^ xTf- ' ^J Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa Iittp://www.arcliive.org/details/traitdepliysiol09burd TRAITE DE PHYSIOLOGIE ^'0 TOME IX. IiIBRAISLIS: »S: J.-B. BAIIilillIKS:. PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX, ou Recherches et Expé- riences sur les diverses classes d'appareils nerveux, les niouveinens, la voix, la parole, les sens et les facultés intellectuelles, par J. Mdller, professeur d'anatomie et de physiologie à l'université de Berlin, tra- duite de l'allemand sur la troisième édition, par A.-J.-L. Jotjeiun, accompagnée de 80 figures intercalées dans le texte, et de 4 planches gravées. 2 forts vol. in-8". 16 fr. OEUVRES COMPLÈTES d'AMBROISE PARÉ, revues et collationnées sur toutes les éditions, avec les variantes, ornées de 217 planches et du portrait de l'auteur ^ accompagnées de notes historiques et cri lifiues, et précédées d'une introduction sur l'origine et les progrès de la chi- rurgie en Occident, du sixième au seizième siècle, et sur la vie et les ouvrages d'Ambroise Paré, par J.-F. Malgaigne. Paris; ISiO, 3 vol. grand in-8° sur jésus-vélin à 2 colonnes. Ouvrage complet. 36 fr. TRAITÉ DE L'ENTÉRITE FOLLICULEUSE (fièvre typhoïde); par C.-P. FoRGET, professeur de clinique médicale à la faculté de Stras- bourg, président des jurys médicaux, membre de l'Académie royale de médecine. Paris, 1841, in-S» de 850 pages. 9 fr. TRAITÉ CLINIQUE DES MALADIES DU COEUR, précédé de re- cherches nouvellds sur l'anatomie et la physiologie de cet organe, par J. BouiLtAUD, professeur de clinique médicale à la Faculté de Paris, membre de l'Académie royale de médecine. Detixième édition, consi- dérablement augmentée. Vavis, 1841, 2 forts vol. in-S", avec 8 planches gravées. 1^ fi'- TRAITÉ PRATIQUE DU RHUMATISME ARTICULAIRE et do la loi de coïncidence des iuQammations du cœur avec cette maladie, par J. BoBiLLAUD. Paris, 1840, in-S». 7 l'r. 5Jc. MÉMOIRES ET OBSERVATIONS D'ANATOMIE, DE PHYSIOLOGIE ET DE CHIRURGIE, par Fr. Ribes, médecin en chef de l'hôtel royal des Invalides, membre de l'Académie royale de médecine. Paris, 1841, 2 vol. in-8<» avec 9 planches. 15 fr. TRAITÉ DES NÉVRALGIES, par F.-L.-I. Valleix, médecin du bureau central, des hôpitauxi etc. Paris, 1841. in-8°. DE L'IRRITATION ET DE LA FOLIE, ouvrage dans lequel les rap- ports du physique et du moral sont établis sur les bases de la médecine physiologique, par F.-J.-V- Brocssais, professeur à la Faculté de médecine de Paris, ete. Deuxième édition, entièrement refondue. Paris, 1839. 2 vol. in-8°. 15 fr. DE L'HOMME ANIMAL, par le docteur F. Voisin, médecin de l'hospicw de Bicêtre. Paris, 183a, 1 vol. in-8°. >« 7 fr. 50 c. DU TRAITEMENT MORAL DE LA FOLIE, par F, Leuret, médecin de l'hospice de Bicêtre. Paris, 1840, iu-8». >( 6 Ir. 5J c. LES FORÇATS CONSIDÉRÉS SOUS LE RAPPORT PHYSIOLOGIQUE, MORAL ET INTELLECTUEL, observés au bagne de Toulon, par H. Lauvergne, médecin en chef de la marine et de l'hôpital des lor - çats de Toulon. Pans, 1841, in-8'. 7 fr. DE LA FOLIE, considérée dans ses rapports avec les questions médico- judiciaires, par C.-C.-H Marc, premier médecin du roi , membre de l'Académie de médecine. Paris, 1840, 2 vol. in-8o. 15 fr. COSSON , imjjrimeur de l'Académie royale do médecine , rue Saiul-Gfrmain-dcs-1'rés , g. TRAITE DE PHYSIOLOGIE CONSIDÉRÉE COMME SCIENCE D'OBSERVATION, PAR G. F. BURDAGH, PROÏBSSEUU A l'UKIVERSIlÉ DE KOENIGSBERG , avec des additions de MM. les professeurs BAER , E. BURDACH , DIEFFENBACH , MEYER, J. MULLER , RATHKE, SIEBOLD , VALENTIN , WAGNER, Traduit de l'alleinand , sur la deuxième édition , PAR A.-J.-L. JOURDAN , MEMBRE DE l'académie ROYALE DE MEDECINE. TOME NEUVIEME. PARIS , CHEZ J.-B. BAILLIÈRE , LIBRAIRE DE l'ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, RUE DK l'École ue médecine , 17; A LONDRES, CUEZ H. BAILLIÈRE, 2l\), REGENTSTREET. AVIS DE L'EDITEUR. En publiant le volume dont nous donnons ici la traduction , M. Burdach annonce son intention for* melle de ne pas aller plus loin. «Lorsque je commençai cet ouvrage, dit-il , je songeai à l'instabilité des choses humaines, à l'incertitude de la vie et de la santé , à rincertitude des positions sociales, à l'inconstance même des déterminations de la volonté, en un mot à l'impossibilité de calculer d'avance tous les obstacles qui pourraient s'opposer à l'achèvement d'une si vaste entreprise. Aussi ne m'en suis-je jamais considéré que comme un simple coopérateur, espérant quesi le public prenait intérêt à l'œuvre, d'autres pourraient le continuer dans le même esprit, s'il ne m'était pas donné de le conduire moi-même à sa fin. » L'âge auquel M. Burdach est parvenu, lui faisant craindre de ne pas arriver au terme, il aime mieux déposer la plume, après avoir complété l'histoire des fonctions de la vie organique, que de se hasarder à commencer celle des fonctions de la vie animale, sans espoir légitime d'a- chever une exposition qui lui imposerait encore de longues et pénibles recherches. La Physiologie du système nerveux, par M. J. Muller, dont nous avons publié la traduction l'année dernière, comble heureu- vj AVIS DE l'Éditeur. sèment cette lacune, et en faisant passer encore dans notre langue, I'^Tw^mV^ c^^^ genre humain par M. Pri- chard, la meilleure et la plus complète que l'on pos- sède aujourd'hui, nous aurons entièrement rempli le cadre que M. Burdach s'était tracé dans l'origine. La réunion de ces trois ouvrages présentera, sous une forme systématique, l'ensemble des faits et des théo- ries ayant trait à l'histoire de la vie, spécialement dans l'espèce humaine. De là résultera un vaste traité , qui non seulement deviendra le guide des médecins dans leur carrière pratique , puisque personne ne conteste qu'il n'y a pas de médecine possible sans physiologie qui lui serve de base , mais encore dirigera les phy- siologistes dans leurs travaux; car si les monographies agrandissent le cercle des sciences, les ouvrages généraux, en présentant le tableau exact des acqui- sitions qu'elles ont faites à une époque donnée, signa- lent par cela même les points qui demandent encore d'être éclaircis , ou sur lesquels les hommes spéciaux doivent plus particulièrement porter leurs investiga- tions. Paris lÔ janvier 1841. DE LA PHYSIOLOGIE CONSIDEREE COMME SCIENCE D^OBSERVAïION. Section II. DE LA FORMATION DU SANG. PREMIÈRE DIVISION. DES FBÉNOmÈNES GÈNÉRAnX DS LA FORIUATION DIT SANG. § 895. Toutes les formations organiques, tous les produits de la nutrition et de la sécrétion, procèdent du suc vital, qui, parvenu à un certain degré de développement, apparaît sous une forme spéciale, celle de sang (§ 661 ). De là résulte que le sang se décompose pendant le cours de la vie ( § 774 et suiv., 875), que même la décomposition qu'il subit ne s'arrête jamais ( § 876 ), et qu'en conséquence il doit aussi se repro- duire à chaque instant. Mais , tandis que la nutrition et la sécrétion sont un travail de ségrégation qui fait sortir le multiple de l'unité, et transforme un produit général ou com- mun en produits particuliers et divers (§§ 777, 778, 5°; 885; 894, 2° ), l'hématose , au contraire, a pour but de créer une seule et unique substance avec des matériaux différons, et, en réunissant ensemble des produits spéciaux, de leur impri- mer le cachet de la généralité. Cette opération embrasse deux actes distincts : l'un extérieur, mécanique, par lequel les substances aptes à produire le sang sont transportées d'es- paces spéciaux qui les logent dans l'espace commun du sys- tème vasculaire ; l'autre intérieur, chimico-dynamique , par IX. 1 2 DE t ABSORPTION. lequel ces substances hétérogènes sont converties en la sub- stance homogène du sang. L'admission de substances déterminées devant servir à une formation également déterminée, suppose, dans l'organisme , la faculté d'attirer à lui !a matière et de la transformer. Cette faculté représente ce qu'il y a de commun ou de géné- ral dans l'acte de la production du sang, puisqu'elle se mani- feste par des actions simples, identiques dans les points les plus divers de l'organisme. Elle est donc la base ou le fon- dement de l'hématose proprement dite (§ 910). Ainsi, la partie mécanique de celte opération générale consiste en ce qu'une matière quelconque pénètre dans le sang. Mais comme le sang se trouve dans des espaces clos, nulle matière ne peut parvenir jusqu'à lui qu'à la condition d'avoir un mode d'expansion analogue au sien, d'être à l'état fluide (liquide ou aériforme ), et comme cette accession est en rapport avec l'aptitude dont l'organisme jouit de se main- tenir et conserver lui-même , elle doit être déterminée par celui-ci , et dépendre de son pouvoir attractif. L'activité en vertu de laquelle un corps attire des liquides à lui et dans sa propre substance, s'appelant absorption , on donne le même nom à la faculté que tous les êtres organisés possèdent de recevoir des liquides dans l'intérieur de leur corps et dans leur suc vital. Ici, toutefois, l'absorption est de deux sortes ; Vabsorption proprement dite, qu'on pourrait aussi appeler imorption, celle qui consiste à admettre une substance étran- gère venue du dehors (§§896-989); et la résorption^ celle qui consiste à reprendre les substances qui ont été produites aux dépens du sang (§§ 910-916). CHAPITRE [PREMIER. De Vabsorption. ARTICLE I. De ïadmission de substances étrangères dans le corps. § 896, Deux circonstances nous procurent la conviction qu'une absorption a eu lieu : l'une est la diminution et la dis- parition dune matière mise en contact avec l'organisme ( en DE L ABSORPTION. O supposant qu'il soit certain qu'elle n'a point été évaporée, en- levée ou reportée ailleurs), comme par exempîq l'abaissement du niveau du liquide dans lequel une plante végète, comparé à un autre liquide , de même nature, qui se trouve placé au milieu de circonstances parfaitement identiques, la présence d'un végétal exceptée; l'autre est le changement survenu dans l'organisme à la suite d'un pareil contact, et qu'on ne peut attribuer à nulle autre cause. Parmi les changemens matériels de ce genre se rangent l'augmeaîaîion du volume, par exemple le renflement des cellules mises à nu sur la tranche d'une plante plongée dans l'eau, ou celle du poids, par exemple, d'un homme à la suite d'un bain chaud. Lorsqu'une substance facile à reconnaître par ses qualités spéciales , et qui ne se rencontre pas habituellement dans l'organisme, a été absor- bée, on peut la découvrir, soit dans le système vasculaire lui-même, soit dans les liquides sécrétés et dans les tissus oii elle a été éliminée (§ 865), et Pereira (1), entre autres, a donné la liste des médicamens que l'on retrouve ainsi dans les sécrétions. Mais ici la certitude présente un grand nombre de degrés, car la couleur, l'odeur et la saveur sont fort su- jettes à induire en erreur. Certaines substances ne se font pas reconnaître par leurs propriétés mêmes, mais seulement par les modifications qu'elles impriment aux qualités des sécré- tions, comme l'essence de térébenthine par l'odeur de vio- lette qu'elle communique à l'urine. Des caractères plus certains que ceux qui frappent d'eux-mêmes les sens, sont ceux que font naître certains réactifs, comme la détona- tion du salpêtre par la combustion, îa couleur de rouge-brun que la rhubarbe prend par la potasse caustique, le bleuisse- ment du cyanure de potassium par l'acide clilorliydrique et le chlorure de fer, la teinte rouge de cerise foncé que le sul- focyanure de potassium prend par le chlorure de fer, celle de brun-noir que le plomb acquiert par l'acide sulfhydri- que, etc. Cependant , si l'on ne découvre point la substance étrangère, on ne doit pas conclure de là, en toute assurance, qu'elle n'a point été absorbée. Des quantités très-faibles, par (1) Froriep , NoHzen, t. XLVIII, p. 219. 4 DE l'absorption. exemple , de cyanure de polas.sium , même lorsqu'on les mêle , immédiatement avec le sanjj: , ne sont point décelées dans ce liquide par les réactifs, et si Wetzlar (1) est parvenu à les reconnaître dans l'urine, en ajoutant de l'acide chlorhy- drique et du chlorure de fer à ce liquide, et agitant le mé- lange avec un tube , de manière à obtenir la précipitation de l'acide urique, entraînant avec lui le cyanure de fer, il est d'autres cas pour lesquels nous ne connaissons aucun moyen d'arriver à un pareil résultat. L'époque à laquelle on fait l'examen joue ici un grand rôle; car la substance étrangère peut n'être pas encore arrivée à l'endroit où on la cherche ; elle peut aussi en être déjà partie, ou avoir été rendue méconnaissable par son mélange avec des substances organiques qui se sont combinées avec elle , ou qui l'ont décomposée. Ainsi, par exemple, on trouve bien plus fréquemment les substances étrangères dans les liquides sécrétés que dans le sang, et dans le sérum que dans le sang entier. Souvent aussi on ne parvient pas à concevoir ce qu'elles ont pu devenir. Wetzlar (2) a examiné pendant quatre jours toutes les évacuations après une prise d'un gros de cyanure de potassium, et l'urine ne lui a fourni que quatre grains de bleu de Prusse, les excrémens, la sueur, le mucus nasal et la salive n'offrant pas la moindre trace des cinquante -six autres grains. § 897, D'autres preuves de Faccomplissement de l'absorp- tion sont fournies par l'état vital qui résulte de là. En effet , quand des substances qui ne sont point aptes à être assimilées, à fournir des parties intégrantes de la masse organique, en un mot à contribuer au maintien ou à la conservation de l'organisme, entrent en contact avec Jun organe, sous une forme appropriée et en quantité nécessaire, elles produisent des changemens dans l'activité d'autres organes ou dans tout l'ensemble de la vie. Plus ces changemens sont considérables, quant à l'intensité, et particuliers, quant à leur nature , plus (1) Diss. de materiarum , imprimis kali Borussici , in orijanisnium transitu. Marbourg, dSÎ'l, in-8, p. 21. (2) LoQ. ct^.,p. 24. . j DE l'absorption. 5 l'expérience a confirmé qu'ils surviennent à la suite d'impres- sions déterminées , plus aussi nous sommes certain qu'ils sont déterminés par ces dernières , et qu'on ne doit pas les con- sidérer comme de simples contingences. D'après cela, ce sont les empoisonnemens qui fournissent les preuves les plus fortes. I. Mais il s'agit de reconnaître si le transport de l'action d'un organe sur un autre est de nature matérielle ou dyna- mique- 1° Comme l'organisme est un , qu'il ne forme qu'un seu tout , et que , par conséquent , toutes ses parties agissent mu- tuellement les unes sur les autres , l'action des substances étrangères peut être une impression purement locale, qui ne devient générale, ou , en d'autres termes, ne s'étend à d'au- tres organes que d'une manière médiate, et par ses consé- quences; c'est-à-dire, qu'elle peut consister en un change- ment matériel de l'organe immédiatement atteint , mais faire par là que le changement survenu dans l'aotivité vitale de cet organe, entraîne à sa suite, en vertu de l'enchaînement des fonctions, un changement dans le reste de l'organisme. Par exemple, que l'action de la peau vienne à être modifiée par un bain froid ou par un bain chaud, il en résulte une modifi- cation correspondante dans l'activité vitale des organes inter- nes. Mais ce qui caractérise ce mode d'action, c'est que les changemens qui surviennent dans l'ensemble de la vie, varient, et quant au degré, et même quant à leur nature, suivant que la substance étrangère a été mise en contact immédiat avec tel ou tel organe. Ainsi, un sel neutre, porté dans le canal in- testinal, détermine, par les évacuations qu'il provoque alors, un tout autre état de l'organisme que celui auquel il donne lieu quand il a été mis en rapport avec les tégumens extérieurs, dont il a rendu la sécrétion plus active. 2° Si l'action générale dépend ici de la nature spécifique de l'organe immédiatement atteint, il y a d'autres cas où elle est déterminée par la nature spécifique de la substance étran- gère, celle-ci, avec quelque partie du corps qu'elle se trouve mise en contact immédiat, occasionant toujours des change- mens identiques dans l'ensemble de la vie. Ainsi, le mercure 6 DE l'absorption. produit le même état morbide dans la sphère plastique, qu'il ait été porté dans le canal intestinal, ou dans les poumons, ou à la peau; et quand l'alcool pénètre, soit dans les poumons, soit dans ia plèvre, le péritoine , la vessie, soit enfin dans le tissu cellulaire, il plonge la vie animale dans le même état que si c'était Testomac qui l'eût reçu (1). L'arsenic et autres poisons analogues déterminés , lorsqu'on les administre à l'intérieur, causent une inflammation du tube digestif et des accidens pareils à ceux qu'on observe dans celte espèce de maladie, de quelque cause qu'elle puisse dépendre. Mais bien que cette action locale d('ive toujours être prise en considération, on ne peut cependant point la considérer comme ce qu'il y a d'essentiel dans l'empoisonnement, puisque l'arsenic , par exemple, tue également quand on l'emploie de toute autre manière, et que, d'après les expériences de Hunter, Home et Brodie (2), son introduction dans une plaie faite à la peau entraîne une gastrite , tout aussi bien que son ingestion dans l'estomac. Ici donc ia substance étrangère elle-même agit sur les organes éloignés , et celui avec lequel elle est mise en rapport immédiat, ne sert que comme point de transition. 3° En pareil cas, Faction sur l'ensemble de la vie ne s'ac- complit qu'après un laps de temps déterminé par la nature de la substance étrangère, et l'on peut la prévenir pendant cette période, pourvu que celle-ci ne soit pas trop courte. Ainsi, par exemple, un poison peut demeurer sans effet quand on le fait sortir du corps, qu'on l'enchaîne par une combinai- son chimique, qu'on détruit ou qu'on sépare du restant de l'or- ganisme la partie sur laquelle il a été porté, ou enfin qu'on l'empêche de pénétrer en exerçant une compression au-des- sus du point sur lequel il a été appliqué. 4° La substance étrangère agit aussi avec une intensité différente , suivant que l'organe touché immédiatement par elle , est plus ou moins approprié à la laisser entrer et pé- nétrer. L'extrait de noix vomique, par exemple, peut occa- sioner le tétanos et la mortj de quelque manière qu'on i'em- (1) Ségalas, dans Archives générales, t. XII, p. 104. (2) Reil, Arcldv fuer die Physiologie, t. XII, p. 229. DE l'absorption. -j ploie ; mais, d'après les expériences de Ség?Jas (1), il a tué des Chiens en peu de secondes, lorsqu'on l'injectait dans les poumons, à la dose de deux grains, tandis que, porté dans la vessie, à celle de deux gros, il ne déterminait le tétanos qu'au bout d'un quart d'heure, en sorte que, sous le point de vue de la perméabilité, la vessie serait aux poumons, pour ce qui concerne ce cas, dans le rapport d'environ 1 : 200. 5° L'action des substances étrangères doit donc être transmise du lieu d'application à tout l'ensemble de la vie par un tissu conducteur ; elle suppose donc un système universel, qui, d'un côté, conduit dans une direction déterminée, et d'un autre côté représente l'expression totale d'un côté déterminé de la vie. Mais il n'y a que deux systèmes de ce genre ; le système nerveux, qui, en ce qui concerne la propagation dy- namique , forme, dans ses points centraux le foyer de la vie animale ; le^système vasculaire, qui, dans les vaisseaux, un est simple conducteur, et qui, dans la masse du sang, constitue le centre de la vie plastique ( § 660, 3° ; 770). La question se présente donc de savoir si les substances étrangères agissent sur l'ensemble de la vie , par propagation dynamique , au moyen des nerfs, ou par transition matérielle dans le système vasculaire, et nous avons ici à nous occuper surtout des poi- sons qui affectent immédiatement la vie animale. IL Voici ce que l'expérience enseigne sous ce rapport : 1° L'affection de l'activité nerveuse peut être purement lo- cale, La belladone, appliquée sur l'œil, détermine la dilata- tion de la pupille et le trouble de la vie, sans provoquer d'au- tres accidens. De même , l'application de Varca concamerata sur les lèvres, et l'action de la vapeur de l'acide cyanhydri- que concentré sur les doigts , n'ont occasioné dans ces par- lies qu'une sensation d'engourdissement prolongée pendant plusieurs heures. L'opium et le ticunas , rais en rapport avec la face interne de l'intestin des Lapins , ont paralysé les muscles intestinaux de suite, et avant d'avoir fait naître d'autres acci- dens (2). Le nerf d'une cuisse de Grenouille détachée du (1) Ségalas, lac. cit.,]i. 108. (2) Chi'istison, Abhcmdluntj ueler die Gifte^ p. 3. 8 DE l'absouption. corps ayant été plongé dans de la dissolution d'opium , il per- dit son irritabilité dans toutes les portions immergées , mais non dans celles qui n'étaient point en contact avec le li- quide (1). Des nerfs d'un animal vivant ayant été frottés avec du venin de Vipère, ils prirent une teinte foncée , et les par- ties musculaires environnantes s'enflammèrent un peu , sans que la vie éprouvât de trouble appréciable. 2" Les poisons , mis en contact immédiat avec des portions dénudées du système nerveux , n'agissent pas du tout , ou du moins exercent une action incomparablement plus faible que quand on les applique sur la plupart des autres parties molles. Au contraire , ils ne tuent jamais plus rapidement, et à plus faible dose, que quand on les mêle immédiatement avec le sang , et alors ils déterminent dans la vie animale les mêmes effets spécifiques qu'en toute autre circonstance. Suivant Foa- tana , le ticunas frotté sur des nerfs ne causa pas la mort (2) . Il en a été de môme du venin de la Vipère (3) et de l'eau dis- tillée de laurier-cerise , d'après îe même auteur (4) ; de l'a- cide cyanhydrique , selon W'^edemeyer (5) ; de la fausse an- gusture , d'après Emmert (6) ; de l'upas tieuté , suivant Orfila (7) ; de l'upas antiar , d'après le même (8) ; de l'huile empyreumatique de tabac , selon Macartney (9); de la strych- nine, suivant Bouillaud (10)etMuUer(H),etc. Emmeit(12)met, sous ce rapport, les nerfs en parallèle avec les tendons et les os. Si Hubbard (13) a vu l'application de l'acide cyanhydrique, (1) "M-Mev, Physiologie du système nerveux, trad. par A. J. L. Jourdan, Paris, 4840, t. I , p. 64. (2) Ueber das f^iperngift, p. 306. (3)iiid., p. 191. (4jiôid.,p.317. (5) Physiologische Untersuchungen ueber das Nervensystem , p. 240, 244. (6) Meckel, Deutsches Jrchiv, t. I, p. 177. (7) Traité des poisons, Paris, 1827, t. II, P. I, p. 315. (8) /6id., t. Il, P. II, p. 3. (9) Ibid., t. I, P. II, p. 251. (10) Archives générales de médecine, t. X, p. 463. (11) Physiologie, t. I. p. 234. (12) Tuobinger Blaetter, t. I, p. 88. (13) Gerson, Magasin der auslœndischen Litercdur, t. V, p. 154. DE L ABSORPTION. Q OU de l'extrait de noix vomique , sur les nerfs , se trouvant dans leur situation naturelle, et non séparés de leur entourage, donner lieu à rerapoisonoement , les détails même de l'expé- rience annoncent que les parties entourantes avaient pris part à l'effet produit. Le venin de la Vipère (1) , l'opium (2) et l'huile empyreumatique de tabac (3) , appliqués au cerveau , sont demeurés sans effet , tandis que , d'après Orfila (4) , il s'en manifestait un de suite en portant de l'upas antiar dans la sub- stance de ce viscère , et que l'upas tieuté déterminait le téta- nos des membres antérieurs ou des membres postérieurs lorsqu'il était mis en rapport soit avec la portion cervicale , soit avec la portion abdominale de la moelle épinière (5). Le venin delà Vipère a causé la mort plus rapidement après avoir été injecté dans les veines , qu'après avoir été introduit dans des plaies : ainsi , il a tué de cette manière des Lapins en deux minutes (6) , et un centième de grain a suffi pour produire le même effet sur des Pigeons (7). Le ticunas a causé la mort instantanément (8). Des observations analogues ont été faites par rapport à l'acide cyanhydrique (9) , à la digitale (10), à la belladone (11), à la ciguë (12), à l'upas, à la noix vomique, à la fève de saint Ignace (13), etc. Trois grains d'opium injeciés dans les veines ont suffi pour faire périr des Chiens, tandis qu'il en a fallu jusqu'à cent vingt grains , introduits dans l'es- tomac, pour amener le même résultat (14) ; et, dans le premier (1) Fontana, loc. cit., p. 409. (2) Nysten, dans Orfila, loc. cit., 1. 1, P. Il, p. 445, (3) Macartney, dans Orfila, loc. ciï., p. 251. (4) Loc. cit., t. II, P. Il, p. 3. (5) /iid., t. II, P. I, p.314. (6) Fontana, loc. cit., p. 180. (7) Ihid,, p. 162. (8)/iirf.,p.t306.3 (9) Orfila, loc. cit., t. II, P. I, p. 187. (10) Ihid., p. 273. (11) Ihid., p. 239. (12) Ibid., p. 290. (13) Ihid., p. 330. (14)Weslrunib, Phi/siologische Untersuchuiujen ucber die Einsauij umjs- kraft der Vcncn , p. 44. 10 DE t ABSORPTION. cas , outre les symptômes spécifiques pendant la vie , on a observé la même réplétion des vaisseaux cérébraux qu'après l'administration du poison à l'intérieur (1). Il a fallu aussi moins d'alcool injecté dans les veines pour produire , dans un plus court espace de temps , une ivresse analogue à celle que ce liquide détermine lorsqu'il est mis en contact avec l'esto- mac (2). Des quantités considérables d'alcool, qui peuvent donner lieu à une décomposition manifeste du sang , et di- verses autres substances douées d'une action analogue (alca- lis , acides , sels neutres , sels terreux) , agissent avec plus de force et même plus vite lorsqu'on les introduit immédiatement dans le système vasculaire ; mais c'est là une particularité dont nous n'avons point à nous occuper ici. Du reste, la puis- sance des poisons narcotiques de la part desquels on ne con- naît aucune action chimique sur le sang , se manifeste en rai- son inverse de la quantité de ce liquide , de sorte qu'elle de- vient plus forte à la suite d'une saignée , et plus faible après une injection d'eau dans les veines (3). 3° Pour qu'une partie serve à T'introduction de sub- stances vénéneuses , elle n'a pas besoin de tenir au reste du corps par des nerfs , mais il faut qu'elle communique avec lui par des vaisseaux. Le venin de la Vipère a tué des animaux quand on l'intro- duisait dans des membres dont les nerfs étaient liés ou cou- pés (4) . Du v\^oorora , porté dans une plaie à la patte antérieure, après la section du plexus brachial , produisit les effets qui lui sont propres, avec tout autant de rapidité qu'à l'ordinaire (5). 11 en fut de même pour la fausse angusture (6) ; et l'acide cyanhydrique , appliqué sur les pattes de derrière , complè- tement paralysées par la section de la partie thoracique de la moelle épinière, causa l'empoisonnement tout aussi bien (1) Orfila, loc. cit., t. II, P. I, p. 135. (2) archives générales, t. XII, p. 105. (3) Ibid., t. Xm, p. 105. (4) Fontana, loc cit., p. 191, 200. (5) Reil, Jrchiv, t. XII, p. 183. (6) Orfila, loc. cit., t. II, P. I, p. 339. DE t'ABSORPTIONo II que si le système nerveux eût été intact (1). La section des nerfs pneiimo-gastriques , ou de la moelle épinière , ne mit aucun obstacle à l'action des poisons narcotiques , ou de l'al- cool, portés dans les poumons (2) ou dans l'estomac (3), quoique Dupuy et Breschet prétendent n'avoir pas observé d'empoisonnement dans ce dernier cas. D'un autre côté , l'effet d'un poison ne se propage point au reste de l'économie , lorsque la circulation est arrêtée dans les parties qui se trouvent en contact avec lui. Ainsi, la fausse angusture (4), le woorora (5), l'acide cyanhydrique (6), et d'autres substances vénéneuses (7) , n oot déterminé aucun effet général quand on avait suspendu la circulation , à l'aide d'une ligature ou du tourniquet , dans le membre auquel ils étaient appliqués. Le même phénomène a eu lieu avec la strych- nine, après la ligature des veines (8] ; avec l'acide cyanhy- drique et la fausse angusture , après celle de l'aorte ven- trale (9); avec l'opium, après la section des troncs vascu- laires (10). Cependant, quelques animaux mordus aux pattes par des Vipères succombèrent, quoique toutes les parties molles eussent été coupées jusqu'à l'os (11) , Ou les artères liées ou coupées (12). Toutes les fois qu'après la section des nerfs et des autres parties molles, une partie duxorps tenait encore au reste par ses vaisseaux, rupas(13), l'opium et l'acide cyanhydrique (14) (1) Wedemeyer, loc. cit., p. 241. (2) Archives générales , t. X, p. 129, t. XIII, p. 108. (3) Ihid., t. XII, p. 105, 'J09. — Muller, Physiologie, 1. 1, p. 234. {^) Orfila, loc. cit., t. II, P. I, p. 3. (5) llid., t. II, P. II, p. 9. (6) Wedemeyer, loc. cit., p. 245. (7) Archives générales, t. X, p. 12. (8) Ihid., t. XÏI, p. 109. (9) Oifila, loc. cit., i. II, P. I, p. 3, 339. (10) Monro, Observations on the structure and functions of the ncrvous System, TAinbmg, 1783, in-fol., p. 34. (11) Fontana, loc. cit., -p. 200. ('12) Ibid., p. 20G. (13) Meckel, Deutsches Archi\>, t. II, p. 253. (14) Christison, loc. cit., p. 12. 12 DE L ABSORPTION. agissaient sur l'ensemble de la vie comme ils le font chez des animaux intacts. Au contraire , l'action de l'opium n'avait pas lieu quand la partie ne communiquait plus avec le tronc que par ses nerfs (1). 4'' Enfin , Taptitude des différens organes à servir de point de transition pour les poisons qui attaquent la vie animale , n'est pas en raison du nombre de leurs nerfs , mais en pro- portion de celui des vaisseaux qu'ils reçoivent et de leur pou- voir absorbant. Ainsi , on a vu que le ticunas n'agit point sur l'ensemble de la vie quand on l'applique à l'œil , qu'il l'inté- resse peu quand on l'introduit dans l'estomac , mais qu'il l'af- fecte avec une grande violence quand on le porte dans des plaies (2). De même, la vie générale est affectée avec plus de force lorsque l'upas (3) , la laitue vireuse (4) , la bella- done (5) , la digitale (6) , la ciguë (7) , la noix vomique et la fève de saint Ignace (8) pénètrent dans le tissu cellulaire ou dans la cavité de la plèvre , que quand ils sont reçus par l'es- tomac , si riche en nerfs. 5° L'action sur la vie générale est déterminée aussi par les organes centraux du système nerveux. Suivant Fontana , le venin de la Vipère agit peu ou point sur des Grenouilles décapitées, ou dont la moelle épinière a été coupée (9); et son action est moins prompte sur les Lapins ou les Poules dont, après la décapitation, on entretient la circulation par une respiration artificielle , que chez les mêmes ani- maux à l'état normal (10). Brodie a aussi observé dans ce der- nier cas , sur des Chiens, une accélération des battemens du cœur produite par le woorora ou l'infusion de tabac , tandis (1) Muller, Handbach der Physiologie^ 1. 1, p. 233, (2) Fontana , lac. cit., p. 290. (3) Orfila, loc. cit., t. II, P. II, p. 3. {i)Uid., p. 191. (5) Ihid., p. 239. (6) Ibid., p. 273. (7) Jhid., p. 290. (8) Ibid., p. 330, (9) Loc. cit., p. 200. (10) Ibid., p. 218. DE L ABSORPTION. lO' que chez les animaux non décapités ces substances réduisent le cœur au repos (1). Enimert s'est surtout attaché à faire ressortir le rôle que joue ici la moelle épinière (2). L'upas, introduit dans le tissu cellulaire de la cuisse , déterminait le tétanos alors même que le cerveau avait été isolé par la sec- tion de la moelle au-dessous du crâne ; mais il ne le provo- quait pas quand on détruisait la moelle immédiatement après l'introduction du poison, quoique la circulation persistât en- core pendant dix minutes. Si le tétanos était déjà survenu , il cessait dans les pattes de devant lorsqu'on détruisait la por- tion pectorale de la moelle^ et dans celles de derrière , quand on détruisait la portion ventrale du cordon (3). Ségalas a fait des observations analogues sur la strychnine (4). 6° De tout ce qui vient d'être dit , il suit donc que les poi- sons qui agissent en affectant la vie animale , portent atteinte aux fonctions du système nerveux dans les parties touchées immédiatement par eux; mais qu'outre ce trouble local ils ne déterminent pas d'effet général lorsqu'ils ne parviennent point dans le sang par absorption. Une fois mêlés avec le sang, ils peuvent le modifier de telle sorte qu'il devienne incapable de servir à l'entretien de la vie, et que son influence, comme condition générale de la vie (§§ 746, 774, 5°) , soit soustraite à l'organisme. Mais ces poisons peuvent aussi agir sur les or- ganes auxquels ils arrivent avec le sang, et par exemple pa- ralyser le cœur, ou surtout affecter les parties centrales du système nerveux. Plusieurs faits parlent en faveur de cette dernière opinion , émise par Emmert. De la strychnine , in- jectée dans les veines d'un animal dont l'aorte ventrale était liée , ne détermina le tétanos que dans les pattes de devant, et non dans celles de derrière (5) ; et de l'opium , injecté dans la carotide, causa la mort à petite dose , tandis qu'il en fallut une plus grande dose pour produire le même effet par l'in- (l)Reil, Archir, t. XIT, p. 166. (2) TueUmjer Blœtler, t. I, p. 403. (3) Orfila, loc. cit., t. II, P. I , p. 343. (4) yirchives (jénéralet, t. XII, p. 409. {5)lbid., t. XII, p. 408. î4 DE l'absorption. jection dans une artère crurale ou une veine jugulaire (1). Mais certains poisons n'ont pas besoin d'être conduits au cer- veau et à la moelle épinière par la voie ordinaire de la circu- lation ; ils déploient leur action dès qu'ils ont pénétré dans le sanjy, soit qu'ils s'y répandent en substance suivant toutes les directions (§ 716, 2°), soit qu'ils en infectent la masse. Ainsi, quelques secondes suffisent pour que l'acide cyanhydrique , versé dans la bouche , détermine la mort. L'upas et la strych- nine n'agissent jamais avec plus de violence que quand on les injecte dans les veines (2) , et le woorora agit avec tout au- tant de rapidité , qu'on l'introduise dans la carotide , dans l'artère crurale , ou dans la veine jugulaire (3). ARTICLE II. Des organes de Vabsorption. § 898. Toute substance organique , en général , est apte à attirer les fluides mis en contact avec elle et à s'en imbiber ; mais il n'y a que les organes de la vie plastique qui possèdent en outre la faculté de propager au loin les fluides dont ils se sont pénétrés , et de les conduire à la masse du suc vital. Ces organes forment deux séries. I. Organes ectoplastîques. Les organes ectoplastiques , qui sont destinés au conflit avec le monde extérieur , et qui constituent le système cutané (§ 784), occupent le premier rang parmi ceux qui jouissent de cette faculté. Comme l'absorption, chez les végétaux, se confond avec la nutrition , il en sera question plus loin (§ 917). Chez les animaux , l'absorption a lieu : I. Par la peau. 1° La peau absorbe l'eau , ainsi que les substances nutri- tives qui s'y trouvent mêlées ; et, bien qu'il n'y ait pas un seul (1) Orfila, loc. cit., t. I, P. II, p. 145. (2) Ibid., t. II, PI. I , p. 330. (3) Chrislisonj loc. cit., p. 16. DE l'absorption. i5 animal chez lequel elle serve exclusivement à cette fonction (§917, 3°), elle y prend cependant une grande part chez beaucoup d'animaux des classes inférieures. Les animaux in- vertébrés nus , qui se sont ridés dans l'air sec , se gonflent dans l'eau, comme par exemple les Pilaires (1), les Distomes (2), les Échinorhynques (3), etc., et les Rotatoires totalement des- séchés y reviennent même à la vie. Les Limaçons fuient la sé- cheresse et recherchent l'air humide. Un de ces animaux, du poids de trois cent cinquante-huit grains, devint, suivant Spallanzani (4) , plus pesant de deux cent cinquante-deux grains après avoir été plongé dans l'eau , et reperdit ensuite de son poids à l'air sec. Selon Nasse (5), des Limaces, pesant cent dix-sept à cent quarante-quatre grains, qu'on renferma dans du papier humide, acquirent quarante grains en une demi-heure ; et des Limaçons de jardin , qui pesaient près de soixante grains, s'accrurent de trois grains dans l'espace d'un quart d'heure. Les Grenouilles maigrissent rapidement au sec , et ne tardent pas à reprendre leur précédent volume dans l'eau , quoiqu'elles ne boivent pas (6) . Un de ces Batra- ciens, du poids de cinq cent soixante-six grains, perdit à l'air, suivant Edwarcls(7), quatre-vingt-cinq grains en vingt-et- une heures, et acquit ensuite dans l'eau cent soixante- cinq grains en quatre heures. Une Grenouille , du poids de douze cent quatre-vingt-quatorze grains , que Bluff (8) avait mise sous du papier gris sec, y devint plus légère de cent quatre grains dans l'espace de trente-six heures, puis acquit de nouveau cent trois grains en trois heures sous du papier gris mouillé. La peau humaine absorbe aussi l'eau , quoique beaucoup plus faiblement. Collard de Martigny (9) tint ses mains plon- (1) Treviranus , Z)ze Erscheinungen des Lehens, t. I, p. 508. (2) Mehlis, Ohservationes anatoviicœ de distomate , GoUingue , 1825, in-fol., p. H. (3) Rudolphi, Physiologie, Berlin, 1828, t. II, P. II, p. 266. (4) Mémoires sur la respiration, Paris, 1803, p. J37. (5) Untersucliuncjen zur Physiologie und Pathologie, t. I, p. 482. (6) Treviranus, Biologie, t. IV, p. 289. (7) De l'influence des agens physiques sur la vie, Paris, 1824, p. 596. (8) JJiss. de ahsorptione cutis, p. 22. (9) Archives générales, t. X, p. 30i ; t. XI, p. 73. \6 De l'absorption. gées dans l'eau pendant une demi-heure, et les essuya en- suite avec une serviette , qui se clnirgoa de vingt-six grains de liquide ; le vase était devenu plus léger de cent quatre grains qu'un autre tout semblable , et rempli d'eau à la même hauteur ; donc, déduction faite des vingt-six grains demeurés adlîérens aux mains, soixante-dix-huit grains de liquide avaient été absorbés ; et quoique l'évaporation eût été accrue par la chaleur des mains , cependant elle avait dû , somme totale, diminuer par suite de la diminution de la surface du liquide. Lorsque le même expérimentateur tenait le creux de sa main à la base d'un entonnoir plein d'eau et uni à un tube de verre recourbé , il le trouvait , au bout d'une heure et demie, gonflé comme il aurait pu l'être par l'action d'une ventouse , et il éprouvait quelque peine à le détacher -. un vide s'était donc produit , et l'eau s'était abaissée dans le tube. Dans trente-trois expériences faites (1) 'sur le changement que le poids du corps humain éprouve après un bain de trois à quatre heures , Séguin a toujours constaté une diminution. La perte , terme moyen , était comme il suit : Températiiie. Dans le bain. A l'air libre. Proportion. dO degrés. 819 grains. 2255 grains. : : 1 : 2,75 d8 — 1525 — 317i — :: 1:2,07 28 — 1005 — 3088 — :: 1 : 3,07 D'après cela , le corps perdait infiniment moins dans le bain qu'à l'air , soit que le milieu humide diminuât l'exhala- tion , soit que l'absorption compensât en partie la perte éprou- vée. Séguin admettait la première de ces deux hypothèses , et prétendait que l'exhalation pulmonaire elle-même est di - minuée, dans le bain , par l'humidité de l'air. Mais , d'après ses propres expériences , cette exhalation s'élève , dans les circonstances ordinaires , à sept grains par minute (§ 816, 4"), par conséquent à seize cent quatre-vingts grains en quatre heures , et à coup sûr elle doit être plutôt accrue que dimi- nuée dans un bain chaud , en raison de l'état du système (J)Meckel, Dcutsches ArcUv, t. III, p. 586. DE l'absorption. i-j sanguin. D'un autre côté , Dill (1) a constaté la réalité de l'ab- sorption, que Kaauw(2) avait déjà démontrée.Un jeune homme, qui habituellement perdait six cents grains, dans l'espace d'une demi-heure, par l'effet de la transpiration, devint plus pesant de trente grains après une demi-heure de séjour, dans un bain à 24 degrés R. , et de soixante après être resté un quart d'heure dans un autre bain à 28 degrés. Un homme , dont la transpiration s'élevait à deux cent quarante grains en vingt minutes , n'avait pas changé de poids après être demeuré le même laps de temps dans un bain à 31 degrés ; de sorte qu'ici l'exhalation et l'absorption s'étaient contrebalancées- Berthold (3) était devenu plus pesant de cent quatre-vingt^; grains après un bain à la température de 22 degrés, prolonge pendant un quart d'heure ; en sorte que si l'on évalue , d'à près la mesure précédente , son exhalation pulmonaire à cen cinq grains, il avait absorbé deux cent quatre-vingt-cinq grain d'eau; en suivant le même calcul, sa peau absorba , dans u bain à 28 degrés , deux cent soixante-seize grains en un quai d'heure, sept cent vingt-cinq en trois quarts d'heure, et nei cent trente en une heure. Madden (4) a également observ une augmentation du poids de son corps par l'effet d'un bai d'une demi-heure , pendant lequel il respirait l'air du dehoi à l'aide d'un tube traversant la fenêtre. CoUard de Martigny (5) a trouvé , dans les expérienc précédemment citées , que le bouillon et le lait étaient al sorbes comme l'eau ; d'oii il suit que la peau peut remplace jusqu'à un certain point , les organes digestifs. On sait q beaucoup de marins , privés d'eau potable , ont soulagé le soif en s' enveloppant le corps de linges imbibés d'eau de mi Currie prétendait que , dans ce cas comme dans le bain, W- fet produit dépendait uniquement de la diminution de transpiration , puisque la soif cesse aussi pendant le ba quoique le poids du corps n'augmente pas , et qu'en con (1) Nouv. hihUoth. mvdic, 1826, t. IV, p. 404. (2) Ilaller, Elem. pliijsiolocj., t. V, p. 88. (3) Millier, Archiv^ 1838, p. 178. (4) Medico-chirurgical review, t. XXXIV, p. 187. (5) Archives générales , t. XI, p. 84. IX. 2 î8 DE" l'absorption. quence il ne s'opère pas d'absorption. Mais, outre qu'il avait perdu de vue que la transpiration continue dans le bain , il s'est réfuté lui-même par une de ses observations. En effet, un homme qui ne pouvait avaler une seule goutte de liquide , à cause d'un squirrhe obstruant l'œsophage, fut mis à l'usage non seulement de lavemens nourrissans , mais encore de bains d'eau et de lait ; après chaque bain , il se sentait plus fort et n'éprouvait plus de soif; il perdait en outre, par les urines et les évacuations alvines , plus que ne le comportaient les lavemens , et plus aussi que le montant de la diminution du poids de son corps. Dans un cas analogue, Cruiskshank a observé que les bains tièdes éteignaient la soif et rétablis- saient la sécrétion urinaire, auparavant nulle. Van Mons (1) parle d'un malade du même genre , dont la vie fut prolongée pendant quelque temps par des éponges imbibées de bouillon qu'on lui appliquait sur diverses parties du corps. 2° L'absorption de substances étrangères à l'organisme se démontre de plusieurs manières : a. Par la diminution que ces substances éprouvent dans leur quantité lorsqu'elles sont demeurées quelque temps en contact avec la peau. Séguin (2) , ayant plongé son bras pendant une heure dans une masse d'eau de dix livres à 18 degrés, et tenant en dissolution deux scrupules de su- blimé , trouva ensuite qu'un à deux grains du sel avaient été absorbés. Ayant laissé de la scammonée , du calomélas , de la gomme-gutte, du tartre stibié et du sel alembroth, de chaque soixante-douze grains, appliqués sur son bas-ventre, au moyen d'un verre de montre qui couvrait chacune de ces substances, il reconnut qu'au bout de dix heures la déperdi- tion était d'un quart de grain pour la scammonée , deux tiers de grain pour le calomélas , un grain pour la gomme gutte , cinq pour le tartre stibié , et dix pour le dernier sel (3). b. Par l'action spécifique que les substances étrangères, mises en contact avec la peau, exercent sur la vie. Ainsi , un {l)Mecke1, Archiv fuer Anatomie^ 1827, p. 502. (2)Xoc. cit.,l. III, p. 593, (3) lUd., p. 597. DE l'absorption. I9 empoisonnement a lieu par l'application du virus syphilitique aux lèvres ou au gland , ou par l'effet de l'arsenic en poudre répandu sur la peau de la tête. Les frictions avec le mercure déterminent la salivation ; et celles avec les cantbarides , l'ar- deur d'urine. Les purgatifs , les anthelmintiques et autres médicamens, agissent aussi, lors même qu'on les emploie à l'extérieur, ce dont Haller (1), Sœmmering (2) et autres , ont réuni plusieurs exemples. c. Par la découverte qu'on fait quelquefois dans le sang des substances mises en rapport avec la peau. Autenrieth et Zel- 1er (3), Schubarth (4) et Buchner, en soumettant à la distilla- tion le sang d'animaux auxquels on avait fait des frictions mer- curielles , ont retrouvé une petite quantité de ce métal, quoique Rhades , Âbele et Gnuschke n'aient pu parvenir à en constater ainsi la présence. Lebkuchner (5) a trouvé du chlo- rure de barium dans le sang de Lapins qui avaient subi des frictions avec ce sel. Canîu (6) et Bennerscheidt (7) ont décou- vert de riode dans le sang de malades qui avaient fait usage de cette substance en frictions. Après un bain de pied, à l'eau duquel on avait ajouté du cyanure de potassium, Westrumb (8) a trouvé ce sel dans le sang tiré de la cuisse par des ven- touses ; et après l'immersion du bras dans une décoction de rhubarbe , il a également reconnu celle-ci dans le sang (9). Bluff (10) a constaté la présence de l'acide cyanhydrique dans le sang de Moineaux et de Chiens chez lesquels il en avait frictionné le dessous des ailes aux premiers, et la peau rasée de la poitrine aux seconds. Jacobson (11) a aussi retrouvé du cya- {1)Loc. cif.,t. V, p. 85-88. (2) Gefaesslehre^ p. 529. (3) Reil, Jrchiv, t. VIII, p. 228. (4) Hoi-n, Neues Archiv, 1823, t. II, p. 419. (5) Archives générales, t. VII, p. 424. (6) Journal de chimie méd., t. II, p, 291. (7) Uid., t. IV, p. 383. (8) Meckel, Archiv fuer Anatomie, 1827, p. 506. i9)md., p. 508. (10) £oc. cit., p. 23. (H) Bull, des se. méd. de Férussac, t. XVII, p. 331. 20 DE L ABSORPTION. nure de potassium dans le sang de Limaçons sur le corps des- quels il en avait appliqué. d. Enfin, par la possibilité qu'on a quelquefois de recon- naître dans les sécrétions la présence de substances absor- bées par la peau, ce dont il a déjà été rapporté précédemment quelques exemples ( § 865, 2°, 8°, 11° ). Ajoutons encore que si Rousseau (1) n'a rien remarqué d'insolite dans l'urine, après l'action de la vapeur d'essence de térébenthine sur la peau , et si, en conséquence, il a nié l'absorption par les tégumens extérieurs, d'autres expériences ont conduit à un résultat in- verse. Bradner Stuart (2) se baigna pendant deux heures et demie dans une infusion saturée de garance, et découvrit en- suite cette dernière dans l'urine , qui se colora en rouge vif par l'addition du carbonate de potasse; la rhubarbe et le cur- cuma s'annoncèrent de la même manière dans l'urine, après un bain dans une infusion de ces substances ; l'expérimenta- teur ayant porté pendant une heure et demie un emplâtre d'ail sous les aisselles , ainsi qu'à la face interne des cuisses et aux chevilles, avec le soin de respirer au moyen d'un tube allant dans la rue et fixé à la bouche et au nez par un em- plâtre agglutinatif, son haleine et son urine exhalèrent, au bout de quelques heures, l'odeur spécifique de l'ail. Sewall (3) a également reconnu , par l'addition de la potasse à l'urine, la coloration particulière de la rhubarbe et de la garance , après avoir tenu pendant quelque temps ses pieds et ses mains plongés dans une infusion de ces substances. II. Des vapeurs épandues dans l'atmosphère sont absorbées sans qu'on puisse déterminer au juste quelle part revient à la peau ou aux poumons. 1° D'après les observations d'Edwards (4), les Grenouilles et les Cabiais ne perdent rien de leur poids dans l'air humide, et, comme en pareil cas, leur transpiration, toute diminuée qu'elle est, ne saurait cependant être entièrement suspendue, (1) Reil, Arcliiv, t. VIII, p. 383. (2) Mecliel, Deutsches Jrchiv, 1. 1 , p. 451. (3) IMd., t. II, p. 446. (4) Loc, cit., p. 259j 362. DE L ABSORPTION. 2 1 il faut qu'une absorption égale à l'exhalation soit la cause qui fait que leur poids demeure le même. Les animaux qui vivent sous terre ou dans des cavernes périssent très-promp- tement dans l'air sec. Assez souvent , le corps humain augmente rapidement de poids sans qu'il ait été pris d'alimens. Fontana était devenu plus pesant de quelques onces après une promenade par un temps humide, quoique, durant ce laps de temps, il eût été soumis à l'action d'un purgatif, et un matin, Home trouva son poids plus considérable que la veille au soir, bien qu'il eût sué du- rant la nuit. Keil absorba, dans l'espace d'une nuit, dix-huit onces de l'humidité atmosphérique , et Liniog huit onces en deux heures et demie (1), Gorter estime cette absorption, pendant la nuit, de deux à six onces (2). On conçoit , d'après cela , pourquoi nous buvons moins et rendons davantage d'urine lorsque le temps est humide. C'est peut-être aussi en partie à cette cause qu'il tient que, dans les climats humides, le corps soit bouffi et plus riche en liquides aqueux. Le phé- noDiène est surtout très-prononcé dans le diabète. Ainsi, pour citer seulement quelques exemples, Dill (3) a observé un dia- bétique qui , pendant toute une année, rendit chaque jour plus d'urine qu'il ne prenait d'alimens solides et liquides ; chez un autre, la quantité de l'urine dépassa de cent qua- rante livres, durant cinq semaines, celle des alimens et des boissons ; comme ce sujet maigrit beaucoup, une partie de la perle doit être mise sur le compte de la décomposition qu'é- prouvèrent les solides organiques ; mais la diminution du poids de son corps n'ayant été que de vingt-sept livres durant cet espace de temps , il n'en faut pas moins que cent treize livres aient été puisées dans l'atmosphère. Boerhaave a ob- servé aussi des cas d'hydropisie dans lesquels les malades ne buvaient presque pas, quoiqu'ils rendissent une grande quan- tité d'urine et qu'ils enflassent de plus en plus. 2** Quant à ce qui concerne les substances étrangères , on (1) Edwards, loc. cit., p, 364. (2) Haller, loc. cit., t. V, p. 89. (3) JSouv. bibl. niédic, 1826, t. IV, p, 404. 22 DE L ABSORPTION. sait que dormir dans un lieu où se trouve beaucoup d'eau- de-vie, produit un état analogue à l'ivresse et le mal de tête. La salivation se manifeste fréquemment chez ceux qui se tiennent d'habitude dans la chambre de malades soumis à l'usage des frictions mercurielles. D'après Bichat, les per- sonnes habitant des appartemens nouvellement peints à l'huile, rendent de l'urine exhalant une odeur de violette, due à l'huile de térébenthine dont les peintres se servent pour délayer les couleurs (Ij. Les vents de Tanatomiste qui reste au milieu de cadavres en putréfaction, ont une odeur cadavéreuse, et ce phénomène avait lieu chez Bichat, alors même que, se bou- chant le nez, il disséquait en respirant à l'aide d'un tube pro- longé hors de la fenêtre, en sorte qu'ici la peau seule pouvait absorber. Il n'est pas rare qu'un homme qui pile pendant long-temps du jaiap, se trouve purgé, effet auquel peut, à la vérité, contribuer la poussière avalée avec la salive ; mais Rochefort (2) a observé le même phénomène après un long séjour au voisinage d'un grand amas de feuilles de séné. IIL Les poumons absorbent également. 1° Et d'abord , ils absorbent de l'eau à l'état liquide. Déjà Haller (3) admettait qu'un peu d'humidité peut pénétrer dans le larynx, pendant la déglutition, sans provoquer la toux. Les modernes ont injecté de l'eau dans les poumons, par la trachée- artère, chez un grand nombre d'animaux ; lorsque ce liquide élaiî en quantité considérable, il rendait la respiration diffi- cile et le pouls faible ; mais les animaux ne tardaient pas à se remettre, preuve incontestable que l'eau avait été absorbée. Ainsi , des Chats ont supporté deux onces d'eau , d'après Goodw^in ; des Chiens un verre plein , selon Ségalas (4) ; des Chevaux , plus de deux pintes, suivant Gohier. Mayer (5) est parvenu à injecter peu à peu quatre onces et demie de hquide à des Lapins, dans l'espace de vingt-quatre heures. Desault, par inadvertance , injecta un jour du bouillon dans les pou- (i) Recherches physiolog. sur la vie, p. 301. (2) Sclireger, Beitrœge zur Cultur der Saugaderlehre, p, 201. (3) Haller, loc. cit., t. VI, p. 89. (4) Froriep, Notizen, t. IV, p. 285, (5) Meckel, Deuisches Archiv, t, III, p. 494. DE l'absorption» S&5 mons, au lieu de l'estomac , sans que le malade en éprouvât de graves accidens (1). 2» Des substances étrangères sont également absorbées par les poumons^ ainsi que l'attestent les effets qu'elles produisent sur l'ensemble de la vie. Lorsque PioUet se plongeait la tête dans la vapeur de l'esprit-de-vin, il était saisi d'ivresse ('-i). Au dire de Magendie (3), la strychnine , injectée dans les poumons , tue promptement les animaux. Si l'on fait res- pirer de l'acide cyanhydrique à un Cabiai , il tombe sur- le-champ dans un état de mort apparente, puis revient à lui quand on lui tient ensuite de l'ammoniaque sous le nez (4). La plupart des principes contagieux, et même tous, suivant Magendie (5), sont absorbés par les organes respiratoires. Le cyanure de potassium , après avoir été injecté dans les pou- mons , se laisse recoonaitre dans le sang, comme l'attestent les Observations de Mayer (6), de Seiier (7) et de Piollet (8). Enfin, les substances étrangères, absorbées de cette manière, ont été retrouvées aussi dans l'urine ( § 865, 3°), dans la bile (§ 865, 2°) et autres sécrétions, ou même dans des parties so- lides, notamment par Mayer (9) et Piollet. IV. L'absorption a lieu dans l'appareil digestif. 1° Les organes digestifs absorbent de l'eau et des substances alimentaires. C'est ce que prouvent non-seulement les effets sur la vie, mais encore la disparition bien manifeste de ces liquides. Magendie ayant lié le pylore à des Chiens, leur fit boire de l'eau pure, ou mêlée avec diverses substances, dont, au bout d'une heure, il ne retrouva plus aucune trace dans l'estomac. Tiedemann et Gmelin ont observé que des sub- (1 ) Magendie , Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, taris, 1836, t. I,p. 31. (2) Bulletin de Férussac, t. YIÏ. p. 220. (3) Loc. cit., t.ï, p. 31. (4) Ibid.^ p. 132. (5) Ihid., p. 69. (6) Meckel, Deutsches Archivai. V, p. 47. (7) Zeitschrift fur Natur-und Heihunde, t. II, p. 387. (8) Loc. cit. (0) Meckel, Deutscî^es Archiv, t. III, p. 498 ; t. V, p. 47. 24 DE l'absorption. Stances colorantes et autres se perdent peu à peu dans le tra- jet du canal intestinal. Les excrémens qui font un long séjour dans l'intestin, durcissent de plus en plus. Quand on arrête la diarrhée, les matières fécales deviennent dures , et les lave- mens ne procurent souvent alors que des évacuations solides. %' Les substances étrangères absorbées ont souvent été trouvées dans le sang; par exemple , la rhubarbe parWes- trumb (i) ; l'indigo par Tiedemann et Gmelin; diverses substances odorantes par Denis (2); le cyanure de potas- sium par Tiedemann et Gmelin , Seiler et Ficinus (3) , Mayer (4), Westrumb (5) et Home (6) ; le sulfate de fer par Tiedemann et Gmelin; le plomb par les mêmes ex- périmentateurs ; l'iode par Cantu (7) ; l'acide sulfurique par Bouchardat (8). Ségalas (9), a vu le sang plus épais chez des animaux, dans l'estomac desquels il avait injecté de l'alcool, et Arnold (^0) l'a trouvé plus liquide chez d'autres qui avaient pris du sel ammoniac. Des exemples de passage de substances étrangères dans les liquides sécrétés et les parties solides, ont été cités plus haut (§ 865, I, II, 1% 6°, 12°, VI, Vil). Haller en rapporte également (11). II. Organes entoplastiqnes. § 897. Les organes entoplastiques, ceux qui sont destinés au conflit intérieur (§ 781), absorbent également des substan- ces étrangères, pour les conduire dans le sang. 1° Lorsqu'on injecte de l'air, du pus (12) ou d'autres liquides (1) Ibid., t. VII, p. 528. (2) liech, sur le sang, p. 82. (3)ioc. ci*., t. II, p.=384. (4) Meckel, Deutsches ArcUv, t. III, p. 487; t. VI, p. 39. (5)/Mc?., t. VII, p. 529-534. (6) Philos. Trans, 1811, p. 463. (7) Journal de chimie médic, t. II, p. 291. (8) Annales d'hygiène publique, et de mêd. légale, t. XVII. p. 372. (9) Archives générales, t. XII, p. 105. (10) Tiedemann, Zeitschrift fuer Physiologie^ t. II, p. 134. (11) ioc, cîV., t. VU, p. 56-61. (12) Magendie, Journal, t. II, p. 7. DE l'absorption, 25 dans le tissu cellulaire, et qu'on bouche l'ouverture, ces sub- stances disparaissent en peu de temps. Le cyanure de potas- sium, introduit dans le tissu cellulaire, a été retrouvé bientôt après dans le sang (1). De la teinture d'aloës, qu'on avait lar- gement employée en application sur des os cariés, a rendu les déjections alvines plus abondantes (2). Du cyanure de potassium porté sous la peau , a dénoté ensuite sa présence dans les parties solides et dans les humeurs sécrétées (3). Le même sel et Tosmazome mêlé avec lui, ont apparu dans l'u- rine (4), l'haleine a exhalé l'odeur du camphre que Magendie avait introduit dans le tissu cellulaire chez des Chiens, et celle de l'essence de térébenthine que Wedemeyer avait injectée dans des trajets fistulaires qu'un malade portait au dos (5). 2" Des liquides étrangers qu'on insinue dans les sacs séreux disparaissent promptement. En ce qui concerne le péritoine, ce fait a été observé par Haller (6) pour l'eau et le vin, par Christison (7) pour l'acide oxalique, et par Hering (8) pour diverses substances. Le sang, injecté dans l'arachnoïde céré- brale, ne tarde pas non plus à disparaître, et s'échappe en partie par l'urine (9). De la strychnine portée dans la plè- vre (10) et de l'huile essentielle d'amandes amères étendue sur la tunique péritonéale du foie ou de l'intestin (11) , ont donné lieu en peu de temps aux symptômes d'empoisonnement qui leur sont propres. Lebkuchner (12) a retrouvé dans le sang le cyanure de potassium injecté dans la cavité abdomi- nale. Des exemples du passage de certaines substances étran- gères dans les sécrétions, ont été cités précédemment (§ 865, H ) Férussac, Bulletin des se. médic, t. IV, p. 54. (2) Schreger, loc. cit., p. 201. (3) Foderà , Recherches sur l'absorption et Vexhalation , p. 48. (4) Magendie, Journal, t. VIII, p. 206. (5) Loc. cit., p. 447. (6) ioc. cii., t. VI, p. 343. (7) Loc. ciY.,p. 11. (8) Meckel, Deutsches Archiv, t. IV, p. 498-S33. (9) Burdach, f^om Baue des Gehims, t. III, p. 9 (10) Magendie, Leçons sur les phénomènes de la vie , t. I, p. 21. (11) Foderà, loc. cit., p. 20. (12) Archives générales, t. VII, p. 424. 26 DE l'absorption. 4°, 7° ), et d'autres de résorption de matériaux organiques seront rapportés plus loin ( § 910). III. Vaisseaux absorbans. § 900. chez les animaux privés de sang, l'absorption s'ac- complit dans toute la substance organique indistinctement; mais, lorsqu'il y a une circulation , elle est exercée par cer- tains tissus élémentaires des organes , par les vaisseaux effé- rens. En effet, le courant centripète qui règne dans ces vais- seaux annonce tout aussi bien la tendance à la réunion, qu'un courant centrifuge dénote celle à la ségrégation, à la sépara- tion dii sang(§§ 775, 777). Cette direction centripète est telle- ment inséparable de l'idée d'une absorption, que, déjà dès les temps les plus anciens et chez les peuples les plus gros- siers, l'application d'une ligature entre le tronc et le point lésé était usitée , dans le cas de blessures empoisonnées, pour pré- venir l'action du venin sur la vie générale. Comme, partout où l'organisation a pris un grand degré de développement, les fonctions sont divisées et réparties à des organes divers , aux veines qui , chez les invertébrés, ne servent qu'à ramener le suc vital , s'adjoint , chez les vertébrés , le système des vais- seaux lymphatiques, dont les racines n'ont aucune connexion avec le système sanguin , mais dont les extrémités s'abouchent dans les veines. D'après la loi générale du développement or- ganique , ces vaisseaux constituent un système de plus en plus distinct dans les différentes classes d'animaux vertébrés. Ce sont , chez les Poissons , des canaux simples , dilatés d'espace en espace , qui forment des plexus en s'anastomosant les uns avec les autres , et qui , indépendamment de l'embouchure de leur tronc principal dans une veine antérieure, communiquent encore avec d'autres veines par des branches nombreuses.Chez les Reptiles , ces canaux présentent des valvules, rares à la vérité, et joignant mal, de manière qu'on parvient sans peine à faire passer Tinjection des troncs dans les branches. Chez les Oiseaux, la plupart forment encore des plexus, mais qui, au col , sont développés , par l'effet de leur concentration , de l'annexion de plusieurs vaisseaux sanguins , et de l'addition d'un tissu cellulaire tant intérieur qu'enveloppant, en organes DE L' ABSORPTION, ^ 27 particuliers connus sous le nom de glandes , ou plus exacte- ment de ganglions lymphatiques (§ 783, 14°), et auxquels Krause (1) donne celui de nœuds lymphatiques. Chez les Mam- mifères, ces ganglions sont plus nombreux , plus développés , et les connexions avec le système veineux n'ont point autant d'étendue. I. Le plus petit des troncs lymphatiques reçoit les vaisseaux lymphatiques de la tête , du cou , de la poitrine et du bras droit : il s'abouche dans la réunion des veines jugulaire et brachiale droites. Le tronc principal, ou le canal thoracique, qui s'abouche avec les veines correspondantes du côté gauche, est formé par la réunion des vaisseaux lymphatiques du reste du corps. Quelquefois le petit tronc semble manquer, et le grand recevoir tous les lymphatiques de l'économie. Au reste, de même que le système , considéré dans son entier, offre d'innombrables variétés , de même aussi les deux troncs sont assez souvent divisés à leur embouchure dans les veines. Quant à savoir si !e système lymphatique communique encore sur d'autres points avec les veines , c'est une question anato- mique qui ne manque pas d'importance pour la physiologie. 1° Lippi avait prétendu non seulement que les lymphatiques communiquent librement avec les veines par leurs racines , mais encore qu'ils s'abouchent fréquemment avec elles sur leur trajet, et qu'en particulier ils s'ouvrent dans les veines hon- teuse interne, rénale, porte, azygos et cave. Mais il a été prouvé, spécialement par Fohmann (2), Panizza (3) et Lauth (4) , que de pareilles communications de vaisseaux lymphatiques libres ont bien lieu chez les Poissons , les Reptiles et les Oiseaux , mais qu'elles n'appartiennent point aux Mammifères , et que Lippi a dû prendre de petites branches veineuses pour des lymphatiques. Ce n'est pas à dire pour cela qu'une disposition de ce genre ne puisse exister à litre de variété , car Wut- (1) Handlnich der menschlicheit Anatomie , t. I, p. 29. (2) Das Sauijadcrsystem. der JVirhelthiore, t. I» p. 4. (i) Osservazioni antropo-zootomico-fisiologiehe , 'Pavïh, 4830, in-fol. p. 6S. (4) Essai sur les vaisseaux lymphatiques, Strasbourg, 1824, a 8 DE L ABSORPTION. zer (1) en cite des exemples , et dit avoir vu lui-même un canal thoracique qui s'ouvrait dans la veine azygos, mais qui était bouché à sa partie supérieure. 2<» Meckel l'ancien (2) a vu les injections passer des gan - glions lymphatiques de l'estomac dans la veine gastro-épi- ploïque gauche , et de ceux du cou et des aisselles dans les veines jugulaires et sous-clavières ; il a même fait représenter plusieurs vaisseaux lymphatiques allant de ganglions aux veines de l'estomac (3). Plus tard (4), Meckel jeune a remarqué que les vaisseaux qui se rendent des ganglions lymphatiques dans des troncs veineux étaient des branches veineuses , et en con- séquence il a admis qu' une communication immédiate existe en- tre les deux ordres de vaisseaux dans l'intérieur même de ces ganglions , attendu que le liquide amené à ceux-ci , quoiqu'il pénètre plus facilement dans les vaisseaux efférens , peut ce- pendant être poussé aussi dans des veines par l'effet de la pression. Abernethy (5) croyait avoir vu, dans les ganglions mésentériques de Cétacés, des ouvertures béantes devais- seaux sanguins ; et chez d'autres animaux , il avait chassé de l'air des ganglions lymphatiques dans des veines ; mais ce der- nier phénomène n'avait lieu , suivant lui , qu'à la faveur de vaisseaux lymphatiques efférens. Fohmann réfuta l'hypothèse d'orifices béans dans l'intérieur des ganglions lymphatiques ^6), ainsi que celle de vaisseaux lymphatiques efférens allant abou- tir à des veines , et soutint au contraire , d'après de nom- breuses recherches , que les vaisseaux lymphatiques s'abou- chent, ou en partie , ou même en totalité, avec des veines dans l'intérieur des ganglions. Ainsi , chez l'homme surtout , des injections passèrent des vaisseaux lymphatiques du mésentère (1) MuUer, ArcUv, 1834, p. 311. (2) Diss. de vasis lymphaticis^ p. 11, 16. (3) Nova experim. et observ. de finibus venarum, Berolini, 4772, p. 5. (4) G. T. Sœmmering decem lustra post gradum doctoris gratulatur Mechel. Léipzick , 1828. pi. IV. (5) Reil, Arehiv, t. II, p. 235. (6) Mèm. sur les communications des vaisseaux lymphatiques avec les veines^ Liège , 4832, in-4, p. 13. DE L ABSORPTION. 5g dans des veines (d). La même chose eut lieu chez des Chiens, où les lymphatiques sortant des ganglions mésentériques réunis en pancréas d'Âselli , sont moitié moins volumineux que les afférens (2), chez des Chevaux (3) et chez des bêtes à cornes (4). Fohmann a fait des observations analogues sur les ganglions lymphatiques des membres (5); mais il a rencontré aussi des cas dans lesquels l'injection passait des lymphatiques dans des veines seulement , et où l'on ne pouvait découvrir aucun vaisseau efférent : tel était le cas de quelques ganglions mésentériques de l'homme (6), du Chien (7), du Chat (8) et de la Martre (9), et de quelques glandes axillaires de l'homme et du Chien (10). Fohmann prétendit surtout que, chez le Phoque, les glandes mésentériques et bronchiques ne fournissent que des veines et point de vaisseaux lymphatiques(ll).Laulh a fait des remarques du même genre (12); il a soutenu que les lymphatiques s'abouchent en partie avec des veines dans l'in- térieur des ganglions, et qu'il leur arrive quelquefois de s'y jeter en entier dans le système veineux , sans qu'alors les ganglions fournissent aucun vaisseau efférent (13). Panizza s'en tient davantage à ses observations, qui lui ont montré les in- jections passant des ganglions lymphatiques les plus divers de l'homme dans les veines voisines , par l'intermédiaire de branches veineuses efférentes (14). Rossi(15) , Amussat (16), (1) Anat07ii!sclie Untcrsuchung ttcher die l^erhindung der Sautjaderii mit den f^cnen, p, 25. (2) Ib., p. 35. (3)i&.,p. 55. (4) Ib., p. 58. (5) ii.,p, 30, 39, (6) ii., p. 32. (7) ii.,p. 36. (8) II., p. 4t. (9)7i.,p. 43. (10) ii., p. 40. (11) Ib., p. 44. (12) ioc. ci/., p. 35. {M)lSeues Handbuch der praktischen Anatomie, t. II, p. 238. (14) Osservazioni fsioloijichc, p. 42-47. (15) archives ijénéralcs, t. X, p. 439. (10)76,, t. XIV, p. 111. 3o t>E l'absorption. Mayo (5) et Luchtmans (2) ont également observé ces faits. IL Déjà Stenson , Kaauw et plusieurs autres, avaient vu des liquides passer de certains lymphatiques dans diverses veines ; mais Haller (3) suspectait la justesse de leurs obser- vations , et les croyait fondées uniquement sur des variétés de structure ou sur des erreurs , attendu que la nature semble s'être proposé de prolonger le séjour du chyle et de la lymphe dans leurs vaisseaux , en appliquant partout ces der- niers aux veines immédiatement, tout eo les faisant aller jus- qu'au canal ihoracique , qui longe bien aussi les troncs vei- neux , mais ne s'y abouche pas , et s'ouvre seulement dans la veine sous-clavière. i° S'il y avait des communications multiples, il serait à peine possible que les injections des vaisseaux lymphatiques réussissent jamais complètement, car le mercure passerait dans les veines , qui sont plus amples ; et , en effet , on ne parvient guère à remplir le canal thoracique qu'en le liant lui ou l'artère sous-clavière ; cependant il est de règle que l'injection , poussée par un lymphatique quelconque , par- vienne dans ce canal. 2" Le passage des lymphatiques aux veines , dans l'inté- rieur des ganglions , bien qu'on l'ait fréquemment observé , n'est donc qu'un fait exceptionnel , et n'a lieu qu'autant que l'écoulement de la lymphe par les lymphatiques efférens éprouve de l'obstacle. Ainsi Antommarchi (4), quand il aug- mentait la pression , déterminait ordinairement la déchirure des vaisseaux lymphatiques, plutôt que de faire passer le mer- cure des ganglions dans les veines ; et quand ce dernier effet avait lieu , le métal s'introduisait souvent aussi dans des ar- tères (5). Il en est donc ici comme des injections , qui passent quelquefois d'un ordre de canaux dans un autre (§ 877, 11»). Mayo , par exemple (6), a poussé de l'encre de l'artère mé- (1) Outlines of human pJiysiology ^ p. 160. (2) Froriep, JSotizen, t. XLI, p. 183. (3)ioc. cit., t. I, p. 172-180. (4) Bulletin des se. méd. de Ferussac, t. XVIII, p. 461. (5)iô.,p. 8. (6) Outlines of humanphysiology^^. 160. DE L ABSORPTION. 5l sentérique d'un Chien dans les veines et les lymphatiques du mésentère, et de l'artère hépatique dans les lymphatiques du foie. 3" Une déchirure peut avoir lieu en pareil cas , et elle est d'autant plus probable , que le mercure , une fois qu'il com- mence à passer dans les veines , coule ensuite tout à coup et très-facilement , même des vaisseaux lymphatiques qu'il avait remplis jusqu'alors (1). Hewson n'observa ce passage , sur les cadavres humains, que dans des ganglions lymphatiques ma- lades (2) ; et Mascagni ne le considère , aussi bien qu'Astley Cooper (3) , que comme un effet de la déchirure. Antonmar- chi (4) et Biancini (5) ont même constaté qu'il se faisait alors une extravasation ; et Biancini a vu que, quand il avait hé les vaisseaux lymphatiques sortant d'un ganglion , le mercure s'écoulait , par une rupture de ce genre , tant dans des veines que dans des artères. 4» Quoique des observateurs fort attentifs n'aient pas re- marqué d'extravasation ;, la pression a bien pu suffire pour faire passer le mercure à travers les minces parois des lym- phatiques et des veines adossés les uns aux autres , de même qu'il est facile de chasser les injections des artères pulmo- naires dans les bronches (6j. 5° En tout cas , on n'a point encore démontré anatomique- ment de continuité entre un vaisseau lymphatique et une veine dans l'intérieur d'un ganglion, Albert Meckel (7) n'a pu le faire , quoiqu'il fût parvenu à déterminer le passage de l'in- jection dans une veine à travers un ganglion mésentérique. 6" Si les vaisseaux lymphatiques communiquaient avec le système vasculaire par d'autres points que leurs troncs, le li- quide devrait s'écouler sans obstacle après la ligature de ces derniers ; mais on n'observe rien de semblable : bien au con- (1) Hildebrand, Anatomie^ t. III, p. H6. (2) Expérimental inquiriea , t. III , p. 453, (3) Bosenmuller, Beitrœcje fuer die Zergliederungskunst, t. I, p. 69. (4) Loc. cit., t. XVIII, p. 165. (5) /6.,t. XXI,p. 2. (6) Hildebrand, Anatomie, t. III, p. 415. (7) Meckel, ArcMv fuer Anatomie, 1828, p. 472. 3i DE L'ABSOP.rïION. traire, il s'opère alors une disiension contre nature, et enfin une rupture (§ 907,4°). 7» Le motif décisif pour admettre un passage immédiat, serait l'absence de tous vaisseaux lymphatiques sortant des ganglions mésentériques du Phoque; mais Rosenthal (4) a prouvé qu'il y en avait même chez cet animal. Knox (2) a re connu aussi qu'ils existaient , qu'ils se continuaient sans in- terruption jusqu'au tronc commun des lymphatiques, qu'on les rencontrait également dans le Dauphin ; que l'union avec les veines , admise par Aberneîhy chez la Baleine , n'avait pas lieu , et que l'injection ne passait dans les veines qu'autant que la putréfaction s'était déjà emparée des parties. Le pas- sage du mercure dans les veines peut aussi avoir dépendu de ce que, par une circonstance quelconque, les vaisseaux lym- phatiques efférens étaient devenus imperméables. 8° Les nombreux abouchemens des vaisseaux lymphatiques dans les veines , qu'on aperçoit chez les animaux vertébrés des classes inférieures , ne sont pas un motif suffisant pour admettre que le même état de choses a lieu chez les Mammi- fères , où la concentration plus grande du système lympha- tique s'annonce par le développement plus prononcé des gan- glions. Ainsi , nous sommes finalement ramenés à l'opinion de Hal- ler , qu'un abouchement normal des lymphatiques , ailleurs que dans les veines jugulaire et sous-clavière , n'est ni dé- montré , ni même vraisemblable , mais qu'on peut le rencon- trer de temps en temps parmi les innombrables variétés de ce système. § 901. La substance organique, en général, possède la perméabilité , et l'extrême délicatesse des parois, dans les ra- cines des vaisseaux efférens , fait que cette propriété y doit être portée à un haut degré ; de sorte qu'il est à peine pos- sible de se refuser à croire que chaque sorte de ces vaisseaux admet aussi une substance quelconque dans son intérieur. Maintenant il y a deux faits indubitables , savoir : que les (1) Froviep, Notizen, t. II, p. 5. (2) 7&., t. VIII, p. 49-53. DE l'absorption. 33 vaisseaux lymphatiques de l'intestin charient le chyle qui a été produit par la digestion aux dépens des matières alimentaires, et que les veines des poumons charient aussi le sang métamor- phosé par l'admission de substances provenant de l'atmos- phère. Mais ces vaisseaux lymphatiques et veineux sont sem- blables, quant aux points essentiels, à ceux d'autres organes; en conséquence , les deux ordres de vaisseaux peuvent parti- ciper partout à l'absorption, quoique chacun d'eux soit plus spécialement apte à absorber dans certains organes et par rapport à certaines substances. Comme l'opinion la plus simple et la plus générale est celie qui tranche le plus sûrement les questions , J'éprouvais le désir d'en rester là. Cependant , je dois reproduire ici les faits et les assertions qui tendent à éta- blir le pouvoir absorbant des lymphatiques et des veines, tant pour faire ressortir ce qu'il y a encore d'admissible dans le théorème précédent, que pour obtenir quelques indices propres à dévoiler les lois de l'absorpti n, et pour compléter l'exposé historique ou littéraire du sujet. Les anciens ne connaissaient qu'un passage immédiat des matières dans le sang ; mais , après la découverte du système lymphatique , la plupart des physiologistes attribuèrent l'acte de l'absorption aux deux classes de vaisseaux efFérens. L'opi- nion qui représente les lymphatiques comme présidant seuls à cette opération , ne se développa qu'à l'époque où l'on ac- quit des notions anatomiques plus étendues sur leur compte. Guillaume Hunter, Cruikshank et Mascagni, furent ceux sur- tout qui la firent prévaloir. Enfin , Magendie refusa aux lym- phatiques toute participation à l'absorption, celle du chyle exceptée. Parmi les physiologistes modernes , on n'en compte qu'un petit nombre , Prochaska , par exemple (1), qui attri- buent le pouvoir absorbant aux deux classes de vaisseaux ef- férens. Dans la discussion qui s'est élevée à ce sujet, les deux partis se sont tenus sur un terrain très-mouvant; ce qu'en- seigne l'observation simple de la nature a souvent été inter- prété d'une manière toute arbitraire ; et parmi les réponses (1) Bemerkunyc/i ueher den Oryanismus des menschlichen Kœrpers. Yienne, 1810 , p. 54. IX. 3 34 DE l'absorption. diverses que la nature faisait aux questions qu'on lui soumettait dans les expérimentations, chacun n'a regardé comme décisives que celles qui s'accordaient avec l'opinion embrassée d'avance parlui.Lorsqu'ilarrivaitderelrouverdessubstancesétrangères, ici dans des veines, et là dans deslymphatiques seulement, cha- cun des partis érigeait en preuve le fait qui lui était favorable, et feignait d'ignorer ou révoquait en doute le fait contraire. Ce qui prouve combien peu de telles observations isolées sont propres à élucider définitivement la question , c'est qu'il n'est pas rare de rencontrer, dans les liquides sécrétés , les sub- stances étrangères dont on n'aperçoit aucun vestige ni dans les veines , ni dans les lymphatiques , quoiqu'elles aient dû passer par l'un ou par l'autre de ces deux systèmes de vais- seaux. Elles peuvent , chez certains individus et dans cer- taines conditions de la vie , être absorbées ou par les veines , ou par les lymphatiques , ou par les uns et les autres , et être rapidement entraînées dans les produits des sécrétions , ou subir , dans la lymphe et le sang , un enveloppement et une neutralisation tels , qu'il n'y ait plus ensuite possibilité de les reconnaître dans ces liquides. Les aperçoit- on dans le sang, elles peuvent y avoir été portées soit par le canal thoracique, soit, comme le pense Fohmann (1), par des branches qui s'a- bouchent avec les veines dans l'intérieur des ganglions lym- phatiques. Les rencontre-t-on dans le système lymphatique, elles peuvent s'y être déposées du sang ; car Hering (2), ayant injecté du cyanure de potassium dans la veine jugulaire de Chevaux qui étaient morts environ un quart d'heure après l'o- pération , a trouvé ce sel dans le canal thoracique , mais non dans les ganglions , de sorte qu'il semblait être arrivé immé- diatement au lieu où les réactifs décelaient sa présence ; et même chez un Cheval qu'on fit périr , une minute après l'in- jection , en lui soufflant de l'air dans les veines et lui coupant la moelle allongée , le cyanure existait dans le canal thora- cique , de telle sorte qu'on était en droit de se demander s'il {\) AnatomiscJie Untsrsuchting, p. 82. (2) Tiedeiiiann, Zeitsclmftfuer Physiologie, t. in,p. 93, ;102,lO5, 108, 115. DE l'absorption. 55 n'y aurait pas aussi certains cas où une substance étrangère pourrait pénétrer dans d'autres vaisseaux , après la mort , par le fait d'une simple imbibilion. § 902. Quant à ce qui concerne d'abord les organes di- gestifs : ï. La probabilité d'une absorption par les veines a été éta- blie de plusieurs manières. l» De ce que le sang de la veine porte ne se coagule point , Boerhaave avait conclu qu'il doit avoir reçu quelque chose de l'iniestin. Walter prétendait (1) que sa coagulabilité lui a été enlevée par l'addition de la lymphe et du chyle. Mais la sé- crétion des sucs gastriques et intestinaux , et sa rétention dans la rate, peuvent être déjà suffisantes pour lui faire subir une modification considérable ; et comme la lymphe et le chyle sont coagulables , Tadjonction de ces liquides ne saurait le dépouiller de sa coagulabihté. 2" L'excédant de diamètre des veines intestinales sur les artères (2) ne prouve rien non plus ; car Haller (3) a fait voir que la différence n'est pas plus considérable à l'intestin qu'ail- leurs ; et si les veines sont généralement plus amples que les artères , c'est la conséquence de leur plus grande extensibi- lité , de la plus grande lenteur avec laquelle le sang y coule. Ce phénomène ne peut point provenir de l'absorption, comme il a déjà été démontré précédemment (§700, 3'^). 3° Un argument de plus grand poids en faveur de la parti- cipation des veines à l'absorption , est celui qu'on tire du peu de capacité du canal thoracique. Haller (4) évalue le dia- mètre de ce conduit à une ligne carrée , et calcule d'après cela que, quand bien même on supposerait la marche du li- quide aussi rapide dans le système lymphatique que dans les veines , c'est-à-dire de soixante-six pieds par minute , le canal thoracique ne pourrait pas laisser passer plus de cinq quarts (1) ^071 der Einsaugung und der Durchkreuzung der Sehnerven, Berlin^ 4794, p. 38. (2)iMd.,p. 40. (3) Loc. cit., t. VU, p. 64. (4)/6ïd.,p. 66. 56 DE L^BSORPTION. de livre par heure , tandis qu'il y a des cas où Ton boit , dans l'espace d'un petit nombre d'heures, douze à seize livres d'eau minérale , dont la plus grande partie sort par les voies urinaires. A la vérité , ces calculs ne sont pas décisifs non plus, car le cours du liquide peut très-bien s'accélérer quand l'absorption s'exerce avec une force insolite ; et si , dans l'exemple cité , on boit quatre livres d'eau par heure sans rendre plus d'une livre d'urine , il est très-possible que les trois autres livres soient encore contenues en partie dans les nombreux vaisseaux sanguins , en partie dans le canal intesti- nal ; cependant , nous accorderons volontiers que l'eau peut être absorbée immédiatement par les veines (comp., § SG6, II) , ce que Denis , entre autres , admet pour la presque to- talité de la boisson. 4° Le passage immédiat de substances étrangères dans les veines est encore rendu probable par la promptitude avec laquelle ces substances manifestent les effets qui leur sont propres. Il a déjà été parlé précédemment (§ 866 , 4°) des Chevaux dans les sécrétions desquels peuvent apparaître , avant même qu'une minute se soit écoulée, certaines sub- stances qu'on a mêlées à leur sang; mais si le cyanure de po- tassium et la rhubarbe , avalés par des Chiens , se sont mon- trés , le premier au bout de deux minutes , et la seconde au bout de cinq, dans l'urine (§ 866 , 2°) ; si Wetzlar a trouvé dans sa propre urine le cyanure au bout de dix minutes, et la rhubarbe au bout d'un quart d'heure (1) ; si enfin cinq à six minutes ont sufîi pour que l'odeur d'un lavement camphré se transmît à l'haleine , etc. , il est bien difficile de croire que ces substances aient fait le trajet, en un laps si court de temps , par la voie du système lymphatique. On en peut dire autant de l'acide cyanhydrique , qui, par exemple, tua des Chiens en trois à huit secondes ; de la strychnine , dont l'ac- tion commence à être sensible au bout d'un quart de mi- nute (2), etc. (1) Diss. de materiarum nonnullarum, imprimis kaliBorussicij m or- ganismum transitu. Blarbourg, 4821, p. 30. (2) Christison, Abhandlung ueher die Gifte, p. 40. DE l'absorption. 5'J 5° Kaauw, en comprimant l'estomac ou l'intestin rempli d'eau , a vu le liquide passer dans les veines (1). De même, mais en sens inverse , les liquides injectés dans les veines ou les artères pénètrent quelquefois dans les voies digestives (2). Mais les injections se glissent aussi de la même manière dans toutes les autres cavités du corps (3). Ces deux cas sont pu- rement exceptionnels, et reposent ou sur un déchirement, ou sur la pénétrabilité des vaisseaux capillaires. 6o Un argument bien moins valable encore en faveur de l'absorption par les veines , était celui qu'on tirait des corps ceîluleux ou caverneux (§ 278, 3°). 7° Enfin , si les animaux sans vertèbres n'ont pas de vais- seaux lymphatiques , il ne suit point de là que les veines ab- sorbent chez les vertébrés , puisque beaucoup d'invertébrés manquent de vaisseaux sanguins , et par conséquent absor- bent sans veines. IL Passons aux observations qui ont été faites sur le con- tenu des vaisseaux efférens, par rapport aux substances in- troduites du dehors. 1° Si, comme l'a prouvé entre autres Mayer (4), on a de 1res -bonne heure aperçu, dans le pancréas, des vaisseaux lymphatiques pleins de chyle, auxquels on a donné le nom de veines lactées , il est très-douteux qu'on ait reconnu avant Aselli qu'ils constituent un ordre à part de vaisseaux ; loin de là , on admettait généralement que le chyle est absorbé par les veines intestinales, qui le conduisent au foie. Aselli lui-même ne s'écarta que d'un pas de cette opinion , en fai- sant aboutir à la veine porte les vaisseaux lymphatiques de l'intestin découverts par lui ; et ce ne fut qu'en poursuivant cette découverte que Bartholin parvint à démontrer que ce n'est pas dans le foie , mais bien dans le canal thoracique qu'est conduit le chyle. Cependant quelques auteurs , par exemple Walaeus (5), demeurèrent fidèles à l'opinion d' Aselli; (1) Haller, loc. cit.. t. VI, p. 153 ; VII, p. 48.. (2) Uid„ p. 62, 437. (3) Ibid., t. II, p. 450 ; t. VII, p. 48. (4) Meckel, Dautsches Archiv , t. III , p. 485. (5) Tl). BarlhoUii, Anatojiiia reformata, p. 560. 38 DE l'absorption. tandis que d'autres , comme Boerhaave , firent conduire une partie du chyle au canal ihoracique par les vaisseaux lym- phatiques , et une autre au foie par les veines intestinales. Mais plusieurs observateurs . et quelques-uns même de ceux qui ne reconnaissaient pour normale que la première de ces deux voies , croyaient avoir quelquefois trouvé du chyle aussi dans la veine porte ou dans ses racines. Ici se rangent, outre Bils, Sv^^ammerdam , Glisson (1), etc. , J. F. Meckel l'an- cien (2) , qui a fait celte remarque spécialement dans l'in- vagination des intestins ; Tiedemann , qui a vu des stries blanches , analogues au chyle, dans le sang de la veine porte du Cheval et du Chien ; Fohmann (3), qui a remarqué quel- que chose de semblable chez un suicidé, mais qui prétend aussi (4) que le phénomène a constamment lieu , chez les Chevaux , après la digestion, dans les veines qui sortent des ganglions lymphatiques du mésentère ; enfin , Mayer (5), qui a remarqué un liquide blanc grisâtre dans les veines des parois intestinales d'un vieillard mort d'hydrothorax quel- ques heures après avoir mangé , mais qui n'en a découvert aucun vestige, ni dans les vaisseaux lymphatiques , ni dans les veines du mésentère. Cependant, le rôle important, et tout pariiculier, que joue le chyle , fait qu'il n'est pas vrai- semblable que ce liquide soit admis dans les vaisseaux efîe- rens sans distinction, puisque le système lymphatique le mo- difie peu à peu et rapproche sa nature de celle du sang. Lorsque Oudemann (6) liait les vaisseaux lymphatiques de l'intestin, de manière qu'ils ne pussent plus recevoir de chyle, ce dernier ne passait cependant point dans les veines. Peut- être, dans quelques-uns des cas qui ont été relatés précé- demment, le chyle s'était-il répandu dans tout le sang, et (1) Haller, loc cit., t. VII, p. 63. (2) Diss, de vasis lymphaticis. Berlin, 1757 , p. 13. (3) Anatomische Untersuchung ueber die Verbindung der Saugadern mit den Venen. Heidelberg, 1821, p. 29. (4) Mém. sur les communications des vaiss. lymph. avec les veines. Liège, 1832, p. 6. (5) Zeitschrift fuer Physiologie, t. I, p. 333. (6) De venarum , prœcipue mesaraicarum , fabrica et actione, Ëronin* g ue, 1794, p. 107. DE l'absorption. 69 avait-il été conduit à la veine porte par les veines intestina- les. Il est possible aussi que, comme le conjecture Mayer (1), le chyle, en certaines circonstances, ne pénètre dans les veines qu'après la mort, lorsque les affinités spéciales de la substance organique viennent à s'éteindre (§ 634, 10°). Au reste, on n'a jamais démontré que le liquide blanc, mêlé au sang de la veine porte, fût du chyle, tandis qu'il est bien constant que la cou- leur blanche du sang dépend surtout d'une graisse qu'il con- tient à l'état de liberté. 2° Des faits plus certains sont ceux qui établissent que les propriétés de substances introduites dans les organes diges- tifs se montrent dans les vaisseaux eflférens de l'une ou de l'autre espèce. a. Flandrin prétend que, chez les Chevaux, le sang veineux de l'intestin grêle a une saveur herbacée , tandis que celui du gros intestin en a une acre et un peu alcaline. Cette as- sertion est trop isolée pour qu'on puisse y attacher beaucoup de poids. Z>. Halle , Flandrin , Magendie (2) , Tiedemann , Wes- trumb (3) , Krimer (4) , Lawrence et Coates (5) , Fran- chini (.6) , n'ont jamais pu retrouver les matières colorantes végétales dans le canal thoracique ; mais ils les ont décou- vertes en partie dans le sang, notamment celui de la veine porte. Ce pourrait bien être par erreur que Viridet etMattei attribuent la couleur rougeàtre du chyle aux betteraves rouges dont les animaux avaient été nourris (7). Listei* (8), Lower (9), Hunter, Haller (10), Blumenbach, Ducachet(ll), (1) Loc, cit., p. 334. (2) Précis de phijsiologie, t. II, p. 157, 182. (3)Meckel, DeutschesArchiv, t. YII, p. 528, 534, 5i9.—Physiologi. sche Untersuchunyen ueher die Einsaugungskraft der f^enen. p, 25 34. (4) Physioloijische Untersuchungen, p. 10. (5) Bulletin des se. méd. de Féiussac, t. I, p. 54. (6)lbtd.,l.lll,p.21. (7) Westrumb, Physiologische Untersuchungen. Hanovre, 1825, p. 14. (S) Philos. Trans., t. XIII, p. 6, (9) lUd., t. XXII, p. 996. {lQ)Elem. physioloy., t. VI, p. 164, 207 j t. VII, p. 62. (11) Archives générales., t. II, p. 270. 40 DE l'absorption. ont prétendu avoir trouvé dans le chyle la couleur bleue de rindigo et du tournesol. On a objecté qu'à jeun les vaisseaux lymphatiques ont une teinte bleuâtre ; mais, en concluant que ces observateurs ont pu être induits par là en erreur, on les accuse d'un impardonnable défaut d'attention. Cependant Sel- ler et Ficinus (1) ont reconnu très-distinctement la couleur de la garance et du curcuraa dans le chyle, moins sensiblement celle de l'indigo. Haller et Félix (2) ont aussi vu se vider des lymphatiques qui avaient admis du pigment bleu. c. Aucun des observateurs qui viennent d'être cités n'a reconnu l'odeur du camphre, du musc, de l'assa-fœtida, de l'alcool, des huiles essentielles et des huiles empyreumatiques dans le système lymphatique, même lorsqu'elle se faisait sentir d'une manière bien prononcée dans le sang. Mazzi prétend néanmoins avoir, comme autrefois Hunter, distingué celle du musc dans la lymphe (3). d. Le cyanure de potassium a été trouvé quelquefois dans le sang seul, et non dans le chyle, notamment par Wes- trumb (4) ; il l'a été fréquemment , dans l'un et l'autre li- quide , par Tiedemann et Gmelin, Seiler et Ficinus (6) Foderà (6) , Macneven (7) , Lauth (8) et Heusinger (9J. Les médecins de Philadelphie l'ont parfois retrouvé dans le chyle et l'urine', mais non dans le sang (JO). Lawrence et Coates ne l'ont constaté dans le sang ou dans les sécrétions qu'après qu'il s'était montré à la partie supérieure du canal thoracique(ll). Tiedemann et Gmelin ont reconnu la présence {\) Zeitschrift fur Natur und Heilkunde, t. II, p. 382, 384, 387, 401. (2) Haller, loc cit., t. VII, p. 227. (3) Foderà, Recherches sur P absorption^ p. 46. (4) Loc. cit., p. 25. — Meckel, Deutsches Jrchiv. t. VII , p. 529, 530, 532, 534. (5) Loc. cit., p. 370. (6) Bech. sur l'absorption, p. 55. (7) Archives générales, t. III, p. 269. (8) Essai sur les vaisseaux lymphatiques , p. 61. (9) Handbuch der Physioloijie , t. II, p. 250„ (10) Froriep, Notizen, t. III, p. 70 ; 34^ et 40'= exp. (11) lhid.,X. IV, p. 103. DE l'absorption. 4* du sulfocyamire de potassium et du chlorure de barium dans le chyle et le sang. e. Suivant Westrumb (1), le sulfate de fer n'a paru que dans le sang et l'urine ; mais Tiedemann et Gmelin l'ont quelque- fois aperçu aussi dans le chyle. Ces deux derniers expéri- mentateurs n'ont trouvé le plomb et le mercure que dans le sang, tandis que Seiler et Ficinus ont constaté la présence des deux métaux dans le chyle et dans le sang (2). 3° Quoique les détails précédens prouvent déjà l'incerti- tude de quelques expériences, elle ressort encore davantage des cas oii les substances étrangères apparaissaient évidem- ment dans les liquides sécrétés, bien qu'on ne pût les décou- vrirni dans le chyle ni dans le sang, ce que Tiedemann et Gmelin ont éprouvé avec le cyanure de potassium, le musc, la gomme-gutte et l'essence de térébenthine ; Wes- trumb avec l'iode (3) , et les médecins de Philadelphie avec le cyanure de potassium (4). Ces derniers n'ont pu re- trouver ni dans le sang, ni dans le chyîe, l'assa-fcelida par le moyen duquel un Chien avait été plongé dans la stupeur, et Westrumb n'a pas été plus heureux avec le sublimé dont il s'était servi pour mettre à mort un Lapin. III. Des faits plus décisifs sont ceux qui se rapportent à des cas dans lesquels les uns et les autres des vaisseaux eft'é- rens étaient devenus imperméables. 1" La tuméfaction et rinduration des ganglions lympha- tiques du mésentère entraînent ordinairement à leur suite l'amaigrissement et la fièvre hectique. Mais Sœmraering a fait voir que les voies du chyle ne sont pas réellement bou- chées, qu'elles sont seulement dans un état de relâchement et d'atonie. Quoique WaUer (5) allègue en laveur de l'ab- sorption par les veines mésaraïques, qu'on trouve quelque- fois les ganglions du mésentère durs comme des pierres, et (l)Zoc. cit., p. 23. (2) Loc. cit., p. 360, 375. (3) Loc. cit.., p. 24. (4) Froriep, Notizcn, t. III, p. 71 ^ 36« exp (5) y on der EinsuuijuiKj , p. 47. 42 DE l'absorption. les vaisseaux lymphatiques de cet organe obstrués par une matière caséiforme , il n'a pas démontré que cette désorgani- sation s'étendît au mésentère entier, qu'elle ne se fût point développée dans les derniers temps de la vie, et que ce fût elle qui avait entraîné la mort ; outre que l'obstruction dont il parle peut ne s'être établie que pendant ou après la mort, par l'effet de la coagulation. 2° Browne Gheston (1) a trouvé , en ouvrant le cadavre d'un homme, la partie supérieure du canal thoracique telle- ment pleine de substance osseuse, que ni l'air ni le mercure ne pouvaient parvenir dans la partie inférieure. Chez un sujet réduit au dernier degré d'émaciation , et dont les vaisseaux n'étaient pas complètement vides de sang. Nasse (2) et Kri- mer (3) ont vu le tronc lymphatique gauche oblitéré par une formation tuberculeuse fort étendue. Rust (4) l'a égale- ment vu converti en une masse sarcomateuse, dans deux cas où l'amaigrissement était considérable. Nul doute qu'en pareille circonstance la fièvre hectique et la mort eussent été amenées par l'imperméabilité du canal thoracique ; mais les recherches précises d'Astley Cooper (5) et de Wut- zer (6), expliquent comment la vie a pu se maintenir encore quelque temps , malgré un tel état de choses. Le premier a vu, dans trois cas d'occlusion sarcomateuse de la partie inférieure du canal thoracique , des vaisseaux lymphatiques monter de la région lombaire, et aller s'ouvrir dans la portion libre de ce conduit ; l'autre a remarqué, chez un sujet atteint d'obstruction de la partie supérieure du canal, des anasto- moses entre la partie inférieure et la veine azygos. Comme nous avons vu ( § 864 ) qu'il se forme fréquemment de nou- veaux canaux là où l'organisme en a besoin, il serait fort pos- sible que ces voies insolites ne se fussent développées qu'après l'oblitération de la route normale. (1) Pliilos^ Trans, 4780, p. 323. (2) Leiclienœffungen. Bonn, 1821, p. 150. (3) f^ersuch einer Physiologie des Bluts. Leipsick, 1823, p. 83. (4) Horn, Neues Archiv, 4815, p. 731. (5) Rosenraulter, Beitrœge fuer die Zergliederungskunst, t.;!, p. 48-57. (.6) MuUer, Archiv fuer Anatomie^ 4834, p. 315. DE l'absorption. 4^ 3° Flandrin, l'adversaire de la faculté absorbante du sys- tème lymphatique, ayant lié le canal thoracique gauche, sur douze Chevaux, ne vit périr qu'un seul de ces animaux au bout de trois jours ; les autres survécurent deux à six se- maines, époque à laquelle^ les ayant mis à mort, il n'observa de dilatation, ni dans le canal du côté droit, ni dans celui du côté gauche, sur lequel la ligature avait été appliquée. De même,LeuretetLassaigne(l)ontlié le canal thoracique, sur un Chien, sans que la nutrition en souftVît. Ordinairement, celte opération, qui empêche le chyle d'arriver au sang, fuit périr ces animaux dans le même laps de temps que la soustractiou des alimens ( § 935, II. ); par exemple, un Chien, au bout de quatorze jours, comme l'a vu Duverney (2), ou de douze, comme l'a observé Krimer (3), l'animal ayant commencé par maigrir beaucoup. Astley Cooper (4) a reconnu, dans des ex- périences de ce genre, sur des Chiens, que la mort avait eu lieu, dans un cas, au bout de quarante-huit heures, à cause de la rupture du canal thoracique , dans deux autres cas, au cinquième ou au sixième jour, et dans neuf, au bout de dix jours ; mais un des Chiens ne succomba- pas, et, après l'avoir mis à mort , on trouva qu'une branche du canal gauche, sur la partie supérieure duquel la ligature avait été appliquée , allait s'aboucher avec celui du côté droit. Du reste , Cooper a remarqué que les Chiens qui avaient pris des alimens avant la ligature, périssaient plus tôt que les autres. Dupuytren (5) a fait des expériences analogues sur des Chevaux ; chez ceux qui avaient succombé cinq à six jours après la ligature, il ne put jamais faire passer le mercure de la partie inférieure du canal thoracique dans la veine sous-clavière ; mais quelques- uns se rétablirent, et ceux-là oflrirent, après avoir été tués, des branches par lesquelles le canal thoracique communiquait avec des veines. (1) Recherches sur la digestion^ Paris, 4825, p. 180. (2) IHsl. de VAc. des se, 4675, p. 260. (3) f^crsuch einer Physiologie des Blutes, p. 87. (4) Loc.cit., p. 58-67. (5) Magendie, Journal de physiologie, t. I, p. 24. 44 DE l'absorption. 4° La ligature du canal thoracique n'empêche pas la strych- nine , selon Magendie (1) , ou l'acétate de morphine , sui- vant Westrunib (2), de causer la mort, comme à l'ordinaire , lorsqu'on les introduit dans l'estomac ou le rectum. Home a trouvé la rhubarbe (3), Mayer le cyanure de potassium (4), et Westrumb l'une et l'autre substances (5), dans le sang et l'u- rine d'animaux dans l'estomac desquels on les avait intro- duites après avoir lié le canal thoracique. 5° Magendie a fourni une preuve plus concluante encore en faveur de l'absorption des poisons par les veines intestinales. Il tira de l'abdomen d'un Chien une portion {de l'intestin grêle, coupa les lymphatiques gorgés de chyle, ainsi que tous les vaisseaux sanguins , à l'exception d'une artère et d'une veine, enleva tout le tissu cellulaire qui entourait ces dernières, sépara l'anse intestinale du reste du canal, y introduisit de l'ipo ou de la strychnine , puis la rentra dans le bas-ventre , après l'avoir liée et entourée d'un linge ; l'action du poison se manifesta au bout de quelques minutes , quoique la portion d'intestin avec laquelle cette substance avait été mise en con- tact , ne tînt plus au reste du corps que par une artère et une veine. Ségalas a développé davantage encore cette preuve (6). Ayant traité une anse d'intestin de la même manière, en épar- gnant les vaisseaux lymphatiques, et liant les artères et les veines, ou seulement les veines, ou coupant les veines et lais- sant écouler le sang qu'elles contenaient , il n'observa aucun phénomène d'empoisonnement ; mais lorsque les veines avaient été liées, et qu'il enlevait la hgature au bout d'une heure, peu de minutes suffisaient pour que l'action de la substance véné- neuse se prononçât. Lutzenburg (7) isola l'estomac de ma- nière à ce qu'il ne tînt plus au corps que par une artère et (4) Journal de physiologie, t. I, p. 23. (2) Physiologische Untersuchungen, p. 47. (3) Lectures on comparative anatomy, t. I, p. 28i. (4) Meckel, Deutsches ArcMv, t. III, p, 496. (5) Loc. cit., p. 25. (6) Magendie, Journal, t, II, p. dl9. (7) Gerson, Magasin, t. XVII, p. 100. DE l'absorption. 4^ une veine, et il y introduisit du cyanure de potassium, qu'il retrouva ensuite dans le sang delà veine porte. D'un autre côté, Hnnter, ayant empli de lait une anse d'intestin d'un Chien vi- vant , lia cette anse , ainsi que ses vaisseaux sanguins , et la reporta dans la cavité abdominale : au bout d'une demi-heure, il vit les vaisseaux lymphatiques gorgés de lait , et les veines vides. D'autres observateurs , auxquels cette expérience n'a point réussi , présument que Hunter a pris pour du lait le chyle qui s'était formé durant ce laps de temps. Cependant on peut aussi objecter à ceux qui cherchent à prouver la faculté absorbante des veines par des expériences sur les poisons , que les poisons narcotiques n'ont pas toujours besoin d'être conduits par des vaisseaux spéciaux pour déterminer des effets généraux; du moins, les médecins de Philadelphie as- surent ils qu'après la ligature soit de la veine cave seule (1) , soit de cette veine et du canal tboracique simultanément (2) , la strychnine et l'acide cyanhydrique introduits dans l'intes- tin , tuent, la première en vingt-trois minutes, l'autre en sept à quinze. Enfin, il ressort des observations détaillées précé- demment que Magendie , Mayo (3) et autres vont trop loin , en prétendant que les lymphatiques des organes digestifs ne pompent que du chyle, et ne peuvent absorber rien autre chose. § 903. On peut en dire autant de l'assertion de Magendie(4), qui prétend que, dans d'autres organes aussi , l'absorption par les veines est seule prouvée , et non celle par les vaisseaux lymphatiques. Déjà de soi-même il semble inadmissible que le système lymphatique , qui absorbe évidemment dans le canal intestinal, ne partage point cette fonction avec les veines dans d'autres parties du corps. I. Ce qui rend vraisemblable que la plus grande part appar- tient réellement aux veines dans l'absorption pulmonaire, c'est la rapidité avec laquelle les substances inspirées passent dans (1) Froriep, Notizen, t. III , p. 72, 47e et 49' exp. (2)^&.,p.73, 53» et 54e exp. (3) Outlines of Imman ■phijsioloijy, Londres], 4833, p. 1C4, {^) Loc. cit., p. 190. . 46 DE l'absorption. les sécrétions (§866, 3°). Ainsi Piollet (1} a remarqué qu'il suffit de quelques minutes pour que l'urine acquière l'odeur de violette quand on a respiré la vapeur de l'essence de téré- benthine , et pour que les flatuosités abdominales en exha- lent une fétide après l'inspiration des vapeurs putrides. Ayant injecté du cyanure de potassium dans les poumons, il le retrouva au bout de soixante-et-dix secondes dans le cœur gauche , et au bout de deux minutes seulement dans le cœur droit; chez un autre animal, ce sel passa en quatre minutes dans l'artère crurale, en sept dans la veine jugulaire, et en dix dans les cavités droites du cœur. Mayer (2) l'a vu, au bout de deux à cinq minutes dans le cœur gauche, puis après dans le cœur droit, et plus tard encore dans le canal ihoracique. Lebkuch- ner (3) l'a rencontré, au bout de deux minutes, dans l'aorte: il n'était encore parvenu ni dans la veine cave , ni dans le ca- nal thoracique. Des observations analogues ont été faites par Foderà (4), Westrumb (5), Lawrence et Coates (6). Mais quand le canal thoracique avait été lié , Foderà reconnaissait aussi le sel dans les ganglions des bronches, de sorte qu'il pa- raît être absorbé ici également par les vaisseaux lymphatiques. Du reste, Lebkuchner ne l'a remarqué une fois que dans les sécrétions des sacs séreux, sans pouvoir le découvrir dans le sang, le chyle, ni l'urine. II. Quels sont les vaisseaux qui accomplissent l'absorption dans la peau et le tissu cellulaire sous-jacent? 1» Nous pouvons le conclure des résultats de certaines ex- périmentations. Mascagni éprouvait un gonflement des glandes inguinales lorsqu'il était resté pendant quelques heures dans un bain de pied. CoUard de Martigny (7), ayant laissé ses mains plongées durant deux heures et demie dans de l'eau (1) Bulletin des se. méd, de Férussac, t. VII, p. 221. (2) Meckel, Deutsches Arcliiv, t. III, p. 496. (3) Archives générales, t. VII, p. 424. (4) Loc. cit., p. 64. (5) Physiologische UntersucTiungen, p. 40. (6) Bulletin des se. méd. de Férussac, t. I, p. 54, (7) Archives générales^ t. XI, p. 79. DE l'absorption. 4^ chaude , remarqua une tuméfaction non-seulement des veines de la main et du bras ( ce qui pouvait dépendre de l'attitude et de la chaleur) , mais encore des glandes axillaires. Cer- taines substances acres , mises en contact avec la peau cou- verte ou dépouillée de son épiderme , ou avec une plaie su- perficielle , provoquent un état inflammatoire des vaisseaux lymphatiques partant de ce point, qui paraissent alors comme autant de lignes gonflées, rouges et douloureuses, à la peau ; plus fréquemment encore il s'ensuit une tuméfaction doulou- reuse des ganglions lymphatiques les plus voisins. Ainsi les glandes axillaires se gonflent au bras sur lequel on a pratiqué l'inoculation , ou dont la main a reçu quelque blessure pen- dant la dissection d'un cadavre en putréfaction : des bubons surviennent quand l'infection syphilitique est la conséquence de l'acte vénérien , et les ganglions de l'aisselle se gonflent s'il s'agit d'une nourrice qui ait été infectée par l'enfant qu'elle allaite : un vésicatoire qui agit trop profondément affecte tels ou tels ganglions suivant le point avec lequel il a été mis en rapport : Autenrieth et Zeller (1) ont remarqué que les frictions mercurielles prolongées rendaient, chez les ani- maux , les ganglions lymphatiques plus rouges et beaucoup plus gros du côté où on les pratiquait, que du côté opposé, etc. L'explication que Magendie donne de ces phénomènes (2), pour maintenir son hypothèse de l'absorption par les seules veines, est tellement forcée, qu'on ne saurait l'admettre. 2» On n'a quelquefois retrouvé que dans le système lym- phatique seul les substances étrangères qui avaient été mises en contact avec la peau ou son tissu cellulaire. Une personne qui s'était fait saigner du pied, eut un vaisseau lymphatique blessé, par lequel il s'écoulait continuellement de la lymphe : Schreger (3) fît couvrir la plaie d'une ventouse sèche, et plon- ger le pied dans de l'eau musquée ou dans du lait, ou frotter les orteils avec de l'essence de térébenthine ; au bout de quelque temps, l'odeur ou la couleur de ces substances se (1) Beil, ArcUv, t. VIII, p. 220. (2) Précis dephysioloijie , t. II, p. 189. (3) De functionc placeniae ulorinae. Eilangne, 1799, p. 10, M. 48 DE l'aBSOPJ'TION. faisait remarquer dans la lymphe fournie par le vaisseau ou- vert, et non dans le sang tiré d'une veine cutanée. Lorsque les membres rasés d'un jeune Chien étaient demeurés pendant quelque temps plongés dans du lait ou dans une dissolution de nitre, le lait ou le nitre se trouvait dans la lymphe du mem- bre, mais non dans le sang (1). La même chose avait lieu quand, après avoir pratiqué une plaie à la patte d'un Chien, on la lui faisait tenir pendant une heure dans de l'eau impré- gnée de musc (2). Foderà a reconnu dans le canal ihoracique d'un Lapin le cyanure de potassium qu'il avait introduit sous la peau (5). Les médecins de Philadelphie (4), ainsi que Lawrence et Coates ont fait la même remarque sur d'autres animaux , et Muller (5) a constaté la présence du cyanure dans la lymphe d'une Grenouille dont il avait tenu les pattes plongées pendant deux heures dans une dissolution de ce sel, 3° Quelquefois la substance étrangère apparaît tant dans le canal thoracique que dans les veines. C'est ce qui eut lieu pour le plomb que Seiler et Ficinus avaient appliqué en ca- taplasme sur la jambe d'un Cheval (6), ou employé eu bain tiède chez deux Chiens (7), et au cyanure de potassium, dont Westrumb (8) laissa une dissolution chaude en contact pen- dant une demi-heure avec l'abdomen d'un Chien , qu'il avait rasé et frictionné avec une teinture étendue de cantharides. 4o Dans d'autres cas, la lymphe n'a offert à Ficinus et Sei- ler (9) aucune trace de plomb, ni à Westrumb (10) nul vestige du cyanure de potassium expérimenté sous forme d'onguent ou de bain. 5» Mais des expériences multipliées ont prouvé que les (1) Ib., p. 16. (2) Ih., p. 24. (3) liech. sur V absorption, p. 48. (4) Froriep, Notizen, t. III, p. 72, 44e exp. (5) Handbuch der Physiologie, t. I, p. 263. ,1» (6) Zeitsclirift fiier ISutur und Heilkunde , t. II, 363. (7)7i.,p.366. (8) Meckel, Archiv fuer Anatomie, 4827, p. 531. (9) Loc. cit., p. 358. (10) Loc, cit., 1827, p. 534. — Physiologische Untcrsuchunijen, p. 25. DE l'aBSOR]?TION. 4^ narcotiques et les poisons animaux analogues tuent par leur passage immédiat dans le sang. Fontana a vu la morsure de la Vipère être mortelle pour des animaux même auxquels on avait coupé le canal thoracique en travers (1). Emmert s'est convaincu (2)que l'action d'un poison est arrêtée par la ligature des vaisseaux sanguins du membre avec lequel on le met en contact, mais non par celle des vaisseaux lymphatiques. Bro- die (3) introduisit du woorora dans une plaie faite à la patte de plusieurs animaux ; l'empoisonnement eut lieu quand le canal thoracique était lié ; la ligature des vaisseaux sanguins de la patte en empêchait la manifestation , qui se prononçait lorsqu'on détachait la ligature, pourvu toutefois qu'elle ne fût pas restée plus d'une heure en place. Les expériences deMa- gendie et Delille (4) ont été plus décisives encore : si l'on coupe la cuisse d'un Chien, en ne laissant subsister que l'ar- tère et la veine, qu'on dépouille chacun de ces vaisseaux de tout le lissu cellulaire ambiant , ou qu'on les coupe, en réta- blissant la communication entre les deux bouts par le moyen d'un tuyau de plume inséré dans l'un et dans l'autre , l'ipo, porté dans une plaie faite à la jambe, déploie ses effets toxi- ques tout comme à l'ordinaire. En suivant le même procédé , Lawrence et Coates (5) ont retrouvé dans le sang de la partie supérieure de la veine le cyanure de potassium qu'ils avaient introduit dans le tissu cellulaire du bout de la patte. Var- nière (6) a constaté aussi que quand il introduisait de la strychnine dans une plaie à la patte, et liait la veine, le sang tiré de la portion du vaisseau comprise entre la plaie et la li- gature , déterminait les effets toxiques de cet alcali chez un autre animal dans les veines duquel il le transfusait. III. Quant à ce qui concerne les sacs séreux , la rapidité avec lesquelles les substances qu'on y introduit apparaissent dans les sécrétions ( § 866 , 2o ) , ou causent la mort par em- (1) Loc. cit., 208. (2) TuehiiKjer Blaetter, t. I, p. 92. (3) Reil, ArcMv, t. XII, p. 184. (4) Journal de physiol., t. I, p. 24. (5) Troriep, JSolizen, t. I, p. 54. (G) Chrislison, Ahhandlmuj uchcr dk Gifle, p. 43. IX. A 5o DE l'absorption. poisonnement, annonce une absorption par les veines. Ainsi , i'ipo, porté dans la cavité pectorale ou abdominale, selon Magendie et Delille , empoisonne tout aussi vite après la li- gature du canal thoracique qu'avant ; cette ligature ne re- tarde pas non plus, suivant les médecins de Philadelphie (1), le passage du cyanure de potassium dans le sang ; ces der- niers expérimentateurs ont même retrouvé le sel dans les veines, et non dans le système lymphatique, chez un animal dont le canal thoracique avait été lié (2); mais d'autres expé- riences le leur ont fait apercevoir tant dans le sang que dans le chyle (3). Lawrence et Coates ont reconnu que le cyanure de potassium injecté dans la cavité abdominale, n'exigeait pas plus de deux à cinq minutes pour se manifester à la partie supérieure du canal thoracique , mais qu'il se montrait tou- jours plus tard dans les veines , et qu'en faisant périr les ani- maux par l'écoulement de tout leur sang, on n'empêchait pas son absorption d'avoir lieu, bien qu'elle s'accomplît alors avec plus de lenteur. L'encre ou toute autre liqueur colorée, intro- duite dans la cavité pectorale ou ventrale, passe dans les vais- seaux lymphatiques des parois , comme l'ont vu Mascagni, Ontyd (4) et Lauth (5). IV. Schreger [6) ayant rempli de lait chaud la vessie d'un Chien, après avoir pratiqué la ligature des vaisseaux, retrouva, au bout de vingt-quatre minutes, le lait dans les vaisseaux lym- phatiques, et non dans les veines. ARTICLE III. De la manière dont s'accomplit V absorption. § 904. Si le corps organique représente un tout particulier, doué de spontanéité, et se formant soi-même, une telle nature semble impliquer qu'il soit strictement délimité, quant au (1) Froriep, Notizen, t. III, p. 70. (2) 76., p. 68;22<'exp. (3)B., p. 24,28, 29,35,41. (4) Diss. de causa absorptionis per vasa lymjohatica.'Lejàe, 4795, p. 25, (5) Essai sur les vaisseaux lymphatiques. Strasbourg, 1824, p. 60. (6) De functione placeniœ xUerince. Eilangue, 179^, p. 19, DE l'absorption. 5i monde extérieur, et qu'il ait un intérieur qui ne communique par aucune issue avec l'espace du dehors. Cette concentration en soi-même est indiquée aussi par la pénétrabilité(§ 464, il; 833), qualité essentielle à sa substance, qui rend possible le pas- sage dans des espaces divers des matériaux nécessaires à la ré- paration de ses pertes continuelles. Nous avons reconnu aussi que, dans les productions qui s'accomplissent aux dépens du sang , le passage à travers des parois est nécessaire , non pas seulement comme voie, mais encore comme moyen de trans- formation (§ 877). Nous devons donc présumer d'avance que les substances qui arrivent dans le sang , pour servir ensuite aux diverses formations organiques , ne parviennent dans le système vasculaire que par pénétration. I. L'analogie des corps organisés inférieurs parle en faveur de cette hypothèse. 1° Les plantes acotyîédones sont composées de cellules closes, plus ou moins uniformes, dont l'eau destinée à les nourrir pénètre les parois. Les racines des végétaux absor- bent presque exclusivement par leurs extrémités, qui sont les productions les plus récentes, celles dans lesquelles la vie a le plus d'énergie ; mais ces extrémités se composent égale- ment de cellules closes , qui seulement sont ici plus petites, plus serrées les unes contre les autres, à parois plus minces, plus transparentes et plus aptes à absorber que partout ail- leurs. Ces cellules closes peuvent seules accompUr la nutrition par l'effet de l'absorption ; car celle-ci ne dure pas long-temps aux surfaces mises à nu par l'instrument tranchant , et le seul moyen de l'y prolonger un peu, est d'enlever à plusieurs re- prises la couche la plus extérieure. La question n'est pas en- core parfaitement décidée de savoir si les stomates , surtout aux feuilles, ne font qu'exhaler, ou absorbent aussi: il n'y en a point dans les plantes aquatiques, où l'absorption ne peut, en conséquence , s'effectuer qu'à travers l'épiderme ; mais lorsqu'on en trouve, ce ne sont que des vides entre des cel- lules closes, dont la paroi doit également être pénétrée par le liquide absorbant (1). (d) Raarpail, Fkpiciogie végétale. Paris, 4837. t. I, p. 297, 304. 5à DE l'absorption. 2° chez les Insectes et autres animaux articulés, on ne trouve ni vaisseaux lymphatiques ni veines qui puissent s'em- parer du chyle ; celui-ci pénètre à travers la membrane mu- queuse , et plus tard à travers la tunique muqueuse de l'in- testin, pour parvenir de là dans le vaisseau dorsal et dans le corps adipeux. IL Si maintenant nous tournons nos regards vers l'homme et les animaux rapprochés de lui, nous voyons que les injec- tions passent quelquefois de la cavité d'une membrane mu- queuse, par exemple, de la vessie ou des vésicules séminales, dans des veines (1) ; plus fréquemment encore, le liquide passe des veines dans quelqu'une de ces cavités, notamment celle de l'intestin (2). On avait conclu de là que les racines des veines se terminent par des orifices béans, et Magen- die (3) croit encore à la possibilité que de tels orifices exis- tent dans la substance des divers organes, comme Tiede- mann présume que l'intestin possède des veines absorbantes spéciales qui ne s'unissent avec les veines chargées de char- rier du sang, qu'après avoir parcouru un certain trajet. Mais, de même qu'il estbien démontré que le système vasculaire re- présente un tout clos de toutes parts, de même aussi Gen- drin (4) a prouvé, relativement au canal intestinal, que chaque racine de veine est la continuation immédiate d'un capillaire artériel , continuité qu'on rend évidente, dans les villosités intestinales, en liant, sur un animal vivant, la veine porte, dont les racines prennent alors une couleur violette lorsqu'on injecte de l'acide oxalique par les artères. La péaélrabilité des parois vasculaires pour des substances venant du dehors a déjà été établie (§ 833 9°). Quand Magendie (5) répandait de la strychnine sur la veine jugulaire débarrassée de toutes ses connexions et isolée par le moyen d'une carte glissée au- dessous d'elle, les phénomènes de l'empoisonnement se ma- nifestaient avec non moins de rapidité que sous l'influence de (1) Meckel, Nova expérimenta, p. 17, 49, 55, 6G. (2) Haller, loc cit., t. VI, p. 62, 137 ; t. VII, p. 47. (3) Précis de physiol., t. II, p. 2H. (4) Hist. des inflavimations , X, ï, p. 506. (3 /oiiriird ds phijsio loijie, t. I, p. 9. i DE l'absorption. 53 tout autre mode d'applicalion, et rexpérimentateur remar- quait ensuite que la surface interne de la veine laissait une impression d'amertume sur la langue ; fait que ne saurait dé- truire le caractère négatif des expériences deHubbard (1), qui n'a point obtenu le même résultat. III. A l'égard des racines des vaisseaux lymphatiques, Leeuwenhoek n'avait déjà pu y découvrir d'orifices béans, ce qui l'avait porté à admettre que ces vaisseaux s'emplissent par imbibition. Si, depuis, plusieurs anatomistes, Mascagni, par exemple, ont soutenu l'existence de ces orifices, ils n'al- léguaiçnt souvent d'autre motif que la pénétration des liquides, obtenue en ayant recours à la pression, argument qui doit être mis de côté depuis que l'on connaît mieux la pénétrabi- lité de la substance organique. D'ailleurs, Fohmann n'a pu parvenir, en employant une pression modérée, à exprimer le mercure des racines des vaisseaux lymphatiques chez les Poissons, oii l'absence des valvules rend cependant si facile de déterminer un mouvement rétrograde. Les recherches faites avec le plus grand soin par les modernes, ont renversé l'hypothèse d'orifices béans. Deux difficultés seulement s'élè- vent encore contre celle de parois closes et pénétrables; l'une, que les vaisseaux lymphatiques qui ont été déchirés, n'en absorbent pas moins vivement, comme dans les plaies et les ulcères ; l'autre, que le chyle, le sang et le pus sont absorbés malgré leurs globules , et que des dépôts terreux ont été trouvés par Sœmmering et Desgenettes (2) dans les ganglions lymphatiques bronchiaux des tailleurs de pierre. Cependant, l'admission d'une imbibition normale ne détruit pas la possi- bilité de la pénétration dans les vaisseaux lymphatiques dé- chirés, et d'ailleurs, il resterait à savoir si ces derniers ne se resserrent point en arrière des vésicules à leurs extrémités devenues accidentellement libres. On ignore encore si les glo- bules du chyle pénètrent dans les lymphatiques, ou s'ils s'y produisent ( § 950, 6° ). Ceux du sang et du pus peuvent s'in- troduire dans les lymphatiques déchirés , et peut-être s'y (1) Froriep, Notizen^ t. IV, p. 461. (2) Schreger, Ion. cit., p. 238, 54 DE l'absorption. forment-ils aux dépens du sang et du pus parvenus à l'état liquide. Enfin, si les dépôts terreux qu'on a trouvés dans les poumons n'étaient pas des produits morbides, et s'ils prove- naient réellement de la poussière inspirée, il est possible qu'à l'instar d'autres substances étrangères pénétrées dans l'orga- nisme, celle-ci se fût frayée, pour parvenir dans les vaisseaux, une voie qui eût ensuite disparu par cicatrisation. {1° Les racines des vaisseaux lymphatiques sont, d'après Fohmaon (1) , Breschet et Panizza (2) , des canaux clos, situés plus près de sa surface que les capillaires sanguins, ayant un diamètre supérieur à celui de ces derniers, dépour- vus de valvules, formant des réseaux par leurs nombreuses anastomoses, et représentant presque partout, chez les Pois- sons, de petits sacs ou de petites cellules sans ouverture (3;. Ces racines libres ont été constatées, sur le corps de l'Homme, dans les épiploons, et notamment dans les villosités intestinal les, par Laulh (4) et Krause (5). 2° Les villosités intestinales, organes plus particulièrement dévolus aux Mammifères, sont des replis et des excroissances de la membrane muqueuse, ayant la forme tantôt de lames étroites, tantôt de cylindres arrondis à l'extrémité, longs d'un cinquième de ligne à une ligne entière , couverts d'épiîhélium comme tout le reste delà membrane muqueuse, et dont Henle (6) nous a fait connaître la texture. Chacune de ces villosités, comme l'ont enseigné Lieberkuhn (7), et d'après lui Dœllinger (8), reçoit trois à cinq branches artérielles, qui, en se divisant et se réunissant un grand nombre de fois, forment un réseau dans la membrane muqueuse de l'appendice, et se concentrent enfin en une, rarement en deux veines, sortant (1) Mém. sur les communicat . des vaisseaux lympltat. avec les veines^ p. 14. (2) Osservazioni antropo-sootomico-fisiologiche, p. 70. (3) Fohniann , Dus Saugadersystem der TVirhelthiere, p. 33. (4) Neues Handhuch der praktischen Anatomie^ t. II, p. 236. (5) Handhuch der praktischen Anatomie ^ t. I, p. 28, 795. \6) Symholœ ad anatomiayn villorum intestinalium , Berlin , 1837, in-8. (7) Diss. de fahricâ et actione villorum intestinorum, p. 3. (8) Dieffenbach, Diss, de regenerationo et transplantatione, p. 15. DE l'absorption. 55 de ce dernier. De même, il sort un vaisseau lymphatique de chaque villosité cylindrique, comme Tavait également décou- vert Leeuwenhoek (1), et chacune de celles qui ont la forme la- melleuse en fournit deux , d'après Henle (2). Ces vaisseaux ga- gnent à angle droit le réseau de lymphatiques qui, suivantFoh- mann (3), entoure l'intestin, en manière d'anneau, entre la membrane muscuieuse et la tunique muqueuse, tandis qu'un autre réseau de vaisseaux plus gros, à parois plus minces, dirigés obliquement dans le sens de la longueur, et souvent pleins de chyle, existe entre la tunique muscuieuse et la pé- ritonéale. Quant à savoir si les vaisseaux lymphatiques se trouvent déjà dans l'intérieur de la villosité, ou s'ils ne com- mencent qu'à sa base, c'est une question que Rudolphi (4), Dœllinger (5) et Heusinger (6) regardent comme indécise encore. Hewson (7) prétend que ces vaisseaux forment , à l'instar des artères, un réseau dans la membrane muqueuse d'une villosité. Suivant Muller (8), ce sont des vaisseaux ayant entre eux de nombreuses anastomoses irrégulières, et qui commencent en cul -de-sac. Breschet veut qu'ils for- ment des anses. Krause (9) a vu un vaisseau lymphatique, du diamètre de 0,0138 ligne, et plein de chyle, naître de plu- sieurs racines, les unes entrelacées en plexus, les autres libres et isolées, mais n'atteignant pas jusqu'à la surface de la vil- losité, dans l'axe de laquelle toutes marchaient à travers le réseau des vaisseaux sanguins ; leur diamètre était au moins de 0;, 0070 ligne. Suivant Dœllinger (10) , les villosités se com- posent d'une substance molle, pultacée, grenue, qui absorbe l'eau avec avidité, et se gonfle à mesure qu'elle en pompe. Mais on y a parfois aussi remarqué des espaces vides, obser- (1) Loc. cit., p. 26. (2) Anatomische Untersuchung, p. 26. (3) Anatomisch-physiologische Abkandlungen, p. 87. (4) Loc. cit., p. 21. (5) Dans sa trad. allem. de la Physiologie de Magendie, t. II, p. 163. (6) Expérimental inquiries, t. HI, p. 170. (7) Handhuch der Physiologie, t. I, p. 255. (8) Muller, Archiv, 1837, p. 5. (9) Loc. cit., p. 21. (10) Zoc.czt., p. 48,51. 56 DE l'absorption. vation faite en particulier par Rudolplii (1) sur un Moineau, où les villosités étaient entièrement creuses et vides, et sur une Souris, où le canal qui en parcourait la longueur com- mençait par une dilatation conique, au voisinage du sommet. MuUer (2) a vu des excavations pleines de chyle dans quelques villosités de bêtes à cornes, de Brebis et de Lapins ; mais rien de semblable ne s'est offert à lui chez les Chiens, les Chats et les Cochons. D'après cela, il est très-croyable que quand le vaisseau lymphatique qui parcourt Taxe de la villosité , se trouve affaissé sur lui-même, la masse molle qui l'entoure le rend invisible, 'mais que, quand il se remplit, il devient appa- rent sous la forme d'une vésicule. Henîe (3) reconnaît aussi que ces sortes d'excavations sont la lumière du vaisseau lym- phatique, et il considère la villosité comme un appendice qui s'étend du réseau lymphatique à la face externe de la mem- brane muqueuse, qui, par conséquent, est revêtu de cette dernière et d'épilhélium. Lieberkuhn (4) , qui a le premier découvert les vides dont il s'agit ici, et qui les désigne sous le nom d'ampoules ou de vésicules ovalaires , les regardait également comme des racines dilatées de vaisseaux lympha- tiques; mais il les supposait pleins d'une substance spongieuse ou de tissu cellulaire, se fondant principalement, pour appuyer cette hypothèse, sur les cas où il avait trouvé dans leur inté- rieur une matière analogue à du lait caillé. Bœhm (5) a remar- qué aussi, dans les cadavres des cholériques^ des cavités pleines de graisse liquide, qui semblaient être divisées par des cloisons. Il est donc encore permis de conjecturer que, dans ces cas , une infiltration du tissu cellulaire avait eu lieu. Lieberkuhn, qui admettait entre les artères et les vei- nes une communication à la faveur de laquelle un liquide ténu , sortant des artères , se mêle au chyle , tandis que le reste du sang passe dans les veines (5), dit aussi avoir vu la (l)Loc. cit., p. 253. • (2) Loc. cit., p. 35. (3) Loc. cit., p. 43. " (4) Die kranke Darmsclileimhaut in der asiatischen CAoZer «.Berlin, 1838, p. 50. (5) Loc. cit. y p. 22. DE l'aBSORPÏION. 67 vésicule s'ouvrir, à l'extrémité de la villosité , par un et rare- ment par plusieurs orifices. Hewson, Gruikshank, Sheldon (1), Hedwig et autres ont également cru à des orifices béans char- gés d'opérer l'absorption dans l'intestin, tandis que Rudol- phi (2) et Albert Meckel (3) n'ont pu observer rien de sem- blable. Ce qui réfute complètement l'existence de ces ouver- tures, c'est que , d'après les dernières recherches , les racines des vaisseaux lymphatiques ne s'étendent pas jusqu'à la sur- face des villosités.Les petites fossettes que Muller (4) a décou- vertes sur ce point, ne se rencontrent pas partout, et d'ail- leurs elles ne sont certainement pas des ouvertures de vais- seaux. Si, d'après les observations de Bœhm(6), les goutte- lettes de graisse dont il a été parlé plus haut arrivaient quel- quefois , par des conduits noueux , à trajet irrégulier, jusqu'à la tranche de la villosité coupée en travers , si ordinairement elles sortaient par un ou plusieurs points du sommet de celte expansion , ce qui avait lieu , sans l'emploi de nulle pression, lorsqu'on versait un peu de potasse caustique sur la surface de la villosité, on ne saurait conclure de là que celle-ci soit garnie d'orifices béans ; car des ouvertures assez amples pour que le liquide contenu dans les vaisseaux lymphatiques s'écoulât beaucoup plus facilement par elles que par la tran- che , seraient, sans le moindre doute , accessibles au sens de la vue. Ce n'est pas une preuve plus concluante que celle qu'on a tirée d'expériences où l'on prétend avoir vu l'eau chaude , injectée par le canal thoracique , repousser le chyle des vaisseaux qui en étaient gorgés dans l'intestin (6). 3° Les mêmes réflexions s'appliquent à la transsudation du mercure par la peau, qui a lieu lorsqu'après avoir empli les vaisseaux lymphatiques de ce métal, on les comprime en diri- geant l'effort vei-s leurs racines. Ce phénomène avait conduit (i) The history of'tlie absorbant System. Londres, 1784, p. 37. (2)Zoc. cit., p. 88. (3) Meckel, Deutsches JrcJdo, t. V, p. 165. (4) Loc. cit., p. 254. (5) Loc. cit., p. 54. (6) Leuret cl Lassaigiie , Jiechcrches sur la diijestion , l'aris , 1825, p. 68. 58 DE l'absorption. Haase (1) à considérer les ouvertures des follicules sébacés comatie les orifices des lymphatiques. Eichhorn (2) , en ad- mettant des orifices béans, qu'il place dans les cellules du chorion et dans les ampoules lymphatiques (3), semble se mettre en contradiction avec lui-même , puisqu'il décrit ces ampoules comme des cavités closes (4). Les recherches les plus récentes, spécialement celles de Breschet (5), ont appris que les vaisseaux lymphatiques de la peau forment, sur la couche superficielle du tissu de Malpighi , des réseaux d'oii ne surgit aucun ramuscule à extrémités libres , et qu'on ne parvient jamais que quand la pression détermine des rup- tures , à faire sortir le mercure contenu dans ces réseaux par la face externe de l'épiderme. 4" Les injections poussées par le conduit biliaire (6), le ca- nal déférent (§ 567, 9°J, les uretères (7) , les conduits galacto- phores (8), pénètrent quelquefois dans les vaisseaux lymphati- ques , et Panizza (9) assure même qu'il est plus facile de les y faire parvenir par ces conduits muqueux que par les vais- seaux sanguins. Mais cette particularité ne démontre pas plus l'existence d'orifices béans que ne le fait le passage d'un li- quide des vaisseaux sanguins dans les mêmes conduits (§ 877, 11°), ou dans les canaux sécrétoires (§ 786, 3°). Les canaux sécrétoires sont appliqués immédiatement sur leurs vaisseaux, de sorte que les parois des uns et des autres se trouvent con- fondues en une membrane mince, à travers laquelle le passage peut avoir lieu facilement (10). ainsi Muller a remarqué (il) (1) De vasis cutis et intestinorum ahsorbentibus. Leipsick, 1836, p, 14. (2) Meckel, Jrchiv fuer Anatomie, 1827, p. 117. (3) Ib., p. 122. (4) Ib., p. 50. (5) Le système lymphatique, considéré sous les rapports anatomique , phys, et pathologique, Paiis, 1836, p. 29, 30. (6) Haller, Elem. physiolog.^ 1. 1, p. 166. — J. F, Meckel , ]>/ova ex- périmenta, p. 55. (7) HalIer, loc cit., 1. 1, p. 166. '■ (8) Meckel, Nova e.vperinienta , p. 17-46. (9) Osservazioni , p. il. (10) Hildebrandl, Anatomie, t. HI, p. 103. (IJ) Ilandbuch der Physiologie, 1. 1, p. 257. ' DE l'absorption, 5 g que les injections poussées dans les canaux galaclophores ne passent dans les lyraphaiiques que quand les canaux eux- mêmes ne s'emplissent pas, c'est-à-dire quand il se fait une extravasaiion , et que ce qui rend le passage si aisé , c'est que les vaisseaux lymphatiques ont plus d'ampleur que les vaisseaux capillaires et même que les extrémités en cul-de- sac des canaux sécrétoires. 5° £)u mercure épanché dans le tissu cellulaire remplit quel- quefois les lymphatiques les plus déliés , comme l'ont observé Cruikshank, Haase et Sœmmerring(l), quoique les liquides injectés dans des cavités spacieuses ne s'introduisent pas ai- sément dans des canaux étroits ; de sorte qu'on ne peut con- sidérer le passage en question que comme le résultat d'une tension des vaisseaux lymphatiques, déterminée par l'expan- sion du tissu ceilulajre (2). Mais, de tous les tissus élémen- taires , le cellulaire est celui qui possède au plus haut degré la pénétrabilité (§ 78i, 4°) : il enveloppe partout les vaisseaux lymphatiques, de manière qu'un liquide absorbé par lui peut facilement pénétrer dans ces vaisseaux , et c'est sans doute ainsi principalement que s'effectue le passage sur les points où les lymphatiques ne sont pas placés dans le voisinage im- médiat de l'injection. Nous pouvons donc dire, avec ïrevira- nus (3) qu'à proprement parler, c'est le tissu cellulaire seul qui absorbe, et que les vaisseaux lymphatiques ne font que recevoir ce qui est déjà contenu dans ses mailles. Blain- ville (4) le considère comme le siège d'un phénomène d'hy- groscopicité. A ses yeux , le cours des humeurs n'est que le mouvement du liquide absorbé, devenu plus fort et continu, et le vaisseau lui-même est une grande maille du tissu cellu- laire. Dœllinger (5) raisonne dans le même sens, lorsqu'il attribue au tissu cellulaire la première attraction du liquide, qui s'unit ensuite avec les humeurs coulant dans son intérieur. (1) Gefœsslehre, p. 497. (2) Hildebrand, Anatmnie, t. III, p. 104. (3) f^ermischle Schriften, t. I, p. 127. . (4) U'Héré, De la nutrition dans la série des animaux , Paris, 1826^ p. 117. (5) Grundzuege der Physiologie, t. I, p, 96. 6o DE l'absorption. Fohmann (1), et quelques autres physiologistes , en regar- dant le tissu cellulaire lui-même comme une aggrégation de vaisseaux lymphatiques ( § 830, 4°), ne font que prendre une autre voie pour arriver au même résultat. ARTICLE IV. Des forces qui président à Vabsorpûon. I. Causes de l'absorption. § 905. Loin que l'influence des forces générales de l'uni- vers soit exclue de la vie organique, elle est au contraire le moyen que la nature emploie pour réaliser l'idée qui fait la base de l'organisme , et lui imprimer un caractère plus tranché de détermination (§ 476 )- D'aprçs cette manière de voir, dont la justesse est démontrée par tous les phénomènes vitaux , l'essence de l'absorption repose sur la pénétrabilité que toute matière, en général, possède, bien qu'à degrés di- vers, et qui se présente ici sous une forme déterminée par l'idée de l'organisme. Cette vérité a été reconnue depuis long- temps ; Cruikshank, entre autres , définit l'absorption une transsudation due à l'attraction que des vaisseaux capillaires exercent , mais en vertu de lois qui ne sont pas seulement celles de la physique , et Wedemeyer (2) la considère comme une opération qui s'accomplit d'après des lois physiques , sous l'empire de la vie. Si l'habitude de rapporter les phéno- mènes physiques aux observations qui peuvent être faites avec les appareils des physiciens, poussait à, ne voir que de la ca- pillarité dans l'attraction qui entre en jeu'pendant l'absorption, on pourrait être tenté de regarder cette dernière comme un acte tout-à-fait différent des phénomènes physiques, attendu qu'elle ne s'accomplit pas d'après les mêmes lois que l'attrac- tion des tubes capillaires ; en effet , ceux-ci, par exemple, n'attirent pas l'humidité de l'air, circonstance dont Ontyd se sert (3) pour attribuer un caractère purement vital à l'absorp- (4) Mém. sur les communications des vaiss. lymphatiques, p. 6. (2) Untersuchunçj ueber den Kreislauf, p. 454. (S)IJiss, de causa ulsorptionis , p. 47. DE l'absorption. 6'I tion, bien que la substance, tant inorganique qu'organique, mais privée de la vie, possède la faculté hygroscopique. Si des sachets chauds de son ou de farine, qu'on applique sur des tumeurs aqueuses , s'imbibent d'humidité au bout de quelque temps, l'action vitale ne prend évidemment qu'une part fort restreinte à la production de cet effet ; d'un autre côté les tissus organiques s'imprègnent, indépendamment de la vie, de l'humidité avec laquelle ils sont mis en contact (§ 833). Mais l'absorption complète, c'est-à-dire le transport vers le sang par des voies organiques, est un phénomène vital, qui se manifeste aussi après la mort, en vertu de la vie partielle ( § 634 , YI ), mais qui alors marche avec beaucoup plus de lenteur (1), ne dure pas long-temps (2), et, en général, ne s'observe que par exception à la règle (3). 1° L'exhalation a lieu d'après des lois physiques (§ 882, III), et persiste après la mort (§634,7o), mais s'accomplit avec in- finiment plus d'énergie sous Tinfluence de la vie (§882, IV). L'absorption se trouve dans un cas analogue. Elle peut être vive, même sans que le tissu soit sec, sans que les vaisseaux soient vides, ni aussi grêles que des tubes capillaires; car, comme la vie consiste en une activité non interrompue (§ 473, 9°), et que tous les détails en sont liés d'une manière intime avec l'ensemble, il résulte de là une mobilité plus grande et un courant continuel ; à l'ingestion, qui ne s'inter- rompt point un seul instant, correspond une admission qui ne connaît pas non plus d'interruption ; la substance introduite ne reste pas fixée aux points qu'elle a touchés d'abord, mais se répand plus loin ; car chaque tissu communique aux autres le liquide qu'il a reçu , et ne cesse d'absorber que quand le système entier est saturé. 2" L'absorption suppose , entre le tissu qui reçoit et le li- quide destiné à être admis , une affinité qui se manifeste par l'attraction , et qui se continue ensuite dans l'adhérence (§ 833, II), l'imbibition et la pénétration. Un échange tendant à (1) Froiiep, Notizen, t. IV, p. 164. (2) Laiitli, Essai sur les vaiss, lijmph,^ p. 03, (3) OiUjd, loc.cit.,]j. 27. 62 DE l'absorption. mettre l'intérieur etrexlérieur en équilibre, se manifeste dans le conflit des poumons et de la peau avec Tatsmosphère (§§ 839, 2°; 841, 882), mais n'entraîne pas de toute nécessité un mode quelconque de pénétration, puisque l'excédant de force attractive peut se trouver du côté des tissus organiques. Nous avons vu que les organes de la génération et leurs produits (§§ 239, 274, 2° ; 289, 4o ; 290, 2*^; 328), comme aussi le sang ( §§ 440, 70 ; 758-762 ) , et ses divers principes constituans (§ 881), sont déterminés par une attraction spécifique, etd'a- près cela seul nous pouvons déjà supposer qu'une attraction également spécifique entre aussi en jeu dans l'absorption. En effet , la peau et les poumons sont principalement destinés à admettre la matière inorganique (air et eau), les organes di- gestifs le sont davantage à absorber la matière organique, et dans l'état normal beaucoup de substances étrangères traver- sent le canal intestinal sans être absorbées, de même que , parmi les principes constituans de la bile et de l'urine, il n'y a que ceux qui appartiennent en commun à l'organisme en- tier, qui soient ramenés dans le sang. Nous reconnaissons donc une affiniié élective, en vertu de laquelle des organes diffé- rens n'absorbent que des substances déterminées , pour le maintien de la vie. Mais comme la faculté de veiller à sa pro- pre conservation n'est pas illimitée , il peut aussi s'introduire des substances nuisibles. C'est ce qui arrive, par exemple , chez les végétaux (§ 865, 1.), comme Wiegmann, entre autres, l'a démontré à l'aide des réactifs chimiques (1) ; mais, d'après Saussure, les substances les plus vénéneuses sont précisément celles qui se trouvent le plus dans ce cas , parce qu'elles anéantissent la faculté de n'absorber que ce qui est approprié à la nature de la plante; et si l'on en croit Towers (2), les vé- gétaux n'absorbent des substances étrangères que quand ils sont mal portans et cessent de croître. Il est très-possible éga- lement que, dans le corps animal , les poisons plongent dans un état morbide les parties avec lesquelles ils entrent en contact immédiat , qu'ils en détruisent les rapports naturels (1) Uebcr dus Einsau(junijsvermœgen der Pflanzen, Marbourg, 1828. (2) Atm. de se. nai., 1I« série, Botaniquc^Parré, 1856, t, VI, p. 298. ï)E l'absorption. 65 d'affinité , et que leur absorption ait lieu à la faveur de ce changement. Cependant ce n'est là, dans la plupart des cas , qu'une pure supposition, et la rapidité avec laquelle un grand nombre de poisons sont admis, loin de juslilier l'hypothèse de semblables préliminaires, rend au contraire très-vraisembla- ble qu'elle dépend d'une affinité avec la matière organique , affinité par laquelle s'explique aussi l'atteinte profonde et immédiate que porte à celte dernière l'aciion des acides con- centrés ou des alcalis caustiques. La loi générale , non seule- ment de l'affinité , mais de l'attraction et de l'absorption qui reposent sur cette propriété , est la coïncidence d'une diver- sité dans les traits particuliers avec une ressemblance dans les caractères généraux, ou, en d'autres termes, celle de la dif- férence et de l'identité (§ 261 , oo) ; mais , bien que cette loi ait une application générale, nous ne pouvons cependant point la démontrer ,dans tous les cas spéciaux , et par exemple il nous est impossible d'expliquer avec son secours pourquoi la graisse qui nage sur l'eau est repoussée par le verre et atti- rée par l'étain, tandis que le liège se comporte d'une manière inverse. Nous devons donc nous en tenir aux résultats de l'ex- périence à l'égard des rapports d'affinité qui déterminent l'absorption, sans qu'il s'ensuive de là aucune atteinte portée à l'autorité de la loi générale. Ainsi , laissant de côté la faculté absorbante du tissu cellulaire (§ 902, 7°) et de la substance organique privée de vaisseaux, telle qu'elle existe dans l'œuf (§§ 200, 3° ; 461), examinons la question de savoir si les lym- phatiques et les veines, les parois et le contenu des vaisseaux, montrent des différences dans leurs rapports d'affinité. 3° D'abord la disposition des racines prouve que les veines, prolongemens immédiats des artères, sont principalement des- tinées à ramener le sang , tandis que les lymphatiques , qui naissent aux diverses surfaces par des réseaux libres, le sont surtout à s'emparer des substances qui doivent être intro- duites dans le sang; qu'en conséquence ils président, dans les circonstances normales , à l'absorption , et que ce n'est pas sans raison qu'on leur donne le nom de vaisseaux absorbans. 4° Si nous passons en revue les observations qui ont élé citées précédemment (§ 902), nous trouvons que le chyle et 64 DE l'absorption. l'eau passent dans les vaisseaux lymphatiques, la plupart du temps, et peut-être même toujours , que les sels s'y introdui- sent souvent , qu'il est rare d'y retrouver les matières colo- rantes , les odeurs et les oxides métalliques, enfin qu'on n'y rencontre jamais la plupart des poisons , dont il n'y a que les veines seules qui s'emparent. Les vaisseaux lymphatiques ont donc une affinité spéciale pour les substances susceptibles d'être converties en principes constiluans normaux du san^, tandis que tout ce qui porte un caractère étranger à l'orga- nisme est absorbé principalement par les veines, comme l'ont déjà reconnu Grimaud (1) , Tiedemann, Fohmann (2) , Kri- mer (3), GoUard de Martigny (4), Westrumb(5), Mayo(6), Muller (7) et autres. Mais Weslrumb (8) et Brugmans (9) ont émis des opinions problématiques en disant : le premier, que les vaisseaux lymphatiques n'admettent les substances résistantes à l'assimilation qu'autant qu'ils sont dans un état de maladie ou d'irritation contre nature ; et le second, que l'absorption par eux du virus variolique est le résultat de l'inflammation à laquelle ce virus donne lieu ; car une affinité naturelle avec la substance animale peut rendre les lymphatiques capables d'attirer aussi à eux certains poisons animaux. Mais si Ton se place au point de vue téléologique, on peut fort bien dire que les substances homologues passent dans le système lym- phatique , pour être transformées et assimilées dans son inté- rieur, tandis que les substances hétérogènes s'introduisent dans les veines afin que, transmises aux artères, elles soient promp- tement éliminées de l'organisme par la voie des sécrétions. L.-C. Treviranus assure que le camphre, les matières colo- (1) Cours complet de physiologie, Paris, 1818, t. II, p. 257. (2) Das Sauijadersystein der JVirhelthiere, p. 8. (3) Fersuch einer Physiologie des Blutes, p. 80. (4) Magendie, Journal de physiologie, t. VIII, p. 205. (5) Meckel, Archiv fuer Anatomie^ 4827, p. 530. (6) Anatomical and physiological commentaries , cah. 2, Londres, 1823, p. 44. (7) Handhuch der Physiologie, 1. 1, p, 264. (8) Loc, cit. , p. 533. (9) Onlyd, loc. cit., p. 58. DE l'aBSOÎIPTION. 6S tantes, etc., ne pénètrent que dans le tissu tubuleuî du bois , et jamais dans les conduits intercellulaires, qui n'admettent que des substances affines (1). D'après une observation de Doubray (2) , un végétal se débarrasse par excrétion de la substance vénéneuse qu'il a absorbée : la moitié des racines d'un Pelargonium ayant été plongée dans une dissolution de chromate de plomb , on retrouva ensuite ce sel dans l'eau distillée au sein de laquelle avait été immergée l'autre moitié des racines. 5° C'est la force attractive des parois qui agit dans les vais- seaux lymphatiques, tandis que, dans les veines, c'est celle du sang qu'elles contiennent. Weber(3) a le premier établi cette proposition, dont il s'est servi pour prouver, surtout d'après les expériences d'Emmeri (4), que les veines n'admettent les poisons qu'autant qu elles sont pleines de sang, au lieu que les lymphatiques absorbent même dans l'état de vacuité. Em- mert avait déjà reconnu la iorce attractive du sang pour les poisons (5), à la démonstration de laquelle ont servi les ob- servations de Magendie (6) , qui a vu la strychnine pénétrer aussi dans des artères. JNous ne pouvons donc point admettre, avec G.-R. Treviranus (7), que l'état de réplétion des veines par le sang qui y coule sans cesse, s'oppose à ce qu'elles ab- sorbent. 6° Gomme, en outre, des substances hétérogènes sont pri- ses aussi par les^ veines dans des parties séparées de l'orga- nisme et mortes , nous pouvons considérer l'absorption vei- neuse comme une opération physique reposant sur les rap- ports chimiques de la masse du sang , tandis que l'absorption des lymphatiques tient à l'attraction vivante de leurs parois , (1) fom inwendùjen Bau der Gewaechse, p. 45. (2) Froriep, Notizen, t. XLV, p. 201. (ô) De pulsu , resorptione , auditit et taciu, p. 15. — Hildebrandt , Anatomio, t. III, p. 114. (4) Tuehiivjcr Blœttcr, t. II, p. 82. — Meckel, Vetilsches Arcldv, t. I, p. 176. (5) TueldiKjcr Blacttcr, l. II, p. 88. (C) Journal de phi/siolojie, t. I, p. 10. (7) Die Erst-lii>i}nin(jrn nnd Gc'E L*ABSOTIPTÏON, comme l'ont remarqué, entre autres, Magendie (1) et CoUard de Marti{»ny (2), que le cours du chyle est plus ou moins ra- pide, suivant que la production de ce liquide a lieu en plus ou moins grande abondance. Nous devons donc chercher dans l'absorption continuelle des racines la cause essentielle du mouvement du chyle et de la lymphe. Déjà Haller(3) présu- mait que le chyle est reçu par attraction dans les vaisseaux lymphatiques , et qu'il est poussé en avant par chaque nou- velle onde ainsi provoquée. La force de succion des racines a été aussi reconnue , comme c.iuse du courant dans le sys- tème lymphatique , par Mascagni, de concert avec la contrac- tilité ; par Hewson (4) et Haase (5) , conjointement avec la force musculaire ; enfin par Treviranus (6) etMuller(7)dune manière tout-à-fait générale. d'J» Carus (8) fait jouer le rôle de cause à une tendance spontanée de la lymphe vers le centre organique du corps. Mais , nous ne connaissons que l'âme qui ait le pouvoir de se déterminer elle même ; la matière n'est provoquée au mou- vement , ou à toute autre manifestation d'activité , que par une sollicitation extérieure. Ce que l'on peut très-bien ad- mettre, c'est que l'attraction qui occasione la première ab- sorption, conserve encore son efficacité, dans lès parois des vaisseaux lymphatiques , pendant le cours ultérieur du li- quide , de telle sorte que chaque point de ces parois attire constamment une nouvelle onde , et abandonne au point situé immédiatement après celle qui est demeurée jusque-là en contact avec lui , comme les sucs d'une plante passent d'une cellule dans l'autre. Il serait possible que les valvules favo- risassent ainsi la progression , de même que , chez les vé- gétaux , l'ascension de la sève est favorisée par les nœuds, (1) Précis élémentaire, t. II, p. 164. (2) Journal de Magendie, t. VJII, p. 488. (?,) Elem. physiolog., t. VII, p. 234. (4) Eu; périment al inquiries, t. III, p. 489. (5) De vasis cutis et intestinorum ahsorhe?itihus, p. 22. (6) Die Erscheinunijen des organischen Lebens, t. I, p. 316. (T) Handhuch dcr Physiologie, 1. 1 , p. 269. (8^ Meckel, Deut^ches Jrchiv, t. III, p. 419. DE l'absorption. 85 dont le tissu cellulaire résulte d'ane agglomération de vési- cules ayant chacune, d'après Dutrochet (1) , leur endosmose particulière , qui les rend but d'aifluxion et origine d'im- pulsion. 12° ( Chez un animal mis à mort pendant le cours de la di- gestion , le chyle continue de se porter des intestins vers la veine jugulaire , tant que le corps conserve sa chaleur ; car si on he le canal thoracique au dessus du diaphragme , sans ouvrir la cavité abdominale, il se gonfle considérablement au dessous de la ligature (2), et, dès qu'on le pique en cet état, laisse jaillir son contenu sous la forme d'une arcade. Ce jaillissement du chyle ne permet pas de douter que le canal thoracique possède une certaine contractililé ; mais celle-ci ne paraît arriver à jouer un rôle important qu'après une dis- tension extraordinaire , car non seulement le chyle contenu dans le canal, au dessus de la ligature , n'est point chassé dans la veine, mais encore lorsqu'on pratique la section trans- versale du conduit à quelque distance au dessus du lieu , à peine s'écoule-t-il quelques gouttes de liquide , et le vais- seau demeure même toujours médiocrement rempli quand, on le tient dans une situation horizontale. Il serait assez difficile de déterminer si ce gonflement du canal thoracique au des- sous de la ligature, dont on n'aperçoit plus , d'ailleurs, au- cune trace après le retroidissement du cadavre , doit être attribué à ce que la chylificatiou continue encore , ou seule- ment à la contraction des vaisseaux lymphatiques. J'adopte- rais volontiers la première de ces deux hypollièses , parce qu'autrement il faudrait attribuer aux petits lymphatiques une contractilité très-forte et dépassant de beaucoup celle de leur tronc commun : car , tandis que le canal thoracique coupé en travers ne se vidait jamais sur le cadavre tenu dans une position droite , je voyais le chyle affluer vers la citerne, alors même qu'ayant étendu le corps sur la surface ventrale, je mettais ce réservoir à découvert par l'enlèvement des ver- (1) L'Agent immédiat du mouvement vital, p. 471. — Mémoires sur les vè-dél. et les aiiùn,, Paris, 1837, t. I. (2) Il parvient dans les Chiens jusqu'à un diamètre de trois lignes. 86 DES SUBSTANCES ABSORBÉES. tèbres, et cela de telle sorte que la citerne, après avoir été presque entièrement vidée, au moyen d'une piqûre, repa- raissait entièrement pleine au bout de quelques minutes , cas dans lequel le liquide avait évidemment dû être poussé de bas en haut. L'embouchure du canal dans la veine jugulaire n'est pas seulement close , comme on sait , par une valvule qui s'oppose à la pénétration du sang -. elle paraît aussi limiter beaucoup l'écoulement du chyle lui-même, qui exige peut-être, pour s'accomplir , une certaine attraction exercée par le cou- rant sanguin. Ce qui semble l'établir , c'est qu'après avoir lié le canal pour recueillir le chyle , je n'avais plus besoin en- suite de recourir à la ligature , et que l'expérience suivante est demeurée sans résultat ; ayant l'espoir d'obtenir beaucoup de chyle et de lymphe sans ouvrir les cavités pectorale et ab- dominale , Je fis périr un Chien en lui tirant tout son sang , je fixai un tube de verre à la veine jugulaire interne , complè- tement vide , après en avoir lié toutes les branches , ainsi que le tronc et la veine sous-clavière , et je suspendis le cadavre par les pattes de derrière ; au bout d'une demi-heure , à peine avais-Je recueilli cinq ou six gouttes de chyle) (1). CHAPITîiE II. Des changemens que subissent les substances étrangères absorbées. I. Fluidîfîcation. § 908. Les substances étrangères subissent des change- mens que l'organisme détermine en elles, soit avant leur absorption, soit après (§909). Le premier cas arrive quand il a été absorbé une substance organique solide qui est capable de s'assimiler au sang, et qui, pour pouvoir s'introduire à cet effet dans les vaisseaux , doit nécessaire- ment commencer par acquérir la forme fluide. Non seulement les organes digestifs , dont il ne peut point encore être ques- tion ici , mais encore d'autres espaces du corps animal opè- rent , par le moyen du liquide sécrété dans leur intérieur, la (1) Addition d Ernest Burdach. DES SUBSTANCES ABSORPÉES. ^j fluidification de la substance nutritive admise en eux , afin que l'absorption puisse ensuite s'emparer d'elle. Le liquide fluidifiant peut être le produit d'une sécrétion ou normale ou modifiée sous le rapport de ses qualités , et devenue ainsi plus active , par rirritation que la substance étrangère a dé- terminée (§§848-855). Ainsi la fluidification peut ou se borner à la prise d'un autre état de cohésion , ou consister de plus en une transformation de substance. 1° Les sacs séreux sont , généralement parlant , peu aptes à modifier des corps étrangers solides de cette manière, pour ensuite les absorber , attendu que de pareilles irritations portent un trop grand traiible dans leur activité vitale , et les enflamment. Pierce Smith introduisit deux embryons et trois œufs de Souris dans le bas-ventre d'un Chat ; au bout de seize heures , l'animal étant mort , il ne restait plus qu'un morceau de substance osseuse de la grosseur d'une tête d'épingle : ayant porté de la viande^ du foie , etc. , dans la cavité abdo- minale de Chais, il n'en retrouva plus aucune trace au bout de quelque temps, à moins qu'il n'y eût eu , parmi ces substances, des portions d'os , qui d'ailleurs semblaient avoir été éroséés : il ne resta non plus , au bout de soixante heures , qu'une petite quantité de substance osseuse d'une cuisse de Gre- nouille qu'il avait ainsi introduite renfermée dans une bourse de toile. Hering (1) introduisit une demi-once de viande ha- chée dans l'abdomen d'un Lapin : quatorze heures après, il la trouva attachée aux intestins par un liquide plastique épan- ché ; chez un autre Lapin, la viande , du poids d'un gros , était, au bout de trente-six heures, fixée de la même manière, d'un gris pâle , molle , facile à déchirer , pleine de suc , plus légère de quatre grains , et entourée d'une matière caséi- forme , qui avait des réactions acides ; de la chair de mouton crue , s'élevant à deux gros , était ramollie après neuf joui*- nées de séjour dans la cavité abdominale d'un Chien; elle avait une couleur vert jaunâtre , comme du pus, une saveur aigre, des réactions acides , et ne pesait plus qu'un gros ; d'un gros de viande, introduite dans le ventre d'un autre (1) Meckel, Dcutschcs 4rchiv,i. IV, p. 500. 88 DES SUBSTANCES ABSORBEES. Chien^ il ne restait plus , au troisième jour , qu'une petite quantité de liquide puriforrae , épais, acide, et d'odeur dés- agréable : une inflammation considérable et un épanche- ment de liquide plastique se voyaient aux alentours. Delà viande que Krimer (1) introduisit dans le ventre d'une Gre- nouille, avait pâli et s'était arrondie sur les bords pendant l'espace de deux jours, 2" Les substances organiques solides sont fluidifiées et ab- sorbées dans le tissu cellulaire , sans exciter une inflammation aussi considérable. D'après les expériences de Smith , il faut peu de temps pour dissoudre de la viande qui a été insérée entre la peau et les muscles des Chats. Hood (2) glissa des languettes de viande, du poids de quinze à vingt grains, sous la peau de divers Chiens ; le mouton cuit était , au bout de treize heures , en partie dissous et en partie fibreux ; du mou- ton cru , porté dans la même plaie , était totalement dissous , sept heures après , et converti en une masse comme savon- neuse ; au bout de douze heures, un morceau de viande crue était réduit en un liquide pultacé du côté qui touchait aux muscles, et le reste ressemblait à de la viande cuite : d'ailleurs, la viande était plus profondément attaquée lorsqu'on avait eu soin de la couper suivant la direction des fibres. Jameson (3) recommande de pratiquer la ligature des artères avec de min- ces bandelettes de cuir; il a reconnu que ces bandelettes étaient devenues aussi minces que du papier en six jours, sur une Bre- bis, et que , chez une autre, elles s'étaient réduites en bouillie dans l'espace de trois semaines ; chez un Chien , elles étaient également converties en une bouillie jaune au bout de vingt- cinq jours , et dans d'autres cas , il avait suffi de neuf jours pour les faire disparaître jusqu'aux nœuds , qui eux-mêmes étaient convertis en bouillie. (J'ai fait à ce sujet les observations suivantes : 3° Un morceau de blanc d'œuf durci , taillé en cône , et pesant douze grains, fut introduit, sur le côté du ventre d'un (1) Versuch einer Physioloijie des Blutes, p. 57. (2) Analytic phi/sioloijy, p. 466. (3) Froriep, Notizcn, t. XVII, p. 249. DES SUBSTANCES ABSORBEES. 89 Lapin , entre la peau et les muscles ; la plaie exléiieure , lon- gue de sepl à huit lignes , fut réunie par un point de suture ; elle était cicatrisée au bout de vingt-quatre heures. Le troi- sième jour, je tuai l'animal. Le morceau de blanc d'œuf avait conservé sa forme , mais il était un peu ramolli partout , et d'une couleur sale , brunâtre ; il rougissait les couleurs bleues végétales , était couvert d'un peu de coagulum blanc à sa surface , et avait perdu un grain et demi de son poids. La même expérience , prolongée pendant huit jours , ne donna pas d'autre résultat. 4° Deux morceaux taillés en cône , l'un de carotte jaune , l'autre de pomme de terre crue , furent glissés sous la peau ; huit jours après , aucun d'eux n'avait subi de changement ; seulement , ils étaient couverts de lymphe plastique , qui en augmentait le poids de deux grains ; ils n'exerçaient point de réaction acide. 5° Les mêmes expériences , faites avec de la viande et du pain , donnèrent le même résultat. Au bout de huit jours, les deux morceaux étaient enveloppés de lymphe plastique , im- bibés de liquide, et par conséquent devenus plus mous ; ils rougissaient aussi un peu les couleurs bleues végétales , mais ils n'avaient rien perdu de leur poids. 6° Un morceau de bois mou , ayant la même forme que les substances employées dans les expériences précédentes , fut introduit de la même manière sous la peau d'un Lapin ; mais l'organisme ne voulut pas souffrir un corps qui lui était si étranger ; il survint de l'inflammation , la suture se déchira , et l'application des bandelettes aggluiinaiives ne put empêcher la sortie du morceau de bois. 7" On fit manger une carotte jaune à un Lapin qui avait faim , et on le tua ensuite. L'estomac fut trouvé distendu par une pelote ahmentaire, colorée en verdàtre à sa surface, tandis que le centre conservait la couleur jaune pure de la ca- rotte. On prit douze grains de cette dernière portion , et on les introduisit sous la peau d'un Lapin , au moyen d'une inci- sion longue d'un demi-pouce. Au bout de huit jours , non-seu- lement le tout (''tait revêtu extérieurement de lymphe plasti- que , mais encore il s'en élaii épanché entre les Iragmens de QO DES SUBSTANCES ABSOBBEES. la carotte ; ceux-ci avaient pris une teinte verte , et roufjis- saient fortement le tournesol. On n'en put pas déterminer exactement le poids , mais il ne paraissait point avoir dimi- nué. 8° Supposant que la formation de lymphe plastique , dans les expériences précédentes , avait été déterminée unique- ment par le volume des morceaux introduits et par l'hémor- ragie qu'on ne saurait éviter en pareil cas , je répétai les expériences avec des morceaux plus petits , et en évitant , au- tant que possible , tout épanchement de sang. On ne fit à la peau qu'une incision de trois lignes , et après que le léger saignement qui eut lieu fut complètement tari , on creusa une petite caviié entre !a peau et les muscles , à l'aide d'une sonde boutonnée; l'introduction de la substance qu'on se proposait de faire absorber fut enfin facilitée de beaucoup par un petit tube de verre. Voici quels résultats on obtint ainsi. Un petit morceau d'albumine , pesant un grain , était si complètement - absorbé au bout de quatre jours, qu'on ne pouvait reconnaître l'endroit où il avait été placé qu'à un léger trouble laiteux et à la condensation du tissu cellulaire. Un petit fragment de carotte rouge, du même poids, fut retrouvé, le huitième jour, sous la forme d'un grumeau , long seulement d'une ligne , et formé d'une masse onctueuse, ayant une couleur verte foncée. Enfin un faisceau musculaire sec , ayant trois quarts de ligne de long et pesant deux grains , était entièrement ramolli au bout de huit jours , et réduit en un grand nombre de parcelles ayant à peine une demi-ligne de long. 9" Une languette de cuir mou, épaisse d'une ligne et demie, fut ramollie dans l'eau , tordue en fil, et séchée de manière à pouvoir être aisément passée , au moyen d'une aiguille , à travers un pli de la peau , sur le côté du ventre d'un Lapin. Afin d'avoir un terme de comparaison, on passa un fil ordinaire à travers un repli de la peau du côté opposé. Les deux fils furent coupés immédiatement à leur entrée et à leur sortie. Au bout de quatorze jours, celui de lin était entourée d'une couche si épaisse de lymphe plastique , qu'il représentait un cordon de plus de deux ligaes de diamètre; l'autre, au con- traire , était converti en un filament très-mou , d'une ligne et DES SUBSTATÎCES ABSORBEES. Ql demie seulement d'épaisseur , d'une couleur livide , et ayant tout-à-fait l'apparence d'une petite veine pleine de sang. dO° On pratiqua une ponction au ventre d'un Cliien, à l'aide d'un trois-quarts, et l'on glissa, parla canule, un petit morceau de viande dans la cavité abdominale. Probablement l'opéralion avait blessé les intestins, car l'animal mourut au bout de trois jours. On trouva les intestins adhérens par places, au moyen de lymphe plastique , et le morceau de viande , également entouré de cette lymp'ne , tenait aux parois abdominales. On fit alors , sur un autre Chien , une incision d'un pouce et demi de long , à travers les tégumens du bas-ventre , on introduisit la canule d'un trois-quarts dans la plaie , et l'on s'en servit pour glisser dans la cavité abdominale un morceau de viande, pesant douze grains, et coupé suivant la direction des fibres, puis un cylindre de pomme de terre crue ayant le même poids. L'animal parut peu souffrir : il fut tué au bout de huit jours. Le morceau de viande était réduit à ses fibres isolées , qui elles-mêmes se trouvaient éparses dans la cavité ventrale , de sorte qu'on ne put en déterminer le poids ; mais toutes étaient brunes et très-cassantes. Nulle part on n'aperçut de lymphe plastique . Le cylindre de pomme de terre semblait peu changé : ses deux bouts étaient seulement un pau arrondis ; il n'avait pas diminué de poids) (1). II. Transformation. § 909. 1° Les végétaux absorbent , dans le sol, de l'eau , qui ne contient point de matières organiques , ou du moins qui en renferme très-peu , et qui jamais n'est chargée des principes constiluans propres à chaque plante ; mais ces prin- cipes se manifestent à mesure que le suc s'élève dans le corps du végétal. Wahlenberg a observé ce phénomène sur le Te- tracera potatoria , et Saussure sur la vigne- Knignt a remar- qué que la sève de l'érable était presque insipide à la partie inférieure du tronc , où sa pesanteur spécifique ne dépassait poif.t 1004 , tandis qu'à la hauteur de sept pieds celte même pesanteur était de 1008 , et qu'à celle de douze elle était de (1) Addition d'Einest Biudacli. 92 DES SUBSTANCES ABSORBEES. J0i2 ; la saveur sucrée aufïmentait dans la même proportion. Quelque chose d'analogue a lieu dans toutes les autres plan- tes (1). Si les liquides absorbés ici se métamorphosent pen- dant leur trajet , et incontestablement par le contact des pa- rois qui les renferment, cette circonstance suffit pour faire présumer une semblable transformation dans le système lym- phatique. Sheldon avait déjà remarqué que les tortuosités des vaisseaux lymphatiques semblent l'annoncer, puisqu'elles al- longent le trajet que les liquides ont à parcourir (2). Somme to- tale , le courant marche avec beaucoup de lenteur dans ces vaisseaux , et si le chyle coule plus rapidement , il ne faut pas perdre de vue que l'absorption n'est nulle part plus active que dans l'intestin , ni à aucune autre époque plus énergique que pendant la digestion. Pour parvenir des orteils , par exemple, dans le sang, la lymphe est obligée de s'élever jusqu'au sommet de la cavité pectorale , quoiqu'il y ait partout des vaisseaux sanguins dans son voisinage , et le canal thoracique n'a pas plus d'une à deux lignes de diamètre , bien que le sys- tème, considéré dans son ensemble, soit probablement plus spacieux que celui des veines (3). Cette lenteur avec laquelle les vaisseaux lymphatiques conduisent leur contenu au lieu de sa destination , ne saurait être sans but. 2" Ajouions encore que , chez les animaux vertébrés infé- rieurs , ces vaisseaux présentent des dilatations et des plexus qui , chez les Mammifères, deviennent des ganglions, par leur rapprochement , leur division en branches plus déliées , leurs anastomoses plus nombreuses, et l'intervention d'une enveloppe de tissu cellulaire (§783). Les anciens phy- siologistes, qui assignaient pour usage à ces ganglions de fa- ciliter le cours du liquide, étaient certainement dans l'erreur ; ils le ralentissent bien au contraire , et Ion en demeure con- vaincu , comme l'a démontré Haller (4) , lorsqu'on réfléchit (1) Treviranus , Fhysioloyie der Gewaechse , t. I*, p. 415. — Nouveau système de physioloijievéïjétalc, pitr F. V. Raspail. Paris ," 1837, t. II, p. 28 et sniv. (2) The history of the absorbent system, p. 44. (3) HiidebraïKlt, yJvatomie, t. 1I[, p. 98. (4j Elemcn.physioL, t. Il, p. 192 ; t. VII, p. 239. DES SUBSTANCES ABSORBÉES. gS non-seulement au mécanisme de leur structure ( §§ 711, S»;' 725 , 2°; 726 , 4°; 727, 5") , mais encore à ce fait bien conniï des anatomistes , que l'injection des lymphatiques contenus/ dans leur intérieur présente toujours plus ou moins de diffi- culté. Il ne saurait être question ici d'une endosmose accélé- ratrice (1). 3° Une circonstance démontre combien les ganglions sont essentiels ; c'est leur fréquence. Mascagni n'a jamais vu de lymphalique qui n'en eût traversé quelqu'un. En remontant des membres au tronc, leur nombre augmente avec celui des vaisseaux, de manière, par exemple, qu'on en trouve deux, ou trois à la malléole interne , quatre à cinq au genou , huit ou dix à l'aine (2) ; et dans la grande voie d'introduction des substances étrangères , le mésentère , leur nombre dépasse cent , de sorte que le chyle est obligé d'en traverser successi- vement plusieurs placés à la suite les uns des autres. 4° Comme des ramifications, à parois extrêmement minces, de vaisseaux sanguins et lymphatiques se trouvent en contact immédiat dans les ganglions , il est vraisemblable que les li- quides contenus dans les deux ordres de vaisseaux se mettent en communication ensemble. Haller (3), Mascagni et Haase (4) étaient déjà très-disposés à croire qu'un liquide sécrété du; sang s'y mêle avec la lymphe , quoique d'ailleurs ils ne par- tageassent pas l'opinion de Nuck , qui donnait pour but à ce mélange d'atténuer et d'étendre la lymphe (5). Il serait possi- ble aussi que quelque chose passât des vaisseaux lymphati- ques dans les vaisseaux sanguins , conjecture parmi les parti- sans de laquelle on compte non seulement ceux qui admettent la continuité des deux ordres de vaisseaux (§ 900, 2**), mais encore Weber (6) , qui ne croit pas à cette continuité. Le principal motif sur lequel ils se fondent, est que les vaisseaux lymphatiques ne grossissent point pendant leurs cours , que (1) Dulrochet, L'Aijent immédiat ^\). 196. — Mémoires, etc., t. I. (2) Mayo, Outlines of human physinlogy, p, d58. (3) Loc. cit., t. I, p. 186; t. YII, p. 214. (•4) Loc. cit., p. 24. (5) Ilnller, Elcm.physioL, l. I, p. 192 ; t. VII, p. 238. (6) Hildebrandt, Anatomie, t. III, p. '119. g4 Ï>ES SUBSTANCES ABSORBlÉES. par conséquent leur contenu doit diminuer. Cependant cette dernière conclusion ne semble pas découler nécessairement des prémisses, puisque l'absorption ne s'exerce ordinairement qu'avec beaucoup de lenteur, qu'en conséquence les vaisseaux lymphatiques ne contiennent pas, la plupart du temps, beau- coup de liquide , et que , du reste , ils sont fort extensibles. Meckel (1) pensait que les parties aqueuses passent du sys- tème lymphatique dans les veines, par des ouvertures béantes, afin de perfectionner la lymphe. Cette opinion a contre elle que la lymphe ayant pour unique destination de former du sang, son perfectionnement aux dépens de ce dernier liquide n'aurait aucun but. D'un autre côté , en supposant, comme le fait Weber, que la portion achevée de la lymphe pénètre dans les veines à travers les parois , la question de savoir si les vaisseaux lymphatiques s'abouchent ou non avec les veines dans leurs ganglions , n'a aucun sens physiologique. Dans une telle incertitude , nous nous en tiendrons à la proposition éta- blie par Weber (2) , savoir, que la lymphe et le sang réagis- sent l'un sur l'autre dans les ganglions , à peu près comme le font l'air et le sang dans les poumons ; et nous laisserons in- décis, avec Breschet(3), le problème ayant pour objet de dé- terminer si le sang y donne ou s'il y reçoit , n'oubhant pas non plus de dire qu'il serait fort possible que l'un et l'autre cas eût lieu , ou qu'il n'arrivât ni l'un ni l'autre, et que le sang exerçât une action assimilante sur la lymphe , par le seul fait de son voisinage. 5° Le gonflement et l'inflammation qui s'emparent des gan- glions lymphatiques après l'absorption de produits morbides, prouvent que ces organes possèdent, non seulement une vie fort active , mais encore une tendance à l'assimilation , qui déter- mine la réaction inflammatoire. Aux bubons ne succède point, la plupart du temps , la syphilis constitutionnelle ; il est vrai qu'alors le virus peut aussi être éliminé du corps par le fait de la suppuration , comme la prompte ouverture des bubons (1) ISova expérimenta de finibus venarum, p. 9, (2) Lûc. cit., p. 110. (3) Le Système lymphatique , considéré sous les rapports anat,, pliys, Qt pathol, Paris, d§26, in-8, fig. DES SURSTANCES ABSORBÉES. QÔ pestilentiels est le phénomène qui promet le plus sûrement guérison. Lorsque les glandes de l'aisselle se tuméfient après la vaccination , il arrive souvent que le vaccin n'exerce pas d'action générale , et ne préserve point de la petiie-vérole. De même , ce qui contribue peut-être à ce que les virus introduits dans les organes digestifs n'opèrent pas d'infection, c'est qu'en sortant de cet appareil , ils sont obligés de tra- verser une série de ganglions lymphatiques. 6° Hering (1) injecta de l'huile d'olive dans la caviié abdo- minale d'un Chat , et au bout de quatre jours il en retrouva dans les ganglions mésentériques : sur un autre Chai il injecia dans le rectum un mélange d'huile d'amandes amères et de chlorure de fer, avec le précipité de bleu de Prusse qui s'é- tait formé , et vingt-quatre heures après il rencontra ce der- nier dans un ganglion du mésentère. Si nous semblons auto- risés à conclure de là qtie les matières étrangères rebelles à l'assimilation sont retenues pendant quelque temps dans les glandes lympathiques , un autre fait paraît démontrer que le système lymphatique jouild'un pouvoir modificateur ou trans- formateur : Emmert (2) , après avoir lié l'aorte ventrale , introduisit de la fausse angusture dans la cuisse d'un animal; bien qu'aucun symptôme d'empoisonnement ne se fût mani- festé, il retrouva cette substance dans l'urine : comme ici l'absorption n'avait pu se faire par les veines , et qu'elle avait été accomplie exclusivement par les lymphatiques, nous som- mes en droit de présumer, avec Weber (3) , que le poison avait été dépouillé de ses qualités vénéneuses en traversant le système lymphatique. (1) Deutsches Arcliiv, t. IV, p. 522,525. (2) Loc. cit., t. I, p. 178. (3) De pidsu et resorptione , p. 46, 20. ^6 DE LA RÉSORPTION. DEUXIÈME DIVISION. DES FHÉHOrûÈNES FARTICULIsaS DE LA FORBCATIOK DV SAN<3. PREMIÈRE SUBDIVISION. DE LA FORMATION DU SANG DANS T.ES TISSUS ET DAMS LES ORGANES DIGESTIFS. CHAPITRE PREMIER. De la résorption. § 910. Une espèce particulière d'absorption est la reprise par le système lymphatique de la substance organique sortie du système sanguin, ou la résorption , qui, conjointement avec la digestion , constitue le premier degré de l'hématose. I. C'est dans les liquides organiques qu'elle est le plus fa- cile à apercevoir. 1° Toutes les sécrétions qui s'accomplissent dans le lissu cellulaire sont résorbées; car il n'y a pas d'autre voie ouverte pour le renouvellement des matériaux {§ 809, 6°). La résorp- tion doit s'exercer sans interruption dans le tissu cellulaire elles sacs séreux, puisque, après les avoir dépouillés de leurs liquides, nous voyons ceux-ci reparaître promptement, d'où nous sommes fondé à croire que la sécrétion ne s'arrête ja- mais. Ainsi, par exemple, après l'opération de la cataracte par extraction , peu de jours suffisent pour que les chambres de l'œil s'emplissent de nouveau du liquide dont on a dé- terminé la sortie. Suivant Magendie, la sérosité qui entoure la moelle épinière disparaît promptement après la mort, épo- que où elle a cessé d'être sécrétée, de sorte qu'on n'en trouve les méninges remplies que chez les animaux vivans, ou chez ceux qu'on vient de tuer. De même, la graisse disparaît dans l'amaigrissement, et si l'on en a trouvé une quantité considéra- ble dans le sang de personnes chargées d'embonpoint chez lesquelles il était survenu une suppression d'hémorragies ha- bituelles, ce phénomène peut fort bien provenir de la résorp- tion (1), de même que la moelle des os diminue aussi dans certaines maladies de consomption (2). (i) Treviranus, Bioloyie, t. IV, p. 509. (2) Hildebvandt, 1. 1, p. 328. DE lA RÉSORPTION.' g^J 2« Dans le système dermaiique ou ectoplastique (§784, 1» ), il n'y a généralement qu'une partie des sécrétions qui soit ré- sorbée ; quelquefois cependant la totalité l'est. Mais, ici, la ré- sorption n'est jamais accomplie que par le tissu cellulaire. Les ampoules produites par une légère brûlure disparaissent en quelques jours, ce qu'on ne peut attribuer à une évaporation qui se serait faite à travers l'épiderme (§ 906, 3''). Après la suppression d'une diarrhée occasionée par une sécrétion surabondante, il survient des déjections consistantes. La ré- sorption se montre surtout bien évidente dans les réservoirs d'organes glanduleux ; c'est par elle que la bile peut se con- centrer davantage dans son réservoir (§826, 2« ), passer en partie dans le sang ( § 857, IV) , et disparaître entièrement de la vésicule, quand le conduit excréteur de cette dernière est obstrué (1). L'urine subit le même changement dans la vessie (§ 827, 3") ; elle peut se déposer dans d'autres organes lorsque les reins cessent de sécréter (§ 857), et être ré- sorbée en totalité dans le cas d'occlusion de l'urètre. Il a déjà été question de la résorption dans la matrice (§ 482, 7*), dans les vésicules séminales (§ 567, 9°) et dans les canaux galactophores (§ 543, 8»). 3° Chez les sujets atteints d'ulcérations dans certains or- ganes , les poumons et le foie, par exemple, il n'est pas rare de voir du pus former un sédiment muqueux dans le sérum du sang ou dans l'urine. La même chose arrive dans la variole confluente (2) ; et dans les cas même de petite-vérole discrète, une partie du pus est résorbée, tandis que Vautre forme des croûtes en se desséchant. 4° Lorsque la peau a subi une contusion, les alentours s'im- bibent de sang épanché , de sorte que le centre est d'un bleu noirâtre, et la périphérie verte, bordée de jaune, teintes qui s'efl'acent toutes au bout de quelque temps. Les extrava- sations disparaissent de la même manière dans les diverses cavités du corps. Bruckner trépana un Chien, coagula, au moyen de l'acide sulfurique, le sang qui s'était épanché sur (1) Voigtel, Handhuch der -[jutUoUnjischen Anatomic, \, III, p, 86. (2) Journal de MagentUc, t. II, p. 9. IX. 7 gS DE LA RÉSORPTION. la dure-mère, et n'en retrouva plus de traces après un certain laps de temps. Kees injecta du sang dans la dure-mère de plusieurs Chiens ; il s'en échappa un peu avec l'urine, et un moment vint où le crâne n'en contenait plus du tout (1). Une résorption a lieu jusque dans la substance même du cerveau; quand celte substance a été déchirée par un épanchement, et qu'un foyer de suppuration s'y est formé , il n'est pas rare d'y trouver plus tard des vestiges de cavernes cicatrisées, le sang ou le pus ayant été résorbé (2). Le caillot obturateur qui se produit dans les artères blessées, est résorbé ( § 862, 3° ), et Hewson (3) n'a retrouvé que de la fibrine concrète, sans cruor ni sérum , dans la v eine jugulaire d'un Chien qu'il avait tué trois jours auparavant. II. Quant à ce qui concerne les parties solides : 1° Dans le cours normal de la vie, les organes transitoires, comme les corps de Wolff (§ 450), l'allantoïde (§ 447, 6°), la vésicule ombilicale ( § 437, 4„, 5° ) , la membrane pupillaire ( § 433, 5° ), les racines des dents de lait (§ 551, 1% 2«), et le thymus {§ 550, 11°), sont résorbés. Ce phénomène prend part aussi au flétrissement du cordon ombilical ( § 499, 4° ), du conduit de Botal, des artères et de la veine ombilicales ( § 509, 3«>, 4°, 6°). La même chose a lieu pendant l'accrois- sement ; car, bien que les os conservent la forme générale qu'ils avaient (§ 427, 11°), des cavités se développent dans leur intérieur (§§ 427, 14° ; 500, 7% 13" ; 560, 7o ). La ré- sorption s'exerce également, dans un âge avancé (§§ 586, 2° ; 645, III), sur le système vasculaire (§§ 587, 1° ; 588, 6°), les os (§§ 587, 3°; 589, 4% 8°), les dents (§ 587, 2") et les organes génitaux (§588, IC"). 2° Les muscles surtout participent à l'amaigrissement qui succède à la fièvre ou à toute autre cause, ce qui fait que, dans les maladies consomptives , tous les muscles, et, dans les plaies, inflammations et paralysies , ceux qui avoisinent immédiatement le mal, deviennent tellement minces qu'on a (1) Burdach, fom Baue und Lehen des Gehirns, t. III, p, 9, (2)ioc. cii?.,p. 66, 25. (3) Etpperimental inqiiiries, 1. 1, p. 20. DE lA RÉSORPTION. 99 de la peine à les reconnaître. Les nerfs peuvent s'atrophier, et devenir ainsi transparens. Il en est de même de quelques parties du cerveau , par exemple, des couches optiques, qui perdent de leur hauteur et de leur largeur ; lorsqu'il se dé- veloppe des productions anormales, la substance cérébrale superposée paraît souvent amincie et sans sillons, et il y a atro- phie générale de l'encéphale quand la dure-mère forme des plis à sa surface (1). Les testicules peuvent s'atrophier jus- qu'au point de disparaître entier eœent (2). 