Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/traitdelagaran00duhauoîft LA N AT ÉUTA à RE pee sf au do 4 FR -domgosi ee TRATTÉE DE LA GARANCE, ET DE SA CUETURE. Avec la Defcription des Étuves pour deffécher cette Plante, G des Moulins pour la pulvérifer. NOUVELLE EDITION. Avec Figures en taille-douce. Par M. DUHAMEL DU MONCE AU, de l’Académie Royale des Sciences ; de la Société Royale de Londres ; de celle des Arts & du Commerce d'Angleterre; de la Société d'Edimbourg ; de l’Inflitur de Boulogne ; de l’Académie Impériale de Petershourg ; de celle Phyfico-Botanique de Florence, &'c. & de pluieurs Sociétés d'Agriculture ; Infpelteur Général de la Marine, X: PAR I 9 Chez H.L. Guerin & L.F. DELcAToUs, rue S. Jacques, à S. Thomas d'Aquin, M'DEÉ EXT Avec Approbation & Privilege du Roi, DES ARTFICELES. a AITÉ de la Garance & de fa Culture , Page 1 INTRODUCTION, Ibid. ArRTicee I, Des différentes efpeces de Garance, 6 ART. Ii. Defcription de la Garance, Rubia Tin- Étorum fativa, C. B. e ART. 11, Des Terres propresa la Garance, 11 ART. IV. Préparation de la Terre pour en faire une Garanciere , 13 ART. V. Multiplication de la Garance par les Semences ; 14 Arr. VI. Maniere de former une Garanciere avec de gros pieds bien pourvus de racines, 22 ART. VII. Maniere de former une Garanciere avec des tronçons de Racines , 24 ART. VIII, De la Mulriplication de la Garance par les Drageons enracinés , 2$ ART. IX. Culture dela Garance plantée par Tlan- ches & Plate-bandes ; avec la maniere de faire les Couchis , 33 ART. X,. Récolre des Racines de Garance, 4I ART. XI. DuDefféchement de la Garance, 44 ART.X II, Qu'on peur employer la Garance verte, fans la deffécher ni la pulvérifer , SI ART. XIII. Du choix de La Garance, 59 ART. XIV. Maniere de faire un Effai de Teinrure _ avec la Garance, 64 ART. XV. Maniere de deffécher & de puluérifer la Garance , 66 pi TALLE DES ARTICLES. Arr. XVI. Culture de la Garance en Zélande &r en Hollande , : 69 ArT. XVII, Arrêt du Confeil d'État du Rot du 29 Février 1756, en faveur de ceux qui culri- veront. la Garance 73 * DescRiPTION des Etuves pour def- fécher la Garance, & des Mou- lins pour la pulvérifer , 76 ARTICLE Î. Defcription de l'EtuvedeLille, ibid. ART. II, Réflexions fur l'Etuve qu'on emploie à Lille , S4 ART. III. Du fourneau de cette Etuve, 92 ART. IV. De la Meule verticale, pour écrafer la Garance , 95 ART. V. Defcription du Moulin à grapper la Ga- rance, tel qu'il ef} exécuté à Lille en Flandre , 96 Arr. VI. Réflexions [ur la confiruttion du Moulin de Lille, 102 ART. VII. Defcription du Moulin à puluérifer la Garance , conflruit a Corbeilles , 10$ OBSERVATIONS, 113 EXPLICATION des figures du Moulin de Corbeil- les , 118 CONCLUSION, 126 Fin de la Table des Articles. NOT 4. L’Approbation & le Privilege du Roi fe trouvent dans les précédentes Editions, TRAITÉ TRAITÉE DE LA GARANCE, ET DE SA CULTÜRE. cé cr Li Ce Ce CO ci INTRODUCTION. | A RACINE DE LA GARANCE eft d’un ufage fort étendu pour la Teinture des Laines, du Coton & des Etoffes. Elle les teinten rouge : cette couleur, à la vérité, eft peu brillante; mais elle ré- fifte fans altération à l’a&tion de l’air, à celle des rayons du foleil, & à l'effet des ingrédients qu'on emploie pour éprouver fa ténacité. On l'emploie en- core pour donner de la folidité à plu- fieurs autres couleurs compofées, A 3 CULTURE Ces avantages ont engagé le Minif- tere à encourager la culture d’une plan- te qui devient d’une fi grande impor- tance pour plufeurs Manufa@ures. Ce motif la porté à accorder en 1756 des privileges diftingués en faveur de ceux qui entreprendroient de la cul tiver. J'ai été engagé à publier en 3757, un Mémoire fur la Garance & fur fa culture. L’édition de ce petit ouvrage fe trouvant épuifée, & la con- fommation de cette plante étant de- venue plus confidérable que jamais, par létabliffement de quantité de Manu- fa@ures de Toiles peintes, on en a de- firé une réimpreflion. Mais comme la culture & l'emploi de la Garance fe font beaucoup perfe&ionnés depuis 1757; j'ai cru devoir faire des changements & des additions confidérables à mon premier Mémoire, pour le rendre plus utile au Public. Mon principal objet eft toujours Île même, celui d’inftruire Je Cultivateur préférablement au Tein- turier, qui probablement renonceradé- DE LA GARANCE. 3 formais à tirer de l'Etranger la racine de cette plante, lorfqu’il verraque nos Provinces feront en état de lui en four- nir de très-bonne qualité , &au même prix que celle qu'il tire des Hollan- dois, des Zélandois , &c. La culture de la Garance n’eft point nouvelle en France : on enéleve de- puis long-temps aux environs de Lille en Flandre ; mais comme les Payfans de cette Province font toujours avides de jouir du bénéfice de leur récolte, ils arrachent les racines avant qu’elles aient eu le temps d’acquérir affez de groffeur , ce qui fait qu’elles ont peu de parenchyme, qui eft la partie qui contient principalement la fubftance colorante. C’eft pour cette raifon que la Garance de Flandre eft moins efti- mée que celle de Zélande. Nous ne penfons pas cependant que les plus groffes racines foient toujours les meilleures:1l ya en cela,comme en beaucoup d’autres chofes, un milieu à obferver. Des racines de cette plante À 1 4 CULTURE qui auront refté très-long temps en terre , fe trouveront [ouvent avoir moins de parties colorantes que d’au- tres qui , par une bonne culture, fe- ront aflez promptement parvenues à une grofieur convenable. J’en ai ce- pendant vu de très-belles qui avoient été arrachées dans les bois & dans d’autres endroits où elles avoient crû naturellement ; & où probablement cette plante fubfftoit depuis long- temps. L’Azala ou Izari,qui eft une Garance que l’on cultive dans les plaines de Smyrne , féchée fans feu, eft la feule efpece de toutes celles qui entrent dans le Commerce qui donne au coton bien préparé ce rouge vif incarnat, que l’on appelle Rouge d’Andrinople , & qu'on imite fi bien maintenant en France, On l'envoie en nature à Marfeille : ceux qui en veulent faire ufage , la font pulvérifer. Cette Garance de Smyrne n’elt ce- pendant pas la feule qui donne un fi DE LA GARANCE. $ beau rouge. On eft parvenu à donner cette belle couleur au coton avec la Garancé des Provinces de Languedoc, de Poitou, du Gatinois, des environs de Rouen, & même avec celle qui croît fans culture au pied des haies. Il faut avoir foin de faire fécher cette racine, de maniere qu’elle ne contraéte aucune impreflion de fumée, & par une cha- leur modérée. Nous en parlerons dans Je cours de cet Ouvrage. Il eft étonnant qu’on abandonne aux Etrangers la culture d’une plante dont la plupart des Propriétaires des terres pourroient tirer un profit confi- dérable , en fe conformant aux inftru- &ions qu'ils pourront puifer dans ce petit Ouvrage. A ii 6 CU EUMN EE SRE LL. 2 A ROBE CL ERE Des différentes efpeces de Garance. EF y à plufieurs efpeces de Garance qui toutes fourniffent de la teinture. M. GueTrarp , de PAcadémie Royale des Sciences, a éprouvé que les Caille-lait, Gallium (PL. I. fig. 2), pourroient en four- nir; mais il ne dit point que ce rouge foit auffi intenfe , ni auffi beau que celui des garances ; d’ailleurs les racines de Gallium font très-menues. Il eft vrai que le Raye- de-chaÿe, ou Chayaver ( Hediotis herbacea Linn.), qu'on emploie pour la teinture rouge fur la côte de Coromandel, eft vrai- femblablement un caïille-lait 3 ce font des. plantes rubiacées qui fourniffent la teinture rouge : néanmoins M. d'AMBOURNEY , de la Société d'Agriculture de Rouen , ce zélé Citoyen , qui a fait plufieurs belles découvertes fur la garance , & que je citerai plufieurs fois à cette occafion, n’a pu jufqu à préfent tirer une belle couleur du gallium : les racines de cette plante font fi déliées qu’on peut négliger de l’em- ployer pour la teinture. Îl ÿ a encore une plante fort appro- DE LA GARANCE, "7 chante de la garance , qu’on nomme Croi- fette | Cruciata ou Rubia quadrifolia vel latifolia levis. I. B. Cette plante ne dif- fere du Gallium que parce qu’elle n’a à chèque étage que quatre feuilles difpofées en croix. Je n’ai point examiné fi fes ra- cines donnent beaucoup de couleur , mais M. d’Ambourney a teint en beau rouge du coton, avec des racines fraîches de la Cruciata Lufitanica , latifolia glabra , flore albo : INsT. Il y a employé de ces ra- cines fraîches , au poids de fix fois celui du coton. Ce coton après avoir été teint, a bien réufñ à l’avivage , & a foutenu le débouilli du favon pendant dix minutes. Comme je fuis perfuadé que M. d’Am- bourney communiquera le détail de fon expérience à la Société d'Agriculture de Rouen , ilme fufht ici d’annoncer le fait. L’Azala ou Izari de Smyrne, que on emploie à Darnetal & à Aubenas pour faire les belles teintures incarnates fur le coton, à la façon d’Andrinople , eft une vraie garance : il en croît naturellement quel- ques efpeces dans les haies & dans les bois, dont les racines , lorfqw’elles font féchées avec précaution, fourniflent d’aufhi belle teinture que l’Azala de Smyrne. M. d’Am- bourney a cultivé une efpece de garance qui s’eft trouvée fur les rochers d’Oifel A iv 8 Curfvreze en Normandie : les racines de cette plante lui ont donné une teinture du moins auffi belle que l'Azala. L’efpece qu’on cultive le plus ordinai- rement eft le Rubia Tinétorum fativa, C. B. C’eft cette même efpece dont on fait des plantations en Zélande & aux environs de Lille ; on la deffeche, on la pulvérife, & on envoie vendre en France fous le nom de Garance, Grappe de Hollande.( PL E, fig. 1). Il n’eft pas poffible de faire un auffi bel incarnat fur le coton , avec cette garance qu'avec l’azala de Smyrne, non plus qu’a- vec la garance d’Oifel ; mais je foupçonne que cette différence ne dépend pas parti- culiérement de l’efpece de garance, puif- que le rubia trinétorum fativa, qu’on a cultivé en plufieurs endroits du royaume, a donné à M. HELLOT, de l’Académie Royale des Sciences, une auffi belle tein- ture que l’azala. Nous ferons voir dans la fuite en quoi nous eftimons que confifte le défaut des garances de Zélande & de Lille : il faut, avanttout, donner la def- cription de la garance qu’on cultiveleplus communément. “br DE LA GARANCE. 9 NRA EE" TE Defcription de la Garance , Rubia Tin£orum fativa , C. B. Carre PLANTE poufle des tiges lon- gues de 3 à 4 pieds, quarrées , noueufes, rudes au toucher ( PI. I. fig. 1) : elles fe foutiennent aflez droites : chaque nœud eft garni de cinq ou fix feuilles pofées dans le pourtour de la tige , ou , comme difent les Botaniftes,verticillees : ces feuil- les font longues , étroites, garnies à leurs bords de dents fines & dures qui s’atta- chent aux habits. Les fleurs 2,b,c,d , naïffent vers les extrémités des branches : elles font d’une feule piece, figurées en godet , percées dans le fond c, découpées par leurs bords en 4ou $ parties : leur couleur eft d’un jaune verdâtre : on apperçoit dans l’in- térieur quatre étamines & un piftil, formé d’un ftyle fourchu ee, porté fur un em- bryon qui fait partie du calice. Cet em- bryon devient un fruit compofé de deux baies fucculentes attachées enfemble. Quand les fruits font mûrs , chaque baie contient une femence prefque rondefg, 10 CULTURE recouverte par une pellicule : les racines de cette plante font longues , rampantes : d’autres fois pivotantes, de la groffeur d’un tuyau de plume, quelquefois de celle du petit doigt , ligneufes , rougeâtres, & elles ont un goût aftringent : c’eft cette feule partie qu’on emploie pour les tein- tures. M. d’'Ambourney qui a cultivé la garance d’Oiffel, dit qu’elle pouffe plutôt au printemps que celle de Lille : il ajoute que fes tiges menues fe penchent jufqu’à terre, dès qu’elles fe font feulement éren- dues de la longueur d’un pied : les feuilles de cette efpece font plus étroites que celles de la garance de Lille : la principale dif- férence qui diflingue ces deux efpeces de garance eft , fuivant le même Amateur, que les racines de celle d’Oïffel font moins grofles, moins vives en couleur, moins garnies de nœuds & de chevelu , que celle de Lille. Comme elle à donné à la tein- ture une belle couleur qui a mieux réfifté au débouilli que celle de Lille, M. d’Am- bournay foupçonne que c’eft cette efpece de garance qu’on nomme Azala ou Izari ; car il dit que la graine qu’il a tirée de Smyrne lui a effectivement donné la même plante. Néanmoins la graine tirée du Le- vant fous le nom d’Azala, a produit , au Jardin du Roi, la même efpece de garance DE LA GARANCE. 17 que celle de Lille. Quant à moi , je foup- çonne que la garance d’Oiffel eft le Rubia filveltris Monspefqulana major, J. B. Cette garance donne de la graine bien plus promptement, & en plus grande quan- tité que celle de Lille ; mais elle ne prend pas auffi aifément de drageons. MORT EC BP )/TIT Des Terres propres à la Garance. L: GARANCE fubfifte dans toutes fortes de terres ; mais elle ne fait pas égale- ment par-tout de belles produétions. J’ai éprouvé qu’elle ne fe plaît pas dans les terreins fecs , quoique bons pour le fro- ment: elle aime les terres fubftantieufes, douces & humides en deffous ; mais elle périt quand elle eft fubmergée , ou dans les terreins aquatiques : j’en ai vu bien réuflir dans un fable gras qui étoit aflis fur la glaife 3 & comme un fond de glaife empêche les racines de pénétrer beaucoup enterre , elles coulent, pour ainfi dire, fur ce fol qui retient l'humidité, elles s’y multiplient , y deviennent fort grofles , & font plus aifées à arracher que celles qui pivotent beaucoup; car il y a telle de ces 12 CuzTusr racines qui s'étendent de quatre pieds eñ terre. On aflure que la garance qu’on cul- tive dans l'ile de Tergoés en Zélande , croit dans un terrein gras, argilleux & un peu falé. M. DE CoRBEILLES a cultivé de la garance avec fuccès dans un terrein qui eit une efpece de marais, plus inondé des eaux de pluie, qui reftent fur le fol, faute d'écoulement , que par les débordements du Fufain, petite riviere qui le traverfe. Quoi qu’il en foit, ce terrein eft rempli de groffes & mauvaifes herbes de marais; mais après avoir été bien défriché & tra- verfé de foffés , la garance y a reufi : on peut conclure d’après les fuccès que cette plante a eus dans une pareille pofition, que les marais defféchés font propres pour la garance. M. d’Ambourney a élevé;avec affez de fuccès , de la garance dans une argille jaune , alliée de fable , fous laquelle , à la profondeur d’un fer de bêche , fe trouvoit un banc de caïlloutrès-ferré: cette terre, comme onpenfe, n’étoit pas d’une bonne nature; mais elle étoit neuve,& M. d’Am- bournay apperçut , en arrachant cette garance , que fes racines avoient pénétré dans le gravier. DE LA GARANCE. 13 AR TH OE E LV: Préparation de la Terre pour en faire une Garanciere. Quaxn on fe propofe d’établir une ga- ranciere dans une terre qui eft déja en va- Jeur , il fuffit, pour la difpofer ärecevoir cette plante, de lui donner quelques pro- fonds labours, comme fi on la deftinoit à produire du grain : les racines s’étendront d’autant mieux que la terre aura été ameu- blie à une plus grande profondeur. Si on veut planter de la garance dans une terre en friche , il faut détruire les mauvaifes herbes qui en rendroient la culture très-pénible , & mettre la terre en état de labour par les méthodes qui font indiquées dans les Eléments d'Agriculture, Chapitre des défrichements *; puis faire enforte qu’elle fe trouve bien divifée ayant d’y femer ou planter la garance dans les mois d'Avril , Mai & Juin. La terre ayant été bien ameublie , amendée &net- toyée d'herbes , ii ef néceflaire de fe pour voir de graine ou de plant, ainfi que nous l’allons dire. * Cet ouvrage eft en deux Volumes in-12 avec figurest i1fe vend chez Guerin & Delatour, rueS. Jacques, 14 C CAR U'AUE À, KB ICT EME Multiplication de la Garance par les Semences. Ox PENSE aux environs de Lille que la garance qu’on y cultive, ne donne point de graine : quoique les fleurs de cette ef- pece foient plus fujetres à couler que celles de la garance d’Oiffel , & qu’elles en don- nent moins que celle-ci, néanmoins elles en donnent; & fi on n’en recueille pas à Lille, c’eft qu'on y eft dans lPufage de couper les tiges de cette plante avant que la graine foit mûre & bien formée. Il eft très-certain que la garance d’Oiflel, & celle qui croit naturellement en Poitou & en beaucoup d’autres Provinces , fourniflent quantité de graine, ainfi que l’Izari ou Azala de Smyrne. M. d’Ambourney ne cultive que ces efpeces qui donnent de la graine dès la premiere année. Dans la fe- conde , on recueille jufqu’à deux mille grai- nes fur un feul pied qui n’auroit pu fournir tout au plus que vingt ou trente boutures. Cette feule confidération fait fentir, com- bien il eft avantageux de multiplier la ga= rance par les femences, DE LA GARANCE. 15 Quand on a peu de pieds de garance, la récolte des femences ef difficile , parce qu’on les cueille alors une à une dans la crainte de n’en point perdre ; mais quand on eft bien pourvu de plantes , on en fait couper les grappes aufli-1ôt que la plus grande partie de la graine eft mûre : les femmes de journée que l’on charge ordi- nairement de ce travail , mettent ces grap- pes dans leur tablier à mefure qu’elles les cueillent, enfuite elles les étendent fur des draps à l’expoftion du foleil. Au bout de deux ou trois jours,quand l’herbe eft fuff- famment feche, on bat le tout avec des baguettes,comme on bat la laine; la bonne graine fe fépare aifément d’avec les grains verds & les ordures, après quoi on la vanne. La graine eft réputée bien mûre, quand elle eff noire ou violette. On l’expofe une feconde fois au foleil jufqu’a ce qu’elle de- vienne fonore ; car fi la pulpe qui l’enve- loppe n’étoit pas parfaitement defféchée, elle fe moifiroit pendant Phyver , & le germe périroit. M. d’Ambourney compte abréger encore cette opération en faifant couper l’herbe avec la faux. Cette récolte fe fait dans le mois de Septembre. On conferve cette graine dans des facs que l’on tient fufpendus dans un 16 CULTURE grenier jufqu'au temps qu’on fe propofe de la femer , car les rats & les fouris en font friands. Si on vouloit la femer fur le champ , fur une couche , alors on feroit difpenfé de la faire fecher , car l’humidité qu'elle contient, en favoriferoit la germi- nation. La garance donne donc des femences, de même que prefque toutes les plantes ; il en a même des efpeces qui en four- niflent beaucoup. Nous ferons voir dans peu , que ces femences procurent un moyen für de multiplier cette plante: voici les précautions qu’il faut y apporter. Si l'on a peu de femence, ou fi l'on veut par- venir à une prompte multiplication, il faut, fans balancer, femer cette graine fur cou- che, ainfi que M. d’Ambourney l’a pra- tiqué. Cette couche peut s'établir fans beaucoup d’embarras. On fait en terreune tranchée de deux pieds de profondeur, on la remplit de fumier de cheval, d'âne ou de mulet, nouvellement tiré de l’écurie ; on foule bien cette litiere, & on en rem- plit la tranchée de trois pouces plus haut que le terrein. Si le temps eft au hâle, on jette par-deflus quelques feaux d’eau , & on charge cette couche de terreau de vieille couche ou de terre légere, à Pépaif- feur de quatre à cinq pouces : on preffe un peu DÉ LA GARANCE. 