pores de ces plantes, et qui peuvent très-bien être la matière qui forme la matière de la vraie cire. L'autre observation que j'ai faite sur le même sujet, c'est que souvent nous voyons les abeil- les recueillir sur des figuiers une certaine ma- tière que nous jugeons être de la vraie cire, d'après les raisons suivantes : quelquefois ces figuiers sont sujets dans l'Archipel à une maladie que nous appelons la rogne; elle attaque les petites branches de l'arbre, ses feuilles, et quelquefois même ses fruits-. Cette rogne ressemble à au- tant de boutons de petite vérole qui forment SUR LES ABEILLES. LlV. V. ClIAP. III 53 tous ensemble une espèce de croûte sur la ])ar- tie attaquée; et ce qu'il y a de merveiUeuk, ces boutons sont distingués les uns des autres, quoique formant un corps : il semble même que ce sont des êtres vivans , et qu'ils prennent une certaine croissance. Si on les presse entre le doigt et la biancbe, il en sort comme une espèce de sang et de pourriture. Ce n'est sané douté qu'une trop grande abondance de lait et de sève (i). Autour de ces boutons, entre leur bord et la branche, on voit quantité de petits grains d'une couleur tirant sur le blanc et le jaune, que les abeilles recueillent avec avidité, et dont elles chargent leurs pieds delà même ma- nière que nous avons dit quelles les chargeoient de vraie cire et de propolis; c'est ce. qui nous fait croire que cette matière n'est autre chose que de la cire. Après tout ce que j'ai exposé pour ])rouver notre opinion sur Torigine de la cire , je jap- porterai ce que je viens de lire dans l'encvclo- (i) Pour prévenir cette maladie nous donnons Àe» coups de couteau sur Icsécorces des brandies du /igiiîcr, comme si on les hachoit, sans entamer le bois , pour Je;ir faire dégorger une partie de son lait et de sa sève. D iii 54 Traité complet pédie méthodique , au mot Abeille j et j'y ajou- terai mes observations. «La matière de la cire proprement dite , est «< contenue dans les anthères des fleurs , si l'on * en croit des observations exactes. M. Bernard « de Jussieu , homme d'un mérite qui ne s'en « laissoit pas aisément imposer , l'assure d'après M des expériences particulières. Les grains des «poussières des étamines , qu'il mettoit dans «l'eau, s'y gonfloient jusqu'à crever. Au mo- « ment où un de ces grains crevoit , il en sor- te toit un petit jet d'une liqueur onctueuse et « huileuse, qui surnageoit sur l'eau sans jamais « s'y mêler. J'ai répété cette expérience bien des «c fois et avec le même succès ; mais je ne crois « pas que cela suffise pour avancer que la ma^ « tière qui est destinée par la nature pour la « production des individus, soit celle qui serve « à la formation de la cire, quoiqu'elle en con- « Cependant il n'y a presque aucune province dans le royaume où l'on ne puisse multiplier les abeilles avec avantage. Ce n'est pas la ma- tière à cire q'ii manque , mais des ouvrières 6a. Traité COMPLET pour la recueillir et la mettre en œuvre. Quels reorels n'auroit-on pas , si dans un pays rem- pli des coteaux les mieux exposés, et couverts de vignes chargées de raisins propres à don- ner le meilleur vin , on étoit obligé , faute de vendangeurs , de les laisser pourrir sur les ceps , ou si l'on n'avoit d'ouvriers que pour Faire la récolte de ceux de quelques petits clos?» «On n'y fait point attention, et l'on sait que la quantité de fleurs qui couvrent la campa- gne est immense ; que ces fleurs ont de la cire et du miel qui surpasseroient prodigieuse- ment tous les besoins du royaume , mais que cet avantage est perdu , parce que le genre d'é- conomie qui fait la vraie richesse est négligé parmi nous , et que nous dédaignons de don- ner nos soins à la culture de l'industrieuse abeille, que la nature a chargée seule du soin de fournir aux hommes et la cire et le miel : on le sait , le remède est dans nos mains, et ce- pendant on ne voit toujours que peu de ruches dans des cantons où les abeilles produiroient considérablement. A qui s'en prendre , si ce n'est au peu d'encouragement qu'on leur a donné , et à la mauvaise façon dont on les a conduites jusqu'à présent ? Le peu de profit i SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IV. 63 qu*on en retire , les accidens multipliés qui les font périr et qui réduisent encore ce profit , la difficulté ou l'ignorance de les soigner et de les vendanger , ont dégoûté la plus grande partie des propriétaires de s'occuper de cette culture, « La coutume barbare de faire périr les abeilles pour arracher leurs provisions , en a arrêté la multiplication. Comment ne seroient-elles pas rares, quand d'un côté on en élève très -peu , et que de Tautre on en détruit tous les ans la majeure partie? La véritable cause de la rareté de la cire et de la bougie dans le royaume n'est donc pas difficile à trouver. » On peut voir, au premier livre, ce qu'on a dit sur cette décadence des abeilles en France, et sur l'usage non moins funeste que barbare de les faire périr pour leur enlever leurs pro- visions. Quant aux différentes qualités de la cire , voici ce qu'en dit M. Ducarne : « il y a quel- quefois beaucoup de différence entre les cires faites par diverses abeilles en différentes con- trées , et dans differens climats. Cette diffé- rence consiste principalement , en ce que les unes sont plus difficiles à blanchir que les au- tres. On ne peut parvenir à donner un beau 64 Traitécomplet blanc à la cire d'un certain pays ; et dans ce même pays la cire qu'on tire de quelques ru- ches ne peut jamais prendre toute la blancheur (ju'on parvient à donnep à celle des autres ru- ches. A la blanchisserie d'Yévre-la-ville , on préfère la cire de Sologne à celle du Gâtinois ; mais on rci^arde la cire de la forêt de Fontai- nebleau comme bien inférieure à cette dernière. On' assure qu'elle ne devient jamais bien blan- che. Mais ce qui fait le plus de tort à la cire, c'est la moisissure dans les anciennes ruches, parce qvic l'humidité y pénètre facilement , sur- tout quand les vents et les orages fouettent violemment la pluie contre les ruches. Cette humidité s'imbibe dans la paille, y séjourne et perce la ruche en peu de temps j elle gâte et corrompt tout l'ouvrage des abeilles, les dé- goûte elles-mêmes, et les force enfin à aban- donner le terrain. Ce malheur n'est que trop commun dans les vieilles ruches , et quel- ques précautions qu'on prenne , on ne réussit que rarement à le prévenir. II est encore plus difficile d'y remédier , laise , et ]'on fait fondre peu-à-pcu la rii>iire de cire; il reste un creux bien exact , dans lequel on coule le métal pour en faire la statue. On ne parlera pas ici , poujsuit M. Pingeron , de la fameuse découverte de la peinture en cire ou encaustique , faite , de nos jours , par le cé- lèbre Comte de Caylus. Ceux qui désirent s'en instruire , peuvent consulter le dix - septième volume des îviémoires de l'Académie des Ins- criptions et Belles-lettres , et le mémoire que M. le Comte de Cajlus et M. IMajauIt , Doc- teur de la faculté de Paris , ont fait imprimer en 17Ô0. On remarquera seulement , que la lecture réfléchie de Pline en avoit fait naître fidée à l'inventeur. Conm:ie ce genre de peinture est terne , et demande beaucoup de temps et de préparations , il y a gjrande apparence qu'il re- tombera bientôt dans l'oubli dont on l'avoit tiré. Il n'a que le seul avantage de n'avoir pas le luisant de la peinture à l'huile : on peut voir un tableau encaustique sous tous les diHërcns points de vue, de mêmec^ue la détrempe.» A iv 7^ Traité complet CHAPITRE V. De tarhrc de cire cjiii croît à la Louisiane et dans la Caroline • J_iF, lecteur ne peut que nous savoir gré de rap- porter ici ce cjue dit M. de Bomare , dans son Dictionnaire, de cette espèce d'arbre dont le fru.t produit une cire de si bonne qualité, que l'on en fait d'excellentes bougies ; voici comme il s'exprime. « Cet arbre est une espèce de gale , connu FOUS le nom de mjrica , et qui n'est pas l'es- pèce appelée piment rojal. C'est un arbrisseau aquatique dont les uns portent les fruits, les autres les fleurs fécondantes : il y en a deux espèces très-curieuses. L'une croît à la Loui- siane, où on l'appelle arbre de cire } et l'autre espèce, plus petite, croît à la Caroline, et est connue sous le même nom. L'arbre de cire s'élève à la hauteur de nos petits cerisiers ; il a le port du myrte, et ses rçuillcs ont aussi à-peu-près la même odeur. SUR LES ABEILLÏÏS. LiV. V. ChAP. V. j3 Ces arbres ont été ainsi nommés , parce que leurs baies qui sont de la grosseur d'un grain de coriandre et d'un gris cendré , contiennent des no\aux qui sont couverts d'une espèce de cire, ou plutôt d'une espèce de résine , qui a quelque rapport avec la cire. Les Labitans de ces pays retirent de ces baies, en les faisant bouillir dans de l'eau, une espèce de cire verte qui surnage, et dont on peut faire des bougies. Une livre de graine produit deux onces de cire : un homme peut aisément en cueillir quinze livres en un jour. Ils sont par- venus depuis quelque temps à avoir cette cire assez blanche, ou du moins jaunâtre. Pour cela, ils mettent les baies dans des chaudières, et ils versent dessus de l'eau bouillante , qu'ils reçoi- vent dans des baquets, après avoir laissé fondre la cire pendant quelques minutes. Quand l'eau est refroidie , on trouve dessus une cire rési- neuse, qui est jaunâtre; mais la résine qui sur- nage ensuite, en répétant l'opération, est plus verte. Cette cire résineuse est sèche ; elle a une odeur douce et aromatique assez agréable : on la réduit aisément en poudre graine. Mêlée avec un peu de cire, ou de suif, elle prend 74 T R A I T É C O M P L E T un peu plus de corps et de blancheur sur le pré , mais toujours moins que la vraie cire. L'eau qui a servi à faire fondre cette cire, est astringente. On prétend qu'en faisant fon- dre du suif dans cette eau , il acquiert pres- qu'aïuant de consistance que la cire. Plusieurs personnes de la Louisiane ont appris , par les esclaves sauvages de la Caroline , qu'on n'y brûloit point d'autre bougie que celle qui se fait de la cire dont il est question. Un arbrisseau bien chargé de fruit peut avoir, en six livres de graine et une livre de fruit, quatre onces de cire. Quand on a enlevé la cire de dessus les fruits, on aperçoit sur leur surface une couche d'une ihalicre qui a la couleur de la laque : l'eau chaude ne la (Hssout point , mais l'esprit de vin en tire une teinture. Cet arbrisseau est encore tro]) raie en France pour qu'on ait })u en reconnoltre d'autre usage que ceux que l'on a ajipiis des habitans de la Louisiane. M. Duhamel , dont les travaux et lès vues tendent toujours à l'utilité, propose d'essayer à naturaliser cet arbre, qui pourroit nous[)rocurer de grands avanlagcs.il faudroit, dit-il , prendre de bonnes graines des deux espè- yUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. V. 76 CCS d'arbres dont nous venons de parler, les semer dans des terrines ou caisses, afin de les enfermer dans les orangeries jusqu'à ce que les tiges fussent un peu grosses , car ces jeunes arbres craignent nos grands hivers : on pourroit alors les mettre en pleine terre dans un lieu humide , avec la précaution de les couvrir d'un peu de litière. Lorsqu'ils auroient passé quelques années , il y auroit lieu d'espérer qu'ils subsisteroient. M. Duhamel en a vu en Angle- terre et à Trianon, qui étoient chargés de fleurs et de fruits. Toutes les observations s'accordent à confir- mer son sentiment. L'espèce du Canada est , dit-on , la même que celle qui nous vient de la Louisiane ; ce qui n'est pas surprenant, car il y a des espèces de plantes qu'on trouve dans des pays chauds , et dans la partie froide de la zone tempérée ; telle est, dit cet académicien, l'épine blanche, et une espèce de piment royal, dont je n'avois point parlé; arbuste très - odo- rant qui se trouve en Espagne , en Canada , en France , en Portugal et en Suède : on l'appelle même gale du nord. Pris en infusion, il enivre et entête violemment. Beaucoup de plantes se naturalisent dans les endroits oii on les culti- j6 Traitécomplet ve , snr-toiU lorsqu'elles ont été amenées à la tcmpéiatnre du climat par degrés insensi- bles; ce qui l'ait penser à M. Duhamel, que les ciriers, (j ii proviendroient de graines élevées dans ces pêus, scroient moins tendres à la ge- lée que ceux qui viennent des semences que Ton a envoyées de la Louisiane. Suivant les voja- ^eurs, on trouve les ciriers à l'ombre des au- tjes arbres: on en voit cjui sont exposés au so- leil , d'aulres dans des lieux aquatiques , d'au- tres dans les tenains secs; enfin on en trouve Indilîéremmcnt dans les pays chauds et les pays froids ; observations qui toutes , comme nous l'avons dit , confirment le sentiment de ce savant académicien. Il croît aussi en Chine une espèce d'arbre de rire, mais qui est très- rare; on Vy nomme pe- la-chii. Sur les feuilles de cet arbre s'attachent de petits vers , qui y laissent des rayons de cire bien plus petits que ceux des abeilles. Cette cire est très -dure, très- luisante , mais écail- leuse, et coûte beaucoup })lus que la cire or- dinaire. Suivant une lettre du P. Yncarville, écrite de la Clunc à AT. GeofTroy , on retire la cire blanche des vers mêmes. On trouve , dit - il , SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. V. 'JJ dans une province de cet empire , de petits vers qui se nourrissent sur un arbre. On les ramasse, on les fait bouillir dans l'eau , et ils rendent une espèce de graisse qui, étant figée, est la cire blanche de la Chine. » Je me félicite d'autant plus d'avoir rapporté ce détail , que les objets utiles faits pour tour- ner à l'avantage de l'hunianité , ne peuvent ja- mais être rendus trop publics , et qu'on nesauroit trop en ré])andre la connoissance , afin que les personnes intelligentes et instruites puissent s'occuper de paieilles entreprises. Et puisque nous parlons de cires artificielles, je vais rap[)orter aussi ce que dit M. Pingeron à ce sujet dans son traité sur les Abeilles, pag^. ^97. « L'art de blanchir la cire, dit-il, et d'ea faire les flambeaux , est une branche considérable d'industrie dans quelques provinces de Fiance , sur-tout dans la Bretagne et dans le Maine. Les bougies d'j Mans sont renommées par toute l'Eu- rope. On en fait d'excellentes en Angleterre , mais qui sont extrêmement chères On a ima- giné d'y suppléer par les bougies faites avec du blanc de baleine , spernia cell : on mêle celte matière avec un peu d'huile pour en faciliter la fusion ; on la jette ensuite dans un moule comme 78 T R A I T É C O M P L E T les bougies ordinaires. Ceux qui désireront des ins- tructions plus détaillées sur cet objet, pourront consulter ledictionnaireangloisd'0wen,en4vol. in-8°, chargés d'impression, et un volume de planches , article thc Candlcii'ax y Chandelle de cire. Les bougies de blanc de baleine sont très- o blanches , et coûteroient peu aux nations qui font un objet capital de la pêche de la baleine : tels que les Hollandois et les Anglois. Elles se vendent un tiers moins à Londres que celles de cire pure ; leur durée est à peu près la même.» EnKn , pour ce qui regarde le nom de bou- gie, j'ai lu , je ne sais dans quel recueil d'anec- dotes , que « ce nom , qu'on donne en France aux chandelles de cire, vient de la ville de Bu- gic en Afrique, sur les côtes de la Méditerranée, où anciennement on fabriquoit une grande quantité de ces bougies , et où jjour la pre- mière fois, selon cet auteur , on a fabriqué des chandelles de cire. » Après avoir traité de ce qui concerne la cire, son origine et ses usages, nous allons passer au miel , qui est la seconde des denrées utiles que nous produit l'économie des abeilles. SUR LES ABEILLES , LiV. V , ChAP. YI yp CHAPITRE VI. Du JMlcl ; de la manière dont les abeille^ le recueillent , et le déposent dans les alvéoles» .. Le miel, dit M. Ducliet, est un sel doux et sucré qui paroît sous une forme ou fluide ou visqueuse, et en petites gouttes. C'est l'objet de la quête des abeilles, qui ne le font pas^ mais le cueillent , qui s'en nourrissent elles et leur famille , ou qui le mettent en réservoir , sans faire autre chose que d'en rassembler plusieurs gouttes dans leurs cellules , où le tems et la chaleur lui font prendre la consistance requise. Parmi les sentimens les plus communs sur l'o- rigine du miel , démêlons celui qui s'accorde le mieux avec la raison et l'expérience, nos gui- des ordinaires. » * e (r). Car , comment y pénétrera la rosée qui doit toujours descendre? Lui donnera-t-on la faculté de s'in^ sinuer dans ce fleuron par un trou aussi petit que celui d'une épini^le? Lui donnera-ton celle de remonter et de pouvoir se cacher au milieu, de la fleur, sans s'arrêter sur les bords, le miel ne se trouvant jamais qu'au fond du tujau. Mais ce qui est décisif , comment la ro- sée a-t-clle pu pénétrer un chatrsis de verre qui couvroit les fleurs d'uii espalier, et sur lesquel- les j'ai vu des abeilles qui s'étoient introduites par quelqu'ouverture pour en tirer le miel? » J'ai pris des boutons de fleurs de sauge, de thym , de flomos ou sauge de Jérusalem et de beaucoup d'autres; l'orifice de leur calice étoit bien fermé, et j'ai toujours trouvé le miel au fond de ces caiiccs. U paroît donc plus naturel , plus conforme à la raison et à l'expérience de dire que le miel suinte par transpiration des végétaux; mêmes , ou que c'est une sève très-fine et très-élaborée (i) Il semble que M. Diichet suppose que les abeil- les percent avec leurs dents les cajices des fleurs , chose que je n'ai jamais observée et que je crois fausse. Tome III. F 8i Traité COMPLET dont la première destination est de nourrir le fruit dans son enfance (i) , comme le sang ou le lait dans les animaux vivipares , ou la subs- tance contenue dans l'œuf chez les ovipares, est la première nourriture de leurs petits. Dans cette vSup|)osition que le miel transpire des plantes et des arbres par le mélange de la chaleur et de Thumidité , on ne doit pas être surpris de le trouver au fond du nectarium ou calice de la Heur , qui est le plus près de la tige, et on peut aisément comprendre pourquoi dans certains jours il est très-abondant , et très-rare dans d'autres ; parce qu'il suit le mouvement plus ou moins fort de la sève; pourquoi cer- tains végétaux en fournissent plus que d'autres; parce cju'ils sont plus favorisés cfune douce humidité et plus abondans en sève; pourquoi le miel a des qualités si différentes en divers climats ; par la diversité des végétaux; pourquoi (i)On pourroit ici opposer , avec pKisde fondement, l'objection que M. Linné se fait à jui-même , comme nous le verrons au commencement du chap. suivant : Pourquoi les fleurs mâles qui ne produisent jamais de fruit, ïont-elle» aussi fournies de miel? SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChaP. VI. 83 les pluies froides , le vent du nord , la gelée et la neige sont contraires au miel ; parce qu'ils arrêtent la circulation de la sève ; pourc[Uoi ce sirop peut être abondant , sans rosée , pourvu que la sève circule librement : pourquoi par un soleil vif, la quête peut être copieuse, quand les végétaux sont pleins de sucs humides : pourquoi enfin , pendant la grande chaleur , le miel est rare ; parce que les arbres et les plantes ne peuvent tirer de l'aridité du sol les sucs convenablcvS. On peut donc conclure , sans crainte de se tromper , que le miel est un écoulement ou une transpiration de ce qu'il y a de plus délié et de plus doux dans la sève des végétaux , et qu'il s'échappe par les pores et s'épaissit dans les Heurs. Quelques auteurs , comme M. Ligier , ont distingué deux sortes de miel , l'un comme le nôtre, qui est un suc de la sève , l'autre qu'on appelle la miellée , météore, ou espèce de ro- sée gluante c|ui tonibe du ciel , sur la fin de Pété , un peu avant ou pendant la canicule , et qui s'arrête sur les fleurs et sur les feuilles : celles qui sont canelées, dentelées ou raboteu- ses, comme les feuilles de prunier , de hêtre, F ij 84 Traitécomplet de chcne , d'orme et de tilleul , en retiennent davantage ; mais le soleil lepaissit , au lieu que la miellée, qui tombe sur les fleurs et s'y con- serve mieux , la miellée tombe quelquefois en si grande abondance , que les paj'sans la re- cueillent dans les forêts , principalement sur les feuilles: elle y est blanche et en larmes, comme la manne de Calabre. Selon M. Ligier, ces fortes miellées rendent les abeilles pares- seuses , parce qu'étant remplies de cette rosée , elles négligent de cueillir la substance des fleurs. Les abeilles amassent de ces deux sortes de miel pour se nourrir : le premier est le meilleur. M. Duchct n'est pas du même sentiment; il oppose à M. Ligier les observations de M. Boissier de Sauvages , de la Société Royale des sciences de Montpellier, lues dans une de ses assemblées le 16 décembre 1762. J'avoue que je n'ai rien trouvé qui puisse for- mer une démonstration en faveur du sentiment de ces auteurs. Une expérience capable de décider la ques- tion, seioit de renfermer un petit tilleul ouau- tre i^etit arbie de ce genre dans une serre , ou de couvrir avec un chi^bn ou du papier la branche d'un tilleul exposé à l'air dans la i;ai- SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VI. ^5 son que la miellée tombe. On pourroit même renfermer une petite branche dans un vase de verre fin : si au moment que tous les tilleuls circonvoisins se trouvent chargés de la miellée, le tilleul renfermé , ou la branche couverte s'en trouvoicnt également imprégnés , il seroit évident qu'elle tire sa source de l'arbre mcnic ; mais si le contraire arrivoit , il faudroit croire que cette liqueur vient de l'air. Voilà l'expérience que M. Boissier auroit pu faire avant de lire ses observations devant la Société de Montpellier. En attendant qu'elle soit faite par d'autres ou par moi , je m'en tien- drai au sentiment de MM. Ligier et Ducarne , qui , comme nous le verrons , se fondent sur des faits plus certains. Ce que ce dernier avance sur cette liqueur , est très-curieux et bien détaillé. « Vous savez , dit-il , en parlant à son voisin, ce que c'est Cjue le miel , cette rosée céleste, ce nectar que les abeilles recherchent avec empressement sur les fleurs ; mais vous ne savez peut-être pas qu'il y en a de deux espèces : l'une, qui est le miel pro- prement dit , est un suc de la terre , qui sortant des plantes par la transpiration , s'amasse au fond du calice des fleurs , et s'y épaissit en- F iij ^6 Traité complet suite (i); c'est, si vous voulez encore , une sève digérée et raffinée dans les canaux des plantes , un écoulement enfin qui s'écha})pe et s'épaissit sur les fleurs : l'autre qu'on a()j)elle aussi miellée, ou miclîat , est un écoulement de l'air, ou une espèce de rosée gluante qui tombe plus tôt ou plus tard , mais plus or- dinairement un peu avant et pendant la cani- cule. Cette rosée s'arrête sur les fleurs , et sur les feuilles des plantes et des arbres ; celles qui sont dentelées , canelées et raboteuses , comme les feuilles de prunier et de cl^êne , d'orme et de tilleul, en retiennent beaucoup plus et d'une manière plus sensible ; mais le soleil venant à paroître , la coagule et l'épaissit ; au lieu que ]a miellée qui tombe sur les fleurs , s'y con- serve beaucoup mieux et plus longtemps. » « On dit que l'abondance de cette miellée rend les abeilles paresseuses , et leur fait négli- (i) M. Linn(^, dit M. de Boniare , a mieux observe?, qu'on ne l'avoit fait avant lui , que les fleurs ont au fond de leurs calices des espèces de glandes pleines d'une liqueur miellée. C'est dans ces glandes nectari- fères que les abeilles vont puiser leur miel, et c'est dans leur estomac qu'il se façonne. SUR LES ABEILLES. LiV. V. Chap. VI. 87 ger la récolte du miel proprement dit. Je n'en ai cependant jamais vu aller la ramasser ailleurs que sur les Heurs ; mais l'inconvénient de cette miellée , est que si le tems alors est gras et humide , et sur-tout encore s'il survient une pluie fine , cette pluie ou la trop grande humi- dité de l'air, se mêlant à cette miellée, la cor- rompent , et en font un composé bien inférieur au miel de la première espèce , ou à celui qui n'a point souffert ce mélange et cette mixtion.» « Quelques personnes qui n'ont point vu , comme moi , tomber cette miellée , ont pré- tendu que ce n'étoit autre chose que le suc ou la sève des plantes qui , dans les tems de cha- leur , disent-ils , éprouvent peut-être une plus grande fermentation , et la font sortir sur les feuilles; on l'aperçoit beaucoup mieux le ma- tin, avant que le soleil ait pu la dessécher , et l'endurcir.» « Ces personnes se sont trompées : j'ai vu cent fois et fait voir à d'autres , cette miellée tomber en forme de pluie fine sur les feuilles d'un tilleul , ou nous en apercevions les gouttes trèsr distinctement ; et les jours qu'elle tomboit , les feuilles en étoient toutes piquées. » F iv 88 Traitécomplet Le sentiment de M. Dncarne me paroît d'au- tant plus admissible , qu'il est appuyé sur un fait dont je vais rendre compte. On sait que dans la Méso])Otamie, et sur-tout dans les en- virons de Diarbekir, capitale de cette province, il tombe régulièrement tous les ans pendant l'été, une espèce de rosée que l'on appelle dans le pays la manne du ciel. Le peuple la ramasse, et en fait provision pour toute l'année , en la ren- fermant dans des vases. On voit tous les jours*, dans les rues , des en fans qui mangent de cette miellée ou manne , étendue sur leur pain. En vain soutiendroit-on que ce sont les arbres et les plantes qui la produisent ; elle tombe indif- féremment sur les rochers et sur les planches qu'on expose en plein champ pour la recevoir, loin des arbres et des plantes. Celle que l'on re- cueille sur ces planches et sui' ces rochers , est la plus estimée ; elle est en elTct d'une qualité infiniment supérieure. Elle est d'abord liquide, et en se coni^elant elle devient conmie du sucre : c'est alors qu'on la recueille. Celle qui tombe sur les feuilles y reste tellement attachée , qu'on ne peut l'enlever facilement , et les parties qui y restent mêlées avec la manne a la rendent SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VI. 89 d'une c|ualité inférieure à celle qui tombe sur les rochers et sur Jes planches. D'après ces faits , ne pourroil-on pas égale- ment soutenir que l'humidité mieiiée qui cou- vre souvent en France différentes plantes et dilîérens arbres pendant l'été , est plutôt une rosée , qu'un suintement ou une transpiration de ces plantes et de ces arbres? Dans aucune saison , nous n'avons jamais ob '■ serve dans l'Archipel ni à Constantinople , cette rosée miellée: peut-être le voisinage de la mer lui est-il contraire ; mais j'ai vu plusieurs fois ici à \ersailles et à Virollej, des arbres etsur- tout des tilleuls, tellement couverts de cette liqueur mielleuse, qu'elle en tomboit par gout- tes. Ces arbres , des le matin , étoient chargés d'abeilles ; c'est cependant ce que M. Diicarne dit n'avoir jamais observé. Il se peut que dans son canton la campagne fournisse à ses abeilles une assez grande quantité de miel, pendant la saison du miellat, pour qu'elles méprisent celle-ci, qui ne peut être que d'une qualité inférieure. Après avoir parlé de l'origine du miel , nous devons dire comment les abeilles le recueillent et le disposent dans les alvéoles de leurs rayons. 90 Traité COMPLET « Lorsc^u'ime abeille , dit M. Ducarne , entre dans une fleur qui , près de son fond , a de ces glandes ou réservoirs destines à contenir une li- queur miellée , et qui en ont été bien remplis, elle peut trouver de cette liqueur épanchée sur différentes })arties de la fleur , c'est-à-dire, qu'elle peut y trouver celle qui a transpiré au travers des membranes des cellules dans les- quelles elle étoit renfermée (i). » « Le fond d'une fleur peut ainsi être enduit d'une espèce de miel ou de sucre , comme les feuilles de ces arbres dont nous venons de parler. » « La trompe , dont on a donné ailleurs une courte description , est l'instrument avec lequel l'abeille recueille cette liqueur. On n'est pas longtemps à voir avec quelle activité et quelle adresse elle en fait usage : en effet , si l'on observe la mouche qui, après s'être posée sur une fleur (i) Je croirois assez que le miel des plantes ne se trouve qu'au fond des calices des fleurs, auprès de la lige; et que lamatière quisuinte parles pores des éta- mines , n'est peut-être qu'une liqueur onctueuse et hui- leuse, qui est la véritable matière de la cire. Voyez le chap. sur l'origine de la cire. SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChAP. VI. 91 bien épanouie , a avancé vers l'intérieur , bien- tôt on aperçoit qu'elle Tapplique contre les feuilles des fleurs, tout près de leur origine. Alors le bout de la tJX)mpe est dans une action continuelle ; il se donne successivement une in- finité de mouvemcns differens; il se raccour- cit, se ralonge , se contourne, se courbe pour s'appliquer sur toutes les parties. >> « Pour connoître sûrement à quoi tendent tous ces mouvemens si prompts et si variés , et quel effet ils produisent , enfermez quelques abeilles dans un tube de verre , dans lequel vous aurez mis par-ci par-là quelques gouttes de miel. En pareil cas elles oublieront presque sur le cliamp qu'elles sont prisonnières. Vous ne tarde- rez pas à en voir, d'aussi près qu'il est possi- ble, qui suceront, ou plutôt qui laperont le miel; en peu de temps elles auront nettoyé le tube avec leur trompe : cet instrument doit être re- gardé comme une seconde langue velue, par le mojen de laquelle l'abeille force la liqueur à entrer dans son gosier , et à passer ensuite dans son estomac. » « Il est vraisemblable que quand les abeilles ne trouvent pas une provision suffisante de miel épancbé, elles emploient leurs dents , qu'elles gi Traitécomplet exercentcomme lorsque les sommets desétamines tiennent encore renfermées les poussières qu'el- les cherchent: elles peuvent bien alors, avec leurs dents, ouvrir les veines ou glandes qui ont ]a liqueur miellée (i). Elles savent s'en servir, quand il s'agit de hacher du papier qui couvre le miel ; pourquoi ne s'en serviroicnt-elles pas, quand il s'ai^it de déchirer des vessies pleines de miel , ou d'une liqueur propre à devenir miel ?» « Les abeilles ne donnent point d'autre pré- paration au miel , que de le cuire , le façonner et l'épurer dans leur estomac. Il se perfec- (i) En supposant que le miel des fleurs soit contenu dans de petites vessies , ou glandes , ainsi qu'en a fait la découverte Linnéus , cité ci-dessus par M. Bomare, et ce qui est en effet très-probable , il faut présumer que la pellicule de ces vessies doit être si délicate que les abeilles, sans faire usage de leurs dents, puissent la rompre en la pressant seulement avec leur trompe, et en retirer le miel. En effet les calices des fleurs desauge et de thym, par exemple, sont profonds et resserrés de sorte qu'il seroit impossible aux abeilles d'atteindre avec leurs dents la vessie qui se trouve au fond de ces fleurs. Il faut donc que les abeilles se servent de l'ex- tréniité de leur trompe. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VI. 98 tionne sans doute dans ce laboratoire ; au moins en sort -il plus épais et plus condensé qu'il ne l'étoit auparavant. Lorsque leur es- tomac est bien rempli , elles rentrent avec cette provision dans leur ruche. Pour lors ou elles en t'ont part à celles qui sont restées pour les travaux du dedans (i) , ou elles vont le dégorger dans les cellules qui sont destinées à cet usage. » « Il a acquis assez d'épaisseur et de consistance pour se soutenir sans s'écouler dans les alvéoles; quoiqu'ils ne présentent comme un pot couché et incliné sur le côté. Pvcmarquez encore , qu'il y a sur le miel qui remplit un alvéole , une der- nière couche qui se fait distinguer de tout le reste. Elle semble être ce que de la crème est sur du lait , et elle sert à retenir tout le miel (s). (i) Nous avons observé effectivement nous même que les abeilles qui reviennent chargées de miel , quelquefois présentent, en entrant dans la ruche , leur trompe à d'au- tres abeilles pour leur donner le miel ou l'eau qu'elles rap- portent; mais nous croyons que c'est moins pour nour- rir ces abeilles sédentaires, que pour se décharger plu- tôt de leur fardeau , et pour repartir plus vite pour la campagne. (2) M. de Bomareestdu même sentiment: «Quoi- 94 Traité COMPLET Cette crème n^est peut-être qu'une croûte de miel , ou une couche plus épaisse , qui se forme tout naturellement au-dessus du miel, à-peu-prcs comme il arrive au - dessus des pots de confiture. Ce qui confirme cette con- jecture , c'est que cette couche a toutes les qua- lités et toute la saveur du miel même , ex- cepté qu'elle a plus d'épaisseur et de consis- tance. » « Parmi les cellules qui renferment le miel, les unes sont destinées à fournir à la consomma- tion journalière des abeilles, et les autres sont des espèces de magasins réservés pour les que le miel soit fluide, dit- il, et que les alvéoles soient comme des pots couchés sur le côté , les abeil- les ont cependant l'art de le remplir. Qu'il y ait peu ou beaucoup de miel dans un alvéole , on remarque toujours dessus une petite couche épaisse, qui par sa consistance, empêche le miel de couler. L'abeille qui apporte du miel dans l'alvéole, fait passer dans cette pellicule les deux bouts de ses premières jambes , et par cette ouverture , elle lance et dégorge le miel dont son estomac est plein. Avant de se retirer , elle raccommode la petite ouverture qu'elle avoit faite : celles qui suivent font^e même. Comme la masse du miel augmente, elle fait reculer la pellicule , et la SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChaP. VI. 96 nourrir dans le temps où elles iroient iniuile- ment en chercher sur les fleurs. Celles dont le miel est consacré à l'usage journalier, sont ou- vertes, et les autres fermées. Les abeilles les condamnent avec de petites plaques de cire qui empêchent que le miel ne s'évapore et ne devienne dur et graîné. » « Vodà à })eu près tout ce qu'on peut dire sur l'origine du miel; nectar si précieux, que pour le recueillir et le conserver, les abeilles sacri- fient leur vie, et emploient quelquefois contre ceux qui veulent le leur ravir les armes redou- cellulese trouve , par cette industrie, pleine d'an miel fluide. '■ J'ose n'être pas du sentiment de ces MM. Je ne crois point que pour contenir le miel dans les cel- lules, il soit besoin de ces pellicules 5 je suis très per- suadé que la force attractive suffit seule pour soutenir le miel dans les alvéoles , comme nous voyons sur les feuilles des plantes , et sur-tout celles des choux , des gouttes d'eau très-grosses se soutenir par cette seule force et ne pas se dissoudre. Il peut arriver que la par- tie extérieure du miel contenu dans les alvéoles , soit plus condensée, parce qu'elle évapore plutôt l'humidité que le miel peut contenir; mais alors , je ne doute pas que cette considération ne le contienne avec plus de fa^ cillté. Mon opinion est d'autant plus probable, que les cellules des rayons , vont un peu en talus vers Tin- térieur. 96 i R A I T E C O M P L E 1' tables, dont l'Auteur de la nature les a pour- vues. » M. l'abbé Tessier semblerait douter de ce que nous avons dit sur l'origine du miel , et sur la manière dont les abeilles le recueillent et le transportent dans la ruche, lorsqu'il s'ex- prime ainsi dans l'Encyclop. méthodique : «On a dit que les abeilles avaloient le miel qu'elles ra- massoient sur les fleurs, et lui faisoicnt subir une élaboration dans leur estoinac. Ce fait ne me paroît pas prouvé, et ne peut Fêtrc aisé- ment. La plus forte raison qu'on allègue , est l'existence d'une vessie qu'on trouve remplie d'une liqueur sucrée ; mais celte liqueur, plus liquide et plus fluide que le miel, se rencon- tre dans des insectes qui ne forment pas des gâteaux pour y déposer leur miel , dans les bourdons par exemple. La vessie qui la con- tient fait peut-être partie des organes de la digestion des abeilles, comme le jabot dans les oiseaux, ensorte que cette liqueur peut être regardée comme l'aliment de l'abeille, qui vit de miel, et non comme un suc qu'elle ramasse pour déposer dans les alvéoles. Dans la saison dumiélat, les abeilles ne périroient- elles pas toutes, si elles avaloient la quantité de miel qu'elles SUR LES ABEILLES. LîV. V. Chap. VI. 97 qu'elles recueillent? II est donc au moins en- core douteux (|ne le miel subisse quehjue pré- })aration dans le corps de ces insectes. » De tout ce que nous avons dit et rapporté dans ce chapitre, on peut hardiment concluie, que rien n'est pUis constaté dans l'iiistoire na- turelle des abeilles , qu'elles avalent le miel qu'elles recueillent sur les fleurs, et quelles le déposent ensuite dans les alvéoles, en le dé^-or- géant. Lexittence de leur vessie qui n'a au- cune communication avec les ori^anes de la di- gestion , en est la démonstration. En eifet il est certain que les abeilles ramassent le miel sur les fleurs, et qu'elles le déposent dans leur ru- che. Or, si ce n'étoit pas dans la vessie, dans quelle autre partie pourroit-on raisonnablement croire qu'elles le transportent? Le jabot des oiseaux leur sert d'organe pour la digestion; cela est vrai: il en a tous les ca- ractères; on y voit une communication marquée avec l'estomac; il reçoit ce qu'ils avalent, et il le lui transmet; mais ce jabot sert aussi pour soutenir et brojer l'aliment propre à nourrir leurs petits, auxquels ils le rendent en le dé- gorgeant. Qu'on suppose même que la vessie des abeilles leur serve d'organe pour la diges- Tome III, Q 98 Traité COMPLET lion , cela n'empêchera pas Cju'elles ne s'en servent aussi comme d'un vase pour le transport de leur miel , et pour préparer la nourriture de leur couvain. Si nous ii^norons l'usat^e de la ves- sie des faux-bourdons, qui d'ailleurs n'est pas faite de même , ce n'est pas une raison pour que celle des abeilles n'ait pas la destination que nous lui avons reconnue. Au surplus, il est très-probable, que ces faux- bourdons sont destinés aussi à élever, et à nour- rir leur couvain de la même manière : on peut dire encore que leur vessie sert éi^alement à pré- parer la nourriture de leur famille. Enfin je ne vois pas sur quel fondement on pourroit craindre la perte des abeilles, si elles prenoient une trop grande quantité de miellat : elles ne peuvent avaler que celui que leur ves- sie peut contenir; elles vont le dégorger dans la ruche, et elles reviennent à la charge jus- qu'à la fin de la journée. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VII. 99 CHAPITRE VIT. Suite du même sujet ^ différentes quaUtés et propriétés du miel. M, Linné s'exprime ainsi sur les raisons pour lesquelles le miel a été donné aux fleurs. L'uti- lité dont le iiiiel peut être aux fleurs, et les raisons pour lesquelles il leur a été accordé par l'Etre suprême, ne nous sont encore que très- imparfaitement connues. Aucun botaniste n'en a donné jusqu'à présent une raison suffisante , et n'a montré sa destinée ni son utilité dans l'é- conomie rurale des fleurs , de sorte que la so- lution de cette question a été abandonnée aux i-e- ciierclies de ceux qui viendront après nous. Il sem- ble qu'on nes'éloii^nepasdu vrai en avançant que cette humeur molle soit nécessaire pour hu- mecter continuellement le germe dans le temps de la fécondation * nous savons que la généra- tion ne se fait que dans l'hum.idité. Cependant je ne crois pas que par cette raison on ait épuisé tous les motifs que le Créateur s'est proposés en créant cette liqueur miéleuse , puisque nous Gij loo Traité complet observons que même clans les fleurs mâles, qui ja- mais ne produisent de fruit , cette liqueur existe (i); mai.ssi l'on en veutsavoir la raison secondaire, elle est très-palpable. Il est évident que lorsque les trocbilcs et autres innombrables insectes vont chercher dans les fleurs leur nourriture, en re- muant et en débattant souvent leurs ailes, ils détachent et dispersent les poussières des an- thères, de sorte qu'elles peuvent plus aisément pénétrer les stygmates. On voit cela clairement dans la caprification du figuier, qui, sans cette manière , ne pourroit jamais exister. » (i) D'apiès le principe de Linné, que la généra- tion ne s'opère que clans l'humidité, on doit juger que la difficulté qu'il se fait , n'a aucune force contre la destinée qu'il donne au miel, par rapport aux fleurs; car quoique les fleurs mâles ne produisent jamais de fruit, cependant elles produisent les poussières des éta- mines, qui sont le germe qui féconde les fleurs femel- les. Le miel est donc nécessaire aussi aux fleurs mâ- les pour humecter continuellement leurs poussièies , lesquelles sont le germe qui féconde les fruits. Et en effet, en goûtan^ ces mêmes poussières ramassées par les abeilles dans leurs rayons , on sent une sorte de doKceur. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VII. TOI * Le miel , dit M. Diicarne , est un vrai nec- tar , sur-tout quand il est encore en couteaux, et en rayons bien blancs. Je ne connois rien alors qui approche de ce morceau. Le miel or- dinaire, celui même qu'on a fait découler des couteaux, quelqu'excellent qu'il paroisse, n'ap- proche point de celui-là.» Si M. Ducarne j^arle ainsi des rayons des ruches de France, que ne diroit-il pasde ceux des ruches du Levant, dont le miel est si su^» pcrieur? Nos rayons, ceux qui sont ft^ifs sur- tout dans la saison du thym , sont d'un goût si délicat , et en même temps si fondans , qu'on avale tout, le miel et la cire. Les anciens faisoient un très-grand cas et un grand usage du miel , tant pour leurs sacri- fices que pour leur table ; ils le regardoient comme un remède souverain et universel. Il y a eu même parmi eux des sages et desphiloso- })hes , tels que Pj'thagore^ et Démocrite , qui ne vivoient que de pain et de miel , persuadés que c'étoit un moyen infaillible pour prolonger la vie, et pour entretenir l'esprit dans toute sa vigueur. L'histoire nous apprend que Pollio Romulus, qui parvint à la vieillesse la plus reculée, ayant G iij 102 Traité COMPLET été interrogé sur le régime qu'il avoit suivie ré- pondit par cette sentence latine: Inius nudso , forls oJeo : c'est-à-dire , j'ai fait usage de l'iiy- dromel pour boisson, et je me suis frotté d'huile; ce qui signiiioit en même temps qu'il avoit lait beaucoup d'exercice. Le miel est encore le même que dans les pre- miei'S âges; les abeilles sont encore aussi sa- vantes qu'elles l'étoient, il j a des milliers d'an- nées. Quoique.le miel soit toujours le même, on prétendque nous ne sommes pas aujourd'hui ce qu'ctoient nos pères : en changeant de façon de vivre, nous avons altéré notre tempérament. Nos ragoûts sont trop assaisonnés, nos mets trop variés, l'usage trop fréquent des liqueurs spii'i tueuses a mis dans notre sang une disposi- tion continuelle à s'enflammer. Le miel qui est lui-même plein de volatil , dessécheroit, dit-on, et échaufléroit facilement le sang déjà trop vif, et trop disposé à fermenter. Dans le Levant où la frugalité règne , sur- tout parmi le peuple, on fait un grand usage du miel, sans craindre tous ces efïèts funestes. Le miel étoit plus précieux, sans doute, dit M. l'abbé Tessier, avant que la culture de la canne à sucre se fût établie et réj)andue dans SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VII. Io3 l'Amérique. Le sucre a remplacé en quelque sorte le miel ; il est entré clans les mets les plus délicats , il est devenu d'un usage très- commun ; mais cette denrée , dit- il , c[ue le Nouveau -monde produit en abondance, est plus cliëre que le miel. Par des circonstances faciles à imaginer , elle peut nous manquer tout à coup, ou monter à un prix excessif. Le miel est de notre propre fonds : nous sommes as>surés d'en recueillir toujours une quantité d'autant plus considérable, que nous favorise- rons davantage la multiplication des abeilles. Le sucre enfin ne supplée pas le miel dans certaines opérations utiles à la santé. Le miel pris en substance est pectoral , laxatif et déter- sif : il aide à la respiration , en divisant la pi- tuite grossière épaissie dans les bronches pul- monaires, et facilite l'exp^ectoration. Le miel blanc se prend intérieurement ; le jaune plus acre est employé dans les lavemens : on sait p^r expérience que le miel étendu sur du pain, dans lequel il y a de l'ergot de seigle, empecne qu'il ne fasse de mauvais elïèts sur le corps Im- main. L'usage du miel n'est pas bon aux tempéra- mens secs et bilieux, paicequ'il fermente faci- G W 104 Traité complet lemcnt. Le docteur ]5oiiri^cois prétend que le miel est encore très-niiihible aux tcmpéramens qui ont beaucoup d'acide dans les premières voies , avec lequel il fermente et se décom- pose ; c'est par cette raison, dit -il, que les femmes hystériques et les h_)pocondriaques doi- vent s'en abstenir. Le marc de mouches , qui est ce qui reste après qu'o,« a exprimé la ciie et le miel, et qui est composé ''e la soie que le ver a tiîée, et d'autres malièies, est résoîuliF; les maréchaux en font usage pour les foulures des nerfs des chevaux. Comme il reste toujours un peu de cire dans ce marc, on en tire encore parti en le vendant à ceux qui préparent les toi- les cirées. Je vais rapporter d'aboid sur les diiï'érenfcs erpèces de miel , ce que disent quelques auteurs sur la qualité de celui de France, et ensuite je parlerai succinctement de celui du Levant. Tous les miels , dit M. Ducarne , ne sont pas égaux, et le chi^' en est aussi l'acile qu'im- portant. On doit le choisir épais , grenu, clair, nouveau, lourd , transparent , d'une odeur douce et agréable, un peu aromatique, d'un goût doux, piquant. Pour dire quelque chose de plus précis encore , préférez le blanc ou le SUR LES ABEILLES. LiV. V. ClIAF. VII. Io5 pâle au pius foncé , le nouveau au vieux , celui du printemps et de l'été à celui de l'automne, celui qui écume peu en bouillant à celui qui écume beaucoup; Tàcre-doux , à celui qui n'a que de la douceur; enfin le miel d'une médio- cre odeur, à celui qui en a une trop sensible, . celui-ci étant pour l'ordinaire travaillé et falsifié pcir le moyen de quelques herbes fortes qu'on y a mêlées. En général les herbes contribuent beaucoup à lui donner des odeurs et des qua- lités plus ou moins estimables. Entre les blancs , celui de Narbonne est re- gardé comme le plus délicieux , à cause de la chaleur du climat, et de la quantité de roma- rins et de mélisses qu'il y a aux environs de cette ville ou plutôt de Corbière, petit bourg à trois lieues de Narbonne. Parmi les miels communs , qui sont peut-être les plus sains, ce- lui de Champagne passe pour le meilleur des jaunes , parce que le terrain y est assez géné- ralement sec, et les licrbes "fines et aromati- ques. Celui des pays les plus gras nest pas le plus estimé. De-là vous devez conclure que s'il y a un grand avantage à avoir beaucoup de miel, il y en a encore pius à en avoir beaucoup de bon, et que cela dé})end de la situation dans io6 Traité complet laquelle on se trouve , et du soin qu'on a de procurer de bonnes herbes à ses abeilles, aux environs de leurs ruches. M. l'abbé Tessier , dans la nouvelle Ency- clopédie , ajoute qu'outre le miel deNarbonne, qui est le plus recherchéen France, il s'en fait dans d'autres provinces, qui peut en quelque sorte lui être comparé. Un propriétaire d'abeil- les à Andonville enBeauce, vend chaque année du miel parfait; ce qu'on attribue à l'attention qu'il a de l'extraire pur , et aux plantes aroma- tiques qu'on cultive dans les jardins du château d'Andonville. Dans les environs de Lons-le- Saunier, on élève une très-grande quantité d'a- beilles; le miel en est de belle qualité, si on en excepte celui c|ui est recueilli du côté de la rivière d'Ain où sont les sapins; ce dernier est aussi beau à l'œil, mais il a un goût de téré- benthine qui est désagréable. M. l'abbé Tessier rapporte encore une obser- vation de M. Barthès, sur la manière de ren- dre })lus parfait le miel de Narbonne: elle est utile et très-intéressante pour tout cultivateur d'abeilles, de quelque pajs qu'il soit. M. Barthès, dit-il, dans l'ancienne Encyclo- pédie , se plaint du peu de soin qu'on prend aux SUR LES ABEILLES. LlY. V. ChAP. VII. 1O7 environs de Narbonne, pour tirer de la récolte du miel tout l'avantage (lu'on en peut tirer. On mêle, selon lui , indistinctement les gâteaux blancs, roux et bruns, qu'on devroit séparer pour former du miel de plusieurs sortes ; quand ♦ après les avoir brisés , on les a laissés découler quelque temps, on les emporte pour en faire de la cire. M. Barthës croit qu'ils contiennent encore*du miel , qu'on obtiendroit aisément par des lotions avec de l'eau : en la laissant évapo- rer , il restcroit un syrop propre à nourrir les abeilles; on extrairoit encore ce miel à l'aide de la presse. Le beau miel de Narbonne acquer- roit plus de qualité, s'il étoit moins de temps à couler des gâteaux. C'est une réflexion de M, Bartbcs , qui est d'autant plus juste, que, dans les pays dont il parle, les gâteaux se met- tent et s'entassent dans des paniers renversés , faits en forme de cône tronqué; le miel ne peut en couler que lentement. Il propose à cet effet de placer les gâteaux sur un grillage de fil de fer enchâssé dans des bois, qui répond aux claies d'osier dont il est question dans la Maison Rustique, et qu'on emploie à cet usage dans beaucoup de provinces. » J'ai éprouvé, dit aussi M. Dacarne, que dans ro8 Traité complet certaines années le miel ne se prcnoit que clif- ficilem'ent. J'ai oui dire à un ancien et très-ha- bile praticien, que le meilleur moyen de lui donner de la consistance, étoit de le battre bien avec les mains , ou avec une spatule de bois , dans le vaisseau où on l'a fait couler des couteaux, et de continuer toujours à le battre jusqu'à ce qu'on le vît prendre un œil plus blanc, et qu'on sentît à la main qu'il est devenu plus çpais. Il dit qu'alors on voit s'y former une espèce d'é- bullition ou de fermentation. Je ne vous en ap- prendrai point davantage , dit cet auteur, parce que j'ai toujours laissé mon miel , comme il étoit, sansy toucher. C'est ce que l'on fait aussi dans le Levant, où cependant il est excellent. « Quanta la raison, dit le même auteur, de cette différence qu'on remarcjue dans certainesan- nées, et non dans d'autres, j'ai toujours observé que dans les étés pluvieux , il étoit plus tôt pris , au lieu que quand la saison a été sèche pen- dant le temps de la récolte du miel , il prend beaucoup plusdifficilement. Cela vient sans doute du plus ou moins de chaleur, du plus ou moins de fermentation de ses ])arlies intérieures. La saison ayant été plus humide, le miel est plus aqueux et ])îus froid; et alors il prendra plus 6l'R LES ABEILLES. LlV. V. ChaP. VIL I09 Vite , que quand un temps sec lui a procuré des parties plus subtiles, plus. chaudes et plus dis- posées à la fermentation. Voilà, du moins, con- clut notre auteur , ce que ma plijsique à pu m'apprendrc là-dessus. » Venons actuellement au miel du Levant , qui dans tous les temps a été jugé le meilleur de ]a terre , sur-tout celui de la Grèce. M. le comte de Carburj, originaire de Céphalonie, a fait goû- ter du miel de cette île à des amateurs et aux plus grands connoisseurs de Paris; ils ont tous avoué qu'il étoit le meilleur de tous ceux qu'on avoit goûtés jusqu'alors , et que ceux de Nar- bonne, de Malion et de l'Espagne ne lui étaient pas comparables. Il y a , dans quelques maisons de Versailles et de Paris, du miel d'Athènes et du Mont-Hjmette, que l'on préfère à toute sorte de miel possible. Je ne sais si c'est prévention, mais de tous ceux que j'ai goûtés, je n'en ai point trouvé d'aussi agréable, d'aussi parfait, que celui de Syra: celui sur-tout qu'on appelle d-T^dfOévov , cesl-k-dke l'ierge , qu'on retire des nou\^aux rayons , construits pendant la saison du thym , a une supériorité marquée sur tous les autres. Ce qui donne ordinairement un mauvais goût au miel , V 1 1 0 T R A I T i: C O M P L E T c'est la poussière des étamines, ou la molivi- dhe, les dépouilles des nymphes, et toutes les malières hétéroL;ènes qui se trouvent mêlées dans les rayons. 11 est aisé de voir qu'en choi- sissant des rayons nouveaux , purs et sans mé- lange, le miel qui en découle naturellement, doit être le plus parfait : tel est le miel de Syra. On en envoie avec les rayons à Constantinople, à Smyrne et en d'autres lieux du Levant ; ce sont des cadeaux très-précieux. Généralement tout le miel de l'ile est d'une couleur d'ambre très-clair; il est épais, sans être graine , ni congela. M. le comte de Carbury con- serve du miel de Céphalonie depuis plus de lo ans: il est resté liquide, malgré le climat de Paris. Ce miel .est si clair, si transparent, (ju'on liroil au travers d'un flacon qui en seroit rem- Dans l'île de Scio, on fait un miel excellent sur-tout dans les quartiers où croît le lentis- que , cet arbrisseau qui donne le fameux mas- tic , qu'on appelle du nom de cette île. Ce miel est blanc, et d'^m parfum délicieux; on l'appelle dans le pays, mastlchome] on , /uLOLçiy^ojLicXov , miel du mastic. Je trouve dans l'ouvrage de M. Peissonnelli , SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VII. lU ancien Consul du Roi en Crimée et à Smjrne, ' sur le commerce de la mer Noire , tom. i , pag-, 173, que « le miel de la Crimée passe pour le « meilleur qu'il y ait dans tout l'Empire Ot- « toman. Celui du village d'Osmandgik est sur- it tout extrêmement recherché. On n'en em- « ploie pas d'autre pour la table du Grand-Sei- « gneur: il a une douceur et un parfum qu'on « ne trouve pas dans le miel de Valachie et de » Candie. » Je n'ai jamais entendu parler à Constantino- ple de ce fameux miel de Crimée , et en gé- néral tout celui qui vient dans cette capitale , du coté de la mer Noire, est très-peu estimé; il passe pour être commun et mal travaillé. II n'en est pas de même de celui qui arrive du coté de la mer Blanche , et sur-tout d'Athènes et des îles de l'Archipel. Une personne de distinction, qui a demeuré aussi en Crimée , et qui s'est trouvée en der- nier lieu dans le camp des Tartares, m'a as- suré que le Chan avoit trouvé le miel de Po- logne supérieur à celui de la Crimée ; et dif- férentes personnes qui ont goûté du miel de Pologne et de celui des Hes de l'Archipel » don- nent à ce dernier une préférence marquée. 