y^o>~ MEMOIRE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES INSECTES. Par M. DE Re AU MU R, de V Académie Royale des Sciences, de la Société Royale de Londres , & des Acadéînies de Petersbourg if de V Inflitut de Bologne , Commandeur if Intendant de V Ordre royal if militaire de Saint Louis. TOME CINQUIEME. Suite de l'Hïflo'ire des Mouches a deux ailes, if VHïfloïre de plusieurs Mouches à quatre ailes , fçavoir, des Mouches à fcies, des Cigales, df des Abeilles. A P A R I S, DE L' I M P R I M E R I E ROYALE. M. D C C X L. /67^' TABLE DES MEMOIRES CONTENUE DANS CE VOLUME. A Ré F A CE, oh l'on donne une idée générale des Mémoires contenus dans ce Volume. page | Premier J J Mémoire. LJL IJloire des Tiptdes. page i SecondMÉMOIRE. Hijloire des Mouches de S.' Marc; à" quelques Suppléments au neuvième à" au dou-(iéme Mémoire du quatrième Volume. << TroisiémeMémoire, Et le premier fur les Mouches à quatre ailes. Des faiijfes Chenilles , & des Mouches à fcies , dans lesquelles elles fe transforment. Sy Quatrième Mémoire. Sur les Cigales , & fur quelques Mouches de genres approchants du leur. 14.^ CinquiémeMÉmoire, £/■ le premier de l'Hifloire des Jibeilles , ou l'on traite de la forme des Ruches les plus propres à faire des obfervations fur les Abeilles; où l'on examitie ce qu'on doit penfer de la cotiflituiion de leur gouvernement ; & oîi l'on explique les moyens dont on s'efl fervi pour voir les faits qu'on rapporte. 20-7 Sixième Mémoire. Des parties extérieures des Abeilles ordinaires. Comment elles vont faire dans les campagnes la récolte de la cire & celle du miel. 281 Septième Mémoire. Des Aiguillons des Abeilles, d^ a // leurs combats, if des différences remarquables entre les ■parties extérieures des Abeilles ordinaires, à' les parties extérieures des mâles ^ des mères. ^ ^ ^ Huitième Mémoire, Des Gâteaux de cire; comment les Abeilles parviennent h les conjlruire ; comment elles changent en véritable cire les pouffiéres d'étamines. De la récolte & de l'emploi de la PrqjopUs. Comment elles rempliffent les alvéoles de miel , 1t comment elles l'y confervem. 37^ Neuvième Mémoire. De la Fécondation, & de la, Ponte de la mère abeille. 4.6 1 Dixième Mémoire. Des moyens de faire pajfer les Abeilles d'une ruche dans une autre ; à" comment on peut exami/ter une à une toutes celles d'une ruche. C 2 l Onzième Mémoire. De ce qui fe paffe dans chaque alvéole d'une ruche depuis qu'un ceuf y a été dépofé, jufques à ce que le Ver forti de cet œuf parvienne à être une Abeille. ^69 Douzième Mémoire. Des Effaims. 607 Treizième Mémoire. Des foins qu'on doit prendre des Abeilles pour les conferver , les faire multiplier , à" pour profiter de leurs {^waux. 659 ERRA TA. Tome IV. Préface. PAi^e XV. lignes 2 if ^ , toute chenille doit avoir été papillon, liSés , tout papillon doit avoir été chenille. T O M E V. PAgeyo, lignes /j if 2.^, pharinx, lifés , larinx. Page j 6j,ligne j2, refle de circonférence j lifés, relie de la circonférence. PREFACE, ; PRKFA CE. Où l'on donne une idée générale des Mémoires contenus dans ce Volume. DES obfervations furies mouches à deux aîles, qui n'ont pu entrer dans le quatrième Volume , font rapportées dans les deux premiers Mémoires de celui-ci, L'hiftoire des Coufins par laquelle le Volume précédent finit , nous a fait connoître d'avance les mouches appel- lées tipules; elle nous a appris que nous n'avons rien à en craindre, quoique leur extérieur foit très-femblable à celui des coufms, elles n'ont point de trompe, ni aucun autre inftrument capable d'agir fur nous. Le premier Mé- moire de ce Volume elt deftiné à nous inftruire plus à fond de ce qui les regarde ; il en fait connoître d'un très- grand nombre d'efpéces différentes qui ont toutes de commun d'avoir un corps long , & d'être montées fur de longues jambes. Quelques-unes qu'on trouve fur- tout dans les prairies pendant l'Automne, furpaffent beau- coup les coufins en grandeur; elles font fi haut montées, qu'elles femblent l'être fur des échaffes. Leurs longues jambes leur lervent auffi à paffer fur les herbes , comme ies échaffes fervent aux habitants àç,'=> pays inondés <5c mapécageux, pour marcher dans l'eau & dans la boue. Toutes les Tipules des efpéces que je connois , ont été des vers fans jambes , & à tête écailleufe, mais qui ont ^Qi particularités propres fouvent à faire diftinguer les uns des autres , ceux qui doivent fe transformer en tipules qui différent fpécifiquement. Ces vers font de nature Tome K . a- îj PREFACE. différente , &. naiifcnt avec ({es goûts fort différents. Il y en a qui vivent fous terre , &i de terre. Une terre ordi- naire, telle que celle de nos champs, de nos prairies, de nos jardins, convient pour loger les uns & les nourrir; d'autres fe tiennent dans une forte de terreau qui fe trouve au fond de ces trous forniés par la pourriture dans des troncs d'arbres ; d'autres vivent fur des plantes ou dans des plantes ; d'autres enfin , prennent leur ac- croiffenient fous l'eau. Quelque part où ils l'ayent pris , âh qu'ils n'ont plus à croître , ils fe métamorphofcnt en nymphes ou en crifalides , & deviennent enfuite des mouches. Les vers de la plus grande des efpéces de ti- pules de ce pays, font de ceux qui vivent fous terre, qui s'y changent en nymphes dépourvues de jambes propres à marcher; mais qui, avec les picquants dont leurs an- neaux font hérilfés, fçavent fe poufïér en haut, percer la terre & s'élever \\n peu au-deffus de fa furface. C'efl alors que la mouche tire fcs parties de leurs fourreaux, & •qu'elle prend bientôt l'effor. Par la fuite , on voit avec plaifir les femelles femer leurs œufs en terre ; elles ont î'adreffc de marcher en tenant leur corps droit : il fe ter- mine par une pointe écailleulc, qui eft pour la tipule,ce qif eft un plan toir pour un jardinier. Elle pique cette pointe flicceffivement en différents endroits. Chaque trou reçoit un ou plufieurs œufs. Parmi les vers tipules qui vivent fur les plantes , il y en a des efpéces qui ne connoiffent d'autre nourriture que celle que la fubftance des cham- pignons leur fournit. 11 eft ordinaire à beaucoup de cham- pignons de différentes efpéces, qui ont un peu vieilli fur pied, de fourmiller de vers, (jui, pour la plupart, devien- nent des tipules. J'en ai obférvé qui s'arrêtent fur l'exté- rieur d'un agaric du chêne: ils font remarquables en ce que leur tête a foin de rendre unis ôl liifes au poffible les PREFACE. Vif endroits fur lefqiiels le corps doit pafler; elle les enduit d'une matière vilqiicuie qui fc Icche dansi'inftant, Si. qui a tout le luifant de ces traces que les limaçons ôc les li- maces laiiïent fur les murs. Toutes les fois qu'il fc veut repofcr, il fe fiit un lit d'une pareille matière. Enfin, de cette même liqueur gluante, il fc conftruit une eoque qui fcmblc être de mouffe telle que celle du fivon. Un ver que je ne connoiffois pas encore lorfquc ce premier Mémoire a été imprimé , eft de ceux qui aiment les truffes qui le pourriffent; je l'ai trouvé dans quelques- unes que M. le Marquis de Gouvernet m'avoit envoyées, parce qu'il les fçavoit dans le mauvais état où j'aimois à en avoir. Ce ver, dis -je, fe l'ert comme le précédent, d'une liqueur vifqueufe pour fe préparer un chemin ; mais il pouffe l'indurtrie & la clélicateiïe plus loin. II marche toujours dans un tuyau de cette matière ; à mefure qu'il avance, qu'il veut aller plus loin, il pro- longe ce tuyau ; de le prolonger, eft pour lui l'ouvrage d'un inllant. On ne croiroit pas que ce tuyau fait d'une matière qui a fi peu de confifîance. Se auffi mince qu'on puiffe l'imaginer , car on ne diftingue pas mieux les par- ties de l'infeéle lorfqu'il efl à découvert, quelorfqu'il eft dans le tuyau; on ne croiroit pas, dis -je, que ce tuyau eût tant de folidité. La portion que le corps vient de quitter en allant en avant , s'afïaiife & devient une lame plate ; quand le ver va à reculons, cette lame reprend la forme cylindrique. Enfin , ce tuyau cylindrique fe iaiffe élargir autant qu'il efl néceffaire, quand le ver veut fe re- tourner dedans. Je n'ai pas eu la mouche dans laquelle le transforme ce ver ; mais l'analogie veut que nous la croyions une tipule. Je n'aurois pas manqué auffi de donner place dans là Mémoire dont il s'agit aduellement, à une autre tipule, a i; •jv PREFACE. i\ je l'eufîe connue aiïes tôt ; ce n'cU pas quVUe ait rien de remarquable dans fa figure, elle efl même aiïes petite. Mais il clî curieux dcfçavoir que ie ver d'où elle vient, fe nourrit dans les flcLUb du bouillon blanc ; qu'il fait de- venir ces deurs monltrueufes; qu'il produit dans leur flruc- ture WJi changement pareil à celui que produit dans les fleurs du Camedris , une efpcce de punailè dont il a été parle dans le dernier Mémoire du Tome III. Enfin, ce ver tipule empêche la Heur du bouillon blanc de s ouvrir; elle lui fait une boîte dans laquelle il refte renfermé, lorfqu'il a pris la forme de crilalide , &. jufques à ce qu'il en forte fous celle de mouche, C'efl à M. Bernard de Julfieii que j'ai dû les fleurs monfhueufes du bouillon blanc, qui m'ont mis en état de faire des obfervations fur ces lipules, comme je lui ai dû les fleurs monlbueufes du Camedris. Mais il n'efl nulle part aufTi aifé de voir At^ vers tipules, que dans les eaux qui croupiffent. Les bacquets qui ont été tenus pleins d'eau pendant quelques femaines, ont leurs parois & leur fond remplis de fiocons terreux qui font les habitations que fe font faites des vers rouges qui doivent devenir i\Q% tipules. Le même bacquet qui avoit des mil- liers de ces vers, eft plein par la fuite des nymphes dans lefquelles ilsfe font transformés, dont le corcelet eft orné de chaque côté de belles &. finguliérespennaches ; ces nym- phes fe métamorphofént à la furface de l'eau, comme les nymphes des coufms: elles deviennent des tipules, dont la tête a àcs plumets qui le difputent en beauté à ceux des nymphes. Dans les eaux croupies , on trouve des vers blancs qui fe tiennent dans des efpéces de glai- res , <& qui deviennent auffi des tipules. D'autres tipules doivent leur origine à des vers d'iuie tranfparence qui ne Je cède gueres à celle de l'eau dans laquelle ils fe tiennent. PREFACE. V Ils font encore finguliers par un grancf crochet formé de deux crochets fcmblables appliqués l'un contre l'autre, qu'ils portent en devant de la tête. EnHn, tant de petites mouches l'ans trompe, que nous prenons Ibuvent pour des^coulins, 6c qu'on voit voler par nuées en l'air, qui y ont des mouvements de vibration de haut en bas, Ibnt ordinairement des tipules , dont celles de différentes cfpéces doivent leur origine à différentes elpéces de vers. Ce qu'il nous refloit d'obfervations à rapporter fur les mouches à deux aîles, fe trouve dans le fécond Mémoire; nous y faifons d'abord connoître l'origine de celles qui ont été appellées mouches de Saint Marc, & qui paroiffent vers le temps de la fête de ce Saint. Les vers qui donnent la plus connue & la plus commune des elpéces de ces mouches , prennent leur accroiffement fous terre ; s'ils avoient des jambes, ils reffembleroient à des chenilles velues ; c'cll fous terre qu'ils fe métamor])hofent en nymphes. Les mouches qui fortent de ces nymphes, ifont rien de fort particulier à nous offrir. Le maie qui, félon la règle ordinaire, efl plus petit que la femelle, a cependant une tête beaucoup plus groffe que la tête de celle-ci. Ce n'eft que pour ne pas lailfer ignorer d où viennent certaines mouches extrêmement petites 6c très- communes, que nous parlons dans ce même Mémoire, des vers qui fe nourriffentdemiel, de compotes qui com- mencent à fe gâter, de lie de vin, de marc de raifin , 6c de toute matière fucrèe qui s'efl aigrie. Nous y parlons aufîi de quelques efpéces de mouches qui vieiment de vers qui aiment les trutîès. Mais nous y traitons plus volontiers de vers dont nous euffions dû faire mention dans le qua- trième Volume, auxquels la nature a affignè un lieu bien fingulier pour prendre leur accroiffenieiit. Dans le fond aiij vj PREFACE. ^ de la bouche du cerf, à chaque côté du larinx , il y 3 deux boudes charnues qui fcmblent n'avoir été faites que pour élever les vers dont nous voulons parler, ou fans iefquellcs au moins ils ne pourroient croître. Les cerfs n'ont pas de ces vers en toute faifon : le temps qui pré- cède, & celui qui fuit de près la chute du bois, font ceux où il leur eft plus ordinaire d'en avoir. C'eft appa- remment ce qui a fait imaginer aux Ghaffeurs, que ces vers étoient les agents que la nature employoitpour faire tomber ce grand bois fi folidement affujetti. Ils ont cru, & ils croyent encore , qu'ils quittent de concert le lien de leur naiffance, pour fe rendre à la meule ou bafedcs perches ou du merrein , & pour la ronger. Nous avons Tom. IV. fl't ailleurs* que d'autres vers, ceux qui font élever des tumeurs fur le corps de ce grand animal , ont encore été chargés de cet ouvrage, & nous avons fait voir alors qu'ils y font peu propres, 6c qu'auffi n'y fongent-ils pas. Nous tâchons de détromper dans ce fécond Mémoire, ceux qui croiroient les vers de la gorge du cerf plus ca- pables que ceux des tumeurs, de venir à bout d'un pareil travail, parce qu'ils font munis d'efpéces de dents en cro- chets, qui manquent aux autres. Nous fiifons voir que ces Crochets qui ne font pas plus durs que la corne du Cerf, ne peuvent agir qu'en piochant; que, fuffent-ils plus durs, il leur faudroit un temps plus long peut-être que celui de la vie du cerf, pour creulér jufques au centre une maffe fi groiïe &; fi dure. Mais cette fauffe & prétendue merveille eft: remplacée par beaucoup d'autres très-réelles ■& très -véritables. Ces vers doivent leur origine à une mouche qui fçait , ou femble fçavoir, que pour perpétuer fon efpéce , elle doit entrer dans les narines du cerf, che- miner tout le long de fon nés, fe rendre auprès de fon gofier; que là fe trouvent deux cavités charnues, deftinécs PREFACE. vîj à loger Si h nourrir les vers auxquels elle fè prépare à donner naiffance; que ces vers parvenus à une grofTeur afles conficlérabie, fçauront qu'ils doivent abandonner leur cavité charnue ; que pour fortir du gofier du cerf, ils fçauront trouver la même route que leur mère a fçu iuivre pour y arriver. Malgré les Acux Mémoires précédents, J-9-fâ-4' Si nous voulions parcourir toutes les cfpeces de tipules, nous en pourrions trouver qui nous offriroient beaucoup d'autres variétés de couleurs^ quoique les efpeces les plus communes, & dont le nombre eft le plus grand, fbient: fcrunes ou grifâtres. J'ai, par exemple, pris à Reaumur, ' Ters la fin de Septembre , beaucoup de tipules d'une très-petite efpece, dont les aîles font blanches, & qui le paroifTent fur - tout lorfqu'elles font ])ofées fur le corps.. Ce corps, depuis fon origine juf qu'aux deux tiers de lài Biij î4 MEMOIRES poun l'Histoire longueur, eft d'un verd qui a moins de jaunâtre ^ue îc citron , & le refle eft d'un brun prefque noir. La tête de cette petite tipule, comme celle de quelques autres, dont nous parlerons dans la fuite, a deux antennes fi bien fournies de barbes, &. de barbes fi longues, que celles d'une des antennes rencontrent celles de l'autre, & les croifent même. Ces deux antennes ne font enfcmblc qu'une maiïe, qu'une efpece de gros bonnet de plume, fi peu proportionné à lapetiteiïe de la tête, qu'elle fem- ble à peine le pouvoir porter. Je ne connois pas le ver de cette tipule, j'ignore s'il eft terreflre ou aquatique. J'ai trouvé aufîi à Reaumur , le long des ailées , foit de chênes , foit de charmille, un grand nombre de tipules auffi petites que les précédentes, qui font toutes blanches. Nous n'avons pas befoin de dire que ces infeéies ne paffent pas immédiatement de l'état de ver à celui de mouches, qu'il y a pour eux un état moyen. Les vers de tipules, pour parvenir à cet état moyen, fe défont de leur peau comme les chenilles fe défont de la leur pour de- venir crifilides. L'infeéîe tipule, après fa transformation, pourroit auiïi être appelle une crifalide; nous le nomme- rons pourtant une nymphe, parce que les parties exté- rieures de la mouche y font plus aifécs à reconnoître qu'elles ne le font dans les ciifdides ordinaires; elles y font néantmoins moins diftin<51es qu'elles ne le font dans ks nym])hes de pluficurs autres infeéles. Nous ne parlons * PI. 2.fig. aéluellement que des nymphes* de ces vers tipules, qui i.i. &3. YJyei-it (je terre ou de terreau. Leur couleur elt grifâtre; c'efl: à l'ordinaire en-deffous, du côté du ventre, que les aîles& les antennes font ramenées, & que les jambes font *Fig.i.&3. pofées & arrangées près & àcôté les unes des autres*. Ces jambes, fur quelques nymphes, ne vont pas jufqu'à la moitié du corps, &. ne vont guéres par-delà la moitié DES Insectes. /. Mem. 1 5 de celui des nymphes, où elles vont le plus loin. Cepen- dant les jambes des tipules devenues allées, font plus longues proportionnellement à la longueur du corps, que ne le Ibnt celles de beaucoup d'autres mouches, qui, lorliqu'elles étoient en nymphes, avoient <\qs jambes dont le bout atteignoit le derrière. Mais l'Auteur de tant de petits êtres animes, a jugé convenable de replier davantage les jambes des nymphes tipules. Chaque jam- be*, après élire defcendue allez bas, le plie clans une *PI. 2.fig. de Tes articulations, elle remonte enlliite pour le rendre 7- près de la tète; là elle Te plie une féconde fois dans une autre articulation pour redefcendre. Si on étend la jambe qui étoit ainfi pliée, on ne lui trouvera pas encore à beaucoup près, la longueur qu'elle aura après la dernière transformation ; c'efl que chaque jambe efl plifTée dans i'étui qui la contient. De la partie fupérieure 6: antérieure de la nymphe, partent deux efpeces de cornes* plus longues fur les ^y'io.-^.c^c, nymphes de certaines el'peccs, que fur celles de quelques autres; elles font de même couleur & confiftance que le rcde de l'enveloppe extérieure, mais elles ne fervent à couvrir aucune des parties propres à la mouche. Elles font uniquement des parties de la nymphe, & des parties donc i'ufage ne fera pas difiicile à deviner, fi on le raj^pelle ce que nous avons dit ailleurs * des coques dans lefquelles * To:m ^,. font renfermées les nymphes des vers à queue de rat, & ^^^'''"- ^ ^' At% coques dans lefquelles font renfermées les nymphes des vers des oignons de Narcilî'e*. Nous avons vu que les * Tome 4.. premières de ces coques ont quatre cornes, & que les ^IT' oz'' autres en ont feulement deux, & nous avons prouvé qu'elles font des tuyaux qui portent l'air aux fligmatcs du corcelet de la mouche en nymphe. L'analogie veut que nous jugions que les cornes de nos nymphes de tipules> ^, «Sec. 16 Mémoires pour l'Histoire cm un femblable ufage; elles font, comme les autres, *'PI. 2.fij.é. pofées fur le corceiet. L'ouverture qui eft à leur bout*. Cil pourtant peu fenfible; à peine ie microfcope y fait-il découvrir une fente. Mais une ouverture bien petite, peut fuffire à fournir d'air un infecHe. Ces cornes font fillonnées tranfverfalement, elles paroiffent faites d'anneaux pofés les uns fur les autres. Le corps du ver étoit liiïe, au lieu que celui de la nymphe eft tout hériffé de tubérofités, & de véritables * Fis. 7. e, picquans*. Il yen a fur tous les anneaux, mais les pofté- rieurs en font les mieux fournis. Il y en a plus auffi du côté du dos que du côté du ventre : à quoi fur- tout on doit faire attention , c'eft que tous ces picquans font in- clinés vers le derrière; les uns font fmples, les autres font fourchus , ou difpofés en fourche. La nymphe n "a point de jambes dont elle puifTc faire ufage, il vient cependant un temps où elle a bcfoin d'aller en avant; c'cft alors que les picquans dont nous venons de parler, lui fervent. Le ver s'eft transformé en nymphe fous terre, fi la nymphe s'y transformoit en mouche, outre que les parties de la mouche auroient peine à s'y aftérmir, c'cfl: qu'elle ne feroit pas en état de percer ni de foûlever la terre. La nymphe dont la métamorphofe efl prochaine, fe pouffe fur fcs picquans, pour s'élever peu-à-peu jufqu'à la furface, & un peu au-deffus de la furfoce de la terre, c'efl-à-dire, jufqu'à ce que fon corceiet en foit dehors. H fe fait une fente à ce corceiet, par laquelle fort celui de la tipule, qui tire fucceflivemeiit toutes fes parties de leur fourreau , & qui laiffe fa dépouille dans le trou où elle efl: engagée en partie. Il efl aifé de s'affûrer que les nymphes peuvent faire ufage de leurs picquans pour marcher : fî on pofefur une table des nymphes, fur-tout de celles qui font prêtes à fe transformer, on les y voit fe traîner, on plutôt DES Insectes. /. Mein. \y plutôt fè pouffer en avant, y faire cfu chemin; on ne les voit point aller en arriére; la clirc(ftion de leurs picquans, loin (le leur aider, leurnuiroit, li elles vouloicnt cheminer en ce dernier lens. Des cfpeces de tipules grifcs, & les tipulcs jaunes 6c noires, dont j'ai parlé ci-defFus , n'ont paru chés moi avec leurs aîles, que vers le commencement de l'été, vers la mi- Juin , dans de grands poudriers où je les avois renfermées avec de la terre, fous la forme de ver, dès la fin de l'automne de l'année précédente. La terre n'eft plus pour elles un aliment convenable, quand elles font devenues mou- ches: lans pourtant avoir pu voler fur les plantes propres à leur fournir des fucs qu'elles puiiïcnt digérer, les tipules jaunes & noires comme les guêpes *, cherchent à s'accou- * r"'- f • ^g« pler; le mâle ardent s'unifToità une femelle dans le pou- ^^'^ drier* &; ils voloient enfembic dans une prifon fi étroite, *Fig. 15. fansfe féparer. Nous avons déjà dit que le mâle a le bout du derrière plus gros qu'aucun autre endroit du corps. C'efl:- là auiïi que font raffcmblées les parties néceifaircs pourfaifir ie derrière de la femelle. Cette dernière, pour fe prêter aux careifes du mâle, recourbe fon derrière en haut, & alors, malgré la pointe par laquelle il fe termine, le mâle qui eft au-defTus d'elle, & qui a contourné fon corps *, * Fig- i^p* peut accrocher cn-deffous le dernier anneau de la femelle. L'accouplement a quelquefois duré dans mes poudriers pendant près de vingt- quatre heures de fuite, où s'il a été interrompu, ce n'étoit que pour quelques inftants; le mâle fe rejoignoit bientôt à la femelle, dont il s'étoit fèparé. Pour voir les parties dont le derrière du mâle a été pourvu, on prefTcra entre deux doigts le dernier anneau ^ pendant qu'on confidèrerafon bout au travers d'une loupe. Dès que la prcffion a un peu agi, le bout s'entrouvre» Tvme V. , C ï8 Mémoires pour l'Histoire & des parties qui étoient ajîpliqiTécs les unes contre les autres, s'écartent les unes des autres. On en remarque *fi^v ^'f^' ^^^^^ quatre de chaque côté*, qui partent d'une tige coni- c,'d. ^' ''' mune, ou au moins du même endroit, &. qui compofent de chaque côte une efpece de bouquet. Une de ces * l. pièces , l'extérieure *, eft grife , & ne femble que membra- neufe, elle eft concave, & fait la moitié d'une efpece de boîte deftinée à renfermer le refte. Des trois autres pièces, * c. l'une * eft un affés long crochet écailleux , délié & terminé par une pointe d'un brun-ciair ; ce qui précède cette pointe eflplusblancheâtre. La troifiéme & la quatrième pièce font * t. en entier écailleufes & de couleur d'ambre. La troifiéme * s'élargit, à mefure qu'elle s'éloigne de fon origine, elle fe termine par une tête platte qui t\ceàe beaucoup fa *d. tige. Enfin, la quatrième *&. dernière pièce, eft une lame faite en croiffant. Toutes ces pièces enfemble mettent le mâle en état de bien tenir le derrière de la femelle. Du milieu de i'efpace qui eft entre les deux efpeces de bouquets formés par les quatre pièces que nous venons de décrire; du milieu de cet efpace ». dis-je , s'élève un * R j.fig. petit corps * à peu-près cylindrique, de couleur d'ambre,. 7, au ^ écailleux, qu'on ne peut prendre que pour la partie qui caraèlérilè le mâle, ou pour l'étui de cette partie. La preftion oblige un fil très-délié, au flj déliéprefque qu'un fil de foye d'araignée ou de ver à foye , à fortir par fon bout qui eft taillé en bec de plume: celui que j'ai fait paroître^ avoit quelquefois plus d'un pouce de longueur. Ce que nous avons dit ailleurs , en parlant de l'accouplement des papillons , peut faire foupçonncr que ce fil eft la matière propre à féconder les oeufs. Près de la bafe de la partie àvk mâle, s'élèvent deux petits mammelons cylindriques; un peu plus loin, près du ventre, on peut obferver deux: ^h,hj houppes de poils roux, * DES Insectes. /. Mem. 1 9 Nous avons déjà dit que le derrière de la femelle * lé ^* Pf- 3- H' termine en pointe; cette pointe eft formée par la réunion ~'^''^' de quatre pièces écailleuîes qui compofent deux efpcces de pinces * d'inégale longueur; dciw pièces égales a])pli- »Fig. i-p.r. quées l'une contre l'autre, & dont chacune fe termine par une longue pointe, compofent la pince fupérieure*, ou *Fig.4.,f,p. celle qui eft du côté du dos ;& deux pinces plus courtes*, fr,r, dont les pointes font plus mouffcs, & qui fe terminent à peu-près à la moitié de la longueur de la pince fupérieure, forment la pince inférieure ou celle qui eft du côté du ventre. C'eft dans la fente , qui eft à l'origine de cette dernière, où je crois que le mâle infère la petite partie cylindrique, de laquelle fort une efpèce de fil. Pour connoître les ufages auxquels font deftinées les pinces dont nous venons de parler, il faut avoir obfervé une tipule femelle dans le temps où elle fait fes œufs; j'en ai vu, & avec plaifir, dans cette opération , foit dans des prairies, foit dans des plattes-bandes de jardin. L'atti- tude dans laquelle elle eft alors , ne fçauroit manquer de paroître finguliére ; elle ne tient plus fon corps parallèle au plan fur lequel elle eft pofée, qui eft la fituaiion ordi- naire du corps de tous les infedles, & de celui de tous les quadrupèdes, <& même de celui de tous les animaux, fi on en excepte l'homme. Alors, dis-je, elle fe tient droite *, * % » <'• & marche même de tcmjîs en temps fans faire fortir fon corps de la diredion verticale. Sa partie poftérieure, la plus longue de {e^ pinces , lui lert comme d'une cinquième jambe, ou au moins comme d'un point d'ap])ui qui aide aux deux jambes poftérieures à la foûtenir. Ces deux der- nières jambes font les feules qui pofent alors à terre, elles font placées par de-là le dos aftes en arriére; la queue en longue pince contribue d'autant mieux à foûtenir la tipu- ie, que la tipule l'enfonce en terre , & qu'elle a befoin de Ci) 20 Mémoires pour l'Histoire j'y enfoncer. C'ed dans la terre qu'elle doit femer Tes œiifs.. La pointe de la pince, fine comme elle eft, ne trouve pas grande réfiftance à percer la terre, elle s'y enfonce aifément, 6c elle s'y enfonce au moins jufqu'à l'origine * PI. 3. fig. de la pince inférieure * : celle-ci eft le conduit dans lequel ^*F 6 ies œufs paffent à mefure qu'ils fortent du corps*. Quand h tipule a laiffé un œuf, ôc peut-être deux ou trois, dans le trou qu'elle vient de percer, 6c fur lequel elle s'eft arrê^ tée, elle fait un pas en avant, elle perce un nouveau trou. Si ainfi elle continue fa ponte. Quoique fes jambes anté- rieures ne pofent pas alors à terre, elles ne laifTent pas de l'aider, fur-tout dans les efforts qu'elle a à faire pour, introduire dans la terre la queue compofée de deux pinces ; car les herbes donnent continuellement des appuis aux premières jambes d'une tipule qui pond dans une prairie. Ces appuis manquoient à une que je vis pondre fur une platte-bande nouvellement labourée, mais auffi la terre y étoit plus aifée à percer. Ce que la terre cache pendant l'opération , peut être vu fi l'on preffe un ventre de tipule très-rempli d'œufs; on contraint ailément les œufs d'eu fortir, & on les voit paffer entre les deux branches de la pince inférieure. li eft aifc d'imaginer que lorfque des mufcles preftent ces deux branches l'une contre l'autre auprès de leur origine, elles forcent les œufs à aller vers leur pointe, par une méchanique femblable à celle qui fiit qu'un noyau de- cerife humide s'échappe d'entre les doigts. *Fig. 13. Ces œufs* au refte, font très en état de réfifter à la; prefîion de la pince, ils réfifteroient même à uneprefTion plus forte; chacun d'eux eft un petit grain auffi noir qu'un grain de poudre à canon , mais bien plus kiifant. Il efl * Fig. II. un peu oblong*, & un peu recourbé en croiftant. Des. * ^^- femelles ^ue ['ai tenues dans des poudriers , où elles^ DES Insectes. /. Mem. 2 t n'avoient point de terre , n'ont pas laifle d'y faire leurs ccufs.. J'ai négligé de compter le nombre de ceux que peut donner chaque femelle ; mais à en juger par la manière dont Ton ventre eft rempli de grains fi fins, elle en doit pondre bien des centaines. Nous n'avons conlidcré jufqu'ici que de grandes efpéces de tipules, que celles dont les parties font les plus aifées avoir; nous allons à préfent en faire connoître quelques petites efpéces, & qui fous la forme de ver fe font nour- ries fur terre d'aliments différents de ceux des efpéces précédentes. Près de la fin de Septembre, j'ai fouvent trouvé des bouzes de vache très-peuplées de petits vers * * PI. 4. % fans jambes, ronds & longs, & dont les an. "" . ont le l-^"^- luifantde l'écaillé, quoiqu'ils ne foient que membraneux. Une moitié de chacun de ces anneaux a une bande brune, & le refle efl blancheâtre ou d'un blanc iàle. La tête* de */. ces vers efl: écailleufe, elle approche de la figure de celle des vers aquatiques *, qui donnent des mouches à corcelet * Tom. 4, armé. En-deffous on en voit fortir deux barbillons fràn- P^-^i-fi-'- gés * afl^és femblables à ceux de ces mêmes vers. Quatre * Pig. <■. 6- tuyaux cylindriques * font pofés près de leur derrière. *rig.6.fj.f^. Les deux derniers font plus grands que les deux qui les ">"• précédent. Il n'eu, pas douteux que ces quatre tuyaux ne. ibient quatre ftigmates. Quatre à cinq jours ajîrès que j'eus renfermé ces vers; - dans un poudrier avec de la bouze de vache , ils quittè- rent leur peau , & devinrent des nymphes * femblables en *Eg.7.&8*. petit à celles des plus grandes tipules. Comme les nymphes de celles-ci , elles avoient des anneaux hériffés d'épines, in- clinés vers le derrière. Aufli ces petites nymphes avoient. befoin d'être en eftat de s'élever à la furface de la bouze* de vache, lorfque le temps de leur dernière transformation- ièioit prochain,, comme nous avons vu que les autress Jies de ces vers ; mais je ne crois pas que la nymphe refle long temps au milieu delà matière glaireufe. Je Içais au moins que ces nymphes , comme celles des vers rouges, feticnnem à la furface de l'eau pour s'y transformer, qu'elles y font dans un mou- vement continuel. Elles n'ont point fur le corcelet de pennaches femblables à celles des nymphes des vers rou- ges ; mais elles y ont deux cornes femblables à celles àçs. nymphes terreÂres des tipules, & elles ics ont apparem- ment pour rejpirer l'air. 40 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE On n'imagineroit pas combien on peut voir de chofes, combien on peut ])rendre de connoiflances lur ia trans- formation des inlècfles aquatiques de divers genres, dans un feul baquet plein d'eau , & expolë à l'air libre. La fuite de cet ouvrage apprendra combien d'infedes de diffé- rentes clafles viennent s'y rendre pour y faire leurs œufs. Il efl bien autrement facile de fuivre les infedes qui y naiflent, que de fuivre ceux qui naiflent dans de grandes pièces d'eau. Avant que de finir ce Mémoire , je dois faire connoître encore une efpéce de vers aquatique que j'avois trouvée dans des baffms , làns avoir pu parvenir à fçavoir quelle étoit la dernière forme fous laquelle elle devoit paroître, Si mes baquets m'ont mis en état de l'apprendre. Les vers dont je veux parler, fe transforment * PI. 6.fig. en de très-petites tipules *, qui n'ont rien de fort remar- J2,i } 14. qyjibie . jyiais pour eux, ils le font par leur forme, & elle *Fig.4.&7. avoit excité ma curiofiié. Chaque ver * eu auffi blanc & auflî tranfparent qu'un morceau de criftal ; auffi quand il nage dans l'eau claire, il faut regarder dans des fens favorables pour l'y apperce voir. D'ailleurs, lors même que le temps de fa métamorphofe eft proche , il n'eft guère plus grand qu'un ver de coufîn, & il y a fouvent un air roide; il fçait néantmoins donner des coups de queue à l'eau lorfqu'il veut changer de place. Ce qui le rend le plus *c. remarquable, c'eft un grand crochet* qui part du deffus de fa tête. Si. qu'il porte en devant, elle lui donne l'air d'une efpéce de licorne à corne recourbée. Auprès de cette corne , il y a de chaque côté une tache brune. A quelque diffance de la tête on voit en deffus, mais dans *PI. 6.fig. l'intérieur, deux corps bruns * qui ont chacun la figure '^'^''j ^' d'un rein. Deux corps de même figure*, mais plus petits & moins bruns , fe voyent auffi dans l'intérieur à peu de diflance de l'extrémilé poflérieure. Celle-ci fe termine par deux DES Insectes./. Mcw. 4 1 deux cornes * chamues,dirigées félon la longueur du corps. * Pî. 6. fij- A l'origine dçs cornes, eft une nageoire * d'une grande '^•/' ^' tranfparence, qui, fans fonaitache, feroit ovale. De cette attache , partent des lignes qui , comme des rayons , le diri- gent vers différents endroits du contour de i'oval. Il n'efl pas befoin d'avertir que tout cela ne fevoit qu'au moyen d'une lou])e; avec fon fecours , on fuit auffi tout du long du corps un vaiiïcau qui paroît être le canal des aliments, & qui pafle entre les quatre cfpcccs de reins. Quand on ne s'en tient pas à confidérer ce ver dans l'eau, quand on cherche à voir diftintlement la conformation de toutes fes parties, on parvient à découvrir que ce qu'on prenoit pour un crochet fimple *, cfl: compofé de de\.\\ * e. crochets exacflcment a])pliqués l'un contre l'autre, mais qui peuvent s'écarter * l'un de l'autre toutes les fois que * pig. 6. l'inlécle le veut. C'eft immédiatement fur la tête que font articulées deux pièces qui ont chacune une autre articulation vers leur milieu; la partie qui cfl par-delà cette dernière articulation efl brune, & de confiflance de corne. C'efl vers l'origine de ces deux crochets, qui enfcm- ble n'en paroiffcnt faire qu'un, que la bouche cfî placée; à chaque côté de celle-ci , efl une main * affés fcmblable à * «. celle qui efl au bout du bras des vers rouges, dont nous avons parlé ci-devant; elle efl un peu applatie, & bordée de gros poils, d'efpéces d'épines. Lorfqu'on preffe lever, on fait fortir de fa bouche un long corps, auquel je n'ofe- rois donner le nom de langue* ; par fa forme & fon volu- * pig. 6. /. me, il a l'air d'un gros bout d'inteftin aveugle qui a affés de roideur pour fe foûtenir. J'ai mis fouvent beaucoup de ces vers dans dts pou- driers très-tranfparens remplis de l'eau la plus claire, & j'ai trouvé enfuite dans lepoudrier quantité de petits corps faits comme des portions de tuyaux cylindriques. Je ne fçaisfi Tome K . F 4-2 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE c'eft la figure de leurs excréments , ou s'il vient un temps où ces vers fe défont de leurs inteftins par parcelles. C'eft dans les mois de Juillet & d'Août , que les vers que je tenois dans des poudriers, fe font transformés en *Pi. 6. fig. nymphes. Ces nymphes* reflemblent pour l'arrangement ^■^9' ^ |çi clifpofition des jambes, à celles de plufieurs autres * c, c. tipuies; mais elles ont deux efpéces de cornes * qui s'élè- vent au deffus de leur tête, ôi qui partent du corcelet beaucoup plus grandes, proportionnellement à la grandeur de leur corps , que celles d'aucune nymphe tipuie. Par leur port elles ont quelqu'air de celles des nymphes des confins; elles font plaites & menues à leur origine; elles s'élargiflent enfuite, pour, après s'être encore retrécies, fe terminer prefque par une ])ointe. L'infede nous apprend aiïés pourquoi elles lui ont été données, en tenant pour l'ordinaire leur extrémité au deflus de la furface de l'eau, pendant que tout le rcfte de fon corps eft au defTous & comme droit. Ces elpéces de cornes examinées au mi- * Fig. 1 r. crofcope*, lembleiit faites de grains tels que ceux du plus beau chagrin, & mieux allignés. Il y agrande apparence que *Fig.7.r,r, jesdcuxplus grands dc CCS corps en forme de rein*, qu'on apperçoit dans le ver, ceux qui font les plus proches de la tête, font par la fuite les deux cornes de la nymphe. Elle a à fon derrière deux nageoires égales &. fembla- * Fig. 10. blés*, qui ont la figure d'une feuille; elles font cxtréme- n> o o/- ment tranfparentes; elles ont un rebord épais par rap])ort au reftc, mais qui devient plus mince & plus étroit en s'approchant du bout jufqu'auquci il ne parvient pas. Duis k'ur intérieur, on voit plufieurs ramifications qui partent de deux tiges, dont uneell plus confidérable que l'autre. Enfin l'infecfle après avoir vécu dix à douze jours en * Fig. 12, nymphe, fe transforme en une petite elpéce de tipuies*. DES Insectes../. Mein. 45 dont les mâles ont des antennes à plumes, &. les femelles des antennes moins fournies de poils. Les unes & les autres portent leurs aîles croilëcs furie corps, qui les excède en longueur. Du bout de celui du mâle fortent deux efpéccs de lames garnies de poils, & au deffous deux elpéces de crochets * prefque droits, dont chacun eft *PI. 6.fig articulé, avec une plus grofTe pièce; dans l'état ordinaire 'î" '^* '^' les pointes des crochets Ibnt tournées vers le ventre, ^lim . v . .j1- /I/ut . d^^f Iju ectej . loni. S . Plù.pa^J4 yffe^n j de i'ifuft. c^' /ru^cct^< . To/n.-5 ■ J'ui.j DES Insectes.//. Mem. 5 5 SECOND MEMOIRE. HISTOIRE DES MOUCHES DE SJ MARC; Et quelques Suppléments au neuvième è^ au dow^iéme Mémoire du quatrième Volume. ^"[ Ous confervons aux mouches *, dont nous voulons * PI. 7. fig. ^ parler dans ce Mémoire, le nom qu'elles portent en 7'8,9^'o» quelques Provinces du Royaume, en Poitou & en Tou- raijie, où on les a traitées avec une diftindlion dont elles ne font pas trop dignes; car par elles-mêmes, elles n'ont rien de plus propre à le faire remarquer, qu'un très-grand nombre d'elpéces de mouches auxquelles on ne s'eft pas avifé d'impofer un nom. Mais elles paroiffent des pre- mières au Printemps; d'ailleurs, il eft probable qu'il y a eu quelqu'année où vers la Fête de Saint Marc, vers I3 mi-Avril, ou un peu plus tard, elles ont paru en prodi- gieufe quantité ; & qu'elles ont caufé quelque mal , ou que quelque mal du moins leur a été attribué dans cette même année. Les payfansqui fe croient les mieux inflruits, préten- dent qu'elles étoient autrefois armées comme les guefpes, d'un aiguillon que Saint Marc leur a fait perdre. En certaines années j'ai entendu acculer ces mouches par ceux qui cultivent avec le plus de foin les arbres frui- tiers, d'y avoir fait du tort, d'en avoir rongé les bouts des boutons, & d'avoir fait périr les fleurs. Il efl vrai aufli qu'on les voit fouvent fur les fleurs & fur les bourgeons des arbres. Ce font des mouches de grandeur médiocre*, *Fî«.7&5, $6 Mémoires pour l'Histoire bien plus petites que Jes grofTes mouches bleues ; elles font de la féconde clafTe générale de celle des mouches * PI. 7. fig. qui ont^ine bouche* fans dents; mais elles peuvent avec ^^•f- ieur bouche exprimer du fuc des bourgeons & des fleurs qui ne font pas épanouies , & peut être y occafionner un defféchement qui les fait périr. Leur bouche, comme celle des tipules, eft au bout de la tête , & fa fente fe trouve de même entre deux lèvres latérales faites en efpéce de coquilles, &. qui couvrent d'autres lèvres plus charnues; en un mot, la flrudlure de leur bouche reffemble beaucoup à celle de la bouche des tipules , &êlle efl: de même recouverte en certains temps par deux barbillons, chacun defquels efl attaché à un de fes côtés; ils font moins longs proportionnellement que ceux des tipules. * Fig. 1 1 & Les antennes * de ces mouches font peu longues , Se 12. a, a. f,'Q(,[ d'ailleurs rien de fingulier ; elles font à grains. * Fig. II. Mais il efl à remarquer que le mâle * a une tête beaucoup * Fig. 12. plus groffe que celle de la femelle *. Les yeux à rezeau du mâle, font auffi beaucoup plus gros que ceux de la femelle. Se ce font eux qui rendent fa tête groffe, par rapport à celle de l'autre. Dans pluGeurs efpéces de ces mouches , ces yeux font noirs. Quoiqu'ils couvrent pref- que tout le deffus de la tête du mâle, qu'ils s'y touchent * Fig. I s- prefque vers le derrière , là même il y a une petite grappe* compofée de trois petits yeux liffes <&;dirpo(és triangulaire- ment, qui s'élève au-deffus des yeux à rezeau. Ces mouches portent ordinairement leurs aîles de ma- nière qu'une des deux couvre l'autre prefqu'en entier; celle-ci ne paroît qu'auprès de fon origine Se à fon extré- mité. Elles font auffi longues ou un peu plus longues que le corps, auffi le cachent-elles à nos yeux. Quand on ? Fig. II. a mis à découvert celui du mâle *, on ne balance pas à placer DES Insectes. //. Mem. 57 placer cette inouclie dans la clafle de celles à coips long: fa forme a quelque choie de fingulier, en ce que l'anneau qui a le plus de diamètre, tient au corcelet, & que les autres en ont de moins en moins à mefure qu'ils s'approchent du bout poftcricur. D'ailleurs ce mâle paroît une mouche afTés malfàite , dont le corps raboteux n'a pas unegrofFeur j)roportionnée à celle du corcelet; celui de quelques-uns eft extrêmement menu. On hcfiteroit davantage à placer la femelle * parmi les mouches à corps ♦ PI. 7.^3.3. long, le fien mieux façoinic, plus lirtc & diltendu^par les œufs, tient de la figure d'une olive applatie. Ces mou- ches volent d'affés mauvaife grâce ; quand elles font en l'air leur corps femble y être pendant, elles laifTent au moins pendre leurs jambes qui font affcs longues. Je n'ai encore vu de ces mouches que de deux cou- leurs. Les unes font noires Si. d'un très-beau noir, & les autres ont le corps & le corcelet rougcâtres; mais j'en ai obl'ervé des unes & des autres, de grandeurs très-difië- rentes, & qui font de différentes efpcces. Il y en a des efpéces aulfi petites que les petites efpéces de tipules & que les coufins, &: on ne les diftingue des unes 6c des autres, que quand on examine à la loupe la forme de leur corps. Des mouches connues même des jîayfans, communes dans nos jardins, & qu'on accufe d'y faire (\es defordres, avoient de droit une place dans nos Mémoires, quoique d'ailleurs elles ayent peu de fingularités à nous offrir; au moins falloit-il faire fçavoir quelle efl leur origine. Elles viennent, comme les tipules, de vers * qui fe *Fig. i. tiennent fous terre, qui s'y nourriffent d'une efpcce de terreau ou de terre, <& qui pourtant s'accommodent d'une matière, qui paroît contenir des fucs plus ailés à extraire. .l'ai vu en Odobre de ces vers à milliers, & Tome V. . . H 58 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE encore petits, dans des bouzcs de vaclie médiocrement fraîches , & pendant i'iiyver j'ai trouvé des mêmes vers fous terre, dans le Bois de Boulogne. Si la faifon où j'ai rencontré des bouzes de vache peuplées de vers de ce genre, étoit celle où leurs mouches paroifTent, il feroit naturel de penfer que des mères avoient fait leurs œufs fur ces excréments ; mais dans le mois d'Oélohre, on ne voit point les mouches dans lefquelles fe transforment les vers dont il s'agit; d'où il luit qu'ils n'avoient pmiaître dans dçs excréments dont un grand animal ne s'étoit vuidé que depuis peu de jours; qu'il faut penfer que ces vers qui étoient fous terre, ayant fenti que la matière qui avoit été dépoféeiur fa furface, &. qui l'avoit humediée, étoit propre à leur fournir de la nourriture, s'étoient ren- dus au milieu de cette matière. Quand nous en ferons à l'hiftoire des Scarabés , elle nous apprendra qu'il y en a quantité d'efpéces qui vont s'établir dans les bouzes de vache fraîches. Ces vers qui fe doivent transformer dans les mouches de Saint-Marc, font de la troifiéme claffe, Si lorfque nous * Tom. 4. avons mis les vers en ordre, nous les avons placés* dans pat'T'iSo! ^^ feptiéme genre de cette claiTe. Ils ont une tête écail- leufe, ÔL font dépourvus de jambes. Ils ont d'ailleurs beaucoup de reflêmblance avec les chenilles , par la figure de leur corps, & ils rciTembicnt à celles de certaines efpéces, parce qu ils font hériffés de beaucoup de poils, plus gros pourtant & plus écartés les uns des autres que ceux des chenilles bien velues, & tous inclinés vers le derrière. Ils changent de peau comme (es chenilles; j'ignore combien ils en changent de fo;s; mais je fçais que l(ii:que j'en examinai vers la mi-Mars, qne j'avois aj)p'>(tcs de Poitou à la tin d'Od:obre, & que jayois renfermés dans DES Insectes. //. Aleim 5 9 cfes poudriers avec la mênic bouzc de vache, dans laquelle ils avoieiit été trouvés, je fçais, dis-je, qu'ils me parurent diirérents de ce qu'ils ctoient avant l'iiyver; noii-lèule- ment ils éioient plus grands, ils étoicnt moins couverts tie poils, mais de poils plus gros. Ils avoient fur cliaque anneau une ceinture compolée feulement de huit à dix poils irès-roides. Au refle leur couleur n'cPi pas propre à leur attirer nos regards, elle ell d'un gris-brun, 6c par- tout à peu-près de la même nuance. La tête efl noire <& platte. De crainte que les vers dont je m'étois fourni, ne fe trouvalTcnt trop à l'étroit , ik. dans une matière trop deffechée , vers la mi - Mars je mis les morceaux de bouze de vache dans lefquels ils étoient, fur la terre hu- mide qui rempliffoit une cloche de verre placée dans une pofition contraire à celle où l'on met ordinaire- ment les cloches. Au bout de deux jours tous étoient entrés en terre, il n'en reftoit aucun dans les morceaux de matière où ils avoient vécu jufque-là. Je négligeai de remuer la terre dans laquelle ils s'étoient introduits, jufqu'au 22 avril, &: pour peu que j'euffe difîéré davan- tage, je n'y eufTe trouvé que des dépouilles ; j'y furpris pluileurs des mouches dans lefquellcs ils s'étoient trans- formés, prêtes à fortir de terre. Plufieurs autres avoient apparemment pris l'effor des les jours précédents; il n'en reftoit plus que deux cachées fous la forme de nymphe, & depuis plufieurs jours apparemment, il n'y en avoit plus qui euffent celle de ver. Mais je fuivis mieux une autre année, les vers du même genre, que j'avois trouvés au milieu d'une terre fablon- lieufe, proche d'un pied de chêne du Bois de Boulogne, au commencement de Février. Tous ceux que j'avois apportés , fubirent leur première métamorpliofe en quatre Hij 6o Mémoires pour l'Histoire jours de temps; depuis le 2 jufqu'au 5 Mars inclufive- ment, tous devinrent des nymphes, dont quelques-unes fe transformèrent en mouches le i 5 Avril, 6c les autres les jours fui van s. Pour parvenir à paroître nymplies, ces inre(5les Ce dé- font de leur peau de ver, & cela comme des chenilles de piufieurs etpéccs fe défont de la leur en pareil cas. Celui qui travaille à fe métamorpholer, oblige la peau des premiers anneaux à fe fendre lur la partie lupérieure du ♦PI.7. fig.2. corps*. Des parties charnues s élèvent dans i'inflant au- defî'us de la fente, & en s'y élevant contribuent à l'ag- grandir. La partie antérieure de la nymj)he paroît bientôt * Fig. 3. a. au jour, elle fort par la fente. Le crâne * du ver qui tient à la dépouille dont la nymphe veut fe tirer, fe trouve alors fous le ventre. La nymphe dégage enfuite lés an- neaux poftérieurs, elle les amené en devant, & les gonflant 6c poud^int en arriére, elle y poulfe en même temps la *Fig. 2 & dépouille*; elle l'oblige à fe plilfer, &. peu à peu elle 3- ''• la conduit jufqu'au bout de fon derrière où elle eft réduite à un petit paquet. Le nom de crifilide convient peut être aufu bien à notre infeéle métamorphoié, que celui de nymphe que nous venons de lui donner. Les aîles & les jambes appli- *Fig.4&6. quées les unes contre les autres du côté du ventre *, dans une étendue qui n'a pas la moitié de la longueur du corps, n'y font guéres plus aifécs à diflingucr qu'elles le (ont dans les crilàlides ordinaires. D'ailleurs, ces crilalides ou nymphes n'ont rien de particulier dans leur forme, (i ce n'efl; qu'elles lèmblcnt boffues. Le corcelet de la mouclie * Fig. 5. e. qui efl:gros& élevé, demande que l'endroit de la crifalide* où il eft placé, foit plus élevé que le refte. Au refte, la manière dont lé fait la dernière transfor- mation, la manière dont la mouche brife iés enveloppes DES Insectes. //. Mem. 6 \ ôi s'en tire, n'a rien qui mérite d'être expliqué; car tout ce qui j)artc alors reflcmble parfaitement à ce que les pa- pillons &. d'autres mouches nous ont fait voir dans une pareille circonitance. Le refte de la vie de ces mouches ne ni'a offert aucun fait remarquable. Après leur naiffance elles prennent i'effor, elles vont volontiers fe pofer fur les plaiites, & fur-tout fur les arbres fruitiers. Les mâles fe joignent aux femelles, auxquelles ils relient unis àes heures entières. Pendant l'accouplement le mâle * ne fe tient point fur la * Pi. 7. % femelle, le corps de l'un & celui de l'autre font fur une '7°" S- '"• même ligne, ils femblent n'en faire qu'un. Les ailes de la femelle recouvrent une partie de celles du mâle. Ces deux mouches ainfi jointes enfemble, rcffemblent à un infe(5le qui auroit une tête à chacun de fes bouts. Quel- quefois la femelle emporte en l'air le mâle qui ne veut pas l'abandonner. Souvent auffi on les prend fans les dé- terminer à fe fcparer. Le mâle a au-deffous de fon der- rière deux crochets * capables de bien faifir celui de la * Fig. 13.. fémelle,& qui ne font p^ vifibles dans les temps ordinaires. '^' '^' Il introduit la partie propre à féconder les œufs * dans *ot. une ouverture qui eft du côté du ventre de la femelle* ♦ Fig. f4..u. affés près de l'anus. Après que celle-ci a été fécondée, elle n'eft; pas long- temps fans doute à faire ïts œufs qu'elle dépoib, foitdans la terre, ibit dans des excréments de vache, & peut-être dans ceux de cheval, après quoi elle périt. On ne voit guércs de ces mouches que pendant trois lèmaines ou \\n mois. La même raiibn qui nous a engagé à jîaricr des mou- ches de SaintMarc, nous détermine à dire ici quelque chofe d'une efpéce de mouches * beaucoup j)!us petites. *pi. 8.52,7, Elles font extréiuement communes, elles paroiffent dans toutes les Saifons de l'année. Nous avons oublié de les Hiij 62 Mémoires pour l'Histoire faire connoître dans le neuvième Mémoire, nous y fup- pléerons dans celui-ci ; elles ne lent que de vrais mou- cherons; elles font plus petites que les plus petites tipulcs. Lorfque leurs aîlcs font ])oiëes fur leur corps, à peine font-cilcs auffi groiïes qu'une grolFe tête d'épingle. Avec une loupe on s'affûre pourtant de la claffe à laquelle elles *PI. 8.%. appartiennent ; on reconnoît * qu'elles font de la pre- II & 12. j-jiiéie (içs claffes générales, qu'elles n'ont qu'une trompe îifTés fcmblable à celle des mouches bleues de la viande, & qu'elles font de la première des claffes fubordonnées à la claffe générale, de celle des mouches à corps court. Elles aiment l'efpécede lie de vin qui efldépofée fur ks tonneaux d'où on tire le vin avec un robinet ; elles aiment le marc de raifin qui s'aigrit, & en général elles aiment les liqueurs qui ont été fucrées lorfqu'elles viennent à s'aigrir. Des pots où il y avoit eu du miel qui s'étoit aigri, parce qu'on n'avoit pas daigné le féparer des vers , des nymphes de mouches à miel , & de ces mêmes mouches qui avoient ])éri, foit dedans, foit defîùs ce miel; des compottes de pommes de rambour qu'on avoi^^ffi laiffé aigrir, m'ont fourni des mille milliers des mouches dont je veux parler. ♦ Fig.8 &i o. Elles avoient ci û fous la forme cIq vers *, dans ces matières aigries, & par la fuite elles y avoient paru avec des aîles. Quand on découvroit le compottier de verre dans lequel elles étoient nées, on voyoit des nuées de ces petites mou- ches s'envoler. Le corps & le corcelet de cette petite mouche font jaunâtres. Ses yeux à rezeau font d'un rouge qui n'eft pas d'une belle nuance, mais qui fait pourtant qu'on les remarque plutôt qu'aucune des autres parties. Les aîles qui ordinairement fe croifent fur le corps, ont des cou- leurs d'iris. Inutilement ai-je cherché à voir les balanciers; mais il y a plus d'apparence que leur petiteffe a contribué DES Insectes.//. Alein. 65 à me les cacher , qu'il n'y en a que la mouche en foit privée. Les antennes * font à palette ovale & platte, * pj. g fj» comme celles des mouches à forme crahcilles. \i&iz.a,'à. Je n'ai pu m'aïRirer fi elles font vivipares ou ovipares. Quoi qu'il en foit, leurs vers * font blancs& ont deux *Fig.8&io. crochets parallèles l'un à l'autre en devant de la tête. En un mot ces vers font femblables, mais très en petit, aux vers de la viande. Comme ceux-ci auffi, lorfqu'ils font en état de fe transformer, ils fe font une coque de leur propre peau * dont ils fe détachent, fans en fortir. Le ^Fig.ç&ij. bout antérieur &. fupérieur de la coque formée par cette peau, eft un peu applati Se terminé par deux cornes, * *Fig.i3.r,f. qui jirobablcment font analogues à celles des autres co- ques cornues, &: à celles des crifalides cornues. Leur couleur eft feuille-morte ou marron , clic efl femblabic à la couleur des coques des mouches de la viande; le bout poflérieur de la coque a auffi deux elpéccs de cornes. * *r,P' Environ dix à douze Jours après que l'infeéîe s'efl transformé pour la première fois , il eft en état de pa- roître avec des aîîes; il détache la pièce qui couvroit cette partie * de la coque que nous avons dit être ap- ♦f,v ,., ,/, platie; il fouléve une pièce platte, au bout de laquelle les cornes refient; enfin il fort ailé par cette ouverture. Nous donnerons encore ici un Supplément à un autre article du neuvième Mémoire du quatrième volume, à l'article * où nous avons parlé des vers trufiès; nous avons * pae. yyz, décrit & fait rcprcfcnter une er|)éce de ver, qui comme nous, eft friande de cette plante foûterraine; mais nous n'avons pu faircconn f> i' que la fin de la cloifon offeufe * qui forme les deux con- ♦ c, c. duits du nez *. L'ouverture de chaque conduit , ce qu'il eft bon de fçavoir pour la fuite, avoit un diamètre tel qu'un de mes doigts entroit dedans fans y être gêné. Si on tourne enfuite fes regards vers la racine de la langue, * X. on apperçoit l'ouverture * par laquelle pafte l'air que la trachée artère porte dans les poulmons. C'eft près de cette dernière ouverture, c'eft-à-dire, c'eft près du pharinx, & par conféquentde la racine de la langue, que fe tiennent les vers dont nous parlons. Je ne tardai pas à en voir dès * ? y- que j'eus" coupé & abbaiffé la portion du palais * dont je viens de parler. Trois à quatre qui ctoient en marche, fe préfentérent les premiers, & me conduifirent à en trouver beaucoup d'autres. Je vis de chaque côté une fente oblon- *pp. gue*, qui imitoit affés celle d'un œil, dont la paupière eft plus d'à moitié, ou prefqu'entiérement abbaiffée; un * u. ver * qui fortoit d'une de ces fentes , la tenoit plus ou- verte que n'étoit l'autre. Quand après en avoir retiré le DES Insectes. //. Mem. 71 ver, j'y introcluifis le doigt, je reconnus qu'elle étoit l'entrée d'une cavité remplie de vers qui y étoient amon- celles , que les vers étoient logés dans une efpéce de bourfè de chair. Avant que d'en avoir fait fortir les vers, je dé- gageai par dehors, c'e(l-à-dire du côté de la trachée artère, chacune de ces bourfes , (\es parties qui la pouvoient cou- vrir. Leur groflcur&. leur figure me parurent celles d'un œuf ordinaire de poule. M. Winlîow à qui je les fis voir dans la fuite, les trouva placées à peu-près comme les amygdales dans l'homme. Ce font au rcfte de vrayes bourfes charnues ; quand je les eus vuidées l'une & l'autre des vers dont elles étoient remplies, je vis qu'on pouvoit, quand on le vouloit, rendre leur ouverture circulaire, qu'elle laiflbit paffer aifément le plus gros doigt ; que lorfque la bourfe étoit vuide, elle avoit des plis, qui, comme ceux des bourfes ordinaires, étoient dirigés de l'ouverture vers le fond. Enfin je recon- nus que l'on pouvoit retourner ces efpéces de bourfes, c'eft à-dire, en ramener le fond en delTus des bords de l'ouverture. Le reffort des bords, ou une efpéce de fphinder peut-être, tend à la rétrécir, à la rendre plus longue que large. Malgré la largeur qui lui peut refter , elle ne paroît qu'une fente, parce que la partie char- nue * qui eft d'un côté, fait l'office de paupière pour la * Pi. 9. fig, couvrir. ^'Pf' Les vers que je trouvai dans ces bourfes, étoient de grandeurs fort différentes, & par conféquent de différents âges. Pendant que plufieurs avoient à peine la groffeur d'une petite ficelle, quelques-uns * ne le cedoient en * Fig. 2. aucune de leurs dimenfions, à ceux des vers du nez des moutons dont nous avons parlé ailleurs *. Ils leur reffcm- * Tome 4. bloient auffi par la forme; ils étoient, comme ceux-ci, de ^'■"^' ^^^' la claffe des vers à tête de figure variable , «& dépourvus 72 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE de jambes. J'en tirai 64, à 65 des bourles; mais pendant que je les ramafrois, il y en avoit qui le dilJDerlbient; j'en perdis beaucoup des plus petits , je crois que fi je les eufTe pris tous , j'en eulTe eu plus de cent. Les petits ne différent des plus gros qu'en grandeur. Ils font blancs, leur blancheur eft feulement altérée par un grand nombre dé courtes épines roufTeâtres, dont la moitié antérieure *Pl.9.fig.3. de chaque anneau efl hérifTée *. En defTous, mais au *Fig. ^.c,c. bout de la tête , chaque ver a deux crochets noirs * plus courbes que ceux des vers du nez des moutons, qui font enfemble un angle, tantôt plus, tantôt moins ouvert, & qui ne font jamais parallèles l'un à l'autre. Le ver s'en fert pour marcher ; c'eft fur ces crochets bien crampon- nés qu'il fe tire en avant. Les pointes qui les terminent î'un Si. l'autre, font roides quoique très -fines, & elles le font à un tel point, que les vers qui les enfonçoient dans jna main pour marcher, me failbient des picquûres affés douloureufes. Ils peuvent faire fouffrir le cerf, lorfqu'ils fe tirent fur fes chairs, pour peu qu'elles f oient fënfibles.Lorf- que j'en voulois détacher de ceux qui s'y étoient crampon- nés, j'éprouvois quelquefois une réfiftance qui mefaifoit craindre de les crever fi jem'obftinoisàles avoir de force. Quand je Jes arrachois, il falloit arracher le morceau de chair dans lequel les crochets étoient engagés, ou le dé- chirer. Leur bouche efl entre les deux crochets près de leur origine ; ce n'eft qu'en preffant fortement le corps qu'on parvient à la découvrir, qu'on apperçoit une fente qui efl entre deux efpéccs de lèvres ou deux j)arties char- nues, dont lafupérieure faille plus que l'inférieure. Deux * Fig. 2 & cornes courtes * , deux elpéces de mammelons charnus *• m, m. ^^j^j. pi^ç^g (jjj. \^ f^[ç immédiatement au-defîus des cro- chets. L'anneau d'où la tête fort, efl affés large; près de fa jondion avec l'anneau qui le fuit, il a de chaque côté. Si. en. DES Insectes. //. Mem. 73 & en clefTus une petite cminence longuette de couleur feuille-morte*. On reconnoît ces deux cminences pour *PI. 9. %. les deux ftigmates antérieurs, dès qu'on les examine avec ^' ^' ^' la loupe. Les deux ftigmates poftcrieurs * font bien plus aifés à *F»g- j-o'-- voir; chacun d'eux eftune plaque brune, dont la figuie eft moyenne entre celle d'un croifTant ôi celle d'un rein apj)lati. C'eft apparemment dans l'échancrûre de chacun de ces derniers fligmates , qu'eft l'ouverture qui donne pafTage à l'air. Pour prendre une jufle idée de leur pofi- tion, &; du moyen que la nature a employé pour qu'ils ne fuflent pas expofés à être inondes en beaucoup d'occafions , il faut fçavoir que le corps fe termine par un appendice charnu *, dans le bout duquel eft l'anus *Fig. 5. «. environné de plufieurs épines courtes & déliées. Cet appendice a peu d'épaifteur. Le dernier anneau eft ter- miné en certains temps par un ])lan, qui, comme une efpéce de mur s'élève au-dcftiis de l'origine de l'ap- pendice , 6c par un plan qui a de hauteur plus des deux tiers du diamètre de l'anneau. C'eft dans ce plan, dans ce bout du dernier anneau que font les deux ftigmates* * o '-. en croiftant. Mais ce plan que nous venons de confiderer comme perpendiculaire à la longueur du ver, peut s'in- cliner plus ou moins *, & quand il en eft befoin , s'ab- * Fig. 2. b. baifter jufqu'à s'appliquer fur l'appendice charnu où eft l'anus ; alors les ftigmates fe trouvent renfermés dans une efpéce de boîte. C'eft par les parties que nous venons de décrire, & par la figure 6c la difpofition des crochets de la tête que ces vers différent principalement de ceux du nez des moutons. Ils différent bien davantage de ceux* qui croiffent fur * Tome 4. le corps des bêtes à cornes, 6c fur celui du cerf même, ^^^•■^^' ' dans des tumeurs charnues. Outre que ceux des tumeurs Tome V. . K 74 MEMOIRES ^OUR L'HISTOIRE deviennent plus gros, c'efl qu'ils ne font point munis de crochets femblables à ceux cks autres. Au lieu de faire aller les vers des tumeurs dans la gorge, ou près de la gorge du cerf, comme le font plufieurs Chaiïeurs, il eut été moins dérailbnnable de fuppofer que ceux qui fe trouvent réunis dans les bourfes charnues, ie difperfent par la fuite fur le corps pour achever d'y prendre leur accroiiTement, puifqu'entre ceux qui font dans les bourfès il y en a d'extrêmement petits. Mais cette idée comme l'autre, feroit pourtant détruite par les obfervations que nous avons données fur les vers des tumeurs. De quelque part que viennent les vers qui fe trouvent près de la racine de la langue du cerf, la phyfique des Chaffeurs , qui ici n'eft pas une bonne phydque , veut abfolument que ce foient eux qui filTent tomber le bois du cerf Ils ne fe font pas embarraffés de nous dire le chemin que prennent ces vers; fans nous expliquer fi c'efl à couvert qu'ils arrivent où ils doivent travailler après s'être fiit jour au travers des chairs & des os; ou s'ils ne font point de façon de s'expofer au grand jour, s'ils fe traînent hardiment fur la tête du cerf; fans, dis-je, s'être embarraffés de nous expliquer la marche de ces vers , ils les mettent tous en œuvre : ils ne fe font pas non plus donné la peine d'examiner s'ils étoient pourvus d'inftrumens propres à l'ouvrage qu'ils vouloient leur faire PI-Q'fig- faire. Les deux crochets écailleux * dont ces vers font '''■ munis, font de très-bons inflruments , foit pour les aider à marcher , foit pour les tenir cram])onnés contre les chairs du cerf; mais c'en feroient de fort mauvais pour abbattre fon bois plus dur qu'ils ne le font eux-mêmes. Je pardonnerois d'avoir imaginé que ces vers y peuvent réuffir, s'ils avoient des fcies faites fur le modèle de celles que nous verrons à quelques mouches. Mais comment DES Insectes. //. Metn. 75 a-l'on pu croire qu'avec des crochets qui ne fçauroieiit agir qu'en pioclianc, des vers puflent venir à bout de couper des corps aufTi durs & aufli gros que le font les perches de certains bois de cerfs î Ces crochets euffent- ils une dureté fupérieure à celle de la matière qu'ils doi- vent creufèr , combien faudroit-il de vers employés à un pareil travail , & pendant combien de temps pour l'amener à fa fin ! On a imaginé que cela fe faifoit, fans examiner comment cela pouvoit être fait, fans faire attention que les vers ne s'aviferoient pas d'agir contre le bois du cerf, précilement pour rendre de bons ou de mauvais offices à l'animal qui le porte, que ce feroit pour eux-mêmes qu'ils i'attaqueroient s'ils en avoient befoin pour fe nourrir; mais il eft contre toute vraifemblance , que des vers qui n'ont vécu que des mucofitcsque lesparties charnues qu'ils ont habitées , pouvoient leur fournir /ayent befoin enfuitede fe nourrir de corne de cerf. Celui auquel je trouvai tant de vers, eût fuffi pour defabufer le Chaffeur le plus obftiné qui fe feroit prêté à faire les remarques & les réflexions auxquelles ce cerf donnoit lieu. Une des moitiés de fon bois étoit déjà tombée, lorfque M/ le Prince de Conifiç prit, & S. A. S. l'en jugea plus propre à me fournir des obfervations déci- fives. La moitié du bois, la perche qui étoit refiée en place, quoiqu'elle parût bien jointe à fa bafe , en fut déta- chée par des efforts affés médiocres. A quoi s'étoient donc amufés les vers dont les bourfes étoient remplies ! E'toit- ce le temps où ils dévoient y être tranquilles.' N'étoit-ce ]x\s celui où tous auroient dû en être dehors! le temps où, après avoir déjà abbattu une des perches, ils auroient dû s'être raffemblés autour de l'autre! Mais nous avons déjà vu que cette dernière étoit prête à tomber, quoiqu'ils ne luieuffent donné aucune atteinte. La nature ne s'en eflpas Kij jd MEMOIRES POUR L'HisTOIRE repofce fur eux pour faire tomber ces grands brancliages. Une partie de la peau prolongée qui s'avance Ibus le mer- rein qui doit cire détaché , qui y forme un bourict qui fe gonfle déplus en plus; cette partie de la peau, dis-je, eft un meilleur agent, &; femblable en quelque forte à celui qui chafTe une dent defon alvéole. Enfin, autour du bois tombé & de celui qui étoitprêt à tomber, on ne pouvoit obferver aucun ver, ni aucune de leurs traces, rien de déchiqueté, aucune fciûre; la partie qui avoit été réj)arée du bois tombé, étoit couverte d'une membrane bien laine, qui n'avoit été nullement piochéc par les crochets des vers. Le bois du cerf tombe donc fans que des vers ayent travaillé à le fiire tomber. Mais je m'aj)])erçois que je paroîtrai m'être trop arrêté à le prouver, m'être trop arrêté à combattre \\\\ fentimcnt fi éloigné de lavraifem- blance & de la vérité ; on me le pardonneroit fi on fça- voit auffi bien que je le fçais, combien de gens, & de gens qui méritent le plus d'être détrompés, font encore dans cette idée. Je crains de n'en avoir pas encore affés dit pour leur en montrer tout le faux, pendant que je crains que les Plîyficiens ne me reprochent d'avoir com- battu trop férieufement une telle opinion. Les vrais Phyficiens aimeront bien mieux m'entendre parler avec admiration des deux bourlès charnues qui ibnt * PI. 9. fig. placées auprès du pharinx *. Nous ne fçavons pas de quel \.pbb,pbt. ufage elles iont à ce grand animal , mais elles ibnt effen- tielles aux vers qui croiffent dedans. Si elles ne font pas "faites pour eux feuls, fi elles fervent au cerf, au moins celui qui les a faites , & qui a fait les vers qui fe nourriffcnt dans leur cavité, fçavoit qu'elles étoient néceffaires à ces vers, il leur a appris à s'y tenir. Il y a mis tout ce qu'il falloit pour qu'ils y fuiTent bien. Mais comment ces vers DES Insectes. //. Mem. jj fe trouvent-ils logés dans ces deux bourks charnues î Ce ne doit plus être un myftére pour nous, dès que leur conformation apprend que ciiacun d'eux doit le trans- former dans une mouche à deux aîles. Car fi nous nous rappelions la hardiefle de |ji mouche qui va pondre dans l'anus du cheval , & iur-tout la hardieiïe de celle qui va dépoler ïts œufs dans le nez du mouton , nous ne ferons pas étonnés qu'une mouche auffi couragcufe & auffi pleine de prévoyance & de loins pour les vers qu'elle doit mettre au jour , entre dans les narines du cerf. Fût-elle une des plus grolfes mouches, ces narines Ibnt des ouvertures affés grandes pour lui permettre de pénétrer dans les deux larges conduits du nez; elle peut marcher à l'aife d'un bout à l'autre de chacun de ces conduits, qui , où il eft le plus étroit, laifferoit paffer un corps plus gros que le plus gros doigt. La mouche arrivée au bout du canal qu'elle a enfilé, n'a qu'un pas à faire pour fe rendre à l'une ou à l'autre des bourles charnues: fi elle eft entrée dans le nez du cerf, c'efl pour les aller chercher, elle fçait donc où elle les doit trouver; elle fçait qu'elle leur doit confier lés œufs ou {ti vers, fi elle eft vivipare. Ces d«.ix cavités charnues font comme deux efpéces de matrices deftinées à faire croître les vers de cette elpéce de mouche; elles ont au moins de commun avec les ma- trices ordinaires, de s'aggrandir peu à peu pour ofïi-ir une capacité fufîilante aux \tx% qui y font logés , & qui y croiffent. Ce qui me le fait penfer, c'e encore une obfervation que M/ le Prince de Conty m'a mis en état de fiire. S. A. S. m'envoya le i 2 Mars la tète & le coi d'un cerf qui devoit être fort âgé, à en Juger par la grof- feur de la tête; on ne pouvoit pas en juger par fon bois, car lorfqu'on le prit, il avoit perdu le fien, & ce n'étoit que depuis peu de jours. Dans les deux bourfes charnues Kii; yS Mémoires pour l'Histoire du col de ce grand animal, je ne trouvai en tout qu'une douzaine de vers, cinq, je crois dans l'une, &. fept dans l'autre. Ils n'étoient encore que de médiocre grandeur; auffi la cavité de chaque bourfe étoit beaucoup plus petite que ne l'étoit celle de chaque bourfe de ce premier cerf, doiit les deux enfemble donnoient le logement à près de cent vers, ou même à plus, & dont plufieurs ctoient plus gros que ies vers précédents. J'ai comparé le volume de chacune de celles-ci à celui d'un œuf; je mefurai les autres, & je ne leur trouvai que i6 à 17 lignes de pro- fondeur , & 8 lignes de diamètre à leur ouverture , que j'avois forcée de s'arrondir. M.' le Prince de Conty avant que de m'envoyer la dernière tête, m'a voit encore envoyé celle d'un cerf beau- coup plus jeune, une tête d'un de ceux qu'on nomme des daguets; je ne lui trouvai aucun ver, &. à peine auffi pus-je lui trouver des bouries charnues. Les narines 6c le nez des grands cerfs, offrent aux mouches des cîiemins plus commodes que ceux des narines & du nez des jeunes cerfs. D'ailleurs les jeunes cerfs ont de plus petites bourfes charnues. La mouche, qui fçait prendre fes avantages, ne s'adrelTe donc pas à ceux-ci, ou elle ne ]g fait que dans la néceffité. Au relie, les différentes grandeurs des vers que nous avons trouvés dans les bourfes charnues du premier cerf, nous indiquent que ces vers étoient de différents âges, & nous en devons conclurre que la mou- che avoit fait fa ponte en plufieurs jours, ou que plu- fieurs mouches vont dans différents jours pondre au fond de la bouche d'un même cerf Quand les vers ont pris tout leur accroiffement dans les bourfes ; quand le temps de leur transformation ap- proche, ils fçavent fans doute enfiler les routes par lel- quelles a paffé la mère qui leur a donné naiffance ; ils DES Insectes.//. Mem. 79 font près des ouvertures intérieures du nez , ils s'y rendent ; ils arrivent aux narines, & ne le font pas apparemment plus d'affaire de tomber à terre que s'en font les vers du nez des moutons , & que s'en font les vers qui Ibrtent des tumeurs delà peau des bétes à cornes & de celles des cerfs mêmes. Les Piqueursdiient qu'ils voyent quelquefois des cerfs cracher de ces vers. Ils pourroient bien le méprendre, croire que des vers qui fortent du nez, Ibrtent de la bou- che; mais il peut fe faire aiiffi que des vaiffeaux romprus dans un cerf aux abois, inondent de fing les vers, &.que ceux-ci lé déterminent à s'échapper en confufion , que quelques-uns j)rennent alors la route de la bouche, quoi- que la plus difficile & la moins fiire. Au relie, tout ce que je viens de dire n'eft fondé que fur l'analogie , car je ne luis pas même parvenu à avoir cette mouche qui a été inftruite à choihr un lieu fi fin- gulier pour y aller faire {es œufs. Les vers qui par leur transformation auroient dû me donner des mouches de fon ei'péce , n'étoient pas encore à terme lorlque je les tirai de leurs logements. Entre ceux que je trouvai au premier cerf, il y en avoit pourtant quatre beaucoup plus gros que les autres, & qui paroiffoient proche du temps où ils lé dévoient méiamorpholér. Je les mis fépa- rement dans un poudrier rempli à moitié de terre; ils fe traînèrent pendant deux à trois jours fur la terre, ils y furent dans un mouvement continuel. Au bout de ce temjjs deux des vers devenus bruns s'allongèrent & s'ap- platirent, je jugeai avec raifon qu'ils étoient péris; mais les deux autres, en changeant de couleur, conferverent leur ligure arrondie. Leur peau devint dure, en un mot telle qu'ell celle des vers des tumeurs, & celle des vers du nez des moutons, qui ont fubi leur première méta- morphofe, qui fe font fait une coque de leur peau. La 8o Mémoires pour l'Histoire *PI. 9.fig.6. coque * des vers du cerf reiïcmbloit même à celle des vers des tumeurs, en ce qu'elle ctoit un peu concave du côté du dos, &. en ce que le côté du ventre avoit pris une convexité qu'il n'a pas naturellement. Ces vers du cerf fe transformèrent donc: leur peau devint une coque, de laquelle je m'attendois à voir fortir une mouche; mais après l'avoir attendu inutilement pendant près de trois mois, j'ouvris les deux coques, & je trouvai que les in- fcéles étoient péris dans l'une & dans l'autre, fans avoir pu parvenir à fubir leur dernière métamorphofe : l'aliment leur avoit été fouftrait trop tôt. J'ai lieu d'efpérer que S. A. S. M."" le Prince de Conty me mettra en état l'année prochaine de rendre mes oblèrvations plus complettes , qu'elle voudra bien me j)rocurer encore des tctes de cerfs , dont quelqu'une me pourra fournir quelque ver qui fe transformera dans une mouche qu'on doit avoir envie de connoître, 6c qui eft fûrement de la claffe de celles qui n'ont que deux aîles. EXPLICATION DES FIGURES DU SECOND MEMOIRE. Planche VII. JLa Figure I repréfente un de ces vers qui deviennent des mouches de Saint-Marc, gfofTi à la loupe; on le peut voir dans fa grandeur naturelle Tome 4,. Mem. iv. pi. 14. fig. 8. -^ La Figure 2 fait voir une nymphe qui a commencé à le tirer de la peau d'un ver femblable à celui de la figure r . a, la tête du ver. c, le corcelet de la nymphe qui s'élève au-deffus de la peau qui a été fendue. L'endroit où la fente DES Insectes.//. Mem. 8 1 fente fe termine, d, la partie de la peau, liors de laquelle le corps de la nymphe s'eft déjà tiré. Dans la Figure 3 , la nymphe eft prête d'achever de fortir de fa dépouille, qui eft plifTée en d. a, la tête du ver. e, celle de la nymphe. Les Figures 4 & 5 font celles de la nymphe de grandeur naturelle ; on en voit le deflbus dans la figure 4, & on en voit le deflus & le côté dans la figure 5. Dans cette dernière figure, le corcelet c la fait paroître boiïlie. La Figure 6 , eft la figure 5 groffie à la loupe. Les Figures y & 8 font celles d'une mouche de S^int-Marc fortie d'une des nymphes précédentes. Elle elt de grandeur naturelle dans la figure 7, & groffie dans la figure 8. La mouche de ces deux figures eft une femelle. La Figure 9 fait voir la mouche qui eft le mâle de celle de la figure 8 dans fa grandeur naturelle, &. ayant les aîies fur le corps. La Figure 10 nous montre la mouche de la figure 9 groiïie , & dont les aîles lailTent le corps à découvert. La Figure 1 1 repréfente très en grand la mouche mâle des figures 9 & 1 o, & vue par-defi!bus. a, a, fes antennes. b, b, deux barbillons. /", ï, yeux à rezeau, qui font velus, & beaucoup plus gros que ceux de la femelle, auffi la tête de celle-ci eft plus petite que celle du mâle. /, /, les aîles coupées, m, m, les balanciers, cp, le corps dont les anneaux diminuent de diamètre depuis le corcelet jufques en p, La Figure 1 2 nous fait voir la mouche de Saint-Marc, Tome K , L - 82 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE femelle groffie dans la même proportion que le mâle l'eft dans la figure précédente, & de même par-defTous. a, a, les antennes, b, b, les barbillons, i, i, les yeux à rezeau./^ fente de la bouche, l, l, les aîles, m , m, les maillets ou balan- ciers, cp, le corps dont les anneaux ont entr'eux des pro- portions diflërenies de celles du corps du mâle, figure 1 1. La Figure 1 3 efl celle du bout du derrière du mâle extrêmement groffi. c^ c ^ deux crochets qu'on l'oblige de montrer lorfqu'on lui preffe le ventre, & avec lefquels il faifjt la femelle, tn, partie qui caraélérife le mâle. La Figure 14 fait voir par-defTous le bout du corps de la femelle, très-groiïi. En a , eft l'anus ; & en u, efl la fente deftinée à recevoir la partie propre au mâle. La Figure 1 5 montre la tête du mâle groffie & vue par-deffijs , & la Figure 1 6 montre celle de la femelle groffie proportionnellement , &: vue du même côté. Les mêmes lettres marquent les parties femblables de l'une & de l'autre, a, a , les antennes, b , b, les barbes qui en b font un coude pour revenir en deffous. /,, i , les yeux à rezeau qui occupent tout le deffus de la tête du mâle, & feulement une partie du deffus de celle de la femelle. y les trois yeux liffes. Les Figures 1 7 <& 1 8 repréfentent des mouches de Saint-Marc accouplées. Elles ne font vues qu'en deffus figure 1 5 , & on les voit en deffus & de côté figure 16. m, le mâle.y^ la femelle. La Figure 19 eft celle d'une jambe de mouche de Saint-Marc, très-groffie. Le pied eft terminé en/?^ par des pelottes femblables à celles dçs mouches de la viande.. ^f€, deux épines. DES Insectes.//. Mem. 85 Planche VIII. Les Figures i & 2 font celles d'une même mouche fortie à la fin de Juillet de la coque d'un ver qui avoit vécu d'une truffe de l'année; elle efl vue par-deflus figure I , & de côté figure 2. La Figure 3 repréfente en grand une antenne de la mouche précédente. C'eft une antenne à palette. La Figure 4. montre dans fa grandeur naturelle une coque de ver que j'ai trouvée dans les mêmes truffes qui ont donné la mouche précédente , &. cette coque efl groffie dans la figure 5. On y voit deux cornes c , c, Si une queue ^, propre à fiiire croire que cette coque efl: celle d'un ver à queue de rat, & par conféquent, qu'il y a des vers de ce genre qui mangent les truffes. La Figure 6 efl: encore celle d'une coque de ver que j'ai trouvée dans les mêmes truffes où étoient les coques telles que celles de la figure précédente, l^j bout antérieur de la coque. ^, ^j, deux efpéces de cornes qu'elle avoit à Ton bout poftérieur. Enfin, j'ai trouvé dans les mêmes truffes des coques femblables à celles des vers de la vian- de; &. j'ignore fi c'eft de ces dernières, ou d'une telle que celle de cette figure 6, que les mouches des figures I & 2 font forties. La Figure 7 fait voir dans fi grandeur naturelle une très-petite mouche qui fe multiplie prodigieulement dans les liqueurs fucrées qui fe font aigries. La Figure 8 efl celle du ver de cette mouche, & h figure 9 celle de la coque que ce ver fe fait de fa peau. Lij 84 MEMOIRES POUR l'Histoire Dans les Figures lo, 1 1 , 12 , 13 & 14, les figures 1 , 2 & 3 paroifTent en grand. La Figure "10 cft celle du ver de la figure 8. Les Figures 1 1 & 1 2 font voir la mouche de la figure y, qui a fes aîles croifées fur le corps dans la figure 1 1 , & qui les a écartées du corps dans la figure 1 2. La Figure 1 3 efl celle de la coque que le ver des figures 7 &: I o ië fait de fa propre peau, c, c, deux cornes qui font à la partie antérieure de la coque. i),-p, deux autres cornes qui font à la partie poftérieure. La Figure 14 efl celle de la coque précédente vue de côté, & dans le temps où la mouche en eft fortie. d, pièce qui a été foûlevée par la mouche, & qui lui a laifTé une ouverture qui lui a permis de fe tirer de fa prifon. La Figure i 5 eft celle d'une mouche à corps long qu'on trouve au printemps fur les charmilles. La Figure 1 6 rcpréfente en grand & de côté la partie antérieure de la mouche précédente, a, a, les antennes femblables à celles des taons de quelques efpéces ; mais la ftrudure de fa trompe eft difiérente de la ftrudlure de la \oxx.f, le fourreau de la trompe, t, la trompe. La Figure 17 montre la trompe de la figure précédente hors de fon étui , & toutes les parties qui la compofent. f, l'étui de la trompe, t , e , e , i, les quatre parties dont la trompe eft compolée. La Figure 1 8 repréfente très en grand la trompe d'une mouche qui eft gravée planche 8. figures 11, 12, 1 3 & 1 4 du quatrième volume, &que j'ai appellée affés impropre- ment mouche à tête en trompe. La ftrudure du bout de DES Insectes.//. Alem. 8 5 cette trompe j' eft bien développée figure 14.. Ce bout eft fait en bec ; mais le refle de ce qui entre dansia ftruélure de cette trompe, n'y efl pas expliqué, & cette figure 1 8 eft faite pour îlippléer à ce qui manque à celles que je viens de citer. /, bout de la trompe fait en bec d'oifeau. ^, ai- guillon , langue ou efpéce de fucçoir analogue à celui des pucerons à longue trompe "^.f^f, accompagnements du * Tcm. j. fucçoir. g, coulifle dans laquelle fe loge le fucçoir avec^'^^^jf^'"^' fes accompagnements. Planche IX. La Figure i reprefente une tête de cerf qui a été pré- parée, & difpofée pour faire voir les bourfes charnues dans lefquelles croiffent les vers auxquels les Chaffeurs attri- buent la chute du bois, tji, la mâchoire inférieure qui a été (oïcée. gf, la langue, qq, portion du palais, qui a été coupée <5c détachée vers e de la voûte ofleufe contre laquelle elle étoit appliquée. 00, mâchoire fupérieure. îel, partie de l'éminence offeufe qui divife en deux la cavité du nez félon fa longueur, c, c ^ les deux conduits qui fe rendent aux narines, x, ouverture qui donne paflage à l'air pour entrer dans la trachée artère, -p bf , pi>p, les fentes des deux bourfes. p p ^id. partie qui, comme une paupière , recouvre l'ouverture de la bourfe. u, ver qui fort d'une des bourfes. La Figure 2 eft celle d'un ver tel que celui marqué u, figure I , un peu plus grand que nature, m, m, i'es cornes charnues pofées au-deflous dts crochets qu'on ne voit point ici, parce qu'ils font recourbés en deftbus.y^y^ les ftigmates antérieurs, a, l'anus. /^, portion du dernier anneau audeftbus de laquelle font les ftigmates poftérieurs, & qui les cache adluellement. Liij $6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE Dans la Figure 3 , on fait voir en grand la portion fupérieure d'un anneau pour montrer la pofition, & la direélion des épines dont il eft liérifTé. La Figure 4 montre la partie antérieure du ver groffie à la loupe, c, c, les deux crochets écailleux. /;;^ w^les cornes charnues. La Figure 5 repréfente le bout poftérieur du ver vu de face, a^ appendice charnu qui efl du côté du ventre, & au bout duquel eft l'anus, r, r, les deux ftigmates poftérieurs. n, partie du dernier anneau qui peut s'avancer comme dans la figure 2, ou davantage, qui peut s'étendre 6c s'ab- baiffer jufqu'à s'appliquer fur l'appendice a; alors elle couvre les ftigmates r, r. La Figure 6 eft celle de la coque que le ver de la figure I fe fait de fa propre peau, lorfqu'il veut fe trans- former. ^17-3 F1.7 8 Fur ^' i^zvv^- aroître transformées, font tout autrement colorées qu'elles l'étoient auparavant. Comme nous ne diftinguons fouvent les mis des autres des infecftes qui ne différent qu'en efpéce, que par la couleur de leur habillement, pour ainfi dire, certaines fauffes chenilles deviennent abfolument mèconnoiffables après leur dernière mue. Telle fauffe chenille qui auparavant avoit un habit , une peau dont les couleurs étoicnt agréablement mêlées, fe trouve enfuite couverte d'une peau d'une feule 6c unique couleur , &. différente des couleurs qui paroient la peau précédente. Dans leurs premiers âges, ces fauffes chenilles ont des habillements recherchés, & dans leur âge de jnaturité, elles en ont de fimples. Les feuilles du fureau DES INsSECTES. ///. Alem. 9 3 &cle l'hieble en nourriflent une*, dont le fond de la cou- * pi. lo.fij. leur eft verdâtre, mais qui a tout du long du dos une '-• large raye brune. Dans la mue cette faufTe chenille perd fa raye brune, ôl elle devient par-tout d'un jaune-pâle, tel que celui de quelques gommes. \Ji\c fauffc chenille * grande comme une chenille de * PI. 13. fig. grandeur médiocre, qui vitfur la icrophulaire, eft une de '""^ ^^' celles qui font remarquables par cette fingularité; julques à ce qu'elle ait pris à peu-près tout fon accroifFemcnt, le fond delà couleur de fa j)eau eft un gris-blanc qui tire fur le gris de perle; des taches (\\m brun preique noir, poiées affés près les unes des autres, & bien alignées, forment fur fon corps des rayes qui vont de la tête au derrière ; elle cft piquée de quantité de taches beaucoup plus petites que les précédentes, & de chacune defquelles part un poil noir. Toutes ces taches & ces poils noirs diflribués fur 1^ fond d'un joli gris , font un effet agréa- ble. Après fi dernière inuë cette fuiffe chenille * cil cou- * Fîg. 14 & verte d'unepeau d'une couleur verdâtre, qui a une fbible '5- teinte de couleur de chair. Cette faulfe chenille fe roule volontiers en fpirale dès qu'on la touche*; elle efî de la * Fig. 15. troifièmeclaiïe, elle à 22 jambes; fon quatrième anneau eftlefeul qui en foit dépourvu. Ses jambes membnmeufès font des mammelous dont le bout cft réfendu, & n'a point de crochets. , Le changement de couleur n'efl pas le feul qui foit remarquable après la mue, fur l'extérieur de ces chenilles, & fur celui de beaucoup d'autres. Leur dernière peau cft ridée, & de manière que leur corps paroît compofè d'un prodigieux nombre d'anneaux ou de libres annu- l^'rfs*. ^ * Fig. 15, La Lyfimachie m'a fourni un affès grand nombre de faufles chenilles à 22 jambes, qui, dans certaines pofitions,. M ii| 94 Mémoires pour l'Histoire paroiffcnt cl un gris-bleuâtre, & qui après avoir mué font d'un verd-iauntatre. • PI. 10. fi». Lîne faufle chenille * qui fe nourrit des feuilles de 4.&J. groCelier, 6c qui a 22 jambes dilbolëcs comme celles ^«"6)'°^^' "^ ' *^ip^ce précédente, avant la dernière mue a le rond de fa couleur d'un verd- céladon mêlé avec un peu de jauneâtre; les premiers & les derniers anneaux ont plus de ce jauneâtre que les autres; elle a un grand nombre de tubercules noirs qui la rendent comme chagrinée. Dans la dernière mue elle perd tous ces tubercules. La nouvelle peau dont elle eft couverte, efl lifle 6c d'un blanc qui a une teinte de jaune, 6c les deux premiers 6c les deux derniers anneaux font d'un jaune prelque citron. D'autres fauiïes chenilles deviennent encore plus mé- connoiflables par leur dernier changement de peau, que " PI. i2.fig. celles qui perdent des tubercules. Il y en a d'épineufes *, 7 & 8; 13 ,Si qui font ornées par la forêt d'épines qui les couvre; ** car ces épines font pofées fur le corps fort proche les unes des autres, &:avec fymmétrie. Ces dernières fauffes chenilles font petites, auffi faut-il confidérer leurs épines avec la loupe pour voir plus nettement leur figure, qui eft digne d'être obfervée. J'ai trouvé plufieurs fois fur le * Pig. 7. chêne une de Cts fiufles chenilles * à 22 jambes , dont ie corps eft légèrement lavé de verd. Les éj)ines qui stn. éjevent, font noires; chacune de ces épines le termine par •Fîg.o&io. ""^ fourche *, près de fon bout elle fe divife en deux branches, qui finiflent par une pointe déliée. Sur le prunier fauvage , j'ai trouvé une autre faufle *pi,, ,, chenille* que j'ai nourrie de feuilles de prunier franc, dont le corps d'un verd alTès foncé eft couvert d'épines blanches. Le bout fupérieur de la tige de chacune de *Fig. i4,& ecs épines, jette deux branches * égales entr'elles, 6c aufli ' J- longues ou plus longues chaci^e que la tige même ; ces DES Insectes. ///. Mem, 95 branches fe courbent un peu en embas. L'épine a une figure moyenne entre celle d'un Y très-écralë , & celle d'un T. Les deux branches deviennent pourtant de plus en plus pointues en s'éloignant de leur origine. Les faufies chenilles de l'une * &. de l'autre de ces *PI. 12.% efpéces , ne montrent plus aucun vertige de leurs " " ''^• épines finguliéres fur la peau qui les couvre après leur dernière mue , leur peau alors efl parfaitement raze & lifTe. Les faufles chenilles de plufieurs efpéces ne font éten- dues que lorfqu'elles marchent ou qu'elles mangent. Dans leur temps de repos elles font roulées * ; leur tête eft au * pi. 13.