UNIVERSITY OF B.C. LIBRARY 3 9424 04545 454 0 U.B.C. LIBRARY "EB \9ru6 vooK//tâJKeyaM^Q£ H. H. m^VoïKû^ Zsr., 's/ Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of British Columbia Library http://www.archive.org/details/traitpratiquedOObopp /£>-// LES FORETS Une Sapinière près de Leviers (Doubs), (photographie de M. Juvanon du Vachat). É PRATIQUE DE SYLVICULTURE LES FORÊTS I' A H L. BOPPE Directeur honoraire de L'École Nationale des Eaux et Forêts de Nancy, Membre du Conseil supérieur de l'Agriculture, Membre correspondant de la Société Nationale d'Agriculture, Officiel' de la Légion d'honneur. ET Ant. JOLYET Inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Chargé de Cours à l'Ecole Nationale des Eaux et Forets de Nancy. Avec 95 photogravures intercalées dans le texte. PARIS LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS 19, rue Hautefeuille, près du Boulevard Saint-Germain 1901 Tous droits réservés. AVANT-PROPOS Sollicité de toutes parts de publier les leçons que j'ai longtemps professées à l'Ecole Nationale des Eaux et Forets, j'ai pensé devoir donner à ce volume un sens pratique qui le mit à la portée de tous les représentants de la richesse forestière en France, aussi bien des propriétaires particuliers que des fonctionnaires de l'État. Pour m'aider dans cette tâche, j'ai eu la bonne for- tune de rencontrer dans M. l'Inspecteur adjoint Antoine Jolyet, un collaborateur des plus dévoués, dont l'érudition m'a permis de mettre au niveau du jour toutes les données empruntées directement aux sciences naturelles. Il nous a paru utile d'éclairer le texte par des pay- sages forestiers. De ceux-ci, beaucoup ont été emprun- tés à l'album des Élèves de l'École Nationale des Eaux et Forêts ; en effet, chaque promotion compte ses artistes, qui, pendant les tournées, ont la bonne VI AVANT-PROPOS, habitude de prendre l'objet de la démonstration sur le point précis où elle vient d'être faite. Nous en devons d'autres à d'aimables Correspon- dants, qui nous ont gracieusement confié leurs cli- chés. Enfin, l'obligeance de M. Fournel, adjudant à l'Ecole, nous en a grandement facilité la mise en œuvre. Que tous reçoivent ici nos meilleurs remercî- ments. L. Boppe. Nancy, le 1^' juillet 1900. PLAN I)K L'OUVRAGE Imiter la nature, hâter son œuvre, telle est la maxime fbndamenta e de la sylviculture. Parade. La culture forestière a toujours occupé une place spéciale à côté des autres exploitations agricoles ; et cela pour deux motifs. Le premier, c'est que les végétaux forestiers ne donnent des produits rémunérateurs qu'au bout d'un nombre d'années d'existence plus ou moins considé- rable. Si le fait a des conséquences dans l'ordre économique, il en a surtout dans l'ordre naturel. La forêt, en effet, — obligée de se suffire à elle- même pendant un demi siècle, un siècle et même davantage, dans les terrains généralement médiocres que l'agriculture lui abandonne, de braver les hivers rigoureux et les étés excessifs, — se constitue et se perpétue en harmonie intime avec les conditions de sol et de climat du lieu. Les plantes agricoles, au contraire, sont des hôtes de passage, auxquels la vie est rendue possible, d'une manière plus ou moins VIII PLAN DE L OUVRAGE. factice, par les soins constants dont on les entoure. Une forêt n'est pas non plus, comme un champ de blé, un simple groupement d'individus de même espèce croissant côte à côte jusqu'à l'époque où le bûcheron juge à propos d'y porter la hache : des essences forestières, aux exigences souvent les plus diverses, s'y trouvent réunies, et, de leur naissance à leur vieillesse, non seulement elles grandissent, mais encore elles modifient leurs besoins, quant à l'état physique du sol qui les porte ou quant à l'espa- cement qui leur est dévolu; elles-mêmes, en épais- sissant ou en éclaircissant leur feuillage, ont une action considérable sur ce sol, sur la quantité de lumière qu'elles y laissent arriver, sur les détritus qu'elles lui restituent; toujours en lutte les unes avec les autres, elles se prêtent ou s'opposent à l'existence de toute une population d'arbres nouveau- venus, d'arbustes, de plantes basses, ou d'animaux qui, à leur tour, réagissent sur elles. En un mot, la forêt, bien que constituée par un assemblage d'êtres vivants, soumis à toutes les vicissitudes du climat, est un organisme unique, éminemment variable et complexe, ayant sa vie propre, ses périodes de ré- génération, ses phases d'évolution, et ses crises sou- vent mortelles. La foret, c'est l'ensemble des végétaux qui occupent le sol, — lichens, mousses et autres cryptogames qui tapissent la terre, — herbes, grami- nées et autres, qui disparaissent en hiver, sauf à renaître de leurs souches ou de leurs semences,— ronces, airelles, broussailles, morts-bois, formant sous-étage avec les jeunes plants des bonnes essences fores- tières qui s'y trouvent mêlées et qui sont l'espoir de la régénération, — enfin, arbres forestiers plus ou moins élancés, plus ou moins gros, plus ou moins serrés, en taillis ou en futaie (1). (1) E. Guinier. Le mouton. Revue des Eaux et Forêts, 10 juillet 1897. PLAN DE L OUVB tGE. IX Le second motif réside; dans le caractère extensil de la culture forestière, qui réduit à peu de chose l'intervention humaine. Bien rares sont les cas où la pioche ameublit les sols forestiers, plus rares encore ceux où un apport d'engrais augmente sa fer- tilité. En fait, la forêt est un bien naturel, que l'homme / ) se contente de domestiquer à son profit. La sylviculture est donc pour nous: la science r/ui étudie les phénomènes relatifs à la végétation de la forêt sauvage, et U art d'exploiter celle-ci sans entraver son fonctionnement physiologique. En d'autres termes, le sylviculteur a comme prin- cipaux ouvriers les agents qui président aux phéno- mènes dont le sol et l'atmosphère sont le théâtre. A lui de maintenir l'harmonie dans ces forces mises gratuitement à sa disposition ; à lui de les diriger vers la production de la matière ligneuse et de tous les avantages que procure l'état boisé d'une contrée. La besogne est intéressante ; elle est aussi des plus délicates, car, parfois, des accidents de force majeure, trop souvent aussi des fautes commises par une imprévoyance coupable ou par ignorance, suffisent à détruire tout l'équilibre du système. C'est dire qu'avant tout le sylviculteur devra ob- server, chercher dans l'étude de chaque station, de chaque massif, les renseignements nécessaires à sa gestion. Si la chose est vraie d'une façon générale, dans un pays comme la France, où, elle est justifiée plus que partout ailleurs, des hautes chênaies des vallées de la Loire et de la Seine aux sapinières des Vosges, du Jura et des Pyrénées, — des taillis PLAN DE L OUVRAGE sous futaies du Nord et de l'Est aux taillis simples de chêne vert de la Provence, — la forêt se pré- sente sous des aspects si divers, en conservant par- tout son utilité et son charme. Evitant donc avec soin de poser à priori des règles, des systèmes auxquels devraient se plier toutes les forêts, nous adopterons la méthode d'ob- servation que nous venons de recommander, consi- dérant d'abord Y arbre au strict point de vue fores- tier; puis, nous étudierons Y espèce qui s'affirme par son tempérament, et nous la suivrons dans ses rap- ports avec les phénomènes météoriques et avec le sol. Ce sera l'occasion de passer en revue les différentes essences qui peuplent nos plaines et nos montagnes, en donnant Y aire d'habitation de chacune avec les lois qui président à cette distribution. Ensuite, nous verrons comment ces essences se comportent quand elles sont à Y état isolé, ou réunies en massifs pour former les peuplements, dont l'en- semble constitue la forêt. Celle-ci, influencée par le sol et le climat, change d'aspect dans chaque station et nous en montrerons les principaux types. Après avoir établi les exigences de la forêt spon- tanée dans chaque station, nous dirons d'une manière générale par quel genre de culture la forêt aménagée, c'est-à-dire économiquement constituée, sera régéné- rée et améliorée, en vue de diriger la fabrication de la matière bois vers telle ou telle qualité de marchandise. Seulement alors, nous aborderons l'étude détaillée des régimes et des modes de traitement en usage avec leur application en toutes circonstances. PL w DE L'OUVH \»il. VI Après ces six premiers Chapitres consacrés à la vieille forêt en étal de rendement, il nous restera deux questions importantes à examiner: i°Ia pro- tection de lu forêt, contre les dommages qu'elle peut subir et d'où qu'ils lui viennent; — a0 le boi- sement des terrains nus, partout où l'exploitation rationnelle du sol le commande, qu'il s'agisse de satisfaire à des intérêts publics ou à des intérêts privés; elles feront l'objet des Chapitres Vil et VIII. Notre tâche sera bien remplie si nous arrivons à faire comprendre aux propriétaires de forêts que le meilleur moyen de les bien cultiver est de s'y pro- mener souvent, de les interroger toujours sur leur état de santé, sur leurs besoins. Ils seront surpris de la facilité avec laquelle on comprend le langage des arbres, et du plaisir qu'on éprouve à leur répondre. LES FORETS TRAITÉ PRATIQUE DE SYLVICULTURE CHAPITRE PREMIER L'ARBRE ARTICLE PREMIER PARTIES CONSTITUTIVES D'UN ARBRE Partie aérienne. — Enracinement. — Structure du bois. Écorce. Partie aérienne. — La partie aérienne d'un arbre com- prend la tige, c'est-à-dire l'axe du végétal, qui va du niveau du sol jusqu'au bourgeon terminal, — et les branches, insérées sur cette tige ; celles-ci se divisent à leur tour en branches principales ou maîtresses branches, en rameaux et en ramilles. Il est plus intéressant dans la pratique de distinguer le fût, portion de la tige allant du sol au niveau des premières branches, — et la cime ou houppier englobant le reste de la tige et les branches. C'est le fût qui fournit, en effet, le bois propre au plus grand nombre d'usages, par suite, le plus précieux. D'ailleurs, si dans un sapin on peut suivre facile- ment la tige jusqu'au dernier bourgeon, il n'en est pas de même chez toutes les espèces : bien souvent cette tige se bifurque, se divise en un nombre de plus en plus grand de ramifications et n'existe plus qu'à l'état théorique. Il peut arriver que brusquement, pour une raison ou pour Boppe et Jolyet. 