112 TilAITÉ COMPLET Au reste , n()^-^t'■llcme^t le.s h;il)ltans 'd'Os- rnamlgik , mais ceux de la (rî-èce et d'x^tliènes, bur-(out de l'iie de Siiiii (i), })rétendeiit que (i) Simi , petite ile de l'Archipel , et une des Spo- rades, dont les habitans sont presque tous p(^cheurs d'épouges, el par consc'quent excellens plongeurs. Parmi les garçons de cette ile, celui qui plonge le mieux a droit de prétendre au mariage le plus avantageux; aussi est-il fait mention de son talent ou de son adresse dans son contrat de mariage. M. Dapper ajoute qu'il y a une - loi chez eux qui défend aux jeunes gens de se marier " qu'ils ne puissent plonger vingt brasses- au dessous de « l'eau, et y demeurer un certain espace de temps. » Il y a plusieurs de ces insulaires qui plongent jusqu'à 3o et à ^o brasses et qui restent sous l'eau plus d'une de» inie heure. On raconte une anecdote tragique au sujet de ce.5 pê- cheuiT., arrivée a :i couchant de l'île de Syra, lorsqu'ils pè- chent aux éponges, selon leur usage. Le Caravochiri , ou patron du bateau, doit j)longer le premier; après lui, le second, et ainsi du reste de l'équipage par ordre d'ancienneté. Le Caravochiri ayant commencé et tar- dant à reparoifre, le second se jettt^à la mer, et trouva le patron saisi par un gros polype, qui le dévoroil. La frayeur le prend, il remonte et se désole avec ses com- pagnons de ne pouvoir lui donner du secours. En effet sur les côtes dé cette iJc on a vu souvent de ces polypes, que nous appelons Therlociapodka à cause leur SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAF. VIL I i3 îeur miel à la préférence à tous les autres pour la table du Grand-Seigneur, et pour toute sa maison. Cependant une personne digne de foi qui a servi long-temps en qualité de page dans le palais du Grand-Seigneur, et qui se trouve actuellement en France, m'a assuré qu'à la ta- ble de ce Souverain on ne sert jamais de miel pur. Ce qu'il y a de vrai , c'est qu'en Crimée , ainsi que dans tout le reste de la Turquie (r) , on em- de leur grosseur énorme. Ces monstres marins ont huit pattes , au moins de dix pieds chacune de longueur. Oa raconte qu'un homme se trouvant à pêcher à la h'one sur la même côte, vit un polype qui s'approchoit et qui jetoit ses pattes hors de la mer sur le rocher où il étoit , en en détachant des éclats. Il eut le temps heureusement de l'apercevoir et de s'éloigner avec cé- lérité. Des faits de la même nature sont encore arri- vés dans d'autres iles de l'Archipel. (i) A Constanlinople et dans tout le reste de la Tur- quie , on fait avec le miel une infinité de confitures qu'on appelle en turc Chalva ^ et des pâtisseries qu'on appelle Bâclai' a ; les unes et les autres sont d'un très- bon goût. Le chalva sur-tout est d'une très-grandç utilité pour le peuple , qui se régale à peu de frais. On fait le chalva avec une certaine farine qu'on re- Tome III , H ii4 Traité complet ploie une prodigieuse quantité de miel pour les confitures de toute espèce, les pâtisseries et les tire du Sézame , et qu'on appelle Tuin-ehassi ; on en fait aussi avec le Sézame seul , et on l'appelle Sissam-elvassû On en fait encore avec des noix , ou des noisettes , et d'autres fruits. Deux ou trois liards de cette frian- dise , et pour autant de pain , font déjeûner parfaite- ment un ouvrier. Il seroit à souhaiter que de sembla- bles usages fussent suivis par-tout. Ce que dit M. Peysionelli sur le peu de sucre qui se consume en Crimée, il faut l'entendre de ce qui se passolt il y a 3o ans : depuis cette époque, à Cons- tantinoplc , ainsi que dans toute la Turquie , la con- sommation du sucre a prodigieusement augmenté. Un négociant de Marseille, qui a demeuré long-temps dani les Échelles du Levant, m'a assuré qu'il n'y a pas 3o ans que toutes les maisons ensemble des négocians fran- çais àConstantinople, ne recevoicnt pas au-delà de 3oo barriques de sucre par an , et lorsque tous les commer- çans en re:cevoient 400 barriques , on s'assembloit pour concert or les moyens de s'en débarrasser sans perte. Ac- tuellement il n'y a pas une maison de commerce qu ne reçoive à elle seule les 3oo ou 400 barriques. Cette consommation est donc très-grande en compa- raison de ce qu'elle étoit autrefois; mais elle n'est pas encore telle qu'elle pourroit et devroit l'être ; elle dou- bleroit et Iripleroit , si les Turcs se déterminoient k mettre du sucre dans leur café. L'usage chez eur SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VII. Il5 boissons : on y fait peu d'usage du sucre : ce- pendant il passe beaucoup de miel ; de Crimée à Constantinople et dans la Natolie (i). On Tem- de prendre du café est général. Aux hommes , aux fem- mes , aux grands et aux petits , aux pauvres et aux ri- ches , il en faut au moins deux tasses par jour : parmi les personnes un peu aisées , il y en a qui en prennent dix et jusqu'à quinze tasses , qui sont , à la vérité moins grandes que celles dont on se sert à Paris. Ce goût pour le café règne à peu près de même dans les familles domiciliées à Constantinople , et dans le reste de l'Empire Ottoman; Grecs, Arméniens, Juifs , etc. toutes ces nations , excepté les Francs , prennent le café sans sucre. Quelle plus grande consommation de sucre , si cet usage venoit à changer ! Il est bien éton- nant que les Turcs qui sont passionnés pour tout ce qui est doux et sucré , n'en aient pas adopté un autre. Il est bien étonnant encore qu'aucun médecin Euro- péen , dont le nombre est si grand à Constantinople , ne leur ait pas fait entendre que notre méthode est plus salutaire que la leur. Ils auraient rendu un grand ser- vice au commerce , et peut-être à l'humanité , de leur faire changer de conduite à cet égard. (i) L'Asie [mineure. Cette région se trouve à l'o. rient de la Grèce : les Grecs l'appellent àvoqo^^^ c'est- à-dire Orient ; c'est de-là que les Turcs l'ont appelée aussi Anadolu. Ce nom qui conserve la ressemblance Hij ii6 Traité COMPLET barque dans des cruches et des tonneaux, en observant d'y laisser toujours un peu de vide et d'y pratiquer un petit soupirail pour que la du mot grec, aune signification tout-à-foit difFérentc. Les Turcs ont une ré^pugnance marquée pour tout ce qui choque leurs usages , leur religion , et sur-tout pour ce qui sent le christianisme, ou le grécisme; lesmots mê- mes les offensent *, aussi sont-ils extrêmement atten- tifs à ne se servir d'aucun de ces termes que la lan- gue turque a empruntés des Grecs, dans leurs arrêts, ordonnances ou firmans. Et lorsqu'ils sont absolument obligés d'en employer, ils y ajoutent toujours vt vulgo diciiur , comme le peuple dit. C'est par cette raison que lorsqu'ils se sont emparés de cette partie d'Eu- rope qu'ils occupent , ayant entendu que les Grecs nommoient l'Asie mineure Anatoli , ils l'ont appelée Anadolu , qui reut dire mère pleine, pour faire allu- sion à la fertilité de cette contrée qui nourrit en partie Con«tantinople. Lorsqu'ils se sont emparés aussi de Conslantinople, ils ont formé leur mot Istambol , de celui que les Grecs répétoient souvent iU niv nôxi* , à la ville. ( Les Grecs ainsi que les Romains , appeloient leurs capita- les respectives par excellence Tre/ve, Urbs. ) Mais ensuite par le même esprit , ils l'ont changé en un autre sem- blable, mais d'une signification différente. Istambol, qui yeut dire la ivraie foi large , faisant allu- SUR LES ABEILLES. LlY. V. ChAP. VIL 1 17 vapeur puisse s'exhaler , parce que quand le miel fermente, et qu'il est bouché trop exac- tement , il fait éclater les pots ou vases dans lesquels il est renfermé. Avant de terminer ce chapitre, j'ajouterai encore ici une particularité. M. le comte de Carbury m'a fait l'honneur de me faire voir une espèce de miel de couleur rouge foncé et d'un par- fum si exquis , qu'il n*en existe pas de pareil. Il provenoit d'un présent que M. son père, un des plus grands connoisseurs dans cette partie , avoit soin pendant sa vie de lui envoj^er tous les ans. Après sa mort , il n'a plus été possible à M. le comte de Carbury d'avoir de ce miel ; à tou- tes les instances qu'il a faites à ses parens pouir lui en envoyer, on lui a répondu qu'on n'avoit aucune connoissance de cette espèce de miel.. Je serois assez porté à croire que ce miel rougeâtre et d'un parfum si extraordinaire n'é- sion au mahométisme qui règne à Constantînople avec toute l'aisance imaginable. Le Sultan Mustapha , père du régnant Sultan Sélim , par la même raison a ôté de la monnoie turque, le mot Constantinié , qui signifioit que la monnoie avoit été frappée à Constantinople , et il l'a suppléé par celui de Istambol. Hiij ii8 Traité COMPLET toit que celui que l'on retire des vieilles ru- ches , et de la partie plus enfoncée des rayons , qui y sont restés pendant plusieurs années de suite. Nous avons dit ailleurs que les parties supérieures de ces rayons contiennent quan- tité de propolis , et une sorte de cire aroma- tique, qui font une odeur très-agréable. Il ar- rive souvent dans l'Archipel , que dans les ru- ches fortes et bien fournies, les abeilles laissent intacte une grande partie du miel qui leur a servi de provision pendant l'hiver, et cela plu- sieurs années de suite. Or ce miel qui séjourne si long -temps dans ces rayons, peu à peu en contracte et le parfum et la couleur qui est d'un rouge foncé. Ce qui confirme encore mon opinion, c'est qu'il m'est arrivé plusieurs fois, sans y faire at- tention, de retirer un miel semblable des vieil- les ruches; j'en avois taillé les rayons qui étoient pleins de miel ancien, pour former la cire aro- matique dont j'ai déjà parlé. SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChAP. VIII. 1 19 CHAPITRE VIII. Manière défaire V Hydromel et autres boissons qui se préparent avec le miel ^ tirées de MM. Pingeroîi et Ducarnc, « viuoiQUE je ne me flatte pas, dit M. Pin- geron , que les détails des propriétés du miel puissent le faire employer de nouveau dans les alimens , et en faire composer une boisson, j'ose cependant présumer qu'on ne les trouvera pas déplacés dans ces traités. » «Les anciens préparoient avec le miel une bois- son qu'ils nommoient Mulsum y dont ils faisoient un très-grand cas. Elle étoit composée de cinq parties de bon vin rouge, et d'une partie de miel pur : on la laissoit au soleil pendant l'es- pace de quarante jours , et on la filtroit peut- être au travers de petites écuelles, percées comme des écumoires. Je serois tenté de croire que celle qu'on m'a fait voir au Museum.de Portici , composée de tous les débris d'Hercu- lanum, sérvoit à filtrer le Mulsujn, et non pas H iv lao Traité complet le vin , comme le répètent tous les antiquai- res. » « Les liabitans du nord sont les seuls parmi les modernes qui fassent un usage constant de de l'hjdromel pour leur boisson; ils en tirent une espèce d'eau-de-vie , qui est très-spiritueuse; ils en font aussi du vinaigre (i). »> « L'hydromel simple se fait en froissant avec les mains les gâteaux de miel vierge dans de l'eau très-claire.Comme un agriculteur économe ne doit rien laisser perdre, on trempe dans cette eau les linges qui ont servi à filtrer le miel. On y en met selon la force que l'on veut don- ner à l'hydromel. Comme il surnage toujours un peu de cire sur ce mélange, on l'en sépare avec une écumoire , et on laisse reposer le tout pendant quelques heures. On verse ensuite l'hy- dromel dans des bouteilles d'un verre épais , ou dans des vases de terre que Ton expose au (i) Dans l'ilede Syra, on met à part toutes les eaux qui ont servi dans la manipulation des rayons , quand on retire le miel , et on les fait fermenter jusqu'au point nécessaire; ensuite on les passe à l'alambic , ce qui donne une eau-de-vie très-spiritueuse, et d'un goût par- ticulier. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VIÎI. 121 soleil , pendant les grandes chaleurs , après les avoir bouchées. >♦ « II faut remarquer que si ces vases étoient fermés trop exactement , la fermentation que la chaleur produiroit dans cette liqueur, les fe- roit éclater Quand l'hydromel ne bout plus , on le descend à la cave, où on le conserve plu- sieurs mois avant de le boire. On peut suppléer à la chaleur du soleil en mettant auprès du feu les vases qui contiennent l'hjdromel. » «L'hydromel vineux demande plus d'attention; on y emploie toujours le miel et l'eau, mais la dose est proportionnée. Quelques personnes mettent dix livres d'excellent miel sur trente livres d'eau; d'autres réduisent la dose de miel à un quart de la quantité d'eau qu'on veut em- ployer : ce qui dépend du goût et de la vo- lonté. » t< On délaye ce mélange dans un grand vais- seau de cuivre bien étamé, et on le fait bouil- lir à petit feu jusqu'à ce qu'il ne produise plus qu'une écume blanche ; il faut avoir soin de bien écumer, afin qu'il ne reste point d'ordure. Dès que l'hydromel a acquis assez de consis- tance pour qu'un œuf frais puisse surnager, on le verse dans d'autres vases; cette précau- 122 Traité complet tion devient absolument nécessaire , de peur que riiydromel ne contracte le goût du cuivre (i). On peut passer cette liqueur dans un tamis, pour en séparer toutes les parties étrangères; on le clarifie pendant qu'il bout , en y jetant des blancs d'œufs, comme pour clarifier le sucre. » « On place les tonneaux où l'on a mis l'h^dro- mel dans une espèce d'étuve , où l'on entre- tient une chaleur suffisante pour exciter la fer- mentation. On couvre l'ouverture de ces ton- neaux avec un simple morceau de papier, pour empêcher seulement que les mouches ne s'y introduisent. La fermentation de l'hydromel dure ordinairement six semaines. On a soin de bien remplir les tonneaux, lorsqu'il est néces- saire, sans les remuer. Il seroit à désirer que l'on pût tenir ces vases exposés au soleil pen- dant la canicule ; la chaleur de cet astre cause une fermentation plus modérée.» « Lorsque l'hydromel ne bout plus, on le trans- porte dans les caves, où il se conserve pen- (i) On doit éviter avec le plus grand soin toute es- pèce de mauvais goût dans de semblables liqueurs ; mais sur-tout il faut faire grande attention que le yert-de-gri» De s'y communique pas. SUR LESABEILLES. LlV- V. ChAP. VIII. 1^3 dant un très-grand nombre d'années; il ressem- ble alors au vin d'Espagne (i). » « Les Lithuaniens et les Polonois , qui font leur boisson de l'hjdromel , lui communiquent une odeur très - agréable , en mettant dans les tonneaux une certaine quantité de fleurs de su- reau desséchées. Quelques-uns j ajoutent encore de la canelle ou du gérofle. On peut encore donner des qualités médicinales à l'hydromel , en le mêlant avec le suc de différentes plan- tes. •» « On prépare nne autre espèce d'hydromel com- posé, en faisant bouillir une demi-livre de rai- sins de Corinthe (2,) sur six livres de miel , mêlées avec quatre pintes d'eau , que l'on passe (i) L'hydromel, dit M. de Planaju , en vieillissant prend plus ou moins le goût du vin de Malaga ou d'Espagne ; il est fort agréable à boire , et est bon pour l'estomac. L'hydromel composé , ajoute-t-il, est un stomachique excellent, contraire aux obstructions du bas ventre, et il conserve le poumon. Si on veut gar- der plusieurs années cette liqueur , il est nécessaire de mettre dans les tonnneaux , environ demi septier d'es- prit de sel. (2) A l'égard de l'hydromel compose, voici quel- ques particularités dignes de remarque j que je viens 1^4 Traité complet au travers d'un linge; on jette ensuite ce mé- lange dans la seconde espèce d'hjdromel qu'on vient de décrire. » « On peut encore y ajouter quelques zestes de de voir dans le cahier de M. de Planaju sur les abeil- les, n Sur six livres de miel , il faut une demi-livre de raisins de Damas, qu'on fait bouillir séparément, après les avoir fendus par le milieu , jusqu'à réduc- tion de moitié, ( il seroit à souhaiter que M. de Pla- naju noua dît quelle quantité d'eau il faut pour faire bouillir ces raisins ). On passe alors le syrop à tra- vers un linge, et on le mêle avec le reste sur le feu : lorsqu'il a bouilli un peu de temps, il faut y enfoncer MO morceau de pain rôti et trempé dans de la bière ; sitôt que le tout est bien écume, il faut retirer la li- •jueur de dessus le feu et la laisser reposer, ensuite verser par inclinaison , de crainte que le sédiment ne la trouble , dans un tonneau dans lequel on doit avoir mis auparavant une ;once de «el de tartre , du plus beau, dissous dans un verre d'esprit de vin; après quoi il Aiut l'exposer sur des briques au grand soleil , ou dans une étuve bien chaude ; mais il faut faire at- tention que le vaisseau soit bien plein , et avoir soin de le remplir à fur et à mesure qu'il écume : lorsqu'il ne fera plus de déchet, on le descendra alors à la cave. Au bout de quelques mois on pourra le mettre en bouteilles." SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP VIII. 125 citron pour lui donner une odeur plus agréa- ble. Cet liydromel composé fermente quelque temps , et se conserve comme les autres. Il faut avoir soin de rincer, avec de l'eau -de -vie, tous les tonneaux neufs dans lesquels on se pro- pose de garder les différentes espèces d'hydro- mel. » Enfin M. Pingeron nous apprend que l'on . fait du vinaigre avec le miel et feau, en met- tant une denxi-livre de miel dans une pinte d'eau , que l'on délaje le plus qu'il est possi- ble. On expose ensuite ce mélange à la plus grande ardeur du soleil , sans boucher exacte- ment le vase qui le contient; on se contente de mettre un linge dessus , pour écarter les insectes. Cette liqueur s'aigrit au bout de six semaines, et se change en un vinaigre très-fort, qui est d'une assez bonne qualité. Cesdifférens moyens de faire l'hydromel , rap- portés par M. Pingeron , sont à peu près les mêmes que ceux que M. Ducarne nous donne dans son ouvrage sur les abeilles; cependant il y a dans l'exposition de ce dernier auteur, quelques particularités qui peuvent être très-uti- les à ceux qui voudront faire cette liqueur; voici ce qu'il dit à ce sujet, page io8, tome 2. 120 Traité complet « Vous prendrez toiis vos couteaux , quand le miel en aura découlé ; vous les mettrez dans un grand chaudron de fer (i) , où vous aurez fait tiédir de l'eau bien nette; (l'eau de fontaine ou de rivière sont les meilleures. ) Vous re- tournerez bien tous ces couteaux dans votre chaudron , avec les mains nettes ou avec un mor- ceau de bois. Vous les y laisserez l'espace d'une heure, ou environ.» « Alors vous mettrez dans cette liqueur un œuf frais (2); s'il surnage, il y a assez de miel; s'il va au fond, il faut remettre encore des cou- teaux , ou du miel ; mais la prudence demande qu'on ne mette que peu deau d'abord, pour en remettre ensuite, s'il n'y en a pas assez. Il faut , pour bien faire , que l'œuf surnage en- tre deux eaux , ensorte qu'on n'en aperçoive que la largeur d'environ une pièce de 12, sols. » (i) M. Pingeron veut qu'on se serve d'une chaudière de cuivre; M. Ducarne la préfère au fer; et celte dernière doit l'emporter par la raison alléguée dans la noie page 122. (2) M. Pingeron propose de faire l'essai de cet œuf, après que le miel a bouilli ; M. Ducarne veut qu'on le fasse auparavant. Je crois que la pratique de ce SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VIII. 127 « Alors vous passez le tout au travers d'un linge blanc ou d'un fin tamis. Vous mettrez ensuite votre chaudron sur un feu clair, et y ferez bouillir la liqueur à petit feu. Dès qu'elle voudra commencer à bouillir, vous l'écumerez et vous diminuerez le feu , sans quoi toute la liqueur sortiroit du chaudron. Vous mettrez l'écume dans un plat : vos enfans en feront des tartines , et cela leur servira de médecine. » « Vous continuerez à faire bouillir à petit feu , et en écumant de temps à autre , jusqu'à la ré- duction de près d'un tiers ; c'est-à-dire que si vous avez mis quinze livres de liqueur dans le chaudron, vous en laisserez consommer cinq livres , et vous l'ôterez du feu pour la verser dans un vaisseau de bois bien net. >> « II y en a qui font passer encore alors cette dernier est celle qu'il faut suivre; d'autant plus qu'il nous assigne le temps qu'il faut faire bouillir la liqueur, c'est-à-dire jusqu'à réduction de presque un tiers. Dans le Levant, on se sert aussi d'un œuf, lorsqu'on veut connoître si la saumure est au point qu'il faut pour y mettre des olives, ou autre chose semblable; lorsque l'œuf va au fond , la saumure n'a pas la force conve- nable, et on y met du sel jusqu'à ce que l'œuf sur- cage. 128 Traité complet liqueur au travers d'un linge; mais vous pou- vez absolument vous en dispenser et l'entonner tout de suite , ou attendre pour le faire , qu'elle soit refroidie ; cela fait , vous placerez votre tonneau dans un endroit chaud. Vous en lais- serez le bondon découvert , et vous rem- plirez le tonneau à mesure qu'en bouillant il se désemplira. Pour cela , vous aurez eu soin d'emplir de cette liqueur quatre ou cinq très- petites bouteilles qui vous serviront à le remplir à mesure. Chacune de ces bouteilles doit être d'une demi-chopine, et servir seulement pour remplir deux ou trois fois. Cette attention est nécessaire pour empêcher la liqueur de s'y cor- rompre , ce qui arriveroit , si une bouteille étoit trop grande et pouvoit servir pendant huit jours. » «Avec la bouteille destinée à remplir le ton- neau , vous remplirez aussi tous les jours les autres petites bouteilles. Enfin douze ou quinze jours après avoir mis votre tonneau à la cave, ou dans un endioit chaud, vous le boucherez légèrement , en enfonçant le bondon tous les jours dejplus en plus, jusqu'à ce qu'il bouche parfaitement. Trois mois' après , vous pouvez boire de cet hydromel, qui peut se conserver pendant SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. VIII. 129 pendant deux ans: prenez garde sur-tout que le tonneau n'ait point de goût; rien n'est plus sujet à en prendre que cette liqueur. De toutes ces manières de faire l'iij'dromel , chacun pourra choisir celle qui lui paraîtra la meilleure. CHAPITRE IX. De la propolis ; de la molwidhe ou pous^ sière des étamines ; de Veau que les abeilles rapportent dans la ruche ^ et de V usage (jumelles en font. Lorsque les abeilles s'établissent dans une ruche, leur premier soin est d'en boucher toutes les ouvertures, avec une matière gluante, te- nace, molle d'abord, mais qui durcit ensuite, et à laquelle on a donné le nom de propo^ lis{y). Sa couleur est brune ou noirâtre, quel- (i) Propolis , mot composé du ît^oV , qui veut dire anlc ^ ou devant, et -xtxîs ^ civitas ^ ville comme qui diroit antè cUitatem ^ devant la ville, parce que c'est avec cette matière que les abeilles bouchent tous les devans de leur ruche , qui est comme une espèce de ville. Tome m, I i3o Traité complet quefois même d'un brun rougedtre. Celle qu'on trouve clans les ruches offre encore d'autres va- riétés : elle répand quelquefois une odeur aro- matique très- agréable^ quand elle est échauf- fée, sur-tout la bonne odeur de la propolis, elle pourroit être mise alors au rang des meil- leurs parfums (i). On croit que c'est sur les peupliers , les bou- leaux , les sapins, les ifs, les saules, quelle* en font la récolte. Cependant M. de Réaumur, cet infatigable observateur n'a pu les découvrir occupées à cette récolte, et il a vu les abeilles employer la propolis dans des pays où il n'y avoit aucun de ces arbres : c'est une découverte qui reste à faire, dit M. de Bomare (2). (i) Tout ce que dit ici M. de Bomare , et que d'autres Auteurs confirment, sur la bonne odeur de la propoîis, me fait espérer qu'en laissant vieillir les rayons dans une ruche , on parviendra, après une dixaine d'années , à avoir de l'excellente cire pour préparer les ruches comme on le pratique à Syra ; et non- seulement pour y retenir les essaims , mais encore pour attirer les fuyards. Voyez les Chap. 10 et 11 du 2*. livre. (2) Dans l'île de Syra on voit continuellement les abeilles sur les lentisques qui fournissent le bon mastic de Scio,et sur les cyprès sauvages qui sont des arbre» SUR LES ABEILLE?. LiV. V. Chap. IX. l3t Les abeiiies ne lui donnent jMJint de ])répa- ration, et elles i'emjiloient telle qu'elles la trouvent. Elles étendent cette résine avec leurs pattes, et elles s'en servent, comme nous l'a- vons dit, pour boucher et condamner toutes les ouvertures de leur demeure, lifin de se précau" tionner contre les vents, ie vroid et Thumidité. « J'ai vu, dit M.iJucdrne, plusieurs Fuis (nous l'observons aussi tous les jouis à Syra) des abeilles occupées à ramasser , on plutôt a ar- racher avec leurs dents la pio|)ol!S qui se trou- voit dans de vieilles ruches , que j'dvois lais- sées au soleil : cet ouvrage m'a paru leur être si pénible, et elles tiroient si fort poUt l'avoir, que leur tête me sembloit séparé de h-ili corps.» C'est que malgré la mollesse de cette gomme, quand elles l'emploient, elle pi end cependcuit de jour en jour plus de consistance, et qu'elle devient beaucoup plus dure que la cire. Quand nous retirons les rajons d'une vieille ruche de résînt'ux, sur lesquels elles recueillent la propolîs, de sorte qu'il faut croire que cette matière est produite pat diverses sor'es de planties en diverses parties du nionde, plus ou mollis fortes et aromatiques, suivant les climats plus ou moins chauds. î3:2 Traité complet dix à douze ans, et que nous préparons notre cire aromatique à Svra , nous y trouvons des morceaux de propolis de la plus grande dureté. Elle est si gluante , et si tenace que les abeilles ne la ramassent, et ne s'en dépouillent qu'avec beaucoup de difficulté. Aussi celles du dedans, pour en débarrasser celles qui l'apportent , ti- raillent-elles ces pourvoyeuses dans tous les sens et avec tant de violence , qu'on ne peut s'em- pêcher de compatir à la peine de ces derniè- res, à qui l'on diroit qu'elles vont arracher les membres et les entrailles. Quant à la nature et aux qualités de la pro- polis, c'est une résine dissoluble dans l'esprit de vin, et à l'huile de térébenthine. Outre l'u- sage qu'on en fait en médecine, comme diges- tive , quelques expériences ont fait connoître à M. de Réaumur que cette substance dissoute dans l'esprit de vin , ou dans l'huile de téré- benthine , pourroit être substituée au vernis qu'on emploie pour donner une couleur d'or à l'argent, ou à l'étain réduit en feuilles. Si par exemple, on fincorporoit avec le mastic, GU la sandaraque, elle seroit très- bonne pour faire des cuirs dorés. Enfin elle est très-propre poui^ hâter la maturité des abcès : sa vapeur SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChAP. IX. l33 reçue par le mojen d'un entonnoir, jDendant qu'on en jette sur le feu, adoucit la toux Té- rine et invétérée. La cire brute , que nous appelons dans cet ouvrage molividhe, est précisément cette pous- sière colorée qui s'attache aux doigts, quand on presse les filets qui sont au fond des calices des fleurs, ou pour me servir des termes usi- tés, c'est la poussière que les abeilles ramassent sur les étamines des fleurs. Les anciens donnoient différens noms à cette molividhe. Voici ce que dit Pline, cap. 6, hist. natur. , lib. 1 1 . . . Prœler hàc convehilur Eii- lliace , quam aliqul sandaracliani y alii cenii' thuni "l'ocant. Hic ent apinn diim operantiir cibus , qui sœpe invenilur injavorum inanitali- bus seposilus y et qui amari saporis. Gignitur autein rore verno y et arboruni succo y giunnil modo qfrici minovy austrijlatu nigriory aqui- lonibus nielior et rubens y plurimus in grœcis juicibus, Menecrates Jlorcni esse dicit futures rnessis indiciuni y sed neni oprœter eum. «Outre les autres matières que les abeilles charrient dans leur ruche , elles rapportent l'érithace , que les uns appellent sandaraque , et que d'autres nomment cérinthe. Cette matière leur sert de I iij 1 34 T R A I T É C O M P L E T nourriture pendant leurs travaux ; et on la trouve souvent en réberve dans les cellules des rajons : elle a un i^oût amer; elle est formée par la rosée et par la sève des arbres, ainsi que la gomme; et pendant que les vents de sud-ouest régnent, elle se produit en très-petite quantité; ceux du midi la rendent jilus noire, et avec les vents de nord elle devient meilleure et plus rouge. Les fleurs d'amandier en produisent une grande quantité. Ménécrate à cru qu'elle ( la poussière des étamines, c'est-à-dire l'érithace ) étoit une fleur qui marquoit la prochaine récolte des fruits; mais personne n'a 'adopté son sentiment.» îl faut que j'observe ici sur ces derniers mots (le Pline, que dans l'édition du P. Hardouin ne se trouvent que ces mois seuls , Mcnecrates Jlorem esse dicit j mais dans d'autres ancien- nes éditions, la phrase se trouve toute en- tière , telle que nous l'avons rapportée. L'an- cienne version de Pline traduit ainsi celte phrase : « Ménécrate a pensé que le moment de la fleu- raison de l'amandier, est le vrai temps pour ré- colter les ruches. » Pour moi , je suis très-per- suadé que, })ar ce moi Jlorem ^ Pline n'en- tend que les poussières des étamines, l'érithace; «insi il ffiut absolument , pour expliquer l'opinion . SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChAP. IX. l35 de Ménécrate , dire qu'il entendoit que les pous- sières des étamiiies étoient une espèce de fleur (de même que nous disons laileur de la farine) qui marquoit, ou qui opéroit la prochaine ré- colte des fruits; et d'après cette explication, je conclus que Ménécrate avoit eu quelque idée de la fécondation des fruits par les pous- sières des fleurs mâles , ainsi que tous les bo- tanistes l'admettent d'après Linné. Qu'on exa- mine bien le texte de Pline , et qu'on fasse at- tention sur ces mots : Sed nemo prœter eiim y et on verra que mon sentiment n'est pas éloigné de celui de Pline. « Rien de plus commun , dit un auteur , que de voir une abeille couverte d'une poussière qu'elle ne peut avoir prise que sur une fleur. Les obser- vations les plus ordinaires apprennent quelles sont les parties de cette fleur qui l'ont donnée ; elles démontrent encore que cette poussière est la matière en cire. ( Vo3="cz à ce sujet le chapitre troisième, sur l'origine de la cire. } Tout le monde a vu dans le lis des filets jau- nes, dans la tulipe des filets brims: on sait que les premiers laissent sur les doigts une pou- dre jaune, et les secondes une poudre brune. En langue de botaniste ces filets sont les éta- I iv i36 Traité COMPLET mines , et leur poudre , la poussière des étamines. Or , une abeille qui entre dans une fleur bien épanouie, et dont les étamines sont chargées de poussières ne sauroit manquer de toucher avec diverses parties de son corps contre ces poussières ; et loin d'en éviter le voisinage et le frottement , elle le cherche apparemment ; c'est alors que les poils dont elle est hérissée , lui sont d'un grand usage (i). Les poussières qui glisseroient et tombe- roient aisément , si elles ne touchoient que des parties aussi lisses qu'une écaille luisante, sont arrêtées dans cette foret de poils, dont le cor- celet , les jambes et plusieurs endroits du corps de fabeille sont chargés. Chaque poil vu au microscope, ressemble à une tige de plante, à laquelle des feuilles sont attachées des deux côtés opposés , du haut en bas. Une jiortion d'une écaille de la mouche garnie de poils, paroî^ (i) J'ai remarqué aîHeiirs que ce n'est que par acci- dent que les abeilles se couvrent quelquefois des pous- sières des étamines; la véritable manière, qui est na- turelle à l'abeille , de ramasser cette espèce de provision y c'est delà recueiiir avec ses dents et ses pattes de devant et de s'en charger les pattes de derrière, ainsi qu'elle» 8e chargent de la ^jropolis et de Ja vraie cire. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IX. l2j au microscope un gazon bien fourni de jolies mousses. Ces poils sont ponr les abeilles ce que les toisons sont pour ceux qui ramassent les paillettes d'or des rivières. L'abci lie devient toute poudrée , assez ordinairement d'une poudre jaune, quelquefois d'une poudre rouge, et d'au= très fois d'une poudre d'un blanc jaunâtre ; et cela , selon que sont colorées les poussières des étamines de la fleur dont elle a fait sa récolte. On en voit souvent qui , lorsqu'elles retour- nent à leur rucbe, ont le corps si cbargé d'une poudre colorée, qu'elles en sont méconnoissables. Dans le temps que les fleurs des arbres sont encore peu développées, et ne fournissent pas une récolte aisée et abondante , l'abeille tâte avec ses dents la capsule dans laquelle ces poussières sont renfermées : si elle la trouve bien conditionnée , et bien préparée , elle la presse avec ses deux dents comme avec une pince; elle oblige par cette pression la capsule à s'ouvrir, et à lui donner les poussières, qui n'en étoient pas encore sorties. Elle prend alors ces poussières avec ses deux premières jambes; elle les donne ensuite aux deux suivantes, qui les portent au deux dernières (i). (i) J'ai remarqué ailleurs , que chez nous on voit sou- i38 Traité COMPLET Lorsque l'abeille n'a pas été obligée de pres- ser les capsules pour faire sortir les poussiè- res qui 3'^ sont renfermées, et qu'elle a fait sa récolte, en couvrant ses poils de ces poussières précieuses, elle les ramasse sur son corps en fort peu de temps. On sait que l'avant-dernière partie de chacune des jambes d'une abeille, est faite en brosse. Elle passe sur son corps les imes ou les autres de ces brosses, et toutes ordinai- vent nombre d'abeilles parcourir les boutons du thym avant que ces fleurs soient ouvertes, et qu'elles en re- tirent une certaine matière dont elles se chargent le» pattes , et qui sûrement n'est autre chose que la vraie cire, qui , ainsi que nous favons observé au Chap. III ci-dessus , sous la forme d'une matière onctueuse, trans- pire et suinte par les porcs des plantes. — Pour ce qui est de la manière dont les abeilles s'en chargent , j'ai souvent observé une particularité curieuse ; c'est que les abeilles , après avoir parcouru quelques fleurs , s'en- voient , et pendant qu'elles voltigent autour d'autres fleurs elles se frottent les pattes les unes contre les autres , et à l'instant elles font passer à celles de der- rière toutes les matières qui se trouvent sur leur mu- seau ou sur leurs pattes de devant ; ce qui prouve que les abeilles ramassent avec leur bouche la cire ou la molividhe, qu'ensuite elles la font passer , au moyen de leurs pattes , à leurs pieds de derrière. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IX. iSç rement les unes après les autres. Les brosses retiennent un peu luinriides les poussières qu'elles ont enlevées : l-abeille les rassemble ensuite, et les réunit en deux petits tas. L'auteur de la nature qui a pourvu à tout, aménai^é une cavité dans la face extéiieure de la troisième des parties de chaque jambe de la dernière paire. Cette cavitéest bordéedegros poils, au moyen desquels elle est comme une espèce de corbeille propre à conserver ce qui lui est confié. C'est dans cette cavité que les jambes de la seconde paire portent les éta- mines, qu'elles y en font un petit tas solide, en les pressant les unes contre les autres. C'est ainsi encore que les abeilles se chargent de la cire et de la propolis. (Voyez le chapitre troi- sième ci-dessus.) L'abeille passe d'une fleur à une autre pour y continuer sa récolte , et pour y grossir les deux petits amas de cire brute (ij. Elle parvient à (i) L'abeille est obligée de parcourir plusieurs fleurs avant de compléfer sa charge ; mais j'ai toujours observé qu'elle ne prend que d'une sorte de fleurs ; c'est-à-dire que dans le même voyage elle ne mêle pas les matières des différentes fleurs : elle termine toujours sa récolte sur ï4o Traité complet rendre celui de chacune de ses deux jambes égal à un grain de poivre, et d'une figure un peu plus aplatie. Suffisamment chargée de ces deux petites pelottes , elle part et les porte à la ru- che (i). Quelquefois elle les avale avant de rentrer, mais le plus souvent elle les rapporte à la ruche, et les remet à d'autres ouvrières qui les avalent pour les préparer (a). Enfin la cire brute est aussi déposée dans les alvéoles (3). la même espèce où elle l'a commencée : dans un autre voyage elle est libre de changer de pâture. (i) Il est certain que les abeilles entrent souvent dans leur ruche avec une double charge, sur leurs jambes, de rnolîvidhe , de cire , ou de propolis et de miel , ou de J'eau dans leur vessie. C'est ce qu'on voit , si par hasard on écrase une abeille qui revient chargée de la cam- pagne: on trouve sa vessie remplie de miel ou d'eau, outre la charge de ses jambes de derrière. (2) L'abeille n'avale jamais la molividhe avant de la porter à la ruche; d'autres abeilles ne l'avalent pas d'avantage pour la préparer et en former la cire. Voyez le Chap. III ci-dessus. (3) Voici comme les abeilles disposent, dans les al- véoles , la molividhe qu'elles veulent conserver pour leur provision : elles ne la laissent jamais seule dans les cellules , mais elles les remplissent à moitié , et achèvent ensuite de les remplir avec du miel qu'elle* SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IX. 141 L'abeille qui arrive chargée , entre dans une cellule , détache avec l'extrémité de ses jambes du milieu , les deux petites pelottes qui tien- nent aux jambes de derrière, et les fait tomber au fond de l'alvéole (i). Si cette abeille quitte alors l'alvéole , il en vient une autre qui met couvrent avec un couvercle de cire très-fine. Ces insectes font cette opération, afin de mieux conserver leur pro- vision , qui , sans cela , s'aigriroit et se corronoproit fa- cilement : les vers s'y œettroient aussi, comme nous l'avons remarqué ailleurs; au lieu que disposée de cette façon elle n'est pas sujette à ces inconvéniens. (i) On ne peut guère comprendre comment une abeille, chargée de deux boulettes de molividhe , peut entrer dans une cellule et y déposer ces boulettes , qu'on doit supposer hors de cette cellule, puisqu'elles sont dans les deux pattes de derrière ; et quand même elle pourroitlesy déposer, il est certain qu'en sortant de la cellule elle doit entraîner les boulettes et les faire tomber. Il faut donc croire, ou que d'autres abeilles prennent ces boulettes avec leurs dents et les déposent dans les alvéoles, ou que l'abeille même qui en est chargée s'ap- proche de quelque cellule et y met ses pattes de der- rière, qu'ensuite," avec ses autres pattes , elle détache les deux boulettes et les fait entrer dans la cellule , après quoi elles sont mises dans l'état qu'elles doivent avoir. '' i4a Traité complet les deux pelotfes en une seule masse, qu'elle étend an fond de la cellule qui se trouve peu à peu lemplie de cire brute.» Pour ce qui regarde l'usage que les abeille» font de ces poussières, ou de cet molividhe, nous avons vu au chapitre troisième ci-dessus que tous les auteurs, excepté M. Duchct, pré- tendent qu'elle est la première matière d'oij Jes abeilles, après l'avoir digérée dans leur es- tomac, forment la cire, avec laquelle elles cons- truisent leurs gâteaux. Mais dans tout ce cha- pitre, nous avons fait voir très-clairement quelle est la vraie origine de la cire, et que la mo- lividhe n'entroit pour rien dans la formation de la cire; d'oii il suit nécessairement que l'em- ploi de la molividhe n'est autre chose que celui de servir de nourriture aux abeilles et à leurs embryons: c'est le sentiment de tous les culti- vateurs de l'île de Sjra , et de plusieurs autres peuples , qui comme en Hollande , en Flan- dres, au Brabant, en Italie, et ailleurs, l'ap- pellent le pain des abeilles) de sorte que nous sommes dans une entière persuasion, avec plu- sieurs célèbres naturalistes, que le mélange de la molividhe avec le miel, est très -nécessaire pour conserver nos insectes en bonne santé. SL'R LES ABEILLES. LiV. V. ChAF. IX. 1^3 Cela est si vrai que lorsque les abeilles sont obli- gées de vivre uniquement de miel pour avoir épuisé leur provision de molividlie, eilessont atta- quées d'une maladie qu'en nomme dévoiGment y et le meilleur moyen qu'on ait imaginé pour les en guérir, c'est de leur présenter le gâteau d'une autre ruche , dont les alvéoles sont gar- nies de cette molividhe. n ne nous reste à parler actuellement que de l'usage qu'elles font de l'eau qu'elles appor- tent aussi dans leur vessie. Je crois que ce n'est que dans l'île de Sjra, qu'on connoît la véri- table destination de ce liquide dans les ruches; ce qui est cependant la matière la moins im- portante dont se servent les abeilles. Nous pensons que l'eau ne sert dans les ru- ches, qu'à la nourriture des embr\ons avec le miel et la molividhe. J'ai été étonné en lisant plusieurs auteurs , et sur -tout M. Laî^renée de l'usage qu'ils ^nt faire aux abeilles de ce liquide. Cet auteur prétend que l'eau princi- palement est nécessaire aux abeilles en temps de sécheresse, pour ramollir le miel et la ma- tière à cire, c'est-à-dire les poussières des éta- mines, ou la molividhe, afin de pouvoir l'en- lever de dessus les fleurs. 144 Traité complet Ce n'est qne dans les expériences de M. Riems, rapportées pîîr M. Bonnet dans ses mémoires sur les abeilles, que j'ai lu quelque chose qui approche de notre sentiment sur la destination de l'eau dans les ruches. M. Riems dit avoir observé les abeilles qui faisoient un mélange de miel, de molividhe et d'eau : assurément ce ne peut être quepom* formel- ou composer avec ces trois substances dans leur estomat , ou dans leur vessie un aliment propre à nourrir leurs vers et leurs embryons. Aussi voyons-nous que nos abeilles ne cher- chent l'eau que lors de leurs couvées; et plus ces couvées sont fortes, plus elles courent avec avidité et en plus t^rand nombre dans les lieux aquatiques, et plus elles en prennent en grande quantité. J'en ai fait plusieurs fois l'observation. Il y avoit auprès d'un endroit où je tenois une dixainede ruches, un filet d'eaqpqui couloitd'un ro- cher, et qui se rassembloit dans une petite co- quille formée dans ce même rocher : c'étoit l'u- nique source de ce quartier. Je remarquois que toutes les fois que les abeilles étoient à former des couvées, et que les couvains étoient en crois- sance, les abeilles y venoient en très -grand nombre SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IX. 14$ nombre. Mais à mesure que le couvain avançoit, et qu'elles se renfermoient dans les cellules , leur nombre diminuoit sensiblement , jusqu'à ce qu'enfin je n'y en- voyois ])lus. Encore iine observation. Dans le temps des grandes couvées, sans lesquelles on ne voit ja- mais cette particularilc, lorsque les abeilles ap- portent dans les ruclies cjuantité d'eau', nous voyons les pai'ois intérieures tellement liumec- tées, que l'eau en coulant, forme au bas des rucbes des j^outtes d'eau d'une extrême grosseur. Cela provient sans doute de ce que les abeilles qui la rapportent, ne pouvant la (iéposer ailleurs» ni en faire un prompt usage, la regorgent sur les parois , afin que les autres ouvi rëres qui veillent au soin des' petits vers , en trouvent tou- tes les fois qu'elles en ont besoin. Aucun auteur, de tous ceux que j'ai lus, ne fait mention de cette particularité. Cepen- dant c'est une remarque très-curieuse dans l'his- toire de ces insectes. Cette découverte nous Fait voir la véritable destination de l'eau que les abeilles voiturent dans les rucbes. Il ne me reste qu'à rapporter ici une prati- que de M. Lagrenée au sujet de l'eau , dont nous ne nous inquiétons pas, parce que notre Tom& III. K 146 Traité complet île est remplie de sources d'eau ; mais qui est nécessaire pour les endroits qui n'en ont pas ou qui en sont très-éloigncs. «Le pays, dit-il, où j'ai mis mes abeilles, ainsi que bien d'autres , n'est pas abondant en eaux , à beaucoup près ; et comme elle leur est absolument nécessaire, voici comment j'j sup- plée. J'ai un baquet lari^e, et bas de bords; j'en couvre le fond de la mousse qui croît sur les arbres, et je mets de l'eau pai^dessus, de fa- çon qu'elle ne surmonte pas la mousse. «Cette manière de donner à boire aux abeilles, outre les longs voyages qu'elle leur épargne et le danger de se no^-er dont elle les préserve, paroît leur être fort agréable, ce que je juge à la quantité considérable de moucbes que l'on voit venir s'y désaltérer, et à la consommatioQ de l'eau qui va à deux pintes par jour pour dix ruches (i). Au lieu qu'on voit à peine quelques moucbes venir où il n'y a que de l'eau avec (i) Quoiqu'il en soit de la prtdilection des abeilleç pour la mousse sur la paille , que je crois très-probable^ il est certain que la pratique de M. Lagrenée ne peut qu*étre très-utile pour les abeilles. Pour ce qu'il dit ensuite , qu'il faut deux pintes d'eau par jour pour dix SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. IX. 147 des brins de paille par dessus, comme quelques personnes le pratiquent. «Pour n'être pas dans le cas de mettre de l'eau si souvent, je prends une douve de ton- neau ; je choisis celle qui est percée pour la bonde, je l'appuie des deux bouts sur les bords du ba- quet , et l'y cloue , s'il le faut ; puis je mets dans le trou une bouteille de grès pleine d'eau , ren- versée le cou en bas. L'eau du baquet soutient celle de la bouteille, laquelle ne se vide qu'à mesure que l'eau du baquet est enlevée. Il faut que le cou de la bouteille ne soit ni trop long-, ni trop court , afin que l'eau du baquet ne soit ni trop basse , ni trop haute. « Cette pratique doit être mise en usage, seu- lement au printems et dans les sécheresses ; elle est très- utile pour faire prospérer les abeil- les : on renouvelle la mousse de temps à autre, lorsqu'on voit qu'elle se dissout. » Cette observation de M. Lagrenée prouve que l'eau n'est nécessaire aux abeilles que pour ruches, on doit l'entendre pour le temps des grandes couvées. Au reste, outre ces dix ruches, à combien d'autres des environs ne servent pas ces deux pintes d'eau ? K ii 148 Traité complet leurs couvains, c'est-à-dire au printemps, lors des grandes couvées; ce qui confirme notre scn- fiitient sur la destination de l'eau dans les ruches. CHAPITRE X. D^E là- J cuisse teigne qui détruit les rayons des abeilles. Lô Asc^u E tous lés auteurs s'accordent à met- trie la fausse teigne au nombre des ennemis de nos insectes , c'est parce qu'en détruisant leurs rayons , et en dévastant leur demeure et leurs provisions, elles Tes forcent à périr ou à aban- donner leur ruche. La teigne n'ejt pas parti^^ cuHèrènient l'ennemie des abëilFes; qWq ne les attaque jamais ; mais elle détruit leurs myons jwur 3' faire ses galeries, son habritation, et se nourrir des matières hétérog'c^n'és qtri s'y trou- vent,-comme des dépouilles des nymphes, et de la molividbe, J en parlerai, ^après avoir don- ne une description; exacte de cet insecte , tirée du Dictionnaire de M. de Bomare. « Les abeilles, dit-il , ont encore ( il venoit SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChA?. X. 149 de parler des autres ennemis des abeilles ) un ennemi bien pins dangereux ; car ce n'est pas senlement anx abeilles, qn'ils font tort, en dé- trnieant , mangeant et bouleversant leurs tra- vaux, mais encore à nous-mêmes (1); qu'il prive de l'espérance de partager avec elles un bien que nous regardons comme commun en- tre elles et nous. « Cet ennemi aussi dangereux , est un insecte, que l'on appelle teigne de cire , à cause du dégât qu'il en fait. Cest.une petite cbenille ten- dre et délicate , sans armes et sans défense , qui sait vivre aux dépens des travaux de plus de dix huit mille ennemis, tous bien armés, dont elle est environnée continuellement, et qui tous veillent à la garde de leur trésor. Notre mangeuse de cire ( on a vu que la tei- gne ne mange point la cire) est du genre des fausses teignes. Son papillon est du genre des j)balcnes; c'est-à-dire de ceux qui ne volent que la nuit. Ce papillon, ami de l'obscurité, profile de la nuit où tous les êtres de la na- .^ — ' — . 1^ (1) Qiioltfue la teigne ne mange ni Je miel ni la cire, elle ne laisse pas d'occasionner la diminution de l'un et de l'autre par le dégât qu'elle fait des rayons, et parce qu'elle relarde les abeilles dans leur travail. l5o TkAITÉ COMPLET ture sont livrés au sommeil ; il trouve le moyen de s'insinuer clans une ruche, de tromper la vigilance des abeilles, de traverser une armée formidable, pour aller déposer ses œufs dans ie coin de quelcj^ie gâteau. Au bout de quel- f|ues jours, l'œuf éclut ; il en sort une petite clicnille à seize jambes, rase, dont la peau est blanchâtre, la tetc brune et écailleuse. Cette chenille , qui naît environnée d'ennemis prompts à la vengeance, ne peut éviter la mort, c|ue par son extrême petitesse, qui dérobe les pi^- ïniers momens de sa naissance aux regards des surveillans (r), et par la promptitude avec la- quelle elle file dans l'instant, et s'enferme dans (i) Ce n'est pas la petitesse des teignes qui les fait échappera la mort; c'est parce qu'elles naissent parm-î la molividhe dans les a]v(^o]es qui en sont à moitié pleines, ou dans les fentes des ruches dont celles de paille ou d'osier sont remplies, ou enfin parmi les ordures, et sur-tout lorsqu'on ne nettoie les ruches qu'tuie ou deux fois par an. Cependant lorsque la ruche est forte et bien peuplée, aussitôt que les teignes commencent à atta- quer les rayons , les abeilles les tuent et les jettent hors de leur ruche, ce que l'on voit souvent : mais si elle est fbible, les vers se multiplient si rapidement que les abeilles n'osent plus les attaquer , ou ne le font que foiblemcnl. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. X. l5l un petit tuyau de soie, qui suffit alors pour met- tre ses jours en sûreté ; voilà donc son seul bouclier. Ce fourneau est d'abord proportionné à la i^rosseur de la cbenille : il est collé con- tre les alvéoles de cire (t) ; ainsi elle trouve la nourriture tout autour de sa porte. Lorsque l'aliment lui manque , elle alonge vm tuyau qui forme une galerie, et marche ainsi, cher- chant sa nourriture, au milieu de ses ennemis en chemin couvert, « A mesure que \à chenille croît et a besoin de nourriture, elle alonge et élargit sa gale- rie , qui est tortueuse , et qui va de cellule en cellule (i). Plus elle avance en pays ennemi, (i) Il n'est pas croyable, que la fausse teigne attache ses œufs à découvert contre les pai-ois des cellules, et que ce soit là que les petits vers prennent leur crois- sance. Il est inconcevabJe que les abeilles ne jettent pas ces oeuf.-> et ces petits vers avec leur coque hors de la ruche, il faut croire plutôt que c'est au fond des alvéoles, entre les poussières des élamines ou de la molividhe, ou au milieu des ordures, ou dani les fentes des ruches, que ces insectes prennent naissance et leur accroisse- ment, comme je l'ai dit dans la note précédente. (2) Qu'elle perce successivement pour se nourrir de la molividhe qui s'y trouve , ou d'autres matières hé- térogènes. R iv i52. "Traité complet plus elle fortifie sa j^alerie : elle n'etoit au commencement que de puie soie ; mais à mesure qu'elle l'ai^randit , elle en couvre Je dehors avec des moiceaux de ciie qu'elle hache, ( on donnera ci-dessus la raison pour la- quelle les teignes hachent ainsi la cire ,) et avec. ses excrémens, qui ont la forme et la couleur de poudre à canon. Elle unit tous les matériaux avec des fils de soie, et se forme un rempart inexpugnable aux traits des abeilles : l'intérieur est garni d'une soie douce , en sorte que son corps délicat repose très-mollement. « Cette galerie, qui n'etoit d'abord que de la grosseur d'un fil, devient, à mesure qu'elle est alongée et agrandie , de la grosseur d'une plu- me à écrire. Comme la teigne de la cire est obligée de mettre la tète dehors pour prendre sa nouiriture, sa tcte et son premier anneau sont armés d'écaillés , contre lesquelles l'aiguil- lon de l'abeille ne peut rien. Il faut croire qu'il n'est pas possible aux abeil- les de détruire ces galeries, car cet ennemi se multiplie quelquefois tellement dans la ru- che, qu'il hache et renverse tous les travaux, et réduit les mouches au point d'abandonner leur demeure. Cet insecte destructeur arrivé à soa SUR LES ABEILLES. LiV. V. CfIAP. X. l53 dernier degré d'accroissement, file une coque à l'extrémité de sa galerie, s'y renferme , y su- bit la métomorphose commune aux chenilles et en sort en papillon. 11 seroit très-avantageux de pouvoir trouver des moyens de l'anéantir. Il paroît dans les mois de juin et juillet (i). - «Mais il convient de designer ici ce papillon, qui^ après avoir ravagé les ruches, est encore la cause des guerres cruelles cpi'on voit entre les abeilles, parce qu'elles veulent se réfugier dans la république ou ruche voisine. Alors les abeilles de chaque ruche se battent en duel : qu'on juge du meurtre et du carnage. «Le papillon, dont nous parlons, est un phalène qui porte les ailes couchées et parallèles à l'ho- rizon : il est d'une couleur lirise oÎA-^cni-e. Toute personne qui se lait un plaisir d'élever des abeilles , n'est que trop à portée de le con- noitre, lorsqu'il vient à cii!c\cr la cire de quel- ques-unes de ses ruches.» La description cpje M. de Borna re nous donne (i) Je ne sanrois dire le temps que les teignes pa- roissent dans ces pays-ci : mais dans le levant nos ruelles y sont exposées, si nous n'y prenons garde , pres- que toute l'année, à cause de la chaleur. 11 est vrai qu'en été elles s'y multiplient extraordinairement. 104 Traité complet de la fausse teii>ne , est exacte ; cependant à l'égard de son origine, et de l'espèce d'aliment dont elle se nourrit, nous adoptons dans l'île de Syra un sentiment bien diiï'érent du sien, au surplus, tous les auteurs que j'ai lus, sont du même avis que cet estimable auteur. Quant à l'origine de la fausse teigne , je ne doute pas que les papillons qui la produisent , ne puissent quelquefois pénétrer dans les ru- ches, et y déposer leurs œufs sur les rayons que les abeilles ne couvriroient pas assez , ou même dans quelques ouvertures qu'elles au- roient négligées, ou enfin au milieu des ordu- res qui peuvent se trouver au bas des ruches. Mais que les papillons soient assez hardis pour s'insinuer parmi le gros des abeilles, (qui cou- vrent leurs rayons,) et pour y déposer tran- quillement leurs œufs : supposer ensuite que les abeilles soient assez indolentes pour ne pas s'y opposer, et qu'elles laissent croître au mi- lieu d'elles ce cruel ennemi , c'est une chose qui surpasse toute vraisemblance. JSous pensons donc, que le plus souvent les papillons déposent leurs œufs sur les étamines des fleurs , et qu'ensuite les abeilles recueillant sur ces mêmes fleurs leur provision de moli- SUR LES ABEÎLLÏÏ8. LiV. V. ChAP. X. l55 vidhe, emportent avec cette farine plusieurs de CCS œufs qui s'y trouvent mêlés, et que la chaleur de la ruche suffit pour faire éclore. Si les abeilles sont nombreuses et fortes, l'ennemi est bientôt expulsé : autrement la ruche court le plus grand danger si le propriétaire ne vient à son secours. Là preuve en est que souvent lorsqu'on re- tire , d'un jeune essaim , un rayon presque plein de la poussière des étamines , ou de mo- lividhe, quoique l'on ait eu soin de bien fermer la ruche toutes les nuits , pour qu'il n'y entre aucun papillon , et de mettre le rayon dans ua lieu où aucun insecte ne puisse pénétrer , on ne tarde pas à trouver quantité de vers au mi- lieu des étamines du rayon. ^ D'après ce fait et d'autres expériences que je rapporterai , je soutiens contre M. de Bo- mare et contre tous les auteurs, que la teigne ne^e nourrit jamais de cire, et que c'est à tort et très-improprement qu'on l'appelle teigne de cire ; queruni(|ue nourriture de cet insecte, c'est lamolividhe, et autres substances hétérogènes qui peuvent se trouver entre la cire et la pro- polis ; mais sur-tout dans les dépouilles que les nymphes laissent dans les cellules, et dont jB6 Traité complet les vieux rayons abondent plus que les nou- veaux ; voici sur quoi se fonde notre senti- ment. i^. La cire est un corps indissoluble qui, comme nous l'avons vu ailleurs d'après M. Geer, résiste à toutes les opérations chimiques, au point ({ue , quoiqu'on ait trouvé moyen, à force d'art , de dissoudre et de décomposer les métaux et les pierres les plus duies, la cire toute molle qu'elle est a résisté à tout. L'estomac de l'homme , ni celui d'aucun autre animal ne peuvent la digérer. Il y a donc lieu de croire que ce ver ne pourroit pas y mieux réussir. 2.". Nous V03 ons encore que, lorsque la cire est pure et nette , jamais les teignes ne l'attaquent, au lieu qu'elles s'y jettent, quand elle contient des matières hétérogènes. Aussi nous obser- vons tous les jours que les nouveaux rayons dans lesquels les abeilles n'ont (brmé aucune couvée, et qui par conséquent sont d'une cire très-pure , ne sont jamais attaqués des vers. Eu France j'ai vu dans les ruches dont les essaims avaient j^éri , des morceaux de rayons qui y res- toient attachés dans la partie supérieure, pen- dant plusieurs années, sans être attaqués des teignes , et cela parce que la partie supérieure SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. X. iSy des rayons, comme nous Pavons marqué ail- leurs , est composée d'une cire pure et sans m'é- lange. Enfin lorsque nous faisons fondre nos rayons et formons des pains de cire, il s'y trouve ordinaireaient des ordures, et si nous n'avons soin de les grater, ou de les séparer du corps de la cire, les teignes lesattaquent bientôt ; mais quand ces pains ont été bien nétoyés , ils sont à l'abri de toute espèce de danger. Ce n'est donc pas de la cire que se nourrissent ces insectes, mais des autres matières qui y sont mêlées , comme la molividhe, les dépouilles des nymphes, et au- tres. D'après cela, on voit aisément pourquoi la précaution de nos abeilles de ne jamais conser- ver dans leurs cellules la molividhe seule, mais de les en remplir toujours à moitié, démettre du miel par dessus, et de recouvrir le tout avec un couvercle de cire , ainsi que nous l'ayons exposé ailleurs. Leur dessein est peut-être que l'air par ce moyen ne puisse pénétrer jusqu'au fond des cellules , où se trouve la molividhe, pour qu'il n'y ait pas de fermentation , et que les œufs des vers, s'il y en a, ne puissent pas éclore. Qu'on ne m'oppose pas , que la fausse teigne i58 Traité complet se nourrit de cire , parce qu'elle ronge les rayons. Cela ne feroit que confirmer mon sen- timent ; car si la teigne se nourrissoit vérita^ blement de cire, elle ne la brojeroit pas, ou elle ne 1 emietteroit pas, comme elle fait ; mais parce qu'elle ne se nourrit que des autres ma- tières qui se trouvent dans les rayons , elle les divise ainsi pour en tirer sa subsistance : on sait d'ailleurs que toutes les rognures qu'elle fait, ne sont absolument composées que de cire et d'aucune autre substance. En voilà assez sur la nature , l'origine , et la matière dont les teignes se nourrissent; nous allons parler maintenant du dégât qu'elles font dans les ruches, et du moyen de l'empêcher. SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. XI. 169 CHAPITRE XL D u dcgdt que font les teignes dans les ruches , des moyens de les en préserver , et de les sauver , quand elles en sont at- taquées. /\pRÈs ce qu'on a dit clans le chapitre pré'- ccdent , on ne peut trop s'étonner qu'un insecte aussi foible que la fausse teigne puisse parvenir à s'emparer, pour ainsi dire, de l'habitation et des provisions de plus de vingt mille abeilles. « Quoi, dit M. Ducarne , actives, vigilantes, vindicatives même , armées de pied-en-cap, elles souffrent que de si foibles et de si mépri- sables ennemis se multiplient «t se cantonnent impunément sous leurs veux dans l'intérieur de leur république ! à quoi leur sert donc cette industrie , cette sagacité et cet amour pour la patrie qu'on admire si fort en elles dans d'au- tres circonstances? Que sont devenus ces aiguil- lons redoutables qu'elles emploient souvent si mal à propos contre les hommes , et contre d'au- tres animaux , qu'il leur plaît de regarder comme des ennemis ? i6o Traité complet Toute leur prétendue prudence échoue ici d'une manière très-sensible. Elles ne sont point instruites de ce qu'elles ont à craindre de Ces papillons , qu'elles laissent courir dans leurs ruches sans les poursuivie. Elles n^emploiertt ni contre eux , ni contre les teii>nes qu'ils produi- sent, aucun de ces moyens rigoureux ou ingé- nieux, dont on leur tait honneur dans tant d'au- tres occasions. Ces républicaines si fiëres , si jalouses de leurs provisions, nourrissent dans leur sein un cntTcmi ck^mestique qui, malgré sa Foi- blesse, parvient à se rendre maître de la place: tant il est vrai qu'il n'y a point d'ennemi mépri- sable. » Tout ce que dit ici M. Ducarne, il f'àUV rèn- tendre conformément àce que j'ai avancé dans le chapitre précédent , sur la prétendue inaction des abeilles dans une pareille circonstance. ■ « Le mal , que font les fausses teignes aux a'beilîes ,- rajoute- t - ii , est presque toujours rrrèmédiable dans les àncieimes ruches , et on a le désagrément de voir clés colonies entières d'abeilles déserter et se perdre, ne vous laissant que des provisions, dotit on ne peut tirv^'r pres- qu'aucun parti. En cfïèt, dit MA'Vildman, qui- conque J fera un peu d'attention , se convaincra que SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChAP. XI. l6l que les fausses teignes font à elles seules plus de tort ixu\ abeilles , ciuc tous leurs autres en- nemis ensemble. Ce fléau doit être une des principales causes qui découragent le public de s'adonner sérieu- sement à la culture des abeilles, et qui s'oppo- sent par conséquent à la propagation de l'espèce en France, et dans presque toute l'Europe. On peut réduire à trois ou quatre les causes de ce ravage dans les ruches de paille , d'osier et de presque toutes les autres sortes de ruches, dont on se sert en France et ailleurs : i°. A la facilité, avec laquelle les fausses teignes peu- v vent s'y introduire et s'y multiplier. ^°. A la difficulté avec laquelle ces ruches peuvent être nettoyées, soit par le propriétaire , soit par les abeilles elles-mêmes. 3". Au mauvais usage de ne pas récolter tous les ans les ruches, et de leur laisser tous leurs ravons en entier ; et enfin à la difficulté , et presque impossibilité de sauver ces ruches , quand une fois elles ont été atta- quées par ces insectes. La facilité avec laquelle la fausse teigne peut s'introduire clans ces sortes de ruches est évidente. Tous les passages, toutes 'es ouvertures qui s'y trouvent, et sur-tout dans celles de paille et To/ne JII. L i62 Traité complet d'osier , ne peuvent que présenter aux papil- lons le movcii d'y déposer leurs œufs , et aux jeunes vers de s'y nicher. Une fois qu'ils ont écliapp.