%. centre du tour ou du tour& demi de fpirale que forme ^ ^ M- leur corps, & ces tours font fur le même jîlan. D'autres fauffes chenilles, 6c entr'autres une verte du rofier *, fe +pf. ,2.fig, roulent d'une façon plus finguliére, elles font environ ^0 & ;n. deux tours de fpirale qui ne font pas fur un même plan; la tête efl à la circonférence du rouleau , & la queue eft au centre; mais elle efl la partie la plus haute, elle s'élève comme s'élève le bout d'un barillet de bougie prêt à être allumé. D'autres fauffes chenilles ont, pendant qu'elles man- gent, des attitudes variées, & tout-à-fait finguliéres*; elles * pj. , ,. fig, attaquent les feuilles par le bord, elles tiennent entre «&3><-^^p'' leurs fix jambes écailleufes l'épaiffeur de la feuille; ainfi " cramponnées , elles font paffer une petite portion de la feuille entre leurs dents , qui ne manquent pas de détacher efpéces de chenilles à corps applati , &. la même raifon nous met en droit de donner le nom de fauiïe chenille cloporte à une * que j'ai trouvée fur l'aune qui a des * PI. 1 2. fg. anneaux qui s'emboîtent les uns fous les autres; elle eft '7^ '^• très-aj)platie & verdâtre. Un autre genre de fauffes chenilles *«qui s'éloigne *Fig. 1,2, extrêmement de la figure la plus ordinaire aux fauffes 3 «^ +• chenilles, e(t un genre dont il n'eft pas aile de caraétêrifer les efpéces. On trouve de ces fauffes chenilles fur diverfes fortes d'arbres fruitiers, fur les pruniers, fur les cérifiers, mais fur-tout fur les poiriers. Les arbres fiuitiers ne font pourtant pas les l'euls fur lesquels on les puiffe voir, car ']cn. ai vu fur des chênes. Les unes & les autres lé tiennent fur ledeffusdes feuilles, & n'en mangent que leparenchime fupérieur. Elles ont une peau toujours gluante, qui les feroit prendre pour des limaces, fi on ne leurappercevoit point de jambes. Leur couleur efl un verd-brun , fém- blable à celui du nofloc ou à celui des têtards. Je leur donne auffi le nom de fauffes chenilles têtards, mais pour une autre raifon. Il efl rare qu'elles foient allongées * *Flg. 2. comme une chenille l'efl; elles peuvent renfler à volonté certaines parties de leur corps. Souvent elles en renflent Tome K ' N 98 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE * PI. 12. fig. extrêmement le tiers antérieur *, ou une plus granJe '•'^'^^'^^g- portion, <& rendent le relie effilé; alors la faufTe chenille a quelque refTemblance avec un têtard. La reflemblance eft augmentée, parce que, comme je l'ai déjà dit, la peau a le verdâtre de celle du têtard , & paroît de même hu- mide. Je n'ai trouvé que 20 jambes à celles de cesfaufTes ♦Fig. 2&4. chenilles qui fe tiennent fur les feuilles de poirier *; je n'ai pu en découvrir à leur dernier anneau. Quelquefois CCS infecftes fe multiplient extrêmement fur les poiriers, on en trouve quatre à cinq fur une même feuille ; auffi ai-je vu de ces arbres, qui , dans le mois de Juillet, n'avoient plus que des feuilles defféchées, parce que toutes leur avoient été rongées d'un côté. Quoique le plus grand nombre des efjîéces de fauffes chenilles ié tienne fur les feuilles des arbres, il y en a des * PI. 10. fig. elpéces qui vivent cachées. Il y en a une * qui creufe Jpj^ I &2 '^^ ^'S^'' *'"-' '■•^'^''' ^i^'' 'es perce en fîute*, & qui vit de * Tome 2. ce qu'elle détache. Nous avons déjà j)arlé * de quelques ^:^8.%^ L' autres, qui, écrafées fentent l'amende, 6c qui font tom- iz^ /;. ber au printemps les poires prefqu'auffitôt qu'elles font nouées , qui ne leur donnent pas le temps de groffir. Elles font logées dans l'intérieur du fruit, & (é nourriffent de fa fubflance. D'autres font préjudiciables à d'autres * Terne j. fruits. L'hiftoire des malles nous a donné occafion * de A/f 'iT fi''i' ^^'''^ connoître des faufles chenilles qui croiffent dans z,i ir%. ces galles, fi communes fur les feuilles du faule, 6c fur celles de l'ofier. Toutes les fauffes chenilles pour parvenir à être des mouches à quatre aîles , fe défont de la peau qui leur donnoii la forme de ver. Après l'avoir quittée, elles font ♦PI n- fig- des nymphes *. Nous ne nous arrêterons point à cxpli- 7, 17 & 1 8. ^^jçj. comment chaque nymphe oblige la peau du ver à fe fendre fur le dos, 6c comment elle fort par la déchirure DES Insectes. ///. Mem. 99 qu'elle y a faite. Tout ce qui fc paffe alors, a été ra])porté iorfque nous avons raconté * comment lacrilalide ic tire * Tome i. de la peau dje chenille pour ])aroître à découvert. Sur les nymphes de nosfaufTes chenilles, on recoinioît ailément les jambes & les ailes ; mais elles y font empaquetées , & d'ailleurs fi molles & fi tendres, qu'elles font incapables alors At?, foncflions auxquelles elles ibnt dcftinées. Elles ne réfifteroient pas aux frottements des corps durs 6c raboteux. Auiïi lorfqu'une fauffe chenille fe lent prête à changer d'état , elle fonge à fe faire une coque dont les parois intérieures ont un liffe & un poli incapable d'of- fenler les parties les ])Ius délicates, & une coque capable de réfifler par fa folidité aux corps étrangers qui pour- roient la preffer , & aux infeéles qui voudroient que la nymphe devînt leur pâture ou celle de leurs petits. Après tout ce que nous avons dit des différentes conf- trucftions des coques des chenilles de différentes efpéces*, * Tome i. il ne fembleroit pas que les fauffes chenilles puffent avoir quelque cholède nouveau à nous faire voir dans ce genre d'ouvrages ; plufieurs efpéces de ces dernières fçavent pourtant fe faire des coques de foye qui ont quelques particularités dans leur ftruélure. Elles n'ont rien de re- marquable dans leur hgure extérieure, qui le plus fouvent efl: oblongue comme celle d'un œuf, mais qui eft quel- quefois applatie *, & qui quelquefois a des irrégularités. * PI- 14%. Pour voir ce que chacune de ces coques a de remar- ^''^' quable, il ne faut pas s'arrêter à fon extérieur, il fiut l'ouvrir, &: cela avec quelque précaution, peu à peu, comme on le fait lorfqu'on veut mettre la nymphe à dé- couvert fans la bleiïer. Alors on reconnoît que la coque eft faite de deuxtifTus très-différents; l'un, l'extérieur *, * ^'- H-%- elt un rezeau a grandes mailles; oc I autre *, 1 intérieur, fig. s efl un tilfu très-ferré , plus ferré que celui d'aucune toile, ^çj't ^' N V] '^' ' ' 100 Mémoires pour l'Histoire Qu'on ne fe pr'efTe pas, au refte, de comparer ces deux lUrus avec ceux d'une coque de ver à foye, où celui de l'enveloppe extérieure eft lâche, mol, comme cotonneux, pendant que l'intérieur eft compare & ferme ; car les tiflus delà coque de la fauiïe chenille, font différents, à bien des égards , des précédents. L'enveloppe extérieure , quoiqu'à rezeau , n'eft rien moins que molle & cotonneufe. Ce »P!. 14.% tiffu criblé * eft ce que la coque a de plus folide, de ^- plus capable de réfifter à la prelfion. Les yeux feuls font en état de diftinguer le rezeau , mais quand on le *Fig. 9. confidére avec une loupe forte *, il paroît, quoiqu'en petit, femblable à celui d'une raquette. Les fils dont il eft compofé, font fi gros, qu'ils femblent être de petites cordes à boyau, mais qui ont des inégalités; ils ont un reffort pareil à celui qu'ont ces fortes de cordes lorfqu'elles font tendues, un reflbrt qui les ramené dansleurpremiére pofition , lorfque la preffion des doigts qui les en avoit tirés, cefte d'agir contre eux. Fig. G.b, Le tiftii intérieur * plus ferré & extrêmement ferré, eft au contraire mol & flexible. Il n'a point fenfiblement de reiïbrt. Auftl, & c'eft ce que les coques en queftion ont de plus fingulier, le tiftii intérieur n'a rien de com- mun avec l'extérieur ; ils fe touchent fimplement l'un l'autre, uns être aucunement unis l'un à l'autre, fans même être attachés enfemble ; de forte que la coque de la fauflfe chenille eft double, elle eft compofee de deux coques, dont l'une eft logée dans l'autre, comme le font \es boîtes de bois mince faites pour qu'une un peu plus petite entre commodément dans une un peu plus grande. Mais dans la coque de notre faufle chenille, la boîte ou l^'g- 8. l'enveloppe extérieure eft folide *, & faite pour deffendre. * Pi& 7' l'enveloppe intérieure qui eft mince *. Il eft aifé de fe convaincre , que la ftrudure de c€s> &i'ig-7. DES Insectes. ///. Aîem. i o i fortes de coques eft précilément telle que nous venons de la décrire. On n'a qu'à couper avec attention au moyen d'un canif, une petite portion d'un des I)outs de i'cnve- loppe extérieure *, qui le laiflTe couper comme une plume; * pi. i4.fig. la portion qu'on a détachée met à découvert la féconde ^•^' enveloppe. Qu'on continue de couper des morceaux du même bout jufqu'à ce que celui de l'enveloppe inté- rieure foit entièrement à nud , &. jufqu'à ce qu'il le Ibit par-delà l'endroit te plus renlîé ; qu'on tire alors le bout de la coque intérieure, foit avec une épingle, foit avec deux doigts d'une même main , pendant qu'avec les doigtsde l'autre main on retient la coque extérieure; fans employer une force fenfible, fans avoir beloin de rien rompre ni de rien décoller, on fera foriir de l'enveloppe extérieure la coque intérieure *, celle qui renferme im- *T\g.j.. inédiatement la nymphe; & on reconnoîtra à n'en pou- voir douter, que ces deux coques ne faifoient que fc toucher, qu'elles n'étoient nullement adhérentes l'une à l'autre. C'eft alors qu'on pourra voir plus nettement le rezeaude la coque extérieure*, qui fe trouvant vuide, * Fig. 8, n'a plus de corps opaque pofé vis-à-vis ^es mailles. C'eft alors aufli qu'on pourra mieux connoître quel eft fon Feflbrt , car après l'avoir prefqu'applatie , ajîrès avoir amené deux côtés intérieurs & oppofés , à fe toucher, on les verra reprendre leur première courbure dès qu'on les laiffera libres. La fauffe chenille n'a qu'une certaine provifion de ma* tiéreàfoye, l'œconomie avec laquelle elle l'employé, eft digne d'être remarquée. Elle a beloin que la coque ou l'enveloppe extérieure foit capable d'une certaine réfif- tance. Or il eft évident que fi la même quantité de foye qui eft mife en œuvre pour faire avec de très-gros fils , avec des ei|jéces de petites cordes , un rezeau très-clair , étoit Niij, 102 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE employée à compofer un tiiïli ferré, qui n'eût pas de mailles fcnfibles, il faudroit que les fils de ce dernier fuffent beaucoup plus fins pour fufiire à remplir tous les vuides des mailles. Alors. les fils plus flexibles n'auroient pas la roideur qu'ont ceux qui compofent la coque à rezeau, l'enveloppe extérieure feroit trop molle. Mais cette coque extérieure étant compofée de mailles faites par des efpéces de petites cordes, efl néceffai rement raboteufe; elle efl bien éloignée d'avoir le poli que doit avoir l'enveloppe immédiate des tendres parties de la nymphe : aulfi quand la fauffe chenille a filé i'enve- ioppe qui la mettra en fureté , lorfqu'elle fera une nym- phe, fous cette première enveloppe, elle en file une autre fur laquelle les parties de la nymphe pourront être pofées comme fur un lit très-mol. L'intérieur de cette féconde coque eft plus doux & plus liiïe que le plq^ beau fatin. II leur eft très-néccffaire de fe conftruire une coque extérieure capable de réfifter aux dents de leurs enne- mis; car M. Vallifnieri a obfervé des fourmis qui cher- choient ces fortes de coques , qui les rougeoient & qui parvenoient quelquefois jufqu'a la miferable nymphe qui y étoit renfermée, dont elles faifoient de bons repas. Nous devons faire connoître par préférence une fauffe *PI. 14. fi«^. chenille du rofier *, qui eft de celles qui fe conftruifent I, 2 &3. une double coque, parce que nous aurons beaucoup à dire dans la fuite, de la mouche en laquelle elle fe trans- forme. Cette fauffe chenille eft de celles qui fè font remarquer par leurs attitudes bizarres; elle tient ordinai- *Fig. I. rement la partie poftérieure de fon corps , élevée *,& fou- vent contournée en S; quelquefois elle la tient contour- * Fig. z. née en embas *. Elle eft de la première claffe , de la claffe DES Insectes. ///. Âfem. 1 05 fdc celles à 1 8 jambes ; on feroit fouvent tenté de ne lui en croire que i6, parce qu'elle montre rarement les deux poftérieures. Le quatrième anneau, le dixième & le onzième en font dépourvus. Ses jambes écailleulés font terminées + pi. ,^. fig. par deux crochets *, au lieu que dans les chenilles , les 4:- <^> '• mêmes jambes n'ont qu'un feul crochet. Le fond de la couleur du delfus du corps, efl un jaunâtre qui tire fur le feuille- morte. Elle eft toute couverte de petits tuber- cules noirs, de la plupart defqiiels il part im poil. Les côtes & le deffous du ventre, font d'un verd- moyen entre le céladon 6c la couleur d'eau. Tout ce qui eft verdâtre eft tranfparent, &. permet de voir dans l'inté- rieur les.- trachées & leurs ramifications. En dcflx)us, tout du long du ventre, on apperçoit un vaifteau femblable à celui qui règne le long du dos , & que nous avons regardé comme le cœur des chenilles, & de bien d'autres infe(ftes , ou au moins comme leur principale artère. Le vaiffcau qui paroît lous le ventre de notre faufte chenille, a un mouvement, mais qui iémble plus lent & plusfoibie que celui de l'autre. Eft-ce que ce vaifltau feroit le prin- cipal tronc de veines.' Quand cette faufte chenille a pris tout fon accroifte- ment, elle entre en terre pour s'y conftruire une double coque, telle que celles que nous avons décrites ci-deftlis. Les coques faites en terre ont befoin d'être nettoyées des grains de terre qui fè font engagés dans le rezeau qui forme l'envelojîpe extérieure, lorfqu'on veut voir bien diftincflement ce rezeau; mais fi ces infedles font tenus dans des jioudriers où on leur refufede la terre, ils ne s'en bâtiflent pas moins le logement qui leur eft néceftaire pour leur transformation. J'en ai eu qui fe le font fait ♦Fig. j.r. fur des feuilles de rofier*. Les coques de ceux-ci étoient nettes & propres. La coque extérieure eft d'un rougeâtre I04- MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE qui tire fur le cannelle, &. la coque intérieure efl d'une couleur plus blanclieâtre. *PI. 13.%. La fau/Te chenille du chèvre- feuille *, & beaucoup '• d'autres faufles chenilles entrent de même en terre , & s'y conllruifent des coques conformes au modèle que nous avons décrit. Mais d'autres faufTes chenilles entrent en terre pour s'y faire des coques plus femblables à celles que s'y font des chenilles de plufieurs efpéces. Elles lient enlemble des grains de terre, elles en forment une maffe creufe, dont l'extérieur efl prefque fphénque,& dont elles tapif- *Fig. 16. fent l'intérieur d'une toile de foye *. Toutes les coques de pure foye où les faulTes chenilles le renferment , ne font pas auffi indufîrieulement conflruites que les coques des fauffes chenilles du roficr , du chèvre- feuille , Sic. ioxis des écorces d'arbres , au bout d'une trace de Ibiûre enijîilée, & cela au milieu de l'hyvcr, & quel- quefois dans <-\es creux d'arbres qui commençoient à fe pourrir , j'ai trouvé des coques fûtes d'une toile de foye blanche, très-ferrée, mais mince, & par conféquent flexible, dans laquelle habitoit une fauffe chenille qui s'y devoit métamorphofer. Les coques défendues par l'écorce ou par le bois, n'ont pas befoin d'avoir une enveloppe aufîi forte que l'enveloppe de celles qui fe trouvent en terre, & à peu de diftance de la furface; elles ne font pas autant en rifque d'être comprimées. Chaque forte d'induftrie n'a été accordée qu'aux infecfles auxquels elle étoit né- cefïaire. Quelques-unes de nos fauffes chenilles fe font des coques encore plus foibles que ies précédentes. Une affés petite à 22 jambes, qui a une raye brune tout du long du dos, que j'avois trouvée fur l'orme, & que j'a- vois renfermée dans un poudrier avec une feuille de cet arbre. DES Insectes. III. Mem. 105 arbre, fe conflruifit fur celte feuille une coque *, dont * PI. lofig. l'extérieur avoit le blanc, le luifant & le raboteux d'une 'î* écume épaiffequi fe feroit dcfféchée; comme de l'écume de favon , ou comme de l'écume de bave de limaçon , il étoit plein de bulles ; mais l'intérieur étoit uni & com- pare, Ôc vifiblement compofé de fils blancs &. luifants. J'ai allés fait entendre que les fauffes chenilles filent comme les chenilles. La filière de celles-là eft placée comme la filière de celles-ci; mais j'ai cru voir deux filières, deux mammelons pofés l'un auprès de l'autre, qui fourniflbient des fils à une faufle- chenille du grofelier *. * Fig. 5. N'ayant point trouvé de terre, elle travailloit à réunir enfemble des grains d'excréments fecs; je la troublai dans fon opération , je brifai la coque qu'elle avoit commencée ; elle le remit à en faire une nouvelle fous mes yeux, dès qu'elle eût été tirée hors de la preniiére. La làifon dans laquelle une fauffe chenille s'eft fait une coque , décide du temps qu'elle y reftera. J'en ai vu telle en été qui eft fortie de la fienne fous la forme àc^ mouche , au bout de trois femaines & même plutôt ; &- j'en ai eu d'autres, qui ne s'étant renfermées que vers la fin d'Août, & ayant été tenues dans mon cabinet, fe font montrées encore avec leur première forme dans le mois d'Avril , lorfque j'ai eu ouvert leurs coques. J'ai déjà di^ que j'avois trouvé pendant l'hyver, des fiuffes chenilles dans des coques qu'elles s'étoient faites fous l'écorce de certains arbres, ou plus avant dans l'intérieur de quelques autres arbres. Toutes doivent devenir des nymphes pour parvenir à être des mouches , & il fuit des obfervations précédentes, qu'elles ne font jamais dans l'état de nymphe pendant un temps fort long, que celles qui doivent paffer i'automne & l'hyver dans des coques , l'y paffent fous leur forme de vers & fans prendre aucune nourriture. Cette Tome V. . O I06 MEMOIRES POUR L'HisTOIRE longue abftiiience de tout aliment ne nous paroîtra pas nouvelle, les chenilles nous en ont donné affés d'exem- ples. Quand les faufTes chenilles le changent en nymphes, la faifon efl favorable pour les amener bientôt à 1 état de mouches. Enfin , la faufTe chenille devient une nymphe , qui , fans fortir de la coque, fe transforme enfuite en mouche. Cette mouche efl de celles qui n'ont point de trompe, ^Pi. n-fig. mais qui à chaque côté de la tête ont une forte dent *. II. d, d, (^çg àewa dents fe rencontrent l'une l'autre vers le milieu de la bouche. Le premier ufige que la mouche en fait, efl; de les faire agir contre fa coque, de les employer pour fe procurer une ouverture qui lui permette de fortir d'un logement qui n'efl plus pour elle qu'une prifon. Les dents viennent bientôt à bout de hacher des fils de foye, même ceux qui, dans certaines coques, tiennent des grains de terre réunis. Les mouches Aqs différentes efpéces de fauffes che- nilles fe reffemblent toutes; elles ont, pour ainfi dire, un air de famille , & elles l'ont à tel point qu'un obfervateur qui a afles examiné une mouche d'une fauffe chenille quelconque, pour avoir retenu l'image qu'il s'en ell faite, efl en état lorfqu'il voit pour la première fois une mou- che qui fort d'une autre efpéce de fauffe chenille, de la reconnoître pour une mouche de fauffe chenille, quoi- qu'elle diffère de la première qu'il a vue par là couleur & par d'autres circonflances. Je ne veux pas parler des reffemblances effentielles qui font entr'elles, comme de celles de la ftru(5lure de la bouche, qu'on ne peut voir que quand on tient la mouche entre lés doigts; je veux parler de celles qui fe font fèntir au premier coup d'œil, & qui cependant ne font pas aifées à décrire, parce qu'elles réfuitent d'un erifembie de petites particularités. DES Insectes. ///. Aïem. 1 07 Toutes ont un air aiïes lourd, elles font peu farouches, elles fe laifTent approcher , & même elles fe laiffent prendre, elles femblent fottes. Nous verrons bientôt que nous devons être contents de leur efpéce d'imbécillité. Leurs aîles font croifées fur le corps qu'elles débordent un peu de toutes parts , & au-deffus duquel elles ont un peu de convexité. Ces aîles ne font pas auffi lilTes, & auiïî bien tendues que celles de beaucoup d'autres mou- ches; elles ont de petites convexités, de petits enfonce- ments, un air d'être mal détirées. Du refîe, les variétés qu'offrent les mouches qui viennent de fauffes chenilles de différentes efpéces, font fouvent bien moins confi- dérables , Si moins frappantes que celles qui font entre les fauffes chenilles; & fi nous nous engagions à les dé- tailler, on pourroit nous reprocher avec quelque raifon de nous arrêter trop à des minuties. Il nous fufîira de dire que quelques-unes différent fenfiblement des autres en couleur; les unes ont le corps jaune, d'autres l'ont verdâtre, pendant que d'autres l'ont noir. Celui de quel- ques-unes , entr'autres celui de la mouche de la fauffe chenille du chèvre -feuille '•', efl d'une couleur appro- ♦?!. 13.% chante de celle des abeilles. Les unes ont des aîles tranfpa- ^* rentes, qui à peine laiffent appercevoir une légère teinte de jauneâtre; la teinte noire ou la teinte bleuâtre des aîles de quelques autres efl très-forte. Enfin, les nuances, foit des couleurs du corj)s, foit de celles des aîles, va- rient dans celles de ces mouches qui font de différentes efpéces. Mais il y en a dans lefquelles elles ne font pas notablement différentes , quoique ces mouches vien- nent de fauffes chenilles qui différent beaucoup entre elles. Les unes ont le corps plus court, d'autres l'ont plus allongé. On peut encore remarquer des différences dans la flrudture de leurs antennes ; celles des unes font à Oij io8 Mémoires pour l'Histoire * PI. ij.fig. filets graines *, celles des autres font en maflue *. Les ^9- antennes du mâle différent quelquefois de celles de la * F'g- 9- femelle. La mouche mâle de la faulfe chenille du rofier, *P1. I j.fig. a les fiennes bordées de poils *, pendant que celles de la 4" mouche femelle * font liiîes. Mais ceflbns de nous arrêter '^■^* à de fi petites variétés, il vaut mieux faire confidéier une partie qu'on trouve à toutes les femelles, qui ne fçauroit manquer de paroître admirable, même à ceux qui fçavent le moins admirer , dès que fa ftrudure leur fera connue. Les mouches femelles de nos fauflès chenilles font ovipares ; les œufs que pondent plufieurs efpéces de ces mouches, & les feuls œufs que nous confidérerons adlucl- kment, demandoient à être logés dans des entailles faites dans le bois , ou dans d'autres parties d'arbufles vivants. La mouche a été pourvue d'un inftrumcnt qui la met en état de faire ces entailles. Cet inflrument eft une véri- table fcie, qui ne diffère de celles dont nous nous fervons pour couper le bois, qu'en ce qu'elle eft de corne, au lieu que les nôtres font d'acier, & qu'en ce qu'elle efl faite avec beaucoup plusd'art que les nôtres. Nos fcies ordinaires font des lames coupées quarrément,fur un des longs côtés defquelles les baies des dents font arrangées en ligne droite; mais on oblige la pointe de chaque dent à s'écar- ter un peu de cette ligne, & à s'en écarter alternativement dans un fens oppofé ; je veux dire, que fi une dent s in- cline vers la droite, celle qui la fuit s'incline vers la gauche, celle qui vient après la précédente, s'incline vers ia droite, & ainfi de fuite. Delà il arrive que les pointes de la moitié des dents de la fcie fe trouvent fur une ligne. Si. les pointes des autres dents fur une autre ligne peii diftante de la précédente. L'intervalle qui eft entre ces deux lignes , e&, ce qu'on appelle la yoye de la fcie. Les DES Insectes. ///. Mem. 109 parties du corps que l'on fcie, qui le rencontrent dans cet intervalle, dans la voye de l'inflrument , font celles qui doivent être réduites en grains, en fciûre. On tient cette voye d'autant plus étroite que la Ibie efl plus mince, & qu'on veut moins perdre des parties du corps qu'on prétend divifer. Quand les Ebeniftes ont à refendre en feuilles minces, des bois précieux , ils y employent des fcies qui ont très-peu de voye , au lieu que les Scieurs de long qui fendent de gros arbres , qui en tirent des planches , ont d'épaiffes fcies , & dont la voye efl: confidérable. Les fcies de nos mouches étant extrêmement fines, n'ont pas befoin d'avoir des dents beaucoup dévoyées ; mais la manière tlont ces fcies doivent agir, demandoit que les bafes des •dents ne fuffent pas placées, comme celles des nôtres, fur une ligne droite. Le côté, ou au moins une grande partie du côté fur lequel elles font rangées, efl un peu concave, à peu-près comme l'efl le tranchant d'une faux *; la fcie * PI. r j. fîg. fe termine par une pointe, & nous verrons qu'elle devoit ^-Z^^* fè terminer de la forte. Elle n'efl pourtant pas concave dans toute fa longueur; les dents * les plus proches de *à. i'origine de la fcie, font pofées fur une ligne convexe: de forte que le côté d'où partent les dents de la fcie, eft contourné comme le font les lignes qui ont un de ct& points que les Géomètres appellent jx)int d'inflexion , un de ces points qui fépare une portion concave d'une por- tion convexe. Lorfque nous voulons qu'un feul homme puifTe faire agir une fcie, & qu'il le puiflTe d'une feule main, nous mettons un manche à un des bouts de la fcie , femblable à peu-près à ceux des couteaux. La fcie de nos mouches eft mife en mouvement , comme le font nos fcies à man- che. Des tendons* prefque écailleux, attachés àfon ori- =»Fig.io./>.x, gine, lui tiennent lieu d'un manche; des mufcles agiflent O iij iro MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE pour la pouffer en avant, & la retirer en arriére comme agit la main de l'ouvrier qui fait travailler la fcie à manche; Mais la main ne fait agir à la fois qu'une de ces fortes de fcie, & nous n'avons garde d'oublier de dire, que quoique nous n'ayons parlé encore que d'une fcie de notre mouche, * PI. I s- fig. elle en a deux égales * &.lemblables, qu'elle met en mou- lo.idt; a yQYY^QYii en même temps. Lefecret de faire agir plufieursfcies à la fois ne nous efl: pas inconnu. Nos ouvriers, les E'beniftes entr'autres, ont quelquefois deux ou trois feuilles de fcie montées fur un même chaffis ; l'E'benifte tenant ce chaffis à deux mains , fait agir à la fois toutes les fcies qui y font montées. Mais nos mouches font en ce genre quelque chofe que nous ne fçavons pas faire ; les fcies du même chaffis vont toutes dans le même fens , toutes font por- tées à la fois en avant ou en haut, <5c toutes font à la fois ramenées en arriére ou en embas , au liçu que dans le même temps où la mouche pouffe en avant une de fes fcies , elle relire l'autre en arriére. Il efl encore à remarquer que l'ouvrier qui employé plufieurs fcies à la fois, les employé pour faire un nombre d'entailles égal à celui des fcies , au lieu que les deux fcies de la mouche travaillent en même temps à aggrandir la même entaille, elles font l'office d'une fcie dont la voye feroit très- grande. Ces deux fcies étant très -minces, 6c deflinées à dé- chirer des fibres ligneufes, ontbefoin d'être maintenues pendant qu'elles font dans l'acftion , afin qu'il ne leur arrive pas de fe courber ou de s'écarter l'une de l'autre. La nature a prévu à tout ; le dos de chaque fcie qfl logé • Fig. 9. & tout du long dans une couliffe * formée par deux pièces 10. c r. écailleufes, comme l'efl fouvent la couliffe des lames des *Fig. iz.cr, couteaux à reffort. Ces deux pièces * deviennent déplus «r. DES Insectes. ///. Mew. 1 1 1 en plus étroites à mefure qu'elles s éloignent de leur bafe, comme la figure des fcics le clemandoit. Elles font épaiiïes, 6c convexes en dehors ; elles ont de plus des cannelures dirigées comme celles des colomnes tories ; elles font afTemblées par une ou plutôt par plufieurs membranes * * P^- 'î- H' trèsfolides , capables pourtant de fe plifTer, & par con-' féquent, de permettre aux lames écailleufes * de ronner * ^''' '^• une coulifTe un peu plus ou un peu moins large. M. Vallifnieri n'a pas penfé que l'unique uiàge de ces mem- branes fût de maintenir les lames écailleuics, il a obfervé qu'elles formoient deux canaux, dont il a cru l'un deftiné à conduire les œufs hors du corps de la mouche. Les dents des fcies de nos mouches font elles-mêmes dentellécs *. Chaque grande dent eft une fuite de dents * Fig. 1 1, très - petites. Nous ne devons pas être furpris que ^^^•^'^'f'^''\. inlîrumentsqui ont été accordés à des infcéies foient fupé- d, d, d. rieurs aux nôtres, & plus travaillés, quand nous nous rap- pelions de qui ils les tiennent. Outre les particularités que nous avons remarquées ci- deffus aux fcies de cette mouche, ôc qui manquent aux nôtres , elles en ont encore une qui ne doit pas être ou- bliée. Chaque fcie n'eft pas feulement une icie , elle eft en même temps une râpe , ou une lime d'une flru(5lurc finguliére. Les râpes ont des ufages plus importants que ceux de réduire en poudre du tabac ou du fucre ; elles fervent à applanir les furfaces trop raboteufes des corps les plus durs, des pierres, des métaux. Les Icies n'ont des dents qu'à leur tranchant, poiir ainfi dire, au lieu que les râpes ont de longues & larges furfaces tout hériffécs de dents. Nous n'avons point encore réuni dans le même iriftrument la fcie & la lime, ou la rape,roche jufqu'à s'appliquer contre cette même écorce. Pour voir tout ceci, on n'a befoin de donner aucun fecours à fes yeux ; mais û on leur donne celui d'une loupe forte, & fi on cherche à fe placer dans une pofition favorable pour bien obferver tout ce qui fe paffe, on parviendra aifément à voir que ce n'eft pas la fimple prel^ fion de la mouclie qui fait pénétrer i'inftrument dans le DES Insectes. ///. Aïcm, 1 17 bois. On verra, & on verra avec plaifir le jeu alternatif des deux fcics. On verra qu'il y en a une qui eft pouiïee dedans le bois , pendant que l'autre ell retirée vers l'écorce ; & on verra même que ce mouvement eft produit par celui des tendons ou cartilages, auxquels chaque l'cie eft aflii jettie. La mouche n'introduit pas Ton inftrument dans la tige du rofier précilément pour l'y introduire, & fimplemeni pourfendre cette tige; elle l'y introduit pour y faire une cavité propre à loger un œuf aftes gros , qu'elle veut y laift^er. Si on fait attention à la manière dont cet inftrument doit agir pour pénétrer dans la tige , on verra pourquoi il convenoit qu'il eut bien des particularités que n'ont pas les inftruments que nous employons à Aqs ufages qui nous femblent avoir du rapport avec celui que la mouche fait du fien. Nos fcies pour fcier un morceau de bois, foit de long, foit de travers, n'ont pas befoin d'être pointues , elles peuvent mordre d'abord contre la furface fur laquelle elles font appliquées; elles ne pour- roient fervir qu'à faire dans le bois une coulifle égale par-tout. Mais ce n'étoit pas la figure qu'il convenoit que la mouche donnât à l'entaille qu'elle doit faire. Cette entaille ne devoit pas être par -tout également large & également profonde; l'œuf qui fera laiftTé dedans, doit non - feulement y être reçu, il y doit être à couvert. La mouche pour faire fon entaille, dirige fon inftrument à peu-près comme un Chirurgien dirige fa lancette pour ouvrir un vaifleau, elle l'enfonce d'abord prefque per- pendiculairement , &. l'en retire dans une direction obli- que. Les deux fcies de la mouche avoient donc befoin d'être pointues par le bout, ce qui n'eft pas néceftTaire aux nôtres. 11 falloit que leurs bouts pufTent s'introduire dans l'écorce & dans les fibres ligneufes, comme s'y in- troduifent des inftruments tranchants. Les dents des fcies Piij Il8 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE font en état de couper les fibres qu'elles rencontrent ; mais ces deux fcies fi prodigieulèment minces, & qui ont cha- cune une voye extrêmement étroite, n'auroient pu ouvrir une cavité luffilànte. La face extérieure de chaque fcie a été faite en râpe pour fuppléer à ce qui manque à la voye & à lepaifîeur des deux icies : lorfqu'une des fcies efl retirée vers l'écorce, les dents déchirent les fibres qu'elles rencontrent. Nous avons dit que quand la mouche veut commencer à faire fortir fa fcie de l'étui où elle efl: ordinairement logée, & que quand elle l'applique contre l'écorce , elle tient fon corps, fon derrière recourbé vers la branche; nous devons ajouter que dès que les fcies ont pénétré à une certaine profondeur, que lorfqu'il s'agit moins de rendre l'entaille plus profonde que de la rendre plus longue, la mouche redrefle fon corps , en le redreffant elle l'appuyé fur la fcie dans l'inclinaifon propre à la fiire avancer vers le derrière. Après avoir admiré le jeu des fcies d'une mouche qu'on aobfervée avec une loupe; après avoir vu leurs pro- grès , & les avoir vu pénétrer auffi avant qu'elles le peuvent, tout mouvement femble s'arrêter dans les tendons des fcies , tout paroît en rejjos. Ce moment efl celui où l'en- taille a été rendue telle qu'elle devoit être, celui oii la mdljche fait fortir de fon corps l'œuf pour le mettre dans la place qu'elle lui a préparée. Après un inftant de repos, la mouche retire tout d'un coup de l'entaille la plus grande partie de l'inftrument , elle n'y en laiffe que le bout , moins du tiers de fa longueur; dans cet inftant même, il y a en- core à obferver. J'ai vu alors une liqueur moufleufë, une liqueur pleine de bulles, telles que celles du favon, s'éle- ver jufqu'au bord extérieur de l'entaille. J'ai vu même quelquefois des bulles poulTées au-delà du bord. Si on entaille un rofier de quelque manière que ce foit, onfe DES Insectes. 111. Mem, 1 19 convaincra aifément qu'en aucun temps, il ne fçaurolt fournir fur le champ une fi grande quantité de fevemouf- feufe, & les mois d'Août <& de Septembre font de ceux où ii en donneroit le moins. Il jiaroîtra donc certain que cette liqueur a été fournie par la mouche, qu'elle en arrofe fon œuf. Cette liqueur eft au moins gluante, & M. Vallifnieri, a qui elle n'a pas échappé , croît que la mouche l'employé pour efpalmer la playe faite au rofier, pour l'empêcher de le fermer. Il y a grande apparence qu'elle fert à con- ferver l'œuf, & à emjîêcher les fibres hachées fur lefquelles il eft pofé , de fe corrompre trop vite. Peu de temps après que la liqueur moufleufe a paru , la mouche achevé de tirer fa double fcie de l'entaille , elle la remet dansfon lieu ordinaire, mais ce n'eft paspour l'y laiffer long-temps. Bientôt la mouche fait un pas en avant, c'eft- à-dire, en defcendant ; elle laiffe en arriére & en enhaut l'entaille qu'elle a faite pour en creufer une nouvelle tout près de la précédente. Elle recommence alors la manœu- vre que nous venons de décrire ; elle fait fortir fa double fcie; elle la pique aplomb, & elle en fait jouer chaque feuille. Enfin, elle pond un œuf dans cette dernière en- taille. Elle continue ainfi de faire de nouvelles entailles; de les mettre à la file les unes à^s autres *, <& d'y en * H. 14. fîg» mettre plus ou moins, a])paremment félon qu'une plus '3«H-<'i'* ou moins longue partie de la branche lui paroît propre à recevoir fes œufs. Quelquefois il n'y a que trois à quatre entailles à la file les unes des autres , & j'en ai quelque- fois compté jufqu'à 24.. La mouche fans avoir fini fà ponte, quitte fouvent la branche fur laquelle elle l'avoit commencée; elle pafïè fur une à^s, plus proches, elle s'y promène; elle en parcourt quelquefois j)lufieurs avant que de trouver un endroit à fon grépoury recommencer fon opèratioiL. I20 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE Je ne crois pas que ces mouches faflent toute leur ponte dans un feul jour ; malgré les excellents inflrumcnts dont elles font munies, entailler le bois comme elles l'en- taillent, doit être pour elles un ouvrage alTés rude. Tout ce que put faire devant moi une mouche qui ne fembloit pas avoir envie de perdre du tem])s , fut d'achever fix entailles depuis dix heures jufqu'à dix heures & demie. Auparavant elle en avoit fait trois fur une autre bran- che, où elle n'avoit pas jugé à propos d'en faire un plus grand nombre. J'en ai pourtant vu travailler quelques- unes qui m'ont paru être des fcieufes plus habiles, qui alloient plus vite. L'ouverture de chaque entaille nouvellement faite, cft une petite fente un peu courbe, femblable à celle d'une * PI. 14. fig. fâignée *; elle a un peu moins d'une ligne de long. J'en ^* ^' ^' ai mefuré une file de quinze qui n'avoit guéres qu'un pouce ; un quinzième de cette longueur n'appartenoit pas en entier à chaque entaille, car la mouche laifTe toujours un efpace entre deux entailles, Si nous en verrons bientôt la railbn. Si on enlevé l'écorce qui cù. aux environs d'une de ces fentes, 6c un peu de la partie ligneufe, on met i'in- *Fi^.iB.o,e. térieur de la cavité à découvert. L'œuf qui la remplit * efl: afles gros proportionnellement à la grandeur de la mouche; il efl oblong, plus menu à un de fes bouts qu'à l'autre, & d'un jaune approchant de celui du corps de la mouche. L'endroit de la branche auquel elle a confié fes œufs ne paroît le premier jour différent des autres, qu'en ce *Fig. 13 & qu'il a une file de différentes fentes * femblabics à celles It' /sfê f. ^"^'^ ^^ lancette ouvre dans notre peau , & dont les lèvres comme celles des fiignées fe font rapprochées. Mais bientôt, dès le lendemain, cet endroit de la branche efl différent DES Insectes. ///. Mem. 1 2 1 différent du refte par fa couleur ; il eft brun , & devient même noir pendant que les environs des entailles , pen- dant que le côté oppolé fur- tout conferve fa couleur * verte. Il fe fait même peu à jieu fur chaque entaille un changement ])lus confidérable, & que le changement de couleur n'annonceroit pas; car celui de couleur fembie avertir que lecorce, & peut-être que les fibres iigneufesqui font delfous, font péries, &. commencent à fe deiïecher ; cependant on voit que chaque endroit entaillé fe relevé*, * Pi- 14. fij & prend de jour en jour plus de convexité. En un mot, ' '^' '' au bout de quelques jours la file des entailles devient comme une file de grains de chapelet faits en olive*, qui * pig. 17. ayant toute leur longueur, auroient perdu une partie de leur circonférence. Qu'on n'attribue pas ces élévations à une végétation des parties entaillées, ces parties ont été mifes hors d'état de prendre de l'accroiffement. On reconnoîtra qu'elles font dues à une autre caufe, & très-finguliére, fi on ouvre un des endroits qui ont du relief*, fi on en tire l'œuf*, &: fi * Fig. 18. on peut comparer cet œuf, comme je l'ai fait quelquefois , "'''' à un œuf tiré d'une entaille applatie, d'une entaille où la mouche ne l'a dépofé que depuis quelques heures : l'œuf forti de l'entaille qui a du relief, paroîtra confidé- rablement plus gros que l'autre. On jugera donc que l'œuf a augmenté de volume depuis qu'il a été pondu, ce qui nous doit paroître une grande fingularité. Aia vérité, ces œufs n'ont point , comme ceux de nos poules, une enve- .loppe roide&: caffante, ils ne font recouverts que d'une fimple membrane; mais les œufs de la plupart des autres infedes, n'ont auffi que des enveloppes membraneufes, & cependant les œufs du commun des infeéles ne croif- fent pas. L'œuf de notre mouche à fcie croît donc jour- nellement , &. à mefure qu'il croît , il oblige les parois de Tome V. . Q 122 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE la ceflule, dans iaqiieile il ed renfermé, de s'élever; il oblige celte cellule à devenir plus grande en tout fens. • La mouche place ibs œufs comme fi elle fçavoit ce qui doit arriver; quoiqu'elle aime à les placer proche les uns des autres , elle laifle un intervalle entre deux endroits entaillés, afin qu'ils puiflent fe gonfler fans empiéter l'un fur l'autre. L'œuf en croiffant Se en obligeant la peau de l'arbufle à s'élever, à devenir convexe, oblige la fente qui a ecé faite à la peau , à s'aggrandir. Cette ouverture devient de jour en jour plus confidérable, & elle eit telle lorfque la fauffe cheniliefort de l'œuf, qu'elle lui donne le libre paiïiige qui lui efl: nécciïiiire pour aller chercher de quoi vivre fur les feuilles du rolicr. Une mouche à fcie d'une efpcce différente de l'efpéce de celle que nous avons fuivie jufqu'ici, qui a pourtant le corps teint du même jaune qui colore celui de la der- nière, mais dont la tête, le corcelet , les jambes 6c les aîlcs font d'un violet très-vif, cette mouche, dis-je, confie auffi {es œufs à des branches de rofier qu'elle a entaillées; mais elle les y arrange tout autrement, &. avec une lymmétric qui a quelque choie de plus agréable; elle les ydifpofe par *PI. lî-fig. paires*, & elle en place dix à douze, 6c jufqu'à quatorze fo ~n ^ l^'^'''cs.à la file les unes des autres, tantôt plus tantôt moins. Les deux œufs de chaque paire font enfcmble un _,angle dont la concavité eft tournée vers le bout de la branche; l'angle des deux de la première paire eil aigu , 6c l'angle qui eft entre les paires fuivantes, l'efl: de moins en moins,, fouvent il efl obtus 6c quelquefois très-obtus. Une efpéce de fillon tiré en ligne droite fépare tous les œufs qui font à droite, de ceux qui font à gauche. Chaque œuf efl en- core féparé de celui qui le précède, 6c de celui qui le ♦ Fig. 3, fuit * par des fibres ligneufes; en un mot, chaque œuf DES Insectes. ///, Mcm. 1 1 3 cft logé dans une clpécc dccdiulc; mais qui ne le ren- ferme pas entièrement. Les œufs de notre première mou- che Ibnt bien* caches dans les entailles où ils ont été laiiTés, au lieu que ceux de la dernière mouche font à découvert en grande partie dans l'inftant même où ils viennent d'être pondus. L'entaille faite pour recevoir deux œufs pofés à côté l'un de l'autre, eft trop large pour que les lèvres de la playe de l'écorce puiffent fe toucher lorfque la mouche ceffe d'agir conîr'elles. Quoique j'aye trouvé fur des rofiers des nichées d'œufs, telles que je viens de les décrire, je ne fuis point parvenu à voir en œuvre la mouche qui les y place a\'ec tant d'art ; mais il eft aifé d'imaginer en quoi peut différer fbn travail, du travail de l'autre mouche; pour l'effentiel, pour le jeu de la fcie, il efl: le même, & n'en diffère que par ta manière dont les entailles font diftribuées. Mais pour ôtcr tout regret à ceux qui voudroient fçavoir plus en détail les procédés de cette mouche induftrieufe , je' n'ai qu'à les renvoyer à M. Vallifnieri , qui a décrit tcMis ces procédés, comme il les fçavoit voir 6c décrire. Cette mouche à fcie eft même celle qu'fl a le plus fuivie dans l'opération , c'eft celle dont il a fait graver la fcie; & dont enfin il nous a donné une hifloire très-com- plette. Les figures & les defcriptions de M. Vallifnieri appren- dront même que les fcies de cette mouche font encore plus ouvragées que celles que nous avons fait repréfenter: au lieu que ces dernières n'ont qu'un de leurs côtés den- telles, que le dos ne l'éft point , le dos de celles que M. Vallilhieri a fait graver, eft dentelle comme le côté qui lui eft oppofé. Nous n'avons vu des dents femblables à celles des peignes *, que fur une des faces de nos fcies, & M. * pi. 15.%. Vallifnieri a vu de ces fortes -de dents âù'x deux faces des ^^•P'P>p- Qij .J2^ MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE autres fcies; enfin, fi on fe donne le plaifir de lire ce que ce célèbre Auteur a écrit fur la fabrique de ces fcies, on: * PI. ioudrier, une mouche mâle & une mouche femelle. Je les mis dans un autre poudrier , dans lequel j'introduifîs une branche de grofeiier, fans la caffcr ni la détacher de l'arbufle. La mouche femelle parcourut ime des feuilles , piiiTa deflbus , & dès les premiers inftants, elle me montra qu'elle cherchoit à y faire fes œufs. A peine un demi- quart d'heure s'étoit écoulé, qu'elle avoit déjà com- mencé ik ponte , ôi au bout d'un quart d'heure , elle avoit pondu dix œufs oblongs qu'elle avoit placés fur la •jwrtie la plus relevée d'une côte. Chaque fois que cette mouche vouloit pondre un nouvel œuf, elle fe pofoit comme fi elle eut voulu entailler la place dans laquelle elle avoit envie de le mettre. Aucun œuf pourtant ne s'efl trouve logé même en partie dans une cavité fen- fiWe. Les œufs que je voulus détacher étoient û adhé- rents , que je ne pus y parvenir fans les crever ; &. une loupe affés forte ne put me fâir£ découvrir l'entaille qui DES Insectes. ///. Aîem. 1 27 pouvoit être bouchée par Ja peau de i'œiif qui y éioit refté attachée. Les mouches* qui viennent des fauflcs chenilles *qui * PI. ' i.fig. paroiflent en grand nombre lur une feuille d oficr dans ^ ^ ^' des attitudes fi variées 6c fi bizarres, font encore de celles ^ ^'°' ^' qui ont le corps jaune; mais le côté extérieur de leurs aîles n'a pas le bordé brun qu'a le côté extérieur des aîles des mouches précédentes. Elles ont une fcie, lur l'ulàge de laquelle je fuis encore plus embarrafîc que fur celui de h fcie des mouches du grofelier. Elles ne choififTent pas les côtes des feuilles pour y laifTer leurs œufs, elles les appliquent fur la feuille même*, où elles les arrangent *Fig. ScSco. les uns auprès des autres, elles les y arrangent même en recouvrement. Les œufs forment enfcml;lc une ])laquc. J'ai eu beau découvrir les endroits cachés par des plaques d'œufs , & y chercher des incifions , la loupe n'a pu m'\ en faire appercevoir. La matière gluante qui enduit les œufs, fuffiroit-elle pour boucher ces incifions , & les empêcher d'être vifiblesî Pour cela, il faut qu'elles foient bien petites; d'ailleurs, l'endroit où elles font, s'il y en a, n'en paroît pas fouffrir, fa couleur n'efl ])as plus altérée que celle du refle. Il m'a été plus aifé de voir fur les œufs de ces dernières mouches, que fur ceux d'aucunes autres, combien l'ac- croiffementqui fe fait dans ceux desfauffes chenilles, efl confidérable. J'ai comparé de ces œufs, de chacun <\e(- quels l'infeéîe étoit prêt à fortir, avec d'autres affés nou- vellement pondus ; les premiers avoient au moins ini volume double de celui des féconds. Ceux qui ne vien- nent que d'être mis au jour, font oblongs, arrondis par les deux bouts, blancs & tranfparents; ils n'ont pour en- veloppe qu'une membrane mince & flexible. A\\ bout de quelques jours, on voit dedans une portion jaunâtre. 128 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE Quand ils font plus avancés, on y découvre deux points noirs qu'on juge être les yeux ; enfin , fi on les confidére vis- à-vis le grand jour, lorfqu'ils font afles près d'être à ter-, me, on y apperçoii la fauffe chenille qui m'a paru y être pliée en deux; l'accroiffement fubit ie fiiit dans les derniers jours. Celui qu'y prennent les vers de ces mouches, & ceux des autres mouches à fcie, efl afTûrément très-remarquable. La coque de l'œuf, fon envelopjîe, eft-elle une efpéce de pla- centa qui s'abbreuve, qui s'imbibe du fuc de la partie de la plante fur laquelle elle efl: pofée, &d'un fuc qui non- feulement la fait croître , mais qui fournit à l'accroifTe- ment de l'embrion qu'elle renferme! Un œuf qui a été dépofé dans la fente faite à ui>e tige de rofier, y efl il greffé en quelque forte! Doit -il s'approprier le fuc de l'arbufte comme l'œilleton d'un arbre , logé dans la fente faite à l'écorce d'un autre arbre s'appro])rieroit le fuc de cet arbre! Il femble que cela foit ainfi. A la vérité, les œufs de quelques faufl^es chenilles le trouvent pofés immédia- tement fur des feuilles où nous n'avons pu découvrir d'in- cifion ; mais il ne s'enfuit pas de-\h, que ces feuilles ne puifl!ent pas fournir aux œufs au moins l'humidité qu'elles iaiffent tranfpirer. J'ai fait une expérience qui prouve dé- cifivement qu'il efl eflentiel à l'œuf que cette humidité lui foit fournie par la feuille. J'ai gardé plu fieiirs fois dans des poudriers des feuilles d'ofier , fur lefquelles il y avoit des œufs de ces faufl"es chenilles. Les feuilles s'y font defl^échées , & les œufs s'y font defl^echés de même , ce qui efl arrivé à M. Bazin comme à moi. Des œufs de papillons qui auroient été laifl"és fur une feuille qui fe feroit defliechéc, n'en auroient pas moins donné pour cela des chenilles J'ai pris enfuite le parti de mettre dans l'eau le bout des feuilles fur lefquelles il y avoit des nichées d'œu fs DES Insectes. ///. Alem. 129 d'œufs clefaufTcs chenilles. Les feuilles ont par ce moyen conrervé leur fraîclicur; auiïi les œufs n'ont-ils paru fouf- frir aucunement. J'ai vu foitir des fauffes chenilles des uns au bout de quatre à cinq jours, & des autres au bout de fix à fept jours. Je crois avoir obfervé des plaques de ces œufs* conipofces de deux couches, ce qui lemble for- * PI. 1 1. % mer une grande difficulté fur la manière dont fenourriffcnt 9- \cs œufs de la féconde couche. Cependant fi la mouche les entalTe ainfij'l faut qu'elle lepuifle faire fans inconvénient. On doit penfer que l'humidité qui s'élève de la feuille, parvient à la féconde couche d'œufs, ou que les œufs de la première couche fourniflent à ceux de la féconde ce qu'ils ont de trop d'humidité, &.qui fuffit à ceux-ci. Au refte, ce n'ell pas un ouvrage difficile pour la faufTe chenille, dont toutes les jjarties font bien formées, que celui de percer la membrane qui la renferme, & qui fait la coque de l'œuf On la voit fortir, par l'ouverture qu'elle y a faite, la tête la première. Peu après qu'elle eft née elle mange; elle eft alors plus difficile qu'elle ne le fera dans la fuite fur le choix des parties des feuilles. Cette fluiffi; chenille, qui, dans la fuite, n'épargnera pas les plus grofTes fibres des feuilles qu'elle aime, fe contente alors d'en dé- tacher le pargnchime. Quelques femaines fuffifent à celles de plufieurs efpéces, pour prendre tout leur accroiffi-^ment, pour être en état de fubir leur première mètamorphofe; auffi y a t-il au moins deux générations par an des mou- ches à fcie qui paroiffent au commencement du prin- temps , comme de celles du rofier , de celles du grofelier 6c de celles de l'ofier , & fans doute de beaucoup d'autres. Les obfervations exacfîesde M. Vallifnieri.nous apj)ren- nent que des fauffes chenilles fbrties d'œufs pondus de- puis i<^ à I 5: jours, & vers le 6 May, étoient le 18 Juin, Tome V. . R 130 Mémoires pour l'Histoire des mouches j)arfaites, des mouches en état d'entaiiler le rofier & de pondre à leur tour. EXPLICATION DES FIGURES DU TROISIEME MEMOIRE. Planche X. JL A Figure i repréfcnte une branche de rofier, dans fa tige de laquelle une faufFe chenille s'eft établie. En a paroît un tas de grains noirs , qui font les excréments que la fauffe chenille y a apportés &: cntafTés. La Figure 2 efl celle de la tige de la figure première, qui a été fendue pour mettre à découvert l'intérieur du tuyau, ab, la ])artie qui a été remplie d'excréments, hc, la partie du tuyau qui efl vuide. c éi, la faufle chenille, dont la tête efl cachée dans l'endroit qu'elle efl occupée à creufer. La Figure 3 montre en fon entier la fauffe chenille de la figure précédente, qui efl de la claffe de celles à 22 jambes, & d'un jaune blanchcâtre. Elle efl de celles qui ont une petite tête; la fienne efi noire. La Fig. 4. fait voir pliifieurs fauffes cheniilgsy^ fj f, argnées, pendant que ce qui étoit entr'elles a été dévoré. La Figure 5 efl celle d'une des fauffes chenilles de la figure 4, un peu plus allongée. La Figure 6 repréfente ime mouche de l'efpéce de celles dans lefquelles les fauffes chenilles précédentes fe transforment. DES Insectes. ///. Mem. 1 3 1 ' Dans la Figure 7, on voit la mouche de la figure 6, clans l'attitude où elle cft lorfqu'ellc pond. La Figure 8 montre une petite feuille de grofelier, fur les côtes de laquelle des oeufs ont été laiffcs & arran- gés à la file par une mouche telle que celle de la figure 7. Les Figures 9 6c i o font celles de la même fiuflé che- nille, qui vit fur le grofelier épineux. Elle efl roulée figure 9, 6i étendue figure 10. Elle a 20 jambes. Son corps efl d'un vert très-clair. La Figure 1 1 repréfente en c la coque que s'étoit faite une fiufie chenille de l'efpécc de celle des deux dernières figures. La Figure 12 eft celle d'une fauffe chenille qui s'ac- commode fort des feuilles du fureau , & de celles de l'hieble. Ellea 22 jambes. Avant la mue, le deffus de Ton corps eft d'un brun-clair, & le refte d'un blanc-verdâtre; quand elle a mué, elle eft par-tout verdâtre. La Figure 1 3 fait voir une fauflc chenille qui eft prefque noire , d'une couleur plus foncée que l'ardoifé. Dans le mois d'Août , j'en ai trouvé un grand nombre de cette cfpéce fur le même pied d'ofeille. Dès que je touchois les feuilles de ce pied, toutes fe laiftbient tomber. Elles font entrées en terre pour fe métamorphofer. J'ignore fi elles ont 22, ou feulement 20 jambes, La Figure 14, eft celle de la mouche dans laquelle fe transforme la fiifife chenille de la figure i 3. La Figure i ^ repréfente une coque faite d'une efpéce d'écume qui a pris confiftance, par une faufte chenille de l'orme qui eft des plus petites. La Figure 1 6 eft celle de la mouche qui eft fortie chés moy de la coque précédente. La Figure 17 fait voir en grand la fcie que la petite mouche de la figure 1 6 porte à fon derrière. Ri; Ï32 Mémoires pour l'Histoire Planche XL La Figure i repréfente une feuille d'aune qui eft ac- tuellement rongée par quatre faufTes chenilles qui font toutes dans des attitudes différentes. Celle de la faufle chenille marquée hj eft celle qui leur eft la plus ordinaire. Elles ont chacune 20 jambes. Leur tête eft noire, leur premier anneau eft jaune, & le refte jaunâtre : les points allignés liir les côtés, font noirs; le deflbus du ventre 3 d'un bout à l'autre une traînée de points noirs femblable à une de celles des côtés. La Figure 2 eft celle de la mouche dans laquelle s'eft métamorphofée une des fauffes chenilles de la figure pré- cédente. Elle a paru ehés moy les derniers jours d'Avril; elle eft fortie alors de la terre où elle étoit entrée fous la forme de faufle chenille au commencement d'Odlobre. La Figure 3 fait voir une branche d'ofier, dont une des feuilles eft, pour ainfi dire, bordée de fiufl!es che- nilles, dont les unes l'ont prefque mangée à moitié & tout du long, & dont les autres font occupées à l'enta- mer de l'autre côté. Pendant que cgs faufles chenilles mangent , elles ])rennenc, comme celles de la ligure i , dif- férentes attitudes toutes très-bizarres. Au bas de la tige, il ne refte plus que la côte r ^ o & quelques grofl^es fibres f^ f, f, &c. d'une feuille qui a été mangée par les faufles chenilles. LaFig. ^eft celle d'une des faufleschenilles delà figure 5 un peu groftie & étendue. Elle a : o jambes. Le fond de la; couleur defon coips eft un verd blanche âtre, fur lequel il y a des rayes noires qui vont de la tête au derrière. La Figure 5 eft celle tl'unedes mouches mâles, dans la- quelle une des fauflts chenilles précède i tes s'eft métamor- phofée. La femelle de la même mouclie eft repréfenlée DES Insectes. ///. Mem. 1 3 3 de grandeurnaturelle,& plus grande que nature, tome iv. pi. 1 o. fîg. 7 & 8. Dans la figure plus grande que nature , on a donné le caradlére de la difpodtion d'ailes propre aux mouches à fcie. Quand les mouches des faufTes chenilles de l'ofier viennent de naître, leur corps efl d'un beau verd, par la fuite il devient d'un verd-jaunâtre & même jaune. Celles qui ont pafTé l'hyver en terre dans des coques de foye, ont paru au jour chés moy à la fin d'Avril. La Figure 6 montre par-defl!ous le mâle de la figure y , ou un autre mâle de mouche à fcie. On n'y voit point au bout du derrière, en f, une fente pareille à celle qu'on voit au même endroit de la femelle, la fente où la fcie eft logée. La Figure 7 fait voir le derrière du mâle de la figure 6, grolfi, (5c dans un moment où la preiïîon a obligé à fe montrer àçs parties, qui, dans l'état ordinaire font cachées. /^/, deux lames folides & concaves qui font un étui à la partie qui caraélérffe le mâle, & qui lui fervent à faifir le derrière de la femelle, a, l'anus qui eft par derrière la par- tie qui caradérife le mâle. 7n, m, h partie propre au mâle^ ou fon fourreau immédiat. Dans la Figure 8 , paroît un tas d'œuft laifl'é fur une feuille d'ofier par la mouche femelle ; des faiiffes chenilles fcmblables à celles de fa figure 3 en doivent fortir. La Figure 9 repréfente des œufs femblabics à ceux de la nichée de la figure 8 , mais elle les repréfente plus entaffés, & même en recouvrement les uns fur les autres. La Figure 10 fait voir dans fa grandeur naturelle la mouche à fcie, qui vient d'une fauffe chenille du faule, quia été gravée, tome i. pi. i.fig. 18. Cette fauffe che- nille a 20 jambes. Elle eft remarquable par fes couleurs j^ & leur diftribution. Le fond de la couleur de la plus lon- gue partie du corps eft un bleu-verdâtre, un céladon plu? Riij 134 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE bleuâtre que l'ordinaire. Les trois premiers aiirieaux font d'un brun-tanné, & la partie poftérieure efldu même brun. Elle a outre cela diveri'es lignes longitudinales, tracées par des points noirs. La Figure 1 1 £iitvoir en grand 6c par-deiïbus, le bout du corps d'une mouche à fcie telle que celle de la figure précédente, f, la fente où la fcie efl; logée. Dans la Fig. i 2, auffi groffie que la précédente, on voit la fcie_/^que la preffion des doigts a forcé deparoître au jour. Planche XII. La Figure i repréfente une feuille de poirier, fur la- quelle font trois fauffes chenilles du genre de celles que j'ai appellées têtards. a,b ,c, marqueiit ces trois fiuffes chenilles. En pjp,p,{e parcnchime de la feuille a été mangé par ces infe(ftes. Les Figures 2 , 3 & 4. font celles d'une fauffe chenille têtard très-groffie, & vue en différents temps, & en des fens différents. Dans la figure 2 , la fauffe chenille ne montre (ju'un de ics côtés, &i fait voir fa tête & fes jambes. Dans la figure 3, la fauffe chenille efl vue par-deffus, ayant la partie antérieure a b, renflée. Dans la figure 4,, la fauffe chenille efl vue par-deffous. La Figure 5 repréfente la mouche dans laquelle fe trans- . forme la chenille têtard de la figure i. La Figure 6 efl celle d'une mouche venue d'une fauffe chenille têtard, quiavoit vécu fur le cerifier. Cette mou- che efl affés femblable à celle de la figure précédente, 6c je ne fuis pas fur qu'elle en diffère fpécifiquement. EJles font l'une 6c l'autre de la claffe des mouches qui ont une bouche 6c des dents. La Figure 7 fait voir par-deffus, 6c dans fa grandeur naturelle, une fauffe chenille épineufe du chêne, qui efl DES Insectes. ///. Mem. 1 5 5 beaucoup groffie dans la figure 8 , & qui y eft vue par- dcffous & de côte. Cette faufTe chenille a 22 jambes. Les Figures 9 & 10 font celles de deux épines de la faufle chenille précédente. La Figure 1 i montre la faufTe chenille de la figure y, dans le moment où elle achevé de fe tirer de fa dépouille. d, dépouille qui a étéprefque pouffée fur les derniers an- neaux. Dans la Figure 12, on voit la fauffe chenille de la figure 7, mais qui a mué, &; qui alors efl liffe; en fé dér fiifant de fa dépouille, elle s'cfl défaite de fcs épines. La Figure 1 3 repréfente dans fa grandeur naturelle une faiiffe chenille épineufe à 22 jambes, qui vit de feuilles de prunier. La même chenille efl beaucoup grofîie dans la figure i^. La Figure i 5 efl celle d'une des épines de la fauffe chenille précédente, vue au microfcope. La Figure 16 efl celle de la mouche à fcie, dans la- quelle s'efl transformée la fauffe chenille de la figure i?. Cette mouche n'a paru que dans le mois d'Avril; elle a palTé riiyver à'M-s?, fà coque ; fon corps efl jaune , 6i fes ailes font teintes d'un brun un peu verdâtre. La Figure 17 efl celle d'une fauffe chenille de l'aune qui efl parmi les fiuffes chenilles, ce que font parmi les chenilles celles que j'ai appeilées cloportes. Ses anneaux s'emboîtent les uns dans les autres. Elle efl plus applatie que ne le font les fauffcs chenilles ordinaires; elle efl verte. J'ai eu une autre fauffe chenille de l'aune , qui étoit blan- che. & couverte de poudre; mais fa figure étoit celle de&. fauifes chenilles ordinaires. La Figure 18, efl la figure 17 groffie à la loupe. Les Figures i9,20(Sc 21 rcpréîéntent la même fui fïe clienille, qui efl d'une des efpéces de celles qui vivent de; 136 MEMOIRES POUR l'Histoire feuilles de rofier. Elle eft étendue dans la figure 19; mais {on attitude la plus ordinaire, & qui eft fmgulicre.eft celle de la figure 20, où elle eft roulée en barillet de bougie. Elle eft encore roulée dans ia figure 21; mais Ion bout poftérieur ne s'y élevé pas , comme il s'élève dans la figure 20. Elle a 22 jambes; le delfus de Ton corps eft d'un beau verd, & chacun de l'es côtés a une bande d'un verd- jaunâtre. Obfcrvée à la loupe , elle paroît chagrinée. De petits grains blancs comme oft!eux, <5c faits en lames poin- tues, bordent le contour de chacun de les anneaux. Planche XIII. La Figure 1 repréfente dans fa grandeur naturelle A étendue une faufte chenille qui fe nourrit de feuilles de chevre-feuille. Dans la Figure 2 , ia faufile chenille de la figure première eft roulée, comme elle l'eft ordinairement. La Figure 3 eft celle de la tête de la faufile chenille précédente , vue de face. La Figure 4 montre une coque c attachée à une pe- tite feuille de chevre-feuille. Elle eft de foye, & a été faite par une fuift^e chenille renfermée dans un poudrier où iï n'y avoit point de terre. La Figure 5 eft celle d'une coque moins a])platie que la précédente , quoique faite par une faufile chenille de même efpéce que celle qui a fait l'autre coque. La Figure 6 fiit voir une moitié de la coque de la figure 5 qui a été coupée tranfverfalement, afin qu'on en put tirer la nymphe qui y étoit renfermée. Le tiflîi exté- rieur ^^^ eft différent du tifCii intérieur /. Chaque coque entière eft compofée de deux coques, dont l'une eft mife dans l'autre; mais cela fera mieux expliqué par les figures de la planche 1 4. La DES Insectes. 7/7. Menu 137 La Figure 7 efl celle d'une n}mphe tirée d'une des coques précédentes, de la nymphe dans laquclie fc trans- forme la faufle chenille des figures i 6: 2. La Figure 8 repréfcnte la mouche dans laquelle In nymphe de Ja figure 7 s'efl métamorj)horée. Elle a ici les aîles écartées du corps , comme elle les a quand elle fedifpofe à voler. Sa couleur approche de celle des mou- ches à miel. Ces mouches font forties chésmoy de leurs coques au commencement de Mai. La Figure 9 montre très en grand, une des antennes de la mouche précédente ; elle eit de ces antennes que nous avons nommées en mafuie. La Figure 10 repréibnte encore ime mouche d'une faufit chenille du chèvre -feuille; celle-ci a actuellement ks aîles croises fur le corps; c'eft le mâle, & celle de la figure 8 eft la femelle; fon corps cil plus long, plus effilé que celui de l'autre. La Figure i i fait voir en grand & par-deffous, la tête d'une àcs mouches précédentes, d, d, les deux grandes dents ou mâchoires, qui ont chacune trois dentelures on petites dents. Au-defi!bus eft la lèvre inférieure , figurée en palette , de chaque côté de laquelle partent deux appen- dices longuets. Les Figures i a & 1 3 repréfentent la même faufle che- nille; elle efl étendue dans la figure 12, comme elle l'cll quand elle marche; & dans la figure i 3 , elle eft roulée, comme elle fe roule volontiers. Cette faufTe chenille vit fur la fcrophulaire; elle a 22 jambes. Les Figures 1 4. & i 5 font encore celles de la fauffe chenille étendue & roulée , des figures 1 2 & 13; mais les •nouvelles figures la repréfentent après fa dernière mue. La peau qu'elle a alors, n'a plus les couleurs & les taches qu'avoit la peau qu'elle a quittée. Tome V. . S 138 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE La Figure 16 fait voir une des faufTes chenilles pré- cédentes dans une coque qu'elle s'eft faite en liant enlèm- ble des grains de terce pour s'y mctamorphofer en nymphe. La coque dans Ton état naturel efl fermée de toutes parts ; on lui a fait l'ouverture qui permet de voir la fauffe che- nille. La Figure 17 montre dans fa grandeur naturelle la nymphe qui efl groffie dans la figure 18. Cette nymphe a été tirée d'une coque femblabte à celle de la figure 1 6. Les Figures 1 9 &; 20 rcpréfentent la mouche dans la- quelle fe transforme la fudfe chenille des figures 12, i j, 14. & I 5 ; elle a les ailes croifécs fur le corps, figure 19, & écartées du corps, figure 20. Son corps eft plus allon- gé que ne l'eft celui des mouches des faufies chenilles les plus ordinaires; il a quelque chofe de la foltaie de celui de certaines guefpes, auquel il reffemble encore par la couleur. Ses anneaux font jaunes & bordés de noir. La Figure 2 i efl celle de la partie poftérieure du corps de la femelle en grand, a^ l'anus. /, /, deux pièces qui com- pofent l'étui de la fcie.y^ la fcie. La Figure 22 montre encore fe bout poflérieur du corps de la même mouche, groffi ; mais dans un temps où, en preffant le ventre, on a obligé à paroître des par- ties qui font ordinairement cachées, a^ l'anus. /, /, deux iames écailleufes, creufées en cuillier, qui font l'étui delà fcie.y^la fcie, ou, plus exaélement, les deuxfcies appliquées i'une contre l'autre. J, d, prolongements de chacune des fcies , qui font écailleux , & qui fervent à les faire jouer alternativement, e, ^^ tendons qui peuvent aider au jeu des fcies. La Figure 23 fait voir en grand & de côté, la double Icie des figures précédentes, y^^ efl le dos de la pièce, dans laquelle efl creufée une coulifTe qui maintient les DES Insectes. ///. Aîem. 1 3 9 deux fcics. //, eft une des fcies, & la feule vifible dans cette pofition , parce qu'elle eft immédiatement appliquée fur l'autre fcie qui lui eft égale <&. femblable. d^ prolonge- ment de la fcie, i'efpéce de manche qui fert à la faire jouer. Planche XIV. Les Figures i & 2 font voir la même fauffe chenille du rofier en deux polhires diflerentes. Son corps efl plié cnf, 6c fa partie ])o(l:érieure eft relevée dans la ligure i ; dans la figure 2, la partie poftérieure eft feule recourbée en delTous. La branche de rofier qui pendoit en bas lorf- qu'elle a été deffinée, fe trouve ici dans une femblable pofition. Dans la Figure 3, on a repréfenté la fauffe chenille des figures précédentesgrolîie& allongée, comme elle l'eftlorf- qu'elle marche, pour faire voir l'arrangement de fes jambes. La Figure ^ efl en grand celle d'une des jambes écail- leufes de la fauffe chenille, une des fix premières. c,c, deux crochets par lefquels elle efl terminée. La Figure 5 montre une feuille de rofier fur laquelle une fauffe chenille s'étoit faite une coque, parce qu'elle n'avoit point de terre dans laquelle elle pût entrer, ola coque. La Figure 6 fait voir une coque de ces fauffes che- nilles, qui avoit été faite en terre; mais qui, après en avoir été tirée, a été bien nettoyée, broffée & même lavée. On a voulu montrer que la coque efl double, qu'une coque d'un tiffu plus mince &; plus ferré, efl con- tenue dans une coque d'un tiffu à groffes mailles &; roides. a, a, partie de la coque extérieure. Le refte de cette coque a été emporté avec un canif; ainfi la coque intérieure a été mifc à découvert en b. Sij 140 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE La Fig. 7 eft celle de la coque intérieure qui a été tirée hors de la portion de la coque extérieure a a , ligure 6. La Figure 8 eit la portion de la coque extérieure a a, qui efl aéîuellement vuicle, parce que la coque de la figure y, en eft dehors. La F'igure 9 efl en grand , celle d'une portion du rezeau de la coque extérieure. La Figure 10 repréfente une <\ts, mouches qui fortent des coques j)récédentes, de celles dans lerquelles les faufTes chenilles des ligures i & 2 fe transforment, après avoir paflé par l'état de nymphe. Elle eft vue par-delTus dans cette figure, ayant les aîles croilées fi.u' le corps. Les Figures i i 6c 1 2 repréfentent deux mouches de même efpéce que la précédente, mais de différent fexe, vues par-defTous. La figure i i , qui elî celle de la femelle, a eny^une fente où la Icie efl logée; on ne voit point une pareille fente à la figure 12, qui efl celle de la mouche mâle. La Figure 1 3 montre dans fa grandeur naturelle une branche de rofier, dans laquelle la mouche de la figure i i a fait diverfes entailles, pour y loger autant d'œufs qu'elle a fait d'entailles. Ces entailles font difpofécs fur une même ligne t\'\\.x(io,SLp. Dans la Figure 14, une portion de la branche pré- cédente ell groffie à la loupe; les entailles y font plus fenfibics. La Figure i 5 efl celle d'une portion de branche groffie au microfcope. Elle n'a que deux entailles e,e, mais dont la direélion & la courbure efl mieux exprimée, & rendue plus fenfible que dans les figures précédentes. La Figure 1 6 eft encore defîinée au microfcope, & fait voir l'état où fe trouvent au bout de quelques jours , les DES Insectes. ///, Mem. 141 parties qui répondent à deux entailles, telles que celles e, e, figure I 5 , qui étoient récemment faites. On voit les deux convexités qui Te font formées en e, e. La figure 17, qui n'eft pas grofïie confidérablcment, fait voir une file d'entailles obfervécs dans un temps encore plus avancé que celles de la figure précédente. Alors elles forment une file de demi -grains de cha- pelet. La Figure 1 8 a été vue avec un verre qui grofiîflbit autant que celui à l'aide duquel on a defiiné les figures I 5 & 16. Dans la figure 18, on a enlevé \ icoxQÇ. j) e e e , & une mince feuille du bois qui recouvroit la partie d'une branche de rofier qui avoit été entaillée ; ainfi , t)n a mis à découvert la file de cellules , dont on ne voit que les fentes ou ouvertures dans les autres figures, dfc, c fd, font deux de ces cellules, o, o, l'œuf que chacune d'elles renferme, ^les fibres ligneufesqui ont été forcées de pren- dre de la convexité, pendant que l'œuf qu'elles couvrent, a pris plus de volume. Planche XV. La Figure i repréfente dans fa grandeur naturelle un morceau de branche de rofier, dans lequel efiune entaille offo, où des œufs font arrangés dans deux files; Ja mouche à fcie qui a fait l'entaille & arrangé les œufs, eft d'une efpéce diiiérente de celle des figures lo, 1 1 & 1 2, planche i^.ff, 00, les deux files d'œufs. La Figure 2 eft la figure i groflie à la loupe. Dans la Figure 3 , on n'a qu'une portion d'une des figures j)récédentes ; mais vue au travers d'un verre qui groffifiolt plus que celui dont on s'étoit fervi pour la figure 2. Ici on dif lingue aifément les eipéces de boîtes S iij 142 Mémoires pour l'Histoire Itgneufes, dans chacune delquelies un œuf eft logé. 0,0,0, f,f,f, fix œufs pofés dans fix cellules. Plus les œufs grof- liffent, & plus ils font à découvert ; en croiffant, ils obligent l'entaille à s'ouvrir de plus en plus. La Figure 4. repréfente en grand une antenne de fa mouche de la ligure 1 2 , planche i â^. De chaque côté cette antenne eft bordée d'une frange de poils ad, ad. La mouche à laquelle elle appartient, efl mâle. La Figure 5 montre une autre antenne auffi ou plus groffie que celle de la figure précédente, mais qui n'a point la frange de poils qu'a l'autre. Elle cft l'antenne de la mouche de la figure 1 1 , planche 14., c'eft-à-dire, qu'elle cft l'antenne de la femelle. La Figure 6 efl celle d'une mouche qui fait les en- tailles où elle loge fes œufs , dans les grofles côtes des feuilles de rofier. Elle paroît ici occupée à fiire entrer fà Icie dans la côte d'une feuille nouvellement développée, & qui efl: encore pliée en deux. Cette mouche efl toute noire , elle a feulement une partie de chaque jambe jau- nâtre. La Figure 7 fait voir le derrière de la mouche à fcie de la figure 1 1 , planche 14., extrêmement groffi, & par- deffbus. 1,1, deux lames creufes, qui enfemble fervent à couvrir la fcie, à lui faire une efpéce d'étui; le bout de chacune de ces lames, a un bordé noir & écailleux. Le jefle efl jaune, & a moins de confiflance. La Figure 8 efl celle du bout poflérieur du corps de la même mouche, qui efl repréfente dans la figure 7, mais qui ici efl vu dans un temps différent, fçavoir, dans un moment, où, en prefTant le ventre entre deux doigts, on force la fcie à fe montrer, le, le, les deux pièces, qui dans les temps ordinaires, couvrent la fcie, & qui étant un peu DES Insectes. ///. Afem. 143 ëcartées l'une de l'autre , la laiiïent paroîlre. f, la fcie. a, l'anus, La Figure 9 montre la fcie marquée y^ figure 8, déta- chée du ventre, extrêmement groilie, à plat & de côté, f r, efl un des côtés de la coulifTe, dans laquelle le dos de la double fcie, ou les dos des deux fcies font \ogcs. fdjh double fcie avec les dents. Sur le plat de la même fcie, ibnt d'autres dents femblables à celles des peignes , expri- mées plus en grand & plus nettement dans la figure 1 1. Dans la Figure lO, on aféparé l'une de l'autre les deux fcies, qui enlemble compofent la double fcie. c r, une des pièces écailleufes, qui fait un des côtés de la coulifTe. enfx, une des fcies qui a été tirée defacouliffe,& jettée fur le côté. ^ dt, l'autre fcie qui efl reftée en place, & qui efl: en partie dans fa couliffe. t, portion de la queue de la fcie ^. X , portion de la queue de la fcie/" La Figure 1 1 repréfente le bout, & une petite portion d'une Ats fcies eaf, ou id, vue avec un microfcope qui groiïit beaucoup, p^p^f, les dents femblables à celles d'un peigne, diflribuées en autant de rangs qu'il y a de dents fur le tranchant de la fcie ; la face où elles font , l'exté- rieure a quelque convexité,/ d, d, d, d, les grandes dents de la fcie, qui font elles-mêmes dentellées; leurs den- telures font inclinées vers la pointe de la fcie. La Figure i 2 fait voir de face le dos de l'aflemblage qui forme la coulifTe. cr, cr, deux pièces écailleufes. On ne voit qu'une de ces pièces , marquée par les mêmes lettres dans les figures 9 & lo. m, n, membranes qui tien- nent affemblées les parties écailleufes cr, c r,&i qui leur permettent de s'écarter plus ou moins, b, b, bouquets de poils, a, n, chairs qui tiennent aux pièces qui compofent ia coulifTe. 144 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRË La Figure 1 3 repréfente une des deux fcies qui a étc otée à une mouche d'une efpéce différente de celle des rofiers, Si fert à donner un exemple des variétés qu'on peut trouver entre les fcies des différentes mouches. Sur le plat, ou plutôt fur le convexe de la dernière, on ne découvre point de ces dents en peigne marquées p,p,p, figure I I. On voit auiïi que les grandes dents iaillent moins , fortent moins de la fcie , que ne f brtent celles de la figure qui vient d'être citée. La Figure 14 n'eft que celle d'une portion de la figure 1 3 ; mais on voit mieux dans cette figure que dans la pré- cédente , que les grandes dents d d d , font elles-mêmes dentellées , & que leur dentelure eft plus fine que celle des dents de la figure 1 1 . QUATRIEME Fia 1 Pi lo /:>a^j44^yem (/e /'/^eitt: Jealn<)ecùu> . 7o/n . 6 l'I . jz .pua ■ i^jf. Jlfetri . 3 . i/e iHist ile^-ïtisectes Tenu . F^.4. . Fjx; J S ■ Fi. \9'7 Fuj. 16 ■ Fu7 ■ 1^ Fuj ■ 2.1 . Fuf .20. Ft^.ip ■ K^.j Fu '^- ^fta<-l Fto.5 Fu ■^l^.JO Fu V FI j3 ^a^.j4^^Wjn .3.1^ fi^t . <:/^.>I/Là&Uc^^ . 7c>m 5 F^.3 E^.& Fu 'IÇ. 11 R^.jà ^.y^ -%■ ^7 Fu ^ta.ja feil ^^ 4- K '99 Ft^.8 J^.jS Fuj.jO Fu 2^-22 /ftn/ d Fv^.i4 %-'9 Fui -^3 2^1 . j.^ ■ ViTii 1 ^ ^..J^lctn . ;> . d£ l tTLJt~ dej' JiL^eftcs l'ciiz . ff . Fi^S F^S- ^'^4 DES Insectes. IK Afem. 145 (lUATRIEME MEMOIRE, SUR LES CIGALES; ET SUR QUELQUES MOUCHES de genres approchants du leur. LEs Cigales ne font pas de ces infccles qui ont refté ignores pendant une longue fuite de fiécles; elles ne font pas de ceux qui n'ont pu être découverts que par des Obfervateurs curieux &. attentifs ; elles ont été connues il y a long- temps. La grofleur de celles * qui font les plus * pi. i6. fig. commiuîes , les met à.portée des yeux les moins accoû- '> -> 5 <5i6. tumés à s'arrêter fur de petits objets. D'ailleurs elles font renommées poirr leur chant. Cette efpéce de chant, ou de bruit qu'elles font entendre vers le temps de la moiffon, & qui ne plaît pas toujours, lésa fait chercher par ceux mêmes qui fe foucioient le moins de connoître les petits animaux. Ils ont voulu fçavoir d'où venoit un bruit qui les importunoit. Les pays chauds font ceux où elles fe plaifent. Dans le Royaume, je ne fçache pas qu'on les connoifle ailleurs que dans la Provence &. dans le Lan- guedoc. Mais comme on a par tout oui parler de leuïîZRTY c chant, dans plufieurs provinces où on ne trouw point dê*^ "'^ "" cigales, on en donne le nom à certaines efpéces de fau- terelles , foit ailées , foit non ailées , qui font de grandes chanteufes. Quelques-unes de ces provinces peuvent pourtant avoir des cigales, mais qui n'y ont pas été obfer- vées , parce qu'elles y font rares. Il y a quelques années que M. du Hamel m'apporta une dépouille bien com- plette. & qui lui fembloit avoir été laiffée par un fcarabé Tome V. . T 146 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE dans l'inftant où ii s'étoit transformé. H l'avoit trouvée à fà terre de NainviHiers, près dePetiviers en Beauce. Je l'afliirai qu'une cigale étoit fortie de cette dépouille; que cette dépouille apprenoit qu'il devoit trouver des cigales dans ia terre. Il y en chercha l'année fuivanie , & il y en trouva quelques-unes qu'il m'a données, & qui font * PI. 1 6. fig. de ï'eCpéce des plus grandes cigales * de la Provence & du ^' Languedoc. Ce n'efl; pas parce que les cigales font des mouches à corps court ou ellipfoïde, que nous nous fommes déter- minés à les placer à la fuite des mouches à fcie ; mais parce qu'elles leur reflemblent par l'induflrie avec la- quelle elles mettent leurs œufs à couvert & en fureté. Elles font d'ailleurs bien autrement grandes que les mou- ches à fcie. Parmi les genres de rriouches à corps court , ii n'y en a point dans le Royaume, dont les mouches ayent le corps auiïi gros que celui des cigales des grandes efpé- *Fig. 8&9. ces; le corps des cigales des petites efpéces*, eft encore plus gros que celui des frelons, c'eft-à-dire, que celui des mouches que nous regardons comme fort greffes. Au premier coup d'œil, la forme de la cigale paroît * Fig. I. groffiére. La tête * n'eft pas proportionnée avec les autres *^' parties, comme elle l'eft communément dans les autres infe(5les , 6c fur-tout dans les autres mouches. Elle cft ♦Fig. 1,2, large & courte. Les deux yeux à rezeau * y font, l'un à 5 & 6. 7, '• droite & l'autre à gauche , tout près de fon bout pofîérieur. Depuis la convexité d'un de ces yeux, julqu'à celle de l'autre, il y a une difîance égale au diamètre du corcelet dans l'endroit où il eft le plus gros ; & la diftance depuis le milieu du bout poflérieur de la tête jufqu'au bout an- térieur, prife en defliis, n'eft au plus qu'égale au tiers de celle qu'il y a entre les convexités des deux yeux : aufTi le devant de ia tête eft-il obtus. DES I N S E C T E S. /F. Mem. 147 Les yeux à rczeau ont par leur figure oblongue, quel- que rellemblance avec ceux des écreviflcs, mais lans être mobiles comme ces derniers dans leur orbite. Entre ces yeux, qui font taillés à un nombre prodigieux de facettes, car leur rezeau eft extrêmement fin, il y en a trois* de * Pi. 16.%. ceux que nous avons nommés des yeux liffes, difpofés '" triangulairement fur la tête. Les mouches de ce genre font de celles qui ont un corcelet compofé de deux pièces, ou, fi l'on veut, qui ont deux corcelets. La tête eft jointe & appliquée au corcelet antérieur * par un col fi court, qu'il eft toujours *Fig. i &6. caché. Le corcelet antérieur peut jouer fur le poftérieur * ^'l^^^ auquel il eft uni. Il peut fe mouvoir pour permettre à la tête de dcfcendre un ])eu plus bas. C'eft encore de ce que ces corcelets ont d'un côté à l'autre un diamètre à peu près égal , & égal à celui de la tête, que la cigale paroît aftes grofîiérement façonnée. Il y a pourtant quelque travail fur le corcelet antérieur, un triangle y eft fculpté, fes côtés font gravés en creux ; on y voit auft^i quelques traits en creux parallèles aux côtés de ce triangle. Le delTus du fécond corcelet eft ])lus lilfe&plus luifant; vers le milieu de fon bout poftérieur, il a pourtant un petit cordon qui s'élève au-defiiis du refte. Enfin , le bord de fa partie fupérieure & poftérieure fe relevé au-deiTus d'un fillon qui le précède. Les quatre aîles de la cigale font tranfparentes. Les fupérieurcs * beaucoup plus grandes que les inférieures *, * Fîg- 6. l, /. ont des nervures opaques , très-marquées , très-fortes & '"' "'" très-capables de foûtenir le tifiTu mince qui remplit les inter- vales qu'elles laifl!ent entr'elles. Ces deux aifîes fupérieures font attachées au fécond corcelet tout près de fa joncftion avec le premier ; & les inférieures ont leur attache aftes proche de la jondion de ce corcelet avec le premier des Tij 148 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE *PI. i6.%. anneaux du corps. Elles font toutes quatre pofées en toit*, ^' elles s'appliquent pourtant fur le corps , dont une portion refte à découvert. Pour achever de décrire tout de lliite ce que nous ofïi'e la partie fupérieure de cette grofTe mouche , nous dirons qu'on y compte huit anneaux , fi on veut mettre au nombre des anneaux une partie .oblongue & conique, par laquelle le corps eft terminé, quoiqu'elle ne foit pas eompofée de deux pièces dans les femelles , comme les autres le font. Le premier anneau ell le plus large de tous; le fécond plus étroit, l'efl moins que le troifiéme, le qua- trième, le cinquième & le fixiéme ; mais le feptiéme égale pour le moins le fécond en largeur. D'un côté à l'autre, ie diamètre d-es cinq premiers eft à peu - près égal ^ mai» celui du fixième eft plus petit fenfiblement que le diamètre de celui qui le précède, & furpaffe le diamètre du feptiéme qui eft plus grand que celui du dernier anneau. Aufli ie * f'g- 5- î corps du mâle *, & celui de la femelle * fe terminent en '^"'■e 2. pointe; mais la pointe du corps de la femelle eft plus allon- gée. Tous les anneaux font ècailleux, ils n'ont aucun poil fènfible à la vue fimple ; ce n'eft qu'autour des yeux à rezeau & fur le deflous de la tête & des corcelets , qu'on en découvre , fur-tout fi on les cherche avec une loupe. Mais ce font les parties que peut montrer le deffous de la cigale, qui nous arrêteront le plus dans ce Memo-e. * Fig. 2. & C'eft-là qu'on peut voir fa trompe *; c'eft-là qu'on peut ^, F„ , r ^^^^ ^"* ^^^ femelles où eft pofé l'inftrument* avec lequel '"■ "■-'' elles parviennent à percer les trous dans lefquels elles lo- *Fig.2.i/,«, gent leurs œufs. C'eft-là enfin, qu'on trouve aux mâles* les organes qui produifent cette efpèce de chant qui a tant fait célébrer la cigale. Heureufement que ces parties, les plus fingulières de l'extérieur de ces mouches de l'un & de l'autre fexe, peuvent être bien vues fur celles qui font DES Insectes. IV. Mem. 149 mortes; & que pour les étudier & les difféquer à l'aife, il faudroit faire périr les cigales qu'on auroit vivantes; car je me fuis trouvé engagé à écrire leur hiltoire fans en avoir jamais entendu chanter une, & fans en avoir jamais poffedé une en vie. Je n'en ai pu découvrir aucune dans les environs de Paris, ni dans les autres cantons du Royaume où j'ai été à ])ortée de faire des obfervaiions. Les regrets que j'avois de ne pouvoir obfcrver vivant un genre d'infedes, à qui une place étoit fi due dans nos Mémoires, ont ceffé lori'que j'ai vu beaucoup d'habiles gens fè prêter dans le Royaume, & hors du Royaume, à me procurer des connoiffances que je défirois. Dans le Languedoc, feu M. Lefévre Médecin d'Uzez, qui a communiqué à l'Académie beaucoup d'expériences qui ont paru curieufes; feu M. Lefévre, dis-je, m'a envoyé des cigales telles qu'elles font en été , & m'en a envoyé fous la forme qu'elles ont avant que de s'être métamor- phofées. M. Sauvage fçavant Profeffeur en Médecine à Montpellier, & de la Société des Sciences de la même Ville, a eu auffi attention de m'en procurer. M. Granger, ce Voyageur fi plein de courage , à la mort duquel toutes Ies])arties de l'Hiftoiré Naturelle, <5cla Botanique fur- tout, ont tant perdu , m'a fait parvenir des cigales d'Egypte. Mais les cigales fe trouvaffent-elies naturellement aux en- virons de Paris, & y eulfai-je employé un grand nombre cîe perfoiînes à m'en chercher , je n'en eufle pas été plus fourni que je l'ai été de celles de toutes efpéces, & de l'un & de l'autre fexe, des environs d'Avignon, par les foins de M. le Marquis de Caumont. Son penchant naturel le porte à obliger, & fur-tout à obliger ceux qui, comme lui , aiment les fciences ; mais je me fais un plaifir de penfer, & je le penfe fur de bonnes preuves, que fon araiUé pour moy lui fait faire bien au-delà de ce qu'il T iij 1)0 Mémoires pour l'Histoire feroit pour des Sçavants qui ne lui feroient pas aufTi atta- chés que je le fuis. Il ne s'eft pas contenté de faire lui- même les recherches & les obfervations que je lui avois marqué défirer être faites; il a engagé piufieurs perfonnes' à le féconder, &entr'autresM. Alphons, qui, quoiqu 'oc- cupé journellement de bonnes œuvres , trouve du temps pour étudier les infcéles, & en a trouvé affés pour me fournir les obfervations que j'avois le plus d'envie d'avoir par rapport aux cigales. Apparemment que nous euffions pu nous difpenfcr de traiter des cigales, de faire graver des figures qui re- préfentent celles de différentes efpéces & de diftérents fexes, &. leurs parties les plus remarquables, fi des cir- conftanees que nous ignorons n'euffent pas empêché jufqii'à préfent M. Pontedera d'en publier l'hiftoire qu'il avoit fait efpérer,& qu'il avoit promis d'accompagner de figures. Ce qu'il a rapporté de ces groffes mouches , dans une lettre écrite à Al. Shcrard dans le mois d'Oélobre 1717, & imprimée enfuite à Padouë, prouve qu'il lésa étudiées avec un foin & une attention qui n'ont pu man- quer de lui faire faire beaucoup d'obfervations fûres & curieufes. Ariflote & les anciens après lui, ont réduit les cigales à deux elpéces, qui différent principalement par la gran- deur; il a nommé celles delà plus grande efpéce achetœ, (5c celles de la petite efpéce tetngoniœ. M. Pontedera, dans la lettre que nous venons de citer, dit auffi qu'il ne con- noît que deux fortes de cigales, des grandes & des petites; mais qu'il connoît deux efpéces des unes 6c des autres. Il a fait un ufàge du nom d'efpéce, qu'on n'a pas coutume ditw faire lorlqu'il s'agit des animaux ; les cigales de deux fexes différents, le mâle & la femelle, font pour lui de deux efpéces différentes. Il s'eflcru autorifé apparemment DES Insectes. IK Alem. 1 5 1 à cette dénomination, parce que les Botanifles regardent comme dts, efpéces de ])lantes différentes celles qu'ils di- fent être d'un lexe différent ; mais les fexcs des plantes ne font ni auiïî fûrement connus, ni connus depuis aufli long-temps que ceux des animaux, ce qui fait qu'on ne feroit j)as auifi hardi à affûrer de deux plantes qu'elles ne différent qu'en iéxe, qu'on l'eft à l'affûrer de deux ani- maux. Quoi qu'il en foit , M. Pontedera convient qu'il ne connoît réellement que les grandes cigales * qu'Ariftote *pi. ,5. f;,. a nommées Achetés , & les petites "^ qu'il a nommées 1,2, 5 & 6. ■ Tettigonies. A ces deux efpéces, j'en ai une troifiéme * * pm. 7. ^* à ajouter, qui eft d'une grandeur moyenne entre les grandeurs des deux autres, & qui en diffère encore par d'autres endroits. A en juger par la grandeur de la cigale qu'AIdrovande a fait reprélènter pour une tettigonie, 6c par ce qu'il dit des lignes dorées qu'elle a fur le corps qu'il confond avec le corcelet, fa tettigonie eft notre cigale de i'efpéce moyenne *, & la plus petite efpéce de cigales lui * Fig. 7. auroit été inconnue. Outre les différences de grandeur qui peuvent faire aifément diftinguer trois efpéces de cigales les unes des autres, elles ont encore entr'elles des variétés de couleur très-propres à les faire reconnoître. La grande efpéce eft en deffus la plus brune des trois. Le corps & les corce- lets y font d'un brun luifant prefque noir. Le premier corcelet a pourtant un bordé d'un jaune-brun , tout au- tour de fon contour poftérieur. Il a encore une ligne droite du même jaune dirigée vers la tête, & qui ledivife en deux également ; quelquefois on y apperçoit de plus, deux ou trois points jaunâtres. Les parties du bord pofté- rieur du fécond corcelet, (jui font plus relevées que le refte, font auftî jaunâtres. Le jaune domine bien autre- ment fur les cigales de I'efpéce de moyenne grandeur *. * Fîg. 7. 152 Mémoires pour l'Histoire Le premier corcelet de celles-ci, a plus de jaune que de brun ; le fécond corcelet a aufTi beaucoup de jaune ; il a deux taches de cette couleur pofées l'une contre l'autre près de fon milieu, qui ont quelque chofe de la figure d'un X mal formé. Près de l'origine de chaque aîle, il y a encore une autre tache jaune; plus de la moitié de la partie fupérieure de chaque anneau eft jaunâtre. Enfin, les ailes fupérieures font picquées de huit à dix points d'un brun jîrefque noir, qu'on ne trouve point aux aîles des cigales de la grande efpéce. * PI. 1 6. fig. Les cigales de la troifiéme ou plus petite efpéce *, font ■^ appellées cigalons, près d'Avignon; elles ont moins de jaune que celles de la féconde, & plus que celles de la première efpéce. Quelques-unes ont une teinte rougeâtre. Tous les anneaux de leur corps , ont un étroit bordé jaune. . Quatre rayes jaunes un peu tortueufes , font couchées fur le fécond corcelet à peu-près parallèlement les imes aux autres, & dirigées fuivant la longueur du corps. Il y a beaucoup de jaunâtre fur le premier corcelet. Si on approche les aîles des cigales de cette petite efpéce, de celles des cigales des deux premières cfpéces, ellesparoiffent ialcs en comparaifon des autres aîles. On leur trouve une teinte jaunâtre qui aide à faire briller le luifant argenté des premiers. A ces trois efpéces, il y en aura apparemment encore d'autres à ajouter, lorfqu'on obfervera les cigales de différents pays avec une nouvelle attention. Le nombre des efpéces de ces mouches efi prefque déjà trop grand , pour qu'on puiac ks diftinguer les unes des autres fimplement par la grandeur; mais on pourra les caraétérifer par d'au- tres particularités qu'elles nous ofïrent ; les différences de couleurs, & les différentes diflributions des mêmes couleurs, y peuvent feules fuffire. Venons à confidérer par delTous nos cigales que nous n'avons "DES I N S E C T E S. /K Aîem. I 53 Iî*avons encore fiiit voir qu'en defTus. Les plus brunes, celles de la plus grande efpéce, ont le ventre d'une couleur plus claire que celle du deffus du corps; il eft d'un jaunâtre ihie &pâle, excepte près des bords, où Jipn trouve encore deux bandes brunes. Ces bandes ibnridcs portions des mêmes arcs ccailleux, qui recouvrent ledciFus du corps; chacun de ces arcs * le recourbe de chaque côté pour ♦?!. 