/f.^. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa Iittp://www.archive.org/details/traitdephysiol06burd TRAITE DE PHYSIOLOGIE. TOME VI. PARIS. — IMPRIMERIE DE COSSON , 9 , rue Saint-Geimain-dei-Prés. DE PHYSIOLOGIE CONSIDËKÊE COMME SCIENCE D'OBSERVATION , PAR G. F. BURDAGH , PROCESSEUR A l'VNIYSRSIïÉ D£ KCEKIfiSBSKG , aveo des additions de MM. les profeaseors BAER, MEYEN, MEYER, J. MULLER, RATHKE , VALENTIN, WAGNER, Traduit de l'allemand , sur la deuxième édition , PAR A. J. L. JOURDAN, MSMBKB PS l'aCADKUIB ROTALS SJi aiÉDSCIKE. TOME SIXIÈME. PARIS , CHEZ J.-B. BAILLIÈRE , LIBRAIRE DE l'ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, RUE DE l'école-de-médecine , 13 Hs. A LONDRES, MÊME MAISON, aiQ, REGENT-STREEX. 1837. DE LA PHYSIOLOGIE CONSIDÉRÉE COMME SCIENCE D'OBSERVATION. DE LA VIE EN EXERCICE. § 658. En exposant Thistoire de la vie , nous avons appris à la connaître pour une série non interrompue de changemens. Maintenant il s'agit d'étudier le substratum permanent de ces métamorphoses;, et de fixer nos regards sur la vie , telle que, une fois donnée, elle agit et subsiste. Mais, sous le poini de vue des sciences d'observation où nous avons voulu placer la physiologie , il n'est possible d'arriver à ce résultat qu'en prenant pour départ la considération des différentes ma- nifestations de la vie, et pour classer ces dernières d'une manière naturelle , c'est-à-dire dans un ordre fondé sur l'ex- périence et conçu d'après des idées déterminées , il faut com- mencer par établir une division générale des phénomènes de la vie. l" Le premier coup d'œil que nous jetons sur nous-mêmes nous apprend que notre vie a deux faces différentes. D'un côté, nous trouvons ew woî*« des idées, des connaissances, des sentimens , des désirs , en un mot toute une série d'acti- vités pures , qui se révèlent à nous-mêmes dans la conscience immédiatement, sans se manifester comme phénomènes ex- térieurs , appréciables à l'œil d'autrui , et auxquelles notre volonté imprime la direction sans concours d'aucun intermé- diaire non plus. D'un autre côté , nous apercevons sur nous des activités vitales , qui s'exercent dans une absolue indé- VI. i 2 i)É LA VIE. pendance de notre volonté , qui ne peuvent point être détef- minées par elle , dont nous n'avons même pas la conscience , et dont il n'y a que les effets qui soient susceptibles de tom- ber sous les sens , de sorte que nous les distinguons mieux chez d'autres que chez nous-mêmes. Ici la vie consiste en un conflit des différentes parties et substances du corps les unes avec les autres et avec les objets du dehors , qui fait que l'organisme apparaît immédiatement comme chose subsistante dans le monde extérieur; là c'est un conflit de forces inté- rieures les unes avec les autres et avec les forces de l'uni- vers , qui fait que nous subsistons comme unité dans notre propre intérieur. Cet antagonisme est déjà exprimé , dès les premiers momens de la vie embryonnaire, par la scission de la membrane proligère en deux feuillets ( § 417 , 8°) , dont le développement produit les deux systèmes organiques assi- ^ gnés aux deux directions de la vie. Mais le règne organique nous offre , d'un côté, des êtres dont la vie tend uniquement à la permanence extérieure , les végétaux ; d'un autre côté , des êtres dont les manifestations annoncent la concentration à l'intérieur et l'unité de la vie , les animaux et l'homme. De là nous donnons aux deux directions de la vie qui sont réunies en nous les épithètes de végétative et d'animale (ad animam per- tinens)^ OU d'inanimée et d'animée. On pourrait aussi les appeler' vie extérieure et vie intérieure, si les idées d'intérieur fet d'extérieur n'étaient relatives et par cela même susceptibles de donner lieu à de fausses interprélalions. Il ne serait pas convenable d'employer l'épithète de plastique pour désigner la vie inanimée-, car, bien qu'elle ait pour tendance principale de faire naître des productions matérielles , elle embrasse ce- pendant aussi des phénomènes dynamiques , tels que la pro- duction de chaleur et d'électricité. En l' appelant automatique , on ne fait que se conformer à l'usage vulgaire , puisque le nom d'automate ne s'applique précisément qu'à ce qui n'a que Fapparence de la vie automatique, c'est-à-dire de l'être agis- sant d'après une impulsion propre. Mais, de toutes les déno- minations , la plus inconvenante pour désigner la vie animée , est celle de vie des relations extérieures , puisque le conflit avec les choses du dehors appartient aux deux directions DE LA YIÈ, 3 de la vie, et que c'est précisément dans la sphère, morale qu'il est , proportion gardée , le moins essentiel. 2° Nous montrerons plus tard qu'il n'y a pas de différence absolue entre l'inanimé et l'animé, et que tous deux sont sim- plement des formes d'une seule et même vie. L'antagonisme qui existe entre eux ne peut donc point être un abîme , une séparation absolue. Chacune de ces deux directions de la vie. fié se manifeste dans toute sa pureté que là où elle est concen- trée en un seul foyer ; car, sur les limites de l'organisme et dans le conflit avec les objets du dehors , ce que chacune d'elles a de particulier est restreint par l'influence de l'autre direction. Il y a donc, outre le centre de chaque sphère, une périphérie , qui sert d'intermédiaire pour éteindre en quelque sorte l'antagonisme intérieur , sans que pour cela elle abjure le caractère de sa sphère spéciale ; et comme il ne peut point y avoir de centre sans périphérie , comme la vie propre ne peut s'exercer et se maintenir que par le conflit avec les choses extérieures , ces intermédiaires , quoique subordon- nés, n'en sont cependant pas moins essentiels. Ainsi le dehors ou l'échafaudage de l'àme est contenu dans son support , mais principalement dans les nerfs des sens et des muscles, de sorte qu'il se mêle toujours à l'activité animale quelque chose à quoi ne prennent part ni la conscience ni la volonté. De même , la vie morale pénètre dans la vie végétative , là où celle-ci entre en conflit avec le monde extérieur, puisque le commencement et la fin des opérations matérielles de la vie , l'ingestion et l'éjection, sont accompagnés de sentiment et de volonté. Cette séparation de chaque sphère s'annonce , dans la formation organique, dès les premiers rudimens de l'em- bryon , puisque le feuillet séreux se développe en une partie centrale et une autre périphérique ( §§ 419 , 425) , puisque le feuillet interne de la membrane prohgère se partage en feuillet vasculaire (§ 440) et feuillet muqueux (§ 436). 3° Le côté animal est le noyau proprement dit de la vie ; mais il ne peut entrer en action et arriver à son plein déve- loppement qu'à la condition de pousser des racines dans le monde extérieur et d'y prendre un point d'appui par le moyen de la vie végétative. Ainsi les organes de la vie animale sont 4 DE LA VIE. les premières parties qui se forment dans l'embryon (§ 418) ; mais ce n'est que quand la formation matérielle a fait plus de progrès encore , qu'on voit paraître le sentiment et le mouve- ment volontaire ( § 472). Tandis que la plante porte en elle, non développé, le germe de la vie animale (§ 475), qui ne se trahit que par quelques tressaillemens momentanés (§§239, 596), et qui demeure renfermé dans les bornes d'une activité dé- pourvue de sentiment et de volonté , la vie mûrit de tous côtés dans le règne animal , et y réalise sa cause, sans ce- pendant que le côié végétal cesse d'être la racine en quelque sorte du côté animal; car c'est lui qui est la condition de l'ac- tivité morale , sans laquelle il peut bien subsister, mais qui ne saurait arriver sans lui à se manifester. Il entre donc dans le plan de nos études de considérer avant tout la vie végétative, afin d'acquérir une base sur laquelle reposeront les recherches auxquelles nous aurons plus tard à nous livrer touchant la vie animale. VIE VEGETATIVE. PREMIERE PARTIE. DE LA VIE VÉGÉTATIVE. § 659. Un fait isolé ne peut être expliqué que par le tout ; mais le tout ne peut être saisi que dans l'idée. Si donc la physiologie était une science complète , elle devrait partir de l'intuition idéale de la totalité de la vie , déduire de ce principe suprême les diverses directions , formes et manifes- tations de cette vie , et descendre ainsi pas à pas du général au particulier. Mais l'esprit du traité que nous écrivons est de représenter la science comme un édifice en construction , et non comme une œuvre achevée , de conduire le lecteur aux principes, et non de les lui imposer dogmatiquement, par conséquent de ne rien supposer par avance , et de marcher des faits qui frappent les sens à la réflexion , puis de la ré- flexion à Tintuilion en général. La seule précaution impor- tante , en suivant cette marche , est de mettre chaque chose à la place qui lui convient , et de disposer convenablement les objets à la suite les uns des autres. Nous avons donc à dire un mot de l'ordre qu'il nous a semblé convenable de suivre. 4° Pour s'orienter au miUeu de ses domaines, la physiolo- gie a été obligée , pendant son enfance , de se borner à étu- dier la structure et les usages des organes {doctrina de usu partium)^ mais, dans l'état actuel de la science , il ne convient pas de suivre un ordre topographique, de parcourir les organes l'un après l'autre , ainsi qu'on le fait en anatomie , et à chacun d'eux de considérer comme fonctions qui lui appartiennent les activités vitales qui se manifestent en lui , car c'est là le moyen de se placer tout d'abord sous un faux point de vue. En etfet, la physiologie spéciale ne peut avoir d'autre pro- blème que de reconnaître les différentes directions de la vie , et de rapporter à l'unité les manifestations diverses de cha- cune d'entre elles. Or la diversité de la vie est bien exprimée 6 VIE VÉGÉTATIVE. dans rorganisation, mais elle n'en dépend pas, puisque, loin de là, elle occupe un rang supérieur et agit comme principe déter- minant (§ 474, 5°). Indépendamment de sa relation spéciale avec la vie , chaque organe en a donc encore une générale avec elle ;, et , de l'autre côté , réunit en lui plusieurs directions différentes. Si , par exemple , nous faisons de Torgane cutané un objet particulier de la physiologie , et si nous considérons la sécrétion de gaz et de sérosité , celle de pigment et de ma- tière sébacée, l'absorption et la nutrition, la conduction de la chaleur et de l'électricité, la sensibilité générale et le sens du palper , comme les fonctions de cet organe , nous sommes obhgés , en traitant d'autres organes , de revenir encore sur les mêmes activités. Il est évident qu'une telle méthode de morcellement rend plus difficile de connaître l'essence. La physiologie n'est point une organologie {anatome viva) , mais une biologie ; elle ne doit donc pas s'astreindre à un ordre topographique; îlfaut qu'elle réunisse, sous un point de vue commun, les manifestations vitales identiques des organes les plus différons, afin de découvrir quel en est le but, et de mener à l'intelligence de la vie par l'observation des diverses formes sous lesquelles elle se manifeste. 2* Les différentes manifestations de la vie empiètent l'une sur l'autre, dans la sphère végétative, et jouent mutuellement le rôle de causes , en sorte que nous ne trouvons nulle part ni point initial qui ne suppose rien d'antérieur , ni point termi- nal qui marque un véritable but , au-delà duquel il n'y ait plus rien absolument. Elles forment une chaîne circulaire, dont chaque spécialité n'est qu'un chaînon. Si la physiologie ne consistait pour nous qu'à connaître les phénomènes de la vie, peu importerait l'ordre suivant lequel nousl'étudierions; nous pourrions commencer indifféremment partout , et nous avancer de là dans toute direction quelconque ; toujours nous arriverions à réunir une collection de notices , constituant le tout. Mais l'ordre ne saurait nous être aussi indifférent quand nous visons à l'unilé scientifique ; il faut alors , si nous voulons apercevoir le cercle entier, chercher d'abord où se trouve le centre. Or l'expérience seule pourrait nous instruire à cet égard ; mais nous n'en sommes point encore assez maîtres pour la VIE VÉGÉTATIVE. 7 mettre ainsi à profit. Il est donc nécessaire , pour justifier l'ordre adopté dans ce traité , d'essayer de déterminer, d'après les notions les plus générales de la vie , ce que l'on est auto- risé à considérer comme le centre de la sphère végétative. § 660. 1° Déjà l'histoire de la vie nous a convaincu qu'elle s'accompagne d'une mutation continuelle de la matière , puis- que chaque âge nous montre la substance organique revêtue de caractères spécia\ix , qui ne se déploient pas à des mo- mens distincts les uns des autres , mais se développent par une progression non interrompue. La vie se manifeste comme conservation individuelle de soi-même par un changement continuel de la matière ; l'organisme reçoit des substances du monde extérieur , et y en dépose d'autres ; de même chaque partie reçoit d'autres les matériaux qui doivent former sa sub- stance , et restitue ce qui ne peut plus lui être d'aucun usage : Or, s'il y a , dans la chaîne organique , un membre qui attire à lui des substances du dehors et qui en rejette dans le monde extérieur , qui fournisse les matériaux des diverses parties et qui les reçoive d'elles en retour, celui-là doit occuper le centre. 2° Nous avons déjà parlé de la cohésion (§ 259, 4°), comme étant l'énergie avec laquelle la matière maintient la distance de ses parties les unes à l'égard des autres. Déjà aussi nous avons fait remarquer (§473, 5°, 474, l») qu'à l'état solide, qui constitue le plus haut degré de cette énergie , la matière est limitée d'une manière permanente par elle-même , c'est-à-dire revêtue d'une forme spéciale , et que l'existence paraît alors plus distincte , plus indépendante , tandis que les choses fluides se font remarquer par la plus grande facilité avec laquelle elles reçoivent leurs déterminations du dehors, par l'étendue plus considérable de leur conflit avec le monde extérieur , qui les rend plus mobiles et plus variables, et qu'ainsi la fluidité est la forme générale de la matière , le lien qui unit ensemble les divers corps solides. Or, comme , en prononçant le mot de corps organisé , nous avons toujours présente à l'esprit l'idée d'un tout qui se sépare des choses étrangères 'par des limites à lui , et comme aussi nous entendons par vie une exis- tence indépendante , apte à se maintenir elle-même, il n'y a pas moyen de concevoir un organisme fluide, puisque le G ?IE VEGETATIVE. fluide est , de son essence , illimité et variable. Un corps so- lide et limité par lui-même peut donc seul être organique. Mais comme, dans Téiat de solidité parfaite, la matière est immobile et son activité intérieure enchaînée, un corps orga- nique , entant qu'il jouit de la vie , et que celle-ci se manifeste par un changement continuel de la matière , ne peut se passer de liquide, puisque celui-ci est la forme, à proprement parler, mobile et variable de la matière. C'est donc un caractère gé- néral de tout corps vivant que des parties solides et des par- ties liquides coopèrent essentiellement à son existence. Mais si un changement incessant de la matière est ce qu'il y a d'essentiel dans la vie végétative , ce caractère essentiel doit tenir principalement à un liquide ; nous avons vu , en effet , que les organes de l'embryon ne sont que des produits de liquides. 3° Le centre de la vie végétative ne peut exister que dans un liquide portant le caractère de l'activité intérieure et de la généralité. Si le changement des substances est accompli par des liquides de l'organisme , et qu'il consiste tant en con- flit avec le monde extérieur qu'en conflit des parties organiques les unes avec les autres , on peut concevoir deux classes de liquides, les uns périphériques et les autres centraux. La pre- mière classe comprendra ceux qui , proportion gardée , ap- partiennent davantage au monde extérieur, savoir, le suc nour- ricier, qui est formé immédiatement de substances du dehors par leur mélange avec des produits de l'organisme , et les sucs sécrétés , qui sont formés avec la substance organique , afin d'être déposés à l'extérieur. Au contraire , le suc central, ou suc vital , sera le liquide qui , procédant du suc nourricier et produisant les sucs sécrétés , tient le milieu entre les hu- meurs , et arrose le corps entier, pour entrer en conflit avec les différens organes , et entretenir leur matérialité , ainsi que leur activité vitale. Destiné à nourrir et animer les organes , il doit réunir en lui leurs qualités diverses , avoir par consé- quent le caractère de la généralité , représenter la substance organique sous forme liquide , et prouver qu'il est général en se répandant dans tous les organes. Tous les actes de la vie végétative se rapportent à lui , puisqu'ils consistent ou à dé- SANG. 9 composer le sang dans la sécrétion et la nutrition /ou à le for- mer dans l'absorption et l'assimilation. Nous étudierons donc d'abord le suc vital (§ 661-775), puis les actes de sa décomposition et de sa formation, afin de réunir ensuite sous un seul point de vue général tous les dé- tails qui se rattachent à l'histoire de la vie végétative. LIVRE PREMIER. Du Sang. § 661. Nous avons vu comment / de l'idée de la vie , on peut déduire l'existence d'un suc vital qui occupe le centre du cercle de la vie végétative. Cette existence se manifeste aussi d'une manière plus ou moins distincte aux diflérens échelons de l'organisation , suivant qu'on y trouve l'idée de la vie plus ou moins complètement développée. I. Aux échelons supérieurs de la série animale , le suc vital prend le caractère du Sang , c'est-à-dire d'un liquide parti- culier, renfermé dans des vaisseaux spéciaux , qui ne commu- niquent par aucune ouverture avec le canal digestif. 1° Chez tous les animaux vertébrés , la séparation des dif- férentes humeurs est complète , attendu que le suc nourricier formé dans le canal digestif est pris par des vaisseaux parti- culiers ( lymphatiques) , qui le versent dans les vaisseaux san- guins, 2° Chez les Mollusques, les Crustacés, tes Arachnides, les Insectes, les Annéhdes et les Échinodermes , la distinction entre suc nourricier et sang est déjà effacée ; les vaisseaux lymphatiques manquent en effet -, le suc nourricier passe im- médiatement du canal digestif dans les vaisseaux sanguins adjacens, et, chez les Insectes surtout , une partie du liquide reste épanchée hors des vaisseaux, dans les interstices des or- ganes , comme chose intermédiaire entre le suc nourricier et le sang. II. Chez les animaux privés de sang , il n'y a point de système |0 SANG. vasculaîre distinct de l'organe digestif, ni par conséquent au- cune différence entre le suc nourricier et le suc vital. 3° Dans la plupart des Acalèphes , le liquide qui tient le milieu entre le suc nourricier et le suc vital est le produit immédiat de la digestion, et des prolongemens du canal ali- mentaire le conduisent aux divers organes. Dans les Acalè- phes siphonophores , les vers Gestoïdes, Acanthocéphales et Trématodes , quelques Polypes et plusieurs Infusoires , le ca- nal alimentaire lui-même se distribue en forme de vaisseaux dans le corps , de manière que , chez ces animaux , il n'y a point de séparation établie entre les alimens et le produit de la digestion. 4" Au dernier échelon , enfin , chez les Vers vésiculaires , les Éponges , les Coraux et la plupart des Polypes et Infu- soires , on ne trouve qu'un suc homogène , sans parois pro- pres,, et qui se répand à travers la substance solide , égale- înent homogène , du corps. III. L'état des sucs, chez les végétaux, n'est point uij objet de connaissance immédiate par les sens ; car, d'abord , il n'y a, dans le règne végétal, que certains points et certains momens oii l'on aperçoive un courant rapide et visible, sans que jamais les vaisseaux exécutent demouvemens; en second lieu , nous ne trouvons ici que des organes ex- ternes , sans organes internes , et les parties élémentaires , à tous égards semblables à elles-mêmes , n'ont pas de points centraux ; ensuite , les réservoirs sont partout clos , et il n'existe pas de voies perceptibles qui conduisent de ceux d'une espèce dans ceux d'une autre ; enfin , ces divers réservoirs sont tellement serres les uns contre les autres et si étroits , qu'il n'en est aucun dont on puisse obtenir le contenu à l'é- tat de pureté parfaite et en assez grande quantité pour per- mettre d'en faire l'analyse chimique. Un large champ est donc ouvert ici aux conjectures , et les opinions émises à l'é- gard des sucs végétaux varient suivant qu'on a cru trou- ver de l'analogie entre ces sucs et ceux des animaux ou infé- rieurs (5°) ou supérieurs (6»). 5° Dans la première hypothèse , le suc nourricier et le suc plastique sont, chez les végétaux, comme chez les animaux pri- SANG. 1 1 Tés de sang (II) , unseul et même liquide qui , reçu du dehors , subit l'assimilation dans les mêmes espaces, gagne les diverses parties , tantôt dans une direction , tantôt dans une autre , et sert tant à les nourrir qu'à préparer les différentes sécrétions. Chez les plus inférieurs des végétaux , ceux dont la trame consiste uniquement en tissu cellulaire , ce cas a lieu incon- testablement , comme chez les animaux placés au bas de l'é- chelle (4°). Mais il est probable que les végétaux supérieurs sont sur le même rang que les animaux à canal intestinal vas- culiforme (5°) , de sorte qu'un seul réservoir sert en même temps d'organe digestif, de vaisseau lymphatique et de vaisseau sanguin, ce qui fait qu'on doit le considérer comme l'état d'in- différence de ces canaux , qui ne commencent à se rencontrer réellement que chez les animaux supérieurs. Ce suc nourricier et plastique _, auquel on donne communément le nom de Sève , est un liquide clair comme de l'eau, mais dans lequell'acétate de plomb fait naître un précipité cailleboté , et qui contient du mucus,' du sucre ou des sels. Quant au réservoir, ce suc se répand manifestement d'une cellule dans les autres ; mais , en pénétrant à travers les parois , il doit éprouver une plus ou moins grande métamorphose , et, quand il est arrivé dans la cellule où il pénètre , y paraître modifié ou revêtu du caractère de produit sécrétoire. Ce produit sécrétoire affecte ici la forme de granulations incolores, de vésicules, de fibres, de cristaux et de matières colorantes ; ces dernières n'existent souvent que dans certaines cellules , tandis que les voisines en sont exemptes; enfin on n'aperçoit point de liquides dans les cellules des plantes sèches, et toutes ces circonstances prou- vent qu'elles ne sont point les réservoirs conducteurs de la sève. Si l'on en croit Smith et autres , des fibres ou des tubes simples (vaisseaux séveux) seraient les j conducteurs de la sève. Mais ces tubes ne sont autre chose que des cellules al- longées et fort étroites , dont le diamètre est d'un cent ving- tième de ligne, suivant Sprengel. Ils ne contiennent que pendant quelque temps un liquide qui , d'après L.-C. Trevi- ranus, a une certaine consistance, de manière qu'il ne s'é- coule pas quand on coupe la cellule en travers , et plus tard ils deviennent complètement vides. 1 2 SANG. Les canaux intercellulaires , ou les conduits plus ou moins anguleux dont les parois se rapportent aux cellules mêmes qui les circonscrivent, sont , au dire de L.-C. Trevi- ranus , Kieser, Nées d'Esenbeck et autres , les réservoirs gé- néraux et les conducteurs de la sève absorbée au dehors , as- similée et destinée à la nutrition et aux sécrétions. Divers faits qui seront rapportés plus loin , donnent , ce me semble , une grande vraisemblance à cette opinion (*). 6° Les premiers phytotomistes , Malpighi et Grew , admet- taient , chez les végétaux , un liquide correspondant au sang, parce qu'ils croyaient que les plantes ont une organisation pareille à celle des animaux, et que tous les animaux doivent être pourvus de sang. On a pensé que la sève était charriée depuis la racine jusqu'aux feuilles , et que là elle se conver- tissait en suc vital , qui redescendait ensuite des feuilles vers la racine. On admettait, comme conducteurs de la sève ascen- dante , non seulement les vaisseaux séveux et les conduits intercellulaires , mais encore les trachées. Or, ces dernières manquent presque entièrement dans la racine; lorsqu'elles contiennent un liquide, il est épais et mucilagineux , et l'on a vu des feuilles et des fleurs se développer encore après qu'elles avaient été détruites. Le cambium qu'on trouve entre ie liber et le bois a été considéré comme le suc plastique, analogue au sang, et qui revient des feuilles ; mais c'est bien plutôt la jeune substance végétale en train de se former , et qui très-probablement a été déposée par le suc contenu dans les conduits intercellulaires. D'autres phytotomistes , notamment G.-R. Treviranus , C.-H. Schultz et Meyen , croient que l'analogue du sang est le suc propre (succus proprius) ^ ou le suc lactescent; mais ce suc, comme l'a démontré L.-C. Treviranus (1) surtout, paraît être bien plutôt un produit sécrétoire; car il varie beaucoup suivant les plantes, et il se fait remarquer par des qualités particulières ; il contient de l'huile , ou de la résine , ou de la gomme, ou des alcaloïdes amers, acres, narco- tiques, qui pourraient difficilement agir comme élémens plas- {*) Comparez Raspail , Nouveau syst. de physiol. végét., t. II , p. 20, (1) Zeitschrift fuer Physiologie , t. I , p. 15^? SANG. 1 3 tiques généraux de la substance végétale , et dans lesquels on esl bien plutôt porté à voir les produits les plus élevés d'un travail de plasticité ayant pour but de faire naître des diffé- rences. D'ailleurs, la végétation ne le consomme pas , et il ne fait que se dessécher par les progrès de l'âge. Lorsqu'il existe en trop grande abondance , il porte préjudice à la vie , s'é- chappe de ses réservoirs , et s'épanche soit à la surface , soit dans le tissu cellulaire, où il provoque la gangrène. Ea outre , on ne le rencontre pas chez un grand nombre de vé- gétaux des plus parfaits , et c'est en désespoir de cause qu'on a supposé que , si alors il ne se laissait point apercevoir, c'est qu'il était incolore et transparent. Le plus important de tous les argumens qu'on allègue à l'appui de l'analogie entre le sang et le suc laiteux , c'est que celui-ci exécute une circula- tion; mais le phénomène lui-même est trop problématique (§ 692) pour qu'on puisse en rien conclure. Si les végétaux avaient un suc vital particulier, distinct du suc nourricier, et circulant dans des vaisseaux spéciaux, ils s'élèveraient au dessus de tous les animaux sans vertèbres , et se placeraient sur la même ligne que les animaux vertébrés , car les conduits destinés à charrier la sève devraient alors être les analogues des vaisseaux lymphatiques , qui appartiennent exclusivement aux animaux vertébrés. § 662. Tandis que la phytologie en est réduite ici à raison- ner d'après les lois de la probabilité , la zoologie a la satisfac- tion de pouvoir établir ses jugemens sur une base empirique et plus sûre ; mais , pour peu qu'elle s'écarte de cette base , la certitude lui manque aussi. Il est dans la nature du sang, a dit Burkhart (1) , que les phénomènes qu'on observe en lui se ploient à toutes les opinions. Ea effet , l'hématologie porte entièrement le caractère du sang lui-même. Comme le sang est un protée qui ne reste jamais en repos , et qui possède l'aptitude à prendre toutes sortes de formes , de même aussi on ne saurait rien imaginer qui n'ait été dit de lui ; il n'y a pas de fait qui n'ait été révoqué en doute , pas d'interprétation que l'on n'ait cherché à renverser par une autre ; il n'est au- (1) Ueber das Blut und das Athmen , p. 21. f4 SANG. cun point à l'égard duquel on ne cite des observations con- tradictoires , et qui n'ait fait naître des hypothèses diffé- rentes. De même que le sang, d'un côté, est mû par un mécanisme qui saute aux yeux , de l'autre crée et anime avec un pouvoir presque magique , de même aussi tantôt l'héma- tblogie refuse obstinément de sortir des théories mécaniques, et nie sans hésiter tous les faits qui ne peuvent point s'y ran- ger, tantôt flotte dans un tourbillon d'explications mystiques , dont les auteurs croient au dessous d'eux de se rendre intelli- gibles, rejettent toute comparaison avec d'autres phénomènes de la nature , et opposent à l'expérience appuyée du témoi- gnage des sens une intuition dont ils ne peuvent donner la preuve , ou s'en tiennent strictement à l'apparence fournie par les sens , sans concéder à l'entendement le droit de l'ap- précier. L'hématologie a sa circulation comme le sang ; à peine une doctrine a-t-etle été reconnue fausse et remplacée par une autre entièrement opposée , que celle-ci devient tri- viale à son tour et repousse toutes les sympathies ; le contraire semble être plus intéressant , et la vieille erreur reparaît, jus^ qu'à ce qu'elle se replonge dans les abîmes du temps , après avoir produit de nouveau une sensation passagère. Enfin, cîômmè toute excitation violente et orageuse de la vie a prin- cipalement son siège ou son point de départ dans le système sanguin , de même aussi la dissidence des avis au sujet du sang excite souvent des discussions passionnées ; car l'étroi- iesse des vues s'accompagne presque toujours d'une suscepti- bilité très-chatouilleuse , et le sentiment obscur de l'impossi- bilité d'asseoir son opinion sur une démonstration complète , conduit fréquemment à affecter des airs de suffisance ou à montrer de l'aigreur envers ses adversaires. Ces phénomènes , qui ne sont pas rares dans la littérature d'autres branches de la physiologie , mais qui se prononcent ici avec plus de force que partout ailleurs, seront un nouveau motif pour nous de procéder avec calme et circonspection, d'envisager le sang d'une manière purement objective , d'a- voir égard aux faits seulement , sans attacher le moindre poids aux autorités , et de n'avancer que pas à pas vers des vues générales. PROPRIÉTÉS DU SANG. iS Section première. DE LA SUBSTANCE DU [SANG. Avant de chercher à déterminer quels sont les rapports du sang avec lavie(§ 692-773), il faut connaître la substance même de ce liquide , et pour cela d'abord l'étudier dans les circonstances où il peut tomber en notre pouvoir (§ 663-687), puis l'observer tandis qu'il est encore soumis à l'influence de la vie (§688-691).] CHAPITRE PREMIER. Du .sang hors de V organisme. ARTICLE I. Des -propriétés du sang. I. Propriétés physiques du sang. A. Propriétés générales du sang. § 663. 1° Le sang tiré des vaisseaux d'un homme est un liquide d'un rouge ponceau, purpurin ou écarlate , un ^ peu épais, visqueux , doux et savoneux au toucher , dont la pesanteur spécifique surpasse celle de l'eau. Il a une odeur fade , toute particulière , et une saveur faiblement salée ou douceâtre. Sa température égale celle des cavités du corps. Il donne à l'électromètre des indices d'électricité. ; 2° Sa couleur est à peu près la même chez tous les animaux vertébrés ; seulement le rouge est moins saturé chez les Rep- tiles , et il tire la plupart du temps sur le bleuâtre chez les Poissons. Parmi les animaux sans vertèbres , les Annélides possèdent du sang rouge. Le sang de plusieurs Mollusques, des Biphores par exemple , est incolore ; celui de divers Gastéropodes a une teinte lactescente , légèrement nuancée d'un bleu qui , d'après Erman , se rapproche , à la lumière réfractée , du bleu de ciel dans V Hélix pomatia , et du bleu d'améthyste foncé dans le Planorhis comeus (û). Le sang des (1) Jhhandlimgen der Âkademie zu Berlin , 1816-1817, p, 209, J l6 PROPRIÉTÉS b« SANG. Teredo est rouge (1). Celui que renferme le vaisseau dorsal des Insectes est en général transparent , et il offre des teintes di- verses, verdâtre chez plusieurs Orthoptères, jaune dans le Ver à soie , orangé dans la Chenille du saule , rougeâtre dans le Trichodes apiarius , brun foncé chez la plupart des Co- léoptères (2). Le sang des Echinodermes est jaunâtre ou orangé, selonTiedemann (3). 3° Ce liquide est plus dense et plus visqueux chez les ani- maux à sang chaud que chez ceux à sang froid. Mais sa den- sité varie aussi chez les divers individus d'une même espèce et chez le même individu en des temps différons , ce qui peut servir en partie à expliquer la disparité des nombres par lesquels on a représenté sa pesanteur spécifique. En effet, celle du sang des Mammifères, et notamment de l'homme , est évaluée à 1041 par Boyle , 1045 par Martine, 1054 par Jurin , 1056 par Musschenbroek , 1059 par Denis , 1082 par Senac , 1052 à 1057 par Berzelius. Un pouce cube de sang pèse deux cent soixante et sept grains, suivant Haies, et trois cent quatre- vingt-seize d'après Senac (4). 4° Un thermomètre plongé dans le sang qui coule d'un vais- seau indique ordinairement la même température que dans la cavité orale; chez les Mammifères, environ trente degrés de l'é- chelle réaumurienne, et chez les Oiseaux un peu plus. Thack- rah (5) a trouvé que la chaleur du jet de sang était de vingt-neuf degrés dans le Cheval , de trente dans le Bœuf , de trente et un dans la Brebis et de trente-trois dans le Canard. Chez les autres animaux, la température de ce liquide est la plupart du temps la même que celle du milieu ambiant. 5° On reconnaît l'électricité du sang, au dire de Bellingeri (6), d'après les mouvemens qui surviennent dans une cuisse de Grenouille lorsqu'on met du sang et un métal en contact avec (1) Caïus , Traité d'anat. comp., t. II, p. 307. (2) Meckel , Deutsches Archiv, t. I, p. 472. — Heusinger, Zeitschrift fuer die organische Pliysik, 1. 1, p. 601. (3) Tiedemann , Traité de physiologie de l'homme , t. I , p. 335. (4) Traité de la structure du cœur, t. Il, p. 301. (5) An inquiry into the natur and properties ofthe lluod, p. 30, (6) Expérimenta in electricitatem sanguinis , p. 3. GLOBULES DU SANG. I7 le membre et avec eux-mêmes.' Le sang la conserve vingt- quatre à quarante-huit heures après sa sortie des vaisseaux (1). Comme de deux métaux , dont on met l'un en contact avec le nerf et l'autre avec le muscle , celui-là joue le rôle d'élé- ment positif , qui détermine des convulsions quand on le met en rapport avec le nerf pour fermer la chaîne , et n'en pro- voque pas lorsqu'on l'applique au muscle , ou n'en détermine alors qu'autant qu'on ouvre la chaîne , tandis que l'autre se comporte comme élément négatif , Bellingeri a essayé de déterminer d'après cela quelle pouvait être la polarité du sang chez divers animaux. Il a trouvé que ce liquide se com- portait partout comme positif à l'égard du cuivre , et comme négatif à l'égard de l'étain ; mais que, par rapport au fer, il était négatif chez les Veaux , les Agneaux et les Canards , de même nom chez le Bœuf , le Bélier et le Paon , et positif chez les Chevaux ; qu'enfin , dans les Chevaux , il montrait quelque- fois avec l'antimoine la polarité de même nom , mais bien plus souvent la négative; que par conséquent le sang est plus enclin à l'électricité positive chez les jeunes animaux que chez les adultes , chez les Chevaux que chez les bêtes à cornes et ovines , chez les Paons que chez les Canards. B. Propriétés microscopiques du sang. § 664. Si l'on examine au microscope une goutte de sang étalée et formant une couche peu épaisse , on aperçoit un li- quide transparent et incolore , la sérosité , dans lequel nagent d'innombrables corpuscules , qu'on appelle globules du sang {hématies de Gruithuisen). 1. GLOBTII.ES SU SAKC. 1° On trouve de ces globules dans le sang de tous les ani- maux vertébrés. Partout , ils sont bien délimités , réguliers , formés d'après un type déterminé , mais constamment ronds , forme qu'ils conservent jusqu'à un certain point malgré leur action les uns sur les autres, et malgré toutes les influences mécaniques. Ce n'est qu'au moment où commence soit la coa- (X)lhid., p. 11. YI. 2 l8 GIOBCLES DU SANG. gulation, soit la décomposition, qu'on aperçoit des formes di- verses, notamment , comme le fait remarquer Treviranus (1), des concrétions tantôt rondes et tantôt irrégulières. C'est pro- bablement cette circonstance qui explique pourquoi Magen- die (2) n'a découvert, dans le sang humain étendu , que des masses toutes différentes les unes des autres pour la forme et la grandeur, et pourquoi Gruithuisen(3)'y a vu, indépendamment des corpuscules oblongs , qu'il regardait comme des vésicules du sang ( § 665 ) , des corps rouges et floconneux , de forme variable et indéterminée , qu'il a cru être les globules du sang proprement dits de la Grenouille. On trouve aussi des corpuscules solides dans le sang des animaux sans vertèbres , mais ils n'ont point de forme régu- lière. D'après Blainville (4) , ce sont des grumeaux irréguliè- rement arrondis , anguleux et oblongs. Kieser (5) dit avoir aperçu quelquefois des grains ronds dans le liquide que contiennent les conduits intercellulaires des plantes. Nées d'Esenbeck (6) en admet également. Ils sont plus prononcés encore dans le suc propre , et Meyeil (7) les y ré- garde comme analogues aux globules du sang , dont, suivant lui , ils ne différeraient que par le défaut de couleur , un vo- lume moins considérable, et leur plus longue persistance après la cessation du mouvement du liquide. Cependant L.-G, Treviranus (8) assure qu'ils n'ont pas de forme régulière. Dans tous les cas, on ne peut les regarder comme une preuve d'a- nalogie entre le sang et le suc propre , puisque le suc cellu- laire , ou la sève , contient aussi des grumeaux. 2" Les globules du sang des animaux vertébrés sont à demi transparens. Au microscope , on ne les voit ordinairement d'un rouge sanguin que quand il y en a plusieurs accumulés les (1) Vermischte Schriften, t. I, p. 122; ' (2) Précis de physiologie , t. II , p. 303. (3) Beitrœge sur Physiognosie , p. 92. (4) Cours de physiologie générale et comparée , 1. 1 , p. 240. (o) Grundzuege der Anatomie der Pflanzen , § 209. (6) Handbuch der Botanik , t. I , p. 325. (7) Phytotomie, p. 292. ^8) ZeitsQlirift faer die Physiolouie ; t, I , p. i56. GLOBULES DU SANG. igf uns sur les autres; isolés, ils sont d'un rouge pâle, ou jaunâtres , ou presque incolores. L'emploi de la lumière réfractée est en partie cause de ce phénomène , comme en avaient déjà fait la remarque Senac (1) et Spallanzani (2) ; car , à la lumière directe ou réfléchie , les globules du sang, même isolés , paraissent rouges, 3° Ces corpuscules sont circulaires chez les Mammifères et elliptiques chez tous les autres animaux vertébrés, particularité que connaissait déjà Leeuvs^enhoek (3). Mais, quelque vraie quesoitcette assertion, considérée d'une manière générale, leS formes des globules du sang ne sont pas tellement fixes qu'elles ne puissent quelquefois se rapprocher l'une de l'autre, et même se remplacerréciproquement. Ainsi Blainville assure qu'on les rencontre toutes deux chez les Poissons (4); d'après Schmidt (5) , ces animaux ont des globules dont les uns sont plus ou moins allongés et les autres circulaires , et Rudolphi (6) leur assigne en général cette dernière forme. Spallanzani (7) avait remar- qué qu'à l'exception des Salamandres , chaque espèce d'ani- mal n'a que des globules d'une seule forme, et Wedemeyer (8) a constaté depuis qu'outre les oblongs il s en trouve elFeclive- ment aussi de circulaires chez les Salamandres. Le même écri- vain (9), dont l'opinion à cet égard est partagée par Reichel (10), prétend même que les globules circulaires sont normaux chez les Grenouilles , ce qui est une erreur. Orfila a trouvé', dans du sang de Pigeon, quelques globules circulaires parmi ceux de forme allongée , et dans celui d'homme des globules al- longés, mais alors seulement que le liquide avait été desséché, puis ramolli dans l'eau (11). (Outre les globules elliptiques, le (1) Loc.cit., t. II, p. 282. (2) Exp. sur la circulation , p. 455 et 273, (3) Haller, Elem. physiolog,, t. II, p. 53. (4) Loc. cit., t. I, p. 303. (5) Ueber die Bliitliœrner , p. 23. (6) Grundriss der Physiolo-jie , 1. 1, p. 144. (7) Expériences sur la circulation , p. 287. (8) Untersuchungen ueber den Kreislauf des Blutes, p. 473. (9) Ibid., p. 229. (10) De scmguine ejusque motu expérimenta , p. 19é (11) Journal de chimie médicale , (• ÏU ^ p. 414i 20 GLOBULES BU SANG. sang de la Grenouille en contient aussi d'arrondis , 'qui sont six fois plus petits environ que les autres , et, comparative- ment à eux , en fort petit nombre, de sorte qu'à moins d'une certaine attention on ne les aperçoit pas. Peut-être appar- tiennent-ils à la lymphe ou au chyle) (1). On assure que les globules du sang sont parfaitement ronds chez les animaux sans vertèbres ; telle serait leur fmore dans les Crustacés , suivant Hewson (2) et Garus (3); dans les Insectes aussi, selon Treviranus (4) et Suckow (5). Cependant nous pourrions de- mander si ce sont réellement des corps régulièrement con- formés , et analogues aux globules du sang des Mammifères , et non pas plutôt des grumeaux irréguliers, que leur extrême petitesse seule fait paraître globuleux. 4° Chez tous les animaux vertébrés , les globules du sang sont plus ou moins aplatis, en manière de disque ; par consé- quent les circulaires ne sont pas sphériques , mais lenticu- laires, et les elliptiques ressemblent presque à des amandes ou à des graines de melon. Comme ils reposent ou nagent sur l'une de leurs surfaces planes, on n'aperçoit ordinairement que leur face supérieure, de sorte qu'on pourrait les croire aussi épais que larges; mais, lorsqu'ils roulent sur eux-mêmes, de manière à présenter parfois le flanc, on reconnaît distinctement leur forme. Ce phénomène avait déjà été remarqué par Se- nac (6) et Hewson (7) ; il a été vu depuis par Wedemeyer (8) et autres , dans les quatre classes d'animaux vertébrés. Sui- vant Rudolphi , c'est chez les Reptiles que les globules sont le plus plats ; ils le sont moins chez les Oiseaux , et moins en- core chez l'homme. D'après Hodgkinet Lister, leur épaisseur, chez l'homme , est à leur largeur comme 1 : 4,5 , proportion (4) Addition de J.-Muller. (2) Expérimental inquiries , t. III, p. 40. (3) Von den œussern Lebensbedinguni/ett, , p. 86. (4) Biologie, t. IV, p. 546. (5j Zeitschrift fuer die Physiologie, 1. 1, p. 603, (6) Loc. cit., t. II, p. 276.1 (7) Loc. cit., t. ni, p. d3. (8) Loc. cit., p. 351. GLOBULES DU SANG. 21 qui est plas considérable chez les Cochons et les Lapins, moindre chez les Oiseaux , les Reptiles et les Poissons (1). Haller (2) n'avait jamais remarqué cette forme plate , et Mayer (3) prétend qu'elle n'est qu'une illusion d'optique, pro- duite par une trop forte lumière, ou par une accumulation accidentelle de matière colorante sur les globules. Cependant, comme je l'ai très-bien distinguée dans des globules qui rou- laient sur eux-mêmes , cette opinion me paraît reposer sur une supposition erronée. Du reste, Schmidt (4) croit pouvoir ad- mettre, d'après ses propres observations sur l'embryon de poulet au troisième jour de l'incubation , et d'après celles de Dœllinger sur les embryons de Poissons et les têtards de Gre- nouilles , que les globules du sang ont partout une forme par- faitement sphérique au début de la vie , et que c'est plus tard seulement qu'ils s'aplatissent et s'allongent, quand ils doivent être elliptiques. Cette assertion semble avoir été confirmée par des remarques faites depuis : déjà même Hewson avait repré- senté les globules des embryons de Poulet et des Vipereaux entièrement ronds, et ceux des adultes oblongs. 5° Les globules paraissent être plus ou moins bombés sur leurs deux faces, et avoir des bords plus ou moins tranchans. Schmidt (5) dit qu'ils n'ont un bord tranchant que chez les Oiseaux , les Poissons et les Ophidiens ; qu'ils en ont un mousse chez les Mammifères, et que, dans les Salamandres et Gre- nouilles , ils ressemblent à des pièces de monnaie , ayant une tranche plus ou moins épaisse. Cette assertion ne semble pas être à l'abri de toute contestation ; car Wedemeyer (6) a vu les bords tranchans dans les Salamandres aussi. Young, Hodg- kin et Lister s'éloignent bien plus encore de notre manière de voir , puisque , suivant eux , les deux faces sont concaves , de sorte que les bords seraient la partie la plus épaisse et par cela même arrondis (7). (1) Hufeland , Journal der praktiscJien Heilliunde, t. XVIII , p. 244, (2) Elem. physiol., t. II , p. 53. (3) Supplemente zur Lehre vom Kreislaufe , p. 67, (4) Loc. cit., p. 26. (5) Loc. cit., p. 23. (6) Loc. cit., p. 351. (7) Froriep , Notizen , t. XVIII , p. 241. aa GLOBUIES DU SANG. 6° Cette diversité d'avis tient à ce que , sous le microscope, c'est tantôt le pourtour et tantôt le milieu du globule qui pa- raît plus clair, de sorte qu'alors on le prend ou pour une partie saillante au dessus de la surface, ou pour une partie plus mince et plus transparente. Ordinairement on aperçoit le milieu plus clair, et la circonférence plus opaque; c'est ce qu'avait déjà vu Leeuwenhoek; et Fontana remarqua que, sous ce rapport, les globules du sang se comportent au microscope comme le font tous les petits corps arrondis , tandis que Hodg- kin et Lister prirent le pourtour plus foncé pour un renfle- ment marginal. D'un autre côté , Muys et Hewson (1) préten- dirent que le milieu est obscur, plus opaque ou plus fortement coloré que la circonférence. Mais déjà Senac (2) avait aperçu tantôt l'une et tantôt l'autre de ce^ deux dispositions, et fait remarquer que le centre paraît bombé ou creux, suivant qu'on rapproche ou qu'on éloigne l'objet de l'oculaire, suivant aussi qu'on emploie une lumière plus ou moins forte. Treviranus (3) a également constaté que, quand on a recours à une lumière et à un grossissement considérables , le milieu paraît trans- parent et le pourtour opaque. Weber ajoute encore (4) que cet effet a lieu avec la lumière réfractée, mais que le contraire s'observe avec la lumière réfléchie (*). 7° Gomme corps revêtus de formes régulières, tous les glo- bules du sang sont d'égale grosseur chez le même individu , et chez les divers individus d'une même espèce. Cette observation a été faite par Leeuwenhoek (5), Haller (6), Spal- lanzani (7) , Hunter , Dœllinger (8) et Weber (9). Mais elle (4) Loc. cit., t. m , p. 9, 16, 21. (2)ioe. cif., t.pl, p. 276.] (3) Vermischte Scliriften , t. I, p. 122. (4) Anatomie des Menschen, t. I, p. 147. (*) Comparez, sur les globules du sang , les opinions, presque en tous points contradictoires , de Raspail. ( Nouv. syst. de chimie organique , p. 366 et 385. ) (5) Haller, Elem. physiol., t. II, p. 55. (6) Ibid.,f.66. (7) Expériences sur la circulation , p. 287. (8) Denkschriften der Akademie zv> Muennchen > t. VU , p. 179» ; (9) Loc, cit„ 1. 1, p. 155.; GLOBULES DU SANG. 25 n'est vraie qu'autant qu'il s'agit du volume approximatif ; nous ne connaissons aucun poids ni aucune mesure , dans la vie entière , qui restent constamment identiques chez tous les in- dividus d'une espèce quelconque , et les globules du sang ne sauraient faire exception à cet égard. Poli , Autenrieth et Ca- rus (1) les disent de taille inégale chez les Crustacés et les Mollusques ; Magni assure la même chose de ceux des Gril- lons, et Poli prétend que, chez plusieurs Acéphales, ils sur- passent ceux du sang humain en grosseur ; mais ces assertions ont peu de poids, puisqu'on est encore dans le doute de savoir si les corpuscules qui s'aperçoivent dans le sang des animaux sans vertèbres sont les analogues des globules du sang des ani- maux vertébrés. Ces derniers même diffèrent les uns des autres. Déjà Senac (2) avait trouvé les globules du sang de l'homme d'un trois ceniième de ligne de diamètre, mais entremêlés d'autres dont le diamètre était d'un deux cent cinquantième de ligne. Menghini et Hevi^son (3) ont faitdes observations du même genre. Spallanzani prétend n'avoir rencontré cette inégalité que chez les Salamandres , et Schmidt que chez les Salaman- dres , les Grenouilles et les Poissons. Mais c'est incontesta- blement le hasard seul qui a empêché de la voir chez d'autres animaux encore , de sorte qu'avec Raspail et Blainville (4) nous admettons en thèse générale qu'il n'y a point, sous ce rapport, de proportion invariable. Voilà pourquoi les mesures, à part même leur plus ou moins d'exactitude , ont donné des résultats si différens ; mais , considérées comme moyen d'ar- river à la découverte de la grandeur moyenne ou normale, elles ont du prix , en ce qu'elles nous permettent au moins d'estimer à peu près celte dernière. Home (5) donne aux globules de l'homme d/14i de ligne, Eller 1/161, Jurin 1/166 (6), Rudolphi (7), Sprengel, Hodgkin et Lister (S) 1/250, (1) Fon den œussern Lebensbedingungen , p. 86. (2)ioc. cîV., t. II, p. 276. (3) Loc. cit., t. m, p. 39. (4) Loc. cit., 1. 1, p. 300. (5) Lectures on comparative anatomy, t. III, p. 4. (6) Haller, Elem. physiolog., t. II, p. 55. (7) Grundriss der Physiologie , t. I, p. 145. (8) Eroriep , Notizen, t. XYIII , p. 241. 24 GIOBtIIES DU SANG. Senac(l) 1/275 /Tabor 1/300 , Kater'(2)', 1/333, Prévost et Dumas (3) 1/338, Haller (4) , Wollaston (5) et Weber (6) 1/416', enfin Young 1/505. D'après Home, 19,880 de ces globules occuperaient une surface d'une ligne carrée : il en faudrait 255,000 selon Young. Prévost et Dumas disent que leur volume est égal à celui des globules humains , ou de 1/338 de ligne , dans le Chien , le Hérisson , le Cochon , le Lapin , le Cochon d'Inde , le Mus- cardin et le Dauphin ; plus considérable (1/270 de ligne) dans le Simia callitrix; plus petit chez plusieurs autres Mam- mifères, savoir: de 1/365 dans l'Ane, 1/387 dans le Chat, 1/451 dans la Brebis , 1/494 dans le Chamois , 1/584 dans la Chèvre. Suivant Hodgkin et Lister, ils sont plus petits dans le Lapin et le Cochon que chez l'homme. Les globules elliptiques appartenant aux animaux suivans sont beaucoup plus gros en général , et surtout eu égard à leur diamètre longitudinal , mais plus minces et plus plats, que ceux des Mammifères. Suivant Prévost et Dumas , sur une largeur de 1/338 de ligne , la longueur est de 1/225 chez la Mésange , 1/195 chez l'Oie , 1/191 chez le Paon , 1/184 chez la Poule , 1/178 chez le Din- don, 1/169 chez l'Orfraie. Dans les Reptiles, la longueur et la largeur sont presque toujours plus considérables , savoir, d'après les mêmes observateurs, de 1/150 et 1/250 dans l'Orvet, 1/149 et 1/250 dans le Lézard gris, 1/136 et 1/225 dans la Vipère , 1/116 et 1/225 dans la Couleuvre à collier, 1/110 et 1/176 dans la Tortue, 1/90 et 1/183 dans la Gre- nouille et le Crapaud, 1/78 et 1/128 dans la Salamandre. Chez la plupart des Poissons , les globules du sang sont plus petits. Rudolphî (7) évalue leur volume , en général , de 1/208 à 1/166 de hgne. D'après Prévost et Dumas, ils ont 1/169 de long dans l'Anguille , la Lole , le Cobitis fossilis et la Tor- (1) ioc. «■#., t. II, p. 276. (2) Home, Lectures, t. III, p. M. (3) Biblioth. de Genève , t. XVII , p. 302. (4) Opéra minora, X. I, p. 178. (5) Home , Lectures , t. III , p. 12. (6) Loc. cit., t. I, p. 155. (7) Grundriss der Physiologie , t. I , p. 145, GLOBULES DU SANG. 25 pille ; mais Hewson (1) assure qu'ils sont plus gros dans les Raies que chez aucun autre animal. 8° Prévost et Dumas assurent que les Oiseaux sont les ani- maux dont le sang en contient le plus , et qu'il y en a moins chez les Mammifères carnivores , moins encore chez les Her- bivores, et moins que partout ailleurs chez les animaux à sang froid , les Chéloniens exceptés. Cependant il est très- facile de céder à des illusions en établissant de semblables estimations; car, outre que l'espace destiné à les recevoir diminue lorsque leur grosseur devient plus considérable , de sorte que , quoiqu'ils soient très-serrés les uns contre les au- tres, leur nombre subit une diminution, il importe d'avoir égard à l'état de la vie du sang et à sa constitution tempo- raire : quand les circonstances sont favorables , le sang des hommes , comme celui des Grenouilles , fourmille tellement de globules, qu'il semble impossible qu'on y en trouve ja- mais davantage, remarque qu'avait déjà faite Haller(2). 9" A l'égard des propriétés mécaniques des globules du sang , ils paraissent être , comme le disent Hunter et We- ber (3), plus pesans que la sérosité. Cependant il faut bien que la différence ne soit pas très-considérable ; car on voit les globules nager à des hauteurs diverses dans la sérosité parfai- tement tranquille , et il suffit de la moindre agitation de l'air pour les faire fuir promptement. Après avoir été comprimés , ils reprennent leur forme pri- mordiale, en vertu de l'élasticité dont ils sont doués ; c'est ce qu'avaient déjà observé Leeuwenhoek, Cooper et Senac (4). Délia Torre et Fontana ont fait la même remarque, quand ils avaient comprimé les globules entre deux lames de gypse , de manière à les rendre quatre ou cinq fois plus larges qu'ils ne le sont ordinairement. Hodgkin et Lister ont vu qu'en pa- reil cas, le bord se déchiquetait (5). (1) Loc. cit., t. III, p. 11. (2) Opéra minora , t. I, p. 181. (3)ioc. cit., p. 148. {Il) Loc. cit., t. II, p. 283. (5) Froriep , Notizen, t. XVIII , p. 245. 26 BULLES d'air DU SANG. 2. BULLES d'air DANS LE SAKC. § 663. Nous devons encore parler d'une autre espèce de vésicules qu'on aperçoit fréquemment dans le sang , avec le secours du microscope. Ces vésicules ont l'air d'être compo- sées d'un centre incolore , transparent , brillant comme du verre, et d'un pourtour d'un rouge foncé ou noirâtre. Le rapport entre les deux parties varie : si la circonférence est large , la vésicule ressemble à un disque rouge foncé , percé d'une ouverture dans le milieu , ou à un iris dont Ja pupille n'aurait pas d'arrière-fond noir ; si le pourtour est étroit , la vésicule a l'apparence d'une boule de verre autour de laquelle se trouverait placé un anneau, de teinte foncée. Ces vési- cules varient de grosseur. Ordinairement elles sont sphéri- ques; mais parfois on en trouve d'elliptiques, tant dans le sang humain que dans celui des Oiseaux et d'autres animaux. Elles adhèrent à l'objectif en verre sur lequel on a placé le sang , et occupent pour la plupart le fond , tandis que la sé- rosité nage au dessus d'elles. Si l'on dispose l'objectif obUque- ment , elles se portent vers la partie déclive , mais plus lente- ment que les globules du sang ou le caillot qui les entourent. Elles ont un certain degré de consistance et d'extensibilité. Quand elles se trouvent emprisonnées entre deux caillots fili- formes , elles se resserrent et s'allongent , comme feraient des vésicules pleines de liquide que l'on comprimerait de deux côtés à la fois. Aussi conservent-elles leur forme au mi- lieu de certains mouvemens un peu vifs ; l'une d'elles , qui tenait à l'extrémité d'un filament de caillot , reçut de la part de celui-ci un mouvement de fronde qui ne la fit point chan- ger de forme. Elles semblent même , en roulant, conserver la forme aplatie de la surface sur laquelle elles ont reposé ; car, dans ce cas , qui se voit rarement à la vérité , elles pa- raissent à l'œil étroites et comprimées , jusqu'à ce qu'elles se soient replacées sur le côté plat. Elles conservent aussi leur forme , quand elles sont petites , dans le sang étalé en couches fort minces et desséché , cas où l'on voit souvent le caillot se fendiller à partir de leur circonférence ; lorsqu'elles sont grosses, elles se ^convertissent par la dessiccation en cellules BULLES D AIR DU SANG. ÙJ irrégulières et anguleuses. Cependant elles ne sont autre chose que des bulles d'air. Ordinairement il n'y en a point dans le sang frais ; elles se développent quand les globules sanguins viennent à être détruits par de l'eau. S? , tandis que l'on observe une goutte de sang dans laquelle on n'aperçoit que des globules , on y ajoute une goutte d'eau, tout change quelquefois d'aspect , comme par un coup de baguette , et , au lieu de globules , on ne voit plus tout à coup que des cail- lots de toute espèce, avec les vésicules qui viennent d'être décrites. Elles se produisent de même quand on fait agir un alcali ou un acide sur le sang ; a-t-on , par exemple , au moyen de l'acide sulfurique, déterminé la formation d'un caillot floconneux et brun grisâtre dans le sang , si l'on ajoute de l'alcali caustique , on voit naître une multitude de petites vé- sicules, avec un large bord coloré , qui disparaissent par l'ad- dition de nouvel acide , puis se reproduisent si l'on verse une seconde fois de l'alcali. La même chose a lieu quand on ajoute à du sang frais d'abord de l'alcali caustique, puis de l'acide sulfurique. Enfin, on les voit parfois aussi cre- ver, surtout quand elles sont grosses et qu'elles ont été pro- voquées par l'acide et l'alcali. La formation de ces vésicules tient donc à ce qu'il se dé- gage du sang de petites quantités d'air qui distendent la sérosité visqueuse en manière de bulles. Diverses circonstances don- nent à penser que le rebord coloré lient à de la matière co- lorante qui adhère à ces bulles ; lorsqu'une vésicule roule sur elle-même, on perd de vue le milieu transparent, et Ton aperçoit la surface latérale , dont la coloration est parfaite- ment uniforme ; quelquefois la matière colorante semble se dissoudre ; car, surtout quand on ajoute de l'eau , le pourtour coloré devient irrégulier, festonné, il se rétrécit peu à peu, et enfin il ne reste plus qu'une vésicule incolore , avec une limite linéaire , foncée et en forme d'anneau : quelquefois il n'y a qu'un point de la large circonférence colorée qui perde sa teinte ou qui devienne simplement rougeâtre , et l'on dé- couvre de la matière colorante détachée figurant une sorte de petite barbe au bord externe ou au centre transparent ; enfin , il ïVest pas rare que la circonférence offre seulement 28 BUtlES d'air bu sang. des stries colorées , ou qu'elle consiste en anneaux concentri- ques , alternativement clairs et obscurs. Cependant un phé- nomène d'optique entre ici en jeu : le milieu de la vésicule n'est jamais d'un rouge pâle , mais toujours parfaitement in- colore , et séparé du pourtour d'un rouge foncé par une li- mite bien nette ; quand une grosse vésicule crève , on ne voit pas qu'il en reste de matière colorante ; quelquefois le pour- tour coloré devient alternativement plus large et plus étroit , de manière à simuler le resserrement et la dilatation d'une pupille , sans que la vésicule elle-même se meuve. A cela, il faut ajouter qu'on rencontre dans d'autres humeurs des vési- cules de même forme , dont la circonférence colorée diffère quelquefois de celle des vésicules aériennes du sang (par exemple dans le sperme ) , mais parfois aussi y ressemble parfaitement (par exemple dans la salive). Je ne crois pas me tromper en conjecturant que quelques observateurs ont confondu ces bulles d'air avec les globules du sang , ou les ont considérées comme des parties non moins essentielles que ceux-ci et coexistantes avec eux. Tels sont d'abord Bohn , Hamberger, Bernouilli , Keil , et , parmi les modernes , Schultz (1) , qui ont soutenu que les globules du sang sont des bulles d'air, tandis que celles-ci ont un tout autre aspect. Tel est encore Délia Torre , qui regardait les globules de sang comme de simples anneaux ; or, on peut bien prendre pour tels les vésicules aériennes , mais diffici- lement les globules eux-mêmes ; et si, par un singulier hasard, ces derniers s'étaient réunis plusieurs ensemble , de manière à produire un anneau (2) , l'observation un peu prolongée ne larderait pas à convaincre qu'il s'agissait là d'une pure éventualité. Sprengel (3) dit que le sang des Poissons , outre les globules , contient encore des sphères plus grosses , claires et d'apparence vitrée. Gruithuisen (4) fait remarquer qu'a- près la coadnation des globules lenticulaires du sang , il reste des corps plus volumineux , entièrement sphériques , qui res- (1) Meckel , Archiv fuer Anatomie , 1826 , p. 550. (2)Rudolphi, Grundriss der Physiologie, t. I , p. 143. (3) Institutioncs phjsiologicœ , t. I , p. 378. (4) Beitrœ'je sur Physioynosie , p. 89. CHANGEMENS SPONTANÉS BU SANG. 29 semblent à des boules de verre, contiennent une vésicule concentrique et s'aperçoivent encore dans le sang desséché ; il les croit identiques avec les vésicules du sang de Hewson ; dans un autre endroit (1), il les appelle du chyle , dit qu'elles sont plus grosses et plus pesantes que les globules du sang (qu'il nomme ici anapnoaires) , sphériques, nettement déli- mitées , de volume divers , d'un blanc de lait , presque en- tièrement transparentes , lisses , d'un brillant argentin et chatoyant ; suivant lui , leur nombre serait , à celui des glo- bules du sang , comme 1 1 150, chez l'homme. Mayer dit avoir vu , dans le sang des Grenouilles et des Insectes , ainsi que dans la sève des végétaux, outre les petits globules , d'autres trois ou quatre fois plus gros , qui en portaient un petit dans leur centre (2). Jean Muller a reconnu que ces gros corpus- cules se produisaient dans le sang par l'effet de l'agitation mécanique (3). II. Changemens que subissent les propriétés du sang. A. Changemens spontanés du sang. d. CHANGEMEMS Qtl'ÉPROBVEHT lES GLOBULES. 666. 1° A part la différence d'illumination entre leur centre fortement bombé et leur pourtour plus mince, les globules du sang ne présentent aucune partie distincte au moment où l'on vient de les tirer du courant qui les recelait ; mais , à peine quelques instans se sont-ils écoulés que le centre se détache de la circonférence par une sorte de sillon , et se prononce sous l'aspect d'un noyau sphérique renfermé dans une flasque enveloppe. Dans cet état^ ils conservent leur forme quand on étale le sang en une couche fort mince sur le verre , de, ma- nière qu'il se dessèche rapidement; mais ils se conservent assez long-temps aussi lorsqu'on les tient dans le sérum, et surtout , d'après Kaltenbrunner , quand ils restent en contact avec une surface du corps animal d'où ils proviennent , de sorte qu'alors on peut, mieux qu'en toute autre circonstance, (1) 3Iedicinisch-chirurgische Zeitung , 1822, t. I , p. 311. (2) Supplément e zur Lehre vom Kreislaufe , p. 67. (3) Im, 1824, p. 287. 3o CHANGEMENS SPONTANÉS DU SANG. > juger de leur constitution primitive (1). Mais si Ton examine du sang qui ait été tiré depuis quelque temps et qui déjà com- mence à se décomposer , on trouve les globules renflés en sphères, et en partie ridés à la surface. Quelques uns mon- trent des traces de division qu'ils ont subie ; car , à côté d'une enveloppe déchirée, on aperçoit un noyau qui s'en est échappé. D'autres encore sont entièrement brisés en morceaux, même leurs noyaux. Hewson (2) , qui, le premier, observa ce phénomène, a remarqué que les globules frais ne tardent pas non plus à subir des changemen analogues dans l'eau ; ils se gonflent et deviennent globuleux ; la partie périphérique s'a- mincit , acquiert plus de transparence et enferme la partie centrale en manière d'enveloppe tellement lâche que , quand le globule roule sur lui-même, ce noyau tombe au fond , jus- qu'à ce qu'enfin fl devienne libre dans l'eau par la dissolution ' de la capsule (3). Hev^^son admet que le noyau et l'enveloppe sont des parties primordialement distinctes. Home (4), Prévost et Dumas pensent de même , ce qui , d'après les faits exposés précédemment, n'est au moins pas démontré. Le phénomène semble bien plutôt tenir à ce que la dissolution du globule homogène commence par établir en lui une hétérogénie de parties , la périphérie se ramollissant et se liquéfiant , tandis que le centre se condense, jusqu'à ce qu'enfin il se dissolve à son tour. Raspail a remarqué aussi que, quand on plonge un globule du sang dans de l'eau ou dans un acide , il se forme" dans son intérieur une sphère qui n'existait point aupara- vant (5). Home prétend, conformément à ses vues, que les noyaux sont des sphères régulières . de volume égal, c'est-à-dire ayant un cent soixante-sixième de ligne ; mais , plus tard, il en indique aussi qui n'avaient qu'un trois cent trente-troisième de hgne de diamètre. Tandis qu'il veut que le noyau fasse les quatre cinquièmes du globule entier, Hewson , Prévost et Du- (1) Froriep, Notizen, t. XVI, p. 307. (2) Loc. cit., t. III, p. 22. (3) Ibid., p. d7. (4) Lectures ) t. III, p. 4. (5) AépertQire général d'anatomie , t. YI , p, 146. CHANGEMENS SPONTANES BU SANG. 3l mas le disent beaucoup plus petit (1) ; dans la Salamandre , il n'est, d'après Wedemeyer (2), qu'un huitième à un sixième du globule. Sa forme est irrégulière chez les Grenouilles , selon Blainville (3) , et dans les Salamandres , suivant Schmidt (4). Wedemeyer (5) a remarqué qu'il n'avait pas toujours le même volume , et qu'il présentait parfois des bords déchiquetés. D'après Weber(6), le globule du sang se réduit en morceaux, de nombre et de volume indéterminés. Tous ces faits annon- cent que les noyaux n'existent pas primordialement, ou du moins qu'ils ne sont pas d'abord si nettement tranchés qu'on les trouve plus tard. Suivant Hodgkin et Lister , le premier changement du glo- bule du sang consiste en ce que sa périphérie acquiert un as- pect déchiqueté , déchiré , crénelé , bosselé , semblable à celui d'une mûre , mais reprend ensuite une surface lisse et sphéi'ique (7). Cependant il n'est point douteux que ce der- nier changement dépende d'une dissolution de la couche péri- phérique ; on distingue sans peine , quand la décomposition commence , que cette couche sert d'enveloppe au noyau , et Wedemeyer a vu fréquemment (8) celui-ci abandonner le centre et se rapprocher du bord , comme s'il était sur le point de sortir du sac. Du reste , ainsi que le fait remarquer aussi Rudolphi (9) , la décomposition a lieu plus tard chez les ani- maux à sang froid que chez ceux à sang chaud ; cependant Hewson prétend (10) qu'il faut plus d'eau pour décomposer les globules de l'homme que pour ceux des Reptiles et des Pois- sons , parce que ceux-ci sont plus minces. 2" Quand Blainville dit (11) que le nombre des globules du (1) Schmidt, Ueher die Bluikœrner , p. 34. (2) Loc. cit., p. 352. (3) Loc. cit., 1. 1, p. 212. (4) Loc. cit., p. 34. (5) Loc. cit., p. 354. (6) Anatomie des Menschen , t. I, p. 148. (7) Froiiep , Notizen , t. XYIII , p. 245. (8) Loc. cit., p. 345. (9) Grundriss der Physiologie , t, I , p. 143 (10) Loc. cit., t. III, p. 19. (li) j&oc, ct^., t, Ij p. 21â, 32' CHANGEMENS SPONTANÉS DÛ SANG. sang va toujours en augmentant sous le microscope , ceci ne doit s'entendre que du moment où ils se décomposent. Nous parlerons plus loin (§ 690, 2°) de l'hypothèse d'une résolution régulière de ces mêmes globules en parties inté- grantes. 2. CHANGEMENS QB'ÉPROUVE 1A MASSE BtJ SANG. § 667. Les premiers changemens que l'on remarque dans la masse du sang , sont les suivans : 1" D'abord , lorsque le sang entre en contact avec l'air en quantité un peu considérable , il se couvre d'une écume ver- meille , même lorsqu'il ne tombe pas d'une certaine hauteur, et que loin de là il coule en bavant à la surface du corps de l'a- nimal. 2° Il exhale, quand l'air est froid, une vapeur visible, et qui a faiblement l'odeur du ssiug {halitus sanguinis). Cette va- peur se condense en gouttelettes à la surface des corps froids, par exemple des plaques métalliques , qu'on tient au dessus d'elle; mais, à l'état d'expansion, on peut la recueillir dans des bouteilles , oii elle n'éteint point la flamme d'une bougie , ne trouble pas l'eau de chaux , mais fait naître dans la disso- lution de deutochlorure de mercure des flocons blancs , qui consistent en une combinaison de matière animale et de protochlorure. Si l'on secoue cette vapeur avec de l'eau , le liquide prend l'odeur du sang, sans déceler aux réactifs ce qu'il contient , mais tombe en putréfaction au bout de quelque temps, attire l'oxygène de l'air, et produit, suivant Hunefeld, des vapeurs blanches quand on en approche de l'acide hydro- chlorique, ce qui annonce un dégagement d'ammoniaque (i). 3^ Le sang des Mammifères et des Oiseaux se refroidit peu à peu , ou prend la température du milieu ambiant, tandis que l'évaporation s'accompagne d'une diminution positive de la chaleur. Schubler a trouvé que la chaleur du sang , la tempé- rature extérieure étant à 6,2 R., descendait, en une heure, de 31 degrés à 8 , et en deux heures à 5,6 (2). Le sang frais (1) Physiologische Chemie des menschlichen Organismus, t. II, p. 213. (2) Poggendovf, Annalen der PhjHli, t. jXX^S^U, p. ?02. COAGULATION DU SANG. 33 exposé au dessous de zéro ne se coagule que lentement d'a- près Hunter ; mais si on lui laisse perdre sa vapeur avant de le mettre au froid , la coagulation a lieu d'une manière plus rapide. a. Coagulation du sang. § 668. Le changement le plus frappant est la coagulation , ou , plus exactement , la séparation en solide et liquide , qui, dans le sang humain, commence, terme moyen, cinq minutes après la sortie de la veine , quoiqu'il lui arrive quel- quefois de se manifester déjà au bout d'une minute , tandis que , dans certains cas , elle n'a lieu qu'au bout d'une demi- heure , ou même d'une heure entière. Cette coagulation est terminée en huit heures , bien qu'elle en exige parfois vingt- quatre. D'abord , le sang devient épais comme de la crème , ou même consistant et tremblotant comme une gelée molle. S'il est disséminé par gouttes à la surface d'un corps solide , ou étalé en couches fort minces, il se dessèche tout simplement par l'efïet de l'évaporation. Mais, s'il se trouve réuni en grandes masses, à la première période , qui dure fort peu de temps, succède la seconde , qui se prolonge bien davantage ; à la surface de la gelée on voit paraître un liquide clair , le sérum , et le reste se condense en une masse soHde , le caillot , qui ne peut plus être ramenée à la forme liquide , ni par le sérum ni par l'eau^. 1° Le sérum est un liquide limpide , tirant sur le jaune- verdâtre , visqueux , collant , d'odeur fade et un peu répu- gnante , de saveur salée. Il est plus léger que le sang entier, etjplus pesant que l'eau : sa pesanteur spécifique est de 1022 à 1037 , selon Martine , Musschenbroek , Jurin et Haller (1);, de 1027 à 1029 suivant Berzelius (2) , de 1009 à 1011 chez les hommes bien portans et moindre chez les femmes, d'a- près Lauer (3). Thackrah (4) a trouvé les deux extrêmes de (1) Elem. physiolog.^ t. II, p. 122. (2) Traité de chimie , t. VII , p. 66. {>) Literarische Annalen der gesammten Heilkunde, t. XVIII, p. 393. (4) An inquiry into îhe natxir and properties oflUod, p. 17. VI. 5 34 COAGULATION DU SANG. 1004 et 1080. Senac(l) évalue le poids d'un pouce cube à trois cent soixanle-dix-neuf grains et deux tiers. Desséché en. plaques minces , le sérum se couvre , comme tout autre li- quide visqueux , de fissures affectant des directions diverses. Mayer (2) dit qu'il éclate alors en tables quadrilatères , dans le milieu desquelles se trouve une partie plus translucide et de forme sphérique. 2° Le caillot ( placenta, insula , hepar sanguinis ^ appelé aussi crtior dans T acception la plus étendue du mot) a la con- sistance d'une gelée ferme , de sorte que le doigt y laisse des impressions; qui ne tardent cependant pas à s'effacer. Sa surface est d'un rouge clair , le bord translucide et jaunâtre, l'intérieur d'un rouge tirant sur le brun. Sa pesanteur spéci- fique surpasse non seulement celle du sérum , mais encore celle du sang entier : elle est de 1078 suivant Davy , 4084 d'après Musschenbroek , 1093 suivant Martine, 1126 selon Jurin (3). Aussi occupe-t-il ordinairement le fond du vase : si celui-ci est étroit , il contracte fréquemment adhérence avec les parois, de manière que le sérum se trouve emprisonné et ne peut se réunir qu'au dessous de lui ; mais quelquefois aussi il surnage en vertu de sa texture spongieuse. Après la dessic- cation, il est d'un rouge-brun noirâtre, brillant à la surface; il se brise en feuillets ; sa cassure est mate , dense , avec des éclats et des stries d'un rouge clair. 3° Mais le caillot lui-même n'est qu'un mélange composé d'un tissu filamenteux gris, la fibrine ( § 675 ), et d'un liquide épais et rouge , le cruor. Sa 'partie essentielle est donc la fibrine , qui seule se solidifie ou se coagule. Comme la coagulation , qui est le passage de l'état d'expansion ou de iquidité à celui de resserrement ou de solidité , se manifeste nécessairement sous la forme de contraction , il faut que la fibrine abandonne la partie la plus liquide du sang , le sérum, laisse celui-ci dans l'espace d'où elle se retire, et l'exprime même de son tissu à mesure qu'elle se condense davantage , (d) Traité de la structure du cœur, t. II , p. 301. (2) Sivpplemente sur Lehre vom Kreislavfe , p. 8. (3) Haller, loc, cit., t, II , p. 39. COAGULATION DU SAWG. 35 tandis qu'elle retient le cruor , qui est plus épais , a plus de pesanteur et adhère à elle avec plus de force. On détruit cette combinaison en lavant à plussjeurs reprises avec de Teau le caillot , qu'on a soin de remuer fortement et de malaxer ou d'exprimer , après quoi on décante le liquide, qui a dissous le cruor. On doit bien se garder d'agiter violemment ou de fouetter le sang frais , ou de le faire couler des vaisseaux dans de l'eau ; car alors la fibrine ne se coagulerait plus qu'en petits flocons et grumeaux, et le cruor se mêlerait au liquide. Sou- vent aussi une séparation partielle s'effectue d'elle-même , tantôt une portion du cruor se mêlant avec le sérum , qu'elle colore en rouge , et au fond duquel elle produit plus tard un précipité , tantôt unel'partie du caillot n'étant formée que de fibrine seule et constituant ainsi ce qu'on appelle la couenne (§754,V). 4° Gomme la séparation du sérum et du caillot résulte im- médiatement d'un acte mécanique , la proportion dans laquelle elle a lieu dépend non seulement de la quantité des deux substances qui existe dans le sang , mais encore du degré de cohésion que la fibrine acquiert en se coagulant. Le caillot est très-abondant, proporlionnellement au sérum, soit parce que le sang contient une grande quantité de fibrine, soit parce que celle-ci ne se contracte que faiblement , de sorte qu'elle re- tient beaucoup de sérum dans ses interstices, et vice versa. Il faut aussi avoir égard au temps et à d'autres circonstances au milieu desquelles on observe la coagulation : quelquefois le caillot exsude encore du sérum au second jour , et si on le met sur du papier gris , ou qu'on le comprime^, il en donne plus qu'il n'en aurait fourni sans cela. Voilà pourquoi on trouve tant de variantes dans l'énoncé des proportions respec- tives. Ainsi la proportion du caillot au sérum, dans le sang humain, est de 1 1 050 — 0,82, selon Hamberger, 1 : 0,61 sui- vant Vieussens, 1 l i d'après Boyle^ 1 °, 1,40 suivant Tabor, 1 I 1,66 selon Homberg, 1 : 2 suivant Schwenke, 1 l 3 sui- vant Quesnay, 114, suivant Senac, 1 • 7 d'après Boerbaave, 1 ; 10 selon Berger , 1 l 12 d'après Rosen (1) ; Rhades veut (1) Hallev, loc. cit., t. Il, p. 47. 56 COAGULATION Ï>U SANG. qu'elle soit de 1 : 0,42, Thackrah de 1 ! 0,74, Gendrin de 1 ! d,66 , Thomson de 1 I 3. On obtient des données plus positives en desséchant complètement le caillot , puis compa- rant le poids de la fibrine et du cruor sec à celui du sang sur lequel on a opéré. Daprès cette méthode, dans mille parties de sang, la proportion du caillot au sérum variait entre 157 '. 843 et 208 l 792 selon Rhades (1) , ce qui donne pour terme moyen 178 : 822 ; selon Brande, les extrêmes étaient de 94 ; 906 et de 158 I 842 , le terme moyen de 130 : 870 (2). Prévost et Dumas , en opérant sur mille parties de sang , ont trouvé que les Oiseaux sont ceux chez lesquels le caillot abonde le plus , puisqu'il s'élève à 157 dans la Poule , 155 dans le Pi- geon, 150 dans le Canard, 146 dans le Corbeau, 132 dans la Cigogne ; vient ensuite la Tortue , où sa quantité est de 150 ; il y en a moins chez les Mammifères ; savoir , 146 dans le Simia caUitrix , 129 chez l'homme, 128 dans le Cochon d'Inde, 123 dans le Chat , 102 dans la Chèvre , 93 dans le Lièvre , 92 dans le Cheval , 91 dans le Veau ; moins encore , c'est-à-dire 69, dans la Grenouille ; enfin , moins que partout ailleurs chez les Poissons, savoir, 63 dans la Truite, 60 dans l'Anguille, et 48 dans la Lote. La proportion du caillot humide au sérum, suivant Thackrah (3), est, dans le Chien', de 1 : 0,28—0,50, dans la Brebis de 1:! 0,47, dans le Bœuf de 1 '. 0,63 , dans le Cochon de 1 \ 0,65, dans le Cheval de 1 ' 0,76 ; selon Davy , dans le Bœuf de 1 \ 0,70; d'après Ficinus, dans le Pigeon , de i * 0,04, dans le Corassin de 1 : 1,24; selon Fiedler, dans le Lapin de i : 0,50, et dans le Pigeon de 1 \ 0,05—0,009. * Phénomènes qui accompagnent la coagulation du sang. § 669. Plusieurs phénomènes ont lieu pendant la coagula- tion du sang. 1° Parent (4) avait déjà remarqué dès bulles d'air , qui crè- vent et laissent ainsi des vésicules anguleuses dans le caillot. Brande a reconnu que cet air était de l'acide carbonique : car (J) Diss. de sera sanguinis liominis aliisque liquidis animal ium , p. 8. (2) Meckel, Archiv fuar Anatomie , 1S28, p. 337. (3) Loc. cit., p. 29. (4) Hist. de l'Acad. des sciences, dTJd , p. 24, COAGULATION DU SANG. 57 il troublait l'eau de chaux (1). Aussi son dégagement est-il con- sidéré par Home (2) et Scudamore (3) comme une circonstance essentielle et une condition de la coagulation ; par Berthold (4) comme un phénomène qui favorise cette dernière. Mais Davy nie positivement qu'il ait lieu (5). 2° Comme un dégagement de chaleur accompagne toute condensation, Fourcroy admettait qu'il s'en opère un aussi pendant la coagulation du sang. Mais il ne pourrait être cons- taté, dans le sang des Mammifères et des Oiseaux, que par le ralentissement du refroidissement , puisque la température de ce liquide surpasse celle de l'atmosphère , avec laquelle elle doit se mettre en équilibre. Gordon, Thomson et Scudamore (6) ont admis en effet qu'il se refroidit avec plus de lenteur ; Gen- drin (7) dit que le sang descend à vingt-quatre degrés immé- diatement après sa sortie des vaisseaux , qu'il conserve cette température pendant la coagulation , et qu'ensuite il se re- froidit très-rapidement. Cette opinion a été combattue par J. Davy surtout (8), quiattribue le refroidissement plus lent de la couche supérieure du sang à ce que la chaleur qui rayonne des parties profondes et du fond échauffé du vase, se répand de bas en haut , explication adoptée également par Schrœder van der Kolk (9). Quand Davy remplissait de sang d'un Mam- mifère une bouteille échauffée et entourée de laine, il con- servait sa température primitive pendant la coagulation , et même plusieurs minutes encore après, et ce n'était qu'au bout de dix minutes qu'il se refroidissait d'environ un demi-degré du thermomètre de Fahrenheit. Denis(10)mit du sangd'homme dans un vase entouré d'objets ayant la température du corps humain , et reconnut que le mercure ne montait point dans le (1) Home, Lectures , t. III, p. 13. (2) /6î(Z.,p. 3. (3) Versuch ueher dus Blut, p. 25. (4) Beitrœge zur Anatomie , p. 241. (5) Heusinger, Zeitsclirift fner die or'janisclie Pliysik , t. II, p. 394. (6) Loc. cit, p. S6-65. (7) Hist. anatomique des inflammations , t. II, p. 424. (8) Meckel , Deutsclies ArcMv , 1. 1, p. 117. (9) Diss, sistens sanguinis coagulantis historiam , p. 56. (10) Recherches expérimentales sur le sang humain , p. 75. 38 COAGULATION DU SANG. thermomètre pendant la coagulation. Hunter a fait, sous ce rapport, une observation plus décisive encore ; à une tempéra- ture extérieure de quatorze degrés R., celle du sang tiré des vaisseaux d'une Tortue marquait quinze degrés , et le liquide descendit à quatorze pendant le cours même de la coagulation. On conçoit aisément, à part même Tévaporation qui accompa- gne la coagulation , que celle-ci ne soit point marquée par un dégagement de chaleur, puisqu'il n'y a que la fibrine qui se so- lidifie , et qu'elle n'entre que pour un quatre-centième en- viron dans le sang ; aussi n'a-t-on point non plus remarqué d'élévation de température pendant la coagulation du sérum par les acides. 3° irne paraît pas non plus , an dire "de Schrœder van der Kolk (1), que le sang diminue de volume en se coa- gulant. 4° Heidemann (2) , Treviranus (3) et Gruithuisen (4) ont vu la fibrine se mouvoir pendant les progrès de la coagu- lation. 5° Suivant Bellingeri (5) , l'électricité du sang se met en équilibre avec celle de l'atmosphère durant la coagulation surtout, avant et après laquelle elle change peu. 6° Lorsqu'on examine au microscope du sang desséché , on y découvre , dans la masse rougé , une multitude de zones qui , lorsqu'elles sont étroites , paraissent plus foncées , mais qui , quand elles ont plus de largeur, ressemblent à des lacu- nes ou à des fissures. Ces fissures proviennent évidemment du retrait que la masse a éprouvé en se desséchant, quoique la coagulation puisse aussi y avoir pris part. Elles affectent des directions diverses , de sorte que la masse comprise entre elles varie également de forme. Ce phénomène paraît tenir sur- tout à une cause mécanique , notamment à ce que la goutte de sang étant plus épaisse sur un point que sur un autre , il s'est produit plus de caillot dans l'un et davantage de sérum (1) Loc. cit., p. 57. (2) Reil, Jrchiv, t. VI, p. 425, (3) Biolouie, t. lY,]^. 557.] (4) Beitrœge zur Physiognosie , p. 89. (5) Bulletin de la Soc. niéd. d'Emulation , 1823 , p. 643. COAGULATION DU SANG. ^ Sg dans l'autre ; cependant il serait possible aussi qu'on dût y voir la manifestation d'une forme de cristallisation propre au sang. Mayer croit avoir remarqué qu'en vertu de la force plastique vivante inhérente à la fibrine , le sang cristallise en aiguilles coniques , qui s'écartent en rayonnant d'un centre commun, et qui vont en s' élargissant à mesure qu'elles se rapprochent du pourtour de la masse (d) : il ajoute que le cruor forme , au contraire , des tables quadrangulaires , qui présentent un bord de couleur foncée, et, dans le centre, un point rond , ou une sphère de rouge pâle. Suivant lui , ces corps seraient le contenu proprement dit des glo- bules du sang, il leur arriverait quelquefois de se dispo- ser en lignes , mais, dans un verre de montre, ils produiraient au centre des masses sphériques, qui iraient toujours en di- minuant vers la circonférence (2). Il me paraît que ces for- mations tiennent , pour la plus grande partie , à des circon- stances purement mécaniques. Le sang ne prend la forme rayonnée attribuée à la fibrine que quand on le laisse sé- cher dans un verre de montre ou autre corps creux analogue ; les fissures qui se produisent nécessairement pendant la >des- siccation, s'étendent du point où le sang est accumulé en plus grande quantité , vers celui oii il forme la couche la plus mince , et vont par conséquent en rayonnant du centre à la circonférence ; souvent aussi il se forme des fissures transver- sales dans les rayons , de sorte que le tout représente une voûte bâtie en briques, et au pourtour, où la masse était plus mince que partout ailleurs, de légères fentes, simulant des stries de couleur foncée , s'entrecroisent sans régularité les unes avec les autres , de manière à faire naître là une appa- rence celluleuse. Si le sang a été séché sur une surface plane, tantôt il ne présente qu'un réseau produit par des fissures ir- régulières , tantôt il offre des formes qui semblent plus régu- lières, quoiqu'elles ne soient pas moins accidentelles, par exemple un centre à petites cellules , entouré d'une fissure irrégulièrement annulaire, d'où partent d'autres fissures, qui (1) Supplemente zur Lehre vom Kreislaufe , p. 7-10. (2) IbU.> p. 14. . 4o COAGULATION DU SANG. s'étendent en rayonnant vers la périphérie , laissant entre elles des espaces de couleur plus foncée , et à la circonférence un réseau à masses serrées, résultant de fibres éparses en toutes sortes de directions. Si le sang a été étendu d'eau avant qu'on le soumît à la dessiccation , les formes les plus di- verses se montrent associées ensemble; par exemple, une partie garnie de petits points et de stries très-fines , qu'en- toure une couronne de vésicules, d'oii partent des zones allant gagner en ligne droite la circonférence, marquée par un re- bord de couleur foncée ; des vésicules éparses , entourées d'un réseau celluleux ; des coagulations en forme de filamens, d'étoiles à quatre ou cinq branches , de pattes d'oie , etc. ; mais surtout des dendrites incolores , en lignes droites , sou- vent symétriques , qui se composent de troncs longitudinaux fournissant à angle droit des branches transversales , d'où par- fois aussi se détachent , également à angle droit , de courts ra- meaux longitudinaux. (Ces fissures n'ont rien de commun avec la cristallisation; elles dépendent entièrement de la forme de la goutte de sang étalée, et de la disposition plane ou concave du porte-objet. Il s'en produit de semblables dans tous les liquides animaux visqueux qui se dessèchent, etFon- tana , par exemple , en a décrit d'analogues dans le venin de la vipère soumis à la dessiccation. Comme la masse adhère au porte-objet, elle ne peut pas se contracter à mesure que la dessiccation diminue son volume, et il doit, par conséquent, s'y produire des fissures , qui , sur un porte-objet concave , sont plus considérables vers le bord , plus faibles dans le milieu , où la masse est plus épaisse et où les particules conservent plus de cohérence les unes avec les autres. Ces fissures ne paraissent différer en rien de celles d'une masse de terre qui se dessèche) (1). Il serait plus instructif d'observer la coagulation elle-même au microscope , si cette observation pouvait être faite avec toute l'exactitude désirable. On voit naître à la surface une pellicule , qui ne montre pas de parties discernables , et au dessous de laquelle se forme un tissu celluleux. Suivant Ma- (1) Addition de J. MuUer. COAGULATION DU SANG. ^1 gendie (1), les mailles de ce tissu grandissent peu à peu par la contraction de la fibrine , tandis qu'elles disparaissent sur certains points; entre la partie centrale colorée et la circon- férence transparente, il resterait des ramifications, qui s'uni- raient ensemble à la manière des vaisseaux ou mieux des nervures d'une feuille. Home (2) prétend que le caillot entier du sang est parsemé de canaux ramifiés et réunis en forme de réseau, qui , lorsqu'on place le caillot , dans une dissolution de colle de poisson colorée , sous le récipient de la machine pneumatique , exhalent du gaz acide carbonique et se rem- plissent de cette masse : suivant lui , ils seraient produits par le gaz acide carbonique qui se développe pendant la coagu- lation , de sorte qu'on ne les observerait pas dans le sang au- quel on aurait soustrait son acide gazeux en le soumettant à l'action de la pompe ; il ajoute que ces conduits se déchirent pendant la dessiccation. Je n'ai pas pu parvenir à les voir (*) "'* Phénomènes accessoires de la coagulation du sang, § 670. Passons maintenant à l'étude des circonstances ac- cessoires de la coagulation. 1° La coagulation présente quelques variétés chez les diffé- rens animaux. Ce qui paraît avéré, c'est que, de tous les sangs, celui des Oiseaux se coagule le plus vite , celui des Reptiles et des Poissons avec le plus de lenteur. Mais, pour déterminer le rapport d'une manière exacte , il faudrait des observations multipliées , que nous ne possédons point encore , car les cir- constances individuelles sont la source d'une grande diversité. Suivant Blundell (3), le sang des Chiens commence au bout de dix secondes à se coaguler, et au bout d'une minute il est déjà entièrement solide , tandis que celui de l'homme ne s'épaissit qu'après une minute au plus tôt et en exige cinq pour prendre l'état solide. D'après Thackrah (4), la coagulation demande (1) Précis élémentaire de physiologie, t. II, p. 308. (2) ioc. ci<^., t. m, p. 9-13. (*) Comparez, sur la coagulation du sang, Raspail, Nouv. syst. de chim. organique , p. 372 , pi. IV, fig. 43. (3) Physiological and poithological researches , p. 130. (4) Loc. cit., p. 29. 42 COAGULATION DU SANG. cinq à treize minutes pour le sang du Cheval , deux à dix pour celui du Bœuf , une demie à trois pour celui du Chien], une demie à une et demie pour celui de la Brebis , du Cochon et du Lapin , une demie à une pour celui de l'Agneau , une à deux pour celui du Canard , une demie à une et demie pour celui de la Poule. Fiedler (1) dit que le sang des Pigeons s'épaissit ins- tantanément , et qu'il est solidifié au bout de cinq minutes , mais que c'est seulement au bout de vingt-sept minutes qu'il commence à abandonner du sérum , tandis que celui des La ■ pins ne devient épais qu'au bout de huit minutes , abandonne du sérum au bout de vingt-deux, et en exige vingt-sept pour acquérir la même sohdité que celui des Pigeons au bout de cinq. Chez les animaux sans vertèbres , la coagulation est bien plus incomplète. Il résulte des observations de Carus"(2) que le sang du Limaçon des vignes se coagule en deux ou trois minutes , et qu'il se partage en un tiers de sérum et deux tiers d'un caillot semblable à du gluten peu épais. Celui de TEcre- visse se coagule en une minute , suivant le même auteur , et donne un caillot à la fois plus abondant et plus ferme. Mais Gaspard assure que le sang du Limaçon des vignes ne fait que se séparer en un liquide surnageant bleu , et en un autre plus pesant, incolore ," quoique un peu opaque (3); Erman dit également qu'il ne se partage point en caillot et en sérum, et que c'est au bout de plusieurs semaines seulement qu'il donne , par la putréfaction _, un précipité pulvérulent (4), Selon Blain ville (5), le sang rouge des Annélides ne se coagule pasf non plus , mais laisse , en s'évaporant , une masse gélatineuse qui , après la dessiccation , peut se redissoudre dans l'eau et reprendre le même aspect qu'auparavant ; il ne s'en sépare pas non plus de matière colorante spéciale. 2" La coagulation ne tient point à ce que le sang entre en contact avec l'air; car elle survient même lorsque, immédiale- (1) Diss. de columbarum sanguine. Berlin , 4824 , in-8''. (2) f^on den ceussern Lehenshedimjunijen , p. 86. (3) Journal de Magendie , t. II, p. 295. (4) Ahhandlungen der Akademie zti Berlin , 1816-1817, p. 20!). (5) Cours de physiolog, générale , t. I ,;'p. 305. COAGULATION DU SANG. 4^ ment à sa sortie du vaisseau, on reçoit ce liquide dans un flacon bouché , de même qu'elle s'accomplit , après la mort , dans l'intérieur des cavités closes du corps, tandis qu'on ne l'ob- serve pas après avoir injecté de l'air dans les vaisseaux d'a- nimaux vivans , ou quand , sur des cadavres humains , on trouve de l'air mêlé avec le sang. Mais le contact de l'air la favorise certainement ; il la rend et plus rapide et plus com- plète ; elle a lieu plus faiblement dans un vase étroit ou fermé que dans un vaisseau plat et ouvert (1). Ce phénomène ne paraît point tenir à une action chimique ; car , quoique Scu- damore (2) prétende le contraire , il a été démontré , par les recherches de Davy (3) et de Schrœder (4) , que la coagulation ne s'opère pas autrement dans le gaz oxygène ou dans le gaz acide carbonique , que dans l'air atmosphérique ; elle ne pré- sente même pas de différence sensible dans le gaz hydro- gène (5). Nous devons donc présumer que l'évaporation exerce ici de l'influence , et ce qui le confirnie , c'est que , d'après les observations de Hunter , de Thackrah (6) et de Scuda- more(7) , le sang qui coule lentement, goutte à goutte , et sur une grande surface , se coagule d'une manière plus rapide, quoique le sérum se sépare moins complètement du caillot ; d'ailleurs, suivant la remarque de Gendrin (8) ^ la coagulation est plus lente par un temps humide , tandis que , au dire de Hunter et de Scudamore , elle marche avec plus de rapidité sous le récipient de la machine pneumatique. A la vérité , Davy révoque ce dernier phénomène en doute , mais à tort. Or comme , d'après Scudamore (9) , la plus grande abondance de l'évaporation dans l'air raréfié y fait refroidir le sang plus vite que dans l'atmosphère , cette circonstance pourrait bien (1) Schrœder, loc. cit., p. 9. (2) Fersuchuober das Blut,]). 50. (3) Froriep , Notisen , t. XXIII , p. 294. (4) Loc. cit., p. 81. (5) Ihid., p. 47. , (6) Loc. cit., p. 37. (7) Versiich ueher das Blut , p. 34. (8) Loc. cit., t. II, p. 426. (9) f^&'such ueher das Blut , p. 20. 44 COAGULATION DU SANG. être la cause de raccroissement de célérité qu'éprouve la coa- gulation. 3° Mais la coagulation ne repose pas d'une manière essen- tielle sur le refroidissement. Ce qui le démontre déjà, c'est qu'elle s'observe dans le sang des Reptiles et des Poissons , dont la température change peu ou point après sa sortie du corps ; c'est aussi que le sang , lorsqu'on l'expose à un grand froid , gèle sans se coaguler , puis redevient liquide à la cha '■. leur , et se coagule alors comme le ferait du sang frais , phé- nomène dont nous devons la connaissance à Hev^^son (1). Ce même observateur a reconnu , en outre , que la coagulation est hâtée par la chaleur; dusangplongé dans un bain-marie mar- quant trente à trente-trois degrés de l'échelle réaumurienne , se coagula plus vite que le même sang à l'air dont la tempé- rature était de dix à quinze degrés (2) ; de deux lambeaux de veine jugulaire d'un Chien, qu'on avait compris entre; deux ligatures, puis excisés, l'un fut plongé dans de l'eau froide, et l'autre dans de l'eau chaude; au bout de trois quarts d'heure, le sang du dernier était coagulé , tandis que celui du pre- mier conservait encore sa liquidité (3) ; des lambeaux ana- logues de veine ayant été mis dans de l'eau ou de Thuile à deux degrés, le sang s'y trouva liquide encore au bout de six heures , et ce fut seulement au bout de vingt-quatre heures qu'il s'y montra un peu épaissi (4). J. [Davy a remar- qué également que le sang demeurait liquide pendant plus d'une heure à zéro. Scudamore(5) a vu aussi que la coagulation s'opérait plus promptement à chaud qu'à froid, et que du sang auquel trois minutes suffisaient pour se coaguler dans un flacon où on le laissait refroidir lentement , ne passait à l'état solide qu'au bout de cinq minutes dans une tasse , per- mettant un refroidissement plus rapide , et de sept dans une soucoupe , où sa température baissait encore plus vite (6) , ce (1) Loc. cit., 1. 1, p. 19. (2) Ihid., p. 3. (3) Ihid., p. m. (4) Ihid., p. 75. (5) Versuch ueher dus Blut , p. 17. (6) Ihid. , p. 36. COAGULATION DU SANG. 4^ qui , à la vérité , est en contradiction avec les observations rap- portées plus haut. Gendrin (1) dit aussi que la séparation du caillot et du sérum a lieu avec d'autant plus de rapidité que la température est plus élevée, et qu'elle ne s'opère point à zéro ; cependant il assure avoir observé qu'elle commence plus tôt en hiver qu'en été , ce qui tient peut-être à ce que l'état de la vie n'est point le même pendant cette saison de l'année. Quant à la détermination précise du degré de chaleur, J. Davy croyait avoir remarqué que la coagulation est un peu plus lente à trente degrés de l'échelle réaumurienne et plus rapide à trente-huit , que de vingt à vingt-cinq. Il est plus positif qu'une température égale à celle du corps vivant favo- rise plus que toute autre la coagulation du sang , ce qui ré- sulte des observations faites par Hewson (2) , Schrœder (3) et Thackrah (4) . Ce dernier prétend cependant que la coagulation, qui s'opère en deux minutes de trente à trente-neuf degrés du thermomètre de Réaumur , exige dix secondes de plus depuis quatre jusqu'à huit , et quatre minutes depuis douze jusqu'à vingt-cinq , quoique d'ailleurs la séparation du sérum soit plus facile et plus abondante à une haute température. 5° Enfin , le sang sorti des vaisseaux ne se coagule pas parce qu'il cesse de se mouvoir , car, lorsqu'on le fouette , toute la fibrine qu'il contient se solidifie; mais, l'agitation ne lui per- mettant pas de se prendre en masses d'un grand volume, elle ne produit que des fibres ou des flocons qu'on ne découvre qu'en opérant la filtration. Le sang n'a donc par là perdu qu'en apparence sa coagulabilité, puisque le seul de ses principes qui soit susceptible de coagulation , a pris l'état solide , mais s'est réduit en molécules très-divisées. Suivant Thackrah (5), le mouvement artificiel retarderait la coagulation; mais Scu- damore (6) a trouvé que le sang se coagule plus vite quand on le fouette que quand on le laisse en repos, et Davy , qui le (1) hoc. cit., t. II, p. 424. (2) Loc. cit., p. 5. (3) Loc. cit., p. 48, (4) Loc. cit., p. 3S (5) Loc. cit., p. 38. (6) f^ersuch neber das Blut, p. 34. 46 PUTRÉFACTION DU SANG. contredit sur tant de points , est d'accord avec lui quant à celui-là. b. Putréfaction du sang, § 671. Nous avons peu de chose à dire de la putréfaction , dernier changement qu'éprouve le sang sorti des vaisseaux. Elle dépend de l'eau que ce liquide renferme ; car le sang évaporé jusqu'à siccité, ouïe caillot desséché, ne la subit qu'à la condition qu'on y ajoute de l'eau. C'est sous Tinfluence d'un air chaud et humide qu'elle se développe le plus rapidement, au bout d'environ deux ou trois jours ; dans les cas ordinaires, elle n'a lieu que du troisième au quatrième jour; elle s'établit plus tard dans des vaisseaux clos. Le sang qui la subit devient d'un brun foncé et fétide ; le caillot se ramollit , se liquéfie, et se confond avec le sérum en un liquide onctueux homogène , qui contient des flocons membraniformes bruns et noirs. Ce liquide ne se coagule point à l'air, mais la chaleur de l'ébullition et l'alcool y font naître la coagulation. Il absorbe l'oxygène de l'air atmosphérique, et, au dire de Hunefeld(i), cette absorp- tion est quelquefois accompagnée de phosphorescence ; il se dégage du gaz acide carbonique , du gaz hydrogène sulfuré .et du carbonate d'ammoniaque, tandis qu'en même temps se forme une substance grasse. Au bout d'un certain laps de temps, le sang est converti en une masse épaisse, extrac- tiforme^ et enfin il n'en reste [plus qu'une terre animale, qui ressemble au charbon produit par la combustion , mais qui est grasse et onctueuse. Les dissolutions des principes immédiats du sang ( § 675 ) deviennent troubles quand la putréfaction commence à s'emparer d'elles ; elles déposent une substance floconneuse, qui paraît contenir de la graisse , et qui est soluble en partie dans Tammoniaque; elles dégagent aussi de l'ammoniaque. B. Changemens provoqtœs dans le sang, § 672. Si , pour approfondir la nature dii sang, nous obser- vons les changemens auxquels donnent lieu les puissances ou substances que nous faisons agir sur lui , nous arrivons à (1) Archiv fuer die (jesammte Natiirlehfe , t. VI j p. 481. CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS LE SANG. 4? des résultats qui souvent diffèrent ou même sont opposés entre eux dans les divers cas. Cette différence dépend d'abord des rapports de quantité : suivant que la puissance est plus ou moins forte , la substance plus ou moins concentrée , l'action plus ou moins prolongée , et la masse du sang sur laquelle on opère plus ou moins considérable , il se manifeste des phé- nomènes divers. Les circonstantes concomitantes exercent en outre une grande influence , de telle sorte , par exemple , qu'une même réaction donne des résultats tout-à-fait dif- férons suivant la température. Il faut aussi avoir égard à la méthode préparatoire dont on se sert , à la manière dont on traite le sang avant de le mettre en expé- rience , et au temps qui s'est écoulé depuis sa sortie des vaisseaux. De légères modifications, en tout autre cas à peine appréciables, dans la composition d'une seule et même substance , occasionent également des différences notables , à cause de la susceptibilité extrême du sang; ainsi, par exem- ple, l'acide pbosphorique récemment préparé agit d'une autre manière que celui dont la préparation date déjà de huit jours. Enfin le sang est modifié à tel point, non seulement suivant l'es- pèce , l'âge , le sexe et les individus , mais encore selon l'état présent de la vie dans chaque individu , que sa manière de se comporter avec tel ou tel réactif peut varier par cela seul , et cependant ces modifications sont si légères que , la plupart du temps , les effets seuls nous révèlent leur existence , qu'il nous est impossible de constater en elle-même. Toutes ces circonstances réunies rendent l'étude chimique du sang extrêmement difficile; si nous traçons un tableau gé- néral de l'action d'une puissance, nous courons risque de généraliser ce qui ne dépendait que de certaines circonstances, et si nous entrons dans tous les détails de chaque résultat, nous nous perdons au milieu des minuties , sans pouvoir arri- ver à rien de général. Nous sommes encore dans l'attente d'un homme de génie qui examine l'histoire du sang d'une ma- nière complète et qui sache en déduire des vues exactes et élevées. L'état d'imperfection de la science excusera les lacunes qu'on pourra remarquer dans l'exposé suivant (§ 673-687 ). 