1 L ARBRE. une autre, des branches de faible grosseur naissent sur le fût d'un arbre qui jusque-là en était dépourvu. On les appelle branches gourmandes ou gourmands. Enracinement. — Le collet de la racine est la ligne qui sépare la portion inférieure du fût d'une part, et les racines de l'autre : le microscope accuse des différences sensibles dans la structure du bois de tige et celle du bois de racine ; c'est au niveau du collet que finit, dans les chênes, la distinction entre l'aubier et le bois parfait (fig. 1). Dans les racines nous ne trouvons rien d'ana- logue au fût ; mais il peut se faire que l'une d'elles prolonge directement la tige, et s'affirme parmi toutes les autres; c'est le pivot. Le développement du pivot n'est prononcé que pendant la jeunesse de l'arbre ; plus tard il s'arrête dans sa crois- sance, et, alors même qu'il ne rencontre pas d'obstacle à son allongement, il s'atrophie, ou se ramifie en racines nouvelles qui s'enfoncent plus ou moins obliquement dans la terre. Par analogie, quand les racines d'un arbre ont une ten- dance à prendre une direction verticale, on dit que l'enracine- ment est pivotant ou mieux profond. Lorsqu'au contraire elles ont une propension à s'étaler horizontalement, on dit qu'il est traçant ou superficiel. Cette question de l'enracine- ment est très importante : on conçoit combien il est peu in- diqué de cultiver des arbres à enracinement profond dans un terrain superficiel. Fig. 1. — Souche de chêne : h droite et à gauche, aubier; au milieu, bois parfait ; en bas, collet de la racine. PARTIES CONSTITUTIVES l> UN ARBRE Les ramifications extrêmement Unes des racines se nom- ment le chevelu. Structure du bois. — L'arbre s'accroît en hauteur parle développement du bourgeon terminal, lequel s'ouvre au prin- temps et donne une pousse qui grandit généralement jusque vers le milieu de Télé. Il s'organise alors un nouveau bour- geon terminal, qui passera l'hiver à l'état latent. Les branches s'allongent par un processus analogue. L'arbre s'accroît en grosseur par la multiplication des cel- lules dans la zone génératrice. Cette multiplication se fait, chez les essences indigènes du moins, de l'intérieur vers l'ex- térieur dans le sens du rayon, sur une section transversale du fût; d'autre part, elle est suspendue durant l'hiver; il en résulte que la masse de bois fabriquée chaque année forme une couche ligneuse bien distincte, qui se superpose à la précédente et l'enveloppe de toutes parts. On peut donc avec raison appeler aussi couches annuelles ces couches ligneuses, et déduire de leur nombre l'âge de l'arbre. 11 est en général facile, sur la tranche d'une tige exploi- tée, de distinguer les diffé- rentes couches ligneuses. Tantôt, en effet, le bois fabriqué au début de la sai- son de végétation, dit bois de printemps, est franche- ment distinct du bois d'été, qui se forme plus tard. Et, comme dans ce cas la carac- téristique du bois de prin- temps est d'être constitué par des éléments à parois minces et à grosses cavités intérieures, il apparaît tou- jours sous l'aspect d'un tissu tendre ou blanchâtre, par opposition au tissu plus dur et plus coloré du bois d'été (chêne (fig. 2), sapin, etc.). Fi! 2. — A [fauche, bois de chêne; à droite, bois de hêtre. L'ARBRE. Tantôt, au contraire, bois de printemps et bois d'été se ressemblent; mais alors les derniers éléments de celui-ci, ceux qui bordent la couche ligneuse vers l'extérieur, sont très minces et souvent colorés en brun, ce qui rend encore les for- mations annuelles distinctes l'une de l'autre, avec plus de difficulté toutefois (hêtre (fig. 2), bouleau, charme, frui- tiers, etc.). Des accidents de végétation peuvent déterminer une for- mation prématurée et temporaire de bois d'été. Un peu de pratique permet de reconnaître ces fausses limites d'accroisse- ment souvent interrompues et à bords toujours indécis. Chez certains arbres on distingue un aubier et un bois parfait, le premier de coloration pâle, riche en amidon, le second plus foncé, pauvre en cette matière, mais chargé de tanin qui imprègne les parois des éléments, donnant aux tissus, en même temps qu'une coloration spéciale, des qualités particulières de résistance à la décomposition. La couche d'aubier est épaisse chez le chêne rouvre, le chêne pédon- cule, les pins, mince chez le mélèze, très mince chez le châtaignier, le robi- nier, etc. Parfois aussi, au centre de la tige apparaissent des tachas, de? zones ou des ilanvues noires, rouages ou brune-, qu'on pourrait à première vue prendre pour un bois parlait plus accen- tué encore, quand, en réa- lité, elles ne sont dues qu à un commencement d'altéra- tion. Et si ces colorations spéciales peuvent être recherchées pour l'ébénisterie, du moins ne faut-il pas en conclure à une supériorité [du bois au point de vue de sa conservation, bien au contraire. Les chênes à feuilles persistantes, le poi- rier (fig. 3), le prunier, présentent fréquemment cet accident. Dans le même 'ordre d'idées nous citerons le bois rouge, Pig. 3. — Poirier coloration centrale) PARTIES C0NSTIT1 TIVES D 1 N ABBR1 . 5 malheureusement trop fréquent chez les vieux hêtres. Ecorce. — L'écorce est pour les arbres ce qu'esl la peau pour les animaux; une enveloppe él.uielie protégeant les régions plus profondes contre les agents extérieurs. Toute Lésion de l'écorce est donc une plaie avec Bes consé- quences funestes, une porte ouverte aux germes infectieux. Parmi les tissus constituant l'écorce, un des pins iinpro- Fig. 4. — En haut, cerisier merisier (liège externe mince); à (fauche, chêne liège (liège externe épais) ; à droite, chêne rouvre (liège interne), rhytidome gerçure). tants est le liège, caractérisé par son imperméabilité. Tantôt le liège est externe, et peut alors acquérir des épaisseurs considérables, comme dans le chêne-liège, ou rester très mince comme dans le hêtre et le charme, tous deux remarquables par leurs écorces fines et luisantes (fig. 4). Tantôt, au con- traire, se formant au milieu des autres tissus de l'écorce, il en isole des lames qui finissent par mourir: liège et tissus morts constituent une croûte rugueuse, sèche, appelée rhytidome. L ARBRE. Tout le monde connaît le rhytidome gerçure (1) des chênes, des ormes, des peupliers, qui s'effrite par l'usure dans ses parties extérieures, tandis qu'il s'accroît dans les parties pro- fondes par la formation incessante de nouvelles lames de liège; ou encore le rhytidome des pins, des mélèzes dont les larges écailles se détachent facilement. Chez les vieux mé- lèzes ce rhytidome acquiert souvent une épaisseur d'un déci- mètre et plus. Nous mentionnerons aussi le liber. C'est par les tubes cri- blés du liber que descendent les matières nutritives élaborées par les feuilles et qui vont se diffuser dans le corps de l'arbre et dans les racines. Une blessure annulaire de l'écorce inter- rompant à un niveau quelconque la continuité de ces tubes criblés a pour résultat d'affamer (2) toutes les régions du végétal situées au-dessous d'elle et occasionne la mort de l'individu. Les fibres du liber sont parfois assez résistantes pour être utilisées comme matières textiles (tilleul). ARTICLE II FORME DES ARBRES Flagage naturel. — Forme spécifique. — Influence du sol et du cli- mat. — Forme forestière. — Généralités sur l'accroissement. — Accroissement en hauteur. — Accroissement en diamètre; ses varia- tions suivant les espèces et les individus ; ses variations dans un même arbre ; anomalies diverses. Élagage naturel. — Pour nous rendre compte de la forme d'un arbre, suivons le développement d'un chêne depuis ses premières années jusqu'à sa veillcsse. Au début, il est formé d'une tige principale peu ramifiée, dont le bourgeon terminal, plus gros et mieux nourri que celui des ramilles grêles qui l'entourent, donne naissance à une pousse vigou- (1) Ces gerçures se produisent inévitablement dans une enveloppe rigide, contrainte de s'étendre pour permettre le grossissement de l'arbre. (2) L'eau puisée clans le sol par les racines, continue à monter aux feuilles par le corps de l'arbre. FORME DES /CABRES. reuse. L'arbre s'élève alors rapidement, Mais, au fur et à mesure que la tige grandit, elle produit des rameaux nom- breux, qui, en vieillissant, se couvrent d'une abondante fron- daison, et prennent des dimensions de plus en plus fortes. L'importance de la lige diminue progressivement; le plus souvent son bourgeon terminal s'étiole, et l'arbre cesse de croître en hauteur. D'autre part, les branches inférieures, que dominent de plus en plus celles qui se développent au-dessus d'elles, se dessèchent et finissent par tomber. La tige se dénude de la sorte de bas en haut, tandis que la cime s'élève. Un moment vient, toutefois, où la croissance en hauteur se ralentit beau- coup ; la production d'axes nouveaux, dans les régions élevées, se réduisant à très peu de chose, les rameaux qui ont pu se maintenir vivants jusque là ont dès lors leur existence assurée : ils s'affirment, s'allongent, grossissent et se constituent en branches principales : le fût est parvenu à sa longueur maxima. Ce phénomène est ce que l'on nomme Yélagage naturel. C'est un de nos adjuvants les plus précieux. D'ailleurs les branches dominées, longtemps avant de mourir, ne s'accroissent plus en longueur ni en grosseur; lorsqu'elles tombent, leur diamètre est généralement très faible relativement à celui de la tige : il ne reste ainsi sur le tronc que des cicatrices insignifiantes, à peine visibles dans le débit. Au contraire, l'amputation de main d'homme des branches vivantes ou mortes, même les plus petites, occa- sionne toujours une blessure et une solution de continuité dont la trace ne s'efface jamais dans le bois. Forme spécifique. — La forme de l'arbre varie suivant les espèces, et, chez une même espèce, suivant l'âge du sujet. Elle varie également avec la nature du sol ou la rigueur du climat. Enfin les conditions plus ou moins factices dans les- quelles nous plaçons les végétaux de nos forêts leur créent, à côté de la forme spécifique, une forme forestière du plus haut intérêt à considérer. La forme spécifique dépend du degré de résistance des branches inférieures au couvert des branches supérieures. Elle dépend aussi de l'ouverture de l'angle sous lequel les « L ARBRE. branches sont insérées sur la tige. Ainsi les cimes sont d'autant plus longues et étroites que les branches sont plus redressées (arbres pyramidaux) ou plus abaissées (formes à branches retombantes). Elles sont au contraire d'autant plus courtes et étalées que les branches, plus horizontales, s'éloignent davantage du fût (la plupart des feuillus, cer- tains résineux). C'est à une cause semblable qu'il faut attribuer les modi- fications dues à l'âge. Les branches sont, à l'origine, redressées comme les pousses qui les ont pro- duites. En s'allongeant elles fléchissent sous leur propre poids, et sous celui de la neige, des feuilles et des fruits. La transformation des