16. fîg. venir finir fur le ventre, & pour y être aflemblé à une ^'^ ^^'^ ^ ^' lame écailleufe , comme ils le font eux-mêmes, mais moins convexe. Elleeft prefqueplatte, plus épaiiïe pour- tant vers fon-milieu que près de lès bords; dans toute Ion étendue, elle eftd'un jaunâtre pâle. Une de ces lames & ■ l'arc auquel elle eft jointe, forment enfemble un anneau . complet. Si on oblige le ventre de s'allonger, c'eft-à-dire, fi on ccarte les lames blancheâtres les unes des autres, autant qu'elles peuvent s'écarter, on met à découvert les fligma- tes du corps. Il y en a deux '*' entre deux lames, un de *ff,ff,5^c, chaque côté, placé tout ])rès de la jonélion d'une lame avec l'arc écailleux qui lui correlpond. Nous n'avons pas encore achevé la defcripîion de la tête de la cigale, parce que nous n'avons pas encore parié de ce qu'on en voit en confidérant le defî'ous. Nous n'avons pas même encore parlé de deux antennes * qui * Fig. i & pourroient échapper par leur petitcfTe , elles n'ont que ^>^^' "•'^* quelques lignes de longueur. On peut pourtant les ap- percevoir en ne voyant la tête que par -deffus , mais il faut la regarder par-deffous pour voir leur origine "*". * F'g- -• Cliacune d'elles eft pofée affés près d'un des yeux à re- zeau , & part de deffous une petite lame cartiiagineu.'è qui fe trouve fur le contour qui fait la féparation de la piirtie inférieure, <& de la partie fupérieure. Une loiq^e forte fait voir que .chaque antenne* eu compofée de *F^-3. Tome K ■ . V 154 Mémoires pour l'Histoire cinq à fix pièces articulées bout à bout, & déliées de pfus en plus; celle de l'extrémité cft auffi fine qu'un cheveu,. &. celle de la bafe eit fenfiblement plus grolTe.. Du bout antéj|ieur de la tête part une pièce de figure * PI. i6.eg. triangulaire *, qm femble être une efpécc de très grand 1 & 5. }>. menton, qui fé plie pour couvrir le delTous de la tête, & qui s'étend plus loin. Sa bafe a une largeur égale à la diflance qui cil entre les yeux à rezeau , & fa pointe va bien par-delà la ligne dans laquelle font les attaches des deux premières jambes. Le milieu de cette pièce efl re- levé en bofTe conique, & efl orné de cannelures tranf- verfales. La bafe de ce demi-cone fait le bout de la tête "vûe par-defTus. Le fommct du cône fe rend à la pointe de la pièce triangulaire, C'cft de la pointe de cette pièce * t. que fort la trompe *, au moyen de laquelle la cigale eft en état de prendre pour nourriture autre chofe que la rofée dont les anciens l'ont fait vivre. Avec fa trompe elle peut aller puifer dans les vaiffcaux des feuilles & des branches des arbres, le fuc qui y eft contenu. Je trouve auffi dans une lettre de M. Alphons, que lorfqu'il faififToit une cigale attachée à un arbre, il lui eilfouvent arrivé de tirer avec peine la trompe dont le bout étoit piqué dans l'écorce. Avant fa transformation, avant que d'être mouche, ce n'étoit que des racines des plantes qu'elle pouvoit tirer îes aliments néceffaires pour fon accroiflèment, comme nous le dirons bientôt ; alors cependant elle n'étoit pour- vue que d'une trompe pareille à celle qu'elle a étant cigale. Il y a donc apparence que cette trompe, qui lui a été confervèe dans fa métamorphofe, doit lui fervir à un ufage femblable à celui auquel elle lui a été nécelîàire fous fa première forme; qu'elle s'en fert pour pomper la fève des branches ou des feuilles, comme elle s'en feryoït aupa- jayant pour pomper celle des racines^ / BEs Insectes. IV, Mmi. 1 5 j Un corps délié & long *, une efpéce de gros fil fem- * PI. Kj.fig. ble partir de la pointe triangulaire ; il a à peu -pi es la ^' '* grofieur & la longueur d'une petite épingle. H eft appli- qué contre le fécond corcelet, & va par-delà l'endroit où font articulées les jambes de la troificme paire. Ce corps délié n'elt ])as la trompe, il n'en eft que l'étui, «Se ce n'eft pas du menton qu'il part comme les apparences portent à le croire. Pour voir la véritable origine de ce fourreau de la trompe, & pourvoir la trompe même, il faut fiire violence à l'efpéce de menton , le foûlevcr, tâcher de le redreffer un peu*. Pour peu qu'on le re- ♦ Fig. i o. />. dreffe, ce qui n'eft pas difiicile, on oblige une partie de la trompe* à paroître à découvert; celle-ci tient réellement * r, à la pointe du menton , auffi le menton ne fçauroit être foûlevé fans que la trompe le foit. Or, lorfque la trompe cft obligée de fuivre le mouvement de la pointe du men- ton, il lui arrive fouvent de fe tirer de fon fourreau; celui- ci refte en arriére , parce que fon bout antérieur, ou fa bafe, eft attachée fixement à At?, parties membraneufes qui fe trouvent au-deftbus du menton , vis-à-vis fon milieu , mais auquel elles ne tiennent point. Pour faire prendre une idée encore plus nette de la pofition de la trompe, & de celle de fon étui , ayons recours à une compa- raifon noble pour la cigale; comparons le bout de fon menton , au bout du nôtre, & les parties charnues ou membraneufes qui font fous fon menton, à celles de notre gorge. C'eft de ces parties charnues, analogues à celles de notre gorge, que l'étui tire fon origine, & c'eft de la pointe du menton que part la trompe. Quand celle-ci «'éloigne de l'endroit où elle eft ordinairement, fon four- reau ne la fuit pas^toii jours, elle en fort, & c'eft à elle à le venir retrouver quand elle doit y être renfermée. Il y 2k pourtant ^i^^ circonftances 014 le fourreau peut fuivre la Vi; 156 MEMOIRES POUR L'HîSTOIRE trompe, fçavoir, lorlque la cigale donne aux chairs d'où il part, un mouvement qui fait qu'elles accompagnent elles- mêmes le menton. * PI. 1 6. fig. Le fourreau '^' eiï une efpécede gouttière, à laquelle il ne '°' •'* paroît tout tlu long qu'une légère fente; cette fente eft fur la fice qui eft en vue lorfqu'on regarde la cigale par-def- fous. La gouttière eft affés folide, faite en grande partie de matières cartiiagineufes; elle pEut fe reftTcrrcr au point que la fente n'eft que le terme des deux bords ou lèvres qui fe touchent ; & elle peut s'ouvrir lorfqu'il en eft be- foin pour laifttr fortir la trompe. Ce fourreau eft plus renflé qu'ailleurs auprès de fa baie , delà il va en dimi- nuant de diamètre jufqucs un peu par-delà la pointe du * b. menton *. Dans le refte de fa longueur il eft plus menu , & a à peu -près par -tout le même diamètre, jufqu'à fon bout qui eft arrondi. Une portion de la partie la plus ren- ♦ a, b. fièc femble avoir deux articulations* ; on y voit au moins deux traits tranfverlaux pkis enfoncés que le refte. Au- deft!bus de cette même portion on doit remarquer des cartilages bruns qui forment un ceintre en forme de go- * g. det *. Ces cartilages peuvent être comparés à nos clavi- cules ; c'eft fur l'el'péce de bec du godet que pofe une partie de l'étui; le refte du contour du godet, eft, pour ainfi dire, une mentonnière deftinée à foûtenir le menton. Quand on confidère le fourreau avec une forte loupe, elle y frit découvrir beaucouj) de poils. Ceux de fon bout fe font plus remarquer que les autres, parce qu'ils font difpofès en rayons. On remarque auftl de chaque côté de la fente, des poils qui y font dirigés perpendiculairement & horizontalement , ils font deux efpéces de franges, mais légèrement fournies. Nous venons de voir que lorfqu'on foûleve le men- ton, la partie de ia troniiie qui y tient, fe dégage du DES I N S E C T E S. 7K Aîeni, I 57 fourreau. Si on paiFe une épingle ions cette partie de la trompe , & qu'avec cette épingle on la pouffe tlouccment, & peu à peu en Iiaut , on parviendra bientôt à dégager la troni])e toute entière, &dès qu'elle fera à découvert, on verra aifément qu'elle efl compofée de trois filets * écail- * PI- 1 6. fig, leux, ou de nature de corne, égaux en longueur, & de "•'''"''' couleur de marron. Ces filets i'c feparent fouvcnt d'eux- mêmes lorfqu'on les fait fortir iiors de la couliffe qui les- contenoit ; mais s'ils font refîés unis, on les écarte les uns des autres en les frottant afics légèrement avec la pointe de l'épingle. Quand on s'efl afÏÏiré du nombre des pièces qui entrent dans la compofition de cette trom- pe, pour bien voir comment elles font difpofécs les unes par rapport aux autres, on doit tirer le plus doucement* qu'il e(t poffible, une trompe hors de fon étui, afin de n'y caufer aucun dérangement. Elle paroît alors à peu- près ronde & terminée par une pointe. Quand enfuite on vient à féparer les trois pièces les unes des autres, on reconnoît qu'entre deux de celles-ci *, que nous nom- * t^t. raerons les extérieures, efl renfermée la troifième *, que nous appellerons l'intérieure. Cette dernière efl d'une couleur un peu plus claire que celle des autres. Les deux pièces extérieures font convexes par dehors, & plattes au moins par la fiice qui s'applique contre la pièce intérieure. Si on les examine au microfcope ou avec une loupe d'un court foyer, on voit que leur bout fe termine en pointe arrondie, <& faite à peu -près comme une eu illier oblongue, & que la convexité de cette pointe mouffe efl hériffée de dents très-proches les unes des autres, d'où il efl aifé de juger que ces deux pièces font deflinées à faire des entailles aux plantes. La pièce intérieure a fon bout terminé par une pointe fine & courbe. Outre Jes trois pièces, dont nous venons de parler-, V iij * r. 158 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE nous ne devons pas oublier d'en faire connoître une qiia- * PI. 16. fig. triéme *, qui femble appartenir à la trompe. Elle eft ce- lOiSc 1 1. /• pendant très-courte 6c part comme elle de la pointe du menton; elle s'appuye i'ur la trompe même. Elle eft plus blancheâtrc que les pièces qui compofent la trompe, (Se elle n'a pas autant de confidance; elle eft aiïes large à fa bafe, mais elle s'étrécit infenfiblement pour fe terminer par une pointe fine. Nous en laiiïerions prendre une fauffe idée, fi nous la laiffions imaginer platte, elle eft pliée en gout- tière. Je donnerois volontiers à cette pièce le nom de langue de la cigale. Je fuis très-difpolc à croire qu'elle conduit dans le menton, lefuc qui lui eft apporté par la trompe. Ce n'eft, au refte, que l'analogie qui veut que Je lui attribue cette fondion ; car je n'ai jamais été à por- tée d'obferver une cigalejîendant qu'elle fe fervoi.t de fa trompe. J'ignore par la même raifon, ù la trompe eft écartée du fourreau pendant qu'elle agit, ou fi le fourreau la foûtient alors, au moins en partie. Dans chaque efpéce de cigales , le mâle feu! fçart chan- ter. Cependant dans les pays où ces infeéles font les plus communs, on croit que c'eft la femelle qui chante , du moins le croit-on en Provence 6c. en Languedoc , on y prend le mâle pour la femelle. C'eft une méprife qui ne doit être reprochée ni au peuple ni même à des hommes d'ailleurs éclairés , puifque M. Malpighi avoue y être tombé. Il avoue qu'il deftîna d'abord l'inftrument dont la femelle eft pourvue pour percer les brins de bois dans lef- quels elle veut dépofer fes œufs, pour la partie propre au mâle, 6cdeftinéc à rendre les œufs féconds. Ceux qui ont attribué le bruit que les cigales font entendre, à une agi- tation prompte des aîles, accompagnée d'un frottement des fupérieures contre les inférieures, ont donné dans une erreur plus grofliérc. Les grillons & quelques fautereiles DES Insectes. IV. Mem. 159 lés ont conduits à le penler, & ils l'ont dit fans avoir con- fidéré un mâle de cigale; car lexanicn le plii« léger, ce- lui dont les gens de la campagne font capables, c'cft-à- dire, une finiple infpecflion, a iufîi à ceux-ci pour leur apprendre à diftinguer les cigales qui doivent ctre muet- tes, de celles qui j>euvent fe faire entendre; les jjayfansle fçavoient à.c.'î> le temps d'Aldrovande, & l'ont fçû appa-- remment plutôt. Si on ne veut donner le nom de voix qu'à rcl])cce de bruit qui cfl: produit par l'air chafTé bors des poul- mons, & qui , à fa fortie du larinx, cft modifié par la glotte , les infe(5les n'ont point de voix. Mais fi on croit devoir donner plus d'étendue à ce mot, fi l'on veut con- venir que tous les bruits, que tous les fons, au moyen defquels des a"nimaux déterminent ceux de leur efpéce à certaines aélions, méritent le nom de voix, alors nous trouverons de la voix aux infeétes, & les organes de celle de la cigale nous paroîtront dignes d'être admirés, quoi- qu'ils ne foient pas placés dans le gofier. C'ert fur le ven- tre qu'il les faut chercher; c'eft dans fk cavité qu'ils font logés. Quoique la pofition de ces organes *, connus même * P'- 16. % des payfans, n'ait pu échapper à Ariftote, & à ceux qui, ^" "' "* depuis lui, ou plus exacflement d'après lui, ont parlé des cigales , M. Pontédéra affine avec raifon , qu'il femble qu'ils ont été mal vus. Il efl certain , au moins, qu'ils ont été mal décrits, & qu'il y en a quelques-uns qui font dilîiciles à découvrir. Quand on obferve du côté du ven- tre un mâle des cigales de la grande efpéce, on y remar- que bientôt deuxaffés grandes plaques écailieufes * qu'on "'Fig. ;.!/,.7. ne trouve point aux femelles *. Leur figure arrondie *Fig.2, approche de celle ^xxn demi-oval eoiij)é furfon petit axe; je veux dire que chaque plaque a un côté qui elt en ligne l6o MEMOIRES POUR L'HISTOIRE droite, & que le lefte de Ton contour efl arrondi. C'ell par le côté^ui efl en ligne droite, que chaque plaque efl arrêtée fixement, fans aucune articulation , iur le fécond corcelet, immédiatement au-defTous de l'infertion de la troifiéme paire de jambes , c'eft-à-dire, tout auprès de l'en- droit où le fécond corcelet & le corj)s font joints eniem- ble. La largeur de chacune de ces pièces eft plus grande que celle de la moitié du ventre; poiécs à côté l'une de l'autre comme elles le font , non -feulement elles cachent en entier la partie qui leur correfpond , mais elles font en- core un peu en recouvrcinent l'une fur l'autre. Elles font un peu plus longues que larges, elles atteignent prefque ie troifiéme anneau par leur bout arrondi. Cependant c'efl au léui corcelet que tiennent ces deux plaques , &. quoiqu'elles y foient arrêtées à demeure, & qu'elles n'y ayent point d'articulation fenfible , on peut *PI. 17. fig. les Ibûlever lorfqu'on leur fait violence *; elles tournent i,2&.i. tt,i/. jjj^i-g fy[. J.J partie [^ pjyg jjrochc de leur attache; fouvcnt auffi, elles Ibnt obligées de céder lui peu au mouvement que fait le ventre, lorfqu'en fe pliant en deffous, il s'ap- proche du corcelet. Mais pour empêcher que ces deux pièces ne foient trop foûlevées , & pour les faire retomber * Fig. ii.f. lorfqu'elles l'ont été, il y a deux eipéces de chevilles * roidcs & faites en épine, dont chacune appuyé fur chaque plaque qui s'élève : c'efl de la cuiffe de la cigale , ou de la partie de la jambe qui efl unie au corcelet, que part chaque cheville épineufe. Si fans s'embarraffer de la réfiflance des deux chevilles, fFig. 2&3. on foûleve les deux plaques* jufqu'à les renverler fur le corcelet ; fi on met à découvert les parties qu'elles ca- chent lorfqu'elles font dans leur pofftion naturelle, on efl frappé de l'appareil qui le préfente. On ne peut douter que tout ce qu'on voit n'ait été fait pour mettre la cigale • en état DES Insectes. IV. Mem. 1 6 1 en ctat de chanter. Quand on compare alors les parties qui ont été difpofées pour qu'elle pût chanter, pour ainfi dire, du ventre, avec les organes de notre gofier, on juge que les nôtres n'ont pas été faits avec plus de foin que ceux au moyen defquels ia cigale rend des fons qui ne nous font pas toujours agréables. On voit une cavité qui a été pratiquée finguliérement dans la partie antérieure du ventre. Le premier anneau a été cou])é pour la former, Si le fécond a été rétréci. Le contour iupérieur de cette cavité a un rebord plus fort & plus épais que ne le font les anneaux : la forme de ce contour a même quelque chofe d'agréable, il eft arrondi fur les côtés, & au milieu du ventre il a une languette qui s'avance vers la tête , c'eft-à-dire , vers l'intérieur de la cavité. Cette cavité au relie eft partagée en deux loges principales*. Un triangle *pi. 17. fig, écailleux *, convexe du côté qui eft en vue &: très-fblide, ^ à-i-m,rn. a été employé pour foire cette féparation. La bafe * de *^'S-7-!7<"î- ce triangle eft du côté du corcelet , & le fommet de l'angle ^ ^" oppofé à la bafe, eft auprès de la languette dont nous avons parlé , & placé fous elle. Sur ce même triangle s'é- lève une arête qui va fe terminer à la languette même. Cette arête fait la cloifon qui divife la cavité en deux jufqu'au niveau des anneaux, ou à peu près. Le fond de chacune des cellules formées par la divi- fion de la grande cavité, offre aux enfants qui prennent des cigales , un fpedacle qui les amufe, & qui peut être admiré par \es hommes qui fçavent faire le meilleur ufage de leur raifon. Les enfants croyent voir un petit miroir * au fond de chaque cellule, taillé en demi-cer- * Fig. 2. & de, parce qu'un de fes côtés eft terminé par un de ceux 3 •'«''«• du triangle écailleux , & que le refte de circonférence s'ajufte fur le contour de la cavité. Quand une petite glace du verre le plus mince & le plus tranfparent , ou Tome V. .X l62 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE une petite lame du plus beau talc, feroit fertie au fond de chacune de ces cellules , ce qu'on y verroit ne paroî- troit pas différent de ce qu'on y voit ; la membrane qui y eft tendue, ne le cède en tranlparence, ni à aucun verre, ni à aucun talc ; & fi on la regarde obliquement , on lui trouve toutes les belles couleurs de l'arc -en -ciel. Il femble que la cigale ait deux fenêtres vitrées , par lef- quelles on peut voir dans l'intérieur de fon corps. Mais ces deux fenêtres font ordinairement fermées par deux *Pl. 17. fig. volets, qui font les deux pièces écailleufes * qui couvrent a& 3. M, M. j^ grande cavité. Lorfqu'on fçait que c'eft de deflbus ces volets, de deflbus ces plaques écailleufes, que fbrtent les fons que la cigale fait entendre, on comprend bien que les deux loges & les membranes û parfaitement tendues, font deflinées à modifier les fons , à les rendre plus harmo- nieux, fi ce n'eft pas pour nous , au moins pour la femelle par laquelle ils doivent être entendus, & pour laquelle ils font formés. Nous avons fait remarquer les deux arrêts qui empêchent les deux volets, les plaques écailleufes de s'éle- ver trop; il y en a un aufîî qui les empêche de defcendre * Fîg. 3. c. dans la cavité ; c'eft une efpéce de petit chevalet * qui part de l'extrémité du corcelet, & qui eft dirigé horizon- talement jufqu'auprès de la bafe du triangle écailleux. Là ce chevalet fe replie à angle droit pour fe faire un pied qui porte fur la. bafe dont nous venons de parler. Si qui y eft fixé. Cette efpéce de chevalet fert aufli à retenir le corps, à l'empêcher de s'écarter trop du corcelet, de fe relever trop en enhaut. Le triangle écailleux ne partage en deux que la partie poftérieure de la cavité. La partie antérieure de cette même *Fig.2&3. cavité, eft remplie par une membrane très blanche *, & "' "• qui, quoique mince , a de la confiftance. Elle eft attachée par un de fes côtés à la bafe du triangle écailleux;, 6c par DES I N S E C T E S. /K Mem. i 63 fon autre côté au bord poftérieur du corcelet. Enfin, les deux bouts font attacliés aux parties loi ides de ia cavité qui leur répondent. Cette membrane n'eft pas tendue comme le Ibnt celles qui imitent de petites glaces; elle ne l'eft que quand le corps de la cigale Te redrefle : mais quand le corj)s le recourbe en embas, comme pour fe rapprocher de la tête, alors cette membrane fe plilTe né- celTairement, & les plis qu'elle forme font parallèles aux anneaux. Voilà , ce femble , afles de parties employées pour faire chanter une cigale; aulfi elt-ce par quelques-unes de celles que nous venons de décrire, que plufieurs Auteurs ont prétendu que leur chant étoit jiroduit. Les uns ont voulu que le frottement des anneaux contre les volets ou pla- ques écailleufes, fût fuffifant pour faire le bruit dont il s'agit, & cela quand le ventre s'approche du corcelet en le courbant en dclFous, 6c s'en éloigne enluite avec vîtefle pour fe recourber de nouveau & fur le champ. Mais en failant faire foi-même ce jeu au corps d'une cigale morte, il efl aifé de s'alfûrer qu'il ne produit prefque point de frottement & nullement un frottement capable de faire- du bruit. D'autres ont regardé les deux petits miroirs comme deux tambours qui rendoient les Ions ; mais ii falloit trouver les baguettes propres à frapper fur ces tam- bours, & on les chercheroit inutilement. D'autres enfin, ont jugé que la membrane blanche* qui occupe la partie * PI. 17% antérieure de la cavité, pou voit, en fe pliant &:fe dépliant, ^'' 3-«/"« faire une forte de cri : cependant il elt facile de fe con- vaincre que cette membrane eft trop humide & trop fle- xible pour rendre des fons lorfqu'elle fe plie& fe déplie. Enfin, il efl: très- certain que le chant de la cigale n'ell produit par aucune des parties que nous venons d'examiner, qu'il en demande beaucoup d'autres plus Xij 164 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE fjnguliérement placées, & qu'il ne fcroit pas pofTible de découvrir avec quelqu'atteiition qu'on obfervât une cigale vivante, eût-elle la complaifance de chanter fur la main de l'OWervateur ; il n'y a que la diffeélion qui puiflTe nous montrer les vrais organes de fli voix. Après en avoir ou- vert quelques-unes fur le dos, c'eft-à-dire, après y avoir emporté la partie fuj)éricure du premier & du fécond an- neau ; après avoir mis à découvert du côté du dos la por- tion de l'intérieur qui répond à la cavité où font les miroirs, * PI. 17. fig. je fus frappé de la grandeur de deux mufcles * qui s'offri- (>-f'J- YQi^i à mes yeux. Chacun des mufcles , dont je veux parler , efl un faifceau d'un prodigieux nombre de fibres droites appliquées les unes contre les autres , &. pourtant aifées à léparer les unes des autres. Les deux mufcles fe rencon- trent l'un l'autre fous un angle plus petit qu'un droit, 8c ce point de rencontre &. de leur attache eft fur le revers *Fig. 8. de la pièce triangulaire & écailleufe *, & précifément à =» e. celui des angles * d'où partent les côtés qui ferment les cavités où font l'un & l'autre miroir. Ceux qui ont fait attention à la di/pofition des fibres des mufcles qui fe trou- vent dans le corcelet des mouches de différentes efpéces, & qui fervent à mouvoir leurs aîles, fe feront une jufîe idée des mufcles que nous voulons faire connoître ; ces derniers ne le cèdent, ni en groffeur, ni en force à ceux qui font employés à produire le mouvement des aîles, P^' ou avec certains rilîoirs que nos ouvriers employent à limer ou à réparer dans des cavités. Nous avons dit que la pièce d'affemblage fe termine en fer de pique; les deux faces* qui en marquent l'épaifleur , & qui concourent à * Fig. j. fa pointe, fervent de fupport aux deux limes*; c'efl-à- *ip,fp, dire, que chaque lime eft pofée fur un des côtés de la portion faite en fer de pique. La pofition des limes eft afles expliquée , on entend affés comment le -fupport eft emboîté dans l'une & dans l'autre; mais nous n'avons rien vu encore qui puifte ren- dre cet affemijlage folide : il l'eft gu de - là de ce qu'on l'imagineroit , car fi on n'agit avec bien des précautions, & fi on ne fe retourne de bien des manières , il eft diffi- cile de dégager les deux limes de deftlis le fupport, fans brifer quelqu'une de ces trois pièces. Le moyen qui a été employé pour les tenir unies, & en même temps, ce qui étoit effentiel , pour que les limes puffent jouer alter- nativement, pour que la pointe de l'une * pût êtreportée * Fig. 8. ip, par de -là la pointe de l'autre, & ramenée enfuite en arriére; ce moyen, dis-je, eft le même que celui auquel nous avons journellement recours dans divers ouvrages de ménuiferie. Nous avons des boîtes dont le deffiis fe tire, parce qu'il a des languettes qui entrent dans des çou- liffes taillées près du bord fupèrieur de la boîte. Nous Ijd MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE avons des tiroirs qui font au/Ii a coulifFe ; enriii nous failons beaucoup d'autres ouvrages à couiifTes & à lan- guettes. Quand on examine avec une loupe forte la tran- * PI. iS.fig. elle de la pièce d'afTemblage '^, & celle de iès faces ^, qui 4^'"': efl couverte par les tiges des deux limes, & quand on * Fig.^io. procigales. Je n'héfiterois pas auffi à placer dans ce genre un petit infedle *, mais très-commun, & dont je vais parler, * Fig. 1 0. fi j'étois affés certain qu'il efl une mouche. 11 a deux aîles très-iranfparentes ; mais je doute fi au-deffus de celles-ci on doit lui reconnoître deux autres aîles, ou lui croire fimplement deux fourreaux des véritables aîles; car fi ce font des aîles, leur tiffu n'eft pas auffi tranfparent que celui des aîles des mouches ordinaires, &fi ce font des fourreaux, ils font des fourreaux bien minces. Quand nous parlerons des infeéles dont les aîles font couvertes par de vérita- bles fourreaux, nous donnerons pourtant des règles pour diftinguer les véritables aîles des étuis qui leur ont été accordés, quelque minces qu'ils foient; mais il n'eft pas aifé de faire l'application de ces règles à des infedes e)#ré- mement petits. Heureufemcnt que peu de gens s'embar- raflent qu'on foit extrêmement exad: dans la difcuffion des faits de cette nature; généralement on aimera mieux qu'on le foit à rapporter ceux qui font honneur au génie des infeéles. Celui que je veux faire connoître, fe tient fur les rofjcrs; depuis k faifon des rofes jufque vers la Touflaint , on ne fçauroit toucher les branches de ceux de la plupart des Aa iij 190 Mémoires pour l'Histoire jardins, les agiter, fans déterminer un grand nombre de petites mouches à s'envoler; je dis de mouches, car je continuerai à leur en donner le nom malgré l'incertitude où je fuis, fi elles ont quatre aîles ou fimplement deux aîles & deux fourreaux. Toutes les petites mouches à beau- coup près, ne partent pourtant pas de deffus le rofier qu'on agite légèrement. Si on cherche à voir celles qui y font reliées , on en trouve des milliers de difperfées fur les branches, & fur-tout près des fommités. On en trouve auffi fur les feuilles mêmes. Elles peuvent être vues faqs le fe- cours de la loupe. La couleur de leurs aîles fupérieures eft un citron pâle. Celle du refte du corps eft plus blancheâtre. Non-feulement elles volent, elles fçavent auffi fauter. J'ai déjà dit d'avance que leur trompe eft affés femblable à celle des cigales , & pofée femblablement. Tant de milliers de ces petites mouches qui fe tien- nent fur le même rofier , dévoient foire foupçonner au moins qu'elles n'y étoient pas feulement pour y prendre leur nourriture ; qu'elles s'y multiplioient. Armé d'une loupe, j'y obfervai plufieurs de celles qui étoient tran- quilles ou qui le paroiffoient , & je les obfervai en deiïbus &. de côté , parce que je penfai qu'il y en pouvoit avoir d'occupées à pondre. Je ne fus pas long-temps à en dé- couvrir qui étoient dans cette opération, ou qui s'y pré- *Pr. 2o.f5g. pawient. J'en vis qui redreflbient une petite pièce * qui ^^' •^' étoit couchée auparavant contre leur ventre; & qui après l'avoir redreffée jufqu'à la rendre perpendiculaire à la fur- face de la tige, fur laquelle leurs jambes étoient cram- ponnées, en piquoient le bout dans cette tige; elles l'y faifoient pénétrer enfuite de plus en plus, jufqu'à l'y en- foncer toute entière. Cette partie eft donc un inftrument propre à «ntailler les branches de rolier. Quand j'ai examiné celui d'une DES Insectes. IV. A/e?n. 191 petite mouche que je tenois à la main , j'ai vu qu'il étoit une véritable fcie terminée en pointe *, &. un peu courbe. * PI. 20. fig. Le côté concave eft appliqué contre le ventre, & le côté '^' convexe efl dentelle, &. Icfeul qui le foit. Cette fcie ne m'a pas paru auffi compofée que celles des mouches que nous avons appellées à fcie ; mais une fi petite par- tie pourroit bien avoir des particularités qui m'auroient échappé. L'endroit où on trouve fon origine, en efl; une aifée à remarquer ; cette fcie efl attachée bien plus loin du bout cki corps, que ne i'efl la fcie d'aucune des mou- clies dont il a été parlé dans le troifiéme Mémoire; elle i'efl: .vers le milieu du troifiéme anneau ; de forte que lorfque la fcie eft entièrement redreflee , elle eft à peu- près perpendiculaire au-deffous du milieu du ventre. La mouche peut donc agir defTus avec le poids de tout fon corps. Parmi ces petites mouches, comme parmi toutes les autres, il y a des femelles & des mâles. On ne trouve point de Ibie à ces derniers ; mais lorfque leur derrière efl preffé, il fait voir trois petites baguettes *, d'entre lefquelles fort * F'g- ij- une partie charnue & oblongue *, qui eft apparemment l' '^'^' celle qui eft effentielle au mâle; & c'eft pour s'emparer du derrière de la femelle , que le mâle a les trois autres corps en forme de baguette. Les œufs que la femelle dèpofe dans les entailles qu elle a faites, font fi petits & fi tendres que je n'ai pu parvenir à les détacher fans les crever. Quand j'ai enlevé de l'éeorce entaillée, je n'ai pu appercevoir qu'un peu d'humidité qui ne me paroiffoit pas être celle de la fève. Dans chacun des endroits où un œuf a été dépofé, il fe fait une petite tuberofité que le ver qui fort de l'œuf oblige à s'élever davantage; mais elle eft toujours très-petite, moins groiïe qu'un grain de millet, 6c. plus applatie. Le ver eft aufïi - 192 Mémoires pour l'Histoire tendre ou plus tendre que l'œuf, car je n'ai jamais pu par- venir à l'avoir. Je n'ai jamais eu que de l'eau quand j'ai ouvert fà loge, mais en une quantité plus confidérable que quand j'ouvrois celle où étoit un œuf. Cependant ce ver *P1. io.fîg.fe mctamorphofe fous l'écorce en une nymphe "*" de la '*• clafTe de celles qui marchent , & qui ne diffère de la mou- che qu'elle doit devenir , qu'en ce que les ailes font con- tenues dans de très-courts fourreaux , qui laifTent le deffus du corps à découvert. Les nymphes marchent l'ur les ro- fiers, & s'y transforment en ces mouches, dont jious n'a- vons parlé qu'à caufe de leur petite fcie. Nous fommes réduits à ne donner prefque que la figure ^Tig.Côcj. d'une mouche * d'une elpéce très-finguliére, &. qui nous paroît être de celles qui à caufe de laflruélurede leur trom- *Fig. 6. t,&. pe *, doivent être mifes parmi les procigales. La mouche '^ë- 9' dont nous fommes fâchés d'avoir fi peu de chofe à dire, n'efl: pas feulement remarquable par fa grandeur , & par les couleurs dont elle efl parée , elle l'efl bien davantage par la lumière qu'elle répand pendant la nuit , & par la figure & la pofition de fa partie lumineufe. La lumière de nos vers luifants, & des Icarabés luifants, aJDpellès vulgaire- ment mouches luifantes, vient de defi"ous le ventre, d'au- * Fig. 6 & près du derrière ; & c'ell la partie antérieure * de la tête de 7*^' notre grande mouche qui éclaire, & qui éclaire à un tel point, que M,"^ Merian afliire qu'elle met en état de lire h Gazette d'Hollande pendant la nuit. C'eft à Surinam qu'elle a obfervé ces mouches , & qu'elle y en a peint des figures qui font gravées dans la quarante-neu'tiéme plan- che de fes infeèles de ce pays là. On nous en a envoyé à ParisdeCayenne. Ces deux endroits qui fontaffés voifins, ne font pas apparemment les feuls de l'Amérique où elles naifitnt. On les appelle des porte-lanternes, parce qu'on a regardé la partie antérieure de la tête, de laquelle la lumière DES Insectes. /K Alem. 193 lumière fort comme une efpécc de lanierne. Quand on feroit plus à portée d'étudier cet infede que nous ne le jfommes, on ne parviendroit peut-être pas à fçavoir pour quel ufage cette lanterne lui a été donnée ; il ne femble pas au moins que ce foit pour l'éclairerpendant qu'il voie. Les yeux à rezeau * font près de fon origine. Un flambeau ou * Pi- 20, f plutôt une flamme plus large que notre front , & qui en '' partiroit , ne ferviroit qu'à nous empêclier de voir les objets qui feroient par-delà. La tête de cette mouche, fi on la prend depuis le cor- celet , & qu'on en mette la fin à l'origine de la lanterne, ell très-courte. Elle n'eft pas plus longue qu'eft large un anneau du corps. Mais fi on regarde la lanterne comme une portion de la tête même, alors la tête n'a guère moins de longueur que le corps , car le volume de la lanterne efl: confidérable; elle a plus de diamètre d'un côté à l'autre que de deffus en deffous. Près de fon origine elle a en deflus une efpéce de bofle ; fon bout eft arrondi. Le fond de fa couleur, ou de la couleur qu'elle a dans des mouches feches telles qu'elles nous arrivent ici , ell olive; mais fur ce fond font des rayes ondées , & quelques taches brunes. La partie fupérieure a de plus deux rayes d'un alfés mau- vais rouge. De chaque côté elle a un rang de tubercules applaiis & rougeâtres. En deffous *, la lanterne a une arête * Fig. 7. qui la divife en deux également prefque depuis fon origine jufqu'à fon extrémité, & deux autres qui partent d'auprès de l'origine delà précédente, & qui après s'en être écartées pour s'approcher des côtés, reviennent la joindre à fon extrémité. Ces trois arêtes font rougeâtres. Il y en a encore deux dont chacune eft proche d'un côté, qui ont de dif- tance en diflance des épines. La curiofité que j'ai eue de voir l'intérieur de ces lan- ternes, a été affés mal fatisfaite. J'en ai ouvert une qui ne TomeV. .Bb 194 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE nia offert qu'une cavité confidérable, renfermée pariin . cartilage médiocrement épais. Je n'ai trouvé aucune partie dans cette cavité. Quand on fuppoferoit que celles qui y étoient lorfque l'animal vivoit, s'étoient defTéchées, elles n'auroient jamais pu remplir , lors même qu'elles étoient molles , qu'une petite partie de cette cavité. Près de l'origine de la lanterne, il y a de chaque côté un * PI. 20. fig. œil à rezeau * de couleur rougeâtre , qui eft un demi-globe ^' '* logé dans un orbite écailleux & échancré par embas. Au- » Fig. 8. deflbus de cet œil , fur la même plaque écailleufe *, il y a * g. un autre demi-globe* dont la furface efl grainée, & que M.'"*Mérian a négligé de faire paroître dans fes figures. Ces derniers demi-globes feroient-ils encore des yeux î En ce cas c'en feroient d'une ftrudlure différente de celle des yeux à rezeau. Entre chaque œil à rezeau & chaque demi -globe chagriné, efl un petit mammelon prefque * vu cylindrique *. Les ailes fupérieures n'ont pas une parfaite tranfpa- rence. Le fond de leur couleur efl: celle d'une olive po- chettée; elles font pointillées d'un peu de blancheâtre, & près de leur bafe elles ont plufieurs petites taches prefque L * Fig. 7. noires. Les aîles de deffous *, un peu plus tranfparentes que les fupérieures, font plus courtes, & ont cependant plus d'ampleur. Elles ont chacune un grand œil qui a quelque reffemblance avec ceux des aîles des papillons paons. Les teintes les plus claires de ces yeux font olive, & les teintes brunes font caffé. Dans la même planche où M.'^"* Mérian a reprefenté des porte-lanternes, elle a reprefenté une autre mouche que les Indiens appellent des vielleurs , à caufe que le bruit qu'elles font imite le fon d'une vielle. Elle a donné auffi la figure de ia nymphe du vielleur, qui eft une mouche qui doit encore appartenir au genre des procigales. M.!"! Mérian dit que DES Insectes. F/. Mem. t 9 ^ les Indiens ont voulu lui perfuader que les vielleurs fe métamorphofoient en porte-lanternes ; & il femble qu'elle en ait été convaincue, puifqu'elle nous donne une des figures de fa planche pour celle d'un vielleur dont la tête s'eft allongée pour devenir une lanterne. C'eftune méta- morphofe qui demanderoit à être mieux fuivie. En cas qu'elle foit véritable, elle pourroit être comparée au chan- gement qui arrive aux mouches éphémères , qui , après avoir volé, ont encore à fe defîàire d'une dépouille. EXPLICATION DES FIGURES DU QUATRIEME MEMOIRE. Planche XV L J_j A Figure I repréfente une cigale femelle de la grande efpéce, vue du côté du dos. a, a, les antennes, i, i, les yeux à rezeau entre lefquels font placés les trois yeux liffes. La tête finit où les yeux à rezeau fe terminent. Là commence le premier corcelet , ou la première partie du corcelet double, ieeï, l'étendue du premier corcelet. ec £ e, le fécond corcelet. La Figure 2 fait voir par-deffous la cigale de la figure précédente, i, i, les yeux à rezeau.^?, le prolongement de îa tête, d'où la trompe part, t, la trompe./^ la fente du bout poftérieur du corps , dans laquelle la tarière double , ou les limes font logées. La Figure 3 eft en grand cejle d'une antenne marquée a, fig. I & 2. La Figure 4. a été deffmée pour faire voir la pofition des ftigmates du corps. On y voit comment l'arc qui forme la portion fupérieure de chaque anneau, revient en deffous, 6t qu'une lame moins convexe eft jointe par B b ij ig6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE fes bouts , aux bouts de l'autre. ab,bc, c dj trois différents anneaux. y^y^y^ &c. vont chacune marquer par une ligne pondlucc un des ftigmates. La Figure 5 montre par- defTous une cigale mâle de h grande efpéce. Les paities qu'elle a ièmblablcs à celles de la femelle de la figure 2 , font défignées par les mêmes lettres ; ce qu'elle a de particulier font les deux volets, ou les deux écailles u, ?/^qui couvrent les endroits où font le.s organes qui modifient le chant. On y voit anfîl que fa partie poftérieure ^^ efl faite autrement que la partie poflé- rieure jCde la figure 2, qu'elle n'efl pas fi allongée, & qu'elle n'a pas une fente fémblable à celle qui loge les limes. Dans la Figure 6, la cigale mâle de la figure 5 efl vue par-defTus, & montre fes quatre aîles. ij i, yeux à rezeau & fin de la tête. Depuis les yeux à rezeau jufqu'en e Cf efl le premier corcelet. e e^ c le fécond corcelet. La Figure 7 reprefente une cigale de moyenne gran* tieur, vue par-deffus. Les Figures 8 & 9 font voir par-deffus, deux cigales de la petite efpéce. La cigale de la figure 8 , a fur fon double corcelet dts taches qu'on ne trouve point aux corcelets de celle de la figure 9. Les Figures 10 & i\ font voir en grancf la pofition des ]);'.! ties qui compofent la trompe, d'où ces parties tirent leur origine, comment elles feréuniffent, & com- ment elles peuvent être féparces. /,,/;, figure j©, les yeux à rezeau. jy^ la partie de la tête qui efl ramenée & pro- longée en deffous. De la pointe pj de cette partie, part ia langue /. La trompe t, fe rend à cette même pointe p^ en deffous de la langue /. Ici la trompe eft en partie hors de fon fourreau.^ le fourreau, g, ei^péce de godet écailleux d'au-deffus duquel part le fourreau de la trompe, Daus la Figure 1 1 , on n'a que le prolongement /^^ du DES Insectes. IV. Mein. 1 97 bout de la tête ; on en a ictianché les yeux à rezeaii , & une grande portion de ce qui les (un. On y voit ia trompe hors de fa couliire, & développée, ij r, i, les trois parties dont elle e(t eom{)orée, loûtenues en l'air par l'épingle qui les a miles hors de leur couliffe, & qui les a écartées les unes àes autres, l, la langue. Celte figure montre en- core mieux que ia précédente, l'endroit où eft l'origine de l'étui , & combien il eft éloigné du bout p, d'où la- trompe part. Planche XVI T. Toutes les figures de cette planche, excepté la dernière ;; ont été deffinéespour flùre connoître les organes du chant de la cigale. La Figure i fait voir à peu-près dans fa grandeur na- turelle & par-defTous , le corps & partie du dernier corcelet de la cigale mâle de la grande efpéce; ik les figures fuivantes. jiirqu'à la dixième inclufivement, fontprifes d'après cette même cigale. ?/^un des volets écailleux qui eft en fa place naturelle, & fur lequel pofe une jambe, u, autre volet qui a été relevé pour mettre à découvert la cavité qu'il couvroit. m, le miroir qui eft dans le fond de cette cavités Dans la Figure 2 , plus grande que nature , les deux volets u, u , font rcpréfentés, relevés & jettes fur le cor- celet, & laiflTent voir en entier la cavité où font les deux miroirs, m, m, ces miroirs. L'efpace qui eft entre les miroirs^ cft rempli j)ar un triangle écailleux qu'on voit mieux dans la figure fuivante. n n, membrane blanche & plifiTée, que les uns ont regardée comme l'inftrument du fon , pendant que les miroirs ont été pris pour tels par d'autres. La Figure 3 repréltnie les mêmes parties que la figure 1', mais beaucoup plusgrofiies , & au point nécefi!aire qu'elles k foient pour r eudie leur figure ékieur pofition diftinéles.. B.b iij ipS MEMOIRES POUR L'HISTOIRE u, u, les deux volets, m, m, les miroirs, q, q ,\c triangle écailleux placé au milieu de la cavité , &, qui aide à renfer- mer les deux loges où font les miroirs. « n, membranes blanches & pliiïees qui ont été prifes pour l'inftrument du chant, l, l, deux ouvertures de forme oblongue , dont chacune eft à peu-près renfermée par deux arcs. C'eftpar chacune de ces ouvertures que fort l'air fonore qui a été mis en mouvement par les deux inftruments du chant. Ce font les ouvertures des deux cellules , dans chacune defquelles une timbale efl: logée. La Figure 4, fait voir de côté une portion du corcelet, & une portion du corps d'une cigale inâle ; tout ce qu'on a voulu y montrer, c'efl: une élévation qui efl en e, fur le premier anneau , de qu'on ne trouve point au premier anneau de la femelle. Là cette partie de l'anneau s'élève pour faire une loge d'une capacité fuffifante pour con- tenir la timbale, &;lui laiffer fon jeu libre. La Figure 5 ne diffère de la figure 4., qu'en ce que la portion d'écaillé marquée e^ dans cette dernière figure , a été coupée prefque tout autour dans la figure 5 , & rejettée vers le dos. e, cette portion d'écaillé, r, la timbale qui alors efl à découvert, u^ le volet qui efl dans fa pofition naturelle, & qui ferme la moitié de l'ouverture de la cavité où font les miroirs. La Fig. 6 repréfente fort en grand le corcelet & le corps d'une cigale mâle, dont le corps a été ouvert par-deffus. Cette figure efl très-propre à donner idée des parties d'où dépend le chant de la cigale. ?n, m, les deux miroirs vus du côté du dos, au lieu que dans les autres figures, c'efl du côté du ventre qu'ils font en \ûe.f,f, deux mufcles compofés de fibres droites, &. prefque parallèles les unes aux autres. Chaque mufcle /S efl defliné à faire jouer la timbale vers laquelle il fe dirige, r, t, les deux timbales. DES Insectes. IV. Me?m 199 qui ont été mifes à découvert. Lesmufcles^^ font ap- puyés fur le triangle écailleux du côté où il eft concave. Vers la partie poftérieure du corps, on voit enf, des vaif- fcaux blancs qui y font une infinité de plis & de replis; ces vaifTeaux lont pleins de la liqueur nécelTaire à la fé- condation des œufs. La Figure 7 eft celle d'une coupe d'anneau vue du côté du ventre , &. prife au bord de la cavité où font les miroirs ; mais les miroirs , & les autres parties ont été ôtées de cette cavité, eç^, le triangle écailleux, qui , quand il étoit en place , touchoit par le fommet de l'angle e, la portion c de l'anneau qui efl courbée en cœur, & qui étoit arrêté contre cette partie de l'anneau par les deux ligaments qui partent du fommet e. La Figure 8 montre le côté concave du triangle écail- leux, dont le côté convexe efl en vue dans la figure y. C'eft fur ce côté concave que font pofés les mufcles^j^ de la figure 6. La Figure 9 repréfente les deux mufcles Âf, kf, tirés de deffus le triangle écailleux de la figure précédente. Des fibres i, qui partent d'une plaque prefque cartilagineufe , pofée fur le bout d'un de ces mufcles , vont fe joindre à îa timbale /. La Figure i o fait voir la plaque cartilagineufe qui a été détachée du bout d'un àts mufcles de la figure 9. Les fibres /,, qui partent de cette plaque, font celles qui étoient attachées à une timbale. La Fig. 1 1 repréfente une partie du corcelet antérieur; le corcelet poftérieur, & partie du corps d'une cigale mâle de moyenne grandeur, de l'efpécede celle de la figurey, planche 16; elle les repréfente, dis -je, vues de côté & groffies. e, e, partie du corcelet antérieur, c, le corcelet poflérieur. u, l'un des volets écailleux. t,r, la timbale, qui ^OO MEMOIRES POUR L'HISTOIRE eft à découvert en /, & en r. p, pièce qui couvre une partie de la timbale. La Fig. 1 2 eflla même que la fig. 1 3 , à cela près que la pièce yP^ qui couvre une partie de la timbale dans la figure précédente, a été abbaifTée dans la tig. i ^.p, cette pièce. La Figure 1 3 fait voir le ventre , & partie du deflbus du corcelet de la même cigale, fur laquelle les figures 1 1 <& 1 2 ont été deiïinées. Un des volets u, eft abbaifle , & une des jambes pofe deflus. L'autre volet Uj eft relevé. On peut remarquer plufieurs différences entre la cavité qui cft à découvert, & celle des figures i , 2 & 3. 7;/^ le miroir qui eft très -petit & plus enfoncé que ceux des grandes cigales, n^ la membrane blanche & pliftee. t j une petite portion d'une des timbales qui fe trouve fous le volet qui eft du même côté. La Figure 14 repréfente en grand le bout du derrière de la cigale femelle de la figure 2 , planche 16. aa, le bout ([n corps, ou le dernier anneau, dont la forme eft fort différente de celle des autres; c'eftune efpèce de cône, qui a un renflement au-deffus de fa bafe; & qui eft fendu tout du long du côté du ventre, cf, cf, les deux pièces, qui enfembie compofent l'étui de la tarière; la fente qui eft entre ces deux pièces , laifTe entrevoir la tarière. Planche XVIII. Toutes les figures de cette planche font groflles au microfcope , & font deftinées à faire connoître la ftrudure de l'efpéce. de tarière de la cigale. La Fig. I repréfente le bout du corps d'une cigale fe- melle de la grande efpèce , vu du côté du ventre, b a a,cc prolongement du corps, qui peut être appelle le dernier anneau , quoiqu'il ait une figure différente de celle de ceux qui le précèdent ; il a une entaille dans toute fa longueui* danis DES Insectes. IV. Me'm. 20 1 dans laquelle font logées les pièces qui compofent 1 eiui de la iciriére, & qui la renferment, ù, le dernier des an- neaux ordinaires, a a, cet anneau allongé en cône, & refendu, dans lequel la tarière efl: logée dans les temps ordinaires.7^ la tarière fortie de fon étui, c, c, les deux pièces qui enfemble compofent l'étui de la tarière. Les Figures 2^3 montrent les deux pièces qui for- ment un étui à la tarière. Une de ces pièces figure 2, efl; vue de côté , & l'autre par la face où eft la concavité d uneefpèce de cuilleron oblong. cg, le cuilleron,^/) tige du cuilleron articulée en g, &. qui a une cavité qui paroît le long de g fi figure 3. La Figure 4. fait voir la tarière développée en partie,' & les trois pièces dont elle eft compofée. a a, portion de l'anneau dans lequel fe loge la tarière, qui a été coupée en a a. Une des limes pf, a été retirée de defTus fon fupport. pf, eft la partie qui eft armée de dents inclinées vers la pointe;?. Les dents font noires, &. le refte de la lime eft blancheâtre. / r^ pièce d'un brun prefque noir qui lèrt de fupport aux limes, & que nous avons nom- mée pièce d'aftcmblage. On en voit la partie de deûbs laquelle la Wme pf, a été dégagée./? /, l'autre lime qui eft poîée &engrainée dans l'autre moitié du fupport, comme pf, l'étoit naturellement. Dans la Figure 5 les deux limes font retirées de deftiis leur fupport. t ee r, le fupport , lur la face ôc fur l'épaiffe tranche duquel on voit des languettes & des cannelures. pf une des limes.;//, l'autre lime. Le fensdans lequel cette dernière fe prèfente , permet de voir qu'elle a des canne- lures Ôi des languettes propres à s'affembler réciproque- ment dans les languettes &. les cannelures du fupport. La Figure 6 qui ne reprélènte qu'une portion de la tarière, montre qu'une des limes peut s'élever plus que TomeV. .Ce 202 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE l'autre ; la pointe p, de la lime/' l, efl plus élevée que la pointe p, de la lime/;/' Une partie r, du llipport a été LifTce à découvert par la lime;»/. Dans la Figure j, où la tarière efl repréfentée dans prefque toute là longueur, la pointe p, de la lime /'/, tft beaucoup delcendue au-deflTous de la ^^o'mie p, de la lime pf, 6i on eût été maître de la faire delcendre davantage. Dans la Figure 8 , tout au contraire de la figure précé- d::-nte, la pointe p, de la lime/7/, eft beaucoup élevée par- delà la pointe p, de la lime pf. qr, partie du liipport de defTus laquelle la lime Ip, a été retirée. La Figure 9 efl celle des deux limes tirées de defTus leur fupport. La Figure 10 montre la tarière cje la figurey, du côté oppolé à celui où elle efl vue dans cette dernière figure. La lime /'/'efl dans là pofition ordinaire, & la lime /-/eft delcendue plus bas qu'elle n'efl ordinairement. Ici la hcG, qui efl en vue, efl la fiipérieure quand la cigale efl pofée fur un plan horizontal , au lieu que la face des autres figures efl l'inférieure, ou celle qui lé préfente lorfqu'on regarde le ventre d'une cigale. La partie o, delà lime pi, qui excède le fupport, apprend que la tige de la lime ne s'applique que (ur l'autre face du lupport, & fur celle qui en marque l'èpaifTeur, ou fur la traiiche. Toute la large face du fuj)port, efl vue dans cette figure; fi on y remarque quelques filions, ils ne (ont pas de ceux qui fervent à main- tenir les fcies |)endant qu'elles font en ieu. Dans la Figure i 1 , les féies ont été coupées en /,<&/ &ont été écartées de leur fupport coupé en t. Tout ce qu'on a eu defTeindly faire voir, c'efl que le fupport, avant que d'arriver au corps, fé divife en deux branches ty, t x, & q le l'entre-deux des branches efl rempli par des mem- branes m, qui lient les deux branches enlenible. '. DES Insectes. IV. Mem. 20^ La Fig. 1 2 ne montre encore qu'une partie de Ja taiicre & de l'anneau dans lequel elle eft logée. Elle fait voir les queues z/,zf, des limes, ou les tendons écailleux qui les font agir alternativement, ô, le fu])port des limes. Planche XIX. Les Figures i & 2 repréfentent deux petites branches de meurier, dont celle de la figure i , eft plus menue que celle de la figure 2: une cigale adépoféfesœufsdans l'ii téricur de chacune de ces branches, r, t, 1, &c. marquent de petites élévations faites par la peau & les fibres qui ont été coupées &foûlevées. Chacune couvre l'ouverture d'un trou crcufé dans l'intérieur de la branche. Fig. i , on voit en e, e, deux élévations qui ne font pas dans l'alignement Ats autres, mais cela elt rare. Dans la figure 2,011 une partie du bois a été emportée, un œuf paroît en o. La Figure 3 montre l'arrangement que la cigale donne à fes oeufs dans l'intérieur de chaque morceau de bois. Le brin de bois dont on a ici la figure , eft grofiï à la loupe , & on en a emporté une partie depuis //, jufqu'en rr, pour mettre à découvert fon intérieur. k,f,g,h, bouquets de fibres ligneufes qui ont été coupées & foûlevées par la tarière de la cigale. En t, on voit la coupe de l'ouverture du trou fur lequel les fibres étoient appliquées. /i font les œufs, dont le trou a été rempli. /, & /, la coupe des endroits qui font ligneux, m, la coupe de ce qui eft occupé jjar la moelle. Les bouquets de fibres h, g, k, font pofés au-deflîis d'autant de trous, dont les diredions ne fe font pas trouvées cv\ entier dans celle de la coupe qui a été faite. o,q,x, les œufs qui occupent une partie des trous, dont les ouvertures font au- deflous de k,g, h. On remarquera que les œufs ne vont pas du côté de 0, q, x, par-delà la partie occupée par la moelle. Dans la Fig. 4 , on n'a qu'un morceau de bois très- court, & plus grofli que celui de la figure précédentG * * C ci; 20^ MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE /,1e bord d'un trou, où les fibres ligneufes ont été cou- pées, f, ces fibres. L'écorce qui les couvroit, a été brifée & détachée jufqu'en e. La Figure 5 mçntre un œuf, tel que ceux de la fig. 3 , très-grofTi. La Figure 6 repréfente le bout pofiérieur du corps de la cigale mâle, marqué 2, figure "j, planclie 16; il efl vu ici de côté, dans un temps où la prefTion des doigts l'a obligé de s'ouvrir, p, la pointe du dernier anneau, qui répond au milieu du dos. e^ lame écailleufe. /^ fourche barbue, c^ gros crochet écailleux. ;//^ la partie du mâle qui commence à fe montrer. La Figure "7 ne difiére de la figure 6, qu'en ce que la partie avec laquelle le mâle féconde la femelle, s'y montre en entier, m, la tige de cette partie, n^ bourlet charnu qui efl auprès de fon bout ; ce bout efl fiit en mammelon. La Figure 8 efl celle du bout poflérieur du corps du rnâle de la cigale de la figure 7, planche 16, très-grofir. €j lame écailleufe du deffous du ventre, c, c, double cro- chet écailleux. a, l'anus. La Fig. 9 fait voir féparément le crochet de la fîg. 8, La Figure i o nous montre un des deux ovaires de la cigale extrêmement groffi. Les files d'œufs n'ont point été comptées , mais elles font au moins en aufTi grand nombre qu'ici, a, le gros tronc antérieur, d'où partent tous les vailTeaux à œufs, b, le gros tronc auquel \ts vaif- feaux pleins d'œufs m'ont paru aboutir. La Figure i i efl celle d'un œuf, d'où le ver efl forti par l'ouverture o. La Fig. 1 2 fait voir un ver z/, mangeur d'œufs de cigale, & des vers à fix jambes qui fortent de cts œufs. Il efl ici grofîi. b, portion du bois qui a été relevée pour mettre l'in- térieur du nid à découvert. Dans la Fig. i 3 , un ver man- geur de ceux des œufs de la cigale , efl vu dans fa grandeur DES Insectes. IV. Mcm. 205 naturelle , & le même ver eft grofli dans la figure 1 4.. d, d, ÏQs dents. La Figure i 5 cfl celle d'un ver hcxajîode de cigale. Les Figures 16 & 17 font celles d'une nymphe de cigale ou d'une tcttigomctre, vûedansdificrcnlsiens. La nymphe ne diffère jMefque du ver hexapode, que ])arce qu'elle a des fourreaux d'aîlcs a, a, qui manquent à l'autre. La Figure 1 8 fait voir par-deiïbus une nymphe de ci- gale, t, fa trompe. Planche XX. La Figure i efl en grand celle d'une tête de n) mphc de cigaic & de fes dépendances, t , ia tête, a , une des antennes.;?, le prolongement de la tête, duquel fort la tromj)e./, l'étui de la trompe, qui, ici comme dans \qs cigales, a une origine différente de celle etits vales deftinés à contenir le miel, & qui ont encore bien d'autres uîages. Des milliers d'abeilles occupées à divers tra\'aux diffé- rents, donnent un grand Ipcélacle. On confidére même avec plaifir, des maffcs ou des group])es de ces mêmes abeilles*, qui, en prenant le repos qui leur eft devenu *PI.ai.fig. nécefïîiire, le mettent en état de recommencer leurs tra- 5" vaux. Les arrangements des abeilles tranquilles qui for- ment cesgrouppes, font de différentes figures, & louvcnt très-finguliéres. D'autres mouches rafTemblées en moindre quantité, forment des chaînes* dont tous les chaînons *Pi. 22.%. font animés. Souvent ces efpéces de chaînes font difporécs ^" en manière de guirlande. Chaque abeille efl accrochée par les deux jambes antérieures , ou feuleinent par une, à une des jambes, ou aux deux jambes poftérieures de celle qui la précède. Ainfi la première eft chargée du poids de toutes celles qui fe trouvent jufcfu'à l'endroit le plus bas de la guirlande. Les grouppes * ne font, pourainfi dire, * PI. 21.%. qu'un affemblage de chaînes mifes les unes auprès des ^' autres; je veux dire que les mouches qui forment les plus gros maiïïfs , les plus groffes grapes , font accrochées les unes aux autres par les jambes, qui donnent des prifcs plus commodes que le corps , & que les autres parties. Tome V. . Ee 2lS MEMOIRES POUR L'HISTOIRE II faudroit être né fans aucun efpritde curiofué, avoir l'indifférence la plus parfaite pour toutes connoiflances, pour ne pas defirer alors de i'çavoir comment des mou- ches fi peu remarquables par leur forme, peuvent parvenir à exécuter des ouvrages fi finguiiers. Elles doivent fçavoir des arts que nous ignorons abfolument, celui de faire du miel , & celui de faire de la cire. Enfin , l'art de mettre cette cire en œuvre, comme elles l'y mettent, eflhicn au deiïus de ce qu'on peut attendre de i'adrelTe humaine. Dans tant de mouches réunies , 6c qui travaillent pour une même fin , on croit voir en petit ce que la raifon a fait de plus grand & de plus utile pour nous ; une focieté, c]ui, comme celle de nos républiques ou de nos monar- chies, cR gouvernée par des loix. Il y a long-temps ai:ffi qu'on a donné les abeilles comme le modèle d'un gou- vernement monarchique. Mais quelles font leurs loix! En ont-elles réellement ! Enfin , comment ce petit peu- ple fe perpetue-t-il ! C'efl ce que leur hiftoire doit nous apprendre, ou fur quoi au moins elle Jious doit donner bien des connoifiances. Les ruches ordinaires dans lefquclles on tient les abeilles, font de différentes figures 6c de différentes matières en différents pays. On trouvera repréfentées dans les plan- ches du dernier Mémoire, celles qui ne le font pas dans les planches de celui-ci. Les unes ne font qu'un tronc d'arbre creux; d'autres font faites de quatre planches égales, qui forment une^fpécede boîte longue, poféefur un de fes bouts, &. dont le fupérieur efî couvert. Le plus grand nombre des ruches tient de la figure d'une cloche PI. 21. fig. ou de celle d'un cône. Ce font des efpéces de paniers *, & on leur en donne le nom. Les uns font faits d'ofier, ou de quelqu'autre bois liant , &. d'autres font faits de paille treffée. Ces logements fimples fufïïfent à nos mou- DES Insectes. V. Mem. 219 ches , & les gens de la campagne qui ne veulent que tirer du profit de leurs travaux , font fort contents de ce que de tels loîrements leur conviennent. Mais le defîr defuivre ces mouches dans toutes leurs opérations, a foit regretter à des hommes d'une autre trempe, de ce que les parois Aqs ruches ordinaires ne permettoicnt pas de voir ce qui fe paffoit dans l'intérieur. Les anciens ont fait des ruches dont les parois ctoient en partie des matières les plus transparentes qu'ils eufîent à leur difpofition. Pline nous apprend * qu'un Sénateur Romain en avoit fait faire dé la * Z/v. xi. corne la plus tranfparente. On a imaginé de les loger dans '^^^' ' ^' des ruches vitrées, c'cu-à-dire, dans des ruches dont l'ex- térieur qui eft tout de hois , a des volets qui peuvent s'ou- vrir quand on veut, & fous chacun defquels eil un grand carreau de verre qui permet de voir les abeilles en travail comme fi elles étoient à découvert. Moufet n'eût pas apparemment conleilié d'en conflruire de telles, car il fe moque* des anciens qui avoient donné à quelques-unes * Pa^e i6. des leurs, des carreaux , foit de corne, foit de pierre fpé- culciire; il<:royoit qu'ils avoient perdu leur temps 6c leurs peines, que les abeilles appliquoientbien vite fur de pareils carreaux un enduit qui empéchoit qu'on ne pût voir au travers. L'invention des ruches vitrées, ou le renouvellement des ruches iranfparcntes, eft affés récent. Il paroît qu'elles n'étoient pas connues du temps de Swammcrdam , vers 1680, ou qu'au moins, elles étoient très rares alors. Son filence feul en feroit une bonne preuve; mais ce qui en efî une plus forte, c'eflque pour parvenir à mieux voir tra- vailler les abeilles qu'il ne l'avoit pu , il propofb de mettre des carreaux de papier à la ruclîe dans laquelle on logeroit un nou^^l effaim ; d'y laiffer faire de l'ouvrage par les abeilles, & de déchirer le papier, lorrcTu'eiîes auroient £c ij 220 MEMOIRES POUR l'HISTOIRE conftruit des gâteaux de cire. Il ignoroit que les abeilles n'auroient pas laifle la peine de déchirer ce papier. Je les ai vu détacher & réduire en pièces du papier qui leur don- iioit moins de prife. Lorfque les bandes de papier qui avoient été emploiées à boucher les vuides qui ié trou- voient entre le bois & les carreaux de verre de mes ruches, & à mieux affiijettir ces carreaux, lors, dis-je, que ces bandes étoient en dedans de la ruche, les mouches ne manquoient pas de les hacher. Swammerdam auroit fait fans doute plufieurs obferva- tions furies abeilles, qu'il n'a pas été en état de faire, faute d'avoir eu de ces ruches vitrées. Elles n'étoicnt pas plus connues apparemment de fon temps en France , qu'à Am- fîerdam, car il a demeuré quelque temj>s à Paris. Depuis qu'on a imaginé de faire de ces fortes de ruches, elles fe font beaucoup multipliées. Celles que feu M. Calfini avoit fait placer dans un jardin de l'Oblérvatoire , ont mis M. Maraldi en état de voir tout ce qu'il nous a rapporté de curieux & de certain dans fon Mémoire fur les abeilles. Ces ruches de verre, nous donnent affûrément de grands avantages fur ceux qui nous ont précédés , pour parvenir à nous inftruire de tous les procédés des abeilles. Leurs carreaux ne font point falis auffi vîte que Moufet i'avoit cru. Il y en a qui con fervent prefque toute leur tranfparence pendant des années entières ; & lodqu'ils co iimencentà s'obfcurcir, il y a.des moyens de les lever, 6c de les nettoyer enfuite. Au travers de ces carreaux , un obfervateur peut confidérer les abeilles à toutes les heures du jour, &. dans toutes les faifons de l'année lans les troubler & fans les inquiéter. La ruche étant placée comme il lui convient de l'être, fous un petit toit, ce toit ne fût il que de paille, & étant entourée de bancs de tous côtés, excepté de celui où font ks ouvertures qui DES Insectes. V. Mem. 22 1 permettent aux mouches d'entrer 6c de fortir, lobfervateur alfis iur un de ces bancs, peut, fans aucune incommo- dité, jouir d'un fpecftacie extrêmement amufantiS: infini- ment varié. Des abeilles s'occupent avec une adivité furprénante, en ditiérents endroits à différents travaux. Il le met bien-tôt au fait de la dir])o(ition de l'intérieur de la ruche. Il voit^u'il y en a une grande partie remplie par des gâteaux de cire pôles à peu-près parallèlement les. uns aux autres , &. qui partent du fommet de cette ruche ou des environs, autant que la figure de la ruche le permet. Il lui cftaifi^ d'appercevoir que les gâteaux ne fe touchent point, qu'entre deux gâteaux il rcfle un efpace au moins affés large, pour que deux abeilles y puillént pafTerà la fois. Ce font les rues, ou même, fi l'on veut, les places publiques que les abeilles ont rcfervécs pour pouvoir faire iilàge de toutes les cellules de chaque gâteau. Outre ces grandes rues , on en remarque de beaucoup plus petites, qu'on ajjpellera peut-être plus volontiers éts portes, ce font des ouvertures ménagées dans chaque gâteau , & qui ie traverlent. Ces portes abbrégent beaucoup le chemin que les abeilles ont à foire, lorfqu'étant entre deux gâteaux, elles veulent pafler entre d'autres gâteaux, ou fe rendre dans des endroits de la ruche où elles n'ont pas encore travaillé. La difiribution des rues ou des places, ou , ce qui re- vient au même, l'arrangement des rayons de cire, peut pourtant être vu dans les ruches opaques , & fur-tout dans celles qui (ont en panier, & cela, fi on couche fur le côté celles qui ne font que médiocrement peuplées, ou dont une bonne partie des mouches e(l à la campagne. On voit alors les gâteaux par le bout*. Pour l'honneur des *P!. 2i..fig. abeilles, il cftà propos de renverfer ainfi pluficurs ruches, ^ "^ 3^ parce qu'on obftrxera que la difpofition des rues varie dans différentes ruches, comme elle varie dans nos différentes E e iij 222 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE villes. Les mouches ne font point aftreiiites à une trop graiulc rcguiaiité , elles s'accommodent aux circonflances. On trouvera des ruches remplies par des gâteaux tous pa- ri 2 1 . fig. raileles les uns aux autres *. On en trouvera d'autres , dont les gâteaux qui occupent du haut en bas une partie de la capacité de la ruche, iont encore j>aral!eies entr'eux, pen- dant que ceux qui occupent le reftc de la capacité, Ibnt * Fig. 3. obliques * aux premiers, & plus ou moins obliques. On trouvera même ck-s. ruches, dont une partie de la capacité * Fig. 4.. eft entièrement remplie par des gâteaux perpendiculaires* à ceux qui occupent l'autre partie. Enlin , on trouvera beaucoup d'autres variétés &. d'aiitres irrégularités dans i'arranjïement des gâteaux. Mais il f:rut avoir recours neceiTairement aux ruches vitrées pour voir diftinélement une des faces de quelque gâteau , pour bien voir les cellules dont il eft compofé. On croit communément que les cellules des gâteaux Ibnt des logements que les abeilles fe font conflruits, que cha- cune a le fien; &cela fur ce qu'on oblerve en certains temps , des cellules dans chacune defquelles une abeille efl entrée la tête la première, & dont il ne paroît que le bout du derrière, & quiyefl tranquille. Ma-is pour peu qu'on obferve, on reconnoît que le principal ufage des cellules neû pas de donner des l9gements aux abeilles. On voit un grand nombre de cellules remplies de miel; on en voit qui font bouchées par un couvercle de cire. D'autres qui font ouvertes, ont chacune un ver plus ou mois gros; &. on reconnoît aiiément que ces vers ne Iont pas indiftéreiits aux abeilles. On. obferve de ces mouches , qui Semblent chargées du foin de voir l'état des vers des cellules. L'abeille fait entrer fa tcte dans la cellule qui en a un, elle l'en re- tire fiir le champ^pour la faire entrer dans une autre, & fucceffivement elle en vifite ainfi plufieurs. Ce n'eft que DES I N S E C T E S. K Mem. 225 dans les ruches vitrées que tout cela, &. une infinité de proccdcs irès-cuiicux peuvent être bien. vus. il faut pourtant a\ oucr que les ruches vitrées ordinaires. ne donnent pas à beaucoup près un plein contentement à un Ipeélateur qui n'eft pas iatisfait de voir fimplement des abeilles très-occu])ées à dilîérents travaux; à un fpec- tateur qui defircroit voir nettement & diflinélcment cha- que forte de travail & chaque opération. Il a regret de ce que des manœuvres qu'il iouhaiteroitliiivre, fe font fou- vent dans des endroits trop éloignés de Çcs> yeux , & trop peu éclairés. En général tout lui fcmble fe faire trop tumul- tuairement. L'abeille fur laquelle il a fixé les regards, 6c qu'il voudroit obferver pendant tout le temps qu'elle refle occupée à une forte d'ouvrage , lui ell bien-tôt cachée par d'autres qui paffent fur elle, ou qui fe j)lacent devant elle-. Plus une ruche e(l peuplée, plus le mouvement y cfl grand, & plus il paroît y avoir de confufion, quoir que tout s'y pafTe avec beaucoup d'ordre. II n'elt pas pofable d'avoir des ruches vitrées, oi'i, mal- gré le nombre des abeilles & leur agitation continuelle, on puiffe fine à chaque inftant des obfervations fuivies; mais on peut donner aux ruches des formes telles qu'il fera beaucoup j)lus ailé de faire de ces fortes d'obfer\'a- tions, qu'il ne l'ell arle parce qu'il fert à boucher un trou qu'on a eu foin de rclerver au haut de la pyramitle. Cette pyra- mide a ù pointe tronquée. On conferve un trou à l'endroit où elle fe termine. Ce trou reçoit une tige cylindrique, un * Fig.4.. ^. boulon * qui fait corps avec la boule, & au-deffus duquel . elles'eléve; & cette tige eft telle qu'elle ne remplit pas bien exadrcment le trou. J'ai fait donner une bafe platie à d'au- tres boules deftinées au même ufàge que celle dont je viens de parler; & j'ai fait arrêter cette pièce avec un couplet ou une charnière. La bafe, le pied-d'eflal de la boule étant apj)liqué fur le trou fupérieur de la ruche , le bouchoit exadement; <& dans les occafions qui demandoient qu'on mît ce trou à découvert, il étoit Ibuvent plus aifé de le faire, que quand on avoit à tirer hors du trou un cylindre de bois qui y étoit à la vérité entré à l'ailé, mais qui depuis y avoit été maftiqué par les abeilles. Des expériences que j'avois en vue, m^ont déterminé à faire conftruire des ruches d'une forme différente de celle des précédentes. La baie de la ruche que je veux fair^ ■» Fig. 6. connoître*, étoit, comme celle des autres, une pyramide tronquée à quatre faces, & plus large qu'épaiffe , & une pyramide tronquée q^ui pouvoit être diviiée en deux iélon DES Insectes. K Mem. 229 £à hauteur. Cette portion de pyramide n'avoit que la moitié de la hauteur que j'avois voulu donner à la ruche. Le refte de la ruche étoit fait de quatre boîtes * Ihns fond * PI 24.. fig. 6c fans deiïlis, pofées les unes fur les autres , toutes égales l)^ "^'j' "-^ ' entr'elles &. fembiablcs , & dont la longueur & la largeur étoient telles, que la première de ces quatre boîtes sap- pliquoit exadement fur le bord fupérieur de la baie de la ruche. Un volet de bois * qui pouvoit s'ouvrir & Te * /. fermer, étoit arrêté à un des bouts de chacune des grandes faces de chaque boîte, & au-deflous du volet étoit un carreau de verre monté dans un chaffis^ qui pouvoit être retiré de la feuillure qui le recevoit. On imagine d'avance que les ruches compofées de plufieurs portions de pyramides, &. celles qui l'cftoient de plufieurs boîtes, n'avoient été faites aini] que j>our donner la facilité de féparer une partie de la ruche des autres quand on le Ibuhaiteroit. AufTi chatjue partie n'é- toit-elle retenue fur celle fur laquelle elle étoit polee, que par des crochets, ou Aq quelque manière équivalente; mais elles n'étoient point afTemblées l'une avec l'autre à languettes, ni à tenons , ni d'aucune façon qui fupj)oiât de , l'engrainement. Le bord de la ])artie inférieure ik celui de la partie fupérieure étoient plans, aHn qu'ils pufTent s'appliquer exaélement l'un fur l'autre , mais qu ils ne fiffent que s'y ap^^liquer. Quand des mouches logées dans une ruche à boîtes * y avoient travaillé, quand elles * Fig.6,- y avoient conflruit des gâteaux, qui, de la boîte lupé- ricure defcendoient jufqu'à la dernière, ou même par- delà la dernière des boîtes, je pouvois non -feulement examiner au travers des carreaux de verre "^ le travail, qui * ^ avoit été fait dans la partie de la ruche qui répondoii à chaque boîte , je pouvois même examiner à mon aiie l'in- térieur de cette boîte; car je pouvois retirer chaque boîte Ff ii}, 2^0 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE de la place. Pour y parvenir, je coupois tous les gâteaux de cire qui fe trouvoient dans cette boîie, je les coupois, dis-je, à l'a jondion avec la boîte inférieure, à la jondioii avec celle lur laquelle elle étoit polée, &. à Ta jondioii avec celle qu'elle portoit immédiatement. Une lame de fer-blanc ou même un fil de fer, étoit le feu 1 inllrument néceflaire pour cette opération. Pendant qu'on tcnoitde chaque main un des bouts de cette lame ou de ce fil , on le forçoit d'avancer parallèlement à lui-même entre deux boîtes , & le fil coupoit fans peine les gâteaux de cire qu'il trouvoit en fon chemin. La boîte qu'on lé pro- pofoit d'ôter de place, n'étoit donc plus reieiujc par les gâteaux.decire. Il ne rcftoit de difficulté dans l'opération, que celle de fe deftendre contre les mouches à qui elle ne pouvoit manquer de déplaire; mais nous verrons ailleurs comment on doit fe conduire en des cas femblables à celui-ci pour être en fureté. Pour beaucoup d'oblervations & d'expériences, je me * PI. 23.fig. fuis encore férvi d'une ruche * qui n'eft pas de celles i> &^- dans lefquelles on pourroit élever des abeilles avec profit. Sa capacité étoit telle qu'elle ne pouvoit contenir que très peu de cire ôc de miel. Quatre petits montants aUtmblés . parleur bout inférieur avec une baie faite d'une planche éj)aifre d'un pouce, formoient la principale partie de la charpente de la petite ruche dont je parle. Ils étoient placés aux quatre coins d'un quarré , dont chaque côié n'avoit que cinq pouces. La hauteur de chaque montant n'étoit que de huit pouces. Ils étoient maintenus par quatre traverfes avec lefquelles ils étoient affemblés près de leur bout fupéiieur à tenons & à mortaifes. Les mon- tants avoient des coulifTes propres à recevoir des carreaux de verre. Trois de ces carreaux étoient arrêtés à demeure. Si le quatrième qui étoit fur la face que nous appellerons DES Insectes. K Mem. 231 l'antérieure, pouvoit monter * &defcenclre dans les deux * PI. 23.%. couiifles qui le contenoicnt, parce que ces coulilTes étoient ' ' '^ ^' en dehors par rapport à la traverfe qui réunifToit les deux montants de ce carreau. Enfin, la partie fupérieure de cette petite ruche étoit couverte d'un carreau de verre. Ainfi cette ruche n'étoit qu'une efpéce de boîte pref- qu'entiérement de verre , parce que les traverfcs ôc [çs montants étoient minces & étroits. Elle n'avoit que fa baie d'opaque. Les abeilles logées dans une telle ruche, y étoient ailuréinent bien à découvert. Voilà ce qu'avoient de plus remarquable les différentes ruches que différentes circonftances &: différentes vues m'ont déterminé à faire conftruire. Non feulement elles m'ont donné plus de ficilité à obfcrver les abeilles que n'en donnent, les ruches vitrées dont on s'eft fervi juf- qu'ici ; mais elles m'ont mis en état d'exécuter diverfes opérations propres à nous faire connoître le génie de ces mouches indullrieufes; comment leur république eft compofée; quels iont, pour ainfi dire, les fondements du gouvernement de cette république ; & quel eft le principe qui anime , qui fiit agir toutes celles d'une même fociété. C'eft ce que nous allons commencer à examiner. Quand au travers des carreauît d'une ruche vitrée, on examine ce qui fe paffe dans l'intérieur, on n'y voit pen- dant la plus grande partie de l'année , que des mouches qui n'ont entr'elles que de légères différences, que des mouches qui différent peu entr'elles en grandeur & en couleur, & qui dans le relie font parfaitement femblables; en \\n mot, on n'y voit que de ces mouches auxquelles on a donné le nom d'abeilles*. Mais il y a des temps où * PI. 22. %. parmi celles-ci, on en voit d'autres* qui font fenfiblement ^Vig. 2. plus grandes , qui ont proportionnellement à leur grau- 2-^2 Mémoires pour l'Histoire deur, une tête plus greffe 6c plus ronde que celle des abeilles , & entre lefquelles & les abeilles ordinaires , il y a encore des différences plus effentielles dont nous parlerons dans la fuite, mais que le premier coup d'œil ne nous découvre pas. Ces groffes mouches font cel- les que les anciens ont appellées Fucr, &. qu'on a nom- mées Bourdons en François , apparemment parce que leur vol produit un bourdonnement plus plein & plus fort que celui que produit le vol des abeilles ordinaires. Malgré le nom dont elles font en poffsiffion , nous les appellerons cependant des Fauxbourdons . Celui de bour- don peut caufer des équivoques, parce qu'il eft propre à un genre j^articulier de mouches à miel. Ces fauxbour- dons ont été donnés pour les mâles par ceux qui ont étudié les abeilles avec les yeux les plus éclairés; tout nous prou- vera dans la fuite qu'on les doit regarder comme tels , & nous les défignerons fouvent par ce dernier nom. Com- munément on ne voit des mâles j^u fauxbourdons dans chaque ruche, que depuis le commencement ou le milieu de May, jufques vers la fin de Juillet. D'abord on n'en apperçoit que quelques-uns; leur nombre le multiplie journellement ; & enfin il n'y en a jamais tant que dans les Jours qui précédent immédiatement ceux où l'on cef- fera d'y en pouvoir découvrir. Le nombre des mâles au refte, efl fort inférieur à celui des abeilles ordinaires. 11 y a des ruches où il eft beaucoup plus grand par rapport au nombre de celles-ci , qu'il ne l'efl dans d'autres ruches ; mais la ruche où il n'y a que fept à huit abeilles contre un mâle, eft extrêmement peuplée de ceux-ci. Le nombre de ces mâles paroîtra cependant encore très-confidérable, quand on fçaura qu'ils ne font pas faits pour être affortis avec les abeilles ordinaires. Celles-ci ne fojit pas nées pour contribuer à la multiplication de leur DES Insectes. K Al'em. 233 leur efpcce ; elles n'ont point de fexe, elles ne font ni mâles ni femelles; elles font cleftinées à faire tout le travail de l'intérieur de la ruche , à fure la récolte du miel Si de la cire, &. à mettre cette dernière en œuvre. Elles font char- gées du (bin d'élever les petits infeélcs qui, comme elles, doivent devenir mouches par ia'fuite. C'eft enfin fur elles que roule tout l'ouvrage de l'intérieur de la ruche; aufli les appellerons-nous louvcnt les ouvrières. On a écrit il y a long-temps que chaque ruche poffede une leule (Se unique mouche, qui fcmble avoir une préé- minence fur les autres, une mouche à laquelle les anciens ont donné le nom de Roy des ahfilies. Mais des obfer- vations fûtes depuis plus de cent ans , ont appris que . cette mouche e(t une femelle : que fi on veut lui accorder un empire defpotique fur les autres, c'eft le nom de Reine ffu'on doit lui donner. Butler Auteur Anglois a auffi imprimé un Traité des abeilles, traduit en latin en 1 67 1 . qui a pour titre, Monarchia fenmùna, dans lequel il fait un peuple d'amazones des abeilles d'une ruche. Mais Swammerdam a confirmé par des preuves inconteflables, que cette mouche qu'on appellera fi l'on veut la Reine, eft une mère prodigieufement féconde. Il a très -bien prouvé de plus que c'cfl à elle que doivent leur naiffance toutes les nouvelles mouches qui nailTent dans une ruche, & que les abeilles ordinaires ne produifcnt point d'autres aoeilles, malgré ce qui en a été dit par Butler, & piW tant d'autres. Quelque féconde que foit cette mère, chaque ruche doit nous jjaroître trop fournie de mâles II en cfl peu où l'on n'en j)ui(fe compter plufieurs centaines; 6c il y en a où l'on en peut trouver plus d'un mille. Ces mâles pafTent pre.'que toute leur vie avec une feule femelle ; car s'il leur arrive de vivre avec trois ou quatre femelles, ce n'eft probablement que pendant très -peu de jours. Tome V. . G g 234 Mémoires pour l'Histoire Dans la plus grande partie de l'année au moins, il n'y * PI.2-Î. fig. a donc dans chaque ruche qu'une feule femelle* aifée 4- à diftinguer des autres par la forme de fon corj)s. Elle tfl plus longue, mais moins groife que les mâles. Ses aîles font très-courtes proportionnellement à la longueur de fon corps ; au lieu que les aîles des abeilles ordinaires, & celles des mâles, couvrent tout le corps, les aîics^de la femelle ne vont gueres plus loin que la moitié du lien , elles finiffent vers le troifiéme anneau. Mais il n'eft pas temps encore de nous arrêter à expliquer toutes ks diffé- rences qui peuvent être remarquées entre les trois lortes de mouches d'une même ruche. Il luffit aduelkment qu'on fçache qu'on ne içauroit voir une mcre dans une ruche, fans la reconnoître, tant fa figure diffère de celle des autres mouches. Toute la difficulté efl de la voir , Si. elle cfl telle que parmi ceux qui élèvent à la ca^mj)agne des abeilles pour en retirer de la cire 6c du miel , il y en a beaucoup à qui il n'cfl jainais arrivé de voir une mcre. Quand je leur en ai montré une, ils la regardoient avec un plaifir qui prouvoii au moins autant que leur témoi- gnage, que c'étoit pour eux une vraye nouveauté. Malgré les ruches vitrées des formes les plus favorables aux obler- vations, on ne parvient à la voir, que quand on fçait les temps qui peuvent fournir des circonflances htureuk^s. * PI. 22. fig. J'ai eu pendant plulieurs années une ruche vitrée en tour *, ^' fans y^avoir j.imais apjK^rçû la mcre; & ce n'étoit pas faute aflTurément de la bien chercher des yeux toutes les fois que j'obicrvois ce qui le paffoit dans l'intérieur , baie de la ruche. ?nn^ un 'ies quatre montants, qui font aflemblés avec qua- tre traverfes, dont deux font marquées ?nt, td. Le bâton qui eft pofé au milieu de la ruche, eft fait en bâton de cage de perroquet, <& donne une idée de la compofition de ceux qu'on peut mettre dans les grandes ruches pour aider à foûtenir les gâteaux pleins de miel. Sur le fond de la ruche, eft une mouche r, plus grande que les autres, & vers laquelle plufieurs autres ont la léte tournée; c'eft une mère. La Figure 3 eft celle d'un furtout, dont je me fuis fervi pour couvrir la ruche précédente, & fur laquelle il peut être afllijetti au moyen des cordons r^f^o&'c. Ledeflus de ce furtout eft de coutil , & il a une doublure d'une épaiffe flanelle. La doublure paroît en d. La Fig. 4. repréfente une grande ruche quarrée extréme- rnent platte. b b, banc fur lequel la bafe de la ruche efl arrêtée par les vis u, u. En p, font les trous par où les mouches peuvent entrer & fortir. Le defliis a vers fon milieu un plus grand trou o, qui fert lorfqu'on veut faire pafler les mouches de la ruche dans un poudrier, & à di- verfes autres expériences. Les carreaux de verre de cette ruche ibnt actuellement à découvert ; on a ôté le volet de bois qui les t^che dans les temps ordinaires, r, r, tourni- quets qui fervent à arrêter par enhaut le volet; le bord inférieur de ce même volet, fe loge dans une coulifle ^f. On n'a mis dans cette ruche que quelques gâteaux de cire. t, tj t, tringles de bois, dont i'ufage eft de donner des appuis aux gâteaux. DES Insectes. V. Mem. 279 La Figure 5 fait voir le volet qui fert à couvrir les car- reaux de verre de la ruche précédente, & en fait voir la face intérieure, c'eft-à-dire, celle qui s'applique fur les carreaux. Cette face du volet eft recouverte de flanelle^ ce qui a été fait dans la vue de conferver la chaleur dans une ruche, qui étant mince eft plus expofée aux impref- fîons de l'air froid, que ne le font les ruches ordinaires. L'autre face de ce volet eft de bois. Planche XXIV. Trois différentes fortes de ruches vitrées font repré- fentées dans cette planche. Les Figures i & 2 font celles delà même ruche, qui eft pyramidale & platte, & qui montre une de (gs grandes faces. Dans la figure i , les carreaux de verre font cachés par le volet u. c, c, c, c, quatre tourniquets qui fervent à arrêter le volet./) poignée qui donne la facilité de le tirer de place, & de l'y remettre. Dans la Figure 2 , le volet nf, de la figure i, efl ôté; les carreaux de verre permettent alors de voir la partie de la ruche qui eft remplie de gâteaux de cire^^^, fur lef- quels font quelques mouches. Dans la partie inférieure eft le gros aa^ des mouches en xtços. p,p, bafe de la ruche. t, trous par lefquels les mouches peuvent fortir & entrer. La Figure 3 repréfente une ruche pyramidale plus épaiffe que celle dts figures i & 2 , compofée de trois parties ae, efjft, qui peuvent être féparéesles unes àç.% autres; & de iabafe/7^^. Elle a quatre so\çisu,x,d>.y,y. Une telle ruche peut être réduite, quand on le veut, aux feules partiesy^^ & ea, & alors elle eft d'une grandeur médiocre. On peut n'en prendre que la partie ae, qui feule forme une très- petite ruche. La croix qui paroît au travers du carreau de verre, que le volet «^ouvert laifTe paroître, cette croix. 28o Mémoires pour l'Histoire dis-je, efl une de celles qui font dans la ruche pour aider à foûtenir les gâteaux de cire. Les parties ae,6i ef, doi- vent avoir chacune leur croix, &même une croix à plus de bras que la précédente. La Figure 4. efl celle du bouton b, qui termine la ruche de la figure 3 . En b, efl le boulon qui entre librement dans le trou qui efl percé dans le defTus de la ruche. La Figure 5 montre féparément la partie fupérieure tf ^^ de la ruche de la figure 3; mais en la place du bouton qui s'élève au-defTus de la figure 3, on a pofé fur celle de la figure 5 un poudrier /7. Les abeilles ne tardent pas à entrer dans un pareil poudrier par l'ouverture fupérieure de la ruche; ce qui donne une manière commode de fé fournir de celles dont on a befoin pour des expéiienccs. La Figure 6 repréfcnte une ruche vitrée , dont la partie fupérieure efl compofée de quatre boîtes égales, & qui ont peu de hauteur, mifes les unes fur les autres, cd, ef^ghjk, les quatre boîtes qui peuvent être féparées les unes (\t% autres. ^^^ le couvercle de la ruche qu'on ôte ailément de place, & au-deffous duquel efl un carreau de verre. //^^ volet de la boîte Ik, qui efl ouvert; alors le carreau de verre permet de voir les gâteaux qui font dans la ruche , Sl les mouches qui font fur ces gâteaux. Les volets des autres boîtes font fermés, & on peut les ouvrir comme le volet ik. La face de chaque ruche oppofée à celle qui efl en vue, a un volet femblable à celui qui paroît fur celle ci. mm 71, 00 1, deux parties de la ruche qui font coniques, & qui fervent de bafe à i'affemblage des boîtes, p-p, banc fur lequel la ruche efl pofée. u, tringle de fer, qui, avec une pareille qui efl de l'autre côté , fert à contenir les quatre boîtes , «& à les affujettir avec la partie m m n. m,m,o, 0, quatre yokis, SIXIEME Fui . 3 l'( -^J j\u).-2(io.J/rni f lÙ l'ifu'i Jcs In^-ecCtif ■ Têtu. ^-, Fiq . 2 p'<1 ^v^,/^J. y,- rast ,/.-.■ //^..-.vi.^i;',»,..; Fie,.). ! 1 DES In S E CT ES. VI. Mem. 281 SIXIEME MEMO IRE. DES PARTIES EXTERIEURES, DES ABEILLES ORDINAIRES. Comment elles vont faire dans les campagnes la récolte de la cire à' celle du miel. NOus devons notre première attention à tout ce que l'extérieur des abeilles peut nous offrir de remarqua- ble. Ce ne fera qu'après avoir bien examiné leurs princi- pales jîarties extérieures, que nous pafTerons à confidérer CCS mouches mêmes pendant qu'elles font occupées dans l'intérieur de leur ruche à leurs différents travaux ; que nous chercherons à voir comment elles viennent à bout de conrtruire des gâteaux compofés d'alvéoles fi réguliers; comment elles rempliffent de miel ceux de ces alvéoles deftinés aie recevoir; comment elles foignent les jeunes vers logés dans d'autres alvéoles; enfin , comment elles s'acquittent des différentes fondions que la propreté, la fureté & le bon état de l'intérieur de leur habitation exi- gent d'elles. Nous les verrons en œuvre avec plus de plaifir, quand nous connoîtrons tous les inftruments que la nature leur a accordés pour faire au mieux tout ce qu'elles doivent fiire, quand nous connoîtrons bien toutes leurs parties extérieures. Le devant de la tête de la mouche à mièl ordinaire eft plat, & à peu-près triangulaire*, depuis fa partie fupé- * P'- ^j-fîg- rieure julqu'à fon bout inférieur, il va en s'étréciffant. "* Les yeux à rezeau font placés fur les côtés *. Ce font *p^-~'>'* des efpéces d'ovales, dont un des bouts eft moins ouvert, ^^^ ^^ '•^* Tome K . N II :i^2 Mémoires pour l'Histoire plus aigu que l'autre. Ce bout ie plus ouvert le trouve î'ur la partie la plus élevée de la tête; delà chaque œil fe rend en deicendant près de l'origine d'une des mâchoires- ou dents. Il refle entr'eux un afles grand efpace qui n'ell. pas uni au point de n'avoir aucune inégalité; il a même deux enfoncements qui ne font féparés l'un de l'autre que par une petite éminence, par une efpéce de cloifon peu épaifTe. De chaque côté de cette petite éminence qui efl plus proche du bas que du haut de la tête, part une an- *P[. 25. fig. tenne*. Celles de l'abeille n'ont rien de fort remarquable; 3,' "y a. ^ij^^ ç^^^^ compofées de plufieurs parties, dont la nature tient de celle de la corne, articulées bout à bout ; ces an- tennes font faites de manière qu'elles peuvent être pliées *F;g. 5(Sc4. en deux*, 6c qu'elles le font toujours dans les abeilles »Fig. 4. ,{.. mortes. La baîè * de chaque antenne, eft un bouton */ oblong, luifant & rougeâtre. Une efpéce de fufeau * plus brun que la bafe, eft articulé avec elle. Ce fufeau peut atteindre l'endroit le plus élevé de la tête. La partie * a c. refîante * de l'antenne efl articulée avec ce fufeau, avec lequel elle fait un angle tantôt plus, tantôt moins ouvert. Cette partie a une longueur à peu près égale à celle du devant de la tête; elle ell compofée de dix pièces, dont *a. la dernière * eft une forte de bouton, Ôl dont les neuf autres font cylindriques, à cela près que la première de celles-ci a un de fes bouts, celui qui s'articule avec ie bouton , plus menu que l'autre , & que la dernière pièce ei\ arrondie à fon extrémité. Au moyen de toutes ces pièces jointes par des articulations, la dernière & plus longue partie de l'antenne, peut fe courber plus ou moins en arc, elle peut aufTi faire des angles plus grands ou plus petits avec la partie en fufeau. La tête de l'abeille n'efl; que médiocrement èpaifle,. elle l'eft moins qu'elle n'efl longue, & qu'elle n'ell large;. DES I N S E C T E S. K/. Aïem. 285 Sa partie rupérieure eft arrondie, 6ic'eil ilir fa portion la plus élevée 6: en arriére, que trois petits ycuxlilres * l'ont * Pf. aj-fis;. dilpoiés triangulairement. ^* '' '' Nous avons déjà dit ailleurs que les abeilles font de la féconde ciafle des mouches à quatre aîlcs, parce qu'elles ont une trompe é<. des dents. Celles-ci * contribuent beau- ♦ Fig. i. d, coup à rendre la figure du devant de la tête triangulaire. Quand elles font dans l'inadion, elles forment par leur rencontre mutuelle un angle qui eft la pointe d'une efpéce de pince*. Cette pince excède le bord d'une lèvre cruf- ♦ Fig. $. tacée, par laquelle le bas du devant de la tête eft terminé. Ce n'eit pas principalement pour broyer les matières que l'abeille veut faire paffcr dans fon intérieur , & qui y doivent être digérées, qu'elle a été munie de dents; les fiennes font les infîruments, au moyen defquels elle exé- cute les ouvrages les plus dignes d'être admirés. Comme celles de la plupart des infedles, elles font deux mâchoires mobiles , dont chacune eft attachée à même hauteur à un des côtés delà tête. Un peu au-deffus de fon origine, chaque dent a moins de diamètre que par tout ailleurs*; * Fig. ^ 6 delà jufqu'à fon bout elle s'évafe. Le bout eiî coupé en '' Jigne droite & obliquement par rapport à la tige, & cela de manière que celui d'une dent j^eut s'appliquer contre celui de l'autre, & que les àiÇi'iVf. ainfi appliquées forment une pince angulaire'*'. Nous lai (ferions prendre une faudé * Fig. 8. idée du bout de chaque dent , fi nous laiffions imaginer qu'il efl une lame platte. Sa furficc extérieure *, & qu'on * Fig. j &. 3. peut nommer la fupérieure ou l'antérieure, félon la pofi- tion dans laquelle on confidére la tête, efl convexe ; la ftce oppofée * efl concave, à peu près comme le font * Fig. 7. certaines tarières; d'où il fuit que lorfque les deux dents font appliquées l'une contre l'autre, il y a entr'elles une cavité *, dont chaque dent fournit la moitié. Le contour * ^''^ 25.