4è CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS lE SANG. 4. ACTION DES IMPOHDÉRABIES SUR LE SANG. § 673. Parmi les substances dites impondérables qui peu- vent agir sur le sang , se rangent la lumière , l'électricité et la chaleur. I. L'action de la lumière sur ce liquide est faible. Heide- mann pense que le sang se coagule plus vite à la lumière so- laire qu'à l'ombre (.1) ; mais on pourrait demander quelle est la part qui revient à la chaleur dans la production de ce phénomène. II. V électricité influe sur la température, la coagulabilité et la composition du sang. 1° Wilson (2) a vu le sang se refroidir moins vite sous l'in- fluence du galvanisme ; mais cet effet pouvait fort bien dé- pendre de l'élévation de la température des fils conducteurs : car Schubler a prouvé non seulement que le sang se refroidit par l'électricité , comme le mercure et l'huile , mais encore qu'il descend , comme l'eau , à deux degrés au dessous de la température du milieu ambiant (3). Il suit de là que le premier effet de l'électricité paraît être d'accroître l'évaporation ; car cette dernière est sans contredit la cause du refroidissement. 2° D'après Schrœder (4) et Scudamore (5) , le galvanisme hâterait la coagulation du sang. Gendrin dit aussi qu'elle a lieu plus promptement par un temps orageux (6). Mais Rossi s'est convaincu que le sang se coagule avec plus de lenteur dansj l'air élecirisé , qu'il y donne et un caillot plus petit , plus mou , et un sérum plus jaunâtre (7). Schubler a constaté, par des recherches exactes , que l'électricité en général , et la négative en particulier , relardaient la coagulation , mais que l'électricité positive l'empêchait dans les couches supé- rieures, de manière que la surface paraissait comme dissoute. (1) Reil , Jrchiv , t. VI , p. 423. (2) Ueher die Gesetze der JFunctionen des Lehens , p. 495. (3) Poggendorff, Amialen der Fhysik , t. XXXIX, p. 31S , 344. (4) Loc. cit., p. 84. (5) Fcrsuch ueber das Blut , p. 46. (6) Xoc. czï., t. II, p. 426. (7) Biillet. tle la Soc. raéd. d'Émulation , 1823, p. 634. CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS LE SANG. 49 Ce retard est dû, suivant toutes les apparences , à l'abaisse- ment de la température. 3° Le sang prend une coulem' rouge plus vive , suivant Schrœder (1), par l'effet des commotions électriques, et selon Rossi , clans l'air éleclrisé. Brande a remarqué que le sang renfermé dans le cercle de la pilevoltaïque devient fortement alcalin et noir au pôle négatif, faiblement acide et vermeil au pôle positif (2). Krimer, au contraire , l'a vu prendre une teinte plus foncée et se liquéfier au pôle positif (3). La diffé- rence de ces résultats tient peut-être à celle de la durée et de l'intensité de l'action galvanique. Suivant Schubler(4),le sang liquide devient écarlate et alcalin, avec dégagement de bulles d'air, au pôje négatif, tandis qu'au pôle positif , l'acide qui se développe le dissout et le rend noir; là, en effet, un anneau de couleur foncée , tirant sur le noir, se forme autour du con- ducteur, le caillot se creuse d'une dépression , comme s'il avait été corrodé , et le sérum acquiert une teinte de noir rou- geâtre , due probablement à du cruor noirci qui s'y est dissous. 4° Schrœder a remarqué encore que le sang qu'on avait soumis à des commotions électriques, ou sur lequel on avait fait agir le galvanisme , tombait en putréfaction plus tôt qu'il n'a coutume de le faire. in. Le sang s'empare très-facilement de la chaleur ; s'il est à la température de l'air, et qu'on y plonge le doigt, on éprouve une sensation de froid. Il ne tarde pas non plus à s'échauffer sur le feu. 5° Une chaleur médiocre suffit pour le coaguler. S'il a été étendu d'eau , on voit d'abord une écume verdâtre paraître à sa surface , puis un précipité gris se former; en- suite il se dépose des flocons plus abondans, après la sépara- tion desquels , par le filtre , la liqueur offre une teinte rouge vermeille et conserve encore l'apiitude à se coaguler. En fai- sant agir plus long-temps la chaleur, on obtient un coagulum (1) Loc. cit., p. 83. (2) Home, Lectures , t. V, p. 156. (3) f^ersuch einer Physiologie des Blutes , p. 314. (4) Loc. cit., p. 320. YI. 4 5o CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS LE SANG. abohdanf et gris verdâfre ; la liqueur filtrée est d'un jaune pâle , et ne se coagule point par raddition de l'alcool. Le sang pur s'épaissit promptement à la chafëur, puis s'y dessèche , et se convertit, ou en une masse solide, d'unbrun foncé , ou, si on l'a remué sans cesse , en une poudre noirâtre, qui paraît grasse au toucher, n'éprouve aucun changement dans les vases clos , s'humecte'^un peu à l'air, et se couvre , au bout de quelques mois , d'une elïlorescence de carbonate de soude. Si l'on opère celte coagulation à l'aide d'une douce chaleur, dans un appareil distiilatoire , il passe un liquide aqueux , qui répand une faible odeur animale , se coagule à une chaleur plus élevée , ne tarde pas à se putréfier lorsqu'on le conserve, dépose des flocons , et verdit le sirop de violette. Ce liquide est sans doute identique avec la vapeur qui se dé- gage du sang à la température ordinaire ( § 667 , 2°). 6° A une plus forte chaleur, le sang coagulé sec entre en fusion , se boursoufle , répand des vapeurs grises , qui ont l'odeur de la corne brûlée , et brûle avec une flamme bril- lante. Le charbon qui reste est brillant , noir et difficile à in- cinérer ; d'abord dense et solide , il devient , par les progrès de la combustion, spongieux, très-léger et facile à écraser. La cendre est d'un jaune rougeâtre : elle contient du phos- phate , de l'hydrochlorate et du carbonate de soude , du phos- phate et du cai bonate de chaux, du phosphate de magnésie , du phosphate de fer, quelquefois aussi des traces de manga- nèse et de silice. Si la combustion a lieu dans un appareil dis- tiilatoire, indépendamment du gaz acide carbonique , qui'peut déjà s'être développé avant la combustion , on obtient les pro- duits volatils de la décomposition^ du gaz hydrogène car- boné et du gaz hydrogène sulfuré ; de l'ammoniaque , prove- venant de la combinaison de l'hydrogène avec l'azote ; de l'a- cide hydrocy^inique , composé d'azote , d'hydrogène et de carbone ; de l'huile empyreumatique , qui est en partie rouge et légère, en partie noire et épaisse^ et qui diffère de l'huile végétale par le phosphore et l'azote qu'elle contient , comme aussi par la grande focilité avec laquelle elle s'altère à l'air et à la lumière. Si l'on brûle du sang desséché avec de la potasse, Tacide hydrocyanique qui se produit est fixé par cette der- CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS lE SANG. 5l nière , en même temps qu'il se combine avec le fer, de sorte que la dissolution aqueuse (lessive du sang) contient, entre autres sels, du cyanure de potassium et de fer. Suivant Krimer (1) , le sang frais , soumis à la distillation , donne beaucoup de gaz acide carbonique et peu d'ammonia- que , tandis qu'on obtient du sang putréfié beaucoup d'ammo- niaque, avec laquelle l'acide carbonique est combiné. 2. ACTION DES STJBSTANCES PONDÉRABLES SUR LE SANG. V § 674. 1° En ce qui concerne les gaz : Le sang , mis en contact avec l'air atmosphérique , devient écarlate à sa surface , tandis qu'il conserve une teinte de rouge foncé dans tous les points que l'air n'a pas touchés. Si l'on retourne alors le caillot, lorsqu'il a pris assez de consis- tance pour que le cruor ne puisse plus y changer de place , les couleurs subissent un changement analogue. Si l'on agite du sang noir avec de l'air, dans un flacon, il devient vermeil. La couleur rouge prend plus d'éclat encore dans le gaz oxy- gène , où le sang se coagule avec plus de promptitude , en même temps qu'il s'y pariage en un caillot plus ferme et un sérum plus limpide ; mais si l'action du gaz oxygène se pro- longe , le sang acquiert une teinte plus foncée , et finit par devenir noirâtre , comme lorsqu'on le mêle avec des acidçs,, Dans le gaz acide carbonique , le sang prend une couleur plus sombre , et son rouge tire alors tantôt sur le bleu , tantôt sur le brun ; il se coagule avec plus de lenteur, et se partage d'une manière, moins complète ; le caillot est plus mou , le sé- rum trouble. Le gaz hydrogène fonce également la couleur du sang. Cet effet est plus sensible encore lorsqu'on opère avec du gaz hydrogène sulfuré. Le gaz oxidule d'azote fait prendre au sang une teinte pur- purine. J. Davy a nié dernièrement l'action chimique des gaz sur le sang, notamment l'influence de l'air atmosphérique et du gaz oxygène pour aviver sa couleur rouge. Nous ne citons ici cette (1) Loc. oit,, p. 24Si 52 CHANGEMÊNS PROVOQUÉS DANS LE SANG. particularité qu'à tîîre de phénomène littéraire , car nous se- rons obligés d'y revenir encore lorsque nous étudierons la métamorphose que le sang éprouve dans les poumons. 2° Le sang a une grande affinité pour Veau ; il en absorbe la moitié de son poids, et jusqu'à un poids égal au sien. Ce phénomène s'observe même dans le caillot, qui augmente par là de volume, et dont la proportion au sérum était de 3,26 '. 1, dans les expériences faites par Hey (1), tandis que, sans addi- tion d'eau , elle n'est que de 2,45 ! 1. On dit qu'une plus grande quantité d'eau dissout le sang liquide , et qu'en par- ticulier vingt parties de ce liquide l'empêchent de se coaguler ; mais une telle assertion paraît ne reposer que sur une pure illusion. En pareil cas , la fibrine se coagule , comme si l'on n'avait point ajouté d'eau; mais, étant comparativement moins abondante ( § 684) , et délayée dans une très-grande quantité de liquide, elle est réduite en molécules d'une ténuité extrême, et devient d'autant moins visible , que le cruor se dissout et ne s'attache point à elle ; cependant elle ne tarde point à de- venir sensible à la vue, car elle se précipite au fond de l'eau. Si l'on verse de l'eau sur le caillot du sang, et qu'on la re- nouvelle tous les jours , il ne reste plus que fort peu de cette masse au bout d'un mois ; mais le résidu doit être la totalité de la fibrine que contenait le sang , à moins qu'une partie ne soit devenue soluble dans l'eau par décomposition. En effet, le caillot ramolli par l'eau tombe plus promptement en putré- faction, et , après avoir déposé le cruor devenu plus foncé , il se trouve converti en une espèce d'adipocire. L'eau chaude produit , en vertu de sa chaleur , des caillots dans lesquels de la fibrine se trouve unie à du cruor et à de l'albumine; une ébullition prolongée décompose ces gru- meaux , dont elle convertit une partie en osmazome , qui se dissout dans l'eau. ?)0 Les acides qu'on mêle avec le sang liquide déterminent la coagulation de toutes les parties qui en sont susceptibles , et rendent presque toujours la couleur plus foncée. Ce der- nier etfet est surtout produit par l'acide sulfurique , qui , ainsi que le chlore , colore le sang en noir. (1) Tliackiah , loc. cit., p. 40. CHANGEMENS PPOVOQAÉS BANS LE SANG. 53 L'action exercée sur les principes coagulés du sang (albu- mine , cruor et fibrine) varie sous plusieurs rapports , et en premier lieu quant au degré. Dans des acides forts et concentrés , le coagulum se gonfle , se ramollit et devient semblable à une gelée ferme , mais en même temps onctueux ou fragile. Pendant que ce changement a lieu en lui , il se décompose , principalement sous l'influence d'une température élevée , et l'acide s'empare d'une partie de la combinaison nouvelle ainsi produite , qu'on peut en pré- cipiter par l'addition de l'eau , de l'alcool ou d'un alcali , tan- dis que le reste demeure indissous. Les acides plus faibles ou étendus exercent une influence telle sur le coagulum du sang , à la température ordinaire , qu'il se resserre sur lui-même et devient insoluble dans l'eau. Si alors on enlève l'excès d'acide par des lavages répétés , ou si l'on n'a employé qu'un acide doué d'une faible action , on obtient une combinaison dans laquelle l'acide et le coagu- lum du sang se font équilibre, c'est-à-dire un composé neutre , en quelque sorte salin , et soluble dans l'eau ; mais les matériaux immédiats du sang ont perdu leurs propriétés primitives , par exemple , celle de se coaguler par l'action de , la chaleur, et ils sont plus ou moins décomposés. En second lieu , la qualité des acides et leur affinité pour le sang exercent de l'influence. Les acides qui agissent le plus puissamment sont ceux dont la composition s'éloigne le plus de celle du sang, l'acide sul- furique et l'acide nitrique. Ils abandonnent une partie de leur oxygène au sang, lui enlèvent une portion de son azote, soit pur et à l'état de gaz , soit uni à de l'hydrogène et constituant de l'ammoniaque, soit combiné avec du carbone et de l'hy- drogène, et produisant de l'acide hydrocyanique , de sorte que la partie qui ne consiste qu'en oxygène , carbone et hy- drogène , reste à l'état de graisse , de charbon , d'acide oxa- lique , et d'acide acétique ou d'acide malique. L'acide hydro- chlorique agit avec moins d'intensité , et ne dégage de l'azote qu'avec le secours de la chaleur ; à la température ordinaire , il donne une dissolution de laquelle l'eau précipite une com- binaison neutre de principe constituant du sang avec l'acide. 54 CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS lE SANG. Mais l'acide acétique met le coagulum du sang immédiate- mentdans Tétat qui lui permet d'être dissous par l'eau cliaude. L'acide phosphorique récemment préparé se comporte à la manière des acides sulfurique et nitrique , tandis que l'action de celui que l'on conserve depuis quelque temps se rapproche dé celle de l'acide acétique. L'acide sulfurique précipite les substances liquides sous la forme d'un caillot acide et insoluble ; il fait prendre une cou- leur foncée aux substances coagulées, les ramollit en une sorte de gelée, en dissout une partie, surtout à l'aide de la chaleur, et produit ainsi une liqueur d'un brun rouge ou noire ; il dégage de l'ammoniaque , de sorte qu'il reste du charbon , avec de la graisse et de l'acide acétique. Mais, à chaud , il ' dégage en outre des gaz acide carbonique , acide sulfureux , hydrogène sulfuré , et hydrogène carboné , et ne laisse alors pour résidu qu'un peu de charbon. L'acide nitrique dégage de l'azote ou du gaz nitreux, du gaz acide carbonique et du gaz acide hydrocyanique , et forme de la graisse , avec de l'acide oxalique , ou même de l'acide maUque. i L'acide acétique , comme tous les acides végétaux , et l'a- cide phosphorique conservé depuis long-temps, ne produi- sent ni coagulation ni précipitation de matériaux existans à l'état liquide dans le sang , et convertissent ceux qui sont coagulés en une gelée soluble dans l'eau. 4° Le chlore sépare les matériaux organiques et inorga- niques du sang ; il précipite l'albumine et le cruor, et laisse la soude , la chaux , la magnésie et le fer dissous, à l'état de combinaison avec de l'acide hydrochlorique. 5° Les alcalis carbonates agissent peu ; mais les alcalis caustiques donnent au sang une couleur plus foncée, et l'empê- chent de se coaguler : ils rendent les matériaux liquides plus liquides encore et plus colorés ; ceux qui sont coagulés de- . viennent d'un rouge plus foncé , bruns , noirs , mous , renflés, gélatineux : enfin ils produisent une dissolution d'un brun jau- nâtre ou rougeûtre , qui se trouble quand l'alcali attire à lui de l'acide carbonique , et qui précipite par tous les acides, tandis que les précipités produits par les acides sont redissous CHANGEMENS PROVOQUÉS DANS lE SANG. 55 par les alcalis. L'ammoniaque exerce aussi une action dissol- vante , et quand un commencement de décomposition a fait précipiter le cruor tenu en dissolution dans l'eau ;, elle le re- dissout , et rougit de nouveau la liqueur qui était devenue in- colore. 6° Les sels alcalins neutres avivent la couleur rouge du sang, et empêchent plus ou moins ce liquide de se coaguler; ce dernier effet est surtout produit par Thydrochlorate d'am- moniaque , le sulfate de potasse , le sulfate de magnésie et le tartrate de soude. Ils font prendre aussi une teinte vermeille au caillot. Les sels terreux éprouvent une décomposition ; leur acide se combine avec la soude du sang , et leur terre se précipite , unie à l'acide phosphorique de ce liquide. 7° La plupart des sels métalliques , notamment ceux de plomb, d'argent et de mercure , précipitent les matériaux du sang encore liquides, comme aussi ceux qui sont dissous dans des acides ou des alcalis; leurs métaux forment avec ces principes des composés insolubles , qui ne craignent point là putréfaction , tandis que leur acide se combine avec la-sOMë du sanp. '^* fc^J^iuîid^ 8° V alcool coagule les matériaux liquides^tiô^Sîïfl|*^^èt^>ecQïi dense ceux qui sont coagulés. Avec le co'ilCoUf'â^ê'h'^'halèîirî il en dégage une graisse fétides'- tjMU dissQut'b:^]^ïtt*tîfe\^^^ que l'eau précipite =d© la ïliqtïeiiî-J, 'méi[^i i^mhpê^^X^Û'^ ration... \vw\\\ jj0'>A';^svv\î^ gialeiloT; f^èl-jqq:; ,(iV'.o'^à?\ «V\aiRw -âUàhei^^tâi^hi^mëmmvcml\^mr'^ '^ ili-J'oM oop ia ,s5%gH -hi&p ^Màfiisîbn>dmmid m^^amimtim'^tim^'^&m^m n^yto^^a sang et aug-mepEMiê toï^efisïté'dtf caillot. lÈHê^pr^eipitè teH^imi tériaux énc6re;liqiiidës;;!0^aidi4sbus Sdl'dlaM'ièS^dd^Sr,^^»^ dapsdés falmKà', ,gotfâ i^)f<)i>*Àe!U^^ë to^âïifeê â'ttft^^^ Hâtre V visqûeusB>j4ôSôkiMfe ^ftfsa'èàïi %t!%^l'«iferà"âë4tt'^^r3ét fecti0n^fii:!?.d;!a snunoo ^ î;nr,8 nb afii;]jJÎJeiio-ï «yqi'joiiq nslÛRi j.ni^'>AMimP,tVÛ¥inâ)ii}khiMi}mmàktilA^ Moriie'^^l) , »d«j ^ai^f fraife ^'eift)lape dHthfe cjuahtltéd4ri«i§ é^ale jàliasieiàieii [ eii^ s^ cpaiguM^. l^ m\ioir^¥emé ttpois» ftiisf^j^r flo j Biïinindlfti 'isujwiti sa •mol .oiolooèb Jtnâm'J'itJ^ao ^ioa 56 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. jour avec de l'urine fraîche , était totalement dissous au bout de trois semaines ou d'un mois , sans avoir subi de putréfac- tion. De même , chez les hommes vivans dans la vessie des- quels du sang s'est épanché et même coagulé , ce liquide se dissout peu à peu dans l'urine , avec laquelle il sort. ARTICLE II. De la consÙLution du sang. X. Matériaux immédiats du sang. A. Matériaux organiques. 4. SUBSTANCES ORGAHIQUES QTII SE SÉPARENT d' ELLES-MEMES. § 675. Le sang se sépare de lui-même en trois parties dif- férentes , un liquide limpide comme de l'eau , un liquide rouge, et une substance solide. Conformément à la nature , nous re- connaîtrons donc en lui trois principes immédiats ou essentiels^ savoir : Valhumine (^alhumen, materia alhuminosa)^ qui, avec jlje^reau et des sels , représente le sérum ; le cruor , que Par- gij^ïïj^j-iet Deyeux appelaient tomelline , mais auquel plusieurs chimistes modernes ont donné la dénomination d'hématine, ou d^j^ghémçiti^e^p^ççp(}dineouhématochroUe de Hunefeld, hé- »?»^fime de Blainyill^ .j npm& tous équivoques , puisqu'ils ser- j/^ent aussi à dé^igfLer une; substance particulière de laquelle fiJ»)Mt' Mp^^mM ^Q\hhW .duçiiliar.;; ^^nAs^fikrine (fibrina, 'materia fibrosa) , appelée autrefois lymphe ou lymphe {.plas- tique, et que Moscati a aussi nomméej^wjtjîMbCÎIî^s trois^^sàb- stanfâês.i auxquelles lUQUSiimpQisejppns le cnomcollect^ifidè "^a- iéxitim^. î^^e'ilesoiî)lu;â iropQrjijintes pouB 3B««is^,i;pîarfie di^'un J^ajiit$!me»tf!d.t«t:sin}pléjétinîopÊrant aucuéô -auire )diéCQïPp(^ii!i<^^ suSfit, ppur ies*. j^éparAis, ,éés ;jï»aiilère; quSs 4)0!U3î> àJiînT (h 58 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. par conséquent des caractères particuliers. D'après cela nous devons procéder partout d'une manière comparative si nous voulons arrivera une connaissance approfondie de leur nature. Malheureusement la chimie n'a point encore jusqu'ici épuisé ce sujet , car elle est trop peu dans l'usage d'isoler les sub- stances organiques et d'employer la méthode à laquelle l'a- natomie et la physiologie doivent tant de progrès. Aussi Ber- zelius admet-il que l'albumine et la fibrine ne Constituent qu'une seule et même substance sous le point de vue chimique, et que , si elles diffèrent l'une de l'autre, c'est par quelque cir- constance accessoire, peu importante, mais encore inconnue (1). Cependant , à en juger d'après les qualités physiques , les différences chimiques ne doivent point se réduire à si peu de chose qu'il soit impossible de les saisir par un examen at^ tentif. • a. Propriétés des matériaux organiques du sang, § 676. Examinons d'abord les qualités qui frappent nos sens. i° Nous trouvons avant tout , dans la matière animale , l'ap- titude à se coaguler , c'est-à-dire à se contracter en une masse solide, qui ne peut plus repasser à l'état liquide, ou se dis- soudre dans l'eau , sans subir une décomposition ou un chan- gement de qualités , et nous distinguons cette aptitude de la sécheresse^ c'est-à-dire de la plus grande solidité ou dureté qui résulte de la perte de l'eau interposée , puisque , dans ce dernier cas, le corps peut être ramené à Tétat de liquidité ou de mollesse en lui restituant de l'eau. Nous ne connaissons la fibrine qu'à l'état de coagulation , car elle se coagule aussitôt que nous soumettons le sane à l'observation , tandis que l'albumine , , . ^,, , ,• • , ^ ^U'-'O.! n ;Jog et le cruor persistent a l état liquide , ou peuvent aussi être , , , ,., ,-■,'. ' ' '«q JiU'înq 'iii __._ -J'ps qii 'l ne peut décomposer, contient delà fibrine coagulée , de Valbumine desséchée, niais solublé dans 1 eau , et du cruor. * (1) Traité de chimie , t. VII , p. 74. "'^^ -^ ^•*** -^-^ ^*> MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG* 69 2° C'est le cruorqui donne au sang sa couleur particulière. Coagulé par la chaleur, il est d'un brun rouoe foncé. La fibrine et l'albumine coagulées sont blanches et opaques , la première un peu grisâtre , la seconde tirant sur le verdâtre. 3° Le cruor liquide consiste uniquement en corpuscules ronds et réguliers (§ 664). Le sérum ne contient pas de globules semblables, mais représente une dissolution parfaitement homogène. Ce n'est que quand il se décompose qu'il offre des grumeaux arrondis, produits par l'albumine coagulée et pré- cipitée sous la forme de petites masses. Bauer a vu se former et grossir sous ses yeux de semblables globules, dont la plu- part étaient beaucoup plus petits que ceux du sang , et dont le nombre croissait encore dans le sérum conservé depuis plusieurs semaines (i). Prévost et Dumas les ont observés dans du sérum qui se coagulait sous l'influence du galvanisme ou de la chaleur , et ils leur accordent un cinq cent quatre-ving- tième de ligne de diamètre, volume qui doit être, au reste, fort accidentel , car Treviranus (2) a vu des globules de diverses grosseurs dans du blanc d'œuf en coagulation. Ces globules d'albumine, produits de la coagulation, n'ont aucune analogie lavec les globules du sang qui se trouvent dans le cruor frais, ^à la coagulation duquel ils disparaissent ou se réunissent en grumeaux. Lorsque l'albumine se coagule plus rapidement et en plus grandes masses , on ne reconnaît dans celles-ci ni qu'elles soient composées de globules , ni qu elles affectent la moindre forme régulière. La fibrine du caillot montre des fibres bien distinctes , dont on a dit souvent qu'elles résultaient de glo- bules placés les uns à la suite des autres; mais cette opinion, qui avait été déjà combattue par Senac (3) , entre autres , a été réfutée dans ces derniers temps par Blainville (4). Une seule fois j'ai vu des séries de globules incolores figurant des lignes droites ou arquées-, noais c'était dans du cruor que j'a- vais obtenu en exprimant du caillot qui était resté depuis cinq (1) Meckel , Deutsches Arcliiv, t. V, p. 380. (2) F'ermisclite Schriften , t. I, p. 120. (3) Traité de la structure du cœur, t. Il, p. 279. (4) Cours de physiologie générale , 1. 1 , p. 234. 6o MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. jours à Fair et en partie au soleil , de sorte qu'on ne pouvait plus songer à une coagulation de fibrine , et au bout de quelques minutes tous les globules avaient disparu , de ma- nière que je fus obligé de les considérer comme des bulles d'air. En général , la fibrine ne se coagule point sous la forme de fibres ; à la surface du caillot, elle forme une expansion mem- braneuse , dans laquelle on ne distingue nulle trace de texture fibreuse, et l'eau dans laquelle on a versé du sang frais laisse déposer une masse molle et amorphe , qui ne présente pas plus de fibres que de globules. 4° Le cruor est la partie la plus pesante et la plus matérielle du sang. Il se rassemble surtout dans les couches inférieures du caillot , et perd moins de son volume et de son poids par la dessiccation. A l'état liquide , sa pesanteur spécifique est de 1200 selon Thackrah (1) , tandis que celle de la fibrine humide est de i 046 , d'après Davy , et celle de l'albumine coagulée de 1305 (2). 5° La fibrine que l'on obtient du caillot est cohérente , à peu près comme de la viande peu cuite ; elle s'allonge en fila- mens , se rompt avec un peu de peine , revient sur elle-même, quand on l'a comprimée, et se laisse rouler en boulettes entre les doigts. L'albumine coagulée est un magma glissant , qu'on ne peut ni rouler ni écraser entre les doigts , et qui s'échappe dès qu'on veut le serrer. Le cruor coagulé est fragile , pulvé- risable, et terreux. 6° Par la dessiccation , la fibrine devient brunâtre , dure , cassante. L'albumine coagulée éprouve les mêmes change- mens, mais elle acquiert une teinte plus foncée ^ et prend un peu de translucidité sur les bords. Le cruor , au contraire , ne se resserre pas sur lui-même, comme ces deux substances, mais demeure par fragmens , et sa surface devient noire , en quelque sorte charbonnée. 7^ L'albumine récemment coagulée et humide a l'odeur de la transpiration animale ; le sang de bœuf, par exemple , exhale celle des élables. La fibrine est peu odorante. Le cruor. n'a aucune odeur. (1) Inquiry into the natur ofthe hlood, p. 22. (2) Meckel, Deutsclics ArcMv, t. II, p. 386. MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 6 1 Ces trois substances sont insipides. S° L'albumine passe la première à la putréfaction , puis la fibrine , et en dernier lieu le cruor , même quand il est dissous dans l'eau , ou mêlé avec les deux autres substances déjà pu- tréfiées. Pendant la putréfaction , l'albumine et le cruor dé- gagent , entre autres , du gaz hydrogène sulfuré ; la fibrine parait n'en point donner, et lorsque les circonstances sont favorables , elle se convertit en adipocire. b. Action des corps extérieurs sur les matériaux orgaiiiques du sang. * Action des impondérables. § 677. 1° L'albumine du sérum se coagule par l'action du galvanisme. Quand la pile est faible, la coagulation ne s'o- père guère qu'au pôle positif. Mais si la pile est forte , elle a lieu aux deux pôles simultanément ; de la soude se réunit autour du conducteur négatif , tandis que le caillot placé au pôle positif contient de l'acide hydrochlorique. La coagulation qui s'effectue au pôle positif paraît dépendre du développement de l'acide. Brande attribue celle du pôle né- gatif à la séparation de l'alcali qui déterminait la liquéfac- tion (1). Mais Prévost et Dumas croient que la proportion de la soude augmente dans l'albumine , et que celle-ci se trouve convertie par là en une gelée analogue au mucus (2). Suivant C. Gmelin etBerzelius, le galvanisme ne produit la coagulation que par la chaleur qu'il développe , et il sépare l'albumine à l'état de combinaison avec des oxides du métal qui sert de conducteur (3). 2° Une douce cfea/ewr ne fait qu'expulser l'eau ou dessécher. Par cette évaporalion du liquide dans lequel ils étaient primi- tivement dissous , l'albumine et le cruor deviennent des corps solides , qui se redissolvent complètement dans l'eau. L'albu- mine qui reste après l'évaporation du sérum représente une poudre grise, qu'on peut exposer aune température de quatre- (1) Meckel, Deutsches Jrchiv , t. II , p. 30Û. (2) Bibliothèque universelle de Genève, t. XVII, p. 300. (3) Juhresbericht ueher die Forscliritte der fliysikalischen JVissen- schaften, t, IV, p. 222. 02 MATERIAUX IMMEDIATS DU SANG. vingts degrés sans qu'elle perde sa solubilité. Le cruor desséché est une masse dense et d'un brun noirâtre. La fibrine perd un quart environ de son poids par la dessiccation , se resserre comme du parchemin , devient jaunâtre , dure et cassante , mais reprend dans l'eau la mollesse , la flexibilité et l'élasti- cité dont elle jouissait auparavant . 3° Une chaleur plus considérable coagule l'albumine liquide et le cruor , mais les rend aussi insolubles dans l'eau que la fibrine l'est primitivement. On dit que la coagulabilité du cruor surpasse celle de l'albumine , et qu'après l'avoir étendu d'eau , il suffit de l'exposer à cinquante -deux degrés du thermomètre de Réaumur pour qu'il se prenne en flocons bruns , tandis que le sérum ne se coagule point encore même à soixante degrés (1). Cependant cette différence paraît repo- ser uniquement sur ce que le cruor contient davantage de parties solides que le sérum , ou représente une dissolution plus saturée de substance coagulable , ce qui fait qu'en éten- dant d'eau l'une et l'autre liqueur , on n'en peut point séparer le cruor par une chaleur de cinquante-deux degrés. Le sérum non étendu se coagule à cinquante-sept degrés. Si l'on dissout l'albumine coagulée dans de l'eau , et qu'on fasse coa » uler la liqueur par l'ébullltion. , l'eau surnageante a une saveur salée, et laisse de l'osmazome , avec des sels , lorsqu'on l'évaporé jusqu'à siccité. Si l'on traite le cruor de la même manière > le liquide qui reste présente peu ou point ce phénomène. 4° Pendant la décomposition à une chaleur plus élevée, dont les effets ressemblent beaucoup à ceux delà putréfaction (§671), les trois substances donnent, à ce qu'il paraît, les mêmes pro- duits , mais dans des proportions différentes. C'est du cruor que l'on obtient le moins de gaz; de même, c'est la fibrine qui donne le plus d'ammoniaque , conjointement avec laquelle elle fournit une assez grande quantité d'acide hydrocyanique et d'huile empyreumatique. Du gaz hydrogène sulfuré se dé- gage principalement de l'albumine. La fibrine brûle avec une flamme plus brillante et en ré- 41 (1) Engelhart , Commentatio de vera materiœ sanguini purpureum co- lorem impertientis natura, p. 41. MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 63 pandant une odeur de corne plus prononcée que les deux autres substances : c'est dans le cruor que ces deux phéno- mènes sont le moins sensibles. Le charbon de la fibrine ne devient point tout-à-fait aussi spongieux que ceux de l'albu- mine et du cruor. C'est surtout la cendre qui diffère ; celle du cruor est rougeâtre , celle de la fibrine et de l'albumine blanche : Tacide hydrochlorique donne une dissolution jaune avec la première , et incolore avec les deux autres ; les réac- tifs indiquent des carbonates et phosphates de chaux et de fer dans la cendre du cruor ; de l'hydrochlorate , du phosphate , du carbonate de soude et du phosphate calcaire dans celle de l'albumine ; du phosphate de chaux , avec très-peu ou point de soude , dans celle de la fibrine. ** Action des corps pondérables. § 678. 1" Le sérum absorbe aisément Vair , et devient écumeux quand on l'agite. Le cruor prend une couleur ver- meille à l'air. Il arrive quelquefois à la fibrine d'acquérir une teinte rouge , avant de brunir , mais cet effet n'a lieu que quand elle contient du cruor. La fibrine parfaitement pure , telle qu'elle s'est précipitée du sang étendu d'une grande quantité d'eau , ne rougit point à l'air, quoique Gruithuisen et Berthold affirment le contraire. L'action chimique des gaz porte sur la couleur du cruor et sur la cohésion de la fibrine ; celle-ci devient plus ferme dans l'oxygène, et se ramollit dans l'hydrogène ; le cruor prend une teinte vermeille dans le premier de ces gaz et plus foncée dans le second. Du reste, la grande affinité de la fibrine pour l'oxygène s'annonce aussi par l'action décomposante qu'elle exerce sur le deutoxide d'hydrogène, et qu'on n'observe pas quand on opère avec de l'albumine. 2" Le sérum , comme dissolution aqueuse d'albumine , se mêle à Xeau en toutes proportions , sans éprouver le moindre changement ; un mélange avec deux à trois parties d'eau est même encore assez visqueux. Le cruor se dissout dans l'eau en toutes proportions , avec plus de promptitude et de facilité que dans tout autre liquide. Il donne une dissolution d'un 64 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. rouge clair , dans laquelle le microscope ne fait découvrir aucune trace de globules du sang ou de caillot quelconque. Avec quatre parties d'eau , l'albumine sèche donne une dissolution claire et un peu jaunâtre. Le cruor desséché en donne une vermeille et parfois d'un rouge brun. 3° Les deux substances se coagulent quand on fait chauffer leurs dissolutions ; le cruor donne ainsi des flocons bruns , que surnage un liquide incolore. Mais , même au grand air , elles perdent une partie de leur solubilité , probablement parce qu'elles absorbent de l'oxygène atmosphérique , et ce phénomène a lieu aussi bien quand elles sont solides que quand elles sont liquides. La dissolution aqueuse du cruor donne au bout de quelque temps un sédiment rouge , après la formation duquel la liqueur devient claire comme de l'eau. Quand on enlève par le lavage des taches de sang ré- pandues sur une étoffe , on trouve que le cruor se dépose promptement au fond de l'eau, et qu'il ne la colore en rouge brun que par l'agitation ; il a donc perdu sa solubilité. Le sérufH qui est resté pendant quelque temps exposé à l'air, ou la dissolution d'albumine dans de l'eau aérée , précipite une petite quantité d'albumine , en masses qui troublent légè- rement la liqueur et sont visibles au microscope. Il se forme également quelques flocons dans la dissolution aqueuse de l'albumine desséchée , quand elle est demeurée long-temps en contact avec l'air. Plusieurs chimistes disent que , dans toutes ces circonstances , le cruor passe plus aisément que l'albumine à l'état de coagulation ; cependant cette assertion ne paraît pas être encore bien prouvée. 4° La fibrine est insoluble dans l'eau ; elle se contracte dans l'eau chaude , mais se ramollit par l'ébullition prolongée ; elle paraît alors abandonner à l'eau une petite partie de sa sub- stance , mais qui a probablement changé de nature par l'effet d'une décomposition ( § 673 , 2°). L'albumine et le cruor , dans l'état de coagulation , ressemblent à la fibrine. Chevreul dit bien que la première se dissout dans sept mille parties d'eau ; mais on peut se demander si cet effet ne dépend pas égale- ment d'une décomposition partielle. Du reste, l'albumine pa- raît être celle des trois substances qui adhère à l'eau Javec le MATÉRIAUX IMAIEDIATS DU SANG. 65 plus de force; c'est elle qui se dessèche le plus lard à Tair ; la fibrine , au contraire , est celle dont la dessiccation s'opère le plus rapidement. Quand on triture l'une et l'autre avec de l'eau, l'albumine donne une émulsion plus durable que celle de la fibrine ; de même aussi, quand on fait chauffer le sérum avec parties égales d'eau, l'albumine enveloppe cette dernière dans son caillot. 679, l^La fibrine paraît être dissoute plus facilement et en plus grande abondance parlesae*c?es. Lecruor n'est la plupart du temps dissous qu'en très-petite proportion , la plus grande partie restant à l'état d'une sorte d'oxyde insoluble, quoique, d'un autre côté , la combinaison saliforme et soluble paraisse ne point passer à la forme opposée aussi facilement que celles de fibrine et d'albumine. L'acide nitrique colore l'albumine et la fibrine en jaune, le cruor en vert [tirant sur le brun ou le rouge. L'acide hydrochlorique donne une dissolution bleue avec les deux premières , et d'un brun rouge avec l'autre. La fibrine est celle des trois substances que l'acide acétique at- taque le plus, et l'albumine celle sur laquelle il agit le moins. 2° Mais la fibrine a moins d'affinité pour les alcalis^ et ne s'y dissout point aussi facilement. Ces réactifs attaquent for- tement, au contraire, l'albumine, qui dégage alors , surtout si la dissolution s'opère avec le concours de la chaleur , non seulement de l'ammoniaque , mais encore du gaz hydrogène sulfuré. La chaux paraît également contracter une combinaison solide avec l'albumine , car une dissolution de cette dernière est troublée par l'eau de chaux. 3° Les sels «ewfres n'altèrent ni le sérum ni le cruor liquide. Ce dernier ne reçoit d'eux qu'une couleur rouge plus vive , tandis que ses globules n'éprouvent aucun changement dans leur dissolution aqueuse ; aussi ce moyen est-il celui auquel on peut recourir pour observer les globules plus long-temps sous leur forme primitive. Les sels neutres ramollissent la fibrine, la rendent gélatineuse, et la dissolvent en partie, no- tamment r hydrochlorate d'ammoniaque. L'albumine coagulée et le cruor sont moins attaqués par ces réactifs. 4* Parmi les oxydes métalliques il n'y a que ceux auxquels Voxygène lient peu qui exercent une action sensible. L'oxyde VI. 5 &ê ' MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SA^G. rouge de mercure donne une couleur rouge plus vive au cruor, précipite l'albumine , et fait coaguler la fibrine sous une forme plus solide. L'albumine paraît être celle qui a le plus d'affi- nité pour les métaux ; dans la pile de Volta , elle se combine avec les acides des métaux servant de conducteurs , et pro- duit par exemple un albuminate de cuivre vert , ou un albu- minate de fer de couleur ochracée. Le sérum s'empare aussi d'un peu de cuivre, quand on le fait bouillir dans un vase de ce métal. 5° La dissolution de l'albumine se comporte comme alcali avec les matières colorantes végétales -, celle du cruor agit peu ou point sur elles. C. Caractère chimique des matériaux; organiques du sang. §^680. L La décomposition a fourni les résultats suivans. 1» En traitant la cendre des principes immédiats du sang , tUvi , d'après Engelhart (1) , la dissolution de ces substances , de laquelle toute la matière organique a été précipitée par le chlore , on obtient : de l'albumine , soude , chaux , soufre , , acide carbonique , acide hydrochlorique et acide phospho- rique; du cruor, fer, chaux, acide phosphorique , et peu de soude et de soufre ; de la fibrine , chaux et acide phospho- rique. 2° Michaelis seul a donné une réduction comparative des matériaux immédiats du sang en gaz simples (2). D'après la moyenne du sang artériel et du sang veineux , il en résulte la proportion suivante (*) : Carbone. Azote. Hydrogène, Oxygène. Albumine 52,831 15,533 7,176 24,460 Cruor 52,307 17,322 8,032 22,339 Fibrine 50,907 17,427 7,741 23,925 (1) Loc. cit., p. 50. (2) Schweigger, Journal fuer CJiemie , 1828 , t. III , p. 94. (*) Comparez , à ce sujet, les vues de Raspail , JNouv. syst. de chimie organique , p. 197, 204 et 375. Azote. Hydrogène. Oxygène. 13,705 7,540 23,872 15,550 7,775 26,925 Azote. Hydrogène. Oxygène. 19,934 7,021 19,685 20,590 6,860 19,610 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 6,^ L'albumine contient : Carbone. D'après Gay-Lussac 52,883 D'après Prout 49,750 La fibrine contient : Carbone. D'après Gay-Lussac 53,360 D'après Thomson 52,940 IL Essayons maintenant de déterminer, d'après ce qui pré- cède , quel est le caractère_, particulier des trois matériaux immédiats du sang. 3" V albumine paraît être la moins spécialisée de ces trois substances, car c'est elle qui renferme en plus grande propor- tion ceux des élémens dont le sang , en général , est plus riche qu'aucun autre hquide animal. La prédominance relative du carbone et de l'oxygène la rapproche de la composition végé- tale. Comme c'est elle qui contient le plus d'oxygène, elle se comporte électriquement d'une manière négative , eu égard à la fibrine , puisqu'elle est plus attaquée par les alcalis et moins par les acides, et qu'elle ne décompose pas le d(!utoxyde d'hydrogène. C'est elle aussi surtout qui contient les sels neu- tres, et qui a le plus d'affinité avec l'eau, dont, à l'état de coagulation , elle contient davantage que les autres matériaux du sang ; elle se montre à nous sous la forme purement li- quide, etc'est elle qui se coagule le moins facilement; après la coagulation, elle est encore molle et glissante ; elle se com- bine volontiers avec les métaux , phénomène auquel peut con- tribuer le soufre qu'elle contient ; enfin elle est très-décom- posable , comme le prouvent et la vive action qu'exerce sur elle la pile voltaïque , et la promptitude plus grande avec la- quelle elle passe à la putréfaction. 4° La fibrine , à raison de la moindre quantité d'oxygène qu'elle renferme , se comporte électriquement d'une manière positive , car elle est attaquée plus fortement que les deux autres matériaux du sang par les acides et les sels neu- tres , plus faiblement par les alcalis ; [elle attire à elle l'oxygène du deutoxyde d'hydrogène , et brûle avec une ^^ MATÉRIAUX IMMÉDIATS DÛ SANG. flamme plus brillante que celle des deux autres substances. C'est elle aussi qui contient le plus d'azote , et qui par cela même présente par excellence le caractère de la composition animale. Elle, est combinée avec de la chaux, et elle se dislingue par sa tendance à une cohésion plus forte; elle se coagule aussi- tôt après sa sortie du cercle de la vie , et représente alors une substance solide et dense , qui affecte une forme déterminée. On ne peut pas soutenir qu elle n'est que l'albumine coagulée et plus oxydée (l).t 5° Le cruor est le plus particulier de tous les matériaux cons- tituansdu sang, car la couleur rouge, la forme primordiale de corpuscules séparés les uns des autres, et l'admission d'un métal dans sa composition intime , lui appartiennent d'une manière exclusive, et c'est précisément par ces propriétés que le sang se distingue le plus des autres humeurs. C'est le cruor qui est le plus pesant , qui brûle le plus faiblement , et qui, en brû- lant, donne le moins de gaz, mais aussi le plus d'hydrogène, de sorte que c'est lui qui contient le plus de cette dernière substance, dont il y a moins dans le sang que dans toute autre liquide. L'analyse n'a point confirmé qu'il soit fort riche en carbone, et comparable, sous ce rapport, au pigment de l'œil ou à certains principes colorans des végétaux , l'indigo par exemple (2) ; mais elle a démontré que la nature basique prédomine en lui; car elle a fait voir qu'il est, de tous les matériaux constituans du sang, celui qui contient le moins d'oxygène. 6*» Le cruor et la fibrine paraissent être des développe- mens plus élevés de l'albumine ; aussi ne sont- ils point encore complètement formés chez les animaux sans vertèbres , dont le sang contient plus d'albumine , et ne renferme ni véritables globules sanguins (§ 664, 1°), ni fibrine parfaite ( § 670, 1° ). La quantité moins considérable des globules sanguins dans le sang des Poissons et des Reptiles , et la lenteur plus grande avec laquelle il se coagule , annoncent également que le cruor et la fibrine sont moins développés ici que^ chez les animaux vertébrés supérieurs. (1) Treviianus, Bioloijie , t. IV, p. 364, 559, 573. ^2) Hunefehl, Physiohtjwhe Chcmic , t, JI, p. 66, 79, MATÉRIAUX IMMÉDIATS DD SANG. 69 d. Rapports entre les matériaux organiques du sang, § 681. Passons maintenant à l'examen des rapports qui exis- tent entre les divers matériaux conslituans du sang. I. Ces matériaux n'ont point d'affinité chimique les uns pour les autres. Non seulement la fibrine , mais encore le cruor sont insolubles dans le sérum : les globules du sang nagent dans ce liquide, sans changer de forme; l'albumine et le sel neutre du sérum détruisent leur solubilité dans l'eau. Mais peu à peu ils se décomposent, et se dissolvent dans le sérum, qu'ils colorent alors en rouge. Suivant Denis (1), la chaleur opère aussi cette dissolution , qui donne un liquide onctueux, ayant la teinte du café au lait , et dont on ne peut point pré- cipiter le cruor seul en continuant de la chautfer. Le cruor a une grande affinité d'adhésion pour la fibrine , de sorte qu'il faut une énorme quantité d'eau pour détruire complètement la combinaison de ces deux substances dans les globules du sang. IL Sous le rapport de la quantité , le premier rang appar- tient au cruor ; il y a moins d'albumine , et moins encore de fibrine. Les évaluations qu'on a données des proportions res- pectives de ces trois substances s'éloignent beaucoup les unes des autres , attendu que non seulement l'individualité du su- jet dont on examine le sang, mais encore la méthode qu'on suit , et même la manière plus ou moins complète dont on exécute l'évaporation , donnent lieu à de grandes différences. Nous rapporterons, à titre d'exemples, les indications sui- vantes , calculées d'après mille parties de sang humain. Albumine. Cruor, Fibrine. Read Clanny 134 160 28 J. Davy 38 221 23 Denis 78 150 12 Le même 60 181 2 Berthold 81 180 1 Le même 75 150 5 Read Clanny (2) a opéré sur les substances non décompo- (1) Loc. cit., p. 93. (2) Archives générales de médecine, t. XVIII, p. 290. ^O MATERIAUX IMMEDIATS t)U SANG. sées et humides : Davy (1) et Denis , dans sa première éva- luation (2) , les ont prises également non décomposées , mais sèches ; Berthold (3) paraît avoir décomposé en partie le cail- lot, puisque ce dernier contenait une portion de la quantité d'albumine qu'il signale ; dans sa seconde évaluation, Denis (4) prit les matériaux du sang décomposés, c'est-à-dire après en avoir extrait la graisse , l'osmazome , la cruorine, le ier , la soude , la chaux et les sels neutres. 1" La proportion de l'albumine non décomposée ( partie coagulable du sérum ) au caillot , ou au cruor et à la fibrine pris ensemble , est, chez l'homme, de 1 '. 6,421 d'après Davy, et de 1 : 2,076 suivant Denis. Selon Prévost et Dumas (5), la proportion est , le Pigeon , de 1 : 3,319 dans le Cochon d'Inde, de 1 : 1,467 le Corbeau 1 : 2,599 le Chat 1" 1,428 la Poule 1 : 2,493 le Lapin 1 1,373 le Héron 1 : 2,239 la Chèvre 1 : 1,223 le Chien 1 : 1,889 le Veau 1 1,101 la Tortue 1 : 1,868 le Cheval 1 1,025 le Canard 1 : 1,772 la Truie 1 : 0,880 l'Homme 1 : 1,492 la Lotte 1 : 0,732 la Grenouille 1 : 1,487 l'Anguille i" . 1,638 D'après ces données , l'albumine l'emporterait sur le cruor et la fibrine chez les Poissons ; ces deux dernières substances auraient, au contraire, la prédominance chez les Mammifères, et atteindraient le maximum chez les Oiseaux , dont enfin les Reptiles se rapprocheraient assez. Suivant Berthold , la pro- portion de toute l'albumine du sang au cruor et à la fibrine, pris ensemble , est , dans le Pigeon, de 1 ! 3,148 dans le Chat 1 : 2,468 le Chien 1 : 3,126 l'Homme 1 : 2,232 la Poule 1 : 2,643 la Carpe. 1 : 2,010 (1) Meckél, Deutsches Archiv, t. I, p. 138. (2) Journal de Magendie , t. IX , p. 218. (3) Beitrœge zur Anatomie , p. 259. (4) Rech. expérim. sur le sang, p. 297. (5) Meckel, Deutsches archiv , t. VIII , p, 314. MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. ^1 ;leCochon, de 1: 1,947 l'Agneau ° 1 ! 1,356 le Bœuf 1 : 1,915 la Grenouille 1 : 1,227 le Veau 1 : 1,474 la Chèvre 1 *. 1,159 2° Chez l'homme , la proportion entre la fibrine et le cruor est, terme moyen, de 1 °. 44. Lecanu l'a trouvée, dans un cas, de 1 *. 33, et dans un autre de 1 *. 63 ; Berthold, dans un cas, de 1 : 27, et dans un autre, de 1 '. 95.. Denis pense qu'elle est ordinairement de 1 I 72. Suivant Berthold , elle est, 2 : 17 dans le Cochon de 1 : 41 dans le' Bœuf de le Chat 1 : 36 le Pigeon le Chien i: 28 la Grenouille la Chèvre 1 :2o la Carpe le Veau et le Mouton 1 : 19 la Poule } 6 D'après cela, c'est chez l'homme que le cruor l'emporterait le plus sur la fibrine ; puis viendraient les Mammifères carni- vores, les Mammifères herbivores, enfin les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons. 2. SUBSTANCES ORGANIQUES EXTRAITES BU SANG PAR l'aRT. § 682. Outre les matériaux immédiats dans lesquels le sang des Mammifères se partage toujours de lui-même , on a en- core extrait de ce liquide d'autres sortes de substances ani- males, dont l'existence réelle et générale dans le sang est plus ou moins problématique. En effet , quelques unes d'entre elles n'ont été trouvées qu'après l'action de puissances chimiques douées d'une grande énergie, de sorte qu'il n'est point hors de vraisemblance qu'elles tiraient leur origine d'une portion du sang, dont on connaît la grande tendance à se décomposer , et qu'en conséquence elles n'étaient que des métamorphoses ou de nouvelles combinaisons d'albumine , de cruor et de fibrine. Si l'on rencontre quelquefois dans le sang des substances qui appartiennent en propre à certains liquides sécrétoires , ce n'est point là une preuve que leur présence y soit normale , puisque le sang vivant lui-même est continuellement en échange de matériaux avec le reste de l'organisation. Il se peut qu'après la suppression d'une sécrétion , une substance 72 MATERIAUX IMMEDIATS DU SANG. analogue à son produit se développe dans le sang, sans qu'on soit pour cela autorisé à croire qu'elle y préexiste générale- ment. D'un autre côté , et plus fréquemment encore , des produits de sécrétions peuvent arriver dans le sang par voie de résorption , car il n'est pas rare, comme le dit Velpeau (1) entre autres, qu'en cas de suppuration d'une partie quel- conque , le sang contienne du pus , qu'on ne peut pas plus considérer comme un de ses matériaux essentiels, que le plomb , le mercure, etc. , qu'on y remarque également après l'application de ces métaux à la surface de la peau ou des membranes muqueuses. Les'principes immédiats et les plus essentiels du sang (l'albu- mine, la fibrine, le cruor) en sont précipités par l'alcool , sous la forme de flocons , après quoi Ton peut extraire du liquide limpide et spiritueux qui surnage des substances organiques particulières et des sels neutres. La méthode la plus simple en pareil cas, est la suivante , qu'indique Lecanu : on évapore la liqueur alcoolique jusqu'à siccité , et l'on traite le résidu par de l'éther. I. Une portion de ce résidu se dissout dans l'éther, après l'évaporation duquel on traite le reste par l'alcool à froid. 1° L'alcool en dissout une partie , que l'on extrait ensuite , et qui constitue une matière oléagineuse. S** La portion non dissoute représente une graisse cristal- lisable. IL Le résidu insoluble dans l'éther est traité par l'alcool à froid. 1° Une partie se dissout , et donne par l'évaporation une matière extractive . 2° Ce qui n'a point été dissous par l'alcool à froid est mis en contact avec de l'alcool bouillant. On obtient ainsi : a. Une dissolution d'hydrochlorates , avoc un peu de ma- tière extractive. b. Un résidu insoluble , qui , traité par l'eau froide , a. se dissout en partie, abandonnant à l'eau une combinai- son d'albumine avec de la soude et des sels ; (1) Archives générales , l. TIJ , p. 306. MATÉRIAUX IMMISdIATS DU SANG. 75 h. laisse un résidu constitué par un mélange d'albumine et de cruor (1). A regard de ces diverses substances : 1° La matière extractive , autrefois appelée sérosité , a été regardée jusqu'ici comme identique avec la substance que Thénard nomme osmazome ( extrait de viande , de Thouve- nel; extractif animal, de Marcet). On obtient l'osmazome en faisant agir la chaleur ou l'alcool sur l'un ou l'autre des trois matériaux du sang , comme aussi sur une partie quelconque, solide ou liquide , du corps animal. Quand le sérum ou le cruor est coagulé par la chaleur , l'osmazome reste à l'état liquide , soit autour du caillot, soit dans ses interstices. On peut l'en retirer par l'expression ou par la digestion dans l'eau; après Tévaporation et le refroidissement, elle se pré- sente sous l'aspect d'une gelée. Si l'on fait cuire ensemble de la fibrine et de l'eau , dans une machine de Papin , une partie de la première se convertit en osmazome et se dissout dans le liquide, qui, soumis ensuite à Tévaporation, laisse un ré- sidu blanc , sec et friable ; la fibrine restante a perdu sa so- lubilité dans l'acide acétique, ce qui annonce qu'elle a subi une décomposition. On obtient également de l'osmazome en faisant digérer de l'albumine sèche ou coagulée , du cruor, ou de la fibrine. Si l'on évapore l'eau ou l'alcool , l'osmazome paraît sous la forme d'une substance extractiforme jaune ou d'un brun rougeâtre. Elle n'est point susceptible de cristalliser; son odeur et sa saveur sont celles du bouillon de viande ; à l'état sec, elle attire l'humidité de l'air ; exposée à la chaleur, elle entre en fusion , se charbonne , en répandant des vapeurs acres de carbonate d'ammoniaque et d'huile empyreumatique, et laisse une cendre qui contient du carbonate de soude. Elle se dissout dans l'eau , tant à chaud qu'à froid , et dans l'al- cool. Le tannin la précipite de sa dissolution , sous la forme de flocons , qui, à chaud , ne tiennent point les uns aux autres, comme ceux^qui se produisent dans la gélatine. L'acide sul- f urique , l'acide hydrochlorique , le nitrate d'argent , celui de mercure et l'acétate de plomb la précipitent également. (1) Bulletin des se. méd., t. XXVI , p. 138. ' 74 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. Sa''consistance gélatineuse et sa propriété de précipiter par le tannin l'avaient fait considérer comme de la gélatine par Hewson, Fourcroy, Vauquelin , Parmentieret Deyeux. Mais sa solubilité dans l'alcool et la nature du précipité qu elle donne par le tannin ne permettent point d'admettre ce rappro- chement. Bostock l'assimile au mucus, parce que l'acétate de plomb la précipite ; mais cette propriété appartient aussi à l'albumine, et le mucus n'est point précipité par le nitrate de mercure. Brande (1) soutient que la sérosité est de l'albumine, avec un excès de soude , parce qu'une dissolution alcaline d'albumine ne se coagule point complètement par la chaleur, et que le galvanisme , en séparant la soude , empêche totale- ment la formation de la sérosité ; mais la ressemblance de la sérosité avec l'osmazome s'élève contre cette manière de voir. Suivant Berzelius , c'est un mélange de matière soluble dans l'alcool et l'eau , avec du lactate de soude , du chlorure de potassium et du chlorure de sodium , mélange dans lequel l'acide lactique se fait reconnaître par l'âcreté de sa saveur, par sa propriété de précipiter au moyen du tannin , par sa coloration en brun jaune , et par l'attraction exercée sur l'hu- midité atmosphérique. Cependant plusieurs chimistes nient l'existence de l'acide lactique , dans lequel ils ne voient que de l'acide acétique^, et, en admettant une matière particulière soluble dans l'alcool , Berzelius n'a fait que signaler une la- cune de la science. Treviranus (2) soutient que l'osmazome est de l'albumine avec de l'acide lactique , parce que les aci- des font passer l'albumine à l'état gélatineux ; mais cette opi- nion doit être restreinte en ce sens qu'on peut aussi obtenir de l'osmazome avec la fibrine pure et avec le cruor. Il est donc permis de conjecturer que , sous l'influence de la chaleur ou de l'alcool , une partie de la matière animale attire à elle les chlorures et les lactates , à la faveur desquels elle acquiert la propriété de se dissoudre dans l'eau et dans l'alcool. Au reste, Lecanu prétend que la matière extractive du sang diffère de l'osmazome, notamment en ce qu'elle est précipitable parles acides. (1) Meckel, Z>eî/J5c7jes Archiva t. II, p. 284. (?) Biologie j t. IV, p. 552. , MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 7 5 2" L'acide lactique s'obtient de la dissolution d'osmazome dont on a précipité la matière animale par le tannin. Il est d'un jaune brun , fait naître une saveur acide dans la bouche , ré- pand à chaud une odeur piquante , ne cristallise pas , s'hu- mecte à l'air, se dissout dans l'eau et l'alcool , ne se volatilise point , et donne des sels particuliers , tant avec les terres et les alcalis , qu'avec les oxides métalliques. On ne le trouve qu'en petite quantité dans le sang ; car, suivant Berzelius, il ne forme , avec la matière animale qui représente l'osmazome par son mélange avec lui, qu'un deux cent cinquantième du sérum. Berzelius admet, il est vrai seulement pour être conséquent avec ses idées sur la nature excrémentitielle des acides animaux, qu'il ne se forme point dans le sang, mais s'y introduit parla résorption , afin d'être ensuite évacué. Cependant on peut aussi se demander s'il no se produirait pas dans le sang par l'eflet d'une décomposition , comme il prend naissance dans le lait et dans plusieurs substances végétales par celui de la fermen- tation acide. 3° On ne découvre ordinairement point de graisse libre dans le sang. Deyeux et Parmentier n'en ont jamais trouvé. De quelque quantité d'eau qu'on étende le sérum et le cruor , ils demeurent toujours clairs^ et si l'on prétend qu'un peu de graisse s'imprègne dans le papier à travers lequel on filtre du sang frais (1) , toujours est-il que ce phénomène n'a point lieu dans les cas ordinaires , et que la tache qu'on remarque alors sur le papier n'est pas grasse. On a quelquefois trouvé le sang, ou son sérum, blanchâtre et d'apparence laiteuse. Ce n'est pas toujours de la graisse qui lui communique alors ces qualités , comme il résulte manifestement des recherches de Hunter ; elles dépendent parfois d'un mélange de chyle , car Prout , entre autres , les a surtout observées dans le sang tiré quel- ques heures après le repas (2) , ou bien elles sont dues à du lait absorbé , ce dont Anderson a vu un cas ciiez un homme qui , trois heures après avoir bu beaucoup de lait , fut saigné pour des douleurs qu'il éprouvait à la région épigastrique , et (1) Weber, Anatomie des Menschen , t. I, p. 99, (2) Meckel,DéM^sc/jes ArcMv^X, V, p. 245, ^6 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. dans le sang duquel l'analyse chimique démontra la présence du lait (1). Mais il y a des cas où l'apparence laiteuse du sang tient réellement à la présence de la graisse. Thackrah(2) s'en est convaincu chez des animaux chargés d'embonpoint , comme aussi chez de jeunes animaux (à la mamelle?) , à la surface du sang desquels se formait quelquefois une pelli- cule crémeuse. Adams dit avoir trouvé, sur le sang de la veine cave études sinus cérébraux d'un homme replet, et mort tout à coup d'empoisonnement , une si grande quantité de graisse qu'on pouvait l'enlever avec une cuiller (3). Hevs^son n'a ren- contré de la graisse dans le sang que chez les personnes qui avaient une mauvaise digestion et qui éprouvaient de fré- quens vomissemens (4). Thackrah (5) en a observé chez un épileptique, atteint en outre de pléthore et d'une inflammation du bas-ventre; Stoker (6) chez un diabétique; Marcel (7) , dans la diabète et l'hépatite ; SewartTraill (8) dans rinflammation et le delirium tremens ; Christison (9) dans le rhumatisme aigu et l'inflammation. Suivant ce dernier, le sérum avait une pesanteur spécifique moindre que 'de coutume; la graisse s'y élevait de 0,03 à 0,05 ; elle avait une^ forte odeur d'huile , conservait l'état solide à vingt-cinq degrés de l'échelle réau- murienne , ne devenait complètement liquide qu'à vingt-huit, et, à trois degrés au dessus de zéro, se séparait en élaïne et en oléine, quand on l'étalait sur du papier gris, Sevi^art Traill a extrait 0,025 à 0,045 de graisse d'un sérum lactescent, en le faisant évaporer. D'après tous ces faits la graisse n'existe que rarement a l'état de liberté dans le sang , et l'on ne peut douter qu'elle n'y soit parvenue par absorption , chez des sujets dont la plupart étaient frappés de maladie. ; (1) Archives générales, t. XXIII, p. 416. (2) Loc. cit., p. 31. (3) Bulletin des se. médic., t. XI , p. 248. (4) Expérimental Inquiries , t. I, p. 141-150. (5) Loc. cit., p. 120. (6) Scudamore, Fersuch neler dos Blut, p. 146. (7) Hiinefeld , loc. cit., t. II , p. 225. (8) Archives générales, t. II, p. 291. (9) Frôriep, ]Sotizen,X. XXYU, p. 284. MATÉRIAUX IMMÉDiATS DU SANG. ^'^ Home (1) a trouvé de la graisse dans le sang des Raies et des Saumons , et il admettait qu'elle existe également dans celui de l'homme , mais à l'état de combinaison. Cette opinion est assez généralement adoptée , parce qu'en effet on obtient de la graisse lorsqu'on agite du sang avec de l'éther, ou qu'on le fait soit digérer, soit bouillir dans de l'alcool , et qu'après avoir filtré la liqueur, on l'évaporé à siccité , ou on la préci- pite par l'eau. Mais, quoique Ghevreul prétende que ces ma- nipulations ne font rien perdre de leurs qualités primitives aux matériaux immédiats du sang , il ne s'en élève pas moins des doutes contre l'opinion qui suppose l'existence de la graisse toute formée dans le sang. Une substance grasse ou huileuse se produit dans diverses décompositions de ma- tières végétales, comme lorsqu'on traite le gluten par des acides , ou même seulement quand on fait agir des vapeurs aqueuses sur du charbon de bois incandescent. Il s'en forme une aussi pendant la décomposition complète du sang par la putréfaction , de même que par l'action de l'acide sulfurique ou de l'acide nitrique. Pourquoi l'éther et l'alcool ne donne- raient-ils pas lieu au même phénomène? L'éther a besoin, pour se charger d'huile, de rester mêlé pendant plusieurs jours avec le sérum , suivant Babington (2) , et l'alcool ne prend de la graisse qu'à la condition du concours de la chaleur. Or un traitement semblable fait obtenir de la graisse non seulement de chacun des trois matériaux immédiats du sang indistincte- ment , mais encore du cerveau , des nerfs , des muscles , des membranes fibreuses , de l'épiderme , des poils , des ongles et de tous les liquides albumine ux , même des substances azo- tées en général. D'après cela, si cette graisse préexistait, elle ne serait point une substance particulière , mais bien la matière animale générale. De plus, si elle entrait réellement dans le sang, comme principe constituant, sa quantité devrait être jusqu'à un certain point proportionnée à l'état de la nu- trition ; mais Denis (3) , qui d'ailleurs voit en elle un véritable élément du sang , n'a jamais remarqué rien de semblable , {11) Lectures , t. III, p. 27. (2) Medico-chirurijical revieiu , t. XXYII, p. 208. (3) Rccii. expér sur le sang, p. 296. ^8 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. malgré le grand nombre de ses recherches , et le sang traité par l'alcool lui a donné , terme moyen , 0,0076 de graisse chez les personnes grasses et pléthoriques, tout comme chez les sujets maigres et exsangues. Il fait remarquer (1) que cette graisse exhale encore une odeur d'esprit-de-vin , quoi- qu'on ait employé une chaleur forte et soutenue pour en chas- ser l'alcool, circonstance qui indique une combinaison intime. D'ailleurs , elle diffère d'une manière essentielle , non pas seulement de celle qui existe dans le tissu cellulaire , mais même encore de celle qui, d'après les observations précé- dentes, se rencontre parfois à l'état de liberté dans le sang; en effet, d'après Chevreul, elle contient de l'azote et du phosphore , ce qui fait qu'en briÀlant elle donne de l'ammo- niaque et de l'acide phosphorique ; elle cristallise en lames brillantes , elle forme émulsion avec l'eau , et elle n'est point saponifiable par les alcalis , de sorte qu'elle ne peut pas être combinée avec la soude dans le sang. Tout porte donc à pen- ser qu'elle n'est qu'un simple produit de la déconiposilion. Du reste , indépendamment de la graisse rouge , Denis (2) a encore trouvé des traces d'une autre graisse blanche; mais Lecanu distingue une matière huileuse, qui se dissout à froid dans l'aloool , et qui laisse à l'incinération un résidu sans acide , outre une graisse solide , qui cristallise en lames blan- ches , se dissout dans l'alcool bouillant , et donne par la com- bustion une cendre contenant de l'acide phosphorique. 4° On a admis une série de matières colorantes particulières comme entrant dans la composition du cruor, parce qu'en va- riant les modes de décomposition , on a obtenu des produits diversement colorés , et ces diverses matières ont reçu des noms spéciaux. Suivant Yauquelin , on obtient la matière colorante du sang en versant sur le caillot quatre parties d'acide sulfurique , préalablement étendues de huit parties d'eau , chauffant le tout pendant six heures à une température de 56° Réaumur , filtrant la liqueur, et ajoutant de l'ammoniaque ; le précipité (1) Ibid., P..85. C2) JHd., p.lOl. MATERIAUX IMMEDIATS DU SANG. ^9 qui se produit est purpurin; la dessiccation le rend noir et brillant , et il ne contient pas de fer (1). Mais il est impossible que ce soit là un principe organique ; car nulle substance or- ganique ne pourrait supporter une telle action de la part de l'acide sulfurique et de la chaleur, sans se résoudre en ses élémens , qui donneraient lieu à de nouveaux produits. Du reste , cette matière colorante se distingue suffisamment du cruor par son insolubilité dans l'eau et sa grande solubilité dans les acides et les alcalis, avec lesquels elle donne des liqueurs purpurines. 5° La glohuline de Lecanu se prépare en prenant du sang frais , fouetté et étendu d'eau , y versant du sous-acétate de plomb , pour précipiter l'albumine , filtrant la liqueur^ préci- pitant le plomb par du sulfate de soude , séparant l'acide hy- droclilorique par l'alcool et l'ammoniaque , et lavant le résidu avec de l'eau bouillante. Elle est d'un rouge brun , con- tient du fer, ne se dissout ni dans l'eau ni dans l'alcool , forme avec l'acide hydrochlorique une combinaison soluble dans l'alcool , et donne par les alcalis une dissolution rouge , dans laquelle le chlore , l'acide hydrochlorique, l'acide acétique et l'infusion de noix de galle font naître des précipités (2). 6» Suivant Treviranus , il faut comprendre au nombre des matériaux du sang V acide hématique , qui s'obtient en faisant rougir du charbon de sang avec de la soude , et traitant en- suite le tout par l'alcool -, la liqueur évaporée donne des cris- taux jaunâtres et un liquide rouge-brun , qui tous deux rou- gissent par l'addition du nitrate de fef! Cependant il est reconnu , surtout par Engelhart (3) , que cet acide est une combinaison d'acide hydrocyanique avec du soufre , ou ce qu'on nomme l'acide hydrosulfocyanique , et qu'il ne doit sa production qu'à la décomposition du sang par la chaleur. 7° Gmelin considère comme le principe colorant du sang la gliadine , que l'on obtient en faisant bouillir le caillot avec de l'alcool , et filtrant la liqueur, d'où elle se dépose en flocons (1) Meckel , DeutscJws ArcUv ,t. III , p. 298. (2) Bulletin des se. médicales , t. XXII, p. 242. (3) loc. cit., p. 28. 80 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. gélatiniformes d'un rouge clair. Elle contient beaucoup de , fer. Suivant Berzelius , la gliadine est de l'albumine végétale, 8° Vérythrogène est une substance verte, cristallisable , et soluble dans l'alcool , que Bizio a trouvée dans un sang dégé- néré par la maladie et putride , et qui , d'après lui , produi- rait la matière colorante ropge du sang en se combinant avec de l'azote (1). 9° Sigwart admet dans le cruor un pigment brun, de saveur particulière , avec un arrière-goût amer, qui se dessèche en une masse résiniforme , s'humecte à l'air, et se dissout com- plètement dans l'eau. Il en suppose également un jaune dans la sérosité. L'un et l'autre s'obtiennent par la digestion avec l'alcool , et ne sont probablement autre chose que de l'osma- zome. 10° La cruorine , que Denis (2) range parmi les principes immédiats du sang , s'obtient en faisant bouillir du cruor ou de l'albumine, mais surtout de la fibrine , dans de l'eau, fil- trant la liqueur , l'évaporant jusqu'à siccité , et lavant le ré- sidu avec de l'alcool chaud. C'est une substance incolore, de saveur agréable , mais cependant un peu styptique , insoluble dans l'alcool, soluble dans l'eau, etprécipitable parle tannin. Comme elle est soluble dans l'eau froide , et que cependant on ne peut l'extraire du sang au moyen de l'eau, ces deux circonstances indiquent bien positivement qu'elle n'existe pas toute formée dans ce liquide. 11» On a encore admis diverses substances indéterminées dans le sang. Berzelius indique , outre l'osmazome , une matière animale soluble dans l'eau seulement, et non dans l'alcool. Lecanu regarde cette substance comme de l'albumine gélatineuse , c'est-à-dire comme un mélange particulier d'albumine et de soude. Home (3) admet, dans le sang, un mucus transparent, élastique et soluble dans l'eau , plus une gelée transparente , (J) Froiiep, Notizen , t. YI, p. 161. (2) Loc. cit., p. 108. ^3) Loe, cit., t. m , p. 27; t. Y, p. 100. ^ MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 8l également sol uble dans l'eau, au milieu de laquelle nage- raient les globules formés de fibrine. Sigwart dit avoir trouvé , après l'extraction des deux ma- tières colorantes indiquées plus haut , que le résidu contenait non seulement une matière soluble dans Teau et l'alcool , et précipitable par le tannin, mais encore une autre matière animale, qui ne se coagule point par la chaleur, et qui produit seulement , par Févapwation , des pellicules insolubles dans l'eau et l'alcool. Il n'est pas douteux qu'en variant le mode d'application de la chaleur, de l'alcool, des alcalis , etc., on ne puisse décou- vrir d'autres substances encore , qui seraient des variations seulement de celles dont nous venons de parler (l^-S"). La connaissance de ces produits pourra enrichir la chimie ani- male , pourvu toutefois qu'on s'attache à bien faire connaître la série des transformations dont une même substance est susceptible quand on la soumet à des agens divers , qu'on procède d'une manière comparative , et qu'on embrasse le sujet dans sa totalité , au lieu de ne s'attacher qu'à trouver des substances nouvelles, qu'on isole ensuite les unes des autres , et qu'on présente comme autant de matériaux réels du corps organisé. 12° Tiedeniann (1) place la ptyaline parmi les principes immédiats du sang. On en a fait de même à l'égard de l'urée , parce qu'elle a été trouvée dans le sang après l'extirpation des reins. Nul doute que , quand les sécrétions seront déran- gées ou la résorption augmentée , ce liquide ne "puisse con- tenir aussi de la matière biliaire , de la spermatine , etc.; mais on n'a point encore présenté d'argument satisfaisant à l'appui d'une opinion rangeant un produit sécrétoire quelconque parmi les principes normaux du sang , et, d'après ce que nous savons de cette humeur, il n'est pas à présumer qu'on arrive jamais à établir sûrement de telles hypothèses. B. Substances inorganiques qui existent dans le sang, § 683. Plusieurs substances inorganiques entrent dans la composition du sang. (1) Traité de physiologie , t. I, p. 357, VI. 6 82 MATÉRIAUX IMMÉDIATS BU SANÔ. 1<» Veau se place au premier rang. On l'extrait par rêva poration à une douce chaleur , et l'on en calcule la quantité d'après la diminution que subit le poids du sang. A la vérité , l'évaluation à laquelle on arrive ainsi n'est point rigoureuse , puisque la vapeur aqueuse entraîne avec elle quelques autres parties du sang ( § 667 , 2°) ; mais l' inexactitude qui résulte de là n'est pas assez considérable pour qu'on ne puisse la né- gliger. Terme moyen , la proportion de l'eau aux parties solides du sang est d'environ 0,75 I 0,25. Denis (1) a trouvé pour maximum d'eau 0,86 , et pour minimum 0,70 , de sorte qu'il porte le terme moyen à 0,78. Thackrah l'évalue à 0,75 , Whiting et Lecanu à 0,78 , Bostock à 0,88 , Berzelius à 0,90 ; les anciennes évaluations , qu'on trouve réunies dans Hal- 1er (2), varient de 0,63 à 0,93. D'après les recherches de Berthold , le sang de la Grenouille contient 0,90 d'eau , celui de la Carpe 0,85 , celui de la Chèvre 0,83 , celui du Pigeon et du Mouton 0,82 , celui du Veau et de la Poule 0,80 , celui du Bœuf 0,79 , celui du Chien , du Chat et du Cochon 0,75 , celui de l'homme 0,73 à 0,76. Le sérum contient à peu près les neuf dixièmes d'eau , de sorte que ce liquide y est , par rapport à l'albumine et aux sels, dans la proportion de 0,9 à 0,1. L'eau du sérum s'élève à 0,678 selon Read Clanny , 0,888 d'après Bostock , 0,875- 0,905 suivant Berzelius , 0,900 d'après Marcet, 0,907 selon Davy. Prévost et Dumas ont examiné le sérum de plusieurs animaux sous ce point de vue , mais sans arriver à aucun ré- sultat spécial ; le sérum du Lièvre était celui qui contenait le moins d'eau (0,890); venaient ensuite ceux de l'homme , du Cochon d'Inde et de l'Anguille , puis du Veau , du Cheval, du Canard , de la Tortue , etc., jusqu'au Pigeon, dont le sérum était le plus riche en eau (0,944). Cependant il ressort de là que la proportion de l'eau aux parties solides du sérum est , à très-peu de chose près , la même chez les divers animaux ver- tébrés. (1) Loc. cit., p. 265. Cl) Elem,physiolo3„ t. ïl,V>9S. i MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 83 On 'trouve clans le caillot , terme moyen , 0,730 d'eau et 0,270 de parties solides. Les matériaux coagulés du sang retiennent de l'eau, le cruor moins que les deux autres (0,54), la fibrine davantage (0,05), et l'albumine plus encore (0,85 à 0,90). 2° Le sang frais et encore chaud , mis sous le récipient de la machine pneumatique , dégage de l'air, répand des va- peurs , et devient écumeux. Il faut que cet air ait été contenu en lui ; car, bien que le sang absorbe l'air atmosphérique avec beaucoup d'avidité, après sa sortie des vaisseaux , il ne se cou- vre pas moins d'écume lorsqu'on le porte sous le récipient immédiatement après l'avoir tiré. Il bout aussi à gros bouillons sur le feu. Rosa croit que cet air est mêlé , à l'état de .o-az , avec le sang. Suivant Ackermann , il y existerait à celui de de- mi-gaz. L'une et l'autre hypothèses manquent de preuves. Nous n'avons rien qui nous autorise à concevoir l'air autrement que combiné dans le sang , et par conséquent sous forme li- quide. Mais il est très-naturel que des circonstances mé- caniques et chimiques le déterminent à s'échapper sous celle de gaz. Presque tous les sangs qu'on examine au mi- croscope contiennent des bulles d'air (§ 665) , dont il se dé- gage beaucoup pendant la coagulation (§ 669, 1°). La quan- tité d'air que le sang laisse échapper paraît être très-variable et dépendre en partie de circonstances accidentelles : Haies l'estimait à un trente-troisième du sang(l). Quant à la nature de cet air, Parmentier et Deyeux le regardaient comme de l'air atmosphérique, tout en avouant que leurs nombreuses ex- périences n'avaient pas toujours donné le même résultat à cet égard. Krimer (2) dit avoir trouvé;, dans quatre expériences , 0,18 à 0,26 d'acide carbonique, 0,17 à 0,52 d'oxygène et 0,66 à 0,62 d'azote. Ackermann (3) le considérait comme de l'oxygène. La plupart des observateurs ont constaté que le sang frais donne de l'acide carbonique sous le récipient de la machine pneumatique. Brande dit en avoir retiré deux pouces (1) Hallev, Elem. physiol., t. II, p. 124. (2) Fersuch einer Physiologie des Blutes, p. 481 , 184. (3) De comiustionis lentœ phœnomenis j quçs vitam organicam consti- iuunt , p. 7, 84 MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. cubes d'une once de sang(l), quantité qui paraît être trop forle. D'après Scudamore (2) , la plus grande proportion est d'un demi-pouce cube pour six onces de sang. Cependant, suivant Read Clanny, elle s'élève à 0,06 du sang à l'état de santé (3). Humphry Davy a obtenu de douze onces de sang 1,8 pouce cube de gaz , consistant en 1,J pouce cube d'acide carboni- que et 0,7 d'oxygène. Jean Davy nie , au contraire, que du gaz acide carbonique se dégage hors du cas de putréfaction ; car il refuse cet acide au sang frais , prétend qu'il l'absorbe , et assure qu'il ne le laisse point échapper à la température de soixante-quinze degrés (4). Cependant il se dégage du gaz acide carbonique quand on ajoute de l'acide phosphorique étendu ou de l'acide acétique au sang (5). 3° Outre cet acide et l'acide lactique , dont il a été parlé précédemment ( § 682 , 2° ) , on trouve encore de l'acide hy- drochlorique et de l'acide phosphorique quand on décompose le sang; celui-ci principalement combiné avec du fer et de la chaux, dans la cendre du cruor et de la fibrine , celui-là surtout , uni à la soude , dans l'extrait alcoolique de l'albu- mine. Lorsqu'on rencontre de l'acide sulfurique , il paraît n'être qu'un produit de décomposition , et devoir naissance à l'oxygénation du soufre. 4° Le sang contient de la soude pure , de sorte qu'il verdit le sirop de violettes ; l'action sur les couleurs végétales se pro- nonce plus encore dans le sérum. La soude est unie avec l'al- bumine , et d'une manière si intime , qu'il est difficile de J'en séparer, qu'on n'y parvient que par de fréquens lavages. Lors- que l'albumine coagulée commence à se décomposer peu à peu , la soude s'effleurit. Du reste, suivant Denis (6j , elle s'é- lève de 0,001 à 0,002 du sang. 5° Du carbonate de chaux se trouve dans la cendre du sang et de chacun de ses principes immédiats; on peut l'en ex- (1) Home, Lectures, t. lïl , p. 8. <2) Fersuch ueber dus Blut , p. 89. (3) Archives générales de médecine , t. XVIII, p. 290. (4) Heusinger, Zeitschrift fuer die oryanische Physik, t. II , p. 394. (5) Hunefeld , Physiologische Cehmie , 1. 1 , p. 242, {f>)Loc.cit.,i>.271.' MATÉRIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 85 traire par les acides , d'où on le précipite par les alcalis. On le découvre aussi, à l'aide des réactifs, dans une dissolution aqueuse de laquelle on a précipité les substances animales par le moyen du chlore gazeux. Suivant Denis, sa quantité égale à peu près celle de la soude. 6° Les sels forment, suivant lui, 0,0086, et selon Stevens, 0,013dusang. Ils se composent de chlorure de sodium (0,0042 du sang , d'après Davy) , de chlorure de potassium (0,0036) , et de phosphate calcaire (0,0008), avec des traces de phos- phate de magnésie. Selon d'autres, Berzelius surtout , on y trouve aussi du phosphate de soude. Ces sels s'obtiennent tant en lessivant la cendre et faisant cristalliser la liqueur, qu'en ayant recours aux acides convenables , qu'on précipite en- suite par l'ammoniaque. 7° Parmi les substances combustibles , on distingue le sou- fre, combiné avec de Thydrogène , qui annonce sa présence tant par la propriété qu'il a de noircir Targenl exposé aux vapeurs du sérum bouillant , que parce qu'il se dégage du gaz hydrogène sulliiré pendant la putréfaction ou la distilla- tion de l'albumine et du cruor. Le phosphore , combiné avec du gaz hydrogène , se manifeste également pendant la distil- lation du sang. 8° On reconnaît la présence du fer dans le cruor brûlé : son charbon est attiré par l'aimant , et la cendre donne avec l'acide hydrochlorique une dissolution rouge , de laquelle du fer est précipité par l'ammoniaque , l' hydrosulfate d'ammo- niaque , l'hydrocyanate de potasse , et aussi , quand la disso- lution a été saturée au moyen de l'ammoniaque , par l'infusion de noix de galle. Le seul cas où l'on ne trouve pas de fer dans la cendre est celui où l'on a ajouté de l'acide hydrochlo- rique au sang, parce que le chlorure de fer qui se produit alors se volatiUse , comme l'a éprouvé Rhades (û) , qui, en dis- tillant avec de l'hydrochlorate d'ammoniaque le résidu de la combustion du caillot , obtint du chlorure de fer et d'ammo- niaque. Imhofprétendait aussi avoir attiré du fer avec l'aimant, en faisant agir celui-ci sur le caillot non brûlé , mais desséché (1) Diss. de ferro sancjuinis humani , p. l'J, 86 MATÉRIAUX IMMÉDIATS BU SANG. et réduit en poudre ; mais il est vraisemblable qu'une carbo- nisation partielle avait eu lieu , car l'expérience générale a enseigné que le sang desséché avec circonspection n'est point affecté par l'aimant (1). Comme on ne peut non plus démon- trer la présence du fer dans le cruor liquide à l'aide d'aucun réactif, elle a été totalement révoquée en doute par Wells. Mais Engelhart (2) a découvert que, quand on a fait passer un courant de chlore gazeux à travers une dissolution aqueuse de cruor, de manière à précipiter toute la matière animale , le fer (à l'état de chlorure ) peut être démontré dans la li- queur à l'aide de tous les réactifs , et obtenu en même quan- tité que de la cendre. Il se précipite également lorsqu'on ajoute de l'acide nitrique à une dissolution de cruor dans de rhydrocyanate de potasse ou dans de Thydrosulfate d'ammo- niaque (3) , comme aussi , selon Prévost et Dumas, quand on commence par décomposer la matière animale du cruor par l'ébullition avec de l'acide nitrique, et qu'après avoir filtré la liqueur on y ajoute de l'hydrpcyanate de potasse ou d'ammo- niaque (4). Quant à ce qui concerne les quantités proportionnelles , Rhades a trouvé dans la cendre du cruor 0,517 de sels solu- bles dans l'eau et o,483 de fer ; Berzelius a obtenu de cette même cendre 0,500 d'oxyde de fer et 0,075 de sous-phos- phate de fer, en tout, par conséquent, 0,546 d'oxyde de ÎFer, ce qui équivaut à 0,379 de fer métallique. Engelhart a trouvé (5) qu'il y avait 0,05 de fer dans le cruor sec. La quantité du fer, dans le sang entier, est, ternie moyen, d'un millième. E.hades l'a trouvée, dans un cas, de 0,0019, et dans un autre de 0,0023. Les nombreuses recherches que De- nis a faites (6) , lui ont procuré un minimum dQ 0,0003 et un maximum de 0,0020. (1) Hunefeld, Physiologische Chemie , t. I, p. 49. (2) Loc. cit., p. 50.- (3) Ihid., p. 25. (4) ioc, cîY., t. II, p. 60, (5) Loc. cit., p. 51. (6) ioc. ci^., p. 272. MATERIAUX IMMÉDIATS DU SANG. 87 Wurzer dit avoir trouvé , dans le charbon du sang humain, outre 0,054 d'oxyde de fer, 0,017 d'oxyde de manganèse (1), C. ProportiorC^ des ^'principes constituans. § 684. Denis a donné un aperçu des quantités proportion- nelles des principes constituans du sang entier, et, quoique son évaluation ait besoin encore d'être rectifiée sous plus d'un rapport, on peut cependant s'en servir pour le moment. Denis admet (2) quinze matériaux immédiats , dans les pro- portions suivantes , sur dix mille parties de sang : Eau Cruor Albumine . . . Graisse phosphorée Chlorure de sodium Chlorure de potassium Fibrine .... Osmazome . . . Cruorine . . . Soude. .... Carbonate de chaux Phosphate de chaux Oxyde de fer. . . 7320. 1814. 600. 76. 42. 36, 25. 13. 10. 20. 26. 8. 10. En classant ces substances^ on obtient les proportions suivantes. A. Substances organiques. ........ 2538, a. Se séparant d'elles-mêmes . . , 2439. a. Cruor 1814. h. Albumine 600. c. Fibrine , 25. b. Séparées par l'art a. Graisse. ..... 76. b. Osmazome. .... 13. c. Cruorine 40. 99. (1) Schweigger, Journal fuer Chemie , t. LYIII , p. 481, 2) Loc. cit., p. 117, 297. 88 CÔNSTIÏUTION CHIMIQUE Dlj SANG. B. Substances inorganiques , 7462, a. Substances solides 142. a. Sels neutres. .... 78. h. Sels terreux 8. c. Chaux 26. d. Soude ...... 20. e. Fer . 10. b- Eau .... 7320. D'après Lecanu , les proportions ont été les suivantes dans deux cas : a b a b a b. A.*^ Substances organiques. 2068 2029. a. Séparées d'elles-mêmes. . . . 2001 1925. a. Cruor 1330 1196. h. Albumine. .... 650 694. c. Fibrine 21 35. b. Séparées par l'art 67 104. a. Matière grasse. . . 24 43. h. Matière huileuse . . 13 22. c. Matière extractive . 18 19. d. Albumine et soude. . 12 20. B. Substances inorganiques . 7906 7943. a. Substances solides 105 87. U galvanisme sur le SAN6. Mammifère , pourvu qu'il ne contienne pas de globules, on ^ n'aperçoit plus d'ondes , probablement parce que la limpidité du sérum les rend invisibles. Mais il se fait au pôle zinc un dépôt de globules d'albumine , qui là augmentent de dedans en dehors , attendu que ceux qui s'appliquent les premiers autour du pôle sont repoussés par les nouveaux dépôts qui se produisent sans relâche. D'après les vues que Dutro- chet a saivies dans l'application de la pile galvanique à des substances animales, on .devrait considérer l'albumine du sérum du sang comme un corps électro-négatif , parce qu'elle se dépose au pôle zinc ou positif. Mais ce dépôt est le résultat de la coagulation de l'albumine par l'acide des sels décomposés qui s'accumule au pôle zinc, et s'il ne se fait pas de dépôt d'albu- mine au pôle cuivre , c'est que l'alcali tient là cette substance en dissolution. Cependant , lorsque la pile est très-forte , il se précipite aussi de l'albumine au pôle cuivre, comme l'a montré Gmelin , et ce phénomène tient alors vraisemblablement à la chaleur qui est mise en liberté. Evidemment c'est des sels con- tenus dans les liqueurs qu'il dépendque la dissolution de jaune d'œuf ne dépose point de caillot au pôle zinc d'une pile de la force de celle dont j'ai fait usage , mais qu'elle y produise seulement une onde opaque , qu'un caillot se produise au con- tact des ondes émanées des deux pôles , et qu'au contraire le sérum du sang dépose de l'albumine au pôle zinc. Lassaigne coagula de l'albumine au moyen de l'alcool , et la lava avec ce menstrue jusqu'à ce que le nitrate d'argent attestât qu'elle ne contenait plus de chlorure de sodium. De cette albumine ainsi coagulée il se dissout 0,007 dans l'eau- Cette petite por- tion dissoute n'était point coagulée par la pile voltaïque, parce qu'elle ne contenait point de chlorure de sodium, car elle se coagulait dès qu'on y ajoutait du sel (1). Si je voulais expliquer mes expériences d'après les prin- cipes de Dutrochet, l'albumine du jaune d'œuf serait neutre, parce qu'elle ne se coagule qu'au contact des deux ondes , et celle du sérum du sang serait électro-négative , parce qu'elle se coagule au pôle zinc. Mais il suffit , comme je l'ai éprouvé , (1) Annales de chimie;, t. XX, p. 97. ACTION DU GALVANISME SUR LE SANG. j49 d'ajouter un peu de sel marin à la dissolution de jaune d'œuf, pour qu'elle se coagule au pôle zinc et qu'il ne se forme plus d'ondes. Si l'on expose à l'action de la pile galvanique une goutte largement étalée de sang de Grenouille ou d'un Mammifère , les bulles ordinaires de gaz se forment autour du pôle cuivre, et l'albumine se coagule au pôle zinc, sous la forme d'un magma incohérent de granulations, absolument comme il arrive quand on traite le sérum du sang de la même manière. Les corpuscules du sang ne s'amassent ni au pôle positif ni au pôle négatif, la fibrine ne se coagule ni plus tôt ni plus tard qu'autrement , et elle ne le fait ni au pôle positif ni au pôle négatif , mais dans toute la largeur de la goutte , entre les deux pôles , et tout autour à quelque distance des pôles. Immédiatement autour des.pôles les corpuscules du sang su- bissent une décomposition , à cause des acides eî, des alcalis qui s'accumulent sur ces points. Ceux du sang de Grenouille se rapetissent un peu , tant auprès du pôle zinc , qu'auprès du pôle cuivre , mais sans cependant se réduire jusqu'à leurs noyaux ; dans tout le reste de la goutte , ils ne subissent aucun changement. La décomposition paraît se faire, près du pôle cuivre, aux dépens de la matière colorante ; car, aussi loin que les bulles de gaz hydrogène s'amassent autour de ce pôle , il se dépose aussi une substance d'un brun clair et filante , qui se mêle avec les bulles. Ce mélange , examiné au microscope , consiste en bulles d'air et en corpuscules san- guins rapetisses, qui tiennent les uns aux autres. La fibrine se coagule au moment ordinaire dans toute la goutte , sans nul changement des globules, et cette coagulation a lieu delà même manière lorsqu'on emploie du sang artériel ou veineux de La- pin, au lieu de sang de Grenouille. Si , en opérant sur du sang frais de Grenouille , on enlève le caillot qui se forme, jusqu'à ce qu'il ne s'en produise plus , il reste enfin un mélange de globules et de sérum. On obtient davantage de ce mélange en agitant un peu le caillot qui s'est produit. Une goutte , lar- gement étalée et exposée à l'action de l'appareil galvanique , présente les mêmes phénomènes que le sang frais , à l'excep- tion de la fibrine, qui manque ici. Les globules ne s'accumu- 1 5o ACTION DU GALVANISME SUR LE SANG. lent ci au pôle positif ni au pôle négatif , et restent à leur place dans toute la goutte. Au pôle zinc se forme un dépôt pultacé de globules d'albumine , comme quand on galvanisei le sérum , si ce n'est qu'ici il est coloré en rouge par des glo- bules. Au pôle cuivre se produisent l'écume ordinaire et la sub- stance brunâtre et filante , provenant de globules décomposés. Cette matière brunâtre et filante s'obtient également lorsqu'on jiîêle avec une dissolution de potasse un mélange de globules et de sérum de Grenouille dépouillé de caillot. Un mélange de globules et de sérum provenant du sang fouetté de Mam- mifère ne dépose point de matière filante au pôle cuivre. Il nous reste encore à exaniiner comment se comportent avec la pile voltai que, et une dissolution de matière colorante du sang , dépouillée autant que possible de sérum , et la fi- brine débarrassée de tous globules. Sien lave du caillot rouge de sang de Mammifère jusqu'à ce qu'il soit dépouillé de sérum , et qu'ensuite on lave de nouveau dans un peu d'eau le caillot rouge qui reste encore , là première eau contient de la matière colorante avec beaucoup de sérum , et la seconde de la matière colorante avec peil de sérum. En exposant à l'action de la pile de Volta une goutte de cette dernière dissolution aussi chargée que possible de matière colorante , j'ai obtenu des résultats différens , selon que je fermais la chaîne avec les fils de cuivre eux-mêmes , ou que j'ajoutais à celui du pôle zinc , qui s'oxide fortement , un bout de fil de platine, pour mettre hor.s de jeu l'oxidation du cuivre. Dans le premier cas , les phénomènes ont été diffé- rens de ceux que décrit Dutrochet : dans le second ils ont été les mêmes. Lorsque j'employais de simples fils de cuivre pour fermer la chaîne , il se produisait , autour du pôle zinc , un caillot pultacé rouge d'albumine et de matière colorante du sang. Ce caillot allait toujours en augmentant , parce que l'anneau rouge formé autour du pôle se trouvait chassé par le dépôt survenu en avant de lui. Mais les dépôts subséquens sont moins rouges, et la plupart n'ont qu'une teinte de gris-blanc. La coa- gulation a lieu tout autour du fil : cependant le caillot s'étend un peu plus vers le pôle cuivre qu'il «'a coutume de le faire à la pé- ACTION DU GALVANISME SUR lE SANG. l5l ripbérie du pôle zinc. C'est une sorte de précipité , qui a la forme des ondes dans les expériences précédentes, mais qui se compose d'une bouillie consistante. Au pôle cuivre on remarque le développement ordinaire de gaz et quelquefois une onde très-peu marquée , dans laquelle la matière colorante est tout aussi dissoute que dans le reste de la goutte ; le bord de cette onde est un peu plus rouge. Dutrochet en fait une onde rouge, ce qui est absolument sans motif. C'est la dissolution alcaline de matière animale qu'on observe ordinairement autour du pôle cuivre qui tient ici , comme le reste de la goutte , de la matière colorante en dissolution , tandis que de Talbamine et de la matière colorante se coagulent au pôle zinc. Quand la lame de verre repose sur un fond blanc ^ on n'aperçoit pas l'albumine coagulée autour du pôle zinc , et l'on ne voit alors que le bord rouge provenant du premier caillot rouge qui s'est déposé autour de ce pôle et que de nouveaux dépôts ont successivement distendu. Si l'on pose la lame de verre sur un fond noir, on voit qu'il n'y a pas d'onde transparente qui chasse devant elle une bande rouge , comme le dit Dutrochet, mais que la bande rouge est tout simplement le bord égale- ment coagulé du caillot qui s'est produit au pôle zinc. Du- trochet décrit autrement les phénomènes de l'action du galvanisme sur la dissolution de la matière colorante : il aperçut deux ondes ; l'onde acide au pôle zinc était transpa- rente , et , eu s'accroissant , chassait devant elle la matière colorante rouge , qui s'accumulait autour de cette onde , comme au dehors d'elle; Tonde alcaUne du pôle cuivre, aii contraire , était prise par la matière colorante rouge. Les deux ondes , en se réunissant , produisaient un caillot léger, prove- nant de l'albumine du sérum. La matière colorante rouge se combinait presque en entier avec ce caillot. De cette expé- rience, où la matière coloi-ante est dite fuir le pôle po- sitif et s'amasser au pôle négatif , Dutrochet conclut que cette substance est électro-positive, conclusion que l'expérience elle-même ne justifie nullement. J'ai déjà dit que quand j'employais des fils de cuivre pour fermer la chaîne galvani- que, la matière colorante se coagulait de suite, avec de l'al- bumine , autour du pôle zinc , et que le caillot rouge était l52^ ACTION DU GALVANISME SUR LE SANG, seulement distendu de plus en plus par de nouveaux caillots d'albumine. Lorsqu'au contraire, pour éviter l'influence ré- sultant de l'oxidation qu'éprouve le fil de cuivre , je terminais celui-ci par un bout de fil métallique non oxidable , en platine par exemple, j'obtenais presque entièrement les phénomènes décrits par Dutrochet. Il se produisait réellement , au pôle cuivre et au pôle zinc, des ondes qui marchaient l'une vers l'autre; celle du pôle cuivre et celle du pôle zinc avaient tou- tes deux un bord rouge bien sensible. Dutrochet a omis cette circonstance dans l'onde du pôle cuivre , et cependant elle est fort importante. L'onde du pôle cuivre n'est pas plus rouge que la matière colorante hors de l'onde : son bord seul est plus rouge , de sorte qu'il y a inexactitude quand Dutrochet dit que la matière colorante s'accumule au pôle cuivre ; j'ai répété l'expérience un très-grand nombre de fois , et jamais je n'ai observé celte accumulation. Lamatière colorante rouge s'éloigne même jusqu'à un certain point du pôle cuivre , dans le bord rouge de l'onde , absolument comme , dans le bord rouge de l'onde de l'autre pôle , elle s'éloigne aussi du pôle zinc. Si l'onde du pôle cuivre n'est pas plus rouge que la ma- tière colorante de la goutte hors de l'onde , l'onde du pôle zinc est , au contraire , réellement moins colorée dans l'inté- rieur que le liquide situé hors de l'onde, mais elle n'est pas non plus absolument incolore. Le bord de l'onde plus transpa- rente de ce pôle est plus rouge que celui de l'onde du pôle cuivre , qui frappe aussi par sa coloration plus intense ; au bord de l'onde du pôle cuivre la matière colorante est à l'état de dissolution concentrée , et au bord de celle du pôle zinc elle consiste en de très-petits globules. Dans mon opinion , cette expérience a une grande analogie, quant au résultat , avec celle qui consiste à faire agir la pile voltaïque sur une dissolution de jaune d'œuf. L'onde acide du pôle positif chasse ici des globules blancs devant elle , comme l'onde acide de la dissolution de matière colorante chasse des globules rouges ; cependant l'onde acide de la dissolution dé jaune d'œuf est trouble , et celle de la dissolution de matière colorante est transparente et un peu décolorée. L'onde alca- line du pôle cuivre se comporte de la même manière dans les ACTION DU GALVANISME SUR lE SANG. î53 deux cas ; dans tous deux, elle est claire ; dans la dissolution de jaune d'œuf , elle contient de l'albumine dissoute , et dans celle de matière colorante , de la matière colorante également dissoute. Dans la dissolution de jaune d'œuf , l'onde alcaline est claire , tandis que l'albumine du reste de la goutte cou; tient aussi des globules ; dans la dissolution de matière colo- rante , l'onde alcaline est claire , comme la matière colorante du reste de la goutte. Si , en opérant sur la dissolution de matière colorante , on n'emploie que de simples fils de cuivre pour fermer la chaîne , de la matière colorante et de l'albumine se coagulent au pôle zinc ; si l'on ajoute un peu de chlorure de sodium à la dissolution de jaune d'œuf , l'albumine se coa- gule au pôle zinc. Quand on mêle un peu de sel marin à la dissolution de matière colorante , elle se comporte , même sur le fil de platine , comme la dissolution salée de jaune d'œuf : il ne se produit pas d'ondes , et un caillot blanchâtre se forme au pôle zinc. D'après toutes ces circonstances , je regarde comme non prouvée l'opinion émise par Dutrochet que la ma- tière colorante du sang est électro-positive. Dutrochet , qui considérait les noyaux des globules comme les parties constituant la fibrine du caillot , prit du caillot dé- pouillé de la matière colorante par le lavage , ou de la fibrine incolore, et en opéra la dissolution dans de l'eau alcaline. En- suite il exposa cette dissolution à l'action de la pile voltaïque. Il se dégagea beaucoup de gaz hydrogène au pôle négatif, et du gaz oxygène au pôle positif. Mais les deux ondes n'eurent point lieu ; la fibrine dissoute s'accumula seulement au fil po- sitif ou au pôle zinc. Dutrochet conclut de là que la dissolution alcaline de fibrine se comporte comme un sel neutre , dont l'alcali se rend vers le pôle négatif et l'acide vers le pôle po- sitif, et que la fibrine est électro-négative. Or on sait que la fibrine se comporte avec les alcalis et les acides de manière à pouvoir jouer tantôt le rôle d'une base et tantôt celui d'un acide. De sa manière d'agir à l'égard des acides on aurait pu conclure le contraire de la proposition établie par Dutrochet, puisque la fibrine est apte à former des corps neutres avec les acides minéraux. Cependant il est nécessaire d'examiner les expériences elles-même de ce physicien. Je les ai trouvées l54 AGTION DU GALVANISME SUR lE SANG. exactes dans la plupart des points. Toutes les fois que j'ai exposé une dissolution de fibrine du sang dans une eau faible- ment alcaline à l'action de la pile galvanique , sur un verre de montre ou sur une lame de verre, j'ai obtenu une faible quantité de caillot pultacé blanc au pôle zinc. Or comme j'avais pris la fibrine du sang de Bœuf battue , et que je l'avais lavée assez long-temps sur le filtre, je pouvais être à peu près certain qu'elle ne contenait ni sérum ni sels du sérum, de sorte que, au premier coup d'œil , la dissolution alcaline de cette sub- stance semble se séparer en fibrine électro- négative et alcali électro-positif. Mais , en tirant cette conclusion , on ne songe point aux sels que la fibrine épuisée par le lavage contient comme parties constituantes d'elle-même , et dont la décom- position parla pile peut produire un dégagement d'acides au pôle zinc , et faire ainsi coaguler la fibrine par la formation d'un corps neutre. Cependant il y a des objections plus gra- ves encore à élever contre l'expérience elle-même. Le résul- tat décrit par Dutrochet n'a lieu que quand on se sert de fils en cuivre pour fermer la chaîne ; on ne l'obtient pas lors- que , pour éviter l'oxidation de l'extrémité du fil de cuivre du pôle zinc, on garnit celui-ci d'un. bout de fil en platine, comme je m'en suis convaincu dans toutes mes expériences à €6 sujet. Dutrochet paraît n'avoir employé que des fils de cui- vre. S'il se trouve un fil de platine au pôle zinc , le dégage- gement de gaz est le même , et l'on voit encore plus de gaz écumeux au pôle zinc , parce que ce fil ne s'oxide point , comme celui de cuivre. Mais il ne se produit pas non plus le moindre vestige de caillot au pôle zinc. De là on doit conclure que la formation d'un caillot au pôle zinc d'un fil de cuivre plongeant dans la dissolution alcaline de fibrine , dépend de l'oxidation du cuivre. Peut-être l'oxide se combine-t-il avec la fibrine , comme on sait qu'une combinaison d'oxide métal- lique et d'albumine s'efl'ectue lorsqu'on verse une petite quan- tité de sel métallique dans le sérum du sang , et qu'on ajoute un peu plus de potasse caustique qu'il n'en faut pour décom- poser le sel , cas dans lequel l'oxide ne se précipite pas , mais forme avec l'albumine une combinaison soluble, qui peut ACTION DU GALVANISME SUR LE SANG. 1 55 être coagulée par rébulliiion (1). Cependant le caillot de fibrine qui se produit autour du fil de cuivre du pôle zinc n'est point d'un vert céladon , comme il devrait l'être s'il devait naissance à de l'oxide^de cuivre, et il a une teinte opaline. ; En un mot, la dissolution de fibrine dans l'eau alcaline n'est point décomposée par la pile galvanique , dès qu'on n'emploie pas un fil de cuivre au pôle zinc , et en consé- quence la fibrine ne se comporte point comme un corps élec- tro-négatif. On peut se convaincre , par la circonstance sui- vante , combien la précipitation de l'albumine et de la fibrine au pôle zinc dépend du sel contenu dans la dissolution : la dissolution alcaline de fibrine ne dépose jamais aucune trace de caillot sur le fil de platine de ce pôle ; mais la coagulation a lieu aussitôt qu'on ajoute un peu de sel marin à la liqueur , car alors l'acide hydrochlorique de ce sel fait naître un caillot au pôle zinc. De là il découle aussi que , si l'on veut expéri- menter l'action de la pile voltaïque sur une dissolution de fibrine dans de l'eau faiblement alcaline , il faut avoir eu soin préalablement de bien dépouiller cette fibrine de sérum, parce que le sérum contient du chlorure de sodium. Or on se la pro- cure exempte de sérum en la tirant du sang fouetté et la lavant à grande eau. Dulrocliet regardait comme noyaux des globules la fibrine obtenue du caillot ; c'est encore là une erreur, puisque, comme je l'ai fait voir, la fibrine est dissoute dans le sang. Comme on peut, en suivant la méthode que j'ai indiquée , se procurer la fibrine du sang de Grenouille sans globules du sang, puisqu'elle passe incolore en filtrant le sang frais à travers du papier Joseph qui ne soit pas trop mince , il me parut très- intéressant de rechercher comment la pile galvanique se com- porterait avec la fibrine fraîche encore liquide. Pour cela je versai sur le filtre parties égales d'eau et de sang de Gre- nouille , et je mis de suite la liqueur en contact avec les pôles de la pile -. il se déposa de l'albumine pulîacée au pôle zinc • la fibrine limpide ne se rassembla ni au pôle zinc ni au pôle (1) Berzelius , Traité de chimie , t. Vil, p. 70 , 71. l56 ACTION DU GALVANISME SUR LE SANG. cuivre, mais se coagula, comme à l'ordinaire, dans le milieu du liquide, et produisit un caillot isolé, de la même manière ab- solument que si je n'eusse point appliqué le galvanisme. La coagulation de cette substance eut lieu dans le laps de temps accoutumé , sans que la pile influât sur elle. Le préci- pité albumineux au pôle zinc était de même nature que celui qui s'élait produit en galvanisant la liqueur débarrassée de caillots fibrineux. J'ai essayé aussi la pile de Volta sur les globules du sang de Grenouille. On prépare un mélange de globules et de sérum, en agitant le caillot et le retirant ensuite. Ce mélange est mis dans un grand verre de montre, avec de l'eau ; on le remue , puis on le laisse en repos pendant vingt-quatre heures. Alors la matière colorante est dissoute , et l'on trouve au fond le dépôt blanc de noyaux des globules. On retire la plus grande partie du liquide surnageant au moyen d'une pipette. Si l'on mêle le dépôt avec un peu d'eau , et qu'après en avoir étalé une grosse goutte sur une lame de verre , on l'expose à l'action de la pile voltaïque , on observe les mêmes phéno- mènes qu'en opérant sur une dissolution aqueuse de jaune d'œuf : il se produit deux ondes; celle du pôle zinc est trouble, et pousse des globules devant elle; celle du pôle cuivre est lim- pide, et ne contient point de globules. Ainsi l'onde du pôle zinc chasse devant elle des globules rouges dans la dissolution de matière colorante , des globules blancs dans le mélange d'eau et de noyaux des globules. Ici il n'y a point de différence électrique entre le noyau et l'enveloppe. L'onde du pôle zinc est seulement transparente dans la dissolution de matière colo- rante , et trouble dans le mélange d'eau et de noyaux des globules , ainsi que dans la dissolution de jaune d'œuf. Les courans électriques que plusieurs savans français distin- gués admettent dans le sang, sont contraires à l'expérience et à l'esprit qui doit diriger aujourd'hui la physiologie. L'état ac- tuel de la science veut qu'on n'admette ces courans que là où l'on peut en démontrer l'existence. Or, jamais on ne par- vient, à l'aide d'un bon multiplicateur, à en apercevoir au- cune trace ni dans les nerfs ni dans le sang , comme Per- ACTION Dti GALVANISME SUR LE SANG. 1S7 son (1) l'a fait voir pour les premiers , et Pouillet (2) pour le sang humain. Cependant ils devraient se révéler à un instru- ment si sensible à l'influence des 'courans électriques , que l'oxidation des fils suffit déjà quelquefois pour agir sur l'aiguille aimantée , de sorte que , comme l'a fait voir Pouillet, on doit s'abstenir , dans les expériences délicates sur des sub- stances animales, d'avoir recours à des métaux oxidables pour conducteurs. De deux multiplicateurs que j'ai employés dans les expériences de ce genre , l'un montre l'action galvanique de deux petites plaques de zinc et de cuivre unies par un pa- pier humide et reposant sur du verre , par une déviation d'en- viron cent degrés de la boussole. Cependant cet instrument ne m'a jamais fait apercevoir, ni dans les nerfs ni dans le sang coulant , aucune trace de réaction , alors même que je plongeais un fil dans une artère et l'autre dans une veine. On devrait pourtant remarquer le courant électrique quand il n'aurait qu'un centième de l'intensité électrique de la paire de plaques dont je viens de parler, et même quand il ne se- rait qu'une partie aliquote d'un centième de cette intensité. Les physiciens eux-mêmes , qu'on ne peut cependant point accuser d'aimer les hypothèses , n'ont que trop de tendance à adopter , au sujet des phénomènes de la vie , des hypothèses physiques dénuées de tout fondement. Il faudra étudier les forces organiques avec le même soin que les forces inorga- niques , et posséder sur leur compte une masse de faits aussi complète que possible , avant de pouvoir se hasarder à éta- blir des parallèles qui maintenant sont dénués de toute vrai- semblance. (1) Journal de Magendie , t. X , p. 216. (1) Ihid., t. V, p. 5. l58 PHÉNOMÈNES DE lA VIE EXTERIEURE DU SANG. Section deuxième. DE LA VIE DU SANG. § 692. Comme le sang reste semblable à lui-même dans rintérieiir de l'organisme vivant (§ 688) , tandis que , hors de cet organisme , il ne tarde pas à se décomposer (§ 667) , il doit dépendre de l'action vivante des parties solides , et , en sa qualité de suc vital (§ 660 , 3°) , il doit réagir à son tour sur celles-ci et entretenir leur existence. Le sang est donc en con- flit avec les organes , et il prend part à la vie considérée dans son ensemble , c'est-à-dire qu'il se comporte comme un mem- bre vivant de l'organisme. Or l'essence de ce conflit ne consiste qu'en un changement de la proportion des principes consti- tuans et des forces , de manière qu'il ne tombe pas immédia- tement sous les sens. Mais il suppose des changemens de lieu ou des mouvemens du sang, qui en entraînent d'autres aussi à leur suite, et ces mouvemens visibles représentent le côté exté- rieur de la vie du sang , tandis que le conflit chimico-dynami- que appartient à la vie intérieure ou proprement dite de ce liquide. Ayant donc résolu de procéder partout du dehors au dedans , nous avons à nous occuper d'abord du mouvement du sang (§§ 692-740) , pour arriver à la connaissance de sa vie intérieure (§§ 741-773). PREMIÈRE SCEDIVISION. I De la vie extérieure du sang. CHAPITRE PREMIER. Des phénomènes de la vie extérieure du sang. Le témoignage des yeux suffît pour nous convaincre que le sang est agité d'un mouvement continuel dans le corps ani- mal vivant. En effet, lorsqu'on ouvre un vaisseau, ce liquide s'élance sous la forme d'un jet , tandis que , sur le cadavre , il ne coule qu'autant que le comportent les lois de lu pesan- teur et de la pression. Quand on comprime ou qu'on lie un vaisseau , il se gonfle d'un côté et se vide de l'autre. On sent PHÉNOMÈNES DE lA VIE EXTÉRIEURE DU SANG. 1 Sg aussi le mouvement du sang dans le pouls des artères , et on le voit dans les vaisseaux , lorsque ceux-ci sont transparens. D'ailleurs ce mouvement ressort déjà de l'idée qu'on doit se former d'un liquide chargé de présider à la vie (§ 660, 3°). Le mouvement de suc vital ne peut affecter que deux direc- tions , l'une vague et variable , l'autre qui reste toujours la même. I. Dans le premier cas , le suc vital a tantôt une direction et tantôt une autre , suivant qu'il est appelé vers tel ou tel point. i° Cet état de choses a lieu au plus bas échelon de l'organi- sation , chez les animaux les plus inférieurs (§661, 4°), comme aussi dans les végétaux , ceux surtout qui consistent uniquement en tissu cellulaire , sans qu'il y ait de roules spé- ciales tracées dans leur intérieur. N'étant point encore séparé par des parois qui lui appartiennent en propre , le suc vital se répand sans direction déterminée , s'épanche dans les vides de la masse organique , et pénètre la substance solide elle-même. On démontre principalement ce phénomène dans les végétaux , chez lesquels une partie du suc s'écoule dans les conduits intercellulaires, tandis que l'autre pénètre à tra- vers les parois closes des cellules. Il porte le nom d'imbibi-' tion. 2° A un degré un peu plus élevé , le suc vital est empri- sonné par des parois spéciales , en dedans desquelles il se meut comme dans une carrière fixe , mais sans avoir encore de direction arrêtée , et par une véritable fluctuation , qui le porte tantôt en avant, tantôt en arrière. C'est le casdesÉchi- nodermes et des Annélides, comme aussi des animaux dont le canal digestif se ramifie plus ou moins en manière de vais- seaux (§ 661, 3°). II. Quand le suc vital coule toujours dans la même direc- tion , comme il ne se reproduit pas continuellement , il est obligé , en arrivant au bout de l'espace qu'il parcourt dans un sens, de revenir sur lui-même , et de suivre une direction inverse pour rega;;ner le commencement du chemin qu-'il a parcouru. Il y a alors circulation. 