bour- geons de prolongement en boutons à fruits modifie, d'autre pari, la ramification de certains arbres dès qu'ils deviennent fertiles. Une fructification abondante est toujours une cause d'é- claircissement de la cime. Les arbres ont donc une physionomie, un port spé- cial qu'ils doivent à leur tempérament propre et à la disposition naturelle de leurs rameaux. La cime du chêne est irrégulière et ovoïde, celles du hêtre et du tilleul sont pleines et sphériques, etc. C'est surtout dans la vieillesse que certains arbres prennent leur faciès particulier. Il suffit de parcourir une futaie mélangée de sapins et d'épicéas pour constater la différence entre le port de ces deux essences. Tandis que l'épicéa garde toujours sa forme de pyramide aiguë pointant vers le ciel, chez les vieux sapins la ilèche s'oblitère, et les Fig. 5. — Au milieu : sapin faisant la table ; à droite, jeunes sapins à cime pyramidale. ^Photographie de M. P. Hirsch.) POEME i>i:s ARBRES. (.) branches voisines du sommet s'étendent horizontalement comme celles du cèdre fig. .r>) (1). Les pins piniers s<»nl célè- bres par leur cime en parasol, les \ îeux pins laricios par l'in- clinaison accentuée de L'extrémité de leur lige ((ig. G), etc. Influence du sol et du climat. — Le sol agit surtout par son plus ou moins de profondeur. Tous les forestiers savent que dans les terrains meubles et profonds du grès vosgien Fig\ 6. — Vieux pins laricios, forêt d'Aitone (Corse). (Photographie de M. H. Bregeault.) les sapins sont plus élevés que sur les granits. Il en est de même du chêne qui n'acquiert jamais une grande hauteur dans les sols superficiels. L'influence du climat est peut être moins nette. Pourtant il est bien certain qu'un arbre placé sous un climat qui ne lui convient qu'à demi, pour un motif ou pour un autre^ se rape- tisse, se rapproche de la forme buissonnante, tels les derniers (1) On dit alors qu'un sapin fait la table. 10 L ARBRE. spécimens de la végétation forestière dans les régions mon- tagneuses et arctiques. On constate aussi qu'aux expositions du Nord et de l'Est les axes se développent plus en hauteur qu'aux expositions Sud et Ouest moins fraîches et plus en- soleillées. Les phénomènes météoriques peuvent avoir une action toute spéciale. Les vents violents déjettent la cime des arbres (fig. 7) ; le fait est très visible sur les bords de l'Atlantique où Fig. 7. — Aubépines déjetées par le vent, Chargey-lès-Port (Haute-Saône). les arbres n'ont de branches que du côté de la terre. C'est l'inverse qui a lieu sur le littoral de la Provence, le mistral ne permettant aux branches de se développer que du côté de la mer. Même chose se passe vers la cime de nos montagnes sous l'action des vents dominants de l'Ouest. Dans les belles futaies des plateaux du Risoux ou du Mas- sacre, dans le Jura, les épicéas affectent la forme columnaire pour résister au poids des neiges (fig. 8). Tantôt les branches sont courtes, toutes de même longueur; tantôt ces branches longues, mais flexibles, coulent jusque près du sol en s'appli- KORMK DU AliHItl S. 11 quant contre !«' tronc; dans L'un et L'autre cas, l'épicéa «le ces liantes régions se présente sous la forme d'un long fuseau Fig. 8. — Épicéa columnaire, foré t du Risoux (Jura;. (Photographie de M. P. Galland.) de verdure qui laisse tomber indifférent les masses de neige s'abattant dans ces forêts. Forme forestière. — La forme spécifique ne conserve sa 12 L ARBRE. constance que chez l'arbre isolé dont les branches se déve- loppent librement (fig. 9). Dans nos massifs forestiers, il n'en est plus de même. La forme forestière apparaît. Si l'arbre est entouré de végétaux qui, recépés pério- diquement, n'arrivent jamais à dépasser une certaine hauteur inférieure à celle à laquelle il peut prétendre, le couvert laté- ral vient augmenter l'effet de l'élagage naturel. Alors sa tige se dénude jusqu'au niveau le plus élevé atteint par les sujets Fig. 9. — Chêne isolé (forme spécifique), Etival (Vosges). (Photographie de M. J. George.) environnants et sa cime se constitue au-dessus de l'océan de verdure dans lequel le fût reste noyé. Le fût est donc plus long que dans l'arbre crû en rase campagne. Mais cette forme forestière reste voisine de la forme spécifique, la cime ayant encore toute latitude pour se développer. C'est le cas des réserves de nos taillis sous futaie (fig. 10). Il en est autrement quand l'arbre fait partie intégrante d'un massif serré, dont tous les sujets se poussent en hauteur. Il y a, dès lors, lutte pour la lumière, c'est-à-dire pour la vie. FORME i>i:s AHBRBS. 1 1\ Les dernières branchei seules étant assez, éclairées pour demeurer vivantes, la tige se dégarni! de plus en plus ; d'ailleurs ces branches elles-mêmes ne peuvent s'allonger :•"%& - v^y^s Kg ^v^/ - ,.-/ J 'VjL ;^fejS<^5 x^SNâ^ Fig. 10. — Chêne de taillis sous futaie forme forestière', forêt de Chargey-lès-Port (Haute-Saône). sans se heurter à celles des arbres voisins. Aussi la forme spécifique disparaît-elle ou à peu près ; dans les vieux mas- sifs, chênes, hêtres ou sapins prennent une forme analogue : ce sont toujours les mêmes fûts démesurément longs, sur- montés par une cime grêle (fig. 11). L ARBRE. Mais ces formes anormales ne se maintiennent que sous l'influence persistante des causes qui les ont fait naître. Isole- Fig. 11. — Chêne de futaie (forme forestière^, avec un ebrancheur s'apprêtant à en couper la cime, forêt de Bercé (Sarthe). (Photogra- phie de M. Couturier, photographe au Mans.) t-on un arbre crû en massif, on voit bientôt sa cime dépérir. Si l'espèce est douée de la faculté d'émettre des rejets, et si FORMB DBS ARBRES. 15 l'individu n'est pa^ hop âgé, il peu!, dans dos conditions favorables, se reformer une nouvelle tête au dessous de la pre- mière; dans le cas contraire, il est voué à une mori certaine. De même, quand un arbre se trouve peu à peu englobé dans un massif plus jeune qui s'élève autour de lui, ses branches les plus basses périssent, successivement étouffées par le couvert latéral qui se crée autour d'elles. L'arbre recommence à croître en hauteur et se constitue une nouvelle cime dans l'espace qui lui reste disponible au milieu du peuplement dont il fait désormais partie. Toutefois la mort des grosses branches basses entraîne des nécroses qui dégradent son bois et abrègent la durée de son existence. Généralités sur l'accroissement. — L'activité physiolo- gique plus ou moins grande des feuilles et des racines, la répartition inégale dans l'arbre des matériaux élaborés, se traduisent par des variations dans l'accroissement en hauteur et dans l'accroissement en diamètre, par suite, dans la forme de la tige. Pour étudier ces variations, deux procédés sont possibles: soit prendre tous les ans, ou mieux, à plus longs intervalles, des mesures extérieures sur un arbre vivant, mesures que l'on compare entre elles, soit abattre l'arbre et le disséquer pour se rendre compte de la manière dont il s'est accru. La grosseur d'un arbre sur pied s'évalue à l'aide de chaînes ou de rubans donnant la circonférence, et à l'aide de compas, d'une forme analogue à celle des compas de cordonniers, qui donnent le diamètre (lig. 12) (1). Diamètres et circonférences se mesurent le plus souvent à hauteur d'homme, c'est-à-dire à lm,30 (parfois lm,50) au- dessus du sol (2). La surface d'une section horizontale de la tige à ce niveau est dile surface terrière. (1) Quand on utilise la chaîne, il faut éviter les protubérances acci- dentelles de l'écorce, les plaques de mousse, etc. Quand on se sert du compas, il est prudent de mesurer deux diamètres perpendiculaires et de prendre la moyenne des lectures. En général, le diamètre calculé d'après la circonférence est un peu plus fort que le diamètre mesuré directement au compas. (2) Il est sage de repérer sur l'arbre, par un cercle de couleur noire ou rouge, le niveau précis où la mesure a été prise, afin de ne pas s'en écarter dans l'avenir. 16 l'arbre. La hauteur s'évalue à l'œil ou avec l'aide de l'un des nom- breux instruments inventés à cet effet. Un des plus pratiques E i .1 ' ,i ' >i ! 4^_X ■ g ! 5 I â Fig. 12. — Compas forestier. parmi ces dendromèlres est le clisimètre Goulier, adapté à cet emploi par M. Belliéni, ingénieur opticien à Nancy et basé sur les propriétés des tan- gentes trigonométriques (fig. 13). Mais, quelle que soit la perfection du den- dromètre utilisé, avec les données qu'il fournit, il n'est pas possible de suivre d'une façon sé- rieuse la marche de l'al- longement des arbres sur pied. Il est préférable d'attribuer à ceux-ci des hauteurs mesurées sur des sujets d'expérience de même grosseur et même végétation préalablement abattus. Le procédé par dissection, ou procédé par analyses de tigesy est de beaucoup le plus précis. Sur l'arbre exploité, on prélève des rondelles de distance en distance, par exemple : au niveau du sol, à lm,30 au-dessus du sol, puis à 3m,30, 5m,30, 7m,30, etc. Comptant sur la ron- delle de base, puis sur toutes les autres, le nombre de Fig-. 13. — Clisimètre Goulier FORME DES ARBRES. 17 couches ligneuses (1), on en déduit l'âgé total du sujet et, par de simples soustractions, ses âges successifs quand il avait les hauteurs de lm,30, 3m,30, etc. On est ainsi en possession de données précises sur la marche de la croissance en hauteur. Il ne reste plus qu'à mesurer le diamètre de chaque rondelle (2) pour avoir tous renseignements quant à la croissance en grosseur. Le plus commode est d'exprimer par des graphiques les résultats obtenus. Des variations du diamètre et de la hauteur, on déduit celles de la surface de section (accroissement circulaire) et celles du volume. Accroissement en hauteur. — L'accroissement en hauteur est surtout rapide pendant la jeunesse (3); il passe bientôt par un maximum, puis diminue et se réduit à néant chez les vieux arbres. Le pin sylvestre, le mélèze, l'épicéa, s'allongent très vite au début de leur existence ; le hêtre, le sapin, et surtout l'épicéa grandissent plus régulièrement et jusqu'à un âge plus avancé. Nous avons parlé déjà de l'influence du sol et du climat et de celle de l'état isolé ou de l'état en massif sur le point qui nous occupe. Ajoutons ce fait très constant que la croissance en hauteur des rejets de souche est toujours bien différente de celle des brins de semence. Beaucoup plus active pendant les dix ou vingt premières années, elle se ralentit en même temps que la vitalité du sujet. Vers trente ans, les brins de semence repren- nent un avantage qui va toujours en s'accentuant. (1) Quand les couches annuelles sont peu distinctes, on frotte la section avec de la terre, ou mieux, on a recours à un colorant pour les rendre plus visibles. Dans tous les cas, la section est rabotée et passée au râcloir. (2) La surface de la section doit être rigoureusement normale à Taxe de l'arbre : si les accroissements étaient coupés obliquement, on mesu- rerait des épaisseurs trop fortes. — Quand la section n'est pas un cercle, on prend la moyenne de deux diamètres perpendiculaires, ou même de trois ou quatre diamètres convenablement choisis. (3) Nous ne pouvons que résumer brièvement ces questions si impor- tantes de l'accroissement des arbres. Au lecteur désireux de plus amples détails, nous recommanderons le Traité de M. le Professeur Hùffël : Les Arbres et les Peuplements forestiers ; formation de leuï volume et de leur valeur, Nancy, 1893. Boppe et Jolyet. 