% Nnij 5-^' 284 Mémoires pour l'Histoire extérieur de cette cavité efl bordé de poils. Elle a Tes ulàges , elle fert à recevoir les parcelles de matière qui ont été preffées & broyées entre les deux côtés extérieurs des dents, entre ceux qui fe touchent lorfqu'ils fe cher- client à vuide, La cavité de chaque dent n'efl pas égale- «Fig.y. ca. ment creufe partout, une arrête * dirigée vers la pointe de la dent, la divife en deux portions égales. Au refte les dentspeuvent non-feulement fe rencontrer, elles peuvent auiïi le croilér, & fouvent on trouve croifées celles i\.ts abeilles mortes. Un col charnu & flexible, mais très -court, unit le * PI. 27. fig. corceiet à la tête; ce col * part de la face poftérieure de 8. & 1 2. c. çg]}g.(.j ^ ^ c'cfl auprès du col qu'eft l'origine de la trompe. * Fig. I & Quand cette dernière eft en repos *, elle s'avance juf- ^' ^* ques auprès du bout de la pince formée par les dents, &: fe recourbe enfuite en arc pour retourner vers le corceiet. Nous nous contentons aéluellement d'avoir déterminé la pofition de la trompe qui mérite que nous nous arrê- tions dans la fuite à examiner fa ftrudiure. C'eft au corceiet que les quatre ailes fout attachées, en defTus & fur les côtés, <&. que les fix jambes font attachées en deffous. C'eft auffi fur le cocelet qu'il faut chercher * PI. 2 j. fig. les quatre principaux ftigmates *, qui y font placés à peu ^^•■^ près comme nous avons vu qu'ils le font fur celui de plufieurs mouches à deux aîles. Dans les temps les plus ordinaires, le bout poflérieur du corceiet eft appliqué tout entier contre le premier des anneaux du corps ; ils femblent unisi'un à l'autre dans toute leur circonférence. Le vrai eft pourtant , &: c'efl ce que l'abeille montre dans bien des cas , que le corceiet ne tient au corps que par 12 &^i 3. /. ^'"^ efpéce de tilet * qui efl vers la partie inférieure; mais *Fig. 1 3.^^. ce filet étant très-court, le bout du corceiet étant convexe*, * PI. 26. fig. & trouvant dans le bout du corps une concavité * propre DES Insectes. VI. Afew. 285 à le recevoir, le corps & le corcelet paroifFent fouvent unis enfemble dans une étendue dans laquelle ils ne font que fe toucher. La charpente du corps efl faite de fix anneaux *, & *^'g- '3/î> je ne fçais pourquoi Swammerdam lui en a donné fept. Le premier a moins de diamètre que les trois qui le fui- vent; le dernier de ceux-ci, ou le quatrième, en a auffî un peu moins que le iroifiéme; mais le cinquième en a confidérablement moins que celui qui le précède, & en a lui-même moins à fa jonèlion avec le fixiéme anneau , qu'à fi jonèlion avec le quatrième. Enfin le fixiéme ou dernier anneau a peu de diamètre à fon origine, & fe termine jjrefque en jîointe. Chaque anneau elt compofé de deux pièces écailleufes; l'une en forme non-feulement la partie îiipérieure & les côtés, elle vient même en deffous recouvrir par l'un * ëc l'autre * de fes bouts la féconde * z- pièce, celle qui ell fur le ventre. Les abeilles avoient befoin *-^ d'être bien cuiraffées; les querelles qu'elles ont entr'elles feroient trop meurtrières, fi elles pouvoient s'enlrepiquer ailément avec leur aiguillon ; fi des parties charnues , des^ parties dans lefquelles l'aiguillon pût pénétrer, fe trou- voient à découvert, il feroit rare que deux abeilles com- battiflent l'une contre l'autre , fans fe porter réciproque- ment des coups mortels. Leur corps avoit donc befoin d'être defFendu par des écailles; mais les mouvements qu'il a à fe donner, demandoient qu'il pût fe j)lier ; il falloit auffi qu'il pût fe gonfler & fe contraéler. On lui a accordé tout ce qui lui étoit néceffaire en le couvrant de différents anneaux, dont chacun ell fait de deux pièces, dont l'une eft en recouvrement fur l'autre , & en difpofant auflî les anneaux qui ne pouvoient pas être Ibudés les uns furies autres, de façon que celui qui précède couvrît l'origine de celui qui fuit. Quand le corps fe courbe en embas , N n iii 286 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE ou qu'il s'allonge , une plus grande portion de chaque anneau efl laifiëe à découvert par l'anneau qui le précède; mais il refle toujours Tous celui-ci une bande écailleufe de l'autre. Cette dernière bande qui efl la partie antérieure <- Pi. lô.fig. de l'anneau, tient à une bande membraneuié * qui n'efl: i-i- ce. jamais mife à découvert, & qui eft unie à l'anneau qui la cache. Les abeilles ordinaires ont plufieurs endroits rouïïeâtrcs; ils doivent cette couleur à des poils dont ils lont couverts. Le delTous & les côtés de la tête, certaines parties des jambes, le defTous, le deffus & les côtés du corcelet pa- * PI. ij.fig. l'oilTent très-velus*, même à la vue fimple, La plupart de ■2- leurs poils méritent d'être mis au microibope. Lorlcju'on les regarde au travers de verres qui groffifFent beaucoup, la partie qui en efl couverte paroît un gazon rempli de très-jolies plantes, ou plus prccilément de jolies moufTes " * PI. 26. fi^. d'inégale grandeur *, Chaque poil refîèmbie à une petite ^ ' plante qui n'a qu'une feule tige, de chaque côté de laquelle partent des feuilles oblongues & étroites, qui font avec la tige un angle tourné vers fon extrémité. Le nombre des poils qui peuvent être apperçûs à la vue fimj)Ie, efl petit en comparaifon du nombre de ceux qu'une forte loupe fait découvrir. Elle en fait voir en des endroits * PI. 2j.fig. où on n'en foupçonneroit pas. Les yeux à rezeau * en ~'-^* paroifTent prefque auffi remplis qu'aucune partie du corps. Nous avons déjà dit que dans les papillons & dans beau- coup d'autres infedes, ces yeux compolcs de tant de fa- cettes, ces yeux qui ne font qu'un affemblage d'une prodi- gieufe quantité d'yeux extrêmement petits , font de même chargés de poils qui peuvent nous paroître ailés mal ])lacés. M. Vallifnieri a penfé qu'on ne pouvoit regarder comine des yeux ces corps taillés à tant de facettes , parce que les poils dont ils font hériffés, dévoient empêcher les DES Insectes. VI. Mem. iSy rayons de lumière de les rencontrer. 11 eft vrai qu'au moyen des poils, il n'y a que les rayons qui viennent dans certaines diredions, qui puiflent parvenir fur chaque fa- cette; mais il ne convenoit pas apparemment que des rayons de lumière puffent agir à la fois fur toutes, fur tous les petits yeux de certains infedes. Ce que nous avons dit ailleurs de la flru(5îure de C€& petits corps, ne permet guéres de douter qu'ils ne foient réellement des yeux; & Hook a fait, il y a long-temps, des expériences rapportées dans fa micrographie, propres à les faire reconnoître pour ce qu'ils font. Il a coupé ou percé à des mouches les parties que nous appelions les yeux, & elles fe font enfuite conduites en aveugles. Swam- mcrdam a eu recours à un moyen plus doux & moins équivoque de s'affûrer de la même vérité. Il a enduit de noir détrempé à l'huile les yeux de certaines mouches, mais des yeux qui ne font ])as velus. Il a obfervé que les mouches, fur les yeux defquellcs il avoit mis un pareil ban- deau, voloient à l'aventure, qu'elles étoient comme imbé- cilles, que lorfqu'elles étoient pofées quelque part, elles ne fuioient point la main qui les vouloit prendre. J'ai répété ces expériences fur les mouches bleues de la viande, & elles m'ont fourni les mêmes obfervations. J'ai fait auffi ces expériences fur des yeux à rezeau très- velus, fur ceux de nos abeilles mêmes, & j'ai choifi les circonftances les plus décifives pour fçavoir fi les abeilles qui avoient furies leurs un enduit opaque, étoient en état de trouver leur chemin. J'ai couvert d'un vernis rouge, fans tranfparence, les yeux à rezeau de plufieurs abeilles- toutes prifes de la même ruche. Je les ai renfermées- dans un poudrier avec d'autres abeilles de la ruche, aux yeux defquelles je n'avois pas touché. Je n'étois qu'à huit à dix pas de la ruche dont les abeilles avoient clé tirées,, 288 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE îorique j otois le couvercle du poudrier. Celles qui avoienc les yeux nets prenoient lur le champ l'efTor, 6cle rendoient à leur habitation. Celles dont les yeux étoient vernis n'a- voient aucun empreflement de fortir du poudrier , elles avoient peine à Te déterminer à voler , & la plupart diri- geoient leur vol indifiéremment de différents côtés , Se ii'alioient pas loin. Pour en déterminer quelques-unes à prendre un plus grand eflbr, je les jettois en l'air, elles s'y élevoicnt prefque verticalement à perte de vue, je ne iça- vois ce qu'elles devenoient. On a imaginé une efjiéce de chafTe aux corneilles afTés plaifante, on leur met de ra])pas dans un cornet de papier rempli en partie, ou au moins enduit de glu. La corneille qui donne dans le piège qu'on iui a tendu , qui va pour prendre le morceau qui lui eft offert, fe fait une coëffe du cornet, & une coëffe qui lui couvre les yeux, & dont elle ne fçait point fe débarraffer. Elle s'élève alors en l'air à perte de vue, & on affûre qu'elle s'élève jufqu'à ce qu'elle tombe fans force & pref- que morte. Mes abeilles dont les yeux étoient vernis me prefentoient en petit une image de cette chaffe aux cor- neilles. Non-feulement celles que je jettois en l'air, mais toutes celles qui plus vives ou plus inquiètes que les au- tres, prenoient en partant un vol un peu élevé, ne man- «juoient pas de monter en l'air de plus en plus jufqu'à y dilparoître à mes yeux; & aucune n'a paru connoître le chemin pour aller à la ruche. J'ai vu fouvent des abeilles qui voloient en pirouettant auprès de la furface de la terre , comme fi elles eu fient été folles. Elles ne faifoient que tournoïer,& cela fucceffive- ment en des fens contraires. Peut-être que la caufe de ces mouvements devoit être attribuée à trop de poudre qui s'étoit attachée aux poils de leurs yeux à rezeau, car ces abeilles paroiffoient poudreufes. li DES Insectes. Vf. Mejn. 289 Il efl: donc certain au moins que les abeilles voyeni, 6c qu'elles voyent avec leurs yeux à rezcau, quoiqu'il y ait grande apparence, comme le veut Swammerdam, que l'organifation de leurs yeux efl: très-difFérente de celle Ats nôtres. Une différence très-confiante, c'efl que toutes les cornées des yeux des mouches ont leur furface intérieure enduite d'une matière colorée, ou pour parler plus exacfte- ment, tapiOce par une membrane colorée. Cette mem- brane, qui doit paroîtrc analogue à notre corroïde, efl: donc tout autrement placée, puifqu'clle efl par-tout appliquée contre la cornée tranlparente. Dgs expériences femblables à celles que j'ai faites fur les yeux à rezcau, m'ont prouvé que les petits yeux des abeilles, les yeux lilfes * leur fervent aufli à fe conduire. *P'-2î- %• J'ai verni ces yeux, ou, ce qui efl la même chofe, le ^' ' derrière de la tête, à plus de vingt abeilles que j'ai mifes enfuite en liberté à trois à quatre pas de leur ruche; aucune n'a fçu la trouver, ni n'a paru la chercher. Elles ont volé de tous côtés fur les plantes, & n'ont pas volé loin. Aufll fembloient- elles s'embarrafl^er peu de voler. Mais je nen ai point vu de celles-ci qui fe foient élevées en l'air, comme s'y élèvent celles dont les yeux à rezeau font vernis. Les poils des yeux à rezeau ne font ])as de ceux qui font chargés de feuilles, qui lémblent de petites plantes; comme les poils que nous voyons le plus ordinairement fur les grands animaux, ils ne font qu'une fimple tige qui va en diminuant de groffeur depuis fon origine jufqu'à fbn extrémité. La partie de chaque anneau qui couvre le deffus du corps, femble bordée d'une frange de poils; mais quand on y regarde de plus près, on remarque que ces poils qu'on jugeoit attachés au bord poflérieur, au bord mobile de TomeV. .Oo 2ÇO MEMOIRES POUR l'HISTOIRE l'anneau, font plantés fur l'anneau qui fuit dans l'en- droit où le bord de l'anneau qui précède, doit s'appli- quer. Nous nous arrêtons volontiers à parler au long des poils de l'abeille, parce que nous aurons à faire voir bientôt qu'ils ont des ufages que n'ont pas ceux des grands animaux, ni même ceux des autres infe(5les. Mais avant que d'expliquer à quoi ils fervent, nous devons parler de ceux des jambes, & faire connoître les jambes * PI 26. fig. elles-mêmes. Celles de la première *, & celles de la fe- *Fig. 3. conde paire *, ne différent pas beaucoup en longueur; * Fig. 4. mais les deux dernières * font plus longues que les quatre précédentes. Celles-ci ont chacune environ cinq lignes de longueur, pendant que celles qui les précédent im- médiatement, n'en ont que trois & demie, & que les premières ne font longues que de trois lignes. Chaque jambe eft compofée de cinq parties principales, faites d'une écaille brune & luifante. La première de ces par- * F'g- 2> 3 lies*, celle qui eft attachée au corcelet, eft la plus courte *' "^' ^' de toutes, c'eftune elpéce de bouton conique, à un des * ^f- bouts duquel la féconde pièce * eft articulée; celle-ci eft ionguette, peu applatie, un peu contournée, &.un peu moins groffe à l'un & à l'autre de fes bouts que vers fon .* Eg. 4.. p. milieu. La troificme pièce * eft plus confidérable par rapport aux autres dans chaque jambe de la troifiéme paire, & faite autrement qu'elle ne l'eft dans les jambes des deux autres paires, & fur-tout dans celles de la pre- mière; dans chaque jambe de la troifiéme paire, dis-je, * Fig. 4.& la troifiéme pièce * eft applatie & triangulaire. Comme ^' P' nous aurons plus d'une fois occafion de Ja dèfigner , nous croyons lui devoir donner un nom , celui de palette irian- */ gulaire. Son bout aigu eft à fa jon(ftion * avec la féconde pièce, ôi. fa partie la plus large eft à fon autre bout où DES I N S E C T E S. F/. Mem. 29 i elle s'articule avec la quatrième pièce. La troifléme pièce * * PI. 16. fîg. tic chaque jambe Je la féconde paire, eft plus courte, j)lus ^' P' étroite &. moins triangulaire que ne l'eftla pièce correrpon- dante de chaque jambe de la troifiéme paire. Enfin, dans chaque jambe de la première paire, la troifiéme pièce * *Fig. 2. ;.. n'eft ni applatic ni triangulaire. La quatrième pièce efl: encore applatie dans les jambes de la troifiéme "^ &. de la * Fig. 4 &. féconde paire *, elle eft à jjeu près également large à l'un '.' Si à l'autre de fes bouts ; fon contour efl à peu près quarré , S- i- • auffi l'appellerons -nous la pièce quarrée ou la broffe. Bientôt on ne fera pas embarraffé de fçavoir fur quoi ce dernier nom efl fondé. Cette pièce quarrée, ou cette broffe, efl beaucoup plus grande, plus confidérable dans les jambes de la dernière paire, que dans celles de la fé- conde. La quatrième pièce des jambes de la première paire *, ne tient aucunement de la ligure quarrée Se appla- * Fig. z. b. lie, elle efl oblongue & arrondie. Enfin, la cinquième 6: dernière partie* de chacune des fîx jambes, & qui pour- * Fig. 2, 5 roit être appeliée le pied, efl extrêmement déliée, & com- ^4" ?• pofée de cinq parties affés courtes mifes bout à bout, & articulées les unes aux autres. Les quatre premières * font * Fig. 7. », des efpéces de cônes tronqués un peu applatis, & dont '^' '''■^' la bafe du premier efl articulée avec le fommet du fécond , & ainfi de fuite. Le premier & le quatrième cône font plus longs que les deux autres. La dernière pièce plus courte que celle qui la précède, efl armée de deux paires d'ongles *, ou de crochets recourbés en embas. Un des * c,c; i,i. ongles de chaque paire efl au moins une fois plus long que l'autre. Entre les deux paires de crochets, efl une petite partie charnue & chargée de poils courts, qui efl analogue à la pelotte des pieds des mouches de la viande. Les premières pièces de toutes les jambes font très- fournies de poils à feuilles, fur-tout fur les côtés; mais Ooij 292 Mémoires pour l'Histoire quelques pièces de jambes de la féconde, & fur-tout de celles de la troifiéme paire, font garnies de poils fimples plus gros & plus roides que les autres. Où l'on doit princi- palement remarquer de ces gros poils, c'eft tout autour, ou fur trois côtés de la pièce que nous avons nommée * PI.26.fig. palette triangulaire *. La face extérieure de cette palette * ^■•^' eft liffe & luifante, mais des poils s'élèvent au-deiïiis des bords de cette face. Ceux qui partent de l'un & de l'autre de ies côtés, font dirigés vers le bout de la jambe, & dif- pofés parallèlement les uns aux autres. De la ba(è de cette palette partent d'autres poils auffi roides que les précé- dents, & qui, comme eux, s'élèvent au-deffus de la face extérieure, mais en fe contournant vers le haut de la jam- be, de forte que les poils des deux côtés & ceux de la bafe , forment enfemble les bords d'une efpéce de corbeille, dont la face extérieure de la palette fait le fond. Cette palette efl auffi deftinée à fervir, pour ainfi dire, de cor- beille; elle efl defiinée à recevoir une petite pelotte de *Fig. 8.p,p. matière à cire * ; les poils roides aident à retenir la pelotte dans la place où elle a été mifc. Si pourtant la face exté- rieure de la palette étoit par tout convexe , comme elle l'efl vers fon origine, & jufqu'au tiers ou à la moitié de fa longueur, les poils n'auroient pas affés de force pour retenir la pelotte : afin qu'elle pût y être logée finement , dans le refle de la face de la palette il y a une gouttière profonde qui va en s'élargiffant à mefure qu'elle s'appro- che de la bafe. La palette de chaque jambe de la féconde *Fig. s. p. paire *, n'a point une pareille gouttière ni des poils arran- gés comme nous venons de le dire; auffi ces deux jambes & les deux premières, qui n'ont pas de palette triangulaire, ne font jamais chargées de peloites de matière à cire. Ce font les deux dernières jambes , qui feules ont été faites pour conferver la récolte de celte matière. DES Insectes. K/. Mem. 295 Nous devons dire encore un mot de la partie quarrée * * PI- 2(^. %. qui le trouve aux jambes de la troifiéme, & à celles de '^ ' la féconde paire; nous l'avons déjà nommée la brofle, & elle mérite ce nom, parce que pendant que fa face extérieure eft rafe 6c lilTe , fa face intérieure * efl plus ♦ Fig. 6. chargée de poils que ne 1 efl aucune brofle. Ces poils font des poils fimplcs *, qui font plutôt arrangés comme ♦ Fig. 7. ceux de nos brofTcs à habits, que comme ceux des pin- ceaux, ils font diflribués par rangs parallèles les uns aux autres, & parallèles en même temps aux bouts de la broffe, & dirigés vers le pied. Voyons à prefent quel ulage l'a- beille fait de ces poils difpofés en broffe, & à quoi lui fervent ceux dont toutes (es parties extérieures font chargées. On fçait que les abeilles vont faire leur récolte de cire fur les fîeurs; mais les Auteurs les plus exaéls n'ont pas affés fait entendre que les fleurs feules peuvent leur four- nir celte récolte. M. Maraldi, par exemple, paroît avoir cru que les abeilles ramaffent de la cire où elles ne fçau- roicnt en trouver, lorfqu'il dit qu elles recueillent la cire fur les feuilles d'un grand nombre d'arbres & de fiantes , àr fur la plupart des fleurs qui ont des étamines. Ce n'efl que fur ces fortes de fleurs qu'elles trouvent à fe pour- voir de matière propre à devenir cire, ou, pour nous ex- primer plus brièvement, de matière à cire; car elles ne rencontrent nulle part de la cire toute faite: mais cette matière propre à devenir de la cire, n'efl jamais fournie aux abeilles par les feuilles des arbres & des plantes. Swammerdam qui a très-bien obfervé que cette matière efl un afllmblage de petits grains, qui, pour l'ordinaire font de petits globules plus ou moins arrondis, & plus ou moins allongés, propofe Ats doutes fur la caufe de la figure de ces petits grains, & ne paroît pas avoir fçu à Oo iij 294 Mémoires pour l'Histoire quelle partie des plantes ils dévoient leur origine. En un mot, je ne connois point d'Auteur qui nous ait dit afles précifément ce que c'elt que cette matière à cire, & où les abeilles la prennent conftamment. Rien n'eft plus or- dinaire cependant, que de voir une abeille fur une fleur, & de lui voir le corps tout poudré dune poufficre qu'elle ne peut avoir prife que fur cette fleur; & les obfervations les plus groflicres peuvent apprendre quelles font les par- ties de la fleur qui ont pu couvrir ainîi l'abeille de pouf- fiére. Des obfervations encore afles aifées à faire, démon- trent que cette même poudre, dont on a vu une abeille couverte, eft la matière à cire. Une tuiippe, un lys, &c. ont foit voir cent &. cent fois à ceux qui n'ont jamais cherché à étudier les fleurs en Phyficiens, iks filets qui font chargés d'une pouffiére qu'ils laifl^ent fur les doigts qui les manient. Les filets des lys y laiflent une poudre jaune, & les filets des tulippes en pareil cas, y en laifl^ent une brune. Les filets dont nous parlons, ont été nommés par les Botanifles, les étamines de la fleur. Le célèbre M. deToiu-nefort n'a voulu regarder les pouffiéres dont ces étamines font chargées, que comme des excréments qui dévoient être tirés de la fleur par une efpéce de fé- crétion. Mais le fentiment qui a prévalu parmi ceux qui font leur objet principal de l'étude des plantes, le fenti- ment le plus généralement adopté , veut qu'on ait une idée plus noble de ces pouffiéres , il veut qu'on les re- garde comme deflinées par la nature à rendre les germes des plantes féconds, il veut que les graines refîent flériles quand elles n'ont pas été vivifiées par ces pouffiéres. II ne nous conviendroit pas de nous engager à difcuter ici cette grande Si. curieufe queflion ; il nous fuffit de dire, que ces pouffiéres nous font d'une grande utilité, puilqu'elles font la feule & unique matière dont eft faite DES I N S E C T E S. K/. Mem. 295 la cire que nous conliimons. Je ne ])uis pourtant laifler ignorer à ceux qui n'ont pas cherché à examiner ces poufliéres, qu'ils ne doivent pas croire les figures de leurs grains auflî irréguiiéres que le font celles de nos poudres ordinaires, aulfi irréguiiéres que le font les fi- gures des grains de notre farine. Quand on les obferve au microfcope, on reconnoît que les grains des pouf» ficres des étamines d'une même plante, ont tous une même figure ; mais que des plantes de différents gcjires ont des poufTiéres différemment figurées: c'cfl de quoi on peut s'inftruire dans un Mémoire de M. Geolîroy, ])ublié parmi ceux de l'Académie de l'année 171 i, pag. 210. On y verra que ces grains font faits en boule ou en boule allongée dans le plus grand nombre des plantes; mais que dans dautres plantes, ces grains ont conftamment d'autres figures beaucoup plus finguliéres. L'abeille qui entre dans une fleur bien épanouie, & dont les étamines font chargées de poufliéres qui y tien- nent peu, ne Içauroit manquer de faire frotter diverfes parties de fon corps contre ces pouffiéres, & loin de l'éviter, elle le cherche apparemment; c'efl alors que les poils dont elle eft hériflce, lui font d'un grand ufage. Les poulfiéres qui glifleroient fi elles ne touchoient que des parties aufli lifTes qu'une écaille luifante, font arrêtées dans les forêts de poils. L'abeille devient toute poudrée, afles ordinairement d'une poudre jaune , quelquefois d'une poudre rouge, & d'autres fois d'une poudre d'un blanc jaunâtre, &i cela félon que font colorées les pouf- fiéres des étamines de la fleur dans laquelle elle marcIie. J'en ai vu fouvent qui, lorfqu'elles rclournoicnt à leur ruche, avoient leurs poils fi chargés d'une poudre colo- rée, qu'elles en étoient méconnoifiliblcs. L'n Gentilhom- me d'un canton du Poitou, où les abeilles rencontrent à ZCf6 MEMOIRES POUR L*HlSTOIRE la lin du Printemps beaucoup de fleurs dont lesétailiines font bien fournies de poufTiéres, croyoit avoir des rudies qui, dans ce temps, étoient remplies en partie d'abeilles jaunes. On me paria de ces abeilles d'une couleur diffé- rente de celle des abeilles ordinaires, comme d'une fm- gularité; on me promit même de m'en faire avoir. J'aver- tis qu'il pourroit bien fe fiire qu'on ne feroit pas en état de me tenir promeffe, qu'il y avoit grande apparence qu'on croyoit jaunes des abeilles dont les poils étoient très couverts d'une poudre de cette couleur. AufTi quand j'ai eu fait vérifier ce qui en étoit par quelqu'un accoutu- mé à obferver, par M. de Villars Dodeur en Médecine, qui demeure dans le canton où on croyoit avoir des abeilles jaunes, il me fit réponfe que j'avois deviné; qu'on n'avoit pu en trouver aucune qui fût véritablement jaune, malgré l'envie qu'on avoit eu de m'en envoyer de telles ; & que celles qu'on avoit cru l'être , ne l'étoient que quand elles rapportoient dans leurs poils beaucoup de pouffiéres jaunes. Quoiqu'il y ait quantité d'abeilles qui, quand elles arrivent à leur ruche, ont leurs poils pleins de cette forte de poufl^lére; il y en a bien davantage, qui, avant que de fonger à y retourner, ont eu foin de s'en nettoyer, de^Q brolfer. Elles ont, comme nous l'avons vu ci-devant, des * PI. 26. fig. broiïes plattes à leurs quatre jambes poftérieures * ; elles en 3' 4-« 7- Qj^j- fur-tout de très-grandes aux dernières de celles-ci. Les premières jambes chargées de poils comme elles le font entre la quatrième & cinquième articulation, ont auffi là * Fig. 2. b. une efpéce de brofi^e ronde *. Il eft donc aifé d'imaginer comment la mouche en paflant & repaffant fes différentes broffes fur le deffus , fur le defi^ous , & fur les côtés de Ion corps, de fon corcelet, 6c de fa tête, peut en ôter h pouifiére qui y eft arrêtée. Mais elle n'a garde de chercher DES Insectes. F/. Mem. 297 chercher à faire tomber à terre cette pouiïiére , comme on cherclie à y faire tomber celle qu'on ôte aux habits & aux meubles qu'on nettoyé. Cette pouffiére eft préclcufe pour elle, elle veut en faire un amas; auffi parvient-elle à faire deux petites pelottes * de figure plus ou moins *PI-26. fig. arrondie, & ailes louvent lenticulaire, de tous les petits ^ ^ grains qui fe trouvoient difperfés fur les différentes par- ties de fon corps. Nous avons déjà décrit les deux places *<\uc la nature * ^'î- ^ ^ a préparées pour recevoir ces deux pelottes; nous avons fait connoître deux cavités, dont chacune fe trouve fur la face extérieure d'une de ces pièces de chaque jambe poftérieure, que nous avons nommées les palettes trian- gulaires; enfin, nous avons vu que cette cavité eft bordée de gros poils qui s'élèvent afies haut. C'efl dans chacune de ces cavités , que l'abeille porte tour à tour les petits grains, ou, plus exadlement, de petites mafles de ces grains, qu'elle les réunit pour en compofer une plus groflemafTe. L'amas qui eft fur une des palettes, n'excè- de jamais guère en groffeur celui qui eft fur l'autre. L'un & l'autre n'y font lènfibles, que quand ils ont à peu près celle de la tête d'une petite épingle, & peut-être commencent -ils par l'avoir; mais de nouvelles pouftié- res qui y font adjoûtées fucceffivement , les groflifl!cnt. Quand l'abeille trouve de quoi faire une bonne récolte, elle les rend aufli gros que des grains de poivre un peu applatis. Pendant qu'elle eft occupée à brofter les pouf- fiéres qui font attachées à fes poils, pendant qu'elle les fait paffer d'une jambe de la première paire à une jambe de la féconde, &. enfin, pendant qu'elle les place & qu'elle les empile fur la palette d'une jambe de la troi- fiéme paire, fes mouvements font fi prompts, qu'il n'efl guéres plus aifé de les fuivre, qu'il le feroit de fuivre Tome V. . Pp :z^S Mémoires pour l'Histoire ceux des doigts de quelqu'un qui écrit couramment, ou que ceux des doigts d'un habile Muficien qui joue des airs dont l'exécution doit être très-prompte. On voit bien que l'abeille fait agir les inflruments propres à ramafler ces poufliéres, & à les réunir enfembie; mais on ne voit pas afles à fon gré comment elle employé chacun de ces inflruments. Auffi tous ceux qui ont voulu les obierver dans ce travail , fe font plaints de leur trop grande aéti- vilé, qu'elles ne font pas difpofées à modérer pour falis- faire la curiofité de l'obfervateur. Tout ce que j'ai cru pouvoir faire de mieux pour par- venir à voir leur manège , c'a été de les étudier fur des fleurs près de la fin de l'hyver, c'efl-à-dire, dans des temps où foibles encore, & peu animées par un foleil lans ar- deur, elles ne pouvoient fe donner des mouvements auffi vifs que ceux qu'elles fe donnent en d'autres temps. Dans des jours du Printemps où la force du foleil fuffifoit à peine pour en déterminer quelques - unes à aller fur les fleurs des poiriers, ou fur celles des pommiers qui ne commençoient qu'à s'épanouir, j'ai vu ce que j'ai inuti- lement cherché à voir dans des jours plus chauds. C'efl alors que j'ai été en état d'obferver que l'abeille ne fe contente pas de ramaffer avec fes poils les pouffiéres qui font prêtes à tomber de deffus les étamines. Plufieurs plantes ont chacune de leurs étamines terminée par une cfpéce de tête, par un petit corps fouvent oblong, que les Botanifies ont appelle le fommet de l'étamine. Les Botaniftes fçavent que ce fommet eft une capfule dans laquelle les pouffiéres font renfermées , & dont elles ne fortent que quand le temps efl venu où la capfule s'en- îr'ouvre pour les laiffer paroître au jour. Les abeilles le fçavent auffi. Les étamines des fleurs de pommier ont chacune leur fommet. L'abeille qui arrivoit fur un de DES I N S E C T E S, K/. Mem. 299 ces arbres, dont les fleurs encore peu développées, ne fourniflbient pas à une récolte aifée & abondante, tâtoic avec Tes dents le premier foinmet d etamine qui fe pré- fentoit. Quand il ne lui paroiiFoit pas convenable, elle le quittoit pour en prendre un autre. Si celui-ci lui paroifToit mieux conditionne , elle le prefToit avec Tes deux dents comme avec une pince. On juge affés qu'elle tendoit par cette prelTion à obliger la capfule à s'ouvrir, à lui donner des pouiïiéres qui n'en étoient pas encore forties. Bien- tôt on voyoit l'une & l'autre jambe de la première paire s'approcher fucceffivement de la pince, & fans doute pour s'y charger de quelques grains. Bientôt la jambe qui avoit touché la pince, retournoit en arriére, & rencontroit une de celles de la féconde paire qui étoit du même côté. Cette féconde jambe portoit auiïi à la troifiéme jambe du même côté, ce qu'elle avoit pris à la première; du moins les mouvements fucceffifs des trois jambes d'un même côté, qui étoient très-vifibles, paroiflbient unique- ment tendre à éela , & on en avoit une preuve peu équi- voque, lorfque la même mouche après avoir répété \c même manège fur quatre à cinq fleurs différentes, avoit un petit amas de matière à cire fur chaque palette trian- gulaire d'une jambe de la troifiéme paire. Ce que j'avois vu faire à des abeilles occupées à ra- mafler des poufîières fur des fleurs de pommier , je l'ai vu faire bien plus diftinélement à d'autres abeilles occu- pées à la récolte d'une autre matière dont nous parle- rons dans la fuite , & qui eft beaucoup plus tenace que la matière à cire & que la cire même, qui efl une efpéce de gomme réfineufe, &qui a la vifcofité d'une réfine qui n'étant pas encore defl^échée, peut s'attacher aux doigts. Pendant que je confidérois à la loupe une mouche, je l'ai vu charger chacune de fes dernières jambes d'une Pp ij ^oo Mémoires POUR l'Histoire grofTe pdotte de cette matière réfineufe. Ce fut pour elfs un ouvrage d'une grande demi -heure. La matière étoit difficile à manier & à détacher; & par-là cette mouche fe trouvoit dans une circonflance où j'avois eu grande envie d'en voir une depuis iong-temps. Tous fes mouvements étoient lents en comparaifon de ceux même des abeilles qui ramaflent la matière à cire dans des jours prefque froids. Les dents ne parvenoient à détacher une parcelle réfineufe , qu'après des coups ôi. des tiraillements redou- blés. Les dents donnoient enfuite une forme plus arron- die à la parcelle; après quoi une des jambes de la pre- mière paire venoit bien -tôt la faifir. La dernière partie »PI. 26, fig. de chaque jambe*, celle qu'on en peut appellerle pied, ;3;4'» c-9- Q^^ comme nous l'avons dit, compofèe de ciiiq articula- tions qui la, mettent en état de faire la fon(flion de main. Cette partie de la première jambe en fe recourbant, tient bien faifie la petite parcelle que les dents lui ont laifTèc. Cette première jambe donne cette parcelle au pied de la féconde jambe du même côté, & cette dernière va pofer la parcelle fur la palette triangulaire de la troifieme jambe. Mais ce n'eft j)as affés de l'y avoir pofée y il faut que la nouvelle parcelle faffe corps avec les autres parcelles qui y ont été dèpofèes , & qui commencent une pelotte, c'eft à quoi la jambe de la féconde paire travaille encore. Dès que fon pied a mis en place la petite parcelle, elle s'avance davantage en defTus de la pelotte commencée ; elle la » Fig. I o. tappe trois à quatre fois de fuite * avec la partie qui eH faite en broffe, comme on tappe avec une palette de bois de la terre molle qu'on veut façonner. Les abeilles ne retournent pas toutes à la ruche avec, une charge égale, toutes ne font peut- être pas égale- ment bonnes ouvrières ; & il y en a qui ont le bonheur de trouver des plantes qui leur fourniffent plus que. n'ont. DES I N S E C T E S. F/. Mem. 30 r fourni à d'autres celles auxquelles elles fe font adrelfees. Quand la pelolte de chaque jambe cfl petite, elle n'excéda pas les bords de la jambe , mais les grofies pclottes vont bien par-delà* ; elles font collées contre les poils, elles + pi. 26.% les obligent à fe plier en dehors. Ces poils auxquels elles "-^'^'e- font collées, aident beaucoup à les loûtenir. C'efl quand les fommets des étamines font bien cj)a- Eouis, pour ainfi dire , & quand la fleur a beaucoup de ces ibmmets dont les poufTiéres font prêtes à être empor- tées par le vent, que l'abeille peut en ramaffer davantage avec lés poils qu'avec fes dents, & qu'elle n'a prefque pas befoin de faire agir celles-ci. Ces mouches, comme nous l'avons dit , peuvent emporter les pouffiéres qui fe font attachées aux poils de leurs différentes ])artics, avec les broffes * des jambes des deux dernières paires, &même *Fig. 3,4,, avec les broffes rondes * des jambes de la première paire ; 6 & 7. ^. mais les plus grandes broffes & <^lles qui expédient l'ou- * ^'S- -• ^• vrage plus vite, font celles àçs dernières jambes. Celles-ci peuvent réciproquement fe donner les pouffiéres dont leurs broffes fe font chargées. J'ai vu fouvent l'abeille* * Fig. 9. en faire paffer une fous fon ventre, & conduire fa broffe contre le bord extérieur de la palette triangulaire de l'autre, l'y frotter, & par conféquent y laiffer & y raffembler les pouffiéres qui étoient engagées dans la broffe. La jambe qui venoit de recevoir ces pouffiéres en rendoit enfuife autant à l'autre par un femblable manège. Dans le même infiant des abeilles rentrent dans la ruche avec despelottes jaunes, d'autres avec des pelottes rouges, & d'autres avec des pelottesbiancheâtres, j'en ai vu rentrer quelquefois avec des pelottes vertes. Les unes ont ramaffé- des pouffiéres fur des plantes qui les ont jaunes , & les- autres les ont ramaffées fur des plantes qui les ont rougeâ- tres, ou fur d'autres qui les ont blancheâtres ou vertes^ 302 MEMOIRES POUR L'HISTOIR'e Les grains qui compofent cespelottes ont non feulement la couleur qu'ils avoient lorfqu'ils étoient fur la plante ; ils ont tous confervé leur figure. Si on les examine au microfcope , on trouve que ceux de quelques- unes font de petites boules bien rondes, ceux de quelques autres des boules applaties, ceux de quelques autres des boules oblon- gues. Toutes celles que j'ai examinées tenoient de la figure arrondie. Je ne fçais pourtant pas fi les abeilles n'en ra- mafl^ent point de celles qui ont des figures plus finguliéres. Un Botanifie qui auroit affés étudié les pouflléres des plantes, feroit peut-être en état de fçavoir fur quelle plante auroit été prife la pelotte qu'il examineroit. Dans les mois d'avril &. de may , les abeilles ramaffent du matin au foir de la matière à cire , mais lorfqu'ii fait plus chaud, dans les mois de juin & juillet, &.c. c'efl fur-tout le matin jufque vers les dix heures, qu'elles font la grande récolte de cet{^ matière. Alors fi la journée efl favorable , on voit les deux peloites de pouflléres à toutes ou à prefque toutes celles qui arrivent à la ruche. Quand on confidére plus tard les abeilles qui entrent dans la même ruche , on en voit cependant toujours quelques- unes qui reviennent avec des pelottes ; mais le nombre en eft petit en comparaifon de celui des mouches qui n'en rap- portent point. Ce n'eft pas que les abeilles ne trouvafient fur les fl^eurs des plantes, lorfque la chaleur du folcil fe fait plus fentir , autant de pouflléres qu'elles en y trou- vent plus matin ; ces pouflléres doivent même être plus aifées à détacher lorfqu'ii fait plus chaud , elles doivent tenir moins à l'étamine; mais il ne convient pas à l'abeille de les recueillir lorfqu'elles^ font trop feches; alors il ne lui eft pas fi aifé de les lier enfemble, de les réunir dans une maflJe ; elles font plus propres à faire corps les unes avec les autres , qimnd elles font encore humecftées par DES I N S E C T E S. K/. Âlem. 303 fa rofée de la nuit, ou par la liqueur qu'elles ont laifle tranfpirer. 11 efl pourtant vrai qu'on voit à toutes les heures du jour , des abeilles qui rapportent des pelottes , & le nom- bre de celles qui en rapportent, elt grand comme le ma- tin, vers le midi & après, dans la ruche où un eflaim n'eft établi que depuis peu de jours. Mais les abeilles qui vont au loin ])cuvent trouver des fleurs placées à l'om- bre & dans des lieux aquatiques, qui, l'après midi, font aulTi humides que d'autres fleurs le font le matin. La nécefTité de travailler où font les abeilles établies dans une ruche dont l'intérieur manque de tout , les oblige de chercher avec plus de foin les fleurs qui peuvent leur fournir de quoi faire des gâteaux qui y font fi effentiels. Ce ne fera que dans le Mémoire fuivant que nous exa- minerons ce que les abeilles font de ces pelottes qu'elles tranfportent à leur ruche avec tant de foins & de fati-, gués. Nous devons parler aéluellement d'une autre ré- colte bien importante pour elles, qu'elles vont encore faire fur les fleurs des plantes ; elles y vont faire celle du miel. M. Linéus a mieux obfervé qu'on ne i'avoit fait avant lui , que les fleurs ont des efpéces de vefTies, ou plutôt des glan- des qui font des refervoirs pleins d'une liqueur miellée, qu'il a nommés en latin iiëâaria: il leur a trouvé des figures &des pofitions fi différentes dans les fleurs de différentes plantes, qu'il a cru qu'on devoir faire entrer ces neélaria dans les caradléres des genres des plantes. Les abeilles au- roient pu nous inftruire il y a long-temps , de la pofition de ces refervoirs , car elles fçavent très-bien où il faut aller les chercher. C'efl dans ces glandes ou autour qu'elles vont puifer le miel ou la liqueur propre à le devenir. Sur le champ elles la font paffer dans leur corps, où elles la confervenc jufqu'à ce qu'elles puiiTent la dépofer dans \çs petits pots- 304 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE préparés dans la ruche pour la recevoir. On porteroit donc îbuvent des jugements très-injuftes des abeilles, fouvent on les croiroit à tort des parefleufes, fi on penfoit qu'elles n'ont été à la campagne que pour fe promener, ou pour y prendre leur repas, toutes les fois qu'on les voit revenir chés elles fans apporter des boules de matière à cire, car fouvent elles reviennent alors avec une bonne provifion de liqueur à miel. Mais avant que de voir où cette liqueur ell contenue dans l'intérieur de la mouche, nous devons connoître l'inftrument qui a fervi à la recueillir, nous de- vons connoître la trompe. Les Volumes précédents nous ont déjà fait admirer h ftrudure des trompes de divers infe<5îes. Si. même celle de trompes faites pour agir contre nous, telles que font celles de quelques mouches, & fur -tout celles dont les confins fe fervent pour s'abbreuver de notre fang. Nous devons être plus difjDofés à admirer la ftrudure de la trompe des abeilles , qui ne fert pas feulement à porter à ces mouches l'aliment qui leur efl néceflaire, mais qui efl de plus employé à faire une récolte que nous nous approprions comme fi elle eût été faite pour nous. D'ail- leurs la trompe des abeilles ordiiiaires mérite d'autant plus detre connue, qu'elle efl: conftruite fur un modèle très- différent de ceux des différentes «rompes dont nous avons parlé jufqu'ici, & que dès qu'on la connoîtra, on connoîtra celles de beaucoup d'autres efpéces d'abeilles qui vivent folitaires, ou en des fociétés peu nombreufes; qu'on con- noîtra par exemple celle de ces gros bourdons velus fi com- muns dans nos campagnes; en un mot, qu'on connoîtra les trompes d'un très-grand nombre d'elpéces & de genres de mouches. Dans différents temps la trompe de l'abeille eft plus ou moins allongée; le temps où elle efl dans une parfaite inadion. DES .Insectes. VI. Mem. 305 inacflion, où clic ne fè prépare pas même à agir, cft celui où eile eft le plus raccourcie; & c'cfl dans l'ctat où elle eft alors que nous commencerons à la confidérer. Si on regarde le devant de la tête d'une abeille* qu'on tient *rî. 27. fîg. entre Tes doigts , on remarquera aifcmcnt tout près du • "^ ^• bout des dents* une efpéce de lame* adc-s épaiffe, très- + d. d. luilànte & de couleur châtain, qui fait là vm coude, qui ♦ t. s'y plie pour retourner le long de la face poftéricure de la tête, & le rendre auprès du col. Depuis le coude qui cft proche des dents *, cette elpéce de lame va en diminuant * d. de largeur pour fe terminer en pointe. Dans d'autres temps où la trompe n'eft pas plus allongée , la partie dont nous venons de parler eft plus en vue, elle defcend en faiiànt un arc *, ou quelquefois elle eft prefque toute *PI.25. fig- droite dans la direction du devant de la tête *. Dans "' cette dernière circonftance on la regarderoit volontiers *FI. 27. fig. comme une efpéce de bec d'autant plus femblable à celui ^' "* ' ' des oileaux, qu'elle a un luilant qui la fiit juger de corne. Cette partie que nous avons prife tout près du bout des dents, n'eft qu'une portion de la trompe, celle qui eft déterminée par le coude que fait la trompe en repos pour fe tenir pliée, & nous la nommerons la partie anté- rieure, ou la féconde partie de la trompe. Nous nom- merons celle à laquelle elle tient, la partie poftérieure ou la première partie. L'origine de la trompe , l'endroit où elle eft unie à la tête eft proche du col*; de- là elle va *Fig. 8. c en ligne droite jufqu'aux dents où elle fe replie fur elle- même, de façon que fa pointe vient rejoindre fa bafe*. ♦ Fig. 2. Quand elle eft ainfi pliée en deux *, ou quand elle cft ♦ Fig. i &2. fimplement redreftee*, on ne la voit pas elle-même . * Fig, 4., $ on ne voit que les enveloppes fous lefquelles elle cft^^* cachée. Ce n'eft pas une nouveauté pour nous de trouver une trompe renfermée dans un étiii, nous en avons déjà Tome V. . Q q 3o6 MEMOIRES POUR l'Hi,stoire eu bien des exemples ; mais ies étuis que nous avons vus à d'autres trompes , ne reffcmblcnt point à celui ou plutôt à ceux de la trompe dis abeilles, car elle n'en a * PL 27. fig. pas pour un ; elle en a deux. Un des deux pourtant * ne 7 9-^> ^- J3 couvre gueres que dans la moitié de la longueur, 6c l'un ôi l'autre ne la couvrent pas dans toute là circonfé- rence. Chaque étui cft fait de deux pièces, dont chacune fera nommée un demi-étui. Pour voir diftinélement ces quatre pièces, pour prendre une idée de leur figure, &. de la manière dont elles font ajuflées lorfqu 'elles couvrent la trompe, il faut prefTer celle-ci vers Ion origine, en la pouffant en devant. Dans l'infiant la trompe lemble de- venue plus longue qu'elle n'étoit, Se elle ne paroît plus aufîi fimple qu'elle le paroiffoit. On voit à la fois cinq *F'g-7- '/ pièces différentes *, dont celle du milieu *, qui dans une ''^' * grande partie de fa longueur efl un filet un peu applati» ^ ' une lame étroite dont les côtés font arrondis, dont celle du milieu, dis -je, efl accompagnée de quatre efpèces *^' '//>/• d'ailerons pofés deux à deux * de chaque côté. Ce font les quatre demi-étuis qui font plus ou moins éloignés de la petite tige qu'ils doivent couvrir félon que lapreffion * o f- a été plus ou moins forte. Deux de ces ailerons * plus €ourts& moins grands dans leurs autres dimenfions, que * F'g- 7 ^ les deux autres , tirent à peu près leur origine de l'endroit * ^' ^^" 011 efl le coude de la trompe plièe en deux. L'ufàge au- quel ils font dcftinés, fait aifément imaginer qu'ils ont une concavité ; mais lorfqu'on içaura qu'ils ne doivent cou- vrir que chaque côté de la trompe, une petite bande de fon deffous , & une bande encore plus étroite de fon delfus , 6c enfin , fi on fe rappelle que la trompe efl une lame plate qui fe termine en pointe, on fè fera une idée jufle de la cavité de ces demi -étuis, &. même de leur forme extérieure. Nous adjoûterons feulement qu'un peu. DES I N S E C T E S. K/. Mcm, 3 07 au cIcfTusde leur origine, ils ont plus de diamètre que par- tout ailleurs, 6c que delà en allant en avant ils le retré- cifTent de plus en plus. Ces demi-ctuis font des erpcccs de gouttières angulaires , mais dont l'angle efl compris entre deux plans, dont l'un efl plus étroit que l'autre. One arcte m;irquc cet angle. Quand les demi-étuis refient ap- pliqués lui hi trompe, comme ils y refient ordinairement*, * P!- 27.%. quoique celle-ci foit autant allongée qu'elle le peut être, ^' on voit qu'ils s'en écartent près de leur bout * qui iè courbe * h, h. pour le placer perpendiculairement à la dircélion du refte. Ces deux bouts paroifTent même lorfque la trompe efl le plus raccourcie *. On y obfërve trois articulations très- *Fi^. 4, ç dillindes. Chaque bout fût-il couché fur la trompe ^^:^'^'^'''" allongée *, il s'en faudroit encore quelque chofe qu'il '^' ^' n'en pût atteindre l'extrémité. Pour finir ce qui nous refte à direde cesdeux demi-étuis, nous ferons remarquer que tout leur contour efl bordé de poils affés longs *. * F'g- 7* Les deux autres demi-étuis font bien plus confidérablcs que les précédents, auffi leur doivent- ils fervir d'enve- loppe. Nous appellerons le deffus de la trompe ou fa face fupérieure, celle qui le devient loriqu'on lient l'abeille droite entre fes doigts , ou qui le devient encore lorfque l'abeille élevé fa tète; cette face de la trompe*, qui, dans * Fig. 7. d'autres temps, n'eft que l'antérieure, & qui même ne l'efl que dans une moitié de fa longueur, lorfque la trompe efl pliée. Les deux grands demi-étuis ne couvrent en en- tier que la face que nous venons de défigner par le nom de fupérieure*; & chacun d'eux la couvre en entier de- ♦Fig.^&j. puis l'endroit où la trompe fe plie en deux jufqu'à fon extrémité, de forte que l'un d'eux recouvre l'autre. L'un & l'autre fe replient pour venir fîmplement s'appliquer contre le bord de chaque côté de la trompe *. Tout *f'S-6.^/; le defTus de la partie antérieure de la trompe efl donc 3o8 Mémoires pour l'Histoire défendu par deux lames , minces à la vérité , mais capables de réfiftance, parce qu'elles Ibnt des lames d'une efpécede corne , pendant que le deflous de la trompe n'eft recouvert que le long de chacun de Tes bords par les deux demi-étuis qui recouvrent le defTus. Mais on voit bien que le defTous n'avoit pas befoin d'autant d'enveloppes que le defTus , * PI. 27. fig. puifque lorfque la trompe eft dans l'inacftion *, elle eft * ^' pliée en deux,& que par confequent fa face inférieure ou poflérieure efl alors bien à l'abri de tous les chocs aux- quels la fupérieure feule peut être expofée. L'origine des deux demi-étuis qui font les plus petits. Si. que nous nommerons les intérieurs, efl fur le corps * Fig. 7 & de la trompe même *, aufTi la fuivent-ilslorfqu'elle fe re- 5' ^ ^' drefTe & lorfqu'elle efl portée en avant. Mais alors les deux * f,f. autres demi-étuis, les extérieurs *, refient en arriére: ils laifTent aller la trompe, parce que leurs attaches (Se leur origine font par-delà la bafe de la trompe, & en dehors. Chacun de ces demi-étuis extérieurs, efl porté par une *Fig. 9. l<,k. tige afTés maffive *, dont la longueur égale à peu près celle de la ])artie poflérieure de la trompe ; & chacune de ces tiges efl pofée à un des côtés de la trompe, auquel elle n'efl aucunement adhérente. Dans l'endroit où finit la tige, où le demi-étui commence, il y a une forte cfarti- * \. culation *, ou au moins un pli qui permet au dejni- étui de reflcrfur la trompe raccourcie, lorfqu'elle fe plie en deux. '►Fig. 7. «,^' Quand on écarte un de^ demi -étuis intérieurs * Je defTus la tige qu'il enveloppe naturellement , ou encore. * B' mieux quand on le coupe près de fon origine*, on m.et à découvert une pièce , qui, en petit, a afTés la figure de celle qui l'empêchoit de paroître, &: qui part à peu près du même endroit. Mais nous ne nous arrêterons pas à faire connoître davantage deux pièces fî petites, & dont DES I N S E C T E S. K/. Mem. 309 ies iifages ne Ibnt pas de ceux que nous chercherons à dé couvrir, iorfque nous examinerons les parties qui contrL bueni le plus au jeu de la trompe. Laiflbns les enveloppes de la trompe pour la confidérer elle-même lori'qu'eiie en eft dehors, lorfqu'elie efl allon- gée & portée en avant. Nous continuerons de la regarder comme compolée de deux parties, l'une eft antérieure*, ♦ PI- ^7-H- &. l'autre poftérieure *. La partie antérieure cft celle pour 7- Sê>t ■ laquelle les étuis ont été faits ; nous fixons l'origine de *SS>^'^>^' celle-ci ,& la fin de l'autre, comme nous l'avons déjà dit, à l'endroit où la trompe fe plie en deux. Quand elle ne puife point le fuc miellé des plantes, ou quand elle eft dans une parH^ite inaction , elle eft applatie ; elle eu peut- être au moins trois fois plus large qu'épaifTe, mais fies bords font arrondis : elle devient infenfiblement de plus en plus étroite, depuis fon origine jufque tout auprès de fon extrémité. Elle fe termine par un petit mammelon prefque cylindrique , au bout duquel eft un bourlet *, une * Fig. 7 , 9 efpéce de bouton dont le centre femble percé. La circon- " ' *• ^' férence de ce bourlet jette des poils affés longs & difpofés en rayons. Les poils n'ont pas été épargnés à la partie an- térieure de la trompe, fon deffus en cft tout couvert ;"ils y font par tout de même couleur, d'un jaune qui tire fur celui de l'or un peu rouge; mais en différents endroits, ils font de différente longueur & différemment arrangés. La première Si la plus large partie du defflis *, femble * Fig. 7.^n. cannelée tranfverfalement par de petits filions très-proches les uns des autres. Chacun de ces filions efl couvert de poils très-courts, quoiqu'aflés gros , & couchés parallèle- ment les uns aux autres. Dans le refie * du defiTus de la * ^^' partie à laquelle nous ibmmes fixés , les poils font plus îongs, très-preffés les uns contre les autres, couchés 6c dirigés vers le bout, de manière que ceux qui précédent ^lO MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE *PI,27. fîg. ne iaifTent voir qu'une portion de ceux qui les luivent *; '^* mais où ils font encore plus longs, c'eft fur les côtés de cette même partie &. fur-tout en approchant du bout. AufTi la trompe vue au microfcope , a quelque reflcm- blance avec une queue de renard ou de marte. Le defTus de cette partie antérieure de la trompe, femble tout cartilagineux ; mais le dtiïous de la même partie ne paroît cartilagineux que dans une partie de fà largeur. Le milieu de celui-ci elt tout du long marqué * Fig. 9 &. par un trait plus tranfparent que le refle * qui paroît mem- fig. 10.*-. braneux, ou même une membrane pliffée, comme l'efl: celle qui féparelesanneauxécaillcuxde certaines mouches dont nous avons parlé ailleurs. Il efl ailé de s'afTûrer que ce qui paroît membraneux dans cette partie de la trompe, i'eft réellement , & de le diftinguer de ce qui eft de nature de corne ou de cartilage. On n'a qu'à prefTer la partie poftérieuredela trompe, pendant qu'on en tient la partie antérieure tout près d'une bougie, vers laquelle la face fupérieure de celte partie eft tournée, Ôc qu'on examine la face inférieure au travers d'une loupe dont le foyer eft très- court ; bientôt on voit arriver une goutte de liqueur dans la partie antérieure de la trompe; en continuant de preftier, ony fait avancer cette goutte; tous les endroits où elleparvient, fe gondent confidérablement, lesdeux bords s'écartent l'un de l'autre: alors ce deft^:>us de la trompe * ?l. 28. fig. qui étoit plat, fe relevé &fe renfle très-confidérabicmcnt *, "^ ^' & tout ce qui fe relevé eft évidemment membraneux. On * Fig. 3. dd. croit voir paroître une longue veflïe * faite en boyau , Si. de la matière la plus tranfparente. Mais pendant qu'il fe fait une fi grande augmentation de volume du côté de ia furface inférieure , la furface fupérieure s'arrondit feu- lement un peu; de platte qu'elle étoit, elle devient un peu convexe; ce qui prouve que l'enveloppe immédiate DES I N S E c T E S. F/. Mem. 511 de celle-ci, n'efl: pas capable d'cxtenfion notable. Au tra- vers de la veffie qui s'élève de l'autre côté, on croit voir un vaifTeau qui va Te rendre au bouton de la trompe ; on croit même appercevoir ce vaifleau dans des temps où on n'a pas forcé de la liqueur de s'introduire dans la trompe , & de la gonfler. Si on obferve une mouche occupée à fuccer une liqueur miellée, on verra quelque- fois la partie antérieure de fa trompe plus gonflée que dans les temps d'inaélion ; & on verra dans cette trompe des alternatives , de plus grands & de moindres gonfle- ments. Néantmoins on ne lui verra jamais prendre autant de volume qu'on lui en fait acquérir lorfqu'on force par la preffion des doigts, de la liqueur à retourner de labafe vers la pointe. Paflons à prefent à la partie poftérieure de la trompe *, * PI. 27. %. à laquelle nous n'avons encore donné aucune attention; ^•èë>'i- elle efl beaucoup plus grofle que l'antérieure, & ce n'efl que quand celle-ci efl dans l'inadlion , que l'autre lui efl prefque égale en longueur. Nous venons de voir que le deffusde la partie antérieure, a la confiftancedelacorne; une petite ])ortion* de la trompe, à laquelle on peut donner * i, i. un nom particulier, quoiqu'elle foit très-courte, celui de partie moyenne , eft entièrement ou prefque entièrement charnue; elle avoit befoin d'être très-flexible, c'efl celle qui permet à la trompe de fe plier, celle dans laquelle le pli fe trouve, & qui fait la joncflion de la partie anté- rieure avec la partie poflérieure. Pour parvenir à bien con- noitre cette dernière, nous devons confidèrcr féparément {ç.^ deux faces. L'inférieure, ou, fi l'on veut, la poflé- rieure *, eft toute écailleufe , très-luifante & arrondie. On * s,ê' 1- juge qu'elle a beaucoup plus de folidité que tout le reftc. Son diamètre augmente à mefure qu'elle s'éloigne de la partie moyenne j ufqu'à plus des deux tiers de fa longueur ;. 3 12 Mémoires pour l'Histoire là elle fe rétrécit lin peu , & il fembie que la première des deux pièces dont elle efl compolée, y tinifle. La première * PI. 27. fig. pièce * s'arrondit comme pour ie pofer fur une autre * qui 9i"- luilert debafe&depivot. Celle qui lui en lèrtcft conique, ^' écailleufe, mais d'une couleur plus claire que celle de l'au- tre; ainfi la dernière pièce Iblide du corps de la trompe fe termine en pivot, en pointe affès aigûe. La trompe fans devenir réellement plus longue, peut nous paroître l'être devenue, parce que fans s'être allon- gée, elle jjeut être portée beaucoup par-delà les dents, ce que nous appellerons être portée en avant. Lamccha- nique que la nature a employée pour porter la trompe en avant, mérite qu'on cherche à la voir, &. il eft aife d'y parvenir. Prenons la trompe dans le moment où elle efl autant en arrière, aufTi proche du col qu'elle le *Fig. 8. peut être *. Si on oblerve alors avec une forte loupe le * ?• pivot * dont nous venons de parler, on le trouvera logé dans l'angle que font enfemble deux petits corps bruns, *r,r. longs 6c droits, (Scaffès déliés*, mais qui ont toute la foli- dité que peuvent avoir des parties fi menues, car ils font écailleux ; &. on fçait que dans les infeéles la corne 6c i'ècaille font ce qu'efl; la matière ofTeufe dans les grands animaux. Ces deux petits corj)s longuets, font les deux leviers qui portent la trompe en avant. Le pivot par lequel elle fe termine, eft articulé avec le fommet de l'angle qu'ils forment. L'autre bout de chacun de ces leviers eft arrêté * PI. 28. fig. & articulé fur le bout d'une efpéce de petit pilier * pofé '■''"■ dans la direèlion de la longueur de la tête. Malgré le nom de pilier que je viens de donner aux corps qui fervent d'appuis aux leviers, ils ne font guéres plus gros que les * PI. 27. fig. leviers mêmes. Quand la trompe qui étoit en arriére *, efl * Fi". 9. P"'"t'^6 ^'1 avant *, c'eft le fommet de l'angle * auquel elle * q- tient, qui lui fait faire ce chemin. Les deux petits leviers , fans DES Insectes. VI. Mem. 3 1 5 fans fe fcparcr l'un de l'autre , s'cicvent peu à peu au-deffus de la icte contre laquelle ils étoient appliques, & cela juf- qu'au point où il leur eft pofTible de s'élever le plus, après quoi ils s'inclinent dans le fens oppofc julqu'à ce qu'ils foient parvenus à rencontrer le devant de la tête,& à fe coucher defTus. L'angle qui, dans la première podtion * * FI. 27. fig. où nous l'avons pris, étoit tourné vers les dents, dans la féconde pofition où nous l'avons amené *, eft tourné vers * Fig. 9. le col, d'où il eft aifé de juger que le fommet de l'angle eft plus proche, & de combien il eft plus proche de la tête dans cette féconde pofition , qu'il ne l'étoit dans la première. Or la diftance qu'il y a entre le point où étoit d'abord le fommet de cet angle , & le point où il a été porté , eft vifiblement la mefure du chemin que la trompe a fait en avant. Ces petits leviers * qui fervent à porter la trompe en * r,f. avant, & à la reporter en arriére, font auffi les appuis des deux plus grands demi-étuis *. Un de ces demi-étuis eft * ^■^^•^2' arrêté par un pédicule * fur un des leviers, & l'autre fur j.'y/J/A.^* l'autre par un pareil pédicule. Cette pofition nous ap- ♦ „, j)rend pourquoi, lorfque la trompe eft portée par-delà les dents jufqii'à un certain point, les deux demi -étuis extérieurs l'abandonnent; le chemin qu'ils font en avant ne pouvant être auffi long que celui qu'y fait la trompe, ils font forcés de refter en arriére; car il ne faut pas être géomètre pour voir que le chemin que parcourent les deux bouts réunis des leviers, eft beaucoup plus long que celui qui eft parcouru par toute autre partie de ces leviers. Quoique la trompe ne puifle être portée en avant , fans que les deux leviers éc^leux le redreffent pour aller en- fuite fe coucher du c^ oppofé à celui où ils étoient, tous ces mouvements s'exécutent fans que la trompe 3^4 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE s'élève fenfiblement, & fans que le fommet du triangfe excède jamais le plan où font les bords de la tête ; & * PL 27. fig. cela parce que les bords du crâne font élevés & arrondis *, 1-2. i, z- JI5 lailfent entr'eux une cavité longue & profonde par rapport à l'épaiffeur de la tête. L'origine de cette cavité eft peu éloignée de l'endroit écailleux où le col s'infère, & elle s'étend jufqu'aux dents, c'eft- à-dire, jufqu'au bout .* 0. antérieur de la tête. C'eft dans cette grande cavité * qu'eft placée en tout temps la partie poftérieure de la trompe, que le font les deux pilliers des leviers, 6c les deux leviers eux-mêmes , & ceux-ci y peuvent faire tout leur jeu fins en fortir. * Fig. 9. in, II nous refle encore à faire connoître des parties * char- n, n. j^^^jçg q^,| Çq tiouvent dans cette même cavité , & qui nous conduifent à examiner la feule portion de la trompe dont nous n'avons point encore parlé, la face fupérieure de fa partie poftérieure. Lorfqu'on pouffe la trompe en avant, ou lorfqu'on la tient allongée par-delà les dents , on re- marque une efpéce de cordon très-blanc, plus gros que le col , vers lequel il femble fe diriger après être entré dans la tête & s'y être enfoncé ; tiraillé comme il l'eft alors, on juge affés qu'il eft plus long & bieri moins gros qu'il ne l'eft lorfque la trompe eft en arriére. On voit un grand nombre de plis parallèles à fi longueur, femblables à ceux qu'on oblige de faire à une veffie lorfqu'on la rend très-oblongue. Le corps que nous venons d'appeller une efpéce de cordon , a auffi dans d'autres temps la figure * m. d'une efpéce de veffie*, c'eft fous fon enveloppe que font cachés les vaifTeaux qui reçoivent le fuc qui efl fourni par la trompe, & qui , dans d'autres circonftances, reportent Aes liqueurs à la trompe mêm^pn preffant le ventre d'une abeille, on force du mieffiii quelqu'autre liqueur à retourner dans ces vaifTeaux, & la membrane ti'anfpa- DES I N S E C T E S. F/. Mem. 3 I 5 rente qui les enveloppe , permet de voir la liqueur qui s'y rend &; qui s'y rafTtmbie. En un mot , c'elt-là qu'efl; le vaifleau , ou que lont les vaiffcaux qui reçoivent les liqueurs ou les autres matières qui entrent dans la tête dp l'abeille, qui fe rendent au col où elles trouvent un canal, qui après les avoir conduites au travers du corcelet, les porte dans le corps , dans l'eftomac. Enfin , c'eft dans ces parties charnues qu'il faut chercher les mufclcs qui produifent les mouvements du triangle écailieux deftiné à pouffer la trompe en avant. Mais ce que nous avons à remarquer adluellement, c'efl que l'enveloppe blanche & membraneufe * qui renferme les vaifTeaux qui doivent * Pi. 27. %. recevoir ce qui eft apporté par la trompe, vient fe réunir ^'"' "' au-defTus de la trompe à fa partie poftérieure. Toute cette partie de la trompe, qui du côté oppofé * a un * p- contour circulaire, & quiyeftécailleufe.eftplatteducôté que nous examinons a(5luellement , & charnue *. Les * Fig. 7. chairs y font fufîifamment deffendues par les écailles de l'autre face. Les parties charnues du deiïus de la trompe , peuvent , fi l'on veut, être regardées comme un prolongement des membranes &. des parties charnues qui forment & rem- pliffent la veffie qui efl à fa bafe ; ou, û l'on veut, les regarder comme des fibres différentes, la réunion des unes avec les autres , l'infertion des unes dans les autres ne fe fait pas dans un feu! point, elle fe fait dans une étendue qui a quelque longueur; par- tout où elle le fait, les chairs font plus relevées qu'ailleurs, au moins pendant le tiraillement. Vers l'endroit où finiffent les chairs les plus relevées , il y a une partie que je n'ai vue que par le befoin que j'ai eu de la voir. La manière dont les abeilles fe nourrilfent d'ime matière qui a une tout autre con- fiftance que le miel , la manière dont elles rejettent du • Rr if 31-6 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE miel dans certaines circonlknces , Si d'autres faits de i'hiftoire de ces mouches beaucoup plus curieux, qui regardent tout ce qui fe pafTe pendant qu'elles bâliflTent des alvéoles de cire, tous ces faits, dis je, devenoient inexplicables, pendant qu'on ne croyoit à la trompe des- *Pl. 17. fig. abeilles qu'une ouverture* à peine perceptible, lorlqu'oir 7,9&ii,/^. jj^ cherche avec le microfcope, Se qui eft la feule que Swammerdani lui ait accordée. Quoiqu'il ait donné des deffeins de la trompe vus avec les micro fcopes qui grof- fîffent le plus, une autre ouverture, qui eft d'une gran- deur prodigieufc en comparaifon de celle du bout de la trompe , s'il y en a une à ce bout , lui a échaj)pé ; <5c malgré fa grandeur, elle m'eût échappé comme à lui, fs je ne me fuffe obftiné à chercher à expliquer les faits que je viens d'indiquer, les faits les plus embarraffants, & peut-être les plus fingulicrsde l'hiftoirc des abeilles. Mais Swammerdani lèmble ne s'être attaché qu'à confidércr la trompe par-deiïbus ; c'eft feulement de ce côté qu'il l'a fait repréfenter. D'ailleurs, les deffeins qu'il en a donnes» ne font ni affés détaillés, j'oferois prelque dire, ni affés" exaéls pour expliquer ce qu'on peut voir fur la compo- fition & les mouvements de cette partie ; &. fes explica- tions ne fuppléent pas à ce qui manque aux deffeins. Outre cette ouverture prefque infenfible qu'on a pré- tendu être au bout de la trompe, les abeilles ont une *PI. 28.fig. bouche, & même très-grande "*'; elle cfl fur la trompe '^' "' & dans les chairs dont je viens de parler ; mais quoi- que grande, on ne parviendroit pas à la voir, fi on ne fçavoit où l'on doit la chercher. L'ouverture du trou que j'appelle la bouche, ou, û l'on veut, le fond de la bou- che, efl ordinairement appliquée contre les parois de cette cavité, dont la partie antérieure peut être appellée le pa- lais de l'abeille. Quand la trompe efl portée en avant,, DES 1 N S E C T E S. F7. Mem. 3 17 autant qu'elle le peut ctre, outre que cette ouverture eft fouvent fermée par les chairs qui la bordent , elle fe trouve placée comme une bouche d'infedle doit l'être, au-deflbus des dents. Une languette de chair *, une vraye langue la *PI. 28. fîg, couvre entièrement en quelques circonflances. Mais il y ^' '' a un moyen fur de la voir, qui ne demande qu'une adrefle fort médiocre & peu de patience. Après avoir tiré la trom- pe en avant autant qu'elle y peut être tirée, on la ramè- nera en embas * autant qu'on peut l'y ramener fans la * Fig. 4^ forcer trop , fans rien déchirer , & on l'affujettira dans cette pofition en tenant fon bout prefîe par un doigt, foit contre le corcelet, foit contre la tête même. Si alors on regarde de face la partie de la trompe qui efl au-def^ fous des dents, on verra une ouverture * plus confidé- "^o.' rable qu'on n'auroit cru la trouver; elle a l'air de l'ou- verture d'un grand gofier. Son contour paroîtra fi bien terminé, qu'on n'aura aucun lieu de craindre qu'elle foie une fente produite par un tiraillement trop forcé. On n'héfilera pas à la prendre pour une ouverture préparée par la nature. On remarquera que fon contour intérieur, eft un peu plus brun & plus luifant que les chairs des environs, comme s'il étoit cartilagineux, & comme s'il avoit une confiftance néceffiire pour réfifler à l'impref- fion des grains durs qu'il peut recevoir quelquefois. Enfin , on trouvera toujours cette ouverture, ik. faite delà même manière, à toutes les abeilles, quand on la cherchera de la manière qui vient d'être expliquée. On ne trouvera pas feulement cette bouche aine abeilles ordinaires, on la 'trouvera à toutes les mouches de leur clafle. Il y en a même des genres où elle eft beaucoup ' plusvifible, comme dans celui des gros bourdons velus,qui étant plus gros que les abeilles, ont uneplusgrande bouche. Ç-'eil auiïi d'après ces dernières mouches que j'ai fait faire;, R r iil 3i8 MEMOIRES POUR l'Histoire '"* les premiers defTcins des parties qui y ont rapport, &. qu'il eft plus aifé de voir diftindement en tout temps la langue qui couvre l'ouverture que j'appelle la bouche. Cette lan- •gue eu charnue, Si. capable de prendre bien des figures, comme il convient à une langue d'en pouvoir prendre. * PI. 28. fig. II y a des temps où elle eft allongée *, & où elle reflcm- ^ " ' ble en petit aux langues les plus connues ; il y a des temps où elle eft à peu près également large dans plus des deux * Fig. 8. /. tiers de fa longueur*, & où le tiers refiant le termine par une pointe telle que celle d'un angle rccfWigne. Dans d'autres temps fa pointe cfl moufle , Si formée par des côtés un peu courbes. En d'autres temps , celte langue * Fig. 7. /. montre trois pointes mouffes difpofées en fleur de lis '''. Il eft aifé de voir fur la trompe des bourdojis une ca- * Fig. 7 & -vite * qui a été préparée pour recevoir la langue. Quand la ^' ^' langue y efl placée , fa partie iùpérieure eft de niveau avec *Fig. 8. /. le refte de la fiirface de la trompe *. Si on élevé avec une épingle cette langue, on découvre l'ouverture qu'elle ca- * Fig. 7 & choit, l'ouverture* quenous regardons comme la bouche, ^°' "' Si qui feroit appellée le gofier , fi elle le trouvoit plus loin ; elle eft précifément fituée à la racine de la langue. Cette racine de la langue eft attachée fur la trompe, mais il m'a paru qu'elle a encore des attaches contre le palais de la * Fig. 10. mouche *, Si que c'eft de là qu'il arrive que ioriqu'après avoir tiré la trompe en avant , & l'avoir ramenée en cm- bas autant qu'il eft poffible, comme nous l'avons expliqué * Fig. 4. & ci-deffus, on voit très-bien l'ouverture de la bouche*, elle eft alors à découvert, & la langue * refte appliquée contre ■ le palais. On n'a qu'à chercher celle-ci, ioit dans une abeille ordinaire, foit dans un bourdon velu, en donnant à ics yeux le fecours d'une loupe; quoiqu'elle y foit raccourcie, on l'y reconnoîtra, Si on fera aidé à la reconnoître par ia figure qu'elle a alors. C'eft le temps où elle paroît ïo. 0. DES I N S E C T E S. F/. Mem, 3 T 9 quelquefois faite en jfîeur de lis*. Quand elle efl ainfi *pi, 28.fif. vue par-dcflbus , on diftingue très-bien une arcte affcs 7- élevée qui la divile d'un bout à l'autre en deux parties égales. Il n'efl pas temps de parler de tout ce que peut faire cette petite partie qui efl deftince à des fondions bien importantes , que nous n'expliquerons que dans les Mé- moires fuivants. Il efl étonnant que ceux qui ont étudié les abeilles , n'ayent pas été déterminés par une infinité de faits, à chercber la bouche dont nous venons de voir la pofition. S'ils n'ont pas penfé affcs combien elle étoit nécefïaire pour donner entrée dans le corps de la mouche à diverfcs matières, ils ont dû rcconnoître au moins qu'il y avoit une ouverture vers la bafe de la trompe , qui permettoit fouvent au miel d'enfortir en groffes gouttes. Quand on prend une abeille qui n'a pas jeûné, quand on la tient entre fes doigts , on voit fortir de deffous les dents de groffes gouttes du miel le plus clair & le plus limpide; plufieurs de ces gouttes paroiffent les unes après les autres. Or on ne pouvoit chercher l'ouverture qui leur permet de fortir, fans trouver la bouche. Avant que de quitter la trompe des abeilles, nous de- vons faire remarquer, que non-feulement elle peut pa- roître allongée, lorfqu'elle ell portée par-delà les dents, mais qu'elle efl capable d'un allongement réel dans fa partie antérieure. Les demi-étuis * qui enveloppent cette *PI. 27.%. partie, fervent à le prouver. Comme ils font d'une ma- 9- ^' ^• tiére analogue à celle de la corne ou de lécaiile, ils ne font capables d'aucun allongement. S'il arrive donc à la partie contre laquelle ils font appliqués, de s'allonger depuis l'endroit où ils lui font affujettis, jufques auprès de (on bout , cette partie les laiffera en arriére , & elle ies y laifTe en bien «Xqs circonftances. La diflançe du bout 520 Mémoires pour l'Histoire * PI. 27. %. de la trompe * aux bouts des demi-étuis *, eft alors fa ^' ^' ^' mefure de l'allongement qui s'eft fait dans fa partie * ' antérieure. Lorfqu'une abeille entre dans une fleur qui , près de fonfond, a de ces glandes ou refervoirs deftinés à con- tenir une liqueur miellée, & qui en ont été bien remplis, elle peut trouver de<;ette liqueur épanchée, pour ainfi dire, fur différentes parties de la fleur; c'eft-à-dire, qu'elle peut y trouver de celle qui a tranfpiré au travers àt^ mem- branes des cellules dans lefqueiles eile étoit renfermée. Le fond d'une fleur peut ainli être enduit d'une efpéce de miei ou de fucre, comme le font au printemps les feuilles de divers arbres , & entr'autres celles de l'érable qui fouvent en font toutes luifantcs. La trompe efl l'inf- trumcnt avec lequel l'abeille recueille cette liqueur ; on îî'eft pas long temps à voir avec quelle aélivité, & quelle adreffe elle en fait ufige, fi on obfervê la mouche qui, après s'être pofée fur une fleur bien épanouie, a avancé vers l'intérieur; bientôt on peut appercevoir qu'elle allon- ge le bou-t de fa trompe, qu'elle l'applique contre les pé- tales ou feuilles de la fleur, tout près de leur origine. Alors ce bout de la trompe efl dans une action continuelle, if fe donne fucceflivement une infinité de mouvemens dif, férents ; il fe raccourcit, il s'allonge enfuite; il fe con- tourne, il fe courbe comme il le doit, pour s'appliquer fur des parties, foit concaves, foit convexes ; enfin, fes mouvements font plus prompts & plus variés qu'on ne le peut dire. Mais il n'eft pas aifé de bien connoître à quoi tendent; tant de mouvements, & quel effet ils produifent; je veux dire , qu'on ne peut pas juger afles de la manière dont la trompe opère pour faire paffer dans l'intérieur de la mou- che, ia liqueur qu elle enlevé à la fleur. Ce qui femble de plus DES Insectes. K/. Mem. 3 2 1 plus vraiièmblable, ce qu'on a penic julqu'ici, générale- ment, ce qiJ'a cru Swammerdam , antennes, d, fes dents, t, la trompe, y, un de fes yeux à rezeau. Dans la Figure 3, on voit la tête, le corcelet, & partie du corps d'une abeille par-deffus. Ces parties quoique groffies, le font moins que dans la figure précédente. a, a, les antennes, y, y, les yeux à rezeau. i, i, les petits yeux, c, le corcelet. La Figure 4 repréfente une antenne de l'abeille de la figure I, vue au microfcope. b, bafe de l'antenne, y^^ la partie faite en fufeau. c, bouton avec lequel un des bouts dufufeau eft articulé. Depuis c jufqu'en a, eft la fuite des anneaux qui compofent le relie de l'antenne. Les Figures 5, 6 & 7, font celles d'une Ac^ dents ou mâchoires d'une abeille ordinaire, obfervée au microfcope. Dans la figure 5, la dent eft vue par-defîlis. Dans la figure 6, elle eft vue par-deflbus & de côté. Et dans la figure 7, elle eft vue par-deffous & de face ; c'eft feulement dans celle-ci qu'on peut obferver l'arête ac, qui divife en deux fa cavité. DES Insectes. F/. Mem. 3 27 La Figure 8 montre en grand & par-dcfliis deux dents d'abeilles, pliquées l'une contre l'autre, comme elles le font, foii dans leurs temps de repos, Toit lorlqu'elles pref- fent quelque grain de cire, ou quelqu'autre petit corps. La Figure 9 eft la figure 8 vue par defTous. L'ouverture o,f{\\\ refte de ce côté-là, entre les deux dents, eft remar- quable; Ion contour eft bordé de poils. La Figure 10 repréiente dans fa grandeur naturelle un mâle d'abeille, une de ces mouches appellées affés com- munément bourdons, & que nous avons nommées faux- bourdons. Ce mâle a ici les.aîles écartées du corps, comme il les a quand il vole. La Figure 1 1 fiiit voir par-derriére la tête d'un mâle d'abeille, très-groiïîe.^,^^ (ts, yeux à rezeau qui ie tou- chent l'un l'autre fur la partie poftérieure de la tête ; au iieu que les mêmes yeux de l'abeille ouvrière, figure 2 & 3 , laiffent là un intervalle entr'eux. i, i, les petits yeux pofés plus près du devant de la tête que ne le lont ceux des abeilles ordinaires, figure 3. a^a, les antennes. La Figure i 2 montre la tête de la figure 1 1 par-devant, &:prefque de hcç.y, y, les yeux à rezeau. i, un des petits yeux, dl, d, les deux dents, t, la trompe. En comparant ces dents & cette trompe avec les dents &; la trompe de la mouche ouvrière, figure 2, on voit que le faux-bourdoiî les a plus petites, quoiqu'il foit plus grand. La Figure 1 3 efl celle d'une antenne d'un faux-bourdon groifie, mais dans une proportion qui n'eft pas la même que celle dans laquelle l'eit l'antenne de la mouche ordi- naire, figure 4,. Il fuffit qu'on puiffe remarquer que le fufeau^ de la figure i 3, eft beaucoup plus court pro- portionnellement que dans la figure 4 , &. que la partie de i'antenne du mâle qui vient après le bouton c, a dix an- neaux, au lieu que la même partie de i'antenne de i'abeiik 328 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE ouvrière n'en a que neuf. Swammerdam n'a pas été exacH; dans le compte qu'il a fait des parties dont ibnt compo- fées les antennes des différentes mouches; il en donne 1 ^ à celles des mouches ordinaires, <& feulement 1 1 à celles du mâle, qui en ont plus que les autres. Il fait commencer chaque antenne par le fufeau. Le fufeau de chaque tin- tenne d'une mère abeille, efl à peu près auffi.long que celui des abeilles ordinaires, mais par-delà le bouton qui s'afTem- ble avec le fufeau , l'antenne des mères abeilles a , comme celle des mâles, dix anneaux. La Figure 1 4, repréfente uoe dent d'un faux-bourdon, groffie & vue par-defTous. La Figure i 5 eft celle de la partie antérieure d'une mère abeille vue de côté e- & après y être devenus parallèles l'un à l'autre, paroifTent s'introduire dans Ton intérieur. On n'en relie pas au fimple foupçon,fi on tente de faire pafler une ])ointe très-fine *, * Fig.4-. telle que celle des petites épingles, ou des lancettes étroites fiites pour des opérations de la nature de celle-ci, fous un de ces filets écailleux dans l'endroit où il paroît entrer dans l'étui ; on y parvitnt , & avec quelque patience on réufilt àfoûlever&àdégager le filet qu'on attaque. Dès qu'on eft parvenu à faire palfer la pointe entre le filet 6c l'étui , fi on la' conduit vers le bout de celui-ci, l'aiguillon fort de plus en plus, &. il fort tout entier, 6c achevé de fe dég.îger avant que la pointe de métal foit arrivée aux deux tiers de la longueur de létui *; c'eft par la couliffe, par * Fig. j. la fente de la face inférieure, qu'il fort. On peut de même & avec plus de ficilité encore parvenir à retirer le fécond filet. Enfin on ne peut les méconnoître pour des aiguillons, dès qu'on voit que depuis leui bafe jujiques à leur extré- mité, ils diminuent degrolfeur pour finir par une pointe extrêmement fine, & qu'ils font de nature de corne ou d'écaillé. Il pourroit , cependant , refier encore quelque fcrupule par rapport à ces deux aiguillons ; on pourroit craindre que la pointe fine qu'on afait agir, n'eût détaché de chaque bord de la couliife une fibre qui efl: prife enfflite pour ce qu'elle n'efl pas. Le vrai efl néantmoins que la facilité avec laquelle chacun des filets efl féparé du refte , leur JifFe & 344- Mémoires pour l'Histoire leur contour arrondi ne permettent guéres de les croire des fibres détacliées du tronc. Mais il y a une manière de (e démontrer ces aiguillons, qui lèvera tout fcrupule, fur-tout û on cherche à obferver ceux des mouches qui en ont de plus gros que les abeilles ordinaires, comme ceux des bourdons &. ceux des frelons. En tenant le bout du ventre de la mouche prefle, on forcera l'inflrument deftinc à faire de douloureufes bleffures, à reftcr en de- hors. Alors on le coupera tranfverfàlement vers le milieu * PI. 29.fig. de fa longueur *. On détachera ainfi du refte & on fera *• tomber une de fes moitiés : Qu'on examine alors le bout de l'autre moitié, avec une loupe de 4. à 5 lignes de foyer, on y diftinguera les coupes circulaires de deux petits * e, s- corps * pofés à côté l'un de l'autre dans un canal qui a une fente tout du long d'une de fes fices. Ces deux petits corpsdont on voit les bouts, font les deux aiguillons tron- qués ; mais comme ils l'ont été dans un endroit où leur dia- mètre furpaiïe celui des environs de leur pointe , il eft plus aifé de s'affurer de ce qu'ils font , qu'il ne l'eft quand la pointe de l'un ou celle de l'autre fort par le bout de l'étui. Diverfes circonftances peuvent aider encore à rendre Jcs deux aiguillons fenfiblcs : Si on manie, fi on prelfe en différents Icns la bafe de l'étui , on contraint tantôt les deux aiguillons d'avancer également par-delà le bout de *Fig. 7. dd. l'étui *, tantôt on n'en oblige qu'un à avancer * pendant *Fig. 6. faux-bourdons , & àts parties ana-» iogues des abeilles ordinaires , dont il ne nous fcroit pas auffi aifé de rendre raifon, ou même dont il fera toujours impoffible delà rendre. Je ne nf arrêterai point à dire que la partie antérieure de leurs antennes * a une articulation ^Fig.ij.ac, de plus que celle des antennes des abeilles ordinaires *, & * Fig. 4.. que la pariie de l'antenne de l'abeille commune, que nous avons nommée le fufeau *, eft plus longue que le fufcau *y: de l'antenne du bourdon *; mais nous ne pouvons nous * Pig. 13./. empêcher de fiire faire attention à la grandeur des yeux à rezeau * des mâles, qui couvrent tout le deffiis de la *Fig.ii.^.,j/. partie fupérieure&poftérieure de la tête, pendant que les yeux à rezeau des abeilles ordinaires *, forment fimple- *Fig.3._y,^. ment chacun une efpéce d'ovale fur chaque côté. Auffi Aaa \\ 372 Mémoires pour l'Histoire c'eft fur le derrière de la tête que font placés les trois petits * PI- 25- %• yeux , ou les yeux lifTes de celles-ci *, &. les trois petits yeux "'* Fig. j I. des maies * l'ont en devant alTcs près des antennes ; il ne leur eft pas refté de ])lace fur le derrière. Nous n'apper- cevons pas la liaifon qu'il peut y avoir entre des yeux à rezeau très -grands, & ce qui conflitue le fexe du mâle, quoique plufieurs oblèrvations confirment que la nature a donné ces fortes d'yeux beaucoup plus grands aux mâles des infecftes de diverfes efpéces, qu'elle ne les a donnés à leurs femelles. Les mâles des mouches de Saint -Marc, nous en fourniffent un exemple dans le fécond Mémoire de ce volume. Les faux-bourdons ont le corceleî très velu, & plus velu que celui des abeilles; mais les anneaux de leur corps font plus liffes. Ils ont à leurs jambes, & fur-tout à leurs jambes ^ PI 53. fig. podérieures, des broiïes * dont les poils font plus ferrés &. plus courts que ceux des abeilles ordinaires. Elles ne font, faites que pour nettoyer le deffus de leur corps &. de leur corcelet, pour faire tomber la pouffiére qui s'y efl atta- chée, même celle des étamines ; mais elles ne font pas faites pour retenir les grains de celle-ci, &. les ralfembler en petites mafles. Les mères abeilles nous paroîtront mieux mériter d'être nourries de provifions qu'elles n'ont pas ramaffées , que les bourdons ne le méritent. Comme il n'y en a qu'une ordi- nairement dans chaque ruche, elle n'y augmente pas confi- dérablement la conlbmmation. Enfin, elle eft affés chargée d'ouvrage,dès qu'elle eft obligée de mettre au jour un nom- bre d'œufs aufli prodigieux que celui qu'elle y met chaque année; elle eft donc uniquement deftinée à j)ondre. Aufli ne doit-on pas trouver , & ne trouve-t-on pas fur ics jam- bes poftérieures non plus que fur celles des bourdons, les deux cavités deftinées fur les jambes des abeilles ordinaires DES Insectes. VIL Mem. 37^ à recevoir deux pelottes de matière à cire. Elle n'avoit pas befoin d'une trompe auffi longue que celle des abeilles , <î:>c de dents auiïi grandes que les leurs. Ses dents * bien moins * pi. 2^.%. grandes que celles des abeilles, font pourtant plus grandes ' '^»i9<^-°' que celles des bourdons. Chacune a deux dentelures que n'ont point celles des abeilles ordinaires. Quand les dents font en repos, les dentelures de l'une entrent dans celles de l'autre *. La trompe de la mère efl: auiïi beaucoup plus * Fig. 20. courte& plus déliée que celle des abeilles ordinaires, quoi- que plus longue &. plus groffe que celle des mâles. Les mères * font fur-tout remarquables par leur Ion- * Fig. 16 & gueur. Quoique moins grofles que les mâles *, elles font '^^ ordinairement plus longues. Il y a pourtant àts mères bien '^' '°* plus longues &: plus groffes que d'autres, ce qui dépend peut-être de la quantité & de l'état des œufs qui font dans leur corps; car c'eft la longueur du leur qui les rend plus longues que \t% abeilles ordinaires ; leur corcclet n'efi guéres plus long que celui d'une abeille ouvrière. Leur corps, au refte, n'a pas une figure qui tienne autant de l'ellipfoïde ou de celle d'une olive, a^ celui des abeilles ordinaires en tient. Depuis le premiéjfcineau juiques au dernier, fon diamètre va en diminuant. D'ailleurs le corps de la mère femble plus détaché du corcelet, que ne i'efl; ie corps des abeilles ordinaires : on a fouvent occafion de voir que, comme le corps des mouches Ichneumons, il n'efl: uni au corcelet que par un fil. Mais rien n'aide plus à faire reconnoître une mère abeille, rien ne frappe davan- tage, quand on l'apperçoit, que le peu de longueur de fcs aîles. Les bouts des fiennes fe terminent fouvent au troi- fiéme anneau , pendant que les bouts des aîles des abeilles ordinaires, & fur-tout de celles des bourdons, vont par-delà celui du corps. Les aîles forment une efpéce d'habillement aux mouches, qui les portent fur leur corps. Les abeilles A a a iij 374 MEMOIRES POUR l'Histoire * PI. 25. fig. ordinaires "^y ôc les faux-bourdons , iemblent avoir un habit *• long, pendant que la mère femble porter un jufte, ou un de ces habits courts que les Dames ont nommé des Pets-en-l'air. Avec de ii courtes ailes la mère abeille peut voler, mais moins bien & plus difficilement que les abeil- les ordinaires; elle doit le fatiguer davantage en volant. Aufli lui arrive-t-il peu de fois dans fa vie de faire u!age de fes ailes. Il y a apparemment telle mère qui a donne nailfance à bien des milliers de mouches, & qui dans fa vie n'a jamais volé qu'une fois. La mère doit fè tenir conftamment dans la ruche. Des qu'elle en fort, tout fon peuple eft ordinairement déterminé à la fuivre. Il ne con- venoit donc pas qu'elle eût une facilité de voler qui l'eût engagé à prendre trop fouvent l'elfor; il faut qu'elle ne s'y détermine que dans la néceffité. Rn deffus, les anneaux du corps des mercs font liffes, on n'y voit point de poils comme fur ceux des abeilles ordinaires. Une loupe en fiit pourtant découvrir quelques- uns fur le premier anneau. Leur corcelct n'cfl pas non plus auffi velu que celiM^s abeilles ordinaires; le milieu dei^ partie fupérieure ÉWilTe; mais il y a des poils fur le côté du corcelet , Si. en defî'ous. Les mères en ont beaucoup fur la tête, & même fur les veux à rezeau qui par leur poiition & leur contour, reffemblent à ceux des abeilles ordinaires. Les trois petits yeux font auffi placés fur leur tête comme fur celle dts, abeilles ordinaires , dans une foret de poils. On leur trouve des poils fous le ventre & fur les jambes. Mais il eft à remarquer, que non-feulement les mères n'ont pas à la palette de chaque jambe de la dernière paire une *PL 26. fig. brofTe faite de poils longs, comme l'ont les abeilles ordi- ^ "^ ^' naires * ; elles n'en ont pas même une faite de poils courts, comme l'ont les bourdons; à peine trouve-t-on quelques poils femés furie côté intérieur de cette palette, fur celui où DES Insectes. VII. Mem. 375 devroit être ia brofle ; aufli ctoit-il inutile qu'elle en iût pourvue. Les mouches qui entourent la mère, ne font continuellement occupées que du foin de la nettoyer, de la brofTer, de la Iccher, elles ne lui fouffient pas la moin- dre ordure, &: elles femblent chercher à lui épargner tout ce qui a apparence de peine. La couleur de toutes leà mères n'eft pas la même; j'en ai vu plufieurs qui avoient tous les anneaux du defTus de leur corps d'un brun couleur de marron très -foncé, & par- tout d'une teinte égale*; & j'en ai vu plufieurs dont *pi. 25. fig, chaque anneau étoit de deux teintes *, &. fouvent de deux '7- couleurs. La moitié antérieure, ou à peu près, étoit d'une * ^'S- '6. couleur plus claire que celle de la partie poflérieure. Celle- ci étoit rougeâtre dans quelques-unes, 6i ce qui laprécé- doit étoit un blanc teinté de cette couleur; enfin, j'ai vu plus ou moins de rougeâtre & de blancheâtre fur diffé- rentes mères. Je ne ferai point de-procès à Virgile fur c^ que je ne leur ai jamais trouvé de taches qui aj)pro- chaffent de la couleur de l'or. L'or entre naturellement dans la parure d'un Roy , & ce n'eft pas trop pour un Poète d'avoir changé du rougeâtre en or. Il n'eft guéres même d'infecfle qui ait des écailles liftes & àti poils jau- nâtres, qui regardé au foleil en certains fens, ne faftepa- roître quelque brillant qui pourra paroître approcher de celui de l'or. Le deflbus du corps eft d'une couleur plus blancheâtre que celle du deftlis. Ce n'eft donc pas feule- ment par fa grandeur, & par fa forme, qu'une mère abeille peut être diftinguée des autres abeilles & des bourdons, elle le peut être par la couleur du corps, qui eft toujours différente de celle des unes 6c de celle des autres. Leur corcelet eft brun. 37^ Mémoires pour l'Histoire EXPLICATION DES FIGURES DU SEPTIEME MEMOIRE. Planche XXIX. 1 Ou TES les Figures de cette Planche repréfentent des aiguillons de mouches & les parties qui y ont rapport, vus à la loupe ou au microfcope. La Figure i montre l'intérieur du bout du corps d'une abeille ordinaire, qu'on a mis à découvert en enlevant une portion d'anneau, a a a, la portion d'anneau qui a été dé- tachée & tirée hors de fa place naturelle, b b, le contour de l'ouverture, dont la pièce précédente a été enlevée. f, la partie qui efl appellce l'aiguillon , & qui , comme les figures fuivantes le feront voir, efl un étui qui renferme deux aiguillons, c, c, deux parties blanches & charnues , qui enfemble font un fourreau , dans lequel l'aiguillon efl logé en grande partie. La Figure 2 moins groffie que la précédente, fait v(?ir du côté du ventre le bout poflérieur d'une abeille, dans un infiant où l'aiguillon /) efl forti, comme il l'efl lorf- qu'elle veut s'en fervir pour piquer, c, c, les demi- four- reaux charnus. La Figure 3 repréfente un aiguillon vu de côté avec la plupart de {ts, dépendances. /^ l'étui dans lequel les deux aiguillons font renfermés. La face /^ efl celle qui efl en deffous quand l'aiguillon efl dans le corps delà mouche *pofée horifontalement. r^ le talon de l'étui des aiguillons. g, & e , les deux aiguillons, dont on ne voit ici que les bafes. in,7x, parties mufculeufes 6c cartilagineufes,qui pofent tnp,8<,q, fur la bafe de l'aiguillon^. 