3» Dans son état rudimentaire , la circulation est partielle, 1 6o PHIÊNOMÈNES DE lA ViÊ EXTÉRIEURE DU SANG. OU sans vaisseaux conducteurs. L'organisme , manquant d'unité supérieure, se compose de segmens homogènes , dont chacun a sa circulation propre , sans que celle-ci soit accomplie par des dispositions organiques particulières. Ainsi , dans les diverses espèces de Chara , le CauUnia fragilis , le Nitella , le Vallis- neria spiralis , le Naias major, \ Hydrocharis m,orsus ranœ , le Stratiotes aloides , le Sagittaria sagittifolia , et probablement d'autres plantes encore , on voit, dans chaque cellule, des globules blancs exécuter régulièrement et sans interruption un mouvement qui consiste à monter le long d'une des parois latérales , à se porter en travers de la paroi supérieure , à descendre le long de l'autre paroi latérale , et à reprendre la direction transversale à la paroi inférieure. Comme ce mouvement ressemble parfaitement à celui de la natation , on admet que le suc transparent contenu dans les cellules exé- cute , avec ses globules , une circulation. 4" Une circulation générale , étendue par tout le corps , dans l'intérieur de vaisseaux artériels dirigés vers la périphé- rie, et de vaisseaux veineux retournant vers le centre , a lieu chez les animaux invertébrés supérieurs et chez tous les ver- tébrés. Perrault et Mariotte , concluant d'après l'analogie des animaux supérieurs , admettaient aussi une circulation de ce genre dans les végétaux; mais ils ont été réfutés par Haies. De nos jours , Schultz a vu , d'abord dans les feuilles de la Chélidoine , puis dans les autres parties de celte plante , et enfin dans tous les végétaux pourvus d'un suc laiteux, ce suc donner lieu à deux courans opposés , et il a admis, chez ces êtres, une circulation générale dans l'intérieur de vaisseaux afférens et efférens propres ; mais , depuis dix ans , cette hypothèse , loin de se confirmer, a été combattue formellement par plu- sieurs observateurs sur l'exactitude desquels on peut compter, de sorte qu'il n'est point encore permis de la ranger au nombre des faits avérés. CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. l6l ARTICLE I. De la carrière parcourue par le sang. I. Formes diverses de la carrière que le sang parcourt chez les animaux (1). A. Animaux sans vertèbres. § 693. I. La plus simple forme de distribution du suc vital est l'imbibition organique. Nous sommes obligés de l'ad- mettre dans tous les animaux simples chez lesquels les procé- dés de l'anatomie et le microscope n'ont pu faire découvrir ni vaisseaux proprement dits, ni voies alimentaires ramifiées. C'est ce qui a lieu chez les Infusoires , les Polypes et beau- coup d'Entozoaires. II. Immédiatement après vient la distribution du suc par des vaisseaux particuliers. Elle a lieu d'abord au moyen d'un estomac ou d'un canal intestinal ramifié , dont les bran- ches vont bien en se subdivisant toujours, comme celles des vaisseaux sanguins , mais finissent par se terminer en cul- de-sac. Ici se rangent les Acalèphes, les Planaires, et, parmi les Entozoaires, les Trématodes. Dans les Acalèphes, l'estomac se ramifie jusqu'à produire des conduits réticulés , terminés par des culs-de-sac. Mais Dugès, dans les Planaires, Bojanus et Mehlis , dans les Trématodes , les Distomes surtout , ont découvert , indépendamment du canal intestinal ramifié , un système vasculaire spécial ^ qui paraît être tout-à-fait in- dépendant des extrémités encul-de-sac du canal intestinal, et se réunir en un petit tronc vasculaire central. Dans les Planaires, le tronc vasculaire principal est une grande anse ovale , si- tuée dans le plan de l'animal, et de laquelle partent les ré- seaux capillaires (2). Dans les Distomes, le tronc des vaisseaux répond à l'axe longitudinal du corps (3). Dans Le Tristoma coccineum^ il est circulaire. (1) Rédigé en entier par J. Mnller. (2) Dugès , dans Annales des sciences naturelles , t. XV, P. V. (3) Mehhs^De JJistomatehepcUicoet Umceçlato. Goeltingue, 4825, in-fol. VI. U l62 CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. III. D'après les belles recherches de Tiedemann , l'ordre des Échinodermes ;, qui comprend les Astéries , les Oursins et les Holothuries , se fait déjà remarquer par une complication plus grande de la carrière du suc vital, mais qui n'a lieu qu'au canal intestinal, aux branchies et à l'ovaire. Dans les Étoiles de mer, des veines nombreuses et à parois fort minces , qui viennent de Testoniac, des appendices cœcaux et des ovaires, se réunissent en un seul tronc. Celui-ci forme une dilatation analogue à un cœur, et se ramifie à la manière d'une artère. Dans les Oursins , il y a deux troncs vasculaires aux côtés du canal intestinal : ces deux troncs communiquent ensemble au moyen d'une dilatation cordiforme et de leurs ramifications les plus déliées. On trouve également, au canal intestinal des Holothuries , deux troncs qui sont unis ensemble tant par leurs ramifications que par un grand réseau vasculaire situé sur l'une des branches de l'organe respiratoire. Cependant^ chez ces animaux , de même que chez la plupart des Anne- lides , il ne paraît pas convenable d'établir une distinction entre artères et veines, puisque, chez les Vers à sang rouge, aucun des troncs vasculaires ne se comporte entièrement comme veine , et que , loin de là , chacun d'eux alternative- ment reçoit le sang des réseaux capillaires, ainsi que le ferait une veine, et le renvoie, par ses contractions, dans ces mêmes réseaux , à la manière des artères. Il est très-facile d'observer pendant la vie, chez les Annelides, cette alternation des troncs vasculaires , qui par conséquent représentent plutôt des cœurs que des artères et des veines. Indépendamment du système vasculaire sanguin des par- ties internes , les Echinodermes en possèdent encore, d'après les observations de Tiedemann , un autre tout spécial , qui se rapporte à l'exercice de la locomotion. Ce second système est composé de vaisseaux qui partent en rayonnant d'un canal entourant la bouche , et vont gagner, soit la surface interne de la peau , comme dans les Holothuries , soit le test calcaire, comme dans les Oursins et les Astéries. Ces vaisseaux s'ou- vrent dans les tentacules creux et leurs dilatations vésiculi- formes. Ils contiennent un liquide clair comme de l'eau, qui, pendant les mouvemens de l'animal , s'épanche dans les ten- \% CIRCUIATION DES ANIMAUX INVERTEBRES. 105 tacules, dont il opère la lur^jescence et le redressement. Quand les parties reviennent sur elles-mêmes, le sang rentre dans les vaisseaux. Le liquide que contiennent ceux-ci n'é- prouve donc point une circulation , mais seulement un flux de dedans en dehors et un reflux de dehors en dedans (1). IV. La carrière que parcourt le sang, chez les Annelides, a beaucoup d'analogie avec celle qu'on observe dans les Echinodermes. Tous les troncs vasculaires doivent être con- sidérés comme des cœurs , 'qui alternativement reçoivent le sang des réseaux vasculaires et l'y poussent par la contrac- tion de leurs parois. Il n'y a que quelques uns de ces Vers, les Arénicoles , par exemple , chez lesquels les cœurs vascu- laires offrent déjà des dilatations un peu considérables. 1° La Sangsue ordinaire [Hirudo vulgaris) est celui de tous les Annelides chez lequel on connaît le mieux le mouvement du sang. D'après mes observations microscopiques sur ces ani- maux demi-transparens (2), ils ont deux troncs vasculaires laté- raux, qui communiquent à leurs extrémités, et par des anasto- moses transversales , tant l'un avec l'autre qu'avec un troisième tronc situé à la partie médiane du côté ventral. Le tronc vas- GUlaire médian présente des renflemens noueux dans les points cil le cordon nerveux offre des ganglions. En examinant avec soin, on reconnaît qu'il n'est que l'enveloppe du cordon ner- veux lui-même ; mais l'observation démontre aussi qu'il re- çoit du sang, et par conséquent celui-ci entoure le cordon nerveux. Il y a un moment oii le vaisseau latéral d'un côté et le vaisseau médian, ainsi que les anastomoses transversales situées entre eux, se remplissent simultanément de sang, tandis que l'autre vaisseau latéral et les branches qui en partent sont vides. Un moment après , ce second vaisseau latéral et ses ramifications sont seuls pleins de sang , tandis que l'autre et le médian se trouvent vides tous deux. Constamment un des vaisseaux latéraux et le médian sont ensemble en antagonisme avec l'autre vaisseau latéral seul. La communauté entre l'un (1) Tiedemann, Anatoinie der Baehrenholothurie , des poineransenfarl/i' gen Seesternes und Steinigels. Landsiîut, 1816, in-fol. (2) Meckel, Peutsches Archiv, 1828, cah. I, PI. I, fig. 1- l64 CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTEBRES. des latéraux et le médian dure quelque temps , environ vingt à vingt-cinq pulsations, après quoi le rapport change, et l'autre vaisseau latéral , (^[ui jusqu'alors était seul , s'emplit et se vide de concert avec le médian. Le passage du sang s'ef- fectue de la manière suivante. Pendant la contraction d'un des vaisseaux latéraux il coule visiblement , à travers le mié- dian, dans celui du côté opposé , d'où il revient durant le se- cond temps : cependant la contraction et l'écoulement com- mencent toujours en arrière et se portent en avant, comme par un mouvement ondulatoire; le vaisseau latéral et le médian commencent donc toujours à se vider par leur partie posté- rieure , et le vaisseau auparavant vide à se remplir par sa partie antérieure. Dugès dit positivement que le sang décrit un cercle dans les deux vaisseaux latéraux , de sorte que l'un d'eux se contracte d'abord en arrière et l'autre d'abord en avant, et que par conséquent le sang décrit, au bord de l'a- nimal , une grande carrière qui revient sur elle-même. Quand on coupe l'animal en travers , la circulation continue encore quelque temps de la même manière , à cause des vaisseaux transversaux , comme l'a observé Rudolphi. Ainsi elle par- court deux voies , un cercle horizontal d'un vaisseau latéral dans l'autre , et des ondulations transversales de l'un dans l'autre également, à la faveur des anastomoses situées en travers. Dans la Sangsue médicinale et dans celle de Cheval, il y a deux troncs vasculaires latéraux et un grêle vaisseau dorsal médian , par conséquent une disposition différente de celle qu'on observe dans YHirudo vulgaris , où le vaisseau médian est situé au côté ventral. Dugès (i) parle aussi d'un vaisseau ventral , qui paraît entourer le cordon nerveux , dans la Sanguisuga opcinalis. D'après le même observateur, le vaisseau dorsal et le vaisseau ventral s'anastomosent ensemble par des branches abdomino-dorsales : d'autres branches vont des vaisseaux latéraux au vaisseau dorsal , anastomoses que Bojanus a cherchées en vain pendant si long-temps. Les ana- stomoses transversales, les vaisseaux latéraux et leurs réseaux vasculaires ont été connus par Bojanus mieux que par tout (1) Ann. des se. oatur., t. XV, p. HO- CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTIE BUE S. l65 autre (1). D'après les observations de Weber aussi, les troncs latéraux se comportent comme des cœurs , qui chassent alter- nativement le sang dans les anastomoses transversales et dans les réseaux capillaires. Ici non plus, il n'y a point d'artères ni de veines constantes, mais des cœurs vasculiformes , des anastomoses transversales et des vaisseaux capillaires, qui entretiennent alternativement le sang dans des directions différentes. Weber a observé la circulation sur des embryons à maturité de Sangsue (2). D'abord un vaisseau latéral se remplissait et se vidait presque au même instant ; immédiate- ment après, l'autre vaisseau latéral s'emplissait et se vidait aussi tout à coup ; puis avait lieu une petite pause , pendant laquelle les deux vaisseaux latéraux étaient vides. Ces mouve- mens se répétaient ensuite plusieurs fois dans le même ordre. La circonstance que la réplétion du second vaisseau latéral avait lieu parfois d'une manière très-rapide , et quelquefois seulement à la suite d'un petit repos après la contraction du premier, s'explique , selon moi , par les mouvemens de l'ani- mal , qui devaient tantôt faciliter le passage à travers les ana- stomoses, et tantôt le rendre plus difficile. Weber a vu éga- lement , en accord avec mes observations sur VHirudo vulga- ris , qu'une des extrémités du vaisseau longitudinal s'emplit la première de sang , puis successivement le milieu et l'autre extrémité , tandis que la première commence déjà à se vider par contraction. Weber enfin a remarqué^ comme moi , une certaine périodicité ; après que le vaisseau latéral s'était ainsi rempli et vidé huit à treize fois , de telle sorte que la réplé- tion et le dégorgement commençassent à l'extrémité cépha- lique et se prolongeassent peu à peu vers l'extrémité caudale^ une petite pause avait lieu , puis le mouvement se renversait dans le vaisseau Jatéral , de sorte que c'était l'extrémité cau- dale qui commençait à se remplir et à se vider la première. D'après les observations de Dugès, les vaisseaux qui se répandent sur les vésicules respiratoires, dans les Hirudinées , sont artériels et veineux. Les artères pulmonaires sont des (1) Isis , 1818 , p. 2089 , P. 26 ^fig. 3-4. (2) Meckel , Deutsches Jrchiv , 1828 , cah. 4. l66 CIRCUIATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. rameaux de branches des vaisseaux latéraux ; les veines pul- monaires seraient les énigmatiques canaux contournés , qui sont situés sur les vaisseaux latéraux , au voisinage des vési- cules respiratoires , et dont la connexion avait échappé jus- qu'à présent à tous les observateurs. Dugès a vu ces anses vasculaires se contracter, et toujours à partir des vais- seaux latéraux , dans lesquels s'abouche l'une de leurs ex- trémités. Si ses observations sont exactes, ces corps sont comparables à des cœurs pulmonaires , destinés à ramener le sang oxidé dans les troncs principaux , d'où il est parti pour s'engager dans de petits cercles latéraux (1). La con- firmation d'un fait aussi important doit être attendue avec impatience. 2° Léo et Dugès sont ceux qui nous ont donné le plus de détails sur le système vasculaire du Lombric terrestre. Quant au travail de Morren , je ne le connais que par des extraits. Léo (2) , Morren (3) et Dugès s'accordent à peu près quant aux vaissea'jx principaux; seulement Léo et Morren ont distingué les troncs en artères et en veines, ce qui ne convient pas, puis- qu'ils agissent comme cœurs , et qu'il n'y a que leurs bran- ches qui se comportent tantôt comme artères et tantôt comme veines. Mais Léo a donné des remarques plus précises sur les veines et les artères pulmonaires. Il y a deux troncs prin- cipaux ; le vaisseau abdominal , sous le canal intestinal , et le vaisseau dorsal, au dessus; tous deux communiquent en- semble , tant par de petites anses qui entourent le canal in^ testinal , que par cinq à huit (cinq à six selon Morren ;, cinq selon Léo , sept à huit suivant Dugès , huit à neuf d'après Meckel) branches de communication , très-volumineuses et en forme de colliers de perles, qui se trouvent à la région des ovaires. Les deux troncs vasculaires principaux fournis- sent aussi , d'après Léo , les vaisseaux destinés aux vésicules pulmonaires. Indépendamment de ces deux gros troncs, dont le supérieur est celui qui présente les plus fortes pulsations , (1) Annales des se. nat., t. XV, PI. VIII, fig. 2. (2) De structura lumhrici terrestris. Kœnigsberg , 1820. (3) De lunibrici terrestris historia naturali necnon anatomia. Bl'UxeZ- les , 1829, in-4°, fig. CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 167 dirigées d'arrière en avant , il y a encore trois petits vaisseaux longitudinaux, dont Léo et Dugès font mention; ils accom- pagnent le cordon nerveux ; celui du milieu est le plus gros , et Morren lui donne le nom d'artère nervoso -ventrale; il communique avec les anastomoses du vaisseau abdominal et du vaisseau dorsal. L'allernation des vaisseaux dans leur ac- tion n'est point encore connue. Le cercle principal est inverse de ce qui a lieu chez les Hirudinées plates : de l'extrémité postérieure du vaisseau longitudinal supérieur il se porte en devant et en arrière et va gagner le vaisseau longitudinal infé- rieur ; chemin faisant, le sang se trouve jeté dans les arcades latérales et les réseaux capillaires. 3° La plus parfaite de toutes les formes d'organes circula- toires parmi les Vers , se rencontre chez l'Arénicole ; mais les observations qui s'y rapportent sont peu d'accord en- semble : il est impossible de concilier les descriptions de Cuvier, d'Oken et de Home. Aussi ai-je été fort satisfait de pouvoir étudier une espèce , V Arenicola carbonaria , dont je possédais un grand nombre d'individus. Il y a un gros vais- seau principal contourné , au dos , entre les branchies , et un autre au dessous , entre l'intestin et le cordon nerveux ; l'in- férieur se prolonge jusqu'à la tête , se recourbe alors en ar- cade vers le gystème nerveux situé au dessous de lui , et se partage là en deux vaisseaux plus petits , qui accompagnent le cordon nerveux entier sur le côté , et fournissent des ana- stomoses avec les vaisseaux branchiaux inférieurs , avant que ceux-ci s'abouchent dans le vaisseau principal inférieur. Les vaisseaux branchiaux supérieurs , qu'on appelle ordinairement artères branchiales, sont des branches du vaisseau principal su- périeur, et les inférieures celles du vaisseau principal inférieur. Le canal intestinal possède, en outre, deux vaisseaux longitu- dinaux grêles , un supérieur et un inférieur, formant entre eux le plus beau réseau capillaire qu'il soit possible de voir, mais communiquant en haut avec le vaisseau principal supé- rieur par un grand nombre de vaisseaux grêles , en bas avec le vaisseau principal inférieur, de manière que les vaisseaux de l'intestin constituent un système particulier, que ses petits troncs longitudinaux rattachent par des anastomoses au grand 1 68 CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS.' système des vaisseaux principaux. Enfin je dois encore si- gnaler une anastomose du vaisseau principal supérieur et de l'inférieur, en devant , à l'endroit où les appendices latéraux particuliers], les oreillettes du cœur, s'appliquent au gros tronc du vaisseau supérieur. Ces oreillettes reçoivent une branche anastomotique du vaisseau principal inférieur, et par consé- quent ramènent de suite une partie du sang de ce dernier dans le tronc principal supérieur, tandis que la plus grande partie du sang de ce même tronc inférieur se dirige plus en avant, pour passer dans les vaisseaux du cordon nerveux. Outre les anastomoses des deux troncs principaux par l'inter- médiaire du système vasculaire intestinal, ils paraissent communiquer aussi tous deux avec les vaisseaux cutanés. Comme nous connaissons maintenant la direction des courans principaux , d'après ce qu'en disent Cuvier et Home , quoi- que ce dernier ait confondu le haut et le bas , on peut , d'après notre description, se faire une idée assez complète de la circulation. Le sang parvient dans le tronc vasculaire supé- rieur, d'abord du tronc inférieur par les oreillettes et la double anastomose , ensuite du système vasculaire intestinal par les nombreuses anastomoses déliées du vaisseau supé- rieur du corps avec le vaisseau longitudinal supérieur de l'intestin. Du tronc vasculaire supérieur, que Cuvier nomme l'artère branchiale , le sang passe dans les quatorze vaisseaux branchiaux supérieurs de chaque côté : le sang oxidé revient des quatorze vaisseaux branchiaux inférieurs de chaque côté vers le tronc vasculaire inférieur ; mais tous les vaisseaux branchiaux inférieurs reçoivent encore, des vaisseaux latéraux du cordon nerveux, des anastomoses que tous les observateurs ont omises , de même que les vaisseaux latéraux du cordon nerveux leur ont également échappé à tous. Le tronc prin- cipal inférieur reçoit donc le sang des vaisseaux branchiaux inférieurs et le ramène dans le corps , c'est-à-dire dans deux systèmes capillaires , celui du canal intestinal et celui de la peau, peut-être aussi dans les branchies. Comme le tronc princi- pal inférieur marche d'arrière en avant, au côté inférieur du canal intestinal , pendant ce trajet il fait passer une partie de son sang , par de nombreuses anastomoses grêles , dans le vaisseau CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBTRÉS. 169 longitudinal inférieur du canal intestinal , puis dans le réseau capillaire de l'intestin, vers le vaisseau longitudinal supérieur de ce dernier, d'où le sang peut revenir, par ses anastomoses verticales , dans le tronc principal supérieur. Une autre partie du sang revient du tronc principal inférieur dans le supé- rieur par l'anse destinée aux oreillettes ; mais la plupart de celui du tronc principal inférieur continue de suivre [ce, vais- seau , et au moment où il se réfléchit en devant , se porte non en haut , mais dans les vaisseaux latéraux du cordon nerveux , qui accompagnent celui-ci dans tout son trajet. De là le sang repasse dans les vaisseaux branchiaux inférieurs , et par eux dans le tronc principal inférieur. De cette manière, il y a deux cercles principaux , dont le tronc principal inférieur est le chaînon intermédiaire. Il est encore douteux qu'on doive donner le nom d'artères aux vaisseaux branchiaux supérieurs , et celui de veines aux inférieurs, parce qu'on ignore si ce ne sont pas seulement de simples oscillations qui ont lieu entre ces vaisseaux. Chez tous les animaux dont il a été question jusqu'ici , les vaisseaux principaux sont des cœurs, avec un pouls alternant, et ces cœurs sont multiples , disposition parfaitement en har- monie avec les mouvemens de contraction et d'extension de ces animaux vermiformes ; en effet , elle prévient toute in- terruption de la circulation , puisque chaque segment de l'a- nimal peut au moins recevoir une ondulation du sang contenu dans les troncs principaux. Nous trouvons chez tous un cercle vertical ou horizontal de sang , et entre les troncs principaux du cercle partout un mouvement oscillatoire du sang d'un tronc à l'autre , à travers les anses de communication et les réseaux capillaires. V. Chez les Insectes , le tronc vasculaire principal est ab- solument simple : on lui donne le nom de vaisseau dorsal , et il représente le cœur. La circulation de ces animaux a été long-temps enveloppée d'une obscurité profonde. Swammer- dam , Lyonet , Cuvier, Marcel de Serres , Meckel , Herold et autres avaient essayé en vain de découvrir, par les moyens anatomiques, des branches établissant une communication entre les organes et le vaisseau dorsal. Il parut donc tout lyO CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. simple d'admettre ropinion de Cuvier, que les Insectes man- quent d'une circulation complète des humeurs, parce que l'air rencontre de tous côtés ces dernières dans un système vasculaire aérien divisé à l'infini. Cependant , moi et quelques autres observateurs , nous avions vu des branches du vais- seau dorsal se rendre à la tête. J'avais même déjà découvert et décrit, chez les Pliasmes et beaucoup d'autres Insectes, une communication établie entre le vaisseau dorsal et les tubes de l'ovaire , par le moyen d'une multitude de petits fîla- mens creux (1). ]Nitzsch,Gruithuisen , Ehrenberg et Hemprich avaient observé aussi des mouvemens de liquides dans di- verses parties du corps des Insectes. Mais Garus (2) fut le premier qui constata l'existence d'une circulation complète , partant du vaisseau dorsal et y revenant. Le mouvement des humeurs est continu ; mais il s'accélère pendant les pulsations du vaisseau dorsal. Les petits courans paraissent ne point avoir de parois vasculaires. Leur distribution est extrêmement simple. Les antennes , les pattes et les soies caudales n'ont qu'un courant artériel simple, qui, à la fia du membre et souvent bien plus tôt, se réfléchit sur lui-même en un cou- rant veineux. Les courans veineux se réunissent dans un vais- seau de la surface ventrale , qui communique avec le vaisseau dorsal , à la partie postérieure du corps. Cette circulation paraît ne pas être exclusive aux larves , comme Garus le pré- sumait d'abord , mais appartenir aussi aux Insectes parfaits. Je l'ai observée moi-même dans les pattes et les antennes d'une jeune Scutigère. Cette découverte restreint , mais sans le renverser entièrement , ce que Cuvier avait dit des rapports réciproques d'un système vasculaire sanguin et d'un système vasculaire aérien, tous deux ramifiés. En effet, les petits courans des Insectes ne se résolvent point en réseaux vascu- laires, comme ceux des Planaires , des Annelides et des Crus- tacés. On ne peut point non plus parler ici d'un rapport entre le système vasculaire sanguin et le système intestinal ramifié , (1) Nov. Act. Nat. Cur., t. XII, p. 2. (2) Entdecliung eines cinfachen , vom Hersen ans beschleunigten Blutkreislaufes in den Larven netzfiuegeliger Insekten, Léipzick, 1827, 111-4". CIRCUtA-TION DES ANIMAUX INVERTEBRES. I7I qui , chez les Acalèphes , existe seul , sans véritables vaisseaux sanguins. Wagner (1) a retrouvé les anastomoses que j'avais décrites entre les ovaires et le cœur ; mais il doute , avec Treviranus et Carus, que ce soient des vaisseaux sanguins. Il a constaté les observations de Carus sur plusieurs Insectes. Chez des larves d'Éphémères , toute la masse du sang se réunissait dans deux gros et larges courans veineux de granulations san- guines , qui se portaient d'avant en arrière , des deux côlés du vaisseau dorsal et du canal intestinal , mais n'étaient point renfermés dans des vaisseaux , et paraissaient baigner libre- ment les viscères. Suivant Wagner , dont les observations se rapportent avec celles de Straus sur le Hanneton , le vaisseau dorsal consiste en une série de chambres , entre lesquelles se trouvent des fentes latérales qui reçoivent du sang des courajis veineux. D'après Straus , les ouvertures latérales sont garnies de valvules en dedans, et les huit chambres du cœur du Hanneton sont également unies par des paires de valvules saillantes à Tintérieur et dirigées en devant, de sorte qu'elles facilitent le mouvement du sang d'arrière en avant. VI. La distribution des principaux vaisseaux partant du vaisseau dorsal des Arachnides est très-bien connue d'a- près les travaux de Meckel , ceux de Treviranus et mes pro- pres observations. Le cœur du Scorpion a plusieurs étran- glemens ou segmens ; il se ramifie dans le corps adipeux de l'abdomen et de la poitrine , et accompagne toute la queue en forme de fil. Les poumons des Scorpions et des Araignées sont , d'après mes observations , des sacs qui se partagent en un grand nombre de petits compartimens en cul-de-sac , qu'on peut insuffler. Le suc du corps adipeux baigne ces compar- timens en dehors ; mais les vaisseaux qui prennent là leur origine ne sont point encore connus , non plus que les cou- rans veineux qui ramènent le sang du corps au cœur. Ce qu'il y a de très-remarquable , dans le Scorpion , c'est \m système vasculaire particulier, qui se répand dans le corps adipeux , mais qui , selon ma découverte , a plusieurs con- {i)Jsis, 1832, p. 320. 172 CIRCtLATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. nexions avec le cœur , et dont les petits troncs s'abouchent dans le canal intestinal , de chaque côté , fort au dessous des conduits biliaires. Ces vaisseaux ne peuvent mieux être com- parés qu'aux vasa maîpighiana des Insectes, quoique leur connexion avec le cœur, sur le compte de laquelle il ne reste aucun doute, demeure une inexplicable anomalie. Sécrè- tent-ils ou bien absorbent-ils des substances dans le canal intestinal , pour les mener au corps adipeux et au cœur (1) ? VU. Parmi les Crustacés, ceux des ordres inférieurs, no- tamment les Cloportes et les Entomostracés , ressemblent en- core beaucoup aux Insectes, sous le point de vue de la circu- lation. Un grand nombre de ces animaux, notamment les Cloportes et les Squilles , ont un cœur fort allongé , ou un vaisseau dorsal ; chez d'autres , au contraire, tels que les Daph- nies , les Lyncées , les Cy thères , parmi les Entomostracés , et tous les Crustacés supérieurs ( Décapodes ) , ont un- cœur raccourci et bien distinctement séparé. Il y a même , suivant Gruithuisen , une division veineuse artérielle dans celui des Daphnies. ^ 4" Dans les Daphnies , de la circulation desquelles? Gruit- huisen a donné une fort belle figure (2) , les petits courans sont aussi simples que chez les Insectes ; ils deviennent vei- neux sans se résoudre en réseaux capillaires , de sorte qu'ils ne forment que de simples cercles d'un cœur à l'autre. 5° Chez les Décapodes , les vaisseaux ont acquis bien plus de développement , et il y a une respiration branchiale entre les veines du corps et le cœur. Audouin et Milne Edwards sont entrés à cet égard dans des détails que l'on désirait de- puis long-temps (3). Le sang artériel arrive des branchies au cœur, par des vaisseaux qui sont placés à leur bord interne, en deux troncs , à l'orifice desquels on aperçoit des valvules. Du cœur naissent six artères principales ; les trois plus anté- rieures vont à la tête ; deux autres , parties du côté inférieur du cœur , se rendent au foie ; le tronc principal naît de l'ex- (1) Meckel , Jrchiv fuer Anatomie , 4828 , P. II , fig. 22. (2) Nov. Jet. Nat. Cior., t. XIV, p. 4., P. XIV. (3) Hist. nat. des Crustacés , t. I, p. 94. CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTEBRES. J yS trémité postérieure et se rend dans la profondeur du corps , car il se réfléchit en arcade vers le bouclier thoracique. De ce tronc sort en arrière l'artère profonde de la queue ; le tronc de l'anse vasculaire marche en avant , comme artère sternale , et donne les artères des pattes, ainsi que les artères profondes de la tête. De cette manière , il y a un système ar- tériel superficiel , et un autre profond , dont les branches s'a- nastomosent principalement à la queue et à la tête. Voilà jus- qu'où Bojanus avait porté la connaissance du système vascu- laire des Décapodes. Il était réservé à Audouin et Milne Edwards de découvrir les veines et la circulation branchiale. Les veines paraissent avoir des parois extrêmement minces ; elles se réunissent toutes dans des sinus veineux , qui sont si- tués latéralement, aux points d'insertion des pattes à la poi- trine , et s'anastomosent tous ensemble. De ces sinus veineux naissent les artères branchiales, qui marchent au bord externe des branchies , et communiquent par un système capillaire avec les veines branchiales, dont deux troncs se rendent la- téralement au cœur (1). J'ai vu à Paris des Homards injectés parles vaisseaux branchiaux, et j'ai pu ainsi me convaincre de l'exactitude des descriptions d' Audouin et d'Edwards, contre laquelle Lund avait élevé des doutes. Je ne puis pas non plus partager, avec Meckel , l'opinion de Straus , que la couverture membraneuse du cœur , qui tient solidement au test , est une oreillette , opinion que Straus a fondée principalement sur l'organisation tout-à-fait différente du Limulus polyphemtis. VIII. La circulation des Mollusques, notamment des Cé- phalopodes , des Gastéropodes et des Acéphales , a beaucoup d'analogie avec celle des Crustacés. Chez tous ces animaux , le sang des veines du corps est porté dans les artères bran- chiales , et retourne des réseaux capillaires des branchies ou des poumons au cœur. Mais il n'y a que le cœur aortique qui leur appartienne en commun. Le mouvement du sang des veines du corps vers le cœur artériel, à travers les branchies, est favorisé de deux manières , par des cœurs branchiaux si- (1) Voy. les belles figures du système vasculaire de la Maja squinado et du Homard dans les Annales des Sciences naturelles^ 1827 , PI, 24-32. 1 74 CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. tués à l'endroit où les veines du corps se transforment en ar- tères branchiales, comme chez les Céphalopodes, ou par deux oreillettes destinées à recevoir le sang des veines du corps et à le faire passer dans le sang artériel , comme chez les Gas- téropodes et les Acéphales. 6° Bojanus a décrit fort exacterhent les organes circulatoires des Bivalves (d). Le cœur aortique, presque toujours traversé par le rectum, est muni de chaque côté d'une oreillette bran- chiale en forme d'aile. Le sang passe de cet organe dans le corps, par une artère supérieure et une artère inférieure, puis il revient du système capillaire du corps dans les veines. Celles-ci le conduisent, par deux troncs, dans un sinus veineux médian , d'où une innombrable quantité de petits vaisseaux le mènent dans le tissu spongieux des deux organes que Bo- janus appelle des poumons. Ces énigmatiques organes , dont la teinte est d'un brun verdâtre , sont 'assurément plus com- parables aux a'ppendices spongieux des troncs veineux chez les Octopodes, comme l'a fait remarquer ingénieusement Van der Hœven (2) , quoique Bojanus (3) eût déjà entrevu aupara- vant cette analogie. Des sinus veineux spongieux partent quelques courts vaisseaux, qui se portent immédiatement dans les oreillettes du cœur. Les autres vaisseaux émanés des sinus se rendent de suite à l'artère branchiale de chaque côté. Du système capillaire des branchies, le sang retourne, par les veines branchiales , dans les oreilleites , et de là dans le cœur aortique. Les choses sont ainsi disposées, quant aux points essentiels, dans le Bivalve gigantesque, Tridacna gigas^ que j'ai préparé pour le cabinet d'anatomie de Berlin. Les organes de Bojanus sont un tissu brun, entièrement spongieux, qui tient de la même manière aux veines du corps et aux ar- tères branchiales. Dans les Huîtres, les deux oreillettes for- ment un tout. Suivant Treviranus, une partie du sang des branchies serait conduite au cœur à travers l'organe spon- gieux de Bojanus , et cet organe serait l'analogue du sac ex- terne des Gastéropodes. Dans les Ascidies , le cœur est allongé, (l)i5M,1817, p.l, P.I-II. (2) Meckel , ArcUv fuer Anatomie, 1828 , p. 502. (3) /«5, 1820, t. II, p. 418. CIRCUIATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. l'jS simple et sans oreillette ; il reçoit d'un côté le sang des bran- chies, et donne de l'autre côté Taorte; les veines du corps pa- raissent former le tronc de Tarière branchiale. C'est ainsi que Cuvier a trouvé les choses. Dans les Ascidies composées , le cœur a la même conformation, comme Savigny l'a montré sur le Biazona. La distribution du sang paraît être absolument la même dans les Biphores. Les deux principaux ordres d'Acéphales se distinguent donc principalement en ce que les Testacés ont deux oreil- lettes branchiales veineuses , tandis que , dans les Nuds , le sang des veines branchiales arrive immédiatement au cœur aortique. 7° Dans la classe des Gastéropodes , il n'y a que quelques genres qui possèdent deux oreillettes de veines branchiales. Tels sont par exemple les Patelles et les Haliotis. Chez les autres, on ne trouve qu'une seule oreillette avec le ventricule. Toutes les veines du corps se réunissent en deux troncs qui , parvenus à l'organe respiratoire, poumon ou branchie, se transforment en artères branchiales, sans qu'on observe sur ce point de renflement qui ressemble à un cœur. Les veines branchiales se réunissent dans Toreillette ; de cette manière, le sang arrive dans le ventricule aortique , et passe de là dans tout le corps. Si l'anomalie que Cuvier signale chez les Aply- sies se confirme , elle est très-remarquable ; de grosses veines, qu'on peut regarder comme veines caves , communiqueraient par de grandes ouvertures avec la cavité abdominale. Il faut noter encore, dans les Aplysies, qu'au commencement de l'aorte se trouvent des appendices spongieux, tels qu'on en voit aux veines caves des Céphalopodes ; ces deux appendices consistent ici en de petits vaisseaux , qui partent de l'aorte et se terminent en cul-de-sac. Suivant Treviranus (1) , dans la Limas et Y Relia; , une par- tie du sang pulmonaire , avant d'arriver au cœur , se rend au sac externe , qui , d'après Jacobson , sécrète de l'acide urique ; elle se répand dans ce sac , et s'y réunit de nouveau en un tronc , qui aboutit à l'oreillette. (1) Erscheinungen und Gesetse des orçfanisshen Leiens, p. 222. 1^6 CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 8" Chez les Céphalopodes, le cours du sang ressemble à la circulation des Acéphales et des Gastéropodes ; mais, entre les veines caves et les artères branchiales , on trouve de chaque côté un cœur d'artères branchiales. Le sang se rend des bran- chies , par les veines branchiales , au cœur aortique , qui est simple. Les Céphalopodes ont donc deux cœurs d'artères bran- chiales , au lieu que la plupart des Acéphales ont deux oreil- lettes de veines branchiales au cœur aortique lui-même. Il a déjà été parlé des appendices spongieux des veines caves. 9" Dans les Ptéropodes , la CHo par 'exemple , les veines branchiales se rendent immédiatement au cœur. Il est pro- bable que les veines du corps forment le tronc des artères branchiales , ce que Cuvier n'a pas pu démêler. 10° Les organes circulatoires des Brachiopodes ne peuvent être réduits à ceux des autres Mollusques , et réclament en- core de nouvelles recherches plus exactes. Cuvier a examiné la Lingula anatina. Les veines branchiales vont , de chaque côté , à un cœur ; il y a donc deux cœurs aortiques , si ce sont là réellement des cœurs. On ne trouve quelque chose d'ana- logue jusqu'à un certain point , que chez divers Acéphales , par exemple dans les genres ^rca etPinna^ où le ventricule est divisé en deux portions , de chacune desquelles naît une aorte. Mais , chez les Brachiopodes , la forme du Mollusque entier exigeait cette complète séparation. 11° Le système vasculaire des Cirripèdes est encore à peu près inconnu. Je ne suis arrivé à aucun résultat en étudiant VAnatifa lœvis. Ce sujet réclame de nouvelles recherches , dans lesquelles il faudra surtout examiner d'une manière spé^ ciale les deux organes que Cuvier regarde comme des ovi- ductes, et dont l'une des extrémités se ramifie dans presque toutes les parties du corps , tandis que l'autre s'ouvre au bout de la trompe. § 694. Si nous embrassons d'un seul coup d'œil les change- mens que le cours du sang présente chez les animaux sans vertèbres , nous apercevons les modifications suivantes. 1° Les sucs nourriciers se propagent à travers un intestin ou un estomac ramifié , comme chez les Médusines. 2° Il y a des troncs vasculaires contractiles doubles et mul- CIRCULATION DES ANIMAUX INVERTEBRES. l'J') tiples, dont les branches mènent à un réseau capillaire com- mun , et qui poussent alternativement le sang décote et d'autre. On ne peut point encore ici parler d'une distinction entre artères et veines , car les troncs se vident et se remplissent d'une manière alternative , par contraction. Ainsi le sang de l'artère intestinale des Holothuries paraît passer, par le sys- tème capillaire de l'intestin , dans un nouveau réseau , puis de là dans l'artère branchiale , d'où il revient à l'artère intes- tinale , d'un côté par le système capillaire des branchies , de l'autre immédiatement par le premier réseau. 3° Chez les Vers à sang rouge , il n'y a point non plus de distinction appréciable entre les artères et les veines ; on trouve des troncs vasculaires contractiles doubles et multi- ples , qui alternativement se remplissent et se contractent ; mais cette contraction marche déjà ondulatoirement en cercle, soit dans une direction horizontale, comme chez les Hirudinées, soit dans une direction verticale , comme chez les Lombrics , les Arénicoles , les Naïdes ; en même temps , le sang se jette alternativement, par les réseaux capillaires, d'un côté à l'autre, et mce versa. Il y a donc ici circulation incomplète d'un tronc à l'autre , en même temps que fluctuation alternative. 4° Chez les animaux seulement qui sont pourvus d'un tronc central unique, on remarque une circulation complète, simple, sans fluctuation , qui offre des courans artériels et des courans veineux. Tel est le cas des Insectes. Mais la circulation pul- monaire ne diffère point encore de la circulation générale. C'est ce qu'on voit chez les Insectes , chez les Crustacés sim- ples , tels que les Daphnies , et probablement aussi chez les Arachnides. 5° Chez les Crustacés supérieurs , ou Décapodes , les cou- rans veineux mènent d'abord dans les artères branchiales , et les veines branchiales conduisent le sang au cœur, qui est simple. Cette disposition règne chez la plupart des Mol- lusques ; mais il n'y a que quelques uns de ces animaux , comme les Ptéropodes et les Acéphales nus, dans lesquels les veines branchiales aboutissent immédiatement au cœur aorlique. Dans d'autres , tels que la plupart d^s Gastéro- podes, ces veines se rendent d'abord à une oreillette , VI. 12 178 cmCUtATION DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. laquelle est double dans les Acéphales testacés et certains Gastéropodes. Chez le plus grand nombre des Mollusques , le sang veineux du corps arrive tout entier dans les bran- chies; mais , chez les Acéphales testacés , il n'y parvient qu'en partie , le reste évitant ces organes et se versant de suite dans les oreillettes. 6° Enfin , chez les Céphalopodes , il y a un cœur entre les veines branchiales et l'aorte, et de chaque côté un autre cœur entre les veines du corps et les artères branchiales. § 695. Comparons maintenant la circulation des animaux sans vertèbres avec celle des aaimaux vertébrés. Dès qu'une véritable circulation se manifeste dans le règne animal , toutes les modifications qu'elle peut présenter dé- pendent du rapport existant entre les vaisseaux et le système capillaire de l'organe respiratoire d'une part , les vaisseaux et le système capillaire du corps entier de l'autre. Tantôt il n'y a qu'une partie du sang qui respire pendant la grande circulation , et la petite circulation des poumons ou des bran- chies n'est , suivant l'expression de Cuvier , qu'une fraction de la grande. Tantôt tout le sang est obligé de parcourir la petite circulation des poumons ou des branchies , avant de se répandre dans le corps. Dans le premier cas se trouvent, par- mi les animaux sans vertèbres , les Crustacés inférieurs , les Arachnides et les Vers; les Acéphales y sont moins, puisque chez eux déjà , la plus grande partie du sang des veines du corps passe aux artères branchiales, tandis que c'est la plus faible qui se rend immédiatement à l'oreillette, sans respirer ; parmi les animaux vertébrés , on y compte les Reptiles. Dans le second sont la majorité des Mollusques, les Crustacés supérieurs , les Poissons , les Oiseaux , les Mammifères et Thomme. Les Poissons paraissent être su- périeurs aux Reptiles sous ce rapport, et ces derniers occu- pent même un rang inférieur aux Mollusques et aux Crusta- cés. Mais Cuvier fait remarquer avec justesse que la respiration dans l'eau est beaucoup plus imparfaite que celle dans l'air , et que par conséquent la demi-respiration des Mollusques, des Crustacés etdesPoissons, accompagnée d'une petite circulation entière, ne diffère point, en résultat, de la respiration entière CIRCUIATION DES ANIMAUX INVERTEBRES. I79 des Reptiles , avec petite circulation qui n'est qu'un appendice ou une fraction de la grande. Les modificalions que la nature présente dans la manière dont les artères elles veines respira- toires naissent de la grande circulation sont très-considérables, et elle paraît même avoir épuisé à cet égard tous les cas ima- ginables. I. La petite circulation est un appendice de la grande.' 1° La petite circulation est une partie du système vasculaire veineux. ^ Chez les Acéphales testacés, une portion du sang des vei- nes du corps retourne immédiatement aux oreillettes ; la plus grande partie parcourt les branchies, etrevientaux oreillettes. 2° La petite circulation est une partie du système vasculaire artériel. Dans les Protéides , parmi les Reptiles nus , et chez les autres Reptiles nus à l'état de larve , les artères branchia- les sont des branches des arcs de l'aorte, et ceux-ci reçoivent les veines branchiales , comme autant d'autres branches. 30 La petite circulation est une partie du système vasculaire artériel et veineux. a. Chez les Reptiles nus , les artères pulmonaires sont des branches de l'aorte , et les veines pulmonaires des branches des veines du corps. Il y a un ventricule , une oreillette. h. Chez les Reptiles écailleux, les artères pulmonaires par- tent du tronc artérieuxou du ventricule lui-même, avec les au- tres artères ; les veines des branchies et du corps se réunis- sent en deux oreillettes distinctes du ventricule , qui est simple . II. La petite circulation fait antagonisme à la grande. 4° La petite circulation naît des veines du corps et retourne au cœur. C'est le cas des Mollusques , notamment des Acéphales nus et des Gastéropodes , et, parmi les Crustacés, des Décapodes. a. Chez les Acéphales nus (Ascidies, Biphores), les veines du corps deviennent l'artère branchiale , et la veine bran- chiale aboutit au cœur aor tique simple. Il en est de même chez les Décapodes. b. Chez les Gastéropodes , il y a une ou deux oreillettes à l'embouchure des veines branchiales dans le cœur aortique. l8o CIRCULATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 5° La petite circulation naît du tronc artériel et y retourne. Chez les Poissons, le tronc ariérieux du ventricule simple devient les artères branchiales , et les veines branchiales for- ment le tronc des artères du corps. 6° La petite circulation naît du ventricule pulmonaire , et retourne au ventricule de la grande ; celle-ci revient au ven- tricule pulmonaire. a. Dans les Céphalopodes , les veines du corps aboutissent aux deux cœurs branchiaux , qui fournissent les artères bran- chiales. Les veines branchiales se rendent au cœur aortique. Ces trois cœurs sont encore séparés l'un de l'autre , et privés d'oreillettes. h. Chez les Oiseaux , les Mammifères et l'homme ^ il y a un ventricule pulmonaire et un ventricule aortique , tous deux munis d'une oreillette. Ces cœurs forment un tout réuni. L'ar- tère pulmonaire naît seule du ventricule pulmonaire; les veines pulmonaires s'abouchent dans l'oreillette du ventricule aortique , et les veines du corps aboutissent à celle du ven- tricule pulmonaire. B. Animaux vertébrés. § 696. Le cœur des Poissons a une oreillette pour recevoir les veines du corps , et un ventricule d'oii le tronc artérieux naît par un bulbe contractile. Le tronc artérieux ne donne naissance qu'aux seules artères branchiales. Cette conformation paraît différer extraordinairement de celle des animaux pul- monés ; mais nous avons occasion , dans la classe des Rep- tiles , d'observer le passage de l'une des formes de la circula- tion à l'autre : nous y trouvons de quoi nous justifier d'appeler tronc artérieux la principale artère qui naît du ventricule des Poissons , au lieu de la nommer, avec les uns , artère bran- chiale , avec les autres aorte. La classe des Reptiles se divise en deux sections, qui diffèrent tant sous le point de vue de la vestiture, que sous celui de toutes les dispositions anatomi- ques , mais surtout eu égard au mode de la circulation ; ces deux sections sont celles des Reptiles nus et des Reptiles écuilleux. CIRCULATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. l8f Les premiers ont, comme les Poissons, un ventricule et une oreillette ; ils ont un double condyle occipital , sont dé- pourvus de véritables côtes, manquent de limaçon, n'ont que la fenêtre ovale , et sont privés de pénis. Tous ont des poumons et des branchies pendant leur vie entière, ou subis- sent des métamorphoses, et possèdent d'abord des branchies, qui , plus tard , font place à des poumons. On range parmi eux les Batraciens, les Salamandrides, les Protéides(Protée, Sirène , Axolotl et Ménobranche ) , les Dérotrémates ( Am- phiuma et Menopoma) , qui , pendant toute leur vie, présen- tent des trous branchiaux au cou , sans branchies , enfin les Cécilies. En effet, j'ai découvert tout récemment , sur une jeune Cœcilia hypocyanea , longue de quatre pouces et demi, et qui existe dans le musée de Leyde , qu'outre les caractères anatomiques énoncés plus haut , les Cécilies ont aussi pendant leur jeunesse des branchies internes et un trou branchial de chaque côté , tandis que j'avais en même temps sous les yeux un individu plus âgé , de la même espèce , chez lequel les trous branchiaux manquaient. Les Reptiles écailleux, comprenant les Chéloniens , les Cro- codiles , les Sauriens et les vrais Ophidiens , comme autant d'ordres distincts , ont des caractères anatomiques tout diffé- rens, et offrent précisément le contraire des Reptiles nus. Tous ont deux oreillettes, avec un seul ventricule, un condyle occipital simple , de véritables côtes , un limaçon et deux fe- nêtres dans l'organe auditif (1) , enfin un ou deux pénis. Les Oiseaux , les Mammifères et l'homme possèdent enfin non seulement deux oreillettes pour les veines du corps ef celles des poumons , comme les Reptiles écailleux , mais en- core deux ventricules , l'un pulmonaire et l'autre aortique. Passons maintenant aux détails de la circulation. I. Poissons. Chez ces animaux , le cœur reçoit tout le sang des veines du corps par ime oreillette simple ; le ventricule chasse le sang veineux dans le tronc artérieux, qui est muni d'un (4) Windischmann , De penitiori auris structura in ampMbiis. Bonn , 4831. l82 CIRCUIATION t>ES ANIMAUX VERTÉBRÉS. bulbe contractile ; ce tronc vasculaire se partage tout en- tier en autant de branchies qu'il y a d'arcs branchiaux de chaque côté, savoir, quatre chez les Poissons osseux, cinq chez les Raies et Squales , et sept chez les Cyclostomes. Dans la Lamproie , le tronc artérieux se divise , suivant Rathke , en deux branches principales , qui reçoivent le bronchus entre elles , et se ramifient ensuite dans les branchies. Chez l'Estur- geon , il y a quatre branches , et une petite antérieure pour la demi ou fausse branchie située au côté interne de l'oper- cule. Les artères branchiales pénètrent, chez les Poissons osseux , à l'extrémité inférieure des arcs branchiaux , sur la convexité desquels elles suivent un sillon, jusqu'à l'extrémité supérieure , en s'amincissant peu à peu. Dans ce trajet, chaque artère branchiale donne autant de bianches qu'il y a de feuil- lets branchiaux ; ces branches se bifurquent deux fois, et en- voient des vaisseaux capillaires transversaux aux lamelles branchiales , d'où les veines naissent de la même manière , mais en suivant le côté opposé. Les veines des feuillets bran- chiaux s'abouchent dans le tronc de la veine branchiale , qui marche plus profondément dans le même sillon de l'arc bran- chial que l'artère , et commence par être plus grêle à l'extré- mité supérieure de cet are. De cette manière , les veines branchiales parviennent, vers le dos , au dessous du commen- cement de la colonne vertébrale , et forment par leur réunion le tronc de l'aorte -, cependant elles donnent encore, avant de se réunir ainsi , des artères qui se rendent à la tête , et sont des branches de la première veine branchiale de chaque côté, plus , de chaque côté aussi , une artère pour le cœur et les parties situées au dessous de l'appareil branchial. L'artère de la tête et l'aorte distribuent le sang artériel dans tout le corps, à l'exception des branchies. Le sang veineux revient à l'o- reillette dans un sinus veineux. Chez l'Esturgeon partent, des extrémités supérieures et épaisses des veines branchiales, les vaisseaux de la partie supérieure de la tête ; mais de plus les extrémités inférieures plus grêles ou les origines des veines branchiales donnent des branches destinées aux parties infé- rieures de la tête, notamment à l'appareil branchial. De même, chez les Cyclostomes , les artères et les veines branchiales se CIRCUIATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. l83 divisent , aux sacs branchiaux , en un grand nombre de ra- meaux , qui parcourent les plis de ces sacs , et qui ont entre eux des réseaux capillaires. Dans les Syngnathes, où les la- melles branchiales représentent des espèces de petites plumes, qui partent de chaque côté des arcs branchiaux sous la forme de feuillets , on doit s'attendre à un autre mode de distribu- tion. Les vaisseaux se distribuent d'une manière toute spéciale dans les appendices branchiaux de l'Hétérobranche , découvert par Geoffroy Saint Hilaire. Chez ce Poisson, outre les branchies ordinaires, il y a de chaque côté deux plaques accessoires, qui forment des arbres creux. A la surface extérieure de ces ar- bres se ramifient les branches des artères branchiales. Les dernières ramifications de celles-ci s'ouvrent dans les bran- ches des arbres mêmes , sur lesquels elles se répandent , et l'injection suinte à travers leur ouverture au moyen d'une multitude de villosités. Les troncs des arbres eux-mêmes s'ouvrent dans les racines de l'aorte , là oii elles sortent des branchies. Enfin , je dois dire que plusieurs Poissons , comme les Raies et les Squales , ont aussi , pendant la vie fœtale, des branchies extérieures filiformes , qui , d'après Rathke , sont des pi olongemens filamenteux des lames branchiales internes. Il est curieux que celte disposition se répète chez un Poisson osseux: or, d'après les observations de Rathke , l'embryon de l'Espadon possède aussi des branchies extérieures filiformes, presque semblables à celles qu'on voit chez les Reptiles nus. II. Reptiles nus. 1° Immédiatement auprès des Poissons se trouvent les Pro- téides, qui ont des branchies extérieures. Dans le Proteus anguimis , d'après les belles recherches de Rusconi et de Configliachi , le tronc artérieux du ventri- cule , qui est simple , &e partage en deux artères branchiales de chaque côté, dont la seconde envoie une branche à la troi- sième branchie. Les artères branchiales aboutissent au ré- seau capillaire des branchies -, les veines branchiales se réu- nissent, de chaque côté , en un tronc à la face inférieure de la colonne vertébrale, et ces troncs, qui fournissent en de- vant les artères de la tête , se réunissent en bas pour pro- duire l'aorte. Mais tout le sang ne parvient pas du tronc ar- l84 CIRCULATION DES ANLAIAUX VERTÉBRÉS.' térieux dans l'aorte par rintermédiaire de la circulation bran- chiale , comme chez les Poissons : les branches de ce tronc qui ont fourni les artères branchiales envoient aussi des ra- meaux de communication aux racines de l'aorte. Le tronc ar- térieux est donc déjà ici tronc des artères branchiales et des arcs de l'aorte; en conséquence, il est évidemment la même partie que le tronc artérieux des Poissons , et il a même encore un bulbe très-fort, comme chez ces animaux. L'appa- reil branchial se compose d'une pièce basilaire , d'un double suspensoire antérieur , et de trois arcs branchiaux de chaque côté. Les artères pulmonaires sont des branches du système artériel, et les veines pulmonaires des branches du système veineux. Dans la Sirène lacertine, le tronc artérieux, au dire de Cuvier (1), se ramifie en entier dans les branchies, et les veines branchiales forment l'aorte. Les figures de Rusconi (2) re- présentent aussi les artères pulmonaires comme des branches du tronc artérieux. Il est probable qu'entre ce tronc , ou les artères branchiales , et l'aorte , existent des communications directes , semblables à celles qu'on trouve dans le Protée. 2° Les belles recherches de Rusconi (3) nous apprennent que, chez les larves de Salamandres;, la distribution du tronc artérieux dans les branchies, la réunion des veines branchiales en aorte , etla communication des artères branchiales avec les racines de l'aorte sont les mêmes : seulement il y a de chaque côté trois branches du tronc artérieux. L'artère pulmonaire naît , de chaque côté , de la quatrième branche de communi- cation entre les artères branchiales et les racines de l'aorte. Ainsi, de même que chez les Protéides, le sang passe du tronc artérieux en partie dans l'aorte par les arcs aortiques , en partie dans les branchies, et, par les veines branchiales, dans l'aorte. Cette disposition explique comment il se peut qu'à l'époque où les branchies périssent et où l'animal subit sa métamorphose, sa circulation se réduise entièrement aux arcs de communi- (1) Reclierches sur les amphibies douteux , p. 21. (2) Amoius des Salamandres , PI. V, fig. 8. (3) Descrizione anatoniica deijli organi délia circolazione délie larve délie Salamandre aq^iatiche. Pavie , 1817. CIRCUIATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 1 85 cation entre les branches du tronc artérieux et l'aorte. Ces communications deviennent des arcs aortiques , dont la Sa- lamandre adulte présente trois de chaque côté. L'artère pulmonaire est alors, de chaque côté, une branche du tronc artérieux. Celui-ci n'a point encore de bulbe distinct. 3° Chez les Batraciens , la circulation des têtards est abso- lument la même ; mais ces animaux n'ont de branchies exté- rieures qu'à l'état de fœtus et pendant les premiers temps de leur vie comme têtards , et ces branchies elles-mêmes se composent uniquement de lamelles simples, et d'anses simples aussi, de courans, artériels d'un côté, veineux de l'autre, sans ramifications (1). Plus tard, les têtards n'ont que des branchies internes, avec un trou branchial d'un côté , et , après la métamorphose , il ne reste que deux arcs aortiques , un de chaque côté , qui fournissent les artères pulmonaires et les artères pour les parties supérieures du corps ; les veines pul- monaires sont alors des branches des veines du corps ; elles versent leur sang dans les troncs des veines caves. Quant à ce qui concerne la métamorphose de l'appareil branchial pen- dant la transformation , Cuvier (2) a fait voir, sur la Ranapa- radoxa , qu'il se réduit à ne plus constituer ensuite que l'ap- pareil hyoïdien. D'après Huschke (3), dans la Grenouille, les" quatre arcs branchiaux présentent des artères et des veines branchiales dirigées en sens inverse, comme chez les Poissons, et celles-ci, chemin faisant , donnent et reçoivent les vaisseaux des pin- ceaux branchiaux. Ce n'est qu'au commencement de chaque arc branchial que Huschke a vu une courte anastomose entre l'artère et la veine. Pendant la métamorphose, le vaisseau branchial artériel du premier arc devient la carotide; les troncs anastomotiques du second arc, dont l'anastomose s'est développée, produisent l'arc aortique de chaque côté; les vaisseaux artériels du troisième et du quatrième arcs se réu; Dissent ensemble suivant Huschke, et forment le tronc qui four- (1) Muller, De yland. penit. struct., P. X, fig. 7. Cette figure est prise de l'embryon du Crapaud accoucheur. (2) Recherches sur les ossemens fossiles , t. V, p. 2. (3) Zeitschnft fuer Physiologie , t. IV, p. dl5. i86 CIRCUtA-TION DES ANIMAUX VERTÉBTlÉS. nit l'artère pulmonaire, mais que j'ai vu aussi donner en haut un vaisseau qui va gagner le derrière de la tête. Huschke dit que les fibrilles des branchies se resserrent sur un point de l'étendue de la carotide , et que comme le système capillaire branchial reste , il naît de là la glande carotidienne des Gre- nouilles, consistant en un réseau de vaisseaux afférens et efférens , de manière que la carotide se résout en système capillaire de la glande, duquel elle renaît ensuite. Cependant je me suis convaincu que la cavité de la carotide se pro- longe , dans l'intérieur du petit nœud , par un tissu spongieux qui forme les parois de la glande , comme on peut très-bien le voir en disséquant celle-ci sous le microscope , quoique sa surface , quand elle a été injectée avec soin , offre aussi les attaches décrites par Huschke. On admet généralement que l'aorte se partage , au devant du cœur, en deux troncs, qui fournissent à un certain endroit les carotides et les artères pulmonaires , et qui ensuite repré- sentent les arcs aortiques, dont la réunion s' elfectue au ventre. Mais j'ai trouvé que si , avant de se diviser , les troncs figu- rent une aorte impaire, ce n'est là qu'une pure apparence, tenant à ce qu'il y a en réalité trois artères soudées ensemble, de sorte que chaque tronc latéral est partagé en trois compar- timens par des cloisons membraneuses simples. De ces trois artères soudées ensemble , la moyenne se continue avec l'arc aortique postérieur; l'antérieure donne à la glande carotidienne l'artère de la langue et du larynx , qui paraît faire corps avec cette glande, et qui la traverse pour devenir l'artère cépha- lique; l'inférieure ou postérieure devient l'artère pulmonaire et un vaisseau qui se distribue à l'occiput. Ainsi l'anomalie consistant en ce que , des arcs vasculaires de la Grenouille, il n'existe plus que les arcs aortiques après la métamorphose , tandis que ceux de la Salamandre persistent complètement , disparaît en partie ; car les trois vaisseaux soudés ensemble sont évidemment les troncs vasculaires des arcs branchiaux. 4° Nous ne connaissons point encore la transformation des vaisseaux , ni la métamorphose en général , dans les Céci- lies , non plus que dans les Amphiuma. Nous savons seule- ment que 5 chez les Dérotrémates , comprenant les Amphiuma CIRCtlIATlON DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 187 et les Ménopomes, il y a des trous et des arcs branchiaux^ qui persistent pendant toute la vie , sans branchies proprement dites. Cuvier (i) a fait voir que, chez les Amphiuma , Taorte forme de chaque côté une arcade simple à chacun de ces arcs, que les arcades se réunissent en arrière pour produire l'aorte abdominale , et qu'elles fournissent les vaisseaux des parties supérieures du corps. J'ai reconnu que, pendant leur jeunesse, les Cécilies ont , de chaque 'côté , un trou branchial et des franges branchiales internes; plus tard, leur hyoïde forme en- core de chaque côté quatre arcs , ou trois avec des sus- pensoires antérieurs -, mais le tronc artériel des Cécilies adultes j au lieu de se partager en arcades à la hauteur des arcs , donne une artère pour les parties supérieures, tandis que le tronc devient arc aortique. 5° Du reste , un tronc artérieux existe chez tous les Reptiles nus. Dans plusieurs d'entre eux , ce tronc présente un ren- flement bulbaire , comme chez les Poissons ; et dans les Gre- nouilles encore , avant de se partager en arcs aortiques , il est contractile , comme Wedemeyer et plusieurs autres ob^ servateurs l'ont constaté sur la tranche du commencement de Faorte. On aurait tort de conclure de là que les artères pos- sèdent la contractilité musculaire ; car le commencement du tronc artérieux des Grenouilles correspond au bulbe artériel des Poissons. III. Reptiles écailleux. Dans tous les Reptiles nus , le cœur n'est qu'un ventricule muni d'une oreillette. Chez tous ceux qui ont le corps couvert d'écaillés, le ventricule est simple ; mais il a deux oreillettes, l'une à droite, pour recevoir le sang des veines du corps, l'autre à gauche , pour le sang des veines pulmonaires; le ventricule présente lui-même dans son intérieur des divi- sions incomplètes , savoir, chez les Chéloniens et les Croco- diles trois, et chez les Ophidiens deux cavités communi- quant ensemble , d'où les artères pulmonaires et les artères du corps tirent leur origine. 6° Chez les Sauriens proprement dits , les artères du corps (1) Annales du Muséum , t. XIV. ï88 CIRCUIATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. et les artères pulmonaires sont encore unies par un tronc artérieux. Ces animaux, que je sépare des Crocodiles, se rapprochent donc des Reptiles nus à l'égard de leur système vasculaire. Chez eux , le tronc artérieux donne de chaque côté deux arcs aortiques et une artère pulmonaire. Les deux in- ternes des quatre arcs aortiques fournissent les carotides. Les deux arcs de chaque côté forment en arrière un tronc des- cendant, qui, avec celui du côté opposé, produit l'aorte abdo- minale. Les deux troncs radicaux postérieurs de cette dernière donnent les vaisseaux des extrémités antérieures. Le commence- ment des deux artères pulmonaires paraît être simple dans une étendue très-peu considérable. Cette description a été tracée d'après une injection faite sur le Lacerta ocellata. Les Igua- nes , au contraire , semblent se rapprocher des Crocodiles par la distribution de leurs vaisseaux. Dans les Orvets , qui , d'après mes recherches anatomiques, appartiennent, avec les Pseudopes , les Bipèdes, les Ophisaures et les Acontias, à l'ordre des Sauriens et non à celui des Ophidiens , et consti- tuent une famille que je désigne sous le nom de Lacertœ an^ guinœ , le tronc artérieux se partage en artères pulmonaires et en quatre arcs aortiques , absolument comme chez les Sau- riens , à l'exception toutefois que les vaisseaux des extrémités manquent, puisqu'il n'y a point de membres. L'hyoïde des Sauriens aussi présente encore plusieurs cornes arquées , qui rappellent les arcs branchiaux ; mais ces arcs sont déjà fort éloignés des arcs de l'aorte. 7» Dans les Crocodiles , il n'y a , suivant Cuvier, que deux arcs aortiques , et un tronc de l'artère pulmonaire , qui sont unis en une seule masse dans une étendue peu considérable. L'arc aortique droit donne les deux artères innominées ; le gauche se distribue presque en entier dans les viscères ab- dominaux , mais s'anastomose par une branche avec l'aorte droite : celle-ci se continue comme tronc principal (*), 8° Dans les Chéloniens , il sort du ventricule le tronc des artères pulmonaires et celui des artères du corps , qui se (*) Consultez xin mémoire de Bischoff, sur le cœur du Crocodile, dans Muller, Ardiiv fuer Anatomie , 1836, p. d,pl. I, fig. 1-4. CIRCtLATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. l 89 divise sur-le-champ en deux arcs aortiques et en deux ar- tères innominées; l'arc gauche donne les artères viscérales, et se réunit avec celui du côté droit pour produire l'aorte ab- dominale. Les artères pulmonaires et les arcs aortiques com- muniquent ensemble par d'étroits conduits artériels. 9° Dans les Ophidiens , enfin , il y a , d'après les recherches de Cuvier et de Schlemm , ainsi que d'après les miennes , outre le tronc des artères pulmonaires , un arc aortique droit et un autre gauche , dont le premier fournit les artères des parties antérieures du corps. IV. Chez les Oiseaux , il y a , pendant la vie embryonnaire , d'abord trois arcs aortiques au moins de chaque côté , dont les supérieurs fournissent de chaque côté l'artère innominée , tandis que les inférieurs donnent l'artère pulmonaire. Durant la plus grande partie de la vie fœtale persistent et les arcs qui fournissent les artères pulmonaires, et ce qui doit être plus tardl'arc aortique; par conséquent à droite deux arcs aortiques, et à gauche un seul , jusqu'à ce qu'après l'éclosion les conduits artériels s'établissent , et il reste l'arc aortique simple , avec les artères innominées , devenues indépendantes , qui sortent d'un tronc commun. V. Chez les Mammifères , il existe aussi , pendant les pre- miers temps de la vie fœtale , plusieurs arcs aortiques de chaque côté , qui se réunissent pour produire l'aorte descen- dante. Deux seulement de ces arcs persistent pendant la plus grande partie de la vie embryonnaire ; l'un qui vient du ven- tricule droit et donne l'artère pulmonaire , l'autre qui émane du ventricule gauche et fournit les vaisseaux des parties su- périeures du corps. De ces deux arcs, qui se réunissent en aorle descendante , il ne reste plus après la naissance que la crosse de l'aorte ou l'arc aortique du ventricule gauche, at- tendu que le canal artériel , qui fait communiquer ensemble l'artère pulmonaire et l'aorte , devient Hj^amenteux , et que l'artère pulmonaire s'élève à l'indépendance. L'homme res- semble en cela aux Mammifères. De cet exposé , il résulte indubitablement que la métamor- phose du système vasculaire repose, chez tous les animaux ver- tébrés , sur un type primordial très-simple et partout le mêmej 1|Ô , CIRCUIATION DES ANIMAUX VERTEBRES. il y à , chez ces animaux , soit pendant toute leur vie , soit d'a- bord pendant la vie embryonnaire, un tronc artérieux, quimène à l'aorte abdominale par des arcs aortiques ; l'état du système vasculaire chez les individus adultes des vertébrés supérieurs, tient à une réduction plus ou moins grande de ces arcs , qui , au contraire , chez les vertébrés respirant par des branchies , se développent , soit en entier, comme chez les Poissons , soit seulement en partie , comme chez les Reptiles , en artères et en veines branchiales , avec le système capillaire des bran- chies. ' Chez l'homme , les Mammifères et les Oiseaux , les deux cœurs sont tout-à-fait indépendans après la naissance. L'o- reillette droite reçoit le sang des veines du corps , et le fait passer au ventricule droit ou pulmonaire , qui le chasse dans le système capillaire des poumons, d'oii il revient dans l'o- reillette gauche. Le ventricule gauche le reçoit de cette oreil- lette , et le pousse dans le système capillaire du corps , d'où il revient , par les veines du corps , dans le cœur droit. Le système capillaire des poumons ou de la petite circulation est indépendant de celui du corps ou de la grande circula- tion; tout le sang devient vermeil dans le premier, et noir dans le second. Nulle goutte de ce liquide n'arrive dans la grande circulation avant d'avoir passé par la petite , ce qui explique surtout l'excitation fébrile qu'on observe dans toutes les mala- dies où les vaisseaux capillaires des poumons sont détruits ou bouchés , de soi'te que la carrière du sang se trouve rac- courcie. Comme les vaisseaux capillaires du corps forment un réseau continu, qui reçoit du sang d'une innombrable quantité d'artères , tous les organes auxquels ce liquide arrive de la grande circulation sont en conflit les uns avec les au- tres par les réseaux capillaires, et une artère peut fréquem- ment en suppléer une autre. Le système capillaire de la petite circulation se trouve seul exclus de là; cependant il n'y a point isolation complète entre lui et celui de la grande circulation; car la grande circulation entre dans la petite par le moyen des artères bronchiques , qui s'anastomosent avec des branches des artères pulmonaires , circonstance qui doit surtout con- tribuer à ce que la circulation puisse se maintenir long-lemps CIRCUIATION DES ANIMAUX VERTEBRES. IQI encore \ alors même que les poumons ont subi une grande perte de substance et que l'artère pulmonaire s'est fortement rétrécie. f § 697. De même que la petite circulation des Reptiles pourvus de branchies débute par n'être qu'un simple appen- dice des artères , et retourne aux artères , de même aussi la circulation de la veine porte n'est qu'un appendice des veines, un détour qu'une partie du sang veineux fait avant de se réunir au reste de ce dernier. Celte circulation de la veine porte ressemble encore davantage à la circulation branchiale des Moules , parmi les Mollusques acéphales , animaux chez les- quels une partie du sang des veines du corps revient immé- diatement au cœur, tandis qu'une autre fait un détour pour traverser le système capillaire des branchies. Il y a, chez les animaux vertébrés, deux systèmes de veines portes , celui du foie et celui des reins. L'homme , les Mammifères et les Oiseaux n'ont que le premier. I. Système de la veine porte hépatique. 1° Chez l'homme et les Mammifères , les veines de l'esto- mac , du canal intestinal , de la rate , du pancréas , du mé- sentère et de la vésicule biliaire forment la veine porte, qui se distribue dans le foie à la manière d'une artère. 2° Chez les Oiseaux , outre ces veines , il s'y en joint encore d'autres venant des parties inférieures; en effet, le sang des pattes, de la queue et du bassin se porte en partie à la veine cave inférieure , en partie à la veine porte , comme l'a fait voir Nicolai. 3° Chez les Reptiles , le tronc de la veine porte reçoit aussi des veines des membres inférieurs et des tégumens du bassin. D'après les recherches de Jacobson (1), les deux veines prin- cipales qui , chez ces animaux , ramènent le sang de la partie postérieure du corps , sont la veine abdominale antérieure et la veine rénale inférieure. Elles naissent du concours des vei- nes des extrémités inférieures , des veines cutanées , et des veines des muscles abdominaux et de la vessie urinaire. La veine rénale inférieure se rend au rein , dans lequel elle se (1) Meckel , Deutsches Archiv , 1817, p. 147. 192 ClRCUtATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, distribue d'une manière analogue à celle de la veine porte. La veine abdominale antérieure verse son sang dans la veine porte hépatique. Chez la plupart des Reptiles , la veine porte hépa- tique (abdominale antérieure ) et la veine porte rénale (rénale inférieure) naissent en commun "des extrémités inférieures. Dans les Ophidiens , au contraire , il n'y a point de connexion entre la veine abdominale antérieure et la rénale inférieure , attendu que les veines rénales inférieures naissent de la cau- dale , et la veine abdominale des tégumens du ventre seule- ment. Bojanus appelle veine ombilicale l'abdominale anté- rieure (1). Chez les Chéloniens, d'après les recherches de Ni- colai , la veine porte reçoit aussi le sang des extrémités pos- térieures, de la paroi postérieure du ventre , et même en par- tie des membres antérieurs ; il existe deux veines ombilicales. 4° Le système de la veine porte des Poissons a été étudié par Rathke. La veine porte de ces animaux reçoit le sang des veines de l'estomac , du canal intestinal , de la rate , et chez plusieurs d'entre eux aussi, des parties génitales et de la ves- sie natatoire (2). Suivant Nicolai, le sang de la queue se porte au foie , dans le Siîurus glanis , au foie et aux reins dans la Carpe , le Brochet et le Bars (3). 5° Les veines qui ramènent le sang du foie , ou les veines hépatiques, le portent du système capillaire du foie à la veine cave inférieure. La circulation de la veine porte est donc un détour qu'une partie du sang veineux fait à travers le système capillaire du foie. On voit naître ce détour chez l'embryon à mesure que le foie se développe de l'utricule intestinal sim- ple , comme le montrent les belles observations de Baer. Le sang de la veine omphalo-mésentérique passe d'abord immé- diatement dans la veine cave , c'est-à-dire que cette veine commence par être elle-même un tronc veineux principal. A mesure que la substance du foie naît de la paroi intestinale , il pousse aussi de la veine omphalo-mésentérique des anses ca- pillaires qui conduisent une partie du sang à la veine^ cave in- férieure par un détour. (1) Anat. testud. europ., PI. XXV. (2) Mcckcl, Arcliiv, 4S2G, p. 12G. (3) /il*, 1826, p. 404. CIRCULATION DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. IQO 6° Comme les artères bronchiques sont un empiétement de la grande circulation sur le système capillaire de la petite, de même aussi les artères hépatiques empiètent de la grande circulation sur le système capillaire de la petite circulation de la veine porte, et le réseau capillaire du foie communique si- multanément avec des artères , des veines afférentes et des veines efférentes. IL Système de la veine porte rénale. Ce système , découvert par Jacobson , et dont l'existence a été constatée par Nicolai (1), fut attribué d'abord, par le pre- mier de ces anatomistes, aux Oiseaux, aux Reptiles et aux Poissons; mais Nicolai a fait voir qu'il n'appartient point aux Oiseaux , que les Reptiles et les Poissons seuls le possèdent. Chez les Oiseaux , le sang des extrémités inférieures , de la queue et delà partie moyenne^du corps se rend en partie à la veine cave, en partie à la veine porte hépatique, et les vaisseaux que l'on a appelés venœ rénales advehentes Jacobsonii, doivent être considérés, d'après les recherches de Nicolai, comme des veines efférentes. Mais il y a des veines rénales afférentes chez les Reptiles. En effet, dans ces animaux, le sang des extrémités postérieures , de la queue etdestégumens du ventre se porte à la veine porte du foie et aux veines portes des reins ; chez quelques uns d'entre eux , il ne va qu'à ces vis- cères , tandis que chez d'autres il se rend en même temps à la veine cave. Dans les premiers , la veine cave inférieure ne reçoit le sang que des veines hépatiques et des veines rénales efférentes; chez les autres, elle le tient en partie de ces veines, et en partie immédiatement des veines des organes postérieurs. Chez le Crocodile, il n'y a qu'une petite portion du sang de la veine caudale et de la veine crurale qui aille aux reins par la veine cave afférente ; la plus grande partie de celui des veines caudale et crurale , des viscères du bassin et du ventre, va gagner le foie et la veine porte par la veine ombilicale ou abdominale antérieure. La veine cave reçoit le sang des reins par les veines caves efférentes ; il lui en vient aussi par la veine caudale et par les veines des testicules et des ovaires. (1) Isis , 1S26 , p. 404. VI. i3 194 CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOtJRf/ Chez les Tortues, d'après les observations de Mcolai', le sang de la queue , de la partie moyenne du test et des tégumens du ventre , ainsi que des viscères pelviens, se porte aux reins ; celui des membres postérieurs et de la paroi postérieure du yentre , et une partie du sang des membres antérieurs se por- tent au foie, c'est-à-dire à chacune des deux moitiés de cet organe , parce qu'il y a ici deux veines ombilicales. Dans les Grenouilles , une partie du sang de la veine crurale et tout celui de la veine sciatique , de la paroi latérale du ventre et du dos vont aux reins par la veine rénale afférente. La plus grande partie du sang de la veine crurale se rend à la veine ombilicale simple , qui reçoit tout celui de la paroi antérieure du ventre , et le mène à la veine porte du foie , en outre des veines abdominales postérieures dont j'ai déjà fait mention. Chez les Poissons , on rencontre plusieurs différences , que Nicolai a signalées. En effet, tantôt le sang seul de la queue et de la partie moyenne du ventre va aux reins , comme dans le Gadus; tantôt celui des parties postérieures gagne les reins et le foie, comme dans le Silurus gîanis; quelquefois il se rend aux reins , au foie et à la veine cave , comme dans la Carpe, le Brochet et le Bais. Le sang des testicules, des ovaires, de la vessie natatoire et des reins se porte à la veine cave , excepté dans le Silurus glanis , où celui des testicules aboutit au rameau hépatique de la veine caudale. lï. Carrière, en général, que le sang parcourt» § 698. Le vaisseau est la délimitation spéciale du suc vital constituant un liquide à part et distinct de toutes les autres humeurs, c'est-à-dire du sang. Il trace la carrière que par- court ce liquide, et marque la direction suivie par lui. On peut le considérer comme l'expression du sang dans l'espace , car, il a été formé par son courant, et ne fait qu'un avec lui. 1° Il résulte déjà de là que la partie la plus essentielle du vaisseau doit être en contact immédiat avec le sang, et consti- tuer la couche la plus interne de sa paroi. Cette membrane interne ( memhrana vasorum communis , endangium ) s'étend sans interruption dans le cœur , les artères , les vaisseaux ca- pillaires et les veines. C'est un tissu élémentaire; de nature CÀRRÏiÈRE QUE lE SANG PÀKCOBRT. IgS •spéciale , et on ne peut la rapporter à aucune classe de mem- branes. Suivant Meckel, les membranes séreuses sont celles avec lesquelles elle a encore le plus d'analogie, enraisondesa struc- ture , de ses propriétés vitales et de sa tendance à l'adhérence, à l'inflammation, à l'ossification. Elle me paraît se rapprocher bien plutôt de l'épiderme , attendu qu'elle sépare le sang du reste de l'organisme, comme l'épiderme sépare le corps entier du monde extérieur , et que ses propriétés essentielles ressemblent beaucoup à celles de ce dernier. En effet, c'est un coagulum uniforme , mince , transparent , blanchâtre , sans rien de particulier dans sa structure , et au microscope on n'y dislingue ni globules, ni fibres, ni interstices ou pores (1). k la vérité, Geri prétend y avoir aperçu des fibres longitudi- nales (2) , après l'avoir fait macérer , puis sécher ; mais un tel phénomène présenté par un corps en putréfaction ne peut point être allégué comme preuve de l'existence de fibres or- ganiques. La membrane vasculaire interne n'a ni vaisseaux ni nerfs. Ribes dit bien y avoir vu des vaisseaux sanguins dans les inflammations ; mais tout porte à croire qu'il s'agissait seu- lement là des vaisseaux de la membrane fibreuse perçant à tra- vers son tissu transparent. Elle est fragile , ce qui fait qu'elle se déchire quand on serre fortement un fil mince autour des vaisseaux ; mais elle guérit facilement , et se reproduit de nouveau (3). Quelquefois il s'y développe des ossifications ,*qui sont pour ainsi dire le reflet d'un système osseux extérieur déposé à l'épiderme. Ce phénomène est normal chez plusieurs ïluminans et Pachydermes, anormal dans l'espèce humaine (§ 588, 2° ). Enfin elle pourrit plus tard que d'autres parties, ne donne point de gélatine par la coction , et brûle en répan- dant une odeur de corne. L'affinité entre elle et l'épiderme, qui ressort de toutes ces propriétés, avait déjà été reconnue par Bichat. Mais on prend à tâche aujourd'hui de ramener la confusion quiVégnait jadis dans l'anatomie, en écartant les idées claires et nettement tranchées que cet ingénieux observateur (1) Weber, Anatomie des Menschen, 1. 1 , p. 248.' (2) Froriep , Notizen , t. IV, p. 466, (3) Weber, loc cit., p, 252. ig6 CARRIÈRE QUE tE SANG PARCOURT. avait établies , et ne conservant que des noms qui n'expriment rien. Ainsi la membrane interne des vaisseaux a été mise au nombre des muqueuses par Gorgone (1) et des séreuses par Letierce (2) , parce qu'on la trouve humide dans les vais- seaux vides des cadavres. Mais cette humidité est incontesta- blement du sérum laissé par le sang ou provenant de la trans- sudation (§ 634, 10° ), et elle ne doit point naissance à une sécrétion , puisque la membrane n'a pas de vaisseaux san- guins , que les vaisseaux vides de sang ne tardent point à s'oblitérer par adhérence , et qu'on ne saurait songer à une exhalation quelconque dans une cavité remplie par un liquide. Lorsque le sang entre en conflit immédiat avec les or- ganes , dans les vaisseaux les plus déliés qu'admet la sub- stance de ces derniers, il n'est recouvert que de cette seule membrane vasculaire commune. Quand, au contraire, le cou- rant sanguin est plus indépendant, dans les vaisseaux vo- lumineux et libres, à cette membrane s'en ajoutent d'autres. 2" D'abord il se dépose à sa surface une couche qui, comme partie vivante du vaisseau , contient des vaisseaux sanguins nourriciers , des nerfs et des fibres plus ou moins aptes à se mouvoir , ce qui fait aussi qu'on la désigne sous le nom de membrane fibreuse. 3° Mais à l'extérieur il se produit une enveloppe qui sert à protéger, consolider et unir le vaisseau. Cette enveloppe a la la forme ou d'une gaîne celluleuse , ou d'une membrane sé- reuse. Quelquefois [elle est remplacée par d'autres parties , notamment par des membranes fibreuses comme aux troncs veineux du cerveau , ou par du cartilage , comme à l'aorte de l'Esturgeon. Après ces considérations générales sur la carrière du sang , nous avons à nous occuper de ses diverses parties ( § 699-704). A. Artères. § 699. ï. Après la mort, on trouve les artères vides et con- tenant de l'air. Aussi Praxagoras , qui le premier les distin- <1) Bulletin des se. médic, t. XVIII, p. 331. (2)/Wd., t. XX,p. 2. CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. I97 gua des veines , considérait-il l'état de vacuité comme étant leur condition normale. Il croyait que Tair passe dans les artères par les poumons , et il expliquait Thémorrhagie qu'on observe quand elles viennent à être ouvertes sur le vivant , 'en supposant que , lorsqu'elles éprouvent une lésion quel- conque , elles attirent , par une action contraire à la marche ordinaire des choses, le sang de toutes les parties du corps. Celte opinion s'accrédita ; elle subit seulement quelques mo- difications quand Hérophile eut enseigné que les artères elles- mêmes contiennent du sang. On admit , en effet , la doctrine qui fut professée surtout par Nemesius , que les artères recè- lent un sang spiritueux, et conduisent ainsi aux organes un esprit vivifiant, pour la nourriture duquel elles attirent, pen- dant leur diastole, le sang des veines les plus voisines , tandis que, durant leur systole , elles font transsuder tout ce qu'elles contiennent d'impur à travers leurs pores. De] cette manière, les veines demeuraient toujours le siège proprement dit du sang , qui éprouvait une fluctuation dans leur intérieur. Quoi- que cette doctrine eût été attaquée^ de divers côtés après la renaissance des lettres , ce fut cependant Harvey qui le pre- mier démontra d'une manière positive et complète que le sang coule sans cesse avec uniformité. Après bien des ré- sistances , il parvint à faire pénétrer cette vérité dans la con- viction de ses contemporains. Les vues exposées par ce grand homme étaient depuis long-temps adoptées par tout le monde, lorsque, vers la fin du dix-huitième siècle, Rosa s'éleva contre elles , en prétendant que , puisqu'on trouve dans le cadavre beaucoup moins de sang qu'il n'en faudrait pour remplir le système vasculaire entier (§ 692), les artères ne contiennent qu'une petite quantité de ce liquide , dans un état de grande atténuation, mais qu'elles sont remplies d'une combinaison vaporeuse de l'air atmosphérique introduit par les poumons avec la partie la plus subtile et la plus volatile de la matière animale ; il ajoutait que les veines seules représentent le sys- tème sanguin et la vie plastique , que les artères servent à la vie animale , enfin que le seul cas oii il arrive au sang de re- fluer dans les veines est celui où , ayant été poussé de vive force dans les artères, il cherche à s'en échapper le plus ÏQS CARmÈnE QUE LE SANG PARCOURT. promptement possible (1). Notre siècle lui-même a vu re-- naître une opinion qui s'était formée pendant l'enfance de la physiologie ; Kerr (2) a nié la circulation du sang ; il a prétendu que les artères contiennent un esprit aériforme vivifiant , avec très-peu de sang nourricier , tandis que les veines renferment du sang destiné à la nutrition , avec un peu d'esprit vital pour produire la vie et la chaleur. Toutes ces assertions sont suf- fisamment réfutées par des faits très-simples ; l^Dansjles vivisections, on voit le sang couler du çœiir dans les artères. 2" Partout où les artères sont transparentes , on les aper- çoit'pleines de sang. 3° Toute plaie faite à une artère quelconque entraîne une hémorrhagie, dans laquelle le sang vient du côté du cœur. 4° Les artères des cadavres contiennent du sang dans cer- taines circonstances , par exemple , d'après Moscali (3) , lors- que la mort a été causée par l'asphyxie , l'électricité , les poi- sons narcotiques , la peste , le scorbut , etc. IL Le sang coule, dans les artères, des troncs vers les bran- ches. 5<»^0n peut s'en convaincre par le témoignage de ses yeux sur ceux de ces vaisseaux qui sont transparens. 6° Quand on coupe une artère en travers, le courant princi- pal du sang vient du cœur , et les branches ne donnent point de liquide , si ce n'est par reflux. 7° Une artère qu'on lie, ou que l'on comprime, se vide au dessous de l'obstacle ; elle ne bat plus , et ne donne plus de sang quand on la blesse, à moins que ce liquide n'y soit amené par des anastomoses. 8° Enfin , le courant du sang ne pourrait suivre une autre direction , puisque les valvules placées à la base de l'aorte lui permettent bien de couler dans les artères , mais lui inter- disent de rentrer dans le cœur. § 700. Si l'existence du sang dans les artères elles-mêmes il) Giornàle per servira alla storia raggionata délia mediana di questo secolo, t. I, p. 148. (2) Observations on the harveian doctrine, p. 151. (3) Rosa, lac. cit., 1. 