2 18 l'arbre. Accroissement en diamètre. — L'accroissement en dia- mètre varie dans d'énormes proportions suivant les essences (1) et surtout suivant les conditions dans lesquelles l'arbre s'est accru. Ainsi les pins sylvestres de nos plaines françaises pourront avoir des accroissements de 5 millimètres d'épais- seur et plus, tandis que leurs congénères de Finlande fourniront ces bois si recherchés dont les couches annuelles ne sont pour ainsi dire distinctes qu'à la loupe. Il en est de même pour l'épicéa et pour le mélèze, hôtes habituels de stations froides, mais fréquemment introduits sous des climats beau- coup plus doux. L'influence de la profondeur et de la richesse du sol est tout aussi considérable. On devine que dans les terrains limo- neux qui bordent nos rivières, les arbres grossiront plus vite que sur des plateaux calcaires sans profondeur et exposés au dessèchement, ou sur des sables grossiers et stériles. Il y a lieu de tenir compte enfin de l'état de massif plus ou moins serré dans lequel l'arbre a vécu. Les chênes de taillis sous futaie, dont la ramure puissante est toujours baignée de lumière, ont les accroissements larges ; ils sont minces, au contraire, chez les sujets de même essence, mais à cimes réduites, qui peuplent les massifs serrés de nos vieilles futaies (fig. 14) (2). Sur un arbre donné on observe le plus souvent : 1° Que l'épaisseur des anneaux ligneux d'une même section transversale est variable; la rapidité de la croissance en dia- mètre n'a donc pas été constante pendant toute la vie du sujet. En général l'accroissement du diamètre, considérable au début, diminue de plus en plus à partir d'un certain âge. 2° Que le manchon ligneux fabriqué au cours d'une année quelconque a une épaisseur variable aux différents niveaux (1) Ainsi le pin cembro a toujours des couches ligneuses remarqua- blement minces, aussi bien dans les jardins botaniques de la plaine que dans lés régions montagneuses où il est spontané. (2) L'épaisseur du bois de printemps des essences feuillues varie peu. Donc, quand les accroissements sont larges, c'est le bois d'été qui domine ; aussi les chênes qui ont crû vite ont-ils un bois lourd et nerveux. Dans les résineux, au contraire, c'est le bois d'été qui reste constant en épaisseur. La largeur des accroissements correspond à une .plus forte proportion de bois de printemps, c'est-à-dire de tissus légers *et mous. FORME DES ARBRES. I'.' de la tige, depuis Le sol jusqu'au boiirgeon terminal, Ainsi Fig. 14. — Types de bois de chêne et d'épicéa : 1. Épicéa (Chamounix, ait. 1 400 m.). — 2. Épicéa (Grande Chartreuse, ait. 1 360 m.). — 3. Épi- céa (Saint-Laurent, ait. 450 m.). — 4. Chêne rouvre (Vosges, taillis sous futaie). — 5. Chêne rouvre (Allier, futaie pleine). — 6. Chêne pédoncule (Landes, arbre isolé). (Le n° 1 est en haut et à gauche.) la croissance en diamètre n'a jamais eu la même intensité sur toute la longueur de cette tige (1). (1) L'accroissement en diamètre peut diminuer sans que cela im- plique nécessairement une diminution dans l'accroissement circulaire. En effet, si le rayon du cercle intérieur est plus grand, l'anneau ligneux aura parfois, avec une épaisseur moindre, une surface plus considérable. 20 l'arbre. Celte inégalité de l'épaisseur des accroissements aux diffé- rents niveaux se traduit pas des modifications importantes dans la forme de la tige considérée dans son ensemble. Celle-ci se rapproche plus ou moins de solides géométriques variant du cylindre à la neiloïde, en passant par le cône et le parabo- loïde(l). A ce sujet, M. le Dr N'ordlinger (2) cite les faits suivants : 1° Dans un jeune arbre garni de ses branches depuis le sol, conséquemment isolé, les accroissements s'amincissent régu- lièrement de la base au sommet : la forme de la tige est conique ; 2° quand les branches inférieures sèchent naturelle- ment, les accroissements présentent leur plus grande épais- seur dans le voisinage et au-dessous des premières branches vives ; ils s'amincissent de là jusqu'au pied : la tige se rap- proche du paraboloïde ; 3° à l'état de massif, les couches deviennent de plus en plus larges par le haut, souvent deux ou trois fois plus larges qu'au pied : elles donnent à la tige une forme plus cylindrique; 4° l'arbre en massif qu'on isole, s'accroît dans l'ordre inverse; c'est-à-dire que les grossisse- ments supérieurs s'amincissent, tandis que les inférieurs s'élargissent; la tige a des tendances à revenir à la forme conique qui est la plus générale chez les arbres crûs isolé- ment. Donc, comme le fait observer M. Hùffel (3), quand par suite de circonstances favorables les fûts sont élevés, ils sont aussi, le plus souvent, très voisins de la forme cylindrique. Signalons enfin l'évasement prononcé habituel dans les régions tout à fait basses de la tige et qui tient à l'empattement formé par la naissance des grosses racines. C'est en partie pour éviter les erreurs que ferait commettre cette déformation, que (1) Cette forme s'exprime soit par un coefficient de forme, facteur plus petit que l'unité, par lequel, pour avoir le volume vrai, il faut multiplier le volume d'un cylindre ayant comme base la surface ter- rière de l'arbre et comme hauteur celle de ce dernier; ou par un coeffi- cient de décroissance, facteur également plus petit que l'unité, par lequel il faut multiplier le diamètre à hauteur d'homme pour avoir le diamètre au milieu de la tige. (2) Nordlinger, Die technischen Eigcnschaflen der Hôlzer. Stuttgard, 1860. (3) Hiiffel, loc. cit. FORME m s \nmiis. 21 l'on a l'habitude de mesurer les arbres à lm,30 au-dessus du sol. Nous avons dit que, parfois, un ou plusieurs anneaux ligneux se trouvent, sur tout leur pourtour, plus épais ou plus minces que ceux qui les avoisinent. Les augmentations d'épaisseur sont dues à des conditions particulièrement favorables à la vie de l'arbre : abondance des pluies d'été dans un climat ha- bituellement sec, pléthore de nourriture, etc.. A l'appui de ces faits, plusieurs auteurs, notamment M. l'Inspecteur Bar- tet (1) pour les chênes, et M. le Professeur Henry (2) pour les hêtres, ont constaté qu'après une exploitation, les arbres réservés dans les taillis sous futaie accusent soudain une brusque augmentation dans l'accroissement en diamètre. « Les convives étant moins nombreux à table, dit M. Henry, sont plus copieusement servis... » Cette augmentation ne se maintient d'ailleurs que pendant quel- ques années (3). Les diminutions sont liées à des causes contraires. Ce peut être un hiver rigoureux, qui, sans tuer un chêne, lui occa- sionne un tort suffisant pour que sa croissance soit ralentie pendant quelques années; ce peut être un été exceptionnelle- ment sec (4), ou au contraire, dans les régions monta- (1) Bartet, Recherches sur l'accroissement des chênes de taillis sous futaie. (Revue des Eaux et Forêts, 1891.) (2) E. Henry, Accroissement des arbres de réserve après l'exploita- tion du taillis. (Rull. Société des Sciences de Nancy, 1899.) (3) Elle paraît être surtout sensible dans les régions basses de la tige : M. Henry le constate notamment pour le hêtre. — M. Mer signale un fait analogue chez des sapins après une éclaircie. (Revue des Eaux et Forêts, 1889, page 72.) (4) M. Henry signale qu'en 1893, année célèbre par la sécheresse de l'été, l'accroissement des hêtres n'a été qu'environ 37 p. 100 de l'accroissement pendant l'année 1891 dans la forêt de Haye, et n'a même pas atteint 26 p. 100 dans certaines forêts des environs d'Héri- court (Haute-Saône), d'où une perte considérable pour les proprié- taires de forêts. Les chênes à enracinement plus profond ont moins souffert. — Influence de la sécheresse de 1893 sur la végétation fores- tière. (Rull. Société des Sciences de Nancy, 1897.) M. Mer a constaté un fait analogue pour le sapin dans les Vosges à la suite de cette même sécheresse, qui avait eu pour autre conséquence de réduire chez le sapin la longueur de la pousse annuelle. — Influence de l'état climatérique sur la croissance des sapins. {Ext. Journal de Rotanique, n. 10, 11, 12, 13 et 14, année 1895.) 22 L ARBRE. gneuses, un été trop pluvieux (1); ou bien encore une invasion d'insectes (2), qui détruit le feuillage, une gelée tardive au printemps, etc. Quand les anneaux ligneux n'ont qu'une épaisseur très Fig. 15. Pin sylvestre (moelle excentrique). réduite sur certaines régions de leur pourtour, la tige devient excentrique, phénomène fréquent chez les arbres qui croissent sur des terrains très inclinés ou sur les lisières des forêts et qui reçoivent ainsi plus de nourriture d'un côté que de l'autre (fig. 15). Le fait est normal chez les espèces à contours sinueux et irréguliers comme les genévriers, les ifs, les thuias, les oli- viers, etc. (1) MM. Henry et Mer, dans les travaux cités, établissent que pen- dant L'été froid de 1888, la croissance des hêtres et des sapins a été sensiblement ralentie. (2) Aux invasions périodiques des hannetons correspondent, chez les chênes, des accroissements très minces, souvent presque nuls. in PRODUCTION. 