é à l'aiguillon des abeilles, il leur est aisé par le moyen de leur galerie de s'y mettre en sûreté. La difficulté de tenir ces ruches dans un état de propreté, sur-tout celles de paille et d'osier est si grande qu'elle a fait dire à M. Lagrenée, de ne les nettoyer que deux fois par an. Le pro- priétaire ne souffre pas seul de ces inconvéniens. Comment les abeilles pourroient-elles nettoyer leurs tablettes couvertes d'ordures et souvent raboteuses , si elles n étoient dans toute leur force, ou vers la fin du printemps, ou pendant l'été ? Encore faut-il en excepter dans ces temps îà les ruches qui ont essaimé, qui sont foibles, et les petits essaims: Ce défaut de nettoyer les ruches est cepen- dant la principale cause des ravages dont elles sont la proie de la part de ces insectes ; en effet, lorsque nous sommes en retard sur cette opéra- tion , on trouve une quantité de vers déjà formés au milieu de ces ordures. Mais si dans nos ru- ches, dont la construction a tant d'avantages sur les autres, on n'est point entièrement à l'abri de SUR LES ABEILLES. LiV. V. ChaP. XT. i63 ces accidens, qne sera ce de celles de paille et autres, qni n'ont pas tous ces avart.i^es? De toutes les soi tes de rucIies qui ont été inventées jusqu'à j)iésent, il n'y a que celles de M, l'abbé Eloi , vicaire i(énéi al de Trojes, (se- lon M. l'abbé Tessier , Eiicvclop. périorfique ,) qui présentent un moyen sûr et Facile pour les tenir toujoîirs dans une giande propreté. On peut voir la description de ces ruches, à la fin de ce volume. L'usage, presque général , de ne pas récol* ter les ruches tous les ans , en leur ôtant le su- perflu et les rayons vuides, contribue très-sou- vent à faciliter la production de la fausse teigne. Pour préserver aisément une ruche de ce fléau , il faut que les rayons , qu'on y laisse pour la provision des abeilles , soient à-peu-prës pro- portionnés à leur nombre, c'est-à-dire qu'ils soient en telle quantité que les abeilles puissent commodément les couvrir et les soio^ner. Sans cette précaution il s'ensuit que les abeilles se retirent au fond de leur ruche , cédant à la né- cessité de se resserrer pour s'échaufïèr,ou pour couvrir leurs provisions et leur couvain ; ainsi plusieurs rayons restent à découvert , et pres- qu'abandonnés ; et alors les papillons peuvent Lij î64 T :i A I T É* COMPLET impunémenr y déposer leurs œufs ; les vers y éclosent très-facilement, et s'y propagent très- rapidement. Enfin autant qu'il est facile au\ vers de s'in- troduire et de se nuilt)j)licr dans ces rurl:es, autant il est difficile aux prOj)riétaires de les en débarrasser une fois qu'elles sont attaquées. De sorte, dit M. Lai>-renée , (|ue lorsque lesteii^nes s'introtluisent dans une ruche , il est rare qu'elle en revienne, parce qu'elles s'y multiplient prodi- gieusement. Aiubi , comme on l'a déjà dit ail- leurs , ces ruches appartenant aux gens de la campagne , durent-elles à peine trois ans ^ans être atteintes de ce l'iéau ; et les paysans, cpii le savent tiès-bien , cherchent à s'en défaijc avant ce terme. On peut ajouter à tous ces inconvéniens la difticulté qu'on a de connoître à temps , lors- qu'une ruche est attaquée parées insectes, pour pouvoir lasecouiir avec avantage, et avec l'es- pérance de la sauver. Toutes ces difficultés et tous ces inconvé- niens cessent , et disparoissent avec nos ruches. Comme elles sont de terre cuite, rondes et vc*r- niespar dedanSjSi on veut, elles sont parlailement unies, et par conséquent sans coins, ni recoins. SUR LES ABEILLES. LîY. V. Ch AI". XL l65 ni fentes, cjni puissciU servir de retraite au\ vers. Leiirbasquiest iinielcylinclrifjne, et leur ])ente vers l'orifice, donnent iw.K abeilles une i>rande lacilité de se neftover elles- mêmes, (jnand la .maison le leur permet. Et la (acilité avec lacjnelle nous pouvons ouvrir nos ruches, sans les déianoer en aucune manière , et sans incommoder les abeilles, nous olT're aussi la commodité de les tenir propres autant que nous pouvons le désirer. Voici comment nous nous y prenons. Nous nous servons d'une machine de 1er , dont nous avons donné la description planche K, du se- cond volume. Cette machine ou râteau est lon- gue, étroite et un peu courbée vers le bout. Nous la laisons entrer sous les rayons jusqu'au fond de la riïche, et nous entraînons ainsi tou- tes les ordures qui s'y forment continuellement, soit par les excrémens des abeilles, soit par les rognures des couvercles de cire , qui ferment les cellules pleines de miel ou decouvaiïi, ou de celles qui tombent, lorsque les abeilles net- toyent les rayons, soit enfui par les fragmens de cire ou d'autres matières qui tombent pen- dant le travail des abeilles. Nous usons de cette méthode constamment toute l'année, de quinze en quinze jours. Liij i66 Traité complet Nofre méthode constante de tailler nos ru- ches tous les ans, et de ne leur laisser que les rayons que les abeilles peuvent aisément cou- VI ir et nettoyer, met nos ruches à l'abri des fausses teignes ; de sorte que lorsque nous voyons quelqu'une de nos ruches atlbiblie, soit pour avoir tiop essaimé , ou poui- une autre cause, nous lui ôtons un plus giand nombre de rayons , et nous ne lui laissons c|ue ceux que sa population lui permet de conserver et de soigner. Pour connoitre ensuite si une ruche est at- ta juée par les fausses teignes, nous l'ouvrons tuut sim])lement, et nous l'observons avec at- tention : quelquefois nous y découvrons sur le champ les vers ou leurs coques; d'autres fois nous examinons les ordures qui se tiouvent au bas de la ruche ; et si nous y voyons une matière noirâtre et fine, comme la poudre à tirer, c'est un signe certain que la ruche est attaquée de cette vei mine. Après celte certitude, voici LH)mment il faut s'y pieiidre ])()ur len délivrer. Oii l'ouvre d'un C 'U' , on il troduit de la lunit-'edans les lajons, pour en ( hasscr les aheilles, et les obliger de se reiiiei dans le lOud. Kxisuite on commencer SUR LES ABEILLES. LîV. V. ChâP. XI. 167, couper les bords des rayons jusqu'à la moitié, et plus s'il le faut ; on suit ainsi un rayon après l'autre, jusqu'à ce qu'on ait découvert le rayon infecté. Alors on le détruit morceau par mor- ceau , et on le retire hors de la ruche avec la machine que nous appelons râteau , ou avec un couteau à lame recourbée, sans toucher da- vantage aux rayons. Chose étonnante ! les abeilles jusqu'alors comme insensibles au danger qui les menaçoit , dès qu'elles se voient secourues par leur maître , reprennent courage , s'animent, et au nième instant que celui-ci détruit d'un côté les rayoïis infectés , elles arrachent les coques de l'autre , tuent les nymphes et les vers, et semblent s'en- tendre parfaitement pour détruire l'ennemi commun. J'ai été souvent témoin oculaire de cette scène; et même il m'est arrivé quelque- fois , qu'après avoir ôté d'une ruche plusieurs morceaux de rayons infectés , . et fatigué de con- tinuer cet ouvrage, je l'ai abandonné à la con- fiance , au zèle et à l'énergie dont j'avois ob- servé que mes abeilles étoient animés. En effet je ne me suis pas trompé : elles seules l'ont achevé, tout pénible qu'il étoit ; seules elles ont entraîné quantité de coques, de vers, de L iv i68 Traité complet nymphes et des morceaux de layons s? consî- dérabies, que j'admirois comment elles avoient pu faire pour les conduire jusqu'à la porte de la ruche. En suivant cette pratique, on peut être sûr de sauver sa ruche, en s'y prenant sur- tout avant que le mal ait fart de trop grands pro- grès , et que les rayons soient tous infec- tés : dans le dernier cas même , si la saison étoit bonne et les ])âtu rages abondants, ilyau- roit à espérer. Pour préserver plus facilement nos ruches de ce fléau : il faut avertir ici de deux choses im- portantes. 1^. Il faut faire attention qu'un seul rayon ne touche le bas de la ruche. Les abeilles laissent ordinairement un espace de près d'un pouce ; mais il arrive quelquefois qu'elles les y atta- chent j ce qui empècheroit de pouvoir les net- toyer librement : alors il faut les couper, afia que le râteau puisse s'y promener librement. 2.'^. Il faut observer que quelquefois il ar- rive qu'un rayon se détache du haut , et tombe, quoique soutenu par ceux du milieu. Si ce rayon n'est pas rempli de couvain , le meil- leur parti à prendre c'est de le retirer partie SUR LES AREILLES. LiV. V. ChAP. XL 169 par partie , et de débarrasser ainsi les abeil- les : pour cela il faut couper un peu les bords des rayons qui se trouvent sur le devant , en faisant attention de retirer ce rayon du côté qu'il y en a le moins , c'est-à-dire par-devant ou par derrière. Mais s'il étoit plein de couvain, il faudroitle laisser jusqu'à ce que le couvain en fut sorti ; et en attendant, pour empêcher les vers de s'y mettre, et donner aux abeilles la facilité de nettoyer la ruche, il faudroit pratiquer au bas de ce rajoii une petite ouverture par où les abeilles pus- sent entraîner les ordures. Si on voyoit même que ce rayon n'exposât point la ruche , onpour- roit le laisser dans sa position jusqu'au moment de la taille ; alors il seroit plus aisé de le reti- rer, sur-tout si c'étoit un rayon de l'année. Les ruches qui ont leur partie supérietire can- nelée , comme je le prescris , ont l'avantage que leurs rayons iie se détachent jamais.' Avant de finir ce chapitre, je rapporterai ce que M. Ducarne propose pour garantir les ru- ches des teignes, et j'y ajouterai quelques re- flexions qui jetteront plus de jour sur ce sujet. » Comme ces teignes, dit M. Ducarne , se lo- gent presque toujours dans le haut des ruches. 170 Traité complet il m'est facile de les exterminer , en détachant la hausse supérieure dans laquelle elles se pla- cent ordinairement. D'ailleurs les vieilles ruches sont plus exposées à ce malheur que les nou- velles, et comme j'ai un grand soin et une grande facilité de renouveler mes ruches, elles ne sont presque jamais infectées. Enfin si ces dangereux papillons se présentent au mois de juillet et suivans , l'attention que l'on aura de rétrécir l'entrée des ruches dans la saison des papillons, ne leur laissera pas le mojen d'y pénétrer pour déposer leurs œufs. « 11 y a ici bien des choses à répondre à M. Du- carme. D'abord les teignes ne commencent à attaquer les rayons que sur les bords et au mi- lieu où se trouvent les poussières des étamines. Les parties supérieures des ruches étant de cire pure et* ordinairement de miel pur , dont elles ne se nourrissent jamais, comme nous l'avons fait voir au chapitre précédent», en sont toujours exemptes. Si dans la suite on trouve leurs coques dans la partie supérieure de la ruche , c'est parce qu'après s'être bien nourris et avoir pris toute leur croissance, ils montent le plus haut qu'ils peuvent , comme toutes les chenilles le pratiquent, pour former leurs coques , en se SUR LES ABEILLES. LlV. V. ChAP. XT. 171 frayant un chemin couvert à travers les cel- lules. Nous avons aussi la facilité de renouveler tous les ans les rayons de nos ruches, comme on le verra lorsque nous parlerons de la taille. Au surplus, je ne crois pas que le léirécisscment de l'entrée des ruches soit un moyen assuré pour les garantir de la fausse teigne, puiscjue leurs œufs sont souvent introduits par les abeilles mêmes avec leur provision. «Dans l'Encyclop. périod. on dit qo'on pré- « viendra les araignées , les fausses teignes et « les poux , si , avant de se servir d'une ruche « pour y mettre l'essaim , on la nettoie bien ; si « on la passe sur la flamme d'un feu clair, et i\ « l'on a l'attention de ne pas laisser les ruches «vides exposées aux volailles qui sont sujettes « à avoir des poux. » Nous avons l'usage à Syra , avant de mettre un essaim dans une ruche vide d'y introduire un peu de feu dans un vase quel- conque et de la fermer ensuite pour quelque temps, et cela pour deux ra'sons. D'abord en échauffant ainsi la ruche, les restes des anciens rayons et la propolis qui s'y trouvent se fondent et rendent une odeur très-agréable ; ce qui y retient les jeunes essaims, et les engage œ.éme à lys Traité complet y entrer d'eux-mêmes. Ensuite parce que cette clialeur détruit les œufs de tous les insectes en- nemis de nos abeilles. Cependant en détruisant ainsi tout ce qui a ])u se trouver précédemment dans une rucl\e , il ne laut pvis cioire qu'on l'ait mise par là à l'abri de tous les événcmens qui peuvent arriver. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. T. 1^3 «aaMiUiiliii'MwiL ' Il I -l'If II i'in'ius-xiLJ'^7mn»-itjmmi.j.jjiijttu«u:^-j„;i.»'"m m ■ ■ ■ •—m LIVRE VI. Des ennemis des Abeilles , de leurs mala- dies , et de quelques autres particula- rités concernant leur gouvernement. CHAPITRE PREMIER. D u pillage icciproque que se Jbnl les abeilles ;, et de la manière de Vcmpêcher. Outre les teignes dont nous avons parlé clans le dernier chapitre du livre précédent, et qui, comme nous Tavons remarqué, ne sont pas, à proprement parler , les ennemis directs des abeilles , mais plutôt les destructeurs de leurs provisions et de leur habitation , ces dernières ont beaucoup d'autres ennemis particuliers dont im sage cultivateur cherchera à ptéserver ses ruches. M. Wildman dit au chap. 7 : « Dans le prin- « temps et dans l'été, les plus grands ennemis 174 Traité complet « des abeilles sont les abeilles elles-mêmes, qui « se pillent et se saccagent réciproquement ,siir- « tout dans les temps secs et arides, lorsque la «récolte du miel est presqu'entièiement finie, «f Alors les mouches qui habitent ces ruches si « peuplées, et qui n'ont pas assez de miel pour «leur propre provision , sont Foicées \)<\r la fa- « mine d'aller attaquer les anciennes ruches qui « se sont afToiblies , à force de pro. luire des es- «saims, et elles leur enlèvent tout leur miel.» C'est ce que confirme M. Ducarne dans son vingt-sixième entretien. «Le pillage qiTe se font «les abeilles mutuellement, fait périr plus de » mouches et plus de ruches que tous les autres «ennemis des abeilles ensemble. Ci ez elles, « comme parmi nous, elles trouvent dans leurs «: semblables des ennemis d'autant plus à crain- « dre, qu'elles ont moins lieu de s'en méfier , et « qu'elles peuvent moins se précautionner contre « leurs attaques.» Il résulte de ces deux autorités réunies qu'un tel pillage est un grand fléau pour ces insectes, et un grand obstacle à leur propagation. Dans le Levant on n'éj)rouve pas souvent cette cala- mité, et , excej)té quelques combats particuliers qui ont lieu quelquefois entre deux forts essaims SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. I. 176 et le pillage de quelques ruches vigoureuses sur des foibles, cet accident est fort rare : il n'arrive même ordinairement que par la faute du pro- priétaire qui n'a pas pris les précautions néces- saires, ou qui a fourni du miel à ce petit essaim pour sa provision. Fendant plus de i5 ans que j'ai cultivé les mouches , je n'ai pas vu une seule de mes ruches pillée par une autre." J'attribue l'avantage dont elles jouissent, à cet égard , à trois causes. 1°. Le pajs étant plus abondant en miel , les abeilles s'en fournissent en plus grande quanti- té, et sont, par conséquent, moins tentées de voler leurs voisines. '2^. Parce que nous tenons nos ruches beaucoup plus éloignées les unes des autres qu'en France. Ne craignant rien dans notre île de la part des voleurs, puisqu'il n'y en a point dans ce séjour de l'innocence , nous les laissons dispersées dans toute l'étendue de la contrée , et nous ne cher- chons point à les renfermer dans des enceintes ni dans des murs , de sorte qu'elles sont souvent à une assez grande distance les unes des autres. En France, où elles sont tenus dans un espace très-resserré, elles sont exposées à être beaucoup plus pillées que les nôtres. '7^ Traité complet 3°. La construction de nos iiiclies nous ofTrarït la commodité de les visiter, et de savoir quand elles manquent de provisions, on leur en Ibur- nit assez pour les empêcher d'être tentées de piller les autres. -- M. Ducarne rapporte plusieurs causes de ce pillage dans son v.ingt-sixième Entretien, que je rapporterai littéralement, en j' joignant mes ré- flexions. La première qui, selon lui , excite les abeilles à se saccager, c'est la gourmandise et le liber- tinage ; et moi j'ajouterai un penchant continuel à chercher des provisions pour les apporter dans, leur domicile. En efïèt on voit dans notre lie que dans les saisons où elles ne trouvent rien à recueillir dans les campagnes, elles entrent dans la ville et qu'elles se jettent dans toutes les maisons où elles sentent du miel , et où l'on en travaille. « J'en ai vu souvent , continue M. Du- « carne , le faire de celle.de mes ruches qui « étoient le mieux fournies de provisions : celles- « ci sont mêmes les plus à craindre. Fortes et « vigoureuses comme elles le sont , puisque rien « ne leur manque , celles qui sont foiblcs ont plus « de peine à leur résister. Je crois cependant que « le besoin et la nécessité y entrent quelquefois « pour Sur lï:s ABtiLLEè. Liv. Vï. Chap. I. 177 « pour quelque chose (i) ; mais les inclinations « perverses de certaines espèces sont le plus sou- « vent la cause de ce désordre. Outre un certain « nombre d'espèces pi us ou moins pillardes, telles « que les grosses brunes » Quant aux saisons où cet accident est le plus commun , on a remarqué que les mois de mars et avril, jusqu'au 5 ou 6 de mai , étoient la sai- son la plus à craindre pour le pillage, ainsi que depuis la fin de juillet jusqu'à ce que l'on les (i) M. Ducarne, dans son vingt-unième entretien , pag. 320 , adresse ce qui suit à son voisin. » Sachez mon voisin , et retenez-le bien , car ceci est d'Importance , et il ne faut plus l'oublier, que quoique le temps soit beau, que le vent se trouve quelquefois au midi , que le soleil SOÎt brillant et même chaud , il peut néanmoins arriver qu'il ne soit pas favorable à la récolte du miel , ni même quelquefois à celle de la cire. J'ai vu cela dans des jours, où si je ne l'eusse vu de mes yeux, je ne l'aurois pas cru. Cependant à peine sortoient-ellesde leur ruche, tout étoit plein de fleurs de tous côtes , tout sembloit les inviter au travail , et presque pas une ne bougeoit : au lieu que dans d'autres jours, qui étoient souvent bien moins beaux , je les voyois sortir en foule et revenir par troupes à chaque instant, chargées de leur petit butin. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP I. l8l renfeme en hiver , c*est-à-dire que le pillage n'est sur-tout à craindre que dans les saisons où les abeilles ne trouvent point ou peu de miel à ramasser. C'est aussi ce qui fait que dans le mois de juillet , et quelquefois dès le 12 ou le 1 5 de ce mois, on voit les pillardes roder au- tour des ruches , quand elles ne trouvent point de miel en campagne. II arrive même, quoi- que ceci soit rare , que depuis le commence- ment de juillet jusqu'à la fin de l'hiver suivant, les abeilles ne trouvent plus de miel sur les Dans ces jours défavorables, au contraire, à peine ea voit-on revenir ou sortir quelques-unes de temps à autre- On diroit que tout est mort ou languissant dans les ruches : quelques-unes seulement s'en vont de temps à autre chercher le plus nécessaire et le plus pressé , sans qu'on voie les autres bouger de place ; on les voit devant les entrées de leurs ruches , ne sachant que faire, et cherchant à visiter leurs voisines et à piller les plus foibles ; car quoique tout paroisse languissant, c'est rela- tivement au travail , et elles sont toujours très-éveillées pour aller piller bien vite une autre ruche qui ne sera pas assez vigoureuse pour leur faire résistance. Aussi, mon voisin , ces mauvais jours sont-ils fort sujets au pillage qui y est particiJièrement à craindre : ce qui re- vient à ce qu'on dit , que l'oisiveté est la mère de tous les vices. " M iii_ i82 Traité coMPLrT fleurs que ce qu'il leur en faut pour vivre au jour la journée , et quelquefois point du tout. J'ai vu déjà deux ou trois de ces mauvaises an- nées. Heureusement qu'elles sont rares.» « Au reste pour revenir au pillage , quand une fois il est commencé sérieusement , je n'y connois plus de remède (i). Le point essentiel est de le prévenir. Pour cela il est nécessaire d'en connoître les premières marques. Voyons d'abord ce que c'est que le pillage. *> « On a remarqué que quand une rucIic est au pillage, on entend devant cette ruche , et même dans presque toute l'étendue du jardin, un bruit plus grand qu'à l'ordinaire, et que si on approche l'oreille de cette ruche, ce bruit y est considérable. Cela vient du mouvement que s'y donnent les abeilles, les unes pour dé- fendre leurs provisions , et les autres pour s'en emparer; et comme celles qu'on y voit entrer en foule, vont et viennent dans les environs du rucher avec beaucoup d'afïluence et de précipi- (i) Cependant les moyens que M. Ducarne donne en- suite dans une telle circonstance, me parolssent très- propres à pridité étonnante devant l'en- trée des ruches , où les domiciliées sont tou- jours en garde contre leurs entreprises. Quel- quefois même elles se posent effrontément tout (j) On voit en pareil cas l'abeille soulever sa partie postérieure, et se tenir presque sur la pointe despitds, les ailes bien étendues. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. L l85 au beau milieu de celles qui en gardent les avenues pour s'envoler avec légèreté et s'enfuir bien vite , quand elles voient venir sur elles quelques-unes des domiciliées qui n'entendent point raillerie, et ne leur feroient point de ■quartier. Aussi le savent-elles bien , car ordi- nairement elles ne les attendent pas. Il s'en trouve pourtant dans le nombre d'assez bardies pour attendre de pied ferme une abeille de la ruche qui viendra la reconnoître et se jeter sur elle. Alors on les voit s'accrocher et se culbuter l'une l'autre , en cherchant à se donner mutuel- lement de l'aiguillon , qui ne manquera point de faire périr sur le champ celle dans le corps de laquelle il a pu pénétrer.» *< D'autres fois , lorsque ces pillardes tardent trop à prendre la fuite , une abeille de la ruche en attrapera une par la jambe de derrière , et ne la lâchera qu'après qu'elle aura fait long-temps des efïbrls inutiles pour s'échapper. Si pendant la dispute il survient une ou plusieurs autres abeil- les domiciliées, malheur à la pillarde ; on les voit l'accrocher chacune par une de ses jambes, et la tirailler en tout sens jusqu'à ce qu'à force d'ef- forts elle parvienne enfin à s'échapper et à s'en- fuir, qui est le meilleur parti qu'elle ait à prendre. i86 Traité complet « Quand vous verrez tout cela, commencez à craindre le pillage pour ces ruches. Craignez- le encore plus lorsqu'au lieu de deux ou trois abeilles qui viendront se présenter devant vos ruches , vous en verrez un plus grand nombre. C'est qu'alors cette ruche est fbible , et que celles qui sont venues d'abord la reconnoître , ont été en avertir les autres, qui ne manquent point d'accourir aussi-tôt. 11 est donc de l'atten- tion des cultivateurs de rendre de fréquentes visites à ses ruches par rapport au pillage, dans la saison où il est le plus à craindre. Mais il faut prendre garde de confondre avec le pil- lage les ébats et les divertissemens que de jeunes abeilles prennent ordinairement aux environs des ruches, depuis midi jusque vers les quatre heures. Il faut bien distinguer le pillage de ces jeux d'enfans , afin de ne pas prendre de pré- cautions inutiles, et même dangereuses. Au reste il est aisé de distinguer la jeunesse qui cherche à passer son temps, des abeilles étrangères qui viennent assiéger une ruche : les jeunes mou- ches se tiennent constamment devant la bouche de la ruche ; elles ont même toujours la tête tournée contre son entrée , au lieu que les mou- ches assiégeantes environnent la place de tous SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. I. 187 côtés , sans garder aucune position détermi- née (i). >> « Pour connoître si ce sont vos mouches , ou des étrangères qui sont occupées du pillage , il y a un mo3'en bien simple. Vous n'avez qu'à jeter une poignée de fine farine sur les mou- ches qui sont attroupées devant la ruche, ce qui vous les fera reconnoître , lorsqu'elles ren- treront dans vos ruches. « « Quant aux moyens de prévenir le pillage, si vous avez quelque ruche foible , dont vous soyez en droit de vous défier, ou pour laquelle vous ayez à craindre, voilà ce que vous avez à faire. » « I o. Vous l'éloignerez des autres , c'est-à-dire que vous la porterez dans un coin de quelque jardin à cinq ou six cents pas , ou même à un quart de lieue du rucher (2) où vous la cou- (i) J'ai parlé ailleurs du divertissement des abeilles et des faux bourdons, et de ce que cela signifîe. Voyel- le chap. IX, du m* livre. (2) Je ne crois pas que cet éloignement de la ruche soit toujours nécessaire, au moins quand 11 provient de la circonstance d'une ou deux journées mauvaises pour la récolte du miel, décrite dans une des notes de ce chapitre , pag. ï8o , parce qu'en pareil cas il sufRroIt de i88 Traité complet vrirez avec des branchages , de mauvaises plan- ches ou des fagots , pour dérober cette ruche à la vue des vôtres ou de celles de vos voisins , qui en allant aux champs pourroient l'aperce- voir. » « 2P. Vous ne laisserez de libre et à découvert que leur entrée , que vous rétrécirez même, au point de n'y laisser de passageque pourune abeille à la l'ois ; ce qu'il vous sera facile de faire avca; du pourjet , ou même un peu de terre mouillée et pétrie : vous la laisserez en cet état jusqu'à ce que vous vous aperceviez que cette ruche est tranquille , et n'est plus inquiétée par les autres. « « 3". Comme la plupart de celles qui sont tour- mentées du pillage sont foibles et manquent de provisions, vous aurez soin de leur en fournir le soir, outoutau plustôt une heure avant lesoleil fermer la ruche menacée , en y laissant quelque petite ouverture suffisante pour que les abeilles puissent res- pirer. J'en ferois autant toutes les fois que je m'aper- cevrois qu'un essaim seroit menacé du pillage. Si en l'ouvrant , quelques jours après , je le voyois encore en danger , je l'éloigneroîs alors , mais pas trop loin , parce qu'en l'éloignant je crois qu'on pourroit le tenir renfermé pendant quelques jours. SLR LES Abeilles. Liv. VI. Chap. I. 189 couchant, pour empêcher les étrangères de sen- tir, en rodant aux environs^ le miel que vous leur auriez donné , ce qui les exposeroit à un nouveau pillage (i)*** « Enfin quand quelques jours aj)rcs , mais jamais avant le temps des fleurs , celte ruche vous parojtra remise et en état de défense, vous pourrez la reporter sous le rucher avecles autres, ou la laisser où elle est , à votre volonté. Tout ce que je viens dédire, regarde le sacca- ment quand il ne fait seulement que cle com- mencer ; mais lorsque le mal est avancé , M. Ducarne dit qu'il n'y a pas d'autre moyen que « de boucher cette ruche à l'instant , au risque d'y renfermer les étrangères quiy sont déjà peut- être en grand nombre, et de la porter le soir de ce même jour à im quart de lieue du rucher , » comme il le dit ailleurs. « Cette même précaution , ajoute M. Ducarne, ( i) J'ai déjà obseryé que les fortes ruches ne cherchent à piller les foibles que pour s'emparer de leur provision. Ainsi quand on volt un essaim foible attaqué, c'est peut être un signe qu'il a beaucoup de miel , et que celui qui lui cherche querelle en manque. Un sage cultivateur doit tâcher de découvrir si c'est véritablement à raison du pillage , et alors il doit y pourvoir. 190 Traité complet n'est pas même alors suffisante. Le mieux est de la placer clans un grenier vis-à-vis d'une fenêtre, en choisissant par préférence celle qui sera le plus tournée au midi. Vous leur fournirez de la nourriture , et ne les laisserez libres de sortir de leur ruche , que quand elles y seront bien tranquillisées; c'est-à-dire que vous ne débou- cherez l'entrée de la ruche que deux , trois ou quatre jours après, s'il faut attendre jusques-là. Vous ne le ferez même que quand le temps sera doux et beau. Elles sortiront de leur ruche et passeront par la fenêtre de votre grenier ou elles reviendront comme au rucher ; mais vous ne leur laisserez toujours qu'une très-petite entrée , de crainte que quelque étrangère ne vînt en- core les y trouver (i). » « Au reste, il est vrai que quand on bouche cette ruche tout de suite, comme nous l'avons (i) D'après ce que j'ai dit ci-dessus , la précaution de mettre une ruche dans un grenier est inutile. Je croirois qu'en me servant de farine, comme l'auteur l'a conseillé, je parviendrois à découvrir quelle est la ruche qui per- sécute les autres , afin de diriger contre elle toutes les mesures et les précautions possibles, en l'éloignant^ en l'enlermant , et s'il y avoit disette de provisions , en lui fournissant son nécessaire. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. I. 1 9I dit, on laisse à la porte toutes les abeilles de la ruche qui s'y trouvent alors , et que si vous em- portez la ruche ensuite , elles ne pourront plus y rentrer. Et puis celles des étrangères qu'ony renferme, qu'y feroient-elles? Feront-elles bon ménage avec celles de la maison ? » « Quand, à ces dernières, les abeilles en au- ront fait bonne et prompte justice , si elles se sont trouvées en assez grand nombre pour être les plus fortes ; et pour ne point perdre celles de ia ruche qui étoient dehors , quand on l'a bou- chée, on laisse cette ruche à sa place , jusqu'à ce que les étrangères se soient toutes dissipées, et alors vous débouchez l'entrée, et y laissez reve- nir toutes celles de la ruche qui n'auront, pen- dant tout ce temps, cessé de tourner autour de leur ruche .>» « J'oubliois d'avertir que quand on ôte cette ruche de sa place , pour la porter ailleurs , il tant toujours remettre à la même place une ruche vide ou pleine de cire , si on en a, pour amuser les pillardes qui reviendront le lendemain, et les empêcher de se jeter sur quelque autre ruche qui ne seroit pas en état de leur^ résister ; car quand une fois elles ont goûté du pillage, elles ne veulent plus faire autre chose , et le 192 Traité complet rucher le mieux fourni se dépeupleroit însen* siblement. » « Si vous n'aviez point de ruche où il fût resté de couteaux de cire , il faudroit yen mettre quel- ques-uns que vous poseriez sous la ruche. Cette cire les amuse , et n'y trouvant rien , après avoir cherclié et tourné beaucoup, elles s'en vont les unes après les autres , et n'y reviennent plus. » «4 Une attention encore utile pour prévenir le pillage, est de se procurer de l'ombre à l'entrée des ruches foibles ^ en sorte que l'entrée de ces ruches soit continuellement à l'ombre; parce que îa chaleur du soleil anime et rend plus vigou- reuses celles qui viennent pour les piller. Le grand jour y fait peut-être aussi quelque chose. C'est une expérience cj[ue j'ai faite plusieurs fois et qui m'a réussi. » « Enfin tout cela est bon pour remédier au pillage, même avancé; mais tout cela n'est point sûr , et quand vous aurez une ruche où le pillage sera bien avancé , regardez la comme perdue ; car malgré tous mes soins, j'en ai peu sauvé. Heureusement que cet accident n'est sur-tout à craindre que pour les ruches foibles, qui seroient probablement bien péries sans cela : une ruche forte et bienpeuplée ne craint guères le pillage. » « M. Du carne SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. Ï. ipS M. Ducarne finit cet article par un avertisse- ment qu'il donne à son voisin qui cherche às'ins- truire : «c'est-à-dire que comme le pillage n'ar- rive guères dans un rucher, que par la mauvaise façon de nourrir celles qui sont foibles, vous serez peu exposé à cet accident à l'avenir , si vous suivez ce que je vous ai dit et ce que je vous dirai encore sur la vraie faconde leur don- ner de la nourriture ». Comme notje méthode de fournir de la nour- riture à nos abeilles à Syra , est d'une exécution plus aisée et plus commode que par - tout ailleurs , et même que celle qu'indique M. Du- carne , il s'ensuit que pour éviter le pillage , il n'y a pas de moyen plus propre que de se servir de ruches construites suivant notre forme, et de les gouverner selon les principes que j'ai expo- sés jusqu'ici , et que je pourrai donner en- core dans le peu que j'aurai à dire sur l'écono- mie des abeilles. Du reste , comme je l'ai déjà dit, je suis très- persuadé que la trop grande proximité où l'on, tient ailleurs les ruches , est une des principales causes du pillage fréquent que les ruelles les plus foibles essuient de la part des plus fortes, à leur grand détriment. Jl est encore certain que les Tome III. N 194 Traité complet abeilles sont naturellement attirées par l'odeur du miel, spécialement lorsque la camj)agne ne leur fournit rien. Ainsi les ruches étant trop rapprochées les unes des autres , elles sentent plus facilement l'odeur du miel qui se trouve chez leurs voisines, principalement dans le temps que celles-ci ouvrent leurs magasins; c'est-à-dire les cellules qui contiennent le miel destiné pour leur nourriture et celle de leur couvain. Je conseille donc à ceux qui ont de vastes terrains et .de grands jardins , de former leur rucher plus spacieux que je ne l'ai proposé au chap. 6 du 2®. livre, de manière qu'ils puissent tenir leurs ruches à une certaine distance les unes des autres, autant qu'il leur sera possible. En agissant ainsi ^ et en exécutant tout ce que je dirai dans le chap. suivant sur la manière de donner aux abeilles la nourriture, toutes les fois qu'elles en auront besoin , j'ai tout lieu d'espérer qu'il n'y aura pas plus de pillage^ qu'il n'y en a dans notre Isle , où les abeilles ne paroissent pas plus voleuses que les hommes, puisque pendant quinze ans que j'ai cultivé des abeilles , je n'ai VU aucuuQ ruche saccagée. iUR LES ABEILLES. LlV. VI. ChAP. II. i pS CHAPITRE II. De la manière de fournir aux abeilles le niik'l dont elles manquent , tirée de JSf. Ducarne. Avant de traiter de la manière de fournir aux abeilles leur nourriture, quand elles en man- quent dans les ruches construites suivant la nou- velle forme , j'ai cru devoir rapporter ce que dit M. Ducarne sur cet objet dans son vingt-sep- tième traité. Ce passage servira d'instruction à ceux qui n'ajant pas son ouvrage sous les jeux, voudront suivre l'ancienne méthode pour con- duire leurs abeilles, et il fera mieux connoître les avantages de tout genre de la nouvelle pra- tique que je propose. Pour éviter en même- temps le long détail de M. Ducarne, je Fabré- gerai autant que je le pourrai , et ne pi endrai que ce qui sera d^une utilité absolue. « Quand vous aurez donc, dit M. Du- carne à son voisin , quelque ruche à laquelle vous serez obligé de fournir une quantité de N ij 196 Traité complet nourriture aseez considérable , parce que vous voulez la conserver tel le qu'elle est, sans j tou- cher, vous donnerez à cette ruche dans Tun ou l'autre des jours qui s'écouleront depuis le 12 ou le i5 août , jusqu'au 12 ou i5 septembre, et même jusqu'au premier d'octobre , si vous ne pouviez le faire plutôt , la quantité de nourriture , dont vous prévoyez qu'elle pourra avoir besoin pour ailer jusqu'à la bonne sai- son ; c'est-à-dire pour le plus sûr , jusqu'au mois de Mai de l'année suivante ; car j'ai vu me trouver obligé €le leur en fournir encore au i5 de ce mois : mais il vaut mieux être obligé de leur en rendre un peu au mois de mai , que de leur en donner trop. Vous vous réglerez pour la quantité de cette nourriture, sur le pied de deux livres par mois pour les ruches fortes, et bien peuplées ; vous en donnerez moins à pro- portion de ce qu'elles léseront moins. « De manière que si une ruche eût été fort peuplée et qu'au mois d'août elle n'eût point de de miel , et que néanmoins vous voulussiez la conserver^ il faudroit effectivement lui en four- nir cette quantité ou peu de chose de moins ; car dans les fortes gelées elles consomment peuj' elles sont alors couiine engourdies par le froid SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. II. I97 Mais à moins que ce ne fût une espèce que vous voulussiez con8erver,à quelque prix que ce fût, je ne vous conseillerois point de prodiguer une aussi grande quantité de miel. A la bonne heure pour sept à huit, ou tout au plus dix livres, mais jamais plus. « Pour leur donner cette nourriture d'une fa- çon à ne courir aucun risque pour cette ruche , il faut la leur donner tout-à-la fois, ou tout au moins en deux fois, supposé qu'on ne pût le faire en une seule. Faites bien attention à ceci, mon voisin, car il est essentiel. Sans cette attention, vous risqueriez de perdre et votre miel et votre ruche. Et ne craignez pas de ti'op surcharger vos abeilles ; elles l'enléveroient tout de suite: il ne leur est pas plus difficile d'enlever dix livres, qu'une demi- livre , avec la seule différence qu'elles y mettront beaucoup plus de temps. Elles le prendront et le porteront dans leurs petites cellules, ou elles iront le manger pen- dant l'automne et tout l'hjver,sans même crainte de gaspillage. J'en ai nourri mille de cette fa- çon, et aucune ne l'a gaspillé. La plupart ont passé tout l'hj ver et le printemps, et sont deve- nues ensuite excellentes, sans que je leur aie donné rien de plus, N iii ipS Traité complet « Communément on ne donne jamais qu*un quarteron, ou tout au plus une demi-livre de miel à la fois , et cela encore après l'hjver. Aussi on perd les trois quarts des ruches qu'on nour- rit ainsi ; au moins c'est ce qui m'est arrivé. Avant que j'eusse trouvé cette Façon de les nourrir , je faisois comme les autres : le pillage en détrui- soit les trois quarts. Revenons. » La liqueur que vous leur aurez donnée tiède, n'aura pas été sous la ruche un demi -quart- d'heure , que toutes les abeilles descendront dessus^ et commenceront à l'enlever pour aller la placer dans leurs petites cellules. Si vous vou- lez alors prêter l'oreille, vous les entendrez y faire un bruit extraordinaire. Enfin elles con- tinueront jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une goutte. Une ruche bien peuplée met ordinaire- ment vingt-quatre heures pour lever huit livres de liqueur. « Si vous leur donnez ce miel pendant la jour- née, il faut le faire au matin avant qu'aucune abeille soit encore sortie de la ruche, et en fer- mer toutes les ouvertures qui pourroient s'y trouver, aussi-tôt que vous leur aurez eu don- né la liqueur. Vous aurez même grand soin de ne pas trop tarder , parce que dans cette saison SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. II. 199 les abeilles sont alertes, et sortiroient de laru- clie en grand nombre, ce qui vous feroit per- dre toutes cellesqui seroient sorties , quand vous condamneriez ensuite l'entrée de la ruche. « Cette précaution de condamner l'entrée de la ruche est si essentielle, que sans elle vous pourriez perdre et votre miel et la ruche avec. Le pillage qui est toujours à craindre , feroit tout perdre. Les abeilles étrangères qui facile- ment sentent l'odeur de ce miel spus la ruche , en forceroient l'entrée , et tout seroit perdu. « Si au lieu de leur donner ce miel le matin, vous ne le leur donnez qu'au soir, vers le soleil couchant , vous serez dipensé de cette attention pour toute la nuit,àla charge de ne pas y manquer le lendemain, avantqu'aucune abeille soit sortie. Maispourquoi donne-t-on cette nourriture plutôt à la fin d'août , qu'à la Hn de juillet ou de sep- tembre, ou même de novembre ? Je ne le fais pas plus tut , de crainte de les troubler dans le fort de leur travail ; et point plus tard , parce qu'il faut leur laisser le temps de condamner, avant la mauvaise saison , les cellules où elles auront déposé la liqueur. Or en le faisant depuis le i5 du mois d'août jusqu'au 8 ou 10 de sep- tembre,toutescesconditionsse trouvent remplies, N iv 20O Traité complet Une autre raison pi us essentiel le encoKC m'em- pêche de leur fournir cette nourriture au mois d'octobre au plus tard; c'est qu'alors ilpourroit faire assez froid pour empêcher mes abeilles de descendre sur la liqueup.et de l'enlever; au lieu qu'en la leur donnant par un temps chaud et doux, je suis sûr que toutes celles qui sont en bonne santé , ou qui n'ont point de raison d'ab- bandonner leur ruche , n'en laisseront pas une goutte : car je ne vous ai pas encore dit qu'il y en a qui ne prendront pas le miel que vous leur donnerez, quoique le temps soit doux et même chaud, et vous pouvez regarder celles-là comme perdues. Il leur manque une reine ou quelque autre chose que je ne sais point, et qu'ellessavent bien ; et tout ce que vous pourriez faire ne les empêcheroit pas d'abandonner leur ruche totale- ment, ou peu de jours après , ou dès le commen- cement du printempssuivant. La seule choseque vous avez à faire pour celles-là , est de les tra- verser et de les joindre à d'autres bien pourvues de provisions. C'est avec du miel mêlé d'un peu de vin vieux , nui ne%oitpointaigre ,que je nourrismes abeilles. Vous en mettrez autant qu'il en faudra pour tenir toujours cette composition liquide, même SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. II. iOt quand elle sera refroidie ; sans quoi les abeilles ne pourroient plus alors la lever: j'ai coutume de mettre un septième de vin ; c'est-à-dire que sur six livres de nu'el , je mets une livre de vin. « Vous mettez le tout sur un feu clair, et l'y remuez bien avec un bâton, jusqu'à ce que le miel soit parfaitement fondu et plus que tiède. Alors vous l'ôtez du feu , et le donnez un peu tiède à vos abeilles. Comme nous supposons ici que cela se fait en été , on pourroit leur don- ner cette liqueur froide: elles ne la leveroient pas moins , ce qui ne seroit pas la même chose, s'il faisoit froid. » Outre ce que dit M. Ducarne jusqu'ici , il donne deux recettes pour composer la nourri- ture des abeilles. Voici la première. » Prenez huit livres de miel, six livres d'eau, une bou- teille de vin vieux , et une livre de sucre ou de cassonnade. Mettez le tout dans un vaisseau de terre vernissée, ou de fer , et fy laissez bouillir à petit feu l'espace d'environ un quart d'heure, en observant d'écumer de temps à autre. Quand cette composition est refroidie , on la laisse dans des bouteilles bien bouchées qu'on peut garder 20i Traité complet dans un lieu frais; mais Je mieux est de n'en faire qirà mesure qu'on en a besoin , parce qu'elle peut fermenter.» «L'autre façon de nourrir les ruches en été ou en automne, c'est celle de leur donner du jus de poires d'un goût un peu relevé et sucré. On les pile comme pour en faire du cidre, et quand la liqueur est bien reposée , on la verse par inclinaison dans un autre vaisseau bien net ; alors sur quatre livres de ce suc , vous mettez une livre de miel , et vous faites bouillir le tout jusqu'à la réduction du tiers , en sorte que de trois livres, il vous en reste deux. On dit que cette composition est fort bonne; mais celle que jevous ai donnée vaut mieux. M. Ducarne rapporte ensuite diverses ma- nières de nourrir les abeilles « comme ceux qui leur donnent des espèces de bouillies, par exem- ple avec du miel et de la purée de lentilles, ou de grosses fèves ; et de ceux qui leur donnent des rô- ties de pain blanc ou mollet , qu'ils imbibent de niiel et de vin vieux , mêlés ensemble, lis pré- tendent que cette nourriture les guérit du dé- voiement. Cependant il déclare que l'expérience lui a montré qu'elles étoient , ainsi que beau- SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IL So3 coup d'autres, toutes mauvaises , et très -dé- fectueuses ; c'est pourquoi il avertit son voisin de n'en faire aucun usage ». Après ces instructions, M. Ducarne en donne sur le même sujet plusieurs autres que je crois ne pas devoir rapporter , ne les jugeant pas néces- saires. 11 fait voir l'utilité de sa méthode sur celle qu'on pratique ordinairement. Voyons mainte- nant, dit-il , les avantages qui résultent de cette façon de nourrir les abeilles ; c'est-à-dire en leur donnant la nouniture tout-à-la-fois , ou tout au moins en deux fois ; avantage que je n'ai con- nu qu'après avoir perdu presque toujours les trois quarts de celles que j'ai nourries, en suivant les anciennes méthodes. Après leur avoir donné beaucoup de miel , je les perdois ainsi que le miel que j y avois dépensé ;en donnant donc en une seule fois à mes abeilles la nourriture qui leur est nécessaire pour aller jusques au bon temps , et en choisissant pour cela , comme il m'est aisé de le faire, un temps doux et favorable: i". Je suis sûr que les abeilles n'en laisseront point, et qu'elles la lèveront toute, à moins que cinq ou six heures après la leur avoir donnée, l'air ne devînt tout à coup si froid , qu'elles se trouvassent comme engourdies dans leur ruche; io4 Traité complet mais il faudroit qu'il devînt très froid , car une certaine diminution de chaleur dans l'air ne les empêcheroit point de continuer à lever la liqueur , ayant déjà eu assez de temps pour échauffer leur ruche par le rnouvetiient considé- rable qu'elles s'y seront donné. « 2*'. Je me trouve d'un seul coup débarrassé du soin de les nourrir davantage. C'est une af- faire faite pour toujours, et je n'y pense plus: tout au contraire de la plupart des autres mé- thodes où il faut recommencer tous les cinq ou six jours, sans ctre jamais tranquille, et oii il faut toujours être là à point nommé, pour ne j)as manquer le moment. Ceci est un grand mérite de cette méthode: vous pouvez en un seul jour en expédier une demi-douzaine, sivousle vou- lez, et cela est fini pour celles-là. 3°. Je ne crains point que quatre ou cinq jours après , quand il faudroit renouveler leur nour- rituie, l'air ne fût devenu si froid, qu'il me fut impossible de le faire. 4*\ Cette comjiosition étant toujours liquide , quand même les abeilles ne pourroicnt la jiren- dre toute entière dans le jour même, elles pour- ront toujours le faire, dès que le temps seroit radouci. SUR LJES ABEILLES. LiV. VI , ChaP. IL 2o5 5°. Je ne refroidis mes abeilles qu'une seule fois , au lieu de huit ou dix et quelquefois plus, quand on suit les anciennes méthodes. 6°. Quand il arriveroit que le temps seroit assez doux pour leur permettre de lever tout , toutes les fois qu'on leur fourniroit de la nourriture , touscesditïërensmouvemens tant de fois répétés, les refroidissent nécessairement , et en font pé- rir un certain nombre , sur-tout si on n'a pas soin de les renfermer exactement chaque fois. 7^. Touscesmouvemenssi multipliés donnent beaucoup d'appétit aux abeilles , et elles dépen- sent alors» beaucoup plus de miel. 8". Si toutes les fois que vous leur donnez du miel sur une assiette, qui est la méthode la plususitée, vous n'avez pas grand soin de bou- cher la ruche exactement ,ce que ne font cepen- dant pas la plupart de ceux qui leur en donnent, vous les exposez à un pillage presque inévitable; et c'est encore un des grands mérites de la mé- thode que je propose. Si au contraire pour éviter le pillage, vous bouchez la ruche chaque fois , vous les empê- chez alors de profiter des beaux jours qui se ren- contrent précisément lors de votre opération j jao6 Traité complet ce qui n'arrive point clans ma méthode , ou ne peut y arriver qu'une fois. Enfin je dois premièrement ajouter pour ce qui regarde la nourriture des abeilles, qu'autant qu'il sera possible , on ne doit pas attendre à leur fournir de la nourriture qu'elles en man- quent totalement ; et qu'on doit toujours le faire quinze jours ou trois semaines avant le moment oii on prévoit qu'elle pourroit leur manquer , parce qu'alors elles pourroient se trouver si afïbiblies^ qu'elles n'auroient plus la force de descendre au bas de la ruche jiour aller cher- cher cette nourriture. De plus, au printemps, lorsque les abeilles ont sorti trois ou quatre fois au lieu de vingt , on pourroit mettre avec le miel , un six ou sep- tième d'eau, ce qui épargne la dépense. Comme alors les abeilles vont aux champs de temps à autre, l'eau ne les incommode point ; c'est ce qui n'est pas le même dans l'automne, où cette composition doit rester tout l'hiver dans la ru-? che où elle pourroit se corrompre. C'est ce qui m'a fait vous ordonner le vin , qui par son acidité , résiste miQux à la corruption ». M. Ducarne rapporte daas Je même endroit , SUR LES ABEILLES. LiV. VI. Chap. II. 20/ les diverses manières de fournir de la nourri- tureauxabeilles.Comme elles nesontpointutiles et ne peuvent s'adapter à ma manière de le« gouverner, j'ai cru devoir les passer sous silence. CHAPITRE III. Réflexions diçerses de M Ducame , sur la manière de nourrir les abeilles , et leur application à ma méthode de construire les ruches. 1 ouT ce que l'auteur a dit à ce sujet peut être fort utile pour ceux qui suivent l'ancienne méthode, mais devient presque inutile pour la mienne. Pour s'en convaincre on peut lire les huitième et dixième chapitres du premier liv. et les huitième et neuvième du second. En adoptant ce que j'y propose , les ruches, même les plus foibles, auront rarement besoin de re- cevoir leur nourriture , ou ce ne sera que dans lesannéesextrêmement mauvaises où la récolte du miel aura manqué. J'ai fait voir plus haut que pendant les froids rigoureux elle^ restent 2o8 Traité complet tellement assoupies, qu'cllespa.ssent des semaines et des mois entiers , sans prendre le moindre aliment. En Pologne , en Suède , en Russie et autres pays du nord, les abeilles se conser- vent à merveille tout riijver, sans toucher à leurs provisions : aussi la faim n'occasionne- t-el le pas parmi elles une grande mortalité. Il n'en est pas de même en France , où le mauvais temps dure presque six mois de suite : quelques belles jour- nées d'un beau soleil , quelques autres assez tempérées, excitent les abeilles à sortir et à prendre l'air dans l'espérance de faire un bon butin : ce mouvement réveille leur appétit, et elles consomment une grande quantité de miel , et d'autres provisions. C'est-là ce qui cause leur grande mortalité , mcme dans les ruches les plus peuplées, et ce que nous regardons comme la cause de la décadence de cette culture dans cet empire. • Pour peu doncquelesannées soient mauvaises, et que les rigueurs de l'hiver se prolongent dans le printemps , les propriétaires qui suivent l'an- cienne méthode , doivent ou laisser périr les abeilles en grande partie, ou s'ils veulent les conserver, sacrifier cinq ou six livres de miel pour chaque ruche ; c'est une trop forte dé- pense SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChaP. III. £09 pense pour les cultivateurs de la campa^^ne , salas compter la difficulté de donner cette nourrituie aux mouches, et combien on expose au pillage les ruches qui sont ainsi gouvernées. Pour remédier àtantd'inconvéniens, j'ai pro- posé dans les chap. 8 et 9 du second livre, une méthode simple et naturelle de gouverner les abeilles pendant l'hiver , pour les tenir dans l'assoupissement, et pour les empêcher par-là de consommer rapidement leurs provisions. Je suis convaincu qu'une de mes ruches la plus peuplée, ne consommeroit pas, pendant tout un hiver , plus de trois ou quatre livres de mief. M. Ducarne certiKe qu'une des siennes en avoit à peine consommé deux livres , parce que le grand froid ajant tenu ses mouches assoupies et bien serrées les unes contre les autres, elle* n'avoient pu faire une grande consommation de leurs provisions. Cela étant ainsi, en suivant la méthode nouvelle que jepiopose, elles n'auront besoin d'aucun secours, et elles auront assez de provisions jusqu'au temps de la récolte: il faut tout au plus un peu de miel aux ruches trop fbibles , et seulement dans quelque mauvaise année. S'il arrivoit cependant que l'on fût obligé de Tome III. O ito Traité COMPLET Jeur fournir quelque secours, mali^ré la cons- truction et la disposition de nos ruches , on sau- roit au moins quand elles manquent de provi- sions, et on pourroit leur en donner, sans les exposer au dani>er detre pillées. Pour s'assurer si une ruche manque ou non de provisions , il y a un moyen très-simple : il consiste à prendre une petite broche en fer ou en bois, très-solide et bien pointue, de traverser avec cette broche dans la partie du devant de la ruche , les rayons dans leur milieu et dans leur partie supérieure : si en retirant la petite broche on voit quelques teintures de miel , c'est un signe certain que la ruche n'en manque pas : si au contraire il n'y en a point, il faut vi- siter la partie de derrière de la ruche, et tra- verser également les rayons dans la partie supé- rieure ; et si on trouve du miel vers le milieu , c'est que les abeilles en sont pourvues. Mais on est plus sûr encore que la ruche n'en man- que pas, quand on les trouve dans la partie du devant, parce que les abeilles ayant accoutumé de remplir premièrement les rayons du fond de la ruche , et ensuite ceux du devant, elles com- mencent à consommer ceux-ci. Or , si en les visitant , qo y trouve du miel , il est certain que SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChâP. III. 2i I ceux du fond qui sont derrière eux doivent en être encore mieux fournis. Mais si l'on n'en trouve dans aucunes parties , ou du moins que très-peu , et que pour con- server la ruche on ne puisse se dispenser d'y en mettre , voici la manière dont on s'y prend généralement. On a une écuelle de bois ou de terre cuite non vernissée, aJfin que les mouches ne glissent pas : on y met une demi-li«ije de miel mêlé avec un peu d'eau ; on y plante de petites branches de sauge ou de thym, et entre celles-ci , une ou deux un peu plus grandes , de manière qu'il n'y ait que la moitié de ces branches qui soit enfoncée. On place dans la ru- che cette écuelle avec le miel et les branches, le plus près possible des rayons. Il faut que les branches les touchent , et qu'elles puissent servir aux mouches pour monter et pour des- cendre , en allant prendre le miel, sans être obli- gées de faire de longs détours dans la ruche , ce qui les refroidiroit trop. Cette disposition leur est utile pour les empêcher de tomber dans le miel les unes .sur les autres, de s'y noj'er, ou de périr par la gelée ; et pour qu'une pareille ruche ne soit pas exposée à être pillée par les ruches voisines , nous choisissons une journée O ij 212 Traité complet pluvieuse , ou le soir après le coucher du soleil. A peine avons-nous donné le miel aux abeilles, qu'on en voit sortir plusieurs de la ruche et volti- ger autour, deux ou trois minutes après. On croit à Syra qu'elles sortent ainsi pour témoi- p;ner leur joie de ce qu'il doit y en avoir dans la campai^ne ; mais il est plus probable qu'elles ne rodent autour de la ruche que pour voir si celle^es ruches voisines ne viennent pas pour attaquer leur domicile et voler leur provisions, et pour avertir leurs compagnes. On em])èche cette sortie qui auroit toujours lieu le malin ou lesoir,mais sur-tout on évite que les abeilles voisines n'attaquent la ruche dans la journée , ou le lendemain, en Fermant aussitôt la ruche de son couvercle et avec de la terre , après avoir placé le miel, afin que les abeilles ne puissent pas y passer. Un ou deux jours après, on retire l'écuelle, et on leur donne la liberté. C'est ainsi que je l'ai toujours pratiqué et vu pratiquer par les autres cultivateurs, sans que jamais j'aie vu de ruelle pillée par les autres. Aprèsavoirexpliquéuneméthodeaussi simple de fournir du miel aux abeilles, nous allons faire quelques réflexions sur ce que nous avons cité de M. Ducarne dans le chapitre précédent. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAT. ÎII. 2;l3 D abord j'approuve beaucoup la pratique de donner dans une belle journée d'hiver tout le miel qu'on croira nécessaire pour conserver uilô ruche en bon état. C'est ce que j'ai pratiqué moi- même, quand j'ai eu des ruches foibles. Mais je n'approuve pas ce qu'il conseille , de leur donner cette provision des le 12 ou lô août , sur-tout lorsque la ruche est bien peuplée. Ces insectes se voyant bien fournis de provisions , et le temps étant encore chaud , se hâteroient de former des couvées et de pousser plus loin leur population , ce qui non-seulement seroit inutile, mais même nuisible à la ruche : cette plus grande population opéreroit plutôt la disette dans la ruche. La défense de donner du miel aux ru- ches dès le mois d'août , ne s'étend que sur celles qui ont de quoi subsister jusqu'au mois de septembre ou d'octobre; car si elles commencent à manq'ier totalement des la fin d'août , il n'y a pas de doute qu'il ne faille commencer dès lors à les nourrir, si l'on vouloit les sauver. Je croirois d'ailleurs que dans le mois d'août, les abeilles consomment moins de leurs réserves , parce que la campagne et les jardins leur four- nissent encore de la nourriture. A l'égard de la quantité de miel qu'il faut O iij âi4 Traité complet leur donner, je n'ai pas fait attention à ce que les abeilles pouvoient en consommer par mois. On peut s'en tenir à ce que dit M. Ducarne, D'ailleurs nos abeilles consomment moins de miel à 83^3, parce que les bj'vers n'j sont pas aussi longs qu'en France : elles n'y ont pas besoin de courir la campagne pour trouver de la ma- tière et de la cire avec laquelle elles puissent boucher les cellules où elles ont déposé le miel qu'on leur a Fourni ; elles savent fort bien grat- ter les rayons pour en tirer les parcelles de cire qui leur sont nécessaires pour cette opération. On peut voir ce que j'ai dit là-dessus dans le cha- pitre de l'origine de la cire. M. Ducarne dit que ce qui lui a fait conseiller dé fournir aux mouches la quantité de miel dont elles ont besoin dans le mois d'octobre ou plus tard, c'est parce qu'il craint que le froid ne les empêche de prendre le miel qu'on leur offre. Je réponds à cela que je croirois plus à propos, dans le cas où les ruches auroient un extrême besoin d'être secourues, de ne leur donner cette provision de miel qu'au moment que l'on veut les renfermer pourl'hjvcr , comme je l'ai dit au chap. 9 du 2*. livre. On aura l'attention d'ou- vrir la ruche après quelques jours, pour retirer SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. III. Si5 l'éciielle. Quanta la crainte de cet auteur, que quelque gelée forte et imprévue n'empêche les abeilles de tirer parti de ce miel, parce qu'il pourroit être gelé , je réponds encore que cela ne fait rien contre ce que j'avance. Il est certain que dans les mois de septembre et d'octobre , il y a toujours des journées tem- pérées et chaudes pour que les ruches puissent ai>ir, et que s'il survient des premiers froids , ils ne pénètrent pas assez dans nos ruches pour geler le miel eteui^ourdir les abeilles; mais en supposant que ce premier froid ne leur permît pas de retirer le miel , on pourroit chauffer un morceau de brique ou de pierre , qu'on mettroit dans la ruche, enveloppé d'un mor- ceau de toile ou de papier : cette chaleur y en- tretiendroitunetelletempérature, que lesabeil- les pourroient facilement transporter de leur miel, et sans aucun danger. Il arrive quelquefois que les abeilles ne font pas usage de celui qu'on leur présente : mais bien loin de regarder cela comme un mauvais signe, c'est une preuve que la ruche n'a pas besoin de provision ; quelquefoi^3 aussi il seroit dangereux de donner du miel aux petits essaims , sans bien examiner s'ils ea manquent , parce que si ces O iv ai6 Traité complet essaims étoient bien fournis , ils abuseroient de ce miel nouveau pour en remplir leurs rajons , de manière à n'avoir plus de place pour former leurs premiers convains ; cela obli^eroit à attendre que la belle saison fût avancée pour qu'elle leur procurât de quoi travailler à de nou- veaux rayons, afin de former leurs couvées : ainsi, laprécautiondedoniier du miel aux essaims dans ces circonstances , les reculeroit plutôt qu'elle ne leur féroit du bien. A l'égard des diverses manières de fournir du uiicl aux abeilles , que M. Ducarne dit être employées par plusieurs cultivateurs , j'avoue que je n'ai jamais nourri les miennes qu'avec i3n mélange de miel et d'eau : ainsi je ne déci- derai rien sur ce point. Persuadé d'ailleurs que l'usagedumiel tout purest nuisible àces insectes, sur-tout à la longue, je crois qu'on devroit plu- tôt mêler le miel avec vie la farine , ce qui fé- roit une espèce de molividhe, et cette nourriture seroit plus saine. Je me raj^pellcà ce sujet qu'un denospiiysansde Syra laisoit bouillir des figues , et qu'après les avoir bien exprimées, il en donnoit le suc aux abeilles qui s'en accomniodoient fort bien. Cela pourroit être bon pour le moment; mais je ne conseillerois pas d'en user long-temps. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. III. 2,17 Je rapporterai ici une observation que fait M. Lagrence , chap. io,paragr. 