1 , p. 225. CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOURT. I99 a été niée de nos jours encore, pour ainsi dire, on ne saurait être surpris de la dissidence des opinions accréditées parmi nos contemporains au sujet de la manière dont ces vaisseaux se terminent à leurs extrémités , sur lesquelles nos moyens d'ob- servation ont si peu de prise. Les hommes éprouvent un plaisir tout particulier à nier l'évidence et à combattre ce que le sens commun admet ; ils se procurent ainsi les jouissances qui ac- compagnent ridée de posséder des connaissances supérieures à celles des esprits vulgaires , et d'ailleurs la vie semble perdre de son éclat idéal , quand on réduit à un simple mécanisme une partie de ses manifestations aussi essentielle que la cir- culation du sang. Cependant il appartient aux sens de pro- noncer en dernier ressort sur tout ce qui se rattache à l'espace, et l'explication qui leur paraît mériter la préférence est la plus simple qui puisse se trouver , celle qui a pour elle l'ana- logie des phénomènes connus de la nature , celle qui s'accorde avec les lois générales de la physique. Car, quelque merveil- leuse que soit la vie dans son essence , cependant ses moyens de réalisation sont peu compliqués , et à quelque point qu'elle diffère de l'existence inorganique , elle n'en est 'pourtant pas séparée par un abîme. Nous avons bien un œil de l'esprit qui voit plus loin que celui du corps ; mais sa destination est uni - quement de reculer les bornes au-delà desquelles celui-ci ne peut s'avancer , et quand il prétend saisir des phénomènes en (Contradiction avec le témoignage de ce dernier , il prête à la nature de petits miracles , qui ont souvent pour effet ^'d'en- lever à la vie sa merveilleuse et sublime simplicité , et il mène à des théories mystiques, car c'est précisément une°al- liance déplorable entre ce qui frappe nos sens et ce dont nos sens ne peuvent être infornjés , qui constitue le caractère du mysticisme. Pour passer en revue les diverses opinions relatives au sujet qui nous occupe maintenant , on peut se figurer les extrémités périphériques des artères ou closes (1°) ou ouvertes (2o). 1° Suivant Aristote ,les artères sont nerveuses ettendineuses; elles dégénèrent en véritables tendons , et s'unissent avec les os. Si par là on attribuait des extrémités closes à ces vais- seaux, Nemesius enseignait que leur contenu se volatilise à 200 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. travers des pores. Mais comme ils renferment encore du sang, qui ne peut point se volatiliser, Fabrice d'Acquapen- dente attribuait à ce liquide un reflux ou une fluctuation. Les injections sur le cadavre , les infusions et transfusions sur le vivant renversent l'hypothèse des extrémités closes. 2« Si les artères sont ouvertes à leurs extrémités , le sang qui s'en échappe peut ou disparaître dans la substance orga- nique située au dehors d'elles, et se convertir en cette sub- stance (3°), ou persister à l'état de sang, et revenir au cœur par les veines (§ 696). 3° L'opinion que le sang sort des vaisseaux et se métamor- phose en parties solides, comptait déjà des partisans parmi les anciens; car, suivant Arétée et Galien, le foie, les reins et autres viscères ne sont qu'une sorte de sang coagulé. Il a été émis, dans ces derniers temps, plusieurs hypothèses qui, bien que fort diff'érentes d'ailleurs les unes des autres , ont cependant cela de commun qu'elles supposent toutes que les veines ne reçoivent point de sang des extrémités des artères , et que celui qu'on trouve dans leur intérieur est un sang de nouvelle formation. D'après Wilbrand (1) , le courant artériel tout entier , sang et vaisseaux, est dans un état continuel de métamorphose; il meurt, dans toutes ses molécules, à la naissance de toutes les parties organiques , et comme chaque partie meurt aussi à tout instant , dans toute sa capacité intérieure et extérieure , de là résulte la naissance du courant veineux ; ce mode de naissance n'est point appréciable par les sens , parce que , de sa nature , il est interne ; mais [on^^doit l'admettre de toute nécessité à cause de sa conséquence mathématique , puisque chaque partie se présente sous un autre aspect après des pé- riodes déterminées , et que cette aliénation ne saurait être soudaine , saccadée , qu'elle ne peut avoir lieu que dans la continuité d'une ligne géométrique. Runge (2) a poussé cette idée plus loin encore. Suivant lui, comme naître et périr s'appellent l'un l'autre , il faut que (1) Erlœuterung der Lelire vom Kreislaufe , p. 3 , 14. (1) Zur LebenS'Und Stoffwissenschaft des Thieres ^p. 55, 77. CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 201 continuellement le sang se solidifie en organes, et les organes se liquéfient en sang , de manière que leur contenu est ex^ puisé comme chose de même nom qu'eux ou comme excré- ment; chaque artère est un animal à part, dont la bouche adhère à l'anus de celui qui le précède , reçoit l'excrément de ce dernier , le convertit en sa propre substance , et rejette la portion excrémentitielle dans la bouche ',du suivant , qui y trouve de quoi fabriquer des produits nouveaux. Ainsi il n'y a point de circulation , et le mouvement apparent du sang: n'est qu'une simple fluctuation d'existence et de non-exis- tence. Schultz (1) prétend seulement que le sang pénètre les tissus de toute sa substance , et que ses globules , tant qu'ils se meuvent , se forment aussi continuellement. Spitta (2) accorde que les veines reçoivent une partie de leur sang des artères ; mais ce n'est , suivant lui , que dans les organes qui admettent beaucoup de sang pour leurs fonc- tions , ou qui croissent avec rapidité et par conséquent cessent bientôt de croître , ou enfin dans lesquels il ne s'opère qu'un renouvellement lent de matériaux. Et comme les veines sont plus amples que les artères , elles doivent en outre recevoir du sang qui se forme de nouveau sur chaque point du corps animal. Sachs s'exprime à peu près de même (3) ; il pense que le passage des artères dans les veines n'est prouvé qu'en partie, et qu'on peut objecter contre, que la quantité du sang contenu dans les veines surpasse celle qu'on trouve dans les artères ; il ajoute que ce liquide coule avec trop de vélocité pour qu'il lui soit possible de traverser les vaisseaux capillaires , enfin que la nutrition et la sécrétion ne sauraient s'efîectuer si le sang restait dans les vaisseaux. Ayant à discuter plus tard les objections élevées contre la circulation, nous ne dirons rien ici de celles dont il vient d'être question, afin d'éviter les répétitions. Nous nous bor- nerons donc à examiner la théorie précédente en elle-même. (1) i?er Lehenspi'ocess im Blute , p. 44 , 57. (2) De sanguinis dignitate in pathologia resHtuenda , p. 8-14. (3) Heusingev, Zeitschrift fuer die organische Physik, t. 111, p. 171,] 502 CARRIERE QUE tE SANG PARCOURT. 4" Quant à ce qui concerne d'abord la manière d'exprimer les idées, tout changement de substance, tout anéantisse- ment d'un corps , n'est à la vérité qu'une métamorphose , dans le sens métaphysique , puisque la matière en elle-même ne peut ni s'anéantir ni devenir une chose absolument autre. Mais la physique a pour objet les qualités diverses des choses; elle entend par métamorphose tout changement de forme dans le- quel l'essence reste la même, par conservation ou reproduction tout changement de substance accompagné de persistance de la même forme, enfin par mort et anéantissement tout changement simultané de substance ou de forme. D'après cela , nous ne pouvons pas donner le nom de métamorphose au changement matériel qui s'opère pendant la nutrition et l'hématose ; car ici la forme est conservée par le renouvellement des matériaux; mais nous reconnaissons une métamorphose du sang à la pé- riphérie de sa carrière , où , tout en restant le même dans sa substance , il subit une modification dans ses propriétés (§752,30). 2° La matière organique est assurément dans un état con- tinuel de changement ; mais ce changement n'est à chaque moment que partiel ; le pigment de la garance se dépose peu à peu et disparaît aussi peu à peu : quand un obstacle s'op- pose au versement de la bile dans l'intestin , la conjonctive jaunit peu à peu, puis elle redevient blanche par degrés, aussitôt que le cours de la bile est rétabli ; le cristallin brisé en morceaux ne disparaît dans l'humeur aqueuse de l'œil qu'au bout de quelque temps , et l'organisme est obligé de ronger les exostoses ou autres tumeurs pendant des mois en- tiers , avant d'en triompher. De ce qu'un sapin a aujou'd'hui des feuilles toutes différentes de celles qu'il avait dix ans au- paravant, ce qui ne l'a point empêché de rester toujours vert , il ne suit pas que de nouvelles feuilles se soient repro- duites à chaque instant en lui ; car l'observation acquise par les sens nous démontre que ces feuilles sont réellement une chose persistante , mais que , parmi elles , il s'en trouve quel- ques unes qui tombent et qui sont remplacées par d'autres. 3° Chacun sait qu'une perte de sang n'est réparée qu'au bout de plusieurs jours ou semaines , et qu'il faut pour cela CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 205 non seulement des alimens appropriés , mais encore un jeu normal des fonctions assimilatrices. A côté de ces faits cons- tatés par l'expérience , la formation instantanée du sang qu'admet la théorie précédente porte réellement le caractère de miracle. En pratiquant une saignée du pied^, nous pouvons "Voir couler , en peu de minutes , de la veine du gros orteil , plus de sang que cet orteil lui-même ne pèse. Blundell prit un chien dont le poids n'allait point à douze livres , et , dans l'espace de vingt-quatre minutes , lui fit passer douze livres de sang de la carotide dans la veine crurale ; les poumons au- raient donc formé, pendant ce laps de temps plus de sang que ne pesait l'animal entier , si ce n'avait pas toujours été le même qui arrivait par les artères pulmonaires et retournait par les veines pulmonaires. D'après la théorie que nous exa- minons, il se produirait plus de sang dans le cerveau et dans l'œil que dans des organes de même volume appartenant à la vie plastique, et comme nous entretenons la circulation, sur des animaux mis à mort , par une respiration artificielle , il faudrait que la formation du nouveau sang fût une opération chimico-mécanique indépendante delà vie totale. k" Si l'on veut prendre la capacité des vaisseaux pour me- sure, on voit apparaître également des résultats tout-à-fait incroyables, comme l'a démontré Oudemann (1). En effet , si la capacité des veines est à celle des artères dans la propor- tion de 5 ; 3 , et que la réplétion plus considérable des veines , correspondante à leur excès de capacité , dépende de ce que ces vaisseaux reçoivent du sang de nouvelle formation , il faudrait qu'à chaque circulation la masse du sang augmentât d'un quart environ ; ainsi^ en supposant qu'il y eût quinze livres de sang dans les veines et neuf dans les artères , il de- vrait se former à la périphérie, et de là passer dans les veines six livres de nouveau sang à chaque circulation dans l'espace de trois minutes , ce qui donnerait deux mille huit cent quatre livres pour les vingt-quatre heures. Maintenant cet excédant de sang ne peut point suivre la voie simple , c'est-à-dire passer des veines, par le cœur, dans les artères; (l)2i3e venarwm fahrica et actione , p. 34, ] 504 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. autrement celles-ci seraient tout aussi remplies que celles-là ; mais comme', à l'exception du système de la veine porte , il ne parvient dans aucun autre organe , nous ne pouvons nous dispenser d'admettre qu'il est absorbé par le cœur ; or , cet organe restant toujours le même , il devrait se reproduire de sa substance une égale quantité de sang , et nous aurions tou- jours au bout de vingt-quatres heures un excédant de deux mille huit cent quatre-vingts livres à la disposition de la théorie. 5° Mais cet excédant balance la dépense que les autres or- ganes font pour former de nouveau sang. En effet , .si les vei- nes amènent au cœur plus de sang qu'elles n'en ont reçu par les artères , leur vie entière doit être une consommation con- tinuelle , et si elles forment autant de sang que le comporte l'excédant de la masse du sang veineux sur celle du sang ar- tériel , elles doivent être complètement consommées soixante et quinze minutes après le commencement de l'opération. Ainsi la théorie en question ressemble assez bien à celle des peu- plades qui croient que la lune meurt dans son dernier quartier et qu'il en renaît une nouvelle au premier quartier. § 701. I. Les faits suivans démontrent que les veines reçoi- vent leur sang uniquement des artères. 1° Il ne naît de veines nulle part ailleurs que là où se ter- minent des artères. : 2° Quand on injecte les artères d'un cadavre , et que leurs ramifications ne sont point obstruées par des caillots ou par un liquide qui ne puisse s'écouler , la masse passe dans les veines. 3° Après la mort on trouve ordinairement les artères vides , et tout le sang réuni dans les veines : il doit donc passer de celles-là dans celles-ci , et l'on peut observer ce passage chez des animaux mourans , par exemple sur le mésentère des Gre- nouilles. 4» Un animal peut perdre tout son sang par une plaie faite à l'une de ses veines. 5*» Après avoir injecté un liquide étranger dans les artères , d'un animal vivant , on retrouve ce liquide dans les veines. Ainsi King injecta du lait dans une artère , et le revit dans le CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOURT. 3oS sang veineux (1). Quand Magendie (2) injectait de l'eau dans l'artère crurale d'un Chien , il coulait par la veine d'abord de l'eau mêlée de sang, puis de l'eau pure. Wedemeyer (3) a vu de l'eau chaude injectée dans l'artère brachiale d'un Cheval , couler par la veine , et le courant devenir plus fort chaque fois qu'il appuyait davantage sur le piston de la seringue. Des centaines d'expériences (§744,745) ont constaté que les substances étrangères qu'on injecte dans le système de la veine cave se retrouvent dans le système aortique et dans les sé- crétions formées aux dépens de ce dernier, et qu'elles passent aussi des artères pulmonaires dans les veines du même nom. Pour n'en citer ici qu'un exemple, May er poussa du lait dans la veine jugulaire d'un Lapin , et le retrouva dans le sang de l'aorte et de la veine porte ; il avait donc passé non seulement des artères pulmonaires dans les veines pulmonaires , mais encore des artères intestinales dans les veines correspon- dantes. 6° Lorsqu'il ne peut couler de sang à travers les artères , il n'en revient pas non plus par les veines correspondantes. Quand Spallanzani (4) comprimait avec le doigt le cœur d'une Salamandre , la circulation cessait d'abord dans les artères, puis dans les veines ; dès que la compression cessait , elle se réta- blissait dans le même ordre. La même chose avait lieu après la ligature de l'aorte (5), Magendie (6) mit à découvert les vaisseaux cruraux d'un Chien, et serra la cuisse au dessous de ce point, afin qu'il ne pût couler de sang par les autres vaisseaux : quand il comprimait l'artère, le flot de sang fourni par la veine ouverte diminuait d'abord , puis cessait tout-à-fait après que l'artère s'était complètement vidée , et se rétablissait aussitôt que la compression cessait ; s'il laissait couler un peu de sang dans l'artère , ce liquide sortait en nappe de la veine , et dès qu'il abandonnait l'artère à elle-même, le liquide s'élancait e» (1) Sclieel, Die Transfusion des Blutes, 1. 1 , p. 192. (2) Journ. de physiologie,!. I, p. III. (3) Untersuchungen ueber den Kreislauf des Blutes , p. ISO. (4) Expériences sur la circulation , p. 183. (5) Ihid., p. 185. (6) Journ. de phjsiol., 1. 1, p. 110. — Précis élément., t. II , p. 323. âb6 CARRIÈRE QUE tÈ SANG PARCOUHT. jet. Schottin observa une femme qui portait au bras 'un ané- vrysme variqueux, et à travers la veine céphalique de laquelle on voyait aisément percer la couleur du sang ; une pression exercée sur l'artère axillaire rendait le bras exsangue , et quelques instans après la cessation de la compression, le sang repassait rapidement par la veine (1). T Kerr (2) a commis une erreur en prétendant que personne encore n'a vu les globules du sang passer des artères dans les veines. Ce phénomène avait déjà été observé , au dix-sep- tième siècle , d'abord par Malpighi , puis par Leeuwenhoek , et enfin par Covi^per ; il l'a été plus tard par Haies sur les poumons des Grenouilles , par Haller (3) sur la queue des Poissons, par Reichel (4) sur le mésentère des Grenouilles , 'par Spallanzani (5) sur des Grenouilles et des Salamandres. Forch- hammer (6) a reconnu , sur les nageoires et les branchies des embryons de la Blennie , que tout le sang passe des artères dans les veines. Dœllinger a également vu, sur des embryons de Poissons , le même sang qui avait coulé dans les artères repasser dans les veines. IL Mais s'il est certain que le sang passe des artères dans lés veines , il peut ou s'épancher hors de celles-ci avant de passer dans celles-là (8°) , ou rester toujours renfermé dans des canaux (§ 697), et, quoique la question soit déjà résolue par les observations qui viennent d'être rapportées (7°) , nous devons cependant insister sur elle , parce qu'il règne encore des opinions diverses à son égard. 8° Pendant les premiers temps qui suivirent la 'découverte de la circulation , Pecquet , Mayow et autres (7) admirent qu'avant de passer dans les veines, le sang s'épanche des ex- trémités des artères dans le parenchyme des organes ; mais les progrès de l'anatomie avaient fait abandonner cette hypo- (1) /«s, 1823, p. 524, (2) Loc. cit., p. 57. (3) Opéra minora , 1. 1, p. 176. (4) Do sanguine ejusque motu , p. 16. (5) Expériences sur la circulation, p. 255, (6) De hlennii vivipari formatione , p. 12, (7)HalIer, i??m. /%5iW., t. I,p. 92. . -: CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOtRf. HÙ'J thèse , lorsqu'elle fut de nouveau remise en honneur par les modernes. Les vaisseaux, dit Schmidt (1) , sont les limites du sang , qui le conduisent sans décomposition au lieu de sa des ' tination ; arrivé là, il se répand librement dans la masse ani- male, de sorte qu'il n'y a point de vaisseaux capillaires. Henszler prétend qu'il n'existe d'ouvertures béantes qu'aux extrémités de quelques artères (2) , savoir de celles qui ser- vent à la nutrition (3) , et il se fonde d'un côté sur ce qu'on ne pourrait point expliquer autrement les phénomènes de la vie , d'un autre côté sur les faits su i vans : toute piqûre d'épingle , quelque légère qu'elle soit , saigne : or, comme tout n'est point vaisseau , il faut que du sang soit épanché dans le tissu cel- lulaire (4) ; en examinant des pièces injectées , on aperçoit toujours des ouvertures béantes d'artères , tant à la loupe qu'à l'œil nu (5) ; on découvre dans la peau blanche et délicate de l'homme , surtout lorsqu'on en soulève un pli et qu'on le" comprime , des cellules dans lesquelles il y a du sang épan- ché , et qui ressemblent à de petits points sanguinolens (6) ; enfin quand on appuie doucement sur les vaisseaux d'un Poisson , le sang reste bien dans leurs terminaisons les plus déliées , mais si la pression continue , il en sort , et s'épanche dans le tissu cellulaire , qui acquiert ainsi une teinte rouge sale (7). Oftendinger cite encore, à l'appui de cet épanche- ment de sang , une observation qu'il a faite sur un Lapin em- poisonné au moyen de l'acide hydrocyanique ; les poumons étaient vides de sang , et leur substance lui offrit , non dès vaisseaux et des vésicules, mais seulement de très-petits trous (8). Cette doctrine , dans l'examen de laquelle nous ne nous at- tacherons qu'aux points essentiels , repose sur l'opinion que la * , (i) Ôrgamsationsmetamor'phose des Mensclien , p. 33. (2) Neue Lehre im Gebiete der physiologischen Anatomie , p. 4M. (3) Ibid., p. MO. {fî)Ibid.,T^Am. (5) Ibid., p. 158. (6) Ibid., p. 462. (7) Ibid., p. 165. (8) Meckel, y^rc/w fuet Aîiotomie > i8â9, p. M, 20S CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. nutrition serait impossible si le sang ne s'échappait point des vaisseaux , hypothèse dont la discussion nous occupera ailleurs. Du reste : «.[Les animaux qu'on ouvre vivans, ou ceux qui viennent d'être mis à mort, n'offrent aucune trace d'extravasation de sang; leur substance entière est , au contraire, imbibée d'un liquide séreux parfaitement clair ; s'il y avait seulement une goutte de sang, la sérosité devait êtrerougeâtre. h. Nous voyons le sang former un courant uniforme dans les veines ; il faudrait par conséquent que ces vaisseaux re- prissent avec tout autant d'uniformité et de promptitude, par leurs orifices béans, le sang qui se serait échappé des ar- tères ; or l'expérience nous apprend que le sang extravasé dans les pétéchies et les ecchymoses n'est résorbé qu'avec une lenteur extrême. Mais, en supposant même qu'une har- monie si merveilleuse existât entre les arlères et les veines non continues les unes avec les autres^ elle ne pourrait man- quer d'être troublée souvent , et des extravasations visibles de sang seraient les plus fréquentes des maladies ; or , si l'on excepte les épanchemens produits par la déchirure des vais- seaux, ces extravasations sont extrêmement rares , et on ne les observe que dans des circonstances où l'on peut les^expli- quer soit par la moindre consistance du sang , soit par l'aJBFaii blissement de la cohésion des parois vasculaires. c. Le sang extravasé devrait nécessairement s'accumuler davantage en cas d'obstacle à son écoulement dans les veines ; mais on ne voit jamais d'épanchemens sanguins chez les sujets atteints de varices, par exemple pendant la gros- sesse , et personne encore n'a observé qu'après la ligature d'une veine , le sang s'extravasât aux racines de ce vaisseau. Il n'est pas rare que de la sérosité s'épanche dans le tissu cellulaire, quand les veines viennent à ^tre comprimées ; mais cette sérosité est constamment exempte de tout mélange avec du sang. d. Lorsqu'on pratique une injection , la masse passe des ar- tères dans les veines sans s'extravaser, et l'on reconnaît en- suite que les deux ordres de vaisseaux communiquent ensem- ble par l'intermédiaire des vaisseaux capillaires. Ces derniers CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOURT. 209 contiennent souvent encore un peu de sang, en partie coagulé ou du moins épaissi , qui s'oppose au passage de l'injection dans les veines ; en pareil cas , on peut exercer une très -forte pression sur le piston de la seringue; l'injection ne s'échappe point , jusqu'au moment oiî, un vaisseau venant enfin à se rompre tout à coup , la masse coule dans les tissus envi- ronnans. Si les vaisseaux capillaires sont libres , rien n'est plus facile que de les remplir ; j'ai injecté , entre autres, sur un même cadavre qui était demeuré trente heures dans le lit pendant les chaleurs de l'été, et qui montrait déjà des traces de putréfaction , une dissolution de soude dans les carotides et les artères crurales : il s'écoula , par les veines jugulaires et crurales, d'abord du sang épais , puis du sang de plus en plus clair, et enfin de la dissolution saline pure; je poussai ensuite de la cire fondue jusqu'à ce qu'elle ressortît par les veines, que je liai alors; la peau, auparavant flasque, était redevenue rénitente ; les joues , lèvres et paupières affaissées, avaient repris la turgescence et la forme qui les caractérisent pendant la vie , et les vaisseaux capillaires , notamment ceux du cerveau et de la moelle épinière , étaient complètement remplis ;de cire , sans qu'il y eût le moindre vestige d'extra- vasation. En examinant au microscope des vaisseaux capil- laires injectés , on n'y aperçoit point d'ouvertures béantes , qui ne sauraient non plus exister, puisque autrement la masse se serait répandue au dehors ; des ouvertures, assez grandes surtout pour être visibles à l'œil nu , ne peuvent qu'avoir été produites par accident. Quand une partie riche en vaisseaux , par exemple un lambeau de peau, a été injectée, la surface en- tière paraît colorée d'une manière entièrement uniforme , de sorte que , si la masse était encore liquide , elle devrait s'é- chapper par le fait seul de la moindre piqûre d'épingle ; ce n'est qu'avec le secours d'une loupe qu'on reconnaît que la coloration appartient à des vaisseaux capillaires bien distincts les uns des autres. Prétendre que ces vaisseaux sont un pro- duit de l'art , c'est prouver qu'on a trop de confiance dans l'habileté des anatomistes , et pas assez dans son propre juge- ment. Les extravasations sont trop communes pour qu'on ne puisse pas les reconnaître , au moment môme où elles com- VI. i4 210 CAÏÏRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. mencent à se former, non seulement à la cessation subite de toute résistance, mais encore à la pénétration illimitée de quan- tités considérables d'injection, et, quand elles ont eu lietf, aux masses qu'elles produisent, dont la forme est déter- minée miiqueraent par celle des parties entourantes. Les vais- seaux capillaires _, au contraire , figurent des filamens grêles , ramifiés , souvent réticulés , et la manière dont ils se distri- buent, se réunissent et s'anastomosent, présente des modifi- cations spéciales dans chaque organe ; un œil exercé recon- naît au type particulier de la formation , à quel organe appartient la préparation de vaisseaux capillaires qu'on lui présente; car jamais 1« hasard ne fait que les formes des vais- seaux du rein se rencontrent dans le foie , ou celles du foie dans la rate , etc. e. L'observation de la 'circulation du sang au miscroscope confirme le résultat des injections anatomiques. Si le sang sor- tait des artères , on devrait pouvoir distinguer le point où ces- serait la paroi vasculaire ; le sang , débarrassé de ses limites y devrait couler avec une plus grande vélocité , et se répandre plus librement. Or on ne voit rieri de tout cela ; le sang qui émane de branches volumineuses produit sans interruption des Gourans linéaires, fréquemment flexueux, qui conservent tou- jours la même direction , du centre vers la périphérie , et de celle-ci vers le centre. On peut s'en convaincre par ses pro- pres yeux , et les observateurs cités précédemment (7°) l'ont constaté. Kaltenbrunner exprime ce fait quand il dit qu'on voit les globules du sang former un courant continu des artères dans les veines , à travers les vaisseaux capillaires (1). We- demeyer (2) déclare aussi que le sang passe des artères dans . les veines, et que nulle part il n'y a ni pores latéraux ni ou- vertures latérales qui lui permettent de sortir des artères ou d'entrer dans les veines. f. Si tous ces faits , envisagés d'une manière générale , sont parfaitement démontrés , et si nulle conjecture ne peut les renverser, il serait possible cependant que des exceptions (1) Froriep , Notizen , t. XVI, p. 308. (2) Untersuchungen ueber den Kreislauf, p. %Qi, CARRIÈaE QUE lE SANG PARCOURT. 211 eussent lieu dans certains organes ou chez certains animaux. On a cru fréquemment trouver de telles exceptions; mais, dans bien des cas , un examen plus attentif a fait reconnaître que l'on s'était trompé ; peut-être le même sort attend-il les ex- ceptions qui passent encore pour valables. Plusieurs physio- logistes , par exemple Senac (1) , disaient que le sang sort des vaisseaux dans le pénis, la matrice et les mamelles ; mais il est prouvé aujourd'hui que les prétendues cellules ouver- tes ne sont que des sinus veineux , qui se continuent sans interruption avec les veines (§ 278, 3°; 346, 1°). Les sinus vei- neux du cerveau sont des veines pourvues de gaines que leur a fournies la dure-mère, et, quoiqu'il semble que le sang s'é- panche en toute liberté dans la substance osseuse, Breschet a cependant prouvé (2) que même ici il existe une membrane vas- culaire. Tout récemment, Home a décrit et figuré , aux artères des capsules surrénales , des ouvertures latérales livrant pas- sage i suivant lui, non pas à du sang , mais à de la graisse; on conçoit à peine comment la chose serait possible; du reste, je n'ai jamais pu, malgré les injections les plus délicates, apercevoir d'ouvertures semblables dans les capsules surré- nales. Wedemeyer prétend que, dans la Salamandre , les vais ■ seaièx des vésicules pulmonaires sont percés comme des Cri « blés , que les ' globules du sang passent , par les ouvertures des artères , dans le parenchyme , où ils roulent comme des pois , et que de là ils s'introduisent dans les ouvertures des veines; mais il dit en même temps que ces globules s'entre- lacent d'une infinité de manières , et suivent cependant la même direction à travers le parenchyme , ce qui ne s'accorde guère avec la première proposition (3). Gruithuisen (4) a vu, au bord du foie d'une Grenouille , entre les granulations glan- dulaires , des interstices dans lesquels le sang s'épanchait ; mais il n'est pas prouvé pour cela que la membrane vascu- (i) Traité de la structui'e du cœur, t. II , p. 182. (2) Recherches anatomiques , physiologiques et pathologiques sur le système veineux, p. 2S. (3) Meckel , ArcMv fuer Anatomie , 1828 , p. 348* (4) Beitrcsge sur JPhysiognosie , p. 159. 212 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. laire n'existât point. Suivant Rathke (1), du sang artériel s'é- panche , chez la Lamproie , dans le tissu des organes géni- taux , sans être renfermé dans des vaisseaux particuliers , et il baigne les œufs ou les globules testiculaires , comme s'il s'était introduit dans une éponge ; cependant l'analogie doit nous faire présumer que la membrane vasculaire ne manque pas non plus ici. Cuvier pensait que, chez les Aplysies , le sang sort des artères et est absorbé par les veines ; mais Rudol- phi (2) a injecté les artères de ces animaux jusque dans leurs branches les plus déUées, sans qu'il se fît d'extravasation. Il semblerait, d'après Audouin , que, chez les Isopodes, le sang coule des artères dans les vides qui existent entre les organes , et que de là il passe dans les artères pulmonaires ; cependant le même auteur croit probable , d'après des obser- vations plus approfondies faites sur des Décapodes , que les veines sont la continuation des artères, mais qu'elles ne con- sistent qu'en une membrane mince attachée au tissu des or- ganes , comme elle l'est à la dure-mère dans le cerveau des Mammifères. Enfin , Treviranus (3) prétend qu'on ne peut dé- couvrir aucun vaisseau dans les lames branchiales de la plu- part des Crustacés , que le sang s'épanche dans l'espace com- pris entre les deux lames membraneuses dont elles se compo- sent, et qu'il y décrit une révolution demi -circulaire. A la vérité, il y a presque impossibilité de démontrer aux yeux, dans des parties si délicates , une paroi qui doit être trans- parente ; mais il n'en paraît pas moins certain que le sang ne possède la plénitude de ses propriétés qu'autant qu'il est ren- fermé dans les vaisseaux, et que, dès qu'il s'est épanché ou qu'il imbibe la substance organique , il cesse d'être du véri- table sang (§ 661 , 692, 1°; 698). ( Dans les parties organisées , le passage du sang des rami-- fîcations artérielles les plus déliées dans les branches les plus grêles des veines a lieu par le moyen de vaisseaux capillaires microscopiques et réticulés, dans les mailles desquels se 0) BemerliU7igen nehcr den innorn Bau der P riche , p. 71. (2) Grundriss der Pliysioloijie , t. II , p. 176. (3) Die Erscheinwiyen iind Gesetse des onjanischen Lehcns , t, I, p., 229. CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 2\S trouve la substance proprement dite des tissus. C'est ce qu'on voit dans toutes les fines injections , comme aussi lorsqu'on observe la circulation sur des parties animales vivantes. Parmi ces dernières, celles qui sont transparentes conviennent mieux que les autres, comme la membrane natatoire, les poumons et la vessie des Grenouilles , la queue des larves de Grenouilles et de Salamandres, l'œuf couvé des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons , les jeunes Poissons , les branchies des larves dCjCrapauds et de Tritons, celles duProtée, les nageoires des Poissons , les ailes des Chauve-souris, le mésentère de tous les animaux. Mais on peut , avec le secours d'un micros- cope simple , apercevoir aussi distinctement ce passage dans - presque toutes les parties opaques des larves de Triions , . que dans les organes transparens. On acquiert ainsi la con- viction que toutes les parties organiques se comportent à peu , près complètement de la même manière , sous le rapport des réseaux capillaires. J'ai moi-même observé la circulation dans la membrane natatoire des Grenouilles, le mésentère des Gre- nouilles , des Crapauds et des Souris , le blastoderme^^des Oi- . seaux , du Crapaud accoucheur et des Sauriens, les branchies des larves de Tritons et du Protée , les ailes de la Chauve- souris , la queue des têtards de Grenouilles, le foie, la vési- cule biliaire , le canal intestinal et beaucoup d'autres parties des larves de Salamandres , parmi les Insectes dans quelques jeunes Scutigères , et parmi les Vers dans YHirudo vuîgaris. Les Insectes et les Crustacés inférieurs seuls n'ont point de réseaux capillaires entre les vaisseaux afférens et les vaisseaux efférens, qui passent immédiatement des uns aux autres. Les artères les plus déliées vont toujours en s'anastomosant de plus en plus les unes avec les autres. Ces anastomoses finissent par dégénérer en un réseau continu de vaisseaux ca- pillaires, d'où les veines naissent également par de nombreuses anastomoses. Le passage des artères aux veines dans les vaisseaux capillaires n'est donc que relatif , et l'on ne peut pas ^dire avec précision où les unes commencent, où les autres finissent. Ce passage n'est pas non plus réduit partout à la même exiguïté : on voit fréquemment de petites artères, dont la lumière embrasse plusieurs globules du sang , se réfléchir 2l4 CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOURT, sur elles-mêmes et devenir de petites veines , tandis que les capillaires les plus déliés à la faveur desquels s'effectue ce passage, ne peuvent admettre les globules du sang qu un à un. Mais ces capillaires les plus déliés ne s'amincissent plus: ils conservent le même diamètre dans presque toute l'étendue des réseaux , et ne commencent à devenir un peu plus gros que quand ils se continuent avec les branches, soit artérielles, soit veineuses. Tous ces faits n'autorisent cependant point à admettre , avec Bichat , un système capillaire particulier, fai- sant antagonisme aux artères et aux veines. Les principales différences que l'on remarque dans le passage des artères aux veines , sont les suivantes ; a. Le petit courant artériel se recourbe sur lui-même etde- vient veine sans autre disposition quelconque. Cette particu- larité a été remarquée , surtout par Haller, Dœllinger et (Es- terreicher, sur de jeunes Poissons , dans lesquels le courant artériel se renverse , vers le bout de la queue , pour produire la veine. h. Dans les branchies des Poissons et des larves de Sala- mandres , de Grenouilles et de Crapauds , les lamelles bran- chiales les plus déliées se composent d'un petit courant ascen- dant et d'un autre descendant , qui se continuent immédiate- ment l'un avec l'autre par simple inflexion , et qui communi- quent également ensemble par des vaisseaux transversaux réguliers , ainsi que le prouvent les observations de ^Configlia- chi et les miennes. Rusconi n'a point vu les branches trans- versales entre les courans veineux et artériels ; il n'a figuré que l'inflexion antérieure. c. Le cas le plus commun est celui où les artérioles se ra- mifient en manière d'arbres , s'anastomosent ensemble , et finissent par constituer des réseaux d'où naissent les coramen- cemens également dendritiques des veines. A ces réseaux se rendent des artères el des veines, tantôt parallèles, tantôt rapprochées , mais jamais accolées l'une à l'autre. Dans le foie, le réseau capillaire reçoit des branches afférentes des veines hépatiques, comme on peut s'en convaincre par des injections bien faites. A celui des poumons aboutissent et des artères pul- monaires et des ramifications des artères bronchiques ; on sait CARRIÈRE QUE LE SAN<Î ÏAÏICOURT. 21 5 qu'il y a des anastomoses même entre d€S branches assez considérables de ces deux ordres d'artères. Chez les Reptiles et les Poissons, qui, indépendamment des artères et des veines, ont aussi des veines afférentes rénales , la même communica- tion de capillaires a heu entre tous ces vaisseaux ; car, dans la Grenouille, le mercure passe sur-le-champ des uns dans les autres. d. Des réseaux capillaires à mailles carrées , d'une régula- rité géométrique , se voient dans les branchies d'un grand nombre de Mollusques , surtout Acéphales , tels que les Mou- les et les Ascidies. L'image de la circulation est presque entièrement la même dans toutes les parties d'animaux vertébrés qui ont été exa- minées jusqu'ici ; la substance propre des organes produit , au milieu des réseaux capillaires , des îles de forme irrégulière. Nous avons beaucoup de planches représentant les vaisseaux capillaires dans l'état de vie. Reichel a figuré ceux du mésentère de la Grenouille ; Cowper, ceux des poumons de cet animal ; Rusconi et Configliachi , ceux des branchies du Protée ; Steinbuch , ceux des branchies des larves de Tritons ; Baumgaertner, ceux des embryons et larves de Poissons , de Grenouilles et de Salamandres ; J. Muller, ceux du foie des larves de Triton et des branchies de l'embryon du Crapaud accoucheur; Gruithuisen, ceux du foie de la Grenouille ; Pan- der, ceux de ïarea vasculosa de l'œuf d'Oiseau ; Dœliinger, ceux de jeunes Poissons; Schultz, ceux de la membrane nata- toire des Grenouilles; Kaltenbrunner, ceux de difierentes parties des Grenouilles et Mammifères ; Prévost et Dumas , ceux des poumons de la Salamandre ; Rusconi, ceux des bran- chies des larves de Triton ; J. Muller, ceux de ïHirudo vul- garis; Gruithuisen, ceux de la Daphnia sima, etCarus, ceux des Insectes. Les vaisseaux capillaires ne sont par conséquent, dans toutes les parties organisées , que les passages réticuliformes des artères aux veines , et nulle part il n'y a de ces termi- naisons hbres de vaisseaux sanguins dont les anciens avaient tant parlé , dont les palhologistes s'étaient servis pour asseoir tant de théories : les villosités intestinales même n'offrent 2l6 CARRIÈRE QtE It SANG PARCOURT. que des réseaux et des anses d'artères et de veines. Il im- porte d'autant plus d'insister sur ce résultat de toutes les injections délicates et de toutes les observations microsco- piques , que Haller, adoptant les grossières idées physiologi- ques de ses prédécesseurs , avait puissamment contribué à mettre en crédit l'hypothèse d'ouvertures béantes à l'extré- mité des vaisseaux sanguins , ouvertures dont il admettait cinq espèces dans les membranes , les vaisseaux lymphatiques , les conduits sécrétoires , la graisse et les veines. Mais ces ou- vertures étaient alors une disposition dont on ne pouvait se passer, puisqu'on ne concevait même pas sans elles la sécré- tion du mucus ni celle de la graisse. De tous ces modes de transition des artères , il n'en existe qu'un seul , le passage direct dans les veines) (1). § 702. Maintenant, puisque le sang est transmis des artères aux veines par des canaux, ceux-ci peuvent être, ou de simples vides dans la substance organique, ou de véritables vaisseaux , qui se continuent d'un côté avec les artères , de l'autre avec les veines. I. Dœllinger dit (2) que lesplus petits courans de sang s'épan- chent dans la substance animale , et que quiconque aura une fois vu la circulation , ne pourra songer encore à admettre des vaisseaux capillaires; la substance animale interposée entre eux est contractée sur elle-même dans les pièces injec- tées sèches , et l'on n'aperçoit que la masse de l'injection , qui a pris la place des courans sanguins. II prétend que cette matière animale n'est pas coupée par les courans du sang autrement que le sable ne l'est par l'eau qui coule (3) , et allègue en preuve ses observations sur les embryons de Pois- sons , desquelles il résulte , d'un côté , que , par les progrès du développement , le courant du sang acquiert de nouvelles branches et de nouvelles formes de direction , de l'autre , que certains globules s'en échappent parfois , parcourent un espace plus ou moins étendu en dehors de lui, et y rentrent ensuite, (4) Addition de J. Muller. (2) JVas ist Ahsonderung F p. 25. (3) Denkschriften der Akademie zu Muenncken, t. VII , p. 179. CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. ZIJ OU se fraient une voie à part et s'anastomosent avec d'autres courans, ou enfin se perdent dans la masse organique (1). Meyen admet (2) , d'après lui , que les artères et les veines se terminent dans le parenchyme , et que les vaisseaux ca- pillaires sont simplement des excavations cylindriques de ce dernier, sans parois propres, (Esterreicher (3) ajoute encore, comme preuve , qu'il se forme quelquefois de nouvelles bran- ches à des artères ;, que ces troncs de nouvelle formation s'a- bouchent avec des veines , et que la sortie du sang hors des artères a été observée ( § 696 , 2° ) , quoiqu'il dise en même temps que les vaisseaux n'ont point d'ouvertures , qu'ils ne font que se fondre peu à peu avec le tissu cellulaire et cesser d'exister comme conduits spéciaux. D'après Kaltenbrunner, les globules du sang ne sortent ni des gros ni des petits vais- seaux dans l'état de santé ; mais les vaisseaux de petit calibre n'ont point de parois propres ; ce sont tout simplement des excavations creusées dans le parenchyme, car jamais on n'a- perçoit de membrane qui leur appartienne. En observant au microscope la nageoire caudale d'un Poisson , on voit d'abord la circulation assez régulière ; mais elle ne tarde pas à se ra- lentir, et ensuite elle devient irrégulière : les canaux se dila- tent, s'ouvrent tout à coup , et les globules du sang s'extra- vasent dans le parenchyme , de manière qu'on ne découvre plus aucun vaisseau régulier dans la nageoire entière (4). Wedemeyer partage les mêmes vues (5). B. Vaisseaux capillaires. II. On entend par vaisseaux capillaires ceux que leur ténuité permet de comparer à des tubes capillaires , et que le courant sanguin parcourt ^en passant de la direction artérielle à la direction veineuse , entre lescjuelles il demeure , pour ainsi (1) Ibid., p. 187. (2) Diss. de priniis vitœ phœnomenis et de circulatione sanyuinis in parenchy7nate , p. 25. (3) Fersuch einer Darstellung der Lehre vom Kreislaufe des Blutes , p. 103. (4) Froriep , Notisen, t. XVI , p. 308. (5) Vntersiichmigeti ueber den Kreislauf des Blutes,^. 262. 2l8 CARRIÈRE QUE lE SANG PARCOURT. dire , dans une sorte de fluctuation. Mais ces vaisseaux pas- sent par gradations , et par accroissement insensible de leur calibre , d'un côté à la condition d'artères , de l'autre à celle de veines , en sorte qu'il n'est pas possible de leur assigner des limites précises : la circulation a aussi , dans les uns , une direction artérielle , dans d'autres , une direction veineuse , et si l'on voulait les déterminer d'après la direction seule , il n'y aurait guère à regarder comme capillaires que les points où l'une cesse pour faire place à l'autre. D'un autre côté , si l'on prétendait s'attacher à leur caractère physiologique , en vertu duquel leur sang entre en conflit avec les organes et le monde extérieur, il n'en serait pas moins impossible de dire où ils commencent et où ils finissent. Ainsi donc, si, par système capillaire , on entend un genre particulier de vais- seaux , qui diffèrent des artères , des veines et des lympha- tiques par des caractères aussi positifs que ceux sur lesquels repose la distinction établie entre ces derniers , il faut nier l'existence d'un tel système. Mais n'emploie-t-on le terme que comme une abréviation indiquant l'ensemble des rami- fications les plus déliées des artères et des veines , il n'y a plus d'objections à élever contre son application. 1° En jugeant d'après des vues générales, il nous paraît vraisemblable que les capillaires ont des parois propres, ou qu'ils sont réellement des vaisseaux. L'histoire du dé- veloppement de l'embryon nous a appris que les courans sanguins, qui d'abord se répandent librement à travers la masse organique , ne tardent point à acquérir des parois spé- ciales. Nulle part il ne se produit de vaisseaux vides , mais »ulle part non plus le sang ne reste sans enveloppe : le vais- seau est le côté extérieur nécessaire du sang ; tant que celui- ci est véritable sang, c'est-à-dire tant qu'il est suc vital dif- férent de tous les autres liquides , il se crée sa propre délimi- tation en vertu de sa spontanéité ( § 688 , i°). Maintenant , le sang ne se résout pas complètement en formations nouvelles à l'extrémité des artères, mais revient par les veines en restant essentiellement la même substance ; il doit donc avoir là aussi ses vaisseaux propres. Mais le système sanguin renferme en lui un antagonisme CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 219 de centre et de périphérie. Dans son centre (cœur et troncs vasculaires ) , il jouit de l'indépendance et d'une organisation particulière, attendu qu'à la membrane vasculaire primor- diale s'appliquent des muscles , des fibres contractiles , des vaisseaux nourriciers , des nerfs , du tissu cellulaire et une membrane séreuse (§ 688, 2''-4°). Au point opposé , à la pé- riphérie (vaisseaux capillaires), le sang entre en conflit avec la masse organique et en partie aussi avec le monde extérieur, et le vaisseau sanguin abdique son indépendance ; car il devient une partie du tissu propre , et se dépouille de ses membranes externes ; mais il n'en conserve pas moins son existence ; car la membrane vasculaire commune , qui entoure le corps du sang, persiste sans gêner son conflit avec l'extérieur. Ainsi donc, si le centre et la périphérie sont opposés l'un à l'autre, mais que , comme parties d'un tout , ils s'accordent ensemble eu égard aux points essentiels , la continuité du système qu'ils représentent fait qu'ils passent de l'un à l'autre par des grada- tions intermédiaires ; plus le vaisseau se rapproche de la pé- riphérie , plus aussi sa paroi devient mince , plus il perd de son indépendance , plus il se rattache intimement aux organes avec lesquels le sang doit entrer en rapport intime ; mais , comme il ne périt pas entièrement pour cela , comme au con- traire il conserve son existence et revient au cœur sans avoir cessé d'être sang , il conserve aussi sa paroi propre , et le vaisseau ne devient pas parfaitement identique avec les or- ganes. On peut suivre les vaisseaux sanguins à une grande profondeur dans la substance des organes , soit en les dé- pouillant avec le scalpel , soit en les mettant à nu par la ma- cération ; la paroi va toujours en s' amincissant , et les rami- fications les plus déliées ne peuvent plus être poursuivies par le scalpel ni dégagées par la macération ; mais l'observation microscopique du sang coulant et les pièces injectées prou- vent qu'il y a continuité complète dans le tissu vasculaire , qu'on ne découvre nulle part aucune terminaison de la paroi vasculaire. 2° La direction des petits courans sanguins doit être dé- terminée ou par la nature du tissu des organes , ou par la pénétration du sang dans une masse amorphe. Maintenant 2â0 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. ces petits courans paraissent toujours cylindriques pendant la vie , de même que le sont les vaisseaux capillaires pleins d'in- jection ; par conséquent , il faudrait que le parenchyme de tous les organes consistât en fibres parallèles pour que les petits courans de sang fussent dans le cas du suc végétal contenu dans les méats intercellulaires , c'est-à-dire ne dus- sent leurs limites qu'aux parties environnantes. Or , comme on ne peut point démontrer une telle texture , nous sommes forcés d'admettre que le sang se fraie sa carrière dans une substance molle et amorphe. Mais plusieurs faits établissent aussi que cette carrière ne reste pas une simple gouttière , et qu'elle se consolide par la formation d'une paroi propre. En effet , si elle était une simple gouttière dans de la substance molle , la moindre pression suffirait , d'après la remarque de Weber (1) , pour aJBfaisser les côtés et faire qu'ils s'accolas- sent ensemble; mais l'expérience démontre que, quand les vaisseaux capillaires d'une partie ont été complètement vidés par la compression , le sang qui y afflue ensuite de nouveau rentre dans la même carrière qu'auparavant , ainsi que le fait observer Wedemeyer (2) , par exemple. D'ailleurs , chaque organe nous présente une forme constante de distribution des vaisseaux capillaires , et celte constance de la forme annonce la persistance de la paroi. Si le sang coulait dans la matière animale , comme l'eau dans le sable , les vaisseaux capillaires qu'on injecte ne seraient pas si régulièrement cylindriques, mais paraîtraient irréguliers , tantôt dilatés , tantôt rétrécis. Haller (3) , Dœllinger (4) et Wedemeyer (5) avaient déjà re- marqué , et l'on peut très-facilement s'en convaincre , qu'il arrive souvent à des courans artériels et veineux de mar- cher très-serrés l'un contre l'autre , même en travers l'un de l'autre , sans que leur direction soit troublée : ils doivent donc avoir des parois qui leur soient propres. On a vu 'de l'air, qui avait élé poussé dans une artère, chez un animal (1) Anatomie des Menschen , t. I , p. 250. (2) Untersuchungen ueher den Kreislauf , p. 206. (3) Opéra minora , t. I , p. 175. (4) Denkschrifien der Aliademie zu Mueiinchen , t. VII , p. 187. (5) Loc. cit., p. 200. CARRIÈRE QUE tE SANG PARCOURT. 221 Vivant, sortir peu de temps après par la veine correspon- dante (1) ; s'il n'avait point trouvé de parois solides dans les capillaires , il n'aurait pas pris un chemin si étroit , et se serait répandu dans le parenchyme des organes. La réplétion des capillaires du poumon par de l'air ou du mercure empêche la circulation ( § 744 ) , tandis que , si les capillaires étaient de simples gouttières, le sang se fraierait une route nou- velle. Lorsqu'un caillot s'est formé dans les vaisseaux capil- laires d'un animal vivant , les globules du sang sont arrêtés par lui, sans qu'ils puissent se créer une autre voie (§ 721, 2°); les caillots interceptent de même la communication établie par des anastomoses (§ 714, 9° ; 729 , 2° ). 3° Dans les tissus purement vasculaires , la choroïde , par exemple , il n'y a point de substance dans laquelle puissent se former des couloirs pour le sang ; mais là , où les vaisseaux ne sont point enveloppés par l'accession d'autre substance , les préparations bien faites nous montrent , de la manière la plus évidente , comme l'a prouvé Sœmmerring (2) , que les vais- seaux capillaires sont les prolongemens des artères et les com- mencemens des veines , et la distance qui les sépare est telle- ment faible qu'on ne peut point songer à des ramifications plus ténues entre eux. Ces vaisseaux se manifestent aussi , même sans injection , sous la forme de filamens très-déliés, dans la substance du cerveau , celle surtout des corps striés. 3° On nie les parois parce qu'elles ne sont point visibles. Cependant la membrane vasculaire commune est transparente, même dans les troncs vasculaires frappés de mort ; à plus forte raison doit-elle l'être dans les ramifications les plus déliées et pendant la vie(§ 634, 9°); c'est précisément parce qu'on voit couler le sang qu'elles emprisonnent qu'on ne peut pas les voir elles-mêmes, tout comme la sérosité transparente du sang est invisible, quoiqu'elle existe bien certainement. Mais lorsqu'il y a deux capillaires l'un au dessus de l'autre, on- aperçoit leur membrane. Déjà Reichel (3) avait remarqué des (1) Dieffenbach , Vie Transfusion des Blutes und die Infusio n de Arzneien in die Blutgefœsse, p. 184. (2) Denliscliriften der Akademie zu Muennchen, t. YII , p. 12. (3) De sanijuine ejusque motv , p. 17. 222 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. Stries plus foncées sur lès côtés du courant sanguin , là où les parois sont le plus rapprochées. Spallanzani (1) dit qu'il semble que les courans de sang les plus déliés n'aient point de pa- rois , et que cependant on en découvre parfois des vestiges , sous la forme de bords obscurs. Suivant Wedemeyer (2), les parois de la plupart de ces vaisseaux forment deux lignes parallèles fort minces. J. Muller s'est également convaincu que les courans sanguins les plus déliés sont limités par de la substance plastique condensée (3); or la membrane vasculaire commune n'est point autre chose. 5° Dœllinger a observé , dans des embryons de Poissons , les changemens du courant sanguin et de la marche de certains globules dont il a été parlé plus haut. Nul doute que , chez l'embryon , les organes ne reçoivent du sang avant qu'il existe encore de vaisseaux, que par conséquent ce liquide ne com- mence par couler dans des gouttières auxquelles il a donné naissance par le fait même de sa pénétration j mais il est déjà probable de soi-même que les parois de ces gouttières ne tardent point à se condenser et à se limiter par rapport au reste de la substance, car un ruisseau finit par se creu- ser peu à peu un lit uni en coulant à travers le sable. D'ail- leurs cette condensation progressive peut être observée d'une manière directe. Suivant Spallanzani (4), les troncs vasculaires de l'embryon du Poulet , qui sont d'abord transparens , de- viennent opaques à dater du cinquième jour, et cette opacité s'étend d'une manière progressive aux branches, de sorte qu'au neuvième jour on n'aperçoit plus le sang qu'avec peine dans les ramifications les plus ténues. En jugeant d'après l'a- nalogie , nous devons présumer que le même phénomène a lieu également dans les vaisseaux capillaires que contient l'in- térieur des organes. Après que des parois solides se sont formées , il peut encore survenir dans la circulation des phénomènes qui semblent de- (1) Expér. sur la circulation , p. 169. (2) Loc^ cit., p. 200. (3) Meckel, Arcidv fuer Anatomie, i829, p. 186. (4) Loc, cit„ p. 287. CARRIERE QUE lE SANG PARCOURT. 323 voir faire donter de leur existence. Wedemeyer (1) a vu quel- quefois un globule du sang se détacher du courant , marcher lentement , et en faisant des pauses , puis finir par se plonger dans un autre courant , où d'autres ne tardaient point à le suivre. Mais, dans quelques uns de ces cas, il a reconnu bien dis- tinctement que la carrière en apparence de nouvelle formation était un ancien vaisseau capillaire affaissé , dont une ligne noire dans le tissu cellulaire marquait la trace. 6° A la suite d'inflammations , il se forme du sang , avec de nouveaux vaisseaux, qui s'adaptent aux vaisseaux antérieu- rement existans. Ce fait semble s'élever contre l'existence de parois permanentes ; mais il se concilie réellement avec elle : car la nouvelle formation qui s'opère n'est qu'une répé- tition partielle et incomplète de la première , dans laquelle il se produit aussi des ouvertures à des canaux clos de toutes parts (§ 438, 2°). Il est donc parfaitement conforme à la nature que la paroi délicate d'un vaisseau capillaire s'atténue et se perfore dans le point oii un nouveau petit courant sanguin fait effort contre elle. Mais la formation de nouveaux vaisseaux et leur abouchement avec les anciens sont des sujets que nous devons réserver pour le moment oii il sera question de la pro-: duction des solides organiques. On a dit que , pendant l'agonie d'un Poisson, le sang s'était épanché des vaisseaux capillaires de la nageoire caudale dans le parenchyme : c'est là un phénomène tellement en dehors de ceux qu'on rencontre partout, qu'on est tenté de l'attri- buer à une pression accidentelle. ( G.-F. Wolff, Hunter, Dœllinger, Gruithuisen, Wede- meyer, (Esterreicher et Baumgaertner niaient l'existence des parois propres , admise par Leeuw^enhoek , Haller , Spallan- zani , Proschaska , Bichat et Rudolphi. La formation de nouveaux vaisseaux , que Dœllinger et (Esterreicher considèrent comme un argument en faveur de la non-existence des parois , ne prouve rien pour les vaisseaux déjà formés. La largeur des courans et la petitesse des îles de substance dans les poumons des Grenouilles et des Salamandres (1) iec. ciï., p, 200. 224 CABRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. et dans les branchies des larves de Tritons , qui ont déter- miné Wedemeyer à embrasser cette opinion, témoignent plutôt du contraire ; car ces petites îles devraient quelquefois prendre part elles-mêmes aux courans. Mais il y a aussi des preuves directes attestant que les vaisseaux capillaires ont des parois constituées par une membrane extrêmement mince. On peut en effet démontrer celle-ci dans un paren- chyme facile à dissoudre par l'eau , et qui laisse après lui les réseaux des capillaires. Ainsi les capillaires des reins , qui entourent les conduits urinifères serpentins de la substance corticale , se montraient indépendans lorsque je venais à faire ramollir quelque temps dans l'eau un petit morceau de sub- stance rénale d'Ecureuil , et à l'examiner ensuite au micro- scope. L'indépendance de ces vaisseaux est bien plus facile encore à constater dans la choroïde , l'iris et le corps ciliaire. Mais l'existence de leurs parois membraneuses ne peut être démontrée nulle part d'une manière plus évidente que dans un organe dont on doit la découverte à Treviranus , l'organe en forme de plaque qui se rencontre dans le limaçon des Oi- seaux. D'après les belles observations de Windischmann , ces plaques ne sont que les plis ou les fronces d'une membrane qui s'étend sur la lame spirale du limaçon des Oiseaux. Cette membrane est partout délicate et pulpeuse ; mais sa substance molle est parsemée d'un réseau vasculaire extrêmement beau, que Windischmann a injecté , ainsi que moi. La substance molle de l'organe se dissout facilement dans l'eau , et il reste le réseau présentant ses mailles vides. Il n'est même pas né- cessaire de recourir à l'injection pour que les anses et ré- seaux vasculaires se conservent avec leurs parois membra- neuses bien évidentes , après la dissolution de la substance pulpeuse. Du reste, il faut se représenter les parois de ces courans déliés comme de simples limites plus condensées de la substance , et non comme des membranes indépendantes)(l). § 703. Enfin nous avons encore à examiner la question de savoir si, parmi les vaisseaux capillaires , ils ne s'en trouve pas qui charrient de la sérosité sanguine pure^ou du moins , (1) Addition de J. Muller. CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 225 chargée d'une si petite quantité de globules, qu'eux-mêmes soient parfaitement transparens et ne puissent par cons-équent point être vus. L'existence de ces vaisseaux séreux a été fré- quemment niée dans les temps modernes , entre autres par (Esterreicher (1) ; mais il paraît que c'est à tort. On se fonde , pour les admettre , sur le résultat des injections (I) , sur divers phénomènes vitaux (II) , enfin sur l'observation microscopique de la circulation dans les vaisseaux capillaires (III). I. Ruysch fut le premier qui, d'après ses injections, conclut qu'il existait des vaisseaux séreux. En effet, les injections sem- blent rendre visibles un plus grand nombre de vaisseaux que le sang n'en remplissait pendant la vie ; car certaines parties , qui n'avaient qu'une teinte rouge pâle , prennent une couleur bien plus intense après avoir été injectées. Néanmoins, un fait plus important encore , c'est qu'on peut injecter certains vais- seaux qui , dans l'état ordinaire , ne charrient point de sang rouge , par exemple les branches que l'artère centrale de la rétine envoie à la capsule cristalline. II. Divers phénomènes vitaux avaient déjà déterminé Yieus- sens à admettre des vaisseaux séreux. l» D'abord il existe des parties contenant peu ou point de sang rouge , qui cependant se nourrissent et sont humides , comme par exemple les cartilages , les membranes fibreuses , l'arach- noïde et la conjonctive. Suivant la remarque de Wedemeyer (2), ces parties sont précisément , avec la sérosité sanguine, celles qui se teignent de préférence en jaune dans l'ictère , tandis que d'autres, qui reçoivent du sang rouge, conservent leur teinte naturelle. 2» La rougeur et la pâleur provoquées par les émotions morales , la coloration de la peau dans l'eau chaude et dans l'eau froide , ne peuvent également point être expliquées sans admettre des vaisseaux séreux. Un autre fait plus important encore est l'apparition de vaisseaux charriant du sang dans l'inflammation de parties qui habituellement ne reçoivent point de sang rouge. Ces vaisseaux deviennent alors apparens dans des organes où nul anatomiste n'en a encore injecté aucun , (1) Loc. cit., p. 413. (2) Loc. cit., p. 269. VI. i5 326 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. par eî^enople dans l'arachnoïde ( comme le prouve une pré- pAra.l;i9n, existante à Heidelberg) , ou dans la cornée transpa- rente. Cependarit il serait possible que les vaisseaux fussent redevables de leur formation à la phlegraasie , comme il l'est ai^ssi qu'ils, existent dans l'état normal, mais pleins seulement de, sérosité sanguine et trop grêles pour admettre l'injection. L'çxem,ple de la conjonctive est plus décisif ; car des vais- seaux charriant du S;ang ne tardent pas à s'y manifester toutes les fois qu'elle éprouve une irritation quelconque. On a pré- tendu que le sang qui devient alors visible était de nouvelle formation,, ou que les courans voisins l'avaient envoyé dans le parenchyme ramolli de la membrane , dépourvue par elle- Miême de vaisseaux (1). Cependant la formation du sang et le ramollissemejnt du parenchyme peuvent fort bien être la con- séquence et n^ow le commencement de rinflammation. Si les irritations mécaniques et chimiques les plus variées détermi- naient la formation de nouveau sang , et que cette formation eût lieu instantanément , un champ tout neuf s'ouvrirait pour 1^ médeçin^e ; mais c'est une hypothèse inadmissible aujour- d'hui. Quant à ce qui concerne les vaisseaux capillaires de la conjonctive , on peut les injecter sur un œil qui était par- faitement sain; car Eble (2) en a très-bien décrit et figuré l'origine et la marche , et comme ils ne contiennent point de sang pendajit la vie , ce seul fait démontre ici l'existence de vaisseaux séreux. On remarque quelquefois à la conjonctive des taches brunâtres ou rouges , semblables à d^s îles, et qui sont sans connexions avec aucun vaisseau; mais ce phéno- mène s'explique aussi par du sang amené ; car les globules du sapg , q^ui passent un à un dans les capillaires à l'état nor- mal, pçuyeijt s'a,ccumuler dans ceux dont l'irritation a augmenté le calibre. , et donn,er lieu de cette manière à une rougeur. 3° lf.es vaisseaux les plus superficiels de la peau ne char- rient que de la sérosité sanguine ; car, lorsqu'on enlève l'épi- dermeayçc circonspection, il s'écoule du sérum, qui n'était pas accumulé auparavant sur ce point , et , si l'incision est plus (1) D'après Meyen, dans Isls , 1828, p. 405. (2) Ucber den Bail und die Kranliheiten dcr Bindehaut des Auges, p. 40 , fig. 7-8. CARniÈRE QUE LE SANG PAIlCOtJîlT. 527 profonde;, le sang paraît. Les ulcères atoniques exhalent souvent du sérum pur ; un peu d'irritation fait qu'ils suintent du sérum sanguinolent , et si l'irritation est portée plus loin , du sang pur s'en écoule. D'un autre côté, dans les plaies ré- centes, les vaisseaux capillaires divisés fournissent d'abord du sang, puis, au bout de quelques heures, une sérosité sangui- nolente , et plus tard encore de la sérosité limpide. Ainsi le sang rouge pénètre dans des capillaires destinés à ne charrier que de la sérosité sanguine , toutes les fois que Fafllux du sang augmente, et d'autres qui contiennent habituellement du sang rouge n'admettent plus que la sérosité , quand la pres- sion atmosphérique combat Fafiuence du sang. C'est donc l'état de la vie qui règle le contenu des capillaires , eu égard à la sérosité et aux globules, et l'oîi ne tomberait dans l'erreur que si l'on voulait établir des limites trop tranchées , en con- sidérant les vaisseaux séreux comme un ordre de conduits à part. III. En observant la circulation au microscope , 4° On remarque cotistamment des courans sanguins qui consistent en des séries simples de globules , qui par consé- quent sont incolores , et ne peuvent être vus à l'œil nu. Si maintenant on admet, '^comme Senac l'avait déjà fait (1), que les vaisseaux séreux , envisagés dans l'acception la plus gé- nérale du mot , sont des capillaires ordinairement incolores et par cela même invisibles, mais susceptibles , cjuand l'afflux du sang augmente, d'admettre ce liquide et de paraître rouges, leur existence est prouvée, 5° Suivant la remarque de Wedemeyer (2) , à mesure que le diamètre des vaisseaux capillaires s'afîaiblit ;, la quantité de sérosité sanguine augmente dans leur intérieur ^ et celle des globules diminue, de sorte que, comme l'a fait voir MuUer (3), ceux-ci marchent isolés et à la suite les uns des autres dans les courans les plus exigus. D'après cela, il est non seulement possible , mais même vraisemblable , qu'il y ait des courans (l)ioc. cif., t. II, p. d74. (2) Meckel, ArcUv fuer Amtomie > 1828, p. 346, (3)i5irf., 1829,p. 186.^ 228 CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. plus déliés encore , qui habituellement ne contiennent pas de globules du tout , et qu'on ne voie point , parce que la séro- sité sanguine qu'ils renferment est transparente et incolore. 6° Mais on a réellement aperçu de pareils courans , libres , au moins momentanément , de globules du sang. Haller (1) a observé que les capillaires artériels cessent quelquefois de charrier des globules , sans pour cela disparaître , et Wede- meyer (2) a vu qu'ils n'en conservaient pas moins leur capa- cité antérieure^ de sorte qu'ils doivent être pleins de séro- sité sanguine. Ce dernier a fréquemment remarqué (3) des capillaires , indiqués par deux lignes , qui étaient si étroits que, quand un globule se présentait à leur orifice, il y de- meurait arrêté , puis se trouvait au bout de quelque temps entraîné par le courant ; mais parfois aussi ce globule y en- trait pour ainsi dire de force, après quoi d'autres le suivaient, de manière que le vaisseau séreux devenait dès-lors un ca- pillaire sanguin. Ce qui convainquit Wedemeyer de l'existence de la sérosité sanguine dans les vaisseaux qui ne charriaient point de globules , c'est que, quand il les vidait en faisant pé- rir l'animal d'hémorrhagie , ou en les frottant avec un pinceau , ils s'affaissaient , et ne paraissaient plus que comme des stries de tissu cellulaire condensé (4). (Dans les capillaires les plus déliés, les globules ne passent qu'un à un , et avec des interruptions , de sorte qu'on peut compter les momens qui s'écoulent entre les passages de ces corps isolés. Tantôt ils se succèdent avec rapidité , tantôt ils n'arrivent qu'à d'assez grands intervalles ; telle gouttière ne présente pendant quelque temps que de la sérosité sanguine, puis tout à coup on y aperçoit des globules à la suite les uns des autres. Sans globules, les courans sont incolores, trans- parens ; avec des globules isolés , ils paraissent d'un jaunâtre pâle, sans perdre leur transparence ; beaucoup de globules les rendent rougeâtres , et si les vaisseaux ont plus de calibre, ils prennent alors une teinte rouge. (1) Opéra minora , t. I , p. 88. • (2) Untersuchuiigeii uehcr den Kreislcmf, p, 203. (3) Ibid., p. 205. (4) Ibid., p. 284. 1 CAnmÈRE QUE LE SANG PARCOURT. 229 Il sera question plus loin des vaisseaux capillaires de la cornée transparente , de la capsule cristalline et du corps vi- tré ; mais on se demande si ces parties transparentes charrient du sang- complet ou seulement de la sérosité sanguine. Il est prouvé d'abord que ce sont, non des vaisseaux particuliers, mais seulement des branches de vaisseaux sanguins , et que, même dans l'état de santé, la paroi postérieure delà capsule cristalline a des vaisseaux qui charrient du sang rouge. On peut s'en convaincre dans les Veaux et les Bœufs, en ouvrant avec circonspection , sur le côté et en arrière , un grand nombre d'yeux de ces animaux; il arrivera souvent qu'on trouvera non seulement l'artère centrale du corps vitré, mais encore les rami- fications qu'elle envoie à la paroi postérieure de la capsule cris- talline , pleines de sang , et il ne sera même pas nécessaire de recourir à la loupe pour s'en assurer. Il ne suit pas de là que tous les vaisseaux capillaires des parties transparentes de l'œil admettent le sang rouge; il pourrait fort bien se faire que les plus déliés d'entre eux ne fussent accessibles qu'à la sérosité sanguine transparente. Dans certaines parties transparentes d'animaux vivans, on n'aperçoit pas d'autres vaisseaux capil- laires que ceux qui charrient des globules , quoique , dans les plus petits d'entre eux, ces derniers ne se succèdent fréquem- ment qu'à de longs intervalles et avec des interruptions. Mais, ce qu'il y a de certain , c'est que , dans aucune partie , il n'y a d'autres vaisseaux que des capillaires et des lymphatiques , et que les vaisseaux admis par les anciens , remis en vogue par quelques pathologistes modernes , sous les noms de vasa, serosa, seroso-lymphatica^ arterioso-lymphatica^ etc., doivent être relégués parmi les fables, avec les^vis, les suçoirs, les pompes et les extrémités béantes de vaisseaux , dont on s'a- musait dans l'antiquité) (1). C. Freines et cœur, § 704. Le reste du cours du sang est plus manifeste , et a fait naître moins de doutes. I. Le cours du sang vers le cœur , par les veines , était déjà (1) Addition de J. Muller. 23o CARRIÈRE QUE LE SANG PARCOURT. connu en partie de Praxagoras , qui enseignait qnele pneuma puisé dans Tatmosphère passe , par les veines pulmonaires , au cœur et de là dans les artères. Plusieurs faits se réunissent pour prouver que cette direction est générale. i° Le premier est la disposition des valvules. Elle fait qu'on ne peut injecter les veines que dans la direction des branches vers les troncs. C'est au seizième siècle qu'on commença à étu- dier ces valvules avec plus de soin , et déjà Bérenger de Carpi avait reconnu qu'elles s'opposent au retour du sang des troncs dans les branches , quoique plus d'un anatomiste, entre autres Fabrice d'Acquapendente , crût encore qu'elles n'ont d'autre usage que de prévenir les dilatations outre mesure et l'afflux trop violent du sang vers les organes. 2" Quand la circulation est arrêtée dans le cœur , les troncs veineux se dilatent. : 3° Lorsqu'on lie ou qu'on" comprime une veine, elle se vide entre l'obstacle et le tronc ou le cœur , et se gonfle entre ce même obstacle et la périphérie, tandis que le sang s'accumule aussi dans les organes. L'antagoniste le plus récent de la cir- culation , Kerr (1) , objecte que ce gonflement se réduit à peu de choses , et qu'il n'augmente pas quoique les artères conti- nuent de battre. Cependant on conçoit très-bien que la veine re puisse pas se distendre au-delà d'un certain terme , et qu'alors il survienne une obstruction , à moins que , comme dans la plupart des cas , le sang ne soit ramené au cœur par . d'autres veines, notamment parcelles qui sont plus profondes. 4" Une veine coupée en travers , qui a des valvules ( et celles-ci ne manquent que dans les troncs et dans les veines des viscères) , ne saigne continuellement que du bout tourné vers la périphérie ; quant au bout qui regarde le cœur, le sang ne s'é- coule que de l'espace compris entre la plaie et la plus pro- chaine valvule , de sorte qu'il n'est pas nécessaire de le lier dans les opérations chirurgicales. 5° Enfin cette direction du courant des branches vers les troncs , et de ceux-ci vers le cœur , se voit clairement chez les animaux, où Maipighi l'a observée le premier d'une manière immédiate. (1) Loc. cit., p. 63. MARCHE DU SANG, âûl II. Platon savait déjà que le cœur envoie le suc vital ; car il le désignait comme étant la source du sang et l'origine de tous les vaisseaux. 6° On le voit se dilater et se resserrer alternativement , et lorsqu'il est transparent , on reconnaît que, pendant la dia- stole , il est rouge et plein de sang , tandis que, pendant la systole , il est pâle et vide (§ 471, 3°). 7° Si on lie les troncs veineux , il reste vide ; si on applique une ligature sur les troncs artériels , il demeure plein -, si on l'ouvre , tout le sang s'écoule. 8° Lorsqu'on transfuse du sang étrauger dans lés veines , ou qu'on y infuse un autre liquide , ces substances reparais- sent dans les artères. 9° Les valvules sont disposées de telle sorte que le sang peut passer des ventricules dans les artères , mais non refluer de celles-ci dans ceux-là ; aussi n'est-ce que par les veines qu'on parvient à injecter complètement le cœur. ARTICLE II. De la marcHe Bu sang, I. Détails de la marche du sang. § 705. Après avoir considéré d'une manière] générale la carrière que le sang parcourt , il faut en étudier les diverses stations. A. Cœur. Nous commencerons par le cœur. 1° En effet, le cœur est évidemment le point central du sys- tème vasculaire , puisque tout le sang des diverses veines s'y réunit , et que tout celui qui parcourt les différentes artères en part. Comme partie constituante du système vasculàîre , il porte le caractère de vaisseau (§ 688) , mais à un plus haut degré de développement. La membrane vasculaire commune forme des valvules , auxquelles , comme à Tépiderme du sque- lette extérieur , des muscles s'attachent au moyen de tendons. La couche celluleuse extérieure s'est développée en une membrane séreuse , le péricarde. Enfin la couche fibreuse 252 MARCHE DU SANG. médiane est devenue une masse musculaire complète , avec des vaisseaux sanguins et des nerfs considérables, dans la- quelle la locomolililé animale s'est élevée à son plus hautdefré de puissance , sans obéir à la volonté. 2° Pendant que les ramifications des vaisseaux se plongent dans les organes et sont admises dans leur tissu , mais que les troncs représentent simplement des canaux conducteurs , le cœur se montre organe spécial et indépendant , sous la forme d'une vésicule à parois épaisses , chez les animaux vertébrés et chez les Mollusques. Le cœur des animaux vertébrés est logé dans la cavité pectorale , que la région gutturale repré- sente chez les Poissons.. Celui des Mollusques occupe des par- ties diverses du corps; dans plusieurs Gastéropodes, par exemple, il est placé en devant; chez d'autres, on le trouve en arrière; et dans les Bivalves, il entoure le rectum en ma- nière d'anneau. Chez les animaux articulés, la centralisation est moins prononcée , et le cœur constitue moins un organe à part : dans les Insectes , les Arachnides et les Crustacés , on le distingue bien encore, mais il affecte la forme d'un utricule, qui, chez plusieurs Crustacés, s'étend le long du corps en- tier et ressemble à un tronc vasculaire , et qui , affectant aussi la même forme chez les Insectes , y porte le nom de vaisseau dorsal. Nous rappellerons ici qu'au moment de sa première apparition dans les embryons d'animaux vertébrés , le cœur a également Une forme utriculaire (§ 441 , 1" , 2°). Enfin , chez les Annelides , il est remplacé par des troncs vàsculaires ani- més d'un mouvement pulsatif. Dans les animaux sans vertèbres , cet organe est situé du côté de la surface supérieure , au dessus des centres de la sensibilité ; c'est au dessous de ces derniers qu'on le trouve chez les vertébrés. 3° Il y a déjà dans les cœurs utriculiformes des fibres mus- culaires manifestement développées. Ces fibres constituent, dans les cœurs vésiculiformes , plusieurs couches , dont on compte même deux bien distinctes l'une de l'autre chez les Poissons. La plupart d'entre elles affectent une direction obli- que ou spirale , et celles des diverses couches s'entrecroisent; mais il y en a aussi de circulaires , qui forment une couche MARCHE DU SANG. 233 plus mince. Le tissu est plus ferme et plus consistant que dans les muscles soumis à l'empire de la volonté , et ne contient point de tissu cellulaire. La face interne est rendue inégale , chez l'homme et plusieurs Mammifères , par des faisceaux musculaires qui se détachent des autres , et font des saillies entre lesquelles on remarque des vides , disposition qui rend possible une contraction plus énergique. 4° La substance musculaire du cœur a des vaisseaux, plus volumineux et reçoit par conséquent plus de sang que les muscles de même volume qui obéissent à la volonté. Ses ar- tères sont , chez les animaux à sang chaud , les premières branches de l'aorte , ce qui ne tient pas uniquement au voi- sinage , mais paraît dépendre aussi de ce que le sang a des qualités artérielles plus prononcées là qu'ailleurs; car, chez les Poissons , les artères cardiaques ne naissent point de l'ar- tère branchiale qui sort du cœur , mais du commencement de l'aorte produite par le confluent des veines branchiales. 5° Les nerfs du cœur sont plus minces et plus mous que ceux des muscles soumis à la volonté. Ils partent du grand sympathique et du nerf de la dixième paire cérébrale ; c'est le premier surtout qui les fournit chez l'homme, et le se- cond chez les animaux. 6° Le cœur utriculiforme est attaché à la paroi du corps par des muscles et des ligamens. Le cœur vésiculiforme des animaux vertébrés et des Mollusques est entouré d'une mem- brane séreuse ; le péricarde , qui le fixe aux parties voisines , l'isole , empêche qu'il ne soit comprimé dans les diverses attitudes du corps , et entretient sa mobilité par l'humidité et la lubrification de ses surfaces correspondantes. Chez les Mammifères et les Oiseaux , la moitié interne du péricarde , celle qui adhère au cœur, se refléchit sur elle-même , à la jonction de cet organe avec les troncs vasculaires , et con- stitue ainsi la moitié extérieure ou pariétale , celle qui est libre. Chez plusieurs Poissons et Piepîiles, on trouve encore des connexions filiformes entre les deux moitiés , principale- ment à la pointe du cœur. Le péricarde favorise les mouve- mens du cœur; si on l'ouvre sur un animal vivant, les batte- mens cardiaques deviennent plus violons , mais ils ne tardent 234 MOUVEMENS DU COEUR. point à s'afl'aiblir, et ils cessent plus tôt que dans le cas de simple ouverture de la poitrine (1). Ce phénomène s'observe même chez les Poissons (2) , de sorte qu'il ne tient point uni- quement à l'influence de l'atmosphère et à sa température. 1. MOUVEMENS DU COEtTR. a. Mouvemens du cœur en général, § 706. La vie du cœur se manifeste par le mouvement, à l'aide duquel cet organe communique l'impulsion au sang. I. Chez l'homme vivant , 1" On sent ce mouvement à l'endroit oii répond la pointe du cœur, c'est-à-dire entre les cartilages de la cinquième et de la sixième côte du côté gauche. Le doigt, placé sur ce point , reçoit , à des intervalles réguliers , et qui correspon- dent au pouls des artères , une secousse qu'on ne peut attri- buer qu'au choc du cœur , et qu'on nomme battement {pul- siis f ictus), 2° Si l'on applique son oreille sur cette région de la poi- trine, soit à nu, soit mieux encore après l'avoir couverte d'une feuille de papier , on sent également une secousse ou un ébranlement , produit par le choc du cœur. Laennec (3) fait remarquer que ce choc est en raison directe de l'épaisseur de la substance musculaire du cœur, et que, quand il est fort, on sent le cœur ne toucher d'abord qu'un point , puis choquer toute la surface indiquée plus haut, et ensuite se retirer tout à coup. En même temps on entend un bruit un peu sourd , immédiatement suivi d'un autre analogue , mais plus éclatant et plus court ; puis vient une pause , après laquelle le phénomène se reproduit. Le stéthoscope est utile pour ces sortes d'observations. Laennec (4)^ qui a le premier appelé l'attention sur cet objet , compare le second bruit au claque- ment de la soupape d'un soufflet , ou au bruit qu'un chien fait en lapant. Ce mouvement , appréciable à l'oreille , pro- vient incontestablement du courant du sang , car : (1) Senac, Traité de la structure du cœur, t. II, p. 150. (2) Meckel , Deutschcs Arcldv , t. II, p. 140. (3) Traité de l'auscultation médiate, t. III, p. 14, 18. (4) Xoc. «^.,p.29, 46. MOUVEMENS DU COEUR. 235 tf. Il ressemble au clapotement d'un liquide. h. Sa duplicité annonce qu'il se fait un écoulement dans deux espaces diflerens , tandis que le mouvement du cœur se décèle par un simple choc contre la paroi du thorax. c. Il est d'autant plus fort et plus étendu , que la substance du cœur est plus mince , tandis que le choc sensible au tou- cher est d'autant plus faible que le cœur a moins d'épais- seur. d. On remarque aussi qu'il dépasse le point indiqué , et se propage au-deîà vers la droite, ou à la partie inférieure du sternum , c'est-à-dire dans l'endroit où la moitié droite du cœur est située , et où le battement du cœur ne se fait point sentir. Quelquefois on n'entend qu'un seul bruit. Il n'est pas fort rare que celui-ci devienne assez fort, pendant l'excitation due aux passions , pour que l'on puisse l'entendre sur soi- même ; il y a même des individus chez lesquels les autres peuvent le discerner dans l'état ordinaire. Littre(l), par exemple, parle d'un homme chez lequel on l'entendait quel- quefois de dix pas (*). II. Dans les vivisections, le mouvement du cœur' devient visible ; on voit qu'il consiste en expansion , pendant laquelle le sang- pénètre dans l'organe , et en contraction , durant la- quelle ce liquide est expulsé. 3° La contraction , ou sijstole , s'opère avec la"rapidité de l'éclair. Le cœur se resserre sur lui-même ; il devient plus ferme et plus dur; il se raccourcit, c'est-à-dire que sa base et son sommet se rapprochent , en même temps que le sommet se recourbe un peu. En ouvrant l'organe , on voit les parois latérales se rapprocher de la cloison, et celle-ci se raccourcir. Comme la systole a lieu d'une manière très-rapide, et qu'elle vide le cœur, il était assez facile de se laisser aller à l'illu- sion , et de croire que l'organe s'allonge , hypothèse dont Hal- 1er (2) a donné la réfutation. Lorsque l'activité vitale baisse , (1) Hist. de l'Acad. des sciences, d724, p. 25. O Consultez, sur les bruits du cœur, Bouilîaud , Traité clinique des maladies du cœur, Paris , 1835 , t. I , p. 103. (2) Elem, flujsiolog., t. I , p. 390. 236 MOUVEMENS DU COEUR. le mouvement devient plus lent, de manière qu'on a la faci- lité de l'observer ; on voit alors que les fibres se raccour- cissent , et que, de courbes qu'elles étaient, elles prennent une direction plus droite : il se produit sur quelques points des rides, qui se propagent par ondulations, jusqu'à ce que la portion entière du cœur se soit contractée. D'après Se- nac (1) , les mouvemens vont de la base au sommet, puis du sommet à la base ; suivant Treviranus (2) , ils commencent aux deux extrémités , et se rencontrent dans le milieu. En géné- ral , l'harmonie des diverses parties du cœur cesse quelque temps avant la mort de l'organe , ces parties agissent indé- pendamment les unes des autres, et sans rhylhme régulier, les mouvemens s'arrêtent sur un point , et se manifestent sur un autre, deviennent plus faibles, disparaissent, et se repro- duisent tout à coup au bout de quelques inslans, jusqu'à ce qu'enfin ils soient totalement éteints. Dans les cœurs utriculi formes, le mouvement normal a un caractère ondulatoire , et procède d'arrière en avant. 4° Pendant l'extension, ou la diastole, le cœur devient plus mou , plus large et plus long ; son sommet et sa base s'é- cartent l'un de l'autre , les parois latérales s'éloignent de la cloison , et les cavités s'agrandissent dans tous les sens. Haller a fait voir (3) qu'on s' était trompé en admettant des fibres mus- culaires spéciales pour opérer la diastole : l'ampliation en tous sens d'une cavité ne peut point être effectuée par des fibres musculaires contenues dans ses parois , et, sur quelques fibres du cœur qu'on fasse agir une cause irritante , jamais on ne voit survenir par là de diastole. Celle-ci est un état de repos, eu égard à la systole ; aussi constitue-t-elle le dernier acte de la vie , de sorte qu'après la mort le cœur contient presque toujours du sang, et que l'état dans lequel on le trouve alors , ressemble davantage à la diastole qu'à la sy- stole. Mais, dans la diastole, le cœur est plus dilaté qu'après la mort. Cet effet pourrait tenir à l'afflux du sang; cependant (1) Loc. cit., t. II, p. 142. (2) Biologie , t. IV, p. 253. (3) Loc. cj«., t. I,p. 387. MOUVEMENS DU COEUR. ZJ'J la diastole a lieu avant que le sang arrive , et ce liquide ne fait que la compléter, en déployant, par]exemple, les inégalités du bord dentelé des oreillettes; elle a lieu, d'ailleurs , alors même qu'il n'arrive point de sang. On ne saurait non plus l'attribuer à l'élasticité des fibres musculaires , car elle est assez puissante pour que, comme l'avait déjà remarqué Pechlin, le cœur fasse violemment effort contre la main qui le comprime , et soulève des poids considérables ; ainsi , par exemple, (Esterreicher (1) a vu le cœur d'un jeune Chien, qui pesait à peine une demi-livre , enlever de terre un poids de six livres et demie. A la vérité, comme ce mouvement eut lieu d'une manière subite , (Esterreicher croit qu'il dépendait de la systole. Vaust dit aussi avoir observé que le cœur fait effort pour écarter la main qui le serre , au même moment que celui oii il serre le doigt plongé dans son intérieur , et conclut de là que cet effort de dedans en dehors se rattache à l'augmentation de l'épaisseur pendant la systole , explica- tion adoptée également par Weber. Cependant il est très- difficile de bien distinguer les deux momens l'un de l'autre ; j'ai toujours vu que la systole est instantanée , et que la dia- stole y succède avec la rapidité de l'éclair, que par conséquent ces deux phénomènes s'établissent avec une égale prompti- tude , et ne diffèrent l'un de l'autre que par leur durée , la systole ne s' opérant qu'après que la diastole a duré un instant. Or, comme les fibres du cœur forment des arcs dont la conca- vité est tournée vers les cavités de l'organe , ou en dedans , et que , quand elles se raccourcissent et se tendent , les arcs doivent devenir moins bombés , la convexité tournée vers la surface externe ne peut point être plus saillante , et en effet , lorsque le cœur se trouve à découvert , on acquiert aisément la conviction qu'il devient plus étroit pendant la systole. Ainsi donc , si nous persistons à considérer la diastole comme une extension active , et si en même temps nous sommes obligés de reléguer parmi les assertions non prouvées l'existence de l'atmosphère élastique du sang , ou du pneuma , à l'aide de laquelle on avait tenté de l'expliquer, il ne nous reste d'autre (1) Loc, cit., p. 31. 238 MOtfVEMENS DU COEtJR. ressource que de voir, dans rallongement des fibres muscu- laires qui alterne avec leur raccourcissement , un passage à Tétat de repos , mais aussi un phénomène d'activité vitale. b. B-liytlime des mouvemens du cœuri § 707. Le mouvement du cœur a un rhythme qui dépend de la manière dont l'organe est divisé. I. En effet , le cœur est partout composé de parties placées les unes à côté des autres , et qui se meuvent aussi les unes après les autres. Dans son état le moins parfait, quand il af- fecte la forme utriculaire , il résulte la plupart du temps d'un nombre plus ou moins considérable de segmens homogènes. Mais quand il revêt la forme vésiculaire, qui est plus parfaite, il ne présente que deux parties , hétérogènes à la vérité , dont l'une est veineuse , c'est-à-dire fait corps avec les vei- nes, et reçoit d'elles le sang, tandis que l'autre est artérielle, c'est-à-dire donne naissance aux artères, et, chasse le sang dans leur intérieur. 4° V oreillette {atrium^ simis ^ auricula) , qui occupe la base du cœur, et qu'on peut regarder comme une dilatation des troncs veineux, forme un espace dans lequel le sang s'accumule , afin de pouvoir être chassé avec plus de force dans le ventricule. Après que l'oreillette s'est dilatée, elle se remplit du sang qu'y amènent les veines ; son appendice s'emplit le dernier. Puis la totalité du sac se contracte , de la base au sommet, c'est-à-dire dans la direction du ven- tricule. Le reflux du sang ainsi comprimé est prévenu , chez plusieurs Reptiles, par des valvules situées à l'origine de chaque veine : dans les Oiseaux et les Mammifères , il n'y a point de valvules aux veines pulmonaires, et l'on n'en trouve qu'aux veines cardiaques , et en partie aussi aux veines caves. Dans l'homme , les veines cardiaques seules sont ainsi garanties, et comme la valvule d'Eustache qui couvre la veine cave inférieure , jointe au poids de la colonne du sang con- tenu dans la veine cave supérieure , ne s'oppose au reflux que d'une manière incomplète , il n'y a que l'afllux du sang con- tenu dans le système veineux qui empêche efficacement ce liquide de ressortir du coeur, pQur rentrer dansles veines. MOUVEMENS DU COEUR. sSg 2° Le ventricule {ventriculus), que l'épaisseur de ses pa- rois et la forde de sa substance musculeuse rendent la partie principale du cœur , est maintenu ouvert , à son entrée {ostium venosum) ^ par un anneau tendineux; on ne trouve là que des fibres longitudinales de l'oreillette qui , en se contractant , ne closent point cet orifice , et , loin de là même , contribuent en quelque sorte à l'ouvrir. De cet anneau pen- dent des replis de la membrane vasculaire commune , consti- tuant des valvules, dont le feuillet interne est la continuation directe de la membrane de l'oreillette , aux fibres longitudi- nales de laquelle il donne attache, tandis que le feuillet ex- terne se continue avec la membrane du ventricule , aux mus- cles longitudinaux internes (colonnes charnues) duquel il fournit insertion, au moyen de leurs tendons. Le sang pénè- tre , comme un coin , entre les valvules du cœur, et, en rem- plissant le ventricule , il les refoule contre les parois de cette cavité , notamment sur le point occupé par son issue ( ostium arteriosum) , de sorte que celle-ci se trouvé bouchée, et que, pendant sa diastole , le ventricule , ne pouvant laisser échap- per le sang, est obligé de s'en remplir complètement. Cette occlusion n'est complète que dans le ventricule aortique ; si elle est imparfaite dans le ventricule pulmonaire , nous en trouvons la cause mécanique , d'abord dans l'ampleur plus considérable de ce ventricule , dont l'issue est beaucoup plus éloignée de l'entrée , ainsi que de la pointe du cœur, de sorte que le sang ne parvient point aussi vite à la sortie , ensuite dans cette circonstance que , les poumons étant situés tout au- près du cœur , ils n'ont pas besoin d'une onde aussi forte , de manière que le ventricule peut sans inconvénient laisser échapper un peu de sang pendant sa diastole. En se contractant^ le ventricule chasse le sang vers la base, puisque la pointe du cœur se rapproclie de cette dernière ; le liquide se trouve donc poussé vers les deux embouchures , c'est-à-dire vers l'oreillette et vers l'artère. Quant à ce qui concerne l'entrée , elle est close par les valvules , de sorte que la systole du ventricule ne peut faire refluer le sang dans l'oreillette. Le liquide se bouche lui-même cette voie , puis- qu'on marchant de la pointe à la base du cœiu' , il s'accumule 24o MOUVEMENS DU COEUR. entre les parois ventriculaires^ et les valvules , fait effort sur la face extérieure de celles-ci , les tend comme des voiles , les refoule en dedans , et les oblige à clore l'ouverture. Mais je crois qu'il y a en outre une activité vitale qui contribue à cette occlusion, point de doctrine que j'ai examiné amplement ail- leurs (1). En effet, si les valvules du cœur se comportaient d'une manière purement passive', comme l'admet (Esterrei- cher(2) , entre autres, et qu'elles ne fussent consolidées par des fibres tendineuses , dans quelques points de leur bord li- bre , qu'afin d'empêcher le sang de les chasser dans l'oreil- lette , les colonnes charnues que ces tendons terminent se- raient absolument inutiles. Mais ce sont des muscles longitu- dinaux particuliers, qui se dégagent des parois du cœur, s'implantent à l'extrémité pointue du ventricule , s'y réunis- sent en un cercle très-serré , et dont l'autre bout se termine par des filamens tendineux , dirigés eux-mêmes , en diver- geant , vers l'anneau tendineux de l'entrée , allant gagner le feuillet externe des valvules , et s'y épanouissant en façon de palmettes. Il n'est pas douteux que ces muscles se contractent pendant la systole ; mais alors ils doivent , en vertu de leur situation, tirer les valvules de haut en bas et de dehors en de- dans , les rapprocher de Taxe , les écarter des parois; et cet effet doit d'autant plus avoir lieu, que les colonnes charnues sont unies par des faisceaux musculaires transverses qui , en se raccourcissant , les ramènent davantage encore dans l'axe du ventricule. Or les valvules ayant pris ainsi la forme d'un en- tonnoir, il reste entre les filets tendineux des vides au moyen desquels le sang arrive à la face externe des replis valvulaires, de sorte que , par la pression qu'il exerce alors de dehors en dedans , il complète l'occlusion que l'activité musculaire vi- vante avait commencée. A la vérité, on peut objecter contre celte théorie, que Haller (3) a trouvé les filamens tendineux relâchés pendant la systole du ventricule ; mais , toutes les fois qu'on ouvre le cœur , son action est plus ou moins trou- (1) Berichte von der anatomischen Anstult , t. III , p. 49-45.] (2) Loc. cit., p. 21. (3) Opéra minora, t. I, p. 224. MOUVEMENS DU COEUR. S^l blée , et l'observation rapportée par ïïaller présenté trop de difficultés , prête même trop à l'illusion , pour que nous puissions l'accueillir en toute confiance , d'autant plus qu'elle est isolée. Chez les Oiseaux , la valvule entière du cœur droit consiste en un fort muscle , de sorte que le reflux du sang contenu dans le ventricule pulmonaire se trouve empêché de la manière la plus complète , et que ce liquide peut être lancé dans l'artère pulmonaire avec une grande vigueur , rendue nécessaire par la structure des poumons , qui semble exiger que des dispositions spéciales aident à la circulation dans ces organes. Chez les Poissons , la valvule du cœur a en par- tie la forme d'une poche , et sa conformation ressemble à celle des valvules artérielles ; mais , toutes les fois qu'elle pend dans le ventricule , elle est pourvue de muscles : cette règle ne souffre pas d'exceptions. 3° Dans les cœurs utriculaires , le mouvement se propage d'une manière ondulatoire. Dans les cœurs vésiculaires , con- sidérés en général , il suit la série des parties hétérogènes , de sorte que, pendant qu'une d'elles se vide par systole, la suivante s'emplit par diastole. Cependant cette alternation n'est point observée à la rigueur. Les veines alternent "avec les oreillettes ;' elles se contractent et se vident, quand celles- ci se dilatent ; cependant les fibres des veines caves sont unies d'une manière si intime avec celles de l'oreillette , qu'on peut concevoir la simultanéité d'action des deux parties (4) , quoi- qu'elle ne soit pas démontrée par l'expérience. Tout change- ment du ventricule succède à un changement semblable de l'oreillette , mais de telle manière que l'état de diastole est celui dans lequel les deux parties persévèrent le plus long- temps. En effet, chez les Mammifères et les Oiseaux , l'oreil- lette a moins de capacité que le ventricule ; la différence n'est point aussi considérable , à la vérité , que semblerait l'an- noncer le volume , d'après lequel elle serait de 1 ; 2 , parce que l'oreillette a des parois plus minces , et par conséquent une cavité plus spacieuse eu égard à son volume ; cependant elle est portée assez loin encore pour que le ventricule ne (1) Autenvieth, Handhuch der empirischen Physiologie , 1. 1, p. (197. YI. l6 242 MOUYÉMENS pU. ÇCEDR. puisse point êlre rempli entièrement par la systole de Toreil- lette , surtout si cette dernière laisse refluer un peu de sang dans les veines caves. Nous pouvons donc admettre les temps suivans : a. L'oreillette entre en diastole', et commence à recevoir le sang des veines , tandis que le ventricule est en systole et se vide. h. Ensuite le ventricule entre en diastole , et commence à s'emplir du sang de l'oreillette, qui est également en dia- stole. c. Enfin l'oreillette entre en systole , ce^qui fait que le ven ■ tricule arrive au point culminant de sa diastole. Mais, à ce troisième temps^ succède immédiatement le pre- mier , et les deux temps s'écoulent avec tant de rapidité que , pris ensemble^ ils ont une durée infiniment plus courte que celle du second. Ainsi la systole du ventricule succède si prompte- ment à celle de l'oreillette que, la plupart du temps, on ne peut point les distinguer l'une de l'autre , et qu'elles ne semblent faire qu'un , après quoi a lieu une pause pendant laquelle les deux portions du cœur sont en diastole. En conséquence, la systole de l'oreillette est en quelque sorte Y échappement du battement proprement dit du cœur, ou de la systole du ven- tricule, et elle paraît n'avoir d'autre but que de produire un choc du sang qui détermine le ventricule déjà presque rempli à se contracter. Ces deux temps de la systole ne peuvent être sensiblement distingués l'un de l'autre que quand la circula- tion est fort lente , comme peu avant la mort , ou pendant le sommeil d'hiver , circonstance dans laquelle ils ont été ob- servés par Wedemeyer(i) entre autres. La durée de la systole entière ( du premier et du troisième temps ) est à celle de la diastole ( du second temps ) à peu près dans la proportion de 1:3. 4° La combinaison qui vient d'être décrite est normale. Celle qu'on rencontre le plus fréquemment après elle, dans les vivisections, consiste en ce que l'oreillette se contracte deux ou même cinq à dix fois , de sorte que le cœur s'essaie en (1) Meckel , ArcUv fuer Anatoviie , 1828 , p. 344. MODVEMENS DU COEUR. 243 quelque sorte plusieurs fois avant d'en venir à une systole complète. Ce phénomène a lieu surtout aux approches de la mort , quand l'irritabilité du ventricule est très-émoussée ,''ou l'onde de sang et la contraction de l'oreillette trop faibles. Il avait déjà été observé par Walther (1) , Haller (2) , et autres. Wedemeyer l'a vu aussi quelquefois chez un Hérisson plongé dans le sommeil d'hiver. 5° Il y a encore une autre combinaison , dans laquelle les contractions de l'oreillette et du ventricule alternent d'une manière uniforme, ou se succèdent après des pauses égales. Ce tic-tac qui , d'après (Esterreicher (3) , serait ordinaire chez les Poissons , les Grenouilles et les embryons des Oiseaux , est extrêmement rare chez les animaux à sang chaud. Il dé- pend de ce que l'oreillette a plus d'indépendance et surpasse le ventricule en volume ; car on retrouve cette proportion chez les animaux à sang froid et dans les embryons des ani- maux à sang chaud (§ 441 , 6°). 6° Nichols regardait le battement simultané de l'oreillette et du ventricule comme normal ; mais c'était une erreur, te- nant à la rapidité des deux battemens. (Esterreicher dit ce- pendant avoir observé quelquefois ce phénomène chez des animaux à sang chaud. ( Sous le rapport du rhythme des battemens du cœur, mes observations ne sont pas parfaitement d'accord avec celles d'(Esterreicher. Chez les animaux à sang chaud, la contrac- tion des oreillettes semble être , en quelque sorte , l'échap- pement de celle des ventricules ; or, en y regardant de près , je trouve la même chose aussi chez les Grenouilles. Le temps qui s'écoule depuis la contraction du ventricule jusqu'à celle de l'oreillette, est plus long dans ces animaux, et double de celui qui se trouve compris entre la contraction de l'oreillette et celle du ventricule ; c'est pendant sa durée qu'a lieu la contraction du bulbe de l'aorte, qui par conséquent n'est iso- chrone ni avec celle de l'oreillette ni avec celle du ventri- (1) Expérimenta in vivis animalihus révisa, p. 13. (2) Opéra minora, 1. 