17 peu cette terre en appuyant deflus avec des mains ; on la drefle avec le rateau, & on laifle pañler la chaleur du fumier. On met dans un pot, lit par lit, de la terre &c de la graine qu’on veut femer ; puis on y donne un léger arrofement. Au bout de 7 ou 8 jours, la graine eft germée , & en état d’être femée. [l fera bon d'établir cette couche le long d’une muraille à l’expofition du levant ou du midi, & avoir foin de la garantir des vents froids avec des paillaf- {ons , comme on fait pour les melonieres. Vers la fin de Février, quand la grande chaleur de la couche eft pañlée, &r la graine germée , on fait des rigoles à trois pouces de diftance les unes des autres,& d’un pou- ce de profondeur, dans lefquelles on-ré- pand la graine germée mêlée avec la terre du pot. Nous confeillons de répandre cette graine par rangées , afin d’avoir plus de facilité à faire les farclages. Dans le temps de hâle, on donnera un léger arrofement à cette couche : fi pour cette premiere fois il furvenoit des gelées un peu fortes, il feroit bon de la couvrir pendant la nuit avec des paillaflons. On aura foin d’arra« cher de temps en tempsles mauvaifes her- bes. Les plantes fe montrent ordinaire- ment au bout de 4 ou $ jours. Si on a foin de les arrofer fréquemment , elles feront 18 CurTunrrzr en état au mois d'Avril, d’être levées & d’être mifes en terre, comme nous le di- rons dans la fuite. Quand on jugera que les plantes font affez fortes pour pouvoir être bien-tôt ar- rachées,on mettra de nouvelle graine dans un pot,mêlée avec de la terre pour la faire germer comme la précédente, & on la répandra fur la même couche dès qu’elle aura été dégarnie du premier plant. Les cultures feront les mêmes que pour la pre- miere opération , excepté qu'on fera dif- penfé de prendre des précautions contre les gelées qui ne font pas alors tant a craindre. Ces fecondes plantes pourront être levées & tranfplantées vers la mi-Juillet ; mais on eft quelquefois obligé de différer cette opération,& de ne les replanter que lorfque la terre fe trouve humide , car cette cir- conftance eft abfolument néceffaire , fur- tout dans l’été. On peut encore faire germer de la graine pour la troifieme fois & en garnir la même couche ; mais rarement pourra- t-on la replanter dans la même année : on fera obligé de la laiffer fur la couche juf- qu'au commencement du printemps de Pannée fuivante. Ainfi on peut faire aifé- ment trois récoltes de plant fur une même couche. Si l’on donne à cette couche cinq DE LA GARANCE. 19 pieds de largeur fur 30 ou 40 pieds de longueur , on aura beaucoup de plant, ce qui eft très-avantageux, parce qu’en éle- vant ainfi quantité de plant, on eff dif penfé de faire des couchis qui font moins avantageux, comme nous le dirons dans Ja fuite. Ces femis peuvent encore fe faire fur des planches de potager bien labourées & bien amendées: on couvrira les femences d'un pouce & demi ou de deux pouces de terreau. Au furplus , les arrofements , les farclages & les autres attentions doivent être les mêmes que pour les plants que l’on éleve fur couche. On ne peut femer en plei- ne terre avant le 10 ou le 12 d'Avril ; &il feroit difficile de femer deux fois fur les mêmes planches dans le courant de l’an- née : tout l'avantage qu’il y a, fe réduit à ce que ce plant qui aura refté cinq mois fur la planche , & qu’on ne replantera que vers la mi-Septembre, fera plus fort que celui que l’on aura élevé fur couche. Quand il fera queftion de lever ces diffé- rents plants, il faudra avoir une finguliere attention à ménager les racines, & à ne faire la tranfplantation que lorfque le temps fera difpofé à la pluie. M. d’Ambourney a encore réuffi à fe- mer cette graine germée dans la garanciere Bij 20 CULTURE même ; mais il faut pour cela que la terre foit bien ameublie par les labours ; & avant de femer,on donne, avec une petite char- rue appellée binette , un labour léger & fuperficiel , afin que la femence nefetrouve pas trop enterrée : après avoir femé dans une raie, on en fait une autre dans la- quelle on ne répand point de femence, puis une troifieme que l’on feme, & ainfi alternativement dans toute l’étendue du champ. Si on vouloit fe fervir d’un femoir, il faudroit , après avoir bien herfé & bien uni la terre , répandre la femence avec le femoir , ce qui feroit d’une prompte exé- cution ; mais fur-tout il faut que la terre foit bien nette d’herbe , fans quoi on feroit néceffité à donner de fréquents labours,ce qui deviendroit bien à charge : cette pré- caution eft également néceffaire, & pour la garance qu’on replante , & pour celle que l’on feme en place. La vraie faifon pour femer en place cette graine après qu’on a eu foin de la faire germer , comme nous l'avons dit, eft celle du printemps, vers les derniers jours d'Avril : nous avertiflons que cette mé- thode confomme beaucoup de graine. Le moyen de s’en procurer abondamment eft de ne point arracher les plantes d’un champ où les racines feroient affez grofles DE LA GARANCE. 27 pour qu'on put les employer à la tein- ture. Ces pieds vigoureux donneront cer- tainement beaucoup de graine , fans que l'intérêt du Propriétaire en fouffre ; car ceux que lon aura laiflé fubfifter une année de plus en terrre, fourniront une plus grande quantité de très - belles ra- cines. Quand on eft pourvu d’une grande quantité de beau plant élevé fur couche ou en planches, il faut le mettre en place. Pour ceteffet, la terre ayant été bien pré- parée & nettoyée de mauvaifes herbes, un Journalier entendu s’occupera à lever ce plant & à le mettre dans des corbeilles qu’il recouvrira avec de l’herbe ; on tranfpor- tera ces corbeilles à d’autres ouvriers qui planteront les pieds de garance avec la cheville. Pour diminuer les frais de ce travail & en accélérer l’opération, M, d’Ambourney faifoit arranger ce plant dans les fillons formés avec une charrue, par des femmes qu’il employoit à cet ou- vrage , & qui recouvroient avec la main les racines d’un peu de terre, en obfer- vant de laiffer fix pouces de diftance d’un pied à l’autre; elles appuyoient la fane ou la tige de la plante le long de Pados de la raie, de maniere qu’il y avoit au moins un étage de feuilles hors de terre : au 22 CULTURE retour de la charrue, le verfoir achevoit de combler le fillon & d’enterrer le plant : on ne mettoit rien dans le fecond fillon, mais bien dans le troifieme : d’autres fem- mes fuivoient avec des rateaux, & perfe- “ionnoient le travail en garniffant de terre le collet de chaque plante. Selon cette méthode , il faut, au moins, 1$ ou 20 milliers de plantes pour garnir un arpent. En mettant un bon pied de diftance entre chaque raie, on fe procure la liberté de donner avec plus de facilité deux légers labours , & de rechaufler les pieds quand il en eft befoin. AR, T:I CG LE: NL Maniere de former une Garanciere avec de gros pieds bien pourvus de racines. S 1 L’ox fe trouve dans une Province où la garance croît naturellement dans les bois, le long des haies ou dans les vignes, ce qui n’eft pas rare 3 ou fi l’on a un champ de garance qu’on veuille facrifier pour en former un plus étendu,on peut arracher des pieds de garance , en ménageant avec foin toutes les racines , & fur-toutles trainafles DE LA GARANCE. 23 ou racines rampantes, qui s’étendent en- tre deux terres ; & on replantera ces pieds en entier , en obfervant d’étendre de côté & d’autre leurs racines rampantes. Si l’ona lattention que ces racines foient près de la fuperficie de la terre, la plupart pouffe- ront dans peu de nouvelles tiges, qui for- meront autant de bons pieds. Ce plant fournit beaucoup ,; de forte que quatre milliers fuffifent pour garnir un arpent. Ces gros pieds pouñlent ordinairement avec force , & ils donnent dès la premiere an- née beaucoup de graine, & encore plus à la feconde , fi c’eft de l’efpece d’Oifel. La garance fe peut replanter toute Pan- née, pourvu qu’on le fafle, comme nous Pavons déja dit, par un temps humide. Mais quand on eft le maître de choifir la faifon , on doit le faire vers la fin de Sep- tembre. Cette garanciere fe cultive de la même maniere que celle qui a été élevée de graine. AS E> 24 Cru EEE ART C'L'ÉTNEE Maniere de former une Garanciere avec des tronçons de Racines. pr on arrache les racines de ga- rance pour les livrer aux Teinturiers, on peut , fans diminuer le profit qu’on en doit attendre, fe procurer beaucoup de plant ; car il eft d’expérience qu’un bout ou un tronçon de racine , pourvu qu’il foit garni d’un bouton & d’un peu de chevelu, produira un pied lorfqu’on le mettra en terre à une petite profondeur : ainfi quand on arrache une garanciere ; on peut fe ménager beaucoup de plant, qu’on met- tra en terre en automne ; parce que, fui- vant l’ufage ordinaire, c’eft Ja faifon d’ar- racher les racines de garance pour les pré parer & en faire la vente. Mais comme:l arrive prefque toujours qu’une partie de ces pieds périt, il eft bon de les planter un peu épais. M. d’Ambournay a planté avec beaucoup de fuccès des racines rampan- tes qu'il avoit coupées par tronçons , gar- nis chacun de deux nœuds. ARTICLE DE LA GARANCE. 2ÿ en BORTT ECDE VITE De la Mulriplication de la Garance par les Drageons enracinés. UAND on a de grandes pieces de terre en garance ,on peut fe procurer beaucoup de provins , fans faire un tort confidérable à la garanciere qu’on cultive pour ven- dre : voici comment il faut s'y prendre. Lorfque la garance a pouffé des tiges de 8 ou 10 pouces de longueur, ce qui ar- rive ordinairement dans le cours des mois d'Avril, Mai ou Juin de l’année fuivante, on fait arracher ces tiges par des femmes, qui les faififfent près de terre, & les ar- rachent comme fielles cueilloient de l’herbe pour leurs vaches ; une partie des brins viennent avec de petites racines , & ceux- ci reprennent aifément , fur-tout s’il fur- vient un peu de pluie après qu’ils ont été replantés ; d’autres ne montrent qu’un peu de rouge vers le bas, & la reprife de ceux- là n’eft pas à beaucoup près aufli certaine : d’autres enfin n’ont que du verd & du jaune; ceux-là doivent être rejettés, parce qu’il n'en reprendroit qu’un très - petit nombre, a 26 CULTURE M. d’Ambourney en avoit replanté qui avoient depuis 4 jufqu’à 8 pouces de ra- cines jaunes; il n’y en a eu que la dixieme partie qui ait repris; mais les provins dont le bas étroit brun & ligneux, ont réuñffi. Si , en fuivant la méthode de Lille , on a eu foin, en cultivant la garance, de coucher des tiges pour qu’elles forment des racines; la plupart des brins font des trainafles qui ne font pas fort enfoncées en terre 3 on les arrache avec les tiges quand la terre fe trouve légere , & atten- drie par la pluie, & cela fait tort à la ga- ranciere : au contraire, quand les terres font fortes & dures , la plupart des brins fe rompent au niveau de la terre, &c ils n’ont point de racine. Aiïnfi, pour avoir de bon plant, & pour ne point endom- mager une garanciere , le mieux eft de fe fervir d’un plantoir plat, large d’un pouce ou 15 lignes , qu’on enfonce en terre pour rompre les couchis, & foulever la terre, à mefure que de l’autre main on tire douce- ment les tiges. Comme cette opération re- tarde le travail, on évitera de s’en fervir quand le plant pourra s’arracher avec une fuffifante quantité de racines , fans faire tort aux pieds, Il ne faut pas lever une trop grande quantité de plant dans une garanciere : on courroit rifque de faire DE LA GARANCE. 27 périr les vieux pieds, fi on ne leur laïfloit pas au moins le quart de leurs tiges. À mefure que les ouvriers levent du plant, il faut fehâter de le mettre enterre: je fuppofe que le champ que l’on veut établir en garanciere a été de longue main bien amélioré, & qu’il a été labouré & herfé. Comme, en plufieurs endroits , l’u= fage le plus commun eft de planter les ga- rancieres avec du provin femblable à ce- lui dont je viens de parler, je vais expli- quer fort en détail la façon de mettre en terre cette forte de plant; ce que nous dirons des autres plants en fera plus aifé à comprendre. Pendant que des ouvriers forment , avec la houe ou la mare, des fillons d’environ 4 pouces de profondeur & tirés au cordeau, des femmes ou des enfants couchent les provins dans les rigoles , de forte qu’ils {oient à 3 pouces les uns des autres ; d’au- tres ouvriers enterrent le provin, en rem- plifant la rigole avec la terre qu’ils tirent en formant une nouvelle rigole , dans la- quelle les femmes arrangent du provin, de la maniere quenous venons de le dire. Cette feconde rigole eft remplie avec la terre qu’on tire en en formant une troi- fieme , dans laquelle on arrange encore du plant,comme on a fait aux deux premieress Ci 28 CULTURE & cette derniere rangée eft comblée avec de la terre qu’on prend à Pendroit où doit {e trouver uñe plate-bande vuide. En fui- vant cette méthode, chaque planche n’eft formée que de quatre rangées de garance ; on met un pied d'intervalle entre les ran- gées, ainfi ces planches n’ont que trois pieds de largeur ; & on laiffe trois pieds de diftance d’une planche à l’autre pour former une plate-bande dans laquelle on ne met point de garance , mais qu’on laboure avec la charrue, pour avoir de la terre meuble à portée des planches, qui fervira à chauffer les pieds de garance , ce qui leur donne beaucoup de vigueur. On fait enfuite une feconde planche pareille à la premiere, fur laquelle on plante de la même maniere quatre rangées de garance, puis une plate-bande de trois pieds de largeur, & enfuite une planche de trois pieds ; ce qui fe répete dans toute l’étendue du ter- rein. En fuppofant qu’un tel terrein ait un arpent, ilfaudra 15 ou 20 milliers de provin pour le garnir. En Flandres , on donne 10 pieds de lar- geur aux planches, & on ne laïffe entr'el- les qu’un pied ou un pied & demi pour la plate- bande. On verra dans la fuite , qu'une aufh petite étendue de terrein vuide n'eft pas fuffifante pour fournir la terre nés DE LA GARANCE. 29 ceffaire pour charger les plate-bandes , & qu’il eft pénible de tranfporter la terre à s pieds de diftance. Mais auffi, plus on met de plant dans l’étendue d’un terrein, plus on en retire de profit lorfqu’on vient à arracher la garance ; & fi l’on ne fe pro- poloit pas de faire des couchis, on feroit bien de mettre cinq rangées fur les plan- ches, & de réduire les plate-bandes à deux pieds de largeur. Quoi qu’il en foit , pour bien réuflr à la plantation de la garance , il faut que des femmes , dont on fe fert ordinairement , arrachent le provin , pendant que des ou- vriers font des rigoles , dans lefquelles d’autres femmes arrangent le provin que les premieres leur fournifient , & que d’au- tres ouvriers le recouvrent fur le champ: de terre. Comme nous avons dit plus haut qu’on arrachoit le provin dans les mois. d'Avril, Mai ou Juin, il s'enfuit que c’eft dans ces mêmes mois qu’on doit planter les garancieres; & comme on peut efpérer de trouver dans cette faifon une quinzaine de jours ou trois femaïnes d’un temps fa- vorable pour cette opération, on‘attendra à faire. cette plantation jufqu'a ce que le temps fe montre difpofé à la pluie, parce: que la reprife de cette plante en fera plus gertaine. Lorfqw’on met en plein champ Lo Ji 30 Cuir Tr utrtr des plants de quelques légumes que ce foir, on a ordinairement foin d’avoir de l’eau dans des feaux pour y faire tremper le plant avant de le mettre en terre ; je crois que cette pratique feroit utile pour la ga- rance. Ce que nous venons dedire , ne regarde que le plant de provin ; car celui qui ef formé d’un tronçon de racine garni d’un bouton & de chevelu , étant choifi dans les racines qu’on arrache en automne , il faut le mettre en terre dans cette même faifon ; la reprife en eft plus certaine ; mais , à cette circonftance près, on peut faire les planches & les plate - bandes, comme pour le provin. | A l’égard des plants enracinés, on eft maître de les planter au printemps ou en automne, en fe conformant toutefois à ce que nous avons dit à l’occafion des pro- vins, excepté qu’alors on fait des rigoles plus larges & proportionnées à la groffeur du plant, pour pouvoir étendre les trai- naffes des racines, principalement fuivant la direction des rigoles, & que l’on doit avoir attention que ces racines traçantes ne foient recouvertes que d’un pouce ou un pouce & demi deterre, afin que les tiges puifflent percer & fe montrer plus facile- ment hors de terre. Rendons ceci plus DE LA GARANCE. 31 clair. La garance eft une plante traçante; or les plantes qui tracent produifent des tiges par leurs racines , mais feulement quand elles ne font qu'à une petite pro- fondeur en terre; car celles qui font trop recouvertes de terre , ne peuvent pro+ duire detiges. Et dans le cas où Pon veut planter de gros pieds, & qu'il eft avanta- geux de fe procurer du plant, il eft fenfi- ble qu’il faut placer les racines traçantes près de la fuperficie de la terre. Suivant l’ufage de Lille , on arrache le provin dans le mois de Mai : on le prend dans un champ de vieille garance , & on le plante a la pioche dans le champ qu’on veut garnir. Les fillons font éloignés les uns des autres de 1$ pouces ; & les pieds, dans le fens des rangées , font à 3 pouces les uns des autres. On fait les planches de 10 pieds; & elles font féparées par des fentiers de 12 à 1$ pouces de largeur. Comme la garance fe peut tranfplan- ter dans toutes les faifons de l’année , on fera bien de profiter d’un temps couvert & pluvieux , foit pour faire cette planta« tion, foit pour regarnir les endroits où le plant auroit manqué. Mais la faifon de l'automne eft préférable à touteautre;non- feulement parce que l'humidité de cette faifon eft plus favorable à la reprife ; mais Civ 2 CULTURE encore parce que les provins qu’on leve alors pour cette opération , font mieux pourvus de racines que ceux qu’on leverois au printemps. J'ai dit que la garance, qui fe plaït dans une terre humide , périt quand elle eft inondée : on peut prévenir cette inonda- tion, en faifant les plate-bandes plus baf- fes que les planches ; & au contraire, file terrein étoit trop fec, on feroit bien de faire en forte que ces plate- bandes fuf- fent plus élevées que les planches. Il eff vrai que cette difpofition des plate-ban- des à l’égard des planches , ne pourra pas fubfifter long-temps, parce que, comme on va le voir, on fera obligé dans la fuite de creufer les plate-bandes pour charger les planches ; mais ce fera toujours quelque petit avantage pour les jeunes plantes. Il feroit poflible d'abréger beaucoup le travail de la plantation de la garance , en la faifant avec la charrue , comme nous l’a- vons dit plus haut. DE LA GARANCE. 33 ARTICLE IX. Culture de la Garance plantée par Planches & Plare-bandes ; avec la maniere de faire les Couchis. S 1 LA GARANCE a été plantée en autom- ne , où doit fe contenter de donner de temps en temps quelques labours aux pla- te-bandes avec une charrue légere ; & comme ces labours n’ont pas tant pour ob- jet de donner dela vigueur à cette plante, que de préparer de La terre meuble à por- tée des planches pour les rechaufler, on doit avoit l’attention de ne les point faire quand la terre trop humide pourroit fe pé- trir. Ondoitauffi, avant les mois de Juin ou de Juillet, donner un labour aux pla: te-bandes des garancieres qui ont été plan- tées au printemps. À Lille, on donne à toutes les plantes un léger labour avec un inftrument fort étroit; & lors de cette culture , quelques- uns couchent de côté & d’autre les nou- velles pouffes qu’on recouvre d’une pe- tite épaifleur de terre. D’autres blâment cette méthode , & prétendent que les couchis ne donnent jamais de bonne 34 Cu L'T'Ù RYE garance : jen parlerai bien - tôt. - Quand les poufles de la garance ont acquis un pied de longueur, on fait farcler les planches par des femmes ; puis la terre des plate-bandes étant bien labourée juf- qu’auprès des planches, ceux qui préten- dent que les couchis produifent de bonne garance , font coucher fur la terre des pla- te-bandes une partie des tiges de la pre- miere rangée, & ils les recouvrent d’un pouce & demi ou de deux pouces de terre meuble qu’ils prennent dans la même pla- te-bande : ceux qui ne font pas de cas des couchis, fe contentent de rechaufier les pieds, en chargeant les planches avec la terre meuble des plate-bandes. C’eft-là le grand avantage que MM. de Corbeilles ont trouvé à faire labourer à la charrue les plate-bandes , pour avoir fous la main une terre cultivée & ameublie , qui eft bien utile pour rechauffer les pieds de garance; ce qu’on ne pourroit faire que très-difh- cilement , fuivant l’ufage de Lille, ou même fi on laifloit la terre des plate-ban- des s’endurcir. Il faut, dans cette opération, foit qu’on fafle des couchis ou non , avoir grande attention de ne pas recouvrir entiérement de terre les tiges de la plante ; leur ex- trémité doit fortir de terre, fans quoi celles DE LA GARANCE. 