23 ARTICLE III REPRODUCTION Semis et rejets. — Fertilité des arbres. — Germination des graines et installation des semis. — Rejets proventifs et rejets adventïfs. — Influence de l'époque de l'exploitation sur l'évolution des rejets. — ■ Influence du mode d'abatage. — Drageons. — Rejets de racine. — Modes spéciaux d'exploitation. Semis et rejets. — L'arbre peut se reproduire par voie sexuée, c'est-à-dire par la germination de graines qui donnent naissance à de nouveaux individus, libres, dès le premierjour, de toute attaebe avec le pied-mère, — ou par voie asexuée, c'est-à-dire par l'évolution de bourgeons se développant en drageons ou en rejets, qui ne prennent que peu à peu une in- dividualité plus ou moins complète. Sans doute, des rejets de charme ou de chêne peuvent, à la longue, s'isoler de la souche dont ils dépendaient à l'origine; sans doute, des drageons de tremble ou de robinier peuvent percer le sol très loin de l'arbre sur les racines duquel ils se sont constitués ; il n'en est pas moins vrai que la régénération par voie sexuée est le véritable mode de reproduction; la ré- génération par voie asexuée n'est qu'un procédé de rajeunis- sement; elle produit des descendants qui n'ont pas, en général, la vitalité et la longévité des individus nés de semence. Tout sujet issu d'une graine porte, au début, le nom de semis, plus tard celui de brin de semence, ou simplement de brin. Les forêts traitées en futaie sont toujours régénérées par voie de semis. Les différents modes de rajeunissement par les axes (c'est- à-dire par l'évolution de bourgeons) sont la bouture, la mar- cotte, le rejet et le drageon. La bouture et la marcotte sont surtout utilisées en arboriculture; les rejets et les drageons prennent, au contraire, une importance capitale dans la régé- nération des forêts traitées en taillis. Fertilité des arbres. — Pour qu'un arbre donne naissance à des semis, la première condition est qu'il porte des graines fertiles en quantité appréciable. Or, toutes les essences ne 24 l'arbre, sont pas également fécondes. On peut les classer en deux groupes; celles à semences lourdes (1) et celles h semences légères. La fructification absorbe chez les premières une beaucoup plus grande quantité de matières nutritives que chez les secondes, et, tandis que l'arbre à semences légères fournit presque tous les ans celles-ci en très grande quantité, il est rare que, si la semence est lourde, le même sujet soit fertile deux années de suite. La fécondité varie non seulement avec l'espèce, mais encore, pour chaque espèce, avec les conditions plus ou moins favo- rables de climat et de sol. Le bourgeon à fleur étant formé dès l'année qui précède celle de la fructification, une récolte de semence est le résultat du concours de deux années favorables consécutives : circonstances qui diminuent singulièrement les chances de l'obtenir. Les gelées printanières qui détruisent les bourgeons floraux, les temps froids qui nuisent à la fé- condation, les insectes dont les larves minent les bourgeons avant la floraison ou vivent à l'intérieur des semences une fois formées, comptent parmi les causes de destruction les plus fréquentes. Si le climat est doux, si l'arbre est placé dans sa zone naturelle d'expansion, la fécondité sera, la chose va sans dire, plus grande que dans les conditions inverses (2). A côté de la clémence de la température, qui diminue les chances d'accidents, il faut constater l'effet direct de la lumière et de la chaleur. Aussi dans les régions méridionales, les arbres forestiers fructifient-ils plus tôt et plus abondamment que dans les contrées du Nord, froides et brumeuses. A ce même point de vue, les arbres isolés ou les réserves des taillis sous futaie, dont la cime est bien étalée au soleil, sont toujours beaucoup plus fertiles que ceux qui croissent en (1) Nous employons le terme semence de préférence au terme (/raine. Sous ce nom de semences, nous confondrons, en effet, des fruits comme le gland et des graines comme celles du sapin. (2) Tandis que dans le bassin de l'Adour les chênes donnent des semences tous les deux ou trois ans, dans les régions du Centre et de l'Ouest les glandées se produisent seulement tous les quatre à huit ans et dans le Nord et l'Est de la France elles se font attendre parfois quinze uns et plus. De même, la fertilité du sapin diminue sensiblement aux grandes altitudes. RFPRODUCTÏON. "25 massif serré. D'ailleurs les premiers, qui ont une ramification puissante et loulï'ue, portent en abondance des bourgeons floraux, lesquels naissent en pleine lumière et à l'extrémité des rameaux; il n'en est pas de même chez les seconds, dont la cime est toujours réduite et pauvre en menues branches. La profondeur et la richesse du sol permettent aux arbres de réparer plus vite les fatigues des années de semence : celles-ci se succéderont donc d'autant plus fréquemment que les conditions seront meilleures. En général (1) les arbres forestiers ne commencent à porter des graines fertiles, que lorsqu'ils ont à peu près atteint leur hauteur normale. Ils sont alors adultes et fructifient avec autant d'abondance et de régularité que le comportent leur situation et l'espèce à laquelle ils appartiennent. Toutefois, cette fécondité diminue progressivement quand l'arbre devient vieux et très vieux. Germination des graines et installation des semis. — Supposons réunies toutes les conditions voulues pour qu'un chêne ou un sapin donne de bonnes semences ; la naissance de semis nombreux ne sera pas encore certaine. Que l'hiver, en effet, soit trop froid ou trop humide, les semences gèlent ou pourrissent sur le sol; qu'un brusque refroidissement sur- vienne au moment de la germination, les jeunes plantules sont détruites dès leur formation. D'autre part, et c'est là peut-être une des causes les plus fréquentes d'insuccès, le sol n'est toujours pas en état de recevoir utilement les fruits ou les graines. Les semis de sapin ne réussissent que si la graine tombe sur du terreau; ceux du pin maritime préfèrent un sable meuble et presque dépourvu de toute autre végétation; les racines des jeunes plants d'épicéas ne peuvent arriver à percer les couches d'aiguilles mortes qui jonchent le terrain ; beau- coup d'essences réclament de l'abri dans leur jeunesse, d'au- tres le plein découvert, etc.. En somme, chaque espèce a ses (1) Accidentellement des arbres poussant en sol maigre ou superficiel, ou bien encore des sujets fatigués par une transplantation récente ou pour tout autre motif, se mettent à fruits de très bonne heure ; mais ce n'est là qu'un effet dû à leur situation précaire. Aussi leurs semences sont-elles généralement stériles ou tout au moins de qualité très mé- diocre; il faut bien se garder de les récolter. 26 l'arbre. exigences souvent très absolues ; mais presque toutes deman- dent que le sol soit meuble : quand il est dur, tassé, desséché, la germination peut se faire, mais le jeune plant ne parvient pas à se créer un enracinement suffisant avant les chaleurs de l'été, alors qu'il peut être tué par la sécherese. Cet état malencontreux du sol est une conséquence inévitable du pâ- turage; il est également fréquent sous les vieux massifs dont le couvert est élevé et déjà éclairci ; cet inconvénient, ajouté au fait que les arbres sont âgés et par suite moins fertiles, rend la régénération par la semence beaucoup plus aléatoire qui dans les massifs d'âge moyen. Le remède existe-t-il? Oui heureusement, et la chose a trop d'importance pour qu'au risque de nous répéter nous ne l'in- diquions pas dès maintenant. Notre règle habituelle sera de maintenir, ou de créer au besoin, en-dessous des vieilles fu- taies, un sous-étage d'essences acceptant le couvert, que maintiendra le sol meuble et riche en terreau jusqu'au mo- ment où l'on voudra installer les semis. Dans le cas où cette précaution n'aura pas été prise ou n'aura pas produit un effet suffisant, il restera la ressource de recourir à la pioche et de donner au sol une légère façon par bandes ou en plein : un tel travail exécuté avec intelligence est peu coûteux et donne les meilleurs résultats. Rejets proventifs et rejets adventifs. — Certaines es- pèces ne drageonnent pas et ne rejettent pas de souches, d'au- tres jouissent de ces facultés à des degrés très divers. Parmi les rejets, il faut distinguer ceux de bourgeons pro- ventifs et ceux de bourgeons adventifs. Les bourgeons proventifs, ou bourgeons dormants, sont des bourgeons qui, au lieu de se développer tout de suite en ra- meaux, restent dans l'écorce à l'état rudimentaire, et ne s'al- longent chaque saison que d'une quantité égale à l'épaisseur de l'anneau ligneux formé. Ils vivent à l'état latent pendant de longues années, toujours prêts à se développer aussitôt qu'une cause accidentelle leur en fournit l'occasion. Ainsi une blessure grave, une incision annulaire profonde, la suppres- sion ou la mort naturelle de branches principales, l'amputation du tronc en un point quelconque de sa hauteur, font naître, RBPR0D1 CTION. ¥1 immédiatement au-dessous delà bleSBUrcoilde la section, des rameaux plus ou moins nombreux. 1 )e même, après risolcment brusque d'un arbre, on voit apparaître ces mômes productions aux emplacements qu'aurait occupés la cime chez un individu de même espèce normalement constitué. De même encore, quand un arbre est dominé ou dépérissant, des brindilles nom- breuses se développent sur les parties dénudées de sa tige et de ses grosses branches. Tous ces ell'ets ont une seule et môme cause : l'évolution de bourgeons proventifs localement réveillés par un apport plus considérable de matières nutritives ou par l'influence d'une lumière plus abondante. Les rejets d'origine proventive appartiennent donc toujours à la formation primitive de l'axe sur lequel ils sont implantés; ils sont en correspondance directe avec la moelle centrale : en un mot, à leur point d'insertion sur la lige, ils ont le même âge que celle-ci. On comprend dès lors que ces bourgeons, qui à la longue perdent leur vitalité, soient plus nombreux sur les parties jeunes ou d'âge moyen que sur celles qui sont plus âgées. Du reste, la persistance de cette vitalité diffère beaucoup suivant les essences : chez le hêtre et le bouleau, par exemple, elle s'éteint de bonne heure, après une vingtaine d'années au maximum ; chez le chêne, chez le charme, elle se maintient jusqu'à un âge très avancé, quatre-vingts ans et même davan- tage. En résumé, plus le sujet mutilé est vieux, moins nom- breux sont les bourgeons qui évoluent ; certes, il n'est pas rare, dans les coupes, de voir des rejets apparaître sur les souches de modernes et d'anciens, mais ils s'étiolent bientôt, et sont étouffés par ceux qui sont issus des souches plus jeunes les avoisinant. Quoi qu'il en soit, parmi les essences feuillues existe une grande inégalité dans l'aptitude à donner des rejets d'origine proventive. Par opposition au hêtre et au bouleau, nous venons de citer le chêne et le charme, dont les bourgeons dormants sont bien plus longévifset aussi bien plus nombreux. A ces deux essences nous pouvons ajouter entre beaucoup d'autres: le tilleul, qui donne des touffes de rejets à végéta- tion parfois exubérante, les érables, etc.. Les bourgeons adventifs s'organisent dans le tissu cicatri- 28 l'arbre. ciel, ou bourrelet de recouvrement, qui se forme sur les bords de toutes les blessures ou sections faites sur la tige. Les rejets auxquels ils donnent naissance