3° La transformation de la substance des organes ( § 858 ) suppose en partie une résorption -, la peau reprend sa couleur naturelle après la jaunisse, les taches de la cornée disparais- sent, et il arrive quelquefois au cristallin, déjà devenu opaque, de reprendre sa transparence. 4° La peau tendue sur les abcès s'amincit peu à'peu, jus- qu'à ce qu'elle finisse par se rompre , et de toutes les parties molles, le tissu cellulaire est le premier qu'attaque la suppu- ration, de sorte que, dans les abcès, les muscles, les liga- mens, les nerfs et les vaisseaux sont totalement dépouillés de ce tissu et de graisse. Les parties frappées de mort se déta- chent du corps par l'effet d'une résorption (§ 863,11). Le cristallin disparaît peu à peu lorsqu'il est tombé dans la cham- bre antérieure, ou que sa capsule a été atteinte d'une plaie considérable. 5° Les os prennent part à l'atrophie dans la phthisie et dans les maladies qui obligent à garder le lit pendant long- temps , par exemple, dans les paralysies i ils deviennent cas- sans dans la syphilis et le scorbut, se ramollissent dans l'os- téosarcose , et se détruisent dans la carie , où l'on voit quel- quefois apparaître dans l'urine les sels calcaires qui leur ont été enlevés (3). La jaunisse et l'usage de certaines matières colorantes ( § 865, YII ) leur font acquérir une teinte étran- gère , qui se dissipe ensuite d'elle-même. Les esquilles frap- (1) Burdach, f^om Bave und Lehen des Gehirns , t, III, p. 25. (2) Voiglel, Loc. cit., t. III, p. 404. (3) Ilaller, Elem. physiol., t. VU, p. 3G2. — Sheldon, The Instory of the ahsorlent System, p. 31. lOO DE LA RESORPTION. pées de mort sont détachées par la résorption , et l'on con- naît des cas dans lesquels des portions du crâne ont péri sans cause appréciable et se sont séparées du reste de la boîte (1). Tandis qu'une fracture se guérit, l'os cylindrique se remplit d'abord, puis se creuse (§ 863^ 12° ). Des pointes d'os dispa- raissent (§ 863, 2°), et des pièces osseuses totalement déta- chées finissent par être résorbées peu à peu (2). Les exostoses s'affaissent aussitôt que la dialhèse qui leur avait donné nais- sance a cessé. (Le travail de la résorption est précédé d'un gonflement des parties environnantes, qui rend celles-ci plus tendues et plus sensibles. Si l'on pratique des incisions à cette époque , on en trouve la surface , non point d'un rouge vif, comme dans la véritable inflammation , mais d'un jaune rougeâtre ; le sang qui s'écoule n'est pas très-rouge ; il est plus séreux ; le tissu cellulaire est compact , et unit toutes les parties d'une ma- nière plus intime ; la surface de la plaie est moins lisse au toucher que de coutume. La guérison de cette plaie simple par instrument tranchant s'accomplit avec une rapidité extra- ordinaire, et sans qu'il survienne de nouvelle réaction inflam- matoirej bien au contraire, l'irritation qui existait auparavant diminue pendant la cicatrisation. Ce n'est que quand le gon- flement a totalement cessé, et que les parties sont redevenues molles, que la résorption a lieu ; mais celle-ci ne paraît s'ac- complir d'une manière complète qu'autantqu'ily a tuméfaclion préalable. La circulation cesse dans un membre gravement iDlessé (écrasement des os, déchirure des gros vaisseaux, etc.); ce membre devient bleu , puis noir, et se momifie , comme dans la gangrène sénile. La mort s'étend plus loin à la surface que dans l'intérieur ; le vif forme un cône saillant au milieu du mort , et dont le sommet est représenté par l'os encore vivant ; la ligne de démarcation qui, par l'effet d'une sépara- tion spontanée, se convertit en un vide, montre toujours cette forme du moignon. Les esquilles , qu'elles tiennent ou non à l'os encore vivant , sont toujours rejetées, et non résorbées. (4) Gevson, Mac/asin, t. IX, p. 396. (2) Mageniie, Journal de pJujsioloyie, t. I, p. 17, DE LA RESORPTION. 101 Cependant ces phénomènes n'ont lieu que rarement ; en gé- néral, le membre se réduit en une sorte de putrilage. Lors- qu'une pièce osseuse demeure en communication avec le reste de l'os , quelquefois par un col très-mince , ou même quand la connexion n'est établie que par un large lambeau de périoste , cette petite portion peut être résorbée ; une volumineuse ne fait que devenir plus lisse à la surface, s'ar- rondir sur les bords, et se couvrir peu à peu d'un tissu cellu- laire cartilaginiforme. Dans les surfaces osseuses dépouillées de périoste, la résorption commence par le diploe ; la pièce se perce d'abord, comme un crible , de trous à travers lesquels pénètrent les bourgeons charnus, et elle finit par disparaître en totalité) (1). III. Mais la résorption a lieu pendant la vie entière. Nous en avons déjà la preuve dans le besoin de nourriture , qui ne dépend pas uniquement de la diminution des liquides , car les parties solides y contribuent aussi pour leur part ; en effet , ces parties , les muscles surtout, perdent de leur masse, et leur composition normale finit par s'altérer, lorsque la nourri- ture manque. Une addition de matériaux nouveaux suppose une consommation correspondante , et comme le corps de- meure semblable à lui-même quand la nutrition ne subit au- cune interruption, celle-ci doit avoir pour antagoniste une résorption , dont la quantité proportionnelle est trop forte dans l'atrophie, trop faible dans l'hypertrophie. Le renouvel- lement des matériaux doit accompagner tous les actes de la vie ; car l'accroissement de l'activité dans une sphère quel- conque de la vie entraîne à sa suite, ou le besoin d'une plus grande somme de nourriture et de repos , ou l'émaciation et l'épuisement. C'est ce qu'on observe dans les fièvres, de même qu'après l'exercice violent, les veilles prolongées, les travaux opiniâtres de cabinet et les orages des passions. D'après cela, notre corps est assujéti à un changement continuel de sa sub- stance, de sorte qu'au bout d'un certain nombre d'années , il ne reste plus un seul atome de la matière dont il est actuel- lement formé. Les iatro-mathématiciens ont cherché à déler- (1) Addition de J. F. Dieffenbacli. i02 DE tA RESORPTION. miner l'étendue de cette période. Suivant Keill , il ne reste plus, au bout d'un an, que seize livres de l'ancienne matière , qui, d'après BernouUi , serait réduite au tiers seulement de sa masse primitive , ce qui ferait neuf ans suivant l'un et trois selon l'autre, pour le renouvellement complet (1). Les bases de ces calculs sont trop, incertaines pour que nous puissions y attacher la moindre valeur. § 911. Arrivé maintenant à la question de savoir quels sont les vaisseaux qui accomplissent la résorption , nous sommes tentés d'attribuer de préférence cette fonction aux lym- phatiques , soit parce que , en vertu de la disposition de leurs radicules (§ 904, 3°), ils ne peuvent recevoir leur con- tenu que parla voie de l'absorption, d'où l'on est porté à con- clure que ce sont eux qui prennent le plus de part à l'absorp- tioa de substances étrangères (^§ 905, 3°); soit parce que, dans le nombre de ces substances , ils semblent s'emparer avec préférence de celles qui sont assimilables (§ 905 , 4'^), et les transformer en quelque sorte (§ 908), de manière qu'on peut les supposer aptes aussi à préparer la conversion en sang de matériaux encore assimilables de l'organisme lui-même , tout en reconnaissant qu'en certaines circonstances, ces matériaux peuvent passer immédiatement dans le torrent de la circula- tion. Mais tenons- nous en, pour le moment, aux faits. 1° Pendant les premiers temps de la vie embryonnaire, lorsqu'il n'y a pas encore de vaisseaux lymphatiques , la ré- sorption a cependant lieu déjà, et elle s'accomplit de toute évidence dans le cartilage lorsque ce corps dense se trans- forme en os. Il se peut qu'ici les veines agissent, comme chez les animaux invertébrés, qui ont des veines et point de vais- seaux lymphatiques. Mais le premier développement de l'em- bryon implique déjà l'absorption, et il s'opère dès avant qu'on découvre des veines , qui n'existent pas non plus chez les ani- maux vertébrés inférieurs. Si donc, à un certain degré de l'é- chelle vitale, l'absorption consiste en une simple imbibition, on ne peut conclure de là qu'à des degrés plus élevés de la même échelle , où il existe des veines, puis des lymphatiques, (J) Haller, loe. cit. , t. YIII, P. II, p. 65. DE LA RÉSORPTION. 103 ces vaisseaux ne soient point chargés de présider à la fonction. On n'a pu parvenir à démontrer des lymphatiques, d'un côté dans l'intérieur du cerveau et de l'œil, d'un autre côté dans les cartilages et les os, c'est-à-dire, précisément dans les sphères les plus élevées et les plus inférieures de l'organisme; maison en trouve à l'extérieur de ces organes , et comme une im- bibition du tissu doit précéder toute admission dans les vais- seaux (§ 904, 7°), le liquide à absorber peut se répandre aussi de cette manière jusqu'à ce qu'il rencontre des lymphatiques, comme le suc plastique doit s'échapper des vaisseaux avant de parvenir au milieu d'un îlot de substance (§ 877, 4°). Dans la métamorphose des Insectes (§ 379), la résorption joue évi- demment un rôle, pour amener de nouveaux rapports de con- formation des organes , et comme ici les vaisseaux sanguins sont peu abondans, il faut qu'avant de les rencontrer le fluide qui doit être absorbé, imbibe des portions considérables de tissu. 2° Les ganglions lymphatiques ont une teinte rougeâtre aux membres , un peu jaunâtre dans le voisinage du foie, brun- rougeâtre à la rate , noirâtre aux bronches (1). Saunders (2), Tiedemann (3) et autres (4) ont trouvé qu'après la ligature du canal cholédoque , les lymphatiques venant du foie étaient gonflés et jaunes, et que la lymphe du canal thoracique con- tenait de la bile. Portai , André , Assalini (5), Mascagni , An- dral (6) ont observé des phénomènes analogues, sur des cada- vres humains, dans des cas d'obturation maladive des conduits biliaires, et les conclusions à en tirer ne laisseraient place au doute que quand il y avait en même temps jaunisse géné- rale (7). Les lymphatiques de la matrice se dilatent chez les femmes enceintes, comme ceux des mamelles chez les {i) Hildebrandt, Anatomie, t. III, p. 108, (2) Yoigtel, loc. cit., 1. 1, p. 510. (3) Recherches expérimentales sur la diijestion ^ Irad. par A. J. L. Jourdan, l'avis, 1827, t. II, p, 5. (4) Bieschet, Le système lymphatique, raiis,1836, in-8, p. 214. (5) Essai sur les vaisseaux lymphatiques. (6j Précis d'anal, pathol., Paris. 182y, 1. 1, p. 560. (7) Magendie, Journal, t. Il, p. 282. 104 DE LA RÉSOnPTION. nourrices (1), et quand la sécrétion de lait se dérange chez ces dernières, il survient un gonflement douloureux des glan- des de Taisselle. La graisse libre que Ribes (2) a trouvée dans le sang, et non dans la lymphe , pouvait tout aussi bien pro- venir du chyle qu'avoir été absorbée. 3° Plusieurs observateurs (3), notamment Mascagni , ont remarqué souvent, dans les extravasations , que les vaisseaux lymphatiques étaient pleins de sang. Magendie (4) objecte , et Andral emploie le même argument (5) , que la lymphe , celle surtout du canal thoracique , a quelquefois une teinte de sang, quoiqu'il n'y ait pas d'extravasation, tandis que fré- quemment elle est claire comme de l'eau , bien que celte der- nière existe. Mais il n'a jamais été prétendu que le sang fût absorbé dans tous les cas , et il n'y a possibilité de confondre la lymphe rougie avec du sang absorbé que quand on ne fait point attention aux circonstances de localité. Foderà (6) ap- pliqua une double ligature à une portion d'intestin d'un Lapin, et y fit une incision ; au bout de quelque temps, les lympha- tiques du point blessé s'emplirent de sang. Lauth(7), ouvrant le corps d'un Loup qui avait été tué d'un coup de feu à la poi- trine, trouva les lymphatiques de la paroi pectorale d'un rouge foncé jusqu'à leurs gangUons , au delà desquels ils étaient in- colorés. GoUard de Martigny (8) assure également que les lymphatiques admettent du sang lorsqu'en gênant le courant veineux d'un membre , on détermine une pléthore factice dans ce dernier. Ces vaisseaux s'emplissent quelquefois d'air dans la putréfaction , au dire de Sœmmerring (9), et dans Temphy- sime , selon Mascagni , qui a également observé , dans les (1) Sœmmerring, Gefœsslehre, p. 504. (2) Mém. de la Soc. méd. d'émulation, Paris, 4817, t. "VIII, p. 616. — Mémoires et observations d'anatomie, de patholoyie et de chirurgie. Paris, 1841, t. I, p. 25. (3) Voigtel, loc. cit., t. I, p. 508. (4) Précis élémentaire, t. II, p. 186. (5) Journal de Maijendie, t. II, p. 280. (6) Rech. eœpérim. sur Vabsorption et V exhalation, Paris, 1824, p. 69. (7) Essai sur les vaiss. h/mphat., p. 61. (8) Journal de Magendie, t. VIII, p. 208, (9) Gefœsslehre, p. 492. DE LA RÉSORPTION. 1 o5 cas d'épanchemens d'autres liquides , la similitude parfaite entre ces derniers et le contenu des vaisseaux lymphatiques voisins. 4° Les ganglions lymphatiques se gonflent souvent dans le voisinage d'un organe vers lequel les sucs affluent d'une ma- nière extraordinaire ou anormale , en raison de l'exaltalioa de l'activité vitale , par exemple sous le menton dans la den- tition difficile , aux aines quand l'accroissement se fait avec rapidité (§ 555 , 1°) , aux aisselles lorsque la sécrétion du lait commence, et au voisinage des parties atteintes de rhuma- tisme ou d'une autre inflammation. De même aussi, dans les cas d'ulcère, de carie , de cancer, etc. , les vaisseaux lym- phatiques de la partie malade se dessinent souvent sous la forme de cordons noueux , et l'on peut présumer qu'ils re- çoivent les substances sorties du mélange organique , pour les transformer en quelque sorte pendant leur trajet , et les rendre plus propres à être admises dans le sang. Du pus a également été rencontré dans les lymphatiques d'organes sup- purans , par Dupuytren, Velpeau, Portai et autres (1), et dans ceux qui avoisinaient un cas de tumeur blanche au genou par CoUard de Marligny (2) ; Andral (3) a observé de la matière carcinomateuse dans le canal'thoracique, chez une femme at- teinte de cancer à la matrice : Astley Cooper(4) et Rust (5) en ont vu dans les lymphatiques de testicules frappés de sarcome , ainsi' que dans le canal thoracique. Les lympha- tiques ont offert des amas calcaires dans la carie , au dire de Sœmmerring , et dans les gonflemens des os, suivant Olto; le canal thoracique en contient , d'après Cheslon (6), dans le spina ventosa. Magendie (7) objecte contre ces observa- lions , qu'on ne s'est pas suffisamment convaincu de l'identité (1) Journal de Maijendie, t. II, p. 9. —Andral, Précis d'anat. path., t. II, p. 442. (2) Journal de Magendie, t. VIII, p. 198. (3) Précis d'anat. paihol., t. Il, p. 439, 445.' (4) IsenCamm, Bcitrœijefuer die Zeryliederungskunst, 1. 1, p. 52. (5) Ilorn, Nettes Archiv, 1815, p. 73-1. (6) Slieldon, Tke Mstorij of tho absorbent system^ p. 30. (7) Précis élémentaire, t. H, p. 193. I06 DE EA RÉSORPTION. du liquide contenu dans les lymphatiques avec celui des ulcères , et que , quand bien même ce liquide eût été seule- ment du pus , il aurait pu être produit dans les vaisseaux eux- mêmes. Cependant ces objections n'atteignent pas tous les faits indistinctement , et le gonflement visible des lymphati- ques provenant d'une partie qui suppure , parle plus en fa- veur d'un passage en nature que de toute autre hypothèse. - A la vérité , il demeure difficile de comprendre comment les globules du pus peuvent arriver dans les lymphatiques sans orifices béans; mais la même difficulté s'élève contre l'absorp- tion par les veines , et il ne répugne pas de penser que le pus imbibe les parois sous la forme purement liquide , qu'il ne prend celle de globules qu'après avoir pénétré dans l'in- térieur des vaisseaux (§ 855, VI}. Nul doute que le pus ne puisse être absorbé également par les veines, quoiqu'il se forme aussi avec beaucoup de facilité dans leur intérieur même , comme l'a démontré spécialement Cruveilhier (1). Si Gendrin (2) en a trouvé dans les lymphatiques efFérens du mésentère, il en a rencontré aussi dans les veines. Eibes en a vu (3) dans des veines , sans que celles-ci fussent enflam- mées, chez des personnes atteintes d'ulcères. Blondel (4) en a reconnu également dans les lymphatiques des parties sup- purantes. Les veines ont plusieurs fois offert de la matière encéphaloide ou carcinomateuse dans les tubercules et le cancer (5), quoiqu'il fût possible ici que la dégénérescence se fût propagée par infection à ces vaisseaux. 5o A l'ouverture des cadavres des hydropiques , on trouve en général les vaisseaux lymphatiques gorgés de liquide , probablement parce que l'atonie les a mis hors d'état de transporter plus loin la sérosité sécrétée en trop grande abon- dance qu'ils ont résorbée. Aussi a-t-on attribué cette ma- (1) Anatomie 'pathologique, livraisons 2, dl, 13, 27, in-fol., fig. col. (2) Histoire anat. des inflammations , t. II, p. 95. (3) Mém. de la Soc. méd. d'émulation, Paris, 1817, t. VIII, p. 608. — Mémoires et observations d'anatomie, de pathologie et de chirurgie, Paris, 1841, t. I, p. 17. (4) Foderà, Jiecherches sur l'absorption, p. 69. (5) Journal de Magendie, t. YIII, p. 198. DE LA RÉSORPTION. IO7 ladie et l'œdème à la stagnation de la lymphe (1). Mais si, comme l'a observé, par exemple, Bouillaud (2), l'œdème a lieu dans le cas d'obstruction des veines d'un membre par des caillots ou par une tumeur qui les comprime , ou s'il est bien vrai qu'une gêne de la circulation hépatique en- traîne l'ascite à sa suite , ce ne sont point là encore des preuves que la congestion séreuse tienne à la suspension de la résorption par les veines (3) ; car elle peut, loin de là, dépendre d'un accroissement de sécrétion, occasioné lui même par l'accumulation du sang dans les vaisseaux capil- laires (4). Une ligature fortement serrée autour d'un mem- bre détermine l'œdème ; mais , en pareil cas , la compres- sion porte également sur les lymphatiques et sur les veines. Enlin ,dans les cas où l'œdème ne survientpoint après l'extir- pation de ganglions axillaires malades, il n'est démontré ni qu'il n'est pas resté de ganglions intacts , ni que la lymphe , trou- vant ses ganglious obstrués, ne s'est point frayé d'autres voies. Astley Cooper (5), ayant lié le canal thoracique gauche sur un Chien, trouva fortement distendus les vaisseaux lymphatiques des membres , principalement de la patte antérieure gauche , et ceux du côté gauche du cou. D'après toutes ces considérations réunies , nous paraissons être en droit d'admettre que , dans l'état ordinaire , la résorp- tion est opérée par les vaisseaux lymphatiques. § 912. Le liquide parvenu de cette manière dans les vais- seaux lymphatiques, porte le nom de Ijmphe. On n'a eu, jusqu'à présent , qu'un assez petit nombre d'occasions de l'étudier avec soin. Brande (6), Magendie et Chevreul (7). (1) Ilaller, Elem. physiol.^ 1. 1, p. 167. — Oudemann, De venarum fa- Iricâ et actione , p. 85. (2) Journal do Mayendie, t. Ill, p. 89, (^)'i(ii^,im\\Q, Leçons sur les phén. physiques de la vie,i.\, p. 81. (4) Oudemann, De venarum fabricâ et actione, p. 43, — Hewson, Ea;- perimental inquiries , t. III. p. 141. (5) Isenflamm , Loc. cit., t. I, p. 62. (6) Mcckel, Deutsches Jrchiv, t. II, p. 283. (7) Magendie, Précis de physiologie, t. II, p. 171. I08 DE LA RÊSORPTIONo Gmelin et A. MuUer (1), Gmelin et Tiedemann (2), ont exa- miné le contenu du canal tlioracique che;z des animaux qui étaient demeurés long-temps sans nourriture : à la vérité, il y a impossibilité de déterminer en pareil cas s'il n'est pas demeuré un peu de chyle dans le conduit , ou si les restes d'alimens contenus dans le tube di{3[estif n'en ont point fourni une cer- taine quantité, qui a passé dans le système lymphatique. La lymphe provenant des vaisseaux de parties autres que l'in- testin, a été examinée chez les Bœufs par Desgenettes (3), puis avec plus de soin, chez les Chevaux , par Reuss et Em- mert (4) Tiedemann et Gmelin , A. Muller et Gmelin (5), Leuret et Lassaigne (6), enfin chez les Grenouilles par J. Mul - 1er (7). La lymphe humaine dont on a étudié les propriétés avait été obtenue de tumeurs lymphatiques par Fr. Nasse (8), Friedrich (9) et Krimer (10), de plaies] non cicatrisées par Sœmmerring(ll) , G. Nasse (12), J. Muller (13) , Trog (14), Marchand et Colberg (15). 1° La lymphe est très-coulante , claire , généralement incolore ou d'une teinte tirant un peu sur le jaunâtre ou le verdâtre , inodore , et d'une saveur légèrement salée. Elle est neutre suivant Brande, alcaline selon Tiedemann et Gmelin , Reuss et Emmert, Leuret et Lassaigne , H. Nasse et Trog. Sa pesanteur spécifique a été trouvée de 1022 par Ma- gendie, de 1037 par Marchand et Colberg, de 1045 par Kri- (I) A. Muller, -Diis. expérimenta circa chylum systens.Keidéïberg, 1819. {2)Iiech. sur la dig., trad. par A. J. H. Jourdan.Turis, 1827, t. II, p. 92. (3) Schreger, Theoretische und praktische Beitrœge zur Cultur der Saugaderlehre, p, 237. (4) Scherer, Allgemeines Journal der Chemie, t. V, p. 691. (5) Loc, cit. (6) Recherches sur la digestion. Paris, 1825, p. 142. (7) Gilbert, Annalen der Physikund Chemie, CI, p. 515. (8) Horn, Neues Archi^>,\S>il, 1. 1, p. 382. (9)7Wd.,1819, t. I, p. 363. (10) Versuch einer Physiologie des Bluts, p. 147. (II) Gefœsslehre, p. 542. (12) Zeitschrift fuer Physiologie.^ t. V, p. 21. (13) Gilbert, Annalen, t. CI, p. 513. {ik)Diss. de lympha. Halle, 1737. (15) Gilbert, Annalen, t. CXIX, p. 647. l DÉ LÀ RÉSOHPTIO]??.' iOCf mer. Dans le cas observé par Sœmmerring, elle laissa à l'éva- poration un résidu visqueux , jaune doré, translucide, sur le- quel se montrèrent, plus tard quelques cristaux salins ; ré- duite à moitié par l'action du feu, elle devint géiatiniforme. Brande a trouvé que cet extrait verdissait les couleurs bleues végétales. Suivant Sœmmerring , la lymphe ne se putréfie qu'au bout de quelques semaines. 2° Ce liquide contient , comme l'a découvert Hewson , des corpuscules sphériques, translucides , incolores ou blanchâ- tres , insolubles dans l'eau , qui , d'après Wagner, ont, chez les Mammifères , leur surface garnie de fines granulations , et un diamètre la plupart du temps de 0,0040 ligne. Chez l'homme , leur volume varie , au dire de G. Nasse : suivant Berres (1), ils n'ont que 0,0005 à 0,0012 ligne, et sont en partie de forme allongée ou ovalaire. 3» Hors du corps , la lymphe se coagule au bout d'environ un quart d'heure , comme l'avait déjà remarqué Diemerbroek. Elle se comporte alors comme le sang, c'est-à-dire qu'elle se sépare en deux portions , la sérosité et le caillot. Prove- nant de vaisseaux à l'état normal ou blessés , elle ne se coa- gule souvent qu'avec lenteur et d'une manière incomplète , même insensible. Le caillot apparaît tantôt sous la forme de petits flocons ou d'un tissu semblable à une toile d'arai- gnée, tantôt sous celle d'une masse gélatineuse. Il s'élève à 0,0030 de la lymphe, selon Desgenettes; 0,0050, suivant Gmelin; 0,0066, d'après H. Nasse. La lymphe obtenue de tu- meurs lymphatiques se coagulait promptement, et donnait d'après Friedrich 0,0144, suivant Krimer 0,1900 de caillot. Leuret et Lassaigne disent que sa coagulation s'opère aussi dans le vide, dans le gaz hydrogène et dans le gaz acide carbonique. 4° Le caillot consiste en fibrine (qui, d'après Desgenettes, forme, à l'état sec, 0,0008 de la lymphe), avec une portion des granulations chyleuses. Magendie lui a trouvé, chez les animaux soumis au jeûne , une couleur rougeâtre , qui deve- nait écarlate dans le gaz oxygène , et purpurine dans le gaz (4) Analoviie der viikroskopischeii Gebilde des menschlichen Kœrpers , p. 72. 110 DE lA RÉSORPTION. acide carbonique. Celui qui provenait de la lymphe des tu- meurs lymphatiques rougissait à Tair , d'après Friedrich ; suivant F. Nasse, le nitrate de potasse, le chlorure de so- dium et le gaz oxygène le rendaient rutilant, tandis que le gaz acide carbonique lui faisait prendre une teinte foncée. 5° Le sérum est un peu jaunâtre, et verdit les couleurs bleues végétales. Sœmmerring et Brande ont vu l'alcool et les acides ne le troubler que faiblement. Suivant H. Nasse , au contraire , ces réactifs y font naître des flocons , et le ni- trate d'argent ou le sublimé corrosif y produit un précipité caséiforme. D'après Reuss et Emmert , il laisse , après avoir été desséché, 0,0375 de résidu. On y a trouvé de l'albumine et des sels , en partie aussi de l'osmazome , de la ptyaline et de la graisse , à l'état de combinaison. Les sels sont , suivant Chevreul , du chlorure de sodium et du carbonate de soude , du phosphate de chaux et de magnésie , et du carbonate cal- caire ; d'après Leuret et Lassaigne , de la soude , du chlorure de sodium et de potassium , et du phosphate de chaux ; selon Tiedemann et Gmelin , du carbonate , du sulfate et de l'acé- tate de potasse et de soude , avec des chlorures de potassium et de sodium ; le chlorure de sodium y prédomine , et Che- vreul l'évalue à 0,0061 de la lymphe. 6» La proportion des principes constituans était : Eau.. : : , Fibrine. . . Albumine. , Sels Sels avec ptya- line. . . . Sels avec os jnazome . Osmazome. Graisse. < , CHEZ LE CHEVAL. CHEZ LE CHIEN. d'après Chevreul. d'après Reuss et d'après Lassaigne. d'après Gmelin. Emmert. 9694 925o 9610 9264 3o 33 25 42 376 574 143 275 21 69 610 84 CHEZ L HOMME. d'après Marcband elColberg. 9693 52 43 3l 26 d'après Krimer, 9168 =49 583 DE lA. RÉSORPTION. ï 1 î § 913. Nous avons encore à examiner les objections qu'on a élevées contre l'opinion qui regarde la lymphe comme un produit de la résorption. Bleuland (1) , en se fondant sur Bar- tholin , Nuck et Berger, admettait que les vaisseaux lympha- Ihiques sont la continuation des artères , et que celles-ci dé- génèrent d'un côté en veines qui rapportent le sang , d'un autre côté en vaisseaux séreux ( § 703) , en veines séreuses, c'est-à-dire en lymphatiques. Il paraît vraisemblable aussi à Magendie (2) que la lymphe est la portion du sang que les veines ne ramènent point. Mais , s'il en était ainsi , on n'entre- verrait pas dans quel but la lymphe aurait des vaisseaux à elle propres, par le moyen desquels elle serait conduite à la niasse du sang , sans entrer en conflit avec d'autres tissus. Est-ce que cette séparation du sang veineux d'avec la lymphe le rendrait apte à remplir ses fonctions ? Pour ce qui concerne la sécrétion , ceci ne pourrait avoir lieu qu'à l'égard du foie, et non par rapport à d'autres organes. Quant à la conjecture que cette diminution de la masse du sang favorise l'action absorbante des veines ( § 906 , 4° ) , ce qui parle contre elle , c'est que les poumons, dans lesquels l'absorption par les veines est normale et active au plus haut degré , contien- nent un sang chargé de la lymphe du corps entier. D'après l'opinion dominante , la lymphe est assimilée au sang dans ses ganglions : suivant la conjecture en question , cette as- similation serait superflue , et Magendie dit même qu'on ne voit pas quelle peut être la fonction des ganglions. Les vais- seaux lymphatiques du mésentère ont la même structure , le même courant, le même tronc commun, et hors du temps de la digestion le même contenu que ceux d'autres organes, no- tamment des parties où il ne s'accomplit pas d'absorption , mais seulement une résorption; or, comme les premiers absor- bent de toute évidence , les autres doivent avoir aussi la môme fonction. La fonction absorbante n'est plus prononcée dans les lymphatiques des organes digestifs que parce que ces vaisseaux y sont consacrés d'une manière toute spéciale (1) E.vperimentun anatomicum, p. 5, 32, (2) Précis élémentaire dephijsiolorjie, t. II, p. 196. llîi DE LÀ RÉSORPTION. ù l'admission de la substance organique de nouvelle formation, et que celle-ci frappe davantage les yeux , en raison de sa couleur blanche , quoiqu'elle ne diffère en rien d'essentiel de la lymphe proprement dite (§ 949). L'assertion de Magendie, que les lymphatiques intestinaux ne peuvent absorber autre chose que du chyle , est réfutée par les faits cités précédem- ment (§902,9°). l*' Magendie fonde principalement son opinion sur l'analo- gie entre la lymphe et le sérum du sang (§ 664 ) , de laquelle il conclut l'identité des deux liquides. Hamberger et Lassus avaient déjà reconnu cette analogie ; Hewson dit (1) que la lymphe ressemble tout-à-fait à la lymphe coagulable du sang, et Muller (2) dit positivement qu'elle est ce qu'il nomme li- quor sanguinis. Mais cette liqueur du sang n'est que du sang sans globules ; et comme la lymphe contient des globules, elle serait alors du sang complet , à la couleur près seulement. Si elle a été produite par résorption , et qu'elle ait besoin de transformation pour devenir sang, il faut bien qu'elle ressem- ble plus ou moins à ce dernier ; mais elle a encore davantage d'analogie avec le chyle , qui cependant ne provient pas d'elle assurément. 2° Muller allègue (3) que , chez les Grenouilles , la sous- traction prolongée de la nourriture fait perdre à la lymphe sa coagulabilité, en même temps qu'elle dépouille le sang de la sienne. Mais ce trait de ressemblance entre les deux liquides doit finir par se prononcer chez des animaux capables de supporter la faim très-long-temps, lorsqu'il ne se forme plus de fibrine et que les organes retiennent avec ténacité le peu qui en reste encore dans l'économie : auparavant , l'in- verse doit avoir lieu. Il résulte des observations de CoUard de Martigny (4) que la fibrine , en diminuant dans le sang , de- vient plus abondante dans la lymphe , et que les vaisseaux lymphatiques sont plus pleins lorsque les vaisseaux sanguins (1) Expérimental inquirifis, t. III, p. 406. — Easpail, Nouveau système de chimie organique. Paris 4838, t. III, p. 224. (2) Flandl/uch der Physiologie^ t. I, p. 348. (3) Ibid., p. 261. (4) Journal de Magendie, t. VIII, p. 203. DE LA RÉSORPTION. 1 1 5 contiennent moins de sang (§ 906, 4"), de même que leur calibre augmente chez les hydropiques amaigris , tandis qu'on le trouve plus petit chez les per^sonnes chargées d'embon- point (i). Ainsi Magendie (2) ne les a rencontrés la plupart du temps qu'humides à la tête , au col et aux membres ; sur les côtés de la colonne vertébrale, dans le bassin, à la veine cave, à la veine porte, au foie, ils étaient plus fréquemment pleins ; mais jamais le canal thoracique n'était vide. '6° Une autre raison qu'invoque ce physiologiste (3) , est la différence existante entre la lymphe et le liquide tant du tissu cellulaire que des sacs séreux, qui cependant est résorbé. Mais , de même que ce liquide , la lymphe est une dissolution limpide d'albumine et de sels , et elle diffère moins de lui qu'il ne diffère lui-même du sang , d'où cependant il provient. Comme on ne peut méconnaître une transformation dans la sé- crétion , il peut y en avoir une aussi dans la formation de la lymphe (§916). 4° Magendie se fonde encore sur ce que la lymphe de toutes les parties du corps est la même , malgré la diversité des liquides à résorber que ces parties contiennent. Mais elle se compose en grande partie d'eau , d'albumine et de sels , c'est-à-dire de substances communes à tout l'organisme , qui existent partout dans l'économie , et le chyle , quoiqu'il ré- sulte d'alimens très-dissemblables et de sucs digestifs variés , n'en est pas moins toujours le même quant aux propriétés es- sentielles. D'ailleurs , la lymphe de quelques organes offre des caractères particuliers , au dire de Mascagni et de Weber ; et si ces particularités ne sont pas palpables, nous devons nous rappeler que le sang veineux des diverses parties du corps doit nécessairement en présenter aussi , qui ne tombent pas davantage sous nos sens (§ 887, IV). 5" Haller (4) ayant , comme d'autres anatomistes , fait passer des injections des artères dans les lymphatiques , avait tenu (1) lîaase, De vasis ctitis et iniestiiinrum ahsorhentihiis^ p. 2. (2) Précis élémentaire, t. II, p. 198. (3) Ihid., p. 177. Cl) Klom.'phijsinl.^ I.I, p. 4 OS. IX. 8 'Il 4 DE LA RÉSOSPTIONc pour certain , d'après cela , que ces derniers naissent des ca- pillaires , soit immédiatement , soit par des canaux intermé- diaires. Cette opinion a été complètement réfutée par Monro (1); mais Magendie prétend encore , après Bleuland , que les ar- tères semblent se continuer sans interruption avec les lym- phatiques. On peut répondre que le passage des injections est un phénomène extrêmement rare, toul-à-fait exceptionnel par conséquent , et qui peut dépendre d'une déchirure , comme Hewson l'affirme (2) , d'après ses expériences. De plus , il n'y a pas impossibilité de pénétration , puisque les parois minces des capillaires et des lymphatiques appliqués les uns contre les autres , comme aussi les capillaires qui se répandent sur les parois des lymphatiques et les lymphatiques qui naissent des parois artérielles, permettent à l'imbibition d'avoir lieu. Mascagni, en injectant dans les artères une dissolution d'îch- thyocolle chargée de cinabre, a vu le liquide incolore suinter dans le tissu cellulaire , et passer de là dans les vaisseaux lymphatiques. Il arrive aussi quelquefois de la même manière que ces derniers se remplissent de liquide provenant des conduits sécrétoires (§ 904, 6°) , d'où il est clair qu'ils sont accessibles de différens côtés , et que leurs relations ne se bornent pas exclusivement aux artères. Panizza (3) a vu par- fois, chez les animaux , les injections passer de certaines ar- tères dans les lymphatiques; mais jamais il n'a aperçu de continuité entre ces deux ordres de vaisseaux. Les recherches de Fohmann (4) sont d'accord avec les siennes sous ce rap- port, ainsi que les résultats précédemment indiqués (§ 904, 3°), à l'égard des radicules. Les lymphatiques les plus déliés sont beaucoup plus gros que les capillaires chariantdu sang (5); ils devraient donc , s'ils communiquaient avec ces derniers , pou- voir facilement admettre du sang entier : Krause , par exem- (1) De vasis lymphaticis. Berlin, 1757. (2) Expérimental inquiries, t. III, p. 470. (3) Osservazioni^ p. 41. (4) Mém, sur les communications des vaiss. lympJi, avec les veines . p. 5. (5) Hildebrandt, Anatomie, t. III, p. 102. k DE LA RÉSORPTIONo 1 1 5 pie (1), a trouvé leur diamètre de 0,007 ligfne , tandis que, d'après Muller (2) , les moindres capillaires des villosités in- testinales du Veau ont jusqu'à 0,006 ligne. C'est aussi par le seul secours de la pénétration à travers les lymphatiques qui prennent leurs racines dans les parois des vaisseaux sanguins, ou des artérioles qui se répandent à leur surface, qu'on peut expliquer (3) comment des substances injectées dans les veines d'animaux vivans apparaissent au bont de quelques minutes dans le système lymphatique (4) ; car Hering, entre autres (5), a retrouvé dans le canal thoracique, au bout d'une à cinq mi- nutes , le cyanure de potassium qu'il avait injecté dans la veine jugulaire de Chevaux. Si Magendie (6) a vu les lympha- tiques extraordinairement distendus par la lymphe, sur des Chevaux dans les veines desquels il avait poussé trente litres d'air, c'est qu'ici la réplétion des veines avait empêché le canal thoracique de se vider, et probablement aussi qu'il avait pénétré de l'air dans le système lymphatique. § 914. Quant aux lois de la résorption ^ I. On doit d'abord les étudier d'une manière générale. 1° La résorption est déterminée , comme l'absorption (§ 906 , 4°j , par l'état de plénitude ou de vacuité du système sanguin. Lorsqu'on prend peu de nourriture, et que les pertes continuellement faites par le sang ne sont point réparées du dehors , les lymphatiques absorbent davantage dans leur propre corps. C'est par ce fait que les médecins ont été con- duits à employer la faim comme moyen de traitement dans des maladies où il est à désirer que la résorption s'accomplisse d'une manière plus active. Magendie avait déjà remarqué (,7) que les vaisseaux lymphatiques étaient plus pleins chez les animaux qui sont demeurés un long espace de temps sans re- cevoir de nourriture , et CoUard de Marligny (8) a donné une (1) Muller, Arcliiv fuer Anatomic^ 1837, p. 5. (2) Handôuch der Physioloyie, t. I, p. 252. (3) Foderà, Recherches sur l'absorption^ p. 47, (^) Magendie, Précis, t. II, p. 325. (5) Zeilschrift fuer Physiologie^ t. \, p. 125. (6) Leçons sur les phén. de la vie, t. I, p. 80. (7) Précis\cléme7itaire, t. II, p. 199. (8) Journal de M.igendie, t. VIII, p. 477-203. Ïl6 DE lA RÉSORPtION. plus grande extension à ces expériences. D'après les obser- vations qu'il a faites sur des Chiens mis à la diète , la résorp- tion est tellement accrue durant le cours de la seconde se- maine , que le système lymphatique entier se trouve gorgé de lymphe, ceux du mésentère contenant un liquide coagulable, transparent , blanchâtre ou légèrement rosé ; pendant la troi- sième ou la quatrième semaine , ce liquide diminue ; à partir de cette époque , îe canal intestinal ne contient plus qu'un peu de lymphe , qui paraît provenir seulement des vis- cères. Une diminution immédiate de la masse des humeurs entraîne naturellement des résultats analogues. En effet , les saignées et les purgations , employées d'ailleurs dans des cir- constances favorables, peuvent guérir les hydropisies et autres maladies de ce genre , en activant la résorption. La graisse que Marshall Hall (1) a trouvée dans le sang des animaux morts d'hémorrhagie, y était sans doute arrivée par résorption. 2° Les liquides organiques sont les substances dont la ré- sorption s'empare avec le plus de promptitude et d'énergie ; viennent ensuite le tissu cellulaire, puis les muscles; les os s'y prêtent moins , et les autres tissus scléreux moins encore ; au dernier rang sont placés les tissus épidermatiques. Ainsi l'épiderme n'est point attaqué par une suppuration qui se forme au dessous de lui : il éprouve seulement de la disten- sion , jusqu'à ce qu'il crève, comme on le remarque surtout dans les endroits oii il a beaucoup d'épaisseur, par exemple, à la paume des mains et à la plante des pieds. Ce qui rend le panaris si douloureux , c'est que l'épiderme est gêné dans son expansion par la présence de l'ongle , tandis que partout ail- leurs on peut le ramollir et le rendre plus extensible par l'ap- plication de corps humides. On ne saurait donc faire valoir comme un argument contre le renouvellement incessant de la matière (§ 909, III) , qu'après l'usage du nitrate d'argent à l'intérieur , la peau conserve souvent une teinte bleuâtre ou noirâtre pendant plusieurs années , et que les figures colorées dont les soldats , les matelots et les sauvages ont coutume de se tatouer, durent parfois toute la vie (2) ; car ces colorations (i) Archives (jôncralc.9, 2<' série, t. II, p. 380. (2) Mageiulie, P?'(.'t"ts clément., t. Il, p. 3!i5. DE LA. RESORPTION. J l 'J n'ont leur siège que dans l'épiderme et le mucus de Malpighi -, et d'un côté , les substances employées pour les produire ont rendu chimiquement insolubles ces parties déjà si rebelles par elles-mêmes à l'absorption , tandis que , d'un autre côté , comme Haller en fait la remarque (1) , elles ont éteint la vita- lité des points sousjacens de la peau , de sorte qu'elles cessent d'être sujettes à leur mue habituelle. Mais, tandis que, d'après les faits qui viennent d'être rapportés, la résorption du liquide correspond à la mollesse et à la solubilité des tissus , elle est déterminée aussi par l'activité conservatrice de l'organisme et par le but auquel tend cette activité. Telle est la raison qui fait que le système nerveux , noyau de l'organisme animal , se conserve , malgré la mollesse de sa substance , au milieu de l'amaigrissement général , et que , sous le rapport de la persévérance , il marche l'égal du tissu tendineux , ou même le surpasse ; tandis que tout vestige de graisse disparaît dans le reste du corps, ce produit animal est respecté par la ré- sorption dans tous les points où sa présence est nécessaire au mécanisme de la vie , par exemple , dans les orbites , à la plante des pieds et au siège. 3° La résorption est en raison inverse de l'absorption , spécialement dans les organes digestifs. Collard de Marti- gny (2) a observé, sur des Chiens, que, pendant la formation du chyle, c'est-à-dire pendant les sept à neuf premières heu- res qui suivent l'ingestion des alimens, les vaisseaux lympha- tiques des autres parties du corps sont presque vides, tandis que, plus tard , et hors du temps de la disgestion , ils s'em- plissent de lymphe. D'après cela, les lymphatiques du canal intestinal et ceux du reste du corps forment , comme les veines, sous le point de vue de leur activité, deux systèmes différens, en antagonisme l'un avec l'autre (3). 4° Un antagonisme entre l'action sécrétoire dirigée de de- dans en dehors et l'action résorbante paraît avoir lieu aussi lorsque des obstructions sont levées et des extravasations ré- (i)Zoc. cit., t. vm, p. II, p. 55. (2) Journal de Magendie, t. VIII, p. 175, d87, 202. (3) Rid.,Y>. 208. Il5 DE LA RÉSORPTION. sorbées par l'effet du vomissement et des spasmes. Ici sem- ble devoir se rapporter le cas observé par Jahn (1), dans lequel la vie , prête à s'éteindre, se manifesta encore par un redoublement de Factivilé du système lymphatique ; il s'agit d'un hydropique chez lequel, au moment de la mort , on vit tout-à-coup disparaître i'enfiiire des mains , puis de la face, et ensuite des jambes , tandis que la vessie se distendit énor- mément. II. A l'égard de la résorption dans les diverses parties du corps : 1° Elle est soumise à la loi générale suivant laquelle toute partie qui ne saurait se maintenir par sa propre vitalité, périt, ou devient la proie de la résorpiion, et s'atrophie, que ce soit parce qu'elle a rempli sa destination , et ne peut plus avoir d'utilité dans l'état auquel sa vie est alors parvenue ( § 909, 5o ) , ou parce qu'elle ne réunit plus les conditions nécessaires à la vie, comme dans l'atrophie du nerf, et des couches optiques après la perte de la vue par une cause ex- térieure , ou enfin parce que l'influence vivifiante du sang et de l'action nerveuse ne s'y fait plus sentir, du moins en pro- portion siijffisanle. Hunier a remarqué que la substance orga- nique de formation récente, comme celle des cicatrices et du cal, est plus facilement résorbée, parce qu'elle a moins de force vitale inhérente. De même, dans les traitemens dont la faim fait la base, les productions anormales sont les premiè- res attaquées et celles qui reçoivent les plus fortes atteintes; sous leur influence, les tumeurs diminuent de jour en jour, et finissent par s'effacer ; les ulcères s'enflamment dans les premiers momens, et deviennent douloureux, mais ne tardent pas à prendre un meilleur aspect ; les parties viciées subissent une mort complète, les bords cailleux disparaissent, la suppu- ration devient moins abondante, les bourgeons charnus se développent d'une manière rapide et régulière, la peau s'al- longe de tous les côtés , et recouvre souvent de très-grandes étendues en fort peu de temps 5 d'anciennes éruptions per- dent bientôt leur auréole rouge, se dessèchent, et tombent (1) Horn, Neues Jrchiv, 1829, p. 333. DE EA RÉSORPTION. I I9 en croûtes , au-dessous desquelles il s'est formé une peau normale (1). 2" Une inflammation accélère la résorption, notamment à l'époque de sa résolution, qui dépend même de ce travail organique, sous l'influence duquel le gonflement se dissipe. Ainsi, la graisse sous-jacente disparaît dans les inflammations de la peau ; et dans celles des muscles, ceux-ci maigrissent, comme le membre entier (2). 3° Une pression mécanique détermine une résorption nor- male, en diminuant la nutrition. Ainsi, une portion de cerveau comprimée par une hydatide ou par quelque autre production pathologique tombe dans l'atrophie ; la peau et les muscles disparaissent par suite d'un décubitus prolongé dans une même attitude ; l'hydrocéphale amincit les os du crâne, les granulations de la dure-mère y creusent des excavations, les fongus de celte membrane les perforent ; la surface des ver- tèbres disparaît par résorption lorsqu'elle se trouve en con- tact avec des tumeurs anévrysmales, et la carie s'empare du diploé mis à nu ; dans la scoliose, les côtes, pressées les unes contre les autres, disparaissent ; la tête d'un os , sortie de son articulation, creuse une nouvelle fosse, pour se loger, dans l'os contre lequel elle presse. Du reste, Hunter a remarqué qu'en cas de compression, il n'y a jamais de résorbé que le côté le plus voisin de la surface extérieure du corps ; ainsi, les abcès des antres maxillaires, des sinus frontaux et du ca- nal nasal, s'ouvrent moins fréquemment dans la cavité nasale qu'à la face ; les corps étrangers tendent constamment à se rapprocher de la peau , et une pression exercée du dedans donne plus facilement lieu à la résorption que celle qui s'ac- complit en sens inverse. Au contraire, la pression due à la pesanteur, dans le système lymphatique, met obstacle à la résorption , ce qui fait que la faiblesse générale causée par une station prolongée , détermine l'enflure des jambes, ou accroît l'œdème , si elles en sont atteintes déjà. (1) Struve, Ueher Diast-Entziehungs-und Ilimyercur in eingewursel- ten chronischen Krankheiten,^. 58. (2) Gendiin , Hist. anat. des inflammations, t. II, p. 197. — E. Le- gallois, Mém. sur les maladies occasionées par la réàorption du pus. ( Journal held. do médecine. Paris, 1829, t. III , p. 166 et suiv.) 120 DE Lk RESORPTION. § 915. La résorption des parties solides suppose que celles- ci ont été fluidifiées. i° Des théories mécaniques faisaient admettre autrefois qu'elles ne font qu'être usées par le mouvement vital, et que cet effet dépend en partie des alternatives de flexion et d'extension des artères qui accompagnent les battemens du cœur, et s'étendent à tout le tissu organique, en partie du frottement que les liquides exercent dans les canaux, notam- ment dans les capillaires (1). Mais, pour réfuter cette hypo- thèse, il suffit d'avoir égard à la résorption de la substance osseuse, dont les fibres ne sont susceptibles ni de se fléchir ni de s'étendre, et qui ne saurait non plus être usée par le courant des liquides. On ne peut donc méconnaître qu'il s'ac- complit une dissolution chimique. 2» Il n'est pas possible de démontrer que cette dissolution consiste en une combustion par le gaz oxygène du sang arté- riel, et que, comme le conjecturait Berzélius (2), cette com- bustion a pour résultat une production d'acide lactique, d'acide phosphorique et d'osmazome ; car la lymphe n'est pas foi^t riche en substances oxydées et en produits de ces trois dernières espèces, qui sont au contraire assez abondans dans les divers organes, puisque la matière cérébrale, si peu apte d'ailleurs à ressentir l'influence de la résorption ( § 914, 2« ), contient environ 0,0130 d'osmazome (§ 792, 12^}, dont la quantité ne s'élève qu'à 0,0031 dans la lymphe (§ 912, 6"). 3» Ce n'était qu'une simple métaphore quand Hunter disait que les vaisseaux lymphatiques rongent les parties solides, comme les chenilles font à l'égard des feuilles. Ces vaisseaux, ainsi que l'a fait remarquer Blainville (3), ne peuvent absor- ber que ce qui a déjà été rendu fluide. Mais la fluidifîcation ne saurait avoir lieu qu'au moyen du liquide entourant toutes les parties, et auquel nous avons donné le nom de suc plasti- que (§ 877, 6o). Nous reconnaissons là, avec Prochaska (4), (1) Haller, Elem. physiolog., t. VIII, P. II, p. 55, (2) Schweigger, Journal fuer Chemie. t. XII, p. 325. (3) D'Héré, De la tiutritinn dans la série des animaux, p. 146. (4) Bemerkunyen ueber den Organismus der menschlichen Kœrpers , p. 105. DE lA RESORPTION. 12 1 Teffet d'une double affinité élective, ou d'un échange muiuel , à peu près semblable à celui qui s'accomplit , dans les pou- mons, entre le sang et l'air ; les organes attirent, du suc pla- stique, les nouveaux matériaux nécessaires à leur propre conservation , et lui restituent ceux qui ont été mis hors de service ; mais, lorsqu'ils n'ont pas la force de se maintenir par cette attraction , le suc nutritif agit sur eux comme sur une substance étrangère, c'est-à-dire qu'il en fluidifie la masse entière , de sorte que leur substance prend la forme pnrticulière dont la nutrition lui avait imprimé le cachet, et revient à une forme plus générale. Voilà comment le sang épanché lui-même peut exercer une action fluidifiante sur les os, et y produire une érosion qui dégénère plus tard en carie (1). 4° Le suc plastique ronge peu à peu les organes , et cette action est insensible à raison de sa continuité ( § 876 ) , ce qui fait qu'on ne l'apprécie que d'après ses effets. Cependant Kaltenbrunner (2) croyait l'avoir vue de ses yeux dans le cas d'accélération morbide de la circulation : il apercevait quel- quefois çà et là , dans les îlots de substance de la nageoire caudale des Poissons et de la membrane natatoire des Gre- nouilles , un mouvement obscur, qui devenait peu à peu plus prononcé, après quoi il voyait des corpuscules libres se réunir ensemble, puis se mouvoir en deux courans opposés , qui for- maient un réseau en s'abouchant ensemble. Ces courans, après en avoir ainsi produit de plus considérables , aboutissaient au capillaire le plus prochain , et ensuite disparaissaient d'eux-mêmes. 5° Les alcalis et les sels neutres accroissent le pouvoir dis- solvant des liquides organiques , et favorisent ainsi la résorp- tion. Les eaux minérales salines agissent surtout avec une grande force , spécialement celles dites du Sprudel à Karls- bad (3), sous l'influence desquelles des fractures depuis long- temps guéries reparaissent par l'effet de la fluidification du cal. Le mercure et l'iode exercent une action analogue , en (d) Burdach, rom Baue und Lehen des Gehirns, t. III, p. 45. (2) Froriep, Notizen, t. XYI , p. 309. (3) Dict. de matière médicale, Paris, 1830, t. II. P- 101». 122 DE LA RÉSORPTION. même temps qu'ils diminuent la force plastique. Mais nous reconnaissons dans les bains de vapeurs animales , qui ont la propriété de faire cesser les contractions et les ankyloses, sans agir ainsi d'une manière hostile , un mode d'action analogue à celui du suc plastique imprégné de chaleur vitale. § 916. Nous avons dit qu'une transformation s'accomplit dans l'intérieur du système lymphatique. I. On en aperçoit déjà quelques vestiges dans les états anor- maux. Dumas (1) admet que le pus peut subir une métamor- phose dans les ganglions lymphatiques ; il en a trouvé les vais- seaux lymphatiques de la matrice pleins à la suite de fièvres puerpérales ; les ganglions auxquels les vaisseaux aboutis- saient étaient tuméfiés et enflammés , mais les vaisseaux effé- rens ne contenaient pas de pus, non plus que le canal thora- cique. Dupuytren a vu aussi (3) , dans un cas d'abcès à la cuisse, le pus s'étendre, dans les lymphatiques, jusqu'aux glandes inguinales , sans qu'il y en eût dans le tronc commun. Des observations analogues ont été faites par Lauth (4), après des épanchemens de sang.Cependant ces faits ne sauraient être cités en preuve d'une transformation opérée dans les ganglions lymphatiques, que par ceux qui ont lu conviction qu'aucune sub- stance ne peut ici , pendant la vie , passer du système lym- phatique dans les veines (§ 900 , II ). II. Des argumens plus concluans sont fournis par les phé- nomènes qui accompagnent la soustraction des alimens. Comme le cours de la lymphe est déterminé principalement par l'ab- sorption des extrémités radiculaires ( § 907 ) , et que l'ab- sorption n'est nulle part ni jamais aussi abondante que dans le canal intestinal pendant la chyhfication , il s'ensuit de là que, quand un certain laps de temps s'écoule sans qu'il y ait de nourriture prise , le courant doit être très-faible dans le canal thoracique , et les caractères que présente alors la lymphe doivent dépendre de la lenteur de sa marche et du plus long séjour qu'elle fait dans le système lymphatique. Gomme aussi (i) Journal de Magendie^ t. X, p. 103. (2) Magendie, Précis élémentaire, t. II, p. 193. (3) Essai sur les vaiss, lymphatiques, p, 61. DE LA RÉSORPTION. 123 la lymphe qui est demeurée long-temps stagnante dans des dilatations variqueuses de ses vaisseaux, offre les mêmes carac- tères , et qu'enfin ceux-ci sont plus prononcés dans le tronc commun que dans les branches radiculaires , la conclusion que nous avons tirée se trouve confirmée de la manière la plus po ■ sitive. 1° Magendie a remarqué (1) qu'après un long jeûne, la lym- phe acquérait une odeur spermatique , et Tiedemann qu'elle se coagulait plus rapidement et d'une manière plus complète. Collard de Martigny (2) a trouvé , chez des Chiens auxquels on refusait toute nourriture, que, pendant les premiers quinze jours, ce liquide était plus riche en principes constituans, plus coagulable et doué d'une odeur plus forte , mais qu'en- suiie il perdait de ses principes et de son odeur, se coagu- lait plus lentement, et finissait par ne plus le faire que d'une manière incomplète. Voici quelle était la proportion des prin- cipes constituans , à partir du moment où les derniers ahmens avaient été pris. Au bout de Au bout de Au bout de 32 heures. 9 jours. 21 jours. Eau et sels 9400 9314 9368 Fibrine 30 58 32 Albumine , graisse et matière colorante 570 628 600. D'après cela, la quantité de fibrine au bout de trente-deux heures était à celle de cette même substance au bout de neuf jours dans la proportion de 100 : 193 , et au bout de vingt- et-un jours dans celle de 100 : 106. Mais laproportion des au- tres substances organiques était pour les deux premières pé- riodes de 100 : 110, pour la première et la troisième de 100 : 105. Une différence analogue entre la lymphe des plexus lom- baires et celle du canal thoracique a été remarquée par Gmelin et A. Muller (3) , sur un Cheval qui n'avait rien mangé depuis vingt-quatre heures , si ce n'est un peu de son -, (1) Précis élémentaire, t. II, p. 131. (2) Journal de Maijendie, t. VIII, p. 483. (3) Diss. expérimenta circa chylum sistens, p. 55. 124 DE LA RÉSORPTION. Lymphe des plexus lombaires. Lymphe du canal ihoracique. Eau 9610 9498 Fibrine 25 42 Albumine. ., ... 175 340 Ptyaline 21 24 Osmazome 69 84. La quantité de la fibrine dans les plexus lombaires était donc à celle de cette substance dans le canal thoracique : : 100 : 168 , tandis que la proportion des autres élémens organi- ques entre les deux lymphes était de 100 : 122. Ainsi, d'après ces expériences, c'est la fibrine qui augmente le plus par Teffet du séjour dans le système lymphatique ; puis viennent l'albu- mine et l'osmazome : la ptyaline est la substance qui augmente le moins. Les observations faites sur la lymphe humaine s'ac- cordent avec ces résultats , quant aux points principaux ; la lymphe provenant 'd'un vaisseau lymphatique blessé donna, d'après H. Nasse, 0,0066 de caillot, tandis que celle qui avait été tirée d'une tumeur lymphatique en fournit 0,0144 sui- vant Friedrich , et que Krimer a trouvé 0,0249 de fibrine dans celle qu'avait donnée une tumeur du même genre. D'a- près cela , et comme la lymphe et le sang sont les seules par- ties organiques dans lesquelles on trouve de la fibrine liquide, nous sommes autorisés à admettre que celle-ci se forme dans l'intérieur du système lymphatique. Le suc plastique ne sau- rait être soumis à l'analyse chimique , et la sécrétion même des sucs séreux , qui , sans nul doute , est reprise en entier par le système lymphatique , ne peut l'être , la plupart du temps , que dans les cas où elle s'est accumulée d'une ma- nière anormale. Mais, si nous calculons d'après les trente-deux analyses qui ont été rapportées précédemment (§ 814 , 1° ) , nous trouvons, l'eau et les sels mis de côté, 0,0296 pour terme moyen de l'albumine , et 0,0061 pour celui des autres substances organiques (osmazome, ptyaline et graisse). Il est donc vraisemblable que , comme le système lymphatique contient également ces substances , elles y arrivent par ab- sorption , que d'un côté il les transforme en partie en fibrine, et d'un autre côté en accroît la quantité , que ce soit d'ailleurs DE lA RÉSORPTION. 125 par l'accession d'une lymphe plus concentrée, provenant de la résorption des tissus solides , ou par l'abandon de son eau aux tissus voisins en vertu de l'imbibition des parois. 2" Hewson (1) pensait que la lymphe acquiert dans ses gan- glions les globules qu'on remarque en elle. Mais, comme Hui- ler a découvert (2) ces globules dans la lymphe du membre inférieur dès avant qu'elle arrivât à des ganglions, on est obligé d'admettre qu'ils se forment dans les radicules. Au reste , ce qui déjà porte à croire que leur production a lieu dans le sys- tème lymphatique même , c'est qu'ils auraient de la peine à s'y introduire du dehors , les parois étant closes de toutes paris ; l es phénomènes de leur coloration ajoutent un degré de plus à la vraisemblance de celte hypothèse. 3° Magendie avait remarqué le premier (3) que les ani- maux auxquels on a refusé de la nourriture pendant quatre à cinq jours , ont la lymphe rougeâtre , parfois d'un rouge de garance , quelquefois aussi jaunâtre , mais devenant écarlate dans le gaz oxygène et pourpre dans le gaz acide carboni- que. Tiedemann et Gmelin ont également trouvé la lymphe rouge chez les Chevaux qu'on avait fait jeûner pendant trente à quarante-huit heures , et chez une Brebis qui n'avait pas pris d'alimens depuis quarante-huit heures , le caillot de ce liquide devint rougeâtre à l'air (4). Suivant CoUard de Mar- tigny, lorsque la nourriture a manqué , la lymphe prend une légère teinte rougeâtre , et son caillot devient plus rouge à l'air , y acquiert même une couleur foncée au bout de quinze jours. Les observations suivantes prouvent que cette colora- lion dépend de la prolongation du séjour dans le système lympliaiique. Fr. Nasse (5), fit ouvrir une tumeur lympha- tique située à la face interne de la cuisse ; le caillot de la lymphe qui s'en écoula acquit à l'air , suivant Krimer (6), (1) Expérimental inquiries^ t. III, p. 67. {2) Archiv fuer Anatomie, 1835, p. 143. (3) Précis élàment., t. II, p. 131, 172. (4) Recherches expérimentales sur la diyestioti, trad. par A. J, L. Jour- dan. Paris, dS27, t. II, p. 73. (5) Hoin, Neues Archiv, 1827, t. I, p. 382. (6) Fenuch ciner Plnjsioloijie des JJluts , p. 144. 126 DE LA. RÉSORPTION. une teinte fortement rosée à la surface , et faiblement fleur de pêcher dans l'intérieur ; le gaz acide carbonique la rendit plus sombre , le gaz oxygène et les sels neutres plus ruti- lante. Dans un autre cas (1), une tumeur lymphatique au bras donna , après avoir été ouverte , une lymphe transparente , mais opaline, dont le caillot rougit à l'air. 4° La graisse disparaît assez rapidement par suite de la soustraction des alimens. Cependant elle semble ne pas rester en nature dans le système lymphatique , mais y contracter des combinaisons , ou y subir une décomposition ; car, dans les cas cités précédemment , la lymphe fut toujours trouvée claire et non lactescente. Une circonstance parle en faveur de celte transformation , c'est que , dans les inflammations vives du tissu cellulaire , la graisse se convertit en une bouillie demi-liquide avant de disparaître (2). Treviranus (3) allègue en outre que , chez les Mammifères , on trouve quelquefois une masse gélatiniforme dans des endroits qui d'ordinaire con- tiennent de la graisse. jLII. Plusieurs moyens peuvent concourir à cette transfor- mation. 1° Le premier consiste daus la réunion des lymphes qui proviennent de parties diverses , et qui , par conséquent doi- vent aussi difl"érer entre elles. Ce retour du multiple à l'unité, ou de la diversité à l'uniformité , a lieu surtout pendant le passage à travers les ganglions lymphatiques. Nous en avons pour preuve le nombre et le volume des vaisseaux efférens, qui sont moins considérables que ceux des vaisseaux alîérens, de telle sorte qu'on compte quelquefois quatorze à vingt des premiers pour un des seconds (4) . 2° Mais ce qui doit y contribuer le plus puissamment , c'est la force assimilalrice du sang contenu dans les capillaires qui s'accollent aux parois des lymphatiques , et en grande abon- dance, surtout à celles des ramifications qu'ils fournissent dans l'intérieur desganglions. Le gonflement des ganglions mésenté- (d) Ibid., p. 147. (2) Gendrin, Hist. des inflammations, t, II, p. 197. (3) Biologie, t. IV, p. 512. (4) Sœmmerring, Gefœsslehre, p. 520. DE LA DIGESTION. IS^ riquesasans contredit une grande part aux scrofules, à l'atro- phie et à d'autres maladies dans lesquelles on le rencontre , et comme les vaisseaux que ces ganglions renferment, loin d'être obstrués alors, sont au contraire dilatés, ainsi que l'ont reconnu Sœmmerring, Cruikshank et Brugmanns, c'est là une preuve que les ganglions ne jouent pas seulement le rôle de voie à traverser, qu'ils servent encore par leur action transformante et assimilatrice (1). Aussi leurs affections ne sont-elles pas exclusivement matérielles (§ 903, 1°), et tombent-ils malades par sympathie, dans les troubles du travail plastique. CHAPITRE II. De la digestion. Le corps organique se maintenant par une formation con- tinuelle que lui même accomplit, il a besoin de matériaux particuliers, que le monde extérieur lui fournit sous la forme de substances palpables, qui sont aptes à devenir parties inté- grantes de sa propre substance, et auxquels on donne le nom de nourriture. Mais il ne peut point s'incorporer immédiatement cette matière étrangère à ses organes-, il ne se l'approprie que par degrés ; il en crée d'abord un liquide , qui , étant un de ses produits , participe par cela même à la vie , et fournit les matériaux nécessaires à la formation des organes et des sucs appartenant à ces organes , le suc vital (§ 660_, 3°). Cette conversion de la nourriture en suc vital est ce qu'on appelle nutrition, dans le sens le plus large du mot (§ 778, 1°).A un degré inférieur du développement de la vie , lorsque le contenu de son idée ne s'est point encore manifesté;, et que ses directions diverses n'ont point encore apparu dans la plé- nitude entière de leurs particularités distinctives , la nutrition n'offre pas non plus de périodes séparées. I. Le végétal n'a qu'une surface externe, par laquelle il s'empare des substances étrangères qui lui conviennent , et les introduit dans son intérieur, en vertu d'une attraction élective , mais sans les modifier en rien ; il ne leur fait su- (J) Voigtel, Ilandbuch dor patholoijischen Jnotomie^ t. I, p. 541. laS DE LA DIGESTION. bir ensuite qu'une transformation. La nutrition commencé donc ici dès l'instant même de rabsorplion , et ne se partage pas en différentes périodes ; elle est confondue avec la vie en général. On n'aperçoit pas de degrés dans la formation du- suc vital , et l'on ne parvient point non plus à distinguer ce dernier d'une manière évidente. 1° C'est dans les algues , les champignons et les lichens , que l'opération se trouve réduite à sa plus simple expres- sion ; car ces végétaux ne consistent qu'en une aggrégation de cellules appliquées les unes contre les autres , dont la sur- face entière indistinctement s'empare du liquide qui se ré- pand entre elles et pénètre dans leur intérieur. 2° Cette simplicité devient moins prononcée , sans pour cela disparaître entièrement , lorsque le corps du végéial s'est partagé en deux portions , la tige et la racine , entre lesquelles existe un antagonisme de polarité (1). Une racine , destinée non pas uniquement, comme les fibrilles des plantes dont nous venons de parler , à fixer le végétal dans le lieu de sa station , mais à être le principal organe de l'absorption, ou , en d'autres termes , de la nutrition , apparaît pour la pre- mière fois chez les mousses , qui , d'ailleurs , se composent exclusivement encore de cellules juxia-apposées. Par les vais- seaux ( trachées et leurs modifications) que les fougères pos- sèdent entre leurs cellules , elles font le passage aux végé- taux parfaits, où les conduits intercellulaires (^les vides perma- nens qui existent entre les cellules allongées ou les couches de cellules) paraissent être spécialement chargés de recevoir le hquide qui vient d'être absorbé , la sève , et de le dis- tribuer aux cellules , tout en le conduisant jusqu'au sommet de la plante. Comme il n'y a point encore là de séparation rigoureuse entre les fonctions , la même confusion règne aussi dans le tronc et les racines. Quoique ces dernières soient , de toute évidence , l'organe proprement dit de la nutrition , et qu'elles aient pour destination d'absorber des liquides, elles admettent aussi de l'air, dont l'absorption par elles devient même une condition de la prospérité du végéial. De leur (1) F. V. Raspail, Nouv. système de physiologie végétale. Paris, 4837 , 1. 1, p, 3^i5 et suiv. t)È tA bîGîistinîN;'. 1 5g rôîé , les feuilles ont une vie qui se rapporte d'une mimière toute spéciale à la respiration, et cependant elles absorbent aussi, notamment sous forme vaporeuse , de Vliumidité , qui contribue à la nutrition. Des feuilles détachées , dont on met la page inférieure en contact avec Teau , non seulement con- servent pendant long-temps leur fraîcheur , comme Ta ob- servé Ch. Bonnet, mais encore augmentent de poids durant un certain laps de temps , bien qu'on ait eu soin de garnir leur pétiole avec de la cire (1). La rosée et la pluie fine , qui ne pénètrent pas assez avant dans la terre pour pouvoir attein- dre les racines , n'en procurent pas moins aux plantes tous les dehors de la fraîcheur et une augmentation de poids. Les plantes qui croissent sur des roches nues ou dans le sable, tirent presque toute leur nourriture de l'air, et quelques- unes, comme les aloès , les cierges, etc., qui croissent, dans la zone torride, au milieu des sables les plus arides, communiquent même un peu d'humidité au sol qui les en- toure; ïépidendron flos aeris croît suspendu au plafond d'un appartement , et sans avoir la moindre connexion avec la terre ; une branche de vigne que l'on fait passer dans une serre chaude , à travers !a muraille , y fleurit pendant la saison des froids , tandis que le tronc , placé au dehors , de- meure enseveli dans le sommeil d'hiver (2). IL On ne commence que dans le règne animal à rencontrer la digestion, c'est-à-dire la fonction consistant en ce que la nourriture est introduite, par l'effet d'un mouvement particu- lier, dans une cavité ouverte à l'extérieur, où elle subit une élaboration qui la dispose à être absorbée, éprouve des trans- formations, et devient apte à former le suc vital. L'organe digestif est la surface du corps mise en contact avec une ma- tière étrangère, mais tournée vers l'intérieur du corps. L'ani- mal n'est pas réduit comme la plante à une seule surface ex- térieure ; il en a encore une intérieure, qui s'empare d'une bien plus grande quantité de substances étrangères que l'au- tre, et qui devient , dans l'organisme , le sol spécial où s'im- (4) Froricp, Notisen, t. XXIX, p. 2.SJ . (2) Trcviranus, f^om. Bauoder Gownech.te, p, 484. IX, Q l3o DE LA DIGESTION. plantent les racines des vaisseaux absorbans. Tandis que la plante absorbe sa nourriture à l'état grossier, et ne la con- vertit qu'ensuite en son propre tissu, la transformation, chez l'animal , commence dès avant l'absorption , et à la surface tournée en dedans. Le côté extérieur est proportionnellement plus consacré à la vie animale ; il a moins de pénétrabilité, et il offre, pour l'admission des substances du dehors, des ouvertures par le moyen desquelles il communique avec le côté intérieur. Celui-ci , ou la cavité digestive, a par consé- quent une partie périphérique , qui , située immédiatement au pourtour de ces ouvertures, non-seulement confine à la périphérie animale, mais encore lui est soumise, sous le point de vue de sa vitalité, de sorte que le sentiment et le mouve- ment relatifs à la digestion y acquièrent un véritable caractère d'animaUté 5 elle a en outre une partie centrale, plus rappro- chée de l'intérieur, où le caractère végétal prédomine, où le sentiment est obscur et le mouvement involontaire, et qui est le siège du travail proprement dit de l'élaboration et de l'ab- sorption des produits de ce travail. Les deux parties passent insensiblement de l'une à l'autre, sans hmites tranchées, et de telle sorte que la distribution des nerlÈ cérébro-spinaux et sympathiques ne correspond exactement ni au degré de sensibilité générale et sensorielle , ni à celui du mouve- ment volontaire ou involontaire. 1° De même que l'organe digestif de l'embryon se déve- loppe de la vessie ombilicale renfermant la substance plasti- que primordiale , apparaît de meilleure heure que d'autres organes également destinés à la vie plastique, et représente le tronc sur lequel ceux-ci doivent s'enter, de même on com- mence à l'apercevoir, dans la série animale, à un degré où ne se rencontre encore aucun organe spécial de la vie plas- tique. Aussi y a-t-il déjà fort long-temps qu'on a admis des organes de digestion chez tous les animaux sans distinction, et qu'on les a présentés comme ua trait caractéristique de l'animahté (l). En effet , ils ont été démontrés chez plusieurs Infusoires par Leeuwenhoek, Ellis, Spallanzani , Gœze (2) et (1) Haller, loc. cit., t; VI, p. 408, (2) Grant^ OutUnes^ of ccmparutivelanatomy, London, 1838 , p. 305, t)E tA DIGESTION. l3l autres , et chez un plus grand nombre encore de ces êtres par Ehrenberg. Si les animaux les plus petits de tous étaient aussi les plus simples, il suivrait de là que la cavité di.«estive ne manquerait à aucun degré de l'échelle animale ; mais comme la proposition fondamentale manque de justesse, comme il n'y a aucune ligne de démarcation tranchée entre les orga- nisations animale et végétale, on est très-fondé à penser qu'il existe des animaux qui, à l'instar de l'œuf et de la membrane proligère, se nourrissent de la même manière que les plantes, par absorption à leur surface externe. D'ailleurs, on n'a pas trouvé d'organes digestifs chez les Achium et les Scj-phium parmi les Éponges (1), non plus que chez les Acéphalocystes, les Ligules et les Tricuspidaires , parmi les Entozoaires et chez les Bacillaires ; de sorte que Meyen a établi, sous le nom d'Agastriques , une classe d'animaux comprenant les familles des Palmellaires globuleuses et celle des Polypozoaires cylin- driques (2). 2° Là même où l'on découvre un organe de digestion, l'absorption par la peau se montre encore un moyen de nu- trition dans les degrés inférieurs de la série animale. Tel paraît être, chez les Sertulaires et autres Polypiers analogues, le mode d'action de la base, qui se fixe au sol, comme une racine rampante, persiste pendant l'hiver, après la mort des branches , et repousse de nouvelles branches au prin- temps (3). Les Nématoïdes, tant vivansque morts, se gonflent dans l'eau, s'ils étaient secs avant qu'on les y plongeât (4). Chez les Trémaiodes, les pigmens tenus en suspension par l'eau dans laquelle on les a placés, se répandent à travers' toute la substance d'une manière uniforme, et sans qu'on aperçoive la moindre trace de canaux conducteurs (5). Ce mode de nutrition s'accomplit aussi partiellement à un degré plus élevé de la série animale ( § 898, 1°). (i) Schweigger, Handhuch der Natur(jeschichte, p. 372. (2) Nov. nat. acad. nat. cui\ t. XVI , sii|)pl. p. 459. (3) Schweigger, Handhuch, p. 357. (4)Ruilolplii, Entozoorum Mslnria, t. T, p. 250. (o) MehItS, Obsorvationes anutomintje de dùtomate. Gœltingue, 4S25, Î02 m LÀ. DÎGESTIO??. 3° En considérant la digestion, d'abord dans ce qu'elle a d'extérieur, dans ses CTîndiUons matérielles, c'est-à-dire ses organes (§§ 918-922), puis dans les mouvemensqui la consti- tuent ( §§ 923-934), il saute aux yeux que, même sous ce point de vue, la nature ofiVe des formes qui ne sont pas pla- cées au même degré, et qu'il est un de ces derniers où les organes surtout se font remarquer par l'absence de parois propres (§918), la pluralité de cavités toutes égales entre elles (§ 919, 1), la longueur réduite presque à rien (§ 919, II), l'uniformité dans toute l'étendue ( § 920, II), l'absence d'ou- vertures situées à l'opposite l'une de l'autre ( § 920, 1 ), celle d'organes accessoires (§ 922, lY), celle enfin d'un système vasculaire distinct ( § 922, V). Mais le degré de formation des organes digestifs diffère souvent beaucoup de celui de l'or- ganisation entière, et ne s'accorde point avec les systèmes des zoologistes. Il n'est pas rare qu'on trouve des formes supérieures chez des animaux placés très-bas, et vice versa ; ces organes diffèrent beaucoup chez des animaux très-voisins, tandis qu'ils se ressemblent chez des animaux fort éloignés les unsdes autres. L'exposition des formes propres aux diverses classes ou ordres du règne animal appartient donc à la zoologie spéciale , et la physiologie ne doit s'occuper que des traits généraux. ARTICLE I. Des conditions extérieures de la digestion. I . Organisation de l'appareil digestif. A. Substance de Vorgane de la digestion. § 918. La substance de l'appareil qui accomplit la digestion varie beaucoup. lo Au plus bas degré , elle n'est point encore séparée de la masse du corps , dont elle représente seulement la face interne , qui d'ailleurs, comme toute surface , offre un peu plus de densité que le reste , et paraît lisse sous le doigt, sans qu'on puisse néanmoins l'isoler en une couche distincte. C'est ce qui a lieu chez les Cercaires, les Éponges, les Vers DE LA. DIGESTION. l35 cystiques , la plupart des Polypes et quelques Méduses. Ces animaux ressemblent à de simples sacs digestifs ; et quand les cavités sont étroites, proportionnellement à leur longueur, elles fi;;urent des gouttières creusées dans la masse du corps, 2" Chez la plupart des Infusoires, des Méduses et des En- tozouires, comr/ie chez quelques Polypes, les Échinodermes , les Mollusques, les animaux articulés et les vertébrés, la paroi de la cavité digestive consiste en une membrane particulière, qui l'ait antagonisme à la peau , attendu qu'elle s'empare de la matière qu'elle embrasse et renferme, la soumet à sa puis- sance supérieure, et devient le point d'origine du sang, tan- dis que la peau, entourée par le monde extérieur, n'est que touchée par les matières , avec lesquelles elle n'entre guère qu'en un conflit dynamique et mécanique. Entre les deux membranes, il reste un vide dans lequel on ne trouve d'abord, comme organes intermédiaires, que lesovaireS;, par exemple, chez la plupart des Infusoires, quelques Polypes, Méduses et Eniozoaires, mais qui , chez les animaux d'une organisation plus avancée, renferme des organes chargés : les uns, de porter à un plus haut degré de développement ee dont les deux sur- faces se sont emparées (hématose , nutrition, sensation); les autres, d'opérer la phénoménalisation de l'intérieur aux deux surfaces (sécrétion, mouvement). Chez les animaux vertébrés, la paroi de la cavité digestive acquiert un développement su- périeur à celui d'une membrane muqueuse correspondante à la peau ; on peutiadiviser enune tunique celluleuse (§§ 785, 2°; 790, 1" ), analogue au derme proprement dit (§ 791, 5"), quoi- qu'iniinimentplus lâche et plus perméable, et en une tunique villeuse, ou membrane muqueuse dans l'acception restreinte du mot (§§785, 3"; 790, l"), qui, parce qu'elle est une efllorescence de vaisseaux, correspond au corps papillaire de la peau(§ 791, 6'), mais à laquelle l'alïlux d'une plus grande quantité de substance fait prendre les dehors d'une véritable membrane, extrêmement riche en vaisseaux. B. Forme de V organe de la digestion. § 919. Nous avons à examiner la forme de l'organe digestif sous le double point de vue delà quantité et de la qualité. l34 DE LA DIGESTION. 1. FORME DE t'blRGANE DIGESTIF SOUS LE RAPPORT DE tA QUANTITE: En ce qui concerne la quantité proportionnelle des parties homologues : I. Nous trouvons d'abord une différence de nombre. loDes cavités digestives, multiples dans toute leur étendue, se voient chez les Éponges , oii les nombreux orifices exté- rieurs se prolongent en canaux ramifiés et anastomosés, qui pénètrent à travers le tissu du corps entier : chez les Ténias, où les canaux partant des quatre suçoirs se réunissent en deux conduits qui traversent le corps parallèlement l'un à l'autre , et s'unissent ensemble , au bord de chaque anneau , par des branches transversales : chez plusieurs Vers trématodes et acanthocéphales, où les suçoirs aboutissent également à deux canaux qui marchent sur les côtés du corps , mais en se ramifiant ; enfin , peut-être , chez quelques Méduses , par exemple , les Eudora. 2" Le commencement et la fin sont multiples chez plusieurs Acalèphesdiscophores, par exemple, les Rhizostomes , où les canaux qui se rendent des suçoirs aux bras de ce qu'on ap- pelle le pédoncule, se réunissent peu à peu, et finissent par aboutir à une cavité digestive centrale, qui envoie à son tour une multitude de conduits vers la périphérie du disque. 3° Le commencement seul est multiple chez les Vers cys- tiques , où les canaux partant des divers suçoirs s'ouvrent dans une cavité digestive commune : chez quelques Vers ces- toïdes et trématodes, dont les canaux de succion se réunissent en un seul tronc ; enfin dans plusieurs Acalèphes tubuleux et chez quelques animaux articulés , comme les Siphostomes, où les deux œsophages aboutissent à un intestin unique (1), les Punaises, dont les suçoirs mènent à un œsophage , et les Phn- langiiim, OÙ deux ouvertures s' abouchent dans une cavité buc- cale unique (2). 4° Un organe digestif multiple part d'un orifice simple chez les Monades, ou Iniùsoirespolygastriques proprement dits (3), (1) Meckel, System der vergleichenden Jnatomie, t. IV, p. 67. (2) /i2ci.,p. 445. (3) Ehrenberg et Mandl , Traité pratique du microscope et des animaux infusoires. Paris, 4S39, iii-8, p. 436. M ÏA. DieESTlON, l35 à la cavité buccale desquels succèdent effectivement de nom- breux canaux , qui se terminent par des renflemens, et chez quelques Cercaires, où l'on découvre, à la suite du suçoir, un conduit bifurqué, qui traverse le corps entier (1). 5° Un organe digestif simple se voit déjà chez plusieurs In- fusoires , chez quelques Vers cystiques, trématodes et acan- ihocéphales , chez certaines Méduses , chez presque tous les animaux articulés, enfin chez les Polypes, les Échinodermes , les Mollusques et les animaux vertébrés. II. La longueur de l'organe digestif, proportionnellement à celle du corps entier, et en particulier du tronc , contribue , avec la situation de cet organe, à déterminer l'ensemble de sa forme. 1" Lorsqu'il n'est pas plus long que la cavité du tronc , il a une direction droite. C'est ce qu'on observe chez les Infusoi- res poîygastriques et rotateurs, les Acalèphes cténophores et siphonophores , la plupart des Polypes , les Annélides , les Arachnides et les Crustacés , les Lépidoptères parmi les In- sectes , les Biphores parmi les Mollusques, enfin plusieurs Poissons , tels que Cobitis , Syngnathus , Fistularia , etc. Dans les trois premières classes du règne animal, l'organe di- gestif n'est parfaitement tendu que durant les premières pé- riodes de la vie embryonnaire. 2" Lorsque cet organe a un peu plus de longueur, il décrit une courbure, par exemple, chez les Fiustres, parmi les Poly- pes, etles Comatules, parmi les Échinoder mes; ouilaffecte une forme circulaire, comme chez les Vorticelles, parmi les Infu- soires ; ou il s'infléchit à angle plus ou moins droit , descen- dant d'abord de la bouche, puis revenant sur lui-même, comme chez les Comatules. 3" Plusieurs de ces inflexions anguleuses dépendent d'une longueur pius considérable , et varient , dans une seule et même classe , non-seulement sous le rapport du nombre , car on en compte deux seulement chez les Holothuries, et dix chez les Ours'ns , mais encore sous celui de la direction , l'intestin du Siponcle s'infléchissant alternativement d'avant en arrière (1) Sclmejgger, Handbuch der Naturgeschichte , p. 245. ï56 DÉ LA DIGESTION. et d'arrière en avant , dans le sens de la longueur, tandis que les indexions de ceiui des Sabelles sont dirigées transversale- ment à droite et à gauche. Parmi les animaux vertébrés, les Poissons sont ceux principalement chez lesquels on rencontre cette forme. 4" Des inflexions circulaires se voient chez beaucoup de Mollusques et chez la plupart des Insectes. Dans les Poissons, elles sont tantôt concentriques et rangées en manière de dis- que [Salmo rhombeus), tantôt disposées en hélice (Polypterus), ou en masse informe {Cjclopterus lumpris). Les circonvolu- tions pelotonnées sont dominantes chez les Oiseaux et les Mammifères. 5» Bien qu'en général la longueur de l'organe digestif aug- mente à mesure qu'on remonte la série animale, assez d'ex- ceptions s'élèvent contre cette règle pour la détruire presque entièrement. Si l'on prend pour unité la longueur du corps, celle du canal intestinal est 6 chez quelques Annélides [Thalassema) ; 5, chez quelques Poissons (Chromis) ; 4 , chez quelques Oiseaux {Mormon fratercula) ; 3 , chez la Civette. Généralement parlant, elle est plus considérable chez les Her- bivores ; mais elle n'est que de 8 chez les Solipèdes, tandis qu'elle est de 12 chez les Cétacés carnivores ; elle varie , chez les Ruminans, entre 11 (Cerf) et 22 (Bœuf) ; chez les Ron- geurs, entre 5 (Ondatra) et 17 (Agouti). Elle s'élève à 3 chez le Lori ; 6, chez l'Homme; 8, chez les Babouins. 2. FORME DE l'organe DIGESTIF SOUS LE RAPPORT DE LA QUALITÉ. § 920. On doit entendre par qualité de l'organe digestif la manière dont il est conformé dans les différens points de son étendue. Le principe de son développement consiste en ce que la forme est d'abord la même partout, et qu'ensuite elle se nuance, que les parties dissemblables qui se succèdent passent de l'une à l'autre par des gradations insensibles aux échelons inférieurs de la série animale , tandis qu'aux degrés supérieurs des limites plus tranchées se prononcent entre elles, qu'endn, à mesure qu'on s'élève, le nombre des parties similaires di- minue et celui des parties dissimilaires augmente. M lA DIGESTION. 1 5^ Les différences de qualité poilent ou sur la longeur ou sur la laivjeur de l'organe digestif. a. Différences de qualité relatives à la longueur. En considérant l'oi gane digestif sous ce point de vue , il faut placer en première ligne : I» Les différences qu'offre Torifice. 1° Chez quelques animaux inférieurs, l'organe digestif re- présente un canal qui se termine en cul-de-sac à l'intérieur, et qui extérieurement n'a qu'une seule ouverture, ou en mon- tre plusieurs , mais semblables entre elles. Une telle ouver- ture sert autant à l'éjection qu'à l'ingestion, et c'est par abus qu'on lui donne le nom de bouche. Les Insectes à l'état de larve et tous les animaux supérieurs , durant les premières périodes de la vie embryonnaire, offrent une disposition ana- logue sous le rapport de la conformation, mais différente sous celui des usages, la bouche étant l'orifice unique du canal di- gestif, mais ne servant pas à l'éjection du résidu desalimens. Cette forme, persistance pendant toute la vie , appartient aux Monades , aux Vers cystiques , aux Vers cestoïdes , aux Vers trématodes, aux Actinies, aux Astéries, ainsi qu'à la plupart des Polypes et des Acalèphes. 2" Chez les animaux dont l'organe digestif affecte en totalité ou en partie la forme d'un vaisseau , on trouve quelquefois , indépendamment de la bouche , plusieurs autres ouvertures. C'est ce qui a lieu notamment chez quelques Vers trématodes et Méduses. Mais comme ces animaux rejettent par la bouche les restes non digérés de leurs alimens , on est dans le doute de savoir si les ouvertures dont il s'agit sont de véritables anus, ou si elles servent seulement à porter au dehors des liquides sécrétés. On ne sait pas bien non plus si le canal qui part de la cavité digestive, se porte vers la partie postérieure du corps et s'y ouvre à l'extérieur, chez quelques Acalèphes cténo- phores , les Beroe , par exemple , n'a pas pour unique usage de livrer passage à l'eau. Il semble moins douteux que les larges ouvertures des canaux digestifs anastomosés qu'on re- marque chez les Éponges , servent à l'expulsion des excré- l38 DE EA DIGESTION. mens. Lorsque le canal digestif traverse le corps entier, et le perce d'outre en outre, on voit apparaître l'antagonisme d'une bouche , destinée à l'ingestion , qui se rapporte davantage à la vie animale , au sentiment surtout , qui enfin a des connexions plus intimes avec les organes sensoriels, et un anus, consacré à l'éjection , qui se fait remarquer surtout par la faculté mo- tile dont il est pourvu , et au voisinage duquel se trouvent d'autres organes ayant rapport à l'éjection , au mouvement ou au mécanisme. Mais cet anus commence par s'ouvrir à côté de la bouche, dans une fossette commune, chez les Vorlicelles, ou dans la cavité à la fois buccale et respiratoire , chez les Biphores (§ 966, lo). Cette forme résultant de l'inflexion circulaire que décrit le canal digestif, celui-ci affecte une disposition analogue quand l'anus est situé au dessous de la bouche (Flustres), au cou (la plupart des Gastéropodes, et quelques Aonélides , les Siponcles , par exemple) , à la face inférieure, qu'occupe également la bouche (Paramécies) , à la face postérieure, la bouche étant placée en dessous (Bur- saires ) , à la face inférieure , la bouche se trouvant en avant ( Pleuronectes et autres Poissons où la queue , continuation de la colonne vertébrale , ne laisse pas à la cavité du tronc l'es- pace nécessaire pour s'étendre en arrière ). L'antagonisme se prononce au plus haut degré , surtout chez les animaux à corps cylindrique , lorsque l'anus est placé à l'extrémité postérieure de ce corps et la bouche à son extrémité anté- rieure , comme chez quelques Infusoires (Rotateurs), certains Polypes ( Tubulaires ) , divers Acéphales (Pyrosomes), les Nématoïdes , la plupart des Annélides , des articulés propre- ment dits , des Poissons , des Reptiles , et sans exception tous les animaux vertébrés des deux classes supérieures. Mais ce qui prouve combien peu il y a de haison essentielle entre le mode de situation et le reste de l'organisation , c'esl l'exem- ple des Oursins, dont la bouche occupe le milieu de la face inférieure , tandis que l'anus est situé dans son voisinage chez les Scutella , au bord chez les Spatangus , et au milieu de la face supérieure chez les Echimts. IL L'organe digestif se divise en segmens , provenant de ce que , sur certains points de sa longueur, il éprouve un dliaii- DE LA DIGESTION. , 1 Sg gement notable de diamètre , et forme des dilatations dans lesquelles les aliœens ingérés peuvent s'amasser et séjour- ner plus ou moins long-temps. Cette séparation devient plus complète lorsqu'un resserrement en forme de valvule existe entre la partie large et la partie rétrécie , que le tissu acquiert un autre caractère , que le segment sert d'af- fluent à des organes sécrétoires divers , qu'il est appelé à jouer un rôle particulier dans la digestion , enfin que la di- rection change et que les deux parties se joignent sous un angle quelconque. Mais ces différens caractères ne se trou- vent réunis qu'aux échelons supérieurs de !a série animale ; ail- leurs, ils sont tellement isolés, chez les animaux invertébrés sur- tout , qu'ici l'on tomberait dans une grande erreur si l'on vou- lait, prenant pour base l'analogie, établir les divisions clas- siques d'après les mêmes principes que chez les animaux vertébrés ; car, outre le caractère équivoque du diamètre et la rareté des valvules , l'insertion même des organes sécré- toires et la spécialité des fonctions ne sont point liées à une partie déterminée ; ainsi, par exemple, le foie s'abouche avec l'estomac chez la plupart des Gastéropodes , avec l'intestin chez quelques-uns , et même avec l'œsophage chez d'autres. Chez les Insectes , le chyle se forme déjà dans la dilatation cylindrique du canal digestif que nous sommes forcé de re- connaître pour l'estomac , attendu que si l'on voulait la com- parer au duodénum, certains animaux de cette classe seraient totalement dépourvus d'estomac. Et quoique, généralement parlant, les dilatations et coarctations(§ 922) qui ne sont pas placées sur la longueur du canal digestif, mais qui en partent latéralement et n'appartiennent par conséquent point à la carrière que les alimens doivent parcourir de toute nécessité, ne doivent être considérées que comme des appendices , il leur arrive cependant quelquefois de se rapprocher des seg- mens du canal lui-même, et de se confondre avec eux, de ma- nière qu'on a de la peine à poser la limite entre les uns et les autres. \'^ Le canal digestif n'offre pas de segmens distincts chez les animaux sans anus. Il représente tantôt un sac , comme chez la plupart des Polypes , bien que , chez quelques-uns de ï40 bE LA. DIGESTION. ces êtres, les Pennatules , par exemple , son éonimencement réiréci figure une sorte d'œsophage -, tantôt un vaisseau, comme chez les Vers cestoïdes, dans quelques-uns desquels on y re- marque , à chaque article , des dilatations qui peuvent être regardées comme des rudimens d'estomacs multiples. Chez les animaux sans vertèbres pourvus d'un anus , l'organe digestif est souvent un canal uniforme. C'est ce qui a lieu , parmi les Itjfusoires , chez les Vorticelles et autres , qu'on range parmi les Polygaslriques (§919, 4°), à cause des nombreux appen- dices ( § 922, 1 ) , parmi les Échinodermes chez les Echinus , parmi les Acéphales chez les Biphores , parmi les Brachio- podes chez les Lingules, parmi les Nématoides chez les Filaires, parmi les Annélides chez les Néréides , parmi les Arachnides chez les Scorpions , parmi les Crustacés chez les Cloportes. Dans la série des animaux vertébrés , celte uniformité se re- trouve encore chez plusieurs Poissons , par exemple , les Go- bi(es. Elle est à peu près générale chez les Ophidiens. 2^ L'organe digestif se divise d'abord en un canal , qui est suçoir ou œsophage , suivant la consistance de la nour- riture , et en un cul-de-sac, simple ou vésiculeux , appelé estomac , dans lequel s'accomplit la digestion. Tel est le cas des Vers cystiques, où les suçoirs s'ouvrent dans la cavité du corps qui doit être considérée comme estomac; des Monades , où les oesophages qui naissent de la cavité buc- cale aboutissent à autant de sacs ou estomacs ; des Actinies et des Astéries , où l'estomac , en forme de sac , ne reçoit qu'un seul et court œsophage ; enfln , de la plupart des Acalèphes, où l'estomac est l'aboutissant tantôt de plusieurs suçoirs , et tantôt d'un seul œsophage. 3" Quand il existe un anus, on trouve un intestin de plus. L'estomac , c'est-à-dire la dilatation qui se fait remarquer par son ampleur et dans laquelle les éiémens perdent plus ou moins de leur caractère particulier, sépare l'organe digestif en deux portions cylindriques ; l'œsophage, tourné vers la bouche, que les alimens traversent avec rapidité , et dont l'aspect n'a pas subi de changement essentiel ; l'intestin , tourné vers l'anus , auquel il aboutit , et dans lequel s'achève la trans- formation des alimens. C'est quand celui-ci conserve le même M tA DIGESTIOrî- j4ï diamètre dans toute sa longueur, que cette forme apparaît aussi pure que possible , par exemple , chez quelques Inl'u- soires rotateurs , les Holothuries , les Ascarides , les Lombrics , Ja plupart des Mollusques et Crustacés , divers Insectes , enfin plusieurs Poissons {Silurus) , la Sirène parmi les Batraciens , VEmys parmi les Chéioniens , les Cétacés carnivores , presque tous les Chéiroptères , les Tatous et les Paresseux parmi les Mammifères. 4° Enfin, à un degré plus élevé'encore, l'intestin lui-même se divise , de sorte que l'estomac étant aussi séparé par des limites plus tranchées, l'organe digestif se trouve partagé en trois segmens. Si l'on prend les changemens de diamètre pour principe de division , chaque segment commence par une dilatation ; le premier comprend la cavité buccale et l'œsophage , le second l'estomac et l'intestin grêle , le troi- sième le cœcum et le gros intestin. Cependant la différence de capacité est moins caractéristique que la séparation au moyen de valvules. En partant de cette dernière considération, nous admettrons, avec Rathke, trois segmens : l'intestin buc- cal , qui embrasse l'estomac, et s'étend depuis les lèvres jus- qu'à la valvule pylorique ; l'intestin médian, compris entre les valvules pylorique et iléo-cœcale ; l'intestin anal , étendu de- puis cette dernière jusqu'à l'anus. La digestion est préparée graduellement dans l'intestin buccal, car l'estomac n'a pas d'autre fonction ; elle s'accomplit, à proprement parler, dans l'intestin médian; elle se termine dans l'intestin anal. L'intestin buccal , dans toute son étendue , est celui qui reçoit le plus de nerfs , notamment cérébraux , de sorte qu'il se trouve lié de la manière la plus étroite avec la vie générale , et en particulier avec le côté animal de cette vie; l'intestin médian n'a que des nerfs sympathiques, mais il est le plus riche en vaisseaux sanguins , et c'est en lui que la vie végétative se déploie avec le plus de pureté ; dans l'intestin anal , cet état de choses va en diminuant peu à peu , jusqu'à ce que , vers son extrémité , il reçoive des nerfs de la portion terminale du cordon rachidien , et devienne le siège d'une force motrice prédominante, pour opérer l'éjection. Au commencement de chaque segment se trouve annexé un organe sécrétoire ; l'in- î4.2 DE lA DIGESTION. testin buccal a les glandes salivaires , l'intestin moyen le pan • créas , et l'intestin anal l'appendice vermiforme. En outre, il s'unit à chacun d'eux un organe ayant d'intimes rapports avec l'ensemble de l'hématose , au premier l'appareil respiratoire, au second le foie , dont l'excrétion concourt aussi à la diges- tion , au troisième l'appareil génito-urinaire. Chez l'Homme, la proportion est telle à peu près qu'en prenant pour unité la longueur de l'intestin buccal , celle de l'intestin médian est 8, et celle de l'intestin anal 2. Chez les animaux peu élevés dans l'échelle , l'estomac n'est qu'un point dilaté du canal digestif; il affecte encore une forme cylindrique chez la plupart des Poissons , où il ne diffère de l'œsophage que par la nature de son tissu ; cependant il ac- quiert déjà , chez quelques-uns d'entre eux , une dilatation latérale, ou ce qu'on appelle un cul-de-sac. Généralement par- lant, ses limites sont mieux marquées, du côté de l'œsophage, chez les Oiseaux et les Mammifères , en sorte qu'il forme avec ce canal un angle de plus en plus prononcé. La portion terminale de l'intestin est déjà dilatée chez quel- ques Annélides et Arachnides , mais surtout chez la plupart des Insectes , de manière qu'on peut la distinguer de l'intestin médian. Cette portion est ordinairement très-courte chez les Insectes , quelquefois séparée de l'intestin médian par un étranglement , ou liée avec lui par un intestin plus long et d'une amplem* médiocre, le coion. Chez la plupart des Pois- sons , les limites de l'intestin anal ne sont indiquées que par la dilatation. La longueur proportionnelle des deux segmens de l'intestin varie trop pour qu'on y puisse attacher de l'importance. Ainsi, dans l'Émou, le gros intestin est une fois plus court que l'intestin grêle , tandis qu'il est plus long que ce dernier dans l'Autruche; il est cinq fois plus court dans le Bœuf, et à peu près de même longueur dans le Chameau , douze fois plus court dans l'Hippopotame, et presque aussi long dans le Daman , etc. m. Il faut encore parler de la multiplication de l'estomac. Ici l'on doit établir une distinction entre la pluralité d'esto- macs qui se succèdent dans le sens de la longueur et la dlvii» DE LA DIGESTION. 14^ sion d'un estomac unique en plusieurs chambres. Des vestiges d'estomacs multiples se trouvent chez quelques Infusoires, où le canal digestif est alternativement dilaté et rétréci, par exemple, dans le Stentor^ et chez quelques Annélides (.Sang- sues ) , où la portion dilatée est partagée par des étranglemens en plusieurs cellules placées à la suite les unes des autres. Chez les Acalèphes discophores , au contraire , la cavité sto- macale commune se partage en différentes chambres. Il est des animaux chez lesquels à un estomac pourvu de parois minces et fournissant une sécrétion abondante , en succède un autre musculeux , dont la surface est garnie d'un épiihélium calleux ou de saillies en forme de dents. C'est ce qu'on observe chez plusieurs Gastéropodes , les Aplysies , par exemple , où le second estomac , armé de dents , se partage lui-même en deux portions , l'une musculeuse , l'autre à parois minces ; chez quelques Annélides, comme les Amphitrites, chez les Oiseaux , à rexception des Rapaces , et surtout chez ceux de ces derniers animaux qui vivent de graines. Dans d'autres animaux , au contraire , un estomac musculeux et en partie armé est suivi d'un autre où prédominent la membrane mu- queuse et sa sécrétion. Tel est le cas : parmi les Mollusques, des Céphalopodes ; parmi les Insectes , des Orthoptères , des Névroptères et des Coléoptères carnassiers , qui vivent d'ali- mensdurs; parmi les Mammifères , des Cétacés carnivores et des Ruminans , où l'estomac , muni d'une épaisse couche musculeuse et d'un épithélium très-fort , se subdivise à son tour. En effet , chez les Ruminans , le premier estomac se partage en trois compartimens , qui tous communiquent avec l'œsophage : la panse , garnie seulement de papilles ; le ré- seau , dont la surface offre de petits plis formant par leur en- trecroisement des mailles polygones ; et le feuillet , dont les plis plus larges sont pari^Uèles entre eux : ce dernier mène au second estomac proprement dit , la caillette , dont la mem- brane muqueuse est exempte de plis. Enfin l'antagonisme des portions buccale et pylorique se montre encore dans un léger étranglement situé entre ces deux portions , comme chez certains Rongeurs, ou dans la différence de l'épilhélium qui , chez le Chçval, est fort et épais dans la première, mince î44 î>^' l'A DîGESTlOîf* et moa dans la seconde. Cependant , la portion pyloriqile est la plupart du temps aussi plus musculeuse , de même qu'elle reçoit davantage de vaisseaux et qu'elle l'ournit une sécrétion plus abondante. b. Différences de qualité relatives à la largeur. §921. Les différences de qualité, dans l'organe diges- tif , qui ont trait à la dimension de la largeur , consistent en ce que la paroi ^ lisse chez les animaux placés aux rangs in- férieurs , se garnit, à l'intérieur ou à l'extérieur, de saillies qui dépassent la surface. aa. Saillies inférieures. Les saillies intérieures produisent deux résultats; d'abord, elles accroissent l'étendue de la surface qui sécrèfe , digère et absorbe , elles la font plonger dans la masse des alimens ingérés , et la mettent en contact plus intime avec elle ; en- suite, elles établissent une délimitation, et régularisent le pas- sage des alimens. 1» Les villosités (§§ 785, 6°; 790, 3°) n'existent pas chez les animaux sans vertèbres. Elles sont rares et petites chez les Poissons et les Reptiles, plus nombreuses et plus grandes chez les Oiseaux et surtout chez les Mammifères. Dans l'Hom- me , on en compte à peu près quatre mille sur un pouce carré de l'intestin grêle. Leurs formes sont très-différentes , et quoiqu'il y en ait une principale qui domine dans chaque es- pèce d'animal , d'autres néanmoins se rencontrent ordinaire- ment avec elle : de même, on en trouve fréquemment sur des points du canal digestif qui n'en offrent aucune trace chez des animaux voisins. 2° Des plis se rencontrent déjà chez quelques Acalèphes , Actinies , Mollusques , Nématoides , Annélides et Insectes. La plupart du temps parallèles à la longueur du canal chez les Poissons , et en partie aussi chez les Reptiles , ils se dirigent quelquefois obliquement , de manière à former une sorte de réseau , et affectent même dans certains cas une disposition en spirale. Chez les Mammifères , l'FIomme spécialement, ils M LÀ DlèESÏiON. i/jS Sont longitndinaux dans l'œsophage , rares et irréguliers dans Testomac , transversaux , parallèles et nombreux dans l'intes- tin médian , plus rares et plus petits dans l'intestin anal. La plupart proviennent de ce que le tube formé par la tunique musculeuse n'a pas le même diamètre que celui de la mem- brane muqueuse : s'il est plus court , on a des plis transver- saux , et s'il est plus étroit , les plis se prononcent dans le sens de la longueur. Mais quelques-uns sont de simples excrois- sances de la membrane muqueuse , faisant saillie en manière de rubans. Certains d'entre eux, notamment les transversaux, se composent des deux couches de la membrane muqueuse ; d'autres ne comprennent que la couche vasculaire , ou ce qu'on appelle la membrane villeuse. La tunique musculeuse de l'œsophage et de l'estomac est aussi plus contractée dans l'état de repos que ne le comporte l'étendue de sa surface : de là résultent des plis de la membrane muqueuse , qui dis- paraissent quand l'organe vient à être distendu par les ali- mens. 3° Une valvule se forme quand un pli de la membrane muqueuse renferme des fibres charnues circulaires. Les plus répandues de toutes les valvules, dans le règne animal, sont les lèvres mobiles qui garnissent l'entrée, et la valvule placée à la sortie, qui ne représente, la plupart du temps, qu'un rétrécissement annulaire. Les valvules intérieures font une saillie plus ou moins oblique dans le canal digestif, de manière qu'elles déterminent la direction du mouvement des substances alimentaires, et on ne les rencontre guère que chez les ani- maux des classes supérieures. Le voile du palais n'est com- plètement développé que dans l'espèce humaine. Chez les Singes, il n'a qu'une petite luette, dont on ne trouve même pas de traces chez les Makis et les autres Mammifères. Il manque entièrement chez les Oiseaux , à moins qu'on n'eu veuille regarder comme un rudiment les élévations immobiles qui se remarquent à l'orifice postérieur des narines. Le pli étroit qui existe, chez plusieurs Poissons, entre les cavités buccale et pharyngienne, et le pli un peu plus large qu'on trouve au même endroit chez le Crocodile, en sont des ves- tiges. La valvule pylorique n'acquiert non plus son plein et IX. lO l46 DE lA DIGESTION. entier développemont que chez les Mammifères. La valvule iléo-cœcale est indiquée chez quelques Insectes ; on ne l'ob- serve que chez un petit nombre de Poissons ; la plupart des Reptiles en sont dépourvus, et elle manque aussi chez certains Mammifères, les carnassiers surtout. bb. Saillies extérieures. § 922. Chez les Polypes, oii le canal digestif n'a point de parois distinctes de la masse du corps ( § 918, 1° ), la forma- rion des saillies extérieures est une forme de la génération. Comme l'animal entier n'est autre chose qu'un canal digestif individuel, toutes les fois que ce canal sort de ses limites, il naît de là un nouvel individu , tandis que, quand la digestion a acquis un organe spécial, tout ce qui en résulte est l'appa- rition d'une saillie à la surface externe. Ces saillies de la paroi digestive se rencontrent presque partout. Tantôt elles servent de réservoir à la nourriture, qu'elles détournent de son chemin direct, et retiennent pendant quelque temps, sur- tout lorsque leur fond a une certaine ampleur. Tantôt leur action ne se borne pas à remplir un rôle purement mécanique, et elles exercent aussi une puissance transformatrice, con- tribuant ainsi à agrandir la surface qui opère la digestion. Quelquefois, quand elles sont trop étroites pour admettre les alimens dans leur intérieur, elles versent dans la cavité diges- tive un liquide analogue à celui que produisent les autres parties de l'organe , dont elles augmentent ainsi la surface sécrétante, ou bien elles engendrent un liquide spécial, et constituent alors un organe sécréteur accessoire. Enfin, lors- qu'elles s'étendent fort loin, proportion gardée, dans l'inté- rieur du corps, elles peuvent conduire le produit de la diges- tion aux diverses parties qui ont besoin de se nourrir, f L Elles paraissent remplir plusieurs de ces destinations à la fois chez les animaux inférieurs. d° C'est probablement ce qui arrive quand une certaine longueur et un certain nombre de ces saillies ont un diamètre égal à celui du canal digestif lui-même. Chez plusieurs Vers irémaiodes et acanthocéphales, ainsi que chez les Planaires, ce canal, qui affecte la forme d'un vaisseau, envoie endiverssens DE l DIGESTION. l/^'J des branches qui peuvent,non-seulerïient recevoir la nourriture liquide, mais encore conduire le suc plastique obtenu par la digestion. Chez les Vorticelles et autres Infusoires polygastri- ques, le canal digestif est un sac garni, dans toute sa lon- gueur, de cœcums coniques, dont le nombre dépasse cent chez les Paramécies. Dans les Actinies, l'estomac est garni d'une multitude de cœcums. De l'estomac des Astéries par- tent , vers le haut, plusieurs cœcums courts , et latéralement cinq paires de canaux , dont chacun se renfle, dans chaque rayon, en deux sacs, partagés eux-mêmes en une multitude d'autres petits sacs implantés sur les côtés. Chez beaucoup d'Acalèphes , l'estomac est muni d'une foule de cœcums ( Physalia ), Ott dégénère en de larges sacs {Pelagid). Il offre aussi des appendices vésiculeux dans quelques Ascidies com- posées; envoie latéralement, chez plusieurs Annélides, une multitude de cœcums, qui, dans l'Aphrodite, par exemple, sont rameux et renflés à leur extrémité j^ enfin, présente un grand nombre de courts appendices terminés en cul-de-sac chez plusieurs Insectes, les Coléoptères carnassiers entre autres. T II existe une autre forme, qui consiste en canaux- étroits partant d'une ample cavité digeslive. Chez beaucoup de Po- lypes, tels que les Sertulaires, le suc digestif se répand , du lieu où il a été formé, dans un ou plusieurs conduits, qui se dispersent à travers toutes les branches du polypier, et sem^ blent leur transmettre le produit de la digestion. Chez un grand nombre d'Acalèphes, il part de l'estomac plusieurs ca- naux dirigés en tous sens, qui tantôt ne se divisent pas ( Ti- nea ), tantôt se ramifient ( Médusa ), forment un anneau en s'anastomosant ensemble à la périphérie du disque, se pro- longent communément aussi au-delà de ce point , dans les tentacules, et paraissent avoir la triple destination de disper- ser le produit de la digestion au profit de la nutrition, de rendre, en se remplissant, les tentacules aptes à se redresser et s'étendre, et de sécréier l'humeur acre qui se fait remar- quer en cet endroit. 3u Mais rien ne nous autorise à conclure de la forme dévo- lue à ces appendices qu ils remplissent telle ou telle foncfiou ' i4^ bu LA DIGESTION^ déterminée. Ce qui le prouve, c'est leur diversité chei des animaux d'ailleurs irès-voisius les uns des autres. Tandis que, chez la plupart des Vers trématodes, les ramifications semblent conduire le suc plastique aux différentes parties du corps, le canal digestif de quelques Distomes ne se divise qu'en deux branches parallèles, sans ramification ultérieure : et, tandis que, dans X Aeqaorea ^ d'étroits canaux partent de l'estomac, quelques Acalèphes voisins , par exemple V-Egina , ont leur estomac garni de prolongemeus en forme de sacs, qui s'éten- dent jusqu'au bord du disque. Là, par conséquent, le suc plasti- que peut atteindre les ditférenies parties du corps sans avoir besoin que des canaux spéciaux le rapprochent d'elles , et ici une dilatation digesiive, en forme de sac, peut le conduire tout aussibien qu'un canal étroit. D'un autre côté, la ramescence du canal digestif ne paraît pas être nécessaire, chez les Planaires, pour opérer celle conduite, puisqu'il existe à cet eflél des vaisseaux sanguins. Chez les Rhizostomes, chaque canal du pédoncule, qui commence par une ouverture béante, reçoit encore plusieurs branches latérales pendant son trajet, et l'on se demande si ces branches absorbent également, ou si elles amènent un liquide sécrété dans leur intérieur. On est tenté de considérer les appendices des organes digestifs comme des organes sécréloires, et de voir en eux, d'après la situa- tion de leur orifice, les analogues de tels ou tels organes appartenant aux animaux supérieurs, sans que leur contenu justifie ce rapprochement. Ainsi, les cœcums de l'estomac de plusieurs Insectes sont regardés comme correspondant au pancréas, mais ils admettent aussi le chyme dans leur inté- rieur. Au reste, quoiqu'il soit à présumer que des observa- lions faites avec plus de soin et de précision rectifieront encore, sur divers points, nos idées à ce sujet, il y a du moins une chose bien certaine, c'est qu'ici les diverses fonctions ce sont pas séparées les unes des autres par des limites aussi neite- ment tranchées que chez les animaux supérieurs. II. Les animaux supérieurs possèdent, au commencement de leur organe di{ïestif, des saillies extérieures qui ne servent qu'à mettre des alimens en réserve, l" Les abajoues de plusieurs Singes et Rongeurs sont des- DE LA. DIGESTION. l^Q tinéesà loger les alimensdont les animaux s'emparent, jusqu'à ce qu'ils aient le loisir de les mâcher. Des muscles cutanés spé- ciaux servent à les vider. 2° On doit encore rapporter ici le sac guttural impair de quelques Oiseaux, en particilier du Pélican , qui pend au- dessous de la mâchoire inférieure, acquiert une distension considérable lorsque l'animal y accumule des alimens, et se vide au moyen d'un muscle spécial, aidé du concours d'un tissu élastique situé à sa face externe. III. Il y a des saillies extérieures qui servent à la digeslionl 1° Telles sont d'abord celles qui préparent les alimens à être digérés, et qui ont leur siège dans l'œsophage. Le jabot, propre au plus grand nombre des Oiseaux, et principalement développé chez les granivores, est situé à la partie inférieure du cou , et sécrète un liquide propre à ramollir les substances alimentaires, qui s'en imprègnent. Chez les Rapaces diurnes , il forme plutôt une dilatation de l'œsophage qu'une véritable poche. Le même passage d'une forme à l'autre s'observe chez les animaux sans vertèbres, par exemple , chez les Céphalo- podes et plusieurs Insectes, notamment parmi ceux qui vi- vent d'alimens dnrs, chez lesquels le jabot sécrète une hu- meur acre , et présente aussi quelquefois des espèces de dents. 2^ Un cœcîim' placé au commencement de l'intestin anal n'existe, parmi les animaux sans vertèbres, que chez un très- petit nombre d'Insectes ; il est rare encore chez les Poissons, et ne commence à devenir plus fréquent que chez les Rep- tiles. Dans la classe des Oiseaux, c'est déjà une exception que de le voir manquer, comme il arrive chez les Grimpeurs. Communément, il est double, et assez souvent, surtout chez les herbivores , il a une longueur considérable. Le diverti- cule que présente fréquemment l'intestin médian diiïère du véritable cœcum, en ce que les alimens ne s'introduisent point d'ordinaire dans son intérieur , et en ce qu'il est un débris du conduit de la vésicule ombilicale. Dans la classe des Mammi- fères, le cœcum manque chez les Cétacés carnivores, ainsi que chez quelques Chéiroptères, Rongeurs et Carnassiers ; il est assez volumineux, chez les Ruminans, les Solipèdes et la l5o DE LA DIGESTION. plupart des Rongeurs , pour occuper la longueur entière de la cavité abdominale, et surpasser l'estomac en capacité. On le trouve double chez certains Edentés, Rongeurs, Marsupiauxet Pachydermes. Du reste , ici encore nous voyons reparaître la différence de conformation chez des animaux voisins les uns des autres ; le cœcum est très- grand chez quelques Chéiro- ptères, tandis que d'autres en sont totalement dépourvus ; chez certains Sauriens, il se montre pourvu d'une valvule , qui manque à d'autres, et parmi ces mêmes animaux on en trouve qui n'ont pas de cœcum, bien qu'ils possèdent une valvule iléo-colique. IV. Le canal digestif est du nombre des organes bipolaires de la plasticité (§ 790, 1"). Tandis qu'il transforme la matière étrangère, qu'il l'assimile , et qu'il la rend apte à être reçue dans le sang, il repousse de l'économie ce qui résiste à l'assi- milation, et fournit au sang un vaste foyer de dépuration. Le liquide sécrété par lui agit de plusieurs manières ; mécani- quement, en favorisant le mouvement et l'absorption ; dyna- miquement , en sollicitant le canal digestif à déployer une action plus vive ; chimiquement , en influant sur les alimens dans l'intérêt immédiat de la digestion ; physiologiquement enfin, parce qu'il se compose en partie de substances deve- nues étrangères à l'organisme, et auxquelles l'organe digestif sert d'émonctoire. 1° Les organes sécrétoires contenus dans ia substance de l'appareil digestif lui-même sont les follicules mucipares (§ 785, 7o; 790, 3°). Ce sont, ou de simples enfoncemens, ou de petites bourses, ou de petits tubes, qui prennent quelque- fois la forme de glandes en se ramifiant , et qui , comme l'a découvert Bœhm (4) sur les glandes de Peyer, présentent parfois , au lieu d'une ouverture centrale simple , plusieurs orifices situés en cercle à la périphérie. Ces organes sont tan- tôt isolés, tantôt réunis en tas, et dans ce dernier cas ils con- stituent des plaques qui épaississent la membrane muqueuse , dont ils rendent le diamètre plus considérable quand ils en (1) Diss. de glandularum intestinalixim structura penitiore. Berlin , 1835. DE lA DIGESTION. iSt couvrent une certaine étendue. Les fossettes raUcipares larges et simples annoncent la prédominance de l'excrétion , et sous ce rapport elles sont en raison inverse des villosités, dont le nombre s'accroît quand la prépondérance appartient à l'ab- sorption. 2° Un développement plus considérable de ces cryptes donne naissance aux organes sécrétoîres qui ne communi- quent avec le caaal digestif que par leur orifice. La;forme la plus simple est celle de l'appendice vermiforme, organe pro- pre seulement à l'homme et aux animaux les plus voisins de lui, qui, sans admettre le chyme dans son intérieur, concourt à la digesfion par la sécrétion qu'il verse dans le cœcum, at- tendu que , tout-à-fait semblable au reste de la membrane muque.use sous le point de vue de sa structure, il ne sert qu'à accroître l'étendue de la surface sécrétante. Nous avons déjà donné un aperçu des différentes formes sous lesquelles se présentent, dans le règne animal , les autres organes sécré- toires annexés au canal digestif (§ 804, 2o,-6°). V. Il a été parlé aussi des différentes manières dont le suc plastique produit par la digestion parvient aux autres organes (§ 661, 693). 1° Au plus bas des degrés, il n'y a pas de voies particuliè- res pour cela ; le Hquide transsude à travers les parois de l'organe digestif, se perfectionne de plus en plus, et se répand ensuite par imbibition dans le reste du tissu indistinctement (§661,4o;693, I). 2° Puis, des prolongemens vasculiformes de l'organe digestif servent, du moins en partie , de conducteurs au produit de la digestion (§661, 3°; 693, II). 3° A un degré plusélevé de développement, des conducteurs spéciaux, les vaisseaux sanguins, se séparent de l'organe diges- tif, et ne reçoivent de Inique le liquide dont l'absorption vient de s'emparer à travers ses parois closes (§661, 2° ; 693, III.- VI). Pendant que, chezlesEchinodermes, les Mollusques, etc., les racines des vaisseaux sanguins sont attachées au canal di- gestif, il n'y a, chez les Insectes, que leur tronc analogue au cœur, le vaisseau dorsal, qui soit appliqué à ce canal.Le chyle est absorbé parla masse floconneuse du tissu cellulaire compris l5a DE LA. DIGESTION. entre les tuniques muqueuse et musculeuse , qui en devient turgescente ; il y demeure pendant quelque temps, jusqu'à ce que la pression de la tunique musculeuse l'en fasse sortir et l'oblige à pénétrer dans la cavité du corps. Là il arrive d'a- bord dans le corps adipeux , qui entoure le canal intestinal , sous la forme d'une masse de granulations et de fibres, et où il semble être converti, sous l'influence de l'air qu'y amènent les trachées , en sang, que le vaisseau dorsal finit par absor- ber. Pendant l'état chrysalidaire, le corps adipeux s'efface peu à peu, le chyle qu'il renferme étant employé au dévelop- pement ultérieur des différens organes, d'une manière immé- diate pour la plus grande partie , et sans préalablement être converti en sang. On ignore si le chyle est conduit au corps adipeux par les saillies extérieures du canal digestif , ou si ces saillies sont analogues au foie, et versent par conséquent dans ce canal un liquide de la sécrétion duquel elles seraient chargées. 4° Enfin , chez les animaux vertébrés, les lymphatiques , destinés à une direction purement centripète et à l'absorption, se séparent des vaisseaux sanguins, dont le contenu décrit une révolution sur lui-même , de sorte que les trois degrés du produit de la digestion, le chyme, le chyle et le sang, sont contenus dans autant de canaux divers, et que le canal digestif mérite bien réellement le nom de premières voies (§661, 1°), II. Bf ouvemens de l'appareil digestif. A. Mouvement en général. § 923. Le mouvement doit venir en aide à la digestion, d'a- bord, pour mettre lesalimens en contact avec la surface di- gérante , et en repousser au dehors la portion non digérée , avec les substances excrémentitielles provenant des sécré- tions ; ensuite, pour faire subir aux matières alimentaires une modification mécanique , les atténuer afin de les rendre plus faciles à digérer, et les mêler ensemble , ainsi qu'avec les sucs digestifs; enfin , pour exciter l'activité vitale au moyen de l'agitation mécanique , et favoriser tant la sécrétion que l'absorption. DE LA DIGESTION. l53 4. MUSCLES SERVANT A LA DIGESTION. Déjà chez les animaux les plus simples, par exemple , les Polypes, on aperçoit, dans l'organe de la digestion, un mou- vement qui se rapporte à sa fonction , qui est opéré là par la paroi du corps, et qui se confond avec le mouvement général et volontaire de l'animal. Chez tous les autres animaux, ce mouvement constitue un phénomène distinct. De même qu'ici la face interne de la peau extérieure est garnie de muscles , de même aussi il s'en trouve, pour accomplir les mouvemens de l'organe digestif, qui sont étalés à la surface externe de la membrane muqueuse. I. En tant que celte membrane a acquis une certaine indé- pendance par son éloignement de la paroi du corps , elle pos- sède des muscles involontaires ou plastiques (§793, 12°, H"). On reconnaît déjà une tunique musculeuse de cette espèce', distincte de la membrane muqueuse, chez les Actinies, les Echinodermes , les Mollusques et tous les animaux sans ver- tèbres , même chez les Filaires parmi les Entozoaires. Cette tunique s'étend aussi , bien qu'inégalement répartie, sur toute la longueur de l'organe digestif , et si on ne l'y aperçoit pas dans tous les points chez les animaux des classes inférieures, c'est sans doute en raison du peu de développement qu'elle a acquis comparativement aux muscles qui reconnaissent l'em- pire de la volonté. 1° Par la longueur naturelle de ses fibres, elle rétrécit, même dans l'état de repos , les points du canal digestif qui sont destinés à laisser passer rapidement les substances ali- mentaires, et laisse, au contraire, une ouverture plus libre dans ceux oii ces mêmes substances doivent séjourner plus long- temps. Ici le canal est distendu jusqu'à un certain point|, par l'effet de la turgescence, même dans l'état de repos ; car, d'un côté, le sang qui afflue en plus grande quantité remplit les vaisseaux et met les tissus dans la tension , de l'autre, la con- sistance plus grande de la substance des parois prévient l'af- faissement de celles-ci sur elles-mêmes. Il n'y a pas de motif suffisant pour admettre dans celte tunique musculeuse, comme l54 DE lA DIGESTION. le fait Piorry (1), une expansibilité vivante semblable à celle dont jouit le cœur, d'autant plus qu'ici, en l'absence des sti- mulans, on aperçoit moins d'activité spontanée et rhylhmique que dans le cœur (§ 717, II). C'est la stimulation de la mem- brane muqueuse et l'ampliation du canal par des alimens, de l'air ou - des liquides sécrétoires épanchés , qui détermine . la tunique musculeuse à se contracter. 2° Mais le mouvement porte le caractère d'alternance ; car d'abord, il est ondulatoire , comme la reptation d'un ver, c'est- à-dire qu'il se propage aux différentes parties dans le même ordre qu'elles observent eu égard à leur emplacement les unes par rapport aux autres, de sorte que des coarctations et des dilatations, des raccourcisseraens et des allongemens. ont lieu simultanément. En second lieu, le canal digestif n'est ja- mais tout entier en mouvement, et il n'y en a jamais que cer- taines étendues qui se meuvent alternativement. 3® Les fibres annulaires immédiatement appliquées à la membrane muqueuse sont la plupart du temps plus fortes ; leur longueur naturelle ne permet pas que le canal digestif se dilate au-delà d'un certain point ; elles le resserrent en se contractant, et elles en chassent le contenu vers le lieu le plus proche, qui lui offre un espace suffisant, à cause du repos de ses propres fibres circulaires, jusqu'à ce que, sa présence ex- citant aussi ces dernières à se contracter, il soit repoussé plus loin. Les fibres longitudinales, communément situées à Texté- rieur, et presque toujours disposées en faisceaux isolés, qui, par conséquent, n'embrassent pas le canal entier, restreignent son allongement par leur longueur naturelle, et le raccourcis- sent en se contractant, de telle manière que son contenu par- vient plus tôt à un point éloigné , ou qu'il a un chemin plus court à parcourir. Lorsque les fibres circulaires ont rétréci un point par leurs contractions , les fibres longitudinales des parties adjacentes trouvent en elles un point d'appui, et attirent la partie inférieure vers la supérieure. D'après cela, des rac- courcissemens de fibres circulaires et de fibres longitudinales se succèdent alternativement, dans l'espace comme dans le temps. Par elles-mêmes, les fibres longitudinales ne sauraient (1) Dict, des se, viéd., t. XL , p. 464. DE là DIGESTION. l55 produîre'aucune ampliation ; mais elles le peuvent dès que leur action s'étend sur un point rétréci par des fibres circu- laires, notamment sur une valvule : en s' étendant au dessus de ce point, de manière à ce que leur longueur entière ne se trouve plus dans le même plan, elles attirent les fibres circu- laires en dehors, et par là élargissent le canal. 4° On a reconnu que le canal intestinal pousse son contenu par des mouvemeus alternatifs de bas en haut et de haut en bas, aux degrés les plus bas de l'échelle animale, par exemple chez les Polypes, les Vers irématodes(l), etc., tout comme aux plus élevés ; sa force motrice agit donc de la même manière que celle de la matrice sur l'embryon (§484, 4»), et c'est, dans un sens général , une loi de la vie que des mouvemens progressifs et rétrogrades alternent constamment ensemble. Le ralentissement du passage à travers le canal digestif, qui résulte de là, est nécessaire pour que la nourriture, mise pen- dant long-temps et de toutes les manières en contact avec la paroi vivante soit dépouillée de tout ce qu'elle contient d'assi- milable; mais il doit nécessairement avoir lieu, parce que le rétrécissement de chaque segment du canal partage la nourriture qui s'y trouve en deux portions , dont l'une est chassée vers le bas, et l'autre vers le haut (2). 5° La direction de haut et bas l'emporte cependant sur celle de bas en haut. Ceci dépend d'abord de l'impulsion donnée , puisque les divers points du canal digestif ne sont sollicités que successivement à entrer en action ; quand un point est rempli de nourriture, le segment inférieur, qui vient seule- ment alors à être stimulé par l'abord de la matière étrangère, doit agir avec plus de force et pousser plus loin que le seg- ment supérieur, qui a été mis avant lui en contact avec la nourriture et qui a déjà réagi sur elle. En outre, le vide qui s'opère dans la partie inférieure contribue à cet effet ; lorsque l'intestin anal se débarrasse de son contenu, les substances y trouvent plus d'espace , et marchent plus facilement de haut en bas. C'est ce qui explique pourquoi , dans les anus ariifi- (1) Mehiis, Ohs. de distomate , p. 45. (2) E. Laiith , Du Mécanisme par lequel les matières alimentaires parcourent leur trajet de la bouche à l'anus. Strasbourg, 1833, 111-4. l56 t>E LA DIGESTION. ciels, c'est-à-dire, quand l'intestin s'ouvre au dehors plus haut que de coutume, le mouvement des parties situées au dessus acquiert trop de force et détermine des évacuations trop promptes (1) ; l'intestin médian chasse facilement son contenu dans l'intestin anal, qui offre plus d'ampleur et moins de résis- tance, car la situation de la .valvule iléo-cœcale permet cette accélération , tandis que la valvule pylorique s'oppose à tout mouvement rétrograde, mais permet aux alimens de sortir de l'estomac, dont l'orifice supérieur est clos. Enfin, il est d'ob- servation générale que les parties situées plus haut possèdent une plus grande somme de vitalité; ainsi la cavité buccale l'emporte évidemment sur l'œsophage par ses muscles sou- mis à la volonté, et l'abondance des vaisseaux, celle des nerfs, la force des fibres circulaires sont plus grandes dans la por- tion du canal qui reçoit la bile que dans le reste de l'intestin médian, comme elle l'est plus aussi dans ce dernier que dans l'intestin anal. Que l'activité vilale d'une partie quelconque de l'intestin vienne à être exaltée par la présence d'un siimu- lani étranger ou par une inflammation, cette partie chasse son contenu, non point vers la pariie qui vient immédiatement après , et qui participe au même état, mais vers le» supé- rieures, où la vitalité n'est point accrue ; l'obstacle qui avait occasioné ce mouvement rétrograde vient-il à être écarté , le mouvement de haut en bas recommence , les évacuations al- vines reparaissent , et le vomissement stercoral cesse. Mais quelquefois aussi le vomissement s'arrête avant que les déjec- tions par le bas se soient rétablies, quand une substance irri- tante, introduite dans l'estomac, par exemple l'huile de cro- ton, fait recouvrer aux parties supérieures du canal alimen- taire la prédominance dont elles jouissent d'ordinaire, en exal- tant leur activité vitale. L'évacuation alvine a lieu parce qu'une quantité suffisante de nourriture convenable stimule l'activité vitale de l'estomac et.de l'intestin grêle ; tant que le chyme s'échappe au dehors par une fistule stomacale , les ex- crémens ne sont point chassés du gros intestin (2j. La pesan- (1) G. Dupnjtren, Mém. de l'Académie royale de médecine. Paris, 4828, t. I, p. 259 et suiv. (2) Gerson, Magazin, t. X, p. 260. CE tÀ DièEStlÔN. î^^ lëùr joue , somme totale , un rôle assez insignifiant ; cepen- dant elle n'est pas dépourvue de toute influence; ainsi on fa- vorise le séjour des alimens dans l'estomac en se couchant sur le côté gauche , et celle d'un lavement dans le colon en se plaçant sur le côté droit. 6° La force motrice de la tunique musculeuse est diverse- ' ment excitable chez les différens animaux. Ainsi , quoique, généralement parlant, la nourriture traverse un intestin court avec plus de rapidité, elle reste néanmoins long-temps dans cet organe, chez les Poissons, parce qu'il ne possède là qu'un mouvement lent; et tandis que, chez plusieurs Insectes, le chyme monte et descend, pendant un long espace de temps, dans l'intestin médian, il en est d'autres chez lesquels ce der- nier se vide si promplement dans l'intestin anal, qu'on n'y trouve presque jamais de chyme. Les choses ne varient pas moins dans les divers segraens de l'organe digestif. Comme la nourriture séjourne un certain temps dans chacun d'eux , jusqu'à ce qu'elle soit poussée plus loin à travers un point rétréci, nous admettrons trois périodes : depuis les lèvres et le voile du palais jusqu'à la valvule pylorique, depuis celle-ci jusqu'à la valvule iléo-cœcale , et depuis celte dernière jus- qu'au sphincter de l'anus, ce qui s'accorde avec la division établie précédemment (§ 920). Il y a impossibilité d'assi- gner précisément la durée de ces périodes ; cependant, lors- qu'on réfléchit qu'un certain laps de temps s'écoule toujours entre l'ouverture d'une valvule et l'évacuation complète du segment situé au-dessus d'elle, il n'est pas invraisemblable que, chez l'homme, les périodes durent à peu près autant l'une que l'autre ; en effet, la nourriture arrive promptement dans l'estomac, mais elle y reste long-temps ; elle a beaucoup de chemin à faire pour parcourir l'intestin médian , mais les fibres circulaires qui prédominent dans cet intestin, accélèrent sa marche; enfin, elle chemine avec lenteur dans l'intestin anal, qui est plus court à la vérité, mais plus large et plus pa- resseux. 7° Vers les deux extrémités du canal digestif, c'est-à dire vers sa périphérie , aux nerfs sympathiques qui se rendent à la tunique musculeuse, s'adjoignent des branches de nerfs cérébraux et 1 58 £>E lA DIGESTION. rachidiens, et la tunique elle-même devient plus forte, surtout dans ses fibres longitudinales, de sorte que l'œsophage et le rectum sont plus susceptibles de s'élargir et moins capables de s'allonger. Il y a donc ici une sorte d'analogie avec ce qu'on observe dans les muscles soumis à l'empire de la volonté, avec les mouvemens desquels ceux de la tunique musculeuse entière ont aussi un certain rapport ; chaque segment de l'in- testin avale le chyle, comme l'œsophage avale le bol alimen- taire, et comme la bouche avale les alimens. II. Au contraire, les muscles volontaires, qui, aux deux ex- trémités du canal digestif, là où ce dernier a des connexions Ultimes avec la paroi animale du corps ( peau et os) , s'appli- quent sur la membrane muqueuse , prennent quelque chose du caractère des muscles plastiques. Effectivement , il n'y a que quelques-uns d'entre eux qui s'attachent au squelette, sur lequel les autres ne prennent que médiatement un point d'ap- pui. De plus , comme ils sont étalés sur des cavités, ils pré- sentent la forme des muscles plastiques. Ainsi, on distingue : MUSCLES CIRCULAIRES. MUSCLES lONGITUDmADX. A la bouche... Oibiculaire des Bucinateur, etc. A l'ariière- boiiche. Au pharynx. A l'anus.,.. lèvres. Pharyngo-palatin Glosso-palatîn. Constricteurs du pharynx. Sphincter de l'anus Elévateur et tenseur du voile du palais. Azygos de la luette. Stylo-phryngien. Pharyngo-palatin. Élévateur de l'anus. Transverse du périnée. Et comme, pendant la mastication, ils portent la nourriture entre les dents, ainsi qu'entre la langue et le palais, leur ac- tion est analogue à celle de la tunique musculeuse de l'intes- tin, qui pousse alternativement le chyme de bas en haut et de haut en bas. 2. DISPOSITIONS MÉCANIQUES. § dVi, Certaines dispositions mécaniques étaient néces- i>E LA DIGESTION. IÔQ saires pour rendre possibles , efficaces et inoffensifs, les mou- vemens que la digestion réclame. I. La membrane muqueuse devait être garnie de tissus étalés en couches, qui servissent à la protéger. 1° Le délicat tissu vasculaire superficiel de cette membrane ne pouvait pas plus que celui de la peau extérieure se trou- ver à nu en contact avec les substances étrangères. Aussi est-il garanti par un épilhelium (§797). Cet épilhelium est apparent et analogue à l'épiderme dans les points situés à la périphérie, où la force motrice prédomine, et sur les- quels les substances étrangères exercent une action principa- lement mécanique , par conséquent au commencement de l'appareil digestif, depuis la bouche jusqu'à l'estomac , oii l'organisme n'a point encore fait disparaître le caractère étranger de la nourriture, et dans le rectum, où les restes in- assimilables de celte nourriiure,réuni8 aux produits sécrétoires rejetés par l'économie, forment les excrémens, qui se com- portent comme corps étranger. Dans la partie centrale, dans l'atelier proprement dit de la digestion, où la nourriture a déjà subi un changement mécanique plus ou moins considé- rable, où la réaction est des plus intimes, où l'assimilation et l'absorption s'accomplissent avec le plus d'énergie, la couche isolante est plus délicate. Suivant Henle (1), l'épilhelium de l'estomac se compose encore, comme l'épiderme, de plaques irrégulières, dont chacune offre une petite bosselure dans son milieu ; celui de l'intestin, au contraire (2), est formé de cor- puscules coniques , ventrus au centre , qui sont placés per- pendiculairement, de manière que la surface sur laquelle leurs extrémités larges ou leurs bases se rencontrent, présente l'aspect d'un pavé. Nous laisserons de côté la question de sa- voir si le renflement médian autorise réellement à regarder les parties de l'épiderme et de l'épilhelium comme des cellules renfermant des noyaux. Ce qu'il nous suffit de savoir, c'est que ce sont des écailles, qui se détachent et se reproduisent, sinon à chaque digestion, du moins fréquemment, comme (1) Symbolœ ad anatomiam villorum intestinalium, p, 10, (2) Ibid.^p.ii. iôo t)E LA DIGESTION. Bœhm a découvert qu'elles le faisaient, par exempte dans îô choléra (1). Le phénomène est surtout prononcé chez les In- sectes et les Crustacés (§ 617, r ) , où l'intestin paraît être assujéti à une mue coniinuelle y puisque Prévost a trouvé les excrémens du Chirocéphale ordinairement enveloppés d'une membrane mince (2) . 2" Là où il faut qu'une forte action mécanique s'exerce sur les alimens , et où par conséquent la substance musculaire a acquis un développement considérable, les couches épidermoï- des prennent des formes particulières, celles de plaques tu- berculeuses , de fibres et de pointes cornées , de lames et de pointes calcaires ou osseuses (§808). Chez les ani- maux inférieurs , où les fonctions sont moins séparées , et où , par cela même , l'organe chargé de la digestion propre- ment dite exerce en même temps une forte action mécanique, ces couches , devenues de véritables armes , s'étendent plus loin , dans la cavité digestive , qu'elles ne le font chez les ani- maux supérieurs , où la périphérie seule en est garnie. IL Toutes les fois que l'organe digestif est impair, que les organes intermédiaires ( § 9l8 , 2°) ne le refoulent point , et que sa longueur ne l'oblige point à s'infléchir, il occupe l'axe du corps , l'axe longitudinal quand celui-ci a une forme cylindrique , l'axe transversal quand il affecte celle d'un dis- que ou d'une sphère. Tenant le milieu entre la vie animale et la vie purement végétative , il est placé , chez les animaux articulés , entre le cordon ganglionnaire et le cœur ou le tronc commun des vaisseaux sanguins, de même que , chez les ver- tébrés , où une grande variété de formations a remplacé l'uni- formité dévolue aux autres séries , une partie de sa longueur se trouve encore comprise entre la colonne vertébrale et le cœur. A sa face externe s'insèrent alors des parties qui le maintiennent dans sa -situation , tout en lui permettant d'ac- complir les mouvemens nécessaires à la digestion. 1° Aux échelons inférieurs de la chaîne animale , cet office (1) Die krarikê Darmschleimhaut in der asiatischen Choiera, Seijin , 1838. (2) Juiine, Histoire des Monocles, p. 209. DE LA DIGESTION. l6l est rempli par d'autres organes. Ainsi , chez les Nématoïdes , l'appareil digestif est entouré et soutenu par les organes de la génération , et, chez les Insectes , il l'est par le corps adipeux. 2° Ailleurs, ce sont des parties spéciales qui le fixent à la paroi du corps. Chez plusieurs Annélides , il est serré , de distance en distance , par des filamens et des faisceaux mus- culaires qui s'insèrent à la paroi du corps , et qui partagent en compartimens l'espace compris entre l'un et l'autre. Dans les Actinies, des compartimens intermédiaires se produisent de la même manière. Chez les Crustacés , il y a des faisceaux musculaires qui se rendent de l'estomac à la carapace. 3» Chez les Échinodermes , la fixation de la paroi du corps est effectuée par une membrane mince et transparente. Dans les Astéries , chaque cœcum s'attache ainsi à la face supérieure du rayon dans lequel il est placé ; chez les Holothuries, cette membrane a la forme d'un étroit mésentère , qui sert de con- ducteur aux vaisseaux ; chez les Échinides , il existe une membrane analogue , mais qu'on dit être dure et calcaire dans les Cidaris. 4° Chez les animaux vertébrés , la cavité abdominale est tapissée par une membrane séreuse , le péritoine , dont les rephs embrassent divers organes , notamment l'intestin , sous le nom de mésentère , de sorte que le canal intestinal n'est pas seulement attaché à la paroi du corps, mais qu'il se trouve aussi mis en connexion avec d'autres organes. Dans beaucoup de Poissons , il n'est fixé que par un tissu cellulaire abondant, ou par quelques languettes étroites du péritoine , ou bien il y a un mésentère , mais qui n'embrasse pas l'intestin entier. Ce n'est que chez les Reptiles et les Oiseaux qu'on commence à rencontrer un mésentère plus complet. Dans les Mammifères, où la cavité abdominale est totalement closepar le diaphragme, le péritoine acquiert aussi son plein et entier développement. Il forme un sac sans ouverture , dans les replis duquel les vis- cères abdominaux font plus ou moins de saillie , de manière qu'ils sont tous situés hors du sac ou à sa face externe. Le mésentère lie l'estomac et l'intestin au reste de l'organisme , sert de conducteur ù leurs vaisseaux , et leur procure , par sa largeur, un espace plus vaste , permettant au produit de la IX. li l62 DE LA DIGESTION. digestion d'y faire un plus long séjour et de s'y perfectionner davantage ; par les vaisseaux et les nerfs qu'il amène au canal digestif , il place celui-ci sous l'influence de la vie générale ; il lui fournit, par son déploiement, les moyens d'occuper une plus grande étendue quand les alimens le remplissent; il lui permet , par sa largeur, d'exécuter en toute liberté les mouvemens nécessaires à la digestion , que favorise encore la facilité avec laquelle ses surfaces glissantes coulent les unes sur les autres ; il renferme enfin ce mouvement dans certaine» limites , qu'il lui interdit d'outre-passer. B. Mouvemens en particulier. : § 925. Les mouvemens qui ont trait à la digestion sont de trois sortes : le mouvement d'ingestion (§§ 925-930J, le mou- vement digestif proprement dit (§§ 931, 932), et le mouvement d'é]ection_(§§ 933, 934). d. MOUVEMENT p'iHGESTIOIÏ. a. Organes qui accomplissent ce mouvement. L'organe d'ingestion , la cavité buccale , offre une telle di- versité dans sa configuration , que nous sommes forcés de jeter un regard sur les principales formes qu'il peut affecter, avant d'étudier les mouvemens eux-mêmes à l'accomplissement des- quels il sert. La cavité buccale est l'espace destiné à la première récep- tion des alimens. Partout où l'organe digestif cwisiste en une substance spéciale ( § 918 , T) , les parois de cette cavité sont formées en commun par la membrane muqueuse et par la paroi du corps. Elle n'a d'ampleur que chez les animaux des classes supérieures , là surtout où les alimens solides doivent y séjourner pendant quelque temps, et y subir un changement préparatoire. Son diamètre ne diffère pas de celui de l'œso- phage quand elle ne sert qu'au passage d'une nourriture li- quide , comme chez les Insectes suceurs , auxquels on est , pour cette raison , dans l'usage de refuser une bouche pro- prement dite. I. Quant à la substance de ses parois , la paroi du corps n'y DE LA DIGESTION. 1 63 fournil que de la peau et des muscles chez les animaux in- férieurs , comme la plupart des Inlusoires et des Acéphales , plusieurs Gastéropodes , Annélides, etc., tandis que, chez les animaux plus complètement organisés , elle donne , en outre , un appareil osseux , la mâchoire. Cet appareil tend les parois de la cavité buccale , procure par conséquent une forme stable à cette dernière, et sert à l'insertion des muscles, en sorte que, l'ouverture et l'occlusion de la bouche s'exécutant avec plus de précision et de force , il devient possible de retenir, tuer, diviser et mâcher la proie, animale ou végétale, qui sert de nourriture. On a vu que la périphérie animale forme d'abord la paroi du corps en circonscrivant les organes (§ 425) , et qu'ensuite elle produit les membres en se détachant de cette paroi (§ 434); la mâchoire réunit en elle ces deux caractères. D'un côté, elle fournit un support mobile à la paroi buccale , qui fait partie de la paroi du corps, puisque, chez les animaux vertébrés, elle l'embrasse comme pourraient le faire des côtes , et que , chez quelques invertébrés , elle entoure en manière d'anneau une certaine étendue de l'organe d'ingestion. D'un autre côté, la liberté de ses mouvemens , et plus encore l'action mécani- que qu'elle exerce sur les substances étrangères , lui donnent le caractère des membres , dont elle acquiert même la forme chez les animaux sans vertèbres; en effet, il est plusieurs de ces derniers chez lesquels elle constitue une paire antérieure de pattes appartenant à la tête , spécialement à la bouche , pattes dont les Insectes suceurs se servent , à l'état de larve , pour mâcher, tandis qu'à l'état d'animal parfait , elles rem- plissent seulement l'office de membres, et que, chez certains animaux articulés , quelques espèces de Monocles par exem- ple, elles sont employées pour saisir la nourriture et la porter à la bouche. 1° Dans les animaux sans vertèbres , la mâchoire est un tissu épidermique, et fuit partie du squelette cutané, quoi- qu'elle soit en partie située sous la peau , à la surface de la membrane muqueuse , et que fréquemment elle ait un tissu , non pas corné , mais calcaire et osseux. 2° Lorsqu'elle existe chez les Rotateurs , les Échinodermes l64 DE LA DIGESTION. elles Annélides, elle est située, la plupart du temps, à une grande profondeur, sur l'œsophage , autour duquel il lui ar- rive souvent de former un anneau , comme chez les Oursins , où elle se compose de plusieurs pièces calcaires , garnies de dents et rendues mobiles par des muscles. Quand , au con- traire , il y a un squelette cutané corné , comme elle fait partie de cet appareil, on la trouve alors hors de la cavité buccale , ou au devant d'elle , toutes les fois qu'elle ne s'al- longe pas en une sorte de trompe -, çà et là on voit aussi ap- paraître des plaques cornées , plus ou moins mobiles , articu- lées surtout avec le squelette cutané , qui affectent la forme d'une lèvre supérieure et d'une lèvre inférieure , comme chez les Insectes et les Crustacés , ainsi que chez les Arachnides et les Cirripèdes. Quelque chose d'analogue a lieu également chez les Oiseaux , où le revêtement corné de la mâchoire rem- place les lèvres , tandis que , chez la plupart des autres ani- maux vertébrés , la mâchoire est située derrière les lèvres et couverte par elles. 3» Chez les animaux sans vertèbres , elle a la forme de membres ; elle se compose , par conséquent , d'organes mo- teurs pairs , situés latéralement vis-à-vis les uns des autres , qui se meuvent dans le sens du diamètre transversal du corps, c'est-à-dire en se rapprochant et s'écartant de la ligne mé- diane. Une paire de ces mâchoires mobiles latéralement, cornées ou calcaires , existe chez quelques Gastéropodes et Annélides. Chez les Insectes , les Crustacés et les Arachnides, la multiplication des membres en général fait qu'il y en a deux paires au lieu d'une seule , les mandibules , tranchantes ou dentées sur les bords , qui servent à diviser la nourriture , et les maxilles , qui , presque toujours , ressemblent davantage aux membres proprement dits , dont fort souvert d'ailleurs elles remplissent aussi l'office. Dans la forme opposée , les deux mâchoires agissant ensemble sont situées sur l'axe lon- gitudinal du corps, et se meuvent en ce sens. Nous trouvons un indice de celte disposition dans les mâchoires cornées des Céphalopodes, qui, du reste, ne s'articulent point avec le cartilage céphalique , et ne sont attachées qu'aux parties molles. La forme dont il s'agit est plus développée chez les DE LA DIGESTION. l65 animaux vertébrés , où par conséquent les mâchoires prennent davantage le caractère de la paroi du corps ; tandis que la mâ- choire supérieure revêt des formes variées , en raison de ses rapports avec le crâne , avec les organes de l'olfaction et avec ceux de la vue , l'inférieure constitue une ceinture osseuse simple , qui , à l'instar des côtes , se meut alternati- vement de bas en haut et de haut en bas , ou d'arrière en avant et d'avant en arrière , et à laquelle il arrive même quel- quefois, par exemple , chez la Baleine , d'avoir exactement la forme de côtes. Il n'y a qu'un petit nombre de Mammifères chez lesquels , comme chez l'homme , les parties latérales , primitivement séparées, de la mâchoire inférieure, se soudent, sur la ligne médiane , de manière à ne plus représenter qu'un seul os. Chez tous les autres, elles ne sont unies que par une masse cartilagineuse ou ligamenteuse , disposition au moyen de laquelle elles ressemblent jusqu'à un certain point aux mâ- choires latérales et analogues aux pattes des animaux sans vertèbres , mais plus encore aux côtes qui ne se joignent pas immédiatement sur la ligne médiane. Dans les trois classes in- férieures d'animaux vertébrés, la même séparation s'observe, parfois même plus prononcée, ou bien il y a réunion au moyen d'une pièce osseuse impaire qui , par son analogie avec le sternum , fait ressortir davantage encore celle de la mâchoire avec les côtes. Au reste , à mesure que l'on remonte la série des animaux vertébrés , les mâchoires perdent de plus en plus leur ressemblance avec des membres , car le nombre des pièces osseuses et des points mobiles va toujours en diminuant. La mâchoire supérieure , qui est mobile chez les Oiseaux , quelques Reptiles et même plusieurs Poissons, perd toute mobilité chez les Mammifères , et l'os intermaxillaire , qui en fait partie constituante dans les quatre classes , disparaît chez l'homme. La mâchoire inférieure se compose encore de plus de deux os chez les Poissons , les Reptiles et les Oiseaux, où elle ne s'unit au crâne que par l'intermédiaire d'un os carré, simple ou résultant d'une série de plusieurs pièces osseuses ; chez les Mammifères, l'étatdes choses est simplifié, et le mou- vement concentré tout entier dans l'articulation temporo-maxil- laire ; chez l'homme , enfin , l'os perd bien plus encore de sa ï66 DE LA DIGESTION. ressemblance avec les membres , car la mâchoire est moins longue , moins proéminente et moins étroite en avant que chez les Mammifères. II. A la cavité buccale sont annexées , chez la plupart des animaux , des formations épidermoïdes destinées à des usages purement mécaniques , qui sont flexibles ou rigides , filifor- mes , lamelleuses ou déchiquetées , cornées ou calcaires , et qui consistent tantôt en de simples saillies de l'épiderme con- densé , tantôt en des papilles revêtues d'une couche épider- matique. Ces différentes formes passent de l'une à l'autre par des transitions telles que , forcés de nous borner ici à des aperçus généraux , nous ne pourrions entrer dans les détails qui les concernent , et qu'il nous suffira de les désigner, celles surtout qui sont dures , par le terme collectif de productions dentiformes , attendu que les dents représentent la plus par- faite de toutes, celle qui prédomine. Leur action n'est pas moins variée. Tandis que , chez l'homme , elles n'ont d'autre usage que de diviser et d'atténuer les alimens solides , les animaux s'en servent aussi , et quelquefois même exclusive- ment , pour saisir, retenir et tuer leur proie , en un mot , comme d'armes offensives , ou comme d'instrumens propres à pénétrer dans d'autres corps pour arriver à un but quelconque, qui est généralement celui d'y opérer une solution de conti- nuité. Il y a des cas où leur unique destination est d'empê- cher les alimens solides introduits dans la bouche de s'é- chapper, pendant que les liquides s'écoulent avec facilité. Enfin, elles servent aussi, comme dents venimeuses, à charrier un suc digestif. 1° Des armes da ce genre garnissent le devant de la bouche particulièrement chez les animaux invertébrés suceurs -, par exemple, chez certains Vers , dont les crochets cornés qui entourent le suçoir s'implantent dans la membrane muqueuse, pour procurer des points d'appui à l'animal et déterminer une irritation qui appelle les liquides en plus grande abon- dance; chez quelques Gastéropodes à trompe, qui n'émploieiit leurs parties cornées qu'à percer des trous dans le bois sec ; chez les Sangsues , où les pointes cornées font l'office de scies qui déchirent la peau et les vaisseaux sanguins. On peut éga- DE Là. DIGESTION. I67 lement ranger ici, jusqu'à un certain point, les mâchoires sou- vent déniées que les Insectes et les Arachnides possèdent sur les côlés de la bouche ou de la trompe , les pointes cornées qui accompagnent le suçoir des Diptères et des Hémiptères. 2° La cavité buccale elle-même offre des soies sur ses par- ties latérales chez quelques Rongeurs et Cétacés herbivores ; des pointes cornées sur la langue chez quelques Gastéropodes, ainsi que chez beaucoup de Poissons, de Reptiles et d'Oiseaux, et chez plusieurs Mammifères , ceux surtout du genre Chat ; des dents au palais chez plusieurs Poissons, quelques Reptiles et rOrnithorhynque ; des épines cornées , dirigées en arrière et implantées sur des papilles du pharynx , chez quelques Tortues de terre ; enfin des dents au même endroit chez beau- coup de Poissons , dont plusieurs ont la faculté de les mouvoir avec leur membrane muqueuse , comme le Hérisson meut ses piquans avec sa peau. 3° Les véritables dents, en parallèle avec lesquelles on ne peut mettre les dentelures que présentent les mâchoires des animaux sans vertèbres , manquent chez quelques Poissons , Batraciens et Mammifères qui se nourrissent d'insectes ; elles sont remplacées par un revêtement corné des bords des mâ- choires chez les Tortues et les Oiseaux , quelques Cétacés et rOrnithorhynque , tandis que , dans la Baleine , elles prennent la forme toute spéciale de baguettes implantées sur des pa- pilles , qu'elles recouvrent d'un tissu de filamens cornés, con- stituant ce qu'on nomme les fanons. Le revêtement corné du bec des Oiseaux n'est également qu'une masse de filets cornés, dont les germes ont pris naissance chacun à part , et qui se sont ensuite agglutinés ensemble. Chez plusieurs Poissons et Reptiles , les dents se forment dans la gencive , et se soudent ensuite avec la mâchoire. Chez d'autres , ainsi que chez les Cétacés pourvus de dents , celles-ci se produisent de la même manière , et s'enfoncent ensuite dans la mâchoire , mais sans se souder avec elle. C'est la marque d'un degré inférieur de formation de ces organes , quand ils n'offrent pas de différence dans leur configuration , et que , par exemple , ils constituent, comme chez les Raies, des plaques qui revêtent les mâchoires à la maDière d'un pavé, ou représentent, comme chez le l68 DE LA DIGESTION, Dauphin, cent quatre-vingt corps coniques tous semblables les uns aux autres. C'en est une aussi qu'ils soient isolés et laissent entre eux des vides, conime celui qu'on découvre entre les dents incisives et les dents molaires , chez la plupart des Mammifères herbivores. C'en est une enfin que certaines dents, les canines surtout, fassent saillie au-delà des autres ; tantôt alors l'accroissement qu'elles continuent de prendre pendant toute la durée de la vie , les fait saillir beaucoup hors de la bouche , et elles ne peuvent être employées qu'à titre d'armes , comme chez l'Hippopotame et le Narwal ; tantôt la forte courbure qu'elles prennent les rend impropres même à remplir cet office, comme chez le Babiroussa, qui s'en sert, dit-on , pour se suspendre aux branches des arbres , lorsqu'il veut reposer. Les dents de l'homme se distinguent en ce qu'au- cune d'elles ne ressemble parfaitement aux autres , qu'elles forment une série non interrompue , qu'ayant toutes la même hauteur, leurs surfaces triturantes se trouvent dans le même plan , et que celles de la mâchoire supérieure correspon- dent exactement à celles de la mâchoire inférieure (1). m. A l'égard de la cavité buccale elle-même , 1" Chez les animaux inférieurs, particulièrement chez ceux qui sucent , elle a une ouverture simple et ronde , dont le bord , quand il est un peu renflé , porte improprement le nom de lèvres, et dans tous les cas ne représente qu'une lèvre cy- lindrique. A un degré plus élevé, la bouche est une fente munie de deux lèvres. Cependant cette dernière forme se rencontre déjà quelquefois dans les classes inférieures , par exemple chez les Biphores parmi les Acéphales , et chez les Serpules parmi les Annélides. 2° Une cavité buccale prolongée en cylindre , faisant une libre saillie au-devant du corps , et constituant alors presque toujours un suçoir , bien qu'il lui arrive parfois aussi de servir à s'emparer d'alimens solides , existe chez les Acalèphes pé- dicules, chez quelques Gastéropodes et Céphalopodes, chez divers Annélides , les Amphiirites entre autres , chez plusieurs Insectes , les Diptères principalement , et chez les Arachnides. (d) Blandin, Anatomie du système dentaire. Paris, 1836, itt-8. i DE lA DIGESTION. 1 69 l 3* Comme les lèvres servent tout à la fois au mouvement et au sentiment éveillé par le contact , elles deviennent , en se développant , des membres et des organes du toucher. Ainsi la scissure de la paroi de la bouche en plusieurs prolonge- mens cylindriques donne les bras des Polypes, qui exercent les fonctions du toucher , enveloppent la proie , et la con- duisent dans la cavité digestive , à l'ampUation de laquelle ils servent alors , de manière que leur longueur diminue pen- dant que l'animal digère. Des prolongemens analogues des lèvres se voient chez les Acalèphes , les Brachiopodes et quel- ques Gastéropodes. Les bras des Céphalopodes entourent la bouche et ses lèvres , et sont des répétitions de ces der- nières , mais ne servent pas seulement à l'ingestion , car ils sont utiles aussi pour la locomotion et la succion. Cette der- nière destination est plus marquée dans les tentacules situés au voisinage de la bouche , qui n'ont plus de rapport immé- diat à l'alimentation , mais qui servent encore en partie à l'ab- sorption, comme chez les Holothuries. Ces parties prolongées de la bouche affectent aussi quelquefois la forme de tubes , ainsi que l'annoncent déjà , dans la classe des Polypes , les bras excavés des Pétalopodes. La trompe amenant la nourri- ture à la bouche est produite, chez plusieurs Insectes, par une modification de la langue ou des mâchoires postérieures , chez l'Éléphant par un allongement cylindrique du nez et de la lèvre supérieure confondus ensemble. 4° La langue existe déjà en rudiment chez quelques Acé- phales, mais offrant le type de sa formation, c'est-à-dire se présentant comme un pli transversal de la partie inférieure de la cavité buccale. Elle est un peu plus développée chez la plu- part des Gastéropodes et chez les Céphalopodes, Dans les Insectes , elle apparaît comme prolongement de la lèvre infé- rieure. Chez les animaux vertébrés, sa substance musculaire et sa mobihié augraenienL : elle devient , en outre , plus large, plus molle et plus riche en nerfs. Mais sa configuration varie à l'infini dans les diverses classes; on la trouve divisée en deux moitiés latérales chez les Ophidiens , quelques Sau- riens , et les Colibris parmi les Oiseaux ; chez quelques Singes , elle offre une fente à sa partie supérieure et à sa 170 DE EA DIGESTION. partie inférieure ; chez les Batraciens , c'est par sa partie antérieure qu'elle s'attache , la postérieure étant libre et mobile, etc. b. Effets de Vaction des organes, aa. Introduction des alimens. § 926. L'introduction des alimens s'accomplit de plusieurs manières diverses. I. Aux derniers échelons de Tanimalité , elle a lieu sans choix. l» Elle s'opère d'abord d'une manière purement passive et végétative chez les Éponges , et sans doute aussi en partie chez quelques Polypes , car les Sertulaires semblent absorber par leurs expansions radiciformes , puisqu'elles périssent quand on les enlève du lieu où elles étaient enracinées (1). 2° L'attraction opérée ici par affinité adhésive et chi- mique ne conserve la pureté de ce caractère , chez les autres animaux , que dans l'intérieur du canal digestif , à l'orifice duquel elle prend celui de l'animalité. Nous en trouvons déjà les premières traces chez quelques Éponges {Manon^ par exemple) , et même encore chez quelques Gastéropodes (Buccinum pallestre, par exemple) ; car , au dire de Schweig- ger (2) et de Treviranus (3) , ces animaux semblent recevoir leur nourriture par l'ouverture et l'occlusion alternatives de la bouche. 3° Les Vorticelles et les Rotateurs excitent , au moyen des cils dont leur bouche est entourée , un tourbillon , dont l'effet est d'amener dans la bouche les lafusoires qui ont pu se lais- ser entraîner par lui. Les Eotomostracés paraissent faire, sous ce rapport , le passage aux formes supérieures d'admission de la nourriture. Tandis que le Monomlus castor détermine , au moyen d'un mouvement vibratile , un tourbillonnement , qui amène tous les petits corps à la bouche par quatre gout- tières obliques (4) , le Monoculus quadricornis emploie ses (1) Schweigger, Handbuch, p. 551. (2) Loc cit., p. 372. (3) Biologie, t. IV, p. 310. (4) Jurine, Ilist, des Monocles, p. 55. DE LA DIGESTION, l-^l membres conformés comKie des mains pour approcher l'eau de sa bouche , dont les mâchoires saisissent les substances alibiles que le liquide peut entraîner (1) , et tandis que le Chirocéphale avale indistinctement tout ce qui se présente au-devant de sa bouche, comme les animaux aspirent l'air sans choix (2), le Monoculus pulex sait repousser ce qui ne lui convient pas avec les cils qui garnissent ses mâchoires in- ternes (3). 4» Quelques Infusoîres et Acalèphes tubuleux , nageant là bouche ouverte , saisissent ainsi les petits animaux qui se trouvent sur leur passage. 5° Enfin la Baleine attire une masse d'eau dans sa bouche, et la fait sortir à travers les fanons qui pendent de sa mâ- choire supérieure, tandis que ces productions cornées re- tiennent, les petits animaux dont elle fait sa nourriture et qu'elle avale ensuite. II. La capture des alimens peut porter sur des substances déterminées , et se faire avec plus ou moins de choix. 1° Elle a lieu d'abord d'une manière analogue à celle dont l'émission du liquide générateur s'accomplit chez les animaux inférieurs , dont le canal déférent se renverse sur lui-même et vient faire saillie au-dehors (§ 433). Ainsi les Astéries vomis- sent en quelque sorte leur œsophage et une partie de leur estomac , dont elles se servent pour chercher des Poissons et des Mollusques, qu'elles enveloppent et avalent en faisant rentrer ces organes avec eux. Les Actinies projettent égale- ment leur estomac au dehors , et retendent sur les animaux qu'elles veulent avaler. Quelques Gastéropodes [Paludina] et Annélides (Aphrodites et Néréides) font aussi saillir , pour s'ehi- parer de la nourriture , une partie de l'œsophage, qui repré- sente alors une sorte de trompe temporaire , comme le canal déférent retourné simule un membre génital temporaire. 2» Une manière plus répandue de saisir la nourriture con- siste à la prendre avec des lèvres , que celles-ci ne dépassent (l)ii.,p. 6. (2) 76., p. 209. (3) 76., p. 100. 1^2 DE LA DIGESTION. pas le plan de la surface du corps, qu'elles entourent une ou- verture située à l'extrémité d'une cavité buccale prolongée en forme de trompe, ou qu'elles-mêmes s'allongent en tenta- cules analogues à des membres. Ainsi , chez les Mammifères herbivores , les lèvres servent encore principalement à diriger la nourriture, et elles sont si mobiles, par exemple chez le Cheval , la Brebis et la Chèvre , qu'elles embrassent les her- bages , tandis que celles des Bœufs ont moins de mobilité et d'action , et que celles des Cochons et des Carnassiers sont tout-à-fait impropres à'saisir la nourriture. 3° Ici , en effet , c'est avec les mâchoires , pariicuhèrement avec les dents incisives et canines, que l'animal saisit sa nour- riture. Ce mode de préhension, fréquent dans toutes les classes d'animaux vertébrés,a aussi lieu chezles Crustacés et les Arachnides , avec cette particularité , dans ces derniers ani- maux , que fort souvent les mâchoires postérieures , ou maxilles, celles qui ont le plus d'analogie avec des membres, sont chargées de saisir la proie , et de la transmettre aux mâ- choires antérieures , ou mandibules , qui la divisent en mor- ceaux et la dirigent vers la cavité buccale. 4" Il arrive fréquemment qu'une langue allongée et proci- dente est l'organe servant à attirer la nourriture. Cette dispo- sition se rencontre, parmi les Gastéropodes , chez les Patelles entre autres ; chez le Caméléon , qui lance avec la rapidité de l'éclair sa langue plus longue que son corps , et la ramène chargée d'insectes agglutinés au disque terminal ; chez les Batraciens , qui renversent leur langue attachée au rebord de la mâchoire inférieure , et la projettent ainsi sur les insectes ; chez les Pics , dont la langue , cornée à l'extrémité , munie de crochets sur les bords , et enduite, à sa face supérieure, d'un mucus gluant sécrété dans la cavité buccale , peut être fortement tirée hors du bec par les longues cornes flexibles de l'hyoïde qui se contournent autour du crâne ; chez les Fourmiliers ,dont la langue protractile est également rendue apte à engluer les insectes par un mucus visqueux sécrété dans la bouche, La langue des Bœufs embrasse la tige des plantes et l'attire dans la bouche , ce qui n'a lieu , chez les autres Ruminans et chez les Solipèdes, qu'après l'action DE tA DIGESTION. 17$ exercée par les lèvres. C'est aussi cet organe qui chez les Carnivores, dirige la nourriture dans la cavité buccale. La Girafe se sert de sa langue très-longue pour embrasser les branches des arbres et les attirer à elle. 5° La longueur des pattes de devant et du cou de la Gi- rafe annoncent que cet animal est destiné à chercher sa nourriture dans des lieux élevés ; de même , l'Élan , dont le train de derrière est plus bas que celui de devant, recher- che également le feuillage des jeunes arbres , dont il brise la couronne avec son bois , quand ils sont trop élevés , et s'il veut paître l'herbe , ils est obligé de se baisser, en reportant ses pattes de devant en arrière. Le Cheval a un cou de lon- gueur suffisante pour pouvoir atteindre les hautes herbes des steppes qui sont sa véritable terre natale ; dans nos prairies , il est contraint d'avancer l'une de ses jambes antérieures , et de ployer un peu l'autre. Quant aux animaux à pattes courtes et à col peu allongé , ils trouvent leur nourriture sur la terre. Ainsi les pattes , et le cou , qui remplit l'office de membre , sont en harmonie avec le besoin de nourriture , et par leur longueur aggrandissentle champ propre à fournir des alimens ; chez les Oiseaux palmipèdes, l'allongement du bec y contribue encore , et chez l'Éléphant une trompe mobile supplée à la brièveté du cou. 6° Les Oiseaux de proie et les Mammifères carnassiers sai- sissent et retiennent leur proie avec les griffes , pour la dé- chirer ensuite avec les mâchoires , et la porter dans la cavité buccale avec la langue. Les Perroquets, les Singes et quel- ques Rongeurs, se servent de leurs pattes pour ce dernier office , et celles de devant sont celles que les Mammifères emploient. Cette disposition semble surtout avoir lieu quand la nourriture, très-consistante par elle-même , et renfermée dans une coque dure , a besoin d'être solidement retenue pour que les dents y puissent pénétrer. Le Castor ressemble aux Écureuils, aux Marmoites, eic, en ce sens qu'ils s'asseoit sur ses pattes de derrière, afin d'employer celles de devant à la manière de bras. § 927. L'introduction d'une nourriture liquide est la forme la moins avancée , puisqu'elle représente exactement la ma- 1^4 ^E ^^ DIGESTION. nîère dont les végétaux se nourrissent. Cependant, partout où il y a un véritable organe digestif, elle a lieu , non pas par im- bibition, comme dansles plantes, mais par des voies ouvertes» I. L'admission du liquide par attraction , ou la succion , est le mode qui se rapproche le plus de celui qu'on observe dans le règne végétal. 4* C'est le mode de nutrition des Entozoaires ( notamment des Vers cystiques , trématodes , acanthocéphales et cestoï- des); des Epizoaires appartenant aux classes des Crustacés et des Insectes ; probablement d'un grand nombre de Polypes , surtout parmi les Coraux , de plusieurs Acalèphes, de quel- ques Annélides, des Arachnides et de plusieurs Insectes compris dans les ordres des Diptères , des Hyménoptères , des Hémiptères et des Lépidoptères. Dans la série des ani- maux vertébrés , on le retrouve encore chez les Myxinoïdes , dernier ordre des Poissons cartilagineux , chez les Têtards des Grenouilles (§ 392, 2»), et en partie au moins chez les Coli- bris ; mais les Mammifères ne l'offrent que durant les pre- miers temps qui suivent la naissance , de sorte que l'état per- manent chez les animaux inférieurs est purement transitoire chez eux. Tantôt on rencontre , pour le passage du liquide , un canal produit soit par les lèvres q«e l'animal y plonge ou dont il entoure les corps solides qui le renferment , soit par la langue , dont , chez les Colibris , par exemple , les deux moi- tiés latérales s'appliquent à cet effet l'une contre l'autre. Tantôt il existe un suçoir , qui est le prolongement immédiat des organes digestifs, ou une trompe mobile, annexée à la bouche et y versant le liquide. Enfin, chez certains animaux sans vertèbres, on trouve encore des épines spéciales, ou des parties analogues à des dents ou des mâchoires , qui , en pénétrant dans le corps liquide au sein duquel est contenu le hquide nourricier , viennent en aide à la succion. Mais on ne saurait établir une ligne de démarcation tranchée entre les animaux qui sucent et ceux qui mangent : car , d'abord , plusieurs Acalèphes sténobranches possèdent, indépendam- ment des tubes de succion disposés en cercle , une bouche centrale qui leur permet de prendre des substances solides ; ensuite , les suçoirs sont dilatables dans les Rhizostomes et DE lA DIGESTION. l'^5 autres Acalèphes discophores ; les Fourmis et les Guêpes con- somment aussi des substances solides , quoiqu'^elles ne fas- sent la plupart du temps que sucer , comme les autres Hy- ménoptères; on en peut dire autant des Scorpions, attendu que leur trompe n'est pas, comme celle des Araignées , mu- nie de soies qui empêchent les substances solides de pénétrer; les Myxinoïdes avalent également de petits animaux.Enfin, des animalcules, et des corpuscules , à la vérité visibles seule- ment au microscope , nagent constamment, en foule dans les liquides que sucent les Entozoaires , les Epizoaires , etc. 2» La succion repose , en général , sur ce que , par la for- mation d'une cavité qui n'existait pas auparavant, ou par l'agrandissement d'une cavité déjà existante , ou enfin par l'évacuation du liquide ou del'air que cette cavité contenait , il se produit un vide , dans lequel le liquide se précipite sous l'influence de la pression exercée par les parties d'alentour et l'atmosphère. L'organe de succion de plusieurs animaux sans vertèbres forme un creux qui agit à la manière d'une ven- touse , le petit bouton qui en occupe le centre et qui oflfre une ouverture conduisant au suçoir, se retirant en arrière , tandis que ses bords s'appliquent exactement à la surface du corps que l'animal veut sucer. Chez les Annelides , l'organe digestif acquiert , par le mouvement de la paroi du corps à laquelle il tient , une ampliation qui le rend apte à exercer la succion. Chez les Diptères , les Lépidoptères et les Hymé- noptères , l'estomac musculeux , destiné à l'attrition des alimens solides , est remplacé par une dilatation de l'œso- phage , qui concourt aussi mécaniquement à la digestion, mais d'une autre manière, puisque lasuccion dépend des alternatives d'expansion et de resserrement de ses parois. Les Mammifères sucent un corps solide par l'action réunie des lèvres, des joues et delà langue, avec le concours de l'inspiration (§ 533,4»). n. L'ingestion d'une certaine quantité de Jii]uide à la fois constitue l'action de boire, qui s'exerce de plusieurs manières. 1° Cette action s'accomplit d'abord par le même procédé que la succion , c'est-à-dire en humant le liquide au moyen de l'inspiration , l'air qui pénètre entre les lèvres en même temps que l'eau produisant un certain bruit. C'est ainsi que beaucoup l'^b liE LA ï)lGESTrÔN. d'Oiseaux , les Solipèdes , les Ruminans, les Cochons boivent ; ces derniers animaux rapprochent les lèvres l'une de l'autre , et, réduisant l'ouverture de la bouche à une fente étroite , la tiennent à la surface de l'eau ou la plongent dans le Hquide. 2" L'autre manière de boire consiste à verser, projeter ou amener l'eau dans la bouche , où elle descend par TefFet de sa pesanteur. Les Carnassiers et les Singes allongent la langue , l'élargissent , la recourbent à la pointe , et en font ainsi une espèce de godet au moyen duquel ils ramènent l'eau dans leur bouche. D'autre animaux , au lieu de lapper , comme ceux-ci, ne font que lécher l'eau , c'est-à-dire boire le liquide qui s'attache à leur langue. Certains Oiseaux appellent aussi la pesanteur à leur secours : ils plongent leur bec dans l'eau, en remplissent l'extrémité de liquide , puis le redressent, afin que l'eau puisse couler dans le fond de la cavité buccale. 3* La manière de boire de l'homme tient le milieu entre les deux précédentes. Elle a d'ailleurs cela de particulier , que le liquide est porté à la bouche au moyen d'un instrument quel- conque , ne fût-ce que le creux de la main. L'homme tient le vase de manière que la boisson puisse couler dans la bouche ; il applique la lèvre inférieure à ce vase , la supérieure à la surface du liquide, puis retire la langue en arrière, et exerce le mouvement d'inspiration. Le liquide, ainsi en partie versé et en partie humé, se rassemble dans la cavité buccale , close en arrière par la langue et le voile du palais , et quand cette cavité se trouve pleine , il est avalé tout à la fois. § 928. L'ingestion des alimens solides n'a pas lieu par- tout de la même manière (1). L En général , et en particulier chez l'homme , la bouche s'ouvre, et la cavité buccales'agrandit dans le sens de sa hau- teur, ce qui est rendu possible par l'extensibilité de ses parois latérales, les joues, constituées en grande partie par les muscles buccinateurs , la peau et la membrane muqueuse. 1° Cet agrandissement de la cavité buccale résulte surtout de l'abaissement de la mâchoire inférieure, qui n'exige qu'un appareil musculaire assez faible , proportion gardée , puisque (1) E. Laulh , Du Mécanis7no far lequel les substances alimentai- res^ etc. Strasbourg, d833, in-4, p. 4. DE LA DIGESTION. 1'^*] le propre poids de cette partie suffit déjà pour l'abaisser quand les muscles releveurs n'abaissent pas. Les muscles qui l'exécutent sont le mylo-hyoïdien , le génio-hyoïdien , et surtout le digaslrique, dont le point d'appui se trouve à l'hyoïde, que le sterno -hyoïdien, le thyro-hyoïdien et l'o- moplat-hyoïdien retiennent par le bas. Le digastrique est surtout puissant chez les animaux de proie , auxquels il per- met d'ouvrir largement la bouche. 2» La fente de la bouche est ouverte en même temps par le relèvement de la lèvre supérieure et l'abaissement de la lèvre inférieure , ainsi que par les buccinateurs , qui en tirent les coins. Tous ces muscles représentent les fibres musculaires longitudinales de la bouche, dont l'action s'exerce en sens in- verse de celle des fibres circulaires des lèvres. IL Chez les animaux qui mâchent peu ou point , et avalent de grosses bouchées , les mâchoires ont besoin de s'écarter beaucoup ; aussi se font-elles la plupart du temps remarquer par leur grande mobilité chez les animaux vertébrés des trois classes inférieures. 1° En effet , la mâchoire supérieure est flexible dans une partie de sa surface externe , ou à son union avec le vomer et l'os palatin , et sa partie antérieure se trouve soulevée quand la mâchoire inférieure s'abaisse , parce que ce mou- vement repousse l'os carré en avant , et refoule en même temps les os qui viennent d'être désignés. Chez les Mammi- fères , celte mobilité n'a pas lieu , et la mâchoire supérieure ne peut contribuer à l'ouverture de la bouche qu'en se soule- vant avec toute la lèle. Ainsi un Chien ouvre la gueule, alors même que sa mâchoire inlérieure est fixée , et l'homme aussi, quand il ouvre largement la bouche , redresse sa tête , s'il ne peut pas abaisser suffisamment sa mâchoire inférieure. 2" La mâchoire inférieure a plus de mobilité chez les Pois- sons , les Reptiles et les Oiseaux , parce qu'elle ne s'unit avec l'os temporal qu'au moyen d'une pièce intermédiaire , l'os carré , et (ju'en conséquence elle possède une double articu- lation de chaque côté. Chez la plupart des Ophidiens, on ob- serve , en outre , que ses deux moitiés latérales ne sont jointes ensemble qu'au moyen d'une membrane ligamenteuse sèche , 1^8 DE LA DIGESTION. de manière que ces Reptiles ont la faculté d*avaler des ani- maux d'un volume presque égal au leur, leur peau et leur œso- phage étant d'ailleurs susceptibles d'une distension considéra- ble. Au reste, la longueur de la mâchoire et l'étroitesse de son extrémité antérieure permettent aussi à labouche de s'ouvrir plus largement chez les Mammifères que chez l'homme. §|929. Les alimeus solides sont soumis à une action méca- nique qui les atténue. I. Cette action précède quelquefois l'ingestion. 1" C'est ce qui arrive quand le corps qui doit servir de nourriture a trop de volume pour pouvoir pénétrer en entier dans la bouche. L'animal le divise alors en morceaux , soit à l'aide de ses dents , qu'il y fait pénétrer , soit en le déchirant. On rencontre le second mode chez quelques Gastéropodes , par exemple , dont la langue est garnie d'armes au moyen desquelles ils détachent des lambeaux de la plante qui doit les nourrir. L'autre s'observe chez les Insectes masticateurs, dont les mandibules agissent à la façon d'une pince , pour détacher une pièce que les mâchoires cornées retiennent solidement , en s'appliquant à sa surface. La plupart des Oiseaux déchirent avec leur bec les corps qu'ils ne peuvent avaler entiers ; mais ceux de proie emploient leurs serres à cet office. Chez les Mammifères, les dents incisives sont destinées au même usage; aussi ne sont-elles pas situées exactement les unes au-dessus des autres -, presque toujours celles de la mâchoire supérieure avancent un peu , et leurs bords libres ne touchent que laté- ralement ceux des incisives inférieures, de manière que l'action combinée des; unes et des autres ressemble à celle d'une paire de ciseaux. Les Mammifères ont souvent aussi recours à l'arrachement ; en allongeant la tête , ils détachent avec les dents un lambeau du corps qu'ils retiennent avec leurs pattes, ou que son poids empêche de céder. 2« D'autres modes d'altrition préparatoire ont lieu égale- lement. Le Boa , par exemple , entoure les animaux de ses replis , et leur broie les os. Beaucoup d'Oiseaux ouvrent les capsules des plantes, rejettent les cosses, et avalent les graines, etc. II. L'action mécanique exercée sur les alimenâ introduits DE LA DIGESTION. 1 79 dans la bouche consiste en une pression simple des mâchoires et des dents ou des parties analogues , pression qui , en dé- truisant la vie , et altérant plus ou moins la cohésion orga- nique , rend les corps qui doivent servir de nourriture plus aptes à être avalés et digérés. 1° L'attrition des alimens avec les parties solides de la bouche est le mode le plus répandu. On en trouve déjà beau- coup d'exemples chez les animaux sans vertèbres, et elle paraît avoir lieu même chez quelques Acalèphes, dont la bouche est un peu cartilagineuse. Les Oiseaux ne font qu'é- craser les alimens avec l'enduit corné de leur mâchoire ; mais, chez les Poissons et les Reptiles , oii ces os sont garni de dents, il y a mastication. 2** Les dertfs qui , non seulement chez plusieurs animaux sans vertèbres , mais encore chez beaucoup de Poissons , gar- nissent la cavité buccale et sa partie postérieure , font éprou- ver aux alimens, pendant leur passage, une attrition qui n'exige point le concours de la volonté. L'enduit corné qui revêt la langue , par exemple chez les Sauriens et les Ophi- diens, peut fort bien agir de la même manière. Quelques Gastéropodes, par exemple les Halyoïides , écrasent égale- ment la nourriture contre une plaque calcaire. IIL La mastication est l'attrition des alimens par l'effet d'une pression répétée , accomplie volontairement. 