11 y en a de pareilles fur celles de l'aiguillon e, mais qui ne fçauroicnt paroître dans cette figure, c, c, les demi-fourreaux charnus. Dans DES Insectes. VIL Mem. -^yy Dans la Figure 4, une épingle eft pafTce entre le four-; reau/icSc un des aiguillons^. Elle a fait fortir cet aiguillon en partie du fourreau, & l'en lient dehors. Dans la Figure 5 , l'épingle a mis les deux aiguillons e,g, entièrement hors du fourreau/ En ces deux figures ^ôi j, j',ô:ij, montrent les appuis des parties vi, n,o. La Figure 6 fait voir une portion du fourreau des aiguillons, du côté où l'on peut voir qu'il efl un tuyau ouvert dans toute fa longueur ; on n'a laiffé dans fa cavité qu'un des deux aiguillons qui y étoient. e, cet ai- guillon, d, les dentelures qui fe trouvent fur un des côtés de l'aiguillon , près de fa pointe. La Figure 7 montre très en grand un aiguillon d'une abeille avec toutes fes dépendances, & elle montre cet inflrument jDar fa face inférieure , qui efl la même que celle par laquelle efl vue la portion repréfentée, figure 6. gd,ed, les deux aiguillons./) l'étui dans lequel ils font logés à côté l'un de l'autre. / <-/, les pointes dentellées des deux aiguillons, qui appliquées l'une contre l'autre, ne forment qu'une feule pointe très-aigûe. Cette pointe ddt qui efl ici au-deffus de/) efl quelquefois entièrement dans l'étui, &: cela lorlque la bafe^/', d'un aiguillon, & celle e-p, de l'autre, font tirées \exsq,q. tn^UjO^lçs, trois feuilles membraneufes&cartilagineufes liées par deux efpéces de pédicules à la bafe d'un aiguillon , & qui fervent à le faire jouer. En x, x, font des mufcles qui mettent en mouve- ment les parties précédentes, u, la veffie qui contient le venin, r, le conduit par lequel cette liqueur efl portée dans l'étui des aiguillons. // vaiffe.ui long & tortueux, par lequel apparemment la liqueur venimeufé fe rend dans la veffie; Swammerdam prétend avoir obfervé que ce vaiffcau fe divifc en deux branches; mais je ne l'ai piî voir que fimple. TomeV, . Bbb ^yS Mémoires pour l'Histoire La Figure 8 fait voir la coupe tranlverfale des deux ai- guillons logés dans l'étui, e^gj les deux aiguillons, ff, l'étui. La Figure 9 eft celle du derrière d'une mère abeille, hors duquel l'aiguillon efl ioni.f, l'aiguillon qui eft concave du côté du ventre, au lieu que l'aiguillon des abeilles ordinai- res eft droit. La Figure i o a été deftînée d'après une très-grofte nym- phe d'une mouche du genre des frelons, qui m'cft venue de Cayenne dans de l'eau-de-vie; elle étoit renfermée dans une forte coque de foye. Les parties qui compofoicnt fon aiguillon , ont été plus aifées à développer qu'elles ne l'euf- fent été dans la mouche même, c, c, les deux demi-four- reaux analogues aux fourreaux charnus des abeilles , mar- qués par les mêmes lettres dans les figures précédentes, i^^^^les deux aiguillons tirés hors de leur fourreau./^ le fourreau des aiguillons, qui peut lui-même être regardé comme un troifiéme aiguillon , parce qu'il eft dentelle de chaque côté , comme les aiguillons le font d'un côté ; mais fes dentelures font plus fortes, ôl plus grolTes que celles des aiguillons. /V.J.7. ^'.j./. :'7<.'i'. ^Ue„t ■;' y.- /IT,fl..^.:--I-u-\:-h-^-.T.- fici. 3 DES l INSECTE S. Vni. Mem. 37^ HUITIEME MEMOIRE. DES GASTEAUX DE CIRE; Coimnent les Abeilles paiyiennent à les confmiire ; comment elles changent en véritable cire les pouf- fiéres d'étamines. De la récolte è^ de l'emploi de la Propolis. Comment elles remplirent les alvéoles, de miel, à" comment elles l'y confervent. IL eft temps de confidérer les ouvrages des abeilles plus attentivement que nous ne l'avons fait julqu'ici, de les voir elles-mêmes en travail, de voir comment elles conf- truifent ces gâteaux * compoiés de cellules de figure régu- * PI. 30. fig. iiére, appliquées les unes contre les autres. Ils ont leurs ^' deux faces lèmblables; fur l'une & fur l'autre efl: un nom- bre à peu près égal d'ouvertures d'alvéoles. Tout y paroît dilpofé avec tant de fymmétrie,& tout y paroît fi bien fini, qu'à la première infpeélion on eft tenté de les regarder comme le chef-d'œuvre de l'induftrie des infecffes : on les niettroit même volontiers en parallèle avec ce que les plus adroits de nos ouvriers fçavent exécuter de plus difficile. Ceft un ouvrage pour lequel l'admiration croît à mefure qu'on l'examine davantage. Quand on a bien vu la véri- table figure de chaque alvéole, quand on a bien étudié leur arrangement, la géométrie fémble avoir donné le defTein de tout l'ouvrage, & en avoir conduit l'exécution. On reconnoît que tous les avantages qui pouvoient y être fouhaités, s'y trouvent réunis. Les abeilles paroifTcnt avoir eu à réioudre un pro!)!eme qui rafTcmble des con- ditions qui eu eufreiu fait regaidcr la fbiution comme Bbbij '380 Mémoires pour l'Histoire difficile à bien des géomètres. Ce problème peut être énoncé ainfi : une quantité de matière , de cire étant donnée, en former des cellules égales & femblables, d'une capacité déterminée, mais la plus grande qu'il eft pofli- bie par rapport à la quantité de matière qui y eft em- ployée, &i des cellules tellement dilpoiées qu'elles occu- pent dans la ruche le moins d'elpace qu'il efl poffible. Pour fatisfaire à cette dernière condition , les cellules doivent le toucher de manière qu'il ne refte cntr'elles aucun elpace angulaire , aucun vuide à remplir. Les abeilles y ont iatisfait.dc en même temps, elles ont fa- lisfait aux premières conditions, en failant des cellules qui font des tuyaux à (ix pans égaux, des tujaux exago- nes. Elles auroient pu faire des cellules qui n'auroient eu que trois côtés égaux, ou des cellules qui auroient eu quatre côtés égaux, faire des cellules dont la coupe tranCveriàle eût été un triangle équilateral, ou des cel- lules dont la coupe eût été un quarré, ou même des cellules qui euflent eu pour coupes d'autres triangles, 6c d'autres quadrilatères; mais ces cellules qui, comme les cellules exagones, auroient été à pans égaux , & qui n'au- roient laifTé aucun vuide entr'elles, fi elles avoient eu cha- cune la même capacité qu'a chaque cellule exagone, n'au- roient pu être fîiites avec une auffi petite quantité de cire. C'eft ce qui eft connu depuis long temps, Se ce qui a fait admirer à Pappus, qui tient un rang parmi les géomètres anciens , que les abeilles le fuftent déterminées pour h figure exagone. D'ailleurs, la figure du corps d'une abeille approchant de la fphèrique, il ])eut entrer à l'aife, & fe loger dans une cellule à fix pans, fans y laiflxT autant de vuide qu'il en laifteroit dans une cellule dont la coupe feroit triangulaire ou quarrée. Qii voit encore que tout ce que les abeilles pouvoieiiî DES Insectes. VIIL Mem. 3^1 faire de mieux pour ménager le terrein& la matière, étoit decompofer leurs gâteaux de deux rangs d'alvéoles tour- nés vers des côtés oj)poiés. Si elles eulTent fait des gâteaux comme les guêpes les font , qui n'euffent eu des ouver- tures d'alvéoles que fur une de leurs feces, & qui fur l'autre face n'euffent eu que les fonds de ces mêmes alvéo- les, les cellules que les abeilles raffemblent dans un feul gâteau , en eulfent compofé deux; or il eft vifible que les deux gâteaux à un feul rang de cellules, euffent tenu plus de place dans la ruche, que n'y en tient un à double rang. Enfin, il eft vifible encore que les deux gâteaux euffent confommé plus de cire qu'il n'en entre dans le gâteau à double rang de cellules. Toute la cire ncceffiire pour former les fonds des cellules d'un des deux gâteaux à un fimple rang de cellules , eft épargnée dans le gâteau double. S'il convenoit aux abeilles que le fond de chaque cel- lule fût plat, que chaque cellule fût exadement un tuyau exagone ouvert à un de fes bouts, & fermé à l'autre *, rien * PI. 31. fîgi ne feroit plus fimple que la difpofition des deux rangs de '°' cellules. Le fond entier d'une cellule*, lui feroit commun *ac. avec une autre cellule. Deux cellules correlpondantes , dont l'une auroit fon ouverture fur une des faces du gâ- teau, & dont l'autre auroit la fienne fur l'autre face, le- roient faites d'une feule & longue cellule divilée tranf- verlalcment par une cloilbn; ou, fi l'on veut, une mince feuille de cire qui diviféroit en deux parties égales toute l'épaiffcur du gâteau , fourniroit les fonds de toutes les cellules. Mais nous dirons bientôt qu'il efl prouvé que ces fonds plats ne s'accordoicni pas avec la plus grande épargne de la cire que nous avons fait regarder comme une des con- ditions du problème que les abeilles femblent avoir eu à réfoudre. D'ailleurs les ufages auxquels les cellules fontdef^ tiiiées, dcmandoient qu'elles euffent chacune un fond plus Bbbjjj 3^2 Mémoires pour l'Histoire étroit que le refte, ils clcmandoient que chaque cellule fc terminât en pointe. C'eft la plus clilficile partie du problème qui a été rélolu pour elles j)ar celui qui les a (i bien inf- * PL 3i.fig. truites. Chaque cellule ell un tuyau exagone *, pofé fur '• ^^ ^ une bafe pyramidale*. Le fond de chaque cellule eft un angle folide formé par la réunion de trois pièces, de trois *aoep, qp, iiiiies de cire * quadrilatères. '^' M.' Maraldi, qui a bien étudié la figure des cellules, & la manière dont elles font dii'poiées les unes par rapport * aoe p. aux autres , veut que chacune des pièces * dont nous ve- nons de parler, Ibit un rhombe, dont les deux grands *o.p. angles * ont chacun, à peu près, i lo degrés, &dont les * ^' ^- deux petits angles * en ont par conlèquent chacun en- viron 70, Quand en regardant par l'ouverture d'une * PI. 3o.fig. cellule *, on en obferve le fond, on y diftingue très-aifé- ment les trois pièces dont il s'agit. Celles de quelques cellules paroifTent quarrées , mais plus ordinairement elles femblent des lozanges ou des rhombes plus ou moins allongés, qui s'éloignent plus ou moins du quarré parfait, Swammerdam a cru comme moi , trouver de ces fortes de variétés dans les figures des trois pièces du fond. Mais ieurs figures font néantmoins pour l'ordinaire des rhom- bes, tels que ceux dont M.' Maraldi a déterminé les an- gles. Les Sçavants qui ont befoin d'avoir des inflruments de figure régulière, les grands Aftronomes, du nombre defquels a été M.'' Maraldi, fçavent mieux que perfonne combien il eft difiicile de mefurer des angles, & combien il eft difficile de les tracer avec une extrême précifion fur les matières les plus dures. Quand donc les abeilles ne donneroient pas toujours aux rhombes des alvéoles les angles que leur théorie demanderoit qu'elles leur donnaf- (ènt, il n'y auroit pas de quoi être étonné; on ne doit que l'être de ce qu'elles s'écartent fi peu des mefures précifes. I5ES Insectes. VIIL Mem. ^83 Si nos ouvriers avoient à faire prendre les mêmes figures à cl'aufli petits morceaux de cire , il leur arriveroit bien plus rarement d'y rcuflir. Enfin, fi quelque imperfe<5lion le glifi^e dans les pièces du fond d'une cellule, nous ver- rons que les abeilles fçavent la làuver, la rendre prefque infenfible & incaj)able de produire aucun mauvais effet. Nous devons donc nous repréfenter le fond de cbaque cellule *, comme une cavité renfermée par trois rbombes * Pi. 3 1. fij. égaux & Icmblabîes, comme une cavité pyramidale. Cha- ■^ <^ 4- cun des rbombes fournit un de les angles obtus *, & par *p. conféquent, les deux côtés qui le renferment pour former l'angle folide de cette cavité pyramidale, pour en former le Ibmmet. Mais le contour, la circonférence de cette cavité, n'eft j)as telle que la circonférence d'une vraye pyramide; elle a trois angles que j'appellerai faillants ou pleins*, & qui font les angles oppofés à ceux qui fc réu- ^^0,0,0,^ niffent au fommet*; & trois angles que j'appellerai ren- * p. trants ou vuides *, & qui Ibnt faits par la rencontre de *a,a,e.. deux côtés*, dont un appartient à un rhombe , & l'autre * oa, a g. à un autre rhombe. Cette circonférence a donc fix côtés, dont chaque rhombe fournit deux; les fix côtés enfemble font employés à former les trois angles faillants ou pleins, &les trois angles rentrants ou vuides. Ces fix côtés font les appuis, les baies des fix lames ou pans de cire *,qui par leur * PI. 31.%. alTernblage compofentie corps de la cellule, ou la partie ^' exagone. Chacune de ces lames * elt recftangle depuis *Fig, 1&3.. l'ouverture de l'alvéole, jufques à ce qu'elle parvienne à ° ^ ^-^ rencontrer le fommet * d'un des angles faillants ou pleins *e. delà circonférence delà bafede la cavité pyramidale. Là cette pièce prend la figure aigûe * qui lui convient pour * ofa^ remplir une portion de l'angle rentrant ou vuide, formé en partie par le côté du rhombe fur lequel elle ])()fe. Le refle de cet angle, eft rempli * par la lame qui s'appuye * Fig. i, 384 Mémoires pour l'Histoire fur le côté de l'autre rhombe qui fait l'angle en fe joignant au côté précédent. * PI. 31.%. Le fomniet d'un angle faillant * de chaque rliombe, fe ï- ''• ^ trouve toujours dans la ligne droite où ell l'arête * fiite * par la jondion de deux des lames , de deux pans de l'exa- gone. Les deux pans lailfent entr'eux refpace angulaire qui peut être, 6c qui eft cxacflement rempli parle fommet de cet angle Taillant. Cette difpofition ell confiante & auiïi régulière qu'il eft pofîible pliyfiquement qu'elle le foit. Ainfi des îix angles de l'exagone, il y en a trois qui font toujours fymmctrilés très-regulicrement avec la bafe; les trois qui répondent aux angles faillants de la circonférence de celle-ci. Pour une régularité complette, il faudroitque *Fig.3.fl,(7,ff. chacun des trois autres angles faillants du tube exagone*, que chacune de fes trois autres arêtes allât précifcment ren- * Fig. 2 & 4.. contrer le fommet d'un des angles rentrants*, que la moi- ' ' ' lié de chacun de ces derniers angles fût remplie par une partie angulaire femb!able& égale, & par laquelle les pans de l'exagone le termineroient; mais on peut ordinairement obfervcr une-difpofition un peu différente. L'arête formée *Fig. 'y.fb. par la jondlion de deux lames de l'exagone *, ne va pas * ^- rencontrer le fommet de l'angle rentrai!!*, elle rencon- tre un des côtés de cet angle à une petite difîance du fommet; un des pans prolongés fournit plus que l'autre pour remplir cet angle. J'ai remarqué auffi que la lame qui contribue le moins par fon prolongement à remplir l'angle, eft plus étroite que l'autre; j'ai affés conftammcnt obférvé deux lames plus larges, ou dont chacune paflè fur le fommet d'un angle rentrant ; & quelquefois j'en ai vu trois lames plus larges que les trois autres. De-là ' il fuit que l'exagone n'cft pas parfait , qu'il n'a pas fes côtés égaux, qu'il en a de plus petits que les autres. Il cil arrive iiuffi que les angles de l'exagone ne font pas tous DES Insectes. VIII. Mem. 3 8 j tous égaux entr'eux; mais ia difîcrcnce eft moins grande entre les angles & les pans auprès de l'ouverture, qu'elle ne l'eft auprès de la baie. Les petits pans de l'exagone m'ont paru s'élargir, 6c les grands m'ont paru s'étrécir à mefure qu'ils s'éloignent de la bafe. Je ne Içaurois croire qu'on doive attribuer les efpcces d'irrégularités que je viens de faire remarquer, à manque d'adrelFe de la part des abeilles. Je penlbrois plus volon- tiers qu'il en rcfulte que le fond de la cellule en a des en- droits mieux dii'pofés à recevoir l'œuf, ou à contenir une liqueur dont nous parlerons dans la luite , qui eft l'aliment néceffaire au ver qui doit fortir de cet œuf Néantmoins les abeilles ne conftruHént pas toujours des ouvrages fi dé- licats, avec autant d'exat^titudc qu'elles femblent (è le pro- pofer; mais files inégalités deviennent trop grandes dans une cellule, elles fçaVent les fuivcr en adjoûtant ou en retranchant à la bafe de la cellule fuivante; ainfi les irré- gularités ne vont pas en augmentant. Si une bafe a été un peu trop étendue, elles en laiffent une petite portion à la cellule qui fuit, & fi la bafe a été faite trop étroite, avant que d'élever les pans , les abeilles prennent ce qui lui manque fur la bafè deftinée à foûtenir une autre cellule. Tout ceci deviendra plus aifé à entendre , quand on fçaura mieux comment les cellules font difpofées les unes par rapport aux autres. Leur difpofition feroit affûrémenu ce que les abeilles auroient imaginé de plus admirable, fi elles l'avoient imaginée. L'arrangement des cellules d'une des deux couches, des cellules dont les ouvertures font fur une même face, n'a cependant rien de fort remar- quable dès qu'on fçait qu'elles font exagones; dès-là, on voit affés comment elles peuvent être ajuftécs les unes auprès des autres, fans laiffer aucun vuide. Mais quand Tome V. . C c c 386 Mémoires pour l'Histoire on conficlére la féconde couche, celle des cellules qui ont leur ouverture fur la face oppoiée, que nous appellerons la féconde face du gâteau, il n'efl pas auffi ailé de voir comment elles peuvent être placées, fans que les bafes pyramidales des cellules de la première couche obligent à laiiïer des vuides entre les bafes des cellules de la fé- conde couche. Pour qu'il n'y eut point de ces fortes de vuides, & pour épargner la cire qui doit être employée à former la bafe des cellules, il n'y avoit rien de mieux que de faire fervir les bafes mêmes des cellules de la première couche, de bafes aux cellulesde la féconde couche; c'eft auffi ce que font les abeilles. Chaque cellule d'une cou- * PI. 31.%. che * a un des rhombes de fa bafe appliqué contre nn des ■ '* „ /, rhombes d'une cellule* de l'autre couche. Trois cellules * PI. 30. fig. de la première couche, qui fe touchent*, fourniffent la bafe 2j 3 &4.. complette d'une cellule de la féconde couche; & de même réciproquement trois celhiîes delà féconde couche, qui fe touchent, fourniffent la bafe à une cellule de la première couche ; car les bafes n'appartiennent pas plus aux cellules d'une couche, qu'elles appartiennent à celles de l'autre couche. Dès que nous nous repréfenterons trois cellules contigiies d'une même face, n'importe de laquelle, nous * Fig- 3« concevrons que leirrs trois bafes fe touchent*; mais qu'é • tant pyramidales, elles laiffent entr'elles un vuide pyra- midal prècilément fèmblable à celui de l'intérieur de la bafe d'une des cellules. Il efl de même renfermé par trois rhombes femblables & égaux. En un mot , par la réunion de ces trois bafes, il iè forme une cavité p)ra- midale exaélement fèmblable à celle qui fait le fond de chacune des cellules précédentes, mais tournée dans un fens direél:ement contraire. Si on élevé fur les fix côtés des rhombes qui forment la circonférence de cette cavité, les fjx lames qui doivent renfermer le tube exagone, on DES Insectes. F///. AIej7i. 3 S/ aura une cellule femblable & égale aux trois autres, mais tournée vers un côté oppole, une cellule de l'autre cou- che. Chacune des trois cellules de la première couche, fournit un des rhomhcs de fa bafe pour former la bafe complette de cette cellule. Quoique tout ce que nous venons de dire puiffe pa- roître fimplcà ceux qui ont accoutumé leur imagination à faifir des iigurcs géométriques, &. fur-tout des ligures de folides, nous devons avoir paru obfcurs à ceux qui ne (e font point fait une habitude de conlérver les images de ces fortes de figures ; mais fi ces derniers veulent (é con- vaincre que la bafe de chaque cellule d'une couche, efl fournie par trois cellules de la couche oppofée, ils en auront un mo)en facile. Ils n'ont qu'à prendre trois épingles. Se les piquer toutes trois * dans la bafe d'une * Pi. 30. fig. cellule, ayant attention de fiire jxaffer chacune de ces ^ '^' épingles à peu près au m.ilieu d'un des rhonibes; ils les y enfonceront même toutes trois jufques à ce qu'elles ibicnt arrêtées jiar leur tête ; qu'ils retournent cnfuite le gâteau, & qu'ils cherchent du côté oppofé les trois épin- gles, ils les trouveront en trois cellules différentes. Outre l'épargne de cire qui réfulte de cette difpofition des cellules, outre qu'au moyen de cet arrangement les abeilles rempliffent le gâteau fans qu'il y refte aucun vui- de , il en revient encore des avantages par rapport à la folidité de l'ouvrage. L'angle du fond de chaque cellule, le fommct de la cavité pyramidale, cft arc-bouté par l'arête que font enfemble deux pans de l'exagone d'une autre cellule. Les deux triangles on prolongements des pans exagones"^, qui rempliffent un des angles rentrants de la *PI. jr.fig. cavité renfermée par les trois rhombes, forment enfemble 3- ° « "/"• un angle plan par le côté * où ils fe touchent ; chacun * af. de ces angles, qui eft concave en dedans de la cellule, C c c ij 388 Mémoires pour l'Histoire ibûtient du côté de fa convexité une des iames em- ployées à former l'exagone d'une autre cellule ; & cette iame qui s'appuye iur cet angle, tient contre la force qui tendroit à le pouffer en dehors. C'efl ainfi que les angles fe trouvent fortifiés. Tous les avantages que l'on pouvoit demander j)ar rapport à la folidité de cliaque cellule, lui font procurés par fa propre figure, & par la manière dont elles font difpofées les unes par rapport aux autres. Enfin , & nous l'avons déjà dit , plus on étudie la conftrudion de ces cçllules,& plus on l'admire. Il faut même être auffi habile en géométrie qu'on l'eft devenu depuis que les nouvelles méthodes ont été découvertes pour connoître la perfeélion des règles que les abeilles fuivent dans leur travail. Nous allons le prouver. M. Ma- raldi , après avoir mefuré avec grand loin les angles de ces trois rhombes égaux, dont le fond de l'alvéole eft formé, a trouvé , comme il a déjà été dit ci-deffus, que les abeilles donnent ou tendent à donner à chacun des deux grands *PI. 31. fig. angles oppofés* de chaque rhombe, à peu près 1 10 de- '" '''^' g''és, & à peu près yo degrés à chacun des deux petits * a, e. angles *. Les figures des fonds pyramidaux , faits par trois rhombes femblables êc égaux, & propres à être ajuftés à des cellules exagones, peuvent cependant varier à l'infini, il peut y avoir une infinité de variétés dans les angles des rhombes employés; c'eft-à-dire, que les fonds peuvent être des pyramides plus écrafées , plus mouffes que celles pour lefquelles les abeilles fe Ibnt déterminées, 6c de plus * Fig. 10. en plus mouffes; le terme de celles-ci eft le fond plat * ; ou au contraire on peut employer des pyramides plus allon- * Fig. 7. gées, plus pointues *, & le terme de l'allongement de ces dernières eft l'épaift'eur du gâteau ; car l'angie du fond de chaque cellule eût pu fe trouver tout près de la furfacc DES Insectes. VIII. Mem. 3 89 oppoféc à celle où ell l'ouverture. Dans une fuite infinie de pyramides, les abeilles avoient donc à en choifir une; & il ell à prcfumer, ou plutôt il eft certain <îk incon- teftable , qu'elles ont préféré celle qui ralfemble le plus d'avantages ; car ce n'cft pas à elles à qui l'honneur du choix efî du, il a été fait par une intelligence, qui voit l'immenfité des fuites infinies de tous genres, & toutes leurs conibinaifons, plus lumincufement & plus diftinéle- inent que l'unité ne peut être vue par nos Archimédes modernes. Convaincu que les abeilles employent le fond pyra- midal qui mérite d'être j)référé, j'ai foupçonné que la raifon, ou une des raifons qui les avoit décidées, étoit i'éj)argne delà cire; qu'entre les cellules de même capa- cité & à fond pyramidal , celle qui pouvoit être faite avec moins de matière ou de cire, étoit celle dont chaque rhombe avoit deux angles, chacun d'environ i lO degrés, & deux chacun d'environ yo. Sans parler de la grandeur de ces angles , après avoir fait admirer la difpofition des rhombes à M. Kœnig, digne élevé en Mathématique & en Philofophie des Bernouilli &.desVolf, je lui propofai de refondre le problème fuivant. Entre toutes les cellules exagones à fond pyramidal , compofé de trois rhombes femblables Si égaux, déterminer celle qui peut être conf- truite avec le moins de matière. M. Kœnig qui a fait {gs preuves de la facilité qu'il a de réfoudre les plus grands problèmes , fut touché de la beauté de celui ci , & fe fen- tit un goût pour en chercher la folution, que n'avoient pas eu d'autres géomètres, à qui je l'avois propofé. Il la trouva, & fut agréablement furpris après l'avoir trouvée, lorfqu'il lut dans les Mémoires de l'Académie de 1712, que je lui envoyai, que le rhombe que fa folution avoit déterminé, avoit à deux minutes près \es, angles que C c c iij 390 MEMOIRES POUR l'Histoire M. Maraldi avoit trouvés par des melures adluelles, à cliaque rhombe des cellules d'abeilles. M. Kœnig efl parti pour fa foluiion, d'un fort beau théorème. Il a démontré que la capacité d'une cciiule à *PI. 3i.fig. fix pans &. à fond pyramidal quelconque *, fait de trois rhombes fëmblables & égaux , étoit toujours égale à la 1 ikj. * Fig. ic. capacité d'une cellule à fond plat *, dont les pans rtélan *Fi,^ ■ ■ ■ - g. I. al-, gles ont la même longueur que les pans en trapczc * de *'■ '" 'la cellule pyramidale, &. cela quels que foient les angles des rhombes. Enfin, il a démontré qu'entre les cellules à fond pyramidal , celle dans laquelle il entroit le moins de ma- tière, avoit fon fond fait de trois rhombes, dont chaque grand angle étoit de 109 degrés 26 minutes , & chaque petit angle de 70 degrés 34. minutes. Quand M. Maraldi a donné les mefures les plus précifes de ces angles, il a fixé les grands à 109 degrés 28 minutes, & les petits à 70 degrés 32 minutes. Un tel accord entre la folution& les mefures aétuelles, a affûrément de quoi furprendre. Lorfqu'on compare groffiérement une cellule à fond * Fig. 10. plat*, avec une cellule à fond pyramidal *, on n'apperçoit *Fig. loi 7. pas, ëc même on n'eft pas porté à penfer que la cellule à fond plat eft de toutes, celle qui confomme le plus de cire. M. Kœnig a pourtant démontré que les abeilles œco- nomifent la cire, en préférant les fonds pyramidaux aux fonds plats, qu'elles ménagent en entier la quantité de cire qui feroit néceffaire pour un fond plat. Si je ne craignois qu'on fe laflat de m'entendre parler géométrie, je rappor- terois volontiers les démonftrations de M. Kœnig; mais ceux qui font curieux de les voir, n'y perdront rien pour ne les pas trouver ici. Le Mémoire qui les donne , a été iû à l'Académie en 1739, il en fera fait mention dans l'Hiftoire de cette même année; elles y feront expolées plus nettement, & mifes dans un plus grand jour, par DES Insectes. VI IL Mem. 3 9 1 notre célc!)rc Hiftorien, que je ne le pouirois faire. AL Kœnig, au rcftc, a très-bien remarqué que ce j)robleme n'étoit pas de ceux qu'on pouvoit réfoudre du temps de Pappus. Quelle idée cet ancien géomètre n'eût -il pas eu de la géométrie des abeilles, fi outre les avanta- ges du tube exagone , il eût connu ceux du fond pyra- midal î 11 filloit que les méthodes des nouveaux calculs fuffcnt découvertes, que nous fuiïions en état de ré- foudre, parle moyen de l'analyfe des Infiniment petits, les qucftions de Maximis 6c Min'imis, pour fçavoir à quel point de perfedion & d'œconomie l'architeélure des abeil- les cft portée. Le problème que j'avois propofé à M. Kœnig, & qu'il a très-bien réfolu , ne renferme pourtant pas encore toutes ies conditions que les abeilles auroient pu y faire entrer; car nous avons fuppofé que leurs cellules font des exa- goncs parfaits; & des obi'ervations faites avec grande atten- tion, nous ont appris, comme nous l'avons expliqué ci" devant affcs au long, qu'il y a au moins deux pans oppo- fés , plus larges que les quatre autres. Car fi trois des angles de l'exagone rencontrent exactement les trois angles làil- lants de la bafe, il y a au moins àewx angles rentrants, dont chacun * n'eft pas rencontré par l'angle correfpon- ^^ pi. 31.%, dant , formé par deux pans voifins, <5c prolongés pour 5- ^■ remplir le vuide de cet angle rentrant. Je ne fçais fi cette dilpofition va encore à l'épargne de la cire, mais il efl in- dubitable qu'elle tend à rendre l'ouvrage plus parfait, qu'elle a quelque utilité qui fera admirée, dès qu'elle fera connue. Comme la récolte & la préparation de la cire coûtent beaucoup aux abeilles, il leur importoit extrêmement de la bien œcononiifer, & nous venons de voir avec quelle fcience elles le font..Nous remarquerons de plus, que cette 39^ MEMOIRES POUR l'Histoire railon d'œconomie les engage à tenir les parois Je leurs alvéoles minces, à un point qui demantloit que la folidité de la conftruclion fuppleât au peu de matière. Il n'tft point de papier auffi lin que le font les pièces du fond , & les pans du tube. Cependant les cellules doivent être capables de réfifter à tous les mouvements des mouches qui y entrent, &. qui en fortent en différents temps. Le bord de l'ouverture a plus à fouffrir qu'aucun autre en- droit, il efl: plus fréquemment & plus fortement attaqué. Les abeilles auffi ne manquent pas de le fortifier ; elles adjoûtent tout autour de la circonférence de l'ouverture de la cellule, un cordon de cire qui rend le bord trois ou quatre fois plus épais qu'il ne le feroit s'il n'avoit que l'é- paifTeur des pans. On trouve même ce cordon aux cellules qui ne font qu'ébauchées, qui n'ont pas encore toute la profondeur qu'elles auront par la fuite. Il efl plus épais dans les angles que par-tout ailleurs, ce qui fait que l'ou- verture de chaque cellule n'efl pas un exagone parfîiit. Ce n'efl pas affés que d'avoir admiré la figure pyra- midale des fonds des alvéoles, & le choix des rhombes qui y font employés ; ces mêmes fonds offrent quelque- fois des irrégularités, qui ne font pas moins propres à donner idée du génie des abeilles. Ceux qui ne vou- droient regarder l'emploi confiant des trois rhombes égaux, que comme l'ouvrage d'une machine bien mon- tée, doivent être embarraffés&. furpris, lorfqu'ils obierve- ront, comme je l'ai obfervé bien des fois, que les fonds pyramidaux de certaines cellules, font conflruits de quatre *Pl. ji.fig. pièces*; qu'entre ces pièces, il n'y en a quelquefois que II& 12. jgj^,^ quadrilatères, que les autres ont plus ou moins de côtés ; enfin , que dans différents fonds , ces pièces varient différemment en figure &. en grandeur. Nos mouches fçayent donc fe méprendre; elles peuvent manquer de donner DES Insectes. VIII. Mem. 39^ donner au premier rhonibe la grandeur & les iînjles qui lui conviennent; mais aufîî elles Içavent remédier à leurs mcprifes. Elles ajuftent alors plus de pièces les unes contre les autres, afin que la pyramide jMcnne une figure qui s'é- loigne le moins qu'il efl polîible de celle qu'elle auroit dû avoir. Mais coniment les abeilles viennent- elles à bout de conftruire ces cellules, d'en compolcr des gâteaux ou rayons! C'eft ce qu'il n'eft pasaufTi aifc de voir qu'on le fouhaiteroit. Elles fe portent à l'ouvrage avec tant d'ar- deur; il y en a tant à la fois qui veulent y avoir part ; elles cherchent tellement à s'entr'aider, que dans les endroits où elles travaillent avec le plus de fuccès, foit à jetter les fondements de quelque nouveau gâteau, foit à en allon- ger ou à en élargir un ancien , le fpedateur ne voit pref- que que dii trouble & de la confufion. H voit continuelle- ment arriver de nouvelles mouches , il en voit continuelle- ment partir d'autres, &: fouvent il voit partir au bout d'un inftant , celles qu'il avoit vii arriver. Malgré nos ruches vi- trées, il n'y a que des moments, & encore d^ moments très-courts, où on puifTe obferver celles qui établirent les bafes i\ç.s cellules, & qui en élèvent les pans. Si l'obferva- teur pirvient à voir une abeille qui édifie, bientôt il a le regret delà voirpartir, ou bientôt il eft fâché de ce qu'elle lui efl cachée par d'autres qui fe mettent devant elle. On parvient néantmoins affés aifément à obferver que leurs deux dents font les infîruments avec lelquels elles modèlent & façonnent la cire. Au moyen d'un peu de patience, on apperçoit des cellules, dont il n'y a encore qu'une partie d'ébauchée; & on ne tarde pas à remarquer l'aélivité avec laquelle une abeille fait mouvoir fes dents, contre une petite portion de la cellule ; cette portion efl entre les deux (lents, qui par des coups alternatifs & réitérés la Tome V. . D d d . 394 Mémoires pour l'Histoire battent de chaque côtéJ'applanifTcnt, la rendent compare. Scia, réduifent à n'avoir qu une épaifTeur convenable. Sans voir les abeilles occupées à leur travail , on peut s'afTûrer de l'ordre dans lequel elles le conduifent, fi on détache des gâteaux, &. iUr-tout des gâteaux nouvellement * PI. 30. fig. faits * ; leur contour montre la première ébauche, ou plû- ^' tôt le plan de diverlès cellules, & en montre de plus ou de moins avancées. Le contour de chaque gâteau peut être comparé à ces bâtiments où on a laifTé des pierres d'at- lente. Ceux qui ont voulu attaquer l'efprit géométrique des abeilles, qui ont voulu qu'on n'admirât pas trop ia figure exagone de leurs cellules , ont dit que les cellules prenoient nécefTairement cette ligure dès que les abeilles vouloient qu'elles fufTent toutes contigues; qu'il arrivoit dans la conftrucflion de ces cellules, ce qui arriveroit fi l'on prefibit à la fois un nombre de boules d'une cire molle, & de même diamètre , arrangées fiir une table qui auroit des rebords, &. où elles fe toucheroient toutes. La preffion changeroit les boules en difques exagones. Mais on ïftnd plus de juftice au génie des abeilles ou à l'inlbnél qui leur en tient lieu, lorlqu'on a confidéré Jes bords des gâteaux dont nous venons de parler : ils prouvent que les abeilles fe conduifent comme les ou- vriers qui travaillent à élever un bâtiment conforme au deiïein que l'architeéle a donné. Elles commencent par établir la bafe de l'édifice , d'une cellule. Nous avons vu que cette bafe doit être compofée de trois j:)etites lames de cire égales & femblablcs , faites en rhombe. Les abeilles façonnent d'abord un de ces rhombes. Rap- pelions-nous que deux des côtés de chaque rhombe fe trouvent à la circonférence de la bafe, & qu'ils fervent d'appuis à deux des faces , à deux des lames du tuyau exagone. Les abeilles bâtiffent, pour ainfi dire, fur chacun DES Insectes. VI II. Mem. 39 j des côtes extérieurs du rliombe nouvellement conflruit, elles y attachent une petite lame qu'elles allongeront par Ja fuite, & qui formera une des faces de i'exagone; c'eft- à-clire, qu'après avoir fait un At^ trois murs de cire, en rlîombe, qui doivent compofer la bafe, elles ctabliflcnt furies deux côtés de ce mur, les fondements de deux des murs de I'exagone. Elles travaillent enfuite à faire un autre rhombe de la bafe, qu'elles aflembicnt avec le pre- mier dans l'inclinaifon qu'il doit avoir. Sur les deux côtés extérieurs de celui-ci, elles ébauchent encore les fonde- ments de deux des pans de I'exagone. Enfin, elles fer- ment & finiflTent la bafe, en y adjoûtant le troifiéme rhombe fcmblable aux deux premiers, & achèvent d'é- baucher les fondements de I'exagone, en mettant une lame de cire fur chacun des côtés extérieurs de ce dernier rhombe. Pendant que des abeilles prolongent les pans d'un tuyau cxagone, d'autres abeilles ébauchent les bafes de plufieurs nouvelles cellules ; d'autres mettent à profit les bafes de celles d'une des faces du gâteau, pour confiruire Aqs ceiluies fur l'autre face ; car elles travaillent à la fois aux alvéoles des deux côtés. Dans des circonftances où elles font preffées par l'ouvrage, & nous dirons ailleurs quelles font ces circonftanccs , elles ne donnent aux nouvelles cellules qu'une partie de la profondeur qu'elles doivent avoir; elles les laiffent imparfiites, 6c différent de les finir jufquesà ce qu'elles ayent ébauché le nombre de celles qui font néceffaires pour le temps préfent. Enfin , les bords de chaque gâteau ne font faits, pour ainfidire, que des fon-. dations de diverfcs cellules. De quelque adreffe que les abeilles foient douces, ce n'eft qu'avec le temps & bien de la peine qu'elles peu- vent drcffer les parois des cellules, les rendre auffi minces Dddij 396 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE ôc auffi unies qu'elles doivent l'être. Elles ne les jettent pas en moule. Si l'abeille qui dégroffit une partie de la cellule, qui commence à lui faire prendre forme, vouloit d'abord la rendre auffi mince qu'elle le doit devenir par la fuite, elle n'y réuffiroit pas. Cette partie trop foible pour réfifler au poids & aux mouvements de la mouche, fe briferoit. Auifi l'abeille lui donne de la folidité, du maffif, beaucoup au-delà de ce qu'il convient qu'il lui en relie. D'autres mouches font chargées de limer, j)our ainfi dire, de réparer Si de polir ce qui efl encore brut. Dans la plupart des efpéces d'ouvrages fiits par main d'homme, le travail de finir efl celui qui demande le plus de temps. Peu de Fon- deurs peuvent fournir affés de befogne à un très-grand nombre de Cifeleurs 6c de Répareurs. Le plus grand nom- bre de nos petites ouvrières en cire, eft auiïî occupé à tra- vailler les dedans des cellules , à les perfeélionner. La place ne permet pourtant qu'à une abeille à la fois de drcffcrôc d'applanir les parois intérieures d'une cellule. Mais com- me le nombre des cellules eflconfidérable, & que chaque mouche ne refle pas long-temps dans celle où elle eft entrée, c'elt de tous leurs travaux celui dans lequel l'on a plus d'occafions de les obferver.. On parvient aifément à voir une abeille qui fait entrer fa tête dans un alvéole, & quand elle ne l'y enfonce pas bien avant, on apperçoit eniuiie qu'elle en ratiffe les parois avec les bouts de ies' dents ; qu'elle les fait agir l'une contre l'autre avec une aélivité admirable & fans interruption, pour détacher de petits fragments de cire, des efpéces de coupeaux. Les dents qui les ont détachés ne les laiffent pas tomber. La mouche qui en a fait une petite boule, grofTe comme la tête d'une épingle , fort de la cellule , & va porter cette cire ailleurs. Elle n'efl pas plutôt fortie qu'une autre mouche prend fa place pour continuer le même ouvrage. Celle-ci DES Insectes. VIII. Mem. 3 97 entre comme la première avoit fait, la tête ia première dans l'alvéole; elle y entre plus avant, fi les endroits à poiir font plus proches du fond. Quand c'eft fur le fond mcme qu'il faut travailler, la mouche efl toute entière dans la cellule; à peine fon derrière excéde-t-il un peu les bords de l'ouverture. Nous avons déjà parlé des deux principaux ufages ^t% alvéoles. Nous avons dit qu'il y en a qui font employés à confcrvcr le miel, & qu'il y en a d'autres , dans chacun defqucls doit naître un ver, y prendre fon accroiflement, 6^ s'y transformer en mouche. Nous avons dit auffi que les nifiles des abeilles, les faux-bourdons, font beaucoup plus gros que les abeilles ordinaires. La cellule qui efl àaï- tinécà loger un ver qui fe transformera en faux-bourdon, doit donc être plus grande en toutes fes dimenfions, que la cellule qui eft deftinée à loger un ver qui fe transformera dans une abeille ouvrière. Les ouvrières font auiïi des cel- lules exagones de deux différents diamètres. Le nombre de celles qui font defîinées pour des abeilles ordinaires, efl grand par rapport au nombre de celles qui font faites pour des mâles. J'ai trouvé que 20 des petites cellules pofèes fur une même ligne droite, remplirent enfemble une longueur de quatre pouces moins une demi-ligne. Si on néglige la demi-ligne, le diamètre de chacune de ces cellules fera de 2 lignes j. Et un gâteau de i ^ pouces de long, fur un peu plus de 10 pouces de large, fera compolé d'environ 9000 alvéoles. Après avoir mefuré avec foin la longueur qu'occu- poient des cellules à vers , d'où doivent naître des faux- bourdons, j'ai trouvé que 10 de celles-ci avoient une longueur de 2 pouces 9 lignes, & j de ligne. Ainfi le diamètre de chaque cellule, étoit de 3 lignes & 4-|, ou à peu près de 3 lignes & un tiers de ligne. Mais avant Dddiij 398 Mémoires pour l'Histoire mefuré enfuite de ces cellules alignées autrement que les premières , je trouvai qu'il n'en failoit que 9 pour remplir la même longueur de 2 pouces 9 lignes &. - de ligne; c'eft-à-dire , que chacune de ces cellules avoit dans un fens, un diamètre d'un neuvième plus grand que celui qu'elle avoit dans l'autre. Quand les mefures me l'ont eu appris , j'ai été conduit à reconnoître que ces cellules n'étoient point des exagones parfaits , comme on a cru qu'elles en étoient: je difîinguois fort aifémcnt deux faces oppofées, égales entr'elles, & plus petites que les quatre autres; &; en répétant les mefures, je me fuis aiïuré que félon que la ligne fur laquelle je les mefurois , pafloit par les petites ou par les larges faces , il ne failoit que neuf, ou qu'il failoit dix cellules pour remplir à peu près la même longueur. J'ai cru auffi avoir obfervé de la diffé- rence entre les diamètres des petites cellules, celles qui ont des vers qui donnent des abeilles ordinaires, mais des différences moins confidérables ; & ces difîèrences font prouvées par ce que nous avons dit ci-devant, que des trois angles rentrants de la bafe, il y en a au moins deux qui ne font pas rencontrés par les angles formés par les prolongements des pans de l'exagoiie. La longueur du pendule déterminée dans un pays dont la latitude c(t bien connue, donne une mefure fixe qui a été long-temps defirée desSçavants, une mefure à laquelle toutes celles dont on veut avoir une connoifTance précife & fûre, doivent être rapportées. Nous ne ferions pas auffi embarraffés que nous le fommes fouvent fur les mefures des Anciens, s'ils euffent connu cette mefure fixe. Nous en aurions une autre, qui, quoique moins exaéte, nous fuffiroit pour bien des cas, s'ils nous eulTent donné les mefures des cellules des abeilles; car il eft plus que proba- ble, que les abeilles d'aujourd'hui des environs d'Athènes DES Insectes. VIII. Mem. 399 &: de Rome , font de la même efpéce que celles qui y étoient autrefois; que celles d'aujourd'hui ne font pas des alvéoles plus grands ou plus petits que ceux que fai- foient les abeilles qui travailloient dans les temps où les Grecs & ceux où les Romains ont été le plus célèbres. M. Thevcnot avoit penfé auffi, comme nous le rapporte Swammerdam , à prendre une mefure fixe d'après les cel- lules *\ç.s abeilles. Les profondeurs des différentes cellules des abeilles , ne font pas aufli confiantes que les longueurs de leurs diamè- tres. Communément les cellules à vers d'abeilles ouvrières, ont cinq lignes | de profondeur; & le gâteau compofé de deux rangs de cellules oppofées, efl épais d'environ dix lignes. Les cellules des vers qui doivent devenir des faux- bourdons, ont quelquefois plus de huit lignes de profon- deur; mais il y en a de moins profondes. Nous verrons dans la fuite, que les mêmes cellules qui fervent à élever les vers jufqu'à leur transformation, ont fouvent fervi auparavant à contenir du miel , & qu'elles y fervent fouvent après que les mouches dans lefquelles les vers fe font transformés, en font forties. Ainfi les cellules à vers de mouches ordi- naires, & les cellules à vers de mouches mâles, font dans dittèrcnts temps des cellules à miel. Mais il y a Ats cellules que les abeilles ne deftinent qu'à recevoir du miel , aux- quelles elles donnent beaucoup plus de profondeur qu'aux autres. J'ai mefuré des alvéoles qui n'avoient que le dia- mètre des plus petits., <& dont la profondeur étoit au moins de dix lignes. Lorfque la récolte du miel efl fi abondante, qu'il cfl diflicile d'a\oir affès de vaiiîeaux pour le loger, lorfque les abeilles ont peine à confhuire un nombre fuf- filant de cellules pour contenir tout celui qu'elles peu- vent recueillir, elles allongent les anciennes, ou ellesdon- nent aux nouvelles qu'elles bâtiffcnt , une longueur qui 400 MEMOIRES POUR L'HisTOIRE ilirpafTe beaucoup celle dçs cellules ordinaires. Il eft vifibfe qu'elles é])argncnt ainfi les façons desbalès. Nous verrons encore bientôt qu'il y a ])our elles une autre épargne dans les cellules plus profondes. Les abeilles l'çavent s accom- moder au temps , elles fçavent aufTi s'accommoder au lieu. Quoique l'axe des alvéoles Ibit communément perpen- diculaire aux faces du gâteau, elles en confhuiient qui l'y ont incliné, & elles en conftruifent quelquefois qui font courbes , & cela lorfque le voifmage des parois de la ruche & leur figure, ou lorfque quelqu'autre circonflance ne per- mettroient pas d'y placer affés d'alvéoles droits. La difpofition des gâteaux ofîfe, comme celle des al- véoles de chaque gâteau , des faits qui font honneur à l'intelligence des abeilles. Des mouches nouvellement établies dans une ruche qui étoit vuide, &. où elles fe trouvent bien, n'y refient pas long- temps fans y jetter les fondements d'un gâteau qu'elles allongent &. élargiffent avec une célérité furprenante ; mais avant que de lui avoir donné autant d'étendue qu'elles lui en veulent, elles fe partagent. Une partie des ouvrières en commence un fécond , & quelquefois une autre partie des mouches entreprend d'en faire un troifiéme. Quand il y a deux ou trois atteliers, plus d'ouvrières peuvent s'occuper à la fois Huis s'embarraflér , elles font en état de faire plus- de be- fogne. Les gâteaux font communément arrangés parallè- lement les uns aux autres, & parallèlement à la plus grande des faces de la ruche, fi la ruche a des faces, c'eff-à-dire, fi fon contour n'efl pas courbe comme l'efl celui des ruches coniques. Il doit refier un intervalle entre deux gâteaux, une rue qui permette aux abeilles d'aller vifiter les alvéoles de l'un &. de l'autre gâteau. Ces rues n'ont ordinairement que la largeur qui luflit pour laiffer pafFer deux abeilles à la fois. Chaque gâteau ne tient fouvent au haut DES Insectes. VIII. Mem. 40 1 au haut de la ruclic, &: mcmc au haut <.lc celles dont "le deflus el]|j)lat , que par une cipéec de pied qui a peu d'é- tendue. Quand les abeilles commencent un fécond gâteau dans une de cq'î dernières ruches , elles l'attachent louvent au bout oppolc à celui où l'autre gâteau cft afTiijctti. Il luit de ce que nous venons de dire, que ce iecond gâteau doit • être confh'uit parallèle au premier, & qu'il ne doit refier entr'eux qu'un certain intervalle. Les abeilles qui ontjcué les fondements du dernier, malgré la diilance qu'il y a entre l'endroit où elles l'ont collé, 6c l'endroit où tient le premier, ont donc jugé que lorfqu'il feroii fini, il fe trou- veroit placé par rapport à l'autre, comme il convient qu'il le foit. Il leur arrive pourtant de le tromper , & c'cft encore un de ces faits qui femblent prouver qu'elles jugent. Quel- quefois l'attache du nouveau gâteau a été pofée fur une ligne tellement éloignée de la ligne où eft l'attache de l'autre, qu'il y auroit un trop grand intervalle entre le pre- mier &. le fécond gâteau, fi celui-ci étoit conflruit parallèle à l'autre. Pour regagner une partie du vuide qui naÎLde fa mauvaife pofition, les abeilles leconduifent obliquement. A mefure qu'elles l'étendcnt, elles lui donnent une incli- naifon qui le rapproche de l'autre. La pofition du fécond gâteau a été quelquefois fi mal choifie, que le vuide qui refte d'un côté entre les deux gâteaux, ne paroît ])as fup- portable aux abeilles. Alors elles en conftruifent un troi- fiéme entre ceux-ci, mais qui a toujours peu d'étendue, par rapport aux deux premiers : elles le terminent dans l'endroit où les deux autres ne laiffent entr'eux qu'un in- tervalle qui y peut être fans inconvénient. Elles font plus quelquefois , elles rempliflent certains efpaces de gâteaux tous parallèles entr'eux, mais inclinés ou même perpen- diculaires aux premiers faits *. * PI. 2 1. fig. Mais, comme nous l'avons dit, les gâteaux font pour 3^4- Tome V. . E c e 402 Mémoires pour l'Histoire l'ordinaire parallèles les uns aux autres. Ils laiffent entr'eux des efpéces de rues. Les abeilles auroient fouvem trop de chemin à faire , û pour parvenir entre deux gâteaux juf- que vers leur milieu , il falloit toujours pafîer par les bouts des rues. Pour abréger le chemin, quand elles conftrui- ■ fent un grand gâteau , elles fçavent y referver une ou plu- fieurs ouvertures à peu près rondes. Ce font de grandes pertes toujours ouvertes, Si qui leur jîermettent d'arriver plutôt entre les gâteaux, 6c d'en fortir. Des gâteaux fou- vent longs de plus de 18 à 20 pouces, Si larges de 12 ou I j , comme il y en a dans certaines ruches, contien* nent un nombre de cellules bien confidérable. Leurs contours font curvilignes; mais ne prenons d'un gâteau qu'une portion reétangle longue d'environ 15 pouces, & large de plus de i o. Il elt aifé de calculer qu'elle fera compofée de plus de 9000 cellules, comme nous l'avons déjà dit. Quoique les cellules foient formées de feuilles de cire extrêmement minces , les gâteaux deviennent des jjiéces pefantes lorfqu'ils font bien pleins de miel. Leur propre poids pourroit rompre les attaches qui les tiennent fuf- pendus au haut de la ruche. Les abeilles fçavent auffi les affujettir en divers autres endroits contre fes parois ; & elles multiplient les attaches autant qu'elles en trouvent la facilité. Dans les ruches vitrées , les gâteaux extérieurs font fouvent foûtenus par de petites malTes de cire quelquefois cellulaires, collées par Un de leurs bouts à un des carreaux de verre, Se par l'autre au gâteau. Les gâteaux intérieurs font auffi quelquefois attachés les uns aux autres. Celui qui fe trouve immédiatement après un gâteau extérieur, eft attaché à celui-ci; ainfi les foiitiens des gâteaux extérieurs fervent à maintenir les autres. La prévoyance de ceux qui préparent des ruches pour y DES Insectes. VIII. Mem. 403 ioger des abeilles , les engage à y dilpoler de petits bâtons en croix , qui par la luite fervent de fupports aux gâteaux qui y font conflruits ; ces fupports les mettent hors de rilijue de tomber, & épargnent du travail aux mouches. Nous avons vu les abeilles occuj>ées à conftruire & à polir des cellules, nous les avons vu en compofer de grands gâteaux, fans avoir rien dit encore de la matière dont elles les conftruifent, fans avoir dit encore commenD dles font la cire même; c'eft-à-dire, fans avoir expliqué en quoi cette cife brute qu'elles ramaflent fur les fleurs diffère de la vray^cire, &: comment elles la convcrtiffent en véritable cire. Nous n'avons pas même dit où chatjue abeille prend la cire dans l'inftanc où elle veut la mettre en œuvre pour en faire une portion de cellule. Ce der- nier fait me paroît avoir été ignoré par ceux qui ont trai- té des abeilles ; & ils ne nous ont 'aucunement appris à quoi il falloit s'en tenir fur la convtrfion de la cire brute en véritable cire, ce qui eft cependant une queftion cu- rieufe & importante à éclaircir , non-feulement ])ar rap- port à l'Hiftoire des abeilles, mais même par rapport à la Phyfique. Ces deux petites pelottes dont font fouvent chargées les deux dernières jambes des abeilles qui reviennent de la campagne, ont été prifesfur les fleurs, ainfi que nous l'avons expliqué dans le fixième Mémoire. Elles ne font autre chofe que des amas de poufliéres d'étamines. C'eft ce que nous avons appelle de la cire brute ou de la ma- tière à cire. On pourroit néantmoins douter fi ces pouf- fiéres d'étamines ne font pas aduellement de la cire pro- prement dite. Certaines parties des plantes & des arbres donnent de la réfine toute faite; les mêmes parties ou d'au- tres parties de différents arbres, donnent de la gomme telle Eee ij 4,04 Mémoires pour l'Histoire que nous l'employons. Enfin, nous connoifîons à préfent un arbrifleau commun au MifTiiïipi, des grains duquel on retire une forte de cire au moyen de l'eau bouillante. Ne pourroit-il pas fe faire que d'autres parties des plantes, que leurs fleurs donnaffent de la cire telle que ctilc que nous brûlons journellement, que les abeiiks ne fufïent chargées que du foin de l'y ramafferî II feroit affés naturel de pcnfer que cela cfl ainfi. Mais quand on .vient à exa- miner ces petits grains que les abeilles ont enlevés aux étamines des fleurs, on reconnoît aifément qu'ils ne font point du tout de la cire, ils ne font qufc la matière dont elles la font. En attendant que nous apprenions le moyen d'avoir affés de cette cire brute pour fournir à des efîliis un peu en grand, nous nous contenterons de faire remarquer qu'il efl très facile d'en avoir pour des efïais en petit. Dans les jours où les abeilles i/ont à la campagne, on n'a qu'à fe tenir le matin auprè^'une ruche, & prendre celles qu'on y voit arriver chargées. Si on n'efl pas affés aguerri avec elles pour ofer les iàifir avec une pince, fi on craint trop leurs piquûres, il y a im autre moyen de leur enlever leur récolte avec moins de rifque. On n'a qu'à tenir à la main un petit bâton frotté de glu. Dès qu'une abeille fe fera pofée fur le devant de la ruche, ou qu'elle y marchera, on s'en rendra maître fi on la touche avec le petit bâton. On lui ôtera fes deux boulles fi elle les a encore, & fi elle les a laiifé tomber fur le devant de la ruche, ce qui arrive affés fouvent en pareil cas , on les y ramaffera. Quand on fe fera fourni ainfi d'un certain nombre de pelottesde cire brute , il fera facile de faire les expériences propres à mon- trer qu'elles ne font point encore de la cire. La plus fimple de toutes, & celle qui s'offre la première, eft de peftrir entre le pouce & l'index une de ces petites DES Insectes. VIII. Mem. 405 boules, de lui faire changer de figure en la peftrifTant, & fur-tout de la réduire à une lame plaite. En pareil cas, la cire ordinaire le ramollit, & devient licxible comme wi\Q pâte; quelque figure qu'on lui faffe prendre, fes parties rcflcnt continues; en un mot, la cire alors eli dutftiie, & la petite boule ne l'ell pas, elle ne fe ramollit point entre les doigts, elle s'y brife fouvent : on reconnoît toujours à la vue limple, 6c encore mieux à la loupe, que la petite maiïe n'eft qu'un alTemblage de grains, dont chacun , mal- gré les prelfions réitérées par des doigts chauds, a confervé ia figure. S'ils tiennent les uns contre les autres , ce n'eft que par un peu d'humidité reliée fur leur furface. Pour Içavoir ce que peut fur cette matière une chaleur plus forte que celle des doigts, on miCttra une petite pe- îotte dans une cuillier d'argent qu'on pofèra lur de la cendre chaude, ou fur un charbon ])eu ardent. Si la petite boule étoit de cire, dans un infiant elle y deviendroit cou- lante, au lieu que la petite boule de cire brute confervé la figure, elle jette de la fumée, elle fcdefféche&fe réduit en charbon. On peut faire au feu une autre expérience, qui prou- vera auffi décilivement que la cire brute n'a pas encore les propriétés de la véritable cire. On en forra'era un petit corps long , une efpéce de filet , dont on préfentera un Ac^ bouts à la flamme d'une bougie. Ce fil de cire brute s'y allumera & brûlera comme feroit un I)rin de bois fec, & plus chargé de matière huileufe que du bois ordinaire ;^ mais il ne fe fondra pas, comme fe fondroit fans brûler, un petit rouleau de cire. • Cette matière éprouvée à l'eau , comme éprouvée au feu, paroitra encore différente de la cire. Si on en jette dans l'eau, elle tombera & reftera au fond, au lieu que de la cire remonteroit & refleroit à la furface. Qu'on ne E e e iij. ^o6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE Ibupçonne })as que, quoique cette matière paroifTe plus pelante fpécifiquement que la cire, elle ne i'eli pas réelle- ment. Qu'on ne s'imagine ])as que fon excès de pélkn- teur doive être attribué à Tiiumidité dont elle étoit pé- nétrée lorfqu'elie tenoit à la plante, luimidité qu'elle conferve encore lorfque l'abeille la tranfporte. J'ai gardé de cette cire brute pendant plufieurs années, & j'en ai eu qui a pafTé un hyver entier liir la cheminée d'un cabinet où il y avoit continuellement du feu ; le temps &. le lieu euflent dû fuffire à la delTécher parfaitement ; néantmoins quand j'ai jette dans l'eau cette matière fi bien defféchée., elle a été à fond. Il s'enfuit donc que les abeilles donnent quelque pré- paration à la cire brute qui la rend de véritable cire. Mais en quoi confifte cette préparation ! Ne leur fuffit-il point de la peftrir, ou plutôt de la broyer en quelque forte î On peut foupçonner que chacun de ces petits grains qui ont été enlevés à la plante, font des efpéces de petits facs membraneux, dont l'intérieur eu rempli de cire. On peut foupçonner qu'il n'y a qu'à brifer les enveloppes pour avoir la cire qu'elles couvrent. Mais j'ai eu beau peflrir, j'ai eu beau broyer même celte matière, foit dans des cuilliers d'argent avec un manche de couteau de porce- laine, foit fur du verre, je ne lui ai donné aucune des qualités qui lui manquoientpour être delà cire. Après des broyements réitérés, elle n'eft devenue ni plus dudile ni plus fufible qu'elle l'étoit auparavant. Puifqu'il ne fuflit pas aux abeilles de peftrir la cire brute, on peut croire qu'elles y adjoiUent quelque matière, ou plutôt quelque liqueur. M.'' Maraldi & Swammerdanl^, l'ont penfé ainfi. Comme le miel eft ce que les abeilles ont le plus à leur difpofition , il étoit affès naturel de foupçonner qu'elles en m.êloient avec la cire brute; mais DES Insectes. VIII. Mem. 407 c'a été inutilement encore que j'ai broyé de cette cire im- parfaite après l'avoir humedée de miel ; Ton état n'en a pas paru changé. Swammerdam a eu un autre foupçon qui efl ingénieux. Il a penlc que la liqueur venimeule dont les abeilles ont une alFés groiïe velfie toute pleine, ne leur avoit pas été fimplement accordée pour empoifonner les bleiïures qu'elles font; que peut-être les abeilles humeéloient avec cette liqueur la matière qu'elles avoient ramaffée fur les plantes, & qu'elle pouvoit avoir une eflicacité propre à changer cette matière en véritable cire. Il a cru même avoir fait quelques expériences favorables à cette idée, <& qui lui avoient fait naître le defir de ramaffer plus de li- queur venimeufe pour répéter plus en grand les mêmes expériences. Celles que j'ai tentées ne me difpofent pas à croire qu'il eût été content du fuccès. Après tout , les gros bourdons velus, & beaucoup d'e^éces d'abeilles qui ne font pas de véritable cire, ont, comme les abeilles, des veflîes pleines d'un femblable venin. Les guêpes & les fre- lons font bien pourvus de ce venin, quoiqu'ils ne faffeiit que du papier. Ce feroit aflurément une découverte curieufe & peut- être même utile, que celle d'une manipulation ou d'un pro- cédé fimple qui transformeroit la cire brute en vraye cire. Celle que les abeilles nous ramaflent ne nous coûte rien; elles font des ouvrières que nous n'avons pas la peine de nourrir; mais nous n'avons pas à beaucoup près, affés de ces ouvrières, & il s'en faut bien qu'elles nous procurent toute la cire que nous pourrions confumer. La quantité de poufîléres d'étamines qu'elles ramaffent à la campagne, n'eft rien en comparaifon de la quantité qu'elles y laiffent perdre. Si nous Içavions faire de la cire avec ces pouf- fiéres, peut-être trouveroit-on des moyens d'en reciieillir 4o8 Mémoires pour l'Histoire beaucoup à peu de frais; peut-être trouveroiton les moyens de mettre les enfants de la campagne en état de faire cette forte de récolte. La culture du iàfran efl chère, &. on n'efl point effrayé par la peine de couper les filets de fes fleurs, defonpiftile. En l'ilîe de Candie, on fait la récolte du lada- * Voyage de num avcc des fouets de cuir *, des lanières dont on fouette M-- Tourne- ({3ns J^ faifou convenable& pendant la plus pjrande chaleur fort. Lettre 2. . , , m ■ r rr T du jour, les arbnileaux qui rourniiient cette gomme reli- neufe. 11 feroit peut-être moins long qu'on ne le l'imagine, de ramaffer beaucoup de pouffiéres d etamines, avec de gros pinceaux, ou même avec des peaux qu'on feroit paffer fur les fleurs dont une prairie eft émaillée, ou fur celles d'un champ de bled noir. îl y a des arbres & des arbufles qui pourroient en fournir beaucoup. On entrevoit donc des moyens de jwrvenir à faire à peu de frais, des récoltes de pouffiéres d'étamines ; au moins ne femble-t-il pas qu'on en dûtdefefpérer.^ voudroisbien qu'on pût autant fe pro- mettre de trouver le moyen de convertir ces étamincs en <:ire. Je n'ai pas fait à beaucoup près toutes les tentatives qui peuvent être faites pour y parvenir; j'en indiquerai quel- ques-unes qui peuvent inviter à en faire beaucoup d'autres. Dans le Mémoire que M. Geoffroy a publié fur la figure de ces pouffiéres, & fur leurs ulàges, par rapport * Mémoires A la fécondatiou des graines des plantes, il dit * : que ces del'Acade- pg^i^ gfûifis ?ie fe dïjjolvent nï dans l'eau , nï dans l'huile Page z 1 6. d'olive , 711 dans l'efprit de icréhentlùne , ni dans l'efprit de vin , pas même à l'aide du feu ; que les trois dernières li- queurs en tirent bien quelque temuire , inais fans changer, ou très-peu , la figure des grains. Il adjoûte un peu après, que quelques-uns ont prétendu que ces grains n'étoient que des particules de cire ou de réfine ; que pour voir ce qui en étoit, il les a fait bouillir dans l'eau où ils ne fe font point fondus. M. Geoffroy croit que ces poufliéres DES Insectes. VIII. Mem. 409 poufTiéres contiennent une matière huiicufe, que celles £.î> lys la laifFent iiir le papier dans lequel on les renferme. Les teintures que l'eau , l'efprit de térébenthine^ l'efprit devin tirent des pouiïicrcs desétamines, &: fur-tout celle qu'en tire l'efprit de vin, quoique légères, me parurent mé- riter d'être examinées; & M. Geoftroy l'eût jugé comme moi, s'il eût eu à confidérer ces poufïiéres dans le point de vue où je devois les regarder, comme étant la matière première de la cire. Dans trois tubes de verre, dont cha- cun avoit intérieurement environ 9 lignes de diamètre, & dont la hauteur étoit de près de 6 pouces , je mis une quan- tité à peu près égale de cire brute que je ne pefai .pas; je me contentai de remarquer qu'elle s'élevoit environ fix lignes au-deflus du fond du vafe. Un des tubes fut rem- pli d'eau, l'autre d'efprit de térébenthine, & letroifiéme le fut d'efprit de vin. La cire brute a été tenue pendant plus de trois mois dans chacune de ces liqueurs; mais la liqueur de chaque tube a été renouvellée plufieurs fois. Dans les premiers jours pourtant , comme on l'imagine affés, l'efprit de vin & l'efprit de térébenthine ont plus extrait de la cire brute que dans tout le refte du temps. Il n'en a pas été tout-à-fait de même de l'eau. Les pouiïières des étaminesont donné à l'eau une cou- leur brune aiïes foncée. Il s'eft bientôt forme fur toute la furface un champignon de moififî'ûre d'une ligne ou deux d'épaifleur. Le premier champignon ayant été ôté, il s'eneftfiit un autre à fa place, & il y en a paru de même cinq de fuite. L'eau avoit auffi une odeur qui tenoit du moifi, & qui étoit plus defagrèable, elle approchoit de celle des plantes pourries. Il femble que ces pouiïîéres qui étoient de petites parties de plantes, auroient dû fè pourrir dans l'eau en un temps moins long que celui pen- dant lequel elles y avoient été tenues. Cependant quand TomeV, . Fff 410 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE j'ai obfervé au raicrofcope de celles que j'ai tirées de def- fous l'eau qui les avoit couvertes pendant plus de trois mois, je leur ai trouvé la figure qu'elles avoient quand elles y avoient été miles, II n'ell pas auiïi fingulicr que celles qui ont demeuré pendant un pareil temps dans l'eP prit de vin & dans celui de térébenthine, ayent confervé de même leur première figure. La quantité que j'avois de chaque liqueur qui avoit agi fur les pouffiéres des étamines , étoit petite ; auffi ne devois- je pas m'attendre que chacune de ces liqueurs après s'être évaporée, me laifferoit une quantité de réfidence folide, bien confidérable. Une cuillier d'argent me parut donc un afles graiîd vaiffeau , &. convenable pour fairel'évaporation. D'abord j'en remplis une de l'eau la plus colorée, & je mis la cuillier lur des charbons allumés. Afin pourtant d'avoir plus de réfidence, je verfois de nouvelle eau colo- rée dans la cuillier avant que l'évaporation de celle qu'elle avoit, fut toute faite. J'eus ainfi la réfidence d'environ trois bonnes cuillerées d'eau. Cette réfidence étoit brune, ôc avoit l'efpéce de ténacité propre à une gomme; en un mot , elle me parut une véritable gomme. Après l'avoir rendue dure & lèche, il me fut aifé de la ramollir n;me j'avois fait évaporer h première, dans une cuillier d'argent; j'eus bientôt une liqueur jaunâtre & trouble qui lentoitia cire. Quand l'évaporation eut étépouilee jufques à ficcité, Fffij 412 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE il refta au fond de ia ciiillier une affés bonne quantité d'une matière jaunâtre, qui , dès qu'elle fut refroidie, eut la con- fiftancede ia cire, & qui, comme la cire, pouvoit repren- dre de la liquidité loffque je la chaufFois. Ayant vu en- lùite que cette matière qui avoit l'bdeurde cire,felaifroit peftrir entre mes doigts, je la crus de véritable cire; mais bientôt je reconnus qu'elle n'étoit pas de la cire pure & parfaite. Je mis dans ma bouche la petite boule que j'en avois fiiteen lapeftriffant, elle s'y fondit, comme s'y fe- roit fondu un grain de cachou , ou comme s'y feroit fondu un morceau de quelque tablette, dont le fucre auroit fait • la bafe : elle avoit aufli un goût fucré. L'odeur de cette matière ne me permettoit pourtant pas de douter qu'elle ne contînt de la cire; mais cette cire étoit mêlée avec une autre matière , & l'efprit de vin les avoit extraites toutes deux en même temps. Elle étoit mêlée avec des fels plus aifés à humeéler que le fucre, c'eft de quoi j'eus bientôt ja preuve. Je fis durcir fur le feu celle qui étoit dans la euillier, au point de réfifter au frottement de l'ongle lorf- qu'elle étoit froide. Cette matière û dure ne fut pas une heure à s'imbiber de l'humidité de l'air. En moins d'une heure fa furface fut affés gluante pour s'attacher au doigt qui la touchoit. Ne pourroit-on pas regarder cette ma- tière comme une efpèce de favon de cireî II paroîtdonc que fi l'efprit de vin tire des poufîiéres des étamines , de la cire , qu'il la tire en petite quantité & mêlée avec des fels qui shumeélent aifément à l'air. L'odeur de la matière que l'efprit de vin avoit extraite de la cire brute, nous prouve décifivement que cette matière contenoit de la €ire, ou au moins le principe auquel la cire doit fon odeur, &par conféquent, qu'un des principes de ia cire cil aéluellement dans les pouffiéres des étamines. Peut- être la cire y eft-elle toute faite, & qu'il ne nous manque DES Insectes. VIII. Mem. 4 1 3 qu'un cliirolvant pour l'en pouvoir extraire ; car nous ne connoifFons point encore de véritable clifTolvant de la cire. L'elprit de vin avoit tiré de nos poufliéres tout ce qu'il eût tiré de la cire qui nous efl; mieux connue pour cire. J'ai cru autrefois que refprit de vin fe chargeoit de toute la fubUance de la cire, de tout ce qui entre dans fa compofition ; mais des expériences auxquelles les pré- cédentes m'ont conduit, m'ont appris le contraire. J'ai mis une chopine de vin fur une demi-livre de cire jaune divifée en lames minces. Au bout de deux jours l'efprit de vin a pris une belle teinture jaune. J'ai fait évaporer de cet elprit de vin dans une cuillier tenue fur quelques charbons allumés, comme j'avois fait évaporer l'efprit de vin chargé de la teinture qu'il avoit prife fur les pouffiércs Aç.% éiamines. J'avois cru que l'efprit de vin qui avoit agi fur de véritable cire, auroit laiffé de la cire au fond delà cuillier, il n'y a laifle qu'une matière, qui avec l'odeur de cire, n'avoit que la confiftance du beurre, & qui pouvoit être diffoute par l'eau. J'ai fait depuis plufieurs expériences plus en grand fur les diffolutions de cire par l'efprit de vin ; mais je me referve à en parler dans un autre ouvrage, de crainte d'allonger encore un article déjà trop long. Je dirai feulement qu'il paroît que la matière que l'efprit de vin extrait de la véritable cire, eft femblable à celle qu'il extrait des poulfiéres des étamines. Je rapporterai pourtant encore une expérience que j'ai faite avec l'efprit de vin tenu fur de véritable cire, mais fur de la cire qui n'avoit jamais été fondue. Je brifai un gâteau de cire, nouvellement conflruit parles abeilles, 6c dans les cellules duquel il n'y avoit jamais eu de miel. Cette cire étoit très-blanche & très-féche. Je la fis entrer par fragments dans un gros tube où je verfai de l'efprit de ^in ; & afin que cette liqueur en tirât plus vite ce qu'il lui Fff iij 414 MEMOIRES POUR l'HisTOIRE étoit poffible d'en tirer, je la fis chauffer & même bouillir pendant plus d'un quart d'heure. L'eiJDrit de vin fut en- fuite verfë dans une cuillier d'argent qui fut pofée fur des charbons allumés. Quand il fe fut évaporé en grande par- tie, quand il ne refîa plus au fond de la cuillier qu'une li- queur auffi épaiffe qu'un firop, je la fenîis, & je ne lui trouvai qu'une légère odeur de cire; je la goûtai enfuite, & je lui trouvai précifément le goût d'un firop de flicrc. Ce firop fut remis fur le feu &. épaiffi à tel point , que lorfqu'il étoit refroidi, il étoit dur & très-dur. Cependant lorfqu'il eut été expoféà l'air, il s'iiumeéla; mais au bout de deux jours il devint graine, & fe rendurcit de nouveau. Il avoit le goût & la dureté du plus beau f ucre. On doit être porté à regarder cette efpécc de f ûcre comme du miel qui étoit reflé dans la cire. Tout ce que nous voulons conclurre de cette expé- rience, c'efl qu'il relie dans la cire vierge des abeilles, dans celle qui n'a pas été fondue, une efpéce de fcl fucrc analogue à celui que l'efprit de vin tire des poufTiéres des étamines. Ce fera un miel fil'on veut. Quoiqu'il en foit, cette obfervation a. fervi à m'cxpliquer un fiit qui m'avoit embarraffé. Il m'ell arrivé quelquefois de tuer de l'eau froide des gâteaux de cire qui s'y étoient fenfiblement ramollis; l'eau cependant ne peut que durcir la cire ordi- naire. Mais je pcnfe à prefent que la cire dç ces gâteaux contenoit de ce fcl , ou ce miel que l'efprit de vin en peut extraire; &. que l'eau qui peut diffoudre ce fel ou ce miel, peut par là amollir le gâteau. Au refle, quoique les principes qui doivent compofer la cire foient certainement contenus dans ics poufTiéres des étamines, ils peuvent n'y être pas aéluellemcnt réunis & combinés, comme ils le font dans !a cire parfaite. Une obfervation de M. Bernard de Julfieu, femble prouver DES Insectes. VIII. Mem. 4 r 5 #ju'iis y font féparés. 11 a étudié au microfcope ics poul- fiércs des étamines d'un grand nombre d'elpéces de Heurs en croix, comme des moutardes, des roquettes, &.c; ii a étudié , dis- je , ces pouiïiéres pendant qu'elles étoient dans l'eau où il les avoit mifes. Il a obrervé que ces petits grains s'y gonfîoient de plus en plus , & cela jufques à fe crever. Dans l'inflant où chaque grain fe crévoit , iLen fortoit m\ jet de liqueur qui nageoit fur l'eau fans fe mêler avec elle, & qui par conféquent, devoit être une liqueur huileufe. , II a répété la même expérience avec le même fuccès fur les pouiïiéres de plantes de plufieurs clafles différentes. • Mais ])our dire le vrai, j'ai été dégoûté de pourfuivre les expériences propres à nous apprendre, s'il efl pofli- ble, de parvenir à tirer de véritable cire de la cire brute, ou de convertir la cire brute en vraye cire, dès que les moyens auxquels les abeilles font obligées d'avoir recours pour cette opération, m'ont été connus, & dès que des calculs & des obfervations m'ont eu prouvé que les abeilles même ne font que très-peu de vraye cire avec beaucoup de ciré brute. J'ai jugé alors que cette opération n'étoit pas auiïi fimple que Swammerdàm & M. Maraldi fembloient l'avoir penfé, & qu'il étoit aiïes naturel de l.a croire. J'ai connu qu'il ne fuffiroit pas aux abeilles de pcftrir la cire brute entre leurs pattes après l'avoir humeélée de quelque liqueur. C'eft dans le corps même des abeilles que la cire brute doit être travaillée; c'efl-là qu'eiï le laboratoire où fe fait la véritable converfion ou extradion. Quelques Au- teurs qui ont parlé des abeilles, l'ont foupçonné, &. je crois être en état de le démontrer inconteftablcment. C'eft dans le fécond eftomach *, & peut-être dans les inteiïins * des * PI- 30.%. abeilles, que la cire brute eft altérée, digérée & convertie ^^.'°' "*^' en véritable cire, ou e'eft-là que la véritable cire en eft ex- */, traite. Or dès qifon fçait le lieu où fe fait cette opération,. 4l6 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE .on eft bien tenté de croire qu'il ne nous efl pas plus aifé de parvenir à faire de vraye cire avec les étamines des fleurs, qu'il nous l'eft de faire du chyle avec les différentes fub- ftances, foit animales, foit végétales, avec fdquelles notre eftomach & nos inteftins en font journellement. Il y a long-temps qu'on a penfé que les abeilles ne vi- voieni pas feulement de miel , qu'elles mangeoient la cire brute. Ce fentiment a été reçu prefque généralement par , ceux qui ont eu beaucoup de ces mouches , dans la vue de profiter des fruits de leurs travaux. Auffi dans divers * pays, comme la Hollande, la Flandre, le Brabant, &c. la cire brute eft appellée le pain des abeilles. Ce mets même a paru digne d'un nom plus noble aux Auteurs de divers traités fur ces mouches; ils ont cru qu'il méritoit celui du mets que les Poètes ont fait fervir fur la table de leurs Dieux. Ils ne l'appellent que l'ambroifie; & pour que les abeilles foient traitées en tout comme ces mêmes Dieux, ils veulent que le miel foit du nedar. Les anciens ont donné d'autres noms à la cire brute, rapportés par Pline, quelques-uns, dit-il, l'appellent erithacé, d'autres lui ont donné le nom àç. fandarac ] ^ d'autres celui de cerhithé. il adjoûte cnfuite que les abeilles s'en nourriffent pen- dant qu'elles travaillent. Le fentiment, au refte, qui veut que les abeilles prennent un aliment folide, pouvoit très- bien être du nombre de tant d'autres fur ces mêmes mouches, qui ont été reçus, &qui fe font perpétués fans affés d'examen. Swammerdam après l'avoir difcuté, a prétendu qu'il étoit contre toute vraifemblance que les abeilles prifTent une nourriture auffi folide que l'eft la cire brute. Il avoit reconnu par plufieurs obfervations qu'elle n'eft qu'un amas de petits grains, le plus fouvent de figure fphérique, & qu'il eft difficile de leur faire perdre. Quel- que petits que foient ces grains, leur diamètre lui a paru furpaffer DES Insectes. VIII. Mem. 417 furpafler beaucoup celui de l'ouverture du bout de la trompe. Il a penfé, ce qui paroît très-vrai, que cette ou- verture, contre l'exiftence de laquelle nous avons rapporté de fortes preuves , ne pouvoit donner palTage qu'à une liqueur. Il a donc cru que (\t^ raifons auxquelles on ne pouvoit oppofer rien de vraifemblable , établilToient qu'il étoit impoffible que les abeilles Te nourrilTent de cire brute. Il eft certain auffi , qu'il feroit impolTible qu'elles la fifTent pafTer par l'ouverture qu'il prétendoit être au bout de leur trompe. Mais il relie encore poffible que les abeilles prennent cet aliment folide, dès qu'il eft prouvé qu'elles ont une bouche. Nous avons fîiit connoître cette bou- che * dans le fixiéme Mémoire, 6c nous avons dit qu'il * PI. ag.fTg étoit très- important de la connoître, fi on vouloit fçavoir ^'"^ '°' l'hiftoire des abeilles. Nous y avons fait voir que Ton ou- verture efl afTés confidcrable pour recevoir les fubflan- ces folides qui doivent être conduites dans l'intérieur de l'abeille. Cette bouche efl placée au bout de la tête à la partie fupérieure de la trompe. Non-feulement nous avons cjéterminé fa pofition, & avons donné une idée de fa grandeur & de fa figure, nous avons appris de plus les moyens qui peuvent mettre en état de la voir quand on le veut; il fuffit donc à préfent qu'on fe rappelle qu'elle efl auiïi bien placée qu'une bouche d'inlè<5le peut l'être, qu'elle fe trouve immédiatement au-delTous des dents, «Se que fon ouverture efl affés confidérable. Ce qui m'a conduit à chercher cette bouche & à la découvrir, c'efl qu'après avoir jugé qu'elle étoit abfblu- ment néceffaire aux abeilles, je les ai vues fouvent dans des oj)érations qui prouvoient inconteftablement qu'elles l'avoienî. Pendant que j'en examinois qui rentroicnt 6c qui fortoient d'une ruche où je les avois nouvellement établies, j'en remarquai une qui arrivoit cliargée de deux Tome V. ' • ^gS 4lB MEMOIRES POUR L'HISTOIRE boules de cire brute ; elle Te pofa un peu à l'écart fur l'appui' de la ruche; elle s'y tint tranquille, & fi tranquille qu'elle ne fut point déterminée à changer de place lorfque, pour l'obferver de plus près, je me mis à genoux, & que j'ap- prochai d'elle une loupe, au travers de laquelle je croyois mieux diftinguer à quoi aboutiffoient des mouvements de tête qu'elle avôit réitérés plufieurs fois. Je vis très-diftinéle- ment qu'il y avoit des moments où elle fe conlournoit au- tant qu'il étoit néceffaire, pour prendre avec les deux dents une petite ponion d'une de fes boules de cire brute. Ellefe redrefToit enfuite,& les dents agifloicni l'une contre l'autre pour broyer la matière qu'elles avoient emportée. D'inf- tant en inftant cette portion de matière fembloit diminuer de volume entre les dents qui la mckhoient, & bientôt elle difparoifFoit totalement. Alors les dents ne tardoient pas. à aller détacher une autre petite portion de la même pe- lote, qu'elles mâchoient comme elles avoient fait la pre- mière. Ces opérations furent rcj)éièes pendant plus d'un demi-quart d'heure, au bout duquel il ne relia rien de la pelote de cire ; elle avoit été entièrement mangée. A mefure que les dents en avoient fuffifamment broyé une * PI. 28.fig. partie, la langue * dont nous avons déterminé ailleurs la ^ViJé'^° figure Si. la pofition, étoit à portée de la faifir, & la fai- fifloit pour la conduire dans la bouche. Si j'avois ignoré que cette bouche étoit au-deffous des dents, tout ce que je viens de rapporter me l'auroit prouvé fuffifamment; car que pouvoit devenir la matière broyée par les dents, fi elle n'entroit pas dans un trou deftiné à la recevoir î' D'ailleurs la trompe, comme trompe, ne contribuoit €n rien à faire difparoître la matière qui avoit été broyée: elle étoit dans l'inaélion la plus parfaite, pliéc & ramenée contre la face poftérieure de la tête, comme elle i'eft dans tous les temps où dk ne doit point agir. DES Insectes. VIIL '^Mem. 419 Ce que j'ai vu faire à la mouche dont je viens de parler, je l'ai vu faire à beaucoup d'autres mouches que d'autres circonftances favorables m'ont permis d'obferver à mon aife. Mais il efl plus ordinaire que i'abeiile entre dans la ruche chargée de fes deux pelotes de cire brute. Elle marche fur les gâteaux en battant des aîics ; lorf- qu'elle s'arrête quelque part,lorfqu'eile fe fixe, elle ne cefïe pas pour cela d'agiter {çs aîles. Elle femble par ces mouve- ments, & le bruit qu'ils produifent, inviter fes compagnes à la venir trouver. On en voit bientôt trois ou quatre qui s'arrangent autour d'elle, & qui travaillent officieufemcnt à la décharger de fes fardeaux. Ce que nous venons de dire, apprend affés à quoi tendent les bons ofiices qu'elles lui rendent. Chacune prend entre ^gs dents fa petite por- tion d'une des pelotes. Après l'avoir prife, elle ne tarde guéres à en venir reprendre une féconde, & même une troifiéme fois, fi d'autres abeilles ne fe font pas préfen- téespour en avoir leur part. En un mot, les deux pelotes qui chargent les jambes poftérieures de l'abeille , font fou- vent bientôt enlevées & mangées par fes compagnes, & cela, fur-tout dans les temps du fort du travail, dans les temps où les mouches font preflees de meubler de gâteaux, un logement où elles font nouvellement établies. Enfin , fi on veut encore avoir une autre démon ftration •pour fe convaincre que les abeilles ne fe contentent pas de mâcher la cire brute, on la trouvera dans leur intérieur. Qu'on ouvre leur eftomach <5c leurs inteftins, on les verra fouvent remplis de cette matière ; les grains y auront fou- vent leur première figure, & fi on les confidére au mi- crol(:ope, ils y paroîtront tels qu'y paroiffent lespouflléres des étamines. Dans les ruches bien fournies de gâteaux de cire, que ies abeilles ne font pas preflees d'aggrandir, & lorfque la Ggg'j 420 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE récolte de cire brute, eft fi facile & fi abondante qu'il en vient plus à la ruche qu'il n'y en peut être confumé, la mouche qui arrive avec les deux pelotes de cette matière, attendroit long- temps avant que de trouver dçs com^ pagnes qui vinflent les lui ôter. Toutes en font gorgées: celle qui en rapporte, s'en efl auifi apparemment rafTafiée à la campagne , mais elle n'a garde de laiiTer perdre le fruit de Ibn travail. 11 vient des temps où il y a difette de poufliércs d'étamines ; & même dans les faifons les plus favorables , il y a des jours fâcheux où les mouches ne peuvent aller ramaffcr celles dont les fleurs font char- gées. II leur convieiît d'avoir pour de pareils temps, de la cire brute en provifion. Juiqu'ici nous n'avons parlé que de deux ufages des alvéoles ; nous avons feulement dit, que les uns fervent à loger les vers qui doivent deve- nir des mouches, & que ks autres fervent à contenir le miel. Nous devons dire à préfent, que d'autres alvéoles font employés à un troifiéme ufage, à conferver la cire brute qui eft mife en refervc. La mouche qui arrive char- gée de deux lentilles de cette matière, dont fes compagnes n'ont pas aéluellcment befoin , s'accroche avec fes deux jambes antérieures contre le bord d'une cellule vuide, ou, plus exacflement, d'une cellule dans laquelle il n'y a ni ver ni miel. Elle y fait entrer enfuite fes deux jambes poftérieu- res, celles qui font chargées des deux petites boules ; & c'eft pour aider Ces jambes à y entrer, qu'elle recourbe un peu îbn corps en deflous, qu'elle le rapproche de fa tête. Alors avec le bout de chacune de fes jambes du milieu, elle pouffe vers le dedans de l'alvéole la lentille ou pelote de cire brute de chacune de fes grandes jambes. Les deux lentilles font détachées dans i'inftant, & tombent dans l'alvéole. Souvent dès que l'abeille s'efl défaite de fes petits far- deaux,.elle part, foit pour aller fur le champ s'occuper d'uïi DES Insectes. VIII. Mem. 42 1 nouveau travail, Ibit pour fe joindre aux mouches qui, par un repos néceflaire & mérité , fe préparent des forces. Mais à peine les deux lentilles font-elles tombées dans une cellufce, qu'une autre mouche entre dans cette même cellule la tête la première ; elle y refte quelquefois pendant un temps afTés confidérable. On ne voit pas ce qu'elle y fait; mais quand elle en eft fortie, il efl aifé de juger de ce qu'elle y a fait. Les deux lentilles font alors réunies dans une même mafîe qui a été poufTce jufqu'au fond de la cellule, qui y a été preffée,6c dont la furface a été appla- iiie de manière à être rendue parallèle à l'ouverture de l'alvéole. Dès qu'il y a une fois deux pelotes de cire brute dans une cellule, il efl décidé qu'elle doit être un petit magafiii deftiné à être rempli de pareille matière. Jufques à ce qu'elle le foit, des abeilles viennent les unes après les au- tres s'y décharger de leur récolte de cire brute , que d'au- tres mouches j^clh-iffent, preffent & arrangent. Quelquefois la mouche même qui a apporté les deux pelotes, prend elle-même tous ces foins. Chaque mouche paroît employer plus de temps qu'on ne croiroit qu'elle en devroit employer à arranger &; à empiler deux petites pelotes de cire brute ; car tout ce travail femble fe réduire à étendre, à appliquer le peu de matière qu'elles contiennent, comme il convient qu'elle le foit , fur celle qui eit déjà pofée dans la cellule. Mais c'efl que ta mouche ne fe contente pas de les placer com- me elles le doivent être; avec {t% dents elle les peftrit & ies hume(fle en même temps, elle les imbibe d'une liqueur qui ne paroît être autre chofe que du miel. Si on tire d'une cellule de la cire brute qui vient d'y être mife, elle efl vifiblement plus humide, plus liée, elle a plus de corps que n'en a la cire brute qu'on a ôtée à une des Ggg.iij, 422 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE jambes d'une abeille ; & fi on la goûte, on lui trouve un goût de miel qui fait aiTcs connoître la nature delà iir^ueur qui a été employée pour lui donner de la liaifon. Or. pour- roit croire que la liqueur dont la cire brute eft imbibée, aide à la faire digérer, à la préparer à devenir de vraye cire; mais quand je fuis venu à examiner de celle qui avoit demeuré dans cette prétendue digeftion pendant plus de fix à fept mois , je ne lui ai pas plus trouvé les qualités de la vraye cire, que je les ai trouvées aux pelotes dont j'avois dé- pouillé les abeilles qui arrivoient à leur ruche. Je ne crois pourtant pas que ce foit fans aucune raifon d'utilité que les abeilles imbibent de miel celles qu'elles veulent garder. J'y en vois même une; le miel eft auffi propre qu'aucune matière, à empêcher la corruption des corps qu'il couvre, je conçois donc que les pouffiéresd'étamines bien enduites de miel , en font moins expofées à fermenter, & moins en rifque de moifir, ou peut-être de fe trop deflecher. Au refte, on trouve dans les ruches plufieurs gâteaux; dont d'affés grandes portions n'ont que des cellules rem- plies de cette cire brute. On trouve auffi des cellules ifo- îées qui en font pleines. On en voit quelques-unes dif- perfées entre des cellules pleines de miel , ou entre des cel- lules dont chacune contient un ver. Les abeilles aiment apparemment à en trouver à jïortée dans le befoin. Il a été afles prouvé par tout ce que nous avons rap- porté ci-devant, que les abeilles mangent la cire brute; mais il ne l'eft pas encore, que c'eft dans leur eftomach & dans leurs inteftins qu'elle devient de véritable cire. Elle pourroit n'y être portée que comme aliment, & n'en fortir que fous la forme d'un excrément inutile. Elles rejettent aufiî par leur anus les fceces de celle dont les fucs ont été extraits pour leur nourriture, ôc apparemment auffi les fœces de celle qui a été convertie en vraye cire ; mais la DES Insectes. VIII. 