5o. «Il est un cas, dit-il, où il n'est pas aisé de connoître si les abeilles manquent de vivres ou non ; c'est lorsque leur miel se candit , et devient dur au point que les abeilles ne peuvent pas s'en nour- rir : si l'on s'en aperçoit , on les secourt comme les autres. »» M. Lagrenée ne nous dit pas com- ment on connoît que le miel est gelé dans l(S rayons. Je crois que si , en y introduisant la petite broche dont j'ai déjà parlé, on y rencon- troit de la résistance , et que l'on eût de la peine à pénétrer dans les rayons, ceseroit un signe que le miel est gelé, et qu'il faudroit alors secourir les abeilles. Mais ceci ne doit se faire que lors- que le miel se trouve gelé au printemps , après qu'on leur a donné la liberté ; car si le miel se gèle dans un autre temps, elles sont alors telle- ment engourdies , qu'elles n'ont pas besoin de nourriture. Au surplus, dans celte circonstance je crois qu'on pourroit se servir de la brique chauffée dont on a parlé ci-dessus. J'ajouterai que quand les abeilles n'auroient pas un besoin pressant de miel , il n'y auroit pas d'inconvénient à leur en fournir un peu, puis- que par là on avanceroit leurs couvées, et par 2i8 Traité COMPLET conséquent leurs essaims.. Il seroit bon de con* server dans le temps de la récolte quelque rayon garni, moitié de miel , moitié de molividhe et d'eau pour la nourriture de leurs petits. L'eau ne leur manque point au printemps ; mais dan» l'hyver la ram])agne ne leur fournit ni miel , ni molividhe. Si le propriétaire leur en donne , elles se mettent aussitôt à former des couvées en quantité , ce qui accélère très-certainement lasor- tie des essaims. Quant à la manière de mettre dans la ruche ce rayon garni de miel et de molividhe, il suffit de l'appuyer simplement contre les autres : les abeilles ne tarderont pas à s'y jeter ; mais on observera de bien fermer la ruche , afin qu'ejle ne soit pas pillée par celles d'alentour On ne manquera pas de retirer ce rayon au bout de 4 ou 5 jours, pourvu que les ordures qu'il y occasionneroit ne donnent pas naissance aux fausses teignes ou autres vers. P. s. Nous exhortons les Amateurs à ne pas raéler de la farine dans le miel qu'ils fournissent à leurs ruches. Nous l'avons pratiqué cette année , et nous y avons découvert un grand inconvénient ; ce mélange s'attache sur les ailes , qui ne s'en débarrassent guère. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. 21 9 CHAPITRE IV. Des ennemis des abeilles , et des moyens do les en garantir. I L semble que lorsque l'on veut entreprendre de parler des ennemis des abeilles dans un pays où l'on ne •peut pas connoître tout ce qui leur est nuisible, ni la manière de les en garantir, on est fondé à rapporter ce qu'en ont dit les au- teurs les plus estimables ; et comme il est du plus grand intérêt pour les cultivateurs de con- noître tout ce qui tend à la destruction de leurs ruches , nous ne négligerons rien pour tâcher de leur donner toutes les connoissances dont ils pouroient avoir besoin. Nous allons commencer par rapporter ce qu'on dit à ce sujet dans M- Lagrenée. « II est , dit-il, plusieurs animaux nuisibles aux abeilles. Depuis le commencement de novembre jusqu'à la fin de mars, leurs ruches sont expo- sées aux incursions de^ souris, mulots, mésanges 2£0 Traité complet et antres. Le déi^ât que ces animaux y font, est quelquefois capable de faire périr une ruche. » «< M. Ducarne, ou plutôt son voisin, ajoute que ces animaux là font une si cruelle guerre aux abeilles, que quelquefois ils détruisent la sixième partie d'un rucher. J'en parle, dit-il , sciemment, la chose m'étant arrivée à moi-môn)e, et il ne se passe encore guères d'hyvers que quelques- unes de mesj'uches n'en soient endommagées. Les araignées éteu'lent leur toile le long des ruches et du rucher , et en aitrappent aussi quelques-unes de temps en temps. J^i vu aussi de gros crapauds qui se portent à feutrée des ruches, et qui les avaloient dru comme mouches; ils en faisoient passer quelquefois dans leur gosier plus d'une demi-douzaine à la fois Çi). (i) J'ai peine à comprendre comment un crapaud pourroit faire tant de ravage parmi les abeilles, et comment il pourroit s'acharner à la chasse de ces in- sectes , ainsi que le dit ici M. Ducarne. Que le lésard , comme plus léger et plus agile, poursuive les abeilles sur les murailles , rien de plus naturel ; mais qu'un ani- mal lourd comme le crapaud fasse la guerre à des mouches, cela est contre toute vraisemblance, encore moins si l'on considère la disposition des ruches dont on se sert en France, lesquelles sont sur des pieux ou sur SUR LES ABEILLES. LlV. VI. ChaP, IV. £21 Aussi je ne leur fais point de quartier, et tout autant que j'en trouve dans mon jardin , je les assomme. Quand c'est le temps des essaims, où il y a beaucotip de mouches à l'entrée des ru- ches^ les drôles se cachent dans les herbes ou dans quelque trou auprès du rucher , pour venir les gober au soir, quand il ny a pei- sonne pour y prendre garde ; mais je les soii^ne , et je sais bien aussi les aller trouver dans leurs niches. Vous ne croirez point com- bien ces drôles là en mangent. Si on n'y prenoit garde, un gros drôle comme cela avaleroit des tablettes que le crapaud ne peut cerlainemcnt pas escaladtr. Au reste ceci ne pourroit avoir lieu tout au plus que dans certains endroits où l'on a l'habitude de placer les ruches presque contre ferre. Ce que dit iM, de Bomare à ce sujet est plus raisonnable. •• Les lésards , - grenouilles, crapauds , mangent les abeilles , quand. •■ ils peuvent les attraper ; m^h ils en attrapent si peu " dans une année, qu'ils ne font pas grand tort aux « ruches. ■• En effet je ne crois pas que ces sortes d'ea- remis soient fort à craindre {)Our les ruches élevées sur des pieux ou sur des tablettes. Quoiqu'il en soit nous ne craignons pas de dire que même à cet égard nos ruches ont sans contredit beaucoup d'avaolages sur celles de France. 222 Traité complet bien trois ou quatre cents mouches en une soirée. » «Malgré la chasse et les pièges (c'est toujours le voisin de M. Ducarne qui parle), que tendent aux renards les gardes-chasse de M. notre sei- gneur, diricz-vous, monsieur, que ces vauriens de renards mangent aussi bien les abeilles que les poules. C'est sur-tout au miel qu'ils en veulent- Pendant deux ans il y en a eu un qui est venu chaque hiver me culbuter deux ou trois ruches, et prendre ce qui s'y trouvoit. J'y ai mis du pain pour l'amuser ; j'y ai mis du poisson pour l'attra- per ; point : le drôle laissoit là tout cela, et ai- loi t tout droit à mes ruches. Voyez comme cela est malin; il n'a garde dy venir en été , où les mouches ont toute leur vigueur , parce qu'il sait bien comme elles le recevroient. Au reste les souris le savent aussi bien que lui , car elles ne sy frottent guères non plus que pen- dant l'hiver. On m'a dit que les putois s'en mê- loient aussi. » M. Ducarne instruit ensuite son voisin sur les moyens de détruire ces animaux, et de pré- server les abeilles de leurs persécutions. « Savez- vous, dit-il , mon voisin , comment je m'y prends contre tous ces animaux si malins ? Au lieu d'à- SLR LES ABCILLES. LlV. VI. ChAP. IV. 2.2.3 Voir, comme vous , des ruches de paille ou d'o- sier , je fais faire les miennes en bois , et j'en ferme l'entrée en hvver , de façon que ni les rats ni les souris ne puissent y entrer , et alors je n'ai point peur d'eux. Je ne crains pas même les renards , que la porte de mon rucher em- pêche d'y entrer ; mais quand mes ruches seroient au milieu du jardin, les quinze ou dix-huit liv. pesant de pierre que je mets dessus , suffiroient bien pour les empêcher de les culbuter , à moins qu'ils n'aient les reins forts. Comme vous n'avez point encore de ruches de bois, pour vous dé- barrasser des souris et autres engeances de cette espèce , servez vous du moyen dont je me ser- vois quand j'avois des ruches de paille. Vous avez vu la louviëre ou fosse à loup que les gar- des-chasse font pour y prendre les loups. Cette fosse est couverte d'une espèce de porte, en forme de bascule, qui cède au moindre poids. On met au milieu de cette bascule une bête morte ou vivante : les renards , ou les loups ^ venant pour l'y prendre, tombent dans la fosse, et sont pris. Vous n'avez , mt)n voisin , qu'à faire précisément la même chose pour les rats, souris, mulots et autres animaux. Les mésanges même s'y pren- dront, car elles viennent roder souvent dans le s.2^ Traité complet rucher pendant l'hyver. Un <>rand pot de terre creux et Iari>;e fera votre araire : après l'avoir enfoncé à fleur de terre , vous ajusterez sur son embouchure une petite bascule de bois très- mince, an milieu de lacpielie vous attacherez avec un clou un morceau de lard grillé. Enrou- lant l'aller prendre, ils seront pris eux-mêmes. Un peu d'eau que vous aurez mis dans le pot , les V noiera en peu d'instans. » « L'avantage de cette méthode sur toutes les autres, con.siiste en ce que sans qu'il soit besoin que vous y regardiez, que tous les huit jours, il peut s'en prendre une douzaine qui tomberont dans le pot l'une après l'autre, parce que cette bas- cule baisse, et se remet ensuite dans sa situation naturelle, quand un de ces animaux y eet tom- bé. J'en ai trouvé jusqu'à quinze dans un pot ; et je ne doute point que si on multiplioitces souri- cières dans les campagnes couvertes de grains, on ne parvînt à y détruire la plus grande partie des souris qui les ravagent. » J'ai cru devoir rapporter ce passage, pour faire connoître combien nos ruches en terre cuite sont supérieures , avec leurs couvercles de la même matière ou en fer blanc; car en les plaçant dans une muraille, comme je l'ai prescrit dans le VP. chapitre SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. £2$ chapitre du II^. livre , et en les y cimentant , elles s'y trouvent à couvert de toute espèce d'at^* taque. Je défie les rats, les renards et les mulots de leur faire aucun dommage : ces animaux d'ailleurs ne sont à craindre qu'en hiver , et c'est préciijémenc dans cette saison que les ruches seront mieux fermées que jamais. Quand elles seroient même à découvert , pourvu qu'on ait soin , comme je l'ai dit, de boucher le tour du couvercle avec de la terre , et de ne laisser que les trous nécessaires pour qu'elles puissent res- pirer, et pour leur procurer dans l'intérieur de la ruche une fraîcheur qui les tienne assoupies; avec ces précautions on peut être assuré que rien ne pourra leur nuire. Des ruches ainsi construites résisteroient même à des ours. On sait le dégât que ces animaux font en Pologne, en Russie et dans d'autres pays septentrio- naux (i), et combien les propriétaires de ruches (i) Les forêts dont la Lithuanie est couverte, sont remplies de mouches dont le miel devient la pâture des ours, qui en sont très-friands. Les Gentilshommes qui habitent cette contrée se font un amusement cruel de la passion de cet animal pour le miel. Us enferment un chat , le plus gros qu'ils peuvent trouver , dans un très- petit tonneau qu'ils frottent extérieurement de miel i Tome IIL P 220 Traité complet emploient de moyens pour les préserver de leur rapacité. J'ai d'autant plus lieu de croire que mes ruches seroient garanties de ce terrible en- nemi , que jamais les ours n'ouvrent la ruche pour prendre le miel , tant ils craignent la pi- quure des abeilles: ils Penlëvcnt toute entière et la jettent à terre pour la fracasser ; ou bien, ils la prennent dans leurs pattes , et la portent dans la mer, si elle n'est pas éloignée , dans une ri- vière ou dans un étang ; ils l'y plongent jusques è ce que les mouches soient noyées , et ensuite ils y laissent un trou par où l'animal peut passer sa patte. On met ensuite le baril , ainsi disposé, au milieu de cette enceinte de planches , nommée -palkuji , qui en- toure leurs maisons. On déchaîne l'ours , qu'ils sont dans l'usage d'élever chez eux, par une espèce de luxe. A peine cet animal est en liberté, qu'il court vers le petit toimeau pour en lécher le miel. Le malheureux chat , croyant que l'ours veut le dévorer, lui donne des coups de griffe sur la langue. Mais rien n'est capable de dé- courager l'onrs : bientôt il devient furieux , et.il presse inutilement le baril contre sa poitrine pour l'écraser. Comme il voit que ses efforts sont inutiles , il le jette en l'air à différentes reprises : le petit tonneau se brise, et l'ours met le chat en pièces. Cette note est de M. Pingeron , qui a demeuré très- long-temps tn Pologne. SUR LES ASEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. 227 ils en dévorent le miel tout à leur aise. Les ruches seront donc en sûreté , toutes les Ibis que les OUÏS ne pourront [)as les ôter de leur place. « Les abeilles ont encore d'autres animaux, « dit M. Lagrenée , qui leur font beaucoup de «< tort : ce sont les oiseaux. Cependant cette « espèce d'ennemis est plus à craindre l'été que i< l'hiver : les martinets , les hirondelles , les « moineaux (i) , les martins-pêcheurs et autres « oiseaux se nourrissent en partie d'abeilles, eux « et leurs petits. Les uns les attrapent en vo- (i) " On accuse, dit M. Duchet, les moineaux d'être destructeurs des abeilles *, je consens d'autant plus volon- tiers à leur proscription, qu'ils sont très-nuisibles à la denrée de première nécessité, je veux dire au froment. Je pose en fait qu'un moineau détruit plus de trois onces de grain en un jour: dans l'espace de quatre àcinq moi», depuii les premiers épis jusqu'à ce que le blé soit récolté, ils font un dommage au moins de cinq livres par mois, par tête. Celui qu'ils empêchent de mûrir pour l'avoir becqueté trop tôt , ou celui qu'ils font tomber lorsqu'il est niûr, peut être évalué au quart ; c*est donc une grande mesure de froment pour chacun de ces oiseaux. Qu'il y ait deux raille villages dans les deux districts de Fribourg et de Berne, et cinquante moineaux dans chacun, ce sera cent mille mesures de froment enlevées aux habi- tans. Quel dégât ne doiveot-ils pas faire dans ua Pij 2^8 Traité complet « lant , les autres tout près des ruches. Il est « impossible de remédier à cet inconvénient ; « outre qu'il est vraisemblable que la Providence « a destiné une partie de ces insectes pour servir « de nourriture à ces oiseaux. Si l'on veut em- «< pêcher d'approcher des ruches ceux qui ont « coutume de le faire, on apprend de jeunesse •< aux chats de la maison à fréquenter souvent « le jardin : ils leur donneront souvent la ^ chasse. » Si l'on en croit M. Ducarne , les poules man- royaume comme la France ! il est incalculable. Il seroit digne de ceux qui sont à la tête de l'administration , de porter leurs regards sur cette perte immense , et de prendre les mesures les plus efficaces pour la deslructioa totale de ces oiseaux. » Les Turcs, bien loin de les détruire, favorisent leur multiplication. On ne bâtit pas à Constantinople de mai- son un peu considérable, qu'on n'y élève dans la partie supérieure un logement pour les moineaux : il est com- posé de plusieurs étages et distribué en petites chambres, pour qu'ilsy fassent leur nid ; on donne même à ces petits bâtimens une forme extérieure fort élégante. Si les oi- seaux ne trouvoient pas dans les rues, sur les quais et lesv places , et sur-tout dans les gren iers et moulins de Cons- tantinople, une subsistance abondante, ils ruiueroient les campagues. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. 229 gent aussi les abeilles et les^engloutissent comme du grain. « Il faut donc éviter d'en tenir à portée « ni près de l'endroit oii vont les poules , ou «i du moins il faut écarter les poules du lieu ou •< sont les ruches. » «< Les fourmis sont encore contraires aux « abeilles, elles aiment passionnément leurs pro- « visions. Elles s'accommodent même très-bien « du couvain. Quand j'ai quelque couteau où •t il s'en trouve , dit M. Ducarne , je le pose « dans le jardin , et le lendemain je n'y en trouve H plus. » A Syra , les fourmis ne détruisent pas les abeilles , quoiqu'elles y soient très-fortes , et que les ruches" soient placées fort près de terre. J'y en ai vu quelquefois qui ne s'y occupoient qu'à ramasser ce qui tomboit du travail des mouches, sans jamais attaquer les rayons. La crainte des abeilles les empêche sans doute d'y toucher (i). Si celles-ci abandonnent leur demeure, les four- mis ne manquent pas de s'en emparer et de (i) •< M. de Réaumur croît, dit l'Encyclopédie itiétho- « dique , que les fourmis , quoiqu'elles aiment le miel , • n'osent pas entrer dans une ruche habitée , tant qu'elle • est vigoureuse. •• P iij aSo T RA ITé COMPLET ruiner toutes les provisions cju'el les j trouvent; je ne leur connois })as d'autres torts à l'égard des rnches. 11 seroit cependant avantageux de détruire les fourmilières qui se forment dans le voisinage des abeilles, pour en garantir les ruches qni sont posées sur des pieux. M. La- grenéecynseille, si Ton s'aj)erçoit que les fourmis les incommodent , de faire un mortier liquide, composé de suie et d'urine , et d'en enduire ces pîeux qui portent les tablettes et le dessus des ruches près de la poignée. Le lézard , dit M. Ducarne , est accusé aussi de manger les abeilles. Il est vrai que dans notre île, où il est très-commun, il leur nuit beau- coup. Il se porte près des trous qui servent de passage aux abeilles , et il les saisit avec une agilité et une adresse inconcevable. Jl y en a une autre espèce qui fait encore plus de ravages. Ceux'là ont environ un pied de long et sont de Couleur verte : ilssont heureusement assez rares, sans quoi ce scroient les ennemis les plus re- doutables des abeilles. Quand nous apercevons ces reptiles autour des ruches , nous nous hâ- tons de les détruire ; car le moindre retard les exposeroit \ ctre entièrement dévastées. C'est à coups de fusil , ordinairement , que nous nous SIR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. ÏV . sSl en débarrassons , ceux de cette espèce étant très difficiles à approcher. « Je ne parle pas, dit M. Lagrenée, des guêpes « frelons, poux et autres insectes contraires aux « abeilles, c'est à elles de s'en débarrasser. Il « n'est pas possible de le faire à leur place : les « remèdes que l'on tenteroit d'y apporter, s'ils *< ne leur étoient pas nuisibles , leur seroient au « moinsinutiles, par l'ignorance où noussommes « de ceux qui sont capables de les en préser- ♦< ver. >» M. Ducarne ajoute sur les guêpes : « ces « sortes d'ennemis se contentent d'attaquer les « abeiUeS'en détail et par trahison, enlessur- *< prenant en campagne , ou à l'entrée de leurs « ruches. » Les guêpes que j'ai vues en France sont d'une plus petite espèce que les nôtres et en moins grand nombre : dans le Levant elles sont les plus cruelles ennemies de nos abeilles, et il y en a une quantité si prodigieuse , qu'elles dévorent quelquefois nos fruits, sur-tout nos figues et nos raisins , et qu'elles incommodent beaucoup les paysans , lors de la vendange et lorsqu'ils veulent faire leur vin. En été, les guêpes font la guerre aux abeilles, Avec moins d'acharnement toutefois qu'en sep- teoîbre et en octobre, après la récolte du miel; P iv aSa • Traité COMPLET tnais lorsque la campagne ne fournit plus aux guêpes de quoi vivre , les attaques se renou- vellent avec la plus grande furie , et les deux armées sont si nombreuses de part et d'autre, et la boucherie si cruelle, qu'on trouve jusqu'à cent et deux cents guêpes tuées en dedans et en dehors de la ruche, sans qu'on puisse calcu- ler le nombre des morts , du côté des abeilles, parce que les guêpes , de même que les Canni- bales , emportent les cadavres de leurs ennemis et les dévorent. Si les propriétaires ne portent pas du secours à leurs ruches , quelque peuplées qu'elles soient, les guêpes finissent •ordinaire- ment par s'emparer de la place et forcent les abeilles à abandonner leur habitation et leurs provisions , dont il ne reste pas ensuite le moindre vestige. Ce n'est pas que l'on puisse accuser les abeilles de poltronnerie. Elles montrent dans cette guerre vn courage incroyable et un zèle ardent pour la conservation de leur république. On est étonné de voir ces petits insectes oser se présenter de- vant des ennemis bien plus forts et mieux armés qu'eux : il faut qu'ils soient bien redoutables pour les guêpes ; car celles ci ne les attaquent jamais que par derrière. Quand elles les ont SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChaP. IV. ^33 tuées , elles les emportent et les mangent en s'envolant. La multiplication des guêpes suit assez celle des abeilles. Si les guêpes abondent, c'est que les abeilles prospèrent , ce qui est heureux pour la conservation des ruches; car si les premières augmentoient en nombre, au moment que les autres sont mal peuplées, la destruction des abeilles seroit universelle. En bouchant si exactement toutes les fentes des ruches , qu'il ne puisse rester qu'un seul passage pour les abeilles , nous les préservons d'une perte totale. D'ailleurs, si l'on voit que les guêpes s'obstinent à assiéger la ruche , on n'y laisse qu'une petite ouverture pour le pas- sage de l'air. Nous aimons mieux renoncer au petit secours que les abeilles pourroient retirer de la campagne, pendant les mois de septembre et d'octobre , que de les exposer au danger évi- dent d'être ruinées et saccagées par les guêpes. M. Ducarne à ce sujet parle ainsi à son voisin : * Vous aurez soin de détruire autant de leurs «ï nids que vous en trouverez. C'est le mojen •c le plus court et le plus sûr. Vous pouvez f< cependant mettre un peu d'eau et de miel « dans une bouteille de verre , et la poser , s34 Traité complet « vers le soleil conchant, dans quelque endroit. « Ces insectes entreront dans la bouteille et s'y « noieront : cet expédient en détruit beaucouj). « Vous ôtercz les bouteilles pendant le jour, « de crainte que les abeilles n'y aillent aussi. »» Je croirois même qu'on pourroit laisser la bouteille le Jour, parce que, s'il y est entré des gucpes, les abeilles ne s'y arrêteront pas; car, si nos insectes ont le plus grand courage pour la guerre défensive , elles n'en commencent point une ofïensive qui ne soit juste, vu Tinéga- lilé de leurs forces. II y a un moyen sûr de détruire les guêpes, mais que l'on n'emploie pas généralement , à cause des suites facbeuses qu'il pourroit avoir. Comme les guèj)es sont carnivores, on saupou- die d'arsenic un foie de bœuf, et on le jette auprès de la ruche qu'elles attaquent; toutes celles qui en mangent périssent sur le champ. M. Ducarne proj)ose un autre moyen de dé- truire leurs nids ; c'est en brûlant tout l'intérieur deleur habitation, ou en jetant de l'eau bouillante sur leurs nids, quand ils sont à terre. Quant à nous , lorsque nous voulons les brûler , nous allumons, de bon matin, un grand feu devant leurs nids, avant qu'elles soient sorties : ensuite. SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. ^35 avec un bâton un peu long , nous les tourmen- tons si fort 5 qu'elles sont obligées de soi tir, A mesure qu'elles paroissent , elles se brûlent les ailes et tombent dans le feu. Il n'est pas né- cessaire de prévenir qu'il faut prendre quelques précautions pendant cette opération , pour ne pas être piqué par ces insectes. On se sert encore d'un expédient plus prompt et plus commode, c'est de tuer les femelles au prin- temps. On sait qu'au commencement de cette saison, elles font leur nid , seules et sans le se- cours des mâles : ainsi , en détruisant la femelle , on détruit un nid qu'elle a quelquefois com- mencé, ou rempli de couvées, ou qu'elle n'auroit pas tardé à construire. Les guêpes ont besoin d'eau j comme les abeilles , pour préparer la nourriture de leurs petits , et peut-être aussi pour la fabrique de leurs rayons ou de leur domicile. En se tenant le matin aupjës d'un ruisseau ou d'une fontaine , on les voit s'en approcher ; et avec une branche un peu forte de quelque arbrisseau, comme de lentisque ou de laurier sauvage , on les tue facilement : et comme on croit chez nous qu'il n'existe alors que des femelles, autant on en tue , autant on est censé détruire de nids. 236 Traité complet Après ce détail sur les guêpes , et sur la ma- nière de défendre les abeilles de leurs attaques, nous citerons M. de Bomare , qui s'exprime ainsi : « Les voyageurs disent que plusieurs de *< nos îles de l'Amérique manquent d'abeilles, « parce que les guêpes y sont en si grand nom- « brp , qu'elles les détruisent toutes. « Je ne crois pas qu'il y en ait plus en Amérique qu'.à Sjra ; et cependant, au moyen des ruches de terre cuite , nous n'en perdons pas une seule par les guêpes. « Dans ce pajs-cî , les guêpes ne font pas K ordinairement un si grand ravage. Cependant « Tannée de 1767 n'a été que trop favorable à « la multiplication des guêpes; aussi ces mou- « ches ont-elles fait beaucoup de tort dans les * ruches. Elles sont d'abord venues en piller « quelques-unes : les abeilles qui les habitoient M ont cherché à se réfugier dans d'autres ruches, •< mais les anciennes habitantes leur en ont dis- « puté Pentrée. Il s'est livré de sanglans com- « bats , où il est péri une multitude de mouches : * ainsi les guêpes ont été doublement fatales aux « abeilles. On a éprouvé aussi dans les jardins « le tort que les guêpes ont fait aux fruits; ce « qui confirme ce que j'ai dit ci-dessus, que les SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. IV. H^J »> guêpes font beaucoup de tort chez nous aux *< biens de la terre. » ^'" « L'ennemi le plus redoutable des abeilles «< dans l'hiver , ajoute M. de Bomare , est le « mulot. En une nuit d'hiver, lorsque les abeilles « sont engourdies par le froid , il est capable « de détruire la ruche la mieux peuplée. II ne « leur mange ordinairement que la tête et le « corselet. Feroit-il le même traitement aux « oiseaux ? Ce qu'il y a de certain , c'est qu'on « trouve quelquefois ^es petits de l'alouette •c commune étalés sur les bords du nid , et aux- « quels il ne manquoit que la tête et le cou. i< Les abeilles, principalement les vieilles , sont «< sujettes à avoir une espèce de pou qui est de « la grosseur d'une tête d'épingle et de couleur « rougeâtre : il s'attache sur leur corselet j sa « trompe est propre à s'introduire dans les « écailles , mais il ne paroît pas incommoder « beaucoup les mouches. Cependant , comme « ces poux ne s'attachent qu'aux vieilles, on n'a « pas bonne idée d'une ruche dont la plupart « des mouches en sont attaquées. » Je pense que M. de Bomare est le seul auteur qui ait parlé des poux. A Sj'ra , ils attaquent nos ruches foibles et mal peuplées, vieilles et jeunes; 238 Traité complet et elles périssent bientôt, si le propriétaire ne leur clon'i^Éfr pas de secours. Il arrive cependant , lorsque Tannée est bonne , et que la ruche a acquis de la force, q'i'elle se délivre de ces in- fectes incommodes , et qu'elle prospère ensuite : dans le cas contraire , les cultivateurs, pour sauver leur ruche , doivent y faire entrer un petit essaim. Quand elle est ainsi renforcée, les abeilles profitent de ce nouveau secours pour s'en débarrasser entièrement. Il est constaté qu'une i uche bien peu|i||ée parvient toujours à se délivrer de ses ennemis. Observons encore qu'elle est quelquefois tellement attaquée de ces poux, qu'on en voit jusqu'à trois ou quatre sur une seule abeille, et que la reine n'en est pas toujours exceptée. J'ai pris plaisir j^lus d'une fois à attendre mes mouche> , lorsqu'elles en- troient dans les ruches et (ju'elles en sortoient, pour détacher avec une petite bai^uelte cette vermine de leui- dos. Mais avec un moyen si foible , on ne p-eut pas beaucoup détruire de ces ennemis. Nous finirons ce chapitre par un avis que donne M. Lagrenée. « 11 est d'ime «< extrême importance, dit-il , d'écarter les pour- «« ceaux des jardins où sont les ruches : ces M animaux les bonlcverseroient toutes ; et si SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. V. S.3^ « c'étoit en été , ils pourroient j périr, aussi- « bien que celui qui viendroit au secours de ses « abeilles. Un homme de ma connoissance , à « qui ce malheur arriva , eut bien de la peine « ày remédier; et ce ne fut qu'au risque de sa « vie qu'il se débarrassa , ainsi que son animal , « des cruelles attaques que leur livrèrent les * abeilles irritées. » Il faut également éloigner les chevaux et les autres animaux , et sur-tout les brebis , qui font un grand tort aux abeilles. J'ai rapporté, dans divers endroits de cet ouvrage , des faits qui pjouvent combien il est important de pren- dre cette précaution. On peut voir, à ce sujet, le chap. I du IIP. livre. CHAPITRE V. Des Maladies des abeilles , et de la manière de les soigner y (juand elles en sont alla- Cfuées. JL)'après tout ce que j'ai exposé jusqu'à présent sur ce qui concerne les abeilles, on peut juger que l'on a dans l'île de Syra des lumières et des S40 Traité complet connoissances particulières sur celte partfe de l'économie rurale ; mais je dois avouer que nous nous sommes peu occupés des maladies de ces insectes , et , par conséquent , de la connois- sance des remèdes qu'il faudroit y apporter. Lorsque nos ruches turent attaquées , il y a quelques années , d'une épidémie dont je par- lerai dans le chapitre suivant , nous nous trou- vâmes si embarrassés , que nous les vîmes pres- que toutes périr , sans pouvoir les sauver. Je ne ferai donc que rapporter ce que j'ai trouvé de plus sensé à ce sujet , dans les auteurs que j'ai lus , en y ajoutant quelques réflexions. M. Lagrenée croit que ces insectes sont effec- tivement sujets à diverses sortes de maladies ; « mais, comme il est très-difficile, dit-il, pour « ne pas dire impossible, de savoir quelle en est « la nature , les remèdes qui y sont propres, « ainsi que le temps et la manière de les leur « appliqueravec succès, j'estime que le plus court « est , quand une ruche ne lait pas comme il « faut, de la vendre ou exf)loiter, quand la saison « est venue , plutôt que de s'obstiner à la gar- « der , et avoir le déplaisir de la voir périr à la « fin , malgré tous les soins. Au reste , les pa- « niers forts auxquels je conseille de s'en tenir, (oQ SUR LES ABEILLES. LiV. VI. Chap. V. 241 ( on peut voir ce que j'ai rapporté de M. Lagre- uée , dans les quatre derniers chapitres du pre- mier livre) « pour passer l'hiver, ne sont pas *t sujets à être malades j et si on leur laisse l'air « libre tout autour par le bas , on est sûr que les •« abeilles y seront délivrées des deux fléaux qui « leur sont les plus funestes , je veux dire la «* disette de vivres et le défaut d'air pur. » Je conviens qu'il est difficile de connoître la nature de plusieurs maladies des abeilles, et [eur cause ; dès- lors ce ne sera pas sans difficulté qu'on pourra trouver le moyen de les guérir. Mais ne doit-il pas suffire que la chose ne soit pas impossible , pour encourager les cultivateurs à faire en sorte d'y parvenir à force d'expérien- ces , et à imiter les efibrts de ceux qui ont réussi à prolonger la conservation des autres animaux utiles? Je sais qu'un cultivateur qui possède une certaine quantité de ruches , feroit mieux de se délivrer tout d'un coup de celles qui ne donnent pas grand espoir; mais celui qui en a peu , et qui voudroit en tirer des essaims pour former un rucher proportionné à sa propriété , auroit besoin de trouver des moyens pour conserver ses ruches foibles , ou celles qui sont malades. Je crois qu'en suivant exactement les conseils que Tome III. Q s.^2 Traité complet les meilleurs auteurs ont donnés à ce sujet, on viencli'oit à bout de sauver ses abeilles. Si M. Lagrenée se flatte que les cultivateurs , en observant les règles qu'il leur donne sur le gou- vernement des abeilles, en retireront de grands avantages pour leur conservation , je crois pou- voir espérer aussi que les amateurs , en prati- quant ce que j'ai prescrit pour les bien conduire pendant toute Tannée , et sur-tout pendant l'hiver, les délivreront des deux fléaux les plus redoutables , la disette de vivres et la corrup- tion de l'air. Non-seulement leurs ruches se maintiendront saines et vigoureuses pendant dix , quinze et vingt ans , mais elles se multi- plieront à un tel excès , qu'ils ne sauront qu'en faire. La principale maladie , et la plus connue de celles auxquelles les abeilles sont sujettes, c'est le flux de ventre ou dévoiement , qui , sur- tout au printemps , attaque les plus Ibibles et les plus mal constituées. Cette maladie est contagieuse , et elle fait périr quelquefois une ruche entière. Voici com- ment elle se communique, d'après M. Ducarne. Dans l'état naturel, il n'arrive pas que les ex- crémehs des abeilles , qui sont toujours liquides , tombent sur d'autres abeilles, ce qui leur feroit SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChaP. V. 248 un grand mal. Dans le dévoiement cet incon- vénient arrive, parce que les abeilles n'ayant pas assez de Force pour se mettre dans une posi- tion convenable les unes par rapport aux antres, celles qui sont au-dessus, laissent tomber sur celles qui sont au-dessous une matière gluante qui leur bouche les organes de la respiration. Or, si on se rappelle ce que nous avons dit au chapitre premier du quatrième livre , sur les organes de la respiration des abeilles , d'après M. Geer , on verra qu'il est très-important, de porter remède à cette maladie. Quoi qu'il en soit de la facilité avec laquelle elle se commu- nique aux abeilles, nous n'en connoissons point les ravages dans le Levant. Tout ce que nous observons quelquefois dans nos ruches , c'est une matière un peu moins dense que la raoli» vidhe , mais à peu près de la même couleur, et dont les abeilles se déchargent sur le couvercle et sur les parois intérieures : les rayons n'en sont jamais souillés , au moins ne m'en suis-je jamais apeiçu ; mais je puis assurer que ni moi , ni aucun de nos cultivateurs, n'avons jamais perdu Mite ruche j)ar cette maladie. Le ilux de ventre des abeilles a été occasionné par diverses causes, dit un auteur moderne; il a été attribué, parles 244 Traité complet uns au miel nouveau qu'elles mangent l'hiver; par les autres au défant de cire brute, t'est-à dire de molividlie, dont elles manquent , et qu'on regarde comme une partie essentielle de leur nourriture , sentiment qui est aussi celui des cultivateurs de l'île de Sjra; par d'autres aux iteurs de tithymale , d'orme ou de tilleul, sur lesquelles elles vont chercher le miel. Au- cune de toutes ces assertions n'est prouvée : le seul fait qui mérite attention , est une expé- rience de M. de Réaumur. Ce savant observateur a nourri de miel seulement, pendant un certain temps, des abeilles qu'il tenoit renfermées : eJies ont toutes été attaquées du dévoiement ; mais ce dévoiement est-il dû à la privation de cire brute j ou au principe de cette maladie qui s'est développée pendant l'expérience , ou à l'air altéré que les abeilles ont respiré, étant ainsi renfer- mées? voilà ce qui n'est pas éclairci par l'expé- rience de M. de Réaumur. « Mais je croirois « plutôt , dit M. Ducarne , que cette maladie u ne leur vient que d'avoir été trop long-temps « renfermées dans leur ruche; car je n'ai jamais M vu mes abeilles et celles de mes voisins, atta- • quées de cette dangereuse maladie , qu'à la «< sortie de l'hiver et au commencement du pria- SUR LES ABEILLES. LîV. VI. ChAP. V. 1^5 «f temps. Deux raisons me confirment dans cette « idée : la première , qu'après l'hiver , dans les * deux ou trois premiers jours de leurs sorties , « on les voit se vider toutes , et se débarrasser « d'une espèce de bouillie d'un rouge jaunâtre , « dont elles ont toutes le ventre gros et rempli. « Ceci me semble d'autant plus probable, que «< pour peu de temps qu'elles aient été renfer- •< mées , ne fût-ce que pendant quinze jours , « une bonne partie des ruches se vide d'elle- « même. Il n'y a de différence que du petit au * grand : elles en jettent moins alors. » Je crois donc que celles qui sont attaquées de dévoîe- ment, «ont les abeilles les plus mal constituées , et dont la disposition ne s'est point trouvée assez bonne pour résister au long séjour de ces matières dans leur corps. Cette matière s'y cor- rompt sans doute à la longue, et celles qui ne sont pas d'une bonne constitution , ne peuvent y résister , et sont attaquées de cette maladie qu'on nomme dyssenterie. Ceci paroît d'autant, plus vraisemblable, que, dans les ruches mala* des, cette matière a changé de couleur, et qu'au lieu de rouge jaunâtre , elle est devenue presque noire et d'une odeur insupportable ; ce qui est le plus mauvais signe pour celles qui en sont Q iij i^6 Traité complet ateintes. Alors il n'y a presque plus d'antre remède que de les faire changer de panier ; ce qui ne réussit pas toujours dans cette saison. (Ce- pendant le printen:ips est la saison la plus propre pour faire changer de ruches aux abeilles.) Je né doute pas que toutes ces causes ne puis- sent concourir quelquefois , ensemble ou séparé- ment , à produire dans les ruches cette maladie ; mais je crois également qu'elle peut arriver aux abeilles par l'effet de quelque vice du pâ- turage , c'est-à-dire de quelque rouille ou rosée pestilentielle dont les Heurs se trouvent infectées , et par conséquent le miel et la mo- lividhe dont les abeilles se nourrissent : c'est Je sentiment vénérai de nos cultivateurs. Cette opinion me paroît d'autant mieux fondée , qu'il arrive souvent que les quadrupèdes qui paissent l'herbe cariée ou roui liée, sont sujets au dévoie- ment : les hommes-mêmes qui mangent du raisin ou d'autres fruits infectés de cette rouille, sont attaqués de la diarrhée* Ce que dit M. Ducarne de l'infection de l'air , qui occasionne aux abeilles la dyssenterie, a lieu dans les ruches dont on se sert en France ; mais il n'en est pas de même des nôtres, parce qu'en suivant la manière que j'ai indiquée pour leurs couvercles , pendant qu'on les lient renfermées SUR LES ABEILLES. LlV. VI. ChAP, V. l^y en hiver, 1 air y circulant continuellement, ne pourra jamais se corrompre. Les auteurs prescrivent divers remèdes pour cette maladie ; mais nous , qui croyons qu'elle vient ordinairement de PinPection des pâturages dont se nourrissent les abeilles, nous attendons du temps leur guérison : et , puisque ce sont les vents du sud qui produisent les mauvaises rosées, il n'y a que ceux du nord qui puissent remettre les choses- dans leur état naturel. Mais , si le mal vient de ce qu'elles ont mangé trop de miel pur , le moyen le plus simple de les en guérir, c'est de leur donner un gâteau dont les alvéoles soient remplis de molividhe. D'autres conseillent de leur donner de la farine de len- tilles ou de grosses fèves , mêlée avec du miel et un peu de vin , et d'en former une pâle molle qu'elles puissent manger. « On conseille même l'urine ( dit M. l'abbé Tessier, Encyclop. méthod.), que ces insectes paroissent rechercher , vraisemblablement à cause des sels qu'elle contient. M. l'abbé Eloi^ ajoute-t-il , vicaire général de Troyes , qui a élevé beaucoup d'abeilles, et avec bien de l'in- telligence et du soin , trouvant , au retour d'un voyage , une de ses ruches dans un état de dé- Q iv 448 Traité complet J3érissemcnt qui lui faisoit craindre de la per- dre , fit un mélange de deux tiers de miel et d'un tiers de kervaser : il en aspergea l'intérieur avec un balai de plume ; une heure après tout se ranima , et la ruche fut sauvée. » M. Ducarne révoque en doute la bonté de ce remède : il est persuadé que cette maladie pro- vient d'autres causes , ou d'une corruption de diverses matières , et il s'exprime ainsi : « J'ai , dit cet auteur , un autre remède qui pourroit être meilleur , quoique dans le fond je regarde cette maladie à peu près comme incurable. Il en est de ceci comme du pillage que l'essentiel est de prévenir. Pour cela , j'ai coutume de donner à celles pour lesquelles j'ai lieu de craindre , d'après quelques apparences , une liqueur dont voici la composition. J'ai trouvé qu'elle leur étoit favorable , même quand la maladie étoit déjà fort avancée : elle les foitifie, et leur donne la force de se débarrasser de ces usbstances nuisibles , qui ont acquis dans leur corps un certaifi degré de corruption. » « Prenez quatre pots de vin vieux, deux pots de miel , et deux livres et demie de sucre : mettez ensuite le tout dans un chaudron d'airain : fai- tes-le bouillir à petit feu , écumez-le de temps SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. V. 249 en temps , et laissez-le réduire jusqu'à la con- sistance de sirop : vous mettrez ensuite cette composition dans des bouteilles que vous pla- cerez dans la cave. On peut faire autant et si peu qu'on veut de cette composition , en pro- portionnant les doses selon, que l'on a peu ou beaucoup d'abeilles à entretenir. » « Au lieu de cette composition , vous pouvez vous contenter de leur donner du miel avec un peu de vin vieux mêlés ensemble , et que vous ferez chauffer jusqu'à ce que le tout soit bien liquide : vous vous contenterez de l'écumer grossièrement. Toutes les fois que vous leur donnerez de l'une ou de l'autre de ces deux compositions, vous la ferez chauffer un peu, pour qu'elle soit tiède en la leur donnant. Vous ferez la même chose pour toute autre espèce de liqueur que vous leur donnerez. » Outre ces recettes , M. Ranconi , auteur ita- lien , en ajoute une autre : « On remédie, dit- il, au dévoiement des abeilles , en mettant de l'urine fraîche dans de petites assiettes autour de la ruche, et en les parfumant avec de l'u- rine chaude ; ou en leur donnant du moût ou de très- bon vin doux , bouilli avec du sucre , du ie5o Traité complet clou de girofle et de la muscade , ou du miel bouilli dans une quantité d'eau double , avec des roses sèches , en mettant dans la même écuelle un morceau de laine ou de toile blan- che, afin que les mouches ne puissent pas s'y noyer. On peut même prendre des écorces de grenades, broyées et passées au tamis, et mêler le tout dans du miel et du vin doux , et le leur donner à sucer. » Kanconi conseille encore , lorsque les rajonj sont attaqués de la moisissure , de les parfumer avec de l'encens , de la centaurée et autres herbes odoriférantes. Il faut cependant avoir soin d'enlever auparavant les parties des rayons les plus gâtées. Avant de terminer ce chapitre, je veux ajou- ter quelques particularités , tirées du Mémoire sur les abeilles de M. l'abbé Bienaymé , les- quelles ont paru propres à intéresser les atna- teurs de ces insectes. Selon ma manière de voir, je suis plus que convaincu que toute» les maladies des abeilles viennent principalement de la mal-propreté qui se trouve dans les ruches , ou de ce que ces petits animaux mangent la cire ( inolividhe^ SUR LES AfeEILLES. LlV. VI. ChaP. V. iSl et le miel , qui y a séjourné plusieurs années, et acquis un mauvais goût (i). La preuve de ce que j'avance , c'est que , même clans les ruches en forme de clocher , on n'a jamais vu mourir de maladie un essaim de l'année , bien fourni de nourriture : je dis bien fourni de nourriture, parce qu'un grand nombre de ces essaims ne périssent que pour être venus trop tard , et par- ce qu'ils n'ont pas un temps assez favorable pour s'approvisionner. Ainsi ils sont morts de faim. (i) J'ai remarqué ailleurs que notre miel du Levant a plus de corps, et par conséquent il peut se conserver plusieurs années, soit dans les rayons mêmes des ru- ches , soit dans des vases , sans s'altérer et sans perdre son goût : au contraire le miel de ces pays a moins de corps, et est chargé d'une substance aquatique. Dans un pot qui contenoit neuf à dix livres de miel , que j'avoîs retiré tout pur des rayons de l'année passée , je me suis aperçu , au printemps de cette année , que la couche supérieure de ce miel, d'environ deux livres, étoit presque aussi liquide que l'eau, pendant que le reste étoit loutgre- né. II peut se faire que cette partie liquide soit celle qui , à la longue, altère le miel (sur-tout dans les ruches, à cause de la chaleur), et qui lui donne des qualité» nuisibles à la santé des abeilles , coûame le dit notre auteur. i5a Traité complet ou ils ont été forcés de ne vivre que de cire, ce qui leur occasionne le dévoiement , et les afïbiblit au point que, s'ils parviennent jusqu'à Ja belle saison , ils n'ont pas assez de force pour xiller chercher une nourriture plus convenable. Mais , pour obvier à ces inconvéniens , voici les précautions dont je me sers. Avant l'hiver, je m'assure si mes paniers sont bien fournis de miel et de cire : il n'y a rien de plus facile, puisqu'il suffit pour cela de les soulever très- doucement. Ceux qui sont lourds , je les grille et les enduis , pour n'y plus toucher jusqu'au printemps ; ceux au contraire qui sont légers, j'examine avec attention s'il y a des abeilles de- dans. Quelque petit nombre qu'il y en ait , je mets dans l'intérieur de la ruche deux livres d'a- \oine bien propre (i) ; je grille et j'enduis ma (i) Tout étrange que me semble ce moyen de sauver les ruches foibles, en leur donnant de l'avoine, sur-tout parce que notre auteur nous dit que les abeilles , à la fia de l'hiver, ne laissent que la seule paille ; cependant je crois devoir suspendre mon jugement, jusqu'à ce que j'en aie moi-même tenté l'épreuve, d'autant plus qu'on ma assuré que certain cultivateur étoit dans l'usage , pour sauver ses ruches encore foibles, faites de paille SUR LES ABEILLES. Liv. VI. Chap. V. a53 ruche avec beaucoup plus de précaution que les autres , de crainte que les souris n'y entrent; et je les laisse dans cet état, jusqu'à ce qu'il arrive quelque belle journée d'hiver qui me permette de les visiter. Il faut que l'air soit assez chaud pour qu'elles sortent d'elles-mêmes : comme ces jours n'arrivent guère plutôt que dans le courant de février , lorsque je vois le soleil donner en plein sur les ruches , je débouche celles que je soupçonne foibles; je détache de chacune d'elles un gâteau de cire pure , sur lequel je verse un peu de miel fondu avec du vin : j'en remplis les alvéoles , et je pose ce gâteau à plat dans la ruche ; je renouvelle cette manière de les nour- rir, autant de fois que je m'aperçois qu'elles manquent de nourriture, selon qu'il lait chaud en forme de clocher , de retirer leurs tablettes , et de les appuyer sur des tas d'avoine. On n'a pu cependant m'assurer si l'avoine qui se trouv'oit sous les ruches étoit mangée par les abeilles. Lorsque j'entendis parler pviur la première fois de cette particularité, je m'étoi» imaj^iné que quelque vapeur spiritue-ase qui pouvoit sortir de ce tas d'avoine , soutenoit et conservoit les abeilles en bonne santé. Je fâcherai , l'hiver prochain , de faire l'expérience de notre auteur. 354 Traité complet ou froid, et jusqu'à ce que la belle saison soit venue. 11 n'est pas nécessaire de renouveler l'a- voine ; deux livres suffisent pour tout l'hiver : de cette manière j'ai conduit jusqu'à la belle saison, des essaims qui , en totalité , ne pesoient pas trois livres, y compris les abeilles, la cire et le miel. Quand on est assuré que l'hiver est passé , et que les abeilles trouvent de quoi se nourrir dans la campai>ne , il faut ôter tout ce qui reste de l'avoine ; ce qui n'est pas très-considérable , car elles ne laissent que la paille. Les abeilles bien établies dans la ruche dont je parle , ne peuvent périr que dans le cas où elles manqueroient de nourriture, et qu'on n'y feroit point attention , parce que le miel qu'elles man- gent n'a pas plus de dix-huit mois, ce qui ne peut leur faire aucun tort (i). (l) Nos ruches, qujint à leur forme cylindrique , à leur position horizontale, et à la facilité de les ouvrir par devant et par derrière , sont semblables à celles de M. l'abbé Bienaymé , don.' je donnerai la description à la fin de ce volume. Ce n'est que leur matière qui est différente, les nôtres étant de terre cuite, et les autres de paille. Or, tous les avantages que M. l'abbé Bienaymé attribue à ces ruches par rapport à la conscrvalioa des SUR LES ABEILLES. LïV. VI. Chap. VI. ^55 Cependant il arrive quelquefois au printemps qu'elles ont une espèce de cours* de ventre. Les meilleurs remèdes , et ceux qui m'ont le mieux réussi , c'est de mettre dans chaque ruche , aus- sitôt que l'on aperçoit qu'elles ont le dévoiement , de la farine de grosses fèves, détrempée dans du miel et du vin , d'en faire une pâte un peu dure , et d'en placer dans chaque ruche. On peut encore prendre du sel commun qu'on pile très-fin , et en répandre dans la ruche de l'épais* seur d'une ligne et d'un pouce carré. CHAPITRE VI. D'une Maladie épidémiqiie qui emporta , il y a, quelques années y les abeilles dans Vile de Sjra. t, PLUSIEURS au teurs , di t M. l'abbé Tessîer , parlent de la rougeole des abeilles : à ce mot on croiroit que c'est une maladie, tandis que abeilles, doivent être communs aux nôtres: celles-là même doivent être plus exposées aux fausses teignes que les nôtres , ou du n\oLns elles doivent être sujettes j^ux mulots et aux souris. a56 Traité complet ce n'en est que la cause ; encore , M. de Réaumur est-il persuadé que c'est une opinion fausse. Dans le cas dont il s'agit , la moitié d'un alvéole est remplie d'une matière rouge , plus amère que douce. Selon les uns , c'est une matière re- cueillie sur les fleurs de buis , de tilleul ou d'if; selon les autres , c'est une espèce de miel qui se corrompt et rend les abeilles malades , ce que nie M. de Réaumur, assurant que cette matière est une cire brute , ( molividlie ou poussière des élamines,) nécessaire à lanourriture.et aux ou- vrages des abeilles, et qu'elle est ainsi colorée, à cause de la nature des étamines sur lesquelles elle est recueillie. » On ne connoît pas cette espèce de maladie à S^ra; et j'ai été étonné d'en voiries détails dans quelques auteurs. M. Duchet assure que la grande quantité de molividhe dans une ruche est d'un mauvais augure. Si cela est vrai , on ne pourroit , selon moi , l'expliquer autrenicnt , qu'en disant que dans les pays froids, comme la Suisse et autres semblables , la molividhe peut souvent être gelée dans les alvéoles, sur- tout dans les rayons qui ne sont pas couverts par les abeilles pendant l'hiver; et alors, en devenant dure et sèche , elles ne peuvent pas aisément SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. VL 2.5'j[ aisément la consommer :. elle reste donc très" long-temps dans les alvéoles, c^ qui doit la cor- rompre à la longue , et lui faire produire quan- tité de vers. Cette matière peut 's'augmentep tous les ans par de nouvelles poussières qui se gèlent aussi, et par là être bien plus difficile à être consommée par les abeilles. Je suis donc fondé à croire que la grande quantité de mo- lividhe est d'un mauvais augure pour une ru- che. Mon sentiment est appuyé par ce que dit M. Ducarne à ce sujet. « Cette matière rouge, dit-il , et ensuite jaunâtre , est sans doute un mauvais signe pour les ruches où cela se trouve ; mais non une maladie des abeilles. Tout au plus pourroit-on penser que , ces ruches étant trop vieilles, la matière à cire, la cirebrute;'^ s y est aigrie et corrompue par la longue durée du temps qu'elle y est restée déposée. Aussi je crois devoir conseiller de transvaser ces sortes de ruches, ajoute M. Ducarne, dès que les circonstances per- mettront de le faire, et toujours le plus tôt pos- sible. » Cette transvasion est nécessaire , lorsque le mal est très-avancé et que tous les rayons sont infectés :.mais pouruncultivateur attentif et qui Tome UT. • R ^58 Traité complet se sert de nos ruches, lorsqu'il s'aperçoit que la molividhe a été gelée par les grands froids , il peut couper simi)lemcnt les bords des rayons e autre maladie, dont il croit s'être aperçu le premier, et q^i'ou nomme le vertige. Les abeilles qui eu SUR LES ABEILLES. LiV. VI. CllAP. VI. 2.0^ Sont attaquées , vont , viennent , tournent et courent sans cesse autour du ruclier, jusqu'à ce qu'ajant trouvé quelques-unes de leurs compa- gnes dans quelque lieu écarté , elles s'y fixent et y périssent. J'en ai vu un grand nombre à la fois iUtaquées de cette dangereuse maladie , à laquelle je ne sais pas de remède. « J'ai toujours cru que quelques fleurs parti- culières en contenoient le principe. J'en ai vu plusieurs dont les jambes étoient chargées de cire brute. La saison où l'on en voit le plus , est depuis le iS mai jusque vers le 2.0 juin, où cette cruelle maladie cesse ordinairement. Cela dépend néanmoins de la saison plus ou moins avancée , relativement au beau ou mauvais temps. Toutes celles qui en sont attaquées ont le train de derrière si foible , qu'à peine elles peuvent se soutenir: il est toujours traînant à terre. Elles font souvent des efforts avec leurs ailes pour s'envoler, mais elles n'en ont pas la force; aussi c'est une pitié de les voir : et , dans l'impuissance où j'étois de les secourir , j'écrasois avec le pied toutes celles qui se trouvoient en mon chemin, pour ne point les voir souffrir da- vantage. » Je ne puis rien dire d'une telle maladie : j'ai Kij 260 Traité complet souvent vu des abeilles couchées par terre , ne pouvant se relever ni reprendre leur vol , malgré tous leurs efforts ; et je me suis convaincu que leurs ailes étoient mutilées , soit que le vent les eût renversées avec trop de violence , soit par quelqu'autre accident. Je n'ai jamais pensé que ce fût une maladie ; et si c'en est une , comme lé pense M. Ducarne, elle peut être occasion- née par un coup de soleil. Ceci seroit assez natu- rel au printemps, attendu que les abeilles , qui ont été renfermées pendant l'hiver , ne sont point encore accoutumées à un soleil ardent. J'ai vu , sur-tout après la sortie d'un essaim , que quantité d'abeilles se traînoient par terre sans pouvoir prendre leur essor. Je les ai quel- quefois bien observées , et je trouvois qu'elles avoient leurs ailes dérangées et hors de l'état naturel , de manière qu'elles ne pou voient les faire servir à l'usage ordinaire. Je ne doute point que cela ne provienne de la multitude immense d'abeilles , et de l'empressement avec lequel elles sortent de la ruche: en se heurtant récipro- quement, leurs ailes se dérangent. J'ai remarqué aussi quelquefois , qu'au moment où des bandes de pigeons s'élevoient en l'air tout d'un coup, pilusieurs d'entre eux , qui sans doute s'étoient SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. VI. l6î heurtés avec leurs ailes , tomboient à terre. Je les ai vus soulever un peu Jeurs ailes , ce qui prouve qu'ils s'étoient fait du mal, La même chose arrive aux abeilles , quand la pluie les surprend aux champs , à la sortie des essaims. Dans tout ce que l'on a vu et écrit sur les lualadies des abeilles, rien n'est comparable au mal qui attaqua les nôtres dans l'île de S^^ra , depuis 1777 jusqu'en 1780 , et qui emporta pres- que toutes nos ruches. Elle se déclara par un vice dans les rayons remplis de couvain , et qui ne contenoient plus qu'une matière entièrement corrompue : au lieu de nymphes de petites abeilles , on ne vovoit que de la pourriture dan^ les cellules , qui cepen- dant , étant couvertes , conservoient toujours une apparence de santé. Si on fendoit ces rajons , il en découloit une liqueur noirâtre , qui jetoit l'infection dans toute la ruche. Cette maladie ne se manifestoit que dans les cellules qui contenoient un couvain déjà avancé ou couvert. Les abeilles étoient en bon état , et travailloient avec la même activité ; mais leur population dépérissoit de jour en jour. Cette maladie , cependant , n'étoit pas si générale dans une ruche, qu'il ne s'en échappât quelquefois R iij 26i Trait/: c om p l e t «ne pcliîe portion: il en sortoit qiielquCvS abeilles nouvelles, mais en trop pclil nombre pour sup- pléer aux pertes journalières. Ainsi une ruche attaquée de ce fléau dépérissoit d'ailleurs, l'aute de ])opulation. Dans le principe , ne nous étant pas aperçus que cette maladie lût épidémique , nous eûmes l'imprudence de remj)lir de nouveaux essaims les ruches vides dont les abeilles étoient n>orics ; elles contractèrent toutes la même maladie , et périrent. Nous fîmes encore une nouvelle faute; nous transportâmes les dépouilles des ruches que nous avions perdues , dans les rues de la ville, pour les exposer au soleil. Nous voulions tirer des rayons toute la cire aromatique qu'ils pour- roient nous fournir, })our en ])réparer de nou- velles : les abeilles des environs sucèrent le miel , attrapèrent la maladie , la conununiquèrcnt à leurs ruches , et toutes , sans exception , péri- rent en peu de temps. Cette peste ayant gagné l'île , se répandit ])ar-tout , et la mortalité fut générale, soit en mangeant tlu miel pestiféjé , ou en bouchant les rayons infectés , soit en nourrissant leur t^ouvain de miel corrompu. Si ce malheur arrivoit souvent dans l'île, on SUR LES ABEILLES. LiV. VI. ChAP. VI. 263 pourroit croire que sa source est clans quelques plantes qui produisent ua aliment nuisible aux abeilles ; mais, comme on n'a jamais vu de con- tagion pareille à celle-là, on ne peut expliquer cet événement mémorable dans l'histoire de ces insectes, qu'en disant que quelque rouille pes- tilentielle avoît sans doute corrompu la qualité du miel et les poussières des étamines. Les abeilles en avant nourri leurs ombrions . le cou- vain en aura été infecté, et le mal , devenu épi- démique , se sera étendu sur toute la surface de l'île. Nous commençâmes d'abord par retirer les rayons infectés , et nous jetâmes dans les ruches des essaims frais. pour aider les anciennes abed- les ; mais ce îuoyen ne nous réussit pas : l'an- cienne et la nouvelle colonies disparurent. Nous enlevâmes ensuite tous les rayons d'une ruche infectée , comptant sur sa grande population, et sur la saison qui lui étoit favorable ; tout fut inutile : ces pauvres insectes commençoient , avec beaucou]) d'énergie et d'activité , à former de nouveaux rayons ; la reine y pondoit et les remplissoit d'œufs; mais bientôt ces rayons , au lieu du couvain , se trouvoicnt remplis d'une eau corrompue, et ietoient l'infectiou de toutes parts- Riv 264 Traité complet Enfin on s'aperçut que la maladie étoit ép'w démique ; on ouvrit JcvS yeux, on reconnut les grandes fautes que l'on avoit faites , et tous les cultivateuis prirent ensemble la résolution de ne point exposer à l'avenir la dépouille des ruches qui avoient péri , à être touchée par les abeilles; d'étoulTèr avec de la fumée toutes celles qui auroient été attaquées , en bouchant toutes Jes ouvertures de la ruche; de retirer tout ce qu'il y auroit de rayons avec les provisions , et de mettre ensuite le feu dans la ruche , pour brûler tout ce qui resteroit. L'incendie devoit être ré- pété deux ou trois fois dans l'espace de huit jours; et dans l'intervalle , toutes les ouvertures des ruches dévoient être bouchées , afin qu'au- cune abeille des ruches voisines ne pût y entrer. Je n'ai pu savoir le résultat de toutes ces pré- cautions , étant parti dans ce temps-là pour venir en France ; mais je suis sûr que si quelques ru- ches ont été conservées, ce n'est qu'aux effets de cette résolution qu'on en est redevable. M. l'abbé Tessier, comme je l'ai observé, est le seul de tous les auteurs que j'ai lus, qui ait fait mention de cette maladie. Voici ce qu'il en dit dans l'Encyclop. méthod. au mot jlbeille , pag. 32 : « Quand , par quelque circonstance , le SUR LES ABEILLES. LlV. VI. ChaP. VI. ^65 couvain meurt dans ses alvéoles, il cause clans la ruche une infection qui rend les abeilles ma- lades : il faut alors enlever et quelquefois chan^ ger les abeilles de ruche, ayant soin de parfu- mer celle où étoit le couvain mort, si l'on veut s'en servir une autre fois. On dpnne , dans ce cas , aux abeilles du sirop de M. Palteau. ( Cest le môme que celui de M. Ducarne , dont j'ai parlé au chapitre précédent. } 11 faut , pour éviter le même inconvénient , retrancher les parties des gâteaux qui seroient moisies par l'hu- midité. » Après l'accident arrivé à Syra , et qui pour- roit se renouveler ailleurs, je conseillerois le parti que les cultivateurs y prirent avec tant de fermeté : mais , si l'on vouloit essayer de con- server les abeilles , on pourroit les tiansvaser , retirer les rayons , et mettre le feu à tout le reste. Il faut prendre toutes les précautions possibles pour empêcher les abeilles voisines de s'attacher à ces rayons infectés , et d'en sucer la moindre chose. Si l'on b'apercevoit encore que la maladie a suivi les abeilles transvasées , et que leurs couvains se corrompent une seconde fois , alors, sans miséricorde, il faudroit tout brûler; il n'y auroit pas d'autre ressource. 