1° On en connaît peu d'exemples chez les animaux sans vertèbres, où d'ailleurs elle est toujours fort incomplète. La plupart des Insectes qui vivent d'alimens solides , ne les mâchent pas, ou du moins ne les mâchent qu'en partie, lais- sant à l'estomac musculeux le soin d'achever cette opération. Chez ceux même dont les mâchoires seules concourent à la division des alimens , comme les Libellules , il y a plutôt écrasement que mastication proprement dite , et la position des mâchoires fait que l'acte s'accomplit plutôt au devant qu'à l'intérieur de la cavité buccale. 2» Pour qu'il y ait véritablement mastication , il faut que les mouvemens de la langue , des parois de la bouche et de la mâchoire inférieure , ramènent à plusieurs reprises les ali- mens entre les dents des deux mâchoires, qui les broient, les l80 DE LA DIGESTION. écrasent, les déchirent, en même temps que la salive af- fluante les ramollit et les réduit en une sorte de pâte. Cette mastication n'appartient qu'aux Mammifères , et même elle est très-bornée encore chez les carnivores. 3° La cavité buccale relient les alimens pendant la masti- cation ; elle est fermée en devant par le muscle orbiculaire des lèvres , en arrière par l'abaissement du voile du palais et le soulèvement de la base de la langue , tandis que les bucci- nateurs et les muscles labiaux, appliquant les joues aux gen- cives , empêchent ainsi la nourriture de tomber au pourtour de la cavité , c'est-à-dire entre les mâchoires et les joues. 4° La langue surtout joue un rôle très-actif pendant cette opération. Chez les Mammifères, et en particulier chez l'homme, des muscles la fixent en haut et en arrière au crâne , plus en devant au voile du palais, en bas et en avant à l'os hyoïde, et la meuvent dans toutes ces directions. Sa partie postérieure suit aussi les mouvemens de son support , l'hyoïde , que des muscles tirent en haut et en arrière vers le crâne , en haut et en avant (par les muscles formant le fond mobile de la cavité buccale) vers la mâchoire inférieure , en bas et en arrière vers l'omoplate , en bas et en devant vers le sternum et le larynx. Cette dernière connexion fait aussi que le larynx se meut en même temps qu'elle. La langue pos- sède , en outre , des fibres musculaires spéciales qui , mar- chant en long , en travers et en profondeur , se croisent dans toutes les directions, déterminent des mouvemens pro- pres, et s'entrelacent avec les fibres terminales de ses muscles intrinsèques ; ces fibres ont été bien décrites par Gerdy (i). Elle est étalée par ses fibres perpendiculaires , qui en même temps l'amincissent, et par les muscles stylo- glosse et hyo-glosse qui , marchant sur ses bords latéraux , la raccourcissent; elle est rendue plus étroite, plus épaisse et plus longue , par ses fibres transversales ; recourbée par ses fibres longitudinales et les muscles de ses bords qui viennent d'être désignés -, allongée par ses fibres transversales , ainsi que parie .génio-glosse, qui en occupe la ligne médiane. Quand ('!) liechercliesld'anatomie. Paris, 1823, in-4, p. 20. DE LA DIGESTION. l8l ce dernier en abaisse la partie médiane, tandis que le stylo- glosse et le glosso-palatin en relèvent les bords, elle se creuse à la manière d'une gouttière , et lorsqu'au lieu de ces derniers c'est l'hyoglosse qui agit, qui en abaisse les bords, elle prend une forme bombée. L'ascension de l'hyoïde et du larynx la refoule vers le palais. Le stylo-glosse et le glosso- palatin la portent en arrière , de telle sorte que si les fibres antérieures du génio-glosse en abaissent simultanément la pointe , elle offre une surface déclive d'arrière en avant. L'as- cension de l'hyoïde et les fibres inférieurs du génio-glosse la rejettent en avant , de manière que si sa base est en même temps abaissée par l'hyo-glosse , eile présente une surface inclinée d'avant en arrière. L'hyo-glosse et le mouvement de l'hyoïde vers l'omoplate , la tirent en bas et en arrière. L'as- cension du larynx et les fibres extérieures et supérieures du génio-glosse la dirigent en bas et en devant. Elle prend une direction oblique quand l'hyo-glosse, le génio-glosse et le glosso-palatin n'agissent que d'un seul côté. Enfin sa pointe peut se recourber un peu de bas en haut ou de haut en bas, suivant que les fibres longitudinales supérieures ou inférieures raccourcissent l'une ou l'autre de ses faces. Ainsi l'action réunie ou isolée, totale ou partielle, de ces différens muscles, lui permet d'exécuter les mouvemens les plus variés , de pro- mener les alimens dans la cavité buccale, de les presser contre les parois , surtout contre le palais , de les écraser quand ils sont mous , et de les réduire en bol quand ils ont été atténués d'une manière quelconque et imprégnés de salive. 5° Les dents des deux mâchoires pressent les unes sur les autres quand elles se correspondent parfaitement , comme chez l'homme , et contribuent ainsi réciproquement à se main- tenir fixées dans les mâchoires. Formant , chez lui , une série non interrompue , elles se prêtent latéralement un appui mu- tuel , qui fait que , quand les mâchoires saisissent un corps dur, l'action de l'une s'étend sur l'autre à la série tout entière, et que le point sur lequel porte immédiatement la pression oppose une plus grande résistance. La forme conique des ra- cines contribue aussi à répartir la pression sur une surface plus large , puisqu'il résulte de là que celle-ci ne s'exerce pas iSa DE lA. DIGESTION. uniquement sur le fond des alvéoles , mais sur toute l'étendue de leurs parois latérales ; les alvéoles et les dents ont donc plus de force. D'ailleurs, la membrane muqueuse acquiert un caractère ligamenteux aux gencives , ce qui fait qu'elle op- pose également une résistance considérable à la pression. 6° L'atténuation d'un corps en général ne peut avoir lieu que par piqûre, section ou pression, suivant que la force méca- nique est concentrée sur un point , ou répartie soit sur une ligne , soit sur une surface. La forme des dents correspond à ces trois manières d'agir. Les canines piquent , et quand elles se croisent , elles déchirent ; elles manquent chez beaucoup d'herbivores, et sont surtout très - développées chez les carnivores , à plusieurs desquels elles servent aussi d'armes offensives ou défensives ; chez l'homme , elles ne sont ni aussi longues , ni aussi recourbées que chez les carnassiers , et , sous le point de vue de la force , elles tiennent le milieu entre les incisives et les molaires. Les incisives sont les plus faibles de toutes les dents, en raison de leur structure et de leur situation ; agissant comme des ciseaux , elles con- tribuent spécialement à couper la bouchée et à faire subir la première division aux alimens. Aucun animal ne les a plus développées que les Rongeurs , chez lesquels l'usure inces- cessante de leurs couronnes est compensée par l'accroisse- men continuel de leurs racines (§808). Comme les deux moitiés de la mâchoire inférieure sont mobiles chez quelques Rongeurs , ses incisives internes s'inclinent l'une vers l'autre quand elle se relève (1). Les molaires écrasent et broient : aussi sont-elles plus fortes chez les animaux herbivores , les Ruminans et les Solipèdes surtout , tandis que chez les carni- vores elles offrent de grandes pointes, qui leur permettent de percer et perforer, en même temps qu'elles écrasent ; partout ce sont elles qui, en raison de leur structure et de leur situa- tion , agissent avec le plus de force ; aussi l'homme lui-même ne se sert-il que d'elles pour mâcher les substances les plus dures , bien qu'en toute autre circonstance il emploie toutes ses dents indistinctement. (1) Meokel, Deutsches Archw, t. II, p. 132. — Blandin , Anatomie du système dentaire. Paris, 1836, iq-S, DE lA DIGESTION. t83 7" Le plus général et le plus fort dts mouvemens que la mâchoire inférieure exécute pendant la mastication est celui de bas en haut. Plusieurs muscles contribuent à la presser suivant cette direction contre la mâchoire supérieure : ce sont le masséter en devant, le temporal en arrière, le ptérygoïdien interne en dedans. Le temporal est celui de tous qui exerce l'acliou la plus verticale et en même temps la plus énergique : aussi a-t-il une grande puissance chez les Oiseaux grani- vores, comme aussi chez les Mammifères carnassiers. On sait que ces derniers mâchent peu , généralement parlant , et qu'ils se contentent de broyer les os ; mais cet acte suppose une force considérable ; et ce qui contribue encore à le rendre possible , c'est la solidité de l'articulation de la mâchoire in- férieure , à laquelle la largeur de son condyle interdit en outre tous les mouvemens latéraux , ne laissant libres que ceux d'a- baissement et d'élévation. Chez l'homme , cette articulation est plus faible , et aucun muscle masticateur n'a de dévelop- pement remarquable; la force motrice du temporal et du masséter agissant à angle droit sur la mâchoire inférieure , et la situation des molaires au voisinage de l'articulation faisant que l'obstacle à vaincre se trouve rapproché du point d'appui, il suit de là qu'un grand déploiement de force est possible aussi en cet endroit : effectivement, certains hommes parvien- nent à casser des noyaux de pêche , qui ne cèdent qu'à la pression d'un poids de trois cents livres. Si les muscles mas- ticateurs étaient placés à une plus grande distance de l'arti- culation , ils pourraient déployer toute leur puissance , qu'on a évaluée , d'après ce dernier fait , à neuf cents livres , ou même au double (1). Au reste , la force mise en jeu est d'au- tant moindre que le corps serré entre les mâchoires a plus de volume , parce que l'obliquité de la mâchoire inférieure en arrière et en haut augmente en raison de la grosseur de ce corps , sur lequel les muscles ne peuvent plus alors agir à angle droit. 8" Au mouvement vertical s'en joint , surtout chez les her- bivores, un autre horizontal, qui dépend d'un glissement du (d) Haller, Elem. physioL, t. VI, p. 15. l84 DE LA DIGESTION. condyle , opéré principalement par îe muscle ptérygoidien externe , et qui complète l'attrition des alimens. Le mouve- ment en avant accompli par ce muscle , de concert avec le masséter, est très- prononcé chez les Rongeurs, dont le con- dyle de la mâchoire a un diamètre longitudinal considérable, qui lui interdit tout glissement latéral, en lui permettant de se porter avec facilité d'ayant en arrière ou d'arrière en avant , et dont le masséter a un grand volume , tandis qu'on ne voit aucune trace de ce muscle chez les Oiseaux dont les mâchoires ne sont susceptibles que d'un mouvement vertical. Le masséter est tellement prononcé aussi chez les Chais et les Dogues, qu'il élargit la partie antérieure de leur tête et la fait paraître ronde. Le condyle glisse en arrière par le seul fait de sa dis- position mécanique , quand les muscles qui le tirent en avant cessent d'agir ; le digastrique peut aussi contribuer à cet effet. 9° La mâchoire se meut latéralement lorsque l'animal con- tracte alternativement les ptérygoïdiens externes , et même les internes , des deux côtés , en aidant leur action de celle du masséter du côté opposé. Combiné avec celui d'avant en arrière , ce mouvement produit une rotation qui parachève l'attrition, et qui, assez bornée chez l'homme , a beaucoup de latitude chez les Solipèdes et les Rurainans , dont le con- dyle peut se mouvoir en tous sens dans la cavité superficielle qui le reçoit , et dont les muscles ptérygoidieos sont très-dé- veloppés. 10" La mastication , pendant laquelle les alimens prennent la température de la bouche , ou s'échauffent s'ils sont froids, et se refroidissent par l'effet du courant d'air, s'ils sont trop chauds, dure jusqu'à ce que la bouchée soit facile à mouvoir et à avaler, jusqu'à ce qu'elle cesse de flatterie sens du goût. hb. Déglulition des alimens. § 930. La déglulition suppose deux choses : l'action mus- culaire , et la lubréfaction des voies. Celle dernière condi- tion est remplie tant par la salive et les mucosités sécrétées, que par l'humidité de la nourriture elle-même. Lorsque la gorge est aride , par exemple dans la fièvre , on avale DE lA DIGESTION. î85 difficilement , et les corps secs , qui ne subissent ni la masti- cation ni l'insalivation , par exemple , les fécules , ne parvien- nent dans l'estomac qu'avec le secours d'une boisson. C'est à r arrière-gorge , oii la nourriture s'arrête le moins , que la sécrétion muqueuse est fournie en plus grande abondance , spécialement par les amygdales, que les mouvemens des pi- liers du voile palatin, entre lesquels elles sont situées , solli- citent à redoubler d'action et à se vider de leur produit. Mais la déglutition comprend le passage des alimens à travers la cavité buccale, l'arrière-gorge , le pharynx et l'œsophage. I. Quand il s'agit de pousser les alimens dans l'arrière- gorge , la mâchoire inférieure se relève , la bouche se ferme , les buccinateurs et la langue rétrécissent la cavité buccale, mais le voile du palais laisse le passage libre. La langue, dont la base présente déjà , dans l'état de repos, un plan incliné en arrière , fait concourir aussi sa partie antérieure à la pro- duction de ce plan , les stylo-glosses relevant sa pointe et fai- sant naître par là , sur sa ligne médiane, une gouttière le long de laquelle les liquides coulent. Mais , pour faire suivre la même route au bol alimentaire , la langue s'applique à la voûte palatine, d'abord par sa pointe , puis successivement parles autres points de sa face supérieure, jusqu'à sa base. Toutes les fois que cet organe n'offre pas ses conditions normales, la déglutition devient difficile , ou même impossi- ble sans auxiliaires (1). Chez le plus grand nombre des ani- maux, c'est à cela uniquement que se bornent ses fonctions. IL L'arrière-gorge , ou l'espace situé derrière le voile du palais , dont la voûte est formée par la base du crâne , la par- tie inférieure par là base de la langue, l'extrémité supérieure du larynx et le commencement de la paroi extérieure du pharinx , enfin , la paroi latérale par les branches montantes de la mâchoire , est l'endroit où les voies alimentaires se croi- sent avec les voies aériennes , où celles-ci les aident dans leurs mouvemens, où les alimens cheminent avec le plus de rapidité , et où enfin ils passent peu à peu du domaine de l'ac- tion soumise à la volonté dans celui de l'action qui ne recon- (d) Haller, Elom, physiolo(j.,t. VI, p. 91. l86 DE ik DIGESTION. nait pas l'empire de cette faculté. Les muscles qu'on y aper- çoit ont l'aspect et la texture des muscles volontaires ; les mouvemens de la base de la langue et du voile du palais peu- vent aussi être déterminés par la volonté , de même qu'il est en notre pouvoir d'exercer complètement ceux de la déglu- tition sans que nous ayons d'alimens dans la bouche ; mais Magendie a fait voir qu'on ne possède cette dernière puis- sance qu'autant qu'il y a de la salive à avaler ; si l'on répète plusieurs fois de suite le mouvement de la déglutition , il de- vient de plus en plus difficile , et finit par être absolument impossible. Le mouvement suppose donc ici un corps à faire cheminer, un objet extérieur sur lequel s'exerce l'action musculaire. Or c'est là le caractère des muscles involontaires. En effet , il nous est à peu près impossible de ne pas avaler la bouchée quand elle est parvenue derrière la base de la langue ; et nous avalons involontairement la salive pendant le sommeil , la syncope , l'état soporeux , par le seul fait de la réaction des muscles succédant à la stimulaiion de la mem- brane muqueuse , de même que la déglutition , bien qu'elle constitue un mouvement très-complexe , se fait déjà tout aussi complètement chez l'enfant à terme que chez l'adulte. Quant à l'acte lui-même , il consiste en un raccourcissement du ca- nal , avec rapprochement de la langue portée en arrière et en haut, de l'hyoïde soulevé, du larynx dirigé en avant, et du voile palatin abaissé. Lorsqu'on avale une grosse bouchée, ou qu'on a de la peine à avaler, on penche la tête en avant, afin de rapprocher davantage toutes ces parties les unes des autres. 1° L'hyoïde est tiré en arrière par le stylo-hyoïdien, mais surtout en avant par le génio-hyoïdien, le mylo-hyoidien et le digastrique. Il faut pour cela que la mâchoire inférieure soit fixée , et notamment qu'elle ait été relevée : aussi la déglu- tition est-elle difficile et incomplète dans les fractures, les luxations et la carie de cet os ; elle Test même déjà lorsqu'on tient la bouche ouverte. 2° Après que la base de la langue a été abaissée par les muscles fixés à l'hyoïde , afin de diriger la nourriture vers l'arrière-gorge, cet«rgane est tiré en arrière, par conséquent DE EA DIGESTION. 1 87 raccourci et en même temps soulevé par le slylo-glosse , et élevé à peu près verticalement par le glosso-palatin. 3" Le voile du palais est un prolongement de la membrane muqueuse qui tapisse la voûte palatine et le plancher des fosses nasales. 11 représente un pli formé de deux feuillets, entre lesquels sont étalés des muscles , et se trouve suspendu entre les cavités de la bouche et de l'arrière-gorge , de ma- nière que sa partie moyenne pend sur la base de la langue , et que ses parties latérales, divisées en deux piliers, vont gagner le plancher de ces cavités. Sa partie supérieure renferme deux paires de muscles, qui descendent delà base du crâne, se réunissent en un arc dont la concavité regarde vers le bas , et le tendent en travers. Ces muscles sont le pétro-staphylin , qui se porte obliquement en bas et en avant , de manière à tirer en haut et en arrière le voile du palais , dont la partie supérieure de la face postérieure se trouve ainsi tournée obli- quement en haut et en arrière , et le sphéno-staphylin , qui , se dirigeant en bas et en arrière , porte le voile en haut et en avant. Les piliers sont disposés comme des coulisses , et de telle manière que, quand on regarde le fond de la gorge par l'ouverture de la bouche, l'antérieur laisse apercevoir le postérieur , qui est plus large. L'antérieur descend vers la base de la langue , et contient le glosso-palatin , qui , en sou- levant la langue et abaissant le voile du palais , ferme le pas- sage de la cavité buccale à l'arrière-gorge , et attire le pilier vers la ligne médiane assez pour le mettre en contact avec la base de la langue ; le postérieur descend vers le pharynx , et le muscle pbaryngo-palatin qu'il renferme remonte ce der- nier , en même temps qu'il abaisse le voile du palais , et que, quand il est fixé par les muscles élévateurs , il rapproche les deux piliers de la hgne médiane , ne laissant entre eux qu'une fente étroite, dans laquelle pend la luette. Toutes ces parti- cularités ont été parfaitement décrites par Dzondi (1). Tandis que les muscles abaisseurs sont en antagonisme avec les re- leveurs, le glosso-palatin et le sphéno-staphylin peuvent , par leur action simultanée , attirer les parties en avant , de même (1) Die Functionen des weichen Gaumens, Halle, 1831, p. 14. l88 DE lA DIGESTION. que le concours du pharyngo-palatin et du pétro-staphylin peut les porter en arrière. Quand la bouchée touche le voile du palais , celui-ci est tendu et porté un peu en avant par le sphé- no-staphylin, aprèsquoi, le glosso-staphylin entrant en action, il concourt avec la langue à pousser la bouchée dans l'arrière- gorge et à l'empêcher de rétrograder vers la cavité buccale. En! suite le pharyngo-palatin agit, et, conjointement avec le pétro- staphylin, il tire un peu en arrière le voile du palais, qui, placé ainsi obliquement, sépare la partie antérieure et inférieure de Tarrière-gorge de sa partie supérieure et postérieure, empêche les alimens de pénétrer dans les fosses nasales , et les dirige vers le pharynx. Le voile du palais étant tendu , on ne peut qu'avec beaucoup d'habitude, et en avalant lentement, pré- venir le passage de la nourriture dans le nez. Mais Dzondi a clairement démontré (1) que ce voile ne se place pas hori- zontalement, comme on l'admettait jadis. La luette , qui man- que chez les animaux , à l'exception des Singes , et dont la perte , chez l'homme , ne dérange pas sensiblement la déglu- tition , paraît moins exercer une action mécanique , que sti- muler en temps utile l'action du voile palatin , par là propa- gation de l'impression , attendu que sa situation l'expose la première au contact des alimens , et qu'en vertu de la vive sensibilité dont elle est douée , elle se contracte instantané- ment. Du reste , chez certains Oiseaux, Reptiles et Poissons , le voile du palais est en partie remplacé par des dents ou des épines cornées , dont les pointes , dirigées en arrière , em- pêchent les alimens de revenir sur leurs pas. 4° Le larynx est attiré vers l'hyoïde par l'hyo-lhyroïdien , et tous deux sont ensuite portés en avant et en haut par le génio -hyoïdien et le mylo-hyoïdien. Il résulte de là que les ligamens dont l'usage est de fixer l'épiglolte à l'hyoïde et au cartilage thyroïde , et qui le maintiennent redressé quand ils sont à l'état de tension , se relâchent , en sorte qu'il suffit déjà de cette circonstance pour faire sortir l'épiglotte de sa position verticale, comme on peut le constater, sur un cadavre, en re- poussant de bas en haut l'hyoïde et le larynx. Mais l'épiglolte DE LA DIGESTION. 1 89 est abaissée davantage encore par la base de la langue, qui se réiracte vers elle, et au dessous de laquelle vient se placer le larynx reporté en avanl. La conséquence en est que la glotte se irouve bouchée, et que les alimens ne peuvent ni s'intro- duire dans les voies aériennes, ni même entrer en contact avec les lèvres de cette ouverture , qu'ils irriteraient violemment. Meyer (1) a observé sur lui-même que l'épiglotte, dont il avait éprouvé la sensibilité par des atloucbemens fréquens, s'abais- sait pendant la déglutition. L'ascension du larynx , qui déter- mine cet abaissement , a lieu sans la coopération de la volonté ; nous pouvons à peine l'empêcher quand nous avons porté un liquide dans l'arrière -gorge, et si nous parvenons à vaincre le penchant qui la sollicite d'une manière si impérieuse , nous sommes pris de toux , parce que les lèvres de la glotte sont irritées par le liquide , ou qu'elles en laissent pénétrer une partie dans le larynx. La même chose arrive dans divers états pathologiques de l'épiglolte (2). Ainsi, quand ce couvercle a été détruit par la suppuration, le sujet ne peut, sans cou- courir le risque de s'asphyxier, avaler les alimens solides que sous forme de boules , ni les liquides autrement qu'à l'aide d'une canule enfoncée jusque dans le pharynx (3). L'épiglotte a beaucoup d'ampleur chez les Mammifères qui se tiennent toujours ou souvent dans l'eau ; chez les Cétacés , cet appen- dice et la partie supérieure du larynx remontent tellemen dans l'arrière-gorge et vers l'orifice postérieur des fosses nasales , que les aiimens , au lieu de passer dessus , sont obli- gés de chemiuer à côté. 6° Magendie (4) a fait voir que l'épiglotte n'est point indis- pensable à la déglutition chez les Mammifères , et que l'oc- clusion de la glotte peut avoir heu par la seule action des muscles de cette lente. Des Chiens auxquels il avait excisé ou relevé l'épiglotte , ne tardaient pas à avaler sans peine , par le soin qu'ils avaient d'appliquer l'une contre l'autre les lèvres (1) Medicinisch-chirurgischc Zeiluug, ■1814, t. III, ?• 156. (2) Ilaller, Elem. physiol., t. VI, p. 89. (3) Gersoii, Maijazin, t. XIII, p. 163. (4) Mèm, sur l'usajo do Vcjngloitc. Paris, 1813, p. 1-7. igo DE LS. DIGESTION. de leur glotte. Il a observé aussi des hommes chez lesquels la déglutition s'exécutait facilement malgré l'absence de l'épi- glotte , tandis que la destruction des cartilages aryténoïdes et des lèvres de la glotte la rendait difficile et imparfaite (1). Il a remarqué, en même temps, que le muscle crico-thyroidien soulève la partie antérieure du cartilage cricoide vers le car- tilage thyroïde pendant l'ascension du larynx , ce qui rend la glotte oblique d'avant en arrière (2). 6» La glotte est donc toujours fermée durant la déglutition; chez les Reptiles et les Oiseaux , par ses muscles obturateurs seuls; chez les Mammifères, par l'action de ces muscles et sur- tout par l'abaissement de l'épiglotte. Mais ces dispositions n'empêchent pas qu'un peu de liquide puisse pénétrer dans le larynx. Les résultats d'une discussion jadis entamée à ce sujet (3) , et plusieurs observations recueillies par les mo- dernes ( § 903, 1), prouvent qu'il ne résulte de là aucun dan- ger quand la quantité de liquide n'est pas trop considérable. La respiration est interrompue pendant la déglutition ; ce- pendant , comme l'ascension du larynx et le rétrécissement de la glotte qui l'accompagnent sont des mouvemens expira- toires , elle permet de respirer un peu d'air, qui sort alors par le nez. Quand on a bu un long trait , on fait une inspiration profonde ; mais si l'on vient à inspirer tandis qu'on boit , par exemple , en riant , toussant ou éternuant , on avale de travers. 7» Le pharynx remonte avec l'hyoïde et le larynx. En ou- tre , le pharyngo-palatin et le stylo-pharyngien le soulèvent , et le premier de ces muscles l'attire en avant vers le voile du palais , de sorte qu'il vient au devant de la bouchée , pour la recevoir. Mais , dans le même temps , il se trouve élargi en devant par la procidence du larynx, et sur les deux côtés par l'action des stylo-pharyngiens, qui le soulèventsimultanément d'avant en arrière , tandis que sa paroi postérieure s'accolle à la colonne vertébrale. III. Après avoir reçu la bouchée, le pharynx commence à (1) Magendie, Précis élémentaire, t. II, p. 63. (2) Magendie, Mém. sur l'usage de Vépiylotte, p. 10. — E. Lauth, Mém. de V Académie royale de médecine. Paris, 4835, t. IV, p. 95 et suiv. ; (3) Haller, Elem, physioh^X.Yl, p. 89. DE LA. DIGESTION. I9I la faire descendre, en se rétrécissant à sa partie supérieure : pour cela , celles des fibres supérieures de ses constricteurs qui prennent leurs attaches à la paroi latérale de la cavité buccale, aux apophyses ptérygoides, à la mâchoire inférieure et à la base de la langue, se contractent , tandis que la base de la langue s'oppose à tout mouvement rétrograde du bol alimentaire. Puis les fibres moyennes , celles qui s'insèrent à l'hyoïde , et les inférieures , celles qui sont fixées au larynx , entrent en jeu ; le larynx s'abaisse, ainsi que l'hyoïde, la langue et l'arrière-gorge , de sorte que la bouchée est chassée dans l'œsophage par les muscles circulaires qui se contractent sur elle. Le mouvement était tout-à-fait volontaire dans la cavité buccale , et mixte dans l'arrière-gorge ; dans le pha- rynx, le mouvement involontaire devient prédominant, de sorte que , quand la déglutition y éprouve des diflScultés , eu égard au volume de la bouchée , un effort volontaire vient à son se- cours, en allongeant le cou et redressant la tête. IV. Dans l'œsophage enfin , la volonté n'a plus aucune part au mouvement. Si une bouchée vient à s'y arrêter, elle ne peut plus être repoussée par un effort volontaire , et chez les animaux doués d'un long col , on la voit cheminer, sans que les muscles extérieurs y contribuent en rien. Ce n'est pas non plus la pesanteur qui détermine la progression du bol ; car , chez le Cheval qui pâture , celui-ci remonte dans l'œsophage contre les lois de la gravitation , et l'homme lui-même peut avaler la tête en bas. Les muscles plastiques, qui seuls agissent ici , conservent , pendant une à trois heures après la décapita- tion , la faculté de se mouvoir sous l'influence du galva- nisme (1) : ils ressemblent donc , sous ce point de vue , aux muscles qui obéissent à la volonté ; et de tous les mus- cles involontaires , ce sont eux qui , après les oreillettes du cœur, demeurent le plus long-temps sensibles à l'électricité. Comme les corps solides exercent sur eux une stimulation plus vive , l'affaiblissement ou l'espèce de paralysie dont ils sont frappés chez les apoplectiques , ne les empêche pas toujours d'avaler des alimens solides, mais ne leur permet jamais d'o- <1) Ny8ten> Hecherohes de physiologie, p. 345. igi DE LA. DIGESTION. pérer la défjlutilion des liquides, quoique ces derniers par- viennent avec pius de promptitude dans l'estomac, et que souvent il leur arrive, avant la mort, d'y descendre en produi- sant un bruit susceptible d'être entendu. 'J° L'œsophage , qui semble manquer chez certains animaux inférieurs, par exemple , les Cirripèdes^ la plupart des Acé- phales et quelques Insectes, dont l'estomac touche immédia- ment à la cavité buccale , a , chez l'homme , environ neuf pouces de long , sur huit lignes de diamètre transversal , ses parois antérieure et postérieure étant en contact l'une avec l'autre (1). Il ne se distend que quand il reçoit des alimens ; l'estomac des noyés ne contient guère que l'eau avalée avant la mort , car ce liquide n'y pénètre pas facilement dans les cadavres. Chez les animaux qui mâchent peu ou point, tels que les Poissons , les Reptiles , les Oiseaux , les Mammifères car- nassiers et les Ruminans (2) , l'œsophage est proportionnel- lement fort ample ou très- extensible. 2" Les fibres circulaires de l'œsophage le rétrécissent dans tous les points situés au dessus de la bouchée , de sorte qu'il embrasse exactement cette dernière, et qu'il est raccourci au dessous d'elle. Magendie prétend (3) que le bol alimentaire chemine avec lenteur, qu'il emploie quelquefois deux à trois minutes pour parvenir dans l'estomac , que parfois même il s'arrête et remonte un peu; mais ceci ne peut s'appliquer qu'à de grosses bouchées. Quand les alimens sont chauds , la cha- leur se fait sentir dans l'eslomac au bout de quelques secondes. Les boissons passent avec encore plus de rapidité. 3° Magendie a trouvé (4) que les fibres circulaires se re- lâchent aussitôt après s'être contractées dans les deux tiers supérieurs , mais que , dans le tiers inférieur, elles demeurent contractées pendant une demi-minute environ après avoir poussé les alimens dans l'estomac, de telle manière qu'en cet (1) Krause, Handhuch der mensclilicken Anatomie,i. I, p. 484. — Blan- à\\\,Nouveauw Elémens d'anatumio descriptive. VAvis, 1S38, t. II, p. 460. (2) Les Rumiuans conunencent par avaler le fourrage qu'ils n'ont fait que diviser giossièienient. (8) Précis élément., t. II; p. 59^ 64. (4) 7iz(/., p. 20. ,, _ DE LA DIGESTION. IgS endroit le canal est ferme et rénitent au toucher , JHsqu à ce que tout à coup il éprouve un relâchement ;, qni , la plupart du temps, a lieu simultanément dans toute l'étendue de ce tiers inférieur, après quoi survient une nouvelle contraction. Beau- mont (1) a vu aussi que , quand l'homme atteint d'une fistule stomacale sur lequel ont été faites ses observations , avait pris de la nourriture , le cardia se fermait durant cinquante à quatre-vingts secondes , puis s'ouvrait de nouveau pour ad- mettre d'autres alimens. Au reste , Halle a remarqué , dans un cas analogue , qu'à l'instant où la bouchée parvient dans l'estomac, une portion de la membrane muqueuse du viscère fait saillie et forme bourrelet dans l'intérieur du viscère], par l'effet du raccourcissement de ses fibres longitudinales (2). i° Le diaphragme, en se contractant, resserre inférieure- ment l'œsophage. Voilà pourquoi la nourriture ne peut point arriver dans l'estomac pendant une forte inspiration , et pour- quoi aussi la réplétion de la partie inférieure de l'œsophage rend l'inspiration difficile. 2. MOUVEMENT DIGESTIF. a. Mouvement de l'estomac, §931. I. L'estomac, placé à l'extrémité de l'œsophage , reçoit les alimens chassés par ce canal, et les amasse, attendu que son ampleur les oblige à y faire un certain séjour. Les alimens se rassemblent d'abord dans la portion située à la gauche du cardia , celle qu'on appelle le cul-de-sac, et dont le diamètre vertical , mesuré de la courbure supérieure à l'in- férieure , est de quatre pouces et demi ; puis dans la portion moyenne , dont le diamètre est de trois pouces et demi à quatre , tandis que celui de la partie droite ne s'élève qu'à un pouce et demi ou deux pouces. L'estomac des herbivores et des carnivores s'écarte de ces dimensions moyennes de l'esto- mac humain. Chez les premiers , l'organe a une configuration telle que la nourriture est contrainte d'y séjourner plus long- temps , car son diamètre vertical est plus considérable , son (1) Neue rersuche ueber den Magcnsafti p. 44. (2) Magendie, Précis élément., t. II, p. 65. IX. j3 194 ^^ l'A D!GEST10?Î. cul-de-sac plus long, et sa courbure supérieure plus petite, d'où il suit que le cardia et le pylore sont plus rapprochés Tua de l'autre , et que la situation du pylore, d'ailleurs plus étroit, rend la sortie du chyme plus difficile. Chez les carni- vores , au contraire , l'estomac a moins la forme d'un sac que celle d'un utricule recourbé , s'élargissant peu à peu , puis se rétrécissant , en sorte que le cardia et le pylore occupent les deux extrémités opposées , et que la courbure supérieure est plus longue , proportion gardée. 1° Le cardia est tellement clos , que même les gaz ne s'en échappent pas spontanément : lorsqu'on a pris trop d'alimens et que la digestion s'accomplit mal , on ne parvient à se sou- lager, en rendant des vents , qu'autant qu'on exécute certains mouvemens ou qu'on fait usage d'excitans diffusibles ; chez les Vaches qui ont mangé trop de trèfle , il n'y a souvent d'autre moyen que la ponction pour remédier à la distension du rumen par le gaz. De même, le tournesol que Yiridet avait introduit dans l'œsophage d'animaux vivans , n'était pas rougi par l'acide volatil de l'estomac (1). Le cardia n'a cependant pas de fibres circulaires assez fortes pour agir comme sphinc- ter ; mais l'œsophage remplit immédiatement cet office, après avoir poussé les alimens dans l'estomac (§ 930). Sui- vant Magendie (2) , la contraction est d'autant plus forte et plus soutenue que l'estomac est plus plein ; l'inspiration s'ac- croît aussi par la constriciion que le diaphragme , en s'abais- sant , exerce sur la partie inférieure de l'œsophage. Mais , même dans l'état de repos , ce conduit est tellement rétréci, dans toute sa longueur, par ses fibres circulaires, qu'il ne cède qu'à l'effort des ahmens poussés de haut en bas. Une circonstance encore peut y contribuer : c'est que , quand l'es- tomac se trouve rempli , le cardia forme un aogle avec l'œso- phage. Du reste , certains animaux , tant inférieurs que su- périeurs , offrent , au bas de l'œsophage , tantôt des rélrécis- semens , tantôt des replis transversaux ou en spirale , qui peuvent mettre obstacle au retour des alimens. (1) Hnlîer, Elevient, physiol., t. VI, p. 106. C2) Précis élément,^ t. il, p, 78, Î)E lA DIGESTION» îgS 2° La nourriture est retenue aussi dans l'estomac par le pylore , qui est ordinairement fermé pendant la vie , de sorie que l'air même qu'on pousse par l'œsophage , chez un animal vivant , ne pénètre dans l'intestin qu'après avoir fortement distendu l'estomac (1). L'eau que les noyés avalent avant de périr, ne passe pas non plus dans le canal intestinal, et l'oc-. clusion du pylore se rencontre fréquemment aussi dans les cadavres (2} , quoiqu'elle n'y soit pas aussi ordinaire qu'An- dral le prétend. Elle est surtout très-prononcée dans les cas de plénitude du viscère, puisque Leveling, par exemple , n'a pu parvenir à faire passer une sonde au travers de l'ouver- ture ; l'action vivante de l'estomac peut seule en triompher. 3° L'estomac vide est sans mouvement et resserré par sa tu- nique musculeuse ; la membrane muqueuse forme des plis , dont on a trouvé la saillie de cinq à six lignes dans un cas de fistule stomacale. Sa face interne est couverte d'une petite quantité de mucosité, et ses vaisseaux, très-sinueux, ren- ferment peu de sang. Au reste , il n'est pas si vertical et n'a pas sa paroi antérieure si appliquée à la postérieure qu'on le voit sur le cadavre , car la turgescence vitale fait que ses pa- rois sont bombées , et que sa grande courbure ne regarde pas directement le bassin , mais se porte un peu vers la paroi abdominale , direction que Weitbrecht est parvenu à lui don- ner en injectant les vaisseaux (3). 4° Les alimens reçus dans l'estomac le dilatent ; sa tunique musculeuse aide à la distension , la muqueuse se déplisse , et la péritonéale acquiert une ampleur correspondante par le déploiement simultané du grand et du petit épiploon. Outre que l'accroissement de la turgescence vitale , l'afflux d'une plus grande quantité de sang dans les vaisseaux et leur re- dressement , concourent à cet effet , la grande courbure se place plus en devant qu'elle ne l'est dans l'étal de vacuité, parce qu'elle est la partie la plus mobile du viscère, et qu'elle ne rencontre en avant que des parties molles , qui lui perraet- (1) Mayo, Outlines ofhuman physioloyy^ p. 423^' (2) llaller, loc. cit., t. .VI, p. 201 , 27S. (3) Hist, de VAcad, des «Cj 1715, p. 233, igo tJÈ tk DIGESTîÔPÎ. tent de se procurer plus d'espace de ce côté , tandis que le cardia et le pylore , fixés à l'œsophage et à l'intestin , demeu- rent plus en arrière , où la paroi abdominale ne cède point autant , et servent en quelque sorte de pivots autour desquels s'opère la torsion. Il résulte de tout cela que la partie supérieure de l'abdomen , notamment la région épigastrique , fait une saillie plus prononcée; la rate obéit naturellement à la torsion, et prend une situation plus horizontale ; mais le foie et l'intes- tin sont refoulés , de telle sorte que, dans le cas de plaie pé- nétrante au bas-ventre , il sort une portion plus considérable du dernier de ces organes quand l'estomac est plein que quand il est vide , comme l'a observé , entre autres, Vater (1). Enlin, le diaphragme éprouve un refoulement de bas en haut , ce qui fait que la réplétion excessive de l'estomac rend difficile , non- seulement l'inspiration et tout acte qui exige un certain dé- ploiement d'énergie de l'appareil respiratoire , comme l'ac- tion d'appeler à haute voix , mais encore la course ou tout autre effort musculaire quelconque. II. Le mouvement de l'estomac a été observé immédiate- ment sur beaucoup d'animaux soumis à la vivisection, et sur quelques hommes atteints de fistules stomacales. Il est plus lent et moins manifeste chez certains animaux que chez d'au- tres. En outre, il varie chez les individus d'une même espèce, non-seulement d'après l'état de vacuité ou de réplétion, mais encore dans l'un et dans l'autre de ces deux états. De quatre Chiens que Spallanzani (2) examina sous ce point de vue , après leur avoir fait prendre des alimens, deux le lui mon- trèrent bien prononcé, tandis qu'il n'en vit aucune trace chez les deux autres. On avait présumé qu'il n'avait lieu qu'autant que la cavité abdominale venait à être ouverte , et par suite de l'action stimulante de l'air ; mais on peut l'apercevoir à travers les parois du corps chez les animaux invertébrés trans- parens, et Haller (3) l'a remarqué aussi chez des Mammifères auxquels il n'avait ouvert que la poitrine. Il se compose , (i) Philosophie Trans, t. XXXIJp. 89. (2) Opuscules, t. Il, p. 635. (3) Elem. physiol., t. VI, p. 273.] DE LA DIGESTION. I97 comme celui des autres membranes musculeuses, tantôt d'un raccourcissement par des fibres loûgitudinales, taalôt d'ua resserrement, avec formation de plis, par des fibres transver- sales. On a remarqué aussi que les points qui se contractent deviennent plus épais et plus résistans, tandis que ceux dans lesquels la distension a lieu s'amincissent et deviennent plus mous- à" L'application des excitans» pendant la vie ou peu de temps après la mort, sollicite en général l'estomac à se mou- voir, mais n'y excite pas néanmoins des mouvemens aussi vifs que ceux des intestins. L'excitation de la surface externe, par des agens chimiques, tels que l'alcool, les acides miné- raux elles sels métalliques, détermine des contractions et de profonds sillons à l'endroit touché, d'où les alimens se trouvent chassés (1). L'irritation, au moyen d'un scalpel ou d'une ai- guille, produit le même effet, mais, suivant les observations de Spallanzani , avec des différences individuelles ; le phéno- mène eut lieu chez un animal dont l'estomac avait déjà cessé de se mouvoir sur les alimens contenus dans son intérieur, et chez un autre qui n'en avait offert aucune trace auparavant ; chez d'autres encore on ne l'observa pas. L'irritation galva- nique est celle qui agit de la manière la plus constante. Nys- ten nous apprend (2) que, sur des Chiens auxquels il avait coupé la tête , ou éteint de toute autre manière l'influence du cerveau , l'aptitude à la ressentir persistait un peu plus long- temps à l'estomac qu'à l'intestin , en général au-delà d'une demi-heure , mais parfois aussi plus de deux heures après la mort. Une irritation portée à la face interne du viscère semble être douée d'une efficacité toute spéciale , ainsi que Beau- mont (3) l'a constaté en introduisant une canule en caoutchouc dans la fistule de l'homme qui servait à ses observations. Les alimens doivent agir de la même manière ; c'est là ce qui fait que le mouvement cesse quand l'estomac ne contient plus rien, et qu'une irritation extérieure en excite un moins vif que (1) Haller, loc. cit., p. 260. (2) Loc. cit. y p. 344. (3) Loc. cit., p. 60. ïgS DE lA DIGESTION, la rëplétion médiocre du viscère. Plus la nourriture est so- lide , plus aussi elle est excitante , et plus restomac se meut avec force , d'après les remarques de Tiedemann (1) et d'E- berle (2). Mais il faut faire entrer en ligne de compte les pro- priétés chimiques des alimens; car Helm (3) a vu qu'ajjrès l'ingesiion dune boisson spiritueuse , les alimens restaient à peine une heure dans l'estomac, et sortaient par la fistule , avec quelque soin que le bandage eût été appliqué. D'un autre côté , l'opium paralyse presque toujours la faculté mo- trice de l'estomac (4). 6° La force musculaire de l'estomac varie beaucoup. Géné- ralement parlant, elle est plus considérable quand les alimens sont de nature hétérogène et difficiles à digérer, par consé- quent chez les animaux herbivores ; mais , à part cette circon- stance , elle déploie aussi une plus grande énergie lorsqu'elle est obligée de remplacer la mastication , et diminue d'autant plus le séjour des alimens , que les sucs gastriques possèdent plus d'efficacité ; voilà pourquoi elle est plus lente chez les Poissons et les Reptiles , où la nourriture a besoin de rester long-temps dans l'estomac pour être digérée. Un estomac qui est destiné à remplir le rôle d'une sorte d'organe masti- cateur, et à diviser les alimens sohdes, se distingue en ce que sa cavité est moins spacieuse , sa tunique musculeuse épaisse , et sa membrane muqueuse garnie de productions cornées ou calcaires , tantôt de plaques agissant par pression et frottement , tantôt de pointes qui piquent et font office de dents : chez les Acéphales , on voit saillir dans l'estomac , à son extrémité , une pièce calcaire , sur laquelle s'articule une plaque canilagineuse supportant trois pointes. Chez plusieurs Gastéropodes , les A|)lysies, par exerap'e , à un estomac pu- rement membraneux en succède un autre musculeux garni de plusieurs plaques cartilagineuses et pointues , disposées en cercle , qui se rencontrent les unes les autres dans les mou- (1) Rech. sur la digestion, tvad. par A. J. L. Jourdan, 1. 1, p. 332. (2) Physiologie der F'erdauung, p. 153. (3) Zwey Krankengeschichten, p. 13. (4) Hallei-, loc. cit., t. YI, p. 262. DE LA DIGESTION. ,199 vemens du viscère ; il y a de pUis un troisième estomac armé de pointes recourbées. Quelques Ptéropodes ont également des dents cornées dans leur estomac. Chez divers «knoélides , les Âphrodites , par exemple , l'estomac est fortement muscu- leux , revêtu d'un épilhélium calleux , et armé de dents car- tilagineuses. Chez tous les Insectes qui prennent une nourri- ture solide, comme les Coléoptères créophages et lignivores, les Orthoptères et les Névroptères , on trouve , en avant de l'estomac proprement dit , un véritable gésier, qui est garni de plis et de lamelles ou d'épines cornées. Les Décapodes, parmi les Crustacés , ont , à l'extrémité de leur estomac , un appareil spécial, qui consiste en cinq pièces calcaires armées- de dents et mues par des muscles. Chez plusieurs Oiseaux , notamment ceux qui vivent de matières animales , l'estomac n'a que de minces membranes ; il est muscuieux au contraire chez les phytophages , et surtout chez les granivores , oh il présente deux masses musculeuses très-solides , compo- sées de fibres rayonnantes, entre lesquelles on n'aperçoit presque pas de tissu cellulaire, et où sa face interne est ta- pissée par une couche cellaleuse qoi, de temps en temps, se détache et se renouvelle. Cet épithélium forme , chez une es- pèce de Pigeon des Tndes orientales , deux excroissances cor- nées, opposées l'une à l'autre, entre lesquelles les grains sont écrasés (1\ Dans la classe des Mammifères, le Pangolin a l'estomac divisé en deux portions, l'une cardiaque, a parois minces, l'autre pylorique, fortement musculeuse et garnie d'un épithélium calleux. Chez lesSolipèdes et les Cochons, au con- traire , il n'y a que la portion cardiaque qui offre un épilhé- lium aussi épais qv.e celui de l'œsophage , et a iquel eUe doit sa couleur blanchâtre. Chez les carnassiers , l'estomac est uniformément rougeâtre sur toute sa face interne ; il a un épilhélium mince et des fibres musculaires faibles , toujours plus fortes cependant que celles qu'on trouve chez l'homme. 7» Les expériences tentées d'abord par Borelli et Pvcdi , à l'effet de déterminer les forces du gésier des Oiseaux, ont été répétées avec plus de soin parPiéaumur.Ce al^slciieii fit avaler (1) Hisi. de VAc. des se, 4752, p. 297. . . ; , 200 DE LA. DIGESTION. à une Poule des boules de verre qu'un poids seulement de qua- tre livres pouvait écraser ; au bout de trois heures elles furent trouvées réduites en morceaux (1). Des tubes en fer-blanc, clos à chaque bout par un couvercle soudé , et assez forts pour ne pas fléchir sous une pression moindre de quatre-vingts livres , étaient , après vingt-quatre à quarante-huit heures de séjour dans l'estomac du Dindon , les uns aplatis , les autres roulés sur eux-mêmes , avec les couvercles déformés ou dessoudés (2). Vingt-quatre noix avalées par un Dindon étaient écrasées au bout de quatre heures, et il en fut de même à l'égard de noisettes avalées par un Coq (3). Spallanzani (4) a également vu un séjour de trois heures, dans l'estomac d'une Poule , réduire de petites boules de verre en morceaux , ou même en une poudre fine ; un grenat , qui demeura un mois entier dans l'estomac d'un Pigeon , avait tous ses angles émoussés. Il y a également une espèce de Mésange dont l'estomac broie des coquilles de Limaçons (5) , Réaumur a re- connu que celui des Canards n'a pas assez de force pour courber les tubes en fer-blanc, et Spallanzani (6) attribue une force moyenne aux estomacs qui, comme celui des Corneilles , n'agissent pas sur les tubes d'une certaine épaisseur, mais dé- forment ceux qui sont minces (7). L'estomac des Bœufs et des Chiens (8) n'agit pas non plussur ces instrumens dans les expé- riences du physiologiste italien ; de petits tubes en bois assez minces pour céder à la moindre pression du doigt , tra- versèrent son propre canal alimentaire sans être endommagés ; sur vingt-cinq grains de raisin mur , à peau très-molle , dix- huit passèrent également entiers, il en fut de mêmendes cerises et des grains de raisin non à maturité.! Au reste, les iatro-ma- thématiciens ont trouvé ici un champ libre pour leurs calculs. (1)ii,,p. 273. (2)lUd., p. 270. f (3) Froriep, Notizen, t. XXVII, p. 234. (4) OEuvres, t. II, p. 405. {5)Hist. deVAcad. des se, 1752, p. 291. (6) Loc. cit., p. 457. (7) Loc. cit., p. 550-558. (8) Loc. cit. y p. 632. , ■^ ' DE lA DIGESTION. zaï Ainsi Pitcarn , croyant que la force des muscles devait cor- respondre à leur poids, évaluait celle de l'estomac de l'homme à 12,951 livres , d'après la proportion entre son poids et celui du muscle fléchisseur du pouce , dont Borelli estimait la force à 3,720 livres. FracassJni la portait à 117,088, et Wainewright à 260,000 livres (1). 8" De ce que le raccourcissement d'une fibre musculaire ne peut guère aller au-delàdu tiers de sa longueur,on avait conclu que Testomac des Mammifères , alors même qu'il est le plus contracté, conserve encore les deux tiers de sa capacité. Ce- pendant il a été maintes fois constaté que ce viscère embrasse exactement de toutes parts des corps même assez petits , et comme il se vide souvent d'une manière complète , comme il chasse de son intérieur des aiguilles et des graines, comme il réduit en pelotes les poils et autres substances analogues , il paraît être susceptible de se resserrer bien au-delà des li- mites qu'on lui avait assignées (2). D'ailleurs, son mouvement le plus vif est celui qui s'accomplit dans la portion où il est le plus étroit et le plus musculeux , par conséquent aux alen- tours du pylore, et dans celle où il jouit de la plus grande li- berté , c'est-à-dire à sa grande courbure. 9° Suivant Eberle (3), l'estomac, après avoir reçu des ali- mens , se resserre d'abord sur eux d'une manière uniforme et continue. Quand les alimens commencent à se ramollir et à se réduire en bouillie , sa tension devient inégale , et c'est alors qu'on peut apercevoir son mouvement. Celui-ci est, généra- lement parlant , calme et ondulatoire ; il marche du cardia au pylore , et du pylore au cardia. Quelquefois aussi , comme l'a remarqué Tiedemann (4), les mouvemens partent en même temps des deux extrémités de l'estomac , et se réunissent à la partie moyenne du viscère. Les plus ordinaires, ceux qui partent du cardia et y reviennent , mouvemens observés par (1) Ilaller, Elem.physioloy., t. VI, p. 274. (2) ii.,p. 262. (3) Loc. cit., p. 52. (4) Recherches sur la dijestion , trad. par A. J. t. Jourtlan , t. I » p. 333. S02 DE LA DIGESTION. Haller (1) , Spallanzani et beaucoup d'autres , ont été aussi aperçus par Beaumont (2) ; un thermomètre que ce médecin introduisait dans l'estomac , à travers la fistule, décrivait des ondulations, qui duraient une à trois minutes, d'abord lentes, puis de plus en plus rapides à mesure que la formation du chyme avançait ; vers la fin , le mouvement devenait beau- coup plus fort, et se dirigeait davantage dans le sens du cardia au pylore. Suivant Magendie , au contraire, il commen- cerait dans la portion pylorique , y resterait confiné tant que l'estomac est plein, ne s'étendrait au-delà que quand le vis- cère commence à se débarrasser de son contenu , et apparaî- trait dans la portion cardiaque à l'époque seulement où il est presque vide. 10° Haller (3) et autres ont souvent vu, chez l'homme et les animaux à estomac simple , ce viscère offrir , à sa partie moyenne, un étranglement qui le divisait en deux moitiés, renfermant, chez le Castor, l'une les alimens solides non en- core digérés, l'autre ceux qui avaient déjà pris la forme liquide. Depuis , Home a prétendu (4) que celte constriclion n'a pas lieu exactement à la partie moyenne , mais qu'elle est ordinairement plus rapprochée du pylore pendant la di- gestion , et (5) que le liquide s'amasse surtout dans la portion cardiaque , tandis que les substances solides s'accumulent dans la pylorique. C'était évidemment aller beaucoup trop loin. Tiedemann (6) et Eberle (7) n'oni jamais remarqué celte séparation de l'estomac en deux cavités , et Magendie assure que les boissons ne se rencontrent que dans la région pylo- rique et la partie moyenne du viscère. Cependant il n'est pas hors de toute probabilité que l'action des fibres circulaires devienne, en certaines circonstances, prédominante dans {i)Elem. fhysiolog., t. VI, p. 276. (2)Zoc. cit., p. 75. (3) Elem. physinl., t. VI, p. 263. (4) Philos. Trans, dSl>, p. 139. — Lectures on comparative afiatomy , t. I, p. 139. (5) Ih., p. 223. (6) Loc. cit., p, 332. (7) Loc. cit., p. 51. DE tA DIGESTION. 2o3 cette dernière région, puisque la constriction a été fréquem- ment observée chez des hommes enlevés par une mort su- bite (1), surtout à la suite de vomissemens , qu'il n'est pas rare que l'insulflation de l'air la fasse disparaître '2) , et qu'une observation de Beaumont , dont nous aurons occasion de parler plus loin, semble autoriser à penser que les choses se passent réellement ainsi quelquefois. 11° Un estomac musculeux, étroit et robuste, écrase et broie lesalimens ; un estomac spacieux et à parois minces leur imprime un mouvement de va-et-vient, les mêle ensemble, ainsi qu'avec le suc gastrique, et les pétrit en quelquesorte.Sil'on en juge d'après les mouvemens que décrivat la partie saillante au dehors d'un tube introduit dans l'estomac parBeaumont, les ali- mens marcheraient du cardia vers le pylore le long de la grande courbure , et du pylore vers le cardia le long de la petite courbure. Lorsque le viscère embrasse de tous côtés une cer- taine quantité de nourriture , il peut aussi la pelotonner , car Wilson a rencontré , chez les Lapins , de petites masses sphé- riques de fourrage entre les plis du cul-de-sac. Ce physiolo- giste et Eberle(3) assurent que quand toute la masse conte- nue dans l'estomac forme ainsi une pelote , chaque nouvelle bouchée qui descend de l'œsophage est refoulée dans l'inté- rieur de celle-ci , de sorte que la nourriture avalée en premier lieu se trouve ramenée à la surface, phénomène dont ils disent qu'on peut se convaincre à laide de substances diver- sement colorées. Cependant une opération de ce genre ne saurait être admise qu'autant que les premiers alimens au- raient déjà été assez ramollis et réduits en bouillie pour pou- voir se laisser pénétrer par les substances encore solides qui viennent s'ajouter à la masse contenue dans l'organe. Beau- mont a constamment trouvé (4) que les alimens pris à diverses époques ne lardaient pas à être mêlés les uns avec les autres d'une manière uniforme. (1) Mayo, OutUnea «fhuman physiology , p. 432. (2) Voigtel, Handbuch der pathologischen Anatomie, t. IIj 444-45>. (3) Loc. cit., p. j53. ('i) Loc. cit., p. 61, 75. 204 DE LA DIGESTION. 12° La cavité abdominale est complètement remplie par ses organes et par la sécrétion du péritoine; aussi arrive-t-il assez souvent qu'on trouve l'estomac perforé , sans que le chyme s'en soit échappé , parce que la paroi abdominale , en s'appiiquant immédiatement à la surface du viscère, bouche l'ouverture. Aucun organe ne peut , dans cette cavité, ni se déplacer ni se distendre sans presser sur les autres, et en exerçant cette action sur les parties qui l'environnent, l'estomac plein d'alimens en éprouve une semblable de leur part. Le diaphragme le refoule de haut en bas et d'arrière en avant pendant l'inspiration ; on a vu , sur un Bœuf , le chyme être lancé de cette manière à quelques pas de distance par une ouverture qui avait été pratiquée exprès (i). Les muscles abdominaux sont une ceinture qui presse les viscères dans le sens vertical et d'avant en arrière ; ils pèsent sur l'estomac , ainsi que le diaphragme , et le sollicitent à des mouvemens plus énergiques , de manière que la digestion d'alimens difiS- ciles à attaquer peut être favorisée volontairement par des inspirations profondes et de fortes contractions des muscles abdominaux. L'estomac cède aussi à une pression exercée du dehors , et c'est pour cela qu'assez souvent on l'a trouvé dans une situation tout-à-fait différente de celle qui lui est naturelle , chez des femmes qui avaient contracté , pendant leur vie , l'habitude de se serrer beaucoup. IIL Vers la fin de la digestion , quand la chymification est déjà fort avancée, le mouvement de l'estomac devient plus vif, surtout dans la portion pylorique, où la force muscu- laire possède plus d'énergie , et il résulte de là que le chyme se trouve obligé de passer dans l'intestin. 4° A cet effet, il part du milieu de l'estomac à peu près, un mouvement énergique qui se propage, à travers le pylore, dont les fibres longitudinales du viscère surmontent la résistance Jus- qu'à la première courbure du duodénum , après quoi il revient sur lui-même , vers la partie moyenne de l'estomac. Gomme ces mouvemens se répètent sans cesse , il n'y a que l'extré- mité de la masse chymeuse qui se trouve portée assez loin (d)Haller, loc. cit., t. VI, p. 259. DE LA DIGESTION* àO^ pour pouvoir rester dans le duodénum ; celle qui rétrograde est obligée de rentrer dans l'estomac; le chyme ne chemine donc que par petites portions. Beaumont a remarqué , sur l'homme qui était le sujet de ses observations (1) , que les mouvemens expulsifs partaient des fibres circulaires situées à trois ou quatre pouces de l'extrémité du pylore , et que ces fibres , auxquels il donne le nom de ligamens transversaux , produisaient alors une espèce d'étranglement. Lorsque, vers la fin de la digestion , il introduisait la boule du thermomètre dans cette région, elle rencontrait d'abord une résistance due à un commencement de contraction , mais qui cédait bientôt, et ensuite elle était attirée de trois à quatre pouces vers le pylore, avec une certaine force, puis repoussée au dehors, avec un mouvement de torsion assez léger, qui cependant allait quelquefois jusqu'à lui faire décrire une révolution entière sur elle-même. S'il laissait l'instrument libre , il le voyait pénétrer jusqu'à dix pouces de profondeur , par conséquent fort loin dans le duodénum , et il avait alors de la peine à le retirer ; mais , au bout de quelques minutes, le tube sortait spontané- ment de trois à quatre pouces , et il devenait très-facile de le retirer tout-à-fait. Quand on l'enfonçait à gauche du liga- ment transversal, on pouvait le mouvoir aisément en tout sens , et il s'inclinait la plupart du temps vers le cul-de-sac , sans néanmoins y être attiré et retenu , comme il l'était du côté droit. A droite, chaque mouvement vers l'intestin durait environ deux à cinq minutes ; pendant le mouvement en sens inverse , dont la durée était !a même , le ligament transversal se relâchait , et le chyme était poussé vers le cul -de-sac , où bientôt il recevait de nouveau une direction opposée. Ces mouvemens se répétaient jusqu'à ce que l'estomac fût vide. La situation de l'estomac plein , qui est telle que le pylore se trouve dans le même plan que le duodénum , peut contribuer à favoriser la sortie du chyme , sans qu'on doive pour cela la considérer comme une circonstance essentielle. Lorsque la valvule pylorique s'est refermée, le passage de l'intestin dans l'estomac devient difficile; les calculs biliaires sont rares (1) Beaumont, loc. cit., p. 76. 206 DE LA DIGESTION. à rencontrer dans ce dernier organe , où la bile pénètre néan* moins assez souvent, 2° Le chyme sort de l'estomac par portions , à mesure qu'il se forme , car il diminue sans interruption (1) : seulement sa sortie est plus lente au début que quand les alimens ont été entièrement fluidifiés (2). La digestion de tout ce qui avoisine le pylore est aussi plus avancée que celle du reste. b. Mouvement de Vintestin, § 932. Le mouvement des intestins n'a pas lieu seulement après la mort ou après l'ouverture de la cavité abdominale : on le voit et on le sent aussi chez les animaux vivans (3); on peut même l'observer par la cavité pectorale , sans léser ni le péritoine ni les parois du bas-ventre (4); enfin, chez les animaux iransparens , comme les Monocles , on l'aperçoit à travers le corps. 1° Il ne dépend pas de la volonté : on peut s'en convaincre dans les cas de plaie pénétrante à l'abdomen ou d'anus ar- tificiel. Aucun effort volontaire ne saurait le suppléer , ni , quand il n'a pas lieu, déterminer la moindre évacuation (5). Il persiste alors même que la paroi abdominale a été ouverte : les muscles du bas-ventre n'en sont donc pas la condition, bien qu'ils exercent de l'influence sur lui, car leur pression solli- cite l'intestin à se mouvoir avec plus de vivacité , et c'est ea grande partie de cela qu'il dépend que l'exercice , pris en temps convenable, favorise la digestion. Quand on ouvre l'abdomen d'un animal , on voit le mouvement de l'intestin , d'abord faible , devenir plus vif et plus fort Ainsi Krimer (6), ayant enlevé à un Chien une portion des muscles abdominaux, n'aperçut, à travers le péritoine, qu'un mouvemeut très- faible du canal intestinal ; mais ce mouvement devint plus fort après l'ouverture du sac péritonéal , et quand les intes- (4)Beaumont, loc. cit., p. 76. (2)76., p. 65. (3) Eberle, loc. cit.., p. 310. (4) Haller. Elein, phijsiol., t. VII, p. 83. (5) Dupuvtren, Mé>7i. deVJcad. royale deméd, Paris, 1828^ t, I, p, 259, ifi) Horn, Neues Jrchiv, 4.821, t. I, p. 237. DE tA DIGESTION. 2O7 tins sortirent du corps , il acquit plus de force et d'étendue. Cet effet peut tenir en partie à la cessation de la pression qui s'exerçait sur l'organe , mais la principale cause est l'impres- sion stimulante de l'air ; car , non seulement le mouvement de l'intestin devient très-prononcé après qu'on a poussé de l'air par la bouche ou l'anus , tandis qu'auparavant on ne l'apercevait point (1), mais encore on a reconnu, dans les cas de procidence des intestins , que ces viscères entraient en turgescence et s'agitaient de mouvemens très-vifs dès qu'on enlevait le bandage prolecteur , et que , si leur mou- vement cessait bien au bout de quelque temps , ils n'en de- meuraient pas moins un peuturgides(2).L'air qu'onavale, ou qui se dégage des alimens , doit donc en général déterminer quelque stimulation. Les alimens excitent aussi ; un intestin médiocrement plein se meut avec plus de vivacité , et avec d'autant plus de force , d'après les remarques d'Eberle (2), que le chyme est plus stimulant et plus acide. La bile sur- tout exerce une grande influence : si elle est trop abondante, il survient des borborygmes, et la diarrhée se déclare ; si elle est insuffisante , il y a paresse du ventre. Les irritations mé- caniques ou chimiques, agissant sur la surface interne ou ex- terne , ne sont pas non plus sans portée : on a vu , par exem- ple , les lotions avec du vin chaud occasioner de forts mou- vemens dans des portions d'intestin sorties du corps ; dans un cas analogue , les irritations mécaniques n'en détermi- naient qu'un lent et à peine sensible , que la galvanisation rendait plus vif, et qui acquérait plus d'énergie encore quand on touchait la surface de l'organe avec une dissolution de potasse. 2° Le mouvement des intestins est plus vif chez les Mam- mifères que dans les trois autres classes d'animaux vertébrés. Nyslen assure (4^ qu'il ne s'écoule ordinairement pas beau- coup plus d'une demi-heure avant qu'on cesse de pouvoir l'exciter au moyen du galvanisme; mais souvent aussi it (1) Horn, ISeues ArcJdv, 1821, t. I, p. 238.] (2) Busl, Macjazin, t. XIX, p.î493. (3) Loc. cit., p. 310. (4) RechtroliQs de physiolo(j,^ p. 344, aô8 Î)E ÈA. DIGESTION. lui arrive" de persister bien plus long-temps, même sans application d'aucun excitant spécial , comme on peut s'en convaincre sur presque tous les Moutons sacrifiés dans nos boucheries , et il lui arrive même parfois d'être plus fort après la mort qu'il ne Tétait durant la vie (1), ce que Fontana attribue à la rupture de l'équilibre entre les fibres muscu- laires et le sang , qui est la conséquence nécessaire de la cessation de la circulation. Le point avec lequel on met un irritant en contact , se contracte lentement , mais presque toujours d'une manière énergique ; de là résulte la formation d'une fossette , à partir de laquelle le mouvement se propage aux parties avoisinantes, lorsque l'excitabilité est suffisante. Assez souvent la contraction va jusqu'à effacer entièrement la cavité (2), de même qu'il n'est pas rare de voir une portion d'intestin se resserrer en forme de sac sur des corps étran- gers , des noyaux de cerise , par exemple , et les tenir en- fermés pendant long-temps, ou une certaine quantité d'air demeurer emprisonnée entre deux points contractés (3). Au reste , le mouvement est favorisé à l'intérieur par les sécré- tions intestinales, séreuses et muqueuses, à l'extérieur parla sécrétion séreuse du péritoine : il est d'autant plus libre ex- térieurement , que le mésentère a plus de longueur , et la constipation a lieu presque toujours quand les intestins se sont agglutinés ensemble par l'effet d'une exsudation. 3" Généralement parlant , le mouvement est irrégulier , de manière qu'il semble dépendre jusqu'à un certain point de la volonté : il s'interrompt parfois , et reprend à des époques in- déterminées , sans cause extérieure appréciable. Sa marche n'est point uniforme, mais on le voit cesser en un certain point, et recommencer sur un point plus éloigné. Il se dirige tantôt de haut en bas , ou d'un côté à l'autre , et tantôt en sens in- verse. Tantôt il est borné à un seul point, tantôt il est géné- ral , et alors toute la masse des intestins grouille comme un tas de vers. En resserrant une partie du canal , les fibres cir- (1) Haller, Elem. physiol., t. VII, p, 84. (2) iJ., t.iVII, p. 76. (3) Horn, JNeues Jrchiv, 1824, 1. 1, p. 243. Î)E lA DIGESTîONp âOt) culairès fournissent des points d'appui aux fibres longitudi- nales, dont les contractions raccourcissent les portions voi- sines. Comme ce sont ces dernières surtout qui se trouvent lésées et irritées dans le cas de plaie transversale , et qui perdent ainsi leurs points d'insertion aux fibres circulaires , elles se raccourcissent , et par là renversent de dedans en ■ dehors les bords de la plaie , qui prennent l'apparence de lèvres. Ce phénomène est plus prononcé au bout supérieur d'un intestin coupé en travers , qu'au bout inférieur. On le remarque aussi dans les anus artificiels. Lorsqu'une portion d'intestin est dilatée , la portion raccourcie qui vient immé- diatement après, peut, si elle est en même-temps resserrée , s'engager dans la précédente, et la boucher complètement. 4" Le chyme est poussé des deux côtés de tout point dont les fibres circulaires opèrent la constriclion , attendu que les fibres longitudinales des parties limitrophes raccourcissent ces dernières , les amènent à sa rencontre , et l'y font ainsi pas- ser. La contraction des fibres circulaires se propage ondula- toirement de bas en haut comme de haut en bas : il suit de là qu'une partie du chyme est forcée de rétrograder, ce qui en retarde l'évacuation , prolonge la digestion, et la perfec- tionne ; mais le mouvement de haut en bas l'emporte sur l'au- tre. Dans les endroits où l'intestin s'infléchit, surtout d'une manière brusque et sous un angle plus ou moins fermé, la progression éprouve quelque gêne ; elle ne redevient libre que quand les fibres longitudinales du côté convexe ont re- dressé la partie , en se raccourcissant. La pression que le chyme éprouve de tous côtés a pour résultat de l'agiter, d'en rendre le mélange plus intime , et de le mêler en outre avec les liquides sécrétés. Cet effet Joint au mouvement progressif et au dégagement de gaz qui a heu quelquefois, est la cause du bruit qu'on entend lorsqu'on applique son oreille au ventre d'un homme chez lequel la digestion marche avec activité. Comme le resserrement des parois enfonce les plis et les vil- losités dans le chyme, et les met en contact plus intime avec lui, il doit sans nul doute favoriser aussi l'absorption , et non- seulement il exprime le mucus de ses cryptes , mais encore il augmente la sécrétion du suc intestinal , car le mouvement IX, i4 2 10 DE LA DIGESTION. active en général les sécrétions , et l'on a vu , dans des cas où une portion d'intestin était sortie de l'abdomen , celle même de la tunique péritonéale devenir plus abondante (1). 6° La portion supérieure ou horizontale du duodénum entre en action dans le même temps que la portion pylorique de l'estomac ; de manière qu'alternativement le mouvement se propage de l'estomac au duodénum , puis du duodénum à l'estomac. Comme cet intestin n'est point tapissé de tous côtés par le péritoine , qu' au contraire il est fixé aux parti-es voi- sines par une tunique celluleuse , et qu'en conséquence il ne jouit pas d'autant de liberté que le reste de l'intestin médian, comme, de plus , il surpasse ce dernier en ampleur, et décrit deux courbures presque à angle droit, il doit, malgré la force de sa tunique musculeuse , retenir le chyme pendant un laps de temps proportionnellement plus long. 6» La valvule iléo-colique est l'extrémité de l'intestin mé- dian, que la longueur moins considérable de ses fibres longi- tudinales oblige de s'insinuer dans le commencement de l'in- testin anal , et dont les lèvres sont forcées , par la pression des matières contenues dans le cœcum, mais surtout dans le colon , de s'appliquer au-devant de l'ouverture , en sorte que , généralement parlant , rien ne peut refluer du troisième in- testin dans le second. Le colon n'est point aussi mobile que l'intestin médian, à cause de la brièveté du feuillet extérieur de son mésentère ; son ampleur et le peu de développement de ses fibres circulaires font aussi qu'il chasse avec plus de lenteur les matières contenues dans son intérieur , et qu'elles peuvent séjourner pendant quelque temps dans ses anfrac- tuoiités. 3. MOCYEMEHT d'ÉJECTION. § 933. I. Parmi les animaux inférieurs qui ne prennent , comme les végétaux , qu'une nourriture liquide , par exem- ple , les Vers trématodes et cystiques , il en est plusieurs entre lesquels et les plantes se trouve encore cet autre point de contact que les^ substances demeurées inassimiiables sortent (i)gRust^ ik'ftyasîH, t. XIX,:p, 495. DE LA DIGESTION. 211 de leur corps à l'état fluide , et continuellement , par consé- quent aussi d'une manière insensible. Chez tous les autres animaux , la nourriture laisse un résidu palpable , dont l'éva- cuaiion ne s'accomplit pas d'une manière continue , et qui sort, sous la forme d'excrémens, par un acte temporaire d'éjection. Mais le canal intestinal est en outre le rendez-vous de matières excrémentitielles , séparées de la masse du sang , dont les unes s'y déposent à une certaine hauteur, pour con- tribuer encore à la digestion , tandis que les autres arrivent seulement dans l'intestin anal , afin d'être expulsées par la voie la plus courte. Cette dernière catégorie comprend l'urine et le produit de la génération , outre diverses sécrétions qu'on rencontre surtout chez quelques animaux sans vertèbres, mais dont on connaît fort peu la nature et les usages. L'extrémité du canal digestif forme donc , avec l'issue des appareils uri- naire et génital , la sphère proprement dite d'éjection de l'or- ganisme , sphère qui , aux premiers échelons de l'organisa- tion , chez les animaux inférieurs (§§ 124, 563, III, 804, 6") comme chez l'embryon (§§ 447, 451, 455 ), se trouve plus ou moins réunie en un seul organe. A un degré plus élevé , on remarque une ligne de démarcation plus tranchée entre les appareils qui la constituent ; et bien que les organes génitaux et urinaires aient encore une issue commune (§ 138), l'ex- trémité du canal intestinal a acquis une ouverture qui lui ap- partient en propre. Mais tous ces organes demeurent placés à côté les uns des autres , unis ensemble par des liens organis ques et sympathiques , et l'éjection qui se rapporte à la gé- nération ( §§ 282, 5°, 6°, 7°; 483, lil; 484) s'accomplit ex;ic- lement de la même manière que celle qui concerne les excré- mens et l'urine. En effet , chaque organe a obtenu des muscles plastiques qui lui sont propres , et qui , ind.^pendamment des branches dont ils sont redevables aux nerfs sympathiques, en reçoivent d'autres de l'extrémité inférieure de la moelle épi- nière , de sorte que leur état exerce une impression plus vive sur la sensibilité générale , et que par là il sollicite la volonté à des actes qui viennent en aide à l'action des muscles plasti- ques. La périphérie animale, dans laquelle trouve à s'exercer la mmifestatioa de la volonté , est ici la paroi de la cavité ab- Ûià bE LA DlGESïIÔPÏ; dominale, qui agit simultanément de haut en bas , de bas en haut et d'un côté à l'autre , à îa manière d'une presse. Le diaphragme , en s'abaissant , refoule les viscères vers le bas ; les muscles abdominaux , faisant office de ceinture , les com- priment latéralement de dehors en dedans et d'avant en ar- rière ; la base enfin présente , non-seulement des expansions ligameiiteuses , mais encore les muscles élévateurs de l'anus , dont les fibres convergentes se portent des bords du délroit inférieur du bassin en dedans et en bas vers le rectum , et dont les contractions , soulevant les organes pelviens qui re- posent sur eux , élèvent le rectum , le fond de la vessie , les vésicules séminales et le vagin. II. Dans l'éjection de l'intestin , la volonté achève ce que le mouvement plastique a commencé. Elle agit donc ici en sens inverse de ce qu'elle fait dans l'ingestion. Les deux extrémités du canal alimentaire ont une certaine analogie l'une avec l'autre ; tandis que la vie animale s'élève dans l'une jusqu'à la sensibilité sensorielle et au mouvement volontaire , elle ne présente , dans l'autre , qu'une sensibilité générale très-déve- loppée , avec un mouvement simple et réduit à des effets pu- rement matériels. Ainsi , le rectum , qui rappelle l'œsophage par le développement plus marqué de ses fibres longitudinales, s'étend jusqu'à l'anus , elles sphincters de l'anus , qui corres- pondent au muscle orbiculaire des lèvres , n'obéissent pas aussi pleinement qu'eux aux décisions de la volonté. Mais, de même que, chez certains animaux, la bouche s'allonge en une trompe , de même aussi l'anus se prolonge parfois en un tube , par exemple , chez quelques Acéphales , et tandis que , chez l'homme, l'organe éjecteur mâle de l'urine et du liquide sé- minal se prononce au dehors sous la forme d'un cylindre ana- logue, la saillie des fesses rejette l'anus plus en arrière qu'il ne l'est chez les animaux. 1° Les matières poussées par le colon se réunissent dans le rectum, dont l'extrémité inférieure est légèrement pHssée par la conslriciion des sphincters, qui en bouche aussi l'ouverture. Le sphincter interne se compose de fibres circulaires plasti- ques, accumulées les unes sur les autres ; sa vitalité le main- tient dans un état constant de contraction , et ce n'est qu'au DE LA DIGESTION. 2l5 moment de la mort qu'il se relâche assez pour permettre la sortie d'uue certaine quantité d'excrémens , car les lésions de la moelle épinière n'influent pas sur lui. L'externe , au con- traire , se rapproche davantage des muscles soumis à la vo- lonté , et l'on peut empêcher les matières de sortir en rendant ses contractions plus énergiques. Le sphincter interne se res- serre davantage quand il éprouve une excitation mécanique, ce qui fait qu'il comprime le doigt introduit dans l'anus pour explorer le reclum , et qu'il ferme avec plus de force l'ou- verture de ce dernier intestin lorsque des matières fécales se sont accumulées à sa partie inférieure. Le rectum est suscep- tible d'une extension considérable , attendu que ses fibres transversales ne forment point un anneau fermé, qu'il n'a point de tunique péritonéale qui l'emprisonne de tous côtés, et qu'il ne'tient que par un tissu cellulaire lâche et chargé de graisse aux organes voisins . qui , eux-mêmes sont mous et cèdent avec facilité. Aussi le trouve-t-on souvent distendu en façon de sac, de manière qu'il n'est pas très-vraisemblable que les matières excrémentitielles n'y descendent de l'S du colon qu'au moment même de l'évacuation , comme l'a prétendu O'Beirne (1) . Cet écrivain fonde son opinion sur ce qu'on trouve ordinairement le rectum vide quand on administre un lave- ment ou qu'on introduit une sonde, et que celle-ci ne ren- contre des excrémens qu'à six ou huit pouces au-dessus de l'anus. Du reste, l'S du colon doit, lorsqu'elle est vide , pendre dans le bassin , au devant et le long du rectum , et , quand elle est pleine , remonter dans la fosse iliaque gauche. Comme cette portion du colon ne possède pas de nerls rachi- diens purs , il est bien difficile de la croire capable de pro- curer la conscience du besoin d'évacuation. Au demeurant , l'hypothèse d'O'Beirne n'est point confirmée par les ouver- tures de cadavres. 2° Lorsque l'extension est arrivée à un certain degré , les matières excrémentitielles agissent comme un stimulant sur les muscles du rectum. Le besoin qui résulte de là se repro- duit ordinairement toutes les vingt-quatre heures , et le plus (4) Aledico-chirurgicul review, t. XIX, p. d. — Journal vniv, liebdo" madairc de médecine. Paris, 1833, l. XIII, p. 126. Sl/j DE Ik DIGESTION. souvent dans la matinée , après le réveil ( § 597, 9o). Il revêt volontiers un type périodique , qui fait que l'habitude de se présenter à la selle à une heure déterminée devient un pré- servatif contre la constipation. Le rectum triomphe de la ré- sistance des sphincters en chassant les excrémens vers l'anus par son mouvement propulsif de haut en bas , qui est assez puissant pour qu'on observe assez souvent des déjections chez les animaux même auxquels on a ouvert la caviié abdomi- nale. C'est d'ailleurs son action qui détermine toujours cette évacuation, laquelle , à son défaut , ne peut être produite par aucun efï'ort de la volonté, tout comme il y a impossibilité de l'empêcher dans les cas d'exaltation insolite de l'irritabilité du rectum ou du mouvement intestinal. 3*" L'irritation causée par les excrémens agit en même temps sur la vie animale , et occasione un sentiment tout particulier de pesanteur, qui ne se développe pas peu à peu , comme celui de la faim , mais survient généralement tout à coup , et fait naître le besoin d'aider à la sortie des matières irritantes par un mouvement volontaire. Ceci suppose que les excrémens sont suffisamment stimulans , et que le rectum aussi possède assez d'excitabilité. Quant au premier point , une nourriture peu abondante et fade , une bile aqueuse et en petite quan- tité, rendent le veotre paresseux. D'un autre côté , le même effet résulte du défaut d'irritabilité , et s'observe par consé- quent dans l'âge avancé , chez les sujets doués d'un tempéra- ment phlegmatique et de sens obtus. Une forte contention d'esprit empêche de sentir le besoin d'aller à la selle, et quand l'action de cette cause se renouvelle souvent, l'irritabilité du rectum s'émousse de plus en plus , en sorte qu'il finit par s'établir une constipation opiniâtre. Mais si ce n'est pas par l'effet d'une dérivation que la vie animale se trouve détournée de l'appareil digestif, si seulement il lui arrive de ne pas jouir encore d'une grande influence , comme chez Fera- bryon ( §§ 471 , 533 ) , ou de ne pas être parvenue à son point de maturité , comme chez quelques larves d'Insectes (§ 379, 2»), ou enfin d'éprouver une s*uspension momentanée, comme pendant l'engourdissement hibernal (§ 611, 5») , il n'y a point de déjections alvines , quoique la réplétion du rectuni DE lA DIGESTION. 2l5 démontre que les muscles plastiques de l'intestin n'ont pas cessé d'agir. Au reste, on a vu , même chez l'homme, des exemples de constipation prolongée pendant plusieurs mois(l). 4"^ Durant les premiers temps qui succèdent à la naissance , la stimulation du rectum est prompteraent suivie de déjec- tions , sollicitées par la réaction organique de la moelle épi- nière. A une époque plus avancée de la vie , ces évacuations reconnaissent pour cause déterminante la volonté qui com- mence à se développer, et dès-lors il devient possible, malgré le besoin qui s'en fait sentir, d'y résister par l'action du sphincter externe de l'anus (§ 542 ). On parvient quelquefois de cette manière à, faire cesser une diarrhée légère , quoique les excrémens liquides soient plus irritans que ceux qui ont une certaine consistance. Il paraît que c'est en débilitant la moelle épinière que la frayeur diminue l'activité du rectum , et spécialement de son sphincter externe, au point de le mettre dans l'impossibilité d'opposer la moindre résistance à l'effort qui s'exerce sur lui de haut en bas. Mais une exalta- tion morbide de l'irritabilité, qui dépend soit d'une lésion idio- pathique de cet intestin , par exemple , de son inflammation , soit du retentissement sympathique sur lui d'une affection de quelque autre organe d'éjection , par exemple , de la vessie irritée par la présence d'un calcul , entraîne le ténesme , qui consiste à éprouver le besoin d'aller à la selle sans qu'il y ait d'excrémens à expulser. 5° En général , il faut , pour vaincre la résistance des sphincters , que la contraction des muscles abdominaux , sol- hcitée par la volonté, vienne au secours du mouvement ver- miforme des intestins. Le diaphragme , en pressant les vis- cères du bas-ventre , refoule aussi le rectum vers l'anus. L'action des parois abdominales est tellement prononcée que les cris , chez les enfans , et , chez l'adulte , les violens efforts rendus nécessaires par la constipation, peuvent entraîner la chute du rectum , et qu'une forte inspiration est susceptible d'occasioner non-seulement cet accident , mais même la pro- cidence de toute autre partie du canal intestinal qui s ouvre (1) Haller, Elem/physiol., t. VIT, p. 187. 2l6 DE lA. DI^STION. à l'extérieur par un anus artificiel. L'élévateur de l'anus agit de bas en haut ; comme antagoniste des sphincters , il écarte latéralement les parois du rectum , en même temps qu'il sou- lève un peu cet intestin. 6° L'anus étant ouvert par toutes ces causes réunies à l'ef- fort des matières excrémentitielles elles-mêmes, qui prennent la forme convenable pour cela , le rectum peut terminer la déjection par sa propre force motrice ; les contractions des muscles abdominaux peuvent cependant contribuer aussi à la favoriser, en continuant de s'exercer. L'abondante sécrétion muqueuse qui a lieu dans cet intestin , la rend plus facile. Au reste , le reccourcissement des fibres longitudinales déter- mine , chez plusieurs animaux , même invertébrés , un reo- versement du rectum , qui rappelle un phénomène analogue qu'on observe assez fréquemment dans l'ingestion de la nour- riture (§926, 6 ). ÏIL L'urine s'amasse dans la vessie , tant parce que les fi- bres circulaires de l'orifice du viscère , qui agissent comme sphincter , et le muscle transversal de l'urètre l'empêchent de s'écouler , que parce que la marche oblique des uretères à travers les parois vésicales ne lui permet pas non plus de refluer vers les reins. Après la mort, qui éteint toute action musculaire , une pression exercée sur la vessie fait passer aisément le liquide qu'elle contient dans l'urètre , mais la disposition mécanique de la membrane muqueuse au devant des orifices des uretères ne permet pas que l'urine soit re- foulée dans ces conduits. La vessie peut contenir plus d'une demi-livre d'urine ; mais elle est susceptible d'acquérir une ampliation considérable , à laquelle les uretères, ne pouvant plus se vider , finissent par prendre part. l» La vessie recevant des nerfs rachidiens , l'irritation qui résulte de sa distension par l'urine, exerce, surla sensibilité gé- nérale, une vive impression , qui amène, comme effet réaction- naire,la contraction des muscles abdominaux et du diaphragme. Ces muscles , en faisant peser le paquet intestinal sur ses fa- ces supérieure et postérieure, la repoussent de haut en bas et d'arrière en avant, vers le pubis, en même temps que le plan- cher du bassin la refoule de bas en haut, DE lA DIGESTION. 217 2„ Avec le secours de celle pression , les muscles plasti- ques de la vessie, nolamment ses fibres longitudinales, triom- phent de la résistance du sphincter , et chassent l'urine dans l'urètre. On les voit quelquefois , dans les vivisections , dé- terminer la sortie du liquide par leurs seuls efforts , et alors même que la cavité abdominale est ouverte. 3<^ Quand la vessie ne pousse plus d'urine dans l'urètre qui a cédé à son impulsion , le canal se resserre à son tour pour chasser le reste du liquide : à cet effet, sa portion membra- neuse est comprimée de haut en bas par le muscle urétral transverse , et de bas en haut , ainsi que sur les côtés , par le pubo-urétral , tandis que sa portion spongieuse Test de bas en haut par le bulbo-caverneux. § 934. Le mouvement du canal digestif procède partout al- ternativement de la bouche vers le bas , et du bas vers la bouche. De ces deux directions , la première prédomine la plupart du temps , en sorte que la nourriture traverse le con- duit tout entier , en éprouvant seulement un peu de fluctua- lion. Mais il y a quelques organisations et certains étals de la vie dans lesquels la seconde l'emporte sur l'autre. I. Il y a tendance à l'éjection par le haut , ou par la bou- che, quand une partie de la nourriture , au lieu de continuer à descendre , rétrograde vers un point du canal digestif qu'elle avait déjà traversé. 1° Cet effet est produit , chez quelques Insectes , par des dispositions permanentes dans l'organisme , et à la faveur de voies spéciales. En effet , chez la Cicada omi et la Cercopis spumaria , la nourriture, introduite par l'œsophage , coule de l'estomac dans un conduit particulier , qui la ramène àfeslo- mac , d'où cette fois elle passe dans l'intestin , dont l'orifice est plus rapproché de l'œsophage que les deux ouvertures de ce conduit. 2° Comme les alimens des Ruminans contiennent peu de matière alibile , ces animaux sont obligés d'en prendre une grande quantité , et comme les substances végétales sont diffici es à assimiler, il leur faut aussi les soumettre à une mastication prolongée. Mais, pour obtenir du re| os , ils ne s'arrêtent point à mâcher quand ils paissent , ils ne font 5l8 DE tA DIGESTION, qu'emmagasiner dans leur estomac les herbages coupés par les dents incisives de leur mâchoire inférieure , qu'ensuite ils font à loisir remonter dans leur bouche , afin de les broyer réellement. L'œsophage conduit aux trois estomacs repré- sentant la portion cardiaque de l'estomac des autres ani- maux ; mais son extrémité inférieure est divisée par deux saillies longitudinales qui , en se touchant par leurs bords , forment un canal destiné spécialement à faire passer les bois- sons dans le troisième estomac (le feuillet), tandis que les ali- mens solides , surtout les grosses bouchées , les écartent , et produisent ainsi une gouttière conduisant dans le second esto- mac (panse) et dans le troisième (bonnet). La panse n'est, à proprement parler, qu'un réservoir , et elle agit peu sur le fourrage. Le bonnet se meut vivement; la contraction de ses mailles réduit les alimens en petites boules , qu'il fait passer l'une après l'autre , par la gouttière , dans l'œsophage. Celui- ci , fortement musculeux , les ramène promptement , une à une, dans la bouche, où la base de la langue s'abaisse et le voile du palais se soulève pour les recevoir. Ce mouvement réîrograde est favorisé par l'action des muscles abdominaux, ainsi que par celle du diaphragme , chez les Cerfs surtout , où il a l'apparence d'une violente régurgitation ; en effet, à une profonde inspiration succède une expiration énergique. Cependant la volonté proprement dite ne prend pas plus de part à la production du phénomène qu'à l'accomplissement de la respiration ; les animaux cessent bien de ruminer dès que leur attention se porte sur un objet quelconque ; mais ce n'est là qu'une dérivation de la périphérie animale , qui abandonne son influence sur les fonctions plastiques , pour se reporter sur la vie sensorielle. Le fourrage mâché et ramolli est avalé de nouveau et , comnfie les boissons , transmis par une moitié de l'œsophage au feuillet, d'où il parvient enfin dans la caillette. 3" Certains hommes , après s'être exercés aux mouvemens nécessaires pour donner lieu à ce phénomène , peuvent opé- rer à volonté une régurgitation , c'est-à-dire ramener de l'es- tomac à la bouche les liquides sécrétés par le viscère et la nourriture qu'ils y ont introduite. Ils commencent par inspi- DE tk DIGESTION. 2!^ rer , puis ils contractent les muscles abdominaux , ou même appuient la main sur la région épigastrique ; au bout de quel- que temps leur bouche s'emplit (1). Si l'estomac est vide , le suc gastrique qui remonte est souvent mêlé de bile , ce qui semble annoncer que le pylore est le point de départ du mou- vement. Cet effet a lieu quelquefois sans le concours de la volonté. Tel est le cas des enfans à la mamelle , chez lesquels le lail revient assez fréquemment à la bouche , sans cause de maladie, sans être accompagné d'efforts, sans que rien an- nonce un véritable vomissement , et par le seul fait du trop plein de l'estomac , auquel les organes de la déglutition cè- dent d'une manière purement passive. La régurgitation habi- tuelle , ou la rumination , chez l'homme , consiste en ce qu'au bout d'un laps de temps plus ou moins long après le repas , les alimens remontent à la bouche sans effort , et presque toujours sans nausées, pour être avalés de nouveau. Il n'est pas rare que l'infirmité s'accompagne de phénomènes morbi- des , par exemple de douleurs d'estomac et de digestion la- borieuse. Dans un cas, elle cessa après que le sujet eut rendu des vers : dans deux autres , Decasse (2) trouva l'estomac en suppuration. Assez souvent néanmoins, la santé n'a reçu aucune atteinte ; c'est ce qui avait lieu , par exemple , chez un homme observé par Ratier (3); une demi-heure environ après chaque repas , cet homme éprouvait un peu de tension à la région épigastrique , et il lui revenait à la bouche une bouchée d'alimens , qui redescendait au bout de quelques instans, bientôt suivie par d'autres, jusqu'à ce que le repas entier eût parcouru le double trajet. Il en était de même chez une femme dont parle Elliotson (4), et qui ruminait de- puis sa plus tendre enfance. Il y a même des cas dans les- quels la régurgitation est une condition de bien- être : un jeune homme robuste , qui y était sujet depuis l'âge de neuf ans, ressentait des douleurs d'estomac, au rapport de Ri- (1) Magendie, Précis élémentaire, t. II, p. 437. (2) Froriep, Notizen, t. XLVII, p. 95. (3) Ih., t. XXXIX, p. 57, (4) Vk, t. XLV, p. 337. a 20 DE lA DIGESTION. che (1), toutes les fois qu'il cherchait à Tempêcher, et De- casse parle d'un septuagénaire , ruminant depuis sa jeunesse, qui tombait malade quand cette fonction insolite s'arrêtait. On a trouvé , chez quelques-unes de ces personnes, un déve- loppement extraordinaire de la tunique musculeuse de l'œso- phage (2), qui, vraisemblablement , était plutôt le résultat que la cause de la rumination. Heiling (3) présume que celle- ci est d'abord volontaire , et qu'elle dégénère peu à peu en habitude ; cependant rien ne justifie son hypothèse , qui pa- rait d'ailleurs dénuée de toute vraisemblance , lorsqu'on se rappelle que les hommes qui ruminent assurent ne point trouver de goût agréable aux alimens qui leur reviennent ainsi à la bouche . 4° Un mouvement rétrograde , ou antipéristaltique , a lieu chez les animaux sur un point du canal intestinal auquel on a appliqué une ligature, et chez l'homme dans certaines cir- constances qui mettent obstacle aux déjections alvines. On voit alors sortir par le vomissement les matières excrémenti- tielles^et mémeîes liquides introduits sous forme de lavemens. IL S'il existe quelques animaux inférieurs qui aspirent l'air ou l'eau par l'anus (§ 960, 5°), chez d'autres, la bouche sert aux déjections. 1» L'homme en santé , lui-même , rend quelquefois de l'air par la bouche , ce qui constitiîe l'éructation. Les gaz qui se dégagent des alimens se réunissent, en vertu de leur légè- reté spécifique , à la partie supérieure de l'estomac , dont les contractions les chassent vers le haut , quand l'œsophage est relâché. Le diaphragme et les muscles abdominaux ont quel- que part à ce phénomène, car nous pouvons accroître ou diminuer , accélérer ou retarder l'éructation ; mais il ne nous est pas donné de la déterminer quand elle n'est pas déjà sur le point de s'établir d'elle-même , ce qui prouve qu'elle dé- pend essentiellement d'un état actif de l'estomac. 2° Le reflux des alimens vers la bouche par une action (1) Archives générales , t. XVII, p. 266. (2) Voigtel, Handbiich der pathologischen Anatomie. t. II, p. 517. (3) Ueher das TVirderltauen hei Menschen, Nuremberg, 1823, p, 16. Î)E LA' DÏGESTTION. Û2\ musculaire complexe , ou le vomissement, est un phénomène normal chez les animaux privés d'anus , comme les Polypes , les Actinies , les Astéries , les Méduses. Ici les résidus non digérés de la nourriture ne peuvent être expulsés du corps que par un mouvement rétrograde. Le vomissement est normal aussi chez plusieurs Poissons et Oiseaux , qui ne re- jettent de cette manière que les parties les plus indigestes des animaux avalés par eux, os, écailles, carapaces , plumes, poils , souvent réunis en pelotes. Quelques Insectes vo- missent , par l'elFet de la peur , la nourriture qu'ils viennent de prendre , ou dardent sur leurs ennemis le suc acre que leur estomac sécrète ; le vomissement est donc un moyen de défense pour ces derniers. Chez d'autres, et chez plusieurs Oiseaux, il a rapport à la reproduction (§ 518^ 6°). 3° Le vomissement est toujours anormal chez les Mammi- fères. Il a pour précurseurs , chez l'homme , les nausées , un sentiment tout particulier à la région épigastrique , l'oppres- sion , l'agitation , la petitesse du pouls , la pâleur de la face , un froid général , le tremblement de la lèvre inférieure , l'écoulement abondant de la salive. Survient ensuite une forte inspiration , pendant laquelle de l'air s'introduit aussi dans l'estomac ; les muscles abdominaux sont pris de mou- vemens convulsifs , et compriment fortement le ventre , qu'ils rapprochent de la colonne vertébrale ; la glotte se ferme , la respiration se suspend , et par suite le sang se porte en abon- dance à la tête ; comme dans tous les efforts des muscles qui circonscrivent les parois abdominales, on cherche à augmen- ter les points d'appui du tronc , au moyen des membres ; la base de la langue s'abaisse , le voile du palais se relève , la bouche s'ouvre convulsivement , et le contenu de l'estomac s'échappe avec violence. Le plus ou moins de facilité avec la- quelle s'accomplit le vomissement, dépend de la structure de l'estomac. Chez les carnivores , ce viscère diffère moins de l'intestin proprement dit, et l'orifice cardiaque, qui occupe l'extrémité opposée au pylore , se continue avec l'œsophage par un rétrécissement insensible, de manière qu'il cède sans peine auxmouvemens dont le pylore est le point de départ, et livre aisément passage aux matières rejelées. Chez les ^12 DE lA DIGESTION. herbivores , au contraire , !e vomissement est difficile ^ et parfois même impossible , attendu qu'ici l'estomac fait un coude très-prononcé avec l'œsophage , et que le cul-de-sac, dont l'ampleur est plus considérable , reçoit les matières re- poussées par le pylore. L'estomac de l'enfant à la mamelle, qui vit de nourriture animale , a la première de ces deux formes, et rejette aisément ce qu'il renferme, tandis que celui de l'adulte se rapproche davantage de la secoiade , d'où il suit une moins grande facilité de vomir (1). 4» La cause essentielle du vomissement tient au mode d'action musculaire de l'estomac, spécialement à la prédomi- nance des mouvemens de droite à gauche. L'impulsion part de la région médiane , tantôt de la portion pylorique , tantôt du duodénum , différence de laquelle il dépend que , toutes choses égales d'ailleurs , l'estomac rejette des alimens non digérés, ou des substances alimentaires digérées, ou de la bile. Mais le diaphragme et les muscles abdominaux prennent visiblement part à la production du phénomène , même chez les Insectes , où , d'après les observations de Rengger (2), les muscles cutanés y contribuent , puisque la force du vo- missement diminue lorsqu'on leur ouvre la cavité abdominale. Quelquefois ce concours est purement sympathique ; il dé- pend de ce que la périphérie animale est liée par d'intimes connexions aux viscères qu'elle renferme , vient en aide à leur force motrice , revêt pour cela le caractère de leurs muscles plastiques , et ainsi favorise , sans l'intervention de la volonté , raction des vésicules séminales (§ 282, 7°), de la matrice (§484, III) , du rectum (§ 933, 5«), de la vessie ( § 933 , 7° ) et des poumons (§ 969). Il arrive souvent qu'on méconnaît ce rapport , qu'on accorde une indépendance ab- solue au mouvement périphérique , et qu'on regarde les or- ganes internes comme se comportant d'une manière purement passive ; c'est ce qui fait que Bayle et Chirac jadis (3), Hunter (1) Scliultz, De alimentorum concoctione, p. 80. — Ch. Billard , Traité des maladies des cnfaiis. Paris, 1837, p. 336, (2) Plijjsiologische Untersuclmmjen ueber die thierische Haushaltwng der Insekten, p. 13. (5) Haller, Elom, ^hysiol.^ t. VI, p. 287j| DE LA DIGESTION. 220 après eux (1), et Magendie clans ces derniers temps (2), ont attribué le vomissement à la seule action du diaphragme et des muscles abdominaux ; l'estomac y joue , suivant eux , un rôle entièrement passif. Haller avait démontré (3), au con- traire , que l'action essentielle appartient à ce viscère , et que les muscles abdominaux en sont seulement les auxiliaires , opinion dont l'exactitude est reconnue à peu-près générale- ment aujourd'hui , quoiqu'on n'ait point encore convenable- ment apprécié le rôle de la périphérie animale, et qu'on ne l'ait bien étudiée qu'en ce qui concerne la respiration. 5° Quoiqu'il soit possible à l'homme de favoriser jusqu'à un certain point le vomissement , cependant on ne saurait le provoquer ni par un acte de la volonté , ni par une excita- tion extérieure portée sur les muscles abdominaux et le dia- phragme, ce qui devrait être possible si ces organes en étaient le point de départ. Mais il succède à toute irritation anormale de l'estomac lui-même. Ainsi , on le voit survenir quand ce viscère éprouve une forte distension, lorsque les alimens y sont accumulés en trop grande quantité , quand on le remplit rapidement d'eau ou d'air. Gosse se faisait vomir à volonté en avalant de l'air, et Krimer (4) excitait le vomisse- ment, chez les Chiens, en leur soufflant de l'air dans l'esto- mac. Il paraît être rendu plus facile aussi par une forte in- spiration préalable ; Magendie a remarqué que , quand les Chiens vomissaient , leur estomac se distendait par l'effet de l'air qui y était attiré (5) , et l'on prétend que , dans le mal de mer , le vomissement est précédé par des mouvemens invo- lontaires de déglutition (6). Il est provoqué aussi par la qua- lité des substances contenues dans l'estomac , par une nourri- ture indigeste , un suc gastrique dégénéré, du sang épanché, de la bile , des calculs biliaires , des vers , comme aussi par des masses considérables de substances qui , à petite dose , [l ) Observations on certain parts ofthe animal œconomy, p. 158. ^2) Mùm. sur le vomissement. Paris, d813. — Dict. de médecine et de chi- rurgie pratiques. Paris, 183G, t. XV, p. 765 et suiv. (3) Luc. cit., t. VI, p. 290. (4) lioin, Neues Archiv, 1821, t. I, p. 239,. (5) Loc. cit., p. 12. ^6) Magendie, Leçons^ t, ïli p, 183. 224 t>E LÀ DiGESTIOrï. déterminent la diarrhée , c'est-à-dire un accroissement du mouvement et de la sécrétion ; si le tartre stibié , introduit directement ou indirectement dans le sang , agit de la même manière, l'effet peut tenir à ce qu'en vertu d'une affinité spé- cifique (§ 866 , 6°), le sang se débarrasse de ces substances étrangères par la voie de l'estomac (§ 865, "V). Une exalta- tion de l'excitabilité , telle que celle qui a lieu dans l'état phlegmasique, amène le même résultat , qui succède égale- ment à l'impression d'un stimulant trop fort. Le vomissement a lieu encore quand le rétrécissement ou l'occlusion , soit du pylore , soit d'un point quelconque de l'intestin , arrête le mouvement de haut en bas ; la force musculaire du canal di- gestif ne peut plus alors se manifester que par les mouvemens de bas en haut , dont l'énergie redouble tout naturellement. Enfin il se déclare , par sympathie ;, dans diverses affections d'autres organes ou du système nerveux entier. 5" Bayle , en introduisant le doigt dans l'estomac d'animaux auxquels il avait donné un vomitif, y sentait à peine un mou- vement. Chirac n'en a observé qu'un très-faible en pareille ciriîonslance. Wepfer (1) a remarqué quelquefois un léger mouvement , et Magendie n'en a jamais senti aucun. Mais le mouvement de l'estomac n'est point très-vif , en général , et il lui suffit d'être modéré pour provoquer le vomissement , pourvu que, le pylore étant fermé, il suive la direction de celte ouverture au cardia , comme l'a vu , par exemple , Schuliz (3). Lorsque Helm excitait des nausées chez une per- sonne atteinte d'une fistule stomacale , en lui titillant l'arrière- gorge avec une plume , une portion de l'estomac sortait par l'ouverture , avec une partie du contenu (4), et lorsqu'il avait introduit du tartre stibié dans l'organe , il apercevait d'une manière bien distincte le mouvement vermiforme de l'esto- mac (5). (1) Haller, Elem. phys., t. VI, p. 287. (2, Loc. cit., p. 42^46. (3; Hufeland, Journal der praktischen Heilkunde^ 4835^ t. II, p. d. (4) Zwey Krankengeschichtenj p. 42. (5) Jb., p. 44. M LA bi(iksTio?>ïi. ^25 6" Dans la supposition que les muscles abdominaux sont l'agent du vomissement , on a expliqué l'impossibilité de vo- mir , chez les bêtes à cornes , en disant que leurs muscles obliques du bas-ventre sont très-écartés l'un de l'autre, et ne peuvent pas comprimer suffisamment l'estomac (1). Mais la rumination suppose une force agissant dans la même direction et avec guères moins d'énergie. Suivant Magendie , chez un Chien dans les veines duquel il avait injecté de l'é- méiique, et dont l'abdomen était ouvert, le diaphragme poussait l'estomac et les intestins avec tant de force contre le péritoine , que cette membrane se déchira en plusieurs en- droits (2) ; l'injection ne provoqua que de simples nausées chez un autre Chien auquel on avait enlevé le diaphragme et les muscles abdominaux (3) ; enfin, toutes les fois que l'on comprimait ou tiraillait l'estomac , le diaphragme et les mus- cles du bas-ventre entraient en contraction , et le vomissement survenait (4j. Ces faits confirment que la périphérie animale concourt au vomissement , et qu'elle tient à l'estomac par les liens d'une étroite sympathie; ils prouvent aussi que ce vis- cère est sensible aux irritations mécaniques, portées sur sa face externe , comme à celles qui agissent sur sa face interne. Mais si le vomissement dépendait uniquement de la pression extérieure , il deviendrait impossible de concevoir pourquoi le contenu de l'estomac n'est chassé que dans l'œsophage, et ne l'est point dans l'intestin. Les Oiseaux de proie vomissent, quoique leurs muscles abdominaux soient très-peu dévelop- pés, et que leur diaphragme incomplet ne puisse exercer ^au- cune influence sur cet acte. Wepfer et Perrault ont d'ailleurs vu le vomissement persister après la destruction du diaphragme et l'ouverture de la cavité abdominale , même après qu'on avait fait sortir l'estomac du bas-ventre (5). Legallois et Bé- clard (6) ont également vu , dans ces mêmes circonstances , (1) Hallei-, Elem. physioloij., l. VI, p. 291. (2) Loc. cit., p. 22. (3) J'j., p. 23. (/») Jfjtd., p. -12. (5) Haller, loc. cit., t. VI. p. 282. (6) OEuvros de Legallois. Paris, 4824, t. IT, p. 104. IX. i5 2à6 DE lA DIGESTION. survenir un vomissement, non point, il est vrai, de substances solides , mais de liquides. Des Chiens , dans l'estomac des- quels Krimer (1) avait soufflé de l'air , après leur avoir enlevé une partie ou la totalité des muscles abdominaux , à l'excep- tion de la ligne blanche , n'en vomirent pas moins ; le pylore se resserrait avec turce , et le duodénum , quand l'air y avait pénétré , exécutait des contractions vermilormes de bas en haut. 7° Les expériences de Magendie (2) semblaient avoir dé- inoniré que la périphérie animale joue seule un rôle actil dans le vomissement , puisqu'elles établissaient que i'injeciion de i'émétique dans les veines de Chiens auxquels l'estomac a été enlevé , détermine des mouvemens analogues , et que , quand 'à ce viscère on avait substitué une vessie de Cochon , les ma- tières sortaient par un tube lié à l'œsophage , et revenaient à la bouche. Mais d'autres observations ont montré que les ex- périences même de Magendie , loin d'être lavorables à son hypothèse, ne laisaient, au contraire, que la renverser. D'abord Tanlini (3) a reconnu que , daus le cas de vessie sub- stituée à l'estomac , il ne survient d'évacuation analogue au vomissement qu'autant que le tube destiné à opérer la jonc- tion s'élève jusqu'au dessus du cardia , et qu'il n'y en a pas (quand ce tuije est tixé à quelques lignes au dessous de i'oii- "tice œsophagien de l'estomac ; le vomissement exige donc que l'efiort des fibres circulaires de l'œsophage qui terment le cardia soit vaincu , et cet effet ne saurait être produit par la pression des parois abdominales ; il ne peut résulter que de l'action vivante de l'estomac. Du reste , il était naturel qu'une vessie entièrement pleine et ne communiquant pas , comme l'estomac , avec un canal par son autre extrémité, épanchât, lorsqu'on venait à la comprimer , son contenu dans l'œso- phage , qui lui offrait une voie ouverie ; à quoi l'on doit en- core ajouter que , suivant la remarque de Bourdon (4), elle ne (1) Loc. cit., 4821, t. I, p. 247,251. (2) Loc. cit., p, 18, (3) Gerson, Maya::in, t. ;X1II, p. 93. [^^)Mém, sur, le vomissement, Paris, 1819. DE lA DIGESTION. Ql^ se vide même point complètement. En second lieu , il est démontré que, dans les vomissemens, l'œsophage agit aussi indépendamment de l'estomac, que l'émétique mêlé à la masse du sang exerce sa première impression sur lui , et qu'il ne provoque que par sympathie des mouvemens convulsifs dans les parois abdominales. En effet, Marshall (1) a observé que , chez les malades dont le cardia est entièrement bouché, les boissons , quand elles sont arrivées à l'extrémité inférieure du canal , déterminent le vomissement , avec les mouvemens respiratoires ordinaires ; de même , chez les Chiens dont Le- gallois et Béclard (2) avaient séparé l'œsophage de l'estomac, l'émétique injecté dans les veines sollicitait ce conduit à des mouvemens violens, dont le résultat était d'amener de l'écume à la bouche. Il est donc hors de doute que les mouvemens convulsifs de l'œsophage contribuent à tout vomissement quelconque , et comme on ne saurait contester la réalité du mouvement rétrograde de l'intestin , il n'est pas supposable que l'estomac soit la seule partie du tube alimentaire dans laquelle ce mouvement n'ait point lieu. 80 Ajoutons encore que , dans les cas oii il y a bien mani- festement un mouvement antipéristaltique venant des par- ties profondes, par exemple, dans les hernies étranglées, le vomissement stercoral s'accomplit sans nul effort , les ex- crémens sortant plutôt par régurgitation que par vomissement proprement dit (3). Ici, la force musculaire du canal digestif agit librement et sans le concours de la périphérie animale. Lorsqu'il existe des obstacles insurmontables à l'évacuation , cette force peut amener la rupture de l'estomac , dont tout le contenu se trouve refoulé violemment dans la portion cardia- que , non par la pression des parois abdominales, mais seule- ment par la constriction spasmodique de la portion pylorique. Cette rupture arrive, comme Ta observé Delaguette (4), quand le vomissement est rendu difficile par la structure de l'esto- (1) Froriep, ISotizen, t. XL, p. d59. (2) /-oc. cit.^ p. 94. (3) Lallemand, Observations pathologiques, Paris, 1825, p. 69. (4) Dictionnaire do mùdecine , de ckirurjjie et d'hijijiène vétérinaires; Taris, iS39, art. Ruptorb et Vomissement. 228 DE tA DÎÔËSïiôr^e mac. Boerhaave trouva l'œspphage déchiré et les aîîmens épanchés dans la cavité pectorale , chez un homme qui avait succombé au milieu de coalinuels et vains elForts pour vo- mir (î). Lailemand cite (2) l'exemple d'une femme qui, ayant trop mangé à la suite d'une diète sévère , éprouva de fortes nausées sans résultat , au milieu desquelles elle sentit s'opérer en elle un déchirement qui mit fin aux envies de vomir ; la mort ne tarda pas à survenir : l'estomac , d'ailleurs sain , était ouvert à sa partie antérieure et moyenne. Au reste, la déchi- rure de ce viscère par l'effet d'une violence extérieure , ne l'empêche pas de pouvoir encore expulser une partie de son contenu par le vomissement : nous en avons la preuve dans un cas qui s'est offert à Sachs , soit que le trou eût été bouché par les parois abdominales spasmodiquement contractées, soit que le mouvement antipéristaltique iûi parti d'un point voisin de l'orifice cardiaque. Chez un sujet qui avait été tourmenté par de fréquentes et inutiles envies de vomir, Bourdon (3) trouva uû épaississement squirrheux de toute la paroi de l'es- tomac, qui pouvait bien être comprimé par les muscles abdo- minaux et le diaphragme, mais qui manquait de la force mus- culaire nécessaire pour produire le vomissement. Dans les cas d'hypertrophie simple de la tunique muscuieuse , on observe quelquefois des vomissemens habituels. ^ AKTICLE II. Des conditions intérieures de la digestion. Z. Nourriture. A. Quantité de la'noii,rriture. § 935. L'organisme rejeté sans cesse à l'extérieur une partie des matériaux qui le constituent. Ainsi la perte qu'un homme bien portant et de moyen âge éprouve journellement, (d) Voigtel, Handbuch dnr^patJiologischen, Anatomie, t. II, p. îl62, (2) Loc. cit., p. 63. (3) Loc.cit.,[), 3, 42. DE LA DIGESTION. 22g par l'effet des sécrétions cutanée , pulmonaire , rénale et in- îestinale (§ 837, 3") , peu! être évaluée à cinq ou six livres, c'est-à-dire à un vingl-cinquième environ du poids de son corps (1); à qupi il faut encore ajouter l'usure insensible de r<^piderme, qu'on estime à quatre livres chaque année (2) , non compris les pertes subies par ies onfjles et les poils. Les sécrétions dont il vient d'être parlé entraînent aussi les maté- tériaux hors de service qui se détachent continuellement de la substance des divers organes , et que la résorption lait re- passer dans le sang. Pour que l'économie se maintienne , il faut que cette perte soit réparée , et qu'elle le soit par ia for- mation de nouveau sanjy . puisque le sang est la source de toutes les parties , tant solides que liquides. La matière propre à produire ce résultat vient des alimens , dont la nécessité est rendue manifeste pur les conséquences qu'entraîne leur pri- vation. I. La privation absolue d'alimens et de boissons est celle qui entraîne le plus promptement la mort ; celle-ci survient plus tard quand l'individu n'est privé que d'alimens et con- tinue de boire. La réduction de la nourriture au minimum n'amène qu'un lent épuisement de la force vitale , qui , en certaines circonstances , et conduit jusqu'à un certain point , peut devenir salutaire et être employé à titre de méthode cu- ra tive. J" Le poids du corps diminue. Un bomme, qui avait observé rigoureusement le carême , se trouva , au terme , plus léger de sept livres trois onces ; une nourriture plus abondante le ramena , en six jours , à son ancien poids (3). Un autre , qui pesait cent trente-deux livres, avant d'être soumis à un trai- tement par la faim , perdit près de vingt livres pendant les huit premiers jours, et environ sept livres durant les neuf jours suivans ; sa diminution de poids fut ensuite de moins en moins considérable , parce que les sécrétions devinrent moins abondantes; à la septième semaine , il pesait encore quatre- (1) Ilaller, Elem, pliysiol., t. VI, P. I, p. 165. (2) Ihid., t. VÏIT, P. I, p. 54. {i)Uid., t. VIII, r. II, p. 61. ^5o DE LA DIGESTION. vingt-dix-sept livres (1). Suivant Bliiadell (2) , des Chiens de moyenne taille , pesant une Irentaine de livres , deviennent plus légers d'une demi-livre à une livre quand on les laisse un jour entier sans nourriture. 2" Ce qu'il y a de plus essentiel, c'est la diminution de la quantité du sang ( § 875). On trouve, après la mort, les vaisseaux sanguins presque vides (3). Chez l'homme dont il a été parlé plus haut, et qui périt d'apoplexie , uu mois après avoir terminé son traitement, il n'y avait de sang , en pe- tite quantité même , que dans la veine cave inférieure et le cœur. Halîer n'en a trouvé que fort peu dans les vaisseaux des Grenouilles mortes de faim, et les artères avaient diminué de calibre (4). Suivant Collard de Martigny, chez les Chiens, un grand nombre de ramifications vasculaires finissent par ne plus contenir de sang du tout (5) , de sorte que les poumons, le foie, etc., sont exsangues, et que les membranes muqueuses ont une teinte pâle (6) : on ne rencontre un peu de sang que dans le cœur et les troncs principaux. Chez les Lapins privés d'alimens , la quantité du sang éîait réduite le troisième jour à 0,649 , le septième à 0,443 , et le onzième à 0,227, de sa masse primitive (7). Piorry a vu des Chiens qui avaient très- bien supporté la perte d'une livre de sang lorsque leur poids était de vingt-sept livres , succomber à uue saignée de six ou sept onces après être demeurés trois ou quatre jours sans re- cevoir d'alimens. 3° On voit éclater tous les symptômes de l'anémie. Le pouls devient petit , faible , de plus en plus rare , et enfin à peine sensible. Il n'est pas rare , dans les traitemens par la faim , de le voir tomber à quarante ou même à trente-cinq pulsations par minute , ou prendre un caractère intermittent , (1) Greefe, Journal, t. XXI. p. 343. (2) Researclies fhysiological and pathological, p. 75. (3) Thackrah , u4n inquiry iiito the natur and properties of llood, p. 84. {k)Elem. physiolog., t. Il, p. 48 ; t. VIII, P. ll,p. 61. (5) Journal do Magendie, t. VIII, p. 187. (6) Ib., p. 15S. (7) Uid., p. 166. DE LA DIGESTION. 2$% de sorte qu'on ne pourrait continuer le traitement sans dan- ger (1). La force musculaire diminue rapidement. La respira- tion des personnes qu'on traite par la faim devient lente et profonde ; si le traitement se prolonge , on voit apparaître l'oppression de poitrine et la difficulté de respirer (2). La température baisse. Toutes les sécrétions diminuent (§ 840, 6°, 6° ) ; celles qui ne sont pas nécessaires au maintien de l'existence ne tardent point à cesser entièrement; telles sont celle de la graisse , comme superflu de la nutrition , celle du lait et du sperme pour la conservation de l'espèce , celle du pus pour la régénération des parties. Les ulcères et les productions morbides diminuent ; les plaies ont plus de peine à se cicatriser. La bouche et la gorge se dessèchent, et leurs parois semblent avoir été comme grillées. La sécrétion diniinue également dans les autres organes digestifs et dans les reins, même dans les sacs séreux ; ainsi Dumas a vu le mésen- tère sec chez les Chiens morts de faim. On trouve la vésicule biliaire pleine après la mort , parce que le défaut de nourri- ture l'a empêchée de se vider de la bile, qui continue à êtpe sécrétée pendant les premiers jours, bien qu'en moindre quantité. La diminution des Uquides fait aussi que les phéno- mènes de la putréfaction se manifestent avec plus de lenteur et d'une manière moins prononcée dans le cadavre. o° 11 ne peut pas manquer de survenir des altérations de composition durant la vie. Le sang est quelquefois plus épais qu'à l'ordinaire , surtout quand les sécrétions aqueuses ont persisté encore pendant un certain laps de temps , et que la soustraction s'est étendue jusqu'aux boissons (3). Si l'on en croit Collard de Martigoy, la quantité de la fibri le diminue considérablement, et celle de l'albumine augmente (§ 878, 4"). Muis quand les boissons n'ont pas manqué , le sang est ténu , jaunâtre et livide (4). Lecanu rapporte que , chez un jeune homme , après quarante jours de diète sévère , la quantité de (l)Struve, Ueler Dimt'Entziehungs-und Hungercur, p. 53. (2)/iW.,p. 57. (3) ïlaller, loc. cit., t. Il, p. 49 ; t. VIII, P. II, p. 61. (4) Haller, loc cit., t. II, p. 166, 181, 232. DE LA DIGESTION. l'eau s'était élevée de 0,770 à 0,804 , et celle de l'albumine , de l'extractif , de la graisse et des sels de 0,076 à 0,084, tan- dis que celle du caillot était tombée de 0,154 à 0,112 (1), Cette atténuation du sang , à laquelle s'associe peut-être quelque autre changement dans la constitution du liquide , détermine quelquefois des saignemens de nez ou des épan- chemens de sang dans l'estomac , dans l'intestin, phénomènes auxquels contribue la diminution de cohésion des parois vas- culaires qui a lieu quand la mort arrive lentement par Teffet delà faim. On observe, en outre, des ramoUissemens scorbuti- ques , des excoriations et des ulcères dans la cavité buccale ; la salive et le lait acquièrent une âcreté bien sensible. Fré- quemment, il y a mauvaise odeur de la transpiration, de l'haleine, de l'exhalation pulmonaire et de l'urine (2) ; les naufragés , en essayant de boire celte dernière pour tromper leur soif, ont reconnu qu'elle était fort acre (3) , ce dont Sa- vigny a fourni récemement de nouveaux exemples (4). 5° L'absorption acquiert plus d'activité (§ 906, 4°)- Chez les Chiens que Dumas avait laissés périr de faim , l'eau avalée peu d'instans avant la mort était déjà entièrement absorbée. Les vaisseaux lymphatiques de l'estomac sont visibles à l'œil nu , et ils conservent leur pouvoir absorbant long-temps en- core après la mort. Chez les personnes soumises au traitement par la faim, la résorption s'exerce d'abord sur les produits morbides (5) , qui opposent moins de résistance , parce qu'ils ont moins de vitalité et d'indépendance. Ainsi , dans les vieux ulcères , tout ce qui n'a qu'une vie incomplète périt entière- ment , les bords calleux s'affaissent , et peu à peu ils dispa- raissent ; les éruptions perdent leur auréole rouge , se des- sèchent, et se couvrent de croûtes, qui tombent ; les tumeurs s'affaissent de jour en jour , et finissent par disparaître (6). (1) Etudes chimiques sur le sang, p. 72. (2) Froriep, Notizen , t. -XXXI, p. 62, — Bulletin de Férussac , t. XXVI, p. 123. (S) Haller, loc. cit., t. YI, p. 167. (4) Observations sur\les effets de la faim et de la «Oîf.Pai'is, 1818, p. 12, (5) Struve, loc. cit., p. 14. (6) Ibid., p. 58. DE Là DIGESTION. 233 Chez les sujets bien portans , la graisse est résorbée la pre- mière , et il n'en reste plus aucune trace dans l'épiploon , à la suite d'un traitement par la faim (1). La résorption s'exerce ensuite sur les muscles : ces organes pâlissent et deviennent plus grêles , suivant CoUard de Martïgny (2) , ceux surtout du tronc, qui ressemblent à des membranes ; les parois même du cœur et d'autres muscles plastiques s'amincissent. La peau paraît ne point être épargnée non plus. Ainsi , il survient un amaigrissement général , que peu de jours déjà suffisent pour rendre sensible dans les traitemens par la faim , mais dont les progrès sont ensuite moins frappans. 6° Sous l'influence de ce; traitement , lorsqu'il ne dépasse point un certain terme , la digestion acquiert parfois plus d'é- nergie , de sorte qu'il n'est pas rare d'observer ensuite la propension à prendre de l'embonpoint (S), de même que , chez les personnes bien portantes, l'abstinence est quelquefois favorable aux facultés digestives. Mais, si la soustraction est portée trop loin, ces facultés faiblissent. Constamment, les dé- jections alvines deviennent peu abondantes et rares; elles laissent souvent entre elles des semaines d'intervalle , et les matières fécales ont une consistance insolite. Après la mort , il n'est pas rare de trouver l'estomac et l'intestin rétrécis, ce que M^gendie (4) n'a toutefois observé , chez les animaux, qu'après un jeûne de quatre ou cinq jours. C'est par excep- tion qu'on rencontre l'intestin fort distendu par de l'air (5) , ou le rectum plein de matière fécales pelotonnées et endur- cies (6). Quelquefois l'estomac présente , sur un certain nom- bre de points, la même apparence que s'il avait été enflam- mé ou rongé , particularité qu'ont observée Dumas , Leuret et Lassaigne (7). Collard de Martigny a trouvé (8), chez un (1) Journal de Graefe, t. XXI, p. 3é3. (2) Journal de Magendie, t, VIII , p. 155. (3) Struve, loc. cit., p. 12. (4) Précis élêm., t. II, p. 26. (5) Casper, Wochenschrift , 1836, p. 674. (6) Journal de Ilufeland, t, X, cah. 3 p. 187. "; ^7) ticch. sur la diycstion, p. 210. (8) Loc. cit., p. 157. 2^4 DE tA. DIGESTION. Chien mort de faim , la membrane muqueuse de l'estomac à l'état normal , et la musculeuse amincie. Cet amincissement des parois intestinales a parfois aussi été observé chez l'hom- me (1). IL La vie peut, chez certains animaux, ou dans certains cas, se soutenir long-temps sans aucune nourriture solide (2); pendant plusieurs mois chez les Polypes à bras , au delà d'une année chez les Limaçons (3), plus de six mois chez quelques Insectes et les Araignées, des années entières chez les Pois- sons dorés de la Chine, quatre mois chez les Crocodiles (4), six moischez les Salamandres, six années chez les TorUses (5), cinq à dix ans chez les Protées (6), et davantage encore chez les Crapauds emprisonnés dans des blocs de pierre, quoique ceux qui avaient été ainsi enfermés par Buckland (7), n'aient pas survécu deux années pleines. Les petits Passereaux ne sup- portent pas de rester un jour sans nourriture ; les Grives sou- tiennent l'abstinence trois jours , les Poules six jours, et les gros Oiseaux de proie deux à trois semaines. Les Taupes, tirées de terre, périssent au bout de douze heures (8), les Souris , de trois jours , les Lapins , de dix à douze jours (9), les Chiens, de trois à cinq semaines (10), les Chats, de quinze jours , ou de trente-deux , si on leur donne à boire , les Che- vaux, de dix-huit à vingt-sept (H), les Phoques, d'un mois, les Tatous, de deux mois (12). Haller a réuni (13) un certain nombre d'exemples d'hommes qui sont restés très-long-temps (1) Froviep, Notizen, t. XXXI , p. 62. — Journal de Grsefe, t. XXI , p. 343. (2) Haller, Elem. physiol., t. VI, p. 169. (3) Treviranus, Biologie, t. V, p. 272. (4) Fodéi'é, Essai de physiol. positive, t. in,p. 2. (5) Blunienbach, Kleine Schriften, p. 123. (6) Rudolphi, Physiologie, t. II, P. II, p. 9. (7) Bibliothèque universelle, t. LI, p. 391. (8) Froriep, Notizen, t. XXV, p. 71 (9) Journal de Magendie, t. VIII, p. 162. (10)/M£i., p. 154, 161. (ll)Gurtl, Lehrhucli der vergleichenden Physiologie, p. 76. (12) Haller, Elem. physiol., t. VI, p. 170. (13) Ibid., p. 171. DE Ik DIGESTION. 235 sans prendre de nourriture , et l'on n'aurait pas de peine à en étendre considérablement la liste, assez souvent néanmoins , il ne s'agissait que d'une simple imposture, de gens qui, dans un but quelconque , ou seulement pour appeler sur eux l'attention publique, feignaient de ne point manger , et trom- paient des observateurs superficiels : nous sommes donc en droit de supposer quelque erreur dans certains récits de ce genre, par exemple, dans un cas cité par Rolando (1), où il s'agissait d'une abstinence absolue , continuée pendant deux ans et demi ; car il est incroyable que la diminution des sé- crétions et l'accroissement de l'absorption puissent aller jus- qu'à permettre de rester des années entières sans prendre la moindre nourriture. D'ailleurs , on a souvent perdu de vue que l'eau elle-même est un aliment ( § 937, 1 ), et l'on n'a con- sidéré comme diète absolue que l'abstinence d'alimens so- lides. Dans l'état ordinaire des choses , un homme ne peut pas vivre plus d'une semaine sans manger ni boire , ou plus de quelques semaines sans manger ; il faut des circonstances spéciales pour dépasser ce terme. 1° L'une des principales est que la décomposition de la matière organique qui accompagne la vie , s'accomplisse avec plus de lenteur. Chez les animaux qui développent beau- coup de chaleur , dont la circulation marche avec vélocité , dont les mouvemens sont forts et vifs, la décomposition est plus prompte , et la possibihté de vivre sans nourriture plus restreinte, que chez ceux qui se trouvent dans les condi- tions inverses ; sous ce rapport , il y a un contraste des plus tranchés entre les Passereaux et un Crapaud , par exemple. Les Sauriens , les Ophidiens , les Chéloniens , transpirent moins que d'autres animaux , à raison de la cuirasse dont leur corps est garni; par conséquent ils peuvent vivre plus long- temps sans nourriture (2); faculté que les Reptiles nus possè- dent également en vertu de la faculté absorbante dont leur peau jouit à un si haut degré ( §§ 898, 1", 917, 4o). Les ani- maux invertébrés nus sont dans le même cas; ainsi, d'après (1) Rolando et Gallo, Necrosoopîa de anna Garhero adita per lo spario di 31 mesi, 11 giorni. Toiino, 1818, in-4, fig. (2)^Edwards, De l'influence des a(jcns physiques sur la vie, p. 130. 236 DE LA. DIGESTION. les observations d'Erman (1), un Limaçon privé de nourriture ne perdit en six semaines qu'un onzième du poids de son corps, tandis que, durant le même laps de temps, la perte fu td'un quart chez l'homme dont il a été parlé précédemment. Chez les personnes qu'on cite comme exemples d'abstinence pro- longée , non seulement les sécrétions étaient diminuées de beaucoup , mais encore la transpiration était réduite à si peu de chose , qu'elles ne salissaient pas le linge ou le cuir blanc mis en contact immédiat avec leur peau (2). Si d'autres ont vécu plusieurs semaines sous !a neige, sous la terre humide , sous des décombres , c'est un fait qu'expliquent les obser- vations de Leuret et Lassaigne (3), qui ont vu les Chiens sup- porter l'abstinence pendant quarante jours dans un lieu hu- mide et obscur, tandis qu'ils ne vivent pas plus d'un mois dans des endroits chauds, secs et éclairés (§ 839, 2o,^6°). La vie animale est accompagnée d'un renouvellement de matière , et elle exerce une influence considérable, tant sur la constitution du sang (§§ 750, 3-^: 764, 1°; 756, 4°), et sa marche (§§ 771-773), que sur la nutrition et les sécrétions ( § 847). Pour engraisser les bestiaux , on les tient enfermés, ou l'on a soin que les lieux dans lesquels on les met à l'en- grais ne soient pas trop éloignés de l'étable , Jautrement ils consomment , pendant le retour, à peu près autant qu'ils ont pu acquérir (4), De même, les animaux qui peuvent vivre long- temps sans nourriture se font remarquer, en général, par la lenteur de leurs mouvemens et leurs sens obtus. Parmi les hommes qui ont supporté de longs jeunes , plusieurs étaient idiots , et la plupart avaient été condamnés par la débilité ou la paralysie à garder le lit (5). 2° La direction de la vie joue ici un grand rôle. Les hommes accoutumés à prendre peu de nourriture, maigres et débiles, souffrent moins de l'abstinence , comme Ta observé , entre autres, Savigny (6). Dans l'état chrysalidaire des Insectes et le (1) Ahliandlungen der Jkad. zu Berlin, 1816, p. 204. (2) Haller, Elem.physiol., t. VI, p. 175. ; (3) Loc. cit., p. 2t0. (4) Thaev, Gnmdsœtzeder rationelle^i Landwirthsehaft,i. IV, p. 3901? j (5) Esquiiol, Des maladies mentales. [Viwis, 1838, t. II, p. 455. (6) Loc, cit., p. 10. DE lA DIGESTION, ^5^ sommeil hibernal , le besoin de nourrilure cesse en même temps que les manifestations de la vie animale, tandis que l'activité plasiique se retii-e du dehors au dedans. ïotit ce qui est relatif à la conservation de l'espèce a , proporiion gardée , plus d'énergie chez la femme , que ce qui se rap- porte à l'individualité , et de là vient que les femmes peuvent supporter plus longtemps le défaut de nourriture (§ 177). Dans l'hystérie , l'excitabilité du système nerveux est exaltée aux dépens du principe d'unité qui caractérise ce système ; aussi est-il plus dégagé des autres actions vitales , qui s'ac- complissent mal ou faiblenfîent ; aussi la phipart des personnes qui ont vécu long-temps sans prendre d'alimens étaient-elles des femmes hyslériques. Le besoin de nourriture est moindre chez les fous ; pour nous borner à un seul exemple , on en cite un qui , durant trois semaines , ne prit aucun aliment , aucune boisson , et ne fit que se laver une fois la bouche avec de l'eau (1). 3° Durant les premières périodes de la vie , quand l'orga- nisme est encore en train de se développer, la circulation plus vive et le renouvellement des matériaux plus rapide, le besoin de nourriture se fait sentir d'une manière plus pressante. Le Dante a rendu célèbre la mort d'Ugolin et de sa famille ; les plus jeunes Hh succombèrent dans les quatre premiers jours de leur incarcération , les plus âgés le cinquième et le sixième, et le père le huitième. Une famille ayant été ensevelie sous une avalanche , où elle n'avait pour toute nourriture que de l'eau de neige et le lait d'une Chèvre enfouie avec elle, un petit garçon , âgé de trois ans, mourut le douzième jour, tandis que deux femmes vécurent ainsi cinq semaines , jus- qu'au terme de leur libération (2). Ce furent aussi, parmi les compagnons de Savigny , les enfans et les jeunes gens qui succombèrent \os premiers à la faim (3). Collard de Marti- gny (4) a fait des remarques analoguessur les animaux. Lors- (1) Leurel et Lassaigne, Rech. sur la digestion, p. 215. (2) Philoxophic. Truns.,U XIX, p. 796. (3) Loc, cit., p. 10. (4) loc. cit,^ p. 162, 186. 238 DE LA DIGESTION. que les jeunes animaux périssent , la masse de leur sang a éprouvé , proportionnellement au poids de leur corps , une perte moins considérable que celle des vieux (§ 741 , 2°). 4" La faiblesse de la vie dans l'âjje avancé ne permet pas aux vieillards un long jeûne , que les personnes d'un âge moyen peuvent seules supporter. C'est aussi la force de la constilution qui rend les grands animaux plus aptes que les petits à résister au défaut d'alimens, et qui fait que les Car- nivores le supportent plus long-temps que les herbivores. m. Lorsque la nourriture est trop peu abondante , le corps n'acquiert point la plénitude de son développement , ni de sa force. Aussi , les agronomes , pour améliorer la race du bé- tail , lui donnent-ils une fois autant de fourrage qu'à celui qu'ils veulent maintenir dans les conditions communes (1). Généralement parlant , on peut dire qu'il faut aux éche- lons inférieurs de la vie une quantité proportionnelle de nour- riture plus considérable qu'aux degrés supérieurs. Ainsi, selon Haller (2), la proportion entre la consommation journa- lière d'alimens solides et le poids du corps est de 2 : 1 chez certaines chenilles , de 1:8 chez les bêtes à cornes , de 4 : 40 chez l'homme , qui , terme moyen , prend chaque jour trois à quatre livres d'alimens. Mais il y a encore ici diverses circonstances qui doivent êire prises en considération. 1" La première est la qualité de la nourriture. Un Bœuf qui mange quatre-vingt livres d'herbes , est tout aussi bien nourri par vingt-quatre livres de foin ; un Cheval consomme vingt livres de foin ou neuf d'avoine. Une Oie, à laquelle on donne de l'orge , n'en exige que le quarantième du poids de son corps pour sa nourriture journalière (3). 2° Une différence considérable résulte de la fréquence ou de la rareté des repas, qui dépend , pour chaque animal , de son organisation et des conditions de sa vie. Les animaux her* bivores ont besoin d'une grande quantité de nourriture, qu'ils (d) Thaer, loc. cit., t. IV, p. 392. (2) Elem. physiolog., t. VI, p. 2S6. (3) Tiedemann , Eecherchçs sur la digestion , Irfid, par A. J. L. Jour- an, U II. p. 212. DE LA DIGESTION. ûSg trouvent continuellement dans leur pays natal , mais qu'ils ne peuvent prendre que peu à peu ; ils mangent et digèrent pen dant la plus grande partie du jour , mais toujours peu à la fois ; de là vient que, quand on les tient renfermés , il faut leur donner chaque jour la même quantité de nourriture (1); celle d'un Cheval lui est fournie , non pas toute à la fois, mais par petites portions , et on lui laisse trois heures pour manger (2). Les animaux qui vivent de substances animales sont obligés d'attendre jusqu'à ce qu'ils rencontrent une proie , et d'en prendre alors assez pour rester rassasiés pen- dant un long laps de temps 5 les Cousins sucent au point que leur abdomen entier se gonfle , et que les excrémens sont repoussés par l'anus ; les Coléoptères carnassiers dévorent en peu de temps des insectes à moitié aussi gros qu'eux, et qui exigent plusieurs jours pour être digérés. Lorsqu'on donne la nourriture journalière par petites portions , et non en une seule fois , aux animaux de proie renfermés dans les ména- geries , ils la rendent en partie sans l'avoir digérée , et mai- grissent. 3° Il résulte de ce qui précède ( Il , i° ) que la quantité de la nourriture doit être proportionnée à la consommation. L'homme qui vient de se livrer à des travaux fatigans , qui relève de maladie , qui a subi une perte de sucs , prend da- vantage d'alimens , et les bêtes de trait exigent qu'on aug- mente ou diminue leur ration habituelle , suivant qu'elles fatiguent ou se reposent plus que de coutume. La même chose arrive après l'abstinence : un Limaçon , qui avait été tenu pendant six semaines à la diète , mangea en quelques heures un poids équivalent au tiers de celui de son propre corps (o). B. Qualité de la nourriture. § 930. Sous le point de vue de la qualité , les alimens sont ou des substances organiques ou des substances inorganiques. (1) Tliaer, loc. cit., t, IV, p. 4d0. (2) lijid., p. 4'i3, ^3; .lùhandluiiijen der 4kad, zu Berliv^ 1816, p, 204, 540 DE tA DIGESTION, 1 SUBSTANCES ORGANIQUES. I. Les principes immédiats à proprement parler alibiles des substances organiques , sont : pour les végétaux , des matières non azotées , comme Tamidon, la gomme, le sucre, l'huile grasse ; ou azotées , comme l'albumine végétale , le gluten et la fuDgine ; pour les animaux , la fibrine , l'albumine , la gé- latine, l'osmazome , le caséum , qui contiennent de l'azote, la graisse et le sucre de lait , qui n'en renferment point. Comme chacun de ces principes immédiats de la matière or- ganique est une combinaison de principes élémentaires en des proportions particulières, il n'y a point d'aliment unique, mais seulement diverses espèces d'alimens. Prout (1) voulait réduire ces espèces aux trois principes constituans du lait , l'albumine , le sucre et l'huile grasse ; mais il a plutôt désigné par là des groupes , dans lesquels il place la fibrine , la géla- tine , le caséum et le gluten à côté de l'albumine , la gomme auprès du sucre. Ce qui nous importe davantage , c'est de nous en former une idée claire , d'après les caractères qui leur sont communs à tous. 1° Ce sont les principes constituans le plus généralement répandus , dont chaque corps vivant contient plus d'un , de sorte que , partout oii il y a des êtres organisés , d'autres peuvent aussi trouver leur nourriture. 2° Ils sont indifférons par rapport à l'organisme, c'est-à- dire qu'ils n'occasionent aucun changement notable dans sa composition matérielle et ses actions vitales , qu'ils ne déter- minent point d'excitation manifeste dans un système plutôt que dans les autres, et qu'ils n'amènent jamais de décompo- sition chimique. Pour suivre ici l'hypothèse présentée précé- derament(§ 835, II), ils se montrent la plupart rapprochés de l'indifférence chimique , telle qu'elle nous apparaît dans l'eau, toutefois avec une certaine prédominance du caractère ba- sique. Ainsi , tandis que, dans les résines et les alcaloïdes, qui jouissent de propriétés excitantes , la proportion de l'hy- (1) Froriep, Notieen, t. XX^il, p. 162, .226. bÈ lA DIGESTION. i^t drogène à l'oxygène est géDéralement de 1 : 1 ou de 1:2, elle est de 1 : 3 et plus dans la librine , !a gélatine et l'albu- înine, tant animale que végétale; de i : 8 , c'est à-dire à peu près la même que dans l'eau , dans le sucre , la gomme et l'amidon ; enfin de 1 : 10 jusqu'à 20 dans le tannin et les acides, qui ne sont point des substances nourrissantes. Ce- pendant l'indifférence par rapport à l'organisme tient encore à d'autres circonstances , car la proportion de l'hydrogène à Toxygène est de 1 : 1,13 dans l'huile grasse , et de 1 •. 1,53 dans le caséum. II. Les deux règnes fournissent la matière alibile, mais c'est le règne animal qui la donne en plus grande abondance. Les animaux des dernières classes , Infusoires, Polypes et Entozoaires , se nourrissent de substance animale. On peut en dire autant de la plupart des autres animaux sans vertèbres, à i'excepîion des Insectes, dont la majorité vit de végétaux. La nourriture animale prédomine également chez les Poissons et les Reptiles , et ne cède le pas à l'autre que chez les Oi- seaux et les Mammifères ; mais, parmi ces derniers , les her- bivores sont nourris du lait de leur mère pendant les premiers temps qui suivent la naissance , de même que certains In- sectes vivent de substances animales à l'état de larve , et de substances végétales à Tétat parfait. i" Il n'y a point de différence absolue entre les deux sortes de nourriture ; loin de là même , elles passent de l'une à l'autre par une gradation insensible. La nourriture animale est caractérisée au plus haut degré dans la chair et le sang des animaux à sang chaud , et elle se rapproche de la végé- tale dans la substance des Reptiles et des Poissons , mais plus encore dans celle des animaux sans vertèbres. La nourriture végétale se montre à nous aussi pure que possible dans les sucs acidulés et le feuillage des plantes, tandis qu'elle se rap- proche de l'animale dans les racines , les fruits , et surtout les graines oléagineuses et amylacées. Il n'y a que les animaux carnivores les plus robustes, comme l'Aigle, le Lion, le Tigre, etc., qui se laissent mourir de faim plutôt que de loucher à des végétau-v ; les Chiens, les Cliais et autres car- nivores devenus privés, s'habituent à la nourriture végétale, IX. i6 242 DE LA DîGESTIONo parficiilièrement au pain. Il est plus rare encore que les herbivores dédaignent au besoin les alimens tirés du règne animal : bien loin de là , ils finissent par s'y habituer au point de leur accorder la préférence ; des Pigeons qui avaient été forcés de manger de la viande , parce qu'on les avait privés de toute autre nourriture , ne voulurent plus ensuite du grain (1). Les bêtes à cornes et les Chevaux qu'on a nourris avec du Poisson , vont à l'eau pour pêcher , et quand les Sau- terelles ont dévasté les prairies , les bestiaux , pressés par la faim , n'hésitent point à les manger (2). 2° Des animaux très-rapprochés sous le point de vue de l'organisation , s'éloignent les uns des autres relativement à leur mode d'ulimemation. Tandis qu'en général les Polypes vivent exclusivement de matières animales , que les Hydres mangent même de petits Poissons et de la viande hachée , dé- daignant les substances végétales, ou les rendant sans les avoir digérées , la Tuhularia gelatinosa se nourrit des fleurs et des graines de la lentille d'eau. La plupart des Gastéropodes vivent d'animaux ; mais quelques-uns , qui sont terrestres , et les Aplysies , parmi ceux de mer , mangent aussi des plantes. Parmi les Coléoptères , certains genres sont hei bivores , et d'autres du même groupe , carnivores. La même chose s'ob- serve , dans la classe des Mammifères , chez les Ours et les Cétacés. 3° Beaucoup d'animaux font usage indistinctement de nourriture animale et de nourriture végétale. Les Oiseaux palmipèdes et échassiers , dont les alimens sont surtout tirés du règne animal, mangent, non seulement des poissons , des reptiles, des insectes , etc., mais encore des plantes aqua- tiques et leurs graines. Les Passereaux vivent en partie de fruits et de semences , en partie d'insectes et de vers ; peu d'entre eux n'adoptent que l'un ou l'autre de ces genres de nourriture , et la plupart usent indifféremment de tous deux. Les Gallinacés sont dans le même cas , car leurs ahmens com- prennent d'un côté les reptiles , de l'autre le feuillage de (i) Haller, Elevi. physiol., t. VI, p. 190. [%) Fïpiiep, JSQtmn^ t. XliX^ll, p. 53, Î)E LA DIGESTION. 2l\5 certaines plantes. Les Corvidés surtout mangent des graines et toutes les substances animales qu'ils peuvent rencontrer, insectes , reptiles, jeunes oiseaux, petits mammifères , cha- rognes. Parmi les Plantigrades, la Taupe vit de vers, d'in- sectes, de crustacés et de racines; le Hérisson, le Blaireau, le Glo'Jton et l'Ours, de vers , d'insectes , de reptiles, d'oi- seaux , de mammifères , de fruits , de graines et de racines. Le Renard et la Martre aiment les fruits , et l'Hermine les champignons. Tandis que les Rongeurs sont généralement destinés à vivre de matières végétales , le Loir , le Muscar- din , le Spermophile, le Hamster dévorent aussi des insectes, des vers, de petits oiseaux et de petits mammifères. Les dif- férentes espèces du genre Mus mangent à peu près tout ce qu'elles rencontrent. 4" Ces exemples , qu'il serait facile de multiplier , suffisent pour mettre en évidence ce qu'on doit penser de l'asserlion des écrivains qui ont prétendu que l'homme doit tirer sa nourriture d'un seul des deux règnes organiques (1). Rous- seau disait qu'il doit vivre uniquement de végétaux , parce qu'il a deux mamelles , comme les herbivores , et qu'il ne fait d'ordinaire qu'un seul petit à la fois. Helvétius, au contraire, lui assignait la viande pour nourriture exclusive, à cause de la brièveté de son cœcum. La faiblesse de pareils argumens saute aux yeux. Tout, dans l'organisation de l'homme, an- nonce qu'il est destiné à une nourriture mixte : ses dents res- semblent à celles des carnivores , mais ses incisives ont pro- portionnellement plus de largeur , et par conséquent plus d'analogie avec celles des herbivores -, ses canines sont plus petites , et les couronnes de ses molaires n'offrent pas des pointes si saillantes : son estomac se rapproche aussi davan- tage de celui des carnivores, ce qui du reste a lieu égale- ment pour celui du Cheval et du Cochon; l'intestin n'est ni aussi long que chez les herbivores , ni aussi court que chez les carnivores ; le cœcum est infiniment plus court que chez les herbivores , et l'intestin anal plus long et plus ample que chez les carnivores. Gall avait signalé encore un caractère (1) Haller, ^oc. ci^, t. VI,p. 189. à44 ^^ ^^ DIGESTION. dans la conformation de la tête : il prétendait qu'en tirant une ligne de l'apophyse zygomatique à l'apophyse mastoïde , et abaissant sur cette h'gne une perpendiculaire qui traverse le conduit auditif , celle-ci partage le crâne en deux moitiés égales chez l'homme , tandis que la moitié antérieure est plus forte chez les herbivores, et la postérieure plus considérable chez les carnivores , ce qui indiquerait , chez ces derniers , un plus grand développement du cervelet et des lobes posté- rieurs du cerveau. Mais l'observation ne confirme pas pleine- ment cette assertion. Nous ne pouvons pas davantage admettre l'opinion de Broussonet , qui pensait que la proportion des canines aux autres dents détermine la proportion normale de la nourriture animale à la nourriture végétale. 5" Ce qu'il y a de plus important , c'est l'instinct qui porte à faire usage d'une nourriture mixte, et l'effet que cette nour- riture produit sur l'état de la vie. Un régime exclusivement végétal entraîne , en générai , des acides dans les premières fois , des flatuosités, le défaut d'énergie musculaire. Les ma- tières animales contiennent la substance alibile plus concen- trée ; il n'est donc pas nécessaire de les prendre en aussi grande quantité; elles chargent moins les organes digestifs, et par ce motif déjà, et parce qu'elles sont plus faciles à assi- miler; enfin elles procurent plus de force musculaire ; mais leur usage exclusif engendre la pléthore , et prédispose tant iiux maladies inflammatoires qu'aux sécrétions anormales, principalement des reins (§ 853, 10°) et de la peau. Une iiourriture mixte réunit les avantages des deux autres , et peut cUre modifiée en raison des circonstances : ainsi, par exemple, ïes ahmens tirés du règne végétal sont préférables toutes les lois que les actions vitales éprouvent une surexcitation quel- conque, et le régime animal convient, au contraire, dans les cas où l'excitement ne suffit pas, de même qu'après de (grandes déperditions. III. On a cherché à déterminer le degré d'alibilité d'une substance d'après les principes chimiques qui entrent dans sa composition. Prout admet que le carbone est le principe nu- tritif proprement dit , et que la propriété nourrissante d'un iiljment est proportionnée à la quantité qu'il en contient. Dans DE LA. DIGESTION. 11].^ celte hypothèse , les matériaux immédiats des corps organisés devraient être rangés de la manière suivante : gomme (0,422), sucre (0,424), amidon (0,435), gélatine (0,478), albumine animale (0,528), fibrine (0,533), albumine végélale (0,549), matière caséeuse (0,697) , graisse (0,760). Cependant les al- caloïdes, les résines et les huiles essentielles contiennent plus de carbone que certaines substances alibiles , ou même que toutes. Suivant Davy, l'alibilité des plantes correspond à la quantité qu'elles renferment de principes solubles dans Teau , d'où il suit que la gomme devrait être très-nourrissante , et l'huile grasse ne pas l'être du tout. On a voulu aussi détermi- ner le degré de propriété nutritive des diverses espèces de viande d'après la proportion de la gélatine, de l'albumine et de la fibrine qui s'y trouvent contenues, et en conséquence on les a rangées comme il suit : cabliau (0,18), stockfisch (0,21), cochon (0,24), veau (0,25), bœuf (0,26), poulet (0,27), mouton (0,29). Cependant il peut très-bien se faire que le même principe immédiat subisse des modifications particu- lières dans chaque espèce d'anima! , et que par conséquent il y possède un degré spécial d'alibilité. A l'expérience seule il appartient donc de décider sous ce point de vue , et c'est chez les animaux qu'elle y parvient le plus aisément , à cause de la simplicité de leur régime. Mais les animaux nous four- nissent la confirmation d'un fait qu'on remarque aussi chez l'homme , savoir, que la propriété de nourrir d'une manière convenable ne dépend pas seulement de la quantité des prin- cipes alibiles , et lient aussi au volume des alimer.s ; d'où il résulte qu'à une nourriture concentrée on doit ajouter des substances moins nourrissantes , offrant aux organes digestifs une masse suffisante pour l'exercice de leur action vitale. Au reste , on ne peut juger du degré d'alibilité d'une substance , ni d'après le seul sentiment de satiété , qui dépend de l'état d'excitement de l'estomac , ni d'après l'action que tel ou tel aliment exerce sur l'état des forces , puisqu'il y a des sub- stances qui accroissent ou qui diminuent l'énergie musculaire sans nourrir beaucoup. IV. Magendie (1) a trouvé que les Chiens nourris unique- (1) Précis clàmentaire, t. Il, p, 38'J. 24s DE lA DIGESTION, tnent avec du sucre , de la gomme , de l'huile d'olive et dU beurre, maigrissent, s'affaiblissent, sont attaqués d'ulcéra- tions à la cornée , avec sécrétion abondante des glandes pal- pébrales , et périssent au bout de cinq semaines à peu près , et que les Anes auxquels on ne donne que du riz cuit, ne vivent pas plus de quinze jours. Il conclut de là que les sub- stances non azotées n'ont pas le pouvoir de soutenir la vie ; et les objections qu'on a élevées contre cette proposition lui pa- raissent sans valeur, attendu que si les caravanes vivent de gomme dans les déserts africains , elles ne demeurent jamais long-temps soumises à ce régime , que les Nègres ne mangent pas de sucre , mais de la canne à sucre , et que les peuples qui se nourrissent de riz ou de maïs , y joignent aussi du lait efdu fromage. Les faits observés par ce physiologiste ont été constatés par d'autres. Suivant Lassaigne et Yvart (1) ,ldes Cochons d'Inde nourris de sucre , d'amidon et d'eau distillée, périssent en huit jours , et des Souris au bout de quinze jours ; des Brebis , nourries de sucre et d'eau , ne vivent que vingt jours , d'après Macaire et Marcet (2) ; selon Gmeiin et Tiede- mann (3), des Oies ont vécu quinze jours avec la gomme seule, vingt avec du sucre et ving-sept avec de l'amidon. Quant à ce qui concerne le sucre , les agronomes savaient déjà qu'il ne convient que jusqu'à une certaine dose , et que les betteraves ne sauraient servir seules à l'alimentation des bestiaux (4). Fodéré rapporte aussi (5) que les habitans du département des Alpes maritimes, lorsqu'ils se nourrissent de figues sèches, à défaut de céréales , deviennent blêmes , faibles et valétudi- naires , et que des enfans qui n'avaient mangé, pendant toute une journée, que du sucre, en grande quantité , furent atta- qués de la fièvre , avec une éruption cutanée et des furoncles. Magendie a reconnu bientôt que les mauvais effets du régime employé dans ses expériences ne dépendaient pas uniquement (1) Journal de chimie médic, t. IX, p. 271. (2) Jnnale.s de chùuie, t. Ll, p- 386. (3) Expér. sur la digestion, trad. par A. J. L. Jourdan, t. II, p. 213, 218, 224. (4) Thaer, loc. cit., t. IV, p. 570. (5) Essai de phjsiol. positive, t. III, p« 15. DE LA DIGESTION. 2^7 de l'absence d'azote , mais tenaient encore à runiforraité de la nourriture ; car les animaux périssaient de même lorsqu'on les soumettait à l'usage exclusif d'une seule espèce d'ali- mens azotés : des Chiens nourris de fromage ou d'œufs durs , maigrissent , s'affaiblissent et perdent leur poil ; ceux auquels on ne donne que du pain blanc et de l'eau , meurent atrophiés au bout de sept semaines ; et si , dans le cours de la sixième semaine, on les remet à leur nourriture ordinaire , ils la dé- vorent avec avidité , mais sans qu'elle puisse ni arrêter les progrès du dépérissement , ni empêcher ia mort. Des Oies auxquelles Tiedemann et Gmelin (1) ne donnèrent que de l'al- bimiine cuite, succombèrent au bout de quarante-six jours. Edwards et Balzac (2) ont reconnu que des Chiens, nourris avec une soupe de pain , de gélatine et d'eau , dans les mêmes proportions que celles qui constituent un bon bouillon de viande , maigrissent et meurent en quelques semaines ; que le pain et l'eau seuls amènent plus promptement encore ce ré- sultat ; qu'au contraire l'addition du bouillon le prévient ; qu'en conséquence la gélatine est nourrissante , à la vérité , mais ne procure pas à elle seule une nourriture suffisante. De jeunes Chiens , alimentés avec celte substance , prirent bien quelquefois de l'accroissement et augmenîèrent de poids , mais ils maigrirent et perdirent leurs forces ; la plupart du temps , le poids de l'animal s'accrut un peu par le passage d'un mode d'alimentation à l'autre ; du reste , les tablettes de bouillon préparées avec des os n'agissent pas autrement que la colle-forte , bien qu'avec quelques différences, suivant les individus. Voici quels furent les résultats des diverses expé- riences : (1) Rech. sur la digestion, t. II, p. 231. (2) Archives yonvrales, 2« série, t. I, p. 319. s48 DE lA DIGESTION. ftfBfB^n)<î^(B IT clOq !r a- _ a.c2 " es. M 03 g' P5_ 9J s hs e»3 i^ ks» ^^ w iC« Ks 00 (Ja. ^s» os ti» i>s ^s oa (^ ts". 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H >■ H >- I— I !2: •7 ■■gwM»M^Br,**»OTii3C!gyi|||. y fflfftn^-rUffi'-iip *'f,tfuy^flfTr p^"» DE tk DIGESTION. 249 Mais ce qu'il y a de plus surprenant encore , c'est que , d'après les observations de Magendie , les Lapins ne vivent pas au-delà de quinze jours lorsqu'on ne leur donne qu'un seul de leurs alimens ordinaires , et toujours le même , ca- rottes, choux, orge, etc. (J'ai fait l'expérience suivante sur trois Lapins non encore coraplétement adultes , provenant de la même portée , et en tout semblables les uns aux autres quant au sexe , à la grosseur, à la couleur et au reste de la conformation. A l'un je ne donnai, outre de l'eau , que des pommes de terre , qui lui furent fournies à discrétion ; il en mangea sept onces le premier jour, six seulement le second jour, et ainsi de suite de moins en moins ; son poids , qui é(ait de 161 gros le septième jour, était réduit , le treizième jour, à 93 gros; l'animal mourut ce jour-là , complètement épuisé et amaigri. Le second Lapin fut nourri de même , avec de i'orge seule : il en consomma le premier jour vingt gros, le troisième quatorze , puis chaque jour de moins en moins jusqu'à quatre gros ; le poids de son corps s'éleva, pendant les premiers quinze jours, jusqu'à 182 gros, puis tomba à 164 dans la troi- sième semaine ; la mort eut lieu la semaine suivante. Le troi- sième Lapin reçut alternaiivement un jour des pommes de terre , et l'autre de l'orge ; il consomma , terme moyen , 44 gros des premières , et 8 d'orge chaque jour : son poids s'ac- crut jusqu'au dix-neuvième jour ; il était alors de 204 gros ; mais comme alors il demeura stationnaire , je présentai à l'a- nimal, dans la troisième semaine , des pommes de terre et de l'orge à la fois ; il mangea des premières 20 à 24 gros , et de grain 6 gros par jour, conservant sa santé et sa vivacité ) (1). Tous ces faits s'accordent avec d'autres bien connus ; une nourriture uniforme n'est pas absolument dépourvue de pro- priétés alibiles : car certains animaux inférieurs , notamment les Chenilles^ sont astreints à une seule espèce de nourriture, et il y a même des Mammifères qui supportent très-bien un pareil régime. Magendie a vu un Coq conserver sa santé, bien qu'on ne lui donnât que du riz , qui ne contient pas d'a- zote, et un Chien ne pas non plus tomber malade sous l'in- fluence du pain bis pour unique aliment. De môme , suivant (J) Addition d'Ern^^st Ciiidacii. S50 DE tA DIGESTION. Collard de Martîgny, les jeunes animaux auxquels on donne dès le principe une nourriture simple , n'en prospèrent pas moins, tandis qu'elle devient pernicieuse à ceux d'un âge plus avancé , qui ont déjà contracté l'habitude d'une nourri- ture mixte. Mais, généralement parlant, la variété des ali- mens réussit mieux, et elle est un besoin pour les animaux supérieurs. Il n'y a pas d'Oiseau qui so contente d'une seule sorte d'alimeos, quoique chacun ait sa nourriture favorite, avec laquelle il prospère mieux qu'avec toute autre (1). Cha- que Mammifère herbivore a également un cercle d'alimenta'- lion d'une certaine étendue : Linné a reconnu que la Chèvre mangeait 449 plantes sur 575, la Brebis 387 sur 528, la Va- che 276 sur 494 , le Cheval 262 sur 474, et le Cochon 72 sur 243. On remarque d'ailleurs , sur les animaux qu'on nourrit, que les uns aiment davantage ia variété, et qu'elle plaît moins à d'autres , que , par exemple , les Cochons d'Inde ne tardent pas à se lasser d'une nourriture toujours la même (2). La variété des alimens pris simultanément exerce aussi une influence salutaire ; on a observé que les Genettes , qui vi- vent de viande et de végétaux , ne sont pas aussi complète- ment nourries lorsqu'on leur donne un jour de la viande , et le lendemain du pain et du lait, que quMia on leur fournit chaque jour ces deux sortes d'alimens à la fois (3), et, pour engraisser les bestiaux , on leur présente une nourriture mixte , par exemple , des pommes de terre avec du foin (4). L'homme est également déterminé par son goût, tant à va- rier ses alimens , qu'à les combiner ensemble de diverses ma- nières , à mêler le fade avec le piquant , le gras avec le salé , l'azoté avec l'acide végétal, etc. , combinaisons qui flattent son palais, en même temps qu'elles accroissent ladigestibihté. Prout a reconnu (5) qu'une alimentation complète exige (1) Naumann, NaturgescMchte der Foegel Deutschlands, t. I, p. 89. (2) Bechstein , Gemeinmietzige NaturgescMchte Deutschland , t. I , p. 899. (3) Froriep, Notizen, t. XXXV, p. 264. (4) Thaer , loc. cit., t. IV, p. 369, — Hurtrel Darboval, Dict. de mé- decine , de cliirurgie et d'hygiène vétérinaires , ait. Indigeshon, t. III, p. 255. Paiis, 1838. (5) Fioi-iep, Notizen^ t. XXXI, p. 228. DE lÂ. DIGESTION. sSl l'association des trois classes de substances nutriiiveg admises par lui, ou au moins de ^ deux d'entre elles. Cameron (1) parle de deux femmes qui , sous l'influence d'un régime ex- clusivementcomposé de thé et de pain beurré , devinrent telle- ment scorbutiques que l'une d'elles mourut : l'autre ne re- couvra la santé qu'en changeant sa manière de vivre. Les essais que Siark a faits sur lui-même prouvent, en général, les mauvais effets d'un régime uniforme , mais ne conduisent pas à d'autre résultat. Cet expérimentateur commença par ne prendre que du pain et de l'eau pendant quarante -cinq jours, savoir : vingt onces de pain chaque jour , durant les douze premiers , trente pendant les vingt-cinq suivans , et trente huit durant les huit derniers ; le poids de son corps diminua de huit livres. Ainsi afl'aibli , et sans prendre le temps de se remettre dans l'état normal , il passa immédiatement au régime du pain et du sucre , continué pendant un mois, puis à celui de l'eau et de l'huile d'olive , durant trois semaines, etc. , jusqu'à ce qu'enfin il succomba au huitième mois. Rum- ford a obtenu des résulîats plus intéressans d'observations faites pendant plusieurs années, sur la nourriture des pau- vres ; l'alibilité d'un aliment dépend moins, suivant lui, de la quantité de ses principes nourrissans , que du choix des con- dimens et du mode de préparation par le feu; ces con- ditions étant remplies , une très-petite quantité d'alimens solides suffit pour le maintien de la santé ; une portion suOi- sante pour rassasier complètement un adulte bien portant, de la soupe préparée d'après sa recette, ne coniient pas plus de six onces de substance solide, consisiant en gruau , pois , pommes de terre et pain. 2. SBBSTAKCES INORGANIQUES. § 937. Parmi les matériaux imimédiats des corps organisés il y en a aussi qui se rencontrent dans le règne organique (§ 836, 10-3"), et qui doivent être admis dans l'intérieur de l'organisme en remplacement des pertes éprouvées, qui, par (1) New theory ofthe influence ofvarietij in diet in health and discase, Londres, 1732: 252 DE EA DIGESTION. conséquent, doivent être considérés comme alimens. Ces substances inorganiques n'étant jamais à Tétat de pureté dans le corps vivant , et s'y présentant toujours combinées avec une matière organique particulière, elles ne peuvent non plus déployer de propriétés alibiles qu'autant qu'elles sont réunies à de la substance organique. Par là elles diiFèrent des alimens de la série organique. Cependant la différence n'est que relative. Abstraction faite de ce qu'aucune des di- verses substances organiques ne se rencontre à l'état d'isole- ment dans un organe , et ne peut jouer le rôle de nourriture (§ 936, IV), elles perdent aussi en partie cette dernière pro- priété lorsqu'elles ne sont pas combinées avec des substances inorganiques. Quant à ce qui concerne celles-ci , l'eau seule peut, jusqu'à un certain point, remplir l'office d'aliment. I. L'eau, plus ou moins combinée , fait partie constituante du sang , comme aussi de toutes les parties solides et liqui- des de l'organisme. 1° Elle est la base de tous les alimens liquides , et passe dans le sang. Schultz a trouvé , comme terme moyen de trois observations (1), qu'un Bœuf qui vient de boire a, dans le sang 0,057 d'eau de plus qu'auparavant, et que, de soixante- et-douze livres d'eau qu'il avale , près de quatre passent très promptement dans le torrent de la circulation : chez un de ces animaux qui n'avait pas bu depuis vingt-quatre heures , le sang ne contenait que 0,775 d'eau , tandis qu'après qu'il eut bu abondamment , la quantité de cette dernière s'y éle- vait à 0,840. Au dire de Botta, les Chameaux qu'une longue abstinence dans le désert a fait maigrir , reprennent leur an- cien embonpoint dès que, parvenus auprès d'une fontaine, ils ont pris un peu de repos et une poignée] de fourrage : évidemment, cet effet tient à une turgescence qui dépend de Taugmentaiion de la masse du sang par Teau , les vaisseaux capillaires, jusqu'alors affaissés, s'empHssant de nouveau. L'instinct démontre aussi que l'eau est ce qu'il y a de plus nécessaire pour la formation du sang ; Piorry a remarqué qu'une perle abondante de sang fait naître une soif vive , sans (0) Journal de Hiifeland, ^838, cah. IV, p. 27. DÉ LA DIGESTION. ^5^ faim. En effet , l'eau doit faireiabasedu sang, et en tenir les principes dissous dans une juste proportion. Un Chien fut privé d'alimens et de boisson pendant vingt-quatre heures , au bout desquelles on lui présenta de l'eau, dont on lui entonna en- core environ une demi-livre après qu'il eut bu. On le mit à mort une demi-heure plus tard, Le canal thoracique était gor- gé de liquide , et, le conduit ayant été ouvert , il s'en écoula une grande quantité de lymphe peu épaisse , d'un blanc jau- nâire, formant un courant rapide. Cette lymphe contenait fort peu de substance coagulable , car ce ne fut qu'au bout d'une heure qu'on vit apparaître, au milieu du liquide lim- pide , un petit caillot de chyle , qui , après vingt-quatre heu- res de repos, était réduit à quelques flocons. La sérosité, exa- minée au microscope , ne contenait que des globules lympha- tiques clairs , et fort distans les uns des autres. Le sang veineux semblait bien , en général , plus coulant qu'à l'ordi- naire , mais le microscope constata que les globules du sang n'y manquaient point. L'estomac et l'intestin grêle conte- naient encore un peu d'eau mêlée de mucus. La même li- quidité du chyle fut observée chez un Chien atteint de la ma- ladie , qui , pendant plusieurs jours avant d'être mis à mort , n'avait pris que de la nourriture liquide. Chez celui-là , le chyle n'offrait pas la moindre trace de lactescence ; il était jaune et limpide , comme de l'urine très-chargée. La quan- tité en était très-considérable, et une heure après l'ouverture delà citerne, il s'en écoulait encore. Ici également on ne put découvrir, avec le microscope, que des globules clairs, très- éloignés les uns des autres , et le liquide , reçu dans des verres de montre^ ne forma pas de caillot régulier, mais se couvrit seulement d'une pellicule très-mince de substance coagulée. Je dois signaler, comme faisant contraste avec cet état du chyle, la consistance épaisse que j'ai observée sur ce- lui d'un Lapin qui n'avait été nourri que d'orge , et que celte nourriture uniforme avait fait périr de faim ; le canal thora- cique ei la citerne ne contenaient qu'une petite quantité d'un chyle fort épais, qu'on ne parvenait qu'avec peine à faire sortir du vaisseau par expression ; ce chyle était jaunâtre et limpide j le microscope y montrait peu de globules épars 2S4 DE lA DIGESTION. dans une substance homogène, linniDide et gélatiniforme (1). 2^ Tous les alimens solides contiennent de l'eau à l'état de combinaison ; mais ils deviennent plus faciles à digérer quand on y ajoute de l'eau à l'état de liberté. Lorqu'on ne donne aux animaux que du fourrage, il se produit , d'après Leuret et Lassaigne (2), moins de chyle que quand on les a fait boire en même temps. 3° La nutrition par les liquides est généralement propre aux degrés inférieurs de la vie (§ 927 , 1°), et là, surtout chez les végétaux , l'eau peut servir de nourriture , même sans être mêlée de substance organique. Duhamel, après avoir fait germer des hari-^ots entre des éponges humides , les mit dans des carafes , de manière que les racines plon- geassent dans l'eau ; les plantes parvinrent à trois pieds de hauteur, et quelques-unes donnèrent de petits fruits. En agissant de la même manière , il conserva des marronniers deux ans, un amandier quatre ans, et un chêne huit ans dans de l'eau de Seine filtrée et claire : à la vérité le chêne prit moins d'accroissement pendant les deux dernières années, parce que ses racines semblaient souffrir ; cependant il avait une îige haute de plus de dix-huit pouces , et dont la circon- férence était de vingt pouces environ (3). Tillet sema des grains de blé dans un sable pur ou dans du verre pulvérisé , qu'il arrosait avec de l'eau ; il obtint ainsi des plantes qui avaient des racines extraordinairement nombreuses et lon- gues, et qui donnèrent des graines mûres (4). Crell, ayant semé des graines d'héiiaiuhe dans du sable humide (5) et dans de la poussière de cailloux rougis au feu , qu'il arrosait avec de l'eau distillée, obtint des plantes dont les graines , traitées de la même manière l'année suivante , rapportèrent égale- ment des graines mûres (6), Abernelhy a vu germer des graines de chou semées sur de la flanelle imbibée d'eau distil- (1) Addition d'Ernest Burdach. (2) Recherches sur la digestion, p. 107. (3) Bisi. de VAcad. des se, 4748, p. 275, (4) Ib., 1772, p. lis, 123, 136. (5) Crell, Chemische Annulen, 1799, t. II, p. 111. (^6) Getilen, Journal fuer ChemiQ, t. IXj p. 157, DE LA DIGESTION. 255 lée : un Lî^pin nourri exclusivement avec les herbes qui en provinreot , tomba malade au bout de huit jours , mais se ré- tablit promptement dès qu'on lui eut donné en même temps un peu d'or^je ; toutefois la quantité du grain ne dépassa pas vingt gros en huit jours, pendant lesquels le poids de l'animal avait augmenté de huit gros. Schrader sema des céréales dans de la fleur de soufre arrosée d'eau distillée et conte- nue dans des vases de verre ou de porcelaine recouverts d'une cloche : les graines germèrent, et donnèrent des chaumes de douze à quatorze pouces ; ceux-ci portaient aussi des épis courts, mais qui fleurirent; desséchés, ils pesaient cinq fois plusque les grains d'où ils provenaient (d). Braconnot sema trente-six grains de moutarde blanche dans de la li- iharge arrosée d'eau distillée ^ en ayant soin de couvrir le vase d'une cloche de verre suspendue , pour écarter la pous- sière ; il se développa des plantes qui fleurirent et portèrent des graines ; ces plantes pesaient 1694 grains fraîches, et 561 sèches. 11 obtint le même résultat en semant la moutarde dans de la fleur de soufre ou dans de la cendre de plomb , avec de l'eau distillée (2). Boussingault sema vingt -neuf grains de trèfle dans du sabie préalablement rougi au feu : les plantes qui en provinrent pesaient 67 grains au bout de trois mois ; des pois , traités de même, et dont le poids était de M grains, donnèrent, dans le même laps de temps , des plantes pesant 72 grains , qui étaient chargées de fleurs et de graines parfaites (3). V Epidendron flos aeris se nourrit de l'humidité éparse dans l'atmosphère. Si les plantes peuvent trouver leur nourriture dans l'eau seule ou associée à des substances solides non assimilables , mais n'y réussissent pas toujours, et en général n'y prospèrent pas, on doit s'attendre à la même chose par rapport aux animaux. Ici même il se présente des difficultés particulières. Si les animaux vivent daus l'eau commune sans prendre d'autre nourriture , les Infusoires que ce liquide renferme sont une ressource pour (4) Zwey Preisschriflen, p. 28. (2) Gehlcn, loo. cit., t. IX, p. 434. (3) Annules de chimie, \. LXXVIl, p. 48. 2 56 DE lA DIGESTION. les amateurs d'explications ; quant à l'eau distillée , elle n'est point naturelle , et ne peut remplacer l'autre que d'une ma- nière fort imparfaite , mais elle fournit une preuve d'autant plus concluante , lorsque seule elle suffit à l'alimentation. Abernethy mit douze Sangsues dans un verre plein d'eau dis- tillée et couvert d'un double papier percé de petits trous ; au bout de trois mois , huit de ces animaux vivaient encore , et leur poids avait augmenté de quarante grains. Sur deux cents Têtards de Grenouilles qui furent mis dans de l'eau distillée renouvellée tous les huit jours , avec la précaution de couvrir le vase d'un linge fin, quarante vivaient encore au bout d'un mois , et quatre avaient terminé leur métamorphose : s'ils s'étaient nourris d'Infusoires, il avait fallu du moins que ceux- ci trouvassent leur nourriture dans l'eau. Les expériences faites par Willer (1) n'ont point été aussi heureuses ; cepen- dant cinq Têtards de Grenouilles vécurent dans de l'eau seule ; leur poids s'était réduit de 960 grains à 830 dans l'eau dis- tillée , et à 947 seulement dans l'eau de rivière pure. Fordyce tint , pendant six mois , des Poissons dorés dans un vase de verre clos , contenant de l'eau distillée chargée d'air atmo- sphérique ; ils rendirent des excrémens et prirent de l'ac- croissement. Ce qui prouve que l'eau peut entretenir la vie de l'homme lui-même , c'est que les personnes qui restaient long-temps sans prendre d'alimens , avaient coutume de boire de l'eau (2) ; ainsi , pour nous borner à deux exemples , la fille observée par Spirilus (3) se contenta, 'pendant quatre mois , de boire chaque jour deux carafes d'eau , et un jeune hypochondriaque qui avait pris la résolution de renoncer à toute nourriture , vécut deux mois entiers , ne prenant chaque jour qu'une demi-pinte à une pinte d'eau , avec un peu de jus d'orange ; ce laps de temps écoulé, il était d'une faiblesse extrême , amaigri et aliéné (4). (■J) IJiss. sistens '.expérimenta circa animalimn classium inferioritm increinentum et vitam. Halle. d817. (2) Hi.Uci-, Elcm.phtjsiol., t. VI, p. 176. (3) Nasse, Zeitchrift fuer psychische Acrzte^ d822, cali, I, p. 19G. (4) Archives (jénérales, 2^ série, p. 577. DE LA DIGESTION. 267 4° La proportion normale des alimens aux boissons a été estimée , par Cornaro de 1 : 1,16 , par Rye de 1 : 1,33 , par Robioson de 1 : 2,50 , par Sanctorius de 1 : 3,33 , par Linings de 1 : 3,60 (1). Mais on ne peut rien établir de général à cet égard ; il faut tantôt plus tantôt moins de boisson , suivant que les alimens contiennent pius ou moins d'eau , que la transpi- ration et, en général , la déperdition de sucs ont été plus ou moins considérables, que la constitution tend plus à la séche- resse ou à Ihumidité , que l'absorption cutanée et pulmonaire est plus ou moins active , que l'atmosphère est plus ou moins chargée d'humidité. Les animaux de proie et les herbivores, qui vivent d'herbes molles et juteuses, ont, générale- ment parlant , moins besoin d'eau. Ainsi les Oiseaux rapaces , par exemple, peuvent s'en passer pendant plusieurs mois, tandis que les Poules et les Pigeons , qui avalent des grains entiers, doivent en prendre beaucoup. Cependant les parti- cularités de la constitution établissent des différences consi- dérables sous ce point de vue : la Brebis exige peu d'eau ; une nourriture aqueuse , telle que celle qui est fournie par les plantes des marais, et un air humide la font tomber ma- lade ; le Lapin , le Gabiai , etc., ne boivent presque pas , et meurent, d'après Leuret et Lassaigne (2), quand on les met au sec ; les bêtes à cornes , malgré l'abondance des sucs con- tenus dans leurs alimens, ont besoia d'une grande quantité d'eau , et les Hérons boivent aussi beaucoup. Le Chameau ne doit la faculté dont il jouit de pouvoir rester long-temps sans boire, qu'à la rareté de sa transpiration et à l'abondance tant de sa salive que de la sécrétion qui a lieu dans sa panse. Les animaux ont moins besoin de boisson dans un air humide , ce qui fait qu'ils boivent peu aux Antilles, à ce que l'on assure. C'est en partie ^à l'aclioû immédiate de l'atmosphère , et en partie à la nature des alimens qu'il tient que les hommes et les bestiaux soient plus massifs dans les lieux humides, plus sveltes dans les contrées montagneuses et sèches. Ici encore le plus ou moins de pouvoir absorbant à la surface extérieure (d) Hall r, loc. cit., t. VI, p. 257. (2j JIcck. sur la diijosiioa, p. dU7. IX. ir, 258 DE LA DIGESTION. amène des différences , car , par exemple , les oignons et les tubercules germent sous la seule influence de l'air humide , et Vépidendron flos aeris n'a pas même besoin d'un sol hu- mide. IL Le chlorure de sodium est , à peu d'exceptions près (1), un besoin pour l'homme. Il favorise la digestion en stimulant les organes , et s'introduit dans la masse du sang. On dit que la sueur est plus salée qu'à l'ordinaire chez les habitans des bords de la mer et chez les personnes qui consomment beau- coup de sel (2). Parmi les animaux , ce sont surtout les Ru- minans qui éprouvent le besoin de cette substance (3). Elle paraît leur être principalement nécessaire dans les contrées chaudes de l'Amérique du Sud , où différons sels s'effleuris- sent en beaucoup d'endroits à la surface du sol. Au Brésil, non seulement les bêtes à cornes et les Chevaux lèchent avi- dement le salpêtre produit dans le sol (4;, mais encore les Oi- seaux se rassemblent pour en manger partout oii il s'en ef- fleurit à la surface du sol (5). III. C'est une particularité propre à plusieurs Oiseaux granivores , que celle d'avaler des pierres. Spallanzani la croit purement accidentelle , parce que des Pigeons qu'il avait élevés, depuis leur sortie de l'œuf, sans leur donner de pierres , digéraient tout aussi bien que d'autres , et que leur estomac écrasait également le verre sans être blessé par lui. Cependant il fait remarquer lui-même qu'on trouve toujours des pierres dans le gésier des divers Gallinacés , qui en por- tent même à leurs petits dans le nid. Les Anglais qui se ren- dent aux Indes ont soin d'en emporter pour leurs poulets , qui sans cela maigrissent (6). Il est donc vraisemblable que ces petites pierres tiennent lieu ici de dents stomacales, et qu'elles servent en même temps à stimuler le gésier. Mais on a souvent rencontré dans l'estomac d'autres animaux , par (l)Haller, £7e?n. physiol., t. VI, p. 218. (2) Blainville, Cours de physiologie, t. III, p. 50. (3) Treviranus, Biologie, t. IV, p. 305. (4)Spix et Martius,/?eMe iîi Brasilien, t. II, p. 527. (5)/6.,t. I, p. 261. (6) Bluraenbach, Kleine Schriften, p. 43, DE Ik DIGESTION. 2^g exemple des Holothuries , des Pyrosomes , des Limaces , des Limaçons , des Iules , des:Cliirocéphales , des Crocodiles , des Oiseaux de proie, des Phoques, du Loup, de rÉléphant(l), du Pangolin , de l'Ornithorhynque (2j , du sable , dont il est plus difficile de concevoir là les usages. IV. On admet généralement que la terre sert d'aliment réel aux végétaux , mais que , chez les animaux qui en avalent , elle ne joue qu'un rôle mécanique , celui de rempUr les or- ganes digestifs. Mais la question se présente de savoir s'il n'y a point également ici une simple différence relative entre les deux règnes organiques. Pour le moment, nous nous borne- rons à faire remarquer que certains animaux invertébrés semblent manger de la terre pour se nourrir. Pallas n'a Ja- mais trouvé que du sable fin dans l'intestin du Lumbricus echiurus , et il présume que certains autres Vers marins se nourrissent aussi de terre grasse. Bonnet a observé que la ré- génération des parties perdues s'opère avec plus de prompti- tude chez les Vers de terre qui ont mangé de la terre , que chez ceux qui ont trouvé leur nourriture dans l'eau seule- ment (3). Suivant Gaspard (4), la terre que les Limaçons mangent de temps en temps , fournit les matériaux qui servent à la construction de leur coquille. La larve de l'Éphémère ne mange que de l'argile, au dire de Swammerdam (5), et sa couleur varie suivant celle de l'argile dont elle fait sa nourri- ture. Les larves des Tipules ne vivent non plus que de terre , selon Réaumur. Des animaux vertébrés, par exemple, des Serpens , des Lézards, des Jaguards (6), des Loups (7), peuvent être quelquefois forcés par le besoin de manger de la terre, comme il arrive, en pareil cas, aux Souris, de ronger le plomb et l'éiaim ; cependant on prétend que le (1) Haller, loc. cit., t. YI, p. 268. (2) Treviranus, Biologie, t. IV, p. 285, (3) Treviranus, loc. cit., t. IV, p. 284. (4) Journal de Magendie, t. II, p. 336. {5)Bibel der ISatur, p. 102,'106. , (6) Spix et Martius, Reise in Brasilien, t. II, p. 527. (7) Haller, loc. cit., t. VI, p. 214. 26o DE LA DIGESTION. Bobak (1) ne boit jamais, et qu'il ne fait qu'avaler la terre détrempée par la pluie. Un caprice bizarre ou un instinct sa- lutaire détermine quelquefois certains individus à manger de la chaux ou de la terre : on cite , entre autres, une femme qui , durant trente ans , mangea , chaque automne , trois livres de schiste marneux noir par semaine, et s'en trouva constam- ment soulagée (2). Mais il y a des peuplades entières , et cela dans toutes les parties du monde , sous tous les climats , chez lesquelles l'usage de manger de la terre est général , soit par manque d'alimens proprement dits , soit par l'effet d'un goût particulier , et qui tantôt s'en trouvent bien , tantôt nuisent par là sensiblement à leur santé. Beaucoup d'auteurs se sont complus à en rassembler des exemples (3). Gumilla avait déjà dit (4), et Humboldt l'a confirmé depuis , que , dans l'Amé- rique méridionale , pendant la saison des pluies , lorsque les débordemens de l'Orénoque empêchent la chasse aux Tortues, les Otomaques font leur principale nourriture d'une argile grasse et ferrifère , dont ils consomment jusqu'à une livre et demie par jour , sans y rien ajouter , et qu'ils considèrent comme un bon aliment, parce qu'elle les rassasie et ne porte aucune atteinte à leur santé. Spix etMarlius(5) nous appren- nent que les Indiens des bords de la rivière des Amazones mangent souvent de la glaise , même lorsque d'autre nourri- ture ne leur manque point. Au dire de Molina , les Péru- viennes mangent quelquefois une espèce d'argile d'odeur agréable , et l'on vend sur les marchés de la Bolivia une ar- gile comestible , qu'Ehrenberg a trouvée être un mélange de talc et de mica. Les habilans de la Guiane mêlent une argile d'agréable odeur à leur pain , suivant Giii , et Mason assure qu'à défaut d'autres alimens , les Nègres de la Jamaïque se nourrissent de terre. Au rapport de Labillardière , les habi- (1) Treviranus, Biologie, t. IV, p. 305.] ; (2) Journal de Hufeland, 1809, cah. 3, p. 104.'i ' (3) Gehlen , Journal fuer die Chemie , t. VIII , p. 515. — Bulletin de Férussac, t. XVI, p. 185.