2$ qui feroient entiérement couvertes de ter- re , périroient immanquablement. J'ai éprouvé qu'après un certain temps, ces branches couchées fe convertiffent en racines qui contiennent de la fubftance co- lorante , mais jamais autant que les vraies racines , & elles reftent creufes ; c’eft pour cela que je confeille, lors même qu’on veut faire des couchis, de ne point cou- cher toutes les poufles, mais d’en confer- ver une bonne partie fur chaque pied , qui deviendra par ce moyen plus vigoureux, & qui produira de belles racines; car nous avons prouvé en plufieurs endroits de nos ouvrages , que les plantes pouflent en ra- cines proportionnellement à ce qu’elles produifent hors de terre. Quand on veut faire des couchis , les brins de la feconde rangée doivent être couchés entre les pieds de la premiere, comme nous venons de le dire ; ces cou- chis étant recouverts de deux pouces de terre, on couche les brins de la troifieme rangée entre les pieds de la feconde; puis ceux de la quatrieme , entre Îles pieds de la troifieme ; on les recouvre de terre; & par ce moyen la planche fe trouve élar- gie de deux pieds aux dépens de la plate- bande. Lorfqu’il n’y a que deux rangées plan- 36 CuLrTURE | tées fur une planche, on couche l’une à droite, & l’autre à gauche ; ce qui élargit les planches de deux pieds , & rétrécit pro- portionnellement les plate-bandes. Pour faire promptement cette opéra- tion ; apres avoir donné un labour aux plate-bandes avec une charrue à verfoir , qui releve la terre du côté des planches, on formera de chaque côté & tout au bord des planches , un petit fillon , pour rece- voir les couchis, qu’on recouvrira d’un peu de terre avec la houe ; ce travail peut s’exécuter très-promptement. Quand les années font très-favorables à la garance, il arrive quelquefois que les tiges couchées fe font encore élevées d’un pied ; alors on peut répéter les opérations que nous venons de décrire, & les plan- ches fe trouvent une feconde fois élargies d’un ou de deux pieds aux dépens des pla- te-bandes. Il arrive rarement que l’on fe trouve dans une aufli.heureufe circonf- tance ; mais quand elle fe préfente, ilfaut laiffer à chaque couchis plufieurs brins qui s’élevent verticalement ; car il faut s’oc- cuper toujours de la perfeétion des raci- nes , qui eff la partie utile de cette plante; je veux dire, qu’il faut plus compter fur les racines que produifent les couchis que fur les branches qui deviennent rouges , DE LA GARANCE. 37 après avoir refté un temps fuffifant en terre. C’eft le fentiment de MM. d’Am- BOURNEY & de LANGE, qui penfent que les couchis ne fourniflent pas à beau- coup près autant de teinture que les vraies racines ; en conféquence ils ne veulent pas qu'on fafle de couchis, mais qu’on plante les pieds beaucoup plus prèsles uns des autres. Je fuis maintenant de l’avis de ces Meffieurs ; mais je dis qu’il eft toujours utile, outre les petits binages qu’on eft obligé de donner de temps en temps, de chauffer les plantes avec la terre qui les en= vironne , ou, encore mieux, de charger les planches dans le mois de Mars , avant que les tiges foient forties de terre, ce qui oblige de ménager des plate-bandes de diftance en diftance. Cependant , je le répete , on peut les faire moins larges que nous l'avons dit. Enfin, pour ramener la culture de la garance à des pratiques aifées , auxquelles les Payfans font habitués , on peut la comparer à celle que Pon donne aux ha- ricots qui ont été femés par rangées; car il faut bien biner & chauffer la garance pré- cifément comme les haricots : cette com- paraïfon doit être certainement fenfible aux Payfans. Il eft, je crois, inutile que je dife qu’il faut abfolument interdire 38 CuULTUR.E l’entrée des garancieres au bétail de quel- que efpece que ce foit. On ne doit point permettre d’arracher les tiges de la garance la premiere année ; comme les pieds de cette plante n’ont pas encore produit beaucoup de chevelu , on les arracheroit avec la fane : il eft vrai qu'on pourroit les couper ; mais il vaut mieux laifler périr cette herbe d’elle- même. À Lille, on eft dans l’ufage de fouiller au mois de Mars de la feconde année la terre des fentiers, jufqu’à un pied & demi ou deux pieds de profondeur, pour en charger les planches ; c’eft alors que les plate-bandes font bien commodes pour fournir amplement de la terre meuble. Dans les mois d'Avril, Mai ou Juin, fi l’on a befoin de plant, on arrache le provin, comme je l’ai expliqué plus haut ; après quoi l'entretien de la garanciere jufqu’au mois d’Août fe réduit à arracher les mauvaifes herbes , & à donner, avec la charrue, quelques labours aux plate- bandes ; mais on fera bien encore de don- ner un labour léger & à bras au milieu des planches, fur lefquelles on n’aura pas fait de couchis : cette culture fera très-avan- tageufe aux racines. Dans le mois de Septembre, on pourra DE LA GARANCE. 39 faucher & faner l’herbe de la garance. À Lille, on la fauche dés le mois d’Août ; & c’eft pour cette raïfon que les Flamands affurent que la garance ne produit point de graine qu'on puifle femer. D'ailleurs M. d'Ambourney aflure que la garance de Lille ne produit point de bonne fe- mence dans la premiere année. L’herbe de la garance fournit un excellent fourrage: pour les vaches : l’ufage de cette nourri- ture leur procure beaucoup de lait , qui eft d’une couleur tirant un peu fur le rouge, & dont le beurre eft jaune & de bon goût. Si l’on a befoin de graine pour femer, on ne fauchera la garance que quand elle fera parfaitement mûre. Après ces petites récoltes, on fera bien de donner encore un labour à la charrue , aux plate-bandes feulement , pour entre- tenir la terre en façon, fuppofé qu’on fe propofe de planter de la garance à cet en- droit, pour y former les planches l’an- née fuivante. On pourra répandre un peu de terre meuble fur les planches, & ren- verfer de la terre des plate-bandes vers Je bord de ces planches ; parce que les plus beaux pieds de garance fe trouvant tou- Jours fur les bords, il eft bon de leur four- nir de la terre meuble dans laquelle les racines ne manqueront pas de s’étendre, 40 CULTURE Ainfi , après que la récolte de la ga« rance a été faite , & quand le terrein eft yuide , on doit le labourer en entier pour y mettre de nouvelle garance comme la premiere fois ; & avoir l’attention de pla- cer les planches au milieu de l’efpace où étoient les plate-bandes , & pour le refte, fe conformer entiérement à ce qui a été dit ci-devant fur la premiere plantation. Dix- huit mois après, quand cette feconde ga- rance eft récoltée , fi l’on difpofe le même terrein à être femé en grain, on peut être afluré d’y faire d’abondantes récoltes ; car outre que la garance n’épuife pas la terre , les labours répétés qu’on a été obli- gé de lui donner , la difpofent admira- blement bien pour toutes fortes de pro- ductions. Cependant fi, après quelques années d'intervalle , on fe propofoit de remettre de la garance dans cette même terre , il faudroit fumer abondamment ce champ , Pannée qui précéderoit la plan- tation. L# Us ARTICLE DE LA GARANCE. 41 À KR TICLE X. Récolte des Racines de Garance. Li RACINES font la partie vraiment utile de la garance ; ce font elles qui doi- vent dédommager le Propriétaire de tou- tes fes avances. La récolte s’en fait dans les mois d'Oûtobre ou de Novembre. On fe plaint que les Payfans des envi- rons de Lille en Flandre, trop preflés de jouir du fruit de leur travail, arrachent leur garance avant que les racines ayent eu le temps de groflir fuffifamment : les Zélandois laiffent prendre plus de groffeur à celles qu'ils cultivent. Il ne faut pas cependant tomber dans un excès oppofé au premier; car une vieille racine , quia long-temps refté en terre, donne moins de teinture qu’une jeune racine qui feroit de la groffeur du petit doigt, ou au moins de celle d’un gros tuyau de plume. Mais fi les racines fe trouvent trop menues, on aura plus de profit à différer d’une année cette récolte; car alors elles ne fourni- roient que du billon. En ce cas, il fau- droit, dans les mois de Février ou de Mars , avant que la garance gi pouffé ; 42 CULTURE donner un labour aux planches , & les charger d’un peu de terre mêlée avec du crottin de brebis, ou un peu de fumier de pigeon. Le moyen le plus expéditif pour faire la récolte de cette racine , eft de refendre les planches par des traits d’un cultiva- teur qui n’ait point de coutre : des femmes qui fuivent , achevent d’arracher les ra- cines avec des crochets dont on fe fert pour curer les étables ; elles les mettent dans leur tablier, à mefure que des hom- mes rompent , avec des pioches, les mot- tes, pour que ces femmes puiflent plus ai- fément en tirer les racines. Un autre moyen qui exige plus de tra- vail, mais aufli qui endommage moins les racines , eft de renverfer avec une houe refendue , ou avec un crochet , la terre des planches dans les plate-bandes : s’il fe forme des mottes , les ouvriers les rompent avec la tête de leur houe , & les femmes ramaflent les racines dans des paniers ou dans leurs tabliers. Ces moyens peuvent fuffire quand le fond de la terre ne permet pas aux racines de la pénétrer à une grande profondeur. Mais fi laterreavoit beaucoup de fond , il faudroit commencer Penraya- güre , & fouiller la terre de tout le champ, à cette même profondeur. DE LA GARANCE. 43 Je remarquerai , en pañlant, que les pieds de garance venus de graine, ontplus de difpofition à pivoter que ceux de provin, ou qui viennent de tronçons de racines. Si Pon fait cette récolte par un temps fec , les racines fe trouvent aflez nettes de terre, pour être difpenfé de les laver; mais lorfque la terre eft humide, on eft obligé de les laver, ce qu’il faut éviter le plus qu’il eft poffible; car on s’apperçoit bien à la couleur que l’eau contraéte , qu’elle a un peu diffout la partie colorante : il vaut mieux nettoyer ces racines avec les mains ; l'étuve & le fléau, comme nous le dirons dans la fuite , acheveront de les nettoyer fufhfamment. À mefure que les racines font ramaflées, on les étend fur un pré; car lorfqu’il fait du vent & du foleil, on fera bien d’en profiter pour commencer à les deffécher avant de les tranfporter à la maïfon. Pour ne rien perdre dans ce tranfport, on gar- nit de toile une charrette à ridelles , & on la remplit de racines. À mefure qu’elles arrivent , on les étend dans des greniers ou fous des hangards , & on fe hâte de les mettre à l’étuve pour achever de les def- fécher fuffifamment , afin qu’elles ne cou- rent plus le rifque de fermenter ni de fe corrompre. On diminueroit fans doute les Dij A4 Cor TU RTE frais de l’étuve , fi les racines étoient en partie defléchées fur le pré; mais pour cela 11 feroit plus à propos de les tirer de terre au printemps , où le foleil a plus d’a&ion, que dans Pautomne. A:RTTCLE: XXE Du Deféchement de la Garance. Comme l'établiffement d’une étuve de- mande beaucoup de frais, & qu’il n’y a dans chaque canton que quelques Particu- liers qui puiflent en faire la dépenfe , ceux qui n’en ont point, vendent ordinairement les racines qu’ils recueillent aux Proprié- taires des étuves , qui, pour l’ordinaire ; taxent le prix de la garance verte fur un pied très modique. ‘ La racine de garance eft bien difi- cile à deffécher : fon fuc eft vifqueux , & elle perd à l’étuve fept huitiemes de fon poids. Comme je me propofe de parler en détail de létuve, il fuffit pour le préfent, d’avertir qu’il faut l’échauffer aflez , pour qu’un Thermometre de M.de RÉAUMUR, placé au centre de l’étuve, marque 40 ou 4$ degrés au-deflus de zéro. Je ne DE LA GARANCE. 45 crois pas au refte qu’il y eût un grand inconvénient a excéder ce point; je foup- çonne même que les Zélandois pañlent de beaucoup ce degré de chaleur. Mais on peut pofer pour principe général , qu’il eft mieux de laifler plus long-temps la ga- rance dans l’étuve à une chaleur modérée , que de précipiter le defféchement par une chaleur trop vive : quelques effais faits en petit donnent lieu de croire que la qua- lité de la garance en feroit meilleure, f on pouvoit la deffécher entiérement au foleil ou même à l’ombre , & par la feule aétion du vent, comme on prétend qu’on le pratique à Smyrne, où Pair eft bien plus fec qu’en Flandre. Je crois que fi l’on arrachoïit la garance au printemps, on pourroit, dans cette fai- fon hâleufe , diffiper par le vent & le fo- leil une grande partie de l’humidité de cette racine ; & de cette façon on dimi- nueroit beaucoup les frais de l’étuve : le feul inconvénient qui s’y trouve , c’eft la difficulté d’avoir des ouvriers dans cette faifon. Je voudrois donc qu’aufli-tôt que les racines feroïient arrachées , on les tranf- portât , comme il a été dit ,auprès de l’é- tuve ; qu’on les étendit à une petite épaifleur fur une peloufe unie , fort ex= 46 CULTURE pofée au vent & au foleil, & qu’on les retournât de temps en temps : il {eroit en- core néceflaire , dans le temps de pluie, & tous les foirs, de les retirer fous des hangards; & afin de n’être pas obligé d’a- voir des appentis d’une grandeur trop con- fidérable, on n’arracheroit point les ra-: cines toutes à la fois, mais par parties, & feulement ce qu’on en pourroit travailler dans les bâtiments dont on auroit la dif- pofition. C’eft pendant cette opération , que le Cultivateur fera bien de varier fes pratiques , fuivant les circonftances des faifons : fi le hâle & la fécherefle paroiffent devoir durer, il fera arracher beaucoup de garance , pour profiter d’une circonf- tance qui doit lui épargner bien des pei- nes & de la dépenfe : fi la faifon eft hu- mide , il n’en fera arracher que la quan- tité qu'il pourra ferrer dans fes bâtiments, & la fera étuver fans retard, M. d’Ambourney eft parvenu à faire deffécher au foleil de la garance , dont il a fait de très-belles teintures ; il approuve fort ce que nous venons de dire ; il penfe qu'il ne faut arracher dans lautomne que les racines qui font nécetaires pour plan ter, & qu’il convient de remettre à arra- cher au printemps celles qu’on deftine pour les Teinturiers , afin de profiter des vents DE LA GARANCE. 47 häleux & de la chaleur du foleil, & dimi- nuer d’autant le fervice des étuves. Enfuivant Pufage ordinaire ,‘il ne fufht pas que la garance toit affez defléchée pour ne fe point gâter, il faut encore qu’elle puille fe pulvérifer , ou , comme Pon dit, fe grapper. n reconnoit que la garance eft fuffi- famment defféchée , quand elle fe rompt net en la pliant : mais il faut être averti qu'elle continue à fe deffécher, lorfqu’au fortir de l’étuve , on l’étend à une petite épaiffeur dans un grenier fec ; car l’humi- dité qui a été réduite en vapeurs, fe diffipe d’elle-même. | Avant que les racines foient entiére- ment refroidies , on les met fur des claies fort ferrées , & on les bat à petits coups de fléau ; puis on les vanne pour féparer les groffes racines d’avec le chevelu, & encore d’une partie de l’épiderme,& d’une portion de terre fine que Paétion de Pé- tuve rend aifée à détacher. Toutes ces ma- tieres qui pourroient rendre la teinture moins brillante , tombent fous les claies, ou au fond du van: les petites racines dé- pouillées en partie de leur épiderme peu- vent être rejettées comme inutiles , quoi- qu’en Hollande on ne les laiffe pas perdre car on les emploie pour des teintures coms munes, 48 EVE TURE M. d’Ambourney nous a fait part du moyen fuivant pour rober la garance : il lui aété communiqué par M. PAyNEL de Dar- netal. On metlesracines de garance triées, épluchées & féchées dans un grand fac de toile rude ; on les y fecoue violemment: le frottement du fac, & celui des racines les unes contre les autres , détachent pref- que entiérement l’épiderme qui acheveen- fuite de fe féparer aifément au moyen du van:ona, par cette méthode, de belles racines de garance robée , dont leffet prévaut fur l’Azala, autant que celle-ci a l'avantage fur la plus belle garance de Hollande. Mais il ne faut faire cette pré- paration , qu'autant qu’il fe trouveroit des T'einturiers aflez curieux de leur art pour donner au Cultivateur un prix proportion- né aux dépenfes qu’il auroit faites. M. d’Ambourney aflure poftivement que fi l’on arrache les garances au prin- temps ; on aura l’avantage , pour peu que la faifon fuit favorable , de faire fécher cette racine au foleil affez parfaitement pour la pouvoir garder fans la faire pafler à Pétuve , ce qui épargne de grands frais. Je nai pas été à portée de faire des effais affez en grand pour vérifier cela ; & quand j'ai propofé de faire fécher la garance au foleil, ce n’a été que pour diminuer les frais DE LA GARANCE. 49 frais de Pétuve , que je crois cependant très-néceflaire en plufieurs circonftances. M. d’Ambourney ajoute que , pour accé- lérer la deflication des racines , illes a fair étendre fur une efpece de plancher de bri- ques , ou encore mieux de plâtre; mais il convient aufhi qu'il faut pañler la garance par l’étuve pour la deffécher au point de pouvoir être pilée , lorfqu'on opere en grand. Cet habile Obfervateur compte exécuter encore d’autres expériences : fi elles réuflifent , le Public en fera informé, & ce fera une nouvelle obligation que nous aurons à ce généreux Patriote. Mais nous nous propofons de rapporter dans la fuite une autre découverte que nous croyons de- voir être encore plus utile. Les terres fubftantieufes & légeres don- nent de meilleures racines que les terreins fort gras & marécageux. Mais il ne fuffit pas qu’un terrein donne des racines de bonne qualité, il faut outre cela qu’il en fournifle affez abondamment pour procu- rer un profit raifonnable au Cultivateur. Selon une expérience faire aux environs de Tours, un arpent de 100 perches, (la perche de 22 pieds) , a produit huit mil- liers de racines vertes. Les premiers eflais de MM. de Cor- beilles ont donné un produit au moins auffi Le) EULTURE confidérable. En 1757, un demi-arpent a produit fur ce même pied , & a donné prefqu’autant de racines que 3 arpents & demi fitués en différents cantons. Mais communément il s’en faut de beaucoup qu’on recueille 8 milliers de racines frai- ches par arpent : l’un dans l’autre il ne faut gueres compter que fur 4, $ ou 6 milliers de garance verte. Si l'on fe propofe de grapper cette ra- cine , 1l faudra s'attendre à la voir réduite, par la chaleur de l’étuve, à un -huitieme de fon poids; de forte que 8 milliers de racines vertes ne produiront qu'un millier de racines féches; fans cela elles pourroient fe corrompre , & elles fe peloteroient fous les pilons du moulin. Au fortir de l’étuve, la garance eft en état d’être vendue aux Teinturiers : quel- ques-uns même préferent de l’acheter en racine, plutôt que grappée. Mais comme ces racines fe chargent aifément de l’hu- midité de l'air, il faut , fi-tôt qu’elles feront feches, les arranger le plus réguliérement & le plus preflé qu'il eft pofhble, dans des barrils qu’on enfonce enfuite. La garance peut être voiturée en cet état ju{qu’au lieu de fa deftination. Si l’on ne devoit pas la * tranfporter trop loin, on pourroit fe con- tenter de la mettre dans des facs. DE LA GARANCE. SI Ceux qui fe propofent de grapper ou pulvérifer leur garance, mettent les raci- nes , au fortir de l'étuve, fous les pilons; mais comme les moulins ne peuvent pas fuflire à moudre tout de fuite celles qui fortent des étuves, on enferme dans des facs celles qui font defféchées, & on Îles conferve dans un lieu chaud , par exem- ple, fous les arches de l’étuve , jufqu’à ce qu’on puifle les faire pañler fous les pilons ou fous la meule ; ce qu’il eft à propos de faire le plutôt poffible. ARTICLE. XKL Qu'on peut employer la Garance verte, fans la deffècher ni la pulvérifer. A vaxr de décrire la maniere de piler cette racine,je crois devoir rendre compte d’une découverte importante de M. d’Am- bourney qui ne pouvant faire fécher fans feu les racines qu’il avoit fait arracher vers le mois d’Oétobre , fe détermina à les employer toutes fraiches. Il commença par les faire laver, afin d’en ôter la terre; & comme il étoit prévenu que cette racine perd , en fe féchant , les fept huitiemes de fon poids , lorfqu’on veut la Epeer , il 1] s2 CULTURE jugea qu'il convenoit d’employer 8 livres de racine verte pour un bain où l’on au- roit employé une livre de garance feche & moulue ; il pila dans un mortier cette garance fraîchement arrachée, & ayant employé un peu moins d’eau que de cou- tume, il teignit du coton fuivant le pro- cédé ordinaire. Ayant trouvé, après l’o- pération , que le bain étoit encore très- chargé de couleur , quoique le coton fût tellement imprégné de teinture, qu'il fal- lüt lui faire effuyer deux débouillis’ pour le dégrader jufqu’à la couleur d’ufage , il répéta fon épreuve qui lui fit connoîïtre que 4 livres de garance fraiche font le même effet qu’une livre de garance feche & réduite en poudre. D’où il a conclu que l’on pouvoit épargner une moitié de racine de garance : ce n’eit cependant pas là où fe borne cette économie. 