1 , p. 56 , 152. (3) Loc. cit., p. 25, 244 MOUVEMENS DU CŒUR. cule. La contraction du bulbe de l'aorte extirpé s'aperçoit en- core très-distinctement à la loupe, tandis que le reste du système aortique n'en montre aucune trace. ) (1) II. Pendant toute la vie , chez les animaux à sang froid , notamment les Poissons et les Batraciens , et durant les pre- mières périodes seulement de la vie embryonnaire , chez ceux à sang chaud, le cœur est une série simple de parties , qui , dans ces derniers , se résout , par les progrès du déve- loppement , en deux oreillettes et deux ventricules (§ 441 , 4°, 5°). Les parties homonymes agissent simultanément, at- tendu que la cloison et même une portion de la couche mus- culaire extérieure leur appartiennent en commun. Nichols était tombé dans l'erreur en disant que les moitiés droite et gauche du cœur se meuvent alternativement. Mais la moitié gauche est plus puissante que l'autre , et détermine les mou- vemens de la droite. Comme le ventricule, qui chasse le sang dans le corps , l'emporte sur l'oreillette , qui reçoit ce liquide , et constitue la partie la plus essentielle du cœur, de même aussi le principal rôle appartient au ventricule gauche , parce qu'il envoie du sang à tous les organes sans exception. Ce ventricule envahit une plus grande partie de la cloison , et quand on coupe le cœur en travers , il représente une cavité parfaitement ronde , à laquelle le ventricule droit s'applique en forme de cavité modelée sur lui et semi-lu- naire. Il a une paroi latérale plus épaisse , car son épaisseur esta celle du ventricule droit, comme 1 '. 1,30 chez l'enfant, et comme 1 '. 2,5 chez l'homme (*). Après avoir été incisé, il reste béant , tandis que celui du côté droit s'affaisse sur lui- même. Il se raccourcit plus énergiquement , ou chasse le sang avec plus de force de la pointe vers les deux ouvertures , tandis que le droit se contracte davantage dans le sens de sa largeur. Mais l'oreillette gauche est aussi plus forte que la droite , et , d'après Haller (2) , ses fibres se contractent beau- (1) Addition de J. MuUer. (*) Bouillaud (Trait^ des malad. du cœur, 1. 1 , p. 55 ) dit qu'en général répaisseur des parois du ventricule droit est à celle des parois du ventri- cule gauche dans la proportion de 2 * 5 ou même de 1 ' 3. (2) Opéra minora , t. I , p. 225. MOUVEMENS DU COEUR, ^45 coup plus rapidement , lorsque Tactivité vitale vient à bais- ser. 7° Nous avons vu ( § 509 , 2° ) que la moitié droite du cœur, qui était la plus étroite chez l'embryon , commence à s'aj^ran- dir après la première respiration , et que peu à peu (§ 560, 4°) elle devient plus spacieuse que la gauche ^ de sorte qu'elle contient aussi davantage de sang. Cette inégalité avait été re- connue par Winslow , Senac, Haller, Sœmmerring, Meckel, Legallois , etc. , et démontrée par des mesures prises à l'aide de liquides. D'autres l'avaient révoquée en doute , disant que les mesures sont incertaines, en ce que la paroi plus mince de la moitié droite cède plus que celle de la gauche à la disten- sion produite par les liquides, tegallois (1) tenta d'écarter ces objections , en pétrissant la moitié gauche avec du mercure , avant de la mesurer, jusqu'à ce qu'elle fût complètement molle : les mesures prises ensuite lui apprirent que , dans les Chats , les Chiens , les Cochons d'Inde et les Lapins , la capa- cité du cœur gauche est à celle du cœur droit depuis 1 '. 1,10 jusqu'à 1 ; 1,20 , mais parfois aussi de 1 ! 2 ; sur vingt-trois cas, il n'y eut qu'une seule exception. Il me paraît hors de doute aussi , d'après le résultat des injections , que le ventri-, cule pulmonaire est ordinairement plus spacieux que l'aorti- que (*). Comme ce dernier reçoit le sang de l'autre par la voie détournée des poumons , et que cependant il ne lui arrive point autant de sang que le droit en avait contenu , on se de- mande ce qu'est devenu cet excès de sang. Il n'y a que trois cas possibles : ou le sang s'est perdu dans les poumons , ou il est resté dans le cœur droit , ou il a reflué de ce cœur ; une quantité correspondante de sang ne peut point être consommée dans les poumons , car la somme des gaz expirés ne dépasse au moins pas celle de l'air inspiré, et l'exhalation aqueuse ne s'élève au plus qu'à un dixième de grain pendant un batte- ment du cœur, tandis que le ventricule aortique contient près (l)OEuvres,t.I,p. 330. C) D'après les recherches de Bouillaud (Traité clinique des maladies du cœur, 1. 1 , p. 56 ) , la moyenne de la capacité du ventricule droit l'enaporte sur celle du ventricule gauche ; mais la différence est assez faible. ^4^ MOUVEMÊNS DU CŒUR. de cent grains de sang de moins que le pulmonaire ; or , une telle quantité de sang ne [pourrait pas disparaître d'une autre manière dans les poumons. Les deux autres cas possibles doivent être examinés sous un point de vue plus général, 2. EFÏETS DES MOÇVEMENS X>V COEUR, a. Effets sw le sang. § 708. En effet , la question se présente ici de savoir jus-- qu'à quel point la systole du cœur agit sur le sang. I. Nous avons d'abord à rechercher si cette systole chasse tout le sang , ou s'il en reste une certaine quantité, soit parce que le ventricule ne se contracterait point avec assez de force, soit parce que les enfoncemens qui existent entre les fais- ceaux musculaires de la surface interne retiendraient un peu de liquide. Ces enfoncemens diminuent de capacité ou même s'effacent dans une systole vigoureuse , de sorte qu'ils ne re- tiennent point de sang nécessairement et dans toutes les cir- constances. Mais tout dépend ici du plus ou moins d'énergie de la force musculaire. Or, comme' celle-ci n'est la^même ni chez tous les individus, ni dans tous les temps, on ne peut rien établir de général à cet égard. Sœmmerring (1) fait re- marquer que , chez les hommes en santé qui périssent de mort subite , on trouve le cœur entièrement vide , tandis que , dans les cadavres des individus débiles , hydropiques , etc. , il est flasque et rempli de sang. Fontana prétend que le cœur des animaux à sang chaud ne se vide pas d'une manière com- plète , parce que quand , après avoir lié les veines pulmo- naires et fait la section de Taorte , il irritait le ventricule gauche, afin de le déterminer à exécuter des contractions répétées , un peu de sang restait à sa pointe. Mais les phéno- mènes ainsi observés dans des circonstances contraires à l'ordre naturel des choses ne doivent être appliqués qu'avec réserve à l'état de santé. Suivant Blumenbach (2), le cœur des Reptiles se vide complètement et jusqu'aux dernières gouttes ; mais Spallanzani (3) assure qu'il reste un peu de sang dans celui (1) Gefœsslehre , p. 55. (2) Kleine Schriften , p. 76. (3) Expér. sur la circulation, p. 136. MOUVEMENS DU COEUR. ^47 des Salamandres, et que révacuation complète n'a lieu que chez certains indiviclus(l).' D'api es tous ces faits, révacuation complète du ventricule gauche paraît être un phénomène très- variable et nullement essentiel. Quant au ventricule droit, sa force musculaire moindre et les enfoncemens plus nombreux de sa surface interne semblent le prédisposer d'une manière spéciale à ne point se vider entièrement , et l'on trouve pres- que toujours du sang dans son intérieur ; cependant cette der- nière particularité peut tenir à ce que , la plupart du temps , la circulation s'arrête d'abord dans les artères pulmonaires, tandis que l'oreillette droite continue encore de recevoir du sang ; il est possible aussi que la réticulation plus prononcée de la face interne du ventricule droit ait pour but de mêler le sang (§ 746). D'ailleurs, comme on trouve quelquefois ce ventricule entièrement vide _, 'son évacuation incomplète ne peut être employée d'une manière certaine pour expliquer le phénomène dont il a été parlé plus haut ( § 707 ,7°): IL Si nous jugeons d'après des phénomènes analogues de la périodicité ( § 593) , on peut très-bien admettre un reflux partiel du sang. 1° Le mécanisme des oreillettes rend ce reflux tellement possible, qu'on est fondé à le considérer comme presque iné- vitable. En effet , les orifices des veines caves et des veines pulmonaires ne sont point clos par des valvules , surtout chez l'homme (§707, 1°). La contraction de l'oreillette doit bien chasser la plus grande partie du sang dans le ventricule en- core dilaté et non entièrement plein ; mais la dernière ondée de ce hquide , celle qui se rapproche le plus du tronc vei- neux , ne pouvant pas suivre le courant pendant la systole , dont la rapidité égale celle de l'éclair, elle doit refluer dans la veine , oii elle ne rencontre d'autre résistance que celle du courant veineux. Le reflux doit pouvoir s'opérer d'autant plus facilement que cette résistance est plus faible , et celle , au contraire, que rencontre l'écoulement par les artères, plus considérable. Ici nous voyons bien clairement la différence qui existe entre le cœur droit et le cœur gauche ; le premier (1) lhid.> p. 239. 248 MOUVEMENS DU COEUR. conduit le sang d'un très- vaste espace (le système des veines caves) dans un autre resserré ( l'artère pulmonaire) , où les vaisseaux capillaires ne tardent pas à lui opposer une grande résistance , tandis que le liquide refluant trouve aisément place dans les veines caves ; le cœur gauche , au contraire , fait passer le sang de l'espace étroit des veines pulmonaires dans l'ample domaine du système aortique , dont les larges troncs et ramifications peuvent le recevoir avant qu'il ren- contre la résistance des capillaires. Il faut encore ajouter une particularité de la structure du cœur; lorsque l'oreillette gauche est fortement remplie , par exemple dans l'expiration , sa paroi se presse contre l'oreillette droite , à la face interne de laquelle elle produit, entre l'orifice du ventricule pulmo- naire et celui de la veine cave supérieure , une saillie [tuher- culum de Lower, insula de Cotugno) qui gêne le passage de la partie supérieure de l'oreillette dans l'embouchure du ven- tricule , et favorise le reflux du sang dans la veine cave supé- rieure. Si donc nous concluons , de la disposition mécanique des parties , que l'oreillette droite surtout rejette une partie de son sang dans les troncs veineux , cette conclusion paraît être justifiée par la remarque que l'oreillette gauche, dans laquelle le même phénomène ne peut point avoir lieu aussi facilement , est un peu plus spacieuse. Mais elle l'est également par l'obser- vation directe. On voit, comme le dit entre autres Spallanzani (1), une partie du sang refluer dans les veines caves. La portion qui rétrograde ainsi est peu considérable , à la vérité , dans l'état de santé ; mais quand la résistance augmente du côté artériel , le sang reflue en telle quantité et avec tant de vio- lence, que les troncs et même en partie les branches des veines caves éprouvent une pulsation correspondante à la systole de l'oreillette. Ce pouls veineux passif (2) , qui peut dépendre, par exemple, d'une hypertrophie du ventricule droit compliquée de rétrécissement (*), s'étend jusqu'à la (1) Loc. cit., p. 199. (2) Laennec, De l'auscultation médiate, t. III, p. 184, 185. C) Consultez , sur les battemens du cœur dans l'état anormal , Bouillaud , Traité clinique des malad. du cœur, 1. 1, p. 139. MODVEMENS DU CŒUR. 549 veine jugulaire interne , vers la région inférieure du cou , et jusqu'au commencement des veines sous-clavières, comme on le voit fréquemment chez l'homme 5 il s'étend aussi au tronc de la veine cave inférieure et à quelques unes de ses bran- ches , comme on peut parfois s'en convaincre sur l'homme par le toucher, et sur les animaux pendant les vivisections. Dans ce dernier cas , un reflux qui s'étend jusqu'aux plus prochaines valvules s'aperçoit fréquemment avant la mort et quand les contractions du cœur s'exécutent d'une manière irréguhère , et il est souvent porté au point que l'oreillette chasse à plusieurs reprises le sang dans les veines caves, avant de le faire passer dans le ventricule (§ 707, 4°). 2° Au commencement de la systole des ventricules , il y a encore, en dedans du cercle des valvules cardiaques, du sang que le mouvement dirigé de la pointe vers la base doit reje- ter dans l'oreillette , mais qui peut aussi parvenir jusque dans.les veines. Or le pouls passif de la veine jugulaire est infiniment plus fréquent dans le cas d'obstacle à ce que le ventricule droit se vide , que dans celui d'obstacle à l'éva- cuation de l'oreillette droite ; il suffit même d'un effort vio- lent ou d'une suspension de la respiration qui trouble la cir- culation dans les poumons , pour déterminer la veine jugu- laire à battre (î). Ce qui contribue encore à rendre le reflux plus possible dans le ventricule droit , c'est que , suivant la remarque de Legallois (2) , l'entrée de ce ventricule est plus grande que celle du ventricule aortique , et moins exacte- ment close par la valvule. Il est donc vraisemblable que ce reflux a lieu aussi dans l'état normal , quoiqu'à un degré plus faible , et que c'est lui qui compense la différence de ca- pacité entre le ventricule droit et le ventricule gauche. 3° Le sang qui coule des ventricules dans les artères fait effort comme un coin pour passer entre les valvules artérielles, et les repousse dans les artères , contre les parois desquelles il les applique. Comme ces valvules ont leur bord libre garni d'une bandelette cartilagineuse , elles reviennent sur elles- (1) Haller, Opéra minora, t. I, p, 223. (2) Œuvres , t. I , p. 336. ê5o siouvemens du coeur. mêmes , en vertu de leur élasticité, dès que la pression du sang qui sort du cœur vient à cesser : si donc le sang contenu dans l'artère reflue vers le cœur, il trouve l'orifice bouché, et contribue même à le clore mieux encore , parce qu'il s'en- gage dans les valvules et les tend davantage. Ainsi , "dans l'état normal , il n'y a point possibilité que le sang reflue des artères dans les ventricules -, les valvules établissent une limite infranchissable entre le cœur et ces vaisseaux , tandis que le sang forme un courant continu depuis les veines jusqu'aux ventricules. A la vérité , Fontana prétend que la distension des valvules artérielles est l'effet seulement du sang qui re- flue, et qu'en s'élalant ces replis refoulent une certaine quan- tité de liquide vers le cœur, parce qu'ils coupent en deux la colonne engagée dans l'orifice; mais si les ventricules se sont complètement vidés par leur systole , le sang a été incontesta- blement chassé au-delà des vtîlvules artérielles , et celles-ci se ferment d'elles-mêmes ; car on les trouve closes après la mort quand le cœur est vide en totalité , et elles le sont aussi lorsqu'on a injecté les artères par les ventricules (1). III. La quantité de sang qui sort du cœur à chaque systole ne peut être appréciée par l'observation directe que dans les vivisections , hors desquelles il n'y a d'autre moyen d'en juger que d'après la capacité des ventricules. Mais comme cette ca- pacité n'est point parfaitement lamême chez tous les individus, comme l'énergie de la systole et le degré auquel le cœur se vide varient beaucoup , comme aussi la quantité de sang qui reflue dans l'oreillette et les veines est plus ou moins con- sidérable en raison du plus ou moins de liberté de la circu- lation, on ne peut arriver qu'à une évaluation approximative. Suivant Haies , le cœur du Cheval chasse six onces de sang dans l'aorte. Chez l'homme, le ventricule aortique reçoit, terme moyen , au-delà d'une once" et demie de sang , et comme il reflue moins , on peut admettre qu'il lance une once et demie de ce liquide dans l'aorte. La capacité du ventricule droit dépasse deux onces, et s'il en reflue plus d'une demi -once' de sang dans l'oreillette , le ventricule envoie une once et (4) Bui'dach, Berichte von der anatomischen Anstalt , t. III , p. 26. MOUVEMENS DU COEUR. 25 1 demie de liquide dans l'artère pulmonaire , de sorte qu'il "y a égalité sous ce rapport entre les deux moitiés du cœur. b. Effets des moxivemens du cœur sur ses -parois. I § 709. Il nous reste, encore à expliquer deux phénomènes , dont il est aussi facile de constater l'existence par l'observa- tion que difficile d'apprécier les rapports de causalité ; ce sont le choc du cœur contrôles parois de la poitrine (§706, 1°) et le double bruit qu'on entend pendant les mouvemens de cet organe (§706,2°). I. Jusqu'à nos jours, le choc du cœur contre la poitrine a été attribué à la systole des ventricules , et diversement ex- pliqué (1°- 4°). 1° L'hypothèse la plus simple consistait à admettre que les ventricules s'allongent pour venir heurter la paroi thoracique, qui en est distante d'un pouce environ. Mais il est prouvé ( § 706 , 3° ) que les ventricules se raccourcissent , que par conséquent ils s'éloignent de la paroi thoracique. 2° Senac (1) , Hunter et autres pensaient qu'en venant à se remplir soudainement , la crosse de l'aorte tend à se redres- ser en vertu de la résistance qu'éprouve le sang, et que, comme elle ne peut point se porter en arrière, elle sedirigeen avant et y pousse le cœur. Mais d'abord , et cette remarque a déjà été faite par Carson (2) , il est inexact de dire qu'un tube courbe et flexible se redresse quand on injecte un li- quide dans son intérieur. En second lieu , il est prouvé (§710, 1°) que , pendant la systole du cœur, l'aorte ne se trouve pas poussée vers cet organe , mais qu'elle s'en écarte, et qu'elle se porte en avant dans le sens du courant. Enfin , l'aorte de beaucoup d'animaux n'a point de crosse , et cepen- dant on sent très-distinctement les battemens du cœur chez eux. 3" Haller (3) , qui avait vu la pointe du cœur s'infléchir un peu pendant le raccourcissement de l'organe dans la dia~ (1) Loc. cit., t. II, p. 49. (2) An inquiry into the causes of the motion of the hlood , p. Î8&. • (3) Opéra minora , t. I , p. 56. aSa MOUVEMENS DU COEUR. stole , admettait (1) qu'elle vient frapper les côtes en se rap- prochant de la base et se recourbant , opinion qu'adoptèrent la plupart des physiologistes , entre autres Sœmmerring (2) et Treviranus (3). Mais je n'ai jamais vu cette inflexion de la pointe du cœur portée assez loin pour qu'on puisse lui attri- buer un tel effet. Du reste, l'hypothèse de Haller supposerait, entre la situation du cœur et les côtes, un rapport qui n'existe pas , car la rencontre de ces dernières par la pointe recour- bée de l'organe serait absolument impossible chez la plupart des Mammifères , qui ont le cœur perpendiculaire , la base tournée vers la colonne vertébrale et la pointe vers le ster- num. 4° Senac (4) et Carson (5) ont admis enfin que la pointe du cœur se reporte bien en arrière et s'écarte ainsi de la paroi thoracique pendant la systole des ventricules, mais qu'en se remplissant les oreillettes , notamment la gauche , qui touche à la colonne vertébrale , la ramènent en avant et la poussent vers les côtes. Mais la réplétion des oreillettes n'est pas tellement subite qu'il dût s'ensuivre que le cœur battît contre la poitrine , et ce battement cesse tout à coup , le cœur se retire manifestement en arrière, pendant que la réplétion qu'on prétend être ainsi la cause de sa. projection , non seulement persiste , mais même augmente encore. Cependant cetteliypothèse , en elle-même insoutenable , conduit à une opinion que nous suggère d'ail- leurs déjà l'insuffisance de toutes celles dans lesquelles on attribue le battement du cœur à la systole des ventricules. 5° Cette autre opinion a été émise naguère par Corrigan et Stockes , qui pensent que , pendant la systole des oreillettes , les ventricules , gorgés de sang et portés au plus haut degré de la diastole, s'allongent , se portent en avant et viennent heurter les côtes , dont ils s'éloignent par leur systole subite. Voulant observer immédiatement le choc du cœur contre les parois de la poitrine , j'ai pratiqué plusieurs vivisections , no- (1) lUd., p. 226. (2) Gefœsslehre , p. 56. (3)^*0^05^^,1. IV, p. 253. (4) ioc.cii., t. II, p. 50. ^ (5) Loe. cit., p. 487. MÔCVEMENS DU COEtJR. â55 tamment sur des Lapins et des Chevaux ; mais les mouve- mens désordonnés qui ont lieu dans ces sortes d'expériences, et qui font si rapidement place au repos de la mort qu'ils exi- gent la plus grande précipitation de la part de l'observateur , ne m'ont point permis d'atteindre complètement au but, et la respiration artificielle entretenue chez les Lapins après la cessation de la vie, déterminait des baltemens du cœur trop faibles pour que l'organe pût atteindre jusqu'à la paroi Ihoracique. Cependant je me suis convaincu que la pointe se porte réellement en avant pendant la systole des oreillettes, et qu'elle se retire en arrière pendant celle des ventricules. Stokes a remarqué aussi , chez des Lapins , en posant le doigt sur la pointe du cœur , qu elle se portait en arrière à chaque systole des ventricules et en avant à chacune de leurs dia- stoles ; chez une Chèvre , ce mouvement avait deux à trois lignes d'étendue (d). Un autre motif d'admettre cette opiuion tient à ce que le bat- tement des artères ne s'effectue pas au même moment que celui du cœur , mais un instant après. Il n'est point très-facile d'ar- river à la certitude sous ce>apport; car, d'un côté, la systole du ventricule suit de si près celle de l'oreillette, qu'on ne peut pas toujours la distinguer, même sur le cœur mis à découvert (§707, 3°), comme aussi la rétraction du cœur s'opère si promptement, après le choc contre la poitrine , que le mou- vement entier semble n'être qu'une simple convulsion ; d'un autre côté , il faut un certain effort pour bien observer deux objets à la fois avec un même sens , puisque ordinai- rement l'attention se fixe de préférence sur l'un d'eux. On peut faire des observations sur soi-même , en posant la main droite sur la région du cœur , et la gauche sur la carotide ou sur l'artère radiale de la main droite , et ce mode a de l'avan- tage , en ce qu'il permet de choisir un moment où les batte - mens du cœur sont moins fréquens , et d'observer long-temps avec tout le calme nécessaire. L'expérience paraît être plus facile encore sur des Chevaux ,*parce que les battemens du cœur sont moins fréquens chez les animaux ; on les observe (1) Froriep , NoHzen, t. XXIX, p. 150. 354 MOUVEMENS DU COEUR. en appliquant la main sur la région cardiaque , tandis qu'un autre examine une artère , par exemple la maxillaire , et in- dique avec précision chaque pulsation par un son ou par un mouvement visible. J'ai mis ces deux méthodes en pratique ; de même qu'à Gorrigan et Stockes , elles m'ont fait recon- naître quelquefois, mais pas toujours , la succession des deux battemens. Ce qu'il y ad'important , c'est que celle-ci avait déjà été constatée par des observateurs dont l'impartialité n'était obscurcie par aucune vue théorique , notamment par Sœm- merring (1) , qui dit que l'intervalle est de deux tierces , et par Steinbuch (2). Magendie (3) , qui avait fait la même re- marque, attribuait la pulsation plus tardive des artères à ce que l'impulsion du eœur exige un certain laps de temps pour se propager ; mais l'intervalle devrait alors n'être sensible que dans les artères les plus éloignées du cœur , et non dans celles qui s'en rapprochent (§701, %"). Au reste, Pigeaux a remarqué que le pouls des artères en général alterne avec le choc du cœur contre les parois de la poitrine (4). Enfin Stockes (3) a reconnu que la pulsation de la veine jugulaire, qui provient de la systole de l'oreillette droite (§ 708, 1°), est parfaitement isochrone avec le battement du cœur. Nous devons donc admettre comme prouvé que le batte- ment du cœur dépend de la diastole des ventricules, de même que le pouls tient à celle des artères. II. Des opinions diverses ont été émises à l'égard du bruit que l'on discerne en appliquant l'oreille sur la région du cœur. Laennec (6) attribuait à la systole des ventricules le bruit sourd, qui est plus fort et plus prolongé, et à celle des oreillettes, le bruit clair , qui est plus faible et de plus courte durée. Tur- ner est d'accord avec lui quant au premier , mais croit que la systole des oreillettes ne s'entend point du tout, ou du moins (1) Gefœsslehre , p. 100. (2) Hufeland, Journal der praktièhjien Heilkunde , t. XLI, p. 50. (3) Journal de physiologie , t, I , p. 104. (4) Archives générales , t. XXII , p. 423. (5) Loc. cit., p. 152. (6) Traité de rauscvUtalion médiate , t. HI,, p. 29. MOtJVEMENS DU COEUR. 255 qu'elle se fait entendre simultanément avec celle des ventri- cules , et que le second bruit provient ou de Taffaissement du péricarde soulevé , ou peut-être aussi de la diastole (1). Wil- liams regarde le premier bruit comme l'effet de la systole si- multanée des ventricules et des oreillettes , et fait dépendre le second des valvules (2). Despine(3) attribue le premier à la systole des ventricules , et le second à leur diastole. Enfin, se- lon CorrJgan, le premier se rattache à la systole des oreillettes, et l'autre à celle des ventricules (4). Cette opinion, partagée aussi par Stockes et Pigeaux (5), est la seule fondée; mais; elle n'apoint été présentée d'une manière parfaitement claire, ce que nous allons essayer de faire. 6° Comme le bruit en question suit parfaitement le type de l'activité musculaire du cœur, il doit dépendre de celle-ci, mais non d'une manière immédiate, c'est-à-dire qu'il ne peut point tenir à ce que la- paroi frappe contre le sang pendant la systole, car la systole n'a lieu, dans chaque partie, que quand elle §st entièrement pleine de sang, c'est-à-dire quand il ne reste plus de vide , qui seul rendait possible la produc- tion d'un son. Le bruit ne peut se rattacher à la systole qu'au- tant que celle-ci pousse le sang dans un autre espace, en par- tie vide , c'est-à-dire contenant de l'air, où il frotte contre les parois. Si cette explication se présente déjà d'elle-même à notre esprit, comme réelle expression des choses, elle trouve aussi sa confirmation dans l'expérience ; car , lorsque de l'air, injecté par une veine, s'amasse dans le cœur, le bruit acquiert une intensité extraordinaire et devient susceptible d'être en- tendu par les assistans. Nysten (6) le comparait , en pareil cas, à celui qui se produit lorsqu'on bat du blanc d'œufavec de l'eau -, il a reconnu l'isochronisme de ce bruit avec le batte- ment du cœur , et constaté qu'il disparaissait au bout d'une minute , lorsque l'air avait été absorbé par le sang. Toutes les (1) Medicinisch-chirurgisclie Zeitung , 1829, 1. 1, p. 360. (2) Archives générales, t. XXVI, p. 427. (3) i6^c^.,1836, t. I, p. 58. (4) Medico-chiruryical review, t. XXV, p. 131. (5) Bulletin des se. médic, t. XXV, p. 272. (6) Recherches de physiologie , p. 46, ^, â56 MOUVEMENS DU C0EU1\. fois que Rosa et Scarpa, après avoir fait écouler le sang con- tenu dans le système vasciilaire, chez des animaux, ranimaient les contractions du cœur par une infusion de sang étranger , ils entendaient aussi un fort gargouillement, sans avoir besoin d'appliquer l'oreille à la poitrine (1) , ce qui ne pouvait tenir qu'à ce que l'iiémorrhagie avait fait accumuler dans le cœur une grande quantité d'air , avec lequel le sang infusé venait à se rencontrer. Mais le sang cause aussi du bruit dans les vaisseaux lors- qu'il s'y trouve une certaine quantité d'air. Ainsi Hertwich entendait une espèce de sifflement quand de l'air pénétrait dans une veine ouverte (2). Dans un cas d'anévrysme variqueux au bras, oii Ton pouvait aisément, à l'aide de la compression, vider de sang tantôt l'artère et tantôt la veine , Schottin discer- nait, chaque fois que le sang reprenait son cours, un bruit qui, assure -t-il , était plus bas , plus sourd et plus fort dans les artè- res, plus aigu et plus clair dans les veines (3). Kennedy a dé- montré naguère,''par des observations multipliées, que le bruit qu'on entend dans l'abdomen d'une femme enceinte, qui s'ac- corde avec les battemens de son cœur, et qui diffère du bruit produit parie cœur de l'embryon (§ 491,3°), a réellement son siège dans le placenta, ainsi que l'avait déjà dit Kergaradec; or, comme il ne se fait entendre dans aucun autre vaisseau, et qu'on ne l'a observé que pendant la grossesse , à l'endroit où s'applique le placenta fœtal, on pourrait fort bien présu- mer d'après cela que cet organe respiratoire de l'embryon admet dans sa substance de l'air qui se serait développé dans les vaisseaux de la matrice et du placenta utérin ( § 476, 12°). 7° Si le bruit qui a lieu dans le cœur dépend de l'écoule- ment du sang dans un espace contenant de l'air , il doit avoir son siège dans les ventricules et dans les origines des troncs artériels , car ces parties du système vasculaire sont les seules qui soient alternativement vides et pleines, c'est-à-dire pleines d'air et de sang ( § 715, I ). En conséquence, nous devons (1) Scheel , Die Transfusion des Blutes , t. II , p. 436 , 145. (2) Dieffenbach , Die Transfusion des Blutes^ p. 41. (3) /*** , 1823 , p. 526. MOUVEMENS DU COEUR. 267 admettre que le premier bruit est occasioné , simultanément avec la systole des oreillettes, par Fécoulement du sang dans les ventricules, [attendu que le liquide trouve dans ces cavités de l'air, qu'il chasse, avant l'occlusion des orifice aurîculo-venlri- culaires par les valvules triglochine et tricuspide , dans le com- mencement des troncs artériels , vidé lui-même par l'effet de la progression du liquide 5 et que le second bruit provient du sang lancé par la systole des ventricules dans les artères , et qui, rencontrant de l'air dans celles-ci, le fait refluer vers les ventricules , dont la diastole recommence aussitôt. Cette théo- rie est confirmée par les faits suivans ( 8°, 9°, 10° ). 8<> Le rhythme de ces bruits correspond parfaitement à celui de la systole des parties non homonymes du cœur (§707, 3°). Au premier, qui coïncide avec l'échappement des oreillettes, succède le second , qui marche parallèlement au battement des ventricules , puis vient une pause. L'expli- cation de Laennec a donc contre elle les faits les mieux cons- tatés ; et c'est pour cela que Turner et Williams admettent qu'on entend la systole des oreillettes en même temps que celle des ventricules. 9° Le premier bruit s'entend au moment même où l'oreille reçoit une secousse causée par, le choc du cœur contre les .côtes, et comme ce choc ne provient que de la systole des oreillettes (5° ), il faut bien que le premier bruit soit égale- ment déterminé par elle. 10° Quand j'appliquais mon oreille sur la poitrine d'un Cheval, tandis qu'un autre observait le pouls de la carotide au dessus du sternum ou celui de l'artère maxillaire à la face in- terne de la ganache , et me le faisait connaître par un son net , je trouvais que le second bruit était isochrone avec le pouls artériel, ou plutôt, comme le fait remarquer Corri- gan, qu'il avait lieu immédiatement après lui. Si ce dernier cas était la règle , l'air refoulé des troncs artériels dans les ventricules vidés serait la cause du second bruit par sa ren- contre avec le sang affluent des oreillettes. Stockes a remar- qué , sur des Lapins auxquels il avait ouvert une moitié de la cavité pectorale , que la systole des oreillettes coïncidait avec le premier bruit, et celle des ventricules avec le second. Yi. 17 258 MOUVEMENS DU COEUR. A. Vaisseaux, § 710. Conformément aux contractions du cœur , le sang coule d'une manière saccadée dans les artères , et comme les vaisseaux en général ne font qu'un avec lui pendant la vie , il résulte de là que les artères sont également mises en mou- vement par saccades. d. ARTÈRES. Le battement des artères porte le nom de pouls. I. On sent le pouls en appliquant le doigt sur une partie du corps où une artère d'un certain volume soit comprise entre la peau et quelque organe résistant, un os par exemple. Ainsi on sent battre l'artère radiale à l'endroit où le radius est voi- sin de l'articulation du poignet, la cubitale au coude, la caro- tide au cou, la temporale à la tempe, la maxillaire externe au bord inférieur de la mâchoire , la poplitée dans le creux du jarret , la tibiale antérieure entre le gros et le petit orteil , etc. Pour tâter le pouls , il faut appuyer le doigt sur l'une de ces parties ; aussi Arthaud croyait-il que le pouls dépend de l'ef- fort du sang contre l'obstacle causé par la pression du doigt ; mais je vois bien manifestement battre mon artère radiale , et je n'en sens pas le battement lorsque je pose doucement le doigt dessus. Parry avait déjà observé que, même sur les ar- tères mises à nu , un attouchement léger ne procure pas la sensation du pouls , quoique Jœger (1) prétende le con- traire. Dans les fortes émotions , les congestions et les inflam- mations , on est quelquefois informé par le sentiment intérieur du battement de ses propres artères. II. Le pouls se voit parfois à l'extérieur sûr certains points, à l'artère radiale par exemple , même dans un état parfait de santé et de calme , ou aux carotides , dans les fièvres et lès congestions vers la tête. Mais il ne paraît alors que comme un tressaillement rhytbmique , attendu qu'il ne fait que percer à travers la peau , et qu'on n'en apprécie point le véritable caractère. Lorsqu'au contraire une artère se trouve à nu dans une étendue considérable , on remarque les phénomènes suivans : (d) Tractatus de arteriarum pulsu,p. 46. MOUVEMENS DU COEUR. sBg 1° Le point du vaisseau sur lequel on fixe son attention , s'éloigne du cœur , pendant la systole de cet organe , c'est- à dire se trouve poussé en avant , tandis que , dans la diastole , il s'en rapproche , ou revient en arrière. Ce mouvement avait environ une ligne d'étendue sur la carotide d'un cheval, ob- servée par Parry (1) , et trois lignes dans une autre expé- rience de Bell {%). Il ne peut pas dépendre immédiatement du mouvement du cœur, puisque celui-ci revient sur lui-même pendant la systole , et se distend pendant la diastole ; il con- siste manifestement dans l'allongement des artères , durant le premier de ces deux temps, et dans leur raccourcissement du- rant le second. Lorsqu'une artère est tellement fixée en deux points que ces derniers ne peuvent point se déplacer, la portion comprise entre eux n'a la faculté de s'allonger que latéralement , ou par des inflexions , et elle quitte alors sa position , ce qui contribue surtout à rendre le pouls suscep- tible de frapper la vue. Ainsi une artère droite devient sinueuse , et une autre naturellement flexueuse , s'infléchit encore davantage. Weitbrecht et Lamure oiit les premiers constaté ces flexions ; mais on a été trop loin en les peignant d'une manière générale comme un déplacement des artères , puisque l'extension , dans le sens longitudinal , y contribue aussi , même pour la part la plus essentielle ; on s'est écarté aussi de la vérité en attribuant à elles seules le phénomène tout entier du pouls. 2° Jadis on considérait le pouls comme résultant d'une di- latation de l'artère , suivie de la contraction de ce même vais- Seau. A l'exemple de Weitbrecht et de Lamure , Haller (3) , Dœllinger (4) , Parry (5) , Rudolphi (6) et Jœger (7) ont ob- (1) Experimentaluntersuchungen tieier die Naturursacheh des àrte-^ riœsen Puises ,1^^. 111. (2) j4?i essay on the forces hy which circulate the llood , p. 30. (3) Opéra minora , 1. 1 , p. 88. (4) Meckel , Deutsches Jrchiv , t. II , p. 356. — Denkschriften der Akademie zu Muennclien , t. VII , p. 220. (5) Loc. cit., p. 91. (6) Grundriss der Physiologie ^ t. U, p. 29Ss (7) Loc, cit., p. 46. , . 26o MOUVEMENS DU CŒUR. jecté contre cette théorie que le diamètre transversal de Tartère n'éprouve aucun changement tandis qu'elle bat. La vérité se trouve entre les deux extrêmes ; le diamètre trans- versal du vaisseau change , mais trop peu pour qu'on puisse faire dépendre les phénomènes du pouls de cette cause seule. Spallanzani (1) , ayant entouré l'aorte d'une Salamandre d'un anneau , afin d'en mieux apprécier le diamètre , reconnut que , pendant la systole du cœur , ce diamètre augmentait d'un tiers au voisinage de cet organe , et seulement d'un vingtième dans le reste de son trajet. Il constata aussi la même dilatation sur l'artère pulmonaire (2) , et sur les grosses bran- ches de l'aorte (3), par exemple, l'artère mésentérique supé- rieure (4) , mais non sur les petites ramifications (5) ; cepen- dant il admettait que , toutes les fois qu'une artère se déplace , elle se dilate et se contracte alternativement (6). Magendie (7) confirma ce résultat^ en établissant (8) que la dilatation et la constriction se voient principalement à l'aorte, qu'elles sont également manifestes à la carotide , chez les gros ani- maux, par exemple, mais qu'on n'en aperçoit aucune trace dans les petites branches. Hastings , ayant placé une liga- ture autour de l'aorte d'un Chat , a vu , dans vingt cas , un vide s'établir entre elle et l'artère pendant la diastole du cœur ; mais quelquefois aussi ce phénomène n'eut point lieu (9). Poiseuille a reconnu le même changement en entourant la ca- rotide d'un cheval d'un tube métallique dont il collait exac- tement les bords, jusqu'à un point où un tube de verre rempli d'eau et perpendiculaire avait été introduit entre eux : à chaque pulsation, l'eau montait dans le tube de verre, refoulée par l'artère, dont le calibre augmentait d'environ un onzième, (1) Expér. sur la circulation , p, 146. (2) Ihid., p. 389. (3) Ihid,, p. 263. (4) lùid., p. 159. (5) Ihid., p. 383. (6) Ibid., p. 395. (7) Précis élémenlaire, t. II, p. 314. (S) Journal de physiologie , 1. 1 , p. 113. (9) Meckel, Peutsches Jrchiv , t. YI,.p. 224. MOUVEMENS DU COEUR. 26 1 et après la pulsation, elle baissait d'autant (1). (Esterrei- cher (2) , Segalas (3) , Wedemeyer (4) , et autres , ont éga- lement acquis la même conviction. Suivant Wedemeyer (5) , la dilatation de l'artère brachiale s'élevait à environ un cin- quième de ligne. Schultz dit avoir remarqué , dans l'embryon de Poulet , que la plus forte ampliation a lieu aux troncs , et l'allongement le plus considérable aux branches les plus dé- liées (6). Les observateurs qui ont soutenu que le diamètre transversal ne subissait aucun changement , avaient des ra- mifications sous les yeux , ou ne prenaient pas leurs mesures exactement. 3° Les deux mouvemens ( 1° et 2'^ ) sont purement méca- niques , et tiennent à ce que , pendant la systole du cœur , les artères reçoivent plus de sang qu'elles n'en peuvent contenir, de sorte qu'elles cèdent en vertu de leur extensibilité , tandis que, pendant la diastole du cœur, l'élasticité dont elles jouissent les fait revenir à leur diamètre normal. Il n'est pas possible qu'au moment oii le cœur se vide dans leur inté- rieur , elles fassent passer dans les veines une quantité de sang égale à celle qu'elles ont reçue ( § 731, 4° ). Ce liquide doit , d'après les lois de l'hydrostatique , faire également ef- fort contre elles dans toutes les directions, et tendre, par conséquent , à les dilater en tous sens. Or la couche médiane se compose de fibres élastiques , annulaires et un peu obli- ques ; on peut la comparer à un tube produit par un fil de fer roulé en spirale. De là résulte que l'artère est bien exten- sible en largeur , mais qu'elle cède plus facilement et davan- tage en longueur , et que par conséquent le sang doit agran- dir un peu son diamètre transversal , mais surtout accroître son diamètre longitudinal. Les injections sur les cadavres , quand elles sont poussées 'autant que possible , produisent les mêmes effets; les artères s'allongent, se courbent davan- (1) Journal de Magendie , t. IX , p. 48. (2) Versuch einer Darstellung der Lelire voin Kreislaufe , p. 48. (3) Journal complémentaire , t. XXXVI , p- 73. (4) Untersuclmngen ueher den Kreislauf , p. 55. (5) Loc. cit., p. 43. (6) Meckel, Arcldv fuer Anatomie , 1826, p. 598. 362 MOUVEMENS DU CŒUR. tage et se dilatent un peu. Pendant la vie, ce phénomène est assujetti à beaucoup de variations; la capacité de l'artère s'accroît d'autant plus que le cœur bat avec plus de force , que Fondée de sang est plus copieuse et animée d'une plus grande vitesse, que le passage du liquida dans les veines présente plus de difficultés, enfin, que l'extensibilité et l'élasticité de l'artère sont plus considérables. III. Il est donc concevable aussi que des circonstances se rencontrent où Tartère n'éprouve ni allongement ni amplia- tion par le fait de la systole du cœur, et l'expérience a prouvé qu'en pareil cas néanmoins , non seulement le sang sort du vaisseau ouvert par un jet saccadé , mais encore le pouls se fait sentir au doigt qu'on appose dessus. Il est arrivé quelque- fois à Parry de ne remarquer aucun déplacement , aucune am- pliation, même avec le secours de la loupe, sur la carotide des Moutons , l'aorte des Lapins ou les branches aortiques du Cheval , quoique le pouls se fît sentir distinctement ; et rien n'est plus facile que de se convaincre soi-même , sur presque toutes les artères, de l'exactitude de ses observations. Ce qu'il y a d'essentiel dans le pouls consiste donc , comme l'ont fait voir Dœllinger (1) , Merk (2) et Jseger (3) , en un ébranlement de la colonne sanguine , qui se propage à la paroi tendue de l'artère , et s'étend même , d'après la remarque de Parry (4) , à une portion d'artère comprise entre deux ligatures et vide de sang ; on ne sent bien cet ébranlement qu'autant qu'on ap- puie le doigt avec force , parce que la tension qui résulte de là permet alors qu'il se transmette jusqu'à lui. IV. A chaque poussée du cœur, la vitesse du courant aug- mente dans les artères , de sorte que le jet qui s'échappe d'une plaie décrit une plus grande arcade durant la systole de l'or- gane central , et coule avec plus de calme pendant la diastole. Ce phénomène tient au choc , qui doit se manifester sur tous les points ; car la colonne entière du sang , chassée par lui avec plus de vitesse , se ralentit dès qu'il est passé , mais sans néan- (1) Meckel , Deutsches ArcMv , t. II , p. 346. (2) Inauijuralabhandluntj ueher die thierische Beweijung , p. 102. (3) Tractatus de arterian^mpulsu, p, 46. (4) Loc. cit., p. 18. MOUVEMENS DU COEUR. 263 moins cesser de marcher en avant , de sorte qu'il ne se produit pas de vide. Du reste , la propagation du choc dans le sang est toujours infiniment plus rapide que le cours de ce liquide lui- même. § 711. 1° Ordinairement on trouve que toutes les artères battent ensemble. Haller (1) et Spallanzani (2) ont établi cette simultanéité en règle générale , d'après leurs expériences. Kerr (3) en a conclu que le pouls ne peut pas provenir d'un liquide marchant par un courant continu, ni, par conséquent, être dû au sang chassé du cœur. Mais tout ce qu'il suit de là, c'est que le pouls ne se rattache pas à la progression du sang, et qu'il est l'effet de la propagation du choc à la masse en- tière de ce liquide qui remplit le système artériel sous la forme d'une colonne non interrompue. Or l'ébranlement communiqué à un liquide se transmet avec une vélocité di- verse suivant la nature des parois. La propagation est in- stantanée lorsqu'un canal rigide est rempli d'un liquide qui ne puisse pas s'échapper latéralement: ainsi, quelque long que soit un tube métallique, il en sort de l'eau à l'instant même oii une pression agit sur l'autre extrémité de la colonne du liquide. Mais si ce dernier se trouve dans une gouttière , c'est-à-dire sur une surface non entourée d'une paroi solide , comme il exerce constamment une pression uniforme de tous les côtés, tout choc qu'il reçoit le pousse vers le côté libre , c'est-à-dire vers la partie supérieure , et le force de s'élever ; puis, quand sa pesanteur le fait retomber, il choque les points voisins de sa masse , de manière que ceux-ci s'élèvent à leur tour au dessus du niveau , et ainsi de suite ; en un mot l'ébran- lement se propage peu à peu et par ondulations. Mais un ca- nal à parois extensibles et contractiles tient le milieu entre un conduit rigide et une gouttière ; si la colonne de liquide qu'il renferme reçoit une impulsion à l'une de ses extrémités, les points les plus voisins de la paroi se distendent en tous sens , c'est-à-dire que le canal se dilate , et quand le point ainsi di- (1) Opéra minora, 1. 1, p. 185. (2) Expér. sur la circulât., p. 246. (3) Observations on the harveian doctrine, p. 60 , 144. a64 MOCYEMENS DU COEUR. îaté vient à se contracter, celui qui suit éprouve une dilatation analogue , et ainsi de suite jusqu'à ce que l'ébranlement ait atteint l'extrémité opposée de la colonne. Or l'artère est pré- cisément un canal extensible et élastique ; donc le choc que le cœur imprime à la colonne de sang qu'elle renferme , doit se propager de la même manière et en des temps appréciables. Aussi plusieurs observateurs ont-ils reconnu qu'il y a réelle- ment une différence de temps entre les pulsations des diverses artères. Weitbrecht a constaté que son artère radiale battait après la carotide. Wedemeyer dit qu'on sent le pouls un in- stant plus tard aux membres qu'au voisinage du cœur. Arnott s'est convaincu qu'il y a succession des battemens à la lèvre , au poignet et au coude-pied (1). D'après les observations de Weber (2), l'artère axillaire bat en même temps que la maxil- laire externe , mais un sixième ou un septième de seconde plus tôt que la métatarsienne , et celle-ci un peu après la ra- diale, qui n'est guère plus rapprochée qu'elle du cœur. Stockes a remarqué qu'il y avait synchronisme parfait du pouls dans les parties placées à égale distance du cœur , par exemple dans l'artère radiale ,"au poignet , et la crurale, à la partie su- périeure de la cuisse ; mais que le pouls battait plus tard dans les parties éloignées du cœur que dans celles qui en sont voi- sines, plus tard, par exemple, à l'artère tibiale qu'à laradiale(3). La même observation a été faite aussi par Despine (4). Koch a vu, dans la membrane interdigitale de jeunes Grenouilles, le mou- vement saccadé du sang avoir lieu quelque temps après la contraction du cœur (5). Mais la différence ne peut être qu'extrêmement légère , at- tendu que la dilatation de l'artère se réduit presque à rien, et que son élongation est beaucoup plus sensible. En effet, on ne saurait l'observer sur une artère mise à nu, et Arnott lui- même dit (6) que la dilatation produite dans le vaisseau par le {1) Eléments der Physik , t. 1, ■p. i9i. ■^, (2) Adnotationes anatomicœ , p. 2. (3) Froriep , Notizcn , t. XXIX , p. 151. (4) Archives générales , t. XXVI , p. 427, (5) Meckel , Archiv fuer Jnatoviie , 1827, p. 442.' (6) Loc. ciù,, p. 488. MODVEMENS DU COEUR. 265 sang qui afflue du cœur se propage presque avec la rapidité d'une secousse électrique. Comme il n'est pas très-facile de reconnaître de très-petits intervalles de temps par le sens du toucher, on court grand risque de commettre ici des erreurs. J'ai comparé , sur des Chevaux , la pulsation de la carotide , immédiatement au dessus de la cage thoracique, avec celle de l'artère caudale ; j'explorais lune des artères , tandis qu'un aide m'indiquait à haute voix les battemens de l'autre ; maisje n'ai pu apercevoir aucun intervalle. Cependant les Chev^iix conviennent parfaitement pour ces sortes d'expériences, à cause du volume de leur corps et du peu de fréquence de leurs pulsations. La différence devient incontestablement plus facile à apprécier lorsque d'un côté la paroi de l'artère est plus extensible , et de l'autre le vaisseau ne regorge pas déjà de sang, ou quand la systole du cœur a moins- de force.' Ainsi c'est seulement sur des animaux fort affaiblis qu'il a été possible à Haller (1) de se convaincre que les artères^éloi- gnées du cœur battent plus tard que lui 5 et si , comme le fait remarquer Senac (2) , le mouvement du pied d'un homme qui croise ses cuisses l'une sur l'autre s'opère après le pouls ra- dial ou cervical, il est probable que l'augmentation de la ré- sistance entre pour quelque chose dans ce ralentissement. 2° La pulsation diminue en raison directe du diamètre des artères (3). Le sang ne s'élance plus par saccades des arté- rioles , mais sort par un filet uniforme, ou coule en nappe (4). Haller a trouvé que celles des branches de l'artère mésenté- rique d'une Chèvre dont le diamètre était inférieur à un sixième de ligne , ne battaient plus. Cependant il n'y a point de limites précises à établir ici ; car l'étendue des pulsations varie en raison des circonstances. Dœllinger a vu , dans l'embryon de Poulet, le choc du cœur s'étendre à toutes les branches arté- rielles (5). 0° Les ramifications des artères ont , prises ensemble, plus (1) Elem.physiolog., t. Il, p. 241. (2) Spallanzani, loc. cit., p. 459. (3) Magendie, Précis de physiologie , t. II, p. 252. (4) Haller, Opéra minora , t. I , p. 485. (5) Denhsehriften der AJiademie zu Muennchen , t. VII , p. 215. 566 MOUVEMENS BU COEUR» de diamètre transversal ou de capacité que les troncs. Or, en passant de ceux-ci dans celles-là, le sang doit perdre d'autant plus de sa vélocité que l'espace au milieu duquel il se répand est plus considérable. Ce ralentissement nécessaire du courant sanguin est reconnu d'une manière générale. Il a été observé immédiatement par Spallanzani (1), sur des Sala- mandres, par Forchhammer (2) et par d'autres. En examinant les capillaires artériels au microscope, on voit le sang s'y mouvoir sans secousses, par un courant uniforme , mais avec une apparence de vélocité excessive qui tient à l'effet du grossissement , et il est difficile de saisir quel rapport peut exister entre sa rapidité dans ces petits vaisseaux et celle qui l'anime dans les troncs. Haller (3) , en répétant ces observa- tions, a trouvé que le ralentissement dans les ramifications n'est point aussi considérable qu'on a coutume de le croire, et il lui est quelquefois arrivé (4) de voir dans les capillaires des courans tout aussi rapides que dans les troncs. Suivant Spallanzani (5), le sang coule avec plus de lenteur pendant la systole du cœur , et plus de vitesse durant sa diastole , dans les artères de capacité moyenne que dans les troncs , mais sa vélocité est la même dans les ramuscules les plus déliés que dans les branches médiocres , et elle ne diminue que quand la faiblesse s'empare de l'animal. Enfin Dœliinger(6) prétend que le sang coule, dans toutes les branches qui admettent plus d'une ou deux séries de globules, avec tout autant de rapidité que dans les troncs. 2. VEINES. § 712. Passons à l'examen du courant veineux. 1° Ce courant est produit par l'artériel revenant sur lui- même. Les vaisseaux capillaires artériels, c'est-à-dire les dernières ramifications des artères , s'infléchissent , et , dès (1) Loc. cit., p. 144. (2) De blennii vivipari formatione , p. 12. (3) Opéra minora', 1. 1 , p, 87. (4) Ihid., p. 191. (5) Loc. cit., p. 247. (6) Loc. cit., p. 210. MOUVEMENS DU COEUR. 267 lors , sont , par le seul fait de leur direction inverse , vaisseaux capillaires veineux du sang qui coule dans leur intérieur , ou racines des veines. Il faut y joindre encore de temps en temps des branches transversales qui^, se détachant d'une artère, avant qu'elle soit parvenue à son extrémité , se continuent avec des veines toutes formées marchant parallèlement à elles. Ce sont là des faits qui ressortent surtout des recherches de Haller (1), Spallanz^ni (2), Dœllinger (3), Wedemeyer (4) et J. MuUer. Là où des capillaires arlériels s'infléchissent pour devenir veineux , ils ne charrient plus la plupart du temps qu'une seule série de globules ; «ïnais parfois aussi ils en con- tiennent deux ou trois , ou même, d'après Spallanzani, quatre à cinq , de manière qu'ici également il y a impossibilité d'é- tablir une ligne de démarcation bien tranchée. Dœllinger fait remarquer que , dans les embryons un peu âgés de Poissons, les artères se partagent en ramifications plus déliées , et se continuent avec les veines , sous des angles plus aigus , que chez ceux qui sont moins avancés en âge. 2° Les veines se montrent en antagonisme avec les artères , car le sang y suit une direction opposée ; mais il y marche plus rapidement dans les branches que dans les rameaux , et il coule enfin par saccades dans les troncs , comme nous le ver- rons plus loin(§ 728, 732, 733, 737). XI. iPhénomènes généraux de la marche du sang. A. Phénomènes qualitatifs. § 713. Si nous portons nos regards sur les phénomènes que présente le courant du sang , nous voyons , ^° Qu'au microscope , les globules marchent en ligne droite, sans nul changement dans leur situation relative. Ils s'avancent comme du bois flottant, sans tourner ni rouler sur eux-mêmes, et tous suivent la même direction, avec la même vitesse. Plu- sieurs séries de ces corpuscules se meuvent aussi parallèlement (1) Opéra minora, t. I, p. 176. (2) Loc. cit., p. 255. (3) Denkschriften der Akademie su Muennchen , t. VII, p. 201. , (4) Meckel, ArcMv fuer Jnatomie , 4828, p. 343. . 268 MOUVËMENS DU COEUR. et avec calme dans un même vaisseau , sans se frotter les uns contre les autres , s'entrechoquer,, tournoyer, ni s'entremêler; des bulles d'air même peuvent nager parmi eux , sans crever. Ces faits sont incontestables : ils ont été établis surtout parles observations de Haller (1), de Spallanzani (2) et de Dœllia- ger (3). C'est la sérosité du sang qui porte les globules. Dœl- linger, comme nous l'avons déjà dit (§ 688, ïj , a jugé qu'elle coulait d'après les oscillations d'un globule empêtré. Si l'on raisonne par analogie, elle doit avoir un mouvement plus rapide que celui des globules. 2° De même que toute autre manifestation de la vie maté- rielle , le courant du sang a lieu d'une manière uniforme et régulière, sans le moindre concours de la volonté; cependant il est assujetti à une multitude de modifications , qui dépen- dent de celles qu'éprouvent les diverses directions de la vie, et l'on tomberait dans une grave erreur si l'on admettait ici une absolue et invariable uniformité. Le sang , en sa qualité d'élément de l'organisme essentiellement mobile et qui ne peut même subsister qu'autant qu'il demeure toujours en mouvement , doit se ployer aux circonstances , et s'écarter aisément de sa marche habituelle. L'observation microsco- pique avait déjà instruit Haller de ces mutations ; souvent, dit-il (4)', le sang coule avec rapidité dans un vaisseau , tan- dis que , dans un autre vaisseau de la même partie , du mé- sentère par exemple , il se meut d'une manière lente ou s'ar- rête , et rien n'est plus commun (5) que de rencontrer des vaisseaux qui sont à moitié vides, qui même le sont entièrement. Spallanzani (6) à vu le sang couler régulièrement dans une branche , ne faire qu'osciller dans une autre branche du même tronc', et rester en repos dans une troisième. Cette irrégula- rité dans la vélocité et la direction du courant a été égale- (1) Opéra minora , t. I , p. 76 , 87, 192- (2) Expcr. sur la circulation , p. 161 , 252. (3) Loc. cit., p. 227. (4) Loc. cit., p. 191. (5) Ibid., p. 174. (6) Loc. cit., p. 150. MOtIVEMENS DU COEUH. 269 ment observée par Wedemeyer (1) et Sarlandière {%). Beau- coup de phénomènes qui ont lieu chez l'homme en santé attestent qu'elle est fréquente : il arrive quelquefois qu'on éprouve dans un point de son propre corps une sensation semblable à celle qui résulterait d'un écoulement d'eau dans une bouteille à étroite ouverture, et qui peut difficilement être attribuée à autre chose qu'à la pénétration du sang dans un rameau vasculaire demeuré vide pendant long-temps; dans ce qu'on appelle l'onglée , les doigts deviennent tellement exsangues qu'en y faisant une piqûre , il ne s'écoule pas une seule goutte de sang. 3° Ces variations surviennent principalement à la périphé- rie du système sanguin , où les vaisseaux sont Hés ensemble par de nombreuses anastomoses , où leur extensibilité et leur dilatabilité permettent qu'ils changent aisément de diamètre. Comme ils ne font qu'un avec le sang , dont ils représentent le côlé extérieur , ils se moulent en quelque façon sur lui , et suivent jusqu'à un certain point ses vicissitudes, de manière qu'ils se dilatent ou se resserrent suivant que lui-même aug- mente ou diminue de quantité (3). Mais l'anastomose est un canal de jonction entre deux courans, par lequel le sang passe de celui qui a la prépondérance dans l'autre qui est plus faible. Ainsi ce sang s'écoule, par le rameau anastomotique, du vais- seau qui a un plus grand diamètre dans celui qui en a un moins considérable. Mais , la plupart du temps , les deux vaisseaux sont d'égal calibre , et alors le sang n'a point de di- rection fixe dans l'anastomose ; sa direction varie en raison des changemens que subissent les courans contenus dans les deux vaisseaux. ( En examinant des vaisseaux capillaires' au microscope, on distingue de petits courans artériels à partir desquels le sang se partage en plusieurs gouttières , et de petits courans veineux dans lesquels il se réunit de nouveau ; mais quelque- fois on voit la direction changer dans les anastomoses arté- (1) Untersuchungen ueher den Kreislauf , p. 195. (2) Mémoire sur la circulation du sang , p. 10. (3) HaUer, EUm. physiolog., t. II , p. 226. 270 MOUVEMENS DU CtÊUfe. rielles suivant la force des divers courans afférens , et il est fort ordinaire qu un léger déplacement de l'animal imprime au cours du sang , dans la communication entre deux petits courans homogènes, une direction inverse absolument de celle qu'il suivait jusqu'alors. De cette manière, deux courans arté- riels ne se rencontrent pas dans une anastomose, mais celle-ci est parcourue tantôt dans un sens , tantôt dans l'autre. Les choses se passent du moins ainsi pour les plus petits courans artériels.) (1) 4° Quand le passage du sang à travers un organe est inter- cepté , ce liquide suit d'autres rameaux de la même branche, par lesquels il afflue en plus grande quantité dans les parties voisines. Mais si l'entrée d'un vaisseau d'une partie lui est in- terdite, par exemple, au moyen d'une ligature, il y reflue d'un autre vaisseau anastomotique, et comme celui-ci a dès lors une prédominance absolue , l'anastomose devient le tronc primordial , et acquiert un accroissement correspondant de calibre , qu'elle conserve ensuite. Ainsi , lorsque Kerr allègue comme argument contre la circulation, qu'une partie dont l'ar- tère a été liée conserve encore sang et vie (2), il est réfuté par l'observation mille et mille fois répétée ; car, en pareil cas , on trouve toujours des anastomoses qui ont entretenu la circulation et qui d'ordinaire ont pris des dimensions très- considérables. a. Des veines superficielles et des veines profondes s'ana- stomosent ensemble , par exemple , celles du cerveau avec celles du cuir chevelu. On a trouvé les veines dites émissaires dilatées dans un cas de rétrécissement du sinus transverse du cerveau (3). Aux membres, les veines qui accompagnent les artères s'anastomosent avec celles qui rampent sous la peau; si la circulation vient à être gênée ou suspendue dans ces dernières par une compression extérieure , elles se tuméfient d'abord, mais peu à peu elles se dégorgent, par les anasto- moses , dans les veines profondes ; c'est ainsi , par exemple , (1) Addition de J. MuUer. (2) Loc. cit., p. d51. (3) Burdach, Fom Berne des Gehirns, t, III, p. 5, MOUVEMENS DU COEUR. , 27 1 qu'un bandage serré peut être supporté pendant plusieurs se-: înaines dans les cas de fractures. Lorsqu'on ouvre la veine médiane, le sang coule avec plus de force, dès que le sujet remue Tavant-bras , quoique les muscles ne compriment pas cette veine et ne lui envoient point non plus de sang. Quand on injecte la saphène , après l'avoir liée à la jambe , l'injection passe dans la veine crurale. h. Plusieurs vaisseaux du côté droit et du côté gauche s'a- nastomosent ensemble sur la ligne médiane du corps ; telles sont , par exemple , les artères vertébrales , les carotides in- ternes et les carotides externes. La carotide se vide après avoir été liée , mais elle ne tarde pas à se remplir de nouveau par le moyen des anastomoses (1). c. Un tronc supérieur et un tronc inférieur s'unissent par le moyen de la veine azygos , de sorte que, si le sang de la veine cave inférieure a sa marche entravée, cette anastomose ,1a plus considérable que l'on connaisse parmi les veines, le mène dans la veine cave supérieure. La mollesse des parois abdominales, la faciUté avec laquelle elles cèdent à toute pression exté- rieure , et les grandes variations que les viscères du bas- ventre subissent dans leur état de réplétion , de distension et de mouvement , font que la circulation du sang peut être plus facilement dérangée dans la veine cave inférieure que partout ailleurs. Mais Reynaud a observé aussi un cas dans lequel la veine cave supérieure était oblitérée tout auprès du cœur , et où son sang passait dans la veine cave inférieure pour arriver à cet organe (2). Ce qu'il y a de plus commun , c'est de ren- contrer des anastomoses entre des branches artérielles hautes et basses, par exemple , entre les artères nées près du cœur et à une certaine distance de lui. Ainsi la carotide s'anastomose avec l'artère vertébrale ; dans un cas où la carotide interne était devenue imperméable par ossification , Willis trouva la vertébrale du même côté dilatée (3) ; aussi n'est-il pas rare qu'en cas d'anévrysme , on ait lié sans inconvénient les deux (1) Burdach , Anatomische Untersuchimgen , t. I , p. 73. (2) Andral , Précis d'anat. patholog., 1. 1, p. 403. (3) Burdach, Vom Baue des Gehirns , t. III, p. 5. S72 MOUVEMENS DU COEUR. carotides , comme l'a fait par exemple Mussay (d). La même chose arrive aux veines correspondantes ; vingt-quatre heures déjà après avoir lié les deux jugulaires, chez des Chevaux, Viborg trouva les veines vertébrales assez dilatées pour pou- voir les remplacer (2). Il n'y a aucun point du canal intestinal où l'on ne voie des branches supérieures et inférieures d'ar- tères et de veines qui s'anastomosent ensemble : ainsi Chaus- sier a trouvé l'artère cœliaque et la mésentérique supérieure pbstruées par des caillots iibrineux ; mais la mésentérique infé- rieure avait acquis assez de calibre pour pouvoir conduire ai- sément l'injection à l'estomac , au foie , à la rate et à l'intestin grêle (3). Il n'y a pas non plus d'articulation au dessus de la- quelle on ne trouve des branches qui vont s'anastomoser avec d'autres récurrentes inférieures , de sorte que des centaines de cas d'anévrysme ont démontré qu'après la ligature de l'artère principale d'un membre, la circulation est entretenue dans ce dernier par les anastomoses dilatées. La plus volumi- neuse de toutes les anastomoses artérielles est formée par la mammaire interne et l'épigastrique : elle unit ensemble les artères des membres supérieurs et inférieurs^ puis indirecte- ment l'aorte ascendante et l'aorte descendante, de sorte qu'en cas de gêne de la circulation dans les parties supérieures ou inférieures du tronc, elle vient en aide à la nature, comme dans l'exemple suivant. Goodisson trouva , chez une femme qui avait joui d'une bonne santé , et dont les membres pel- viens n'étaient point amaigris , l'aorte entièrement obstruée , au dessous de l'artère mésentérique inférieure , par une masse d'os, de cartilage et de fibres; les artères iliaques des deux côtés étaient en partie oblitérées ; mais la mammaire interne, les intercostales , les lombaires et les spermatiques avaient acquis un tel volume , qu'au moyen de leurs anastomoses , elles fournissaient de sang le bassin et les membres infé- rieurs (4). Gilbert Blane a trouvé, chez un jeune garçon, l'aorte pectorale entièrement oblitérée depuis l'origine de l'artère (1) Froriep , Notizen, t. XXVIII, p, d.4. (2) Bindach , loc. cit.. t. III , p. 5. (3) Ibid., p. 374. (4) Horn , ISeves Archiv fuer medicinisclie Erfahnmnj , 4822 , p. 278. MOUVEMÉNS DU COEUÎI. 2^5 sous-clavière gauche jusqu'à rinserlion du canal artériel, et remplacée par la sous-clavière gauche , la mammaire interne et l'intercostale supérieure dilatées. Reynaud a \u l'aorte très-rétrécie au dessous de la sous-clavière gauche ; mais les branches des sous-clavières , c'est-à-dire l'intercostale supé- rieure , la mammaire interne et la cervicale transverse, étaient aussi grosses que les brachiales , et de plus très-flexueuses, en sorte qu'elles pouvaient fournir la quantité nécessaire de sang à la portion de l'aorte située au dessous du rétrécisse- ment , par le moyen des artères intercostales , et aux artères crurales, à l'aide des épigastriques (1). Dans un autre cas , où la partie inférieure de l'aorte ventrale et les iliaques étaient obstruées par des ossifications, les branches dilatées et très- flexueuses de la mammaire interne conduisaient le sang à l'ar- tère crurale et à l'hypogastrique (2). Chez un homme, dont le pouls n'avait offert aucune trace d'irrégularité , A. Meckel trouva l'aorte oblitérée immédiatement au dessous du canal ar- tériel , et la circulation rendue possible par les anastomoses dilatées de l'intercostale supérieure, de la mammaire interne, de la thyroïdienne inférieure et de la cervicale ascendante, avec les artères intercostales naissant de l'aorte (3). Un Chien auquel Astley Cooper lia l'aorte, non loin du cœur , continua de vivre, ainsi qu'un autre auquel il avait lié les deux caro- tides , les deux crurales et les deux axillaires. (La connaissance des réseaux capillaires permet d'expli- quer sans peine les phénomènes surprenans de la circulation collatérale , c'est-à-dire du rétablissement de la circulation après l'occlusion des gros troncs vasculaires. Les injections délicates montrent non seulement que les artères les plus grêles sont unies ensemble par d'innombrables anastomoses , mais encore que les réseaux capillaires mettent en rapport toutes les parties d'un organe , ainsi que plusieurs organes contigus. Les réseaux vasculaires delà moelle nerveuse com- muniquent avec ceux du névrilemme, et ces derniers avec ceux (1) Andral , loc. cit., 1. 1, p. 369. (2) lUd., p. 375. (3) Meckel, ArcUv fuer Aixatomie , 4827, p. 346. \ VI. i8 274 MOUVEMENS DU COEUR, du tissu cellulaire circonvoisin. Les réseaux capillaires des interstices des muscles communiquent avec ceux de toutes les parties entourantes; ceux du périoste avec ceux de l'os, et ceux-ci avec ceux de la moelle. De cette manière , les vais- seaux capillaires du corps entier forment un réseau non in- terrompu , qui reçoit du sang d'innombrables artères , et une artère peut d'autant plus facilement en suppléer une autre , non pas qu'elle est plus voisine du tronc oblitéré , mais que ses vaisseaux capillaires sont plus rapprochés de ceux de l'or- gane intéressé. [Ces communications font que , sans formation de nouveaux vaisseaux , une partie à laquelle le sang ne peut plus arriver par la voie ordinaire, en reçoit cependant la quantité nécessaire , parce que les anastomoses et les vais- seaux capillaires se dilatent , et que [peu à peu des courans plus forts , mais en moins grand nombre , s'établissent à la place de ceux en quantité considérable qui existaient aupa- ravant , et acquièrent des parois plus épaisses. Deux prépa- rations que m'a montrées Schrœder van der Kolck, prouvent que les mêmes phénomènes ont lieu aussi après l'oblitéra- tion des veines ) (1). Weber (2) fait remarquer que les plus nombreuses et les plus grosses anastomoses se rencontrent au cerveau et à la moelle épinière , c'est-à-dire aux organes qui ont le plus be- soin d'un afflux continuel de sang ( § 746 , 5" ) ; aussi a-t-on beau multiplier les ligatures , il est impossible, chez un Mam- jnifère vivant, d'empêcher le liquide d'arriver à un seg- ment quelconque de la molle épinière. Après les organes centraux du système nerveux marchent, sous ce rapport, l'estomac et les intestins, de manière que le sang peut tou- jours se concentrer dans la partie 'précisément oii la diges- tion est en plein exercice. Enfin , au troisième rang , se trou- vent le creux des mains et la plante des pieds. C'est aussi la connexion des vaisseaux capillaires les uns avec les autres qui fait que, sur les cadavres , le sang, obéis- sant aux lois de la pesanteur , s'amasse dans les parties les (1) Addition de J. Millier. (2) Anatomie des Menschen^ t III, p. 57» MOUVEMENS DU COEUR. 2^5 plus déclives , et y produit des sugillations livides , tandis que les points qui étaient rouges ou enflammés pendant la vie , pâlissent. 5° L'étendue du coffrant sanguin ne varie pas moins que sa direction ; taijtpt il se restreint à une partie peu éten- due _, comme en cas d'inflammation , tantôt il est général , comme pendant la chaleur de la fièvre , tantôt enfin plus ou moins resserré , comme dans le froid fébrile. Quand la circu- lation n'a qu'une étendue peu considérable , elle est entre- tenue par les anastomoses , et une faible activité vitale suffit pour l'opérer dans^'sa courte carrière ; Legallois entretint la circulation , à l'aide d'une respiration artificielle , dans la poitrine d'un Lapin auquel il avait enlevé la tête et l'abdomen, à l'exception de l'estomac (1). Lorsque l'étendue de la circu- lation vient à diminuer d'un côté , chez un sujet dont la vita- lité n'est point affaiblie, et uniquement par l'effet de cir- constances locales , le courant devient plus fort dans une autre direction ; c'est ainsi qu'après l'amputation d'un mem- bre, chez'un homme qui jouit d'ailleurs d'une bonne santé ;, et à qui l'opération a fait perdre peu de sang , on voit survenir des symptômes de plénitude [plethora ad spatium ) ; de même aussi la ligature d'une artère volumineuse , surtout dans le cas d'anévrysme , occasione d'abord de la céphalalgie , ac- compagnée d'autres signes de congestion vers la tête (2) , ou même de la chaleur et de la fièvre , avec pouls plein , dur et fréquent , battemens irréguliers du cœur , et gêne de la res- piration. L'exaltation de la vitalité qu'on observe après l'in- vasion de la gangrène , semble également tenir à ce que le sang,'ne pénétrant plus dans la partie qui est frappée de_^mort, se porte en plus grande quantité aux autres organes. 1. PHÉNOMÈNES RELATIFS AU TEMPS, § 714. Le courant varie dans les divers départemens du système sanguin. Il est oscillant depuis les troncs veineux jusque dans les ventricules , intermittent entre ceux-ci et les (1) Œuvres , p. 131. 12) SarlaucUère ,_Mémoiïe siir la cii-cq]ation_dH sang, p. 48. â'jS MÔUVÈMENS DU CCEVU. troncs artériels , rémittent dans les artères , continu dans les vaisseaux capillaires et les veines. Mais nous devons examiner chacune de ces formes en particulier, et signaler les cas où elles ont lieu aussi dans d'autres circonstances. I. La continuité du courant , c'est-à-dire la condition dans laquelle il marche sans interruption , et d'une manière uni- forme , appartient en propre aux vaisseaux capillaires et aux veines. Elle résulte de ce que les forces qui mettent le sang en mouvement , peuvent agir librement et sans rencontrer au- cun obstacle. %', II. La rémittence^ c'est-à-dire la marche non interrompue, mais sans uniformité , et avec des alternatives d'accélération et de ralentissement , appartient au courant des artères en général. La plus petite blessure faite à ces vaisseaux suffit pour qu'ils donnent du sang, même pendant la diastole du cœur (1), ef, lorsqu'ils ont été coupés entravers, le liquide s'en échappe continuellement, avec plus de force et par un jet plus ou moins long, pendant la systole du cœur. Quand les artères sont transparentes , on peut se convaincre , comme l'ont fait voir Haller (2) et Spallanzani (3) , qu'elles" ne con- tiennent et ne charrient pas moins du sang pendant la diastole du cœur que pendant sa systole. La continuité du cours de ce liquide , alors même qu'il n'est point mis en mouvement par le cœur, peut dépendre de deux causes : 1° De ce que les artères , après avoir été dilatées par la systole du cœur, se resserrent pendant sa diastole et poussent ainsi, par leur propre diastole , le sang qu'elles ont reçu de lui; mais, outre qu'il y a des cas où les alternatives d'ampUa- tion et de constriction sont tout-à-fait impossibles , le chan- gement qui résulte de|là est si peu considérable (§710, 2°), qu'il ne saurait prendre une bien grande part à la propulsion du sang (§735, III). 2*» Il est donc probable que l'ondée poussée par le cœur imprime une telle impulsion à la colonne du sang, qu'après (1) Elem. pJiysiolog,, t. II, p. 224. (2) Opéra minora, t. I, p. 188. (3) Expér. sur la circulation , p. 145. MOUVEMENS DU COEUR, 577 rébranlement recule courant continue encore d'avoir lieu dans la direction qui lui a été donnée. III. L'intermittence consiste en ce que le courant du sang marche et s'arrête alternativement. 3° Elle a lieu dans les points où le liquide est mû im- médiatement par la force musculaire , et où des valvules s'opposent tant à son flux qu'à son reflux, par conséquent dans le cœur , et surtout dans les ventricules. Il est probable que , comme l'admet Œsterreicher (1) , le courant sanguin est intermittent dans une partie de l'aorte , du moins au voisinage du cœur, parce que le liquide poussé dans ce vaisseau , où il se trouve logé à l'étroit, n'y rencontre pas, avant son passage dans les branches , assez d'espace pour pouvoir continuer de couler. Jusqu'à présent cette conjecture n'a d'autre appui que les observations de Spallanzani sur les Salamandres (2) , dont les artères sont transparentes; ce physicien a vu', pen- dant la diastole du cœur, le sang s'arrêter dans les deux pre- miers tiers de l'aorte , couler plus lentement que pendant la systole dans le dernier tiers, ou la queue , et avoir une mar- che aussi rapide, dans les petites ramifications, que durant la systole. 4° Quand le cœur agit plus faiblement , sa systole n'aboutit qu'à produire un mouvement momentané du sang et le courant rémittent des branches artérielles (II). Souvent même aussi le courant continu des vaisseaux capillaires devient inter- mittent. Spallanzani, en observant ces derniers sur le mésen- tère des Grenouilles, a vu d'abord un courant continu, puis un courant rémittent , et enfin un courant intermittent (3). Wedemeyer a été témoin du même lîiit (4). Dœllinger a recon- nu , comme l'avait déjà fait Spallanzani (5) , avant lui , qu'au second-ou troisième jour de l'incubation , le sang des em- bryons de Poulet s'arrête dans les artères pendant la diastole du cœur , et reprend ensuite son cours , mais en marchant (1) Darstellung der Lehre vom Kreislaufe , p. 78, 80. (2)ioc. cit., p. 140,242. (3) Loc. cit., p. 291. (4) Untersuchungen ueber den Kreislauf, p. 490. (5) Loe. cit., p. 243. 278 MOUVEMÉNS DÛ CÔÈUfe. moins vite que durant la systole (1). (Esterreicher assure (2) qu'il en est de même dans les embryons des Grenouilles et des Poissons. Comme nous ne pouvons attribuer cet effet au développement des artères (1°) , il paraît dépendre unique- ment de ce que la force du cœur , d'abord faible , acquiert peu à peu plus d'énergie. 5" De toute plaie faite à une branche ou à un rameau d'ar- tère, le sang s'épanche par un courant, d'abord rémittent, puis plus tard intermittent , et quoique l'affaiblissement de la force du cœur , produit par l'hémorrhagie , puisse concourir à l'in- termittence , la principale cause en est cependant qu'ayant diminué de masse, le sang n'arrive plus à la plaie que pendant la systole du cœur. IV. La fluctuation , qui devient oscillation si le mouvement est plus rapide , a lieu quand le courant du sang marche tantôt dans un sens et tantôt dans un autre. 6° Ce mouvement est normal , comme chez les animaux in- férieurs ( § 694 , 5° ) , dans tous les vaisseaux de nouvelle for- mation qui résultent du travail de la cicatrisation ou despseu- domorphoses. Ainsi Blandin a trouvé , dans le bouchon sanguin d'une artère anévrysmatique soumise à la ligature , des vais- seaux qui communiquaient avec les branches artérielles nor- males, mais qui n'avaient de connexions avec aucune veine, de sorte que le sang qu'ils amenaient dans le caillot était obligé de revenir par la même voie (3). Le courant sanguin oftre un autre mode de fluctuation dans les anastomoses (§ 713 , 4°), oiî, en raison des circonstances, il suit tantôt telle direction et tantôt telle autre. Enfin, dans le cœur et à l'extrémité des troncs veineux (§ 708, 1% 2°), la fluctuation est subordonnée à la progression ; car il [n'y a que le reste d'une onde lancée qui reflue , pour rentrer dans le cœur au sommet de l'onde suivante. 7<» Dans le reste du système sanguin, le courant devient fluc- tuant, soit lorsque la force propulsive {ms a ter go) s'affaiblit, <1) Denkschriften der Akademie su Muennchen , t. VII , p. 214, (2) Loc. cit., p. 80. (3) Journal complémentaire , t. XXYIII , p. 78. MOtVEMENS bW CÔEtJR. 27g soit quand l'obstacle qu'elle rencontre augmente au point que la résistance et l'impulsion se fassent équilibre ; le sang Varrête alors, et oscille à droite et à gauche ; dans les artères, il marche en^ avant pendant la systole du cœur , et revient sur lui-même durant la diastole (1) , passe d'un rameau dans une branche, quelquefois aussi de celle-ci dans un autre rameau, puis revient dans la branche / et repasse de là dans le pre- mier rameau (2) ; de même , dans les veines , tantôt il se dirige vers le cœur, et tantôt il revient sur ses pas. 8" Cette fluctuation a lieu ordinairement avant la mort , quand le cœur bat faiblement , et elle cesse dès que l'organe reprend un peu plus de vigueur (3) ; mais on la remarque aussi après que le cœur a déjà cessé de battre (4). Quelquefois elle survient après que le courant continu a pris un caractère d'abord rémittent , puis intermittent, et pendant quelque temps encore elle continue d'être sous l'influence du cœur ; car elle corres- pond à sa systole et à sa diastole (5). C'est aussi dans les ca- pillaires les plus déliés qu'elle se manifeste d'abord , et delà elle se propage peu à peu dans les rameaux et les branches (6). Cependant on ne remarque pas toujours une telle succession ; quelquefois même la circulation cesse tout à coup et sans fluc- tuation préalable (7). Mais ce ne sont pas seulement les forces immédiatement motrices qu'il faut prendre en [considération dans le mouvement de la colonne sanguine ; on doit avoif égard aussi au point d'appui qu'elle trouve dans la portion qui vient après elle , et dans les parois : ainsi , en cas de bles- sure d'un vaisseau , cette colonne perd son point d'appui , la vis a fergo permanente qui l'empêchait de rétrograder , et elle reflue vers la plaie ; mais , comme la force motrice propre qui la poussait dans la direction^ normale conserve encore ses droits , il s'établit une fluctuation ; par conséquent , en cas (1) Spallanzani , loc. cit., p. 452. (2) Hallei", Opéra minora, t. I, p. 76, (3) Haller, Opéra minora, t. I, p. 76. (4) Wedemeyer, Untersuchungen ueber den Kreislawf, p. 219. (5) Ibid., p. 190. (6) SpaUanzani , loc. cit., p. 447. (7) DœUinger, loc cit., t. YII, p. 227, SSO MOUVEMENS DU COEUR. de plaie , le sang coule dans les artères vers le cœur , et dans les veines en sens inverse de son cours ordinaire , jusqu'à ce qu'après quelques oscillations , le courant naturel surmonte le courant rétrograde (i). 9" D'un autre côté , l'accroissement de la résistance peut faire que celle-ci devienne égale aux forces motrices , et que de là résulte une fluctuation. Ce cas a lieu d'abord à la ren- contre de deux courans veineux consistant en des séries sim- ples de globules ; car alors l'un des deux courans rétrograde un peu , pour se reporter ensuite en avant (2). On l'observe aussi quand le courant qui vient du cœur arrive à la dilatation anévrysmale d'une artère dans laquelle le sang stagne et forme en partie des caillots (3). H se voit également dans les vais- seaux capillaires dont les extrémités sont obstruées par des caillots ; car alors les globules du sang deviennent fluc- tuans(4). Le même phénomène a lieu toutes les fois qu'un vaisseau vient à être rétréci ou obstrué par compression (5) ou par constriction (6). Enfin le resserrement d'une artère cou- pée en travers peut emprisonner le sang , de manière que , pendant la systole du cœur , il se porte en avant vers la plaie, et que , durant sa diastole , il reflue et s'écarte de la bles- sure (7). V. La stagnation du sang dans une partie quelconque du corps ne peut avoir lieu que d'une manière momentanée pen- dant la vie : car tout porte à croire que , quand le phénomène dure quelque temps, comme , par exemple , dans le priapisme, il s'établit au moins une fluctuation. Mais, aux approches de la mort , on voit , avec le secours du microscope , les glo- bules du sang couler avec plus de lenteur , s'agglomérer en masses de couleur foncée (8), ^et enfin s'arrêter tout-à-fait, (1) Spallanzani, loc. cit., p. 313. (2) Ihid., p. 177. (3) Haller, Opéra minora , t. I , p. 85 , 198. (4) Wedemeyer, loc. cit., p. 196. (5) Meckel , Deutsches Archiv , t. I , p. 439. (6) Spallanzani, loc. cit., p. 146. (7) Ihid., p. 365. (8) CSIsterreicher, loc, cit., p. 93. MOUVEMENS DU CCEUR» 28 1 10" Lorsqu'il s'en trouve plusieurs séries dans un vaisseau , les plus voisins des parois suspendent leur marche avant ceux qui occupent l'axe (1). 11° Reichel (2) , Spallanzani (3) et Wedemeyer (4) ont vu la stagnation s'opérer d'abord dans les vaisseaux capillaires , et s'étendre peu à peu des ramifications vers les branches. Au contraire , dans les observations de Dœllinger (5) et de Haller (6) , le sang s'arrêtait dans les troncs , tandis qu'il cou- lait encore dans les ramifications les plus déliées. Haller (7) a vu le courant veineux commencer à s'arrêter, tantôt dans les branches, et tantôt dans les troncs. On ignore encore quelles sont les circonstances desquelles dépend cette difiFé- rence. 12° Le courant cesse plus tôt dans les artères , d'après les observations de Dœllinger et de Wedemeyer. Haller (8) l'a vu aussi se ralentir d'abord dans les artères , et (9) s'y arrêter , après Fexcitation du cœur, avant de cesser dans les veines ; mais, dans d'autres cas, c'étaient les courans veineux qui de- venaient immobiles avant ceux des artères (10). 13" Suivant Spallanzani (11) , la stagnation commence de meilleure heure à une grande distance du cœur que dans son voisinage , et Wedemeyer a remarqué que le cœur était la. partie dans laquelle elle s'opérait en dernier lieu. ( Le mouvement du sang dans les vaisseaux capillaires est continu chez les animaux adultes , et l'on ne remarque pas d'accélérations saccadées tant que l'animal n'est point afFaibU ; mais , s'il devient plus faible , ou si une pression gêne la cir- culation , on voit le sang marcher par saccades , quoiqu'en (1) Spallanzani, loc. cit., p. 192. (2) De sanguine ejusque motu expérimenta j p. 24. (3) Loc. cit., p. 293. (4) Loc. cit., p. 93 , 213. (5) Denkschriften der Akademie su Muenncheri , t. VII , p. 227. (6) Opéra minora, t. I, p. 76. ^ (7) Ihid., p. 93. (8) Ibid., p. 93. (9) Ihid,, p. 77. (10) Ihid., p. 76, 91, 206. (il) Loc. cit., p, 298. 282 MOlïWÉïiirs Dtt CŒtR. même temps d'une manière continue , dans les vaisseaux ca- pillaires et surtout dans les petits courans artériels. Chez les animaux très-afFaiblis , ou quand la compression est forte, le mouvement n'a lieu que par saccades , et n'est plus continu. Enfin on n'aperçoit plus que des oscillations , et les globules du sang ; ne progressent plus que peu à peu , attendu qu'a- près chaque pulsation la résistance de la substance les oblige de rétrograder un peu. De même que les observateurs cités précédemment, j'ai remarqué , sur des larves de Tritons , dans les branches du système de la veine porte, et dans les vaisseaux capillaires du foie, jusqu'aux veines hépatiques, un mouvement continu , mais en même temps saccadé , tandis que la circulation mar- chait avec plus de rapidité dans les autres organes ; le pouls n'était point appréciable, malgré la continuité du mouvement. Il arrive quelquefois aux globules du sang de s'arrêter dans certaines gouttières, et de ne participer au battement du cœur que par des oscillations. Mais, en général, il résulte d'observations multipliées que la direction et la force inégale des courans homogènes , leur prédominance sur d'autres , et l'inégalité dans le concours de deux petits courans pour en former un troisième par leur réunion, dépendent de causes mécaniques , et qu'il suffit de modifier celles-ci , en changeant le moins du monde la situation des parties , pour que tout prenne aussitôt un aspect différent. ) (1) 2. PHÉNOMÈNES REIATIFS A l'eSPÀCE. § 715. Nous devons maintenant chercher à résoudre , d'a- près ces faits , la question de savoir si la masse du sang forme une colonne non interrompue , ou bien si elle offre des la- cunes dans certaines parties, soit d'une manière constante, soit seulement de temps eu temps. I. Il est certain que le courant sanguin subit constamment une interruption dans les ventricules, de manière que le sang contenu dans les embouchures des veines ne fait pas corps , par le moyen du cœur , avec celui qui se trouve au commen- cement des artères. En effet, les valvules cardiaques ferment (1) Addition de J. Muller. MOUVEMENS BU COETJÎl. 585 Ies[ VêMricules clu côté des oreillettes pendant la systole > et du côté des artères pendant la diastole ( § 707, 2° ). 1° Si nous réfléchissons maintenant que les ventricules ne Se dilatent point parce que le sang y afflue , mais que Tafflux du sang résulte de ce qu'ils se dilatent (§906,4"), que la diastole s'accomplit dans un instant indivisible , et avec une rapidité que ne pourrait point avoir la réplétion des cavités par le sang , nous devons présumer qu'immédiatement après la systole , les ventricules sont en partie vides , c'est-à-dire qu'ils contiennent un espace plein d'air. Si , en outre , l'onde ~ de sang est poussée Jusqu'à une certaine distance dans l'ar- tère , par l'efFet de la systole , mais reflue ensuite ( § 714 , 6" ) vers les valvules sigmoides , qui se sont cependant fermées d'elles-mêmes (§ 708, 3°), ce phénomène suppose également un espace qui ne soit point occupé en entier par du sang , et comme , pendant la diastole du cœur , le sang continue de couler du tronc artériel dans les branches ( § 714 , II) , mais que ce tronc n'est point assez flexible pour pouvoir se con- tracter dans la même proportion , nous sommes portés à admet- tre également ici un vide, ou un espace contenantde l'air. Fon- tana oppose à cette opinion une expérience faite par lui , et d'après laquelle l'aorte , quand il la piquait auprès des val- vules sigmoides, donnait du sang pendant la diastole du cœur, en moins grande quantité seulement que durant la sy- stole. Mais on ne saurait rien conclure de là contre nous ; car nous admettons seulement qu'une certaine étendue de l'aorte n'est point remplie en totalité , nous ne prétendons pas qu'elle soit absolument vide , et quand bien même ce dernier cas au- rait lieu , le sang n'en coulerait pas moins par la plaie. Spal- lanzani (1) a vu, sur des Salamandres , que le bulbe de l'aorte contenait peu de sang pendant la diastole des ventricules , mais qu'il n'en renfermait pas du tout quand la circulation était affaiblie , de manière qu'alors il avait une couleur pâle , et ne laissait échapper aucun liquide quand on l'ouvrait. Cependant on pourrait objecter que les fibres musculaires dont le bulbe aortique est garni ne permettent pas de le (1) Loc. cit., p. 138 , 240. 584 MOUVEMENS DU COEUR. comparer au commencement de l'aorte chez les animaux à sang chaud. Mais nous trouvons une preuve complète de la présence de l'air dans le bruit sensible à l'oreille que le courant du sang produit dans le cœur ( § 706 , 2° ) , puisqu'on sait qu'un liquide enfermé, avec ^quelque force qu'il se meuve en lui-même et contre les parois du vaisseau , ne peut donner lieu à un son que quand il se trouve là de l'air. IL Dansl'élat normal, le sang doit représenter une colonne non interrompue dans l'intérieur du système artériel; car, s'il en était autrement , le choc du cœur ne pourrait se pro- pager avec autant de rapidité dans toutes les ramifications des artères. Le cas est différent pour les veines; leurs val- vules doivent se fermer, même dans l'état normal ; il n'est pas admissible qu'elles ne soient là"que pour des cas extraordi- naires, et qu'elles puissent, sans que la santé s'en ressente, rester non déployées pendant toute la vie. Si le courant du sang n'était point , en réalité , interrompu par elles, il devrait , d'après les lois de l'hydrostatique ," s'élever instantanément , dans les veines , d'une hauteur égale à la quantité dont il se serait abaissé dans les artères', et l'homme pourrait alors se tenir constamment la tête en bas, sans que cette situation cau- sât le moindre trouble dans la circulation ; or, comme il n'en est point ainsi , comme chez celui qui se tient la tête en bas , il ne remonte point par la veine jugulaire une masse de [sang égale à celle qui est descendue par la carotide , comme enfin ces deux vaisseaux ne se comportent point à la manière d'un siphon à deux branches , il doit nécessairement exister des cloisons réelles. Maintenant ne se présenterait-il pas des cir- constances dans lesquelles certaines parties du système vascu- laire se videraient de sang, sans néanmoins s'oblitérer, et par conséquent seraient alors remplies d'air ? 2" De l'air libre n'existe ordinairement point dans le cou- rant sanguin ; car, lorsqu'il en a pénétré par accident , on le voit circuler, parmi les globules , sous la forme de bulles , qu'il n'est point d'usage de rencontrer. Ces bulles ont été aperçues par Redi et Caldesi dans des Tortues, par Haller (1) (1) Opéra minora , 1. 1 , p. 183. MOtVEMENS DU CÔEUÈ. sSS dans une Grenouille, par Reichel (1) dans plusieurs Gre- nouilles , par Spallanzani (2) dans des Salamandres. Blumen- Lach les a rencontrées si souvent (3) , chez les Reptiles et les Poissons , qu'il les croyait constantes dans ces deux classes d'animaux. Bien que , dans la plupart de ces cas, l'air se fût introduit du dehors , il en est quelques uns néanmoins dans lesquels son développement paraissait pouvoir être rapporté au sang lui-même. Ainsi Spallanzani (4) a vu sortir d'un point anévrysmatiquement dilaté de l'artère pulmonaire , une petite bulle d'air , qui se mit à nager avec les globules du sang , et quand il touchait très-légèrement avec des pinces le mésen- tère d'une Salamandre (5) , il voyait se former dans ce sang une multitude de petites bulles d'air, qui étaient entraînées lentement. Nous savons que le sang absorbe de l'air avec une facilité extrêmeX § 674, 1° ) , et qu'il en perd beaucoup sous le récipient de la machine pneumatique ( § 683 , 2°). On peut donc très-bien penser que, quand un vide vient à se produire dans son courant , il abandonne assez de l'air emprisonné entre ses molécules pour remplir cet espace. Les artères des cadavres sont vides de liquide , et par conséquent pleines d'air, qui doit s'être dégagé du sang ; car, si Prochaska (6) n'a point vu de bulles s'en élever lorsqu'il les ouvrait sous l'eau, il faut que quelque erreur d'observation se soit glissée dans cette expé- rience. S** Le vaisseau se moule sur le sang , et se resserre quand la masse de celui-ci diminue (§713, 3°) ; mais cette faculté ne saurait être illimitée. Le vaisseau, comme côté extérieur per- manent du sang, peut entrer en désaccord avec ce dernier, et ne pas se resserrer en proportion de la diminution qu'é- prouve son contenu , surtout lorsqu'il a des parois très-fortes , comme dans les troncs, ou quand il est fixé à des parties solides , par exemple à des os ou à des membranes fibreuses. Il n'est (1) Loc. cit., p. 16. (2) Loc. cit., p. 158. (Z) Kleine Sc1iriften,-ç.li. (4) Loc. cit., p. 158. (5) Ihid., p. 194. (6) Disquisitio organismi corpôfis humatii, p. 87. a86 MOUVEMENS DU COEUR. pas rare que le microscope fasse découvrir, chez les" ani- maux vivans , des vaisseaux vides de sang rouge , ou qui du moins n'en contiennent que peu. Haller (1) avait observé fréquemmept ce phénomène; mais il admettait qu'alors les artères sont pleines de sérosité sanguine , hypothèse à l'appui de laquelle Wedemeyer (2) allègue que ^^dans les cas d'ané- mie , les globules ne se voient que dans l'axe des artères , et manquent au pourtour , où il doit par conséquent y avoir de la sérosité du sang. Il en pouvait fort bien être ainsi lorsque Wedemeyer (3) trouva plusieurs vaisseaux capillaires vides de sang dans le mésentère d'un Ecureuil , et quand Saissy (4) reconnut qu'en général les capillaires de la périphérie sont presque exsangues chez les animaux hybernans. Mais , dans les hémorrhagies mortelles , internes surtout , oii les vais- seaux ont laissé échapper et le cruor et la sérosité sanguine , il n'y a pas le moindre doute que les petits vaisseaux transparens ne contiennent en réalité que de l'air , comme l'ont observé entre autres Morand (5) etLiltreXô). Fréquem- ment, surtout aprèsl'apoplexie et le typhus, on trouve de l'air dans les vaisseaux sanguins de la pie-mère (7) , et, suivant la remarque expresse de Morgagniet de Baillie, on en rencontre même dans des cadavres dont la putréfaction ne s'est point encore emparée. Sœmmerjing a demandé si cet air ne se se- rait point introduit lors de l'ouverture du crâne. Weber dit que le cas arrive (8) ; que , quand, après avoir scié la calotte du crâne, on la soulève avec la dure-mère, l'air pénètre, par les déchirures de celle-ci , dans le vide qu'on établit ainsi entre elle et le cerveau , et que , quand on réapplique la ca- lotte , il s'insinue dans les veines dilacérées de la pie-mère. Mais, quoique le fait puisse fort bien avoir lieu , il n'en est pas (1) Opéra minora , t. I, p. 174. (2) Loc. cit., p. 196, (3) Meckel, Archiv fuer Anatomie , 1828, p. 343. (4) Recherches sur la physique des animaux hybernans , p. 44* (5) Hist. de TAcad. des sciences , 1707, p. 167. (6) Ihid., 1714, p. 330. (7) Burdach, Fom Batte des Geliirns , t. III; p. ISi, {S) Adnokttiones aimtomicce , p. 24, MOIJVEMENS DU CŒUR. 287 moins difficile de croire que les choses se soient passées ainsi dans tous les cas où l'on a trouvé les vaisseaux contenant de l'air ; car presque toujours une affection du cerveau avait pré- cédé la mort , et l'ouverture des corps constata qu'il y avait défaut de sang et surabondance de sérosité ; or on ne saurait admettre que Morgagni , Baillie et tous ceux qui se sont oc- cupés d'anatomie pathologique , aient , dans tous les cas de ce genre , ouvert le crâne de manière à rendre la pénétration de l'air possible. Weber fait remarquer lui-même (1) qu'ijl arrive quelquefois au pouls des parties situées au dessous d'un anévrysme de ne point être isochrone avec celui des autres artères, parce que la tumeur renferme une certaine quan- tité d'air qui interrompt la propagation du choc transmis par le cœur. Yillerméavu, pendant la vie, les veines de l'urètre enflam- mé distendues par de l'air (2). En ouvrant le cadavre d'un cholérique, DiefFenbach a trouvé une artère complètement vide et béante , de manière qu'il pouvait plonger les regards dans sa capacité intérieure.; Au reste , nous n'avons pas l'intention de prétendre que les oscillations du courant sanguin et sa direction tantQt vers telles anastomoses ou tels plexus , tantôt vers tels autres , supposent toujours un vide. Nous n'attachons pas non plus trop de poids aux observations de Rosa (3) , qui veut que les artères contiennent les deux tiers d'air et un tiers seulement de sang, non plus qu'à celles de Krimer (4), qui dit avoir, sur un Veau vivant , trouvé du gaz acide carbonique et du gaz oxygène dans l'artère cœliaque liée un moment|après la pulsa- tion. Mais ce que nous croyons devoir affirmer, en nous fondant sur la variabilité et la mobilité excessive du sang , c'est que la colonne de ce liquide peut être interrompue , dans certaines circonstances , par des lacunes ou des espaces vides , qui ne tardent pas à se remplir de l'air qu'il a tant de propension à dégager. (1) Uid., p. 6. (2) Dict. des se. niédic, t. XLIII , p. 363. (3) Giornale per servira alla storia délia medicina ; t, ï , P. 149^ ifi)Fcrswh einer Physiolocjie des BlVites , p, 184, • 288 MOtJVEMfeNS î)t CCÉVt. B. Phénomènes quantitatifs. § 746. La rapidité de la marche du sang se manifeste de plusieurs manières. 1° Par la fréquence des battemens du cœur. Mais cette fré- quence varie beaucoup suivant les individus. Chez les sujets irritables et de petite taille , le pouls est plus fréquent que chez ceux qui sont douées d'une grande puissance musculaire et dont le cœur se vide complètement à chaque systole. La fréquence est plus grande aussi chez les personnes sanguines que chez celles d'un tempérament phlegmatique , et chez la femme que chez l'homme (§ 180, 5°). Si le cœur de l'embryon bat cent cinquante fois par minute (§ 471, 3°) , le nombre de ses pulsations tombe à cent quinze pendant la première année de la vie (§ 534, 2°), à cent dix durant la seconde , à cent durant la troisième , à quatre-vingt-six jusqu'à l'âge de sept ans (§ 539, 2°), à quatre- vingts pendant la seconde enfance (§ 550;, 3°), à soixante et quinze dans la jeunesse (§ 556, 3°), à soixante-et-dix et jus- qu'à soixante-cinq dans l'âge avancé, à cinquante dans la vieillesse (§588, 1°). Nous avons déjà vu que le pouls change à la puberté (§ 558', 4°), pendant la menstruation (§ 164, %°), la copulation ( § 447, 1° ), la grossesse (§ 347, 2°) et la parturition ( § 495, 5° ). Nous avons fait remarquer aussi que le courant du sang éprouve , comme la mer , deux fois par jour un flux ou reflux (§ 606, 1°). La fréquence augmente après le repas ('§ 767 ); le nombre des pulsations s'élève jusqu'à cent et cent cinquante dans la fièvre ; il s'accroît dans les grandes hémor- rhagies , et Haies avait déjà remarqué que cette cause en porta le nombre de quarante à cent dans un Cheval, etc. AumiUeu d'une telle variabilité , dépendant et de l'individualité et des circonstances de la vie , il est très-difficile de déterminer la fréquence du pouls dans chaque espèce d'animal. Cependant le tableau suivant , qui indique le terme moyen des battemens cardiaques par minute, pourra servir d'évaluation approxi- mative. MOUVEMENS DU COEUR. 289 ^ . . . : Requin (1)/ 15 Moules (2). 20 Carpes. 24 ........ , Anguilles (3). ^^ ■ ' Limaçons (4). 36 Cheval (5) Chenilles (6). 38 Bœuf (7). 50 Ane (8) Ecrevisse (9). 60 Papillons (10). 74 Chèvre (11). 75 Brebis (12). 75 Hérisson (13). 77 Grenouille (14). 90 Marmotte (15) Sauterelle (16). 90 Singe (17). 75 Chien (18). 175 Muscardin(19). 110 Chat (20). . . Oie '(21). (1) Scoresby, Tagebuch einer Reise auf den Wallfischfang , p. 397. (2) Pfeifer, Naturgeschichte deutscher Mollusken , t. II , p. 22. (3) D'après Fontana. (4) Pfeifer, loc. cit. f5) Vetel , dans Froriep , Notizen , t. XXIV, p. 112. (6) Meckel , Deutsches Archiv , t. I, p. 472. — (7) D'après Vetel. (8) D'après le même. (9) Canis, Von den œussern Lebensbedingungen , p, 83. (10) D'après Meckel. (11) D'après Vetel. (12) D'après le même. (13) D'après Saissy ( loc. cit., p. 40). (14) D'après Fontana. (15) D'après Saissy. (16) D'après Meckel. (17) D'après Prévost et Dumas. (18) D'après Vetel. (49) D'après Saissy. (20) D'après Vetel. (21) D'après Prévost et Dumas. VI. 19 ago MOUVEMENS DU COEUR. 120 Lapin (1).'^ . . Monoculus cas- tor {%). 136 Pigreons (3). ' 140 Cochon d'Inde (4). Poule (5). . . . Bremus terres- tris (6). 