— Geisoii, Magasin, t. XXV, p. 463. — ïro- riep, Neue Notizen, t. V, p. 248. (4) Haller, loc. cit., t. VI, p. 214. (5) Loc, cit., t. II, p. 527. DE lA DIGESTION. 26 1 tans de la Nouvelle-Calédonie apaisent leur faim , en cas de nécessité , avec une stéatite blanche et friable , qui est com- posée , d'après Vauquelin , de magnésie , de silice et d'oxide de fer, avec un peu de chaux et de cuivre. Le même auteur dit qu'à Java on fait des espèces de gâteaux d'une argile fer- rugineuse , que les hommes mangent lorsqu'ils veulent mai- grir , et dont les femmes font surtout usage pendant la gros- sesse. Chandler assure que , dans le pays de Siam , les femmes et les enfans mangent de la stéatite , et qu'aux environs de Seringapatan on en fait autant d'une sorte d'argile. Les Nègres de la Guinée assaisonnent fréquemment leur riz , selon Forster, avec une terre savonneuse qui ne nuit point à la santé ; arrivés aux Indes Occidentales , ils recherchent une terre analogue , mais qui leur réussit fort mal , car , au dire de Hunter , l'usage de l'argile blanche dont on se sert pour faire les pipes , coûte la vie à plus d'un de ces malheureux. On mange du beurre de montagne en quelques endroits de la Sibérie , suivant Georgi, et au Kamtschatka , une argile com- posée d'oxyde de fer et d'alumine , d'après Pallas. Charaisso parle de trois hommes qui, par ce moyen , réussirent à con- server leur vie dans l'île Maiouai , au nord des Aléoutiennes. Genberg etRhezius assurent que les Suédois ajoutent quelque- fois une terre argileuse à la farine , et Bory Saint-Vincent dit que le piment usité en Espagne à titre de condiment , contient de l'ocre rouge. Enfin les tailleurs de pierre de Kiff- hfeuser étalent du beurre de montagne en guise de beurre sur leur pain , et Kessler , qui nous informe du fait , s'est senti lui-même bien rassasié, après en avoir mangé (1). II. Digestion. A. Changemens subis par la nourriture. 4. PREMIÈRE PÉRIODE. a. Changemens opérés dans la cavité buccale: § 938. Dès la première station de leur passage à travers le corps, c'est-à-dire dans la cavité buccale, les alimens su- (1) Gilbert, AnnaUn der Physik und Chemic, t. XXVIII, p. 492. 'a62 DE LA DIGESTION. bissent un changement plus ou moins prononcé , suivant la durée plus ou moins longue de leur séjour. Outre qu'ils ac- quièrent la température du corps, et qu'ils éprouvent une altrition mécanique , les liquides buccaux s'ajoutent à leur masse. Ces liquides se composent du mucus fourni par les cryptes des parois de la bouche , de la salive sécrétée par les glandes salivaires , et d'un peu de liquide provenant des fosses nasales , qui consiste lui-même en un mélange de mu- cosités et de larmes. Ce dernier liquide arrive dans la cavité buccale , en arrière par l'ouverture postérieure des fosses nasales , en devant par les conduits naso-palatins. I. L'humidité a dabord un effet mécanique. En lubréfiant les voies, elle facilite la déglutition , et en général les mouve- mens de la langue, qui, lorsque la bouche est sèche, se colle au palais, de manière à rendre la parole et le chant difficiles. Sans elle aussi , sans l'imbibition qu'elle fait éprouver, tant à la langue qu'aux ahmens , le sens du goût n'existerait pas. Chez quelques animaux, tels que les Pics, les Fourmiliers, etc., elle fournit à la langue un enduit visqueux, qui permet d'em- ployer cet organe comme une sorte de gluau pour s'empa- rer des insectes. Les glandes sous-maxillaires et sublinguales, qui s'ouvrent au plancher de !a cavité buccale, près du filet, paraissent être destinées principalement à humecter les parois; car elles sont plus développées que les parotides chez les Carnassiers, qui avalent leur nourriture sans la mâcher. IL L'humidité buccale sert à la digestion. 1° On peut déjà ie déduire de faits empruntés à la zooto- mie. En effet, les glandes salivaires sont généralement plus ■volumineuses et plus actives chez les animaux qui prennent une nourriture végétale, sèche, ou difficilement assimilable, que chez ceux qui vivent d'alimens ayant des qualités in- verses. Ainsi les vaisseaux salivaires manquent chez la plu- part des Insectes carnivores, mais surtout chez ceux qui vivent en parasites. Les glandes salivaires n'existent pas chez les Poissons, ou n'y sont qu'à l'état rudimeniaire, et ne s'y mon- trent que là où manque le pancréas. Parmi les Reptiles , les Batraciens et les Ghéloaienssont ceux qui les ont le moins dé- veloppées. Parmi les Oiseaux, ce sont les Palmipèdes et les DE LA DIGESTION. ^63 Échassiers, qui vivent de matières anioiaîes, On ne les trouve point chez les Cétacés carnivores , et elles sont petites chez les Mammifères amphibies, tandis qu'elles ont beaucoup de volume chez les Rongeurs, les Pachydermes, les Solipèdes et les Ruminans. Hertwig et Schultz ont vu l'une des parotides d'un Cheval fournir plus de cinquante-cinq onces de salive dans l'espace de vingt-quatre heures. Suivant Gurlt (1) , les deux parotides ont donné trente-huit onces de liquide en six heures ; plus tard , une seule de ces glandes en laissa couler dix-huit en trois quarts d'heure , et les glandes maxillaires cinq. Il paraît y avoir, chez les Ruminans, un aflËlux considé- rable de liquide nasal , car leur conduits naso-palatins sont très-développés, pourvus d'un grand nombre de nerfs et mu- nis d'une gaîne cartilagineuse. 2° Comme la salive s'écoule continuellement au dehors dans la paralysie des muscles buccinateurs , de même, dans l'é- tat normal , elle est sans cesse avalée et conduite à l'eslomac ; mais la sécrétion de ce liquide augmente pendant qu'on mange (§ 846, IV), et même déjà lorsqu'un vif appétit se fait sentir (§ 847). Helvétius a vu , chez un homme dont le canal de Sténon était ouvert, la salive couler en si grande quantité, tandis que cet individu mangeait , qu'elle trempait plusieurs mouchoirs de poche (2). Plus les alimens sont secs et durs , plus la salive est sécrétée abondamment (§ 842, 3"). Helm (3) évalue aux quantités suivantes celle qu'il sécrète pendant le cours d'un repas : 16 à la soupe , 200 au bouilli avec de la choucroute, 233 au rôti de mouton, 379 au veau, 500 au pain et au saucisson. Chez un Cheval auquel Girard ouvrit les deux conduits de Stenon, après l'avoir laissé long-temps sans nourri- ture, il s'écoula plus de vingt-et-une livres de salive pendant le temps que cet animal mit à manger une demi-livre de foin. Un autre, au contraire, observé per Hering,ne donna que dix onces d'une de ses parotides, tandis qu'il mâchait deux livres d'avoine (4). On put constater aussi la sympathie entre les (1) Lehrluch der vergleichenden Physiologie^ p. 86. (2) Hist. de l'Acad. des sciences, 1720. (3) Zwey Krankenyeschichten^ p. 37. (4) Gurlt, loc. cit., p. 85. i264 DE lA DIGESTION. glandes salivaires , l'état de l'estomac et l'appétit , chez un homme qui s'était coupé l'œsophage ; car il rendait six à huit onces de salive après qu'on lui avait injecté du bouillon gras dans l'estomac (1). d" Une perte trop abondante de salive entraîne des mau- vaises digestions, même lorsque la sécrétion de celte humeur n'a pas été exagérée . Ruysch a vu, après l'ablation d'un mal à la lèvre inférieure, dont la présence donnait lieu à un écoulement continuel de salive, la nutrition , jusque-là très-faible, re- reprendre de l'éaergie. Réaumur (2) et Spallanzani ont ob- servé que les Brebis et les Bœufs ne digéraient le fourrage ha- ché qu'on leur faisait avaler dans des tubes qu'autant qu'il avait été préalablement mâché et par conséquent insalivé. Schultz (3) a trouvé dans la panse de Ruminans auxquels on avait donné du foin ou de ia paille, de la salive qui se faisait recon- naître à ses réactions alcalines , et dont la sécrétion avait été plus copieuse à cause de la résistance plus grande que la nourriture opposait au travail de la digestion. Cependant, cet expérimentateur a beaucoup trop exagéré le rôle de la salive, en disant qu'elle prend une plus grande part que le suc gas- trique à la digestion ; car lorsque Helm (4) introduisait de la nourriture non mâchée à travers la fistule, elle n'en était pas moins bien digérée; et si l'on prétendait attribuer cet effet à la salive qui avait été avalée auparavant , l'assertion aurait contre elle les observations réitérées de Beaumont, desquelles il résulte que l'estomac ne contient jamais de liquide quand la sécrétion n'y est point sollicitée par la présence d'alimens ou d'autres excitans (5) , et qui établissent en outre que le suc gastrique rougit également les couleurs bleues végétales, soit que la nourriture ait été prise par la bouche, soit qu'elle ait été ingérée par la fistule stomacale (6). De même Sébas- tian a reconnu que la fibrine, l'albumine et le Jaune d'œuf se (1) Mayo, Outlines of human physiology, p. 110. (2) Hist. de l'Acad. des se, 1752, p. 492, (3) De alimentorum concoctione, p, 99, 104. (4) -toc. cit., p. 15. (5) Neue f^ersuche ueler den Magensaft, p. 66, 92-96. (6)/5.,p. 41. DE lA DIGESTION. â65 dissolvent tout aussi bien dans le suc gastrique préparé artifi- ciellement, qu'on y ajoute ou non de la salive (1). Mais on tomberait dans un autre excès non moins répréhensible si Ton voulait conclure de là que la salive ne contribue en rien à la digestion. III. Relativement aux effets de ce liquide, 1° On sait qu'il absorbe l'air avec avidité, de manière que quand il y a été exposé pendant quelque temps, il se couvre ensuite d'une écume abondante dès qu'on vient à l'agiter ; en même temps il accroît dans différons corps l'attraction pour l'oxygène, car non seulement le mercure, le cuivre et le fer, mais encore la litharge qu'on broie pendant long-temps avec de la salive, s'oxydent à l'air. 2° En vertu de l'alcali libre qu'il contient et du mucus qui s'y trouve mêlé, il rend la graisse miscible à l'eau , de ma- nière que du beurre tenu long-temps dans la bouche y prend l'aspect d'une émulsion. 3° Il favorise la fermentation des substances amylacées. C'est pourquoi on l'emploie , dit-on, en Chine , dans la fa- brication du pain, et aux Indes, dans la préparation des bois- sons spiritueuses. Leuchs a découvert que l'amidon, réduit en empois par la cuisson , et chauffé avec de la salive fraîche , devient liquide dans l'espace de quelques heures, et se con- vertit en sucre (2). La salive favorise aussi la putréfaction ; de l'avoine écrasée, mise en digestion avec ce liquide, exhala une odeur de pourri au bout de vingt-quatre heures , tandis que, traitée de la même manière avec de l'eau, elle n'en ré- pandait qu'une acide (3). Du suc gastrique, qui a d'ailleurs !a propriété de résister long-temps à la putréfaction, était de- venu fétide après quelques jours de mélange avec de la sa- live (4), Cependant Krimer prétend (5) que du bœuf en pu- tréfaction, renfermé dans une capsule d'argent trouée, qu'il (1) Van SeUen, Obscrr. de saliva. Groningue 1837, p. 54. (2; Kastner, Archiv fuer die ijesammete Naturlehre, t. XXII, p. 106. (3) Tiedemannel Gmelin, JiecJi. sur la digestion,[t. I,p, 22. (4) Beaumont, loc. cit., p. 56. (5) ycrsuch einer Physiologie des Blufs, p. 17. 266 DE lA DIGESTION, avait fixée entre les joues et les dents d'un Chien, n'exhajait plus d'odeur au bout de trois heures, et que sa surface était redevenue ferme et rougeâtre, tandis que l'intérieur élait en- core mou, vert et fétide. Il faudrait répéter l'expérience pour savoir si l'influence de la paroi vivanie ne serait pas cause ici d'une différence dans le résultat. 4° Krirner a remarqué que la viande fixée de la même ma- nière dans sa propre bouche ou dans la gueule d'un Chien, était, au bout de six heures, pâle à la surface, ramollie, mais non dissoute , et plus pesante d'un cinquième ou d'un quart, en raison de l'humidité buccale qu'elle avait absorbée. Lors- que Beaumont (1) ajoutait du vinaigre et de l'acide chlorhy- drique à de la salive, et qu'il plongeait dans le mélange qua- rante grains de carotte , vingt-huit grains de cette substance se réduisaient en un liquide qui ressemblait presque à du chyme. Enfin Krimer (2) assure avoir opéré une sorte de di- gestion artificielle avec le liquide lacrymal, qui n'entre à la vérité que pour une très-petite proportion dans l'humidité buc- cale ; il avait accru la sécrétion de ce liquide par la vapeur de l'ammoniaque, de manière à en recueilHr un gros sur trois per- sonnes ; il y plongea huit grains de bœuf ; au bout de six heures, une couche mince de la surface de ce dernier était dissoute ; la liqueur avait perdu son caractère alcalin, et l'addition de l'alcool y faisait naître un précipité rougeâîre sale. Du gruau d'avoine se renfla dans ce hquide , et y devint transparent à la surface . IV. Relativement à la manière dont la salive concourt à la digestion, 1» Il est clair d'abord que , par son eau et les sels qu'elle contient, elle réduit les alimens mâchés en bouillie , rend plus liquides ceux qui sont déjà par eux-mêmes en bouillie , et dis- sout les parties solides , comme le sucre , la gomme , la gé- latine. A cela tient qu'elle reuferme plus d'eau chez les Mam- mifères que chez les Oiseaux, qui ne mâchent point leurs ali- mens. Cependant ce ne peut être là qu'un rôle secondaire (1) Loc.cit., p. 176. {2) Loc.cit., p. 23. DE LA DIGESTION. 267 pour elle , puisqu'elle existe également chez les Insectes suceurs et plusieurs animaux qui vivent dans l'eau , spécia- lement parmi les Mollusques. 2° Il a été fait tout récemment encore des observations sur la nature alcaline de la salive (§ 822, 3"; 851, V). Arnold (1), en appliquant un papier de couleur à l'orifice du canal de Stenon, l'a trouvée toujours alcaiine, et Donné (2) a reconnu qu'elle n'avait jamais d'autre caractère chez les personnes bien portantes, qui jouissent d'un bon appétit et qui digèrent bien. D'un autre côté , Purkinje et Pappenheim (3) préten- dent que , la plupart du temps , elle a des réactions acides dans l'état normal , et les observations de Sébastian (4) ten- draient à établir qu'elle change souvent de caractère , sans qu'on puisse apercevoir la moindre modification dans l'état de la santé. Cependant ce dernier physiologiste et Van Set- ten (5) confirment le fait déjà connu , qu'elle devient con- stamment alcaline pendant la mastication ( § 851, 5°); Van Setten , qui l'a examiné chez cinquante personnes à jeun, l'a trouvée alcaline dans vingt-quatre cas, acide dans dix-sept, et neutre dans neuf : après le repas , elle s'est montrée acide dans vingt-cinq cas, alcaline dans quinze , et neutre dans dix : l'alcali, qui apparaissait ou dont la quantité augmentait pendant le repas, diminuait ou disparaissait ensuite (6). Donné as- sure (7) que , hors le temps des repas , la salive neutralise l'acidité du suc gastrique , et Eberle (8) pense à peu près de même , parce qu'après avoir rendu beaucoup de salive , dont il avait besoin pour ses expériences , il éprouva de la soif, de la répugnance pour les al i mens , et une sensation analogue à celle du soda dans la région du cardia, accidens qui devinrent plus prononcés sous l'influence des acides, mais (1) Lehrhuch der Physiologie des Menschen, p. 32. (2) Archives générales, 2*= série, t. VIII, p. 58. (3) MuUer, Archiv fuer Anatomie^ 1838, p. 5. (4) Yan Sellen, loc. cit., p. 18. (5)/6.,p. 33. (6) /i.,p. 31. (7) Loc. cit., p. 64. (8) Physioloijie dcr f^crdauung, p. 151. 268 DE LA. DIGESTION. que l'eau ou les alimens firent disparaître. Cependant il ne faut pas attacher beaucoup d'importance à cet effet , puisque la salive a été trouvée plus souvent acide ou neutre qu'alca- line chez les personnes à jeun. Eberle(l)et Trulteubacher (2) attribuent à ce liquide , comme Krimer aux larmes , la pro- priété de décomposer les alimens , en vertu de l'alcali qu'il contient : mais comme l'alcali n'y dépasse pas un millième, et ne va même quelquefois qu'à un cinq-millième (§ 823, 8°), on ne saurait le considérer comme exerçant une influence bien notable , abstraction même faite de ce qu'il ne peut la déployer que pendant la mastication et la déglutition , puis- qu'il ne tarde pas , dans l'estomac , à être neutralisé par l'a- cide du viscère. Nous devons plutôt conjecturer que la salive accroît la tendance des alimens à se combiner avec l'acide du suc gastrique , et que , par conséquent , elle rend ce der- nier plus efficace. 3° Tiedemann etGmelin (3) attribuent un pouvoir d'assi- milation à la ptyahne de la salive. Eberle pense que son mu- cus, à raison de l'azote qu'il renferme , fait subir une modi- fication quelconque aux alimens , mais que son osmazome s'empare des acides et des sels de ces derniers , comme la ptyaline s'approprie leurs alcalis , et qu'en général la salive sert , par l'azote qui entre dans sa composition , et surtout par son acide sulfo-cyanhydrique , à imprimer un certain de- gré d'animalisation aux alimens. Il faut avouer néanmoins que ces hypothèses ne rendent pas un compte satisfaisant du rôle chimique delà salive. 4° Le fait chimique le plus évident est la puissance qu'a ce liquide de transformer l'amidon en sucre. Il nous fournit des indices propre à apprécier sa manière d'agir. Leuchs (4) a trouvé que ni l'albumine ni la ptyaline ne produisaient cet effet sur l'amidon. Suivant Sébastian (5), l'amidon, mis en (1) Loc. cit., p. 448. (2) Der Kerdauungsprocess^ p. 18. (3) Rech. sur la digestion, t I , p. 330. — Raspail , Nouveau système de chimie organique. Paris, 1838, t. III, p. 247. (4) Loc. cit., p. 107. (5) Loc. cit.., p. 51. DE lA DIGESTION. 269 digestion avec de la salive , perd sa propriété de bleuir par l'iode , comme lorsqu'il a été traité par un alcali : dans ce dernier cas, la propriété est rétablie par l'addition d'un acide ; mais , dans le premier , elle ne l'est point , et l'amidon ne devient pas non plus alcalin quand on le fait digérer avec de la salive. Ainsi ce n'est point tel ou tel principe constituant, alcali on ptyaline , mais la salive entière, qui agit de manière à déterminer la métamorphose de l'amidon , et il eu est pro- bablement de même pour ce qui concerne son action sur les alimens en général. Elle en amollit la substance , elle les rend liquides et plus homogènes , et elle accroît leur oxydabilité, leur tendance à fermenter , à être acidifiés par le suc gas- trique , en un mot leur aptitude à se décomposer : ou bien elle détermine une décomposiiion telle , qu'ils perdent plus ou moins du caractère qu'ils avaient , comme parties consti- tuantes d'un corps organisé vivant. Cette propriété d'attaquer le caractère organique de la matière, est portée quelquefois au point que le liquide acquiert une âcreté extrême ou une nature vénéneuse. Ici se rangent évidemment les organes à venin qui existent , chez quelques Insectes , Arachnides et Ophidiens, au commencement de l'appareil digestif ; l'empoi- sonnement des animaux destinés à servir de proie , qui ré- sulte de l'action de leur produit sécrétoire , les prédispose à être digérés , et peut même être considéré comme un com- mencement de digestion hors de l'appareil digestif. De même que la piqûre des Insectes suceurs est rendue douloureuse par la salive acre qu'ils versent dans la plaie (1), de même nous sommes en droit à regarder comme une modification des glandes salivaires les glandes à venin des Serpens , dont les conduits excréteurs traversent les dents, et portent ainsi le liquide immédiatement dans la plaie faite par la morsure, et , suivant la juste remarque de MuUer (2), ce n'est point une objection valable contre cette hypothèse, que les Ophi- diens possèdent en outre des glandes saUvaires semblables à celles qu'on rencontre chez les autres animaux. Seulement on (1) Burnieislei-, Ilandhuck der Entumoloijie, t. I, 388. " ' "J; (2) Ilandbuch der Physiologie^ t. I, p. 491. j 2^0 DE là DIGESTION. a été trop loin lorsqu'on a prétendu que la salive en général exerçait une action vénéneuse, ou une action qui tue la vie. V. L'humidité buccale n'est point en éiat de faire éprouver aux alimens une modification qui les convertisse en un pro- duit apte à réparer les pertes subies par la masse du sang et à être absorbé. Des substances incapables de recevoir aucune élaboration ou assimilation sont , sans nul doute , absorbées plus facilement dans la cavité buccale, mais elles ne l'y sont point autrement qu'à la peau. Le mercure, l'huile de tabac et autres poisons agissent ici avec une rapidité extrême ; on apaise sa soif en prenant souvent de l'eau dans sa bouche ; le vin , tenu dans la bouche , peut restaurer et même enivrer; des hommes auxquels l'état de leur œsophage ne permet pas d'avaler , prolongent leur existence pendant quelque temps , en tenant souvent des alimens dans leur bouche , mais ils n'en finissent pas moins par périr de faim. b, Changemetis opérés dans l'estomac, aa. Phénomènes qui signalent ces changemens. § 939. Il y a plusieurs manières d'étudier la digestion stomacale. I. La première est pour ainsi dire immédiate. 1° Elle consiste à examiner le contenu de l'estomac chez des animaux mis à mort pendant ou après la digestion. Les cadavres d'hommes qui périssent de mort subite , au milieu de ce travail, sont rarement ouverts dans des circonstances qui permettent d'en retirer beaucoup d'instruction. 2° Rendre , par le vomissement provoqué à dessein , les alimens qu'on a introduits dans son estomac , comme le fai- sait Montègre, entre autres, ne mène point k des résultats certains , car le vomissement accroît beaucoup la sécrétion de la salive, de manière qu'on n'obtient pas à l'état de pureté le contenu de l'estomac , qui , d'ailleurs , peut avoir déjà subi une modification par le fait de l'irritation insolite du viscère. 3» Les alimens peuvent être avalés dans des tubes ou dans de petites bourses , qu'on examine après les avoir retirés , DE LA DIGESTION. 27 1 OU après qu'ils ont été rendus par le vomissement , ou enfin après qu'ils ont parcouru toute la longueur de l'intestin , avec les excrémens. Les expériences du premier genre ont été faites par Eéaumur et Spallanzani , principalement sur des animaux ; celles de la seconde catégorie l'ont été par Spal- lanzani et par Helm , sur eux-mêmes. 4° Ce qu'il y a de plus instructif , c'est d'observer les cas dans lesquels , chez l'homme , la paroi du ventre et de l'esto- mac a été perforée par l'effet d'une plaie ou de la suppura- tion , de manière qu'il soit resté un trajet fistulaire. Ces cas ne sont pas fort rares. Cornax parle d'un homme qui , depuis plusieurs années , à la suite d'une blessure à la région épi- gastrique , portait une fistule stomacale , par laquelle il fai- sait sortir les alimens à volonté (1). Covillard a vu une fistule de ce genre , qui existait depuis plusieurs années , et qui avait succédé à un coup de feu (2). Thomassin en rapporte deux autres exemples , d'après Foubert et Wenzel. Attinsoa a observé et guéri une ouverture qui avait été produite par la suppuration de l'estomac (3), Van Swieten cite une femme de soixante ans qui en portait une depuis douze ans (4), et Burrows , un vieillard chez lequel la fistule , déterminée par une piqûre , datait de viog-sept ans (5). Crook a guéri, chez une femme, une fistule survenue cinq moisauparant à la suite d'une gastrite (6). Gérard a réuni d'autres cas du même genre (7). Tous ces faits n'ont été observés que d'une ma- nière superficielle sous le point de vue physiologique. Il faut faire une exception pour le cas dont parlent Circaud et Halle , d'une femme qui, ayant fait, à l'âge de vingt ans, une chute sur la région épigastrique , fut atteinte , dix-huit ans après , d'une tumeur qui s'ouvrit plus lard , par les efforts du vomissement ; Circaud ne vit cette malade que dans sa qua- (4) Schenck, Ohs. med, rarJlibn VU, p. 348. (2) Observations ialrochirurgiqnes, p. 282. (3) Philosnph. Transact., t. XXXII, p. 80. (4) Commentaria, t. IV, p. 955. (5) SimmonS; Médical facts and observations^ t. V, p. 185. (6) Froriep, IS/otisen, t. LXII, p. 41. (7) Sammlung auserlesener Abhandluni)en,X. XXI, p. 311-314, 3'J2 DE LA. DIGESripN. rante-sixième année ; l'ouverture avait six ligues de long , sur sept de large. Helm (1) a observé pendant cinq années de suite une fistule , ayant deux pouces de diamètre , qui avait succédé , chez une femme de cinquante ans , à l'ouver- ture d'un abcès. Beaumont a également fait durant plusieurs années des observations sur un homme au travers de l'esto- mac et de la partie inférieure de la poitrine duquel avait passé un coup de fusil chargé de petit plomb ; quelques jours après la blessure, les portions détruites des tégumens exté" rieiirs , ainsi que les parties procidentes du poumon et de l'estomac , s'étaient détachées , et la guérison avait eu lieu au bout d'un mois , les bords de la plaie de l'estomac s'étant réunis;à la plèvre et à la peau , de manière à laisser une fistule du diamètre d'un pouce (5). Les fistules intestinales }. ^ (1) Rengger, Fhysioloyische Untersuchunyen, p, 12. (2) Bailholin, Anatoraia reformata, p. 535. (3) Treviranus, Bioloyie, t. IV, p. 387. ^,4) Wilson , Ueber die Gesctze der Functionen des Lehens , p, 419.— Schullz, loc.cit,, p. 77, (5) Froriep, Notizen, t. L, p. 310. (6) Phijsiolutjical lectures^ p. 179. (7) Loc. cit., t. VII, p. 52. (S) Lallemand, Observations pathologiques, p. 74. aSo DE LA DIGESTION. 3o II faut avoir égard aussi à la propriété stimulante spé- ciale des substances portées dans l'estomac , dont elles exci- tent l'activité vitale tantôt dans un sens et tantôt dans un autre. L'estomac est effectivement l'organe qui présente le plus de côtés, si l'on peut s'exprimer ainsi; abstraction faite de ses relations intimes avec d'autres systèmes organiques( § 957, III ; 979, II), il sécrète des liquides, les uns muqueux et les autres acides, il fluidifie et transforme, il assimile et absorbe, il est doué de sensibilité et de motilité. Chacun de ses différens côtés a ses stimulans propres ; telle substance agit davantage sur la membrane muqueuse, et telle autre sur la musculeuse , celle-ci sur les nerfs, et celle-là sur les vaisseaux sanguins, etc. Nous laissons à nos successeurs le soin de développer cette vérité ; qu'il nous suffise ici de citer quelques faits relatifs au passage des substances dans l'intestin. Crook a vu, chez un sujet porteur d'une fistule qui s'ouvrait au voisinage du pylore, que l'eau de la boisson était chassée dans l'espace de vingt se- condes (1). D'après les observations de Goleman , en six mi- nutes, ce liquide allait jusqu'au cœcum, chez un Cheval, c'est- à-dire parcourait une distance de soixante pieds (2). Suivant Gurlt (3), huit livres d'eau traversèrent l'estomac d'un Cheval en peu de minutes , et seize celui d'un autre. Il résulte des observations de Beaumont (4) qu'en général les boissons dis- paraissent rapidement de l'estomac, quoiqu'on demeure dans l'incertitude relativement à la question de savoir combien il y en a qui soit absorbée. Cependant la cohésion n'exerce pas une influence absolue, puisque certains alimens solides sor- tent de l'estomac avant certains liquides , par exemple les œufs crus. Quelques boissons , d'ailleurs fort différentes les unes des autres quant à leurs effets , s'échappent avec une promptitude toute particulière , et sont cause que les alimens eux-mêmes passent dans l'estomac avant d'être digérés; Schultz assure que le café, surtout, donne lieu à ce phéno- (1) Froriep, Notizcn, t. XLII, p. 11. (2) Abernelhy, Physiological lectures, p. 180. (3) Lehrhuch der veryleicheiiden Phijsiolofjie, p, (4) £oc. cit., p. 65. DE LA DIGESTION. 28 1 mène (1). On sait aussi que parfois le lait détermine presque instantanément la diarrhée, ce que Lallemand , entre autres, a remarqué dans les cas d'anus artificiel (2). Le mode spécial d'action des divers purgatifs , qui diffèrent tant les unes des autres, n'a point encore été suffisamment examiné. III. Mais ce qui mérite une attention toute particulière, ce sont les modifications du mouvement, eu égard à sa qualité. En effet, l'estomac, dans l'intérêt de la digestion , commence par se contracter uniformément de tous les côtés , pour ré- duire les alimens un une seule masse ; puis, au moyen d'une propagation circulaire de ses contractions , il les promène en rond ; ensuite il se contracte progressivement du cardia au pylore, pour les pousser dans l'intestin, ou du pylore au car- dia, pour les ramener à la bouche. Or, chacun de ces modes de mouvement a des stimulans spéciaux qui le provoquent ; celui qui sert à la digestion est déterminé par les épices , celui qui chasse les alimens dans l'estomac^, par les sels neu- tres, et celui qui amène le vomissement par l'antimoine. Mais l'estomac possède, en outre, la faculté d'exercer tel mouve- ment sur une substance , quand il en contient plusieurs à la fois, et tel autre sur les autres. 10. Un vomissement normal (§934, 6») est incontestable- ment excité par l'irritation mécanique due au corps qui résiste à la digestion; cependant, il n'a pas lieu tant que ce corps in- digeste est encore accompagné de substance apte à être digé- rée. La coquille d'un Limaçon ne stimule l'estomac d'une As- térie, au point de produire le vomissement , que quand elle est vide , quand l'animal qu'elle logeait a été digéré ; les Oi- seaux de proie ne vomissent pas tant qu'il leur reste quelque chose à digérer dans l'estomac, et ils conservent les tubes d'expérimentation qu'on leur fait avaler jusqu'à ce que toute lu substance alibile qui y est contenue et toute celle qui les entoure soient digérées (3). C'est aipsi qu'un Faucon retint une bille en os pendant vingt-deux jours, parce que Spallanzani(4) (4) Do alimentormn concoctione, p. 81. (2) Obsnrnalions paLholoijiquos,^. 76. (3) Spallaiizimi, OEuvros, t. II, p. 567. (i)J'j., p. uS2. sSâ DE LA DIGESTION. avait soin de lui présenter !a noiirriiure à l'époque où, d'a- près son calcul, la digestion était terminée et le vomissement imminent. Le mouvement digestif prépare les substances in- digestes à être rejetées au dehors. L'estomac des Oiseaux de proie pelotonne les plumes des petits Oiseaux qui ont été ava- lés, et les réduit en masses sphériques avant qu'elles soient vo- mies(l ) .La faculté de rejeter certaines substances par le vomis- sement coïncide également avec l'impuissance de les digérer : la Chouette ne peut point digérer les végétaux, et elle les rejette avec le reste des matières pelotonnées quand on lui en a fait avaler de force (2). Un Faucon vomit une bille en os pleine et dure, parce qu'il ne pouvait pas la digérer en totalité, tandisque son estomac retenait des os de bœuf, dont il lui était possible d'accomplir la d!gestion(3).Les Hérons ne vomissent point, bien qu'ils avalent des Poissons et des Batraciens entiers, attendu que leur faculté digestive est assez puissante pour triompher de la densité des os de ces animaux. Chez l'homme aussi, l'estomac se laisse déterminer, par la nature des diverses par- ties de son contenu, à rejeter les unes tandis qu'il retient les autres. Il arrive souvent aux personnes atteintes de vomisse- mens habituels de ne rendre, après le repas, qu'un seul des alimens qu'ils ont pris (4). Lallemand a connu un sujet chez lequel, peu de temps après le repas, éclataient les symptômes d'un épanchement de sang dans l'estomac, puis il survenait un vomissement de sang (5). Récamier cite également plusieurs exemples de cette action élective de l'estomac, comme il la nomme. Chez les hommes qui ruminent , certains ahmens re- montent de l'estomac prélérablemenl à d'autres, et quoique les choses présentent à cet égard autant de variétés que l'on compte d'individus, il n'en est pas moins vrai qu'au total les végétaux reviennent plus fréquemment à la bouche que les matières animales (6j. (t)i6.,p. 565. (2) Ih., p. 582. (3)i6.,p. 502. (4) Gi'imaud, Cours complet de physiologie^ t. II, p. 233. (5) Lac, cit., p. 62. (6) Heiling, Ueberdas Wiederkauenhei Menschen^ p. 17. DE LA DIGESTION. s83 2° On en peut dire autant de l'expulsion du contenu de l'estomac dans l'intestin. Les alimens ne sortent pas du premier de ces organes dans le même ordre qu'ils y ont été introduits, et l'on remarque entre eux une succession qui dépend de leurs qualités. Les fistules gastriques et intestinales surtout fournissent la preuve de ce phénomène, déjà indiqué parHal- 1er (1). Vater avait aussi remarqué (2), chez un sujet atteint d'anus artificiel, que les fruits et les légumes sortaient indi- gérés, sans s'être mêlés aux autres alimens, et que le bouillon s'échappait également seul, sans substances solides. Lailemand a observé ces faits avec beaucoup d'attention (3). Les alimens provenant du règne végétal sortaient avant ceux qui tiraient leur origine du règne animal, de moitié plus lot en général, et chez certaines personnes une heure après le repas : ils étaient peu digérés ; les haricots, les lentilles, les pommes de terre, même préparés en bouillie, se laissaient aisément recon- naîlre , et le fruit paraissait souvent en morceaux solides , sans le moindre changement , le fruit cru plutôt que le fruit cuit, bien que ce dernier fût plus mou ; le pain venait plus tard, puis la viande bouillie, ensuite la viande rôtie et faisan- dée, et il n'y avait plus moyen de reconnaître ces alimens, qui formaient une masse pultacée homogène ; les viandes dures sortaient plus tard que les molles, et les œufs durs plus tard aussi que les œufs à la coque. Les malades avaient de la ré- pugnance pour le lait, et, quand ils en prenaient, ce liquide sortait sous forme de caillots , au bout d'une demi-heure ou d'une heure. Londe, dans ses observations sur les anus arti- ficiels (4), a reconnu que la salade, les épinards, les carottes, les pruneaux, les pommes sortaient toujours au bout d'une heure, sans avoir subi de changement; le vermicelle et la panade n'apparaissaient jamais avant deux heures, et n'étaient plus reconnaissables : la viande ne sortait pas avant trois heures, le bouilli plus tôt que le rôti ; de la soupe grasse gar- (1) Elem. physiol.^l. VI, p. 280. (2) Philos. Trans., t. XXXI, p. 89. (3) Loc. cit., p. 74. (4) Dict. de médecine et de chirurgie pratiques , art. Alimeint, t. II, p, Set suiv. 284 DE LA DIGESTION. nie de carottes , c'étaient celles-ci que les sujets rendaient les premières. Chez le malade de Beaumont(l), les végétaux crus quittaient souvent l'estomac de très-bonne heure et sans avoir été digérés, tandis que les autres alimens restaient dans le viscère et y éprouvaient la digestion. 3° Le pylore est donc réellement , dit Lallemand , ce que son nom exprime , un portier qui chasse les substances peu nourrissantes , difficiles à digérer, celles dont l'estomac ne saurait tirer parti , et qui ne feraient que le charger. Cepen- dant rallégorie ne donne point une idée précise de l'opéra- tion, et si le faible degré d'alibilité ou de digestibiiité était la circonstance déterminante, tout ce qui est incapable de nour- rir et d'être digéré devrait sortir en premier lieu de l'estomac. On a bien vu quelquefois la pulpe des cerises sortir plus tard que les noyaux,et Tiedemann a rencontré, au bout de plusieurs heures dans l'intestin les pierres qu'il avait fait avaler à des Chevaux (2). Mais ce n'est pas là ce qu'on peut considérer comme la règle. Réaumur a retrouvé dans l'estomac le sable qu'il avait donné huit jours auparavant à des Poules et à des Canards (3); ces animaux, aussi bien que des Dindons et des Pigeons, avaient encore des pierres dans leur gésier, après avoir été tenus ren- fermés par Spallanzani (4), pendant un mois entier, dans des cages où ils n'en pouvaient trouver. Généralement parlant , les substances non digérées font un long séjour dans l'esto- mac ; les personnes qui ont ce viscère malade vomissent sou- vent les substances alimentaires qu'elles ont prises plusieurs jours auparavant , bien que , dans [l'intervalle , elles en aient digéré beaucoup d'autres , qui sont passées sans peine dans l'intestin. On cite l'exemple de pois mangés fréquemment et en grande abondance , dont les pellicules ne sortirent qu'au bout de plusieurs mois , par l'effet seulement de purgatifs , et celui d'un morceau de couenne de lard qui demeura deux (1) Loc. cit., p. 25. (2) Recherches sur la digestion, t. I,p. 149. (3) Hist. de VAcad. des se, 1752, p. 296. (4) Œuvres, t. 11, p. 418. ' DE lA DIGESTION. sSS ans entiers dans l'estomac sans être digéré (1). Schultz (2) a également retrouvé , au bout de huit jours , des végétaux de digestion difficile dans la panse des Ruminans , et Montègre s'est convaincu, comme beaucoup d'autres,'que les substances hétérogènes sont retenues pendant fort long-temp« dans l'esto- mac. Il paraît donc que, comme les alimens très-nourrissans et difficiles à dissoudre déterminent un rétrécissement plus prononcé et un mouvement rotatoire plus marqué (§ 931, 5»), de même les substances indigestes , celles surtout qui sont solides, agissent d'une manière analogue , tandis que celles qui sont peu nourrissantes, molles, acidulés, et qui ne peu- vent céder à la digestion que dans l'intestin , sous l'influence de la bile, provoquent le mouvement expulsif de l'estomac.Les intestins possèdent également une excitabilité spécifique; cer- tains alimens qui occasionent la diarrhée, n'entraînent pas tout le contenu de l'intestin, mais passent à côté ; l'usage prolongé des eaux minérales fait souvent rendre des masses de matiè- res fécales qui étaient restées dans l'intestin malgré les selles journalières et le fréquent emploi des purgatifs. Enfin l'esto- mac fait preuve, chez certains animaux , d'une invulnérabilité (§ 876, 6° } qui tient peut-être à un mouvement particulier en vertu duquel le viscère s'adapîe aux corps qu'il renferme, de manière à ne pouvoir être blessé par leurs parties tran- chantes ou aiguës. Ainsi l'estomac mou des Méduses conserve son intégrité malgré les coquilles de Mollusques que l'ani- mal avale; le gésier des Oiseaux broie le verre sans se bles- ser, pas plus qu'il ne le faisait quand il brisait et émoussaitles aiguilles et les pointes de lancettes dont Spallanzani(3) avait garni une balle de plomb introduite ensuite dans l'organe. IV. Il est difficile de déterminer le degré de digestibilité des divers alimens, et les assertions qui seront émises à cet égard n'auront rien de stable, tant qu'on ne s'entendra pas bien sur le fond des choses , tant qu'on n'envisagera qu'un seul côté de la digestion. (1) ïlaller, Elem. phjjsiol., t. VI, p. 272. (2) Loc. cit., p. 77. (3) Loc, cz7.,p.41'J. 2S6 DE LA DIGESTION. 1» Souvent on n'entend par digestion que le travail accom- pli par Testomac sur les alimens. Achève-t-il son œuvre avec promptitude, et sans malaise, on dit que ces alimens ont été faciles à digérer.C'est ce qui arrive, par conséquent, lorsqu'on éprouve peu ou point de pesanteur après le repas , ou que le sentiment de la digestion se dissipe promptement, ou que l'examen de l'estomac lui-même prouve qu'il n'a pas tardé à se débarrasser des matières alimentaires. D'après cela, les choses les plus faciles à digérer sont celles qui sollicitent le moins la force digestive, qui provoquent au plus haut degré les mouvemens expuisifs, et qui passent bientôi dans l'intes- tin , sans avoir subi de changement considérable. Dans cette hypothèse, l'eau occuperait le premier rang ; viendraient en- suite les autres boissons, puis les fruits, la salade, lesépinards, les carottes, etc. ; le pain , au contraire, serait plus difficile à digérer, et la viande plus encore (1). 2° Mais celte manière de voir ne saurait être admise seule , sans quoi certaines substances incapables de nourrir, par exemple le sulfate de magnésie, devraient être considérées comme ce qu'il y a de plus facile à digérer. L'estomac n'est pas seulement un lieu de transit ; c'est un foyer d'élaboration, où se forme le chyme. On ne peut donc reconnaître pour fa- cile à digérer que ce qui s'y convertit promptement en une bouillie homogène , que ce qui se laisse aisément broyer et mêler avec les sucs gastriques. Il faut jusqu'à un certain point faire entrer ici en ligne de compte la mollesse de la substance, considération d'après laquelle le poisson est plus facile à di- gérer que ia chair des animaux à sang chaud, et la viande de pigeon ou de veau plus que celle d'oie ou de bœuf. Cepen- dant la consistance n'exerce qu'une influence limitée ; car, par exemple , les pruneaux et les épinards passent dans l'in- testin sans avoir changé de couleur ni de forme (1) . Une part plus importante revient à la proportion des matériaux solu- bles ; le sel, le sucre, la gomme, l'osmazome, la gélatine sont faciles à digérer, tandis que la iibrine , le cartilage et l'os se digèrent difficilement. L'homme de Beaumont digérait les car- Ci) Ch. Londe. ISouv. élém. d'hygiène. Paris, 183S, t. II, p. 37 et suiv, (2) Lallemand, loc cit., p. 75. DE LA DIGESTION. 287 tilages cuits en quatre heures et un quart, les tendons cuits en cinq heures et demie (1). Suivant Cooper (2), les Chiens, dans l'espace de quatre heures, digèrent 0,36 de la peau , 0,22 des cartilages , 0,21 des tendons , 0,06 des os. 3° Cependant tout cela ne suffit point encore pour nous sa- tisfaire. Les alimens doivent servir à réparer le sang employé à la nutrition et aux sécrétions, et la métamorphose qu'ils sont obligés de subir pour remplir cet office, doit commencer dans la digestion stomacale. D'après cela, on ne peut considérer comme faciles à digérer que ceux qui, en traversant le canal digestif, acquièrent de bonne heure, et avant même de quitter l'estomac, une forme rapprochée de celle du sang , que ceux par conséquent qui possèdent un haut degré d'assimilabilité. Cette idée embrasse l'alibilité ; seulement elle ne s'arrête point là , et suppose en outre un haut degré d'aptitude à se décomposer. Les caractères distinctifs d'une grande digesti- bilité consistent donc en ce qu'un appareil simple suffise à la digestion, et en ce qu'il ne faille qu'une petite quantité d'ali- mens pour subvenir aux besoins de la nutrition. Les substan- ces qui méritent , sous ce rapport, d'être appelées faciles à digérer, peuvent demeurer plus long-temps que d'autres dans l'estomac, et restreindre plus qu'elles les manifestations de la vie animale, parce qu'elles exigent que l'estomac dé- ploie toute la plénitude de son activité, parce qu'elles obligent davantage la vie à se concentrer en lui et à se détourner de ses autres directions. Elles-mêmes peuveat passer plus tarda la forme de chyme ; mais, une fois qu'elles y soin parvenues, le chyme qu'elles constituent est plus parfait , eu égard à sa composition , il se rapproche davantage du sang , il a moins besoin de tt-ansformations ultérieures pour devenir du vérita- ble sang. D'après cela, la nourriture animale est de digestion plus facile que la nourriture végétale ; car elle se résout plus aisément en ses principes consiituans. La plupart des animaux inférieurs, qui ont les organes digestifs les plus simples, sont astreints exclusivement à ce genre d'alimentation, et ceux (1) Beaumont, loc. cit., p. 215. (2) Meckel, Deutsohcs Archiv, t. IV, p. 138. aSS DE LA DIGESTION. mêmes des classes supérieures qui vivent de substances ani- males , se distinguent par un estomac plus étroit , un intestin plus court, un appareil sécrétoire plus limité, enfin par la fa- culté de supporter plus long-temps l'abstinence, précisément à cause de l'alibilité plus prononcée des matières dont ils vi- vent. La chair ferme des animaux qui vivent à l'état de liberté et qui exercent beaucoup leur force musculaire , est plus fa- cile à digérer quand on l'a gardée pendant quelque temps et qu'elle approche du moment où elle va'tomber en putréfaction, «|ue quand elle est fraîche, parce que, dans ce dernier cas, les parties qui la constituent sont plus solidement enchaînées par l'action delà vitalité dont elles jouissaient naguère. Les substan- ces amylacées sont plus décomposables et par conséquent plus faciles à digérer que les légumes. Les alimens de médiocre consistance excitent à un plus haut degré le mouvement di- gestif de l'estomac , et sont en conséquence de digestion plus facile que les mêmes substances sous la forme liquide. 40 Waleeus (1) a le 'premier tenté d'arriver à des conclu- sions précises touchant la digestibihté des alimens. Il a trouvé que, chez les Chiens , la digestion du lait et du bouillon gras est terminée dans la première heure, celle du pain, des grai- nes de légumineuses et du poisson dans la quatrième^t la cinquième, celle de la viande dans la sixième et la septième. Nous pourrions assigner à chacune de ces trois classes d'ali- mens le premier rang sous le rapport de la digestibilité en partant d'un des trois poinls de vue qui viennent d'être si- gnalés. Mais les trois genres de considérations se réunissent à l'égard de certains alimens : ainsi l'huile grasse et surtout la graisse animale sont difficiles à digérer, d'abord parce qu'elles restent long-temps dans l'estomac, et qu'elles le char- gent, en second lieu parce qu'elles ont de la peine à se mêler avec les sucs gastriques, et en troisième lieu parce qu'elles résistent beaucoup à la décomposition. 5" La même nourriture est plus facile à digérer pour une espèce , et moins pour une autre. Gooper a trouvé que, sous le rapport de leur digestibilité par le Chien , les alimens se (1) Loc. cit., p. 533. bE LA D1GE-TI0.\'. :^59 rangeaient dans Tordre suivant : cochon , mmiton , bœuf et veau, tandis que, suivant son opinion , le mouton est ce que Ihomme digère avec le plus de facilité, après quoi viennent le bœuf, le veau , et en dernier lieu le cochon (1). Helm a reconnu , au contraire, que le veau, le mouton et le cochon se digèrent bien plus facilement que le bœuf (2). Schultz a donc suivi une mauvaise voie quand , pour savoir s'il est bon de manger du fromage de Hollande après les huîtres, il a forcé un Chien à avaler des huîtres (3). 6° Les expériences les plus vagues sont celles qui ont pour but de déterminer la digestibiiité comparative des divers ali- mens ; elles échouent toutes contre les différences qui naissent de l'état individuel ou même seulement momentané de la vie. Comme cet état varie d'homme à homme, et ne reste pas non plus invariable chez un même individu , comme on aime ce dont on a contracté l'habitude, mais qu'on se dégoûte de ce qui revient tous les jours, et qu'on exige de la variété dans la nourriture, la facilité de digérer tel ou tel aliment est égale- ment sujette à une foule de nuances et d'alternatives. Quand le besoin est grand, qu'on ne consomme qu'une quantité mo- dérée d'alimens, et qu'on la prend avec plaisir, elle est digé- rée avec plus de facilité que dans les circonstances inverses. Ainsi Londe a remarqué, chez des personnes atteintes d'anus artificiel, que les substances végétales , qui d'ordinaire tra- versent l'intestin sans éprouver de changement , cessent de pouvoir être reconnues dans les selles et se transforment en chyme, après une diète sévère et lorsqu'on les mange en petite quantité. Helm a très-bien procédé en introduisant des sub- stances diverses , de poids déterminé, dans l'estomac, par la fistule, et examinant, au bout de quelque temps^, quelle di- minution elles avaient subie (4). Admettons que la digestion ait marché d'une manière uniforme, elle se serait élevée, dans le courant d'une heure, à 0,010 pour les pommes, 0,016 pour (1) Meckel, Deutsches Archiv, t. IV, p. 138. (2)Zoc. cit., p. 29. (3) De aliment, concoct,^ p< 32. {Il) Loc. d^,p. 20-26, IX, }$ •290 DE LA. DIGESTION. les carottes et les panais, 0,052 pour les pommes de terre et les navets, 0,083 pour les poires, et 0,173 pour le pain noir mâché. Mais la femme sur laquelle ces observations ont été faites, présentait aussi de grandes anomalies, de sorte que les résultats précédens ne sauraient servir à asseoir d'une ma- nière certaine aucune proposition générale. En effet, tandis que les douleurs la forçaient de laisser sortir au bout d'une heure les navets ou les légumes farineux, elle pouvait retenir pendant quatre ou cinq heures la choucroute , la salade , les concombres crus et les fruits , qui alors étaient digérés en grande partie (1). Beaumont a expérimenté généralement sans plan, ce qui fait que ses recherches n'ont pas aussi été pro- fitables qu'elles auraient pu l'être à la théorie de la digestion ; ainsi on ne peut rien conclure d'une expérience qu'il a tentée en enfilant à la suite les unes des autres et introduisant en- semble par la fistule , des substances diverses , parmi les- quelles le chou cru coupé en tranches minces, le pain, le lard cru et salé, et la viande salée cuite furent digérés les pre- miers, en deux heures, tandis que le bœuf bouilli le fut plus tard, et le bœuf cru plus tard encore (2), 7° Plus la substance présente de surface, et plus la diges- tion s'en opère avec faciHté. Les morceaux volumineux sont digérés plus lentement (3). D'après une observation deCoo- per (4), ce que des Chiens digérèrent en quatre heures de temps fut, pour les morceaux carrés relativement à ceux de i^orme allongée et étroite, 1 : 1,44, mouton; 1 : 2,77 cochon; 1 : 4,60 veau ;1 : 681 bœuf. 8° Le mode de préparation exerce une grande influence, quoique, sous ce rapport aussi, toute proposition générale soit sujette à de nombreuses exceptions. Cooper a remarqué que es Chiens mettaient plus de temps à diriger la viande rôtie que la viande bouillie. Schultz a constaté le fait (5). Mais il est bien permis de douter qu'on soit en droit de conclure de (d) IL., p. 9. (2) Loc. eit., p. 85. (3)i6.,p.llO. (4) Meckel, Deutsches Arcliiv, t, IV, p, 138. (5) loc, cit., p. le, DE lA DIGESTION. 29 1 là que la règle s'applique également à l'homme ; que le gril- lage, de quelque manière qu'il ait été pratiqué, durcisse les alimens elles rende indigestes, et que la viande fumée ou salée soit plus facile à digérer que la viande rôtie (j). Le malade de Beaumont digérait le bœuf rôti en deux heures trois quarts à trois heures et demie, le beefsteak en trois heures à trois heures trois quarts, et le bœuf bouilli en trois heures et demie à quatre heures (2). 7° Pour démontrer l'incertitude des propositions générales relatives à la digestibilité des alimens, telles qu'elles ont été établies jusqu'à ce jour, il suffit de signaler quelques contra- dictions. Le mouton rôti passe pour être de digestion très- facile : mais le malade de Beaumont ne le digérait qu'en trois heures et demie à quatre heures et demie, tandis que deux heures trois quarts à trois heures et demie suffisaient pour le bœuf rôti. Schultz prétend (3) que les poissons, salés surtout, sont très-difficiles à digérer; suivant Beaumont, au contraire, il se digèrent assez aisément, et le stockfisch, par exemple, n'exige que deux heures (4). Au dire de Schultz (5), les huî- tres sont digérées avec difficulté ; selon Beaumont (6), elles le sont en deux heures trois quarts à trois heures. Schultz repré- sente le sagou comme étant très-facile à digérer (7), le gruau d'avoine un peu moins, et le riz moins encore. Beaumont dit (8) que le riz fut digéré en une heure, et le sagou en une heure trois quarts. Schuliz (9) place au premier rang le pain, puis les épinards, la laitue, les carottes et les pois verts, disant que les pommes de terre résistent davantage. Beaumont nous apprend que les pommes de terre rôties furent digérées en (1) i6., p. 84. (2) Loc. cit., p. 21. {Z)Loc. cit., p. 84. (4) Loc. cit., p. 26. (5) Loc. cit., p. 85. (6) Loc. cit., p. 21. (7) Loc. cit., p. 87. — Planche, Recherches sur le sagou {Mémoires de l'Académie royale de médecine). Paris, 1837, t. VI, p. 605. (8) Loc. cit.., p. 215. (V) Loo. cit., p. 86. 292 DE LA DIGESTION. deux heures et demie , les pommes de terre bouillies et lé pain de froment en trois heures et demie. bb. Causes des changcmens qui ont lieu dans l'estomac. § 941. I. Pendant la digestion, l'estomac reçoit une plus grande quantiié de sang ; ses artères battent avec plus de force (1) ; sa membrane muqueuse rougit (2); elle prend une teinte plus rouge par les alimens excitans, comme le bouil- lon salé et épicé, que par les alimens doux, comme le lait (3), et ses villosilés entrent en turgescence. En même temps, elle commence à sécréter abondamment ( § 838, 2° ); au lieu de mucus visqueux, grisâtre et sans réactions acides, on en voit sourdre un suc plus abondant, hquide, limpide, acide, qui pé- nètre les alimens, ou se rassemble en gouttelettes et coule le long des parois (4). La membrane muqueuse semble alors comme gonflée (5), et l'on trouve les cryptes pleines d'humi- dité (6). Knox a remarqué (7), dans la paroi de l'estomac du Dauphin, les fibres verticales parallèles, qu'avec le secours du microscope il a reconnu être des tubes, et qu'il compare à l'organe électrique de l'Anguille de Surinam. Purkinje et Pappenheim (8), qui ont également aperçu ces tubes dans à'estomac d'autres animaux, les regardent comme des cryptes de forme cylindrique, qui sont, suivant eux, le siège du suc gastrique. D'après l'examen qu'en a fait Bischoff (9), ils sont entourés d'un réseau de vaisseaux capillaires; leurs orifices sont arrondis, et donnent une apparence ponctuée à la surface in- terne de l'estomac : leur fond, en cul-de-sac, est tourné vers la tunique celluleuse, et la plupart du temps en forme de grappe de raisin ; leur contenu se compose de grains irréguliers, (1) ^hexXe^ Physiologie der F'erdauung, p. 153. (2) Billard, De la membrane muqueuse gastro-intestinale^ p. 79. (3) Gendrin, Jiist. anat. des inflammations^ 1. 1, p. 494. (4) Beaumont, loc. cit., p. 69. (5) Ebei'le, loc. cit., p. 53. (6) Leuret et Lassaigne, Rech. sur la digestion, p. 65. \ (7) Froriep, Notizen, t. XXIX, p. 193. (8) MuUer, ArcUv fuer AnatomiCy 1838, p. 2, J9) Ib,^ p. 508» DE LA. DIGESTION. 2g5 rougit les couleurs bleues végétales, et se comporte comme le suc gastrique. Chez l'homme et chez les animaux carnivo- res, ils sont répandus sur toute la paroi de l'estomac, et plus courts dans la portion cardiaque, plus longs dans la portion pylorique. Les Ruminans n'en offrent que dans la caillette : chez les Chevaux et les Rongeurs, il n'y en a que dans les points dégarnis de l'épithélium épais de l'œsophage. Ils sont très-développés dans le jabot des Oiseaux, ainsi que dans la portion cardiaque de l'estomac du Castor, do Muscardin, du Loir. ^ IL Le suc gastrique' accomplit la digestion. 1° Les animaux inférieurs , qui ne mâchent point leurs ali- mens , et qui n'ont pas d'intestin avec un anus , notamment les Actinies et les Astéries , avalent des Mollusques à co- quille et des Crustacés entiers, dont ils rejettent le test ou la carapace, après avoir consommé les parties molles; la sub- tance de l'animal contenu dans ces enveloppes a donc été bien manifestement dissoute par un liquide pénétrant. 2° On a imité cette opération naturelle, et l'on a obtenu le même résultat à tous les degrés de l'échelle animale. Réau- mur (1) fit avaler par une Buse des tuyaux de fer blanc, tantôt ouverts aux deux bouts , tantôt grillés à leurs extré- mités, longs de dix lignes, larges de sept, et pleins de viande : au bout de vingt-quatre heures il ne s'y trouvait plus qu'un tiers ou un quart de la viande , et quand celle-ci avait été fixée par un fil de fer dans Taxe du tube , elle était réduite en chyme aux sept huitièmes : au bout de quarante-huit heures , il n'en restait plus qu'un huitième , totalement déco- loré , et que la pression du doigt réduisait en bouillie. De vingt-quatre grains d'os de poulet , divisés en petits frag- mens , il ne restait plus , au bout de ving-quatre heures , que très-peu d'une substance gélatiniforme ; le troisième jour, il ne restait qu'un dixième d'un morceau de côte de bœuf. Lepain , renfermé dans un tube de plomb , disparut de même en quelque temps dans l'estomac d'un Chien (2). Spallanzani (1) Hist. de VAcad. des se, 1752, p. 461-474. (2) l/jid., p. 489. Sgi ï>fi Ï-A DIGESTION, a multiplié ces expériences avec des tubes percés de trous. De la chair de poisson, introduite dans de pareils tubes, avait été digérée par une Anguille, au bout de trois jours trois quarts (1); un morceau d'intestin de mouton par des Gre- nouilles , au bout de trois jours (2) 5 des Vers de terre par des Salamandres, au bout de quinze heures (3); delà chair de grenouille par des Couleuvres , au bout de cinq jours (4); du bœuf cru par des Gorneilks , au bout de sept heures (5); et cent-trois grains de pomme, en quinze heures (6); un poisson, avalé de cette manière par un Héron, fut réduit, en vingt-quatre heures , à quelques os de la tête et à un mor- ceau de la chair du dos , tandis qu'une Grenouille avait subi des altérations moins profondes , car on en apercevait encore les extrémités des quatre pâtes, mais les tégumens de l'ab- domen et du thorax avaient disparu , la chair sous -jacente était ramollie , et les petits os iwaient pris la consistance des cartilages (7); au bout de cent heures , on n'aperçut plus que quelques légers fragfflens d'une cuisse de poulet avalée par une Chouette (8); de !a chair crue lut totalement digérée par un Duc en sept heures (9); en treize heures, un Aigle digéra complètement de la cervelle de bœuf , un peu moins de la substance du foie , moins aussi de celle des muscles , le cœur surtout, et moins encore des tendons (10) ; les Chais digérèrent, en cinq heures, la viande en totalité et le pain en partie (11); les Chiens, en quinze heures, la viande elle pain (12); en quarante-et-une heures, des intestins de mouton (13); lesMou- (I) OEuvres, t. Il, p. 539. {2)76., p. 513. (3) Ih., p. 517. (4) Ib., p. 531. (5) Ib., p. 465. (6) Ib., p. 464. (7) Ib., p. 501. (8) /i.,p. 567. (9) Ib., p. 575. (10) Ib., p. 603. (II) i6.,p. C19-620. (12) Ih., p. 622. ^ ^ (13) Ih., p. 626, Ï>E lA. DIGESTION. agS tons, en trente heures, du blé mâché et imprégné de salive (1); les Chevaux , en cinquanîe-deux heures , de la laitue et du trèfle mâchés (2). La digestion marchait plus lentement dans les tubes qu'elle ne le faisait hors de ces petits réservoirs ; tandis que deux jours avaient sufG à une Couleuvre pour di- gérer la queue d'un lézard libre dans son estomac , il ne dis- parut en cinq jours qu'une petite partie d'une queue renfermée dans un tube (3), et trois jours furent nécessaires pour digérer la moitié d'un foie de lézard ainsi emprisonné dans un tube , qui, abandonné à lui-même , avait disparu, sans laisser de traces au, bout de trente-deux heures (4). Mais cette différence tenait uniquement à l'obstacle qu'éprouvait l'action du suc gastrique , car les Corneilles employaient sept heures pour digérer la chair de bœuf dans les tubes ordinaires , au lieu qu'il ne leur en fallait que quatre quand les trous avaient été agrandis , et la digestion durait plus de sept heures lors- qu'on augmentait les obstacles en couvrant les tubes d'une bourse de toile (5).Spallanzani a fait aussi des expériences sur lui-même ; ayant avalé des tubes en bois contenant du veau, des cartilages, des tendons , ces substances furent complètement digérées au bout de quatre-vingt-deux , de quatre vingt- cinq et de quatre-vingt-dix-sept heures , quand les tubes sor- tirent du corps (6). Stevens Et avaler à un homme qui se di- sait polyphage , des boules d'ivoire ou d'argent formées de deux demi-sphères creuses, vissées ensemble et percées de trous; la viande , les tendons , le fromage , les pommes , les carottes, des sangsues, des vers de terre, renfermés dans ces boules, furent digérés ; des grains de blé , des pois et des os ne le furent point. 3° Quand le suc gastrique était obligé de traverser un tissu épais, la digestion marchait naturellement avec plus de lenteur : cependant, un Aigle digéra de la viande renfermée (1) /ô., p. 555. ' (2) Ih., p. 559. (3)76., p. 529. (4) Ib., p. 530. (5) /i., p. 467. (6) /6., p. 651. 2g6 DE LA DIGESTION. dans un linge ployé en six , et celle même qui avait été avalée dans une bourse en drap , était , au bout de trente- six heures, devenue plus légère d'environ un tiers (1). Dans une bourse en toile dense , qu'il fit avaler à un Chien , garnie d'une éponge dont le gonflement devait l'empêcher de s'é- chapper par le pylore , la viande avait disparu au bout de quatre jours, un tendon avait perdu les trois quarts de son poids, et an ligament plus de la moitié, enfin les débris de ces deux dernières substances étaient si ramollis qu'ils se rom- paient au moindre effort fait pour les étirer (2). Dans les bourses de toile que Spallanzani avala , cinquante-deux grains de pain mâché étaient complètement digérés au bout de vingt- trois heures , soixante-quinze grains de chair de pigeon cuite et mâchée, au bout de dix-huit heures (3); au bout de trente heures, cinquante grains de bœuf cru étaient réduits à vingt- trois, et cinquante de veau cru à quatorze (4). Helm (5) a fait des expériences analogues sur lui-même et sur un jeune homme ; les bourses dans lesquelles on avait mis du pain blanc mâché , de la pâte de farine , du riz ou du sagou cuit avec du lait ou du bouillon , étaient absolument vides à leur sortie; au bout de vingt-quatre heures, il avait été digéré cinquante grains de la viande mâchée , et trente seulement de la viande non mâchée : au bout de huit heures , quatorze , et au bout de dix-huit heures , trente-quatre grains du pain noir mâché ; au bout de neuf heures , trente grains de pois et de lentilles , et dix-huit seulement de purée de haricots ; au bout de vingt-quatre heures , quarante de navets et de céleri , et quinze seulement de carottes et de racines de per- sil. Beaumont (6) introduisit, par la fistule gastrique, une saucisse enveloppée de mousseline : au bout de six heures et demie , il en avait disparu cent cinq grains , et le restet^ se composait de fibres cartilagineuses et membraneuses , avec (1) Spallanzani, loc. cit.^ p. 604-605. (2) U., p. 629. (3) ll>., p. 642,643. (4) lô., p. 644. (5) iô., p. 20-29, (6)i6.,p.l30, ■ DE LA. DIGESTION. 5gy des épices; dans l'espace de cinq heures un quart, il dispa- rut soixante grains de poisson grillé (1), et dans celui de quatre heures et demie, dix de viande de veau (2); qua- rante grains de stockfisch étaient complètement digérés au bout de six heures (3). III. Ces observations devaient conduire à penser que le suc gastrique pourrait être capable de digérer les alimens hors de l'estomac , sous l'influence d'une température égale à celle du corps. i" Les digestions artificielles ont été essayées d'abord sur de la chair, etparRéaumur (4), mais avec peu de succès. La chair traitée , dans un four d'incubation , par du suc gas- trique extrait de l'estomac d'une Buse , à l'aide d'une éponge , était ramollie au bout de vingt-quatre heures , mais non dis- soute. Spallanzani a été plus heureux. Des boyaux de veau perdirent dix-huit grains en vingt-quatre heures dans le suc gastrique de Chouette , à une température de 30 à 35 degrés R. (5), et dans du suc gastrique frais, ils furent réduits en bouillie au bout de deux jours (6) ; la chair s'était dissoute éga- lement (7). Spallanzani emplit un petit tube de suc gastrique d'oie ou de dindon , et de viande hachée , et le mit sous son aisselle ; au bout de trois Jours , la chair était en grande partie dissoute, et , remise en place , avec de nouveau suc gastrique , elle se trouva totalement dissoute au bout d'un autre jour (8). La chair se dissolvait également dans le suc gastrique du Chien (9). Le bœuf cru et cuit se ramollit aussi dans son propre suc gastrique , qu'il avait obtenu par le vo- missement ; mais quoique à la vue simple elle parût avoir perdu son organisation fibreuse , en l'observant à la loupo (l)/6.,p. 131. (2) i&.,p. 144. (3) i6., p. 181. (4) Hist. de VAcad. des «c, 1752, p. 485. (5) Loc. cit., p. 571. (6) 76., p. 572. (7) ii,, p. 575. (8) /6., p. 454. (9)/6., p. 638. ' 298 DE lA DIGESTION? on y reconnaissait encore les fibres charnues, réduites seule- ment à une petitesse extrême (1). Douze grains de rostbeef que Stevens avait laissé macérer, à une température de trente- et-un degrés Pi., dans une demi-once de suc gastrique de Chien, étaient dissous au bout de huit heures. Tiedemann et Gmelin exprimèrent le suc gastrique des alimens contenus dans l'estomac de Chiens qui avaient mangé deux heures au- paravant, et trouvèrent qu'après huit ou dix heures de di- gestion , à une température de 24 à 30 degrés R., les sub- stances mises en contact avec ce liquide étaient converties en bouillie à sa surface (2). Leuret et Lassaigne (3) ont égale- ment vu la viande se transformer en chyme dans le suc gas- trique du Chien, à la température de 31 degrés. Beaumont (4), ayant laissé jeûner son malade pendant dix-sept heures, re- cueillit une once de suc gastrique limpide, dans lequel il plon- gea trois gros de bœuf bouilli , à ime température de 30 de- grés R.; la formation du chyme commença au bout d'une heure; au bout de deux heures , leut le tissu cellulaire était dissous; au bout de quatre heures , la moitié des fibres avaient disparu, et au bout de onze heures il n'en restait plus rien ; le liquide res- semblait à du petit lait , et il s'y était formé un léger sédiment. Une autre fois, dans une même quantité de suc gastrique, les deux tiers seulement du bœuf se sont dissous en vingt-quatre heures (5). Quinze grains d'un fort tendon de bœuf étaient totalement dissous , au bout du même laps de temps , dans une demi-once de suc gastrique (6). De la viande et des lé- gumes , extraits de l'estomac vingt minutes après le repas , étaient complètement; digérés dans du suc gastrique , au bout de cinq heures , et ressemblaient parfaitement au chyme qui s'était formé pendant ce temps dans l'estomac : trois heures suffirent à la digestion totale d'une portion qui n'avait été (l)i&., p. 656. (2) Exp. sur la digestion, t. I, p. 227. (3) Bech. sur la digestion, p. 123. (4) Loc. cit.^ p. 87. (5) i&.,p.96. (6) Ib., p. 145. DE lA DIGESTION. 29^ tirée de l'estomac que trois quarts d'heure après le repas (1). Trente grains de bœuf rôti et une égale quantité de foie de veau , tous deux mâchés et méîés avec deux onces de suc gastrique , furent , dans l'espace de six heures , convertis en un liquide grisâtre surnageant un sédiment brun (2). Hood(3) recueillit deux gros de suc gastrique d'un Chien qui n'avait rien mangé depuis douze heures , y plongea cinquante grains de bœuf bouilli , ferma bien le vase , et l'introduisit dans le rectum d'un autre Chien vivant : au bout de onze heures , les trois quarts de la viande étaient dissous ; le reste était blanc et visqueux, mais moins altéré dans les endroits où le fil qui entourait le tout avait empêché le suc gastrique de pénétrer. 2° Beaumont a vu le lait et le blanc d'œuf éprouver dans le suc gastrique , hors de l'estomac , un changement pareil à celui que la digestion leur fait subir (4). Ils se prenaient en grumeaux, qui , au bout de cinq heures, étaient réduits en un liquide blanc. Vingt-cinq grains de fromage étaient dissous au bout de huit heures et demie (5), et quatorze grains de cartilage au bout de quarante-huit heures (6j ; dix grains d'os costal d'un vieux cochon , après avoir séjourné pendant plusieurs jours dans du suc gastrique, auquel on en ajoutait de temps en temps du nouveau , de manière que la quantité totale fut de quatorze gros et demi , se transformèrent en un liquide grisâtre , semblable à du gruau d'avoine peu épais , et couvrant un léger sédiment brun (7). Six grains d'un os de bœuf cassé en morceaux furent dissous dans l'espace de vingt-quatre heures. Spallanzani a vu une esquille d'os spon- gieux de bœuf, qui pesait quarante-quatre grains, se dis- soudre en entier dans le suc gastrique du Faucon (8). (1) 11., p. 97. (2) Ji., p. 203. (3) Analytic physiology, p. 164. (4) Loc. cit., p. 101, 204. (h) 76., p. 203. (6) Ih., p. 167. (7) Ih., p. 152. (8) OEuvres^ t. II, p. 588. 300 DE L(L DIGESTION, 3° Le pain mâché s'est converti en chyme dans le suc gas trique d'un Canard, suivant Leuret et Lassaigne (1), et du biscuit dans celui de l'homme, selon Beaumont (2), qui dit que la même chose arriva à du sagou , au bout de deux heures et demie. Des grains de froment écrasés, que Spallanzani mit en digestion avec du suc gastrique de Dindon , furent con- vertis, au bout de trois jours, en un sédiment gris- blanc assez épais (3) : des herbes mâchées qui étaient demeurées plongées pendant quarante-cinq heures dans du suc gastrique de Mouton, étaient converties en bouillie, à l'exception de quelques côtes' et fibres (4). De l'huile d'olive que Beaumont mêla avec trois fois autant de suc gastrique , devint peu à peu de plus en plus laiteuse , et l'on finit par ne pouvoir plus la reconnaître (5). 4° D'un autre côté, de la chair que Montègre porta sous son aisselle , dans un petit tube de verre , mêlée avec son propre suc gastrique , ne perdit rien de sa'cohérence dans un laps de temps de douze heures à trois jours ; le pain blanc ne se con- vertit qu'en une bouilhe grumeleuse. Montègre mit du veau dans du suc gastrique qu'il avait déjà porté pendant huit jours sous son aisselle , et au bout de huit autres jours , il le trouva en grande partie réduit en un liquide épais , blanc et homo- gène; mais ce n'était là , tout au plus, qu'une simple macé- ration , et non une digestion artificielle. D'ailleurs les obser- vations de Montègre ne sauraient renverser les résultats des expériences qui ont été rapportées précédemment. Le suc gastrique dont il s'est servi avait été vomi ; il était par consé- quent surchargé de salive, dont la sécrétion augmente toujours pendant le vomissement , jusqu'à en diminuer l'efficacité. En- suite l'expérimentateur ne laissait généralement la viande que durant huit heures en contact avec ce liquide ; or la digestion artificielle s'opère avec plus de difficulté et encore plus de (i) Loc. cit., p, 423. (2) Loc. cit., p. 52. (3) OEuvres, t. II, p. 454. (4)/&.,p. 552. 5)i6.,p.207. DE LA DIGESTION. 5oi temps que la digestion naturelle. Spalianzani en avait déjà re- connu la cause ; car , tandis qu'un mélange de viande et de suc gastrique , avalé par des Corneilles , dans des tubes clos , n'offrait aucune trace d'altération au bout de cinq heures et demie , la dissolution marchait assez rapidement lorsque le tube offrait un petit trou qui permettait aux portions dissoutes de s'écouler et à de nouveau suc gastrique de s'introduire(l). Beaumont a remarqué aussi (2) que , quand la digestion artificielle venait à s'arrêter , on pouvait la remettre en train par l'addition de suc gastrique frais , d'où il suit que la di- gestion naturelle doit s'accomplir avec infiniment plus de ra- pidité et d'une manière bien plus parfaite , puisque la sécré- tion de l'estomac continue sans interruption , et que le chyme s'échappe du viscère à mesure qu'il est produit. IV. Enfin Eberle a ouvert une voie toute nouvelle pour la formation d'un suc gastrique artificiel. 1° Il a préparé ce suc en ramollissant la membrane mu- queuse de l'estomac dans de l'eau à trente degrés R., versant goutte à goutte de l'acide chlorhydrique ou acétique dans la liqueur, et étendant d'eau, au bout de dix à douze heures, le mucus grisâtre ainsi obtenu (3). Les parties constituantes de ce produit sont de l'osmazome , de la ptyaUne , du mucus, des sels et l'acide ajouté (4). Le suc gastrique naturel en diffère parce qu'il contient et plus de sels et plus de ptya- line , à cause de la salive avalée (5). Du bœuf cru, du foie ou du pain blanc , s'y couvre , en quatre heures d'une couche de bouillie semblable à celle qui se produit dans l'estomac d'un animal vivant , et ayant aussi la même odeur , la même saveur (6). Le blanc d'œuf durci s'y convertit éga- lement , au bout de cinq heures et demie , en une bouillie grisâtre, comme il le fait chez l'animal vivant (7). Le lait se (1) OEuvres, t. II, p. 493. {2) Loc. cit., p. 107, (3) Physioloijie der Ferdauung^ p. 80. (4) i6.,p. 125. (5) 76., p. 127, 134. (6) Ib., p. 84, 99. ^7; /6., p. 85, 91. S02 Ï)E lA. DIGESTÎON. coagule promptement , et forme ensuite un liquide ayant la couleur du petit lait , avec une couche de crème (1) , ou , s'il était mêlé avec du pain blanc , une bouillie d'un blanc grisâtre (2). Le fromage est ramolli à la surface au bout de trois heures (3). Il en arrive autant à la laitue et au pain (4), ainsi qu'à d'autres végétaux (5). 2» Muller et Schwann (6) ont obtenu un liquide digestif artificiel en détachant la membrane muqueuse de la caillette du Veau, la lavant avec de l'eau jusqu'à ce qu'elle ne rou- gît plus le tournesol , la desséchant alors , puis la faisant ramollir dans de l'eau , et ajoutant de l'acide chlorhydrique ou acétique. Les proportions indiquées par Schwann (7) sont une demi-once de membrane muqueuse, avec de l'eau, et 3,3 grains d'acide chlorhydrique. Le liquide ainsi préparé agit encore alors même qu'on l'a filtré à travers un linge. Il contient , en substances appréciables , de l'osmazome , de la ptyaline , et une matière précipitable par le cyanure de po- tassium et de fer (8). L'albumine cuite qu'on y fait digérer, devient jaunâtre d'abord , puis, au bout de douze heures, grisâtre, translucide, pultacée à l'extérieur, facile à écraser intérieurement-, plus tard, elle se convertit en une masse grisâtre, glutineuse et soluble dans l'eau (9). En douze heures , la viande y devient brunâtre , onctueuse, émoussée sur les bords et les angles , et pultacée à la surface ; on ne peut plus y distinguer de fibres (40) ; il se dissout 0,97 de fibrine (11). Il paraît que les acides ajoutés agissent seuls sur le caséum , la gélatine et le gluten (12). (1) Ih., p. 96. (2) Ib., p. 99. (3) Ib., p. 87.' (4) Ib., p. 404. (5) Ib., p. 108. (6) Muller, Archiv fuer Anatomie 1836, p. 72. (7)/6.,p. 90. (8)i6., p. 423. (9) Ib., p. 74. (10) /è., p. 73. (11) Ib,, p.il32. (1?) Ib,, p. 136, i)E LA DIGESTION, SoS S" Purkinje et Pappenheim (I) ont préparé, avec deux grains de la substance de la caillette , deux gros d'eau et deux gouttes d'acide chlorliydrique , un liquide qui a le pou- voir de dissoudre presque toutes les parties animales (2). 4° Simon (3) a procédé d'une autre manière : il applique un morceau de tunique stomacale sur une couche de sub- stance à digérer , l'humecte avec de l'eau distillée , aiguisée d'un peu d'acide chlorhydrique , et plonge le vase dans de Teau à trente degrés R. (Voulant observer au microscope ce qui arrive dans la di- gestion arlificielle accomplie d'après le procédé d'Eberle , je préparai un liquide digestif parfaitement limpide, en versant, comme le prescrit Schwann , de l'eau acidulée sur un mor- ceau de membrane muqueuse stomacale , laissant le tout en digestion pendant quarante-huit heures , à une température de trente-deux degrés R., filtrant ensuite, mêlant de nouveau le résidu indissous avec de l'eau acidulée , et répétant la digestion et la filtration. Le liquide ainsi obtenu était légère- ment jaunâtre, mais d'une limpidité parfaite. Le miscroscope n'y faisait apercevoir absolument rien , si ce n'est quelques gouttelettes d'huile , et quelques petits corpuscules de cou- leur obscure, que je crus devoir considérer comme des par- ticules de glandes muqueuses , ou comme des noyaux de cel- lules d'épithélium de l'estomac. Lorsque de l'albumine avait été dissoute dans ce liquide dijjestif , on y découvrait beau- coup plus de gouttelettes d'huile, de volumes divers, qui, en général, n'étaient pas parfaitement rondes, et dont quelques- unes des plus grosses paraissaient comme semées de petites perles à leur périphérie , en sorte qu'elles avaient jusqu'à un certain point l'aspect des globules de la lymphe grossis. Ce- pendant une circonstance ne permettait pas d'élever le moindre doute sur leur nature : c'est que quand deux d'entre elles venaient à se rapprocher par le glissement de la plaque de verre qui les couvrait, elles se confondaient ensemble. On (l)/6.,4838, p. 12. (2) Froriep, JSoHzen.t, L, p. 210. (3) MuUer, Archiv, 1839, p. 4. 3o4 DE LA DIGESTION. voyait , en outf e ^ de petites écailles ou lamelles claires , de la grandeur d'un globule du sang , qui avaient une forme ir- régulière et une texture grenue. D'autres alimens, par exemple la viande , dissous dans ce liquide digestif , ne per- meitaient pas d'arriver au moindre résultat , parce que les particules indissoutes, demeurées en suspension, rendaient indispensable une filtration très-exacte , après laquelle on n'apercevait plus les gouttelettes de graisse. Quand de la bile avait été ajoutée au blanc d'œuf à dissoudre , les gouttelettes de graisse étaient beaucoup plus nombreuses , mais, en gé- néral, bien plus petites : on découvrait aussi en bien plus grand nombre les lamelles de masse grenue , qui avaient en outre une légère teinte jaunâtre. Si l'on ajoutait de la bile au liquide digestif après avoir dissous de l'albumine dans celui-ci , on apercevait quelquefois une faible effervescence et des flocons blancs prompts à disparaître ; mais d'ordinaire il ne survenait qu'un mouvement général et un léger trouble dans la liqueur. Cette différence peut tenir à ce que , dans le premier cas, la bile'provenait d'un animal récemment misa mort et non encore refroidi. Revenue au repos, la liqueur ne montrait rien de plus que quand l'addition de la bile avait eu lieu avant la dissolution du blanc d'œuf. La bile elle-même paraissait , au microscope , parfaitement claire , avec quel- ques lamelles , plus ou moins larges , noires ou brunes , angu- leuses , qui se retrouvaient également dans le mélange. Lors- que de la viande avait été tenue en digestion, pendant plusieurs jours, avec le liquide digestif contenant de la bile , le filtre présentait, outre les débris non dissous , des granules blancs , de graisse savonneuse , miscible à l'eau , tandis que la graisse traversait le papier , comme de l'huile, lorsque le liquide n'avait point été mêlé avec de la bile. Quant à ce qui concerne l'albumine elle-même mise en digestion avec ce dernier , sa dissolution apparaît différente suivant que le li- quide est plus ou moins acide. Dans le dernier cas, les Lords du morceau de blanc d'œuf deviennent transparens et se ramollissent, changemens qui se propagent peu à peu vers le centre , jusqu'à ce que la masse entière soit devenue limpide comme du succin et molle, Si, au contraire, h DE Là DIGESTION. 5o5 quantité d'acide est plus considérable , l'albumine n'arrive point à ce degré de transparence , mais elle se corrode de la périphérie au centre, et il finit par ne plus rester qu'une tout petite masse d'un brun clair. Dans les deux cas , le résidu, examiné au microscope , offre l'aspect d'une masse informe et limpide, de laquelle, en la comprimant, on parvient à détacher des gouttelettes d'huile ou des bulles d'air ayant la forme de petites perles , et des parcelles claires, de forme indéterminée. Si la quantité d'albumine dissoute dans le li- quide digestif n'est pas considérable , celui-ci conserve sa limpidité ; mais si la quantité s'est élevée à environ un gros par demi-once de liqueur , celle-ci se trouble , et il s'y forme un sédiment floconneux blanc , dans lequel le microscope fait reconnaître un aggrégat de granules extrêmement fins.) (1). § 942. Nous arrivons à la question de savoir quel est le mode d'action du suc gastrique , ou , ce qui revient au même, quels sont les changemens essentiels que les alimens subissent dans l'estomac. I. Ce qui saute d'abord aux yeux, c'est la fluidification des alimens , qui établit la possibilité que ces substances se ré- duisent à leurs principes constituaos , que ceux-ci contractent de nouvelles combinaisons, et que le corps s'empare des pro- duits assimilés. La fluidification a été considérée comme le fait essentiel de la digestion stomacale , jadis par Hecquet , Bohn et autres (2), et dans les temps modernes, non-seule- ment par Beaumont(3), Leuret et Lassaigne (4), mais encore par ceux qui nous ont appris les premiers à connaître les particularités des changemens chimiques dont l'estomac est le théâtre , Tiedemann , Gmelin et Eberle. Ce dernier dit posi- tivement (5) que la digestion est plutôt une fluidification, une dissolution, qu'une véritable transformation, qu'au moins n'est-il pas démontré que rien de semblable à celle-ci (d) Addition d'Ernest Burdach. (2) Haller, Elem. physiol., t. VI, p. 315. (3) Loc. cit., p. 18, (4) licchcrches sur la diyestion, p. 492. {S) Loc. cit , p. 330. ÏX. 20 3o6 DE LA DIGESTION. s'y passe. Mais le rigorisme de la chimie a été poussé trop loin ici : on ne peut révoquer en doute la transformation des alimens, pour peu qu'on ait réfléchi à un fait des plus simples, celui que la substance nutritive végétale , l'amidon par élemple, ne contient aucun des principes constituans du sang, 'qîie le sang n'offre non plus aucune trace de cette substance végétale , et que cependant la digestion parvient à former du sang avec celle-ci. IL Que les substances portées dans l'estomac subissent un changement considérable , c'est ce qui ressort déjà des nom- breux exemples connus d'introduction dans l'estomac du pus des bubons pestilentiels ou syphilitiques, de la chair des animaux moris de la rage ou du typhus , du venin des ser- pens, de l'ipo, etc., sans que ces agens de destruction aient exercé d'influence fâcheuse , ou du moins sans qu'ils aient entraîné des suites comparables à celles qui résultent de leur mise en rapport avec les parties privées de peau, ou même avec la peau. On peut consulter à cet égard Haller(4) etHeu- singer. A la vérité, celte innocuité par la voie de l'estomac n'est point une règle sans exception , et le système lympha- tique peut y avoir part, en outre du viscère gastrique (§ 909, 5") ; mais il ne s'ensuit pas de là que l'estomac ne possède pas le pouvoir de transformer les substances étran- gères. Démontrer les effets de ce pouvoir sur les alimens est une chose difficile ; car comme on n'y peut parvenir qu'en comparant le chyme d'un côté avec les alimens ingérés et d'un autre côté avec le suc gastrique , il est praticable sans doute de tenter à ce sujet des expériences sur des substances alimentaires qui ne renferment aucun des principes consti- tuans du sang, et auxquelles , par conséquent, nul de ceux qu'on pourrait rencontrer dans le chyme ne saurait être rap- porté , mais le suc gastrique contient déjà une certaine quan- tité de ces principes , notamment de l'osaaazome , de la ptya- Une , du mucus , et aussi un peu d'albumine (§ 820, 5«), de manière que, quand on en trouve dans le chyme, on demeure (4) Elem, fJiysiol.f t. Vil; p. 58^, DE LA DIGESTION. 3o7 incertain de savoir s'ils sont des produits de la digestion ou s'ils proviennent du suc gastrique. 1° Il y a de l'albumine dans le chyme. Marcet(l) en a dé- montré chez un Coq d'Inde nourri avec des végétaux ; car le chyme de cet animal précipitait par la chaleur , les acides minéraux et le deuto-chlorure de mercure; il se dissolvait presque en totalité dans l'acide acétique , et il donnait des flocons blancs par le cyanure de potassium. Prévost et Le Royer (2) avaient cru en reconnaître une grande quantité dans le feuillet de la Brebis; Tiedemana et Gmelin pensent (3) qu'ils ont pris du mucus pour de l'albumine , quoique Gmelin ait aussi trouvé cette dernière dans la panse de Moutons qui avaient été nourris avec de l'avoine ; mais Prout (4) n'en a pu découvrir aucune trace dans le chyme des Lapins , des Pigeons , des Tanches et des Maquereaux. 2° Werner a trouvé (5) que le chyle du Cheval ne se coa- gulait ni à l'air ni au feu , et qu'il se dissolvait dans l'eau , après avoir été épaissi. Emmert, d'après des faits du même genre, y admettait la présence de la gélatine ,6). Prévost et Le Royer (7) prétendaient aussi avoir rencontré celte sub- stance dans la panse et le bonnet de la Brebis. On assure également que l'estomac de la femme atteinte de fistule gas- trique dont parle Circault contenait plus de gélatine qu'il n'y en avait dans les alimens iigérés. Cependant il est très pos- sible qu'on ait pris de la plyaline et de l'osraazome pour de la gélatine ; Eberle a acquis la conviction (8) que la quantité de ces substances surpassait, dans le chyme résultant de ses ex- périences, celle qui existait dans le suc gastiique artificiel dont il s'était servi. 3° On disait avoir remarqué de la fibrine chez le malade de (1) Annales de chimie, t. H, p. 54. (2) Biblioth. universelle, t. XXVII, p. 283, (3) Recherches sur ladiyestion, t. I, p. 360. (4) Sctiweigger, Journal der Chemie, t. XXVIII, p. 195. (5) Scheier, Journal der Chemie, t. VIII, p. 30. (6) Reil, Archiv fuer Physiologie, t. VIII, p. 176. (7) Loc. cit., p. 231. (8) jLoe. cit., p. 164, 5o8 bE eâ digéstio^-. Circault , et Marcel croyait en avoir aperçu chez le Dindoîl* L'existence de ce principe infimédiat n'a point été confirmée. IIÎ. Si nous sommes bien peu avancés encore sous ce point de vue, nos connaissances relativement à !a digestion ont fait un grand pas par la certitude que l'examen du chyme formé dans l'estomac des animaux et du chyme obtenu avec le suc gastrique artificiel a procurée qu'il s'opère une transformation de certaines substances en certaines autres déterminées. 1» Tiedemann et Gmelin ont ouvert ici la carrière et décou- vert le fait le plus important (l).Chez un Chien, l'amidon était^ au bout de cinq heures , converti en sucre et en gomme d^a- midon. On pourrait attribuer cet effet àlaptyaline (§ 938, 6°); cependant il eut lieu aussi chez une Oie, et ici la salive n'avait pu y prendre que fort peu de part. Il n'a point encore été fait d'expériences avec le suc gastrique pur ou artificiel. 2° La seconde découverte importante est due à Eberle (2). I2alhumine coagulée se transformée en osmazome etenptj-aline, tant dans l'estomac que par la digestion avec du suc gas- trique artificiel. Ce résultat a été constaté par Schvi^ann (3). L'aibumine était détruite, après quoi la liqueur ne se trou- blait plus ni par la chaleur ou l'acide azotique, ni par le cya- nure de potassium et de fer, quand on y ajoutait de l'acide acétique. C'était de l'osmazome qui avait été produit, car une partie du résidu de la liqueur évaporée à siccilé se dissolvait dans l'alcool, d'où la teinture de neix de galle la précipitait , et une autre portion, insoluble dans l'alcool, était soluble en presque totalité dans l'eau , puis précipitable par la teinture de noix de galle ou la dissolution de deutochlorure de mer- cure , ce qui annonçait par conséquent de la ptyaUne. Sur vingt grains d'albumine, il en resta trois et un cinquième non dissous, et la dissolution contenait, en matière solide, un grain et trois cinquièmes d'osmazome, avec un demi grain de ptya- line; ces substances existaient aussi dans la portion demeurée non dissoute (4). Schwann a remarqué , en outre, une troi- (d) Recherches sur la digestion^ 1. 1, p. 340. (2) Loc. cit., p. 94, 465. (3) Mullev, ArcUv, 4836, p. 78. (4) /5.,p. 86: DE LA DIGESTION. SOQ sième substance , que le carbonate de soude précipitait , et qui n'était soluble ni dans Teau ni dans Taicool , mais se dis- solvait dans l'acide acétique ou l'acide chlorhydrique affaibli. 3° D'après les expériences que Tiedemann et Gmelin Ont faites sur des Chiens, la fibrine paraît se convertir en albumine ^ car cette dernière se trouva dans le chyme,tandis que le sucgas- trique n'en contenait point chez d'autres Chiens (d). Eberle(2), dans une expérience analogue , trouva, outre l'albumine, de la ptyaiine et de l'osmazome, et dans une expérience de di- gestion avec le suc gastrique artificiel , la fibrine s'était con- vertie, d'après Schwann (3), en osmazome et ptyaiine. Tie- demann et Gmelin ont rencontré de l'albumine dans le chyme de Chiens qui avaient mangé de la viande, ou des cartilages , ou des os (4). Le liquide provenant du bœuf etdu pain blanc mis en digestion dans du suc gastrique artificiel, a offert à Eber- le (5) , outre de la fibrine et de l'albumine, une grande quantité de ptyaiine, avec un peu de matière caséeuse ; après une autre digestion de bœuf et de foie , il trouva beaucoup d'albumine (qui existe aussi dans la viande , et qui est sur- tout abondante dans le foie), de la ptyaiine, une forte pro- portion d'osmazome, et une matière analogue à la ca- séeuse (6) ; le chyme d'un Chat nourri de bœuf et de pain blanc, contenait de l'osmazome et de la ptyaiine (7). 4° Tiedemann et Gmelin ont bien trouvé le caséum et le lait transformés chez les Chiens (8); mais ils ne paraissaient pas s'être convertis en albumine, car la chaleur, le cyanure de po- tassium et de fer et le deutochlorure de mercure ne trou- blaient point la liqueur. De même, d'après Eberle (9), le caséum n'était pas devenu décidément de l'albumine, ni par (1) RecJi. sur la digestion^ t. I, p. 338.° (2) Loc. cit., p. 102. (3) Loc. cit., p. 132. (4) fiech. sur la digestion, 1. 1, 342. (5) Loc. cit., p. 164. (6) iJ., p. 84. (7)/4.,p. 100. (8) liech. sur la digestion, t. I, p, 340. (9) Loc. cit., p. 87, 96, 165. 3lO DE LA DIGESTION. la digestion naturelle , ni par la digestion artificielle. Mais Simon (i) assure que la madère caséense se transforme réelle- ment en albumine , attendu que la dissolution de celte sub- stance, qui résulte de la digestion artificielle , se trouble par Tébullition , précipite en blanc par l'alcool ou le sublimé , et ne précipite point par le chlorure de potassium et de fer, après l'addition d'acide acétique, tandis qu'une dissolution récente de caséum donne lieu à des réactions inverses de celles-là, 6" La gélatine était décomposée chez les Chiens , au dire de Tiedemann et Gmelin (2) ; elle ne faisait plus gelée, et n'é- tait plus précipitée sous forme de filamens par le chlore ; ce- pendant il n'élait pas possible de démontrer positivement qu'elle fût convertie en albumine ou en matière caséeuse. 6*^ La même incertitude demeure en ce qui concerne le gluten (3) qui, après cinq heures de digestion, chezles Chiens, forma un liquide devenant trouble par la chaleur, circon- stance qui établissait de l'analogie avec l'albumine. Eberle laisse également indécise la question de savoir si le gluten est seulement dissous, ou s'il se transforme en une autre sub- stance. Mais, dans le chyme provenant du lait et du pain blanc , il trouva de l'albumine , du gluten , de la matière ca- séeuse, et en outre de la gélatine , car l'alumine donnait lieu à un lourd précipité blanc (4). Gannal prétend (5) que le gluten ne change point pendant la digestion, et qu'il ne sert qu'à empêcher l'amidon de traverser les voies dige tives avec trop de rapidité. Prévost et Le Royer (6) ont reconnu, dans les deux premiers estomacs de la Brebis, l'albumine végétale à l'étatde dissolution alcaline, et déplus de la gélatine; ils ad- mettent, en conséquence, que l'albumine vpgétale^ dissoute par l'alcali de la salive, se transforme eti gélatine. (1) Millier, Jrchiv, d839, p. 6. (2) Mech. sur la diyestion, t. I, p. 338. (3) Tiedemann et Gmelin, loc. cit.^ p, 340. (A) Loc. cit., p. 464. ( 5) Arrhives yénérales, 2e série, t. I, p. 601. (6) Zoc. c?;<.,p.230„234. DE tA DIGESTION.^ 5ll 70 D'après cela, la digestion stomacale forme de l'albumine avec la fibrine et la matière caséeuse , de l'osmazome et de la ptyaline avec la fibrine et l'albumine, du sucre et de la gorame avec l'amidon, de la gélatine avec l'albumine végétale. Krimer avait prétendu (1) que les diflerensalimens se convertissaient en albumine, et Muller (2), qui le suit, considère l'alibilité comme identique avec l'aptitude à être transformé en albu- mine. Cependant il paraît, d'après ce qui précède, que la di- gestion stomacale ne produit pas de l'albumine avec toutes les substances alimentaires. D'ailleurs , dût-elle fournir réelle- ment un produit toujours identique, nous sommes en droit de conjecturer que ce ne serait ni de l'albumine , ni aucun de? autres principes constituans du sang, mais un rudiment de ces diverses substances, une sorte de matière neutre, aux dépens de laquelle toutes pussent prendre naissance, ou , comme s'exprime Truttenbacher (3) une masse plastique indifférente. D'après l'observation rapportée plus haut (§ 941, IV, 4°), il est vraisemblable que ce premier produit de la digestion coi^- tient de la graisse. § 943. On se demande maintenant qu'elle est la partie à pro- prement parler active du suc gastrique. 1° Nous devons d'abord écarter l'hypothèse suivant laquelle la salive représente le suc gastrique (§ 820, 1°), devient acide parracidificationdesalimens(§851, 3°), et est l'agent de la di- gestion.Elle a contre elle, en effet, les expériences précédem- ment citées sur le suc gastrique (§ 941, III), et en particulier sur celui que l'estomac sécrétait sous les yeux de Beaumont. Schultz a prétendu, sans le moindre fondement (4), que la dis- solution dans le suc gastrique hors de l'esto nac a lieu seule- ment lorsque les alimens ont été insalivés , et qu'elle est du reste plutôt une corruption qu'une digestion. La viande mise dans de la salive, n'est point digérée : elle pusse à la puiréfac- tion (5) ; sur quinze grains de beefsteak , mis en digestion (1) Versuch einer Physiologie des Blutes, p. 92. (2) liandhuch der Physiologie,Vsx'iS, 1840, 1 t. I, p. 460. (3) Ver f^erdauungsprocess, p. 7, 24. (4) De aliment, concoct., p. 99. (6) iiood, Analytic physiology, p. 165. 3l2 DE LA DIGESTION. avec trois gros de salive, douze étaient encore indissous, mais fétides , au bout de vingt-quatre heures, tandis que la même quantité , traitée de la même manière par trois gros de suc gastrique, ne laissait qu'un grain de résidu, tout aussi dépourvu d'odeur que le liquide surnageant (1). La viande se dissout moins quand on ajoute de la salive au suc gastrique , et passe ensuite à la putréfaclion, ce qui n'arrive pas lorsqu'on se sert de suc gastrique pur (2). Walaeus s'était déjà convaincu par des expériences analogues (3)', que le rôle actif n'appartient point ici à la salive. 2° Nul doute que la digestion stomacale implique nécessai- rement une fluidification , et que par conséquent l'eau et les sels soient des élémens essentiels du suc gastrique. En prati- quant des vivisections , on voit que les alimens secs se ramol- lissent dans l'estomac, même sans le concours de la boisson, et la digestion des alimens substantiels, comme viande, pain, légumes farineux, etc., est évidemment activée par une bois- son prise avec modération , surtout vers la fin du repas , ou même quelques heures après (4). Mais c'était une opinion inad- missible que celle qui, à l'instar de Haller (5), faisait consister la digestion en une macération par l'eau et les sels du suc gas- trique ; c'en est une insoutenable également que de prétendre, avec Tiedemann et Gmehn, que le rôle de ce suc se réduit à ramollir et dissoudre en vertu de l'eau et de l'acide qu'il con- tient (6). Cinquante grains de chair de poulet et dix grains de pain mâché ayant été mis en digestion dans de l'eau chaude et dans du suc gastrique, la première en a dissous vingt, et le second quarante-cinq (7). Onze grains de cœur de mouton restèrent dans l'eau sans s'y dissoudre le moins du monde, et commencèrent, au bout de trois jours, à tomber en putréfac- tion, tandis qu'au bout de vingt-quatre heures ils avaient aug- menté d'un grain et demi environ dans le suc gastrique froid, (4) Loc. cit., p. 155. (2) Ib., p. 157. (3) Th. Bartholin, Anatomia reformata, p.' 533. (4) JDict. de Méd. et de Chir.prat,, art. Boisson, t. 3, p. 191 et suiv. (5) Elem. physiol.,t. VI, p. 327. (6) Rech. sur la digestion, t. I, p. 329, 367, (7) Beaumont, ioc, cxf., p. 183. ■ -, DE LA DIGESTlONo 3lÔ par l'effet de l'absorption, qu'au bout de quaranle-huit heu- res ils avaient perdu trois jjrains et demi de leur poids , et qu'enfin i!s demeurèrent exempts de putréfaction (1) . Schwann a fait aussi des expériences comparatives surladig;estiondans Teau , et constaté que la fibrine et le blanc d'œuf durcis ne s'y ramollissent pas, qu'ils finissent par s'y putréfier (2). 3° Le suc gastrique contient un acide libre pendant la di- gestion ( § 851 , 1°, 2o, 3°), et le chyme est toujours acide : il devient même , comme l'ont remarqué Beaumont (3) et Eberle (4), de plus en plus acide , à mesure que la digestion fait des progrès dans l'estomac. Si Reuss, en se faisant vomir, trouvait une saveur et des réactions acides à son chyme, bien qu'il eût pris cinq grains de potasse avant le repas, et si Mon- tègre trouvait que la viande prise à la suite d'un demi-gros de magnésie calcinée , pour vomir volontairement , n'était point encore acide une demi-heure après le repas , mais l'était au bout d'une heure, et avait surtout un haut degré d'acidité au bout de deux heures et demie, on ne peut pas , en présence des autres expériences , conclure de là que, comme l'admet- taient Haller (4) et Spallanzani , les alimens engendrent en eux un acide ; c'est, au contraire, une preuve que le suc gas- trique parvient à l'emporter sur l'alcali , principalement par les progrès de la digestion. ''IValseus pensait déjà qu'il n'est pas douteux que la dissolution des alimens soit opérée par un acide. Suivant TiedemannetGmelin(5), c'est l'acide acétique ou l'acide chlorhydrique du suc gastrique qui dissout l'albumine coagulée durant le travail digestif, la fibrine, la matière caséuse et le gluten, le tissu cellulaire, les membranes, les tendons, les cartilages et les os. Mais les expériences que Beaumont a faites réfutent cette hypothèse ; l'albumine se coagula dans le suc gastrique comme dans le vinaigre ; mais, au bout de cinq heu- res , le caillot était entièrement dissous dans le premier, tan- (l)i6.,p. 147. (2) MuUer, ArcUv'^&l^, p. 72. (3) ioc. cif.,p. 60,76. (4) i-oc. ci^, p. 458. ;;, (5) Elem., fhys., t. VI, p. 315, 330. (6) liech,\siir la digestion^ t. I, p. 367. 5l4 M II DIGESTION, dis qu'il n'avait pas éprouvé le moindre changement dans le second (1) ; vingt grains de bœuf i ôli mâché , mis dans une demi-once de suc gastrique, étaient complètement réduits, au bout de huit heures, en un liquide grisâtre, avec un léger sédiment brun, tandis qu'une demi-once d'acide chlorhydri- que et d'acide acétique affaiblis ne dissolvit, d'une même quantité de cette substance, que onze grains, qui produisirent «ne dissolution d'un rouge brun , sans sédiment ; la dissolu- lion de richthyocoUe dans les acides différait également de celle dans le suc gastrique, sous le double rapport de la quan- tité et des propriétés. Eberle a obtenu un résultat semblable en tous points (2), en se servant de ces acides sous forme li- quide et sous forme vaporeuse : cependant il était obligé d'y avoir recours pour la préparation du suc gastrique artificiel. La nécessité de la présence d'un acide libre dans ce dernier a été reconnue également par Schwann (3), car le liquide ob- tenu perdait le pouvoir de digérer lorsqu'on le neutralisait avec du carbonate de potasse : mais cet expérimentateur a acquis aussi la conviction que la dissolution de l'albumine coagulée ou de !a viande dans les acides chlorhydrique et acé- tique diffère totalement de celle de ces mêmes substances dans le suc gastrique artificiel (4). 4 Le suc gastrique doit, indépendamment de l'eau , des sels et de l'acide libre , contenir encore une autre substance qui contribue pour sa part à la digestion. Eberle (5) a vu, chez des animaux qui avaient mangé beaucoup de matières solides, la pelotte alimentaire revêtue d'un mucus ferme et grisâtre, qui s'était sécrété pendant la digestion. Ce mucus dif- férait du mucus ordinaire par sa consistance plus considéra- ble, presque gélatineuse, et sa dissolution dans l'eau exerçait une action dissolvante presque égale à celle du suc gastrique. Eberle le considère comme une substance qui concourt es- sentiellement à la digestion (6). Cependant quelques circon- (4) Loc. cit., p. 206. (2; Loc. cit., p. 67. (3) Loc. cit., p. 93. (4) Loc. cit.., p. 70. (5) Loc. cit.., p. 75. (6) Loc. ci^,p. 160. DE lA DIGESTTION. 3l5 Stances s'élèvent contre celte hypothèse. Le mucus ne peut point apparaître à la surface sécrétante sous la forme d'une masse consistante , d'une sorte de gelée : ce ne peut être là que le résidu d'un liquide qui s'est évaporé, que le produit d'un changement dans la composition de celui-ci (§ 820, r ). On le trouve tel dans l'estomac vide, et à l'état neutre. Mais que le viscère vienne à être stimulé, su; tout par des alimens, le suc gastrique s'échappe sous la forme d'un liquide clair comme de l'eau et acide. Si on laisse ce suc en repos, le mu- cus se précipite en flocons, et le liquide surnageant n'est plus aussi visqueux; on peut aussi séparer le mucus par la filtra- tion. Celui-ci n'est donc pas dissous dans l'acide du suc gastri- que ; en effet, les acides le dissolvent difficilement, et l'acide acéiique n'exerce pas d'action dissolvante sur lui. Mais puis- qu'il ne traverse pas un filtre , la digestion des alimens ren- fermés dans de petits sacs en toile (§ 941 ,3°) ne pourrait dépendre de lui , et il faut qu'elle soit l'effet du liquide qui pénètre à travers l'enveloppe. Aussi, d'après Schwann (1), le mucus, s'il se trouve dans le suc gastrique artificiel , est-il décomposé, et non pas seulement à l'état de dissolution, puis- qoe la liqueur exerce son pouvoir digestif alors même qu'on l'a filtrée. 5° Schwann admet donc (2) une substance digestive parti- culière, la pepsine; substance qui se dissout dans l'eau, l'a- cide chlorhydrique étendu et l'acide acétique , que l'alcool et la chaleur de l'ébullition décomposent, que l'acétate de plomb, le deutochlorure de mercure et le tannin précipiient , mais qui n'est point précipiiable parles alcalis ni par le cyanure de potassium et de fer. Pour la mettre en évidence, il faut ajou- ter du cyanure de potassium et de fer au suc gastrique arti ficiel, filtrer la liqueur, la neutraliser par le carbonate de po- tasse, y verser du deutochlorure de mercure, qui précipite la pepsine combinée avec l'osmazome , redissoudre ces sub- stances par l'addition de l'acide chlorhydrique, faire passer un courant de gaz sulfhydrique dans la liqueur, enfin les sé- (1) Loc. cit., p. 114. (2) Jb., p. 116. 3l6 DE LA DIGESTION. parer du sulfure de mercure : il ne reste plus alors qu'à séparer l'osmazome de la pepsine {1). On donne le lait comme réactif de celte dernière, de manière qu'un liquide neutre qui fait cailler le lait , et qui perd cette propriété par une courte ébullition , doit être considéré comme contenant de la pepsine (2). D'après Valentin (3), la pepsine a beaucoup d'affinité avec l'albumine liquide, et peut être même est-elle identique avec elle sous le rapport des principes constituans médiats, quoique ie blanc d'œuf mêlé d'acide ne possède au- cun pouvoir digestif. La présure, ou la matière digérante con- tenue dans les cryptes de l'estomac, n'est point volatile , sui- vant Purkinje et Pappenheim (4), et, soit sèche, soit en disso- lution , elle conserve pendant long-temps sa vertu ; mais la chaleur la lui fait perdre. Pour opérer la digestion , elle n'a besoin que de l'addition d'un acide quelconque ou du déve- loppement de cet acide par le galvanisme. 6" Une circonstance s'élève contre la présence dansi'esto- mac d'une matière digérante spéciale : c'est qu'on peutaussi , avec d'autres matières animales , préparer, en y ajoutant de l'acide, un liquide analogue au suc gastrique artificiel. Carmi- nati préparait un suc gastrique artificiel en faisant digérer pendant seize heures deux gros de veau dans une once d'eau de fontaine , avec cinq grains de sel marin ; mais il ne s'est servi de ce liquide que pour des usages thérapeutiques. Du veau, que Montègre avait placé dans un mélange de deux tiers de salive et d'un tiers de vinaigre , paraissait ramolli , sans néanmoins être entièrement dissous ; mais, au bout de quatre mois, on n'y apercevait encore aucun indice de putréfac- tion , tandis que , dans de la salive seule , il commençait à se pourrir au bout de vingt-quatre heures. Les expériences suivantes sont plus concluantes que celles-là. Eberle (5) a trouvé que tout mucus quelconque, par exemple celui du nez, (1) iô., p. 126. (2) Ib., p. 430. (3) Mepertorium, t. H, p. 200. (4) Froriep, Noiizen^ t. !>, p. 210, (5)I-oc.cîï., p. 78, t)E LA DIGESTION. Sl^ OU que toute membrane vésiculeuse , associée à l'acide chlor- hydrique ou à l'acide acétique, digérait aussi bien que la membrane stomacale. Purkinje et Pappenheim (1) disent éga- lement qu'en ajoutant de l'acide à la plupart des autres mem- branes intestinales et au pancréas, on se procure un suc gastri- que artificiel fort actif. Du reste, Schwann (2) assure que la pep- sine n'exerce pas son action digérante sur tous les alimens , qu'elle ne la fait sentir qu'à l'albumine et à la fibrine ; la ma- tière caséeuse, la gélatine et le gluten étant digérés par l'acide libre du suc gastrique , et l'amidon par la salive qui se mêle avec ce suc. ( La propriété qu'Eberle a découverte dans la membrane muqueuse stomacale acidifiée d'exercer une action digérante, principalement sur l'albumine coagulée, ne saurait être révo- quée en doute. Cependant une propriété digérante analogue, mais bien moins prononcée , semble appartenir aussi à toutes les autres substances animales. Pour le constater, j'ai traité diverses parties de Chiens morts delà mêmemanière abso- lument qu'Eberle , Muller et Schwann prescrivent de le faire pour la membrane muqueuse de l'estomac; je les ai lavées avec soin, séchées, puis traitées par un poids quadruple d'eau contenant douze gouttes d'acide chlorhydrique par once, et j'ai fait digérer le tout pendant vingt-quatre heures à une tempé- rance de trente-deux degrés R. Je plongeai dans chacun des liquides ainsi obtenus deux morceaux cubiques d'albumine, pesant chacu douze grains, et je fis digérer le mélange à une douce chaleur. Pour avoir un terme de comparaison, je mis de pareils cubes d'albumine dans du suc gastrique artificiel pro- duit par la membrane muqueuse stomacale acidifiée, dans de l'eau distillée à laquelle j'avais ajouté une quantité propor- tioonelle d'acide, dans de l'eau distillée non acide, et enfin dans de la salive non acide. Voici quels furent les résultats : 1" Dans le suc gastrique préparé avec la membrane stoma- cale, les cubes étaient, auboutde vingt-quatre heures, trans- parens et mous en grande partie ; au bout de quarante-huit (1) Froriep, Notisen, t. L, p. 211, {2)Loc. cit., p. 136. 3l8 DE LA DIGESTION. heures, il n'en restait plus que deux petites masses brunâtres, pesant ensemble trois grains. 2° Dans l'eau acidulée, qui demeura parfaitement limpide, les morceaux d'albumine étaient encore blancs et durs au bout de quarante-huit heures ; le huitième jour, ils étaient durs, mais un peu rougeâlres , et pesaient ensemble vingt-deux grains. 3° L'eau non acidulée avait, au bout de quarante-huitheures, une odeur de lait non désagréable, et elle était troublée par une multitude de flocons blancs, détachés de la surface de l'albumine. Au quatrième jour, l'odeur était putride; l'eau était rendue toute blanche et trouble parles flocons ; des moi- sissures s'étaient développées sur les parois du vase. 4° La salive non acide se putréfia au bout de quarante-huit heures ; une épaisse couche de moisissure la couvrait ; l'albu- mine était blanche et molle ; des flocons blancs s'étaient dé- tachés de la surface. 6° Dans la liqueur préparée avec la tunique musculeuse de l'eslomac du chien, les morceaux d'albumine, au bout de qua- rante-huit heures, étaient mous, livides et transparens sur les bords ; ils pesaient vingt-deux grains. Le huitième jour, ils étaient très-mous et réduits à huit grains. J'avais précédem- ment constaté une puissance digérante bien plus forte encore dans la membrane charnue de l'estomac du veau ; ici la di- gestion semblait être aussi complète qu'avec la membrane mu- queuse ; la seule différence appréciable consistait en ce que le liquide préparé avec la première passa très-promptement à la putréfaction, tandis que le second se conserva pendant des semaines entières. 6^ Dans la liqueur préparée avec la membrane muqueuse de la trachée-artère, les morceaux d'albumine étaient, au bout de quarante-huit heures, d'un jaune pâle, mais peu translu- cides, et ils ne pesaient que seize grains. Le huitième jour, ils avaient la même couleur , mais étaient fort mous, et leur poids se trouvait réduit à dix grains. 7° Après quarante huit heures de séjour dans la liqueur préparée avec la substance pulmonaire, les morceaux d'albu- mine étaient jaunâtres, translucides sur les bords j il§ ne pe<; DE lA DIGESTION, ÔIQ Sàîent que dix-neuf grains. Au bout de huit jours, ils étaient colorés en brun et entièrement transparens, comme du^succin ou du sucre candi. Leur poids n'était plus que de quatorze grains. 8° Dans la liqueur préparée avec une membrane séreuse^ le péricarde surtout, les morceaux d'albumine étaient, au bout de quarante-huit heures, livides et du poids de vingt- deux grains. Le huitième jour, ils étaient moins transparens, mais bruns et très-mous ; ils ne pesaient plus que dix-sept grains. Les mêmes résultats ont été fournis parla liqueur préparée avec du tissu cellulaire pur. 9** Dans la liqueur préparée avec la substance du foie, les morceaux d'albumine étaient très-brunis au bout de quarante- huit heures, et pesaient vingt grains. Le huilième jour, ils étaient d'un brun noirâtre, peu ramollis et translucides sur les bords seulement. Ils pesaient dix-huit grains. 10'' Dans la liqueur préparée avec la vessie urinaire en- tière, ils étaient, au bout de quarante-huit heures, livides et noirs par place ; leur poids s'élevait à vingt grains. Le hui- tième jour, ils étaient convertis en une masse semblable à de la gélatinCj mais qui pesait toujours vingt grains. '11« Dans la liqueur préparée avec le parenchyme des glan- des salivaires, l'albumine était devenue, au bout de quarante- huit heures, d'un rougeâtre livide, et transparente sur lesbords, mais sans perle de son poids. Le huitième jour, elle paraissait toute noire ; elle était très-molie et transparente, mais pesait encore vingt-deux grains. 12» Dans la liqueur préparée avec des lambeaux de mus- cles obéissant à la volonté, les morceaux d'albumine étaient, au bout de quarante huit heures, brunâtres et un peu trans- lucides. Le huitième jour, ils n'étaient pas sensiblement ra- mollis , mais ils ne pesaient plus que dix-sepl grains. ly Dans !a liqueur préparée avec la substance nerveuse pure, ils étaient livides, mais moins pesans, au bout de qua- rante-huit heures. Le huitième jour, leurs bords étaient trans- lucides et ramollis; mais ils pesaient encore vingt -deu]( grains. 320 DE LA DIGESTION. 14o Plusieurs autres parties animales donnèrent des résul- tats analogues ; ce qui fait que nous les passons sous silence. Il a été constamment remarqué que la dissolution marchait avec d'autant plus de lenteur, que la substance employée à la préparation de la liqueur contenait davantage de graisse. Il est hors de doute qu'une véritables digestion a eu lieu dans les cas précités ; car, à l'aide des moyens connus, on parvint, après la dissolution partielle de l'albumine, à démontrer la présence de l'osmazome et de la ptyaline dans les diverses liqueurs) (1). 2. SECONDE PÉRIODE. § 944. Lorsqu'une occlusion] maladive du pylore empêche le chyme de passerdans l'intestin, le marasme et la mort^ s'en- suivent. L'action de l'estomac ^ne suffit donc pas pour que la nutrition du corps s'accomplisse d'une manière convenable, et il faut encore le concours de l'intestin. Ce concours peut consister, ou dans le transport du produit de la digestion, ou dans la continuation du travail digestif lui-même. 1° Dans le premier cas, la digestion serait terminée après les changemens que les substances alimentaires subissent dans l'estomac, et l'intestin n'aurait que deux offices à remplir : celui de conduire le produit de l'opération à la masse du sang par le moyen de ses nombreux vaisseaux lymphatiques, et celui de reporter au dehors les portions incapables de s'assi- miler. Ainsi, sans sa coopération, l'estomac formerait tout autant de chyle, mais il n'en fournirait pas autant au sang, et, par conséquent, nourrirait moins. On pourrait alléguer en fa- veur de celte manière de voir, les cas dans lesquels la vie s'est soutenue, dit-on, pendant huit à vingt ans, malgré le vomis- sement habituel de^tous les alimens (2). Cependant il faut bien qu'alors une partiedu chyme ait passé dans l'intestin, car on ne connaît aucun exemple d'individu qui, ayant le pylore com- plètement fermé, ait pu, par le seul fait de la digestion stoma- cale, se nourrir assez pour prolonger son existence durant six (1) Addition d'Ernest Burdaeh. (2) Ilnller, Elem. physiolog., t. VI, p. 337. i)E LA DIGESTION, 321 mois. D'un autre côté, elle a contre elle les cas dans lesquels la seule digestion intestinale a suffi pour entretenir la vie pen- dant quelque temps ; tel était celui d'un malade dont parle Layard (1), et qui, ne pouvant rien prendre par le haut, fut nourri durant trois mois par des lavemens de bouillon. De ce que des Grenouilles auxquelles on avait enlevé tout le mé- tentère, continuèrent de vivre sans manger, Krimer con- clut (2) que la nutrition fut alors accomplie par l'estomac seul ; mais l'intestin avait incontestablement conservé la vie par les anastomoses de ses vaisseaux avec l'estomac intact, de sorte qu'il était demeuré en état de concourir à la digestion. 2° En même temps que l'intestin exerce de toute évidence une absorption abondante, car les déjections deviennent plus arides quand le séjour du chyme dans son intérieur se pro- ionge^ qu'elles ne le sont lorsque celui-ci le traverse rapide- ment, il doit aussi continuer la digestion commencée, et agir de la même manière que l'estomac , puisque sa sécrétion est la même, quant au fond. Magendie a trouvé que delà viande crue, portée dans le duodénum d'un Chien, où on la fixait au moyen d'un fil, était déjà digérée à moitié au bout de trois heures ; et il fait observer que, l'homme survivant quelque- fois assez long-temps aux désorganisations de l'estomac, la digestion doit nécessairement alors s'accomplir par l'intestin. D'ailleurs, il est clair que, chez certains animaux, par exem- ple, les Oiseaux granivores et les Chevaux, les alimens subis- sent peu de changement dans l'estomac, et que c'est dans l'intestin grêle seulement qu'ils se convertissent en chyme. 3° Mais l'intestin ne se borne pas à continuer la digestion commencée dans l'estomac , par une action analogue à celle de ce viscère . il la perfectionne encore par un mode d'ac- tion qui lui appartient en propre. On doit bien s'attendre à ce que les choses se passent ainsi , puisque des liquides spé- ciaux , la bile et le suc pancréatique , alïluent dans l'intestin, et la preuve en est d'ailleurs fournie par le changement de nature qu'éprouve le chyme , ainsi que par la formation du (1) Hist. de V/lcad. des se., 4750, p. 40G. (2) fersuch einar Physioloijiedes Blutes^ p. 65. IX. ai 322 DE LA DIGESTION. chyle. Les boissons disparaissent très-promptement de l'es- tomac ; une portion imbibe les alimens , une autre passe dans l'intestin , et une autre encore est absorbée par les vaisseaux. Magendienous apprend que la ligature du pylore n'empêche pas les boissons de disparaître de Testomac avec tout autaotde ra- pidité qu'elles le feraient si l'orifice était libre (1), et la promp- titude avec laquelle cet effet s'opère ne permet pas, suivant la remarque d'Eberle (2), de songer à une assimilation. Que certains liquides passent immédiatement de là dans le sang, c'est ce qu'atteste déjà leur prompte apparition dans l'urine (§§ 840, 7°; 866, d"), et si une demi-heure suffit pour faire disparaître deux onces de l'eau teinte avec de l'indigo ou delà garance, que Home (3) avait injectée dans l'estomac de Chiens, après la ligature du pylore , les vaisseaux lymphatiques du viscère ne se montrèrent ni colorés, ni même seulement gor- gés de liquide. Ces vaisseaux , comme le fait déjà remarquer Haller (4), n'absorbent qu'un liquide ténu et incolore; Bro- die (5), Fohmann (6) et autres n'y ont rien rencontré qui res- semblât à du chyle , et Tiedemann les trouva pleins d'un li- quide aqueux , semblable à du petit lait , chez des Chiens aux- quels il avait donné du lait vingt-cinq minutes auparavant (7). Nous devons donc regarder comme erronée l'assertion de Leuret et Lassaigne (8), qui disent qu'on y trouve déjà du chyle. Ce liquide n'apparaît réellement que dans les vais- seaux lymphatiques de l'intestin , dans lequel par conséquent s'accomplit une transformation nouvelle et toute particulière , ou , comme on dit , une seconde digestion. La digestion sto- macale n'est donc qu'un travail préparatoire de la formation du chyle, but de toute digestion, et c'est d'après cette échelle qu'il faut apprécier la véritable valeur de toutes les recherches (ij Précis élémentaire^ t. II, p. 425. (2) Loc. cit.^ p. 467. (Zy Lectures on comparative anatomy^ t. I, p. 224. (4) Elem.physiol., t. VI, p. 338. (5) Fioriep, JSotizen, t. IV, p. 478, (6) Jnatomische U)itersuchung, p. 34. (7 lis) Jiechei'ches sur la diyestion^ 1. 1, p. 212. {S)Jiech, ^ur la digestion, p. 124. 'B- DE LA DIGESTIOK. 323 faites sur ce qu'on appelle la digestion artificielle. Eberle , malgré le succès de ses expériences sur le suc gastrique fac- tice , n'en dit pas moins que l'assimilation et ranimaijsation sont réservées à l'intestin (d) ; cette preuve d'impartialité lui fait honneur. § 9i5. L'intestin grêle est le laboratoire oîi la digestion atteint son second degré ; un peu resserré surglui-même dans l'état de jeûne , il se distend lorsque le chyme y parvient , entre en turgescence , et se livre à des mouvemens plus vifs. 1° Sa membrane muqueuse rougit , et commence à sécré- ter en plus grande abondance. Les excitans purement mé- caniques, comme des cailloux, n'accroissent pas moins cette sécrétion, que les stimulans chimiques, par exemple, le poivre (2), les sels (3), ou que les excitans dynamiques (§ 838, 2'^). Mais , dans l'état normal, la bile qui s'épanche agit de telle sorte que l'on rencontre plus de suc intestinal sur les points avec lesquels elle entre en contact ; et après avoir exprimé la vésicule biliaire , surtout chez un animal qui n'a pas pris d'alimens depuis long-temps , on voit le liquide mu- quéux sortir en plus grande quantité (/i). Le suc intestinal contient du mucus, de l'albumine, de l'osmazome, de la ptyaline (§ 820, III), et pendant la digestion de l'acide libre, ainsi que l'ont observé Tiedemann et Gmelin (5), et Schultz(6). Comme il a coutume d'être neutre chez les ani- maux à jeun , ou dans l'état de non stimulation , la réac- tion acide ne se prononce ni dans tous les cas , ni sur tous les points de l'étendue de l'intestin. 2" Quand l'animal est à jeun , la plus grande partie de la bile coule dans le vésicule , de sorte qu'on trouve toujours celle-ci pleine lorsque l'estomac et le duodénum sont vides. Mais elle suinte aussi en partie dans l'intestin, dont, par cela même , on trouve toujours la partie supérieure plus ou (1) Loc. cit., p. 464. (2) Tiedemann, Rech. sur la digestion^ t. I, p. 170. (3) Haller, Elem. physiol.^ t. VII, p. 104. (4) Eberle, loc. cit., p. 314. {6) Loc. cit., f. no. ^6>Z>e alirit, concoot,, p, 39, t ; 524 DE lA DIGESTION. moins teinte en jaune. Dans un cas d'anus artificiel , qui pen-^ dant long-temps obligea d'employer des lavemens nourris- sans , et ne permit au malade que de prendre en petite quan- tité une boisson mêlée de vin du Rhin , Acrel a vu de la bile pure sortir par la plaie , en place d'excrémens. Dans un cas analogue, observé par Lallemand(l)5 il s'échappait le matin, à jeun , cinq ou six cuillerées d'un liquide visqueux , jauuâtre , transparent , qui paraissait être un mélange de suc intestinal, de bile et de suc pancréatique. Magendie dit que, chez les Chiens, la bile coule d'une manière intermittente (2), et qu'il en sort à chaque minute environ deux gouttes , qui s'étalent à la surface de l'intestin. Cet afflux continue pendant la di- gestion, probablement en plus grande abondance, et en même temps la bile s'épanche de la vésicule , qu'on trouve alors moins pleine ou complètement vide. L'évacuation com- mence , d'après Macdonald (3), dès l'instant qu'il arrive des alimens dans l'estomac , et suivant Bichat , à l'époque seule- ment où le chyme parvient dans l'intestin. Elle tient à plu- sieurs causes ; d'abord , à ce que la pression de l'estomac plein rétrécit la vésicule biliaire qui , dans l'intervalle des repas , au contraire , trouve assez d'espace pour s'emplir (4); ensuite, à ce que l'orifice du canal cholédoque se dilate par l'effet de la turgescence du duodénum; enfin à ce que l'irri- tation se propage de l'intestin aux organes biliaires ( § 846, IV), et détermine la vésicule à se contracter (§ 793). 3* Magendie a vu le suc pancréatique suinter à des épo- ques moins rapprochées, chez les Chiens; il n'en coulait souvent qu'une goutte tous les quarts d'heure , mais parfois cependant la sortie de ce liquide avait lieu avec plus de rapidité. 4° Le chyme jaunit après l'afflux de la bile , et il prend une teinte de plus en plus foncée à mesure qu'il avance dans l'intestin grêle : il devient plus homogène , et les ali- (1) Observations pathologiques, p. 74. (2) Précis élémentaire, t. II, p. 16. (3) Meckel, Deutsches Archiv^ t. VI, p, 565. (4) Haller, Elem. pht/siol., t. VI, p. 299. DE LA DIGESTION. 52 5 mens y sont de plus en plus difficiles à reconnaître ; il ac- quiert plus de diffluence dans le duodénum , mais sa consi- stance augmente àlmesure qu^il chemine ; son odeur est fade , sa saveur douceâtre , et il contient des flocons et des stries blanchâtres ou jaunâtres (Des substances que j'ai vues sortir d'un anus artificiel situé à la partie supérieure de Tintestin grêle , avaient la couleur du vert-de-gris ; elles contenaient toujours beaucoup de bulles d'air , du mucus , des grumeaux, verdâtres , liés ensemble , et semblables à du chou vert haché, enfin, des portions non digérées d'alimens) (1). L'a- cide libre diminue dans le trajet de l'intestin ; il persiste sui- vant Haller (2), etMagendie (3); Emmert prétend qu'il est très-peu prononcé à la partie inférieure de l'intesîin grêle. D'après Tiedemann et Gmelin , il disparaît ordinairement , mais non toujours , dans cette dernière région , soit qu'à l'a- cide chlorhydrique se substitue l'acide acétique, mis en liberté par l'autre qui se combine avec la base de l'acétate de soude de la bile, soit que l'acide, quel qu'il soit, s'unisse à la soude libre de la bile , qui néanmoins n'existe pas en quan- tité considérable chez les Chiens , soit enfin qu'un commen- cement de putréfaction dégage de l'ammoniaque des ali- mens , ou que l'acide libre vienne à être absorbé et à être neutralisé dans les ganglions mésentériques , par une sécré- tion alcaline du sang. La seule chose que l'expérience ensei- gne , c'est que cet acide se dissipe peu à peu après le mé- lange de la bile avec le chyme. Ainsi , Prout (4) a neutralisé le chyme tiré de l'estomac d'un Lapin , en y ajoutant de la bile ; du reste , le chyme du duodénum de Bœuf lui a offert de très-faibles traces d'acidité , tandis que celui des Chiens , des Lapins et des Tanches n'en présentait aucune ; le chyme du Bœuf et celui des Chiens nom ris avec du pain coagulait le lait, ce qui n'arrivait pas chez les Chiens nourris de viande , non plus que chez les Lapins , ni chez les Tanches. La matière (1) Addition deDieffenbach. (2) Haller, loc. cit.. t. VIT, p. 53. (3) Précis élément., t. II, p. 103. (4) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 227. 5^6 bE li biGESTioN. caséeuse qui avait été précipitée du lait dans l'estomac , re- passe à Tétat liquide dans l'intestin grêle. Suivant Werner , l'albumine qui avait été fluidifiée dans l'estomac se trouve de nouveau coagulée par l'acide de l'intestin. Tiedemann et Gmelin disent que la gélatine prise à litre d'aliment est dé- composée , que l'amidon se convertit en sucre , et que les os sont dépouillés de leur substance animale. 4"^ Les mêmes observateurs ont trouvé de l'albumine dans le chyme ou l'intestin grêle, même chez des animaux herbi- vores ; ils laissent indécise la question de savoir si cette sub- stance provenait du suc intestinal et du suc pancréatique, ou si e'ile s'était formée par l'action de la matière analogue au caséum sur des alimens dépourvus d'azote (1). Ils font re- marquer, au reste , qu'elle diminue dans la partie inférieure de l'intestin grêle , à l'extrémité duquel on n'en rencontre même plus (2). Emmert , au contraire , n'en a point trouvé dans la parLie supérieure de l'intestin des Chevaux, tandis que la partie inférieure en contenait, qui ne se coagulait point, il est vrai, par l'action de la chaleur, mais qui , bouillie avec la potasse, donnait une faible odeur hépatique quand on ajou- tait un acide à la liqueur (3). Treviranus a précipité par Tal- cool, du chyme d'une Poule nourrie avec de l'orge, de l'albu- mine qu'il dérive de la bile (4). Prout faisait bouillir le chyme avec de l'acide acéiique , et ajoutait du cyanure de potassium au liquide filtré ; chez un Chien , nourri de végé- taux, ce réactif demeura saos effet; mais, chez un au're qui avait mangé de la viande, il se précipita de l'albumine , for- mant 0,013 du chyme. Chez des Lapins qui avaient mangé du son et de l'avoine , le commencement de l'intestin grêle contenait très-peu d'albumine ; il y en avait davantage à six pouces du pylore; à peine en distinguait-on des traces encore à deux pieds de cette ouverture, et il ne s'en trouvait plus à la partie ini'érieure de l'intestin grêle. Mais quand on ouvrait (dj Rech. sur la digestion, t. II, p. 465. (2)/6.. t. I, p. 387, 388. (3) Reil, Jrchiv. t. Vllt, p. 176. (4; Eioloijie, t IV, p. 474. ht U ©IGESTIONr ^ Sâ-^ l'anîmallong-temps après qu'il avait mangé , l'albumine était abondante dans le duodénum et dans tout l'intestin grêle, à l'extrémité duquel il n'y en avait cependant que fort peu. De même, un Pigeon en présenta une petite quantité dans !e voi- sinage du pylore ; elle augmentait jusqu'à la distance de six pouces, à partir de laquelle elle allait en diminuant jusqu'à cellede douze pouces. Chez une Tanche, le commencement de l'intestin n'en renfermait pas, et l'on n'en rencontrait qu'assez loin de son origine. 5° Prout a cru reconnaître aussi des traces de fibrine com- mençante; le chyme du duodénum devenait plus visqueux et plus ferme à l'air, mais reprenait sa fluidité première au bout d'une à deux heures. 6" Tiedemann et Gmelin ont trouvé encore une matière ana- logue à la caséeuse, de l'osmazome et de la ptyaline, substan- ces qui pourraient fort bien provenir de la salive et des autres sécrétions mêlées au chyme. 7 J Une portion de la bile mêlée avec le chyme a neutra- lisé l'acide de ce dernier, comme l'a démontré Prout surtout ; en se combinant avec lui, elle a perdu sa solubilité dans l'eau, et s'est rapprochée davantage de la nature d'une résine. 8° (Six heures après qu'un Lapin eut mangé des pommes- de-terre, on lui tira le chyme de restomac,"on l étendit d'eau , en ajoutant de l'alcali jusqu'à saîuration parfaite de l'acide , et on filtra. La liqueur qui traversa le filtre était un peu trou- ble. On en fit chauffer fortement une partie, et on versa dans l'autre de l'acide sulfuriqne. Dans toutes deux il se produisit un léger coagulum nageant, de couleur jaune clair, qui fut considéré comme de l'albumine. La même expérience fut ré- pétée à plusieurs reprises sur des Chiens qui avaient et- nourris avec du pain ; mais ni la chaleur, ni le deulochlorure de mer- cure, ni l'acide, ne mirent d'albumine en évidence dans le chyme de l'eitomac. Cette substance était facile à reconnaî- tre, au contraire , dans le chyme de l'intestin grêle, tant chez les Chiens que chez les Lapins. Quand on étendait d'eau du chyme , soit de l'estomac, soit de l'intestin grêle, d'un Chien, ou d'un Lapin, et qu'on Texposait ensuite à une cha- leur modérée, on obtenait, après l'évaporation complète , un 5^8 DE lA DIGESTION. résidu sec, brunâtre, qui se dissolvait en petite quantité dans l'alcool et en plus forte proportion dans l'eau. La tein- ture de noix de galle, ajoutée à la dissolution, tant alcoolique qu'aqueuse, faisait naître des flocons blancs; il s'était donc formé de l'osmazome et de la ptyaline. Après l'évaporaliou de la liqueur, la quantité de ces dernières substances paraissait toujours plus considérable , proportionnellement , dans le chyme de l'intestin grêle que dans celui de l'estomac : cepen- dant il n'y avait pas moyen de déterminer la proportion , at- tendu qu'il était impossible de savoir combien le contenu de l'estomac renfermait de véritable chyme "et combien de sim- ples résidus d'alimens) (1). 9° Nous exposerons plus loin (§ 950, ) les motifs qui donnent à penser qu'une formation de graisse a lieu dans les organes digestifs. 2, TROISIÈMB PÉRIODE. § 946. C'est dans le gros intestin que s'accomplit la troi- sième période de la digestion. 1° Cet organe cède le pas à l'intestin grêle par rapport à l'action digestive. Il est moins riche en vaisseaux, n'a point de villosités complètes, ne rougit pas quand le chyme arrive dans son intérieur, et n'entre pas en contact si intime avec lui, at- tendu que son ampleur et sa brièveté ne permettent pas qu'il l'embrasse aussi directement , ni qu'il lui présente autant de surface. Ses mouvemens ont moins pour but d'aider à l'éla- boration des alimens , que de diriger peu à peu les matières vers l'anus, oii elles s'accumulent. Outre que ses fibres circu- laires sont plus faibles , ses fibres longitudinales, réunies en bandelettes, le raccourcissent, et produisent ainsi des cellules, dans lesquelles le chyme peut s'amasser. La même chose ar- rive dans ses inflexions à angle droit , notamment dans sa courbure gauche, tandis que son expansion en forme de sac, le cœcum , retient nécessairement le chyme. Enfin il est en grande partie fixé à la paroi abdominale et peu mobile , car le feuillet extérieur du mésocolon ascendant et du mésocolon transverse est fort court. (1) Addition d'Ernest Burdach. DE lA DIGESTION. 52^ 2° Cependant il absorbe assez vivement. Non seulement les substances narcotiques administrées par cette voie causent la- stupeur, et d'autres , priocipalement les résines , se retrouvent- dans l'urine, mais encore des lavemens ordinaires sont fré- quemment absorbés en entier, et les personnes atteintes de la diarrhée parviennent quelquefois à la faire cesser en se retenant pendant quelque temps; les matières qu'elles rendent ensuite ont de la consistance. Les lavemens nutritifs sou- tiennent aussi la vie durant quelques semaines ou mois,|et sui- vant les observations de Hood, il peut même s'opérer dans le rectum une transformation des alimens analogue à la digestion stomacale (§ 655, 1°). Enfin on trouve dans les vaisseaux lym- phatiques du gros intestin , du chyle qui ne paraît pas diffé- rer de celui de l'intestin grêle (1). (Il m'a semblé que la nour- riture liquide injectée par l'anus artificiel, était digérée, tan- dis que celle qu'on introduisait dans le rectum , le bouillon peut-être excepté , l'était peu ou point. Le lait ne sortait sou- vent qu'où bout de trois ou quatre jours, en gros grumeaux » accompagnant les masses ordinaires de mucus épais et vis- queux) (2). 3" Quand le gros intestin a reçu du chyme, un acide libre apparaît dans sa sécrétion, comme dans celle de l'estomac et de l'intestin grêle. Mayer a vu (3), chez de jeunes Chiens et Chats , l'acide , qui avait disparu à la partie la plus inférieure de l'intestin grêle, reparaître depuis le cœcum jusqu'à l'anus,^ avec tout autant d'intensité qu'il en avait dans l'estomac , et Fohmann a obtenu un liquide doué de réactions acides en comprimant les follicules nombreux qui garnissent le com- mencement du gros intestin des animaux carnivores (4). Celte réaction est très-prononcée surtout dans le cœcum, où Viri- det l'avait déjà remarquée chez des Lapins , dont l'intestio grêle n'en offrait aucune trace. Tiedemann et Gmelin ont con- firmé le fait par des observations sur divers animaux, de sorte (1) Haller, Elem. physiol., t. VII, p. 477. (2) Addition de Dieffenbach. (3)Fioriep, Notizen,t. XXVI, p. 228. (4) Anatomische Uniersuchung, q. 52. 53o DE U DIGESTION^ qu'ils considèrent le cœcum comme un analogue de l'estomac, principalement chez les herbivores, opinion que partage Tre- viranus (1) . Schultz a trouvé le suc du cœcum neutre, ou même alcalin, chez les Lapins, les Brebis et les Bœufs à jeun, mais acide quelques heures après l'ingestion des alimens (2). Eberle a fait aussi des remarques analogues (3). La perte de l'appen- dice cœcal n'entraîne aucune conséquence fâcheuse pour la vie ; on a regardé cette partie comme un organe embryon- naire (4) ; mais ce n'est autre chose qu'un follicule fort alongé, qui sécrète du suc intestinal acide, et le verse dans le cœ- cum (5). 4° Le cœcum est ph»s développé chez les animaux qui vivent de nourriture végétale ou mixte, que chez les carni- vores. Cette particularité annonce qu'il a pour principal usage de digérer les substances qui ne sont assimilables qu'après avoir passé par plusieurs degrés successifs de digession , ainsi que celles qui sont mêlées avec beaucoup de parties non sus- ceptibles d'assimilation , en général d'extraire les matériaux digestibles qui peuvent exister encore dans le chyme , et de contribuer ainsi à la formation du chyle. Lorsqu'il s'agit de substances qui résistent à la digestion, une sécrétion fort abon- dante s'établit dans le cœcum. Home a trouvé, dans l'esto- mac d'Anes auxquels on avait administré une once de rhu- barbe , après les avoir privés d'alimens et d'eau pendant deux jours , une masse gélatiniforme , mêlée de rhubarbe : l'in- testin grêle était vide , tandis que le cœcum et le rectum con- tenaient plusieurs pintes de hquide , avec de la rhubarbe. La digestion s'accomplit également ici par un acide libre : car , suivant Schultz (6), celui-ci est d'autant plus fortement déve- loppé dans le cœcum , que la nourriture non encore digérée contient davantage de substances aptes à être dissoutes; il était très-abondant chez des Rats qui avaient mangé de la (1) Biologie, t. IV, p. 476. (2) De aliment, concoct., p. 37. (3) Loc. cit., p. 348. "• (4) Haller, Elem. physiol., t. VII, p. 119. (5) Ib., p. 54, 121. (6) Loc. cit., p. 44. DE Ik DIGESTION. 35l graisse , dont l'intestin grêle avait peu avancé la digestion ; plus chez les Lapins nourris d'avoine et les Boeufs nourris de farine , que chez ceux de ces animaux qui avaient brouté de l'herbe ; et tandis qu'il est généralement faible chez les car- nivores, il était fort prononcé chez un Chien qui avait manjjé beaucoup de pommes de terre. Suivant la théorie d'Eberle , cet acide se combine en partie avec le carbonate alcalin pro- venant de l'intestin grêle , et dégage du gaz acide carbonique ; une autre portion dissout les substances encore solubles , qui se mêlent avec l'albumine du suc cœcal et sont absorbées. 50 Nous devons admettre que la bile déploie également ici son action. Une partie de ce liquide a neutralisé l'acide du chyme , dans l'intestin grêle , et s'est par là décomposée ; le reste , non encore décomposé , est mêlé avec le chyme , et peut , après que de l'acide a reparu dans le cœcum , agir de nouveau sur le chyme acide. Nous reconnaissons donc, avec Schultz (1), qu'une réapparition d'acide et une nouvelle neu- tralisation par la bile ont lieu dans le cœcum , et que celte double opération se continue , bien qu'à un moindre degré , dans le reste du gros intestin. Mais Schultz a émis des hypo- thèses que l'expérience ne justifie pas , quand il assigne des époques différentes à ces deux actes , quand il admet que la valvule iléo-colique est destinée à empêcher la bile de pé- nétrer dans le cœcum avant le moment où le chyme s'y trouve complètement acidifié (2), que la transformation opérée dans cet intestin est la seconde période de la digestion et fait an- tagonisme à cette dernière, qu'en conséquence celle-ci la trouble , parce que si de nouveaux alimens viennent à pé- nétrer dans la partie supérieure du tube intestinal , la bile est employée à saturer le chyme de nouvelle formation , et par conséquent empêchée de couler dans le cœcum (3) ; enfin que, d'après cela, on ne doit pas manger avant la fin de la digestion cœcale , que cette dernière appartient à la nuit, comme la digestion stomacale au jour , et que les alimens pris (1) Loc. cit.. -p. 88. (î) 74., p. 89. (3) Ib., p. 18. 552 i)E lA DIGESTION/ pendant la soirée passent sans être digérés (1). En effet , nulle observation n'autorise à admettre que , dans l'état normal , de la bile exempte de tout mélange traverse la longueur en- tière de l'intestin grêle vide , qu'elle soit retenue par la val- wule iléo-cœcale , et que cette valvule se relâche ensuite pour 3a laisser passer. Nous devons plutôt nous ranger à l'opinion -d'Eberle, qui considère le changement que le chyme subit ><3ans le gros intestin comme le troisième acte de la digestion, vou comme une répétition de la digestion de l'intestin grêle , avec cette différence qu'ici le travail s'accomplit non plus sur du chyme acide , mais sur du chyme déjà neutralisé par la bile, et qui a besoin d'être acidifié de nouveau. 6° Le chyme acquiert de plus en plus, dans le gros intestin, les caractères des matières excrémentitielles , dont la forma- tion avait déjà commencé vers la partie inférieure de l'in- testin grêle : il devient plus brun , plus épais , et prend une odeur répugnante. Suivant Prout, une partie de la matière biliaire qui s'y trouve mêlée est convertie en résine parfaite. L'albumine, qui avait disparu à l'extrémité inférieure de l'intestin grêle , reparaît dans le cœcum , au dire de Tiede- mann et Gmelin (2). Eberle prétend :qu'il se développe ici de l'ammoniaque, et qu'on y rencontre , par conséquent , plu- sieurs sels qui doivent empêcher la décomposition et la putré- faction d'aller trop loin. B. Produits de la digestion. §947. Les produits de la digestion se partagent en ceux qui sont expulsés par l'intestin , et en ceux qui sont admis dans le système vasculaire. 1. PRODUITS A ÉLIMINER. Cette catégorie comprend les gaz et les excrémens. a. Gaz. 1" Nous avons déjà rapporté (§817, 3*) les faits qui prou- vent que des gaz peuvent être sécrétés dans les organes di- (1) Ib., p. 88-92. (2) Emp. sur la digestion^ t. I. p. 403. DE LA DIGESTION. 335 g-estifs, et qu'il peut aussi s'en dégager des alimens. Ce der- nier mode de formation ne saurait manquer d'avoir lieu si les substances alimentaires subissent une décomposition par suite de l'aciion que les sucs digestifs exercent sur elles. Magendie a vu de l'air se dégager du chyme contenu dans le duodénum, au dessous de l'orifice du canal cholédoque (1). Prout(2) a trouvé , au commencement de cet intestin , beaucoup de gaz emprisonnés dans le chyme , et qui lui paraissaient avoir été produits par une effervescence survenue au milieu de la masse alimentaire quand elle était arrivée dans l'organe. Il pense que ce dégagement de gaz dépend du mélange avec la bile et le suc pancréatique (3), On voit même des bulles d'air se dégager dans ce qu'on appelle les digestions artificielles. L'air mis en liberté dans les organes digestifs peut favoriser la progression du chyme, tant d'une manière mécanique que par l'excitation qu'il détermine sur les muscles intestinauXo^ Mais il paraît se combiner de nouveau daus l'état normal, attendu qu'il apparaît en trop grande quantité lorsque la di- gestion ne marche pas avec assez d'énergie , soit parce que l'organe est atteint de faiblesse et de relâchement , soit parce que les ahmens introduits étaient ou trop abondans , ou trop débilitans, ou difficiles à digérer. 2° Chevillot a examiné (4) les g az des organes digestifs chez des personnes mortes de maladies. Il y a constamment, trouvé de l'azote , dont la quantité était surtout considérable chez les vieillards , ou à la suite des maladies chroniques, et s'élevait quelquefois à 0,99. Parmi les autres gaz constans, l'acide carbonique était le plus abondant ; sa proportion s'éle- vait parfois à 0,92; on le rencontrait de préférence chez les jeunes gens, comme aussi après les fièvres aiguës et les ma- ladies de poitrine. Le gaz hydrogène ne se présenta pas tou- jours ; les sujets jeunes et robustes étaient ceux qui en of- fraient le plus. Le gaz oxygène manqua aussi quelquefois. Les (1) Précis élément. , t. II, p. d06. (2j Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 207,209. (3) Ib., p. 227. ^4) Archives yénéralts, %" série, V, p. 286, 534 DE LA DIGESTION. plus rares de tous étaient Thydrogèue carboné et l'hydrogène sulfuré. 3° Quant à ce qui concerne les diverses portions de l'appa- reil digestif , Chevreul en a fait le sujet de recherches sur les cadavres d'hommes peu avancés en âge qui avaient péri sous le glaive de la justice (1). Chez l'un , qui avait pris du pain, du fromage , de l'eau et du vin une ou deux heures avant le supplice, on trouva : Azote Acide carbonique Oxygène Hydrogène Hydrogène carboné SANS l'estomac. 7145 1400 1100 355 0 DANS r'iKTESTIN GRÊLE. 2008 2439 0 5553 0 SAlifS LE GROS IHTESTIN. 5103 4350 0 0 547 Chez un second ^ après un repas de même nature : SANS L ESTOMAC. Azote 885 1840 Acide carbonique 4000 7000 Oxygène 0 0 Hydrogène 5115 0 Hydrogène carboné 0 1160 Chez un troisième, qui avait pris du bœuf, des lentilles, du pain et du vin avant sa mort : DANS LE GROS INTESTIN. Azote Acide carbonique Oxygène Hydrogène Hydrogène carboné DANS l'intestin 6600 2500 0 840 0 6750 1250 0 750 1250 LE RECTUM. 4596 4286 0 0 1118 ,Chevillot a trouvé l'oxygène le plus fréquemment dans (4) Nouv. Bulletin de la se. philom., 1816, p. 129. — P. ^iVmèSfTraité fies Maladies venteuses, Paris, 1837, in-8<», p, 17^ DE LA DIGESTION. 335 l'estomac et le plus rarement dans .l'intestin grêle ; l'hydro- gène n'était pas plus abondant dans le gros intestin que dans l'intestin grêle , tandis qu'auparavant Moscati avait rencontré beaucoup d'hydrogène dans le gros intestin , et plus d'une fois de l'acide carbonique presque pur dans le duodénum. Chez un Chien nourri de viande , les gaz intestinaux se com- posaient comme il suit, d'après Leuret et Lassaigne (1). IHTESTIN GRELE. GROS .INTESTIN. Azote 60 45 Acide carbonique 30 15 Hydrogène carboné 10 40 Suivant Tiedemann et Gmelin, il se développe, dans la panse des Brebis , beaucoup de gaz hydrogène sulfuré (2) , provenant peut-être de la décomposition du gluten ou de l'albumine qui existe dans les herbages. b. Excrémens. § 948. Partout où il y a des organes de digestion , il reste des débris d'alimens , qui sont expulsés du corps, sous forme d'excrémens , conjointement avec les matières sécrétées par l'appareil. 1° Les déjections journalières d'un homme adulte s'élèvent à environ cinq onces, et" font 0,05 à 0,40 des alimens solides et liquides qu'il a pris (§ 840,1), de sorte qu'il passe 0,90 à 0,95 de ces derniers dans le sang, pour réparer les pertes qui, le poids du corps demeurant le même, ont lieu par la sé- crétion urinaire et la transpiration. La proportion des ex- crémens aux alimens et boissons, calculée en onces, est, sui- vant Gorter, de 8 : 91=1 : 11 ; d'après Hartmann , de 6 à 7 : 80=1 : liais, selon Robinson, de 5 1/2 : 86=1 : 15dans la jeunesse, et de 3 1/2 : 58=:! : 16 dans l'âge avancé; suivant Home , de 3 1/2 : 67=1 : 18 (3) ; enfin , selon Dalton (4) , de (1) Hech. sur la digestion, p. 154. (2) Exp. sur la dùjestion, t. I, p. 349. (3) Haller, Elem. physiolog.^ t. V, p. 62. (4) j^iùliothéqu$ universelle, t. LIV, p. 272, ; 336 DE LA DIGESTION. 5 : 91rzl : 18 en hiver, et de 4 d/3 : 90~1 : 20 en été. La proportion aux alimens est d'environ 1 : 7, ou 1 : 8 , de sorte qu'il passe 0,85 ou 0,87 de ces derniers dans le sang. Lors- que la digestion est robuste et l'absorption vive , de même que quand on fait usage d'alimens et de boissons en petite quantité, mais très-nourrissans, les déjections alvines sont moindres proportionnellement. Ainsi elles ne sont ni aussi copieuses ni aussi fréquentes chez les carnivores que chez les herbivores. Un Cheval sur lequel Boussingault a fait des ob- servations (1), rendait chaque jour 44250 grammes d'excré- mens, tandis qu'il consommait 25970^ grammes d'alimens < 7500 de froment, 2270 d'avoine , et 16000 d'eau ) ; la pro- portion était donc de 1 : 1,80. Déduction faite de l'eau, 3525 grammes de substance solide étaient expulsés par l'intestin, et ^392 admis comme nourriture , ce qui étabht une proportion de 1 : 2,38. Un Bœuf à l'engrais augmente chaque jour de deux livres, selon Thaer (2), en consommant quarante livres de fourrage ; de sorte que 0,05 de la nourriture solide se trans- forme en nouvelle substance animale, déduction faite du remplacement des matériaux perdus par l'urine et la transpi- ration. Dans les végétaux, la proportion de l'exhalation à l'ab- sorption est de 1 : 1,01—1,02, selon Woodward; Senebier la dit ordinairement de 1 : 1,50, quelquefois de 1 : 4,00, et pen- dant les jours chauds, de 1 : 1,15. . 2° Les excrémens ont des caractères physiques particuliers dans chaque espèce d'animal, quelle que soit la nourriture. Ainsi, chez les bêtes à cornes, ils sont en bouillie et d'un vert brun ; chez les Chevaux, fermes, pelotonnés et d'un jaune brun ; chez les Brebis, secs, roulés en boules et d'un brun noir. Il est clair aussi que ces matières ne se forment point des alimens par l'effet du seul séjour de ces derniers dans le ca- nal intestinal, mais par celui de la décomposition qu'ils éprou- vent sous l'influence des sucs digestifs ; car, en ouvrant un animal sujet au sommeil hibernal, on ne trouve pas converties (1) Compte-rendu hebdomadaire des séances de l'Institut, t. VII, pas 1157. {"2) Grundsact:ççl«rra,tiQnell0nL(tndwirthschaftj t. JY, p, 369, DE LA DIGESTION 1 ùt'J eh excrémens les substances alimentaires qu'il avait intro- duites dans son estomac quelques mois auparavant, tandis que le chyme qui séjourne dans l'intestin grêle, et qui y subit Tac- lion continuelle de la digestion, prend tout-à-fait l'apparence des excrémens (1). Ceux-ci ne sont pas non plus à l'état de putréfaction réelle-, mais ils s'en rapprochent plus ou moins, surtout après l'ingestion d'une nourriture trop abondante, et principalement quand cette nourriture était de nature ani- male. 3° Haller cite des cas dans lesquels les excrémens se sont montrés acides (2), et Vauquelin prétend qu'ils le sont tou- jours chez l'homme. John et Emmert les ont, au contraire, observés alcalescens -, ils ont été trouvés neutres chez les Va- ches per Thaer et Einhof ; chez les Brebis par Leuret etLas- saigne. Ils le sont ordinairement chez l'homme , suivant Schuliz (3;, bien qu'il leur arrive quelquefois d'être acides, et qu'ils soient alcalescens lorsqu'ils renferment beaucoup de bile. 4° Les excrémens contiennent les débris non décompo- sés des alimens (§ 866, 5"), notamment les portions épider- miques, et en général tout ce qui oppose une résistance ab- solue à la digestion. Aussi , chez le Polatouche, qui vit des bourgeons et des jeunes pousses de bouleau et de sapin, sont- ils tellement riches en résine, qu'ils brûlent avec flamme (4). D'après Van Manen, les excrémens des pommes de terre con- tenaient de la fibre végétale, de la gomme, de l'acide acéli- q'ue, des sulfates de potasse et de chaux, du phosphate cal- caire, de l'alun et du fer. Les excrémens des bêtes à cornes et des Chevaux qui se nourrissent de plantes salées sont em- ployés avec avantage à la fabrication du sel ammoniac. 5o Beaucoup de parties constituantes des alimens, et sur- tout des substances organiques, ont disparu. Ainsi l'amidon, la résine et l'extractif manquaient chez les Chiens que Van Manen avait nourris avec des |)ommes de terre ; il n'y avait (l)Ua\\et,Elem physiol., t. VII, p. 51, 221. <2) Elem. physiol., t. VII, p. b4. (3) De aliment concoct., p. 22. (4) Treviianus, Biologie, t. IV, p. 480. IX. 22 338 DE LA DIGESTION.^ ni fibrine, ni albumine , ni osmazome dans ceux de Rossignols que Braconnot avait élevés avec du cœur de bœuf (1). 6" Certains principes constituans des alimens paraissent avoir été transformés, et être entrés dans d'autres combinai- sons. Le soufre de l'albumine et de la fibrine du cœur de bœuf étaient convertis en sulfate de potasse , et l'acide lacti- que du iactate de potasse avait été mis en liberté. 7» Les liquides sécrétés entrent pour une forte part dans la composition des excrémens. De là vient que les bestiaux maigres et épuisés, chez lesquels les sécrétions sont moins chargées, donnent un fumier moins actif et moins animalisé (2). C'est surtout à la bile que les excrémens sont redevables de leur caractère. Un mélange mâché de rôti et d'albumine, tenu en digestion dans de la bile pendant douze heures, avait ac- quis l'odeur d'excrémens frais, selon Berzelius. Ces derniers contiennent de la bile non décomposée, de l'albumine et du mucus. 8° Les liquides sécrétés sont, comme les alimens, décom- posés en partie. Des précipités proviennent de ces deux sortes de liquides. Les excrémens sont quelquefois durs après l'u- sage exclusif du lait (3), ou du bouillbn et des œufs à la co- que (4), comme aussi à la suite d'une longue abstinence. Il suffit des sucs intestinaux et de la bile pour produire des ex- crémens dans le gros intestin (5), ainsi qu'il arrive chez l'em- bryon. Des malades chez lesquels tout le chyme s'échappait par un anus artificiel, rendaient tous les cinq à six mois, par l'anus naturel, le mucus accumulé dans le gros intestin, sous la forme d'un bouchon grisâtre, épais et très-dur (6). Une partie de la bile est convertie en résine biliaire, qui, d'après Berzehus, ressemble, sous le rapport de ses propriétés essen- tielles, à celle que les acides précipitent de ce liquide. On ren- contre, en outre, des substances spéciales, qui ont été pro-; (1) Annales de Chimie, t. XVII, p. 380. (2) Thaer, loc. cit., t. I, p. 273. (3) Halter, Elem. physiol.. t. Vil, p. 181. . (4) Fodéré, Essai de physiol. positive, t. III, p. 400. (5) Magendie, Précis élémentaire , t. II, p, 17. ^6) JLallemand, Observations patholoyiques, p. 85. m tk DIGESTION. 339 duïtes par la réaction chimique des sucs digestifs les uns sur les autres et sur les alimens, mais dont le mode de formation est inconnu. 9° Berzelius (i) a. trouvé dans les excrémens humains ren- dus après avoir mangé une grande quantité de pain grossier, avec des alimens de nature animale , sur mille parties, 753 d'eau, 57 de matières solubles dans l'eau (9 de bile, 9 d'al- bumine, 27 de matière extraclive particulière et 42 de sels) , 70 de résidu insoluble des ahmens digérés, et 440 de matières insolubles qui s'ajoutent dans le canal intestinal, comme mu- cus , résine biliaire , graisse et matière animale particulière. L'analyse de la bouze de Vache a donné : Eau Fibre végétale Chlorophylle Amidon vert, avec albumine et mucus Matière biliaire et sels Bile indécomposée Matière arnère, Résine biliaire avec picromel Matière biliaire, avec albumine Résine biliaire et graisse biliaire Picromel, avec sels Matière biliaire, avec extractif Albumine Sels, terres, métal Sable Zierl a retiré des excrémens Eau Résidus d' alimens Amidon vert Picromel, avec sels Matière biliaire, avec exïractif Perte nWHOF. MORIN, PEîfOT. 6Î90 7000 6358 1560 2408 2693 940 28 240 160 460 152 74 93 40 63 145 410 7500 4410 830 141 109 DES CHEVAUX. 690 202 63 20 17 8 BES BREBIS. 670 140 128 34 19 9 (1) Traité de chimie^ t. VII, p. 273. — Baspail , Nouveau STfjgtèmo de chimie organique. Parjs, 1838, t. III, p. 28,'/. 34o DE lA DÎGESTIOl^f. 2. PRODUITS A INCORPORER. a. Nature du chyle. % 949. Le produit de la digestion qui doit entrer dans la composition du corps, ne saurait être recounu d'une manière exacte chez les animaux sans verièbres, à cause de l'absence des vaisseaux lymphatiques. Cependant Schweigger (1) a re- marqué, dans la cavité digestive des Polypes et dans les ca- naux par lesquels les divers individus d'un Polypier sont unis les uns avec les autres, un Uquide lactescent, qui pouvait être considéré comme tel. Il a vu, chez les Sertulaires, une matière grenue , de substance semblable à celle de l'animal même, monter et descendre dans les canaux. Chez les Insec- tes, ce produit ne passe pas dans le sang, ou du moins ne s'y rend point d'une manière immédiate; mais il se trouve, sous la forme d'un liquide visqueux , un peu épais, blanchâtre , ver- dâtre ou brunâtre , en partie entre les tuniques de l'organe digestif , en partie dans le tissu qui enveloppe cet appareil, c'est-à-dire dans le corps adipeux, de manière qu'on ne peut pas reconnaître en lui du chyle. C'est, d'après Ramdohr (2) et Rengger (3)^ une substance albumineuse insipide , neutre , miscible à l'eau, coaguiable par la chaleur, l'alcool et les aci- des, dans laquelle le microscope ne fait point apercevoir de globules. Chez les animaux vertébrés , le chyle est contenu dans les vaisseaux lymphatiques de l'organe digestif. 1° Chez les Mammifères, on le voit apparaître dans les vais- seaux, deux à six heures envi ron après l'ingestion de la nour- riture (4). Cependant on ne l'y rencontre souvent point durant les quatre premières heures (5). T Haller évalue de quatre à huit onces (6) la quantité du (1) Handhuch der Naturgeschichle, p~, 352. (2) Ahhandlung ueher die f^erdauuagsvverkzeuye der Intekten, p. 61. (';,') Physiologische Untersuchungen ueb er die thierische liaushaltung der 1 nseJiten, p. 14. (4) i Haller , Elément, physiol., t. VII , p. 63. — Leuret et Lassaigne, loc. cil., P- 158. (5) Mn^ »endie. Précis élément., t, II, p. 106. (6) Loc, fiit-> t. Vil, p. 233 . DE LA. DIGESTION. 34l chyle qui se forme journellement chez Thomme , et il fonde cette estimation sur celle du liquide qui s'écoule après les blessures du canal thoracique. Elle est évidemment trop fai- ble d'après ce que nous avons dit précédemment (§ 948, 1"). Magendie (1), ayant ouvert le canal thoracique sur des Chiens de taille ordinaire qui avaient mangé auparavant, a vu couler une demi-once de liquide en cinq minutes, ce qui fait six onces par heure, et comme le phénomène dure plusieurs heures, il pouvait aisément passer plus d'une livre de chyle dans le sang. Lieberkuhn (2) évaluait le nombre des villosités intestinales de l'homme à un demi-million, et la cavité du vaisseau lym- phatique contenu dans chacune d'elles à un cinquantième de ligne cube : ayant vu , sur des animaux vivans , l'intestin se contracter et chasser le chyle deux fois par minute (§ 907, 3"), il calculait, d'après cela, que plus de dix-huit livres de chyle pourraient passer, dans l'espace d'une heure , à travers les vaisseaux lymphatiques, 3° Le chyle a une odeur spermatique, et verdit lés couleurs bleues végétales. Il est d'un blanc laiteux et opaque ; quel- quefois d'un blanc jaunâtre ou grisâtre , simplement sembla- ble à du pptit-lait et un peu trouble. Chez les Oiseaux, les Rep- tilf'S et Ips Poissons, il est en général transparent et incolore. Marceî (3) l'a trouvé presque toujours transparent et à peu près incolore chez les Chiens auxquels on avait donné des alimens de nature végétale, tandis que, chez ceux qui avaient mangé des substances animales, il était laiteux , et abandon- nait une espèce de crème. Prout l'a également trouvé plus blanc et plus opaque à la suite de la nourriture animale qu'a- près la nourriture végétale. Mais quand Macaire et Marcet di- sent (4) qu'il est plus clair et plus transparent chez les ani- maux herbivores, plus épais et plus lactescent chez les carni- vores , on ne doit pas prendre ces assertions à la lettre , car (1) Précis élément., t. II, p. 164. (2) Diss. de fahricâ etactione villorum intestinorum tenuîum hominis, p, 20, 27. (3) annales de chimie, t. II, p. 53. ik)lhid., t. LI, p, 375. 543 DE LA DIGESTION. le chyle a aussi une teinte laiteuse chez les bêtes à cornes (1), les Chevaux, les Lapins, elc. D'après Magendie (2), il ne se- rait lactescent que quand les alimens contiennent de la graisse. Mais si la graisse entre pour quelque chose dans ce phéno- mène , elle paraît influer principalement sur Talibilité de la nourriture et la perfection de la digestion. Tiedemann et Gme- lin (3) ont trouvé le chyle presque entièrement clair chez les Brebis qui avaient mangé de la paille , et blanc chez celles auxquelles on avait donné de l'avoine; lactescent chez les Chevaux nourris d'avoine (4) ; limpide ou faiblement laiteux chez les Chiens qui avaient mangé du blanc d'œuf liquide, de la fibrine, de la colle, du fromage, de l'amidon, du gluten, et blanc chez ceux qu'on avait nourris avec de l'albumine coa- gulée, de l'amidon, du lait, des os, de la viande. Après l'u- sage de la gomme ou du sucre, le chyle était clair, transpa- rent, opalin, suivant Magendie (5), de même que selon Leuret et Lassaigne. Au reste, il est légèrement visqueux au toucher, et un peu plus pesant que l'eau. Quand il est parfaitement dé- veloppé, il a une odeur analogue à celle du sperme; sa saveur est faiblement salée, un peu douceâtre ; il verdit légèrement les couleurs bleues végétales, ou se comporte comme une substance neutre. 4" Le chyle se compose d'un liquide limpide et de granu- les blancs, globuleux, dont la forme n'est cependant pas par- faitement régulière , car Gurlt (6) les dit inégaux , presque déchiquetés sur les bords ; Schultz (7), Wagner (8) et Valen- tin (9) les représentent comme ayant une surface granulée , et Valentin (10) leur assigne un noyau intérieur, dont l'exis- (l)KriQiei', Versuch einer Physiologie des Blutes, p. 122. (2) Lac. cit., p. 156. (3) Rech. sur la difjestion, t. I, p. 308, 318. (4) lh.,t.I, p. 276. (5) Lac. cit., p. 391. (6) Lehrbuch der vergleichenden Physiologie, p. d36. (7) Das System der Circulation, p. 39. (8) Zur vergleichenden Physiologie des Blutes, t. II, p. 25. (9) Bepertorium, t. II, p. 72. (10) Ib., t. I, p. 278, DE lA DIGESTION. 345 tence est niée par BischofF (1) . Leur volume est, chez l'homme, de 0^0040 ligne selon Wagner, (2) et 0,0024 suivant Valen- tin (3); chez les Mammifères , de 0,0005 à 0,0008 d'après Schultz , et de 0,0040 d'après Wagner ; chez les Chevaux , de 0,0036 selon Gurlt (4) ; chez les Brebis, de 0,0015 suivant Prévost et Le Royer (5) .Prévost et Dumas (6) avaient prétendu que ces globules sont de même grosseur que ceux du lait, du pus et des fibres musculaires ; mais Home et Mayo (7) ont trouvé qu'ils diffèrent beaucoup entre eux sous ce rapport : ainsi leur grosseur varie, chez l'homme , depuis 0,0009 jus- qu'à 0,015 lignes d'après Krause (8) ; Bischoff dit que , dans le Chien, ils sont pour la plupart aussi gros que les globules du sang. 5» On découvre, en outre, la plupart du temps , des gout- telettes de graisse, transparentes et parfaitement sphériques, dont le volume varie chez l'homme, suivant Krause, et va jus- qu'à 0,0055 ligne. BischofF les dit plus petites et plus nom- breuses que les granulations chyleuses proprement dites, chez le Chien. Selon Wagner, au contraire, elles sont plus rares, et souvent même on n'en aperçoit aucune trace (9). 6° Le chyle sorti des vaisseaux ne tarde pas à s'épaissir; peu à peu, il se divise en partie solide, le caillot, et en par- tie liquide, le sérum. Brande dit qu'il devient une masse so- lide au bout de dix minutes, et que la séparation s'effectue dans le courant de vingt-quatre heures. Krimer (10) l'a vu, chez un Cheval nourri d'avoine, devenir semblable à de la ge- lée en douze minutes ; au bout d'une heure , il était séparé en caillot et en sérum : chez un Bœuf, il était en gelée au (1) Muller,^rcaw,1838, p. 497. (2) Loc. cit., p. 31. (3) Repertorium, t. I, p. 278. (4) Loc. cit., p. 138. (5) Bibliothèque universelle, t. XXVII, p. 233. (6) Jb., t. XVII, p. 300. (7) Mayo, Outlines of human physiology, p. 160. (8) Handbuch der menschlichen Anatomie, t. I, p. 499. (^) Loc. cit., p. 26. (10) f^ersuch einer Physiologie des Blutes, p. 121. 344 DE LA DIGESTION. bout de neuf minutes, et séparé au bout de cinquante-deux. Krimer dit aussi que la coagulation a lieu jusque dans le ca- nal thoracique lié sur l'animal vivant, qu'elle s'y opère seule- ment avec plus de lenteur, surtout quand le canal demeure en communication avec le corps. Elle est plus rapide dans le gaz oxygène et plus lente dans le gaz hydrogène sulfuré. La nature des alimens influe sur elle : elle fut plus faible chez une Brebis nourrie de paille (1) ; chez un Poulain nou- veau-né, qui n'avait que de la liqueur amniotique dans l'es- tomac , elle se réduisit à une simple formation de flocons blancs (2) ; chez un supplicié, elle ne s'était point encore ac- complie le lendemain (3). Du reste, les granulations du chyle se retrouvent dans le caillot et dans le sérum , tandis que les gouttelettes de graisse se mêlent principalement à ce der- nier(4). D'après les observations de Tiedemannet Gmelin (5), la proportion du caillot au sérum variait entre 1 : 20 et 1 : 94 chez les Chiens , les Chevaux et les Brebis ; elle était de 106 : 9894 chez un Cheval nourri d'avoine, et de 301 : 9699 chez un autre. Une nourriture de bonne qualité augmentait moins le caillot que le sérum et ses parties solides ; elle di- minuait même le caillot et ses parties solides en général, pro- bablement à cause du défaut d'habitude. (1) Tiedemann et Gmelin, Recherches sur la digestion, 1. 1, p. 309. (2) Gurlt, loc. cit., p. 138. (3) Medicinisch'chirurgische Zeitung, 1813, t. II, p.974. (4) Schultz, Das System der Circulation, \}. 42. (5) Loe. cit., t. II, p. 89. DE LA DIGESTION. 345 HOURRITUBE. CAILIOT. SÉRUM. CAILLOT SEC. CONTEKU du SÉRUM. EAU. CHIEN. Fromage Viande, pain, lait BREBIS. Peu de paille Peu d'herbe Beaucoup d'avoine 1" Portion 2» Portion 240 216 283 475 258 432 9760 9784 9717 9525 9742 9568 17 27 42 82 24 31 480 838 509 496 235 307 9503 9153 9449 9422 9741 9662 Krinaer dit avoir obtenu plus de caillot du chyle des Chiens nourris avec des substances végétales que du chyle de ceux qui avaient mangé des matières animales (1). Marcet (2) et Prout (3) ont observé le contraire. Suivant le premier, la pro- portion du caillot au sérum , chez les Chiens , était depuis 480 : 9520 jusqu'à 780 : 9220 pour la nourriture végétale , et de 740 : 9260 — 950 : 9050 pour la nourriture animale. Selon Prout, elle était, dans le premier cas de 640 : 9360, et dans le second de 1080 : 8920. Toutefois, dans l'un des cas observés par Marcet, la quantité de parties solides contenues dans le sérum était de 0,0900 avec la nourriture végétale, tandis que , dans un autre, elle ne s'élevait qu'à 0,0700 avec la nourriture animale. 7" Le caillot se dépose au fond, ou adhère aux parois du vase. Il est visqueux , mais mou , facile à déchirer, et sans fibres appréciables. S'il demeure dans le sérum , il finit par (1) Loc. ci*., p. 432. (2) Annales de chimie, t. II, p. 52. ( i) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 24». 546 DE LA DIGESTION. se dissoudre presque en entier. Il brûle lentement, avec une odeur de corne , laissant un charbon spongieux et difficile à incinérer. L'acide chlorhydrique le dissout par rébulliiion". Avec l'acide acétique ou la dissolution de potasse , et le con- cours de la chaleur, il ne donne qu'un liquide lactescent, qui ne s'éclaircit qu'après avoir formé un sédiment. 8° Le sérum qui se sépare de lui-même, et dontonpetft aussi retirer une certaine quantité du caillot en le compri- mant, est ordinairement limpide, tirant un peu sur le jaunâtre, comme du petit-lait , quelquefois d'un jaune rougeâire, rare- ment blanc. Il est dépourvu d'odeur, et légèrement visqueux, de manière qu'il empèse le papier et le linge. Sa pesanteur spécifique est de 1021 à 1022, au dire de Marcet. 11 se mêle avec l'eau, verdit fortement les couleurs bleues végétales, se trouble peu à peu à l'air , et forme ensuite un sédiment. L'alcool , les acides minéraux, le deuto-ch!orure de mercure et la chaleur y font naître un précipité floconneux. Quand on y a ajouté de l'acide acétique, il précipite par le cyanure dé potassium. Évaporé à siccité, il laisse un résidu, dont une partie se dissout dans l'alcool, et une autre dans l'eau, tandis qu'une troisième résiste à l'action de ces deux menstrues. b. Composition du chyle. 1° Il entre d'abord dans la composition du chyle une fibrine incomplète , qui forme le caillot. Vauquehn considérait cette substance comme de l'albumine sur le point de devenir fibrine. Marcet voit en elle de la véritable albumine , et Brande une matière qui a plus d'analogie avec le caséum qu'avec la fibrine. On serait tenté d'admettre que cette fibrine se forme en plus grande proportion sous l'influence de la nourriture ani- male ; mais si la chose a lieu réellement dans certains cas , l'hypothèse n'est du moins pas sans restrictions. Tiedemann et Gmelin ont trouvé, de fibrine sèche, calculée en millièmes, 19 à 175 chez les Chevaux , 24 à 82 chez les Brebis, 17 à 56 chez les Chiens (1). Chez des Chiens que Leuret et Lassai- gne (2) avaient nourris avec du sucre ou de la gomhie , le (1) Recherches sur la digestion, t. II, p. 89. (2) Loc. cit., p. 158. DE lA DIGESTION. 3^7 chyle contenait tout autant et même plus de fibrine qu'il n'en présentait à la suite d'une nourriture animale. 2" L'albumine est contenue dans le sérum, et elle paraît y être tenue en dissolution par l'eau, à la faveur de la soude. Suivant Reuss et Emmert(l), l'albumine coagulée par la cha- leur s'élevait, après l'évaporation complète, à 0,05 du sérum, chez les Chevaux. Selon Prout, le sérum auquel on a ajouté de l'acide acétique étendu, fournit, par l'action de la chaleur, un précipité qui paraît être non pas de l'albumine parfait , mais de l'albumine en train de se former; après la séparation de ce précipité , le cyahure de potassium fait naître un nou- veau précipité de véritable albumine, dans la dissolution acé- tique. 3° Une partie du résidu de l'évaporation du sérum se dis- sout dans l'eau ; et après que l'albumine a été séparée du sé- rum frais par la chaleur, la teinture de noix de galle déter- mine un nouveau précipité. D'après cela , Reuss et Emmert, dont l'opinion a été adoptée depuis par Prévost et Le Royer(2), admettaient la présence de la gélatine dans le sérum. Mais Tiedemann et Gmelin ont prouvé que la substance précipitée par la noix de galle est une matière extractive , composée d'osmazome et de ptyaline. Chez un Cheval nourri d'avoine , le sérum évaporé contenait 0,1602 d'osmazome , avec de l'a- cétate de soude et du chlorure de sodium, et 0,0276 de ptya- line, avec du carbonate et du phosphate de soude (3). 4° Le chyle contient de la graisse libre, c'est-à-dire nageant en gouttes éparses, et probablement aussi de la graisse à l'état de combinaison (4). Son sérum, après être resté quelque temps en repos, se couvre souvent d'une pellicule grasse,'que Haller connaissait déjà (5) , et qui lui avait fait dire que le chyle est un liquide oléagineux. Werner (6) n'en avait point (1) Scherer, Journal der Chemie^ t. V, p. 166. (2)Zoc. cit., t. XXVII, p. 233. (3) Rech. sur la direction, 1. 1, p. 275. (4) Schuitz, Das System der Circulation^ p. 40. (5) Elem. physiol., t. VII, p. 61. (6) S cherer, Journal, t. VIII, p. 31. 348 DE LA DIGESTION. trouvé dans le chyle des Chevaux. Vauquelin (l)fut le pre- mier qui en démontra de nouveau Texistence ; il traitait pour cela le chyle par l'alcool bouillant ; la graisse se montrait composée d'une stéarine blanche et d'une oléine jaune , et comme elle ne contractait pas de «combinaison savonneuse avec les alcalis, elle semblait se rapprocher de la graisse cé- rébrale. Prout prétend (2) que la pellicule crémeuse dont le chyle se couvre est produite par de la graisse combinée avec de la matière caséeuse ou de l'albumine commençante. Tiede- mann et Gmelin ont retiré du résidu sec du sérum d'un Che- val 0,0635 de graisse jaune et 0,1547. de graisse brune. Vau- quelin et les deux physiologistes allemands ont reconnu que la couleur blanche du chyle est due à la graisse qu'il contient. Celte assertion peut être vraie en ce qui concerne la lactes- cence ; mais les granulations chyleuses , lorsqu'elles sont abondantes, prennent certainement une part essentielle à la coloration en blanc , comme le pense Weber (3). Lorsque Muller (4) agitait du sérum laiteux avec de l'éther, ce [liquide s'éclaircissait un peu ; mais il restait , au fond du vase , une substance opaque , composée de granules. Bischoff (5) déco- lorait presque entièrement le sérum en le traitant à plusieurs reprises par l'éther; le léger trouble qui persistait encore, te- nait, suivant lui, à la coagulation de l'albumine par l'alcool con- tenu dans l'éther; mais il fait remarquer que l'éther dissout aussi les granules du chyle. 5° ( Vingt-six grains de chyle frais , provenant du canal thoracique d'un Chien , furent mis, avec cent quatre-vingts grains d'éther, dans un flacon, que l'on secoua. La liqueur étant revenue au repos , le chyle gagna de suite le fond du vase , et la vue simple me suffit pour reconnaître des gout- telettes d'huile très-nombreuses dans l'éther. Après des se- cousses répétées , et au bout de vingt-quatre heures , le chyle (1) Annales du Muséum, t. XYIII» p. 244. (2) Loc. cit., p. 229. (3) Hildebrand, Jnatomie, 1. 1, p. 160. (4) Ilandhuch dcr Physiologie, t. I, p. 248. (5) Muller, Archiv, 1838, p. 497. DÉ LA DIGESTION. 549 amassé au fond du flacon avait perdu sa couleur blanche , et était devenu d'un jaune rouge sale : l'ether paraissait limpide; je le décantai, ei après que lévaporation spontanée dans une capsule de verre l'eut enlevé , il resta quelques grosses gout- telettes d'huile. Le chyle demeura encore quelque temps en repos , pour permettre aux dernières portions d'éther de se dissiper, et fut ensuite pesé; la perte ne s'élevait pas tout à fait à un grain. Au microscope , les globules du chyle paru- rent plus clairs, moins distinctement granulés, et un peu plus petits qu'avant le traitement par Téther ; ils étaient donc de- venus semblables aux globules de la lymphe; car ces derniers ne diffèrent généralement de ceux du chyle que par leur volume plus uniforme et un peu moins considérable , ainsi que par leur surface moins inégale. En outre, les globules du chyle traité par l'éther semblaient être devenus un peu moins nombreux; on remarquait parmi eux une foule de petits granules ayant à peu près du dixième au huitième de la grosseur duu globule normal du chyle , et qui ne s'a- percevaient point dans le chyle frais. Je versai ensuite de nouvel éther sur ce chyle , et je ne l'examinai qu'au bout de trois jours. L'éther, décanté et abandonné , comme la pre- mière fois , à lévaporation spontanée , laissa encore un peu d'huile , mais en moindre quantité ; le chyle ne montrait plus , au microscope , qu'un petit nombre de globules pres- que lisses , la plupart d'entre eux paraissant s'être fondus en des masses grenues, de forme et de grosseur diverses ; il y avait aussi des granules très- lins, en beaucoup plus grande quantité que lors du premier examen. La di'.iiinution de poids subie par le chyle ne put être déterminée , attendu qu'il avait dû nécessairement s'en perdre un peu dans le cours des manipulations et des observations microscopiques ) (1). 6» Suivant Marcet , la quantité des sels du chyle s'élevait à 0,0092, comme dans tous les autres liquides animaux , que les Chiens eussent pris une nourriture animale ou reçu des alimens tirés du règne végétal; mais , selon Prout , elle était de 0,0070 dans le premier cas , et de 0,0080 dans le second. (1) Addition d'Ernest Burdach. 55o DE Ik DIGESTION. Ces sels , au dire de Tiedemann et Gmelin (1), sont du car- bonate, de rhydrochiorate, quelquefois de l'acétate, du sulfate ou du phosphate de soude, du carbonate et du phos- phate de chaux. Vauquelin a trouvé aussi du phosphate de fer au minimum d'oxidation (2). Emraert (3), a également rencontré ce dernier sel , moins oxydé que dans l'intestin , car le chyle avait besoin de rester exposé pendant quelques jours à l'air atmosphérique pour que les réactifs en décelas- sent la présence , tandis qu'ils l'indiquaient promptement dans le canal intestinal. Quand le sérum avait subi la fermen- tation acide , ou qu'on y avait ajouté un acide , la teinture de noix de galle et le cyanure de potassium mettaient en évi- dence la présence du fer ; la même chose arrivait lorsque le caillot avait été dissous dans l'acide azotique, ou la cendre dans l'acide chlorhydrique. Reuss et Emmert (4) croyaient aussi avoir aperçu de l'ammoniaque. Brande regardait comme du sucre de lait les cristaux qui se séparent du sérum quand, après l'avoir réduit de moitié par l'évaporation , on le laisse refroidir (5) ; mais personne depuis n'a constaté l'existence de cette substance. 7° Voici quelle était la proportion des principes constituans du chyle, d'après Tiedemann et Gmelin, chez un Cheval nourri d'avoine ; d'après Prout , chez un Chien qui avait pris de la nourriture végétale, et chez un autre Chien qui avait reçu des alimens tirés du règne animal : (1) Hech. sur la digestion, t. Il, p. 99. (2 y Loc. cit., p. 247. (3) Beil, ArcUv, t. VIII, p. d67. (4) Scherer, Journal, t. V, p. 466. (5) Schweigger, Journal, t. XVI, p. 376. — Kaspail, ]Souv, Svst, d9 chimie organique^ t. III, p. 257. DE lA DIGESTION. 55i Eau Fibrine Albumine, avec carbonate et phosphate de soude Albumine commençante Albumine , avec un peu de matière colorante rouge Graisse Osmazome, avec chlorure de sodium Ptyaline, avec carbonate et phosphate de soude Sels 9183 78 434 164 121 20 PREMIER CHIEN. 9360 60 460 40 80 SFCOND CHIEN, 8920 80 470 460 70 C. Mode de formation du chyle. § 950. Quant à ce qui concerne la formation du chyle : I. On en trouve dans les premières radicules des vaisseaux lymphatiques de l'intestin. Il doit donc passer, tout formé déjà, de Imtestin dans ces radicules, ou du moins exister en germe dans la cavité abdominale, et se former pendant le passage à travers les parois du canal et des vaisseaux, avec le concours du sang contenu dans le réseau vasculaire très-serré qui existe sur ces points. Ainsi la question se présente de savoir si le chyle existe déjà ou non tout formé dans le chyme. ,1° On trouve, adhérente à la surface du chyme ou aux pa- rois de l'intestin , une matière blanchâtre , un peu épaisse , qui, suivant la remarque de Haller (1), est plus abondante k la partie inférieure du duodénum qu'à sa partie supérieure , et qui, d'après Magendie (2), diminue peu à peu dans le reste de l'intestin grêle, vers la fin duquel on n'en trouve plus qu'une très-petite quantité. Magendie la considère, en conséquence, comme la partie chyleuse du chyme (3) ; il dit (4) qu'à la suite (1) Elément, physiolog., t. VII, p. 51. (2) Précis élément.^ t. II, p, 102, (?,) ii., p. 107, (4) Jb., p. 401, SSa DÉ LA DIGESTION.' d'une nourriture contenant de la graisse, elle affecte la forme de filamens irréguliers, larges ou arrondis, et qu'elle paraît être du chyle grossier. Brodie (1), Macdonald (2), Prout(3) et autres, le regardaient aussi comme du chyle. Quelques ob- servateurs, Lallemand par exemple (4) , n'ont cepeodant ja- mais pu la trouver, ou, quand ils l'apercevaient bien distincte, ils voyaient en elle du mucus précipité de sa dissolution, ou enfin ils soutenaient, comme Berthold (5), qu'elle se détache de la membrane muqueuse , pour permettre à celle-ci d'ab- sorber. En l'examinant au microscope, Heusinger l'a trouvée formée de gros grains et différente du mucus , de manière qu'elle lui semble être un mélange de mucus et de matière alimentaire. Sa consistance suffit pour prouver qu'elle ne sau- rait être [absorbée comme chyle i mais peut-être n'est-elle qu'un chyle encore imparfait , que le mucus qui l'enveloppe met en contact plus immédiat avec l'intestin et ses villosités , afin qu'il puisse être absorbé. 2" Le chyle est caractérisé par ses réactions alcalines, tan- dis que le chyme est acide, ou tout au plus neutre, dans toute l'étendue de l'intestin grêle (§ 945, 4°). On peut donc conclure de là qu'un changement de substance a lieu dans le trajet et le long des vaisseaux lymphatiques. 