1°, On eft difpenfé d’établir des étuves pour fécher la garance,& deshangards pour la conferver quand le temps eft humide. 2°, On ne court point le rifque que peut produire un defféchement trop confi- dérable & trop précipité. 3°, On évite le déchet & les frais du robage & du grabelage : dans ces deux opérations , toutes les racines qui font de la groffeur d’un lacet, tombent en billon. - DE LA GARANCE. 53 4°, On épargne les frais du moulin, le déchet & les fraudes qui peuvent en réfulter, & l’incommodité d’attendre que le moulin foit Hbre. s°, Enfin, on n’eft point expofé à ce ue les racines moulues s’éventent ou qu’elles -fermentent ; ce qui arrive quel- quefois lorfqu’on ne peut les employer fur le champ. Tous ces avantages réunis peuvent s’é- valuer à une économie de cinq huitiemes au moins. Le Cultivateur qui fauroit tein- dre, en pourroit jouir dès l’inftant qu'il pourroit avoir des racines aflez grofles pour être arrachées ; les Teinturiers par état feront peu-à-peu engagés d’en pro- fiter , & de partager le profit avec le Cul- tivateur , quand il fe trouvera des garan- cieres à leur portée ; ce qui doit naturel- lement être, puifque la garance doit être cultivée près des endroits où s’en fait la confommation; car comme il n’y a point de temps à choifir pour ka maturité, le La- boureur qui apportera une fomme de ra- cines fraîches au Teinturier, fera {ür de la vendre en cet état, fans être aflervi nià des foins qui, quoique peu confidérables en eux-mêmes , le rebutent par leur nou- veauté , ni à des dépenfes qui font au- deffus de fes forces. Le Teinturier pourra E üj $s4 CuLrTurer acheter la racine journellement & à pro- portion du befoin de fa confommation ; ou bien il prefcrira au Cultivateur la quan- tité de garance dont il aura beloin, & le temps où il faudra la lui fournir. Cette méthode,outre l’avantage qu’elle procure de diminuer lesfrais dela teinture, a encore celui d'établir dans le commerce extérieur nos étoffes à plus bas prix. M. d’Ambourney n’a publié le pro- cédé pour l’ufage de la garance verte qu'après s'être bien affuré de fon bon effet & de fa bonté. Tous les effais qui ont été faits en grand & en petit, & en fa pré- fence , {ur la teinture du coton , de la laine & de la toile ont réufi, & nous ofons af- furer qu’ils réuffiront toujours , pourvu que Pon fuive de point en point les pro- cédés qu’il a reconnus être indifpenfables ; favoir, 1°, que la racine ait au moins dix- huit mois; 2°, qu’elle foit parfaitement écrafée; 3°, qu’on diminue d’un quart pour une grande opération , & d’un tiers pour une petite, la quantité d’eau qu’on a cou- tume d'employer ; 4°, que le bain, quand on y abat l’étoffe, foit un peu plus chaud qu’à Pordinaire; $°, enfin, que le Tein- turier foit actif & patient. Les Teinturiers de Beauvais ont très-bien réufñi en grand; ceux chez qui M. d’Ambourney a fait fes DE LA GARANCE. ss expériences, ont été convaincus de tous les avantages qu’il leur avoit annoncés ; 5 cependant l’embarras qu’ils trouvent à écrafer les racines , comparé à la facilité qu’ils ont de tirer d’une futaille cette même garance en poudre, mais plus quetout cela, leur routine ordinaire , les détermine à ne {e fervir que des racines féchées & grappes. Le fieur Abraham Pouchet chez lequel on imprime des toiles peintes, & quia fa Manufacture à une lieue de Rouen, a été prefque le feul qui ait fenti qu’une économie fi confidérable méritoit bien qu’on fe donnât la peine d’écrafer la ra- cine fraiche. H a employé la garance verte, qui lui a fi bien réufli, que le noir, les deux rouges & les deux violets de {es toiles ont eu autant de force & de briliant qu’auroit pu leur donner la plus belle ga- rance , grappede Hollande. Après l’expofé de ces faits , ceux qui difent qu’ils n’ont pu réuflir , s’expolent à être taxés de mal- adreffe ou de mauvaife volonté : opération d’écrafer la garance verte eft très-fimple & demande peu de frais; il s’agit de la faire pafler fous une meule verticale pour laré- duire en pâte prefque fans frais. Il feroit peu-être pofhble, quand la garancea fourni fa couleur au bain , de retirer du bain une partie du marc, foit avec une grande écu- Eiv s6 CULTURE moire , {oit en tranfvafant le bain d’une cuve dans une autre; mais,encore une fois, on préfere la routine ordinaire à ces petits foins,êc à quantité d’autres induftries que les habiles T'einturiers pourroient imaginer. Je ne puis voir fans chagrin la non- chalance des Artifans : au lieu de faïfir avec empreflement les moyens qu’on leur propofe pour perfetionner leur art; au lieu de fe prêter à reétifier ce qu’il peut y avoir de défe@tueux dans leurs méthodes en profitant des avis qu’on leur donne, aveuglés par leur routine & leurs prati- ques ordinaires en quoi confifte toute leur fcience , ils commencent par décider d’un ton abfolu, que ce qu’on leur propole , ne vaut rien. S’il arrive que quelqu'un d’eux plus docile & plus zélé fe prête à faire quelques effais, & qu’il ne réuflifle pas dans fes premieres tentatives, ce qui ar-. rive prefque toujours , auffi-tôt la méthode nouvelle eft abfolument profcrite, & tous la déclarent vicieufe. C’eft par ces mêmes raifons que le procédé de M. d’Ambour- ney n’a pas réuffi en plufieurs endroits. On auroit lieu de croire que les fuccès animeroient les Teinturiers , & qu'ils de- vroient fe reprocher de voir plufieurs de leurs confreres exécuter ce qu’ils affuroient être impoflible à pratiquer ; loin delà, & DE LA GARANCE. 57 pour s’autoriler à perfifter toujours dans leur ancienne routine, ils font des objec- tions : les uns difent que c’eft une grande peine de réduire la garance verte en pâte. Quand cette opération feroit pénible, n’en feroient-ils pas bien dédommagés par l'é- conomie confidérable qui en réfulte ; ce travail, s'ils le vouloient faire, fe réduiroit à couper grofliérement les racines par pe- tits morceaux , les écrafer fous une groffe meule femblable à celle dont on fe fert pour faire l'huile ; ce qui les réduiroit en peu de temps en pâte. D’autres difent que comme la garance fermente facilement , il arrivera que ces racines vertes fe trouveront altérées avant qu’on ait pu les employer. Cette objec- tion fe réduit à rien , lorfque les Teintu- riers ont des garancieres à leur portée, puifqu’ils ne feroient alors arracher la ga- rance qu’autant & à mefure qu’ils en au- roient befoin. Maïs lorfque les garancieres font éloignées de leur attelier, M. d’Am- bourney leur fournit un moyen bien com- mode pour conferver ces racines : c’eft de faire dans un jardin une fofle de 3 ou 4 pieds de profondeur, & de la remplir de racines pofées lit par litavec du fable, & de maniere qu’il n’y ait point de vuide. Javois prié M, d'Ambourney de m'en 53 CULTURE voyer deux livres pefant de garance fraîche pour faire une épreuve de cette méthode, il m'a envoyé des racines qui étoient de- puis quatre mois dans une femblable foffe ; elles me font parvenues dans le meilleur état que l’on puifle defirer. Voilà donc un moyen bien aifé à pratiquer par les Teïnturiers pour avoir à leur portée des racines telles qu’ils les demandent. Au refte , quelques efforts que l’on faffe’, il ef d'expérience que les meilleures pratiques ne peuvent s'établir qu'avec le temps, & peu à peu. Si une pareïlle découverte nous venoit des Anglois , des Hollandois ou de la Chine, elle feroit faifie avec avidité : c’eft un Citoyen zélé qui la préfente gra- tuitement à la Patrie; on a de la répu- gnance à l’adopter. Après tout ce que je viens de rappor= ter en faveur de la garance verte, j’avoue- rai cependant , que comme il y a bien des cas où l’on eft dans la néceffité de faire deffécher la garance , quand il s’agit de la tranfporter au loin , je crois devoir ajou- ter ici les moyens de deffécher cette racine; mais je vais indiquer auparavant les fignes auxquels on peut connoître fi la garance en racine , ou mife en poudre , eft de bonne qualité, DE LA GARANCE. 59 HR LICE, XIBE Du choix de la Garance. L Es MarcHANDSs & les Teinturiers doivent être fuffifamment iniftruits des marques qui diftinguent les bonnes raci- nes de garance d’avec celles qui font mau- vaifes. Cependant nous croyons devoir en donner ici la connoiffance en faveur des Culrivateurs , ne fût-ce que pour les met- tre à l’abri des reproches mal fondés que les acquéreurs pourroient faire fur cette marchandife , pour parvenir à fe la procu- rer à meilleur compte. Cette racine, qui, comme nous Pavons déja dit, eft un des meilleurs ingrédients qu’on puifle employer pour la teinture des laines & des étoffes , leur imprime un rou- ge, à la vérité , peu éclatant, mais qui réfifte fans altération à l’aGtion de Pair , à celle des rayons du foleil , & à l'épreuve des ingrédients qu’on emploie pour re- connoître la ténacité des couleurs. Elle contribue aufñ à procurer de la folidité à plufieurs autres couleurs compofées ; enfin on eft parvenu à faire prendre au coton une couleur incarnat très-agréable & très= 6o (CD ?L T'UXRLE È folide. Toutes les parties de cette racine ne fourniflent pas le rouge qu'on défire; il y en a qui l’alterent, & d’autres qui font tout-à-fait inutiles. Quand on examine à la loupe une racine de garance bien conditionnée , on apperçoit fous l’épiderme & dans le parenchyme des molécules rouges qui fourniflent certainement la couleur que cette racine contient ; mais On voit Outre cela beaucoup d’une certaine fubftance ligneufe qui eft de couleur fauve ; & cette fubftance doit probablement altérer la pre- miere couleur. Suivant M. pe Tour- NIERE, cette couleur fauve n’eft pas d’un auffi bon teint que la rouge; & il croit que les leffives & l’avivage ne donnent de Péclat à la teinture de garance que parce qu’elles emportent ce fauve. Le f0- leil & la rofée produifent le même effet fur le fil teint en garance , quand on le met fur le pré. M. de Tourniere penfe encore que la partie qui fournit le rouge , eft dans [a ra- cine fraiche, difloute dans un fuc muci- lagineux; car l'écorce & les autres parties qui contiennent beaucoup de rouge, font auffi les plus fucculentes : en les deffé- chant à l’étuve , on leur fait perdre les fept huitiemes de leur poids , & néanmoins les DE LA GARANCE. 61 racines ne font point parfaitement feches, car elles plient avant de fe rompre; elles s’écrafent fous le pilon au lieu de fe ré- duire en poudre ; cette poudre onétueufe au toucher , fe pelote aifément : il eft vrai que cette racine en vieilliffant , perd fon onétuofité , & qu’elle devient aride ; mais aufli la qualité des molécules rouges di- minue. Ces obfervations méritent bien de l'attention ; car elles nous font connoître que cette fubftance précieufe peut être al- térée par une chaleur trop vive ; peut-être que fi, la fuppofant onétueufe , elle étoit parfaitement defféchée , l’eau ne pourroit plus la difloudre ; enfin ces réflexions s’ac= cordent avec les procédés de M. d’Am- bourney, pour établir qu’il ya un avan- tage confidérable à employer la racine de garance fraiche. Mais il ne fera jamais poffible d'employer la garance verte, que dans le cas où les garancieres feront à por- tée des Teinturiers ; ainfi lorfqu’on fera obligé de tranfporter la garance au loin, on fera toujours dans la néceffité de la deffécher & de la pulvérifer. Je reviens à cet objet qu’il eft bon de ne pas perdre de vue. 1°, Comme les racines de garance ont une grande difpofition à fermenter , il faut, quand on les achete en racine , examiner 62 CULTURE avec attention fi elles n’ont point de ta- ches ou quelque odeur de moifi ; elles feroient à rejetter, fi parle progrès de la corruption, elles étoient devenues noires. 2°, Les racines , pour fournir beau- coup deteinture, doivent être nouvelles ; il faut donc rebuter celles qui répandent de la poufliere quand on les rompt, & à plus forte raifon celles qui font cariées & piquées de vers : au contraire , on doit ef- timer celles qui ont une odeur forte tirant un peu fur celle dela régliffe ; la garance en poudre doit être onctueufe, & fe pe- loter quand on la manie entre les doigts. 3°, Comme la garance fe vend au poids, il eft avantageux à Pacquéreur que les racines foient bien feches ; mais il doit prendre garde qu’elles n’ayent point été trop chauffées à Pétuve. Celles qui ont beaucoup d’odeur , font ordinairement exemptes de ce défaut : un defféchement trop précipité fait rider & fendre l'écorce; & comme alors elle fe détache aifément du bois, on perd la partie la plus utile; l'écorce doit donc être unie, entiere & adhérente à la partie ligneufe : il nefaut pas confondre l'écorce avec l’épiderme qui ne eut qu’altérer l’éclat du rouge. 4°, Les plus groffes racines ne font pas toujours les meilleures ; affez fouvent elles DE LA GARANCE. 63 font jaunes, & la partie rouge, qui feule fournit la couleur, y eft-peu abondante. Les racines fort menues ne font pas efti- mées , parce qu’elles ont trop de cet épi- derme qui ternit la couleur rouge ; mais celles qui peuvent être de bonne qualité, doivent avoir , depuis la groffeur d’un tuyau de plume a écrire, jufqu’à la groffeur de l’extrémité du petit doigt. 5°; En rompant lesracines , on apper- çoit, comme je l'ai déja dit, deux fubf- tances aflez diftinétes l'une de l’autre; celle qui tire fur le jaune , ne fait qu’altérer la teinture ; celle qui eft d’un rouge foncé, eft la partie vraiment utile ; & par confé- quent on doit donner la préférence aux racines qui font hautes en couleur. Ce feroit une découverte bien utile que de trouver le moyen d’extraire la partie rouge fans aucun alliage de la partie jaune ou fauve : je crois que ces tentatives doi- vent être faites {ur des racines vertes , afin que la partie rouge, qui eft en diflo- lution , foit plus aifée à extraire. 6°, Comme le moyen le plus für pour reconnoître la qualité de la garance , eft d’en faire quelques effais fur des mor- ceaux d’étoffe ; ceux qui cultivent beau- coup de garance, feront bien de s’accou- tumer à la foumettre à cette épreuve » 64 Cu x:'AUISE afin d'être en état de prouver aux acqué- reurs la bonne qualité de leurs racines : en voici le procédé , extrait des ouvrages de M. HELLOT. À KR THE CH ELATVe Marniere de faire un Efai de Teinture avec la Garance. Ï L FAUT, pour teindre une livre de laine filée , faire un bain avec $ onces d’alun &une once de tartre rouge fondues dans fuflifante quantité d’eau : on imbibe bien dans ces fels la laine qu’on veut teindre : au bout de 7 à 8 jours , on jette une demi- livre de racine de garance en poudre dans de l’eau chaude , mais dans laquelle on puifle tenir la main fans fe brûler ; & après avoir mêlé cette poudre dans leau avec une fpatule de bois, on plonge la laine dans ce bain qu’on entretient chaud pen- dant une heure , ayant foin qu'il ne bouille pas, parce que s’il bouilloit , la couleur de la laine deviendroit terne : néanmoins: vers la fin de l’opération, on échauffe le bain jufqu’à le faire bouillir ; mais on retire Ja laine fur le champ. MM. de la Société d'Agriculture de Beauvais DE EA GARANCE. 6$! Beauvais, qui ont fi bien réuffi à teindre avec dela racine fraîche , marquent dans le procès - - verbal qu’ils ont dreflé de leur opération , qu’on peut , fans rifque, laïfler bouillir le bain de garance fraiche, fans qu’il en réfulte d’altération en brun, ni ce qu'on appelle coup de féu. Comme il ne faut que de très-légeres circonftances pour faire varier la beauté de la couleur , on fera bien de faire , dans le même temps & avec la même laine , deux opérations femblables ; l’une avec la garance qu’on a deflein d’éprou- ver, & l’autre avec la belle garance de. Zélande ou l’Azala : la beauté des éche- veaux teints décidera quelle eft la meil- leure de ces garances, Comme on peut faire aufli-bien ces effais fur deux ou quatre onces de laine , que far une livre, il faudra alors diminuer la dofe des fels & de la garance , propor- tionnellement à la quantité de laine qu’on voudra teindre, Je vais maintenant parler des moyens qu’on emploie pour deffécher & pulvérifer la garance. ETES 66 CU L'T'U RE ARRETE CERN. Maniere de deffécher à de pulverifer la Garance. Nov: avons dit que.les racines fraiches étoient fujettes à s’altérer en peu de temps par la fermentation : il eft donc néceffaire, quand la garance doit être tranfportée au loin , d'employer les moyens propres à enlever la prodigieufe quantité d’humidité -qui occafionne cette altération. Il n’eft pas douteux que s’il arrive du vent, du foleil, en un mot , du hâle, on fera bien d’en profiter pour commencer le defféchement, & épargner la dépenfe du bois ; mais fi le temps étoit plus humide que hâleux , il faudroit étendre les racines fous un han- gard ou dans des greniers , & les remuer fouvent ; car fi on les mettoit en tas, el- les s’échaufferoient en peu de temps, & elles s’altéreroient plus ou moins, fuivant le degré de fermentation qu’elles auroient éprouvé: ces attentions ralentiflent bien la fermentation des racines; elles peuvent même , fuivant M. d'Ambourney , les mettre en état d’être confervées faines pendant quelque temps 3 mais elles ne | DE LA GARANCE. 