n'apportent qu'un faible appoint à la reproduction des essences riches en bourgeons proventifs. Chez le hêtre et le bouleau, mal partagés à ce dernier point de vue, ils sont au contraire assez abondants et surtout très précieux (1). Dans tous les cas, ils sont mal soudés à la souche et il suffit d'un choc ou d'un vent vio- lent pour les détacher. Il ne saurait être question de reproduction par rejets pour les conifères indigènes. Quelle que soit l'origine des rejets, la lumière et la chaleur jouent un rôle important dans leur développement. Ils seront d'autant plus abondants que la lumière sera plus vive et le climat plus chaud ; c'est dire que leur évolution se fera mieux en plein découvert que sous un massif, en plaine qu'en mon- tagne, à l'exposition Sud qu'à l'exposition Nord, enfin dans les régions méridionales que dans les régions septentrionales. Il faut ensuite que les rejets naissants puissent vivre et, pour cette raison encore, un climat suffisamment chaud est indis- pensable; en effet, poussant tard au printemps qui suit le recépage, renfermant des tissus gorgés d'eau, ils sont détruits par les gelées de l'hiver, si la saison de végétation n'a pas été assez longue, si l'automne n'a pas été assez chaud pour qu'ils puissent s'aoùter. Influence de l'époque de l'exploitation sur l'évolution des rejets. — Le sylviculteur peut intervenir efficacement pour favoriser ou entraver l'évolution des rejets. Il y a lieu de considérer à cet égard l'époque de l'année où se pratique le recépage et les conditions dans lesquelles il est exécuté; c'est la base fondamentale de tout traitement en taillis. Les rejets, avons-nous dit, seront d'autant plus abondants (1) M. Bartet a observé que, dans les environs de Nancy, les souches de hêtre engendrent un peu plus de rejets adventifs que de rejets pro- ventifs, tandis que sur les souches de charme, les proventifs sont envi- ron huit fois plus nombreux que les adventifs. — De l'Influence exercée par l'époque de Vabatage sur la production et le développement des rejets de souches. (Annales de la Science agronomique française et étrangère, 1891.) REPRODUCTION. 29 que l'arbre sera plus jeune. Il faul toutefois (cuir compte de l'épuisement du sol e1 de la souche qu'entraînent infail- liblement des exploitations souvent répétées. En effet, comme nous le verrons clans la suite, les axes jeunes sont les plus riches en matières minérales. Il en résulte qu'on prend beau- coup plus au sol en y coupant cinq fois de suite des taillis de vingt ans qu'en y exploitant une fois des arbres de cent ans. Aussi croyons-nous téméraire de compter sur un taillis pour fournir dune manière permanente des récoltes bi ou trisan- nuelles de menues ramilles utilisables comme fourrage. La chose peut se faire par extraordinaire une fois ou deux après une révolution normale, mais, répétées trop souvent, ces ex- ploitations ruineraient le sol à bref délai. Malgré tout, les exploitations à court terme sont à la rigueur possibles clans les sols très riches en matières nutritives, comme les limons et certaines argiles. Elles sont, au contraire, désastreuses dans les sables peu fertiles et les calcaires superficiels. Pour des raisons économiques, l'exploitation des taillis a presque toujours lieu pendant la morte saison, de la fin de l'automne au premier printemps, la main-d'œuvre étant alors moins chère. C'est également l'époque la plus avantageuse au point de vue cultural : pendant l'hiver, en effet, les matériaux de réserve destinés à la nourriture des bourgeons proven- tifs, à la formation et au développement des bourgeons ad- ventifs, se trouvent en quantité maxima accumulés dans les souches. D'autre part, les rejets pouvant évoluer dès le premier printemps auront toute la bonne saison pour grandir et s'aoûter. Mais certaines considérations peuvent conduire à n'exploiter que beaucoup plus tard : à la fin du printemps par exemple. Il en est ainsi dans les taillis de chêne destinés à la production des écorces : la levée de l'écorce ne s'opérant bien qu'en temps de sève, force est de reculer l'abatage des perches jusqu'aux mois de mai et de juin. Ce retard n'a pas d'inconvénient sérieux quant au nombre et à la vigueur des rejets, comme il résulte de recherches faites à la station d'expériences de l'Ecole forestière par M. Bartet (1), et dont nous résumerons (1) E. Bartet, loc. cit. 30 l'arbre. ainsi les conclusions: pour le chêne les meilleurs résultats sont obtenus par l'exploitation en mars, avril et mai (la coupe en juin occasionne un déchet déjà très appréciable); — pour le charme en mars et avril; — pour le hêtre la coupe en juin est la plus favorable au point de vue du nombre des rejets, celle en avril active leur croissance. D'ailleurs, chez le charme comme chez le hêtre, la coupe en pleine foliaison augmente la proportion des rejets d'origine adventive par rapport à ceux d'origine proventive. Pour toutes les essences, l'époque la plus défavorable est le milieu d'août : les exploitations à la fin d'août et en septembre sont moins dangereuses, car les rejets n'apparaissent (ju'au printemps suivant. Dans les climats doux, on peut sans inconvénient couper dès novembre ; mais, dans les contrées où l'hiver est habituel- lement rude, il vaut mieux attendre le printemps, les souches fraîchement recépées pouvant souffrir des grands froids. Dans tous les cas, il est bon de suspendre la coupe pendant le fort de l'hiver : le bois gelé éclate sous la hache, et les sections d'abatage ne présentent plus toute la netteté désirable. En Sologne (1), on a l'habitude d'exploiter les bouleaux en automne (novembre et décembre) ; quand on coupe au prin- temps, la sève inonde les souches et peut, paraît-il, les faire périr. On abat, au contraire, le chêne en cette dernière saison pour éviter l'action nocive du froid, et retarder l'évolution des rejets, qui échappent ainsi à l'effet désastreux des gelées printanières. Influence du mode d'abatage. — L'abatage doit se faire avec des outils bien tranchants, d'un poids proportionné à la grosseur des sujets à couper : les perches ayant un décimètre de tour et au-dessus sont coupées à la hache; pour les brins plus faibles, il est préférable d'employer la serpe, afin d'éviter l'ébranlement et surtout la rupture des racines. L'usage de la scie doit être rigoureusement proscrit, et même avec la serpe ou la hache, il faut veiller à ne pas déchirer l'écorce au-des- sous, de la section. On donne à celle-ci un léger bombement vers le haut, 'de (1) Observation de M. l'Inspecteur Croizette-Desnoyërs. ni i'iîmdi (îïion. 31 manière à faciliter 1'écouleménl des eaux pluviales ; ptesl l'exploitation dile en t&lus, par opposition à l'exploitation en gouttière très défavorable à la vitalité des souches (fîg. 16). 1 2 Fig. 16. — Exploitations en talus et en gouttière. En thèse générale, la section sera opérée aussi près de terre que possible pour forcer les rejets à naître au niveau du sol et même au-dessous ; c'est la condition indispensable pour perpétuer les peuplements traités en taillis. Il faut, en efTet, établir une distinction entre les rejets de souche, d'ori- gine proventive ou adventive, et les rejets de tige. Le véritable rejet de souche naissant en contact avec la terre, ses jeunes tissus peuvent émettre des racines qui lui sont propres, ce qui lui permet de se marcotter et par suite de s'isoler, de former un sujet indépendant. Sans doute, une souche après l'exploitation est vouée à la pourriture ; mais celle-ci n'apparaît d'abord que dans les régions supérieures et centrales; les zones qui avoisinent l'écorce, c'est-à-dire le point d'insertion des rejets, présentent, il est vrai, des signes manifestes d'altération tels que colorations diverses, lignes en zigzag noires ou très foncées dues à des transports de ma- tières oxydées, etc., mais la nécrose ne les gagne qu'assez lentement, et la patte du rejet a le temps de se recouvrir d'un tissu cicatriciel qui intercepte toute communication avec le bois mort (1). Le rejet de tige, au contraire, reste directement attaché à l'axe mutilé qui le porte. Il ne s'affranchit jamais et n'assure pas la perpétuation de l'individu; celui-ci est toujours cons- titué par la tige ou portion de tige centrale, dont les pro- ductions nouvelles ne sont que des ramifications. Tôt ou tard cette tige meurt de caducité, entraînant avec elle la perte de tous les rejets auxquels elle a servi de centre de végéta- tion, et il faut pourvoir à son remplacement. (1) Théodore Hartig. Vollstandige Naturgeschichte der forstlichen Culturpflanzen Deutschlands. Berlin, 1852. 32 L ARBRE. Quoi qu'il en soit, l'évolution des rejets de tige a servi de point de départ à plusieurs modes de traitement: ainsi les têtards et les arbres d'émonde, dont la tige est recepée à une hauteur variant de un à plusieurs mètres, ainsi encore les taillis furetés, où la section est généralement beaucoup plus rapprochée du sol. Il faut, en effet, considérer comme rejets de tige tous ceux qui, sur une souche, naissent à une hauteur telle qu'ils ne puissent se créer un enracinement propre, si faible d'ailleurs que soit cette hauteur. Dans les taillis furetés et même dans des taillis simples exploités trop haut, le cas se présente toujours. Ce ne sont plus alors que des vieux étocs bosselés, chancreux, dépassant le sol de 10 à 50 centimètres et qui s'acheminent vers la stérilité. On ne peut mieux les compa- rer qu'à la tête mutilée des saules si communs dans nos prairies. L'ensemble des rejets nés sur une même souche porte le nom de cépée ou de trochée. Ces cépées sont caractérisées par le groupement de plusieurs individus autour d'un centre commun et aussi par la courbure en forme de crosse que présente individuellement chaque rejet à sa base. Drageons. — Les bourgeons à drageons s'organisent spon- tanément sur les racines saines et intactes d'un certain nombre d'arbres et d'arbustes feuillus. Citons parmi les arbres : le peuplier tremble, l'aune blanc, le robinier faux acacia, le chêne tauzin, le chêne yeuse, l'orme champêtre. Les drageons naissent plus communément sur les racines horizontales et superficielles, sans qu'il faille généraliser cette faculté à toutes les essences à racines traçantes. Ils sont le résultat d'un fait physiologique normal localisé chez des espèces déterminées; on n'est pas libre de les faire naître, comme les rejets de souche, sur tous les arbres feuillus. Les drageons évoluent de préférence sur les racines d'arbres isolés, comme les peupliers et les ormes plantés le long des routes, les robiniers qui ornent les jardins ou encore sur celles de sujets récemment exploités. Un exemple très fré* quent de ce dernier cas nous est donné par les drageons de peuplier tremble qui poussent par myriades dans certaines coupes de taillis après le recépage des quelques individus de cette essence qui pouvaient s'y trouver. REPRODUCTION. 