266 Traité complet Cette maladie est sans contredit la plus ter- rible dont on ait jamais parlé dans l'histoire natu- relle des abeilles. J'ai dit mal-à-propos que , de tous les auteurs, M. l'abbé Tessier ctoit le seul qui eût })arlé de cette maladie ;, car M. Schirachen aparlé aussi, et même avec plus de précision , dans son Histoire naturelle des abeilles, chap. III, pag-. 56. « Le i'aux couvain , dit-il , est tout autrement dange- reux ; c'est une maladie des plus funestes aux abeilles , une vraie peste, quand le mal est par- venu à un certain degré. » « On en peut rapporter la cause à deux sour- ces : la ])remière prend son origine dans la nourriture corrompue dont les abeilles nour- rissent les vers du couvain , Faute d'en avoir de meilleure; la seconde vient de la reine al)eille, lorsque , par sa Faute, les vers du couvain se trouvent placés dans leurs alvéoles de manière qu'ils y sont la tête renversés. Dans cette posi- tion , la jeune abeille étant hors d'élat de pou- voir se Faire jour pour sortir de sa prison , meurt et se pourrit. » Je n'ai jamais ni vu ni entendu parler de cette étrange position du couvain dans les cellules avec la tête renversée ; mais, quoi qu'il en soit. SUR LES ABEILLES. LïV. VI. CHAP. VI. 2167 je suis étonné que M. Schirach , qui a gouverna et étudié si long-temps et avec tant d'application les abeilles , ait pu en attribuer la faute à la reine. On sait que cette mère ne t'ait autre chose dans la ruche , par rapport au couvain , que de pondre les œufs; ce sont ensuite les abeilles qui les couvent, et qui nourrissent et soignent le couvain ; et lorsque le ver est près de se chan- ger en nymphe, c'est lui qui construit sa petite coque, et qui s'y renferme: ainsi , toute position Cju'il se donne dépend de son bon plaisir , et non de la reine. « Quelquefois aussi, poursuit M. Schirach, le .froid donne la mort au jeune couvain et occa- sionne de la pourriture ; mais ce n'est-là , à pro- prement parler, qu'un accident , et non pas une maladie. » Cependant , si le propriétaire n'a pas soin de retirer les rayons qui contiennent ce cou- vain mort , ou si la fojbicsse des abeilles ne leur permet pas de s'en débarrasser , il peut très-bien se faire que cet accident devienne une vraie ma- ladie pestilentielle. Voici le remède que M. Schirach propose contre Cette maladie : « Le remède le plus sim- ple, dit-il , au faux couvain , c'est de retrancher tous les gâteaux de la ruche qui en sont infectés. i68 Traité COMPLET et de faire jeûner les abeilles pendant deux jours; après quoi l'on pourra leur fournir d'autres gâteaux de cire , et leur donner le remède sui- vant : Un peu d'eau chaude, dans laquelle on a mêlé du miel , de la noix muscade et du safran. » « On peut aussi subsliluer à ce remède un sirop qu'on prépare avec du sucre et du vin en égale quantité , et assaisonné d'un peu de mus- cade. Ou bien , au lieu de tout cela , on n'a qu'à leur donner tout simplement une tasse de vin d'Espagne, et elles se remettront tout-à-fait. >» Le traducteur de M. Schirach ajoute à cet endroit la note suivante : «Un des principaux cultivateurs de ces provinces compose pour les abeilles un sirop qui est fort bon , en prenant du miel clarifié et du sucre brun , de chacun deux livres , à quoi il ajoute une livre de vin blanc. Il croit même que ce remède est plus sa- lutaire pour les abeilles , que celui où il entre de la muscade , parce que ce dernier ingrédient est trop échauffant pour les abeilles, qui ne sont •alors que déjà trop échaufîecs. » SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAP. I. 269 LIVRE VIL Sur la Récolte des ruches , et sur la manière de retirer le miel et la cire des rajons. CHAPITRE PREMIER. RÉFLEXIONS sur la vendange des ruches ^ et sur la manière de la faire. « L. E but qu'on se propose en soignant et en multipliant les abeilles, dit M. l'abbé Tessier, Encycl. mélhod,, est de s'approprier une partie du miel et de la cire qu'elles récoltent. L'homme ne peut se procurer ces productions végétales que par leur moyen (i). Dans le partage qu'il en fait avec elles , il faut qu'il soit juste et at- (i) Cependant nous avons marcjué ailleurs , qu'on est parvenu en Amérique et au cap Je Bonne-Esné- rance , à se procurer de la cire de certaines plantes, ainsi que des fruitsd'un certain arbre qu'on a fait bouillir. fiyô Traité complet tenlif, s'il veut se ménager une source qui ^' loin fie tarir, s'accroîtra de plus en plus. » Cela est très-vrai et très-juste; et pour cette raison , avant de parler de la manière de ven- danger nos ruches , je veux exposer quelques observatioas tirées de M. Ducliet (en y ajou- tant toujours mes réflexions} , qui nous mettront en élat de })ratiquer avec succès les sages con- seils de M. l'abbé Tessier. M. Duchet , au chap. VII , sur la saison de dégraisser, propose quelques questions qui sont très-intéressantes , et que nous allons rapporter etéclaircir danscccliapitre. D'abord il examine et condamne l'opinion de ceux qui croient très- utile la pratique d'étoulTèr les abeilles pour en retirer toutes les provisions ; mais ayant traité iort au long cette question au premier livre , je renvoie mon lecteur à ce que j j ai exposé, chap. IX, X et XI. Ensuite il j)ropo8c ces autres qiKCStions : i°. Si la pratique de vendanger les ruches doit ctre universelle? i'\ dans quelle saison convient-elle le mieux? 3^. quelles attentions doit-on avoir à l'égard de la cire et du miel en dégraissant les ruches? 4". comment laut-il s'y prendre ? Quant à ce qui regarde la première de ces SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. I. 27 1 <]^tÇstions , savoir si la métliode de dégraisser IcvS ruches doit être universelle, de soi te qu'on doive les tailler toutes et chaque année, M. Bu- dget dit « que la jirudence nous j doit dirii;er, et qu'elle nous dicte les règles suivantes : 1°, Qu'il ne faut pas toucher aux ruches qui n'ont pas de superflu, et que, dans les années ini^rates, on doit s'abstenir de leur ôter le nécessaire. 2.", Qu'on ne devroit pas no:i plus toucher aux essaimb la première année, jusqu'après le temps de la sortie des nouvelles colonies de l'année sui- vante. 3". Les bonnes mères qui donnent chaque année un essaim ou deux, méritent des ména- gemens ; et il n'est guère possible d'avoir la même année, de la m^nne ruche, des essaims et du miel : à la place des bons rayons à petits trous que vous leur ôteriez, elles pourroient ea former de ceux à grosses cellules qui donn^ent trop de bourdons, et nuisent aux essaims. 4°. On lyçul au contraire dégraisser deux fois l'année la même ruche, lorsque son travail et la saison le permettent : c'est principalement les vieilles ou stériles en essaims qui doivent être poursuivies pour le miel et la cire. » Quant à la saison la plus convenable à ce dégruii<>ement , M. Duchet répond « que ce iys Traîté complet n'est ni le printemps ni l'automne , ainsi qUel'dri verra au chapitre suivant ; l'hiver encore moins, puisqu'en ce temps le vide ne peut être réparé : il ne nous reste donc que l'été pour cette oj^é- ration , c'est-à-dire , quand la saison d'essaimer est passée. On ne peut alors porter aucun dom- mage ni retard aux essaims ; ils sont sortis ; les ruches qui n'ont pas donné Fourmillent d'ouvriers; la saison est encore bonne , 'les Heurs, sont en abondance et en force , les feuilles des arbres mêmes (^dans le temps de la miellée^ fournis- sent quelquefois quantité de miel ; le vide sera bientôt rempli. « « L'expérience de trente ans , conclut M. Du- chet j m'a appris qu'ordinairement ce qu'on leur prend en cette saison est autant de g;agné , et qu'en automne on n'auroit rien déplus si on ne l'avoit pas pris. » Tout ce que M. Duché t dit ici sur la saison de la rendange , sera uiicux dé- veloppé par nous dans le chapitre suivant. « Quelles attentions faut-il avoir en dégrais- sant la cire et le miel? Les voici : de ne jamais prendre le couvain, en quelque état qu'il soit gros ou petit. On distingue aisément les cou- vains scellés d'avec les rayons de miel , par la couleur de la pellicule qui couvre les cellules des SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. I. ïi.']Z cîes unes et des autres ; relie du couvain est brune. Ceux qui sont en vert , sans être scellés, se manifestent assez; le couvain est ordinaire- ment au milieu des rayons; 2'\ de ne jamais prendre la cire vide à petites alvéoles, mais de la laisser pour les deux fins de sa destination, le couvain et le miel , à moins qu'elle ne fût trop vieille et trèb-noire: on doit cependant en- lever de la cire vide à grandes cellules, quand il y en a trop , pour ne pas donner naissance à un tiès-.^rand nombre de bourdons : il suffit qu'il en reste un quart de pieden quarré;3\ de ne pas enlever* le miel qui est nécessaire pour élever la jeunesse, comme nous le verrons ci- après ; 4". de ne pas trop enlever , mais de se contenter du superflu, tellement que, même ait commencement de l'été , vous devez en laisser suffisamment pour passer Fhy ver. Pourquoi les exposer à périr sur un avenir incertain ? Ce qui est nécessaire pour leur conservation et entre- tien, en passant dans nos mains , ne nous dé- dommagera certainement pas de la perte des ruches, s'il en devient l'occasion. On ne doit pas craindre de contribuer à leur paresse , en leur laissant du miel proportionnément à leur be- soin; car ce seroit aller contre la raison, que Tome III. S Ê74 Traité complet (le croire ces insectes capables ds raisonnement et de calcul , tel que seroit celui-ci : il nous Faut vingt ou trente livres de miel pour passer agréa- blement l'hyver; nous les avons, nous pouvons donc nous tranquilliser et nous reposer. L'a- beille ne se conduit pas par ces réflexions ou d'autres semblables ; mais suit invariablement le penchant de son instinct, lorsque rien ne le contrarie. » Enfin, pour ce qui regarde la manière de s'y prendre, voici ce que dit M. Ducîiet : « Ne nous laissons point elïlaycr par une terreur pani({uc. quoique, dans ce temps, ces invincibles guer- rières soient dans leur plus grande vigueur, néanmoins elles nous feront part de leurs dou- ces richesses, sans nous faire ressentir la rigueur de leur aiguillon. Il ne s'agit que d'un peu d'at- tention : la première est le choix d'un beau jour, non-pluvieux, ni nébuleux et venteux, mais fer- tile en miel. Nos ouvrières, contentes alors de trouver grassemenî: leur nourriture, seront plus Irai tables. » «La seconde, en plein Jour; non le malin, ni le soir, encore moins la nuit, temps auquel Jes mouches courent sur les habits, sans savoir iTgag-ner leurs ruches , quoi qu'en disent plu- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. Chap. r. ^^5 «leurs célèbres aiiteui's. Le o;ranrl matin , le soir et la nuit , il y aura plus de blessures pour les «i>Tesseurset pins de carnage pour les assiégées, au lieu qucn plein rtiidi , une bonne [)artie est en campagne , la garnison est moins nombreuse, et le peloton, s"il y en a, ordinairement est dé- fait. » « La troisième des manières douces veut ê(re exécutée sans étourderie , sans empressement et sans bruit. Il faut apporter la plus scrupuleuse attention à éviter les coups, chocs ou contre- coups qui, en les irritant et effarouchant, les rendroient intraitables. Attaquer brusquement et à force ouverte ces amazones , c'est leur as- surer le champ de bataille, et à vous nombre de piqûres sans aucun butin. Je ne puis trop le répéter : une douceur soutenue avec prudence , vous mettra en mains leurs dépouilles, sans presqu'aucune blessure.» Nous avons jugé à propos de mettre sous les yeux de nos lecteurs ces règles courtes de M. Duchet, pour leur donner une idée géjiérale sur la conduite qu'ils doivent tenir dans la taille de leurs ruches. Nous allons maintenant déve- lopper plus amplement tout ce qui concerne cette partie principale de leconcmic- de nos insectes. S ii ZL-j6 Traité complet CHAPITRE II. Autres réflexions sur le nicme sujet ^ oh on rapporte plusieurs ohsen'atious très-iutéres- sautcs pour V économie des Abeilles. Les observations de M. Duchet rapportées au chapitre précédent, et ce! les que nous exposons ici sur la tailledes ruches, regardent ceux des pro- priétaires qui ne font que commencera cultiver les abeilles , qui n'ont point encore acquis le nombre de ruches qu'ils désirent, ou qui sont décidés à suivre exactement dans la culture de leurs insectes la méthode usitée dans le levant et dans d'autres parties de l'Europe , sans se don- ner la peine de recourir à des moyens recher- chés, propres à en retirer les plus grands avan- tages. Quant à ceux qui possèdent déjà le nom- bre de ruches qu'ils désirent gouverner, et qui aspirent au plus grand avantage dont cette culture est susceptible, nous en traiterons am- plement ci-après dans plusieurs chapitres. Nos observations regardent les questions sui- vantes proposéespar M. Duchet; i°. dans quelle SUR LES ABEILLES. LiV. VH- ChAP- U- ^^'J saison doit-on récolter les ruches? ^^. si on doit récolter indistinctement toutes celles qui com- posent un rucher; 3°. combien de ibis doit-on les récolter ? 4°. quelle quantité de provision doit-on leur laisser, et quelle quantité peut-on leur enlever ? Nous répondons à la première demande, que la taille des ruches doit se faire dans l'été ou au commencement de l'automne, ou dans l'un et dans l'autre, si la force des ruches et l'abon- dance des pâturages se prêtent à plusieurs récoltes ; et si on nous demande dans quels mois précisément on doit commencer et finir cette récolte , nous dirons que cela dépend, 1°. de la saison plus ou moins hâtive; en effet, si la belle saison commence de très-bonne heure , ainsi que dans les deux années précédentes, et, selon les apparences dans celle-ci ; alors toutes les opérations de nos ruches seront précoces ; et, dans ce cas , nous pensons Cju'on pourra les récolter la première fois , dès le commencement de juillet, et la dernière fois, à la fin du mois d'août; 2,". il faut avoir éi:;"ard à la force des ruches; car telle ruche qui , à la fia de l'iiyver, se trouve vigoureuse , aura garni ses magasins de bonnes provisions dès le 20 Juin, tandis que S iij 278 Tratté complet telle antre sera à peine aussi avancée vers la mi- juillet. A la seconde question, nous répondons qu'nn rucher étant composé de dilterentes sortes de ruches, savoir, de celles qui ont donné des es- saims, ou qui n'en ont pas donné; de premiers essaims , de seconds i?t de troisiènjes ; on récol- tera lesruclics qui n'ont pas essaimé, et les pre- miers, sur-tout les hâtifs, d'après la rc^le éta- blie, à la réponse de la première demande; quant à celles qui ont essaimé, ordinairement on n*y touche point: néanmoins, si on ohserve la règle que nous prescrirons au chapitre 3 , ci- après , sur la conduite à tenir envers ces ru- ches^ pour qu'elles donnent des essaims tous les ans; et si les pâturages des environs sont fer- tiles et tardifs, elles pourront être taillées à la fin de. !a campagne , et rnj)porter aus^i de bonnes récoltes, ainsi que les premiers essaims un peu tardifs. Nous avons eu, cette année (1792}, qui n'a pas été une âTande humidité et les eeîées altèrent et corrompent ces matières, qr":i se sècheut en- suite et deviennent dures comme la pierre. Nos abeilles éprouvent une grande difficulté à en dé- barrasser leurs rayons, et elles ne peuvent les retirer des alvéoles sans les détruire; ainsi, })Ius il y a de rayons découverts dans une ruche, plus ces poussières corrompues doivent être en grand nombre ; nous ])ensons donc que si la quantité en est trop grande et au-dessus de la force nécessaire à la luche pour s'en débarrasser, les vers s'en empareront aisément , et la met- tront en danger de péiir. Lorsque nous écrivions le chapitre 6 du VP. Livre, nous ne connoissions point parexpcrience cet inconvénient des ruches de ces pavs froids; et tout ce que nous avons dit au commencement du ce chapitre, sur la prétendue maladie des abeilles, dite rougeole , n'a été dit que par j)ure conjecture; mais nous n'avons pas tardé à nous convaincre de sa réalité. Voyant, au printems, quelques abeilles traîner, îiors de leurs ruches de 288 Traité complet petits corps solides, blanchâtres, tirant un peu sur le jaune, et voulant nous assurer ce que c'étoit que ces petits corps, nous en avons pris quelques-uns, que nous avons frottés entre les doigts; les uns étoient durs comme la pierre, et d'autres se réduisoienten poussière sèche. Aj'ant ensuite ouvert la ruche, nous y avons trouvé plusieurs autres morceaux que les abeilles avoient détachés de dessus les ra3ons. Après celte découverte , il nous est arrivé plusieurs fois de trouver sur les rayons même, plusieurs alvéoles garnis de cette matière sèche et dure , et (jui n'est autre chose que de la mo- lividhe altérée et corrompue par l'humidité et la gelée. La grande hun)idiié qui produit la moisissure, et la corruption des poussières des éta- mines, sont deux inconvéniens auxquels les pays chaudssont peu cxposés;ainsi nouscroyonsque la règle que nous pro[)osons sm- la quanti té de rayons qu'on doit laisser aux ruches pour passer l'hy- ver , est plus nécessaire pour les puN s Iroids , que pour notre levant. Tout ce que nous venons de dire sur l'humi- dité des ruches, et sur la cause qui lait cor- rompre les poussières des étamines, doit nous engager à rejeter la méthode de M. l'Abbé Bienaimé. SDR LES ABEILLES. LlV. VII. CiJAP. IL 1^89 Bieiiaimé. Voyez le chapitre suivant, cjiii con- siste à iaii,8cr aux ruches , j)endant l'hiver , ton- tes leurs récoltes en cire et en denrées , et de ne les tailler qu'au printemps. Voici une autre raison qui condamne cette même méthode. Il e«t certain , i". que les abeilles, pendant les mau- vais temps d'hiver, se retirent dans une partie de la ruc'ic, et se resserrent très-étroitement les unes contre les autres dans les espaces qui séparent les rayons ; de sorte que tout le reste des rayons est à découvert; 2". que dansées cli- mats froids toutes les poussières des étamines qui se trouvent dans les cellules de ces rayons , sur-tout si 'elles ne sont pas bouchées, doivent geler dans l'hiver, et se corrompre ; 3''. que ces poussières sont très-avantageuses aux ruches , pour élever, au printemps , leurs premières cou- vées , avant que la campagne leur en fournisse suffisamment. Or, il peut arriver que des pro- priétaires mal-adroits, qui ne connoîtroient pas tous ces inconvéniens, enlevassent au printemps à leurs ruches, en les récoltant, précisément toute la partie que les abeilles couvroient, et qui contiennent les bonnes provisions. Enfin, voici une autre raison qui doit engager les amateurs à suivre la règle que nous avons Tome III. T !s:go Traité complet prescrite, sur la quantitéde rayons qu'il importe > On prend une ruche qu'on renverse et qu'on assujettit, ou en la tenant entre ses jambes, ou en la mettant dans une chaise couchée. Ensmte avec un couteau dont la lame est un peu cour- bée, comme celle des serpettes, on coupe et on retranche les gâteaux qu'on veut avoir. Je pourrois ici avec raison faire valoir le danger auquel on s'expose en faisant cette expédition militaire en plein midi , comme le conseillent quelques-uns, à cause que la plupart des abeil- les sont alors en campagne. Quelque bien mas- qué que l'ouvrier puisse être, il sera assailli par la foule des abeilles qui reviendront des champs ; furieuses de voir leur habitation ren- versée, leursprovisions livrées au pillage , elles s'acharneront contre l'ennemi qu'elles trouveront occupé de ce funeste projet; elles le fatigueront , elles le harcèleront, le dévoreront si elles peu- Xir 3^8 Traité complet vent, le désoleront tout au njoins et le forceront à abandonner son entreprise.» « Combien d'ailleurs n'en périra-t-il pas de reîles qui auront lancé leur aii^uillon, et qui l'auront laissé dans les habillemens de l'ennemi commun. Si l'on lente celte opération la nuit ou de bon matin, tandis qu'elles sont encore engourdies , qu'on ani^mentc même cet engour- dissement par la fumée d'un linge , on risque évidemment, en coupant les gâteaux, défaire périr un Iw^n nombre d'abeilles; elles remplissent alors presque toute la ruche : comment éclftlp- peroient- elles aux coups meurtriers que leur portera une main naturellement mal-habile, ou qu'on ne peut conduire et éclairer comme on le désireroit? La reine, cette tête si précieuse, si essentielle à la républiquedesabeilles,nesetroU' vera-t-eile pas malheureuseinent comprise dans Je nombre de celles qui périssent nécessairement pendant cette périlleuse manœuvre? Mais, in- dépendamment de ces inconvéniens très-grands en eux-mêmes, il y en a encore d'autres jiour le moins aussi redoutables , et qu'on ne peut cependant éviter , quelque précaution qu'on puisse prendre. « « Dans quelle saison de l'année prétend -on SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. V. Ssç tailler les ruches ? Les uns veulent que ce soit à la fin d'hiver , d'autres au mois de juillet ou au mois d'août ; d'autres assijonent d'autres saisons, selon les différentes provinces dans lesquelles on se trouve. Or, en quelque temps qu'on tente cette expédition , il est imposslhle c|u'on ne fasse périr une i;"rande quantité de couvains, c'est-à- dire de nj'mphcs ou de vers qui doivent se transformer en abeilles ; tandis qu'on tranche à la hâte dans l'intérieur d'une ruche où tout est également ténébreux et embarrassé, on por- tera souvent le couteau fatal sur des gâteaux qui contiennent des o?ufs ou des mouches qui vont éclore ; on coupera indifiéremment les rayons qui doivent rester, et ceux qui peuvent être emportés, et p*ar là on épuisera cette ru- che , et on la mettra hors d'état de se repeupler elle-même ou de-donnerdes essaims.» //r.s7/// 71/. 77//- carne y je l'ai tiré mot pour n:ol <}\\w bon livre où je l'ai lu ; mais comme ce livre ne dit pas tout, j'ajouterai qu'au lieu de nap];;e , j'ai vil un jeune homme, qui l'entend très-bien, se servir pour cela d'un sac^ assez large et a5>sez long- pour envelopper la ruche toute entière , Tome III. Y 233 Traité COMPLET eiisoi te qu'on puisse ]e replier encore des deux bouts d'un pied l'un sur l'autre. A l'un de ces bouts il y a une grande corde , grosse comme le petit doigt, qui peut faire plusieurs tours autour des ruelles , et faire joindre le sac sur les ruches dans toute sa largeur. Au lieu de baguettes, ce jeune homme les frappe avec les deux poignets garnis de gros gants, et il prétend que cela vaut mieux. Enfin, quand il a frappé continuel- lement la ruche inférieure pendant l'espace d'environ vingt minutes , il approche l'oreille contre la ruche supérieure , et écoute de temps à autre pour savoir si la reine y est montée, ce qu'il reconnoît au grand bruit qui s'j fait. » « Enfin, pendant Popération qui se fait en tenant les deux ruches sur ses genoux , étant assis sur une chaise, on met une ruche vide sur la place de celle qu'on transvase pour amuser les abeilles du dehors , qui reviennent des champs à chaque instant; elles j entrent à l'accoutumée, la prenant d'abord pour la leur, et en sortent ensuite pour voltiger autour et y rentier en- core, et en sortir ensuite jusqu'à ce qu'on y remette celle où se trouvera leur reine- » « 2,". L'autre consiste en ce qu'au lieu d'a- boucher les deux ruches l'une contre l'autre, ou SUR LES ABEILLES.. LlV. VII. ChAP. VI. SSç laisse ouverte celle qu'on veut transvaser. Après l'avoir ôtée de sa place, on vient la renverser sur le côté devant le rucher, la taie tournée du côté et vis-à-vis de la même place qu'elle occu- poit : alors on frappe cette ruche avec des ba- guettes , en commençant par le fond, et en avançant à mesure vers la taie , ce qui ne man- que point, dit-on, de les faire déloger toutes pour res^agner la ruche vide qu'on a posée à la place de la leui-, qu'on a soin, pendant l'opé- ration , d approcher de celle-là le plus près qu'il est possiI)le , en leur donnant la facilité d'y re- monter, au moyen d'un bout de planche assez large, placé à l'entrée de cette ruche. » « Je conviens que ces procédés sont moins bar- bares et moins cruels que ceux de nos ciriers , et de tous ceux qui étouffent les abeilles; mais il faut convenir aussi, qu'ils sont sujets à quel- ques inconvéniens bien réels. Je n'insisterai -pas sur la peine qu'on a quelquefois à les faire dé- loger, et sur-tout la reine , sans laquelle toute l'opération devient inutile. Je sais que le jeune homme dont je parlois tout à l'heure, en tra- verse tous les ans près d'un cent, sans que de- puis dix à douze ans que je lui vois faire cette opération, il en ait manqué peut-être deux par Y ij 340 Traité complet an. Mais je sais aussi c|uc ceux qni le font, ne l'entendent pas tous aussi bien que lui.» Obs. IV. L'objet principal de semblables transvasions , n'est pas de sauver pour le mo- ment les abeilles et la i-eine, et de les l'aiie passer dans une autre rucbe saines et sauves : saiTîrl'avoir jamais vu pratiquer, nous nous fai- sons fort de transvaser cent rucbes sans en nianquer peut-être une seule. Ces transvasions ne sont avantageuses qu'autant que les abeilles, ainsi transvasées , auront la Ibrce et la commo- dité de se bâtir des rayons capables de les abriter, et de se procurer des provisions su!- fisantes pour l'biver; ce qui déjx'nd [)rincipale- ment de la tempéjaturedelasaisonct delà i'crti- lité du pâlurai^e , ce qui paroît manquer aux ruchesdont parle l'auteur, puisqu'il dit plus bas, que de cent ruches transvasées de cette ma- nière, il n'y en a pas dix qui réussissent. M. Côntardi , que nous avons cité adieuis, assuie qu'en Italie il y a des propriétaires qui trans- vasent ainsi leuj's ruches deux et tiois Fois par an , et qui réussissentsupérieurement ; mais c'est dans des cantons où les pâturaj^-es sont de la première qualité , et durent très - long - temps. SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. VI. 841 Si les pertes immenses qu'essuient les ruches transvasées clans ces cantons sont telles que l'auteur l'atteste, nous crovons que c'est une grande folie que de transvaser ainsi toutes les ruches qu'on possède ; ce seroit les exposer à une perle entière. Mais ce qu'on pounoit faire sans dani^er, ce seroit de transvaser toutes celles qu'un Youdroit réformer; et à la fin de la cam- pagne, de les dépouiller entièrement, et faire })asser les abeilles dans des ruches que nous voulons conserver, ainsi que nous le propose M. Ducarne ci -après. « Je passe à une observation plus importante : je ne parle ici (juedecequi se fait, et non dccequi devioit se faire; car j'enseig'nerai ci-après (cha- pitre suivant), une autre méthode qui ne sera point sujette à tous les inconvéniens de celles dont il est question. Je vais donc continuer à rendre mot pour mot ce que je trouve là-dessus dans le livre, dont j'ai parlé. » <( On ne peut , dit cet auteur, tenter de tra- verser une ruche C|ue vdès le commencement du j:rintem|T.s jusqu'à la fin de Tété, c'cst-a-dire, dès le mois d'avril jusqu'au rnois d'août. Il est évident qu'on perdroit infailliblement une ru- the, si on commençoit trop tôt, ou si on atten- Y ilj 3^2 Traité complet doit trop tard. Dans le premier cas, on la feroit périr de iVoid et de disette, en la dépouillant de ses provisicns; dans le second cas, on Pem- pêchcroit de se prémunir contre les rigueurs de l'hiver, et elle périroit infailliblement a\'ant la fin de l'automne. Obs. V. Nous pensons que pour les envi- virons de Versailles, le plus tard qu'on pût en- ti éprendre cette transvasion ce seroit vers la fin de juillet, et nous n'en répondrions même pas, à moins que la saison ne fut aussi pro- pice qije cette année(i79i), où les luzernes sont excellentes : nous ne savons pas pourquoi elles ne sont pas encore coupées le 2,0 août , époque à laquelle j'écris cet article. Cette plante est si bonne, et la saison si favorable, que plusieurs de nos ruches travaillent encore en rayons qui tous sont pleins de miel. Sans ces circonstances, nous sommes persuadés que si on dilî'éroit la trans- vasion jusque bien avant dans le mois d'août, toutes les ruches périioient. 11 est inutile de répéter que nous ne parlons que pour les environs de Versailles. — On nous opposera peut-cli e (ju'au chapitre 11 ci-dessus , nous avons propose de tailler les ruches même à la (in d'août : mais autre chose est de les tailler en SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ClIAP. VI. 848 leur laissant le nécessaire , ou de les trans- vaser en les dépouillant entièrement. « Or , en quelque temps que vous les transva- siez , vous faites une perte irréparable : vous sacrifiez nécessairement tout le couvain de la ruche, et ce couvain est l'unique ressource qu'on ait pour la soutenir, la peupler, la renouveler. Sans lui , vous n'aurez dans la ruche que vous venez de transvaser, qu'un peuple foible, lan- guissant, appauvri et exténué par le défaut de ci- toyens et d'habitans qui puissent remplacer ceux qui meurent journellement. D'ailleurs, combien d'abeilles périssent pendant l'opération ! Elles ne passent pas toutes de bonne «race dans la ruche qu'on leur a destinée : il y en a un grand nom- bre qu'on ôte de dessus les gâteaux, en les ba- layant avec les barbes d'une plume ; plusieurs de celles-ci se trouvent emmiellées. Les gâteaux coupés ou brisés laissent couler du miel qui en enduit d'autres, et le miel qui bouche leurs styg- mates les fait périr. Enfin, beaucoup d'autres abeilles, trop irritées, piquent les ganls , les bas , les habits de celui qui les inquiète : elles laissent leurs aiguillons dans lcsj)iqûres, et il leur en coûte la vie. Il est impossible de parer à aucun de ces inconvéniens. » Yiv 344 Traité c o m p l f. t Obs. VF. Il n'est pas vrai qu'en quelque temps qu'on transvase les ruehes, on îeiu' fasse un tort irréparable ; il ne devient tel qne lors- qu'on les transvase trop tard , ou dans des mo- mens où la campagne ne leur fournit point de movens pour se remettre. Avec nos ruches il est très-facile de sauver le couvain, ainsi que nous ravonsexpobé plusieurs foisdans lecoursde cet ouvrage, et sur-tout au chapitre II ci-dessus. 11 n'est jnfls vrai non plus que ce couvain soit l'unique ressource pour soutenir une ruche, sur-tout si elle est passablement forte en po- pulation. Si ,par exemple , on vouloit transvaser vers le i6 juillet un essaim sorti vers le mi- lieu du mois de mai , cet essaim au mouient de l'opération doit être plus fort cpi'à la soitie de la mcre-ruche , parce qu'en quarante-cinq ou cinquante jours il a du éclore quelques milliers de nouvelles abeilles de plus qu'il n'en a péri d'anciennes; ainsi cet essaim, en détruisant même tout le reste de son couvain , est en étal, si le temj)S est bon, de se remettre, de se jirocurer assez de rajons, de provisions et de nouveau couvain pour passer aisément l'hi- ver, et pour prospérer l'année d'après. Tous les autres inconvéniens rapportés par notre au- SUR LES ABEILLES. LiV. VIL CnAP. VI. 346 tciir, nous ne les regardons point comme iné- vitables , sur-tout avec nos ruches, ni de nature à faire abandonner la transvasion, lorsque tou- tes les circontances pourront l'exiger ou la con- seiller à quelque amateur. «r Aussi est-il d'expérience constante que de cent rucbes transvasées avec les précautions les plus scrupuleuses, il n'j en a pas dix qui réus- sisvsent et qui se soutiennent parfaitement. Les abeilles ne se fixent et ne s'accoutument que difficilement dans une ruche qui n'est pas de ]cv,v choix, et qui est absolument dépourvue de toute provision. Elles l'abandonnent sans regret , et vont souvent chercher au hazard un autre domicile qui ne soit pas exposé à de si tristes aventures. » M On seroit trop heureux si on en étoit quitte pour la perte de cette ruche traversée , mais ces mouclîes désolées et déconcertées vont encore porter le ravage et la désolation chez leurs voi- sines ; elles vont eiîiontément les piller et les voler , et souvent par leiu's brigandag^es elles vous causent la ruine entière du rucher le mieux fourni. » Ors. vu. M. Ducarne n'est pas de l'avis de l'auteur, sur ce qu'il dit qi'.e de cent ruci:es S46 Traité complfit qu'on transvase , même avec les précautions les plus scrupuleuses, il n'y en a nas dix qui réussis- sent, et qui se soutiennent parfaitement. Il lui oppose l'exemple d'un jeune cultivateur qu'il a vu pendant dix ans consécutifs transvaser tous les ans une centaine de ruches, sans qu'il en ait manqué peut-être deux par an. Mais autre chose est de ne pas manquer son opération dans l'action de la transvasion, ou de voir les ruches ainsi transvasées se soutenir bien , et prospérer les années d'après. M. Ducarne nous assure bien que notre jeune cultivateur exécutoit supérieu- rement cette opération , mais il ne nous dit rien sur l'état de ces ruches transvasées, pendant les hivers et les printemps suivans. Au surplus, M. Ducarne lui-même semble reconnoître la grande difficulté de bien réussir dans une telle opération, et il avoue que tout le monde ne l'entend pas aussi-bien que ce jeune homme. Quoi qu'il en soit, nous sommes persua- dés que l'usage de trî.nsvaser les ruches avec les conditions nécessaires, peut être très-utile aux ' propriétaires, sans nuire à la prospérité de nos insectes. Ces conditions sont, i". que les ruches soient bien j^euplées, telles que sont celles qui n'ont pas essaimé de l'année, et les essaims pria- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. VI. 3^J taniers ; 2,". si elles ne sont pas suffisamment peu- plées , de sauver tout leur couvain ; 3". de ne pas les transvaser plus taid (ju'à la mi-juillet ; 4". que la campag'ne soit fournie de fleurs, et la saison favorable; 5°. avoii- soin, aussitôt qu'on aura transvasé les abeilles, de retirer les rajons de l'ancienne ruche de paille , et d'y faire repasser de nouveau les abeilles ; 6'\ en retirant les rayons de cette même ruche, il faut y laisser au som- met un ou deux pouces de rayons avec un peu de miel , ce qui les engaj^era plus aisément à s'y fixer une autre fois ; 7''. un ou deux jours après la transvasion , il faut présenter aux abeil- les un peu de miel mêlé avec quelque liqueur foi'te : cela les échaufiéj'a , sur -tout la reine , et les mettra en état d'entreprendre des pontes abondantes. Nous rapporterons ailleurs les ex- jjériences que nous avons faites à ce sujet. Tout ce que notre auteur dit ensuite sur les inconvéniens occasionnés par la transvasion des ruches, est chimérique. Il est faux sur-tout, que les abeilles ne se fixent et ne s'accoutument que difficilement dans une ruche qui n'est pas de leur choix, et qui est dépourvue de toute pro- vision. Les ruches dans lesquelles on met tous les jours des essaims, ne sont-elles pas d épourvues 048 Traité complet de toute provision, et ne sont-elles pas du clioix des propriétaires plutc^t que des abeilles ? Et ce- pendanî; on ne voit que très-peu d'essaims aban- donaer leur lui'lie. Cela n'arrive ordinairement qu'aux essaims tardifs, sur-tout lors(p.ie les en: virons des endroits où on les ]:)lace ne four- nissent par, de bons pâturages, et qu'ils eu trouvent ailleurs de medieurs- Nous pensons même nuun essaim nouveau peut être plutôt porté à abandonner sa ruche, que des abeilles qu'on transvase, sur-tout si l'on a soin de les remettre dans leur ancienne ruche api es eii avoir retiré les ravons, ce qui ne doit pas être long à exécuter : la raison en est que les essaims, avant de quitter leur mère, se choisissent ordi- nairement une retraite pour sj fixer, ce qui les porte quelquefois à abandonnei' celle que le propriétaire leur avoit destinée; au lieu que les abeilles transvasées ne pensoient à aucun choix; d'ailleurs, elies étoientdéjà habituées et fixées dans Icnr ruche. « Je nignore pas qu'à Yonc -la- Ville M. ProTiteau, un de ces particuliers dont le Royaume n'a pas assez , y élève cin'q à six cents ruches qu'il ne dégraisse point, et qu'il traverse eu les faisant passer dans une ruche vide ; mais il faut remar- SUR LES ABEILLES. LiV. VIT. ChaP. VI. 349 qner Cjue ce citoyen, quoique très-zélé et très- entetidn , a été obligé de clu)isir parmi les dif- férentes pratiques qni sontanjonrd'lîiii en nsai^c, cellequi a le moins d'inconvéniens, mais qu'il lui a été impossible d& les éviter tous; il ]:erd ini- ■ I nianqtiablement le couvain de toutes lesruclies traversées , sans compter un bon nonibie d'a- beilles qui périssent pendant l'opération. Si , mali^ré ces pertes et ces malheurs, il tire en- core un grand profit de ces ruches, c'est par- ce qu'il prend une précaution sing-uîière, que personne ne devineroit peut-être jamais. Il a attention de ne les transvaser que dans un temps où la campagne fournit abondamment aux mou- ches laborieusesdequoi réparerce qui leur a été enlevé. Si les environs de \one-la-"v^ilïe ne sont pas alors assez fournis de fleurs , on les voiture , sur des charrettes faites exprès , dans un pays où Ton sait qu'elles ne leur manqueront pas , c'est- à-dire , tantôt dans les plaines deBeauce, tantôt dans des endroits couverts du Gàtiiîois, et tan- tôt en Sologne, qui sont les lieux les plus vo'- sins; et cela , selon que Tannée et la saison le demandent. '> « Tout ce!a^ on le voit, exige desseins et des attentions-, de& préparatifs et des dépensée 35o Traité complet qui surpassent les facultés et l'industrie du plus grand nombre. Tout cela suppose d'ailleurs un voisinai>c de cantons favorables qu'on ne peut que rarement se procurer. En un mot , cette mélhocîe ingénieuse de faire voyager les abeil- les pour réparer leurs })crtes , ou augmenter leurs provisions , ne peut être adoptée et exé- cutée que par un petit nombre de citoyens aussi éclairés et aussi-bien situés que M. Pioutcau. « Obs.VIII. Si, malgré tout ce que nous avons dit sur l'avantage de la méthode de transvaser les ruches ; si , malgré les conditions sages et faciles que nous avons proposées, on veut encore sou- tenir qu'elle ne peut êtie adoptée que par des cultivateurs très-habiles, teIsqueM.Prouteau, et avec des moyens au-dessus qui sont à la portée du plus grand nombre des amateurs ; nous croyons pouvoir prendre sur nous de les exhorter à adop- ter la façon de nos ruches, et quanta leur récolte, de s'en tenir à tout ce que nous avons proposé au IP. chapitre ci-dCvSsus , et à ce que nous dirons encore au chapitre XII ci-après , sur la manière de tirer le plus grand piolit de nos ruches. Cela les mettra en état d'obtenir de leurs insectes tous les avantages de la transvasion , et d'éviter avec plus de facilité tous les inçonvéniens qui X SUR LES ABEILLES. LiV.YII. ChAP. VI. 35l pourroient accompaii;ner cette opération. Au surplus, pour ceux qui peuvent avoir quelque inclination pour la transvasion , nous ferons voir ailleurs qu'avec nos ruches on peut la pratiquer facilement, et plus facilement même qu'avec celles de paille. « Mais , j'ose le dire, le produit des rucîies qu'on entretient à Yone-la- Ville, deviendroit presqu'immense, si, en fournissant aux abeilles des récoltes presque continuelles, on les dé ^. graissoit sans inconvénient, et si on les re • iiouveloit toutes les fois qu'il seroit nécessaire, sans faire périr aucune abeille, et en sauvant tout le couvain. » Obs. IX. Nous pouvons assurer nos lecteurs que la méthode dont nous nous servons pour construire nos ruchers et y disposer les ruches, présente tous ces avantages dans toute la per- fection désirable. Ces ruches peuvent être dé- graissées sans aucun inconvénient, les rayons renouvelés au besoin, la récolte répétée autant de fois que le propriétaire le juge à propos, sans presque faire périr aucune abeille, et en sauvant avec toute la facilité le couvain. D'après cela, nous osons assurer à notre tour, que si on se décidoit à adopter cette méthode , non- 353 Traité complet seulement à Yonc-la-Villc , mais aussi dans tout le Royaume, ainsi qu'en Esjjai^ne, en Italie et ilans j)ies(jnc towte l'iùn-ope, le ])rG(luit des abeilles deviendruit immense. 11 suffit pour cela 1°. que les i^ouvei nemens eni>ai^ent les amateurs ou autres j)ersonnes de bien s'inbtruire de celte méthode de i;onverner les abeilles; 2^. que les propriétaires des ruches ]irennent tous les moyens de fournir à leurs mouches des pâtuia- {^•es jusqu'au mois de septembre inclu.sivemenL. Presque toute la terre ("ourint aî^ondammcnt à nos insectes, au [)rintemps et une ])aitie de l'été , tout cequ'il leur faut pour leur butin ; mais il y a des pays qui leur refusent le nécessaire tout le reste de la belle saison. C'est ])our ce temps-là principalement que les abeilles ont besoin de l'industrie et du secours de leurs maîtres. Ce secours n'est ])oint dilncile à leur jM'ocurer, sur-tout aux i^ros piopriétaires , qui veulent entrep'.'endre cette culture en grand. Nous revicndi'ons sur ces conditions dans quel- que autre partie de cet ouvrage. CHAPITKE SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChaP. VII. 353 CHAPITRE VII. Méthode pour prendre aux abeilles leurs pro' ç'isions sans les faire périr y tirée de M: Du' earne. «lr^AssoNS,poursi7it M. Ducarne,à la méthode que je vous ai promise : si elle ne pare pas à tons les inconvéniens , elle le fait au moins pour une grande partie et pour les plus considérables. Cette méthode consiste à réunir dans une même ruche pleine de cire et de miel les abeilles de deux ou plusieurs ruches qu'on veut renouveler, ou dont on veut prendre les provisions sans les détruire elles-mêmes. Il y a encore bien des circonstances où on peut y avoir recours, telle, entre autres , que celle où des essaims tardifs ne seroient pas assez pourvus de provisions. » Obs. I. Cette méthode de transvaser deux ou trois ruches pour en composer une, peut être avanta^^euse à la prospérité de nos insectes, et utile en même temps aux propriétaires, pour profiter des dé])ouilIes d'une ou deux ruches en- tières; d'autant plus qu'il est de fait que cette Tome III. Z 3.54 Traité complet force réunie d'abeilles, est plus en état de faîrô une plus grande récolte, que divisée en plu- sieurs ruches. Cela cependant doit s'entendre jusqu'à un certain point. A Syra on est aussi dans l'usage quelquefois de retirer des petits essaims pour les jeter dans d'autres ou dans les l'uches anciennes, mais foibles. Quant à la pratique de transvaser des ruclies sufîisamment peuplées, pour en composer une extrêmement forte, nous pensons qu'elle peut être trcs-avantageuse, sur-tout pour procurer des essaims hâtifs et forts , mais nous craignons qu'elle n'ait aussi son inconvénient. Pour apprécier mieux les motifs de notre crainte, il i'aut qu'on lise la dissertation de M. Duchet , sur la manière d'hiverner les abeilles , et les observations que l'on trouvera dans notre quatrième vohmie. Nousy faisons voir que les rayons pleins de miel sont plus proj)res à abri- ter nos insectes et à leur conserver un degré de chaleur nécessaire à leur existence, que les rayons entièrement vides. Nous y observons en conséquence que toutes les abeilies qui se trouvent sur les bords des rayons , ou entre ceux qui ne contiennent (jue du miel, sont celles qui périssent, ou qui sont plus exposées à périr, SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP. VII. 355 lorsque les froids se font sentir avec violence; d'où il s'ensuit qu'en jetant les mouches d'une ou de deux ruches dans une troisième suffisam- ment peuplée, cette ruche doit en être pres- qu'entièrement remplie. Or, dans une ruche de ces \)ciys la moitié des rayons, au moins , est ordinairement vide de miel , toutes les abeilles qui y passent leur hiver sont exposées à périr; ce qui rendroit inutile et même dangereuse la peine qu'on s'est donnée de rassembler dans une seule ruche une quantité de mouches aussi grande , nous disons dangereuse j parce qu'au- tant qu'il y a dans une ruche d'abeilles mor-r tes, autant l'infection augmente , et le salut de la république y est exposé. Donc nous n'a- vançons rien ici que nous ne croyons une con- séquence très-juste des principes que nous éta- blissons à l'endroit cité. Nous craignons encore un autre inconvénient de cette union de j)lusieurs essaims dans une seule ruche en automne ; c'est que cette ruche, quoiqu'on la juge très-bien fournie de provi- sions , eu égard à sa population, ne soit insuf- fisante pour la multitude d'abeilles qu'on y a réunies. Ily a un troisième inconvénient à craindre; Zij 256 Traité c o m p l e t c'est que, d'après l'opinion de MM. Diicliet et Ducarnc , plusieurs rucîies, et souvent les niieivi peuplées, se perdent., pendant l'hiver, detout- fement , faute d'air; ils disent (pic les ruches de paille en forme de cloche y sont spéciale- ment sujettes, à moins cpi'on ne les relève de quelcpies pouces sur leur tablette, ])our leur procurer un plus grand volume d'air. Nous l'épétons ce|)endant ici ce que nous avons dit au premier livre, que nous ne pouvons comprendre comment une ruche peut s'étouHèr pendant l'hi- ver, dès qu'il y a quelque petite communication a"Vec l'air extérieur , lorsque nous voyons au milieu du plus fort de l'été des ruches pleines de population , et d(^s rayons couverts de couvain, qui ne laisse pastraug-menter la chaleur iiuerne, se porter à merveille, sans qu'on y V(jie de mortalité quelconque parmi les abeilles. Cela nous paroît d'autant plus incroyable , (pie, comme nous l'avons dit ailleurs, nous savons que dans quelques provinces de l'Empire Ot- toman, on bouche hermétiquement les ruches pendant l'hiver, et ou n'y voit jamais d'abeilles ctonfiëes. Nous avouons néanmoins que, si des expé- riences bien constatées dans ces pays prouvoient SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. VII. 807 le contraire de ce que nous pensons , nos rai- son ncmcns doivent leur céder. Tout ce que nous venons de dire, nous ne l'avançons que d'après nos connoissances srnr 1 économie de ces inFCCtes, sans avoir consulté rcxj-iérience; nous exhortons pour cela les ama- teurs qui voudront pratiquer la méthode de transvaser les ruches, que M. Ducarne propose dans ce chapitre, d'avoir quelque égard à nos craintes , et à tout ce que nous disons dans nos observations sur la dissertation de M. Durhet, qui peut avoir rapport à cette transvasion. Ce n'est qu'après plusieurs expériences bien suivies, faites par des personnes intelligentes, qu'oQ peut à peu près juger de la quantité de popula- tion de plus qu'on peut ajouter sans inconvé- nient à une ruche déjà forte d'elle-même. Notre opinion est qu\:)n peut donner, sans crainte et avec avantage, un supplément de population de la grosseur à peu près de la tète d'un chapeau, à un essaim de l'année bien approvisionné. ondons que la transvasion des deux ruches est très-nécessaire [)our que cette opé- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaF. VU. ZGj ration s'effectue avec siireté et sans massacre ; car si on s'avisoit cPen transvaser une seuie, et de faire passer les abeilles clans la ruche qu'on veut conserver , ou elles s'enfuicroient avec leur leine , ou il y auroit un massacre affieux, qui (lérani^eroit beaucoup cette ruche. Ainsi , loin (le laFortiHer par cette transvasion , on l'af- fbii)liroit; au lieu qu'en les transvasant toutes Xq-^^ deux, et en unissant d'abord toutes les abeil- les dans une ruche vide , un tel massacre n'au- roit pas lieu. C'est pour cette raison que le con- seil de M. Ducarne, qui veut qu'on laisse deux ou trois heures toutes les abeilles dans la ruche vide , avant de les faire ])asser dans la ruche j)leine, est très-bon, pour que les abeilles puis- sent s'y reconnoître ; ce conseil nous paroît d'au- tant plus utile, que pendant ce temps-là une des deux reines peut être mise à moit, et alors toute crainte de massacre ou de fuite d'un des deux essaims s'évanouiroit. «Cette méthode est excellente, mais elle n'est pas praticable en toute saison, et je dois vous en avertir, ainsi que quelques autres attentions qu'elle exige nécessairement, i**. on ne peut faire usage de cette méthode que vers la fin d'août , ou le commencement de scplernlvre , 368 Traité complet c'est-à-dire, Jusqu'au 8 ou lo de ce mois, parce que j)his tôt il se trouveroit encore trop de cou- vain dans les ruches, ce qui seroit un embarras; et plus tard , les abeilles n'auroient peut-être plus assez de beau temps pour pouvoir réparer les petites brèches qu'on n'aura pu s'empêcher de faire dansl'intérieur des ruches, en les trans- vasant; s'il ctoit possible de les traverser sans causer aucun dérangement dans la ruclie , on poiirroit faire usage de cette méthode jusqu'au ô ou 6 octobre , où les abeilles ne sortent plus que rarement; mais alors elles quittent leur ruche plus difKcitement , et il n'est pas si iacile de les transvaser. Ojîs. V. Nous ne croyons pas que de petits dérangcmens qui peuvent survenir aux rayons au moment de la transvasion, puissent nous forcer à hâter cette opération. Il y a d'autres avantages ])Ius réels et d'une plus grande conséquence, que nous avons rapportés plus haut, (jui nous y engagent. Cependant , pour que de pareils dérangemens n'arrivent pas aux rayonsdans les ruches en forme de cloche, nous estimons qu'un des meilleurs moyens, avant de les renverser, est d'observer la direction des rayons, pour les retourner de manière que leur SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. VII. S6g leur poids et le mouvement ne les fassent pas |)lier les uns contre les autres. On sait que ceux des nouveaux essaims sont bien plus fragiles que ceux des vieilles ruches ; parce que les cel- lules des vieux rayons étant revêtues de plu- sieurs dépouilles des njmphes qui y ont été élevées , doivent rendre les rajons plus solides et mieux soutenus. Pour cette raison on ne doit transvaser que de vieilles ruches, ou on doit prendre la pré- caution, avant de mettre les essaims dans les ruches, de les bien garnir d'un triple rang de traverses larges d'un pouce , qui puissent sou- tenir le poids des rajons , lorsqu'on renverse les ruches. «r 2'\ En les transvasant , on doit y aller dou- cement , pour ne déranger rien dans la ruche que le moins qu'il est possible; pour cela, on y met un peu plus de temps. Cette méthode a plusieurs avantages qui sem- blent lui être particuliers: i°. on ne les trans- vase que quand il n'y a plus ou presque plus de couvain, ce qui épargne la peine de le re- mettre; 2°. l'auteur dont nous parlions, il n'y a pas long-temps, dit que les mouches ne demeu- rent point volontiers dans une ruche qui man- Tome III. A a 3^0 Traité complet cjue de provisions , et qui n'est point de leur choix; et ici, outre qu'elle est du choix de la moitié des abeilles, puisque c'est la leur mên:e, c'est qu'elle trouve des provisions en abondance et de l'ouvrage tout fait ; 3"^. les abeilles n'iront point, comme dit le même auteur, porter le ravalée et la désolation chez leurs voisines, puisqu'elles trouveront chez elles de quoi i'aire bonne chère; 4°. la reine, cette tcte si chère, ne vous embarrassera point. Vous en avez deux ou trois, et cela ira bien mal , si de ce nombre vous n'en 1 échappez une ; 5*^. quand vous n'au- riez pti , en les transvasant, faire sortir île la ruche où vous vous proposez de les remettre ensuite toutes ensemble , que la moitié des abeil- lesqui s'y trouvent , le mal ne seroit point j^iand , puisque toujours faiulroit-il les y mettre.» Ols. VI. Nous crovons ccj)eiidant qu'il faut tâcher de laisser le moins de moucliCvS (ju'il est possible, même dans la ruche qu'on veut con- server, de crainte qu'en y mettant les abeilles des deux ruches réunies, celles-ci ne les massa- crent. Nous approuvons le conseil de boucher cette même niche, si parhazard il y est lesléquel- qvie quantité daijeiiles, ahii qu'elles ne sortent pas en grand nombre pour voltii^er , ce qui SUR LES ABEILLES. LiV. VU. ChAP. VII. Syi inquicteroit les ruches voisines ; nous savons ♦ Obs. vil Nous ne croyons pas qu'avec les ruchey de M. Ducarne, composées de plusieurs hausses, on puisse exécuter aisément ces sor- tes de transvasions; mais on peut les prali(jucr avec toute la facilité possiljle avec les nôtres dans tous les cas et circonstances possibles , ainsi que nous le ieions voir à la suite. «Il est clair, parexemple, qu'elle vous ser- vira dans les circonstances où vous voudriez simplement vous eniparer des ptovisiotis dune des deux juches, quoique toutes deux fussent ei) bon état. SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChâP. VII. SyS Jusqu'ici je n'ai parlé que des deux méthodes en usage pour transvaser les ruches ; mais il y en a une troisième, qui consiste à les enfumer par-dessous, pour les oblig-er à sortir par un trou de quelques pouces qn'on a eu soin de pratiquer dans le haut de la ruche. Sur cette ouverture on place une ruche vide et prépa" rée comme pour y recevoir un essaim. La fumée de dessous les oblige de se réfugier dans la ruche supérieure.» Obs. VIIl. La méthode que propose l'auteur pour chasser les abeilles de leur ruche, par Je moyen de la fumée est la même que nous pra- tiquons à Sjra pour le même effet, et que nous proposerons ci-dessous, dans latransvasioti de nos ruches. Cette méthode n'offre aucun inconvénient avec nos rucbcs ; mais en peut-on dire autant de celles de paille ? Il nous semble qu'il y en a pjusieurs à craindre. Dans la pre- mière manière de les enfumer, tou(e cette fumée passant par le trou , se concentrera dans la ruche supérieure, et parconséquent elle devien- dra plus insupportable à nos insectes, que leur propre ruche, de sorte qu'ils se trouveront mieux dans celle-ci que dans l'autre, ce qui pourra rendre leur passage impossible, ou du A a iij 374 Traité complet moins très-difficile. Ensuite, pour que ce pas- sage ait lieu, il faut qu'on mette sous la ru- clic une grande Fumée, et assez étendue pour pénétrer p^ii tous les vides entre les rayons et en cliasser toutes lesabeilles qui J sont attachées: or, ( ()mi)iend'ai)eilles , même en petits pelotons: ne tomberont pas et ne périront pas sur le Feu? Lesmémesinconvénicnsàpeu près se rencontrent dans la seconde manière de les enfumer. Nous verrons ailleurs que tous ces inconvéniens dis- paroîtrontdans nos ruches. Voici une manière de chasser les abeilles des ruches de paille , par le rnoven de la fumée , que nous croyons plus facile et sans inconvé- nient. Jl faut cmjiloyer des ruches à calotte, comme nous l'avons dit, ou trouées dans leur partie supérieure, et qu'on puisse tenir fermées avec un bouchon de liège. Ce trou peut se trouver au sommet ou quelques pouces au-des- sous. Lorsqu'on veut transvaser deux ruches Tune dans l'autre, on soulève ces deux ruches , dès la veille, a])rès que toutes les mouches sont rentrées, et on les entortille par-dessous avec nr;e loi le bien claire , de manière qu'aucune abeille ne puisse sortir. Au lieu de toile ceux qui veuientse faite une étude d'élever les abciU SUR LES ABEiLLr?.Liv.VIT. Chap. VIT. 375 les peuvent avoir des rondes de fiT de fer» travaillées en i^riîlage , oti en forme de filet, dont les yeux doivent être fort petits pour que Jes abeilles ne puissent y passer. Le lendemain, sY)vc?