220 . . . . . Héron (7). ... Monoculus pu- lex (8). Ici non plus nous ne remarquons point de gradation corres- pondante à celle de l'organisation animale en général; nous apercevons bien plutôt un concours de circonstances diverses. L'une des plus importantes paraît être la quantité du sang; le cœur bat près de deux fois plus dans le maigre Papillon que dans la Chenille abondamment pourvue de sucs. Les troncs vas- culaires de la Sangsue battent sept à huit fois, quelquefois dix à quinze fois par minute , ceux du Ver de terre quatorze à dix-huit fois , et quand on irrite l'animal, vingt-quatre fois. Les Mol- lusques marchent à peu près de pair avec les Ànnelides , quant à l'abondance des sucs , et aussi quant au peu de fréquence des battemens du cœur. De même , les Oiseaux étant ceux des animaux chez lesquels la quantité relative du sang est le moins considérable , c'est aussi chez eux que la fréquence du pouls arrive à son maximum. Dans les Mammifères , le volume du corps paraît être une des circonstances déterminantes ; mais l'activité de la vie animale entre aussi en ligne de compte , car le Singe a le pouls plus fréquent que le Hérisson , malgré sa taille plus grande , parce qu'il a aussi plus de vivacité. Les Ruminans et les Pxongeurs sont en antagonisme les uns avec les autres eu égard tant à l'aBondance des sucs qu'au plus ou moins de fréquence des battemens du cœur. (1) D'après les mêmes. (2) Juiine, Hist. des Monocles, p. 57. (3) D'après Prévost et Dumas. (4) D'après les mêmes. (5) D'après les mêmes. (6) D'après Meckel. (7) D'après Prévost et Dumas. , (S) Jurine , loc. cit., p. 103. MODVEMENS DU CŒUR. 29 1 S" Le temps que le sang emploie à faire sa révolution com- plète dans le corps, ne peut être déterminé que d'une manière approximative , parce que les quantités d'après lesquelles on aurait à le calculer n'ont rien de fixe. Nous considérerons comme termes moyens les plus sûrs, chez l'homme, un nombre de soixante-quinze battemens du cœur par minute, et un poids de cent soixante livres ; mais , quant à ce qui concerne la proportion entre la quantité de sang qu'une systole chasse du cœur et celle qui existe dans le corps entier , nous indi- querons les extrêmes , dont la moyenne nous donnera ensuite la proportion la plus probable. En admettant , comme on peut le faire d'après les remar- ques de Wrisberg , que la masse totale du sang est de trente livres, et, comme le dit Senac (i) entre autres, qu'une once de ce liquide est lancée chaque fois par le cœur, une circulation comprend quatre cent quatre-vingts pulsations ,' et exige six minutes vingt-quatre secondes ; le sang circule donc neuf fois trois huitièmes dans l'espace d'une heure , et en trente-quatre minutes huit secondes il passe , par le ventricule aortique , une quantité de ce liquide équivalente au poids du corps entier. Si , au contraire, nous admettons le minimum de la masse du sang , fixé par Herbst à dix livres , et le maximum de l'onde sanguine , qui est de deux onces selon Prochaska , une circu- lation exige quatre-vingts pulsations, et dure une minute quatre secondes ; elle se répète cinquante-six fois et un quart dans l'espace d'une heure , et en dix-sept minutes quarante se- condes elle fait passer dans le ventricule aortique une quantité de sang égale à celle du corps entier. Ce sont là les extrêmes ; mais , en admettant , comme ferme moyen , qu'un homme a vingt livres de sang , et que le cœur en chasse une once et demie à chaque systole , ce liquide fera en deux minutes et cinquante et une secondes une révolution entière , compre- nant deux cent quatorze pulsations ; il circulera vingt-une fois dans une heure , et la masse qui traversera le ventricule aor- tique en vingt-deux minutes cinquante et une secondes éga- lera le poids du corps. Suivant Haies], le ventricule aortique est ^■(1) Loc. cit., t. II , p. 44: 292 MOUVEMENS DU COEUR. traversé par une masse de sang égale au poids du corps en six à onze minutes dans le Chien , dix-huit à trente-six chez l'homme , vingt dans la Brebis , soixante dans le Cheval , et quatre-vingt-huit dans le Bœuf. L'incertitude où nous sommes relativçment à la quantité du sang dans le corps entier , les différences que la capacité des ventricules présente chez les individus , et l'inconstance de la fréquence du pouls , ont déterminé Hering (1^ à rejeter cette estimation comme trop vague. Il a tenté de déterminer d'une manière directe la rapidité de la circulation chez les Chevaux, en injectant du cyanure de fer et de potassium dans la veine jugulaire , et observant combien de temps s'écoulait jusqu'à ce qu'il retrouvât ce sel dans le sang de divers vaisseaux , mais surtout dans celui de la veine jugulaire du côté opposé , c'est- à-dire jusqu'à ce que le sérum , étalé sur du papier blanc , se colorât en bleu par la dissolution du sulfate de fer, avec ad- dition de quelques gouttes d'acide hydrochlorique. Voici quels ont été les résultats de ses expériences ; le cyanure se montra au bout de dix à vingt-cinq secondes dans l'artère maxillaire, de quinze à vingt dans la massétérine , de vingt à trente dans la métatarsienne , de vingt à vingt-cinq dans la veine jugulaire opposée , de vingt-trois à trente dans la thoracique externe , et de vingt dans la saphène. Mais il me semble qu'on se trom- perait beaucoup si l'on voulait tirer de ces expériences la conclusion que la circulation s'opère d'une manière complète en vingt à vingt-cinq secondes chez le Cheval. Tant de rapi- dité paraît réellement impossible ; car le ventricule aortique de cet animal a tout au plus une capacité de dix onces (ordi- nairement de six et quelquefois de trois). En supposant qu'à chaque systole il lance dix onces de sang (maximum), et que quarante-quatre pulsations aient lieu par minute , ce qui est déjà une fréquence peu ordinaire, nous aurions onze livres et quatre onces de sang en vingt-cinq secondes ; or il est évi- dent que ce ne peut point être là l'entière masse du sang. Haies, après avoir enlevé vingt-huit livres de sang à un Cheval , en ayant trouvé encore dans les veines , le cœur et l'aorte abdo- (1) Zeitschrift ftier Physiologie, t. I , p. 89-126. MOUVEMENS DU COEUR. 2^5 minale , admit que la masse totale de ce liquide s'élevait à une quarantaine de livres , ce qui n'est certainement pas trop pour un animal pesant au-delà de huit cents livres : or si le maximum d'une onde de sang est de dix onces , un intervalle d'une minute et trente-sept secondes est le moindre espace de temps que la masse entière du sang puisse employer pour une révolution complète. L'impossibilité d'admettre le résultat qui découle des expériences de Hering ressort déjà de ce que le cyanure parut dans la veine jugulaire opposée tout aussi rapidement après quarante-quatre pulsations par minute qu'après soixante , et qu'il n'y eut un retard de quelques se- condes que dans les cas de trente à quarante-trois battemens , tandis qu'il aurait dû y avoir une différence considérable , si le phénomène s'était rattaché uniquement à la révolution du sang. On pourrait présumer , d'après ces expériences , que certaines substances hétérogènes , comme le cyanure de po- tassium , se répandent dans la masse entière du sang avec plus de rapidité que ne marche le courant lui-même, ou qu'elles ne pénètrent pas aussi facilement dans les vaisseaux capillaires de certains organes , restent davantage dans le courant principal, et passent plus vite dans les veines, si la circonstance suivante n'avait pas pu prendre part au résultat. 3° Nous touchons ici un point qui n'a point encore été assez , examiné jusqu'à présent, et qui seul prouve le défaut de précision de notre manière d'évaluer la vitesse de la circula- tion , comme aussi celle de toute autre méthode ; nous voulons dire la longueur inégale des carrières que le sang parcourt. Le courant sanguin est une agrégation d'un grand nombre de petits courans, qui diffèrent beaucoup les uns des autres, eu égard à leur longueur , par conséquent aussi , sous le rap- port du temps qui s'écoule depuis leur sortie du ventricule aortique jusqu'à leur rentrée dans cette cavité. Ainsi le sang qui coule de l'aorte dans les veines coronaires du cœur doit retourner à l'oreillette droite après un petit nombre de pul- sations , et plus tôt que celui de tout le reste du corps ; celui qui passe de la première branche de la carotide dans la partie inférieure de la veine jugulaire , en traversant la glande thy- roïde , parcourt un chemin bien plus court que celui qui , des ^94 MOUVEMENS DU COEUR. branches terminales de la carotide , va gagner le cerveau et d'autres parties de la tête ; celui qui parvient du tronc de l'aorte dans celui de la veine cave , en traversant les reins , revient au cœur avant celui qui parcourt les longues artères mésentériques , puis le système de la veine porte , ou que ce- lui qui est dirigé dans le bassin et les membres inférieurs par les ramifications terminales de l'aorte. D'après cela , parmi les globules du sang qui se rencontrent dans l'oreillette droite, quelques uns pourraient n'avoir mis que cinq ou six secondes pour y venir du ventricule aortique , tandis que d'autres au- raient employé un laps de temps plus considérable , peut-être même cinquante fois plus long, pour parcourir le même trajet. 4° La quantité du sang qui arrive aux divers organes varie en raison du nombre et du diamètre de leurs vaisseaux. Les poumons reçoivent autant de sang que le reste du corps , plus même que lui , puisqu'ils lui en soustraient encore un peu par les vaisseaux bronchiques. On a cru trouver là une grande difficulté , qu'on a cherché à écarter, soit , comme Haies , en admettant que la circulation se fait avec plus de vélocité dans les poumons , soit , comme Bichat , en proposant d'autres conjectures. Mais cette égalité entre les poumons et le reste tout entier du corps est détruite par l'inégalité de la carrière que le sang parcourt et par celle de la masse de li- quide qui la remplit. Le courant sanguin passe des veines caves dans l'aorte par une sorte de diverticule latéral que représentent l'artère et les veines pulmonaires. Que ce dé- tour soit grand ou petit , la proportion entre le courant con- tenu dans les veines caves et celui qui coule dans l'aorte de- meure le même : que les poumons renferment dans leurs vaisseaux une demi-hvre ou une livre entière de sang , ils peuvent , sans nul changement dans la vélocité de ce liquide , en recevoir deux onces de la veine cave , et en rendre tout autant à l'aorte durant le même laps de temps. Ainsi , d'après le calcul de Haies , le courant du sang pulmonaire ne serait pas cinq fois plus rapide , mais la carrière qu'il parcourt se- rait cinq fois plus courte que celle du sang dans le reste du corps. Haller a vu le sang ne pas couler plus vite dans les MOUVEMENS DU COEUR. SgS poumons que dans d'autres organes (1), et s'élancer de la veine pulmonaire par un jet presque aussi fort que de T aorte (2). Kerr (3) allègue, comme objection contre la doctrine de la circulation , que la plus grande partie des poumons peut être détruite par la suppuration sans que les vaisseaux du reste éprouvent aucune dilatation : mais , pourvu qu il en de- meure assez pour pouvoir contenir quatre onces de sang, ils sont aptes encore à maintenir l'uniformité du courant sanguin , puisqu'ils reçoivent deux onces de liquide et en expulsent si- multanément autant, quoique, en pareil cas. Tonde du sang puisse aussi ne s'élever qu'à une once , ou même à une demi- once, sans que le courant qui a lieu dans le système aorti- que vienne à être troublé. 5" La rapidité de la marche du sang peut être plus ou moins considérable dans certains organes que dans d'autres ; mais il ne résulte de là aucun dérangement tant que la masse de liquide que l'organe reçoit du courant général est égale à celle qui en sort pour aller regagner ce dernier. Spallan- zani (4) a trouvé que la circulation avait la même vélocité dans toutes les parties des Grenouilles , mais que , chez les Salamandres (5) , elle était plus lente dans le mésentère que dans les poumons et la tête , plus lente que partout ailleurs dans les veines hépatique et splénique (6) , et parfois même trois fois plus lente là que dans les veines mésentériques. Des observations analogues ont été faites par Wedemeyer (7). J. Muller (8) a vu la circulation plus lente dans le foie que dans d'autres parties , et dans les veines hépatiques que dans la veine porte. 6° Toutes ces circonstances réunies font qu'on chercherait en vain à trouver une mesure générale de la vélocité du cours du sang. On part d'hypothèses dont la démonstration ne peut (1) Opéra minora, t. I, p. 191. (2) Ibid., p. 73 , 225. (3) Observations on tlie harveian doctrine , p.|146. (4) Expér. sur la circulation , p. 271. (5) Ibid., p. 269. (6) Ibid., p. 197. (7) Meckel, Archiv fuer\Anatom.ie , 1828, p. 349. (8) Ibid., 1829 , p. 188. 296 CAUSES DE LA VIE EXTÉRIEURE DU SANG. êlre donnée , ou de quelques faits isolés , qu'on généralise sans être en droit de le faire , et l'on arrive ainsi aux résul- tats les plus disparates. Keil a calculé que , si , à chaque battement du cœur , il sort du ventricule aortique une once = 1,659 pouce cube de sang , ce qui donnerait , en comptant quatre-vingts pulsations par minute , 132,72 pouces cubes , et si on évalue l'orifice de l'aorte à 0,4187 pouce, le sang parcourt par minute une distance de vingt-six pieds , attendu qu'un cylindre ayant 0,4187 pouce de diamètre et contenant 132,72 pouces de liquide , doit avoir trois cent seize pouces ou vingt-quatre pieds de long. Mais comme la diastole dure le double de la systole , et que cependant elle ne contribue point à la propulsion du sang , le sang pousse ce liquide de soixante-dix-huit pieds par minute , ou de cent cinquante-six , en portant à deux onces la quantité qui sort chaque fois du ventricule aortique (1). Suivant Morgan , I3 sang parcourt onze pouces par seconde , et quinze d'après Robinson(2). A chaque systole du cœur, il en sort, d'après Sœmmerring (3) , vingt-quatre pouces de sang; suivant Haies, douze pouces ; selon Boissier (4) , trois pouces et trois lignes. Prochaska dit que chacune envoie seize lignes de sang dans les troncs , une ligne dans les branches , et un tiers de ligne dans les vaisseaux capillaires (5). Arnott assure qu'en une seconde il coule huit pouces de ce liquide dans l'aorte , et que cette quantité va toujours en diminuant dans les ramifications , de sorte que les vaisseaux capillaires les plus déliés ne reçoivent souvent pas un pouce de sang par minute (6). CHAPITRE II. Des causes de la vie extérieure du sang, § 717. Si, après avoir passé en revue les phénomènes les (1) Haller, Elem, physiolog., t. I, p. 449. (2) Ibid., p. 455. (3) Gefœsstehre , p. 104. (4) Haller. Elem, physiolog., 1. 1 , p. 449; t. II, p. (5)ioc. cit., 1. 1, p. 100. (6) Elemente derPhysik', t. I , p. 486. 164. CAUSES DU MOUVEMENT DU COEUR. S97 plus essentiels de la marche du sang , nous voulons remonter aux causes de cette dernière , nous avons d'abord à examiner quelles sont celles des battemens du cœur. ARTICLE I. Des causes du mouvement du cœur. La première chose à faire , pour connaître la cause des mouvemens du cœur, est de rechercher quelles sont les cir- constances dans lesquelles ils ont lieu. I. Or nous voyons d'abord un fait positif , c'est que le cœur réagit contre une stimulation , c'est-à-dire que cer- taines impressions le sollicitent à manifester sa vitalité de la manière qui lui est propre , par le mouvement. Lorsque ses mouvemens normaux viennent à languir, on peut les rendre plus forts ou plus accélérés , et quand ils ont cessé , on peut aussi les ranimer, par l'application d'un stimulus. Après qu'il a été enlevé à un animal vivant et bien portant , son impres- sionnabilité est plus vive , sa mobilité plus énergique , sa vita- lité de plus longue durée , que quand on l'a tiré du corps d'un animal épuisé ou dont la mort a été lente. Les irritations qu^on dirige sur sa face interne agissent avec plus de force que celles^ qu'on porte sur sa face externe. Mais on peut aussi le couper par lambeaux , et déterminer chacun d'eux à entrer en mouvement. Les actions à l'aide desquelles on fait naître ces phénomènes varient beaucoup, et on les désigne sous le nom d'irritations. 1° Au premier rang se placent l'électricité et le galvanisme. Lorsque Humboldt (1) mettait un cœur entre deux morceaux de substance musculaire, ou entre d'autres corps conduc- teurs , et qu'il armait ceux-ci , son mouvement éteint se rani- mait , ou celui qui persistait encore s'accélérait ; si le cœur était déjà assez affaibli pour ne plus battre qu'une seule fois toutes les quatre minutes , le nombre de ses pulsations s'éle- (1) Ueher die (jereizte Mushelfaser, t. I , p. 343. gS CAUSES DU MOUVEMENT DU COEUR. vait à trente-cinq par minute , et quand , au bout de cinq; minutes , les battemens se trouvaient redescendus à trois , une nouvelle application du galvanisme les faisait remonter à vingt-cinq par minute. 2°,Haller (1) et Senac (2) ont vu la chaleur de la main ou de l'haleine provoquer de nouveaux mouvemens dans le cœur de l'embryon de Poulet. L'eau chaude en déterminait de plus rapides encore, mais qui duraient moins. 3° Une irritation mécanique , le contact d'un corps solide , l'apposition du doigt surtout , la compression , les piqûres , les incisions , provoquent des mouvemens. 4° Il en est de même des irritans chimiques , par exemple , des acides. 5° L'air agit avec plus de force encore que les acides (3) , et même que tous les autres stimulus (4). Il suffit de pousser de l'air dans les veines caves pour ranimer les battemens du cœur long-temps après la mort. Peyer (5) , Harder (6) et Brunner (7) ont vu l'insufflation du canal thoracique réveiller les pulsations de cet organe chez des animaux morts. Por- tai (8) , Hunauld et Senac (9) ont même été témoins du phé- nomène sur des cadavres humains. 6° Les liquides agissent en raison de leur volume, de leur choc et de leur nature chimique. Mais , sous ce dernier point de vue , le sang est le stimulus naturel du cœur. Nous en avons la preuve dans les faits suivans , dont Senac avait déjà présenté l'ensemble (10). a. Quand on s'oppose à l'abord de sang nouveau , en liant les troncs veineux , le mouvement du cœur devient plus fai- (4) Opéra mmora , t. Il , p. 389. (2)ioc. cit., t. II, p. 140. (3) Haller, Opéra minora , t. I , p. 152. (4) Ihid., p. 170. (5) Scheel , Die Transfusion des Blutes, t. I, p. 242. (6) Ibid., p. 245. (7) Ibid., p. 249. {%)Ibid.,x.ll, p. 112. (9) Loc. cit., t. II, p. 139. (10) ioc. cîf., t. Il, p. 132. i CAUSES DU MOUVEMENT t>U COEUR. 599 ble (1). Cet organe se contracte bien, parce qu'il contient encore un peu de sang , mais ses contractions sont faibles , et, comme il n'y a qu'une puissante systole qui puisse le vider d'une manière complète , une certaine quantité de sang reste dans son intérieur. Barkow (2) a vu , après la ligature de la veine cave, Toreilleite se contracter sans chasser de sang dans le ventricule ; lorsqu'il vint ensuite à ouvrir le cœur et à le distendre avec des pinces, le sang s'écoula, et les pulsations cessèrent, Z h. Quand, sur un animal ouvert vivant, on a réduit le cœur déjà fatigué au repos en le vidant, si on y laisse arriver du sang , il se meut de nouveau. c. La portion du cœur qui ne reçoit point de sang meurt la première. Lorsque les poumons , affaissés sur eux-mêmes par l'ouverture de la cavité pectorale , ne fournissent plus de sang au cœur gauche , celui-ci cesse de battre , tandis que le cœur droit, qui admet encore du sang, continue d'agir. Si , au contraire , après avoir lié l'aorte , on pratique la sec- lion des veines caves et de l'artère pulmonaire, de manière que le cœur droit se vide sans recevoir de nouveau sang , l'oreillette droite est tout-à-fait immobile , et le ventricule droit ou ne se meut plus du tout , ou n'exécute que des mou- vemens extrêmement faibles , et cela seulement en vertu de sa connexion avec le ventricule aortique , qui alors est ^la partie dans laquelle les pulsations persistent le plus long- temps (3). d. Quand on se contente de lier les artères , pour empêcher que le cœur ne se vide , il se contracte plus fréquemment et avec plus de violence que quand le sang est libre d'y entrer et d'en sortir. e. Enfin , nulle liqueur autre que le sang ne détermine des mouvemens du cœur aussi forts et aussi réguliers (4). Lors- que Dieffenbacb faisait couler du sérum dans les veines d'a- nimaux qu'il avait réduits à l'état de mort apparente en lais- (1) Haller, Opéra minora , t. I, p. 170. (2) Meckel , Jrchiv fuer Anatoinie , 1830 , p. 5. (3) Haller, Opéra minora, t. I , p. 60. (4) Senac, loc. cit., t. II, p. 135, 300 CAUSES DU MOUVEMENT DU COEUR. sant perdre tout leur sang , la revivification n'avait pas lieu , tandis que le cœur recommençait à battre dès qu'il injectait du sang entier. Merk (1) nie que ce soit le sang qui sollicite le cœur à se mouvoir, parce que l'afflux et l'écoulement de ce liquide ont lieu peu à peu, et que le mouvement du cœur s'opère au contraire tout d'un coup. Mais une irritation quelconque n'appelle une réaction qu'à la condition d'être portée elle- même jusqu'à un certain degré , et comme on ne saurait nier que l'irritation produite à la vessie par l'urine soit la cause qui la détermine à se vider, parce que le viscère a la faculté de retenir le liquide pendant des heures entières sans se con- tracter, de même on ne peut mettre en doute que c'est le sang qui stimule le cœur, parce que ce muscle ne se vide qu'après avoir été rempli entièrement. Une autre objection, celle que le cœur de l'embryon se meut avant de contenir du sang , est réfutée par l'observation du fait contraire ( § 399 , 1° ). Une troisième enfin , celle que le rhythme des battemens du cœur peut changer dans des circonstances qui n'exercent aucune influence sur le courant du sang , est sans valeur, puisque la faculté d'être affecté par la stimulation du sang n'exclut pas celle de ressentir l'action des autres stimulus. IL Mais nous reconnaissons dans le cœur une force motrice qui, bien qu'elle ne se décèle ordinairement que quand elle vient à être sollicitée du dehors , peut néanmoins se mani- fester sans cette condition , et d'après un type propre à elle. 7=» La systole a lieu sans stimulation. Le cœur excisé et vidé se meut encore d'une manière rhythmique, pendant plusieurs heures, par exemple chez les Grenouilles et les Salamandres (2) , et l'air n'en est point la cause , car le mou- vement continue même sous le récipient de la machine pneu- matique (3). Il arrive aussi quelquefois que le cœur continue de se mouvoir après la ligature des troncs veineux (4). 8° Les stimulations ont beau continuer d'agir, la diastole ne (1) Ueher die thierische Bewecjung , p. 112. (2) Spallanzani , Expér. sur la circulation , p. 356. (3) Ainott, loc. cit., p. 86. (4) Haller, Opéra minora, t. I, p. 151 , 203. CAUSES BU MOUVEMENT DU COEUR. 3oi s'en établit pas moins : quoiqu'on lie les artères , de manière à empêcher le cœur de se vider, la systole et la diastole con- tinuent cependant d'alterner ensemble. Quand Fontana pi- quait le cœur au moment de la diastole commençante , l'or- gane continuait de se distendre, et il ne pouvait, ni par des piqûres multipliées ni par l'application des caustiques ou du fer rouge , déterminer une contraction qui fût seulement d'un instant plus prolongée que la systole normale. 9° Il n'y a pas jusqu'aux lambeaux d'un cœur mis en pièces qui montrent des alternatives de contraction et d'expansion. 10° Nous reconnaissons donc là un type intérieur, qui con- siste en deux temps alternatifs, s'appelant réciproquement l'un l'autre , et que nous discuterons plus amplement lorsque nous en serons arrivés à l'examen de l'action musculaire. III. Nous avons trouvé (§480, 485) que la parturition dépendait d'une force inhérente à la matrice , qui se déploie d'après un type propre , et qui agit de son propre essor, mais qui , dans l'état normal , est sollicitée par l'irritation à se manifester, et que là règne une harmonie en vertu de laquelle la force interne et la stimulation du dehors arrivent simul- tanément au point oii doit éclater l'effet commun de toutes deux. Nous avons reconnu, en outre, que l'organisme porte en lui-même la raison de sa périodicité (§ 594, 1"), mais que celle-ci est mise en jeu par un rapport harmonique du monde extérieur (§ 594, 3°). Une harmonie semblable se montre à nous dans le cœur ; quand cet organe s'est con- tracté , non seulement sa force contractile est épuisée , mais encore le stimulus qui la sollicitait s'est éloigné , et la diastole a lieu; après qu'il s'est reposé pendant cette dernière, non seulement sa force contractile est, pour ainsi dire, rajeunie (§ 593 ) , mais encore le sang s'est accumulé en telle quantité dans son intérieur, qu'il doit agir sur lui comme stimulus , et ces deux circonstances réunies amènent la systole. § 718. Le cœur agit comme muscle , notamment comme muscle creux , de sorte que la cause de ses mouvemens ne se déroulera clairement à nos yeux que quand nous considé- rerons la force musculaire sous toutes ses formes. Par anti- 302 CAUSES DU MOUVEMENT DU COEUR. cipation, nous allons signaler quelques traits qui sont' partis culiers au cœur. 1° Cet organe est le plus robuste de tous les muscles. Il se distingue d'eux tous par sa rougeur plus intense, sa fermeté plus grande , la pureté plus prononcée de ses fibres , qui sont serrées les unes contre les autres , sans gaines celluleuses , et qui reçoivent les nerfs, proportion gardée , les plus grêles. Sa force motrice est plus puissante que celle d'aucun autre muscle; en introduisant la main dans le bas-ventre d'un ani- mal à sang chaud vivant , la faisant passer par une ouverture du diaphragme et empoignant le cœur, on peut se convaincre de l'énergie avec laquelle il exécute son élévation et son abaissement. Cet organe agit sans interruption , pendant le sommeil comme à tous les momens de la veille , et durant la vie entière , à partir de l'instant où il n'existe point encore d'autres muscles , jusqu'à celui où ces^derniers ont déjà cessé d'agir. Enfin, tandis que les autres muscles ne servent jamais qu'à certaines fonctions et d'une manière partielle , le cœur est le muscle général de la vie , son activité est la condition de toutes les autres. 2° Il y a des liens intimes entre le cœur et tout l'ensemble de l'organisme. Quand une des conditions extérieures de la vie , notamment la chaleur , ou l'air , ou le sang , vient à être sous- traite, le cœur cesse de se mouvoir^ et tous les phénomènes de la vie s'éteignent : l'animal tombe dans l'état de mort ap- parente (congélation, asphyxie, épuisement par hémorrhagie), c'est-à-dire que la vie devient latente. Elle n'est point atta- quée dans ses fondemens , mais seulement arrêtée dans ses manifestations, parce que les conditions de ces dernières man- quent, et quand on les lui rend, elle rentre de nouveau en exercice. Mais si l'état latent se prolonge, la vie s'éteint, et le cœur perd son irritabilité , comme sa faculté d'agir. 3° Lorsque les connexions du cœur avec le reste de l'orga- nisme ont été détruites, ou que son activité normale est éteinte, par la cessation de la vie générale , il manifeste encore pen- dant quelque temps une vie partielle sous l'influence de sti- mulus mis en rapport avec lui ( § 634, VI ). Mais la durée de cette vie; partielle n'est point en raison directe de la force CAUSES DU MOUVEMENT DU COEUR. 5o5 musculaire; loin de là même, elle est d'autant moindre, dans les différentes espèces d'organismes animaux , que la vie animale est plus développée, qu'il règne davantage d'u- nité entre les fonctions , et qu'en particulier la respiration est un besoin plus impérieux pour la vie générale. Ainsi l'irritabjUté du cœur dure plus long-temps chez les fœtus qui approchent du terme de la maturité que chez les ani- maux venus au monde; Forchhammer, par exemple (1), l'a vu battre encore trois à quatre heures dans des embryons de Blennie, et ses mouvemens persistent plus long-temps chez les animaux vertébrés qui viennent de naître que chez les adultes , comme l'avait déjà remarqué Senac (2). Il conserve plus long-temps son irritabilité chez les animaux à sang froid que chez ceux à sang chaud. Ainsi Scoresby a vu le cœur du Requin battre encore pendant quelques heures après avoir été arraché du corps. Son activité s'éteint plus vite chez les Oiseaux que chez les Mammifères, ce qu'explique peut- être le plus grand besoin de respiration qu'éprouvent ces ani- maux. Du reste, abstraction faite du hasard des circonstances dans lesquelles de telles observations sont recueillies , il ne faut point s'attendre à trouver ici une parfaite harmonie avec l'échelle générale de l'organisation et de la vie. Le cœur d'un Limaçon, arraché du corps, battit pendant un quart d'heure, selonCarus(3), et conserva son irritabilité durant près de deux heures et demie ; celui de l'Écrevisse battait cinq minutes , et demeurait irritable pendant dix. 4° De même, il est presque impossible d'établir rien de gé- néral relativement à la durée de son irritabilité comparée à celle des autres tissus musculeux , parce que l'état dans le- quel les diverses parties se trouvaient avant la mort, et la na- ture des moyens stimulans qu'on emploie, deviennent la source de variations infinies. En général , le cœur conserve sa vita- lité plus long-temps que d'autres muscles creux ; mais la ma- trice prête à accoucher ( § 484 , 2" ) fait exception à cette règle. Les muscles soumis à la volonté perdent leur irrita- (1) De blenîiii vivipari formatione , p. 12. (2) Loc. cit., t. II , p, d42. (Z) Fon den œussern Lehenshedimjimgen , p. 84. 3o4 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. bilité avant le cœur ,' selon Haller (1), après lui, suivant Fon- tana, avant les oreillettes et après les ventricules , selon Nys- ten (2). La nature des stimulans exerce une influence consi- dérable ; le cœur perd avant les muscles soumis à la volonté la faculté d'être mis en jeu par le galvanisme (3) ; mais il se meut encore sous l'empire de l'air , quand nul autre muscle creux n'a plus aucune trace de vitalité , et lorsque lui-même est déjà devenu insensible à tous les autres stimulus (§ 717, 5°). 5° Quant à ce qui concerne les diverses parties du cœur, or- dinairement l'extinction du mouvement commence dans la plus artérielle de toutes, la ventricule aortique, et finit dans la plus veineuse, l'oreillette droite. Walther (4) a vu qu'elle .avait lieu plutôt dans l'oreillette pulmonaire que dans le ventricule du même côté, et Haller, plutôt dans celui-ci que dans celle-là (5). Mais cette différence tient à ce que la portion vei- neuse est la dernière que le sang vienne stimuler ; car lorsque Walther et Haller (6) avaient excisé les veines et l'artère pul- monaires, le mouvement s'arrêtait d'abord dans l'oreillette droite, puis dans le ventricule droit, ensuite dans l'oreillette gauche, et enfin dans le ventricule aortique. Du reste, sui- vant Haller (7), la pointe conserve son mouvement propre et son irritabilité plus long-temps que les autres parties des oreillettes. ARTICLE II. Des causes du mouvement du sang. § 719. La circulation suppose de toute nécessité que le sang et sa paroi soient disposés de manière à la rendre possible. Mais la question consiste à savoir si cette appropriation suffit à elle seule pour réaliser pleinement le phénomène , ou s'il est be- (1) Opéra minora, t. I, p. 169, (2) Recherches de physiologie , p. 293. (3) Œsterreicher, Darstelluwj der Lehre vom Kreislavfe , p, 42. (4) Expérimenta in vivis animalihus , p. 11, (5) Haller, Opéra minora , t. H , p. 389. (6) Ihid.,^. 155. (7) Ibid., p, 226, CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 30D soin qu'une autre circonstance encore s'y adjoigne. Nous po- sons donc le dilemme suivant : La raison suffisante de la cir- culation est ou dans le système vasculaire lui-même (§ 7^9- 734), ou en même temps hors de lui (§ 735-738); si le premier cas a lieu , il faut la chercher ou dans le sang ( § 73^- 734 ) , ou dans ses parois, et soit dans le cœur ( § 739-731 ), soit dans les vaisseaux ( § 732 ). Nous avons trouvé dans le cœur ( § 706 ) un mouvement vivant , qui agit mécaniquement sur le sang , et nous avons vu qu'une fois ce liquide mis en mouvement , une direction et une carrière déterminées lui sont données (§694-704). L'hypothèse la plus simple est donc celle que le cœur con- tient la raison suffisante de la circulation , et que , son acti- vité vivante mise à part, le cercle entier des phénomènes qui se rapportent ici est le résultat de dispositions mécaniques. Or , nous trouvons des faits qui prouvent que le cœur peut opérer à lui seul toute la circulation ( § 720-723 ) , et des cir- constances mécaniques qui expliquent les différens phéno- mènes de cette fonction ( § 724-730 ). !• Causes inhérentes au cœur. A. Action du cœur. 1. ACTION DU COETJR SUR lES ARTERES. i 720. Le sang est chassé par le cœur dans le système ar- tériel entier. I. Le pouls artériel se rattache au cœur. Il n'est essentiel- lement autre chose que la propagation au système entier de l'ébranlement qui a été communiqué à l'artère ( à son sang et à sa paroi), par lé choc de l'ondée venant du cœur (§ 710). 1" Il est isochrone avec la systole des ventricules , à la- quelle il ^correspond sous le rapport de la durée et des mo- difications de force et de fréquence ; il s'arrête quand le cœur ne lance plus de sang , ou s'épanche par une plaie , et il renaît lorsque les battemens cardiaques reparaissent. 2° Quand on lie une artère , le pouls cesse au dessous de la ligature (1). Ce cas a lieu principalement dans les cas où (1) Hallei-, OpGt-a minora, t. I, p, 187. YI. 20 3o6 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. une étendue considérable d'artère a été rendue imperméable par Tapplication de deux ligatures (1) ; mais si les battemens du cœur sont forts , il lui arrive quelquefois d'imprimer encore à l'artère, ainsi chargée de deux ligatures, une oscillation ana- logue au pouls. IL Le pouls artériel n*est donc que l'effet mécanique du choc imprimé au sang par le cœur. 1° Les veines battent comme les artères , lorsqu'on y fait passer le courant de sang qui vient du cœur. Denis a observé ce phénomène dans la veine jugulaire où il faisait couler le sang de la veine crurale (2) , et King dans un cas analogue de transfusion chez l'homme , quoique trois tuyaux de plume emboîtés l'un dans l'autre fussent interposés entre la veine du sujet et l'artère de l'Agneau qui fournissait le sang (3). Des faits analogues ont été recueillis par Arthaud (4) et Bi- chat. Dans l'anévrysme variqueux, la veine bat simultanément avec l'artère entre laquelle et elle existe une communication. 4° Lorsqu'au contraire on conduit le sang d'une veine dans une artère , celle-ci ne bat plus , à moins qu'elle ne reçoive un choc de quelque branche voisine. 5° Le courant du sang venant du cœur, dirigé dans l'artère d'un cadavre, lui imprime des oscillations analogues au pouls, que l'on peut sentir à travers la peau. C'est ce que Bichat a remarqué sur le bras d'un cadavre humain dans l'artère du- quel il avait fait passer le sang de la carotide d'un gros Chien. 6° Le courant artériel produit aussi un mouvement ana- logue dans d'autres parties. Un inteslia de Poule , dans lequel Rosa (5) avait fait couler le sang de la carotide d'un Veau, exécutait des pulsations isochrones à celles de cette dernière. Le même phénomène a été observé par Biçhat sur une vessie dans laquelle il avait conduit le sang d'une artère. Dans des essais de transfusion , Rosa , Scarpa et Tietzel ont vu le (1) Spallanzani , Expér. sur la circulation , p. 383. (2) Scheel , Die Transfusion des Blutes, t. I, p. 79. (3)/i2i.,p. 170. (4) OEsleiTeicher, loc. cit., p. 75. (5) Giomale per scrvire alla sloria délia medicina, t. I, p. 489, CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 307 tube, qui élait taulôt un canal de cuir cousu (1), tantôt lu carotide d'un cheval (2) , battre sensiblement durant le pas- sage du sang. 7° Si Ton injecte du sang par saccades dans les artères d'un cadavre , elles battent ; le fait a été observé par moi sur les artères du cerveau (3) ,''et par Wèdemeyer sur la radiale (4). Ce dernier a remarqué que , dans une injection semblable , l'artère crurale mise à nu se dilatait dans toute sa longueur , à chaque coup de piston , puis se resserrait sur elle-même , et chassait l'eau (5). Le mouvement ondulatoire de l'eau et le frémissement de la paroi se font sentir aussi dans tous les corps de pompe , quelque épais qu'ils soient , même , d'après Dœllinger (6) , dans ceux de plomb qui ont une grande épais- seur, et Johnson a construit, avec des vessies et des intestins, «ne machine sur laquelle il produisait , par la pression , un frémissement analogue au pouls. m. Le cœur opère la circulation dans des circonstances même oii les artères ne peuvent y contribuer. S° Les artères sont parfois ossifiées dans une étendue con sidérable, et cependant la circulation n'en continue pas moins pendant plusieurs années (7). 9° Il n'est pas rare que les artères soient fixées de ma- nière à ne pouvoir exécuter aucun mouvement. Ainsi l'aorte de beaucoup de Poissons traverse l'arc des apophyses épi- neuses inférieures , et celle de l'Esturgeon représente un ca- nal cartilagineux. IV. Lorsque la vie est interrompue par manque de sang , on ne la rétablit pas en faisant couler de nouveau sang dans les artères , mais en l'introduisant dans le cœur , dont il ra- nime le mouvement. Blundell (8) a reconnu que des animaux (1) Scheel, loc. cit., t. II, p. 141. (2) Dieffenbach , Die Transfusion des Blutes , p. 27. (3) yom Bau des Gehirns , t. III, p. 36. (4) Untersuchungen ueber den Kreislauf , p. 43. (5) Meckel, Archiv fuer Anatomie , 1828, p. 339. (6) Meckel , Deutsches Archiv , t. II , p. 356. (7) Haller, Opéra minora, t. I, p. 230. (8) Physiological and patholo pieds jusqu'à neuf et demi, celui d'un Agneau, de six pieds et demi^ celui d'un Daim , de quatre pieds et plus , celui d'un Chien , de quatre pieds et demi ; à chaque battement du cœur le sang s'élevait davantage , et sa hauteur augmentait d'un à trois pouces chez le Cheval. Le sang de la veine jugulaire d'un Cheval s'éleva à douze pouces, celui d'un Agneau à cinq pouces et demi , celui d'un Chien , depuis quatre jusqu'à sept pouces; la pression du système veineux était donc à celle du système artériel dans la proportion d'environ 1 '. 10. Cette différence tient en partie à ce que le cours du sang ar- tériel trouve plus de résistance dans les vaisseaux capillaires, et à ce que celui du sang veineux en rencontre moins dans le cœur; lorsque l'entrée du sang veineux dans le cœur était rendue difficile par les mouvemens de l'animal , ou par d'au- tres circonstances , ce liquide montait plus haut dans le tube , et si une ligature empêchait totalement son passage , il s'é- levait presque à là même hauteur que le sang artériel. Poiseuille s'est servi , pour des mesures analogues , d'un appareil particuher ( hémo-dynamomètre ) , dans lequel le sang était mis en contact avec du carbonate de soude, pour empêcher qu'il ne se coagulât, et qui lui permettait de peser de bas en haut sur une colonne de mercure. De cette manière , il a trouvé que la colonne mercurielle à laquelle le sang ar- tériel faisait équilibre était de cent cinquante et un millimètres, chez les Chiens, de cent cinquante-neuf chez les Chevaux, et de cent soixante et un chez les bêtes bovines, ce qui équivaut à des colonnes d'eau de six pieds et demi, six pieds huit pouces , et six pieds neuf pouces. 6° Les différens organes sont dans un état de tension les uns à l'égard des autres, de sorte que les vaisseaux , notam- ment les veines , sont comprimés par les parties voisines , ce qui favorise la circulation. Aussi le cours du sang se ralentît- il d'une manière notable dans les veines du bas-ventre , après l'ouverture de la cavité abdominale : on voit surtout les veines mésentériques se ^jonfler et devenir variqueuses (1). De là (1) HaUer, O^ocm minora, 1. 1, p, 89 , 232. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 525 vient encore qu'une compression exercée sur la peau peut ac- tiver la circulation ; car lorsque cette dernière est ralentie par l'atonie du système cutané , on l'accélère au moyen de bandages, ce qui rend l'application d'une bande roulée utile dans les cas d'ulcères atoniques et de varices. Dans les contu- sions , les parties sont relâchées, et le sang s'y accumule jus- qu'à ce que l'équilibre de la tension contre la pression qui s'exerce dans le reste du système vasculaire soit rétabli par sa masse : mais si l'on exerce une compression prompte et sou- tenue sur la partie qui vient d'être contuse , on prévient l'ac- cumulation du sang et la formation de la tumeur qui en se- rait le résultat. 6° Le mouvement des organes , notamment du canal intes- tinal et des poumons , ou des muscles soumis à l'empire de la volonté (§ 773), tels que ceux de l'abdomen et le dia- phragme , doit accroître la pression sur les veines , et par suite accélérer la marche du sang dans leur intérieur : les veines cutanées paraissent avoir des parois plus fortes que les veines profondes , précisément parce qu'elles sont moins soumises à l'influence du mouvement musculaire ; cependant elles n'y sont point entièrement soustraites, et de là vient , par exemple, que , dans la saignée du bras , le sang coule par un jet plus fort quand la personne remue la main, ou tient quelque chose entre les doigts , parce qu'alors les muscles de l'avant- bras se contractent d'une manière intermittente ou soutenue. Les artères peuvent difficilement agir du dehors sur les veines par leurs pulsations , car il n'y a que les troncs et les gros rameaux qui se meuvent , et ils ne touchent point ceux des veines. En observant une veine mésentérique qui passait sur une artère , Spallanzani (1) ne put apercevoir aucun chan- gement de la circulation produit par les pulsations arté- rielles. 7° La pression de l'atmosphère , qui , sur la surface du corps humain, est évaluée à quinze ou seize pieds carrés, égale, à une hauteur de deux cents pieds au dessus du niveau de la mer, un poids de trente à trente-six mille livres, maintient les (1) Loc. cit., p. 150. 326 CAUSES t>U MOUVEMENT DU SANG. dispositions mécaniques de rorganisme dans leur état nor- mal , et concourt notamment à favoriser la circulation , en res- treignant l'afflux du sang vers la surface. Quand on soustrait ime partie du corps à cette pression , par Tapplication d'une ventouse sèche , elle se gonfle , rougit et devient gorgée de sang. Rien ne prouve mieux combien la soustraction de la pression atmosphérique borne le mouvement du sang vers le cœur, que la découverte faite parBarry (1), et constatée par les nombreuses expériences de Kupfer (2) , du pouvoir qu'ont les ventouses d'empêcher les poisoDS portés dans une plaie d'exercer leur action délétère. On a quelquefois remarqué sur les hautes montagnes , où l'air est irès-raréfié , des accidens causés par des congestions vers divers organes. Les observa- tions de Soulin (3) n'ont rien appris de positif sur l'accroissement de la fréquence du pouls à de grandes hauteurs; mais , suivant Parrot\ cette fréquence ;, qui est de soixante et dix pulsations par minute au niveau de la mer, devient de soixante-quinze à mille mètres, de quatre-vingt-deux à quinze cents mètres, de quatre-vingt-dix à deux mille , de quatre-vingt-quinze à deux mille cinq cents, de cent à trois miile , de cent cinq à trois mille cinq cents, et de cent dix à quatre mille (4). § 727. Le temps que le sang "emploie à faire sa dévolution est en raison inverse de l'espace qu'il doit parcourir ; par conséquent aussi l'amplitude des vaisseaux est en raison in- verse de la vélocité de la circulation. 1° Le sang rrjarche avec lenteur dans un anévrysrne , et si la tumeur est très-volumineuse , elle ne bat presque pas , ou chasse si peu de sang, que le pouls des parties situées au dessous est faible et petit, que le membre entier devient blême , froid , flétri et fail-le. Dans les vivisections , Haller (5), Spallanzani (6) et Wedemeyer (7) , ont souvent trouvé les vais- (1) Archives générales , t. IX , p. 131. (2) Commentatio de viquani aer pondère suo et in motum sanguinis et in alsorptionem exercet. Léipzick , 1828 , in-8°. (3) Journal de Magendie , t. VI, p. 1-13. (4) Froriep , Notizen , t. X , p. 216. (5) Opéra minora , t. I , p. 88 , 194. (6) Loc. cit., p. 144. (7) Loc. cit., p. 198. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 327 seaux offrant des dilatations , où le sang coulait avec lenteur, mais au sortir desquelles il reprenait sa vélocité précédente. Spallanzani a vu également la circulation marcher plus vite dans tout point accidentellement rétréci d'un vaisseau , qu'au dessus et au dessous (1). Quand on pratique une saignée, la bande dont on entoure le membre rétrécit les veines cuta- nées , et celle qu'on pique donne alors un jet de sang , tandis que , si l'on n'appliquait pas de lien , ce liquide ne coulerait qu'en nappe. Lorsque Wederaeyer vidait plusieurs vaisseaux capillaires , en exerçant une compression sur eux (2) , celle limitation apportée au développement des courans ren- dait les autres d'autant plus rapides. Bicliat (3) a prouvé , par ses expériences , que la circulation dans les organes creux n'est point favopsée par leur distension : cet état paraît même la ralentir; du moins Spallanzani (4) a-t-il remarqué que, pendant la diastole des artères , le sang s'arrêtait dans les veines disséminées au milieu de leurs parois , et qu'il coulait avec vitesse durant leur diastole. 2" Les veines sont plus nombreuses que les artères , sur- tout dans tous les organes de la vie animale ( cerveau et moelle épinière, crâne et colonne vertébrale, membres et peau) et dans les viscères du bassin (rectum, organes géni- taux et urinaires). Elles ont aussi un diamètre qui surpasse le leur. Celle diflérence se prononce jusque dans les vaisseaux capillaires, où les deux systèmes sont en communication immé- diate l'un avec l'autre. Dœllinger (5) a trouvé les petits cou- rans artériels moins nombreux, plus grêles, mieux délimités, plus dendritiques ; les veineux, au contraire ;, plus nombreux, plus larges , moins nettement tranchés, et plus réticulaires. 11 est difficile de déterminer exactement la proportion de la ca- pacité des deux systèmes , attendu qu'elle change beaucoup pendant la vie , et qu'elle varie aussi en raison du genre de mort, car on l'a trouvée plus grande après une apoplexie , (1) Loc. cit., p 155 , 258. (2)ioc. cîf.,p. 208. (3) Rech. sur la vie et la mort, p. 205. (4) Loc. cit., p. 200. (5) Devkschriften , t. VU, p. 199. 328 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. et moins considérable à la suite d'une hémorrhagie mortelle, attendu enfin qu'après la mort les artères se rétrécissent da- vantage et les veines se dilatent plus , par l'effet des injections, que pendant la vie et dans l'état normal, oii on les trouve ordinairement plutôt flasques que rénitentes. Quand donc on admet que le rapport du système artériel au système veineux, eu égard à la capacité , est de 1 1 4 , ou de 1 ! 2, 25 (4 t 91), ou de 1 ! 1 , 66 ( 3 I 5 ), ce ne sont là que des évaluations approximatives, dont la dernière semble s'écarter moins que les autres de la vérité. Maintenant, comme tout liquide quel- conque coule plus rapidement dans un espace resserré que dans un autre où il trouve plus de place pour s'étendre , on peut aussi supposer un courant plus rapide dans les artères que dans les veines. Or l'expérience journalière atteste que le sang coule avec plus de lenteur et moins de force d'une plaie veineuse que d'une plaie artérielle. D'ailleurs, l'obser- vation directe de la circulation dans les vaisseaux parle en faveur de cette hypothèse : Haller (1) a vu le sang marcher ordinairement avec plus de lenteur, couler même deux ou trois fois moins vite (2), dans les veines que dans les artères, et il ne s'est offert à lui qu'un petit nombre de cas dans les- quels la vélocité fût égale de part et d'autre. Spallanzani, il est vrai , admet que ce dernier cas est la règle (3) ; mais , dans un autre endroit (4) , il restreint l'égahté aux vaisseaux de moyen calibre , et dit (5) que le courant a la même rapidité dans les artérioles et les veinules , mais qu'il est plus lent dans les branches veineuses que dans les artères correspon- dantes. L'inégalité des deux courans est confirmée aussi par les observations de Dœlhnger (6) et de Wedemeyer (7) ; le premier a remarqué un mouvement plus rapide dans les points (1) Opéra minora , 1. 1 , p. 82 , 83 , 91 , 98. (2) lUd., p. 206. (3) Loc. cit., p. 268. (4) Ibid., p. 190. (5) Ibid., p. 163. (6) Loc. cit., p. 214. (7) Lee. cit., p. 198. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 029 d'une veine où s'abouche une artère, et Vautre (1) n'a observé quelquefois une rapidité pbis grande dans les artères que dans les veines qu'en cas de faiblesse des battemens du cœur , et surtout pendant l'agonie. On ne peut également considérer que comme des à peu près les évaluations anciennes , d'après lesquelles le sang franchirait, par minute, soixante-six pieds dans les veines et cent quarante-quatre dans les artères. Du reste , nous reconnaissons, dans le cœur (§ 707, 7°), que la capacité et la force propulsive sont en raison inverse l'une de l'autre ; le ventricule pulmonaire a une colonne de sang plus courte à mettre en mouvement ; il a donc besoin d'une force propulsive moins considérable , et, par suite, sa capacité dépasse celle du ventricule aortique ; mais , quand celui-ci a subi une dilatation morbide , il ne pousse plus le sang avec l'énergie nécessaire , d'où résulte que ce liquide s'accumule dans les poumons et que la respiration devient gênée (2). 3° Toutes les artères se partagent ou se ramifient, les unes plus , les autres moins ; en général , on admet qu'elles se di- visent vingt fois environ en branches. Or les branches , prises ensemble , l'emportent en capacité sur le tronc , de sorte que le système artériel représente un cône , dont le sommet se trouve au cœur et la base à la périphérie. A la vérité, celte différence n'est point réellement assez considérable pour sauter aux yeux quand on compare les diamètres , puisque la capacité des cylindres ne peut être comparée que d'après le carré de leurs diamètres ; mais , même en se bornant à ce moyen d'appréciation , elle est encore assez grande pour qu'on juge qu'elle doit influer sur la vélocité de la circulation. Ainsi , par exemple , Wedemeyer a trouvé la circonférence de l'artère crurale = 12 , et celle des deux branches dans lesquelles elle se bifurque ~ 18 ; de sorte que le rapport de la branche aux rameaux serait , d'après les diamètres , de 12 * 18 = 1 ! 1,50 ; mais , d'après les carrés des diamètres , c'est- à-dire d'après la capacité réelle, elle est de 144 1 162 — \\ 1,12. (1) Loc. cit., p. 214. (2) Legallois, Œuvres, 1. 1, p. 338. 35o CAUSES BU MOUVEMENT DU SANG. Or, puisqu'il y a plus d'espace dans les ramifications , le sang doit y couler avec plus de lenteur que dans les troncs (§711, 3°). Haies introduisit dans l'aorte d'un Chien mort un tube qu'il remplit d'une quantité d'eau dont la pression était égale h celle du sang qui s'écoulait du cœur d'après son calcul ; si alors il venait à fendre l'intestin le long de son bord convexe , trois cent quarante-deux pouces cubes d'eau sortaient, en quatre cenls secondes , des dernières ramifica- tions artérielles ainsi ouvertes ; en incisant le mésentère près de l'intestin, la même quantité d'eau sortait, des branches des artères mésentériques , en cent quarante secondes; enfin, les branches fournissaient un écoulement plus rapide encore à leur entrée dans îe mésentère. Le système veineux offre des dispositions analogues , sous le rapport de la capacité ; ici , également , la circulation est plus lente dans les racines , et plus rapide dans les troncs , comme l'ont constaté surtout Haller (1) , Spallanzani (2) et Dœllinger (3), Lorsqu'un courant veineux est fortifié par un afflux latéral venant d'une branche , et qu'ainsi la veine se remplit davantage , la vitesse augmente;, et celle-ci ne de- meure la même que quand une certaine étendue de la veine ne change point de diamètre et ne reçoit pas de racines (4). Suivant Spallanzani , la circulation est trois fois plus rapide dans les racines que dans les troncs. Cependant il a été trouvé plus d'une exception à cette règle , comme , par exemple , quand la systole des oreillettes rejetait une certaine quantité de sang du cœur dans les troncs veineux. 4° La cessation des pulsations dans les ramifications déliées des artères a été attribuée à la diminution de la force avec laquelle le sang est mis en mouvement à partir du cœur ; mais nous avons vu (§ 714, d") que c'est précisément quand les battemens du cœur sont faibles, qu'on voit puiser les courans contenus dans les vaisseaux capillaires. Le pouls nous a sem- blé bien plutôt être le résultat d'obstacles contre lesquels se {l)ioc. ci^.,p.98,206. (2)ioc. ciY.,p. 163. (3) Loc. cit., p. 210. (4) Spallanzani, loc. cit., p, 258. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 33 1 raidit la force du cœur ( § 725 , 4°). Or, d'un côté, les vais- seaux capillaires présentent un plus grand espace, et, de l'autre , ils conservent généralement le même diamètre dans tout leur trajet ; par conséquent , lorsque le sang s'y est une fois introduit, il éprouve moins de résistance , et coule d'une manière uniforme. Voilà pourquoi l'aorte des Poissons ne bat point , et non parce que son sang a traversé auparavant les vaisseaux capillaires des branchies ; de "même , suivant Bar- kow (1) , les branches de la carotide cérébrale de la Brebis n'exécutent point de pulsations , parce que leur sang a fran- chi le réseau admirable , tandis qu'elles en oflrent chez le Lapin, qui ne possède point ce réseau. 5° Beaucoup de vaisseaux conservent le même diamètre pendant leur trajet ; tel est le cas surtout des artères, tant qu'elles ne fournissent pas de branches ; mais on observe aussi le même phénomène sur un grand nombre de veines, quoiqu'elles se ramifient. Lorsqu'un tronc donne plusieurs branches, il se rétrécit ordinairement un peu, de manière que le sang , agissant à la manière d'un coin , marche avec plus de vitesse ; mais plusieurs artères , telles que la carotide , la vertébrale , la coronaire labiale , la mammaire interne , la splénique et la spermatique, vont en s'élargissant un peu vers la périphérie , lorsqu'elles parcourent une certaine étendue sans donner de branches considérables, et par là ralentissent le cours du sang (2). § 728. Quant à la direction, elle a aussi de l'influence. 1° Si le sang coulait par ondées, à chaque courbure d'un vaisseau , il heurterait contre la paroi opposée , et diminue- rait ainsi la vélocité de son mouvement; mais , comme il re- présente une colonne indivise , qui exerce une pression uni- forme par tous les points de sa surface , la flexuosité du vais- seau ne peut pas produire un tel effet. C'est aussi ce que l'observation démontre. Quand Haller (3) ployait une artère mésentérique à angle aigu , ou lorsque Spallanzani (4) la tor- (1) Meckel , ArcMv fiier Anatomie , 1830 , p. 16. (2) Autenvieth , Handbuch der Physiologie , 1. 1 , p. 165. (3) Opéra minora, t. I, p. 194. (4) Loc. cit., p. 156. / 332 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. tillait plusieurs fois sur elle-même en chiffonnant le mésentère, la marche du sang ne devenait pas plus lente. Cependant , quoiqu'il n'y ait point ici de ralentissement sensible , on a été trop loin en niant qu'il ait lieu quand le courant s'accroît par saccades, puisqu'alors le flot, malgré sa continuité, n'en heurte pas moins contre la paroi opposée , à l'endroit des courbures. En effet , l'extension et le mouvement latéral d'une artère flexueuse doivent diminuer la force (§ 710 , 1°), et nous savons d'ailleurs que le courant n'est entièrement in- terrompu ni toujours ni sur tous les points (§ 7U5). Mais certains faits aussi ne peuvent pas être expliqués d'une autre manière que par un heurtement de cette sorte ; la courbure de la paroi artérielle étant toujours plus forte au côté con- vexe, c'est une preuve que ce côté a un effort plus considé- rable à supporter ; si , dans les congestions abondantes vers la tête, celle-ci éprouve quelquefois un mouvement visible à chaque battement du pouls , comme Haller l'a éprouvé sur lui-même (1) , il faut manifestement l'attribuer à ce qu'en pénétrant dans son canal, la carotide se porte perpendiculai- rement vers le rocher, après quoi elle se recourbe. Du reste , Wedemeyer dit aussi avoir vu le sang couler d'une manière plus lente et saccadée dans de grosses artères mésentériques qui décrivaient de nombreuses courbures (2). 2° Il en est de même pour les éperons placés aux bifurca- tions. Le sang représentant une colonne non interrompue , il doit couler aussi vite dans une branche qui se détache du tronc sous un angle droit ou obtus, que dans celle qui en émane à angle aigu , et qui, par conséquent, s'écarte moins de la direction primitive. Aussi Haller (3) , Spallanzani (4) et Dœl- linger (5) n'ont-ils pas vu que le mode de division exerçât la moindre influence sur la vitesse du mouvement du sang. Ce- pendant cette règle paraît ne s'appliquer qu'à la circulation en général et à ses phénomènes appréciables. Haller a remar- (1) Elem. physioloy., t. IV, p. 118. (2) Meckel, Archiv fuer Anatomie , 1828, p. 351. • (3) Opéra minora, t. I , p. 88 , 208. (4) Loc. cit., p. 145. (5) Denkschriften , t. VU , p. 223. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 353 que quelquefois un cours plus lent du sang dans les branches qui naissaient sous un angle très-ouvert (1). Spallanzani a vu plusieurs fois les globules heurter contre l'éperon , et même se relourner sur eux-mêmes, avant de continuer leur mar- che (2). Dœllinger a reconnu que le sang coulait plus lente- ment dans une branche veineuse faisant un angle obtus, tant qu'il marchait dans celte direction , c'est-à-dire vers la péri- phérie, et qu'il ne reprenait sa vélocité première que quand la branche se replaçait dans la direction de son tronc (3). b. Résistance du sang. § 729. A l'égard du sang lui-même : 1° Sa quantité doit être égale à la résistance qu'il oppose au cœur. Mais le cœur a besoin d'un certain degré de résis- tance , et ce n'est qu'à cette condition qu'il agit avec la force convenable. Voilà pourquoi , après une forte hémorrhagie , cet organe se meut faiblement , et la circulation s'arrête dans les vaisseaux capillaires. La masse du sang ne gêne sa marche que quand elle devient par trop considérable. 2° La qualité du sang exerce incontestablement aussi de l'influence. Un sang fort épais ne coule qu'avec lenteur du vaisseau ouvert. Gruithuisen (4) a vu , dans une petite branche artérielle , un bouchon de sang épaissi , qui avançait à peine d'une manière sensible , et qui , parvenu à la scission du vaisseau en deux capillaires , resta près de dix minutes immo- bile, jusqu'à ce qu'un mouvement de l'animal le divisât en deux parties , qui passèrent lentement dans les veines , en suivant chacune son capillaire. Mais un sang très-atténué et pauvre en cruor se meut également avec lenteur, parce qu'il ne stimule point assez le cœur, qui , par cette raison , bat avec lenteur et faiblesse. 3" La pesanteur du sang est vaincue par la force du cœur, puisque la systole fait monter ce hquide dans l'aorte ascen- dante , et que la diastole l'attire de la veine cave inférieure. (1) Loc. cit., p, 193. (2) Loc. cit., p. 461. (3) Loc. czf., p. 223. (4) Beitrœga zur Phijsioynosie , p. 90. 334 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. Mais le cœur est si puissant , que , dans l'état normal , on n'a- perçoit pas du tout l'effet de la pesanteur , qui ne devient sensible qu'en proportion de la diminution de son énergie (1);, comme Haller (2) et Spallanzani (3) l'ont remarqué chez les animaux. Dans de pareils cas , Haller (4) a vu que , quand il tenait le mésentère perpendiculaire, l'inieslin étant tourné vers le haut, le sang coulait avec plus de vitesse dans les veines, et que les artères se vidaient , mais que le rétablissement de la situation naturelle ramenait la circulation à l'uniformité; qu'en tenant le mésentère verticalement , l'intestin tourné en bas, le sang s'arrêtait dans les veines ; enfin (5) , que la pesanteur remettait en mouvement le sang devenu stagnant dans les artères. Lorsque Piorry avait ouvert la veine jugulaire à un Chien, et qu'au bout de quelque temps le sang avait cessé de couler , ce liquide recommençait à sortir quand il soulevait le train de derrière , et l'animal périssait exsangue , ce qui n'ar- rivait pas lorsqu'on lui tenait la tête haute (6). Ainsi donc, si la force du cœur triomphe de la pesanteur dans les gros vaisseaux, l'adhésion aux parois, ou ce qu'on nomme la ca- pillarité, produit le même effet dans les vaisseaux capillaires. Chez des Salamandres qui avaient été tuées par Télectricité, de manière que le sang ne se coagulait pas sur-le-champ , Spallanzani le voyait descendre rapidement dans les troncs, plus lentement dans les branches , et presque pas dans les ramifications déliées (7), En vertu de la circulation, la perle que la force du cœur subit de la part de la pesanteur, se trouve compensée d'un autre côté par celle-ci même : après que le sang a monté contre la loi de la gravitation , son retour est favorisé par cette même loi. Maintenant nous trouvons , dans certains organes, des rap- ports entre la force du cœur et la pesanteur qui correspondent (i) Bourdon , Essai sur l'influence de la pesanteur, p. 22. (2) Opéra minora , t. I , p. 118. (3)Xoc. cit., p. 0 02. (4) Loc. cit., p. 115. (5) Loc. cit., p. 119. (6) Archives générales, t. XII, p. 527, (7) ioc. cîï., p. 302,372. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 355 à leur situation normale. Le fait est plus prononcé à la tête que partout ailleurs ; ici la force du cœur agit avec tant de puissance que les congestions y sont beaucoup plus com- munes qu'aux parties inférieures du corps ; mais , la force aspirante étant moins considérable , parce que la pression atmosphérique ne vient point à son secours dans l'intérieur du crâne ( § 726 , 7° ) , elle a par elle-même besoin du secours de la pesanteur. Aussi le saltimbanque parvient-il , à force d'exercice , à pouvoir se tenir pendant quelque temps sur la tête ; mais le gonflement et la coloration violacée de la face n'en annoncent pas moins combien le retour du sang éprouve alors de gêne. La situation de la tête a donc des effets déter- minés, qui dépendent des rapports vitaux entre le sang et l'en- céphale. Les personnes pléthoriques éprouvent des vertiges quand elles se baissent , et si elles restent long-temps le corps penché , elles sont prises de céphalalgie ; la position horizon» taie est nuisible quand il y a menace d'apoplexie et dans toutes les congestions à la tête. Celui qu'on saigne tombe bien plus aisément en syncope lorsqu'il se tient assis que quand il reste couché , et l'on fait cesser la syncope en pla- çant la personne assise de manière qu'elle ait la tête plus basse que le tronc. Lorsque la respiration était devenue ster- toreuse chez un Chien dont il laissait couler tout le sang par la veine jugulaire , que les baitemens du cœur ne se faisaient plus sentir, et que la vie animale avait cessé , si Piorry venait à soulever l'arrière train de manière que le sang fût obligé, par sa pesanteur, de se porter au cerveau, aux poumons et au cœur , les battemens de ce dernier organe reprenaient , la respiration redevenait plus libre , et il reparaissait des mou- vemens volontaires à la tête et aux pattes de devant ; venait- on à soulever de nouveau ces parties , la vie s'éteignait encore en elles. Dieffenbach s'est servi de celte manœuvre afin de favoriser les effets de la transfusion employée pour ranimer des animaux auxquels il avait laissé perdre tout leur sang. Aux membres supérieurs , la circulation est normale sur- tout dans l'attitude et les mouvemens obliques, rapprochés de l'horizontalité ; si on laisse pendant long-temps les bras pen- dans et inactifs , les mains rougissent et leurs veines s'engo*'- 336 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. gent; elles deviennent, au contraire , pâles et exsangues quand on lève perpendiculairement les bras. Aux membres inférieurs, l'éloignement du cœur ( § 725 , 3° ) fait que la force impulsive est moindre , et que le cours du sang dans les artères est aidé par la pesanteur ; au contraire , la force aspirante est plus puissante , parce que la pression de l'atmosphère porte sur une étendue plus considérable de la peau , et les veines charrient leur sang à l'inverse de la loi de la pesanteur. La situation horizontale des jambes diminue l'afflux du sang vers elles , et devient nécessaire pour la guérison des ulcères ; une station trop prolongée, et qui n'alterne point avec le mouve- ment , rend aussi le retour du sang par les veines difficile , et donne lieu à des varices, à des amas de sérosité, etc., ce qui néanmoins n'arrive guère que quand il y a en même temps atonie générale. La situation sur l'un des côtés du corps paraît ne pouvoir y déterminer une accumulation notable de sang que quand le cours de ce liquide est faible. Voilà comment on explique , d'après Bourdon (1) , pourquoi les poumons des moribonds se remplissent de sang du côté sur lequel la mort a eu lieu, et pour- quoi, dans les maladies graves qui ont obligé de rester long- temps couché sur l'un des côtés, la peau de cette région de la poitrine devient plus épaisse. Il n'est pas aussi certain qu'on doive, comme le fait aussi cet écrivain, attribuer la plus grande fréquence à droite de l'ophthalmie chronique, de l'é- pistaxis , des épanchemens cérébraux , de la pneumonie , des adhérences et des hépalisations du poumon , à ce que la plu- part des hommes ont l'habitude de se tenir sur le côté droit quand ils dorment ; car , comme il y a beaucoup de cas dans lesquels on trouve non seulement certaines artères , telles que les carotides et les vertébrales, mais encore des troncs ner- veux, par exemple celui de la paire vague, ayant plus de vo- lume à droite qu'à gauche (2) , et qu'on peut difficilement ad- mettre qu'une telle inégalité se soit produite pendant le som- meil, des circonstances plus générales d'organisation semblent (1) Loc. cit., p. 7. (2) Buvdach, f^oin Baue des GcJnrns, X, III, p. 3G4, CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. SS^ concourir ici à la manifestation du phénomène. Bourdon (1) a cependant remarqué que la narine se bouche du côté sur lequel on se couche , et il attribue cet effet à la stase du sang , parce qu'il avait lieu chez lui lorsque le nez était libre de mucosités et que la tête reposait seulement sur les doigts écartés les uns des autres ; ce phénomène ne s'observe pas chez tous les hommes. 4° Les divers courans sanguins, quand ils viennent à se ren- contrer , agissent les uns sur les autres en vertu de leur di- rection, comme on le voit dans les cours d'eau qui se réunis- sent. Lorsque deux courans de force égale s'abouchent en- semble , ils luttentFun contre l'autre, et chacun d'eux acquiert alternativement la prépondérance. Quand deux vaisseaux ca- pillaires veineux qui n'admettent qu'une seule série de globules se réunissent avec un troisième qui ne charrie non plus qu'une seule série de ces petits corps , celui-ci , d'après les observa- tions de Spallanzani (2), reçoit les globules tantôt de l'un et tantôt de l'autre des deux affluons , dont les corpuscules s'ar- rêtent à l'embouchure jusqu'à ce qu'ils parviennent à se glis- ser dans le courant. De mênîe, Dœllinger a vu (3) que, quand deux courans artériels parallèles étaient unis par une ana- stomose transversale, les globules , allant au devant les uns des autres dans celle-ci, s'arrêtaient, et se balançaient, jusqu'à ce que l'un d'eux, cédant le pas , rétrogradât et fût suivi par celui qui l'avait en quelque sorte chassé. Si les deux courans sont d'inégale force , les globules du plus fort empêchent sou- vent pendant quelque temps ceux du plus faible d'entrer, ou même les refoulent (4) , quand ils ont déjà pénétré ; quelque- fois aussi ceux du courant le plus faible sont attirés les pre- miers^ et redoublent de vitesse , tout comme, dans les anasto- moses vemeuses , le sang coule avec plus de rapidité au voi- sinage du courant vers lequel il se porte , qu'au voisinage de (1) Loc. cit., p. 2. (2)Loc.cit.,-p.lT7. (3) Denkscliriften, t. VII, p. 225. (4) Ibid., p. 21.3. Vie 21 338 CAUSES DU MOUVEMENT DU SAN<Ï. celui d'où il vient [i). Wedemeyer (2) à observé les mêmes phénomènes. 2. FORCE DTÎ CŒUR. § 130. La force du cœur 1" Peut être estimée d'après sa masse comparée à celle du corps entier. Mais le poids absolu du cœur varie considérable, ment chez les divers individus d'une espèce animale. Poiseuille^ par exemple, l'a trouvé tantôt de trois et tantôt de six onces dans les Chiens , tantôt de trois et tantôt de six livres dans les bêtes bovines (3). Son poids relatif varie également; Legallois (4) a trouvé la proportion entre lui et celui du corps, chez le Lapin adulte, tantôt de 1 1 247, tantôt de 1 * 455. Ce poids relatif n'est d'ailleurs pas le même aux divers âges de la vie ( § 534, i° ). Aussi les évaluations comparatives sont-elies fort dissidentes. Le rapport du cœur au corps, eu égard au poids, est, d'après Treviranus (5) de 1 • 80—160 chez les Mammifères, 1 : 50^423 chez les Oiseaux , 1 ; 246—276 chez les Rep- tiles, 1 ; 350 — 768 chez les Poissons; selon Robinson (6) de 1 '. 168 chez les Oiseaux, i i 263 chez les bêtes bovines , et 1 i 1360 chez les Poissons; suivant Carus (7), del [ 160 chez l'homme , 1 ! 246 chez les Grenouilles , 1 '. 276 chez la Couleuvre à collier , 1 ° 350—760 chez les Poissons ; se- lon Legallois , terme moyen , de 1 • 183 chez les Chiens , et 1 '. 346 chez les Lapins ; d'après Scoresby , de 1 I 175 chez la Baleine; suivant Wrisberg, de 1 \ 215 chez la Tor- tue de mer. Weber a trouvé le rapport de 1 '. 150 dans un cadavre humain (8). D'après Laennec (9) , pour que le cœur de (1) Ilid., p. 212. (2) Untersuchungen , p. 210. (3) Répertoire général d'anatomie , t. VI , p. 84. (4) OEimes , t. I , p. 331. (5) Die Ersclieinungen imd Gesetzen des Lehens , t. I, p. 225. (6) Haller, Opéra minora, t. I , p. 231. (7) Traité d'anat. conip., t. II, p. 327, 332, 343. (S) Handhucli der Anatomic , t. III , p. 125. (9) Traité de rauscuUatiou médiate , t. III , p. 14 , 18. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. SSg l'homme ait son volume normal , il faut que sa grosseur égale à peu près celle du poing du sujet (*). 2° La hauteur à laquelle s'élève le sang qui jaillit d'une ar- tère coupée , varie beaucoup suivant le diamètre du vaisseau et l'état momentané de la vie du sang. Chez l'homme , le jet d'une petite artère s'élève quelquefois à trois ou quatre pieds (1). Haller l'a vu monter de six pieds au sortir d'une petite branche de l'ancre thoracique ou de la mésentérique , chez des Chiens et des Brebis , mais quelquefois aussi il ne s'élevait qu'à trois (2). Suivant Haies , il ne s'élança qu'à deux pieds de l'artère crurale d'un Cheval , tandis que , sui- vant Hufeland , le sang de la carotide d'une Brebis jaillit à huit pieds (3). Nasse l'a vu s'élever à deux pieds et demi de l'artère crurale et à six de la carotide d'un Chien. S" Pour apprécier exactement la force du cœur, il fau- drait connaître la quantité et le poids du sang , la vitesse de sa marche , l'étendue de sa carrière , l'appui que les vaisseaux lui prêtent et la résistance qu'ils lui opposent; et comme le choc de cet organe agit non pas sur du sang en repos , mais sur du sang déjà mis en mouvement par de précédons balte- mens cardiaques , et qu'il n'a par conséquent qu'à réparer la perte de force motrice essuyée pendant la dernière diastole , il faudrait aussi faire entrer cette circonstance en ligne de compte. Mais comme rien de tout cela ne nous est connu d'une manière exacte , tous les calculs qu'on pourrait établir sont fort vagues , suivant la remarque qu'en avait déjà feite Hal- ler (4). Cependant nous ne pouvons pas les passer ici sous si- lence. 4° Borelli évaluait la force du cœur d'après la proportion entre son poids et celui de muscles dont la force est connue, notamment des temporaux ; en calculant ainsi, il trouva qu'elle n Comparez Boiiillaud, Traité clinique des maladies du cœur, t. I, p. 26, 52, et Andral dans l'édition précitée de Laennec, t. III, p. 42, 44 , 45. (1) Bell , Jn essaij on the forces lij which circulate tlie hlood , p. 3. (2) Loc. cit., t. I, p. 72. (3) Dieffenbach , Die Transfusion des Blutes, p. 20. (4) Elem. physiol., t, T , p. 457. 340 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. s'élevait à cent quatre-vingt mille livres (1). Mais Borelli n'avait eu aucun égard ni aux différences de vitalité , ni à celles de mécanisme. Poiseuille a trouvé que le cœur pesant trois livres d'un Bœuf, élevait davantage la colonne de sang , que le cœur pesant six livres d'un autre Bœuf, 5° Quand on croise les jambes l'une sur l'autre , et qu'on met sur le bout du pied un poids de cinquante livres et au- delà, ce poids est soulevé,, à chaque pulsation, avec le pied entier : si cet effet tient à l'extension de l'artère poplitée , il s'ensuit que, dans ce vaisseau, la force impulsive du sang dé- passe cinquante livres : or comme l'artère poplitée n'éprouve qu'un cinquième de la puissance avec laquelle le cœur agit , la force de celui-ci doit aller au delà de deux cent cinquante livres : elle doit même êire bien plus considérable encore, puisqu'ici la force motrice agit sur le point d'appui (le creux du jarret) , et que par conséqueiit la jambe représente un le- vier du troisième genre. MaisCarson (2) et Koch (3) ont prouvé que ce mouvement ne tient point à l'artère poplitée, qu'il est le résultat de la force combinée des petites artères contenues dans la substance musculaire ; car l'artère poplitée est couverte de près d'un pouce de graisse , et les tendons des muscles flé- chisseurs la dépassent d'un pouce et demi , de manière qu'on ne parvient à la comprimer qu'à l'aide de compresses gra- duées établies dans le creux du jarret : mais, dans ce cas, de même que quand on suspend la jambe en la saisissant par les deux condylesdu fémur, le pied n'éprouve pas de pulsations : si , au contraire , on croise les jambes de manière que celle de dessus repose sur le condyle externe et le tendon du mus- cle biceps , le mouvement pulsatif apparaît , quoique l'artère poplitée ne subisse point alors de compression. Une pression qui s'élève au plus à quelques livres suffit d'ailleurs pour faire cesser les battemens de l'artère crurale à la région ingui- nale. 6<» D'après Keil , la force motrice d'un liquide est égale au {i)I/nd.,ii.MS. (2) Jn inquiry into the causes oftJic motion of the hlood , p. 68. (3) Meckel , Arclùv fucr /Inatomic , 1S27, p. dUQ. V CAUSES BU MOUVEMENT DU SANG. 34 1 poids d'une colonne de ce môme liquide dont la base offre autant de développement qne l'oritice par lequel il s'échappe, et dont la hauteur est double de celle d'où ce liquide ac- quiert en tombant la vitesse avec laquelle il sort de l'ouver- ture. Or comme la paroi de Taorie a 0,M87 pouce de dia- mètre , et que la hauteur d'où le sang devrait tomber pour acquérir la vitesse avec laquelle il coule du cœur , est de 17,76 pouces, la colonne, dont le diamètre est de 0,4187 pouces et la hauteur de 17,76 pouces, doit peser 7,436112 pouce cubes , c'est-à-dire cinq onces , et telle est la force du cœur (1). 7» Haies admettait que la force du cœur est égale à la hauteur que le courant du sang d'une artère atteint dans un tube adapté à celle-ci (§ 726 , 15°), multipliée par l'étendue en surface du ventricule aortique. Dans le Cheval, le sang montait à 114 pouces , la superficie du ventricule gauche était de 26 pouces carrés , par conséquent la force du cœur était de 2964 pouces carrés , c'est-à-dire de 113 livres. Chez l'homme , elle serait de, cinquante et une livres. 8° Poiseuille part du principe que toute la force statique qui meut le sang dans une artère est en raison directe du dia- mètre transversal de l'artère , et il trouve la force de la sy- stole du cœur aortique en multipliant le diamètre de l'aorte par la pression de la colonne de mercure à laquelle le sang fait équilibre dans l'hémo-dynamomètre. Comme, chez un homme , la superficie 'd'une coupe transversale de l'aorte , à son origine , est de 908,2857 millimètres carrés , et que la colonne de mercure à laquelle le sang ascendant fait équili- bre a 160 millimètres de hauteur, la force statique du sang dans l'aorte = 160 X 908,2857 — 145,325 millimètres cubes de mercure , ou un poids de quatre livres trois onces et quarante- trois grains. Dans le Bœuf, la force du cœur, calculée de la même manière , est de dix livres et dix onces. 9° D'autres suppositions avaient antérieurement fait évaluer la force du ventricule aortique à neuf livres et une once par Jurin, à cent cinquante livres pat Tabor (2). (1) Haller,^Zem. physiol., 1. 1 , p. 448. (2) Haller, Elem, physioloij., 1. 1 , p. 452, 5l\2 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. ÏI. Causes étrangères au cœur. § 731. Si les considérations précédentes démontrent que le mécanisme du reste du système vasculaire permet au cœur d'accomplir la circuiation , elles ne prouvent pas encore que cet organe l'efFectue réellement à lui seul , qu'il en soit la condition nécessaire , et qu'il en renferme la cause essentielle. Loin de là , certains argumens s'élèvent contre la domination exclusive et l'essentialité du battement du cœur. I. Quelques uns de ces argumens semblent pouvoir être réfutés. On allègue , par exemple , contre l'efficacité du coeur, que , chez les Poissons , il existe entre lui et l'aorte les vaisseaux capillaires et les veines branchiales. Mais l'aorte de ces ani- maux n'exécute pas non plus de pulsations , et le sang n'y chemine que par la vis a ter go. (Esterreicher (1) objecte que le cours du sang est inter- mittent dans le cœur, rémittent dans les artères , continu dans les capillaires et les veines. Mais cette variation s'explique par les dispositions mécaniques qui ont été précédemment (§ 725-728) passées en revue , notamment par la différence de capacité , de compression et d'attache. Si l'on ne peut point produire les phénomènes de la circu- lation sur le cadavre par l'emploi d'une force analogue au choc du cœur, et surtout si , comme le fait remarquer Bell (2) , on est obligé , quand on pratique des injections , de faire usage d'une force supérieure à celle du cœur , si , enfin , le liquide ainsi poussé ne sort point en arcade d'une artère ou- verte , ainsi qu'il arrive pendant la vie (3) , ces phénomènes paraissent ne tenir non plus qu'à la différence des dispositions mécaniques. Pendant la vie , il y a plus de tension partout , le sang a plus d'expansion, et il est soumis à la pression de parties turgescentes , rénitentes ; l'effet de la force aspirante manque ordinairement dans les injections ; mais la circon- (4) Loc. cit., p. 149. ■ (2) j4n essay on tlie forces hy which circulate the hlood , p. 11. (3) Loc, cit,^ p. 3, CAUSES DU MOUVEMENS DU SANG. o/jS stance la plus importante est la stagnaiion du sang épaissi -dans les vaisseaux capillaires , stase qui manifeste déjà sa résistance pendant la vie , puisque , d'après les observations, entre autres, de Spallanzani(l), la circulation des Salamandres, quand elle a fait une longue pause et que le mouvement du cœur se ranime , recommence bien dans les troncs , mais ne reparaît plus dans la plupart des capillaires. Senac dit que Tonde de sang qui est lancée par le cœur ne peut point déterminer toutes les artères à battre , ni ébranler tous les organes et mettre en mouvement tout le sang qui circule. Mais il ne s'agit pas ici du poids de Fonde sanguine , il est question seulement de la force avec laquelle elle est poussée contre la colonne du sang. Enfin , on allègue, contre le battement du cœur, qu'il cesse dans la syncope et l'asphyxie , quoique la veine qu'on ouvre donne alors du sang. Mais il peut persister jusqu'à un certain degré sans être perceptible au toucher, et l'ouverture de la veine rétablir la circulation par le fait de la pression des par- ties entourantes , t^nt que le sang est encore mobile dans les vaisseaux capillaires. IL D'autres argumens, qui se rapportent à ce que la circulation continue encore quelque temps après la ces- sation de l'action du cœur, ont plus de poids , sans cependant être décisifs -, car on peut objecter contre eux que le courant de sang mis en mouvement n'arrive pas tout d'un coup à un repos parfait^ et que la pression des parois l'entretient en- core pendant quelque temps dans la direction qui lui avait été imprimée d'abord. i° S'il arrive parfois au sang de couler encore dans les artères et les veines après la mort du cœur (2) , ou de sortir par la plaie d'une veine après la hgature de l'aorte (3) , l'effet peut tenir, dans le premier cas , à l'action aspirante que le cœur exerce durant la dernière diastole, et , dans le second, à la cessation de la pression par le fait de la blessure du vaisseau. (1) Lee. cit., p. 185. (2) Hallev, Opéra minora, 1. 1, p. 115. (3)iiid.,p.l04,117. 344 CAUSES r>U MOUVEMENT DU SANG. 2° Après avoir lié l'aorte et la veine cave d'un Chien, Jeeckel (1) vit une plaie faite à la veine , au dessous de la ligature , donner lieu à une hémorrhagie qui rendit l'animal complètement exsangue, quoique le sang fût obligé de mon- ter contre la loi de la pesanteur. Wedemeyer (2) a vu , chez des Grenouilles , le sang continuer encore pendant quelque temps d'avancer, après la ligature du cœur, puis devenir fluctuant , et enfin s'arrêter. 3° Spallanzani (3) a remarqué qu'après l'ouverture du cœur, le sang refluait des artères , et que les capillaires des ovaires étaient les seuls vaisseaux dans lesquels il continuât d'avancer avec lenteur. Baumgsertner (4) a vu le sang couler par les veines dans l'oreillette qui avait été ouverte , et il a reconnu qu'après l'incision du ventricule et la ligature de l'aorte , ce liquide continuait de marcher dans les vaisseaux capillaires jusqu'à ce que les artères se fussent vidées. 4° Suivant les observations de Haller (5) sur des Grenouilles , après l'excision du cœur, le sang se porte dans les veines vers la plaie , et la circulation continue pendant près d'une demi-heure, quoique d'une manière irrégulière. En pareil cas , Spallanzani (6) a vu , sur des Salamandres , la circulation cesser sur-le-champ dans les artères , se ralentir au bout de quelques minutes , puis s'arrêter dans les capillaires , mais persister pendant dix-sept minutes dans les veines. Trevira- nus (7) l'a observée pendant une demi-heure dans la membrane natatoire des Grenouilles , et il a remarqué que l'ouverture d'un vaisseau accroissait le mouvement. Hastings (8) ^ Wede- meyer (9) et Wilson (10) ont fait des observations analogues sur des Grenouilles et des Lapins. (i) De motu sanguinis j'p.^G. (2) Loc. cit., p. 232. (3) Loc. cit., p. 329. (4) Medicinisch-chirurgische Zeitung , 1829 , t. IV, p. 170. (5) Opéra minora , t. I , p. 115 , 119 , 12S , 222. (6) Loc. cit., p. 327. (7) Biologie, t. IV, p. 262. (8) Meckel, Deutsches ArcJiiv, t. VI, p. 228. (9) Loc. cit., p. 233. (10) Ueber die Gesetse der Functionen des Lehens , p. 70 , 158, CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 345 5° La marche du sang conliniie pendant quelque temps, même dans des parties mises hors de toute communication avec le corps. Schultz , entre autres (1) , s'en est convaincu sur le mésentère d'une Souris. On peut également le constater sur tout lambeau quelconque détaché du corps d'une Gre- nouille. Cependant, comme, dans tous ces cas (2°, 5°), la marche du sang ne dure pas long-temps , on peut toujours présumer que c'est en vertu de dispositions mécaniques qu'il arrive à ce liquide de passer des artères , dont les parois sont phis épaisses , circonscrivent un espace moins étendu , et jouissent d'une élasticité qui les resserre peu à peu sur elles , dans les veines , qui , de tous les vaisseaux , sont les plus exposés à être blessés. (Lorsqu'on examine au microscope une partie tout-à-fait séparée du corps , on reconnaît qu'aussi long-temps que le sang s'écoule des troncs vasculaires divisés, il continue de se mouvoir dans les capillaires , où cet écoulement doit de toute nécessité influer sur son mouvement. Celui-ci dure environ dix minutes dans la membrane interdigitale d'une patte cou- pée de Grenouille , et il y rétrograde des petits vaisseaux vers les troncs, d'une manière uniforme , sans pouls. J'attribue cet effet à l'écoulement du sang , qui attire ce liquide des ca- pillaires. A la vérité, il devrait se produire un vide dans ceux-ci, en supposant que l'écoulement eût lieu à la fois par les artères et les veines, ce qu'on est bien obligé d'admettre, et ce vide devrait mettre obstacle à ce que les capillaires se vidassent; mais, à mesure que les vaisseaux perdent leur sang , ils se resserrent par l'effet de leur élasticité et s'affais- sent par celui de la pression atmosphérique , tandis qu'aupa- ravant ils étaient distendus par l'impulsion du liquide ; aussi voit-on leur diamètre diminuer à proportion que le mouve- ment s'affaibUi.) (2) 6° On trouve quelquefois des anomalies considérables , telles que squirrhes , encéphaloïdes , kystes séreux , etc., dans (1) Der Lehejisprocess im Blute , p. 57. (2) Addition de J. MuUer. 546 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. la substance du cœur, sans que la circulation ait éprouvé de trouble notable. Mais il est surtout fréquent de rencontrer des ossifications, qui paraissent rendre impossibles les alterna- tives de contraction et d'expansion, quoique la vie ait dû subsister pendant long-temps avec elles : on a vu des anneaux osseux, larges d'un pouce , qui entouraient la base de l'or- gane , ou des plaques osseuses non moins larges et longues de quatre pouces , qui s'étendaient dans la cloison , depuis la base jusqu'à la pointe (1) ; on a trouvé le ventricule aortique ossifié (2) ou pétrifié (3) , et l'on a aussi observé le cœur en- tier ossifié chez deux Canards. III. Mais les preuves les plus concluantes sont celles qui suivent : 7» Dans l'embryon, le sang se rend des membranes de l'œuf au cœur, avant que ces membranes en aient reçu de lui(§ 399, 9°). 8° On a trouvé des embryons sans cœur, et qui cependant étaient développés , du moins en partie , d'une manière com- plète (4). 9° Le sang ne se répand point toujours uniformément dans toutes les parties, et l'inégalité de sa répartition ne dépend pas de dispositions mécaniques permanentes, mais de l'état de la vie. A. Causes inhérentes aux vaisseaux. % 732. Le cœur se compose de la membrane vasculaire commune , à laquelle sont joints des fibres musculaires , des nerfs , des vaisseaux nourriciers et une gaîne séreuse. Nous retrouvons tous ces élémens dans les vaisseaux , mais moins développés : les vaisseaux ressemblent donc au cœur, quant aux points essentiels , et , suivant la remarque déjà faite par Se- nac , on peut les en considérer comme des répétitions affec- tant une Ibrme spéciale et ne difFéraot de lui qu'eu égard au (1) Meckel , Handbuch der pathologischeii Aimtomie , t. II , p. 173, (2) Ihid., p. 474. (3) Ihid., p. 176. (4) Ibid,, 1. 1 , p. 163. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 347 degré. Aussi, chez les animaux articulés, dont le système vasculaire est incomplètement développé , le cœur et les vais- seaux passent-ils de l'un à l'autre sans ligne de démarcation bien tranchée ; on ne saurait décider si les Annelides ont des cœurs en forme de vaisseaux , ou des vaisseaux remplissant l'office de cœur ; nous ne voyons là que des organes qui con- tiennent le sang et le mettent en mouvement , et dans lesquels né s'est encore développé ni le caractère du cœur ni celui des vaisseaux. Le cœur est l'expression de l'unité dans le système sanguin , ce qui fait qu'on ne le voit apparaître que quand celui-ci est parvenu à un haut degré de formation. Mais il n'acquiert point encore son unité complète dans les classes inférieures d'animaux vertébrés. 1° L'artère qui naît du cœur à un seul ventricule , et qui conduit le sang, chez les Poissons , aux seuls organes respira- toires, chez les Batraciens , en partie à ces organes et en par- tie aussi au reste du corps , est renflée en un bulbe musculeux qui, à titre de répétition du cœur, exécute des pulsations indé- pendantes de celles de cet organe . Lorsque Spallanzani (1) exci- sait ce bulbe chez des Salamandres, il le voyait continuer encore de battre pendant une demi-heure ; s'il le coupait en travers , les deux moitiés battaient; s'il l'enlevait avec le cœur, l'un et l'autre organe battaient ensemble pendant un certain laps de temps , puis le bulbe s'arrêtait , tandis que le cœur continuait encore de battre , de même que , dans d'autres cas , celui-ci perdait son mouvement, pendant que l'autre conservait le sien; mais (2) le tronc artériel commun n'exécutait pas de pulsa- tions indépendantes. Wedemeyer (3) a fait des observations analogues sur des Poissons , des Grenouilles , des Salamandres et des embryons de Poulet ( §§ 400 , '12° ; 442 , 2"). Spallan- zani (4) a également vu l'arc aortique des Lézards battre encore après qu'il l'avait embrassé d'une double ligature ou excisé et mis sur la table ; la forte pulsation de l'artère pul- •(1) Loc. cit., p. 356. (2) Loc. cil., p. 360. (3) Untersuchuiigen , p. 20 , 48, — Meckel , Jrchio fucr Anatomie J 182S, p. 339,347. (4) Loc. cit., p. 363. 548 cause's du mouvement du sang. monaire, au contraire, ne provenait que du battement du cœur, car elle cessait après une double ligature. 2° De même aussi les veines caves battent chez les animaux à sang froid ; Haller (1) et Spallanzani (2) ont reconnu que les pulsations de l'antérieure s'étendent depuis le cœur jusqu'à ses branches , et celles de la postérieure jusqu'au foie. Leur systole précède celle de l'oreillette , de même que celle du bulbe aortique succède à la systole du ventricule et termine le battement du cœur, comme l'ont observé Haller (3) et Wedemeyer (4). Elles battaient encore après que Spallanzani les avait ouvertes et en avait laissé couler le sang. 4. CAUSES INHÉRENTES ATJX ARTÈRES. § 733. Chez les animaux à sang chaud, la force motrice est concentrée dans le cœur, et domine sur tout le système sanj^uin, de manière qu'on n'aperçoit plus de pulsations indé.- pendantes dans les artères. En effet , si Rosa (5) et Reinarz (6) ont vu , sur des Mammifères , l'aorte battre ou osciller d'une manière rhythmique , après avoir été liée sur deux points et coupée , ce phénomène devait tenir à des circonstances parti- culières , auxquelles on n'a point eu égard , et qui ne se re- présentent pas une fois sur mille. Mais , d'un autre côté , il nous est impossible de considérer comme des tubes inertes les artères, ces conducteurs du sang vivant, qui ressemblent au cœur quant aux points essentiels. Loin de là, les particula- rités suivantes rendent probable qu'elles possèdent une force motrice vivante. 1° Elles ont, dans leur tunique moyenne , des fibres paral- lèles les unes aux autres , et superposées par couches , dont la couleur est jaunâtre et devient rosée après quelques jours de macération. Ces fibres diffèrent sans doute de celles des muscles soumis à la volonté , en ce qu'elles sont plus plates, (1) Opéra minora , t. I , p. 222. (2) Loc. cit., p. 199 , 364. (3) Loc. cit., p. 228. (4) Loc. cit., p. 188. (5) Giornale per servirc alla storia délia medicina , t. I , p. 189. (6) Diss. de irritàbilitato artcriarum propria, p. 18. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 349 élastiques , sèches , cassantes ;, et , suivant Berzelius , insolu- bles dans l'acide acétique , tandis que les acides minéraux les dissolvent aisément , et que la potasse ne les précipite point de la dissolution ; mais tout ce qu'on peut conclure de là , c'est que les artères ne sont point des muscles qui reconnais- sent l'empire de la volonté. On les comprend dans la caté- gorie des or^ffanes constitués par le tissu élastique jaune, qui se trouve sur les points où la force musculaire est favori- sée par la locomotilité , par exemple entre les apophyses épineuses ; mais elles diffèrent beaucoup de cette forme de membranes fibreuses ; elles ne sont point aussi entremêlées ; Gn les sépare plus aisément, et elles se disposent par couches plus régulières. D'après l'analogie , nous devons les considé- rer comme des fibres motrices qui se sont accumulées sur la membrane vasculaire commune , de la même manière que les fibres musculaires du cœur sont déposées sur cette mem- brane , ou que celles des autres organes creux le sont à la superficie de la- membrane muqueuse. Dans chaque organe , les muscles qu'on appelle de la vie organique sont disposés d'une manière particulière , en raison de la nature spéciale de cet organe, de sorte qu'il est tout naturel qu'elles soient autres dans les artères que dans le cœur ou dans les muscles qui obéissent à la volonté. Wedemeyer (i) croit qu'elles n'ont d'autre usage que de résister à l'impulsion du cœur par leur rigidité , et (2) qu'elles doivent leur origine au choc du sang:, parce qu'elles sont plus fortes à l'endroit des bifurcations et au côté convexe des artères , et plus faibles aux artères cérébrales, où l'impulsion du cœur se trouve brisée. Mais la pression mécanique de l'onde sanguine devrait bien plutôt condenser et épaissir la membrane vasculaire commune ; la multiplication des fibres artérielles dans les points contre les- quels le courant du sang fait plus d'effort , dépend de l'ac- croissement de la nutrition , tel qu'il a lieu partout où les fibres motrices exercent une action plus énergique. La force impulsive du cœur n'est nullement, brisée dans les artères ce- ci) Untersuchinigen /p. 80. (2) I/nd.. pAÙ. 35o CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG, rébrales , puisque ces artères battent avec assez de force pour soulever la masse entière du cerveau , et s'il se trouve moins de fibres en elles, si même elles n'en contiennent pas du tout , ce phénomène semble tenir bien plutôt à ce que la fibre musculaire disparaît de la sphère du cerveau , puisque: les fibres ne sont nulle part plus développées que dans les artères des muscles soumis à la volonté , et qu'ainsi chaque partie imprime à ses vaisseaux un caractère en harmonie avec le sien propre. Enfin , Wedemeyer (1) a vu que , même chez un monstre privé de cœur, la couche fibreuse des artères sur- passait en épaisseur celle des veines. Du reste, Aulenrieth (2) fait remarquer que la couche fibreuse externe a plus d'élasti- cité et prédomine dans les troncs , tandis que l'interne est plus rouge , plus molle et proportionnellement plus forte dans les branches. 2° Il se répand , dans la couche fibreuse , des nerfs nom- breux, dont le tissu élastique jaune est dépourvu. Nous ne pouvons pas croire que ces nerfs soient destinés à agir sur le sang et à le maintenir vivant ; car alors ils se distribueraient surtout à la membrane vasculaire interne, et ne seraient pas si développés dans les troncs , où le sang marche avec plus de rapidité qu'ailleurs. Il nous est également impossible d'ad- mettre l'hypothèse qui leur attribue pour fonction d'animer le système nerveux par le moyen du sang , puisque ce système reçoit partout des vaisseaux sanguins qui lui appartiennent en propre. Nous sommes donc forcés de reconnaître une con- nexion essentielle entre les nerfs et la couche fibreuse , puis- qu'ils n'ont leurs extrémités périphériques que dans cette couche, et qu'ils sont moins nombreux dans les veines, qui ont des fibres plus faibles et des mouvemens moins prononcés que dans les artères. § 734. Si , parmi les phénomènes d'un mouvement des ar- tères différent de la pulsation , nous considérons I. Ceux qui se laissent dériver de la simple élasticité , nous, trouvons d'abord : (1) Loc. cit., p. 11. (2) Handbuch der Pliysioloijie , t. I , p. 453. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 55 1 i° La vacuité et la contraction des artères après la mort (§ 634 , 6°, 635 , 1°). Le sang que le dernier battement du cœur lance dans ces vaisseaux , y trouvant une plus grande pression , passe dans les veines ; ce sont surtout les ramifica- tions artérielles qui se vident , tandis que les troncs conser- vent encore une partie du sang de la dernière ondée , à l'état liquide ou coagulé : les artères ossifiées demeurent pleines de sang (1). Les artères se rétrécissent pendant la raideur cada- vérique , de telle sorte qu'alors le terme moyen de la pro- portion entre leur capacité et celle qu'elles ont pendant la vie est de 1 ; 1,56 , d'après les observations de Parry ; quand la raideur a cessé,. elles se dilatent un peu, mais ne reviennent pas au degré de distension que le sang leur procurait pendant la vie , et , suivant îe même écrivain , la proportion est alors de 1 : 1,27. 2" Les artères se rétrécissent pendant la vie , dès qu'elles reçoivent moins de sang qu'auparavant , ou qu'il ne leur en arrive plus du tout , soit qu'elles éprouvent alors une com- pression (2), soit qu'il y ait moins de sang dans le corps , puis- qu'on pareil cas le pouls devient petit et filiforme. La propor- tion entre leur capacité après une hémorrhagie épuisante et avant cette perte générale du sang , était , selon Spallanzani , de 1 ! 6 dans l'aorte antérieure d'une Poule, et de il 1,25 dans la postérieure (3); suivant Hunter , de 1*1,11 dans l'aorte d'un Cheval , 1 ; 1,20 dans l'artère iliaque , et 1 • 1,50 dans la crurale; d'après Parry, de 1^ 1,78 dans la carotide d'un Bé- lier (4). Hunter prétend que certaines branches , comme l'ar- tère radiale , peuvent se resserrer au point de s'oblitérer en- tièrement , ce que Treviranus et Wedemeyer (5) n'ont cepen- dant jamais observé. 3° Quand Içs artères ont été liées, elles se vident encore, et (1) Sœmmerring , Gefœsslehre , p. 76. (2) Magendie, Précis de physiologie, t. II, p. 319. (3) Loc. cit., p. 350. (4) Experimentaluntersuclmng ueher die Naiuntrsachen und Ver^ schiedeiiheiten des arteriœsèn Pxilses, p. 18. (5) Untersucliumjen , p. o2. 352 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. poussent le sang non seulement dans leurs propres ramifica- tions , sans qu'il y ait parfois aucune trace de rétrécissement, mais même jusque dans les veines (1). 4° Une artère embrassée par deux ligatures , à laquelle on pratique une piqûre , laisse échapper le sang , même sous la forme de jet , et se resserre. Ainsi , par exemple, Reinarz (2) a vu la carolide externe se vider jusqu'à la dernière goutte , tandis que Taorte abdominale ne laissa échapper peu à peu, par une plaie longue de deux lignes , que les sept huitièmes de son sang. 5° Les artères coupées en travers se resserrent tellement, à leur ouverture , que le sang ne peut plus couler , ainsi que Spallanzani (3) Ta observé sur l'aorte ventrale des Lézards. Elles diminuent surtout lorsqu'elles viennent à se rétracter et à s'éloigner de la plaie, parce qu'alors elles sont comprimées par les parties environnantes. Voilà pourquoi on pratique la section de celles qui n'ont été que piquées , afin d'arrêter le sang. Lorsque les circonstances ne leur permettent pas de se resserrer , une hémorrhagie mortelle peut avoir lieu, même par une petite branche , telle qu'une artère dentaire, II. A ces mouvemens se rattachent ' 6° Ceux qui sont provoqués par des impressions mécaniques, sans être en même temps déterminés par les lois de la méca- nique , en un mot , qui succèdent à une irritation méca- nique. Généralement parlant, ils sont assez rares; cependant des observateurs dignes de foi ont eu occasion de les voir. L'artère crurale d'un Chien , que Verschuir (4) avait raclée avec un scalpel, se resserra sur cinq points à la fois , de ma- nière que les interstices étaient distendus par du sang; dans d'autres cas d'irritation avec l'instrument tranchant , l'artère crurale se contracta dans l'endroit sur lequel agissait l'instru- ment (5), et le phénomène eut lieu sur plusieurs points del'é- (1) Magendie, loc. cit., t. II, p. 2S9, 319. (2) Diss, de irritahilitate arteriarum , p. 19. (3) Loc. cit., p. 365. (4) Ve venarum et arteriarmn vi irritaî/ili , p. 83. (5) Ibid., p. 89. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 353 tendue delà carotide (1). Thomson détermina une contraction complète par des piqûres d'épingles (2). Hastings a vu le râ- clement des artères avec un bistouri , chez des Chats , déter- miner la crurale à se contracter dans sept cas, et l'aorte dans quinze (3). Wedemeyer (4) a donné lieu au même effet, mais plus rarement , par des piqûres et des pincemens. Reinarz (5) dit l'avoir provoqué par une simple pression ; l'aorte d'un Chien, après avoir été liée et coupée , se contracta pendant six se- condes, sous la pression assez peu forte du doigt; une autre , qui avait été vidée , se resserra promptement à cinq reprises , quand on vint à la comprimer, et éprouva encore deux con- strictions au bout de dix secondes ; l'aorte excisée d'un Bœuf se resserra sur le doigt introduit dans son intérieur , et revint à son diamètre antérieur après qu'on eut retiré le doigt ; une autre aplatit légèrement un cylindre de cire glissé dans sa cavité , et permit , au bout de dix minutes , de le retirer avec facilité. Je me suis convaincu , sur des Chevaux, que les ar- tères , détachées du corps , se resserraient sur les cylindres correspondans à leur calibre qu'on introduisait dans leur in- térieur ; mais je n'ai jamais vu cette constriction alterner avec la dilatation. 