67 font pas aflez efficaces pour produire un defféchement fuffifant qui puifle préferver ces racines de toute: altération , & les mettre en état d'être pulvérifées. Il y a donc des circonftances où on ne peut fe difpenfer d’employer l’aétion d’une cha- leur artificielle, & emprunter le fecours des étuves. : Lorfqu’on ne fait que de petites ré- coltes, on peut employer la chaleur d’un four à cuire le pain, pourvu qu’elle n’ex- cede pas 45 à 50 degrés du Thermome- tre de M. de Réaumur. Mais ce moyen eft bien long , & il faudroit avoir des fours très-grands pour fuppléer aux étu- ves. Pour éviter la dépenfe de la conf- trution d'une étuve, je confeillerois de pratiquer un cabinet au - deflus de la motte d’un four , dans lequel les racines commenceroient à perdre une partie de leur humidité. Mais quand on cultive beaucoup de garance, il eft indifpenfable d’avoir une étuve dont la grandeur foit proportionnée à la quantité de garance qu’on aura à deflécher , foit de fes propres récoltes , foit de celles des payfans du voi- finage qui ne font pas en état de faire la dépenfe d’un pareil établiffement. On peut donner à ces étuves bien des formes différentes , dont plufieurs fe trou- Fi; 68 CULTURE veront aufli bonnes les unes que les au: tres ; mais ceux qui feront dans le cas d’en faire conftruire une , doivent fe propofer pour objet, 1°, de faire en forte qu’elle contienne beaucoup de racines ; 2°, que le fervice en foit commode ; 3°, d’économi- {er , le plus qu’il fera poffible , les matieres combuftibles ; 4°, de la difpofer de façon qu’on puifle yentretenir une chaleur mo- dérée & égale. Pour faciliter ces moyens aux Cultivateurs , nous donnerons ci-après les plans & la defcription des étuves qu’on emploie depuis long-temps à Lille pour le defféchement des racines de garance ; nous ferons remarquer leurs défauts, ainfi que ceux de deux étuves qui ont été fuc- ceflivement conftruites à Corbeilles ; & nous rapporterons les tentatives que nous avons faites pour les corriger & les perfec- tionrier, DE LA GARANCE,. 69 HR TIECUR EU XV Culture de la Garance en Zélande © en Holiande, Jivros defiré pouvoir me procurer des Mémoires plus circonflanciés fur la culture qui fe fait en Zélande de la garan- ce ; mais à ce défaut, j'ai cru devoir faire imprimer ce qui fe trouve déja imprimé dans le(Nouvellifte Economique & Lit- téraire, ne füt-ce que pour faire connoiître que la culture de cette plante en Zélande differe peu de celle que nous avons rap- portée dans ce Traité. Extrait du Nouvellifle Economique & Lit= téraire | imprime à la Haye ; Tome IV, page 110. » La garance eft la racine d’une plante » qui porte le même nom; cetteracine, » féchée, moulue &’ préparée, fert à une » teinture rouge. La garance ne pafle pas » pour une plante originaire de ce pays ; “on prétend qu'il y a quelques fiecles » qu’elle fut tranfportée des Indes dans la » Perfe , de ce pays à Venife, & delà par TO C:u Lux » l’'Efpagne &laFrance dans les Provinces- » Unies. On la cultive actuellement avec > beaucoup de fuccès en Zélande ; elle fe > trouve aufli en Hollande , & particulié- »rement au pays de Voorn près de la » Brille. C’eft une plante fort délicate, » dont l’accroiflement eft fouvent retardé » Ou entiérement arrêté par divers contre- » temps imprévus : ces variétés dans le » produit & dans le prix de cette racine + enrichiffent ou ruinent ceux qui la cul- »tivent. C’eft des rejettons des vieilles > plantes qu'on en fait venir de nouvelles: » ces rejettons font féparés de la mere- » plante, & mis en terre au printemps vers » les mois d'Avril, de Mai, ou même de » Juin, felon que la faifon fe trouve plus ou » moins favorable. On prépare d’avance » Ja terre par deux ou trois labours, & » quelquefois davantage ; on la divife en- » fuite en lits plats & aflez longs , de deux » pieds de large : c’eft-là que l’on plante > lesrejettonsau nombre de quatre ou cinq » dans la largeur. On a foin d’arracher les » mauvaifes herbes, & de tenir la plante » auffi nette qu’il fe peut : on la laiffe deux » ansentetre, & même quelquefois trois # ouquatre; on a foin tous les hivers de » la bien couvrir de tèrre. Après ce temps # on latire de fon lit, &.on la porte dans DE LA GARANCE. 71 » des étuves. Pour l’y faire fécher , on la » pofe fur un plancher léger fait de lattes » arrangées en forme de gril : ce plancher » eft placé au-deflus d’un four , dont le » feu eft entretenu par le moyen de tour- » bes de Frife, & dont la chaleur s’éleve » à la couche de la garance au travers de » diverfes ouvertures affez éloignées l’une » de Pautre. On porte enfuite cette racine » dans un appartément pareil à celui où on » fait fécher les grains pour la biere, & qui » peut avoir cinquante pieds de long ; on » l’étend fur un tiflu de crin, & elle acheve > de s’y fécher : delà on la porte dans une » aire,& on la nettoie avec foin de la terre æ & des peaux qui s’y font attachées. Enfin » On ia met dans un grand mortier de bois, >» pour y être pilée par le moyen de pilons » de bois garnis par deflous de lames de » fer, qu’on nomme couteaux ; ces pilons s agiflent par l’action d’un moulin que » trois chevaux font mouvoir. La garance »ainfi pilée fe tamife enfuite , & on la 2 fépare en trois cuvettes différentes : la » premiere eft pour la groffiere , dite mule; » la feconde pour la commune , la troifieme » pour la ffne ou meilleure. Au fortir de » ces cuvettes , la garance fe mettoit au- » trefois dans des facs femblables à ceux » du houblon ; maison enremplit à préfent 72 CE CL TÜUIRE » des tonneaux où l’on a foin de la biem » preffer. Des trois efpeces de garance, la » plus précieufe eft uniquement tirée du + cœur de la racine ; la feconde, ou com- » mune, left de la fubftance qui envi- » ronne le cœur; là troifieme ou grofliere >» eft faite des peaux ou enveloppes exté- > rieures. Les deux premieres efpeces font » mêlées l’une avec l’autre; & quand il y » a deux parties de la premiere & une de » la feconde , on appelle un & deux. On » ne laifle poirit perdre ce qui refte fur le » plancher de l’étuve; mais ou l’on mêle » ce réfidu avec la troifieme forte , ou on: » en fait des paquets féparés. [1 en eft de » même de ce qui fe fépare au moulin, » Après que la garance a été mife dans les » tonneaux , elle eft examinée par des Inf- » pecteurs qui voyent fi elle a été bien » préparée , fi elle n’a point été brûlée en: » fe féchant, & s’il n’y a pas un trop grand: » mélange de terre. Les Edits font très- sféveres à tous ces égards , & ils font »>fur-tout exatement obfervés dans la os Ville de Zierikfée. El y a dans le domaine » feul de cette Ville dix-neuf fours à ga= » rance ; & l’on évalue le produit annuel » de chacun de ces fours à cent milliers » pefant. Il eft difficile d’eftimer au jufte æ la quantité de garance qu’une certaine | étendue DE LA GARANCE. 73 #étendue de terrein peut porter, vu la » qualité différente de la terre & la diver- » fité d’accidents auxquels la récolte eft » expofée. En général cependant on tire » de chaque arpent , trois à fix censlivres » de garance ». 2 2 << — "© —— —————— ———————— AR T-LC LE XVIL ARREST DUCONSEIL D'ETAT DU ROÏ, qui ordonne que ceux qui entreprendront de cultiver des plantations de Garance dans des marais & autres Lieux non cultivés , ne pourront pendant vingt années être impofés à la’ Taille, eux ni leurs employés à ladite exploira- tion , pour railon de la proprièté ou du profit à faire fur l'exploitation defdits marais © terres cultivées en Garance. Du 24 Février 175 6. Extrait des Regiftres du Confeil d’Etar. » Lx Ror étant informé que plufieurs »terreins en marais & inondés feroient #» propres à produire de la garance,que l’on » eft obligé de tirer des pays étrangers, & que quelques perfonnes s’offriroient à faire les frais néceflaires pour cultiver “cette plante & deflécher “ia marais ; C'E LDUu RE » s’il lui plaifoit les faire jouir de quelques »exemptions & privileges , & nommément »de ceux qui font attribués par Edit de » 1607,& la Déclaration de 1641, & au- otres Réglements fubféquents à ceux qui sfont le defléchement des marais jufques “alors incultes. À quoi voulant pourvoir: 5 Oui le rapport du fieur Moreau de Sé- »chelles, Confeiller d’Etat ordinaire , & » au Confail royal , Contrôleur général ga » Finances ; LE Rox étant en fon Confeil, »a ordonné & ordonne que ceux qui vou- »droient entreprendre de cultiver des »plantations de Garance dans des marais ® & autres lieux de pareille nature, qui ne o font point cultivés , ne pourront,pendant # vingt années, à compter du jour que » les defféchements & défrichements au- sront été commencés , être impofés à la » Taille, eux ni ceux qui feront employés » à bide exploitation, pour raifon de la » propriété ou du profit à faire fur l’ex- 5 ploitation defdits marais & terres culti- » vées en garance : : Voulant Sa Majefté “qu'au cas qu'ils n’aient point été im= » pofés jufqu'’alors, & qu'ils ne foient point » dans le cas de l’être dans les Paroifles où s lefdits biens feront fitués , pour leurs au- stres biens, facultés 8c exploirations , is # 1e puiffent être compris dans les rôles DE LA GARANCE. 75 » des Tailles ; & qu’au cas où ils feroient » d’ailleurs impofables , ils foient taxés »d’office par le fieur Intendant & Com- »miflaire départi : Ordonne Sa Majefté »qu’en outre ils jouiront de tous les pri- » vileges portés par l’Edit de 1607, & la » Déclaration de 1641 , en faveur des » Entrepreneurs des defféchements:comme »auffi qu’il leur foit permis de tenir , tant à Paris que dans les autres Villes & lieux »du Royaume, des Magafins de la ga- »rance provenant de leurs exploitations , » & de les vendre, tant en gros qu’en dé- tail, fans qu’ils puiffent y être troublés ni sinquiétés : Evoque Sa Majefté à Elle & à »fon Confeil, tous les procès , différends » & conteftations que ceux qui entrepren- » dront la culture defdites garances pour- #ront avoir, tant en demandant qu’en dé- »fendant , pendant le cours de cinq an- »nées , à compter du jour du préfent Ar- »rêt , pour raifon de leurs entreprifes & »privileges à eux accordés , & les a ren- »voyés & renvoie pardevant les fieurs In- »tendants & Commiffaires départis , pour »être par eux jugés en premiere inftance , » fauf l'appel au Confeil. Enjoint Sa Ma- »jefté auxdits fieurs [ntendants, de te- wnir la main à lexécution du préfent G ij 76 CULTURE s Arrêt. Fait au Confeil d'Etat du Roi, » Sa Majefté y étant , tenu à Verfailles le » 24 Février 175 6. Signé, M.P. DE VoyxER D’ARGENSON, MTiiiiiitiititt. DESCRIPTION Des Eruves pour defécher la Garance, & des Moulins pour la pulvérifer. Ex A: RTIT GP ET Defcription de l'Etuve de Lille. ETTE étuve differe peu de celle que les Braffeurs emploient pour deflécher l'orge germé ou la dreche , & qu’on nom- me dans les brafleries Tourailles. Pour en donner une idée générale, il faut imagi- ner un fourneau dans lequel on allume un grand feu ; & que ce fourneau eft établi au fond d’un fouterrein : l’air chaud & la fumée s’élevent dans une tour à jour éta- blie au-deffus du fourneau : on la nomme dans les brafferies Truite. L’air chaud & DÉ LA GARANCE. pb À la fumée fe répandent dans un efpace for- mé en entonnoir ou en pyramide renver- fée, dont la bafe eft couverte par un plan- cher à jour, fur lequel on étend les raci- nes de garance. Voilà en gros en quoi confifte cette étuve ; mais en faveur de ceux qui voudroient en faire conftruire de femblables , je vais en donner tout le détail relatif aux figures que j’ai fait graver. La fig. 4 Pl: I. repréfente la coupe d'un bâtiment dans lequel eft pratiquée une étu- ve propre à fécher la garance. On diffingue dans ce bâtiment une cave KK, un rez-de-chauflée LL, & un nre- mier étage GG, qui fuppofe un grenier au-deflus H. L’étuve dans fon plein de mä- connerie eft fondée un peu au-deffous du niveau de la cave; fes murs fe terminent en voûte au niveau du plancher du pre- mier étage ; les murs de face du bâtiment fervent de pieds droits : on voit aufli que les voûtes de l’étuve font foutenues par des contre-forts qui aboutiffent dans les murs de face du même bâtiment. Tout ceci deviendra encore plus clair par Pex- plication des lettres de renvoi. A (PL I, fig. 4 ) Cendrier de deux pieds d'ouverture fur 3 + de profondeur , & 2 pieds 3 pouces de hauteur ; il reçoit les cendres des matieres qu’on brûle dans Gi 78 CU E FT UMRE le fourneau. B, fourneau terminé en bas par un grillage de fer bb, fur lequel on pofe les matieres à brûler. C, ligne pon- étuée qui détermine le haut une porte fermant l’entrée du fourneau : cette entrée a 16 pouces de largeur fur 17 de hauteur. D, cheminée du fourneau : c,d, truitte où tourelle à jour qui reçoit la chaleur de ce fourneau , & la repand dans fon pour- tour par les trous où efpaces vuides co- tés iii, On remarquera que cette chemi- née eft entiérement couverte à fon cou- ronnement, pour empêcher qu’il ne puiffe rien tomber dedans. iii, trous de deux pouces en quarré, par lefquels fort la chaleur ; ils font faits en échiquier, comme on le voit, avec des briques pannereffes. F, F, elpace vuide dans lequel fe répand la chaleur qui fort de la truitte, avant de monter à Pétage fupérieur. GG, étage pavé de carreaux, fur lefquels on étend , à un pied & demi d’épaifleur, les racines qu’on veut fécher *. Ces carreaux font de terre cuite : ils ont 1$ pouces de longueur fur 10 & 11 de largeur & deux pouces d’épaiffeur : ils font percés d’outre en ou- tre de plufieurs trous de figure conique , comme ils font repréfentés dans la figure 6. * On remue de temps en temps la garance avec des fourches de fer, pour qu’elie feche égalemente DE LA GARANCE. 79 HH, ouras ou tuyaux de 4 pouces d’ou- verture, par lefquels fort la fumée quand elle eft trop abondante , & par où def- cendent aufli les parcelles qui fe tamifent par les trous des carreaux du plancher G. Ces ouras font fermés par une petite porte de tôle qu'on ouvre quand la chaleur du fourneau eft trop grande. X ; cave qui fert aux approvifonne- ments pour l’entretien du feu de l’étuve. L, chambre où l’on retire les tonneaux de garance pilée , où elle fe conferve fé- chement. MM, &c, fommiers de fer de deux pouces d’épaiffeur, recouverts de barreaux en travers , fervants à porter les carreaux qui forment le plancher. N, tirants de fer attachés au fommier P, pour foutenir le poids du plancher G. P, fommier du fe- cond étage. Q , croifée ou fenêtre que Fon ouvre au commencement de chaque étuvée , pour laïfer diffiper la fumée. On ferme ces croifées quand la garance com- mence à fe fécher , pour mieux retenir la chaleur. Il y à encore au fecond plancher deux trapes qu’on ouvre pour laifler échap- per la fumée & les vapeurs. La figure $ repréfente le plan d’un fourneau d’étuve; ce fourneau a 16 pou- ces de largeur fur 3 pieds 7 pouces de profondeur ; les trois barres de fer qui le G iv 80 Ci EXT UE traverfent , ont chacune 2 pouces + de lar- geur fur 6 lignes d’épaifleur ; elles font empattées de 3 pouces dans les murs : les barreaux de recouvrement ont un pouceen quarré, & font rivés en deflus & en deflous fur les barres. On a exprimé dans ce plan les deux ouras côtés H, pour faire connot- tre qu’ils traverfent l’étuve dans toute la largeur du fourneau. Ces ouras font très- utiles pour tranfmettre dans la touraille la chaleur du corps du fourneau. La figure 6 repréfente le plan de l’é- tage carrelé G, fur lequel on étend la ra- cine de garance pour a faire fécher ; il à 16 pieds en quarré. On a donné ci-de- vant la conftruction des carreaux : il a été dit aufi qu’on ouvroit les fenêtres cotées Q ;, pour laïffer fortir la fumée ou vapeur que répandent les racines de garance à mefure qu’elles fe fechent , & qu’on les refermoir enfuite pour entretenir la cha- leur. Comme le fourneau que nous venons de décrire eft femblable aux tourailles des Braffeurs , jai voulu examiner comment elles agiflent pour deflécher le grain ger- mé, & j'ai remarqué que le grain qu’on y met à l’épaiffeur d'environ 9 pouces , eft très-chaud par deffous ; la liqueur du Ther- mometre de M. de Réaumur s’y eft élevée DE LA GARANCE. 87 à plus de 20 à 22 degrés au-deflus de zero ; mais le deffus qui eft frappé par l'air extérieur, s’échauffe peu ; les vapeurs qui s’élevent des grains qui occupent les def- fous , étant condenfées à la fuperficie par lecontaét de l'air frais , fe réduifent en eau, & font que les grains de deflus font tou- jours très-mouillés ; ce qui oblige les Braf- feurs de remuer fréquemment les grains de leurs tourailles , pour expofer à la grande action du feu celui de deffus qui eft fort humide, & mettre à la fuperficie celui du deflous qui étoit fort chaud. Mais quand il vient à être échauffé, l’hu- midité qui en fort & qui fe réduit en va- peurs, humecte de nouveau le grain qu’on a mis à la fuperficie, & par conféquent le defféchement dela mafle totaleen eft confi- dérablement retardé. J’ai jugéqu’on pour- roit obvier à cet inconvénient, fi Pon pou- voit empêcher l’air frais de frapper la fu- perficie du grain : on y parviendroit fans doute , en établiffant une couverture fur toute cette fuperficie 3 & fi cette cou- verture pouvoit être placée à un pied au plus au-deflus du grain , il en pourroit ré- fulter un autre avantage que je vais ex- pliquer. | On fait en Phyfique que les vapeurs des corps qu’on expofe à la chaleur, ont. 82 CULTURE une grande puiflance pour pénétrer & échauffer ces mêmes corps, lorfqu’onre- tient ces vapeurs , & qu’on les réverbere en quelque forte fur les corps qu’on veut échauffer ; c’eft fur ce principe qu’eft conf truite la machine de Papin , dans laquelle on parvient à difloudre les os des animaux; & l’on fait qu'a un degré égal de chaleur, Veau a huit cents fois plus d’aéivité que Pair : or les vapeurs contiennent beaucoup d’eau *, En partant de ce principe, nous avons jugé qu’il feroit très-avantageux de réver- bérer les vapeurs fur le grain des Braf- feurs & fur la racine de garance , par le moyen de la couverture dont nous venons de parler. M. ViccoTt, Marchand Braf- feur à Paris, qui faifit avec empreffement toutes les idées qui lui paroiïffent propres à perfectionner la biere qui fe fait chez lui, a tenté quelques épreuves conformes à ce que nous venons de dire, &il a eu quelque fuccès. Il ne s’agit plus que de trouver le moyen de faire ufage de ce prin- cipe pour une grande fabrique : nous y reviendrons dans la fuite. * Nous pourrions rap- } On peut confulter celles porter des expériences que | que nous avons rapportées nous avons faites en grand, | dans le cinquieme Volume pour attendrir des pieces de | du Traïté de la Culture des bois par La vapeur de l’eau. | Terres, page 355e is db Mot Ms _ Rubi DE LA GARANCE. 83 Un des défauts de l’étuve de Lille eft que la fumée qui fe mêle avec l’air chaud, & qui traverfe les racines de garance, les charge de fuliginofités , qui alterent pro- bablement la partie colorante, & qui pro- duifent peut-être la différence qu’on re- marque entre les garances qui viennent du Levant & celles de Lille, celles-ci n’étant point propres, comme on l’a dit , à tein- dre les cotons à la maniere du Levant: de plus, on n’eft point maître de graduer convenablement le feu dans ces fortes de tourailles. On pourroit corriger ce défaut, en faifant la tour du milieu clofe, & en la terminant par un tuyau de fer fondu ou de forte tôle, qui porteroit la fumée dehors, à peu près comme on le voit dans la Plan- che II : on pourroit encore fe difpenfer de faire le plancher avec des barreaux de fer & des carreaux ; un plancher de bois latté, ou garni de claies & d’ungrillage de fil de fer, feroit fuffifant ; car une fois que la tour fera clofe & terminée par untuyau, on ne craindra point le feu. Pour qu’on puifle varier la conftruétion de ces étuves , nous allons joindre des réflexions & des obfervations qui ont été faites avec beau- coup de foin par M. pe LA LEvRIE quia préfidé à la conftruétion de deux étuves à Corbeilles, & décrire l’ufage qu’on en a fait 84 CULTURE pour deffécher la garance ; cela nous a mis en état de connoitre les perfeétions qu’on peut donner à étuve de Lille. GER EDR EPS IEEE RMADI CAENIE Réflexions [ur l'Etuve quon emploie a Lille. Ï L eft bon de commencer par rapporter les expériences qu’on à faites avec deux étuves qui ont été conftruites l’une après. Pautre à Corbeilles , pour deffécher la ga- rance : on en comprendra mieux l’avan- tage de celle qu’on propofera enfuite. La premiere de ces étuves avoit 21 pieds de long , 12 de large, 10 de hau- teur : elle étoit garnie dans le pourtour de trois rangs de claies en forme de ta- biettes de 4 pieds de largeur , qui étoient à diftance de 20 pouces l’une de l’autre ; le premier rang étoit à $ pieds de terre : c’éroit fur ces tablettes qu’on mettoit la garance fraiche à 8 pouces environ d’é- paifleur. [1 y avoit au plancher fupérieur une trappe qu’on ouvroit pour laiffler ex- baler l'humidité de la racine. Le fourneau, qui m’étoit pas fans défaut, éroit faillane d'environ 3 pieds dans l’étuve ; on le fer= DE LA GARANCE. 