> r|ue le soleil sera un peu élevé ( nous -."Stipposoi^s que eette opération se fasse dans' lé mois de juillet , comme nous avons dit phjs Iiawt),on prend ces deux ruches et on les tréïns- porte, ainsi bouchées , à cent ou deux cents' pas loin du rucher. Là on dépose ces roches bou- chées comme elles sont sur trois pieds de bois, de brique ou de pierre , élevées de trois ou quatre pouces de terre : on met ensuite au même temps plusieurs morceaux de bouze de vache sous les deux ruches, ou du crotin de che- val bien sec et bien allumé, mais sans flamme, pour y exciter une grande fumée qui cependant ne doit s'augmenter que par degrés. Aussitôt que les abeilles commencent à bien la sentir, on ouvie les deux trous des ruches, et sur le champ les abeilles sortiront en grande foule les unes après les autres jusqu'à la dernière. Nous pensons que j)our faciliter cette sortie des abeilles, il est très-utile de pratiquer ])lu- sieurstrousà leur sommet, au lieu d'un, hormis que les ruches n'aient 'des calottes , comme nous A a ir 2y6 Traité complet l'avons dit. Les abeilles n'étant pas habituées à passer par ce trou , et d'ailleurs ime certaine quantité dVntre elles étant derrière plusieurs rayons, il est clair que celles-là auront de la peine à le trouver, ce qui retarderoit notre opé- ration. Ceux donc qui veulent se servir de ruches de paille, doivent y pratiquer d'avance cjuatre trous d'un pouce environ , qu'on tiendra toujours bouchés avec du liégc, jusqu'au mo- ment où il sera nécessaire de taire usaii;e de ces trous. Nous les recommandons d'autant plus volon- tiers, qu'ils peuvent être trcs-intéressans dans d'autres circonstances, comme quand on veut donner de la nourriture aux abeilles sans crainte du pillage , en suivant la manière que nous avons indiquée d'après M. Ducarne au chapitre II du VI livre. On j)euî; aussi s'en servir dans les grandes chaleurs de l'été pour leur procurer de l'air, en les entr'ouvrant un peu , ou en y faisant passer une plume ou une canule quel- conque, bien cernée, pour que les abeilles ne puissent en sortir. Peut-être même seroit-il très-utile de leur procurer pendant l'hiver, sur- tout lorsqu'il fait doux , un peu d'air par ce moyen. On laisse cette particularité à l'intelli- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. VII. 877 gence, à l'expérience et à la discrétion des ama- teurs. Quand les abeilles sont toutes sorties des deux ruches, nous sommes entièrement persua- dés qu'elles s'uniront toutes en un seul essaim ; après quoi elles s'attacheront à quelque branche d'arbre , selon l'ordinaire des essaims. Nous sommes tellement ])ersuadés que cette union aura lieu , que nous croyons que de vingt ru- ches qu'on transvasera de cette manière deux à deux , il n'y aura peut-être pas un seul cas où cette union ne s'effectue pas; elle est très-heu- reuse , et épargne beaucoup de peine. L'essaim s'étant tranquillisé, on le ramasse, comme à l'ordinaire, dans une ruche de paille qu'on laissera tranquille dans l'endroit même, l'espace d'une heure , pour que les abeilles s'y reconnoissent. Pendant ce temps on arrange la ruche dans laquelle on veut remettre ces deux essaims, et on bouche les trous qu'on a voit de- couverts pour le passage des abeilles. Après avoir laissé reposer l'essaim, on ren- verse lestement la ruche où il est, et on la couvre avec celle des deux pleines de rayons que nous voulons con.server , on bouche tous les passages pour qu'aucune abeille nepuisse sortir: SyB Traité complet celics-ci ne tarderont pas à v monter avec l)eaiï- conp d'eniprcsscment ; après quoi on transporte ces deux riiclies telles qu'elles sont l'une sur l'autre, dans l'ancienne place d'oîi on les avoit retirées. On detaclie alors celle de dessus et on la inet en place. Si l'on croyoit plus avantageux de faiie cette dernière transvasion près du rucher , alors dès que l'on aura laissé quelque temps l'essaim en repos, on soulève la ruche, et on l'entortille avec un linge, pourqu'aucune abeille ne sorte, et on la transporte, ainsi que la ruche pleine de rayons. Le transport de ces ruches pleines de rayons doit se faire avec beaucoup de ménagement , sur-tout quand ils sont nouveaux ; c'est pour cette raison que nous avons conseillé de pré- parer les ruches qu'on destine à transvaser, avec trois rangs de traverses bien assujetties , et un peu plus laî'ges qu'à l'ordinaire , pour que les i-avons y soient plus solidement attachés. Poui- lîabituer plus facilement les abeilles de la ruche transvasée à la nouvelle ruche , au lieu de la ])oser aussitôt sur sa tablette, il faut po- ser une planche sur cette tablette et sur celle de l'autre ruche ( nous supposons que les deux SUR LES ABEILLES. LiV. Vil. ClIAP. VIL 879 ruches transvasées étoient voisines, ainsi que nous l'avons prescrit ), et laisser la ruche au milieu de cette planche pendant vingt-quatre heures. Voici une autre petite ruse dont on peut se servir dans cette circonstance et quelques au- tres, pour habituer ce? abeilles à leur nouvelle ruche. Deux ou trois jours avant la transvasion > on doit mettre autour cie l'entrée de la nielle qu'on veut réformer , quelque chose de re- marquable, qui Frappe les abeilles, comme, par exemple , quehjues branches vertes ; ou, si Ton veut, on peut couvrir cette ruche avec une serviette blanche. Lorsqu'on aura posé la ruche dans laquelle on a réuni les essaims sur ladite planc'ie, on mettra lesdites branches autour de son entrée', ou on la couvrira avec la même servielte , et les abeilles de la ruche réformée s'y habitue- ront tics-aisémént , et celles même qvn au: ont pu rester dans l'endroit où les deux ess.iio^^ -int été ramassés, reviendront et y rentreront sans difficulté. Nous avons oublié d'avertir cpu^ la ^rili'-- ou le fiietavec lequel nous bouclions la 1 uri.e . se ■ ; i". pour que les abeilles puissent sortii , 2". pour 39o Traité complet qu'elles ne tombent ni ne se brûlent sur le feu. II faut aussi faire attention, après que nous avons mis la fumée sous les ruches, de cou- vrir avec un torchon tout le tour du bas de cas ruches , du moins du côté du vent , pour que la i'umée monte droit dans l'intérieur des ru- elles. De plus , aussitôt qu'on s'aperçoit que presque toutes les abeilles sont sorties des. ru- ches, il faut les retirer de dessus la fumée, sur- tout celle qu'on veut conserver pour empêcher que la fumée n'y séjourne trop long-temps, et ne l'infecte , ce qui pourroit dégoûter nos in- sectes. Enfin, nous avons dit qu'il falloit laisser les deux essaims dans la ruche où on les a ramas- sés, pendant une heure avant de les transvaser dans l'autre r peut-être même seroit-ce trop d'une heure, et vaudroit-il mieux ne les laisser qu'un quart d'heure, de crainte que le couvain, qui assurément doit sy trouver en ii;rand nombre, ne se refroidît; c'est pourquoi après qu'on auia retiré la ruche de la fumée, on laissera les trous ouverts une ou deux minutes, pour qu'elle sorte , et aussitôt on les bouchera , et on laissera la ruche au soleil pour lui procurer intérieu- rement une chaleur salutaire au couvain. SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP. VII. S8t A la suite de ce volume nous donnerons C[iiel(|ues chapitres sur les moyens qu'on peut employer pour tirer le plus grand avantage tle la culture des abeilles , et nous traiterons afoi's de la grande utilité qui peut résulter de ces sortes de transvasions, du profit cju'en peu- vent letirer les propriétaires , et nous verrons jusqu'à (]uel point elles sont dans le cas d'influer sur la prospérité de leurs ruches. Nous répétons ici le mot de M. Ducarne, que toutes ces pratiques sont plus faciles à exé- cuter qu'à décrire. Une autre façon encore de les enfumer, est de pratiquer au haut de la ruche pleine , une ouverture de sept à huit lignes, de la renverser ensuite la bouche en haut, de j)oser dessus la ruche vide prépaiée, d'envelopper les doux ru- ches avec un linge pour empêcher les abeilles d'en sortir, et d'introduire dans l'ouverture de celle qui est pleine, le bout d'un entonnoir ren- versé , sous lequel on place un tampon de linge fumant; ce qui les fait remonter dans la ruche vide. Quand on croit qu'elles y sont toutes, ou tout au moins la reine avec une bonne partie des abeilles, on sépue les deux ruches, on rapporte celle où bont les abeilles à la place de 382 Traité complet l'autre soUs le rucher» et on vient secouer la première devant l'entrée de celle-ci pour en iaire tomber les abeilles qui re^ai^nent, comme elles j^etîvent, leur habitation, c'est-à-dire la nouvelle ruche, ])l£icée au lieu de l'ancienne , et que les abeilles prennent pour leur pre- mière habitation. Je ne ni'enten(Ls pas beaucoup ici, parce que n'ayant jainnis pratiqué cette méthode , je ne peux vous en dire que ce que j'en ai lu dans lui autie livre, où il en est j)arlé; je crois sew- len\ent que pour la ])erfectionuer , il taudroit faire ausai une ouverture dans le haut de la ru- che vide, laquelle ouverture seroit condamnée par un Hn^^e claii- qui laisseroit le passasse libre à la iumée, et yallireroit les abeilles par le jour qu'il fi r.j,r; cr qui les feroit sans doute remon- ter pir: vite. CHAPITRE VIII. Manière lycs-siiiipk' et très-commode de récol- ter les ruches de notre Jacon, i\ v ANT d'exposer la manière dont nous nous servons pour tailler nos ruches, il est nécessaire SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. VIII. 383 Cjuc nous (Iclaillions les icstrumens et autres ustensiles dont nous avons besoin clans une le'Ie opération: i''. d'une euve ou baquet large et profond d'un pied et quelques pouces , pour recevoir les rayons à mesure qu'on les retire (le L\ ruche ; on doit même en avoir deux ou trois, si on a une grande quaniilc} de ruches à récolter ; et à mesure qu'il v en a un de rempli , on doit le vider aussitôt dans quelque autre vase plus grand pour s'en servir à la taille d'autres ru- ches ; 2"^. d'une serviette ou autre linge semblable bien piopre, pour couvrir ce baquet, à mesure qu'on y met les rayons , pour empêcher les abeilles de se jeter dessus; 3". d'une petite écuelle pleine d'eau 5 et d'un petit balai de plu- mes ou de quelque plante douce; celte eau nous servira à laver de icn'.ps en temps nos mains ou les instrumeriS quand ils seront teims de miel, et pour mouiller le balai lorsque nous voulons nous en servir à détacher les abeilles de dessus les rayons. Cette même eau m.et ces abeilles en état de se débarrasser» avec plus de facilité, du miel dont elles pourront être teintes; 4'^ d'une machine de fer, telle (]ue i;ous l'ayons dessinée à la Plance II, fig. X du second volume , où l'on peut en voir la deSL'ription et l'ustige (nous 384 Traité complet avertissons que c'est par erreur qu'on l'a mise de Jer blanc^ ; 5". d'une autre machine, tig. XI de Ja même Planche , et que nous appelons ra- quelle : elle seità recevoir les rayons à mesure qu'on les coupe ou qu'on les détache de la ruche ; 6'\ d'une chaufferette pour enfumer les abeil- les (même Planche, fig. XII ) . Lorsqu'on veut se servir de cette machine pour enfumer les abeilles, on leur présente le ^rand trou a) et pour Y faire passer un plus grand volume de fumée, on souille \n\ peu du côté opposé b : à mesure que le crotin se consume , on y en met du nouveau. Enfin , pour rendre plus facile la récolte des ruches posées horizontalement et percées de deux cotés, comme les nôtres, on propose une espècede demi-ruchede paille, qu'on peut voir, %. Xill. Nous ne dirons rien du camail , ou du mas- que et (les oar.ts, dont tout le monde connoît l'usai^e. Pour de pateilles opérations, on peut seulement voir j à la iin des explications de la- dite Planche, une note sur la forme de nos camails et de la manière de les composer. J'ai- lois oublier dédire qu'il falloit aussi un couteau de table, et \n\ autie bien tranchant dont nous verrons plus bas l'usage. Nous SL'îl LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP. VIIÎ. 385 Nous allons maintenant exposer notre mé- thode de récolter les ruches. On commencera par mettre en ordre les instrumens dont nous avons be.voin pour cette opération , le baquet couvert d'une serviette, lecuelle pleine d'eau, ie petit balai, la raquette et le râteau avec les deux couteaux ; ensuite, on doit se décider sur le coté par lequel on voudra récolter une ruche. On sait que nos ruchers ont deux ouvertures, une par le devant, d'où les abeilles sortent , et l'autre par le derrière; et nous avons déjà dit qu'on doit les récolter tantôt par l'un et tantôt par l'autre côté; néanmoins, pour des raisons très- intéressantes, q-ie nous exposerons dans quel- que chapitre ci-après, nous sommes décidés à proposer aux amateurs de Faire cette récolte or- dinairement par le côté de derrière. Dans ce cas on ouvre la ruche par le devant, et on y applique la demi-ruclie de paille, annoncée ci- dessus. Avant d'exposer la manièrede s'en 8ervir,nous observerons qu'à Sjra ces mêmes ruches cy- lindriques n'étant percées en général que d'ua côté, on ne se sert jamais de ces demi-ruches; ce n'est que pour rendre plus commode cette' récolte dans ces pajs, que nous en avons ima- Tome III, g ^ 386 Traité complet giné l'usage; les amateurs ne doivent même s'en servir C|ue lorsque les ruches se trouvent tellement peuplées, qu'ils prévoient que la mul- titude d'abeilles doit les gêner dans cette ré- colte. On peut appliquer de deux manières la demi- ruche au rucher, ou en l'appuyant sur quelques tréteaux , et en la soutenant avec quelques pier- res ou autre corps solide par ses cotés, ou même en pratiquant au sommet de cette demi-ruche un anneau de paille, ou un bouton auquel on attache quatre bouts de ficelle, aveclesquels on assujettit la demi-ruche à quatre clous , préa-^ lablement établis au quatre coins de la ruche. Après ces dispositions , on ouvre la ruche du côté qu'on veut la récolter, et on a l'attention à mesure qu'on retire le couvercle, d'approcher la fumée pour que les abeilles ne s'effarouchent pas; le couvercle levé, on approche cette même fumée en plus grande quantité et plus long- temps, pour forcer les abeilles à se retirer vers le fond, c'est-à-dire, vers la partie opposée à cejle par laquelle on récolte la ruche. A me- sure qu'elles abandonnent les premiers ravons, on les détache un à un avec le râteau , du haut de la ruche, et on les fait tomber doucement SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP.VIIT. 887 sur la raquette, et en même temps on soulève la serviette qni couvre le baquet ; on les jette dedans, et on haïsse aussitôt la serviette pour empêcher que les abeilles ne se jettent sur les rajons. Po'ir comprendre plus facilement toute cette opération , if faut nous rappeler ici ce que nous avons dit au cinquième livre sur les différentes directions que les abcilîes donnent à leurs rayons en les construisant ; il y a des ruches dont les rayons sont dedioite à gauche, et ils nous présentent entièrement leur face en ou- vrant la ruche; d'autres construisent les rayons depuis le fond jusqu'au devant ; desorte que chacun de ces rayons a autant de longueur que la ruche; d'autres enfin leur donnent une di- rection oblique, c'est-à-dire qui tient le milieu entre les deux précédens. Les premières sont les plus faciès à récolter ; les troisièmes le sont un peu moins, mais les secondes donnent plus d'embarras. Voici comment il faut se conduire dans la taille des ruches de ces difîérentes directions. Quant aux premières ruches, on n'a autre chose à faire que ce que nous avons dit ; nous obser- vons cependant que si le rayon (jue nous vou* B b ij 388 Trait* É complet Jons retirer est en partie vide de miel , on sépare avec un couteau toute celte partie du reste du laj^on, avant de le détaclier du haut de la ruche ; mais si le rayon est plein et si on ne veut pas le retirer en entier, ce qui scroit inutile et même un peu gênant, on doit le partager transversa- lement en deux avec un couteau, retirer d'aljord la partie inférieure, et ensuite la supérieyirc. Lorsqu'on a lecn ces rayons sur la raquette , ils sont cj'ielquefois couvertsd'abeillesdans leurs parties de dessus ; nous conseillons alors de je- ter un coup d'œil pour voir si la reine ne s'y trouve pas, de la prendre avec les doigts, et; de la remettre d^ms la ruche, ou d'approcher ]e rayon coupé de ceux qui restent dans la ru- che en le dressant un peu, et elle ne tardera pas à y passer. Nous pouvons cependant assurer les amateurs que le cas où la reine se trouve sur le rayon coupé , est trcs-rarc, et que jamais il ne nous est arrivé; mnis il n'est pas impos- si'i'e , puisque nous savons qu'il est arrivé à d'autres cultivateurs. Mais si on a l'attention do bien enfumer le rayon avant de le couper , et même (l'approcher un des bouts de l'cnfu- moir sous le ravou , en souillant de l'autre bout pour que la fumée puisse pénétrer entre SUR LES ABEIF.LES. Liv. VII. Chap. Vllî. 3Bg le raj'on que nous devons couper et celui qui lui est parallèle, un tel accident ne doit guères arriver. Si la reine n'y est j^as, on frotte le rayon avec le balai mouillé, pour enchâsser les abeil- les vers la ruche. Il faut encore observer: i". que le couteau soît bien tranchant et un peu mouillé, pour que le partage du r^lyon que nous voulons retirer se fasse avec facilité, et que rien ne l'arrête ; ja". de ne pas trop renfoncer, de crainte de blesser les abeil- les qui se trouvent dans la partie de derrière ; nous devpns avoir la même attention lorsque nous détachons le layon du haut de la ruche avec le râteau ; il ne faut pas le trop enfoncer pour ne pas écraser les abeilles ou la reine, si malheureusement elle se trouvoit par derrière. Quant aux ruches qui ont leurs rayons placés obliquement, voici la manière de les récolter. Comme ils sont un peu plus longs que ceux des premières ruches, ils sont aussi plus difFici- les à être retirés tout entiers; c'est pourquoi ou doit les couper, comme nous avons dit des rayons des premières ruches , avec cette diHérence qu'il faut les couper de bas en haut ;,on se sert pour cela du couteau courbé dont nous avons parlé ci-dessus. On retire d'abord les petits rayons , B biij 390 Traité complet qui se trouvent toujours dans ces ruclies, à U droite ou à la ganclie , et quand on est parvenu au premier grand rayon , on rommence par ea couper une ptH lie de trois ou quatre pouces de larj4;cur de bas en haut, après quoi on la dé- tache du haut de la ruche avec le râteau , faisant attention , autant cju'il se peut, de ne pas en- foncer le râteau au-delà de la coupe, de crainte de faire tomber l'autre partie du même rayon. Après avoir reçu sur la raquette la partie du rayon coupée, et avoir pratiqué tout ce que nous avons prescrit ci-dessus, on coupe un se- cond et un troisième morceau, de la même manière, jusqu'à la fin du rajon, et ensuite on passe à un second et à un troisième, jnt^qu'au taux des provisions qu'on doit laisser aux abeil- les. Nous avons à faire ici quelques o!)pervations qui nous ont paru très-nécessaiies; pour mieux les comprendre, il faut se rappeler ce que nous avons dit sur la quantité de ravons qu'on doit laisser aux abeilles , tant pour contenir leur pro- vision , que pour les abriter rontre les rigueurs de la mauvaise saison. Supposons que nous veuil- lons leur laisser un pied d'espace rempli de rajons, et que nos ruches aient deux pieds de SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. VIII. 3(^1 lons^; or, il faut savoir que ces rajons sont tellement bâtis obliquement , qu'un de leurs bouts touclie quelquefois le bord de la ruche, et que l'autre s'enfonce dans l'intérieur d'ua pied , et quelquefois même davantage. Dans ce cas on ne doit en retirer aucune entière , mais il est nécessaire de marquer l'espace d'un pied, du côté dont on fait la taille, et jusque-là on fera la coupe du premier rajon , et ensuite celle des autres au niveau de ce premier. Si par hasard le couteau a été uu peu au-delà , il ne faut pas s'en inquiéter, puisqu'on en est quitte pour laisser un peu plus de rajons de l'autre côté. Tout ce r aisément le bouchon , ainsi (jue nous proposerons en son lieu. Toutes ces observations regardent aussi les ruches dont les rayons ont une direction droite d'une extrémité de la ruche à l'autre. Comme ils ne se ])résentent que de front, leur coupe n'est pas aussi facile que celle des ruches dont on vient de parler. On ne peut les tailler qu'en coupant de bas en haut un morceau de chaque rayon avec le couteau courbé, en commençant par le plus voisin de l'un des bords , tt en avan- çant ensuite de proche en proche , jusqu'au bord opposé. Cela fait, on revient au premier dont on coupe une autre partie, jusqu'à ce qu'on soit parvenu à l'endroit où l'on a détermine de s'ançter. La différence qui se trouve entre la taille de ces ruchesct Icsdeux autres consiste à ccque dans celles-ci nous récoltons d'un coup chacun des rayons jusqu'à l'endroit désiré, au lieu que dans celle-là nous ne les retirons que par par- ties et les unes après les autres. On voit par tout ce que nous venons de diie sur la taille des ruches de ces différentes direc- tions , que la première est la plus facile à être SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP. VÎII. 3c)3 récoltée, et la secondela plus difficile. Outre ces difficultés, ces mêmes ruches cjui ont leurs rayons droits, ont un défaut, les abeilles _y meu- rent en plus i^raud nombre pendant l'hiver. Nous en exposerons la raison au quatrième vo- lume dans nos observations si/r la manière de faire hiverner les abeilles y par M. Duchet. C'est pour empêcher cette mortalité et pour rendre la récolte de ces ruches plus aisée que nous avons proposé au V*. livre le moyen d'o- bliger les abeilles de donner à leurs ravons la première direction exposée ci-dessus. Si par hasard nous n'avons pas employé ce mojcn en mettant l'essaim dans la ruche, ainsi que nous lavons conseillé, il est nécessaire que nous le fassions dans la première taille que nous ferons de ces sortes de ruches, en observant ce que nous avons prescrit dans l'endroit cité. Nous croyons devoir ajouter que le rayoQ qu'on posera dans ces ruches avec la fourche doit être suffisamment lari^c pour couvrir le front de tous les anciens rayons d'un coté de la ruche à l'autre , et pour descendre à peu près jusqu'à la moitié de leur hauteur. Faute d'a- voir pris cette précaution, nous avons observé que les abeilles donnoient à leurs rayons qui 394 1' R .A 1 1 É C O M P L E T n'étoient point couve» ts par le rajoii que nous leur avions dresse, la même direction qu'ils avoient auparavant; elles travailloient parallè- lement au rayon dressé dans toute sa largeur seulement , ce qui occasionne une singulière confusion dans ces ruches. Nous éviterons tous ces embarras, si nous avons soin de dresser un rayon dans les ruches, toutes les fois que nous y mettrons un nouvel essajm. Il faut aussi ne pas oublier de bien gratter les débris des anciens rayons qu'on a taillés, pour ôter aux abeilles la tentation de suivre leur ancienne direction, malgré le rayon que nous leur avons dressé. Observons encore qu'après que les abeilles auront attaché et achevé le rayon, il ne faut pasy toucher dans les récoltes des années sui- vantes , afin que les abeilles continuent à en suivre toujours la direction. Par cette manœuvre, les nouveaux rayons construits par les abeilles ont une bonne direc- tion , tandis que les anciens que nous leur laissons pour contenir les provisions» en conservent une mauvaise. Or, pour rendre celte direction uni- forme, il faut attendre que les abeilles rem- plissent la ruche, et alors dans la même an- née, ou la suivante si on vent faire deux SUR LES ABEILLES. LiV. VII. CfMP. VIII. 396 fois la récolte des ruches , on lécoltera la ru- che dont on a détourné les rayons par le de- vant, jusqu'à l'endroit où commence la bonne direction, toujours avec l'attention de bien grat- ter les attaches des rayons qu'on retire. Nous croyons devoir terminer ce chapitre sur la taille des ruches par quelques observations intéressantes. On a vu que dans cette taille il est nécessaire de faire plusieurs incisions aux: rayons pleins de miel, ce qui ne peut manquer de faire couler cette liqueur dans la ruche. Celte effusion de miel est quelquefois si forte dans les ruches de notre îje où , en général , les rayons en sont mieux fournis, qu'il se répand au dehors, ce qui entraîne deux inconvéniens; le premier, c'est que plusieuis abeilles s'y en- gluent, et quelquefois y périssent; le second, c'est la perte inutile du miel qui d'ailleurs ne manque pas d'attirer plusieurs abeilles pillar- des. Pour éviter Je premier , avant de commencer la taille de rayons pleins de miel, on jettera dans la ruche un peu de fougère .'-cche , qu'on ne retire que le lendemain , après que les abeil- les en ont retiré tout le miel ; pour cela , aussitôt la récolte finie, il faut fermer la ruche, et les abeilles, ne manquent pas de pomper toute la. 396 T R A I T i: COMPLET liqueur quiy est répandue, elles se jettent même les unes sur les autres ])aur se lécher, moins pour l'envie de se secourir, comme plusieurs auteurs le'][)ensent, que pour l'amour du' miel. Pour empêcher ensuite que le miel ne coule hors de la ruche, lorsqu'il tombe en abondance des rajons , on peut se servir d*une espèce d e- cuelle de fer- blanc , quarrée et d'environ six pouces, dont les rebords ne doivent pas avoir plus de deux ou trois lignes d'élévation ; elle doit être un peu pliée pour mieux s'adapter à la forme cylindrique de nos ruches. On a soin de la faire passer d'abord sous les rayons, ou au moins lorsqu*on voit que le miel commence à couler; ce coulement est ordinairement plus fort dans les ruches dont les rayons ont une di- rection droite qui force de faire plutfieurs cou- pes sur le même rayon. Une autre observation non moins intéres- sante, et qui tombe sur ce que nous avons dit dans la taille des ruciies de la première direc- tion , lorsqu'il s'agit de séparer la partie du rayon qui n'a point de miel de celle qui en a, avant de le détacher du haut de la ruche. 11 arrive souvent cju'ime parlie du rayon qui se présente transversalement n'a pas de nifel , et qu'après' SUR LES ABEILLES. LiV. VIT. ChAP. VIII. 897 l'avoir séparé, on eu trouve sa surface intérieure garnie; si elle en est entièrement fournie, oa la jette clans le baquet; mais si elle ne l'est qu'en partie, il faut en séparer celle qui est vide. Ceux qui ont un peu de pratique dans ces sortes d'opérations , connoissent aisément à tra- vers du fond des cellules du devant ("lorsque les rayons sont de l'année) , si celles du dedans sont , ou non , g"arnics de miel. Souvent aussi' il arrive, sur • tout dans les premières récoltes qui se font dans le mois de juillet , qu'on rencontre des rayons pleins de miel, dont la totalité ou partie des alvéoles ne sont point boucliéi?. Nous conseillons dans ce cas de ne point recevoir ces rayons sur la ra- quette , de crainte que le miel ne se répande, principalement quand quelqu'un de ces rayons reçoit quelque secousse ; il faut le prendre avec la main, et le tenir droit, autant qu'il sera pos- sible, et en détacher les abeilles, avant de- Je jeter dans le baquet; c'est particulièrement sur ces sortes de rayons que les abeilles s'attachent avec plus d'achafnement pour en emporter le miel , lorsqu'elles les voient emporter. Nous avons remarqué dans une note du cha- pitre XV, livre III , page 233, que les abeilles 898 'Ï'raité complet au moment qu'elles voient leurs provisions erri- j)ortées par le jx'opriéfaire , se Jettent ï^ur leurs magasins, les débouclient et emportent les pro- visions pour les cacher dans l'intérieur de là ruche , et les dérober ainsi à sa rapacité. Ce sont ces abeilles (jiu' sont plus difficiles à chasser de dessus les lavons, sni-tout quand les alvéo- les qui contiennent le miel sont débouchés. Elles s'y enfoncent à mi-corps, et semblent braver et mépriser tous les moyens employés pour les en éloigner ; cc[)endant on y parvient avec un peu de patience, de la fumée et le petit balai de plume. Enfin , nous conseillons à nos cultivateurs d'abeilles de se conduire le plus lestement pos- sible dans la taille de leur ruche (sans pourtant manquer aux règles exposées ri-dessus, cha- pitre I), pour éviter la grande quantité d'a- beilles du voisinage, cjui ne manquent pas de venir les inquiéter, attirées par l'odeur du miel et l'espoir du pillage. Toutes ces rèiiles que nous venons d'exposer sur la manière de récolter nos ruches, ne re- gardent (jue ceux qui voudront suivre stricte- ment la méthode que nous avons proposée jus- qu'ici ; car si l'on préférolt de suiv/'C les diHe- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChaP. IX. Sp^ I ens moyens que nous proposerons ci-après , pour tirer le plus grand avantage possible de la culture de nos insectes ; alors on n'auroit guère à récolter que des ruches transvasées , et par conséquent vides d'abeilles , ce qui est de toute facilité, et tout cultivateur pourra l'exécuter sans aucune crainte, n'ayant aucun ménage- ment à garder. CHAPITRE IX. Manière de récolter nos ruches y exempte de tous les inconvéniens reprochés par les au» leurs aux usages de tailler les ruches ordi- naires. On ne pourra mieux faire conaoître les avan- tages de notre manière de récolter nos ruches, qu'en rapportant les principaux inconvéniens que M. Ducarne et autres auteurs reprochent aux ruches ordinaires. Le premier qui nous a frappés, dans plnsieur» espèces de ruches, et sur-tout dans celles de paille faites en forme de cloche, c'est la néces- sité de les retourner et de les renverser pour 400 Traité complet pouvoir agir dans leur inférieur : ce renverse- ment doit entraîner des accidcns Fâcheux par la chute de quelques rayons, sur-tout dans ceux de l'année. On ne craint rien de pareil dans nos ruches qui sont inamovibles. On n'y touche, pendant la récolte, que les rajons qu'on relire à mesure. Le second inconvénient, c'est la difficulté d*obliger les abeilles de quitter les layons que nous voulons I étirer. Comment les couper et les manier, sans crainte de les écraser ou d'en être piqué ? En tournant la ruche en sens contraire, les abeilles, qui naturellement vont en grim- pant toujours, monteront continuellement vers le bord; la fumée même que nous leur ferons sentir les excitera et les mettia en mouvement vers ce même bord. Ajoutez la grande gêne que le propriétaire doit éprouver de la part des abeilles qui, jîendant l'opération de la taille , sortent de la ruche ou reviennent de la campa- gne; et cet inconvénient est plus grand qu'on ne le croit. Si la récolte dure au moins un quart d'heure ( et nous sommespersuadés qu'elle doit durer plus de demi-heure ),plusieuis milliers d'abeilles doixent être en l'air et voltii^er autour de celui qui fait la taille, souvent elles se las- sent SLR LES ABEILLES. LiV, VIL ChAP. IX. 401 sent de volti-er , et s'approchent des ruches voisines dont les abeilles s'élancent sur elles, et lesassomment lorsqu'elles les attrapent. Dans la taille de nos ruches on ne voit rien de tout cela, parce qu'étant couchées, il nous est fa- cile avec la fumée de pousser les abeilles de rajon en iayo;i , à mesure que nous les reti- rons, la fumée ayant plus d'action dans une direction horizontale que centrée. Quant aux abeilles qui voltio-ent, nous disons que notre ré- colte se faisant par la partie postérieure de la ruche, nous n'avons rien de commun avec celles qui reviennent de la picorée ; elles sortent et rentrent sans , pour ainsi dire , s'apercevoir de ce qui se passe de l'autre extrémité de la ru- che; et quant à celles qui sortent du côté que se fait la taille, la plus grande partie, après avoir un peu voltigé, rentre dans la ruche par le devant. On voit par tout ce que nous venons de dire que notre méthode est infini- ment moins meurtrière pour les abeilles que celle des ruches ordiiwires ; et nous pouvons assurer que souvent il nous arrive d'en récolter plusieurs de cette façon sans tuer une demi- douzaine de mouches. Un autre inconvénient de l'ancienne méthode Tome IJI. ^ • C ^ 402 Traité complet de vendani^er les ruclies, c'est l'obligation de couper en morceaux les rayons qu'on veut en retii'er. Cette coupe ne peut qu'occasionner un grand écoulement de miel sur les rayons hal)ités par le gros des abeilles ; elles s'y empêtrent et ne se débarrassent qu'avec peine et à l'aide de leurs compagnes; cependant, si la taille est de longue durée, et si l'écoulement est considéra- ble, les abeilles qui y resteroientlrop long-temps enfoncées périroient : eh! que deviendroit la ru- che , si la reine en étoit du nombre? La disposition de nos ruches, sur- tout lorsque les rayons y ont une bonne direction , nous offre la commodité de les tirer entiers; et si, au con- traire, on vouloil: les }>artager en deux, le miel qui en découleroit ne pourroit déranger rien dans la ruche, aint>i que nous l'avons fait voir; d'autant plus qu'en faisant passer sous les rajons qu'on veut couper, quelques brins de brujère ou de fougère sèche , les abeilles n'en rece- vroient aucun dommage. La circonstance la plus fôcheuse pour tailler nos ruches , c'est quand les rayons sont tout droits et dans la longueur des ruches ; alors fécoulemcnt est plus considéra- ble, et on éprouve quelque perte d'abeilles; mais enfin cet écoulement ne se fait qu'au bas de SUR LES ABEILLES. LlV. VIL ChAP. IX. 4o3 îa ruche, et non sur lesraj^ons couverts d'aheil- les, et nous avons dit qu'il dépend de nous d o- blio;er nos mouches à faire prendre à leurs rajons Ja direction que nous voulons, et nous en avons donné la méthode en plusieurs endroits de cet ouvrage. M. Ducarne oppose un quatrième inconvé- nient à l'ancienne méthode de tailler les ruches; savoir la perte inévitable d'une partie du cou- vain ; cet inconvénient n'existe point dans la taille de nos ruches , jinisque cette perte ne pro- vient, ainsi que notre auteur en convient, que de la vitesse avec laquelle on est obligé de ré- colter les ruches, et de la difficulté de découvrir le couvain dans les rajons qu'on veut tailler. Rien dans la vendange de nos ruches ne nous engage à une vitesse extraordinaire; d'ailleurs, il est si facile d'y reconnoître les rayons qui sont four- nis de couvain , qu'une personne tant soit peu instruite dans l'économie de nos insectes , ne pourra guères s'y méprendre. Cela est si vrai , qu'il nous est arrivé souvent dans notre jeunesse , de distinguer, dans nos ruches, de petits vers, et même des œufs placés dans les alvéoles pos- térieurs du rayon que nous avions f ous les yeux , C c ij 404 Traité complet bien entendu que ce rajon étoit tout fraîche- ment bâti. Le cinqnième inconvénient consiste en ce que, clans les ruches ordinaires et dans beaucoup d'autres , on ne peut aisément retirer de bon miel , ni en faire un juste partai^e proportionné et à l'intérêt du propriétaire et aux besoins de nos mouches. On sait, dit M. Ducarne, que le meilleur miel se trouve au sommet des ruches. Or, combien n'est-il pas difficile et presqu'ini- possible pour le commun des cultivateurs , de s'en approcher pour s'en empaicr? et, dans le cas même où Ton y parviendroit , il n'est pas aisé de le faire avec assez de précaution pour ne pas laisser manquer les abeilles du néces» saire. Dans nos ruches, qui peuvent contenir dix- huit rayons, chacune a sa partie supérieure et inférieure, et presque toutes sont également gar- nies de miel, dans les bonnes années, du moins dans leurs parties supérieures; ainsi , en reti- rant une j)artie de rayons, nous sommes même sûrs de laisser aux abeilles des provisions suf- fisantes. Nous avons indiqué des moyens très- faciles de s'assurer si la partie des rayons qu'on laisse aux abeilles , ost assez fournie ou non. SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. IX. ^o5 pour leur conservation; et lorsqu'elles n'en ont pas , nous avons toute Facilité pour leur en fournir. Ce que dit M. Ducarne , que le meilleur miel se trouve au sommet des ruches, ne peut pas être^dit de toutes les ruches, sur-tout aux en- virons de Versailles. On sait que la bonté du miel dépend principalement de la qualité des plantes d'où les abeilles le retirent. Or, autour de cette ville , et notamment dans les jardins de M. Lemonnier , on cultive une telle variété de plantes étrangères, que depuis la mi-mars jusqu'à la mi-septembre, les abeilles changent de pâturages tous les dix jours ; nous n'avons par conséquent pu faire l'analyse des differeii miels que les abeilles en recuillent à chaque époque. Si quelque amateur vouloit comioître les différentes qualités de miel que produit cha- que plante , il faudioit, nu moment de sa flo- raison, retirer dans nos ruches un des rayons récemment bâtis , et qui en fût assez garni pour faire une pareille analyse. 11 faudroit d'ailleurs que cette floraison fût très-abondante , et presque l'unique, pour asseoir un jugement sain. A Syra , où, comme nous l'avons remarqué ailleurs, ily a deux principaux pâturages pour les abeilles, la C c iij 4o6 Traité complet sauge et le thym, on distingue aisément les qua- lités du miel de ces deux diiïejentes plantes. Ce- lui de la sauge est j)lus délicat et a moins de cor])s ; le second est plus dense et a plus de corps. Cette différence provient peut-être de la grande chaleur qui règne lorsque le thjm fleurit, au milieu de l'été, au lieu que la sauge fleurit au commencement du printemps. Nous rapporte- rons à ce sujet une particularité assez plaisante, qui nous est arrivée l'année dernière. Nous étant approchés un jour du rucher de M. Lemonnier, nous fûmes frappé d'une odçur d'oignon très- désagréable. Nous crûmes d'abord qu'on avoit mis dans le voisinage des oignons sécher au soleil , et nous étions très-inquiets pour nos abeilles , craignant que cette odeur ne les dé- rangeât ; mais ensuite nous nous aperçûmes que l'odeur sortoit des ruches mêmes , et qu'elle provenoit du miel que les ai)eillcs ramasboient sur les fleurs d'oignon. En effet , on en cultive dans les marais ci rcon voisins de Versailles une grande quantité qu'on laisse monter en fleurs pour se procurer de la graine. Cette odeur étoit si forte, qu'on la sentoit à trois ou quatre pas des ruches. Le miel que nous en avons retiré , après cette époque , en étoit infecté. SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAI'. X. 407 CHAPITRE X. Oii Poil j^ait yoir que Ion/es les manières de récolter les ruches ordinaires , rapportées dans les chapitres VI et VU j, d'après M, Diicarne ^ peuvent être exécutées avec nos ruches. \_j E but de toutes cesmanières tend à faire passer les abeilles d'une ruche pleine de rayons dans une vide. Nous allons donc faire voir que cette transvasion peut se pratiquer dans nos ruches avec toute la facilité imaginable. On ouvre par derrière la ruche dont nous vou- lons transvaser les abeilles , on pose notre en- fumoir bien garni de crotin de cheval sec et allumé, dans l'espace vide qui se trouve entre le couvercle et les ra^'ons. Si la ruche est plei- ne, on doit d'abord retirer quelques rayons pour former un espace propre à contenir l'enfumoir. Ensuite on bouche bien la ruche par derrière, pour que la fumée ne se dissipe point et se concentre dans la ruche, et force ainsi les abeil- C c iv 4o8 Traité complet les à s'enfuir avec plus de vîtesbe , par leur sortie accoutumée. Cette opération doit se faire de bon matin, avant que les abeilles se dispersent à la campa- gne; et pour plus de sûreté, on doit boucher dès la veille les ruches i\y\'oa veut transvaser, pour empêcher qu'aucune abeille ne sorte avant la tiansvasion ; de même on doit tenir, pendant cette opération, renfermées toutes les autres ruches du rucher , de crainte que l'es- saim qui sort n'aille les inquiéter à son grand détriment. Après que toutes les abeilles seront sorties, on bouchera la porte de leur ruche, pour qu'elles ne soient pas tentées d'y rentrer. L'essaim voltigera à son ordinaire pendant quel- ques minutes en l'air, et te posera ensuite in- failliblement sur quelque branche, d'oii on le fera passer dans une autre ruche. Quatre raisons, dit M. l'abbé Tess cr, peu- vent engager à faire passer les abeilles d'une ruche dans une autre : i°. pour s'emparer de ce qu'elles on amassé et les remettre dans une autre ruche vide qu'on dépose dans la place de celle qu'on a transvasée, pour être remplie une seconde fois, si la campagne des environs le SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. X. 409 permet, OU cju'on Fait voyager vers des pâturages nouveaux; i". pour réunir ensemble les abeilles de deux ruches foi blés cjui n'auroient pu passer l'hiver séparément, ou celles d'une ruche que l'on vient de réformer, à une autre que l'on désire conserver ; S'', pour retirer les mouches d'une ruche dont les gâteaux sont infectés de fausses teignes ; 4*^- pour renouveler des ruches usées. Quant à cette dernière raison, nous ne som- mes jamais forcés, avec nos ruches , de les trans- vaser à cause de la vieillesse des gâteaux, d'a- près la remarque par nous déjà faite dans plusieurs endroits, que nous pouvons tous les ans renouveler les rayons de nos ruches sans les déranger en aucune manière: cependant il pa- roissoit s'ensuivre de notre manière de les ré- colter par derrière, et de leur laisser toujours les mêmes rayons du devant pour leur provi- sion d'hiver, qu'on ne pourroit pas les renou- veler aisément tous les ans; mais cela n'est point nécessaire, il sufRt que Pon renouvelle tous les quatre ou cinq ans la partie des rayons qui par leur vieillesse peuvent nuire à la conservation des ruches. Cette partie est ordinairement celle dans laquelle les abeilles forment et élèvent 41 o Traité complet leurs couvées. On sait qu'à la longue les alvéo- les se trouvent tapissés de plusieurs dépouilles des nymphes, ce qui nuit de deux façons aux ruches de ces pays, sur-tout: i". parce qu'ils s'imbibent aisément d'humich'té, ce qui y produit la moisissure ; 2*. parce qu'ils servent de nourri- ture à la fausse teigne , qui par cette raison attaque plus souvent les vieilles ruches , et s'y multiplie plus rapidemment : d'où il suit que la partie supérieure des rayons, de la largeur de deux ou trois pouces, dans laquelle les abeilles ne déposent que du miel , et qui n'est que de pure cire dont la fausse teigne ne se nourrit point, est exempte de ces deux inconvéniens, et n'a conséqucmment yiomt besoin d'être renouvelée aussi souvent , pouvant se conserver dix et quinze ans sans aucun danger, ainsi qu'il ar- rive chez nous. Voyez les deux derniers chapi- tres du premier livre. Voici donc de quelle manière on peut sans avoir recours à la transvasion renouveler la par- tie de rayons usée qui pourroit nuire à la con- servation des ruches , après que ces ruches au- ront Jeté leurs premiers essaims, ou même leurs seconds: on les ouvrira par devant, et on cou- pera toutes les parties des rayons dans lesquel- SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAI', X. 41! les, comme nous avons dit, se forme le couvain, même si elles en sont garnies. Pour peu qu'on soit habitué à élever les abeilles, on peut très- aisément les connoître; elles sont d'une couleur plus foncée que les parties supérieures , qui sont naturellement pins claires, et dont les cellules contiennent presque toujours du miel bouché ou découvert. Mais pour ne point se tromper, on n'a qu'à couper le rajon à trois pouces ou en- viron de l'attache d'un bout à l'autre. La ma- nière de faire cette coupe est la même que -celle que nous avons exposée au chapitre YIII , en parlant de la récolte de nos ruches. On doit cependant observer ici deux choses nécessaires : 1 °. de ne pas couper tous les rayons ; mais s'il y en a, par exemple, huit ou neuf, de n'en rogner que cinq ou six, d'abord par le de- vantde la ruche; et,aprèsque les abeilles auront presque achevé de rebâtir de nouveaux rayons à la place des anciens, on coupera de la même manière et par le derrière de la ruche ceux qu'on avoit épargnés; s'^. si dans les rayons coupés il y a du couvain , comme il doit en effet y eu avoir beaucoup dans ce moment, on doit avoir bien soin de ne pas l'écraser, et replacer dans la ruche, du côté de derrière, tous les rayons 412. Traité complet cjui en contiennent, avec la machine dont nous donnerons le dessin à la fin de ce volume ou du quatrième , et de la maniè«'e que nous Pa- vons déjà indiqué au chapitre II. Après que le couvain de ces rajons sera éclos , ce qui doit arriver dans l'intervalle d'une dixaine de jours, sur-tout s'il étoit couvert lors de la coupe, on les retire. En troisième lieu, on doit observer qu'il faut retirerpar derrière le bouchon quiaservi à ré- trécir la ruche pour forcer les abeilles à donner leurs essaims à bonne heure, avant de commen- cer à couper les rayons, pour que les abeilles puissent se retirer au fond de la ruche, de sorte que dans cette taille le propriétaire n'en éprouve aucune gêne. Nous avons dit que cette coupe pouvoit se faire après la sortie du second essaim ; il vau- droit cependant mieux la faire avant cette sor- tie ; la ruche se trouvant mieux garnie de mouches , celles-ci pourroient rétablir leurs rayons avec plus de vitesse, et peut-être même qu'elles pourroient en remplir toute la ruche , si la campagne étoit abondante; ce travail nous récompenseroit de ce que nous auroit donné le second essaim qu'auroit jeté celte ruche. SUR LES ATiElLtES. LiV. VII. ChAP. X. 4l3 Après tout ce que nous venons de ''dire sur la lacilité de renouveler les vieux rayons de nos ruches, on s'aperçoit aisément qu'on ne doit preïique jamais être forcé de les transvaser à cause de la fausse teigne; il faudroit être bien mal-adroit et bien négligent, si en se servant de nos ruches, on en laissoit périr quelqu'une par ce fli'au. Voyez ce que nous avons dit sur la fausse teigne, vers la fin du livre précédent. Enfin, nous prévenons les amateurs que, pr.r cette manière de renouveler les vieux rayons , sms déranger leurs parties supérieures ni leurs attaches, ils pourront , après dix à douze ans, avoir en abondance de cette cire aromatique , dont nous avons parlé dans les deux derniers chapitres du premier livre. Les deux raisons de transvaser les abeilles ne pouvant avoir lieu dans notre méthode de construire nos ruches, il nous reste à exposer la manière de s'y conduire dans les deux pre- miers cas. Et, pour procéder avec clarté, suppo- sons un rucher de soixante ruches de notre façon, dont le propriétaire n'en. veut conserver que trente, et faire voyager les autres pour en tirer le plus grand profit possible; il doit choi- sir les plus fortes en i^opulation et les transvaser 414 T R A î T L COMPLET dans des ruches de paille (de la manière que nous l'avons prescrit au commencement de ce cliapitre } , il les fera ensuite conduire aux her- bages, suivant les règles que nous incliquerons au chapitre XllI. Nous avons dit que de soixante ruches on devoit choisir les mieux pciq)lc"es, c'est afin que les abeilles voyageuses soient assez nombreuses pour former de grands travaux dans leurs nou- velles ruches , sans quoi nous serions obli- gés, ou de leur rendre leurs couvains, ce que nous croyons très-difficile à exécuter' dans les ruches qui doivent voyager, ou de marier en- semble les abeilles des deux ruches foibles pour en faire une bonne , ce qui en diminueroit le nombre, et par consécjuent le profit. On nous opposera peut-être qu'on devroit plutôt garder les plus fortes dans le rucher , pour qu'il pût prospérer d'autant, et donner de bons essaims l'année suivante. Nous répondons que si on observe exactement tout ce que nous avons proposé dans plusieurs endroits de notre ouvrage, et nous exposerons au chapitre XIII ci-dessous sur la conduite que nous devons tenir envers nos ruches, particulièrement envers celles qui essaiment, afin de les conserver toujours bien SUR LES ABEILLES. LiV. VIL CHAF. X. 4l5 peuplées, on pourra se flatter de n'en avoir guère (le si foiblcs, cpi'elles ne puissent prospérer tous les ans, sur-tout si nous avons l'attention de conseRver toujours celles qui nous paroissent d'une meilleure espèce et plus fécondes. Au surplus, dans le cas présent, tout le cou- vain qu'on retire des trente ruches qu'on trans- vase pour les mener en herbage, couvain qui doit être considérable, on aura soin de le dis- tribuer à celles des trente qu'on garde dans le jucher; par cette distribution, nous sommes persuadés qu'on procurera à chacune de ces ru- ches une augmentation de mouches, capable de les mettre en état de se rej)eupler encore da- vantage jusqu'à la fin de la campagne, et de ra- masser des provisions suffisantes pour leur con- servation. Si , malgré toutes ces précautions, quelqu'une de ces ruches paroissoit encore foi- ble , on feroit venir de l'herbage vers la fin du mois d'août , des ruches qu'on doit ré- former , et marier leurs abeilles avec elles , de la manière que nous l'exposerons ci-après. Si ensuite notre rucher se trouvoit envi- ronné d'abondans pâturages , de sain-foins , de luzernes et de sarazins; et si on vouloit entreprendre cette transvasion de ruches uni- 41 6 Traité complet (jucment pour s'approprier toutes leurs pro- vibions, et eno^ager les abeilles à en ramasser de nouvelles ; nous dirons que dans ee cas elle ne doit pas se pratiquer avec nos ruches; nous préférons la méthode que nous prescrirons ci-dessous au chapitre XII ; méthode qui con- siste à les récolter deux et tiois lois même, selon leur travail. Si mcnhe il s'ai>"is.s(^it de ru- ches condamnées à être réformées à la fin de la campagne, on pourroit à chaque récolte les tailler entièrement, en leur laissant seulement un seul gâteau avec du couvain, pour y atta- cher plus facilement les abeilles. Cette méthode est plus expéditive et sujette à moins d'embarras que la transvasion ; nous croyons même avec plusieurs auteurs, que les abeilles travaillent avec plus d'ardeur loi sju'on leur lai^^i-e quelque couvain , et qu'on leur rctij e presque tous les rayons. Il est cependant arrivé que des abeilles qu'on avolt changées de ruches et de places , et auxquelles on avoit enlevétoutle couvain, ont travaillé avecune activité étonnante; mais il est bon de s'assurer de cet instinct particulier de nos mouches par des expériences répétées de l'une et de l'autre méthode. Enfin, on peut entreprendre cette transva- sion SUR LES ABEILLES. LiV. VIî. ChAP. X. 417 sîon lorsqu'on a plusieurs ruches surnuméraires qu'on veut réformer pour s'em})arer de toutes Ic'-irs provisions, et que, pour ne pas en faire périr les abeilles, on se détermine à les faire passer dans un autre ruche hicn conditionnée pour la fortifier d'autant, ainsi que nous l'avoi'S rapporté au (hajiiîre VI et VIT, d'après M. Du- carne; on peut voir dans les observations que nous y avons faites, ce (jue nous pensons sur, cette sorte de Iransvasion. Une chose nous restera remarquer ici, c'est que tout ce que nous avons dit sur le temps de faire cette transvasion vers le i5 de juillet , suppose la culture des abeilles dans l'état où elle PC trouve aux environs de Versailles, ou après le i5 ou 20 de ce mois: la campagne ne fournit ])as, ainsi que dans le Gâtinois, cette immense quantité de pâturage nécessaire pour que les abeilles y fassent un butin considérable en cire et en miel. Dans cette supposition nous ne vo^'ons ui perte ni inconvénient à transvaser les ruches , le \5 juillet. Mais si la campagne fournit, après cette époque, d'abondantes récoltes , comme dans le Gâtinois où, après avoir transvasé les ruches le i5' juillet , souvent , selon M. Duha- mel. ( Ployez le cliapitre XIV ci-après^ y on les Tome m. D d 4iB Traité complet transvase encore une cL deux ibis , ce scroit une grande perle (jue de transvaser ie lo juillet les ruches que l'on veut réiornier dans celles fjue l'on veiitconscrver, sans rien retirer délies après cette éjxîqne , et que de leur abandonner tout ce ou'ellcsauroient ramassé pour provision d'hiver. Ainsi les cultivateurs de ces pays et d'aïUies semblables doivent transvaser les ruches qu'ijt^ destinent à la réforme, deux et trois fois, selon l'abondance de leur récolte; et ce n'est qu'à la dernière transvasion qu'on doit en marier les mouches avec celles des ruches que Ton veut conserver. : Voici la manière d'exécuter avec nos niches cette transvasion proposée par M. Ducarnc. Supposons que le fond de nos ruches soit do vingt-quatre, et que nous en ajons quarante-huit contenues dans un rucher à deux étages, de vingt-quatre ruches chacun , voulant les réduire à moitié sans en détruire les mouches, M. Du- carne j)ropose de la ire passer celles de chaque ruche qu'on veut réformer dans une des ruches qu'on veut conservei-. Or, d'après nos observations auxditschapitres Vi et Vil, nous choisirons pour cette opération toujours deux ruches de notre rucher , qui soient l'une à côté de l'autre, ou SUR LÉS ABEILLES. LiV, VIL CîiAP. X. 410 an-dessns Wnw de raiUic.(Nous ne regardons cependant pas celte particularité comme absolu- ment nécessaire à la bonne réussite de notre opé- ration). Dès la vieille de celte transvasion , nous l'ermerons toutes lesruches du rucher, les unes, poiu'que leurs moucbes ne se répandent pas eu cam})agne avant l.\)pcrcitio:i ,ce q'ii eîiipécheroit que la transva^u'on ne se fit sur tontes les abeil- les; les autres, pour que les essaims que nous chasserons de leurs ruches n'ailknt p;is les in- quiéter, ce qui arrivcroit sans cette précaution. Si la transvasion s'opère dans le mois de juil- let , on la commencera aussitôt après le soleil levé ; si c'est en septembre , il faut attendre que l'air soit un peu réihaii'ïé; il [aut même faire toujours choiv d'une journée belle et tem- pérée ; car si elle étoit froide, notre opération pourroit manquer, ou du moins retarder de beaucoup, et faire périr quantité de mouches. Tout étant ainsi disposé , on retire les couvercles du deirière des deux ruches qu'on veut transvaser, on y met la fumée et on les rebouche; puis on ouvre aussitôt leurs portes de devant pour qne tontes Iqs abeiU les en sortent. Les deux essaims s'étant mêlés en l'air, ils se poseront presque toujours eu- D d ij 420 T R A 1 T É C O M r L F. T semble dans le même cncboit. Dès qn'(>n s'a- })erçc)it cjmc toutes les abeilles sont sorties norance des uns , de l'inîcîiiiii^ence et de l'activité des autres dans le gouvernement de ces industrieux animaux. Eilectivement , il y a des propriétaires d'abeilles, dit M. Duchet, si indolens et si paresseux , qu'ils ne voudroient ])ren(ire sur eux que les soins de déporiiiler leurs ouvrières , ^ansvouluir Faire même les frais modi- ques de leur fournir une bonne ruche. Ces avares personnaL>,es nedoiventdoncle peu de profitqu'ils en retirent, qu'à la conduite admirable de cette Providence divine qui pleut également et sur les bons et sur les médians, et qui fait naître son so- leil sur les justes et sur les ])échein s; d'autres, quoiqu'avec un désir raisonnable de concourir ]) d iv 45,4 Trait k c o m p l e t à la pro.'pç'rité de leurs ruches, commettent dans leur éducatiou dé tiès-grandcs eneurs , faute de cuniioUrc le caractère et l'iniitiiict (io ces merveilleux insectes que Dieu a placés pai mi nous pour nous donner dca It^cons de sagesse , et nous apprendre ce que lesMinos, les Ly-. curi^ue et les Solon ne savoient pas. Ou on con- trarie leur marclie, ou on ne les seconde pas.- C'est pourtant en cette connoissance que con- siste pj incipalement l'espérance de léussir tlans toutes les parties de cette économie ; car j)endant que nous contrarierons la nature, nous échoue- rons immanquablement ; secondons-la, et nous recevrons d'elle ses bienfaits avec lari^esse et avec profusion. Elle n'a.^it point selon nos dé- sirs ni selon nos raisonnemcns : elle a s-cs luis dont il lui est défendu de s'écarter : c'est à p-ous de fonder nos. raisonnemcns sur ses opérations, et de borner nos désirs à ce ,qu'il lui est permis de nous fournir : c'est à nous de lui aider, en écartant les obstacles qu'elle rencontie sur son cliemin, et en lui fournissant les moyens d'arri- ver à son but. Tout dépend donc deconnoîlieet de seconder l'instinct aduiirable de nos abeilles; c'tst le viai moyen de les conduire avantageusement ;.et c'est SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAP. XL. ^20 pour n'avoir jias encore approfondi leur natmcl autant qu'on l'auroit dû, qu'on ne voit nulle part leur culture dans une perfection satisfaisante, ni pai' conséquent leur profit tel qu'il devroit être. D'autres, avec fardent désir de concourir à la pro^péritéde ces insectes,emploienttoutesles res- sources de Icui- intcliij^cnce; mais malheureuse- ment l'activité, quelque grande qu'on la suppose, ni même la sagacité, donnent la science qui est le fruit de l'expérience et des siècles. D'ailleurs, de pareils cultivateurs sont très-rares. Plusieurs auteurs rapportent avec éloge l'activité et le zèle de M. Prouteau d'Yone- la - Ville , et les peines continues qu'il se donnoit pour tirer de 5 à 600 ruches qu'il élevoit , des profits assez considérables. Mais pour cela, combien de dif- ficultés sans nombre à surmonter, et combien de moyens, pour ainsi direviolcns, il lui a fallu emvjlover î il n'a dû ses demi-succès au'à son zèle infatigable : qu'on cherche dansles écrivains français combien il a eu d'imitateurs dans tout le l'ovaume ! la rareté des cultivateurs de cette trempe fait voir la vérité de ce que nous avan- çons. Au reste, nous ne doutons point que si M. 42.6 Traité complet Proutcau se servoit de notre métliode, tant pour construire son rucher et y ))!arer les ruches de notre façon , que pour ■ les gouverner et les récolter; cjue si , au heu de traus|)oi ter ses ru- ches dans des pâturages frais à huit ou dix lieues de distance, il pouvoit leur en procurer aux environs des lieux oii elles se tinnivent , leur produit ne lût infiniment plus considérahie, ses dépenses, ses peines et la perte de ses ruches infiniment moindies. Cela est si vrai , fjue l'au- teur cité j)ar M. ]3ucaine au chajiitre \ Jci-des- sis, «assure que le produit des ruches qu'on « e!itretientà Yonc la-Viile , devicndroit pies- « que immense, si , en fournissant aux aheilles « des récoltes presque continuelles h faire (c'csl- « à-diie , depuis le mois de mars Jus qu^ à celui « de sejjlembie^ , on les dégraissoit sans incon- « vénient , et si on les rcnouveloit toutes les y fois qu'il seroit nécessaire , sans faite périr « aucuneaheille, et en sauvant tout lecouvain.» Oi-, toutes ces conditions se trouvent à un degré éminent dans notre méthode , ainsi que nous l'avons fiit voir dans plusieurs endroits. Si quel- qu'un en chniloit encore, nous prions les ama- teurs les plus intelligens qui sont à portée , et , en paiticuher la société d'agriculture de Paris, SUR LES ABEILLES. LiV, VIT. ChAP. 7A. 4IJ de vouloir bien l'examiner sur les lienx, avec toute la rigueur possible ; et, s'ils la trouvent telle que nous la vantons, nous les exhortons à prendre les moyens les plus propres à la ré- pandre dans tout le royaume pour l'avantage de l'Etat et des liabitaiis de la campagne. En second lieu, la dillcience du j)roHt qu'on retire des ai^cillcs , provient de la {"orme des ruches dont on fait usage, et de la situ.uion où se trouve nn propriétaire par rajijioit au nom- bre de ruches qu'il veut former. Ceux qui ne se servent que de ruclies de paille et qui veulent augmenter le nom')re de lems es- saims, n'en doivent nfituicllement retirer qu'un profit très-micce , jusqu'à ce qu'ils soient par- venus à compléter ce nom!)re : i". parce qu'ils sont forcés de conserver tous leurs essaims pre- miers , seconds et même les troicicmes en les mariant ensemble, ou autrement, pour remplir leur rucher le plus prom|;temcnt possii)le ; 2,". parce que ces sortes de ruches ne se prêtant que difficilement à être récoltées, les propriétaires ne reliient ordinairement aucun profit, ni des premiers essaims , ni des mères-ruches qui ont essaimé, ni même de celles qui n'ont point es- saimé. Ce n'est qu'en faisant périr quelqi.ies 4ii8 Traité complet ruches que Icui- vieillesse va leur enlever, qu'ils parvieiment à en letiier quelque f"uil)Ie j)r(){it. On voit que le ])ro(.luil des propriétaires qui se trouvent dans cette bituation , ne doit pas être bien considérable, et ils ne peuvent s'attendre à im plus grand profit , que quand ils seront parvenus à comj)léter leurs ruches. Enfin par- venus à cette époque désirée, ils choisissent à la lin de la campagne parmi leurs ruches, les ])Ius jeunes et les plus fortes j)our les conserver, et ils en vendent le surplus aux marchands, ou ils preiiiient \e\yd\ ci de les faire périr eux-mêmes, ])our en retirer toute la cire et le miel. C'est par cette manière que nous pensons cpie les cul- tivateurs les plus intelligens et les plus actifs de l'ancienne méthode peuvent avoir i5 à 20 livres en argent de leurs ruches cpii ont essaimé, sur-tout lorsqu'ilsontsoin d'élever Icuis seconds et troisièmes essaims dans des ruclies propor- tionnées à leur petitesse, pour en tirer leur provision à la fin de l'automne; on sent bien que par ce procédé^ on n'a pas de la culture de nos mouches tout je profit qu'on pourroit en attendre; car on n'en retire qu'une seule ré- colte, et dans le cas que les ruches essaiment. Ce que nous venons de dire des ruches de pui!