'Mem. 423 même ouverture qui lui a donné entrée loriqu'eile étoit brute, efl celle par laquelle elle fort propre à être mife en œuvre. C eft ce que mes ruches vitrées m'ont mis en état de voir, &ce qui n'a pu être oblcrvé par Swammerdam , qui ne connoiflbit pas ces lortes de ruches , ni par M. Maraldi qui n'en avoit point à fa difpofition de conftrui- tes aufli favorablement pour un obièrvateur, que le font lesmiennes. J'ai été attentif à faifir les temps où des abeilles travailloient à faire des alvéoles qui touchoient le verre de quelqu'un des carreaux , ou qui en conftruifoient de très-proches du verre. Muni alors d'une loupe, & cher- chant à obferver quelque abeille occupée au travail dans le temps où il fe fiifoit moins tumultuairement, dans des inftants où le carreau de verre qui me permettoit de voir {'abeille, empêchoit qu'elle ne me fût cachée par d'autres mouches qui nepouvoient pas fe placer entr'elle & le car- reau ; alors, dis-je, j'ai vu que l'abeille qui bâtifToit une portion, foit du fond, foit d'un des pans d'un alvéole, ne fe contentoit pas de faire agir fes deux dents l'une contre l'autre, ou plutôt contre la petite lame qui étoit entr'elles deux : elle me montroit au-deffous des dents une autre partie charnue & blancheâtre qui étoit dans un mouvement continuel & extrêmement vif; qui étoit dar- dée en avant & retirée en arriére, comme l'efl fouvent la langue d'un ferpent ou celle d'un lézard. Cette partie étoit auffi la langue de la mouche. C'cft pour l'avoir vue ainfi en aélion , que j'ai cherché à la trouver , & que je l'ai trou- vée aux mouches que j'ai prifes; & cela,, toutes les fois que je l'ai voulu. La figure de cette langue de l'abeille en travail, va- rioit continuellement. Elle étoit tantôt plus aigûe, tantôt plus large, & plus applatie, & tantôt concave & plus ou< moins. Elle étoit quelquefois cachée en partie par une 424 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE liqueur moufreufe, 6c quelquefois par une efpéce de bouil- lie. Cette bouillie étoit la cire que la langue aidoit par Tes divers mouvements, à foriir de !a bouche , qu'elle condui- foitdans la place où elledevoit être miie pour que les dents la façonnaiïent. Après. que l'abeille avoit fourni ce qu'elle pouvoit donner de cette matière, ce qui étoit fait en ]x;u d'inftants, elle partoit, & c'eH à regret que je la voyois partir, fur-tout lorfque celle qui venoit fur le champ j)ren- dre fa place ne fe mettoit pas dans une pofition où il me fût aufîi aifé d'obferver ce qui fe paffoit auprès des dents. C'efl; donc avec une efpéce de pâte humide que les abeilles dégorgent, qu'elles compofent leurs cellules; dès que cette pâte efl féche , & elle l'eft dans un inftant , elle efl de la cire telle que notre cire ordinaire. Quand on n'auroit pas vu auffi diftincflement que je l'ai vûplufieurs fois, cette pâte fortirde la bouche de l'a- beille, & pouffée par fa langue, on auroit dû juger que la matière dont les cellules font faites, étoit fournie par la bouche de la mouche. On a pu voir agir les dents de différentes abeilles occupées à bâtir, &. on a pu remar- quer que ces dents n'alloient prendre de la cire fur aucune partie du corps; que les jambes n'en avoient point alors. A la vérité, M.Maraldi a penfé que chacune de ces abeilles qui avoient part au travail fucceiïîvement, arrivoit avec une petite portion de cire qu'elle tenoit entre fes dents. Alais M. Alaraldi avoue de bonne foi que tout fe palfe avec tant de mouvements variés & précipités dans la conftruc- tion des cellules, qu'on croit que tout eften confufion. II y a donc apparence, qu'il n'a donné à chaque mouche un grain de cire entre les dents, que parce qu'il a cru néceffaire qu'elles l'eulTent, ou parce qu'il a pris la cire qui étoit em- portée par des mouches qui avoient été occupées à polir, pour de la cire dont les mouches forment les cellules. Les DES Insectes. VIII. Mem. 425 Les raclures , les coupeaux de cire qui viennent d'être détachés d'une cellule nouvellement conflruite, peuvent probablement fervir à former une partie d'une autre cellule; & j'ai cru voir des abeilles occupées à les mettre en œuvre. Mais il me paroît certain qu'elles ne fçavent employer que la cire nouvelle, que celle qui, depuis qu'elle eft cire, 6c qu'elle a paru au jour, n'a pas eu le temps de fécher par- faitement. Voici les faits qui me femblent décififs fur cela. Dans tous les temps de l'année, excepté celui où les abeilles font engourdies par le froid, fi on leur offre du miel , elles vont le fuccer avec avidité. Elles aiment mieux profiter de celui qu'elles trouvent tout ramaffé , & en grande quan- tité, que d'aller en chercher qui eft difperfé dans les fleurs par gouttes infiniment petites. Mais li on leur offre f\^t% gâteaux de cire, même dans les temps où elles ne trou- vent pas à faire de récolte de pouffiéres d'étamines , elles n'en tiennent aucun compte. Elles les haciient quelque- fois , mais ce n'efl qu'autant qu'ils font un peu hume(flés d'un miel dont elles veulent profiter. Jamais elles ne s'avi- fent de porter la cire de ces gâteaux dans leur ruche. J'ai laiffé ^^^ gâteaux bien dépourvus de miel pendant près de cinq à fix mois tout auprès de mes ruches, fans que Jes abeilles les ayent endommagés. Nous ramolliffons par la chaleur la cire que nous voulons mettre en œuvre : cette manière de la rendre proj)re à être façonnée , ne convenoit pas aux abeilles. Elles pourroient néantmoins faire prendre à l'air des environs de l'endroit où elles travaillent une chaleur capable de rendre la cire extrêmement molle; mais cette chaleur favorable aux petites parties de cire qu'elles vou- droient employer à former une nouvelle cellule , feroit contraire aux cellules déjà faites & voifines. Ces dernières, devenues trop flexibles, ne réfifteroient pas au poids & aux Tome V. . Hhh 4.26 Mémoires pour l'Histoire mouvements des mouches qui pafTent alors tlellus en très- grand nombre. Les gâteaux pleins de iniel chargeroient trop leurs attaches ramollies; celles-ci fe briièroient. La ciie que Tabeille met en œuvre, doit donc être rendue molle par un fecret à nous inconnu, par une liquemqui la détrempe ; être à peu près dans l'état de la foye qui eft prête à fortir du corps d'un infede, qui alors n'efl qu'une ■ €(]iéce de gomme difToute, & qui expofée à l'air fe defle- che bien vite, & ne craint plus i'aélion des liqueurs ordi- naires. Mais il faut prouver par des obfervations plus aifées à faire que les précédentes, que la cire brute eft convertie en vraye cire dans l'intérieur des abeilles, par des obfer- vations qui ne demandent pas qu'on ait des abeilles logées dans des ruches tranfparentes, telles que les miennes, ni qu'on faififfe des moments rares pour étudier avec fuccès ces mouches la loupe à la main. Dans la faifon des efTaims , û on fe trouve à portée d'en examiner un qui s'eft attaché contre quelque arbre, on pourra remarquer qu'entre les mouches dont il eft compofé, il y en a très -peu qui ayent à leurs deux jambes poftérieures, des pelotes de cire brute. Celles-là feules en ont qui revenoient char- gées de la campagne dans le temps qu'eft partie la troupe à laquelle elles fe font jointes. Cependant û on a laifl^é i'eftaim pendant quelques heures en repos , lorfqu'on le fait pafler dans une ruche, on trouve fouvent un petit gâteau de cire attaché à l'arbre, Si. qui étoit caché par les mouches qui l'ont conftruit. Oii auroient-elles pris fa cire dont elles l'ont fait , fi elles ne f avoient pas tirée de leur intérieur î On verra des gâteaux qui ne peuvent avoir été faits que d'une cire fortie du corps des abeilles, fi on oblige celles d'une ruche à pafler dans une autre ruche, &. fi on ks y DES Insectes. VITï. Mem. j^iy oblige dès le matin, avant qu'aucune ait encore fongé à aller à la campagne. Alors ayant toutes été forcées de déménager brulquement, elles n'emportent point de cire brute à leurs jambes, ni fur aucun^ de leurs parties exté- rieures. Cependant fi elles fe trouvent bien de leur nou- veau logement, quoiqu'on ne les en ait pas vu fortir, dès le foir même , on y trouvera des gâteaux de cire. Avant que je fçuffe où eft le laboratoire où fe fait la cire, où eft le refervoir de celle que l'abeille employé, )m été quelquefois très- inquiet pour des mouches que j'avois fait changer de d||^ure, & que je voyois aller à la campagne, &: en revenir fans apporter des pelotes de cire brute. J'étois enfuite étonné au bout d'un jour ou deux, de voir de très-grands gâteaux de cire faits par ces mou- ches , que je croyois dans une habitation qui leur déplai- foit. Ordinairement elles cachent elles-mêmes, elles cou- vrent de toutes parts les premiers gâteaux qu'elles conftrui- fent. Je croyois que des mouches auxquelles je n'avois vu rapporter aucune pelote, étoient dans une parfaite inac- tion. Je ne fçavois pas qu'elles pouvoient avoir fait paffer dans un de leurs eftomacs & leurs inteftins la cire brute avec laquelle elles revenoient à la ruche, ou y avoir eu une provifion de cette cire lorfque je les avois délogées. On a une preuve encore de l'altération confidérable que les abeilles doivent produire dans la cire brute, & d'une altération qui ne peut guéres être l'ouvrage d'un infiant, iorfqu'on a examiné les petites boules qu'elles rapportent à leur ruche. Les boules des unes font d'une couleur très- pâle, prefque blanches ; celles des autres font jaunâtres, & communément elles font d'un beau jaune ; d'autres font d'une couleur orangée , d'autres rougeâtres , on d'autres prefque rouges ; j'en ai vu de vertes. On trouve auffi des couches de cire brute de ces différentes couleurs, dans \es Hhhi; 428 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE cellules où cette matière eft mife en referve. CependanE les gâteaux faits de ces cires brutes différemment colorées, ont tous la même couleur. Tout gâteau nouvellement fait, eft blanc. Ils différent feulement entr'eux par plus ou moins de blancheur. Jai vu quelquefois que le blanc des gâteaux nouvellement conftruits, ne le cedoit en rien à celui des plus belles bougies , auprès defquelles je les avois pofés. Entre les gâteaux nouvellement faits, ceux qui m'ont paru les moins blancs, pouvoient être com- parés à la mauvaife bougie blanche, ou à celle qui, poiif avoir été trop gardée, a jauni^jjfPes gâteaux qui font for- tis fi blancs des mains des ouvrières , j)erdent peu à peu de leur éclat, en vieilliffant ils jauniffent ; les plus vieux deviennent d'un brun qui approche du noir de la fuye. Le miel qu'ils contiennent, qui lui-même jaunit avec le temps , contribue à altérer leur couleur ; mais elle peut être encore plus altérée par les vers qui prennent leur ac- croiffement dans les cellules de ces gâteaux. On peut s'af- fûrer par un moyen qu'il n'eft pas temps de rapporter, que les cellules qui font les plus noires ont fervi de loge- ment àplufieurs vers, qui les uns après les autres, y ibnt nés , 6c y ont crû jufqu'à ce qu'ils fe foient transformés en mouches. Enfin, on imaginera aifément que les va- peurs qui tranfpirent du corps des abeilles, peuvent altérer ia couleur de la cire , dès qu'on fçait que i'air même d'une chambre eft capable de faire jaunir avec le temps la bougie la plus blanche. L'art de blanchir la cire ne paroît donc être que celui de lui enlever la matière étrangère qui l'a pénétrée & co- lorée depuis qu'elle a été faite par les abeilles. Mais toutes les abeilles ne font pas de la cire également blanche. Je n'héfiterois pas à croire que cette difiérence vient unique- ment de ce que les unes n'ont pas employé despoulTiéres DES Insectes. VIII. Mem. 429 d'étamines auiïi propres à être dépouillées de leurs cou- leurs, que le l'ont les pouffiéres qui ont été ramafTéespar d'autres, fi je n'avois oblërvé que dans le même temps <& le même lieu , les abeilles de certaines ruches ont fait des gâteaux qui , comparés à ceux qui ont été faits par d'autres abeilles dans d'autres ruches , n'étoient que ce qu'eft la bougie devenue jaune à l'air par rapport à la bougie la plus blanche. On peut foupçonner que la matière propre à devenir cire, n'ell pas également bien blanchie dans l'intérieur des abeilles de toutes les ruches. Comme celles d'une même ruche doivent toutes leur naiflance à une même mère, il ne feroit pas furprenant qu'elles eufTent toutes la même imperfeélion dans la conformation de leurs eflomacs & de leurs intellins. On fçait, & on ne fçait que trop dans les blanchifferies , qu'il y a des cires qu'on ne peut rendre d'un beau blanc. C'efl probablement qu'on ne peut rendre la cire plus blanche qu'elle l'étoit , lorfqu'elle eft fortie de deflous les dents des abeilles; on ne fait que lui ôter les matières qui l'ont teinte depuis, <5c tout notre art ne peut aller plus loin. Les abeilles ne paroiffent pas recueillir par préférence les pouffiéres d'étamines d'une couleur à celles qui en ont d'autres. Elles ramaffent celles qu'elles trouvent plus aifé- ment. 11 y a des temps où on leur voit à toutes des pelotes jaunes, & d'autres où on ne leur en voit que deprelque rouges; ce qui dépend des fleurs qui fe trouvent dans les endroits où elles vont faire leur récolte. Mais quelle que foit la couleur de ces pelotes , elles la perdent pendant qu'elles font macérées & digérées dans l'eftomac de l'abeille. Si on ouvre le ventre de quelques-unes de ces mouches dans le temps où elles font dans le fort du travail , on trouve le fécond eftomac & les inteftins remplis de ces pouiïléres, qui y font aifées à reçonnoître> comme nous l'avons dit, Hhhiij 430 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE êc qui , au moyen de la liqueur avec laquelle elles font mê- lées, y compofent une bouillie jaune ou jaunâtre. Il eft aifé de prendre de cette bouillie , de la fécher entre fes doigts, & d'en former une lentille affés femblable à celles qu'on voit aux jambes poflérieures des mouches. Si on approche de fon nez la nouvelle lentille, ou encore mieux la bouillie, on eft faifi par une odeur defagréable Se péné- trante, qui apprend aiïes qu'elle eft une matière en fer- mentation , & dont la digeftion fe fait. Cette odeur qui , quoique plus defagréable que celle des efprits volatils, peut lui être comparée, m'a engagé à éprouver quelle altération feroit produite dans la cire brute que je laifTerois en digeftion dans une bouteille bien fer- mée , & où elle feroit mêlée avec un eiprit volatil qui la furnageroit. La cire brute s'y eft ramollie, & y eft devenue plus peftriflable ; mais elle n'eft point.devenue fuhble com- me l'eft la cire. Il en eft cependant des eftomacs des abeilles, comme du nôtre; ils ne digèrent pas toujours tout ce qui leur a été donné à digérer. Lorfque l'abeille fait fortir par fa bouche la liqueur moulfeufe, qui eft de la cire délayée, pour ainfidire, des grains d'étamines qui n'ont pas fouf- fert affés d'altération dans i'eftomac , peuvent être portés avec cette liqueur. Quand on examine à la loupe les caffures de la cire , telle que nous l'employons , de celle qui a été fondue , on y peut fouvent découvrir de petits grains qui ont confervé leur figure arrondie, qui ne fè font pas fondus, & qui ne font pas fufibles. Ces petits grains ne font apparemment autre chofe que des grains de pouffiéres d'étamines , qui fans avoir été digérés , font fortis avec la liqueur cireufe par Ja bouche de l'a- beille. On feroit fur la voye de trouver un moyen fimple de DES Insectes. VIIL Mem. 43 1 convertir la cire brute en véritable , fi on n'attribiioit pas m à quelque Jiazard des produits qu'ont donné deux expé- ^ riences rapportées dans les Epbémérides des curieux de la Nature *. M. Daniel Major y apprend ce qui * Premier lui efl arrivé pendant qu'il faifoit piler des rofes à cent J^^""n>>"p^ r II 7-11,- AN I ann.S.obf.y^ reunies pour en compoier de la conierve. Apres que les fag. 7, feuilles eurent été pilécs dans un mortier de pierre avec un pilon de bois, on trouva un petit morceau de cire blanche du poids de deux à trois grains, attaché au pilon ; il croit qu'on. ne peut ioupçonner que la cire vînt d'ailleurs que des rofes , parce que le mortier & le pilon avoient été bien nettoyés. Il adjoûte que ce fait lui efl encore arrivé une autre fois , & qu'il fut remarqué par un étudiant qui piloit \t% rôles. S'il étoit bien certain que cette cire n'eût pas été mife toute faite dans le mortier par quelque accident , s'il étoit bien certain qu'elle fe fût formée fous \t% coups de pilon , il paroîtroit que le fuc des feuilles de rofes auroit transformé en cire les pouiïiéres à&?, étamines de ces fleurs, pendant qu'elles étoient broyées par les coups de pilon. Cette expérience efl fimple, je l'ai faite. J'ai pilé huit à dix pelotes de cire brute avec des feuilles de rofes; mais les pelotes ne font point devenues pour cela de véri- table cire. Quoique quantité d'abeilles foient occupées dans l'in- térieur de chaque ruche à mettre la cire en œuvre , & à perfecflionner les cellules qui en font faites , quoique beau- coup d'autres travaillent à divers autres ouvrages, & quoi- qu'il y en ait beaucoup à la campagne pour y faire des ré- coltes , le nombre de celles qui font en repos, efl encore très-grand dans chaque ruche, & beaucoup plus grand que le nombre de toutes les autres prifes enfemble. On y voit des mafTesd'un volume confidérable, formées par plufieurs milliers de mouches accrochées les unes aux autres. Celles ^32 MEMOIRES POUR l'HiSTOîRE qui font fi tranquilles, pendant que d'autres le domicnt tant de peine & de foins , jouiiïent apparemment d'un repos qu'elles ont mérité par le travail. Elles reprennent des forces pour être en état d'agir , iorfque les abeilles adueliement employées à des exercices fatiguants , au- ront befoin de fe repofer. Il eft plus naturel de penfer qu'elles partagent ainfi leur travail par des intervalles de repos, peut-être affés courts, que de croire, comme j'ai connu des gens qui le penfoient après les avoir obfer- vées, qu'elles avoient alternativement des jours ouvriers, pour ainfi dire, &. des jours de fête; que celles qui avoient travaillé un jour, ne travailloient pas le jour fuivant ; ou au moins , que les mêmes abeilles ne fortoient pas tous les jours de la ruche. Ce fentiment qui n'efl appuyé fur aucune preuve, ne feroit vrailëmblable qu'en cas que le nombre des abeilles qui fortent chaque jour d'une ruche , ne fût pas égal à celui des abeilles qu'elle contient; car s'il lui eft égal, ou plus grand , iUft plus naturel de penfer que l'abeille qui eft reve- sîue chargée de la campagne, fe repofe pendant un certain temps , que de croire qu'elle continue de fe donner les mê- mes fatigues pendant tout le jour. Il m'a donc femblé que pour décider cette queftion , il falloit fçavoir quel eft à peu près le rapport du nombre des abeilles qui fortent de la ruche dans chaque jour propre au travail , avec le nombre des abeilles de la ruche. Au lieu de compter le nombre de celles qui en fortent , j'ai compté le aombre de celles qui y rentrent, ce qui revient au même, & qui eft plus facile. J'ai,dis-je, compté à différentes heures du jour les abeilles qui rentroient dans leur ruche pendant un certain nombre deminutesj&j'ai compté celles qui rentroient dans diffé- rentes ruches plus ou moins peuplées. Il y a eu des ruches où j'ai vu rentrer environ cent mouches par minute, tantôt plu.s DES Insectes. VIII. Mem. 43 5 plus cependant ik tantôt moins , de lortc que je crois pouvoir prendre ce nombre pour un nombre moyen. II y avoit donc par heure fix mille abeilles qui rentroient dans la ruclie dont je parle. Or on ])eut luppofer que l'afîlucncc avoit été la même depuis cinq iieurcs du matin juiques à fept heures du loir, & en cela je ne crois ])as qu'on Ilippofe trop , parce que s'il y avoit àes heures où elle avoit été moindre , elle avoit été plus grande dans d'autres. D'ailleurs, les abeilles fortent quelquefois dès quatre heures du matin , & ne cefTent de iortir que vers les huit heures du foir; mais au lieu de compter celles qui leroient rentrées pendant feize heures, nous nous contentons de compter celles qui feroient rentrées pen- dant quatorze heures ; leur nombre eft quatorze fois 6000 , ou 8^000. Le nombre exaél dçs abeilles qui habitoient la ruche dont il s'agit, m'étoit inconnu; mais j'ai fait afïés d'oblêr- vations fur celui des abeilles de diflérentes ruches, pour avoir lieu de croire que je ne me tromperai pas beaucoup fur l'évaluation que j'ai fiite du nombre de celles de cette ruche. J'ai eflimé qu'il pouvoit être d'environ 1 8000 mou- ches. Ainfi le nombre des 8.^.000 qui étoient rentrées j lî'avoit pu être rempli qu'en fuppolànt que chaque abeille étoitau moins fortie quatre fois dans la journée pour aller faire àçs récoltes à la campagne, & que quelques-unes étoient fortics cinq fois. J'ai compté les mouches qui rentroient dans des ruches fi peu peuplées que j'aurois cru être fur de gagner, fi j'euffe parié qu'elles ne contenoient pas 6000 abeilles. Cependant j'ai eftimé à 50 le nombre de celles que j'y voyois rentrer par minute, ou à 3000 par heure. Chacune de celles-ci fortoit donc au moins deux fois par jour de plus que chacune des autres , environ ièpt fois. Enfin, nous venons de voir à combien fl'autres Tome V. . I i i 434- MEMOIRES POUR l'Histoire ouvrages quantité d'abeilles font occupées pendant tout le jour dans la ruche ; &. nous en devons conciurre que ù le nombre de celles qui font en repos , eft grand , il n'ell pas compofé pendant long-temps des mêmes mouches; qu'à mefure qu'il y en a quelques-unes qui fe joignent au gros pour fe tenir tranquilles, il y en a d'autres qui en partent pour reprendre le travail. Le calcul que nous venons de rapporter, conduit à en faire un autre, qui feui eût fuffi pour prouver que les abeilles ne mettent pas en œuvre la cire brute telle qu'elles la rapportent, qu'elles la mangent; 6c qui apprend de plus, qu'il n'y a qu'une très-petite partie de celle qu'elles ont digérée, qui foit convertie en cire propre à être em- ployée à la conftruélion des cellules. Dans le Printemps,, il y a des jours où du matin au foir on ne voit rentrer que des abeilles chargées de deux pelotes de cire brute, &. où au moins le nombre de celles qui y reviennent char- gées des deux pelotes, eft beaucoup plus confidérable que le nombre de celles qui reviennent à vuide. Suppofons néantmoins le nombre de ces dernières égal à celui des autres. Dans une ruche telle que la première des deux dont nous avons parlé ci-deflus, dans celle où 84.000 abeilles rentrent par jour , elles y apportent donc 84000 pelotes dans une journée , & cela , dans la fuppofition qu'il n'y a que la moitié des abeilles qui y en rapportent. Quelque petite & quelque légère que foit chaque pelote, toutes enfemble doivent faire un poids affes confidérable par rapport à la quantité des matières contenues dans une ruche. Pour fçavoir à peu près à quoi il pouvoit aller, j'ai pefé avec foin, ôc cela à différentes fois, les pelotes de cire brute que j'avois enlevées à des abeilles avant qu'elles eufTent eu le temps de s'en décharger dans la ruche, ôc j'ai trouvé que huit pelotes pefoient un grain. Endivifant DES Insectes. VIII. Mem. 455. 84000 par huit , on a donc le poids des grains de cire brute qui étoient apportés dans une journée dans l'inté- rieur de la ruche dont nous parlons. Ce poids eft de 10500 grains, & la livre n'ed compoféeque de 9216 grains. Ainfi la récolte de cire brute faite dans une feule journée pelbit plus d'une livre. Or il y a dans une année plufieurs jours d'une auffi grande récolte. Il y en a fouvcnt quinze à feize de fuite, foit vers la mi-May , foit vers le commen- cement de Juin ; enfin, dans les jours moins favorables, les abeilles ne laiHTent pas de rapporter encore de la cire brute dans la ruche. Pendant feptàhuitmois coniccutifs que les abeilles fortent, elles doivent ramaffer plus de cent livres de cette matière, & peut-être beaucoup plus. Cependant , fi on tire au bout d'une année la cire d'une ruche femblable à celle dont il eft queftion, on n'y en trouvera peut-être pas deux livres. D'où il fuit que les abeilles n'extraient de la cire brute qu'une afTés petite por- tion de véritable cire; que la plus grande partie de cette matière fert à les nourrir, & que le refte fort de leur corps fous la forme d'excréments. Dans quelques années j'ai vu les abeilles de plufieurs ruches en panier, revenir pour la plupart chargées de cire brute du matin au foir; & cela , pendant la fin d'Avril, & une bonne partie du mois de Mai. Quand après plufieurs ièmaines d'une fi grande récolte , je faifois renverfer ces ruches pour en examiner l'intérieur, je n'y pouvois dé- couvrir ni gâteaux nouvellement conftruits, ni des gâteaux allongés ou éf^rgis. Qu'avoient-elles donc fait de toute la cire brute qu'elles avoient ramafiféeî Elles pouvoient en avoir mis une portion en referve dans les cellules ; mais il eft évident qu'elles en avoient mangé la plus grande partie. ^ Il eiî à remarquer que les faux-bourdons, qui ne travaillent li i i; ^36 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE point aux ouvniges de cire , ne prennent pour toute nourri- ture que du miel, du moins dans bien des centaines de cts • greffes mouches que j'ai ouvertes, n'en ai- je jamais trouvé une qui eût dans le canal des aliments de la cire brute. Outre les befoins qui exigent que les abeilles foffent des récoltes de cire brute, elles en ont d'autres qui les engagent à s'aller charger d'une autre matière. Leur ha- bitation ne doit avoir que les ouvertures qui y tiennent lieu de portes. Par-tout ailleurs elle doit être très-clofe. Nos mouches ont à craindre que les infeéles qui en veu- lent à leur miel, que ceux qui en veulent à leur cire, & que ceux tjui leur en veulent à elles-mêmes , ne trouvent en différents endroits du corps delà ruche, des ouvertures par où ils puiffent s'y introduire. Il eftplus facile aux abeilles de s'oppofer aux incurfions de leurs ennemis, quand elles n'ont qu'une porte ou peu de portes à garder. Enfin , les entrées ne doivent pas être feulement bouchées aux in- feéîes, elles le doivent être à la pluye ôc à l'air. Il importe fur- tout aux abeilles d'être logées bien chaudement , com- me nous le prouverons dans le dernier Mémoire de ce volume. Auffi , un de leurs premiers foins , lorfqu'elies font nouvellement établies dans une ruche, eft de boucher toutes les ouvertures, toutes les fentes qui s'y peuvent trouver, & elles veulent qu'elles foient folidement bou- chées. Celles que j'ai mifes dans des ruches vitrées, dont ks bords des carreaux étoient, comme ceux des carreaux de nos fenêtres, recouverts de bandes de papier, & cela, du côté de l'intérieur de la ruche, ces abeilles, dis- je , n'ont pas manqué de ronger ce ])apier. En le rongeant , elles mettoient pourtant à découvert les ouvertures qui fe trou- voient entre le bois ôc le verre; mais c'efl: qu'elles fe pro- pofoient d'y appliquer une matière moins pcnétrable à. feau, que celle qu'elles avoient ôtée. DES Insectes. VIII. Mem. 437 Il femble que les abeilles pourroicm faire iilhge de la cire pour rendre leurs ruches très-clofes; mais il leur a été enfeignc de le fervir d'une autre matière qui, fans doute, y eft plus propre, qui s ctend <& s'attache mieux, & qui a beaucoup plus de ténacité. La matière dont nous voulons parler, n'a pas été inconnue aux Anciens. Pline même en diflingue de trois fortes différentes, dont la première qu'il regarde comme le fondement de tout le travail des abeilles, cft appellée metys , la féconde pijfocewii , & la troifiéme pwpo/is ; mais le nom de propolis cfl celui au- quel la plupart des Auteurs fe font tenus, & les deux autres ne font propres qu'à dèfigner de la propolis plus ou moins pure, plus ou moins mêlée avec de la cire, de laquelle, au relie, la propolis diffère extrêmement. Elle fe laiffe aifément dilfoudre par l'efprit de vin , Si. par l'huile de térébenthine. En un mot, elle eft une rèfine, qui avec le temps , fe durcit beaucoup dans la ruche , mais qui peut toujours être ramollie par la chaleur. Celle qu'on trouve dans différentes ruches , & même dans différents endroits de la même ruche, offre non- feulement des variétés par rapport à la confiftance, elle en offre auffi par ra])port à la couleur & à l'odeur. Elle eft une des matières auxquelles on adonné une place dans les boutiques des Apothicaires ; ôl pourquoi n'y en auroit- elle pas eu une! Communément elle répand une odeur agréable quand elle efl: échauffée. George PicTlorius dans fon Traité des abeilles , veut qu'on choififfe celle qui a une couleur jaune, qui a beaucoup d'odeur , qui reffemble au ftyi''ix. <5c qui, comme la réfine appellée maftic, peut fc laiffer étendre. Pline dit que de fon temps on la fubfli- tuoit au galbanum, & qu'elle a une odeur forte. Mais il eft ordinaire d'en trouver qui a une odeur aromatique, qui ne fçauroit manquer de plaire, & il y en a qui fembleroit lii 17, 438 Mémoires pour l'Histoire mériter d'être mile au rang des parfums. La couleur de la furface extérieure de la propolis , eft un brun rou- geâtrc, mais tantôt plus claire, & tantôt plus foncée; elle tire tantôt plus fur le brun, & tantôt plus fur le rouge. La couleur de l'intérieur, celle des fragments qu'on dé- tache, approche davantage de celle de la cire, elle eftplus jaunâtre. Celle qu'on a diffoute, foit dans l'efprit de vin, foit dans l'huile de térébenthine, pourroit être fubflituée aux vernis qu'on employé pour donner une couleur d'or à l'argent, ou à l'étain réduit en feuilles, qui ont été ap- pliquées, foit fur du cuir, foit fur du bois. Elle pourroit de même fervir pour dorer mieux qu'on ne fait les ou- vrages de bimbloterie. Elle donne une belle couleur d'or aux métaux blancs &. polis , fur lefquels elle eft étendue, II ne peut lui manquer qu'un peu de brillant, qui lui feroit ajouté, û on l'incorporoit avec le maftic ou le fan- darac. Dans le temps que les abeilles mettent en œuvre la propolis , elle eft molle ; comme un bitume elle eft propre à être étendue pour efpalmer la ruche ; mais elle prend de jour en jour plus de confiftance, &. devient bien plus dure que la cire. Elle peut toujours être ramollie par la chaleur ; lorfqu'on en tire un morceau ramolli , par deux bouts oppofés, il fe laifl^e étendre &. ne fe cafte qu'après avoir été allong'é en fil; ce qui n'arrive pas à la cire dans un femblable cas. II eft bien plus diflicile de voir des abeilles chargées de cette matière qu'elles employent à boucher les fentes de la ruche , & à en enduire les parois , qu'il ne l'eft de les voir chargées de la matière qu'elles convertift^ent en cire. Elles n'ont pas befoin d'apporter dans leur ruche autant de fa première matière que de la féconde. Ce n'eft guéres que dans les premiers temps où elles fe font établies dans une DES Insectes. VIIL Meni. 439 ruche, qu'elles ont belbin de celle-là, ou lorfque dans la fuite il fe fait quelque trou. AuiTi malgré toutes mes ru- ches vitrées ai -je paffé plufieurs années fans parvenir à appercevoir des abeilles chargées de propolis. Peut-être eft-ce faute d'avoir connu les heures favorables. Je les épiois indifféremment à toutes celles du jour, ôc plutôt même le matin que l'après midi; & je fuis à préfent fort difpofé à croire que fi les abeilles choififfent par préfé- rence les lieures du matin pour ramaffer la cire brute, elles prennent celles du foir pour faire la récolte de la ma- tière qu'elles employent à maftiquer. La première fors que j'en vis des abeilles chargées, ce fut en Juillet fur des cinq heures & demie du foir. .l'avois toujours eu envie de fçavoir fi elles donnoient à la propolis quelque préparation comme elles en donnent une à la cire brute, fi elles étoient obligées de la manger , ou fi elles i'em- ployoient telle qu'elles l'apportoient à la ruche. Mon doute fut éclairci dès que j'eus obfervé des abeilles qui en étoient chargées. J'en remarquai plufieurs qui avoient à leurs jambes poftèrieures deux plaques lenticulaires rou- geâtres , affés femblables par leur figure aux pelotes de cire brute, mais dont les bords étoient plus appiatis. Comme plufieurs de ces mouches étoient fi proches des carreaux de verre, qu'elles les touchoient . il me fut aiféderecon- noître foit avec mes yeux feuls , foit avec mes yeux aidés de la loupe, que cette matière étoit précifément la même que la propolis employée à lutter les jointures & les fentes, qu'elle n'étoit point un affemblage de petits grains comme l'efl la cire brute. \Jn autre objet de ma curiofité , étoit de fçavoir com- ment l'abeille qui portoit à fes jambes les deux plaques d'une matière que je fçavois très-ténace, parvenoit à les en détacher. C'efl fur quoi j'eus encore le plaifir d'être 44-0 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE bien - tôt indriiit. Je vis que des compagnes attentives épargnoient à la mouche la peine de fe débarrafler d'une matière qui lui avoit afles coûté à ramaffer 6c à aj)porter. Je vis bien tôt une abeille qui alla prendre avec les dents une petite portion de cette matière, qui étoit li bien collée contre une des jambes de l'autre. Elle failbit des efforts pour arracher ce que les dents lenoient laif], elle le ti- railloit. Cette petite portion s'ailongeoit comme s'allon^ geroit en pareil cas une gomme réfineule qui n'auroit pas pris encore toute Ta dureté , mais qui auroit beaucoup plus de confiltance qu'il n'en faut pour être en état de couler. Quand la mouche, après avoir tiré à plufieurs reprises , étoit parvenue à féparer du refte de la mafTe cette petite portion, la tenant entre les ferres, elle la tranlportoit à quelqu'un des endroits où il y avoit une fente à boucher. Une autre mouche remplaçoit celle-ci fur le champ; & quelquefois deux mouches arrachoient en mêjne temps à chacune des deux jambes poflèrieures de l'abeille de la gomme réfineufe. Ainfi peu-à-peu les petites pelotes qu'elle avoit apportées, lui étoient enlevées par des mou- ches qui ne tardoient pas à les employer. On croit que c'efl fur les peupliers , fur les bouleaux & fur les faules, que les abeilles vont prendre la propolis; le hazard n'a pas voulu que. je leur y aye vu faire cette récolte. Je ne crois pourtant pas qu'elle leur foit fournie par ces feuls arbres. J'ai vu des abeilles dans des pays où il n'y avoit ni peupliers, ni bouleaux, ni faules; c'étoit donc fur d'autres arbres qu'elles s'étoient pourvues de la réfine qui leur eft néceffaire. Mais quand j'aurois obfervé des abeilles fur les arbres où elles prennent la propolis, il n'y a pas apparence que j'eulfe réufii à voir aulli bien comment elles s'en chargent, que je l'ai vu dans une cir-i confiance particulière. Une opération qui avoit demandé que DES Insectes. VI IÎ. Mem. 44 1 que j'ôtafTe le bouciion du trou fupciieur d'une de mes ruches vitrées , demanda aufii que je n'y fifTe pas rentrer ce bouciion en entier. Il avoit été fcellé par de la pro- polis, & la partie qui en étoit enduite, refta au-defTus du bord du trou. T)cs abeilles de cette ruche qui s'apper- çurent qu'il y avoit là une matière qu'elles avoient été obligées d'aller chercher au loin depuis peu de jours, ême mouche a ordinairement donné deux pareilles gouttes. Avant que Atïc retirer, elle façonne avec les jambes la croûte, elle lui donne la courbure con- venable ; les filanients qu'elle en tire Ibnt vifibles. Au refte, ce n'eft pas toujours en portant fon miel dans une cellule, qu'une mouche s'en défait. Souvent elle en trouve le débit en chemin Quand elle rencontre de fes compagnes qui ont befoin de nourriture, & qui n'ont pas eu le temps d'en aller chercher, elle s'arrête, elle redreffè & étend fa trompe, afin que l'ouverture par laquelle le miel peut fortir, fe trouve un peu par-delà les dents. Elle pouffe îlu miel vers cette ouverture. Les autres mouches qui fça- vent bien que c'eft là qu'il faut le prendre, y portent le bout de leur trompe 6c le fuccent. La mouche qui n'a pas été arrêtée en chemin , fe rend fouvent aux atteliers Âe,?, travailleufes , c'eft-à-dire, aux endroits où d'autres abeilles font occupées, foit à conftruire de nouvelles cel- lules, (bit à polir <& à border des cellules déjà faites ; elle leur offre du miel , comme pour empêcher qu'elles ne foient dans la nécefClé de quitter leur travail pour en aller chercher. TomeV, .LU ^50 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE Entre les cellules qui ont été remplies de miel , les unçs font deflinées à fournir celui qui eft néceiïiiire à la con- sommation journalière des abeilles, & les autres doivent conferver celui qui fervira à les nourrir dans les temps où elles iroient inutilement en chercher fur les plantes. Dans^ les mois même où plus de plantes font en fleur, & où, ce qui revient au même, plus déplantes peuvent donner de la liqueur miellée, il y a des jours où des pluyes abon- dantes, d'autres où des froids trop rudes pour la failonj, retiennent les mouches dans leur ruche. C'eft alors qu'elles ont recours au miel deftiné à être confumé le premier. Celles que leur travail a empêchées de fortir , & auxquelles le miel qui leur étoit néceflaire n'a pas été offert à temps par celles qui en ont rapporté de la campagne, les travail- îeufes, dis- je, vont prendre dans des èellules celui dont elles ont befoin. Mais ce n'eft que dans les temps de grande nécefîjté, qu'on touche au miel qui eft contenu dans un très-grand nombre de cellules très-aifées à diflinguer des autres. Celles dont le miel efl: comme à l'abandon , font ouvertes , & les *Pl.î2. fig. autres font fermées*. Elles font comme autant de petits pots de confiture oudefyrop, qui ont chacun leur cou- vercle, & un couvercle bien folide, & qui le bouche her- métiquement, car il eft fait de même matière que le pot. Je veux dire , que les abeilles donnent un couvercle de cire à chacune des cellules qui contiennent le miel qu'elles le propofent de conferver pour leur provifion. Quand la faifbn a été favorable à la récolte de cette épaifle liqueur, on trouve dans chaque ruche plufieurs gâteaux, dont toutes les cellules font ainfi bouchées. Dès qu'on a vu les abeilles bâtir des alvéoles , on ne doit pas être embarralTé de fçavoir comment elles peuvent faire I . m m m m. DES Insectes. VIII. Mem. 45 1 un ie[ couvercle, qui n'eft qu'une lame platte, dont 1* figure eft déterminée par le contour de l'ouverture. Elles commencent par mettre une ceinture de cire lur le bord d'un des côtés ^&. enfuite fur tous les autres côtés. L'ou- verture eft rendue plus étroite. Une féconde ceinture ap- pliquée contre la première, réduit l'ouverture à un trou fi petit qu'il peut être bouché ]#r un feul grain dé cire. On voit pourtant que ce couvercle ne fçauroit être fait Si appliqué fans beaucoup d'adreffe de la part de l'abeille. La cellule efl pleine de miel jufques affcs près du bord , & il faut non-feulement appliquer, mais conftruire le cou- vercle fur la furface de ce miel fans toucher au miel,lans qli'il mouille la cire que l'abeille met en œuvre. On pourroit croire que je fais cette difficulté plusgrandc qu'elle n'eft, que les abeilles n'ont garde de remplir cha- que alvéole jufques au bord. Si même on fe rappelle qutf les gâteaux font pofés à peu près verticalement, & que la pofition de chaque alvéole ne s'éloigne pas beaucoup de i'horifontale, il lèmblera que les abeilles ne doivent pas les remplir entièrement ; que û elles le faifoient , le miel ne manqueroit pas de couler hors d'un alvéole, qui refteroit, comme il reftefouvent, plufieurs jours fans être bouché. Cette confidération m'a fait douter û les cellules étoient auiïî pleines qu'elles le paroiffent quelquefois; & pour m'aftïirer de ce qui en eft, j'ai détaché un morceau de gâteau qui n'en avoit que de bouchées; j'ai enfuite enlevé fucceiïivement le couvercle à plufieurs cellules : je les ai trouvées auffi pleines qu'il étoit poffible qu'elles le fufîent, tout au plus près des bords. J'ai obfené la même chofc dans plufieurs de ces cellules dont j'ai parlé ci dcffus, qui Ibnt bouchées d'un côté par le verre d'un carreau de la ruche. Comment arrivC't-il donc que le miel ne découle LUij, 452 MEMOIRES POUR L'HiSTOîRE pas de ces cellules, pendant qu'elles font ouvertes & pofées prefqu'horironialcment! Le fait eft que réellement lemiei n'en découle pas. J'ai po(ë des morceaux de gâteaux , dont j'avois ouvert les cellules, comme elles le ib^j^t dans la ruche. J'en ai pofé d'autres même plus defavantageufement; ce- pendant en 2^ heures aucune goutte de miel n'eftfortiede fon petit vafe. Cette efpéte de crème ou de croûte demie! quenous avons fait connoître ci-deffus, eft peu coulante, 6i aide à retenir le refte du miel qui l'eft davantage. D'ail- leurs , û on fait attention que le miel eft toujours une liqueur épaifle, que le vafe, le tube dans lequel il eft con- tenu, a peu de diamètre, & que le miel s'attache bien con- tre la cire , on trouvera afles de dénouements de la diffî- culte. Si on divife par la penfée la longueur du tube de cire, en une infinité de petites tranches parallèles ài'ou- verture , on jugera que la dernière tranche de miel ne doit pas être pouflee en dehors , & ainfi de tranche en tranche, û le poids de chaque particule de la tranche eft foûtenu contre les particules voifînes par fon adhéfion avec elles; 6c fi la fomme des efforts que font en avant toutes les par- ticules d'une tranche, peut être arrêtée par l'adhéfion des particules qui en font l'enceinte, contre les parois du tube. Enfin , on voit afles que cet effet dépend & du diamètre du tube, Si. de la ténacité du miel; que fi du miel étoit contenu dans un vafe beaucoup plus grand & femblable- ment placé, qu'il en couleroit. Les abeilles, comme fi elles le fçavoient, ne donnent pas à leurs alvéoles un diamètre qui mettroit le miel en état d'en dégoûter. Si elles prennent la précaution de fermer les cellules dans lefquelles elles veulent conferver du miel , ce n'eft donc pas pour l'empêcher de couler dehors; ce n'eft pas auffi parce qu'elles craignent de pafTer fur des gâteaux DES Insectes. VIII. Mertr. 455 dont les cellules ouvertes font pleines de miel ; elles le font journellement. Qu'on ne croye pas non plus que ce loit pour le deffendre contre celles qui font gloutonnes & pa- refleufes; qui fo gorgeroient de miel s'il n'y avoit qu'à en prendre, Se pour qui la peine de défoeller une cellule eft quelque cliolb. Une autre raifon les a engagées à tenir bien clos le miel qu'elles fe propofent de garder; elles lui veulent une certaine liquidité, elles n'aiment pas celui qui a pris de la confiftance jufques à devenir dur& graine. Or tout celui qui fe trouveroit dans des cellules ouvertes feroit du mief dur & graine avant la fin de l'hyver; la chaleur confidé- rable qui règne dans une ruche, pourroit en peu de mois faire évaporer la plus grande partie de la hqueur à laquelle il doit fa fluidité. EXPLICATION DES EIGURES DU HUITIEME MEMOIRE. Planche XXX. J_jA Figure i repréfente en entier un petit gâteau de cire; Les plus grands gâteaux ont eil une figure approchante de celle de celui-ci ; iorfque les abeilles ont commencé à les conftruire, ils ont tous été àts ovales plus ou moins allongés. Les fondements d'un très-grand n^ibre de cel- lules, forment le bord de ce gâteau. La Figure 2 fait voir une cellule a^ pofee fur trois autres. Le contour a, eft rebordé, b tj le tuyau exagone qui fait la plus longue partie de chaque alvéole. Dans fa Figure 3, on n'a que les bafes de trois alvéoles yûes du côté convexe, b, c,d, ces trois bafes, dont chacune LU ii^ 4,54 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE efl formée par trois rhombes; entre ces trois baies, il y a celle d'une quatrième cellule,^^qui eft vue du côté con- cave, & qui eft faite de trois rhombes, dont chacun ell fourni par une des baies b, c, d. Une épingle pafle ici aiï travers de chacun des rhombes qui forment le fond a d'une quatrième cellule. La Figure 4 montre le plan de trois cellules, & de la quatrième ; la bafe de celle-ci eft faite par le concours de trois rhombes, dont chacun appartient à une baie d'une différente cellule. Cette figure, en un mot, eft la proje(5lion de trois cellules vues de face par leur ouver- ture, au travers defquelles on voit la baie d'une cellule appuyée fur celles-ci, &: qui a fon ouverture du côté oppofé à celui où eft la leur, b, c, d^ les trois cellules vues par leur ouverture, a, la cellule vue feulement par la convexité de fa bafe, & dont la bafe eft faite par le concours de trois rhombes, fournis par les trois cellules l, c , d. Chacune des trois épingles /'^ /', /^^ qui paftent au travers des rhombes qui forment le fond de la cellule fi, fe trouve dans une cellule différente. La Figure 5 repréfenteen grand, comme les précéden-^ tes, une feule cellule, dont l'ouverture eft embas. e,f,g, les trois rhombes qui, par leur rencontre mutuelle, com* pofent la bafe de cette cellule. Dans la Figure 6 , une cellule a, dont l'ouverture éft'en rf^eft pofèe fur deux cellules by c ; un des rhombes de la bafe de chacune de celles-ci, fournit un fupportà un è.ç.%^ rhombes de la cellule a. La Figurey fait voir une coupe ^ts trois cellules de fa figure 6. Geite coupe montre comment deux des rhombes DES Insectes. VIII. Mem. 45 ^ de l'avéole a^ font appuyés fur deux des rliombes des alvéoles b&.c. Les lignes bd,cd, font communes à deux alvéoles. La Figure 8 repréfente de grandeur naturelle plufieurs cellules de forme irréguliére, qui d'un côté, & de celui qui efl ici en vue, n'étoient point fermées par des lames de cire, elles 1 etoient par le verre d'un carreau contre lequel elles étoient appliquées, Plufieurs de ces cellules font remplies de mie! , &. quelques-unes ne le font qu'en 'partie, c, c, c, &c. coupes ^çs couvercles de quelques- unes des cellules pleines de miel, a, a, deux abeilles qui verfent du miel dans deux cellules qui en contiennent encore peu./;^ marque aufîi une cellule qui n'a du miel que jufqu'en /»; & près de p, on peut remarquer la coupe de la pellicule, de i'e/péce de crème qui efl à la furface du miel. On peut aufli remarquer la pellicule dans la plupart àtî, autres cellules , comme m, m, Se quel- ques-unes c, c, &c. où le miel ne va pas jufqu'au cou- vercle. La Figure 9 montre très en grand, & à peu près dans fa pofition naturelle, tout le conduit dans lequel paflent les aliments de l'abeille, le miel & la cire brute. Pour mettre ce conduit à découvert, on a emporté la partie fupérieure des anneaux du corps, a, l'anneau où efl l'anus. c, le corcelet. f, partie du canal , qui peut être regardé comme un prolongement de l'œfophage. u, le premier cflomac, ou la velfie à miel, e, le fécond eftomac, qui ici efl à peu près contourné comme il l'efl naturellement. En f, font des fragments ài^s poulmons de l'abeille, que nous ferons mieux connoître dans l'hiitoire des bourdon* ydus. 45^ MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE Les Figures i o, i i & 12 repréfentent en grand com- me la précédente, le canal des aliments de l'abeille, mais elles le repréfentent dans Ion entier, ik dans des pofitions & des états différents, a, dans ces trois figures efl le bout du corps, l'endroit où eft l'anus. y^ partie de rcefophage ou du canal, qui , après avoir traverlé le corcelet, ie rend jJans le corps, u, le premier eflomac ou la vçfTie à miel ; elle efl pleine , figure i i , & vuide, figure i o & 1 2. ^' s'éloignant de leur baie commune. Cette bafe eft afles maflive. Entre les deux cornes paroît quelquefois un corps charnu * qui s'élève au-dcfllis du derrière en fe contour- *Fig. j,6&" nant^^arc. Si le faux-bourdon qu'on a pris ne montre "'"" pas iflpirtics dont nous venons de parler, s'il les tient cachées dans Ton corps, on peut le forcer de les faire voir en prefFant fon ventre entre deux doigts. En ménageant la prelFion , on oblige à paroître au jour différentes pièces formées &. difporées avec beaucoup d'appareil & d'art, & des pièces dont on ne trouve point de vertiges dans les mcres ni dans les ouvrières. C'eil précifément au bout pof- térieur du corps des abeilles ordinaires &. des mères, que le dernier de leurs anneaux s'cntr'ouvre. C'eft-là qu'efl; l'anus, & c'elt de-là même que l'aiguillon fort ; mais le bout du corps des fhux-bourdons n'cll point percé; le dernier anneau eft recourbé vers le ventre ,& c'eft fous le ventre, & fort près du bout poftérieur, qu'on remarque un en- droit * à peu près circulaire comme un petit bouton ap- *Fig, 3&4., plati, dont la couleur efl différente de celle du rcfte; elle ^' eft cannelle. Ce qui paroît de couleur cannelle eft un arc annulaire qu'on peut appeller intérieur; il part de deffous l'anneau. De-là fortent auffi les bouts de deiw lames *, qui * Fig. 4. c,c, enfemble forment une efpéce de pince. Quand elles s'é- cartent l'une de l'autre, elles laiffent une ouverture par laquelle la preffion peut faire fortir les parties qui font pro- pres au mâle. C'eft auffi dans la même ouverture que fe trouve celle de l'anus. Pendant qu'on preffe entre deux doigts le ventre près de l'endroit de couleur cannelle , & après qu'on a forcé la fente à s'entr'ouvrir , on voit paroître une efpéce de veiTie toute pointiliée de points roux *, La \Qiïïç groffit * Fig. 7. /n. 4^8 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE de plus en plus loriqu'on continue la preffion, de nou- velles portions membraneufes fortent. La partie qui efl fortie alors a des inégalités ; elle eit grofTe ik oblongue ; fon bout a une figure qui approche de celle d'un mafque velu , il efl couvert de poils roux ferrés les uns contre les autres, à peu près comme ceux de nq^raps de caflor. Si on confidére cette partie par-deflMPbn y *PI. 33.fig. peut remarquer deux enfoncements circulaires * a côté 7'*^'^' l'un de l'autre, dans des membranes blanches, & deux * J, u. autres plus petits & plus bruns * pofés fur une ligne dirigée fbion la longueur du corps. Quand on continue de prefTer, on voit fortir de chacun des deux premiers » Fig. 9. c,c. enfoncements une efpéce de corne charnue *, qui de très- moufTe qu'elle étoit d'abord le deviendra de moins en moins à mefure qu'elle s'allongera, & qui quand elle fera *Fig.io.c,c. entièrement dehors, fe terminera en pointe *. Affés ordi- nairement les pointes de ces deux cornes membraneufes font rougeâtres, 6i ce qui fuit efl jaunfttre dans une moi- tié de la longueur. Pendant que les cornes fe montrent, les deux autres enfoncements , ceux qui font fur la ligne qui paffe entre les cornes , s'élèvent. De celui qui efl le plus près des cornes , il ne fort qu'une partie membraneu- *'^- fe * couverte de poils, & qui forme un petit monticule velu. Mais de l'enfoncement le plus éloigné fort une par- *«• tie * dont il n'a fouvent paru qu'une portion , quand les deux cornes fe montrent déjà dans leur entier. Si on ne cefTe pas de preffer, la dernière partie que nous voulons faire obferver, s'élève de plus en plus, & en s'élevant elle fe contourne en arc, en portion de cerceau dont la con- ♦ Fîg. II. y. cavité efl tournée vers le dos de i'inieéïe*. Cet arc, car &pl. 34.. fig. e'eft le nom que nous lui laifîerons, paroît dans toute fà longueur, quand on peut compter fur fà furface convexe, cinq bandes d'un velu roufreâtre,féparéespar des intervalles blancs. DES Insectes. IX. Mem. 489 blancs & lifles, plus larges que les bandes loufTcâtres; il a cilors une longueur environ égale à celle de la moitié d'une éts cornes, & il n'efl que de peu moins gros à Ion bout qu'à fbii origine. Tout ce qui a à paroître n'a ])as encore paru. Si on redouble la ])rcfnon, on fliit ibrtir du bout de l'arc une partie blanche *, qui bientôt le furpaffe en groflcur. * PI. 34% Elle s'allonge & groffit continuellement. Elle ])cut devenir 3->'^' beaucoup plus longue que les cornes. Elle ne lé contourne pas toujours de la même manière; mais à mcfure qu'elle ïé montre, elle force l'arc à defcendre vers la bafe velue. Sur cette partie qui s'eft montrée la dernière, & fur la face la plus proche du corps, on peut obferver deux petites pièces écailleufes *, que leur couleur fait affés diflinguer ♦ #, du refte. On doit chercher à voir dans l'intérieur du corps de la mouche , ces mêmes parties que nous venons d'en faire fortir. Elles n'y font pourtant pas auffi fenfibles qu'elles le font lorfqu'ellcs en font dehors. A mefure qu'elles for- tent , elles fe gonflent confidérablement ; elles n'y font pas même celles dont on eft le plus frappé. Lorfqu'on a ou- vert le corps d'un faux-bourdon , foit par-defTus *, foit par- * Fig. 8. deflbus*, on remarque bien plutôt unemaffe formée par * Fig. 9. l'aiïemhlage de plufieurs corps, fouvcnt d'un blanc qui furpaiïe celui du lait. Vient-on à développer cette maiïe*, * Fig. 7. on la trouve compofée princijjalement de quatre corps oblongs *. Les deux plus longs & les deux plus gros de ces *fj! d,d. corps *, tiennent à une efpéce de cordon tortueux * que * f.f- Swammerdam a ap])ellé la racine de la partie du mâle ,&*»•• il a donné le nom de veficules feminales aux deux corps blancs & longs que nous venons de confidérer. Deux au- tres corps oblongs * comme les précédents, mais qui ont * qd, 'i^' lin diamètre qui n'eft guéres que la moitié de celui des premiers, & qui font plus courts, ont été appelles par le Tome V. • Q *I ^ 490 MEMOIRES POUR l'Histoire même Auteur, ies vaiffeaux déférents. Chacun d'eux com- * PI. 34..fig. munique avec une des veficules ieminales *, près de l'en- 7- i>l' droit où celles-ci s'unifFent avec le cordon tortueux. De l'autre bout de chacun de ces vaiffeaux déférents, part un * X. vaifleau alTés délié *, qui, après quelques plis &. replis, * /. aboutit à un corps un peu plus gros*, mais difficile à déga- ger des trachées qui l'environnent. Swammerdam regarde ces deux derniers corps comme les lefticules.Nous avons * d,d. donc deux corps d'un volume afles confidérahie *, qui communiquent avec deux autres corps encore plus longs * S,f. &. plus gros *. Ces quatre corjîs ont un tiflli cellulaire rempli d'une liqueur luiteufe qu'on en peut tirer par ex- * r. prefTion. Le cordon * long & tortueux auquel tiennent les deux plus grands de ces corps, ceux qui ont été nom- més les veficules feminalcs ; ce cordon , dis-je , efl fans doute le conduit par lequel la liqueur laiteufe peut fortir. Après s'être plié & replié plufieurs fois, il s'élargit, ou, û l'on veut, il fe termine à une efpéce de veflie ou de fac * /. charnu *. On trouve cette dernière partie plus ou moins allongée, & plus ou moins applatie dans différents mâles. En l'appellant le corps lenticulaire ou la lentille, nous lui donnons un nom qui préfente une image alfcs reffem- blante de la figure qu'il a conftamment dans tous ies faux- bourdons dont les parties intérieures ont acquis de la confrflancc dans l'efprit de vin. Ce corps efl donc une lentille afTés renflée, dont une moitié ou à peu près delà =*€,€. circonférence, cft bordée par deux lames* écailieufes,de couleur de marron, qui fuivent la courbure de fon con- tour. Un petit cordon blanc qui fait le vrai bord de la lentille, eft pourtant vifiblc, Se les fépare l'une de l'autre. Cette lentille eft un peu oblongue. Aufïi pour nous ex- primer plus commodément, lui donnerons- nous deux bouts que nous diflinguerons l'un de l'autre par le nom DES Insectes. IX. Mem. 49 1 de poflérieur *, & par celui d'antérieur *. Le bout anté- * PJ. 34.. fîg, rieur, le plus proche de la tête, elt celui où s'infère le ca- ^' '" «al qui part des velicules Icminales ; le bout oppofé, le '''' plus proche de l'anus , eft le poflérieur. C'eft d'auprès de ce dernier que partent les deux lames écailleufes, dont chacune s'élargit pour venir couvrir une paitie«de la face de la lentille. Au-deflbus de l'endroit où chaque lame s'cfl; le plus élargie, elle a une efpéce d'échancrûre qui lui fait deux pointes mouffes d'inégale longueur, & dont la plus longue efl fur la circonférence de la lentille. Outre ces deux lames écailleufes, il y en a deux autres * de la même ♦ n. couleur, plus étroites & au moins j>lus courtes de la moitié, dont chacune efl pofée tout proche d'une des précéden- tes , &dont l'origine efl auprès de l'origine de celle qu'elle accompagne, c'efl-à-dire,au bout poflérieur de la lentille. Le refle de cette lentille efl blanc & membraneux. Defon bout poflérieur part un tuyau *, un canal de même blanc, * ;. & de même membraneux, du diamètre duquel il efl diffi- cile de juger, car les membranes qui le forment font vifi- blemcnt pliffées. A un des côtés de ce tuyau efl attachée une petite partie charnue qui a quelque chofe de la figure d'une palette * dont une à^s, faces feroit concave, *p.. & auroit {ts bords gaudronnés. L'autre face de cette pa- lette eft convexe. En quelques circonflances les gaudrons fe relèvent, leurs bouts excédent le refle du contour, ils forment des efpéces de rayons qui font paroître la palette très -joliment ouvragée *. Elle efl couchée fur la *Fig. j&6, lentille, elle s'y applique par fa partie concave; mais é\e, ne lui efl pas adhérente. Swammerdam a paru difpofé à croire que cette palette efl la partie qui caradérife le mâle. Les parties dont nous venons de parler, & qui font \t% plus vifibles dans le corps du fiux-bourdon , ne font point 49^ Mémoires pour l'Histoire encore de celles qui en fortcnt les premières, ni de celles qui, hors du corps, fe font le plus remarquer, Si on con- ' fidére le canal ou i'efpéce de lac qui part du bout poflé- ricur de la lentille, fi on le conridcre, dis-je, du côté op- pofé au bord de la lentille qui fait la iéparation des deux grandes plaques écaillcufes.on voitdiftindement ce corps * PI. 34.. fig. que nous avons appelle Tare * ; on peut compter fes cinq 7' "' bandes velues difpolées tranfverfalement; elles ibnt de cou- leur fauve, pendant que le refte efl blanc. Cet arc femble même hors du canal membraneux , parce qu'il u'eft cou- vert que par une membrane très- tranfparente : pur un de fes bouts, il atteint prefque le corps lenticulaire, & par l'autre, il fe termine à l'enilroit où le canal membraneux *'"' fejointàdes membranes pliflees 6c jaunâtres*qui font une efpéce de fac qui s'aj)plique contre les bords de l'ouverture préparée pour laifTer fortir toutes les parties deftinées à la fécondation. Les membranes rouffeâtres dont nous par- ions, font celles que la prelTion oblige à fe montrer les *Pl, 3 5. fig. premières en dehors*, celles qui forment cette maffe al- 7, 8 &c).7/i. longée, dont le bout eft une efpéce de mafque velu. En- fin , à ce fac, fait de membranes rouffeatres, tiennent deux * PI. 34. fig. appendices * d'un jaune rougeâtre Si rouges même à leur '^' '' ^' bout. Ce font ces appendices qu i paroiffent en dehors fous *Fig. 1,2 & la forme de cornes *. 3- '■''■• Quand en preffant le ventre d'un faux-bourdon peu à peu, mais de plus en plus, & avec précaution, on fait fuc- ceffivement fortir de nouvelles parties, ces parties fe mon- trent par la face oppofée à celle qu'elles prefentent \ovÇ- qu'elies font dans le corps. La furface de ces parties qui étoit alors l'intérieure, (levient l'extérieure. Il leur arrive ce qui arrive à un bas qu'on retourne. Si l'entrée du bas qu'on veut retourner étoit fixée contre un cerceau, & qu'on commençât à renverfer le bas peu à peu, en DES Insectes. IX. Mem. 493 commençant par la bande la plus proche de l'ouverture, & ainfi de fuite , de façon qu'on fifl foriir le talon & le pied les derniers , on auroit dans le retournement du bas une image de la manière dont fe retournent les parties du mâle des abeilles pour paroître en dehors. Quand on con- noît leur difpofition dans l'intérieur, il eft aifé de juger de l'ordre dans lequel elles doivent fe montrer à l'extcrieur. Le fac rouiïeâtre *, qui eft le plus près de l'ouverture, doit * PI. 33. %. paroître le premier*, & comme une portion de fi furface ^' intérieure eft velue, elle fournit lemafque velu. Les bafes , .a^t'.lf/, des cornes * doivent enfuite commencer à fe faire voir *. * pi. 3^, fig. L'arc doit paroître enfuite *. Quand l'arc eft entièrement 7- o c. forti, il faut redoubler la preffion pour faire fortir dcnou- * ^'" 3 3-%- vellcs parties ; car c'eft par le bout de cet arc que fort le * p-^ ^ ^ ^ corps lenticulaire qui prend alors une figure très-allon- 11. «. gée *. Malgré cette figure il eft aifé à reconnoître, & il *Pi. 34.. fîg. efl évident qu'il a été renverfé, parce que fur un de ^çs ^' côtés, on trouve les plaques écailleufes * que nous avons * c décrites, & la face par laquelle on les voit, eft concave, au lieu que celle par laquelle on les voit dans le corps , efl convexe. Swammerdam a parlé de la partie en palette *, & Ta *Fi2. î^6& fliit repréfenter comme une de celles que le retournement '^'^'' des parties qui fortent hors du corps du faux-bourdon ne manque pas de faire paroître ; mais j'ai tout lieu de croire qu'elle ne fe montre que lorfqu'il arrive quelque déchire- ment confidérable. J'ai obligé à fortir du corps de plus de cent faux bourdons preffés les uns après les autres, tout ce que la prefllon en pouvoit faire fortir, fans parvenir à voir une palette à découvert, & j'ai ainfi prefTé de fuite des centaines de fiux-bourdons à bien àes reprifes différentes. îl ne m'eft arrivé de voir la palette en dehors que dans des cas rares, & lorfque j'appercevois un déchirement dans les Qqqiij. 494 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE j)arties qui étoient proches du bout de l'arc. Un de ces cas rares aura été vu aufll par Swammerdam , & il l'aura pris pour un cas ordinaire. Ce célèbre Auteur ne paroît pas avoir eu aiTés de faux-bourdons à fa diipolîtion. Il parle de quelques-uns qui lui furent donnés, comme d'un préfent qui mérite qu'il cite celui de qui il le reçut. Pour moi qui en ai eu autant que j'en ai voulu, j'ai exa- miné fur plus d'un millier peut-être, fi la partie dont ii elt queftion , étoit de celles qui peuvent paroître en dehors à découvert. Quand la preiïion eft pouffée loin, il arrive fouvent qu'il fort du lait épais, & en affés grande quantité, du bout de la partie qui a paru la dernière. Mais il y a plus d'ap- parence qu'il fort en fi grande quantité par une ouverture faite par déchirement , que par une ouverture deftinée à le laiffer échapper. Un appareil de tant de parties, & de parties fi fingulié- rementdifpofées, qui contiennent une liqueur laiteufe, Si. qu'on oblige à paroître hors du corps. Si dont plufieurs viennent s'y montrer naturellement, forceroient de rc- connoître les fiux-bourdons pour les abeilles mâles, ceux qui auroient le plus d'envie de douter de leur fexe. Le retournement qui arrive dans ces parties , lorfqu'elles pa- roiflent au jour, efl admirable; & Swammerdam a bien fçu l'admirer. Il ne fe laffe point d'en parler avec furprife. Ce retournement de tant de parties ne lui a paru reffem- bler à aucune des méchaniques que d'autres animaux font voir. Il ne lui a pas échappé de faire remarquer, que des parties qui avoient peu de volume pendant qu'elles étoient dans le corps, en avoient un confidérable lorfqu'elles en étoient dehors; & il a très-bien obfervé que l'air cft principalement employé à les enfler &. à les diften- drc: des milliers de trachées qui fe rendent aux parties de DES Insectes. IX. Mem. 495 la génération, peuvent fournir tout l'air néceflaire à un jeu fi merveilleux. Une mère abeille qui fe trouve feule de fon fexe cellules de figure particulière & très-reconnoilfable, danslefquelles les vers qui fe transforment en mères, prennent leur ac- croiftement. Lorfqu'on aura obfervé de ces cellules, & qu'on en aura remarqué quelqu'une de bouchée , qu'on Ja détache ; alors la mouche y eft fous la forme de nym- phe , ou le ver eft prêt à prendre cette forme. Il ne s'a- gira que de tenir cette cellule à peu près auffi chaudement 6 1 f ij 5o8 Mémoires pour l'Histoire hors de ia ruche, qu'elle i'étoit dans la ruche; & pour cela, il n'y a qu'à la renfermer dans un tube de verre qu'on portera pendant le jour dans Ion goufTct , &. qu'on placera pendant la nuit lous le chevet du lit dans le pli du drap. J'ai pris ces foins pendant huit à neuf jours , pour une cellule qui ne les méritoit pas. Je la couvai , ])our ainfi dire, croyant qu'elle contenoit une femelle, & j'avois lieu de le croire , parce qu'elle étoit bouchée de toutes parts : le hazard avoit voulu que la porte qui avoit laiffc fortir la mouche femelle, fe fût fi bien refer- mée, après qu'elle en fut fortie, qu'il ne fembloit pas que ia cellule eût jamais été ouverte. Au refle, quand on fçait qu'on peut faire naître dans les gâteaux de cire tirés hors delà ruche, des abeilles ordinaires &. des mâles, lorfque \es cellules de ces gâteaux font pleines de nymphes , on ne doutera pas qu'on n'y puifTe fiire naître de même des femelles. La plus grande difficulté confifte à avoir des cel- lules qui contiennent des nymphes prêtes à fe transfor- mer en mouches femelles , parce que ces cellules font très- rares en comparaifon des autres. Comme il n'y a pour- tant gucres de ruches où on n'en puiffe trouver pluficurs chaque année , on peut réuffir à faire l'expérience que nous propofons. Nous nous promettons bien de la ten- ter cette année; & nous prions ceux qui aiment l'Hiftoire naturelle, de chercher à la faire. Elle doit éclaircir une queftion très-curieufe. Mais pour dire encore quelque choie des deux mcr^s dont chacune avoit été tenue tians un poudrier avec un mâle, vers le midi je m'ajjperçus que le mâle que j'avois donné à la première , étoit mort. Ce cadavre étoit polé tranfverlàlement fur le corps de la femelle, qui le foûlevoit, comme fi elle eût eu efpérance de le ranimer. Je lui ôtai ce mâle, & je lui en donnai un autre qui mourut encore / DES Insectes. IX. Mem. 509 auprès d'elle fur les trois à quatre heures. 11 fembleroit que les carefles de la femelle avoient été fatales aux mâles, qu'elles avoient opéré dans ces mâles , quelque indolents qu'ils femblent être, une diffipation d'elprits, un épuife- ment qui leur avoit été funefte : mais ce qui doit m'em- pécher de regarder cette caufe de leur mort, comme abfolument certaine , c'efl que j'en trouvai quelques-uns de morts le même jour, dans un poudrier où j'en avois renfermé un grand nombre , & où ils n'avoient point de femelle avec eux. La première femelle mourut elle-même la nuit fuivantc par un accident qu'il eft inutile de rapporter ici ; mais je dois dire que j'ouvris fon corps, & il étoit nécefTaire que je l'ouvriiïe. Je n'y trouvai aucun œuf de grolfcur icnfi- ble à la vue fimple. A peine la plus forte loupe me pou- voit-elle faire appercevoir i\t% files de petits grains dans ces conduits où les œufs font vifibles fans le fecours d'au- cun verre, lorfque la mère eft en pleine ponte. Nous avons rapporté ci-devant, qu'une mère qui avoit le corps rempli de gros œufs, n'avoit tenu aucun compte des rnâles. Il y a donc apparence que les mères qui careffent les mâles, ibnt celles qui ont befoin d'être fécondées. La féconde de mes deux dernières mères , n'avoit pas le ventre plus gros que la première. Je ne crus donc pas néceffaire de i'ouvrir pour m'affûrer qu'elle n'avoit pas des œufs plus avancés que ceux de l'autre. Je pris un parti plus doux. Après avoir peint fon corcelet avec un vernis jaune, je la mis dans une ruche où, outre la mère naturelle, j'en avois déjà introduit une autre à laquelle j'avois donné une livrée rouge. Ce n'eft pas ici le lieu déparier de ce qui fc paiïa dans la ruche où étoient ces trois reines, il fufîit de dire aduellement que celle à livrée jaune fut fort bien reçue par les abeilles ordinaires. Sff ii> jio Mémoires pour l'Histoire La fécondation tk la ponte t'e ia mère aheiile nous four- nifTent encore des faits clignes cl ctrc remarqués, &. de ia certitude defquels il cil aifé de lé convaincre. Nous avons déjà dit que comme les poules d'une balfe-cour pondent journellement, de même la mère abeille pond dans pref- que tous les mois de l'année, fi on en excepte ceux d'une trop rude faifon. Mais les poules ont befoin de vivre avec le coq pendant toute l'année ; fi elles refîoient plufieurs femaines de fuite fans fouffrir fes approches, leurs ceufi feroient ftériles, au lieu que ce n'eit que pendant quelques femaines que la mère abeille a befoin de vivre avec des mâles. Quand le temps eft venu où elle a pour eux une indifférence dont nous avons rapporté un exemple, ou, plus exaétement, quand le temps eft venu où ils ne font plus néceflaires aux femelles nouvellement nées dans la ru- che, les abeilles ordinaires déclarent la plus cruelle guerre à ces mâles. Pendant trois à quatre jours elles en font une tuerie effroyable. Malgré la fupériorité qu'ils fembleroient avoir parleur taille, ils ne fçauroient tenir contre les ou- vrières qui font armées d'un poignard qui porte le venin dans les playes qu'il fait. D'ailleurs, le nombre des abeilles furpaffe confidérablement celui des mâles, & elles n'ont point de honte de fe joindre trois ou quatre enfemble con- tre un feul. Tant que ces jours de carnage durent, on en voit du matin au foir d'acharnées fur des mules qu'elles traînent morts ou mourants hors de la ruche. Ceux même qui ne font pas encore parvenus à l'état de mouche, qui font encore fous la forme de ver ou fous celle de nymphe, ne font pas épargnés. Les abeilles arrachent ces vers de ces mêmes cellules qu'elles avoient conftruites pour eux en d'autres temps, & dans lefquelles elles avoient même pris foin de les nourrir. Leur haine s'étend alors fur tout ce qui eft mâle, ou qui peut le devenir. Elles font tout ce DES Insectes. IX. Ment. 5 1 1 qui eft en elles pour qu'il n'en refte, ni ne puifle y en avoir de long-temps dans la ruche. Il y a des rucliesoù ces car- nages fe font plutôt, & d'autres où ils Te font plus tard, parce qu'il y en a où les mâles ont commencé à naître ou plutôt ou plus tard que dans les autres. Dans telle ruche, la tuerie des mâles arrive dans le mois de Juin; dans d'autres, c'eft dans le mois de Juillet; & ce n'a été que dans le mois d'Août que j'ai vu maflacrer les mâles de certaines ruches; mais elles étoient de celles où un efïîiim avoit été mis au mois de May. Qu'on fuppofe avec nous pour un moment, ce que nous promettons de prouver dans la fuite, que les abeilles parviennent à exterminer tous les mâles de leur ruche, (bit dans le mois de Juin, foit dans celui de Juillet, foit dans celui d'Août ; depuis le jour où le dernier d'une ruche a été tué, la mère de cette ruche n'en reverra plus jufqu'au Printemps de l'année fuivante; elle ne fçait ce que c'eft que de fortir de chés elle pour aller en chercher dans d'au- tres ruches où il pourroit en être refté. Cependant , la mère qui , dès le mois de Juin a été privée de tous {ç.% mâles, ne laifTera pas de faire beaucoup d'œufs féconds- dans le refte de l'Eté & au commencement de l'Automne. Ce fera fur-tout au Printemps de l'année fuivante qu'elle pondra affés d'œufs pour fournir un eiïaim de mouches, & qu'entre ces œufs il y en aura qui donneront des abeilles ordinaires, d'autres qui donneront des mâles, & d'autres- qui donneront des femelles. Ces derniers œufs ont donc été fécondés neuf à dix mois avant qu'ils ayent été pondus» & cela lors qu'ils étoient d'une petitefie que nous ne fçau- rions imaginer. Après l'avoir été, ils font reftcs aufli long- temps dans le corps de la mère mouch.e, pour y prendre tout l'accroiftement qu'ils doivent avoir pris i.-rlqu'ils en fortent , que le fœtus humain refte dans k corp^ de fa merC;,. 512 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE avant qu'il foit devenu vn enfant en état de voir le jour. Mais les fœtus humains demandent pour naître bien con- ditionnés, de demeurer à peu près neuf mois dans le corps de la mère; ôi entre les œufs de la même abeille, quel- ques-uns contiennent des fœtus parfaits, quoiqu'ils foient mis au jour quelques femaines feulement après qu'ils ont été fécondés, & peut-être plutôt. C'eft de quoi on a des preuves dans les nouveaux effaims. Il eft fort fingulier que pendant que des œufs ne fortent avec l'embryon qu'ils renferment, que neuf à dix mois après qu'ils ont été fé- condés, d'autres fortent auffi parfaits au bout de quelques femaines , & que d'autres fortent dans tous les temps in- termédiaires. .Mais on demandera, & on doit demander s'il eft bien fur qu'il ne refte aucun mâle caché parmi tant de mou- ches! fi on peut être bien certain qu'il n'y en ait pas quelques-uns qui ayent échappé à un carnage prefque général î Le Mémoire fuivant apprendra les moyens qui nous ont mis en état de parler affirmativement fur cet article ; qu'ils étoient tels qu'il n'étoit pas poffible qu'un feul mâle pût fe dérober à nos yeux, s'il avoit été dans iHie des ruches où nous le cherchions. EXPLICATION DES FIGURES DU N EU VIE AIE MEMOIRE. Planche XXXII. I i A Figure i repréfente une portion d'un gâteau de cire, dont les alvéoles qui font en ?n vi vi m m, font remplis de miel & fermés; ils ont chacun leur couvercle de cire. Les alvéoles qui font en bb, ont auffi chacun un couvercle, mais un peu plus relevé que celui Ats, autres, parce quedes nymphes ou des vers prêts à fe transformer en nymphes, font DES Insectes. IX. Mem. 5 1 3 font logés dans ces alvéoles, r, oc,od, font trois cellules, de celles dans lefquelles croiffent les vers qui Te métamor- pholent en mères abeilles, de celles que nous avons nom- mées des cellules royales; elles pendent du bord inférieur du gâteau. La cellule <7r^ eft encore très-courte, cScdevoit être allongée parles abeilles. Les cellules o & dj font cha- cune en état de recevoir un œuf 0, leur ouverture. La Figure 2 fait voir un morceau d'un gâteau de cire, à un des côtés duquel font attachées deux cellules royales. or,o r, ces deux cellules. Leur bout inférieur 0, eft aduelle- ment fermé, comme i'eft le bout de chacune de celles dans lefquelles il y a une nymphe, ou un ver prêt à devenir nymphe. Dans [a Figure 3 , une cellule royale eft pofée fur à&s cel- lules ordinaires qui ont été un peu élevées pour lui faire un appuy. h, cette cellule. 0, fon ouverture, g, g, marquent deux cellules royales qui ne font que commencées , qui font faites encore en gobelet , ou en calice de gland. Dans la Figure 4, une cellule royale a fon ouverture i?, en enhaut, c'eft-à-dire, dans un fens contraire à celui où elle eft naturellement ; aufti peut-on voir l'intérieur de ia cavité. Cette cellule qui n'eft que commencée, a la figure d'un gobelet; fa furface eft lifte; les abeilles n'y avoient pas fait encore une fculpture femblable à celle qu'a l'extérieur des ceiïules plus avancées. La Figure 5 repréfente en grand les ovaires d'une mère abeille , & les conduits par iefquels pafîent les œufs pour fortir du corps. Elle a été defllnée d'après celle de Swara- merdam, qui eft ici beaucoup réduite. La grandeur qu'on lui a donnée, a femblé fuffifante pour faire paroître diftinc- tement toutes les parties dont elle eft compofée. ahtooo, un des ovaires, qui eft compofé d'un grand nombre de yaift^eaux tels que celui qui eft ïosx^haooot, dans chacun Tome Y. . T t c 514 Mémoires pour l'Histoire defquels des œufs font mis à ia file. Si j'eufTe voulu faire quelque changement dans la figure de Swammerdam, j'euiïe fait ajouter en a^ un vaifieau aflesgros, à peu près auffi gros que celui qui cft au-deffous de /, duquel tous ceux qui compofent l'ovaire m'ont j)aru tirer leur origine. bec tcccb, eft l'autre ovaire. On remarquera qu'il n'efl pas aufli plein d'œufs que le premier; ru 'd S ^uù^- l'I 3i ya.i^.6l.O. M^rri.j, Jcim/tuL:^hu:-cU.'. 71; Fia 1 Fui - Fùj ^. im^^ r<^c 7Y.:''/y.7„....42.av//,7/;^.7. J^ rH.fh.ie^Ins^.'tesT.nn FuT.l. Fut. 5'. F'iq . S . r c^^ Fu, f Fia.f. Fia . CI , DES Insectes. X Mem. 521 DIXIEME MEMOIRE. DES MOYENS DE FAIRE PASSER LES ABEILLES D'UNE RUCHE DANS UNE AUTRE; Et comment on peut examiner une à une toutes celles d'une ruche. IL importe également à ceux qui élèvent des abeilles dans la vue de profiter de leurs travaux , érit un bon nom- bre, non-feulement de celles qui font tombées dans le feu, mais même de celles qui ont été trop attaquées par ia vapeur. Ordinairement néantmoins on ne les force DES Insectes. X Menu 5 3 1 à fortir qu'après avoir renouvelle pluficurs fois les matières qui répandent la fumée; pour cela, on ei\. oblige de tirer tie dedans la ruche le rechaud ou le-fupport plus plat où font les matières qui font trop brûlées , ou qui fe font trop éteintes; ce qui ne Çc peut faire fans foûlever le bas de la ruche, 6c fans y ouvrir, pour ainfi dire, une larg€ porte dont une partie des abeilles peut profiter pour Ibrtir. D'ailleurs, en rcnouvcllant fouvent le feu, on les cxpofè davantage au rifque de le brûler. Pour fiire entrer la fumée plus commodément , j'ai quelquefois pofé la ruche dont je voulois chaffer les mou- ches, fur un rondeau percé deplufieurs trous qui avoienc un pouce ou un pouce &: demi de diamètre. Le fond d'un bacquet fait d'un tonneau fcié en deux inégalement, m'a fourni le fond que je faifois percer, & fur lequel je pofois la ruche. Mais avant que de l'y pofcr, je faifois faire une efpéce de petit édifice qui foûtenoit en l'air à quatre à cinq pieds de terre le bacquet percé. Deux planches, par exemple, parallèles l'une à l'autre dont chacune avoit un de Ces bouts appuyé fur le bord d'un mur de terraffe affcs bas , & dont l'autre bout étoit foûtenu en dehors de la terraffe par un montant de bois; deux planches , dis- je , ainfi difpofées , faifoient mon édifice. Elles étoient écartées de manière que le vuide qui étoit entr'elles étoit moins grand que le diamètre du bacquet qu'elles dévoient porter. Ge bacquet étant donc placé fur ces deux planches', & la ruche habitée étant pofée fur le bacquet, rien n'étoit plus fimpie que de fumer les abeilles ; il n'y avoit qu'à tenir le rechaud hors de la ruche, mais fous le fond fur lequel je l'avois établie. On renouvelloit dans le rechaud tout autant de fois qu'on le vouloit, les matières propres à donner beaucoup de fumée, & les abeilles étoient peu en rifque de fe venir jelter dans le feu ; elles ne cherchoient Xxx ij 53^ MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE pas à fortir par des trous où il y avoit une fumée trop épaifle. Cette manière de fumer les abeilles m'a paru bonne. Quand on les a forcées pour la plupart à mon- ter dans la ruche fupérieure , on achevé le refte comme nous avons dit qu'on l'achevoit dans le cas de la ruche .qu'on a battue pour en chafler les mouches; c'efl-à-dire, qu'on répare les deux ruches l'une de l'autre ; qu'on ôte un à un les gâteaux de l'ancienne ruche , & qu'on fait tomber les abeilles qui font defllis auprès de la nouvelle ruelle en balayant cçs gâteaux avec les barbes d'une plume. Je me fuis fouvent fervi de flacons d'un verre très- tranfparent pour un ufage fort différent de celui auquel on les employé ordinairement. Au lieu de les remplir de liqueur, je les ai fouvent remplis de mouches à miel. Sou- vent j'ai eu en bouteilles toutes les mouches d'une ruche; & un des moyens &. le premier dont je me fuis fervi pour y réuffir, a été de les fumer. C'eft fur-tout pour parvenir , plus aifément à fiire fortir de la ruche les mouches , & à les recevoir quand elles fortiroient , dans tel vafe que je voudrois , que j'ai fait faire des ruches vitrées en cône tron- *Ph22.fig. que *, & qui à leur partie fupérieure ont un trou rond. fi,i'^^'^& Ces mêmes ruches ont un fond qui les ferme. Après y * ' ^ avoir bouché les petits trous qui fervent de portes aux abeilles , avec de petits bouchons de papier, j'ou vrois pour un inftant un des chaffis vitrés du bas , & je faifois entrer dans la ruche des linges qui répandoient beaucoup de fumée. Sur le champ je débouchois le trou du haut de *Pi. 24.. fig. la ruche , & je mettois fur ce trou * & dans une pofition *' renverfée , la bouteille ou le poudrier dans lequel je vou- lois faire entrer les abeilles , 6c dans lequel entroient bien- tôt celles qui cherchoient à fuir la fumée qui les incom- modoit. Quand ce poudrier avoit affés d'abeilles, je le DES Insectes. X Mern. 535 rctirois , je le couvrois pour y retenir celles qui y étoient, & je mettois un autre poudrier en fa place, qui à fon tour fe rempliffoit d'abeilles au point où je le fouhaitois. On pourroit croire que chaque fois qu'on retire un poudrier de defTus la ruche, qu'il s'en échappe bien des abeilles , quelque chofe qu'on fafTe, avant qu'il foit bouché, & qu'il s'en échappe de même par le trou de la ruche , avant qu'il foit couvert par le nouveau poudrier , fi nous ne rappellions une manœuvre irès-fimple & dont nous avons déjà parlé , qui met en état de faire tout cela fans qu'aucune abeille puifle s'envoler. Cette petite manœu- vre demande feulement qu'on foit pourvu de deux quar- rés de papier égaux & plus grands qu'ils n'ont befoin de l'être pour boucher le poudrier. Quand on cfl content du nombre des abeilles qui font entrées dans le poudrier, on fait gliffer les dtux quarrés de pa])ier pofés l'un fur l'au- tre fur le deffus de la ruche , pour les faire paffer entre ce dciïus & le poudrier. Les deux feuilles de papier glif- fées fous le poudrier , n'occafionnent jamais un vuide affés grand pour donner paflage à des abeilles. Enfin, quand on a fait gliffer ces deux quarrés jufques à ce que leur milieu foit vis-à-vis celui du trou, toute com- munication efî ôtée aux abeilles de la ruche avec celles du poudrier. Ce qui refle alors à faire eil bien facile, mais demande quatre mains. Quelqu'un retient avec les deux fiennes le quarré de papier qui eft immédiatement appli- qué fur la ruche, pendant qu'une autre perfonne enlevé l'autre quarré de papier & le poudrier contre les bords de l'ouverture duquel il efl appliqué, & fait furie champ de ce papier un couvercle qu'on ne fera plus obligé de te- nir , parce qu'après avoir plié le papier tout autour des bords , comme il convient qu'il le Ibit , on l'arrête avec une ficelle au-deffous des rebords de l'ouverture. Alors Xxx iij 554 MEMOIRES POUR l'Histoire on n'a plus qu'à placer l'ouverture d'un nouveau poudrier fur le quarré de papier qu'oîî tient fur le trou de la ruche , & de manière que les centres des deux ouvertu- res foiient à peu pî^s vis-à-vis l'un de l'autre. On retire aufii-tôt le pàpieï enlc faifant giifler , Se les abeilles de la ruche entrent dans ce fécond poudrier, comme d'autres étoient entrées dans le premier. On peut donc faire paffer ainfi toutes ou prefque toutes les abeilles de la ruche, dans autant de bouteilles ou de pou- driers qu'on veut ; ôc par conféquent on eft maître de ne remplir chaque poudrier qu'autant qu'il le doit être pour qu'on puiiTe efpérer de voir lés unes après les autres les abeilles qu'il contient , & y diftinguer ies unes des autres celles qui font de différent fexe. On a même le temps d'examiner ces abeilles , lorfqu'elles fe rendent de la ru- che dans la bouteille , fur - tout Ci cette bouteille efl de celles qui ont un col long & étroit. Au lieu de la fumée, on peut fe fervir de l'eau pour faire pafler les abeilles dans autant de poudriers qu'on voudra , & pour les faire fimplement paifer d'une ruche" dans une autre. C'eft peut-être même la manière la plus commode de faire ces fortes d'opérations, bre rcftérent en vie pendant l'automne & pendant partie de l'hiver , & que je les perdis toutes trois de la même manière. Une de ces ruches m'avoit donné au commen- cement de Juin , le plus fort effaim que j'aye vu. Après qu'il fut parti , lorfque j'examinai les mouches qui avoient demeuré dans l'ancienne habitation , j'y crus voir autant de faux- bourdons que d'autres abeilles. Le nombre de ceux-ci, au moins, étoit peu inférieur au nombre de celles- là. Inutilement entrepris-je d'aider aux ouvrières à les dé- truire. J'en tuai ])lus de cinq cens , & ce ne fut pas affés; ils vécurent encore en grand nombre avec elles. Dans les beaux jours d'hiver & les premiers du printemps , les mou- ches de cette ruche alloient à la campagne comme celles des autres , & its mâles y alloient quelquefois avec elles. Mais le printemps n'étoit encore gueres avancé , quand il m'arriva un matin de trouver la ruche déferte ; fcs mouches l'avoient abandonnée. Tout fe paffa de même par rapport aux deux autres des trois ruches dans lefquel- i£s beaucoup de bourdons s'étoient confervés pendant Bbbb iij 566 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE l'hiver, elles furent même abandonnées de meilleure heure; l'une le fut dès le commencement de Février, & l'autre à la fin du même mois. Ce n'étoit pourtant pas parce que les provifions manquoient, que les abeilles fe déterminè- rent à quitter la dernière. Elles y laiflerent plus de douze livres de très-bon miel. Le nombre des ouvrières que j'y trouvai mortes, n'alloit pas à trente ou quarante; les autres ctoient parties avec la mère. Le nombre des mâles morts furpafloit quatre à cinq fois celui des ouvrières mortes. M. de Moralec Lieutenant d'artillerie à Saumur, 6c du génie inventif duquel on a des preuves dans le Recueil des machines approuvées par l'Académie , a imaginé une ma- nière fimple & lûre de détruire tous les mâles d'une ruche dans le temps où ils ne peuvent plus que nuire. Il a ima- giné de mettre devant les trous qui permettent aux mou- *PI. 3î. fig. ches d'entrer dans leurs ruches, des efpéces de portes *. ^^ ^' Chacune eft faite d'une petite lame de fer blanc cou])èe quarrément , de la figure précédente, entourées à leur jondion d'une grande fer- vielte lice autour d'elles avec de la ficelle; & cela pour fermer tous les paffages que les abeilles pourroient trouver. LaFig. 9 fait voir la ruche//^ des figures précédentes, pofée fur l'ancien appuy de la ruche /;•; beaucoup de mou- ches y font déjà entrées , & d'autres continuent à s'y rendre. La Figure 10 efl celle de la ruche rr, des figures 6, j & 8, dont la plupart des mouches ont été chaffées, Si dont celles qui reftent fortent pour s'acheminer vers la ruche ff. nn, eft une nappe fur laquelle la rucher^ a été fecouée./;^ planche difpofée en manière de pont pour abbréger le chemin aux mouches qui font en route pour fe rendre à la ruche ff La Figure 1 1 repréfen.te un cuvier plein d'eau , dans lequel une ruche a été baignée. Les abeilles flottent fur l'eau de ce cuyier. ONZIEME DES Insectes. XL Mem. 5 69 •î" JbtX-tOtjtcttutjtOb t Obt tXt Jbt JbtobtOt^t ONZIEME MEMOIRE. DE CE QUI SE PASSE DANS CHAQUE ALVEOLE D'UNE RUCHE Depuis qu'un ceuf y a été dépofé, jufques à ce que h ver fini de cet œuf pamcime à être une abeille. NO u s devons retourner à ces alvéoles dans le fond de cliacun defquels nous avons vu * que la mère avoit *Mémoirt laifTé , ou , pour ainfi dire , planté un œuf; car nous avons fiiit remarquer que cet œuf, qui a cinq à fix fois plus de longueur que de diamètre, n'a d'appuy que par un de fes bouts; il eft eft l'air, il s'en faut même peu qu'il ne foit parallèle à l'horifon *. C'efl une pofition dans laquelle il ne * Pî. 36. %. refteroit pas, s'il n'y étoit retenu par quelque efpéce de '""' colle ; mais il eft fi léger que la colle la plus foible, un peu de miel épais, fuffiroit pour l'afliijettir. Pour peu que l'épingle avec lequel on en détache un, foit mouillée, il s'y tient dans la pofition où on l'y a mis *: à la vérité, il *Fig.2. n'y eft pas aufll folidement arrêté qu'il l'eft au fond de fa cellule. Ses deux bouts font arrondis; l'un des deux * eft * <». plus gros que l'autre *. C'eft le fupérieur, le plus éloigné * b, du fend de la cellule, qui eft conftammcnt le plus gros; preuve encore que la mère abeille n'a pas eu beibin d'être attentive à lui donner des appuis. Sa figure n'eft pas droite, il a un peu de courbure. Ces œufs font d'un blanc un peu bleuâtre qui tire fur le girafoi. Ils n'ont pour enveloppe, comme ceux dç tant d'autres efpéces d'infedcs, qu'une Tome V, . C c c c 570 Mémoires pour l'Histoire membrane flexibjei l'œuf lui même i'eft; on peut le plier prefque en deux, & lui faire reprendre enfuite fa première iigure. A la vue fimple. Si. même avec une loupe de trois à quatre lignes de foyer, il paroît extrêmement liffe; mais û on le confidére avec un microfcope qui grofTiffc extrê- mement , on apperçoit un travail qu'on croit fur fa fur- face, 6i qui eft peut-être dans fon intérieur. Swammer- dam a dit qu'il paroît alors comme s'il êtoit couvert d'êcailles. Ce que j'ai vu, c'eil: que près de les bouts, ii y a des traits droits qui forment des efpéces de lozangcs très-allongés. Jufques ici nous avons fait entendre que la mère ne laiffoit qu'un œuf en chaque cellule. C'eît pourtant une règle qui foufïre des exceptions, & le cas où elle en fouffre e(t aifê à prévoir. Si la mère preifêe par le befoin de pondre, ne trouve pas autant de cellules vuides qu'elle a d'œufs dans le corps qu'elle n'y peut plus retenir, il ne lui refle d'autre parti à prendre, que d'en dépofèr plufieurs dans chaque cellule. J'ai vu aufîi quelquefois des cellules qui en avoient deux, quelques-unes qui en avoient trois, & d'au- tres qui en avoient jufques à quatre. La première fois que j'obfervai des cellules dont chacune contcnoit plus d'un, œuf, ce fut dans une petite ruche où j'avois mis une mcre avec trop peu d'ouvrières; à peine en avoit-elle fîx cens, à fon fervice; & elle eût eu befoin d'y en avoir autant de milliers qu'elle y en avoit de centaines. Le petit nombre de mouches ne put fournir à confîruire autaiît de cellules que la mère avoit befoin d'en avoir à fa dilpofition. Plu- fieurs de celles qui furent conftruites furent même rem- plies du miel néceffaire pour vivre au jour le jour. Dans- îe peu de cellules dont la mère put difpofer, elle mit pref- que par-tout les œufs deux à deux. Je ne pus fuivre ce ç[ui arriva à ces œufs , car la mère à, fa petite troupe DES Insectes. XL Mem. 571 abandonnèrent la ruche, 6i peutctre la mère ne l'aban- donna-t-elle que pour tâcher de fe faire recevoir dans une autre mieux peuplée , &. où elle pût pondre à Ion aife. Avant que j'aye été bien inftruit de toutes les atten- tions qu'il falloit avoir en baignant les abeilles , j'ai perdu un grand nombre de celles à qui je faifois Ibûtenir cette opération : dans une ruche que j'avois afles mal peuplée, des abeilles qui m'étoient reliées d'un bain mal fait,& oii pourtant je mis bien le double des mouches qu'il y avoit dans l'autre ruche dont je viens de parler , celles que j'y établis ne purent encore conftruire le nombre de cellules que la fécondité de la mère demandoit. Auffi en vis je \m matin piufieurs qui avoient deux œufs , & quelques- unes qui en avoient jufques à trois. La mère qui fçavoit apparemment ce qu'elle devoit fe promettre de mieux pour l'avenir de fes ouvrières, n'abandonna pas fa ruche. C'efl; de quoi je fus fort content, parce que j'étois curieux de fçavoir ce qui arriveroit aux œufs furnumeraires. Une cellule ne peut fervir qu'à élever un ver, deux, & à plus forte raifon , trois vers y feroient mal à leur aile. Il vient un temps où l'infeéle fous fa première forme, ou fous celle de nymphe , remplit la cellule en entier. Les abeilles qui fçavent cela, comme elles fçavent tout ce qu'elles ont befoin de fçavoir, & qui, comme nous le verrons dans l'inflant , prennent un grand intérêt à la vie des vers, re- marquèrent apparemment les cellules où trop d'œufs avoient été dépofés; elles n'en lailferent qu'un dans cha- cune. Au bout de 24 heures je ne vis plus qu'un œuf dans piufieurs des cellules où j'en avois vu deux ou même trois; 6c au bout de deux jours toutes n'en avoient qu'un feul. Dans ces deux jours beaucoup de cellules nouvelles avoient été conftruites ; mais je ne fçais fi les abeilles C c c c i j 57^ MEMOIRES POUR L'HISTOIRE avoient porté clans quelques-unes de ces nouvelles cellu- les les œufs qu'elles avoient ôtcs aux anciennes. Se fuffent- ellcs contentées de tirer les œufs lurnumeraires de chaque cellule, les euffent-eiles abandonnés à leur mauvais ibrt, elles euffent toujours fait une adion utile. Si au lieu de facrifier les vers qui dévoient fortir de ces œufs, elles les euflcnt épargnés, tout ce qui en feroit arrivé, c'eft qu'ils, feroient péris plus tard, & qu'ils auroient fait languir, & peut-être périr des vers qui ne pouvoient manquer de venir à bien dès qu'ils reftcroient fculs. Il arrive quelquefois dans des ruches dont les mouches n'ont pas été auflî mal traitées que celles dont je viens de parler, dans des ruches très-peuplées &. très-fournies de gâteaux , qu'il y a quelques cellules qui ont deux œufs ; &. cela arrive, quand la mère n'en trouve pas de vuides& de nettes, lorfque trop de cellules font remplies de miel ou de couvain, c'efl- à-dire, félon la définition que nous avons déjà donnée de ce dernier terme, d'œufs, de vers ou de nymphes. La plupart des Auteurs qui ont écrit fur les abeilles fans les avoir examinées avec des yeux afîes éclairés & affés attentifs , ont prétendu qu'elles convoient les œufs dépofés dans les cellules, comme les oifeaux couvent les leurs. Plufieurs ont chargé les mâles de celte fondion*^ quelques - uns même ne les défignent que ]>ar le nom de mouches couveufes. Ce fentiment efî affés commun aux Auteurs qui ont donné des préceptes pour bien gouverner les abeilles. Vandergroen, par exemple, dans ^//«/'r/Wà ^'ouvrage qu'il a intitulé, le Jardinier des Pays-Bas *, Bruxelles en yeut quc dès qu'un effaim efl forti d'une ruche , on ^^ la renverfe, on vifite tous les gâteaux, & il prefcrit £(e couper la tête avec tin couteau bien affilé à toutes les imu- çhes qui couymtf & même à celles de ces mouches qui ne DES Insectes. XL Mem. 573 font pas encore foriïes des cellules. D'autres qui ont fiiic attciuion qu'on trouve pendant prcfque tous les mois tic l'année , foit des œufs , foit des vers naiflants , dans la plu- part des ruelles, quoique ces ruches foient dépourvues de faux bourdons jjcndant plus de huit ou neuf mois entiers, ont chargé les abeilles ordinaires du foin de couver. Al. Maraidi n'a pas cru que les abeilles cou^aflcnt les œufs à la manière des oifeaux; il fçavoit très -bien que l'on ne voit point une abeille fe tenir condamment dans une cellule où il y a un œuf Mais il a cru qu'elles avoient une fiçon de couver qui leur efl particulière, que des abeilles alloient fe pofer fur les bords des ouvertures des " cellules à œufs, & qu'en agitant leurs aîles avec vîiefle, elles produifoient une chaleur propre à fair éclorre ks vers. Quoiqu'il foit certain , comme nous le prouverons dans la fuite , que les mouvements que fe donnent à la fois les abeilles d'une ruche, peuvent faire naître affésfubi- tement un grand degré de chaleur, on ne doit pas atten- dre que celle d'une ruche foit fenfjblement augmentée par l'agitation Aq^ aîles d'un petit nombre de mouches. L'œuf qui eft au fond d'une cellule ne peut gueres être échauffé par la mouche qui meut avec vîteffe fes aîles au - defTus de l'ouverture de cette celkile. Mais ce qui doit parfiitement délabufer de l'idée qu'on a eue de faire couver les abeilles de quelque manière que ce foit , c'eflr qu'on peut obferver que les cellules à œufs font fouvent ics plus abandonnées; elles font fouvent plus à découvert que les autres ; les mouches ne paffent deflus que quand k route qu'elles ont priié l'exige. Les œufs ne demandent pour être couvés , que la chaleur qui efl répandue dans la ruche, chaleur qui fouvent approche fort de celle qu'une poule peut donner aux œufs fur lefquels elle refle conf- îaiumeiit pofée, & qui quelquefois la furpaffe. C c c c iij 574 MEMOIRES pouPx. l'Histoire Le moment où un ver fort de Ton œuf n'efl pas aifé à faifir , & il m'a échappé. Je i'euffe mieux épié que je n'ai fait, fi j'eufTe foupçonné qu'il dut avoir quelque chofe de particulier à m'ofirir. Ce qui eft certain , 6c ce que je me fuis contenté de fçavoir, c'eft qu'au bout de deux ou de trois jours , félon qu'il fait plus ou moins chaud , on peut trouver le ver dans le fond de la cellule. Si on attend à l'y chercher quatre ou cinq jours après que l'œuf a été pondu, on l'y trouve plus grand qu'on n'auroit cru qu'il devoit être. Son accroiffement & toutes fes métamor- phofes fe font ailés vite dans les failbns favorables. Qu'on remarque , comme je l'ai fait plufieurs fois , une cellule dans laquelle un œuf vient d'être dépofé , fi on ne vient la revoir qu'au bout de vingt à vingt-un jours, on pour- ra arriver dans le moment où la mouche à laquelle cet œuf a donné naiffance, travaille à fortir de fa cellule , &. eft prête à prendre l'effor. Je mis des mouches en ruche le 2 ^ du mois de Mai; le lendemain elles travaillèrent avec ardeur à faire des gâteaux; le 27, j'obfervai quantité de cellules dans chacune defquellcs il y avoit un œuf; le 17 Juin , chacune de ces cellules donna à la ruche une nouvelle mouche. J'ai fait des obfervaiions femblablcs bien des fois, & dans des faifons favorables quoique plus ou moins avancées. Depuis que le ver eft né jufques à ce que le temps de fa première métamorphofe approche, il eft toûjoiirs dans * Pi. 36.