3° L'albumine du chyle peut provenir du chyme (§ 945, 5°), et, comme elle diminue dans ce dernier à mesure qu'on se rap- proche de la partie inférieure de l'intestin grêle, il devient de plus en plus vraisemblable, d'après cette circonstance, que le chyle est absorbé par les vaisseaux lymphatiques. Reng- ger (6) nous apprend que, même chez les Insectes , le chyme contient de l'albumine, qui se retrouve dans le chyle. La ma- tière extractive ( § 945 , 6°, 8" ) de ce dernier et sa graisse (i) Froriep, Notizen^ t. IV, p. 178. (2) Meckel, Deutsches Archiv, t. VI, p. 563. (3) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 231, (4) Observations pathologiques, p. 85. (5) Lehrbuchder Physiologie, t. II, p. 431. (6) Physiologische Untersuchungen ueber di« thierisohe Haushaltung der Insekten, p. 15. DE lA DIGESTION. 353 ( § 945, 9°) sont également , sans le moindre doute , mi pro- duit de la digestion intestinale. 4" Leuret et Lassaigne (1) n'ont point rencontré de fibrine dans le chyme. Cependant Werner (2) a remarqué que la ma- tière blanchâtre qui adhère aux villosités de l'intestin grêle se coagule à l'air, et Prout a observé que , quand on expose à l'air le chyme tiré du duodénum , il devient plus consistant , puis se fluidifie de nouveau au bout d'une heure ou deux , de sorte qu'il semble qu'un germe de fibrine se produise dans l'intestin et se développe en pénétrant dans le système lym- phatique. 5" Suivant Vauquelin et Marcet , le chyme contient plus de carbone que le chyle : mais cette diflerence pourrait fort bien dépendre de la bile mêlée avec le premier. 6° Home (3) avait vu une multitude de globules de la lym- phe et quelques globules incolores du sang dans le mucus de la portion pylorique de l'estomac et du duodénum. Leuret et Lassaigne i,4) soutinrent ensuite que la formation des globules du chyle est le point essentiel de la digestion. Constamment ils apercevaient des globules, en très-petit nombre dans l'es- tomac, innombrables dans l'intestin grêle, où ils étaient mêlés avec quelques corpuscules de volume indéterminé , et très- nombreux aussi dans le gros intestin, où néanmoins la zone opaque avait plus de largeur ; ils remarquèrent que ces glo- bules ressemblaient, pour le volume et la forme , à ceux du chyle qu'ils avaient refoulé dans la cavité intestinale par le moyen de l'eau injectée dans le canal thoracique. En consé- quence , ils admirent l'identité des uns et des autres (5). Comme, enfin, ils rencontraient, dans l'intestin des Grenouilles et des Crapauds, des monades (§§ 8, 4° ; 14, 8°), qui semblaient ne vivre que durant la digestion, ils considérèrent ces mona- des comme les analogues des globules chyleux des animaux à (i) Loc. cit., p. 467. (2) Scherer, Journal, t. VIII, p. 31. (3) Lectures on comparative aiiutovuj, t. Tll, p. 25, (4) Loc. cit., p. >|73. (5)/i., p. 167. 354 DE LA DIGESTION. sang chaud , les crurent destinées à prévenir la putréfaction des alimens, et en présentèrent la formation comme étant le but essentiel de la digestion. Du reste, ils aperçurent aussi de ces monades dans le sang de la veine porte (1). Beaumont a découvert , dans le chyle humain , des globules de différente grosseur , ayant, comme ceux du sang , le centre transparent et le bord opaque (2). Gurlt (3) a trouvé des globules sembla- bles à ceux du chyle dans l'intestin grêle d'un Poulain venu au monde depuis peu, et dontrestomac ne renfermait que du li- quide amniotique. Wagner (4) présume seulement qu'il se forme des globules de chyle dans l'intestin grêle, parce qu'il lui a semblé en apercevoir dans cet organe. Toutes ces obser- vations paraissent plus ou moins douteuses. En effet, Leuret et Lassaigne (5) ont rencontré aussi dans le rectum , qui ne con- tient cependant pas de chyle , des globules ayant de l'ana- logie avt'C ceux de ce dernier, bien que pourvus d'une zone plus opaque et plus large. Ils en ont vu, non pas uniquement, ainsi que l'avait fait Beaumont (6), dans le produit de la di- gestion artificielle , tant avec du suc gastrique qu'avec du suc intestinal, mais encore dans une infusion aqueuse de pain, qui était demeurée pendant dix-huit heures en digestion à une température de dix-huit degrés. Simon (7) a également remarqué, dans l'albumine et le caséum soumis à la digestion artificielle , des globules qui n'avaient néanmoins pas d'ana- logie avec ceux qu'on rencontre dans le système lymphatique. Mais nous sommes en droit de douter qu'une formation de globules chyieux ait heu dans le canal intestinal ; car les raci- nes des vaisseaux lymphatiques sont closes et couvertes tant de membrane muqueuse que d'épiihéhum, de sorte qu'elles ne peuvent absorber que par endosmose, et qu'une masse gre- nue ne saurait pénétrer à travers leurs parois. Suivant Mul- (1) Ih., p. 473-177. (2) Versuclie ueher den Magensaft, p. 438. (3) Lehrhuch der verijleichenden Physiologie, p. 438, (4) Loc. cit., t. II, p. 28. (5) Loc. cit., p. 202. (6) Loc. cit.^ p. 483. (7) Millier, Archiv, 4839, p. 7. DE LA DIGESTION. 355 1er (1), quelques-uns des granules du chyle sont plus volumi- neux même que les globules du sang; donc, s'ils s'étaient insi- nués à travers l'intestin, les ouvertures qui leur auraient livré passage devaient être visibles, et assez grandes pour admettre d'autres parties aussi du chyme : la couleur blanche qu'on a remarquée au chyle et au sang , chez les jeunes animaux qui tètent encore, ne pourrait pas provenir de globules introduits à travers les parois intestinales, et elle dépend de la graisse. Chez les Insectes, le chyle, qui constitue en même temps le liquide réparateur et nourricier, n'est point contenu dans des vais- seaux particuHers ; il traverse les parois du tube intestinal, ainsi que le tissu qui a besoin d'être nourri , de sorte que , d'après Suckow (2) , il ne contient pas de globules semblables à ceux qu'on observe dans le sang du vaisseau dorsal. Nous devons donc admettre, avec Schultz (3), que les granules du chyle ne commencent à apparaître que dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques. 7° (Quand on a étendu d'eau le chyme complet de l'esto- mac, sans le filtrer, et qu'on l'examine au microscope, on y aperçoit des corps globuleux très-divers, dont les plus petits ont quelque analogie avec les granules de la lymphe, d'au- tant plus que les inégalités de leur surface leur donnent une apparence granulée dont j'ai été frappé chez les Chiens, sur- tout après qu'ils avaient été nourris avec du pain ; mais ces corps, en quehpie sorte analo^^ues aux granules du chyle ou de la lymphe, ressemblent tellement aux plus gros, pour la forme et l'aspect, et ceux-ci, à leur tour, foat si évidemment le passage aux grosses masses informes dont on ne saurait méconnaître la nature, que je ne puis me dispenser de regar- der les uns et les autres comme des restes non encore digé- rés d'alimens. Ce qui a contribué encore à m'en convaincre, c'est que, quand on fait aller ei venir la plaque de verre qui les couvre, ces corps changent aisément de forme, ou même se réduisent en morceaux. Indépendammeal d'eux, on trouve (1) Handhuchder Plujsioloijie, t. T, p, 540. (2) Heusin, 1839. |t. 1/1). 558 DE LA DIGESTION. quidedoif, à l'instar d'une sécrétion glandulaire, être toujours le même, quelle que puisse êire la nature du chyme. IL La proportion du chyle aux alimens ingérés n'est pas la même partout. 1° D'abord, le chyle contient les parties constituantes et organiques des alimens ; ii en a donc extrait de l'eau et des sels. Ou remarque aussi qu'il varie pour la couleur, la coagu- labilitéei la composition, suivant la proportion de leurs maté- riaux organiques. Cependant il ne suit pas de là que ces sub- stances soi^'nl réeilement passées en lui, puisqu'elles peuvent, par leur influence sur l'action vitale, avoir imprimé une di- rection leile à Tacte de la digestion, que son produit ait pris une forme et une nature déterminées. On ne remarque , dans le chyle, aucune trace des propriétés particulières des alimens, telles que couleur, odeur, saveur. Plusieurs de leurs principes immédiats, comme la gomme, l'amidon, la matière caséeuse, ne s'y trouvent également point. Fordyce a vu le chyle par- faitement identique chez un Gbien qui n'avait mangé que de la viande et chez un autre qui n'avait été nourri que de matières farineuses. 2" Parmi les principes conslituans particuliers au chyle, la graisse surtout semble provenir des alimens. Magendie (l)a remarqué qu'il n'est lactescent, c'est-à-dire qu'il ne contient de la graisse ( § 949 ) , qu'autant qu'il provient d'alimens gras. Suivant Leuret et Lassaigne (2) , il contient la graisse qui existait dans les matières alimentaires. Tiedemann etGme- lin disent également (3) que la graisse y passe sans subir la moindre décomposition ou combinaison, puisqu'il paraît d'au- tant plus lactescent que les alimens sont plus gras, et qu'il contient peu de graisse chez les animaux à jeun. Schlemm (4) a trouvé le sang blanchâtre et son sérum tout blanc chez de jeunes Chats qui avaient tété peu de temps auparavant. Meyer (5) a fait la même remarque sur de jeunes Chiens à la (1) Précis élément.^ t. II, p. 156. (^2) Loc. cit., p. 158. (3) Rech. sur la digestion^ t. II, p. 93. (4) Froiiep, Notizen, t. XXV, p. 122. (5) Ib., t. XXVI, p. 227. DE lA. DIGESTION. 359 mamelle. Il a trouvé un liquide blanc dans les vaisseaux lymphatiques, et il s'est convaincu que ce n'était pas du chyle, car ce liquide, exposé à l'air, ne se coagulait point, ne rou- gissait point ; il ne contenait pas non plus la matière caséeuse du lait, car, ni le suc gastrique, ni l'acide acétique, n'en opé- raient la coagulation. C'était donc tout simplement la graisse du lait, que les vaisseaux lymphatiques de l'intestin avaient absor- bée et charriée dans le sang. Mais cette observation ne prouve point que la nourriture détermine essentiellement et néces- sairement la proportion de graisse contenue dans le chyle ; loin de là même, nous avons plus d'un motil d'élever des dou- tes contre une telle hypothèse. En premier lieu, il résulte d'une remarque de Vauquelin, rapportée précédemment (§949), que la graisse du chyle diffère de celle des alimens. Ensuite il n'y a point de proportion fixe entre l'une et l'autre. Les alimens gras n'engraissent pas parce qu'ils sont chargés de graisse; une nourriture maigre, pourvu qu'elle soit suffisante, et que la digestion s'en fasse bien, peut procurer de l'embon- point ; un régime végétal, de bonne qualité et abondant, en- graisse les hommes plutôt qu'un régime animal riche en graisse, et sous ce rapport, on remarque une différence ana- logue entre les animaux herbivores et les carnassiers. La for- mation de la graisse est fort abondante chez les Chenilles, bien que les feuilles dont ces larves se nourrissent n'en con- tiennent pas. Le chyle n'est point lactescent chez les Oiseaux, qui engraissent avec tant de promptitude, et il lui arrive sou- vent, d'après Wagner (1), de ne pas contenir une seule gout- telette de graisse, bien que la nourriture soit aussi grasse que possible , quelle consiste, par exemple, en lait et en beurre. Prout n'y a pas trouvé plus de graisse chez un Chien nourri de viande, que chez un autre dont la nourriture avait été ex- clusivement végétale (2). Leuret et Lassaigne ont remarqué des traces de graisse chez des Chiens qui n'avaient pris que de la gomme depuis un jour et demi (3). Le chyle des vais- seaux lymphatiques de l'intestin grêle fut trouvé bl;mc par (t) Loc. cit., t. II, p. 26..' (2) Scliweigger, Journal, t. XXVUI, p. 229. (3) Loc. cit.,ç. 167. 560 DE LA DIGESTION. Tiedemaiin (1), et son sérum lactesconr, chez im Chien qui n'avait man{];é que du blanc d'œuf durci depuis seize heures, et l'on ne saurait guère admettre que !a grande quantité de graisse qu'il contenait provînt du peu de jaune qui avait pu rester adhérent au blanc. Du reste, le chyle des Chiens était aussi plus au moins blanc après l'alimentation avec de la fi- brine (2), de la colle (3), du fromage (4) et de l'amidon (5). On est donc fondé à demander s'il ne peut point aussi se for- mer de la graisse par l'effet de la digestion. Home est allé trop loin assurément, lorsqu'il a prétendu qu'elle ne saurait être le résultat d'une sécrétion du sang, et qu'elle prend ex- clusivement naissance dans le canal intestinal; mais si, con- fians dans l'analyse de Werner , nous avons combattu pré- cédemment ( § 875 ) la possibilité de la production de la graisse par le travail de la digestion, nous devons avouer ici que nous soutenions une erreur. Schultz (6) admet cette for- mation de graisse, parce qu'il croit avoir remarqué des stries huileuses dans le chyme, et que le chyle ne lui a point offert de gouttelettes de graisse chez les animaux à jeun. Il résulte aussi des observations rapportées plus haut, que des gouttes de graisse ont été vues non-seulement dans le chyme formé sans alimens gras (§ 350, 7°), mais encore dans la dissolution d'albumine concrète par le suc gastrique artificiel (§ 941). Il paraît donc à peu près certain que la digestion produit, outre de l'albumine et de la matière extractive, de la graisse qui passe dans le chyle, où elle semble se concentrer surtout dans les globules et prendre part à la forme granuleuse qu'ils affectent (§ 949). Or, il est bien concevable que les substances dont l'organisme a la facnlié de déterminer la formation pen- dant la digestion , puissent passer aussi dans les vaisseaux lymphatiques, lorsque les alimens les lui offrent toutes formées. (1) Bech. sur la digestion, Paris, 4827, t. I, p. 182. {2)Loc. cit., p. 482. (3) Loc. cit., p. 187. (4) Loc. cit.. p. 495. (5) Loc. cit., p. 199, 201, 204. — Raspail, Nouveau sixième de chimie organique, PariSj 1838, t. II, p. 194 et suiv. (6) Das System der Circulation, p. 69. DE LA DIGESTION. 36 1 3" De ce que l'osmazome est peu abondant chez les ani- maux à jeun, Tiedemann et Gmeiin concluent (1) que ce principe constituant du chyle provient du canal intestinal; d'après cela, ils admettent incontestablement que l'osmazome se produit dans l'intestin , puisqu'il n'y en a pas dans les vé- gétaux , et que le chyle des animaux herbivores en est dé- pourvu. 4» Les mêmes physiologistes admettent que la fibrine du chyle n'est pas produite aux dépens des alimens , mais qu'elle provient du sang , attendu que la lymphe des animaux à jeun en contient davantage que le chyle auquel la nourriture donne naissance(2). Par la même raison, suivant eux, l'albumine et la ptyaline doivent également tirer leur source du sang (3). Ce- pendant cela supposerait qu'avant d'entrer dans les ganglions lymphatiques du mésentère, le chyle ne contient que de l'os- mazome et de la graisse, et n'est point coagulable , ce que l'expérience contredit ; il s'ensuivrait aussi que ce liquide re- çoit du sang une quantité d'albumine et de ptyaline hors de toute proportion avec le volume et la texture des ganglions lymphatiques , enfin que la fibrine , l'albumine et la ptyaUne se forment uniquement dans le sang , ce qui paraît être con- traire à tous les faits observés. Les phénomènes rapportés précédemment (§§ 942, 945, 949) donnent à penser que la digestion produit immédiatement et principalement de l'al- bumine , comme l'admettent Vauquelin , Hatchel , Halle , Treviranus , Prout et Marcet , et qu'elle donne naissance on outre à de l'extraclif , à de la graisse, à un rudiment de fi- brine. Suivant Schultz (4}, l'eau du sang (§ 664), c'est-à-dire la portion limpide du sang, à laquelle il donne le nom de plasma , serait, avec la graisse , la base du sang produit par la digestion. 4" Mais c'est la force vivante de l'organisme qui transforme la matière contenue dans les alimens d'une manière corres- (i)Loc. cit. ,i.l\, p. 400. (2)100. cit., t. II, p. 90. (3)Zoc. cit., t. IT, p. t)9. (4) Dus ,11/stem dcr Circulation, p. 69. 362 DE lA. DIGESTION. pondante à sa nature. Aussi , généralement parlant, le chyle demeure-t-il le même en toutes circonstances : suivant Wa- gner (1), ses granulations ne diffèrent pas, chez les carnivores, de ce qu'elles sont chez les herbivores. Chez tous les animaux, et après quelque nourriture que ce soit , il contient toujours, comme le disent Leiiret et Lassaigne (2), de la fibrine, de l'albumine, de la soude, du chlorure de sodium et du phos- phate de chaux. La proportion , non-seulement de ses prin- cipes immédiats (3), mais encore de ses principes élémen- taires , est aussi la même à peu-près , malgré la diversité des alimens. D'après Macaire et Marcet (4), il se composait des élémens suivans : CHEZ LES CHIENS. CHEZ LES CHEVADX. Nourriture animale. Nourriture végétale. Carbone . 552 550 Oxygène 259 268 Hydrogène 66 67 Azote 110 110 Ce qu'il y a de remarquable surtout, c'est l'identité de la proportion d'azote , car bien qu'on ait démontré la présence de cet élément dans l'albumine végétale, il existe en bien moins grande quantité dans les herbes que dans la viande. § 951. La digestion est accomphe par les liquides sécrétés qui se mêlent avec les substances alimentaires. Or le suc in- testinal ne diffère pas essentiellement du suc gastrique. Ce- pendant il ne se l'orme pas de chyle dans l'estomac , et il ne s'en produit que dans l'intestin. Il faut donc, ou que l'intestin mène la digestion à son but en continuant d'exercer une action semblable à celle de l'estomac , ou que , par Taddiiion de la bile et du suc pancréatique^ jI détermine une élabora- tion spéciale du produit de la digestion stomacale , et forme le chyle aux dépens de ce produit. Ce dernier cas est en lui- même le plus vraisemblable , et quand on réfléchit surtout à la nature toute particulière de la bile , on se sent entraîné (4) Loc. cit., p. 27. (2) Loc. cit., p. 458, (3) Krimer, Fersuch einer Physiologie des Blutes, p. 131. (4) Annales de chimie^ p. 377. DE lA DIGESTION. * 363 vers l'hypotbèse qui lui attribue une part essentielle à la chy- lification. I. Cependant l'autre hypothèse compte des partisans depuis les temps les plus reculés (1). 1° On se fonde sur ce que la bile est une matière excré- mentilielle , dont l'éliminaiion sert au maintien de la compo- sition normale du sang (■2). Mais ce caractère n'exclut pas la possibilité qu'elle influe sur la digestion , puisqu'en général il n'y a point de différence absolue entre les produits sécré- toires et les produits excrémentitiels. 2» On dit aussi que le volume du foie et la quantité de la bile , chez les divers animaux , ne sont en proportion ni du besoin que ceux-ci éprouvent de nourriture , ni de la rapidité de leur digestion. Les Mammifères et les Oiseaux prennent leurs alimens à des époques plus rapprochées que les ani- maux à sang froid, les digèrent avec plus de promptitude, et ont cependant un foie plus petit (3). Mais, généralement parlant, les conclusions qu'on tire du volume d'un organe à l'égard de ses fonctions, manquent de certitude. Ensuite le rapport de la bile à l'excrétion peut l'emporter , chez les ani- maux inférieurs, sans qu'il s'ensuive que ce liquide n'influe point sur la digestion. Enfin on peut dire, avec Treviranus (4), que le volume du foie est proportionnel , non à la quantité de la nourriture , mais à la force de l'assimilation, qui doit être évaluée d'après l'énergie du pouvoir reproducteur. 3° Après avoir éié obligé de concéder que les canaux sé- crétoires qui s'abouchent dans la portion du canal intestinal destinée à l'éjection , chez les Insectes , ne sont point de vé- ritables organes biliaires (§ 804, 6"), on a dit que , chez plusieurs Mollusques, il n'y a qu'une petite portion de la bile qui se rende dans la partie supérieure de l'iniestin , le reste se versant ou dans le cœcum ou au voisinage de l'anus (5). (l)Hal!er, Elem. physiol.. t. VI, p. 615. (2)Tiedemann, et Gnielin, Rech. sur ladiyestion, t. II, p. 58. (3) 10., p. 61. (4) Bioloijie, t. IV, p. 420. (5) ïiedemann et Giuelin,ioc. ctï,, t. II, p. 63. 564 DE LA. DIGESTION. Cependant il ne suit de là rien autre chose , sinon que la bile est en partie aussi une matière excrémeniitielle. Du reste , Muller (1) a élevé des doutes relativement à la question de savoir si le conduit qui s'ouvre auprès de l'anus vient réelle- ment de la substance du foie et charrie de la bile. 4" Suivant Fordyce , la digestion peut s'accomplir alors même que le conduit qui amène la bile est obstrué , et Blun- dell a trouvé (2) ce canal terminé en cul-de-sac chez un en- fant de deux ans et demi, qui était atteint de la jaunisse , mais qui avait pris un rapide développement , et dont le corps offrait assez d'embonpoint. Magendie a vu du chyle blanc se former après la ligature du canal cholédoque. Leuret et Las- saigne (3) lièrent ce canal chez un Chien, nettoyèrent, au bout de quatre heures , l'intestin avec deux onces d'huile de ricin , donnèrent , douze heures après , de la soupe au lait , répétèrent cette dernière opération deux autres fois , à des intervalles égaux , et mirent l'animal à mort huit heures après la prise de la dernière portion ; le canal thoracique regorgeait d'un liquide rouge jaunâtre , presque transparent, qui conte- nait de l'albumine. Tiedemann et Gmelin (4) ont fait des ex- périences analogues , ainsi que Benjamin Philipps (5). Mais d'abord quelques-unes de ces observations prouvent trop , car si la nutrition a pu continuer pendant long-temps de s'exercer sans trouble , tandis que la bile n'affluait point dans l'intestin , cette bile retenue n'avait porté aucun préjudice à la vie , et ne s'était par conséquent pas montrée matière ex- crémentitielle. Ensuite, il serait bien possible que la portion de bile qui est nécessaire à la formation du chyle , parvînt au produit de la digestion par une autre voie , celle de l'intestin ui étant interdite. Tiedemann et Gmelin (6) ont trouvé les vaisseaux lymphatiques du foie jaunes , et ils ont reconnu la (1) Handbuch der Physiologie, t. I, p. 151. (2) Mayo, Outlines of kuman physiology, p. 133, (3) Lcc. cit., p. 448. (4) Loc. cit., t. II, p. 3 et suiv. (5) Archiv. ., p. 63. IX. 24 \ 3^0 DE lA. DIGESTION. étendu d'eau, et passé à travers un linge fin; il donna ainsi Un liquide jaunâtre et légèrement trouble. Le microscope fit apercevoir dans cette liqueur quelques petits corpuscules an- guleux , un peu allongés , de couleur foncée et d'aspect gra- nulé , qui furent considérés comme des noyaux de cellules d'épithélium ; on y découvrit , en outre , de nombreuses gouttelettes d'huile , qui pouvaient bien avoir , terme moyen, la moitié du volume des globules de la lymphe. A ce liquide, dont la quantité était d'environ trois onces, on ajouta deux gros de bile fraîche du même animal ; sur le champ, il s'opéra tine effervescence à peine sensible, avec un mouvement gé- néral de la liqueur , et il parut des flocons , qui toutefois dis- parurent sur-le-champ , de sorte qu'on ne put pas les exa- ïiDiiner au microscope. Une goutte de liquide , portée sous le microscope pendant l'effervescence même, montra une grande quantité de très-petites gouttelettes d'huile , faciles à distin- guer d'une foule de granulations solides , qui, à un grossis- sement de trois cents diamètres , sembltient sphéiùques. Après que le mouvement général se fut apaisé , ces granules solides parurent un peu colorés , et à un grossissement de cinq cents diamètres, ils n'avaient pas une forme régulière- ment globuleuse : la plupart égalaient en volume la sixième el quelques-uns la dixième partie seulement d'un globule lymphatique normal. D'abord ils nagèrent librement çà et là, puis ils se réunirent par groupes, qu'on distinguait à l'œil nu sur la plaque de verre, après la dessiccation. Les vésicules dégraisse avaient, entièrement disparu, ou du moins étaient devenues fort rares. Après vingt-quatre heures de repos, la liqueur, qui paraissait olivâtre depuis l'addition de la bile, se partagea en trois couches , dont la supérieure était d'un vert pur et parfaitement limpide , et la moyenne olivâtre et trouble ; l'inférieure représentait un sédiment jaunâtre. Le microscope ne fit reconnaître dans la première que de nom- breuses gouttelettes d'huile , de grosseur diverse ; le sédiment était composé de lamelles ou d'écaillés un peu colorées , à texture sensiblement grenue, dont le volume égalait à peu- près la moitié de celui des globules du sang. La couche moyenne ne put point être observée isolément; elle parais- DE LA DIGESTION. 37 1 sait être un mélange des deux autres) (1). Beaumont (,2), ayant retiré le chyme de l'estomac de son malade , après qu'il avait pris du gibier rôti et du vin , le trouva de couleur brunâtre ; l'addition de la bile lui donnait un aspect laiteux, et y faisait naître des flocons blancs, ainsi qu'un précipité brun clair. 8" La graisse ou l'huile se dissolvait plus facilement dans le suc gastrique , quand on ajoutait de la bile (3). Une dis- solution de viande dans du suc gastrique préparé par digestion artificielle, se séparr.it , par l'addition de la bile, du suc pancréatique et de l'acide chlorhydrique affaibli, en un liquide ayant l'apparence du pétillait, et qui semblait être un chyle imparfait, une pellicule crémeuse à la surface, et un sédiment brun rouge (4). Dans un cas analogue , l'ad- dition de la bile obtenue par le vomissement, détermina une légère effervescence ; il se produisit un petit caillot et un précipité jaune (5). La bile, versée dans le suc gastrique seul , ne donnait lieu à aucun précipité (6). Suivant Leuret et Lassaigne (7), le pain se ramollit plus vite dans du suc in- testinal contenant de la bile, que d^ms du suc gastrique pur. 9° Le liqiâde digestif artificiel préparé par Purkinje et Pappenheim (8), se montrait inerte quand on y avait ajouté de la bile , et ne dissolvait pas l'albumine cuite. (La bile fraîche ajoutée à la liqueur digestive préparée avec la mem- brane muqueuse stomacale , de l'eau et de l'acide chlorhy- drique , non-seulement ne favorise pas , mais même retarde la dissolution des substances sur lesquelles l'action de ce li- quide s'exerce d'ailleurs de la manière la plus évidente , comme l'albumine et la viande. Peu importe, sous ce rap- port, que l'addition de la bile ait lieu avant ou après le com- mencement de la dissolution. Cet effet ne doit pas surprendre (1) Addition d'Ernest Burdach. (2) Loc. cit., p. 4J9. (3) 76., p. 461, 207. (4) i6., p. 82, 146. (5) i6.,p. 200. (6) l'j., p. 418. (7) Recherches sur la cHyestion, p. 145. (8) Froriep, Notiaen, t. L, p. 211. 373 DE LA DIGESTION. lorsqu'on réfléchit que la bile neutralise une panle de l'acide du liquide digestif , et que la promptitude avec laquelle la décomposition des substances précitées s'accomplit pendant la digestion artificielle , est en raison directe de la quantité d'acide contenue dans la liqueur , pourvu toutefois que cet acide ne dépasse point certaines bornes, qui, d'après mes observations, sont quarante gouttes par once d'eau. Quant aux substances dont l'amidon et le gluten sont les principaux élémens, comme les pommes de terre , les légumes farineux elles céréales, leur décomposition paraît être réellement favorisée par la bile. Comme elles sont fort peu sensibles à l'action dissolvante de la liqueur digestive artificielle , puis- que des pois , par exemple , n'ont point encore changé de forme, de couleur, ni d'aspect, au bout de quinze jours, cette remarque est peut-être sans importance relativement à la digestion naturelle. Cependant je me permettrai de citer ici quelques faits qui en établissent la justesse. Sept pois blancs , renflés dans l'eau , pesant ensemble un gros , et sou- mis pendant quatre jours à la liqueur digestive, pesaient cinquante-huit grains et demi, étant encore humides ; ils n'avaient donc perdu qu'un grain et demi ; sept autres pois , pesant aussi un gros , et tenus en digestion pendant le même laps de temps , mais après l'addition de trente grains de bile , ne pesaient ensuite que cinquante-huit grains, quoiqu'ils fussent teints en vert par la bile dont ils étaient imprégnés, et qu'on eût pesé avec eux un peu de résidu bilieux resté sur le filtre. Six pois blancs secs, pesant ensemble vingt-quatre grains , donnèrent un résultat plus frappant encore ; après huit jours de digestion , on les fit sécher ; ceux qui avaient été traités par de la bile, ne pesaient que seize grains, tandis que le poids des autres était de dix-neuf grains et demi. Un gros de riz renflé avait laissé, après quatre jours de diges- tion , cinquante-neuf grains de résidu , sans bile, et cinquante- huit seulement avec de la bile , quoiqu'ici également on eût compris dans la pesée le résidu de bile interposé entre les grains. Un gros de pomme de terre crue, traité de même, laissa cinquante-six grains de résidu sans bile, et cinquante- quatre avec de la bile. J'ai reconnu à la bile un autre mode DE LA DIGESTION. 3^3 d'influence sur la digestion artificielle ; l'addition de ce liquide au résidu obtenu par l'évaporation de la liqueur digestive filtrée, après qu'une substance quelconque y avait été dis- soute , rendait ce liquide plus soluble dans l'alcool , de sorte qu'il me semble que la bile favorise la formation de l'osma- zone. De l'albumine , de la viande et du pain de seigle, un gros de chaque , furent mis en digestion , pendant quatre jours, avec chacun six gros de liqueur digestive, et cela en portions doubles , à l'une desquelles on ajoutait un demi-gros de bile. Au bout de ce laps de temps , il y avait plus d'albu- mine et de viande dissoute dans la liqueur contenant de la bile que dans l'autre : quant au pain , la chose était moins sensible , attendu que , dans l'une et l'autre portion , il se trouvait au fond du vase, réduit en petits fragmens. Toutes les liqueurs furent filtrées ; il resta sur le filtre : De l'albumine avec bile. 5 grains. Sans bile 1 1/2 grain. De la viande avec bile. . 33 Sans bile 23 Du pain avec bile. ... 42 Sans bile 38 La liqueur filtrée, qui, pour les portions mêlées de bile, était un peu trouble , et pour les autres parfaitement limpide, fut évaporée à siccité. Le résidu sec fut : Pour l'albumine avec bile, de. 31 1/2 grains. Sans bile. 31 gp. Pour la viande avec bile. . . 24 Sans bile. 28 Pour le pain avec bile. . . . 17 1/2 Sans bile. 11 On versa de l'alcool sur cette substance sèche , puis on filtra au bout de vingt-quatre heures, et l'on évapora à siccité la liqueur alcoolique. Les résultats furent en grains : Solubles dans l'alcool. Insolubles dans l'alcool. Avec bils. Sans bile. Avec bile. Sans bile. Albumine.. . . 25 12 6 1/2 19 Viande 13 9 11 19 Pain 16 5 11/2 6 (1) IIL II paraît hors de doute , d'après cela , que la bile exerce, une influence essentielle sur la digestion , et il faut maintenant déterminer quelle peut être sa manière d'agir. Nous avons ici à passer en revue les opinions non- seulement de ceux qui reconnussent !^a piuiiciptuion à la (1) Addition d'iTiiest Bmdnch. 374 DE tA. DIGESTION. formation du chyle , mais encore de ceux qui adoptent l'hy- pothèse contraire. 1° Personne ne met en doute qu'elle sollicite l'intestin à se mouvoir et à agir avec plus d'énergie (§ 932, 1°), Schultz prétend (1) que si elle accroît la force muscubire du tube digestif, c'est parce qu'elle donne lieu à un séjour plus pro- longé du chyme dans son intérieur ; mais les lois générales de l'excitement fournissent une explication plus juste du phéno- mène. Le sujet n'a pas été non plus placé sous un jour favo- rable par les partisans de certaines hypothèses dynamiques sur la coopératioa de la bile à la digestion. Ainsi Grimaud (2) prétend que c'est un liquide imprégné de vie , qui provient d'une fermentation spécifique et vivante, et qui par consé- quent aussi possède un mode d'action tout spécial. Schultz la croit également apte à compléter la destruction des propriétés physiques des alimens, et à faire prédominer la direction communiquée vers une formation organique déterminée (3). D'un autre côté, Truftenbacher (4) prétend qu'elle n'agit point sur la formation du chyle , mais qu'elle attire le su- perflu de la nourriture , se combine avec lui, et le rend in- capable de nuire à l'organisme, opinion qui expliquerait com- ment cet effet salutaire, comparable à celui d'un contre- poison, peut avoir lieu. 2° Les théories chimiques générales laissent aussi beaucoup à désirer. Saunders admettait que la bile s'oppose , par sa résine , à la décomposition spontanée des ahmens tirés du rè- gne animal , et par son amertume à leur putréfaction. De même, Leuret etLassaigne (5) disent qu'elle fait cesser la fer- mentation , en opérant une neutralisation ; Gmelin , qu'elle met obstacle à la décomposition putride (6) ; enfin Eberle (7), que, par sa résine et son acide gras, elle ralentit ladécompo- (1) De aliment, concoct.,^. lOS. (2) Cours dephysioloyie, t. II, p. 251, 273. (3) Meckel, Arcldv fuer Jnatomie, 1826, p. 522. (4) Der f^erdauumjs process, p. 2S, 50 . ^5) Loc. cit., p. 193. {S) Handbuch der Chemie, t. II, p. iSl?. (7) Physiologie der Verdauung., p. 314, DE EA DIGESTION. 3^5 sition du cbyme , qui , sans elle , marcherait avec trop de ra- pidité. Mais le chyme acidifié par les sucs gastrique et intes- tinal a peu de tendance à la putréfaction , et les excrémens blancs des iciériques ne portent pas les marques d'une dé- composition bien avancée. La bile, employée à titre de médi- cament dans certains cas d'engorgement et d'induration, agit comme dissolvant , et peut-être se comporte-t-elle de même à l'égard de la portion encore solide des aîimens : les sub- stances qui s'éch ïppaient par un anus artificiel paraissaient réellement moins douces quand il leur arrivait de ne point contenir de la bile , et elles laissaient sur le filtre un résultat beaucoup plus abondant que quand elles étaient mêlées avec de la bile. Mais comme les sucs digestifs acides possèdent aussi la faculté dissolvante, il est à présumer que la bile sert à attaquer les matières qui leur résilient. Haller attribuait .déjà à ce liquide la propriété de mêler la graisse avec l'eau, et de produire ainsi le chyle^ qu'il considérait comme une émulsion (1). Leuret, Lassaigne et Gmelin la disent aussi chargée de dissoudre la graisse , ou du moins de la mettre dans un état de suspension qui en rende l'absorption plus fa- cile. Demarçay (2) , reproduisant l'opinion des anciens chi- mistes , l'a tout récemment déclarée une sorte de savon com- posé de soude et d'un acide gras particulier, auquel il donne le nom de choléique. Les observations microscopiques elles- mêmes (§ 941), faites sur la digestion artificielle, parlent également en faveur d'une action analogue à celle qu'exercent les savons. Mais la destination proprement dite de la bile ne peut point être de dissoudre la graisse ; car autrement elle ne servirait que dans des cas particuliers , ceux d'ingestion d'alimens gras , et serait sans but chez les animaux herbivo- res. Peut-être son pouvoir dissolvant est-il dirigé contre des substances inhérentes au canal intestinal. Saunders croyait que ses parties savonneuses servent à combattre la viscosité des matières excrémentitielles ; mais, suivant Matteucei (3) , l'al- (4) Elément, physiolog., t. "VI, p. 608; t. VII, p. 74. (2) Annales de chimie,\t. LXVII, p. 177. (3) Froriep, Notizen, t. XL, p. 1 31. 576 DE LA DIGESTION. bumine produite aux dépens des alimens par l'acide du suc gastrique , et qui se compose de flocons et de globules , a be- soin, pour pouvoir être absorbée, que l'alcali de la bile et du suc pancréatique la fasse passer à l'état liquide. 3° Ce qu'il y a de plus manifeste , c'est la neutralisation de l'acide (§§945, 4"; 946, 3°). Sylvius admettait (1) que la bile sépare le chyle des excrémens en triomphant de l'acide du suc pancréatique , et quelques-uns de ses successeurs ont prétendu avoir rerparqué, dans les vivisections , une véritable effervescence au moment oii les deux liquides se mêlaient ensemble. Gomme la présence d'un acide libre, dans le suc pancréatique , ne se confirma point , on reconnut généra- lement, dès le temps de Haller (2) , que l'action de la bile était dirigée contre l'acide du chyme. Mais deux théories opposées ont été proposées relativement à la manière dont s'accomplit la désacidification : suivant l'une , elle résulte de Toxidation de la matière biliaire , et donne lieu ainsi à la for- mation du chyle ; suivant l'autre, elle consiste en une neutra- lisation de l'alcali , et elle n'a point pour résultat une nouvelle formation de substance organique. 4o Autenrieth (3) s'était formé l'opinion suivante , d'après les recherches de Werner , de Reuss et d'Emmert. La ma- tière biliaire (§ 826 ) a] beaucoup d'affinité pour l'oxygène ; elle l'attire même à l'air libre , et le résultat de sa combinai- son avec lui est la résine biliaire. La bile agit donc sur di- verses substances en les désoxigénant ; elle donne une cou- leur veineuse au sang artériel , et s'oppose à sa coagulation ; mais elle rend au sang sa coagulabilité quand il l'a perdue par l'addition de l'acide acétique , de même que ce dernier fait coaguler le sang maintenu liquide par de la bile. Elle éloigne aussi la fermentation acide des substances fermenlescibles , qui par conséquent passent sans intermédiaire de la fermen- tation alcoohque à la putride. Maintenant , lorsque la bile se mêle avec le chyme , il se produit un précipité de flocons (1) Haller, Elem. physiol., t. VI, p. 447. (2) iô., p. 609. (3) Handbuch der empirischen Physiologie} t. II, p. 98. DE lA DIGESTION. 077 blancs; ce n'est point là un produit déjà existant dans le chyme, puisque l'addition à celui-ci d'un autre acide ou de l'alcool , détermine un précipité beaucoup plus considérable. Vingt-sept grains de chyme donnèrent , avec quatorze grains de bile , trois grains et un quart de précipité , tandis que ce- lui-ci ne fut que de deux grains et demi en opérant sur la même quantité de yinaigre et dix-huit grains de bile ; quatre scrupules de chyme fournirent, avec un gros de bile, neuf grains de précipité sec , tandis que la même quantité d'alcool ne précipita d'un gros de bile que trois grains et quatre cin- quièmes. Le précipité blanc provenait donc, non pas de la bile seule , mais encore du chyme , et il contenait un tiers d'albu- mine , puisqu'après qu'il avait été desséché , la potasse caus- tique en dissolvait quatre grains sur six (1). Après l'aflBlux de la bile , le chyle est désacidifié ; chez les Chevaux, dont la bile ne coule que goutte à goutte dans l'intestin, il perd son acide libre plus tôt que chez les animaux pourvus d'une vésicule bi- liaire. S'il n'arrive pas de bile dans l'intestin , par exemple chez les enfans atteints du carreau , les excrémens exhalent une odeur aigre , et l'excès d'acide s'annonce tant par le ra- mollissement des os que par des coagulations de la lymphe. La bile n'agit pas sur le chyme par sa soude , car les alcalis ne déterminent pas de précipité dans ce dernier. Son influence tient à ce que sa matière biliaire est oxydée par l'acide du chyme et convertie en résine , qui s'échappe du corps avec les matières excrémentilielles. Quand la bile a été oxydée par son exposition à l'air libre , à peine fait-elle naître des traces de précipité dans le chyme, et la résine biliaire épuisée par l'alcool n'en détermine aucun. Le précipité blanc est donc du chyle formé par l'action réciproque du chyle acide et de la bile; car il est, comme ce dernier , désacidifié et chargé d'al- bumine. Mais il ne se trouve encore qu'au premier degré de désacidificalion, et il se présente sous la forme solide , parce que la fluidification des alimens dépendait de l'acide du suc gastrique. Une désacidification plus avancée le fait repasser à l'état liquide , afin qu'il puisse être absorbé. De même, sui- (1) Scheier, Journal, t. VIII. 578 DE lA DIGESTION. vant Senebier , le lait coagulé par îe suc gastrique est , en grande partie, converti par la bile en un liquide blanc. Les vues d'Ackermann avaient beaucoup de rapport avec celles d'Autenrieth (3), car elles représentaient le chyme comme converti en chyle par l'action désoxydante et hydrocarboni- sante de la bile. On peut en rapprocher Topinion de Prout (2) qui voulait que l'addition de la bile au chyme dégageât des gaz , neutralisât le mélange, précipitât la matière biliaire , et formât de l'albumine.Schultz (3) compare l'action désoxydante de la bile à celle de la lumière solaire sur les végétaux, et croit que le précipité qui en résulte n'est pas du chyle , mais une substance appropriée à la formation du sang (4). 6" D'après Tiedemann etGmelin (5), l'acide chlorhydrique du chyme se combine avec la soude delà bile, quijusqu'alors était unie à de l'acide carbonique et à de l'acide acétique; il pré- cipite ainsi de la bile du mucus, une grande partie de la matière colorante, de la graisse biliaire et de la résine bihaire ; le pré- cipité, considéré comme du chyle par Autenrielh, n'est en conséquence que du mucus , semblable à celui qu'on obtient en versant un acide quelconque dans la bile. Eberle (6) adopte cette manière de voir. Mais, ers établissant que le chyme est désacidifié par la bile , dont il reçoit quelques ma- tériaux , elle parait être en contradiction avec l'idée, simul- tanément émise , que la bile n'influe point sur la formation du chyle : et quand on fait remarquer que le picromel et l'acide cholique de ce liquide ne se retrouvent ni dans les excrémens ni dans le chyle, il paraît difficile de concilier ce fait avec l'assertion que le travail dont les organes digestifs sont chargés se réduit au passage des alimens dissous dans le système vasculaire , sans formation d'aucune substance nouvelle. Au reste , la théorie instituée par Autenrielh n'a (1) Physiologische Darstellung der Lebenskraefte^ t. II £, p. 88. (2) Loc. cit., p. 22.7. (3) Meckel, Archiv, 1826, p. 510. (4) De aliJiient. concoct., p. 108. (5) Hech. sur la digestion, t. I. (6)^Xoc. Cîï., p. 312. DE lA DIGESTION. S^S point encore été réfutée d'une manière complète , et des re- cherches ultérieures démontreront sans doute qu'elle mérite de n'être point entièrement rejetée. IV. Nous sdhimes moins instruits encore des effets du suc pancréatique que de ceux de la bile. Eberle (1) le suppose analogue au suc intestinal , parce que le pancréas est une continuation de l'intestin. Mais , en raisonnant de la sorte , on serait tout aussi fondé à dire la même chose de la bile. Et quand Eberle lui attribue les effets qu'il a remarqués sur le suc pancréatique imité artificiellement, par là il donne une bien faible base à sa théorie , qui heureusement ne ren- ferme rien de particulier. 1° Haller (2) pensait que le suc pancréatique sert à éten- dre la bile, et à en tempérer l'âcreté , celle surtout de la bile contenue dans la vésicule , afin qu'elle n'irrite pas trop Tin- teslîn , et ne détermine pas une progression trop rapide du chyme. Ses motifs étaient que le canal pancréatique ne s'a- bouche au voisinage du cholédoque que chez les animaux pourvus d'une vésicule du fiel , et qu'après la ligature de ce conduit, ou l'extirpation du pancréas, certains Chiens sont pris de vomissemens bilieux , ou éprouvent une grande faim et beaucoup de soif. Werner (3), ayant remarqué que la bile étendue d'eau détermine un précipité plus copieux dans le chyme , regardait comme possible que le suc pancréatique servît à l'étendre. Eberle (4) admet la même chose, en ajou- tant , toutefois , que l'acide acétique de ce suc se combine avec la soude de la bile. 2" Krimer (5), attribue au suc pancréatique , non seule- ment le pouvoir de neutraliser et d'assimiler , mais encore celui d'étendre et de dissoudre. Il fait remarquer que les maladies du pancréas amènent la constipation et l'amaigrissement , et que , chez les animaux auxquels on l'a extirpé , le chyme de- (1) Ibid. (2) Elem.physiol., t. VI, p. 451; t. VII, p. 75. (3) Scherer, Journal, t. VIII, p. 33. (4)/-oc. ci^.,p. 325. (5) Loc. cit.^ p. 63, 96. 38o DE lA DIGESTION. meure dans l'intestin , plus consistant qu'à l'ordinaire, et fai- blement acide. Suivant Eberle (1), il sert en outre à délayer la graisse , et à la réduire sous forme d'émulsion ; une grande partie de ses principes constituans passe aussi dans le chyle. 3" Enfin Tiedemann et Gmelin (2) pensent qu'en vertu de l'albumine et du caséum , substances riches en azote (3), que contient le suc pancréatique , il contribue à l'assimilation des alimens dissous , et que c'est pour cette raison qu'on trouve le pancréas plus volumineux chez les carnivores que chez les herbivores. Ici, comme en beaucoup d'autres points, il ne nous est per- mis de juger que d'après les règles de la probabilité ; mais nous ne renonçons pas à l'espoir que des recherches nouvelles , s'appuyant sur les résultats déjà^obtenus , finiront par nous conduire plus loin. S'il ne nous est pas possible de bien comprendre tous les détails de la digestion, si nous en sommes réduits à des conjec- tures pour ce qui les concerne , du moins possédons-nous assez de faits pour être en état de nous élever à un aperçu général de cette fonction complexe , et d'en saisir l'essence. ARTICLE III. De r essence de la digestion. I, Formation de substances nouvelles. § 952. La digestion a pour résultat essentiel, non le passage des alimens dans le système lymphatique, mais une produc- tion de substances nouvelles. I. Chaque être organisé se nourrissant de la substance des autres, on peut être conduit parla à une opinion contraire. Les animaux vivent d'autres animaux ou de végétaux, et ces der- niers trouvent leurs moyens de subsistance dans la terre im- prégnée de matières animales ou végétales. D'après cela, la nutrition semble n'être autre chose qu'une migration de la ma- {i)Loc.cit.^ p, 327. (2) Loc. cit., t. I, p. 394. (3) fjandltuch der Chemie, t, II, p, 1517. DE LA DIGESTION. 38 1 tière organique, qui, après avoir constitué un corps vivant pendant quelque temps, va former la substance d'un autre. Et comme le maintien de la vie dépend de l'afflux de cette ma- tière orjyanique, celle-ci semble posséder elle-même l'apti- tude à vivre, et être la cause de toute vie individuelle, puis- qu'elle se manifeste partout sous des formes individuelles^ derrière lesquelles se cache son identité. Il y a donc une vie générale, une liaison et une affinité de tous les êtres vivans ; la matière organique s'épuise quand elle a revêtu pendant quel- que temps une forme individuelle déterminée ; pour se ra- jeunir, elle émigré, poussée par sa tendance à passer du par- ticulier au général ; mais elle rentre aussitôt dans d'autres formes, pour phénoménaliser de nouveau la vie. Elle est donc dans un continuel état de circulation ; les individus, qui en sont les supports temporaires périssent annuellement, et quand ils servent de nourriture à d'autres, la vie, éteinte en eux, se ré- veille dans ceux-ci, en sorte que le tout se maintient sans chan- gement, malgré les mutations continuelles de ses parties. Dans cette manière de voir, devenir est un mot vide de sens, qui n'exprime pas une réalité, mais une simple appa- rence ; car il n'y a qu'une seule existence, partout identique et indestructible, dont l'origine ne peut être attribuée qu'à une force depuis long-temps éteinte ou réduite au repos. Cette hypothèse repose donc sur une iSction hyperphysique, qui répugne autant à la raison qu'elle est contraire à l'expé- rience. Cependant elle est forcée d'admettre finalement quel- que chose d'immatériel, qui détermine partout les formes par- ticulières, et dont l'admission rend superflue celle d'une ma- tière susceptible de vivre. Nous l'avons déjà combattue par des argumens généraux dans ses applications à la génération, où elle constitue les systèmes de la panspermie (§ 312) et de la syugénèse (§ 313). Ici, nous nous contenterons de faire re- marquer qu'en la supposant fondée, l'alibilité d'une substance organique devrait être en raison directe de sa vitalité, ce qui est contraire à l'expérience, car le cerveau, les poumons et le cœur procurent moins de nourriture que les muscles et les os. Nous nous occuperons donc surtout de démontrer que de la matière organique nouvelle §e forme dans la nutrition. 382 DE lA DIGESTION. II. Les théories matérielles qui régnaient à l'époque d'Al- binus ne l'empêchèrent pas d'admettre (1) que l'organisme convertit la matière étrangère en sa propre substance. For- dyce a fait voir que la digestion ne consiste ni en une division mécanique, qui laisserait les propriétés spécifiques intactes, ni en une dissolution chimique, puisque celle-ci ne peut ni s'opérer à l'aide d'un menslrue qui soit le même pour toutes les substances, ni extraire de celles-ci un produit toujours semblable ; qu'elle est plutôt un séparation et [une recombi- naison d'élémens, déterminées par la puissance'de la vie. Cou- tanceau (2) a prouvé également que le chyme n'est point une dissolution accomplie dans un suc gastrique agissant de la même manière sur tous les alimens, mais le produit d'une dé- composition'et d'une nouvelle combinaison, que le chyle etles excrémens n'existent pas dans le chyme, que le travail des organes ne consiste pas uniquement à les séparer l'un de l'au- tre, et qu'il lui faut les produire tous deux (3). Prout a conclu de ses recherches (4), que le suc gastrique peut, jusqu'à un cer- tain point, transformer, organiser et vivifier les alimens sim- ples pour la formation d'un chyle homogène, et que, par exemple, il commence par ramener l'albumine à un degré in- férieur de formation. De même aussi, d'après Schultz (5), la digestion n'est autre chose qu'une transformation progressive et un développement organique, qui triomphent complète- ment du caractère chimique des alimens ; ceux-ci se décorii- posent dans l'estomac ; la combinaison chimique de leurs élé- mens est détruite; ils sont mis en demeure de contracter des combinaisons organiques nouvelles, et d'abord ils sont trans- formés en une masse indifférente, qui peut ensuite devenir vivante. Hood se prononce également (6) pour une nouvelle formation qui succède à une décomposition, et i^agendie (7) (1) Academ. annotât.^ lib. III, p. 45. (2) Révision des nouvelles doctrines, Paris, 1821, p. 10-14. (3) ii.,p, 30. (4) Medico-chirurgical review, t. XXV, p. 106. (5) De aliment. concoctione^'''p. 99. (6) Anahjtic physioloyy. p. 170. (7) Précie élément.^ t. II, p. 120, DE LA DIGESTION. 383 reconnaît que, ni l'attrition, ni la macération, ni la dissolu- tion ne constituent l'essence de la digestion. III. L'observation nous procure la conviction que l'orga- nisme crée lui-même les matériaux immédiats de sa sub- stance. 1° Ces matériaux n'ont effectivement pas besoin de se trou- ver dans les alimens. Ce qui saute le plus aux yeux, c'est que la plante ne tire pas les matériaux qui lui sont propres du sol dans lequel elle est implantée, mais les forme en vertu de sa vitalité. Cependant il n'est pas moins certain que les ani- maux herbivores et Thomme lui-même produisent leur sub- stance spéciale, aiors même qu'ils vivent uniquement de nour- riture végétale. A la vérité, on trouve des analogies entre certains matériaux des végétaux et du corps animal. Mais analogie n'est point identité, et nous ne pouvons pas admettre que la substance végétale se transforme en la substance ani- male qui lui est analogue ; car celte dernière se forme dans les cas même oii la substance végétale qui a de l'analogie avec elle n'existe point dans la nourriture. Il n'y a pas de plus grande analogie que celle entre l'huile et la graisse. Ce- pendant cette dernière se produit même sans que l'animal mange des végétaux oléagineux, et l'usage de ces derniers est ce qu'il y a de moins propre à procurer de l'embonpoint. D'ailleurs, toutes les substances animales ne se développent pas dans les organes digestifs, et il en est quelques-unes, par exemple, la gélatine, qui n'apparaissent que plus tard. Di- verses substances végétales, l'amidon entre autres, n'ont jîas la moindre analogie avec la matière animale, et néanmoins elles sont fort nourrissantes. De même, certaines substances animales, l'urée, par exemple, n'ont rien qui leur s.ni ana- logue dans la nourriture végétale. Or, si rorganl.me a le pou- voir de former lui-même ses matériaux immédiats quand il ne prend qu'une nourriture végétale, tout porte d'avance à croire qu'il a la même faculté lorsque la nourriture est de nature animale. 2" La nourrit ire étant la même, il se produit des composés différens chez des corps organisés divers. De môme qu'il croît, les uns à côté des autres, dans un môme sol, des végétaux 384 ^E ^^ DIGES'IION. dont l'un contient du sucre, un autre de l'huile essentielle, un troisième de la substance narcotique, etc., de même, une nourriture identique procure une composition chimique spé- ciale à chaque espèce d'animal, ce qui est partout bien ma- nifeste, mais se prononce quelquefois par des traits plus sail- lans. Ainsi, bien qu'ils vivent des mêmes substances, le Putois se distingue de la Marte, et la Vipère de la Couleuvre ; la Caniharide et le Sphinx du troène vivent tous deux sur le troëne, et cependant le second est dépourvu du principe vé- Sîcant que la première possède. D'un autre côté, il est des choses dont un animal fait sa nourriture, et qui sont un poison pour d'autres. Certaines Chenilles se nourrissent des sucs acres des végétaux, du réveil-matin, par exemple ; les Abeil- les forment du miel avec des plantes vénéneuses ; certains Oiseaux mangent les canlharides ; les Chèvres broutent la ci- guë, eic. 3° Une même composition chimique se développe sous l'in- fluence d'une nourriture diverse .Une plante qui contient un al- caloïde particulier l'offre toujours dans quelque terrain qu'elle ait pu croître. De même, les végétaux parasites vivent sur tous les arbres indistinctement. La Civette carnassière, le Musc her- bivore, et le Castor rongeur d'écorce, fournissent des substan- ces qui ont quelque ressemblance entre elles, et chaque es- pèce de Cantharides vit sur une plante qui lui est propre , mais toutes ont en commun la substance douée de propriétés épispastiques. La différence de nourriture n'en entraîne point une dans la substance, ni dans l'organisation (§ 936, 3**, 4°). Si la nourriture du Suisse se borne à du lait et du fromage en été, celle de l'habitant des îles de la mer du Sud à du pois- son , celle de l'Indien à du riz, il ne s'ensuit pas de là une di- versité correspondante dans la composition matérielle du corps humain, 4° La nature des alimens influe certainement sur le mode de nutrition, mais son influence n'est que subordonnée.Comme une substance étrangère quelconque est tout aussi bien ab- sorbée dans les organes digestifs ( §§ 865 , 898 , 902, ) que dans d'autres points de l'économie (§ 898 ,2", 4o, 6°), il peut se faire, pendant que l'organisme forme les substances DE LA. DIGESTION. 585 qui lui sont propres , que des parties de la nourriture passent avec elles dans la masse des humeurs (§ 865). Ce cas arrive peut-être quand les fruits contractent , comme le dit Senei bier , un goût de fumier dans des terres qui ont reçu trop d'engrais ; quand les Polypes , qui sont incolores lorsqu'ils manquent de nourriture , deviennent rouges, verts ou noirs , suivant la teinte des animaux qu'ils ont avalés et digérés ; quand la même chose s'observe chez les Rotifères et les Daph- nies ; quand le Chirocéphale , plongé dans une dissolution de carmin ou d'indigo, en prend la couleur, d'abord dans la sub- stance de son intestin , puis bientôt aussi dans celle de toutes les autres parties de son corps ; quand, chez les Insectes, la couleur du sang contenu dans le vaisseau dorsal correspond à la diversité de la nourriture; quand, suivant Thaer, la chair et la viande des Cochons devient plus ferme sous l'influence des glands que sous celle des faines , etc. On a vu le sérum du sang laiteux chez de jeunes Chats et Chiensencore à la ma- melle , à cause de la graisse qui avait été absorbée en même temps que le chyle de nouvelle formation ; mais ce n'était pas pour cela du lait, car Mayer n'y a point trouvé de matière caséeuse , et quoiqu'il dise que le liquide ressemblât à du petit lait , il ne prétend cependant pas que du véritable sucre de lait y fût dissous. Dans d'autres cas , une direction déter- minée peut être imprimée à la formation par les matériaux immédiats de la nourriture , de manière que leur production soit modifiée en conséquence, comme quand le vin ac- quiert un goût différent selon les qualités du sol , ou qu'elle consiste principalement en une substance organique égale- ment correspondante, comme lorsque , au dire de Tessier et de Hermbstœdt, les plantes contiennent plus de gluten quand la terre a été amendée avec un engrais riche en phosphore et en azote , tel que le sang de bœuf ou les excrémens humains, tandis qu'elles forment davantage d'amidon avec un fumier de cheval ou de vache , qui renlerme moins d'azote. Enfin il peut aussi être absorbé des substances qui n'ont pas le moin- dre rafiport à la nulrition , qui , loin de là môme , sont hos- tiles à la vie , comme il arrive aux plantes qu'on plonge dans une dissolution de sull'ate de cuivre d'en pomper beaucoup , IX. a5 386 DE LA DIGESTION. et de mourir ainsi en peu de jours , et comme les extrémités de leurs radicules abso» beut surtout les poisons avec facilité quand leur tissu est désorganisé. IV. Parmi les matériaux immédiats on en voit apparaître çà et là quelques-uns, dans le corps organisé, qu'on ne retrouve pas dans les alimens , ou qui y sont en trop petite quantité pour qu'on puisse les dériver de cette source. A la vérité il peut très-bien se faire que le nombre des corps simples soit plus limité que ne le dit la chimie de nos jours , et que l'or- ganisme ait la faculté de produire, avec les véritables élémens, des substances inorganiques à la décomposition desquelles les chimistes ne sont point encore parvenus. Cependant la chose ne saurait êîre prouvée tant qu'on sera en droit de sus- pecter les faits eux-mêmes , et de conjecturer que les sub- stances indécomposables qui ont été rencontrées dans le corps organisé avaient été inaperçues dans les alimens, et s'étaient introduites par d'autres voies. Mais il est certain que les pro- portions de ces substances ont beau varier dans les substances alimentaires, l'organisme les crée toujours suivant la propor- tion qui lui est particulière. SiMontè^jre s'est trompe en vou- lant réduire l'action de l'estomac à une absorption vitale et élective , nous devons nous figurer le rétablissement d'une proportion déterminée des substances simples sous l'image d'une attraction élective en vertu de laquelle la substance or- ganique prend, de chacune des matières qui lui sont offertes, précisément ce qu'il lui faut pour sa saturation. Mais cette affinité élective est déterminée par le type qui appartient en propre à chaque organisme. lo Quoique les principes constituans inorganiques des vé- gétaux correspondent , généralement parlant, à ceux du sol, cependant ils s'y trouvent , les uns à l'égard des autres, dans une proportion différente de celle qu'ils affectent au sein de la terre (1). Chaque plante contient une quantité qui lui est pro- pre de sels et de terres , dans quelque terrain qu'elle ait puisé sa nourriture. Ainsi la moutarde renferme du soufre, le tabac du niire , etc. Lampadius (2) sema de Torge dans de la (4) Raspail , Nouv. syst. de phys. véyét., Paris, d837, t. II, p. 592. (2) Sammlnng praktisch'Chemischer Jbhandlunyen, t. III,, p. 190. J DE LA DIGESTION. SSy terre végétale, de la terre calcaire, du sable quarlzeiix pur, de l'argile à potier et de la magnésie blanche , en ajoutant partout du fumier de vache : les cendres des grains dévelop- pés dans ces divers sols contenaient les mêmes terres et les mêmes sels, avec de très-petites diflérences seulement sous le point de vue de la quantité. Celles des chaumes poussés dans la (erre calcaire donnèrent 700 millièmes de silice, 160 de car- bonate de potasse, 70 d'oxide da mangagèse, 42 d'oxidede fer, et 20 d'argile , avec 8 de perte. Einhof (1) a trouvé , dans la cendre des cônes de pins qui croissaient au milieu d'un sable pur, sans trace de chaux, 0,65 de carbonate calcaire, 0,24 de carbonate, de sulfate et d'hydrochlorate de potasse, 0,06 d'alumine et de magnésie , 0,04 de silice et 0,01 de fer ; des lichens lui fournirent également beaucoup de chaux, quoique le sol n'en contînt pas. De même , d'après Braconnot (2), des plantes renfermaient une très -grande quantité de potasse, bien que la terre dans laquelle elles avaient crû n'en fournît aucune trace à l'analyse la plus minutieuse. De l'orge qui avait poussé dans du carbonate de fer , ne contenait pas , d'a- près John , plus de fer que toute autre plante , mais on y dé- couvrait du carbonate et du phosphate de chaux (3). Des hya- cinthes élevées dans de l'eau distillée , avec du carbonate de soude , ne contenaient pas de soude , mais de la potasse à l'é- tat de sel, et, comme de coutume , un acide libre (4) ; des hé- lianthes élevés dans du sable, avec du carbonate de soude, con- tenaient du nitrate de potasse (5). John a trouvé (6) , dans des lichens qui végétaient au sommet de sapins , loin par consé- quent du sol ferrugineux, une quantité considérable de fer, et des hélianthes (7) qui avaient été élevés dans du sable, avec du carbonate de cuivre , lui ont offert du fer. Delaméthérie avait déjà observé des phénomènes analogues sur des plantes qui (Ijî^Gehlen, Journal der Chcmie, t. III, p. 5f)3. (2) Gehlen, Noues Journal der Chemie, t. IX, p. 134. (3) Ueher die Ernœhrunij der Pflanzen^ p. 260, (4) U., p. 170. (5) U.. p. 183. (6)i6.,p. 75. (7) /«., p. 271. 388 DE LA DIGESTION. végétaient dans de l'ean pure. Des végétaux que Doubray (1) avait élevés dans du sulfate de strontiane en poudre , ou ar- rosés avec une faible dissolution de nitrate de stronliane, con- tenaient de la chaux et point de strontiane. Grell (2) croyait avoir remarqué que les plantes qui croissaient dans l'eau dis- tillée et l'air renfermé , produisaient du carbone sous l'in- fluence de la lumière solaire ; ainsi , par exemple, dans l'une de ses expériences , un oignon donna soixante-quatre grains de carbone , et un autre de même grosseur , élevé de la même manière , en fournit cent neuf grains dans l'espace de cinq mois , quoique l'air de l'appareil ne pût renfermer à peine que 0,08 grains de cette substance. Quand bien même les joints de l'appareil n'eussent pas été imperméables à l'air, bien qu'entourés d'une double vessie, il ne s'ensuit pas moins de ces expériences que les plantes attirent puissamment de l'atmosphère la quantité de carbone nécessaire à leur accrois- sement. Il paraît en être de même pour l'azote ; les plantes l'attirent ordinairement de la terre végétale ; mais elles en contiennent alors même qu'elles ont crû dans un sol qui en est dépourvu , de sorte qu'en pareil cas elles doivent l'avoir puisé dans l'atmosphère. 2° Le corps animal maintient également la proportion de ses principes immédiats , et , sous ce rapport , il se montre jus- qu'à un certain point indépendant des alimens. L'acide acéti- que , la potasse et la silice prédominent proportionnellement chez les végétaux , tandis que ce sont l'acide phosphorique , la soude et la chaux chez les animaux qui se nourrissent de ces corps organisés. Cameron (3) fait remarquer que le sang des Poissons ou des Oiseaux pélagiens ne contient pas plus de sel que celui des animaux qui font servir l'eau douce à leur nourriture. La proportioh de la chaux augmente dansil'œuf de Poule pendant l'incubation (§ 465 , 5") , comme l'a observé entre autres Abernethy. Vauquehn nourrit une Poule , pen- dant dix jours , avec 483,8 grammes d'avoine, puis rechercha (d) Froi-iep, Notizen , t. XLV, p. 493. (2) Schwei;,'g('i-, Journal, t. II, p. 281. (3) New theorj of the influence ofthevarietyindiœt, p. 64. DE LA. DIGESTION. SSg combien il y avait de terre dans une égale quantité de ce grain, ainsi que dans les excrémens rendus et les quatre œufs pondus pendant ce laps de temps ; voici le résultat qu'il obtint : DANS l'avoine. Silice 9,342 Phosphate calcaire 5,944 Carbonate calcaire 0 DANS LES EXCREMENS. 8,067 11,944 2,547 DANS LES œUFS. 0 0 19,744 L'animal avait donc rendu 1,275 grammes de silice de moins que n'en contenaient ses alimens , avec 6 grammes de phos- phate et 22,291 grammes de carbonate (îalcaire de plus que ceux- ci n'en renfermaient. Suivant Doubray (1), des Pintades auxquelles on avait enlevé toute autre espèce de terre, ava- lèrent de la strontiane , et pondirent des œufs dont la co- quille ne contenait qu'une faible trace de strontiane, et n'offrit plus tard que peu ou point de terre. Macaire (2) , ayant sou- mis à l'analyse élémentaire les excrémens et le chyle d'un Cheval nourri exclusivement de végétaux, et de Chiens qui , depuis plusieurs jours , n'avaient mangé presque que de la viande , trouva : Carbone Oxygène Hydrogène Azote Substance inorganique et terreuse, ou perte CHYLE des chiens. 552 259 66 IdO 23 du cheval. 550 268 67 110 15 EXCRÉMENS des chiens. 419 280 69 42 200 du cheval. 386 290 66 8 250 Ainsi , sous l'influence de la nourriture animale , les excré- mens contenaient plus de carbone et beaucoup plus d'azote , (i) Loc. cit., p. 2Q0. (2) Annales de thimio, i, LI, p. 376. 590 DE lA DIGESTION. avec moins d'oxygène, d'hydrogène et de sels , que sous celle de la nourriture végétale. Mais la première avait fourni au ehyle un peu moins d'oxygène et d'hydrogène , un peu plus de carbone , mais pas plus d'azote , que la seconde. Berze- lius (1) fait même remarquer que le sang de bœuf est moins combusuble que celui de l'homme , et que quand on le brûle lentement à l'air libre, il donne du carbonate d'ammoniaque, ce qui prouve qu'il contient davantage d'azote. Or, il y a bien de l'azote dans le gluten , dans l'albumine végétale, et , suivant Gay-Lussac , dans toutes les graines ; mais on ne saurait contester que cet élément est moins abondant dans la viande. Donc, puisque le chyle en contient autant ou même plus après lu nourriture végétale qu'après la nourriture ani- male , il faut , ou que l'organisme s'empare plus compléte- tement de la quantité moins considérable d'azote existant dans les alimens, ou qu'il en puise dans l'air atmosphérique; si ce dernier effet n'a point lieu par la respiration (§ 972, 5°), la source de l'excès d'azote devrait être l'air mêlé avec l'eau introduite dans les organes digestifs. Une circonstance tend à faire croire que les herbivores font passer plus com- plètement dans leur chyle la quiiniité moins grande d'azote de leurs alimens , c'est que , d'après l'expérience précédem- ment rapportée, les excrémens du Cheval, auxquels sont ce- pendant mêlés les liquides digestifs azotés , contenaient à peine un cinquième encore de l'azote existant dans ceux des Chiens. On peut, jusqu'à un certain point , citer à l'appui une observation de Boussingault (2), de laquelle il résulte que la proportion des élémens était la suivante dans les 8392 gram- mes d'avoine et de foin qu'un Cheval consomma en trois jours, et dans les 3525 grammes d'excrémens qu'il rendit durant ce laps de temps. Fourrage Excrémens CARBONE. HTDROGÈN. OXYGÈNE. AÏOTE. 965 114 754 37 3b7 51 337 22 130 jgram- 163 jmes. (1) Schweigger, Journal, VXM, p. 305. (2) Annales de chimie, t. LU, p.^110. DE LA DIGESTION. 3g î Gannal préfend (1) que la portion azotée des végétaux n'est point assimilée dans le corps animal, et qu'une Vache évacue , parle lait, l'urine et les déjections alvines, dix fois plus d'azote qu'elle n'en prend avec le fourrage. Hermann (2) a comparé le contenu de la fiente que trois Moineaux rendi- rent dans l'espace de quarante-huit heures avec celui d'une quantité de chenevis égale à celle qu'ils avaient consommée durant le même laps de temps , et il a obtenu le résultat sui- vant en dix millièmes : Chenevis Excrémens CENDRES. HYDROGÈNE. CARBONE. AZOTE. 600 542 5600 1053 2200 605 3740 1180 OXYGENE. 2205 2275 II. Décomposition. § 953. La formation de substance nouvelle suppose une décomposition de la matière donnée. La matière organique doit avoir perdu ses caractères propres , avoir été dépouillée de rindépendauce qu'elle possède en vertu de sa participa- tion à la vie , pour pouvoir servira la nourriture d'un autre organisme et être assimilé par lui. I. Ce n'est pas la matière vivante , mais la matière qui a été vivante , qui sert à la nutrition. 1° Les végétaux se nourrissent de matière organique dé- composée , dans laquelle les principes immédiats sont plus ou moins dissous , de manière que leurs élémens ont contracté de nouvelles combinaisons. Lorsque le jus de fumier frais entre en contact immédiat avec les racines, il nuit à l'accrois- sementdes plantes , d'uprès les observations de Senebier ; il a besoin , pour agir comme nourriture , d'avoir été préalable- ment transformé par la putréfaction , d'avoir dégagé de l'acide carbonique et de l'hydrogène carboné. John (3) a vu périr (1) Comptes-rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences, t. VII, p. 1157. (2) Gilbert, Annalen, t. CVIII, p. 299. (3) Ueber die Ernœhrungder Pflunzen^ p. 237. 592 DE LA DIGESTION. des graines semées dans de la silice en poudre , avec de la potasse et du blanc d'œuf frais ; elles ne germaient que quand ce dernier était déjà putréfié. 2** Tandis qu'ici la matière organique n'agit comme ali- ment que quand elle est sur le point de rentrer entièrement dans le sein de la nature organique , de sorte que la plante a ses racines plongées dans une substance intermédiaire entre l'organique et l'inorganique , et lie ensemble les deux règnes , l'animal vit de substance organique fraîche, dans laquelle les matériaux immédiats existent encore, et tient par conséquent ses racines plongées dans le règne organique L'individu dont la matière est destinée à servir de nourriture , doit avoir été mis à mort, avoir perdu son individualité et son indépendance; sans cela, il n'y a point de nutrition. Car le caractère de la vie est la conservation de soi-même, et les Entozoaires produits dans les organes digestifs, les Insectes ou les Reptiles intro- duits accidentellement dans ces voies , ne sont digérés que quand ils ont cessé de vivre. Il n'y a que les animaux et les végétaux des classes inférieures qui puissent vivre en para- site à la surface et dans l'intérieur d'autres végétaux et ani- maux vivans ; leur nutrition a lieu par une mort partielle de l'organisme qui les supporte ; celui-ci se maintient tant qu'il ne perd pas plus par là que par les excrétions ordinaires, qu'il a le pouvoir de réparer sans cesse les pertes qu'il éprouve , ou que ces pertes le débarrassent seulement des produits exubérans de sa riche plasticité. 3° La mastication et l'insalivation sont une continuation de cette œuvre de destruction ou de mise à mort, qui prépare et favorise la digestion. L'avoine qui échappe à l'action triturante des dents du Cheval? sort avec les excrémens, sans avoir été digérée ; lorsqu'on donne à cet animal de l'avoine écrasée , on peut , suivant Sprengel , épargner un sixième de celle qu'on est dans l'usage de lui faire manger. Chez les Oiseaux qui avalent des grains entiers, le sable que ces animaux introduisent également dans leur estomac , paraît favoriser la digestion de la même manière. La coction détruit mieux encore la vie , et rend par cela même la digestion des sub- stances organiques plus facile. On a trouvé qu'il fallait un DE LA DIGESTION. SqS tiers" de moins d'avoine au Cheval, quand on la lui donnait bouillie, II. Jl s'opère toujours , dans la digestion , une décomposi- tion et une destruction des combinaisons auparavant exis- tantes. Les alimens même dont la substance se rapproche le plus de l'organisme qu'ils doivent nourrir , ne passent point dans le sang sans laisser de résidu ; le sang chaud , le bouillon gras , le lait , les œufs , ne sont pas digérés , sans fournir des excrémens, par conséquent sans être décomposés; ils ne nourrissent suffisamment qu'autant qu'ils sont exposés , dans l'estomac et l'intestin , à l'action décomposante des sucs di- gestifs ; si , les voies ordinaires étant obstruées , on les admi- nistre en lavemens , ils ne soutiennent la vie que d'une manière incomplète et pendant un court espace de temps, bien que le gros intestin soit le siège d'une absorption assez énergique. En effet , la vie ne consiste pas à recevoir du dehors , mais seulement à former, à produire soi-même. Nous avons encore une preuve de la transformation que subit la matière dans cette circonstance que certains poi- sons , dont l'action se prononce avec force lorsqu'ils viennent à être mêlés avec le sang , demeurent peu ou point actifs quand c'est l'organe digestif qui les reçoit ; tel est le cas du venin de ia Vipère (1), du virus de la rage (2), du poison des épizooties charbonneuses (3), de la peste (4) et de la syphilis. On retrouve , dans les végétaux , les matériaux inorganiques qu'ils ont tirés du sol , mais changés d'état , et en partie mêlés avec d'autres substances que le sol ne renferme pas ; ainsi des plantes nourries dans du sable avec de l'azotate (5) de manganèse , ont donné du manganèse , sans acide azo- tique ; d'autres , élevées dans du soufre , avec de l'eau dis- tillée , contenaient des sulfates ; d'autres encore , qui avaient poussé dans du sable et du nitre , fournissaient à l'analyse (1) Meckel, Deutsches Archiv^ t. III, p. 639. (2) Froriep, Nntizen, t. V, p. 460. (3) Fodéré, Essai de physiologie positive, t. III, p3 68. (4) Ilallcr, Elem. pktjsiol., t. VII, p. 58. (5) John, Ucler die Erîtœhrung der Fflansen, p. 270. Sg/f DE LA. DIGESTION, du nitre et du chlorure de potassium (1) ; d'autres enfin qu'on avait élevées dans du sable , avec un peu de potasse , conte- naient du chlorure de potassium , du sulfate de potasse et du phosphate de chaux (2). IIÎ. Alimens. § 954. L'aliment est une matière qui contient les matières élémentaires du corps à nourrir dans un certain équilibre, et d'un autre côté dans un état de combinaison facile à détruire. Il ne doit donc pas avoir de qualités chimiques trop saillantes, qui le rendraient capable ou de léser l'organisme , ou de n'agir sur lui que d'une manière irritante ; il doit être neutre sous le point de vue de sa composition , et indifférent par rapport à l'excitabilité de l'organisme. Mais il faut , en outre, que ses élémens ne soient pas trop fortement liés ensemble, et qu'une grande faciUté à se décomposer le caractérise. I. Une matière est d'autant plus décomposable, que ses principes constituans sont moins homogènes , qu'ils ont plus de tendance à se dissocier. Des substances simples , comme le phosphore , etc. , etc. , ne peuvent point servir seules à la nutrition ; mais , associées à une matière composée , d'un côié elles favorisent la décomposition de cette dernière , en faisant naître de nouveaux rapports d'affinité, et en sollici- tant l'action vitale ; d'un autre côté , elles passent dans le chyle avec le produit de la digestion. Les substances orga- niques n'agissent comme engrais, disent Thaer et Einhof (3), que pendant la putréfaction et la décomposition ; le fumier animal est plus actif que le fumier végétal , parce qu'il con- tient une combinaison plus complexe de substances , et qu'en conséquence il est plus décomposable ; les excréraens se dé- composent avec une grande facihté , et par cela même con- viennent plus que toute autre substance à la nourriture des plantes; sous ce rapport, les déjections des animaux carni- vores ont la prééminence sur celles des animaux herbivores , (1) /&., p. 202. (2) 76., p. 209. (3) Gehlen, Neues Journal^ t. II, p. 290. DE LA DIGESTION. SgS parce qu'elles sont spécialement plus riches en azote. La fer- tilité d'un terrain dépend aussi de ce qu'outre les débris de substance organique , il contient de l'argile , de la chaux et de la magnésie , du fer, de la potasse , du chlore, de l'acide phosphorique et de l'acide sulfurique. Haller pensait (1) que , comme les sucs de la terre donnent à la cannelle son arôme , à la canamèle son sucre , à la jusquiame son poison , de même , chez les animaux , les sucs muqueux sont tirés des herbes , les gélatineux de la viande , et les gras de la farine ou de la graisse. Berzeîius admet également qu'une nourri- ture qui consiste uniquement en une seule substance n'est point apte à soutenir la vie , parce que ce qui a besoin d'être réparé dans le corps étant de nature diverse , ne saurait être réparé aux dépens d'une seule et unique matière (2). Game- ron prétend (3), dans le même sens, que le laps de temps après lequel il faut prendre d'autre nourriture , correspond à celui pendant la durée duquel le corps animal a perdu celui de ses principes conslituans dont la restitution lui devient nécessaire et qui doit lui êtr« fourni par cet aliment diffé- rent. Mais il nous est impossible , lorsque nous pesons bien les faits cités précédemment (§ 952, i°-6°), de considérer le chyle et le sang comme une collection de matériaux des divers alimens. Berzeîius dit la viande nourrissante , parce qu'elle contient de la fibrine , de l'albumine , de l'osmazome , de l'acide lactique et des sels. Mais ces substances ne passent point indécomposées dans le chyle , car quand la force di- gestive est insuffisante , l'absorption a beau s'accomplir avec énergie, les viandes les plus faciles à digérer et les consom- més les plus parfoifs ne nourrissent pas le corps aussi bien qu'il l'est , dans l'état normal de la vie , par une nourriture végétale mixte, dépourvue de tous ces principes constituans. L'instinct, qui seul pourrait déterminer le choix des alimens capables de fournir la substance que l'économie aurait be- soin de réparer , conduit aussi à varier la nourriture animale, (1) Elem. physiol., t. VIT, P. II, p. 61. (2) Traité de chimie, t. VU , p. 243. (i)Loc.cit., p. 21. 396 DE LA DIGESTION. quoique toutes les viandes aient au fond la même composi- tion. Cameron veut que tout aliment dont l'usage exclusif peut soutenir la vie et la santé contienne tous les matériaux de l'organisme , et il prétend que le lait est le seul aliment de ce genre , parce qu'il réunit les principes de l'organisme animal (beurre et matière caséeuse) et ceux de l'organisme végétal (sucre) (1) ; mais la fibrine , l'albumine , la piyaline et peut-être aussi l'osmazome n'existent point dans ce liquide. Boussiogault (2) regarde le gluten et l'albumine végétale comme les seules substances alimentaires végétales , et il exclut Tamidon , le sucre et la gomme , parce que l'usage exclusif de ces matières ne peut entretenir la vie , à cause du défaut d'azote. Mais , d'après ce que nous avons dit ailleurs (§ 936 , IV), cet argument n'a aucune valeur. Le gluten seul ne nourrit pas plus que l'amidon ; tous deux réunis dans les céréales fournissent une bonne nourriture , et cependant nous avons vu que l'usage exclusif des céréales ou de la farine n'est pas propre à entretenir la vie , ou ne l'entretient que maigrement. Mais la farine devient plus nourrissante par l'ad- dilion du sucre et de la graisse , et tandis que l'albumine et la graisse , isolées l'une de l'autre , nourrissent peu , elles fournissent une nourriture abondante lorsqu'elles sont asso- ciées ensemble, comme dans le jaune d'oeuf. Ainsi, quoique ces diverses substances soient composées et décomposables , elles ne servent sufflsamment à la nutrition qu'autant qu'elles sont réunies de manière à former un mélange plus décompo- sable encore que chacune d'elles. L'alibilité est en raison di- recte de l'aptitude à se décomposer , comme celle-ci est en raison directe de la multiplicité des principes constituans , et voilà ce qui explique pourquoi l'organisme ne prospère que sous l'influence d'une nourriture variée. Ainsi, d'après Eberle (3), l'acide chlorhydrique seul résout d'autant mieux les substances nourrissantes en une masse analogue au chyme, que le nombre de ces substances diverses qui se peuvent associer les unes avec les autres est plus considérable. (1) Loc. cit., p. 49, 33. ^) Annales des sciences naturelles, 2» série, t. VI, p. 373.' (3) Physiologie der Verdauuny, p. 73. DE LA DIGESTION. 697 IL Ceci nous conduit tout naiureliement à la question de savoir si une substance inorganique dont les élémens seraient dans un équilibre facile à déranger , pourrait aussi servir de nourriture. Nous nous sentons obligés de poser cette ques- tion , car quand nous disons qu'un être organique ne peut vivre que de matières organiques ,nous établissons une série sans commencement ; les êtres organisés ne pourraient point alors s'être développés en conformité des lois de la nature , hors du domaine de laquelle il faudrait aller rechercher leur origine , ce que nous devons repousser comme une fiction hyperphysique. Les corps naturels sont décomposables jusqu'à un certain point. Le terme de leur décomposition se trouve aux élémens, qui ne sont plus susceptibles de se réduire en d'autres sub- stances , qui possèdent certaines propriétés fondamentales , et qui , par leurs divers modes d'association , produisent les formes variées de la matière. Or , il doit y avoir plus d'un élément ; car, s'il n'en existait qu'un seul , qui produisît tout, la matière jouirait d'une activité spontanée absolue , elle se- rait absolument vivante , purement spirituelle , ce qui impli- querait contradiction ; d'ailleurs , il est bien facile de se con- vaincre qu'il ne survient de changemens dans la matière que par un conflit de forces ; sans antagonisme de substances dif- férentes, il n'y a pas d'opération chimique possible. Mais l'o- pération chimique la plus pénétrante est la combustion ,' la réduction à l'unité d'une substance animée de l'électricité négative et d'une autre substance possédant l'électricité po- sitive. L'oxygène seul est l'élément toujours et absolument négatif. Les substances physiques indécomposées qui se com- portent positivement par rapport à lui sont nombreuses : au premier ranrj parmi elles se place l'hydrogène, que nous pouvons considérer comme l'élément basique par excellence; car il surpasse tous les autres corps en inflammabilité ; il donne une flamme claire , et lorsqu'on le brûle avec huit fois son volume d'oxygène, il se convertit, non point en un acide, mais en une substance neutre, l'eau. Nulle |part le caractère de généralité de la matière , résultant de la combinaison d'élémens opposés en un tout indifférent, ne SgS DE LA DIGESTION. s'exprime d'une manière p!us parfaite que dans l'eau. L'eau, dépourvue de couleur , d'odeur et de saveur , admet en elle les substances les plus diverses , qui y disparaissent quant à la forme, sans subir de changement dans leur essence , tout comme elle-même disparaît sans perdre ses propriétés quand elle entre dans des corps solides à l'état d'eau de cristallisa- tion , ou dans des corps gazeux à l'état de vapeur. Tous les corps organisés ont besoin d'admettre immédiatement de l'eau dans leur substance (§ 937, 1°); c'est un fait bien positif; mais il serait possible aussi qu'ils la décomposassent , qu'ils missent en liberté les deux élémens opposés dont l'union la constitue , qu'ils les enchaînassent aussitôt d'une manière conforme à leur propre nature , et qu'ils produisissent ainsi leur propre substance. Aussi l'eau a-t-elle été de tout temps considérée par quelques physiciens comme l'aliment primor- dial ; telle était l'opinion de Thaïes , de Vanhelmont , de Boyle, d'Eller, de Rumford , de Lichtenberg (comp. § 465, 5o). 1^ Les faits consignés plus haut (§ 937, 3") prouvent la possibilité que les plantes se nourrissent d'eau pure et même d'eau distillée. Mais, ce qu'il y a surtout d'important, c'est que la substance végétale formée ainsi sous l'influence de l'eau seule , présentait les principes constituans ordinaires. Duha- mel (1 ) , en distillant des plantesqu'il avait élevéesdans de l'eau seulement , obtint les mêmes produits que fournirent celles qui avaient poussé dans le sol; des hyacinthes élevées dans de l'eau distillée , donnèrent à Eller (2) infiniment plus de cendre qu'il n'avait pu en provenir de leurs oignons. Aber- nethy a trouvé dans la cendre de choux qu'il avait fait ger- mer sur de la flanelle imbibée d'eau , du carbonate de po- tasse , de la chaux et du fer ; des pieds de menthe poivrée , pesant trente grains , qu'il mit dans de l'eau distillée , don- nèrent , après y avoir poussé , des cendres contenant égale- ment de la potasse , de la chaux et du fer. Suivant Schrader, des chaumes d'orge et de seigle poussés dans de la fleur de (1) Hist. de l'Acad. des se, 1748, p. 275. (2) Jbhandlungen der Ahad, zu Berlin, 1746, p. 46. DE LA DIGESTION. 599 soufre , arrosée d'eau distillée , donnèrent cinq fois plus de terre que les semences qui les avaient fournies. Les plantes que Braconnot obtint de 2,2 grammes de graine de moutarde, semée dans de la litharge , avec de l'eau distillée, donnèrent 4,2 grammes de cendres, dans lesquels l'analyse constata la présence de la chaux , de la magnésie et de la silice (1). Dau- beny a reconnu aussi, comme une chose très probable (2), que les végétaux produisent eux-mêmes les principes ter- reux qui leur sont propres , lorsqu'ils ne peuvent pas les tirer de dehors , attendu que ceux qui avaient crû dans du sulfate de stronliane contenaient beaucoup plus de chaux que les semences d'où ils provenaient. Au reste , Agardh (3) trouve d'autant plus vraisemblable le résultat qui ressort de cette observation , que les grands arbres ont leurs racines à une profondeur où ils ne trouvent que de l'eau , que le sol ren- ferme très-fréquemment de l'alumine dont on ne rencontre presque jamais de traces dans les plantes , et qu'enfin on dé- couvre dans les graines des phosphates, qui n'existent ni dans les racines ni dans les tiges. 2« Boyle avait remarqué qu'une courge , en croissant, aug- mentait beaucoup plus de poids que la terre qui lui servait de sol ne perdait du sien. Vanhelmont planta une branche de saule , pesant cinq livres , dans un vase contenant deux cents livres de terre , couvrit celle-ci d'un morceau de tôle percé de trous , et Tarrosa en partie avec de l'eau distillée , en par- tie avec de l'eau de pluie : au bout de cinq ans , le saule, ab- straction faite des feuilles tombées durant ce laps de temps , avait augmenté de cent soixante-quatre livres , et la terre n'a- vait perdu que deux livres de son poids. Eller (4) sema une graine de courge dans quinze livres et dix onces de terre ; la plante qui en provint pesait , avec ses fruits , vingt-trois li- vres quatre onces et demie , et elle donna plus de cinq onces de cendres, tandis que la terre n'avait perdu qu'une demi-once, (1) Gehlen, Journal, t. IX,"?, 434. (2)Froriep, NoHzen, t. XXXIX,>p. 337. (3) AlUjemeine Bioloyie der Pflanzen, p. 142. (4) Loc, cit., p. 45, 4oO DE LA DIGESTION. qui avait fort bien pu être enlevée par le vent. Quoique ces observations n'aient peut-être point été faites avec toute la précision désirable , leurs résultats ne s'en accordent pas moins avec ceux des expériences qui ont fait voir que les plantes contenaient les principes qui leur appartenaient en propre , bien que ceux-ci n'existassent point dans le sol , et elles établissent que l'eau seule contribue à former la sub- stance végétale. Certaines cryptogames , par exemple les algues, nagent librement dans Teau. La lentille d'eau est seule dans ce cas parmi les phanérogames ; les autres plon- gent leurs racines dans le sol , qui paraît , comme l'admet- taient entre autres EUer et Fordyce , servir principalement à diviser et décomposer l'eau. Cette décomposition peut être comparée à celle qu'opère le galvanisme ; la racine entre en rapport d'électricité avec le sol , et décompose l'eau qui se trouve entre elle et lui. 3" Braconnot (1) présume que l'eau joue aussi le principal rôle dans la digestion , chez les animaux , parce que la vie peut se maintenir pendant quelque temps sans nourriture so- lide , et que les substances les plus nourrissantes sont celles qui renferment le plus d-eau , à l'état de division nécessaire pour que sa décomposition s'accomplisse. Les observations que nous avons citées (§ 937 , 3°) semblent favorables à cette hypothèse. On se demande même si la terre admise dans les organes digestifs (§ 937, IV) ne peut point agir, en faveur de la nutrition, de la même manière qu'elle le fait chez les vé- gétaux. Le travail de la nutrition est une manifestation de la vie qui appartient en commun aux deux sections du règne or- ganique ; il doit donc être le même partout , quant au fond , et ne varier qu'en raison des divers degrés de la vie. Tandis que, chez les êtres organisés inférieurs, où tous les actes sont plus simples , et oii ils tendent tous à la production de ma- tière organique , la force plastique est assez puissante pour décomposer et transformer l'eau quand elle entre en contact avec un corps solide, les organismes supérieurs;, dont la vie et les formations sont plus variées , ont besoin pour cela (1) hoc. cif.jp. 443. m lA DIGESTION. L^OÏ d'une substance organique qui se rapproche davantage d'eux, qui renferme au moins trois élémens, et qui subisse, en même temps que l'eau , la décomposition et l'assimilation. Comme ils se nourrissent de matière organique /leur vie ne se maintient que par la vie; la vie végétale crée , avec les élé- mens, de la matière organique qui n'a plus besoin que de su- bir une Imétamorphose pour devenir substance d'un orga- nisme animal. IV. Force digestive; § 955. Ce qui digère est l'organisme vivant , ou, en d'autres termes , la digestion a sa cause essentielle , non point dans telle ou telle partie , dans telle ou telle circonstance , mais dans la vie du tout. Elle n'est pas seulement dépendante de la vie , ea ce sens que la sécrétion et le mouvement de l'estomac résultent de l'action du sang artériel et du système nerveux , par conséquent aussi sont soumis à la circulation et à la respi- ration (1) , car c'est elle-même qui rend ces dernières iunc- tioDS possibles , et d'après cela elle se trouverait placée sous la dépendance de ses propres produits. On doit plutôt, puis- qu'elle consiste en une formation de substance nouvelle aux dépens de matières offertes à l'organisme, la considérer comme constituant essentiellement une manifestation générale de la vie. I. Examinons d'abord le rôle que joue l'organisme. 1° L'organisme , en quelque lieu qu'une substance solide nourrissante soit admise dans son intérieur , peut la fluidifier (§ 908) , l'absorber et la transformer (§ 909) , par conséquent lu digérer. Ce phénomène est possible jusque dans les points du canal alimentaire où, dans les conditions normales, les alimens ou leurs résidus ne sont point digérés , mais seule- ment soumis à un mouvement progressif. Lorsque Spallan- zani avait fixé un morceau de viande dans l'œsophage d'une Corneille, par le moyen d'un fil de fer , il s'apercevait que cette viande avait été digérée, lentement, à la vérité et que la digestion s'en opérait de la même manière dans toute l'é- (1) Tiedemann, et Gmelin, ;Recft, sur la digestion, t. J, p. 371. IX. 26 402 DE LA DI GESTION o tendue du canal (1) ; une Grenouille écorchée, qu'il fit rester dans le milieu de l'œsophage d'un Héron, à l'aide d'une fi- celle attachée au cou de l'Oiseau et qui l'empêchait de par- venir dans l'estomac, était tellement ramollie, au bout de onze heures, qu'en la retirant elle se déchira en morceaux (2). De trois cent-vingt grains de poumon de vache , traités de la même manière , il n'en restait plus que cent dix-huit au bout de sept heures (3). Hood (4) introduisit dans le rectum d'un Chien un morceau de mouton grillé , saupoudré d'une petite quantité de sel ; après onze heures de séjour, la surface de ce morceau était réduite en une masse savonneuse, d'un brun blanchâtre , et il ne restait plus que irès-peu de fibres à l'in- térieur. Dans les expériences citées précédemment (§ 908, 2°), ce physiologiste a observé que la viande introduite dans le tissu cellulaire sous-cutané se dissolvait avec infiniment plus de promptitude lorsque la blessure de la peau était déjà en- flammée que quand la plaie avait été pratiquée depuis peu : l'accroissement de la vitalité avait donc contribué à accélérer le phénomène. De même , suivant la remarque de Smith , tout tissu quelconque est apte à sécréter, sous l'influence de l'irritation déterminée par une substance nutritive, un liquide qui a le pouvoir de dissoudre cette dernière. Mais ce liquide contient un acide libre , comme le suc gastrique. Aussi Reuss et Emmert (5) considéraient-ils le suc gastrique comme un liquide séreux , attendu que les alimens introduits dans la ca- vité du bas-ventre sont digérés aussi par la sérosité périto- néale. Mayer a observé un acide libre dans le liquide du pé- ritoine , membrane qui paraît réellement sécréter un fluide acide , en même temps que la muqueuse de l'estomac et de l'intestin, pendant la durée du travail de la digestion. (Je me suis convaincu, chez plusieurs Chiens nourris avec du pain, et ensuite étranglés, que la sécrétion péritonéale est acide pen- {i)OEuvres,t. II, p. 479. (2) lb.,t. Il, p. 504. {Z)Jh., t. II. p. 505. (4) Anuhjtic physiology, p. 464. (5)Sciierer, Journal, t« ^i P â^S. ht. Ik DIGESTION. 4o5 dant la digestion. Lorsque je faisais glisser un morceau de papier dans le bas-verure , à travers une petite ouverture, il devenait seulement pâle et livide ; mais lorsque je tenais un peu de ce même papier appliqué à l'estomac ou au cœcum d'un animal récemment tué et encore chaud, il rougissait d'une manière bien sensible. La couleur rouge disparaissait en quelques minutes , à la vérité'; mais il ne fallait sans doute l'attribuer qu'à la très-petite quantité du liquide. La même réaction n'avait pas lieu à l'intestin grêle et au rectum. J'ai été frappé de ne pas l'observer même à l'estomac et au cœcum d'un Chien mort d'hémorrhagie , quoique l'expérience eût été faite aussi peu de temps après la mort que dans les autres cas) (1). 2o Si le chyle est formé par la dissolution, l'assimilation et l'attraction d'une substance absolument étrangère à l'orga- nisme , la lymphe provient d'une transformation semblable de la substance même du corps devenue étrangère à la vie (§ 910). La digestion et la résorption ne sont donc que deux formes différentes d'une seule et même opération vitale. Elles sont en raison inverse l'une de l'autre ; quand la digestion ne suffit pas (§ 935, L), la vie se soutient par la résorpîion de la graisse, des muscles , etc., qui sont, comme des alimens, transformés et réduits à l'état de sang. De même qu'ici les parties qui ont le moins de vie et d'indépendance sont celles sur lesquelles la résorption s'exerce surtout (§ 935, 5°) , et de même que la matrice digère l'embryon mort (§ 482 , 7°) , de même aussi les organes digestifs ne triomphent que de la substance orga- nique qui a perdu la vie (§ 952, L) : l'épiderme et les ongles, qui n'ont jamais vécu, résistent non seulement à la digestion, mais encore à la résorption, et ne sont que rejetés, par exem- ple dans la suppuration. IL La force digestive est en concordance avec tout l'en- semble de la vie. 1" La structure des divers organes correspond, dans chaque animal , à la nourriture qu'il a le pouvoir de se procurer et de digérer. Ainsi le système entier des os et des mouvomens vo- (1) Addition d'Ernest Burdach. 4o4 DE tA BïGiiSTION. lonlaires est disposé , chez les animaux de proie , de manière à leur permettre de saisir leur proie et d'en iriompher. La situation de Ja bouclie est appropriée à la position dans la- quelle les alimens se trouvent; ainsi elle occupe^ la face infé- rieure de la tête chez le Dugong , qui vit de plantes fixées au fond de la mer; chez les herbivores à longues jambes , le cou^est allongé, de manière que la bouche puisse atteindre à terre , et chez ceux qui vivent du feuillage des arbres, la tête est placée plus haut, au moyen de l'allongement 'des mem- bres antérieurs. L'organisation de la bouche s'accorde avec la structure des membres , la nature des alimens et la force des organes digestifs ; la disposition de l'articulation de la mâ- choire et de ses muscles , la position et la forme des dents, le volume des glandes salivaires correspondent au mode spécial d'alimentation de chaque animal. Lorsque la nourriture con- tient peu de substance réellement alibile, l'organe digestif est plus spacieux , tant pour la recevoir en plus grande quantité que pour pouvoir multiplier ses points de contact avec elle , et en prolonger le séjour dans son intérieur. Certaines excep- tions que ces lois semblent souffrir ne sont qu'apparentes , et tiennent à d'autres particularités ; ainsi les Cétacés carnivores ont un estomac plus vaste et plus compliqué que les herbi- vores , parce que leurs organes masticateurs et leurs glandes salivaires sont moins développés : si i'estoEîac des Solipèdes est plus simple et plus petit que celui des Ruminans, s'il aban- donne plus rapidement à l'intestin les alimens admis dans son intérieur , la bile coule aussi continuellement dans le duodé- num pour opérer la digestion de ces derniers. Lorsqu'à éga- lité de nourriture la forme présente des différences, celles ci sont effacées par d'autres dispositions spéciales. 4° Chez les animaux de proie , la force musculaire est plus considérable dans les membres, afin qu'ils puissent se rendre maîtres de leur proie; chez les herbivores, elle est plus grande dans les organes digestifs, afin de pouvoir vaincre des ali- mens qui résistent davantage à l'assimilation. Quand l'esto- mac est pourvu de muscles robustes , dont l'action aide à la digestion, le suc gastrique a des propriétés dissolvantes moins énergiques que quand l'estomac a peu de puissance muscu- DE LA DIGESTION. 4^^ laire, LesRuminans n'ont pas le temps de mâcher convenable- ment là où ils trouvent la masse d'alimens qui leur est néces- saire : aussi la conservent-ils dans leur panse jusqu'à qu'ils puissent se livrer en repos et avec sécurité à la mastication , et leur panse a, conjointement avec l'œsophage, la faculté de ramener à la bouche les substances qui y sont descendues. La plupart des Oiseaux carnivoi^es ue peuvent pas digérer une partie de leur proie ; mais la force musculaire dont leur es- tomac est doué leur permet de se débarrasser par le vomisse- ment de ce qui n'a pas pu se dissoudre : les Hérons, au con- traire, ne vomissent pas, mais ils se nourrissent de Grenouilles et de Poissons, qu'ils digèrent en entier avec la peau et les os. 3° L'instinct s'accorde également avec la puissance diges- tive. Les Corneilles n'avalent que la chair, etlaissentles os de côté. Lorsqu'on leur introduit des os dans l'estomac, on voit qu'elles ne peuvent pas les digérer. Réaumur (1) fit avaler à des Oiseaux de proie, mêlés avec de la viande, dans des tu- bes, des végétaux, qu'ils ne prennent jamais d'eux-mêmes. Le pain subit quelque changement, mais ne fut pas réduit en bouillie ; les haricots, les pois, les poires, l'orge crue et cuite, demeurèrenî. intacts, tandis que la viande, qui se trouvait à côté d'eux, était digérée, Spallanzani a fait les mêmes remar- ques (2). Stevens fit avaler à des Chiens des sphères creuses, percées de trous ; la viande que celles-ci renfermaient fut complètement digérée ; les pommes de terre ne le furent qu'en petite proportion, et les pois ne le furent pas du tout. Une Brebis, traitée de la même manière, avait digéré des na- vets et des pommes de terre au bout de six heures, sans que la viande eût subi aucun changement (3). D'après cette dernière observation, nous ne pouvons admettre d'une manière abso- lue que le suc gastrique des herbivores est généralement plus actif que celui des carnivores (4). Si le Castor digère com- plètement le bois et l'écorce, il ne s'ensuit pas que son suc (1) Hist. de VAccad. des se, 1752, p. 477. (2) O^Mwe*, t. ll,p. 595. (3) Tiedemann el Gmelin, /iecli. sur la digestion, t. I, p. 370. (4) Loc. cit , p. 290. 4o6 DE lA DIGESTION. gastrique ait plus d'activité, mais seulement qu'il a une acti- vité spéciale. Suivant Réaumur, les petits Oiseaux granivores n'ont pas un gésier assez robuste pour briser les enveloppes des graines. Aussi les séparent-ils avant d'avaler les amandes, tandis que les gros avalent les semences entières, leur esto- mac ayant une force suffisante pour les broyer. III. Un caractère spécifique de la force digestive, concor- dant avec l'instinct, consiste en ce que certains animaux man- gent et digèrent des individus de leur espèce, ce que d'autres ne font pas. Les Polypes à bras comptent parmi ces derniers, suivant Trembley. Ils avalent toutes sortes d'animaux vivans, qui meurent et sont digérés dans leur corps ; mais ils ne s'at- taquent pas les uns les autres, et si quelqu'un de leurs sem- blables est parvenu, contre leur volonté, dans leur cavité di- gestive, il en ressort vivant et intact. La même chose a lieu chez les Actinies, d'après les observations de Dicquemare. Johnson (4) a vu de grosses Sangsues, qui en avaient avalé de petites, les rendre, souvent pleines de vie encore, au bout de deux à trois jours. Suivant Cheyne (2), les Corneilles ne peu- vent point digérer la chair de leurs semblables, et la vomis- sent. Les Enîozoaires, qui sont produits par l'organisme dans le sein duquel ils habitent, paraissent pouvoir résister à la di- gestion en raison de cette circonstance, et non pas uniquement en vertu de leur vitalité ; car tandis qu'ils se maintiennent vivans dans l'estomac des Salamandres, par exemple, les Vers de terre, qu'ils soient à l'état de liberté ou renfermés dans des tubes, n'y vivent que dix à douze heures, et sont en- suite complètement digérés. Comme le venin d'une Vipère ne nuit pas à d'autres Vipères (3), de même les sucs digestifs d'un animal peuvent être sans action sur la substance d'indi- vidus de la même espèce que lui, et comme le venin de la Vi- père est sans action sur les Orvets et autres Serpens, tandis qu'il agit sur les Tortues et les Grenouilles (4), de même l'ac- (1) Schweigger, Handhuch der Naturyescliichte, p* 565. (2) Ha lier, Elem. physiol., t. VI, p. 207. (3) Fontana, Ueier das f^iperngift, p. 16. (4) /6., p. 28, 54. DE lA DIGESTION, 4^7 tivîté des sucs digestifs d'un animal peut se borner à une es- pèce déterminée d'alimens. D'après les observations de Simon (1), l'estomac des Mammifères paraît digérer complè- tement le lait d'un individu de la même espèce ; du lait de femme se sépare, dans l'estomac d'un enfant, en caillot gru- meleux et en petit-lait presque clair ; dans celui d'un Veau, en caillot sans grumeaux et en un petit lait beaucoup plus trouble ; un estomac d'enfant dissolvait la matière caséeuse du lait de femme, avec laquelle il était en contact, dans l'espace de dix-neuf heures, sans laisser autre chose qu'un petit nom- bre de flocons, tandis qu'en trente heures, il avait complète- ment digéré celle du lait de vache, qui, en vingt-trois heures, était totalement dissoute par l'estomac de veau. IV. L'intime connexion qui règne entre la digestion et l'ensemble de la vie s'annonce par l'influence que celle-ci exerce sur celle-là. Hunter (2) introduisit, dans l'estomac de Lézards qui étaient sur le point de subir l'engourdissement hi- bernal, des vers et des petits morceaux de viande, qu'au' printemps il vit sortir non digérés et fort peu changés. Dans toute maladie qui n'est pas par trop légère, la digestion est troublée, et l'appétit nul ou diminué. Piorry a observé, sur des Chiens, que les alimens dont ils avaient garni leur esto- mac , n'étaient point digérés après une forte saignée. La con- tention d'esprit et les fortes émotions portent le trouble dans la digestion. Ce qui correspond à l'appétit et flatte le goût , se digère aussi avec plus de facilité ; les choses qu'on mange avec répugnance provoquent souvent des pesanteurs d'esto- mac, ou sont vomies sans avoir été digérées. V. L'influence que la digestion et ses organes exercent sur l'ensemble de la vie n'est pas moins considérable. Tout ce qui agit sur l'estomac impressionne aussi le reste de l'orga- nisme ; la vacuité du viscère , comme sa répléiion outre mesure, sa mise en contact avec des poisons ou des médica- mens , ses maladies et ses plaies montrent, dans les consé- quences qu'elles entraînent , jusqu'à quel point il est lié avec la vie en général , ce qui l'avait laii regarder par Vauhelmont (l)Maller, Àrckiv, 4839, p. 3, 4© 8 DE Lk DIGESTION. comme le siège principal du principe vital. Mais c'est surtout pendant la digestion que son influence augmente proportion- nellement à l'accroissement de sa vitalité , de manière qu'une lésion dont il vient à être atteint , ou seulement une secousse dont ils ne se ressent qu'indirectement , peut causer la mort à l'instant même , de manière aussi qu'une saignée pratiquée aussitôt après le repas, peutoccasîoner les accidens les plus redoutables , comme une syncope profonde et un coilapsus général. Mais il y a trois effets distincts de la digestion , qui d'ordinaire se manifestent à autant d'époques différentes. 1» Le premier effet de lïngestion des alimens est un sur- croît d'excilement provoqué par sympathie dans l'organisme entier. Le pouls , comme l'avait déjà remarqué Testa , devient plus fréquent (§ 767), et la température s'élève, de sorte que, chez les sujets atteints d'étisie , la fièvre redouble à cette époque. Vient ensuite un sentiment de bien-être et d'acquisition de vigueur , qui succède trop rapidement au repas pour qu'on puisse l'attribuer à la réparation des pertes matérielles de l'économie, et qui dépend bien plutôt de ce que l'estomac, quand il entre convenablement en activité , exerce une influence excitante'et vivifiante sur le reste de l'organisme. Aussi la faculté de résister à l'action du froid , des poisons et des principes contagieux, se trouve-t-elle accrue. Mais on reconnaît également ici l'influence de la quaUté des alimens ; immédiatement après avoir mangé une bonne ration de viande, on se sent plus fort qu'après avoir pris des substances fari- neuses ou quelque autre nourriture fade : tous les mouvemens sont alors plus surs et plus précis , plus faciles et plus éner- giques- Cette parûcularité a été bien démontrée par Ed- wards (1) avec le secours du dynamomètre ; la force muscu- laire augmentait , en général , chez les personnes adultes , immédiatement après qu'elles avaient pris de la nourriture , et plus chez les sujets robustes que chez les individus débiles, plus aussi après le dîner qu'après le déjeûner , plus enfin après une forte nourriture , telle qu'un bon consommé, qu'a- près des alimens légers j quelquefois les forces du bras (1) Archives (jénérales, l"- série, l. "VIF, p. 273. DE LA DIGESTION. 4^9 augmentaient de huit à quatorze livres ; elles diminuaieut après que la personne avait bu, de l'eau chaude surtout. 2° Tandis que la sympathie prédomine durant la première période , les phénomènes de la dérivation se font remarquer pendant la seconde , surtout à la suite d'un repas copieux. La vitalité se concentre sur l'estomac, qui est en pleine acti- vité , et se manifeste moins dans les autres organes. Il sur- vient de la paresse , de l'inaptitude aux mouvemens et aux efforts de toute espèce , l'afflux du sang vers la peau diminue, et des frissons se font sentir. De là vient que la digestion est troublée par les mouvemens violens, ou par les bains, pendant cette période , et qu'elle s'accomplit avec moins d'énergie durant les fortes chaleurs , qui rendent l'excitement de la peau trop considérable. De même, et en sens inverse , la digestion peut aussi troubler le cours des maladies, par déri- vation. La respiration est rendue un peu difficile par l'action mécanique de l'estomac plein. 3° Pendant la formation du chyme et son passage dans l'intestin , l'activité vitale reprend son uniformité dans tous les organes ; le sentiment de vigueur acquise devient plus vif, la respiration plus libre , la peau plus chaude. YL La digestion se comporte comme la vie , c'est-à-dire que , pour pouvoir se maintenir au milieu de circonstances diverses , elle se ploie et s'accommode à ces circonstances. 1° Si le besoin de nourriture est plus grand , la digestion s'accomplit d'une manière plus vive et plus énergique (§ 935, 6°). Lohde(l) a observé, dans des cas d'anus artificiel, qu'à la suite de la faim ou d'une nutrition incomplète , les choses peu nourrissantes sont digérées déjà, dans la partie supérieure de l'intestin , autant qu'elles ont coutume de l'être vers la fin de l'intestin grêle, et que des végétaux qui sortent commu- nément sans avoir subi aucune altération, sont tellement digérés , quand le sujet a observé une diète sévère , qu'on ne peut plus les reconnaître. Schultz a trouvé (2) dans l'intestin d'un Chien qui jeûnait depuis quarante-huit heures, un Tœnia en grande partie digéré. (1) Nouveavx élêmens d'hygiène. Pavis,1838, t. II, p. 37. <2) De aliment, concuct., p. «5. 4lO DE LA DIGESTION. 2o Lorsque les alimens sont durs et difficiles à dissoudre , par exemple de la viande , des cartilages, des os, de la fi- brine , de l'albumine cuite , il se secrète , d'après Tiede- mann (d) et Eberle (2), un suc gastrique contenant plus d'acide libre que celui dont la formation est sollicitée par des ali- mens faciles à dissoudre , comme l'albumine liquide et la gé- laiine. Les végétaux durs , les herbes, les feuilles, le gluten, déterminent aussi une sécrétion plus acide que la farine , le sucre , la gomme. Eberle ajoute que l'acide varie également d'après la naiure des alimens , qu'il se produit plus d'acide chlorhydrique pour la nourriture animale et plus d'acide acétique pour la nourriture végétale. Schultz (3) a remarqué une différence dans l'acide du suc gastrique suivant qu'un Cheval avait été nourri avec de l'avoine ou avec du foin. 3° L'organisation même des organes digestifs s'accomode à la quantité et aux qualités accoutumées des alimens. L'esto- mac des grands mangeurs est énorme ; souvent ses parois sont épaissies , et le pylore agrandi. Au contraire , l'organe devient plus petit chez les personnes qui prennent peu de nourriture. La liaison réciproque de la cause et de l'effet fait aussi qu'il y a, dans le premier cas, besoin réel de consom- mer des masses considérables d'alimens , et dans le second impuissance de manger beaucoup. Suivant Buffon , l'estomac de la Brebis devient plus étroit lorsqu'on nourrit cet animal avec du pain , que quand il broute l'herbe comme de coutume, et selon Home , l'estomac des Oiseaux de proie qu'on nourrit pendant long-temps avec du grain, acquiert des parois plus musculeuses. Schultz (4) prétend aussi que , chez l'homme, une nourrimre exclusivement végétale alonge le cul-de-sac , et une nourriture exclusivement animale la portion pylorique ; cependant j'ai rencontré cette dernière forme , comme arrêt de développement, ou plutôt comme persistance de l'organi- sation embryonnaire, chez beaucoup d'hommes qui vivaient principalement de végétaux. (d) Recli. sur la diijestion.'Pavis, 4827, 1. 1, p. 366. (2) Physiolotjie der Fordaiiung, p. 60, 453, 'JSS.j (3) Loc. cit., p. 37. (4) £oe. ci/., p, 77. DE lA DIGESTION. 4* * VII. La nutrition porte deux caractères de l'organisme ; elle dépend du monde extérieur , et exige que de la matière s'introduise de dehors dans le corps ; ensuite elle forme ou crée par son activité propre et spontanée , en faisant subir de nouvelles combinaisons aux alimens. La conservation de soi- même ne peut avoir lieu qu'à la condition qu'il arrive des substances de l'extérieur ; mais l'être organisé cesserait de vivre , c'est-à-dire d'avoir la faculté d'agir par lui-même et de se déterminer lui-même , s'il recevait du dehors la sub- stance réelle de son corps. Il crée donc sa substance propre avec les matériaux qu'il reçoit. C'est ainsi qu'il agit déjà dès l'état d'embryon (§ 465), et il ne saurait s'entretenir par la transfusion d'un sang étranger (§ 743 , 6°). Des sucs digestifs même qui lui sont étrangers , conviennent moins que les siens propres pour opérer la digestion. De l'herbe hachée que Réaumur (1) avait fait avaler à des Brebis , dans des tubes de fer blanc , après l'avoir mêlée avec de la salive humaine , n'étaient point encore digérée au bout de trente-six heures. Quand Helm (2) introduisait des alimens mâchés par lui dans la fistule stomacale de sa malade, il s'en digérait à peine un tiers de ce dont le viscère opérait la digestion complète , dans le même laps de temps , quand c'était ta personne elle- même qui opérait ia mastication. La même chose arrivait lorsqu'un homme avait avalé , dans de petits sacs en toile , des alimens mâchés ou par lui ou par un autre. La digestion étant une formation de nouvelle substance or- ganique accomplie parla vie , elle se trouve sur la même ligne que la formation d'un nouveau corps organisé , de manière qu'il est permis de considérer la nutrition , avec Blumen- bach(3), comme une continuation insensible de la génération. C'est dans ce sens aussi que AlbertMeckel et Carus (4) ont dis- cuté l'analogie des organes digestifs avec les organes géni- taux. Sans attacher beaucoup d'importance à l'analogie éloignée que l'on remarque entre ces parties, sous le pomt de (1) Hist. de VAcad. des se, 1752, p. 489. (2) Zwbij Kranlienijesckichten , p. 38. (3) Kleine Schriften, p. 127. {k)Traiti élémentaire d'anatomie oompar^^j. Pari8,1835, t.II, p.lelsuit. 4» 2 DE lA DIGESTION. vue de la structure organique , nous reconnaîtrons que les deux manifestations de la vie se réunissent en une seule et même idée générale. Ce que la procréation fait pour l'espèce, la digestion l'accomplit pour l'individu ; l'organisme entre en conflit avec de la matière étrangère , et, en décomposant cette matière , en la transformant , il procrée une substance semblable à la sienne. Mais, de même que , dans l'organisme du monde , il y a influence réciproque du particulier sur le tout et du tout sur le particulier , de même aussi la digestion ne borne pas ses effets à la conservation de l'individu , elle ramène à la forme vivante la substance organique qui allait céder à la putréfaction, elle prévient l'infection de l'air , qui , sans elle , résulterait des innombrables cadavres dont la terre serait couverte , et qui ne manquerait pas d'anéantir jusqu'à la moindre trace de vie organique. VI. Moyens de digestion. § 953. L'organisme vivant crée les parties au moyen des- quelles il opère la digestion. Il peut, dans chacun de ses vides intérieurs , non-seulement absorber à l'aide de sa sub- stance pénétrable et de ses vaisseaux lymphatiques , mais en- core fluidifier et transformer les corps solides sur lesquels l'absorption doit s'exercer , avec le secours d'un liquide qu'il sécrète. L'acte de la digestion n'apppartient donc pas exclu- sivement à i'estomac et au canal intestinal, mais il leur est dévolu plus particulièrement qu'à toute autre région du corps , parce que , constituant un conduit de membrane mu- queuse qui s'ouvre au dehors , ils supportent le contact im- médiat de substances étrangères sans en ressentir d'excita- tion anormale, parce qu'ils ne sont pas doués d'une réceptivité spécifique pour une seule forme déterminée de la matière , mais accueillent indistinctement les solides , les liquides et les gaz , parce qu'ils ont des connexions intimes avec tout l'en- semble de la vie , parce qu'ils sont liés avec des organes spé- ciaux , parce qu'ils sont, de toutes les parties du corps, celle qui possède le plus de vaisseaux lymphatiques , etc. I. Les sucs digestifs ont le pouvoir de décomposer la sub- stance organique. DE LA DIGESTION. l^lS ' i° Ainsi ils attaquent la peau de l'individu même qui les a sécrétés. Helm a remai-qué que , dans la fistule {jaslriqtie (1), l'écoulement du chyme, ou, quand le malade avait jeûné pendant long-temps, celui du suc fjv.trique , occasionait des cuissons au bord de l'ouverture. Crook (2) a vu aussi le suc gastrique et la bile coulant d'une fistule stomacale , déterminer de la douleur , de l'inflammation et des exco- riations aux tégumens d'alentour. Les mêmes phénomènes s'observent dans les anus artificiels ; dans un cas où Acrel ne faisait prendre au malade , pour tout aliment , que de petites quantités d'une boisson animée avec le vin du Rhin , le liquide qui s'échappait excoriait l'orifice de la fistule et tous les environs. ( Plus le trou est placé bas dans l'intestin , plus les matières qui s'écoulent ont le caractère vraiment excrémentitiel , et moins aussi la peau extérieure se trouve irritée. Plus l'individu est avancé en âge, plus aussi la peau se montre insensible à l'impression des excrémens. Dans les anus artificiels, récens ou anciens, qui occupent la partie in- férieure du gros intestin , chez les individus même les plus malpropres , qui bouchent le trou avec un tampon de linge couvert d'un vieux bandage , la peau est blanche et normale après qu'on l'a lavée. Après des écarts de régime , des refroi- dissemens , etc., en un mot , toutes les fois qu'un orage écla- tait dans le canal intestinal , et que le mouvement péristallique devenait plus vif , un liquide mucilagineux , d'un vert por-; racé , mêlé de bulles d'air, s'écoulait par l'anus artificiel, qui jusque-là n'avait rendu que des masses fécales brunes ; ce liquide était tellement acre, qu'il rougissait soudainement la peau, et provoquait de vives ardeurs. Il (allait des lotions répétées et des applications de compresses imbibées d'eau blanche tiède , pour apaiser les souffrances ; l'opium et l'eau distillée de laurier-cerise, avec du mucilage, calmait l'intes- tin , dont ils diminuaient l'activité , et dès que les excrémens bruns reparaissaient, la rougeur éryihémateuse de la peau faisait promptement place à la teinte naturelle. Il peut donc, (1) Loc. cit., p. 8, (2) Archiven (jénérales^ 2" série, t. VI, p. 430. 4l4 DE LA DIGESTION, par l'effet d'une accélération du mouvement pérîstaîtiquê , conler d'un trou situé à la parue inférieure du gros intestin , ce qui s'échappe continuellement d'une ouverture située à la partie supérieure de ce même organe. Si l'anus artificiel oc- cupe la ptjrtie supérieure de l'intestin grêle , le malade mai- grit rapidement; les matières fécales sont fort acres et corrosives, surtout le matin , pendant la vacuité de l'estomac, la peau se couvre d'une rougeur intense à une grande dis- tance , et s'il coule quelque chose entre les cuisses, on voit survenir des stries rouges : ce sont surtout le scrotum et les grandes lèvres qui s'enflamment avec beaucoup de facilité. Quand l'infirmité est ancienne , la peau se condense , devient chagrinée , et se couvre d'élévations en forme de verrues ; plus tard encore , il se produit, entre ces verrues , de pro- fonds sillons , qui ressemblent à des fissures : le bistouri crie en pratiquant des incisions ; la surface de la plaie est dure et lisse; la condensation de la peau ne l'empêche cependant pas de recevoir beaucoup de sang. Toutes les substances grasses accroissent l'endolorissement ; il n'y a que l'eau blanche et les onctions avec le blanc d'œuf qui soulagent. Le bord rouge de l'ouverture a la même apparence qu'un trou percé dans du taffetas rouge, et qui serait bordé de velours rouge. Que la rougeur des tégumens augmente, diminue , ou même cesse entièrement , le bourrelet velouté conserve toujours la même teinte ; tandis que la peau extérieure est extrêmement douloureuse, il est tout-à-fait insensible, même à l'action de l'instrument tranchant et à l'application du fer rouge; mais, à un cheveu de distance au delà de sa hmite extérieure , les douleurs les plus vives commencent à se faire sentir (1). 1" A ces observations se rattachent celles dont nous avons parlé plus haut ( § 869, 8°), de ramollissement et de perfora- tion de l'estomac. Hunter (2) avait trouvé, chez un homme mort d'apoplexie après un souper copieux,restomac percé, à sa grande courbure , d'un trou par lequel du chyme s'était échap- pé. Ayant observé un phénomène analogue chez un autre (1) Addition de J. F. Dieffenbach, (1) Observations on certain parU of the animal: o^conomy, p. 487, t)E lA DIGESTION. ^l5 homme mort deux heures après une fracture communitive du crâne et chez un pendu , il l'attribua à une action dissolvante exercée par le suc gastrique après la mort. D'autres observa- teurs ont cité à Tappui de cette opinion'les résultats d'expérien- ces faites par eux sur des animaux (§869, 8'). La possibilité que l'estomac, comme d'autres organes, éprouve , pendant lavie un ramollissement morbide et une dissolution , n'est point mise en doute par ces faits, mais ne les renverse pas non plus. Ma- gendie pense que si le suc gastrique n'attaque point le vis- cère pendant la vie , c'est parce que ses parois sont protégées par le mucus qu'elles sécrètent continuellement et qui s'y attache. Wilson Philipp l'attribue à ce que l'estomac vivant repousse le chyme acidifié , qui , après la mort , demeure en contact continuel avec lui. Nous avons cru en trouver la cause dans la manière dont s'accomplit la sécrétion (§ 876, 4"). Mais les faits allégués dans le paragraphe précédent, annoncent que les parois du canal digestif sont insensibles, durant la vie , à l'impression des sucs digestifs , de sorte que ces derniers n'affectent ni leur substance , ni la sensibilité générale , comme ils font à la peau. Nous n'en pouvons don- ner d'autre motif qu'une certaine homogénéité entre un organe sécréloire et son produit , qui exclut toute affinité chimique. 3** Purkinje etPappenheim (1) ont trouvé que la membrane stomacale desséchée qu'on expose , avec de l'eau distillée , à l'action du pôle positif d'une pile voltaique, donne une liqueur digestive tout aussi efficace que celle qu'on obtient par l'ad- dition de l'acide chlorhydrique , et que le galvanisme dégage de l'acide chlorhydrique de la sahve , du blanc d'œuf ou du mucus. Le dégagement de cet acide , .dans le suc gastrique , dépend peut-être aussi d'une action analogue. Ainsi Prout(2) admettait déjà que le chlorure de sodium du sang se trouve décomposé par l'électricité, dans l'intérieur des parois stoma- cales, en acide chlorhydrique , qui se mêle au suc gastrique, et en soude, qui, conduite au foie, avec le sang, passe dans la bile, de manière que, suivant lui, le canal digestif représente (1) Muller, Àrchiv, 1838, p. 5. (2) Médico-chirurgical review, t, XXV, p. 107. 4l6 DE LA DIGESTION* le pôle négatif de la pile, et le foie son pôle positif. Eberle (1), au contraire , n'a égard qu'à Tacide lactique ou acétique , et croit que Fosmazome attire cet acide, mais ne peut le dégager de sa corabinaison avec la soude qu'autant qu'il survient une combinaison aveclaptyaline, ralentie par une membrane ani- male interposée ; l'osmazome et la ptyaline sont donc poui lui deux polarités galvaniques , par l'action simultanée des- quelles le chlorure de sodium se trouve décomposé. Mat- teucci(2) prétend avoir produit une liqueur digestive en fai- sant agir l'électricité positive sur une membrane animale ; il emplit une vessie de chair réduite en bouillie, avec de l'eau , du sel marin et du carbonate de soude , sous l'influence de la chaleur , plongea le conducteur du pôle négatif dans le mi- lieu de la masse , appliqua le pôle positif à la vessie, et trouva ensuite, sur les parois de cette dernière, une substance flocon- neuse , blanche , acide , dont la solution aqueuse se coagulait par la chaleur. 4» L'estomac digère encore après la mort, en vertu de l'ac- tion chimique de sa sécrétion. Spallanzani tua une Corneille immédiatement après lui avoir donné cent quatorze grains de bœuf , et au bout de six heures il ne trouva plus dans l'esto- mac que cinquante-deux grains de cette viande, qui était pé- nétrée de suc gastrique, pâle et ramollie (3). Chez d'autres Corneilles , du veau broyé qu'elles avaient avalé immédiate- ment avant la mort avait entièrement disparu après sept heu- res d'exposition des cadavres au soleil (4). Chez les Chiens et les Chats traités de la même manière , la viande était si ra- mollie dans l'estomac , au bout de neuf heures , qu'elle se dé- chirait d'elle-même (5). Un Aigle fut tué au moment où il ava- lait la cuisse d'un Renard, avec la peau et les poils : Schinz l'ayant disséqué trois jours après , trouva (6) la chair complè- tement digérée , et les os déjà attaqués. Mais Spallanzani a {^)Loc. cit., p. 137-144. (2) Froriep, Notizen, t. XL, p. 130. (3) OEuvres, t. II, p. 673. (4) Ib., t. II, p. 674. , (5) Ib., t. II, p. 677. (6) iô., t, II, p. 678. DE LA. DIGESTION. 4 "7 été plus loin : il a vu s'ojDérer la digestion même de la viande introduite après la mort. Du pain mis dans l'estomac d'un Lapin mort (une once et demie) éiait converti en chyme au bout de seize heures , et il en avait déjà passé une demi-once dans l'intestin ; quarante-deux grains de viande coupée en pe- tits morceaux furent introduits dans l'estomac d'une Corneille, une heure seulement après la mort ; cette viande était digérée complètement au bout de sept heures de séjour du corps au soleil ; cinq heures et demie suffirent aussi pour faire apercevoir un commencement de digestion de la viande intro- duite dans l'estomac retiré du corps, lié , plongé dans l'eau et exposé au soleil, de Chats, de Corneilles et de Chouettes. Krimer a répété ces expériences sur des Grenouilles avec moins de succès , mais toutefois avec un certain résultat (1). 5» Malgré tout cela, la théorie chimique de la digestion ne suffit pas complètement. Réaumur (2) trouva des tubes de verre, introduits dans l'estomac de Dindes, dépolis au bout de quarante-huit heures , garnis d'excavations irrégulières qui leur donnaient l'apparence d'avoir été rongés et émoussés sur les angles ; au bout de quatre jours, ils étaient plus minces qu'auparavant. Brugnatelli (3) fit avaler à des Poules et à des Dindes diverses pierres renfermées dans des sacs de toile ou des tubes de bois ; un cristal de roche pesant trente-six grains était devenu , au bout de douze jours , opaque , émoussé et plus léger d'environ quatorze grains ; une agaihe de trente grains avait perdu douze grains de son poids. Mais on n'a point encore trouvé dans le suc gastrique un dissolvant de la silice. Les sucs digestifs de chaque espèce animale ont des qualités propres, alin de pouvoir transformer la nourriture appropriée à l'organisation et au genre de vie de l'animal. Ainsi, chez les Insectes, onn'a jamais trouvé le suc gastrique autrement qu'al- calin (§ 820, 3°) ; il bleuit le tournesol rouge, et fait efferves- cence avec les acides , selon Ramdohr (4) ; d'après cela , il (1) f^ersuch einer Phijsioloyie desBluts, p. 56. (2) Hist. de VAcad. des se, p. 275, 294. (.3) Crell, Chemische Annalen, 4787, t. I, p. 230. (4) Abhundlwnij ueher die p^crdauungswerkzeuge der Insekten , p. 30. IX» 27 4l8 DE LA. DIGESTION. paraît possible que les Insectes se nourrissent d'épiderme , de poils , de plumes , de V\é^,e et autres substances inattaqua- bles par les animaux dont le suc gastrique est acide. La diges- tion dite artificielle n'est jamais qu'un analogue de la diges- tion stomacale ; le suc gastrique factice agit moins sur la fi- brine que sur l'albumine , et n'exerce aucune action sur les substances végétales. Et d'ailleurs qu'est-ce que la digestion stomacale elle-même , considérée au point de vue chimique ? Si ce n'est qu'une simple fluidificaîion des alimens, nous pou- vons nous passer d'elle lorsque nous prenons ces derniers sous forme liquide. Mais si l'amidon se convertit en sucre (§ 942, 4°), et l'albumine végétale en gélatine (§ 942 , 9°), quel avantage retirons-nous de là ? Que deviennent le sucre et la gélatine ? Et pourquoi la fibrine , dont le sang a cependant besoin, se convertit-elle en albumine (§ 942, 6°), qui, à son tour, bien que produite par la digestion (§ 942 , d°) , se transforme en osmazome et en ptyaline (§ 942 , 5°) ? Finalement , après que la digestion stomacale n'a éîé qu'un acte purement prépara- toire , les alimens , quelque diversifiés qu'ils soient , n'ont donné qu'un chyle pareil pour eux tous , et nous demeurons dans l'impossibilité d'expliquer comment un seul et même agent , mis en contact avec des substances totalement diffé- rentes, peut donner toujours le même produit. II. Les recherches des chimistes de nos jours ont conduit à la connaissance d'un mode d'action chimique différent des réactions déterminées par l'affinité, et auquel Berzelius, qui s'en est surtout occupé, a imposé le nom de catalyse. Ici, il n'y a ni action mutuelle de deux corps, ni combinaison entre eux ou entre quelques-uns de leurs principes constituans ; mais un corps exerce, sur un autre corps complexe , une in- fluence dont le résultat est que les élémens de ce dernier en- trent dans des rapports tout différens, sans que le corps in- fluent fasse lui-même partie du nouveau produit , ni lui fournisse rien; il détermine donc, par le seul fait de sa présence, les corps mis en contact avec lui à mettre leurs principes con- stituans dans d'autres proportions, par conséquent à détruire les combinaisons jusqu'alors existantes, par l'éveil d'antago- nismes chimiques, et à en produire de nouvelles qui amènent DE LA DIGESTION. 4*9 une neutralisation chimico-électrique. Ce mode d'action, dont nous ne pouvons nous rendre raison dans ses détails, et qui se trouve placé sur l'extrême limite de notre chimie, n'a lieu pres- que exclusivement que par rapport aux produits organiques, par exemple , dans la conversion de l'amidon en gomme et en sucre par les acides atfaiblis , dans la formation d'éther et d'eau qui résulte du mélange de l'alcool rvec de l'acide sulfu- rique, dans la fermentation qui convertit le sucre en alcool et en acide carbonique à l'aide de la levure de bière , de la fibrine ou du fromage , dans la germination pendant laquelle la diastase produite transforme l'amidon en dextrine et en sucre , et fait preuve d'une action tellement énergique qu'il n'en faut qu'une seule partie pour décomposer ainsi mille par- ties d'amidon. C'est aussi à la catalyse que paraît devoir être essentiellement rapportée l'action de l'organe digestif et des sucs sécrétés par lui sur lesalimens. Schwann(l), a démontré, même pour le suc gastrique factice , que l'acide libre qui s'y trouve est la cause de son activité , et que cependant il ne subit aucun changement pendant l'action du liquide, de sorte que, n'entrant point dans la combinaison qui s'effectue, il ne fait que la déterminer par sa présence et son contact. 1". La digestien ressemble donc à la fermentation , quant à son caractère général , et si l'école de Sylvius la regardait, ainsi que tous les autres actes organiques, comme une véri- table fermentation, elle ne voulait sans doute, la plupart du temps, exprimer par là que son mode de manifestation en général, et n'avait nulle intention de l'identifier avec la fer- mentation du moût de raisin, de même que Vanhelmont était bien loin de songer à la levure de bière quand il parlait de fermens qui agissant partout dans les opérations de la vie. Heuermann disait la digestion une transformation analogue à la fermentation, parce que les alimens convertis en chyle ne peuvent plus être ramenés à leur forme première , comme il arrive aux corps passés à l'état de simple dissolution. Schultz (2) la regardait comme un mouvement excité dans le (4) Muller, Archiv, p. 97. (2) Meckei, Archii' fuer Anatomie, 1826, p. 510. . 4^0 DE LA DIGESTION. chyle et analogue à la fermentation déterminée par un prin- cipe fermentescible. Eberle (1) présumait que la ptyaline du suc intestinal et du suc pancréatique agit comme fer- ment , attendu que le suc intestinal accomplit la digestion , comme une espèce de fermentation, non point par son acide ou par son alcali , mais par ses principes constituans organi- ques. Spallanzani a vu, dans ses expériences sur la digestion artificielle , quelques bulles d'air sortir du mélange d'alimens et de suc gastrique , mais il n'a jamais aperçu le moindre mouvement intestinal , ce qui lui fit dire qu'il était impossible de soupçonner même que la fermentation concourijt à pi o- duire les résultats qu'il obtenait (2). Schwann pense à peu près de même (3), parce que la digestion artificielle s'accom- plit sans absorption de gaz oxygène ni dégagement de gaz acide carbonique , outre que la matière organique agissant comme ferment exige encore la présence d'un acide libre, et ne peut être remplacée par la levure de bière ; du reste, il ne nie pas l'analogie entre la digestion et la fermentation. Mais reconnaître celte analogie ne suffit pas pour nous éclairer sur la classe de phénomènes à laquelle nous devons rappoiter la digestion, et l'on ne peut contester que celle-ci n'offre d'ail- leurs des caractères qui lui sont tout-à-fait particuliers. 2°. L'essentiel de ces caractères propres consiste en une assimilation, que nous avons vu être ébauchée dans la tendance générale des corps à s'assimiler les uns aux autres ;§ 881, 6°), plus développée dans la substance organique que partout ail- leurs (§ 881, 7J, et en pleine activité dans la vie plastique (§ 881, 8„, 9o). L'organisme, en vertu de son pouvoir cataly- tique, opère, aux dépens des alimens, la formation d'une nou- velle substance, qui correspond au type servant de base à sa nature ou à son mode de manifestation. Cette puissance assi- milatrice qui se déploie par catalyse , l'organisme la possède partout, mais elle ne se prononce nulle part avec plus d'effica- cité que là où des surfaces vivantes se regardent de manière (1) Physioloijie der Ferdauunij^ p. 329. (2) OEuvres , t. II, p. 687. (3) Loc. cit., p. 86, 105.^ DE LA. DIGESTION. J^ll à envelopper et renfermer la substance qu'il s'agit d'assimi- ler. Nous avons déjà vu (§ 883 , 1°) à quel point il influe sur le degré de développement de la sécrétion que l'espace dans lequel elle s'accomplit soit entouré de substance organique vivante ; de même, l'assimilation est d'autant plus forte que le corps étranger se trouve davantage soumis à l'action de l'en- semble de la vie, par suite de l'entourage de substance orga- nique qui l'enveloppe de tous côtés. Les animaux des classes inférieures nous prouvent d'une manière palpable que c'est là bien réellement l'essentiel de l'acte digestif. Le Polype à bras digère dans sa cavité simple, sans organisation qui serve spé- cialement à cette œuvre; vient- on à le retourner comme un gant, il n'en digère pas moins bien , la surface qui dans l'état normal était tournée en dehors, et représentait la peau exté- rieure, formant alors la paroi de la cavité du corps ; celle-ci a donc acquis une autre paroi , mais elle est demeurée la même au fond, c'est-à-dire un espace apte à recevoir la nourri- ture et entouré de substance organique , par conséquent en état encore de digérer. Suivant Eschholtz , le Beroë forme sa cavité digestive chaque fois qu'il veut se nourrir ; pour cela , il enveloppe de sa face inférieure concave l'animal qu'il se propose de consommer, et le digère dans la cavité ainsi pro- duite. Même une paroi animale morte peut encore exercer l'action catalytique sur la substance organique qu'on y ren- ferme; Eberle (1) a remarqué que la digestion artificielle s'accomplit mieux dans une vessie de bœuf que dans un verre, et que les alimens qui touchent immédiatement à la vessie, se convertissent en une bouillie bien plus homogène. Mais la di- ^jestion réelle , celle qui va jusqu'à son but, la formation du chyle, suppose, chez les animaux supérieurs, que la nourri- ture soit renfermée dans un espace dont la paroi consiste ea une membrane muqueuse douée de vitalité plastique à un haut degré et organisée d'une manière spéciale. Elle exige un contact prolongé et répété entre les alimens et cette pa- roi. Aussi le canal digestif a-t-il d'autant plus de longueur, et sa membrane muqueuse d'autant plus de développement, que (1) Loc. cit., p. 78. 422 DE LA DIGESTION. la nourriture de l'animal est plus pauvre en matière alibile et plus difiScile à digérer; aussi les hommes atteints d'un anus artificiel perdent-ils infiniment plus de leur masse et de leurs forces quand l'ouverture siège à un point élevé de l'intestin , et que le chyle s'échappe peu de temps après le repas (1)„ 3° Dans Torganisme , l'effet entraîne la persistance de sa cause. L'action maintient la force , et ce qui s'est produit favorise la continuation de la production (§ 894 , 5°). En con- séquence, de même que la digestion est accomplie par la vie, de même aussi cette dernière imprime son caractère au pro- duit de la digestion , afin de se maintenir par là. Mais cet effet ne saurait avoir lieu d'une manière immédiate ; il n'est possible qu'au moyen de certaines conditions chimiques ame- nées par l'actioa vitale , comme le suc gastrique en fournit un exemple. Il résulte des observations de Beaumont (2) que ce suc se conserve pendant onze mois au moins sans subir de changement , et sans passer à la putréfaction, vraisemblable- ment à cause de son acide ; si VauqueUn a vu celui des Brebis et des Bœufs se putréfier en peu de jours , c'est qu'il s'agis- sait sans doute du suc extrait de la panse et non acide. Mêlé, hors de l'estomac, avec des subsiances alimentaires, il em- pêche celles-ci de tomber en pourriture ; diverses sortes de viande que Beaumont (3j plongea dans du suc gastrique hu- main, conservèrent leur fraîcheur pendant quatre à six jours, fait qui a été également observé par Hood (4) et par d'autres. Montègre a tenté des expériences sur son propre suc gastri- que, vomi le matin à jeun , qui par conséquent n'était point acide , et contenait en outre de la salive ; la viande qu'il y plongea se putréfia ; mais un jour il prit un demi-gros de ma- gnésie, et mangea ensuite un beefsteak, dont il vomit une portion au bout d'une heure , puis le reste au bout de deux heures et demie ; la première , non acide , était putréfiée trois jours après ; la seconde , acide , n'exhala une mauvaise (1) Observations pathologiques^ p. 73. (2) Loc. cit.,^. 51,221. (3) Loc. cit., p. 87. (4) Analytic 'jphysiology , p. 165. DE LA. DIGESTION. 423 odeur qu'au bout de huit jours, et, mise dans un tube de verre qui fut porté pendant plus d'un mois sous l'aisselle , elle ne passa point à la putréfaction. La putréfaction déjà en train s'arrête même sous l'influence du suc gastrique. Spallan- zani (1) a trouvé que de la viande corrompue se conservait pendant vingt-cinq jours , à une chaleur de huit à douze de- grés, dans du suc gastrique de Chien, de Corneille ou d'Aigle , sans que la putréfaction fit de progrès, qu'à là cha- leur du soleil elle se dissolvait et perdait sa fétidité , et qUe le chyme produit dans l'estomac par la viande gâtée, n'avait pas de mauvaise odeur. Beaumont (2) a fait les mêmes re- marques sur le suc gastrique humain. Helra (3) introduisit de la viande gâiée , par la fistule , dans l'estomac de sa ma- lade, et trouva, au bout de trois heures, qu'elle ne portait plus aucune trace de corruption , ni sous le rapport de l'o- deur, ni sous celui de la couleur , qu'elle avait même le goût de la viande fraîche. Fordyce a observé la même chose , et si Thackrah (4) a retrouvé encore putréfiée au bout d'une heure la viande corrompue qu'il avait donnée à des Chiens et à des Chats , c'est sans doute parce - que ce laps de temps n'avait pas suffi pour avancer assez la digestion. Suivant Cou- tanceau (5) et Truttenbacher (6j, le suc gasirique ne s'oppose à la putréfaction qu'autant qu'il transforme , change les qua- lités subsistantes, et crée une masse susceptible de plasticité; mais la propriété en vertu de laquelle il accomplit toutes ces choses , est liée à celle de combattre la putréfaction, puisque, seul et en dehors de l'estomac, il arrête et prévient aussi cette dernière. Au dire d'Eberle , le mucus gastrique se pu- tréfie avec rapidité lorsqu'il entre en contact avec une autre substance organique , et ce serait a cela surtout qu'il doit d'être le meilleur de tous les véhicules pour la digestion. (1) OEuvres, t. II, p. 721 et suiv. (2) Loc. cit., p. 147-158. (3) Zwey KrankengescJdchten, p. 29. (4) Froriep, Notizen, p. 291. (5) liévisiou des nouvelles doctrines. Paris, 1821, p. 48. (6) Der yerdauun(jsprozess, p. 21. 42Zj DE lA DIGESTION. Purkinje et Pappenheim (1) établissent aussi que la présure fait proraptement putréfier les matières organiques , tandis que , convertie en suc gastrique artificiel par un acide , elle les préserve pendant long-temps. Mais Simon (2) assure que l'estomac de Veau , mis en contact avec du fromage , passe moins vite à la putréfaction que quand on l'abandonne à lui- même, parce que les affinités chimiques organiques qui entrent alors en jeu empêchent le déploiement de celles qui sont purement inorganiques. VI. Circonstances qui concourent à la digestion. § 957. Plusieurs circonstances concourent à la digestion , soit qu'elles ne fassent qu'y aider , soit qu'elles en consiilaent des conditions essentielles. I. Tel est d'abord \e\ mouvement musculaire. Si les iatro- mathématiciens, Borelli, Redi, Pitcarn, Hecquet, s'étaient laissé entraîner, par leurs observations sur le gésier des Oiseaux granivores , à soutenir , comme autrefois Erasistrate , que la digestion , considérée d'une manière générale , consiste en une attrition , une comminution des aliïïsens , cette hypothèse exclusive ne tarda pas à être réfutée , car l'estomac de la plupart des animaux a des parois si minces , si molles , et des fibres musculaires si débiles , qu'il y a impossibilité absolue pour lui d'agir dans un tel sens. Mais la digestion, en tant qu'opération chimique , est certainement favorisée par des conditions mécaniques. La comminution multiplie la surface des alimens solides au point que les sucs digestifs et les parois du canal digestif ont des points de contact plus multipliés avec eux , et peuvent agir sur eux avec plus de force ; le mouve- ment du chyme lui-même contribue aussi à produire cet effet, outre qu'il détermine un mélange plus uniforme des alimens avec les sucs digestifs. Lorsqu'il a été avalé , sans les mâcher, des alimens qui résistent à la digestion par leur cohésion ou par leur mode de composition , l'estomac parvient à ies com- minuer en redoublant d'énergie musculaire , et cette action (1) Froriep, Notizen^ t. L, p. 211. (2) MuUer, Jrchiv, 1839, p. 8. DE lA DIGESTION. 425 mécanique de sa part devient une condition de la digestion. Ce cas a lieu chez les Oiseaux granivores , et Réaumur a vu (1) des grains d'orge renfermés dans des tubes de plomb ouverts , mais trop forts pour que l'estomac pût les aplatir , demeurer indigérés , alors même qu'il avait eu soin d'en faire préalablement disparaître la pellicule. Cette observation a été répétée par Spallanzani (2) ; mais quand il faisait avaler aux mêmes Oiseaux du pain mâché et de la viande hachée, dans des tubes ou des boules percées de trous , ces substances étaient digérées presque en entier (3). Lorsque les alimens ont été mâchés , ou que par eux-mêmes ils sont mous et fa- ciles à digérer , un léger mouvement du canal digestif suffit pour favoriser la digestion , en retournant , secouant et pé- trissant le chyme. De même , la succussion accélérait la dis- solution des alimens dans le suc gastrique tiré de l'estomac, suivant Beaumont (4), et dans la liqueur digestive factice , selon Purkinje et Pappenheim (5). La même chose arrivait lorsqu'à l'aide d'un tube de baromètre rempli du même li- quide, on exerçait une pression continue sur la liqueur, d'où il suit aussi que les parois abdominales exercent de l'in- fluence sur la digestion. II. La température de l'estomac humain est de trente de- grés R. , d'après les observations de Helm (6) et de Beau- mont (7). Elle ne subit point de changement pendant la di- gestion considérée en elle-même ; mais elle peut être accrue ou diminuée par les alimens , et surtout par les boissons , qui, traversant rapidement la bouche et l'œsophage , conservent leur température jusque dans l'estomac (8). Ainsi Beaumont a remarqué (9) que quand son malade avait bu un verre d'eau {DHist. de VAcad.dessc, 1752, p. 300. (2) OEuvres, t. II, p. 3'J9. (3) Ib., t. II, p. 432-433. (4) Loc. cit., p. 37. (5) Muller, Jrchiv. 1838, p. 13. (6) Zweij Krankengeschichten, p. J2. (7) Loc. cit., p. 87. (8) Magendie, Précis élément., t. II, p. 124. (9) Loc. cit., p. 9J. 426 DE lA DIGESTION. à dix degrés R. , le thermomètre , introduit dans l'estomac , descendait de trente dej^rés à seize , et remontait, au bout de deux minutes , à sa station ordinaire. Vater a vu (l) , dans un cas d'anus artificiel, la membrane muqueuse de l'intestin pâlir et se resserrer avec force par le contact de l'eau froide. Nul doute que la dig^estion ne soit troublée par celte influence, et favorisée , au contraire , par la chaleur naturelle du canal digestif. La chaleur est favorable à toute dissolution ; ainsi la digestion stomacale ne commence, chez les animaux qui vien- nent d'être tués, que quand la température extérieure dépasse dix degrés R. Suivant Spullanzani (2) , la dissolution de la viande dans le suc gastrique exige au moins dix à vingt degrés de chaleur , et c'est à la température de quarante à quarante- cinq degrés qu'elle marche avec le plusde rapidité .Beaumont(,3) et Hood (4) ont fait la même observation. Suivant Schwann (5), la dissolution dans le suc gastrique artificiel exigeait quatre fois autant de temps à la température de dix à douze degrés qu'à celle de trente-deux. Mais si l'appétit et la digestion croissent et diminuent avec la température , comme ïrembley l'a remarqué chez les Polypes , Spallanzani chez les Ser- pens (6) , Hunter (7) et Krimer (8) chez les Grenouilles, cet effet ne tient point à une influence immédiate de la tempéra- ture ; il dépend bien plutôt de ce que la digestion suit pas à pas l'activité vitale en général , et surtout la consommation qui en est la conséquence. m. L'action du système nerveux exerce une très-grande influence. Elle a été considérée , non pas seulement comme une condition nécessaire , mais encore comme le véritable principe de la digestion. On se fonde , pour cela , sur les suites qu'entraîne la lésion de certaines parties du système (i) Philos, Trans., t. XXXI, p. 89. (2) OEuvres, t. II, p. 488. (3) Loc. cit., p. 101, 147. (4) Analijtic physiology, p. 169. (5) Muller, Archiv, 1836, p. 107. (6) OEuvres, t. II, p. 536. (7) Observations on certain parts of the animal œconomy^f. 108. (8j f^ersuch einer Physioloyie des Blutes, p. 38, 46. DE ik DIGESTION. 427 nerveux. Cependant rien n'est plus facile que de tirer dès résultats inexacts d'expériences faites sous ce point de vue , attendu qu'on peut alléguer en preuve d'un trouble ou d'une suspension de la digestion , la présence de débris d'ali- mens qui , même dans l'état normal , demeurent quelque teiTîps dans l'estomac, ou attribuer à la lésion du système nerveux un trouble réel qui survient , mais qui dépend de circonstances accessoires. Aussi Breschet et Edwards conseil- lent-ils , pour parer au premier de ces inconvéniens , d'aVoir toujours, en même temps que l'animal sur lequel on ex- périmente, un autre animal de même espèce, mais intact, qui sert d'objet de comparaison (1) ; aussi Leuret et Lassai- gne veulent-ils, pour éviter le second, qu'on pratique la section du nerf pneumogastrique sans ouvrir la poitrine et l'abdomen , en se contentant de faire une plaie au col , et de prévenir le trouble de la digestion au moyen de la trachéo- tomie (2). 1° La ligature ou la section des deux nerfs pneumogastri- ques a pour résultat , suivant Haller (3) , que les allmens res- tent dans l'estomac sans être digérés, et qu'ils y passent même à la putréfaction. Un trouble de la digestion a été observé par Wilson Philipp (4) sur des Lapins, par Blainville (5) sur dés Pigeons et des Poules , par Dupuy (6) sur des Chevaux et des Brebis , par Legallois (7) sur des Cochons d'Inde et autres animaux. Mais il suit des expériences d'Emmert (8), Brough- ton (9) , Breschet et Edwards (10), Vavasseur (11) , Ware et (1) annales des se. neturelles, t. IV, p. 258. (2) liech. sur la dùjesHon, p. 129. (3) Elem. physiol., t. I, p. 462. — Opéra minora, t. I, p. 350. (4) Ueher die Gesetze der Functionem des Lehens, p. 97. (5j Gehlen, Journal, t. VU, p. 532. (6) Meckel, Deutsches Archiv, t. IV, p. 108. (7) Expériences sur le principe de la vie., p. 214. (8) Reil, Archiv, t. IX, p. 408. (9) Journal de Magendie, t. I, p. ,123. (10) Annales des so. nat., t. IV, p. 258, (11) Archives ijùnèralea, t. II, p. 494. 428 DE LA DIGESTION. Fiolay (1) , Mayer (2) , Leuret et Lassaigne (3) , Breschet , Muller et Diekhof (4), que si la section de ces nerfs affaiblit et ralentit la digestion , elle ne la suspend pas entièrement. 2^* L'excision d'une portion du cerveau agit de la même manière , seulement avec plus de force encore , suivant Bres- chet. Des Canards auxquels Magendie avait enlevé le cerveau et une grande partie du cervelet , vécurent dix jours , et di- gérèrent très-bien pendant ce laps de temps , tandis qu'une lésion de la moelle allongée portait le trouble dans la diges- tion. Breschet a remarqué aussi , sur un jeune Chien auquel il avait^enlevé un lambeau de la partie postérieure du cerveau et de la moelle allongée , que la viande avalée avant l'opéra- tion était encore intacte , au bout de cinq heures , dans la portion cardiaque de l'estomac , tandis qu'elle commençait à être digérée dans la portion pylorique. Enfin Krimer (5) dit avoir observé que la digestion continuait sans le moindre trou- ble chez une Grenouille à laquelle il avait coupé la tête et lié le cou pour empêcher la perte du sang. On se demande comment agit ici la lésion du nerf pneumo- gastrique et de son organe central. 3" Magendie prétend que la section du nerf n'agit sur la digestion qu'en troublant la respiration , et qu'elle n'exerce aucune influence sur la première de ces deux fonctions lors- qu'elle a été pratiquée , non au cou , mais dans la poitrine , au dessous de l'origine des nerfs pulmonaires. Mais, quoique le trouble concomitant de la respiration contribue sans nul doute à déranger encore davantage la digestion , Brachet , Breschet et Vavasseur , après avoir coupé l'œsopliage immé- diatement au dessus de l'estomac , pour ne laisser échapper aucun filet du nerf, ont cependant trouvé peu ou point digéré le fourrage que l'animal avait pris sept à huit heures aupa- ravant. 4" Wilson et autres admettent que le nerf détermine la sé- (1) Gerson, Magazin, t. XVII, p, 486. (2) Zeitschrift fuer Physiologie, t. II, p. 78. (3) Bechjsur la digestion, p. 433. (4) Muller, Handhuch der Physiologie, t. I, p. 531. (5) P^ersuch einer Physiologie des Blutes, p. 59. DE LA DIGESTION» 4^9 crétion du suc gastrique. Tiedemann et Gmelin lui assignent pour usage spécial de décomposer les sels neutres du sang , et de procurer ainsi au suc gastrique son acide libre , ce qu'Eberle admet également (1). Mais les observations de Blainville, de Leuret et Lassaigne (2), de Mayer, de Kri- mer (3) , de Prévost et Leroyer (4) , de Brachet , de Muller et Diekliof, d'Arnold (5), ont appris que la sécrétion du suc gas- trique acide persiste après la section du nerf , bien qu'elle soit moins abondante. Wilson croyait avoir trouvé qu'après la desiruction de l'influence nerveuse , le galvanisme rétablit la sécrétion du suc gastrique , et avec elle la digestion ; qu'en conséquence l'action du nerf est de nature électrique , et Maiteucci comparaît celte action à celle du pôle positif (6). Breschet et Edwards crurent d'abord (7) pouvoir conclure de leurs observations que le galvanisme remplace ici l'influence des nerfs ; mais, plus tard (8), ils reconnurent que si cet agent vient réellement en aide à la digestion , le mode d'application des pôles est tout-à-fait indifférent , que par conséquent il n'y a point là de polarité déterminée. D'un autre côté , le galva- nisme n'a témoigné aucune influence sur la digestion dans les expériences de Ware et Finlay (9) , non plus que dans celles de Muller (10). 5° Le mouvement de l'œsophage, quoiqu'il soit tout-à fait involontaire, dépend de l'action des nerfs pneumo-gastriqttes, de telle sorte qu'on peut le provoquer ou l'accroître en irri- tant ces nerfs, et l'anéantir en les coupant. Dans ce dernier cas, on trouve la partie inférieure du conduit distendue par les alimens pris après l'opération et qui s'y sont accumulés. (1) Loc. cit„ p. ikl. (2) Loc. cit., p. 433. (3^ Loc. cit., p. 5S. (4) Bihlitjtkèqiie unit e m elle . t. XXVIi, p. 235. (5) Lehrbuch der Physiologie, l. II, P. Il, p. 76. (6) Froriep, Nolisen, t. XL, p. 129. (7) Archives (jénérales, t. II, p. 499. (8) Armâtes des se. naturelles, t. IV, p. 261, 269. (9; Loc. cit., p. 486. (10) Ilandbuch der PhysioloE lA DIGESTION. digestion. Baumgsertner reconnaît avec raison que ce qui constitue l'essentiel de cette dernière fonction , c'est l'ac- tion vivante et vivifiante des parois de l'estomac sur les ali- mens ; mais quand il admet que les nerfs gastriques commu- niquent quelque chose aux substances assimilables , par leur action immédiate , nous ne pouvons voir en cela que la re- production sous une nouvelle forme de l'antique hypothèse des esprits nerveux. L'organisme vivant digère en vertu d'une force assimilante qui lui est inhérente , et il se crée les moyens d'y parvenir en formant ses propres organes , ses propres liquides ; le jeu de ses organes n'est point isolé , mais tient à tout l'ensemble de la vie ; l'expression de cette liaison est le système nerveux d'un côié et le système sanguin de l'autre ; aussi toute lésion de l'un ou l'autre de ces deux sys- tèmes entraîne-l-elle un dérangement delà digestion. Donc, quand on enlève à l'estomac, par exemple en coupant ses nerfs , un des membres de son organisation , qui ne vit que par ses connexions avec tout l'ensemble de la vie , on ne supprime pas pour cela le pouvoir inhérent en lui et insé- parable de sa nature même , mais on le fait agir avec moins de force : sa turgescence devient moins considérable^ comme dans tout organe dont la vitalité baisse , et c'est ce qui fait quêtons les observateurs l'ont trouvé alors flasque, lisse, sans plis et distendu. On y remarque souvent aussi une con- gestion passive, due à la prédominance acquise par le système sanguin, qui rend la membrane muqueuse rouge (§ 847, 3°), phénomène signalé entre autres par Broughton, Leuret et Las- saigne, et que Gendrin {1) regarde comme une inflammation qui trouble la digestion. 3° L'influence de la vie animale se manifeste dans diverses afl'ections du cerveau (2), qui entraînent à leur suite , tantôt des vomissemens , tantôt des anomalies de la digestion , avec diarrhée ou constipation. Celle de l'âme n'est pas moins puis- sante (3). Gosse a confirmé , par l'observation immédiate , le (1) Hist. anat. des inflammations^ 1. 1, p. 584. (2) Burdach, Fom Baiie und Lehcn des Gehirns, t. III, p. 68. (3) Esquirol, Des maladies mentales, Paris, 1838, p. 434. DE LA DIGESTION. 4^5 fait généralement connu du trouble que les travaux de cabinet auxquels on se livre aussitôt après le repas apportent à la diges- tion, qui est favorisée, au contraire, par le repos de l'esprit et un léger mouvement. Beaumont (1) a vu , de ses propres yeux, la membrane muqueuse de l'estomac devenir rouge et sèche, ou pâle et terne, par l'effet d'une commotion morale; il a observé également (2) qu'un exercice modéré fait monter la température de l'estomac d'environ un degré , et marcher la digestion avec plus de vivacité , que le suc gastrique perd son acidité quand le sujet commence à suer , et qu'un mou- vement fatigant ralentit la digestion. IV. Comme la plante a besoin , pour végéter, de trouver de l'air jusque dans le sol , et que l'action d'un gaz irrespi- rable sur ses racines la fait périr (3) ; comme , en avalant les alimens, on introduit aussi de l'air dans le canal digestif ; comme enfin l'eau n'est une boisson salubre qu'autant qu'elle contient de l'air, il serait possible que l'air atmosphérique eût de l'influence sur la digestion, et qu'il fût décomposé pen- dant le cours de cette opération. Cependant ce n'est là qu'une simple conjecture. Piagpe dit bien (4) qu'après la ligature de l'œsophage d'un Pigeon , la digestion de la vesce , préalable- ment introduite dans le jabot , ne fut pas aussi complète qu'elle a coutume de l'être ; ma'is cette observation ne sau- rait être considérée comme une preuve suffisante. Reich pen- sait que l'acidification du chyme était due à l'oxygène de l'air atmosphérique avalé avec la salive , et Moscati regardait comme une chose probable que la digestion consiste en ce que le suc gastrique abandonne de l'oxygène à la masse alimentaire qui, à son tour, lui livre de l'hydrogène. Schwann(5) a remarqué que, du moins pendant la dissolution des substances nutritives dans du suc gastrique artificiel, il ne se dégage aucun gaz , et qu'il n'y a pas plus absorption de l'oxygène atmosphérique que de celui des substances animales. (l)Loc. cit., p. 72. (2)/&.,p. 63. (3) Raspail, Nouveau syst. de pJiys. végétale, Paris, 1837, t. II, p. 41, (4) Meckel, Deutsches Archiv, t. VII, p. 221. (5) MuUer, Archiv,- 1830, p. 82. 456 DIFFÉRENCE ENÏRE LA LYMPHE , V. Enfin on a tenté d'attribuer à la rate un rôle dans la di- gestion. Mais l'extirpation de cet organe n'a troublé la fonc- tion digestive que dans un petit nombre de cas , et la plupart du temps elle est demeurée sans influence (1). Les anciens pensaient que la rate envoie à l'eéîomac, par les veines gastri- ques, un suc acide, un ferment, ou une atrabile, qui aide à la digestion (2). Oken (3) prétend qu'elle oxyde le suc gastrique, et qu'elle se comporte envers l'estomac comme l'air par rap- port au poumon. Clarke (4) lui assigne pour usage de conser- ver le superflu de la boisson , afin de le reporter plus tard à l'estomac, pour étendre le chyme. Suivant d'autres, elle attire à elle le sang, qu'elle envoie ensuite à l'estomac pendant le tra- vail de la digestion (§ 742 , 4°). Home (5) ayant vu les matiè- res colorantes qu'il introduisait dans l'estomac , après avoir lié le pylore , reparaître au bout de quelque temps dans l'u- rine , crut, d'après cela , qu'une partie de la boisson se rend de l'estomac à la rate ; mais plus tard il a reconnu que le même phénomène a lieu même après l'extirpation de la rate. Au- cune des hypothèses dans lesquelles on fait concourir ce vis- cère à la digestion ne repose sur la moindre preuve. DEUXIÈME SUBDIVISION. 3E LA FORMATION DU SANG DANS LE SYSTEME LYMPHATIQUE. CHAPITRE PBEMIER. De la différence entre la lymphe , le chjle et le sang. § 958. Il y a un fait qui prouve l'identité de la digestion et de la résorption, c'est que leurs deux produits se ressemblent, quant au fond. Le chyle et la lymphe sont des liquides alca- lins , contenant des globules , composés d'eau , de fibrine , d'albumine , d'osmazome , de ptyaline et de sels , et qui , par (1) Haller, Elem. physiol., t. "VI, p. 421.— Assolant, Hech. sur la rate, p. 135. (2) Haller, loc. cit., t. VI, p. 154. (3) Die Zeiujunij, p. 167. (4) Heusinger, Ueher den Bau und die Ferrichtumjen der Milz>^. 113. (5) Lectures on comparative anatomy, t. I, p.225) chyle , et tend à réaliser complètement son essence , ce à » quoi le chyle est mûr dans l'intérieur de ses vaisseaux. » Mais Bartholin répondit, suivant Fusage, que, dans le cas cité par Hannemann , le chyle avait peut-être été rougi soit par du sang reflué des veines , soit par la putréfaction ; car il ne peut point se former de sang dans le cadavre , et un seul fait ne permet pas d'établir des propositions générales. § 960. 1° Les globules augmentent dans le chyle à mesure que ce liquide avance dans le système ly.nphaiique (2j , de manière que leur nombre est plus considérable dans le canal (1) Acta hafniensia, t. II, p. 245. (2) Arnold, Lehrbuchder Physiologie, t. II, p. ^175. IX. 29 45o CONVERSION DU CHÏLE ET DE LA tÎMPlSÉ thoracique ^que dans les vaisseaux du mésentère (1), et après son passage à travers les ganglions qu'avant (2), Si ce tait prouve que quelques globules naissent dans Tintérieur du sys- tème lymphatique , il contirme aussi l'opinion précédemment émise que le système lymphatique est le lieu où se produisent tous ces corps eu général , tant ceux de la lymphe (,§916, 2") que ceux du chyle (§950, 6''). Comme, aux derniers anneaux de la chaîne animale et au début du développement d un in- dividu organique , la lonnaiion atlécte la lorme globuleuse , nous sommes i'undés à admettre que le produit de la digestion débute aufasi par une formation de globules. Il apparaît etfec- tivement comme une masse primordiale, qui n'a point encore de caractère prononcé , qui contient seulement le rudiment de l'albumine et de la fibrine , et qui par cela même est très- apte à recevoir toutes sortes de formes ; parvieut-il dans les racines des vaisseaux lymphatiques , où il est étroitement en- fermé par des parois organiques, mis en rapport aussi intime que possible avec le saug contenu dans les capillaires, et placé sous 1 iniluence de la vie générale , son passage à la forme organique conuiience par une lormation de globules. Cette formation continue dans toute 1 étendue du système lympha- tique , mais principalement dans les ganglions , où chaque vaisseau, en se ramihant, multiplie les surfaces de contact, et rend par conséquent plus forte l'action des parois sur le con- tenu , où le nombre plus considérable des capillaires diminue l'épaisseur des parois , ce qui permet au sang d'exercer une influence plus marquée , où enlin, le Hquide faisant un plus long séjour, il a plus de temps aussi pour se transformer. % Comme le nombre des granules augmente dans le chyle pendant son passage à travers le système lymphatique , tan- dis que celui des gouttelettes d'huile diminue, Schultz (3) présume que les globules naissent des gouttelettes , proba- blement par l'action de l'alcali libre provenant de la lymphe et du sang; il admet que la graisse est produite dans l'iotes- (1) 7J., p. 168. J j (2) Schultz, Das System der Circulation, p. 39. (3) Vas System der Circulation, p. 39. EN SANG. 4^1 iîn , maïs encore à l'état liquide et sous une forme cohérente , de manière à n'apparaître dans le chyle que sous celle de stries et d'îles, et qu'elle ne prend la forme de globules de graisse que dans le système lymphatique. Cette hypothèse se rapproche de celle d'Ascherson (1), qui pense qu'au moment où le liquide gras et l'albumine viennent à entrer en contact l'un avec l'autre , il se produit une membrane albumineuse enve- loppant une gouttelette de graisse en manière de cellule , de sorte que , suivant lui , tous les tissus organiques élémentaires, notamment les globules du sang , sont des cellules contenant de la graisse liquide. Mais comme on trouve ordinairement dans la lymphe, et souvent dans le chyle, des globules sans graisse libre , et que les globules du sang ne renferment pas de graisse , nous sommes obligés de révoquer celte explica- tion en doute. 2° Le rougissement étant, de toute évidence, un phéno- mène par lequel le chyle se rapproche de ia nature du sang, dont la couleur appartient à ses globules, on doit s'attendre à ce que ce soient les globules de la lymphe ou du chyle qui rougissent au contact de l'air atmosphérique ou sous l'in- fluence de la paroi vivante . Denis (2), Prout (3) et autres l'admettent en effet. Arnold précise la chose davantage, en di- sant que les globules du chyle prennent une couleur rouge (4), et suivant Schmidt (5), Schuhz (6), Gurlt (7), Valentin (8), on trouve aussi quelquefois de véritables globules du sang dans le chyle. Monro, le premier, a converti la conjecture précédente en certitude par l'observation immédiate de ce qui arrive au chyle que le contact de l'air a rougi ; il a trouvé, dans l'expérience, sur des Poissons vivans , qui a été rap- (1) Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Acad. des sciences, t. VIT, p. 837. — Application delà chimie à V étude phijsiologique du sang de l'homme. Paris, 1838, in-8. (2) Bech, expérimentales sur le sang humain, p. 305. (3) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 210. (4) Lehrhuch der Physiologie, t. II, p. 174. (5) Ueber die Blutkœrner, p. 41. (6) Vas System der Circulation, p. 44. {!) Lehrhuch der vergleichenden Physiologie^]), 139. (m) Repertorivm, 1. 1, p. 278, 452 CONVERSION DU CHYtE ET DE LA LYMPHE portée plus haut (§ 959), que la couleur rouge du contenu du canal ihoracique adhérait aux globules. Krimer pose éga- lement en fait le rougissement des globules du chyle à l'air (1); il a vu aussi, en examinant la lymphe d'une tumeur lymphatique, que l'eau extrayait du caillot rougi à l'air des globules rouges qui se déposaient au fond du vase (2). 3° Il est donc à peine possible encore de révoquer en doute que la formation des globules du sang commence dans le système lymphatique. Mais comme ces globules diffèrent, quant au volume, à la forme et aux propriétés chimiques, de ceux qu'on rencontre dans le système lymphatique, ces der- niers, en changeant de couleur, ne sont point encore pour cela devenus des globules du sang. L'observation laissant ici de grands vides, il reste à savoir si au rougissement se joint l'acquisition des autres propriétés des globules du sang, ou si ces propriétés ne se manifestent que plus tard. Rudolphi pense (3) que les globules du chyle ne se transforment pas immédiatement en globules du sang, mais qu'ils se résolvent en sang, et qu'ils sont métamorphosés avec celui-ci dans les poumons. Gruilhuisen (4) admet des vésicules sanguines, provenant peut-être du chyle, dans l'intérieur desquelles se produiraient les globules du sang, qu'elles laisseraient échap- per en se déchirant. Aucune de ces deux hypothèses ne re- pose ni sur l'observation immédiate, ni sur Tanalogie. Le volunie des globules du chyle varie, suivant Wagner (5), dans les vaisseaux lymphatiques entre 0,0016 et 0,0066 Ugne, dans le canal thoracique entre 0,0025 et 0,0050 seulement. Cette variation de volume annonce qu'ils sont encore en train de se former. Ils peuvent être fort petits d'abord, puis croître beaucoup, et enfin se resserrer de nouveau ; mais leur iné- galité confirme une conjecture qui se présente naturellement à l'esprit, celle qu'ils ne se produisent et ne se développent pas (1) Versuch einer Physiologie des Blutes, p. 127. (2) II)., p. 147. (3) Grundriss der Physiologie, t. II, P. H, p. 281. (4) Beitrœge zur Physiognosie, p. 162. (5) Beitrœge zur vergleichenden Physiologie, t. II, p. 25. EN SANG. 453 tous à la fois, et que certains d'entre eux sont plus avancés que les'autres.Mais, comme on les trouve la plupart du temps plus petits que les globules du sang, leur développement devrait être accompagné d'un accroissement de volume. Cet accroissement tiendrait,suivant Leeuwenhoek (1), à ce qu'iisse réunissent plu- sieurs ensemble, au nombre de six, pour produire un globule du sang; mais aucun fait n'appuie cette hypothèse. D'après Hewson (2), il serait le résultat d'une accession du dehors; cet écrivain pense, en effet, que les globules de la lymphe et du chyle sont tout simplement des noyaux de globules du sang, et qu'ils se convertissent en vrais globules du sang par l'addition d'une enveloppe colorée. Le fait sur lequel il se fondait était que chaque vaisseau lymphatique sortant d'un ganglion contient beaucoup de globules qui ressemblent à des noyaux de globules du sang par leur volume, leur confi- guration et leur insolubilité dans le sérum ou les dissolutions de sels neutres. Il admettait que ces globules sont sécrétés danslesganglionslymphatiques; par conséquent, il avait perdu de vue qu'on les rencontre dès avant l'entrée de la lymphe dans les ganglions, où ils ne font que croître en nombre. Hewson, ayant aussi découvert des globules du sang complets dans les vaisseaux lymphatiques, supposa, d'après cela, que l'enveloppe colorée se produit dans les ganglions, soit au moyen d'un liquide que ces derniers sécréteraient, soit par l'action de la force plastique des vaisseaux eux-mêmes sur le liquide contenu dans leur intérieur. Mais, suivant lui (3), c'est surtout dans la raie que la matière des enveloppes colorées est sécrétée, et elle passe de là dans le canal ihoracique. Cette observation, qui fait intervenir une addition du dehors, et qui est fort commode , a rencontré beaucoup d'accueil dans ces derniers temps. Schullz lui-même l'a adoptée (4): il dit avoir trouvé, dans le système lymphatique des Lapins, non- seulement des gouttelettes d'huile et des globules granulés de (1) Philosophical Trans., 167 A, p. 121. (2) Experimentalinquiries^ t. HT, p. 119. (3)i6., p. 131. (4) Das System dcr Circulation, p. 44. 454 CONVERSION DU CHYLE ET DE LA LYMPHE chyle, mais encore des globules du sang en train de se for- mer, consistant en un globule de chyle qui servait de noyau, et une enveloppe encore mince et faiblement colorée, appli- quée plus ou moins immédiatement au noyau. Mais la micro- métrie a renversé ces hypothèses mécaniques. Nasse (1) a trouvé les globules du chyle beaucoup trop gros pour qu'ils pussent être les noyaux de ceux du sang. Wagner (2), qui a mesuré les globules du chyle et de la lymphe chez l'homme et chez des animaux des quatre classes de vertébrés, les dit plus gros partout que les noyaux des globules du sang, dont ils excèdent même quatre et cinq fois le volume. Les mesures prises par d'autres ont donné le même résulat. Suivant Va- lentin (3), les globules de la lymphe ont 0,0600 ligne dans les Salamandres, tandis que les noyaux des globules du sang n'ont que 0,0048 lignes de large sur 0,0050 de long ; et s'il a trouvé le volume des uns et des autres à peu près égal chez la Grenouille, tandis que, selon Wagner, les premiers ont 0,0300 ligne , et les autres 0,0020, on peut considérer cette circonstance comme purement accidentelle. D'ailleurs, dans les trois classes inférieures d'animaux vertébrés, les glo- bules de la lymphe sont circulaires, comme chez les Mammifè- res, bien que les globules du sang et leurs noyaux soient presque généralement elliptiques. Mais, considérée d'une ma- nière générale, l'hypothèse de deux parties primordialement séparées dans chaque globule du sang, est fort problématique; la séparation du noyau et de l'enveloppe semble devoir être regardée, au contraire, comme le simple résultat d'un com- mencement de décomposition , ainsi qu'il a déjà été dit ail- leurs (§ 688, 7°), et que des recherches récentes l'ont con- firmé. Krause (4) n'a jamais pu se convaincre de l'existence d'un noyau dans des globules du sang frais et non décompo- sés ; Wagner (5) dit que la formation du noyau et de l'enve- (d.) UntersucTiungen zur Physiologie und Pathologie, t. I, p. (2) Loc. cit., p. 31, 48. (.^) Pepertorium, t. II, p. 71. (4) Handhuch der menschlichen Anatomie, t. I, p. 11. {^)iLoc. cit., p. 14, 45, EN SANG. 455 loppe est un phénomène de coagulation, une séparation toute artificielle; Valentîn (i) affirme que, dans l'état frais, on ne " peut jamais parvenir à isoler ces deux parties avec assez de précision pour qu'il soit possible de juger quel est au juste lé siège de la couleur. Comme nous ne pouvons pas attribuer le rougissement des globules à l'accession d'un liquide, et que nous sommes obli- gés de le mettre sur le compte de l'action d'un gaz (§ 959, 2°), leur changement de volume, en supposant qu'il s'opérât si- multanément avec celui de Qouleur, ne pourrait consister qu'en une augmentation par gonflement, ou une diminution par resserrement. Il serait possible que, pendant leur trans- formation en globules du sang , ces corpuscules se conden- sassent dans l'intérieur et prissent plus d'expansion à la sur- face. Suivant Wagner (2), leur centre devient plus foncé, et leur périphérie plus claire. Mais il se peut aussi que leur masse s'accroisse peu à peu, indépendamment de la couleur rouge qu'ils acquièrent. Une observation de Gruithuisen sem- ble autoriser à le penser (3). Ce physiologiste a vu^ dans du chyle humain qui n'avait encore traversé aucun ganglion, un grand nombre de très-petits corpuscules, dont on ne pouvait pas bien apprécier la forme, à cause de leur petitesse ; après le passage à travers un ganglion, quelques-uns d'entre eux étaient plus volumineux, sans cependant avoir atteint les di- mensions des globules du sang. Home (4), en examinant le chyle des ganglions mésentériquesd'un homme qni était mort une heure après avoir mangé, y a découvert d'innombrables globules blancs, d'un volume infiniment varié, et dont quel- ques-uns égalaient les globules de sang en grosseiir; il dit aussi avoir vu qu'au bout de quelques minutes, non-seulement de nouveaux globules se formaient, mais encore les anciens devenaient, par un véritable accroissement de subsiance, sensiblement plus gros, plus opaques et d'un blanc laiteux. (1) ioc.cft., p. 485. (2) Loc. cit., p. 26, (3) Mcdicinisch-chirurgische Zeîtung, 1813, t. Il, p. 73. ^ (4) Lectures, t. III, p. 25, 456 CONVERSION DU CHYLE ET DE LA LYMPHE Nous ne pouvons nous empêcher de croire que Home a pris des goulteletles de graisse pour des globules de chyle, ou qu'il s'est trompé de quelque autre manière. 4° Enfin les globules doivent aussi changer de forme dans leur transmutation. Wagner (J) croit avoir remarqué que ceux du canal thoracique , comparés à ceux d'un ganglion lym- phatique, étaient plus aplatis. Il a trouvé aussi, chez des ani- maux à globules du sang oblongs, particulièrement chez des Reptiles, quelques globules de forme allongée déjà et ayant tous les dehors des plus petits globules du sang, qui de leur côté présentaient souvent une périphérie plus ou moins ar- rondie (2). Au reste, les globules de la lymphe et du chyle, comme germes de ceux du sang, ont une analogie frappante avec les globules qu'on rencontre dans le sang durant la pre- mière période de la vie. Chez l'embryon, les globules du sang commencent par être sphériques, et ils ne^deviennent plats que peu à peu. Baumgsertner assure en outre qu'ils sont d'a- bord granulés. Enfin, chez les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons, ils affectent d'abord une forme circulaire, et ce n'est que peu à peu qu'ils en prennent une elhptique. (J'ai trouvé chez les Chiens les globules du chyle contenus dans les vais- seaux lymphatiques du mésentère avant leur entrée dans au- cun ganglion, beaucoup plus petits, biens plus clairs, et moins sensiblement grenus que ceux du canal ihoracique.) (3). § 961. Examinons maintenant le contenu en substances solides. !• Pour ce qui concerne d'abord l'albumine, Reuss et Emmert (4), Werner (5), Prout (6), Seiler etFicinus (7), ont remarqué que le chyle provenant du canal thoracique se coagule plus rapidement et plus complètement que celui des vaisseaux lymphatiques du mésentère. Vauquehn a trouvé (1) Loc. cit., p. 25. (2) Loc. cit., p. 48. (3) Addition d'Ernest Burdach. (4) Scherer, Journal, t. V, p. 166. (5) Jb., t. YIII, p. 31. (6) Schweigger^ Journal, t. XXVIII, p. 210.— Raspail, Nom. Syst. de chimie organique, Paris, 1838, t. III, p. \&{i. (7) Zeitschrift fuer Natur-und Fleilhiinde, t. lî, p. 354. EN SANG. 4^7 aussi du chyle plus parfait dans le canal que dans les vais- seaux. Chez un Cheval examiné par Emmert (1), du chyle qui n'avait encore traversé aucun ganglion mésentérique était seulement un peu épais , tandis que celui qui provenait des plexus lombaires formait un caillot mou et rougeâtre , s' élevant à 0,013, qui était converti le lendemain en liquide, et que celui du canal thoracique se coagulait plus vite, don- nant 0,018 d'un caillot très-ferme , contractile et presque cinnabarin. Des phénomènes analogues eurent lieu dans un autre cas (2). Tiedemann et Gmelin ont vu le chyle qui n'a- vait encore traversé aucun ganglion du mésentère , se coa- guler lentement et faiblement , tandis que celui qui avait traversé des glandes donnait un caillot plus complet, et que la coagulation de celui du canal thoracique s'opérait instan- tanément. Ils ont trouvé aussi que celui qui coulait le premier après l'ouverture du canal thoracique était très-liquide et se coagulait plus vite que celui qui venait ensuite et qui avait séjourné moins long-temps dans le canal thoracique (3). Nous avons vu (§5 912. 3°; 916, 5°) qu'en faisant un plus long séjour dans le système lymphatique , la lymphe aussi devient plus coagulâble et plus riche en Fibrine. La fibrine n'apparaît d'une manière sensible que dans le système lymphatique (§ 950, 4°), et comme on a souvent ob- servé que le chyle donne plus de caillot quand la nourriture est peu chargée de principes alibiles que dans le cas contraire (§ 949, 6°), ce serait là une preuve que la fibrine n'est point un produit immédiat de la digestion. Suivant Tiedemann et Gmelin (4), elle provient du sang, et se mêle au chyle dans les ganglions lymphatiques. Cette assertion manque de preu- ves. Gomme , suivant Prout (5), le chyle contient déjà de la fibrine dans les racines des vaisseaux lymphatiques à l'intes- tin , nous devons admettre qu'elle est produite , dans le sys- (1) Reil, Ârchiv, t. VIII, p. 153. (2) Ih., p. 175. (3) Rech. SUT la digestion^ t. I, p. 262. (4) Rech. sur la diijestion, t. II, p. 89. — Handbttcli der Chemie, t. II, p. 4380. (5) Loc. cit., p. 231. 458 CONVERSION DU CHYLE ET DE LA. LYMPHE tème lymphatique, avec les produits immédiats de la dij^es- tion. Probablement elle résulte d'une transformation de l'al- bumine , qui a tant d'analogie avec elle. L'opinion de Schultz (1), qui la fait provenir de la graisse , est moins vrai- semblable. 