- SUR LES ARF.iLT.rs.Liv. VIT.Chap.XI. 429 ]e,niipciU Ictcaclre à peu pics à tomes les autres inanièies de o-ouveiner les abeilles. An- cuiie d'elles ne remplit entièrement les vues d'intérêt que tout propriétaire économe doit se proposer, lorsqu'il entreprend cette culture. Nous allons maintenant exposer les moyens que nous jugeons les plus prôpies à tirer de nos industrieux insectes tout le j)ront auquel il nous est permis d'aspirer , et q^ie tout pro- priétaire doit employer avec soin pour les en- gager à un travail plus abondant. Nous rédui- sons ces mo^-ens à cinq articles: 1°. à récolter nos ruches plusieurs fois dans l'année, autant que leur force et la beauté des pâturages le permettent ; il est connu dans réconomie des abeilles, qu'autant qu'on leur coupe de rayons, autant elles sont empressées à en consiruire de nouveaux lorsque la campagne leur fournit des matériaux ; 2°. à engager nos ruches d'essaimer tous les ans. Tous les cultivateurs conviennent que les essaims forment le plus grand profit des ruches; 3°. lorsque les cantons dans lesquels on tient les ruches ne leur fournissent pas des pâturages frais, pendant Tan ière saison , il faut les faire voyager dans les lieux où ils abondent; 4", à s'emparer de toutes leurs provisions, en 400 Traité complet faisant passer les moiiclies clans des rnclies vi- des j)our les remplir une seconde fois, ce qii'oa appelle tra/is^uiscr les ruches j .'5^. à cultiver aux environs du lieu où on élève les abeilles , les principales j)lanles qu'on sait leur être par- ticulièrement utiles , et contribuera leur pros- périté. Nous parlerons de chacun de ces moyens dans les chapitres suivans. Nous traiterons de ce dernier moyen au quatrième volume. &'■■■■, ■ . ■ .;: - CHAPITRE XII. De la mciliodc de recoller les ruches plusieurs fois dans Vannée j règles très-nécessaires et intéressantes pour cet effet. -l-> ou s avons exposé au chapitre VllI la ma- nière facile avec laquelle on récolte nos ruches sans aucun inconvénient ; nous allons mainte- tenant proposer quelques procédés ])ropres à ren- dre nos mouches plus actives, et nous mettre à portée de les récolter jjIus d'une lois dans l'an- née, et de retirer un plus grand j)ro(iL de leur travail. Ces procédés sont le iruit des attentions que nous avons données à ces insectes pendant SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XII. 481 quelques années de notre séjouren France. Nous exposerons, avant tout, ditïërentes particularités qui nous ont paru nécessaires pour bien entendre et bien exécuter ce que nous avons à proposer. En établissant, dans les jardins de M. Le- nionnier , un rucher selon noire méthode , nous y avons suivi dans la formation des ruches à peu près les mêmes dimensions qu'on leur donne à Syra; et nous y avons d'abord emplojé les mêmes procédés pour y placer les essaims, pour les gouverner, pour les récolter, etc. Mais nous n'avons pas tardé à nous apercevoir que ces procédés , aj^pliqués aux climats de ces pajs, n'étoient pas exem})ts de quelque di^avantaire , et qu'ils pouvoient être j^erfectionnés. Ce désa- vantage provient de ce que nos ruclies sont un peu grandes, de sorte que les abeilles ayant un pied d'espace vide à remplir avant d'essaimer , souvent la saison se passe sans qu'elles essaiment, ou elles le font trop tard. Nous avons attribué à cette cause l'infécondité de trois ruches du rucher de Montrcuil , qui, quoique très-fortes et très-peuplées, n'ont point essaimé pendant deux ans consécutifs (i). Mais, en revanche, ■ — ■■ ■ '■ . (i) Cependant ayant eu d'autres ruches qui, quoi- 4.32 Traité c o m p l r t eiics ont rempli leurs rnclies de rayons, nous parlerons au chapitre suivant du moyen que nous croyons pouvoir employer ])our éviter ce désa- vantage. ' De plus, nous avons recf/nnu que dans notre • Hiéthode plusieurs parties de l'économie de nos insectes, poiivoient être perfectionnées, ce que nous avons exécuté, autantqu'il nous a été pos- sible, dans plusieurs endroits de cet ouvrag-e;- et nous nous promettons d'en user tdii-jaurs d'é _ même par la suite. Pour le moment nous allons exposer ce que nous pensons dévoir êti"X3 prati- qué par les cultivateurs dans la conduite de ces insectes et dans la récolte de leurs ruches pour en tirer le plus grand profif en cire et en miel. A Syra , les rucÎTes en général n'ayant qu'une^ sêuiè ouverture par le devant, lorsqu'on y met un essaim, on s'eMorce toujours de le pousser que plus grandes que 1-es trois dont il s'agit , ont constamment essaimé tous les ans ; on peut donc at- tribuer leur inréconditc à leur mauvaise espèce. C'est pour cette raison que nous conseillons à tous ics pro- priétaires de mettre leur attention à peupler leurs ru- cliers de ruches de la meilleure espèce et des plus fé- condes , de la manière que nous, expliquerons dans le chapitre XIII cî-aprcs. vers SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. XII. 433 vers le fond de la ruche; ce qui fait que c'est dans cette partie que les essaims commencent presque toujours leur travail qui , à mesure qu'il augmente, avance vers le devant. Cependant, par plusieurs expériences et par des faits que nous avons rapprochés , nous sommes convaincus que nos insectes travaillent avec hcaucoup plus d'activité, et bâtissent un plus grand nombre de rayons, lorsque les essaims sont établis dans la ]')artie antérieure de la ruche, et qu'ils poussent leur travail vers le fond. Nous avons posé cette année deux essaims dans deux dilierentes ruches ; l'un, à la manière de Syra , par le-deVant de la ruche, lequel s'y est établi au fond; l'autre, par le derrière , et nous l'avons poussé vers le de- vant pour y commencer la bâtisse de ses rayons, ce qu'il a fait. De ces deux essaims, le dernier a presque rempli sa ruche de cire; le premier, quoique un tiers plus fort en population , a rempli à peine la moitié de la sienne. Cette même particularité vient à l'appui de plusieurs autres expériences très-faciles à faire, et que nous avons souvent répétées. Qu'on retire d'une ruche ancienne et pleine de cire, quelque ravon dans sa partie du devant, les abeilles ou n'y bâ- tissent aucun nouveau rayon ou bien le font Tome III. ' E e 434 Traité complet très-lentement, à moins que la campagne ne leur fournisse d'abondantes récoltes ; si au contraire on leur en retire un par le derrière, elles le remplacent avec empressement, quoique les ré- coltes soient un peu avancées. L'autorité de plu- sieurs cultivateurs vient à l'appui de ce que nous avançons; ils attestent que, dans les ru- ches faites à plusieurs hausses et pleines de rayons, si on enlève ceile^du sommet et si on Ja remplace par une autre vide, les abeilles ne tarderont pas à la remplir de nouvelle cire; au lieu que si on leur donne une nouvelle hausse par-dessous, ou elle n'y bâtiront pas du tout, ou elles ne le feront qu'avec beaucou]) de len- _teur. Or , la partie postérieure de nos ruches posées horizontalement et leur fond repondent au sommet, ou à la partie supérieure deB autres placées perpendiculairement. Si. on nous demande la raison de cette dif- férence d'activité dans le travail de ces insectes, nous croyons pouvoir donner celle-ci comme .ti'ès-probable , d'après les connoissancesque nous avons de leur caractère. Ces animaux étant de nature sauvage, cherchent par instinct naturel .les retraites les plus obscures et les plus cachées pour se nicher, quand cela dépend de leur choix. SUR LES ABEILLES. LlV. Vil. ChAP. XII. 435 et pour mettre leur travail et leurs provisions liors de la portée de leurs ennemis. Lors donc qu'ils se sont établis à l'entrée de la rùclae et qu'ils dirigent leur travail vers le fond, ils se croient ])lus en sûreté, et leurs provisions plus à l'abri. Au contraire, quand ils se placent au fond et qu'ils avancent leur travail vers l'entrée, ilsdoivcntserciafardercommemoins en sûreté, ce qui doit naturellement les décourager ; ce même découragement augmentera , si leur propriétaire est assez curieux et assez indiscret pour les ou- vrir souvent ; ce qui npus arrive malheureuse- ment presque tous les jours, soit pour y faire des observations, soit pour notre curiosité^par- ticuliëre et celle des amateurs qui viennent pour connoître et examiner notre procédé. En conséquence nous conseillons très-sérieu- sement à nos lecteurs qui veulent suivre notre méthode , de ne pas faire passer leurs essaims par la partie antérieure de la ruche, ainsi qu'on le pratique dans le levant, et que nous l'avons proposé au livre Cjuatrième , mais de les faire entrer par la partie postérieure , et de pousser peu à peu et très-doucement les abeilles, avec un balai de plumes ou de quelque plante,, jusqu'à les faire toucher le couvercle du devant^ E e ij 436 Traité comtlet elles s'y établiront alors et y commenceront leur bâtisse. Pendant qu'on fait passer- l'essaim clans la ruche , ce couvercle doit être dans sa ])lace , et l'entrée qui y est pratiquée , fermée par la porte de tôle dont nous avons parlé à la fin du deuxième volume à l'explication des planches, de crainte que le trop de lumière n'em[)t'che les abeilles de se fixer dans cette partie; peut- être même cette ouverture et le trop de lumière pourroient-ils faire naître aux abeilles l'envie de s'en aller. Aussitôt que l'essaim est passé dans Ja ruche, et qu'une bonne partiedes abeilles s'est amoncelée vers le devant, on tourne la porte du côté des grands trous pour que les a!)eilles puissent en sortir et reconnoître leur notivelle habitation. Au même instant on posera le cou- vercle de derrière, mais de manière qu'il y ait quelque issue par où celles qui sont dehors puissent entrer. Comme elles ne connoissent point encore leur véritable entrée fin devant , si on ne leur laissoit pas cette issue par le der- rière de la ruche, elles roderoient tonte la journée, et ne trouvant pas leurs campa-^nes , ou elles retourneroient à la mère-ruche, ou périroient de froid. Vers le soir, lorsque toutes SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XII. 48/ les mouches se seront tranquillisées, on fer- mera tous les passages du derrière , et on ne laissera que le seul passage du devant pour leur sortie et leur entrée. Nous avons oublié de dire qu'avant de met- tre l'essaim dans la ruche, il falloit j disposer un morceau de rayon dans la partie du devant, contre et parallèlement au couvercle, pour en- gager les abeilles à donner à leurs rayons la direction que nous désirons. Voyez le chapitre II du deuxième livre , et l'explication de la planche II , figure IV et V à la fin du deuxième volume , oîi nous avons expliqué la manière dont on doit s'y prendre , soit avec une espèce de fourche, soit avec une autre machine que nous avons inventée à cet effet. Nous préférons cependant la fourche dans le cas présent ; car le piédestal de l'autre machine empêcheroit le raj'on de s'approcher aussi près du couvercle qu'il est nécessaire, c'est-à-dire à la distance de cinq à six lignes. Si le temps a été favorable au travail de ces essaims, après deux jours on l'ouvrira par le devant, afin de pouvoir retirer celte fourche. Pendant ce temps les abeilles au- ront attaché le rayon au sommet de la ruche ; ainsi on pourra alors abandonner le rayon à E e iij 438 Traité complet lui-mcnie, sans crainte de le voir tombe)'; il faut néanmoins avoir l'attention de retirer la- dite fourche bien doucement, de la manière que nolis l'avons recommandé dans les endroits cités. Au surj)lns, avant de la retirer, on pourra en- fumer les abci'lcs pour les forcer à se détacher dç ce rajon, et pour s'assurer s'il est ou non attaché à la ruche ; s'il arrivoit qu'il tombât en levant la fourche , on ne doit pas s'en efFiaycr ; les débris de ce rayon qui resteroient attachés, et d'autres petites languettes de cire que les fjieilles auront déjà commencé à bâtir paral- lèles à ce rayon , conduiroient nos insectes à construire, Je reste de leur bâtisse selon nos vœux. Cela fait, on bouchera avec du pourjet toutes les ouvertures inutiles autour des deux cou- vercles , pour que les abeilles n'aient qu'une seule sortie; l'expérience nous a appris que cela est très-intéressant pour plusieurs raisons inu- tiles à détailler ici. On pourroit cependant lais- ser quelque petite ouverture par le derrière , sans que les abeilles pussent y passer et uni- quement pour laisser passer l'air, ce qui leur est très-avantageux, dans les grandes cJialeurs seulement. Enfin nous conseillons aftx amalcurs SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XIL 489 d'ouvrir les ruches le moins possible, pendant leur travail ; cette discrétion et cette continence leur vaudront une plus grande récolte en cire et en miel; car, comme nous l'avons remarqué, nos insectes sont d'autant plus excités à amas- ser des provisions , qu'ils se croient plus à l'abri de leurs ennemis parmi lesquels l'homme est le principal. Tous ces détails pourroient paroî- tre déplacés dans cet endroit; mais comme nous proposons une nouvelle manière de faire passer les essaims dans les ruches, pour pouvoir en tirer un plus grand profit par les récoltes ré- pétées plusieurs fois dans l'année , nous avons cru qu'on nouspardonneroit de les rapporter ici. Nous allons exposer maintenant la manière de pratiquer la méthode de récolter les ruches détaillée au chapitre VIII ci-dessus, pour en re- tirer le plus grand avantage. D'abord nous croyons devoir prévenir nos lecteurs qu'ils ne peuvent espérer de retirer de l'économie des abeilles un grand profit que quand ils auront complété le nombre de ruches qu'ils voudront élever. Car toutij^ropriétaire, qui n'aura que vingt ou trente ruches, et c|ui est résolu d'en porter le nombre à cent, doit , ainsi que nous l'avons remarqué plus haut, soigneu- Ee iv 440 Traité c o m i» l e t sèment conseiver toutes ses anciennes ruclics et Jeurs essaims. Et pendant ce temps il ne pourra avoir des produits que ce qu'il retirera des ruches qui n'auront pas essaimé dans l'année, et quelque peu de ces premiers essaims , sur- tout de ceux qui ont été hâtifs. Nous avons dit àc celles qui n'ont poifit essaime j car des autres on n'en retire ordinaiiement que quelque rayon de cire, hàti au-delà de leurnécessaire, à moins que les ruches qui n'auroient donné qu'un seul essaim , ne se soient trouvées assez Ibrtes pour en bâtir un plus ^rand nombre , ou que leurs propriétaires , employant avec intellii:;ence tous les moyens que nous })roposerons au chapitre suivant, pour les aider à se repeupler avec vi- tesse, après qu'elles auront essaimé, ne les aient mises en état de (aire de jurandes récoltes. Dans ' ce cas , on peut retirer de ces mêmes ruches un honnête profit en cire et en miel. Mais lorsque les projirictaires auront rempli Je Nombre de leurs ruclics, ce profit sera infi- niment plus abondant. Exposons donc la ma- nière avec laquelle les propriétaires des luches doivent te conduire dans l'une et l'autre de ces deux suppositions. Les proprictaii-cs de mclieSjqui se trouvent SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChaP. XII. 441 dans le premier cas, doivent récolter celles qui n'ont point essaimé, autant de fois qu'ils les verront à peu près pleines de cire; la première fois vers le commencement ou vers la mi-Juillet, la seconde vers le vingt ou le trente du mois d'août, et si les lieuv circonvoisins fournissent quantité de pâturages en sainfoins, en luzernes et en sarrasins, ils peuvent encore les récolter une troisième fois vers la fin du mois de septem- bre. Toutes ces tailles se feront du côté de der- rière , comme nous l'avons dit. Les essaims , s'ils ont été bien hâtifs , on les récoltera de la même manière j sinon une ou deux fois seulement, se- lon la qualité et la durée des pâturages, en ob- servant dans la dernière taille de leur laisser ini ravon de plus qu'aux anciennes ruches; cet égard est dû à leur jeunesse. De six ruches, qui composoient le rucher de M. Lemonnier, nous avons retiré cette année, en suivant cette mé- thode, soixante livres de miel, et quatre et demie de cire. De ces six ruches deux avoient essaimé et les autres point , mais la sixième ne contenoit qu'un petit essaim de l'année der- nière, qui s'est fort bien conservé et fortifié à pouvoir essaimer l'année prochaine; ainsi il ne doit pas être compté dans le produit de cette 3^4^ Traité complet année. En mettant le miel à douze sous la livre, et la cire à quarante, pour ces pays, on a un profit de huit livres par ruche; ce qui nous donne un produit supérieur à celui dont parlent plusieurs auteurs; et cela, sans faire périr au- cune des anciennes ruches. Observez que ce profit n'est- que des ruches élevées aux environs de Versailles, lesquelles manquent presqu'en- tièrement de sainfoins , de luzernes et autres cultures semblables ; nous sommes persuadés que si on y cultivoit toutes ces plantes en abon- dance , le nombre de ruches qu'on y élève pourroit tripler et quadrupler , ainsi que le profit. C'est à notre méthode de construire, de dis- poser et de récolter les ruches qu'est dû le produit en cire et en miel dont nous venons de parler. On sait que dans la méthode ordi- naire , on ne peut rien retirer ni des ruches qui ont essaimé, ni de leurs essaims; et il n'y en a presqu'aucune qui se prête à récolter, même celles qui n'ont point essaimé, sans quelque in- convénient. Quel que soit ce produit, il est certain qu'on peut le doubler et le tripler, lorsqu'on aura rempli le nombre de ruches qu'on veut élever. Cela dépend du plus ou moins grand nombre SUR LES ABEILLES. LiV. YII, ChAP. XII. 448 de ruches cjui essaimeront; de manière que si on parvenoit, d'après les règles que noiis don- nerons à ce sujet au chapitre suivant, à faire essaimer la totalité des ruches, nous pouvons hardiment assurer les propriétaires que de cha- cune de leurs ruches ils pourroient retirer près de trente à quarante livres en argent, sur- tout lorsqu'elles donnerôient leurs essaims de bonne heure, et que l'année seroit passablement bonne. Pour qu'on ne prenne pas cela pour une exa- gération, nous allons en rapporter une preuve évidente. Dans cette année 179 1 (qu'on peut re- garder comme bonne, quoique cependant les muis de mai et de juin aient eu de grands froids qui ont beaucoup dérangé nos insectes et re- tardé leur travail ) , une de nos ruches entre autres, a donné trois essaims, l'un le 10, l'au- tre le 23, et le troisième le ^5 juin ; le premier a rempli presque une ruche de deux pieds de long sur un de diamètre ; le second , une de paille de quatorze pouces de hiiuteur s^ir un j)ied de diamètre; et le troisième, une petite de planche, qui avoit douze pouces environ de longueur et dix pouces carrés. Ces trois ruches avoient ramassé au moins 55 livres de miel et 444 Traité complet trois à quatre livres de cire ; la seconde seule pc- soit vingt-cincj livres: elle avoit donc au moins quinze livres de miel ; le premier en avoit ra- massé j)his de trente, le troisième cinq à six. Or, si nons n'avions pas besoin du premier essaim pour compléter notre ruclier, et des deux au- tres pour en faire quelque expérience au prin- temps prochain, et si nous avions voulu nous en défaire, il est certain que nous aurions pu retirer trente à quarante livres en arg;cnt de la vente de leurs provisions , ce qui appartiendroit à la mère-ruche qui a produit ces trois essaims, sans même compter ce que nous avons retiré de cette mère, d'avoir trois rajons d'un pied de diamètre avec un peu de miel qu'elle avoit bâtis avant d'essaimer. Observons une autre fois que ce produit n'est que celui des ruches qu'on élève aux environs de Versailles, qui ne passeront pas à beaucoup près pour les plus heureux du Royaume pour l'éducation de nos invsectes; eh ! que ne pour- roit-on se promettre dans les pays plus fertiles en pâturages , et dans ce canton là-mémc, si on y cullivoit en abondance les plantes telles C]uc les luzernes et les sainfoins qui leur sont aussi utiles pour les mois de juillet , aoilt et SUR LES ABEILLES. LiV. VIT. ChAP. XII. 446 sentembre , et si on vouloit pîatjquer la mé- thode de transvaser les ruches que l'on vent réformer, une ou deux fois avant la fin de la campa^one, ainsi que nous l'exposerons au cha- ]")ilre suivant ? Voici donc les rci^les que nous proposons aux amateurs, comme les plus propres à tirer de la culture des mouches tout l'avantai^e qu'ils ])cuvent désirer. Après que le nombre de leurs luches sera complété, et qu'ils les auront récol- tées deux ou trois fois, selon les circonstances, ils peuvent , ou faire périr le surplus , vers la fin de septembre , en s'appropriant toutes les provi- sions, ou faire transvaser les abeilles dans celles qu'ils conservent , ainsi que nous l'exposerons à la suite. Ce n'est qu'après des réflexions très-solidc»s que nous proposons cette méthode. Nous avons observé que dans ces pays la multiplication des ruches est très-rapide , quand on sait bien les gouverner; car elles y donnent plus fjéquem- ment des essaims que dans les îles de l'Archipel ; nous en avons dit ai Heurs la raison. Nous avons vu ici des ruches très-foibles qui, àSvra, auroi^nt à peine pu se conserver, se fortifier extrème- Tuent et donner des essaims vers la tin de juin. 44<^ Traité complet Cette fécondité des ruches , jointe à une méthode sage de les gouverner pendant Phiver pour les préserver de la mortalité , il est certain cjueces insectes se mukiplieroient de sorte à ne savoir qu'en faire, et la campagne ne pourroit leur suffire , si on n'en faisoit pas périr tous les ans un gran€l nombre. Dans le continent du levant, où cette multiplication existe avec la même vi- oueur, on est dans l'usage également de faire périr tous les ans les ruches qui excèdent le nombre de celUs qu'on possède. Cela n'empêche pas cej)cndant qiie nous ne conseillions aux propriétaires, lorsqu'il se pré- sente des personnes qui veulent acheter ces ru- ches surnuméraires pour les élever, de leur don- ner la préférence s'ils leurofTènt un prix raison- nable. Nous sommes d'autant plus empressés d'inculper ce conseil , que nous savons qu'il y a de ces propriétaires qui aiment mieux faire périr leurs essaims pour en tirer les provi- sions, que de les vendre à ceux qui ont envie de les conserver; de crainte que leur multipli- cation ne blesse leur propre intérêt, en dimu- nuant la récoke de leurs ruches , ou en fai- sant baisser le prix du miel et de la cire. On pourroit comparer ce« cuititivaleurs à ce ri- SUR LES ABEILLES LiV. VIL ChAP. XU. 447 cliard dont parle Quintilien , qui répandoit du poison sur les (leurs de son jardin, de crainte que les abeilles de son voisin n'en profitassent. On voit que le virus de 1 egoïsme a toujours infecté la pauvre humanité , et malheureusement il est porté aujourd'hui à son comble , i^râce à cette subh'me pliiloso})liie qui le caractérise. Nous ne pouvons nous re- fuser d'accorder à nos philosophes modernes ( puisqu'on veut les appeler ainsi ), d'avoir in- troduit quelque foible bien par l'assoupissement aj)parent et momentané de quelque passion; mais s'ils sont vrais, ce dont nous doutons, ils doivent avouer qu'en revanche ils ont intro- duit avec plus de force cette idole de l'égoïsme qui est la source d'une infinité de vices, et ils ont créé et nourri d'autres passions presqu'inu- tiles dans tous les siècles passés, et infiniment plus dangereuses. Si quelqu'un oppose à cette méthode de faire périr les abeilles des ruches que nous voulons réformer , les égards et la pitié qu'elles méritent de la part de l'homme à qui elles sont aussi utiles, nous le renvoyons à ce que nous en avons dit au dernier chapitre du premier livre. Au surplus nous allons proposer dans le cha- 44B Traité complet pitre suivant la iiiétliode de l'aire transvaser le.s abeilles des rucIies (jue nous voulons détruire dans celles que nous destinons à conserver, sauf à l'abandonner, si on s'aperçoit par l'expérience que les suites d'une telle opération sont dani^e- reuses pour la prospérité des rucbesà conservei-, et à nous en tenir à la simple destruction des abeilles que nous avons proposée, après les avoir récoltées deux ou trois lois. On pourroit nous demander ici, quel est au juste le prix qu'on peut vendre un premier es- saim? Pour fixer le prix, il faut observer deux choses : 1°. la bonté du canton où on élève les abeilles et celle de la saison. Certes, un essaim vaut plus dans un canton où les pâturages sont très-abondans , et où ils se conservent long- temps, que dans un autre où ils sont moins abondans, et d'une couite duiée ; de plus, dans une année où tout promet ijien , où les pluies sont réglées, et oii les abeilles travaillent avec vigeur', un esBaim doit valoir plus que dans des années où tout nous menace de la pe)te de nos ruches; 2°. il faut considérer qu'un essaim bien printanier vaut plus qu'un essaim -tardif. D'après ces observations, nous ne craignons pas de dire que dans les années passablement bonnes un SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ClIAP. XII. 449 un essaim hâtif, c'est-à-dire venu avant le dix tlu mois de juin , peut valoir 12 livres aux en- virons de Versailles; les plus tardifs, dé six à huit francs. Les seconds ensuite , en suivant lés mêmes règles, nous les remettons à moitié près des premiers, et moins ^encore. ()uelque ven- deur desbaJms pourra opposer à cela que s'il conservoit sop essaim , et s'il le gouvernoit bien , sur-tout daprès notre méthode, il pourroit en retirer 20a si livres au moins, et qu'il n'est pas juste de le taxer à 12 livres. Sans doute; mais nous savons aussi les risques et les dangers qu'un essaim etson produit peuvent courir avant la fin de fa campagne. Il ne uiut pas perdre de vue qu'un essaim peut s'enfuir et abandonner sa ruche; qu'il peut tout d'un coup se trouver sans reine ; de plus on a souvent vu qne des grêles affreuses ont détruit les plus belles espérances qu'on avoit conçues au commencement du prin- temps sur la bonne réussite de ces insectes, de sorte que les ruches se sont trouvées dans la j)lus grande détresse. Ainsi les prix que nous avons énoncés doivent être jugés fort justes. Tome III, F f 4'')o Traité complet fm iiwii iirro— — K^roM»»ji«JiJMBW CHAPITRE XIII. Si/f les viojcns de met ire nos ruches cjUndri- fjiics en état d^cssaiincr tous les ans. Lorsque nous avons formé clans les jardins (le M. Lemonnier le rucher dont nous avons tant parle, et disposé les ruches, nous avons suivi, ainsi que nous l'avons remarqué au cha- pitre précédent , à peu près tout ce qu'on pratique à cet égard dans l'île de Syra , sur- tout relativement aux dimensions de ces mêmes ruches ; mais nous n'avons pas lardé, à nous apercevoir qlie la conduite de ces insectes, par rapport jiTix essaims , étoit dans nos îles, diffé- rente de celle de ces pays. Quelquefois nos ru- ches, avant de bâtir un pouce de nouveaux rayons, s'appliquent uniquement à se bien re« })eup!er; c'est dans cet état qu'elles essaiment, et ce n'est qu'après avoir fini d'essaimer et de se repeupler la seconde fois, qu'elles commen- cent à travailler à de nouvelle cire. D'autres fois, tandis qu'elles sont occupées à l'éducation du nouveau peuple , elles s'appliquent aussi lentement, il est vrai,àconstruire trois ou quatre SUR lesareilles.Ltv. VII. Chap. XIII. 461 nouveaux^ gâteaux ; après quoi elles cessent tout travail trois ou quatre jours avant d'essai- mer. Il est rare dy voir une ruclie se remplir avant d'essaimer. Nous avons observé au contraire que dans ces pays les abeilles n'essaiment point avant de remplir leur ruche ; de sorte que dans nos ruches de deux pieds de long sur un de dia- mètre, la saison favorable aux essaims passe avant que nos insectes élèvent leurs premières couvées , et avant de remplir de riiyons un pied de vide qui s'y trouve^ ain^ ou ils n'essaiment point ou ils essaiment trop tard, et au moment que le propriétaire s'y attend ]e moins. La première année, nos ruches, quoique très- fortes , n'ont point essaimé. Nous n'avons pu en imaginer une autre raison que celle que nous venons de rapporter ; et nous avons pensé à quelque moyen pour rétrécir le volume du vide de nos ruches , et pour engager par là nos abeilles à essaimer le printemps suivant. Pour cet eHèt , nous avons formé un houchoa de planche , que nous avons enfoncé par le de- vant de la ruche, le plus près possible des rayons. Nos ruches de terre cuite n'étant jamais par- Flij 452 Traité complet faitement cjHndriques, on sent qu'il y avoit à l'entoùr par-ci , par-là, entre le bouchon et la ru- che des ouvertures par où les abeilles pouvoient passer, sans compter le passage qui leur est préparé au bas de ce même bouchon. Nous avons appliqué ces i)ouchons à quatre de nos ruches. Nous espérions que par ce moyen elles seroient forcées de nous donner de bons es- saims jninfaniers ; mais point du tout; les abeilles de trois de ces ruches ont affranchi les bouchons , et se Frajant une communication par les ouvertures entre les bouchons et les parois , elles ont commencé à travailler dans l'espace extérieur, jusqu'à ce qu'ilait été rempli. La conduite de ces trois ruches nons a mis hors d'état de pouvoir juger de la bonté de notre • moyen : voyant que la quatrième , qui n'avoit pas encore affranchi le bouchon pour travailler en dehors, avoit déjà un grand nombre d'abeilles amoncelées, ce qui marquoit leur disposition à y construire de nouveaux rayons: nous avons pris pour les en empêcher la résolution de re- tirer le couvercle de devant , et de laisser ces abeilles exposées à l'intempérie de l'air: elles ont pris le parti de se retirer toutes , pendant la nuit , derrière le bouchon ; et nous n'en ayons plus SUR LES ABEILLES. Liv. VIT. Chat».XIII. 403 tsbservé d'amoncelées en dehors que lorsque la population étoit tellement accrue, qu'elles ne pouvoint être contenues au dedans du bouclion. Enfin le i8 de juin celte ruche a donné son premier essaim (|ui pesoiihuit livres ,un second le aS et un troisième le 2,5. Nous sommes persua- dé s qu'elles auraient essaimé beaucoup plus tôt «ans les «Tands froids qui se sont fait sentir , cette année , pendant le mois de mai et le com- mencement de juin, ce qui a extrêmement dé- rangé nos insectes. Les mêmes froids ont également dérangé nos trois autres ruches , sans quoi nous étions per- suadés qu'elles auroient essaimé toutes, uialgré le grand travail qu'elles ont dû faire , et dont on peut juger par notre ruche de planche en forme d'armoire , composée de deux étages d'un pied quarré ; les abeilles en ont rempli de rayons toute la partie inférieure , et elle a donné le même jour que l'autre un seul essaim extrême- ment fort que nous avons jugé peser plus de dix livres. L'an passé , cette même ruche nous avoit donné, le quatre de juin, trois essaims , sans entamer aucun travail dans sa partie in- férieure ; et nous étions persuadés que cette année elle auroit donné son premier essaim F f iij '4''Î4 Traité complet dans le mois de mai ; mais les froids ayant re- tenu l'essaim , il s'est lassé d'attendre , et il s'est établi dans la partie inférieure qu'ij a remplie. Nous en étions tellement convaincus, que nous avions déjà dit d'avance à quelques personnes cjuc cette ruche n'essaimeroit que quand le se- cond seroit prêt, et nous avions ajouté qu'il seroit monstrueux , devant étr« conij^osé dd premier et du second; il l'ut tel en cifct , et je puis dire que jamais dans ma vie je n'en ai vu un plus fort. Elle n'en a j^as donné d'autre, à moins Cju'il ne soit parti sans qu'on s'en soit aperçu. Notre expérience n'ayant pas eu toute la réussite que nous en attendions avec une es- pèce de certitude, par la raison que nous avons exjiosée, nousavonsprislarésolutiond'employer encore le moyen du bouchon pour le prin- temps prochain, maisd'une manière différente. Nous avons cru, pour plus de succès, devoir nous y prendre dès l'automne : pour cet effet nous avons d'abord récolté nos ruches par la partie du^ derrière, et nous y avons posé le boij^choq à quelques lignes de distance des rayons; et pour empêcher les abeilles de franchir cette borne , nous avons bouché avec du pourjet tou- SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. XIII. 455 t-es les ouvertures, et même celle d'en bas^ mais avec un morceau de chiffon , à cause de la nécessité où l'on se trouve de le retirer pendant l'hiver pour nettoyer la ruche- et en enlever les ordures , ainsi que nous l'exposerons avec plus de détail dans le quatrième volume, au chapitre où nous parlerons des soins qu'on doit donner à nos insectes pendant les divers mois de Tannée. Outre ce moj'en, en voici quelques autres que nous pratiquons avec succès dans le Levant pour disposer nos ruches à essaimer. Aussitôt que les belles journées du printemps paroi^-^sent , il faut leur donner une demi-livre de miel ou moins encore (même sans cju'elles en aient besoin} en y ajoutant autant de bon vin, ou d'autre li- queur spiritueuse en moindre quantité. 11 faut croire que ce mélange les échauffe et les anime, sur-tout la reine-mère ; celle-ci en devient plus féconde, et la population de la ruche s'en res- sent. Voici un€! preuve évidente de l'avantage de ce moyen. A la ruche en forme d'armoire , dont nous venons de parler, et qui , l'an passé , avoit jeté trois bons essaims, nous donnâmes après son premier essaim un peu de miel mêlé avec de la liqueur , autant après la sortie dii F f iv 4-56 Traite complet second, ainsi qu'apri>s celle du troisième sôrtû Cette nourjituie anima tellrmcnt nos inouclies , cju'à la fin du mois de .jiniiet; cette ruche étoit aussi vii^oureuse et aussi peuplée cju'au pria-, temps, avant de. donner son premier essaim. Le printemps suivant cette même ruche s'est trou-, véc aussi vigoureuse cpie toutes celles même (|ui n'avoient pas essaimé l'année d'aup^^'^vant, et elle a été une des premières à donner ua essaim; une autre ruclie /jui avoit éi^alement donné trois cssaiins, et à lacjuelle nous n'avons pas donné de ce mélange de miel avec de la jiqueur, s'est traînée foiblement pendant tout l'été, ainsi cpie font ordinairement toutes celles qui donnent plusieurs essaims dans l'année. Par ce petit secours accordé aux ruches qui ont es- saimé , on voit qu'on se procure deux grands avantages; le premier, d'animer nos insectes à se repeupler avec vitesse, et ])ar-là à bien se pourvoir de provisions pour l'hiver ; le second, de les mettre en état de donner des bons es- saims au printemps suivant. Un autre moyen qui pourroit infiniment con- tribuer à ce que les ruches essaimassent toutes au printemps , c'est la transvasion. Nous avons lieu de croire que les ruches dans lesquelles on SUR LES ABKILLES. LlV. VII. Cha'p. XI ÎI. 4-57 aura transvasé les abeilles d'autres ruches, fie la manière que i>ous l'exposerons au cluipitre X, tlaprès M. Ducarne, donneront infailliiilement des essaims à la belle saison, si elle est tant soit peu favorable. . Enfin, pour avoir des essaims en plus grand'^ nombre, il est nécessaire de composer ses ru- chers d'essaims d'une belle espèce et féconde ; car parmi ces infectes ^. ainsi (pTe parmi tes au-> très animaux, il v a des républiques qui sont plus ou moins fécondes en essaims; un j)roprié- taire attemif ne tardera pas à décpuvrir cette difîérence parmi les ruches qu'il élèvera. Il suf-. fît qu'il marquetons les essaims provcnans de ruches qui ne sont ni assez fécondes, ni assez actives; et lorsque le nombre de ses ruches sera rempli et qu'il voudra faire périr le sur- plus , il choisira les infécondes et les. pares^^ seuses. Nous exhortons tout propriétaire d'a- beilles à faire attention à ce dernier conseil, et nous lui répondons d'un plein succès. Tout ce que nous venons de dire sur les moyens d'avoir des essaims regarde ceux que les mères-ruches donnent naturellement. Quant aux essaims artificiels plusieurs auteurs se sont; appliqués avec quelque succès à en former avant 458 Traité complet que les mères les jettent , ou paroissent avoir même l'envie d'eti doiinei-. Nous avons déjà parlé à la fin du deuxième volume de ces dif- férentes méthodes ; mais en ayant eu des notions plus amples par l'acquisition de i'ouvraoe de M. Scliirach, et d'un traité particulier de M. Ducarne sur cette matière , nous nous réser- vons à en parler diffusément au volume suivant où, après avoir examiné toutes ces méthodes, nous donnerons au public une nouvelle forme de ruche , avec une méthode de mullij)lier les ruches, ou, ce qui vient au même, de former des essaims artificiels avant que la mère les donne. Cette méthode , à ce que nous espé- rons, porte avec elle une très-grande facilité dans son exécution , et une espérance de réussir supérieure à tout ce qui a été pro])osé j)ar ces auteurs. / SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAP. XIV. 459" R-iB JtHt^gLaaJLBeJ»^»àgagjffy-Ttt''ajji^îiCTi''jj-vjiiagii -> « EfTectivemcnt M. l'abbé Tessier et d'au- tres auteurs nous assurent que des propriétaires d'abeilles de la Beauce, transportent tous les ans au mois d'août leurs ruches sur des char- rettes, dans des cantons du Gâtinois, ou aux en- virons de la foret d'Orléans, jusqu'à la distance de dix lieues de leurs habitations. Elles j» trou- vent de la bruyère ou du sarrasin en fleurs, dans le temps où la Beauce, après la récolte des sainfoins et des vesccs , n'oflre plus rien à CCS insectes pour leur provision d'hiver. Cette manière de faire voyager les abeilles s'appelle , dans le pays, les mener en herbage. Une seule charrette contient trente à quarante ruches. On ne marche presque que la nuit , seu- lement au pas, et autant qu'on peut, par des chemins doux. Les ruches sont envelop])ées de toiles, et disposées par étages j celles du lit su- SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ClIAP. XIV. 460 péricur étant renversées entre celles cin lit in- férieur, on en attache même hors de la char- rette. On les laisse environ deux mois dans le lieu où elles doivent séjourner. Des paj^sans se chargent d'y veiller moyennant un modique sa- laire. On voit dans cette saison jusqu'à trois mille ruches étrangères dans un petit village. * « Lors(|u'on veut transporter des ruches qu'on a châtrées, on les pose le soir chacune sur une toile claire, dont on les enveloppe, en les serrant avec des liens de paille, ou d'osier, ou de corde. Deux hommes peuvent en porter plu- sieurs , en laissant passer un long bâton dans* les nœuds de la toile qui les enveloppe. On lescharij:e aussi sur des chevaux ou sur des ânes. On conseille encore de les mettre renversées dans des hottes. Si on les laisse dans le sens ordinaire, c'est-à-dire, posées sur l'ouverture, il Faut les soulever et les soutenir à la hauteur de quelques pouces , sur-tout si le voyage est de plusieurs jours; car il est nécessaire que les abeilles respirent un air i-enouvelé. Des essaims nouvellement recueillis peuvent rester ainsi renferrtiés deux ou trois jours. On peut dans des temps froids mener aussi loin qu'on veut, des ruches pleines de cire, de miel et d'abeilles. i}64 . Traité complet en ajaiit seulement l'attention d'empêcher que les gâteaux ne se brisent les uns contre les autics: pour cet efï'et, on les assujettit avec de petits bâtons. » « A CCS détails de M. l'abbé Tessier nous en ajoutons d'autres non moins intéressans tirés de M. Bomare dans son dictionnaire. On a vu, dit il, et on voit encore dans le Gâtinois, un économe intelligent faire transporter ses ruclics en cîiarrette , a[)rcs la récolte du sainfoin , dans les plaines de la Bcauce, où abonde le mélilot, puis en Sologne, où la canij^agne est couverte de sarrasin qui est en Heur jusque vers la fin de septembre. La plupart des habitans de ces pays sont maintenant dans l'usage d'imiter notre économe, et de taire en j)etit ce qu'il fait en grand. » Nos lecteurs se seront ap• 4^6 Traité complet « Voilà, concinci notre auteur, à Taide de Thi* duslrje Iiumqine lîes récoltes surprenantes ; mais il faut^ivoucr que toutes Tes années ne sont pas aussi ("avoral)!es, et que quelquefois on ne peut les changer au plus qu'une fois. D'ailleurs il y a des mouches plus laborieuses les unes que les autres : on a vu des paniers de mouches trcs- vigilanteij, qui, au bout de vingt-qnatre heures, se sont trouvées augmentées de six livres tant en miel qu'en cire « ( e/ rions ajoulons : et en pou s- sicres (les étamines ). « On retiie d'un bon panier dans le Gâtinois soixante à soixante et dix livres de miel , et près de deux livres et demie de cire. Le grand art dans ce pays, et celui tjue ne doit jamais perdre de vue un bon économe, est d'avoir des pa^niers extrêmement peuplés de mouches. Dans les pays qui ne sont pas si riches en fleurs , et où l'on ne prend pas de semblables soins, le profit que l'on retire des mouches est bien moins con- sidérable, et dans les endroits du Royaume où la situatioii n'est pas des plus favorables pour les al)ciiles, on en peut cependant encore tirer un assez bon profit. Dans ce pays, par exemple, un bon essaim de deux ans pejit donner deux livres et demie de cire, et depuis vingt jusqu'à SUR LES ABEILLES. LîV. VIT. ChAP. XIV. 467 trente livres (le miel et plus. Si l'on joint à ce produit celui de l'essaim, on conclura qu'un grand nombre de ruches qui ne coûtent pres- que rien , dans le cours de Pannée , peuvent être à la campagne d'un grand profit. » Tous ces détails sont trcs-intéressans et pro- pres à exciter les gens de la camj)agne et les propriétaires en biens de terre , à s'adonner sé- rieusement à la culture des abeilles, et les gou- vernemens à l'encourager; mais ils ne sont pas entièrement satisfaisans. Ce n'est pas que nous doutions de l'avantage de ce transport des ru- ches dans des pâturages frais, lorsqu'on peut le fiiire sans de grands inconvcniens; mais ils man- quent d'exactitude , et ils paroissent impliquer des contradictions. Premièrement, cequeM. de Bomare nous dit , d'après le mémoire de M. Duhamel , sur l'ample 1 écolte qu'on retire, vers le premier juillet, des ruches qui ont donné plu- sieurs essaims, et qu'on transvase dans d'autres ruches vides , nous semble très-douteuv. On. sait (|ue des ruches qui ont donné deux et tt'ois essaims pendant plus d'un mois, presqu 'après la sortie du dernier essaitn , ne s'occupent guè- res qu'à se repeupler pour se mettre en état de force , et ce n'est qu'après qu'elles se sont suf- 468 > Traité complet fisâmment rétablies , qu'elles s'appliquent sé- rieusement à rassembler des provisions pour l'hiver. Dans les pays d'un climat semblable à peu près à celui de Versailles, les abeilles ne commencent ordinairement à essaimer que dans le mois de juin, et avant de donner leurs troi- sièmes ce mois e^t bien avancé. Or , comment pouvons-nous espérer de retirer de ces ruches une ample lécoltcau mois de juillet ? De plus, en transvasant une de ces ruches, à peine par- vitndia t-on à former un essaim passablement bon. Eh ! comment pourrons-nousnous flatter qu'un tel essaim soit en état de remplir sa nouvelle ruche, d'en être transvasé une seconde fois, et de parvenir à remplir presque de nouveau sa ruelle ? Mais on nous dira que l'auteur lecommande de ménager avec beaucoup de soins le couvain cjui, dans ces ruches qui ont essaimé, doit être tiès-abondant. Nous répondons qu'il ne suHit pas. de recommander ces soins, il faut proposer au commun des cultivateurs des! moyens faciles et pjjo])res pour un tel mcnagcment. Nous avouons ingéiiuement que nous n'en connoissons aucun pour les ruches de ])ai!ic en forme 4^^ SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XIV. ^6ç cloche, sur-tout lorsqu'on doit les l'aire voya- ger. Nous dirons, ci-après, ce que nous pour- rons j)raliquer, à cet éi^ard, hiVcc nos ruches. Notre auteur nous dit que le grand art du pays dont il parle eut d'avoir des ruches ex- trêmement peuplées; mais encoi'e Urie fois il lalloit qu'il nous expliquât quels sont les moyens que les cultivateurs emploient pour cela. Assu- rément la méthode de transvaser les ruches , telle qu'il nous propose, n'est pas faite pour aui^- menter.,: mais pour diminuer leur population- Noùs avons déjà dit ci -dessus au chapitre, com- ment on pourroit aiigmenler la population des ruches par le môjen de la transvasion ; nous dirons anssi plus bas quelque autre particularité , qui peut intéresser les amateurs, sur le même sujet. En second 1 ieu, M. de"Bomare nous dit dans un article que de soixante à soixante et dix livres de miel , on retire près de deux livres et denjio de cire; plus bas ensuite, il nous assure que de vingt à trente livres de miel, on retire Ôquk. livres et demie de cire; ce qui sernble une con- tradiction manifeste. Cette même contradiction semble commune presqu'à tous les auteurs qui ont traité de la proportion du produit de la cire Ggiij 47^ T R A î T É c o M p L E r à celui du miel. M. Tessier nous dit, d'api es M. Duhamel, que le curé de Tillay-le-Peilleux en Bèauce , de quatre cent quatre-vint;t livres de miel , n'a retii é que cinq à six livres de cire; tin cultivateur vient de m'assurér qà'il lui arrive d'avoir une livre de ciie sur dix livres de miel. Tout cela peut dépendre de l'état dans lequel se trouvent les rajons qu'on retire, vieux ou nou-. veaux, pleins ou vides. Certes, s'ils sont nouveaux, ils produisent plus de cire ; de sorte (ju'un rayon d'un pied quarré nouveau a plus de cire qu'un vieux. Ensuite , lorsqu^on retire d'une luche, par exemple , dix pieds quarrés de rayons vides, la proj)ortion de la cire au miel doit être plus forte que s'ils étoient pleins : Cela est très-clair. Ainsi, nous disons que pour connoître la vraie proportion de ces deux produits de nos ijisec-< tes , il faut avoir un rayon tout nouveau , que nous suppo^sons d'un pied quarré et plein de miel qu'on retirera et qu'on pèsera; ensuite ou fcia (ondre à pari la ciie qu'on pèsera de même; le résultai âc celle expérience décidera la véri- tahîc proportion de la cire au miel. Si ce même rayon ék)it vieux, nous pensons qu'il donneroit moins de cire. Au contraire,, si on prcnoit les parlies supérieures de trois rayons de quatre SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAP.XIV. 47I pouces delar^e pou;- en former un pied quarré, elles nous donijeroien't beaucoup plus de cire, parce que les. parties supérieures ou les attaches. des rajons qui sont les faces de la maison, sont plus solidement bâties et contiennent plus de ■cire à proportion que le reste du rayon. Cest sur cette vérité, quç nous avons dit ailleurs que nos ruches horizontales, qui peuvent contenir dix-huit rayons et autant d'attaches, doivent nécessairement produire , à tous égards , plus de cire que les ruches posées perpendiculaire- ment, quoique de la même grandeur. Revenons au transport des ruches, et avant d'exposer notre sentiment , nous rapporterons celui de M. Di]carne qui semble désapprouver entièrement une pareille méthode. «En effet, répond M. Ducarne à son voisin qui lui exalte les avantages de ces voyages des ruches , d'après ce qu'il a voit entendu dire à un ami : mais il ne vous a j)as dit que sur quatre années qu'il en- verra ses ruches aux sarrasins, il ne s'en trou- vera qu'une qui lui réussira , et que dans les trois autres ses abeilles n'auront rîen fait. Il ne vous a point dit non \)\w% que dans les vojagcs , sur-tout en allant, on en perd quelquefois le quart, quelquefois même la moitié, sur-tout si G g iy 472 T R A 1 T K COMPLET cesblcs noirs sont éloignes de plus de deux ou trois lieues de lendroit d'où l'on est parti ; que , cfuoifju'eii les coqdilisant , on ait $oin de! ]es envelopper avec des linges (brt cla'irâ , ou autrement , pour leur laisser beaucoup d'aîr , et de les placer dans la voiture là baie- énjiaut, i! ne laisse pas, pour peiiqU'il fasse chaud, d'en périr encore un grand nombre qui y sont étouH'éés; qu'outre cela, quand éllts y sont arrivées, les vieilles ruclies qu'on- y con- duit sans les avoir traveisées, sont presque tou- jours pillées par les autres, même })ar celles des voisins qui en conduisent aussi. Il ne vous à pas dit tout cela, et bien d'autres inconveniens en- core qui se rencontrent dans cette pratique, sans compter que le miel de sarrasin ne vaut pas grand'chose, puisqu'il se vend moitié môjtis que l'autre. Comme cette méthode ne sera Ja- mais la mienne , par ce qu'un de mes amis qui s'en est servi long- temps, m'en a fait voir tous les inconveniens, nous n'en parlerons plus davantage. » Nous ne pouvons pas raisonnablement suivre ce sentiment de M. Ducarne qui n'a jamais essayé ce Iranspoit avec ses ruches , et qui ne se fonde que sur des ouï-dire et sur des raisons in- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP.XIV. 478 concluantes; cPabord, quant à ce q\i'il dit que sur quatre années de voyagé, il ne s'en trou- Vei-a qu^'une qui réussira , nous répondrons qu'il est très-faciie aux propriétaires d'éviter cet in- convénient, en n'entreprenant ce transport que dans les afi nées passablement bonnes, et après s'être informé de la bonne qualité et dubôri état des pâturages dans les cantons où l'on veut tran les cultivateurs qui veolent faire voyager leurs ru- ches de suivre l'exemple de^ce cultivateur, et même, au lieu des traverses ordinaires , ils pourroient s'en servir de larges de trçis doigts, lesquelles assujeltiroient mieux les rajons. Et .si des ruches ains^i dispf)S.ées , ^quoi(|i,ie plei- nes de rayons, peuvent soutenir de longs voya- ges sans déranger la santé des abeilles , à plus forte raison des esjsaims transvasés ou mis nou- vellement d^ns le&rucheS:, peuyent-ils aisément faire ces mêmes • vO:y,ag^S' sai^s crc^inte. d être étouffes, ainsi queM. Ducarne nouscn menace. Nous en sommes d'autant plu^ persuadés, cjiie nous-mêmes; nous ayons fait tr,ansporter à Syra des ruches que nous avions achetées dans des îles éloignées de dix à quinze lieues , et dont les rayons' n'étoient pas assujettis avec des moyens aussi solides que .cçtix des ruches de paille, et dont l'entrée n'étoit fermée qu'avec de 'la toile bien serrée; cependant elles n'ont rien souffert dans leurs rayons, et les essaims se sont trou- vés en très-bon état. Nous pouvons assurer en outre que ces ruches ont été bien culbutées par suRi-rs ABEii.Lrs.Liv. VII. Chap.XIV. 475 tcn e et j)ar mer , et ont éprouvé de trcs-Tortcs ch^Jeurs. - Nous sommes étonués de ce qucM. Ducarne dit du danger que les vieilles ruches courrent d'êlre pillées dans les cantons où on les a trans- portées. Il est universellement reconnu , et il ne l'ignore pas, que les abeilles, pendant que la campagne leur fournit abondamment de quoi se nourrir et s'approvisionner , rie s'amusent- point à se piller les unes les autres; ainsi-pen- dant le travail de ces ruches on n'a rien à crain- dre à ce sujet. Si après la récolte, dans le mois de septembre, on sapercevoit de quelque dan- ger, nous avons indiqué ailleurs Its movens pour les préserver du pillage, et sans cela^mème on pourroit les charger et les tran.sporter à lèin- ancienne place pour les mettre à l'abri de tout danger. Le miel du sarrasin , ajoute M. Dircarne , ne i>aut que là moitié de Vautre : x\-\?^\^, enfin il vaut quelque chose ; et dès-!ors ce n'est pas une raison suffisante pour détourner les amateurs de la méthode de transporter leurs ruches, si, compensation faite, le produit excède la dépense du transport ; sinon , on pourroit toujours trans- porter des ruches affoiblies par les rejetons 4'76 - Traité complet qu'elles ont donnes , et les petits essaims seconds on troisièmes , pour leur procurer les moyens de se fortifier, ce qui est à tous égards un t^rand avantage dans l'économie de nos insectes. M. pucarne, d'après ces raisons, condamne cette méthode, en disant qu'elle ne sera jamais suivie })ar lui , et cela parce qu'un de ses amis lui en a fait connoître tous les inconvéniens. Si ces inconvéniens ne sont autres que ceux, ou à jieu près, qu'il nous a exposes, il a grand tort de la condamner avant d'avoir lui-même prati- qué exactement, ce tiansport. Pour s'en convain- CJ'.e, nous (levons ])en8er que cet ami étoit très- peu au (ait de l'économie de nos insectes pour iivoir rencontré autant de difficultés, et subi au- tant de peFtes dans une pratique que plusieurs cultivateurs exécutent sans danger et avec avan(ai>e. o Concluons dbhc, d'après tons les détails que libus.avons rapportés sur l'usage de faire voya- ger les ruelles dans des pâturages frais, et da- près les observations que nous y avons faites, que ces voyages farts par eau doivent être ex- trêrneraerit utiles aux propriétaires et aux abeil- les, de même qi3e ceux par terre, quoique plus coûteux et plus difnciles à exécuter. Le seul SUR LES ABEILLES. Ll V . VII. ChAP. XIV. 477 conseil que nous jugeons à propos de donner aux piopriélaires (jiil voudroient faiie voyai^er les rucîies , c'ebt de ne jamais transporter tou- tes celles qu'ils possèdent, mais d'en laisser tou- jours au moins la moitié, pour que dans Je cas d'un accident imprévu Ja totalité de sa posses- sion ne soit pas exposée. II nous reste maintenant à exposer la manière de pratiquer cette méthode, de faire voyager les abeilles avec nos ruches qui sont cimentées dans le mur. Cette manière est très - lacile, et elle consiste à faire passer les abeilles d'une de nos ruches dans une autre de paille ; nous avons exposé ail chapitre X Ja manière d'exécuter ces sortes de transvasions, et nous j renvoyons nos lecteurs. D'après tout ce que nous avons dit sur l'usage de faire vovag'er les ruches, nous crojons qu'il est de notre devoii' d'étai)lir certains moyens qui puissent, guider tout propriétaire qui voudra en- trej)rendre cette pratique. -Nous plaçons en deux classes les cultivateurs de nos rucJies ; ceux qui n'ont pas encore rem- })li le nombre de ruches qu'ils veulent élever , et ceux qui l'ont déjà rempli et qui en possè- dent une quantité de surnuméraires. Ces der- 47*3 1 R A n É C O M P L K T liières, on peut les tliviscir en deux classes; Tune qui n'a qu'un rucher, et l'autje qui en a plu- sieurs en (liH'érens cantons, à certaines distan- ces les uns des autres. Premier moyen. Nous pensons que les pro- priétaires qui n'ont pas rempli leur rucher, pe doivent transvaser et trans'jorter que les abeilles qui n'ont j)as essaimé. Pour les ruches qui n'ont point essaimé , il est jntte qu'on les fasse vo3'a- ger, pour qu'elles nous récompensent de lenr infécondité par la multiplicité de leur travail et de leurs tailles. Ces ruches ordinairement se trouvent très-peuplées dans le mois de J ni Met ; ainsi on peu t avec sûreté les transvaserdans les ru- ches de paille , et les envoyer dans de bons pâ- turai^es, sanss'inquiéterde leurs couvains qu'on remettra dans ces ruches qui ont essaimé et ([ui sont ordinairement plus foi blés. Api èsque ces ruches herbagéesauiont terminé la récolte des, premières fleurs, on ne doit pas les transvaser une seconde fois, mais les inine- porter telles qu'elles sont dans les cantons des sarrasins ; et si elles sont entièrement pleines , leur mettre par-dessous des hausses qu'on reti- rera ensuite avec toutes les provisions qni 3' se- ront ramassées. Cependant si la beauté de la SLR LES ABtILÏ.ES. LlV. VII. ClIAP. XIV. 479 saison et du sarrasin , et la force des niches pou- voient nous Faire espérer de voir les abeilles en état de remplir une seconde fois leur ruche, on pourroit, avant de les transporter aux sar- rasins, les changer de j)anicr , sur-tout si on avoit quelque moyen de leur rendre le couvain. Ces ruches une fois de retour à leur ancienne place, on doit les conserver et donner ses soins pour qu'elles nous donnent au printemps sui- vant des essamis qu'on mettra dans les ruches de noti'e façon, jusqu'à ce que le rucher soit rempli. Ces mêmes propriétaires doivent transporter tous leurs seconds et troisièmes essaims pour les (briifier ; et si les pâturages sont abondans , ils augmenteront tellement leur tiavail et leur population , que l'année d'après ils pourront donner de très -bons rejetons, ce qui contri- buera à remplir d'autant le rucher. Tous ces essaims seconds et troisièmes qu'on destine à voyager doivent être mis dans des ruches de paille , dès qu'on les ramasse après leur sor- tie , et on doit les faire voyager dans toutes les classes. Second moyen. Une fois qu'on aura complété îe nombre de ruches qu'on désire, on peut l'aire 480 Traité complet partir pour ri)erbai>e toutes les sui numéraires ou celles qu'on xlestinc à la réforme, après les avoir transvasées dans des ruches de paille, en observant, si leur population n'est pas assez Ibrtc, d'en joindre deux dans une ruche, ainsi que' nous l'avons expliqué ailleurs. Ces mouches peu- veut être changées de panier autant de fois que la quantité de leur liavail l'exigera; puisque dans le transport de ces ruches on ne doit avoir d'au- tie but que d'en retirer le plus de miel et de cire possible. La récolte finie , on reporte chez soi toutes ces ruches, qu'on fera périr pour en avoir les pro- visions, ou on les transvasera dans celles du ru- cher qu'on veut fortifier, de la manière proposée déjà. On transvasera de même tous les seconds et troisièmes essaims , si cela peut être utile , sinon on les fera périr. Troisième moj en. Ce quenous venons de dire dans le moyen précédent regardé les proprié- taires qui n'ont qu'un rucher ; mais pour ceux qui,ét:mt riches en biens de terre, veulent en- treprendre cette culture en grand, et qui ont plusieurs ruchers à la distance de cjuch|ucs lieues les mis des autres, nous avons quelques obser- vations à leur ])roposcr. Supposons qu'ils aient trois SUR LES ABEILLES. LlV. VIL ChAP. XIV. 48 1 trois riîcliers, \\m vers le midi , l'autre vei>; le nord, et un autre entre les deuv ; que dans le le canton du premier rucher on ne trouve que les fleurs ordinaires du canton , dans celui du milieu quantité de sainfoins , et autour de celui du nord beaucoup de luzernes et de sarrasins: d'abord nous ^eur proposons, s'ils ne trouvent pas à acheter assez d'essaims pour fournir à ces trois ruchers, de commencer par rem[)]ir celui du midi , et ens,uitede transporter au second tous les essai.nas que celui-ci donnera , et dès que ce dernier sera rempli , dépeupler le troisième; et en attendant que tous les trois soieut complets, on pourra taire voyager les ruches de ces ru- chers, lesquelles n'ont pas essaimé, ainsi que nous l'avons proposé dans la première règle ; avec cette différence, que la seconde transvasioii qu'on fera jiour la récolte du sarrasin ( si elle doit avoir lieu ) se fasse dans une ruche du rucher du nord, où l'on laissera l'essaim, sans toucher en rien à son travail. Parce moyen nous avons un double avantage , celui de remplir rapidement nos ruchers, et ce- lui de sauver les essaims taidifs cju premier ru- cher qui, sans cela, ne pourroientjs'ctablir et se conserver, ou qui nous auroient échappé. Les , Tome III. H h 4^2 Traité complet seconds et troisièmes, en les mariant et en les Hansportànt clans des ruchers environnés de pâ- turages frais, pourront aussi être conservés très- Siècment; on pourroit même transporter ces eéconds et troisièmes essaims , dès leUr sortie , et les placer dans le rucher du nord : ce seroit •un moyen de les faire j)rospérer avec plus de facilité. ' Lorsque ces trois ruchers sont remplis , on peut alors transvaser leurs ruches et les trans- porter de l'un à l'autre, ainsi que nons ravoiis dit; dans les moyen;? 'prœédens , en faisant at- tention de tenir auprès du troisième rucher tout ce qu'il faut pour en retirer la cire et le mie! , afin de ne pas être oblige de transjHjrter ses auches au second o'.i au premier rucher , après la récolle du sarrasin, à moins qu'on n'aie dans ces ruchers des ruches foibles qd'on veuille for- tifier; dans ce cason'pouna transporter des ru- ches qui ne seront remplies que d'abeilles, pour les transvaser dims ces Ibibles. t 'Tout ce que nous venons de dire sur l'usage de mener herbager les ruches, suppose la cul- ture des abeilles en France dans l'état de lan- gueur où elle est actuellement; de sorte que dans tout le RoyauirK?, môme dans les cantons les SUR LES ATîF.TLLES. LlV.VII. ChAP. XIV. 4^3 plus convenables à cette culture, il ny a peut- être j)as la dixième partie des abeilles qu'ils j)oiirroient nourrir. Aussi dans une telle sujipo- sition, nous ne pouvons nousempccber d'avouer (ju'ua tel usage, pratiqué avec intelligence, doit être très-avantageux ; mais si les cboses cliangent, si le goût de la culture des abeilles rej^rend en France, si les riches propriétaires du Royaume ouvrent à la fin les yeux sur leur intérêt le pins légitime et le ])Ius honnête, s'ils donnent à la culture des abeilles toute l'atten- tion et l'étendue dont elle est susce]>tible, nous pensons qu'alors tous ces avantages diminueront debeaucouj)ou disparoîtront même entièrement. Certes, si les habitans des villages du Gâtinois , où l'on voit à l'herbage plus de trois mille ru- ches étrangères , comme nous l'avons rapporté d'après M. l'abbé Tessier , youloient séi-ieuse- ment s'adonner à élever pareil nombie de ru- ches , et même davantage, pour en tirer eux- mêmes le profit de l'abondance de leurs champs^ on n'y yerroit plus cette Ibule de ruches qui y sont menées de tous cotés pour sucer le miel de leurs propres plantes. Il seroit mêmeà souhaiter que cet esprit vînt aux habitans du Gâtinois , parce qu'alors ie« H h ij 484 Traité complet autres propriétaires d'abeilles, sur-tout ceux qui so-tit riches eu biens de terre , se verroieiit for- cés de l'aire cultiver dans leurs propres fermes toutes CCS plantes qu'ils auroicnt reconnu être infiniment utiles à leurs mouches; ce qui insensi- blement élcndroitsurloutelasurfacedu rovaume cette double culture des abeilles et des j)âtu- r^L^cs qui leur conviennent , au i>-rand avantai^e de l'Etat, par l'abondance de la cire et du miel, ai-nsi que nous le ferons voir au chapitre qui ser- vira de concluspon de cet ouvrage vers la (in du qnatiième volume. ^ Efrectivcment, si on cultivoit dans tout le i'Qxaume , ou du moins dans les ])rovinces qui sont les plus propres à cette culture , les sain- foins, les luzernes et les sarrasins, comme ou le pratique dans le Gâtinois, et si à chaque pa3S de dix à douze lieues de circonférence on élevoit trois à quatre mille ruches, à quel profit im^ mense n'auroit-on pas le droit de s'attendre? Dans cette supposition, le moyen le plus j^roprc pour arriver à pareille abondance, ce seroit de faire usage de nos ruches qui nous donnent toute la commodité pour les récoller sans inconvéniens,. les transvaser et pratiquer par leur moyen tout ce qu'on peut désirer pour le plus grand SUR LES ABEILLES. LiV. VIL CHy\P. XIV. 4^5 avanta^e des projirictaires et pour la prospé- rité de nos mouches. CHAPITRE XV. De la manière de relirer ^ à Sj^ra, le miel et la cire des rajons. 