33 Le drageon s'affranchil facilement pour former bientôl une tige indépendante; mieux donc que le rejet, il assure la re- production et même V expansion de l'arbre, les drageons pouvant percer le sol lies loin du pied qui lui sert d'origine. Rejets de racine. — Sur les racines d'espèces qui d'ailleurs ne sont pas drageonnanlcs, notamment sur les racines du bouleau, peuvent s'organiser des bourgeons qui évoluent, le cas échéant, en rejets sortant de ferre à une très faible dis- tance (1 centimètre à peine) du pied-mère. Les jeunes racines du bouleau forment des bourgeons d'un ordre tout spécial, qui, sans s'être produits à l'aisselle des feuilles, rappellent beaucoup les bourgeons proventifs. Comme ces derniers, les bour- geons de racines, une fois formés, restent latents et peuvent se multi- plier en nombre tel qu'ils rendent parfois le bois de souche madré (1). Quiconque a planté des bouleaux a éprouvé l'agréable surprise de voir un de ces rejets naître au pied d'un plant qu'il croyait mort. Ajoutons enfin qu'une section, une blessure, peuvent pro- voquer sur toutes les racines d'arbres feuillus l'évolution de rejets d'origine adventive, souvent appelés faux drageons. Ils n'offrent rien de bien spécial, si ce n'est que, naissant très près de terre, demeurant longtemps grêles et chétifs, ils ont, en général, le temps de se souder solidement à la racine, et même de s'individualiser avant qu'ils soient de taille à olfrir prise au vent ou aux chocs, qui décollent si souvent les rejets adventifs ordinaires. Procédés spéciaux d'exploitation. — La coupe entre deux terres, c'est-à-dire la coupe exécutée en dessous du niveau du sol, provoque naturellement l'évolution des rejets de racines et des drageons. Un des procédés les plus connus, spécialement appliqué à une espèce drageonnante, le chêne yeuse, est appelé le saut de piquet. Pour faire sauter le piquet, on coupe chaque brin d'une cépée à 25 centimètres au-dessus du sol ; puis, avec une forte cognée, nommée passe-partout, dont le tranchant est mal avivé, on fend la souche entre les tiges principales. Avec la (1) Flore forestière, par A. Mathieu, quatrième édition, revue par P. Fliche. BOPPE et JOLYET. *} 34 L ARBRE. tête de la cognée, on frappe ensuite sur chaque brin et on l'ébranlé jusqu'à pouvoir l'arracher à la main. L'opération est bonne ou désastreuse : bonne, si elle est faite dans un but cultural, celui de favoriser la naissance des drageons; désastreuse, au contraire, si le bûcheron n'a d'autre objectif que d'extraire le plus possible de bois de racines, dont l'écorce, très riche en tanin, se vend à un prix élevé. Elle équivaut alors à un véritable défrichement. 11 est, en cela comme en toutes choses, une mesure à garder et des conditions locales à observer. Ainsi, dans les régions méridionales, quelles que soient les essences, il sera bon de couper les tiges un peu au-dessous du niveau du sol, afin d'éviter que les souches exploitées trop haut se dessèchent à l'ardeur du soleil et que l'écorce se détache du bois. Si la nature pierreuse du terrain empêche de ravaler les étocs, on peut avec avantage préserver la section en la recouvrant de quelques centimètres de terreau mélangé de broussailles. Inversement, en Sologne (1), on a l'habitude de couper le chêne un peu plus haut que la règle dans les terrains où l'eau séjourne lors des grandes pluies; — dans les cantons où la sécheresse et le froid sont à craindre ; — enfin sur les sols peu profonds. En effet, en exploitant ainsi, on ne coupe que le ou les rejets, sans entamer complètement la souche; la surface de section est donc bien moins considérable, et, par suite, les effets de la sécheresse ou des gelées sont moins redoutables. D'autre part, l'abatage ne nécessite pas des coups de hache aussi nombreux, aussi violents, ce qui peut avoir de l'im- portance dans des sols légers et peu profonds où l'ébranle- ment des racines est à craindre. De même, sur le bord des rivières, il est permis de couper à 1 ou 2 centimètres au-dessus du sol, pour que les souches ne se trouvent pas complètement enfoncées sous les dépôts possibles de limon. (1) Observations de M. l'inspecteur Ooizette-Desnoyers. CIIAPITHK II LES ESSENCES ARTICLE PREMIER GÉNÉRALITÉS Définitions. — Tempérament. — Influence de la lumière. — In- fluence de l'humidité atmosphérique. — Influence de la tempéra- ture et influences diverses. — Aire forestière. — Influence des qualités chimiques et physiques du sol — Influence de la fertilité. — Essences sociales et disséminées. — Dissémination. — Longévité. Définitions. — Dans le langage forestier, le mot essence est synonyme d'espèce. Les essences qui peuplent les forêts peuvent être rapportées à deux groupes, suivant leurs dimensions : Yarbre et Yar- brisseau. M. Mathieu (1) a défini chacun de ces deux types comme il suit : A rbre, végétal ligneux, à tige simple et unie, et s'élevant à 7 mètres au moins. — Arbrisseau, végétal ligneux, rameux dès la base, dont la hauteur totale va de 1 à 7 mètres. Le chêne, le hêtre, le frêne, l'orme, le sapin, le mélèze sont des arbres. Le houx, le noisetier, le fusain, etc., sont des arbrisseaux. Parmi ces derniers, on distingue, sous le nom de sous-arbrisseaux, ceux qui restent dans les plus petites dimensions et atteignent rarement 1 mètre de hauteur, comme la bruyère, le genêt, l'airelle, etc. On confond sous le nom de morts bois tous les arbris- seaux. Ils sont sans valeur marchande, à moins qu'ils ne puissent servir à quelques usages spéciaux, tels : la bour- daine, dont le charbon est recherché pour la fabrication des (t) Mathieu, Flore forestière. 36 LES ESSENCES. poudres noires, le cornouiller mâle, dont on fait des manches d'outils, les épines, utilisées comme cannes, manches de parapluie, etc. La dénomination de bois blancs, impropre, mais consacrée par l'usage, indique, parmi les essences feuillues, les bois d'une contexture molle, quelle qu'en soit d'ajlleurs la couleur (aunes, tilleuls, peupliers, saules....) Nous emploierons à son lieu et place l'expression de bois tendres ou bois moux (1). Par opposition à cette désignation des bois blancs ou bois tendres, on comprend sous le nom de bois durs les autres feuillus (chêne, charme, hêtre, etc..) Les résineux ou conifères, dont le bois a des qualités spé- ciales, ne rentrent pas dans ces catégories. Tempérament. — Les grandes espèces ligneuses se com- portent différemment en présence des agents naturels de la production. Les unes affirment des exigences spéciales; les autres marquent de simples préférences ; d'autres enfin, et ce ne sont pas les moins utiles, s'accommodent des conditions mauvaises qui seraient fatales à la majorité. Si, en même temps que de ces aptitudes diverses, on tient compte de la longévité, on obtiendra toutes les données qui, réunies, constituent le tempérament des essences. Influence de la lumière. — Dans leur entier développe- ment, toutes les espèces recherchent la lumière ; mais, dans leur jeune âge, quelques-unes demandent le plein découvert, quand les autres ont besoin d'un abri. Entre ces deux extrêmes, la faculté de supporter l'ombrage se trouve développée à des degrés variables. Parmi les premières on peut citer : le pin sylvestre, le mélèze, le chêne, l'orme, le bouleau, le tremble; ... parmi les secondes, le hêtre et le sapin se rangent en première ligne ;le charme et l'épicéa ont des allures intermédiaires. De cette aptitude toute spéciale qui dispose le jeune plant à craindre ou à supporter les effets de l'ombrage, découlent des conséquences permanentes pendant toute l'existence de l'arbre. Il ne saurait d'ailleurs en être autrement, car cette •organisation, et par suite ces exigences du bourgeon extrême (1) Autrefois le « mol bois ». (.i'm'ii w.nïs. 37. de la jeune tige, se retrouveront plus tard dans tous les bour- geons de l'arbre constitué, qu'ils terminent la tige ou les rameaux. Aussi les espèces dont les bourgeons se développent à l'ombre ont-elles un feuillage abondant, dont tons les élé- ments fonctionnent avec activité. Elles peuvent se maintenir long-temps vivantes sous un massif d'autres arbres plus élevés et attendre patiemment qu'une trouée faite dans l'étage supé- rieur leur permette de reprendre essor. Toutefois l'épanouis- sement simultané des bourgeons et, par suite, le nombre très restreint de ceux qui restent à l'état dormant, est, en diverses circonstances, une cause d'infériorité pour ces espèces feuillues; après une gelée printanière ou une invasion d'insectes, par exemple, elles sont dans l'impossibilité de se reconstituer une frondaison suffisante. De même, si on les mutile ou les recèpe, elles émettent peu de rejets. C'est le cas du hêtre. Inversement, chez les essences qui ont besoin de la pleine lumière pour ouvrir leurs bourgeons, bon nombre de ceux-ci restent à l'état latent, même sur les ramifications les plus élevées de l'arbre ; dans tous les cas, les branches inférieures ne donnent que des feuilles rares et chlorotiques. Dominées, ces espèces s'étiolent et meurent bientôt : par contre, celles qui appartiennent à la classe des feuillus, comme le chêne, sont toujours prêtes, le cas échéant, à émettre des rejets ou à réparer les accidents dont nous parlions quelques lignes plus haut. On voit toute l'importance que prend en sylviculture la manière dont le jeune plant se comporte à l'égard de la lu- mière. Il n'est donc pas surprenant que les auteurs forestiers soient partis de cette donnée, à l'exclusion de toutes les autres, pour caractériser le tempérament d'une essence. C'est ainsi qu'en Allemagne on les distingue en essences d'ombre et essences de lumière. En France, on appelle souvent déli- cates les essences qui ont besoin d'un abri dans leur jeunesse et robustes celles qui demandent la pleine lumière dès leur naissance. Les expressions allemandes sont peut-être préfé- rables, en ce sens qu'elles ne préjugent en rien du plus ou moins de résistance d'une espèce à l'égard des influences mauvaises. 