2° Nous n'avons que des assertions contradictoires en ce qui concerne les changemens de l'albumine et des matières extraclives. Suivant Prout (2), il ne se produit pas de nou- vel albumine dans le système lymphatique , et celle qui résulte du travail de la digestion ne s'y perfectionne pas non plus, parce qu'on la trouve en moindre quantité, et moins développée, dans le chyle des vaisseaux lymphati(iues voisins de l'intestin , que dans le canal thoracique. Emmert a re- connu (3) que le sérum du chyle provenant du plexus lom- baire laissait à l'évaporaiion 0,037, et celui du canal thora- cique 0,047 de résidu sec , mais que (4) l'eau bouillante redissolvait 0,475 du premier de ces résidus, et 0,300 seule- ment du second, d'où il suit qu'à mesure que le liquide a cheminé dans le système lymphatique , l'albumine a augmenté, tandis qu'au contraire l'osmazome et la ptyaline ont diminué. La lymphe paraît aussi acquérir de l'albumine pendant son trajet. Mascagni avait remarqué qu'elle se coagule davantage à la chaleur après avoir traversé plusieurs ganglions lympha- tiques. Gmelin (5) a trouvé , sur un Cheval qui était demeuré vingt-quatre heures sans alimens , que le sérum de la lymphe du plexus lombaire donnait 0,036 de résidu sec , et celui de la lymphe du canal thoracique 0,046. Chez un autre Cheval nourri abondamment (0), le chyle du canal thoracique con- tenait moins de parties solides dans son sérum que celui des vaisseaux lymphatiques du mésentère , mais la fibrine y était en même temps moins abondante , ce qui est contradic- (1) Das System dcr Circulation, p. 69. (2,1 Loc. cit., p. 228. (3) Reil, Archiv, t. VIII, p. 153. (4) 7i., p. 175. (5) Rech. sur la digestion^ t. H p. 90. (6) 76, p. 263. EN SANG. 459 toire avec les faits rapportés dans le paragraphe précédent. Suivant Arnold (1), la fibrine et l'osmazome augmentent, tandis que l'albumine et la ptyaline diminuent, dans le système lymphatique. 3° Tiedemann et Gmelin (2), Leuret et Lassaigne (3) ont trouvé moins de graisse dans le chyle du canal thoracique que dans celui des vaisseaux du mésentère. Suivant Schultz (4), elle diminue pendant le passage du liquide à travers les gan glions lymphatiques. C'est à cette diraiinution de la graisse li- bre, tenue en suspension, qu'il faut sans doute attribuer que Reuss et Emmert (5) , Prout (6) , Tiedemann et Gmelin ont trouvé le chyle du canal thoracique , et particulièrement son sérum, moins lactescens que ceux des vaisseaux mésentéri- ques. Leuret et Lassaigne se demandent si la graisse transsude à travers les parois du système lymphatique. On serait plus en droit de demander si elle passe seulement à l'état de com- binaison , ou si elle subit une décomposition et une transfor- mation. Au reste, les faits qui ont été allégués plus haut (§ 916, 4°) semblent annoncer qu'elle diminue également dans la lymphe. 4° D'après Emmert (7), le chyle du canal thoracique con- tenait plus de substance solide que celui du plexus lombaire. Le fait paraît très-croyable , car les autres changemens que le chyle éprouve dans le système lymphatique consistent en ce qu'il acquiert plus de ressemblance avec le sang, mais se distingue de lui par la moindre proportion de substance so- lide (§ 958, 1°) ; d'ailleurs, il est essentiellement analogue à la lymphe (§ 968 , I), laquelle , en séjournant dans le système lymphatique , devient plus riche en parties contenues , et ac- quiert une pesanteur spécifique plus considérable (§ 912, 1"). (1) LehrbucTi der Physiologie, t. II, p. 468. (2) Jiecherches sur la diyestion, t. II, p. 94. (3) Lac. cit., p. 167. (4) Loc. cit,, p. 39. (5) Scherer, Journal t. V, p. 166. — Reil, Archiv^ t. VIII, p. 146 , 175. (Q) Loc. cit., p, 210. (7) Loc. cit., p. 175, 46o CONVERSION DU CHYLE ET DE LA LYMPHE (Il suffit d'une observation superficielle pour qu'on ne puisse pas méconnaître une différence , sous le rapport du degré de coagulabilité , entre le chyle du canal thoracique et le contenu de la citerne. Le chyle tiré du canal thoracique se convertit, dans l'espace de deux à trois minutes, en un caillot rouge , de consistance gélatineuse, et l'on n'aperçoit point d'abord de sérum. Cen'estqu'aubout de quelques heures que ce caillot , condensé au point de ressembler à du blanc d'œuf durci, nage dans un liquide limpide comme de l'eau, qui sort de ses interstices , et dont la quantité augmente peu à peu. Le contenu de la citerne , qui a une teinte plus lai- teuse , tirant un peu sur le bleuâtre , paraît au contraire tou- jours plus coulant : il ne se coagule qu'au bout d'environ dix minutes , et généralement alors le caillot nage de suite dans de la sérosité. Je n'ai point trouvé le chyle coagulé dans la citerne , alors même que plusieurs heures s'étaient écoulées depuis la mort de l'animal, tandis que son état de coagulation l'empêchait fréquemment de s'écouler du canal thoracique. Pour examiner de plus près à quoi cette différence pouvait te- nir, et surtout pour déterminer la proportion de l'albumine , je recueillis cinquante-huit grains de chyle du canal thora- cique d'un Chien, quantité si considérable qu'elle n'avait pu être logée dans le conduit seul , et que la citerne avait dû se vider en grande partie ; je liai ensuite le canal immédiatement au dessus du diaphragme , et j'ouvris l'animal par le côté. La citerne était complètement remplie de nouveau ; elle donna quarante-quatre grains de liquide, que je considérai comme un mélange de chyle et de lymphe, mais arrivé depuis peu des petits vaisseaux dans le réservoir. Les deux por- tions du liquide furent mises dans des verres de montre, et je versai de l'alcool dessus. Ce menslrue détermina sur-le-champ la formation d'un caillot lactescent , qui , au microscope , montra desfilamens composés de très-petits grains. Le liquide des deux verres fut ensuite abandonné à lui-même , à une température de trente degrés R., jusqu'à ce qu'il fût desséché; le résidu de la première 'portion s'élevait à onze grains et demi , et celui de la seconde à six grains seulement. Ainsi le contenu , en matière coagulable, était de 0,19S2 pour le chyle EN SANG. 4^* du canal thoracique, et de 0,Î363 pour celui de la citerne) (1). Tiedemann et Gmelin onl trouvé moins de parties solides dans le chyle du canal thoracique que dans celui des vais- seaux du mésentère : celte anomalie tenait peut-élre à quel- ques circonstances particulières (§ 962, 2°). II. BSoyens de conversion du chyle et de la lymphe en sang. § 962. On avait admis jadis que le chyle est étendu d'eau dans les ganglions lymphatiques par un liquide dont ces or- ganes accomplissent la sécrétion, et qui l'empêche de se coa- guler , outre qu'il en favorise la progression. Mais Haller s'est convaincu qu'une semblable dilution n'a pas lieu (2), D'autres avaient pensé que le chyle subit une métamorphose , dans les ganglions lymphatiques , par l'accession des esprits animaux. C'était là une hypothèse dont on ne pouvait fournir la preuve. Si nous nous en tenons aux faits réels, voici ce que nous pou- vons établir. 1° Il serait possible que la bile prît une certaine part à la transformation du chyle , comme le pensent Berthold (3) et Arnold (4). Haller (5), parmi les motifs qu'il allègue en fa- veur de l'absorption par les veines , dit que la bile est sécré- tée en quantité qui surpasse celle de toute la masse des excré- mens , qu'on n'en trouve néanmoins pas dans le chyle , et qu'en conséquence elle doit passer immédiatement dans le sang veineux. Si les cas anormaux , celui par exemple d'occlusion du canal cholédoque (6), sont les seuls dans lesquels touleja bile puisse se mêler , par résorption , avec le chyle , il n'est nullement probable que, dans l'état normal , elle repasse dans !e sang veineux avec la totalité de ses parties excrémenti- tielles. Mais comme le foie est très-riche en vaisseaux lym- phatiques, charriant un liquide incolore, dont ils ont opéré la (d) Addition d'Ernest Biirdach. (2) Elem., phys., t. VII, p. 237. (3 Lehrbuch der Physiologie, t. II, p. 144. (4) Lehrbuch der Physiologie, t. II, p. 166. (5) Loc. cit., p. 67. (6) Rech. sur lu diyestion, t. II, 47. 4^2 CONVERSION DU CHYLE ET DE lA LYMPËE résorption dans la trame organique et indubitablement aussi dans la bile , il peut très-bien arriver qu'en se mêlant avec le chyle ce liquide concoure à sa transformation : cependant nous manquons de preuves à cet égard. 2° L'addition de la lymphe ne peut point être sans influence sur le chyle. Comme elle est plus pauvre que lui en substan- ces organiques (§ 958, 1), loin qu'elle puisse le perfectionner en lui en fournissant, elle paraît être cause , au contraire, que le liquide du canal thoracique en contient moins que celui des vaisseaux lymphatiques du mésentère. Mais il n'en serait pas moins possible cependant qu'elle exerçât encore une in- fluence modificatrice sur lui. Reuss et Emmert (1) regardent comme une chose très-vraisemblable que la lymphe contribue à l'assimilation du chyle, qu'elle l'amène à un plus haut degré d'animalisation. Prout dit que tel doit être l'effet des matériaux hors de service, et pour ainsi dire saturés d'animalité, sur les substances qui viennent d'être introduites dans la sphère de l'organisme (2) . 3° Nous sommes bien plus fondés encore à admettre (car il faut ici nous borner à des conjectures) que le sang contenu dans les vaisseaux capillaires exerce une action de ce genre sur les parois du système lymphatique , spécialement dans l'intérieur des ganglions (§ 916, 6"). Comme le sang artériel est à la fois le principe nourricier et l'excitant du reste de l'or- ganisme (§ 746) , que partout il met en jeu l'activité vitale , tout porte à croire qu'il exerce une influence analogue sur le chyle , et le détermine ainsi à devenir de plus en plus sem- blable à lui-même. 4° A part même le sang, les parties vivantes d'alentour peuvent contribuer au perfectionnement du chyle. TROISIÈME SUBDIVISION. DE LA FORMATION DU SANG DANS LE SYSTÈME SANGUIN. § 963. La formation du sang commence au moment de l'entrée dans le système veineux. Le sang nouvellement né (1) Scherer, Journal^ t. V, p. 698. (2J Medico-chirurgical review, t. XXV, p. 112. — Dict. de médecine et de chirurgie pratiques^ art. Sang, t. XIV, p. 473. EN SANG. 4^3 (pour suivre la comparaison) y entre en communauté avec le vieux sang , arrive avec lui , par les artères , aux difFérens organes, entre, dans les vaisseaux capillaires , en conflit tant avec eux qu'avec le monde extérieur , et finit par arriver ainsi au terme de son développement. Si, pendant qu'il se trouvait à l'état embryonnaire, l'influence de l'atmosphère sur lui n'avait pu se taire sentir qu'au moyen du ^sang-mère devenu artériel à l'air , et cela dans les ganglions lympha- tiques agissant comme matrice (§ 959, 5°), il entre, aussitôt après sa naissance , en conflit immédiat avec l'atmosphère; si, durant la première période de son existence , il s'était com- porté d'une manière purement passive , ne faisant autre chose que recevoir , il déploie maintenant sa spontanéité en toute liberté, et se montre à la fois vivifié et vivifiant. Tiedemann et Fohmann (Ij admettent que les abouchemens des lymphatiques avec les veines, dans l'intérieur des gan- glions (^§ 900, 2°), servent à multiplier les voies de passage du cayle et de la lymphe dans le sang, parce que si ces liquides arrivaient sur un seul point, et en grande quantité à la fois, dans le torrent de la circulation, ils agiraient d'une manière nuisible. Mais comme le chyle et la lymphe éprouvent , che- min faisant, une iransmutatiou , il parait être bien plutôt nécessaire qu'ils parcourent toute l'étendue^ du système lym- phatique , afin de se préparer à entrer dans le sang. On serait teiite de croire que ces abouchemens multipliés ont surtout pour destination, quand le système lymphatique est trop plein , de détourner du tronc une partie de son contenu , qui a déjà subi une transformation dans les ganglions lympha- tiques. 1° Haller a vu distinctement du chyle couler dans la veine sous-clavière, et il l'a suivi dans le sang jusqu'au ventricule droit(2). D'autres observateurs (3), Scudamore,Seiler(4), etc., ont également trouvé le sang , et surtout son sérum , colorés (1) Anatomische Untersuchung^ p. 40, 85. (2) Opéra minora, t. I, p. 184. (3) Haller, Elem. physioloy,, t. II, p. 14. (4) Zoitschrift fuer JSatur-und Hcilkunde, X, H, p. 354g 464 CONVERSION DU CHYLE ET DE LA tYMPIIÈ en blanc, par du chyle mélangé, plusieurs heures après l'iri- gestion de la nourriture. Celte couleur pourrait cependant tenir à de la graisse (§ 682 , 3"), dont l'origine s'explic|uerait de diverses manières ; mais comme on a observé le sang con- tenant de la graisse dans différens états anormaux , en parti- culier dans des troubles de la digestion , de la respiration ou de l'hématose , il serait possible qu'ici la graisse du chyle demeurée libre , à cause de la faiblesse de l'assimilation (§ 961 , 3°), eût passé dans le sang. 2o Mais on trouve aussi dans le sang des corpuscules qui diffèrent des globules par leur défaut de couleur , leur forme parfaitement sphérique et leur peu de volume , de manière qu'on est obligé de les regarder comme des globules du chyle et de la lymphe. Suivant Wagner (1), leur diamètre est de 0,0016 à 0,0020 ligne , tandis que ceux du sang en ont un de 0,0033; ils sont finement granulés, et quelques-uns af- fectent une forme irréguHère. Nasse ne les a pas trouvés , dans le sérum séparé du caillot , plus gros que l'anneau inté- rieur des globules du sang complètement développés (2). Muller a rencontré des globules de ce genre chez les Oiseaux et les Grenouilles (§ 691) (3). Mayer a remarqué , en outre , dans les Grenouilles, des globules n'ayant pas plus de 0,0001 à 0,0002 ligne de diamètre , qui reposent sur ceux du sang pendant la circulation, et qu'il considère comme les cor- puscules proprement dits de la lymphe (4). Suivant Valen- tin (5), ce ne sont que des dépôts de la portion de fibrine qui se coagule la première, attendu qu'ils se montrent d'autant plus abondans que la coagulation marche avec plus de rapi- dité , et qu'ils manquent lorsqu'on ajoute du carbonate de potasse au sang frais. Donné (6) a trouvé , outre les globules du sang et les petits globules du chyle , de nombreux cor- (4) Beitrœge zur vergleichenden Physiologie^ t. II, p. 20. (2) Untersuchungen sur Physiologie und Pathologie, t. I, p. 76. (3) Handùuch der Physiologie, t. I, p. 543. (4) Froriep, Neue Notisen, t. III, p. 67. (5) Repertorimn, t. III, p. 95. (6) Covtpies-rendus hehdomadaires des séances^ de VAc, des sciences, t. VI, p. 47. ^ EN SANG. 4^5 puscules sphériques , blancs et légèrement granulés, qui sont un peu plus gros que ceux du sang , affectent , comme eux , une forme ronde chez les Mammifères et elliptique chez les autres animaux , n'ont point de noyaux , et ne se dissolvent pas dans l'eau ; ils étaient vingt fois plus nombreux dans un cas de cachexie et d'hydropisie qu'ils ne le sont dans le sang d'une personne en santé. Mandl (1) dit aussi que le sang des Mammifères contient , indépendamment de ses globules , des corpuscules plus gros , arrondis et blancs. D'après les observations de Schuliz (2) et de Wagner (3), les globules du sang forment le courant principal dans l'axe des vaisseaux , tandis que le sérum coule le long des parois , contenant des globules épars de lymphe et de chyle, qui marchent avec bien plus de lenteur que ceux du sang , s'ar- rêtent souvent, puis se remettent en mouvement (§ 925, 1**). Weber (4) a observé , chez les Reptiles , que ces globules marchaient dix à vingt lois au moins plus lentement que ceux du sang , et que leur mouvement n'était nullement en har- monie avec celui de ces derniers , ce qui lui avait fait penser qu'ils se trouvaient contenus dans des vaisseaux lymphatiques particuliers renfermant les vaisseaux sanguins. Mais cette opinion a été réfutée par Ascherson(5), Wagner (6) et Mayer (7), qui ont fait remarquer qu'un certain accord a lieu réellemeni entre les mouvemens de ces globules et ceux des granules du sang , qu'on n'aperçoit pas de ligne de démarca- tion entre les uns et les autres , et qu'il arrive quelquefois à des globules d'entrer dans le courant central, ou à des gra- nulés du sang d'en sortir. Cette dernière observation a été faite également par Magendie (8), qui d'ailleurs émet l'in- croyable opinion que le liquide incolore appliqué aux parois {i) Anatomie microscopique. Paris, 4838 , 4" liv. du Sang, ia-fol. — 2'raité pratique du microscope. Paris, 1839, p. 113 et siiiv. (2) Dus System des Circulation, p. 46. (3) Loc. cit., p. 33. (4) Millier, Archiv, 1837, p. 268. (5) /6., p. 453. (6) Loc. cit., p. 34. (7) Loc. cit., p. 66, (8) Leçons sw les phénomènes physiques de la vie, t. II, p. 236. ïx. 3o 466 CONVERSION hV CHYLE ET DE LA LYMPHE ne se meut pas du tout. Les globules paraissent avoir une affinité d'adhésion pour les parois des vaisseaux , que leur surface granulée favorise peut-être , de sorte que le contact qui en résulte peut avoir de l'influence sur leur développe- ment ultérieur. 3" A peine est-il permis de douter que le sang contient des globules de différens âges , les uns qui viennent d'enirer dans le système lymphatique , d'autres plus avancés dans leur dé- veloppement, quelques-uns complètement 4éveloppés , et certains enfin en train de se décomposer. Mais il ne paraît pas que le temps soit encore arrivé de déterminer avec pré- cision la marche de leur vie. Suivant Schultz (1), l'enveloppe colorée, dont le liquide du sang [plasma) dissout toujours un peu, constitue la partie esseniielle des corpuscules du sang, et a une structure organique ; pendant leur jeunesse , ils se renflent , par l'épaississement de leur enveloppe , deviennent lurgides , et acquièrent une pesanteur spécifique plus consi- dérable ; lorsqu'ils avancent eh âge, ils perdent leurs noyaux, et leurs enveloppes vides finissent par se dissoudre. Autenrieth prétend (2) que le chyle est converti en sang douze heures îiprès le repas , parce que plus tard le sérum ne paraît plus lactescent ; cependant Muller (3) fait remarquer que , même à cette époque, quand les globules du sang se précipitent dans le sang qui se coagule avec lenteur , parce qu'on y a ajouté du carbonate de potasse , le liquide surnageant est souvent un peu trouble et blanchâtre. 4" (Le sang mort n'exerce absolument aucune influence sur le chyle. Une goutte de sang frais , ajoutée , sous le mi- croscope , à quelques gouttes de chyle , n'apporta pas le moindre changement dans l'aspect des globules de ce dernier. Quelques gouttes de chyie de Lapin furent mêlées avec du sang récemment tiré d'un autre Lapin ; les globules du pre- mier semblèrent bien ensuite un peu colorés au microscope; mais , après qu'on les eut lavés avec de l'eau , ils redevinrent (1) Journal de Hufeland, 1838, p. 4. (2) Uandhnch der empirischen Physiologie, t. H, p. 120. (3) Handhuch derPhydoloijie^ t. l,p, 143. EN SANG, 4^7 incolores , leur forme n'ayant subi d'ailleurs aucun change- ment. Des globules du chyle qui étaient demeurés pendant vingt-quatre heures dans du sérum de sang, furent retrouvés avec la même forme qu'auparavant. Il n'a été possible , en examinant au microscope du sang pris de diverses parties , d'apercevoir aucune trace des changemens que le chyle subit après être entré dans le torrent de la circulation. Lorsque j'avais tranché d'un seul coup la tête de Lapins ou de jeunes Chiens, je trouvais des globules du chyle aussi bien dans le cœur gauche que dans le cœur droit et la veine jugulaire ; il ne m'était pas possible de découvrir des globules de lymphe dans l'aorte , la veine cav€ et d'autres vaisseaux , où l'on pré- tend cependant en avoir aperçu chez l'homme , les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons,) (4) § 964. Comme le sang tire ses matériaux de deux sources , le monde extérieur, parle moyen de la digestion, et son propre organisme , par celui de la résorption , de même il se perfectionne, et par son conflit avec l'extérieur, dans la respi- ration (§§ 964-980), et par son conflit avec l'intérieur de l'or- ganisme , dans les sécrétions et dans les ganglions sanguins (§§ 981-983). Section première. nu CONFLIT AVEC LE MONDE EXTÉRIEUR OU DE LA RESPIRATiON. I. La respiration fait suite à la digestion. Les deux fonc- tions consistent en uo conflit avec le monde extérieur, par lequel l'organisme se trouve maintenu ; mais la première achève ce que la seconde avait commencé. La digestion n'o- père que sur des corps à proprement parler palpables , so- lides et liquides; elle crée et entretient la masse organique. La respiration est un conflit avec un corps aériforme , qui n'ac- croît point la masse de la matière organique^ mais modifie seulement les propriétés de celte matière, et est une condi- tion de sa vitalité. Les alimens sont toujours formés d'une matière organique complexe, engagée dans des combinaisons ^1) Addilion d'Ernest Buidach, 468 DE LA RESPIRATION. chimiques; l'air , au contraire, est un mélange de substdnces élémentaires , et il n'entretient la vie qu'en vertu de sa ma- tière inorganique. Dans la digestion , l'organisme admet en lui certains produits naturels déterminés ; dans la respiration, il entre en communauté avec l'univers , avec l'atmosphère qui entoure de toutes paris le globe terrestre. Si le produit matériel de la digestion dure un certain laps de temps , parce qu'il est obligé de parcourir plusieurs degrés divers de trans- formation , l'effet de la respiration est plus prompt à se dis- siper , le besoin en revient plus souvent et est plus impérieux. De même que la respiration , comparée à la digestion , se rapporte proportionnellement plus à l'activité vitale qu'à la composition organique , de même aussi elle a des rapports intimes avec la vie animale , notamment avec son côté sub- jectif, le sentiment et le mouvement. I. La respiration affecte, dans son mécanisme , des formes diverses (§ 965-971), qui ne diffèrent pas essentiellement les unes des autres, qui par conséquent passent souvent de l'une à l'autre , et qui subsistent plus ou moins ensemble dans le même organisme. Comme cette fonction , considérée d'une manière générale, repose sur un conflit de l'organisme avec le milieu extérieur , ses formes fondamentales se rapportent les unes à la nature du milieu agissant , et les autres à l'es- pèce de substance organique avec laquelle ce milieu entre en conflit. 1° L'eau et l'air , les deux milieux dans lesquels vivent les corps organisés , sont partout unis ensemble , de sorte que l'un admet en soi quelque chose de l'autre , et lui imprime sa forme. Le conflit immédiat avec l'air atmosphérique appar- tient en propre , généralement parlant , aux organismes supé- rieurs , et s'accomplit principalement dans des cavités inté- rieures , qui sont formées de canaux ramifiés et réunis en une masse commune par du parenchyme. Un conflit indirect avec l'atmosphère , par l'intermédiaire de l'eau aérée , appartient davantage aux degrés inférieurs de la vie , et il a lieu surtout au moyen de parties saillantes, appelées branchies, qui consistent tantôt en des plis cutanés, lamelleux ou foliacés, tantôt en des cylindres réunis à l*i manière d'un pinceau , des t>E lA RESPIRATION. 46^ branches d'un arbre ou des dents d'un peigne. Les seules branchies proprement dites sont celles qui entrent en conflit avec le milieu par leur face extérieure ; des réseaux de con- duits aériens (chez les Insectes), et des ramifications de tubes aquifères (chez les Holothuries), ne méritent pas ce nom, qu'on leur donne quelquefois. Mais la différence n'est jamais que relative. La respiration aérienne immédiate elle-méirje a pour condition le concours de l'humidité (§ 973, 8°), et les ani- maux qui respirent l'eau peuvent en partie vivre aussi dans l'atmosphère, pourvu que celle-ci soit chargée d'eau, ou l'or- gane snflSsamment humide. Une respiration aqueuse s'accom- plit aussi dans des cavités , par exemple chez certains Mol- lusques, et une respiration aérienne à la surface de saillies extérieures, comme chez quelques Insectes. Il n'y a qu'une simple différence de quantité quand un réseau vasculaire se trouve étalé à la surface de l'organe respiratoire , ou quand il s'élève en saillie au-dessus de cette surface . D'ailleurs, les deux formes de respiration sont quelquefois réparties aux différens ordres d'une même classe d'animaux , par exemple chez les Mollusques et les Crustacés , dont les uns respirent l'air , et les autres l'eau aérée. La respiration a plus d'inter- médiaires encore chez les Entozoaires et les Entophytes, qui, comme l'embryon des Mammifères, profitent de la respira- tion de l'organisme aux dépens duquel ils vivent et dont les humeurs leur tiennent lieu d'atmosphère. 2° La substance organique qui entre en conflit avec l'air est toujours un produit de la digestion; mais il faut distinguer ici , comme formes principales, la respiration par la masse du corps et la respiration par le sang. La première consiste en ce que l'action de l'air porte sur la substance organique en général , et sur le suc vital qu'elle contient, suc qui n'a point encore acquis sa forme propre , et qui n'f^st point renfermé dons des vaisseaux particuliers. C'est le cas des animaux chez lesquels les ramifications du canal digestif tiennent lieu de vaisseaux, comme les Méduses, ou dont le système sanguin se trouve limité à un cercle fort étroit , comme les Insectes. Lorsque le sang s'est complètement développe dans sa pleine et entière signification , on le voit aussi entrer en conflit avec 47° t>E lA RESPIRATION. Fair , parce qu'il représente alors l'universel dans l'orga- nisme. CHAPITRE PREMIER. De la respiration en elle-même. ARTICLE I. Du mécanisme de la respiration. § 965. Les moyens par lesquels la respiration s'accomplit consistent en des dispositions organiques (§§ 965, 966, 967) et desmouvemens (§§ 968, 971). I. Organes de la respiration. Parmi les organes de la respiration , nous distinguons ceux qui mettent le milieu extérieur en contact avec la substance organique (§ 965 , 966), et ceux qui mettent la substance organique en conflit avec le milieu extérieur. A. Organes pour le 'milieu extérieur. L'organisme offre au milieu ambiant le plus possible de points de contact, soit par un agrandissement de la surface , au côté extérieur ou dans des cavités intérieures, soit en divisant ou la substance qui l'ait saillie dans ce milieu, ou le milieu qui pénètre dans des canaux. Mais les surfaces appar- tiennent au système cutané, auquel revient d'ailleurs l'exer- cice du conflit avec le monde extérieur , et elles font partie de ses deux organes primordiaux , la peau extérieure et le canal digestif (§ 966). Chez les végétaux, les organes de la respiration ne sont point encore rigoureusement séparés de ceux de la nutrition ( § 917, 4° ), parce que l'admission de la matière élémentaire dans l'organisme prédomine encore chez ces êtres. 1. ORGANES QUI PARTENT Ï)E LA PEAU. I. La respiration est au plus bas degré partout où elle s'accomplit à l'aide de la peau ou de la surface extérieure commune. 1° C'est ce qui arrive d'abord dans le cas de la respiration DE tA RESPIRATION. 4?! par la masse même du corps, sans nul organe respiratoire spé- cial, non seulement chez les végétaux cellulaires et les ani- maux sans canal digestif ( § 917 , 3" ) , mais encore , généra- lement parlant, chez les Infusoires, les Polypes, les Ento- zoaires, les Planaires, les Crustacés inférieurs, et même, à ce qu'il paraît , dans le cas de la respiration par le sang chez quelques Annélides , les Gordius et les Siponcles surtout. Du moins n'a-t-on pas encore démontré formellement l'existence d'organes respiratoires chez tous ces animaux, et si l'on en a supposé , c'est qu'on croyait impossible qu'ils manquassent. En tout cas, cet appareil paraît plus tard, dans la série ani- male , que celui des organes digestifs. 2° Lorsque ces derniers existent , la peau , qui , en leur absence, s'était chargée seule de la nutrition (§917, 4°), continue toujours d'y contribuer : de même, elle prend encore part à la respiration quand déjà celle-ci s'accomplit par des organes qui lui appartiennent en propre. Ceci est vrai surtout des Reptiles nus et des Poissons. Suivant Humboldt et Proven- çal (1) , des Tanches ont pu vivre pendant cinq heures , sans beaucoup souffrir, la tête et les branchies hors de l'eau, dans laquelle le corps seul plongeait ; mais la peau ne pouvait res- pirer que dans l'eau , et il lui était impossible de le faire aussi dans l'air , comme il arrive aux branchies humides. Les ob- servations de Spailanzani (2) et d'Edwards (3) ont appris que la respiration par la peau est essentielle chez plusieurs Rep- tiles , en particulier chez les Batraciens et les Sauriens. Des Grenouilles ont survécu plusieurs jours à l'excision de leurs poumons , tandis que celles qu'on écorchait, ou dont on en- duisait le corps d'un vernis à l'esprit-de-vin, périssiii^-nt en quelques heures. Lorsqu'on tenait la tête de ces animaux dans l'air , de sorte qu'ils pussent respirer par leurs poumons , ils mouraient au bout de sept à vingt-quatre heures si leur corps se trouvait plongé dans de l'huile ; mais si l'immersion de ce (1) Mém. de la Société d'Arcveil. Paris, 1810, t. II, p. 392. (2) Mém. sur la Tcspirattbn, p. 72. (3) De l'inflvonce des agone physiques sur la vie, p. 5, 49-55, 67-82, 128. 47^ DE lA RESPIRATION.' dernier avait lieu dans l'eau , leur vie se prolongeait durant trois mois et demi. Les Grenouilles n'exécutent aucun mou- vement respiratoire dans l'eau , et par conséquent n'y font rien entrer dans leurs pouraons : mais elles respirent, par la peau , l'air mêlé à ce liquide. C'est ainsi qu'elles conservent leur vie dans Teau courante. Renfermées dans de l'eau qu'on avait soin de renouveler chaque jour , elles vécurent ainsi une partie de l'hiver, et ne périrent, au bout de deux mois et demi , que quand on cessa de changer l'eau. Tandis que la peau respire l'eau chargée d'air chez les Grenouilles , elle a besoin de Tair libre chez les Rainettes ; plongées dans l'eau de manière à pouvoir respirer avec leurs poumons , ces der- nières ne vivaient que trois à quatre Jours. Des Salamandres auxquels on avait enlevé le cœur , et chez lesquelles on em- pêchait la respiration pulmonaire, vécurent vingt- quatre à vingt-six heures dans l'air , et quatre à cinq seulement dans l'eau. Chez les Oiseaux et les Mammifères il s'opère, dans la peau , un échange de gaz analogue à celui qui s'accomplit dans la respiration ( § 818 , II ) , mais dont les effets ne sont pas les mêmes. II. La peau , quand elle a pris tout son développement , se soulève . d'une part , en papilles et saillies analogues à des membres , s'affaisse de l'autre en cryptes et canaux de mem- brane muqueuse. Les organes respiratoires qui partent d'elle se montrent également sous ces deux formes. Les prolonge - mens de la peau auxquels on donne le nom de branchies sont tantôt Ubres au dehors , et tantôt couverts. 1° Les cils de certains Infusoires, et les lamelles mobiles , disposées en série, desAcéalèphes Cnophores, sont peut-être des branchies libres avec respiration par la masse de la sub- stance. Ces organes sont plus manifestement accompagnés de respiration par le sang chez les Annélides aquatiques , où ils occupent tantôt la longueur du corps entier (Amphinome), tantôt l'extrémité céphalique(Terebelles), chez plusieurs Gas- téropodes , où on \ps, remarque soit sur le dos (Thetis) , soit sur les côtés (Pleurobranche) , soit disposés en ceinture au- tour du corps (Phyllidie), enfin chez les Ptéropodes et quel- ques Crustacés. DE LA RESPIRATION. 4?^ 2" Les branchies couvertes font le passage aux cavités bran- chiales. On les rencontre principalement chez les Bivalves , où, entourées par le manteau , elles pendent des deux côiés du pied , vers l'ouverture de la coquille ; chez les Crustacés, notamment les Décapodes , où elles sont couvertes par le bou- clier dorsal , et les Isopodes, où elles occupent la plupart du temps le dessous de la queue, couvertes par des lamelles par- ticulières. Les enfoncemens servent à une respiration par la masse ou à une respiration par le sang. Dans le premier cas, le milieu, qui est ou de Tair ou de l'eau , s'introduit dans le corps au moyen de canaux. 3° On trouve chez les Acalèphes discophores des cavités ser- vant à la respiration aqueuse, qui, par des ouvertures situées à la face inférieure du corps , reçoivent l'eau, dont l'air agit sur le produit de la digestion. Quelque chose d'analogue a lieu aussi chez des animaux qui , bien qu'ayant du sang , ne possèdent cependant pas de vaisseaux sanguins propres pour l'organe respiratoire , mais chez lesquels l'eaujpénètre dans la cavité abdominale, et baigne l'organe digestif pourvu de vaisseaux sanguins .- tels sont, par exemple, les Astéries, et parmi les Annélides, les Thalassimes et les Aphrodites. Il y a en outre des animaux munis d'autres organes respiratoires , chez lesquels on rencontre des conduits aquifères , qui ont probablement les mêmes usages : Délie Ghiaje en a vu chez plusieurs Mollusques , et Baer chez les Moules (1). On ne sait pas encore bien positivement si les canaux aquifères qui par- tent, ou de la cavité nasale pour se terminer en cul-de-sac (Cyclostomes) , ou des côtés de l'anus (Raies et Squales) , du cloaque (Crocodile), des parties génitales (Chéloniens), pour aboutir dans la cavité ab.dominale, ont de l'affinité avec ceux-là. 6° Les organes respiratoires forment des canaux aériens chez les Insectes et une partie des Arachnides. Les Insectes ont la plupart du temps neuf à dix paires de stigmates , de chacun desquels part un conduit aérien , qui tantôt se réunit avec les deux canaux les plus voisins de lui pour former un (1) Nov. Âct acad. car, t. XIII, p. 597. 4"74 DE LA RESPIRATION. tronc parcourant la longueur du corps entier , et offrant par- fois aussi des dilatations en forme de sac , tantôt se ramifie dans les différens organes. Chez les larves qui vivent dans l'eau , mais puisent l'air à la surface de ce liquide , les stig- mates, surtout ceux de l'abdomen , s'allongent en des tubes respiratoires cornés , que l'animal peut faire saillir hors de l'eau. D'autres larves restent dans l'eau, dont elles absorbent l'air , qui est reçu par les commencemens des trachées anasto- mosées ensemble en forme de réseau. Les végétaux respirent en général à travers h'uvs ccWnles closes. Chez les plus parfaits , l'air pénètre principile.atnt par les stomates , vides intercellulaires , situés à la face infé- rieure des feuilles , d'où il se répand dans les vides analogues des parties du tronc , ou ce qu'on appelle les conduits inter- cellulaires ; mais il s'insinue aussi dans les trachées , qui sont également closes (1). Cependant ies voies de lasèveetcellesde l'air ne sont pas tellement distinctes, dans les végétaux, qu'un même espace ne puisse jouer le rôle des unes et des autres à des époques diverses. Les fruits verts n'ont pas de stomates, et cependant ils altèrent l'air comme le font les feuilles munies de ces ouvertures. D'ailleurs, la somme de cette altération n'est point proportionnée au nombre des stomates. Lorsque des vaisseaux sanguins particuliers se rendent aux enfoncemens de la peau qui reçoivent l'air , tantôt ils for-^ ment des ramifications situées dans le plan de la paroi, tantôt ils font saillie à l'intérieur, dans des repUs de la peau. 7° La première de ces dispositions donne lieu aux cavités respiratoires qu'on observe chez quelques Gastéropodes res- pirant l'air ( Limaçon , Limace), certains Annéhdes (Sangsue , Ver de terre), et les Arachnides pulmonaires. 8» De la seconde résultent les cavités branchiales , qui respirent de l'eau chez les Gastéropodes respirant ce liquide, et de l'air chez quelques Arachnides. Parmi ces derniers , on en compte {Disderia ^ Se^es^na) qui, indépendamment des ca- vités branchiales aériennes , ont aussi des trachées ramifiées. (4) Comparez Raspail, Nom', sijst. de physiologie végétale et de botani- que. Paris, 4S37, t. II, p. 242. — DiUrochet , Mém. pour servir à Vhist. anat. etphysiol.dos véijétaiis et des animaujb\'£ans,i857, t. I, p. 320. DE LA RESPIRATION. 47^ 4. ORGANES PARTANT DU CANAL DIGESTIF. § 966. De même que la membrane muqueuse du canal digestif se soulève en villosités , ou se déprime en cryptes muqueuses et conduits sécrétoires, pour Taccomplissement des fonctions qui lui sont propres , de même aussi elle se ren- verse tant en dehors qu'en dedans pour le service de la res- piration. ï. L'organe digestif lui même devient le siège de la respi- ration , soit exclusivement , soit de concert avec d'autres or- ganes respiratoires. Dans le premier cas , la membrane mu- queuse forme des saillies , qui , tantôt représentent des bran- chies proprement dites , c'est-à-dire des replis munis de vaisseaux sanguins particuliers et saillans dans la cavité digestive;, remplie du milieu extérieur , l'eau, tantôt con- sistant en des canaux aériens, qui séparent l'air de l'eau dans la cavité digestive et le conduisent aux différentes parties du corps. 1° Chez les Tuniciers, à une ouverture buccale admettant la nourriture et l'eau destinée à la respiration , succède une cavité spacieuse, qu'on peut considérer comme cavité buccale, parce que l'œsophage commence à sa partie inférieure, mais qui représente en même temps une cavité branchiale , dont les vaisseaux sanguins font saillie , sous forme de réseau , dans des replis membraneux. Chez les Céphalopodes, on trouve des branchies lamelleuses plus développées, datis une cavité qui admet l'eau destinée à la respiration par deux ou- vertures, mais à laquelle aboutissent aussi le rectum, la bourse du noir et les parties génitales , de manière qu'elle représente un véritable cloaque , et qu'elle offre pour ainsi dire la contre-partie de la cavité buccale respiratoire des Tuniciers. 2° Les larves des Nèvroptères attirent l'eau dans leur rec- tum , où font saillie les trachées divisées en réseaux et cou- vertes de membrane muqueuse , qui reçoivent l'air séparé de ce liquide. y Une respiration intestinale accessoire s'observe aussi, 47^ Î>E lA RESPIRATION, parmi les animaux vertébrés , chez le Cohitis fossills. Ce Pois- son vient de temps en temps à la surface , y prend de l'air , et en laisse échapper en même temps, par l'anus, une certaine quantité, qu'on voit monter dans l'eau sous forme de bulles ; la respiration branchiale s'interrompt alors , et ne reprend qu'au bout de quelques minutes. Comme le Cobite vit dans des marais , qui se dessèchent en grande partie pendant la saison chaude , il avait besoin de cette respiration aérienne par l'intestin ; mais elle lui est nécessaire même lorsqu'il se trouve dans une quantité suffisante d'eau. Erman (1) a ob- servé qu'il vit plusieurs semaines dans l'eau bouillie et cou- verte d'une couche d'huile , par sa seule respiration aérienne, sans faire aucun usage de ses branchies ; quand on l'empêchait de venir à la surface, il essayait de respirer avec ces der- nières, et périssait. La même chose a lieu sans doute chez d'autres Poissons qui viennent de temps en temps à la surface de l'eau pour y humer de l'air, que plusieurs (Tetrodon)^ font servir à gonfler prodigieusement leur corps , ou qui , chez d'autres {Cottus S cor plus) ^ occasione une sorte de gro- gnement lorsqu'on les tire de l'eau (2). 4° Quelques faits sembleraient annoncer qu'une respiration intestinale a lieu aussi chez l'homme. Quoique des gaz se dé- gagent des alimens pendant le travail de la digestion (§ 947), nous avalons aussi de l'air avec nos alimens et nos boissons. Gosse avalait de l'air en retenant sa respiration, fermant la bouche , appuyant la langue au palais , et exécutant les mou- vemens de la digestion» Suivant les observations de Magen- die (3), il y a huit à dix hommes sur cent qui peuvent en faire autant. Ordinairement l'air ainsi avalé revient à la bou- che , mais parfois aussi il distend les intestins et sort par l'anus. Après l'asphyxie par des gaz délétères, l'acide carboni- que surtout (4) , de même qu'à la suite de toute suspension brusque de la circulation pulmonaire , on remarque une forte congestion sanguine dans la membrane muqueuse de l'eslo- (1) Gilbert, Amialen der Physik, t. XXX, p. 443. (2) Bnthke, Beùrœge zur Geschichte der Thierwelt^ t. II, p. S6. (3) Précis élément.^ t. Il, p. 131. (4) Di«t. de médec. et de chir. pratùjues, art. Asphyxie, t III, p. 542. DE LA RESPIRATION. 4'?'^ mac OU des intestins. Plagjye'était parti de là (1), pour admet- tre une respiration intestinale chez l'iiomme; il prétendait que l'œsophage inspire et expire , que si le ventre se gonfle pendant l'inspiration , c'est uniquement à cause de la respira- tion des intestins , et que le mouvement péristaltique n'est autre chose qu'un mouvement respiratoire. Krimer (2), soute- nait Topinion, non moins hasardée , que les phthisiques sup- pléent le défaut de respiration en avalant fréquemment de l'air ; à l'en croire , de deux jeunes Chiens auxquels il avait lié la trachée artère , celui dans l'intestin duquel il fit alter- nativement entrer et sortir de l'air vécut plus long-temps que l'autre. Mais ces assertions manquent de preuve, et l'on peut en dire autant d'une autre hypothèse de Krimer, qui veut que la respiration de l'intestin ne serve qu'à la force musculaire. II. Aux échelons supérieurs de la série animale les organes respiratoires se développent par des exsertions de l'organe digestif, dont ils représentent d'abord des branches latérales, qui peu à peu acquièrent plus d'indépendance en se resser- rant à leur base et se développant davantage. Ces exsertions surviennent ou à l'intestin, ou à l' arrière-gorge. 'J" Les Holothuries attirent l'eau servant à leur respiration dans le cloaque , d'où elle passe dans deux conduits latéraux qui se ramifient en manière d'arbres, et se terminent en cul- de-sac. 2° La vessie natatoire des Poissons est, quant à son mode de formation, une véritable exsertion de ce genre, qui seule- ment.part de la partie supérieure de l'iatestin, affecte la forme d'un sac, et ne reçoit point d'eau dans son intérieur (§ 383). Elle est réellement un organe de lespiration , non pas d'inspi- ration , mais d'expiration , en ce qu'elle sécrète des gaz du sang contenu dans ses nombreux vaisseaux (§ 817, 1°). Chez les animaux vertébrés , les organes respiratoires sont des branches latérales du commencement du canal digestif , qui tantôt percent la paroi du corps pour apparaître à l'extérieur, tantôt se terminent en cul-de-sac dans l'intérieur du corps, (1) Meckel, Deulsches ArcUiv, l. V, p. Stf. (2) Horn, ISeues Archio, 182j, p. 261. 478 DE LA RESPIRATION. La première de ces deux dispositions constitue la respiration de l'eau par des branchies : son affinité avec la respiration cu- tanée fait qu'elle occupe un degré inférieur. 3° Les branchies des Poissons sont des plis de membrane muqueuse , riches en vaisseaux , soutenus par une base os- seuse ou cartilagineuse , et qui se continuent d'un côté avec la membrane muqueuse de l'œsophage, de l'autre avec la peau extérieure. Par leur division eu filamens ou en lamelles, elles multiplient les points de contact de l'eau , à tel point que, par exemple chez une Raie longue de dix-huit pouces , elles offrent une surface de deux mille deux cent cinquante pouces carrés. Chez les Poissons osseux, l'espace qui les ren- ferme est une simple fente du corps, que quatre arcs osseux, à la surface desquels elles sont implantées , partagent en cinq fissures; cette fente se continue d'un côté avec la cavité gutturale , de l'autre avec la surface extérieure , où elle peut être close et ouverte par un opercule mobile , composé de plusieurs pièces osseuses. Chez les Chondroptérygiens, les branchies sont situées plus profondément dans la paroi du corps , mieux séparées les unes des autres, du canal digestif et de la peau, et représentent plusieurs petits sacs, généra- lement au nombre de six ou sept , dont chacun aboutit à l'ex- térieur ou à l'intérieur par une ouverture arrondie , nue ou dépourvue au moins d'opercule complet. Ici donc les organes respiratoires sont des sacs branchiaux (§ 965, 7°), tandis que chez les Poissons osseux ils constituent des branchies couvertes (§965,4°). De même, chez les Plagiostomes, à l'état em- bryonnaire, ils représentent des branchies Hbres (§ 965, 3°), saillantes à l'extérieur , qui consistent en filamens. simples partant des sacs branchiaux. 40 Cette disposition fait le passage aux branchies libres , qui partent d'arcs branchiaux situés dans des fentes analogues de la paroi du corps , et respirent l'eau au milieu de laquelle elles flottent, tandis qu'il existe en même temps des poumons pour la respiration aérienne : état de choses qui persiste pen- dant toute la vie chez le Protée et les Reptiles voisins , mais qu'on n'observe chez les autres Bati-aciens que durant leur vie embryonnaire, qu'ils passent dans l'eau. Le Protée n'a pas 1)E tA RESPIRATION. 47§ besoin de l'air libre dans de l'eau suffisamment aérée , il ne va pas plus souvent que la plupart des Poissons à la surface, pour y humer de l'air, et il rejette la plupart du temps cet air par les fentes branchiales ; hors de l'eau, il périt en peu d'heures ; cependant on assure que quand on le tient dans une petite quantité de liquide , et qu'on l'habitue ainsi à respirer 1 air davantage , ses poumons , fort imparfaits , acquièrent un peu plus de développement. Les canaux aériens , qui partent du fond de la gorge, et se terminent en cul-de-sac , dans l'intérieur du corps , forment les poumons. 5'^ Les poumons apparaissent , chez les Reptiles , sous la forme de dilatations de la trachée-artère plissées en dedans , de manière à produire des cellules plus ou moins grandes. C'est là un degré d'organisation qui fait le passage des cavités branchiales aux poumons. 6" Chez les Oiseaux, les poumons constituent pour la pre- mière fois une expansion ramifiée des bronches , qui toutefois ne se divisent pas à la manière des arbres , mais traversent les poumons entiers, sans diminuer sensiblement de diamè- tre , et ne font que fournir des branches latérales. Les plus petites de ces branches ont toutes le même diamètre , ne se divisent plus , et contractent de nombreuses anastomoses les unes avec les autres. A leurs extrémités, on observe des vési- cules latérales , riches en vaisseaux , dans lesquelles la respi- ration a son siège proprement dit. Du reste , les poumons sont petits, ne remplissent pas la cavité pectorale, en occupent le côté dorsal, et ne sont tapissés par la membrane séreuse de la cavité du corps qu'à leurs faces antérieure et inférieure. On remarque à leur face inférieure ei postérieure des ouvertures qui mènent des bronches dans les sacs aériens. 7» Chez les Mammifères, les poumons sont plus volumineux; car cliez l'homme ils forment un trente-cinquième de la masse entière du corps, tandis qu'ils n'en représentent qu'un qua- tre-vingi-dixif'me chez l'Oiseau ; avec le cœur , ils remplis- sent la cavité ihoiacique. Les sacs de la plèvre les renfennent, et font d'eux des organes indépendans; un diaphragme com^ plet les sépare aussi de la cavité abdominale. Los bronches se 48o DE LA. RESPIRATION» ramifient à la manière d'un arbre ; leurs extrémités les plus déliées se divisent en plusieurs vésicules, demi-sphériques , serrées les unes contre les autres , et entourées de vaisseaux sanguins ; ces vésicules ont 0,425 à 0,166 ligne de diamètre chez l'homme, suivant Krause (1); réunies à la division bron- chique sur laquelle elles reposent , et au tissu cellulaire enve- loppant, elles forment un lobule, dont le diamètre est d'en- viron une demi-ligne. Gurll (2) les dit plus petites chez les herbivores que chez les carnivores : sur des poumons soufflés et desséchés elles avaient , chez le Cochon, 0,072 à 0,077 li- gne ; chez le Bœuf, 0,077 à 0,087 ; chez le Cheval , 0,077 à 0,093 ; chez le Chien , 0,077 à 0,248. B. Organes pour la substance organique. § 967. Dans la respiration par la masse du corps (§ 964, 2°) il n'y a point encore de dispositions spéciales pour mettre la substance organique en contact avec le milieu extérieur. Mais quand le suc vital est devenu du sang , et que celui-ci a ac- quis un véritable système vasculaire, ce dernier envoie aussi des branches spéciales aux organes de la respiration , afin que le sang éprouve là les transformations nécessaires à son plein et entier développement. Cette pariicularité, si importante pour la formation organique, détermine les principales formes de la carrière du sang, que nous avons déjà exposées en trai- tant du sang (§§ 693-696; 764, 1^, 2«), de sorte qu'il suffira d'en rappeler ici les principaux traits. I. Dans la première forme principale, les organes respira- toires ressemblent aux autres organes sous le point de vue de leur rapport avec le système sanguin. Leurs vaisseaux san- guins , ou les vaisseaux respiratoires , sont des branches de l'organe central du système sanguin, comme ceux des autres parties du corps, et le sang aéré, c'est-à-dire devenu artériel par la respiration, est ramené, soit par desveiaes particuliè- res, soit par fluctuation, c'est-à-dire par rétrogradation dans les mêmes vaisseaux, vers l'organe central, où il se mêle au (t) Handhuch der menscldichen Aiiatomie^ t. I, p. 474. ^2) Lehriuch der veryleichenden Fhysiologie^ p. 168. DE LA RESPIRATION. 4Sc sang veineux , au sang revenant des autres organes , dont il diminue la veinosité. Tel est l'état de chose qui paraît avoir lieu chez les Arachnides pulmonaires et les Crustacés infé- rieurs. IL La seconde forme principale est caractérisée par une opposition complète entre les vaisseaux respiratoires et le reste du système vasculaire, ou entre l'atmosphère et la sub- stance organique, de sorte que tout le sang veineux subit l'in- fluence de la respiration, et que chacun des autres organes ne reçoit que du sang aéré. 1° A un degré inférieur , l'organe central du système vas- culaire se compose uniquement de troncs. C'est ce qui a lieu dans les Échinodermes , par exemple. Chez les Astéries , le vaisseau respiratoire est en même temps le tronc, car il en- toure la cavité respiratoire en manière d'anneau , reçoit des veines des organes digestifs et génitaux , et envoie des artères à ces organes. Chez les Holothuries , au contraire , il y a deux troncs , dont chacun se ramifie, d'un côté dans l'organe di- gestif et génital , de l'autre dans l'organe respiratoire , ce qui rend possible une circulation. 2" Lorsque l'organe central (cœur) fait une opposition dé- terminée aux vaisseaux sanguins , tantôt il envoie , par sa force musculaire , le sang devenu artériel dans les organes respiratoires aux autres parties du corps , ou celui qui est de- venu veineux dans ces derniers aux organes de la respiration, tantôt il pousse à la fois les deux espèces de sang, attendu qu'il est devenu double. a. Dans le cas d'un cœur appartenant au corps , comme oa en trouve un , par exemple, chez les Décapodes , les Gasté- ropodes, les Ptéropodes et les Ascidies , les troncs des veines du corps deviennent artères respiratoires en se prolongeant, et les veines respiratoires ramènent le sang au cœur. b. Chez les Poissons , au contraire , les troncs des veines respiratoires se changent en artères du corps , et le sang vei- neux, ramené par les veines respiratoires, arrive au cœur, qui le chasse immédiatement dans les organes de la respira- lion. c. La réunion d'un cœur appartenant au corps et d'un cœur IX. di 482 DE LA RESPIRATION. respiratoire commence chez les Céphalopodes. Ici les veines du corps s'ouvrent dans deux cœurs latéraux , d'où partent lesi artères respiratoires , muis les veines respiratoires s'abou- chent avec le cœur médian , qui fournit l'artère du corps. Chez les Oiseaux et les Mammifères , la réunion est complète, de manière que le cœur appartenant au corps et le cœur res- piratoire n'en forme plus qu'un seul, tout en continuant de constituer deux cavités séparées l'nne de l'autre. III. On trouve des degrés intermédiaires là où les vaisseaux respiratoires font bien opposition au reste du système san- guin , mais où celte opposition est détruite en partie par un mélange partiel du sang artériel et du sang veineux. 1" Le mélange peut n'avoir lieu que dans les vaisseaux. a. Ce cas arrive lorsqu'il existe un cœur appartenant au corps , par le moyen des veines du corps. Ainsi , chez les Bivalves, le cœur, qui est simule, reçoit, par les veines res- piratoires, du sang artériel, qu'il pousse dans le corps; mais il reçoit aussi des branches des veines du corps , de manière que la plus grande partie du sang veineux se rend aux or- ganes respiratoires, et qu'une partie aussi se mêle au sang artériel sans parvenir à ces organes. b. Quand il y a un cœur respiratoire , les branches qui opèrent le mélange des deux sangs partent des artères respi- ratoires. Chez tous les Batraciens à l'état de têiard, et chez les Protcides pendant toute la vie , le cœur reçoit le sang veineux du corps , qu'il envoie , par un tronc , aux artères respira- toires, tandis que les veines respiratoires se réunissent en un tronc artériel destiné au corps; mais le tronc -artériel respi- ratoire donne aussi des branches aux artères du corps , et par conséquent mêle une partie de son sang veineux avec le sang artériel. c. La même chose arrive enfin avec le cœur double du Cro- codile, l'artère pulmonaire qui sort de son ventricule propre fournissant une branche qui se réunit à l'artère provenant du ventricule aortique , pour constituer le tronc artériel des- tiné au corps. 2» Chez les autres Reptiles, le mélange des deux sangs s'ac-; complit dans le cœur.j DE LA RESPIRATION. 483 a. Chez ceux des ordres supérieurs , il a lieu dans le ven- tricule artériel , l'oreillelte du cœur et celle du poumon ver- sant leur sang dans un ventricule commun. Ce dernier est néanmoins divisé en compartimens chez les Ophidiens et les Chéloniens, de manière que le sang de l'oreillette droite passe plus facilement dans l'artère pulmon-^ire, et celui de la gauche dans l'aorte ; mais l'artère respiratoire fournit une branche (conduit de Botal) à l'aorte. Chez les Sauriens ordinaires les deux artères sont des branches du tronc commua provenant du ventricule unique du cœur. b. Chez les Anoures , les veines de la respiration et celles du corps aboutissent à une oreillette commune, et le tronc qui sort du ventricule fournit une branche , qui est l'artère pul- monaire , après quoi il continue sa marche en jouant le rôle d'aorte. II. Mouvement respiratoire. § 968. La respiration consiste essentiellement en des mou- vemens d'ingestion et d'éjection (§ 817, 1°), par lesquels des matériaux de la substance organique passent dans le milieu ambiant, et des matériaux de celui-ci dans la substance or- ganique. Mais, lorsqu'elle est plus développée, il s'y joint d'autres mouvemens encore ; les uns agissent sur le miheu extérieur, de manière à renouveler continuellement les cou- ches de ce milieu qui entrent en contact avec la surface res- piratoire en général et ses divers points -, les autres ont pour but de renouveler sans cesse la substance organique dans la surface respiratoire, afin qu'il y en ait toujours de nouvelles portions qui subissent l'influence du miheu. A. Qualité du mouvement respiratoire. Les mouvemens respiratoires sont de deux sortes ; les uns appartiennent à la vie organique , et les autres à la vie ani- male. L Les mouvemens de la première espèce, ou ceux qui s'ac- compUssent sans le concours de l'âme , ont leur unique fon- dement dans les conditions mêmes de l'organisation. 1» Les uns sont latens , et consistent en un renouvellement 484 DE LA RESPIRATION. continuel de substance. Partout essentiels , ceux-là sont les seuls que l'on rencontre chez les végétaux. 2" Immédiatement après viennent les mouvemensvibraliles du corps animal qu'on ne peut reconnaître qu'avec le secours du microscope. Des courans d'eau le long des branchies , sans que celles-ci fussent elles-mêmes en mouvement, ont été vus chez les Bivalves, par De Heide, Leeuwenhoek et Erman, par Steinbuch chez les larves de Salamandre. Sharpey, qui les a observés chez des Annélides, des Mollusques et des têtards de Batraciens (§ 764, 3°), a reconnu qu'ils dépendent des mouvemens de cils implantés sur les branchies. Mais c'est aux découvertes de Purkinje et de Valentin que nous devons une connaissance exacte des cils vibratiles. Ces filamens incolores, de substance homogène , longs de 0,001 à 0,010 ligne, ser- rés les uns contre les autres, et se mouvant, non point isolé- ment, mais par séries entières, existent dans tout le règne animal ; partout néanmoins on ne les rencontre que dans cer- tains organes. On les voit à l'appareil respiratoire des Rep- tiles, des Oiseaux et des Mammifères, quelquefois aussi sur les membranes muqueuses des organes digestifs, urinaires et gé- nitaux femelles, enfin à la peau de certains animaux sans ver- tèbres. Comme ils existent également dans les ventricules cérébraux des Mammifères, ils paraissent être une manifes- tation particulière de la vie intérieure de la masse animale, qui peut avoir lieu aux surfaces touchées par des liquides étrangers," dans l'intérêt du travail de la plasticité. Les bran- chies de plusieurs Mollusques, des larves de Salamandre, etc., ne se meuvent point elles-mêmes ; il n'y a que les courans dé- terminés par leurs cils vibratiles qui renouvellent sans cesse la couche d'eau avec laquelle elles entrent en contact. Celles des Poissons, au contraire, qui sont pourvues d'un appareil spécial de mouvement, n'ont point de cils. 3° Toute membrane muqueuse est en rapport immédiat avec la vie matérielle , car ou elle s'appuie sur des parties du squelette , ou elle est revêtue de fibres mobiles , où elle présente alternativement les deux modes d'entourage. La mêkïie chose arrive aux organes respiratoires formés de mem- brane muqueuse : les tubes ouïes sacs s'emplissent et se vi- DE LA. RESPIRATION. 4^5 dent alternativement , que ce soit par l'activité de muscles plastiques , ou par l'élasticité de membranes tendineuses et de feuillets cartilagineux. Suivant Tiedemaun (1), les vési- cules , les branches et les troncs des organes respiratoires se contractent pendant l'expiration , chez les Holothuries , et se dilatent pendant l'inspiration. De même que Comparetti l'a- vait observé chez plusieurs Insectes , Reogger (2) a vu , dans les Sauterelles , les trachées se distendre et se resserrer al- ternativement ; et de ce que les vésicules aériennes nais- sant des stigmates chez les larves aquatiques , rentrent et sortent alternativement , il a conclu que ces organes jouis- saient de l'indépendance. Cependant Burmeister (3) croit que les trachées des Insectes se resserrent uniquement parla pres- sion de la paroi du corps , et qu'elles se dilatent en vertu de leur seule élasticité, ce qui n'est peut être vrai que de la plupart d'entre celles qui sont rigides ; mais il y en a beau- coup aussi qui ont des parois molles, surtout dans leurs di- latations IL La périphérie animale opère la respiration par des mouvemens volontaires , que le sentiment du besoin de res- pirer sollicite, de manière qu'ici la vie plastique et la vie ani- male entrent en conflit intime. A un degré inférieur de la vie , le besoin de respirer est moins pressant , ce qui fait qu'alors le libre arbitre exerce , sous ce rapport , beaucoup plus d'empire qu'il n'en a chez les animaux plus avancés en organisation. Quelques mouvemens respiratoires sont généraux. Tels sont les suivans : 1" Ceux qui coïncident avec les mouvemens locomoteurs de l'animal entier , par exemple chez les Méduses , dont lu pro- gression s'accompht au moyen d'extensions et de flexions alternatives , qui servent en même temps à attirer et faire sortir l'eau destinée à la respiration. (i) Anatomie der Rohren-Holothwie^ p. 41. (2) Physioloyische Untersuchungen ueber die \thierische Haushaltung der Jnsokten, p. 37. (3) Handùvch der Entomolajiey l. I, p. 418. 486 DE LA RESPIRATION. 2° Les mouvemens de la paroi du corps , qui , partout où il existe des organes respiratoires internes , viennent en aide aux mouvemens plastiques ; car, en dilatant les espaces inté- rieurs, ils permettent au milieu extérieur de s'introduire, tan- dis qu'en les rétrécissant ils forcent ce même milieu de sortir. D'autres mouvemens sont plus restreints aux organes respi i ratoires eux mêmes. 3° Tel est le cas des branchies libres , celles, par exemple , de quelques Gastéropodes, qui se meuvent à la façon des membres , et servent même en partie de nageoires. 4° L'entrée et la sortie du milieu ambi-ant sont déterminées tantôt par des muscles qui agrandissent et resserrent le trou de la respiration, comme chez les Gastéropodes aquatiques; tantôt par des valvules que des muscles peuvent rapprocher et éloigner de l'ouverture , comme chez la plupart des Insec- tes ; quelquefois par des opercules susceptibles de s'abaisser et de s'élever, comme chez les Insectes aquatiques; ailleurs enfin, par des dispositions spéciales, comme chez les Déca- podes , où une plaque ovale , placée en manière de luette dans le canal de la cavité branchiale , exécute des oscillations qui font entrer une certaine quantité d'eau , tandis qu'elles en font sortir une autre. B. Modalité du mouvement respiratoire. § 969. La manière dont la respiration est accomplie par des mouvemens, varie beaucoup dans les quatre classes d'ani- maux vertébrés. I. Chez les Poissons, qui sont dépourvus de cavité thora- cique spéciale , ce mouvement a lieu dans la paroi du corps , tout auprès de la tête, et sans le concours des côtes : comme la cavité nasale forme un cul-de-sac , l'eau aérée ne peut qu'être admise par la bouche et expulsée par une autre voie; elle forme donc un courant qui traverse la cavité respiratoire, ainsi qu'on le voit , bien que d'une autre manière , chez les Acéphales et les Céphalopodes. Chez les Poissons osseux, tan- dis que la fente branchiale est close par son opercule , l'eau passe de l'œsophage dans l'espace respiratoire , attendu que / t>E lA RESPIRATION. 4^7 les arcs branchiaux, articulés sur le crâne, s'écartent par un mouvement d'arrière en avant , qui , joint à l'action de l'eau elle-même , fait que les lames de chaque branchie et les filets de chaque lame branchiale s'éloignent les uns des autres , et entrent en contact de tous côiés avec le liquide ; ensuite les arcs branchiaux se reportent de nouveau en arrière , et se rap- prochent les uns des autres , ainsi que les lames branchiales, pendant que l'opercule s'abaisse et que l'eau s'échappe par la fente branchiale ouverte. L'entrée de l'eau par la fente branchiale n'est point impossible, mais il paraît que, chez les Cyclostomes surtout, qui peiivent s'appliquer à des corps étrangers au moyen de leur bouche agissant comme ventouse, l'eau destinée à la respiration entre et sort ordinairement par les trous branchiaux extérieurs. Du reste , chez ces animaux comme chez les autres Poissons cartilagineux, il y a des muscles particuliers qui contractent les sacs branchiaux pen- dant l'expiration, et qui rouvrent les trous branchiaux fermés par des valvules. II. Chez les Reptiles , chez tous les animaux qui respirent l'air , et chez quelques-uns de ceux qui respirent l'eau , comme les Holothuries et les larves dlnstctes respirant par des trachées dans le rectum , le milieu extérieur sort du corps par la même voie que celle qui lui a servi à s'introduire. Il n'y a point de cage pectorale close, osseuse et mobile par elle-même chez les Anoures , qui ne possèdent qu'un stef-^ num sans côtes; chez les Ophidiens, qui n'ont que des côt€s sans sternum , et chez les Cliéloniens , dont les côtes sont con- fondues en une seule masse avec la carapace. Ici donc les "psi*- rois delà cavité pectorale ne peuvent concourir que peu ou point à la respiration ; l'air pénètre d'abord par les narines élar- gies , que leurs muscles ciiculuires ferment ensuite : puis il passe dans la cavité buccale et i'arrière-gorge dilatée en forme de sac , lequel venant, en même temps que la bouche demeure close, à se resserrer par le moyen des muscles de la langue et de l'hyoïde, l'oblige à s'inlroduire dans la glotte elles poumons ; penuaut rexpiraùoii, ces derniers organes se coniiacleat , et sont aides en cela par les muscles du tronc. III. Les poumons des Oiseaux ne remplissent pas la cavité '48S DE LA RESPIRATION. pectorale, et ils s'ouvrent dans les sacs aériens; mais comme ces derniers s'agrandissent par le soulèvement des côtes et du sternum, et qu'en conséquence ils attirent l'air, les poumons se remplissent de ce dernier, dont l'afflux est favorisé par le raccourcissement qu'impriment à la trachée-artère ses grands muscles longitudinaux. Pendant l'expiration, les sacs aériens sont comprimés par les parois du corps, et les poumons eux- mêmes le sont par des muscles qui s'étendent des côtes à la membrane séreuse étalée sur eux. IV. L'appareil respiratoire se complète, chez les Mammi- fères, par le développement de parties qui n'existent qu'à l'étal rudimentaire dans le reste de la série animale, savoir le voile du palais , l'épiglotte et le diaphragme ; en outre, les poumons remplissent la cavité pectorale, aux parois de laquelle ils sont immédiatement appliqués, ce qui ne les empêche pas de conserver leur indépendance et leur libre mobilité, à cause du repli de la plèvre qui les enveloppe. Toutes les voies aé- riennes se dilatent et rentrent en dedans pendant l'inspiration, tandis que, durant l'expiration, elles se rétrécissent et se re- portent au dehors. Ces mouvemens sont accomplis par l'action réunie de la force musculaire et de l'élasticité, tant des voies aériennes que de la périphérie animale , l'air lui-même y contribuant aussi par sa pression et son ressort. 1° Les Mammifères, en général, respirent ordinairement par le nez, et ils ne respirent par la bouche que quand leur nez ne peut point donner accès à une quantité d'air capable de satisfaire le besoin qu'ils éprouvent. La respiration par la bouche est très-diflicile chez les Solipèdes, dont le voile du palais descend jusqu'au larynx ; mais, eu revanche,' ces ani- maux ont de très-grandes narines, qu'ils peuvent ouvrir, lar- gement, et des conduits nasaux spacieux. Elle est impossible chez les Cétacés, attendu que leur épigloite, montant jusqu'à l'ouverture postérieure des fosses nasales, ferme la glotte du côté de la cavité buccale. Aussi, tandis qu'ils tiennent la bou- che dans l'eau, en nageant à la surface, ils respirent par leurs narines saillantes hors du liquide, qui occupent le point cul- minant de la tête , et peuvent se fermer au moyen d'une val- vule ; l'air arrive dans un sac analogue au sac branchial, et DE LA RESPIRATION. 4^9 passe de là dansTarrière-gorge, de sorte que^ quand l'animal expire, on voit s'élever deux colonnes de vapeur, et que l'eau peut aussi être chassée de la cavité buccale par les narines. Chez l'homme, le mouvement des ailes du nez est insensible dans l'état normal : ce n'est que dans la respiration laborieuse qu'il devient plus prononcé, afin d'élargir les narines et de procurer un plus large accès à l'air ; aussi les ailes du nez s'abaissent- elles pendant l'expiration. Lorsque les conduits nasaux n'offrent pas une ouverture suflSsante, par exemple, dans le coryza, l'homme respire par la bouche, et si le besoin de respirer se fait sentir d'une manière très-impérieuse, il ouvre largement cette dernière par l'abaissement de la mâ- choire inférieure, puis la referme au moment de l'expiration. 2° La langue et l'hyoïde s'abaissent et se reportent en ar- rière pendant l'inspiration, s'élèvent et reviennent en avant durant l'expiration. Quand on respire par le nez, le voile du palais, tendu perpendiculairement, dirige l'air des fosses na- sales vers la glotte. Lorsqu'on respire par la bouche, en se bouchant le nez, le voile du palais s'élève assez pour permet- ire à la vue de plonger dans l'arrière-gorge, et dirip,e l'air de la cavité buccale vers la glotte, en l'empêchant de s'introduire dans les fosses nasales. Si la respiration est très-forte, la luette se meut alternativement d'avant en arrière, et d'arrière en avant, en suivant le courant d'air. 3° Dans l'inspiration, le larynx s'abaisse, l'épiglolte se re- dresse d'arrière en avant, et la glotte devient plus large ; ses lèvres se reportent en dehor.. par l'écartement des cartilages aryténoïdes (1). Des mouvemens inverses ont lieu pendant l'expiration. Lorsqu'on arrête volontairement la respiration, et qu'on retient son haleine, la glotte est fermée et couverte par l'épiglotte, qui s'abaisse sur elle. La même chose a lieu communément dans l'asphyxie par submersion, car alors l'eau ne pénètre dans les voies aériennes qu'après la mort réelle, quand les muscles de la glotte se relâchent et la lais- sent libre. Chez les Cétacés, l'épiglotte ferme la glotte dans (1) Mende , f^on der Bewegung der Stimmritze heim Athemholen^ p. 7. 4 go M tA RESPIRATION, l'état de repos , et ne s'écarte d'elle que" pendant l'inspi- ration. 4° Pendant l'expiration, la trachée-artère est racourcie par les fibres longitudinales qui vont d'un cartilage à l'autre, et qui l'élargissent en même temps. Pendant l'expiration, elle se rétrécit et s'allonge par l'action antagoniste des fibres mus- culaires obliques qui unissent les deux extrémités de chaque anneau cartihigineux. Ce rétrécissement, qui se propage de bas en haut, expulse le mucus ou le sang, et peut même, après la trachéotomie , faire sortir la canule qu'on a placée dans les voies aériennes. Au reste, lorsqu'une ouverture est pratiquée à la trachée-artère, la respiration peut continuer sans le concours du larynx, et bien même que cet organe de- meure immobile. 5" Les côtes, ces prolongemens que les apophyses trans- verses des vertèbres envoient pour former la paroi viscérale à la poitrine, constituent des arcs, clos par le sternum, qui sont analogues à !a mâchoire inférieure , cet autre arc viscé- ral de la tête, et qui s'élèvent et s'abaissent dans la respira- tion normale, comme la mâchoire le fait dans la mastication et même dans les cas de respiration diflicile. Elles sont placées obliquement, de manière que leur extrémité antérieure, unie immédiatement ou médiatement avec le sternum, se trouve située plus bas que leur extrémité postérieure, articulée avec la coloime vertébrale. Pendant l'inspiration, elles sont soule- vées et tirées en dehors par les muscles qui se fixent aux vertèbres supérieures (scalènes, cervical descendant, éléva- teurs des côtes, dentelé postérieur supérieur), chacune d'elles entraînant celle qui est au-dessous par le moyen des muscles intercostaux. En même temps que les côtes passent ainsi, par la torsion de leur tête, de la direction obhquement descen- dante à une situation qui se rapproche de 1 horizontaUté, le diamètre horizontal de la poitrine devient plus grand, surtout en travers. Ce mouvement est si faible dans la respiration calme, que l'œil s'en aperçoit à peine; mais, dans les inspira- tions profondes, il devient plus sensible; car, vers le milieu de la hauteur de la poitrine, le diamètre transversal, qui n'é- tait que de huit pouces, en acquiert neuf et au-delà. Les côtes DE Ik. RESPIRATION. 491 soulèvent un peu avec elles la partie supérieure du sternum, et en portent l'extrémité inférieure en avant, de sorte que le diamètre antéro-postérieur de la poitrine, ou la ligne tirée du sternum à la colonne vertébrale, et qui a environ trois pouces, s'allonge d'à peu près trois lignes dans l'inspiration ordinaire, et de près d'un pouce entier dans l'inspiration profonde. Lorsque la respiration devient pénible, des parties autres que la colonne vertébrale se fixeut pour aider au soulèvement de la poitrine; la tête est tendue par les muscles de la nuque, afin que le sterno-cléido-mastoïdien élève le sternum et la clavicule, et le sous-clavier la première côte ; les omoplates sont fixées é'n haut, afin que le grand dentelé puisse agir en devant sur lès huii côtes supérieures, et le pelit pectoral sur la troisième, la quatrième et la cinquième ; enfin on s'appuie les bras en avant sur un curps solide, afin que le grand pectoral puisse soulever le sternum et les côtes, depuis la seconde jusqu'à la septième, vers la tête de l'humérus. Le diaphragme agit sympathique- ment avec les muscles élévateurs des côtes ; en se contrac- tant, et devenant ainsi plus plane, ils s'abaisse vers la cavité abdominale, de sorte que le diamètre vertical de la poitrine, devenu plus considérable, peut s'accroître de plus de deux pouces de chaque côté. Dans l'inspiration ordinaire et calme, laçage pectorale revient à ses diamètres ordinaires; car le diaphragme, dont les contractions cessent, redécrit sa voûte accoutumée dans la poitrine, et les côtes, dont les muscles élé- vateurs n'agissent plus, reprennent la situation qui leur est assignée par leur disposition mécanique. Dans une expiration plus énergique, les côtes sont tirées de haut en bas par les musclés abdominaux et lombaires, qui s'y rendent perpendi- culairement et obliquement du bassin, et pendant ce mouve- ment, les muscles intercostaux agissent comme ils le font dans l'inspiration, seulement en sens inverse. G° Les sacs de la plèvre ne contiennent point l'air. Lors- qu'on ouvre sous l'eau la poitrine d'un animal vivant, on riô voit pas s'élever de petites bulles d'air, ainsi qu'il arriverait si la cavité en realermait dont l'eau prît la place. Un vide existant donc entre les poumons et Icb parois de la poitrine, la pression de l'atmosphère sur la surface externe de cette 492 Ï>E LA RESPIRATION, dernière les tient appliqués l'un contre l'autre. Suivant Ma- gendie, lorsqu'on meta découvert les muscles pectoraux d'un Chien vivant, on voit, à travers ces organes, que les poumons demeurent constamment en contact avec le diaphragme et avec les parois latérales de la poitrine. Les deux parties étant molles et susceptibles de céder, elles doivent s'adapter l'une à l'autre, de telle sorte que l'une suive les mouvemens de l'autre, et s'étende alors plus qu'elle ne l'est en vertu de sa constitution naturelle. Ainsi le diaphragme ne forme une voûte si saillante dans la cavité pectorale, que parce qu'il suit les poumons, devenus plus courts ; il remonte davantage encore, et détermine une expiration plus profonde, quand la pression de l'atmosphère agit immédiatement sur lui par l'ouverture de la cavité abdominale. Mais vient-on à le percer, de ma- nière que l'air pénètre dans la poitrine, sa tension cesse, et il s'abaisse autant que le lui permet sa cohésion dans l'état de relâchement ; il peut même descendre beaucoup plus bas dans le pneumo-thorax (l).Si quelque motif s'oppose à ce qu'une partie suive l'autre, celle-ci ne peut pas non plus se mouvoir. Quand on a lié la trachée-artère à un animal, il lui devient impossible de dilater sa poitrine, parce que les pou- mons n'admettent plus d'air, et sont hors d'état d'acquérir un volume plus considérable. Il suit de là que les poumons se comportent d'une manière passive dans l'inspiration, puisqu'ils sont obligés de suivre les parois de la poitrine dans la dilata- lion que leurs muscles font éprouver à celte dernière ; leurs ramifications bronchiales se dilatent, l'air qu'elles renferment se dilate, et l'air atmosphérique, plus dense, se précipite dans le vide, pour le remplir. Gomme la poitrine se dilate sur- tout à sa région antérieure, en raison de lamobihié des extré- mités des côtes, et à sa base par l'action du diaphragme, c'est aussi principalement en avant et en bas que les pou- mons se portent, ce qui explique pourquoi les adhérences et autres anomalies sont plus rares sur ces points qu'en arrière et en haut (2). (1) Magendie, Leçons, t. I, p. 214. (2) Auteiirielh , Handbuck der Physiologie^ t. I, p. 274. DE LA RESPIRATION. 49^ Lorsqu'on ouvre la poitrine d'un animal vivant, les poumons s'affaissent, parce que l'air atmosphérique extérieur, qui est plus dense, chasse l'air dilaté et raréfié par la chaleur que leur intérieur renferme. De là vient que les plaies pénétrantes de poi- trine deviennent promptement mortelles chez l'homme, quand elles donnent à l'air un libre accès dans les deux sacs des plèvres. Si l'on tient sous l'eau la trachée-artère détachée du corps d'un animal qu'on vient de mettre à mort, on voit, à l'ouverture de la poitrine, l'air qui existait dans les poumons s'échapper sous la forme de bulles. 7'' Lorsqu'on fait la même expérience plus tard après la mort , il ne s'échappe plus d'air ; car les poumons sont déjà aussi affaissés qu'ils le deviennent pendant la vie par la pres- sion de l'atmosphère agissant immédiatement sur leur surface extérieure. Cet effet n'est pas le résultat d'une expiration exé- cutée au moment de la mort : ce qui le prouve, indépendam- ment de l'état dans lequel les choses se trouvaient à l'instant même de la mort, c'est que les parois de la poitrine sont bien telles qu'on les voit à la suite de l'expiration , mais qu'entre elles et les poumons il y a une distance telle qu'on n'en ob- serve jamais de pareille pendant la vie. Il faut donc que ces organes se soient resserrés, parce que l'air contenu dans leur intérieur a participé au refroidissement du corps entier , que par conséquent il s'est condensé, et n'a plus distendu au- tant les ramifications des bronches, sans compter que, comme dans tous les cas où des parties jusqu'alors intimement appli- quées l'une à l'autre viennent à s'écarter (§817, 5°) , de l'air s'est dégagé dans les sacs des plèvres , dont les parois l'ont sécrété. Ainsi les poumons sont plus distendus pendant la vie qu'ils ne le seraient en vertu de leur seule texture , et ils se resserrent jusqu'au point qui correspond, à proprement par- ler , à leur cohésion , dès que la force expansive intérieure (l'air inspiré et échauffé) et la force attractive extérieure (le vide des sacs pleuréaux) ont cessé d'agir. Les poumons don- nent des preuves de celte contraclilité propre , même après avoir été détachés du corps , puisqu'ils ne tardent pas à chas- ser l'air qu'on souille dans leur intérieur. Il est incontestable que leur contraclilité agit, durant la vie, dans l'expiration, 494 DE LA EESPIRATION. et qu'elle contribue à rendre le diaphragme plus saillant dans - la cavité pectorale. Peut-être aussi la diminution de cette con- tractilité est-elle la cause de la difficulté de respirer qu'on ob- serve dans certaines maladies, et surtout chez les personnes avancées en âge (1). Comme les lamelles cartilagineuses des divisions de la tra- chée-artère s'allongent et s'étendent pendant l'inspiration , il est possible que , durant l'expiration , elles reviennent à la si- tuation que leur assigne leur structure , et que de là résulte la contraction ou le resserrement du poumon entier. Bazin pré- tend, en outre, qu'au dessous de leur'^tunique péritonéale, les poumons sont garnis d'une membrane spéciale , appartenant au tissu élastique, qui est bien prononcée chez les grands Mammifères , mais qu'on aperçoit avec peine chez l'homme, à cause de sa ténuité (2). 8"^ Cependant il n'est pas vraisemblable que les poumons des Mammifères n'obéissent qu'à des lois mécaniques, et se com- portent d'une manière absolument passive. On ne peutçaécon- naître que ces organes déploient une action musculaire propre, pendant l'expiration, chez les animaux des classes inférieures; ainsi , par exemple, les poumons des Reptiles respirent même alors que la cavité thoracique est ouverte , et ils se contrac- tent en vertu d'une force propre , après s'être remplis d'air par des mouvemens de déglutition. A peine donc est-il permis de supposer qu'il n'existe aucune trace de cette activité vitale chez les Mammifères. La force avec laquelle le mucus est chassé des profondeurs de la poitrine , pendant la toux , ne peut pas provenir du diaphragme , puisque ce muscle est re- lâché dans l'expiration , et cède à la traction des poumons, qui se rapetissent : elle est trop considérable aussi pour qu'il soit possible de l'attribuer à l'action des muscles abdominaux; elle peut encore bien moins tenir à la cessation de l'action des muscles du bas-ventre , et à la tension du tissu ligamenteux et cartilagineux des poumons , dont l'unique résuUat est de ramener les ramifications bronchiales de leur dilatation mo- (1) Magendie, Leçons^ t. I, p. 8, 469. (2) Annales françaises et étrangères d'anatomie, Paris, 1837, t. l, p. 318. DE LA. RESPIRATION. 49^ mentanée au diamètre que leur structure leur assigne dans l'état de repos. L'inspiration de vapeurs acres occasione im- médiatement une constrictioQ spasmodique des bronches , et dans certains spasmes de poitrine le malade sent distinctement ses poumons se resserrer. Or, Reisseisen (1) a démontré, dans le poumon humain, des fibres musculaires , déjà connues de Malpighi, mais niées par Haller(2), qui garnissent les grosses ramifications des bronches, dont elles unissent ensemble les deux extrémités de chaque plaque cartilagineuse, formant ainsi une paroi musculaire au dessus du tissu ligamenteux : dans les petites ramifications, ces fibres s'insèrent aux lamelles cartilagineuses isolées , et elles s'étendent jusqu'aux endroits où il n'existe même plus de ces dernières. Reisseisen rapporte une observation faite sur des animaux , par Varnier , qui a vu les ramifications bronchiques se contracter quand on les irri- tait par des liqueurs ou des vapeurs stimulantes , ou même seulement à l'extérieur par des impressions mécaniques. Kri- mer (3) a remarqué que les fibres bronchiales des poumons se contractaient sous l'influence des irritations mécaniques ou électriques : lorsque Wedemeyer (4) faisait agir le galvanisme sur des poumons de Chien ou de Gabiai, détachés du corps, les petites ramifications bronchiques d'une ligne de diamètre éprouvaient une constriction bien sensible , qui n'avait lieu qu'avec lenteur, mais qui allait peu à peu jusqu'à en effacer presque complètement la lumière : les irritations mécaniques et galvaniques n'agissaient point sur la trachée-artère. Ajoutons qu'il arrive quelquefois aux poumons des Mam- mifères de présenter encore pendant quelque temps des mouvemens alternatifs , après l'ouverture de la cavité ihora- cique. C'est un phénomène insolite sans doute , mais qui a été observé dans les temps anciens (5), puis par Houston (6), (4) Veher den Bau der Lungen. Berlin, 1822. (2) Elément, physioîog., t. III, p. 75. (3) U/ttersuchuntjen ueher die nœchste Ursaclie des Hustens , p. 9, 42, (4) UntersvchuïKjcn veher den Kreislanf, p. 70. (5) Haller, Ele7n. physioloy., t. 111, p. 226. (6) Fhilos. Jra/w., 1736, no441. 4(^6 DE LA. RESPIRATION. Bremond (1), Hérissant (2) et Haller , bien que ce dernier ne l'ait pas jugé suffisant pour autoriser à admettre une activité spontanée dans les poumons. On avait vu plusieurs fois les poumons s'échapper de !a poitrine pendant le resserrement de cette dernière , et l'on en accusait la pression exercée par le diaphragme. Mais Bremond s'est convaincu qu'alors même que les poumons n'étaient en contact avec aucune partie de la paroi pectorale, ils se distendaient par l'inspiration, et sortaient de la plaie. Florman les a vus aussi continuer de se mouvoir après l'ablation du diaphragme (3) , et Rudolphi , naguère encore , après celle de ce muscle et du sternum (4). Williams a re- connu (5) qu'ils faisaient effort vers la plaie pendant la dilata- tion de la poitrine , qu'ils se resserraient sensiblement pen- dant le mouvement expiratoire,et que, même après avoir été mis à découvert, ils laissaient apercevoir un léger mouvement vermiculaire. J'ai été témoin du même fait dans une expé- rience faite par Schuhze, mais qui tendait à un tout autre but. Enfin Czermak l'a observé chez un enfant mal conformé , au- quel manquaient le diaphragme et la paroi pectorale. D'après tout cela nous devons admettre que les ramifica- tions de la trachée-artère dans les poumons des Mammifères se distendent, en vertu de lois mécaniques, par l'action de l'air que la dilatation de la poitrine y fait affluer, mais que , dans l'expiration, l'élasticité dont elles sont douées les ramène à leur diamètre naturel, en-deçà duquel même elles sont res- serrées par leurs fibres musculaires. Les poumons se com- portent donc partout d'une manière passive pendant l'inspira- tion ; car, chez les Reptiles, l'animal les bourre d'air par des mouvemens de déglutition , et chez les Oiseaux , ce fluide y est appelé par la succion des sacs aériens, dont la dilatation de la poitrine entraîne l'agrandissement. Mais l'expiration est la suite de leur propre activité , et quand celle-ci a assez d'é- (1) Hist. de VAc. des se, 1739, p. 340. (2) Jb., 1743, p. 73. (3) Rudolphi, Anatomisch-physiologische Jbhandlungen. p. 110. (4) Ib , p. 11. (5j Fioricp, NoHzen^ t, V, p. 322. SE tA RESPIfeATÏOîf. 49^ wergîe , il peut encore s'accomplir un peu de respiration après l'ouverture de la poitrine , parce que les ramifications des bronches , après avoir été contractées par l'action de leurs muscles , reviennent à leur diamètre naturel , en vertu de leur élasticité , et par conséquent attirent aussi l'air. Les fibres musculaires plastiques des ramifications bronchiques réagis- sent donc contre leur distension par l'air ; on peut les considé- rer comme des muscles respirateurs internes qui accomplissent l'expiration; elles sont antagonistes des muscles respirateurs externes de la poitrine qui exécutent l'inspiration , ou du moins leur action alterne avec celle de ces derniers, ainsi que l'avait déjà démontré Eberhard (1). 9^ L'afflux de l'air dans les voies aériennes occasione, de même que celui du sang dans le cœur ( § 706 , 2» ) , un bruit que l'on distingue, à l'aide du stéthoscope , sous la forme d'un murmure : le bru't produit dans la trachée-artère est creux , de même force dans l'inspiration et l'expiration , et perceptible au cou ei à la région supérieure du sternum ; celui qui naît dans les bronches est plus fort pendant l'inspiration ; parce que l'angle de division oppose plus de résistance à l'air entrant qu'à l'air sortant , et on l'entend au milieu du sternum, sous l'aisselle , entre les omoplates ; celui qui se développe dans les dernières ramifications et les cellules pulmonaires, est plus sourd , et la même raison fait qu'on ne l'entend bien que pendant l'inspiration, qu'il est perceptible dans tous les autres points de la poitrine. C. Quantité du mouvement respiratoire. § 970. La quantité du mouvement respiratoire n'est pas plus susceptible que celle des autres actions vitales d'être évaluée rigoureusement, parce qu'elle varie, dans chaque individu , suivant les particularités de son organisation et de l'état où il se trouve. On ne peut donc arriver, sous ce rap- port , qu'à des déterminalions approximatives. I. La fréquence est en général ce qu'il y a de moins réglé chez les animaux inférieurs , où elle dépend en grande partie (i) De musculis bronchialibus^ p. 12. IX. 3 2 498 Î>E tA RESPIRATION. de la volonté. Suivant Spallanzani (1), le Limaçon n'ouvre et ne ferme pas son trou respiratoire d'une manière rhythmique : il le laisse ouvert, tantôt un instant seulement, et tantôt pen- dant plusieurs minutes. Sorg (2) dit que la chenille du Sphinx de la tithymale re&pire vingt fois par minute , le Cerf-volant vingt à vingt-cinq , la Sauterelle cinquante à cinquante-cinq. La Grenouille fait quarante à cent mouvemens inspiratoires dans le même laps de temps (3). Les Poissons meuvent leur opercule vingt-cinq à trente fois, et quelques-uns jusqu'à quarante. Les plus gros Oiseaux respirent vingt à trente fois, les petits trente à cinquante. Le nombre des respirations est de quatre à cinq chez la Baleine, d'après Scoresby (4), de sept chez le Hérisson , suivant Guilt (5) , de huit à douze chez le Cheval et le Bœuf, de dix chez la Chèvre et la Brebis , de vingt-quatre chez le Chien et le Chat. Le terme moyen est de dix-huit chez l'homme ; Seguin évalue le nombre des respira- tions de onze à vingt , Laënnec de onze à quinze , Menzies à quatorze, Magendie à quinze, Allen et Pepys à dix-neuf, Daltonà vingt, Davy à vingt-six. IL La quantité d'air inspiré et expiré à chaque respiration s'élève, terme moyen, à environ dix-huit pouces cubes, de manière qu'il passe près de quatre cent soixante-six mille pouces cubes à travers les poumons dans l'espace de vingt- quatre heures. Abilgaard indique trois a six pouces cubes, (6) Wurzer six à huit, Davy dix à treize, Alleu et Pepys seize et demi (7), Herbst seize a vin^t-cinq (8) , Dalton trente , Bos- tock (9) et Menzies (lOj quarante-deux. Ces différences tiennent principalement à celles de la grosseur du corps , de l'ampleur (1) Mémoires sur la respiration, p. 244. (2) Visquisitiones circa respirationem insectorum, Kudolstadt , 4805. (3) Edwards, De Vinfluence des ayens physiques, p, 52, (4) Tayebuch eiiier Reise aufden fFallfischfany, p. 192. (5) Lehrbueh der verçjleicliende^i Physiologie, p. 171. (6) Scherer, Journal, t. IV, p, 439. (7) Philos. Trans., 185, p. 253. (S) Meckel, Archiv fuer Anatomie,'AS%%, p. 97, (9) Fersuch ueber dus Athemholen, p. 47. ^10) Crell, Amalen, 1794, t. II, p. 33. DE LA RESPIRATION. 499 de la poitrine , de la force musculaire , du genre de tie habi- tuel , des efforts de la volonté , et de l'appareil employé pour faire l'expérience. Au reste, il suit des expériences de J. Leroy (1) qu'une violente insufflation d'air amène la mort en peu de minutes , chez certains animaux (Brebis, Chèvres ;, Cochons d'Inde); une partie des cellules pulmonaires se déchire, et l'air passe ou dans le sang ou dans le parenchyme pulmonaire. Bichat a aussi remarqué que de violens efforts peuvent donner lieu à un emphysème des poumons. III. Les ramifications de la, trachée-artère dans les pou- mons sont maintenues ouvertes par les cartilages appliqués à leur surface, de sorte qu elles ne peuvent jamais se vicier entièrement par l'expiration. On se demande donc combien les poumons humains peuvent retenir d'air après l'expiration. i" Herbst n'a jamais pu faire entrer plus de cent-quatre- vinyOt-six pouces cubes d'air dans les poumons d'adulte dé- tachés du cadavre (2). 2° Goodwin (3) appliquait un bandage autour du bas- ventre des cadavres , pour prévenir l'abaissement du dia- phragme , puis , au moyen de petites incisions faites à la pa- roi pectorale , il emplissait d'eau les sacs des plèvres. Chez trois pendus , qui étaient probablement morts dans un état de forte inspiration , l'eau occupa , terme moyen , deux cent- soixante-et-deux pouces cubes; elle en occupa cent neuf dans quatre cadavres d'individus morts naturellement , et par conséquent après avoir expiré. Goodwin admit , d'après cela, que ce dernier nombre exprime la qtiantité d'air qui reste dans les poumons^ et que ceux-ci, dans une inspiration or- dinaire de quatorze pouces cubes, contiennent cent vingt- trois pouces cubes d'air, Allen et Pepys (4), ayant coupé la trachée-artère sur le cadavre d'un homme robuste , y atta- chèrent une vessie , et trouvèrent ainsi que les poumons , eu (1) 7oMr7!a?deMagendif, t. VIII, p. 97. (2) Mecliel, Archiv fuer Anatomie, 1S28, p. 404, (3) Bostoik, Inc. cit., p. 20. (4) Philos. Trans,, 1809, p. 411. 5oO DE r- PESPïRATîON. s'affaissant par l'ouvertuie de h poitrine , chassaient trentè- et-un pouces et demi cubes d'air; après quoi, en comparant leur pesanteur spécifique, leur poids absolu, et la quantité d'eau qu'ils déplaçaient, on trouva qu'ils contenaient encore cinquante-neuf pouces et demi cubes d'air. Donc , il resterait quatre-vingt-onze pouces cubes d'air dans les poumons après une expiration ordinaire, et cent y compris celui du larynx et de l'arrière-gorge , ou même cent huit , à cause de la dilatation que la chaleur fait subir à ce fluide pendant la vie. Ure a retiré cent cinq pouces cubes d'air des poumons d'un noyé. 3" Davy (1) rendait cent quatre-vingt-dix pouces cubes d'air par une expiration aussi forte que possible , à la suite d'une inspiration profonde ; soixante-dix huit lorsque l'inspiration était ordinaire , et soixante-huit encore après une expiration ordinaire. D'après cela , il admit que ses poumons contenaif-nt communément cent dix-huit pouces cubes d'air après l'expi- ration , et cent trente-cinq après l'inspiration , mais qu'une expiration forcée pouvait y réduire ce fluide à quarante-el-un pouces , et une inspiration également forcée le porter à deux cent cinquante-quatre. Menzies a trouvé qu'après une expira- tion ordinaire de quarante pouces cubes, on pouvait encore, par des efforts, expulser soixante-dix pouces cubes d'air ; et comme il admettait, d'après Goodwin, que , malgré l'expi- ration la plus forte, les poumons retiennent encore cent neuf Ipouces cubes d'air , il évaluait leur capacité à deux cent dix- aeuf pouces cubes. Bostock (2) pensait qu'on est en état d'expirer cent soixante-dix pouces cubes , ce qui porterait !a capacité des poumons à deux cent soixaufe-dix-neuf, en admettant toujours un résidu de cent neuf. Prout l'estimait également à deux cent quatre-vingts pouces cubes (3). Thom- son a trouvé (4) que la plupart des hommes peuvent expirer deux cent pouces cubes d'air à la suite d'une inspiration pro- (4) Untersuchungen ueber das Athmen, t. II, p. 79. (2) Loc. cit.^ p. 32, (3) Journal complémentaire^ t. XI, p. 223, (4) Sctimidt, Jahrbuecher der Medicin^ t. IX, p. 449. DE LA RESPIRATION. 5oi fonde. Herbst fit essayer (1) à onze jeunes g^ns combien ils pourraient rendre d'air en expirant avec autant de force que possible ; le minimum fut de quatre-vingt-dix pouces cubes, et le maximum de deux cent quarante , ce qui donne cent soixanle-six pour terme moyen ; il en fit expirer six avec toute la force possible , après une inspiration des plus pro- fondes; ici le minimum fut de cent vingt pouces cubes, et le maximum de deux cent quarante -quatre, terme moyen cent soixant<^-sept. Il admet , avec Davy, que quarante-et-un pouces cubes d'air restent dans les poumons après la plus forte expiration , de sorte que la capacité de ces organes , chez un homme , pourrait être de deux cent vingt pouces cubes à deux cent soixante , gt même s'élever jusqu'à deux cent quatre-vingts. D. Relations du mouvement respiratoire. §971. Les relations les plus immédiates des mouveraens respiratoires sont celles avec le système nerveux. Pour bien saisir l'action qu'exerce chacune des parties de ce système, la meilleure méthode est de Tétudier en procédant des régions inférieures du tronc vers l'encéphale. I. Les muscles du bas-ventre viennent au secours du mou- vement respiratoire des poumons (§ 860, 7"), et ils dépen- dent des nerfs ihoraciques inférieurs, ainsi que des nerfs lombaires. Leur influence paraît êire la plus bornée de toutes. Lorsque Legallois (2) détruisait la partie abdominale de la moelle épinière des Lapins , la respiration était d'abord un peu troublée, mais elle ne tardait pas à redevenir régu- lière, et la mort arrivait sans qu'il survînt aucun symptôme de suffocation. IL Les muscles inspirateurs de la poitrine sont sous la do- mination des nei fs cervicaux inférieurs et des nerfs thoraci- qaes , par conséquent de la portion correspondante de la moelle épinièie. Lorsqu'on coupe celle-ci à la hauteur des vertèbres inférieures du cou , ou entre elles et la première (4) Meckel, Archiv fucr Anatomie, 1828, p. 99. (2) Expériences sur le principe de la vie, p. 90, 97, 402, 5oâ DE LA RESPIRATION. vertèbre dorsale , les muscles pectoraux cessent d'agir , et la respiration ne s'accomplit plus que par le diaphragme , comme on le savait déjà d'après Galien (1) , et comme l'ont confirmé les observations de Graikshank (2) et de Bichat. La même chose arrivait quand Légal lois (3) avait détruit toute la por- tion thoracique de la moelle. III. Haller et d'autres avant lui (4) ont vu le diaphragme se contracter par l'effet d'une irritation du nerf diaphragmati- que. La ligature oo la section de ce nerf paralyse ce muscle, et alors les muscles pectoraux agissent seuls dans l'inspiration, mais d'une manière faible , et pendant un laps de temps très- court , comme l'ont remarqué Haller et ses prédécesseurs, Cruikshank (5) , Arnemann (6) ,«Bichat et Astley Cooper (7). Comme le diaphragme reçoit quelques filets des cerfs tho- raciques, Krimer (8) dit l'avoir vu se contracter encore, bien que plus faiblement , après la section des nerfs diaphrag- matiques proprement dits. L'irritation de la portion cervicale de la moelle a déterminé une respiration sifflante (9) , et sa destruction ou sa section à la hauteur de la première ou de la seconde vertèbre cervicale , arrête instantanément la fo notion (10), ce dont Bichat et Legallois (11), entre autres, se sont convaincus. Les hommes, suivant la remarque de Brodie, périssent également d'asphyxie subite , lorsqu'ils ont eu la moelle épinière déchirée à la hauteur des premières vertèbres cervicales , de même qu'après les luxations ou les fractures de ces os. IV. Le nerf accessoire de Willis peut concourir aux fortes inspirations en soulevant l'épaule, par le moyen du trapèze , (1) Haller, Elem. physiol., t. III, p. 93. (2) Reil, Jrchiv, t. II, p. 64. {5)Loc.cit.,ç. 53,89,95. (4) HsMer^Elem. physiol., t. III, p. 92. (5) Loc. cit., p. 68. (6) f^ersuch ueher die Jîegeneration, p. 7. (7) Archives générales^ 2e série, t. I, p. 358. (8) Untersuchungen ueher die nœchste Ursache des Hustens, p. 39, (9) Haller, loc. cit., t. IV, p. 325. (10)10., t. ai, p. 240. (11) Loc. cit., p. 53, 83, 88. DE LA RESPIRATION. 5o3 et, quand la respiration est extrêmement pénible ,en élevant le sternum et la clavicule , à l'aide du sterno-cléido-mastoï- dien; sa section fait cesser cet acte respiratoire, suivant Bell. Mais comme il donne des filets à la huitième paire, peut-être est-ce lui réellement qui provoque les mouvemens qu'on attribue à cette dernière, V. Lenerf pneumo-gastrique détermine les mouvemens des organes respiratoires eux-mêmes , et il est en conséquence le plus essentiel pour la respiration. Arnemann (1) et Legal- lois (2) donnent une longue liste de physiologistes qui ont ob- servé les effets de la ligature et de la section de ce nerf. Les expériences dont les résultats doivent être cités ici , ont été faites par Petit (3), Haller (4), Arnemann (5), Gruikshank (6), Haighton (7), Bichat, Dupuytren, Blaiiiville , Emmert (8), Brodie (9), Breschet (10), Dupuy (il), Legallois (12), Wilson Philipp (13) , Magendie (l4) , Broughton (15) , Ware etFinlay (16), Treviranus (17), Krimer (18), Leuret et Lassai- gne (19) , Mayer (20) , Brachet, Arnold (21) , Diekhof (22) , et Astley Cooper (23). (1) Loc. cit., p. 130-439. (2) Loc, cit., p. 161-i83, 202. (3) Hist. de VAcad, des sciences, 1727, p. 6. (â) Opéra minora, t. I, p. 360. ; (5) Versuch ueler die Régénération^ p. 66-109. (6) Reil, Archiv, t. II, p. 58-75. (7) 76., p. 76-81. (8) Ib., t. IX, p. 398 , t. XI, p. 118. (9) Ih., t. XII, p. 133. (10) Archives générales, t. II, p. 404. ^ (l1)iJ., t. XIV, p. 289. (12) Exp, sur le principe de la vie, p. J88. (dS) Ueber die Gesetzo der Functionen des Lebens, p. 96. (14) Précis élément., t. Il, p. 297. -^Leçons, t. I, p. 215; t. II, p. 223. (15) Journal de Magendie, 1. 1, p. 423. (16) Gerson, Mayazin, t. XVII, p. 486. (17) f^ermischte Schriften^ t. I, p. 105. /18) P/njsiolo(jische Untersuchungen, p. 142. (19) Bcch. sur la digestion, p. -131. (20) Zeitschrift fuer Physiologie,i. II, p. 71. (21) Lchrluch der Physiologie, t. II, p. 246. (22) Valentin, Report orium, 1. 1, p. 259. ^23) Archives généralesy 3« série, t. ï, p. 358. 5o4 DE lA RESPIRATION. 1" La section ou la compression prolongée des deux nerfs pneumo-gastriques] entraîne la mort. Celle-ci a lieu , la plu- part du temps , au bout de dix à vingt heures chez les La- pins, quelquefois au bout de deux à cinq heures, selon Broughton (1) , et parfois aussi le troisième jour seulement suivant Mayer (2). Chez les autres Mammifères sur lesquels l'expérience a été tentée , le nerf grand sympathique est ren- fermé , immédiatement après sa sortie du ganglion cervical supérieur , dans une gaîne qui lui appartient en commun avec la huitième paire , de sorte qu'il a dû être presque tou- jours coupé en même temps que cette dernière. Lps Chiens succombèrent le plus souvent du second au quatrième jour , quelquefois au bout de sept à huit heures, comme l'ont vu Petit (3) et Haighton (4) ; dans d'autres cas , leur mort n'eut lieu qu'au bout de sept jours , ainsi que l'a observé Cruik- shank (5), et un Chien, auquel Mayer s'était contenté de lier le nerf (6) , ne périt que le dixième jour. La mort des Chats arrive au bout d'un quart d'heure (7), ou seulement de dix heures ; celle des Chevaux, au bout d'une heure ou seulement de deux jours. Les Poules , les Pigeous , les Oies , survécurent deux à cinq jours. Quand on ne coupait qu'un seul des deux nerfs , il y avait des cas rares , semblables à ceux qu'a observés Petit (8) , dans lesquels aucun accident ne se manifestait chez les Chiens ; presque toujours la respi- ration éprouvait du dérangement, mais, au bout de quelque temps , elle rentrait dans i'état normal ; quelquefois cepen- dant, la mort eut lieu après un laps de temps d'une à trois se- maines. La plupart des Lapins périrent du premier au troi- sième jour 5 les Chevaux se rétablirent bientôt après avoir éprouvé de la difficulté à respirer ; les Oiseaux ne furent point (l)Loc.cit.,f. 427. (2) Loc. eit., p, 73. (3) Loc. cit., p. 6. (4) Loc. cit., p. 76. (5) Loc. cit., p. 59. (6) Loc. cit., p. 65. (7) Loc. cit., p. 74. (S) Loc, eit., p. 12. DE LA RESPIRATION. 5o5 affectés. Lorsque , sur un Chien , on coupait l'un des nerfs , et six semaines uprès, quand la plaie était cicatrisée, celui du côté opposé , ranimai survivait , selon Cruikshank et Haigh- ton. Des Chevaux auxquels Dupuy coupa simultanément l'un des nerfs en entier, et l'autre à moitié ou aux deux tiers, se rétablirent aussi quelquefois. 2" Après la section des deux nerfs, les mouvemens respira- toires deviennent pénibles et plus rares. Suivant Mayer (1) leur nombre tomba, chez l'Ane, de dix- sept à douze ou neuf le premier jour , et à huit le cinquième ; chez les Chiens , de quarante-huit à dix le premier jour , et quelquefois à huit les jours suivans. L'inspiration exige de plus grands efforts ; l'a- nimal ouvre largement les narines et la bouche , il tend le cou, et ses muscles pectoraux, ainsi que son diaphragme , redoublent d'activité. Suivant Cruikshank et Broughton, l'in- spiration est lente eî profonde, l'expiration courte, fréquente, forcée , quelquefois accompaj^née de mouvemens répétés des muscles abdominaux. La difficulté de respirer augmente pendant les efforts , la course rapide , la préhension des ali- mens et le vomissement. Krimer assure que l'action du galva- nisme sur les nerfs coupés procure plus de liberté à la res- piration. Treviranns a vu , chez des Grenouilles auxquelles il avait pratiqué l'opération , les mouvemens de la respiration devenir désordonnés, mais sans cesser entièrement. 3° La conversion du sang veineux en sang artériel diminue plus tôt ou plus tard , et cesse tout-à-fait. Chez les Mammi- fères, le nez , les lèvres et la cavité buccale deviennent blê- mes, plombés ou bleus : il en est de même de la crête des Oiseaux ; le sang prend un caractère veineux dans le système aorlique et le cœur gauche. Dupuy avait conclu de là que la lésion du nerf anéantit immédiatement le travail chimique de la respiration , qu'elle détermine même une dégénérescence du sang , puisque celui-ci semble comme dissous , et que des animaux bien portans, dans les veines ou le tissu cellulaire desquels on l'injecte , périssent au bout de quelques jours , offrant les phénomènes de la gangrène. Mais Emmert a prouvé (4) Lft. ett., p. 6ë, Bd6 ÛË LA. RESPIRATION, que le sang demeure vermeil, dans le système aortiqiie, aussi long-temps que les poumons reçoivent encore une suffisante quantité d'air , que, quand il a pris l'aspect veineux, on peut lui rendre sa couleur naturelle au moyen de la respiration ar- tificielle , et que par conséquent sa conversion normale dans les poumons n'est arrêtée que par le trouble des mouvemens respiratoires, ce que Provençal , Dumas , Brodie et autres ont reconnu également. Du reste, Blainville croyait n'avoir observé aucun changement anormal dans le sang après la section du nerf pneumo-gasirique ; mais des faits en très-grand nombre s'élèvent contre cette assertion. 4o Chez les animaux qui sont morts par suite de l'expé- rience, on trouve les poumons distendus , gonflés, d'un rouge foncé et gorgés de sang. Suivant Defermon , Ware et Finlay , ils étaient moins pleins de sang lorsqu'on les avait exposés à l'influence du galvanisme. Le cœur renferme souvent des caillots de sang , et sa moitié droite est remplie outre mesure de ce liquide. Mayer et Arnold ont quelquefois rencontré des caillots dans les vaisseaux sanguins des poumons eux-mêmes. Les ramifications bronchiques contiennent presque toujours une grande quantité de mucus écumeux , parfois sanguino- lent. Ce mucus , suivant l'opinion de Brachet, met obstacle à l'entrée de l'air , empêche par conséquent le sang de devenir vermeil , et devient ainsi la cause de la mort. Mais cette sé- crétion copieuse et l'impossibilité de l'expulser supposent un autre état anormal. Souvent il s'épanche du sang dans le parenchyme des pou- mons, de sorte que ceux-ci , comme l'a vu Gruikshank , de- viennent fermes et denses , qu'ils tombent au fond de l'eau , suivant Wilson Philipp et Legallois, et que, d'après Ma- gendie , ils paraissent hépatisés , ne s'affaissent pas sur eux- mêmes lorsqu'on ouvre la poitrine , ne crépitent point quand on les comprime , et ne peuvent être complètement insuf- flés. Magendie admet , en conséquence , que la section du nerf trouble la circulation dans les vaisseaux capillaires des poumons , et qu' ellcdétermine par-là des épanchemens qui s'opposent à ce que l'air puisse entrer. Mais cette hépatisa-^ DE LA RESPIRATION. 5o7 tîon n'est point un phénomène constant, et on ne l'observe même pas dans le plus grand nombre des cas. 5° Brachet rejette donc l'explication de Magendie, et cher- che ailleurs la cause du mucus qui remplit les ramifications bronchiques au point d'interdire tout accès à l'air. Il croit que les poumons ne sont point sollicités à tousser ^ parce qu'ils ont perdu leur sensibilité; et en effet il a vu les vapeurs de l'acide chlorhydrique , ou de petites boules suspendues dans la tra- chée-artère, ne point provoquer la toux après la section du nerf. Il assure , en outre , que les animaux n'éprouvent plus, même lorsqu'on les place sous le récipient de la machine pneumatique , ou qu'on leur plonge la tête dans l'eau , l'ajji- tation qu'on remarque chez ceux qui suffoquent , et qu'on ne leur voit faire aucun effort pour attirer l'air dans la poitrine. Brodie avait déjà attribué l'effet mortel de la section à ce que le besoin de respirer n'est plus senti , et Arnold se prononce en faveur de cette opinion. Mais les change mens du mouve- ment respiratoire , qu'on a coutume d'observer , prouvent bien qu'il y a encore sentiment du besoin de respirer. Bra- chet n'a fait les observations rapportées plus haut que sur de jeunes Chiens, âgés seulement de trois jours, tandis que ceux qui étaient nés depuis cinq jours , faisaient les efforts ordinai- res ; or il ne donne qu'une explication forcée de celte diffé- rence quand il dit que c'est uniquement par l'effet de l'ha- bitude qu'on voit les muscles respiratoires continuer d'agir , quoique le besoin de respirer ne soit plus senti. 6° Legallois a vu la mort survenir tout aussi promptement après la section dti rameau laryngé inférieur qu'après celle du tronc nerveux entier; il l'attribue aussi, dans ce dernier cas, à un resserrement de la glotte, et il a réellement observé, sur un Lapin dont il avait mis la glotte à découvert, qu'après la sec- lion du nerf, les cartilages aryténoïdes se rapprochaient au point de ne plus laisser entre eux qu'une fente étroite. Ce qui vient à l'appui de sa manière de voir, c'est que la trachéoto- mie rend la respiration plus libre, qu'elle paraît aussi pro^ longer un peu les jours de l'animal, et que quand le nerf a été coupé au-dessous de son rameau laryngé inférieur, on observe d'abord peu ou point de gêne dans la respiration. 5o8 DE LA. RESPiRATIONo Magendie expliquait le phénomène lui-même par un antago- nisme entre les musclos et leurs nerfs. Le nerf laryngé supé- rieur doit, suivant lui, se distribuer aux muscles aryténoï- dienset cricoïdiens ; l'inférieur aux muscles crico-thyroidiens, de sorte que ceux-ci élargissent la gloUe, et ceux-là la res- serrent. De là vient, ajoute-t-il, que la section du nerf laryngé inférieur et du tronc entre ce rameau et le larynx supérieur entraîne la paralysie des muscles dilatateurs et la prépondé- rance des muscles constricteurs. Cependant Schlemm et Ar- nold ont fait voir que le nerf laryngé inférieur, comme l'avait déjà remarqué Portai (1), donne aussi des filets aux muscles aryténoïdiens, qui rétrécissent la glotte. Cette disposition a été confirmée par Reid (2), qui ajoute que les muscles crico- thyroïdiens seuls reçoivent des branches du laryngé supé- rieur. Krimer prétend avoir vu que la glotte s'ouvrait large- ment lorsqu'on irritait ou qu'on liait le nerf laryngé supérieur, qu'elle se fermait quand on coupait ce nerf, et que l'inverse avait lieu toutes les fois qu'on agissait de la même manière sur le nerf laryngé inféripur. Oa ne peut donc, ea général, ad- mettre qu'une parab/sie des muscles delà glotte, ayant sou- vent pour résultat Tagrandissement de cette ouverture; et, en efîet, Dupuy, Mayer, Leuret et Lassaigne ont vu qu'après la section du nerf pnetimo-gastrique, les alimens qui reve- naient à la bouche tombaient dans la irachée-artère, par la glotte. Enfin la section des deux nerfs laryngés inférieurs n'entraîne ordinairement point la mort, et Ton voit même se rétablir, au bout de quelque temps, la voix qm avait été abo- lie .d'abord, soit parce que les deux bouts des nerfs se re- collent, soit parce que les nerfs laryngés supérieurs acquiè- rent à eux seuls le degré d'influence qu'auparavant ils ne. possédaient qu'en commun avec les inférieurs. Au reste, Le- gallois ne considère l'occlusion même de la glotte que comme une cause accessoire de la mort, qui dépend surtout de l'af- fection des poumons, dont^ suivant lui, le tissu est lâche et sans ténacité. (1) Cours d'anaiomie médicale, t. IV, p. 207. — Trousseau et Belloc, Traité de la phthisie laryngée. Paris, d837, ;n-8. (2) Jrçhivûs générales, S^- sérient. I, p, 2^'l, CE LA ftESP-IRA.Î"lO]?î. 5o^ 7" La paralysie des poumons est incontestablement la cause de la mort. Les poumons, eu vertu des fibres musculaires éta- lées sur les romiMcations bronchiques, sont doués d'un mou- vement vital, qui consiste en un rétrécissement des voies aé- riennes*, et sur lequel la volonté exerce peu d'influence (§ 969, 7"). Le nerl pneumo-gastrique déterminue lesmouve- mens involontaires de l'œsophage (§ 957, 5°): il doit se com- porter de même à l'égard des fibres musculaires plastiques des poumons, et être la cause déterminante de l'action qu'ils déplosenl pendant l'inspiration, comme l'avait déjà reconnu Bariels(l). Après sa section, les poumons deviennent passifs, ils ne se coniractent plus convenablement eux-mêmes, mais ne font que céder au resserrement de la poitrine, occasioné par le relâchement des muscles inspirateurs et l'action des muscles abdominaux (2). De l<à vient qu'on les trouve extraor- dinairement distendus après la mort, ou, comme ledisent Halle et Pmel dans leur Rupport sur les expériences de Dupuy, à l'état d'inspiration. Or, comme, pendant l'inspiration, le sang aiflue avec plus de force aux poumons, et y séjourne plus long-temps (§ 766, 1°), il doit ici, où l'insufiisance de l'inspi- ration ne permet pas qu'il soit chassé avec assez de force dans le système aortique (§ 766., 3 ), déterminer une congestion passive, par suite de laquelle (§ 843, 4°) s'établissent une sé- crétion exagérée et même une infiltration sanguine dans les voies aériennes. Mais la cause essentielle de la mort tient à ce que la conversion normale du sang cesse dans les poumons paralysés : comme les ramifications bronchiques ne se con- tractent plus par une force qui leur soii propre, l'air décom- posé et surshagé de l'acide carbonique du sang veineux, n'est plus complètement expulsé, et par conséquent l'air frais ne peut plus entrer en quantité suffisante. Or, de ce qu'il man- que, non pas de l'air en général, mais de l'air respirable, il suit que l'animal doit redoubler ses efforts d'inspiration, qui d'ailleurs, étant plus soumis à l'empire de la volonté, sont aussi ceux qu'on appelle le plus volontiers à son secours daas tous les troubles de la respiration. (4) Die liespiration ala vom Gehirne alihœngigt Bewegung, p. 82. (2) Keynnud, Mém. sur VoUitcrntion des iro/ic/ie* (Mémoires de l'Acad, royale de médecine. Paris, 1835, t, IV, j). 417,) 5lO DE lA RESPIRATION. VI. Parmi les autres nerfs cérébraux, le facial agit en di- latant les narines et abaissant Thyoïde et la mâchoire inférieure pendant rexspiration. La petite portion du trijumeau relève la mâchoire pendant l'inspiration. Le grand hypoglosse contribue aussi aux mouvemens respiratoires, par son action sur les muscles de l'hyoïde et de la langue. VIL La moelle allongée est le point central des nerfs de la respiration, en sorte que sa destruction arrête sur-le-champ cette fonction, qui, au contraire, persiste encore pendant quelque temps , d'après Legallois, Treviranus, Flourens et Brachet, lorsqu'on enlève les autres parties du cerveau. VIII. On ne sait rien de l'influence qu'exerce peut-être le nerf grand sympathique. Lorsque Bichat coupait ce nerf, ou que Cooper en pratiquait la ligature, la respiration n'était pas troublée d'une manière sensible. La mort n'arrive pas plus tôt quand on le coupe avec le pneumo-gastrique, que quand on se contente de couper ce dernier seul. ARTICLÎS II. Des phénomènes chimiques de la respiration. ' § 972. Il a été question ailleurs des sécrétions du poumon (§ 8^, III; 816, III; 817, 1 ; 818, 1, III; 819, !"; 820, IV.) et de l'absorption que cet organe exerce sur les liquides et les vapeurs (§ 899, ïtl, IV; 903, I,). Nous devons nous occu- per ici de l'absorption des gaz par lui, c'est-à-dire de la respi- ration comme fonction qui concourt immédiatement à la for- mation du sang par Finlroductionde substances nouvelles dans l'économie. Nous apprenons à connaiue ce qui arrive dans la respiration en comparant l'air expiré avec l'air inspiré (§972), et le sang qui revient des organes respiratoires, qui a été sou- mis à l'influence de l'air, avec celui qui n'a point encore subi cette influence (§973). I. Cbangemens de l'air. I, Voyons d'abord ce qui arrive quand la respiration s'exerce sur Tair atmosphérique. 1« Nous avons déjà dit ( § 840 , 1» ) qu'en général les sub- DE tA RESPIRATION. 5ll Stances expirées égalent ou même surpassent un peu en poids l'air qui a été inspiré , mais que , eu égard au volume, il en entre plus dans les poumons que ces organes n'en rendent. Nous avons encore à ajouter quelque chose sons ce dernier rapport. Les anciens physiciens ( Boyle , Mayow , Haies ) avaient trouvé que, dans la respiration , l'air perd 0,033 à 0,071 de son volume, parce qu'ils mettaient l'air expiré en contact avec de l'eau qui absorbait l'acide carbonique. Au moyen d'expériences faites avec plus de précision , Davy (1) a reconnu qu'après une inspiration ordinaire de 13 pouces cubes , il expirait 0,3 pouce cube de moins d'air , ou 7,8 pouces cubes par minute , en évaluant à vingt-six le nombre des res- pirations pendant ce laps de temps : dans une forte inspiration de cent pouces cubes , l'air perdait 1,3 , et sa perte était de deux pouces cubes dans une autre de cent quarante-et-un. Celle perte est par minute de cinq à huit pouces cubes , sui- vant Henderson (2) , de 0,19 à 6,20 d'après AllenetPepys(3) , ce qui donne une moyenne de 2,87 pouces cubes. Un autre observateur (4) dit avoir perdu un pouce et demi cube d'air à chaque inspiration ; la vessie employée contenait deux cent cinquante pouces cubes d'air , qui furent inspirés et expirés soixauie-dix fois ; après avoir été conservée à la cave pendant vingt-quatre heures , elle n'en contenait plus que deux cent cinquante. Mais cette diminution ne provenait point, sans contredit, de la seule condensation de l'air par le froid , et elle dépendait aussi de ce que du gaz acide carbonique s'était échappé à travers les parois de la vessie. D'après Desprelz (o) , l'air perdit, à chaque minute , 0,27 pouce cube par la respi- ration d'un Chien , 0,20 par celle d'un Chat , 0,087 par celle d'un Lapin, 0,19 par celle d'une Chouette , et 0,004 par celle d'un Pigeon. 2° L'air qui revient des organes de la respiration contient moins d'oxygène qu'avant d'y avoir pénétré (§ 840 , %" ). La (1) Unlersuchuncj uehcr das Athmen, t. II, p. 100. (2) Gill)CTt, Aanalon, t. XIX, p. 448, (3) Philos. Trans., 18US, p. 253. (4) Medico-chirurgical review, t. XVII, p. 193. (5) Annales de chimie, t. XXVI, p. iHi, 5 lit DE tA RESλÎRâTïOîÎ. diminution est de trois à dix pour cent dans une respiration de Tbomme ; suivant Abernethy(l ), elle s'éiève à un pouce cube, et va jusqu'à deux lorsque la respiration se prolonge davantage ; Dalton l'évalue à un pouce et demi cube , Allen et Pepys à 1,4 pouce cube, Davy à 1,2, 3,8 ou 5 pouces cubes, sui- vant qu'on a inspiré treize , cent ou cent quarante-et-un pouces cubes d'air, mais seulement à 1,02 pouce cube quand le même air ( cent soixanie-et-un pouces cubes ) a été in- spiré et expiré dix-neuf fois. La consommation du gaz oxygène ( le poids du pouce cube étant estimé zr 0,42075 grain ) est, d'après les premières indications de Lavoisier et de S<"guin(2), de 41427 pouces cubes rr ^430 grains ; d'après les évalua- tions subséquentes de ces deux auteurs (3), de 38413 pouces cubes zz 16162 grains ; suivant Davy, de 45604 pouces cubes z= 19145 grains ; selon Allen et Pepys, de 39600 pouces cubes zz 36661 grains. Quoique les dispositions individuelles, l'état momentané de la vie, et les différences nées du mode d'expé- rimentation , rendent ces données plus ou moins inceriaiuf s , cependant les résultats de plusieurs observations peuvent conduire au moins à une approximali »n ; nous allons donc in- diquer ces diverses recherches, en ayant soin, pour rendre la comparaison plus facile , de les rapporter à une même échelle, la consommation d'oxygène pendant l'espace d'une minute, calculée en pouces cubes. Pouces cubes. I, Homme. Henderson (4). 4° Le même ah" (600 pou- ces cubes ) respiré plu- sieurs fois 13 2° Dans une autre expé- rience faite de la même • manière d5,9 Nystek (5). 1" Chez une femme 13,4 2° Chez un homme à poi- trine étroite 14,7 (1) Chirurgische und phy.iiologische f^ersuche, p. 441. (2) Hist. de VAcad. des sciences^ 4789, p. 577. (3) 76., 1790, p. 609. (4) Gilbert, Annalen, t. XIX, p. 448. (5) Rech, de •physiologie, p, 190. 11, Chiens. III. Chats. IF. Lapins. DE LA. RESPIRAÎIOM. 5l5 3" Chez un homme à poi- trine large 46 Lavoisier et 4° Dans leurs premières Segdin. indications 28,8 2o D'après leurs indica- tions subséquentes 2S,6 Allem et Pepys. Dans 49 respirations à 46 pouces cubes 27 Dalxoîî. Dans 20 respirations à 30 pouces cubes 30 Davt, Dans 26 respirations à 13 pouces cubes 34,6 Despretz (1). 1° Chiens de cinq ans 34,2 2° Chiens de sept à huit mois 2,27 Legallois(2). 4° Chiens d'un à deux mois 2,34 2" Chiens d'un à deux mois 1,70 Edwards (3). 4° Chiens d'un à deux mois, enfermés pendant deux heures 0,032 2° Chiens enfermés pen- dant cinq heures 0,046 Despretz (4). Chats renfermés pendant 93 minutes 4,71 Legauois (5). 1" Chats du poids de 1041 0 grains, pendant 180 mi- nutes 1,22 2° Chats du poids de 12401 grains, pendant 180 minutes 1,10 Behthoh:.et(6). 1" Pendant 150 minutes 1,55 2° Pendant 480 minutes 1,17 3'^ Pendant 220 minutes 1,11 4° Pendant 220 minutes 0,07 5« Pendant 226 minutes 1,25 (\) Annales de chimie, t. XXVI, p. 354. (2) OEuvreSy t. II, p. 65. (3) Ve l'influence des agens physiques, p. 644, (4) Loc. cit.. p. 365, (5) Loc. cit., p. 64. (6) Mém. de la société d'Arcueil, t. II, p. 461. IX. 33 5i4 DE tA RESPÎRATIOÏÎ. Legallois (1). 4" Lapin pesant 15550 peadant^^lSO grams minutes 0,85 2° Lapin pesant 16371 grains , pendant 180 minutes 0,94 30 Le même , pendant le même laps de temps 0,91 40 Lapin pesant 19293 grains , pendant 190 miaules 0,88 50 Lapin pesant 302139 grains , pendant 180 minutes 1,56 Despretz (2). 1" Vieux Lapin , pendant 96 minutes 2,35 2» Jeune Lapin , pendant 125 minutes 0,38 CotLAEB de (Respiration à l'air libre) Martignt (3). 1" Pendant 9 minutes 2,24 2° Pendant 11 minutes 2,28 3» Pendant 11 minutes <,91 40 Pendant 12 minutes 2,18 50 Pendant 12 njinutes 1,91 6° Pendant 13 minutes 1,83 7° Pendant 14 minutes 1,93 8° Pendant 15 minutes 2,26 F. Cahiai. Lavoisier et i;;, Seguin (4), Berihollet. l» Cabiai renfermé pendant 90 min. Legahois (5). 210 240 240 270 pesant Cabiai 6617 grains 20 9967 3" 10632 0,56—0,83 1,17 1,04 0,63 0,60 0,71 0,54 0,70 0,73 (1) Loe. cit., p. 63. (2) Loc. cit., p. 351. (3) Journal de physiologie par Magendie, t. X, p. 15â, (4) Hist. de l'Acad. des se., 1789, p. 572. (5) lioc. cit., p. 66. Î)E Li RESPIRAI ION, 5i5 Despretz (1). 0,53 Edwards. ^^ Cabiai renferi iné , pendant 97 min. 0,06 2o 403 0,05 3o 106 0,02 f^l. Marmotte, Saisst(2). 4,80 f^ll. Hérisson, Saisst. 4,30 Vlll. Muscardins. Saissy. 0,57 IX Chauve-souris. Saissy. 0,29 X. Souris. SCHDBLER (3). lo Souris 1 lenfermée , pendant ; 220 min. 0,037 2o 240 0,032 3o 243 0,028 4o 246 0,030 jtl. Chouettes. Despretz (4). 1,71 Xll. Pigeons. Despretz (5). Allen et Pepts 0.64 0,50 XllI. Moineaux, Edwards (6). 4o 2o 3o 4o 5o ' 0,038 0,04 0,056 0,055 0,052 Xlf^. J^erdiers. Edwards |7). 0,047 XF . Mésanges. SCHCELER (8), 0,056 Consommation d'oxvgène faite par des animaux à sang froid et invertébrés, dans l'espace d'une heure : /. Tortues. II. Lézards verts. III. Couleuvres. If^. Salamandres. SpALLAKZiNt (9). Spallanzani (10). Spallanzani (11). Spallanzani (12). 0,163 0,009 0,134 0,013 (4) Loc. cit., p. 353. (2) Hech. sur les animaux hihernans, p. 19. (3) Gilbert, Jnnalen, t. XXXIX, p. 328. (4) Loc. cit., p. 358. (5) Loc. cit., p. 357. (6^ Loc. cit., p. 645. {1) Loc. cit., p. 647. (8, Loc. cit., p. 343. (9) Rapport de l'air avec les êtres organisés, 1. 1, p. 280. (10) /6., p.2S9. (H) I/j., p. -198. (42) Ib-, p. 289. 5i6 DE lA RESPIRATION i V. Grenouilles. HuMEOLDï et Provençal (1). 0,016 Edwards (2). l» En juin 0,052 2" En juillet 0,039 3" En octobre 0,026 FI. Tanches. HuMBOtDT et Provençal. lo 7 ensemble dans l'eau pendant 8 1/2 heures 0,135 2° 7 6 0,148 3o3 7 1/2 0,202 4o 3 5 1/4 0,164 503 5 0,386 60 2 7 0,422 7° 1 17 seule 0,411 80 \ à l'air, terme moyen 0,027 Fil. Insectes. Tkeviramtis (3), . Abeille 0,011- Bombus lapida- rius 0,026 Bombus terres- tris 0,011 Mouche 0,004 Chenille et Papil- lon du chou 0,016 -0,027 Mars 0,026- -0,031 Libellule 0,013- -0,016 Calosome 0,010 Cétoine 0,005 Hanneton 0,001 FUI. Mollusques. Treviranus. Limace 0,014- -0,099 Limaçon 0,014- -0,020 IX. Isopodes et Annélides. Trevieahtis. Cloporte 0,004 Sangsue 0,010 Ver de terre 0,004 Quant à ce qui concerne les végétaux, nous savons seule- ment que la quantité de Toxygène contenu dans l'air est toujours diminuée par les plantes cellulaires qui ne sont point vertes (plusieurs lichens , quelques algues , les champignons), de même que, chez les végétaux vasculaires , par les racines, les branches effeuillées , les feuilles qui se fanent , les fleurs, les fruits mûrs et les graines qui lèvent, mais que toutes les (1) Mém. de la Soc. d'Arcueil, t. II, p. 389. (2) Loc. cit., p. 648. (3) Zeischrift fuer Physiologie^ t. IV, p. 4. DE LA RESPIRATION. Sl^ plantes sans exception la diminuent dans l'obscurité, effet plus sensible de la part des jeunes feuilles que des vieilles, du feuillage des arbres que de celui des herbes , et moins prononcé que partout ailleurs chez les arbres verts, les plan- tes grasses et les plantes marécageuses (1). 3° Lavoisier avait admis que le gaz azote de l'air atmosphé- rique n'augmente ni ne diminue pendant la respiration , et la plupart des physiciens ont marché sur ses traces à cet égard. Cependant quelques-unsont vu ce gaz augmenter. (§ 819, 1«), Priesiley croyait pouvoir conclure de ses expériences qu'il diminue. Abernethy (2) a trouvé que l'air expiré ne conte- nait que 0,725 d'azote , et que par conséquent la respiration lui en avait fait perdre 0,076; mais il n'en pensait pas moins qu'on ne doit point admettre une diminution réelle. Dans les expériences faites par Henderson , après quatre minutes de respiration , la quantité d'azote contenue dans quatre cent soixante-huit pouces cubes d'air, était diminuée de douze à dix-huit pouces cubes, ce qui fait environ 3 à 4,4 pouces cubes par minute, Pfaff a également observé une diminu- tion. Suivant Davy, l'air , dans une inspiration de treize pouces cubes , en perd 0,2 d'azote , ce qui , à vingt-six respirations par minute , ferait 5,2 pouces cubes pour chaque minute : la perte d'azote était de 1,3 pouce cube dans l'inspiration de cent pouces eubes d'air, et de deux pouces cubes dans celle de cent quarante -et -un pouces. Allen et Pepys ont trouvé que l'azote s'élevait à 0,79 tant dans l'air inspiré que dans l'air expiré ; mais comme ce dernier , pendant une in- spiration de onze minutes de durée, avait perdu de son vo- lume , malgré l'addition de l'acide carbonique , l'azote , pris d'une manière absolue , avait diminué d'environ dix-sept pouces cubes. Dans un autre cas, où, pendant vingt-quatre minutes et trente-sept secondes , il avait été inspiré neuf mille huit cent quatre-vingt'dix, et expiré neuf mille huit cent soixanie-et-douze pouces cubes, l'azote était demeuré le même (1) V. H. Dutrochet , Mém. pour servir à Vliist. anat. et physiol. des végétaux et des animaux. Taris , 2837, t. I, p. 320. — Raspail, Nouv, syst.de ■physiol. véijétale et botanique , Paris, 1837, t. II. p. M etsuiv? (2) Chirurtjische und physiologiscko Feraueke^ p« 142, 5l8 DE LA RESPIRATION. relativement , mais avait subi une diminution absolue d'à peu près quatorze pouces cubes , ce qui fait environ 0,57 pouce par minuîe. Humboldi et Provençal ont observé une dimi- nution de l'azote dans la respiration des Poissons , mais non dans celle des Grenouilles. Hermann (1) en a remarqué une dans celle des Oiseaux. Spallanzani avait entrevu à cet égard (2) , ce qui n'a été reconnu que plus tard par d'autres ( § 819, 1°), que la consommation d'azote n'a pas lieu constamment, qu'ea conséquence elle ne fait point partie essentielle de la respi- ration, qui, au contraire, entraîne toujours, et sans exception, une consommation d'oxygène. II. D'autres gaz , purs ou mélangés, subissent aussi une déperdition dans l'acte de la respir;*tion. 1° Davy (3) respira pendant une demi-minute, par sept inspi- rations profondes et prolongées, un mélange de soixante-dix- huit pouces cubes de guz oxygène et vingt-quatre de gaz azote; l'air expiré contenait 24,7 pouces cubes de moins -, mais , guidé par l'analogie, Davy admit que '13,3 pouces cubes de cette dernière quantité étaient encore dans les voies aérien- nes, qu'en conséquence la perte réelle se réduisait à 11,4 pouces cubes , ce qui la rendait inférieure à celle de gaz oxygène qu'eût éprouvée l'air atmosphérique. Un mélange de vingt-neuf pouces cubes d'azote et cent trente-trois d'oxy- gène fut respiré pendant deux minutes ; d'après le même calcul, la déperdition d'oxygène fut de cinquante-sept pouces cubes , tandis que , durant le même laps de temps , il en disparaît soixante-trois de l'air atmosphérique. Cependant l'hypothèse de Davy est refutée par les effets d'une respira- tion plus prolongée. Allen et Pepys (4) firent respirer pen- dant neuf minutes et un tiers , à un homme qui fit cent qua- tre-vingi-quatre inspirations, un mélanj^e de trois mille cent- soixante-dix-neuf pouces cubes d'oxyfîène et quatre-vingt-un d'azoîe ; l'air expiré contenait cinq cent-vingt-neuf poucesd'oxy- (1) Gilbert, Annalen, CVIII, p. 293. i (2) Mém. sur la respiration, p. 88, 158. (3) Loc. cif., p.l07. (4) Philos. Trans., 1808, p. 267. DE lA RESPIRATION. Blg gène de moins : il en avait donc perdu'cinquante-six par minute. Dans une autre expérience , où l'air inspiré se composait de 3334 5 pouces cubes d'oxy(;ène et 85,5 d'azote, et qui dura sept minutes vingt-cinq secondes, la perte d'oxygène fut de 632,38 pouces cubes, c'est-à-dire de quatre-vingt-quatre par minute. Un Cochon d'Inde respira pendant soixante-et-douze minutes dans un mélange de 962,6 pouces cubes d'oxygène et 97,4 d'azote (l);la perte fut trouvée de 160,85 pouces cubes, ce qui fait 2,23 par minute; un autre , plus petit, respira dans une moindre quantité de gaz , et la perte ne fut que de 1,62 pouce cube par minute. Suivant Lavoisier (2), un mélange semblable ne perdit que 0,64 d'oxygène par mi- nute, sous l'influence de la respiration d'un Cabiai. Les expé- riences ultérieures d'Allen et Pepys (3), sur des Pigeons, ont donné pour résultat qu'un mélange de 245,59 pouces cubes d'oxygène et 61,4 d'azote, a perdu 49,89 d'oxygène en soixante-douze minutes, ou 0,69 pouce cube par minute. Nysten (4), après avoir pompé t'air des poumons d'un petit Chien qui pesait six livres et demie , lui fit respirer un mé- lange de /i 8,8 pouces cubes d'oxygène et 14,6 d'azote; il trouva ensuite que le premier de ces gaz avait diminué de 43 pouces cubes en une demi-heure, c'est-à-dire de 1,43 par minute. Chez un autre Chien pareil , dont il avait aussi vidé les poumons, et qui respira un mélange de 56,27 pouces cubes d'oxygène et 1,74 d'azote, l'air expiré et l'air pompé des poumons contenaient, au bout de douze minutes, 53,8 pouces cubes d'oxygène de moins , ce qui fait 4,49 pouces cubes par minute. 2" Chez un petit Chien, qui respira cinquante- huit pouces cubes d'azo'e , après qu'on lui eut pompé l'air des pou'nons, ce gaz avait diminué , en trois minutes et demie , de 20,7 pouces cubes, rr 5,9 par minute. 3" Davy (5) respira cent pouces cubes de gaz oxyde d'azote, Cl) 7A.,1809, p. 415,418.' (2) Hist. de VAcad. des sciences, lySO,''?. 401. (3) Philos. Trans., 1829, p. 280. (4) Bech. de physiologie, p. 218. (5) Loe.'cit.j'p. 64. 520 DE LA RESPIRATION. mêlé avec deux pouces cubes d'air atmosphérique , et trouva soixante-et-onze pouces cubes de moins du premier dans l'air expiré. Après qu'il eut respiré un mélange de 179,5 pouces cubes de gaz oxyde d'azote et 2,5d'air atmosphérique, le premier avait diminué en quarante secondes de 90,75 pou- ces cubes. Comme Davy fait entrer en ligne de compte l'air resté dans les poumons , il évalue la perte , dans le premier cas , à 56,3 pouces cubes , dans le second , à 71,4 (1) , et la porte, terme moyen, à 120 pouces cubes par minute (2). 4" Davy fit en moins d'une demi-minute sept inspirations rapides dans une masse de 102 pouces cubes de gaz hydro- gène ; l'air expiré contenait 24 pouces cubes de moins de ce gaz. Six inspirations faites dans le même laps de temps enle- vèrent 28,4 pouces cubes d'une masse de gaz de cent-quatre- vingt-deux, et douze inspirations profondes suffirent pour faire subir une diminution de 25,4 pouces cubes à une autre de cent quarante-et-un (3). Suivant Allen et Pepys (4), trente-cinq pouces cubes d'hydrogène disparurent d'un mé- lange de cinquante-et-un pouces cubes d'azote , cinquante- et-ua d'oxygène et cent quarante-sept d'hydrogène, dans le- quel un Pigeon respira pendant vingt-six minutes. De 68,9 pouces cubes d'hydrogène que Nysien fit respirer à un petit Chien , après lui avoir vidé les poumons , il n'en restait plus que 53,7 au bout de trois minutes et demie (5). 6" î^ysten a également trouvé que la quantité du gaz acide carbonique diminuait dans la respiration (6). II. Changemeni du sang. § 973. I. L'effet immédiat de la respiration a été diverse- ment interprété , suivant que l'on considérait la vie sous tel ou tel point de vue. {i)Loc. cit., p. 83. (2)Loc.cit., p. 97. (3) toc. czî,, p. 72. (4) Loc. cit.. 4829, p. 284. (5) Loc. cit., p. 225. (6) Loc. cit., p. 224. Q DE LA. RESPIRATION. 5^1 1° Les iatro-mathématiciens n'admettaient qu'un change- ment mécanique de l'air et du sang. Ils niaient donc aussi , avec quelques autres physiologistes , qu'on dût reconnaître une différence essentielle entre le sang artériel et le sang vei- neux (§ 752, 1°). Le volume moins considérable de l'air ex- piré leur paraissait devoir être attribué à la diminution de son élasticité. Cette diminution avait pour effet de' condenser le sang selon Helvétius , et de l'atténuer suivant Baglivi. Comme les calculs de Haies supposaient que ce liquide cir- cule avec cinq fois plus de rapidité dans les poumons que dans d'autres parties, on pensait que ce surcroît de vélocité opère un mélange plus homogène de ces principes consti- tuans. On croyait encore que son mouvement tient à l'élasti- cité de l'air mêlé avec lui, et bien qu'il eût été depuis long- temps objecté (1) que l'air n'est point libre dans le sang, qu'il y est au contraire dissous (2) , cette hypothèse n'en a pas moins été reproduite par Lau (3), dans les temps moder- nes. Suivant lui, la contraction que les poumons éprouvent du- rant l'expiration force l'air à pénétrer dans les orifices béans des vaisseaux et à s'y mêler au sang; l'airl'atténue ainsi, rend sa couleur plus claire , et lui donne , en vertu de son élasticité , l'expansion au moyen de laquelle il entretient le mouvement du cœur et en général la vie. 2° Harvey , Haies et Haller avaient reconnu que la respi- ration débarrasse le sang des matériaux nuisibles qu'il con- tient. Mais déjà, depuis Démocrite, on admettait que l'air lui fournit aussi quelque principe nécessaire à la vie, et qu'on désignait sous le nom d'esprit vital ou de pneuma. Au dix- sepiième siècle seulement la découverte faite par Vanhel- mont de diverses sortes de gaz , posa les bases de la connais- sance chimique de l'atmosphère , et pendant la seconde moi- tié de ce siècle on commença en Angleterre à se faire une idée des changemens de composition qui accompagnent la respiration. En effet, Bathurst apprit le premier à connaître (4) Haller, Elem. physiol., t. III, p. 331. (2) I/k, p. 336. 3) ÏViderlegunij der chcmischcn Ansichton vom Aihmen^ p, 22-29. Baa DE LA RESPIRATION. l'oxygène aimosphériqiie sous le nom d'air nitreux, puis Muyow montra que cet air est le principe qui occasione la combustion pendant la respiration , et passe dans le sang pour agir comme esprit vitMl , après quoi Lower démontra que la couleur vermeille du sang dépend de celte action exercée par l'air. Mais les idées mécaniques qui régnaient alors par rapport à la vie , furent cause qu'une centaine d'an- nées s'écoulèrent avant qu'on voulût admettre cette décou- verte. Ce ne fut qu'au commencement du dix-huitième siècle que les observations de Lower furent confirmées par Cigna : Scheele et PriesUey reconnurent les principes conslituans de l'atmosphère , et Priestiey prouva que la respiration , sem- blable à la combustion des corps et à la conversion des mé- taux en oxydes, dépendait d'une absorption d'air déphlogisti- qué. Mais Lavoisier développa cette doctrine , et la conso- lida en la ratiachanlàun vaste système. 3° Quelques physiologistes opposèrent une théorie dynami- que à la doctrine chimique. Walther prétendait (1) que , les vaisseaux sanguins et les canaux aériens étant clos de toutes parts, il n'y a point passage de matières dans le sang, mais seulement changement des proportions intérieures , ayant pour résultat que le sang devient oxygéné et l'air désoxygéné, les poumons décomposant l'air atmosphérique en vertu d'une force qui h ur est inhérente. Wilbrand exprima plus formel- lement encore une opinion analogue , et Brandis (2) , mar- chant sur ses traces , soutint que l'air et le sang échangent leurs polarités , ce qui leur fait éprouver un changement de composition, sans qu'ils reçoivent rien l'un de l'antre , ou se communiquent l'un à l'autre aucune substance pondérable. Wil- brand (3) déclara enfin qu'il n'y a ni oxygène ni carbone, puisqu'on ne peut les voir, puisque la nature lumineuse des élémens est un fait , puisqu'on voit la combustion , et que la respiration consiste en ce que la nature lumineuse inhérente (1) Physiologie des Mensclien, t. II, p. 439-151. (2) Physiologie, p. 320. (3) Die JSatur des Athmuiujsprocessesy p. 11, 22. DE lA RESPIRATION. 52^ aux élémenset par suite la vivificalion intérieure sont commu- niquées à l'organisme. II. Mais ni la théorie mécanique, ni la théorie purement dynamique ne suffisent ici, et il y a réellement échange de matière. Ce qui le prouve, c'est que l'air et le sang subissent tous deux un changement de coraposilioa dans la respi- ration. 1° Nous savons d'abord que le sâng contient de l'air (§ 683, 2°). Lorsque, par exemple, on emplit un verre jusqu'au bord du sang coulant de la veine, et qu'on bouche hermétiquement ce vase, on voit , suivant Schullz (1), le sang, resserré sur lui-même par le refroidissement, laisser aussitôt dégager des bulles d'air dans le vide qui se produit. La sécrétion d'air (§ 817) en est également une preuve , et l'on voit même, chez certains Reptiles , des bulles d'air circuler avec le sang (2). D'après les observations de Magnus (3), on peut extraire du sang, terme moyen, 0,10, et quelquefois 0,12 de son volume d'air , ce qui n'empêche pas qu'il en contienne encore. 2° Un fait non moins certain , c'est que, mis en coniact im- médiatement avec l'air, le sang en absorbe quelque chose (§ 678, 1'), non seulement hors du corps, mais même dans les expériences d'infusion (§ 7^14, I) , où les gaz introduits en petite quantité se dissolvent rapidement dans ce liquide (4). Lorsqu'on met le sang qui coule d'une veine en contact avec un gaz quelconque, tous deux changent, comme pendant la respiration (§ 974, I) ; l'air atmosphérique , injecté dans le sang d'un animal vivant, subit, dans l'intérieur du système vasculaire , les mêmes changemens qu'il éprouve clans les or- ganes respiratoires ; l'air rassemblé, en pareil cas, dans le cœur droit, conienait, d'après Nyslen (5), 0,83 d'azote , 0,06 d'oxygène, et 0,11 d'acide carbonique. Tout gaz qui affecte l'organisme d'une manière spéciale , quand on le res- (i) Dus System der Circulation, p. 58. (2) Blunienbach, Kleine Schriflen, p. 71. (3) Gilbert, Annalen, CXVI, p. 600. (4) Nysten, htcherches de phi/sioloyie. Paris, 1811, p. 160. (5) Loe. cit., p. 153. 524 DE LA RESPIRATION. pire , produit les mêmes effets lorsqu'on Tiatrocluit immédia- tement dans la circulation (1). 3o II était tout aussi erroné d'admettre des orifices mutuels aux ramifications bronchiales et aux vaisseaux sanguins pour l'échange des matériaux, que de nier cet échange parce qu'il n'existe point de communication librement ouverte. Les bran- ches de l'artère pulmonaire suivent les divisions de la trachée- artère jusqu'à leurs extrémités en cul-de-sac , ou^ aux vési- cules pulmonaires , et se divisent sur chacune d'elles en plu- sieurs rameaux, qui se répandent à leur surface, y forment un réseau , puis se continuent par l'autre bout avec les veines si- tuées plus en dehors. Elles ont un diamètre de 0,002 à 0,003 ligne , quelquefois même seulement de 0,001, tandis que ce- lui des vésicules est de 0,125 ligne, et l'épaisseur de leurs parois de 0,005; à 0,010 ligne (2). Avec une telle ténuité des parois adossées, rien n'est plus facile qu'elles se laissent pé- nétrer ; les injections passent sans extravasation des artères pulmonaires, tantôt dans les veines , tantôt dans les bronches; !e premier cas a lieu surtout dans les poumons frais , et le se- cond dans ceux qui sont un peu anciens ; mais il ne s'opère pas de déchirure, car le liquide coloré passe seul, et la ma- tière colorante qu'on y a ajoutée reste. De même, les poumons sont sujets à des .liémorrhagies , que se soit par déchirure ou par transsudation. Du reste, Chaussier (3), qu'Abernethy avait déjà précédé en partie sous ce rapport, présumait que l'air ou son oxygène est absorbé par les vaisseaux lymphatiques des poumons, mêlé avec le chyle et la lymphe dans le canal thoracique , puis mêlé d'une manière plus intime avec le sang dans les poumons seulement. Mais comme le sang change in- stantanément de couleur en traversant le poumon qui respire (§ 974, 2°) , de même qu'il le fait lorsqu'on le met en contact immédiat avec l'air (§ 974, I) , il n'y a aucun motif d'admet- tre ce détour par le système lymphatique. 4" Les gaz pénètrent à travers les substances organiques (1) ib., p. 15. (2) Krause, Uandhuch dsr menscliUohen Anatomie, t. I, p^ 474. (3) Coutanceau, Révision des nouvelles doctrines, p. 70. CE LA RESPIRATION. ÔsB dans une proportion déterminée par leurs affinités récipro- ques. Ainsi Sœmmerrin.g('J) a remarqué que le caoutchouc laisse passer le gaz hydrogène, mais non l'air almosphériquR. Les substances animales surtout sont pénétrables , mais à des degrés divers : suivant Roggers (2) , le gaz acide carbonique passe à travers la substance du foie , plus abondamment à travers le péritoine , plus encore à travers la peau et surtout les membranes muqueuses. Le sang , qui se trouve séparé ainsi de l'air extérieur , éprouve les mêmes changemens que s'il était en contact immédiat avec lui. La disparition de l'emphysème du tissu cellulaire sous-cutané donne une idée de la facilité avec laquelle l'absorption de l'air s'accomplit sans ouvertures béantes ; il n'est donc pas douteux qu'une pénétra- tion à travers les parois a lieu aussi pendant la respiration , comme dans d'autres opérations de la vie (§§ 877, 904). Lors- que Bichat poussait une grande quantité d'air dans les pou- mons d'un Chien, et qu'ensuite il bouchait la trachée-artère, il voyait la mort survenir avec les mêmes symptômes qu'après la pénétration d'une grande quantité d'air dans le sang (3), puis trouvait partout ce dernier écumeux et mêlé de bulles d'air. Cependant il pourrait bien se faire qu'une déchirure ait eu lieu dans ces cas et autres analogues observés par Legallois. 4° Prieslley savait déjà que le conflit de l'air et du sang n'est arrêté ni par une vessie humide , ni par une cou- che de sérum étendue sur ce dernier ; la réaction ne cesse , suivant Rayer et Young (4) , que quand la couche a plusieurs pouces de hauteur. Le caillot desséché avec du papier gris rougit moins à l'air que le caillofhuraide (5); l'humectatioa des ramifications bronchiques , par leur exhalation aqueuse (§816,111), semble également, comme un certain degré {!) Dertkschriften der Akad. zu Muennchen^ t. III, p. 287. (2) Valentin, Repertorium , t. II, p. 199. [i)(lom^ixe7.^o\ïi\\&\iA, Rapport ùV Académie roij. de médecine {Bul- letin de l'Académie royale de médecine. Paris, 1838 , t. II, p. 182. — Anuissat, Rech. sw V introduction accidentelle de l'air dans les veines. Paris, 1839, in-8.— M^'w. de VAcad. roij. de viéd. Paris, 1836, t. V, p. 68, (4) Journal de chimie médicale, t. VIII, p. ',544. (5) Ib., p. 545. 52^ DE lA RESPIRATION, d'humidité de l'air, avoir de l'importance pour la respiration, de même que l'endosmose des gaz est favorisée par l'humi- dité. Les organes respiratoires sont toujours humides , même chez les animaux inférieurs , par exemple chez les Batraciens et certains Annélides, en tant qu'ils respirent l'air. Quant aux Insectes , comme la plupart d'entre eux vivent au milieu d'un air sec , leur respiration s'accomplit , non pas à la surface , mais dans intérieur de trachées constamment humides (1). Les branchies des Crustacés sont couvertes, de manière qu'elles ne se dessèchent pas facilement , et quand la dessiccation s'empare d'elles , l'animal meurt. Certains Crabes terrestres ont , d'après Audouin et Milne Edwards, divers organes pro- pres à recevoir l'eau et à la retenir pour l'humectation des branchies. Quelques Poissons peuvent respirer l'air , mais ils y périssent quand leurs branchies se dessèchent (2). La res- piration même des plantes cesse dans un air parfaitement sec. A. Echange de inatériaux. § 974. I. Lovï'er reconnut le premier que le sang devient plus vermeil par l'action de l'air atmosphérique, et Prieslley constata que ce dernier perd alors de l'oxygène, comme dans la respiration ; découverte qui , confirmée par un grand nombre d'observateurs, a reçu Tassentiment général. On avait prétendu que l'acquisition faite par le sang d'une couleur plus claire à sa surlace , provenait uniquement de la pesan- teur spécifique de ses parties colorées ; mais Hewson com- battit cette assertion par une expérience qui consistait à lier la veine jugulaire d'un animal , et à faire parvenir de l'air au sang dans la portion située au dessus de la ligature , oii ce liquide devenait vermeil , tandis qu'il conservait sa couleur noire dans la portion située au dessus. En essayant naguère encore de rattacher le changement de la couleur du sang à des circonstances mécaniques , Davy a également contribué à consolider la doctrine établie par (-l) Straus, Cons. sur VJnat. des animaux articulés, p. 315. (2) Edwards, De l'influenee des aijens physiques^ p. 148. — Milne Ed- Wavds, Hist. des Crustacés , Paris, 1834, t. I, p. 82, î)Ë £a Respiration. 62^ Priestley ( § 752, 1") ; car Chrislison {!) s'est convaincu que le sang veineux s'artérialise lor:5qu'on i'agiie avec de l'air atmos- phérique, tandis qu'il conserve sa couleur noire avec de l'hy- drogène , et que quand on agite avec de l'air atmosphérique dix pouces cubes de sang auquel on a enlevé sa fibrine , l'air perd 0,32 à 1,42 pouce cube de son oxygène. Lorsque HofF- mann (2) avait fait rougir du sang veineux par ce procédé , il le voyait repasser en quelques secondes à la couleur noire par l'effet d'un courant de gaz acide carbonique , puis s'é- claircir de nouveau sous l'inHuence de l'atmosphère. Il a déjà été parlé (§ 674,1°) des changemens que les pro- priétés physiques du sang éprouvent dans divers gaz. Nous ajouterons seulement ici qu'en agissant de la sorte, ces gaz subissent eux-mêmes une déperdition. Du gaz oxygène pur, dans lequel Ghristison avait introduit dix pouces cubes de sang , perdit 0,57 à 1,4 pouce cube. Suivant Davy (3), le qaz acide carbonique , le gaz hydrogène carboné , et iegaz oxyde d'azote , mis en contact avec du sang , éprouvèrent également quelque diminution. II. Des effets semblables ont lieu dans les poumons eux- mêmes. 1° La respiration artificielle (§ 765, 7°) fait passer le sang noir des animaux morts au rouge vermeil , et diminue la proportion de l'oxygène atmosphérique. Du gaz oxygène que Brodie (4) avait poussé dans les poumons de Lapins , diminua de vingt-cinq à vingt- sept pouces cubes en trente à trente- cinq minutes. 2° Des expériences multipliées ont démontré que la cou- leur vermeille du sang artériel tenait au renouvellement con- tinuel de l'air dans les poumons. Ainsi , par exemple , lors- que Emmert ouvrait la poitrine à des Lapins vivans (5), de ma- nière que les poumons s'affaissassent sur eux-mêmes , le sang restait noir , même dans les artères. S'il exprimait l'air des (1) Archives générales, t. XXYII, p. 241. (2) If'., 2^- série, t. IV, p. 666. (3) Unters^ichumj ueher das Jthmen, t. II, p. 47, 51. (4) Reil, ^rchiv, t. XII, p. 210. (5) yi., t. V, p. 406. 5^8 DE LA RESPIRATION. poumons par une compression exercée sur la poitrine , le sang de la carotide paraissait un peu plus foncé au bout de trente- deux secondes, et trente secondes après, il l'était entière- ment.Venait-il à lier la trachée-artère, après avoir empli les poumons à l'aide d'un soufflet, le sang de la carotide avait une teinte un peu foncée au bout de quinze secondes , et une cou- leur presque noire au bout de quarante-cinq secondes ; mais si l'on poussait alors de nouvel air dans les poumons , vingt- trois secondes suffisaient pour éclaircir la teinte du liquide, et quarante-cinq pour lui redonner sa couleur naturelle. Bichat coupa , sur des Chiens , la trachée-artère et une artère, aux- quelles il adapta des robinets -, quand il fermait le robinet de la trachée aussitôt après une inspiration , le sang artériel com- mençait à noircir au bout de trente secondes , et au bout de soixante à quatre-vingt-dix , il avait tous les caractères du sang veineux : cet effet avait lieu quelques secondes plus tôt , lorsque la trachée-artère avait été fermée à la suite d'une ex- piration ; si l'on retirait l'air des poumons à l'aide d'une se- ringue , il ne fallait que vingt minutes au sang pour noircir, et il acquérait cette teinte, non peu à peu, maisd'une manièresu- bite : avait-on, au contraire , poussé plus d'air dans les pou- mons qu'il ne s'en introduit par une inspiration ordinaire , le sang artériel ne commençait à noircir qu'au bout d'une minu- te, et mettait beaucoup plus de temps à devenir entièrement veineux : si l'on rouvrait la trachée au bout de quelques mi- nutes , on voyait une onde de sang vermeil succéder presque immédiatement à une onde noire , et au bout de trente minu- tes au plus, le sang des artères avait recouvré sa couleur natu- relle ; si l'on ne permettait à l'air de s'introduire que par une petite fente , le rougissement avait lieu avec tout autant de promptitude , mais la teinte n'était cependant point aussi vive. Brachet a également vu , sur un Chat , le sang de la carotide noircir deux minutes après la section du nerf pneumo-gastri- que, puis redevenir vermeil après la trachéotomie , et passer ainsi alternativement d'une teinte à l'autre suivant qu'on ou- vrait ou fermait la trachée-artère. Adaptez, dit Bichat, un robinet à la trachée-artère d'un animal, ouvrez l'abdomen, et fermez le robinet : au bout de deux ou trois minutes , ia teinte DE lA RESPIRATION. 5^9 rôugeâtre qui anime le fond blanc du péritoine se change en brun obscur , qu'on fait disparaître et reparaître à volonté en ouvrant le robinet et en le refermant. Bichat a fait la même re- marque sur les tissus des reins, des muscles, des nerfs, et sur les bourgeons charnus des plaies. Chez les asphyxiés, la face, la langue et les lèvres sont ordinairement livides , la face in- terne de l'estomac et de l'intestin plus foncée qu'à l'ordinaire, et les poumons d'un bleu foncé (i). Du reste, Bichat fait remar- quer que le sang qui s'écoule dans une opération chirurgicale prend également une teinte plus foncée quand la respiration est troublée. 3° La diflérence de couleur du sang dans le système aor- tique et dans celui de la veine cave est moins sensible partout lorsque la masse entière du sang n'entre pas librement en contact avec l'atmosphère dans les organes respiratoires. On s'en aperçoit à peine chez l'embryon ( § 467 , 10° ) ; elle est moins prononcée chez les Reptiles et les Poissons que chez les animaux à sang chaud , moins chez les Cétacés et les Oiseaux plongeurs que chez les Mammifères et les Oiseaux terrestres. Dans l'homme , la cyanose ou maladie bleue est déterminée par tout obstacle quelconque à ce que le sang et l'air entrent parfaitement en conflit ; elle l'est surtout par les vices de pre- mière conformation quijempêchent le sang d'arriver aux pou- mons , comme l'étroitesse et l'occlusion de l'artère pulmonaire, ou qui amènent le mélange du sang veineux avec le sang artériel, comme la persistance du trou ovale ou du conduit de Botal. III. Comme le sang veineux acquiert la couleur du sang artériel quand on l'expose , hors du corps , au contact de l'air, dont il diminue par là l'oxygène , comme la même coloration a lieu pendant la respiration , déterminée aussi parla présence de l'oxygène , dont la proportion diminue également dans l'air inspiié , comme enfin le sang absorbe les gaz en général, à peine élaii-il permis de dnuter que ce liquide absorbe de l'oxygène pendant la respiration , et que c'est là ce qui l'ar- lérialise. Mais il était réservé aux temps les plus rapprochés (1) A. Devergie, Dict. de méd. et de chir. jirat., Art. Asphyxie, t. III, p. 543. IX. 34 55o DE LA RESPIRATION. de nous d'établir définitivement cette doctrine sur des expé-^ riences directes. ^di 1*» Magnus (1) , au moyen de la machine pneumatique , a retiré du sang des Chevaux et des bêtes à cornes des gaz acide carbonique , azote et oxygène , dont voici les volumes propor^ lionnels en dix-millièmes. Somme Acide Oxygène. Azote. des gaz. carbonique. Sang veineux de Cheval 794 547=0,68S9 428=0,1613 119^:0,1498 Sang artériel de Cheval 1051 702=z0,6679 250=0,2378 99=0,0943 Sang veineux de Veau 716 556=0,7765 95=0,1326 65=0,0909 Sang artériel de Veau 4163 703=0,6045 279=6,2398 180=04557 Ces résultats s'accordent avec les observations faites autre- fois par Home (2), d'après lesquelles quatre onces de sang vei- neux donnèrent cent cinquante grains d'air avec douze grains et demi de gaz acide carbonique , et quatre onces de sang artériel deux cent cinquante-cinq grains d'air , avec dix grains et demi de gaz acide carbonique. Enschut (3) n'a pas trouvé d'oxygène dansle gaz dégagé du sang, mais (4) quarante pouces cubes de sang veineux lui ont fourni un pouce et demi et qua- rante de sang artériel 0,7 seulement de gaz acide carbonique. Bischoff (5) a retiré du gaz acide carbonique du sang veineux placé sous le récipient de la machine pneumatique, mais il n'en a point obtenu du sang artériel. Les expériences que nous avons rapportées précédemment ( § 875 , 9° ) ayant déjà donné des résultats semblables , il a fallu une réunion de cir- constances particulières pour que Van Maak (6) retirât peu ou point d'acide carbonique du sang veineux. 2°^Hofrmann (7) reçut le sang coulant des vaisseaux dans un vase contenant du gaz hydrogène j le veineux dégagea de l'acide carbonique, et l'artériel de l'oxygène. Bischoff (8) est (1) Gilbert, Annalen, t. CXVI, p. 599, (2) Lectures on comparative anatomy, t. Vj, p. 124. (3) Diss. de respirationis chymismo^ p, 85. (4)70., p. 115, 144. (5) ( ommentatio de respiratione, p. 11. ^ (6) Jahrhuecher der Medicin, t. IX, p. 348, (7) Froriep, Notisen, t. XXXVIII, p. 252. (8) loù, cit.f p. 47. DE LA RESPIRATION. 53 1 parvenu aux mêmes résultats en faisant passer du gaz hydro- gène à travers l'une et l'autre espèce de sanfj. Enschut (1) a extrait du sang veineux , par le moyen du gaz hydrogène ou azote, une quantité d'acide carbonique pius que double de celle qui provient du sang artériel. 3° Suivant H. Davy , le sang artériel dégage du gaz oxy- gène par l'action de la chaleur ; Enschut (2) a trouvé qu'à une température de 56 degrés R., le sang veineux en don- nait 0,050 à 0,100 , tandis que le sang artériel n'en fournis- sait que 0,025 à 0,066. 4° Les résultats de l'analyse élémentaire des deux sangs (§ 878, 3 ') sont j^arfaitemont d'accord avec tous ceux qui pré- cèdent. Il en est de même de ceux que Mulder a obtenus (3) en analysant la fibrine. Sang veineux. Sang artériel. Carbone 53,476 53,019 Hydrogène 6,952 6,828 Azote 15,291 15,462 Oxygène 23,281 24,691 IV. A l'égard de la conversion du gaz oxygène, 1° Seguin et Lavoisier (4) avaient dit qu'il n'était pas prouvé , mais qu'on devait supposer que la combustion opé- rée dans les poumons produisait de l'acide carbonique, l'oxy- gène de l'air atmosphérique se combinant avec le carbone des liquides sécrétés dans les ramifications bronchiques. Cette hy- pothèse fut admise comme un fait expérimental par beaucoup de physiologistes et de chimistes, Prout entre autres (5). Nous avons déjà fait connaître (§ 875, 9°) les argumens qui dépo- sent contre elles, en prouvant que l'acide carbonique se trouve déjà contenu dans le sang veineux , et qu'il n'est que sécrété dans'Jes poumons. Aux observations démontrant (§ 841, 6°, 8°) qu'il se dégage de l'acide carbonique, même pendant l'inspi- ration du gaz hydrogène et du gaz azote, il faut encore ajou- (1) Loc. cit., p. -115. (2) Loc. cit., p. 99, J42. (3) Gilbert, ^nnaZen, t. CXVI, p. 253. (4) Hist. de VAcad. des se, 1790, p. 606. 6) gclnveigger, Journal, t. XXVIII, p. 235, ; 552 DE LA RESPIRATION, ter celles qu'ont faites Muller et Bergemann (1). Nous avons également vu plus haut que du gaz acide carbonique se dégage du sang hors du corps, sans l'influence de l'oxygène, et qu'il y a une plus grande quantité de ce dernier gaz dans le sang arté- riel que dans le sang veineux. La principale difficulté que pré- sente l'hypothèse d'une sécrétion d'acide carbonique consiste, d'après Muller, en ce qu'on expire quinze à vingt-deux pou- ces cubes de ce gaz dans l'espace d'une minute, tandis que, durant le même laps de temps , le sang qui traverse les pou- mons ne dépasse point cinq livres , quantité qui ne pourrait contenir une si grande quantité d'acide carbonique. Mais il n'y a pas possibilité d'extraire du sang, hors du corps, tout le gaz qu'il renferme, en sorte qu'on ne saurait déterminer exac- tement la proportion de ce dernier. D'ailleurs Magnus (2) a obtenu d'un pouce cube de sang , en vingt-quatre heures , 0,37 pouces cube d'acide carbonique : si nous admettons qu'une livre de sang (à 1,056 de pesanteur spécifique) occupe un espace de plus de vingt-quatre pouces cubes , il s'ensui- vrait de là que cinq livres de sang contiendraient quarante- quatre pouces cubes de gaz acide carbonique. 2° L'oxygène passe donc dans le sang, et il n'y est em- ployé ni à former de l'acide acétique qui dégage l'acide car- bonique du carbonate de soude en se combinant avec la base de ce sel , comme l'admettent Tiedemann , Gmelin et Mit- scherlich (3) , ni à dégager le gaz acide carbonique contenu dans le cruor , comme le pensent PfafF et Van Maak; car le dégagement de ce gaz qui a lieu même sans le concours de l'oxygène , réfute complètement de telles hypothèses. On ne peut pas non plus , comme il a déjà été dit (§ 752, 4°) , ad- mettre celle de Lagrange , qui voulait que l'oxygène absorbé produisît l'acide carbonique, pendant la circulation , par sa combinaison avec le carbone du sang , car le sang artériel ne devient veineux qu'en présence de la substance organique sor lide. Ainsi , tout en reconnaissant avec Magnus [4) que l'oxy- (1) Haiidhvch der. Physiologie, 1. 1, p. 322. (2) Zeitschrift fuer Phijsioloyie, t. V, p. 3. (G) Loc. cit., p. 588. (0) Loe. cit., p. 602. DE LA RESPIRATION, 655 ^ène n'est employé à la formation de l'acide carboRÎque que dans les vaisseaux cfjpillaires du système aorfiqye , nous som- mes forcés d'admelire , avec Bischoft' (1), comme étant l'opi- nion la plus vraisemblable, que le carbone avec lequel il se combine ainsi chemin faisant, provient des organes. Cepen- dant, comme de l'oxygène se dépose également dans les or- ganes, il se pourrait faire aussi que sa combinaison avec le carbone n'eût lieu que dans la substance de ces derniers , et qu'ainsi l'acide carbonique passât tout formé dans le sang. Prout(2) admet que l'acide carbonique est produit dans les vais- seaux capillaires , pendant la nutrition des organes contenant de la gélatine , celle-ci se formant aux dépens de l'albumine , qui renferme 0,03 à 0,04 de carbone de plus qu'elle. Au reste, s'il est difficile, et plus, à ce qu'il paraît, dans certains cas que dans d'autres , d'extraire l'oxygène du sang par des moyens artificiels , cette circonstance indique moins un état de combinaison chimique qu'une forte adhésion du gaz ; car nous savons que l'eau elle-même ne laisse pas facile- ment échapper certains gaz qui sont mêlés avec; elle. 3" De l'air atmosphérique pénètre dans le sang pendant la respiration. En effet , d'après ce qui précède , le rapport du sang veineux au sang artériel, eu égard aux gaz en gé- néral, est de 100 : 132 ou 162. Configliachi (3j présume que la sécrétion de la vessie natatoire des Poissons tire sa source de l'air atmosphérique non décomposé qui se trouve mêlé avec le sang. Dé l'air, ou l'un de ses principes constituans, ap- paraît également partout où un vide se produit dans le sys- tème vasculaire (§§ 709, 6°; 715, 2^). Mais on ignore encore si , dans la respiration , le sang absorbe ou de l'oxygène seu- lement, ou , comme le pense Davy (4), de l'air atmosphérique, dont ensuite ce liquide retiendrait l'oxygène, laissant libre l'azote , qui serait en grande partie expiré. V. Le sang , de noir qu'il était , devient vermeil ou écar- late dans la respiration. (1) Loc. cit., p. 40. (2) Medico-chirurgical review, t. XXV, p. 112. (3) Schweigger, Journal, t, I, p. 152. (4) Loc. cit., t. II, p. 1J3. 534 Ï>E lA RESPIRATION, 1" Cet effet tient à une absorption d'oxygène et à une exha- lation d'acide carbonique. L'action du gaz oxygène sur le sang est trop évideoie hors du corps , pour qu'on puisse la mettre en doute. Le gaz acide carbonique fait prendre une teinte noire à ce liquide , sans le concours d'aucune autre cir- constance quelconque. Or, comme le sang veineux perd de l'acide carbonique dans la respiration , nous sommes en droit d'admettre que celte perle contribue au changement de cou- leur qu'il éprouve. Magnus (2) a vu le sang veineux auquel il enlevait de l'acide carbonique, prendre une teinte plus claire, moins vermeille cependant que celle du sang artériel , ce qui lui fait penser que ie changement de couleur ne dépend pas uniquement de l'exhalation d'acide carboniqne, mais tient en- core à l'absorption d'oxygène. Bischoff (3) a reconnu que l'en- lèvement de l'acide carbonique ne suffit pas pour produire cet effet ; car du sang veineux (5) qu'il en avait dépouillé conser- vait sa teinte noire par le gaz hydrogène ; mais on peut douter qu'il; ait réussi à enlever: autant d'acide carbonique que l'avait fait Magnus. -- ôi^' 2° Le .fang contient de l'eau et des sels, dont la pré- sence est la condition qui fait que l'absorption d'oxygène et l'exhalation ù'acide carbonique déterminent le changement de couleur^ ou du moins le rendent possible. Du caillot desséché pe rougit ni à l'air ni dans ie gaz oxygène. L'humidité a in- contestablement de l'influence, puisque partout elle favorise l'absorption de l'oxygène, ou même en est l'indispensable con- dition (§ 972, 8"). Mais les sels y prennent part aussi, comme l'ont prouvé Nasse (4) et Stevens (5). Lorsqu'on verse sur le caillot du sang de l'eau distillée , qui s'empare des sels, la couleur ne s'éclaircii point à l'air ou dans le gaz oxygène ; mais si on le plonge ensuite dans une dissolution saline, aus* sitôt il devient d'uu rouge vermeil. Suivant Stevens, les alca- (1) Loc. cit., p. 603. (2) Loc. cit., p. 36. (3) Xoc. ciï., p. 33. ' '' (4) Meckel, Deutsches Archiv, t. Il, p. 452. (5) Philos. Trans, 1835, p. 352. m El RESPIRATION, 535 lis et les acides, notamment l'acide carbonique, noircissent le sang, parce qu'ils en délraisent la neutralité, et les sels neu- tres sont la condition de sa coloration en rouge clair. Hoff- mann (1) a cependant remarqué qu'une trop grande quantité de sel noircissait ce liquide. Mais, d'après VanMaak, la ma- nifestation d'une couleur vermeille par l'action des sels, sup- pose toujours l'action de l'oxygène. Ces substances ne procu- rent jamais que la couleur rouge du sang veineux à celui qui a été noirci par l'acide carbonique. Rayer et Young (2) ne regardent pas non plus les sels comme la cause de la colora- tion , mais seulement comme la condition de l'aptitude du sang à s'oxygéner. Gregory et Irvi'ine (3) ont trouvé qu'il n'est pas possible d'opérer la conversion en sang vermeil par le moyen du sérum ou d'une faible dissolution saline qui lui ressemble, mais qu'une dissolution saturée de sel la dé- termine, même dans les gaz azote, hydrogène et acide carbo- nique. Au reste , Bischoif (4) fait aussi remarquer que le sang devenu foncé par l'eau distillée, reprend une teinte un peu plus claire à l'air ou,d^ns le gaz oxygène, mais qu'il acquiçjft promptement une couleur écarlate dans l'eau salée, sans néanmoins prendre entièrement l'apparence du sang artériel, ii^v qutre, le gaz oxygène donnant au sang un^ couleur com- plètement artérielle, sans rien changer à la proportion des sels, on doit le considérer comme la cause proprenient dite du changement de teinte opérée parla respiration, etçotmQÇ une condition essentielle à la production de ce même phénpfy. mène hors du corps. ^u. B. Effets des changemens du sang. § 975, 1. La couleur n'est pas la seule différence qui existe entre le sang artériel et le sang veineux ; il y en a d'autres encore, à la vérité inconstantes et équivoques, que nous avons (1) Loc. cit., p. 254. (2) Journal de chimie médicale, t. VIII, p. î)45. (3) Brandes, Archiv der Pharmacie, 2e série, t. I, p. 246. (4) Loc. cit., p. 31. 536 DE tA BEâPlRATlOJNf. déjà signalées {§ 751), et sur lesquelles i\asse(l)et Lecanu (2) ont fait de plus amples recherches. lo Le sang artériel contient moins d'eau, proporiionnelle- mentà ses principes solides (§ 751, 10°). Suivant Lecanu (3\ l'eau du sang veineux s'élevait à 0,795, et celle du sang arté- riel à 0,783 chez un Cheval ; à 0,804 pour le premier, et 0,735 pour le second, chez un autre Cheval. Comme l'exhalation aqueuse n'est point aussi considérable dans les poumons qu'à la peau (§ 817, 6°), comme aussi le chyle et la lymphe qui se mêlent au sang peu avant qu'il pénètre dans les poumons, contiennent proportionnellement plus d'eau que lui (§ ^^9,1^1")^ il paraît impossible d'expliquer comment la respiration peut accroître la proportion des matériaux solides. 2° La couleur, dont le changement est le phénomène le plus général et le plus évident de la respiration, ayant son siège dans les globules du sang , il est clair que ceux- ci doivent avoir la plus grande part au changement qu'elle siibit. Prout (4), entre autres, a reconnu qu'il n'y a que ces globules qui exhalent de l'acide carbonique et absorbent de l'oxygène, le sérum n'occasionant aucun changement dans l'air ambiant avant le moment où il commence à entrer en pu- tréfaction, ou du moins, suivant Berzelius, n'en déterminant qu'un fort peu considérable. Mais Prout croit que la partie co- lorée entre en conflit avec l'atmosphère sans sortir de sa com- binaison naturelle avec les globules du sang, tandis que, d'a- près Van Maak (5), lorsqu'on met cinq volumes de la dissolu- tion aqueuse de celte partie colorée en contact avec quatre volumes de gaz oxygène, elle en absorbe près de trois, puis devient vermeille par l'addition d'un liquide salin, d'où il con- clut que le cruor, chargé de carbone, fournit l'acide carbo- nique dans la respiration, parce qu'il l'échange contre de l'oxygène. Suivant Schuliz (6), les globules du sang, appelés (1) Vas Blut in mehrfachsr Beziehuny untersucht ^ p. 305-353. (2) Etudes chimiques sur le saîig. Paris, 1839, p. 74-86. (3) Xoc.cî^, p. 77. (4) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 222. (5) Jahrbuecher der Medicin, t. IX, p. 348. (6) Das System der Circulation^ p. 27, 54,136. DE LA RESPIRATION. 537 par lui vésicules respiratoires, sont un peu plus épais, plus renflés, moins plats et plus riches en matière colorante dans leur état veineux. Cependant il assure (1) que ce ne sont pas les anciens globules, gorj^fés de celte matière colorante, mais seulement les plus nouveaux, qui subissent une transfor- mation dans l'actede la respiration, et que ce phénomène tient à la production de l'enveloppe colorée par la métamorphose de leur noyau. Au reste, il existe une plus grande quantité de globules dans le sang artériel que dans le sang veineux (§ 761,8°). Lecanu Ta constaté (2) , leur poids étant Ide 0,106 dans le sang veineux d'un Cheval, et de 0,122 dans son sang artériel; de 0,111 dans le sang veineux d'un autre Cheval, et de 0,125 dans le sang artériel. ° 3« Lecanu (3) a obtenu, dans un cas, '|0, 005 de fibrine sèche du sang veineux, et 0,010 du sang artériel; dans un autre, 0,004 du premier, et 0,005 du second. Non-seulement la quantité de la fibrine s'accroît par la respiration, mais en- core la qualité de cette substance se perfectionne (§751, 7"), et le sang acquiert par là une plus grande coagulabilité (§ 751, 5"). Ainsi ce liquide est plus veineux et moins coagu- lable , chez les animaux hybernans, pendant l'engourdisse- ment (§ 612, 4°), et il a souvent perdu totalement la faculté de ^e coaguler chez les pendus, les noyés, les sujets asphyxiés par la vapeur du charbon. On a aussi observé quelque chose de semblable dans l'asthme. 4» Lecanu (4) et Letellier (5) ont trouvé, comme Denis, Pré- vost et Dumas, que la respiration diminue, mais non d'un ma- nière constante, la quantité de l'albumine, de l'extractif, de la graisse et des sels. 5» Mulder prétend que la matière colorante organique ne change point dans la respiration, que peut-être seulement le fer est oxydé et dégagé de l'acide carbonique avec lequel il (4) Journal de Hufeland, 1838, 4^ cah., p. 13. (2) Loc. cit., p. 83. (3) Zoc. cïf., p. 80. (4) Loc. cit., p. 32. (5) Bullclin de VAcud. roy, de mad., t. 1, p. 179 et G07. 538 DE U RESPIRATION, était combiné dans le sang veineux. Arnold (1) admet aussi que l'acide carbonique est uni à l'oxydule de fer du cruordans, le sang veineux, et qu'il devient libre pendant la respiration, cet oxydule .se transformant en oxyde (comp, § 686, 2°). IL La conversion du chyle et de la lymphe semble être opérée principalement par la respiration. Une difficulté chro- nique de respirer entraîne presque toujours l'amaigrisse- ment et la diminution de la quantité du sang. Autenrieih (2) dit que, chez les phthisiques , on voit, longtemps après, le repas , du chyle non altéré nager à la surface du sang tiré: de la veine. Quand bien même ce qu'il donne pour du chyle serait de la graisse , il n'y aurait rien de changé quant m fond , puisque cette graisse libre appartiendrait au chyle qui n'a point subi de transformation. Mais nos connaissances sont, encore fort imparfaites eu égard à ce qui concerne cette métamorphose. .<.? 1° Ce qui paraît y avoir de plus certain, c'est la décarbor- nisation du chyle , puisque , d'après Macaire et Marcel (3) û contient , comme le sang veineux, plus de carbone (0,55) que le sang artériel (0,50), et que de l'acide carbonique s'exhale incontestablement dans la respiration. Le chyle aug- mente la proportion du carbone dans le sang; suivant Scuda- more et Home (4), il se dégage , quelque temps après le repas, une plus grande quantité d'acide carbonique tant du sang tiré de la veine que de l'urine. Nous pouvons donc bien ad- mettre, avec Spallanzani (5), que la respiration élimine l'ex- cès de cet acide produit àlusuiiedeladigeslion.Cequinousen fournit la confirmation , c'est que, d'après les faits cités^illeqra» (§840, 5°), la quantité de l'acide carbonique expiré cor-' respond à celle des alimens qui ont été pris. Prout (6) et Cou- ta^iceau(7) objectent qu'on expire continuellement de l'acide 4»1 iv.r.molW'- M 9'ip ^«^■"-• fd) Lçhrhuch àer Physioioyie^Vïlfip. 252. (2) Reil, Archiv, t. VII, p. 7. (3) Annales de chimie, t. LI, p. î\83. (4) Lectures on comparative anatomy, t. III, p. 24; (5) Mém. sur la respiration, p. 218. (6) Schweigger, Journal, t. XXVIII, p. 236. (7) Révision des nouvellss doctrines^ p. 43. ^ m th. RESPIRATION. 539 carbonique, aussi bien après un jeûne prolongé qu'après l'a- chèvement de la conversion du chyle en sang; mais cette ob- jection n'aurait de portée qu'autant qu'on n'accorderait pas à la respiration d'autre but que d'agir sur le chyle. Que les animaux s'abandonnent volontiers , après avoir mangé , à un sommeil pendant lequel ils expirent moins d'acide carbonique, ce n'est pas là non plus une difficulté qui doive nous arrêter, car le sommeil n'a lieu d'ordinaire qu'au temps de la diges- tion stomacale, lorsqu'il n'est point encore arrivé de chyle dans le sang. Quant à ce que disent Lassaigne et Yvart (1), que les animaux expirent moins d'acide carbonique sous l'in- fluence d'une nourriture non azotée et par conséquent moins riche proportionnellement en carbone , ce phénomène ne peut être attribué qu'à la diminution de l'activité vitale. 2° Ce qui concerne les autres principes élémentaires est plus obscur ; car, d'après les analyses que nous avons rap- portées (§§ 878, 3°; 950, 10»), le chyle contient plus d'oxy- gène que le sang , et surpasse même le sang artériel sous ce rapport, chez les animaux herbivores. Il paraît certain que , quand la nourriture est végétale , la respiration consomme moinsd'oxygène. On a remarqué que les hommes qui vivaient uniquement de végétaux pouvaient demeurer plus longtemps sous la cloche du plongeur que ceux qui vivent de viande (2). Lassaigne et Yvart (3) assurent aussi que la quantité d'oxy- gène atmosphérique consommé par les animaux soumis à la nourriture non azotée était d'un cinquième moins considérable que celle qui a lieu sous Tinfluence d'alimens azotés. 3" D'après ces deux observateurs (4), la quantité de l'azote expiré était la même avec l'une et l'autre nourriture. Cepen- dant il y a moins d'azote dans le chyle que dans le sang , et celui qui existe en plus dans ce dernier doit , suivant l'opi- nion de Macaire et Marcet, provenir de la respiration, par conséquent avoir été enlevé à l'atmosphère. (1) Journal de chimie médicale, t. X, p. 449, (2) Froriep , Notizen, t. VIII, p. 137. — Dict, de l'industrie manufae^ turière. Paris, 1835, t. III, p. 448. (3) Loo. cit., p. 274; (4) Loc. cit., p. 273. 54ô OE LA. BESPIRATIÔN. 4° Le chyle et la lymphe contiennent plus d'eau que le sang , et sous ce rapport , ils peuvent déjà se rapprocher de lui par suite de l'exhalation aqueuse qui s'effectue dans les poumons. 5" La fibrine se développe en raison directe de la respira- tion ; encore incomplète chez l'embryon , elle acquiert son plein et entier développement, en même temps que les organes respiratoires, à l'époque de la puberté, devient plus abon- dante et plus parfaite chez les sujets à large poitrine , et de- meure faible toutes les fois que la respiration est troublée , par exemple dans la cyanose. C'est chez les Poissons qu'elle est le moins parfaite , et chez les Oiseaux qu'elle l'est le plus (1). La fibrine, encore incomplète dans le chyle, se per- fectionne donc sous l'influence de la respiration. Ce phéno- mène semble aussi supposer une absorption d'azote , quoique la diminution de l'acide carbonique et de l'eau puisse éga- lement y contribuer. Tiedemann et Gmelin (3) pensent que la fibrine se produit aux dépens de l'albumine, par l'effet de l'oxygène qu'on absorbe en respirant ; mais cette opinion ne saurait être admise , car la fibrine contient moins d'oxygène que l'albumine ( § 680, 2°). 6» Le chyle et la lymphe contiennent plus d'extractif et de graisse que le sang , dont la décarbonisation peut les rapprocher , sous ce rapport , en faisant peut-être servir ces substances au perfectionnement de l'albumine et de la fibrine. 7° Suivant Fourcroy , le phosphate de fer-blanc du chyle perdrait un peu de son acide par la soude du sang, et, porté ensuite à un plus haut degré d'oxydation par l'oxygène at- mosphérique , il prendrait ainsi une couleur rouge , qui de- viendrait celle du sang. Arnold (3) admet que le fer en s'oxy- dant forme l'hématosine avec l'albumine. Cependant l'état du fer dans le sang n'a point encore été constaté d'une manière - (1) Schrœder van der Kolk , Diss. systens sanguinis eoagulantis his' toriam, p. 50. (2) Bech. sur la digestion, t. Il, p. » (3) Xoc. ci*,, t. II, p. 255. DE LA RESPIRATION. 