1^ A méthode dont on use dans notre île ponr extraire le miel des rayons , et pour en letiier la cire est très-simple ; il se peut qu'elle ne nous mette pas à portée d'en tirer tout l'avaniage possible; mais toujours elle est plus utile que celle dont font usage la plupart des cultiva- teurs de ces pays, qui vendent leuis ruches ou leurs rayons, tels qu'ils les retirent desruclies, aux marchands ciriers, faute de savoir extraire eux-mêmes le miel et la cire. ]3ans le Levant, et sur-tout dans les îles de l'Archipel , on n'a ])as la commodité des ])res- soirs et autres instrumens propres à tirer des rayons toute la quantité de miel et de cire qu'on pourroit naturellement espérer; on n'y emj)loic que les mains, un morceau de bois et de ca- nevas bien fort pour en faire un sac. Avec ces H h iij 4^6 Traité complet petits moyens rjni, comme on voit, sont bien simples, nous parvenons à extraire, à peu de chose près, tout le miel et toute la cire de nos rayons. JNous avouons cependant que l'usage des pres- soirs et autres ustensiles dont plusieurs per- sonnes se servent dans ces pays, donnent plus de miel et de cire par la force de la pression ; aussi nous les re^^ardons comme très-utiles, sur- tout pour ceux qui cultivent un grand nombre d'abeilles. C'est pour cette raison qu'après avoir expoj^é nos procédés à cet égard, nous rap[:»or- terons ce que nous avons jugé de plus intéres- sant chez les auteurs que nous avons parcou- rus ; ce sont MM. Lagrenée et Ducbet , dont les méthodes nous semblent les plus simples. On n'est ])as chez nous dans l'habitude de frîire plusieurs sortes de miel. Tous nos miels sont presque delà même qualité. Cependant il y a'qtielques cultivateurs qui mettent à j)arl le mici qui a coi: lé naturellement des rayons avant do les presser; ce miel est de toute beauté, tant pour le goût que pour sa clarté et sa trans- parence. Voici la manière ordinaire avec laquelle nous faisons le miel. On expose d'abord au soleil les SUR LJ-S ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XV. 487 rayons tels qu'ils sont dans le baquet , couverts d'une serviette pour lespré.serverdes abeillesqui pourroients'y attacher ; souvent même nous n'a- vons pas besoin de les exposer au soleil pour les écliauHcrJ'atmosplière étant assez tempérée pour produire ([uelquefois le même efi'ct. Les rayons étant suffisamment mous, nous prenons la quan- tité suffisante que nous pouvons commodément tenir entre nos mains. Nous la pressons d'abord bien doucement, jusqu'à ce qu'une bonne partie du miel soit coulée , et ensuite de toute notre force , de temps en temps nous enfonçons la matière que nous tenons dans un petit baquet d'eau tiède, placé à cet elièt à'côté de nous; enfin nous la pressons et repressons jusqu'à ce que nous ayons retiré tout le miel que nous pouvons en exprimei'. Le miel du Levant a beaucoup de corps, et est si épais que , pour pouvoir le détacher des ra3'ons , il faut les mouiller un peu. Cependant le peu d'eau qui se môle avec le miel n'altère pas sa bonté, tant parce qu'elle est bue par les pots de terre dans lesquels il se conserve or- dinairement chez nous , et qui ne sont pas vernis, que parce qu'étant j)lus légère que le miel, la petite quantité qui en reste monte avec H h iv 4^8 Traité complet les iuitres ordiiies sur la surface du miel, et s'enlève en grande partie avec les ordures qui suj nagent. (^uelcjues cultivateurs, après avoir retiré leur miel , cjîarpillent toutes les boules de cii'e et les mettent dans un baquet d'eau tiède où ils les laissent quelque temps; ensuite ils les lavent bien dans la même eau , pour que tout leur miel se mêle avec elle et leur serve à former de Thy- diomel , ainsi cpie nous l'avons exposé dans le \ ^. Livre au chapitre sur la manière de faire cette li(jueur. D'auties, sans se donner la peine de les laver, les jettent tout simplement dans un chaudron jiour les faire bouillir et en ex- traire la cire. Ensuite ils rassemblent toutes ces eaux et autres semblables, les laissent fermen- ter, les font jjasserpar l'alambic et en tirent une eau-de-vie très-forte et très-spiritueuse. Voici les ustensiles que nous employons dans la formation de la cire: /". une planche lou.i^ue de deux à trois pieds, et lai'i^e d'un ou environ, ciensée un peu dans le milieu. 2.'\ Un batic quarré oblonii;, dont deux des. pieds doivent être un peu plus courts de quel- ques ])(Mices , de sorte qu'en y mettant, dessus ladite pl.aiche, elle penche un peu du côté que la cire doit tomber. SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP.XV. 4^(^ 3°. Un baquet crcnviroîi un ])ied de profon- dcuret d'un et demi de diamètre, fjne Pon place sous la planche posée sur le banc du côté qu'elle p'enche. 4°. Un sac de toile forte , mais peu serrée : ce sac pourra avoir près d'un pied et demi de longueur sur neuf à dix pouces de largeur. Tous ces ustensiles doivent être proportion- nés à la quantité de cire que nous avons à fon- die; cejiendantil faut avertir que lorsqu'elle est assez grande, on ne doit j)as la faire échauffer, et qu'il ne faut la faire passer qu'à plubieurs reprises. De plus , nous avons besoin d'un morceau de bois rond bien uni , semblable à celui dont les pâtissiers travaillent leur pâte. Cela exposé, ve- nons à la manière de se servir de ces instrumens dans la formation de la cire. D'abord nous jetons dans un chaudron la quantité de ravons que notre sac peut commo- dément contenir, en ne le remplissant que jus- qu'à la moitié ; ensuite nous y versons une bonne quantité d'eau, égale à jj^u pi es aux ravons. On met le chaudron sur un feu qui ne soit ni trop fort ni troj) lent, pour faire fondre tous ces rayons. A mesure que l'eau s'échauiiè et 4ÇO ' ;T R A I T É COMPLET .que les rayons se fondent, il iaut les presser avec une grande cuiilier ]")ercée de bois ou autre matièie , contre les parois du chaudron, afin d'en accélérer la fonte. On doit observer ici que tous les corps étérogèncs qui se trou- vent dans les rayons, pjincipalement dans les vieux , ne se fondent pas ; tels sont les poussières ,d'étamines, les dépouilles des nymphes qui , comme nous l'avons dit ailleurs, se ramassent sur les parois, et sui-tout au fond des cellules, où ils for/nent avec le temps comme de petits bou- tons; ces boutons n'étant pas de nature à fondre, on s'exposeroit à brûler la cire , si on ne faisoit pas cette observation, et si on altendoit après leur fonte. . Les rayons suffisamment fondus, voici com- ment il faut passer la cire. On appuie d'abord la planche creusée sur le banc de quatre pieds dont nous avons parlé, et on l'assujettit, autant .qu'on peut avec une vis, ou d'une autre manièie sous la planche du coté qu'elle penche, on y pose le baquet rempli d'eau fraîche jusqu'à la moitié ; ensuite ou mouille bien cette même planche , les parois au baquet que l'eau n'atteint pas, le sac qui doit recevoir la cire, le bâton qui doit la presser, et tout autre ustensile qui SUR LES ABEILLES. LiV. VII. Cil AP. XV. 49I doit servir à cette opération; j)ar ce moyen on détache plus aisément la cire qui pourra s'y at- tacher. Tout étant préparé, on verse la cire dans le sac avec une grande cuiller , ou avec le chau- dron, en le tenant avec un canevas des deux côtés. Pendant qu'un homme verse la cire dans le canevas, un autre le tient suspendu sur le baquet, jusqu'à ce que les eaux et la première cire en partie soient coulées. On appuie ensuite le sac sur la planche ; et pendant qu'un des ou- vriers entortille le bout du sac vide, l'autre presse sur la partie qui contient la cire avec le bâton dabord légèrement , et à mesure que la cire coule on serre le sac d'avantage en tournant le bout vide, et on le presse avec plus de force. Si l'on s'aperçoit que la cire s'est refroidie, on gratte avec un couteau le dehors du sac , pour en dé- tacher la cire; ensuite on l'enforce dans de l'eau bouillante pendant quelques minutes, et on ré- pète la pression. Si la matière qu'on doit passer est assez con- sidérable, à peine on aura versé la cire dans 'e sac, qu'on doit mettre d'autres rayons dans le chaudron pour se trouver prêts aussitôt après la pression de la première quantité. Si la cire qui 492' Traité complet est tombée dans le baquet s'est refroidie, il Faut la retirer avant de verser la sccontle pression , sinon on peut la laisser et jeter la seconde sur la première. Si on doit faire j)his de dtnix ou trois ])ress!ons , il faut alors avoir plus d'un baquet, et pendant qu'on verse la ciie dans le second , exposer le premier à l'air pour refroidir la cire. Lorsqu'on la relire, on la pose sur un linge ou canevas propre à faire couler toutes les eaux : on gratte aussi le !-ac et les autres ustensiles ])our en détacher la cire, qu'on met ensuite en totalité ou en partie dans un chaudron sur un feu lent jui-qn'à ce qu'elle soit bien fondue; après (juoi , on la retire du ieu et on la laisse reposer un peu , pour que toutes les ordu- les qui peuvent s'y trouver se précipitent au fond. Pendant ce temps-là nous préparons des ccuelles suffisamment grandes, dont les bords doivent être ouverts et bien unis, ]X)ur qu'ils n'eirjj^êchent pas les j:!ains de ciie de se déta- cher, lorsqu'ils seront refroidis. Nous les mouil- lons bien, et nous y laissons au fond uiie pc(iîe quantité d'eau ; cela fait, on les remplit les unes ajiiès les auties de la cire fondue ; on les laisse ensuite jusqu'à ce qu'elle soit bien froide; car, quoiqu'on voie leurs superficies prises, on s'ex- SUR LES ABEILLES. LiV. VII. CHAP. XV. 498 pose à les voir cicver si on les remue. C'e.vt pour cette raiijon qu'avant de verser la cire clans les écuelles, il Faut les poser dans un endroit so- lide où elles pui.'^sent rester, jusqu'à ce que la cire soit bien refroidie ; on retourne alors l'é- cuelîe, et en la soulevant, le pain de cire s'en détache et tombe dans la main. Nous avons vu ici mettre dans Fccuelle un morceau de fi- celle attachée à un petit morcean de bois , la- quelle sert à suspendre le pain de cire à un clou ; cela pourroit donner occasion aux fri- pons d'y mettre des corps durs qui pourroient altérer le poids de la cire. Chez nous on n'j met pas la moindie chose. Si, malgré toutes ces précautions, on aper- cevoit xies ordures au fond de ces pains , on doit bien les giatter avec un couteau; cela ser- vira à la propreté de la cire et à empêcher que les iausses-teignes ne s'y mettent. Il est vrai que ces insectes ne mangent pas la cire, ainsi que nous avons eu occasion de le dire, en par- lant de CCS animaux ; cependant ils ne laissent pas de Uri faire grand tort , en cherchant les matières h.élérogènesjqui se trouvent parmi la cire ; ils la ron^entet ils s'en perd une gratidô quantité. 494 Traité complet Apres avoir laj^ïporté la manière usitée dans les îles de l'Arcliipel pour extraire le miel des rayons, nous allons rapporter, d'après M. Lagrenée , une autre manière j)lus commode , suivie dans ce pajs , et qui s'exécute avec des instrumens plus propres à tirer une plus grande quantité de miel et de cire. CHAPITRE XVI. Du lieu propre à foire le miel et la cire , et des ustensiles nécessaires pour j abri quer Vun et Vautre. V^E que nous allons exposer dans ce Ciiapitre, d'après M. Lagrenée , suppose que l'on a une certaine quantité de miel à faire; « sans quoi on considtera ce que nous avons dit au ciiapitre précédent. » « On doit d'abord préparer un endroit propre à faire le miel et la cire, comme est un fourmih S'il tire le our du côté du midi , plutôt que du noid, il en sera meilleur, parce qu'il sera plus chaud ; car la chaleur est nécessaire pour faire le premier miel et en tirer davantage. Obs. 1. Le conseil de M. Lagrenée est très- SUR l.rs ABEJLLES. LiV. VIT. ChAP. XVÎ. 49S intéressant. L:i clialeur fait couler pins ais^fïietit le miel ; le froid le condense et l'arrête. Chez lions niênie , comme nous l'avons remarqué au rliapibre précédent , on ("ait écIiaufTer aii soleil les rayons, avant de les presser; cette clialeuï* les rend pins manià51es;' le froid les endurcit et iîs deviennent. bassans. « Il est de toute nécessité qu'il y ait une clie- nt inédpoiU' le second miel et la cire; mais Jors- fju'on fait le premier miel , on la bouche exac- tement avec de là paille ou du foin ; on ' prend gardé 'àxi^si" qu'il n'y ait des vitres casSëes , et on calféntre la porte, àfîn qu'il'n'y ait aucune issue par' où les moucîies dii dehOis puissent s'îiitroduire: lorsque l'on entre ou que l'on sôit, on ferme promptement la porte derrière soi ; par ce moyen , on travaille sans embarras et sans inquiétude.» « Si, malgré ces précautions, il entre quel- ques mouches q;:c l'on voit voltiger sur les vitres, qu'on se donne bien de garde, par; com- misération pour elles, d'ouvrir la fenêtre 'pout- leur donner la liberté; car celles du dehors , attirées par l'odeur du miel, viendroient en si grande foule, que le laboratoire en serolt rempli en peu de temps; qu'on seroit obhgé 4g6 Traité complet d'abandonner rouvrage ; cju'il y auroit beaucoup de miel de consommé et de mouches perdues, parce cju'alors elles se i^ori;"cnt de manière à ne pouvoir ]dus retrouver leurs ruches. On peut cependant, vers le .soir, ouvrir un instant les fenêtres pour laisser aller celles qui sont dans le laboratoiie, sans craindre que celles de de- hors viennent §y rendre.» Obs. II. Si on laissoit ces jmuvres animaux toute une journée renfermés dans l'appartement, la plus grande par^ie.Ypériroit; car, à force de se heurter continuellement contre les carreaux, croyant trouver une it^sue pour s'enfuir, ils épui- sent leurs forces, et ils tgrpbent sui- les traverses de ces carreaux. S'ils étoient en petit nombre, et si on vouloit les sauver, nous aurions con- seillé de les prendre avec un liui^e, et, de les lâcher en l'air; mais de crainte que les insectes voulant piquer la main qui les lient, ne laitisent leur aiguillon sur le linge, nous proposons de leur j)ié,senter, fun après l'autre, une goutte de miel au bout d'une [)aguette; les abeilles s'y attachent pour le sucer, et on les porte dehors l'uneaprcs l'autre. Si. par hasard, il arrivoit qu'une grande quantité d'abeilles entrât dans le labo- ratoire par quelque issue échcippée à la vii^ilance des SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XVI. 497 (les ouvriers, l'unique moyen de les cliasser se- roit de bien fermer tous les volets , et de ren- dre obscur l'appartement, d'y pratiquer une grande fumée de bouse de vacbe, et d'entr'ou- vrir en même temps deux volets; les abeilles irritées par cette fumée , ne tarderont pas à s'en- fuir. Si on craignoit que d'autres n'y entrassent, on pourroit poser une chaufferette avec de la même fumée en dehors des deux volets entr'ou- verts. Il pourroit se faire que les travailleurs attrap- pent quelques piqûres , mais elles n'auront pas de suite, ne venant que de mouches à demi- mortes, qui se rencontrent sous leurs doigts en maniant les rayons. Ce ne sont que des demi- piqûres, dont le miel qu'ils façonnent peut de- venir le meilleur remède en l'appliquant des- sus. Obs. III. Dans plusieurs endroits de cet ou- vrage, nous avons indiqué differens moyens pour appaiserla douleur, et pour empêcher l'enflure qui suivent ordinairement les piqûres des abeil- les. En voici deux que nous avons éprouvés, et qui sont souverains contre l'une et contre l'au- tre ; la thériaque de Venise et l'huile d'olive. Pour ce qui est de la première , tout le monde Tome III. lï 49^ T R A I T É C O M P L E T en connoît la vertt» contre toute piquûrc veni- meuse. On connoît aussi la vertu cïe riuille, qui a à peu près la Tnème force; mais une anec-^ dote qu'une personne cligne ide foi , venue d'E- gypte , nous a racontée , nous a engagé à en faire usage contre les piqûres des abeilles, et nous l'avons fait avec beaucoup de succès. Il y avoit, il n'y a pas long-temps dans ce pays, un bommequi s'occupoit par profession à la cbasse des aspics; et , .quoique souvent il en fût piqué, on sa- vait dans tout le pays , qu'il avoit un remède qu'il ne communiquoi ta personne, et qu'il appliquoit aussisot sur la plaie; jamais ses piqûres ne lui occasionnoient aucune suite fâcheuse. Il cachoit son secret, même à sa femme. Elle ne savoit autre chose , sinon que son mari qui étoit Turc ainsi qu'elle , toutes les fois qu'il alloit à cette chasse, prenoit avec lui un petit flacon qui con- tenoit ce remède. Un jour voulant faire son mé- nage et nettoyer son appartement, elle renversa , sans le vouloir, et jeta par terre ce même fla- con, ignorant l'endroit dans lequel son mari le cachoit ; ce flacon se mit en morceaux , et la liqueur se dispersa. Cependant ayant soupçonné par tous ces indices , que c'étoit de l'huile d'o- live, elle s'empressa d'acheter un autre flacon SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. XVI. 499 semblable qu'elle remplit d'huile, et qu elle re- mit à la même place. Le lendemain le mari , sans s'en douter ni s'apercevoir de rien, prend son flacon, et va à sa chasse ordinaire. La pau- vre femme, n'étant pas sûre que le secret de son mari ne consistât qu'en cette huile, trem- bloit de peur qu'il ne fût piqué de quelque aspic ce jour-là. Au retour de la chasse, elle lui demanda avec empressement, si , par hasard, il avoit été piqué ce jour de l'aspic, et de quel remède il s'étoit servi contre son poison; il lui répondit qu'il en avoit reçu plusieurs morsures, et qu'il s'étoit servi de son remède ordinaire qu'il portoit dans son flacon. La femme lui ra- conta alois son aventure, et le mari avoua que son secret n'étoit autre chose que l'huile d'olive. C'est par ce moyen que son secret devint public. On doit aj^pliqner Ihuilesur les piqûres, avant de mettre aucun autre remède. Nous l'avons ainsi employée avec beaucoup de succès. C'est pour cela que nous tenons toujours un petit flacon de cette liqueur auprès du rucher. Nous ne nous sommes servis de la thériaque que trois ou quatre heures après la piqûre des abeilles ; aussitôt l'enflure commença à se dissiper, et le lendemain elle ne paroissoit point, contre l'ordi- I i ij 5oo Traité complet nairc ; car semblables enflures , sur-tout à l'œil, duient deux et trois jours. Nous sommes ])cr- suadés que si on rapplicjiioit sur la plaie , aussitôt après avoir retiré l'aiguillon, elle feroil cest^er la douleur, et emj)êcheroit l'enflure. Les ustensiles nécessaires pour labriqucr le miel et la cire , sont ceux qui suivent. Sept ou huit baquets que Ton fait avec des tonneaux sciés en deux : on les gratte jusqu'au vif, afin qu'ils ne donnent pas de couleur, ni de mauvais goût au miel ; il faut aussi prendre garde quMls ne fuient. Plusieurs paniers , selon la quantité du miel qu'on a à faire, ils doivent être à claire voie , tant })ar le fond que par les côtés , avec des anses; on leur donne dix-huit pouces de diamè- tre sur un pied de haut. Le fond du panier doit être garni d'une traverse de bois pour le rendre plus solide et moins ployant dans cette partie , qui porte toute là charge des rayons qui sont très- lourds. Plusieurs cliassis de bois pour soutenir les paniers dont on vient de parler , au dessus des baquets. Un mannequin d'osier pour y mettre les ravons sans miel ,à mesure que l'un les sépare de ceux qu en sont pleins. SUR LES ABEILLES. Liv. VIL Chat. XVI. Soi Une espèce de couteau courbé , non en ser- pette, mais dans le sens des trancliets des cor- donniers, pour gratter les ruches quand on les vide, afin qu'il n'^' reste point de cire; (^l'ins- trumenb dont nous avons donné la description à la fin du deuxième volume , et que nous appelons en grec Ghlistro , suppléera à cette sorte de couteau dans nos ruches pour en déta- cher les rayons , et un couteau ordinaire pour nettoyer les pains de cire) ; il sert aussi pour nettoyer le dessous des pains de cire lorsqu'ils sont froids. Une cuiller de fer-blanc , telle que celles dont se servent les ciriers pour faire des ciei ges : elle est extrêmement commode pour mettre le miel dans des pots, et verser la matière bouil- knte contenant la cire , du chaudron dans le sac de corde. Un morceau de canevas, appelé toile à garde- manger, servant à garnir un panier à claire voie , pour purger promptement le premier miel de son écume. Un petit cuvier dans lequel on verse le miel pour en remplir ensuite des barils. Ce cuvier n'est nécessaire que quand on a une grande quantité de miel, et qu'on veut l'entonner dans des barils. J i ijj 5o2 Traité complet Un chaudron de cuivre , d'environ quinze pou- ces de diamètre. Un trépied de fer. ' TJnè espèce cle ratel?er dé bois , servant à faire le second miel et la cire. Il Tant qu'il soit assez long pour s'ap'puyer par les deux bouts sur les bords du grand baquet ou cuvierqui suit. Un grand baquet ou cuviér , dont les bords soient à la hauteur des mains des travailleurs , pour n'être pas obliges dé se courber pendant leur travaillée qui les fatigueroit trop. Un petit pressoir pour extraire lesetônd miel et la cire (i). Deux sacs de canevas , servant à faire en partie le second miel ; je les fais de quinze pou- ces en quarré. Deux pièces de toile de corde assez grandes pour garnir le fond de l'auge du pressoir , et se replo^er sur la matière que l'on verse dedans pour la pressurer. (i) Nous avions d'aboid résolu de faire graver ce même pressoir de M. Lagrenée pour l'insérer dans notre ouvrage ; mais nous avons changé d'avis , et nous avons préféré celui de M. Duchet, comme plus sim- ple. On en trouve le plan à la fin de ce volume. SUR LES ABEILLES. LiV. VU. ChAP. XVII. 5o3 Deux sacs de la même toile, dont l'ouverture Soit suffisamment lari^e pour y verser la matière bouillante, et dont la grandeur n'excède pas la capacité de l'auget qui doit les contenir tour à tour. On fait d^e cette toile à Beauvais ; mais avec un échantillon , on en fera taire- par le premier tisserand. ' Un grand entonnoir de fer-blajic pour enton- ner le second miel. Une écumoire. BBB^SBCeS CHAPITRE XVII. Manière de faire le premier miel ^ tirée de r ouvrage de M, Lagrcnée. « t N faisant la séparation des rayons , dit cet auteur , on doit être attentif à ne pas mettre avec ceux qui sont destinés à faire le premier miel , les morceaux qui n'ont que du couvain , ou qui contiennent des poussières d'étamines; ils feroient tourner le miel , sur-tout les pre- miers. » Sur ces deux points, nous observons que nous avons déjà parlé du couvain dans plusieurs eu- I i lY So4 Traité complet droits de cet ouvrage, et de l'usage qu'on duît faire des rayons garnis de nymphes qu'on ren- contre dans la taille des ruches; nous avons re- commandé de le rendre à sa. mère, si elle doit être conservée, ou à une autre. Sims cela , le conseil de M. Lagrenée est très-juste. Quant aux poussières ou molividhes, il est borsde doute qu'ainsi que le couvain elles don- nent un mauvais goût au miel en se mêlant avec lui. 11 est vrai que le miel étant très-louid de sa nature, après sa fermentation , rejette sur sa surface les corps étérogènes les plus grossiers qui lui sont attachés ; mais toutes ]es parties fines s'imbibent avec lui, et altèrent sa qualité. Il est très-facile dans la manipulation du miel d'observer le mélange des rayons qui sont gar- nis de couvain; mais la séparation de ceux qui portent les poussières, est très - difficile. Nous avons dit ailleurs que les abeilles surchargent les cellides qui contiennent la molividhe avec du miel , et qu'ensuite elles bouchent ces cellu- les avec la cire. Or , comment les reconnoître et les séparer ? On pourroit cependant séparer ceux des rayons qui ont leurs poussières à dé- couvert. Dans ces pays on en rencontre presque toujours daiis la taille des ruches, sur-tout dans SUR LES ABEILLES. LiV.YlI. ChAP.XVII. 5o5 celle qui se fait en automne. Dans le Levant, et nous croyons de même dans tous les pajs chauds, on ne voit point un seul alvéole £>;arni de molividhe sans être surchargé de miel. Nous croyons que cette, différence provient de ce que ces climats froids produisent une plus grande quantité de poussières, du moins pour la durée (les fleui^ qui les (^onnent ; de sorte que dans ces pays on envoie les abeilles, dès le mois de mars jusqu'au mois de septembre , entrer chargées dans leur ruche. Nous sommes persuadés même que ces insectes, dans l'arrière saison, trouvent plus de poussières que de miel , c*est pour cela qu'ils laissent plusieurs alvéoles garnis de cette matière , sans être remplis de miel ; au lieu que dans les pays chauds et secs, comme, par exem- ple, à Syra, nos ruches ne trouvent abondam- ment ces poussières que jusqu'à la fin du mois d'avril; le reste de la campagne ne leur fournit guères que du miel par la fleuraison du thym. Aussi nos insectes font-ils une étonnante pro- vision], depuis le mois de février jusqu'au mois d'avril. Quoi qu'il en soit , les propriétaires ne doi- vent point s'alarmer de ce que nous leur di- sons, que la séparation des rayons garnis de 5c6 Traité complet poussières est très-difficiie. Ces rayons n'altè- rent effectivement la qualité du miel , que lors- qu'ils sont pressés , sur-tout par la Force du pres- soir. Ainsi , en faisant' 8011 miel de la manière que notre auteurYpi'-nôusJe dire, par coulement, il ne recevra presque aucune altération de ce mélanine dé rajoris. • « Quant aux rayons vides qui ne sont qu'em- miellés, je les expose dans le jardin , pour que lés mouches en fassent leur profit; cela est trèi- propre à fortifier les foibles ruches si l'on en a : je fais de même des vaisseaux emmiellés, afin qu'il n'y ait rien de perdu. » "« Ceux qui .éXj)loitent un grand nombre de ruches qu-i lis aeh^lfent de côté et d'autre , doivent séparer celles qui viennent de pays où il y a du sarrasin, dé celles venant de pays où il n'y en a point, parce que le miel provenant des jiremiè- res, communiqueroit l'ilcreté qu'il a naturelle- ment au miel provenant des autres, ce qui fe- roit perdre beaucoup de son prix à celui-ci. » « II est bon que celui qui fait l'ouvrage dont nous parlons ici , ait près de soi de l'eau dans une terrine pour y démieller de temps en temps ses mains et ses outils. » « Pendant qu'un des deux travailleurs (car il SUR LES ABEILLES. LiV. VIL ChAP. XVII. Soj faut être deu\ pour fiiçonner le miel et la cire ) s'occupe à ce que nous venons de dire, l'autre après avoir posé le baquet sur le châssis, et sur ce cliassis un panier à claire voie , prend les rayons pleins de miel qne son camarade met dans un ba- quet à mesure qu'il les sépare des autres qui sont vides, ou qui n'ont que du couvain. Il les brise à deux mains au-dessus du panier et y en met jusqu'à ce que le panier soit plein ; ensuite il en remplit un second et un troisième, et ainsi de suite jusqu'à la fin. » Au lieu de briser les rayons de la manière proposée par l'auteur, nous préférons d'écraser tant soit peu, avec une cuiller les alvéoles scellés, ou de les gratter légèrement pour en écarter les couvercles de cire; et au lieu de les jeter sans ordre dans le panier, ce qui empêcheroit une grande partie du miel de couler , nous croyons qu'il vaut mieux les y attacher droits les uns à côté des autres, et dans un sens contraire à la position qu'ils avoient dans leur ruche. On sait que nos insectes, en bâtissant les rayons , donnent une pente aux alvéoles vers leur partie intérieure pour empêcher le coulement du miel ; or, en disposant les rayons comme nous l'avons dit dans le panier, si on a l'attention de les 5o8 Traité complet mettre renversés le haut en bas, cette pente se trouvera vers le bord , et facilitera le coulement du miel. Ceux qui ont un peu d'expérience à manier les rajons distingueront aisément la position qu'ils avoient dans leur ruche. Ceux qui ne sont pas au fait de toutes ces particularités n'ont qu'à examiner quelque cellule vide d'un rayon, en j mettant encore ime épingle du cen- tre jusqu'au bord, et découvriront dans l'instant de quel côté les alvéoles inclinent , et ifs agiront en conséquence. Toutes ces petites pratiques, sur-tout quand on a l'attention de les exécuter dans un appar- tement bien tempéré naturellement, ou par la chaleur d'un poêle , faciliteront beaucoup le cou* lement du miel, et peut-être en entier, ce (|ui nous épargneroit lapeine d'employer les moyens que M. Lagrenée nous proposera ci -après, pour avoir un second miel; moyens très-embarrasans et pleins d'inconvéniens. Car outre qu'un tel miel doit être très-mauvais , la cire doit aussi contracter de mauvaises qualités, du moins elle sera très-difficile à blanchir. Si, en retirant les rayons, après que le cou- lement a cessé, on s'apercevoit qu'il y eût en- core du miel dans les alvéoles, et si dans le pa- SUR LES AB.F.ILLES.LiV. VII. ChAP. XVII. 609 nier il y a plusieurs ordres de rajons les uns sur les autres , alors il faut commencer par en enlever un de l'ordre supérieur pour les clargir un peu. Cela fait, on commencera à plier, d'abord d'un côté un rayon sur l'autre, et ensuite de l'autre côté, et on les laissera alternativement dans cette position pendant une heure ou deux , après quoi on les retire et on fait la même chose aux rayons inférieurs. Si après toutes ces pratiques les rayons se trouvoient encore fournis de quel- que partie du miel, qui assurément ne doit pas être considérable, voici ce que nous proposons de faiie plutôt que de se servir desmovensde M. Lagrenée. Il faut d'abord retirer tout le bon miel, établir de nouveaux baquets avec des pa- niers par-dessus, de la manière proposée par M. Lat;rcnée;on prépare ensuite un vase plein d'eau plus que tiède, mais pas assez pour brûler , et pour qu'elle ne vSe refroidisse pas; on la tien- dra sur des cendres chaudes. Alors on commen- cera à retirer un à un les rayons des autres paniers, on les enfoncera dans ladite eau , et on les y tiendra deux ou trois secondes; en les re- tirant de l'eau , avant de les entasser dans le nou- veau panier, il faut les tourner d'un côté et d'autre sur le vase , pour que le gros de l'eau v 5io Traité complet tombe. Par ce niojcn le miel rendu plus liquide par la chaleur et par l'eau , couleia avec plus de facilité, sur-toul si nous pratiquons ces diffërens mouvemens des raj-ons, que nous avons prescrits plushaut ; si on nevouloit passedonner cette pei- ne, on plieroittout bonnement le panier tantôt d'un cùté et tantôt de l'autre. Apres que tout le miel sera détaché des rayons, plusieurs auteurs conseillent de les exposer devant le rucher, pour que nos insectes achèvent de les netto3 er. Nous mêmes nous avons pratiqué souvent ce conseil tant en France que dans le Levant. Cependant les amateurs de ces pays, lorsqu'ils voudront exposer leurs rayons aux abeilles, sur-tout s'ils sont en grande quantité , doivent faire atten- tion que se soit dans une journée bien tempérée et éclairée par un beau soleil; car il est éton- nant la quantité de mouches qui se jettent dans cette saison sur les rayons qui sentent îe miel, et si le temps n'étoit pas fixé au beau, le fVoid exposeroit la vie d'un très-grand nombre de ces animaux. Quoiqu'il en soit , nous exhortons nos cultiva- teurs à bien tremper leurs rayons dans de l'eau tiède, et à bien les laver, avant de les fondre pour en avoir la cire, dans l'intime persuasion SUR LES ABEILLES. LiV. VIT. ChAP. XVII. 5l I où nous sommes que cette propreté et la nou- velle méthode que nous donnerons au chapitre suivant pour fondre les rayons, nous procureront une cire de la meilleure qualité, et plus facile à blanchir, sur-tout si on vouloit se donner la peine de séparer les rayons pleins de poussières et de les faire fondre à part. Ilesttrës-facilede les rcconnoître après que le miel en est sorti; d'ail- leurs, ils sont lourds. Toutes ces particularités nous donnent, il est vrai, quelque peine; mais nous rendons un grand service aux fabriques de cire, qui seroient charmées de ne travailler que de la cire facile à blanchir, et qui, pour cette raison, nous la paieroient plus cher. H seroit à désirer que l'homme cherchât toujours dans ses opérations à unir l'intérêt de son semblable avec le sien. Ce seroit le moyen le plus sûr d'espérer de voir fleurir le bonheur public. Nous avons oublié de dire qu'il est bon , lorsqu'on attache les rayons les uns à côté des autres dans le panier, de mettre entre eux de petites branches, pour éviter que les uns ne bouchent les cellules des autres, et n'empêchent par là le coulement du miel. « On laisse égoutter ce miel deux fois vingt- quatre heures, sans remuer la matière. Le miel Si 2 Traité complet ■sort par le fond et les côtés du panier, goutte à goutte ; c'est là ce qu'on appelle le premier miel. Lorsqu'il a dégoutté tout ce temps, on \i(le les paniers à mesure pour y remettre d au- tres rajons. Ce marc qui doit servir pour taiie le second miel, se met dans de grand baquets ou tonneaux propres. On y tait, si l'on vent, par le bas, un trou par où puisse couler le miel qui est encore bon jusqu'au temps où l'on retirera le second. » Si l'on veut faire une portée de ce que j'ap- pelle miel d'ami , c'est à-diie d'un miel supé- rieur à celui dont je viens de parler, et qu'on vend souvent à Paris dans des boutiques d'épi- ciers pour miel de Narbonne, on met de côté quelques rayons des plus blancs qu'on brise dans un panier à part, et qu'on fait égouttcr. 11 passe toujours avec le miel des particulles de cire et de mouches mortes, soit de celles qui n'ont jias été ôtées avec soin des rayons, soit de celles qui s'y engluent et s'y noient. Cela forme une écume qui surnage; on l'ôte avec une écumoire autant de fois qu'il est nécessaire , et on la remet sur le panier d'où elle est sor- tie ; de sorte que le miel qu'on ne peut se dis- penser d'enlever, en ôtant cette écume, se (ihre - une SUR LES ABEILLES. LlV. VIT. ChAP. XVII. 5l3 une seconde fois au travers des rayons. Par ce moyen, le miel qui est dans lesba jucts demeure pur et sans tache. SI on veut l'en puri^er sur le champ, on le passe 'au travers d'un canevas fin, a|)j-)elé toile à garde-manger dont on garnit un panier à claire voie, C|ue l'on pose au-dessus d'un baquet par le moyen d'un carré de bois.» <( Ce premier miel , lorsqu'on le met dans des petits barils , n'est ])as aussi facile à entonner qu'on se l'imagincroit, à cause de son épaisseur; ainsi, nous allons indiquer une excellente ma- nière de s'y prendre. On pose sur/leux traiteaux le cuvier: on y verse du miel autant qu'il en peut contenir ; ensuite on pose le baril que l'on veut remplir immédiatement au-dessous du gou- lot ou lèvre de ce cuvier : les gouttes de miel qui en découlent par la bonde, qu'on débouche un ])eu , indiquent juste l'endroit où doit être posé le baril , pour que le miel enfile Juste sa bonde. » «Alors on débouche entièrement le trou du cuvier; ce pi'emier miel , à cause de son épais- seur, ne jaillit pas comme feroit de l'eau ; c'est pourquoi il tombe juste dans le baril par la bonde, et en un instant le baril est plein. » «On rebouche le cuvier avec sonbondon; les To7n€ III. Kk 5r4 Tr A I T É CO MPLET gouttes de miel qui tombent dans l'intervalle du temps cjue i on met à boucher et à débou- cher le cuvier, sont reçues dans un phit par un pressoii'. Il Caut observer qu'il est à propos pour ne rien perdre, de mettre le baril que l'on rem- plit dans un baquet dans lecjuel tombe le miel qui va de côté. » . «Cette méthode de transvaser son premier iniel , lorsqu'on le met dans des barils, est fort commode; autrement l'épaisseur du miel met- troit dans un i>rand embarras, et feroit j^erdre beaucoup de temps et même du miel. Si l'on met tout simplement son miel dans des pots ou autres vases à larges ouvertures, le cuvier dont je viens de jparler devient inutile ; on se sert d'une cuiller de fer-blanc bien arrangée à cet elîët. » «On ne fait le second miel que quand le pre- mier est iini et entonné. Pour Faire ce second miel , on prépare le grand baquet ou cuvier dont il est parlé au chapitre précédent : si le jcuvier n'est pas assez haut de bords, on le hausse avec des pièces de bois que Ton met dessous, afin que les travailleurs fatiguent moins. » «Sur ce cuvier on pose une machine faite en forme de ratelien, on met le pressoir en état de servir, on apprête les d'eux sacs faits de toile k SUR LFS ABEiu ES Liv. VII. Chap. XVIL 5i5 garde-manger, et les deux morceaux de toile de corde dont il est parJc ci-dessus même cha- pitre. » « On met ensuite dans un chaudron sur le feu Je marc resté du premier miel , environ la moi- tié au plus du chaudron: on fait un feu très-mo- dérc et sans flamme , autrement le chaudron s'échaulîant trop vite, empêcheroit d'y pouvoir tenir la main pour retourner la matière à son aise.» «Un des travailleurs tourne donc et retourne sans discontinuer ce marc avec la main; s'il est trop sec, on met dans la première chaudronnée seulementun ou deux gobelets d'eau, de celle dans laquelle on se lave souvent les mai4is pour les démieller. Aux autres chaudronnées, au lieu d'eau on met une potée (\u. second miel qui a été tiré; cette eau ou ce second miel servent à rendre liquide le marc, et à faire passer le miel qui y est plus aisément au travers du sac de canevas fin. « « On continue à remuer le marc dans le chau- dron avec la main , et de briser les grumeaux que l'on y sent, jusqu'à ce que la chaleur de la ma- tière empêche d'y tenir la main.» w Quand ce deo;ré de chaleur, suffisant pour K k ij 5i6 Traité complet bien fondre le miel , mais non la cire , est arrivé* un des deux tiavail leurs tire le cîiaudrun de dessus îe Icu , l'approche du i^rand l^aquet, l'autre tient au-dei-susde l'espèce de rateliei- un des deux sacs de canevas fin , assez lar£>e d'où- verture pour qu'on y puisse verser iacilement ]a matière qui e.^t dans le chaudron, ou bien on se sert de la cuiller : celui qui est chargé de verser la matière dans le sac , a dans chaque main un morceau de i^Tosse toile jioui- ne pas «e brûler, » « Quand la matière est dans le sac, on la lie avec une ficelle, le plus serré qu'on le jieut ; puis un des deux travailleurs le ])étrit comme on fèroit de la pâte; le miel soit et tombe dans le byquct ou cuvierqui est dessous.» « Pendant ce temps - là l'autre travailleur ar- range au fond de Tauget du pressoir cinq ou six morceaux de bois, à égak distance les uns des autres. Il garnit l'auget d'une pièce de toile de corde : pvu's quand il ne sort plus guères de miel du sac que son camarade pétrit, et bien avant que la matière soit refroidie , on délie le sac, on verse la matière qui y est dans l'augct du pressoir garni de la toile de corde , on en ■rep'uie les bords sur cet te matière, on passe des- SUR LES ABEILLES. LlV. VII. ChAP.XVII. jSl SUS la pièce de bois qui entre quan ément dans l'aiTo-et, on descend la vis avec ics mains, puis, avec la Ijarre de fer on presse peu à peu pen- dant plusieurs minutes; le miel sort par le trou de l'auget, sous lequel doit être un baquet pour le recevoir. » « Lorsqu'il ne sort plus de miel , on ote de dans raui^et la toile de corde et la niatiëre C|ii'eile contient, laquelle a pris la Forme d'une espèce de i2;âteau noir quarré-long" ^ d'environ un pouce ou un pouce et demi d'épaisseur et sec. «S'il tient à la toile, de façon queFonneiRiisse l'en détacher sans le briser, c'est une marque que le marc étoit trop chaud; car c'est la cire trop chaude qui le fait ainsi tenir à la toile. Si cela est, on se corrige de ce défaut auv autres chaudronnées. On met ces gâteaux en piles, en attendant que le second miel soit tout-à fait fini^ et qu'on les reprenne pour en extraire la cire qu'ils contiennent, «r « Pour ne pas perdre le temps et ne point user de bois inutilement , aussitôt que le marc est sous le pressoir, on met sur le feu une seconde ' chaudronnée de marc, que l'on arrangccomme la précédente, en observant comme je !'ai dit, si le marc est sec, d'y mcltre une potée de se- ls^ k iij 5i8 Traité complet cond miel , et non de Teaii comme la première fois. » « QiiandJ^ sac de canevas et la pièce de toile de corde sont trop emmiellés, on en clîan«;e; et après les avoir mis en j)resse pour en exprimer le miel qui y est, on les lave dans de l'eau, et on les Fait sc'cher au soleil. » «Ce second miel fini , on le purge de son écume qui est considérable, comme nous avons ditqu'on fait pour le prenn'er miel. De plus, si on le met clans des pots , on l'écume encore de temps à au- tre jusqu'à ce qu'il soit pris. » On fei oit trèS'bien de recueillir toutes ces écu- mes qu'on retire du second miel et de les con- server dans queUjue petit pot avec de mauvais miel, qu'on donnera aux ruches foibles au com- mencement du printemps. Ces ordures n'étant presque toutes composées que de poussières des etammes , elles sont tres-avantageuses a nos m- sectes dans cette saison ; et comme elles se tien- nent toujours sur la surface du miel, afin d'em- pccher qu'elles ne s'altèrent dans le ])etit pot , on le tiendra dans un lieu frais, et après qu'il aura pris , on versera par-dessus un peu de miel li- quide pour couvrir ces poussièi^^es. «Une faut pas tant d'apprêt pourentonner c« SUR LES ABEILLES. LiV.VII.ChAP.XVIL 5l^ second miel que pour le premier, si on le met dans des barils; comme il n'est pas si épais, on se sert tout simplement d'un pot et d'un grand entonnoir de fer-blanc, ou de bois, pareil à ceux dont se servent les marcliands de vin. L'enton- noir devient inutile, si on le met dans des pots à larges ouvertures; on se sert alors de la cuil- ler , comme nous avons dit pour le premier miel. «< Il est bon de donner ici un avis intéressant aux personnes qui laisseroient par, mégarde leur laboratoire ouverf, comme il m'est arrivé une ibis, en faisant mon premier miel. Une infinité d'abeilles, de mes rucheset autres, attirées par l'odeur du miel, s'étoient précipitées dans les baquets oii il couloit. Il y en avoit bien la va- leur d'un fort essaim. Presque toutes étoient sans mouvement et me paroissoieiit sans vie; je les regardois comme perdues , ce qui me faisoit beaucoup de peine. Lorsque je les eus re- tirées de dedans le miel avec une écumoire, et que je les eus mises sur un clayon avec un vase dessous pour recevoir les égoutturcs, il me vint en idée de les exposer dans le jardin , comme je fais des rayons englués; au bout de quelques heures , je fus très-agréablement surpris de voir que toutes ces mouches que je crovois mortes à perpétuité , sécîiées par leurs compa- Kkiv 520 Traité complet gncs , reprendre vie et force , et s'en retour- ner l'une après l'autre à leurs ruches, en sorte fju'il n'y en eût aucune de perdue.» Après avoir donné cette méthode de tirer le miel de M. Lagrcnce , nous avions prépare un autre chapitre qui contenoit la manière de faire fondre les ra^'Ons pour en extraire la cire , sui- vant les mo^'ens proposés par le même auteur et autres; mais ayant imaginé une auire ma- nière que nous jugeons beaucoup plus facile et plus avantageuse, que nous rapporterons au chapitre suivant, nous n'avons pas voulu entre- tenir nos lecteurs de pratiques inutiles. CHAPITRE XVII r. D'.'/ne nouvelle méthode imaginée par V auteur pour séparer la cire des rayons j plus com- mode et plus expéditlve qu'aucune des pré- cédentes. eL n réfléchissant souvent sur la manière de rendre plus facile la .méthode de séparer la ciie des corps étérogènes, dont suj tout les vieux rayons sont ordinairement rcmph's , il nous t-'st SURLES ABEILLES. LlV. VII. ChAP. XVIII. 5:^1 venu une idée qui nous a paru si simple et si commode, que nous avons d'abord comme dé- scsj)cré de sa réussite, ne pouvant nous figurer qu'un procédé d'une aussi facile exécution eût ])u échapper à nos cultivateurs (ie Syra , ainsi qu'à ceux de ces contrées , s'il eut été pratica- ble; cependant nous l'avons Iiasardé l'année der- nière sur les rayons du rucher de M. Lemon- nier, et elle a parfaitement bien réussi. Nous y avons même remarqué plusieurs avantages trèi?-intéressans, sur tous les procédés employés jusqu'ici. D'abord, par ce nouveau procédé on retire des rayons une quantitédecireplus abon- dante qu'avec les anciens. On sait que dans ceux-ci , quoiqu'on fît passer le marc des rayons fondus par le pressoir, il restoit toujours une certaine quantité de cire , et les marchands qui l'aclietoient s'en servoicnt pour en former des toiles cirées; par la nouvelle méthode au con- traire il n'v reste aucune partie de cire. Aussi des rayons qui nous ont donné environ soixante livres pesant de miel , avons-nous extrait six à sept livres de cire ? En second lieu , dans les anciens procédés on étoit obligé de faire fondre deux fois la cire avant de la mettre en pain, au lieu que dans la nouvelle méthode on peut la 522 Traité complet mettre en pain dès la première fonte. Enfin , civec cctle nouvelle méthode on peut , dans le mem.e espace de temps, fondre quatre fois plus de rayons et en pnriBcr la cire qu'avec les au- tres j)rocédcs; on y consomme par conséquent moins de bois, et on n'a besoin, ni de pressoir, ni d'autres ustensiles comme dans les anciens. Nous allons maintenant exposer la manière dont nous avons exécuté notre premier essai ; a])rès c|uoi nous dirons ce que nous croyons ])roprc à perfectionner cette méthode , et l'exé- cuter en grand , lorsqu'on a une bonne quantité de rayons à fondre. Nous avons mis dans un sac d'un pied et quel- ques pouces de long sur huit à neuf de large, le tiers des rajons que nous devions faire Ibn- clre, bien pressés et bien serrés, pour y en faire entrer le plus possible. Après avoir bien fermé l'ouveiture dudit sac avec de la ficelle, nous l'avons mis dans un petit chaudron rempli d'eau, et posé sur le feu. Pour obtenir le succès que nous désirions , nous avons cru nécessaire que le sac rempli de rayons se tînt au fond de l'eau , à trois ou quatre pouces de sa sujierficie. En conséquence nous avons coupé une petite bran- che d'environ deux pieds de long- , et dont le SUR LES ABEILTES. LiV. VIT. ChaP. XVIII. SsS bout étoit garni de plusieurs autres plus petites, mais suffisamment fortes pour notre opération , et que nous avons eoupées; de manière que la branche présentoit par cette cxtrcnu'té comme une main entre-ouverte, avec laquelle nous avons pressé le sac et Pavons assujetti au Fond du chaudron, l'autre bout, de la branche étant attaché à son axe avec une ficelle. Comme le chaudron dont nous nous sommes servis ne sVst ]Das trouvé assez grand, d'abord partie du sac débordoitet se trouvoit au-dessus de l'eau; mais à mesure que les rayons se fondoient et que le sac s'aiïàissoit , il s'est enfoncé d'autant plus ])romptement , que nous ne cessions de le pres- ser avec la branche. L'eau avoit à peine commencé à s'échauffer, qu'on y a vu surnager la cire , et environ un quart-d'heure après que l'eau eut commencé à bouillir, la cire s'est rassemblée en quantité; nous l'avons ramassée avec une cuiller à ragoût, et versée dans une jatte. Nous avons laissé ainsi bouillir l'eau pendant trois quarts-d'heure , et retiré successivement toute la cire que nous avons vu surnager ; nous avons ensuite descendu le chaudron de dessus le feu, et nous y avons mis uti autre sac plein de rayons, de la même ma- nière que le premier. 5^4 Traité complet En examinant le marc qui étoit lestc clans le sac, nous n'y avons aperçu aucune h ace (le cire; nous avons ce])endant trouvé quelques petites parcelles de ciie fbndue, et qui s'étoit fii^ée en- tre les. piis et replis du sac. Nous. avons juge qr.e cela provenoit, ou de ce que nous n avons pas laissé at:sez bouillir, ou de la i^^rosseur des piis du canevas qui l'aura arj été et empêché de filtrer, ou mieux encore de ce q le , en retirant le sac du chaudron, quelque partie de cire ion- due qui surnagcoit s'étoit attachée au sac et s'y étoit fiizée. Dans cette première expériencc,nous avons fait plusieurs fautes qu'il faut évite;- : i°. nous nous sommes servi pour former notre sac d'une sorte de canevas clair, ce qui a été la cause que nous avons été obligés de faire, refondre la cire pour lapuiificr, une certaine quantité de marc s'é- tant mêlée avec la cire et ayant passé avec elle. On éviteia cet inconvénient, en se servant pour former le sac d'un canevas suffisamment serré: nous croyons qu'une étoffe de laine, un peu lé- gèie, seroit excellente jK)ur cetfe opération; elle arrcteroit aisément les ordures et se pré- teroil avec facilité à la filtration de la ciie: nous sommes persuades que la cire seroit assez pure. si'R LES ABEILLES. Liv. VII.Ckap.XVIIT. 525 pour qu'on put la^mettte en pain, en la retirant du cliau(]i\)n , sans autre cérémonie. La seconde faute a été cFavoir mis dans le sac la cire liriitc en boules bien pressée^; cela doit nécessairement retarder sa fonte; nous p>ensons donccpu'il convient de bien éparpiller les rayons iîvant de les mettre dans le sac : 'la situation t^énante et pressée dans laquelle se trouv'oit !e sac peut aussi retarder Ici fonte des rayons; ainsi nous croyons que* si Je sac pouvoit rester au fond de la chaudière sans être pressé, la cire se fou- u:oit plus prom^t'éliîéiit. Pour éviter ces fautes et rendre Celte opéra- tion plus commode, nous' croyons pouvoir pro- poser aux amateurs, sur-tout à ceux qui ont une grande quantité de rayons à Ibndié, de se précautionner d'une chaudière assez grande |)oui> cette opération , et dont le bord ne soit pas plus large que le fond; un pied et demi de largeur n;)i:s paroît devoir sufïîre; car si elle étoi.t plus considérable, la cire s'étendroit trop et seroit })las difficile à ramasser avec la cuiller. On for- mera un sac h peu près de la largeur du chau- dron , et plus court de trois ou quatre pouces. Ce sac doit avoir la même forme qu'un carton à manchon, et être composé de trois pièces ; la 526 Traité complet principale formera le corps ; les deux bouts doi- vent êtie unis et bien cousus, et les deux autres de f]i>ure ronde ; Tun formera le fond du sac, et l'autre la partie supérieure. Avant cVelre cousus à la partie princi[)ale, ils doivent être ourlés, pour que la couture n'offre aucune issue aux ordures des rayons. Au milieu de la partie su- périeure , il doit y avoir une ouverture ronde, de trois à quatre pouces, dont les bords soient our- lés; on formera ensuite unepièce séparée et aussi ourlée, sur les mêmes dimensions que la petito ouverture , j^ar laquelle on remplira le sac de rayons , Cj[u'ensuite on fermera, en y cousant ladite pièce séparée; toutes ces coutures doivent être solidement faites et bien serrées, pour que rien ne puisse s'en échapper. Tout étant prêt, on. pose le sac dans la chaudière qu'on remplit d'eau propre ; et comme le sac rcmj)]i de rayons ne manqueroit pas de surnager, il est nécessaire d'employer un movcn facile pour le tenir en- foncé dans l'eau , sans quoi toute l'opération manqueroit. Trois movens se présentent natu- rellement, et nous ne doutons point que des personnes éclairées par l'expérience ne puissent en imaginer de plus commodes. Le premier de ces moyens est de pratiquer SIR LES ABEILLES. Liy. VII. CHAr.XVIII. Ôiiy ïiuit anneaux bien souciés et à éiralc distan'^e îcs uns des autres , tout autour dans la par- tie siipéiieure delà chaudière, à six pouces de ^on bord. Api es cpi'on aura j)osé le Sac dans le chaudron au-dessous de ces anneaux , on passera i7ne foi te ficelle dans les anneaux situés enlace l'un de l'autre , ce qui formera comme une claie Ijès - j)roj>re à empêcher le sac de remonter. Après cette préparation, on lemplit la chau- dière d'eau à deux ou trois pouces près, et on la met sur le feu. Le second moyen consiste à pratiquer à la même hauteur quatre anneaux au lieu de huit, toujours à égale distance, c'est-à-dire en forme de croix , et quatre autres dans le ibnd de la chau- dière vers le bord; ces quatre anneaux seront pratiqués perpendiculairement au-dessous des autres, ou même entre deux. On formel a éga- lement huit autres anneaux de (icelle sur les deux extrémités du sac; savoir, quatre dans la partie inférieure, et autant dans la supérieure, qu'on disposera de manière qu'ils répondent di- rectement à ceux du chaudron. On attachera huit morceaux de ficelle de longueur suffisante aux huit anneaux du sac; dès qu'on a approché ce sac au bord de la chaudière , on fait passer 5^8 Traité c o m p l e t rextrémité de ces ficelles pur les anneaux de ladite chaudière qui leur répondent, c'est-à- dire les ficelles de la partie inférieure du sac, par les anneaux du fond ; et celles de la partie supérieure par les anneaux du milieu; ensuite, à mesure qu'on fait entrer le sac, ou même après l'avoir 'placé dans la chaudière, on tire à soi ces huit ficelles, et on les attache aux deux anneaux qui doivent exister sur les deux cotés extérieurs de la chaudière , et qui serviront aussi ])our la jîlacer sur Je feu ou pour l'en retirer. Il faut prendre garde (]ue la flamme ne puisse atteindre et brûler nos ficelles >,ce iMii nous jet- teroit dans de grands embarras. Pour la même raison , noua devons faire attention que tous ce* anneaux soient bien assujettis et les ficelles assez fortes ; car si (|uel(]acs anneaux ou ficelles ve- noient à manquer, notre opération en soulTri- roil infailliblement. Si on emploie ce moyen , il n'est pas nécessaire que la partie supérieure du sac soit, comme dans Je précédent, au niveau des anneaux auxquels elle est assujettie; au contraire il peut être aussi g-rand que la chaudière, et à mesure que l'eau commciice à s'échauffer, la cire à se fondre, et le sar à s'alfaissci", nous tirerons peu à peu les fi- celles SUR LTîs ABEILLES. Liv.VII.Chàp.XVIIT. B'>.g celles des anneaux supéi leurs, jusqu'à ce que le sac soit à leur niveau 4 on a soin pour cela de, (aiic quelque marque sur ces ficelles pour les recouaoïtre. Ce second moyen a sur le premier et sur le troisième un avantage que nous allons exposer, en ce que la partie inférieure du sac étendue et assujettie au fond de la chaudière, tout le marc y est à son aise, et la cire se fond et filtre plus facilement. Le troisième mojen ressemble à celui dont nous nous sommes servis pour faire notre pre- mière expérience. 11 consiste à former un cer- cle de bois, qui doit être traversé par deux bar- res en forme de croix, au milieu de laquelle doit être assujetti un manche de bois semblable à celui d'un balai , et suffisamment long. Au bout de ce manche on formera un trou pour y passer une cheville et y attacher deux fortes ficelles. On met le sac ( qui peut être aussi grand que celui du second moN'en ) dans la chaudière , et à mesure que la cire se fond, on le presse peu à peu avec la machine jusqu'à un demi-pied au- dessous du bord de la chaudière, et là on las- sujettira par les deux ficelles qu'on attachera aux deux anneaux extérieurs de la chaudière. Il ne faut pas pousser plus profondément ladite Tome III, ^^ 53a TrATTÉ COMf'LSl' machine, de crainte de trop presser le sac con- tre le fond de la chaudicre , pour ne pas gêner le marc, et empêcher la fonte subite de la cire. Il peut "arriver que le sac , après que les rayons seront bien fondus, ressorte en partie par les es- paces qui sont entre les bras de la cioix; ce qui gèneroit le rassemblement de la cire fondue. Pour obvier à ce dcboidemciU , on liera de la ficelle sur un des bras de ladite cioix, et on en fera un ou deux cercles en l'entortillant sin^ les autres bras. De ces trois moyens de faire fondre les rayons, nous serions tentés de donner la préférence au premier, si on y pouvoit se servir d'un sac aussi am])le , et faire fondre à la fois une aussi grande quantité de cire que dans les deux autres. C'est pourquoi nous conseillons de préférer le second. Nous allons maintenant exposer la manière de retirer la cire fondue de dessus l'eau. Obser- vons, avant tout, que la chaudière ne doit pas être entièrement pleine; il est nécessaire de lui laisser au moins deux bons pouces de vide, de peur que l'ébullilion de l'eau ne Jette la cire debors ; pour éviter cet inconvénient, il faut di- minuer le feu, dès que la chaudière aura com- mencé à bien bouillir. Après une demi -heur* SUR LES ABEILLES. LiV. VII. ChAP. XVIII. 53l d'ébullition, on commencera à ramasser la cire avec une i^rande cuiller à ragoût , et on la ver- sera dans des écuellespréparéesde lamanièreque nous 1 avons exposé au chapitre XV. Si on s'a- perçoit (jue fa cire ne soit pas asse^ propre, il y a. deux movens d'y remédier; !e premier, de bien échauffer Jcs écuelles, avant d'y verser la Cire; ceîlc-ti conservant al'ji s ionc^-icmpssa cha- ieur,*elle a tout Je temps de déposer toutes les ordures , et on gratte ensuite le dessous du pain de cire avec un couteau. L'autre mojen est de ne pas retirer la cire de la chaudière pendant quelle bout, mais de la laisser jusqu'à ce qu'elle soit toute fondue; il faut alors la descendre du feu, la laisser reposer un peu, pour donner le temps aux ordures de se déposer; après quoi on la versera dans les écuel- les. Si, après avoir versé une bonne partie de la cire, on s'apercevoit qu'elle touchât au sac, ou même qu elle y eût pénétré, il faudroit prendre de l'eau bouillante et la verser dans la chaudière pour y faire remonter la cire : et si on crai- gnoit que la seule chaleur de l'eau ne fût suffi- sante j)our la faire ressortir du sac et surnager il laudi oit remettre la chaudière sur le feu pour la faire rebouillir pendant quelques minutes. 532 Traité complet Oo de vroil même en foncer le sac, pou rqiie la cire ne le touche pas. On évilercit encore ce touclie- nuent en y versant de l'eau chaude qui feroit remonter la cire. Après en avoir retiré toute la cire pure , s'il y reste quelque partie sale , on aura soin de la retirer également ; et si on a une se- conde fonte à faire , on hi jettera dans le sac avec les rayons, sinon on la fera bouillir dans un pe- tit chaudron, et on la fera passer par un tamis pour la purifier. Comme nous n'avons fait que ce seul essai sur cettenouvclle méthode de fondre les rayons, nous avons été forcés de proposer plusieurs moyens pour la rendre plus commode dans la pratique, et d'entrer dans des détails minutieux ; mais les amateurs pourront , d'après ce que nous avons exposé, et d'a|)rcs leur ])r()pre expérience, se former une méthode particulièie. N. B. La Planclie ci contre repi(^srn(e un pressoir tfaprèsle dessin que M. Duchet nous donne. II dev'ent înatile pour la cire, après la nouvelle méthode qne nous Trenons de proposer pour l'extraire des rayons 5 il ^.ourra cep-endant servir pour en avoir le second miel. A la fin da second volume, nous avons donné l'explication des auties figures. FIN. INSERT FOLDOUT HERE INSERT FOLDOUT HERE INSERT FOLDOUT HERE INSERT FOLDOUT HERE i