7° Yerschuir (6) a vu les artères se contracter par le contact de l'ammoniaque , de l'acide sulfurique ou de l'acide ni- trique. 8° Il n'a été témoin d'aucun effet provoqué par le galva- nisme (7). Osiander prétendait avoir déterminé des contrac- tions dans les vaisseaux du cordon ombilical coupé , en l^iisant agir sur eux l'excitation galvanique ; mais , d'après Wede- meyer (8), le'galvanisme n'exercepas d'influence sur les grosses artères séparées du cœur, quoique, chez les animaux vi- (i) Ibid.,i>. 90. i (2) Meckel , Deutsches Archiv ^ t. I , p. 444. (3)/6irf, t.YI, p. 224. (4) Loc. cit., p. 241. , (5) Loc. cit., p. 48. (6)ioc. czf., p. 81,84,88, 90. (7) Ibid., p. 92. (8) Untersucliungen , p. 30 , 66, VI. 23 354 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. vans (1), il détermine ces vaisseaux à se resserrer d'un quart , et même de moitié environ, ce qui s'accompagne d'un accrois- sement de vitesse de la circulation. 9" Moscati (2) , Hunter , Parry (3) et autres ont observé que les artères mises à nu se contractent quelquefois , probable'- ment par l'impression de l'air. Le contact de l'air arrête une hémorrhagie artérielle ; aussi les plaies des artères profondes sont-elles plus dangereuses , et celles des artères logées dans des cavités presque toujours mortelles. Mais il arrive aussi quelquefois que , pendant le cours même de l'observation , certains points de l'étendue d'une artère se contractent avec assez de rapidité, sans cause appréciable, qu'ils persistent quel- que temps dans cet état , et qu'ensuite ils se dilatent , phéno- mènes dont Parry (4) et Thomson (5) ont été témoins. Enfin nous concluons , dans quelques maladies , qu'il y a état spas- modique des artères lorsque nous trouvons le pouls petit, dur et tendu ; car cet^état ne peut tenir ni à la pression exercée par les muscles , ni à un changement de l'activité du cœur , et quandle spasme vient à cesser^ aux approches de la sueur, etc., le^'pouls>edevient large et mou. § 735. Passons_maintenant à l'appréciation de ces^mouve- mens. I. Nous devons d'abord chercher à en connaître l'essence', point de vue sous lequel j^il faut , à la vérité , nous contenter de déterminer la classe à laquelle ils appartiennent , après nous être bien entendus sur le caractère des classes. 1° V élasticité est une manifestation de la cohésion , qui tend à se maintenir en rétablissant par constriclion le rapport mutuel des parties d'un corps, lorsqu'il a été troublé par une, puissance distensive. Les artères jouissent de cette propriété. Tant que leur cohésion n'a point été détruite par la putréfac- tion , tant qu'elles ne sont point passées à l'état de rigidité (1) Ibid., p. 242. (2) Giornale per servir e allastoria délia medicina , t. I, p. 222. (3) Loc. cit., p. 56. (4) Loc. cit., p. 64. (5) Meckel, Dexitsches Jrchiv , t, I, p. 441.' CAUSES DU MOUVEMENT DU BANG. 355 par l'effet de la dessiccation , elles se raccourcissent quand on les pince , et se resserrent lorqu'on les distend. 2" Mais , dans l'organisme vivant , il règne , entre les solides et les liquides , une tension mécanique qui n'existe plus dans le cadavre. Les liquides en général et le sang en particulier (§ 693) jouissent de l'expansion à un haut degré, et disten- dent les parties solides au-delà de ce que permet leur degré spécial de cohésion, de manière que celles-ci ont une pro- pension continuelle à se resserrer sur elles-mêmes , et que quand les obstacles viennent à disparaître , elles se contrac- tent beaucoup plus qu'elles ne le font après la mort. Cette forme de l'élasticité , qui appartient en propre à la vie , et qu'on appelle tonicité, se retrouve plus ou moins dans tous les organes mous , et s'observe par conséquent aussi dans Jes artères. Pendant la vie, les artères sont rénitentes, à cause du liquide emprisonné par leurs parois ; elles se rétractent après avoir été coupées et se resserrent après avoir été distendues, beaucoup plus qu'il ne leur arrive de le faire sur le cadavre ; de sorte que, si l'on y pratique une piqûre, le sang s'échappe en forme de jet (§ 734, 4° ), phénomène qui n'a point lieu après la mort. 3° Enfin la force musculaire dépend bien aussi de la cohé- sion , mais elle ne diffère pas de l'élasticité par le degré seu- lement , comme le fait la tonicité ; elle s'en éloigne aussi sous le point de vue de la qualité , et elle appartient également aux artères. Quant à ce qui concerne le rapport quantitatif , elle occupe le plus haut rang , et provoque un resserrement plus fort que la tonicité, qui elle-même agit plus puissamment que l'élasticité. Mais elle se distingue aussi eu égard à la qualité. a. Elle a son siège dans des fibres qui , d'après leur nature, laissent apercevoir des alternatives de contraction et d'ex- pansion, tandis que Félasticilé et la tonicité agissent d'une manière permanente. Dans les observations qui ont été rappor- tées (§ 734, 2°), les artères se contractaient et se distendaient alternativement, tandis qu'en venu de sa tonicité, le tissu cellulaire persiste , sans nulle oscillation , dans l'état de con- striction oii il a été mis. ^. La tonicité , comme élasticité vivante, dépend unique- 356 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. ment de circonstances mécaniques , ce qui fait que ses mani- festations varient suivant que la cohésion est déterminée par la proportion de Thumidité ou par la température , comme on voit, par exemple, le scrotum se contracter sous l'influence du froid. La force musculaire , au contraire , est sollicitée à déployer ses effets par des influences qui ne clianf^ent ni la si- tuation des parties, ni l'état de cohésion, mais seulement l'é- tat intérieur de la vie , et qu'en conséquence nous désignons sous le nom générique de stimulus , parce qu'au lieu d'agir directement et de produire des changemens matériels pro- portionnés à leur force mécanique , elles sollicitent seulement la force motrice vivante interne à se manifester. c. Les artères possèdent une force motrice susceptible d'ê- tre mise en jeu par des stimulans. En effet, d'après les obser- vations que nous avons rapportées ( § 734, 6° , 7° , 8°) , elles se contractent sous l'influence de stimulations diverses , mé- caniques , chimiques et galvaniques. d. Comme leur contraction se rattache à l'activité vivante , elle cesse à la mort. Verschuir (1) a vu des artères qu'une irri- tation mécanique avait déterminées à entrer en contraction, se dilater après la mort , et Parry a observé le même phéno- mène sur celles qui s'étaient resserrées après avoir perdu tout leur sang ; la proportion entre le diamètre qu elles of- fraient alors et celui qu'elles présentaient avant l'écoulement du sang, était de 1 \ 1,78 pendant la vie, 1 ; 1,36 après la mort, et 1 \ 1,25 cinq minutes plus tard. e. L'irritabilité s'épuise par le fait seul de l'excitement, sans qu'on aperçoive aucun changement mécanique. Ver- schuir (2) et Wedemeyer (3) ont reconnu que, quand les artères avaient été déterminées à se contracter par le râclement avec un scalpel ou par le galvanisme , l'emploi répété des mêmes moyens d'excitation ne provoquait plus en elles que peu ou point de réaction. /". La force musculaire se manifeste diversement selon l'état (1) Loc. cit., p. 90. (2) Loc. cit., p. 84. (3) Untersuchungen , p. 242. CAT5SES DU MOUVEMENT DU SANG. 357 intérieur de la vie. Lorsque Verschuir (1) irritait une artère crurale avec le scalpel, il voyait une branche éloignée du point stimulé se contracter dans l'étendue d'un pouce, puis revenir à son calibre primitif. De même , diverses artères , stimulées dans un point , se resserraient sur deux à cinq (2) , de sorte que les interstices contenaient à peu près le double de sang.; g. Enfin , quelque temps après la mort , on n'observe plus aucune trace d'irritabilité dans les artères. L'acide nitrique même, quoiqu'il détermine toujours un ratatinement, ne pro- voque plus de mouvemens semblables à ceux qu'il occasione pendant la vie (3). IL Si nous comparons la force motrice des artères avec celle d'autres organes, nous trouvons qu'elle présente un ca- ractère particulier, qui semble être en harmonie avec la na- ture de ses fibres (§ 733 , 1°). 4° La contraction des artères s'observe rarement. La plupart des expériences de Verschuir demeurèrent sans résultat, quoique les muscles soumis à la volonté et les intestins se mon- trassent encore irritables. Haller (4) , Bichat et Magendie (5) ont été portés par l'inutilité de leurs tentatives à nier absolu- ment l'irritabiUlé des artères. 5° La contraction n'a lieu que d'une manière lente. Has- tings (6) fut obligé de racler l'artère crurale d'un Chat pen- dant dix minutes avant qu elle se contractât. L'irritation cau- sée par l'ammoniaque ou l'essence de térébenthine avait be- soin également de durer plusieurs minutes. Le galvanisme , d'après Wedemeyer (7), n'agit pas non plus tout à coup, comme il le fait sur le cœur ou les muscles soumis à l'empire de la volonté. 6° La contraction n'est point une convulsion momentanée i (1) Loc, cit., p. 89. (2) Loc. cit. , p. 83 , 85 , 90 , 91. (3) Loc. cit., p. 90. (4) Opéra minora ^ t. I , p. 299. (5) Journal de physiologie , t. I , p. 106. ' / (6) Meckel, Deutsches Jrchiv, t. YI , p. 224.^ (7) Untersuchungen , p. 242. ÔbO CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. c'est un resserrement qui persiste. Après le râclement avec un scalpel , Verschuir (i) la vit durer deux heures sur l'artère rénale , Hastings un quart d'heure sur l'artère crurale, et une demi-heure sur l'aorte. Suivant Wedemeyer (2), elle dure depuis dix minutes jusqu'à plusieurs heures après la galvani- sation. 7° Elle n'est point uniforme. Au dire de Verschuir (3) , elle avait lieu , sur un même individu , dans quelques artères et non dans d'autres. Cet observateur l'a observée aussi sur les artères d'un côté et non sur les correspondantes du côté opposé (4), ou seulement sur quelques uns des rameaux d'une seule et même branche (5). 8° Enfin elle affecte des formes différentes , suivant Has- tings (6). Tantôt elle consiste en une constriclion annulaire, semblable à celle qui résulterait de l'application d'un fil; tantôt elle a plus d'étendue ; quelquefois le resserrement et l'expansion ont lieu ensemble , de manière que le vaisseau paraît noueux; quelquefois ces deux phénomènes se succèdent l'un à l'autre. III. Des forces motrices diverses sont donc réunies dans les artères ; on y trouve l'élasticité , qui appartient aussi à la ma- tière non vivante , la forme de cette élasticité qui reçoit de la vitalité les caractères de la tonicité , et la force musculaire propre à la vie animale , mais qui n'est ici que faiblement dé- veloppée , en quelque sorte analogue à celle du canal intesti- nal , de la vessie urinaire et de la matrice ^ quoique moins prononcée encore , et plus appropriée à déterminer un effet soutenu qui vienne au secours de la tonicité. La force méca- nique et la force vivante sont pour ainsi dire fondues ensemble, et la première prédomine dans les artères , tandis que c'est la seconde qui l'emporte dans le cœur. Quant à la part que l'ime et l'autre prennent à la marche du sang , la force mécanique (1) Loc. cit., p. 85. (2) Untersuchungen , pr. 242. (3) Loc. cit., p. 90. (4) ioc. ciît., p. 83, 84, 88. (5) Loc. cit., p. 81. (6) Loc. cit., p. 227. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. SSg doit produire un eîFet proj3ortionné à la cause par laquelle elle est soUicilée. Si donc Tarière se dilate et s'allonge sous l'influence de l'ondée de sang lancée par la diastole du cœur, elle se resserre et se raccourcit ensuite par le fait de son élasticité , de sorte que le sang x;onlinue d'y cheminer pen- dant la diastole du cœur. Lorsque , dans une pompe , le liquide mis en mouvement par le choc du piston , agit latéralement sur un corps élas- tique et le met à l'état de tension , ce corps , après avoir reçu le choc du piston , revient à ses conditions antérieures de co- hésion , et pousse encore le liquide , de manière que celui-ci coule non par saccades , mais sans interruption. Si, dans une pompe à feu , cet effet tient à ce que le jet d'eau comprime , pendant le choc du piston , l'air renfermé dans la chaudière , et qui continue de la pousser en vertu de son expansibilité , la continuité du courant dans les artères ( § 714, i^ ) peut dé- pendre de ce que la colonne de sang qui avait distendu le vaisseau pendant la systole du cœur , est chassée , durant la diastole de celui-ci, par la contractilité, du vaisseau qui entre alors enjeu. Cette comparaison a été établie par Steinbuch (1) , Arnott (2) et Weber (3). Eiie peut nous servir à expliquer comment le courant continue bien pendant la diastole du cœur , mais devient plus faible , attendu [que l'élasticité de l'artère n'a point autant de puissance que la force musculaire du cœur. Mais si nous comparons la contraction visible de l'artère (§ 710, 11) avec le courant qui a lieu pendant la dia- stole ducœur, elle nous paraît si peu considérable, en propor- tion du courant, qu'il nous est bien difficile de l'en considérer comme Tunique cause. D'ailleurs, comme il ne survient pas de contractions dans les branches réduites à un petit calibre ( § 710 , 2° ) , ni même souvent dans les grosses branches et les troncs (§ 710, 3°; 720 , III), et que , d'un autre côté, la colonne de sang mise en mouvement par l'impulsion du cœur ne peut pas entrer en repos immédiatement après cette der- (1) Hufeland , Journal der pràktischen Meilhmde , 4815 , cah. 3 , p. 9. (2) Elemente der Physili, t. I, p. 461. (3) Anatomie des Meiischen , t. III , p. 70, o6o CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. nière , l'effet consécutif de l'impulsion doit être la cause prin- cipale qui fait que le courant continue , mais en s' affaiblissant, aidé toutefois par la contraction , quand il s'en opère une. Wedemeyer allègue, à l'appui de l'opinion suivant laquelle la rémission du courant sanguin dépendrait de l'élasticité des ar- tères , que l'eau injectée par saccades dans l'artère crurale d'un cadavre coule , par les artères ouvertes de la jambe , d'une manière non pas intermittente , mais rémittente (1) ; cependant il n'est guère possible de comparer l'écoulement de cette eau à celui de sang qui a lieu pendant la diastole du cœur. Mais la force musculaire de l'artère ne peut y prendre au- cune part; car, d'après ce qui précède (4°-7°), elle se mani- feste rarement, avec lenteur, d'une manière continue, et sans uniformité , par conséquent elle a un caractère totale- ment différent de celui des pulsations , et elle doit avoir un autre but (§ 750). Arnott (2) admet qu'elle agit simultanément avec la force musculaire du cœur , et que , pendant la systole de cet organe , elle donne aux artères une rigidité en vertu de laquelle elles peuvent propager l'effet de la systole tout aussi bien que si elles étaient des tubes métalliques ; mais la rénitence qui distingue l'artère vivante et pleine de l'artère du cadavre n'est que la manifestation de l'élasticité modifiée par la vie, ou , en d'autres termes , de Ja tonicité. ï 2. VAISSEAUX CAPILLAIRES. § 736. Les vaisseaux capillaires I. Exécutent une contraction dans certaines circonstances. 1° On ne peut point les injecter pendant la raideur cadavé- rique ( § 634 , 4o). Bell , par exemple (3) , a trouvé , sur une Tortue, l'injection impossible immédiatement après la mort, quelque force qu'il employât , tandis que le lendemain elle s'opérait avec facilité. Mais ce phénomène ne prouve pas qu'il y ait de force musculaire , puisque la substance organique en général se condense pendant la raideur cadavérique (§635, 1°). ^1) Meckel , Archiv fuer Anatomie , 1828 , p. 339. (2) Loc. cit., p. 463. (3) An essay on the forces by which circulate the hlood, p. 35. CA.USES DU MOUVEMENT DU SANG. 36 1 2" Lorsque l'on excise une partie, le sang s'échappe des vaisseaux capillaires , parce qu'il y était auparavant compri- mé, et qu'alors l'effet de la pression se trouve détruit ; les ca- pillaires eux-mêmes se resserrent dans ce cas, d'un côté parce qu'ils reviennent à leur diamètre naturel, de l'autre parce qu'après qu'un vide s'est produit dans leur intérieur , la pression des parties environnantes et celle de l'atmosphère les obligent de s'affaisser (§ 731, 5° ). 3° Les vaisseaux capillaires coupés en travers se resserrent au contact de l'air frais et cessent de saigner. Ce phénomène devient plus prononcé encore par le frottement du doigt , ou par l'application de l'eau froide, de Teau salée, de l'alcool. De même que , dans l'inflammation de la cornée transparente ou de la conjonctive , l'instillation de la teinture d'opium dé- termine souvent une constriction instantanée des vaisseaux capillaires distendus, de même on obseiTe ce phénomène , à l'aide du microscope , pendant l'action des stimulans méca- niques , chimiques et galvaniques , et l'on voit les capillaires se distendre ensuite de nouveau (1). Thomson, dans plus de cent expériences sur la membrane natatoire des Grenouilles , a vu les capi laires se contracter dans l'espace de deux mi- nutes après l'application de l'ammoniaque , et il n'y eut que trois cas dans lesquels l'expérience ne réussit point : la con- traction s'étendait de chaque côté à une certaine distance du point irrité , et on pouvait la reproduire trois à quatre fois dans l'espace d'un quart d'heure (2). Hastings (3) a fait des observations analogues. Enfin, certains liquides irritans , in- jectés dans les artères d'un animal vivant , déterminent peu à peu la constriction des vaisseaux capillaires. Mais tous ces phénomènes n'indiquent pas qu'ils possèdent une force mo- trice propre : ils ne tiennent qu'à des changemens de cohé- sion , dont les uns sont l'effet immédiat de la température et de circonstances chimiques , tandis que les autres dépendent d'un changement survenu dans le rapport des organes avec la marche du sang. (1) Wederaeyer, Untersucliungen , p. 325. (2) Mecke.l , Deutsches Arcliiv , t. I , p. 443. (3)l6îrf.,t. VI, p. 228. 562 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. IL Les capillaires eux-mêmes n'exercent aucune influence sur la marche du sang. Tant que ce liquide coule dans leur intérieur, ils demeurent complètement immobiles, et lors- qu'ils se contractent , ils ne peuvent qu'intercepter les courans^ comme l'a observé Tliomson. 3. VEINES. § 737. A l'égard des veines, I. Le sang qui coule dans leur intérieur est moins vivant , et elles-mêmes paraissent ne posséder qu'une faible vitalité. Leurs parois sont plus minces, plus flasques, et pourvues d'infiniment moins de nerfs que celles des artères. Leurs fibres sont éparses, peu prononcées et longitudinales ; Magendie pré- tend (i) qu'elles sont entrelacées les unes avec les autres dans toutes les directions ; cette opinion paraît ne pas être mieux fondée que celle de Marx (2), qui, indépendamment des fibres longitudinales , admet encore une couche interne de fibres annulaires ; car celles-ci ne sont apparentes que dans la veine cave antérieure des Chevaux et des bêtes bovines. Les veines cèdent davantage et se resserrent moins; souvent elles ne sont pas entièrement pleines de sang ; on les trouve même quel- quefois vides, sans qu'elles soient contractées, de sorte qu'elles ne donnent point de sang quand on les pique. Cependant la force motrice ne leur est point entièrement étrangère, i 1° Suivant Marx (3), elles se resserrent quelquefois à l'air. Bichat les a vues , dans certains cas , se tendre davantage sur divers points de leur étendue. Dans un état général de spasme, elles ne donnent point de sang lorsqu'on les ouvre. 2° Il leur arrive parfois de se fermer après avoir été cou- pées en travers (4). Ordinairement elles se raccourcissent un peu, ce qui n'arrive plus sur le cadavre. 3° Elles se vident quelquefois , selon Béclard , quand les artères ont été liées. 4° Si on les intercepte entre deux ligatures , et qu'on les (1) Précis élémentaire, t. II, p. 215. (2) Diatribe de structura atque viiâ venarum, p. 15. (3) Ibid., p. 78. (4) Œsterreichei', Lehre vont Kreislaufe, p. 135. CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 365 pique , elles émettent quelquefois leur sang sous la forme de jet. Marx (1) a vu la veine crurale d'un Chien lancer ce li- quide à deux pieds de haut; mais , quand elle avait été préa- lablement irritée par des acides, elle ne le laissait couler qu'en nappe. 6° Dans certains cas on a observé en elles des traces'd'irri- tabilité. Lorsque Verschuir irritait légèrement la veine jugu- laire d'un Chien avec le scalpel , elle battait et chassait le sang avec plus de rapidité (2) ; il a vu la même irritation détermi- ner la contraction d'une des veines iliaques , et non celle de la veine du côté opposé (3), Hastings a remarqué, dans dix cas , que la veine auriculaire des Lapins se contractait sous l'influence irritante du scalpel. La Veine jugulaire de Chiens , touchée par Verschuir (4) avec des acides , se resserrait. Hastings a constaté le même effet sur une veine mésentérique et sur ia veine jugulaire externe , tandis que la veine cave du même Chien ne donnait aucune trace d'irritabilité ; la veine auriculaire d'un Lapin se contracta d'une manière si forte qu'à peine le sang pouvait-il encore couler dans son inté- rieur (5). Marx (6) a vu la veine jugulaire d'un Chien, sur la- quelle le scalpel , l'alcool , le vinaigre et l'acide hydrochlo- rique étaient demeurés sans action , se réduire à une ligne de diamètre par l'influence de l'acide sulfurique étendu, et la veine cave coupée entravers laisser couler le sang avec plus de promptitude , quand il versait de l'acide sulfurique sur les branches. Après la mort (7) , il n'a plus observé aucun effet de la part des acides, comme aussi Hastings (8) a remarqué qu'alors les veines se décoloraient bien, mais qu'elles ne se con- tractaient point , ainsi qu'il leur arrive de le faire pendant la vie. Une fois Verschuir (9) a vu le contact du doigt chaud dé- (1) Loc. cit., p. 76. (2) Loc. cit., p. 82. (3) Loc. cit., p. 91. (4) Loc. cit., p. 88. (5) Meckel , Deutsches Archiv ^ t. VI , p. 232. (6) Loc. cit., p. 73. . (7) Loc. cit., p. 81. (8) Loc. cit., p. 233. (9) ioc. ciiJ., p. 86. 564 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. terminer le resserrement de la veine jugulaire. Suivant les observations de Wedemeyer (1) , le galvanisme, loin de faire resserrer les veines , les dilate , au contraire , et ralentit la marche du sang. II. Les troncs veineux 6° Possèdent une irritabilité fort prononcée. Lancisi et Se- nac (2) ont ranimé , par la chaleur , par l'insufflation et par des piqûres, le mouvement ralenti et même déjà éteint de la veine cave. Suivant Yerschuir (3) , les troncs veineux des Chiens conservent leur irritabilité pendant un quart d'heure après la cessation de la vie générale , et plus long-temps que le cœur. Haller a vu la veine cave battre plus rapidement lorsqu'il rirritait avec une épingle ou avec des acides, tandis que la même irritation , portée sur la veine pulmonaire et l'aorte , demeurait sans effet (4). D'après Marx (5), l'acide sulfurique réduit le calibre de la veine cave antérieiire de cinq lignes à trois , et celui de la veine cave postérieure de cinq lignes et demie à quatre et demie. Hastings(6) a observé le même phé- nomène en touchant la veine cave postérieure du Chat avec de l'acide nitrique , et quand il fit agir cet acide sur la veine pulmonaire , toutes les branches entrèrent en mouvement , tan- dis qu'auparavant la veine entière n'avait donné aucun signe de pulsation. Du reste , Spallanzani (7) a vu , dans un Poulet mort d'hémorrhagie , la veine cave antérieure se réduire au dix-huitième , et la postérieure au neuvième de son diamètre primitif. 7° Les troncs veineux battent au voisinage du cœur (8), qui paraît renfermer la cause de ce mouvement , que ce soit parce que sa diastole vide subitement la partie' la plus rapprochée des troncs veineux , et que sa systole favorise sa réplétion , (1) Untersuchunyen , p. 242. (2) Lnc. cit., t. II , p. 38. (3) Loc. cit., p. 83. (4) Opéra minora , t. I , p. 147. (5) Loc. cit., p. 74. (6) Loc. cit., p. 232. (7) Loc. cit., p. 346. (8) Haller, Opéra minora, t. I,p. 145. ■> CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. 365 l'accroît même par le reflux du sang ( § 708 , 1° ) , ou parce que l'action des oreillettes entraîne celle des troncs veineux voisins. Si le premier cas a lieu , les troncs veineux et les oreil- lettes se trouvent toujours dans un état opposé , ce qui avait lieu manifestement dans les observations citées plus haut (§ 722, 9° ); si le second cas arrive, les troncs veineux et les oreillettes se remplissent et se vident alternativement (§ 722, 3°), comme le prétendent (Esterreicher (1) et Barkow (2). Beau- coup de physiologistes, par exemple Senac (3), Haller(4). Sœmmerring (5) et Wedemeyer (6) , attribuent aux troncs veineux des pulsations propres , attendu que les veines caves chassent encore le sang dans l'oreillette , quand celle-ci a déjà cessé d'agir, ce qui avait déterminé Stenson à lui donner l'épithète de ultimum moriens : de même , elles agissent en- core après avoir été séparées du cœur, comme l'ont observé Senac (7), Verschuir (8) et Sarlandière (9) ; quand on les lie , elles se vident dans le cœur , et après qu'on a enlevé la liga- ture , elles se remplissent de nouveau , ainsi que l'a vu Ver- schuir (10). Cependant tous ces phénomènes s'expliquent ou jiar la force absorbante ou par la force compressive du cœur, avec le concours de la plaie , et la pulsation propre des troncs veineux demeure un fait d'autant moins prouvé , qu'on n'a pas remarqué qu'après la ligature de ces vaisseaux , tant du côté du cœur que du côté des capillaires , ou lorsqu'on faisait agir sur eux des irritans, ils ne se bornassent pas uniquement à se rétrécir , mais exécutassent réellement des pulsations. B. Causes inhérentes au sang. § 738. D'après les recherches auxquelles nous nous sommes (1) Loc. cit., p. 433. (2) Meckel, Archiv fuer Anatomie, 1830, p. B. (3) ioe. ciV., t. II, p. 37. (4) Opéra minora , t. I , p. 175 , 223. ' (5) Gefœsslehre , p. 418. (6) Untersuchungen , p. 20 , 188, (7) Loc. cit., p. 138. (8) Loc. cit., p. 83. (9) Loc. cit., p. 17. (10) Loc. cit., p. 85, 366 CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. livrés jusqu'ici , la paroi proprement dite de la carrière par- courue par le sang , ou la membrane vasculaire commune , est une condensation ou coagulation de la substance organique, analogue aux tissus épidermoïdes , qui manque en général d'activité vitale et en particulier de force motrice propre. A la périphérie du système , le sang entre en conflit vivant avec le reste de la substance organique , et là il n'est plus entouré que de cette membrane vasculaire , qui , par sa présence , le maintient à l'état d'existence indépendante , sans néanmoins gêner en rien le conflit; les vaisseaux capillaires n'ont donc pas de force motrice propre , qui puisse déterminer le cours du sang. Au contraire^ dans le centre du système , où le sang est accumulé en plus grandes masses , ses relations avec l'or- ganisme ne se manifestent que par son courant ; la vie exté- rieure, le mouvement, se déploie ici d'une manière plus puis- sante , et la carrière que le sang parcourt se développe , par un dépôt de masse musculeuse à la surface de la membrane vasculaire , en un organe doué d'une mobilité énergique , qui, lui-même, à titre d'organe spécial et susceptible de déplacement, est entouré d'une membrane séreuse. C'est ainsi que le cœur détermine le cours du sang par sa force motrice. Mais le cours du sang ne correspond pas toujours aux mouve- mens du cœur, et il a lieu même alors que celui-ci manque ; par conséquent le cœur n'en est que l'organe, et non la cause essen- tielle ; il fait seulement qu'à un degré supérieur d'organisation le mouvement du sang, qui dépend d'une autre cause, consti- tue une manifestation particulière de la vie , ou s'accomplit sous la forme d'une fonction spéciale. Maintenant , les artères et les veines pourraient déterminer le cours du sang lorsqu'il ne correspond pas aux mouvemens du cœur, et le produire quand le cœur n'existe point; en effet, elles ne diffèrent de lui que sous le point de vue delà quantité, puisqu'elles sont pourvues démuselés et de nerfs, et douées d'une force motrice vi- vante. Mais cette force est trop faible pour pouvoir détermi- ner à elle seule le cours du sang, ni même y contribuer; la plénitude de la vie ne se manifeste qu'aux points opposés du système , à la périphérie comme conflit chimico-dynamique , au centre comme force motrice indépendante; les rayons, CAUSES DU MOUVEMENT DU SANO. 367 artères et veines, sont des chaînons intermédiaires, pour ainsi dire passifs, dans lesquels les qualités des deux pôles se trou- vent réduites à l'indifférence , de sorte que la force motrice va toujours en diminuant à mesure qu'on s'éloigne du cœur, et le conflit vivant , par exemple la sécrétion et l'absorption , à mesure qu'on s'écarte des vaisseaux capillaires. Aux derniers degrés de l'échelle de l'organisation , on reconnaît d'une ma- nière plus positive encore que la propulsion du suc vital ne dépend point d'une force motrice des parois. La circulation partielle dans l'intérieur d'une cellule végétale a heu sans que celle-ci exécute le moindre mouvement, et sans qu'il y ait de canaux conducteurs ; la sève monte dans de simples in- terstices, les méats intercellulaires, et lorsqu'elle s'élève aussi dans des vaisseaux propres , non seulement on n'aperçoit aucune trace quelconque de mouvement dans ceux-ci, mais encore on ne peut considérer la capillarité comme étant la cause du phénomène , puisque la sève s'élève à peu près de vingt pieds dans un tube adapté à l'extrémité d'un sarment de vigne coupé en travers , tandis que la capillarité n'est qu'une forme de l'adhésion , et qu'elle peut bien attirer un hquide dans un vaisseau capillaire, même l'y faire monter, mais jamais le faire arriver au-delà de ses bords. De même , chez les animaux qui n'ont point de sang, le corps entier s'imbibe du suc vital, qui n'est pas encore distinct des autres humeurs : ce suc pa- raît donc se mouvoir en vertu d'une force qui lui appartient en propre. Or, comme la cause essentielle de ce mouvement doit être la même aux plus hauts degrés de l'organisation qu'aux plus bas , et qu'en réalité la cause fondamentale du cours du sang ne réside point dans les parois , il nous faut la chercher dans le sang lui-même , à moins qu'elle ne soit con- tenue d'une manière quelconque dans l'intérieur du système vasculaire. Nous allons examiner cette hypothèse sous le point de vue de sa probabilité ( § 739 ) , après quoi nous pèserons les argumens empiriques qui parlent en sa faveur ( § 740 ). § 739. Si le sang se meut de lui-même, ce ne peut être qu'en vertu du rapport mutuel de ses molécules , ou par l'ef- fet d'une force propre à sa masse. 1<* Suivant Dœllinger, les globules du sang sont à l'état 568 CAUSES DU Mouvement du sang. d'antagonisme intérieur, d'un côté individuels et indépendans, de l'autre côté parties d'un tout et ne subsistant que par rapport à la masse. Ainsi ils s'attirent et se repoussent, se meuvent et sont mis en mouvement , se séparent du système du sang , et cherchent à se réunir (]). On comprendrait bien mal l'au- teur, si l'on croyait voir là autre chose qu'une conception idéale du phénomène de la formation , et si l'on pensait qu'il a voulu peindre ainsi la cause déterminante du mouvement du sang. Si les globules du sang étaient dans un état continuel d'attraction et de répulsion les uns à Tégard des autres, une circulation coniinue ne pourrait avoir lieu. La simple vue du cours du sang ( §§ ^88 , 2° ; 7J3 , 1°) nous apprend que les globules marchent dans le même sens côte à côte, et à la suite les uns des autres , et qu'ils se comportent avec une in- différence absolue à l'égard les uns des autres. A la vérité , dans certaines circonstances , ils s'attirent et se repoussent, ce qui produit une sorte de fluctuation. Ainsi Haller (2) a vu que, quand du sang s'était accumulé en plus grande quantité dans une artère , il y affluait de toutes les branches ; ce liquide se rendait à une branche anévrysmatique , mais ne tardait pas à retourner dans le courant ; si du sang était accumulé sur deux points, il se manifestait une oscillation entre ces deux masses magnétiques , entre lesquelles les globules semblaient osciller jusqu'à ce qu'ils fussent retenus par l'une d'elles ; dans un cas où ils s'étaient épanchés , par la plaie d'une veine , entre les feuillets du mésentère , ils flottèrent de telle sorte que hi veine alternativement les absorbait et les laissait ressortir. Spallanzani (3) aussi a remarqué souvent qu'il y avait attrac- tion mutuelle entre les globules. D'après une observation faite par Koch , le sang s'écoulait par la plaie d'une artère de la membrane natatoire d'une Grenouille, s'infléchissait sous un angle aigu , pénétrait dans un vaisseau capillaire voisin , qui était ouvert, et passait ainsi dans la veine (4). Baumgsert- (1) Denkschriften der Akademie zu Muennchen, t, VII , p. 225. (2) Opéra minora, t. I, p. 127, 239. (3) Loc. cit., p. 382. (4) Meckel , Archio fuer Anatomie, 1827, p. 443. , CAUSES DU MOUVEMENT DU SANG. %Q nëra remarqué également (1) que , dans le nombre des globules du sang c^ui s'étaient amassés auprès d'une arlère de la queue coupée d'un têtard de Grenouille, et au milieu desquels ceux qui venaient après eux entretenaient un certain mouvement, il s'en trouvait un qui se glissa entre les autres , décrivit un petit arc pour aller gagner l'ouverture d'un capillaire voisin, s'insinua dedans, et fut suivi alors d'autres encore, qui rentrèrent ainsi avec lui dans les veines. Lorsqu'une grande masse de sang est stagnante , le liquide se trouve attiré vers elle , et reflue des branches dans les troncs ; aussi , en pareil cas , observe-t-on ordinairement le mouvement régulier dans les veines et un mouvement rétrogade dans les artères. Mais cette action des globules les uns sur les autres n'a lieu que quand la force qui les met tous en mouvement cesse d'agir ; elle ne peut donc pas opérer le cours du sang. ( Lorsqu'on examine une goutte de sang de Grenouille au microscope , et que les globules sont très-épars , avec ou sans eau , on remarque d'abord l'entrecroisement qui a lieu dans tous les liquides contenant des globules , le lait par exemple , quand on les a mis en mouvement , et qui dépend de causes purement mécaniques. Plus tard , lorsque les glo- bules sont devenus tranquilles , si l'on observe avec beau- coup d'attention , on en voit quelques uns se rapprocher très- lentement jusqu'au point de se toucher. Je n'ai jamais pu voir ce phénomène dans le sang humain , parce qu'il se coagule trop vite , et que l'évaporation s'opère avec trop de rapidité quand la goutte occupe une large surface.) (2) Mais si la force motrice existe dans le sang en masse , elle peut avoir son siège ou dans une substance motrice , qui se- rait mêlée avec ce liquide , ou dans la substance du sang lui- même. 2° La première théorie est celle de Rosa , suivant laquelle le sang produit la pulsation des artères ; mais , comme ce liquide ne bat point dans les veines , Rosa attribue le phéno- mène non au sang lui-même , mais à la partie éthérée et élas- (d) Beohachtungen ueher die NervQii und das Bliit , p. 408. (2) Addiiion de J. MuUer. VL 24 3^0 CAUSES DU MOUVEMENT DU SAN^. tique de Tair, qu'il a puisée dans les poumons (1). C'est là une théorie mystique , c'est-à-dire qui ne repose point sur l'ana- logie de faits certains , mais sur une force spéciale inconnue et placée en dehors de l'expérience. Nous ne connaissons point de partie éthérée dans l'air^ et nous n'avons aucune idée d'alternatives régulières d'expansion et de contraction pro- duites par de l'air mêlé avec un liquide ; nous voyons que le sang coule même sans pulsation , et que l'artère pulmonaire bat avant que son sang soit arrivé dans les poumons; enfin nous pouvons bien , par la respiration artificielle , amener de l'air au sang pulmonaire, mais non entretenir le cours du sang d'une manière durable, 3° Il faut donc qu'une force motrice propre appartienne au sang lui même , et ici nos regards se portent d'abord sur les globules. Mais nous ne pouvons pas nous contenter d'ad- mettre dans les globules un instinct spécial qui les pousse en avant et sans lequel la force du cœur produirait peu d'effet (2) ; car si l'on entendait dire par là que le sang marche parce qu'il est dans sa nature de marcher, ce serait de fait renoncer à toute explication. 4° Les globules du saug nous apparaissent comme élémens organiques. Autenrieth dit, en parlant d'eux (3) , que ce sont des parties molles , et par conséquent susceptibles d'un mou- vement vital. Mais la possibilité ne donne point encore la réa- lité ; autrement les nerfs devraient aussi se mouvoir. Gruit- huisen (4) croit prouver la nature animale et la force motrice de ces corpuscules par la contraction que leur fait éprouver le stimulus de l'eau. Mais l'irritabilité animale se manifeste par la propriété dont jouit une partie de se déplacer sous l'influence d'une cause excitante , et de revenir ensuite à ses premières conditions ; or, en changeant de forme , de cohé- sion et d'étendue , par leur immersion dans l'eau , les globules du sang perdent leur existence. C'est donc là un effet purement chimique, semblable au changement que toute substance (1) Giornàle per servire alla storia délia medicina, t. I, p. 149 , 189. (2) Dœllingei', fVas ist Ahsonderximj ? p. 49. (3) Handhvch der JPhysioloyie , t. I , p. 149, (4) Beitrœye zvr JPhy-HoU SANG SUR t'ORGANISME. SgS gastrique , et que la bile s'amasse dans la vésicule |3endant l'intervalle des repas , une affluence plus considérable de sang venant de la rate, pendant la digestion, ne serait d'aucun pro- fit pour la sécrétion. Il est difficile que l'estomac plein exprime le sang de la rate : chez les Ruminans, oii les sécrétions dont il s'agit sont fort abondantes , la rate ne tient à l'estomac que par des liens assez lâches ; enfin l'estomac ne peut pas la comprimer du tout chez les Oiseaux , les Reptiles et les Poissons (1). D'autres , Rush par exemple , ont admis que la rate est un réservoir dans lequel le sang s'amasse toutes les fois que son mouvement vient à être accéléré , afin qu'il ne puisse'pas nuire aux autres organes. Hodgkin (2) la l^comparait aux tubes de sûreté et aux soupapes de plusieurs appareils mécaniques et chimiques, en disant qu'elle sert à prévenir tout dérangement subit du rapport qui doit exister entre la capacité et le contenu du système vasculaire. Mais, dans les fièvres aiguës, où! la circulation éprouve une si grande accélération , la rate n'est point affectée , comme le fait remarquer Heusinger (3). Le phénomène qu'on désigne vulgairement sous le nom d'enflure de la rate, et qui s'observe à la suite demouvemens violons, ne dépend que de la lenteur du cours du sang , qui appartient en commun à la rate et au foie , de sorte que cette sensation désagréable est encore plus commune dans le foie que dans la rate. 5° Schreger (4) assignait pour usage à la thyroïde de dé- tourner le sang du cerveau et de diminuer son afflux vers cet organe, comme aussi Ackermann attribuait le crétinisme à ce que le rétrécissement des trous du crâne fait qu'il arrive moins de sang au cerveau , d'où résultent d'un côté l'idio- tisme et de l'autre le goitre. L'expérience ne montre aucune trace d'un antagonisme en vertu duquel tantôt cette glande recevrait plus de sang, pour garantir le cerveau , tantôt s'en débarrasserait , pour faire servir sa texture spéciale à quelque (1) Ibid., p. 427. (2) Meckel, Deutsches Jrchiv, t. VI, p. 468. (3) Loc. cit., p. 124. |[4) Fragmeîita anatomica , p. 21. 394 EFFETS DU SANG SUR l'ORGANISME. autre usage ; mais si la quantité de sang qu'elle contient de- meure toujours la même , elle ne pourrait qu'au premier mo- ment de sa formation diminuer la quantité du sang affluent au cerveau. Cette objection s'applique également à l'hypothèse de Broussais, qui voulait que la thyroïde détournât une partie du sang du larynx, et le thymus une partie de ce liquide des poumons, afin que ces organes pussent bien se développer, mais non fournir une sécrétion trop abondante (1). En général, nous ne saurions croire que des organes doués d'une substance, d'une organisation et d'une texture spéciales , n'aient pour usage que de détourner le sang d'autres organes à certaines époques. II. EEFets qui tiennent à la qualité du sang. A. Effets qui tiennent au sang pur. § 743. Si nous portons nos regards sur les effets qui tiennent à la qualité du sang , I. Nous trouvons d'abord qu'il n'y a que le sang complet qui puisse entretenir la vie , que nul autre liquide porté dans les veines n'a cette faculté , que par conséquent le sang pro- cure à tous les organes ce qui est nécessaire à la manifestation de leur vie , et qu'en vertu de sa constitution spéciale il est la condition extérieure de leur activité vitale. Chez les animaux qu'on a rendus exsangues, l'eau chaude injectée dans les veines ne ranime point la vie , d'après Prévost et Oumas (2). Rosa dit bien (3) que du lait chaud ranima un Mouton , mais l'effet ne dura qu'un instant. Le sérum chaud lui-même ne rappelle point la vie , selon Dieffenbach (4) , ou du moins ne le fait pas d'une manière durable, suivant Rosa (5). Dieffenbach n'a également pu rappeler la vie avec de la fibrine atténuée et délayée dans de l'eau ; mais le cruor étendu d'eau agissait de même que le véritable sang. D'après cela, la propriété (1) Mém. de la Soc. médic, d'Emulat., t. VIII, p. 401. (2) Dieffenbach, Die Transfusion des Blutes^ p. 186. (3) Sctieel, Die Transfusion des Blutes , t. II, p. 449. (4) Rust, Magazin fuer die gesammte Heilkunde , t. XXX, p. 4. (5) Loc. cit., p. 150. EFFETS DU SANG SUÏl t'oRGANiSME. SqS d'entretenir l'activité vitale appartiendrait donc spécialement au cruor (*). IL II n'y a que le sang artériel , vermeil , qui puisse entre- tenir la vie ; le sang veineux , noir , n'a point la même fa- culté (1). La vérité de celte proposition est patente , puisque la vie s'éteint quand la respiration cesse , c'est-à-dire lorsque le sang veineux ne se convertit plus en sang artériel et qu'il n'y a par conséquent que du sang veineux dans le système vasculaire entier. La seule question qu'on puisse soulever est celle de savoir d'où part la mort apparente , si le sang veineux ne fait qu'enrayer une seule fonction , dont l'abolition entraîne la mort générale à sa suite , ou s'il étend son action sur toutes les fonctions^ et, dans ce dernier cas , quelle est , parmi celles- ci , celle qui souffre le plus et avant toutes les autres. Bicliat s'est livré avec succès à la solution de ce problème. 1° Il a vu (2) , quand il asphyxiait les animaux avec lenteur , de manière que la circulation continuât encore quelque temps, que les voies biliaires et l'intestin contenaient beaucoup moins de bile qu'à l'ordinaire pendant la digestion , et qu'il ne s'é- coulait plus d'urine par les uretères. Or, comme il remarquait en même temps que la transpiration cutanée cessait , et que la cessation de celte fonction rafraîchissante rendait les cada- vres des asphyxiés aptes à conserver leur chaleur plus long- temps que d'autres , il conclut de là que le sang veineux pur n'est point apte à entretenir la vie des organes sécrétoires ou à opérer les sécrétions , et il expliqua l'abondance du sang qu'on rencontre dans ces cadavres en disant que l'abolition des sécrétions fait accumuler une plus grande quantité du liquide , et qu'après la mort les lymphatiques prennent aux artères moins de sérum qu'ils ne font quand le sang s'est séparé. A (*) Comparez les intéressantes recherches de Bischoff (dans Muller, ArcMv fuer Anatomie , 1833 , p. 347 ) sur les effets comparatifs de l'in- fusion du sang entier et du sang dépouillé de sa fibrine. (i) En appelant artériel le sang %'ermeil, et veineux le sang noir, on n'a égard qu'au contenu des systèmes de l'aorte et des veines caves , et on laisse de côté celui des vaisseaux pulmonaires , où l'inverse précisément a lieu. C'est un vice de locution qu'il faut ne point perdre de vue. (2) Recherches sur la vie et la mort, p. 280. SgS EFFETS DU SANG SUR l'ORGANlSME. la vérité, c'est le sang veineux qui fournit les matériaux de la bile chez tous les animaux vertébrés , et de Turine chez les Reptiles et les Poissons; mais le sang qui produit ces humeurs n'est pas purement veineux, car le sang artériel qui se porte au foie et aux reins concourt aussi à la sécrétion. Cependant la mort par asphyxie a lieu trop rapidement pour qu'on puisse l'attribuer à la cessation des sécrétions. 2° Goodwyn admettait, en conséquence, qu'elle part du cœur gauche , celui-ci n'étant point sollicité à se contracter par le sang veineux qui parvient dans ses cavités (§717, 6°). Mais Bichat (1) objecta, contre cette théorie, que, si elle était fondée , le cœur gauche devrait , après la mort par asphyxie , contenir du sang accumulé , ce qui n'est pas. Ses expériences lui apprirent que , chez les animaux qu'on asphyxie , le sang veineux marche encore pendant quelque temps avec force dans le système aortique , et que , quand on injecte du sang veineux dans le cœur gauche , les mouvemens de l'organe ne sont pas sensiblement affaiblis , qu'ils se raniment même , si déjà ils avaient cessé. D'après cela , il admit que le cœur n'est paralysé que plus tard , lorsque les artères cardiaques ont fait pénétrer du sang'veineux dans sa substance. 'Ackermann (2) prétendit , à la vérité , que quand, sur un animal à sang chaud, on lie les vaisseaux pulmonaires et incise la cloison inter- auriculaire, le sang veineux, qui passe immédiatement du côté droit dans le côté gauche , arrête les mouvemens du cœur ; mais , en pareil cas , la mort doit être bien plutôt l'effet de la blessure , que celui de l'impression du sang veineux. On serait mieux fondé à alléguer , en faveur de la propriété stimulante moins prononcée du sang veineux, l'observation faite par Humboldt (3) , que des cœurs de Grenouilles dont les batte- mens étaient affaiblis , recommençaient à battre avec fréquence et vivacité quand on les plongeait dans du sang artériel, tandis que le sang veineux de l'homme ne produisait pas cet effet. S» Bichat dit que la vie animale est la première à ressentir (1) Loc. cit., p. 211-216. (2) De conibustionis lentœ phœnomenis , p. 23. (3) (Jeber die gereizte Muskelfaser, t. II , p. 264. EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. Sg^ les atteintes de Fasphyxie , et que , quoique la circulation continue encore, le sentiment et le mouvement volontaires sont abolis; d'où il conclut que la mort par asphyxie procède du cerveau. Nous devons nous ranger à cette théorie , si nous réfléchissons que, dans l'asphyxie causée par la vapeur du charbon , il y a d'abord des vertiges, avec trouble des fonc- tions sensorielles et de la faculté locomotive, qu'ensuite la conscience s'éteint peu à peu, et qu'après le rappel du sujet à la vie , il éprouve pendant long-temps des maux de tête , de Taccablement et de la difficulté à mettre ses fonctions intel- lectuelles en exercice. Lorsque Bichat (1) injectait du sang veineux dans les carotides de Chiens , la vie animale ne tardait point à s'abolir, tandis que la circulation continuait encore pendant une demi-heure. Nysten (2) prétend , à la vérité , qu'en pareil cas, les animaux périssent uniquement d'une apoplexie produite par la violence de l'injection; mais le seul fait sur lequel il s'appuie , consiste en ce que , lorsqu'on in- troduit une grande quantité de gaz dans la carotide , l'apo- plexie survient par suite de la compression du cerveau , tandis qu'une petite quantité de gaz ne détermine pas la niort. Au contraire , Bichat (3) a vu qu'un Chien dans la carotide du- quel il faisait passer, au moyen d'une petite canule adaptée aux deux vaisseaux , le sang veineux de la carotide d'un autre Chien en asphyxie , devenait au bout de quelque temps agité , insensible et frappé de stupeur; et il a constaté (4) aussi que, chez l'animal en asphyxie , la vie animale baissait à mesure que le sang coulant dans les''artères perdait de sa teinte vermeille. Le besoin de sang artériel que le cerveau éprouve par dessus les autres organes , ressort déjà de ce que c'est par la voie la plus courte possible qu'il reçoit le sang vermeil revenu des poumons. Ainsi, chez les Mammifères et les Oi- seaux , le sang va en ligne droite du cœur gauche au cerveau ; chez les Poissons et les têtards des Batraciens, les veines branchiales fournissent les artères de la tête avant de se (4) Loc. cit., p. 239. (2) Recherches de physiologie, p. 61. (3) Loc. cit., p. 243. (4) Loc, cit., p. 248. SgS EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISMÈ. réunir en un tronc aortique , et chez les Reptiles écailleux , notamment les Crocodiles , le sang passe principalement de Foreillette pulmonaire dans la portion du ventricule de la- quelle naît le tronc droit de l'aorte , avec l'artère cépha- lique. 4° Mais le sang veineux ne peut pas non plus entretenir l'activité vitale des nerfs et des muscles. Lorsque Bichat (1) injectait du sang d'une veine dans l'artère crurale du même animal, le membre inférieur était frappé de paralysie at d'insensibilité. Quand Ségalas liait l'aorte d'un Chien au des- sus de sa division , les pattes de derrière étaient paralysées au bout de huit à dix minutes , en sorte que l'animal ne pou- vait plus que se traîner; s'il liait la veine cave dans celte même région, les membres postérieurs étaient affaiblis, mais non entièrement paralysés ; enfin , s'il appliquait une ligature sur les deux troncs vasculaires , les pattes de derrière se paralysaient , mais seulement au bout de seize à vingt minutes, ou même plus tard encore (2). Ainsi , la paralysie survenait promptement dans le premier cas, où le membre devenait exsangue , la circulation continuant dans les veines après la ligature des artères ; elle s'établissait également , mais beau- coup plus tard , dans le troisième , où le membre demeurait plein de sang contenu dans les artères et y prenant peu à peu le caractère veineux; peut-être même n'avait-elle lieu alors que quand le sang était devenu veineux en entier ; enfin , dans le second cas , où il n'y avait point paralysie , mais seu- lement'débilitation , le sang veineux , quoiqu'il ne pût revenir en totalité , rentrait cependant en partie dans le torrent de la circulation par le moyen des anastomoses, le sang artériel continuait toujours d'affluer, et probablement il s'établissait une fluctuation dans l'aorte demeurée perméable. 5" Nous nous tromperions si nous prenions les choses à la lettre , et si nous voulions considérer d'une manière absolue le sang veineux comme une substance anéantissant la vie. Mais ce qu'il y a de certain, c'est que, quand tout le sang (1) ioc. cz^., p. 279. (2) Journal de Magendie , t. IV, p. 2S7, EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 5 99 du corps est veineux , la mort arrive , et que tous les organes sans exception ont besoin de sang artériel, quoiqu'à des degrés différens , et ceux de la vie animale plus que tous les autres. La rougeur vermeille des parties, qui dépend d'une prédominance du sang artériel , est toujours accompagnée , comme Ta fait voir Bichat (1) , d'une activité plus grande de la vie , tandis que la prédominance locale ou générale du sang veineux , dénotée par la teinte bleuâtre des parties, annonce une fai- blesse manifeste de la vie. Les animaux qu'on a rendus ex- sangues reviennent à la vie lorsqu'on leur infuse un sang vei- neux étranger dans les veines (2) , attendu que ce liquide par- vient dans le cœnr droit , apte à en recevoir la stimulation , et passe de là dans les poumons , où il se convertit en sang arté- riel. III. Enfin nous pouvons établir en règle générale qu'il n'y a que le sang propre du sujet qui soit apte à entretenir la vie d'une manière complète et durable. 6° Le sang d'un autre individu de la même espèce ne rem- place jamais entièrement celui du sujet ; car la vie se crée elle-même son organisation, et, de même que l'embryon (§§ 464, 3°; 466, 2°) , l'organisme développé doit également se former lui-même son sang par l'assimilation de substances étrangères. Aussi est-ce en vain que Blundell (3) a injecté du sang d'autres hommes dans les vaisseaux d'individus dont l'as- similation avait baissé ; quoiqu'ils parussent se ranimer mo- mentanément , ils ne tardaient pas à voir leurs forces s'anéan- tir de nouveau, et leur vie n'était point prolongée. Blun- dell (4) prit un Chien qui pesait vingt-six livres , ne lui donna que de l'eau pour toute nourriture pendant trois semaines , en lui injectant peu à peu dans la veine jugulaire quatre-vingt- quatre onces de sang provenant d'autres Chiens-, l'animal tomba malade^ ses forces diminuèrent, il maigrit, perdit en- viron sept livres de son poids , et mourut. Dans ce cas , le sang étranger peut avoir été assimilé peu à peu , puisque la (1) ioc. cii., p. 275. (2) Blundell, Physioloijical a?id patholocfical researches , p. 93, (3) Loc. cit., p. 139. (4) Loc, cit., p. 75. 400 EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. force assimilatrice n'avait rien perdu de 'son énergie , et ce- pendant il paraît avoir été la cause de la maladie et de la mort , quoique , comme le présume Blundell , une partie de ce résultat doive être attribuée à l'irrégularité de la ^transfu- sion , dans laquelle on injecta tantôt beaucoup , et tantôt peu de sang. Lorsque la transfusion est moins prolongée , la vie peut se maintenir ; un petit Chien , dans le corps duquel Lower fit passer du sang de deux gros Chiens , en lui tirant de temps en temps une partie du sien propre , ne succomba pas , quoi- qu'il n'eût plus guère que du sang étranger dans ses vais- seaux (1). Bichat (2) ne remarqua non plus aucun trouble de la vie chez un Chien dans la carotide duquel il avait fait pas- ser le sang de la carotide d'un autre Chien. Le sang étranger peut rappeler à la vie des animaux ou des hommes qui ont perdu tout le leur : probablement il n'agit alors que comme stimulus momentané , qui ranime les diverses fonctions , de manière qu'il est lui-même métamorphosé ou éliminé par ces fonctions , en même temps que le sujet forme de nou- veau sang qui lui appartient en propre. Mais ces sortes d'expériences n'amènent souvent aucun résultat , et sans que nulle circonstance extérieure semble y contribuer; un Chien que Blundell (3) avait asphyxié en lui tirant une livre de sang, revint à la vie lorsqu'une heure après il lui eut transfusé de nouveau sang , tandis qu'un autre , qui n'avait perdu que huit onces de sang, ne se ranima pas , bien qu'il lui eût injecté du sang au bout de vingt minutes. Le même expérimentateur a vainement essayé (4) quatre fois la transfusion sur des hommes ; plus tard elle a été pratiquée avec succès , tant par lui que par Doubledy, Brigham et Sewel, chez des femmes que des pertes consécutives à l'accouchement avaient mises à deux doigts de la mort. Du reste , Blundell (5) a trouvé que la quantité de sang qu'on transfuse n'a pas besoin d'égaler celle qui a été perdue ; chez un Chien , que la soustraction de (4) Scheel , Die Transfusion des Blutes , t. I , p. 48. (2) Loc. cit., p. 257. (3) Loc. cit., p, 66. (4) Loc. cit., p. 136. (5) Loc. cit., p. 96, , EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4oi dix onces de sang avait mis dans Tétat d'asphyxie, deux onces de liquide suffirent pour rétablir la circulation et la vie. 7" On peut , sans compromettre la vie , transfuser une cer- taine quantité de sang appartenant à un individu d'une autre espèce ; ainsi on a fait passer dans les vaisseaux d'hommes bien porlans , sans qu'ils en fussent alFectés , dix à quatorze onces de sang d'Agneau, selon Knig('î), et même vingt onces, suivant Denis (2), au rapport duquel le sang de cet animal (3) ou du Veau (4) a opéré un changement favorable dans l'état de certains malades. Des Chiens ont également supporté , sans en souffrir, qu'on leur coulât dans les veines du sang de Bre- bis (5) ou de "Veau (6) ; des Chamois qu'on leur injectât du sang de Veau (7) , et des Brebis ou des Chiens épuisés de sang , ont été ranimés , les premières , par du sang de Veau (8) , les. autres par du sang d'homme (9). Mais , en y regardant de plus près , on a reconnu que tout sang étranger exerçait une action nuisible quand on l'introduisait en trop grande quantité. Une Brebis à laquelle King avait transfusé du sang de Veau , pé- rit de marasme au bout de trois semaines (10) ; un Chien que Scheel (11) avait ranimé avec du sang de Cheval, après lui avoir tiré tout le sien, périt le même jour; Blundell rappela à la vie, avec du sang d'homme , plusieurs Chiens tombés en asphyxie par le fait d'une hémorrhagie épuisante ; mais ils moururent, soit au bout de quelques minutes (12), soit au bout d'une heure (13), d'un jour (14) , ou de six (15), sans qu'on ob- (1) Scheel, loc cit., 1. 1 , p. 470. - (2) iSiti., 1829, p. 92. (3) /Md., p. 89,132,232. (4) /iîd., p. 104, 124. (5) Ibid., p. 58. (6) Ihid., p. 80. {l)Ihid., t. II, p. 150. (8) Ibid., p. 136. (9) Blundell, loc. cit., p. 91. (10) Scheel , loc. cit., t. I, p. 63. (11) Ibid„i. II, p. 226. (12)Uoc. ci*., p. 82;, 84. {\Z)Ibid., p. 86, 88. (14) Ibid., p. 83. (15) Ibid., p. 88. VI. 26 4 02 EfPBTS bÙ SANG SrP, L'oRGANIgMÈ. servàt aucune trace de pléthore , ou qu'il se fût introduit d'ail' dans les vaisseaux. De même, suivant Leacock, les Chiens épuisés par une hémorrhagiesont ranimés par le sang de Bre- bis, mais périssent ordinairement quelques jours après (1). Prévost et Dumas ont transfusé du sang de Veau dans le corps de Chats ou de Lapins ; mais ces animaux, qui ont rarement survécu au-delà de six jours, offraient une accélération du pouls et une diminution de la chaleur, avec des évacuations mu- queuses et sanguinolentes (2). DiefFenbach a fait des observa- tions analogues. 8° La transfusion du sang d'un individu appartenant à une autre classe amène presque toujours la mort. Des Tortues, auxquelles Rosa avait injecté du sang de Veau dans les veines , moururent au bout de quelques heures (3). Un Lièvre, auquel Gaspard avait tiré deux onces de sang, bientôt remplacé par autant de sang de Limaçon tiède , périt douze heures après (4). Suivant Prévost et Dumas , les Oiseaux auxquels on injecte du sang de Mammifère , meurent dans les convulsions , comme s'ils avaient été empoisonnés. D'après Dieffenbach, quelques gouttes de ce sang suffisent pour tuer des Pigeons , et trente à quarante pour causer la mort des Oies ; le sang des Poissons agit de même sur les Oiseaux , et fait succomber aussi les Mammifères , notamment les Chiens , les Chats et les Lapins ; cependant un Chat supporta le sang de Tortue. IV. La qualité du sang est déterminée tant par les impres- sions du dehors , que par l'état et l'activité vitale des organes assimilateurs et excrétoires , par la modalité de sa formation et de sa décomposition. Ce qui annonce déjà que les produits qui en émanent peuvent modifier ses qualités, c'est l'effet produit par Tinfusion de liquides provenant de sécrétions anormales. Ainsi divers animaux chez lesquels Gaspard, Bouillaud, Trousseau etVelpeau avaient injecté du pus, tom- bèrent malades et succombèrent (5). Des Chiens , dans le sang (d) lUd., p. 90. (2) Bii:>liolhè(iue universelle de Genève , t. XVII, p. 306. (3) Sctieel, loc. cit., t. Il , p. 452. (4) Journal de Magendie , t. II , p. 338. (5) Archives générales , t. VU , p. 306 , 406 j t, XI , p. 37S, _ EFFETS DU SANG SUR t'oRGANISME. l^OÔ desquels Deidier avait fait passer de la bile d'un pestiféré , furent atteints de la peste , et leur bile agit ensuite de la mênïe manière sur d'autres Chiens (1). Il arrive aussi , dans certaines maladies , qu'on trouve ( §§ 753-757) , comme Velpeau , entre autres, l'a démontré par plusieurs exemples (2), le sang altéré sous le point de vue de sa couleur, de sa consistance , de sa pesanteur et de son odeur. De quelque cause que puisse pro- venir cette altération , toujours est-il qu'elle entraîne con- stamment à sa suite un trouble considérable de la vie. Nous en trouvons une preuve immédiate dans cette circonstance qu'un pareil sang , introduit dans le corps d'individus jouis- sant de la santé , produit les accidens morbides analogues à ceux qu'on remarquait chez l'individu qui l'a fourni : du sang de chevaux morveux ou farcineux , queViborg avait transfusé à des Chevaux sains , fit éclater chez eux la morve ou le far- cin (3). Du sang d'un homme atteint de fièvre putride, qu'on injecta dans le tissu cellulaire d'un Chat , tua l'animal en quel- ques heures , après qu'il eut éprouvé des vomissemens bi- lieux, delà dyspnée, de l'accablement et des convulsions (4). Le sang des animaux frappés du charbon excite , par son seul contact avec la peau d'un homme ou d'un animal sain, une inflammation gangreneuse et une fièvre putride. Mais le sang peut aussi avoir acquis des qualités anormales et destruc- tives de la vie , sans que ces qualités soient susceptibles de tomber soos les sens. Ainsi on ne remarque aucun change- ment dans le sang des varioleux , si ce n'est qu'une couenne se produit à la surface , et cependant , d'après Gendrin (5) , lorsqu'on l'injecte dans les veines d'un animal vivant, il pro- voque des inflammations mortelles , tandis que le sang de sujets atteints d'autres maladies inflammatoires ne détermine pas de phénomènes semblables. (1) Scheel, loc. cit., t. II, p. 86. (2) Archives générales, t. VU, p. 302, 460. (3) Scheel, loc. cit., t. II , p. 162. (4) Andral , Précis d'anatomie pathologique , t, I , p. 539. (,5) Histoire anatomique des inflammations , t. II , p, 460. 4o4 EFFETS DU SANG SUR i'oRGANISMÈ. B. Effets qui tiennent à des substances étrangères mêlées avec le sang. § 744. Pour apprendre à connaître expérimentalement les effets des changemens de qualité du sang , jetons un coup d'œil sur les tentatives d'infusion qui ont été faites , c'est-à- dire sur l'introduction immédiate de substances étrangères dans la masse de ce liquide. 1. SHBSTATÎCES INDIFFÉRENTES. Et d'abord examinons ce qui résulte de l'infusion des sub- stances qui, lorsqu'elles entrent en contact avec d'autres par- ties de l'organisme , se montrent indifférentes , ou même con- tribuent au maintien de la vie. I. Nysten surtout a fait de nombreuses expériences sur l'action des gaz. Il a trouvé, comme déjà Blumenbach (1) l'a- vait fait avant lui , que les gaz sont d'autant plus nuisibles , qu'ils se mêlent moins avec le sang (2). Il s'est convaincu, en outre , que le gaz qui parvient dans le sang ne tue point par paralysie du cerveau ; car il ne fait que déranger la circula- tion et la respiration, sans troubler l'action sensorielle; de petites quantités d'air atmosphérique ou de gaz acide carbo- nique , poussées immédiatement dans la carotide , demeurè- rent sans effet, et il n'y en eut que des quantités plus considé- rables qui , parvenues de celte manière au cerveau , détermi- nèrent l'apoplexie et la stupeur ; un peu moins occasionait un trouble dans la circulation et la respiration (3). 2° Lorsque Blundell (4) injectait cinq gros d'air atmosphé- rique dans les veines jugulaires d'un Chien , il voyait survenir la difficulté de respirer, avec irrégularité du pouls et acca- blement , et les animaux ne se rétablissaient qu'au troisième jour. Quand Nysten (5) avait injecté, dans les veines jugulaires de Chiens , de l'air par petites quantités à la fois , environ (d) Scheel, Die Transfusion des Blutes, t. II, p. 272. (2) Recherches de physiologie , p. 455. (3)/it£i., p. 48, 98,168. (4) Physiolocjical Researches , p, 131. (5)ioc. cit., p. 33. EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4^5 vingt centimètres cubes , mais à plusieurs reprises , et de ma- nière qu'au bout d'une demi-heure la somme totale s'élevât à deux cent cinquante centimètres cubes , les animaux parais- saient accablés-, le lendemain ils toussaient, avaient une res- piration stertoreuse , rejetaient un mucus écumeux , et enfin périssaient ; leurs poumons étaient grisâtres et contenaient beaucoup de mucus écumeux. D'après cela , l'air introduit dans le sang faisait mourir par la suppression de la respira- lion; c'est ce que Nysten confirma (1) , en remarquant qu'a- près de semblables infusions , le sang artériel finissait par devenir brunâtre. Nous devons donc présumer que le sang mêlé avec de l'air est impropre au conflit normal avec' l'at- mosphère dans les poumons, que par conséquent il n'a point d'affinité pour l'oxygène, ou ne peut pas se débarrasser de son carbone. Mais Nysten (2) n'a jamais vu de bulles dans le sang artériel , lorsqu'il avait injecté de l'air dans les veines, et de là il conclut (3) que l'air s'arrête dans les vaisseaux ca- pillaires du poumon , qu'il porte ainsi le désordre dans la res- piration , et qu'en sortant il produit l'écume qu'on remarque. Quand Nysten (4) injectait tout à coup , ou en peu de mi- nutes, quatre-vingts centimètres cubes d'air dans les veines, la mort avait lieu promptement , et il trouvait le cœur droit distendu par du sang et de l'air, tandis qu'il y avait peu de sang et point d'air dans le cœur gauche. Aussi attribue-t-il la mort, en pareil cas, à ce que la distension qu'éprouve le cœur le fatigue et le rend incapable de se contracter conve- nablement. Mais, outre que le cœur droit , qui seul était affecté ici, suit les mouvemens du cœur gauche , dont la force l'em- porte sur la sienne , il ne pourrait arriver à une telle disten- sion qu'autant que l'entrée du sang dans les poumons serait gênée, et nous devons présumer, d'après l'analogie des effets produits par de petites quantités d'air , que le sang ne circula point dans les poumons , et que c'est celte cause qui le rend (1) Loc\ cit., p. 44 (2) Loc. cit., p. 30. (3) Loc. cit., p. 38. (4) Loc. cit., p. 16. 4o6 EFFETS DU SANG SUR t'ORGANISME. Stagnant dans le cœur droit. Quand Nysten (1) ouvrait la veine sous-clavière après la cessation des phénomènes vitaux, et chas- sait l'air par une compression exercée sur la poitrine , il voyait reprendre d'abord la respiration , puis les battemens du cœur, de sorte qu'alors l'activité des poumons se prononçait haute- ment comme étant la circonstance déterminante. Du reste , les animaux qu'on avait fait périr en leur injectant de l'air, avaient , suivant Sprœgel, le sang plus liquide que de coutume, et de l'air était épanché à la surface de leurs poumons , sous la forme de bulles (2) . D'après Hertwich (3) , leurs poumons étaient vides de sang , pâles et affaissés , et le cœur gauche contenait du sang noir, tandis qu'un mélange de sang et d'air remplis- sait le cœur droit (4). Leroy a observé parfois un emphysème des poumons ; mais il l'attribuait à ce que l'air déchire les vaisseaux capillaires par l'effet du changement de sa tempé- rature, et il faisait dépendre la mort, ou de cette circonstance, ou du défaut d'excitation du cœur gauche , tenant à ce qu'au lieu de sang il recevait de l'air (5). Mais l'emphysème se voit rarement , et on ne trouve point d'air dans le cœur gauche. D'après une expérience de Gaspard , l'air paraît aussi inter- rompre la circulation dans d'autres organes ; lorsqu'il avait injecté sept à huit pouces cubes d'air dans l'artère crurale d'un Chien , un peu d'air revenait bien par la veine crurale , au bout de quelques minutes, mais le membre était crépitant au toucher, et les injections d'acide hydrocyanique ou d'ex- trait de noix vomique ne produisaient pas l'effet ordinaire (6). 2° Nysten (7) a vu des Chiens auxquels il avait injecté à la fois soixante centimètres cubes environ de gaz oxygène , périr rapidement; le cœur droit était gorgé de sang vermeil etécu- meux, mais le cœur gauche ne contenait que du sang noir. Ici donc , ou le sang avait traversé les poumons sans rougir, (1) Loc. cit., p. 22. (2) Scheel, loc. cit., t. II , p. 256. (3) Dieffenbach , Die Transfusion des blutes , p. 42. (4) Ibid., p. 37. (5) Archives générales, t. III, p. 413. (6) Journal de Magendie, t. V, p. 329. (7) LoQ. cit., p. 54, EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4^7 OU il n'avait point passé de sang à travers ces organes , et le liquide qu'ils avaient fourni en dernier lieu était devenu noir par le fait de sa stase dans le cœur gauche. 3° L'azote , Facide carbonique , le gaz oxide d'azote , l'hy- drogène pur, l'hydrogène carboné et l'hydrogène sulfuré, occasionaient la distension du cœur droit , et empêchaient le sang de prendre une teinte vermeille dans les poumons. Ce dernier effet appartenait surtout aux gaz contenant du car- bone (1). Le gaz oxidule d'azote ne causait point la dila- tation du cœur droit (2) , mais il s'opposait à ce que le sang devînt vermeil dans les poumons ; ceux-ci étaient surchargés de sang et de mucus écumeux , et le sang contenu dans les artères avait une teinte brune, qui ne passait pas non plus au rouge par l'exposition à l'air (3). Le gaz hydrogène sulfuré enfin tuait sans empêcher le sang de rougir , ni déterminer la distension du cœur droit (4). IL On peut injecter quatre onces d'eau à des Chiens (5);, et dix à des Chevaux (6), sans qu'il en résulte aucun effet nuisible. Poussée en plus grande quantité , elle détermine , d'après les expériences de Portai (7), de Magendie (8) et de Hertwich (9), des symptômes de réplétion du système vasculaire , notam- ment l'accélération des battemens du cœur et de la respira- tion , mais de plus une grande faiblesse de la vie animale , et de l'accablement. Si la quantité d'eau est considérable, on voit survenir un état apoplectique et enfin la mort. Chez un Che- val qui périt le quatrième jour après l'infusion , Hertvv^ich (10) trouva des traces de décomposition dans le sang et les par- ties solides , comme chez les individus atteints de fièvre pu- tride. (1) hoc, cit., p. 460. (2) Loc. cit., p. 120. (3) Loc. cit., p. 433. (4) Loc. cit., p. 463. (5) Scheel , loc. cit., t. II, p. 25. (6) Dieffenbach , loc. cit., p, 45. (7) Scheel ,loc. cit., t. II , p. 412, (8) Journal de physiologie , 1. 1 , p. 44. (9) Dieffenbach , loc. cit , p. 4a. (10) Loc. cit., p. 46. 4o8 EFFETS DU SANG SUR L'oRGANISMÊ. III. Parmi les liquides animaux , 4° Le lait paraît être le moins nuisible. Gaspard en injecta six gros à un Chien, sans remarquer aucun dérangement dans la santé (1). Un Chien auquel Lower avait infusé une demi- livre de lait , fut pris , une demi-heure après , de gêne dans la respiration et de battemens de cœur , auxquels succéda la mort (2). 5° De la salive , de la bile , de Turine et du sperme ont été injectés par Gourten (3), Nysten (4) et Gaspard (5). L'agita- tion et la difficulté de respirer furent les accidens ordinaires. L'urine injectée dans la carotide ne tue, suivant Nysten, que par la compression qu'éprouve le cerveau. 6° Après avoir injecté de la graisse de Chapon dans les veines d'un Chien, Gaspard observa une respiration sterto- reuse et difficile , avec des symptômes de pneumonie. Il vit , en outre , l'asphyxie survenir une demi-heure après l'injec- tion d'une demi-once d'onguent mercuriel, et trouva une masse visqueuse noirâtre tant dans le cœur droit que dans les extrémités de l'artère pulmonaire (6). IV. Parmi les substances végétales, 1° Courten (7), Magendie (8), Gaspard (9)etHertwich(iO) ont injecté de l'huile grasse à des Chiens, à des Chevaux et à des Renards , dans les veines jugulaires; la respiration devint toujours pénible, souvent sterioreuse, quelquefois accompa- gnée d'une expectoration visqueuse et sanguinolente. De fortes doses occasionèrent la mort avec promptitude, fréquemment au bout de quelques instans. Les poumons étaient gorgés de sang, et de l'huile se trouvait mêlée avec celui qui remplis- sait les dernières ramifications de l'artère pulmonaire. Le (1) Journal de Magendie , 1. 1, p. 178. (2) Scheel , loc. cit., t. I , p. 46. (3) Ibid., p. d84. (4) Loc. cit., p. 462. (5) Dieffenbacli , loc. cit., p. 175. (6) Journal de Magendie , t. I , i>. 17d. (7) Scheel, loc. cit., 1. 1 , p. 18 k (8) Journal de physiologie , t. I , p. 37, (9) Ibi'L, p. 177. (10) Dieiîcnbacli, /oc. ciV., p. 56. EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4^9 cœur gauche et l'aorte étaient vides. L'huile séjourne aussi dans les vaisseaux capillaires d'autres organes , comme l'éta- Î3lissent des expériences de Magendie , qui , en ayant injecté dans les veines des intestins , trouva après la mort, survenue au bout de quelques heures , le foie volumineux et d'un jaune rouge. Gaspard a également observé un œdème douloureux de la cuisse après une injection d'huile dans l'artère crurale. S° La gomme arabique agit de même , suivant Magendie et Viborg (1), Herlwich a vu aussi cette substance gêner la res- piration , la rendre oppressée et irrégulière , produire des accès de suffocation , et causer la mort , quand la dose en était forte (2) : les poumons regorgeaient de sang , et présentaient des extravasations sur plusieurs points de leur étendue ; le cœur droit et l'artère pulmonaire étaient pleins d'un sang noir, dans lequel on apercevait des stries blanchâtres de gomme. Quand la mort ne survenait qu'au bout de plusieurs jours , les symptômes et les lésions cadavériques étaient les mêmes qu'à la suite d'une fièvre putride. V. Allen Moulins (3) et Gaspard (4) ont injecté du mercure coulant dans la veine jugulaire. 11 survint bientôt des sym- ptômes de péripneumonie ; les ramifications de l'artère pulmo- naire et de petites pustules disséminées dans les poumons contenaient du mercure , dont une certaine quantité se trou- vait aussi dans le cœur droit. Du mercure que Gaspard (5) fit couler dans une veine intestinale, était parvenu, au bout d'une heure, dans le foie , mais n'en avait pas tra- versé les vaisseaux capillaires. Injecté dans les artères d'une partie (6) , le métal y détermina la paralysie , l'inflamma- tion, la suppuration , et on ne le retrouva que dans les vais- seaux capillaires de cette partie , notamment dans ceux des points qui suppuraient. YL De ces expériences il résulte donc que des substances (1) Scheel , loc cit., t. II, p. 207. (2) Dieffenbach, loc. cit., p. 49-55. (3) Scheel , loc. cit., 1. 1 , p. 493. (4) Journal de Magendie , t. I , p. 166 , 242. (5) Loc. cit., p. 473. (6) Loc. cit., p. 70., 4lO EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. aptes à maintenir la vie , ou qui du moins se montrent indif- férentes à son égard , peuvent , lorsqu'elles sont portées im- médiatement , et en grande quantité , dans le sang du système de la veine cave , arrêter la respiration et la circulation pul- monaire , de sorte qu'il n'arrive plus de sang du tout dans le cœur gauche et le système aortique ,' ou du moins que ce li- quide y parvienne peu abondant et noir , et que par consé - quent la vie des différens organes soit abolie. Mais c'est sur- tout à travers les vaisseaux capillaires d'un organe quel- conque que ces substances , introduites en grande quantité , passent difficilement , ou même ne passent point du tout. Le phénomène peut tenir à des causes mécaniques, puisque toutes traversent aisément les capillaires sur le cadavre , et que plusieurs sont celles que nous employons avec le plus d'avantage pour nos injections. Une constriction vivante des vaisseaux capillaires contribuerait plutôt, une fois qu'elles au- raient pénétré dans ce système , à les pousser plus loin qu'à les arrêter, et d'ailleurs cette constriction n'est jamais tellement complète , qu'il soit impossible à de l'air ou à du mercure de passer d'un autre côté. Si les capillaires étaient dilatés par un effet de paralysie , l'impulsion des artères et la succion des veines les viderait. Il ne nous reste donc d'autre ressource que d'admettre entre ces substances étrangères et les organes un rapport qui ne permet pas qu'elles soient attirées et repous- sées ( § 758 ), de sorte que, quand elles prédominent dans le sang, elles enraient la circulation. Nous expliquons aussi par là les effets d'un sang étranger ( § 743 , II ). Quand bien même ce sang proviendrait d'un individu de la même espèce , il n'est cependant pas un pro- duit de l'organisme propre , par conséquent il entre en con- tact avec des organes qui ne sont point de la même lignée que lui , il n'est pas susceptible de se mettre convenablement en conflit avec eux, et il ne passe point avec facilité à travers les vaisseaux capillaires, ceuxsurtoutdes poumons. Le même cas a lieu , et encore bien plus prononcé, lorsqu'il s'agit de la trans- fusion d'un sang provenant d'un individu qui appartient à un autre genre , et surtout à une classe différente. Les effets d'un sang étranger ne deviennent intelligibles pour nous qu'autant EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4*1 que nous admettons, entre le sang et les parties solides , un rapport mutuel , un conflit fondé sur ce qu'ils sont les pro- duits d'une seule et même vie. Les Oiseaux meurent quand du sang de Mammifère pénètre dans leurs veines , et la mort, suivant Prévost et Dumas, est alors aussi prompte qu'après un empoisonnement : la substance de ce sang ne saurait être assez hétérogène à la composition de leur corps pour pouvoir agir comme poison , car beaucoup d'Oiseaux de proie vivent de la chair et du sang des Mammifères, et plusieurs autres, tels que les Canards , supportent ce genre de nourriture sans en être incomm.odés. Le volume et la forme des globules du sang ne peuvent constituer un obstacle mécanique, puis- que , d'après Prévost et Dumas , les globules des Oiseaux sont de même largeur ou même plus larges , et toujours plus longs ( § 664 , 7°), que ceux de la plupart des Mammifères. On ne concevrait pas non plus que les globules également larges ou plus étroits d'un Mammifère s'arrêtassent dans les vais- seaux capillaires d'un Oiseau , uniquement parce qu'ils sont circulaires ;, au lieu d'être elliptiques. Les expériences de Diefiènbach nous apprennent que les Oiseaux supportent moins bien encore le sang d'autres Oiseaux, qui ne les ranime point après une hémorrhagie épuisante ; ce dernier phéno- mène peut certainement tenir à ce que , chez ces animaux , l'irritabilité en général et celle du cœur en particulier s'é- teignent avec une grande promptitude ( § 6'%ô , 2° ) ; cepen- dant il serait possible qu'on dût mettre aussi au nombre des causes coopérantes , chez les Oiseaux et chez les autres ani- maux ovipares, cette circonstance que, pendant la vie em- bryonnaire , ils ne forment leur sang qu'sîux dépens des pro- duits sécrétoires de la mère , avec le concours de l'eau et de l'air , tandis que l'embryon des Mammifères forme le sien avec le sang maternel lui-même , entre lequel et son propre sang il y a conflit et réaction dans l'intérieur du placenta. Quoi qu'il en soit , nous trouvons des faits qui annoncent un obstacle à ce que le sang étranger traverse les vaisseaux capillaires des poumons. Elundell (1) a vu, chez un Chien, dont (1) Loc, cit., p. 75. 4 12 EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. il avait entretenu la vie pendant trois semaines par la transfusion du sang de Chien , le cœur droit dilaté à un point extraordi- naire. D'autres Chiens que la transfusion n'avait pas ranimés après une hémorrhagie épuisante (1) , lui ont offert , comme aussi à Dieffenbach , le cœur droit distendu par du sang caillé et le cœur gauche vide. La même chose avait lieu chez un Chien que du sang humain avait rappelé à la vie , mais dont la respiration était demeurée stertoreuse , et qui succomba au bout d'une heure (2). Après avoir injecté du sang de Lima- çon à un Lièvre, Gaspard observa une accélération de la res- piration , et la mort étant survenue douze heures après , on découvrit des traces d'inflammation sur plusieurs points de l'étendue des poumons (3). 2. SUBSTANCES IKRITAHTES EX ATJTRES. § 745. L'infusion des substances connues sous le nom d'ir- ritantes , poisons ou médicamens , peut être envisagée eu égard à sa quantité. Ainsi nous trouvons que des Chiens ont supporté dix gouttes d'huile essentielle de sauge (4), un demi- gros de sel d'urine (5), un gros de sel ammoniac (6), un gros et demi de sel marin (7) , deux onces de vinaigre (8) , etc. Mais les effets relatifs aux qualités diverses de ces substances ont plus d'importance. Malgré la multitude des observations recueillies à cet égard , nous sommes pauvres en résultats ; cependant, comme il s'agit là d'un point qui intéresse vivement la physiologie , nous essaierons de ramener les faits consignés surtout dans les recueils de Scheel (9), de Dieffenbach (10) et (1) Loc. cit., p. 66. (2) Loc. cit., p. 86. (3) Journal de Magendie , t. Il , p. 339. (4) Scheel , loc. cit., 1. 1 , p. 190. (5) Loc. cit., ibid. (6) Loc. cit., t. II, p. 256. (7) Loc. cit., t. I , p. 187. (S) Loc. cit., t. II, p. 46. (9) Die Transfusion des Blutes und Einspritsuny der Arzneieii in den Adern. Copenhague , 4802 , 1803 , 2 vol. in-8o. (10) Die Transfiision des Blutes und die Infusion der Arzneieii in dio Bluttjefœsse. Berlin , 1828 , in-S". EFFETS DU SANG SUR l'oRGANÎSMÊ. 4^^ d'Orfila (1) à quelques déthictions dont la science puisse tirer profit, et, pour abréf^er, nous supprimerons ici toutes les ci- tations. Quant aux effets, nous les partagerons en ceux qui dépendent d'une disposition individuelle et momentanée de la vie , et en ceux qui tiennent à une relation spécifique entre telle ou telle substance et telle ou telle direction donnée de la vie. I. Les substances en question agissent , quand on les intro- duit dans le sang, d'une manière analogue à celle des sub- stances qui ont été précédemment examinées , et cela parce qu'il y a également hétérogénéité entre elles et ce liquide. 1° Une affection des organes respiratoires a été observée dans presque tous les cas sans exception. La respiration est devenue difficile , en partie intermittente ou inégale , parfois bruyante , stertoreuse , ou bien il est survenu des symptômes de suffocation ^ quand on a injecté dans les veines du gaz oxide de carbone , de l'hydrogène pur , carboné ou phos- phore , du gaz oxidule d'azote , du gaz ammoniaque , du gaz chlore, de l'acide sulfurique, de l'acide oxalique, de l'acide tartrique , du vinaigre , du phosphore , du camphre , de l'es- sence de térébenthine , de l'huile de croton , de la ciguë , de l'opium , de la levure de bière , du sang pourri , d'autres matières animales en putréfaction, de l'écorce de chêne, de la noix de galle , de l'encre , de la teinture martiale , du chlo- rure d'or^ du nitrate d'argent, du nitrate de bismuth, du chlorure de mercure , du tartrate de potasse et d'antimoine , du chlorure d'étain, du sulfate de zinc , de l'acétate de cui- vre, etc. Dans d'autres cas, on n'a remarqué qu'une accéléra- tion de la respiration, après l'injection du gaz oxygène, du gaz azote et de l'air putride , de l'acide nitrique , du chlorure d'or et du nitrate d'argent, du nitre et du sel ammoniac, de l'alcool et de l'éther, des cantharides et des feuilles de séné, de l'opium, de la pomme épineuse, de la laitue vireuse et de l'acide hydrocyanique. La rareté et le ralentissement de la respiration ont été observés quelquefois sous l'influence du gaz oxygène et du gaz azote , de l'acide hydrochlorique et de (1) Toxicologie générale. Paris, 4814 ,4 vol. in-8o. 4l4 EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISMÉ. l'acide sulfurique. Du resîe^ Ségaias prétend qu'en cas de mort par rinjeciion de l'alcool, la respiration cesse déjà au bout de quelques secondes , tandis que les battemens du cœur ne s'arrêtent qu'au bout de deuxà trois minutes (1). Onatrouvéles poumons enflammés après l'injection du deutochlorure de mer- cure , de l'étlier , de l'eau de viande putréfiée , de la ciguë , du camphre et de l'essence de térébenthine; gorgés de sang, d'une couleur foncée, condensés et non crépitans, après celle des chlorures d'or et d'étain , des nitrates d'argent et de bismuth, des acétates de plomb et de cuivre ,dutartrate d'antimoine et dépotasse, des acides suif urique et nitrique, du phosphore, des cantharides, de l'opium, delajusquiame, de la pomme épi- neuse et de la digitale; pleins de sang coagulé, après celle de l'acétate de plomb , des acides sulfurique et hydrochlorique , de l'alcool, du sang-dragon, de l'eau distillée de laurier-ce- rise et du venin de la vipère ; parsemés d'épanchemens sauT guins , après celle de l'acétate de plomb , de l'huile de cro- lon , de la levure et du sang pourri. En outre , on a rencontré une dilatation anormale du cœur après l'infusion des gaz azote , oxidule d'azote , acide carbonique et hydrogène , de l'acétate de plomb, de l'éther, du sang-dragon, du quin- quina et de la ciguë ; des amas de sang noir dans le système aortique, après celle des gaz oxygène et oxidule d'azote, des chlorures d'or et d'étain , des nitrates d'argent et de bismuth , des acides sulfurique et nitrique , de la potasse caustique , de l'ammoniaque, du chlorure de barium et du phosphore. 2° Il est facile de concevoir que toute substance étrangère , mêlée immédiatement avec le sang, détermine une irritation anormale du cœur. Ainsi l'infusion du sang de Limaçon, chez un Lièvre, accrut la violence des battemens de cet organe ; celle de l'huile d'olive rendit le pouls petit, accéléré et irré- gulier ; celle de la gomme arabique provoqua des battemens de cœur rapides et irréguliers , avec un pouls dur ou faible. Aussi Regnaudes (2) et Hufeland (3) ont- ils observé , chez; (1) Archives générales, t. XIII , p. 103. - (2) Scheel , loc. cit., t. II , p. 90. (3) Dieffenbach , loc, cit., p, 43. EFFETS DU SANG SUR l'oRGÂNISME. l^lS rhomme, d'abord une grande agitation, un état fébrile et un pouls irrégulier , puis la sueur , après l'infusion des substances les plus diverses , telles que feuilles de séné , bois de gaïac , gomme arabique, tartre stibié, camphre, opium, etc. II. D'autres symptômes sont accidentels, tant parce qu'ils n'ont aucun rapport avec le mode d'action connu d'uue sub- tance, que parce qu'ils se manifestent quelquefois après l'im- pression de substances tout-à-fait différentes. Mais , en nous servant du terme d'accidentels, nous entendons seulement que les suites dépendent d'un état individuel et momentané de la vie en général , ainsi que des divers systèmes et organes. En effet , nous pouvons concevoir les différentes activités de la vie sous l'image d'un réseau d'anastomoses; l'impression sur le courant entier se manifeste de préférence dans la bran- che qui , en vertu de sa disposition momentanée , a le plus de réceptivité pour elle , et elle y détermine, suivant la nature des circonstances , une accélération ou un ralentissement , une sta- gnation ou un mouvement rétrograde. Ainsi un changement du sang peut apporter dans la respiration un trouble qui réagît sur le sensorium , dont l'affection retentit elle-même sur l'action musculaire, de sorte que cette dernière seule s'ex- prime par des symptômes , tandis que les affections par les- quelles la sienne a été occasionée demeurent insensibles ; il est également possible qu'une partie musculaire , après avoir été mise dans un état momentané de désaccord , manifeste son affection de telle ou telle manière. Ainsi l'étude de la vie, envisagée même sous d'autres points de vue que nous exami- nerons plus tard , nous apprend qu'un seul et même symp- tôme peut dépendre des états les plus diversifiés , et un seul etmême état s'annoncerpar les symptômes les plus disparates. Donc celui qui s'en tiendrait uniquement aux symptômes , qui, par exemple, après avoir lu dans Orfila [1) qu'un Chien dans les veines duquel on avait injecté du nitrate d'argent , pré- senta des mouvemeos convulsifs de la patte antérieure droite et un écoulement de sérosité sanguinolente par la narine gau- che , voudrait conclure de là que le nitrate d'argent agit uni- (l)ioe.cîY., t. I,P.n,p, 39. 4l6 EFFETS DU SANG SUR l'ORGANISMË. quemeiit sur le membre pectoral droit et le côté gauche deS fosses nasales, qu'il peut par conséquent être employé à titre de moyen curatif dans des affections de ces parties, celui-là, dis-je, s'égarerait en dehors du cercle de l'observation raison- née. ^. ia vérité , il ne nous est pas donné d'assigner la cause de pareils symptômes, et de dire, par exemple, pourquoi , de deux chiens auxquels Lanzoni avait injecté de l'eau de cannelle, l'un devint aveugle, sourd, furieux et mourut, tandis que Vautre éprouva seulement des vomissemens (1) ; mais il nous suffit de reconnaître que ce sont là des phénomènes accidentels. Or cette 'distinction s'applique principalement à la vie animale et aux fonctions sur lesquelles elle exerce une influence immédiate. 3° Hufeland a ordinairement observé une constriction de la gorge après l'injection du camphre , de l'opium , etc. Celle du sang humain dans les veines de certains Chiens , celle de l'eau pure, de l'eau de cannelle, du carbonate d'ammoniaque, de l'acide sulfurique , des feuilles de séné , de la teinture de cantharides, de la jusquiame, de la laitue vireuse, de la pomme épineuse, de la digitale, etc., a déterminé le vomis- sement , de sorte qu'on demeure dans l'incertitude de savoir si le tartre stibié et autres sels métalliques produisent cet effet en vertu d'une propriété qui leur appartienne spécifique- ment. 4° Les évacuations intestinales et les flux d'urine qu'on a coutume d'observer chez les animaux qui éprouvent des an- goisses , sont plus équivoques encore. 5°;Toute substance qu'on injecte dans le sang peut, par le trouble qu'elle apporte dans la vie animale , occasioner la débilité musculaire et des spasmes sous différentes formes. Ainsi l'air produit tantôt le tremblement , tantôt des convul- sions ou le tétanos; mais si l'on en injecte peu à la fois, et qu'on répète souvent l'opération , la mort a lieu sans spasmes, d'après Nysten (2). L'eau , l'huile d'olive , la gomme arabique déterminent tantôt la prostration des forces , tantôt des con- (1) Scheel , loc cit., 1. 1 , p. 32. (2) Loc. cit., p. 32. EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4^7 vulsions. On doit donc attacher peu d'importance à ce que des sels métalliques et des substances narcotiques ont occasioné des convulsions , à ce que les acides et le tannin ont paru faire naître surtout le tétanos , à ce que d'autres substances , par exemple, l'ammoniaque ou l'opium, ont amené tantôt le tétanos, et tantôt des convulsions. Les animaux exécutaient des mou- vemens de masticatioiji et de déglutition quand on leur avait injecté de l'huile d'olive ou de crolon, de l'alcool ou de l'eau de vie camphrée, du tartre stibié ou du vert de gris. G^Demême, le cri des animaux n'est que l'expression gé- nérale d'une sensation désagréable, qui peut dépendre de troubles organiques très-différens. On l'a remarqué après l'in- jection de l'air atmosphérique ou de l'huile d'olive , comme après celle des acides , des sels métalliques, de l'ammoniaque, des cantharides , des substances narcotiques et des liquides animaux en putréfaction. 7° Les vertiges, la stupeur et l'état apoplectique eurent lieu aussi , non seulement après l'injection de poisons narco- tiques et de sels métalliques , mais encore après celle d'eau , d'huile d'olive ou de gomme arabique. IIL Certaines substances, quand on les injecte dans le sang", comme lorsqu'on les met d'une autre manière en contact avec l'organisme , exercent une action spécifique sur des directions déterminées de la vie. Aussi a t-on essayé quelquefois d'in- jecter des médicamens. Le tartre stibié et le sulfate de zinc, introduits dans les veines, provoquent le vomissement; le ni- trate d'argent (1), le deutochlorure de mercure (2), l'opium (3), la ciguë (4) , les liquides animaux en putréfaction (5) ont dé- terminé l'inflammation du tube intestinal ; l'acétate de plomb a supprimé les évacuations alvines (6) ; les cantharides ont produit une phlegmasie de la vessie (7) ; le deutochlorure de (d) Oi-aia , loc. cit., t. I , p. II , p. 38. (2) Journal de Magendie , t. I , p. d82. (3) Scheel, loc. cit., 1. 1, p. 251. (4) Ilid., p. 245. (5) Dieffenbach, loc. cit., p. 164. (6) Journal de Magendie , 1. 1 , p, 284. (7) Orfila, hc. cit., l. I, P. II, p. 211. 4l8 EFFETS DU SANG SUR l'ORGANlSME. mercure a donné lieu à la salivation (1) ; l'opium tantôt a déve- loppé la série complète de ses effets , c'est à-dire d'abord l'ex- citation de tous les sens et l'exaltation de la vie animale, puis la paresse et l'engourdissement, enfin la stupeur (2), tantôt a provoqué de suite ces derniers phénomènes en accablant la vie animale (3). Le vin (4) et l'alcool (5) ont déterminé l'i- vresse. Nous aurons plus tard à examiner si ces substances n'agissent qu'après être passées dans le sang. ARTICLE II. De la manière d'agir du sang sur Vorganisme, § 746. A l'égard de la manière d'agir du sang , I. Il fournit les matériaux nécessaires à la formation des solides et des liquides ; mais il en reçoit aussi d'autres en échange, comme nous le démontrerons plus amplement en traitant de la plasticité organique, et comme on peut déjà le conclure de l'expérience rapportée plus haut (§ 741, 1°), qui établit que , quand il y a trop peu de sang , la nutrition et la sécrétion se font d'une manière incomplète. On pourrait éga- lement citer en preuve que les jeunes sujets , chez lesquels la plasticité déploie davantage d'énergie, succombent, pro- portion gardée , plus tôt que les sujets avancés en âge , à la perte de leur sang (§ 741, %"). Mais les suites d'une hé- morrhagie épuisante se manifestent instantanément, tandis que la nutrition s'accomplit peu à peu et d'une manière in- sensible , de sorte que son interruption ne peut point anéantir aussi promptement la vie. L'extinction des sécrétions ne sau- rait non plus produire d'effets aussi soudains , d'autant mieux que, même dans les pertes considérables de sang, les vaisseaux capillaires sont les derniers à se vider complètement. (1) Journal de Magendie , 1. 1 , p. 182. (2) Dieffenbach , loc cit., p. 80. (3) Oifila , loc. cit., t. II , P. I , p. 435. ' 1 (4) Scheel.Zoc. cit., 1. 1, p. 190, 211; t. lî, p. 29. — Dieffenbach , loc. cit., p. 139. (5) Journal de Magendie, 1. 1, p. 33, EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. ^IQ IL Le sang agit aussi comme slimulus. Car , partout où l'ac ces des organes lui est interdit , on n'observe d'abord qu'un trouble de l'activité vitale , et , à part la vacuité des vaisseaux, avec les résultats mécaniques qu'elle entraîne , on ne découvre absolument aucun changement. Au dessous d'un anévrysme , le membre , que cette tumeur empêche de recevoir assez de sang , devient froid et flasque , mais ce n'est qu'au bout d'un certain laps de temps qu'il maigrit. Les phénomènes qui se ma- nifestent à la suite d'une forte hémorrhagie, comme défaut d'appétit , faiblesse de la digestion , et disposition à des sueurs abondantes , à la diarrhée , ou à des épanchemens séreux dans le tissu cellulaire , annoncent que la vie plastique manque non pas seulement de substance , mais encore et surtout de force. De même , dans les congestions , on ne voit d'abord que tur- gescence , pléthore et exaltation de la vitalité ; ce n'est que plus tard qu'il survient hypertrophie. Enfin l'action du sang Se règle en tous points d'après les lois de l'excitement. 1° Tout changement de la quantité du sang dans le corps entier ou dans un organe quelconque , exerce une influence d'autant plus prononcée, que le nouvel état qui résulte de là s'éloigne davantage de celui qui avait lieu jusqu'alors. Si le Sang jaillit d'une plaie faite à une forte artère , la syncope et même la mort sont le résultat d'une hémorrhagie qui n'en- traînerait aucun inconvénient si elle provenait d'une plus petite branche, et si elle avait lieu lentement, goutte à goulte. Il est vrai que , dans ce dernier cas , l'économie gagne du temps pour réintroduire de nouveaux liquides dans le système Tasculairé, à la place du sang perdu; mais la différence entre les effets est trop Considérable , comparativement à celle du temps, pour que cette dernière puisse être la cause enraisonde laquelle on supporte mieux une hémorrhagie lente. Lorsque , dans la saignée , on ouvre largement la veine , de manière que le sang puisse couler avec rapidité , il suffit d'une perte médiocre de ce liquide, non seulement pour déterminer sur-le- champ une grande faiblesse et beaucoup de propension à la syncope , mais encore pour donner lieu à une débilitation prolongée , ce qui rend cette manière de pratiquer la saigfnéfe efficace surtout quand il s'agit de déprimer l'activité vitale , 420 EFFETS DtJ SANG SUR l'oRGANISMË. d'apaiser la fièvre et l'inflammation. Ainsi, d'après Pemberton, une émission de huit onces de sang, dans un cas de phleg- masie, peut agir d'une manière salutaire quand elle a lieu dans l'espace de trois minutes , et ne plus produire cet effet quand elle s'opère en dix minutes seulement. Au contraire , il faut pratiquer une moins large ouverture au vaisseau , et déterminer ainsi un écoulement moins prompt, lorsqu'il s'agit de diminuer la masse du sang , sans affaiblir la vitalité , par conséquent dans les cas où il y a excès du liquide , sans que cette dernière présente de traces d'excitation. La quantité du sang peut être extrêmement faible chez une personne qui a contracté l'habitude des saignées , et cependant donner lieu à tous les phénomènes de la pléthore, lorsqu'on n'a pas soin de la diminuer de temps en temps. D'un autre côté, la même quantité de sang accumulée dans un organe provoque des symptômes beaucoup plus violens lorsque la congestion ou l'inflammation s'établit d'une manière subite , que quand l'anomalie se manifeste peu à peu et lentement. 2° Tout stimulus apte à exalter une certaine direction de la vie , la déprime quand il agit avec trop de force. Cette règle s'applique aussi au sang. Dans un état de pléthore médiocre , le pouls est grand , plein et fréquent , la turgescence vitale augmentée , ainsi que la production de chaleur et les sécré- tions , enfin la vie animale stimulée et énergique ; mais si la pléthore se trouve portée plus loin, la circulation , la nutrition et toutes les manifestations de la vie se ralentissent , il sur- vient des maux de tête , des étourdissemens , de la propen- sion au sommeil , de la gêne dans la respiration , des engour- dissemens dans les membres. Rien ne nous éclaire d'une manière plus immédiate à cet égard que les expériences dans lesquelles on injecte à un animal du sang provenant d'un autre animal, après lui en avoir tiré trop peu à lui-même, ou négligé entièrement cette précaution ; les battemens du cœur devien- nent faibles et ondulatoires, la respiration est difficile , pro- fonde , fréquente et stertoreuse, l'animal témoigne une grande agitation et beaucoup d'anxiété , ou bien il tombe dans un état de paresse et d'engourdissement , dans une sorte de stu- EFFETS bll SANG SUR l'oRGANISME. 