8$ voit par dehors ; il étoit garni intérieure- ment de tuyaux de fonte qui circuloient entre deux feux ; ces tuyaux recevoient par un bout l’air extérieur qu'ils rendoient en dedans très-chaud , par une ouverture placée à 2 pieds de terre. Voici l’effet de cette étuve : les trois étages ayant été gar- nis de racines, celles qui étoient fur l’é- tage le plus élevé , féchoient fuffifamment pour pouvoir être portées au moulin. Elles féchoient lentement à la vérité, parce que Pévaporation, quoique peu confidérable, qui fe faifoit fur les deux étages inférieurs, fournifloit par-deffous les claies du troi- fieme rang une humidité qui retardoit Popération. La chaleur , qui n’avoit pas aflez de force pour réduire en vapeurs toute l’humidité contenue dans la racine de la garance des deux premiers étages, en avoit aflez pour la faire fuer au point que le deflous des claies étoit rempli de gouttes d’eau grofies comme le bout du doigt , & qui tomboient de la feconde tablette fur la premiere , où elles mouil- loient la racine ; celles de la premiere ta- blette tomboient à terre. On ne voyoit que trés-peu de ces gouttes d’eau à la ta- blette d’en haut; mais feulement & im- médiatement après qu’on avoit regarni l’é- tuve de nouvelles racines , parce qu’au 86 CULTURE haut de l’étuve la chaleur fe répandoit bien plus également & y étoit toujours très-forte, pendant qu’au bas , & vers la terre il failoit froid. On avoit mis à chaque étage un thermometre de M. de Réau- mur : après quatre jours d’un feu conti- nuel, le plus bas montoit à peine à 18 degrés ; le fecond , un peu plus haut ; le plus élevé n’a jamais pañlé 27 degrés , chaleur qu’on croit prefque fufhfante lorf- qu'on n'aura pas une évaporation infé- rieure qui retarde l'effet de la chaleur qui fe porte en haut. Ce qui le prouve , c’eft qu'après avoir porté au moulin la racine fufifamment féchée, on tranfportoit fur le troifieme étage celle du fecond deja ef- forée ; fur celui-ci celle du premier, en- core molle ; enfin l’on metttoit fur le premier étage de la racine fraiche : alors le thermometre d’en bas defcendoit au- deffous de 14 degrés, & le plus haut au- près de zéro. Cela fit prendre le parti de fécher tout ce qu’on mettoit dans l’étuve, avant que de remettre de nouvelles ra- cines; maisil falloit toujours faire le tranf- port des étages d’enbas au plus élevé, où la derniere rangée féchoit plus vite que les autres. Comme cette manœuvre étoit longue & pénible , on prit le parti de détruire cette étuve, & d’en conftruire une nouvelle qui a fervi depuis. DE LA GARANCE. 87 Cette feconde étuve avoit même lon- gueur & même largeur que la précédente ; mais les claies fur lefquelles on étendoit la garance n’étoient élevées qu’à 6 pieds de terre , & les ouvertures du fourneau, qui donnoient l’air chaud , étoient à raze terre : d’ailleurs on avoit continué à fe p'évenir du faux avantage de tripler la fuperficie pour faire tenir une plus grande quantité de racines , en faifant, comme dans autre , trois étages de tablettes. Il eft vrai que les racines y féchoient plus vite , parce que le fourneau y donnoit plus de chaleur ; mais cette chaleur fe diftri- buoit très-inégalement dans les différentes hauteurs , & dans les différentes parties de la longueur de l’étuve , parce que les mêmes inconvénients fubfifloient , ayant établi, comme à l’autre, plufieurs étages les uns au-deflus des autres, & que l’on avoit donné à l’étuve une forme longue, fans en avoir fait parcourir toute l’étendue au fourneau. On avoit encore mis le plan. cher du premier étage trop près du feu; mais cela n’étoit pas fans remede , puif qu’on pourroit fupprimer ce plancher, & ne fe fervir que du fupérieur , qui fe trou- veroit à 1$ pieds du bas de lPétuve, & qui en comprendroit toute l’étendue : alors la chaleur s’étendroit plus également dans 88 CU L Ty RL+E toute fa longueur. On mettroit la racine fur 15 ou 18 pouces d’épaifleur, & on la foigneroit avec plus de facilité que fur les tablettes , dont le fervice eft extrême- ment pénible : on pourroit auffi mettre un fourneau à chaque bout de l’étuve , & faire ramper les tuyaux dans toute fa longueur. De tous ces faits , il réfulte que pour deflécher une pareille plante qui contient beaucoup d’humidité , on ne gagnera ja- mais rien à faire une étuve à trois étages, dont l’un nuira toujours à l’autre ; puifque la chaleur gagnant néceffairement le plus haut, on fera obligé d’y tranfporter la ra- cine des étages inférieurs ; ce qui ne fe peut faire fans peine , fans perte de temps & fans dépenfe ; au lieu qu’on pourra fé- cher la même quantité en moins de temps fur un feul plancher élevé de 18 ou 20 pieds au-deflus du fourneau. Il eft für qu’en fuivant de bonnes inf- tructions , un payfan qui cultivera fa terre en garance ,en tirera toujours meilleur parti que tout autre particulier qui la fera culti- ver par des gens de journée; mais le payfan ne fera les frais ni d’une étuve , ni d’un moulin ; ce feront des particuliers aifés qui cultiveront en grand , & qui font plus en état de faire de la dépenfe : ainfi on préfume que les payfans feront obligés, ou DE LA GARANCE. 89 our de vendre leurs racines toutes fraiches aux Teinturiers, ou de les arracher dans: le printemps, pour les faire fécher au fo- leil , ou de les mettre dans leurs fours quand ils n’en recueillent qu’une petite quantité, ou enfin de porter leurs racines à l’étuve , commeils font tranfporter leurs raifins au prefloir. On croit cependant qu'il eft toujours avantageux , dès qu’on a le deflein d'engager à une culture peu connue en France, de préfenter aux Cul- tivateurs des idées fimples , & qui tendent à la moindre dépenfe poffble. L’étuve de Lille, quoique conftruite fur le bon principe qu’on vient d'établir , ne fe préfente pas fous un coup d’œil d’é- conomie convenable à tout établiffiement nouveau. Îl faut de fortes murailles pour foutenir la pouflée des voûtes, des arc- boutants intérieurs , de la brique pour conftruire ces voütes. Il y a telles campa- gnes où on ne trouvera pas de Maçons qui fachent voûter en brique. Il faut beaucoup de gros fer pour le plancher. D’un autre côté , une étuve de la figure d’un quarré long, telle que celie de Corbeilles,ne chauf- fera jamais bien également dans toute fa longueur , à moins qu’on n’y établifle des tuyaux dans lefquels on fafle circuler la. fumée avant qu’elle fe rende dans la che- H 90 CULTURE minée, ou bien qu’on y place un four- neau à chaque bout. Tout cela eft de dé- penfe, & fujet à des inconvénients. On penfe qu’une étuve dans le goût d'une touraille de Braffeur (PI. IT) , eft plus que fuffifante , & pourra être confiruite par- tout à peu de frais : une pareille étuve fera aflez grande en la faifant quarrée de 18 pieds fur toutes les faces ; de 18 à 20 pieds de hauteur du rez-de-chauflée juf- qu’au plancher. On formera deffous ce plancher une pyramide renverfée un peu tronquée par en bas, pour l’emplacement qu’il faut laiffer au fourneau qui doit échauffer l’air dans l’intérieur de la pyra- mide: cette efpece de hotte renverfée fera faite comme celle des Braffeurs de Paris, avec des chevrons lattés & revêtus de plâ- tre , ou de mortier, ou de torchis , ou de blanc en bourre , fuivant la commodité du pays. Îl ne faut pas un fourneau im- menfe pour échauffer ce lieu,quife trouvera réduit prefqu’à un tiers de fa capacité La nouvelle étuve de Corbeilles en contient bien davantage depuis le fecond plancher jufqu’en bas, & on n’a pas laiflé d’y por- ter la chaleur jufqu’a plus de 45 degrés. On fera le plancher de la touraille avec des folives de 6 & quatre pouces, pofées fur le champ de pied en pied, & ce plan- DE LA GARANCÉ. oi cher fera couvert de lattes, ou d’échalas de Treillageurs, ou fimplement de clayon- nage, comme on a fait à Corbeilles , où ils ont duré plus de fix ans. On élevera deux pignons , (voyez PI. IT), & fur les deux autres faces des murs ou pans pour porter le bout des chevrons, & on y établira deux fenêtres Q Q. On fera un plancher plafonné H, à 8 ou 9 pieds au-deflus du clayonnage GG, & on y pratiquera une ou plufieurs trappes DD, qui font plus utiles pour l’exhalaifon des vapeurs, que les fenêtres ; enfin on lam- briffera les chevrons apparents. Il y a lieu de croire qu’une pareille étuve coûtera peu, & fera tout l’effet defiré. On a oublié de dire que fur le plancher de clayonnage GG , qui porte la garance EE, il feroit bon d'étendre une grofle toile fort claire, ou une haire de crin , comme les Braffeurs le pratiquent , & dont tout le pourtour fera recouvert par des efpeces de foubaflements de toile , arrêtés tout autour & cloués d’ef- pace en efpace ; ce qui fera fur-tout fort utile quand on fera fécher en particulier les menues racines , & pour empêcher qu'il n’en tombe à travers les claies. À un pied au - defflus des racines, on pourra met- tre des traverfes de bois, fur lefquelles on déroulera des nattes de paille piquées fur Hi; 92 C'U' LT U 41€ de la toile : cette couverture fervira à re+ tenir les vapeurs , ce qui fera avantageux, comme nous l’avons dit plus haut. | Au reite , certte étuve ef fimple , & on: peut en varier la conftru@ion , fuivant la commodité, ou la nature des matériaux qui. fe trouvent le plus communément dans chaque Province. A RFC C'E Es FPE Du Fourneau de cette Etuve. [ fourneaux de l’étuve de Lille & ceux de l’étuve de Zélande ne font certai- nement pas bons pour le défléchement de la garance, non plus que ceux des rourail- les des Braffeurs ; ils ont tous le même défaut , en ce qu'ils rempliflent l’étuve d’une fumée qui ne peut fe difliper qu’a- près avoir traver{é la racine, & lui avoir imprimé un enduit de biftre fort nuifible à la teinture ; c’eft cet inconvénient qui a donné lieu à rechercher la façon d'en conftruire un qui, en donnant beaucoup de chaleur , n'eût point cette incommo- dité *, [i paroït probable qu'on y pourra réufflir en plaçant , au lieu de la truitte, une * MM. HELLOT & d’Am- ] zala, lorfque la racine n’a- BOURNEY ont fait, avec | voit pas reçu l’imprefñon la garance de Lille, d’auffi | de la fumées belle rcinture qu'avec l’A- DE LA GARANCE. 9% tour fermée f d, d’où partiroient des tuyaux ée qui circuleroient fous la garance avant de porter la fumée au dehors par le tuyau hh ; on augmenteroit encore beaucoup la cha- leur en faifant circuler d’autres tuyaux en- tre deux feux , pour répandre dans l’étuve un air chaud qui feroit tiré de dehors , & qui fe répandroit continuellement dans l’é- tuve , fuivant le fyfième du fourneau qui eft décrit dans le Traité de la confervation des grains. J'ai fait une épreûve d’un pareil four neau , & j'avoue que je n’en ai pas obtenu une chaleur fuffifante : il auroit fans doute été néceflaire de rendre mon fourneau plus fpacieux ; mais on eft fouvent arrêté par la dépenfe , qui refte toujours en pure perte pour celui qui fait des recherches pour le Public, & qui n’eft pas dans le cas d’en faire une application qui lui foit utile. Je terminerai donc ce qui me refte à dire fur les étuves à deffécher la garance, par con- clurre que la touraille des Brafleurs me pa- roit fort bonne ; mais qu'il faut trouver un moyen d’empêcher que la fumée ne tra- verfe les racines. Peut-être que le mieux feroit d'établir au bas de la touraille, au lieu d’une truitte, un fourneau f d(P1. ID), pareil à celui que les Rafineurs mettent dans leurs étuves; ce qui ç4 CU LOTERIE feroit avantageux , fur-tout dans le cas où Von pourroit le chauffer comme eux avec du charbon de terre, La bonne maniere de conduire l’étuve feroit de mettre les racines, déja en partie defféchées par le vent & par le foleil , fur la touraille en EE, d’allumer enfuite le fourneau, de fermer les trappes D D au- deflus de la touraille , & même de couvrir les racines avec des nattes, jufqu’a ce qu'on vit l'humidité réduite en vapeurs ; alors on ôteroit les nattes, on ouvriroit les trappes , & on augmenteroit le feu pour faciliter la diffipation des vapeurs. La garance fufhifamment defféchée & mondée de fon billon, comme nous la- vons dit plus haut, peut être vendue en cet étataux Teinturiers ; mais fi on veut la réduire en poudre, ou, comme dijent les Teinturiers, la grapper , il faudra être pourvu de moulins femblables à ceux dont nous allons donner la defcription. Ainfi il faut que celui qui entreprend de cultiver la garance, commence par fe pourvoir d’une étuve , afin qu’elle foit feche , lorf- quon ne fera pas en état de l’employer verte; mais il peut fe difpenfer de faire conftruire un moulin , puifque le Proprié- taire trouvera à vendre fa garance en ra- cines fans être moulue, Néanmoins pour ence PI I Fage 94. Ga Garence PI I Page 94. DE LA GARANCE. 9$ ne laifler rien à defirer fur tout ce qui re- garde la garance, nous allons parler des moyens qu'on emploie pour réduire cette racine en poudre. AR E TO ES EY: De la Meule verticale , pour écrafer la Garance. Dis plufieurs endroits on pulvérife la racine de garance avec une meule ver- ticale , femblable à celle qu’on emploie pour écrafer les olives ou les pommes, ex- cepté qu'il faut que cette meule foit très- pelante. On commence par couper ou rompre la racine par petits morceaux ; enfuite on la met fous la meule qu’on fait tourner par le moyen de l’eau, ou avec un cheval. Cette meule étant en mouvement , il faut qu’une ou deux fem- mes foient continuellement occupées à pouffer la racine fous la meule : enfuite on la pafle par un crible fin , & on remet fous Ja meule ce qui eft refté fur le crible. Cette meule feroit afflurémenttrès-bonne pour broyer la garance verte, dans le cas où les Teinturiers lemploieroient en cet état, 96 Cru :r TITRE AR TI CEE Defcription du Moulin à grapper la Garance, tel qu’il ef} exécuré à Lille en Flandre. L A Figure 1 , Planche IIT, repréfente le développement des parties d’un moulin propre à piler la racine de garance. Ce moulin eft ifolé, & couvert feulement d’un toit de chaume , porté par une charpente fort légere. | Les Figures 2, 3,4, $ & 6 font des additions à la précédente : on ñe peut fe difpenfer d’y avoir recours pour l’intelli- gence des pieces qui entrent dans la conf- truction de ce moulin ; & c’eft pour cela que l’on s’eft fervi des mêmes lettres pour toutes les figures : on a repréfenté les principales pieces par autant de figures par- ticulieres. À, levier de 9 pieds 8 pouces de lon- gueur , fur 6 à 4 de groffeur *. B, arbre de la roue , de 6 pieds 4 pou- ces 6 lignes de hauteur fur 9 à 10 de grof- feur. C, liens ou arcboutants de 4 pieds 6 pouces de hauteur fur 4à $ de grof- * Un cheval, taille de Dragons, fait mouvoir très— aïfément ce moulin, {eur, DE LA GARANCE. 67 feur. D ( PI. III. fig. 1) , roue dentée de 3 pieds 1 pouce 6 lignes de rayon, armée de 57 dents. Les courbes de cette roue ont 8 & 4 pouces de grofleur : on voit qu’elles font liées par des molles-bandes de fer. Les traverfes formant l’affemblage, font de 6 à 4 pouces de groffeur , boulonnées & clavetées ; les dents qui font de pommier , faillent de 3 pouces 3 lignes ; elles ont 2 pouces + fur 2 à leur racine , fe terminant à 2 pouces + {ur 1; de même elles ont 2 pouces de queue fur 1 + d’équarriffage : elles mordent dans les fufeaux de la lan- terne d’un pouce & demi. Les chevilles qui les retiennent, font aufi de bois de pommier. E , poutre de 12 pouces d’équarriflages F, lanterne de 13 pouces de rayon, gar- nie de 18 fufeaux d’un pied de longueur chacun , & de 2 pouces de diametre. Les fonds de cette lanterne ont 2 pouces + d’é- paifleur ; ils font cerclés de fer. On a em- ployé aufli deux molles - bandes de fer, boulonnées de même, qui empattent les joints du bois. GGG , arbre qui porte les cames ou leves. Il a dix-huit pieds fix pouces fix lignes de longueur , 10 & 10 de grof- {eur , à l’endroit où il traverfe la lanterne, 93 CULTURE & quatorze pouces de diametre dans fa partie octogone. H , leves ou cames de 4 pouces 9 lignes de longueur fur $ pou- ces de face & 2 pouces 6 lignes d’épaifieur. On voit ici que Parbre eft hériflé de quinze leves pour cinq pilons , parce que trois leves fervent à chaque pilon. A cet effet , on a eu attention de numéroter d’un même chiffre les leves, les mentonnets & les pilons , ce qui fera encore expliqué plus bas, . K, balanciers ou volants de 4 pieds $ pouces de longueur chacun, fur 4 & 4 pou- ces de groffeur : ils font chargés de plomb à leur extrémité. L, mentonnets qui font relatifs aux leves H; ils faillent de $ pou- ces 9 lignes,& ont $ pouces de face fur 2 + d’épaiffeur, MM , autres mentonnets aflemblés dans l’épaifleur des pilons NN, & qui répon- dent aux leviers Q Q. Ces pilons ont 10 pieds 4 pouces de longueur fur 4 & 4 pou- ces de groffeur. Ils font arrondis à leur ex- trémité vers les mortiers , & armés d’un fa- bot de fer de 4 pouces de diametre, repré- fenté en X dans la Figure 6. On a numéroté les pilons 1,4,2, $, 3, (fig.1), pour faire connoître dans quel ordre ils battent quand la machine eft en mouve- DE LA GARANCE. 99 ment (* ). O, amoifes de 6 & 4 pouces de groffeur , qui foutiennent les charnieres P. P, charnieres de 8 pouces de longueur fur 6 de largeur & 4 d’épaifleur. Ces char- nieres font traverfées d’un boulon de fer claveté , auquel répond un levier mobile Q ;, qui fait effort contre le mentonnet M, quand on veut foutenir le pilon Nen l’air. Q, leviers de 2 pieds 3 pouces 6 lignes de longueur fur 3 & 4 de groffeur, fai- fants effort contre les mentonnets M, pour foutenir les pilons en l’air. RR, prifons de 6 & 8 de groffeur, qui contiennent les pilons , & empêchent qu’ils ne fe dérangent. S, poteaux montants de 4 & 4 de groffeur, qui affemblent les amoi- fes & les prifons. TT, &’c, mortiers creu- fés dans une feule piece de bois de 16 fur 16 de groffeur : chacun de ces mortiers eft creufé de 11 pouces ; leur plus grand dia- metre eft de 7: on a atention que leur fond foit garni de plomb de 3 à 4 lignes d'épaiffeur (? ). V , auget pour la manutention , fur le= “Il ya cinq pilons: cha- [ racine. Après quelques cun d’eux étant armé, doit pefer environ 112 ou 120 livres : leur armure eft un fabot de fer à lames tran- chantes, b Chaque mortier con- tient environ 6 livres de coups donnés, on retire la racine , & on la pafle pour ôter le billon. On a éprou- vé qu’un moulin dirigé par un feul homme , peut pi- ler $0O pefant de garance en 24 heures. I 1 100 C'o EU Tr 0 RTE quel on étend une toile attachée à la pri- fon , pendant que le moulin travaille, pour empècher la diffipation de la poudre la plus fine. Ÿ , poutre de 12 pouces d’équarriflage : cette poutre & celle de l’autre extrémité, cotée E , repofent fur les fablieres de la charpente qui afiemblent le toit. Les cra- paudines & tourillons font repréfentés d’une maniere fi fenfible, qu’on n’a pas cru néceffaire de les indiquer par des let- tres de renvoi ; j'ajouterai feulement que les crapaudines font de fonte, & les tou- rillons d’acier. On a évité de coter chaque dimenfion , pour ne pas trop charger les figures ; mais il fera aifé d'exécuter cette machine relati- vement à notre defcription, dont les dé- tails font juftes. Aufi-tôt que la garance eft fortie de l’étuve, on la porte au moulin : quand elle eft pilée, on la pañle fur le champ au ta- mis , pour qu'elle foit à peu-près comme de la fciure de bois, & on l’enferme tout de fuite dans des barrils bien fermés, qu'il faut avoir foin de tenir dans un lieu fec. Les tamis à paffer la garance , ont en- viron 2 pieds + de diametre fur un pied de hauteur ; ils font faits en forme de boîtes cylindriques de trois pieces , & reflcm- DE LA GARANCE. 