54 ^ tellement certaine que nous puissions rien dire de positif re- lativement à l'origine de la couleur roupe. (S" La conversion du chyle en sang rouge doit être attri- buée principalement à Tiofluence du gaz oxygène : du moins ce gaz donne-t-il aux globules du chyle une apparence qui les fait ressembler beaucoup à ceux du sang. Quelques gouttes de chyle laiteux provenant de la citerne d'un Chien furent mises, sur un verre de montre, dans un vase de verre, qu'on emplit sur-le-champ d'oxygène, et qu'on boucha ensuite her- métiquement. Au bout de vingt-quatre heures , le chyle était complètement divisé en caillot et sérum , le premier rouge , le second limpide comme de l'eau. Le rougissement était moins considérable que je ne m'y attendais ; il ne dépassait guère celui que j'avais quelquefois observé dans le contenu du canal thoracique exposé à l'air libre. Mais Je fus frappé de son intensité dans un autre cas, où j'avais employé du chyle provenant d'un Chien atteint de la maladie, et qui, avant l'expérience, avait la teinte jaune et la limpidité de l'urine, sans la moindre apparence laiteuse. Après avoir porté le tout sous le microscope, j'aperçus d'abord plusieurs gouttes d'huile éparses à la surface du caillot , et fort grosses , car elles avaient un cinquantième de ligne de diamètre. Ayant détaché de plus petites parties du caillot pour les examiner, je distinguai les globules du chyle convertis en corpuscules colorés , dont la teinte semblait jaune comme celle des glo- bules du sang vus au microscope; tous étaient de la même grosseur , et à peine plus petits que ceux du sang ; leur sur- face était lisse et nullement granulée. Ils paraissaient d'abord sphériques ; mais, lorsque je parvenais à les voir de côté , je reconnaissais en eux une forme ovalaire allongée : ils étaient donc lenticulaires , non pas biconcaves comme les globules du sang des Chiens, mais biconvexes. Ainsi l'influence du gaz oxygène avait fait perdre aux globules du chyle une partie de leurs caractères dislinctifs, savoir leur inégalité de volume et l'aspect granulé de leur surface ; elle leur avait procuré en outre ceux des globules du sang , c'est-à-dire la coloration et une forme lenticulaire. Le sérum , vu au microscope , était un liquide incolore et 542 DE LA RESPIRATION. limpide comme de l'eau , dans lequel on remarquait une mul- titude de corpuscules arrondis, ayant à peu-près le dixième du volume des globules du sang , dont les uns nageaient isolés , et les autres se montraient réunis en grandes masses. Le chyle, mis dans de l'eau distillée , à travers laquelle on fit passer un courant de gaz oxygène, ne donna aucun résultat particulier. On n'aperçut pas de rougissement sensible à l'œil nu : au contraire , il s'était formé de la fibrine blanche -, celle- ci, vue au microscope , paraissait consister en une masse ho- mogène de très-petits grains: on y remarquait quelques glo- bules, faiblement jaunâtres, de la grosseur d'un globule du sang. L'eau elle-même renfermait , outre des flocons très- déliés de fibrine , beaucoup de petits globules analogues à ceux qu'on découvrait dans le sérum. Je n'ai point encore réussi à observer immédiatement au microscope la conversion des globules du chyle par un cou- rant de gaz oxygène dirigé sur ce liquide ; le chyle se des- sèche trop vite pour cela sur une plaque de verre , et l'eau qu'on ajoute affaiblit l'action du gaz oxygène. Je n'ai jamais vu non plus , dans ces expériences , qu'un rougissement par- tiel, qui était déjà perceptible à l'œil nu.) (1) CHAPITRE II. Des rapports de la respiration avec la vie. AB.TICLE I. Des rapports généraux de la respiration avec Vorganisme. § 976. L Certains phénomènes de la nature inorganique , comme l'excitation de l'électricité, la cristallisation, etc., exigent pour condition la présence de l'air , sans laquelle non plus les premiers germes de la vie ne peuvent s'éveiller, ni aucune moisissure se développer à la surface des sub- stances en putréfaction , ou aucun animalcule infusoire s'en- gendrer dans les infusions. De même, la persistance oula durée (1) Addition d'Ëcnest Burdach. DE LA RESPIRATION. 543 de toute vie quelconque dépend du conflit continuel avec l'atmosphère.; C'est à la faveur seulement de ce conflit que le sang acquiert sa couleur vermeille, et, ainsi qu'on l'a démontré ailleurs (§ 743, II), le sang rutilant est le seul capable d'alimenter la vie, attendu que lui seul contient ce qui doit faire pleinement contraste avec les parties solides, que lui seul entre en conflit normal avec elles. La couleur rouge plus ou moins claire annonce donc aussi le plus ou moins d'énergie de la vie , et une asphyxie quelconque , qu*^lle tienne à l'inspiration de gaz irrespirables, à l'impos- sibilité d'admettre l'air dans les voies aériennes , ou à l'im- puissance des poumons à l'attirer dans leur intérieur , n'est autre chose qu'une mort de tous les organes s ms distinction , par défaut de sang artériel. Le sang veineux, surchargé d'acide carbonique, n'est point absolument hostile à la vie (§ 743 , 5") ; il ne le devient que parce qu'alors manque le sang artériel saturé d'oxygène. L'asphyxie qui survient dans un air renfermé, n'est pas non plus causée seulement par l'accumulation et l'influence de l'acide carbonique expiré ; elle l'est principalement par la diminution de l'oxygène ; car , bien qu'on ait soin d'absorber le premier de ces gaz , comme l'a fait Edwards (1) , la respiration n'en devient pas moins d'autant plus gênée et difîicile que le second di- minue davantage. La mort, dans les gaz dépourvus d'oxy- gène , dépend également , comme l'a dit Bischoff (2), de la seule absence de ce dernier, et non de la rétention dans le sang de l'acide carbonique , qui continue toujours de s'é- chapper par l'expiration (§ 841, 6°, 8"). Nysien a constaté aussi (3), par des expériences répétées, que du gaz oxygène, introduit immédiatement dans le système veineux , peut rem- placer la respiration pendant quelque temps : les Chiens pé- rissaient au bout de cinq minutes dans le gaz azote; mais, lorsqu'on leur avait préalablement injecté du gaz oxygène dans la veine jugulaire , la mort n'avait lieu qu'au bout de dix (1) De Vinfluence des aijens physiques sur la vie, p. 200. (2) Commentatio derespiratione, p. 40. (3) Mech. de physiol. et de chimie patholog.) pi 149. 544 ^^ ^^^ RESPIRATION. minutes ; cependant les animaux déjà asphyxiés ne revenaient point à la vie par l'effet de celte injection , qui ne modifiait pas non plus d'une manière sensible la couleur du sang chez les animaux vivans (1). Cette dernière circonstance semble indiquer que le gaz oxygène est plus efficace quand il pénètre en petite quantité , peu à peu et par endosmose , que quand il se trouve mêlé en masse avec le sang. IL A l'égard de l'action exercée par les diverses sortes de gaz : 1° Le gaz oxygène peut être respiré par l'homme pendant près de dix minutes. Il résulte de là une sensation agréable de chaleur et de bien-être dans la poitrime , et la circulation marche avec plus de vélocité. Chez les animaux qu'on y ren- ferme, il y a d'abord excitation, accélération de la respira- tion et de la circulation , puis accablement , avec faiblesse et rareté de la respiration ; la mort arrive plus tard que dans l'air atmosphérique non renouvelé , au bout d'à peu près quatre ou cinq heures ; mais elle ne tient ni au défaut de gaz oxygène, ni à la présence de l'acide carbonique expiré ; car, d'après Broughton (2), le gaz au milieu duquel les animaux ont péri est encore capable de rallumer une bougie soufflée, et d'en- tretenir la vie d'autres animaux aussi lOng-temps que celle des premiers. Les battemens du cœur sont forts et persistent encore quelque temps après l'extinction de la vie animale ; le mouvement des intestins dure aussi plus long-temps qu'à l'or- dinaire; le sang estécarlale etlrès-coagulable, même dans le système de la veine cave ; les poumons sont d'un rouge in- tense et gorgés de liquide , et le cœur droit renferme beau- coup plus de sang que le gauche. 2° Le gaz oxydule d'azote , qui a la propriété d'alimenter la flamme , peut être respiré pendant cinq minutes environ sans inconvénient. Outre une accélération de la respiration , il occasione un trouble des fonctions sensorielles et une sorte d'ivresse. Chez les animaux qu'on y tient enfermés, la mort arrive au milieu de phénomènes semblables à ceux qui sont (1) Ib., p. 62. (2) Archives générales, t. XXIII, p. 404, i)E LA RESPIRATION. 54 ^ déterminés par le gaz oxygène , seulement avec beaucoup plus de promptitude. 3° Les animaux meurent plus vite encore dans le gaz azote pur. On trouve que le sang se coagule lentement, et qu'il a une couleur foncée ; le cœur droit en regorge. Quelques gor- gées de ce gaz peuvent être respiré es sans danger. 4" L'homme peut également respirer le gaz hydrogène pendant une demi-minute : il n'en ressent qu'un trouble pas- sager des fonctions sensorielles. Les animaux y périssent comme dans le gaz azote. 5<* La mort est plus prompte dans le gaz acide carbonique , et plus rapide encore dans les gaz oxyde de carbone , hydro- gène carboné , hydrogène sulfuré , hydrogène phosphore , et oxyde d'azote (1). On trouve le sang d'une couleiir foncée, et accumulé surtout dans le cœur droit. Quelques bouffées de ces gaz déterminent également chez l'homme un trouble de la sen- sibilité générale, des fonctions sensorielles et de la conscience. § 977. Le degré du besoin de respirer varie beaucoup aux divers échelons de la vie. I. Ces variations se manifestent de plusieurs manières : 1° Elles sont d'abord relatives à la nature du milieu dans lequel l'organisme est appelé à respirer. Si le conflit avec l'atmosphère n'a lieu que d'une manière médiate , la vie se maintient malgré la petite quantité d'oxygène qui lui est of- ferte. Cette règle s'applique surtout aux Enlozoaires et aux embryons , pour lesquels le sang d'un autre organisme, pourvu de gaz oxygène par la respiration , lient lieu d'atmosphère. Mais elle est vraie aussi de tous les animaux qui respirent l'eau. Suivant Humboldt et Provençal , l'eau de rivière con- tient tout au plus 0,0287 d'air , à la vérité plus riche en oxy- gène que celui de l'atmosphère, puisqu'il en renferme jus- qu'à 0,315 ; l'eau contenant , au dire de Thomson, 0,0311 d'air et 0,290 d'oxygène, d'après ces deux indications, la quantité du gaz oxygène ne s'y élèverait pas à plus de 0,009 , c'est- à-dire qu'elle serait vingt-trois lois moins considérable que dans l'atmosphère. Comme le sang des branchies enlève de l'oxygène à l'air dissous dans l'eau, et lui communique de l'a- (1) Annales d'hygiène publique. Paris, 1835, t. Xllf, pa;,^ '-'Si. IX. 35 ^46 DE LA REStlRATiON. Cide carbonique , Teau rend ce dernier à l'atmosphère , à la» quelle elle soustrait en échaojje une cerlaine quantité d'air conienaiit la proportion d'ox.ygène qui vient d être indiquée. Spallatizani {^1) a trouvé que deux Moules avaient , dans l'es- pace de sept jours , enlevé à l'air surna^jeaiil l'eau 0,07 de son oxygène, et que quand, au lieu d'air, on répandait de l'azote a la surlace de l'eau, elles périssaieni au bout de trois jours. Les Poibsous meurent dans l'eau privée d'air , telle que l'eau dis- tillée ou bouillie , comme les ananaux à respiraiiun aérienne succombent dans le vide. Cariaduri versa une couche d huile sur l'eau dans laquelle nageait un Poisson , de manière à em- pêcher tout contact entre elle et l'aimusphere ; le Poisson eut bientôt consouimé tout le gaz oxygeue coaienu dans l eau , et il périt; après sa mort, on iniroàuisii dans le même hquide un second Poisbon, quin y vécut pas plus de cinq minutea. On enleva alors la couche d huile , et sans changer l'eau , on y mit un troisième Poisson, qui eut d abord de la peine a respirer, mais qui se trouva très-bien dès qu'on eut versé le hquide dans un vase plat, qui, préseniant plus de surface, pouvait absorber davantage d air et exhaler une plus grande quantité d'acide carbouique. Le mouvement iavorise l échange de sub- stances entre l air et l'ataiosphère ; aus.>i parvient-on, par soa secours, à maintenir un Poisson en vie dan!> une masse pro- portionneUement très-petite de liquide. Les animaux à pou- mons ne peuvent rester long-temp» sous l'eau que quand leur peau est apte à respirer , et cependant ils n'en éprouvent pas moins le besoin de se soumettre à l'action immédiate de l'at- mosphère , car les Grenouilles meurent dans l'eau bouilhe , couverte d'une couche d huile , ou hermétiquement renfer- mée (2). Chez les animaux qui respirent l'air d'une manière directe ; le besoin d'oxygène est exactement en rapport avec le séjour que leur organisation louteutière leur assigne; ceux qui doivent vivre dans des profondeurs, des cavernes, des marais, n'ont pas besoin d une atmosphère si riche en oxygène que ceux qui sont appelés à vivre dans les plaines et sur ie§ montagnes. (4) Mém. sur la respiration, p. 307. (2) Tievh-aims, Bioloyie, t. II, p. 4C9, DE t RESHHATION» 54;? 9° Lorsque la respiration s'accomplit dans un espace clos, où Talmosphère ne peut réparer les pertes de l'air décomposé par celle fonction, la mort survient tôt ou lard, dès que le milieu ne contient plus la quantité nécessaire d'oxygène, et qu'il est surchargé d'acide carbonique expiré. En pareil cas donc, un animal péril d'autant plus promptement que la quantité d'oxy- gène qu'il absorbe et ce le d'air carbonique qu'il exhale dans un temps donné sont plus considérables , et qu'il a besoin de rencontrer plus d'oxygène dans le niilieu pour pouvoir y res- pirer. Il vit d'autant plus long-temps , au contraire , qu'il consomme moins d'oxygène , qu'il produit moins d'acide car- bonique , et surtout qu'ayant la faculté de continuer à respi- rer, quelque faible que soit la quantité d'oxygène contenue dans le milieu , il peut vivre jusqu'à ce que la totalité de ces gaz soit épuisée. Cependant il y a d'antres circonstances en- core , sur lesquelles nous reviendrons plus loin , qui peuvent hâter ou retarder la mort. D'après Hnmboldt et Provençal (1) , les Poissons respirent encore dans de leau qui ne contient que 0,012 d'oxygène; mais, au-delà de ce terme , l'eau retient le reste du gaz avec tant de force qu'ils ne peuvent plus le lui enlever; alors ils viennent à la surface, afin de respirer l'air immédiatement avec leurs branchies hismides. Les Limaçons , au dire de Vauquelin, ne périssent, dans l'air renfermé , qu'après en avoir consommé tout l'oxygène. Chez les Insectes, les choses varient beaucoup, suivant que l'animal vit habituellement dans l'air pur ou impur. Dans deux pouces cubes d'air , une Abeille périt en duuze heu- res (2), une Cétoine en dix-sept, un Scarabée en trente- quatre, quand il ne reste plus d oxygène; dans trois pouces cubes d'air, un Nécrophore vécut cinq jours, sans consommer touil'oxygène (3). Les Reptiles, en général, paraissent continuer de vivre tant (1) Mdrn. de la Soc. d'Jrcueil^t. II, p. 379. (2) Zeitschrijt fuer Physiologie, l. IV, p. 29. (3) Snig,Di:quisitio7iesphysiologi>}ce circa respirationem insectorum et vermium, 14, p. 23, 40 . 548 DÉ tA RESPIRATION. qu'il y a encore un peu d'oxygène dans l'air. Les Batracieiîs, renfermés dans des corps solides , se contentent de l'air que ces derniers absorbent et qui arrive jusqu'à eux. Ed- wards (1) a vu des Grenouilles enfermées dans un espace étroit , avec de l'air sec , mourir au bout de trois jours , tan- dis que leur existence se prolongeait davantage dans du sable sec ; des Grenouilles , des Crapauds , des Salamandres, emprisonnés dans du plâtre , étaient encore vivans au bout de dix jours, mais morts au bout de deux mois. Suivant Buck- land (2) , des Crapauds renfermés dans des pierres calcaires , couvertes de plaques de verre ou de planchettes , et enterrés à trois pieds de profondeur , vécurent plus d'un an , tandis que ceux auxquels on donna pour prison des silex , succom- bèrent beaucoup plus tôt. Quant à ceux qu'on a trouvés dans des masses de pierre complètement solides , il est probable qu'une fissure , jadis existante , s'était bouchée depuis peu. Les Oiseaux sont de tous les animaux, ceux qui forment le plus frappant contraste avec les Reptiles. Ils consomment beaucoup d'oxygène en peu de temps, et périssent lorsqu'ils ont consommé les deux tiers de celui de l'air , c'est-à-dire quand ce dernier n'en contient plus que 0,07. Ainsi, d'après Schubler (3) , une Mésange consomme trois pouces et demi cubes de gaz oxygène par heure, et meurt, la plupart du temps, lorsqu'il y a encore 2,27 pouces cubes dans l'air. Suivant Edwards (4), les Moineaux vivent une heure et demie dans cinquante-cinq pouces cubes d'air, où. l'on a eu la précaution de mettre de l'alcali caustique, pour absorber l'acide carbonique expiré. Les Cabiais ne périssent qu'après avoir consommé les trois quarts du gaz oxygène (5) , c'est-à- dire lorsqu'il n'en reste plus que 0,05 dans Tair. Au dire de Schubler , une Souris consomma deux pouces cubes de gaz oxygène dans l'espace d'une heure , et mourut quoique l'air contînt encore 1,45 pouce cube de ce gaz. (1) De Vinfluence des agens physiques sur la vie , p. 16. (2) Bibliothèque universelle, t. LI, p. 39i. (3) Gilbert, Annalen, t. XXXIX, p. 343. (4) Loc. cit., p. 190. (5) Bostock, f^ersuoh ueber das Athemholen, p. 89. DE LA RESPIRATION. 549 Le cas de huit hommes qui demeurèrent enfermés pendant cent trente-six heures sous un éboulement d'une mine de char- bon, et qu'on retira près de suffoquer, se plaignant de douleurs en respirant , de céphalalgie, et de pesanteur dans les mem- bres (1), semblerait pouvoir nous apprendre quel est le mini- mum de la proportion d'oxygène de l'air sous l'influence de laquelle l'homme est capable de vivre ; mais , comme l'espace qui les renfermait avait 375 mètres cubes r= 20,848,939 pou- ces cubes , chacun de ces huit hommes eut par heure 4024 pouces cubes de gaz oxygène ; or, si nous admettons qu'après les deux premières heures , époque à laquelle les lumières s'éteignirent tout-à-coup, l'air ne contenait plus que 0,1 de gaz oxygène, chacun d'eux en eut 1944 pouces cubes : donc, en comparant cette donnée avec les faits cités précédemment ( § 972, 2") , il est clair que ces hommes souffrirent moins du manque d'air respirable que du défaut de nourriture , de cha- leur et de lumière. 3° La plupart des Insectes vivent plusieurs heures dans l'air raréfié par la machine pneumatique ; ils finissent toutefois par y tomber dans un état de mort apparente ; mais, même après avoir passé quelques heures dans cette situation, ils re- viennent à la vie lorsqu'on les expose au grand air (2). Des Limaçons ne périrent sous le récipient de la machine qu'au bout de quelques jours (3). La mort des Grenouilles et des Salamandres n'eut lieu qu'après une heure et demie à trois heures (4). 4° Les Poissons auxquels on lie les opercules périssent en quinze à vingt minutes ; si on leur tient la bouche ouverte, au moyen d'un petit bâton, ils vivent le double de temps (5). Les Poissons dorés périssent en une demi-heure à une heure et demie dans l'eau complètement purgée d'air, et les Anguilles en deux heures et un quart, d'après Humboldt et Provençal. (4) annales d'hyyiène publique et de Médecine légale, Paris, 1836 , t. XVI, p. 206 ; t. XVIII, p. 485. (2) Straus, Considérât, sur les animaux articulés, p. 308, (3) Spallanzani, Mém. sur la respiration, ip. 133. (4) Edwards, loc. cit , p. 584. (5) Nasse, IJntcrsnchunijcii :iur Physiuloi^io, t. I, p. 478. 55o DE LA RESPIRATION. La plupart des Insectes ne tardent pas à être asphyxiés dans l'eau ; mais ils reprennent vie dans Tair, même après être de- meurés plusieurs jours dans cet état de mort apparente. Ceux qui passent leur vie dansTeau périssent quand on les empêche devenir puiser de temps en temps de l'air à la surface. L huile dont on enduit les stigmates produit le même effet que l'im- mersion, sur ces animaux (1). Carradori a vu des Grenouilles mourir en sept heures dans l'eau de vases ouverts, en soixante- et-quinze minutes dans celle de vases clos, au bout de vingt minutes dans de l'eau où un animal de leur espèce avait déjà succombé, et en un quart d'heure dans de l'eau bouillie. Les Tortues pélagiques étouffent lorsqu'on les relient qu Ique temps sous l'eau au moyen d'un filet. Les Oiseaux périssent promptement dans l'eau ; les Plongeurs eux mêmes n'y peu- vent pas rester plus de quelques minutes (2); les Mammifères terrestres sont asphyxiés après deux à (|uaire mimites de sé- jour dans l'eau : les Cétacés y restent cinq à dix minutes, ou quinze à vingt minutes quand ils cherchent leur nourriture (3); les Phoques , pris sous la glace , la brisent avec leurs griffes, pour pouvoir mettre la tête hors de l'eau, et, lorsqu'ils dor- ment, ils tiennent la tête h<»rs de l'eyu, comme tous les autres Mammifères marins. La plupart des plongeurs de profession ne restent pas plus de deux minutes sous 1 eau (4); mais il est très-possilDle que la pesanteur de la colonne de liquide rende le séjour dans l'eau de mer plus difficile, puisqu'un homme doué d'une forte poitrine est capable de plongt-r pendant près de huit minutes (?) dans une rivière. Au reste , les hommes, quand ils ne sont pas restés beaucoup plus d'une demi-heure dans l'eau , peuvent aussi être tirés de leur état de mort ap- parente. 5° Les gaz irrespirables, comme l'hydrogène sulfuré, l'hy- drogène carboné, etc., ne sont pas, suivant Slraus (5), aussi (1) Treviranus, Biologie, t. IV, p. i51. (2) Edwards, loc. cit., p. 463. (3) Scoresby, Tayehuch einer Reise aufden TFallfischfang, p. 494. (4j Haller, Elem. physiol.^ t. III, p. 268.— rroriep, JSotisen^ t. XLVI, p. 6. (5) Loc. cit., p. 3J0. DE LA RESPIRATION. 55l nuisibles aux Infectes qu'aux animaux vertébrés ; ils ne dé- terminent souvent qu'une asphyxie, qui se dissipe au grand air. Les Poissons meurent au bout de quelques heures dans le gaz hydrogène pur ou mêléàl'e^u ; leur mort est pins prompte dans le gaz acide carbonique {1). Les Grenouilles tombent en asphyxie dans ce dernier gaz, au bout d'environ neuf minu- tes, tandis qu'une minute de séjour suffit pour luer des Pi- geons (2). IL Les circonstnncps auxquelles se rattache l'intensité du besoin de respiration sont relatives, ou à l'espèce de l'animal, ou à son inHividiia'ité, ou à des particularités extérieures. 1o A un haut degré d'organisation, lorsque la vie jouit d'une grande activité, et que le développement de la chaleur est con- sidérable, le besoin d'un air chargé d'oxygène se fait sentir d'unemanière plus pressante, et'aronsommation d'oxygèneest plus grande. Chez les animaux inférieurs, il suffit pour en- tretenir la vie, d'un conflit médiocre avec l'atmosphère , et d'une moindre proportion d'oxygène dans le milieu ambiant. Du reste, le volume du corps influe aussi sur le besoin de ce dernier gaz. 2o A part ces circonstances, il ti^^nt au séjour qu'une espèce animale est destinée à habiter, qu'elle éprouve un besoin plus ou moins pressant de respirer; cnr chaque espèce de milieu sert de séjour a des êtres vivans déterminés. Nous retrouvons aussi çà et là des particularités d'organisation qui font que l'animal peut se passer, pendant quelque temps, de l'air ou de l'eau aérée, et qui se rattachent ou à la disposition des organes respiratoires eux-mêmes, ou à celle du système vas- culaire. Il y en a d'abord en vertu desquelles le mi'ifn destiné à être respiré peut être retenu en certaine quantité à 1 ' sur- face ou duns rintérieiir du corps. Les Hydrophiles, en , lon- geant, emportent avec eux des bulles d'air, qui s'attar-hent aux poils fins et serrés dont leurs stigmates sont g^nis. Les Gyrins sortent de l'eau la partie postérieure de leur corps, soulèvent leurs élytres, de manière à laisser l'air entrer des- (1) Mém. de la Soc. d'Arcueil, t. II, p. 394. (2) Blunienbach, Kleinc Schriften, r. 80. 552 DE LA RESPIRATION. SOUS, les abaissent ensuite, et rentrent dans l'eau avec la pro- vision d'air qu'ils ont faite ainsi (1). Certains Poissons, l'An- guille, par exemple, retiennent l'eau dans leurs branchies, quand ils sont hors de l'eau, et peuvent de cette manière vi- vre des jours entiers sur la terre. La capacité du système tra- chéal, chez les Insectes, leur permet de conserver pendant quelque temps,dans leur corps, une certaine quantité d'air non décomposé, qui peut servira leur consommation pendant que le séjour de l'atmosphère leur est interdit. Les poumons à grandes cellules des Reptiles se comportent de la même ma- nière, surtout la partie postérieure de ceux des Serpens, qui, ne recevant point de vaisseaux sanguins, ne peut évidemment que remplir l'office de réservoirs d'air. Les poumons des Mammifères aquatiques ont également cela de particulier, que les dernières ramifications des bronches offrent encore un dia- mètre 'considérable, de sorte qu'elles" renferment propor- tionnellement plus d'air qu'elles n'offrent d'espace pour la distribution des vaisseaux sanguins. Ainsi, chez un Manati long de neuf pieds, la longueur des poumons était de trois, et ces organes, remplis d'air, avaient une capacité de plus de mille pouces cubes. Des dispositions organiques du système vasculaire permet- tant à l'animal de se passer pendant quelque temps de la respiration empêchent le sang d'affluer en abondance dans les organes respiratoires, ceux-ci n'en laissant passer qu'une petite quantité, tant qu'ils n'agissent point. Ainsi, chez les Cé- tacés, les Phoques, les Loutres et les Plongeons, les troncs des veines caves sont fort amples, leurs branches forment des réseaux très-développés, et souvent aussi le cœur droit est très-spacieux (§742, 2°). Ici le sang peut être empêché d'ar- river aux poumons. Mais ailleurs, chez les Reptiles, par exem- ple, il peut en être déiourné (§ 967, 6% 7°, 8°). Nous ignorons encore si un rôle analogue appartient aux réservoirs du sang qui s'abouchent dans la veine cave chez certains Poissons (2), (1) Treviranus, Biologie, t, JV, p. 456, (l)IlathKe^ Bemerhm^on m^frêm innern Bau âerPHche^ p, 1\, DE tA RESPIRATION. 553 et qui, chez les Décapodes, les Céphalopodes, les Bivalves, réunissent le sang avant qu'il coule aux branchies (1). 3° Edwards (2) a fait, comme plusieurs autres observa- teurs, la remarque que deux individus , d'ailleurs semblables, d'une même espèce , diffèrent beaucoup l'un de l'autre , eu égard à la consommation qu'ils font d'oxygène, quoiqu'ils soient placés au milieu des mêmes circonstances , et que le& mouvemens respiratoires aient la même fréquence chez tous deux ; la différence va souvent au point qu'il y en a un qui vit trois fois aussi long-temps que l'autre dans de l'air renfermé. La constitution , le tempérament , les particularités de la vie animale (§978, 1°), de la circulation (§ 979, 2°), de la diges- tion (§ 979, 4°) et des sécrétions, en sont les causes apprécia- bles. L'habitude n'est pas non plus sans influence : un genre de vie sédentaire , le séjour dans un air renfermé et impur , la faiblesse des mouvemens respiratoires , diminuent peu à peu la coDSommalioa et par suite le besoin d'oxygène. 4° Spallanzani (3) avait observé que , quand la chaleur est élevée , les animaux éprouvent un plus grand besoin de res- piration , consomment davantage d'oxygène , et par consé- quent périssent plus vite dans l'air renfermé. Une Chenille , par exemple, consomma, en cinq heures, 0,01 d'oxygène à deux degrés au dessus de zéro , et 0,08 à dix-sept degrés. Suivant Delaroche (4) , l'effet est moins prononcé chez les ani ■■ maux à sang chaud que chez ceux à sang froid. Cependant , d'après Saissy (5) , la proportion de la consommation d'oxy- gène (calculée en pouces cubes) à la température de sept de- grés , était à celle qui eut lieu sous l'influence d'une tempé- rature plus élevée, :: 3 : 7 chez les Chauve-Souris ; ::20 : 34 chez les Muscardins ; :: 26 : 80 chez les Hérissons; :: 71 : 107 chez les Marmottes. C'est aussi à cette diminution de l'ab- sorption d'oxygène qu'il tient que les accidens auxquels sont (1) Meckel, Archw fuer Anatomie, 1828, p. 502, (2) Loc. cit., p. 486. (3) Loc. cit., p. 433, 148, 320. (4) Nouv. Bulletin do la soc. Philçm., t, III, p. 331, (5) /?et7t. .lur les afiinmxig; hyvermns, y. 29, 554 I>E lA RESPIRATION. sujets les individus atteints de cyanose augmentent pendant la saison froide. Edwards a confirmé (1) par ses expériences sur des Gre- nouilles , que quand le libre exercice de la respiration pul- monaire n'a point lieu , la vie est maintenue pl'js long-temps, par la respiration cutanée, sous l'influence du froid que sous celle de la chaleur. Des Poissons périrent aussi d'autant plus promptement dans de l'eau purgée d'air , que la température était plus élevée. Mais Edwards a observé, en outre, que la sai- son et l'habitude n'étaient point non plus sans portée. Vers la fin de l'automne, lorsque le temps était froid depuis quelques mois déjà , et qu'en conséquence l'organisme s'était accou- tumé à une moindre consommation d'oxygène , la respiration cutanée soutenue la vie des Grenouilles plus long-iemps qu'elle ne le faisait en hiver, à la même température de l'eau (2). Il croit pouvoir également conclure de ses expé- riences que les animaux à sang chaud consomment plus d'oxy- gène en hiver qu'en été, car des Loriots et des Verdiers, renfermés dans soixante cinq pouces cubes d'air, périrent Yingt minutes plus tôt au mois dejanvier qu'au mois d'août (3). Au reste , nous avons déjà vu (§ 839, 6>) que la chaleur exté- rieure favorise l'exhalation de î'acide carbonique. ô'-^ D'après les observations de Schubler (4), des Souris pé- rirent soixante-et-quinze minutes plutôt dans l'air renfermé qui avait été électrisé, surtout positivement : elles avaient, du- rant un même laps de temps , consommé plus d'oxygène dans cet air que dans celui qui était sans électricité. La mort des Oiseaux fut accélérée aussi par Téleclrisation de l'air , mais seulement d'enviion seize minutes , ce dont Schubler attribue la cause à ce que ces animaux sont destinés à vivre dans les hautes régions de l'atmosphère , qui souvent sont fortement électriques. -. (1) Loc. cit., p. 26. (2) Ib., p. 35. (3) Ih., p. 200. (4) Gilbert, J/malen, t. XXXLX, p. 336. DE lA RESPIRATION. 555 ARTICLE II. Des rapports spéciaux de la respiration avec Vorganisme. I, Rapports avec la vie animale» § 978- La respiraiioa a des connexions intimes avec la vie animale ; I. Et d'abord avec l'action cérébrale. lo Elle influe sur les fonctions de Tencéphale, non pas tant parce qu'elle consiste en un échange de malériniix (§ 847, 7»), que parce qu'elle excite les mouvems ns nécessaires pour cela (§ 971). C'est ainsi que l'artériotomie doune quelquefois issue à un sang noir chez les apoplectiques (1). La respiraiioa est plus faible pendant le sommeil (§ 60(5, 8")- Allen et Pepys ont remarqué , dans leurs expériences , que les animaux ex- pirent moins d'acide carbouiiiue lorsqu'ils sont pris de l'envie de dormir. La respiration baisse encore davantage pendant l'engourdissement hivernal ( § 612 , 2")- Des Chenilles qui consommaient 0,09 d'oxygène en dix-huit heures lorsqu'elles jouissaient de leur pleine et entière viiaiiié, n'en consommè- rent plus que 0,07 au moment où elles allaient se changer en chrysalides : quand on bouchait leurs stigmates avec de l'huile, elles périssaient, dans le premier cas au bout de qua- tre minutes , dans le second au bout de neuf seulement : des chrysalides purent rester deux heures sous l'eau , sans mou- rir (2). L'exercice des facuhés intellectuelles détourne la vie nerveuse des fonctions purement corporelles; un homme en- foncé dans le calme de la médilaiion a une respiration faible, à peine perceptible, et ce n'est que de temps en temps, sur- tout lorsque sa pensée s'arrête un peu, qu'il fait une inspira- tion plus profonde : des éludes uniformes et soutenues peu- vent donc amener l'asthme. Au couiraire, la respiraiiou est rapide et fréquente toutes les fois que le moral et l'imagina- tion sont excités : les inspirations sont profondes et vigou- reuses dans la colère et les autres passions stimulantes, cour- tes et faibles dans la frayeur , la tristesse , le chagrin. (1) Magendie, Leçons sur les phénomènos dp lu vie, t. I, p. 441. J. Cru- veilhier, Dict. de Méd. et de Chir. pratiques^ ait Jpoplexie^ t. III, p. 201. (2) Spallanzani, Bupp, de l^air avec les corps oryanisésj t. I, p. 24, 41. 556 DE lA RESPIRATION. 2° La respiration n'est pas un besoin aussi impérieux pour la vie plastique que pour la vie animale. Les végétaux n'exi- fjent pas, à beaucoup près, un air aussi riche en oxygène que les animaux , et leur vie se maintient bien plus long-temps dans les gaz irrespirables. Toutes les fois que le conflit avec l'atmosphère n'a lieu que d'une manière médiate (chez les Eniozoaires, les embryons et les animaux qui respirent l'eau), il y a limitation des fondions animales, tandis que le dévelop- pement de ces dernières entraîne la nécessité d'une respira- tion plus libre. L'effet des gaz irrespirables, dépourvus d'oxy- gène libre , se manifeste surtout par le trouble des sens, des facultés intellectuelles et du mouvement volontaire (§ 976, 3°, 4°). L'action cérébrale est sous la dépendance d'un sang par- faitement artérialisé, par conséquent de la respiration (§743^ 3°), et il n'est pas rare , dans les maladies , de voir les sujets gais et maussades, aptes ou non à déployer les ressources de leur esprit , suivant que leur respiration est libre ou gênée , et que la prédominance appartient au sang artériel ou au sang veineux. Chez les animaux dont le sang artériel est mêlé de sang veineux (§ 967, 4°, 8"), le cerveau, moins actifs, paraît ne pas avoir besoin de sang artériel pur , et, par cela même, pouvoir mieux supporter une longue interruption de la respi- ration. Ici encore nous retrouvons les effets du défaut d'air sur la vie animale. Les Grenouilles vivent sous l'eau courante, parce que leur peau, qui respire l'eau , fait l'office des pou- mons'; mais leurs sens y sont obtus, et leurs mouvemens d'une lenteur extrême (1). IL Le mouvement volontaire est lié aussi à la respira- tion. V Non seulement il accélère partout les mouvemens respi- ratoires, mais encore il accroît l'exhalation d'acide carbo- nique (§847) et l'absorption d'oxygène. Pendant le repos, gain (2) consommait douze cent dix pouces cubes de gaz oxygène par heure : cette consommation s'élevait à trois raille deux cents pouces cubes lorsqu'il gravissait une hauteur de (d) Edwards, Icc, cit., p, 65. (%)mst. de VAead. des se, 17S9, p. 57.^. DE LA. IIESI^IRATION. 55";^ six cent treize pieds, chargé d'un fardeau de quinze livres, et même à quatre mille six cents quand il se livrait à cet exercice pendant la digestion. Un homme qui se tient tran- quille peut, après avoir fait une profonde inspiration , rester une à deux minutes sans respirer; mais il ne le peut pas plus d'une minute s'il se livre à des mouvemens qui exigent des efforts. Il paraît, d'après cela, qu'à ^chaque déploiement de Faction musculaire , la quantité de sang artériel qui passe à l'élat veineux est plus considérable. 2° Le mouvement volontaire a pour condition l'affluence du sang artériel (§ 743, 4°), d'où il suit que la respiration est aussi la condition de la force musculaire. Le développement des organes respiratoires , dans la série animale , est en raison directe de la facilité et de la vélocité du mouvement volontaire. Si la force musculaire s'accroît par l'exercice, cet effet est dû en partie à l'énergie que ce dernier fait acquérir à la respiration. Lorsque la respiration s'accomplit d'une ma- nière incomplète , par exemple dans la cyanose, les muscles sont minces et sans force , d'un côté parce qu'il se forme trop peu de fibrine ;, et d'un autre côté parce que les qualités «timulantes du sang ne deviennent point assez prononcées. Hall (1) se faisait une fausse idée de l'irritabilité quand il pré- tendait qu'elle est en raison inverse de la force de la respi- ration : la persistance de l'irritabilité des muscles après la mort, n'est effectivement qu'une preuve de la ténacité de la vie (§ 626 , II;, et si elle est plus considérable lorsque la res- piration s'exécute d'une manière incomplète , ces deux phé- nomènes n'annoncent qu'une seule chose, c'est que la vie en général , et surtout la vie animale , ne sont point encore par- venues à un bien haut degré. Mais la rnspiration annonce encore ses connexions intimes avec le mouvement volontaire par l'iniluence mécanique qu'elle exerce sur lui. 3° D'abord, l'air introduit et retenu dans l'économie, ou sécrété par elle, diminue la pesanteur spécifique du corps, et facilite ainsi la locomotion. Tel est l'eflet des réservoirs (1) llccker, LUcrarische /inmilcn der Hcilkunde, t. XXXV, p. 4S9. B58 t)E LA RESPIRATION. d'air situés au-dessus de U cavité digeslive , chez plusieurs Acalèphps. Les irachées répandues par tout le corps donnent aux Insectes la légèreté dont ils ont besoin pour voler , et comme, pendant le vol , ce sont principalement les stigmates situés ù la poitrine qui accomplissent la respiration , l'air se porte ea plus grande quantité dans les ailes que dans les autres parties. Un résultat analogue dépend, chez les Oiseaux, de la longueur presque toujours considérable de la trachée-ar- tère , de la situation des poumons à la partie supérieure du corps ou à îa surface dorsale , et de leur communication tant avec Its sacs aériens qu'avec l'intérieur des os. L'énergie du vol est proportionnée au développement de ces conditions, et comme les Oiseaux ne peuvent point respirer aussi com- plètement lorsqu ils volent, l'air accumulé dans les. sacs aériens semble , en passant dans les poumons par l'effet de la compression , suppléer au défaut d'admission de l'air exté- rieur ; car , lorsque après avoir lié la trachée-artère on ouvre les sacs à air du ventre, ou que l'on coupe soit l'os de la cuisse, soit celui du bras, la respiration s'exécute pendant quelque temps encore par cette voie (1). Tous ces prolonge- niens des puumoiisne sont que des réservoirs d'air qui aident au mouvemeni : en effet , on y remarque fort peu de vais- seaux, et il n'en revient point de sang artériel, mais seule- ment du sang veineux. Nous avons déjà vu que la partie posté- rieure des poumons des Serpens , qui a la forme d'un sac et ne reçoit point de vaisseaux , n'est également qu'un réservoir d'air, qui sert à la nutrition, ou , en cas de besoin, à envoyer de l'air dans la portion respirante de l'organe. On en peut dire autant de la vessie natatoire des Poissons, avec cette seule différence qae l air qu'elle renferme est sécrété du sang (§ 817, 7") , surtout lorsqu'un vide se produit dans son intérieur à la suite de l'expansion que l'animal lui fait ac- quérir en imprimant à ses côtes un mouvement qui ressemble à celui de l inspiration et qui agrandit la cavité du corps. Située à la face supérieure ou dorsale du corps, la vessie na- tatoire favorise la natation, principalement l'ascension dans (1) Hunter, Observations on certain farts ofthe animal œconomy, p. 82, DE LA RESPIRATION. SSg l'eau , et lorsque , comprimée pur les aiuscles latéraux du tronc , elle condense l'air contenu d:ins son iuîéri^ ur ou le force à s'échapper par le conduit aérien , elle rend la descente plus facile à l'animal. Les Poissons qui vivent au fond de l'eau, ont une vessie natatoire plus peiite que celle des Poissons qui se meuvent avec vélocité et qui fréquentent les couches su- périeur(;s du liquide. Chez ceux qui se tiennent dans le li- mon , ou qui possèdent une grande force musculaire , soit dans les nageoires , soit dans la queue , ou qui , ayant le corps plat et nageant horizontalement, offrent une large surface à Teau , cet organe , qui serait aîocs inutile, n'existe point (4). La structure spongieuse des poumons chez les Batraciens, les Sauriens et les Chéloniens, et le grand diamètre des ra- mifications bronchiques chez les Cétacés, sont également des circonstances favorables à la naiaiion. L'air contenu dans le corps de l'homme contribue aussi à lui faciliter l'exercice de la faculté de nager (§ 836 , '1°) ; chez lui , la natation sup- pose même une inspiration préalable. ^ 4o 11 existe quelques animaux chez lesquels le mouvement respiratoire est en même temps mouvement locoi«oieur. Chez les Méduses, ces deux mouvemens coïncident ensemble, dans les alternatives d'expansion et de contraction du corps. Les Ho- lothuries avancent dans la nier en chassant par l'anus l'eau qu'élues ont introduite dans leur organe respiratoire , dont une branche principale est uniquement destinée à cet usage, puis- que , ne recevant pas de vi^isseaux sanguins, elle ne saurait servira la respiration. Il y a des organes respiratoires exté- rieurs qui jouent, jusqu'à un certain point, le rôle d'organes locumoieur.T : tel est le cas des branchies en forme de na- geoires qu'on remarque chez les Ptéropodes , et des branchies lamellées , se mouvant 1 une après l'autre, qu'on rencontre chez quelques larves aquaii(jues dlasecies. Les organes res- piratoires des Crustacés prennent part à la fonction des mem- bres , ou du moins se rappiochent d'eux sous le rapport de la conformation et de la situation , ce qui arrive aussi chez beaucoup d'Annélides. Sans compter que le plus libre de tous [1) Schweigger; Journal, t. I, p. 138. 56ô DE tA RESPIRATION. les moùvetnéhâ , celui qui produit !a voix , parî des orgarieà de la respiration , et que le larynx sert de réservoir à air pour son accomplissement, les muscles respiraioires de la péri- phérie du corps se contractent dans les etf'orts, en même temps que la glotte se ferme. II. B.apports avec la vie plastique. § 979. Les fonctions plastiques ont des relations étroites avec la respiration. 1. C'est surtout entre la circulation et celte fonction qu'il existe des rapports intimes. 1" La circulation est déterminée par la respiration ( § 764). En effet, pendant Tinspiration, le sang du système des veines caves se porte en plus graade abondance vers les poumons , tant parce qu'il est attiré par Tair atmosphérique qui s'est intro- duit dans ces organes , que parce que l'ampliation des rami- fications bronchiques lui permet de trouver plus d'espace dans les vaisseaux capillaires. Le sang demeure aussi plus long-temps dans ces derniers , non seulement par l'effet de dispositions mécaniques , mais encore parce qu'il a besoin d'un certain laps de temps pour se saturer d'oxygène : lorsqu'on a rempli d'air les poumons d'un cacïavre, les injections, comme l'ont remarqué Home (1) et Defermon (2) , ne passent plus des artères de l'organe dans les veines , ainsi qu'elles le faisaient auparavant. L'inverse a lieu pendant l'expiration : les poumons , en se contractant , chassent le sang que son conflit avec l'atmosphère a rendu artériel : car la circulation , considérée d'une manière générale , consistant dans une at- traction et une répulsion qui reposent sur des affinités chi- mico-dynanaiques (§775,1^), le sang stagne dans les pou- mons quand l'affinité qu'il a pour l'atmosphère se trouve dimi- nuée ou détruite par le mélange avec des substances indiffé- rentes (§ 744). Ainsi, lorsque le manque d'air atmosphérique «u la présence d'un gaz irrespirable l'empêche de subir la métamorphose qu'il doit éprouver dans les poumons , il n'est (4.) Lectures on comparative anatomi/, t. V, p. d24. (2) Bulle tÏR des se. méd.Jlo Férussac, t, XIV, p. 19. DE LA RESPIRATION. 56 1 plus ramené , ou ne l'est plus convenablement , par les veines pulmonaires , et la circulation s'arrête. De là vient que; surtout quand l'asphyxie a lieu d'une manière su- bite et chez un sujet dont la vie jouissait de sa pleine et entière activité, on trouve les poumons , le tronc de l'artère pulmonaire , le cœur droit et le système des veines caves gorgés de sang : cette pléthore partielle se manifeste spéciale- ment à la tête, par l'élat vultueux de la face, le gonflement et la procidence de la langue , la saillie des yeux hors des orbites, la réplétion des veines et des sinus du cerveau. Si l'asphyxie s'éiablit peu à peu, le cœur gauche peut encore attirer le sang des poumons par sa diastole , de manière que la circulation continue pendant quelque temps, et que les phénomènes qui viennent d'être examinés sont moins pronon- cés. L'action du cœur gauche peut aussi être affaiblie par le sang demeuré veineux : Alison (1) a trouvé , chez un Lapin auquel il avait fait inspirer de l'azote jusqu'à ce que la respi- ration devînt difficile, et qu'ensuite il avait mis à mort, le cœur droit gorgé de sang , ainsi que l'artère pulmonaire , le mouvement de celte moitié de l'organe très-faible, et celui de la moitié gauche presque entièrement aboli. Cependant cette expérience prouve peu de chose, et, dans tous les cas , Taf- faiblissement du cœur n'est qu'une circonstance de second ordre (§743, 2-). 2° Les poumons se distinguent par leur richesse en sang , car ils sont destinés à métamorphoser la masse entière de ce liquide , et dans un même laps de temps le cœur droit leur en envoie autant que le cœur gauche en fait parvenir à tout le reste du corps (§ 716, 4"). Ils sont plus fréquemment at- teints d'inflammation qu'aucun autre organe ; aussi rien n'est- il plus commun que d'y rencontrer, à l'ouverture des cada- vres , des traces de phlegmasie , et surtout des adhérences de la plèvre , même chez des sujets qui n'avaient offert, pen- dant leur vie, aucun symptôme patent de maladie. L'inflam- mation accroît bien plus aussi le volume de ces organes que celui d'aucun autre , et la fièvre qui l'accompagne est infini- (1) Valeiitin, llejwrtorivm^ l, II, p. 2^il, IX. 3G 56 à DE tA. RESPIÊÂtlOrî. ment plus vive. Pour que la respiration soit complète , il faut (que le sang et l'air se rencontrent en quantité suffisante dans le viscère : elle est incomplète et difficile lorsque le sang y afflue trop , ou n' y afflue pas assez , proportionnellement à l'air (1). Dans ce dernier cas , suivant Bichat , il coule du sang noir au cœur gauche (2). Wedemeyer assure (3) qu'il arrive souvent à une forte hémorrhagie de ne pas troubler la circulaiion dans les poumons , quoiqu'elle l'ait déjà arrêtée dans d'autres organes ; mais Blundel (4) et Piorry affirment qu'elle rend la respiration difficile , irrégulière , suspirieuse et enfin sterioreuse. D'un autre côté , l'afflux d'une trop grande quantité de sang vers la poitrine oppresse la respi- ration , et, dans l'apoplexie pulmonaire , où l'asphyxie est produite par la répléiion excessive des poumons , on trouve le tissu de ces derniers plus ioncé en couleur et plus dense , outre qu il y a du sang exir avasé dansles cellules aériennes (5). Au rtste , quand lu circulation s'accélère , et qu'une plus grande quantité de sang prend le caractère veineux dans un temps donné, le mouvement respiratoire devient plus vif , et , d'après les expériences de Davy (6), la consommation de gaz oxygène augmente. IL La digestion et la respiration, qui représentent les deux principales circonstances de la formation du sang , ne sont , au fond , que des parties d'un tout , la première ame- nant à l'organisme ce qui doit jouer le rôle de base , et l'au- tre opérant la transformation de celte base par oxydation. Il y a entre elles le même rapport qu'entre le commencement et la fin , le début et le consplément , ce dont la configura- lion organique offre le symbole chez les animaux inférieurs, où les vaisseaux sanguins ont leurs racines à l'iniesiin et lèiirs ramifications aux branchies. A un degré plus élevé de l'échelle animale , les organes des deux fonctions sont plus (1) Andral, Précis cfatiat, patholog., t. I, p. 82. (2) Mech. sur la vie et la mort, p. 183. (3) Meckel, Jrchivfuer Anatomie, 48'-!8, p. 350. (4) Jîesearches physioloijical and patholoyical, p. 70. (5J J.Cruveilhier, Anatomie pathologique du corps humain, B' livraison in-folio, avec pi. col. (6) Untorsuchung veier das^Jthmen, t. II, p. 96. bt tA îlESPIÎlàTlON. 56S étroitement unis ensemble, tant sous le rapport de leur dis- position matérielle, que sons celui de leur activité vitale et de la sympathie qui existe entre eux. l'* Les mouvemens respiratoires favorisent mécanique- ment la digestion , car le diaphragme et les muscles abdomi- naux viennent en aide aux mouvemens qui accomplissent et la digestion et l'éjection. Mais la respiration influe aussi sur l'essence même de la digestion ; car l'appétit et la faculté di- gestive croissent dans un air atmosphérique pur , quand les organes respiratoires accomplissent convenablement leurs fonctions , tandis qu'ils diminuent lorsque le sang se rappro- che davantage du caractère veineux. Krimer (1) a remarqué que la digestion des Grenouilles était proportionnée à la quantité d'oxygène contenue dans le milieu ambiant. 2" Une digestion plus active détermine , à son tour, une respiration plus puissante. Sorg et Pœngger ont reconnu qu'après avoir mangé copieusement, les Insectes, non seu- lement respirent davantage, mais encore périssent plus tôt dans un air renfermé ou irrespirable , ce qui annonce une consommation plus considérable et un besoin plus pressant de gaz oxygène. L'exhalation du gaz acide carbonique (§840, 5') et la consommation d'oxygène atmosphérique augmen- tent pendant la digestion . Seguin, dans l'espace d'une heure, consommait douze cent-dix pouces cubes de ce dernier gaz quand il était à jeun , et dix huit à dix-neuf cents pendant le travail de la digestion (2). in. Du reste , la respiration n'est pas non plus sans in- fluence sur la nutrition (§ 843, 8"), et sur la sécrétion r§§ 843, 9", 10s 846, 16°), notamment de la peau (§ 846, 6»), des reins (§ 846, 10°), et du foie ( § 846, 14°). CHAPITRE lïl. De l'essence de la respiration. § 980. Examinons maintenant la respiration dans son en; semble. (i) P^ersuch eitier Physiot.oyie des Blutes, p. 41, (2) Hist. de l'Acad. des se, 1789, p. 575. 56/} DE LA RESPIUATIONi I. Il est clair que , sous le point de vue matériel , c'est une opération générale , c'est-à-dire qui n'appartient en pro- pre ni à l'organisme , ni à la vie , ni à aucun organe déterminé. i° La substance inorganique, en vertu de l'affinité dont elle est douée , absorbe une quantité déterminée , c'est-à-dire suffisante pour sa saturation, du gaz qui Tentoure, et quand elle se trouve plongée dans un mélange de gaz , elle attire plus des uns , moins des autres , absorbant d'ailleurs l'oxy- gène de préférence dans l'air atmosphérique. La force avec laquelle elle retient les différens gaz , varie aussi, ou, en d'au- tres termes, elle ne se les laisse pas tous enleverjavec la même facilité. L'eau ( § 882, 1°, 2") absorbe, proportionnellement à son volume, environ 1,000 de gaz acide carbonique, 0,050 de gaz oxygène, 0,027 à 0,050 d'air atmosphérique , 0,016 de gaz azote , et 0,015 de gaz hydrogène. Elle s'empare des principes constituans de l'atmosphère dans des proportions qui ne sont pas les mêmes pour tous. L'air absorbé par l'eau de rivière contenait, d'après Thomson (i), 0,290 de gaz oxygène et 0,710 de gaz azote ; selon Provençal et Hum- boldt (2) , 0,306—0,315 de gaz oxygène, 0,634—6,575 de gaz azote, et 0,060 — 0,110 de gaz acide carbonique. Cette eau enlève donc à i'atmosphère plus d'oxygène que d'azote , et elle lui en soustrait d'autant plus qu'elle coule avec plus de rapidité, que son cours est plus long. Elle le retient aussi avec beaucoup plus de force : on peut l'en dépouiller complète- ment par une ébullition prolongée à l'abri du contact de l'air atmosphérique. Quand l'eau est chargée du gaz acide carbo- nique qui se dégage des minéraux , elle absorbe moins des principes constituans de l'atmosphère : Henry a trouvé que l'air contenu dans l'eau de puits se composait de 0,711 acide carbonique, 0,098 oxygène, et 0,191 azote. L'air mêlé avec l'eau , à une profondeur de deux mille cinq cents pieds , ne contenait plus, d'après Biot (3), que 0,08 d'oxygène, tandis que l'azote s'y élevait à 0,92; le premier de ces deux gaz (1) Journal de chimie médicale, 2« série, t. III, p. 57. (2) Mém. de la soc. d'Arcueil, l. II, p. 381. (3) Gilbert, Jnnalen, t. XXVI, p. 474. DE lÀ RESPIRATION. 565 avait été probablement consommé par la respiration des ani- maux marins. Les terres absorbent l'oxygène de l'atmosphère , et en des proportions diverses. Suivant Schubler (1), mille grains des substances suivantes , renfermés dans quinze pouces cubes d'air atmosphérique, absorbèrent d'oxygène , en trente jours, savoir ; le sable quartzeux 0,24 pouce cube, le gypse, 0,40, le sable calcaire 0,84 , l'argile d ,59 , le carbonate de chaux 4,62, la terre de jardin 2,60, le terreau 3,04. Les phéno- mènes furent les mêmes que dans la respiration , c'est-à-dire que l'humidité fut une condition de l'absorption ( § 973, 2") , que la chaleur accrut cette dernière (§ 977, 10°), et que des couches minces de terre ou d'eau n'y mirent point obstacle (§973, 6J. 2° Toute substance organique morte absorbe l'oxygène de l'atmosphère, et exhale de l'acide carbonique (§882,4''). Tous les végétaux , leur carbone surtout , agissent de cette manière. Ce dernier attire l'acide carbonique avec plus d'a- vidité encore que l'oxygène , mais agit avec infiniment moins de force sur l'azote. Spallanzani a démontré (2) que les ani- maux morts et toutes leurs parties attirent l'oxygène de l'at- mosphère : la consommation était plus considérable quand la substance animale avait été hachée , de manière à présenter plus de surface (§964, 2°), et elle l'était plus également sous l'influence de la chaleur ( § 977, 10°) ; cependant elle n'égalait pas celle qui a lieu dans la respiration. Ainsi, par exemple, des Vers déterre qui, pendant leur vie, avaient consommé tout le gaz oxygène de l'air dans lequel on les te- nait renfermés, n'en absorbèrent plus que 0,10 après leur mort, et 0,70 quand ils furent tombés en putréfaction (3). Des Limaçons morts en absorbèrent trois à quatre fois moins que des Limaçons vivans (4). Cependant cette règle a quel- quefois souffert des exceptions (5). (1) Schweigger, Journal, t. XXXVIII, p. 143. (2) Rapports de l'air avec les corps organisés, t. II, p. 258. (3)7J.',P.I, p.7. (4) Spallanzani, Mùm. sur la respiration, p. 81. (5) Rapports de l'air avec les corps organisés, t, I, [). 63y 115. 566 DE LA. RESPIRATION. 3" Magendie reconnaît que toutes les branches veineuses peuvent respirer lorsqu'elles entrent en contact avec Tatmos- phèie , et que les poumons sont seulement mieux organisés qu'aucun autre organe pour cela. Arnold (1) a également soutenu que la respiration , comme la digestion (§ 955, 1.), s'étend au-delà de ses organes proprement dits, a la vérité, hors des poumons , le sang artériel contenu dans les vaisseaux capillaires se transforme partout en sang veineux, mais cette conversion n'a lieu que parce qu'ici les organes exercent une plus forte action sur lui. Ainsi Wedemeyer a vu (2) , chez les Grenouilles, le sang des veines mésentériques ne devenir vermeil, au contact de l'air atmosphérique, que quand il cessait de couler , c'est-à-dire quand il n'y avait plus de conflit vivant entre lui et la substance organique environnante. On trouve encore , chez l'homme et les Mammifères , des traces de la respiration cutanée ( § 965 ) qui a lieu chez les animaux in- férieurs. Abernethy (3) tint sa main plongée , sous le mer- cure , dans un vase plein d'air, dont la capacité était de sept onces d'eau ; un sixième du gaz oxygène contenu dans l'air avait disparu au bout de cinq heures , un quart au bout de neuf, et la moitié au bout de douze : parmi les différons gaz, l'oxygène fut celui qui se trouva absorbé avec le plus de force; vinrent ensuite l'acide carbonique , l'oxyde d'azote , l'hydro- gène, et en dernier lieu l'azote. Sorg tint pendant quatre heu- res son bras dans un vase plein de g;iz oxygène , et trouva ensuite que les deux tiers de ce gaz avaient disparu. Si l'on plonge un animal, jusqu'à la tête , dans de l'hydrogène sul- furé, on retrouve ensuite ce gaz dans le tissu cellulaire sous- cutané et dans le sang, comme l'ont observé Emmert (4) et Lebkuchner (5). Quoiqu'il n'y ait pas de véritable respiration intestinale chez les Mammifères (§ 966, 4°), et que, suivant Bichat, le sang des vaisseaux d'une anse intestinale pleine d'air atmos- (1) Lshrbuch der Physiologie, t. TI, p. 200. (2) Uiitersuchungen veher den Kreislauf des Blutes, p. 243. (3) Cfiirurgische und physioloijische f^ersuche, p. 117, 128. (4) Tuebinger Blœtter, t. I, p. 97. (5) Archives générales, t. VII, p. 424,1 DE LA RESPIRATION. 56^ phérîque ou d'oxygène ne change pas de couleur , cepen- dant le canal digestif exhale des gaz (§ 817, 3°) et en absorbe d'autres. Lorsque Foderà (1) avait introduit de l'hydrogèpe sulfuré dans une anse d'intestin de Lapin liée aux deux bouts, la mort avait lieu au milieu des symptômes de l'empoison- nement, et l'on ne retrouvait plus de gaz dans l'intestin. Des Chiens dans le rectum desquels Wedemeyer (2) avait injecté du gaz hydrogène sulfuré , périrent en offrant ton3 les sym- ptômes de Tasphyxie. L'un et l'autre observateur a obtenu le même résultat après avoir poussé du gaz hydrogène sulfuré dans la cavité abdominale ou dans le tissu cellulaire d'un animal. L'air atmosphérique que J. Davy (3) avait insufflé dans l'une des plèvres d'un Chien, se composait, quarante-huit heures après, de 0,93 azote et 0,03 oxygène ; un mélange de 0,200 d'acide carbonique , 0,632 d'azote et 0,168 d'oxy- gène , injecté également dans la plèvre d'un autre Chien , se composait, après quarante-huit heures, d'acide carboniqiie 0,183 , azote 0,783 , et oxygène 0,034. Ici donc également l'oxygène avait été absorbé en plus grande quantité que l'acide carbonique , et celui-ci en plus forte proportion que l'azote. Davy a observé aussi l'absorption du gaz hydrogène et du guz oxyde d'azote. Ségalas dit avoir remarqué que les animaux dont on lie la trachée-artère , meurent plus tard lorsqu'on leur ouvre la cavité pectorale , de manière à mettr^ la surface extérieure des poumons en contact avec l'air at- mosphérique ; il ajoute que la mort est un peu retardée aussi par l'exposition à l'air des viscères abdominaux ou par l'enr lèvement de la peau (4). n. D'après cela, la respiration est déterminée par l'affinité des substances. 1° Les différens gaz se réunissent en un mélange homor gène, phénomène auquel ne s'oppose point une membrane animale tendue entre eux, car l'atiraciion qu'ils exercent les (1) Rech. sur l'absorption, p. 12. (2) Lac. cit., p. 445. (3) Philos, Trans.. 1823 p. 500. 0) Journal de Mageiidie, t. IV, p. ?§9. 568 DE LA RESPIRAtlON. uns sur les autres fait qu'ils la traversent (§ 882 , 2"). Quoi- que cette attraction soit réciproque , il y a cependant des gaz qui l'exercent avec plus de force que d'autres. Suivant Faust, le gaz acide carbonique est attiré par l'air atmosphérique , et l'oxygène par l'azote (1). Stevens prétend que l'oxygène attire aussi l'acide carbonique (2), de manière qu'une portion d'intestin ou le poumon d'un Lapin, qu'on emplit du premier de ces gaz , et qu'on suspend dans l'autre , s'affaisse sur elle- même , tandis que dans le cas contraire elle se gonfle jusqu'au point de crever. 2° Une substance solide ou liquide absorbe un gaz avec lequel elle a de l'affinité ; mais si elle contient déjà un autre gaz , elle exhale une plus ou moins grande quantité de ce dernier. Ainsi , tandis que d'autres terres ne font qu'absorber de l'oxygène dans l'air atmosphérique , l'humus laisse en outre échapper de l'acide carbonique. Si l'on introduit de l'eau chargée d'air atmosphérique dans du gaz oxygène, elle absorbe de l'oxygène et exhale de l'azote ; de même que, dans du gaz azote , elle absorbe de l'azote et laisse échap- per un peu de son oxygène (3). 3» La même chose arrive avec le sang tiré des vaisseaux. Les recherches de Hoffmann (4) nous ont appris que ce li- quide a tant d'affinité pour les gaz mêlés avec lui , qu'il eu laisse échapper fort peu sous le récipient de la machine pneu- matique , tandis qu'il en fournit davantage lorsqu'on l'agite avec une autre espèce de gaz. Chargé d'acide carbonique , il en exhale quand on l'agite avec de l'air atmosphérique ; im- prégné de ce dernier , il abandonne de l'oxygène dans le gaz acide carbonique. L'azote enlève, par la succussion , du gaz oxygène au sang artériel , et du gaz acide carbonique au sang veineux. Chaque espèce de sang manifeste d'autant plus d'affinité pour un gaz , qu'elle en contient moins ; d'après Enschut (5), le sang veineux absorbe plus d'oxygène et moins (1) Froriep, Notizen, t. XXVII, p. 118. (2) Philos. Trans., 1835, p. 350. (3) Treviranus, Biologie, t. IV, p. 201 . (4) Froriep, Notizen, t. XXXVIII, p. 252. {^) J^iss, de respirationis chymismo, j^. 80,9%. DE lA RESPIRATION. 669 d'acide carbonique que le sang artériel ; quand on a chargé le sang d'acide carbonique , on trouve que celui-ci adhère avec plus de force au sang artériel , et qu'il ne s'en laisse pas aussi complètement dégager que du sang veineux (1). L'oxy- gène est celui de tous les gaz que le sang attire avec le plus de force , et qui en dégage aussi le plus d'acide carbonique. Sous ce dernier rapport, l'air atmosphérique vient immédia- tement après lui; le gaz hydrogène agit plus faiblement, et le gaz azote avec moins de force encore (2). 4° Un échange analogue a lieu , comme nous l'avons déjà dit, dans la respiration de gaz autres que l'air atmosphérique; l'animal qui respire de l'acide carbonique ou de l'hydrogène, expire de l'azote et de l'oxygène (§ 841 , d°, 2°, 9") ; celui qui inspire de l'oxygène expire de l'azote (§ 841 , 5°), et celui qui inspire de l'azote expire de l'oxygène (§ 841, 7°). 5° Nous sommes donc pleinement en droit d'admettre que la respiration normale consiste en un échange de gaz entre le sang et l'atmosphère , proposition que nous avons dévelop- pée (§§ 817, 1°; 882, 2°, 6*^), que Testa soupçonnait déjà jusqu'à un certain point , et qui a été reconnue de la manière la plus formelle par Treviranus (3), Faust (4), Hoffmann et Magnus (5). Hoffmann fait remarquer que l'azote atmosphé- rique , qui pénètre bien plus difficilement que l'oxygène à travers une membrane animale , ne peut parvenir dans le sang qu'après que ce dernier gaz a été complètement ab- sorbé , mais que son rôle , dans la respiration , consiste à attirer l'acide carbonique du sang. Coutanceau (6) croit que l'admission de l'oxygène ne peut point provenir d'une affinité entre le sang et l'air , puisqu'elle reste toujours la même , quelle que soit la proportion du gaz dans l'air inspiré ; ce- (1) Enschut, Dis. de respirationis chymismojp. llS. (2) i6., p. 146. (3) Zeitschrift fuer Physiologie , t. IV, p. 31. — Die Mrscheinungen des Lehens, t. I, p. 361. (4) Froriep, ISotisen, t. XXVII, p. 120. (5) Gilbert, Annalen, t, CXVI, p. 589. (6) Révision des nouvelles doctrines, p. 116, 570 DE LA RESPIRATION. pendant il n'y aurait qu'une seule chose à conclure de là , c'est qu'il existerait un point de saturation que le sang ten- drait à atteindre eiî toutes circonstances. 6** La proposition qui vient d'être émise éclaircit certaines pariicularilés qu'on observe dans la respiration. Comme les cavités buccale et nasale, le larynx et la trachée, avec toutes ses ramifications, ont une capacité d'environ cinquante pouces cubes d'air, mais qu'à chaque respiration, l'homme n'inspire et expire que dix à vingt pouces cubes d'air, l'échange ne pourrait porter que sur l'air contenu dans ces voies, et ne s'é- tendrait point aux quatre-vingts à cent vingt pouces cubes d'air qui entrent continuellement dans les poumons. Mais les difFérens gaz ayant la propriété de se mêler uniformément ensemble, le mélange a également lieu dans les poumons et dans les voies aériennes. Dix onces de sang absorbèrent, tantôt 0,57, et tantôt 1,4 pouce cube de gaz oxygène ; cette différence tenait principa- lement, selon la remarque de Christison (l),au caractère plus ou moins veineux du liquide. Lorsque le sang artériel est de- venu moins veineux à cause de l'accélération de la respiration, il n'a pas non plus autant d'affinité pour l'oxygène que quand il a coulé avec plus de lenteur dans les vaisseaux capillaires, et que son conflit avec la substance organique environnante lui a fait subir une métamorphose plus profonde. Si le sang a été chargé d'air par infusion (§ 744, I), il n'ai plus d'affinité pour l'oxygène atmosphérique, et la mort ar- rive, non pas, comme l'admet Magendie (2), parce qu'il s'est amassé de l'air dans les cavités droites du cœur, mais parce que le sang ne s'artérialise plus dans les poumons, et qu'en conséquence il devient stagnant. On trouve alors du sang bru- nâtre dans le système aortique, même quand que les mouve- mens respiratoires n'ont point été troublés (3). L'infusion de substances indifférentes agit de la même manière (§744, VI); lipjrès Ql^}\§ d^ l'huile d'oUve ou de matière céréjjrale çjl|s- (1) Archives yènér.ales, t. XXVII, p. 242. (2) Leçons sur les phénomènes de la vie, t. I, p, 59. (3) Nyslen, Recherches de la Physiologie, p. 44 . DE lA RESPIRATION. 67! soute, l'animal mourut, offrant tous les symptômes d'une grande gêne de la respiration ; les poumons regorgeaient de sang foncé et visqueux, et le sang était noir dans le système aortique (1). 7*^ C'est aussi par un échange de gaz qu'a lieu la respira- tion dans Teau. Les expériences de Duirochet (2) nous ap- prennent que, quand on introduit dans de l'eau une cavité à parois perméables qui renferme un mélange d'oxygène, d'a- zote et de carbone, des gaz se portent de cette cavité au dehors, et du dehors dans la cavité, jusqu'à ce que la propor- tion soit la même à l'intérieur el à l'extérieur. Les bran- chies des Insectes aquatiques renferment, ainsi que leurs tra- chées, de l'atr qui a perdu une partie de son oxygène, et qui est chargé d'acide carbonique ; elles enlèvent donc de l'air à l'eau , mais lui soustraient proportionnellement plus d'oxy- gène, exhalant de l'acide carbonique et de l'azote, si ce der- nier existe en excès, de manière que l'air qu'elles contiennent devient semblable à celui qui est mêlé avec l'eau. IIL Le sang carboneux de l'artère pulmonaire attire l'air plus riche en oxygène, et la pression atmosphérique remplace par un air plus dense celui que la chaleur a dilaté dans l'in- térieur des poumons ; d'un autre côté, l'atmosphère, en vertu de son affinité pour le gaz acide carbonique, attire à elle celui que contient le sang. Mais l'organisme influe par sa sponta- néité sur ces opérations, qui s'accomplissent à sa périphérie, et qui sont le résultat d'affinités chimiques ; il aide, par des mouvemens propres au jeu de cette attraction mutuelle, de manière que ce soient toujours de nouveau sang veineux el de nouvel air atmosphérique qui entrent en conflit ensemble. Le mouvement de la respiration rend plus considérables et l'ex- halation d'acide carbonique et l'absorption d'oxygène. Bichat a observé, chez des animaux auxquels il avait lié la trachée- artère, que le sang paraissait plus tard veineux dans le sys- tème aortique, quand ils agitaient fortement la poitrine, at- tendu que ces secousses multipliaient les points de coatact (4) Magéndie, Leçons sur les phénom. de la We,!. I, p. 439, 4.51 . (2) Mém. pour servir à l'Hiat, anat. et physioL des véy. et des anim., Paris, 4837, t. II, p. 417. 57a DE lA PESlflRATlON. entre l'air et ses canaux. Les aitraciions du côté du sang et du côié de l'atmosphère se favorisent mutuellement, s'exercent en même temps l'une que l'autre, et jouent même en partie le rôle de condition déterminante l'une par rapport à l'autre} mais le mouvement vivant, qui partout se manifeste par des oppositions alternantes, imprime aussi son caractère au chan- gement opéré dans la matière, de sorte que la force attractive du sang et l'absorption d'oxygène prédominent pendant l'in- spiration, tandis que, pendant l'expiration, c'est l'action de l'atmosphère sur l'acide carbonique du sang qui l'emporte. Ce rhythme de la respiration est 'produit par les alternatives d'action de forces musculaires antagonistes ; dans l'inspira- tion, la prépondérance appartient à l'organisme, et la péri- phérie animale entre enjeu avec ses muscles, qui dilatent, qui élargissent, qui président à l'ingestion, tandis que, pendant l'expiration, l'action qui l'emporte est celle des muscles con- stricteurs , [obturateurs, plus particulièrement consacrés à la vie plastique. Mais l'impulsion, d'un côté comme de l'autre, part du système nerveux, dans lequel il faut chercher la cause du rhythme. 1° Martine et Boerhaave (1) s'étaient bornés à l'explication du mouvement respiratoire. Ce mouvement tient, suivant Martine, à ce que le nerf diaphragmatique, comprimé par les poumons, dont l'inspiration a accru le volume, ne peut plus agir sur le diaphragme, qui se relâche. Boerhaave l'attribuait à ce que, pendant l'inspiration, il ne passe point de sang des poumons dans le système aortique, de manière que le cerveau, manquant de ce liquide, cesse d'agir sur les muscles inspi- rateurs. 2° D'autres ont cherché surtout à expliquer le mouvement de l'inspiration. Roose (2) admettait que le cerveau, dans le- quel il y a plus de sang, et qui par conséquent est plus sti- mulé, pendant Texpiration, sollicite les muscles à exercer le mouvement duquel dépend l'inspiration, et que comme il re- çoit moins de sang durant cette dernière, son action sur ces (1) Haller, Elem. i^hysiolog,, t. III, p. 261. ^2) Anthro'pologiache Briefo, p. dl5. t)E LA RESPIRATION. 5'j''5 muscles cesse aussi, ce qui amène Texpiration. Suivant Mul- 1er, la moelle allongée est excitée, par le sang artériel qui ar- rive dans sa substance, à opérer des décharges dans les nerfs respiratoires (1;. Rolande (2) croit que le sang veineux déter- mine dans le nerf pneumo-gastrique, en sa qualité de nerf du sentiment, une excitation qui se propage à la moelle allongée, par laquelle les muscles de la poitrine sont alors provoqués à exécuter le mouvement qui amène l'inspiration. Suivant Ar- nold aussi (3) les nerfs de !a huitième paire transmettent au cerveau le sentiment du besoin de respirer, qui lui-même est provoqué par l'action que l'air incapable de servir à la respi- ration exerce sur la membrane muqueuse, et par l'accumula- tion du sang dans les vaisseaux pulmonaires. 3° Comme il entre en action , tant dans l'inspiration que dans l'expiration , des muscles qui sont déterminés par le système nerveux , c'est dans ce dernier système qu'il faut chercher la cause de l'alternance des deux mouvemens. Re- connaissant cette vérité , Haller (4) croyait qu'on ne peut at tribuer le rhythme respiratoire qu'à la tendance de l'âme à conserver la vie. Par une dérogation spéciale à ses principes, il allègue ici l'opinion de Stahl , que les actions vitales sous- traites à la conscience sont déterminées par l'âme. Mais cette explication, dégagée de toute liaison avec le système auquel elle avait été empruntée , ne saurait satisfaire, non plus que l'hypothèse vague de Blumenbach, qui regardait l'expulsion de l'air vicieux et l'inspiration de l'air pur comme un acte de la force médicatrice de ia nature. Il doit y avoir, dans l'ac- tion organique et soustraite à la conscience du système ner- veux , un rhythme qui influe aussi sur les mouvemens respi- ratoires , indépendamment de la volonté. C'est ce que recon- naissait jusqu'à un certain point Bartels (5), lorsqu'il faisait dériver le rhythme de la respiration de l'antagonisme et de (1) Ilandbuch der Physiologie, t. IIj p. 76. (2) /îrchivcx (jcnérales. t. V, p. 128. (3j Lehrhuch der Phijsioloijie, l. II, p. 202. (4) Loc. cit., t. m, p.2G2. (5) Die Kcspiration, als von Gchirnn uhhmn(jùje Bewe(jung, p, 99, 141, §74 I>E l'A RESPIRATION. ralternance d'acîion du cerveau et de la moelle épinière ; mais il allait chercher la cause de cette alternance dans des circonstances purement extérieures ; suivant lui , le cerveau reçoit , pendant l'inspiration , une plus grande quantité de sang artériel, qui stimule les nerfs pneumo-gastriques, et pro- voque ;tinsi le mouvement expirateur des poumons (§ 969, 7°) : mais le sang veineux qui s'accumule dans le cerveau met ce viscère hors d'état d'agir , et le paralyse momentanément, de sorte que la moelle épinière, devenue libre d'agir, peut sol- liciter le mouvement inspiratoire. A cela , nous objecterons que le sang n'afflue pas avec plus de force au cerveau pen- dant l'inspiration ordinaire, et que quand l'inspiration est pro- longée , le sang veineux s'y amasse tout aussi bien qu'il le fait dans l'expiration lorsqu'elle dure trop long-temps (§ 766, I). Du reste , l'hypothèse de Bartels ne saurait rendre raison'des tïiouvemens respiratoires chez les Poissons et autres animaux inférieurs. 4° Les mouvemens de l'inspiration sont opérés non seule- ment par les muscles du larynx et de la poitrine, mais encore par ceux du nez et de la bouche, lesquels agissent avec plus de force quand une cause quelconque empêche l'entrée de l'âir frais dans les poumons , ou la rend difficile, et se livrent même à des efforts considérables quand l'eJBFet produit par eux ne doit aboutir à aucun résultat. Ainsi les mouvemens respiratoires du nez persistèrent chez un Lapin (Ij auquel Foderà avait lié la trachée-artère , en ayant soin de l'ouvrir au-dessous de la li^>ature. Les muscles en question se livrent également à des efforts inspirateurs , quand les extrémités centrales des nerfs qui déterminent leurs mouvemens , ne communiquent plus avec les nerfs des organes respiratoires. Legallois (2) a observé le premier que les animaux continuent encore pendant quelque temps (douze minutes environ) de humer l'air après la décapitation , la section de la moelle épi- nière à l'occipital , la destruction de la portion cervicale de ce cordon , ou la section des nerfs pneumo-gastriques. Mayer (4) Journal complémentaire, t. XVI, p. 295. {^2) Expériences sur le 'principe de la vie^ p, 28, 83-88, DE tA BËSPIRATION. 5^5 l'apporte (1) que ce phénomène dnrn un quart-d'henre dans la tête coupée d'un jeune Chat. Lorsque Bell avait coupé les nerfs diapbragaialiqutjs et la moelle épiriière entre le cou et la poitrine , les muscles des narines, de la gueuîe et du cou se contractaient d'une manière rhythmique , et après que leur action avait cessé, on la pouvait ranimer au moyen de la respi- ration ariificielle. Muller dit que les mouvemens respiratoires continuaient de s'exercer, avec leur rhythme accoutumé, après qu'il avait coupé les nerfs de la huitième paire , avec leur ra- meau laryngé supérieur, après même qu'il avait enlevé le la- rynx et ouvert la tracliée-arlère. Klein (2) a observé pendant cinq minutes des mouvemens respiratoires bien marqués dans le tronc d'un homme décapité. Il suit de là que les différens points de l'organe central de la sensibilité a^jissent d'une ma- nière intermittente sur les muscles qui leur sont subordonnés; qu'ils alternent aussi entre eux , de sorte que quand l'un fait agir les muscles de son domaine, l'autre laisse ceux du sien en repos ; que cet antagonisme , dans la vie organique du sys- tème sanguin , correspond au besoin qu'éprouve l'organisme d'attirer de l'oxygène dans le sang et d'expulser de l'acide carbonique ; enfin que chaque point de l'organe central peut, lorsqu'il ne reçoit pas de sang artériel , provoquer de lui- même, et par sa propre spontanéité inhérente, les mouvemens respiratoires placés sous sa dépendance. IV. Il est probable que nous ne connaissons pas encore parfaitement la composition de l'atmosphère , dans laquelle nous n'avons pu démontrer jusqu'ici que de l'azote, de l'oxy- gène et de l'acide carbonique. Peut-être y a-t-il en outre des conditions électriques, qui peut-être aussi dépendentde l'action réciproque des divers corps célestes (3). Mais nous ne devons pas fonder la théorie de la respiration sur de simples conjec- tures, et il faut nous contenter , pour l'établir , des connais- sances positives auxquelles nous avons pu arriver jusqu'ici. Or, en partant de là, si l'oxygène ne nous semble pas être le (1) Medicinisch^chirunjische Zeitung, 1815, t, III, p. 192. (2) Jahrhuecher der teutschen Medicin, l. III, call. I, p. 57, (3} Tieviranus, Liologie, t. Il, p. 443. 576 DE LA RESPIRATION. principe même de la vie, comme Girtanner le croyait , nous voyons en lui un corps qui contraste de la manière la plus for- melle avec toutes les autres substances, et qui, avant de se mettre en équilibre avec elles, fait naître en elles une tendance à se combiner avec lui , et domie ainsi lieu à une action plus vive. Libre encore dans le sang , oii il s'introduit sans com- bustion, il y provoque un état de tension intérieure et d'exci- tation chimique, qui se manifeste, dans l'organisme, sous la forme d'une vitalité plus prononcée (§ 752, 7°). Le sang, après s'être épuisé à fournir les matériaux des divers tissus et à parcourir toutes les phases de son conflit avec ceux qui exis- tent déjà, se rafraîchit sous l'influence de l'atmosphère géné- rale (§ 774, 10° ). Le sang veineux, attiré par l'air extérieur (§ 764, 2*) , se précipite vers les poumons, dans la respiration (§ 766, 1° 2°) , s'empare du principe excitant de l'air, l'oxy- gène, et le reçoit dans la plus essentielle de ses parties con- stituantes, les globules (§ 774, 7°), afin de pouvoir, dans l'ex- piration, se précipiter rajeuni vers les organes particuliers qui ont soif de conserver leur existence (§766, 3°). Les poumons font donc antagonisme au reste du corps , puisqu'il se passe , dans leurs vaisseaux capillaires, le contraire de ce qui arrive dans tous les autres; et comme la respiration a moins pour effet d'ajouter à la masse organique que de vivifier celle qui déjà existe, d'en accroître l'activité, l'organe central du sys- tème nerveux donne, dans presque toute son étendue, l'impul- sion auxmouvemens chargés d'accomplir cette fonction. Mais, de môme que la respiration , dans ses formes incomplètes, est la condition du développement de l'œuf et de l'embryon (§ 357, 467) , de même que son passage à une forme plus par- faite est le premier acte annonçant que la vie commence à ac- quérir l'indépendance (§ 503) , de même aussi un conflit limité et indirect avec l'atmosphère suffit chez les organismes infé- rieurs, et le besoin d'un conflit plus libre , plus direct, croît à mesure que la vie animale se perfectionne. DE LA RESPISÂTION. 677 Section lî. DO CONFLIT AVEC L'INTÉRIEDR DE l'oRGANISME. § 981. Si nous avons des notions assez satisfaisantes par rapport au conflit avec l'atmosphère, qui est l'une des circon- stances importantes du pleia et entier développement du sang, on n'en peut pas dire autant, à beaucoup près, de l'autre cir- constance, c'est-à-dire du conflit avec les parties organiques. D'un côté, il n'y a point ici, comme là, un agent extérieur dont nous puissions étudier la nature avant et après son action sur la substance organique , et d'un autre côté les changemens s'accomplissent peu à peu, de manière qu'ils sont insensibles. Nous en sommes donc réduits presque à des conjectures sur ce sujet. I. Xe sang. 1» Comme les matériaux constituans du sang sont con- sommés en des proportions diverses par les difFérens organes, dans la nutrition et les sécrétions , il s'ensuit de toute néces- sité que le sang qui revient de chaque organe doii avoir des qualités particulières , bien que l'analyse chimique ne puisse en donner la démonstration. Ces masses diverses de sang se mêlent ensemble dans le système des veines caves , dont la disposition semble calculée de manière à rendre le mélange aussi uniforme que possible. Le sang, y trouvant plus d'espace et une force motrice moins considérable, y séjourne plus long-temps: il coule surtout avec plus de lenteur dans les branches, et l'accélération de son cours est proportionnée à la dislance qui le sépare du cœur. Les courans de la veine cave supérieure et de la veine cave inférieure marchent à la reticontre l'un de l'autre , et ils sont en partie refoulés par la systole de l'oreillette droite , rétrogradation possible parce qu'il n'y a point là de valvules qui s'y opposent, comme à l'entrée dus veines cardiaques , qui ramènent un sang homo- gène. L'oreilleiie droite , non-sciil(?ment est plus spacieuse, mais présente aussi davantage de saillies et d'enfoncemcns, c'est-à-dire de moyens propres à diviser en quelque sorte le IX. 37 578 DE LA RESPIRATION. san{j, que 1:i gauche, qui, semblable en cela aux veines car- diaques, ne reçoit non plus son sanj; qiie d'un seul organe(l). 2*^ Dans les cas de plaie envenimée , on s'oppose à l'action générale du poison par une ligature qui embrasse le membre blessé. Cependant la circulation n'est point complètement arrêtée par là dans ce dernier; donc la seule circonstance qui amène l'innocuité du poison , c'est qu'il se répand avec plus de lenteur dans le sang (2). Effectivement, en pareil cas, on peut sans danger enlever de temps en temps la ligature , de manière qu'il ne puisse arriver qu'une petite quantité de venin à la fois dans le sang (3). Ajoutons encore que , comme l'ont expérimenté Magendie(4), Morgan et Addisson(5), le sang artériel ou veineux d'un animal empoisonné ne produit aucun symptôme d'empoisonnement lorsqu'on le fait passer immédiatement dans le système vasculaire d'un animal sain (§ 897). Il n'est pas vraisemblable que les sécrétions aient si rapidement enlevé la totalité du poison de la masse du sang du premier animal , ou que son action sur l'économie ait été complètement épuisée en si peu de temps , sans que le sang ait contribué à ce résultat par une influence transformatrice. De même, tout porte à croire que le sang de la veine cave s'assimile le chyle et la lymphe, qui n'y affluent que peu à peu et en petite quantité à la fois, et qu'il communique ses ca- ractères à ces liquides. La même chose arrive aussi sans doute quand on transfuse un sang étranger ; à la vérité , Blundell (6) a trouvé , chez un Chien auquel il avait laissé perdre tout son sang , et qu'il avait ensuite rappelé à la vie en lui injectant du sang humain , que le sang tiré de la caro- tide, quelques minutes après , ressemblait à celui de l'homm^, et non à celui du Chien , sous le rapport de la promptitude avec laquelle il se coagulait ; mais on devait bien s'attendre à ce qu'une transformation complète n'eût pas lieu en si peu de (1) GEuvrcs de Legallois, t. IT, p 496, 204. (2) Mayo, Outlines of humak physioloyy, p, 99. (3) Christison, Abhandlumj ueber die Gif te, p. 41. (4) Journal de pJu/sioloyie, t. I, p. CO. (5) Christison, Ahhandluay ueher die Gifte, p. 45. (6) Researches physiological and pathological, p. 89. DE LA RESPIRATION. 5'jg temps et dans dq cas où le système vasculaire avait éié vidé en grande partie. II. Sécrétions. § 982. A l'égard des sécrétions , ils est clair qu'elles ne se bornent pas à maintenir l'intégrité du sang en éliminant les substances étrangères qui ont pu y pénétrer , mais qu'elles rétablissent encore la proportion normale de ses principes conslituans , et qu'à cet effet le détritus laissé par les unes est enlevé par d'autres , ce qui ramène le liquide générateur à ses conditions premières (§ 892, 5°). De cette manière , les matériaux éloignés et inorganiques sont entraînés hors du corps sous leur forme primitive , tandis que les organiques sont décomposés et chassés sous la forme de nouvelles com- binaisons. Ainsi , par exemple , la sécrétion urinaire devient un moyen de débarrasser le sang de son excès d'eau , de sels et de terres , qu'on voit apparaître dans l'urine sans qu'ils aient changé de nature , au lieu que l'azote devenu en excès dans la fibrine ou l'albumine (§ 879), n'est éliminé qu'après avoir donné naissance à de l'urée et à de l'acide urique. Ces deux derniers principes de 1 urine n'ont effectivement point été ingérés avec la nourriture, puisqu'on les rencontre aussi chez les animanx herbivores ; une nourriture azotée les en- gendre seulement en plus grande proportion , sans qu'ils y soient déjà tout formés (§ 853), Ce ne sont pas non plus des produits de la digestion , car on ne les trouve pas dans le chyle , et l'urine en contient davantage le matin , au réveil , qu'immédiatement après la digestion. Enfin ils ne doivent pas naissance à la résorption , car, suivant Lassaigne , le sang veineux et la lymphe en contiennent après même dix-huit jours d'abstinence absolue. Ils se forment donc dans les reins. Mais comme les organes sécrétoires ne sont que les moyens à l'aide descpiels s'accomplit ce qui a sa cause réelle dans tout l'ensemble de la vie , toutes les fois que les reins n'agissent point , dans le choléra par exemple , ou ap:;'S qu'on les a ex- tirpés, de l'urée et de 1 acide urique peuvent se produire sur un autre point quelconque ei se retrouver ensuite dans le sang. 58o BÈ LA nEëî^lRAtlO??. Le foie surtout paraît avoir des connexions intimes avec le sang et la vie plastique en général. Il existe dans presque tout le règne animal : il se fait remarquer par la multitude des vaisseaux qui s'y distribuent , et toutes les fois qu'il est at- teint de maladie , le travail de la plasticité souffre plus ou moins. Évidemment le sang que la veine porte y amène subit un changement considérable, puisqu'il a des caractères qu'on ne remarque point dans le sang des veines hépatiques , non plus que dans celui de la veine cave. On ne pouvait se former qu'une idée fort incomplète de ces particularités au milieu des assertions contradictoires des anciens observa- teurs (1) : les recherches de Schultz ont singulièrement agrandi le cercle de nos connaissances à leur égard (2). Le sang de la veine porte diffère de celui de la veine cave par sa couleur plus foncée ; il ne rougit pas par les sels neutres , et rougit peu par le gaz oxygène ; son cruor sec n'est pas d'un rouge foncé , mais d'un gris brun sale ; le cruor est plus abondant en proportion de l'albumine, et il se compose de globules lisses , dans lesquels prédomine l'enveloppe co- lorée , attendu que la dissolution a déjà attaqué le noyau- Il contient moins de parties solides. Il est plus pauvre en fi- brine , ce qui fait qu'il ne se coagule pas , ou qu'il donne un caillot qui reste mou et qui se dissout en douze à quatorze heures , ne laissant qu'un sédiment noir. Il contient près du double de graisse, surtout dans sa fibrine, qui a une teinte de brun noirâtre et une consistance onctueuse. 1» L'hypothèse la plus simple est que, par suite de son long séjour, qui tient à la longueur et aux fréquentes anastomoses des vaisseaux intestinaux , à la structure de la rate , et en f^énéral à la lenteur de la circulation dans cette fraction du système vasculaire , par suite aussi de la sécrétion si abon- dante des sucs gastrique et intestinal, et ;"surtout du déve- loppement d'un acide libre dans ces sucs , le sang est devenu plus pauvre en oxygène et en azote , qu'il est plus riche en (1) Haller, Elom. physiol., t. YI, p. 497. (2) System der Cinnlalion, p. 457. — Rost, McKjazin, t. XLIV,p. 5- 42. — Journal de Ilufcland, 1838, cali. 4, p. 13^, DE LA RESPIRATION, 58 1 carbone , qu'il a perdu davantage de principes solides , no- tamment de fibrine , qu'il a acquis plus de graisse , que le foie, de son côté, emploie la graisse et le cruor à la formation de la bile , et qu'il débarrasse ainsi le sang de son excès de carbone. D'après cela, le foie, éliminant le carbone sous forme combustible , ferait opposition aux poumons , qui le chassent du corps sous celle de produit brûlé (1), et il y aurait anta- gonisme entre ces deux organes , car le foie est plus volumi- neux chez les animaux qui vivent dans l'eau , dans les maré- cages ou dans des lieux humides , comme aussi chez l'em- bryon , que chez ceux qui ont une respiration purement aérienne , la sécrétion de la bile est plus abondante sous l'in- fluence de la chaleur humide , et celte dernière circonstance accroît aussi la fréquence des maladies hépatiques. On objecte que le foie est trop volumineux, proportionnellement à la quantité de bile qu'il produit , pour qu'on puisse croire sa fonction réduite à la seule sécrétion ; mais cette difficulté n'a aucune valeur , car la bile étant un liquide beaucoup plus particulier que la plupart des autres humeurs sécrétées, il peut se faire que sa formation exige aussi une quantité de sang plus considérable et un appareil plus volumineux. 2° Comme les veines de l'organe digestif conduisent leur contenu au foie , toute l'antiquité croyait que cette glande reçoit ainsi le produit de la digestion pour le convertir en sang, et pour éliminer , sous la forme de bile , les matériaux incapables de subir la métamorphose. La connaissance ac- quise du système lymphatique ne fit point abandonner entiè- rement cette hypothèse. Grimaud (2) et Hartmann (3) ad- mettaient qu'une grande partie du chyle est conduite dans le foie , pour y être assimilée. On assure même encore aujour- d'hui que la bile doit se former aux dépens des alimens , no- tamment le picromel , parce que Lassaigne n'a point rencon- tré cetle dernière substance dans la bile de l'embryon. Sui (1) Ticdemann, Kech. sur la digestion, t. II. (2) (nvrs complet de physioJojjie. Paris, 1818, t. II, p. 265. (3) Ili/pothese neherdie assimilativ bluthereitende Functiondcr LebeT. Léipsick, 1838, p. 14. 582 DE Ik RESPIRATION. vant Haller (l),;le foie débarrasse le sang des vapeurs putrides développées dans l'intestin , et selon Prochaska (2), il le dé- pouille des substances combustibles grossières qui provien- nent des alimens. Tîpdernann pense que le sang de la veine porte porte ail foie les substances étrangères absorbées dans l'intestin , et une portion du chyle , afin que le tout y soit assimilé pas son mélange avec du sang artériel. Denis (3) croit qii'une partie des boissons, la plupart des sels, et les molécules particulières extraites des alimens arrivent au foie, et que là se forme la substance Jaune du sérum dis s;mg , qui, par son accession , convertit le chyle en sang. Toutes ces opinions manquent de preuves suffisantes. Chezl'embryon, le sang se forme hors du corps , avant qu'il existe un organe sécréteur de la bile , un foie. Puis la sécrétion biliaire s'éta- blit avant que l'organisme prenne aucune nourriture du de- hors. Enfin elle s'accomplit toujours de la même manière , quels que soient les alimens introduits dans l'estomac , et elle est plus abondante dans les cas d'abstinence prolongée que dans toute autre circonstance. Ce n'est donc pas aux sub- stances alimentaires immédiatement qu'elle emprunte ses matériaux. La coloration du séran^ en jaune ne suffit pas non plus pour opérer la conversion du chyle en sang. D'un autre côté , les recherches de Schultz sur le sang de la veine porte , et les variations qu'on remarque en ce liquide dans les divers états de la vie, démontrent qu'il n'est pointj redevable de ses caractères spéciaux à des portions d'alimens ou à du chyle mêlés avec lui. En effet, il est plus foncé, plus aqueux , plus pauvre en fibrine et plus riche en graisse chez les animaux soumis au jeune , qu'après une alimentation copieuse ; ses propriétés particulières ne lui sont donc pas fournies par l'acte de la digestion, mais par son séjour prolongé dans les vaisseaux, par son contact avec la substance organique qui l'en- toure, et par la sécrétion qui s'ensuit. Sa graisse aussi diffère de la graisse blanche , et en partie cristalline, qu'on trouve dans le chyle. (1) Ele7n. physioloçj., t. VI, p. 493, (2) Physiologie. Vienne, 1820, p. 418. (3) Archives générales, 3^ série, t. I, p. 179, DE lA RESPIRATION. 585 3° Si, d'après cela, il paraît n'être pas essentiel que des substances étrangères soient amenées de l'appareil digestif au foie , ce phénomène peut cependant avoir lieu en certaines circonstances , et les dispositions de l'organe sont telles qu'il ne résulte de là aucun inconvénient. Magendie (1) a trouvé que la même quantité d'huile grasse, d'émulsion cérébrale, de bile ou d'air, qui amène promptement la mort quand on l'introduit dans les veines cuves , peut être injectée sans danger dans la veine porte , et il conclut de là que ces sub- stances étrangères éprouventune plus grande division dans lé foie , qu'elles s'y délaient dans une plus grande masse de sang_, avec lequel elles se mêlent d'une manière plus intime. 4° Emmert a observé (2) un fait qui mériterait d'être exa- miné avec plus d'attention : c'est que la ligature de la veine mésentérique, près de son embouchure dans la veine porte, tue les animaux très-promptement , en trois quarts d'heure au plus, qu'elle détermine une grande faiblesse chez eux, enfin qu'après la mort les vaisseaux sont extraordinairement gorgés de sang, et les intestins parsemés d'ecchymoses, tandis que la ligature de la veine cave à la région rénale n'entraîne pas la mort avant quarante -huit heures, ei que le cadavre n'offre point une replétion aussi marquée des vais- seaux sanguins III. Ganglions sanguins. § 983. I. L'observation directe nous apprend peu de chose touchant les usages des ganglions sanguins (§ 783), cepen- dant il suffit de considérer les rapports organiques de ces parties, pour acquérir des notions générales à l'égard de leurs fonctions. Les substances qui agissent ici sont du sang artériel et un tissu organique ; les produits sont dn sang vei- neux et de la lymphe. d° Les ganglions sanguins se présentent donc à nous comme des diverticules du système vasculaire , qui détour- nent le sang de son droil chemin , et où si acquiert les carac- (1) Précis clément.^ t. I, p. 37. — Zeco/w, t. I, l>. 159. (2>Reil, Arcktv, t. XII, p. 2oii. 584 DE LA RESPIRATION. lères veineux sous l'influence du tissu environnant. Ainsi ces appareils augmentent la veinosité du sang, par conséquent aussi son affinité pour l'oxygène atmosphérique et l'attrac- lion exercée par lui sur le gaz : ils contribuent donc égale- ment à exalter la respiration. 2° Il se produit dans les ganglions sanguins un liquide , dont une partie provient du sang , comme sécrétion intersti- tielle et comme résidu de la nutrition du tissu , et dont l'autre résulte de la fluidification de ce dernier lui-mênoe. Ce li- quide étant résorbé , il peut communiquer au chyle et au sang de nouvelle formation le plus haut degré d'anîmalisation dont lui-même jouit en propre, et, de son côté , être pour ainsi dire rajeuni par ce mélange. II. A la longue série d'hypothèses que Haller a citées (1) relativement aux usages de la rate , on en pourrait ajouter beaucoup plus que ne le comportent les faits qui conduisent à des conclusions positives. Il est clair que la rate sert à l'œu- vre de la plasticité , mais ni la zootomie , ni la pathologie , ni les expériences ne nous procurent des lumières suffisantes sur le rôle spécial qu'elle joue. L'extirpation de cet organe , qu'on a tant de fois pratiquée , et depuis long-temps déjà (2) , n'a été funeste que dans des cas rares , et même alors la mort te- nait probablement à des circonstances accessoires , comme la perte de sang , la suppuration , etc. Souvent elle n'a entraîné aucun changement appréciable, ni dans l'organisation, ni dans les fonctions , laissant parfaitement intactes la digestion , la nutrition , la force musculaire , la faculté procréatrice , la vi- vacité. Quand elle a déterminé des dérangemens de la santé, les effets ont beaucoup varié suivant les cas. Ainsi, par exemple , quarante expériences de ce genre , faites à peu de distance les unes des autres par des physiologistes de Paris , n'ont procuré absolument aucun résultat précis (3). La rate paraît donc n'avoir que des rapports de peu d'importance avec la vie , et pouvoir être suppléée par les autres organes. (1) Elem. 'physiol., t. VI, p. 423. (2) Ibid., p. 424. (3) Assolant, Jîech. sur la rate. Paris, an x, p. 433.— Ribes, Mémoires d'anatomie dephysioloy. et de pathol. Vavis, 1841, t. Il, p. 355. DE lA RESPIRATION. 585 1° Elle forme un sang qui est veineux à un très-haut de- gré. Fort souvent, par exemple , dans les expériences de Tie- demann et Gmelin , on n'a pu apercevoir aucune différence entre le sang veineux de la rate et celui de la veine cave. Quant aux cas dans lesquels le premier de ces liquides a of- fert des caractères particuliers ( § 886, 5°), il est permis de douter qu'ils différassent de ceux du sang des veines mésa- raiques , ou du moins aucun fait ne l'établit. Cependant nous voyons dans la rate une organisation (§783) qui ralentit le cours du sang, retient plus long-temps ce liquide dans les racines des veines , le rend par conséquent veineux à un degré plus prononcé, et doit en conséquence l'approprier da- vantage à la production de la bile , ce qui semblerait être confirmé par les phénomènes qu'on a quelquefois obser- vés après l'extirpation de l'organe. Peut-être les bran- ches \de l'artère splénique qui vont à l'estomac fournissent- elles à ce dernier viscère un sang plus oxygéné et plus pro- pre à sa sécrétion acide, de telle sorte qu'il y aurait , entre la rate et l'estomac , un antagonisme qui partagerait le liquide sanguin en deux portions douées de qualités différentes. Dans ce cas , la rate contribuerait à la sécrétion du suc gastri- que, et exercerait ainsi de l'influence sur la digestion. On pourrait expliquer par là pourquoi les expérimentateurs ont quelquefois observé , après son extirpation , une dilatation des artères gastro-épiploiques (1) et une formation incom- plète de chyme _, pourquoi aussi les branches gastriques de l'artère splénique sont plus nombreuses et plus longues chez les animaux carnivores (2). Cependant ce n'est là qu'une hypothèse , et l'influence de la rate sur la digestion doit se réduire à bien peu de chose (§ 957. V ), puisque les rameaux gastriques de l'artère splénique ne fournissent du sang qu'à une partie de l'estomac , et que le canal digestif envoie aussi du sang au foie pour la formation de la bile. 2'' Déjà autrefois on admettait que la rate sécrète un li- quide qui passe dans les vaisseaux lymphatiques , ou que les (4) Ilallor, Inc. cit., t. VI, p. 422. — Assolant, loc. cit., p. M. (2) Heiisinger, UeOer don Bau nnd die Ferrichtunijen der MHz, p, 23. 586 DE L\ RESPIRATION, veines mènent au foie , et qui contribue à l'hématose (1). Plusieurs physiologistes modernes pensent également , avec Tiedemann , que la lymphe de la rate concourt à l'assimilation. Cette opinion a pour eile la remarque, faite par Hewson (2), que la lymphe splénique diffère de celle des autres parties du corps, chez les Bœufs et chez les Chiens, par sa couleur rouge et par une plus grande coagulabilité. Tiedemann a observé la même chose chez les Chevaux et les Chiens, Hui- ler (3) , chez les bêtes à cornes. Mais Monro a reconnu que la lymphe de la rate est transparente pendant la vie des ani- maux , et que ce n'est qu'après son exposition à l'air qu'elle rougit; Leuret et Lassaigne (4) disent aussi qu'elle n'acquiert celle teinte que par l'effet de la fièvre ou des tortures de la vivisection. Seiler (5) a trouvé également qu'elle ne rougit en général qu'au contact de l'air. Magendie et Tiedemann ayant établi qu'on ne la voit guère rouge que chez les animaux qui orit été privés de nourriture pendant long-temps , ce phéno- mène nous paraît n'avoir rien de particulier, et n'est que la conséquence de la propriété dévolue à toute lymphe (§ 959, 4", 5°), propriété qui seulement se prononcerait ici d'Une manière plus sensible. 3° Ainsi , les rapports qu'on avait supposés entre la rate et l'hématose paraissent n'avoir rien de réel. Hewson croyait avoir vu des globules du sang dans la lymphe de cet organe; il admettait (6) que les noyaux de ces globules , formés dans le thymus et les ganglions lymphatiques, acquièrent, dans les cellules de la rate , la substance colorée sécrétée par les ar- tères spléniques, que, de cette manière, ils se trouvent pour- vus d'une enveloppe et portés au terme de leur développe- ment , et qu'ensuite les vaisseaux lymphatiques de la rate , jouant le rôle de conduits excréteurs , les conduisent dans le canal thoracique et delà dans le sang. Yoilà pourquoi , sui- (4) Haller, Elem. physioL, t. YI, p. 423. (2) Expérimental inquiries, t. III, p. 110, (3 fJundhvch der Physnloçjie, t. I, p. 245. (i] lioch. AHr la diycstion, p. 93. (5) Zeitschrift fuor Natur-und Heilkunde^ t. II, p. 353, 394. (6) Loc. cit„ p. 131 137. bE lA. RESPIRATION. 587 vanl lui , le sang veineux de la rate n'est point coagulable , et ne contient pas de globules. Mais, la plupart du temps, l'hématose n'est pas troublée le moins du monde par l'extir- pation de la raie; les globules du sang sont, comme l'avait déjà fait remarquer Motiro, constitués de la même manière dans les veinps de la rate que dans les artères , et ceux quon a trouvés dans la lymphe rougie de cet organe , ne diffèrent vraisemblablement pas de ceux qu'on observe dans toute au- tre lymphe devenue rouge. Arnold (1) prétend que la lymphe splénique, même à l'élai incolore, contient, outre les globu- les lymphatiques, «ne multitude de corpuscules tout à fait semblables aux globules du sang pour la forme et le volume, et qu'en conséquence il se produit réellement des globules du sang dans la rate. Schullz admet (2) que les globules de chyle entrés dans le sang se déposent et se transforment dans la rate, parce que, suivant lui, la lymphe splénique ne contient presque pas de globules lymphatiques , mais seu- lement des globules du sang en train de se produire. Ces deux théories sont encore fort douteuses , par les mêmes motifs qui militent contre celle d'Hewson. III. Pour ce qui concerne les autres ganglions sanguins , on ne connaît nullement la nature de leur sang veineux, et l'on connaît fort peu leur lymphe : on a seulement observé le liquide interstitiel qui s'y rencontre , mais sans pouvoir tirer de là aucune induction , de sorte que toutes les opinions qui ont été émises sur les fonctions de ces organes se réduisent à dépures hypothèses. 1 Hewson (3) croyait avoir trouvé des noyaux de globules du sang dans le liquide interstitiel du thymus et dans les vais- seaux lymphatiques qui partent de ce corps ; en conséquence, il admettait qu'il s'en forme là comme dans les ganglions lym- phatiques , et que les lymphatiques les transmettent ensuite au san[f,mais que, pendant les premières périodes de la vie, où l'accroissement marche avec le plus de rapidité, raciion (1) Lehrhuch der Physiologie, t. II, p. 164. (2) Dus System der Circulation, p. 47. (Z)Loc. cit., t. III, p. 78, 128. 588 CONSIDÉRA.TIONS GÉNÉRALES des ganglions lymphatiques serait insuffisante, si le thymus ne venait à son secours. Suivant Haugsted (1)', l'organe sert à l'assimilation du lait chez l'enfant à la mamelle , parce qu'à cet âge les glandes salivaires ne sont point encore complète- ment développées , non plus que les ganglions lymphatiques du mésentère. Arnold cherche à concilier ensemble les opi- nions de Hewson et de Haugsted (2). 2° Hofrichter (3) attribue pour usage à la thyroïde de don- ner au sang abondant qui y circule avec lenteur un caractère veineux dont le but est de le préparer à la respiration. Tre- viranus (4) pense qu'elle sert à l'assimilation du liquide absorbé par la peau de la tête , du cou et des membres pec- toraux. 3° Ce physiologiste admet que les capsules surrénales rem- plissent le même office par rapport aux parties inférieures du corps (5). Arnold (6) les croit destinées d'une manière spéciale à l'assimilation de la lymphe qui vient des organes génito- urinaires. Suivant Sclimidt (7), la sécrétion qu'elles fournissent a pour usage de procurer au sang les qualités nécessaires pour exciter convenablement le cœur, qualités dont la sécré- tion du suc intestinal , de la bile et de l'urine le dépouille. TROISIÈME DIVISION. COHSIDÉa&TIOMS GÉNÉRALES SUR LA FORMATIOK DU SANS. § 984. Au mouvement continuel du sang correspond un changement également non interrompu de sa substance ; car, s'il perd continuellement des matériaux, sans cesse aussi il reçoit et des liquides provenant du système lymphatique, et des gaz tirant leur source de l'atmosphère. (1) Thymiinhomine ac fer seriem animalem descrîptio, Copenhague, 4832, p. 282. — Ph. Blandin , Nouv. élémens d'anatomie descriptive^ Paris, 4838, t. II, p. 341. (2i Loc.cit.,t. H, p. 482. (3) Meckel, Deutsch.es Archiv^ t. IV, p, 168. (4) Biologie, t. IV, p 541. (5) Loc. cit., p. 545. (6) Loc. cit., p. 18*. (7) Diss. de glandulis suprarenalil/tis. Francforl-Sur-1'Oder, 1785, p. 47. Sth LA FORMATION f)t] SÂNC. SS^ 4° Cet équilibre de perle et d'acquisition fuit que le sang se maintient en quantité normale , et que sa formation correspond aux besoins de chaque instant , cur elle est plus abondante dans le cas de vacuité des vaisseaux et plus rare dans le cas contraire ( § 906 , 4" ). En comparant la quantité des déjec- tions alvines avec celles des alimens solides (§ 948 , 1°) , nous pouvons ( puisque les boissons s'échappent promptement par l'urine et la transpiration ) évaluer à environ deux livres la quantité de sang réel qui se produit chaque jour chez un homme bien portant. Mais , pour que la vie se maintienne , malgré de fortes hémorrhagies répétées , comme on le voit surtout chez les femmes ( § 179 ), il faut que la formation du sang dépasse la proportion normale. On a vu des hommes perdre mille livres de sang en une année , trois cent dix en deux mois, soixante-quinze en dix jours (i); la formation journalière de ce liquide devait donc être chez eux de trois à cinq livres au moins. Dans 1' éiat normal , elle est proportion- née à la masse du corps entier ; quand cette masse diminue beaucoup , par le fait de l'amputation d'un membre , une par- tie de la quantité de sang qui jusqu'alors se produisait chaque jour devient superflue , et l'on voit survenir les accidens pro- voqués par la pléthore des vaisseaux ; mais ces accidens di- minuent peu à peu, soit que la production du sang rentre dans des limites correspondantes à la masse actuelle du corps , soit que l'organisme s'accoutume à une réplélion plus considérable du système vasculaire ; car l'hubitude fait un besoin de tout état de choses qui subsiste depuis quelque temps. Des pertes de sang fréquentes exaltent l'irritabilité, à tel point que le moindre accroissement de la quaniitc de ce liquide fait naître des sym- ptômes de pléthore ( § 741, 6» ). Osiander parle d'une femme hystérique qui, ayant remarqué que la saignée lui procurait du soulagement dans ses accès , répéta si souvent les émis- sions sanguines, qu'au moment où il la vit , elle élait depuis plusieurs années déjà obligée de se faire saigner toutes les semaines, parce que, sans cette précaution, la nourriture même la plus simple lui donnait la fièvre. Une fille , citée par (1) Biologie ^\. m, p. 503, 590 CONSIDÉRATIONS GENERALES Treviranus (l), perdit, pendant six ans, une demi livre et plus de sang chaque jour , et la cessation de cette hémorrha- gie naturelle mit dans la nécessité de recourir auK émissions sanguines. D'un autre côté , nous voyons une grande abon- dance de sang ne porter aucune atteinte à la santé , quand la matière organique est douée d'une forte cohésion , la com- plexion sèche, et la fibre rigide : alors le sang retient ses prin- cipes çonstituans avec plus de force , en sorte que les sécré- tions , celle surtout delà graisse , sont moins copieuses, tandis que l'organisme supporte mieux la réplélion du système vas- culaire. 2° L'organisme tout entier concourt à produire le sang qui lui est nécessaire , les différens organes réunissant leur action pour coopérer à ce but commun. En effet, comme la forma- lion du sang a pour antagoniste sa décomposition , elle trouve sa source !à où cette dernière trouve son but. Mais, de même que les substances qui émanent du sang aflectent deux direc- tions différentes, les unes, destinées à l'élimination , rentrant dans le monde extérieur ( § 809 , 1° ) , tandis que les autres , consacrées à la formation organique ou à la nutrition (§ 778, 3** ) , se déposent dans l'intérieur de l'organisme , dont elles alimentent la substance ( § 809, 6), de même aussi le sang se produit de deux manières , et par le conflit de la substance organique avec le monde extérieur, et par le conflit de cette substance avec elle-même. § 985. Le conflit avec le monde extérieur, qui a pour but la formation du sang, et pour condition l'ingestion de substances dont une partie est rejetée au-dehors , s'exerce dans la diges- tion et la respiration. Ces deux fonctions, confondues ainsi dans un but commun , s'harmonisent l'une avec l'autre de telle sorte qu'une respiration plus complète entraîne une digestion plus active et que ratlection de l'une porte sym- pathiquement le désordre dans l'autre ; aussi leurs organes sont-ils pour la plupart rapprochés , aussi reçoivent-ils les mêmes nerfs , aussi ont-ils les mêmes appareils pour ac- cessoires (hyoïde, langue , diaphragme) , aussi s'entraident- SUR LA FORMA.TION DU SANG. Sgi ils mutuellement dans les mouvemens de leurs parties péri- phériques. L'équilibre et l'exercice harmonique des deux fonctions sont les conditions d'une hématose normale. Mais comme elles réalisent en sens inverse l'une de l'autre l'idée qui leur appartient en commun à toutes deux , il y a entre elles une véritable opposition de polarité. 1° La digestion est le commencement de l'hématose , et la respiration en est le complément. Dans la première se déploie la puissance de l'organisme , et dans la seconde celle de la nature extérieure. La première s'exerce sur une matière tou- jours complexe sous le point de vue chimique, ne fût-ce que de l'eau pure , au lieu que l'autre a pour objet un simple mélange de substances ahmentaires. L'organe de la digestion est partout une cavité , qui reçoit son objet , l'embrasse , l'en- ferme et le domine ; celui de la respiration , au contraire , fait saillie à l'extérieur, chez les êtres vivans inférieurs , et l'abandonne à l'influence de l'atmosphère, plus puissante que lui. Les aiimens cèdent à la force créatrice de l'organisme , qui , malgré leur diversité, produit avec tous un même sang, une même albumine , une même fibrine, un même cruor (1). La substance animale peut convertir du sucre ou toute autre matière végétale en une substance animale, l'acide lactique , par l'effet du simple contact , faculté qui paraît être inépuisa- ble en elle (2) ; et quoique, durant son premier période , la vie animale ne puisse se nourrir que d'un liquide analogue au chyle , d'un liquide contenant de l'albumine et de la graisse (matière alibile de l'œuf et lait) , cependant on ne saurait dénier à la vie en général le pouvoir de former de la sub- stance organique avec des matières inorganiques (§ 954, II,). Dans la respiration , au contraire , la prépondérance est du côté de l'atmosphère ; l'oxygène contracte combinaison avec le sang, sans perdre sa nature propre , et on peut l'en retirer sans qu'il ait changé de nature. La digestion est une opéra- lion complexe , car elle ne peut accomplir la transformation (i) Annales de chimie, t. LI, p. 384. (2) Comptes-rendus ^bs séances de VAcad. des se. , t. VIII, p. 960 j t. IX, p. 46. Bga CONSiDÉRATÏONS GÉNÉRALES que d'une manière graduelle , ei il lui faut livrer son produit au système lymphatique , qui l'élabore encore , puis le trans- met au système de la veine cave , lequel enfin vient le sou- mettre à la respiration. La respiration , au contraire , est une opération simple , mais qui met en jeu la vie tout entière , et qui métamorphose immédiatement le sang , de sorte que ce liquide , en sortant du système aorlique , a la puissance d'ex- citer l'activité vitale dans tous les organes. 2° La digestion s'exerce sur des choses palpables ; par la force dont est douée l'organisme individuel , elle convertit une matière solide ou liquide en un liquide plus ou moins épais , qui est la base matérielle du corps : la formation de matière, le côté matériel de l'organisme prédomine ici. Dans la respiration, au contraire, il n'y a que relations de forces et activité passagère : consacrée tout entière à ce qu'il y a d'élémentaire et de général, cette fonction n'accroît pas la masse organique , mais la modifie au point de lui faire acquérir une vitahté plus prononcée ; elle l'anime, ou la spi- rituahse.iVussi son effet n'est-il point permanent, comme celui de la digestion; il ne tarde point à s'éteindre , et comme rien ne peut l'enchaîner, un exercice non interrompu de la respi- ration est nécessaire à la vie générale. L'eau nourrit , l'air consume (§839, r). 3" La digestion fait acquérir un produit basique , combus- tible , varié , et elle a pour intermédiaire une sécrétion acide. La respiration, au contraire , procure à l'organisme l'élément absolument électro-négatif, l'oxygène, par l'intermédiaire d'un sang veineux , que les bases dont il est sursaturé en ren- dent avide. La première s'empare surtout du carbone , et l'acide carbonique exerce sur elle une action excitante , vivi- fiante ; la seconde procure une issue à l'acide carbonique, et quand ce dernier y intervient en place de l'air, la vie s'éteint. 4° Les deux fonctions impliquent ingestion et éjection , mais en des proportions diverses. Dans la digestion, le corps reçoit plus qu'il n'exhale , tandis que dans la respiration ces deux opérations se font à peu près équilibre ; mais ici l'ex- halation a plus d'importance pour la vie que n'en a l'éjection par les organes digestifs. StJR t FORMATION DU SANG. SgS 5° Les deux fonctions sont étroitement liées à la vie ani- male ; mais la digestion, dans laquelle prédomine l'ingestion, se rattache davantage au côté réceptif de cette vie , la sensa- tion , tandis que la respiration , dont l'éjection fait le principal caractère , a plus particulièrement des connexions avec son côté réactionnaire , le mouvement. Les organes digestifs ont UQ appareil considérable de nerfs , le plexus solaire , et , chez les animaux sans vertèbres , ils sont embrassés par les parties centrales du système nerveux. La respiration , au contraire , dépend plus immédiatement encore du mouvement ; elle prend les muscles de la périphérie à son service , son organe est pourvu d'un appareil squelettique spécial, et chez les animaux qui occupent le bas de l'échelle , il est lié aux membres , ou même représente un membre qui sert en outre à la locomo- tion. § 986. Les organes dans lesquels l'éjection a acquis une prédominance décidée , notamment la peau et les reins , prennent part à la formation du sang , par la fonction qu'ils accomplissent d'éliminer des matériaux du corps. Leur situa- tion par rapport aux organes principaux n'est point la même ; la peau se rattache aux poumons , comme organe aérien , et les reins à l'intestin , comme organes aqueux. 1° En opposition avec la formation organique et les dépôts enloplastiques par lesquels le sang abandonne des matériaux dans un milieu qui n'est extérieur eu égard à lui que d'une manière relative , se trouve la résorption , qui s'empare de ces produits relativement extérieurs, et constitue par conséquent la source intérieure de la formation du sang. La résorption ramène au sang ce qui a rempli sa destination , savoir, le li- quide entoplastique entier, tout ce qui, dans les sécrétions dermatiques , n'est pas devenu eniièreiiient étranger à l'orga- nisme et purement excrémentitiel , enfin la substance vieillie et usée des tissus. Considérée dans son essence , c'est une di- gestion que l'organisme exerce sur son propre corps , une décomposition et une transformalion de substances relative- ment extérieure , avec report vers le sang du produit de la métamorphose ; elle convertit les diverses substances , comme graisse , os , muscles, etc., en un liquide homogène, qu'elle IX. 38 594 CONSIDÉRATIONS GÉNEtlAtES verse dans le torrent de la circulation. Comme digestion dé soi-même, comme direction de !a force assimilatrice contre la matière du propre organisme, elle suppose un développement plus élevé de la spontanéité et de la vitalité intérieure. On n'en aperçoit aucune trace chez les végétaux , qui ont pour caracière une métamorphose successive , chez lesquels il s'a- joute continuellement de nouvelles formations aux anciennes, sans que celles-ci se dissolvent. Dans le corps animal, à une ac- tivité plus vive et à une réceptivité plus impressionable se joint une plus grande aptiiude de la substance animale à la décompo- sition, et comme ici Taciivité est devenue permanente, à la formation organique continuelle correspond aussi une décom- position spontanée coniinuelle , qui marche d'autant plus ra- pidement que la respiration aérienne est plus parfaite et la vie animale plus énergique. La résorption enlève aux liquides sé- crétés ce qui est encore ^susceptible de se convertir en sang, et par conséquent de servir à l'organisme. Les matériaux dété- riorés des organes sont ramenés dans le sang , afin de pouvoir être expulsés par une sécrétion dermatique ; cependant ils peuvent encore servir à l'excitation d'un autre organe, ou être en quelque sorte rajeunis, soit parle mélange avec les liquides enlevés à d'autres parties des corps , soit par l'influence du sang dans les ganglions lymphatiques ou le système sanguin lui-même , soit enfin par la respiration. De celte manière, il s'accomplit une circulation de la substance organique ; car de nouveaux matériaux sont puisés dans les sécrétions pour ser- vir à la nutrition , qui , de son côté , leur fournit une partie de ceux dont elles ont besoin. 2° Dans l'embryon , du sang se forme de la substance de l'œuf, et, à ce qu'il paraît, sous l'influence indirecte de l'air atmosphérique; mais les globules arrondis qu'on aperçoit là ne doivent pas naissance à une transformation des globules viieUins ; ce sont, comme l'a fait voir Valentin, des formations nouvelles. Du sang peut également se produire d'une manière immédiate dans divers tissus accidentels ( fausses membranes et bourgeons charnus). Gruithuisen et Home prétendent même avoir été témoins du phénomène , le premier dans des inflam- mations, le second sur des surfaces suppurantes. K.aUe»brtia-; SDR LA FORMATION DÛ SANG. ^Q^ tier (l)le décrit d'après ses observations faites sur les bords des plaies en travail de cicatrisation : les flocons de sang que l'in- flammation dépose dans le parenchyme, et en partie aussi le parenchyme lui-même, se convertissent en des particules qui s'unissent de manière à produirelde petits grumeaux, exécutent un mouvement oscillatoire , acquièrent peu à peu une forme sphérique et une direction déterminée de leur mouvement, et finissent par représenter un petit courant courbé en arcade , dont les deux extrémités s'abouchent dans les vaisseaux san- guins les plus proches. DœUinger (2) avait déjà donné une description analogue de la manière dont le sang se forme de la substance organique chez les embryons de Poisson ; une languette de la masse solide entre en mouvement au voisinage du courant sanguin , et oscille d'un côté à l'autre ; ses granules s'écartent les uns des autres, et acquièrent peu à peu une figure déterminée , ovalaire ; ensuite la masse oscil- lante forme deux petits courans, ayant l'un la direction arté- rielle, l'autre la direction veineose, qui s'unissent en arcade à l'une de leurs extrémités , tanuis qu'aux deux autres bouts, ils s'abouchent avec une artère et une veine. Gomme ces obser- vations n'ont pas encore été répétées , on ne peut point les ranger au nombre des faits imputronisés dans la science , quelque vraisemblables qu'elles soient d'ailleurs. La même réflexion s'applique à la théorie d'Autenrieih (3) , qui pré- tend que du sang se forme dans tous les points du corps ani- mal où surgit une polarité chimique , et que cette polarité s'é- tablit toutes les fois que le lijuide animal reçoit du fer, ce métal tenant le milieu en'.re la série des métaux électro-néga- tiCs et celle des métaux é leciro- positifs , de manière qu'il est également propre à exciter l'une et l'autre force. § 987. 1° Comme les globules sangiiins sont caractéristi- ques pour le sang et lui appariiennent exclusivement, comme ils sont la condition de sa propriété excitatrice et la cause es- (1) Froriep, Notizen, t. XXI. p. 310. — L. J. Sanson, des fJémor- rhayies traumatiques, Varis, 1836 , in-8^. (2) DcnkschrifLcn der Akad. zu Muennchen, t. Vit, p. 206. — IFas ist /Ibsonaeruntj, undwio (jc.'ivhichlsia P Wurzbourg, 1819, p. 25. (3) Reil, Archiv, t. VII, p. 137. S96 CONSIDÉRATIONS GENERALES sentieile de son mouvement , de la métamorphose quMl subit dans la respiration , comme ils sont plus développés aux de- grés supérieurs de l'échelle animale ( § 774 , 7»), nous devons reconnaître que leur production est le point culminant de rhématose. Aussi les trouve-t-on plus abondans , proportion- nellement au sérum du sang , pendant râ^je adulte que durant l'enfance et la vieillesse (1) ; leur nombre , leur ruiilance et leur plénitude , chez les individus, varient en raison du degré de ia force vitale et de l'énergie du travail de la plasticité (2) ; de même, leur remplacement marche avec plus de lenteur, et après une perte considérable de sang , la partie aqueuse de ce liquide demeure prédominante ;pendant long-temps. La marche de leur formation est graduelle aussi, et commence par la production de granules. Comme l'organisme tend , jusque dans ses plus petites parcelles , à prendre une forme régulière déterminée , et que la forme globuleuse , résultat d'une gra- vitation vers un centre commun, indice, par conséquent , de la domination de l'unité dans l'espace , correspond à son ca- ractère ( § 830 , 6° ), c'est sous cette forme que débutent les créations qui lui sont propres. Voilà pourquoi, dans la géné- ration équivoque , les animaux et les végétaux les plus sim- ples ( Monas , Protococcus, elc. ) apparaissent sous forme glo- buleuse , et pourquoi commence également ainsi la formation du sang. Les globules simples du chyle et de la lymphe sont les premières formes que l'organisme crée aux dépens du produit de la digestion et de la résorption , dans les racines des vaisseaux lymphatiques ; ces globules se développent en- suite en parcourant les systèmes lymphatique et sanguin ; il s'y manifeste des oppositions de périphérie et de centre , de profondeur et de largeur , même de longueur et de largeur dans les trois classes inférieures du règne animal, et ils se con- vertissent ainsi peu à peu en globules du sang, qui servent à la vie sous différens rapports , subissent une décomposition à (1) Denis, Rech. sur le sang humain. Paris, 1830, p. 288, (2) Haller, Elem. physiol,, t. II, p. 56. — Opéra minora^ t. I, p. 481, — Dénie, loc. cit., p. 290. SUR LA FORMATION DU SAN^. 697 mesure qu'ils remplissent leurs usages ( § 870 , 6° ), et font continuellement place à d'autres de formation plus récente. 2» Schultz a établi une hypothèse opposée , fort originale , mais qui ne me semble pas suffisamment justifiée. Suivant lui, le plasma^ OU la lymphe , la liqueur du sang ( § 664) est le vrai sang , dans l'acception propre du mot (1) ; il a une configu- ration inhérente et un mouvement organique qu'il s'imprime lui même ; ses globules oscillent , et son excitation consiste en une attraction et une répulsion de matières étrangères, tandis que les globules du sang n'ont qu'un mouvement passif , et qu'à mesure qu'ils augmentent de volume , la faculté vivi- fiante et nutritive du plasma diminue (2). Ces globules ne ser- vent qu'à la formation du plasma , et cela par la dissolution de leurs noyaux , que détermine surtout l'air attiré dans la respiration ; une fois la substance dissoute des noyaux trans- sudée à travers l'enveloppe colorée , celle-ci reste seule , et elle est principalement employée à la formation de la bile. 0° La découverte de l'existence , dans la levure, de glo- bules qui se développent en champignons filiformes, pendant la fermentation , a fait naître aussi des théories relativement à la formation des globules du sang. Suivant Turpin , l'orga- nisme se compose d'une agglomération d'individus vivans qui, séparés les uns des autres , constituent le ferment : la fermen- tation est une opération vitale , par laquelle se développent des végétaux, et parfois aussi des animaux; les globules du lait, de la lymphe et du chyle , ainsi que ceux du sang eux- mêmes, sont des corps organiques vivans, et résultent de deux vésicules emboîtées l'une dans l'autre (3). 4° Schwann (4) regarde les globules de la lymphe et du sang, qui sont pour lui la base de tous les tissus organiques, comme étant composés d'un noyau et d'une enveloppe : leur (1) Das System der Circulation, p. 404. (2) Ih., p. 73-77. (3) Comptes-rendus des séances de VAcad. des se., t. VII, p. 39 . — ~ Annales des sciences naturelles, 2»^ série, t. VIII. p. 338. (4) Microscopische Unlersuchunyen ucher die Uehereinstimmung in der Structur und dem' fVachsthume dov Thiere undP flanze/i.fievUn, 4839 p. 75, 494, 2o3. BgS CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES formation tient à ce qu'il se précipite d'abord une substance qui produit le noyau , et à la surface de laquelle se dépose ensuite une couche extérieure , constituant l'enveloppe ou la paroi de la cellule. 5» (Les globules de !a lymphe et du chyle ne sont évidem- ment point encore parvenus à une organisation aussi avancée que ceux du sang : nous en avons pour preuve leur défaut de similitude sous le point de vue du volume et de la transpa- rence , comme aussi leur texture grenue plus ou moins pro- noncée ; ils sont encore en train de se développer, tandis que les globules du sang oat atteint déjà leur dernier terme , ce qui fait qu'ils ne peuvent plus éprouver désormais qu'une transformation et une dissolution. A.u microscope , les globu- les de la lymphe et du chyle paraissent des conglomérats de très petits globules, ayant tout au plus un deux-milhème de ligne de diamètre. J'ai aperçu de ces globules dans le chyme de l'intestin grêle, dans celui de l'estomac, après y avoir ajouté de la bile, dans le sérum du chyle exposé à l'influence du gaz oxygène , enfin dans le dépôt du chyle traité par l'é- ther et l'acide azotique. On se demande si celte agglomération est réelle ou seulement apparente , si les globules du chyle naissent véritablement d'une coalition de granules élémentai- res, qui, peu à peu, se confondent ensemble pour ne former qu'un seul globule , ou s'ils ne proviennent pas plutôt d'un noyau primitif, sur lequel se développent plus tard des corpus- cules , qui leur donnent l'aspect granulé qu'on remarque en eux quand ils sont parvenus au terme de leur perfection. Je suis intimement convaincu , contre l'opinion de Wagner , que les globules du chyle n'existent point encore, dans l'intérieur du canal intestinal , tels que nous les trouvons dans les vais- seaux lymphatiques; mais si j'ai raison de penser que les gra- nules trouvés par moi dans la substance grisâtre qui adhère à la membrane muqueuse de l'intestin grêle , pendant la diges- tion , sont des globules du chyle incomplètement développé, on peut très-bien admettre que plusieurs d'entre eux, en sor- tant de l'intesiin , et traversant la substance organique (trajet contre lequel leur petitesse ne permet pas d'objecter l'absence de pores appréciables), se réunissent ensemble pour produire SUR LA FORMATION DU SANG. 699 un {jlobule du chyle. Cependant s'il était vrai que ces granules ainsi réunis se consolidassent peu à peu en un noyau, pendant la transformation des globules du chyle en globules du sang , il serait fort étonnant que l'apparence granulée des globules du chyle, loin de diminuer peu à peu pendant leur trajet le long du système lymphatique, devînt au contraire plus prononcée : car elle est très-sensible, par exemple dans les globules du chyle que renferme le canal ihoracique , tandis qu'on ne la remarque presque point dans ceux du chyle provenant des vaisseaux lymphatiques de l'intestin, avant leur passage à tra- vers des ganglions. En outre , après avoir traité le chyle par le gaz oxygène, j'ai trouvé dans le sérum une grande quan- tité de ces petits granules , dont on n'apercevait auparavant aucune trace dans le chyle , tandis que les globules propre- ment dits du chyle étaient devenus tout-à-fait lisses dans le caillot : on peut donc très-bien admettre que les granules se sont détachés des globules sous l'influence du gaz oxygène ; mais alors comment supposer que ces granules élémentaires aient produit les globules du chyle en se réunissant, pour se séparer ensuite presque tous de ces derniers quand ils vien- nent à se transformer en globules du sang? Je me sens donc porté à croire la seconde hypothèse plus exacte que l'autre , et à admettre que chacun des granules élémentaires , aperçus par moi dans le chyme de l'intestin grêle, constitue à lui seul le noyau d'un globyle du chyle , et qu'à cet effet il subit, pen- dant sa sortie même de l'intestin , un changement essentiel , notamment un grossissement considérable , tenant peut-être à l'accession d'une certaine quantité de la substance organi- que des parois intestinales, qu'il attire à lui , mais que, dans son trajet à travers le système lymphatique , et vraisembla- blement sous l'influence du sang, dans l'intérieur des gan- glions lymphatiques , de nouveaux produits se déposent à sa surface sous la forme de granules, et qu'enfin quand ces gra- nules, adhérens à la surface , ont acquis un certain degré de maturité, quand le noyau est prêt à se transformer en un globule du sang , ils se détachent par l'effet de la métamor- phose à laquelle donne lieu l'influence du gaz oxygène. Peut- être y aurait-il encore à penser que ces granules détachés, se 600 CONSID. GÉN. SUR LA FORMATION DU SANG. développant peu à peu dans le sang , deviennent les corpus- cules analogues aux globules sanguins qui ont été vus par plusieurs observateurs dans le sang , mêlés avec les globules proprement dits, qu'ils passent dans les lymphatiques qui ac- compagnent en si grand nombre les vaisseaux sanguins , et qu'ils sont ainsi ramenés de nouveau dans le canal thoracique. Cette théorie serait facile à mettre en harmonie avec celle de Schwann , car elle n'empêcherait pas d'admettre une forma- tion celluleuse dans les globules du chyle : seulement les nou- velles cellules ne se développeraient pas à l'intérieur de la cellule-mère, comme chez les végétaux , mais à sa superficie. Le noyau des globules chyleux paraissent être pleins , et non creux ; mais cette circonstance ne suffirait pas pour repousser l'analogie dont je viens de parler, si l'on parvenait à décou- vrir une capsule ou enveloppe extérieure ; peut-être d'ail- leurs, en employant de plus forts grossissemens,apercevrait-on aussi un noyau celluleux. Quant aux granules épars à la sur- face , et qui se détachent plus tard , ce sont bien certaine- ment des cellules , et leur contenu semble être en grande par- tie de la graisse , qui sert peut-être aussi à les unir au noyau : ce qui l'annonce , c'est que la surface du globule de chyle devient plus sensiblement granuleuse lorsque le globule lui- même se dessèche, que l'éther détache les granules de la sur- face des globules , et enfin qu'en traitant le chyle par le gaz oxygène , on voit de grosses gouttes d'huile nager à la sur- face) (1). (1) Addition d'Ernest Burdach. DE LA DYNAMIQUE. 6ol DE LA DYNAMIQUE. § 988. 1° En faisant usage de nos sens , c'est-à-dire nous livrant à l'observation , nous parvenons à constater l'existence des divers phénomènes vitaux , et nous nous procurons de cette manière une multitude de notions isolées sur le compte de la vie. La physiologie ne devient une véritable doctrine qu'autant qu'elle compare les faits les uns avec les autres, en recherche les conditions , s'attache à découvrir les rapports de causalité qui subsistent entre eux , et acquiert ainsi ce qu'on appelle l'expérience. L'esprit , qui a la conscience de sa destination , n'est pas satisfait de ce que l'expérience lui apprend touchant les phénomènes de la vie ; il veut encore connaître le lien qui les unit et la cause de laquelle tous dé- pendent ; il veut arriver à se faire une idée nette de la vie dans son ensemble et son essence ; il veut, en un mot, élever la physiologie au rang de science. Mais ce but , il ne peut y arriver par la seule pensée : car il ne trouve en lui que les lois générales de l'intelligence ; et bien qu'il reconnaisse que l'esprit , considéré en général, est l'existence suprême, l'exis- tence primordiale, la seule existence vraie, il n'en doit pas moins avouer que cette existence se manifeste en lui sous la forme de l'individualité, que par conséquent elle y est circonscrite dans des bornes déterminées, et que la pensée humaine n'est qu'une forme particulière de l'activité spirituelle. Il se reconnaît bien une émanation de l'esprit primordial ; mais, en même temps, il reconnaît hors de lui une autre existence , qui a la même origine , dont cependant la notion ne lui arrive que par la conscience,et ne parvient que par l'intermédiaire des sens à se mettre en contact avec son propre moi. C'est en réunissant avec les produits de sa pensée ce qu'il acquiert par ses sens et son intelligence, qu'il fait de la physiologie une science expé- rimentale. Effectivement, comme la science ne consiste qu'en ce que l'esprit se retrouve lui-même , elle a deux buts , celui de chercher l'essence et la source de cet esprit dans l'esprit absolu , et celui de chercher l'accomplissement des lois de la pensée dans le monde extérieur. Dirigé par ces vues, nou^ 603 DE LA DYNAMIQUE. avons jusqu'ici coDsidéré expérimentalement la succession des phénomènes pendant le cours de la vie (§ 1-657), et les phénomènes continus de la vie matérielle (§§ 658-987), afin d'arriver à réunir les résultats de cet examen en une intuition générale, qui s'offrait déjà d'une manière va^^^ue à nous lors- que nous jetions un coup-d'œil rapide sur l'ensemble de cha- que sphère. 2° L'esprit est un et intérieur ; conformément à cette es- sence , il cherche partout à saisir l'unité cachée dans le mul- tiple. Mais l'unité intérieure des phénomènes consiste en un enchaînement de causalité. Reconnaître cet enchaînement est donc le problème sur lequel s'exerce continuellement l'activité de l'esprit. Quand la cause d'un phénomène réside dans l'être même où ce dernier appariait , nous l'appelons force. li y a donc là pour nous une idée réelle , dont le rejet n'est qu'une négation de l'enchaînement de causalité , une négation de la raison et de l'intelligence agissant d'après les lois de la raison. En voulant arriver à la connaissance de la vie par la voie analytique, nous avons d'abord à nous occuper des différentes forces qui agissent en'elle. I. Des forces de l'unîters dans la vie. A. Forces inhérentes. §'989. Comme corps, l'organisme porte en lui les forces qui sont inhérentes à la matière en général , et ce sont ces forces qui le déterminent dans le monde extérieur. Nous avons donc à chercher en elles la cause prochaine des phénomènes de la vie. Nous reconnaisons un mécanisme dans la manière dont les divers tissus agissent les uns sur les autres par pres- sion et traction ; des actions évidemment chimiques ont lieu dans la digestion , la respiration , la sécrétion et la nu- trition. I. Étudions d'abord l'attraction. 1» L'attraction se manifeste, dans l'intérieur de la substance des tissus, comme cohésion (§§ 829, 1% 833, 1; 843, 11»), DE LA DYNAMIQUE. 6o3 dont la modalité diverse est la source de la faculté de se dé- placer, du ressort et de l'élasticité (§ 829, 2"). 2° L'attraction de substances diverses les unes pour les au- tres , comme celle des parties solides pour les parties liqui- des (§§ 739, 1°; 758), et de l'organisme pour les substances du dehors (§ 905), suit les lois de l'affinité (§ 261, 3°). Tantôt elle n'agit qu'à une faible distance et sur des choses affines , ce qui constitue l'adhésion (§§ 725; 833, II) ; tantôt elle va jusqu'à changer la cohésion , d'où résulte la pénétration (§ 833 , III); tantôt enfin elle s'élève jusqu'à la métamorphose de la substance , comme combinaison chimique (§ 833, IV). Un échange mutuel de substances , par affinité double , s'ac- complit tant dans l'intérieur derorganisme(§§ 877, 6°; 915, 3°), qu'entre celui-ci et le monde extérieur (§§ 882, 6"; 980, II); ou bien il s'établit une alternance de relation (§ 882, XXI), qui fait qu'une même substance est tantôt abandonnée par l'organisme au monde extérieur (§ 839 , l°-4o), tantôt enle- vée par lui à ce dernier (§ 898, 1°); suivant que cette sub- stance faisant défaut à l'un ou à l'autre, l'attraction pour elle se trouve accrue de l'un ou de l'autre côté ; ou enfin le milieu extérieur attire de l'organisme tantôt une substance, et tantôt une autre, suivant qu'il en contient telle ou telle qui a des affinités soit avec la première, soit avec la seconde (§ 841, 1°, 5°, 7o, S"). 3° L'attraction du globe terrestre , ou la gravitation, n'est pas non plus sans influence (§ 729, 3°). II. La répulsion entre le fluide et le solide fait antagonisme à l'attraction (§§ 864,866). La force propulsive déterminée par le relrécissem<^nt d'une caviié se propage d'après des lois mé- caniques (§§ 720; 746 , 7°; 748, 20), et la pression extérieure chasse les liquides dans un espace devenu vide (§§ 722, 11; 766 , 2°). La pression exercée par les tissus organiques concourt à déieiminer l'état des actions vitales (§ 838, 1"), occasione la tension (§§ 746, 60; 748, 1 '), favorise la sécrétioa (§ 843, 12 ■), l'absorption (§ 906, 7") et la résorption (§ 9U» , 7'), de même que la pression du milieu extérieur limite l'af- flux des humeurs (§ 727, 7") et les sécrétions (§ 839, 5°), qu'elle renferme dans leurs proportions normales. 6.04 DE LA. DYNAMIQUE. §. 990. I. C'est sur ces particularités et autres analogues que s'appuie le matérialisme , ou l'opinion suivant laquelle la vie n'est autre chose que l'effet de forces matérielles. i° Descartes , tout en admettant une théorie générale fon- dée sur l'idéalisme , avait expliqué les phénomènes de la nature par le mouvement continuel et le frottement des diffé- rens atomes de la matière primitive. Lorsqu'au dix- sep- tième siècle les mathématiques commencèrent à prendre un plus grand essor , qu'il en eut été fait d'heureuses appli- cations à la physique , et que l'invention des iujections et du microscope eut accru la masse des connaissances relati- vement à la structure organique , on vit paraître l'école iatro- mathématique, à la tête de laquelle se plaça Borelli. Parce que ce physicien avait eu recours avec bonheur aux loisde la mécanique pour expliquer les effets de la force musculaire sur les os, en ce qui concerne la direction et l'énergie du déplacement , on s'empressa d'admettre une cause mécanique de mouvement musculaire lui-même ; parce qu'on avait aperçu des phéno- mènes de statique dans le système vasculaire , on voulut ra- mener la circulation tout entière aux lois de l'hydrostatique ; des observations anatomiques manquant de certitude firent regarder les sécrétions comme des filtrations de parties déterminées du sang à travers des cribles de forme corres- pondante ; enfin des remarques incomplètes sur la force mus- culaire de l'estomac conduisirent à penser que la digestion consiste, généralement parlant, en une attrition des substances alimentaires. . 2» Comme la théorie mécanique de la vie mettait de côté le principe idéalistique de Descartes , qui lui avait préparé la voie , de même l'école chimique du dix-septième siècle aban- donna bientôt le spiritualisme de ses fondateurs , Paracelse et Vanhelmont. Quelque incomplète que fussent les connais- sances de son temps en chimie , Sylvius les jugea suffisantes pour conclure que la vie est une opération chimique , et que la-plupart des phénomènes qu'elle présente sont l'effet d'une effervescence produite par le conflit de l'acide et de l'alcali. Éblouis aussi par les immenses progrès de la chimie au dix- huitième siècle , plusieurs personnes qui n'avaient pris m-? DI LA DYiNAMIQUE. 6oS Cune part active à ce grand mouvement , par exemple Àcker- mann , Mongin , Peart , essayèrent de construire une théorie chimique des phénomènes vitaux qui réduisait presque la vie à n'être qu'un travail de combustion , et qui en repré- sentait les différens étals comme des effets d'oxygénation et de désoxygénation. 3° Les iairo-mathématiciens avaient presque toujours ap- pelé les théories chimiques à leurs secours; les iatro-chimisies furent également forcés d'accorder aux malhématiques une certaine part dans leurs spéculations. Sous ce rapport, Gallini et Reil ont imaginé des hypothèses plus larges que celles de leurs prédécesseurs. Gallini attribuait la vie, d'un côté, à la gravitation récipropre des élémens, de l'autre, à une situation telle des molécules , qu'elle entraîne des alternatives de con- traction et de dilatation. Reil , au moins dans les premiers temps de sa carrière, faisait dépendre la vie de la composition et de la forme de la matière organique, des qualités primitives des élémens de celte matière , et de leur mode d'association. Sous cette forme, le matérialisme s'en tint, la plupart du temps , à des assertions générales , et on le vit rarement des- cendre à l'explication des phénomènes particuliers de la vie. On procédait de même quand il était question de celte ma- tière organique générale , imaginée par Buffon et Needham, aux forces particulières de laquelle ses partisans rapportaient les différens phénomènes de la vie. II. Il n'est pas douteux que la physiologie s'enrichit d'une manière positive quand on lui démontre expérimentalement et avec précision que tels ou tels phénomènes de la vie sont les résultats de forces matérielles. Mais il est également certain qu'on la détourne de la vraie route en soutenant hardiment que l'essence entière de la vie repose uniquement sur ces forces. 1" Les théories mécaniques et chimiques n'expliquent que la modalité de certains phénomènes vitaux. Elles ne s'atta- chent qu'aux circonstances les plus prochaines , laissant les autres sans explication , ou n'établissant à leur égard que des hypothèses arbitraires. On peut bien démontrer qu'il y a des lois de statique dans la circulation ; mais le mouvement du cœur, d'où dépend cette fonction, ne reconnaît point une 6o6 DE LA DYNAMIQUE. cause mécanique , et quand on a prétendu en trouver une telle dans l'effervescence du suc norveux , dans le change- ment de forme des parties élémentaires du cœur , dans les agitations d'un éther, etc., on n'a fait que bâtir des hypothèses en l'air. La fluidification des alimens est opérée par le suc gas- trique acide ; mais les lois de la chimie sont impuissantes à nous apprendre pourquoi la formation de ce suc acide a lieu précisé- ment dans l'estomac, et comment se forme son élément organi- que essentiel, qui ne provient pas desmaiières alimentaires. Les théories en question éclaircissent certains points de l'histoire d'une opération qui s'accomplit par le concours de plusieurs ; la circulation ne dépend pas seulement de l'action mécanique du cœur, mais elle tient encore à la force attractive et répul- sive des parties solides vivantes , qui n'est point de nature mécanique ; il s'accomplit des combinaisons et des décompo- sitions chimiques dans la vie plastique ; mais la chimie ne saurait nous expliquer pourquoi elles ne s'achèvent jamais , pourquoi elles ne se termineat pas par un produit déterminé, pourquoi elles continuent sans interruption. Les théories ma- térialisiiques expliquent les phénomènes particuliers , mais ne rendent pas raison de leurs rapports avec le but commun de l'ensemble de l'organisme ; le mécanisme compliqué de la circulation est la condition de la vitalité des organes , et il a évidemment pour but de donner lieu à cette vitalité, comme l'opération chimique de la digestion a pour but la formation du sang , et par elle la conservation de la vie. 2° Le matérialisme ne peut point expliquer la modalité de tous les phénomènes de la vie. La propagation de l'excite- ment, l'affection consensuelle des organes, l'influence des nerfs, la génération, etc., demeurent inaccessibles aux lois de la chimie et de la mécanique. L'activité plastique et la' vi- talité ne sont pas toujours en raison directe l'une de l'autre. La digestion, la respiration, la nutrition, la sécrétion et la propagation s'accomplissent, dans la série des êtres organisés, au milieu des nuances les plus variées d'organisation et de composition chimique. Une parfaite similitude des influences extérieures n'empêche pas chaque espèce de créer sa sub- §tunce avec des proportions d'élémens différentes de celles DÉ LA DtNAMlQUE. (Ju'on observe chez les autres, et quelque variées que soieiït les circonstances, elle n'en produit pas moins le genre de matière qui lui appartient en propre. 3° Le maiérialisme suppose déjà la vie qu'il prétend expli- quer ; car Torganisaiion et les conditions de composition ma- térielle d'où il en fait dériver les actes sont produites elles- mêmes par l'activité vitale. La matière de l'organisme à pro- créer ou à nourrir n'existe d'avance ni dans l'œuf ni dans les alimens. L'être organisé, à l'état d'embryon, comme pendant tout le cours de sa vie, crée lui-même son sang. C'est ainsi que les organes sont formés pour la première fois chez l'em- bryon, reproduits dans les phénomènes de régénération, en- fin créés sans interruption, et par cela même d'une manière insensible, pendant la durée entière de la vie. Le composé qui procède du sang est un mixte vivant dans lequel les substances élémentaires sont, non pas combinées ensemble d'après des lois chimiques, mais maintenues à l'étal de ten- sion continuelle par le fait même de leur proportionnalité. La vie peut cesser sans nul changement appréciable dans la matière organique, dont aucune influence chimique ne sau- rait ensuite mamtenir ou reproduire la composition. 4° Le matérialisme reconnaît, en dernière analyse , son impuissance à expliquer la vie par les forces générales de la matière; et, sinon poursuivre sa théorie, du moins pour ne pas se voir crouler, il admet comme cause de la vie une ma- tière organique douée de forces particulières. Mais tout ce qui est particulier rentre dans la catégorie des phéno- mènes, des faits observables, des notions empiriques ; et ex- pliquer tout n'est autre chose que dériver les faits particu- liers d'une cause générale. Doue, assigner une cause spé- ciale à un phénomène spécial, c'est dire en d'autres ter- mes qu'on ne connaît pas la cause et qu'on renonce à l'ex- plication. Suit-on dogmatiquement celle marche, on en vient à croire qu'on a donné une véritable explication quand on n'a fait qu'entraver le progrès de nos connaissances en leur assi- gnant un terme. Ainsi, par exemple, lorsqu'on admettait une force particulière dans le succin, c'était tout simplement ex- primer un fait isolé, raiiraciion que l'ambre jauue exerce sur 6ôè DE tk DYNAMIQUE. certains corps légers, et l'on ne parvint à expliquer le phéno- mène que quand on eut appris à connaître les lois de Télectri- cité qui agit dans la nature entière. Il n'y a point de matière organique générale qui circule parmi les êtres vivans ; la ma- tière organique se produit sans cesse dans l'intérieur de ces êtres ; hors du cercle de la vie, elle se décompose et se ré- sout en ses élémens organiques. La vie a une tendance inces- sante à l'individualisation ; elle crée partout des formes et des compositions individuelles ; mais la matière est, par rap- port à elle, ce qui varie continuellement, une chose non es- sentielle (§§ 312, 1°; 313, II; 473, 10°). Schwann(l) cherche la cause de la vie non dans la totalité de l'organisme, mais dans une force inhérente à chaque partie élémentaire, qui lui permet d'attirer des molécules et de croître ; il se fonde sur ce que tous les organismes sont composés de parties essentiellement similaires, qui se forment et s'accroissent d'a- près des lois au fond identiques. Mais l'organisme ne serait- il donc qu'un simple agrégat de cellules ? La réunion harmo- nique de parties élémentaires diverses , à quelques-unes desquelles appartient la forme celluleuse, que toutes assuré- ment n'affectent pas, est l'expression la plus claire d'un prin- cipe ordinateur. L'engrènement des divers systèmes organi- ques, la segmentation de chacun d'eux, qui fait, par exemple, que la même substance osseuse, tendineuse et musculaire, affecte une forme spéciale sur chaque point pour assurer la liberté des mouvemens ; la réunion des tissus les plus dispa- rates, des formes les plus variées, des compositions chimi- ques ks plus diverses, depuis le commencement jusqu'à la fin de l'organe digestif, y compris ses appareils accessoires, en un ensemble qui concourt au même but ; tout cela ne peut provenir d'une matière organique générale qui forme des cellules. « Sans doute, ajoute Schwann (2)^ la raison exige » qu'on lui indique la cause de l'harmonie ; mais il lui suffit » d'admettre que la matière et ses forces inhérentes sont re- » devables de leur existence à un être raisonnable ; une fois (1) Microseopische Untersuchungen, p. 227. (2)i6.,p. 224. DE lA DYNAMIQUE» 6og » créées, ces forces peuvent produire, d'après les lois d'une » aveugle nécessité, des combinaisons qui offrent même un » haut degré d'harmonie ou de convenance individuelle. » La raison n'est pas aussi facile à contenter que le prétend Schwann ; elle repousse l'idée de la création, comme acte accompli, et celle de la force créatrice, comme principe dont l'action n'a eu heu qu'avant l'existence des temps (§ 313, 2», 3'). B. Forces adhérente». § 991. Il y a aussi dans la nature des forces agissantes qui ne sont ni inhérentes à la matière en général , ni liées à une espèce particuhère de matière, mais qui dépendent d'un état intérieur d'une matière quelconque , et qui apparaissent ou disparaissent suivant que les circonstances amènent ou font cesser cet état , sans qu'aucun changement survienne dans la substance , et surtout sans qu'elle augmente ou diminue de poids. Pour les distinguer des forces inhérentes à la ma- tière , nous leur donnerons l'épithèle d'adhérentes. Leurs ef- fets, ou les phénomènes dynamiques (magnétisme, électricité, chaleur, lumière), ne sont point étrangers à la vie organique, où cependant on ne les trouve que de loin en loin aussi pro- noncés qu'ils s'offrent à nous dans la nature inorganique. Lorsque ce cas arrive , les phénomènes eu question se mon- trent bien identiques au fond avec ceux de même nature qui s'accomplissent dans le monde extérieur, mais ce n'est pas cependant sans modifications particulières , qui ne peuvent jamais manquer quand un même effet survient dans des cir- constances différentes. Il serait donc possible que les phéno- mènes dynamiques de l'univers eussent heu là même oii l'or- ganisme ne nous en laisse apercevoir aucune trace sensible , et que seulement ils affectassent alors une forme spéciale. Mais si nous pouvons douter qu'on soit en droit de supposer en pareil cas une influence insensible, l'explication de la manière dont ils se développent, alors que leurs effets se prononcent indubitablement , offre de grandes difficultés , et le terrain sur lequel nous allons nous engager est trop mouvant pour qu'on y puisse marcher d'un pas sûr. IX. 39 6.10 DE LA DÏNAMIQÛE. .--■-:—- ^ 1. MAGNÉTISME, j § 992. L'action du magnétisme dans rintérieur de l'orga- nisme est problématique , les observations , en petit nombre, qui ont été faites à cet égard étant encore fort incertaines. Par- tiagdon a remarqué, dans ses cours de physique expérimen- tale, que le pouce d'une personne attirait l'un des pôles de l'ai- guille aimantée, tandis qu'un autre doigtde la même personne le repoussait (1). On se demande si une force magnétique, qui d'ailleurs n'agirait jamais qu'au dedans de l'organisme , et serait par conséquent insensible , s'était , par extraordinaire, développée chez celte personne, au point de pouvoir agir sur des corps étrangers. Béclard a remarqué aussi qu'une aiguille implantée dans un nerf devenait magnétique ; et suivant Be- raudi , une aiguille d'acier qu'on avait plongée dans le nerf crural d'un Lapin, attira ensuite la limaille de fer : chez les animaux où ce phénomène n'avait pas lieu , il se manifestait par l'insufflation de l'air atmosphérique , et plus encore du gaz oxygène, mais non par celle de l'azote (2). L'application d'aimants a fréquemment produit des effets marqués sur la Sphère animale, chez des personnes en santé, et chez d'au- tres atteintes de douleurs ou de spasmes : on pourrait con- clure de là qu'il y a une force magnétique contenue dans l'or- ganisme lui-même. Ce ne sont là que des conjectures ; mais il faut prendre en considération que le magnétisme peut , suivant Coulomb , être démontré dans tous les corps , même lorsqu'il ne tombe pas immédiatement sous les sens , et que ce n'est pas seulement sur une barre de fer plantée vertica- lement en terre qu'il devient manifeste; car, au dire de Hansteen , tout corps placé dans une situation perpendicu- laire, comme une cloison en planches, un mur, un arbre, etc., montre la polarité boréale à son extrémité inférieure , et la polarité australe à la supérieure. Il n'est pas croyable que l'organisme seul fasse exception à la règle ; mais il peut très- 'bien se faire que cette force générale de la nature agisse en (1) lËtoùe^Notise'n, t. VII, p. 60. (3) jfs",, t. XM^y, 150? TEf.ECtRÎCltÉ. 611 lui d'cne manière spéciale. En effet, si nous remontons à ri- dée même du magnétisme , nous voyons en lui le type général de la polarité , la manifestation d'une seule et même force sous deux formes opposées d'activité. Il exprime la division intérieure eu deux d'une existence unique , le développe- ment d'antagonismes dans lesquels une même force se ma- nifeste de diverses manières. D'après cela , le magnétisme , image générale de l'existence qui se résout en pluralité , peut se réaliser dans l'organisme par le développement de la •polarité , telle qu'on l'observe surtout dans la procréation (§ 325, 4°), la formation de l'embryon ( § 474 , 478 , 1°) , et l'exercice continuel de la nutrition et de l'excrétion (§ 894,2°). 2. ÉLECTRICITÉ. § 993. 1. L'électricité suppose un contraste déjà existant, et se manifeste dans deux corps hétérogènes d'une matière quelconque qui se touchent ; ces deux corps, en agissant mu- tuellement l'un sur l'autre, se comportent comme un seul dans leur activité, de manière qu'une polarité se développe dans l'un, et la polarité inverse dans l'autre. L'électricité est te type de toute action réciproque , et l'on peut, à l'aide de rnoyens artificiels , la mettre en évidence à tout contact de corps hétérogènes, là même où elle ne tombe point sous les sens. Tandis que le magnétisme n'agit que dans l'espace et ne produit par lui-même que du mouvement , l'électricité pé- nètre plus profondément, et détermine en outre des change- mens d-: (omhinaison, ainsi qu'un dégagement de chaleur et de lumière. Elle représente racte''par lequel le dynamisme pur passe à l'état de force chimique, et la force se fixe en une existence matérielle déterminée. D'après cela, elle ne peut pas manquer de se rencontrer dans l'organisme , bien qu'elle s'y présente modifiée d'une manière spéciale. Elle n'apparaît qu'à l'occasion du rapprochement, du contact ou de la pres- sion natiirelle de deux corps, dont lasuW'ince, la configu- ration de la surface, le degré de cohésion, la température et la couleur diffèrent, bien qu'ils aient une certaine affinité l'un avec l'autre; elle se manifeste surtout quand lés «ubstances all(inées tendent à contracter ensemble une combinaison chimi- 6l2 DE lA DYNAMIQUE. que, à la réalisation de laquelle elle s'éteint. Or, ces condi- tions existent dans l'organisme , où partout on voit des sub- stances diverses entrer en contact les unes avec les autres , le liquide et le solide alterner ensemble, et différentes parties élémentaires se mêler ou s'entremêler de mille façons. Plus un tissu renferme d'élémens divers, et plus sa vitalité est énergique. Aussi l'organisme présente-t-il des phénomènes analogues aux effets de Téleclricité , propagation du mode d'activité , mouvement, changement décomposition, dégage- ment de chaleur et de lumière. L'image de l'électricité se réalise donc dans le conflit organique , et par exemple nous avons expliqué la génération sexuelle (§ 325, 2°) , ainsi que la circulation , par des organes situés en dehors d'elles (§ 775, 1°) ; mais l'opinion que la modalité de la vie en gé- néral consiste en une opération électrique galvanique, a été exprimée surtout, d'après Ritter et Reinhold, par Auten- rieth (1), Prochaska (2) et Hartmann (3). II. Si l'on s'en tient aux phénomènes d'électricité qu'il est réellement possible de démontrer, nous voyons qu'ils sont plus prononcés que partout ailleurs dans l'opposition existante entre les nerfs et les muscles. Cependant , comme ceci rentre dans le domaine de la vie animale, nous le laisserons de côté, et nous nous bornerons à ce qui concerne la plasticité. l» Suivant Pouillet, l'accroissement des jeunes plantes, pen- dant lequel il se forme de l'acide carbonique , est accompa- gné d'un dégagement d'électricité, positive dans le gaz, et négative dans le vase qui renferme le végétal. 2° Pfafî (4) a presque toujours trouvé , dans le corps hu- main , de l'électricité libre , qui est positive en général , et qui surpasse rarement en intensité celle que produit avec le zinc du cuivre mis en communication avec le sol. Elle s'est montrée plus forte chez les personnes vives, pendant la soirée, (i) Handhuch der empirischen Physiologie, t. I, p. 71. {2) Physiologie d'^^Menschen,p.26. — Disquisitio anatomico-physiolo- gica organismi corporis humani ejusque processus vitalis. Vienne, ^S12 » p. 22-85. (3) Medicinische Jahrluecher^ t. III, 2e cah.. p, 57. (4) Meckel, Deutschss 4rohiv, t. III, p, 162. ÉLECTRICITÉ. 6 1 5 et après l'usage de boissons spiritueuses. Ordinairement on ne réussit à la reconnaître qu'avec le secours de rélectromètre : mais elle devient quelquefois si intense , qu'elle se manifeste par des crépitations et des étincelles, quand le sujet dé- pouille ses vêtemensou passe un peigne dans ses cheveux. Ce phénomèae a lieu principalement par un temps serein, sec et froid ; mais il ne se produit pas à la même époque chez des in- dividus divers , de sorte qu'il dépend de l'état individuel de la vie. On voit aussi parfois des étincelles jaillir quand on frotte à rebrousse-poil des Chiens, des Chats, des Chevaux, etc., tandis que la peau de ces animaux, détachée de leur corps, ne donne lieu aux mêmes effets qu'après un frottement plus fort et plus long-temps continué. Enfin, il y a des cas de com- bustion spontanée dans lesquels des hommes ont été , pendant leur sommeil , convertis en cendres et en charbons gras, sans qu'on pût découvrir aucune trace de feu capable d'avoir al- lumé l'incendie (1) • on présume que le corps, amené à un de- gré insolite de combustibilité , par l'usage surtout des bois- sons spiritueuses , s'est enflammé sous l'influence d'un feu électrique développé dans son propre intérieur ; et ce qui donne quelque fondement à cette conjecture, c'est qu'on con- naît plusieurs exemples d'hommes qui, loin de tout corps en ignition , ont ressenti subitement une commotion électrique , et remarqué en même temps sur les vêtemens une flamme dif- ficile à éteindre. 3" Le sang est porteur d'une électricité qu'on assure ne pas être la même dans le sang veineux ( § 751, 3** ) et chez les per- sonnes malades ( § 753 ) , que dans le sang artériel et chez les sujets bien portans. Suivant Dulrochet (2), le noyau de cha- que globule du sang possède l'électricité négative, et l'enve- loppe l'électricité positive. Gusserow (3) fait remarquer que la matière colorante du sang et la fibrine appartiennent bien à (4) A. Devergie, Dict. de méd. et de chir. prat., art. Combustion spon- tanée, t. V, p. 367. — jénn, d'hygiène publique et de médecine légale , t. XX, p. 5 et 240. (2) Mém. pour servir à l'hist. anat. et phys, des végét. et dts animaux, Paris, 1837, t. I. (3) Vie Chemie des Organismus. Berlin, 1832, p. 207. 6l4 DE EA DYNAMIQUE, la classe des corps neutres, mais que la première se comporte plus électro-positivement que l'autre, et qu'elles produisent ensemble de rélectricité , parce qu elles ont trop d'affinité l'une pour l'autre pour pouyoir se trouver rapprochées sans contracter une combinaison chimique. Il est plus vraisem- blable que de l'éleciricilé se dégage par l'effet de l'antago- nisme existant enlre les globules du sang et le plasma ou plu- tôt la substance organique environnante. Hornbeck (1) a vu, comme Dutrochet (2) , que quand il exposait du sang à l'ac- tion d'une pile voliaïque, les globules rouges éiaient repous- sés parle pôle positif et attirés par le pôle négatif , que l'in- verse avait lieu pour la fibrine et les globules incolores , et que le sérum tenait le milieu sous ce rapport. Comme une commotion modérée accroît l'action galvanique entre les mus- cles et les nerfs (3) , il serait possible que l'impulsion du cœur eût le même effet, tandis que , d'après les conjectures de Ber- res (4) , le sang peut développer de l'électricité lorsqu'il est en contact avec les parois des vaisseaux capillaires. 4° L'endosmose est sous l'influence de l'électricité (§ 833). Elle en dépend, suivant Becquerel ^5), parce que, quand deux liquides hétérogènes , séparés par une membrane animale , agissent l'un sur l'autre , il se dégage de l'électricité , après quoi a lieu la pénétration accompagnée d'un changement de composition. D'après cela , Télectricité jouerait aussi un rôle dans la nutrition et la sécrétion. Ainsi , Edvi^ards (6) considère les réactions acides et alcalines comme des effets d'une dé- composition galvanique du sang ; Eberle (7) attribue la for- mation de l'acide du suc gastrique à la polarité galvani(|ue de Vosmazome et de l'albumine du sang, qui, par leur action réci- proque, décomposent le sel neutre et mettent l'acide en liberté. (1) Diss. de sanguine. Copenhague, 1S32, p. 33-41. (2) Mém. pour servir à Vhistoire anatomiqne et physiologique des ani- maux et des végétaux. Paris^ ^(SS?, t. I. (3) ^amho\At,Ue.ber die gereizie Muskel-und Nervenfaser, X. I, p. 193, (4) Medicinische Jahrbuecher^ t. XV, p. 254. (5) Annales de chimie., t. LU, p. 244. — Traité expér. d'électricité ef de magnétisme. Paris, 4834, t. II. (6) De l'influence des ayens physiques sur la vie^ p. 575. 7) Physiologie der f^erdauung, p. 141, ÉtECTRICIlé. 61 5 So Berthold et Weber ont prouvé que ropposition électri- que que Donné disait avoir observée entre la peau et la mem- brane muqueuse , tient uniquement à l'inégalité de tempéra- ture. Pouillet (1) a trouvé que quand une aiguille d'acier, en- foncée de six lignes dans le bras , était mise en rapport avec un fil de fer tenu dans la bouche et un multiplicateur, l'aiguille aimantée oscillait , mais que ce phénomène n'avait point lieu lorsque l'aiguille et le fil étaient de platine , d'or ou d'argent, que par conséquent l'apparition de l'électricité se rapportait uniquement à l'oxydation du fer. Persoz (2) n'a pas pu non plus découvrir d'électricité dans le corps humain à l'aide du multiplicateur. Cependant ces expériences négatives ne pa- raissent point être décisives. Gusserow (3) fait remarquer que la grande facilité avec laquelle la substance animale se décom- pose, dépend de la faiblesse des affinités chimiques qui en re- tiennent les élémens combinés , et que par conséquent l'élec- tricité ne peut pas avoir beaucoup d'intensité dans l'orga- nisme animal , puisqu'à l'état de liberté elle dépasserait déjà le degré nécessaire à l'action électro-chimique. 6° Chez certains animaux, l'excitation d'une électricité libre est un résultat de l'organisation même , et tellement forte que l'action au dehors de cette électricité leur sert d'arme offen- sive et défensive. Elle n'a lieu que par une multiplication de l'enchaînement des parties dissimilaires qu'on observe dans tous les organismes animaux qui n'occupent pas les derniers échelons delà série. Plusieurs Poissons , comme les Torpilles, l'Anguille de Surinam , une espèce de Silure et une espèce de Tétrodon, ont à cet effet des organes spéciaux , consistant en des prismes tendineux à cloisons transversales, avec de nom- breux vaisseaux sanguins et nerfs qui proviennent de la cin- quième ou de la dixième paire cérébrale, ou des nerfs lachi- diens, ou du grand sympathique, et un liquide albumineux gras contenu dans les cellules 5 de sorte qu'on ne peut mé- connaître l'analogie qui existe entre cet appareil et la pile voltaïque. Le sang ne prend aucune part directe au phéno- 0) Journal dephysiol. par Magendie, t. V, p. 4-12. (2) iS.,t.X, p. 216. (3) Loc. «■«., p. 196. 6l6 DE EA DYNAMIQUE, mène, car l'effet électrique ne diminue pas quand on empêche le sang d'arriver à l'organe , et il persiste même pendant quel- que temps encore après qu'on a enlevé le cœur ; mais il cesse dès qu'on coupe les nerfs, ou les lobes postérieurs du cerveau, ou la tête , et les décharges sont subordonnées à la volonté de l'animal. Cependant on en observe aussi quand on irrite les nerfs coupés, et même lorsque, quelque temps après la mort, on fait agir de l'électricité artificielle sur le cerveau communi- quant encore avec l'organe électrique par le moyen des nerfs. Quoique la nature réellement électrique des effets de cet or- gane soit démontrée par la propriété qu'il a de déterminer des secousses dans d'autres corps animaux sans éprouver lui- même aucun mouvement , et par la nature des substances qui lui servent de conducteurs ou d'isolateurs, cependant l'élec- tricité y est modifiée d'une manière spéciale. Suivant Hum- boldt (1), la sensation qu'elle fait éprouver diffère de celle qu'excite l'électricité artificielle ; l'organe donne rarement des étincelles crépitantes, auxquelles on devrait pourtant s'atten- dre d'après la force de ses commotions ; il n'exerce non plus ni attractions ni répulsions, comme d'autres corps électriques, et n'agit point sur l'électromètre. D'après cela, on ne doitjpas regarder comme d'un bien grand poids les expériences dans lesquelles le corps humain n'a montré aucun des caractères qui signalent ordinairement l'électricité. III. En admettant que la modalité du conflit organique est électrique , nous sommes fort éloigné de regarder l'électri- cité comme la cause de la vie. Elle suppose déjà une diffé- rence et une pluralité de tissus , qui sont un produit de cette dernière. Elle donne les actions considérées une à une , mais il faut une autre force pour lier ces actions ensemble de ma- nière à en faire sortir l'unité des fonctions de la vie générale. Si , après l'extinction de la vie générale , un reste de vie partielle se maintient dans le cadavre , ce reste montre encore des phénomènes électriques ; une fois les nerfs et les muscles morts , l'électrisation ne provoque plus aucun mou- vement en eux , et il n'y a point de décharge électrique qui (4.) Reise in die JEquatorialgegenden^ t. III, p, 299-322. CHIIEUR. 617 soit en état de ranimer un cadavre. L'électricité n'est donc point le principe de la vie ; c'est seulement une forme sous laquelle ce principe se manifeste , une forme d'activité , que l'organisme possède en commun avec les corps inorganiques , mais à laquelle néanmoins il imprime une modification parti- culière. 3. CHALETIR. a. Chaleur en elle-même, aa. Phénomènes de la chaleur. § 994. Les anciens regardaient la chaleur de l'organisme comme le principe vital ; mais ce n'est qu'une force générale de la nature qui se développe d'une manière particulière et avec des modifications spéciales , par l'exercice de la vie et dans l'intérêt de celte dernière. I. Partout la vie a besoin d'un certain degré de tempéra- ture extérieure : elle s'éteint par une chaleur trop vive , de même que par un froid trop intense. Ce besoin varie beau- coup chez les divers êtres organisés , dont il y a quelques-uns qui ne peuvent vivre qu'à une température très-élevée , tandis que d'autres n'en supportent qu'une basse. Mais leur tempé- rature propre n'est point déterminée d'une manière absolue par leur entourage ; elle en est indépendante jusqu'à un certain point , et ordinairement elle est plus élevée que celle du mi- lieu extérieur. En effet , nulle part sur la terre la chaleur n'est assez forte pour qu'aucun organisme n'y puisse subsister , au lieu que, vers les pôles, elle diminue au point de rendre toute vie im- possible. De même , généralement parlant, la vie organique est plus active et plus variée dans les contrées et les saisons chaudes que dans les froides. C'est dans ce rapport que s'ex- prime le caractère de la vie. D'abord , elle dépend jusqu'à un certain point du monde extérieur : elle a besoin d'un entou- rage approprié , comme aussi du pouvoir de résister aux cir- constances défavorables, tant qu'elles n'ont pas par trop d'em- pire , et de se maintenir dans une certaine indépendance à leur égard. En second lieu, une température la plupart du ^l3 DE tÀ DYNAMIQUE, temps supérieure à celle du milieu extérieur , correspond aux diverses opérations de la vie ; condition de leur accomplis sèment , elle est , à son tour , produite et entretenue par elles , et constitue par conséquent un membre organique de la vie. 1° La chaleur dilate, ramollit, fluidifie, volatilise; elle donne aux humeurs leur fluidité , rend possible leur péné- tration dans les parties solides , leur séparation , leur évapo- ration , leur changement de composition , et procure au sang l'expansion qui lui est nécessaire , aux parties molles la flexi- bilité et l'extensibilité dont elles ont besoin. En accroissant l'expansion , elle établit un rapport plus intime , un conflit plus vivant entre les difl"érens membres de l'organisme , dont elle fait sortir chacun de son isolement , et dont elle reporte l'activité au dehors. De cette manière , elle fonde non seule- ment Tactivité des forces chimiques et l'action réciproque des difî"érentes substances, mais encore les phénomènes dyna- miques de la vie animale , le sentiment et le mouvement ; car son influence ayant pour résultat que chaque membre tend à sortir de ses limites et à entrer en jeu dans d'autres , il résulte de là que tous se rapprochent et s'entrelacent au point de donner lieu à une réaction plus vive. 2° Comme l'organisme est un corps qui se détermine lui- même , la vie produit elle-même la chaleur propre qui est la condition de sa manifestation , et elle la produit, en partie par la nature de ses tissus , en partie par le mode de son ac- tivité plastique. Quant au premier point , les tissus organiques sont généralement mauvais conducteurs du calorique , c'est-à- dire peu propres à propager des variations de température ayant leur cause déterminante à l'extérieur. En effet , tandis qu'un corps dense résiste davantage à l'action dilatante de la chaleur , et la conduit aussi avec plus de force , un tissu mou, semblable à la plupart de ceux qui constituent la substance animale, cède davantage à l'influence de la chaleur, et l'ab- sorbe en quelque sorte, de manière qu'il a moins de pouvoir pour la propager. Ainsi la vie elle-même crée une épaisse fourrure pour se garantir des rigueurs de l'hiver qui appro^ che ( § 617 ). Mais, après la mort , le corps se met, bien qu« CHAIEÏÎR. 610 lentement, en équilibre avec la température ambiante. La chaleur est donc produite par l'exercice de la vie, et elle est en raison directe de rénergie de cette dernière. L'œuf sus- ceptible de se développer hors du corps maternel, résiste bien, jusqu'à un certain point , par sa vitalité , à l'influence de la température extérieure ( § 330 ) ; mais , à son début , la vie n'est pas encore assez forte pour développer de la cha- leur, et comme elle en a cependant besoin pour sortir de son sommeil et entrer en exercice , les rapports naturels sont dis- posés de telle sorte que de la chaleur extérieure est commu- niquée , tant à l'œuf et à l'embryon ( § 358 , I ) qu'au nouvel individu dégagé de ses enveloppes ( § 517 , II ). La chaleur;du dehors est également une condition de la procréation , et la favorise ( §§ 243 , l" ; 245 , 2° ; 296 , 1° ). II. La production de chaleur ne manque à aucun des de- grés de l'échelle organique. 1° Elle est rarement perceptible chez les végétaux. La dif- férence de température entre ces derniers et l'air , dépend surtout .et du peu de pouvoir conducteur de la substance vé- gétale, et de l'immersion des racines dans le sol , dont la tem- pérature varie moins que celle de l'air. La température de l'intérieur d'un tronc d'arbre est plus élevée que celle de l'at- - mosphère en été, et plus basse en hiver : la différence est or- /'^' dinairement d'un degré environ, mais elle va quelquefois bien au-delà : ainsi, d'après Salomé , elle ne variait qu'entre neuf et dix-neuf degrés , tandis que les variations de celle de l'air se trouvaient comprises entre deux et vingt-six degrés ; Schub- 1er (l)ra trouvée de — 1,75 par un froid de treize degrés au- dessous de zéro , et de seize à dix-neuf degrés par une chaleur de vingt-quatre degrés. Elle est plus élevée le matin , plus basse à midi et le soir que celle de l'air , et comme cette dif- férence a lieu aussi en hiver , elle ne saurait dépendre de la transpiration des feuilles (2). MaisSchubler (3) ayant trouvé (1) Untersuchungen ueler die Temperaturvercgnderungen der Feqeta- lilien, p. 9. (2) llA\det y Beobachtungen ueler die Temperatur der regetalilien,f,p, (3) Loc, cit., p. 6, 8, 13. 620 DE tA DYNAMIQUE. la différence entre la température végétale et celle de l'at- mosphère d'autant plus considérable que l'arbre était plus gros, qu'on y plongeait le thermomètre plus près de terre, et que la température extérieure avait varié avec plus de rapi- dité, il considère la chaleur des végétaux comme l'unique ré- sultat d'une faculté conductrice du calorique très-peu déve- loppée et des connexions avec le sol ; cependant il fait remar- quer que les troncs morts diffèrent à cet égard des troncs vi- vons, bien que d'une quantité fort peu considérable. Vrolik (1) a trouvé la température plus basse dans l'intérieur d'une feuille de plante grasse qu'à l'air extérieur , et il a vu des feuilles qui résistaient au froid de l'hiver se geler prompte- ment lorsqu'elles avaient été écrasées. La différence de tem- pérature que Hermbstedt avait observée dans les navets, les carottes, etc., tient uniquement , selon Gœppert (2) , au peu de conducibililé de la substance végétale. Mais une élévation de température de deux à vingt degrés R. a été fréquemment observée dans les fleurs, non seulement de plusieurs espèces d'^ram(§ 247,6°), mais encore de diverses autres plantes, telles que le Colocasia odora^Xe Bignoniaradicans, etc. Gœppert (3) a découvert aussi que, pendant la germination des graines et des tubercules, il se développe une chaleur qui dépasse quel- quefois la température extérieure d'environ quinze degrés R., que ce phénomène a lieu aussi dans des plantes où il s'est déjà développé du sucre et dont la végétation a été quelque temps interrompue, qu'on ne l'observe point quand les graines ont été contuses ou traitées par l'alcool , et qu'en conséquence la chaleur n'est pas produite ici par une opération purement chimique. Enfin il s'est convaincu aussi que de la chaleur se dégage pendant toute la durée de l'accroissement; car le ther- momètre, placé auprès de plusieurs petites plantes très-ser- rées les unes contre les autres, s'y élevait d'un à deux degrés (4) Comparez Reil , Jrchiv , t. III, p. 394. — Raspail, Nouv. système de physiol. véyétale. Paris, 1837, t. Il, p. 355. (2) Ueher die JVœrmeent wiekelung in den Fflanzen. Breslau , 1830, p. 464. (3) Ueher fVasrmeentwickelung in der lebenden Pflanzt. Vienne, i832. CHALEUR. 621 R. au-dessus de la température atmosphérique. Dutrochet(l) a également démoniré, à l'aide de la ihermo-électricîté , qu'il se produit de la chaleur chez les végétaux. 2" La chaleur a été refusée aux animaux sans vertèbres , ainsi qu'aux Poissons et aux Reptiles, par Treviranus entre autres (2). Si Pérou a trouvé une température supérieure de trois degrés à celle de la surface de la mer, dans des amas de Polypes retirés des profondeurs de l'Océan, on pourrait penser que cette chaleur avait été communiquée par le fond de la mer. Mais Spallanzani areconnu que si un seul Limaçon n'influait pas sur le thermomètre , plusieurs réunis le faisaient monter d'un tiers de degré à un demi-degré. Suivant Hunter (3) , il s'éleva de 2,25 degrés F. au milieu de quatre Limaçons , d'un degré au milieu de plusieurs Sangsues, et de deux degrés au milieu de plusieurs Lombrics. Pfeiffer a trouvé la température de la Moule des étangs supérieure de 0,25 degrés R. à celle de l'eau, et Rudolphi (4) celle de l'intérieur du corps d'une Écrevisse plus élevée d'environ six degrés que celle de l'air. Huber, Juch, Rengger, Nobili, Melloni , J. Davy, Newport et Berthold ont démontré qu'il se produit de la chaleur chez les Insectes. Au dire de Berthold (5), la température de cinquante Scarabées était de 0,25 à 0,75, celle de soixante chenilles de 0,5 à 1,5, celle de trente Bourdons de un à deux degrés, celle d'une ruche de sept degrés R. supérieure à celle de l'atmo- sphère. 3* On avait depuis long-temps déjà observé (6) , et les mo- dernes ont constaté de nouveau, que les animaux vertébrés à sang froid ne sont pas totalement dépourvus de chaleur pro- pre. Hunter a remarqué que l'eau qui entoure immédiatement un Poisson gèle plus tard, et que la température est plus élevée (1) Comptes-rendus des séances de l'Acad. des sc.^ t. VIII, p. 908. — Mém, anat. et phys. sur les véijétaux et les animaux, t. [. {2) Biologie, t. V, p. l'J. — Die Erscheinungen des Lehens,\. I, p. 416. (3) Observations on certain parts of the animal œtonomy , p. 105, (4) Grundriss der Physiologie, 1. 1, p. 173. (5) Neue Fersuche ueher die Temperatur der kaltbluatigen Thiero, Gœttingen, 1835, p. 35.; (6) Haller, Elem.fhyaiol,^ t. II, p. 28. 6iâ DE LA DYNAMIQUE. d'environ 3,5 degrés F. dans l'estomac d'une Carpe qu'elle ne l'est dans l'eau. Despretz (1) évalue ladifFérence à 0,78 G. poirt* les Tanches et 0,86 pour les Carpes. J. Davy (2) a observé que la température était supérieure à celle de l'eau de 0,2 chez un Poisson volant, de 1,1 chez une Truite, de 1,3 entre les muscles de la queue d'un Squale, et de dix degrés dans la chair d'une Bonite. Suivant Becquerel et Breschet (3), une Carpe avait un demi-degré centigrade de chaleur de plus que l'eau. La même chose a lieu chez les Reptiles. La température de l'air était inférieure de quatre degrés à celle de l'estomac d'une Grenouille, et de dix à celle d'une Vipère, d'après Hunter(4). Edv\rards dit qu'à quinze degrés centigrades, la température des Grenouilles est plus élevée d'un degré et demi à deux de- grés (5j. J. Davy a trouvé la chaleur des Lézards supérieure de 1;2 C, celle des Tortues de 0,9 3,9 , celle des Serpens de 1,1-3,9, à la chaleur du dehors. Berthold (6) a fait des ob- servations analogues ; cependant il a remarqué qu'on peut ai- sément être induit en erreur, les Reptiles ne prenant la tem- pérature du milieu extérieur qu'avec une lenteur extrême , et parfois seulement au bout de plusieurs heures. 