% la même attitude; il eft long ''', &. il fe tient roulé en an- 3 ^ -î- neau , de manière que fa tête touche fon derrière *. L'an- *Fig. 5 & 6. j^g^y ^i^jVj fQj.j^g g(^ pjgjj, Qy prefque plein ; le milieu en eft rempli par les parties charnues du ventre. On diftingue différentes lignes blanches , qui des côtés fe dirigent à peu près vers un centre commun. Le ver eft ainfi appliqué prefque contre le fond de fa cellule. Ce fond ne femble pas trop propre à le recevoir à caufe de fà figure angulaire; DES Insectes. XL Alem. 577 mais Çi on fe rappelle la pofition de la cellule , que fa coupe iranfvcrrale eft prefque perpendiculaire à i'horifon , on jugera que le ver en doit peu prelïer le fond par fon poids. Si on en retire un & qu'on examine le fond de la cellule, on verra même que le ver y étoit pofé plus mollement qu'on ne i'avoit pcnfé : on y appercevra une couche afles épaiffe d'une efpéce de gelée ou de bouillie qui a une cou- leur blancheàtre; elle fait , pour ainfi dire, le lit fur lequel le- ver q[\ couché, ou, plus exaélement, ledoflicr de fon fiége. Cette même matière fur laquelle le ver eft mollement appuyé , eft auffi celle dont il fe nourrit. Il feroit incapable de l'aller chercher ; il ne feroit pas même en fon pouvoir de fe traîner hors de fa loge. Mais il peut y être tranquille; il y fera toujours pourvu abondamment de tout lenécef- faire. Les abeilles ordinaires font \çs nourrices que la nature a accordées aux vers; elle leur a donné pour eux une afFe(5lion fur laquelle on peut plus compter qu'on ne peut compter parmi les hommes fur celle des nour- rices que les mères choifjffentà leurs enfants. A piufieucs heures du four , on voit une abeille entrer la tête la pre- mière dans la cellule où il y a un ver , y refter quelque temps. Ce qu'elle y fait ne peut être obfcrvé , mais on efV fur au moins qu'elle fournit au ver la matière dont il doit fe nourrir, & qu'elle en renouvelle la provifion. Après que cette abeille efl fortie , on en voit quelquefois une Gu plufieurs autres fuccelfivement & en différents temps qui mettent leur tête à l'entrée de la même cellule, comme pour reconnoître fi le ver qui y efl logé , a tout ce qu'il lui faut : un couj) d'œil fufHt pour le leur apprendre ; fouvent elles pafTent outre dans l'inflant ; & ce n'efî quelquefois- qu'après avoir examiné beaucoup de cellules les unes après ies autres, qu'elles entrent dans une qu'elles ont reconnue n'avoir pas été pourvue fuififamment. 57^ MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE Quand une abeille refte pendant quelques inftants dans Ja cellule d'un ver , c'eft fans doute pour y dégorger de cette efpéce de bouillie ou de gelée contre laquelle le corps du ver eft appliqué & dont il eu entouré. On ])our- roit douter fi cette matière que nous regardons comme celle dont il Ce nourrit , n'eft pas plutôt celle dont il fe vuide ; niais ce doute ne paroîtra pas afTés fondé , lorfqu'on fe rappellera que tous les vers auxquels ceux-ci font analo- gues, rejettent très-peu ou ne rejettent prefque point d'ex- créments; & fur-tout lorfqu'on fçaura que les plus jeunes vers ont autant de cette matière dans leurs cellules, que ceux d'un âge plus avancé en ont dansles leurs. Loin même qu'elle aille en s'y accumulant, comme elle le devroit fi elle étoit compofée des excréments , elle va en diminuant, on n'en trouve plus dan?lcs cellules habitées par des vers prcts à fe métamorphofer. D'ailleurs , elle a û peu de relfcm- blance avec des excréments,qu'ilparoîtinconteftabIequ'cl{e eft la matière qui doit fournir à l'accroiffement du ver. Il y a aiïes de cette bouillie dans chaque cellule pour en pouvoir prendre avecla tête d'une épingle à trois ou quatre reprifes différentes, de petites maffes de la groffeurde la tête de l'épingle, lan.s ce qui refte trop étendu fur le fond de la cellule pour pouvoir être enlevé d'une façon fi groffiére. On peut donc goûter de cette matière. Si on l'a prife dans ia cellule d'un jeune ver , on la trouve abfolument ijifipide telle qu'une efpéce de colle de farine. Swammerdam qui a obfervé cette efpéce de gelée , paroît embarraffé comme on doit l'être , fur l'endroit où les abeilles la prennent. Il s'éclîaj)pe à la vérité de certains arbres , une fève qui s'épaiffit èc s'accumule fur l'ouverture qui l'a laiffé Ibr- tir , & qui , autant que les yeux & le goût en peuvent juger, a beaucoup de reffemblance avec la gelée en quef- tion; mais Swarnmerdam a très -bien remarqué que les abeilles •DES Insectes. XI. 'Mem. 577 abeilles ne trouveroient pas de cette fève épaiffie en hiver, au milieu duquel elles ont quelquefois àc^ vers à nourrir. Il y a donc plus d'ajiparence , comme il paroît difpofe à le croire, que le miel, j'y ajoûterois la cire brute que les abeilles ont fait pafler dans leur corps , y reçoivent une préparation qui les fait devenir i'efpéce de bouillie qui eft l'aliment des vers. Quelques obfervations qui ont échappé à Swammer- dam, car à qui n'en échappe-t-il pas! me confirment dans cette idée ; ^• pointe écailleufe &. jaunâtre. Ils font fi exacftement appli- qués contre le contour de la tête , qu'il ne feroit pas poP fible de les y diflinguer , fi on n'avoit les deux mains libres pendant qu'on les regarde à la loupe; c'eft-à-dire, fi on n'avoit fur le nez une de ces lunettes à loupe dont nous avons enfeigné ailleurs à fe fervir , qui donnent l'ufage d'une main de plus. Swammerdam à qui ce fccours man- quoit , avoue naturellement qu'il n'a pu bien voir les par- ties de la tête de ce ver; & cela , ajoûte-t-il , faute d'une main qui pût les écarter les unes des autres; car l'une de fes mains étoit occupée à tenir le ver , & l'autre à tenir la loupe. Mon nez étant chargé de la loupe, j'ai eu la main néceffaire pour éloigner avec la jjointe d'une épingle , \m\ des crochets du contour de la tête contre lequel il étoit appliqué. En deiïbus de la tête * on trouve la lèvre inférieure; * Fig. i». la partie* qui en fait le milieu s'élève jufques à la lèvre */. fupérieure & même par-defliis , comme s'élève la lèvre d'une bouche humaine dont la mâchoire inférieure {q Dddd ij 580 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE porte trop en devant. Le bout de cette partie eft comme taillé quarrément; ii a quelquefois Jui- même l'air d'une efpéce de bouche ; je veux dire qu'en certains temps, on y voit une cavité oblongue formée par des chairs pliffees; mais quelquefois il fort de cette cavité, une pe- tite lame charnue qui eft taillée quarrément. Nous prou- verons bientôt que ces fortes de vers f^jl^nt filer, &. ceû. dans cette lame charnue que la filière el^lacée. Les deux ■*PI. 36.%. autres parties * delà lèvre inférieure, celles qui en font '°' ' ' les côtés, diminuent infenfiblement de groffeur en s'é- loignant de leur bafe; elles fe terminent par des pointes fines, rouffedtres, dures & comme écailleufes. Ces poin- tes font peut-être des inftrumenis utiles au ver, lorfqu'il place les fils de foye qu'il tire de fa filière. Elles ont auffi à leur face intérieure au-deffous de la pointe, comme deux à trois petites dentelures jaunâtres & écailleufes. La */ partie * qui eft entre celles-ci & la plus confidérable de la lèvre inférieure, eft appellée la langue par Swammerdam ; ce feroit une langue qui fe trouveroit en entier hors de la bouche. Les conformations des infcéles ont des chofcs plus bifarres; mais on peut trouver une vraye langue dans la cavité de la bouche, à des infcéles qui ont une partie fcmblable à celle dont nous parlons. De-là il fuit qu'elle ne doit encore être prife que pour la plus confidérable partie de la lèvre de nos vers d'abeilles, dont nous ne Içaurions gueres nous promettre de voir la vraye langue. Celle-ci eft apparemment dans la cavité qui fe trouve entre la lèvre fupérieure ëc l'inférieure , cavité que Swam- merdam ne femble pas avoir connue; & cela encore, faute d'avoir eu la facilité de féparer les unes des autres , les parties de la tête pendant qu'il les obfervoit. Avant que de quitter cette tête , nous y devons faire * Fig. 10.7, /. remarquer deux petits globes * dont il y en a un de chaque DES Insectes. XL Mem. 5 8 1 côté , environ à diftance égale du bout antérieur & du bout pofléricur. Ils font auffi blancs que le refte , mais plus luifants, & on ne peut ics prendre que pour deux yeux ; ils font l'un & l'autre dans un enfoncement qui leur fait une efpéce d'orbite. Les vers les plus gros & les plus blancs , ont tout du long du dos*, depuis la tête jufques à l'anus, une raye *pi. id.Zg. jaunâtre : quoiqu'elle femble être fur la peau , elle n'y eft ^ '•. pas réellement ; la peau ne paroît colorée que paice qu'elle îaiffe voir le conduit des aliments qui cfl étendu en ligne droite , & rempli d'une matière d'un jaune fauve. C'efl: apparemment la blancheur du refle du corps , & fon air douillet & dodu qui ont tenté Swammerdam, & qui lui ont donné envie de fçavoir quels goûts avoient ces vers. Je m'en fuis d'autant plus volontiers rapporté à fon expé- rience, qu'il dit leur avoir trouvé un goût très-défagréa- ble, femblable à celui du fuc pancréatique des poiffons, & qui , ce qui en donnera une idée à jilus de gens, Iaiffe au gofier une impreiïion femblable à celle du lard rance. Sous le ventre *, on croit voir de diftance en diflance, * Fig. 12. des plis plus blancs que le refte, difpofés parallèlement''^' •les uns aux autres , & tranfverfalement. On eft porté à croire, que ce font ceux qui fe font dans les endroits où ie ver fe courbe. Quand on examine ces prétendus plis de plus près, on reconnoît que ce font des vaiffeaux, qui ])our être d'un blanc argenté, ont plus d'éclat que le blanc de tout le refle du corps & que celui de la peau au travers de laquelle ils paroiffcnt ; en un mot , que ces vaiffeaux font des trachées. On peut s'en convaincre aifément; on paffcra fous l'un d'eux la pointe d'une épingle, & on le forcera de s'élever au-deffus de la peau déchirée; alors on verra que le vaiffeau qu'on a enlevé, a confervé fa ron- deur, quoiqu'il foit ouvert, & qu'il a une blancheur Dddd iij t, 582 Mémoires pour l'Histoire argentée; deux caradléres qui dirtinguent les trachées des autres vaiflcaux. Si même on tire de iuiie deux ou trois de ces vaiiieaux hors du corps du ver , quelqu'un d'eux &. peut-être tous les trois , feront voir que leur flruélure * Tome IV. ell telle que nous avons trouvé celle des trachées * des pl"22Jî". vers aquatiques qui donnent- les niouciies à corcelet •j-î- armé, & telle que nous avons dit alors qu'il y avoit aj)parence qu'étoit la ftruclure de toutes les trachées des inlecfles. Nous avons prouvé que les trachées de ces vers aquatiques étoient faites d'un fil cartilagineux d'une pro- digieulè finefTe , roulé en fpirale , comme le fil d'argent dont on fait ces ornements appelles cannetilles ou bouil- lons ; on voit que la ftruélure des trachées des vers des abeilles , eft la même. Le tuyau qu'on a brifé pour l'élever au-delTus de la peau , laifle paroître à un de (es bouts, un fil qui s'eft dévidé & qui le dévide davantage fi on parvient à le prendre entre fes doigts, & qu'on le tire enfui te. * PI, -, 6. fig Les ftigmates * de ces vers , quoique très-petits , & quoi- i2.f,f,f,ôic:c^Vie déjiourvûs d'un rebord jaunâtre qui aide à faire diftin- guer ceux de divers infe(fles,ne font ])as difficiles à trouver; * t. on n'a qu'à fuivre une trachée tranlverfale *, elle aboutit de chaque côté tout auprès d'un ftigmate. On trouve de la forte la fuite desfhgmates de chaque côté; la ligne fur laquelle ils font rangés, efl: marquée par une trachée qui va de la tête à la partie poflérieure. C'efl fur ces deux longues trachées que font pofés immédiatement les ftigma- tes ; d'auprès de chacun de ceux-ci part un tronc de tra- chée très-court, mais auiïigros que les trachées tranfver- fales du ventre ; il s'élève vers le dos & jette deux bran- ches déliées, qui elles-mêmes fournirent des ramifica- tions. En defTous du ver, près de fa tête , on voit des trachées DES Insectes. XI. Mem. '585 qui forment diveifes oncles ; on diftingue déplus d'autres ondes blancheâtrcs forniccs par des parties intérieures vues au travers de la peau. L'anus du ver eft à fon dernier anneau, & n'eft deftiné qu'à rendre peu d'excréments ; jamais il n'en rejette lorf- qu'on tient le ver entre Tes doigts; c'eft pourtant un temps où les vers qui ont à fe vuider, ne manquent guéres de le faire. Dans les faifons favorables à i'accroiflemcnt dçs in- ie(fles , j'ai remarque des cellules où la mère abeille venoit pondre. J'ai enfuite obfervc au bout de huit jours, que chacune de ces cellules étoit remplie j)ar un ver qui n'avoit plus befoin de prendre d'aliment, c'ell-à-dire, qui n'avoit plus à croître : d'où il fuit que tout le croît de chacun de ces vers avoit été fait en moins de fix jours, puifquenous avons vu que ce n'efl guéres que deux jours après que l'œuf a été pondu que le ver en fort. Dès qu'il naît il fe roule, mais le rouleau qu'il forme alors eft fi petit qu'il iaiiïe bien du vuide entre fa circonférence Si. les parois de la cellule. Bientôt, c'efl - à - dire , au bout de deux jours ou environ , ce vuide efl rempli : ce même rou- leau formé par le ver s'applique contre le contour de la portion de la cellule, à laquelle il répond. D'ailleurs le ver étant devenu plus long, un feul tour ne fuffit plus pour la longueur de fon corps. La tcte fe trouve pofée au-deffus du pénultième anneau. Ses autres dimenfions doivent augmenter, & augmentent en même temps. Or puifque dès les' premiers jours le rouleau étoit un rouleau plein , le corps que fa pofition em])éche de s'étendre du dos vers le ventre , ne peut s'étendre que vers les côtés ; il eft forcé de prendre une figure applatie *. La coupe * PI. jô.fïg, d'un anneaiiT[ui, dans les premiers temps étoit circulaire, 7 ^ ^' eft alors ovale. J'ai fouvent ouvert des cellules qui avoient 584 MEMOIRES POUR L'HisTOÎRE été détachées des autres , &. elles me fembloicnt contenir deux vers pofés l'un fur l'autre, parce que je n'imaginois pas qu'un feul ver roulé pût occuper une aufli longue portion d'une cellule que celle qu'il occupe quand il eft applati au point où le roulement demande qu'il le foit ; mais dès que j'avois ôté ce ver de place, & que je l'avois mis en quelque forte en liberté, fon corps reprenoit de la rondeur. Il vient donc un temps où le ver doit fe trouver ma! à fon aife d'être roulé, & où il doit chercher à fe mettre dans une autre pofition, à s'allonger. Ce temps arrive quand celui où il doit fe métamorphofer pour la première fois, efl proche. C'eftauffi alors que les abeilles qui jufques- là lui avoient apporté des aliments convenables , ceffent de lui en donner qui lui feroient inutiles. Elles connoiffent qu'il n'a plus befoin de manger ; & elles fongent à le mettre hors de rifque d'être inquiété dans fon alvéole, où il ne doit plus même avoir de communication avec i'air extérieur. Le dernier des foins qu'elles prennent pour lui, efl: celui de le renfermer dans fa petite loge, d'en murer, pour ainfi dire, l'ouverture avec de la cire. Plufieurs abeilles travaillent à la fois , ou les unes après * PI. 36.fig. les autres, à faire un couvercle de cire * à la cellule, 6c c '^c^ôiJ '^' ^ J'^pp''^'-'^'' exaélement fur les bords , ceux - ci lui fervent d'appuis. Ainfi lever fe trouve renfermé dans une elpéce de boîte de cire fcellée hermétiquement. La manière dont les abeilles s'y prennent pour faire le couvercle de cire, ne fuppolè rien que nous ayons befoin d'expliquer; la façon en eft plus fimple que celle des ^êellulcs exago- nes, & la même que celle des couvercles des cellules à miel. C'efl après que le ver a été ainfi renfermé dans fa cel- lule, qu'il fe déroule, fe redreffe & s'allonge: Jufques-là, ii ii'avoit eu d'autre peine que celle de manger. Son corps avoit DES Insectes. XI. Mem. 585 avoit été dans le plus parfait repos ; mais les bcfoins de Ion état futur demandent qu'il commence à travailler. La peau qui le couvrira loriqu'il fera nymphe , eft apparem- ment plus délicate que celle qui le couvre pendant qu'il cft ver ; elle ne doit pas être expofée lorlqu'clle eft nou- velle & exceffivemcnt tendre, à toucher immédiatement les parois de la cellule ; le ver fonge à les tapiiïer de Ibye; il fçait filer comme le Tçavent les chenilles. C'efl un fait qui a échappé à M. Maraldi , & qui pouvoit très -bien échapper à un bon obfervateur, mais que Swammerdam n'a pas ignoré. Je crois feulement que ce dernier a fait filer le ver de trop bonne heure ; il l'a mis à l'ouvrage avant que l'alvéole eûtfon couvercle de cire; & il m'a toujours paru que le ver ne commençoit à filer qu'après qu'il avoit été renfermé de toutes parts. La portion de la toile qu'il ourdit, qui fe trouve à l'ouverture de la cellule, pour- roit être gâtée par les abeilles qui mettent le couvercle de cire , fi elle étoit déjà faite alors , comme Swammerdam l'a voulu. Malgré toute l'adreffe que nous fçavons aux abeilles, il ne paroît nullement poffible qu'elles puffenc parvenir à appliquer la cire auffi parfaitement qu'elle efl appliquée fur toute cette portion de la toile; au lieu que le ver ne fait là que ce qu'il fait ailleurs quand il couche & colle exaéîement fur le couvercle, des fils de foye très- proches les uns des autres , & qui fe croifent. La toile de foye que file notre ver, efl extrêmement fine & extrêmement ferrée; elle fuit exaélement toutes les faces & les angles de la cellule à laquelle elle fert, pour ainfi dire, de chemife. On pourroit très-bien ne pass'ap-' percevoir qu'une cellule efl tapiffée de celte toile , fi on le contentoit de lui ôter fon couvercle & d'en confidérer le dedans avec des yeux qui ne feroient aidés du fecours d'aucun verre. Mais ii on vient à brifer une cellule dans Tffms V. . Eeee 586 MEMOIRES POUR l'HISTOIRE toute fa longueur, ou plutôt à en brifer piufieurs à la fois, & cela, en rompant un gâteau rempli de celles dont chacune a un ver ou une nymphe, & qui font toutes fermées par ieur couvercle de cire; les caffures du gâteau font voir alors piufieurs cellules ouvertes longitudinalcment; Si. on remarque que le ver ou la nymphe de cliaque cellule, ne * PI. 36. fig. paroît qu'au travers d'une pellicule roulfeâtre '^. Cette pel- '^' '^■^'^ ' iicule n'a rien de commun avec les parois de cire qui ont été rompues; plus flexible ôi. d'ailleurs forte, elle s'eft décollée de deffus la portion de la cellule qui a été em- portée par le déchirement. En rompant ainfi des cellules, on fe convainc donc aifémcnt que chaque ver a foin de tapifler la fienne d'une toile de foye; mais on en pourroit rompre, & c'eftmême ce qui arrivera le plus fouvcnî, qui feroient juger que le ver file une enveloppe qui eft beaucoup plus épaiffe que nous ne l'avons laiffé imaginer, & qui efl réellement cinq à fix , peut-être huit à dix , & peut-être vingt fois plus cpaiffe. AufTi n'eft-elle pas l'ouvrage d'un ïexA ver; die n'eft pas une enveloppe fimple ; elle eft compofée de plu- sieurs toiles qui ont été mifes les unes furies autres. Nous avons déjà dit que moins de trois femaines après que le ver efl né , il eft en état de fortir de fa loge fous la forme de mouche. L'habitation qu'il laiffe vuide eft nettoyée fur îe champ par les abeilles , & eft rendue auftl propre qu'elle J'étoit d'abord , à fervir à élever un autre ver ; la mère abeille y peut venir & y vient pondre. Le fécond ver qui habite cette cellule, y file comme le premier y a filé, avant que de fe métamorphofer. La même cellule peut donc être tapiiTée d'une nouvelle toile de foye piufieurs fois dans une année; & lorfqu'une ruche a fubfifté pendant piufieurs années , il y a telle cellule qui a fervi fucceffive- ment d'habitation à bien d^s vers, & qui par conféquent^ DES Insectes. XI. Mem, 5 87 a reçu fucceflivement bien des toiles de foye. Elles iont fi minces qu'il en faut un grand nombre d'appliquées les unes fur les autres avant que le Jogement en loit rendu fenfiblcment plus étroit. On pourroit s'afFûrerdu nombre des vers qui ié ibnt transformés en mouches dans chaque cellule , fi on fe donnoit la patience de féparer les unes des autres les pellicules qui s'y trouvent , car elles font réparables. La cellule qui en a plufieurs, loin d'en valoir moins, eft plus forte & plus folide que les autres; elle eft moins en rifque d'être brilée que celles qui ne font que de cire ; la tapiflerie eft ici capable de foûtenir les murs. Pour féparer d'une cellule l'enveloppe, foit fimple, foie compofée, dans fôn entier, Swammerdam a eu recours à un moyen \\n peu long, mais commode; c'eft de tenir pendant quelques jours la cellule dans l'efprit de vin ; il agit fur la cire , & fait qu'elle eft bien moins adhérente à' la toile de foye qu'elle n'y eft naturellement. M. Maraldx qui avoit obi'ervé la pellicule ou l'aftemblage de pellicules qui recouvre une cellule, ne s'en étoit pas fait une jufte idée ; il a cru que chaque pellicule fimple étoit la dépouille que le ver avoit laiftee lorfqu'il s'étoit transformé: il n'avoit pas affés penfé combien il eût été difficile que cette peau ïe fût moulée exactement dans les angles que forment les pans de l'exagone ; car il n'y a que le fond de la cellule qui prenne un peu de rondeur, où les arr^i^s des angles foient effacées par les toiles. Au refte, s'il eût ouvert plu- fieurs cellules bouchées récemment, il feroit parvenu à en obferver dont l'intérieur auroit été tapiffé , quoique le ver eût encore fa première forme; ainfi, il fe fût convaincu que ce n'eft pas de fa dépouille.qu'il la tapifle ; il auroit pu auftl furprendre le ver occupé à filer. Enfin , fi on examine au microfcope ou feulement avec une forte loupe cette pel- licule, malgré fon tiffu ferré on reconnoît qu'elle eft; £eee \\ 588 Mémoires pour l'Histoire faite de fils très-déliés, appliqués les uns contre les autres, & que fa ftrudlure eft toute autre que celle d'une peau. Ce n'efl pas feulement par la forme de leurs cellules que les vers qui fe doivent transformer en femelles, font traités avec diftindlion ; nous venons de dire que plu- fieurs œufs de ceux d'où doivent naître des abeilles ordi- naires, font fucceiïivement pondus dans la même cellule; mais on donne une cellule neuve à chacun de ces œufs plus précieux d'où doivent éclorre des vers qui devien- dront des mères. Les obfervations que j'ar faites le prou- vent. Je n'ai jamais trouvé une cellule royale tapiffée que d'une feule toile de foye; &. j'ai vu les abeilles détruire les cellules royales dans lefquelles des femelles étorent nées , ou n'en laiffer que les fondements fin* lefquels elles élevoient des cellules exagones. Enfin , ce qu'elles avoient confervé de chaque cellule royale fe trouvoit dans la fuite entièrement renfermé dans l'intérieur d'un gâteau. Ce que » Alan. IX. nous avons dit ailleurs * de la pofition la plus ordinaire à ces cellules , fait voir que les abeilles font dans la néceffité de les détruire, fi elles veulent prolonger les gâteaux de cire du bord defquels elles pendent. Je rapporterai une feule obfervation , qui prouve inconteflablement cette deftruélion des cellules royales. Je baignai une ruche qui m'avoit donné l'année précédente deux effaims, 6c de la- quelle il n'ei^êtoit point encore forti le 6 de Juillet de l'année où elle fut baignée. Après avoir examiné ies gâ- teaux les uns après les autres , je n'y pu trouver aucune cellule royale ; elle en avoit pourtant eu au moins deux l'année précédente. Plufieurs couches de fils de foye ap- pliquées fucceffivemcnt fur les parois de la même cellule exagone, la rendent moins fragile; mais les cellules royales font fi folidement conflruites , que la multiplication des couches de foye leur feroit très-^inutile. DES Insectes. JV/. Mew. ^ 5 89 Je dois faire remarquer que les abeilles fë donnent biea de garde de porter au ver plus d'aliments qu'il n'en peut conibmmcr. Avant que de filer fa coque , il achevé de man- ger toute fa provifion de gelée; ainfi, il rend le fond de ih cellule net & (qc: on ne voit pas même qu'il y foit refté d'excréments. Après avoir rendu fon logement propre , après l'avoir tapiflé defoye, il continue de fe tenir allongé; le temps où il devait être roulé eft fini. Il paffe un jour ou plus tout étendu; & enfin, le moment arrive où il va changer d'état, où il fe défait de la ])eau fous laquelle il paroilfoit ver, pour devenir nymphe *. Nous avons parlé * FF. 36.6g. îî au long en différents endroits, de la manière dont s'ac- '+' complit la métamorphofe des chenilles en crifalides , 6c celle des vers de divers genres qui doivent devenir des mouches à quatre aîles, eu nymphes incapables de véri- table mouvement progreiïif, qu'il feroit très-inutile que nous nous arrêtalDons à décrire comme fe fait le change- ment d'état du ver d'abeille. On fçait affés que fa peau doit fe fendre fur le dos , que la nymphe fort peu à peu par la fente qui s'y eft faite, qu'elle force cette peau à aller en arriére, que la nymphe s'en tire toute entière; & que dès qu'eHe s'eft défaite de cette enveloppe, on lui peut trouver toutes les parties extérieures d'une abeille, les antennes, les jambes &; la trompe qui font ramenées en devant du côté du ventre ; & que ces parties n'ont plus befoin que de prendre de la confiftance pour être en état de fournir à tous les ufages auxquels elles font deftinées. Ces faux-bourdons , ces mâles que les abeilles maffacrent impitoyablement dans le mois de Juillet , quelquefois un peu plutôt & quelquefois un peu plus tard, ont été l'objet de leurs foins pendant qu'ils prenoient leuraccroiffement fous la forme de vers qui ne differoient que par leur Eeee iij 590 MEMOIRES POUR l'Histoire grandeur, lie ceux qui deviennent c\cs abeilles fans fexe.Ccy dernières icur portent les mênies aliments qu'elles portent aux autres vers, & avec la même affiduité; & enfin > quand il y en a quelqu'un de prêt à fe métamorphofer, elles ont auffi l'attention de mettre un couvercle de cire à fa cel- lule. Quand les cellules où ils font ne fe feroient pas diftin- guer des autres par leur grandeur , on les reconnoîtroit * PI. 36. %. par la forme du couvercle *. Ce couvercle eft une calotte \c ^''^''^''^' ienfiblement plus relevée en dehors que n'eft celle d'une cellule de ver qui doit devenir une abeille ordinaire. On voit dans certains temps des gâteaux entiers ou des por- tions de gâteaux dont toutes les cellules ont de ces cou- vercles relevés. Les vers qui doivent devenir des faux-bourdons, naif* fent d'œufs femblables à ceux d'où fortent les vers qui doivent devenir des abeilles communes , mais peut-être un peu plus gros. Ces premiers vers avoient befoin de cellules plus grandes que celles des autres , parce qu'ils fe transforment en des mouches dont la grandçur furpaffe confidérablement celle des abeilles ouvrières. Quoique ces mouches mâles foient confidérablement plus grandes que les autres , M. Maraldi rapporte qu'il trouva dans une ruche dont on avoit fait périr toutes les mouches , un grand nombre de faux-bourdons qui n'étoient guéres plus gros que des abeilles ordinaires. Il m'eft arrivé une iéule fois de voir de ces petits mâles , & j'en ai même confervé un dans mon recueil d'infeélesfecs. Dès qu'on n'en trouve pas ordinairement de ceux - ci dans les ruches , en quel- que fàifon qu'on les y cherche, il y a plus d'apparence que quelquefois des mâles reftent petits par quelque cir- conflancequi s'eft trouvée contraire à leuraccroiffement, qu'il n'y en a qu'ils foient une efpéce particulière de faux- bourdons. Nous avons parlé des cas de néceflité où iâ DES Insectes. X/. Mem. 5 9 1 mère abeille dcpofe deux & même trois œufs dans le même alvéole, ne peut-il pas aufli arriver que les abeilles ouvrières ne fîiflent pas à temps les grands alvéoles dans iefquels les vers mâles peuvent croître à leur aife, ou qi:e ceux qui font fîiits fe trouvent tous remplis de miel [ Alors la mère abeille feroit obligée de déj)orer dans des cellules ordinaires les œufs qui donnent naiffance à des vers qui fe transforment en mâles ; le corps de chaque ver étant trop & trop tôt ferré par les parois de fa cel- lule, ne ])Ourroit parvenir à prendre le volume qu'il au- roit pris dans une plus grande cellule. L'amour àcs, abeilles ordinaires pour les vers nés dans leur ruche, eft afles marqué jjar les foins & les attentions qu'elles ont pour eux; mais il m'a paru curieux defçavoir Il cet amour s'étendroit jufques àdes vers qui auroient pris nailî'ance dans une autre ruche ; éc nous verrons dans la fuite que j'avois même raifon de fouhaiter que cela K\z^ J'ai donné aux abeilles de plufieurs ruches, des portions de. gâteaux que j'avois tirées d'autres ruches, & dont les cel- lules étoient remplies de couvain en tous états. Les unes i'étoient d'œufs, d'autres de vers naiffants, d'autres de vers très- gros , de vers dont les cellules étoient bouchées de cire. D'autres cellules de ces mêmes portions de gâteaux contenoient des nymphes de différents âges, c'eft-à-dirc, de celles qui n'étoient nymphes que depuis peu de temps, & de prêtes à devenir mouches; & enfin on y en pouvoir trouver de tous les iges moyens. Les nymphes n'ont plus befoin du fecours des abeilles ordinaires ; elles font devenues des mouches dans la nouvelle ruche où elles ont été tranfportées, & ont augmenté le nombre de celles qui l'habitoient. Mais je n'ai point vu les abeilles de cette ru- che prendre foin des œufs & des vers nés dans une autre ruche ; elles ont même traité ces derniers avec la plus. 59^ Mémoires pour l'Histoire grande barbarie; elles les ont arrachés de leurs cellules, 8c Jes ont jettes iiorsdela ruche; elles les ont fiiit périr im- pitoyablement. Dans bien des circonfîances, je les ai vu traiter avec ia même cruauté des vers nés parmi elles-mêmes. Lorf- que quelque accident fait tomber un gâteau ou quelque portion de gâteau remplie de couvain, fur le fond d'une ruclie qui n'eft pas bien pleine, on voit les abeilles s'at- trouper deflus ; elles ne font grâce à aucun des vers qui le trouvent dans des cellules ouvertes, elles les en tirent, les tuent &. les vont jetter au loin. Elles peuvent être excu- fables alors, peut-être même méritent-elles d'être louées. C'efl: un ouvrage audeffus de leurs forces que celui de re- mettre le gâteau dans fon ancienne place ; & dès qu'il refte où il eft tombé, il n'eft peut-être pas poffible d'entretenir autour des vers le degré de chaleur qui leur efl néceflTaire; ils périroient à la longue de froid; \cs abeilles aiment mieux leur donner une mprt prompte, que de les laiffer languir trop long-temps. Elles agiffent pourtant de la même manière dans un autre cas, où loin de me paroître dignes des éloges que M. Maraldiieur a donnés , elles me femblent plus difficiles à juflifier. J'ai vu tomber des gâteaux pleinsde couvain en- tous états fur le fond d'une ruche extrêmement pleine de gâteaux & d'abeilles ; elles s'aflembloient , comme l'a dit M. Maraldi , fur la portion qui étoit tombée ; mais loin d'en foigner les vers , comme il a penfé qu'elles le faifoient , elles n'épargnoient que ceux des cellules fermées : elles pouvoient pourtant entretenir autour d'eux une chaleur iùffifante; mais une autre raifon apparemment ne leur per- mettoit pas d'efpérer qu'ils vinffent à bien. Les cellules qui, quand elles étoient dans leur première pofition , avoient ieiir axe prefque horifontal , l'avoient alors vertical ; les vers DES Insec t-E s. XL Mem. 595 vers fe trouvoient donc dans une pontion fort différente de celle où ils avoient été, & dans laquelle il n cioit peut- être pas pofnbie qu'ils achevafTent de prendre leur accrbif- fement, & qu'ils le transformaffent. Enfin, il arrive quelquefois que les abeilles de certaines ruches , arrachent les vers Ats alvéoles, qu'elles les tuent & qu'elles en tranfportcnt les cadavres au loin, quoiqu'il ne (bit arrivé aucun dérangement aux gâteaux, quoiqu'ils fbicnt tous reftés dans leur place. Un tel procédé eft afîli- rémcnt Lien étrange, &: s^accorde mal avec l'aficcflion ten- dre que les abeilles montrent généralement pour les vers de leur habitation. Néantmoins il eft apparemment fondé fur des raifons que nous trouverions bonnes, fi les abeilles pouvoient plaider leur caufe devant nous. Entre celles que ']tr\. imagine, la trop grande fécondité de la mère en peut être une; lorfqu'elle va à un tel point que prefque tous les gâteaux de la ruche font remplis de couvain , dans un temps qui invite à faire \\\\ç, abondante récolte de miel; alors pour trouver où mettre le miel dont il eft néceffaire que les abeilles de cette ruche fe fournifTent , elles font contraintes de vuider les cellules remplies par les vers , il .'t faut qu'elles fe réfolvcnt à les tuer. Car après tout , la ^ ^ première chofe eft de fonger à donner de quoi vivre à ^ ,> tout le peuple de k république. C'a été auffi dans un temps /.. où des abeilles pouvoient faire facilement , & en peu de " jours , de grandes récoltes de miel , que je leur ai vu tuer des vers qui eux-mêmes dévoient être bientôt (S.ts abeilles ;^- ^ ouvrières. Elles peuvent encore faire un carnage de ces G. tL vers , dans une autre circonftance, fans mériter qu'on leur |y en reproche la cruauté, fçavoir, lorfqu'ellcs font en fi grand nombre dans leur ruche, qu'elles trouvent à peine à s'y loger, & que leur mère ne met point au jour des œufs d'où des femelles doivent fortir, ou que ceux de Tome V. ". Ffff 594- Mémoires pour l'Histoire cette efpéce qu'elle a pondus ont mal réuiïi. Des mou- ches qui raifonneroient &. prévoiroient, & nous avons afles de preuves que nos abeilles agiiïent comme û elles raifonnoient & prévoyoient , voyant qu'il n'y a pas lieu d'attendre qu'une colonie pût être conduite hors de la ruche , concluroient à emj)êther le nombre des mouches de s'y multiplier trop ; elles verroient la nécclLtc de lacri- fier au moins une ])artie des vers qui doivent devenir des mouches, aux mouches qui ont toute leur vigueur. Enhn , des raifons peut-être encore meilleures que nous ne fça- vons pas deviner, les forcent à cette cruauté. Nous ne fçavons pas fi des vers qui nous paroiflcnt bien condi- tionnés, ne font j)as attaqués tle quelque maladie; fi les abeilles dans Icfqueiles ils ié métamorphoferoient, ne fe- roient pas trop foibles, &c. J'ai penfé qu'il pourroit y avoir une circonflance où les abeilles prendroient foin des vers nés dans une ruche étrangère, içavoir, lorfqu'aprcs leur avoir ôté tous ceux qu'elles avoient vu naître, on ne leur donncroit à foigncr que des vers qui devroient leur naifTlince à une reine ou mère à elles inconnue. Ce feroit un étrange projet, & qui ne pourroit tomber que dans l'efprit d'un tyran c\é- crable , que celui de- fe donner le fpeéiacle de faire pafier réciproquement tous les habitants d'une grande ville dans une autre, en les obligeant de laifler chacun dans leurs maifons, toutes leurs j)rovifions, tous leurs meubles, 6c jufques aux enfrntsà la mammelle; d'obliger, par exem" pie, tous les habitants de Roilen , de laiffer leurs maifons dans l'état où elles font , pour aller s'établir dans celles d'Orléans dont les habitants auroicnt été chaffés , pour aller occuper à leur toiu" les maifons abandonnées à Rouen. Sans être trop barbare , on peut imaginer de fe donner un fpedacle du même genre avec des ruches. II peut DES Insectes. XI. AJem. 595 paroître curieux de voir ce qui fe pafferoit fi lorfqu'aprcs avoir chafle toutes les abeilles d'une ruche, après les avoir forcé d'abandonner leurs gâteaux de cire pleins de miel & de couvain en tous états, on oblii^coit les abeilles d'une autre ruche de fortirde leur habitation pour aller s'établir dans la première ruche dont les mouches auroient été chal- lécs, 6cqiii fe trouveroit bien pourvue de tout ; Si enfin , û en échange on donnoit aux premières mouches la féconde ruche garnie de gâteaux faits j)ar les mouches qu'on auroit établies dans la première ruche. J'ai tenté de faire cet échange entre des mouches qui étoient dans des ruches en panier. Je fis paffer de la manière dont je l'ai expliqué * ail- * Aîcm. X. leurs & fans avoir recours à l'eau , les abeilles d'une ruche alfès fournie de gâteaux , dans une ruche vuide. Pour fairç cette expérience , je m'y pris dès le matin dans le mois de Alars. Quand toutes ou prefque toutes les abeilles furent forties de la première ruche, je forçai les abeilles d'une autre ruche bien pourvue elle-même de gâteaux, à aller s'établir dans le logement qui venoit d'être abandonné , &: où elles dévoient trouver tout ce qui leur ètoit nécefTaire. Dès qu'elles y furent entrées, dès que la ruche qu'elles habi- toient auparavant fut vuide, je fis faire un fécond démé- nagement aux abeilles que j'avois forcé d'abandonner la j)remiére ruche , à celles qui avoient été mifes dans la ru- che dépourvue de tout ; je les fis pafîer dans la ruche des mouches qui étoient en poflTeflion de la leur. Ainfi fut fait l'échange de ruches toutes meublées & auxquelles rien d'ef- fentiel ne manquoit, & il fut fiit plus vite qu'on ne fe l'ima- gineroit. Les manœuvres qu'il demanda furent finies en moins de cinq quarts d'heure. La faifon dans laquelle je le fis , n'étoit pas favorable à un déménagement de mouches. Les fecouffes qu'on donna aux ruches pour déterminer les iibeilles à en fortir plus vue, détachèrent quelques gâteaux; Ffffij 596 Mémoires pour l'Histoire le vuiJe en devint plus grand dans les ruches ; auffi y en eut il une dont les mouches ne purent réfifter aux froids qui lurvinrent au bout de douze à quinze jours, elles péri- rent. Les autres qui étoient en plus grand nombre & dans une ruche mieux fournie de gâteaux, foûtinrcnt ces mêmes froids. Au refte, les parois opaques de ces ruches, ne me permirent pas de voir à mon gré comment les abeilles fe comportoient dans l'intérieur; mais j'eus tout lieu de croire qu'elles prirent en alFedion les vers qu'elles y trouvèrent; j'en ai une très- forte preuve. Si elles n'euffent pas voulu avoir foin de ces vers, elles les euffent laiffé périr ; & fans attendre même qu'ils fuffent morts , elles n'euffent pas manqué de les arracher de leurs cellules & de les jettcr hors de la ruche , ou au moins fur fon appui ; mais je ne pus trouver fur l'appui aucun ver , & je ne pus voir de mouches occuj)ées à en tranfporter; ce qui prouve que les vers furent bien traités par les abeilles. Je me promets de répéter la même expérience fur des ruches vitrées , fur lefquelfes j'euffe commencé à la faire, fi, lorfque jelafis, j'en euffe eu deux dont j'euffe pu difpofer. Si les abeilles ordinaires prennent non-feulement tant de foins pour élever les vers qui doivent leur devenir femblables, fi elles en prennent de pareils pour ceux qu» doivent fe transformer en ftux-bourdons, on penfe bien qu'elles font au moins auffi attentives aux vers qui fe doivent métamorphofèr en femelles ou reines ; que lorf- que ces derniers vers n'ont plus à croître , elles n'ou- blient pas de fermer leurs cellules avec un épais couver- cle de cire. Nous devons même rapporter une obfer- vation qui prouve qu'elles font tout avec profufion , forfqu'il s'agit de ces vers. Nous avons déjà vu qu'elles dépenfent plus en cire pour conflruire une cellule à cha- cun de ceux-ci, qu'elles n'en dépenfent pour en conflruire DES Insectes. XL Mem. 597 cent, ou cent cinquante, à des vers communs. Elles leur donnent aufli la nourriture avec plus de prodigalité. J'ai ditquelorfqiic les vers qui deviennent des abeilles commu- nes étoient prêts de le transformer en nymphes , éJU qu'ils s'y étoient transformés, on ne trouvoit plus au fond de leur cellule , de celte bouillie qui y eft portée pour les nourrir. J'ai ouvert plufieurs cellules de vers qui deviennent des fe- melles , après que le ver y avoit été renfermé , & j'y ai vu un volume de bouillie égal à celui du ver. Cette bouillie fem- bloit une efpéce de ragoût afTaifonné; je lui ai trouvé un goût légèrement fucré, mêlé avec de l'aigre & du poivré. Dans les cellules royales dont les vers s'étoient transformes en nymphes, j'ai remarqué une plaque de cette bouillie aiïcs épaifle, & qui avoit plus ou moins de confillance, félon qu'il y avoit plus ou moins de temps que la nymphe s'étoit tirée de la peau du ver. Ce relie d'aliment femble pourtant aufîî fuperflu aux nymphes qui doivent devenir mères, qu'à celles qui de- viennent des abeilles ouvrières; elles n'ont pas plusbefoin & ne font pas plus en état de manger les unes que les autres ; il fembleroit même n'être propre qu'à les incommoder. Mais quand on ouvre avec précaution une cellule "*" où *Pi. jô.fJ^ efl: une de ces nymphes royales renfermée *, on voit que '5- ""- fon logement a plus de capacité proj)ortionnellement que * '"' celui des autres nymphes , qu'elle ne le remplit pas à beau- coup près. C'efl contre le fond , c'eft-à-dire, contre le bout fupérieurde la cellule qu'eft appliquée la couche de bouillie qui n'a pas été mangée; & entre cette couche & le derrière de la nymphe, il refte un grand vuide. Sa tête eft à l'autre bout tout près du couvercle. Nous devons encore remarquer ici combien la nature a voulu que dès leur naiflance les femelles fufTent diftin- guées des autres abeilles» Au lieu que les nynnphcs de Ffffiij 598 Mémoires pour l'Histoire celles-ci l'ont pofées prefque liorifontaiement.&ontmérac la tcte un peu plus élevée que le derrière , les nymphes royales font polées verticalement ayant la tête en embas. Le plantle l'anneau que forme un ver ordinaire, roulé dans fa cellule, eft vertical; &. le plan de l'anneau du ver qui doit devenir mère, eft horifontal. Tout cela fuit de la dif- férente difpofition des cellules des uns & de celles des autres. Entre des cellules d'où des mères étoicnt forties , j'en ai trouvé qui avoient été ouvertes par le côté, mais plus ordinairement elles le font par le bout. L'ancienne mère n'attend pas à pondre un œuf dans une cellule royale, jufques à ce que les mouches ordinaires aycnt donné à cette cellule toute la longueur qu'elle doit avoir. J'ai vu des vers dans quelques-unes qui avoient encore la figure *PI. 32. flg. d'un calice.de gland *. ^' Nous avons déjà dit que lorfque ie couvercle de cire a été une fois mis à une cellule, le ver qui y eft renfermé, de quelque efpéce qu'il foit, n'a plus befoin de fecours étrangers; il file, il fe transforme enfuiteen nymphe qui d'abord eft extrêmement blanche. Par la fuite, les yeux prennent une teinte de rouge qui devient de plus en plus forte , Si. des poils grifâtres paroiffent fur le corps & fur le corcelet. Quand toutes les parties de la nymphe ont ac- quis la confiftance qui convient aux parties d'une mou- che, alors l'abeille eft en état de paroître au jour. Elle commence par fe défaire de l'enveloppe mince, d'une efpéce de voile blanc qui tenoit toutes fes parties exté- rieures emmaillotées ; enfuite elle fait ufage de fes dents pour s'ouvrir une fortie qui lui permette de quitter un logement qui eft devenu pour elle une prifon. Avec une de Ces dents elle perce le couvercle de cire de la cellule environ vers le milieu ; elle faifit enfuite entre cette mêmç DES Insectes. XL Mem. 599 dent & l'aïUie une petite portion de cire ; elle la hache; elle la fi^it tomber ; elle a prifc alors pour continuer de hacher peu à peu le couvercle, d'aggrandir l'ouverture commencée. A mefure que cette ouverture devient j)lus grande , on voit paroitre une plus grande portion de la tcte. EnHn, au bout de deux à trois heures , îorique la mouche iiaiffantc eft vigoureulc, &. lorli|ue la laifon eft favorable, elle i)arvient à rendrelouvcrtureruffilantcpour lui permet- tre de Ibrtir. Des mouches moins fortes, 6c dans des jours peu chauds, font quelquefois plus d'une demi-journce à y parvenir. Cet ouvrage même cfl au-deiïlis des forces de quelques-unes; il y en a qui pcriffent dans leur cellule ajîrcsy avoir fait une ouverture par laquelle leur tête feule ou inie partie de leur tête peut paiïcr; c'eft ce qui n'arri- veroit pas fi , comme Swammerdam l'a cru , les abeilles qui ont mis les couvercles venoicnt les ôter dans des temps où loin d'être néceflaires, ils ne font plus qu'incommodes. Mais Swammerdam n'avoitpu que deviner fur cet article, n'ayant point eu de ruches vitrées, les feules qui peuvent donner la ficilité de voir les abeilles en travail. Quand donc la jeune mouche eft parvenue à avoir afTcs ouvert fa cellule, elle en fait fortir fa tête & enfuite fcs premières jambes qu'elle cramponne fur les bords du trou , & fur lefquelles elle fe tire en avant. Bientôt les autres jambes font à portée de fortir à leur tour; 6c alors elle lî'efl pas long temps à dégager le refte de fon corj)s. Elle paroit toute entière à découvert; elle fe pofe fur fes fix jambes fur le gâteau de cire, aiïesprès de la cellule qu'elle vient de quitter. Ses aîles achèvent de fe déj;lifr 6c de s'affermir : fon corps 6c toutes fes parties extérieures font encore mouillées ; mais quand l'air chaud de l'intérieur de la ruche ne fuffiroit pas pour les fécher vite , elles ne refteroient pas iong-temps humides. Les abeilles qui 6oo MEMOIRES POUR L'HISTOIRE apperçoivent celiequi vient de naître, fe rendent autour d'elle, ôc femblent iui marquer la joye qu'elles ont de la voir, par de bons offices ; deux ou trois le placent autour d'elle, la lèchent &. l'efliiyent fucceflivement de toutes parts avec leur trompe; quelques-unes même la lui pré- îcntent pleine de miel qu'elles ont dégorgé. Prefque dans le même temps d'autres abeilles qui voyent la cellule qui vient d'être abandonnée, cherchent à la re- mettre en état de recevoir un nouvel œuf, en état de Icrvir à élever une autre abeille, ou à la rendre un vafe propre 6i. «et , Se dans lequel du miel puifTe être dépolé.M.Maraldi affiire avoir obfervé une cellule dans laquelle cinq œufs fu- ient pondus fucccffivement,& defquelslbrtircnt cinq abeil- les en moins de trois mois. La mouche nouvellement née a laifTé dans la cellule deux dépouilles , celle qui lui donnoit d'abord la forme de ver, & celle qui la failbit paroître une nymphe. Cette cellule eft bientôt ap]>erçûe par une an- cienne abeille qui ne tarde pas à y entrer la tête la pre- mière; elle faifit avec fes dents une des dépouilles; elle fort auffi-tôt , & va la tranfporter hors de la ruche. Une autre abeille entre fur le champ dans la même cellule, & retire la icconde dépouille ])our la tranfporter au loin. Enhn , plu- fieurs abeilles qui entrent les unes après les autres dans cette même cellule, ôtent toutes les petites ordures qui peuvent y avoir été laifTées; tels font les fragments de cire qui y font tombés, lorlque le couvercle a été percé. Mais elles ne donnent aucune atteinte à la tenture de foye dont le ver en a tapi{fé les parois avant que de fe métamorpholer ; elle ne nuit en rien à l'intérieur , & rend la cellule plus folide. D'autres abeilles achèvent en même temps d'ôter tout ce qui peut refler du couvercle, de bien drefTer, de bien unir tous les bords du contour de la cellule; en un mot, elles la mettent dans l'état d'une cellule DES Insectes. XL Mem. 60 1 cellule nouvellement confbuitc, tant elles h léparieiit avec loin. Mais retournons à l'abeille que nous avons vu naître; elle ell ailce alors à diftinguer des autres par fa couleur; celle des vieilles abeilles e(t plus rouiïc, la Tienne cft plus griliitre ; les anneaux de cette deniiére font plus bruns; ics poils qui lont couches deiïlis, & ceux des autres parties font blancs : le blanc des poils joint au brun noir des anneaux forme la couleur grifâtre. A mefure qi;e les abeilles vicilliffent, leurs poils deviennent de plus en plus roux , Si. le brun des anneaux s'éciaircit » de forte que les différences de nuance? , mettent en état quel- qu'un qui a occafion de voir fouvent des abeilles, de diftinguer les jeunes de celles d'un âge moyen, & de didinguer même celles-c- des vieilles. L abeille qui vient de naître, a le ventre gros ; fi on l'ouvre, on le trouve très plein de miel ; elle a donc encore celui qu'elle avoit pris lorfqu'elle avoit la forme de ver ; auffi avons-nous remarqué que le miel femble entrer dans la compofition de la dernière bouillie qui efl donnée au ver. Peut-être même que les abeilles, outre la bouillie, lui donnent du miel avec leur trompe; peut-être que comme les abeilles fe nourriflent de cire brute & de miel, le ver eft nourri de miel & de bouillie. A peine toutes les parties de la jeune abeille font aiïes defféchées, à peine (es aîles font-elles en état d'être agitées, qu'elle l^ait tout ce qu'elle aura à faire dans le refîe de fa vie. Qu'on ne s'étonne pas qu'elle foit fi bien inftruite, Si. de fi bonne heure; elle l'a été par celui même qui l'a formée. Elle femble fçavoir qu'elle eft née pour fa focieté, & qu'elle doit travailler à s'acquitter des foins qu'on a pris pour elle ; elle marche fur les gâteaux, & cherche à aller jouir du grand air. D'autres abeilles qui fortent Tome V. . G g g g 6o2 Mémoires pour l'Histoire continuellement de la ruche, lui apprennent où font les portes ; elle ne manque pas de guides qui lui montrent le chemin. Comme les autres elle fort de l'habitation com- mune, <3i. va comme elles chercher des fleurs ; elle y va feule, & n'eft point embarraflec enfuite de retrouver la route de la ruche, mêmequand elle y veut retourner pour la première fois. Ce ne font pas fes feuls befoins qui la déterminent à voler fur les ])lantes. Nous avons déjà vu fes compagnes lui offrir du miel ; fi elle va donc en puifer dans le fond des fleurs ouvertes , c'eft moins pour s'en nourrir que pour«commencer à. travailler pour le bien commun , pour en ramaffer qu'elle puilfe porter dans les endroits où il efl; mis en dépôt. Ce qui prouve bien que ce n'eft pas pour fon intérêt particulier qu'elle recueille du miel, c'eft que dès fa première fortie, elle fait quelquefois une récolte de cire brute. M. Maraldi affûre qu'il a vu revenir à la ruche des abeilles chargées de deux grofles boules de cette matière, le jour même qu'elles étoient nées. Quand des abeilles ont commencé à naître dans une ruche, il n'ei\ naît pas pour une chaque jour; il y a tel jour où plus de cent Ibrtent de leurs cellules. Des gâ- teaux, ou de très- grandes portions de gâteaux qui ne montroient que des cellules fermées, au bout de quatre à cinq jours n'ont plus que des cellules ouvertes, parce que les mouches qui y étoient renfermées en font forties. Alors la ruche fe peuple journellement , &. en quelques femaines le nombre de fes habitants devient fi grand, qu'elle peut à peine les contenir ; c'eft ce qui donne lieu aux effaims qui fourniront la matière du Mémoire fuivant» DES Insectes. XL Mem. 603 EXPLICATION DES FIGURES DU ONZIEME MEMOIRE. Planche XXXVI. l_j A Figure i rcpréfenteun alvéole de cire, groiïl Couvert tout du long, pour fîiire voir un œuf d'abeille attache par un de Tes bouts contre le fond, ce, l'alvcole ouvert. 0, l'œuf. Dans la Figure 2 , un œuf d'abeille o b, eft vu plus groffi que dans la figure i. b, fon petit bout, qui ici cft collé contre l'épingle, & qui eft celui que l'abeille colle contre le fond de la cellule. Les Figures 3 & 4. font celles d'un des vers qui fe trans- forment en abeilles ouvrières, à peu près de la grandeur à laquelle il parvient quand il a pris tout fon accroiiïement. Il eft vu de côté &: par-defTus, figure 3 , & par-deffous, figure 4-. t, fa tête. La Figure 5 eft une projecflion d'une cellule vue par fe bout ouvert. Un ver roulé eft placé au fond de cette cellule. ' La Figure 6 nous montre aufti un ver roulé dans une cellule qui. a été à moitié ouverte tout du long; mais le rouleau compofé du ver, n'eft pas ici parallèle au fond de la cellule,'commeiI l'eft naturellement. Les Figures 7 & 8 repréfentent encore deux portions de cellules ouvertes& grolîles, dans chacune defquelles eft un ver. Dans l'une & dans l'autre le ver eft vu par le dos. On peut remarquer que celui de la figure 8, forme un anneau plus large que n'eft l'anneau fait par le ver delà figurey, & dar celui de la figure 5. Ce dernier qui a été fuppofé pris dans un état où il avoit beaucoup à croître, remplifloit dcja prefque toute la circonférence de la cellule dans l'en- droit où il étoit pofé. Dès que ce ver a crû en reftant tou- jours roulé, fon corps a donc été forcé de s'élargir vers 604< MEMOIRES POUR l'HISTOIRE ks côtés, de former un anneau plus large tel qu'efl celui du ver de la figure 8. La Figure 9 fait voir par-deffus , la tête d'un ver d'abeille extrêmement groffie, /,, 7^ fcs yeux, c, c, i\ç.\\x crochets qui s'appliquent contre la lèvre fupcrieure./^/,/,les trois pièces, qui enlemble compofent la lèvre inférieure. Les pièces 1,1, Ibnt terminées par des pointes brunes & écailleules./j In partie la plus confidérable de la lèvre inférieure, dans le bout de laquelle ell la filière. La Figure 10 montre par-deflbus, la tête qui efl: vue par-defTus dans la figure précédente. hl,f, les trois pièces dont efl compofèc la lèvre inférieure. 11 fort actuellement du bout de la partie /i une pièce coupée quarrément que le ver ne fait fortir que dans certains inftants. Les Figures i 1 & i 2 font en très-grand, celles du ver qui n'a que l'a grandeur naturelle dans les figures 3 & 4.. 11 efl vu de côté & par-defTus, figure i 1, & par-dcfTous, figure 1 2. a, fa xhe.f,f,f, figure i 2, marquent trois des fligmates; dans cette figure tf^ if, tf, font trois trachées qui aboutiffent aux trois fligmates précédents. La Figure 13 repréfente un alvéole ouvert tout du long, cd c,\)OX<\?, de l'ouverture, df, efl une toile defbye d'un brun clair qui renferme une nymphe. La Figure 14 efl celle d'une nymphe d'abeille vue du côté An ventre, & à peu près de grandeur naturelle. La Figure i 5 montre de face un morceau de gâteau , dont la plupart des cellules font vuides; Aç% abeilles ordi- naires qui y ont pris leur accroiffement, en font fortics. c, c, quelques cellules qui ont encore leurs couvercles, & dans lefquelles des nymphes qui doivent devenir des abeil- les ouvrières, font encore renfermées, w^abeille qui vient de fe dépouiller des enveloppes de nymphe, & qui a rongé le couvercle de fa cellule dont eiie iè prépaie à fortir. DES Insectes. XL Mem. 60 j rf, Cil une cellule royale, zut, portion de cire qui a été emportée pour mettre à découvert l'intérieur de cette cellule. ?i, la nymphe, qui doit devenir une abeille fe- melle. On voit qu'elle n'occupe qu'une partie aflcs pe- tite delà capacité defon logement, où elle eft la tête en embns. La Figure 1 6 efl celle d'un morceau de gâteau qui n'eft compolc que de ces cellules dans lefquelles des vers qui doivent devenir des abeilles ordinaires croifTent fous la forme de ver, Plufieurs de ces cellules f^r^O fo"t acftuel- lement fermées, m, abeille, qui après s'être transformée, & avoir rongé le couvercle de la cellule, travaille à en for- tir, ôi en efl déjà fortie en partie, h, h, font des cellules, dont les ouvertures fe trouvent fur la face du gâteau op- poféc à celle qui efl ici en vue. La Figure 17 repréfente un morceau de gâteau com- pofé de cellules, dans lefquelles croiffent les vers qui doi- vent devenir des abeilles mâles. La plupart des cellules qui paroiflcnt ici, ont un couvercle. En comparant ces cel- lules avec celles de la figure 15, on remarque non-feu- lement qu'elles font plus grandes que les autres, mais on voit de plus, que leurs couvercles ont une convexité que n'ont pas les couvercles des autres cellules. Les- couvercles des cellules à mâles, s'élèvent au-deffus i[e^ bords de l'ouverture. 0 ^ 0 , quelques cellules ouvertes^ En k k,éio\t un bord du gâteau. On doit faire attentions, que plufieurs des cellules qui s'y trouvent, ont des figures irrégulicres. Quelques-unes qui ont fix côtés, les ont très- inégaux; d'autres ne femblent avoir que quatre ou cinq côtés, parce qu'un ou deux de leurs côtés font fi petits,, qu'à peine peut-on les diflinguer des autres. L'endroit de la ruche où ces cellules étoient placées, n'étoit pas un de ceux où les abeilles cherchent à mettre à profit tout Ggggiij 6o6 MEMOIRES POUR L*HlSTOIRE l'efpace; elles avoient négligé, comme elles négligentquel- quefois en pareils cas, la régularité de leur architeélure , dans la conftrudion de quelques cellules qui n'étoient deftinées qu'à recevoir du miel. J'ai obfervé fouvent de ces fortes de cellules, placées hors des plans des gâteaux, qui avoient fix pans, dont deux des oppofcs étoient égaux, & qui, enfemble, étoient à peu près aufîi grands que les quatre autres pans pris aufli enfemble. PI. 3f. ftaa. é"<7 (fyff^mzi.del'l/yt.dejlnj-ecits Tcm 5. //<,.' Pij J DES Insectes. XII. Mem. 607 XtKiOXC'4r)XCTÎr)X(^:îrXCiOXC^^^M'irrKC'iîfM'-4^M-^KCi-K('>îrM DOUZIEME ^MEMOIRE. DES ESSAIMS. LORSQUE la faifon devenue plus douce a permis à une mère abeille de recommencer fa ponte qui avoit été interrompue pendant les froids de l'hiver , elle fait chaque jour un grand nombre d'œufs dont chacun vaut à la ruche une nouvelle abeille , qui y paroît au bout de trois femaines ou environ , <5c qui y eft en état de s'occuper aux différents travaux. Alors les pertes que la ruche avoit faites pendant l'automne & pendant l'hiver fe reparent ; elle acquiert journellement de nouveaux habitants , elle fe repeuple. Mais ce n'efl qu'après qu'elle s'efl repeuplée de mouches ouvrières , que la mère pond des œufs qui doivent donner de ces mouches qui paffentdans l'oifiveté une vie affés courte , & qui ne font deftinées qu'à rendre féconds les œufs que la même mère pondra par la fuite, & ceux qui doivent être pondus par âiÇ.^ mères qui naî- tront bientôt. Enfin , on revoit donc paroître des faux- bourdons ou mâles dans cette ruche qui avoit été huit ou neuf mois fans en avoir aucun. Quand les mâles s'y font multipliés^ quelques nouvelles femelles, ou une nouvelle femelle au moins , n'eft pas éloignée du temps où elle doit foriir de la cellule dans laquelle elle a pris Ion accroiffe- ment fous la forme de ver, & où elle eft encore fous celle de nymphe. De nouvelles mouches ouvrières fortent auffi chaque jour des leurs. La ruche fe trouve fournie de mou- ches des trois fortes, & le trouve quelquefois fî remplie d'abeilles ordinaires, que fa capacité ne fufiit pas pour les loger à i'aife. 6o8 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE Quand l'habitation efl devenue trop petite pour conte- nir tout l'on peuple , il convient qu'il en forte une colonie qu'on appelle un effaim, qui aille chercher ailleurs un cta- blilTement. II faut qu'une partie des abeilles Ce rélblve à fe fcparer des autres, qu'ij y en ait qui fe déterminent à quitter pour toujours leurs compagnes & le lieu de leur naiflance. C'efl: un parti pourtant qu'elles ne prendroienc jamais fi elles n'y étoient déterminées par un chef, ou fi elles ne pouvoient fe promettre d'en avoir un; c'eft-à- dire, fi elles n'avoient à leur tête une reine propre à per- pétuer l'empire qu'elles vont fonder. Nous avons vu que îorfqu'elles font privées d'une reine capable de donner une grande poftérité, elles n'ont plus le courage d'en- treprendre aucun travail , qu'elles fongent à peine à fe . nourrir. Mais pendant que le nombre des abeilles ordi- naires femuhiplioit dans la ruche, une ou même plufieurs femelles y font nées ; & une feule fuffit pour conduire i'effaim. Quoique la trop grande quantité des abeilles d'une ruche puiffe ctre une des caulcs qui déterminent une colonie à fe féparer du relie, ce n'eft donc pas une caufe qui y fuffife feule. J'ai eu plufieurs fois des ruches qui étoient très-pleines de mouches, & plus pleines qu'elles ne pouvoient l'être , dont une partie des leurs étoient obli- gées de fe tenir dehors , ramalTées en peloton , fans que ces ruches ayent donné d'effaim. D'autres ruches, au» contraire , dans lefquelles il y avoit beaucoup de \Tjide, m'ont fouvent donné des effaims. Pour m'afliirer même • de ce feit , que ce n'efl: pas précifément parce que les mouches fe trouvent trop à l'étroit dans leur ruche qu'el- les fe partagent , j'en ai logé dans des ruches d'une très- *PL22.fig. grande capacité, telle qu'eft celle en tour quarrée"^; j'ai ^' vu fortir un effaim de cette derziiére ruche quoiqu'avant fa fortie DES Insectes. XII. Alem. 609 f i fortie plus des trois quarts de la ruche fuflent vuicfes. S'il n'y il pas dans la ruche une jeune mcre propre à mettre an jour une nombreufe poftérité, quelque grande qu'y Toit la quantité des mouches,elles y refteront toutes. Impatient de ce que des ruches exceffivement peuplées, nem'avoient pas donné les efTaims que j'en attendois, ôc curieux de fçavoir fi la caufe n'en devoit pas être attribuée à ce que dans cha- que fociété compofée de tant d'autres mouches il n'y avoit qu'une feule mère, je baignai quelques-unes de ces ruches ; après avoir examiné à l'aiiccS: une à une, toutes leurs mou- ches, je ne trouvai effeélivement qu'une feule mère dans chacune de celles qui n'avoient pas donné d'effaim. Mais lorfqu'une nouvelle mère a quitté la dépouille de nymphe, en peu de jours elle ed fécondée & elle eft prête à pondre, &. ed par conféquent en état de fe mettre à la tête d'une troupe difpofée à la fuivre. Divers contre-temps, dont plufieurs peuvent venir de la température de l'air, comme du froid , de la pluyc & du vent , font capables de retarder la fortie de l'effaim. Je ne fçais fi la jeune mère ne feroit pas prête à le conduire dès le jour même de fa naiffance ou le lendemain. Au moins ai-je fait une expé- rience qui ne pcimct pas de douter qu'elle n'y foit pro- pre au bout de quatre à cinq jours. Une expérience curieufe rapportée dans le cinquième Mémoire, m'a appris ce fait, dont il ne fembleroit pas focile de s'aiîurer, parce qu'il n'eft guéres poflible, même dans les ruches dont la conRruélion efl la plus favorable , de parvenir à voir naître une mère , Se qu'elle y pourroit vi- vre pendant plufieurs mois fans qu'on l'y apperçût. L'ex- périence dont je veux parler, & d'une partie de laquelle îèulement j'ai rendu compte , efl celle que je fis pour fçavoir fi la feule efpérance de voir bientôt naître une merj parmi elles, fuffiroit pour déterminer des abeilles Ti'm.'K .Hhhh 6lO MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE au travail. Je mis dans une ruche plauc quelques cdluîcs où étoJcnt renfermées des n)mplKs qui cievoient devenir des mères ; & je fis entrer dans cette ruche environ mille à quinze cens abeilles ordinaires , & à peu près une vingtaine de mâles. J'ai dit que ces mouches qui n'euf- fent fait aucun ouvrage û, n'ayant point de mère, elles eufTent été privées de i'efpérancc d'en avoir une, avoient été déterminées à travailler, parce qu'elles pouvoient fè la promettre. Elles travaillèrent néantmoins un peu mol- lement pendant deux ou trois jours, après lesquels elles parurent s'occuper avec ardeur à des ouvrages de toutes efpéces, comme à faire de nouvelles cellules, 6c à en remplir de miel. Je ne doutai pas alors qu'il n'y eût parmi elles, une femelle nouvellement née; je ne parvins pourtant pas à la voir; mais elle fut vue par une perlonne qui en étoit auffi curieufe que moi, &. qui fe connoiffoit aufli-bien en mères: j'examinois chaque jour les cellules, & je ne pou vois cependant y appercevoir des œufs. Ces abeilles avoient été mifes dans la ruche avec les cellules d'où des mères dévoient fortir le i8 Juin. Lors- que j'allai les obferver le ly au matin, comme j'avois fait dans tous les jours précédents, je remarquai qu'elles for- toicnt en petit nombre de icur ruche , que celles qui y revenoient de la campagne , n'étoient point chargées. J'ouvris un des volets , & je vis au travers d'un carreau de verre, que tout y étoit dans un parfait repos. Jefbup- çonnai qu'il s'agifToit de quelqu'entreprife confidérable, qu'elles vouloient tenter la grande aventure du change- ment d'habitation. Je fus encore plus confirmé dans ce foupçon , lorfque fur les onze heures je ne pus voir aucune mouche fortir de la ruche ni y entrer, pendant plus d'un quart d'heure. Je devois prévoir ce qu'annonçoit cette inadlion fi générale. Les abeilles que je me fuis obftiné à DES Insectes. XII. Aïem. 6 1 1 loger tant de fois dans inie très-petite ruche, 6l qu'elles Ce font de leur côté obftinces à quitter, m'avoient appris qu'elles fe préparoient par la ceffation de tout travail , à aller chercher un autre logement. Ce fait cft un de ceux qui appartiennent à la fortie des cffaims dont nous trai- tons acftuellenient. Il n'y a point de figne qui indique aufli fûremcnt qu'il y en a un qui fe difpofe à prendre l'effor, que lorfque le matin à des heures où le Soleil brille &. où le temps eft favorable au travail, les abeilles fortent en petit nombre d'une ruche dont elles fortoient en grande quantité les jours précédents, &: qu'elles y rapportent peu de cire brute. Une telle façon de fe comporter femble forcer d'accorder à ces mouches plus d'efprit, ôi de prévoyance qu'on ne voudroit ; elle embarraffe extrêmement celui qui veut expliquer toutes leurs ac- tions par un pur méchanifme. Ne paroît-il pas prou- ver que dès le matin toutes les habitantes d'une ruche, ou prefque toutes , font inflruites d'un projet qui ne fera exécuté que vers midi ou quelques heures après l Car on demandera pourquoi ces mouches qui travailloient la veille avec adivité, ceffent-elles dès le matin de faire de l'ouvrage dans une habitation qu'elles abandonneront vers midi , fi ce n'eft parce qu'elles fçavent qu'elles la doivent abandonner! C'eit une hiftoire très- connue que celle de ce vieux grenadier , qui étant dans un repos parfait pen- dant que fes camarades étoient occupés à établir leurs tentes, répondit à fon Général, M. de Turenne, qui le queftionna fur fa tranquillité, qu'il fçavoit bien que l'ar- mée ne devoit pas refter dans le camp où elle ctcit. Toutes nos mouches ou prefque toutes nos mouches , lèmblent avoir prévu la marche que leur reine veut leur faire faire , comme ce vieux foldat avoit prévu celle que le Général devoit faire faire à l'armée. Hhhhij 6i2 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE Pour revenir aux abeilles qui o-m donné lieu à la der- nière remarque, je les fis veiller pendant le refle de la matinée du 27. A une heure & demie après midi on m'annonça qu'elles étoicnt toutes en l'air. On ne m'a])prit que ce que j'avois compté qu'on m'apprendroit même plutôt. Je me rendis dans le jardin où elles formoient \m lourbillon que Je vis s'approcher d'un poirier en huiiïon, fur une branche duquel elles ne tardèrent pas à fe raficm- bler. Là, elles efTuyérent fur les trois heures, une grofTe ondée de pluye, & fur les lix heures, on les remit dans la même ruche qu'elles avoient abandonnée. Je n'cfpcrois pas trop de les y voir rcfter, quoique le fiiccès de l'aven- ture du jour eût dû dégoûter la mère d'en tenter une nouvelle. Le lendemain, elles ne parurent pas dilf)o(ces à demeurer dans im logement qu'elles avoient déjà quitté une fois; je ne les vis point aller à la campagne, ou très- peu y allèrent, & n'en rapportèrent point de cire brute. Je les fis donc veiller encore; & ce fut à midi & demi qu'elles prirent l'effor une féconde fois, & qu'on m'en avertit : j'arrivai dans le jardin j)endant qu'elles étoicnt encore toutes en l'air. Le gros s'aj^procha d'un pommier en buiffon, au pied duquel je me rendis; je ne tardai pas à en voir qui s'arrêtèrent autour d'une de lès branches; je cherchai à y découvrir la mère; & je défefpérois déjà de raj)j)ercevoir par l'épaiffeur de la couche de mouches qui s'y étoit formée , lorfque j'en remarquai une jîIus groffe que les autres qui arrivoit, & qui fe pofa fur une feuille diftante d'environ un pied de l'endroit où le gros fe réuniffoit. Une douzaine d'abeilles vinrent fe placer autour d'elle. Cette mère étoit une des plus longues & des plus groffes mères que j'aye vues; bientôt elle quitta la feuille, elle lé rendit fur la branche, & toute la troupe des mouches s'y réunit. DES Insectes. XII. Mem. 6 1 3 Je fongcai à les placer dans une autre ruche ; mais je fus impatient d'examiner les gâteaux de celle qu'elles avoicnt abandonnée. Le nombre des cellules pleines de miel étoit grand par rapport à celui des cellules qui n'en avoient pas; mais ces dernières avoient des œufs ; j'en trouvai même jufques à quatre dans une feule cellule, & deux ou trois dans la plupart des autres : d'où il fem- ble que ce qui avoit déterminé la mère à partir, n'é- toit pas précifément un dégoût pour la ruche où elle étoit née & à laquelle rien ne manquoit, mais qu'elle avoit voulu tenter fortune pour trouver des ouvrières qui puffent fuffire à lui faire affés de cellules pour loger les œufs qu'elle étoit prête à mettre au jour. Je fongeai à lui préparer un logement qui pût fuppléer à ce que ies ouvrières n'avoient pu lui procurer; je fis difpofer dans une autre ruche plufieurs grands gâteaux de cire dont les cellules étoient vuides. Mais avant que ia mère pût re- connoître l'état de cette ruche, avant que je l'y pufTe fliire entrer avec fes mouches , je les vis toutes partir au bout d'une demie-heure, de l'endroit où elles s'étoient polèés: elles s'élevèrent trop à mon gré; une partie pafTa iiir le mur du jardin ; elles prirent l'eflbr au-deflus du toit de la maifon ; je ne pus les fuivre des yeux ; ou- voit de même engager celles qui font dilperlées en l'air, à chercher un alyle. Mais elles peuvent plutôt fe mépren- dre en confondant une pluye de fable avec une pluye d'eau, qu'en confondant le bruit d'un chauderon avec celui du tonnerre. Il y a apparence qu'elles fe connoif- fent mieux en tonnerre; car quelque tintamarre qu'on faffe avec de pareils inftruments , on ne voit pas que celles qui font fur-les fleurs en foient effrayées, & qu'elles s'en preffent davantage de retourner à leur habitation. Lorfqu'on attend des effaims, on doit avoir eu foin de préparer d'avance, des ruches pour les loger. Si celui qui vient de fortir s'eft placé fur la tige ou fur quelque bran- che d'un arbre peu élevé, tels que ceux en buiffon , de prendre cet eflaim , de le faire paffer dans la ruche qu'on lui a deflinée , eft une opération plus facile qu'on ne fe J'imagineroit , & qu'on peut entreprendre une demi- heure après que les grands mouvements ont été calmés ; fur-tout, fi le Soleil n'eft pas trop brillant & trop ardent. On peut pourtant différer de plufieurs heures , julqucs à une heure ou deux avant que le Soleil fe couche. Si le Soleil donnoit fur l'elTaim , il y auroit du rifque à atten- dre; i'effaim pourroit partir & aller dans un autre endroit ï)t:s Insectes. X7/. Mem. 62 1 oîi il feroit difficile de le trouver. La caufe la jdIus capa- ble de l'y déterminer , fera ôtée, fi avec une grande nappe on lui fait une efpéce de tente , ou fi on lui en fait une avec des branches bien chargées de feuilles. Ceux qui fe font plû à nous raconter des merveilles de ces mouches, ont prétendu fçavoir qu'avant quercffaim s'expofe à fortir de la ruche, quelques-unes de celles qui doivent le compofer, vont reconnoître l'endroit où il leur conviendra de s'établir; ils ont donné à la nouvelle reine, des marêchaux-dcs-logis, qui , à la vérité, font affés mal- habiles : car en fuppofant ce qui fera, je crois fuppofer le vrai , que ce n'eft que quand l'effaim efl forti de la ruche, que quelques-unes des mouches qui le compofent , fe décident à l'infpcdion des objets <\gs environs pour le iieu où elles fe doivent établir ; le choix de ce lieu ne fait pas honneur au génie de ces mouches ; c'efl ordinai- rement autour d'une branche d'arbre qu'elles fe fixent, où expofées à toutes les injures de l'air, elles ne pourroient fubfifter. Qu'on ne dife pas que ce lieu n'a été pris que comme un entrepôt; il y a une preuve forte qu'il efl re- gardé comme un étabiiffement à demeure, en ce que, lorfqu'on n'en retire les abeilles qu'au bout de cinq à fjx heures, on y trouve déjà quelque petit gâteau de cire qu'elles y ont fait. Il efl vrai qu'elles n'atterrdroient pas peut-être pluficurs jours à quitter ce lieu d'elles-mêmes; mais ce ne feroit qu'après avoir appris qu'il n'étoit pas convenable , parce qu'elles y auroient tbufièrt , foit trop de chaud , foit trop de froid , ou qu'elles y auroient été trop tourmentées par le vent & la pluye. AufTi , quand on les a fiiit entrer dans une ruche , ne font-elles pas long-temps à reconnoître qu'elles y font mieux qu'où elles s'étoient placées elles - mêmes ; elles y îeftent pour l'ordinaire. Si l'effaim, comme je l'ai déjà li il iij 622 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE dit, s'efl po(ë fur quelque branche d'un arbre en buif- fon , ou quelqu'autre branche peu élevée , rien n'cfl plus facile que de le faire paffer dans la ruche ; les mouches y iroient fouvent d'elles-mêmes fi on la foûtenoit pendant quelque temps au - defîus de leur branche. Le plus fur ])ourtant & le plus court , efl de tenir la ruche renverféc; c'efl-à-dire , fa grande ouverture en enhaut , & tout auprès des abeilles. Si elle n'efl point trop lourde ou d'une figure incommode , l'homme qui la foûtient avec le bras & la * Voyés la main gauche *, peut avec la main droite faire tomber les Vignette, abeilles dedans. La prudence veut que celui qui fe charge de cette opération, fe mette hors de rifque d'être piqué par celles qui peuvent s'irriter, c'efl- à -dire, qu'il ait Ion camail fur la tête <& fes mains couvertes de gands. 11 y a pourtant des payfans , qui , en chemife , à vilàge décou- vert & les mains nues, ne fe font point une affaire de faire tomber les abeilles dans la ruche. L'opération s'exécute encore plus commodément quand deux hommes s'entr'ai- dent , quand l'un tient la ruche, & que l'autre, foit avec fa main , foit avec une efpéce de petit balay , ou quelque petit rameau, fait tomber les mouches. On ne doit pas être inquiet fi elles ne tombent pas tou- tes dans ia ruche, s'il y en a des pelotons qui tombent à côté,& fi beaucoup d'autres s'envolent. C'en efl affés, fi une partie confidérable de l'effaim y a été jettée. Sur le champ, on n'a qu'à pofcr la ruche à terre tout près de l'arbre, dans la fituation où elle doit être naiurellement; c'eft-à-dire, qu'à la pofcr fur fà bafe. On aura pourtant attention de îaiffer des ouvertures entre les bords de la bafe & le terrain fur lequel elle cft. Les abeilles qui font tombées à terre, vont bientôt rejoindre leurs compagnes; mais il faut qu'elles trouvent des, pafïages libres pour ar- river. Celles qui fe font difperfées en l'air, fe rendent aufli' DES Insectes. XII. Mem. 625 pour la plupart , à la ruche. Il y en a pourtant , & quel- quefois en aiïcs grand nombre , qui s'obflinent à retour- ner iur la branche où elles étoient auparavant ; pour leur en fîîire perdre l'envie , on frotte cette branche avec (\qs feuilles dont l'odeur leur déplaît, comme des feuilles de fureau <5c de rue , & on y arrête de petits paquets de ces mêmes plantes. Enfin , fi cela ne fuffit pas , on fume avec la fumée d'un linge, celles qui perfiftent à y vouloir rcfler. Au lieu qu'on cherche à rendre défagréable aux abeil- les l'endroit d'où on les a retirées , avant que de leur offrir • une autre habitation, on a cherché à la mettre en état de leur plaire ; on a eu foin de la bien nettoyer ; on en a frotté les parois avec des herbes ou des fleurs dont elles aiment l'odeur, comme avec des feuilles de melifle.avec des fleurs de fèves, &c. ou ce qui vaut autant que de flatter leur odorat, on enduit légèrement quelques endroits des parois de ce qui peut le plus flatter leur goût, de miel; quelques uns y étendent de la crème. Ces petites pré- cautions ne fçauroient faire de mal , mais je ne les crois pas néceflaires ; tout a fort bien réufli en diveriès circonjP; tances où je n'y point eu recours. Si on fait l'emménagement des abeilles vers midi on peu après, on doit avoir attention de pofer la nouvelle ruche de manière que le Soleil ne la puifle pas trop échauflfer. Si l'arbre auprès duquel elle cft, ne lui donne pas aflcs d'ombre , on peut lui faire une tente avec une nappe , ou tout fimplement une efpéce de feuillèe , en la couvrant de divers branchages chargés de feuilles. On la laiflera où on l'a mife , jufques à ce que le Soleil foit couché ou prêt de fe coucher; &: alors , on la tranf^ portera doucement fur le fupport qu'on lui a deftiné & fur lequel on veut qu'elle refle. L'efTaim que nous venons de faire prendre, étoit placé 624- MEMOIRES POUR L'HrSTOIRÉ le plus favorablement qu'il efl pofTible, & ils ne fe placent pas toujours (i bien. Il y en a tel qui va fe percher fur d'afles petites branches de très-hauts arbres , &. ils ne peu- vent pas fe mettre plus mal. Selon la figure de l'arbre , félon la diipohtion de fes branches &. félon fa hauteur , il faut avoir recours à des expédients différents. Le génie de celui qui ne veut pas laifler perdre cet eflaim , doit lui faire choifir les manœuvres qui conviennent. Si la hau- teur à laquelle il efl, n'eft pas exceffive, un homme monté fur une échelle appuyée contre la tige de l'arbre , peut quelquefois tenir la ruche renverfée au-de(îbus de l'effaim , pendant qu'un autre homme qui a grimpé fur l'arbre, fait tomber les abeilles dans cette ruche avec un balay qui a un manche d'une longueur fuffifante. Si l'effaim efl trop près du bout des branches pour que l'homme monté fur une échelle appuyée contre la tige de l'arbre , puiffe pré- fenter la ruche dcffous cet elfaim , on peut attacher la ruche à une longue 8c forte perche , 6c la pofer enfuite de manière qu'elle puiffe recevoir les abeilles lorfqu'ou les fera tomber. Si tout cela n'efl pas exécutable &. qu'on trouve des branches au-deffous de celle où efl l'effaim, on peut étendre une nappe fur ces branches , faire tom- ber les mouches fur la nappe, les envelopper prompte- ment, 6c defcendre.ou jetter enfuite en bas la nappe pleine de mouches. Enfin , on étendra par terre la nappe, & on pofcra la ruche fur l'endroit où efl le gros des abeilles; ordinairement les autres ne tarderont pas à s'y rendre : mais fi elles n'y paroiffoient pas affés difpofées , on les y détermineroit en dirigeant la fumée d'un linge fur celles qui font trop écartées de la ruche. Il y a encore un autre moyen d'avoir l'effaim qui efl fur une branche, c'eft de couper ou fcier cette branche en l'agitant le moins qu'il «ft p90ible ; fi on n'y travaille qu'après que le Soleil fera couciié, DES Insectes. XII. Mem. 62 5 couché, les abeilles ne l'abandonneront point; elles felaifTe- ront defcendrc au bas de l'arbre avec la branche coupée; quand elles ont rempli leurs ruches de beaucoup de gâ- teaux bien fournis de miel & de oire brute, elles peuvent n'avoir plus de raifons de craindre la pluralité des mères; telle étoit la fituation des abeilles que nous avons vu être empreffées à rendre de bons offices à la reine étrangère que nous leur avions offerte. Alors elles font le plus grand accueil à une femelle qu'elles euffent immolée fi elle eût été introduite parmi elles dans les temps où elles fe trou- voient dans une nouvelle habitation dénuée de tout. Ou il l'on veut, qu'une mère ne foit jamais tuée que par une autre mère, ce qui eft bien au/fi probable, la mère qui a à fa difpofition tous les gâteaux d'une ruche, n'eft point jaloufe qu'une autre les partage, quand il lui paroît qu'il y en a affés pour elles deux. Mais je puis être fort mal inflruit delà politique des abeilles&delafaçon équitable de pen- fer que je viens de leur accorder. La fuite des faits que j'ai àrapj)orter, fera au moins voir encore bien du fmgulier dans les différentes manières dont les mêmes femelles font traitées en différents temps dans la même ruche. DES Insectes. Xll. Mem. 637 Par le moyen du bain j'eus le 1 5 Juin à ma difpoli- tion , une mcre que je tirai d'une ruche ancienne, mai fournie de mouches & de couvain. Cette mère qui juf- ques-là avoit fait peu d'œufs, paroiffoit en état d'en pon- dre beaucoup par la fuite ; elle avoit le corps long & renfle. Après lui avoir peint le corcelct avec un vernis rouge, qui, étant très-ficcatif, fut bientôt fec , je l'intro- duifisdans une ruche quarrée &platte où un fort effaim ii'avoit été logé que le lO du même mois; mais où il avoit travaillé avec beaucoup d'aélivité ; il y avoit déjà fait deux gâteaux, dont chacun étoit auffi grand qu'une des moitiés d'une des faces de Li ruche, & qui avoient beaucoup de cellules ])leines de miel. Je fis entrer la mcre à laquelle j'avois donné une livrée rouge, par un trou percé au milieu de la pièce fupérieure de la ruche, &: cela, à cinq heures & demie du foir. Dès qu'elle y fut entrée, elle difparut, elle fe cacha entre les deux gâteaux; mais fon arrivée n'occafionna aucun tumulte fenfible; il parut qu'elle avoit été bien reçue. Au bout d'une heure, je la vis appliquée contre \\\\ des carreaux de verre, & entourée de plufieurs abeilles qui fembloient occupées à la nettoyer , 6i qui peut-être vouloient lui ôter la tache rouge. Le jour fuivant fur les huit lieures du matin, mon jardinier que mon exemple a rendu curieux d'obferverles abeilles, vint m'avertir qu'il avoit vu la mère rouge, qu'il l'avoit fuivie àfî yeux , qu'il avoit remarqué qu'elle avoit fait entrer fa tète dans une cellule vuide, & qu'enfuite s'étant retournée bout par bout,. elle y avoit introduit fon derrière , & qu'elle devoit être occupée à pondre. Lorfque j'arrivai, je la trouvai fur le même gâteau où il l'avoit vue, mais elle n'étoit plus dans une cellule. Des mouches qui l'entouroient , s'ouvroient pour lui iaifTer le pafïage libre à mefure qu'elle alloit en avant,;. Llliii; 638 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE quelques-unes de celles qui lui failoient cortège, lui lé- choient le derrière , comme elles ont coutume de le lécher à une mère qui vient de dépoler un œuf. Je vis enfuite qu'elle fit entrer fa tête fucceffivement dans plu- fieurs cellules ; mais dans chacune defquellcs il y avoit déjà un peu de miel ; ne ks ayant pas trouvées telles qu'elle les vouloit, elle quitta la furface extérieure du gâ- teau où elle étoit, pour aller peut-être en chercher qui fuffent à fon gré dans l'intérieur de la ruche. Ceci fe palTa dans un temps où plufieurs mercs furnuméraires des nou- veaux eflaims furent tuées ; & on croit bien que je fus attentif à examiner chaque jour, fi je ne trouverois pas l'une des deux mères dont il s'agit , morte auprès de la ruche. Je n'y trouvai ni l'une ni l'autre. Dix à douze jours après, je donnai une troifiéme mère à la même ru- che , à laquelle je fis porter une livrée jaune. Je ne pus depuis parvenir à en voir aucune des trois ; elles fe tinrent trop conftamment dans l'intérieur de la ruche & dans les gros de mouches , au moins aux heures où je cherchois à les voir. Mais jufques au mois de Septembre, je ne pus parvenir à en trouver une morte , quelqu'attention que j'euiïe apportée à la chercher. Les vacances qui m'éloignerent de Paris , me mirent pendant deux mois hors d'état de pouvoir obferver les dehors & l'intérieur de cette ruche. A mon retour, c'eft- à-dire, après la ToufTaints, je me déterminai à la baigner; pour fçavoir fi les trois mères lui étoient reftées. Lorfque fes mouches parurent bien noyées, lorfqu'elles furent toutes dans un état femblable à celui de mort, je les examinai à mon aife, & avec foin une à une. Je les comptai même, & j'en trouvai plus de fept mille, ce qui, dans une pareille faifon, eft un nombre de mouches affés confidérable pour une ruche. Parmi elles il n'y .avoit DES Insectes. XII. Mem. 63 9 aucun mâle, aufTi netoit-ce pas le temps où il y en de- voit avoir. Enfin, ce qui étoit l'objet elfentiel.c'étoit de retrouver les mcrcs , & des trois qui y avoient été quelques mois auparavant, je n'en trouvai qu'une leule, & proba- blement la mère naturelle; au moins l'on corccict n'ctoit- il coloré ni de jaune, ni de rouge. Quand on liippofe- roit que le verni de Ton corcclet avoit été emporté, on ne fçauroit guéres fuppoler qu'il n'en fût pas reiré la moindre tache. La mcre marquée de rouge, &i la mcre marquée de jaune avoient donc p-éri ,&, félon toute appa- rence, de mort violente. Si ce font les abeilles qui immo- lent les mères étrangères après leur avoir fliit tant d'ac- cueil, on*feroit tenté de croire qu'elles les prennent à l'eflai; qu'elles ne les gardent que jufqu'à ce qu'elles fe foient affùrées que leur fécondité ne furpafTe pas celle de leur reine naturelle ; que peutétre celle-ci efl la iàcrifiée quand il s'en efl préfenté une plus féconde. On lî'auroiE pas befoin d'accorder tant de politique aux abeilles, fi on étoit filr qu'une mère eft lacrée pour elles , que toute mcre ne peut être tuée que par une autre mère. Alors la plus courageufe Si la plus forte fe rendroit la feule fouveraine en arrachant la vie à fes rivales. Les expériences qui peu- vent inftruire fur- tout ceci, ne font pas impoffibles, quoi- que je ne fois pas encore parvenu à les faire. J'eus dans le mois de Décembre une mère tirée d'une ruche, dont prefque toutes les autres mouches avoient péri ; de languifiTante qu'elle étoit , je parvins à la rendre forte & vigoureufe en la chauffant avec précaution. Pour lui conferver la vie, & pour faire en même tcmp^ une des expériences qui m'étoit néceffaire, je la logeai dans une ruche vitrée & conique. Cette ruche étoit bien remplie de cire & de miel ; depuis la Toufi^^ints je la tenois dans mon cabinet, à Paris, bien fermée de toutes parts ; j'avois. 