1OI blent à une caiffe de tambour ; ils font re- couverts de peau par -deflus & par-def- fous , pour empêcher la diffipation de la poudre fine. Les toiles de ces tamis font de crin ; elles font plus ou moins fines, felon la qualité qu’on veut donner à la ga- rance. Je crois qu’en quelques endroits on emploie des bluteaux en place de ces tamis. La garance grappée fe diftingue en ga- rance robée & non robée : la robée a con- fervé fon épiderme ; l’autre, qui eft la plus précieufe , en eften partie dépouillée. Pour la rober , on retire la garance du moulin après qu'elle à reçu quelques coups de pilon ; en la tamifant groffiérement on emporte une partie de l’épiderme, & on Ja remet enfuite au moulin pour achever de la pulvérifer ; mais il faut prendre gar- de d’emporter avec l'épiderme la partie colorante qui eft la plus précieufe. J’avois fait venir les plans de ce moulin pour en aider MM. de Corbeilles ,qui vou- loient en faire conftruire un ; M. de la Levrie , qui voulut bien diriger cette conftruction, ne tarda pas à appercevoir les défauts du moulin de Lille ; il les a corrigés, & en a fait conftruire un à Cor- beilles, qui fatisfait à tout ce qu'on en peut attendre. Ce Monfieur a bien voulu me E ii 102 CU EL T/UXRLE donner les dimenfions de ce moulin , & en corriger les defleins. Néanmoins je n’ai pas cru devoir fupprimer les plans du moulin de Lille, par la raifon qu’il eft établi, & qu’il y fert à piler la garance; mais nous y Joignons le plan & les pro- portions de celui de Corbeilles, qui eft bien fupérieur au premier. ART LCL ETNE Réflexions [ur la conffruéfion du Moulin de Lille. D: TOUS les moulins à pilons qu’on peut conftruire , celui de Lille paroît le moins propre à piler la racine de garance : il avoit été fait en premier lieu pour piler le tabac, & on s’eft contenté d’en changer l’ufage fans y faire les correétions nécef- faires pour le nouvel objet. 1°, Les pilons de 10 pieds de haut ne peuvent pas pefer 112 livres, d’autant que le pied cube de chêne fec ne pefe que 60 livres: les 10 pieds de 4 pouces quarrés ne pefent que 66 livres £: fion y ajoute 10 livres pour la pefanteur du fabot & des deux menton- nets , le tout ne pefera pas 77 livres : on voit que c’eft trop peu pour pulvérifer la DE LA GARANCE. 103 garance *. 2°, La fuperficie du quarré de 4 pouces, réduite à cee d’un cercle de même hauteur , n’eft plus que 12 $ de pouce; ce qui ne fait pas tout à fait 63 pouces pour la fuperficie des cinq pilons. 3°, Ajoutez que les fabots des pilons étant garnis de couteaux trop courts, la matiere doit s’y empâter, & dès-lors elle ne fe broie plus. 4°, Il eft aifé de voir, par le rapport de la lanterne au rouet, que cha- que pilon ne peut battre que 28 coups + par minute. $°, On fait qu’une livre de ga- rance bien foulée tient un volume égal à une pinte d'eau , qu’on fuppofe de 48 pouces cubes ; mais elle tient bien plus de place quand elle eft en poudre non foulée, comme elle eft dans les mortiers, éparpillée par les couteaux & rertombée fur elle-mé- me ; fuppofant encore qu’elle n’occupe que moitié en fus, ce fera 72 pouces cu bes. On prétend qu’on met 6 livres de ra- cine à la fois dans chaque mortier , qui feroient 432 pouces cubes ou + de pied cube de matiere dans un mortier rond de 11 pouces de haut, dont le plus grand diametre n’eft que de 7 pouces , le plus petit dans le fond 4 pouces +, & celui de l’entrée de $ pouces ; & files mortiers * Ileft vrai qu’on les a chargés de plomb; mais on fera mieux de s’en pafñler, : Liv 104 CULTURE étoient pleins, quelle force auroît la chûte des pilons ? 6° ,Les leviers qui fervent à lever les pilons & à les arrêter en l'air, pendant qu’on vuide les mortiers, font tout-à-fait mal imaginés ; il faut une grande force pour en faire ufage ; encore faut-il faifir le moment où le hériflon a élevé les pilons à leur plus grande hauteur. 7°, Le volant eft une piece fuperflue , incommo- de, même dangereufe pour ceux qui fer- vent le moulin; c’eft un fardeau inutile qui ne peut fervir qu’a augmenter le frotte- ment de l'arbre fur les tourillons: d’ail- leurs il ne peut faire d’effet pour entretenir Vuniformité du mouvement, qu’autant qu’il eft attaché à un arbre qui tourne très- vite ; ce n’eft pas le cas, puifque l'arbre du hériflon ne fait pas 10 tours par minute. 8° , On ne dit rien de l’inégalité de la ré- fiflance, caufée par la figure droite des le- ves du hérifon , ni du frottement confidé- rable des pilons dans leurs prifons, occa- fionné par la longueur de leurs menton- nets, parce quil s’en faut beaucoup que la puiffance foit chargée de tout le poids qu’elle pourroit mouvoir ; mais cette puif- fance étant un cheval dont on connoït la force, pourquoi ne la pas employer ? Je crois en avoir aflez dit pour faire fentir les défauts du moulin de Lille : la comparai- DE LA GARANCE. 10$ fon qu’on en pourra faire avec celui de Corbeilles, dont je vais donner la defcrip- tion, y fera trouver d’autres imperfec- tions fur lefquelles il feroit fuperflu de m'étendre. AR TI CILE VE Defcriprion du Moulin à pulvérifer la Garance, conffruit à Corbeilles. [Ë N’EST pas néceflaire de faire le détail du rouage de ce moulin, qui eft le même que celui de Lille; il fufht de donner les proportions des parties qui le compofent. Le timon ou levier, depuis le centre de Parbre du rouet jufqu’au point où eft at- tachée la chaîne du palonnier, a 9 pieds; le rouet a s pieds de rayon, & porte 72 dents ; la lanterne, 10 pouces de rayon jufqu’au centre des fufeaux , & 12 fu- feaux ; ainf elle fait fix tours contre un du rouet ; le cheval faifant 3 pieds de chemin par feconde , fait trois tours & demi par minute , & la lanterne 20. Le hériflon ayant dans fa circonférence trois leves pour chaque pilon , chaque pilon frappe 60 coups par minute, & les quatre 240 dans le même temps. Le quarréfur lequel 106 CULTURE eft chauflée la lanterne , eft pris fur un arbre qui a $ pouces de rayon, plus gros dans toute la longueur du hériflon, où il a 7 pouces de rayon. Il lui faut cette grofleur , afin que les tenons des leves aient une longueur & une épaiffeur qui leur donnent de la fclidité : on le laifle rond plutôt que de le faire à pans ; parce qu’il eft plus aifé d’y percer réguliérement les mortaifes , en fe fervant d’un calibre que les Menuifiers appellent un guide-âne , qui leur fert à enfeigner aux apprentifs à percer une mortaife à plomb *: les leves ont 12 pouces de rayon, c’eft-à-dire, qu'il y a 12 pouces depuis le centre de Varbre du hériflon jufqu’au point qui tou- che les pilons pour les élever; ce qui indi- que un cercle de deux pieds de diametre : la face fupérieure de ces leves eft coupée felon une courbe qui les alonge , dont tous les rayons font des tangentes à la circon- férence de ce cercle. La plus. grande de ces tangentes a 12 pouces ; elle détermine la plus grande levée des pilons : il réfulte de cette coupe , qu’à quelque élévation que foient les pilons , la réfiftance eft tou- jours uniforme , puifqu’ils font toujours pris par les leves à la même diftance de * ]] faut que les tourillons de cet arbre tournent fur des paliers de cuivre. DE LA GARANCE. 107 leur centre de gravité. Comme dans la longueur du hériflon il y a 12 leves fur plans , elles forment entr’elles des angles de 30 degrés , en les fuppofant vues l’une derriere l’autre comme fur un même plan; -ce qui fait que quand le premier pilon eft à la moitié de fon élévation , le fecond eft prêt à être élevé ; le premier échappant, le troifieme eft au moment d’être éle- vé , &c. Je dis, au moment, parce qu’il eft à remarquer que les leves avancent fous les mentonnets, ou fous ce qui en tient lieu, de $ ou 6 lignes; que la plus grande tangente de la courbe étant de 12 pouces , eft plus petite de près de 7 lignes que la fixieme partie de la circonférence du cercle , & donne le temps au premier pilon d’échapper avant queletroifieme pi- Jon foit pris ; ce qui eftnéceffaire pour que la puiflance ne foit jamais chargée de plus de deux pilons. On appelle le devant de la batterie, la face devant laquelle eft le hériffon : la batterie eft compofée de deux folins de 10 pieds de long , de 8 pouces d’équarriffa- ge , liés à chaque bout par une entre-toife de 6 & 4, celle de devant arrafée aux feuillures pouffées en dedans de cette par- tie des folins, de 15 lignes de hauteur fur un pouce de largeur, pour fervir à porter 108 C'v 5 Tux un plancher : au milieu de la longueur & de la largeur de deux folins s’élevent deux montants , qui font mortaifés & chevillés ; ils ont 12 pieds 8 pouces de hauteur, non compris leurs tenons, 14 pouces de large fur 6 pouces d’épaiffeur , foutenus cha- cun par un lien mortaifé par - devant à deux pieds de hauteur, & un derriere à 4 pieds +. Entre ces deux montants eft la pile fur laquelle battent les pilons : elle eft faite d’une piece d’orme-tortillard bien fec , de 4 pieds de long entre les mon- tants , avec lefquels elle eft affemblée par une languette de 2 pouces de large fur autant de profondeur ; elle a 20 pouces de hauteur fur 18 de largeur ; elle pofe des deux bouts de toute fa largeur fur le bord des folins , & dans l'intervalle far trois pieces de bois également efpacées , calées fur un maflif de maçonnerie qui fupporte le tout. La longueur de la pile eft partagée en deux par une cloifon de deux pouces d’épaifleur , parallele aux montants & de même largeur , arrêtée dans la pile par deux tenons, & une rai- nure de toute fon épaiffeur , de même en haut dans la partie de derriere de la pri- fon qui eft fixe ; fon prolongement jufqu’à Ja prifon d’en haut eft arrêté par un affem- blage pareil : cette cloifon divife la lon- DE LA GARANCE. 109 gueur de la pile en deux auges de 26 pouces de long chacune, formées par deux planches en pente, de façon que les auges ont 4 pouces + intérieurement dans le fond , fur 11 pouces + d’ouverture, & 12 pouces de hauteur perpendiculaire ; & pour empêcher que la poudre volatile qui s’éleve en pilant ne fe perde , la diftance du bord des auges à la premiere prifon eft fermée par des fonds, dont ceux de der- riere, ainfi que cette partie des auges , font aflemblés à demeure, à rainures & languettes, dans les montants & la cloi- fon ; ceux de devant fe levent à coulifle comme un chaflis, & s'arrêtent de même avec des tourniquets ; on leve & on Ôte tout-à-fait le devant des auges ; on tire toute la racine pilée avec une cuiller de bois & un balai de plumes, & on la fait tomber fur une table qui eften avant, dont les rebords ont 4 pouces de hauteur ; on remet le devant des auges ; &e on les re- garnit de racines en bâtons, on baïfle les couliffes, on laiffe tomber les pilons qu’on avoit arrêtés pendant cette manœuvre qui s’exécute facilement & promptement, & le moulin continue de travailler pendant qu’on ramañle la racine , & qu’on Îa pañle au bluteau ou au tamis. Il y a deux pri- fons ; qui fervent à guider les pilons : le +10 Cv LTuaR!r deffous de la premiere eft à 3 pieds; le deffous de la feconde à 10 pieds du deflus de la pile ; elles ont 3 pouces + d’épaifleur : la premiere eft arrafée par-devant aux joues intérieures des rainures , afin que les cou- lifles y foient appliquées lorfqu’elles font fermées , & qu’elles gliffent contre quand on les leve. Chaque prifon eft de deux pieces , dont celles de derriere font affem- blées & chevillées avec les montants, & entretiennent folidement les clojfons ; cel- les de devant peuvent s'ôter & fe remet- tre, fuivant le befoin : elles coulent dans les rainures d’un pouce de profondeur , & de leur épaifieur , qui font aux mon- tants , & qui font entaillées à mi-bois avec les cloifons : de plus, elles ont deux clefs qui entrent dans les mortaifes qui font aux parties fixes où on les arrête avec des chevilles. Les pilons ont par le bas 1 2 pou- ces de face, 18 pouces de hauteur, & pouces d’épaiffeur , ce qui leur donne à la bafe 48 pouces quarrés ; les queues ont 8 pieds + de hauteur , 4 pouces de largeur , fur 3 pouces d’épaiffeur ; ainfi ils ont en tout 10 pieds de haut, non compris les couteaux qui ont 4 pouces, & qui font faits comme un fermoir de Menuifier ; les tranchants ont 2 pouces = de large & les foies 3 pouces ; de long ; il y en a 17 à DE LA GARANCE. III chaque pilon. On a fupprimé les menton- nets, parce que les leves du hérifion les prenant par le bout , toujours au même éloignement de $ pouces du centre de gravité des pilons , la réfiftance du frotte- ment de leur queue dans les prifons auroit été confidérable. Pour éviter cet inconvé- nient, on a fait dans la face de la queue des pilons une mortaife de 25 pouces de long fur 3 pouces de large, fortifiée des deux côtés par des joues de 2 pouces, prolongées de 6 à 7 pouces au-delà de chaque bout des mortaifes qu’on a laiffées de la même piece que les queues. Le haut des mortaifes eft à 6 pieds au-deffus de la pile, c’eft-à-dire , à la même hauteur que le centre du hériflon : cette partie éft gar- nie d’une platine de cuivre de 2 lignes d’é- paiffeur bien écrouie , polie & arrondie par le bord , pour faciliter l’échappement des leves. On a mis fur le côté des queues des pilons , & à 16 pouces du deflous de la prifon d’en haut , des mentonnets d’un bon pouce d’épaiffeur , de 2 pouces de hauteur fur 4 de faillie , pour tenir les pi- lons élevés pendant qu’on vuide les auges. Les leviers qui fervent à cet ufage font placés derriere, & portés fur des cheva- lets aflemblés dans une piece de bois qui l’eft elle-même par les deux bouts dans 112 Cru -L'T'UNALE deux corbeaux mortaifés & chevillés dans les montants ; ces pieces ont 6 pouces d’é- quarriflage : il y a des youffets fous les corbeaux. Les leviers font pris dans des pieces de bois de 6 pouces & +, ainfi que les leves du hériffon. La face fupérieure du petit bras eft taillée comme les leves, fuivant une courbe développée du cercle générateur , dont le rayon eft l'intervalle du milieu du mentonnet au centre du mouvement du levier , qui doit être fur le même alignement que le deffous du men- tonnet. Le rayon de ce cercle, ainfi que le plus grand de la courbe, doit être de 15 pouces, afin que le pilon élevé de 13 ou 14 pouces n’échappe pas. Pour con- ferver la force des leviers , il faut que le fil du bois fe trouve droit dans toute la lon- gueur,paffant par le centre du mouvement, dans lequel on arrêtera quarrément une barre de fer faillante de 2 pouces de chaque côté; cette faillie arrondie en tourillons fe placera fur des chevalets dans des fentes garnies, pour le mieux, de coufi- nets de fonte. On attache une corde au bout des petits bras , & l’on accroche cette corde à des crochets de fer ; on a des chevilles de bois qui font derriere la pile, pour tenir les leviers un peu plus bas que les mentonnets quand les pilons travail- lent. DE LA GARANCE. 113 lent. Les grands bras font diminués de largeur infenfiblement jufqu’à leur bout, où ils font réduits au quarré de leur épaif- eur; il ya à cet endroit une autre corde qu’on accroche aux mêmes chevilles de la pile pour retenir les pilons en l'air. QzsERVATIONS. Les pilons de ce moulin ne pefent que 100 livres avec leur armure, peut-être quelques livres de plus , qu'on peut fup- primer en diminuant quelques pouces fur la partie d’en bas: il n’y a jamais que deux pilons en Pair, qui pefent enfemble 200 li- vres , lefquelles fe réduifent à un effort de 133 livres + pour la puiffance. On compte ordinairement qu’un cheval de moyenne taille peut employer 189 livres de fa force pour mouvoir une machine, en travaillant quatre heures de fuite, & faifant 1800 toifes de chemin par heure : il va fonvent plus vite ; mais c’eft fur ce pied que ce mou- lin a été calculé : il refte donc 46 livres = pour vaincre la réfiftance des frottements : ils’en faut beaucoup qu’ils aillent à cela dans cette machine; on peut mêmedire qu’ils font moindres que dans tout autre moulin de cette efpece. Un cheval peut d’autant mieux réfifter à ce travail, qu’à chaque pi- lage qui dure $ ou 6 minutes, il en a deux 114 CG'USÉ TYUMWE ou trois de repos pendant qu'on vuide les auges & qu'on les regarnit. Ce moulin de Corbeilles n°a jamais pilé que 200 livres de racines par jour,parce que l’étuve n’a jamais fourni à une plusgrande exploitation ; mais 1a durée de ce travail fait juger qu'il pileroit aifément 480 & même $00 , s’il étoit fourni. On prétend que le moulin de Lille peut piler $0o livres dans vingt heures : on a peine à le croire , d’autant qu’on ne juge pas qu’il FRE CH la nuit ; ainfiilne Jui faut (OPpOe que dix heures de travail, comme à celui de Corbeilles. Quoi qu’il en {oit ; Pexploitation de ces deux moulins doit être en raïfon compofée de la pefan- teur de leurs pilons , du nombre des coups qu’ils frappent par minute, & de la fuper- ficie choquée , ou ce qui MI ME cho- fe, de leurs bafes ; c’eft-à-dire , que le moulin de Corbeilles eft à celui de Lille com- me 400 livres , poids de quatre pilons multiplié par 240 ; nombre des coups qu’ils battent par minute , le produit par 192, fuperficie de 4 pilons, eft a 385$, poids de cinq pilons multiplié par 142 +, nombre des coups qu’ils battent par mi- nute, le produit par 63, fuperficie des cinq pilons ; ou après la réduétion , com- me 16 eft à 3 ; partant, le moulin de Cor- beilles pilant s 00 livresen12 heures de tra- DE LA GARANCE. 11S vail, celui de Lille n'en doit pas ren- dre 100. On ne peut ici s'empêcher de blämer lindifférence où l’on paroîït être en Flan- dre fur l’emplacement des étuves & des moulins ; ils font , dit-on, dans des bà- timents féparés & qui n’ont point de com- munication : il n’y a rien de moins conve- nable. Ona l’expérience à Corbeilles, que la racine qu’on piloit ci-devant dans un petit moulin à bras, placé dans une grange à $ ou 6 toifes de l’étuve, dont il ne pouvoit recevoir aucune impreflion de chaleur , re- prenoit de l'humidité & s’empâtoit fous les couteaux , ce qui lui faifoit beaucoup de tort. Comme cette manœuvre fe fait toujours en hiver , & il n’eft guere poffible de faire autrement , il faut donc fe précau- tionner contre les brouillards de cette faifon. L’étuve propofée peut contenir 4 mil- liers de garance fraîche , qui en rendront 500 livres de feche après y avoir refté deux fois vingt-quatre heures : le moulin peut piler cette quantité dans une journée. Si l’on avoit une récolte confidérable , pas exemple , de 400 milliers qui pourroient produire so milliers de feche, ( c’eft tour ce que ce moulin pourroit exploiter pen- dant les quatre mois d'hiver en travaillant Ki 116 CULTURE tous les jours ) il faudroit néceffairement deux étuves. Voici à-peu-près comme on pourroit difpofer les bâtiments pour les étuves & le moulin. On feroit un bâtiment de 63 pieds de long fur 21 de large, avec un plancher à 20 ou 22 pieds du rez-de- chauffée , qui feroit un grenier fur lequel on étendroit une partie de la racine frai- che. On pourroit faire ce plancher avec un grillage ou avec des claies , afin que les racines qu’on mettroit deflus , & qu’on fouleveroit le plus qu’il feroit pofhble, puflent , en recevant de l’air par - tout, commencer à fe deflécher au lieu de s’é- chauffer : le deffous feroit occupé par le moulin & fa batterie , de façon qu’il ref- teroit à chaque bout un efpace de 18 pieds jufqu’aux murs des extrémités : au milieu de cet efpace on feroit les ouvertu- res des fourneaux pour chauffer les étuves, qu’on placeroit de façon que les planchers des tourailles feroient de niveau avec celui du grenier : on pourroit ménager des trappes au plancher du grenier, pour Jet- ter en bas les racines étuvées ; & comme H convient de les tenir féchement en at- tendant qu’on les mette au moulin, on les entafleroit tout autour du fourneau fous Pévafement des pyramides renverfées des tourailles , où les racines fe conferve- DE LA GARANCE. 