4^1 peur, et périt. Après la mort on trouve (i) le cœur en partie^ plein de sang coagulé. De même, en s'accumulant dans un organe , le sang opprime les fonctions de cet organe , il produit au cerveau la stupeur et l'apoplexie , à la rétine la cécité , dans les poumons l'asphyxie , etc. Au point culminant d'une fièvre inflammatoire , le pouls est lent et déprimé ; il ne devient fort, grand et fréquent, qu'à la suite d'une saignée. De même une perte de sang a souvent pour effet de stimuler da- vantage la vie, et même d'en porter les manifestations jusqu'au degré qui constitue la maladie ; en pareil cas , une saignée entraîne des mouvemens fébriles , des battemens de cœur , un pouls fort et fréquent. D'après cela, un seul et même symptôme peut dépendre d'états directement opposés ; les palpitations de cœur peuvent se rattacher à l'excès comme à la pénurie du sang , le délire et les convulsions peuvent survenir lorsque le sang se porte en trop grande abondance au cerveau, de même que quand ce viscère n'en reçoit point assez , etc. 3° Du reste, ce n'est jamais à la quantité absolue du sang qu'il faut avoir égard , mais à la proportion entre ce liquide et l'organisme. 11 peut être trop abondant d'une manière relative et déterminer des symptômes de pléthore lorsqu'il y a défaut de corrélation entre lui et le pouvoir réactionnaire des or- ganes ou la capacité du système vasculaire. Le premier cas (plefhora ad vires) a lieu quand, chez un sujet qui habituel- lement n'a pas beaucoup de sang , la quantité de ce liquide vient à augmenter, même assez peu, en même temps que l'exci- tabilité devient plus grande. L'autre {plethora ad spatium) est celui dans lequel plusieurs organes reçoivent moins de sang qu'à l'ordinaire , par l'effet d'un état spasmodique , ou celui d'un sujet qui , après avoir perdu un membre entier , con- tinue de produire autant de sang qu'avant sa mutilation. IIL. 11 est clair que le sang agit comme stimulant sur tous les organes ; 4° Mais cette action de sa part s'exerce principalement sur son propre organe, le cœur (§ 717 , 6°). Rien, suivant lare- (1) Scheel, loc cit., t. I, p. 180; t. II, p. 136, 144, 150. — Dieffen- bach , loc. cit., p. 27. 422 EFFETS DU SANG SUR l'ORGANISME. marque de Wedemeyer (1), n'affaiblit autant qu'une hémor- rhagie l'influence que le cœur exerce sur la circulation ; chez un animal qui perd tout son sang , les battemens du cœur deviennent plus faibles et plus rapides , puis irréguliers et in- lermittens , jusqu'à ce qu'enfin ils cessent tout-à-fait. Hum- boldt (2) a ranimé le mouvement, dans des cœurs de Grenouil- les, qui étaient déjà immobiles, en les plongeant dans du sang, et après que la répétition de cette expérience les avait épuisés, ils recommençaient à battre avec vivacité lorsqu'on les intro- duisait dans la cavité pectorale d'une Grenouille où venait tout récemment de s'épancher du sang. Le cœur d'un Crapaud , qu'aucune irritation mécanique ne pouvait plus déterminer à se contracter , exécuta des pulsations faibles après avoir été remis dans la poitrine de l'animal , et battit plus vite quand on l'introduisit dans la poitrme d'une Grenouille qui venait d'être ouverte. L'immersion des cœurs de Poissons dans du sang de Lézard , et celle du cœur de la Taupe dans du sang de Chat , produisirent le même résultat ; mais le cœur d'une Souris ne fut point ranimé par du sang d'animaux à sang froid. 5° En remplissant les cavités du cœur , le sang excite cet organe , ce qui lui imprime à lui-même le mouvement. Dans les vaisseaux capillaires , au contraire , il trouve son but , et il y entre en rapport plus intime , en conflit chimico-dynami- que, avec les organes dont ces vaisseaux font partie intégrante, car le système vasculaire perd là son indépendance (§ 702, 1° ). Admis ainsi dans la substance des organes , il stimule l'acti- vité vitale propre de chacun d'eux , et exerce son influence sur la vie générale, de même qu'il agit encore jusque sur la raideur cadavérique (§ 635, 8»), Mais les phénomènes qui résultent d'un changement soudain , principalement dans la quantité (§ 7M) ou la qualité (§ 743) du sang , nous donnent la conviction que c'est la vie animale seule , et non la vie végé- tative , qui a besoin de l'impression continuelle et constam- ment renouvelée du sang artérfei, que par conséquent le sang dirige de préférence sa vert.u stimulante vers les fonctions (1) IJntersncliuwjcn , p. J89. (2) Uolcv die (jereiz'te Musliolfaser , t, II , p. 264, EFFETS DU SANG SUR l'oRGANISME. 4^3 animales. Voilà pourquoi une hémorrhagie abondante et subite produit des vertiges , robscurcissement de la vue , l'abolition de la conscience , la syncope , et laisse à sa suite , toujours l'accablement , souvent aussi des paralysies , ou l'afFaiblisse- pient des facultés intellectuelles , ou le délire. Epuiser de çang un animal , c'est le priver d'abord de sa vie animale , après la perte de laquelle le cœur confnme encore pendant quelque temps de battre, comme l'ont constaté les observations de Piorry (1). Aussi Pùcherand a-t-il remarqué que des Chiens auxquels il liait les deux carotides et les deux artères verté- brales , tombaient par terre et mouraient en peu àe secondes, tout comme ceux dont il avait lié l'aorte elle-même immédia- tement auprès du cœur (2) ; le défaut de sang artériel dans le cerveau produisait le même effet que son déiaut dans le corps entier. Les irrégularités de la circulation qu'entraînent les vices de conformation du cœur déterminent un trouble plus ou moins considérable dès facultés de l'âme , et l'action que le sang exerce particulièrement sur le caractère ressortira des cou-; sidérations dans lesquelles nous entrerons plps tai'd au sujet de cette direction de Tâme. IV. La propriété stimulante du sang repose sur la nature intime de sa substance , et sur la manière chimico-dynîimique dont elle se comporte à l'égard des parties solides; mais le rapport mécanique y entre aussi pour quelque chose. 6" En vertu de sa quantité (§ C91) et de son expansion (§ 690) , le sang met les parties solides dans un état de ten- sion et de rénitence favorable à l'influence qu'elles exercent les unes sur les autres. Quand on épuise un animal de sang , toutes les parties se flétrissent et se relâchent ; lorsque l'afflux du sang augmente vers elles, elles acquièrent et plus de volume et une rénitence plus prononcée. Ainsi , quand le cerveau per- çoit une plus grande quantité de sang qu'à l'ordinaire, il fait effort contre le crâne , y creuse peu à peu des excavations , fait même parfois éclater les sutures, et s'échappe ordinaire- ment à travers les ouvertures accidentelles de la boîte osseuse. (1) Froriep , NoHzen , t. XIU , p. 189. (2) Mémoire de la Soc. niédic, d'Emulation , t. III , p. 296. 424 EFFETS DU SANG SUR L'oRGANISME, Le volume du corps change également dans toutes les circon- stances qui accroissent ou diminuent le mouvement du sang vers la périphérie en général, ou vers un point quelconque de la surface. D'après les mesures de Martini (1), le pourtour de la poitrine et du ventre augmente d'environ cinq lignes après qu'on a mangé (§ 767); après un repas copieux, ou l'usage d'une grande quantité de vin et de café , celui de la poitrine s'accrut d'à peu près sept lignes , et celui du ventre de dix à douze; au contraire, après avoir bu de l'eau- de- vie, la partie supérieure de la poitrine se trouva plus étroite de cinq lignes , l'inférieure de douze , et le ventre de cinq. La circon- férence de la poitrine augmenta de huit lignes après avoir joué d'un instrument ; de six lignes en haut et huit en bas , pendant un accès de colère ; elle diminua, au froid , d'envi- ron six lignes. Après la marche , le mollet se trouva plus gros de cinq lignes , et la cuisse de sept. 7° La force avec laquelle le choc du cœur agit sur le sang dans les artères produit un ébranlement , non seulement dans ces derniers vaisseaux, mais encore dans les organes voisins. Si , par exemple , on pose le coude sur une table , en tenant un corps long dans la main , on voit celui-ci éprouver une élévation et un abaissement isochrones aux battemens du pouls. La même chose arrive à la cuisse qu'on croise sur l'autre étant assis. Or, si nous considérons le système vasculaire comme un appareil mécanique de tubes liés les uns avec les autres , dans le cercle desquels le cœur est renfermé comme pompe aspirante et foulante, il nous semble que cette pompe pourrait accomplir la circulation, même en déployant une force bien moins considérable ; et si nous réfléchissons encore qu'indé- pendamment du cœur on découvre d'autres forces qui dé- terminent la fonction (§ 758 ), il devient évident que sa puis- sance n'est point indispensable. Cependant, comme il répugne d'admettre un déploiement inutile de force dans une fonc- tion qui est si générale , nous ne pouvons non plus croire que cet ébranlement soit sans importance, et nous devons penser qu'il influe sur la vitalité des organes , hypolhèse dont (1) Ahhandlunvien der Schwedischen Akademie , t. XXXI , p. 73. ËtPETS DU SANG SUR t'oRGANlSME.' 4^5 Bichat a essayé le premier d'établir la vraisemblance (1). En effet , l'agitation mécanique qui résulte des alternatives conti- nuelles d'ampliation et de resserrement de la cage thoracique, des poumons et du cœur, comme aussi du mouvement des parois abdominales , de l'estomac , du canal intestinal et de la vessie urinaire , semble influer d'une manière puissante sur la vitalité des organes, et dès lors on ne voit pas pourquoi l'im- pulsion du sang artériel ne contribuerait point aussi à cette action. Les flexuosités des artères paraissent indiquer que tel est effectivement le rôle qu'elle joue; en multipliant les points de contact des artères, et les étendant plus loin sur les côtés , elles leur permettent d'ébranler davantage les organes voi- sins ; aussi les rencontre-t-on surtout, comme le fait remar- quer Bell (2) , dans les parties qui jouissent d'une vitalité très- prononcée , de sorte qu'il y en a plus , par exemple , à la tête qu'aux membres inférieurs. De même aussi , quand le placenta, les glandes mammaires, etc., déploient une vie plus éner- gique , leurs artères deviennent plus fortes et plus flexueuses qu'elles ne l'étaient auparavant. Mais le cerveau est de tous les organes celui dans lequel on reconnaît au plus haut degré l'influence de cet ébranlement , et si elle s'y montre plus pro- noncée que partout ailleurs, c'est qu'il n'est aucun organe non plus , dans l'économie , qui ressente plus vivement l'ac- tion stimulante du sang que ce centre de la vie animale. En effet , nous apercevons , dans le cerveau de l'homme , des dis- positions qui lui permettent d'être ébranlé par les effets des battemens du cœur. Les branches artérielles qui s'y rendent, avant de se partager en rameaux ^ décrivent des flexuosités à sa base et y forment un cercle dans lequel un courant san- guin, dirigé d'avant en arrière, se rencontre avec un autre dirigé d'arrière en avant , de sorte qu'à chaque systole du cœur ces vaisseaux s'étendent de bas en haut, et soulèvent l'organe encéphalique reposant sur eux , d'autant plus qu'é- tant dépourvus de membrane fibreuse , ils doivent non seu- lement céder avec une grande facilité à l'impulsion du cœur^ (1) Recherches sur la vie et la mort , p. 185-202. (2) An essay on the forces ly which circulâtes the hlood , p. 42. 4aÇ EFFETS BU SANG SUR l'oRGANISME. mais encore la transmettre aisément à la masse molle de Fencéphale. Aussi voit-on, tant sur le cadavre, quand on injecte de l'eau par saccades dans les carotides , que sur le vivant , lorsque les circonstances permettent de faire cette observation , le cerveau se soulever à chaque battement du cœur, et s'affaisser aussitôt après. Ces mouvemens cessent quand les forces diminuent , s'affaiblissent dans les hémorrha- gies , s'interrompent durant la syncope , augmentent lorsque le sang afflue en plus grande quantité vers la tête, et s'arrê- tent quand les artères cérébrales viennent à être obturées : en un mot , ils correspondent exactement à l'impulsion du cœur et à sa propagation au cerveau (1). Mais, d'un autre côté , ils sont aussi en raison directe de l'activité des facultés de l'âme ; on ne les observe point dans la stupeur qui accompagne les commotions cérébrales, et, à mesure qu'ils se rétablissent, la conscience renaît. Ils sont plus faibles chez les Mammifères que chez l'homme, et manquent totalement chez les Oiseaux , les Reptiles et les Poissons. Dans les Poissons et les Urodèles , le cœur ne peut point exercer celte influence immédiate sup le cerveau, puisqu'entre les deux organes se trouve interposé le système vasculaire des branchies. Chez les autres Reptiles , il n'y a qu'un des deux troncs dans lesquels l'aorte se partage qui donne les artères de la têle et des membres supérieurs , encore même de telle sorte que, la plupart du temps , l'ar- tère céphalique n'est qu'une faible branche de la sous-cla- vière, et l'artère cérébrale le dernier rameau de la cépha- lique. Chez les Oiseaux, il n'y a également point d'aorte as- cendante , l'aorte se partageant , aussitôt après sa sortie du cœur, en un tronc gauche , l'artère sous-clavière gauche , et un tronc droit , l'aorte descendante , de laquelle naît la sous- clavière droite; la carotide, qui provient de la sous-clavière droi- te, ou de la gauche , ou de toutes deux, et qui fournit l'artère vertébrale , est proportionnellement fort petite ;, et souvent impaire jusque près de la base du crâne , où elle se divise en plusieurs branches , entre lesquelles l'artère cérébrale ne se fait point remarquer par un cahbre plus considérable. C'est (1) Burdach, Vom Baue des Gchirns, i, III, p. 32-37. EFFETS DU SANG SUR t'ORGANISNE. 4^7 chez les Mammifères seulement que la masse entière du'"sang s'engage dans l'aorte ascendante, d'où résultent un afflux plus considérable de ce liquide vers la tête , et un mouvement plus prononcé du cerveau. Mais cet état de choses est surtout très-: développé chez l'homme, oii , plus que partout ailleurs, la base du cœur et l'issue du ventricule aortique sont tournées vers l'encéphale, et où la carotide interne n'est plus une branche subordonnée de l'interne , mais forme la continuation en lifjne droite du tronc , de sorte que le sang se porte au cer- veau d'une manière directe et avec toute la puissance dont il est animé (1), A la vérité , d'après la loi générale de l'hydro- statique , le liquide pèse uniformément en tous sens sur ses parois ; mais , dans un mouvement saccadé , il heurte aussi avec plus de force contre la paroi qui lui est directement op- posée (§728, i°). 8° L'artère carotide interne rencontre d'abord perpendi- culairement le rocher, puis elle s'infléchit dans son canal os- seux , qu'elle remplit en entier, et avec le périoste duquel elle est unie d'une manière intime ; voilà pourquoi il arrive souvent que la tête soit soulevée à chaque pulsation , quand , par l'effet de la maladie , le sang afflue en plus grande quan- tité vers elle (2). Mais ce qui arrive avec une violence insoUte dans l'état anormal , doit avoir lieu aussi à un moindre degré dans l'état ordinaire -, le sang qui heurte contre la paroi os- seuse doit produire en elle une vibration qui occasione un tremblotement léger dans le cerveau. Le courant du sang peut fort bien déterminer aussi quelque chose d'analogue dans d'autres parties molles ; seulement alors le phénomène est invisible , quoique susceptible d'être apprécié par Toreille. Or, quand on met le doigt dans l'oreille , on entend un bruis- sement continuel , et l'on pourrait présumer qu'il dépend de l'oscillaiion déterminée dans le doigt par le cours du sang , s'il ne se rattachait pas peut-être en partie à une activité vi- vante des fibres musculaires. C'est un point sur lequel nous reviendrons plus tard. Au reste, le mode d'action mécanique de la circulation (d) Bimlach , loc. cit., t. III , p. 116. (2) Loc. cit., p. 32 ,36. 428 ACTION DE t'oRGANISME SUR LE SANG. paraît se perdre chez les animaux inférieurs ; les Insectes dont on a enlevé le vaisseau dorsal , ou chez lesquels on l'a rempli d'une substance étrangère , continuent de vivre tant que leurs organes sont baignés et imbibés de suc vital. CHAPITRE II. De l'action de l'organisme sur le sang. § 747. Nous avons déjà fait remarquer que la qualité du sang variait dans les deux sexes ( § 168 , 1° ) , pendant la grossesse (§ 347, 2°), la vie embryonnaire (§ 464, 3° ; 467, 10°), la jeunesse (§639), l'âge avancé (§ 584, 1°) et le sommeil d'hiver (§ 612, 4°), attendu qu'elle est déterminée tant par le mode de formation du sang au moyen de la digestion et de la respiration , que par celui de la décomposition de ce liquide pendant la nutrition et la sécrétion. Mais , indépendamment de toutes ces circonstances , l'état de la vie dans le reste de l'organisme exerce une influence sensible. Le sang, par sa mobilité , établit une connexion entre les différentes parties du corps, et , de cette manière, sa qualité varie aussi suivant l'état des fonctions. Sa susceptibilité à cet égard , et en général sa grande variabilité , se manifestent surtout par les changemens qu'il subit fréquemment dans ses propriétés pen- dant même qu'il coule de la veine. 1° D'après Bellingeri (J), la portion qui s'écoule la pre- mière est la plupart du temps moins électrique, et, sui- vant Rossi (2), il arrive quelquefois qu'à une portion non électrique en succède une électrique , puis une autre qui ne l'est point. 2° La première portion est ordinairement plus foncée en couleur et plus dense, J. Davy a trouvé , chez divers animaux qu'il avait fait périr d'hémorrhagie , que la dernière portion était au moins d'un à deux millièmes (3) , mais quelquefois aussi de cinq à sept (4) plus légère que la première ; de sorte (1) Bulletin de la Soc. médic. d'Émulation, 1823, p 643. (2) Ihid., p. 639. (3) Heusinger, Zeitschrift fuor die orgaiiische PJiysik , t. II, p. 389. (4) Meckel, DeutscUes Archiv , t. I , p. 130. ^ ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. /pQ que, chez un Bœuf, par exemple, la pesanteur spécifique de la première était de 1058, et celle de la dernière de 1051. 3» La première portion se coagule plus tard que la der- nière (§ 754, 5°). 4° La première donne plus de globules que celles qui vien- nent après; cependant la quantité de ces globules augmente dans les dernières portions. Ainsi , d'après Thackrah (1) , la proportion du sérum au caillot a été , dans un cas , d'abord de 112,25, puis de 111,41, enfin, de 1 ! 1,76 ; et, dans un autre cas , d'abord de 1 1 1,28 , puis de 1 1 1,04 , ensuite de i:i,31; plus tard, de 1! 1,13, et enfin de i:i,19. 5" La première portion contient davantage de fibrine. Scudamore (2) a trouvé, dans mille grains de son caillot, douze grains de fibrine, tandis que la même quantité de caillot de la dernière portion ne lui en avait donné que six de fibrine. D'après les observations de Davy , la quantité de la fibiine tomba , pendant Thémorrhagie , de 0,37 à 0,34 , ou de 0,47 à 0,37, ou de 0,17 à 0,16, mais monta, dans un cas, de 0,36 à 0,40 (3). Lavagtia a également trouvé d'abord beaucoup de fibrine dans le sang d'un Lapin, tandis qu'il n'y en avait presque plus pendant que l'animal se mourait (4). 6° Davy a reconnu aussi que le sérum de la première por- tion était plus épais que celui de la dernière , la pesanteur spécifique étant tombée de 1027 à 1022 , ou de 1024 à 1018. 7° Souvent il se forme une couenne sur la première por- tion , tandis qu'il ne s'en produit pas sur la dernière. Hew- son (5) cite plusieurs cas de ce genre, quelques uns, entre autres, dans lesquels le phénomène fut offert p^r le sang obtenu de saignées répétées le même jour, ce qui prouve que le sang se modifie pendant cette opération et à son occasion. 8» Gendrin (6) fait remarquer que , quand la saignée vient à être interrompue par une syncope , le sang qui coule ensuite (1) ^n inquiry into the natur ofllood , p. 100. (2) Versuch ueler das Blut , p. 99 (3) Keusinger, Zeitschrift fuer die onjaiiische Physik , t. II, p. 389. (4) Meckel , Deutsches Jrchiv , t. IV, p. 154. (5) Expérimental inquiries , t. 1 , p. 53. (6) Hist. aitat. des inflanamations , t. II , p. 439. 43o ACTION DE l'organisme SUR lE SANG. ne forme plus de couenne , qu'il donne un caillot plus mou et plus volumineux , et qu'une plus grande quantité de cruor se dépose dans le sérum. Schrœder (1) cherche à expliquer ces phénomènes d'une manière mécanique ; il pense que les vaisseaux capillaires se rétrécissent pendant la saignée , qu'ils admettent par cela même moins de globules du sang, et qu'ils charrient plus de sérum dans les veines , de manière que le sang veineux de- vient plus aqueux , et que c'est à cette cause qu'on doit attri- buer qu'il ne produit pas de couenne. Schrœder se fonde sur une observation d'après laquelle le sang de la veine cave d'un cadavre se coagula aussi tard et donna un caillot aussi ferme que la première portion du liquide obtenu par la sai- gnée. Mais plusieurs des observateurs que nous avons cités ont remarqué ces phénomènes sur le sang artériel et non sur le sang veineux ; Lavagna , par exemple ^ les a vus sur le sang de la carotide. «D'ailleurs, la diminution de la densité du sérum pourrait difficilement être expUquée par un rétré- cissement des vaisseaux capillaires : ce rétrécissement lui- même , quand il a lieu réellement , est plutôt le résultat de l'application des vaisseaux à la masse diminuée du sang, qu'une constriction capable de mettre obstacle à la pénétra- tion des globules. Schrœder dit encore, à l'appui de sa théorie^ que , dans une forte saignée , le sang est rendu plus liquide par l'afflux de la lymphe , que , pendant l'agonie , la contrac- tion de l'estomac le mêle avec du suc gastrique et de la bile , et que ces circonstances l'empêchent de se coaguler ; mais il serait bien difficile que, pendant la courte durée d'une saignée , assez de lymphe affluât dans le sang pour pouvoir produire ces phénomènes ; et l'admission d'un mélange de suc gastrique et de bile est une hypothèse trop forcée , pour qu'on puisse lui accorder la moindre confiance. Les expé- riences sur la coagulabilité du sang ( § 754) prouvent que ses qualiléschimiques sont susceptibles d'être changées subitement par une modification quelconque de l'état de la vie, et, quoi- que les phénomènes ci-dessus mentionnés puissent dépendre (1) Diss, sistens sanguinis coagulantis histofiatit , p. 53. ACTION DE l'organisme SUR lE SANG. 4^1 en partie de circonstances mécaniques, comme aussi derafflux d'autres liquides, [i!s nen attestent pas moins avec quelle facilité le sang est apte à se laisser modifier par tout change- ment survenu dans l'état général de la vie. ARTICLE I. De la manière d^agir de Vécononiie sur le sang, § 748. L'action des parties environnantes sur le sang doit être ou mécanique ou chimique , c'est-à-dire se rapporter ou à rétendue dans l'espace , ou à la constitution de la substance. Mais, dans l'un comme dans l'autre cas, une réciprocité d'action esl tout aussi bien la cause que l'effet de cette in- fluence matérielle. î. Action mécanique. Quant à ce qui concerne les rapports mécaniques , 1° Nous avons trouvé que le cœur accomplit la circulation par sa forcé propre et sans le concours d'aucune autre, si ce n'est la force mécanique des vaisseaux ( 719-723 ). Comme les vais- seaux ne sont pas doués seulement d'une élasticité exaltée par la "Vitalité, c'est-à-dire de la toniicité, mais possèdent aussi en par- tie la force musculaire ( § 732-737 ), et que nous ne saurions admettre l'inaction complète de cette dernière, il est très-pro- bable qu'elle a pour but d'exercer une compression sur le sang. Le sang distend les artères au-delà du diamètre donné par leur cohésion , il met des bornes à la manifestation de leur élasticité, et plus encore à leur force musculaire, qui tend à faire qu'elles se resserrent davantage ; mais sa propre force expansive est limitée à son tour par la réaction des ar- tères , et de là résulte , entre les deux parties constituantes du système sanguin , une tension en vertu de laquelle la vita- lité se trouve exaltée. En effet , toute force quelconque n'est déterminée à se manifester que par celle qui lui fait anta- gonispie, et lorsque entre deux forces opposées existe un conflit tel qu'aucune des deux ne puisse vaincre l'autre, mais que la manifestation de chacune rencontre des obstacles qui l'empêchent d'atteiiidre à son but et de s'épuiser, il résulte 452 ACTION DE L'oRGANISME SUR LE SANG. de là une activité plus énergique , que nous désignons sous le nom de tension. Maintenant le contenu en sang des artères •varie ; car, d'un côté, la quantité du sang en général augmente durant un certain laps de temps après la digestion , et dimi- nue ensuite plus ou moins par l'effet de l'abondance plus ou moins grande des sécrétions; d'un autre côté, de même que l'activité vitale subit des variations dans divers organes , de même aussi telles ou telles artères reçoivent plus de sang à cer- taines époques que dans d'autres temps, et en soustraient à d'autres une quantité correspondante; en outre, la force ex- pansive du sang lui-même peut augmenter ou diminuer sous l'influence de la vie et de ses conditions extérieures , notam- ment de la température. Or les artères s'adaptent au sang, comme la peau à la chair, et, en vertu de leur force motrice, elles le suivent dans toutes ses variations,'de sorte que la tension se trouve maintenue constamment , même après une grande perte accidentelle de, sang ( § 743, 2° ). Pour employer un langage figuré, le sang et l'artère se cherchent l'un l'autre comme des parties aspirant mutuellement à se compléter ; le sang fait effort de dedans en dehors vers sa paroi , et l'artère de dehors en dedans vers son contenu , d'où il suit que ce rapport de part et d'autre réalise l'unité vivante des deux membres constituans du système sanguin. 2° La mécanique, dit Arnott(d)^ évite tout mouvement sac- cadé, afin d'épargner le frottement. De même, tous les organes font preuve d'un mouvement doux, à l'exception du cœur; il faut donc que l'action saccadée de ce dernier ait un but particulier. Ce but peut consister dans l'ébranlement des or- ganes ( § 746, 7" ) ; mais on se demande si l'ébranlement si- multané du sang n'aurait point aussi une influence considé- rable sur ce liquide. Il n'est pas encore certain que tous les Insectes, notamment à l'état parfait, aient un système vascu- laire complet. Strauss (2) , dans ses belles recherches sur le Hanneton , a découvert , à la partie postérieure du vaisseau (1) Elemente der Pliysik , t. I, p. 490. ' (2) Considéiations générales sur l'anatom ie des animaux articulés p. 357. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 4^5 dorsal , huit ouvertures latérales , qui , pendant la 'diastole , s'ouvrent et pompent le sang de la cavité abdominale , puis se ferment au moyen de valvules durant la systole ; celle-ci chasse le liquide dans l'artère qui sort de la partie antérieure du vais- seau dorsal pour aller gagner la tête. D'après cela , la pulsa- tion du cœur ne pourrait ici ni se rapporter à la propulsion du sang, ni opérer un ébranlement des organes. Mais, en tout cas, les vaisseaux sont si peu communs chez les Insectes, que la plus grande partie du suc vital baigne immédiatement les organes , et de cette manière il n'y en a qu'une très-petite partie qui , pendant la diastole du vaisseau dorsal , soit pous- sée de la région antérieure de celui-ci' dans l'artère , tandis que la plus considérable reflue en arrière. Or, de même que nous voyons ici une fluctuation continuelle du sang , de même aussi^nous en découvrons une analogue partout, sous quelque forme que le cœur apparaisse ; ainsi , par exemple , chez les animaux vertébrés , le sang contenu dans les ventricules est alternativement poussé vers la pointe et vers la base (1). Puis- qu'elle repose sur une loi générale ( § 593 , 3° ), cette fluc- tuation ( § 714 , 6° ) ne peut point être sans but. Tout porte à croire , comme l'a surtout développé Legallois (2) , qu'elle tend , du moins en partie , à mêler le sang. Comme le sang subit , dans chaque organe à la nutrition ou à la sécrétion du- quel il sert , une métamorphose spéciale et proportionnée à sa nature particulière , les différentes sortes de sang doivent se rencontrer dans le cœur droit , et là , en effet, nous trouvons portées à un haut degré de développement les conditions mé- caniques qui rendent possibles ce mélange et cette réduction en une masse homogène. D'abord , les courans opposés de la veine cave supérieure et de la veine cave inférieure se ren^ contrent , quoique celui de la première ne porte en partie que sur le tubercule de Low^er ; en second lieu , le reflux du sang du ventricule dans l'oreillette et de celle-ci dans les troncs vei- neux est plus fort qu'au côté gauche du cœur ; enfin les sail- lies et les dépressions sont plus considérables, par conséquent (1) Hallei', Opéra minora, t. I, p. 61, (2) Œuvres, t. I, p, 324. /|S4 ACTION DE l'organisme StU LE SANG. le contact du sang avec les parois a lieu sur des surfaces plus étendues et plus multipliées. Cependant ces dispositions existent également , mais à un moindre degré , dans le cœur gauche , quoiqu'il ne reçoive son sang que des poumons ; les veines pulmonaires se rencontrent horizontalement et non per- pendiculairement , et si le reflux dans leur intérieur , si Viné- galité de la surface interne du cœur, due à la saillie des co- lonnes charnues , se réduisent à peu de chose , on les observe néanmoins. Legallois croit que la nécessité du mélange tient ici à ce que la respiration ne se fait pas d'une manière uni- forme dans toutes les parties des poumons , parce qu'en l'en- tretenant d'une manière artificielle chez les animaux mis à mort , il a vu le sang rester parfois noir dans certains points de l'organe pulmonaire. Mais vouloir tirer de cette observa- tion une conclusion applicable à l'état normal de la vie , pa- raît être une chose très-hasardée , et l'on peut présumer, à ce qu'il nous semble, que l'agitation des globules et de la sé- rosité du sang dans le cœur n'est que la représentation à un plus haut degré de l'action vivante exercée par les parois ( § 749-751 ). II, Action chimique. § 749. Le sang ne conserve sa constitution et sa consistance normale qu'aussi long-temps qu'il est renfermé dans les vais- seaux vivans. Ilpeut bien couler pendant quelques instans dans des canaux morts sans éprouver de changement notable; ainsi, dans des expériences de transfusion, King (1) a employé, sans qu'il en résultât aucun inconvénient , trois tuyaux de plumes insérés l'un dans l'autre, Rosa (2) un tube de cuir, et Tiet- zel (3) un bout d'artère détaché du corps d'un autre animal. . Blundell (4) a même vu que, quand il recevait le sang d'un Chien dans une tasse, le laissait reposer pendant quelques secondes, en remplissait ensuite une seringue , et l'injectait dans la veine, la vie de l'animal ne se trouvait pas compromise : ainsi, au (1) Scheel, loc cit., t. I , p. 170. (2) iiid.,t, II.p. 141. (3) Diefl'enbach, loc. cit., p. 27. (4) jRwearcAes , p. 99, ■ ' ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 4^^ moyen d'un tube et d'une seringue ayant ensemble dix-huit pouces de long , il fit passer le sang d'une artère crurale dans une veine du même nom , ou d'une veine jugulaire dans la carotide , et la quantité de liquide qu'il déplaçait allait même jusqu'à égaler le poids total de l'animal, de manière que le même sang avait dû traverser plusieurs fois les canaux inertes. Mais il remarqua;, dans toutes ces expériences (1) , que, pen- dant la durée de l'opération , et même deux ou trois jours après , les animaux éprouvaient de 'la lassitude , et qu'ils avaient les pulsations du cœur et la respiration irrégulières ou faibles , d'où il conclut avec raison que le sang ainsi trans- fusé était au moment de se décomposer et avait besoin de subir une nouvelle assimilation pour être apte à maintenir les conditions normales de la vie. La même chose a vraisembla- blement eu lieu aussi lorsque DiefFenbach employa du sang battu , passé à travers un linge , et même retiré depuis deux heures de la veine , pour ranimer des animaux qu'il avait asphyxiés par une hémorrhagie épuisante. Une substance aussi variable que le sang ne peut acquérir une existence permanente et demeurer semblable à elle- même , qu'à la condition d'un renouvellement continuel de ses matériaux. Or la nutrition et la sécrétion font sortir du sang des parties solides diverses et des liquides particuHers ; il abandonne donc une portion de sa substance , et par consé- quent se décompose. Mais on ne peut point supposer que cet effet n'ait lieu que d'un seul côté , que le sang se contente de donner, sans recevoir aussi , et qu'il ne fasse qu'agir au dehors de lui , sans être lui-même affecté. Loin de là nous sommes obligés de supposer , jusqu'à ce que l'observation en ait donné la preuve directe ^ qu'entre le sang et le reste de l'organisme a lieu un échange mutuel de matériaux , par le moyen duquel tous deux sont maintenus dans leur intép-rité. Cette hypothèse n'entrerait en contradiction avec Texpérience qu'autant qu'on la pousserait à l'extrême , en prétendant que le sang est à chaque instant détruit et créé de nouveau dans toute sa masse (§ 700, 3°). Par la continuité de sa décompo- (i) Ibii., p. 104-115. 436 ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. sition et de s'a reproduction le sang ne se maintient pas autre- ment que le corps animal tout entier; à chaque instant il abandonne une partie de ses matériaux intégrans , et reçoit en échange des substances étrangères , qu'il incorpore dans sa masse. ARTICLE II. Influence de Vorganisme sur les qualités du sang. X. IS^ets habituels de l'organisme sur le sang. A. Influence sur la liquidité du sang. § 750. L'effet ieplus évident de Finfluence que la vie exerce sur le sang , consiste dans le maintien de son état liquide. La coagulation est une décomposition ayant pour résultat que la fibrine se sépare du sérum (§ 689, 11°), entraînant avec elle le cruor, de manière que le sang perd sa constitution primordiale , celle sans laquelle il ne peut entretenir la vie , et devient une masse morte , soumise à la décomposition chi- mique. On ne peut donc pas voir en elle , comme l'ont fait Hunter, Magendie (1) et quelques autres physiologistes, un phénomène vital analogue à la nutrition ou à la réunion des plaies , et se manisfestant par une attraction réciproque de parties séparées , mais bien plutôt , comme le disait déjà Har- \ey, une mort du sang , qui a lieu quand ce liquide sort du cercle de la vie générale. Tout, dans la vie, maintient son caractère propre ; donc le sang aussi demeure liquide , dans l'organisme, par antagonisme avec les tissus solides, et devient par là apte à entrer en conflit vivant avec ces derniers. Cepen- dant cette vue ne nous suffit pas , et nous éprouvons le be- soin de l'approfondir davantage, en cherchant à connaître les moyens par lesquels le sang conserve sa liquidité. Or nous avons vu ( § 670 , 2° , 3° ) que la coagulation ne tient ni à la constitution chimique , ni à la température de l'air atmosphé- rique ; ce n'est donc ni par le fait de sa clôture , ni par l'in- fluence de la chaleur animale , que le sang demeure liquide. 1° Le sang se coagule dans le corps vivant même lorsqu'il (1) Précis élémentaire , t. II , p. 207. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. /p? cesse de marcher, soit que, comme à la suite de contusions ou d'opérations chirurgicales, il s'épanche dans le lissu cellulaire ou dans des cavités , celle par exemple de la matrice , soit qu'une ligature arrête son cours dans les artères , comme l'a- vait déjà vu Lancisi (1) , ou dans les veines, comme l'a remar- qué Hewson (2) , soit enfin que son mouvement ait été seule- ment ralenti. C'est ainsi qu'il se forme, dans les artères deve- nues anévrysmatiques, des couches de sang coagulé, dont les premières produites , qui occupent l'extérieur , sont les plus consistantes , et en dedans desquelles de nouvelles viennent sans cesse s'appliquer. La concrétion peut même finir par obstruer complètement l'artère , et prévenir ainsi les consé- quences mortelles de la maladie , comme le ferait une opéra- tion de chirurgie; Meckel (3) en cite quelques exemples. Lauer (4) a aussi trouvé des caillots solides de sang dans des veines variqueuses. Mais ces sortes de concrétions s'obser- vent également dans les vaisseaux sans qu'il y ait aucun ob- stacle à la circulation ; Laennec (6);, entre autres, en a rencontré dans des veines et des artères , qu'elles obstruaient , et elles y formaient des masses blanches et fermes à l'extérieur, jau- nâtres et molles à l'intérieur. Ici se rangent les espèces de bouchons qui , après la section d'une artère , s'étendent de- puis la plaie jusqu'à la branche la plus voisine. Des concré- tions analogues , qu'on désigne alors sous le nom de polypes , se produisent fréquemment dans le cœur, lorsque l'agonie est longue ; cet organe s'affaiblit peu à peu , de manière que le sang n'éprouve plus qu'un mouvement lent ou une sorte de fluctuation dans son intérieur. Mais elles peuvent aussi se développer pendant la vie ; alors elles acquièrent une densité plus grande , deviennent plus fibreuses , renferment quel- quefois une certaine quantité de sang non altéré , s'unissent avec le cœur, et en dépriment les colonnes charnues, cas dans (1) Hallei", Elément, physiel., t. II , p. 20. (2) Expérimental inquiries , t. I, p. 20. (3) Handbuck der pathologischen Anatomie , t. II, p. 251. (4) Hecker, Literarische Annalen der gesammten Heilkunde , t. XVIII, p. 301. (5) Traité de l'auscultation médiate , t. III, p. 291, 292. 438 ACTION DE l'organisme SUH LE SANG. lequel , d'après Laennec , les battemens du cœur deviennent tellement anormaux, obscurs et confus, qu'on ne peut les analyser (1). Ces concrétions polypiformes se voient principale- ment dans le cœur droit , parce que c'est sur lui que la diffi- cullé de la circulation dans les vaisseaux capillaires des pou- mons réagit d'une manière immédiate (*). Ainsi le sang ne se coagule nulle part que quand sa marche rencontre des obsta- cles et subit un ralentissement. Mais , comme le mouve- ment en lui-même n'empêche pas la coagulation ( § 670, 4°), ce doit être le mouvement vivant , celui que produisent l'ac- tion du cœur et la réaction des autres organes, qui maintienne le sang liquide. 2° Cependant il arrive souvent au sang de conserver sa li- quidité , même sans mouvement, pourvu qu'il soit en contact vec des parties vivantes. Ainsi, par exemple, celui qu'une Sangsue a pompé de- meure liquide pendant plusieurs semaines, suivant Hunter , et quand on tue alors l'animal , il se coagule encore , au dire de Scudamore (2), tandis que, selon Thackrah (3), ce phénomène n'a Ueu qu'autant que la Sangsue périt pendant le cours même de la succion. Fréquemment le sang stagne dans certains vaisseaux sans se coaguler ; il peut même , sans perdre sa liquidité , n'exé- cuter pendant long-temps qu'un mouvement faible et à peine sensible , soit dans une partie du corps , par exemple chez les hommes atteints de priapisme, soit dans le système vascu- laire entier , comme durant l'asphyxie et chez les animaux engourdis par le sommeil d'hiver. Enfin , il n'y a pas jusqu'au sang épanché qui résiste à la coagulation dans le corps vivant. Chez un malade dans la tu- nique vaginale duquel la ponction d'une hydrocèle avait dé- terminé un épanchement de sang , Hunier trouva , deux mois après , ce liquide un peu épaissi , mais encore liquide ; il ne (1) Loc. cit., p. 299. (*) Consultez, sur rhisioire de ces concrétions, Bouillaudy Traité cli- nique des maladies du cœur, t. II , p. 607. (2) f^ersuch ueber das Blut , p. 107. (3) Inquirij into the nature and properlies of thg blqod ,^p. 66. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 4^9 tarda pas à se coaguler après avoir été amené au dehors. En expérimentant sur des Chiens , hors du corps desquels sept minutes suffisaient pour amener la coagulation complète du sang , Hewson (1) remarqua que, dans la veine jugulaire em- brassée par une ligature , il n'avait pas changé d'aspect au bout de dix minutes , et était encore liquide en grande par- tie au bout de dix heures. Des observations analogues ont été faites par Scudamore (2) et Thackrah (3). Dans les cas rappor- tés précédemment (1°), ce n'était donc pas au défaut de mou- vement, mais bien à celui d'une influence vivante simultanée, que la coagulation se rapportait. Le sang conserve aussi plus long-temps sa liquidité quand on le laisse dans l'intérieur du corps mort que lorsqu'on t'en retire. Autenrieth avait déjà remarqué ce phénomène ; il ajoute même que le caillot ne devient point aussi ferme dans le cadavre, et qu'une partie du cruor s'y mêle avec le sé- rum (4). Thackrah (5) a trouvé le sang encore liquide dans le cœur d'un Bœuf mort depuis une demi-heure , et il l'a vu se coaguler après deux minutes d'exposition à l'air. Les vais- seaux même séparés du corps exercent encore une influence vivante, que Hewson (6) a remarquée le premier ; le sang con- tenu dans la veine jugulaire liée et séparée du corps d'un ani- mal qu'il venait de mettre à mort, était encore Uquide au bout d'une demi-heure ou de trois quarts d'heure , et se coagulait dès qu'on l'exposait à l'air. Thackrah (7) a reconnu , dans plusieurs expériences , que le sang contenu dans une veine enlevée à un animal vivant , demeurait liquide pendant une demi-heure au moins, tandis que du sang d'animaux ou d'hommes vivans , introduit dans la veine d'un animal tué de- puis trois ou quatre jours , était complètement coagulé au bout d'un quart d'heure ; il a vu (8) le sang liquide encore une (1) Experimentcd inquiries , t. I, p. 18. (2) Loc.'cit., p. 4o. (3) Loc. cit., p. 61. (4) Medicùdsch-chirurgische Zeitung , 1794 , t. III , p. 338. (5) Loc. cit., p. 58. (6) Expérimental inquiries, t. I, p. 72. (7) Loc. cit., p. 76.- (8) Loc. cit., p. 77. 440 ACTION DE l'oRGANISBIE SCR LE SANG. demi-heure après l'opération dans une veine enlevée à un Chien vivant, au lieu qu'un quart d'heure suffisait pour opé- rer la coaj>uiation de celui d'un autre Chien vivant qu'il avait introduit dans la veine cave extraite du cadavre quinze heures après la mort. Si toutes ces observations démontrent que le sang est maintenu liquide par la vitalité des parties qui l'en- tourent, elles font concevoir aussi pourquoi, comme l'ont ob- servé entre autres Hunter et Thomson (1) , les vaisseaux d'un membre frappé de sphacèle sont pleins de sang coagulé ; l'hypothèse de quelques pathologistes , qui prétendent qu'a- lors la gangrène est la suite de la coagulation , a donc au moins le défaut de ne pas s'appliquer à tous les cas. 3° On dit que le sang est maintenu liquide par les nerfs. Hais cette explication semble ne faire qu'envelopper la ques- tion d'une obscurité mystique, car nous ne concevons pas comment les nerfs produiraient un pareil résultat. Schrœder a trouvé des caillots dans les vaisseaux après la destruction du cerveau et de la moelle épinière (2). Quand Fontana avait blessé et piqué les nerfs , il rencontrait du sang noir et caillé dans le cœur. Mayer a vu des coagulations se manifester après la section du nerf pneumo-gastrique. Wedemeyer (3) admet aussi que, dans la gangrène et certains empoisonnemens , c'est la seule paralysie des nerfs qui amène la coagulation du sang. Mais , de ces observations , il suit seulement que la vitalité qui entretient l'état liquide du sang peut être détruite par la lésion du système nerveux, et non que ce dernier soit la cause immédiate de la liquidité de ce fluide. La circulation continue encore pendant quelque temps après la destruction du cer- veau et de la moelle épinière , et l'on peut également l'entre- tenir, à l'aide d'une respiration artificielle, après avoir frappé la vie sensitive de stupeur et de paralysie par un coup porté sur la tête. La circulation est fort lente, et , suivant toutes les apparences, fréquemment interrompue, dans les larges veines du diploé, qui ont entre elles des anastomoses fort multipliées, (1) Traité niédico- chirurgical de l' inflammation , Paris 1827 , in-S"., p. 577. (2) Diss. sistens sanyuùiis coagulantis historiani , p. 86-89- (3) Uiitersuchunjjen , p. 244 , 343. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 44 1 et quoiqu'il n'y ait point ici de nerfs sur les parois, cepen- dant la coagulation du sang n'a pas lieu. Le cordon ombilical, avec le placenta fœtal, est aussi long, sinon même plus, que le corps de l'embryon , et il ne contient point de nerfs ; le sang y conserve néanmoins sa liquidité , et les expériences de Thackrah (1) ont démontré que les vaisseaux de ce cordon sont tout aussi propres que d'autres vaisseaux vivans quelconques à maintenir la liquidité du sang qu'il renferme. Nous devons donc présumer que , dans les parties qui possèdent des nerfs, ceux-ci ne contribuent à entretenir l'état liquide du sang qu'en raison de l'influence qu'ils exercent sur l'activité vitale des organes. 4° Dans les expériences citées précédemment ( § 749 ), où du sang qui était sur le point de se coaguler avait été injecté dans les vaisseaux d'un animal vivant , il a fallu que la fibrine, qui commençait à devenir cohérente, repassât peu à peu à l'état liquide. Home , en plongeant une aiguille rougie au feu dans un anévrysme , détermina une coagulation instantanée du sang que renfermait la tumeur (2) , de sorte que celle-ci devint dure et cessa de battre ; mais , au bout de quelques jours , l'anévrysme était dans le même état qu'auparavant ; le sang coagulé avait donc dû se liquéfier de nouveau. La sérosité du sang ne peut point opérer cette liquéfaction d'une manière chimique ; car , d'un côté , nous voyons le caillot y conserver son état solide , et d'un autre côté , un caillot em- prisonné dans un point du corps vivant auquel ne parvient aucun courant de sang , repasse à l'état liquide , ce qui sup- pose l'afflux d'un liquide provenant des alentours. Le caillot renfermé dans une artère sur laquelle une ligature a été ap- pliquée, ou extravasé dans le tissu cellulaire, disparaît au bout de quelques jours ; il est liquéfié et absorbé. Les concré- tions qu'on trouve dans les anévrysmes et beaucoup de celles qu'on observe dans le cœur ont leurs couches^externes , celles qui avoisinent les parois, plus fermes, plus sèches et plus pâles que les internes ; il faut donc que les parties environnantes (4) Loc. cit., p. 66, (?) Ifectures on comparative anatomy , t. V, p. 105, 44^ ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. aient absorbé de l'humidité et du cruor. Mais quelquefois aussi il se forme , autour du caillot , un kysie qui sécrète un liquide séreux , ou qui s'or^janise; dans ce dernier cas, il ac- quiert des courans sanguins et des vaisseaux qui se mettent en rapport avec ceux de la paroi, il secrète, se nourrit et vit à l'instar de toute autre partie organique (1). Il n'est pas pos- sible de méconnaître un renouvellement de matériaux dans tous ces phénomènes , et l'on ne saurait mettre en doute qu'il s'en opère un aussi pendant la vie, que par conséquent le sang abandonne sans cesse une portion de ses principes constituans^ notamment de sa fibrine , aux parties environnantes , qui lui rendent d'autres substances en échange , et que c'est là ce qui l'entretient dans son état normal de liquidité. A la vérité, ce renouvellement de matériaux ne peut être observé d'une manière immédiate , et ne tombe point sous les sens ; mais la même chose a lieu pour la nutrition des parties solides du corps , qu'on ne conclut non plus que du maintien des pro- portions relatives au volume , et qui n'en est cependant pas moins certaine. 5° C'est incontestablement de la même manière que les globules du sang se maintiennent, quoique nous n'en puissions rien voir , et que loin de là même , il nous soit possible de les suivre dans leur progression , sans remarquer en eux nul changement. On a admis que le sang reste liquide parce que la fibrine est emprisonnée dans les globules et isolée par leur enveloppe , consistant elle-même en cruor ; mais les faits qui ont été exposés plus haut ( § 689 ) renversent cette hypothèse. Nous ne pouvons pas non plus accorder aux globules une force conservatrice propre et indépendante , puisque , à part leur forme limitée , ils ne montrent aucune trace d'individualité ; tout annonce d'ailleurs que, quand ils prennent ou reprennent ^eur configuration (§ 688, 2% 689, 5°), ils se comportent d'une manière purement passive , et ne font qu'obéir à l'im- pulsion des forces motrices qui agissent sur eux. Leur fusion est tout-à-fait différente de la coagulation ; car elle cesse ins- (1) Meckel , Handbuch der pathologiscJien Anatomie, t. U> p. 103. — Andral , Précis d'anat. pathologique , 1. 1 , p. 532, ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 44^ tantanément au retour du mouvement, tandis qu'il faut un travail plastique de plusieurs jours pour faire repasser la fi- brine à l'état liquide quand elle a élé coagulée. Ces change- mens dépendent uniquement des forces motrices ; or nous avons vu que les globules du sang ont une affinité adhésive les uns pour les autres (§ 739 ,1°), mais ils font preuve d'une affinité plus puissante encore pour les masses des parties so- lides (§ 758 ) ; nous devons donc admettre que l'attraction des parois vasculaires et, pendant la circulation, celle des organes situés à l'extérieur de ces parties , agissent sur les globules du sang individuellement et les maintiennent isolés les uns des autres , qu'au contraire , dans le sang devenu stagnant , où cette force attractive a cessé d'agir , les globules peuvent manifester leur attraction mutuelle et par cela même se con- fondre les uns avec les autres. Meyen dit avoir vu que , dans les cas de suspension de la circulation, les globules du sang se dissolvaient dans la séro- sité , la rendaient trouble , et s'en séparaient de nouveau quand la circulation venait à recommencer (1). Mais cette obser- vation repose sans doute sur quelque erreur , car personne n'a jamais rien vu de semblable , et l'on sait que les globules frais sont insolubles dans la sérosité du sang. B. Influence sur le caractère général du sang, § 751. Dans les veines pulmonaires et le système aortique, le sang a une couleur rouge vermeille , qui se rapproche de l'écarlate ; dans le système des veines caves et l'artère pul- monaire, il est d'un rouge foncé, analogue à celui de la merise, ce qui fait que , par opposition avec le précédent , on dit qu'il est noir. Nous avons déjà dit que le sang vermeil reçoit aussi l'épithète d'artériel , et le sang noir celle de veineux (§ 743). De soi-même il est déjà vraisemblable que les deux courans ne diffèrent pas seulement sous le point de vue de la couleur , et que leurs autres propriétés ne sont pas*non plus les mêmes; mais cette différence est très-délicate , et la grande variabilité du sang la rend extrêmement difficile à saisir, de manière que (1) Isis , 1828 , p. 402. 444 ACTION DE t'ORGANiSME SUR LE SANG. nos connaissances actuelles à son égard pourront paraître pres- qu'aussi peu avancées qu'elles l'étaient du temps de Haller (1). 1. PHÉNOMÈNES DE lA VÉNOSITÉ. 1° Le sang veineux est plus dense que le sang artériel , et il a une pesanteur spécifique plus considérable. La proportion est de 1414 : 1404 , selon Hammerschmidt (2) ; de 1054 1 1050, terme moyen d'après les recherches de J. Davy sur des Bre- bis , des Bœufs , des Veaux et des Chiens ; de 1056 '. 1053 , chez l'homme, suivant Scudamore (3). Cependant plusieurs écri- vains disent le sang veineux plus léger ; sa pesanteur spéci- fique serait à celle du sang artériel comme 1000 ', 1428, d'a- près Boissier , 1000 : 1019 — 1036 selon Hamberger , et 1031 : 1049 suivant Magendie. J. Davy dit que la proportion entre la pesanteur spécifique du sérum de sang veineux et celle du sérum de sang artériel, est de 1026 : 1025 , terme moyen (4). 2° Le sang veineux est moins chaud , de trois à quatre de- grés du thermomètre de Fahrenheit , d'après Schwenke (5) , d'un à deux selon J. Davy (6), qui a plongé l'instrument dans la carotide et la veine jugulaire de diiFérens animaux , d'un degré et demi à trois, chez l'homme, suivant Krimer (7), et d'un degré seulement d'après Scudamore (8). On a pensé que cette différence tenait à ce que la situation plus superficielle des veines et l'épaisseur moins considérable de leurs parois per- mettaient davantage à l'air extérieur de refroidir le sang veineux ; mais J. Davy a constaté qu'elle avait lieu également entre le contenu du cœur droit et celui du cœur gauche. Ju- rine n'admettait aucune différence entre les deux sangs ; Co- (1) Elément, physiolog., t. II, p. 10. (2) Ibid., p. 9. (3) Versuch ucler aas Blut , p. 32. (4) Meckel , Deutsches Jrchiv , 1. 1 , p. 129. (5) Haller, loc. cit., t. II, p. 8. (6) Loc. cit., p. 109. (7) Physiologie des Blutes , p. 242. (8) Versuch ueher das Blut , p. 32, 41r ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 44^ leman , Cooper et Martini prétendaient que , quand iFy en a une , le sang veineux est un peu plus chaud. A regard de la capacité pour le calorique , J. Davy la dit aussi un peu moins forte dans le sang veineux. Cependant la différence se réduit presque à rien , ou même est tout-à-fait inappréciable. 3° Sous le rapport électrique , Bellingeri dit que le sang veineux est toujours animé de la même électricité que le sang artériel chez les Oiseaux et les Chevaux , qu'il l'est quelque- fois chez les Brebis et les Veaux , que parfois il est à l'état négatif, l'autre sang étant positif, mais que jamais l'inverse n'a lieu. D'après cela, il pense que l'état négatif du sang vei- neux et positif du sang artériel constitue la règle , qu'on ne peut seulement pas toujours constater (i). 4° Le sang veineux se putréfie plus vite que le sang artériel, suivant Thackrah (2) ; plus tard, au contraire, selon Krimer (3) et Kœnig (4). ô° Il a moins de tendance à se décomposer , et se coagule plus lentement ; son caillot abandonne plus tard du sérum , et reste mou plus long-temps , remarque qu'avait déjà faite Au- tenrieth (5). La différence a été d'une à quatre minutes chez des Agneaux selon J. Davy (6) , d'une demi-minute chez des Veaux et des Chèvres d'après Berthold (7) , d'une minute et demie chez des Moutons et des Chiens, et de deux minutes chez l'homme , suivant Blundell (8). Thackrah seul (9) dit avoir ob- servé un rapport inverse. 6° Au dire de Mayer (10), de Blainville (11), de Denis (12) et (1) Expérimenta in electricitatem saiiguinis , p, 15-18. (2) Loc, cit., p. 6, (3) Loc. cit., p. 208. (4) Expérimenta circa sanguinis inflammatorii et sani quatitatem diversam , p, 8. (5) Medicinisch-cîdrurgische Zeitung , 1794 , t. III , p. 339. . (6) Loc. cit., p. 122. (7) Beitrœge zur Anatomie , p. 248. (8) Researches , p. 130. (9) Loc. cit., p. 42. (10) Meckel , Deutsches Jrchiv , t. III , p. 537w ^ (11) Cours de physiologie générale , 1. 1, p. 219 , 251. (12) Recherches expérimentales sur le sang humain « p. 253, j 44^ ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. autres, le sang veineux donne moins de caillot et plus de sérum que le sang artériel. La proportion du caillot au sérum a été , chez un Chat , de 1163 1 8837 pour le sang veineux , et de 1184! 8816 pour le sang artériel ; chez une Brebis , de 861 1 9131 pour le premier , et de 935 t 9065 pour le second; chez un Chien, d'après Denis, de 970 ! 9300 pour le premier, et de 995 1 9005 pour le second. Krimer seul (1) émet une opinion contraire , qui avait déjà été autrefois celle de Ham- berger. 7° Le sang veineux contient moins de fibrine. Le rapport entre lui et le sang artériel , sous ce point de vue , a été, chez des Chevaux , d'après Mayer (2) , de 78 1 434 , ou de 80 *. 125, ou de 33 ! 43; chez une Brebis, suivant Prévost et Dumas, de 861 ° 935 ; chez un Chien, selon Denis, de 24 t 25 ; d'après Berthold (3) , chez des Chèvres , de 366 '. 429; chez des Chats, de 474 : 521 ; chez des Moutons, de 475 : 566 , et chez des Chiens de 500 ! 666. Du reste, Emmert (4) prétend que la fibrine veineuse est plus molle. Mayer (5) assure qu'elle est bien plus atténuée , comme hachée , et intimement unie au cruor , tan- dis que l'artérielle est réunie en plus gros faisceaux, et sépa- rable en totalité du cruor. Berthold (6) dit que , dans le sang veineux , le cruor se sépare plus facilement, mais moins com- plètement, de la fibrine. Sigvv'art avait prétendu que le sang veineux contenait da- vantage de fibrine , parce qu'il la recevait des muscles , dans lesquels, suivant lui, cette substance se produisait. En effet, chez un Chien , Lassaigne a trouvé 2,10 parties de fibrine dans mille de sang veineux , tandis que la même quantité de sang artériel ne lui a donné que 2,09 de cette substance (7). 8° Selon Prévost et Dumas , Wedemeyer (8), Denis (9) et (1) Loc. cit., p. 248. (2) Loc. cit., p. 534. (3) Beitrœye zur Anatomie , p, 251. (4) Reil , Archiv fuer die Physiologie , t. Xl, p. 124. (5) Loc. cit., p. 538. (6) Loc. cit., p. 248. (7) Journal de chimie radicale, t. I, p. 34. (8) Untersuchungen , p, 246. (9) Loc. cit., p. 266. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 44? Pallas (J), il y a moins de globules ou de criior dans le sang veineux que dans le sang artériel. Mayer (2) soutient le con- traire. 9° D'après Denis (3) et Blainville (4) , le sang veineux con- lient davantage d'albumine (5,86 l 5,70) et une plus grande proportion d'osmazome, avec des sels (d, 20 ° 1,10). Cepen- dant le contraire a élé soutenu aussi , et l'on a trouvé la pro- portion entre le sang veineux et le sang artériel , eu égard à l'albumine et aux sels , de 879 '. 909 dans un Chat, 745 ! 878 dans un autre, et 775 ', 772 dans une Brebis. Lassaigne a ren- contré , dans le sérum desséché du sang veineux d'un Chien, plus de sels (12,5 : 11,5) et moins d'albumine (87,5 : 88,5). 10° Le sang veineux est plus riche en eau et plus pauvre en parties solides , d'après Autenrieth (5) , Denis (6) et Pallas. Ce dernier dit que la proportion des parties solides à l'eau était , chez un homme, dans le sang veineux, de 2,550 ! 17,400, dans le sang extrait à l'aide des ventouses scarifiées, de 3,000 à 17,400, et dans le sang pompé par les sangsues, de 3,100 ! 17^350 ; chez un autre homme , la proportion était , dans le sang veineux, de 2,550 ! 18,800, et dans le sang artériel des vaisseaux capillaires, de 2,650 1 18,500. D'après un troisième observateur, la proportion était , chez une Brebis , dans le sang veineux, de 16,36 t 83,04, et dans le sang artériel, de 17,07|: 82,93 ; chez un Chat, dans le sang veineux, de 17,41 l 82,59, et dans le sang artériel, de 17,65 : 82,35; chez un autre, dans le sang veineux, de 19,08 ' 80,92, et dans le sang ar- tériel, de 19,62 l 79,38; la proportion était aussi, dans le sé- rum du sang veineux, de 9,60 l 90,40 , et dans celui du sang artériel, de 10,00: 90,00. D'un autre côté , Abilgaard a obtenu , en résidu sec , du sang veineux vingt-six parties, et du sang artériel vingt-cinq', c'est-à-dire vingt-trois centièmes du premier et dix-huit du (1) Journal de chimie médicinale , t. IV, p. 465. (2) Lnc. cit., p. 334. (3) Loc. cit., p. 353. (4) Loc. cit., t. I, p. 251. (5) Handbuch der Physiologie , t. I, p.^SlG. (6) Loc. cit., p. 285. 448 ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. second. Lassaigne a trouvé 84,3 centièmes d'eau dans le sérum du sang veineux, et 89,8 dans celui du sang artériel. Enfin J. Davy est tenté aussi d'admeltre une moindre propor- tion d'eau dans le sang veineux. Suivant Chevreul , la fibrine de ce sang contient moins d'eau , et la retient avec plus de force , ou la laisse échapper moins facilement ; en effet , 100 parties de cette substance se réduisirent à 25,70 par la dessic- cation au grand air, et à 21,05 sous le récipient de la machine pneumatique , tandis que 100 parties de fibrine du sang arté- riel se réduisirent, dans le premier cas, à 21,10, et dans le se- conda 19,55. 11° La proportion des élémens est fixée de la manière sui- vante par Michaeiis : Carbone Azote Hydrogène Oxygène. Albumine veineuse 52,652 15,505 7,359 24,484. — artérielle 53,009 15,562 6,993 24,436. Gruor veineux 53,231 17,392 7,711 21,666. — artériel 51,382 17,253 8,354 23,011. Fibrine veineuse 50,440 17,267 8,228 24,065. — artérielle 51,374 17,587 7,254 23,785. D'après cela , le sang veineux , envisagé d'une manière gé- nérale , contient davantage de carbone et d'hydrogène , mais moins d'azote et d'oxygène. La prédominance du carbone dans sa composition avait été constatée par plusieurs expérimenta- teurs , entre autres Luzuriaga et H. Davy , mais révoquée en doute par Brande (2). Abilgaard prétendait également qu'il y a moins de carbone dans le sang veineux que dans le sang ar- tériel. La plupart des chimistes admettent aussi qu'il est moins riche en oxygène ; telle est l'opinion surtout de H. Davy. Ce qui semble annoncer qu'il contient moins d'azote, c'est la remarque faite par Krimer (3) , qu'il donne une moins grande quantité d'ammoniaque que le sang artériel. (1) Schweigger, Journal fuer Chemîe , dS2S , t. III , p. 94. (2) Home, Lectures on comparative anatomy , t. III, p. 8. (3) Loc. cit., p. 250. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 449 2. ESSENCE DE LA VÉNOSITÉ. § 752. I. La réalité d'une différence entre le sang artériel et le sang veineux , 4° A été niée par Harvey et les premiers défenseurs de la circulation , parce qu'ils trouvaient la métamorphose du li • quide inconciliable avec la rapidité du mouvement qui l'en- traîne de l'extrémité des artères dans le commencement des veines. En conséquence , ils attribuaient la diversité de cou- leur à un changement de densité, provenant lui-même de cir- constances mécaniques. Au dix-huitième siècle, plusieurs phy- siologistes , Carminati par exemple , réduisirent toute la diffé- rence entre les deux sangs à une nuance diverse de coloration, et nièrent qu'elle s'étendît au degré de chaleur, à la pesanteur spécifique et à la coagulabilité (1). Mais on doit ranger parmi les singularités de notre siècle que cette opinion ait été récem- ment encore soutenue par J. Davy, qui n'admet, entre le sang veineux et le sang artériel , qu'une simple difFérence de cou- leur, encore même purement accidentelle. Suivant lui , le sang coule des artères avec plus de rapidité , et il paraît plus ver- meil parce que son cruor est plus divisé , attendu non seule- ment qu'il y a du chyle avec lui , mais encore que de l'air s'y mêle pendant qu'il s'épanche; le sang veineux, au contraire, coulant avec plus de lenteur, le cruor peut s'y précipiter par l'effet de sa pesanteur spécifique , de sorte que la condensation des particules colorantes rend sa couleur plus foncée , effet auquel contribue encore la stase du sang dans la veine, déter- minée par la ligature qu'on applique avant de pratiquer la saignée (2). 2° D'autres , au contraire , ont jugé la différence entre le sang veineux et le sang artériel si considérable , qu'elle leur a fait nier l'identité des deux courans et le passage direct du sang du système aortique dans celui des veines caves. En ad- mettant ce passage des artères dans les veines pulmonaires , et par suite la conversion du sang veineux en sang artériel , ils (1) Giornale per servire alla storia délia medicina, t. I, p. 266. (2) Archives géaérales , t. XXVI, p. 394. YI. 29 45o ACTION DE t'oRGANISME SDR lE SANG. se sont montrés moins conséquens que ceux qui niaient abso- lument toute différence , et qui ne croyaient pas plus à la mé- tamorphose dans le poumon qu'à celle dans le reste du corps. 6° Le juste milieu entre ces opinions extrêmes est moins pi- quant sans doute , mais il renferme si évidemment la vérité , que nous ne pouvons point hésiter à nous y ranger. Nous ad- mettons donc à la fois et la différence et l'identité des deux courans , ou, en d'autres termes , une métamorphose du sang. Il est certain que partout les artères se continuent avec les veines (§ 701 ); or il ne l'est pas moins que, pendant sa révo- lution , le sang subit des changemens , dont la possibilité res- sort déjà des phénomènes qu'on observe en examinant le sang coulantdes vaisseaux (§707), ou tiré par lasaignée(§ 666-669); car ces phénomènes attestent combien il est sujet à varier. II. Nous demanderons d'abord par quoi est déterminée la métamorphose du sang artériel , ou sa conversion en sang vei- neux. 4° Quand la chimie pneumatique eut enseigné qu'en passant du caractère veineux au caractère artériel , le sang absorbe de l'oxygène dans l'atmosphère, on crut qu'il devenait vei- neux par la continuation de l'opération chimique , sans nulle autre circonstance quelconque. Lagrange pensait que l'oxy- gène, faiblement uni au sang dans les poumons, contracte peu à peu une combinaison plus intime avec lui pendant le cours de la circulation , et notamment s'empare de son car- bone et de son hydrogène. Il se fondait sur ce que du sang artériel qu'on enferme dans des tubes de verre hermétique- ment clos , prend de lui-même une couleur plus foncée au bout de quelque temps , et que le sang veineux qu'on traite de même, après l'avoir rendu vermeil parle contact du gaz oxy- gène, reprend également peu à peu sa teinte noire. Cepen- dant on peut objecter contre ces argumens que le sang ar- tériel ne noircit hors du corps vivant qu'autant que la putré- faction commence à s'emparer de lui; que jusqu'alors le caillot auquel il a donné naissance demeure vermeil, non seulement à la surface en contact avec l'air , mais encore dans sa masse entière ; qu'enfin même la teinte rutilante commu- niquée par l'air au sang veineux dure assez long-temps ; car ACTION DE t'oBGANISME SUR lE SANG. 4^' elle persiste pendant quelques jours à la face du caillot tournée d'abord vers le haut, puis vers le bas. Quant à la conclusion qu'avait tirée Lagrange, ce qui la réfute complètement, c'est que le sang ne devient veineux qu'en traversant les vaisseaux capillaires. Lorsqu'on pratique des vivisections , les ramus- cules les plus déliés du système aortique donnent du sang vermeil,t andis que ceux du système de la veine cave en fournis- sent de noir, et partout où la transparence des vaisseaux le per- met , on remarque la différence de couleur dans le sang qu'ils charrient. Kaltenbrunner dit avoir remarqué que les globules, parvenus dans les capillaires les plus déliés , où ils acquièrent une teinte plus foncée , se renflent en même temps un peu , deviennent moins nettement circonscrits , éprouvent une lé- gère déperdition de substance sur les bords , et ne s'accolent plus alors ensemble (i). Krimer avait déjà affirmé que les globules sont plus gros dans le sang veineux (2). Enfin, Pallas a trouvé que le sang qui sortait des vaisseaux capillaires au moyen de ventouses ou de sangsues , se comportait encore comme sang artériel , et différait du sang veineux" (3) , incon- testablement parce qu'en pareilles circonstances il sortait de ces vaisseaux avant d'y avoir séjourné assez long-temps pour pouvoir subir sa m^amorphose. 5° Si le sang trouve, dans les vaisseaux capillaires, et son but et le point tropical de sa révolution , parce qu'il s'y met en conflit avec ce qui est placé au dehors des vaisseaux (§746, 5° ), si , de plus", il entre en rapport avec l'atmosphère dans les vaisseaux capillaires des poumons , et par là ne fait que passer de la forme veineuse à la forme artérielle , il n'est pas douteux que la métamorphose du sang artériel en sang veineux ne soit opérée par le conflit avec la substance orga- nique dans laquelle se répandent les dernières ramifications du système aortique. Nous en trouvons la preuve dans l'ex- périence , puisque du sang artériel qui reste pendant quelque temps en contact avec la substance organique , prend le ca- (1) Froriep, Notizen , t. XVI, p. 308, (2) Loc. cit., p. 228. (3) Journal de chimie médicale , t. IV, p. 46S. 45^ ACTION DE l'organisme SUR LE SAN&. ractère veineux. Lorsque Hunter plongeait un corps aigu dans l'artère crurale d'un Chien, bouchait la plaie , et la rouvrait au bout de quelque temps , il trouvait que le sang épanché dans le tissu cellulaire avait pris une teinte noire ; quand il avait appliqué deux ligatures sur la carotide d'un Chien , le sang y devenait noir au bout de quelques heures. Lorsque, dans une opération chirurgicale , le tourniquet est resté ap- pliqué pendant un certain laps de temps sur une forte artère, le sang qui coule après qu'on cesse de comprimer est quel- quefois veineux. La même chose arrive aussi à celui qui stagne dans les tumeurs anévrysmales. Le sang qui séjourne dans les bronches ou dans le rectum , après s'être échappé des vaisseaux pulmonaires ou d'hémorrhoides internes , est plus foncé que celui qui arrive au dehors immédiatement après son extravasation. Lauer fait remarquer que , dans les maladies où il y a un grand relâchement des organes , notamment du foie et de la rate , la circulation se fait d'une manière lente , mais qu'en même temps le sang est plus noir et plus liquide (1). (Esterreicher (2) et Wedemeyer (3) ont vu aussi les globules du sang prendre une couleur jaune plus intense, lorsqu'ils étaient devenus stationnaires par TefTet d'une irritation méca- nique ou galvanique. Le sang veineux des grands animaux paraît être plus noir et plus différent de l'artériel que celui des petits animaux, ce qui pourrait bien tenir, d'un côté', à ce que les battemens du cœur sont moins fréquens , de l'au- tre , à ce que la carrière est plus longue , de sorte que le sang reste plus long-temps en contact avec la substance orga- nique. 6° Mais ce qui dénote que la substance organique détermine la métamorphose du sang par l'impression vivante qu'elle produit sur lui , c'est que cette métamorphose souffre toutes les fois qu'il survient des changemens considérables dans l'activité vitale (§ 756) ; c'est aussi que , malgré le soin qu'on prend d'entretenir la circulation chez un ^nimal mis à mort, en continuant la respiration par des moyens artificiels , le sang {i) Hecker, Literarische Annalen der Heilkunde 't. XV.III , p. 272. (2) Darslelliing der Lehre vovi Kreislaufe , p. d29. (3) Untersnclmmjnn , p. 2'i3. ACTION BE LORGANrSME SUR LE SANG. 4^^ artériel ne devient cependant point veineux , circonstance sur laquelle Legallois a le premier appelé Tattenlion des physio- logistes. Mais l'activité vitale ne saurait opérer directement et par elle-même un changement matériel ; elle ne le peut qu'en faisant naître certaines relations matérielles. III. En quoi consiste celte métamorphose ? Elle ne saurait être dénature mécanique et dépendre d'une condensation du cruor, comme le dit J. Davy ; cette hypothèse est réfutée par les circonstances au milieu desquelles elle a lieu (4°-6»), par les conséquences qu'elle entraîne pour la vie ( § 743, II), même par la couleur à la manifestation de laquelle elle donne lieu, puisque celle-ci diffère non pas seulement par le degré,mais encore par l'espèce ; car on aurait beau étendre la teinte du sang veineux ou concentrer celle du sang artériel, ja- mais on n'obtiendrait ni, dans le premier cas, la couleur du sang artériel , ni , dans le second , celle du sang veineux. L'analyse a fait entrevoir des différences chimiques (§ 751 , 11°) , et la formation du sang veineux doit dépendre d'un échange de matériaux entre le sang artériel et la substance organique placée au dehors de lui. Mais cet échange a lieu d'une ma- nière instantanée , et il ne constitue qu'une fraction infini- ment petite de l'opération chimique par laquelle la vie se maintient. En outre , comme il dépend de l'activité vitale , il doit subir un changement considérable quand celle-ci vient à être modifiée. Ces deux circonstances nous expliquent les contradictions qu'on remarque entre les observateurs , par rapport à la qualité du sang veineux (§ 751). Pour bien saisir la différence , il faut apporter une exactitude minutieuse dans l'examen , et une longue série d'observations peut seule mettre à même de décider si celle que l'on constate est générale et normale , ou si elle se rattache seulement à un état accidentel et passager de la vie. Jusqu'à présent , Denis est celui qui a fait le plus de recherches chimiques sur le sang , et ses tra- vaux confirment ce qui a été dit précédemment ; le sang vei- neux lui a offert plus d'eau que le sang artériel (1) , mais (1) Loc. cit., p. 285. 454 ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. parfois aussi moins (1) ; plus d'albumine , mais une fois aussi autant de cette suJDStance (2) ; moins de cruor, mais quelque- fois aussi une pareille proportion, 11 reste encore bien des choses à faire pour les chimistes qui ont une idée juste de la vie ; quant aux faits dont nous pouvons disposer aujourd'hui, ils paraissent conduire aux résultats suivans :] 7° Le conflit avec la substance organique diminue la tension intérieure du sang , et en combine les matériaux d'une ma- nière plus intime ; le liquide perd de son expansion ; il devient plus lourd , moins odorant et moins chaud ; son aptitude à se décomposer diminue , ainsi que sa propension à se coaguler et à tomber en putréfaction. Le sang veineux peut être com- paré à une puissance chimique qui a épuisé son action et qui a été neutralisée. 8° Il a abandonné quelques uns de ses matériaux à la sub- stance organique , et la quantité de ses principes constituans actuels est accrue. Le cruor, qui appartient exclusivement au sang , est la partie qui a le plus diminué (de 0,10 à 0,25 , selon Denis ) , de sorte que le nombre des globules est devenu Yisiblement plus considérable , et qu'il y en a par conséquent une partie qui a passé dans la substance organique , à l'état de dissolution. Il a disparu moins de la fibrine. Les substances que l'on rencontre partout, l'eau , les sels et l'albumine, ont augmenté , et cela , à ce qu'il paraît ;, non pas seulement d'une manière relative , à raison de la perte éprouvée en cruor et en fibrine , mais encore d'une manière absolue ;, par l'acces- sion des matériaux provenant des tissus organiques, qui se sont réduits en une dissolution saline d'albumine. 9° La qualité des matériaux immédiats du sang, et, sui- vant Micliaelis, la proportion de leurs élémens, ont changé dans la même mesure. Le cruor ne présente plus la même couleur, expression totale de sa composition élémentaire (§ 687, 3°) ; il a perdu 0,01988 d'oxygène et d'hydrogène, et acquis en revanche une quantité équivalente de carbone et d'azote. La fibrine n'a changé que de cohésion; elle a perdu 0,01254 de carbone et d'azote, qui ont été rejoiplucés par de (1) Loc. cit., p. 265. (2) Loc, cit., p. 266. ACTION t>E l'organisme SUR LE SANG. ' 455 l'oxigène et de l'hydrogène. Les qualités de l'albumine n'ont point subi de changement appréciable ; mais la perte de car- bone et d'azote , et Tacquisition d'hydrogène et d'oxygène qu'elle a faites s'élèvent à 0,00414. Ce qu'il y a de plus con- sidérable, c'est l'augmentation du carbone (0,01849) et la diminution de l'oxygène (0,01345) dans le cruor. La fibrine perd plus en azote et en carbone que l'albumine , mais elle perd proportionnellement beaucoup plus du premier (0,00320 : 0,00057) que du second (0,00934 : 0,00357). I. Sfîets non ordinaires de l'organisme sur le sang. § 753. Après avoir passé en revue les effets de l'organisme sur le sang qui sont constans et accompagnent continuellement la vie (§ 750-752) , nous avons à examiner ceux auxquels ce même organisme ne donne lieu que dans certaines circon- stances particuhères. A. Efets produits par des états particuliers de la vie. De même qu'il n'y a guère de dérangement un peu consi- dérable de la santé qui n'entraîne à sa suite une modification quelconque des battemens du cœur, de même aussi le sang change dans un grand nombre d'états morbides dont la cause se rattache uniquement à des rapports dynamiques , à une exaltation ou à une dépression des fonctions , et à une action de stimulus qui , par leur nature , ne peuvent modifier la composiiion organique. La pathologie nous fournirait donc des renseignemens précieux sur l'influence de la vitalité , si elle était arrivée à un plus haut degré de perfection que celui où nous la trouvons aujourd'hui. Car, outre que , comme l'a déjà fait remarquer Davy (1) , le sang ne subit pas de changemens appréciables dans certaines maladies , l'apoplexie et le tétanos, par exemple , les analyses chimiques que nous possédons de ce liquide ne sont pas assez nombreuses encore , et n'ont pas été faites avec autant d'attention aux circonstances dans lesquelles se trouvait la vie , qu'on pourrait le désirer. D'ailleurs nous trouvons, en ce -qui concerne même lesquahtés physiques du sang , une foule de contradictions qui tiennent à ce qu'on n'a (1) Troriep , Noti^en, t. XIII , p. 153. 456 ACTION DE l'ORGANISMÈ SUR lE SANG. point eu égard aux états morbides , mais seulement aux for- mes de maladies qui pouvaient cependant avoir pour causes des conditions de vie totalement différentes les unes des au- tres. Cependant nous' n'en devons pas moins chercher^'à tirer parti de ce que nous possédons aujourd'hui. 1. INÏITJEHCE SUR t'ÉTAT ÉlECTRIQTJE DU SAHG. Parmi les qualités du sang que nous avons à passer ici en revue, nous mentionnerons d'abord l'électricité, dont la force paraît être en raison inverse de l'énergie des manifestations de la vie. En effet , d'après Bellingeri , l'électricité du sang est plus faible dans les maladies inflammatoires que dans l'état de santé , et plus forte , au contraire , dans les maladies ca- ractérisées "par la débilitation , de manière qu'elle s'accroît dans les premières lorsqu'elles guérissent , au lieu que dans les autres elle devient d'autant plus considérable que le dan- ger acquiert plus d'imminence, et diminue d'autant plus aussi que le malade approche davantage du terme de la convales- cence (1). Rossi a trouvé également que le sang était fort électrique peu de temps avant la mort , dans la fièvre typhoïde pétéchiale et dans le typhus (2). Du reste , Bellingeri a remar- qué un accroissement de sa polarité positive dans les maladies inflammatoires (3). 2. INELUENCE SUR LA COAGUIABIIITÉ. § 734. La coagulabilité du sang repose sur la quantité et le mode de combinaison de sa fibrine. I. Elle est détruite non seulement par les circonstances chimiques dont il sera parlé quand nous traiterons de la respi- ration , mais encore par d'autres qui sont purement dyna- miques. 1° On dit qu'elle est abolie dans le cas de mort subite par l'effet d'une profonde émotion morale, par un coup reçu à l'épigastre , et qui a ébranlé les plexus nerveux de cette ré- (1) Bulletin de la Soc. médicale d'Emulat., 1823 , p. 642. (2) JUd., p. 640. (3) Expérimenta in electricitatem sanguinis, p. 14. ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. 4^7 gion, par un coup sur la tête, par la destruction de la moelle épinière (1), par la foudre , l'arsenic , le venin des Serpens et le virus de la rage (2). On ne l'a point observée non plus chez les animaux forcés à la course jusqu'au point de périr(3). Ce- pendant ces assertions paraissent être au moins formulées d'une manière trop explicite ; l'effet des émotions , d'un coup sur la région épigastrique et des poisons , aurait besoin d'être confirmé par des observations répétées ; après la destruction du cerveau et de la moelle épinière , Schrœder (4) a trouvé que le sang provenant du cœur n'était point coagulable la plupart du temps , mais qu'il y avait des concrétions dans les artères et dans les veines. En ouvrant le corps d'animaux qui avaient été tués par une commotion électrique , Scudamore (5) a rencontré le sang coagulé dans le cœur et dans les veines caves. Quoique les observations recueillies nous apprennent qu'une affection violente et soudaine de la sensibilité peut changer la composition du sang , il ne paraît cependant point encore découler de là que la coagulabilité dépende du sys- tème nerveux , et que ce système communique au sang quel- que chose qui soit la cause principale de sa coagulation (6). Tout ce qui semble être certain, c'est que la fibrine, sur la nature chimique de laquelle repose ce dernier phénomène, et qui ne peut point tirer sa source du sang , est susceptible d'être décomposée , dissoute et dépouillée de sa faculté en- chaînante par un ébranlement et par un anéantissement subits delà vie générale. Aussi, d'après Thackrah(7), n'observe- t-on point de raideur cadavérique dans tous ces cas , et le ca- davre se conserve-t-il chaud plus long-temps qu'en d'autres circonstances, parce que la décomposition et l'expansion sont devenues prédominantes. Cette décomposition s'annonce aussi , (1) Wedemeyer, Untersuchungen , p. 351. (2) Thackrah, Inquiry into the nature of the llood , p. 94. (3) Meckel , Deutsches Jrchiv , 1. 1 , p. d25. (4) Diss. sistens sangtiinis coagulantis historiam , p. 86. (5) Versucli ueler das Blut , p. 46. (6) Baumgaertner, BeoiacUtumjen ueher die Nerven und das Blui , : 444. (7) Loc. cit., p, 67. 458 ACTION DE l'organisme SUR tE SANG. chez les animaux surmenés , par la facilité avec laquelle leur chair se déchire , et par la promptitude avec laquelle la pu- tréfaction s'empare de leur corps. 2° Le sang menstruel ne se coagule point , parce qu'il con- tient peu ou point de fibrine (§ 168 , i°). Toulmouche , dans un cas où ce liquide avait été retenu par l'occlusion du vagin , l'a trouvé d'un rouge brunâtre, et ayant la consistance dun épais sirop : après être demeuré à l'air pendant un mois en- tier, il n'était encore ni coagulé ni putréfié ; comme l'évapo- ration avait dissipé une grande quantité départies aqueuses, son albumine avait contracté une union plus intime avec le cruor, de manière que l'eau qu'on y ajoutait se colorait peu ; du reste , il se coagulait par la chaleur, aussi bien que par les acides et l'alcool [i). Si, au contraire, l'hémorrhagie uté- rine résulte d'une exaltation morbide de l'activité vitale , le sang, comme l'a constaté Lavagna(2) , est coagulable et en- clin à se putréfier. D'après les observations recueillies par Lauer, le sang menstruel d'une femme atteinte de dégénéres- cence des ovaires était susceptible de se coaguler, et la ma- lade n'en supportait sans danger une perte considérable qu'autant que cette propriété lui manquait (3). II. La coagulation est complète quand le caillot devient ferme, que le sérum s'en sépare totalement, et qu'il jouit d'une transparence parfaite. Elle est incomplète lorsque Je caillot demeure mou, qu'il se délaie aisément dans le sérum par la succussion , et que celui-ci contient plus ou moins de cruor mélangé avec lui. La séparation complète a lieu chez les sujets robustes et musculeux; dans tout état inflammatoire , comme en général toutes les fois que le système sanguin a acquis un surcroît d'activité , le caillot devient plus ferme (4). Au contraire , la coagulation est moins complète , le caillot plus mou et plus onctueux , chez les sujets débiles , dans la plupart des maladies chroniques , mais surtout dans le typhus et ses différentes formes , telles que la peste , la fièvre jaune, (1) Bulletin des sciences médicales, t. XVIII , p. 355. (2) Meckel , Deutsches ArcJdv , t. IV, p. 153. (3) Hecker, Litevarischc Annalen der Heilkundo, t. XVHI, p, 304. (4) Seudaniore, loc. cit., p. 119. ACTION r>E l'ORGANISME StR tE SAN6. 4^9 le choléra morbus , etc. (1). On paraît avoir commis une er- reur en croyant trouver dans ces faits une preuve que la coa- gulation est un acte de la vie ; rien n'est plus naturel , au contraire , que de reconnaître ici la loi qui veut qu'il n'y ait x^ue ce qui vit qui puisse mourir, et que le degré de sépara- lion qu'on observe après la mort soit en raison directe de la vitalité qui existait auparavant. III. 11 faut distinguer la perfection de la coagulation et la rapidité avec laquelle elle commence ; sous ce rapport , on peut admettre des conditions diverses, que Lauer a désignées sous les noms d'énergie irritable et torpide , de débilité irri- table et torpide (2) , suivant que la promptitude ou la lenteur de la coagulation est accompagnée de perfection ou d'imper- fection du phénomène. Mais, dans la plupart des cas, nous trouvons que la rapidité de la coagulation est en raison in- verse de l'énergie de la vie , ou , en d'autres termes , que le sang se décompose d'autant plus vite qu'on remarque plus de faiblesse dans l'organisme, qu'il se maintient, au contraire, d'autant plus long-temps que la^ vie agit avec plus de puis- sance. 3° Hewson (3), Schrœder (4), J. Davy (5) et Thackrah (6) ont remarqué que le sang se coagule plus lentement dans les inflammations violentes. Ces observateurs ont vu la coagula- tion commencer au bout de quatre minutes dans la phthisie pulmonaire , et au bout de huit seulement dans la péripneu- monie. 11 faudra d'ultérieures recherches pour décider si , comme le donne à entendre Davy , c'est par l'effet d'une ex- ception à la règle qu'a lieu alors la coagulation plus rapide , admise par quelques anciens auteurs et défendue encore par Rossi (7) et Gendrin (8) , ou bien, si plutôt il n'y aurait pas (1) Thackrali , Inc. cit., p. 94. — Bulletin de la Soc. méd. d'Émulation, 4823, p. 640. — Hecker, loc cit., t. XVIII, p. 303. (2) Hecker, loc. cit., p. 305. (3) Expérimental inquiries , 1. 1, p. 36." (4) Loc. cit., p. 64. (5) Meckel , Deutsches Archiv ^ t. I , p. 125. (6) ioc. cif., p. 88. 1 (7) Bulletin de la Soc. méd. d'Émulat., 1823, p. 639. (.8) Hist. anatom. des inflammations , t. II , p. 445. * 46o ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. seulement achèvement plus prompt et perfection plus grande de cette coagulation. 4° Thackrah prétend que la coagulation a lieu de meil- leure heure dans le cas de débilité , et il pose en principe qu'on doit d'autant moins répéter la saignée , que le phéno- mène a lieu plus rapidement. Schrœder (1) explique l'effet par la quantité du sérum _, attendu que, d'après ses expé- riences , du sang frais mêlé avec du sérum se coagule plus tôt , et avec d'autant plus de rapidité qu'on y ajoute davantage de sérosité. Scudamore (2) dit la coagulabilité en raison di- recte de la pesanteur spécifique du sang. Cette assertion , d'après les remarques de Davy (3), est inexacte au moins quant à l'époque de la manifestation du phénomène. Lauer cite des cas de traitement d'affections vénériennes par la faim ou la salivation, de scorbut et d'autres cachexies , dans lesquels non seulement la coagulation fut incomplète , mais encore elle eut lieu tard. 5° Dans une saignée copieuse, le sang qui coule en dernier lieu se coagule avaHt le premier, observation que personne n'avait faite avant Hewson (4), Schrœder a vu le sang tiré à une femme enceinte se séparer au bout d'un quart d'heure dans la première tasse et de sept minutes dansla seconde (5). Lorsque les bouchers tuent un animal , le sang se coagule d'autant plus vite qu'il en a déjà coulé davantage et que l'a- nimal est devenu plus faible , de sorte que celui qui sort pen- dant l'agonie se coagule instantanément , mais forme un caillot plus mou , comme l'ont remarqué Hewson (6), Schrœder et Scudamore (7). Suivant Davy , la première portion du sang d'une Brebis se coagula au bout de deux minutes , et la se- conde au bout d'une minute et demie (8). Selon Thackrach , (1) Loc. cit., p. 55. (2) Loc. cit., p. 31. (3) Heusinger, Zeitschrift fuer die organische Physik , t. II , p. 387. (4) Loc. cit., t. I, p. 55. (5) Loc.\cit., p. 53. (6) Loc, cit., p. 61. (7) Loc, cit., p. 34. (8) Meckel, Deutsclies Archiv , 1. 1, p. 425. ACTION DE l'organisme SOR LE SANG. 4^1 chez les Chiens, la première portion se coagule au bout de soixante et dix secondes , celle qui vient après au bout de quarante secondes , et la dernière instantanément (1). Le même observateur a fait Vintéressante remarque (2) que les choses se passent ainsi chez les Bœufs mis à mort par l'ou- verture des vaisseaux , mais que , quand on commence par les assommer, la stupeur qui résulte de là fait que la première por- tion se coagule avec plus de rapidité , la seconde plus tardi- vement , parce que Touverture des artères a rétabli la circu- lation et dissipé la stupeur, la dernière enfin plus rapidement, à cause de la faiblesse produite par l'hémorrhagie. Ebel (3) a observé que le sang est plus coagulable, chez l'homme, après de copieuses saignées ; ayant soumis un Cheval , dont le sang se coagulait en cinq minutes , à des soustractions journalières de onze livres de sang, la coagulation eut lieu le second jour en quatre minutes , le cinquième en trois , le dixième en deux, et le onzième en une. Aussi Ebel pose-t-il également en prin- cipe que la propension à se coaguler augmente dans la fai- blesse , notamment quand la force du cœur baisse et que la circulation se ralentit, mais qu'elle diminue, au contraire, dans les inflammations. Piorry a trouvé , chez des animaux qui avaient succombé à une perte considérable de sang, mais seulement au bout de quelques heures, qu'il y avait des concrétions fibrineuses dans le cœur et dans les veines (4). Hewson pourrait donc fort bien avoir émis une conjecture fondée , en disant que , dans le cas de blessures , une syncope favorise la formation de bouchons sanguins, et peut ainsi contribuer à arrêter l'hémorrhagie. 6° La puissante influence de la paroi vivante sur la consti- tution du sang s'annonce aussi parla coagulation plus prompte de celui qui coule lentement du vaisseau, que de celui qui s'é- chappe sous la forme d'un jet rapide. Hewson (5) a vu , dans une saignée , le sang couler d'abord avec lenteur, puis avec (1) Loc, cit., p. 45. (2) /èirf.,p. 48. (3) Diss. de natura medicatrice , p. 5, (4) Frovicp , Notizen , t. XIII , p. 189. (5) Loc. cit., p, 80. 462 ACTION DE t'ORGANISME SUR lE SANG. promptitude , ensuite plus rapidement encore , enfin d'une ma- nière très-lente , et il a remarqué que la quatrième portion se coagulait en trois minutes , la première en douze , la seconde en ving-deux , et la troisième en trente-cinq. Scudamore a observé le même phénomène (1), et Thackrah (2) dit, d'après Kellie , que le sang se coagule plus tôt lorsqu'il a séjourné pen- dant quelque temps dans une veine comprimée. 7° Ce qui prouve qu'ici la précocité de la coagulation ne tient pas tant à des circonstances mécaniques , qu'à l'action moins énergique des parois, c'est que, d'après les observations faites par Davy (3) et Thackrah (4), le sang se coagule plus promp- t«ment chez les jeunes animaux que chez les vieux, malgré la vélocité plus grande de leur circulation. 3° Enfin Highmore, Willis et Treviranus ont reconnu que la coagulation s'effectue plus tôt qu'à l'ordinaire dans certaines maladies convulsives. IV. Il arrive quelquefois , quand le sang commence à s'é- paissir, sans cependant être encore coagulé, qu'on voit pa- raître à sa surface une couche transparente , bleuâtre ou Jaunâtre , dont l'épaisseur augmente p'èu à peu de haut en bas , et qu'on appelle couenne inf,ammatoire ( crustajnflam- matoria seu pleuritica ). Cette croûte est blanche , grise ou jaunâtre , élastique , et en partie filante ; elle a presque tou- jours une à deux lignes d'épaisseur ; sa face supérieure est lisse et souvent creusée en godet ; l'inférieure est inégale et tient au caillot , qui , renfermant moins de fibrine , est plus mou et moins dense qu'à l'ordinaire. La croûte inflammatoire n'est à proprement parler que du caillot sans cruor ; elle a pour base de la fibrine , mais autre que de coutume , plus molle et plus soluble. Quand on l'exprime ," elle donne, d'après Gendrin (5), une sérosité jaunâtre^ qui contient davantage d'albumine que le reste du sérum. J. Davy en a obtenu 38,3 de sérum , et par conséquent 61,7 de fibrine. Gomme elle ne représente (1) Loc. cit., p. 34. ■ * (2) Loc. cit.,%^. 65. (3) Meckel , Deutsches Archiv, t. I, p. 4.2oS (4) Loc. cit., p."45.j (5) Hist. anat. des inflanunat,, t. ÏI, p. 442. ACTION DE l'ORGANISME SUR lE SANG. 4^3 pas la fibrine pure normale , quelques chimistes ont vu en elle de l'albumine transformée. La formation de la croûte inflammatoire doit dépendre de circonstances variées ; car on la rencontre dans des états tout- à-fait differens , même opposés , tant dans des cas où l'acti- vité du système vasculaire est exaltée , comme les fièvres in- flammatoires , le rhumatisme aigu et la grossesse , que dans d'autres caractérisés par une grande faiblesse , le scorbut et la fièvre putride, selon Parmentier etDeyeux, la syphilis, d'a- près Schrœder (1) , le diabète , suivant Scudamore (2) , l'hy- dropisie selon Stoker (3), etc. 9° Il paraît certain que , dans la plupart des cas , la couenne se rattache à une exaltation de l'activité vitale. Quand cet état a lieu dans une inflammation, il se forme une couenne épaisse, dense, élastique, et d'un blanc jaunâtre (4). Mais au point culminant d'une inflammation , de la péripneumonie par exem- ple , la puissance du sang est exagérée , et la réaction des parois vivantes restreinte , de manière que la couenne ne se produit pas d'abord , et qu'on ne la voit paraître qu'après une saignée , quand le pouls commence à se relever. Le siège et le caractère de l'inflammation ne sont pas non plus sans influence ; si , par exemple, la pliîegmasie est bornée au canal intestinal, ou qu'il y ait une grande tendance à la sup- puration , la couenne manque fréquemment. On ne peut donc point , et cette remarque avait déjà été faite par J. Davy, la considérer ni comme un signe absolument certain d'inflamma- tion, ni comme toujours correspondante au degré de la phlegmasie. Les faits suivans annoncent qu'elle est déterminée par l'ac- tion vivante des parois. a. Sa formation correspond à la rapidité du courant, ainsi que l'ont reconnu Scudamore (5), Thackrah (6) et Belhomme(7)j (1) Loc. cit., p. 32. (2) Loc. cit., p, 124. (3) Scudamore, loc. cit.) p. 149. (4) Gendrin, Hist. anat. des inflammations , t. lî, p. 44S, (5) Loc. cit., p. 114. (6) Loc. cit., p. 55. (7) Fi-oriep , Notisen , t. VIÎ > p. 247, 464 ACTION DE l'organisme SUR LE SANG. aussi manque-t-elle quand le courant est faible et la veine percée d'une étroite ouverture , tandis qu'elle a beaucoup d'épaisseur dans les cas contraires.' h. Quand une saignée vient à être interrompue par une syncope , il ne se produit plus ensuite de couenne (4). c. La quantité de la fibrine contenue dans le sang est, somme totale, plus grande, d'après Scudamore (2), lorsqu'il se forme une couenne. J. Davy rapporte cependant quinze cas dans les- quels le rapport était inverse ; mais si l'on prend tout en consi- dération, la fibrine y existait en proportion extraordinaire (3). d. Davy a trouvé la fibrine de la couenne plus dense que de coutume, et douée d'une pesanteur spécifique plus considé- rable. e. La proportion de ce qui s'écoule au commencement et à la fin de la saignée n'est pas toujours la même , ^comme l'ont observé Schrœder et Belhomme , parce qu'il arrive sou- vent à la vitalité des vaisseaux de ne s'exalter qu'après l'émis- sion sanguine ; mais, dans la plupart des cas, le contraire a lieu, et la première portion , pendant l'écoulement de laquelle l'ac- tivité des vaisseaux est plus grande , donne plus de couenne que la dernière. Gendrin (4) a remarqué, que quand il avait laissé couler une certaine quantité du sang à la surface duquel se formait une couenne , et que huit ou dix minutes après il livrait issue à de nouveau liquide , celui-ci ne donnait plus que peu ou point de couenne ; mais on la voyait reparaître quand la seconde émission , par la même plaie , n'avait lieu qu'au bout de plusieurs heures. Il était donc évident alors que la cause ne se rattachait point à une qualité permanente de la masse du sang , mais à l'état de la vitalité des parois , que l'émission sanguine modifiait momentanément , et qui repre- nait ensuite son précédent caractère , celui de la diathèse in- flammatoire. f. Quand il se forme une couenne , la coagulation a lieu (1) Gendrin, loc. cit., t. II, p. 439. (2) Loc. cit., p. 72. (3) Ileusinger, Zeitschrift fiier die organische Physik , t. II, p. 38S, (4) Loc. cit., t. II, p. 43S. ACTION DE l'organisme StJR LE SANG. 4^^ plus tard. Si ceci ne devait s'entendre que de la production du. caillot , on pourrait croire avec Schrœder (1) que le phé- nomène tient à la manifestation de la couenne^ attendu qu'une partie de la fibrine s'est déjà solidifiée dans celle-ci, et que la portion encore liquide, étant plus divisée^ est par cela même moins coagulable. Mais la formation de la couenne elle-même a généralement lieu, dans les inflammations, plus tard que la coagulation ne s'effectue habituellement. Or comme, d'a- près ce qui précède ( 3° — 6° ), la coagulation est retardée toutes les fois qu'il y a action plus vive des parois et courant plus rapide du liquide , ce retard paraît être une circonstance essentielle pour expliquer la formation de la couenne, puis- qu'une partie du cruor acquiert alors le temps nécessaire pour se réunir dans les couches profondes, en vertu de sa pesan- teur spécifique plus considérable, de sorte qu'il reste, dans les couches supérieures , la fibrine plus légère et le sérum , qu'en d'autres circonstances , où la coagulation se fait plus rapidement, le cruor enveloppe avec lui. Cette explication, que Hunter , Prochaska (2) , Thackrah (3) et Denis (4) , ont donnée , après que Hewson (5) , Scudamore (6) et autres eu- rent remarqué la coagulation plus tardive , paraît être la plus satisfaisante de toutes. Davy (7), qui d'ailleurs convient que l'épaisseur de la couenne est proportionnée au retard de la coagulation , et Stoker (8), disent en avoir observé une aussi dans des cas où cette dernière s'opérait avec rapidité ; mais il faut qu'alors d'autres circonstances aient contribué à la pro- duction du phénomène. 10» En effet, le cruor peut se précipiter et se séparer de la fibrine encore liquide, soit parce que lui-même est trop dense, soit parce que la sérosité du sang n'est point assez épaisse , (1) Loc. cit., p. 49. (2) Physiologie , p. 235. (3) Loc. cit., p. 39 , 114. (4) Loc. cit., p. 324. (5) Expérimental inquiries, t. 1 , 39. (6) Z.OC. ci^., p. 31, 38. (7) £oe. ci*., p. 385. (8) Scudamore, loc. cit., p. 144. \ H»- Vie 00 ACTION DE L ORGANISME SUR lÊ SANG. que par conséquent elle est trop pauvre en fibrine et en al- bumine , soit enfin parce qu'en vertu d'une modificaùon sur- venue dans la composition du sang, il a moins d'affinité adhé- sive pour la fibrine. Ce sont vraisemblablement ces circon- stances qui déterminent la formation de la couenne dans les fièvres putrides, le scorbut, ei autres cachexies. Hev\^son(l) objectait que, dans les inflammations, la production de la couenne ne se rattache ni à la dilution du sang ni à l'ac- croissement de la pesanteur spécifique du cruor ; Davy (2) n'a- percevait pas non plus de liaison constante entre cette pro- duction et la pesanteur spécifique du sang, qu'il disait, au con- traire, être alors presque toujours plus considérable qu'à l'ordinaire ; mais ces argumens n'auraient de valeur qu'autant qu'on prétendrait effectivement ne point admettre d'autres causes pour expliquer dans tous les cas la formation de la couenne. 11° Hewson (3) a trouvé qu'il se formait plutôt une couenne quand on recevait le sang dans des vases étroits , que quand on le faisait couler dans de larges coupes. Schrœder (4) et Gendrin (5) se sont convaincus , par des expériences , que la formation de cette croûte est restreinte ou empêchée par le froid , et favorisée au contraire par la réception du sang dans un vaisseau étroit , tenu très-près de la veine , ce qui retarde le refroidissement du hquide. L'élévation de la chaleur vitale favoriserait-elle aussi la propension du cruor à se séparer de la fibrine ? c. Influence sur les matériaux constituans du sang, § 755. I. Le cruor, qui , dans l'état normal, adhère à la fi- brine coagulée , se mêle avec le sérum dans le scorbut , la fièvre putride, la fièvre jaune , etc., s'y dissout , le colore en rouge , et se précipite peu à peu sous la forme d'un sédiment pulvérulent. Peut-être , comme le présume Wedemeyer (6), (1) Loc. cit., p. 45, (2) Loc. cit., p. 389. (3) Loc. cit., p. 401. (4) Loc. cit., p. 32.Î (5)Z