640 Mémoires pour l'Histoire eu peur que le nombre des abeilles n'y fût pas fuffifant pour qu'elles puflent réfifter au froid de l'hiver ; je l'y tenois encore par rapport à d'autres vues. Dès que la mère étrangère fut entrée dans la ruche, je ceffai de la voir; elle gagna le gros des abeilles qui fe trouvoit affés près du fond de la ruche. Il ne me fut donc pas poffible d'obferver comment elle fut traitée. Mais bientôt j'en- tendis un grand murmure; le bourdonnement alla tou- jours en augmentant; & les abeilles, de tranquilles qu'elles étoient, devinrent agitées. S'il nous efl permis d'inter- préter la caufe de ce bruit & de cette agitation, nous ne l'attribuerons qu'à l'efpéce de joye que ks abeilles té- moignoient d'avoir une féconde reine; celles qui avoient été les premières inftruitcs du grand événement , l'appre- noient aux autres : ce qui eft fur, c'eft que ce bruit ne fut point un bruit de guerre; l'arrivée de la féconde reine ne caufa aucun combat dans la ruche. J'eus beau obfer- ver pendant plufieurs jours de fuite, je ne vis point aug- menter le petit nombre des mouches mortes qui y étoit, lorfque la nouvelle mère fut introduite : elle ne parut point parmi les mortes; elle eût été aifée à diftinguer par fa grandeur; mais ce qui l'auroit rendue encore beau- coup plus reconnoiffable , c'efl que * j'avois eu foin de peindre en rouge avec du vernis , prefque toute la partie Supérieure de fon corcelet. Avant que je l'euffe introduite dans la ruche , les abeilles y fembloient être dans un en- gourdiflement dont fa préiénce les fit fortir, &. dans le- quel elles ne retombèrent plus. Tous les jours fuivants, elles me firent entendre des bourdonnements tantôt plus forts tantôt plus foibles, que je n'entendois pas dans ks jours qui avoient précédé ; elles furent beaucoup plus en mouvement , elles mangèrent beaucoup davantage. Dès ks premiers jours de Février je portai cette ruche à h jcampagne; DES Insectes. XII. Mem. 64 1 campagne. Lorfqu'au bout de deux fcmaines , ou environ , je retournai la voir, je la trouvai prefque dépeuplée; ce ii'étoit point parce que la faim, ou le froid avoit fait périr une grande partie de fes mouches ; on ne les avoit pas laifle manquer de miel ; & fi elles n'eufTcnt pu foû- tenir le froid , on eût trouvé les mortes fur le fond de la ruche où il n'y en avoit que quelques-unes de celles- ci. Il y a donc grande apparence qu'une des mères aban- donna la ruche pour aller s'établir en quciqu'autre en» droit avec les mouches qui la voulurent fuivre. Il refla cependant une des deux mères dans l'ancien logement , je ne fçais laquelle : la feule preuve que j'en ai , car je ne la vis pas, eft une preuve fuffifante, c'efi qu'au com- mencement du mois de Mars les abeilles de cette ruche allèrent faire des récoltes à la campagne, elles rcvenoient chargées. La ruche ne fut pourtant pas long-temps fans ctre entièrement deferte. Cette mère accompagnée de trop peu d'ouvrières , prit apparemment un parti fem- blable à celui que nous avons vu prendre à toutes les mères qui ont été mifes dans la petite ruche vitrée avec trop peu de mouches ordinviires; elle alla chercher ailleurs une meilleure fortune. L'expérience d'introduire une féconde mère dans une ruche , me parut devoir être faite dans une circonftance différente de celles où j'en ai ci -devant donné de furnu- méraires. J'avois une ruche en panier, fi peuplée depuis plufieurs femaines, qu'une partie de fes abeilles étoit obli- gée de fe tenir dehors en grouppe, foit pendant le jour, Ibit pendant la nuit. Cependant cette ruche n'avoit pas encore donné d'effaim le 25 Juin. Il me fembloit que je n'en pouvois attribuer la caufe qu'à ce qu'il n'y étoit point né de femelle. Je fus curieux de voir ce qui arri- yeroit fi j'y en faifois entrer une très en état de pondre. TomeV, . Mmmm 6^2 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE La mère d'une ruche dont j'avois déjà eu trois eflaims , fut dcftinée à celte expérience. Depuis quelques jours je l'avois fait paffer dans une nouvelle ruche avec fes ou- vrières, qui y avoient déjà commencé quelques gâteaux de cire, & dans lefquels la mère avoit dépofé des œufs. Après l'avoir tirée du bain qui me mit en état delà dé- mêler des mouches de fa troupe , après lui avoir rougi ie deffus du corcelet, & enfin, après lui avoir fait re- J)rendre toute fa vigueur , je la pofai fur les fept heures & demie du matin fous cette ruche en panier, qui ne pou- Voit contenir toutes fes abeilles , &. de laquelle cepen- dant aucun eflaim n'étoit forti. Bientôt elle me fut cachée par tant de mouches , qu'il ne me fut plus poffible de la voir. Il efl à préfumer qu'elle fut bien reçue par les abeil- les ordinaires; elle n'occafionna aucun tumulte fenfible. Le foir je fis pancher le panier pour fçavoir fi je ne par- viendrois pas à voir la mère que j'y avois introduite. Je i'y vis; elle y étoit dans une guirlande d'autres mouches. Quelle que fut la caufe pour laquelle elle étoit refté-là, & qui l'avoit empêché de pénétrer dans l'intérieur du palais , avec un brin de paille je la détachai de fa guir- lande, je la fis tomber fur l'appui de la ruche; mais bien- tôt elle le quitta , elle fe mêla avec d'autres abeilles , je cefllii de la voir , & je fis remettre la ruche dans la pofi- îion naturelle. Je ne m'attendois pas que le fuccès de cette expérience feroit tel qu'il fut. Lorfque le lendemain 26 j'allai dès ie matin pour voir la ruche dont il s'agit , je trouvai la mère marquée de roiîge morte ; je la trouvai dans une allée qui eft au long d'une terraffe fur laquelle la ruche étoit placée, &. vis-à-vis cette ruche. Pourquoi cette mcre féconde n'avoit-elle pas été épargnée, & cela dans une circonftance où elle fembloit précieufe aux mouches > DES Insectes. XI I. Mem. 643 qui dévoient attendre avec impatience une reine qui les conduisît lîors (Xwa logemeïît où ciles ne pou>oient pas touteSRi tenir à li (ois! Ne rcflemblons point à ces \\\i- toiiens qui paroiiTent avoir été préfents aux converfations les plus lècrettes qui ont été tenues dans les cabinets des K- -is fk. des Miiiirtres. Avouons fans peine que \<:% principes fur ienjuels les abeilles agifFent, ne nous font pas afîcs connus. La mort de la mère étrangère pourroit pourtant , avec afTés de vrailemblance , être mile fur le compte de la mère régnante ; elle pouvoit avoir des rai- fons de vouloir la perte de cette reine étrangère, dont les ouvrières dévoient être fort contentes. Quoi qu'il en foit, cette ruche n'étoit pas favorable aux nouvelles reines. Le 5 Juillet j'en trouvai une tout auprès de cette ruche, qui fans doute y étoit née, & y avoit été mife à mort. La reine rouge ne paffa qu'une journée dans la ruche , pendant l'après - midi de laquelle il fit de l'orage & une grande pluye. Peut-être que fans cette pluye, & fans cet orage , elle eût eu un fort plus heureux , qu'elle fe fût déterminée à fortir, & qu'elle eût été fuivie d'autant de ' mouches qu'il y en a dans les meilleurs effaims. Il eft confiant au moins, qu'un jour de grande pluye, ou qu'un orage, retient dans la ruche, l'effaim qui n'attend pour en fortir, qu'à y être déterminé par un beau temps. Un Soleil brillant, fur-tout s'il donne fur la ruche, hâte les mouches de prendre leur parti ; il augmente la cha- leur qui les environne , que leur nombre rendoit déjà trop grande. On peut fe rappeller une des aventures * des ^MémoircV. mouches mifes dans une de nos petites ruches vitrées, celle où les mouches la quittèrent pendant que je les obfèr- vois, parce que je les avois expofées aux rayons du Soleil, qui, après avoir traverfé les carreaux de verre, tomboient fur elles. Par une raifon contraire, àts jours trop froids Mm mm ij 644 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE pour la faifon , empêchent lafortie des eflaims. Mais des jours d'un chaud pefant, des jours où, quoique le^oleiJ ne fe montre pas, on trouve la chaleur incommoda font encore de ceux où ks ruches jettent. Diverfes autres circonflances peuvent déterminer la jeune mère à prendre l'efTor. Il arrive dans les ruches des événements dont nous ne fbmmes pas en état de fçavoir les caufes, qui y mettent fubitement toutes les mouches en agitation, qui jettent le trouble par -tout. Qu'on Toit auprès d'une ruche, on y refiera fouvcnt pendant un temps confidérabie làns entendre qu'un léger murmure ; mais tout d'un coup on entendra enfuite un bourdon- nement confidérabie ; les abeilles fembleront être toutes faifies en même temps d'une teneur panique : on les verra toutes quitter leur ouvrage pour courir de diffé- rents côtés. Que dans un de ces moments de trouble , une jeune mère fe trouve près des ouvertures de la ruche, qu'elle forte, elle fera fur le champ fuivie par une noni- breufe troupe de mouches avec laquelle elle jîartira. Quelquefois les abeilles après être forties de la ruche dans la quantité néceffaire pour compoferun eiïaim, après s'être difperfées en l'air, & même après s'être raffemblées fur un arbre , retournent à leur domicile natal. On prévoit que cela doit arriver, fi elles n'ont pas été fuivies par une jeune reine , qui , quoiqu'elle eût paru aux portes de la ruche & prête à les accompagner, n'a pas eu le courage de faire ufage de fes aîles. Si la jeune mère eft Ibrtie avant que d'avoir été fécondée , avant que le temps de fa ponte fut affés prochain, ce peut-être pour elle une rai- fon de rentrer dans la ruche qu'elle s'étoit trop preffée de quitter ; & {es ouvrières ne manquent pas d'y retour'- îier avec elle. CcuxquipalTentpcur les plus entendus dans rceconoraic DES Insectes. XI L Mem. 645 des abeilles , croyent qu'il convient d'empêeher de jcttcr les ruches qui font foibles en mouches. Il y auroit à crain- dre de perdre l'ancienne ruche & la nouvelle où l'efTaini auroit été mis , parce que l'une & l'autre ne feroient pas fuffifamnient peuplées ; auiïï a-ton enfeigné des moyens d'empêcher de jctter celles qui font peu fournies d'abeilles. Un de ces moyens quand la ruche n'eft qu'un panier, eft fimple; c'eft de retourner le jwnier, de mettre le devant derrière. C'eft: fur- tout fur le devant du panier que les mouches travaillent, c'eft le devant qu'elles remplift^ent d'abord de gâteaux. Quand le derrière eft devenu le de- vant, les abeilles fo trouven-t plus au large qu'elles n'y croyoient être; elles ont encore de l'ouvrage à faire, & pour lequel elles ne font pas en trop grand nombre. Un autre expédient auquel on a recours, c'eft de don- ner une haufle à la ruche; c'eft-à-dire , quelle que foit {:i. ligure , de lui donner une bafe creufe qui augmente (à capacité; de mettre, par exemple, fous un panier d'ofier ou de paille , une efpéce d'anneau d'ofier ou de paille dont le diamètre de la partie fupérieure eft égal à celui du bas delà ruche, & qui, à fa partie inférieure, en a un plus grand, A l'égard de la hauteur de la hauft!e, on lui en donne plus ou moins , félon qu'on veut augmenter plus ou moins la capacité de la ruche. Mais l'effet de l'un & de l'autre de ces expédients , n'eft rien moins que certain , puifque nous avons rapporté dès le commencement de ce Mé- moire , que nous avions vu fortir un efl"aim d'une ruche dont plus des deux tiers de la capacité étoient vuides. Les ruches qui ont déjà donné un ou deux fo^rts eifaims, quelque fortes qu'elles fuftTent , deviennent des ruches mal peuplées; & s'il en fort un troifiéme ou un quatrième eftTaim , ces derniers font ordinairement trop foibles. Le moyen le plus fur de conferver ces effaims, eft d'en réunk M m mm iij 6^-6 Mémoires pour l'Histoire deux enfcmble, ce qu'on appelle marier des eflainis. Nous avons expliqué d'avance dans le dixième Mémoire, com- ment on peut parvenir à faire de ces fortes de mariages. Quand on a beaucoup de ruches placées dans le même alignement, & par conféquent dans la même expofiiion, il arrive quelquefois que le même jour, à la même heure, 6c prefque dans le même moment, deux eflaims partent de deux ruches différentes, qu'ils fe mêlent dans l'air, 6c qu'ils fe réuniflent enfemble. Quoique ces deux effaims réunis ayent deux mères , ils font dans un cas différent de celui de l'effaim forti d'une feule ruche avec deux mères; car chacun des deux premiers étoit accompagné des mou- ches néceffaires pour le nouvel établiffement. Il pourroit fe faire que ces deux mercs vécuffent dans la même ruche. Cependant fi les deux effaims font forts, on trouve qu'il convient mieux de les féparer dans deux ruches différen- tes; iorfqu'on les loge on feit tomber à peu près la moitié de la maffe dans une des ruches , 6c l'autre moitié dans l'autre. On s'y prend encore d'une manière un peu diffé- rente; on fait entrer dans une même ruche toutes les mou- ches, 6c lorfqu'elles y font devenues tranquilles, vers le foir on fecouë cette ruche pour en faire tomber à peu près la moitié des mouches, foit fur la terre , foit fur une nappe, 6c on couvre les mouches qui font tombées, d'une ruche qu'on tient préparée. Afin que ce partage foit bien fait, il faut qu'il fe trouve une mcre dans chaque ruche. Si une des deux en étoit privée, on le reconnoîtroit le lendemain par la manière dont fes abeilles fe comporteroient. Il fau- droit encore en venir à les réunir, pour tenter enfuite un partage plus heureux. Lorfqu'une ruche donne plufieurs effaims dans Tannée, celui qui eft forti le premier eft toujours le meilleur de tous. Outre qu'il eft le plus nombreux, il fe met au travail DES Insectes. XIL Mem. 647 dans une faifon plus favorable, dans une fliilon où la campagne fournit le plus aux récolles de cire & de miel; & enfin, il a plus de temps pour travailler avant l'iiiver. Ces avantages des premiers effaims fur les autres, fuffifent affurément pour expliquer pourquoi ils réuffiffent mieux. M. de la Perrière qui nous a donné un Traité fur les mou- ches à miel , prétend pourtant que les nouveaux effaims l'emporteroient fur les féconds, ceux-ci fuffent-ils auffi nombreux ou plus nombreux, par une autre raifon, parce qu'ils font com])ofés de mouches plus exercées. Mais cette propofition auroit demandé à être appuyée par des preu- ves qu'on n'a pas données. Il y a grande apparence que l'abeille née depuis deux jours efl auffi habile & auflî labo- rieufe que celle ([ui a vécu plufieurs femaines, ou même plufieurs mois. Cette propofition de M. de la Perrière, nous conduit au moins à éclaircir une queftionqui nous a dû déjà être faite , & à laquelle on a dû s'attendre que nous fatisferions. De quelles mouches l'efTaîm efl-il compoféî La nouvelle reine n'eflelle fuivie que par de jeunes abeilles, par des abeilles nouvellement nées ! Il ne paroît point du tout que ce foit la conformité de l'âge qui lui ait aiïécfhonné une partie de celles de la ruche. Nous avons dit ailleurs qu'on connoifToit à peu près celui de ces mouches à leur . couleur, que les jeunes étoient plus brunes & avoient des poils blancs, & que les plus vieilles avoient des poils roux & des anneaux moins bruns. Parmi celles qui fe font mifes à la fuite de la nouvelle reine , on en obferve de ces deux couleurs , & de toutes les nuances moyennes qui font entre deux. Enfin , li on examine celles qui font rcf- tées dans l'ancienne ruche, on y en remarquera de même de jeunes , de vieilles & de celles d'un âge moyen. L'ef- faim eft donc compofé d'abeilles de tous âges , & il relie -64-3 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE des abeilles de tous âges dans la ruche. Celles qui fe font trouvées auprès des ouvertures quand la nouvelle reine eft fortie, font forties avec elle ; & celles qui étoient oc- cupées dans l'intérieur & dans des endroits élevés, n'ont point été entraînées par lefpéce de tumulte qui s'efl; fait au bas de la ruche. Mais eft -il bien certain , comme nous i avons fuppofé jufqu'ici avec tous ceux qui ont parlé des abeilles, que ce ibit toujours une jeune mère qui fe mette à la tête de la colonie! La vieille reine ne pourroit-elie point prendre du dégoût pour fon ancienne habitation ! Enfin, ne pour- roit-elle pas être déterminée par quelque circonftance particulière, à abandonner toutes fes poffeffions à la jeune mère ! Je ferois en état de fatisfaire à cette queftion autre- ment que par des vraifemblances , fans des contre-temps qui ont fait périr les mouches des ruches à la mcre de chacune dcfquelles j'avois mis une tache rouge fur le corcelet, ou qui ont empêché ces ruches de jetter; mais j'efpére être dans la fuite en état de parler plus affirmati- vement. Il eft pourtant très-probable que c'eft toujours , ou prefque toujours une jeune mère qui fe met à la tête de l'efTaim. J'ai vu beaucoup de mères qui étoient forties avec des effaims , & je n'en ai Jamais vu aucune qui n'eût les aîles bien faines; au lieu que j'ai obfervé dans plufieurs ruches anciennes , des mères dont la bafe de l'aîle étoit ^léchiquetée , & de laquelle de petits lambeaux étoient tombés, La couleur d^ celles qui avoicnt conduit des effaims m'a paru moins rougeâtre que la couleur des vieilles mères. Quand celle d'une ruche périt , fi elle y périt dans un temps où de jeunes femelles font prêtes à fe transformer, il eft tout naturel qu'elle foit remplacée par une de celles- ci. On pourroit être tenté de croire que la vieille mère eft du DES Insectes. XI L Mem. 649 cfl du nombre des femelles qui font fouvent facriiîées au bien public dans la ruche même. Cependant toutes les femelles mortes dans ce temps, qu'il m'a été permis d'ob- ferver , m'ont paru être des femelles nouvellement méta- morphofées. La mère qui a plus de mouches dans fa ruche , y efl tenue plus chaudement pendant tout l'hiver. Le prin- temps vient pour elle plutôt que pour les autres ; elle peut recommencer fa ponte de meilleure heure. Nous Iça- vons que la ponte àc?, poules efl retardée ou même ar- rêtée par le froid , & qu'on fait pondre pendant l'hiver celles qu'on tient dans des caves ou dans d'autres lieux chauds. Il en doit être de même des infeens , & qui , fans que nous foyons obligés de labourer, de planter, de femer 6i de cultiver j)our elles , font des récoltes qui nous font extrêmement utiles. Quoique le miel ne foit pas auffi re- cherché qu'il l'étoit dans les temps où l'on ne connoifToit point ou prefque point le fucre, il a encore une valeur; A eft au rang des aliments fains&: des remèdes doux. Mais fi le miel a un peu perdu , la cire a beaucoup gagné; la con- fommaticMi en eft confidérablement augmentée dans tous les pays policés, &plus peut-être en France, & fur-tout à O o G o i j 66o MEMOIRES POUR L'HISTOIRE Paris, qu'en aucun pays & aucun lieu du monde. II feroit à fouhaiter qu'elle pût leule fuffire à nous éclairer, qu'on pût le pafflr pour cet ulage, de toutes les autres matières combuftibles. 11 n'y a plus de pays barbare û le commerce y conduit , où la valeur de la cire ("oit ignorée , comme elle l'étoit au- trefois elles les Livoniens , qui prenoient pour un marc inutile,& rejettoient les gâteaux dont le miel avoit été expri- rné. On va la chercher dans toutes les contrées où on en peut faire dcb récoltes, qui font le produit du travail, (bit des abeilles qu'on tient en ruche, Ibit de celles qui habitent des creux de troncs d'arbres dans des forêts. Il faut four- nir à la conlommation que tant d'arts en font. La Méde- cine & la Chirurgie Içaveni s'en fervir pour nous donner des fecours ; mai^ la quantité que nous en brûlons (ûrpaffe beaucoup la quantité de celle qui eft employée à tous les autres ulages enlemble. On épargneroit chaque année des ibmmcs confidérables au Royaume , fi on n'étoii plus obligé de tirer de la cire des pays étrangers Ce n'eft pas ici la matière première qui nous manque , ce ne lont que les ouvrières néceflaires pour la mettre en oeuvre. Quels regrets n'auroit-on pas, fi , dans un pays rempli de coteaux les mieux expofés , couverts de vignes chargées de raifins à maturité, & propres à donner le meilleur vin , on étoit obli- gé, faute de vendangeurs, de laifi[er pourrir ou fécher tant de raifins fur les cepsî fi on n'avoit des ouvriers que pour faire la récolte de ceux de quelques petits clos voifins des maifonsî Nous n'y failons point d'attention , nous ne nous avifons pas d'en avoir des regrets , quoique nous foyons tous les ans dans un casTemblable par rapport aux récol- tes de cire & de miel. Le nombre des fleurs qui remplif- fent la campagne, eft immenfe en comparaifon de ce- lui des fleurs des jardins, des champs & des prairies qui DES Insectes. XI IL Mem. 66 1 environnent chaque village; c'eft-à-dire, que la quantité des fleurs qui ont de la cire 6c du miel qui y ibnt en pure perte, eft immenfe, en comparailbn de la quantité des fleurs iUr lerqucllcs les abeilles en vont recueillir. Enfin , il eft évident qu'une quantité de cire& de miel qui furpafTe prodigieulement celle que nous fournit le Royaume cha- que année, eft perdue, parce que nous manquons d'abeilles qui aillent la ramafTer. On ne doit pas mettre néantmoins au nombre des choies pofTibles, le projet de faire recueillir chaque année, toute la cire & tout le miel, ni même la plus grande par- tie de la cire MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE ôter tout ce qu'elles ont de cire & de miel i Ces mouches réunies vivioient pendant l'hiver, & on auroit au prin- temps une ruche bien peuplée d'abeilles , qui dédomma- geroient avec ufure du peu de miel qu'il auroit fallu leur donner pour fubfifter, s'il avoit fallu leur en donner. Alexandre de Montfort dans fon Printemps des abeil- les, dont nous avons déjà parlé, cite une loi faite par un Grand- Duc de Tofcane, qui défend de faire ainfi mou- rir les abeilles , fous peine de punition arbitraire. Une pa- reille loi devroit être établie dans tous les pays policés; & il elle l'eût été en France, nous y aurions apparemment beaucoup d'abeilles qu'une avidité mal entendue nous a fait perdre. Mais dans les pays où l'on ne fait pas périr de gayeié de cœur des mouches fi utiles, on perd beaucoup de ru- ches chaque année, depuis le mois de Novembre julques à la fin d'Avril. Il y a telle année où l'on en perd plu» de la moitié, & il n'y en a gueres où l'on n'en perde quel- ques-unes. Nous n'entrerons point aéîuelltmeni dans le détail des maladies auxquelles les abeilles font fujettes , ni des remèdes par lefquels on prétend les guérir, car ces mouches ont depuis long temps leurs médecins. Nous ne voulons d'abt)rd parler que des deux grands fléaux quî détruiiént les ruches entières, ce font le froid & la faim. Si l'on défendoit les abeilles contre l'un & l'autre, on le irouveroit prefque toujours au m.ois de Mai , le même nombre de ruches qu'on avoit à l'entrée de l hiver. Eft il fi difficile de défendre les abeilles contre le froid & la faimî II l'eft plus qu'on ne le croiroit Les pré(au- tions prifes contre le froid peuvent elles-mêmes fiire mourir les abeilles de fiim II a été étab'i avec une fagefïè que nous ne pouvons nous empêcher d'admirer , c'elï- à-dire, avec cette fageffe avec laquelle tout a été fait & DES Insectes. XIIL Mem. 66y CompafTé dans la nature , que dans la plupart du temps où la campagne ne peut rien- fournir aux abeilles , elles n'ont plus beloin de manger. Le froid qui arrête la vé- gétation des plantes , qui fait perdre à nos prairies & à nos champs leurs fleurs , met les abeilles dans un état où la nourriture cefTe de leur être néccfïàire; il les tient dans une efpéce d'engourdifTement pendant lequel il ne fe fait chés elles aucune tranfpiration , ou au moins, pendant lequel la quantité de ce qu'elles tranfpirent efî (i jieu confidcrable , qu'elle peut n'être pas reparée par des. ali- ments, fans que leur vie courre rifque. En hiver pendant qu'il gelé , on peut confidérer fans crainte l'intérieur des ruches qui n'ont pas des parois tranfparen tes; car on peut les coucher fur le côté, & même les renverfer fans defTus delTous, fans mettre aucune abeille en mouvement. On les voit entaffées & très-prefTées les unes contre les autres; peu de place auffi leur fuffit alors : elles font ordinaire- ment entre les gâteaux vers leur partie inférieure, ou au plus , vers le milieu de la hauteur de la ruche. Si le dégel furvient, fî l'air fè radoucit , & fur- tout fi les rayons du Soleil tombent fur la ruche & réchauffent, les mouches à miel fortent de leur efpéce de léthargie ; elles agitent leurs aîles, elles fe mettent en mouvement, i'adlivité leur eft rendue. Mais les befoins de prendre des aliments reviennent alors, & la campagne ne pouvant leur en fournir , elles ont recours au miel & à la cire brute qu'elles ontmis en provifion dans leur ruche. Elles ôtent les couvercles qui bouchent les alvéoles où ell contenu ie miel qu'elles veulent manger le premier : elles com- mencent par confumer celui des gâteaux inférieurs, <&: réfervent pour le dernier, celui des cellules les plus éle- vées. Elles ont une bonne raifon apparemment de man- ger d'abord le miel qui a été ramaffé le dernier, mais qui Pppp i; 668 Mémoires pour l'Histoire peut ne nous être pas connue. Celui des cellules infé- rieures eft celui d'Eté ou d'Automne, qui ne leur paroît pas auffi propre à être confervé, qui peut-être s'épaiflit plus vite que celui du Printemps. Mais ce à quoi nous vouions faire faire attention, c'ell que plus l'air doux continue pendant l'hiver, plus les abeilles confument de miel, plus elles diminuent jour- nellement la provifion qu'elles en avoienl faite , &. plus elles courent rifque de l'avoir entièrement confumée avant que la chaleur du Soleil échauffe fuffilamment & affés conftamment la terre pour faire paroître des fleurs. Les abeilles qui ont été mifes tard en ruche, qui n'ont pu, parvenir à faire une récolte de miel affés confidérable, font les premières réduites à jeûner, & enluite à mourir de faim. J'ai à rapporter une obfervation propre à montrer com- bieu un air affés doux pour laiffer aux abeilles leur vigueur, efl; à craindre pour elles pendant l'hiver. Un effaim que j'avois mis dans une ruche vitrée au commencement de Juin , y travailla beaucoup par rapport au nombre des mouches dont il étoit compolë. Les parties fupérieures des gâteaux furent remplies de miel. Cependant comme le nombre des mouches ne me paroiffoit pas grand dans cette ruche , je craignis pour elles le froid de l'hiver. D'ailleurs , j'étois bien aife d'obièrver des abeilles qui pendant l'hiver même fe trouveroient dans un air tem- péré. Après avoir bien bouché toutes les ouvertures de îa ruche où étoient celles dont je viens de parler, je la fis porter à Paris & placer dans le cabinet même où je me tiens ordinairement. Pendant la plus grande partie du jour , la température de l'air y étoit marquée par dix à douze, Si affés fouvent par quinze degrés au-deffus de la congélation ; ce qui indique un chaud à peu près DES Insectes. XI II. Mem. 66^ tel que celui des beaux jours du printemps. Là ces abeil- les, qui étoient très -bien pourvues de miel par rapport à leur nombre, à qui il en fût refté beaucoup au mois d'A- vril , Il elles euiïent été tenues dans un jardin , mangèrent preique tout le leur avant la fin de Février; & elles fe- roient péries de faim , fi je n'eufTc pris le parti de les met- tre dans un lieu plus froid , ou de leur donner d'autre miel. Un certain degré de froid efl donc favorable aux abeil- les; celui qui ne fiiit que les engourdir, les met hors de danger de manquer trop tôt de vivres : mais un degré de froid trop grand , un degré qui fait plus que les engour- dir, leur eft funefte. Ainfi dans les rudes hivers les abeilles courent riique de mourir de froid , &. dans les hivers doux, elles font expofées à mourir de faim. Des Auteurs qui ont afTés bien traité de la manière de gouverner les abeilles, prétendent même qu'il en périt plus dans les hivers doux que dans les grands hivers ; on en voit affés la caufe. Ceci pourtant ne peut être vrai qu'avec certaines reftric- tions ; qu'en fuppofànt que quoique l'hiver ait été long, ie degré de froid n'a pas été exceflif Celles de mes ruches qui étoient fuffifamment peuplées, ont très-bien foûtenu le dernier hiver , quoiqu'il puifle tenir rang parmi les plus Jongs & les plus rudes hivers. Cependant chaque abeille par elle-même n'eft pas en état de foûtenir long-temps un grand degré de fi-oid , ua degré de froid bien moins confidérable que celui qui fuf- fit pour congeler l'eau. Je ne connois aucun infe(5îe à qui la chaleur foit aufîi néceffaire. Elles périfTent de froid dans un air dont la température paroîtroit affés douce à tous les infedes de notre climat. Comment peuvent- elles donc vivre, lorfqu'on laifTe les ruches qu'elles habitent dans des jardins pendant des hivers où le froid fait defcendrc la Pppp iij 670 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE liqueur du thermomètre de plufieurs degrés au -deflbus de celui de la congélation, de dix à douze degrés ! C'eft que l'air qui les environne immédiatement , cft bien éloi- gné d'avoir le degré de froid qu'a l'air du refte du jardin; elles l'échaufFent. On ne feroit pas étonné qu'un homme qui fe feroit endormi pendant une forte gelée au milieu d'un jardin , y fût mort de froid , pendant que des hommes euffent pu avoir afTés &. même trop chaud dans un petit cabinet bâti au milieu de ce jardin , où ils fe feroient trouvés en fi grand nombre & û preffés les uns contre les autres , qu'ils n'auroient pu s'y remuer. Les abeilles ferrées les unes contre les autres , échauffent l'air de leur ruche, comme des hommes échaufferoient celui du ca- binet où nous venons de les entafler. On aura peut-être peine à croire que des mouches,' qui, lorfque nous les touchons , ne font pas fur nos doigts une impreffion fenfible de chaleur, foient capables de répandre dans l'air qui les environne , une chaleur telle que nous la voulons faire imaginer. On ne pourra pour- tant s'empêcher de fe rendre aux expériences qui le prou- vent inconteftablemcnt. Dans le mois de Janvier , j'ob- fervai un jour fur les deux heures après midi , que la li- queur d'un thermomètre que j'avois placé en dehors d'une ruche vitrée, mais tout auprès de cette ruche, étoit à trois degrés au-deffous de la congélation. Un carreau de verre qui étoit cafle près d'un coin , me donna la facilité d'y faire entrer la boule & partie du tube du thermomètre dont je viens déparier. Après que j'eus ôté le thermomètre de deffus fon cadre, je retirai le bois mince qui remplif- foit la place du morceau de verre qui étoit tombé ; & par ■cette ouverture , je fis paffer la boule du thermomètre 'dans la ruche. Je ne pus pourtant l'y faire pénétrer bien avant ; les gâteaux de cire l'arrêtèrent ; & les gâteaux fur DES Insectes. XIll. Mem, 671 lefquels elle fut arrêtée, étoient aiïes éloignés de ceux entre lelquels étoient les abeilles. La liqueur cependant ne tarda pas à s'élever dans le tube ; elle monta a dix de-^ grés au - defTus de la congélation ; elle eût monté bcau-^ coup plus liaut, fi la boule eût pu être pofée plus près des mouches ; & fi cette boule eût pu être mile au militu du maiïif qu'elles formoient, la liqueur fis fût peut-être autant & plus élevée qu'elle ne s'élève dans plufieurs de nos jours chauds d'Eté. Dans le mois de Mai , je fis pafifer par le trou * de la * pi, a^.fig traverfe fupérieure d'une ruche platte & vitrée , la boule ' ^ ^* d un thermomètre; & après l'avoir fait defcendre dans la ruche de cinq à fix pouces , j'arrêtai en dehors le tube de ce thermomètre. Quelques heures auparavant j'avois logé dans celle dont je parle, un efi^iim peu nom- breux, ^^•i, mouches n'étoient point encore montées au haut de la ruche, & elles y montèrent par la fliite. La boule du thermomètre fe trouva prelque au centre du maffif qu'elles formèrent. Je marquai la hauteur où, au bout de quelques heures, elles avoient fait élever la li- queur dans le tube. Alors je relirai le thermomètre, & le remis fur ia planche; & je vis que les abeilles avoient fait prendre à fa liqueur une chaleur exprimée par 3 1 degrés, c'ert à dire , une chaleur plus grande que celle de nos plus chauds jours d'été; & qui eft a peu près celle que prennent ies œufs (bus la poule qui les couve. Les abeilles dont je viens de parler, étoient tranquilles; mai • quand elles marchent , ou que fans voler , & fans même changer de place , elles agitent leurs aîles, com*ie cela leur arrive Ibuvent, elles font bien naître un autre degré de chaleur J'ai confèrvé pendant l'hiver des abeilles dans une rucIie conique 6c vitrée, où je les avois fait paffcr fans leur avoir doiuié aucun gâteau de cire. 11 m'eft fouyent arrivé 6j^ Mémoires pour l'Histoire de les obferver, ou de leur donner du miel, pendant que je les tenois dans un endroit où l'air n'avoit que peu de degrés de chaleur au-defTiis de la congélation. Les carreaux de verre de la ruche paroiflbient froids à mes doigts. Quand il m'arrivoit d'inquiéter ces mouches, foit à deflcin, foit fans l'avoir voulu ; quand le grouppe qu'elles formoient fe rompoit,&que tumukuairement elles fe déterminoientà marcher de divers côtés, & à faire un grand bourdonne- ment, dans peu d'inftants une chaleur fi confidérable étoit produite dans la ruche, que lorfque je touchois avec mes doigts ces mêmes carreaux de verre qui m'a voient paru froids, je les trouvois auffi chauds qu'ils eufTent été fi je les eufle tenus près du feu, & expofés à un degré de chaleur qu'on a peine à foûtenir. Après avoir tourmenté At% abeilles pour les déter- miner à quitter leur panier, 6c à pafTer dans un autre, lorfque j'en fuis venu à tirer les gâteaux, j'ai obfervé que leur cire étoit très-ramollie. Il arrive auffi quelquefois que les gâteaux chargés de miel tombent au fond de la ruche, lorfque la chaleur qui y règne a rendu leurs attaches trop molles. D'autres que moi, & M. Maraldi entr'autres, ont re- marqué que les abeilles échauffent l'air de leur ruche lors- qu'elles agitent leurs aîles ; mais ils ne me paroifTent pas avoir affigné la véritable caufe de cette augmentation de chaleur. Ils femblent avoir cru que les battements des aîles échauffbient l'air contre lequel ils agiffoient, qu'alors l'air étoit échauffe, comme l'eft un corps folide frotté avec vîtefle contre un autre corps folide. Je ne fçais fi un fluide tel que l'air, peut être échauffe de la forte ; & il y a grande apparence que non. Le corps folide eft échauffé parce qu'après un intervalle très-court, les mêmes parties qui avoient été frappées ou choquées, le font encore, & cela DES Insectes. XI IL Mon. 6y^ cela à un très-grand nombre de reprilts difterentcs; mais la petite mafîe d'air fur laquelle e(t tombé le premier coup d'aile, n'eft pas celle fur laquelle tombe lelecond coup; de nouvel air prend la place de celui qui a été frap])é & chafTé. Ce font les abeilles elles-mêmes qui s'échaulient en agitant leurs aîles & en marchant , comme nous nous mettons en lueur pendant qu'il gelé très-fort en courant ou en failant des efforts redoublés. Les abeilles qui ont acquis un plus grand degré de chaleur parles mouvements qu'elles ih ibm donnés, communiquent de cette chaleur à l'air qui les touche, comme cet air communique enfuite de la (ierine aux carreaux de verre. De tout ce que nous venons de dire, il fuit que plus le nombre des mouches à miel qui habitent une ruche , eft grand, & moins il eft à craindre que l'air ne devienne affcs froid pour les faire périr. Aulfi , pendant que des miiuches ont vécu dans des ruches expofées dans mon jardin à des degrés de froid de fix à fept degrés au deffous de la congélation , Ôc même de dix à douze, j'ai eu d'au- tres mouches qui font péries , quoique leurs ruches fuf- fent dans des chambres dont l'air n'avoit pris que le degré de froiti de l'eau qui fe gcle. Ces dernières ruches entou- rées d'un air plus temj)éréque celui qui entouroit les au- tres , en avoient intérieurement un plus froid. Les mou- ches qui y étoient en petit nombre, n'avoient pas pu en- tretenir dans l'intérieur de la ruche, un air aufîj chaud que celui qui étoit répandu dans l'intérieur des autres. On fouffre du froid au fpecflacle dans des jours où l'air exté- rieur n'efl pas extrêmement froid, fi la falle eft mal rem- plie de fpedlateurs, & dans des jours où il gelé deliors, mais où le parterre eft agité de flots, on y a trop chaud. J'ai vil plulieurs ruches périr au printemps, c'eft à-dire, dans les mois d'Avril & de Mai , qui n'étorent expofées Tûme V, , Qqqq 6/4 Mémoires pour l'Histoire qu'à un même froid , ou à des froids moindres que ceux qu'elles avoient foutenus pendant l'hiver. Il ne fera pas difficile de rendre raifon de ce fait , quand on fçaura qu'à la fortie de l'hiver, beaucoup de mouches qui j^rennent trop-tôt l'eiïbr, meurent avant que de pouvoir rentrer dans leur ruche ; que journellement il y en a qui font faifies dehors par le froid , êc qui n'ont pas la force de regagner leur habitation. Or, fi au milieu d'Avril une ruche eft fenfiblemcnt moins peuplée qu'elle ne l'étoit en Janvier ou en Février , fes mouches ne feront pas en état de fe défendre contre un froid égal à celui auquel elles ont réfiflé. Après tout , on ne devroit pas craindre de voir périr des abeilles de froid pendant l'hiver , fi on pouvoit les reffufciter par un moyen aufli fimple que celui que nous ont appris Varron & Columelle. Ils difent que pour les faire revivre il n'y a qu'à les mettre fur la cendre chaude^ fur celle de figuier fur-tout. Il n'y auroit même rien déplus commode , que de tenir pendant tout l'hiver fes abeilles dans une efpéce d'état de mort , pour leur rendre la vie quand la belle fufon feroit revenue. Malheureufement;^ il y a beaucoup à rabattre de l'idée qu'on a voulu nous donner de cette réfurreélion ; nous allons examiner à quoi elle doit être réduite ; il nous en reftera quelques faits curieux & même utiles pour la confervation de ces mouches. Nous avons aiïes dit que lorfqu'il n'y a plus qu'un cer- tain degré de chaleur dans leur ruche , elles fe tiennent amoncelées Se très - preffées les unes contre les autres^ qu'elles font comme engourdies, qu'elles n'ont plus alors be.Q)in de prendre de nourriture; c'efl dans cet état qu'el- les paffent une grande partie de l'hiver. Mais pour peu qu'on les échauffe, ou fi on les prend avec la main, on leur DES Insectes. XIII. Aïem. 6y^ voit faire des mouvements qui prouvent de refle qu'elles font en vie. Si le degré de chaleur de l'air qui les envi- ronne, diminue jufques à un certain point , en un mot, fi elles font Ihifies de fioid, au lieu qu'elles ne paroiffoient auparavant qu'engourdies , elles paroifTent vcritaMcment mortes. Des milliers d'entr'ellcs n'ont plus la force de conferver les mufcles de leurs jambes dans la contradion ncceffaire pour les tenir cramponnées dans les jambes des autres ; le maffif de mouches fe défait alors peu à peu; il s'en détache des pelotons qui tombent fur le fond de la ruche. Si on va donc vifiter une ruche après une nuit pendant laquelle le froid a attaqué les mouches troj) ru- dement , on les trouve empilées fur le fond; elles y fem- blent véritablement mortes ; on peut les jjrendre à poignée fans rien craindre de leurs aiguillons ; il îëmble qu'elles ne feront jamais en état de s'en fervir, ni d'aucune de leurs parties extérieures. Quelquefois les abeilles quoique dans un état auiïi fâcheux que l'état de celles qui font tom.- bées fur le fond de la ruche, ne tombent pas, ou il n'en tombe que quelques petits pelotons ; le frottement des gâteaux qui aide à les arrêter, fupplée à ce qui peut man- quer de-force pour tenir les jambes des unes accrochées aux jambes des autres : quelquefois même les crochets des pieds de la mouche inférieure font cramponnés fi à pro- pos dans les jambes de la fupéricure, qu'ils ne s'en déga- gent pas lorfqu'elles meurent l'une & l'autre; quelquefois on trouve des guirlandes de mouches parfaitement mor- tes , aulfi bien faites & plus folides que celles des mouches vivantes. Si les abeilles tombées fur le fond de la ruche, ou celles , qui , quoique reliées plus haut entre les gâteaux , n'en pa- roifTent pas moins mortes , ne font pas dans cetif tat depuis ■ trop long - temps , on les rappelle à la vie en les mettant ■ Qqqq ij 6/6 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE fur la cendre chaude, comme l'a rapporté Columelle; oir, ce qui eft plus commode, <&. qui ne les rend pas fi pou- dreufes , on n'a qu'à les mettre dans des poudriers de verre ou dans des féciioirs, comme nous y avons mis celles qui avoient été baignées, & les approcher d'un feu doux. Des qu'il les a réchauffées, on en voit quelques-unes qui fe donnent de petits mouvements ; peu à peu toutes lé raniment; ôi en n-ioins d'un quart d'heure, elles ont repris la vigueur qui leur efl naturelle , elles font en état d'être remifes dans leur ancienne habitation. Quand un Soleil brillant fuccéde au froid de la nuit , &. que fes rayons tombent fur la ruche dans laquelle on a fait rentrer les abeilles ranimées , on peut la laiffer dans la première place; mais fi le froid continue, on bouchera toutes les ouvertures de cette ruche, & on la portera dans un lieU' tempéré. J'ai eu quelquefois des ruches dont toutes les abeilles paroiflbient fans vie , quoiqu'elles fufTent reliées entre les gâteaux. Alors pour les ranimer fans caufer aucun déran- gement dans les gâteaux, j'ai fait entrer fous la ruche 6c j'ai pofé fur fon fond , un petit pot de terre qui contenoit un peu de braife couverte de beaucoup de cendre-chaude^ La chaleur qui fe répandoit dans la ruche, étoit bientôt affés confidérable pour donner aux abeilles la force de fe mouvoir; quelquefois au bout d'une heure ou deux, lorf- que Tair extérieur étoit devenu moins froid, elles fortoient pour aller à la campagne , à leur ordinaire. Quelqu'un qui fera attentif à vifiter le matin {es ru- ches , lorfque le froid de la nuit aura été plus confidé- rable que celui des nuits précédentes, & qui y fera atten- tif, non-feulement pendant l'hiver, mais fur-tout après; ies nuits freides du printemps , en pourra fauver chaque année qui feroient péries par ce manque d'attention. En DES Insectes. XI IL Mem. 6^/ chauffant les abeilles, il les tirera d'un état trop fcmbkble à celui de la mort où le froid les avoit miles; rrtais il ne faut pas trop tarder à les en tirer; (î on les y laifToit pen- dant plufieurs jours , ce ibroit fans fuccès qu'on auroit recours au remède; au moins fi elles avoient été iaifies par un grand froid. Je l'ai déjà avancé , un froid qui feroit affés léger pour nous & pour le commun des infccfles , en efl un trop grand pour les abeilles. Il y a plus : un air alTés doux pour nous, efl un air trop froid pour elles. Je vais le prouver par des expériences qui apprendront combien la chaleur efl né- celTàirc à ces mouches. Vers la fin de Novembre, je ren- fermai deux douzaines d'abeilles dans un poudrier de gran- deur médiocre, c'efl-à-dire, dans un poudrier d'environ quatre pouces de hauteur , Si de deux &. demi de diamè- tre. Je le plaçai dans un cabinet dont la température de l'air fut pendant un jour entier , entre quatre à cinq de- grés au-defiusde la congélation. En moins d'une heure toutes les mouches y parurent mortes , & elles parurent telles pendant tout le jour. Le foir je les fis chauffer feu- lement autant qu'il falloit pour fçavoir fi elles n'étoienc point mortes réellement, pour les mettre en état de donner quelques fignes de vie. Toutes en donnèrent , & fur le chamip je les remis dans le cabinet où elles dévoient re- devenir comme mortes. Le lendemain je les chauffai dès le matin , je les trouvai encore en vie. Je les laiffai ainfi^ dans un état de mort, où elles étoient mifes par un de- gré de température d'air exprimé par quatre à cinq degrés au-deffus de la congélation ; je les laiffai , dis-je , dans cet état pendant trois jours , examinant chaque foir & chaque matin, fi elles pouvoient être ranimées; mais au bout du troifiéme jour, je les trouvai véritablement mortes. Douze mouches mifes dans uiî autre poudrier de même grandeur Qqqq ii| 678 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE à peu près que le précédent, auprès duquel il fut placé, ne fureiu réchaufrees que de 24. heures en 2^ heures. Au bout du troihéme jour , ce fut inutilement que je les ap- prochai du feu , toutes étoient privées de vie. Le premier de Décembre, je mis une douzaine & demie d'abeilles très-vives dans un autre poudrier, 6i qui fut tenu dans un air bien plus doux que celui où avoient été les poudriers précédents. Il refta dans le cabinet où je tra- vaille; la liqueur du thermomètre s'y éleva ])endant le jour, à plus de quinze degrés ; & pendant la nuit , elle ne deC- cendit pas à plus de onze degrés. Dans un air auffi doux que celui du printemps, les abeilles ne parurent plus en état de fe mouvoir au bout de trois heures ; &. les tenta- tives que je fis au bout de trois jours pour leur en rendre la puiflance, furent inutiles; toutes étoient péries fans ref- fourcc. Je n'ai point averti que j'avois mis un peu de miel contre le couvercle de chacun de ces poudriers. C'étoit une précaution afles inutile pour les abeilles dès qu'elles étoient tombées en léthargie; mais c'étoit afin qu'elles man- geaffent autant qu'elles voudroient avant que d'y tomber. C'ell donc de froid & non de faim qu'ctoient péries des mouches dans un endroit dont l'air étoit doux. Elles ont befoin d'être environnées d'un air plus chaud ; réunies enfembic elles font prendre un grand degré de chaleur à l'air de leur ruche. Pour fçavoir quel eft ce degré de chaleur dans lequel une abeille ou un petit nombre d'a- beilles peut vivre, j'en renfermai une feule dans un tube de verre long d'un peu ])lus de trois pouces, dont Je diamètre intérieur étoit de neuf lignes. Un des bouts de ce tube étoit fccllc hermétiquement, & l'autre bout étoit bouché par un bouchon de liège. Pendant le jour je portai ce tube dans mon goufTet avec la feule mouche qui y DES Insectes. XIII. Mem. 6ygi étoit renfermée , & je le tenois pendant la nuit fous le chevet de mon lit , tout près de moi. La mouche eut afles chaud , elle conferva aufli toute Ton ndivité dans un tube tenu toujours dans des lieux où l'air avoit autant de chaleur qu'il en a dans nos jours d'été qui nous paroifTent trop chauds , dans des lieux où la liqueur du thermomètre monte à près de 28 a 29 degrés. Chaque fois que j'exa- minois cette mouche, je la voyois marcher le long des parois du tube. Celle-ci étoit dans le cas des abeilles qui ont befoin de prendre de la nourriture. J'avois eu foin d'en- duire de miel le bout intérieur du bouchon, mais peut- être avec trop peu d'œconomie ; elle venoit le fuccer de temps en temps, & probablement trop fouvent. Elle ne vécut que fix jours, au bout defquels elle périt, non de froid ni de faim, mais peut-être d'avoir trop mangé de miel , ou au moins pour s'être trop frottée contre celui du bouchon. Un jour avant qu'elle mourut, fon corps parut plus brun qu'à l'ordinaire, plus luifant & comme mouillé; il l'avoit été de miel & encore des excréments qu'elle avoit rendus trop liquides & en trop grande quan- tité pour avoir trop mangé. La liqueur vifqueufe dont le corps étoit enduit, s'étoit infinuée dans les ftigmates, choies plus fimples; &; c'eft beaucoup qu'on fe donne le foin de mettre des abeilles dans des ferres pendant l'hiver. Quand le froid ou la faim les font périr dans une ruche , il n'y en réchappe pas une. D'autres caufes produifent dans diverfes ruches des mortalités qui ne font pas fi générales; mais qui fouvent changent une ruche forte en une ruche foible. Lorfqu'on vient à la renyerfer un peu , on voit fur Rrrr ij 684 Mémoires pour l'Histoire fon fond, une couche épaifle de mouches mortes, & cette couche s'épaiflit journellement. Il peut y avoir de ces mou- ches qui meurent, parce qu'elles ont atteint le terme qui cfl prclcrit à la plus longue durée delà vie des abeilles. Le plus grand nombre alors eft pourtant de celles qui meurent avant que d'être arrivées à ce terme ; quelque maladie les attaque & termine leurs jours. Les mouches qu'on tient à couvert dans des ruches qui font fermées de toutes parts, font beaucoup plus fujettesà des maladies, que les mou- ches dont les ruches ont été laifTées dans des jardins, 6c qui ont une ouverture par laquelle l'air fe peut renou- "veller , &. par laquelle elles peuvent fortir lorlqu'il vient quelque beau jour. L'air trop renfermé dans les autres ruches, s'y corrompt de jour en jour; il efl infe tation. Ne feroit-ce point la pratique que nous venons de rap- porter, qui auroit donné lieu à divers paflages, qui fem- blent prouver qu'en Orient les abeilles avoient autrefois des condudeurs qui les menoient à la campagne, comme nos bergers y mènent \q% troupeaux de moutons; que les mouches à miel, plus dociles encore que ces derniers ani- maux, étoient déterminées par un feul coup de fifflet à for- tir de leur ruche, à y rentrer, àpafTer d'une prairie à une autre, àfe rendre au bord d'un ruifleau; qu'enfin, toutes celles d'un village fe rendoient auprès de leur gouverneur, qui les conduilbit par-tout où il le jugeoit à propos î Quel- que pofitif que foit fur cela le pafTage de Saint Cyrille, rap- porté dans l'agréable ouvrage, & fi connu fous le titre du * Tom. m. Spedacle de la nature*, on eft bien tenté de croire, que ï"^è' iZ' jgg coups (je fifllet donnés peut-être pour le départ ou pour les mouvements qu'on vouloit faire faire fur le Nil aux ba- teaux chargés de ruches, ontoccafionné tout ce qui a été dit de l'obéiffance des abeilles. Ce qui efl certain, c'efi que fi celles d'Egypte ou de quelques autres cantons de l'Orient, étoient capables d'être ainfi drefl^ées , elles avoient une do- cilité que les nôtres n'ont point. Toutes celles que nous connoifix)ns rentrent quand elles veulent dans leurs ruches; celles qui ont fait leurs provifions ne manquent point de s'y rendre pendant que d'autres en fortent ; & cette efpéce de circulation ne finit qu'avec le coucher du Soleil, fi le jour n'efi point trop froid ou pluvieux. Ce que nous devons plutôt chercher qu'à donner de l'éducation aux abeilles, à quoi nous travaillerions fans fuccès, c'eft fi nous n'avons point de rivière en France fur laquelle nous puiflions les faire voyager utilement.. DES Insectes. XIII. Mem. 70 1 comme on le fait fur le Nil. C'efl ce qui mérite d ctre examiné. Alexandre de Montfort nous dit que les Ita- liens voifins des rivages du Pô, ont un foin de leurs abeil- les pareil à celui qu'en ont les Egyptiens, qu'ils remplie fent de ruches des barques qu'ils conduifent au voifinage des montagnes de Picdmont; qu'à mefure que le produit des récoltes des mouches augmente, les barques qui de- viennent plus chargées s'enfoncent davantage dans l'eau, & que les bateliers ne ramènent les barques que quand ils les jugent affés chargées. J'ignore (i cette pratique s'eft confervée en Italie. Ce n'eft pas feulement par eau qu'on peut voiturer les abeilles avec avantage. Columeile nous a appris que les Grecs ne manquoient pas chaque année de tranfporter les abeilles de l'Achaie dans l'Attique, & cela parce que dans im temps où les Heurs de l'Achaie étoient paffées, celles de l'Attique s'épanouiffoient. Alexandre de Montfort nou3 dit auffi qu'on en ufoit de même dans le pays de Juliers; qu'en certain temps on y tranfportoit les abeilles au pied de montagnes chargées de thim & de ferpolet. Qu'on ne croye pas, au refte, qu'il n'a été accordé qu'aux Grecs& à d'autres Etrangers, & qu'il nel'eft aujour- d'hui qu'aux Egyptiens, de prendre des foins pour mettre leurs abeilles à portée de faire d'abondantes récoltes. Un de ces Particuliers, dont le Royaume n'a pas aifés, nommé Al. Proutaut , établit une Blanchifferie de cire en i y i o à Yevre-la- Ville, Diocèfe & Généralité d'Orléans, & à une lieuë de Petiviers. Pour la fournir en partie de cire, qu'il ne fût pas obligé d'acheter, il fongea habilement à raffem- bler autant de ruches d'abeilles qu'il en pourroit nourrir. Il s'eft appliqué à les foigner comme elles méritoient de l'être, pendant toute fa vie, c'eft-à-dire, jufqu'en 1737. Son iils a continué de foûtenir im établiffement qui lui Tttt iij 702 Mémoires pour l'Histoire avoit été iaiffé en bon état. J'ai fouhaité avoir cf es Mé- moires fur la manière dont on y gouverne les ah(.illes, & j'ai pu me promettre d'en avoir des meilitui.-» 6. des plus (ûrs, puifque M. du Hamel eft voifin de cam])agne d'Yevre-la-Viile. Ce n'eft auffi que d'après ceux qu il m'a fournis, que je vais parler, Ceft iiir les lain/oins des envi- rons d'Yevre-la-Ville que les abeilles vont faire leurs prin- cipales récoltes, & l'expérience a appris que ion territoire peut, année commune, nourrir cinq à fix cens ruches pendant les mois de May ék. de Juin ; mais il y a des années où deux cens cinquante paniers auroient peine à y fublifter. En toute année, quand les fleurs Ibnt j)affces, on fonge à retirer les abeilles d'un pays où les campagnes ne fournirent plus rien , j)cur les conduire dans des pays où elles puifTent mieux employer leur t( mps. Lorlque la fécherelTe a été caule que les làinfoins ont donné peu de fleurs, ou desfleursqui ontpafle trop vite, on traniporte les ruches dans des lieux qui étant naturellement couverts, ont en grand nombre des plantes fleuries ou prêtes à fleurir. Dans les années très-pluvieures,& même dans celles qui ne îe font que médiocrement, les abeilles trouvent de quoi dans les plaines de Beauce, & on les y mené. Les fleurs de melilot, de cheneviére bâtarde, & celles de diverfes autres plantes, y offrent aux mouches de quoi faire des récoltes. Dans les années où les fleurs de fainfoin ont été abondantes & ont duré, ce n'ell qu'à la fin de Juin, qu'on fiit quitter aux ruches les environs d'Yevre,pour mettre de nouvelles cam- pagnes à la dilpodtion de leurs mouches. Le voyage qu'on îeur fait faire, foit du côté de la Beauce, foit du côté du Gâtinois , félon le canton pour lequel on a cru devoir fe déterminer, ce voyage, dis- je, n'eft ordinairement que de fix à fept lieues. Mais lorfqu'on croit que les abeilles ne trouveroient ni dans l'un ni dans l'autre de ces pays, de quoi DES Insectes. XI IL Mem. 705 s'occuper utilement, on les mené en Sologne vers le com- mencement d'Août. On fçait qu'elles y auront à leur dil- pofition quantité de champs de farrafins fleuris, & qui le îèront julque vers la fin de Septembre. Mais de quelque façon que l'année fe foit comportée, on eft en ufage d'envoyer en Sologne au mois d'Août, les efîaims tardifs &: ceux qui ont peu travaillé, & d'y envoyer aufîi les mouches qui fe trouvent dans un état femblable à celui des efîaims, celles qu'on a fait pafTer dej)uis peu de temps d'un panier dans un autre. Quoiqu'après la fin de Septembre , ces mouches ne puifTent guéres trouver de quoi ramafTer même en Sologne, parce qu'il ne refle plus guéres alors de fleurs de bled noir, M. Prouteau les y laifToit pafTer l'hiver. Il a quelquefois effayé de les faire revenir en Septembre avant que les chemins fuffent gâtés, mais cela ne lui a pas réuffi. Quelle qu'en foit la caufe, l'expérience lui a appris qu'il valoit mieux ne faire revenir fes ruches de Sologne, qu'en May, c'efl- à-dire, dans un temps où elles ne font pas retenues chés elles par les rigueurs de la fiifbn , 6c où \t% fîeurs de la campagne four- iiifTent à celles qui fortcnt, de quoife remeitrede la fatigue du voyage. Car de pareils voyages doivent réellement^ fatiguer les abeilles ; on ne les tranfporte pas auffi doucement que celles qui navigent fur le Nil ou fur le Pô. C'efl en char- rette qu'on les voiture , & fi on ne les conduifoit avec des attentions & des précautions que nous croyons devoir dé- tailler, on courroit rifqued'en fàirepérir beaucoup en route; Entre les ruchesqu'on a à tranfporter,les unes ont plufieurs gâteaux de cire, &: les autres n'en ont point ou prefque point. Les premières demandent qu'on prenne des foins qui feroient inutiles aux autres. Les gâteaux feroient en^ danger d'être détachés par les ébranlements de la voiture. 704 Mémoires pour l'Histoire û on ne les mettoit en état d'y réfifter ; ils ne font ])as afles folidemcnt afTujetiis: on les affujettit mieux qu'ils ne ie font , au moyen d'une ou de plufieurs petites baguettes de bois qu'on fait entrer à force dans la ruche, & qu'on pôle horilontalenicnt, & perpendiculairement au plan des gâ- teaux ; elles en prefTent les bords inférieurs lans les brifer. On a encore une petite attention , c'eft d'appuyer les bouts de ces baguettes contre deux endroits où lont deux des montants du bâtis de la ruche. Souvent ies mouches elles-mêmes travaillent pendant la route à attacher les gâ- teaux contre ces petits bâtons; &. elles le feroient avant le départ , û on leur en donnoit le temps. Les abeilles peu au fait du bien qu'on leur veut faire,' ne foûtiendroient pas patiemment l'opération dont nous parlons; auffi pour les empêcher d'être inquiettes, com- nience-t-on par les fumer. On les étourdit &. les enyvre avec de la fumée; alors on couche fans riique la ruche fur le côté, & ojî y difpofe les bâtons deftinés à maintenir les gâteaux. Dès que cela efl; fait , on pofe la ruche fur une ferpil- iiére, c'cfl-à-dire, fur une toile très-groffiére & très- claire. Cette dernière circonflance importe, parce qu'il efl néceffaire par la fuite que l'air de la ruche puiffe fe renouveller. On relevé les bords de cette ferpilliére fur le corps de la ruche contre lequel on les tient bien appli- qués au moyen d'une ticelle qui fait plufieurs tours. L'on arrange enfuite dans la charrette les ruches dont les gâteaux rontaflujettis.&oùles abeilles font renfermées de manière à n'en pouvoir fortir. Les charrettes dont on le fert à cet ufage dans la Manufa(5lure de Yevre, font faites exprès. Leurs ridelles ont quatorze à feize pieds de long, fur trois pieds & demi de hauteur. La dillance entre les deux ridel- les, ou, ce q[ui eft la même chofe , la largeur de la charrette elt telle DES Insectes. XIII. Mem. 705 efl telle que deux mciies y peuvent être placées, de lorte qu'on peut les arranger fur le fond de la charrette en deux files parallèles l'une à l'autre. Nous ne devons pas oublier de faire obferver que les ruches y doivent être polécs le haut en bas. C'efl encore par rapport aux gâteaux, qu'oa eft obligé de leur donner une pofition qui e(t celle que les abeilles aiment le moins. Les gâteaux ne fe irouNcnt pas pendants comme ils le feroient, fi les ruches étoient placées comme elles le Ibnt naturellement ; leur propre poids ne tend plus à les détacher. Toutes les rucî.cs en panier font terminées par une poignée de bois. La poignée de chaque ruche pafTe au-deflbus du fond de la charrette. On a eu foin de laiffer de chaque côté un vuide entre deux planches, 6c c'eft dans ce vuide qu'on fait entrer les poignées des ruches de chaque file. Ces deux files compofent une première couche, un premier lit de ruches fur lequel on en met un fécond. Enfin , après avoir calé les ruches, on les arrête le plus lixemiCnt qu'on peut avec des cordes. L'attention effentielle par rapport à celles du fécond lit , c'efl de \es, placer de ma- nière qu'elles ne couvrent que le moins qu'il eft pofîihie \ts ruches inférieures, qu'elles n'empêchent pas l'air d'y entrer. Nous n'avons parlé Jufques ici que des ruches qui ont beaucoup de gâteaux. On fe contente de boucher avec une ferpilliére, l'ouverture de celles qui n'en ont ])oint ou qui n'en ont que de très-petits. Eniin, comme il n'y a pas de raifon qui demande que ces dernières foient po- fées le haut en bas , on les met dans leur pofition ordi- naire, ayant feulement attention de les placer de manière que l'air puiffe s'introduire au travers de la ferpilliére. Chaque charrette peut contenir depuis trente jufques à quarante-huit ruches. On ne doit faire marcher que la nuit Tome V. . V u u u jo6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE ^ celle qui en efl ciiargée, pour peu qu'il fafle chaud. Ce n'efl que dans des journées fraîches qu'on peut voiiurer \qs ruches pendant le jour. Quoiqu'on doive foiihaiter de les conduire promptement au terme, on doit éviter de faire trotter les chevaux, &; être attentif à choifir les che- mins les plus unis; en un mot, cahotter les abeilles le moins qu'il eft poffible: quelques attentions même qu'on apporte , il en coûte toujours la vie à bien des mouches. Ce n'eft pas que les cahots, précifément comme cahots, leur foient extrêmement contraires ; ils le font princi])a- lement, parce qu'ils mettent les abeilles en rifque d'être étouffées par la chaleur. Ce que nous avons dit de celle qu'elles entretiennent dans leur ruche par leur feule pré- fence, doit faire imaginer qu'il fait très -chaud dans les ruches où l'air ne peut s'introduire qu'au travers d'une toile lâche. Mais fi on fe rappelle que nous avons fait obferver que lorfqu'elles s'y agitent , elles y augmentent la chaleur au-delà de ce qu'on auroit pu penfer ; que par leur agitation , elles rendent au milieu de l'hiver les car- reaux de verre fi chauds , qu'ils femblent avoir été tenus auprès du feu; fi, dis- je, on fe rappelle ce fait, on ju- gera que les cahots qui déterminent en été, les abeilles à être dans un mouvement continuel , peuvent être caufe qu'elles feront monter la chaleur de leur ruche à un degré qu'elles ne pourront foûtenir. On a remarqué que les mouches qui étoient dans des ruches vuides de cire , ne pouvoient gueres être tranfpor- tées à plus de fept à huit lieues de fuite. Elles n'ont point de miel , & cependant elles auroient befoin de prendre des aliments, pour réparer les pertes qu'elles ont faites par une tranfpiration plus grande que l'ordinaire, &. qui a été néceffairement produite par l'agitation dans laquelle on les a tenues. Si à la fin de la nuit elles ne font pas DES Insectes. XIIL Mem. 707 rendues à leur terme , on les fait féjourner où elles iè trouvent. On ôte les ruches de defllis la charrette, on les pofe à terre ; &: après avoir délié la corde qui tient la ferpilliére, on ménage au bas de chaque ruche, une ouver- ture par laquelle les mouches fortent pour aller prendre leurs repas à la campagne. Le foir, quand elles font tou- tes rentrées, on referme les ruches, &. on les remet dans la charrette pour leur faire continuer le voyage. Quand elles font arrivées au terme, on les diftribue dans les jar- dins ou dans les champs qui font auprès des maifons de différents pay fans; elles ne coûtent rien à ceux qui veulent bien les fouffrir auprès de chés eux; auffi, pour une très- petite fomme pour chacune, confentent-ils de veiller même à ce qui peut leur être néceffaire. Combien chaque province du Royaume n'a-t-elle pas d'endroits au moins aufli favorablement fitués pour les abeilles, qu'Yevre-la-Ville! Quel feroit par an le produit de la cire & du miel dans le Royaume , s'il avoit autant d'habitants auffj éclairés &auffi entendus que M. Proutaut, qu'il^y a de ces lieux heureufement fitués pour les abeilles, &;dans chacun defquels on pourroit les faire multiplier! Combien y a-t-il d'endroits qui, comme Yevre-la- Ville, pourroient entretenir cinq à fix cens ruchesl L'exemple de M. Proutaut a déjà ouvert les yeux à fes voifins. Plufieurs fe font déterminés à foigner les abeilles, quoique moins en grand. Il eft à défirer qu'un fi bon exemple gagne de pro- vince en province. Le Miniftére , dont le zèle pour le bien public eft fi connu, peut beaucoup contribuer à y faire en- treprendre de pareils établiffements. Il jugera fans doute que ceux qui y donneront leursfoins,mériteront d'être pro- tégés, d'être difiingués par des grâces, de ceux qui vivent dans l'indolence; il peut déterminera faire des entreprifcs de cette efpéce, beaucoup de particuliers qui refient dans V u u u i j yoS MEMOIRES POUR l'HISTOIRE i'oifiveté, en les y invitant par des grâces offertes, comme des exemptions de taille, ou par d'autres privilèges. Nous avons avoué dans un autre Mémoire, que nous ignorions encore fi la durée de la vie de chaque mou- che à miel n'ctoit que d'une, ou fi elle étoit de plu- iîeurs années , comme beaucoup d'Auteurs l'ont cru fur une afles mauvaife raifon , fur le temps qu'une ruche reflc peuplée. C'eft juger que la vie des habitants d'une ville , efl d'autant d'années qu'il y en a que cette ville fubfifte. Des expériences que nous avons indiquées pour- ront apprendre dans la fuite combien de temps une abeille peut vivre. Mais outre celles qui périfTent tous les ans de mort naturelle, il en périt beaucoup de mort violente. Elles ont hors de leurs ruches des ennemis redoutables ;' malgré leur aiguillon , des oifeaux de différentes efpéces ks avalent toutes vivantes; & parmi les iniedles, parmi les mouches mêmes, il y en a qui leur font fupérieures en force, qui les attaquent & qui les tuent pour les man- ger. J'ai vu fouvent des frelons & même des guêpes de l'efpéce la plus conuTiune , de celles qui ne font gueres plus groffes que les abeilles, roder en voltigeant autour d'une ruche, y épier le moment favorable pour tomber fur une mouche laboricufe &. qui revenoit de la camj)agne fatiguée & chargée de cire; celle-ci faifoit des efforts inu- tiles pour fe défendre, dans l'inflant elle étoit mife à mort. Quelquefois la guêpe s'envoloit au loin en emportant fà proye; quelquefois elle fe pofoit affés près, &. ouvroit à belles dents le ventre de l'abeille pour fuccer tout ce qui y étoit contenu. J'ai vu de même quelquefois des abeilles occupées fur les fleurs à faire leur récolte, ou qui s'y ren- doient pour la faire, qui étoient enlevées par des guêpes ou par des frelons. On prétend qu'il a été impofîible d'établir des abeilles dans quelques-unes de nos Illes de DES Insectes. XIII. Mem. 709 l'Amérique , parce que les guêpes qui y font en trop grand nombre , les détruilènt toutes. Le mal qu'elles font dans ce pays -ci à nos ruches, n'eft pas grand, & ne vaut pas la peine qu'on tente tous les moyens de les faire périr que nous ont indiqués Ats Auteurs bien intentionnés pour les abeilles. Les araignées qui font ia guerre à tous les infeéles aux- quels elles font fupcricures en force , quoi qu'on en ait dit , ne font pas fort redoutables aux abeilles. On a mis auffi les fourmis au nombre des infecles qu'il faut éloigner des ruches ; elles ne font pas à craindre aux abeilles mê- mes ; elles feroient très-capables ^t\\ vouloir à leur miel; mais elles paroiffent fçavoir à quoi elles s'expoferoient , fj elles alloient piller celui d'une ruche bien peuplée. J'ai admiré Ibuvent le choix que certaines fourmis avoient fait du lieu où elles s'étoient établies, de ce qu'elles avoient fçu en trouver un qui raffembloit à^s avantages que tout autre n'eût pu leur offrir. En ouvrant les volets de mes ruches vitrées , j'ai vu fouvent des milliers de four- mis qui étoient entre ces volets & les carreaux de verre; elles y avoient tranfporté leurs œufs , leurs vers & leurs nymphes, dont le nombre égaloit & furpaffoit quelque- fois celui des fourmis mêmes. Où auroient-elles pu trou- ver un endroit dans le jardin qui eût un pareil degré de chaleur & auffi confiant \ Mais on n'appercevoit aucune fourmi en dcdajis de ces mêmes ruches qui en avoient tant en dehors; elles auroient trouvé de refte des ouver- tures pour y entrer, dont fans doute elles avoient grande envie, & ce qu'elles n'euffent pas manqué de faire, fi le miel eût été moins bien gardé. Quand j'ai laiffé pendant quelques heures dans le jardin, Ats ruches dont les mou- ches étoient péries, alors les fourmis qui n'avoient rien à craindre, n'ont pas manqué d'aller fe régaler du miel Vuuu iij 710 Mémoires pour l'Histoire qui y étoit reflé; mais je ne les ai point vu aller inquié- ter les abeilles dans des ruches bien vives. Les préceptes donnés par les Anciens , ne veulent pas qu'on fouffre les lézards , les grenouilles , les crapauds > auprès des ruches. Quand ces animaux peuvent attraper des abeilles, ils les mangent afTurément, comme ils man- gent tant d'autres infedes; mais ils en attrapent fi peu dans le cours d'une année, qu'ils ne diminueront jamais fenfiblcment le nombre de celles d'une ruche. Les oifcaux font bien autrement redoutables aux abeil- les. J'ai vil fouvent à regret les moineaux attroupés autour de mes ruches, & qui, fous mes yeux, prenoient leurs mouches & les avaloient comme des grains de bled. C'eft aufTi l'eljicce d'oifeauxqui en détruit le plus, & qui feule en détruit plus que toutes les autres enfemble; car, quoi qu'on ait dit contre les hirondelles, je ne crois pas qu'elles fafTent de grandes captures d'abeilles. Elles ont des ennemis qui ne leur en veulent pas à elles- mêmes, & qui cependant font les plus à craindre pour leurs républiques. Je veux parler de ces fauflcs teignes, *Tom.III. dont nous avons donné ailleurs une hiftoire * qui nous Mem. VIII. (jifpei^fe ^ç (jire à préfent comment elles fe conduifent pour être en fureté pendant qu'elles hachent les gâteaux de cire; comment elles percent de longues fuites de cel- lules pour fe nourrir de cire, à laquelle feule elles en veu- lent. Nous avons fait connoître les différentes efpéces de papillons dans lefquels les différentes efj)éces de ces fauffes teignes fe métamorphofent. Quand on peut tuer de ces papillons , on ne leur doit pas faire grâce; les abeilles ne femblent pas affés inftruites de ce qu'elles en ont à crain- dre; elles les laiffent quelquefois dans leur ruche fans les pourfuivre; elles paroiffent ignorer que ce font ces papil- lons qui donnent naiiïànce aux fauffes teignes qui font DES Insectes. XI IL Mem. 71 1 tant de ravages dans leurs gâteaux. L'état où font certai- nes portions des gâteaux , des toiles , des tuyaux de foye qu'on y voit , des fragments de cire liachcc menu qui font iur le fond d'une ruche, apprennent à celui qui la vifite, fi elle eft infe(ftée de ces faulTes tei^jnes. Il doit fans héfi- 1er, couper les portions de gâteaux où elles fe font éta- blies. Enfin, fi elles ont attaqué un trop grand nombre de gâteaux , il faut faire paffer les abeilles dans une autre ruche ; elles pourroient être forcées , mais trop tard , à quitter la leur. Il y a pourtant Ati, temps où les abeilles fçavent faire la guerre aux faufles teignes. Après avoir vu partir une mouche chargée d'un long corj)s blanc, j'ai été examiner le fardeau dont elle s'étoit déchargée à dix ou douze pas de la ruche; & j'ai quelquefois trouvé qu'il étoit une fauffe teigne de la plus grande efpéce, & prête à fe transformer en nymphe. C'efl aux abeilles mêmes que s'attaque un petit in- feéle *, qui les fucce pour fe nourrir. Elles ont été ac- *pi. -^^.^ cordées à une efpéce de poux qu'on ne trouve point fur J^-^j &3. les autres mouches. Les jeunes abeilles n'en ont point; ce ne font que les vieilles , & les vieilles de certaines ruches qui font fujettes à cette vermine. Ordinairement on n'en peut découvrir qu'un fur chaque abeille ; & pour le voir, il ne faut pas beaucoup le cliercher. Il eft rougeâtre , à peu près de la groffeur de la tête d'une très- petite épin- gle; il fe tient prelque toujours fur le corcelet; on feroit porté à le prendre pour un petit grain de cire brute qui y feroit refîé attaché : mais quand on l'examine avec une ioupe même foible, on ne peut s'y méprendre; on dif- tingue très- bien la plupart de fes parties; fon corps pa- roît luifant & écailleux, comme le font les fix jambes qui îe foûtiennent. Si on a recours à une forte loupe , on yoit fur fon enveloppe écailleufe, une grande quantité de 712 MEMOIRES POUR L'HisTOIRE poils. On ne trouve point une forme de tête à là partie Pi. -S.fig. ^"t^i'curc ; le bout en lernble coupe quarrément *, & • '■''■'• cela, parce qu'il i'e recourbe en defTous ; & cette por- tion recourbée va en diminuant de groflcur, fc termi- ner par une pointe hne , qui ei\ Tans doute le bout de Fig. I, & la trompe *. En delFus, la partie qui le recourbe, a de * ^' chaque côté un tubercule allés élevé; on peut loupçon- ner que ces deux tubercules font les yeux de l'inlcéle. Après la partie antérieure, Ibnt trois anneaux !)ien mar- qués, de chacun defqucls part une paire de jambes. II faut bien chercher fur le corps les féparations des autres anneaux pour les appcrcevoir; mais elles ibnt j)lus fenfi- bles du côté du ventre. Le pied qui termine cliaque jambe forme une efpéce de palette bordée au moins de trois à quatre crochets. On voit avec plaifir comment les cro- chets de chaque pied fe cramponnent fur les poils de l'a- beille, qui foûticnnent le petit animal fans fe courber fous le poids. Souvent je l'ai trouvé près du col de la mou- che, près de l'origine de fes ailes, & quelquefois près de celle de quelque jambe. Je ne crois pas fa trompe capa- ble de percer les écailles qui recouvrent le corcclct de l'abeille; mais elle peut s'introduire dans les articulations où la flexibilité étant néccffaire, il a fallu que l'écaillé manquât. On n'a pas bonne idée âes ruches dont la plupart des mouches ont de ces poux, ôc peut-être a-t-on raifon, parce qu'il ell plus ordinaire de les trouver aux mouches des vieilles qu'à celles des nouvelles ruches; ils ont eu plus le temps de fe multiplier; mais font- ils réellement beaucoup de mal aux mouches ! c'efl ce qu'on ne fçait pas trop, au moins paroît-il fur qu'ils ne leur caufent pas beaucoup de douleur, ni même qu'ils ne les inquiètent pas; car quoiqu'il ne foit peut-être pas auffi aifé à la mouche DES Insectes. XI IL Mem. 713 mouche de faire pafTcr quelqu'une de fcs jambes fur fon corcelet, que fur quclqu'aulre partie de fon corps ; & que ce foit peut-ctre ce qui détermine le pou à s'y placer, il eft fouvent dans des endroits 011 une jambe de la mouche ])cut être portée, & d'où elle pourroit le faire tomber, & où cependant il lui eft permis de reftcr tranquille. On a néantmoins regardé ces petits infcdes comme très-nui- fibles aux abeilles. On a enfeignc des moyens de les faire périr, que je ne crois pas bien certains. Un des remèdes des plus vantés pour en délivrer les abeilles, eft de les arroler d'urine , d'en jetter fur elles dans la ruche avec une efpéce de goupillon ; mais l'urine ne m'a pas paru auiïi funefte à ces poux qu'on l'a penfé ; & il y en au- roit bien peu qui s'en trouveroient mouillés. Un autre remède, car il y a pour les maladies à^^ abeilles, comme pour les nôtres, des remèdes à choilir, c'eftde les arrofer d'eau-de-vie; & un autre, c'eft de les fumer. Une maladie des abeilles plus confidérable que la pé- diculaire, & dont nous avons déjà parlé, c'eft le dévoye- ment; quelques-uns de leurs Médecins l'attribuent au miel nouveau dont elles fe nourriffent au printemps & dans des jours froids. Pour me mettre aufli au rang de ceux qui ont difcouru fur les caufes de leurs maladies, je dirai que je crois que celle-ci ne vient pas précifément de la qualité du miel ; mais de ce que les abeilles l'ont pris pour toute nourriture, de ce qu'elles n'ont pu fe nourrir en partie de cire brute. J'ai dit ailleurs que j'avois donné le flux de ventre aux abeilles que je n'a- vois nourries que de miel ; & j'ai dit en même temps combien cette maladie leur eft funefte, parce qu'elles fe mouillent réciproquement de leurs excréments. Auffi àts Auteurs tels que Vandergroen, qui ont donné de bons préceptes pour foigner les abeilles , affûrent que le flux de Tome V. . Xxxx 714- Mémoires pour l'Histoire ventre vient à celles qui manquent de pain, c'eft-à-dire, à celles qai minquent de cire brute. La recette prefcrite * AI. l'Abbé pir un Auteur intelligent* contre cette maladie, &: à ia- de la Ferrure. q|^jg||g beaucoup d'autres reviennent , eft d'une demi-livre de fucre, autant de bon miel, unechopinedevinroiige,6c environ un quarteron de fine farine de fève , le tout mêlé enfenible, qu'on préfentera aux abeilles fur une afliette. Si je voulois faire le réformateur, je diminuerois la dole du miel. Mais j'aime mieux propofer mon remède; celui qui me paroît le plus fur , eft de tirer de quelque autre ruche, fi on y en peut trouver, un gâteau dont les cellules foient remplies de cire brute, & de le donner aux abeilles malades. On voit quelquefois les abeilles ronger par em- bas , leurs propres gâteaux de cire. Je croirois volontiers qu'elles n'en viennent là que quand la cire brute leur manque ; & qu'à fon défaut , elles mangent un peu de cire; qu'elles en choififfent les fragments où ii eft relié de la cire imparfaite. Quoique M. l'Abbé de la Perrière nous ait donné beaucoup des avis utiles par rapport aux abeilles , j'ap- préhende qu'il n'ait mis au rang de ce qui eft à craindre pour elles, un aliment qui leur eft néceffaire. Il dit que la rougeole leur eft fatale. Ce qu'il appelle la rougeole, eft une efpéce de mielfaiivage. C'ejl une matière rouge , épa'ijje, qui n'emplit jamais que la moitié des trous des rayons. Cette matière ejl plus amére que douce; elle devient jaunâtre, è^ engendre des vers ou grillots qui font périr les mouches, &c. Il veut qu'on ait grand foin d'ôter tout ce vilain miel. On voit qu'il a été déterminé à le vouloir par une très-mau- vaife phyfique, parce qu'il a cru que des vers pouvoient naître d'une matière corrompue. Mais ce miel fauvage n'eft point du miel, c'eft de la cire brute très-néceffaire pour la nourriture & pour les ouvrages des abeilles. DES Insectes. XIII. Mem. 715 J'ai lu avec plus de piaifir ce que M. l'Abbé de la Per- rière a écrit dans le chapitre xvi. de fa fecoude Partie, fur la mortalité At^ abeilles, ce qu'il y rapporte me paroît très-vrai. 11 remarque qu'il y a deux lailons qui épuilént les ruches de mouches; fçavoir, l'automne, & cela lorf- que les feuilles commencent à tomber, & le commence- ment du printemps. 11 ne croit pas dire trop quand il afïïire qu'il meurt plus du tiers des mouches de chaque ruche en automne, & qu'il n'en meurt pas moins au prin- temps ; & c'eft ce qui l'empêche de croire avec certains Auteurs , qu'elles vivent fept ans , & avec d'autres, qu'elles en vivent dix. Les grandes mortalités dont nous venons de parler lui paroilfent prouver que les mouches ordi-, naires ne vivent gueres qu'un an. 11 penfe avec beaucoup de fondement, que les mouches le renouvellent dans chaque ruche tous les ans , ou au moins tous les deux ans. Il ne veut pas que ce foit le froid qui faffe périr celles qui meurent en automne ; fouvent pourtant il y a beaucoup de part; il furprend celles qui ont hazardé de fortir pendant que l'air étoit encore doux , mais qui eft devenu trop froid avant leur retour. 11 veut que celles qui meurent alors , meurent de vieilleffe & épuifées des fatigues de l'été , & que les jeunes mouches alors tuent les vieilles qui mourroient bientôt de langueur. Enfin, pour confirmer fa première affertion , il affûre que lorfqu'on fait périr deux ruches qui femblent également fortes, c'eft-à- dire, qui font également pefantes, l'une au mois de Juin ou de Juillet, & l'autre, au mois d'Avril ou de Mars, on ne trouve pas dans la dernière, la moitié au plus, ou le tiers des mouches de l'autre. Lorfqu'on a été attentif à prendre pour les abeilles , tous les foins qui peuvent contribuer à les conferver, à ïti muitiplierj & à leur faire faire de grandes récoltes, on Xxxx \] yi6 MEMOIRES POUR l'HiSTOIRE a acquis le droit de partager avec elles , les fruits de leurs tra vaux. Néantmoins je trouverai toujours trop dur de leur enlever, non-feulement tout ce qu'elles ont ramaffé, mais de les faire périr elles-mêmes pour l'avoir. On le trouve de même dans la plupart des pays du Monde ; dans le plus grand nombre des provinces du Royaume , on fe contente de prendre une portion des gâteaux de chaque ruche, ce qu'on appelle la châtrer ou la tailler. Dans dif- férents pays , on les châtre en différentes faifons ; dans quelques-uns, c'efl à la lin de Février ou dans le mois de Mars. On peut alors , fans faire tort aux mouches , leur ôter une grande partie du miel qui leur efl rcfté de leur provifion d'hiver. Elles n'ont befoin qu'on leur laiffe que ce qu'il leur en fiut pour paffer les jours rudes qu'il peut y avoir jufqu'au commencement de Mai. On peut auffi leur ôter alors, plufieurs de leurs gâteaux de cire qui font vuides de miel, fur-tout ceux dont la cire cû deve- nue trop noire. On peut raffraîchir par embas la plupart des gâteaux. Pendant qu'on enlevé ainfi aux abeilles, ce qu'elles pourront remplacer bien vite , on leur rend de bons offices Ci on eft attentif à ôter les fauffes teignes qui ont crû dans la ruche. Le petit ouvrage qui a pour titre, Traité àcs mouches à miel, & dont la féconde Edition a été imprimée à Paris en 1697. nous rapporte les différents temps dans lefquels on dépouille les abeilles d'une partie de leur cire &. de leur miel dans différentes provinces du Royaume. Il dit qu'en Champagne, c'efl vers la fin de Juin; aux environs de Paris, au commencement de .Juillet; en Normandie, au commencement d'Août; en Provence, à la fin de Septembre; & qu'en Poitou & en Limofin , on ôte les hauffes qu'on a données aux ruches au commencement d'Odobre, &. qu'on coupâtous les gâteaux qui fe trouvent DES Insectes. XIII. Mem. 717 dans ces haufTes. Le temps de cette opération doit non- feulement varier dans diftërentes provinces, il doit varier dans différents cantons de la même province, & même y varier dans différentes années; car il en efl de cette récolte comme de toutes les autres fur Icfquelles les faifons in- fluent tant. Nous ne pouvons faire la nôtre qu'après que les abeilles ont eu fait la leur; & elles la font plutôt ou plus tard, félon que le pays où elles font &. félon que l'an- née ont donné plutôt ou plus tard des fleurs. Il ne faut donc pas prendre à la rigueur ce qu'a rapporté l'Auteur du Traité àci abeilles. Je connois des cantons du Poitou , par exemple, où l'on ne fçait ce que c'eft que de donner des haufles aux ruches, <&: où on les châtre dès la fin de Février; & d'autres où ce n'efl qu'en Juillet ou en Août. Oefl une efpéce d'expédition militaire d'enlever de l'intérieur d'une ruche , des gâteaux que des milliers de mouches bien armées font très-difpofées à défendre. Auffi celui qui l'entreprend doit -il avoir mis fon vifige à l'abri au moyen du camail *, & avoir fes mains dans * pi. 35.%. de bons gants. 11 y a pourtant des gens à la campagne qui ' • bravent affés les piquûres des mouches pour aller faire le ravage chés elles fans s'être cuirafles ; mais aufîi com- nience-t-on toujours par endormir, ou du moins par étourdir l'ennemi. Les uns veulent que pour châtrer une ruche, on prenne l'heure de midi , parce que plus d'a- beilles font alors à la campagne : mais celles qui reflent dans la ruche font alors plus adives, plus difliciles à étour- dir; & celles qui reviennent de la campagne continuelle- ment, incommodent fort pendant l'opération. D'autres pcnfcnt, & je penfe comme eux, qu'il vaut mieux choi- fir le malin , temps où elles font encore engourdies. Pour les engourdir davantage, à quelque heure du jour qu'on veuille opérer fur leur rucJie, on commencera par Xxxx iij ylS MEMOIRES POUR L'HISTOIRE les fumer. On (oûleve un peu la ruche, &. l'on y fait en- trer la fumce d'un tampon de linge qu'on tient à la main. La fumée qui les incommode év qui les étourdit, les oblige à monter le plus haut qu'il leur elt pollible. Un coup d'ccil jette dans cette ruche, apprend quels Ibnt les gâteaux qu'il convient de couper; (Se c'eft de deffus ceux-ci qu'il faut chaffer les mouches , c'eft-à-dire , que ce font ceux fur Icf- quels il faut faire aller la fumée. Une fumée qui a duré quelques minutes, a ordinairement conduit les mouches où on les veut , & leur a fait perdre une partie de leur activité. Alors on prend la ruche, on la couche fur une chaife, fur une felleite de bois, fur un banc ; tout appuy qui la ibûtient à une hauteur commode pour couper où l'on veut, eil bon. Si le châtreur efl bien outillé, il a un couteau dont la lame cil un peu courbe, comme celle des ferpettes; mais il peut fe fervir d'un couteau ordinaire; les gâteaux les plus pleins de miel, n'oppofent pas une réfiftance bien difficile à vaincre. Pendant tout le temps que l'opération dure, il efl à propos de conlérver un tam- pon de toile qui répande de la fumée pour chalfer les mouches de delTus les gâteaux qu'on veut avoir , quand elles y font en trop grand nombre. La pofition des gâteaux pleins de miel, 6c la pofition de ceux qui font très -vieux, déterminent à détacher ceux d'un côté plu- tôt que ceux d'un autre, à les détacher en entier, ou à les couper à quelque diflance du haut. Enfin, on efl convenu, & il y a une forte d'équité &. même de nécef- fité , de laifTer aux abeilles à peu près la moitié de leur miel. Celui qui opère efl ordinairement un homme qui connoît les ruches , qui fçait que les cellules bouchées jiar des couvercles qui ne font pas fi plats que ceux qui ferment les cellules à miel, font remplies par du couvain. DES Insectes. XIII. Mcm. 7 1 9 c'efl-à-dire, par des nymphes ou par des vers prêts à le transformer en nymplies. Il fe donne bien de garde de cou- per les gâteaux qui doivent dans la luite peupler la ruche & fournir même aux effaims. Mais fouvent il n'efl: pas affcs attentif à ne pas couper les gâteaux dont les alvéoles ne font remplis que de couvain moins apparent, que de trcs- jeunes vers. Il faudroit pourtant porter l'attention jufques à épargner tous les gâteaux qui font pleins d'œufs, & or- dinairement on ne s'avife pas feulement d'y regarder. Avant que de couper un gâteau dont les alvéoles fcm- blent vuidcs, on devroit en rompre un petit morceau, & examiner fi dans le fond de chacun de ces alvéoles qui paroiffent vuides , il n'y a pas un œuf Si on y en décou- vre, le refte du gâteau mérite d'être confervé, puifqu'en moins de trois lèmaines il donnera autant de mouches qu'il a de loges. Quelques Auteurs prefcrivent de ne couper que les gâteaux qui font vers le derrière de la ruche ; mais on doit s'affujettir à cette règle, ou fe difpenfer de la fuivre, félon que les gâteaux les plus pleins de miel fe trouvent placés. Après qu'on a ôté à une ruche tout ce qu'on veut lui ôter , on la remet en place. Le côté auquel on a le plus ôté, doit être mis en devant, c'efl-à-dire, être le plus expofé au Soleil , parce que c'eft de ce côté là que \ç.?, abeilles travaillent plus volontiers. M. l'Abbé de la Perrière confeille de coucher le foir les ruches qu'on veut tailler dans le mois de Mars. Le matin fuivant on trouve beaucoup de facilité à faire l'o- pération. Les mouches font alors fi engourdies par le froid de la nuit , qu'il n'eft prefque pas néceflaire de \t% fumer. D'ailleurs , fi on a eu attention de mettre en haut le côté où font les gâteaux auxquels on ne veut point toucher, on trouvera ceux qu'on veut couper abfolument 720 MEMOIRES POUR l'Histoire dégarnis de mouches, parce que c'e(t vers le haut qu'elles fe l'ont attroupées pendant ia nuit. On peut non-feulement partager avec les abeilles leur cire & leur miel , on peut ne leur en rien laifîer. Cette pratique eft même celle qu'on préfère à la Manufadure d'Yevre-la-Ville,dont nous avons parlé ci-devant. Ordi- nairement on n'y châtre point les ruches, on oblige les abeilles à pafTer de celle dans laquelle elles ont bien tra- vaillé, dans une vuide de tout. Mais on a attention de le faire dans un temps où la campagne fournit abondam- ment aux mouches laborieufes de quoi réparer ce qui leur a été enlevé. Si les environs d'Yevre-la-Ville ne font pas alors affés fournis de fleurs, on les voiture dans un pays où l'on fçait qu'elles ne leur manqueront pas, c'eft-à-dire, tantôt dans les plaines de Beauce, tantôt dans des endroits couverts du Gâtinois, & tantôt en Sologne; & cela félon que l'année &. la faifon le demandent. Il n'y auroit rien à dire contre la pratique de faire paffer les abeilles d'une ruche dans une autre, fi on pouvoit fauver le couvain de la première. Les meilleures pratiques ont des inconvé- nients ; celui de faire périr le couvain fera rendu moin- dre , û on choifit pour faire le déménagement des abeilles, ie temps où il y a peu de couvain dans l'ancienne ruche. cJe ne dirois que tout ce que le monde fçait , & ce qui a été dit & redit dans mille ouvrages , fi je m'arrêtois à expliquer comment on tire le miel des gâteaux , & com- ment on réduit enfuite les gâteaux en pains de cire. On a dû entendre, fans que nous en ayons averti , qu'à mefure que les gâteaux font coupés, on les met dans des plats qui reçoivent le. miel qui en découle. Perfonne n'ignore que les gâteaux les plus blancs donnent le plus beau miel; que le miel que l'on en laiffe dégoutter, en les mettant , foit dans des chauffes, foit dans des tamis, &c. eft plus beau que celui DES Insectes. XIILMem. y 21 celui qu'on en tire par exprcflion ; qu'il faut pourtant mettre les gâteaux fous une preffe, fi l'on veut en faire fortir tout le miel qui y eft. Que lorfqu'on fe contente de les preiïer dans une ferviette dont on roule les deux bouts dans des fens oppofés , on ne parvient pas à en tirer autant de miel, que lorfqu'on les comprime fous des efpcces de Preffoirs. Enfin , qui ne fçait pas qu'il n'y a plus qu'à mettre dans un chauderon qui contient un peu d'eau, les gâteaux dont le miel a été exprime; que l'eau empêche que la cire ne fe brûle ou noircifle pendant qu'elle fond ; ôi qu'après qu'elle €ft fondue, on la verfe fur une ferviette que deux hommes tiennent étendue au-defflis d'un plat creux qui contient de l'eau ! La cire qui paffe au travers de cette efpéce de filtre groffier, tombe dans le plat. On roule la ferviette, on la ferre pour contraindre toute la cire à fortir. Il refte dans h ferviette une quantité de marc affés confidérable, fournie par tout ce que les gâteaux avoient qui n'étoit ni cire ni miel. La cire qui a coulé dans le vafe qui con- tenoit un peu d'eau froide, s'y fige