117 roient fainement pendant qu’on les pileroit & qu’on les tamiferoit ; car elles ne doi- vent point fortir d’auprès du fourneau jufqu’à ce qu’elles aient été mifes en ton- neaux. En fuppofant qu’on pût exploiter le produit de 400 milliers de racine dans les quatre mois d'hiver , il faudroit être pour- vu d’un lieu affez étendu pour la confer- ver en bon état, jufqu’à ce que la derniere aille à Pétuve ; car on ne peut pas con- ferver la garance en tas, elle s’y échauffe- roit & pourriroit : il faut qu’elle foit éten- due fur une épaiffeur tout au plus de 2 pieds , afin qu’on puiffe la retourner tous les jours à la fourche. On eftime, d’après une expérience faite, que 8 pieds cubes de cette racine fraîche pefent 100 livres. La fuperficie du grenier fera de 1323 pieds quarrés qui , divifés par quatre, don- nent 320 quintaux + ou 33075 livres; c’eft bien loin de 400 milliers. On croit que le mieux feroit d’avoir quelques grands bâtiments que l’on éleveroit de quatre ou cinq étages de claies ; & les côtés pour- roient être entiérement à jour, comme font les féchoirs des papeteries : tous ces gre- niers pourroient contenir enfemble au moins douze fois autant de racines que le grenier qu'on vient de donner pour exem- 118 Cu: L'TC URUE ple; mais on épargneroit cette dépenfe, fion pouvoitnetirer lagarance de terre que peu-à- peu pendant l’automne, l'hiver & une partie du printemps ; ce qui me paroit très-pofli- ble ; & je fuis très - perfuadé que les raci- nes qu’on arracheroit en Mai, Juin & Juil- let, pourroient être en grande partie defé- chées fur le champ , en les fanant comme le foin , à moins qu’il ne furvint des pluies, auquel cas, on les étendroit dans les gre- niers à jour dont je viens de parler : elles s’y deffécheroient aflez pour ne fe point corrompre : dans tous ces cas, Pétuve ne {erviroit qu’à achever la defication , pour mettre la garance en état d’Ctre pulvérifée. ExPz1rcarTzron des Figures du Moulin de Corbeilles. La Figure 7, Planche IV, repréfente la batterie vue par-devant : la figure 8 fait voir la même batterie par un bout, dont on a Ôté tout l’afflemblage du mon- tant, avec fon folin. À, (fig. 7), folins de 8 pouces d’équar- riflage , vus parles bouts : 4( fig. 8 )lon- gueur d’un feul qui eft de 10 pieds. B , entre-toifes qui afflemblent les folins, dont un eft vu dans fa longueur (fig. 7): ils font vus tous deux par le bout { fig. 8 ) 3 ils ont 6 pouces fur 4. DE LA GARANCE. 119 C, Plancher pafé devant fur les feuil- lures des folins & fur l’entre-toile. D, montants affemblés dans les folins , vus par leur épaifleur dans la figure 7: on ne voit que le haut d’un de ces mon- tants dans la figure 8 , au-deflus de la fe- conde prifon N; & la largeur du bas eft . défignée par les deux lignes ponétuées qui font fur le bout de la pile qui le couvre, comme le refte qui eft couvert par la cloifon du milieu. Ces montants ont #2 pieds 8 pouces de hauteur, 6 pouces d’épaiffeur , 14 pouces de large depuis le bas jufqu’aà la hauteur du hériflon , réduits au - deflus à 10 pouces : leur rétréciflement eft marqué dans la figure 8 par une portion de cercle ponctuée , tracée du centre de l’arbre du hériflon. E , Liens qui aflurent les montants fur les folins : ceux du devant font mortaifés à la hauteur de 2 pieds , ceux de derriere à 4 pieds +. Îls ont 6 pouces fur 4. F', pile fur laquelle battent les pilons : elle eft de bois d’orme de 4 pieds + de long entre les montants, & de 20 pouces de haut fur 18 de large ; elle a à chaque bout une languette de 2 pouces d’épaifeur fur 2 pouces de faillie , qui entre dans les rai- nures , qui font aux montants, On voitune de ces rainures X (fig. 8 ). 120 CULTURE G(fig.7 & 8), table arrafée au -deflus de la pile , de même longueur , de 12 pou- ces de largeur, de 2 pouces d’épaifleur , ayant un rebord de 4 pouces de hauteur : elle pofe fur une feuillure prife fur le bord de la pile & fur les goufiets H. TITI ( fig. 7),trois pieces de bois qui fup- portent la pile : on en voit les bouts par. deflous l’entre-toife. On en voit une dans fa longueur, qui eft de 2 pieds, (fig. 8). 4 K , mañlif de maçonnerie fur lequel pofe la batterie, L, ( fig.7) cloïfon qui partage la longueur de la pile en deux ; elle regne depuis la pile jufqu’à la prifon d’en haut ; elle a 2 pou- ces d’épaifleur , même largeur & même f- gure que les montants; elle a fur le bord de devant & fur les faces qui regardent les montants , des rainures qui montent juf- qu’à l’étrécifflement; il y en a de pareilles aux montants. Cette cloifon eft en deux parties dans fa hauteur : celle d’en bas eft afflemblée dans la pile à rainure & lan- guette de fon épaiffeur, & de même en haut avec un tenon, qui eft de plus chevillé dans la partie de derriere de la premiere prifon qui eft fixe : l’autre partie eft affem- blée de même fur la premiere prifon & fous la feconde : elles entrent à rainure dans toute la largeur des parties de de- vant DE LA GARANCE. 121 want des prilons, qui font mobiles. M fig. 7), auges dans lefquelles on met la racine : ellesont au fond 4 pouces + de large , 11 pouces + d'ouverture , & 12 pouces de hauteur perpendiculaire. Elles font formées par deux planches cen pente devant & derriere ( fig 8 ); l’efpace de- puis leur bord jufqu'à la premiere prifon eft fermé par des fonds : le tout eft d’un ouce d’épaifleur. La partie de derriere c eft affemblée à demeure, à räinure & lan- guettes dans les montants & la cloifon : les fonds de devant d forment deux cou- lifles qu’on leve par deux boutons f, com- me on le voit en un des côtés dela figure 7. Le devant des auges s’enleve tout-à-fait: on a repréfenté dans la figure 7 l'ange ou- verte au-deflous de la coulifle qui ef le- vée, par où on voit le fond & la fermeture du derriere de l’auge , & deux pilons , dont lun eft levé entiérement & l’autre à moitié : on a repréfenté dans la figure 8 cette auge de côté , appuyée contre le montant D : f, boutons pour leverles cou- lifles & ôter le devant des auges. NN, (fig.7 & 8) prifons de 3 pouces + d’épaiffeur ; elles font de deux pieces dans leur largeur : celles de derriere font affem- blées de toute leur épaifleur avec un tenon chevillé à chaque bout , dans des rainures 122 CULTURE d’un pouce de profondeur , faites aux mon- tants D : la cloifon y eft affemblée dans le miliéu ,; comme on l’a dit : elles ont 7 pouces de large , font échancrées de la demi-épaifleur des queues des pilons aux endroits où elles pañlent : les deux au- tres pieces s’Otent quand on veut , & font échancrées de même pour le paflage des pilons ; elles ont chacune deux clefs de 4 pouces de large, de 4 pouces de long, d’un pouce d’épaiffeur , qui entrent dans les mortaifes qui font aux parties fixes entre les queues des deux pilons de chaque auge, où on les arrête avec de fortes chevilles. La prifon d’en bas N a 6 pouces de large, afin que les coulifles puiffent glifler contre: celle d’en haut a 4 pouces de large , & par conféquentun pouce de faillie , & elle eft arrondie par les bouts. Le deflous de la premiere prifon eft à 3 pieds au-deflus de la pile, le deflous de la feconde eft à 10 eds. | . Ofig.7 68), pilons de 10 piedside hauteur : ils ont 12 pouces de large par le bas jufqu’à la hauteur de 18 pouces, 4 pouces d’épaifleur , 8 pieds + de queue de 4 pouces de large fur 3 pouces d’épaiffeur. À un pouce au-defflus de la premiere pri fon, on les a laiflés de7 pouces de large dans une hauteur de 37 à 38 pouces, DE LA GARANCE. 123 pour y pratiquer une grande mortaile k h de 2$ pouces de longueur & de 3 pouces de large. Le hautde ces mortaifes eft garni d’une lame de cuivre de 2 ou 3 lignes d’é- paifleur , repliée fur la face, & langle eft arrondi. À 16 pouces au-deflous de la fe- conde prifon , & fur le côté des queuesil y a des mentonnets ii, de 2 pouces de hauteur , d'un pouce d’épaifleur & de 4 pouces de faillie. Le bas des pilons eft fortifié par une ceinture de fer m d’un pouce & demi de large {ur 4 lignes d’épaif- feur, & eft garni par le bout de dix-fept couteaux 7. On en voit l’arrangement WF ( fig.10) & la forme de chacun Y ( fig. 11). P (fig. 8), corbeau de 6 pouces d’é- quarriflage avec fon gouñlet, Pun & l’au- tre mortaifés & chevillés dans le montant. Il y en a un pareil à l’autre montant ; on ne peut pas le voir dans la figure 7. Q ( fig. 7); piece de 6 pouces d’é- querriflage affemblée dans les corbeaux. On Pauroit pu marquer par le bout dans la figure 8 ; mais on ne l’a pas deffinée pour éviter la confufion.. RR ( fig.7 & 8), chevalets affemblés & chevillés dans la piece Q , refendus eno (fig. 7), pour pañer les leviers , & en p (Jig- 8 ) pour recevoir leurs tourillons. S( fig. 8), leviers qui fervent àlever les L ji 124 CUETURE pilons, &à les arrêter pendant qu’on vuide les auges : ils font portés par les chevalets R , où ils ont leur jeu : ils font faits d’une piece de bois de fil, de 6 pouces de large fur 2 pouces + d’épaiffeur. La face fupé- rieure du petit bras eft taillée fuivant une courbe développée d’un cercle , dont le rayon de 1$ pouces détermine la longueur de ce petit bras. Le plus grand rayon de cette courbe a aufli 15 pouces ; le grand bras a quatre fois cette longueur. On n’a point déterminé la longueur des cor- beaux , parce qu'elle dépend de la lon- gueur du petit bras du levier, qu’on peut augmenter , fi l’on veut , en donnant au grand bras telle longueur qu’on voudra, pourvu qu’on ait aflez de force pour lever les pilons. Le centre des tourillons doit être à la même hauteur que le deffous des mentonnets. Les extrémités des grands bras font réduites au quarré de leur épaif- feur, où l’on attache une corde q ( fig. 8), qu’on arrête à des chevilles r, qui font à la pile, quand on a élevé les pilons de 12 à 14 pouces. Le plus près des extré- mités qu’on peut des petits bras, on at- tache une autre corde f; qu’on arrête aux mêmes chevilles r, quand les pilons tra- vaillent. T (fig. 8 & 9 }), arbre du hériflon vu DE LA GARANCE. 12ÿ par le bout ( fig. 8), & de face ( fig.9 )3 ileftrond & de 14 pouces de diametre ; il eft garni de 12 leves fur quatre plans , ef- pacés de façon qu'étant en place, les le- ves fe trouvent vis-à-vis les mortaifes (fig. 7), où elles doivent entrer pour le- ver les pilons fans toucher aux joues : on les voit toutes ( fig. 8). Celles qui font fur le même plan , fe voient marquées des mêmes chiffres 1,2,3,4, & elles font cotées des mêmes chiffres ( fg. 9); elles font taillées dans des pieces de bois de pouces de largeur fur 2 + d’épaiffeur:leurs tenons ont 2 pouces + {ur 2 pouces , & font de toute la longueur qu’ils peuvent porter,pourvu qu'ils ne fe touchent pas,au centre de l’arbre. Du centre de l’arbre au point où les leves touchent le deflous des mortaifes k des pilons pour lesélever, il ya 12 pouces; ce point avance fous les mor- tailes de $ à 6 lignes; c’eft le cercle qui pafle par ces points qui eft générateur d’une courbe qui en eft la développée, & qui donne la forme à la face fupérieure des leves. Le plus grand rayon de cette courbe eft auffi de 12 pouces. La face in- férieure eft coupée droite, & eft tangente dun cercle dont le rayon auroit un demi- pouce de moins que le cercle générateur de la courbe, afin qu’au moment que fa 126 CULTURE pointe un peu arrondie échappe , rien n’ems pêche le pilon de defcendre. Il faut avoir attention que les tenons des leves foient bien de fil. VV (Fig. 10), bafe d’un pilon vu par le bout , pour faire comprendre l’arrange- ment des couteaux qui font repréfentés par les traits noirs , comme fi on n’en voyoit que les tranchants : les lignes pon- étuées marquent la divifion de cette fur- face pour les placer. Y (Fig. 11), un de ces couteaux mar- qué n dans la Figure 7 ; la hauteur du deffus du talon au tranchant , eft de 4 pou- ces ; la foie a 3 pouces +; la bafe un demi- pouce en quarré ; le talon environ 18 li- ghes dediametre ; les tranchants, 27 lignes de large: ils doivent êtreacérés & courts. Les Figures 10 & 11 font fur une échelle quadruple de celles des trois pre- mieres , afin qu’on en apperçoive mieux le détail. CO. N. GE US TON. Après ce que nous avons dit fur la cul- ture de la garance , fur la conftruction des étuves, & fur celle des moulins à meule verticale ou à pilons , il y a lieu d’efpérer que les Cultivateurs intelligents réufliront à multiplier une plante qui doit les dé- DE LA GARANCE. 127 dommager des avances qu’ils auront fai- tes, & des peines qu’ils fe feront données: ils doivent de plus être engagés à furmon- ter les difhicultés qui fe préienteront, par les privileges que le Roi leur accorde en vertu de l’Arrêt du Confeil du 24 Février 1756; mais ce qu'ils doivent encore re- garder comme un point très-avantageux , c'eft que la garance n’épuife point la terre, & que les labours que cette plante exige, difpofent cette terre à produire en abon- dance toutes fortes de grains : nous allons le prouver par quelques expériences. Dans les paysoüelle fe cultive,les terres portent une année du feigle ou de lé- peautre , l’autre année de l’orge ou de l’a- voine, la troifieme elles reftent en jachere, Dans le même efpace de trois ans, on peut faire une récolte de garance & une de grain. Une année, ayant fait femer de Pépeautre fur un arrachis de garance , ce grain, qui avoit été femé à la herfe, refta fix femaines fans paroïtre , à caufe que la terre étoit fort feche ; il n’en parut même après ce temps qu’une petite quantité 3 néanmoins ;, à la moiflon , ce champ fournit autant de gerbes que les autres du pays; mais la paille avoit 6 pieds de longueur au lieu de 4, & les épis étoient une fois plus longs que ceux des autres champs, ‘128 CULTURE Une autre année, ayant fait femer du blé de Mars fur un arrachis de garance, on récolta à raïfon de 20 douzaines de gerbes par arpent, tandis que les autres champs n’en donnerent que huit à neuf. Enfin , une autre année, ayant femé de Pavoine fur une terre d’où on venoit de tirer la garance, elle rendit quarante dou- zaines par arpent, & chaque douzaine fai- foit cinq boiffleaux : les terres ordinaires navoient produit cette année que cinq à 6 douzaines. Aiïnfi on peut efpérer de la culture de la garance plufieurs avantages confidérables. 1°, Un profit honnète par la vente de la racine. 2°, Une amélioration confidérable des terres médiocres. 3°, La fatisfaction de pouvoir occuper par ce moyen & donner à vivre à beaucoup de femmes & d’enfans. Ce font ces motifs qui ont engagé le Confeil à donner l’Arrêt que nous venons de citer. Mais en fuivant la méthode de M.d’Am- bourney, l'avantage fera encore plus con- fidérable , puifqu’on pourra fe pañler d’é- tuve , enemployant les racines toutes ver- tés pour la teinture. G CE CU EE À 28. ee... Gxrence PLAT Poe 7 x — > . À * de K Di comen on ; er. stat IN [M NIUE {ll qi fl! qi) Î tu |! I] “ ê NS AA Li. 1 = ———- ——— nr A Echelle pour TU Ag. 1. os a DA Garence PLIT Paz e128. Garence PI Î7 Pao. 128. LL) l WU Garence Pl I] Pa0, 128 [ll ANA Er: AL AN AIN ù pu L il d LE ADDITION.: Jar dit dans le Traité de la Garance, que 14 acinture rouge réfidoit principalement dans l’é= corce de la racine , & que le bois qui en conte- noit beaucoup moins, fournifloit une teinture jaune qui donnoit à la teinture rouge un œil orangé. J'ai ajouté que je croyois que ce jaune étoit de mauvais teint, & qu’il pouvoit s’'empor- ter promptement par les débouillis ou fur le pré = cependant les Teinturiers exigent que les garan- ces-grappes qu'ils achetent aient cet œil jaune qui ne peut venir que du bois de la racine. Pour ef fayer de connoitre fi j'étois dans l'erreur, &:fi les Teinturiers avoient raifon de donner la pré= #érence aux garances qui ont un œil jaune , j'ai pris de la garance fraichement arrachée , j'en ai aifément détaché l’écorce que j'ai fait fécher à part. J’ai auffi fait fécher le bois ; & ayant pul- vérifé l’un & l’autre, l'écorce m'a fourni une poudre tres-rouge, & le bois une poudre d’un rouge pale tirant fur le jaune. : J'ai teint avec l’une & l’autre poudre, féparé- ment,de petits écheveaux de laine blanche alunée. Le bain fait avec l'écorce étoit fort rouge ; 4a laine teinte avec ce bain a pris une couleur rouge foncée ; & ayant mis égoutter cet écheveau, ka liqueur qui en tcmboit étoit fort rouge. Le bain fait avec le bois étoit d’un rouge pâle ou beaucoup moins foncé que l’autre ; cependant la laine a pris plus de couleur que je ne croyois, moins à la vérité que celle qui avoit été teinte avec l'écorce, Ayant mis égoutter cet écheveau ; Garance. NM ñzo ADDITION. la liqueur que je recevois dans une jatte n’étoit point rouge ; mais jaune comme le fafran, N'étant pas bien verfé dans l’art du Teinturier , je n’ai pas eu beaucoup deconfiance àmon épreu- ve ; ce qui m'a déterminé à envoyer à M. & Am- bourney de la poudre du bois , & de la poudre de #’écorce , le priant d’éprouver l’un & l’autre. Il €n a fait l'épreuve , & voici ce qu'il me marque à ce fujet. « J'ai pris une petite quantité de coton, de la mpréparation duquel j'étois bien afluré. Je l’ai fait » deyider en deux écheveaux qui, étant bien fecs, “ont été pelés; l’un contre deux fois fon poids » de la partie ligneufe , autre aufli contre deux » fois fon poids du parenchyme. Je les ai teints » en même temps dans deux baflins de cuivre, & > j'ai remarqué comme vous, Monfeur , que le »bain de parenchyme a toujours été beaucoup » plus fort que celui du bois qui s’eft maintenu » long-temps d’un jaune de fafran, & eft enfin m devenu citron. L'opération finie , l’écheveau »teint en parenchyme avoit beaucoup plus de » fond que l’autre qui cependant étoit fort bon. Je les a fait paffer enfemble dans un avivage très- » fort, & un éébouilli de dix minutes dans le fa- » von : tous deux y ont bien réfifté, mais ils y ont » pris des nuances inépales, L’écheveau teintavec # le bois y a acquis le ton convenable pour l’em- » ployer en tiflu ; celui teint avec le narenchyme 5 étant beaucoup plus foncé , je lui ai fait éprou- » ver un fecond débouilli pareil au premier,qui l’a » amené au ton de couleur de l’écheveau teint mavec le bois ». I! réfulte de cette expérience , 1°, que le pa- renchyme donne une couleur plus forte que le bois : 2°, Que le bois la donne plus gaie : 3°, Que tout eft bon dans la garance , & que l’épi- ADDITION. ir derme étant enlevé , le bois & l'écorce font bien enfemble : 4° , Que le préjugé des Confomma- teurs en faveur de la garance en poudre la plus jaune , oblige de la rober, pour qu’elle ait cette couleur jaune qui vient du bois; de forte que celle qui eft eftimée la plus belle eft précifément pa- reille à la poudre du bois dépouillé de parenchy- me: $°, La poudre du parenchyme feule ne fe- roit point eftimée dansle Commerce, quoiqu’elle fourniffe plus de rouge & plus beau, Nous avons cru que le détail de ces expériences feroit utile à ceux qui cultivent la garance , ainfi qu’à ceux qui en font ufage, FI N. à 25 l si mire e) a) : à ju sE stbnoq #8 Ar j (sn pEre ALU #f Tia: aup/2 0) : a res x Gi sg FASellsd Qui sis icimgqah à 3 ns ‘haré -d'ébehue re SOU SU 212169 uhienbaseg k ‘(els bou como) slsasl SG “ao ts ayohL. sa3d: lg 3 °y:reqlisulés LSehgu | # PE 292 AIRES en a ès | er PA DRE À 10 liaia es CPE: 5 MT DRE ALES D TO N Ÿ NÉ SB Duhamel du Monceau, Henri 237 Louis M3D8 Traité de la garance Nouvelle ed. Biological & Medical PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY D COTES en pue pe DELL: CRT er, CL gees + 0 & . 1 DCE Ci nue sin se CUS FOIE ii St een ii FIN NTI RER