4° La chaleur propre des Oiseaux est de trente à trente- cinq degrés R. ; c'est chez les Palmipèdes qu'on trouve la plus faible proportionnellement, et chez les Passereaux qu'elle est le plus élevée. Elle est de vingt-huit à trente-deux de- grés R chez les Mammifères, et chez l'homme, terme moyen, de vingt-neuf à vingt-neuf et demi. § 995, Il se développe donc de la chaleur partout oii la yîe existe. Mais comme nous ne pouvons pas partager l'opinion cïes anciens, qui la croyaient identique avec le principe de la vie , de même nous ne saurions nous contenter d'une ex- plication générale qui se borne à ^dire qu'elle est engen- (1) Annales de chimie, t. XXVI, p. 338. (2)1^6., t. XXXIII, p. 194. (3) Archives yénérales^ 2* série, t. VIII, p. 255. (4) Loc. cit., p. 30. (5) Loc. cit., p. 193, ^6) Z.oc,ct«,,p,40. Chaleur. 62% drée par la force vitale. En effet , quoique son essence entre dans l'idée de la vie , celle-ci ne peut cependant la produire que par l'intervention des forces générales de l'univers. I. La chaleur, considérée d'une manière générale , est une force expansive dégagée de tout conflit avec la force contrac- live. En elfet , elle est produite par toutes les circonstances dans lesquelles il y a contraction ; 1° Mécaniquement , par la pression , le frottement , le choc, la percussion ; 2° Chimiquement , par tout conflit de substances hétéro- gènes affines , qui fait disparaître la différence existante en- tre ces substances , épuise leur force chimique et opère une condensation ; 3" Dynamiquement , par l'action coërcitive de la terre sur la lumière solaire , et par les conflits des électricités positive et négative qui rencontrent des obstacles à leur neutralisation réciproque. Pour déterminer quelle est la manière dont la chaleur se développe dans la vie , il faut avoir égard aux différens rap- ports de cette dernière , en tant qu'ils influent sur le degré de chaleur, et d'abord à ceux de localité. II. Gomme le corps organisé est, à de rares excepiiohs près , plus chaud que les corps qui l'entourent , il doit les échauffer, et perdre lui-même de la chaleur dans les points par lesquels il est mis en contact avec eux. Il doit donc avoir une température plus élevée dans son intérieur qu'à sa sur- face , de manière que la chaleur engendrée par lui s'écoule continuellement du dedans au dehors. III. Par conséquent , la température est plus élevée dans les espaces intérieurs. 1" Le sang de l'homme a une chaleur de trente à trente-un degrés R. ; celui qui coule d'un vaisseau cutané est moins chaud de quelques degrés. T Becquerel et Breschet ont trouvé la température des muscles du bras de 29,33 degrés R. , et , terme moyen , plus élevée de 1 à 1,7 degré que celle du tissu cellulaire sous- cutané , qui est plus rapproché de la surface du corps , et qui reçoit moins de sang. 624 DE lA DYNAMIQUE. 3" La chaleur est plus élevée dans l'intérieur des cavités revêtues de membVanes muqueuses qu'à leur entrée. Hun- ier (1) introduisit un thermomètre dans l'urètre , et ^trouva qu'il marquait 26^6 degrés à un pouce de profondeur, 27,1 à deux pouces, 27,5 à quatre pouces , et 28,8 R. au bulbe. Dans le rectum, la température est la plupart du temps de vingt-neuf degrés et demi ; elle est telle aussi dans la bou- che, au dessous de la langue, tandis qu'au dessus de cet or- gane , elle est moins élevée , à cause de l'air inspiré. Les expériences de Beaumont ont constaté qu'elle est de 30,2 de- grés dans l'estomac. 4° La température de l'haleine est, suivant Martin, de vingt- six à vingt- sept degrés , celle de l'urine et du lait, à leur sortie du corps , de 28,6 degrés R. , en général. 6° Elle est plus élevée dans le pli des articulations que de l'autre côté ; on l'a trouvée de vingt-deux degrés à l'aisselle, et de vingt-huit au jarret. IV. Une partie rapprochée du milieu de la longueur du corps , et dont la masse est considérable en proportion de la surface qu'elle présente , est plus chaude qu'une autre partie moins épaisse et plus rapprochée des extrémités. 1° D'après les observations que Martin a faites durant toute une année, la température de la surface extérieure était, au bas- ventre de vingt- huit à trente degrés R. , à la poitrine de 26,4 à 29,6 , à la main de 23,2 à 29,6 , au pied de seize à vingt-sept. J. Davy (2) a trouvé au dessus de l'om- bilic ving-huit degrés , à la poitrine 27,1 à 27,5 , à la cuisse 27,5 , à la jambe 26,2 à 27,1 , au milieu de la plante du pied 25,7. 2» C'est dans les organes qui touchent immédiatement au diaphragme que la température est le plus élevée. Ainsi , d'après Hunier (3) , elle était , chez un Chien , de 30,4 dans le rectum , de 30,5 dans la substance du foie, de 30,6 dans l'estomac et le ventricule droit; chez un Muscardio engourdi(4), (d) Observations on certain partslofihe animal œconomy, p. 95. (2) Meckel, Deutsches Archiv, t. II, pt 313. (3) Loc.cit., p. 402. (4),/#oc. c»f., p. 98. CHALEURc 625 dedix-neuf degrés au milieu de la cavité abdominale vingt- un au-dessous du diaphragme , et vingt-deux au foie. J. Davy (1) l'a trouvée, chez un Agneau tué depuis un quart d'heure , de trente-deux degrés dans le milieu du cerveau , 32,2 dans le rectum, 32,4 à la face inférieure du foie et dans le ventricule droit, 33 dans la substance du foie et du poumon, 33,3 dans le ventricule gauche. On conçoit d'après cela, comment l'homme que Currie (2) exposa tout au au froid se plaignit principalement de sensations désagréables au creux de l'estomac , et pourquoi l'application d'une vessie pleine d'eau chaude sur cette région fut ce qui lu procura le plus de soulagement. 3° Une différence analogue a lieu entre les vaisseaux san- guins , suivant qu'ils sont plus ou moins rapprochés du cœur. Becquerel et Breschet ont trouvé la carotide plus chaude de 0,15 degrés que l'artère crurale, et la veine jugulaire externe de 0,30 que la veine crurale. bb. Causes de la chaleur. ^ §. 996. On pourrait présumer d'après cela que la chaleur a sa source proprement dite dans les organes qui touchent immédiatement au diaphragme , et qu'elle ne fait que se com- muniquer de là aux autres parties du corps. En effets on a cru trouver celte source tantôt dans l'estomac , tantôt dans le cœur ou les poumons. I. Hunter regardait comme une chose très probable que l'estomac est le centre de la chaleur animale. Rigby, avant lui , avait fait provenir cette dernière de la digestion , qui ne lui semblait être qu'un travail de fermentation. Plus tard , Hermbstaedt l'attribua à la décomposition de l'eau dans l'es- tomac , et au passage de l'oxygène de la forme liquide à la forme solide. 1» On allègue encore , à l'appui de cette hypothèse , que la (1) Loc. cit., p, 314. (2) Philos. Trans.^ 1792, p. 213. IX. " 4o 626 CE lA DYNAMIQUE, sensation de chaleur part de la r 'gion épi^^nstrique , que la chaleur diminue quand !a digestion s'accomplit mal , ou après l'usage des purgatifs, que les alimeris et les boissons de na- ture stimulante l'accroissent, qdie manger réchauffe le corps et le met à l'abri de la congélation , qu'une nourriture trop abondante , surtout animale, échauffe trop et prédispose aux inflammations, et que la peau , comme organe expansif de la chaleur, fait antagonisme, sous ce rapport, à l'estomac, dont, au contraire, les connexions sympathiques avec l'encé- phale sont cause que les émotions morales accroissent la cha- leur du corps. 2" Plusieurs de ces argumens sont trop insignifians pour mériter qu'on s'y arrête; mais, à part même leur f;iiblesse, on doit rejeter l'explication, parce que l'énergie de la diges- tion n'est point en raison directe de la chaleur animale. Les Minimaux à sang froid sont placés bien plus bas au dessous des animaux à sang chaud sous le rapport de leur chaleur propre que sous celui de leur faculté digeslive. Newport (1) nous apprend que la températured'une Clienille qui consomme, en vingt-quatre heures, trois fois son propre poids d'alimens, est de 0,9 a 1,5 degré F., tandis (|ue celle du Papillon , dont la digestion se ré luit presqu'à rien , monte jusqu'à cinq ou dix degrés. Beaumont (2) a trouvé , en introduisant un ther- momètre dans la fistule gastrique , que la température de l'estomac ne s'élevait pas pendant la di;;esiion. Par consé- quent si, comme l'a observé Martin, la température de l'homme à jeun est inférieure à celle de l'homme qui a mangé, qui surtout a pris des alimen's confortans et stimulans , cet effet ne tient point à l'action de restomao , mais à Tel; t gé- néral de l'excitement. Au reste, il est ordinaire qu'on épreuve des frissons au début de la digestion , et si de la chaleur se fait sentir alors, c'est toujours un phénomène de maladie. Les observations faites par J. Davy (3), sur des peuples divers, ont eu pour résultat que la température de l'homme demeure (i) Froviep, A'ewe Notisen, t. IV, p. 2?9. (2) Neue Fersvche ueher den Magensaft, \u 45, 91. (3) Annales de chimie, X. XXXlll., p. 181* CHAIECR. 627 la même, qu'il vive de viande, ou de végétaux,: ou d'ajimens mixtes. IL La chaleur s'engendrerait dans le cœur, suivant Platon, par le bouillonnement du sang ; d'après Sylvius, par la fer- mentation résultant du mélange du sang de la veine cave su- périeure, rendu acide par la lymphe affluente, avec celui de la veine cave inférieure, auquel des matériaux, provenant de la bile ont procuré le caractère alcalin ; selon Willis, parla com- binaison du soufre contenu dans les alimens avec le sel prove- nant du ferment de l'estomac. Il y a long-temps déjà qu'on a démontré que toutes ces hypothèses n'ont aucun fondement. L'expérience a appris que le cœur ne peut point être con- sidéré comme le foyer de la production de la chaleur, puis- que, d'après les observations de J. Davy (1), la température du ventricule droit n'est que de 32,8 degrés R., tandis que celle du parenchyme hépatique et pulmonaire s'élève à 33 : ces mêmes expériences ayant fait voir que la température du ventricule gauche et du sang de la carotide est de 33,3 de- grés, elles établissent que c'est au sang artériel qu'on doit rapporter la cause de la chaleur. III. Ceci nous conduit à l'hypothèse suivant laquelle la chaleur est produite dans les poumons. Haller, entre autres, fut conduit à cette théorie (2) par la considération de deux faits, savoir que le sang échauffe l'air dans la respiration , et que le sang artériel n'est pas plus froid que le sang vei- neux. 1° Stahl attribuait le phénomène à la condensation du sang. Crawford, insistant sur l'analogie , déjà entrevue jadis et re- produite par Priestley, entre la combustion et la resph-ation , soutint que celte dernière fonction est la source de la chaleur animale. Lavoisier, dont les recherches firent mieux connaître les phénomènes chimiques de la respiration et de la combus- tion, s'occupa aussi des causes auxquelles la chaleur doit être rapportée. Il la! fit d'abord provenir uniquement de ce que (1) Meckel, Deusches Archiv, t. II, p, 344. (2) Elem. physiol., t. 111, p, 346. 62a Î3È LA. D'^NAMÎQÎJE. l'oxygène, qui s'unit au carbone du sang pendantla respiration j laisse dégager , en perdant sa forme de gaz, la chaleur par laquelle il était constitué à l'état de fluide aériforme. Mais plus tard, après avoir calculé avec Laplace la quantité de l'acide carbonique produit par la respiration, recherché com- bien il se fond de glace pendant la formation d'une certaine quantité de cet acide , et comparé le résultat tant avec le degré de la chaleur animale qu'avec son pouvoir dissolvant de la glace, il trouva que la formation de l'acide carbonique dans la respiration ne suffirait pas pour donner naissance au degré existant de chaleur ; en conséquence il admit que le surplus de cette dernière vient de la combustion de l'hydro- gène. Despretz (1) a fait des recherches plus exactes encore sur le degré de chaleur qui se développe pendant la combus- tion d'une quantité donnée de carbone et d'hydrogène, ainsi que sur celle de Tacide carbonique et de l'eau qui sont expi- rés ;le résultat de plus de deux cents expériences a été que si de l'acide carbonique et de l'eau se produisent par combustion dans la respiration , il ne peut provenir de cette source que 0,7 à 0,9 de la chaleur réelle du corps animal, dont il reste par conséquent 0,1 à 0,3 qui doivent prendre naissance ail- leurs que dans les poumons. Des recherches analogues de Dulong (2) avaient établi que la formation de l'acide carbo- nique dans la respiration produit 0,49 à 0,55 de la chaleur des animaux carnivores, et 0,65 à 0,75 de celle des herbivo- res, et que bien qu'il s'y joigne aussi une formation d'eau , la respiration n'engendre cependant, au total , que 0,69 à 0,80 de la chaleur animale. 2" Mais toute cette théorie s'écroule devant la preuve pé- remptoire qu'il ne se produit pas d'acide carbonique ni d'eau dans les poumons , et que ces substances y sont seulement dégagées du sang veineux qui les contenait (§ 875 10"; 974 4° — 10°). On ne remarque non plus aucun dégagement de chaleur quand du sang veineux , exposé au contact de l'air (1) Annales de chimie, t. XXVî, p, 33S. (2) Journal de Magendie, t. III, p. 50, CHALEUR. - 629 atmosphérique , exhale du gaz acide carbonique et absorbe du gaz oxygène. 3° Brodie (1) décapita des animaux , après leur avoir lié les vaisseaux du cou , ou leur coupa la moelle épinière , ou enfin leur inocula, soit du woorara,soitde l'acide cyanhydrique, et trouva que la respiration artificielle , bien qu'elle fît conti- nuer la circulation , n'entretenait pas la chaleur animale , qu'au contraire celle-ci baissait plus rapidement encore que chez d'autres animaux récemment mis à mort , mais dans les poumons desquels on n'insufflait pas d'air. Cependant Haie (2) a bien remarqué qu'un animal soumis à la res- piration artificielle d'un air très-froid , après avoir été mis à mort par la section de la moelle épinière, se refroidissait plus vite qu'un autre abandonné à lui-même après sa mort; mais il a rencontré aussi des cas où, dans l'espace d'une heure, la chaleur diminue de dix degrés F. seulement, sous l'influence de la respiration artificielle, et de quatorze degrés et demi sans cette influence. Gamage (3) Emmert (4), Westrumb (5) et Williams ont reconnu que la respiration artificielle ralentit un peu le refroidissement des animaux tués par la section de la moelle épinière. Krimer (6) a trouvé que cette respiration diffère beaucoup de la respiration naturelle , et qu'elle diminue la chaleur, même chez les animaux bien portans. D'après les observations de Wilson (7), les animaux chez les- quels on a pratiqué la section de la portion cervicale de la moelle épinière se refroidissent plus vite, lorsqu'on leur a soufflé de l'air dans les poumons à plusieurs reprises plus ou moins rapprochées , que dans le cas contraire. De tous les physiologistes , Legallois (8) est celui qui a le plus aprofondi cette question, et voici quels sont les résultats auxquels il est (l)Reil, ArcUv, t. XII, p. 440. (2) Meckel, Deutsches Archiv, p. 211. (3) Medicinisch-chiruryische Zeitung , ■iSlS, t. II, p. 242. (4) Meckel, Deutsches Àrchii^, t. I, p. 484. ^5) Ib., t. IT, p. 533. (6) Physiologiiche Untersuchu/Kjcii, p. 476, (7) Ueher die Getsctse der Functionen des Lebcns^ p. 161. C8) OEwres, Paris, 1824, t. II, p. 4-91. 630 DE LA DYNAMIQUE. arrivé. Les animaux auxquels on tranche la tête, ou coupe la moelle épinière immédiatement derrière l'os occipital , se refroidissent d'ordinaire un peu plus vile par l'effet de la respi- ration artificielle que quand on n'a pas recours à ce moyen; cependant la différence est tout au plus de deux degrés R. au bout d'une heure et demie. Mais il faut prendre en considéra- tion que, la respiration artificielle entretenant la circulation du sang, la traospiraiion est plus forte, et qu'en conséquence il se perd davantage de chaleur, outre que les conditions dans les- quelles on place ainsi l'animal ne sont point normales. En effet, chez des Lapins vivans qu'on s'était contenté de lier couchés sur le dos, la chaleur diminua d'un à 2, 4 degrés R., dans l'es- pace d'une heure et demie , parce que la respiration avait été gênée ; cependant les animaux consommaient quelquefois au- tant etmême un peu plus plus d'oxygène qu'à l'état de liberté, surtout lorsque les liens étaient peu serrés, l'air chaud , et le temps serein. 4» L'air s'échauffe dans les poumons, et quand on s'est échauffe beaucoup, on éprouve du soulagement en faisant de profondes jnspiraiious. C'est pourquoi les anciens, Platon et Arislote entre autres, attribuaient uae influence rafraîchis- sante à la lespiraiiun. Cet eftei ne saurait tenir au passage ■de l'acide carbonique de l éiat liquide àféiai gazeux, purce que la quantité de ce gaz est mouidre que celle de l'oxygène qui passe de Talmosphère dans le sang. On ne peut donc s'en prendre qu'a la transpiration pulmonaire; mais celle-ci n'est à celle de la peau que comme 1:1,57 (§ «17, 6"), en sorte que le ralraîchissement ne peuis'accroiire qu'autant que l'air est renouvelé plus souvent, et que les poumons s'en débar- rassent aussiiôt qu'il s'est échauilé. Comme la température demeure la même datis les poumons, la perte doit être com- pensée par quelque cho^e; mais une seule vérité ressort de là, c'est que la ehaleurnese produit pas moins dans les pou- mons que dans d'auîres organes. 5° Si les poumons avaient pour fonction exclusive de produire delà chaleur, la température devrait y être plus élevéeque par- toutaiiieurs. Nous n'ailacherons aucune imporiunceaux obser- CHALEUR. 63 1 valions faites par Brodie(l), qui dit que la température y était de 0,9 à 1,3 degré R. moindre que dans la cavité abdominale, car Haie Ta trouvée, au contraire, plus élevée d'un demi- degré. Mais Davy , qui n'a pris aucune part à la discussion sur la production de la chaleur animale dans les poumons, a remar- qué dans ces organes la même temj)érature que dans le foie. 6" Le plus fort argument qu'on puisse alléguer en laveur de la pn-duction exi lusive de la chaleur dans les poumons, c'est que, non-seulement le sang artériel est plus chaud que le sang veineux (§ 751, 2), mais encore le ventricule gauche du corps a une température qui dépasse celle de toutes les autres parties du corps, comme l'a observé Davy (2j. Saissy (3) avait également remarijué, ch^z différens animaux, que là chaleur de l'oreillfite pulmonaire remportait toujours d'Un demi-degré R. sur celle du veiuiicule aorlique Suivant Bec- querel et Breschet, le sang artériel est plus chaud qdfe le sang veineux de 0,7 à 0,8 degré R. ■'.,'' 7 Mais), si nous réfléchissons que la température varié sou- vent beaucoup, dans les diverses parties du corps, sans que îes circonstances extérieures exercent aucune influence à cet égard, que, pur exemple, elle baisse dans les membres pa- ralysés, croît dans les organes enflammés, devient plus forte à la paume des mains et à la plante des pieds dans la fièvre hectique, augmente à la tête et diminue aux pieds dans le coryza, nous tlemeurtrons convaincus que c'est dans tout l'or- ganibuie, et non dans une seule de ses régions, qu'a heu le dégagement de la chaleur, et que la formation du sang artériel par la respiration n'est qu'une condition de ce dégagement. § 997. Le degré de la chaleur animale correspond toujours à l'activité et à l'énergie de la vie. 1° La chaleur est plus considérable chez le nouveau -né (§ 517, 4% 5°; 534, 4"); elle augmente pendant les progrès de la vie (§ 639, 2°; 556, 3„), et baisse dans l'âge avancé (4) (4) Loc cit., p. 440, 144. (2) Merkcl, Deutsches Arcldv, t. TI, p. 314. (3) fiech. sur lei animaux hybrrnaiis, p. 59. (4) Recherches sur les maladies de la vieillesse (MélU, de l'ÀCad, JBloy de médiecine, Paris, ISiO, t. VIII, p. 1 et saiv.). 632 DE LA. DYNAMIQUE. (§ 588, 4°). Despretz (1) l'a trouvée de 28 degrés R. après la ^naissance , 29,4 à dix-huit ans ; 30 à trente ans, ei 29,6 a soixante-huit. 2° Martin a reconnu qu'elle est moindre d'un degré à un degré et demi chez les sujets d'un tempérament phlegma- tique. o" Il a remarqué aussi que le bas-ventre devenait plus chaud de quelques degrés, sous l'influence des purgatifs, avant qu'il eût paru d'évacuations. Toute stimulation élève également la température de la partie sur laquelle elle agit. La production de la chaleur est déterminée aussi par la con- stitution plus ou moins excitante de l'atmosphère. Beau- mont (2) a trouvé la température de l'estomac de 27 à 28 degrés R. par un temps couvert et humide, de 30, au con- traire, par un temps clair et chaud, 4" Une augmentation de la chaleur par tout le corps s'ob- serve chez les animaux en rut (§ 247, 6°), et pendant l'accou- plement (§ 283, 2*»); il s'en opère une locale dans l'incubation (§ 346, IV), la grossesse (§ 346, 4°), la dentition (§ 543, 5°). Suivant Martin, le lait d'une Chèvre était à 29,5 degrés R. pendant le rut, et à 28 pendant la gestation. La température de la matrice était, selon Granville (3), de 33,7 degrés R. pendant l'accouchement normal , et de 32,4 après la déli- vrance , de 30,2 dans une fausse-couche à sept mois, de 28,2 dans un accouchement par le forceps, de 39,1 pendant les fortes douleurs, et de 34,6 après la sortie de l'enfant. Elle était de 36,8 degrés à la suite d'un accouchement laborieux. 5° Hunter a observé une élévation de chaleur moins consi- dérable qu'il ne s'y attendait dans des parties d'animaux où il avait déterminé de l'inflammation. Des linges imbibés d'eau à 7 degrés F., et appliqués sur des glandes enflammées, avaient une température de 2â degrés quand on les retira. Suivant Thomson (4), la température du sang s'élève quelquefois à (1) Annales de chimie, t. XXVI, p. 338. {2)Loc.cit., p. 90. (3) Home, Lectures, t. V, p. 200. (4) Traité médi co-ehirurgicul de V inflammation, Paris, 1827, in-8°. CHALEDR. 655 34 degrés R. dans les maladies inHammatoires (1). Ce liquide se refroidit plus lentement à l'air, selon Lauer (2). Dans les fièvres, la température du corps s'élève parfois de quelques de- grés (3).Parrot a trouvé, dans une fièvre intermittente légère, que le rapport de la température, pendant la période du froid, était à celle de la période du chaud :: 22,5 : 29,5 à la main, ::26 : 30 dans la bouche, :: 29 : 32 à la poilrine. Martin a observé, pendant le froid, 20,8 degrés R. à la main, et 28,8 h la poitrine; pendant la chaleur, 33,5 à la main ; pendant la sueur, 25,5 à la main, 27,2 à la poitrine, et 28,8 'dans Tu- rine. La chaleur baisse au moment do la mort (§ 633,9"). Krimer (4) dit avoir vu la température s'accroître immédiate- ment avant la mort, chez des animaux auxquels il avait en- levé le cervelet. 6" Certains cadavres se refroidissent avec tant de lenteur, qu'il semble qu'une vie simplement partielle soit capable de développer encore un peu de chaleur (§634). J. Davy a ouvert plusieurs cadavres de jeunes gens , deux à six heures après la mort ; la température , sous le ventricule aortique , était de vingt-cinq à trente-six degrés R. , c'est-à-dire de huit à dix-sept degrés supérieure à celle de l'air. Celle au- dessous du foie était de vingt-quatre à trente-cinq degrés : cependant les maladies qui avaient amené la mort ne permet- taient de tirer aucune conclusion relativement à la cause de ces phénomènes (5). Dehaen a également observé des cada- vres dont , quinze heures après la mort , la température de la surface dépassait encore de neuf à dix degrés R. celle de l'air. § 998. I. Comme il se dégage de la chaleur dans toutes les parties vivantes , mais que le sang est ce qu'il y a de commun dans toutes ces parties , et que l'harmonie entre les circon- stances de la vie et l'intensité de la chaleur animale peut être rapportée à un plus ou à un moins d'énergie de la vie du (1) Kiimer, P'ersuch eincr Physiologie des Blutes, p. 245. (2) Literarische Annalen der Heilkunde, t. XVIII, p. 282. f3) Voyez Baiiill.md, Clinique médicale de Vhôpital delà Charité. Paris, 1837, t. II. p. d66. {^y^Pkijsioloijische U ntersuchuiKjen, p. 4.'J8, 173. 556. (5) Medicinischchirurijische ZeitunS ^^ DYNAMIQUE. V. Quelques physiologistes ont émis l'opinion que les diffé- rentes fonctions plastiques contribuent concurremment à la production de la chaleur ; qu'en conséquence la digestion , Tassimilaiion , la circulation, la respiration , la nutrition et la sécrétion y prennent part. Toutes ces fonctions en sont incon- testablement des conditions, et elles en établissent la possibi- lité ; mais que ce soient elles qui produisent la chaleur , cha- cune pour sa part, que chacune d'elles en fasse naître une certaine quantité, et que de la réunion de ces parcelles ré- sulte la température uniforme et constante de vingt-neuf de- grés R., c'est ce qu'il est à peine permis d'admettre , puisque ces fonctions ne s'accomplissent pas toujours avec égalité d'énergie, tandis que la température du corps demeure tou- jours la même. La vie plastique n'est point une opération qui marche d'un pas égal et d'une manière uniforme ; elle em- brasse, au contraire, bien des contrastes ; à chaque oxydation correspond une désoxydation , à chaque expansion une con- traction , et ce n'est même que par là qu'il devient possible à l'organisme de se maintenir tel qu'il est. Donc la vie maté- rielle produit de la chaleur sur un point et en détruit sur un autre ; donc elle n'entretient que la température donnée , et ce n'est point elle qui produit le degré de chaleur propre à l'homme et à chaque animal . § 999. L'influence manifeste de la vie animale sur la pro- duction de la chaleur a déterminé plusieurs physiologistes à considérer cette dernière comme un effet de l'action ner- veuse , que les ans , Delaroche par exemple , cherchaient à rendre sensible par une hypothèse, en la disant une oscillation de l'éther, tandis que d'autres, Roose surtout (1), ne l'envisa- geaient que sous un point de vue purement dynamique , en la désignant par l'épithète de réaction nerveuse. L L'observation fait apercevoir une certaine concordance entre la vie animale et la production de la chaleur. 1° L'excitabilité plus grande qui caractérise les tempéra- mens sanguin et biUeux s'accompagne d'une chaleur supé- (1) Journal der Erfindungen , Theorien und Widerspruechen in dof Natur-und Arzveywissenschaft^ t. XVII, cah,, p. 16. CHAtEDR. 645 rieure à celle qu'on remarque chez les tempéramens phleg- maîique et hypochondriaque. Tout ce qui stimule la vie ani- male , comme les épices et les boissons spiritueuses, échauffe, et l'application à l'extérieur de substances qui , lorsqu'elles pénètrent dans la substance animale, affectent principalement l'action nerveuse , détermine un accroissement local de la chaleur. Ainsi, d'après Earle (1), le thermomètre monta de 1,3 degré R. dans un bras paralysé auquel on avait appliqué un vésicatoire. Hood (2) a observé un effet semblable de la pierre infernale, quand elle était appliquée au voisinage du nerf principal d'un membre paralysé. 2° La chaleur augmente par l'effet de l'espérance , de la joie, de la colère et de toutes les passions excitantes : au con- traire, la crainte, la frayeur, le chagrin, la diminuent. Martin a vu la température monter de 28,4 degrés R. à trente dans un violent accès de colère , et descendre à vingt-sept sous l'empire de la frayeur, mais se relever bientôt jusqu'à vingt- neuf. De même , d'après les observations de Currie (3), l'état moral de l'homme détermine l'aptitude dont il est doué à maintenir sa chaleur propre. La température de la peau d'un homme sur lequel il fit des expériences à cet égard , baissa de 28,4 degrés R. à vingt-cinq, sous l'influence du froid; la seconde fois que le sujet, doué d'un caractère craintif, se soumit à l'expérience, sa chaleur, qui n'était que de 27,5 de- grés, tomba à 22,6. Krimer a remarqué, dans les vivisec- lions, par exemple pendant la section du crâne avec la scie (4), que l'animal , frappé d'anxiété , perd de sa chaleur. La température d'une ruche s'élève de quelques degrés lors- qu'on irrite les Abeilles , ou qu'elles sont dans l'agitation qui précède toujours la sortie des essaims. 3° Le sommeil abaisse la température (§ 606 , 2<'). La main de Martin marquait 27,3 degrés R. dans une nuit d'insomnie, et 25,5 seulement après deux heures de sommeil. L'effet est (1) Meckel, Deutsches ArcUv., t. III, p. 420. (2) Anahjtic phijsiology, p. 42. (3) Philosoph. Transact., 1792, p. 211-218. (4) Fhysioîos'isohe Untfrsuchuusfn, p. 177. 646 DE LA DYNAMIQUE, plus marqué encore dans l'engourdissement hibernal (§ 612, 5°); suivant Hunter(l), la température du milieu de la cavité abdominale d'un Muscardin était de 8 à 12 degrés R., l'air extérieur étant à 21,3, et de 23.5 à un froid extérieur de 7,5 degrés; pendant l'eDgcurdissement , elle n'était que de 194 degrés, quoiqu'au dehors la chaleur fût de 14,7. Un Hérisson engourdi ne marquait pas plus de 7,3 degrés au-dessous du diaphragme, quoique la température atmosphérique fût de 5,3. 4» Des efforts considérables et prolongés de vision échauf- fent l'œil, et les travaux intellectuels produisent le même effet sur la tête. 6» Une douleur locale, celle par exemple de la prosopalgie, s'accompagne souvent de chaleur dans la partie souffrante. Earle (2) a trouvé, dans un bras qui causait de vives souffran- ces à la suite d'une blessure , la température plus élevée de 1,3 degré R. que sous la langue. Les douleurs, au contraire, qui dépendent d'un état spasmodique , surtout des organes digestifs, par exemple celles des calculs biliaires , occasionent du froid. 6" La même chose arrive quand des poisons narcotiques déploient pleinement leur action. Brodie [o) l'a observé après l'insertion de w^oorora ou de l'huile essentielle d'amandes amères, et Chossat (4) après l'infusion d'une dissolution d'o- pium. 7o Les affections inflammatoires du système nerveux sont sou- vent accompagnées d'une grande chaleur. Prévost a trouvé trente-cinq degrés R. sous l'aisselle, dans un cas de tétanos(5). Dans les fièvres nerveuses , la température surpasse le degré ordinaire, et fréquemment à des degrés inégaux selon les par- ties : Lauer (6) l'a vue de 32 degrés sous l'aisselle et de vingt- huit et demi seulement sous la langue. (1) Observations on certain parts of the animal eeconomy , p. ^98. (2) Loc. cit., p. 425. (3) Reil, Archiv. t. XII, p. 210. (4) Annales de chimie, t. XVI, p. 40. (5) Edwards, De IHnfluence des agens physiques, p. 490. (6) HeckeFj Ummisçhs Anmknp X, XYIH, p, l^U CHAIEUR. 64' IL L'action musculaire 1° Accroît la température. En faisant de grands mouvement du corps entier ou des membres , on se préserve du froid ^t l'on s'échauffe , pourvu que l'air soit à une température moyenne. Beaumont (1) a trouvé qu'en pareil cas la témpé-' rature était d'un degré et demi plus haute qu'à l'ordinaire dans l'estomac, que ce viscère fût plein ou vide. La locomo- tion n'est pas nécessaire pour cela , et il suffit de la contrac- tion musculaire. Suivant les observations de Peart, on peut, dans une baignoire , élever la température de l'eau de plu- sieurs degrés par de simples mouvemens des membres pel- viens (2). Becquerel et Breschet ont constaté que la tempéra- ture s'élevait d'un demi-degré au moins pendant la contrac- tion d'un muscle : aussi sont-ils tentés d'attribuer à la force musculaire du cœur la chaleur supérieure à celle de tous les autres organes que ce viscère présente, et comme le ventri- cule aortique est la partie du cœur qui agit avec le plus d'é- nergie, Nasse (3) présume que c'est à cela aussi qu'On doit rapporter sa température plus élevée. On pourrait faire tin pas de plus, et se demander si ce n'est point le mouveme'iit plus rapide du sang artériel qui lui procure plus de chalfeur. Busch (4) a trouvé le ventricule aortique vide plus chaud d'eh- viron 0,9 degré R. que le ventricule pulmonaire contenant un peu de sang. Les observations de Réaumur , de Spallanzani , de Huber et de Treviranus (5) ont mis hors de doute que , même chez les Ljsectes, ia chaleur est accrue par le mouvement. 2° La chaleur est ordinairement un peu moindre dans les membres paralysés que dans le reste du corps, même lorsque la circulation n'y est point affaiblie. Dans un cas observé par Dehaen, un bras paralysé , dont le pouls était normal, n'avait (1) Neue Versuche ueher den Magensaft, p. 46. (2) Humboldt, Ueher die gereizte Mushel-und Nervenfaser, t. II, pag. ^59. (3) UntersuclmiKjeH zur Physiologie und Pathologie^ t. II, p. d[21t (4) Expérimenta quœdam de morte. Halle, 1819, p. 21, (5) Die Erschcinungen des Lebens, t. I, p. ^416, 64S M M DYNAMIQUE. qu'une température de dix-huit degrés R. (1) Earle a trouvé, chez un sujet atteint de paralysie du bras gauche , et qui de - puis quelques jours déjà était soumis à l'action de l'électri- cité (2) : A la main Au bras A l'aisselle avant l'électrisation. 17,3'» 21,3 ^26,6 après l'éJectrisation. 20,0» 22,6 27,1 A DROITE avant et après l'électrisation. 26,6° 28,0 28,4 Hood a également observé (3) , dans une hémiplégie , après l'emploi de la strychnine, que, malgré la force et la plé- nitude du pouls, la chaleur n'était que de dix-neuf degrés au bras malade, tandis que celui du côté opposé avait une tem- pérature de vingt-deux degrés. III. Quant aux expériences directes et aux observations immédiates sur la part que le système nerveux prend à la production de la chaleur : 1" Krimer (4) assure que la chaleur d'un animal auquel il irritait les nejfs cruraux et sciatiques avec la pointe d'une ai- guille, monta à trente-et-un degrés R. Suhrant Bichat, la pres- sion que la tête luxée d'un os exerce sur le tronc nerveux d'un membre diminue la chaleur de ce dernier, effet qu'Elliot avait dit aussi résulter de la ligature d'un nerf. Chez un homme au- quel on avait excisé un pouce de nerf cubital, pour le débar- rasser de violentes douleurs qu'il éprouvait , Earle (5) trouva 10,6 degrés R. au côté interne du petit doigt paralysé , 11,1 entre ce doigt et l'annulaire , 12,4 à la surface des autres (1) Haller, Elem. physiol.^ t. II, p. 304. (2) Loc. cit., p. 418. (3) Analytic physiology, p. 12. (4) Physiologische Untersuchungen^ p. 146, 17S, (5) Loc. cit., p. 423. CHALEUR. 649 doigts, et 13,3 entre eux. Lorsque Krimer (1) coupait le nerf scialique d'un Chien, le thermomètre, plongé entre les mus- cles de la cuisse , marquait 28,4 degrés , et le lendemain 21,3 seulement. Home( 2) coupa les nerfs du bois d'un Cerf qui re- faisait sa tête ; la température tomba, en trois heures, de 23,1 degrés à 17,7; le troisième jour , elle était de 15,5 ; mais en- suite elle remonta peu à peu. Dans un autre cas, elle tomba de 29,5 degrés à 27,3, le premier jour , et à 27,1 les deux jours suivans, après quoi elle se releva. 2° Provençal a observé une diminution de la chaleur après la section des nerfs pneumo-gastriques, effet que n'entraînait pas la simple dénudation de ces nerfs. Des observations analoguesont été faites par Legallois (3), Ghossat (4) et Arnold (5). Suivant ce dernier, la température , chez les Oiseaux, baisse sur-le- champ d'un degré à un degré et demi, puis au bout de vingt- quatre heures de 2 à 2,75 degrés, mais elle finit par revenir à son état primitif. Lorsque Chossat coupait le nerf grand sym- pathique , ou l'écrasait et le tiraillait , la chaleur de l'animal diminuait en quatre heures d'environ cinq degrés R. (6). 3° Brodie attribuait à l'action cérébrale une influence essen- tielle sur la production de la chaleur. Il se fondait sur ce que la température baissait d'environ quatre degrés, dans l'espace d'une heure, chez les Chiens et les Lapins qu'il décapitait après la ligature des vaisseaux du cou, bien qu'il eût soin d'entrete- nir la circulation en ayant recours à la respiration artifi- cielle (7\ Comme on pouvait objecter que c'était l'insufflation de l'air qui avait déterminé ce refroidissement, ou que la sec- tion des nerfs pneumo-gastriques , lors de la décapitation , avait troublé le travail chimique de la respiration , en occa- sionant une infiltration des poumons , Chossat pratiqua une section perpendiculaire du cerveau au devant du pont de Va- (1) Loe. cit.^p. 137. (2) Lectures, t. V, p. 195. (3) Exp. sur le principe de la vie. Paris, 1812, p. 219. (4) Loc. cit., p. 42. (5) Lehrbuch der Physiologie, t. Il, p. 246. (6) Loc. cit., p. 46, (7) \!k^\\, Archio, f . XII, p. 140-144. 65o DE LA DYNAMIQUE. rôle (1), et entretint ensuite la respiration par des moyens ar- tificiels : la chaleur diminua d'abord d'environ deux degrés R. en une heure, puis baissa peu à peu, et enfin se réduisit, en douze heures, de trente deux degrés à vingt-quatre , tan- dis qu'après la section des nerfs de la huitième paire, elle ne diminua que de 0,2 degré dans le cours de la première heure. Lorsqu'il arrêtait la respiration par une commotion du cerveau, et qu'ensuite il la rétablissait par des moyens artifi- ciels , la chaleur baissait de 1,7 degré durant la première heure. Krimer (2) a fait plusieurs expériences analogues. Il a vu que la température tombait de 28,8 à 28 degrés par la tré- panation, à 27,5 parla dénudation du cervelet, à 24 par l'abla- tion d'une partie de cet organe, à 21 ,7 par la section de la moelle allongée. Dans un autre cas, où il irritait la moelle allongée par des piqûres , la chaleur s'éleva un instant de 16,8 degrés à 49,2; chez un animal qu'il lança contre le carreau, elle monta de 16,4 à 19,5, et chez un autre sur la moelle allongée du- quel il versa de l'ammoniaque liquide, la température s'éleva de 20/1 à 21,3 degrés. Autenrielh et Schultz avaient déjà ob- servé que quand ils jetaient avec force un fœtus de Chat sur le sol , sa chaleur montait d'environ un degré. Busch (3) a re- marqué qu'un coup ou une décharge élecr.rique sur la tête d'un animal accroissait sa chaleur pour un instant , mais qu'elle baissait ensuite avec bien plus de rapidité que pendant l'asphyxie, et que quand elle était déjà tombée très-bas chez un animal égorgé , on pouvait encore l'accroître momentané- ment par une forte commotion. Nasse (4) a reconnu qu'un coup sur la tête la fait monter d'un degré , et qu'elle s'élève de quatre environ quand on électrise l'animal au moyen de deux baguettes métalliques enfoncées dans le cerveau et la partie postérieure de la moelle épinière. 4'' Chossat (5) a trouvé que plus on coupe la moelle épinière (i) Loc. cit., p. 38. (2) Physiologische Untersuchungen, p. â55. (3) Expérimenta quœdam de morte, p. 7. (4) UntersucJmmjen zur Physiologie und Pathologie, t. II, p. 115. {5) Loc, aVo,p. 44.i CHAIEUR. 65 1 haut , et plus la température baisse rapidement. Une section pratiquée au-dessous de la septième vertèbre cervicale , la fit baisser de 6,5 degrés , celle au-dessous de la première vertè- bre dorsale de 5,8, et celle au-dessous de la dernière vertè- bre dudos de 0,4. Les expériences de Wilson (1) ont égale- lement donné pour résultat que la destruction d'une portion considérable de la moelle épinière diminue la chaleur. IV. Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins certain que la chaleur ne se produit point dans le système nerveux , par une force qui appartienne en propre à ce système. 1° On peut déjà le conclure de la température du cerveau , que J. Davy (2) a toujours trouvée intérieure à celle du rec- tum, d'au moins 0,4 degré R., chez lés animaux qui venaient d'être mis à mort. Cinq heures après la mort d'un jeune phthi- sique , la chaleur était de 22,2 degrés dans la substance cé- rébrale, de 25,7 au-dessous du foie et du cœur. Dans un au- tre cas, Davy a trouvé la température du cerveau de 16,8 de- grés, et une demi-heure après celle du cœur et du foie de 22,2 (3). Ces observations s'accordent avec le fait bien connu que 1 exercice simple de la pensée n'accroît pas la chaleur. La moelle épinière paraît aussi posséder peu de chaleur propre; c'est au dos bien plus souvent qu'à la poitrine qu'on éprouve du froid, et l'on se chaufl'e de préférence la partie postérieure du corps. Le frisson de la fièvre part aussi de la moelle épi- nière, tandis que la chaleur se fait surtout sentir à la partie antérieure. 2° Le degré de chaleur des divers animaux ne correspond point au développement de leur système nerveux. Ainsi, les Oiseaux qui, sous ce dernier rapport, tiennent le milieu entre les Reptiles et les Mammifères, surpassent ceux-ci eu égard à la température. L'homme, malgré l'éminence de ses facultés mentales , n'a point la chaleur des Oiseaux, ni même de cer- tains Mammifères , et les Poissons les plus vifs , les Lézards les plus agiles sont fort au dessous du plus lent des Mammi- fères , sous le point de vue de la température. (1) Ueher die Cesetze der Functionen des Lelens, p. 127, 211. (2)MeckeI, Deutsches ArcMv, t. II, p. 314. (3) MediçinischrchirurfiischQ Zeitun^j l§âOj t, ÏII, p. 3S0, 652 DE lA DYNAMIQUE. 3° Ajoutons encore qu'il a été observé des cas , exception- nels il est vrai , dans lesquels la section des nerfs d'un mem- bre , au dire d'Arnemann (1) , ou la ligature des nerfs pneumo- gastriques, au rapport de Mayer (2) , n'a entraîné aucune di- minution de la chaleur. Lawrence a également trouvé celle ci normale chez un hémicéphale (3). § 1000. Si la cause proprement dite de la chaleur animale ne réside, exclusivement , ni dans les formations matérielles (§998), ni dans l'aciion nerveuse ( § 999) , chacune influe néanmoins sur elle d'une manière incontestable , et nous sommes par conséquent en droit de la rapporter à leur con- cours. MuUer (4) en cherche la source dans le conflit des nerfs avec les autres tissus. I. C'est au sang d'abord que nous devons consacrer notre attention. Winkelmann (5) attribuait la production de la cha- leur à la prédominance du système nerveux dans son conflit avec le sang artériel rendu par là veineux. Wilson (6) la con- sidérait comme une sécrétion opérée par l'influence des nerfs sur le sang. Wedemeyer (7) la faisait dépendre de l'influence mutuelle de la respiration et de l'action nerveuse sur le sang. Treviranus (8) la rapportait à l'expansion et à la contraction que ies nerfs déterminent , suivant lui , dans ce liquide. En- fin, Hood (9) voyait en elle un effet de l'action réunie des nerfs et du sang. 1° Celte opinion semble être réellement la plus conforme à la nature, car les deux systèmes, nerveux et vasculaire san- guin, sont répandus dans tous les organes en proportion de leur vitalité , et la ligature tant de l'artère que du nerf d'un mem- bre diminue la chaleur de celui-ci. (1) f^ersuche ueber die Régénération an lehend» Thieren, p. 267. (2) Tiedemann, Zeitschrifi fuer Physiologie, t. II, p. 78, (3) Treviranus, Biologie^ t. V, p. 73. (4) Handhuch der Physiologie, t. I, p. 84. (5) Entwurf einer dynamischen Pathogenie, p. 48. (6) Loc. cit., p. 136. (7) Phijsiologische Untersuchungen ueher das IServensystem^ p. 144. (8) Biologie, t. V, p. 69. (,d) Jnalytic physiology, p. 44. ' ' " CHALEUR. 653 2° Le sang doit avoir les qualités nécessaires pour cela , ce qui fait que la digestion est la condition éloignée de la pro- duction de la chaleur, et que la respiration 6n est la condition prochaine. Le sang devenu artériel par la respiration est seul apte à cela , et comme il entre déjà dans les poumons en con- flit avec le sang , la production de la chaleur commence en lui , pour se continuer ensuite dans le cœur gauche , le sys- tème aortique et les vaisseaux capillaires. J. Davy (1) a trouvé dans le cadavre d'un jeune homme, six heures après la mort, . la température de 32,2 degrés sous le foie , de 33,7 sous le ventricule aortique , et de 32,4 seulement dans les pou- mons pleins de sang extravasé. Cette température plus basse des poumons semble annoncer qu'en s^^»•tant du cercle d'action des nerfs, pour s'épancher dans le parenchyme, le sang perd de son aptitude à développer de la chaleur. Il est permis de conjecturer que les globules, qui sont la partie essentielle et à proprement parler vivante du sang, sont aussi celle surtout qui entre en conflit avec les nerfs, et qu'en conséquence à eux se rattache le dégagement de la chaleur, comme le caractère artériel , leur plus ou moins grand nombre correspondant à la température du corps chez les divers animaux considérés d'une manière générale. IL Le mouvement volontaire ne peut tenir qu'à ce que les nerfs et les muscles , se comportant les uns à l'égard des au- tres, comme les pôles d'une pile voltaïque, entrent ensemble dans un conflit qui correspond au type de l'électricité en gé- néral , mais auquel l'idée de l'organisme imprime néanmoins des modifications. S'il se développe de la chaleur pendant le mouvement musculaire (§ 999, II), celle-ci doit également dé- pendre de la même cause. Mais, en vertu de l'hématosine et de la fibrine qu'elle contient, la substance musculaire se rap- proche beaucoup des globules du sang ; nous pouvons donc admettre aussi entre ceux-ci et les nerls une sorte de rapport électrique , et considérer ce rapport comme la cause de la chaleur animale. 1° Wilson (2) a observé que du sang artériel frais dans le- (1) Medicinisch'Chirurgische Zeitung^ 1830, U III, p. 380. {2)Loe. Cl*., p. 494. 654. Î>E EA DYNAMIQTJEr quel on "avait plongé le conducteur d'une pile voltaïque, de- venait plus chaud et se refroidissait plus tard , mais que le galvanisme n'engendrait point de chaleur dans du sang vei- neux. Le galvanisme peut aussi ranimer la chaleur animale quand elle a baissé par l'effet d'une lésion du système ner- veux (1), et si un ébranlement du corps donne lieu au même phénomène , c'est probablement par une excitation d'électri- cité. L'électricité détermine également un accroissement de 'la température dans le corps vivant. Enfin, Buntzen (2) a ob- servé un développement produit par le conflit électrique de nerfs et de muscles; ayant coupé les troncs nerveux de la cuisse d'une Vache qui venait d'être tuée, il les arma de zinc, et garnit d'argent les muscles de la jambe ; un thermomètre fut placé dans les muscles de la cuisse ; lorsque l'instrument eut atteint sa plus grande hauteur et commença à baisser, Buntzen réunit les deux armatures, et vit le thermomètre monter de 287 lignes à 296 ; cet effet diminua à mesure que l'excita- bilité vitale s'affaiblit. 2° Wedemeyer (3) avait regardé comme la source de la chaleur animale l'électricité qui s'écoule du système nerveux. Delarive (4) , considérant que les conditions du galvanisme sont réunies dans !e tissu organique , qui représente de véri- tables appareils voltaïques , que le galvanisme engendre de la chaleur dans la matière inorganique , et qu'il agit fréquem- ment de même que l'action nerveuse dans le corps animal , croit très-vraisemblable que la chaleur résulte d'une influence électrique mutuelle des nerfs et des artères. Hood partage la même opinion (5). 3° Lorsque de la chaleur se produit dans le monde exté- rieur, il y a des rapports électriques plus ou moins prononcés. La compression et le frottement développent de la chaleur et de l'électricité. Quand le mode de cohésion change, la portion réduite en vapeur prend l'électricité positive , et la portion (O Krimer, Physiologische Untersuchungen, p. 159, 180. (2) Beitrag zu einer kuenftigen Physiologie^ p. 117. (3)ioc. cit., p. 450, (4) Annales de chimie^ t. XV, p. 108, (5) Loo, cif., p. 20. CHALEUR. 655 solide l'électricité négative. Dans les opérations chimiques, les bases sont positives, et les acides négatifs. De même, dans l'or- ganisme, la tension électrique réciproque des divers tissus , notamment des nerfs et du sang ou des muscles , produit de la chaleur. 4° De même que toute force quelconque de l'univers se mo- difie d'uue manière spéciale dans chaque cas particulier , en vertu de la diversité qui règne partout dans la nature, de même l'électricité organique n'est pas précisément celle que nous excitonsdans nos appareils de physique. Elle offre partout des modifications (§ 993, 6° ) , et il en est de même de la chaleur. La chaleur du soleil, celle de nos foyers et la chaleur animale font, à égal degré , une impression toute différente sur nos organes. Ruraford a trouvé que sa main agissait davantage sur le thermomètre qu'un corps inorganique ou un corps orga- nique mort ayant la même température. Auprès d'un malade atteint de fièvre putride, nous sentons une chaleur toute par- ticulière , désagréable , mordicante , que le thermomètre n'in- dique pas. Chez les Poissons électriques, on ne remarque une température plus élevée ni dans le corps entier , ni dans l'or- gane électrique ; car , comme une pile voltaïque peut donner des commotions sans élever la température, ainsi ces organes sont propres à produire une décharge au dehors , mais non à exciter leur propre organisme : cependant Davy a prouvé que leur action n'est pas tout-à-fait exempte de dégagement de chaleur (1). 5° Les Poissons et les Reptiles engendrent peu de chaleur , parce que leur cerveau est encore trop petit, proportionnel- lement au reste du corps , et qu'il n'a point encore assez de puissance comme organe central , d'où il suit que , chez ces animaux, il y a moins d'unité dans la vie, que les parties ne dépendent pas autant du tout , et que la tension entre les nerfs et les muscles est moins considérable. Mais il existe une autre cause de cette production moindre de chaleur chez eux : c'est que le système du nerf grand sympathique est en- core trop incomplètement développé , et qu'il n'est pas lié (1) Philos^ Trans., 1834, p. 543, 56 r>E tA bYNAlIQUEe par des connexions assez intimes avec le système artériel. La température des Grenouilles n'augmente pas par rirritation du cerveau et de la moelle épinière (I), non plus que par le mouvement volontaire de ces Reptiles. Chez les Oiseaux , la chaleur animale arrive à son point culminant, d*un côté parce que le cerveau est plus volumineux que partout ailleurs , en proportion de la masse du corps , d'un autre côié , parce que les systèmes sanguin et musculaire sont fort développés , d'où résulte une tension portée au plus haut degré. De même, chez les petits Mammifères , où la proportion du cerveau au reste du corps est considérable , où par conséquent la vie animale est plus active que chez l'homme, la température est aussi plus élevée que chez ce dernier, dont l'énergie céré- brale se tourne davantage vers l'intérieur , de sorte qu'il y a une tension proportionnellement moins forte des nerfs par rapport au sang et aux muscles. III. Mais ce que tous les corps organisés ont de commun ensemble, c'est qu'ils renferment au-dedans d'eux mêmes des antagonismes qui sont en conflit les uns avec les autres. Dans les plus inférieurs même , il y a opposition de liquide et de solide. Ainsi on observe de l'électricité (§ 993, 1°) et de la chaleur (§ 994, 3°) chez les végétaux , et nous devons admet- tre que ces deux phénomènes sont en relation de causalité l'un avec l'autre. Plus les parties organiques sont nombreuses , plus leur réaction mutuelle et leur dépendance réciproque sont prononcées , plus aussi les phénomènes d'électricité et de chaleur deviennent sensibles. b. Température extérieure, aa. Phénomènes de la température extérieure. § lOOl. I. Comme les corps, dans îeur contact mutuel, tendent à se mettre en équilibre sous le rapport de la tempé- rature , celle du corps organique dépend aussi des objets ex- térieurs, notamment du milieu au sein duquel la vie s'accom- plit. (4) Nasse , Untersuchungen gur Physiologie und Pathologie , LpiL, p. 421. CHALEUR. 657 1° La manifestation de la vie a pour condition matérielle l'état liquide des humeurs , et cet état dépend de la tempéra- ture. A trois degrés R. au-dessous de zéro, le sang se coagule, et à soixante au dessus, l'albumine , qui fait partie de toutes les humeurs, se coagule. Mais la congélation n'est qu'un sim- ple changement de l'état de cohésion , que l'accession d'une température plus élevée peut faire disparaître, tandis qu'une substance coagulée ne peut plus revenir à la forme liquide sans subir une décomposition chimique. 2° Avant que la congélation ou la coagulation ait lieu , les manifestations de la vie deviennent moins sensibles , et ici l'on remarque , sous le rapport des effets, la même différence qu'entre ces deux extrêmes ; dans la solidification locale ou générale produite par le froid, l'exercice de la vie n'est que sus- pendu, tandis qu'une trop forte chaleur épuise la force vitale. 3" Comme la vie affecte partout des formes différentes , la même diversité a lieu également dans ses rapports avec la température extérieure. Chaque espèce de corps organisé a besoin d'un degré spécial de chaleur du dehors, de sorte qu'il en est qui prospèrent à une température haute ou basse sous l'influence de laquelle la vie d'autres n'est point possible. Les sources d'Abano , chaudes à 23 degrés R., nourrissent le Cyclosîomum thermale , qui se meut également avec vivacité dans de l'eau chaude à trente degrés , et qui ne donne plus aucun signe de vie dans celle dont la température n'est que de dix degrés. Des Mollusques ont été vus par Lamarck(l), des Tortues et des Poissons par Marcescheau, dans des sources dont la chaleur était de vingt-sept et de vingt-huit degrés ; des Bivalves , près desquels végétaient des arbrisseaux et des arbres, par Dunbar, dans d'autres dont la température était de cinquante degrés ; des animaux de même espèce, par Sonne- rat , dans des eaux chaudes à soixante-trois degrés. Au rap- port de Forster , le sol avoisinant un volcan marquait soixante- dix-neuf degrés , ce qui ne l'empêchait pas d'être couvert de plantes en fleurs. Humboldt a observé des Poissons vi vans dans l'eau rejetée par un volcan qui avait la même tempéra- (1) Hist. 'naturelle des animaux sans\vertèbres^ 2* édition, par Deshayes et Milne Edwards. Paris, 1835, t. VI, in-8. IX. 42 ^58 DE LA. DYNAMIQUE. tiire. Kirby a vu un Lyctusjuglandis , qu'il relira d'une cou- che de fumier chaude, continuer de vivre dans de l'eau bouil- lante. D'un autre côté, l'Ours blanc, le Renard bleu, le Renne, les Lièvres blancs , les Lagopèdes, supportent un froid qui va quelquefois jusqu'à trente-deux degrés R. au-dessous de zéro. 4° Mais la vie n'est nulle part enchaînée à un degré déter- miné de chaleur extérieure. Sa dépendance de la tempéra- ture du dehors a une certaine latitude. L'homme vit dans des contrées où la chaleur s'élève jusqu'à quarante-ciaq degrés R., tt dans d'autres où le froid va jusqu'à trente-deux degrés au-dessous de zéro ; mais ici il ne résiste qu'en se garantis- sant des intempéries de l'air par des vêtemens et des habita- tions. On peut admettre qu'à l'état de nudité , il ne saurait vi- vre à une température supérieure ou inférieure de dix-sept degiés à sa chaleur propre ; de sorte que , dans cette condi- tion , onze de^^rés au-dessus de zéro seraient pour lui le minimum, et quarante cinq le maximum delà chaleur exté- rieure supportable. Un homme , sur lequel Currie faisait des expéiiences (1), ne put rester nu que quelques minutes à l'air marquant cinq de^^rés R. au-dessous de zéro, et agité par un vent vif, et il ne luiiutpas possible de demeurer au-delà d'une demi-heure dans un bain a trois degrés et demi. Leshabitans du Nord reisieni depuis un quart-d'heure jusqu'à une demi- heure dans un bain de vapeur dont la chaleur dépasse cin- quante degrés. II. La vie a plusieurs manières de se préserver de l'influence nuisible d'une température trop basse ou trop élevée. 1" Dans le règne animal , elle a recours à des actions volon- taires, prescrites par l'instinct, ou suggérées par TinteUigence. Les migrations périodiques de certains animaux (§618) tien- nent en partie au besoin d'un élément plus doux. D'autres ani- maux ne font qu'abandonner la surface pour se retirer dans l'intérieur de la terre, où règne une lempéraiure plus uni forme , c'est-à-dire plus fraîche que celle du dehors en été, èi plus chaude en hiv..T ; if s Poissoas gagnent le fond de l'eau, et les animaux terrestres se retirent dans des tanières ou des (4) PliUos. Tr(inf.,im, p. 204-212. CHALEDR. 659 cavernes quand il fait trop chaud ou trop froid. La paresse que détermine une forte chaleur, porte les animaux à s'abste- nir de mouvemens violens , qui les échaufferaient. Pendant le froid , iis retiennent leur chaieur en se ramassant sur eux- mêmes et diminuant ainsi l'étendue de la surface de leur corps exposée à Talmosphère , en s'entassant les uns sur les autres , ou , enfin, s'ils sont très-sensibles au froid, en gar- nissant leurs nids de substances qui soient peu conductrices de la chaleur. Il est réservé à l'intelligence humaine de tra- vailler ces substances pour en faire des vétemens susceptibles de se déplacer avec le corps , et d'échauffer l'air lui-même dans un espace clos. 2° La vie plastique se garantit par une production plus abondante de tissus mauvais conducteurs du calorique. Dans les zones froides, la peau a plus d'épaisseur , il s'amasse au- dessous d'elle un épais coussin de graisse , et elle se couvre d'un pelajïe plus abondant , plus long , plus soyeux ; les poils deviennent aussi plus serrés et plus chauds dans les zones tem- pérées , à l'entrée de l'hiver (§ 617). Les nègres et les hom- mes de couleur supportent mieux la chaleur des zones tropi- cales , parce que leur peau , de couleur foncée , fournit plus de chaleur rayonnante, comme les surfaces couvertes d'aspé- rités, et dérive par conséquent mieux la chaleur : le pi^^ment , produit nécessaire de la chaleur , devient indispensable pour garantir d'une trop forte action de cette dernière. 3° Une autre garantie tient à la constitution de la vie, qui fait qu'elle maintient sa température propre , ou qu'elle sup- porte celle du milieu extérieur. La température dans le tronc d'un orme ou d'un sapin peut , sans danger , monter à vingt- trois degrés au-dessus de zéro en été, et baisser à quatorze degrés atj- dessous de zéro en hiver : au printemps, les sucs gtilés se liquéfient, et la végétation recommence (1). Plusieurs larves d lusectes , qui pussent l'hiver au grand air , peuvent (1) Scliiihler , Untersuchungen veher die Temperatur verœnderungen der Fcijelul/ilien, p. 13. — ILiliier, Bcohuchtuinjen ueher die l^emperatwr der f^etjetuliUiiiii, p. 8. — Rasj)ail, Nouveau système de physiologie véj/é'- taie et do botanique. Paris, 1837, t. II, p. 75, 66ô DE LA DYNAMIQUE. geler sans périr , tandis que celles qui se réfugient dans des trous pendant celle saison , sont tuées par la gelée (1). Falk assure que des Sangsues et des Lombrics peuvent revenir à la vie après avoir été gelés (2). La même chose arrive aux Entozoaires des animaux à sang froid (3). Chez les ani- maux vertébrés , une véritable congélation paraît être incom- patible avec le maintien de la vie , à moins que les Poissons ne fassent quelquefois exception sous ce rapport. 4*> Mais la température propre est chose si peu essentielle chez les Reptiles, que ces animaux peuvent passer de quinze à trente degrés R. sans que leur vie soit compromise. Chez une Vipère , l'estomac et le rectum étaient à — 0,2 degré , après que l'animal fut demeuré exposé pendant une demi- heure à un froid artificiel ; à 16 degrés , sous une température extérieure de 11,5 : à 26,9 , sous celle de 33,7 degrés (4). La température d'une Grenouille varie de — 0,4, durant le froid , à -|- 14,2 pendant la chaleur (5). Un froid très-intense fait périr les Reptiles , et alors seulement leur corps prend la température du milieu environnant (6). 5° Les Mammifères qui s'engourdissent pendant l'hiver ap- partiennent à diverses familles dont les autres membres ne sont pas sujets au sommeil hibernal , et ils diflerent de ces der- niers, non par des particularités d'organisation, mais seulement parce que leur température , sans être aussi dépendante du milieu extérieur que celle des Reptiles , est cependant infini- ment plus variable et flottante que celle des autres animaux à sang chaud. C'est ce qu'on observe surtout chez les Chéiro- ptères. La température des Chauves-souris tomba en une heure à -f- 11,4 degrés , par l'effet d'un froid artificiel de — 0,7 R., tandis qu'auparavant elle était de -|- 27,3 , l'air extérieur étant (1) Straus, Consid, ginér. sur Vanatornie comp. des\ atiim , articulés^ p. 353. (2) Rudolphi, Physiologie, t. I, p. 171. (3) Jb., t. I, p. 172. (4) Hunier, Observations on certain parts of the animal œconomy , p. 104. (5) i6., p. 90. (6) i6.,p.H2. CHALEUR. 661 à 12 (1). Dans ces circonstances , le sommeil d'hiver préserve de la congélation , car la chaleur baisse jusqu'au point où la vie ne peut plus subsister qu'à l'état latent ( § 612 , 5" ). III. Les corps organisés prennent moins , ou prennent plus tard , la température du milieu extérieur que les corps inor- ganiques. Chez les végétaux et les animaux inférieurs , cet effet n'est point le résultat des qualités physiques ( une moin- dre aptitude à conduire la chaleur et une transpiration moin- dre ) , mais se rattache à un mode spécial d'action vitale , quoique ces qualités ne soient pas non plus sans influence , comme le démontrent les observations qui ont été faites sur les végétaux ( § 994 , 3° ). Il a déjà été dit précédemment ( § 994 , 4% 5° ) que les animaux sans vertèbres et les verté- brés à sang froid ont ordinairement une température supé- rieure à celle de leur entourage ; nous n'avons plus qu'une seule chose à ajouter , c'est qu'ils résistent aussi à la chaleur du milieu ambiant, quand elle est trop forte. D'après Rudol- phi (2), les Entozoaires paraissent ne point acquérir la chaleur desMammifères et des Oiseaux dans le corps desquels ils vivent. J. Davy (3) a trouvé qu'à|20 degrés de chaleur extérieure, la température des Scorpions et des Cloportes était de 0,8 à 0,9 degré plus basse, et une Blatte en avait une de 19,3 degrés, quand la chaleur du dehors était de 18,6 et de 23 de- grés. Dans de l'eau à 14,6 degrés , la température de l'esto- mac et du rectum d'une Tanche était de 10,2 degrés (4). Celle des Grenouilles était , suivant Hunter , de 0,8 à 4,5 degrés de chaleur extérieure ; selon Czermak , de 6,5 à 10,5 degrés; d'après Delaroche , de ^6,9 à 28 degrés, et de 17,6 à 29,5 degrés ; selon Davy, de 20 à 21,4 degrés. Les Serpens et Lézards des pays chauds , après qu'ils étaient restés quelque temps sur le sol brûlant, et les Poissons des sources chaudes ont toujours été trouvés moins chauds que leurs alentours (5). (1) Edwards, De Vinfluence des agens phy. sur la vie, p, 148-155, 258. (2) Physiologie, t. I, p. 172. (3) annales de chimie, t. XXXIII, p. 19S. (4) liunter, loc. cit., p. ^05. (5) Rudf)I|)lii, loc. cit., i. I, p d75. 662 DE LA DYNAMIQUE. IV. La chaleur des Oiseaux et des Mammifères ne peut na- turellement pas se soustraire entièrement à l'influence de la température extérieure ; cependant elle n'est jamais détermi- née par elle que dans certaines limites. Edwards (1) a trouvé, chez des Moineaux, 32,5 degrés en février, 33,6 en avril , et 34,6 R. en juillet : dans les pays froids , ils résistent à un froid considérable , et quand celui-ci arrive à 33 degrés au-dessous de zéro , ils gèlent bien , mais se raniment à la chaleur (2) , tandis qu'une chaleur de quarante degrés les fait périr promptement. La chaleur des Lapins mis en expé- rience par Delaroche , monta , en une heure et demie , de 25,3 à 28 degrés , la température du dehors étant de 29 degrés ; mais elle ne dépassa pas 31 degrés lorsque celle-ci était plus considérable. Suivant Parry , la chaleur du Renard bleu était de 32,4 à — 5,7 degrés , de 32,8 à — 11,1, et de 32 à 26,6 ; à — 32 degrés même , où le mercure se congèle , la chaleur des animaux arctiques ne subit qu'une faible diminution 1" La température de l'homme varie, suivant Davy (3), aux diverses époques de la journée ; mais elle diffère d'autant plus de la chaleur du dehors , que celle-ci est plus faible. Voici ce que Davy a constaté ( en degrés centigrades ). Chaleur Chaleur propre sous Différence. A six heures du matin du dehors. la langue. 16,03 36,65 19,85 A neuf heures 18,88 36,37 17,49 A midi 25.45 36,94 11,49 A quatre heures 26,00 36,94 10,94 A six heures 21,64 37,22 15,58 A onze heures 20,54 36,65 16,11 2» Elle varie de même suivant les saisons, comme la tem- (1) Loc. cit., p. 489. (2) Eudolphi, loc. cit., t. I, p. 179. (3) Loc. cit., p. 181. CHALEUR. 665 pérature extérieure , mais à un bien moindre degré que cette dernière. Franklin a remarqué que, pendant une chaleur d'été de 30,2 dpgrés R., la sienne n'était que de 28,4. Suivant les observations de Martin , la chaleur de la peau de sa poitrine était en novembre , jusqu'en mars , de 26 à 27,3 degrés R., en avril et mai de 27 3 à 28,6, en juin et juillet de 29,5 , en août de 28,6 , en septembre de 28,0, et en octobre de 27,3. La température de son urine était ordinairement de 28,6 ; mais en juillet elle était de 29,2. 3» Une température du corps moins élevée que celle de l'air a été remarquée par Lining à Charles-Town, par Adanson au Sénégal (1), par E'iis dans la Géorgie. Davy a observé, du- rant la traversée aux Indes orientales, que la température hu- maine , qui était de 29,3 degrés R. en Europe , montait à 30,2 sous la zone torride , et que même les indigènes de ces contrées en avaient une de 29,5 à 30,6. Suivant les observations d'Ey- doux et Souleyet (2), la chaleur diminue lentement lorsqu'on passe dans un climat froid , et augmente avec plus de rapidité quand on passe dans une contrée chaude, mais, au cap Horn, à 0 de température extérieure , elle n'était pas beaucoup plus basse qu'à Calcutta , où l'air marquait 32 degrés. Il ré- sulte aussi des recherches faites par Reynaud, sur douze indi- vidus , que la température humaine est , terme moyen , de 29,5 degrés R., depuis \0 jusqu'à 14 degrés de chaleur extérieure , sous la zone tempérée , et de 30 sous la zone torr ride , la chaleur du dehors étant de 20 à 24. Ross et Parry ne l'ont pas vue non plus diminuer d'une manière sensible au 74" degré de latitude septentrionale, par un froid de 40 degrés au-dessous de zéro. 4° Fordyce est le premier qui ait fait des expériences sur la chaleur artificielle (3). Vêtu seulement de sa chemise, il entra dans une pièce dont l'air était échauffé, par des tuyaux rouges sur lesquels on versait de l'eau, jusqu'à la température de vingt-trois à vingt cinq degrés R. ; au bout de cinq minu- (1) Hist. nat. du Sénégal. Paris, 1757, in-4, p. 26.— Thevenot , TraiV^ des maladies des Euroféens dans les 'pays chauds. Paris, 4840> p. 60. (2) Jnn. des se. naturelles, V série, t. IX, p. 490. (3) Philosoph. Trana., 1775, p. 113. 664" I^E LA DYNAMIQUE. tes , il passa dans une seconde où la chaleur était de trente- quatre degrés, puis au bout de dix minutes ,dans une troisième où elle s'élevaità trente-neuf degrés, et où il demeura vingt minutes; le thermomètre monta à trente degrés sous sa langue et dans son urine.L'instrument indiquait cette même tempéra- ture un autrejour qu'il était resté pendantun quartd'heure dans un bain de vapeur analogue, à quarante-trois degrés. Il péné- tra , de concert avec Blagden,| Phipps, Banks et Solander, dans une pièce échauffée à soixante-treize degrés par un poêle en fonte ; tous y demeurèrent dix minutes ; ce laps de temps écoulé , Solander se tint encore pendant trois minutes à une température de soixante -et-dix-neuf degrés , et Banks à une de soixante-et-dix-neuf et demi, ce dernier pendant sept mi- nutes. Lorsqu'ils passaient leur haleine sur le thermomètre ^ cet instrument baissait de quelques degrés ; la température du lieu diminuait aussi par le fait de leur séjour, et d'autant plus qu'ils y étaient en plus grand nombre. Dans les expé- riences de Dobson (l),*'un séjour de dix minutes dans une étuve chauffée à soixante-et-quinze degrés R. , porta la tem- pérature humaine à trente degrés ; sous l'influence d'une cha- leur de soixante-et-dix-neuf degrés , celle-ci monta en dix minutes à 30 , 9 degrés; sous celle de quatre-vingt-cinq de- grés, qui fesait fondre la cire en cinq minutes, et coaguler en dix minutes du blanc d'œuf dans un vase d'étain, elle s'éleva, durant le même laps de temps, à 31,1 degrés. Blagden s'est tenu dans un four chauffé de cent vingt-six à cent trente cinq degrés, où bouillait de l'eau couverte d'une couche d'huile (2). La température de Berger et Delaroche ne monta que de trois à quatre degrés à une chaleur de trente-neuf degrés et au- delà. Lorsque Volkmann (3) avait passé une heure, tout nu, dans un bain de vapeur de trente à quarante degrés, la cha- leur ne s'élevait qu'à vingt-neuf degrés dans sa bouche. 5° Quand Hunter (4) prenait dans sa bouche un morceau (1) Ib., p. 463. (2) iJ., p. 485, (3) Observationes hiologicœ de magnetismo animali. Leipsick , 4826, p. 56. (4) Observations on certam parts ofthc animal œconomy, p. 94. CHALEUR. 665 de glace de la grosseur d'une noix , la température y des- cendait de 28,8 à 20 degrés. Après avoir bu une eau minérale froide, la chaleur diminuait sur-le-champ de 1,6 degré aux pieds et aux mains de Martin, de 0,8 au bas-ventre , de 0,4;|à la poitrine et dans l'urine, et tandis que les membres recou- vraient leur chaleui: naturelle au bout de quelques heures, le bas-ventre restait froid jusqu'au dîner ; après avoir mangé chaud, et pris du thé ou du café, l'urine était plus chaude qu'à l'ordinaire de 1,6 degré. Le pénis d'un cadavre échauffé à 26,6 degrés, acquit, suivant Hunter(l), la température de l'eau à huit degrés dans laquelle on le plongea, tandis que la cha- leur de celui d'un homme vivant baissa seulement de 26,6 et 11,5; dans de l'eau à 38,3 degrés, la chaleur du premier s'éleva à 36,4, et celle du second à 31,2 seulement. Dans de l'eau à trente-quatre degrés , la température de la main aug- menta, d'après Gentil (2), d'un degré en dix minutes, et s'ac- crut encore par la prolongation du séjour. Suivant Martin, les pieds d'un enfant de trois ans , qui marchait sans chaussure , par un froid de — 1,6 degré, marquaient -\- 10,3 ; sa chaleur était encore de-}-6 degrés, à un froid de treize degrés et demi au-dessous de zéro, dont l'intensité faisait exprimer des plaintes à l'enfant. Becquerel et Breschet ont trouvé que la température intérieure du bras ne diminuait que de 0,16 degré dans l'eau à la glace , et ne montait non plus que de 0,16 degré dans l'eau chaude à trente-trois degrés. bb. Causes de la température extérieure. §, 1002. Plusieurs circonstances influent sur la conservation de la chaleur propre à l'homme. l.Au premier rang se placent celles qui sont extérieures. 1° Les substances peu conductrices de la chaleur dont on se couvre le corps, préservent non seulement du froid, mais en- core du chaud, et ne deviennent gênantes que quand la cha- leur interne s'accroît. Tillet (3) a éprouvé que les animaux (1) Hunter, toc. cit., p. 96. (2) Meckel, Deutsches Archiv, t. III, p. 459. (3) Hitit. de l'/Icad. des se, 1764, p. 193. 666 DE tA DYNAMIQUE, supportent une chaleur plus forte quand on les enveloppe de toile, que quand on les laisse nus. Blagden (1) ne supportait la chaleur de cent vingt-six degrés R., et au-delà, qu'au moyen d'un habillement complet et épais , et cette chaleur lui étail infiniment plus désagréable lorsqu'il quittait ses vêlemens. 2o La densité d'une substance est en raison de sa faculté conductrice. De là vient qu'à égalité de température , l'eau chaude échauffe plus que la vapeur aqueuse , et celle-ci plus que l'air; tandis que Banks (2) supportait une chaleur de 39,5 degrés dans l'air, il pouvait à peine tolérer celle de l'alcool échauffé à 43 degrés ; le mercure chaud à trente-neuf lui était insupportable , et tous les métaux contenus dans la chambre étaient si chauds qu'il n'y pouvait toucher. La même chose a lieu pour le froid. Il n'y a que la quantité de la transpiration qui modifie les effets du plus ou moins de densité du milieu ambiant. 3" Le mouvement de l'air accroît les effets de sa tempé- rature. Dans un four chauffé à cent vingt-six degrés et plus, Blagden (3) ressentait plus vivement la chaleur lorsque l'air était mis en mouvement, soit par lui-même en marchant, soit par l'action d'un soufflet. Gunie (4) a reconnu que , sur un vaisseau échoué pendant l'hiver , deux hommes bien portans et robustes, qui restèrent exposés à l'action de l'air, sur la partie saillante hors de l'eau, à une température de — 0,8,1e vent étant vif et chargé de pluie et de neige, périrent au bout de quatre à sept heures , tandis que le reste de l'équipage , qui était plus ou moins plongé dans l'eau, se tenant à la car- casse et cherchant à combattre le froid par des mouvemens , passa dans cette situation vingt-trois heures, au bout seule- ment desquelles on put venir à leur secours. Cette observation lui a suggéré une série d'expériences assez grossières , con- sistant à exposer des hommes nus , tantôt à un vent froid , tantôt à l'action de l'eau froide, bientôt suivie d'un bain chaud : (< ) Philos. Trans., 1775, p. 485. (2) Loc. cit., p. 119. (3)ioc. cîi,,p. 486. (4) Loe. cit.. 1792, p. 199. CHALEUR. 6S'j le résultat fut qu'un homme qui, au sortir du bain froid, s'ex- posait au grand air ayant la même température , mais tran- quille, ne perdait point de chaleur, tandis que, sousTinfluence du vent, alors même que l'air était plus chaud que l'eau , il se refroidissait rapidement de quelques degrés. 4° Currie a remarqué en même temps que la salure de l'eau marine et Taddition du sel à Teau commune du bain déter- minent à la peau une irritation qui agit en sens inverse de l'impression du froid , de sorte qu'alors la température s'a- baisse un peu moins. II. Quant à ce qui concerne les conditions de l'organisme lui-même : 1" Delaroche a répété l'observation déjà faite avant lui par Tillet, que le volume du corps est favorable au maintien de la chaleur propre. 2° Mais c'est surtout l'état des forces vitales qui exerce une grande influence. Currie, par exemple, a trouvé (1) que des jeunes gens qu'il faisait asseoir dans une baignoire, après leur avoir mis un thermomètre sous la langue, et dont il arro- sait la tête et les épaules avec de l'eau salée froide, éprouvaient un abaissement de température pendant la première minute, lorsqu'ils étaient peu robustes, tandis que, chez ceux qui jouis- saient d'une force vitale plus énergique , la température de- meurait la même, et ne tardait pas à s'élever de 0,8 degré R. Une perte de sang , une surexcitation et en général tout ce qui affaiblit la vie , diminue le pouvoir de résister au froid. 3* L'âge influe aussi d'une manière puissante (§§ 517,11; 534, 4o ; 539, 2o ; 556, 3o ; 560, 5° ; 5S8, 4» ). De même beau- coup de plantes gèlent, au printems, à un degré de froid qui ne leur nuit point en automne, quand leurs sucs sont plus chargés de principes dissous et leurs vaisseaux plus ligni- fiés (2). 4° Une variation subite de température est moins bien sup- portée qu'un changement graduel. Currie a vu (3) la chaleur (1) Loc. cit., p. 217. (2) Halder , Beohachtungen ueher die Temperatur der Fegetahilien, p. 12. (3) Loc. cit., p, 205, 216. 668 DE lA DYNAMYQDE. des hommes qu'il exposait suJ3itement nus à l'action du froid, tomber de vingt-neuf à vingt-quatre degrés R., et quand ces individus se plongeaient ensuite dansj un bain à trente-deux degrés, la douleur leur arrachait des exclamations; quand lui- même passait alternativement, mais lentement, d'un bain salé à 1,7 degré dans un autre à 28,4, sa température ne subissait aucun changement. Les arbres gèlent surtout lorsque le froid survient immédiatement après un haut degré de chaleur, liunter (1) a remarqué que les Lézards et les Serpens péris- sent quand on les fait passer sans transition de l'engourdisse- ment hibernal à la chaleur. Les hommes asphyxiés par le froid meurent sous Tinfluence d'une grande chaleur, et il nuit aux plantes elles-mêmes d'être échauffées trop rapidement à la suite du froid. 6» L'habitude exerce une grande influence. Peu de mois passés dans un climat chaud suffisent pour rendre le corps très-sensible au froid, de manière qu'une température exté- rieure de 14 degrés R. suffise pour empêcher de dormir la nuit à cause de l'impression désagréable qu'elle occasione (2). On peut en venir , par l'effet de l'habitude , à supporter un quart-d'heure de séjour dans un bain à soixante degrés R. Tillet a vu plusieurs boulangers tellement accoutumés à la chaleur du four, qu'ils y restaient cinq à dix minutes par une chaleur de trente-cinq à quarante degrés R. (3), phénomène reproduit sous une autre forme par les jongleurs qui se don- nent en spectacle comme des hommes incombustibles. L'é- moussement du sentiment joue sans doute aussi quelque rôle dans ces effets : Martin a trouvé, chez un enfant qui marchait nu-pieds , que la chaleur du pied était de 12,6 degrés quand cet enfant se plaignait encore du froid, et qu'ensuite , quand l'habitude faisait qu'il ne sentait plus rien, cette même chaleur n'était que de huit degrés. 6" Mais Edwards a prouvé (4) que l'habitude ne repose pas (4) Observations on certain parts ofthe animal œconomy, p. 421. (2) Spix et Martiiis, Reise in Brasilien, t. I, p. 168. (3) Hist. deVAcad. des sciences, 1764, p. 48S. {h) De l'influence des ayens physiques sur la vie^ jj. 252. cHAiEUE. 66g uniquement sur une modification de l'apiitude à sentir la chaleur, qu'elle tient encore à un changement dans !a pro- duction de cette dernière. Un froid subit entraîne bien une diminution de la production de chaleur ; car , par exemple, après une chute dans l'eau froide, on est pendant quelques jours hors d'état de s'échauffer et plus sensible qu'auparavant à un nouveau froid (1); de même, la chaleur extérieure dé- termine, après l'action du froid, une production plus considé- rable de chaleur , puisque quand, en de telles circonstances, on expose de nouveau des animaux au froid, leur température s'abaisse d'autant plus lentement qu'ils étaient demeurés plus long-temps exposés à la chaleur (2) ; cependant il en est tout autrement des variations qui ont lieu durant le cours de l'année; car, somme totale, il s'établit alors un certain rapport de température, qui peu à peu devient dominant ; la produc- tion de chaleur augmente quand la chaleur extérieure dimi- nue, et vice versa. Ainsi, des Moineaux ayant été exposés au même froid artificiel, leur température baissa, en une heure, de 3,62 degrés en juillet, 1,62, en août, et 0,4 en février (3). § 1003. La résistance que l'organisme oppose à la tempé- rature extérieure tient donc à la mesure de son action , mais, elle est singulièrement favorisée par le peu de faculté con- ductrice de sa substance. Il ne reste donc plus à examiner qu'une seule question, celle de savoir quelle est l'action orga- nique qui résiste à la température. 1° On a désigné ici la digestion et la nutrition. Pendant 1© froid , dit-on , l'appétit est plus vif , la faculté digestive plus. énergique , le besoin plus grand d'une nourriture forte, ani— malisée, épicée et de boissons spiritueuses : de là vient aussi que la chaleur produite est plus considérable, tandis qm l'inverse a lieu sous l'influence d'un temps chaud ; de mêrae aussi, la nutrition se fait mieux pendant le froid, et le corps maigrit durant la saison chaude. Mais la plupart des animaux prennent moins de nourriture en hiver, et sans faire valoir ici (4) iA., p. 247, (2) Ib., p. 250. (3) Jb., t. H, p. 463. 670 DE LA DYNAMIQUE. d'autres argumens encore qui pourraient être allégués (§§ 996, 998) , il y a impossibilité que la faculté de maintenir sa tem- pérature propre pendant un chanjjement momentané de la chaleur extérieure dépende de ces fonctions. 2° La transpiration , passage d'un fluide de l'état liquide à l'état vaporeux , est un moyen de rafraîchissement qui fait antagonisme à la production de chaleur , et qui maintient la température de l'organisme au même point, attendu qu'elle augmente par un temps chaud et diminue par un temps froid. On allègue que comme les affusions froides diminuent la chaleur en accroissant l'évaporation, de même, à l'apparition de la sueur, la chaleur fébrile devient plus supportable, tandis qu'à défaut de transpiration elle peut acquérir un très-haut dep,ré d'intensité sans que la production de chaleur ait préci- sément besoin d'être augmentée : que les Européens ne con- servent leur santé , dans les pays chauds, qu'en adoptant des Orientaux l'usage des onctions et des bains chauds, moyens propres à prévenir une transpiration excessive , avec le re- froidissement et la débilité qui s'ensuivent (1); qu'une boisson froide, prise pendant qu'on a chaud, ne nuit qu'autant qu'une transpiration abondante s'est déjà établie par le fait du relâ- chement , et que le corps est en train de se refroidir ; que, d'après l'observation de Franklin, les moissonneurs de la Pensylvanie peuvent continuer leur travail par une chaleur de trente degrés, tant qu'ils suent, mais sont menacés de mort subite quand leur transpiration s'arrête ; enfin que , lors du passage subit dans un climat chaud , la peau se dessèche par l'abondance de l'exhalation , et qu'on ne parvient à prévenir une maladie qu'en buvant beaucoup d'eau (2). Delaroche a observé qu'après une heure d'exposition à une chaleur de vingt-trois degrés et demi, la température d'une Grenouille était tombée, comme celle d'une éponge humide, à dix-sept degrés et demi, et de là il prétendait conclure au moins la possibilité que la chaleur animale fût maintenue dans certaines limites par la transpiration ; cependant il n'a pas trouvé que (1) Thevenot, Traité des maladies des Européens dans les pays chauds. Paris, 48 .0, p. 284. (2) Hootl, Analytic physiology, p. 26. CHALËtJR. 671 la chose se vérifiât chez des animaux à sang chaud ; lorsqu'il exposait un alcarrazas plein d'eau à 22,4 degrés, et un Lapin à 25, dans un endroit dont la chaleur fût de vingt-huit degrés et demi , il voyait la température de l'animal monter à vingt- huit , et celle du vase descendre à 20,4. En effet, plusieurs argumens s'élèvent contre cette explication. L'organisme maintient sa température au chaud, alors même que la transpi- ration est limitée ou suspendue. La température de Fordyce (1) restait la même dans un bain de vapeur à quarante-trois degrés et demi, et comme il était le corps le plus froid qui se trouvât dans la chambre, l'eau ruisselante sur sa peau parais- sait n'être qu'un précipité de vapeurs, dont la condensation aurait dû accroître sa propre chaleur. Delaroche objecte , à la vérité , que Fordyce n'a pas pu éprouver les conséquences d'une diminution de la transpiration parce que son séjour dans le bain de vapeur n'a pas duré plus d'un quart-d'heure, et il cite des observations d'après lesquelles la température d'animaux qu'il avait tenus pendant une heure dans des va- peurs aqueuses dont la chaleur était de vingt-quatre à vingt- six degrés, monta de deux à quatre degrés. Cependant, comme cet accroissement de température n'était point assez considé- rable , il a été obligé d'admettre encore que la transpiration n'avait point été entièrement supprimée. Mais Volkmann (2) ayant arrêté aussi complètement que possible la transpiration par des onctions de tout son corps, pendant un séjour de trois quarts-d'heure à une chaleur de trente-et-un à trente-sept degrés , n'a vu néanmoins sa température monter qu'à trente degrés, c'est-à-dire devenir seulement à la main d'un degré, et dans la bouche d'un demi-degré supérieure à ce qu'elle était auparavant. Enfla , dans l'eau chaude , oii l'évaporation est encore plussuspendue, l'organisme ne prend pasla tempéra- ture da liquide, et les animaux qui vivent dans des sources chau- des prouvent que cet effet ne saurait avoir lieu par un séjour de quelques instans. D'après les observations deYolkmann(3), la température demeure la même à l'irruption de la sueur, et (l)ioc. cit., 1775, p. H4. (2) Observaliones hiQlo(jic(jBy p. 59. ^3) 76,, p. 58,63. 6^2 DE LA DYNAMIQUE. chez un Lapin qu'il arrosa d'éther , la température de la bouche , malgré la forte évaporation qui eut lieu, ne différa point, à une chaleur de quarante degrés, de celle qu'elle avait auparavant , ce qui eut lieu de même chez un autre Lapin dont le corps n'avait pas été mouillé d'éther. Edwards (1) a constaté aussi que la proportion de la transpiration est une circonstance favorable au maintien de la température organi- que , mais ne peut en être la véritable cause, et que son ac- croissement garantit bien des degrés extraordinaires de cha- leur , mais ne saurait protéger contre celle du climat ou de la saison. Quoique la transpiration augmente sous l'influence de la température extérieure , elle ne dépend cependant point d'elle ; loin de là , elle est déterminée par le degré de l'acti- vité vitale , en sorte qu'elle peut être très-forte même dans un air sec et froid , sans que le corps perde pour cela de sa chaleur. 3° Il n'est pas non plus suffisamment démontré que la con- stance de la température organique tienne à la respiration. Le froid , dit-on , rend l'air plus riche en oxygène, plus pur de mélanges hétérogènes ; et comme alors toute combustion marche avec plus d'activité , la respiration devient plus vive aussi , et par conséquent la production de chaleur plus consi- dérable ; l'inverse a lieu sous l'empire de la chaleur. Mais , d'après les observations qui ont été rapportées plus haut (§. 977) , la consommation d'oxygène est plus grande à une chaleur modérée qu'au froid. Edwards accorde , à la vérité (2), que les Oiseaux renfermés dans une quantité d'air donnée , y éprouvent plutôt une gêne de la respiration et l'asphyxie en hiver qu'en été ; mais il s'est convaincu que ces phénomènes ne dépendent pas de l'impression actuelle de la température extérieure , qu'ils sont le résultat de la modification imprimée à l'activité vitale par la saison , de manière que , pendant l'hiver , même au milieu d'une chaleur artificielle , la consom- mation d'oxygène est plus considérable, bien que la tempéra- ture organique ne s'élève pas proportionnellement. Au reste , (l)ioc. ct^,p, 254, 385. (2) LoG. cit., p. 200, 206. CHALEUR, 6^3 les observations elles-mêmes n'ont point été décisives : ainsi la difficulté de respirer est survenue , chez les Oiseaux , terme moyen, au bout de cinquante-deux minutes et demie en hiver , et de soixante-huit trois quarts en été ; mais , sur dix de ces animaux , il s'en est trouvé trois chez lesquels le phé- nomène n'eut lieu qu'au bout de soixante et dix à quatre- vingt-trois minutes en été , et deux chez lesquels il se mani- festa au bout de quarante-huit à cinquante-neuf minutes déjà en hiver. Legallois s'est efforcé de démontrer que la constance de la température organique dépend de la respiration ; mais il a acquis la conviction que la quantité de l'acide carboni- que expiré n'est point en proportion de cette constance (1) , et il a fait souvent aussi la même remarque à l'égard de la quantité d'oxygène absorbé, d'où il s'est trouvé conduit , pour sauver son hypothèse , à admettre que quand ia respiration devient difficile jusqu'à un certain point par l'accroissement du mouvement respiratoire et par la plus grande quantité d'air introduite dans les poumons , une diminution de la cha- leur a lieu , et qu'en conséquence un refroidissement peut s'effectuer, bien que l'oxygène soit consommé en plus grande abondance (2). Fordyce et les autres physiologistes qui ont répété ses expériences ont remarqué que , tandis qu'une cha- leur de cinquante-deux à quatre-vingt degrés R. n'élevait leur température que d'une manière insignifiante , leur res- piration ne souffrait aucune atteinte , et ne devenait ni diffi- cile, ni accélérée (3). 4° Une explication plus satisl^aisante, et en même temps applicable à tous les êtres organisés , est celle qui consiste ù admettre que la chaleur résulte du conflit électrique des parties organiques (§ 1000, II, III). Sous l'influence de la cha- leur , l'action vitale se porte plus au dehors , la sensibilité est accrue, et il survient de l'accablement, de sorte que quand les rapports avec le monde extérieur deviennent plus intimes, le conflit intérieur diminue , et avec lui la production de la (1) OEuvres, t. II, p. 60. (2) lh„ p. 41. (3)Loc. ci^, p. 117. -« IX. 4^ 674 ^^ ^^ dynamique:" chaleur. Les observateurs qui se sont exposés à une tempé- rature fort élevée, par exemple (1) , se trouvaient accablés à la suite de leurs expériences , et ceux qui fout usage des bains de vapeurs ne préviennent cet inconvénient qu'à l'aide d'affu- sions , qui provoquent une tension plus énergique. Les ani- maux que J. Guyot avait exposés à une grande chaleur étaient également accablés , et d'après Humboldt (2) , le galvanisme épuise plus rapidement l'action vitale des animaux dans les climats chauds : ceux chez lesquels cet agent excitait des mouvemens pendant deux et trois heures en Allemagne , s'y montraient quelquefois insensibles , en ItaUe , au bout de vingt à vingt-cinq minutes. La chaleuç accroît la faculté conduc- trice de l'électricité , qui s'accumule moins dans nos machines dès que le frottoir est échauffé par le mouvement. Le froid, au contraire, provoque une réaction vive, et, en limitant le rap- port avec la nature extérieure , il active davantage le travail intérieur de la vie ; la tension des parties organiques les unes à l'égard des autres augmente , ainsi que leur conflit électrique mutuel , et en effet ce n'est guère qu'en hiver qu'on a observé des phénomènes d'électricité libre chez l'homme (§. 993 , 2°). D'après cela, le milieu extérieur agit différemment, à température égale , suivant que la vitalité et le conflit réci- p'roque des parties organiques sont plus ou moins excités : l'organisme résiste mieux au froid de l'eau quand celle-ci stimule la peau par le sel qu'elle tient en dissolution ; la va- peur aqueuse diminue le pouvoir excitant de l'air , et par suite aussi la production de la chaleur, en sorte qu'elle com- bat l'influence de la chaleur extérieure. Quand le conflit élec- trique des parties organiques est diminué , il y a aussi moins d'aptitude à résister à la température du dehors. Ceci s'ap- plique non seulement à l'ensemble de la vie , car pendant le sommeil on souffre davantage de la chaleur et l'on est plus exposé à se refroidir par un temps froid , mais encore à l'état local : d'après les observations d'Earle (3) , un malade con- (1) £oc. cî^, p. 487. (2) Ueber die gereizte MuslieUund Nervenfaser, t. ï; p. 302, (3) Meckelf Deutsches Archiv, t. III, p. 421. PHOSPHORES,' 675 tracta des ampoules à l'un de ses membres qui était paralysé et froid en l'exposant à une chaleur que son autre bras sain n'avait pas jugée trop forte, et le même effet eut lieu, sous l'influence du froid , chez un individu dont l'un des doigts était paralysé par la section de son nerf.Tous ces faits confir- ment que le maintien de la température propre dépend en partie du faible pouvoir conducteur de la matière organique, et en partie aussi d'une certaine proportion dans l'activité organique dévolue en commun à tous les membres. La trans- piration peut y contribuer pendant la chaleur, car Martin n'a trouvé qu'une chaleur de vingt-huit degrés aux parties de son corps couvertes de sueur , par l'effet du mouvement, tandis que les autres en marquaient vingt-neuf et demi ; mais son rôle est très-borné , surtout en ce qui concerne le maintien de la tem- pérature organique au froid. Quant à la digestion et à la nutri- tion , on ne peut les considérer que comme les conditions générales de la production et de la conservation de la chaleur organique. 4. LUMIÈRE. § 1004. 1" Plusieurs végétaux et animaux inférieurs sont lumineux, soit que leur lumière tienne à la combustion d'une sécrétion phosphorée, soit qu'elle se dégage par l'effet d'une action électrique. Une circonstance parle en faveur de la première hypothèse (§ 813 VI), c'est que, chez plusieurs des animaux appartenant à celte catégorie, on trouve une matière lumineuse spéciale, qui peut transférer la phosphorescence à d'autres corps, et que la présence ou l'absence de l'oxygène ac- croît ou supprime le phénomène. L'ébranlement le rend plus prononcé ou le provoque, comme aussi le mouvement volon- taire de l'animal lui-même, notamment la contraction du corps chez quelque Méduses ; mais il cesse à la mort , ou peu de temps après, change souvent sans cause extérieure, et se trouve soumis à l'influence de la vie animale. Suivant Ma- caire (1), la phosphorescence des Insectes dépend de la vo- lonté , car les animaux la font cesser tout à coup quand ils (1) Gilbert, Amialen, t. LXX, p. 269. 676 DE LA DYNAMIQUE. entendent du bruit , sans qu'on aperçoive nulle trace de membrane à laquelle cet obscurcissement puisse être attribué. Macartney (1) a également remarqué que le mode et l'inten- sité de la phosphorescence ne se rattachent à aucune disposi- tion mécanique, que la matière phosphorescente luit même en l'absence de l'oxygène, qu'elle ne prend pas feu à l'approche d'une flamme , et que par conséquent elle ne contient point de phosphore. 2° Chez plusieurs Mammifères on voit les yeux luire dans l'obscurité, surtout quand l'animal est excité, qu'il ressent des désirs , ou qu'il éprouve de la colère. Suivant Gruithuisen , Prévost , Esser et ^autres , ce n'est qu'un miroitement des rayons lumineux qui pénètrent dans l'œil pendant l'obscurité, et que réfléchit la portion de la choroïde dépourvue de pig- ment, ou ce qu'on nomme le tapis. ] II. Force vitale. § 1005. Le corps vivant, en sa qualité de corps, a de com- mun avec les corps sans vie, de posséder comme eux les ca- ractères généraux de la matière. Les élémens qui entrent dans sa composition sont les mêmes, mais réunis par un mode d'association qui lui appartient d'une manière exclusive, et qui fait que sa substance diffère de toute matière inorganique. Il est soumis aussi à l'action des mêmes forces, mais liées de telle sorte qu'elles paraissent modifiées, ou qu'elles produisent des]effets particuliers. Ces élémens et ces forces ne constituent donc que le fond de son existence matérielle ; le mode de combinaison est tout spécial , et suppose quelque chose de quoi cette combinaison dépende, qui manque aux corps inor- ganiques. I. Jadis on se contentait souvent de considérer comme une force propre ce qu'il y a de commun dans chaque série de phénomènes vitaux. On se bornait à dire que l'organisme pos- sède une force d'assimilation , une force de nutrition, ou une force chyîopoiétique. Haller encore admettait, outre l'ame, (1) Uk, t. LXr, p. 115. - - . / FORCE VITALE» 6']') la sensibilité , rirritabilité et la tonicité, ou la conlractilité vivante , comme autant de facteurs de la vie. Cette méthode ne conduisait qu'à une classification des effets de la vie. II. D'autres, surtout dans les temps modernes, ont reconnu qu'il y a un lien commun, dont l'hypothèse précédente ne te- nait aucun compte, et que l'ensemble des phénomènes vitaux doit être dérivé d'un principe unique. 1° Le point de départ de Stahl fut la conviction qu'il ne peut y avoir d'autre source de la vie qu'une cause spirituelle. Mais, comme il ne distinguait point assez l'esprit créateur du monde de l'âme individuelle, que, bien au contraire même, il voyait dans cette dernière le principe de la vie, il s'ensuivait de sa doctrine que l'embryon devait avoir la perspicacité né- cessaire à la formation de son corps, que par conséquent les facultés de son esprit devaient, surtout chez les animaux, dé- passer de beaucoup celles de l'homme fait. Stahl était obligé de soutenir que l'âme continue par une sorte de routine aveu- gle ce que sa volonté avait d'abord commencé , et que les végétaux eux-mêmes possèdent une âme. 2o Comme cette doctrine était inconciliable avec les faits connus touchant la vie matérielle et avec les idées reçues sur l'action de l'âme, on en vint à la restreindre de telle sorte que ce ne fut plus l'âme elle-même, mais son organe, le système nerveux agissant sans conscience ni volonté , qu'on considéra comme la chose à proprement parler vivante, et qu'on érigea la force nerveuse en principe de la vie. C'est dans ce sens que CuUen, Unzer et autres ont raisonné en construisant l'édifice de leur pathologie nerveuse. Nous avons examiné la part que l'action du système nerveux prend à la circulation (§ 768 — 772) , à la nutrition et à la sécrétion (§ 847 ; 884 ; 891) , à l'absorption (§ 897), à la digestion (§ 957), à la respiration (968, II; 971 ; 978, 1°), à la production de la chaleur (§ 999 ; 1000, 1) , et nous avons reconnu qu'à part les cas dans les- quels la vie animale vient au secours de la vie matérielle par une provocation de mouvemens , l'action nerveuse n'exerce jamais qu'une influence consensuelle ou antagonistique sur les opérations plastiques , que jamais elle n'en est la cause. il y a vie sans système nerveux. Ce système ne survient que 678 DE LA DYNAMIQUE. comme expression d'une unité plus prononcée, qui élève la vie à posséder un intérieur, le sentiment de soi-même, la fa- culté de se déterminer soi-même. Il naît par le fait de l'atti- vité plastique, se développe par elle, et a coDStamment besoin d'elle pour déployer son action (§ 743, 3% 4° ; 774 , 6° 978 , 2°). Donc il est un membre de l'organisme, et à ce lilre en conflit , en rapport de réciprocité avec les autres membres. Ayant ses racines dans la plasticité, et dépendant d'elle à tout jamais, il exerce aussi une influence sur elle, en ce sens que, comme antagoniste des organes plastiques, il les excite à ma- nifester leur force propre, et que , comme expression d'une unité intérieure, il dirige leur activité de manière à ce qu'elle soit en harmonie parfaite avec l'état de l'ensemble de la vie. Nous pouvons dire que c'est un subterfuge de l'ignorance, ou si l'on aime mieux du non savoir (§ 884), lorsqu'à défaut d'au- tre explication, on prétend rapporter les phénomènes de la vie matérielle à une action nerveuse : souvent ceux qui adoptent cette hypothèse érigent en preuve ce qui n'est qu'une simple supposition , par exemple , lorsqu'ils disent que la sécré- tion dans les poumons et le rougissement du sang dans la circulation sont indépendans du nerf pneumo-gaslrique, et doivent en conséquence dépendre du nerf grand sympathique. 3° La pathologie solidiste , telle qu'elle a été présentée par Kreyssig , Sprengel (1) et autres, avait un horison plus vaste; car elle attribuait une action vivante aux solides en général, et dans sa lutte tant contre les théories chimiques de la vie que surtout contre la pathologie humorale , elle cherchait à démontrer que les rapports de composition sont sous la dé- pendance de l'action des parties solides. Mais elle tombait dans un autre extrême, en ne considérant les humeurs que comme de simples produits , en faisant trop peu d'attention au rôle qu'elles jouent dans la vie; car solides et liquides sont toujours associés ensemble dans l'organisme, ils sont con- tinuellement en conflit, ils passent sans cesse de l'un à l'autre, ils jouent à chaque instant le rôle de cause les uns à l'égard (1) Histoire de la médecine , tvad. par A. J, L. Jourdan, Paris, 1815, t. YI, p. 439. FORCE VITALE. 6']^ des autres, et l'on ne peut voir en eux que des membres tous également nécessaires, 4° Hunter , Hufeland et autres reconnaissaient en consé- quence qu'aux humeurs, et surtout au sang , revient une part essentielle dans la vie, et généralement parlant que la cause de cette dernière ne saurait résider dans telle ou telle partie, qui bien loin de là lui doit naissance, mais qu'on ne peut la cher- cher que dans l'ensemble , dans la totalité de l'organisme. Tantôt on spiritualisa ce principe vital propre, comme faisait Willis avec son âme végétative. Tantôt on le personnifia, comme l'archée de Paracelse et de Vaaheîmont. Quelquefois on le matérialisa, pour en faire l'éther ou l'esprit aérien des pneumatistes. D'autres le dirent analogue à la cause des phé- nomènes dynamiques de la nature 5 Autenrieth par exemple, l'érigeait en un inpondérable à part. Enfin on l'appela force plastique , ou force vitale en général. Avec cette hypothèse, cependant, on n'était pas plus avancé qu'avec l'admission d'une matière organique spéciale (§ 990), car on ne faisait au fond que reconnaître une seule chose, savoir que les phénomènes particuliers de la vie doivent avoir une cause également par- ticulière. On renonçait à toute investigation ayant l'essence de de la vie pour objet , en dédaignant de rapporter cette essence à quelque chose de supérieur. Et quand on disait de cette cause, d'ailleurs inconnue, qu'elle agit à rencontre des forces de la nature iaorganique, qu'elle subordonne les lois de l'uni- vers à son but , qu'elle en suspend ou dirige l'action, on cou- pait pour ainsi dire l'existence en deux. Il devenait impossible de concevoir comment la vie aurait pu venir au monde si elle lui est absolument étrangère , si elle ne repose pas sur les mêmes forces que lui , comment elle peut s'y maintenir, si elle est indépendante de ses lois , comment enfin il peut y avoir deux légitimités tout-à-fait différentes d'existence. § 1006. La vie , comme mode d'existence , doit dépendre d'un principe universel, d'une cause unique de l'existence en général. Notre conscience débute par une opposition /par la distinction du moi et du non moi. Or , comme laconcience est ce que nous savons de plus positif , ce qui , dans notre sa- voir, nous appartient le plus en propre, et qu'elle sert de base 680 DE Lk DYNAMIQUE. à toutes nos autres connaissances , nous reconnaissons aussi que la même opposition d'esprit et de corps , d'intérieur et d'extérieur, de force et de matière, d'activité et de repos , se répète partout. I. Le dualisme s'arrête à ce fait. Il tient l'opposition pour réelle, parce que, contenus dans la conscience, le moi est une certitude immédiate, et le non moi, qui s'oppose à lui, ne sau- rait être une simple apparence. Mais, tant que la conscience n'est qu'une distinction de l'existence propre et de l'existence étrangère, elle ne se rapporte qu'au phénomène ; notre moi se révèle au sens intérieur comme une chose particulière , de même qu'aux sens extérieurs comme une chose étrangère , spéciale. Le dualisme est donc le principe suprême pour tout ce qui est empirique, phénoménal. Mais nous voulons savoir ce qu'il y a d'original dans les faits dont nos sens sont frappes. Notre conscience n'est donc point satisfaite du dualisme ; car, tandis que tous ses efforts tendent à découvrir l'unité derrière la pluralité, le dualisme s'en tient à l'observation de la super- ficie, du multiple. L'opposition ne peut pas être ce qu'il y a de plus élevé , car elle ne fait qu'exprimer des modes divers d'existence, qui supposent une existence générale. L'opposi- tion implique l'idée de limitation , de bornes pour une chose particulière , au-delà desquelles doit se trouver autre chose .- or nous cherchons la cause finale , qui ne peut être limitée. Si enfin l'opposition était primordiale et absolue , ses membres ne sauraient rien avoir de commun ensemble ; un abîme sans fond les séparerait l'un de l'autre ; ils ne pourraient ni se toucher, ni agir Tun sur l'autre. II. Nous devons donc chercher le primordial au-dessus de l'opposition, dans l'unité." Or cette unité ne peut résider que dans la matière, dans l'idée, ou dans l'identité de l'une et de l'autre. 1° Le matérialisme n'accorde la réalité qu'à ce qui est corps, et trouve la cause de tous les phénomènes de la nature dans les qualités primitives de la nature. Mais, en ne tenant pour certain que l'existence de la matière, etne croyant à lacertitudc que de la connaissance de cette matière , il devient !e Jouet d'une illusion, En effet, ce qu'il y a d'onginairemeat certaia FORCE VITALE. 68». pour nous réside dans la conscience de soi-même ; c'est au moi qui s'annonce immédiatement à nous que nous accordons les qualités de la matière. La perception extérieure n'est autre chose que l'information d'un changement survenu dans notre moi sans notre participation ; la chose extérieure qui produit ce changement, ou la matière, est loin de notre moi : ce n'est pas elle que nous connaissons immédiatement, mais seulement l'effet qu'elle exerce sur nous ; les connaissances que nous ac- quérons parles sens se réduisent tout simplement à nous faire connaître, par une action (la sensation), une autre action (l'é- tendue, l'impénétrabilité, 2»); celle-ci est donc, à proprement parler, l'objet de notre perception , et nous n'atteignons la matière elle-même que par des suppositions ou des raisonne- mens. Il résulte de là que toute matière suppose une force , une cause intérieure d'activité. Remplir l'espace, ce qui forme l'attribut le plus général de la matière , n'est qu'une action , car ce n'est qu'à la condition d'agir que chaque partie de la matière peut s'étendre , et elle ne saurait se maintenir dans l'espace que par la résistance qu'elle oppose à d'autres par- ties. Ainsi le matérialisme ne peut expliquer que ce quïl y a de plus prochain dans les phénomènes , et il ne lui est pas donné d'en apercevoir la cause proprement dite. Mais il ne fait que reculer la reconnaissance de cette cause ; car, après s'être nourri pendant quelque temps de fictions sur des molécules, des atomes, desimpondérables, il est obligé enfin d'en venir à l'a- veu que l'activité de la matière dépend de forces déterminées. 2° L'idéalisme refuse la réalité de la matière, et la déclare une simple hmitation de notre moi. Mais une telle limite ne saurait être posée par le moi lui-même ; car le caractère du moi est conscience et liberté ; or les idées des choses exté- rieures s'engendrent dans notre intérieur, non par un acte de notre propre volonté, mais par des impressions que ces choses font sur nous. Donc si la limite est nécessairement donnée, elle doit aussi avoir de la réalité -, car le moi , qui a une existence réelle, ne saurait être limité et déterminé par un rien , il ne peut l'être que par une autre existence réelle. 3° La doctrine de l'identité n'attribue au matériel, comme à Vidéal, qu'une existence purement relative, et trouve l'absolu i682 DE LA. DYNAMIQUE. dans ce qui estplacé au-dessus de l'un et de l'autre, dans ce qui ne se révèle ànous que par une intuition rationelle. Mais, quoi- que la raison atteigne ce qui est inaccessible à l'entendement, il n'y a point de différence absolue entre elles deux ; elles ne sont que des degrés et des puissances diverses du même es- prit ; ce que la première reconnaît par sa force propre ne saurait résister au second, et ce qui est inconciliable avec ses idées ne peut point provenir d'une véritable intuition. Main- tenant, l'entendement ne peut rien concevoir qui, sans être ni idéal, ni matériel , soit cependant la base et la racine du ma- tériel et de l'idéal. Aussi toutes les tentatives qu'on a faites pour rendre cette doctrine intelligible ont-elles échoué. A ceux , par exemple , qui disent que l'absolu est la copule vi- vante de l'idéal et du matériel, on objecte que la copule de deux essences ne peut les comprendre toutes deux entiè- rement en elle , qu'il ne lui est donné que de représenter certaines faces et certains points de contact qui leur appar- tiennent en commun. De même, quand on dit que l'absolu est l'indifférence, on n'exprime par-là que la possibilité de se dé- ployer en deux sens opposés , et non la cause du déployement lui-même. § 1007. Mais l'identité peut aussi être de nature telle que l'absolu ne soit point l'indifférence de tous deux, qu'iisoil seu- lement l'infini de l'un; savoir, que l'idéal soit la chose primor- diale, l'unité fondamentale , l'existence véritable dépendante d'elle seule, et que le matériel ne soit , au contraire , que l'i- déal phénoménalisé ou passé à la condition de phénomène. Cette vue , qu'on pourrait appeler doctrine de l'unité , se forme dans la série suivante d'idées , qui représente à l'état de liaison ce que nous avons déjà exprimé sous divers rapports en énumérant les divers phénomènes de la vie. 1° Notre esprit a une tendance inséparable de lui, qui lui fait chercher une connais'sance supérieure à la perception par les sens, c'est-à-dire une tendance à connaître ce qui précède les choses ou du moins peut-être conçu antérieur à elles , ce qui les produit , ce qui en est la condition , leur origine , leur cause, 11 n'y a rien qui soit absolument unique en son genre ; €haque chose a son analogue.', et toutes deux procèdent d'un rORCE VITALE. 685 sol commun, ont une même cause ; ce qui même amène immé- diatement toute une série de phénomènes suppose^encoreune cause qui embrasse un plus vaste cercle d effets. Ainsi , toutes nos réflexion sur Tessence et le lien de causalité des choses sont un effort pour s'élever de l'inférieur au supérieur , une tendance à parcourir la diversité des phénomènes pour arriver à leur racine commune ; notre intelligence consiste à savoir dériver le particulier du général , le borné de ce qui n'a pas de limites ou du moins en a de plus reculées. Mais, en procé- dant ainsi de bas en haut, nous ne trouvons pas de fin dans le monde empirique; au lieu d'un véritable point final dans la sé- rie ascendante des causes, nous ne voyons partout qu'un enchaî- nement, une dépendance mutuelle, chaque membre étant lié à des conditions placées hors de lui. Cependant, comme on ne saurait concevoir d'effets sans causes , nous sommes obligés , pour ne pas nous mettre en contradiction avec nous-mêmes , de reconnaître qu'il y a, par delà la sphère de nos sens, quel- que chose qui est la cause première de tout l'univers phéno- ménal, une existence primordiale , de laquelle procède toute existence particulière. 2° Cette existence primordiale doit être unique , doit em- brasser le tout ; car s'il y avait quelque chose hors d'elle , elle serait encore dépendauie , elle ne formerait pas le dernier anneau de la chaîne des êtres. En sa qualité d'unité embras- sant tout, elle n'a point de bornes, elle est éternelle et infinie. A titre de cause première , de principe auquel se rap- porte tout ce qui reconnaît une cause, elle ne dépend que d'elle-même : elle a sa cause absolument en elle-même ; ce doit donc être une chose véritablement intérieure , ayant la conscience de soi-même , et jouissant d'une absolue liberté. Comme source de toute existence particulière enfin , elle doit être l'existence en général , l'existence en elle-même , et ne connaître aucune condition ni de quantité , ni de qualité , puisque ce ne sont là que des limitations , que des modes particuUers d'existence comparativement à d'autres. 3° Toute existence particulière , en tant qu'elle procède de l'existence primordiale , doit lui correspondre , mais de telle sorte cependant qu'elle s'en rapproche plus ou moins, qu'elle 684 DE LA DYNAMIQUE. en porte plus ou moins les caractères , puisqu'à titre de chose spéciale, limitée et subsistante à côté d'autres choses, elle est en possession de qualités déterminées, à un degré égale- ment déterminé. Maintenant, nous ne connaissons immédiate- ment et véritablement qu'une seule existence, celle de notre moi. Si donc le producteur s'imprime dans le produit , et la cause générale dans un effet particulier , les attributs qui ap- partiennent à notre moi d'une certaine manière et dans cer- taines limites , doivent appartenir à l'existence primordiale d'une manière absolue et illimitée. Nous reconnaissons noire moi comme un intérieur impénétrable à des sens étrangers , général, et ayant la faculté de se déterminer soi-même ; le noyau de notre essence, la raison, crée la pensée primordiale, qui , mise en présence des autres idées , s'annonce comme l'unité suprême , comme une généralité sans bornes , sans limites, reposant en elle seule. Notre existence spirituelle, dont nous avons seuls une connaissance véritable , et à l'égard de laquelle nous jouissons d'une certitude absolue , a donc conditionnellement les mêmes attributs que l'existence pri- mordiale possède absolument ; en conséquence, cette dernière est spirituelle : le spirituel ne se manifeste pas immédiatement aux sens , qui ne peuvent le connaître que dans ses effets ^ donc aussi la chose placée en dehors de l'empire des sens, qui est la source de tout ce dont ceux-ci peuvent être frappés , est spirituelle. 4° Les attributs supposent une essence à laquelle ils soient inhérens : l'existence primordiale elle-même ne peut consister en une abstraction ; elle ne peut être unité absolue , infinité , liberté ; il faut qu'elle soit un être unique , infini , libre , l'esprit du monde , Dieu. 5^* L'attribut de l'être primordial est la liberté, qui implique activité ; car l'idée d'une force libre entraîne celle d'action de la part de cette force. Partout oii il y a action , il doit y avoir aussi un produit de cette action , un effet ; l'action a pris , dans l'effet , une forme particulière , elle s'est renfermée dans certaines limites , elle est devenue finie. Ainsi l'infini ; en agissant , doit produire le fini, et comme il est unique, comme i! ne ressemble qu'à lui-même , celte émanation du FOKCE VITAtTî. 6&5 fini doit être inséparable de lui , et par conséquent éter- nelle ; la créature n'a donc ni commencement ni fin , et le monde n'est point un produit achevé , mais une existence qui se déroule sans cesse. Cetfe émanation n'est pas non plus une séparation d'avec Tinfini , oUe en est la manifeslalion , la ré- vélation , car il ne peut rien y avoir en dehors de l'infini , et le fini ne saurait subsister sans être supporté par l'infini .• l'un est la manifestation continuelle de Dieu , et Dieu ne se trouve pas en dehors de l'univers : il y a entre eux le même rapport qu'entre intérieur et extérieur, idée et fait, force et phénomène. 3 6° Les bornes de l'existence , qui établissent la réalité des choses , sont le temps et l'espace ; le temps et l'espace mar- quent l'apparition de l'existence comme chose divisée, comme multiple procédant de l'unité primordiale , comme pluralité de choses qui se succèdent l'une à l'autre dans le temps , et sont par conséquent périssables , qui se trouvent placées à côté les unes des autres dans l'espace , et sont par conséquent limitées. En même temps que la diversité J' stence a acquis une direction et une constitution déterminées : le général est devenu particufier ; ce qui résidait dans l'existence primor- diale s'est déployé sous des formes spéciales. 7** La force est la cause intérieure , se manifestant sous la forme du temps , d'effets particuliers , l'unité d'une essence , de laquelle procède la diversité de ses manifestations , le général qui s'exprime dans une série de caractères. Elle est donc , pour un rapport spécial et pour un cercle donné , ce que l'esprit du monde est pour le tout , en général, c'est- à-dire ce qu'il y a d'essentiel , ce qui joue le rôle de cause. Les diverses forces répandues dans l'univers sont donc le premier né de l'idéal, le déploiement immédiat de son activité dans des directions particulières , les rayons qui vont d'un centre unique vers la périphérie. La force est donc la cause agissant dans le temps : considérée comme possibilité , elle donne le pouvoir ; apparaissant en réalité , elle constitue l'activité ; régnant comme nécessité , elle représente lu loi. 8" Dans la matière, les forcesse neutralisent réciproquement; comme elles se limitent sans cesse , leur action devient la- 686 DE £A dynamique; tente ; le cours de leur manifestation dans le temps s'arrête, et il apparaît une existence durable, qui représente une chose extérieure et remplissant l'espace. 9° Comme le temps et l'espace sont les formes nécessaires du fini, rien ne peut être fini, qui ne remplisse un temps déterminé et en même temps un espace déterminé. La force et la matière sont donc partout réunies l'une avec l'autre ; tandis que la matière repose sur des forces qui s'enchaînent réciproquement, les forces ont besoin, pour se manifester, d'une matière qui leur serve de support. § 1008. De ce qui précède découle [le caractère de la création , telle que l'entendement la conçoit en embrassant toute l'étendue des connaissances acquises par les sens. I. L'univers est l'ensemble de toutes les choses finies et la manifestation de l'infini. Il réunit donc en lui ce contraste , de sorte que, considéré dans sa totalité, il porte en lui les caractères de l'infini , et partout apparaît fini dans ses parties. Il se compose de choses dont l'existence est limitée dans le temps et l'espace ; mais toutes ces choses particulières sont un infini : elles n'ont , dans leur ensemble , ni commencement , lîi fin ; elles sont infinies sous le point de vue de l'espace , et éternelles sous le rapport du temps ; on ne saurait concevoir ni le néant , ni la cessation du temps. IL L'univers réunit indépendance et dépendance. 4° Une chose isolée ne porte pas en soi la plénitude de l'existence ; elle est bornée en conséquence , déterminée par d'autres choses , et dépendante d'elles ; elle est l'effet d'une autre chose qui l'a précédée ; mais celte dépendance est sans terme, elle embrasse toutes les spécialités, chaque effet de- vient à son tour une cause ; dans la masse produite par des forces se développent de nouvelles forces ; de là résulte , à travers tous les temps et tous les espaces, un enchaînement non interrompu de causes et d'effets , dont le commencement ne se trouve que dans l'idée infinie. 2" Mais l'univers en général se détermine lui-même : il n'y a et n'arrive donc rien en lui, dont la pleine et entière raison ne soit en lui ; car il n'est pas une chose différente de l'infini , et il est l'infini lui-même se manifestant. Rien ne peut arriver , ÏORCE VITALE. ~ 687 si ce n'est par les forces de la nature et d'après les lois de Isk nature. III. Le monde embrasse l'unité comme expression de l'é- ternité, et la diversité comme caractère du fini. 1° La diversité se rapporte à la quantité et à la qualité. Parmi les choses il y a pluralité , tant sous le point de vue du nombre et du degré , que sous celui du mode d'existence ; mais le propre d'une existence ne peut consister qu'en ce que l'existence primordiale se représente en elle d'une manière particulière , ou que telle ou telle de ses particularités se réalise en elle dans des limites déterminées. Toute chose particulière est donc l'existence primordiale se manifestant dans une direction spéciale et à un degré spécial , un seul rayon ré- fléchi de celte existence. Mais, prises toutes ensemble , elles amènent toute possibilité idéale à la réalisation complète ; comme elles représentent tous les modes possibles d'exis- tence , leur ensemble exprime l'idée ;de l'existence en général. 2° Une qualité, quelle qu'elle soit, n'est jamais qu'une chose relative , et le particulier n'existe que comparative- ment ; la nature est une, et une existence générale embrasse toutes les spécialités. Comme toutes les particularités pro- viennent de la même souche, elles ont de l'affinité, elles sont en contact et en conflit les unes avec les autres. Les choses les pics hétérogènes nous montrent un certain rapport sous le point de vue de ce qu'il y a d'essentiel en elles : les lois de la raison sont identiques avec celles du monde matériel; les unes et les autres ne sont les véritables lois de la nature qu'autant qu'on les embrasse dans leur unité. 5" Les choses apparaissent , dans l'univers , sous un point de vue commun , comme établies en série , suivant qu'elles représentent des directions isolées de l'existence primor- diale , ou qu'elles sont un ensemble de plusieurs .de ces di- rections , et prennent une part plus large à l'existence gé-» nérale. 4'^ La nature comprend partout force et matière , activité et existence ; mais l'activité et l'existence, considérées comme une seule et môme chose , représentent l'idée qu'on exprime 6ÔS DE tA DYNAMIQUE. parle mot devenir ; donc la naîure , qui est infinie, et qui puise en elle-même les motiCs de ses déterminaiions , est une création infinie par ses propres foi ces, un développement con- tinuel, qui ne se repose jamais. IV. Les choses particulières agissent , comme telles , con- formément à leur spécialité inhérente , de manière que les résultats qui découlent de là ont l'apparence d'être les ef- fets d'un hasard aveugle. Mais les choses particulières sont liées par l'unité de la pensée, et le monde, envisagé dans son ensemble , est l'expression de l'existence spirituelle primor- diale, de laquelle il émane. S'il nous est donné d'apercevoir une force spirituelle quelque part hois de nous, nous devons aussi la considérer comme ce qui joue le rôle de cause dé- terminante dans l'ensemble de l'univers. 1" Or , cette force se manifeste par l'harmonie dans l'uni- vers. Malgré l'infinie variété des phénomènes particuliers, l'univers demeure toujours le même dans sa marche et dans les formes générales de son action ; il est l'accomplissement de lois éternelles. Mais la loi est ce qu'il y a de fixe , d'in- variable, d'idéal dans le périssable , le variable , le phénomé- nal. Dire que la loi règne, c'est exprimer en d'autres termes qu'une pensée continue domine au-dessus du particulier, et se réalise par lui. 2° La pensée du tout , composé des choses particulières , est la cause de l'univers. Le général se déploie suivant toutes les directions, et se manifeste par une infinie plénitude d'exis- tence et d'action variée ; le particulier développe ses forces , maintient son existence jusqu'à un certain point , et cède en- suite le pas à d'autres particularités, afin que le tout demeure toujours semblable à lui-même. 3° La constitution de l'univers est conforme à ce but. Les choses particulières sont établies de manière qu'elles portent en elles de quoi concourir au maintien de tout; entre elles règne une harmonie qui fait qu'au milieu de la répartition inégale des forces diverses, celles-ci sont cependant en équi- libre; de même, les directions d'ensemble sont telles, qu'elles favorisent l'existence des choses particulières. FORCE VÏTAÏ,E. 689 4° Cet ordre , cette harmonie nous conduisent nécessaire- ment à reconnaître une source spirituelle de toute existence, et comme l'intelligence impartiale est forcément amenée ù ce point de vue, l'usage veut qu'en prononçant le mot de na- ture nous désignions , non pas seulement l'univers comme somme de toutes les spécialités , mais encore , d'un côté , l'harmonie qui en fait l'essence , d'un autre côté , îa force créatrice elle-même , comme existence spirituelle primor- diale qui se révèle par des buts divers et un ordre légitime (§ 2, II). § 1009. 1° La nature se répète dans ses membres, en réu- nissant plusieurs spécialités pour en former un tout à part , ayant en lui-même la raison de son activité. Chacun de ces tous est l'image de l'univers ; mais , par cela même qu'il n'est qu'une copie , il a les formes du fini , il est renfermé dans des limites déterminées , de sorte que chacun est tout , non pas d'une manière absolue , mais d'une manière pure- ment relative , et par comparaison avec le simple. Ces co- pies ne peuvent pas non plus se ressembler toutes ; chacune doit , en vertu de l'infinie variété de la nature , avoir ses particularités propres ; chacune doit porter le cachet de l'univers à un degré différent et d'une manière spéciale. 1" Le système des mondes dont notre globe fait partie est une de ces copies. Nous y découvrons une multitude de corps dont chacun a sa densité , son volume , sa situation , son mouvement propres , etc., mais qui sont réunis en un tout pour ainsi dire articulé. L'un agit par gravitation sur les au- tres, conformément à sa constitution ; mais il est à son tour sollicité et déterminé par ceux-ci, et, au milieu de ce conflit, la permanence du tout est établie par l'accord régnant en- tre les parties , par la légitimité et l'harmonie de leurs orbes. L'ensemble se meut autour d'un corps central , qui est l'ex- pression matérielle de l'unité , mais qui prouve, par son mou- vement , que lui-même est subordonné à un autre tout placé plus haut que lui. 2° Dans ce système , notre planète se motitre , comme les autres, un membre spécial , qui , à son tour , forme un tout à part , de sorte qu'elle n'est pas déterminée d'une manière IV. 44 6gO BE LA DYNAMIQUE. absolue par le corps ceniral, mais que sa gravitation vers lui se trouve limitée par un certain degré d'indépendance, et qu'elle se meut autour de lui, dans un orbe elliptique, par la réunion d'une force centripète et d'une force centrifuge. Elle embrasse la terre , l'eau et l'air, qui , dans leur conflit perpétuel , se décomposent et se reproduisent sans cesse , de manière à maintenir le tout. Sa rotation autour de son axe , l'orbe qu'elle décrit , et l'obliquité de l'écliptique ont pour but de mettre tous les points en rapport avec le corps central avec le plus d'uniformité possible. 3° Considérées dans leurs spécialités , les parties de notre planète paraissent absolument dépendantes , une pure ma- tière , qui , en vertu de l'enchaînement des forces , ne jouit pas de la faculté d'agir par sa propre impression, et ne peut le faire que par une impulsion étrangère. Le végétal , l'ani- mal et l'homme soj montrent sous un tout autre aspect. Ici l'observatioii immédiate et l'étude approfondie nous font apercevoir un tout composé de parties qui sont des instru- mens destinés à un but déterminé , ou des organes , un tout dans toutes les parties duquel se révèle une disposition har- monique ou une organisation , et qui manifeste sans nulle interruption une activité à lui dévolue en propre , ou la vie^ Nous retrouvons dans cet organisme , mais d'une manière limitée , les mêmes attributs qui appartiennent d'une ma- nière absolue à la nature en général. Cet accord nous au- torise à reporter l'idée de l'objet de notre observation im- médiate par les sens à ce que nous n'avons pu saisir que dans l'inluilion intellectuelle. De la sorte , nous reconnais- sons l'univers pour un organisme absolu, embrassant tout, et seul véritable organisme , dont la vie infinie se reflète dans des cercles^ de plus en plus rétrécis , et dans des créatures diverses , de plus en plus correspondantes à sa propre essence. A Funivers appartient la vie absolue , un développement infini d'activités variées , spéciales et agissant comme causes^ les unes à l'égard des autres, qui à leur tour entrent en conflit avec leurs propres produits eux- mêmes , et qui , en vertu de leur origine idéale commune, représentent un tout ayant en lui-même lajraiso» de ises dé-^ I-ÔÏICE VITALE. %Ql îermînaîions. Il vit parce qu'il est la manifestation , la ré- vélation de ridée fnfinie , et parce qu'il vit il travaille sans relâche à la vivifîcation et à l'organisation de cercles ou de louts particuliers. Mais comme l'idée primordiale de l'u- nivers se reflète dans les parties de ce dernier, de même elle est ce qui produit la vie des êtres organisés , et le microcosme renferme ainsi en lui des microcosmes qui lui correspondent. Le principe de la vie , ou la force vitale , des êtres organisés est donc l'idée primordiale se réalisant dans des limites déterminées (§ 229 , 319 , 322 , 476 , 1°). De là doivent découler les caractères de la vie (§ 1010, 1013), tels qu'ils se montrent surtout à ses plus hauts degrés de dé- veloppement. § 1010. La vie individuelle comprend, comme la vie uni- verselle (§ 1008, IV), l'idéal et le matériel. S lo La matière d'un corps organisé n'a pas de stabilité ; sans cesse flottante, elle est continuellement et produite aux dépens de matières étrangères et détruite (§ 473,910, III). La seule chose fixe est le type, c'est-à-dire l'expression d'une idée déterminée par une certaine proportion des parties con- stituantes dans la composition, la forme et l'activité. Comme la procréation (§ 321, 476), la régénération, et en général tôuLe manifestation de la force médicatrice de la nature (§ 890, II), la vie est une réalisation non interrompue du type C§ 892). Tandis que les produits de la formation n'arrivent point à durer, l'idée est la cause continuellement agissante de celle formation ; elle produit et entretient, pénètre et vivifie toutes les choses particulièreB (§ 474, 4"; 475,4°; 894, 1°). 2° Tout dans l'organisme annonce un but déterminé. Cha-? que mélange particulier a ses rapports avec l'ensemble; chaque forme spéciale sert de moyen pour une activité dé- terminée, qui à son tour trouve sa cause dans la vie de l'en- semble. Les activités sont des fonctions, c'est-à-dire des di- rections et des associations déterminées, des déploiemens de force pour remplir certaines vues. Les parties sont des orga- nes, c/est-à dire des moyens d'arriver à des buts déterminés, qui ressortant de l'idée de l'organisme. Suivant que cette idée est modifiée de telle ou telle manière dans les divers êtres 6g& BE EA bYNAMIQTîE. organisés, l'orgamsalion se modèle aussi diversement ; c'est donc un des plus imporians résultats de «la zootomie d'avoir démontré que la vie subsiste et accomplit ses fonctions malgré ïa diversité infinie de la configuration, et même sans organes spéciaux. Ainsi, chez les organismes inférieurs, la digestion (§ 917, 3°;, la respiration (§ 965, 1°), la distribution du suc vital (§ 692, 1°), et la procréation (§ 917, 21), s'exécutent sans appareils qui leur soient exclusivement consacrés. 3° Tandis que, dans les corps inorganiques, le présent est tout simplement la suite du passé , sans nulle autre relation, il se rapporte toujours, chez les êtres organisés, à un avenir déterminé. Nous en avons la preuve non-seulement dans la formation première de l'organisme (§ 474, 6°), mais encore pendant tout le cours de la vie (§ 892, i"). La nourriture a pour but de réparer les pertes que le sang a subies; mais Testomac la réclame déjà dans^ un temps où la quantité du sang n'est point encore diminuée ; de même, pendant la di- gestion stomacale, il y a déjà plus d'oxygène absorbé par la respiration (§ 979, 4°), que ce soit pour remplacer l'acide employé à la formation du suc gastrique, ou pour élaborer le chyle qui doit se produire plus tard. 4° Mais le caractère infini de la force dont le principe vital est le reflet, se révèle surtout dans cette circonstance que l'activité et l'existence, la cause et l'effet, le but et le moyen, J'intention et le résultat, ne forment pas une série simple et £0 confondent mutuellement ensemble. Ce que l'action vitale îi créé, est vivant à son tour, et devient cause de la persistance de l'action ; ce qui est produit entraîne la production d'autre chose (§ 894, 3°), et la vie est entretenue par la vie. Tout est réciproquement but et moyen. Si, par exemple, la respira- lion, en formant du sang artériel, agit pour l'action cérébrale cjui a besoin de ce sang (§ 978, 2°), celle-ci lui sert à son tour pour exciter les mouvemens nécessaires à son accomplis- sement (§ 978, 1°). Ainsi, tout est véritablement nécessaire éans la vie , c'est-à-dire que tout y est l'inévitable suite de circonstances données, et en même temps indispensable par rapport à ses effets. 5'^ L'idée de l'organisme se réalise par laréuniott des forces FORGE VITAIE. 6q5 générales de l'univers (§ 315, 476, 3o). Tous les degrés de cohésion (§ 829, Iq), toutes les espèces de substances élémen- taires (§ 685, II), toutes les forces inhérentes à la matière (§ 989), tous les phénomènes dynamiques (§ 991), se trou- vent réunis dans le corps organisé comme ils ne le sont nulle part dans les corps inorganiques, de manière que ce corps, re- présentant un véritable microcosme, un monde en petit, con- centre en lui tout ce que la planète embrasse en elle. Le principe vital ne saurait se manifester immédiatement -, étant l'expression de la force générale de la nature, il ne peut le faire qu'au moyen des élémens généraux, de sorte qu'il crée avec ces derniers l'organisation qui doit lui correspondre. C'est lui qui établit les conditions de configuration nécessaires au travail de la plasticité ; par exemple, la séparation des masses pour le jeu de l'affinité chimique, l'atténuation des alimens pour la production du chyle, la répartition de l'air dans d'étroits canaux pour la respiration, la séparation de la masse du sang en petits courans pour la nutrition et la sécré- tion. Il se sert des forces chimiques, mais ne parcourt pas la série desopératioos chimiques jusqu'à arriver à l'indifférence, à la saturation, au repos, et maintient les substances dans un état continuel d'opposition, de tension réciproque. C'est seu- lement lorsque la force vitale faiblit que les forces de l'uni- vers reprennent leur prépondérance ; alors les humeurs obéis- sent à la loi de la pesanteur, et le composé organique se dé- truit par la tendance desprincipesconstituans vers l'équilibre chimique. § 1011. L'être organisé n'embrasse pas moins que l'orga- nisme de l'univers (§ 1008, III) unité et pluralité (§ 475, 5o). 1° C'est un caractère essentiel d'un corps organisé qu'il réu- nisse en lui des substances et des formes élémentaires diverses, des solides et des liquides. On y trouve à côté les uns des autres des tissus qui diffèrent sous le point de vue de la forme, de la texture, delà composition, des connexions, de l'emplacement; la tendance à la formation de spécialités s'étend jusqu'aux choses les plus pariiculières, de sorte que rien ne se répèle parfaitement dans un même système, et que la composition, comme la forme, s'y montre diverse en chaque point. L'exis- 694 I>E lA DYNAMIQUE. tence de l'organisme se caractérise égalemeat par une diver- sité continuelle dans le temps, c'est-à-dire par ims activilé non interrompue (§473, 475, 477). La formatioa dure lou- jours (§ 876), parce que ce qui se forme ne satisfait i>i. n'épiyse, l'activité plastique, qui tend à rinfioi. De là vient qu'il y a des organes et des fonctions d'ordre supérieur et d'ordre infé- rieur, suivant qu'ils renferment en eux une plus ou moins grande diversité, qu'ils ont des caractères plus ou moins spé- ciaux, qu'ils jouissent d'une vitalité plus ou moins forée, qu'ils ont des rapports plus ou moins éloignés avec la vie générale. 2*^ La vieest un développementd'oppositions(§ 474, 894, 2"), qui sont dans un état continuel de tension les unes à l'égard des autres, entrent en conflit mutuel, et s'excitent, se déter- minent, se limitent réciproquement. Au milieu de tout cela, les spécialités s'harmonisent tellement (§ 475, i°; 892, 7^, 3°, 6°; 955) qu'elles se calquent les unes sur les auires (pajr exemple, la forme extérieure des poumons et de La poitrine), et qu'elles agissent toutes de concert dans la vue d'un but commun (par exemple, les différeas sucs digestifs, les diver- ses parties de l'appareil de la digestion, les diverses forma- tions élémentaires qui constituent le tissu de chaque point). 3° En vertu de l'unité qui unit le multiple, chaque point agit sur les autres, de sorte que l'excitement provoqué en 'ui se propage à ceux-ci, qu'il se transmet ainsi d'un cercle à d'autres de. plus en plus spacieux, et qu'un effet local pevit finir par devenir général. Mais, indépendamment de tout voi- sinage, il y a des organes et des fonctions qui sont mis, par les conditions de solidarité régnantes enti:e eux , dans des relations telles, que les membres opposés l'un à l'autre peu- vent venir à se placer dans une siiuatioij, ou, semblable par consensus, ou contraire pas aniagonisme. Quoique ce geora, de relation appartienne spécialement à certaiaes parties dje, l'organisme, il peut cependant s'établir partout ; car, en dé- finitive, tout dans l'organisme obéit à la loi de la polarité, c'est-à-dire que chaque chose y ressemble aux autres en gé- néral, et diffère d'elles en particulier. L'unité dominante peut faire aussi qu'un organe tienne jusqu'à un certain point lieu d'un autre organe (§ 854), c'est-à-dire que l'organisme FORCE VITALE. 696 peut accomplir une fonction qui entre dans son idée, alors même que Torgane spécialement destiné à cet office est inca- pable de la remplir. 4 La vie n'est point ici, ni là; elle est dans tout l'ensem- ble des fonctions ; elle a besoin, pour se soutenir, des diver- ses activités, dont chacune y contribue d'une manière propre à elle. Et comme ainsi le tout subsiste par les parties, de même la partie n'a de valeur et d'existence qu'autant qu'elle est liée d'une manière vivante avec le tout. Cette réciprocité du tout et de ses parties s'exprime encore en ceci, que cha- que espèce de corps organisé porte en soi, par le cachet commun de ses diverses parties^, un caractère d'ensemble qui lui est propre, et qu'à son tour chaque partie forme un tout subordonné, tant en elle-même, au moyen des oppositions qu'elle renferme, que dans son groupement avec d'autres, et enfin dans l'association des organes similaires pour constituer un système organique. 5° Chaque organe participe à la vie. Rien n'étant indépen- dant dans l'organisme , rien n'y vivant par sa propre force , rien non plus de ce qui appartient à cet organisme n'est privé de vie. Mais la diversité qui pénètre partout fait aussi qu'une grande variété règne entre les parties , sous le point de vue de l'intimité des rapports qui les unissent au tout. Il y a des parties plus relevées , plus essentielles, dans lesquelles l'idée générale se manifeste plus complètement , des centres de vie oii le rapport à l'unité de la vie se prononce davantage , et d'autres , subordonnées, dans lesquelles l'isolement prédo- mine , où l'existence vivante avoisine l'existence sans vie. 6'^ L'organisme ayant pour caractère l'individualité ( § 475, 2°) , il forme un tout clos , et se sépare du reste du monde par des limites bien tranchées , afin de se maintenir dans l'é- tat qui lui est particulier. De là vient la clôture du système des vaisseaux sanguins ( § 700 ) et des lymphatiques ( § 904) ; de là vient également que l'admission dans son intérieur par voie de pénétrabilité (§ 833 ) est essentielle à l'organisme et repose sur tout l'ensemble de son caractère. § 1012. La détermination par soi-même qui appartient d'une Manière absolue à l'univers, en tant qu'elle est la mise en ac- 696 DE LÀ DYNAMIQUE. tion de son existence primordiale , apparaît chez l'organisme individuel dans les limites du fini, et diminue la dépendance du monde extérieur , qui est le propre de toutes les choses particulières ( § 1008, ,11). l" Tout ce qui est créé est dépendant , et sa force ne se ma- nifeste qu'à la condition d'être excitée par une autre force qui lui est opposée. La créature organique a aussi besoin de celte action du dehors pour mettre en jeu son activité vitale ; mais elle renferme en elle-même des oppositions qui s'excitent mutuellement à l'activité , de manière que les conditions de son existence et de son action ne sont pas , comme chez les corps inorganiques , exclusivement renfermées dans le monde extérieur , et qu'elles sont en partie aussi inhérentes à elle- même. En conséquence , si l'excitabilité , prise dans l'accep- tion la plus larj^e du mot , ou l'aptitude à manifester sa pro- pre force sous l'influence d'une force étrangère , appartient à toutes les choses , elle se distingue , chez les êtres organisés , tant par la nature de l'excitateur que par le mode de l'exci- tement. Nous appelons le principe de la vie excitabilité , afin de rendre par là la modalité de sa manifestation ; ce terme exprime pour nous l'aptitude à manifester, sous les conditions de certaines influences , les activités qui ont leur fondement dans l'idée de la vie. En conséquence , l'organisme a les fac- teurs généraux de l'excitabilité, mais d'une manière particu- lière. L'aptitude à être affecté par des impressions a en lui, avec un plus haut degré de développement et un cercle plus étendu de points de contact , une direction toute spéciale de dehors en dedans, qui fait qu'elle devient réceptivité pour les effets de sa propre activité ; donc , en vertu des oppositions qu'il renferme dans son sein, l'organisme trouve en lui-même Timpulsion à agir , de sorte que , moins dépendant de l'exté- rieur , il est capable d'une action non interrompue. Et le pou- voir d'agir , ou la faculté de réagir, conformément à sa nature, sur les impressions qu'il reçoit , est arrivée , par le dévelop- pement de sa signification primitive , au point que l'organisme se maintient au milieu des choses étrangères qui font effort pour pénétrer en lui , les soumet, au contraire à son empire, et les transforme, FORCE VITALE. 697 2° Dans l'assimilation (§881, 60 ) , Torganisme exerce une domination sur la matière extérieure , qui est susceptible de métamorphose en général , et de transformation en matière organique en particulier. Cette matière extérieure devient par là étrangère à elle-même ; elle se décompose, pour s'incorpo- rer à l'organisme , après avoir subi une métamorphose corres- pondante au caractère de ce dernier ( § 956 ). Et l'opération se continue dans l'intérieur , de sorte qu'un tissu s'assimile l'autre , le convertit en sa propre nature, et se l'approprie. Ainsi lesang agit sur la lymphe (§909, 4°; 919, 6") et le chyle (§ 962 , 3°), le tissu sur le sang ( § 881 , II) , la surface sup purante sur le tissu (§ 855 ), etc. Pendant que les actes de la formation , qui se rapprochent des mutations de la matière inorganique, sont relégués aux surfaces limitantes extérieures, l'organisme exerce surtout dans son intérieur la force qui lui est particulière. Le travail proprement dit de la plasticité ne s'accomplit que dans les interstices des canaux, des utricules, des sacs , en un mot , dans des cavités à parois tournées en face l'une de l'autre ; pour céder à l'empire de la substance organique , la matière qui doit subir l'assimilation a besoin d'être entourée par elle de toutes parts (§ 956) ; plus la cavité est située profondément et étroite , plus la transformation qui s'opère en elle est considérable (§ 883, 1'); ainsi, c'est précisé- ment à l'origine si tenue des lymphatiques de l'intestin grêle , qui est la partie la plus intérieure du canal digestif , que la formation du chyle a son principal siège. Mais la force assimi- latrice s'arrête à la matière indécomposable ou incapable de se métamorphoser en substance organique ; l'organisme peut même succomber à une assimilation , soit parce qu'il a trop de réceptivité et pas assez d'activité propre , comme il arrive à un tissu qui se flétrit d'être réassimilé au sang ( § 914, 5"^) , soit parce que la matière étrangère oppose une résistance dont elle ne saurait triompher , comme il arrive à certains poisons corrosifs et à certains principes contagieux d'exercer un pou- voir assimilateur sur l'organisme. 3 "Mais, dans l'état normal , 'l'organisme se maintient le même, malgré tous les changemens des conditions extérieures; car il n'emploie les substances étrangères que comme des DE lA DYNAMIQUE. inatériaux dont il a besoin pour déterminer lui-même sa forma- lion, ou pour opérer lui-même sa conservation (§475, 2"; 894, 4°; 955, VII), et il crée son corps par un développe- ment de dedans en dehors (§ 473, 4^ ; 645, 1 ). 4o La conservation par soi-même dépend d'un renouvelle- ment continuel, extérieur et intérieur, de substance, d'un con- flit chimique , d'un échange de matériaux , tant entre l'orga- nisme et le monde extérieur , qu'entre les différens tissus. Le sang , ou le suc plastique parvenu à son plein et entier déve- loppement , est le centre de ce renouvellement. Sa produc- lion , son perfectionnement, sa métamorphose , sa décompo- sition, sa destruction , sa reproduction constituent toute la partie matérielle de l'activité vitale ; et de même que cette succession continuelle de changemens est déterminée par le principe vital , par l'idée de l'organisme, s'exprimant dans l'individualité , de même, l'individu embrasse ces divers de- grés de formation et englobe simultanément tous les âges de la matière organique. La circulation du sang est l'expression matérielle de la division en multiple et de la réduction à Tu- nité , comme le mouvement vital, toujours actif, jamais en re- pos , qui l'accompagne , se manifeste par l'expansion et la contraction continuelles du cœur. 5° La formation appelle à l'existence le particulier, que la décomposition fait ensuite rentrer dans le général : les tissus spéciaux repassent , par fluidificalion, à l'état de ce qu'il y a de général dans l'organisme , à l'état de sang , de même que les liquides sécrétés retournent par l'éjection aux conditions générales de l'univers. Mais la décomposition et la formation sont à tout jamais unies ensemble; car, au premier éveil même de la vie , il y a des tissus entiers qui se détruisent peu après avoir été formés. Toute forme réalisée exprime une chose fi- nie complète ; la continuité de formation annonce qu'il y a au fond une tendance infinie qui s'agite en dedans de limites dé- terminées. Au moyen de cette formation continuelle, l'orga- nisme renouvelle sans cesse son existence; il répète sa procréa- lion. De même que la régénération est une répétition de la première formation (§888), la nutrition un analogue de la génération (§ 955), et la propagation elle-même une simple FORCE VITALE. 699 direction spéciale de la plasticité ( § 230, 2" ), de même la vie matérielle en général nous apparaît comme TefFet de la force procréatrice infinie , qui crée des organismes individuels avec la matière élémentaire (§ 322) et qui conserve ce qu'elle a cr éé (323), en récréant, par ('assimilation qu'elle fait subir aux choses étrangères , une matière semblable à celle qu'elle perd. § 1013. L'idée de l'organisme, qui réside dans l'univers, se réalise dans des cercles de plus en plus resserrés, de manière que ce qui paraît un tout, ne joue que le rôle de partie à l'é- gard d'un tout supérieur (§ 1008, I ). 1° L'individu est un membre organique ds son espèce , comme l'organe est le membre d'un système organique, et ce- lui-ci le membre d'un corps organisé. De même que, dans cha- que race , le caractère de son espèce se réalise d'une manière qui lui est propre (§ 220 ) , de même il en arrive autant , et d'une manière bien plus prononcée encore, pour les individus, de sorte qu'en vertu de l'inépuisable variété de la nature, nul d'entre eux n'est parfaitement semblable à l'autre ( § 893, 2° ), qu'il représente le caractère de son espèce (§893) sous une modification spéciale. Gomme membres d'un tout, les individus entrent en conflit les uns avec les autres , et le rapport de ce conflit à l'espèce se manifeste immédiatement d'une manière matérielle dans la procréation. Plus le conflit des individus slu, service de l'espèce est actif, plus il prend les. dehors d'un ap- pareil organique, plus aussii'essence de l'espèce se réalise dans ce dernier, et plus également la vie des individus s'élève. 2° A mesure qu'on monte dans la série , les cercles de- viennent de plus en plus grands. Plusieurs genres différens les uns des autres offrent l'idée commune d'un ordre , et ne représentent que des modifications spéciales de cette idée. Les ordres ne sont non plus que des modifîl;ations du type es- sentiel d'une classe déterminée , et ce type n'est à son tour qu'une forme particulière du type commun à tous les êtres organisés. Chaque existence organique possède donc les. qua- lités d'un organisme en général, mais d'une manière finie , à un cerlain dej^ré , avec un certain mode ; sous ic premier point de vue nous reconnaissons une échelle de perfection le 700 DE XA DYNAMIQUE. long de laquelle l'idée de l'organisme se réalise. Au bas de l'échelle , la diversité est plus restreinte ; les actions insépa- rables de l'existence organique sont encore confondues avec la vie de Tensemble, et celle-ci n'a qu'un caractère commun, ou, si l'on aime mieux, général -, elle s'élève à un plus haut degré par l'acquisition de formes spéciales pour chaque genre d'actions, par l'apparition de fonctions déterminées, qui ont des limites fixes les unes à l'égard des autres , et pour les- quelles se produisenT'des organes qui en sont les supports ; la vie progresse ainsi d'autant plus que les oppositions/se multiplient davantage dans son sein , et que le nombre des membres dissimilaires va en croissant. Elle s'élève également dans la même proportion que la domination de l'unité devient plus prononcée , par conséquent l'union des parties plus in- time , leur conflit plus vif, leur coopération dans l'intérêt gé- néral plus marquée , et leur dépendance du tout plus sensi- ble , tandis que le tout lui -même devient de plus en plus cir- conscrit , individualisé , indépendant , et qu'il se pénètre da- vantage de l'idéal qui fait le fond de toute formation. Cette échelle des êtres organiques exprime la même pensée que le développement progressif de l'individu ; les mêmes images primordiales qui servent de hasp aux ri (vers âges de la vie sont aussi réalisées par les différentes formes de l'existence organique (§ 477, 4"). Chaque espèce d'être organisé marque un point déterminé dans l'histoire de la vie du globe terres- tre , et fnous en représente une certaine période : de même que les espèces figurent les degrés auxquels la création orga- nique s'est fixée dans le cours des temps , de même leur en- semble nous donne une image du développement successif de la vie sur la terre. Mais.il ne s'agit point ici d'une échelle ou d'une série simple et uniforme ; la diversité des êtres organi- ques se rapporte toujours simultanément à la qualité ; la for- mation tend partout à créer des spécialités , en réunissant les élémens communs dans certaines proportions, de manière que le degré occupé par chaque être n'est point exprimé par la réunion de ses 'qualités , uniformément développées , mais uniquement par son caractère d'ensemble. U.n'y a donc qu'un seul règne organique , dont les membres s'entrelacent les uns Î-ORGE VITALE. ^01 avec les autres, et qui , émanés d'une mêmesource , se prê- tent mutuellement secours et appui (§§ 263, 1°; 366; 655, 2"; 936). 3° Le règne organique est un produit de la vie planétaire, qui , à son tour , subsiste comme membre d'un tout supérieur. Les êtres organisés sont donc plus intimement liés au monde extérieur que les corps inorganiques, ils ont plus de récepti- vité pour ce qui .vient du dehors, ils sont plus fortement af- fectés par tout , et se montrent] sensibles à des impressions plus légères , notamment à celles des phénomènes dynami- ques. Mais leur vie^a pour condition aussi cette liaison intime avec l'univers , et elle dépend d'un conflit continuel avec le dehors, qui s'exprime sous la forme d'ingestion et d'éjection. Enfin , comme le monde extérieur fournit ce dont Têtre orga- nique a besoin , et que celui-ci possède la faculté de satis- faire ses besoins (§§ 357 , 594 , 3° ; 892, 4°; 894 , 5°; 955, 976 ,1), nous reconnaissons' qu'entre l'univers et l'existence organique, comprenant en elle notre vie , il y a une harmo- nie préétablie , dont la cause est l'être primordial et infini , qui se révèle comme vie et amour (§ 476, 2"). FIN DU TOME NEUVIEME ET DERNIER. DU NEUVIÈME VOLUME. Section deuxIèmI. De la formation du sang. ï Première division. Des phénomènes généraux de la for- mation du sang, lo. Chapitre I"^. De l'absorption. 2 Article I", De l'admission de substances étrangères dans le corps» I^^ Article II. Des organes de l'absorption, i4 I. Organes ectoplastiques, ■'^- Îl/Organes entoplastiques. ^4 III. Vaisseaux absorbans. 26 Article III. De la manière dont s'accomplit 1 - sorption. 5o Article IV. Des forces qui président à l'absorption. 60 I. Causes de l'absorption. /^. II. Circonstances desquelles l'absorption dépend. 66 Article V. Du mouvement des liquides absorbés; 76 Chapitre II. Des changemens que subissent les sub- stances étrangères absorbées. 86 I. Fluidification. I^- II. Transformation, 9^ Deuxième dwision^ Des phénomènes particuliers de la formation du sang. 9^ Première subdivision. De la formation] du sang dans les tissus et dans les organes digestifs, Z^- Chapitre le"". De la résorption. Ib» ÎAÊLE. ^oS Chapitre II. De la digestion. 127 Article I". Des conditions extérieures de la diges- tion. iSss I. Organisation de l'appareil digestif.' Ibi^ A. Substance de l'organe de la digestion. ' Ih2 B. Forme de l'organe de la digestion. i34 1. Forme de l'organe digestif sous le rap- port delà quantité. Ib^ 2. Forme de l'organe digestif sous le rap- port de la qualité. l36 a. Différences de qualité relatives à la longueur. iZj h. Différences de qualité relatives à la largeur. i44' aa. Saillies intérieures. Jb» hb. Saillies extérieures. l4^ II, Mouvemens de l'appareil digestif» i5a A. Mouvement en général. Ib:^ 1. Muscles servant à la digestion. i53 2. Dispositions mécaniques. l58 B. Mouvemens en particulier. i6a 1. Mouvement d'ingestion, Ib, a. Organes qui accomplissent ce mouve- ment. Ib» b. Effets de l'action des organes. lyo «ce. Introduction des alimens. Ib^ hb. Déglutition des alimens. 184 2. Mouvement digestif. igS a. Mouvement de l'estomac: 73* b. Mouvement de l'intestin. 206 3. Mouvement d'éjection. 21 Q Article II, Des conditions intérieures de la diges- tion. 22^ ^04 TABIE. I. Nourriture. 228 A. Quantité de la nourriture. Ib, B. Qualité de la nourriture. 289 1. Substances organiques. 24» 2, Substances inorganiques. 25 1 II. Digestion. 261 A. Changemens subis par la nourriture. Ib. 1. Première période. Ib. a. Changemens opérés dans la cavité buc- cale. Ib. b. Changemens opérés dans l'estomac. 270 aa. Phénomènes qui signalent ces chan- gemens. Ib. bb. Causes des changemens qui ont lieu dans l'estomac. 292 2. Seconde période. 320 5. Troisième période. SaS B. Produits de la digestion. 332 1. Produits à éliminer. Ib, a. Gaz. Ib. b. Excrémens. 535 2. Produits à incorporer. 54© a. Nature du chyle. Ib. b. Composition du chyle. 346 c. Mode de formation du chyle. 35 x Article III. De l'essence de la digestion. 38o I. Formation de substances nouvelles. Ih, II. Décomposition. ^9^ III. Alimens. ^94 IV. Force digestive. 4^1 V. Moyens de digestion. 4*2 VI. Circonstances qui concourent à la digestion. \ 4^4 Deuxième subdivision. De la formalion_^du sang dans le systèmt; lymphatique. 4^" TABLïi, ^05 Chapitre ï^'. De la différence entre la lymphe, le chyle et le sang. 436 Chapitre II De la conversion commençante du chyle et de la lymphe en sang, 44^ I. Changemens dans les propriétés. Ib. II. Moyens de conversion du chyle et de la lym- phe en sang. 4^1 Troisième subdivision. Deja formation du sang dans le système sanguin. 4^^ Section première. Du conflit avec le monde extérieur, ou de la respiration. 4^7 Chapitre P'. De la respiration en elle-même. 47^ Article I^'. Du mécanisme de la respiration. Ib. I. Organes de la respiration. Ib. A. Organes pour le milieu extérieur. Ib. 1. Organes qui partent de la peau. Ib. 3. Organes qui partent du canal digestif. 47^ B. Organes pour la substance organique. 4^® II. Mouvement de respiration. 485 A. Qualité du mouvement respiratoire. Ib. B'. Modalité du mouvement respiratoire. 4^^ C. Quantité du mouvement respiratoire. 497 D. Relations du mouvement respiratoire. 5oi Article IL Des phénomènes chimiques de la respi- ration. 5io I. Changemens de l'air. Ib, II. Changemens du sang. Sac A. Échange de matériaux, 626 B. Effets des changemens du sang, 535 Chapitre II. Des rapports de la respiration avec la vie. 542 IX. 45 ^ô6 TABLE. Article I^"^. Des rapports généraux delà respiration avec l'organisme. 5^.2, Article II. Des rapports spéciaux de la respiration avec l'organisme. 555 I. Rapports avec la vie animale. 7i&. II. Rapports avec la vie plastique. 56o Chapitre IlL De l'essence de la respiration. 563 Section deuxième. Du conflit avec l'intérieur de l'orga- nisme. 577 I. Le sang. Ib. II. Sécrétions. 679 lïl. Ganglions sanguins? 583 Troisième division. Gonsidéralioas générales sur la for- mation du sang. 588 De la dynamique. 691 I. Des forces de l'univers dans la vie. 602 A. Forces inhérentes. lè. B. Forces adhérentes.: 60g 2. Lleclricité. 611 3. Chaleur. 617 a. Chaleur en elle-rocme. Ib. aa. Phénomènes de la chaleur^ Ib, bb. Causes de la chaleur. ' 625 b. Températui e extérieure, 656 aa. Phénomènes de la température extérieure. Ib^ M. Causes delà température extérieure. 663 II. Force vitale. 676 FIN DE LA TABLE DU NEUVIÈME ET DERNIER VOLUME. TABLE GENERALE ALPHABETIQUE. Abajoues. IX, 14S Abcès. VIII, 227. Absorbans (vaisseaux). IX, 26. Absorption. Faits qui la démon- trent. IX, 2.— Elle n'est pas un simple transport d'action d'un organe à un autre. 5. — Orga- nes qui l'accomplissent. 14. — Organes ectopliistiques , ibid. Organes entoplastiqiies. 84. — • Vaisseaux qui l'effectuent. 26. — Manière dont elle s'effectue. 50. — Ses causes. 60. — Circonstances desquelles elle dépend. 66. — Mouvemens des i liquides absorbés. 76. — Chan- gemens que subissent les sub- stances étrangères absorbées. 88. — Fluidifiealion, ihid. — Trans- formation. 91. Abstinence. Ses effets. IX, 122, 229. Acalèphes. Péveloppement de leur embryon. IIT, 67. Acarus. Scabiei. I, 38. Accouchement. IV, 237. — Pre- nière période. 238. — Seconde période. 240. — Troisième pé- riode. 242. — Quatrième pé- riode. 244. — Cinquième pé- riode. 247. Accouplement. II , 140. — Ses résultats, 168. Accroissement chez l'enfant. IV, 455,463. —Chez l'homme. V, 486. Acide. Lactique, VI, 75. Actinies. Développement de leur embryon. III, 65. Adhésion. VIII, 29. Adipeux (tissu). VII, 123. Adolescence. IV, 517. Age. Son influence sur le sexe des enfans. H, 276 j IV, 311. ^ Adulte. V, 4 . — De retour. 422. Son influence sur la mortalité. V, 356. — Relation avec la vie. 591. — Particularité qui. le dis- tingue. 507. — Ses proportions dans la vie. 5-15. Air. Sa présence dans les infu'oires. 1, 18. — Sa présence dans les bulles du sang. VI, 26. — Intro- duit dans l'économie. VIII , 404. — Ses changeniens dans l'inspi- ration. IX. 510. Albumine. VI, 59, 60, 61, 64, 67. VIII, 21. Alibilité. IX, 286. Alimens. Leur introduction dans le corps. VIII. 110, 425. IX. 470. Leur déglutition. 184 — Leurs qualités diverses. 259. — Orga- niques. 240. — Inorganiques 251. — Leur proportion aux boissons. 257. — Définition générale. 394. Allaitement. IV, 373. Allantoïde. IH, 533. IV, 94. Ame. IV, 142, 489 j V, 156, 553. Amnios. Mode de développement de cette membrane. III, 450. — Liquide qu'elle renferme. IV, 40, 47. Amour. U, 23, 94. Changement qu'il produit chez les individus. 50. — Ses caractères divers sui- vant le sexe. 67. — Amour de soi. 81. — Amour du tout. 87. — Amour de l'individu. 88. — Amour maternel. IV,318. V, 81. Ampbipodes. Développement de leur embryon. 111,120. Animalcules spermafiques. 1, 133. II, 290. Anneau végétal. III, 19. Annélides. Développement de ICUl' embryon. III, 84. Anthère. 1, 11§. 0^ TAtîLË ALPHABflTîOtJË. Appétit vénérien. lî, M. Az-achiilàp.s, Eéveloppeiîient de leur embryon. 111, l!?. Arrière-gorge. îXi 485. Artères. Vi, 196, 258., 305, 348. YII, 135. Asphys:e. IX, 549. Assiiïiilataon dans l'embivon. IV, G3. Atmosphère. Son influence sur la nutriîion. VIII, 88. Attracê)'on. IX, 602. Audition. Son développement dans renibrvou. III. 440. Aura seminalis. II, 195. AvorÊeîneEît. IV, 180. Bassm. I, 278. Batraciens. Développement de ler.i- embryon. III, 458. E'aîîemsins du cœur. VI, 288. Bemro. IV, 361. Sile. VII, 439. VIII, 54, 129, 161, ^86, 212, 245. IX, 325, 365. Bîasî.e. I, 101. S!aslème. III, 371. Baire. IX, 175. Hoïssons. IX, 252. •.Souche. IIÎ, 497. IX , 162, 168 , 261. Sourgeons. I, 62. Bourgeons chavnus.VIII, 290, 292. Hourses niiiqvjeases. VII, 127. iSracliiopodes. Développement de leur embryon. lil, 127. IBranchies. Leur mode de dévelop- pement. III , 528. — Cervicales. 528. IV, 72.— Abdominales. III, 531. — Leur mode d'action. IX, 471, 478. Bulbes. I, 62; — terrestres, iti. — aériennes, i-bid. Cadavériques (phénomènes). V, 4JS. — Raideur. 430.; Caducité. V, 429. tSaduque (Membrane) de l'œuf. 11^ 421. — Caduque réfléchie. 425. Caillot du sang. VI, 34. €al. VJII,305, 317, 519. Gar..^! déférent. I, 189.— Ses dila- tations. 191. — Sesori^anes acces- soires. 193. — Digestif. III, 465. Capillaires. VI, 217, 248. Ca^îsules surrénales. JLçuv dévelop- p"inf!it. IIÎ, o(î2. — teni'êtrîiC" tiire. VIÏ , 'J45. — Leurs iis;igcs. IX.uSS. Cartilages. Leur développement. III, 407. -Leur texture. A'II, 217. Catalyse. VIII, 475. Célibat. V, 118. Cellulaire (tissu). Son dêveloppe- nunt. m, 371. — ^^Déliniliou. VII, 115. — Ses diverses espèces on formes. 11 G. — Sa texture. 250. Céphalopodes. Drveloppcment de i'emhiyon. III, 80. Cercaires. Développement de leur t'îiibiyon. III, 35. Cérunîen. VII, 425. Cerï^eau. 1,133. — Son développe- ment, ïll, 386. — Sa texture. VII, 193, 283. Chaleur anismaîe. Ses phénomè- nes. IX , 017. — Ses causes. 625. — Température extérieure. 656. — Ses phénomènes , ih. — Ses causes. 665. Champignons. I, 32. Chassie. VII, 426. Chyle. IX, 3'iO, 436. ChyJifîcatioîi. ]X. 351. ChyiMe. ÎX, 272 307. Giciitrisation. Vïll, 299. CircuiatioBi. Chez l'euibryon. IV, 75. — Ses clî'ets , 302 , 442. — Son essence. XI , 159. — Ses former, diverses dans le règne ani- mal. VI. 161. — Ses phénomènes généraux. 267. — Variétés ((u'ils offrent eu égard au temps. 275 i — A l'espace, 282. — Ma- nières diverses dont se mani- feste sa rapidité. 28S. — Ses causes. 296. — Circonstances mécaniques do cette fonction. 3!7. — Résistance des vaisseaux. 318. — Résistance du sang. 333. — Causes étrangères au cœur qui y contribuent. .342. — Cau- ses inhérentes aux vaisseaux. 346 ; — aux artères, 348 ; — aux capillaires , 360 ; — aux veines , 362; au sang, 365. — Influence de la vie en général sur la fonc- tion. VII, i ; - de la respiration, 32 ; — de la digestion, 55 ; — de la sensibilité, 59; — de l'irritahililé, 84-— Essence de celle fonciion,95, TABLE ALPHABÉTIQtllî. 1^9 Cjrrhipèrl s Développement de leur cinbi\yoii. III, 130. Climats. Leur influence sur la niortîilité. V, 31.3. Clitoris, l, 224; III, 604. Cloaque. 1,220; III, 601. CoaguîatioG du sang. VI, 33. — Phénomènes qui l'accompagnent. 36. — Phénomènes accessoires. . 41. — Inlluences qui agissent sur elle. 456. Cœcum.lX, 149. 330. Gccar.Snn inod.'î de développement chez l'embryon, 111 , 512. — Epo- " qne n iaqnolie ii conimence à b-.ittre. IV, 103. — Ses diverses formes chezlesanimanx.VI, 170, 480. — Son histoire générale , 231. — Ses mouvemens en géné- ral. 234 —Systole. 235. —Dia- stole. 236. — Khylhme de ses mouvemens. 238. — Leurs effels sur le sang. 246 ; — Sur les pa- rois de l'organe même. 251. — Bruils du cœur , 254. — 'Causes de ses mouvemens, 297. — Soii action sur les artères, 303; — Sur les capillaires, cOb ; — Sur les vei- nes. 3'JO. — Son action con- sidérée d'une manière géné- rale. 316. — Evaluation de sa force. 338. — Sa texture. VII , 205. — Son action dans la respi- ration. IX, 480. Cohésion. Des parties constituantes du corps iimnain. Vill, 2, 29. Colostrum. IV, 437. Concrétions. VIII , 323 , 393. — Communes, ih. — [Jrinaires. 400. — Biliaires. 406. — Arthritiques. 255. Conduits déférens. I, 189. — Leur diJatalion. '191. — Oriranes ac- cessoires. 493. — Glandes acces- soires. 200.— Leurs orifices. 228. — DeBotal. IV, 307. Conferves. I, 37. Copulation. 115, 51. — Époque de r.icionplement. 140.— Lieu où il s'opère. 142. — Moyens ichogamie. I, 249. Digénie. I, 83, 418; II, 1, 129, 337. 3>igestibilité des aîimens. IX, 288. Digestif (appareil). Son dévelop- pement, 111,454; — sa snbstan- c '. IX, 132. —Sa forme. 13.L — Dilérences de longuein-. 137. — de largeur. 144. — Ses mouve- mens. 152. — Muscles qui y con- ^10 TABLE ALPHABETIQUE* courent. 153,— Dispositions mé- caniques. 458. Bigestion. I. 305.VIII,433.— Idée de cette fonction. IX, 427. — Son influence sur la circulation. VII , 55. — Org;anisation de son appa- reil. IX, 432. —Mouvement d'in- gestion. 162. — Introduction des alimens.470. — Mouvemenid'éjec- îion.210. — Conditions intérieures de la f onction. 228.— Changemens de la. nourriture dans la cavité buccale. 261 ; — dans l'estomac. 270. — Causesdes changemens qui ont lieu dans ce viscère. 292. — Digestions artificielles. 293. — Phénomènes de la d gestion sto- macale. 305. — Changemens qui ont lieu dans l'intestin. 320. — Produits de la digestion. 332. — Essence de la fonction. 3Hi). — Formation de substances nou- vellfs, ihid. — Décomposition. —391. —Force digestive. 401. — Moyens de digeslion. 442. — Circonstances qui concourent à la digestion. 424. BissolutJon. VIII, 31. Duplicité des organes de la géné- ration. 1, 153. Dynamique. IX, 601. Eau. Sa présence dans les infusoi- res. I , 47. — Sa présence dans le sang. VI, 82. — Sa proportion dans les corps organisés. VIII, 76, — Variation dans les propor- tions. 485. — Son influence sur la nutrition. 87. Éclosion. II, 2.- IV, 268. Économie (Influence des matières du dehors iniroduites dans l'éco- , nomie. VIII, 401. Éducation. V, 89. — Moyens par lesquels elle s'exerce. V, 99. — Son mode. V, 402. Ejaculation II, 460, 464. ÉjectioD. IX, 2l0. Électricité. Son rôle dans l'orga- nisme. IX, 641. Emboîtement des germes. II, 306. Embryon. II , 347. — Ses rapports avec l'œuf. 462. — Action qu'il exerce sur la mère. 474. — Ac- tion que la mère exerce sur lui. 474. — Action mécanîqne, ihid. — Action chimique. — 476. Action dvnamiqne. 480. — Action orga- nique. 485. — Son développe- ment, m, 4. 329.- — Développe- ment de ses fonctions et .— Mort nécessaire , ib. — Accitlcn- tellc. S'iS. — Ses pbénoinènts. 409. — Usages auxquels elle a donné lieu. 458. — ■ Son essence. 53o. — l'ersislancc après la mort. 542. Mortalité. Cbez les femmes en conciles. IV, 251; — chez l'en- fant naissant. 265 ; — cbez les enfans proprement dits. 384. — Influence des saisons sur elle. V, 30^1.— Influence (!<• l'âge. 3^6. — Morlalilo absolue, 305. -— lie- 7ï4 TABIE ALPHABÉTIQUE. lative. 367.— Influence de l'indi- vidualité. 386 ; — des conditions acquises. 394 ; — de l'espèce. 401. Mtouvemens. Leui" développement dans l'einbivon. IV, 401. — Dans l'enfant. 422, 473, 513. — Du sang. YI, 234. — Causes des niouvemens du sang. 297. — Des liquides ab:iorbés. IX, 76. — De l'appareil digestif. 452. — Res- piratoire. 483, 556. Mucus. VII, 407; VIII, 23, 54. Mae. V,279. Eluqueuses (Membranes). VII, 147, 473. — Respiratoires. 175, 288. — Digeslives. 176. Muscles. Leur développemfnt. III, 416. VII, ^97: — Volontaires. 198. — Involontaires. 205. — Leur texlure. 288. — Servant à la digestion. IX, 153. — Leur action sur la chaleur. 647. ZiTaissance. Variations dans les sexes. II, 278. — Époques de la journée à laquelle elle a lieu. V, 244. lïature. I, 2. Nécrose. VII, 309, 313. Néoplasmes. VIII, 263. ^erfs Leur développement. III, 417; VII, 490. Nerveux (système). VII, 486. 281. Vlil, 498. — Son action sur la chaleur animale. IX, 648. ^eurme. VII, 186. ^ez. Son mode de développement chez l'embryon. III, 496. 3^icîamentum. II, 402. Mîdlfication. II, 379, 393. ^idiformes (Masses). II, 412. Midulante (Membrane). II, 412. iMours-Rture. Quantité. IX, 229. — Qualité. 239. — Changement qu'elle fait subir à l'économie. 2Ô1. — De l'enfant. IV, 347. KTutrition. Pendant l'enfance. IV, 431, 460. — Phénomènes maté- riels de cette fonction. VII, 405. — Ses produits matériels. 140. — Ses produits organiques. 413. — Configuration des parties con- stituantes de Torganisnie. VIII, 7. — Nature de ses principes chi- miques. 21. — Mode d'union des parties qui le constituent. 29. — Union mécanique, ih, — Union chimique. 30. — Proportion de ces parties. 47, — des éiéniens chimiques. 53^ — des matériaux immédiats. 59; — des principes constiîuans mécaniques. 80. — Circonstances qui influent sur la quanùté des produits malériels de l'organisme. 85, — Influence des milieux ambians. 87. — In- fluence des matières introduites du dehors. 401. — Influence du sang. 430; — de la digestion, de l'assimilation et de la respiration. 433 ; — des dispositions méca- niques du corps. 434; — de l'état général de la vie. 439^ — de son étal local. 444; — do l'activité plastique. 447; — de la vie ani- male. 169. — Varialions des parties constituantes de ^l'orga- nisuie eu égard à leurs (jualilés. 480. — Variation des pioportions de l'eau. 185 ; — du degré d'u- nion des principes conslituans. 434; — de leur caractère chimi- que. 497, 206; — de leurs pro- portions respectives. 210. — Matériaux sur lesquels elle s'exerce. 408. — Manière dont s'effectue la formation organique. 449. — Accomplissement de la formalipu eu général. 420. — Mécanisme de cet accomplisse- ment. 425. - Côté chimique de la fonction. 444. — Cause de la formation des produits matériels de l'organisme. 464. — Forma- tion organique par attraction exercée du dehors sur le sang. 467; — par attraction exercée du dedans sur le sang. 481 ; — par attraction exercée sur lui par les organes plastiques. 486 ; -r- par les nerfs. 498. — La formation organique est un développement du sang. 502. — Cette théorie repose sur les qualités du sang. 544 ; — sur celles des produits organiques. 524.— Circonstances qui le déiiionlrent. 527. BiTymphes. I, 226. Œil, Son développemsnl. 111, 435, TABLE ALPHABETIQUE. 7i5 Œsophage. IX, 191. OGuf. I, 73 , 83. — Complet. 73. — Incomplet. 77. —Végétal. 95. — Animal. 99. — Efifets de la fécondation sur lui. II, 227. — Ses raouvemens. 350. — Son pas- sage dans l'oviducte. 351. — Sa progression dans ce conduit. 357. — Sa déposition à l'extérieur du corps. 358. — Sa séparation totale d'avecla mère. 366. — Cas dans lesquels cette séparation est déterminée par des circonstances extérieures. 366; — par l'instinct du germe lui-même. 368; — par celui de la mère. 369. — Pro- tection que l'instinct maternel lui garantit. 377. — Nourriture que cet instinct lui assure. 386, — Cas dans lesquels il demeure appliqué au corps de la mère. 390; — soit par adhérence , ibid.; — soit sans adhérence. 393. — Cas dans lesquels l'œuf est déposé dans le corps même de la mère. 398. — Sa formation. 401. — Formation de ses parties essen- tielles. 403; — de l'embrjotro- phe. Ihid. ; — de la cuticule. 404 ; de la membrane proligère. 410. — Formation de ses parties ac- cessoires, 411 ; —des membranes qui l'enveloppent chez les mam- mifères. 421. — Rnpports entre lui et l'embrjon. 462. — Ses rap- ports avec l'organisme incuba- teur. 464. — Sa séparation du corps maternel. IV, 173. — Con- séquence. 279. Oiseaux. Développement de leur embryon. III, 202, 327. Ombilic. IV, 278. Ombilical (cordon), III, 543,— IV, 276. ' Ombilicaux (vaisseaux). 111,520- Omphalo-Mésentériques ( vais- seaux). 111,516. Onanisme. V, 33 Ongles. VU, 237.' Oreille. Son développement. III , Organes sexuels, femelles. I, 84, 162, 216;— mâles 114,487,228. ^ — Parallèle entre les organes mâles et femelles. 203, 237. — Plastiques. III, 477. - IV, 447. Organique (forme). Ses caractères fondamentaux. IV, 10, — Son dé- veloppement, 153. Organisation. Ses caractères pro- jires. IV, 153. Organisés (corps). Leur origine, IV , 125.— En quoi ils diffèrent des cor;)s inorganiques, (î28. Organisme des temps. V, 479. Os. Leur développement. III , 407, 451.— Leur texture. VII, 221 , 300. — Leur composition. VIII, 208. OsmazoKie. VI, 73.— VIII, 22. Ossi&cation chez l'enfant. IV 451, 461. Ovaire. I, 85. Son organisation. 85, 95; dans '.es végétaux. 85; dans l'es animaux. 86. — Gelluleux. 90. — laterstiiiel. '91. — Rameux. 89. — Simple. 88. — Tubulenx. 87. — Vésiculeux. 94. — Son pro- duit. 95. — Ses vésicules, 'J07. — Parallèles avec le testicule , 141, 146, 153, 156. — Son mode de développement. III , 589. — Sa structure. VII, 156. Ovale (Trou). IV, 306. Oviducte. I, '162. — Ses propriétés, 170. — Hétérogène. 78. — Ho- mogène. 166. —Sa terminaison, 216. Ovisme. II, 284. Ovule. 1,95 , 114 ; — dans les ani- maux. 99; — dans les végétaux, 95. — Ses parties essentielles. lO'J. — Chez les animaux sans vertè- bres. 102. —Chez les vertébrés. 104 ; — lesoiseaux. 105 ; — les mammifères. 107. Pancréas. Son mode de dévelop- pement. III, 480. — Sa structure, VII, 171. — Son suc gastrique, 435. Panspermie. II, 297. IS'antôgamie. II, 53. Parasites. VIII, 390. Parole, IV, 484. Paroi spirale, son développement, m, 423.— V.sccrale, 424. Part. 11,2.— IV, 173.— Ses causes. 175, — Paît prématuré. 180, — 7)6 TABLE ALfHABÉTiQDË. Part tavflive. 483. — Forces qui l'accomplissent. 192. — Son mé- canisme. 220. — Particiilaîités , relatives à rembij'ou, qui le fa- vorisent. 222. — Particularités relatives à ta mère. 22y. — Sa marche. 237. — Difficultés qu'il présente. 249. — Son influence sur la mère. 256 ; — Sur le fruit. 260. — Ses conséquences par rapport à la mère. 279 ; — par rapport à l'enfant. 288. Peau. I, 313. — Son développe- ment. III , 402. - Soins qu'elle exige chez l'enfant naissant. IV, 340, 443. — Sa structure. VU , 445,'!80.— Son absorption. IX,14. Pédérastie. Y, 34. Péléoipodes. Développement de leur embryon. ÏII, 7"î. Pénis. I, 230. — Imperforé , ihid. — Perforé. 233. — Son érection. II, 147. — Son mode de dévelop- pement. III, 602. Pepsine. IX, 315. Performation. Il, 292. Pérmée. 111,603. Périodicité. V, 170. — Diurne. 183; — Effets qu'elle produilsurla vie 235.— Annuelle. 249;— Effets qu'elle produit sur la vie. 299. — Tridiaire, septimnnaire et qua- driseptimannire. 321. Péritoine. Son mode de dévelop- pement, m, 471. Pennéabilité des tissus. ¥111,33. Pesanteur spécifique des diverses parties du corps. VIll, 5. Petit-E^ait. TV, 365. Pharyox. IX, -190. Phosphoresceace. IX, 675. Physiologie. 1,2. Pigmeot. Vil, 328, -VIII, 210,239. Placenta. III, 55J , — IV, 35, 73. Plantes. Crj plog-ames. 1, 37. — Phanérogames. I, 41. -'— Mouve- meiis organiques. 11, i2. Plasticité, m, 477,— IV, 447, 457. Pkîiîies. I , 315 , — m, 405, — VU, .vi4. Poils. I . 315, —m , 404, — VII, 231, 314. Poisons. IX, 5. Poissons. I, 44. — Développement de leur embryon. IIÎ, 136. PoHénine. I, 130. Polyandrie. Il, 58. PoSygamie. Il, 55. Polygynie. 11,55. Portée. I, 83. Pou5s. VI, 258. Poumons. Leur mode de dévelop- pement. III, 484. ~ IV, '207. — Leur absorption. IX, 22. — Leurs usages. 429, 507. Poux. I, 39. Préforiîiaîioss des germes. H, 293. Pression. Son influence sur la nu- trition. VIII, 85, 137. Procréation. II , 1, 347. — Ses mo- biles. 2 , 103 ; — directs. 2 ; — mécaniques. 11; — vitaux. '12 ; mo- raux.17;— indirects. 27, 43; — gé- néraux. 27; — organiques. 39.-^ Diversité de ces mobiles. 75. — Loi qui y préside. 80. — Leur essencfj. 94. — Efl'ets que la pro- création produit dans l'organis- me. 43. — L'acte en lui-même considéré sous le rapport du nom- bre de ses produits. 113; — de la manière dont il s'accomplit. 5 , 122. — Théories diverses de la procréation. 2S3. — Considcra- tions sur son essence. 327 ; — sur son mode. 337.— Ses facullés.V, Itî. — Maturité pour cet acte. 3i). Propagatioïs. I, 45. V, 73. Propaguîes. [,(50. — Foliacés. 61. — Tuberculeux, ihid. Prostate. I, 196. Pseudomorpaoses. VIII, 263. — • Cclluleuses, ihid. — Stialifices. 277.— Membraniformes. 279.— Scléreuses. 280. — Ilélérologues, 371 Ptyaîme. VIII, 21. Puberté. IV, 526. Pulîuîations. VIII, 371. Pus. VII 1, 222. Putréfaction. V. 437. — Première période. 449. — Seconde période. 452. — Troisième période. 454. — Du sang, — VI, 46. Pyogénie. VIII, 230. K.ace. I, 83. Raideur cadavérique. V, 430. Kajeunisseuient. Y, 166, 344. ÏÂBÎ.Ë AtVîÎABétîOtE. ^ji Û,ai»oni£SSî3aeaf i2es tissus. VIII , 307. Rate.So.i niofle tle déveioppoment. m, 563.— S:i slriictui-e. VII, lâO. — Ses usages. IX, 5S4. Régénération des tissus. VlII , 2«J, 53 J. Rems. Leur mode de développe- ment. 111,572. — LeiirstnicUire. VIT, ÎÎ57.— EfT.Hsde leur extirpa- tion VIII, 248. S.éniîttenca. VI, 276. ReotiSes. I, .'i4. — Développement de icnr embryon. IIÏ, 458, 202. Résorpîion.lX- 9t). Respir-ition. Développement des organes respiratoires. 111,525, — D? l'embryon, IV, 68. — Première respiration de l'enfant, 288. ~ Ses conséquences. 294, 429. — Son influence sur 1( .=; mouvemens du sang.VII. 32.— Définiiion IX, 4(57. — Son mécanisme, 470. — Organes qui partent de la peau, i/j. — Organes qui partent du tubp digesUf. 475. — Mouvement respiratoire. 483. — Inspiration. 481». -Expiration. 490. — Quan- tité de ce mouvement. 497. — Ses relations. 501. — Pliénomè- nes chimiques de la fonction. 510. (Jhangemens de l'air, ib. ; du sang. 520. — Rapports géné- raux de la fonction avec l'orga- nisme. 542. — Ses rapports avec ta vie animale. 555; — Avec la vie plastique. 560. — Essence de la ionc'ion. 563. — Respiration dans l'embryon. IV, 68, 112. — Chez l'enfant qui vient de naître. 288. — Ses cans(_'s, î6. — Manière dont elle s'accomplit. 292. — Ses ef- fets sur les organes respiratoires. 294 ; — Sur le système sanguin, 302 ; — Sur l'ensemble de la vie. 310. — Respiration pendant l'en- fMUce.429. — Proportion enlrel'air inspiré et l'air expiré VIII, 104. — Elîcts des divers gaz inspirés sur l'éi^onomie. 119. — Influence des alimi'ns sur la nature des gaz ex|)irés. 426. — Influence de la fonction sur la rpianlité des |)ro- '>'ii-!>*^' él^^^ '^.J) X,..