38 LES ESSENCES. Toutefois cette division ne reste absolument vraie que dans les régions moyennes de l'Europe, et, même dans ces limites, l'intensité plus ou moins grande de la lumière atténue ou exagère les aptitudes qui caractérisent chacun des deux types. >5ubordoji7ze 1 1 très 7*ai'e ^ ou Mil Fig. 17. — Distribution du Hêtre (1). En effet, les jeunes plants d'essence de lumière supportent mieux le couvert dans les régions chaudes et bien ensoleillées que dans les stations froides et brumeuses ; dans les pre- mières, certains arbres dits à couvert léger ont une frondaison plus épaisse que ne le comporterait cette qualification et les (1) L'Atlas de Statistique forestière de 1878, auquel nous empruntons les cartes ci-jointes, donne la distribution des essences par cantonne- ment. Les limites des zones sont donc bien souvent des limites admi- nistratives, qu'il ne faut point considérer comme rigoureusement exactes : tout un cantonnement peut être ombré d'une certaine façon, alors que l'essence en question fait défaut sur certains points. Gl M I! \l 39 espèces clouées de la l'acuité de repousser de souche y four nissent des rejets plus abondants. C'est ainsi que les jeunei planls de chêne, (pie L'on considère comme très robustes dans le Nord de la France, où ils ne résistent pas plus de trois ou Fis:. 18. ■H vluù p2* l'année entière ; 60 ?'et plus MM id Zo à 40 1 1 tempéra litre d'été supérieure à +20° Carte météorologique, d'après la France météorologique, par E. Levasseur. Paris, Gh. Delagrave. quatre ans à l'action du couvert, se maintiennent, dans les forêts du bassin de l'Adour, en fourrés vigoureux sous des massifs complets et bien feuilles. C'est ainsi encore qu'en Provence, en Italie et en Espagne, on laisse grimper la vigne contre les arbres fruitiers, et les raisins mûrissent dans leurs cimes malgré l'ombre du feuillage. Influence de l'humidité atmosphérique. — Les essences à frondaison abondante, comme le hêtre et le sapin, ont une transpiration très active. Il en résulte que, sous un climat sec 40 LES ESSENCES. leurs racines sont parfois impuissantes à rétablir l'équilibre et l'arbre est exposé à périr de soif. L'humidité de l'atmo- sphère leur semble pourtant plus indispensable que celle du sol ; ainsi les hêtres et les sapins acceptent un terrain relative- ment sec, si le climat est humide, tandis qu'ils dépérissent, bien que plantés dans un sol humide, si le climat est trop sec. En France, le hêtre est rare et fait même totalement défaut dans les stations dont l'atmosphère est desséchée en été par une température moyenne supérieure à -\-20°. Partout ailleurs il existe en quantité variable, excepté cependant aux environs de Fontainebleau, sur certains cantons disjoints où la hauteur d'eau fournie par les pluies annuelles n'atteint pas 40 centi- mètres. En fait, pour qu'il soit dominant, il faut que cette quantité atteigne et dépasse 60 centimètres. Le hêtre existe donc, en plaine et en montagne, partout où il trouve le minimum nécessaire d'humidité atmosphé- rique, qu'il le doive au voisinage de la mer, à la latitude, ou à l'altitude. D'ailleurs, bien souvent, on le voit plus abondant dans l'intérieur des grands massifs forestiers, à cause de l'hu- midité relative que produit la forêt, que sur les lisières expo- sées aux vents secs soufflant des plaines voisines. Le sapin, au contraire, n'est spontané que dans les régions à relief montagneux, ou, à tout le moins, accidenté. Toutes nos montagnes le possèdent, c'est là seulement qu'il trouve, en même temps que la fraîcheur, sans doute aussi certaines autres conditions dont nous ne nous rendons pas très bien compte. Il ne faudrait pas toutefois spécialiser aux essences d'ombre ce besoin d'humidité atmosphérique ; car le mélèze, essence de lumière, redoute encore plus la sécheresse de l'air que le hêtre et le sapin. D'une manière générale, d'ailleurs, on peut dire que la vapeur d'eau, quand elle ne se présente pas sous la forme de brouillards trop fréquents qui interceptent la chaleur et la lumière, est toujours favorable à la végétation forestière. Néanmoins certaines espèces sont très exigeantes à cet égard, d'autres beaucoup moins ; il en est même, comme le pin (.1 M R ALITES. \\ sylvestre, et surloul le pin d'Alep qui fonl preuve d'une extrême résistance à la Bécheresse, Influence de la température et influences diverses. — Le plus ou moins de sensibilité aux excès de température, aussi bien en dessus qu'en dessous du 0 centigrade, est encore mm dvj}iiiia7?'t Subordonne rare t/res rare ou :ml Fig. 19. — Distribution du Sapin. une des principales causes de la distribution géographique des espèces. Pour chacune, on constate une limite méridionale de son aire d'habitation fixée par un degré de chaleur qu'elle ne peut plus supporter, et une limite septentrionale où un froid trop intense met obstacle à son expansion. Pourtant, il faut bien reconnaître, en ce qui concerne la limite méridionale, que si la chaleur agit directement, elle intervient surtout, et d'une façon préjudiciable, par les sécheresses exagérées qui en sont le corollaire habituel. 42 LES ESSENCES. Les espèces indigènes peuvent être classées comme il suit, eu égard à la manière dont elles se comportent en présence du froid. 1° Le pin d'Alep, le chêne liège, le chêne occidental, périssent quand le thermomètre descend au-dessous de domÙKZjvl subordonné rare 1res roL7-e ou nul Fig. 20. — Distribution du Chêne vert. — 6°, ou du moins quand il se maintient quelque temps à ces basses températures. 2° Un froid prolongé de — 20° tue le chêne yeuse et le pin maritime. Ces deux essences, malgré leurs allures franchement méri- dionales, peuvent remonter assez haut vers le Nord sur les côtes de l'Océan, où le voisinage de la mer atténue les effets de la latitude. Au contraire, les espèces du premier groupe restent confinées dans les parties chaudes de la Provence (1). (1) Exception doit être fuite pour le chêne occidental qui habite le GÉNÉRALITÉS, 43 Cette même température de r- 20° endommage nu tue les tiges du chêne tauzin et du châtaignier, mais 1rs souches sont rarement atteintes et leur régénération par rejets demeure le plus souvent assurée, 3° Si le thermomètre descend à — 30°, on voit disparaître domuiaiil suftordorwie /are 1res jwc oujiuI Fig. 21. — Distribution du Pin cTAlep. un certain nombre de tiges de chêne rouvre, de chêne pédoncule, d'érable champêtre, d'orme, de charme, de hêtre et de sapin. 4° Enfin le pin de montagne, le pin sylvestre, le mélèze, l'épicéa, le pin cembro, parmi les résineux; les grands érables, le bouleau, le sorbier des oiseleurs, etc., parmi les feuillus, semblent pouvoir supporter les froids les plus vifs dans bassin de la Garonne, mais est un arbre de verger, plutôt qu'une essence forestière. 44 LES ESSENCES. les stations les plus extrêmes, sous le climat de la France. On ne saurait donner trop d'attention — surtout quand on constitue artificiellement de nouvelles forêts — à la résistance au froid des différentes espèces. Dans notre pays, si on excepte les régions montagneuses où les saisons offrent une certaine dominant subordonné rare J ?res rare ou /tui Fig. 22. — Distribution du Charme. régularité, on est exposé à supporter de temps à autre un hiver exceptionnel par sa rigueur et qui suffit à anéantir des plantations déjà anciennes. La dure expérience faite en 1879- 1880 a permis de classer les essences indigènes et exotiques suivant le degré de résistance dont elles ont fait preuve (1). (1) Charles Baltet, De faction du froid sur les végétaux pendant Vhiver 1879-80. Paris, impr. J. Tremblay 1882. Extrait des mémoires de la Société nationale d'agriculture de France, t. CXXVII. i.i m it \i.iti:s. 45 Nous en dirons quelques mois au chapitre des repeuplements artificiels. En dehors de l'action des gelées d'hiver, le chêne, le hêtre, le sapin et aussi l'épicéa, sont souvent atteints par les gelées printanières. Dans certaines stations (vallons particulièrement domiricL7il subordonne rare 1res rare ou nul Fig. 23. — Distribution du Chêne tauzin. froids, voisinage des étangs, etc.) les dégâts causés par cet accident météorique, se répètent assez fréquemment pour rendre impossible la culture de ces espèces. Au contraire, les jeunes pousses du pin sylvestre et du charme supportent sans danger un froid persistant de plusieurs degrés. Enfin certaines essences ont une aire d'habitation res- treinte sans que les causes qui en fixent les limites soient bien apparentes. Ainsi, Tostrya à feuilles de charme est loca- lisé dans le Sud-Est, le chêne tauzin dans le Sud-Ouest, le 46 LES ESSENCES. charme est un arbre du Nord-Est ; Pourquoi?... Nous citons le fait sans le discuter. Aire forestière. — llya lieu de distinguer l'aire botanique d'une espèce, de son aire forestière. L'aire botanique, toujours la plus étendue, comprend toutes les régions où cette espèce peut vivre et se reproduire. Or, dans le voisinage des limites de cette aire, soit en latitude, soit en altitude, non seulement le végétal considéré peut devenir plus rare, mais souvent encore il se modifie. Tous les observateurs connaissent les changements, parfois très sensibles, qui afTectent les caractères de la plante quand le climat se refroidit ou se réchauffe à l'excès : sa taille diminue, sa floraison est moins abondante, ses fruits demeurent stériles, ses feuilles se rapetissent comme cela arrive chez le hêtre aux grandes altitudes et dans les stations sèches ; dans le midi, le chêne rouvre garnit de poils ses feuilles et ses rameaux, de là son aspect tomenteux et son nom de chêne blanc Or, si certaines de ces modifications ne sont intéressantes que pour le botaniste, d'autres peuvent avoir une importance forestière considérable. A quoi bon cultiver telle ou telle essence, si, sous un climat trop froid, elle devient chétive et buissonnante? A quoi bon remplacer des essences s'accommo- dant d'hivers rigoureux par d'autres qui ont théoriquement plus de valeur, si, sous la latitude du lieu, elles ne doivent donner qu'un bois industriellement déclassé par les tares de toutes sortes qui dégradent les arbres mal venants ? Nous appellerons donc aire forestière d'une essence, l'éten- due des régions où elle peut, non seulement vivre et se repro- duire, mais encore donner un bois d'œuvre sain et capable de jouer un rôle économique utile. Influence des qualités chimiques et physiques du sol. — En général, les essences forestières se montrent assez indiffé- rentes quant aux qualités chimiques du sol. Néanmoins il résulte d'analyses faites par MM. Fliche et Grandeau (1) que certaines d'entre elles, sans indiquer une préférence pour les autres éléments minéralogiques, manifestent une évidente (1) Annales de la station agronomique de VEst. Quatre mémoires de recherches chimiques et physiologiques sur la végétation forestière. i.l.M HAI.ITl'.S. 47 répulsion pour la chaux. Ainsi Le pin maritime refuse de se développer dans les terrains qui renferment plus de 4 p. 100 de calcaire (1). La carte ci-jointe fait voir que non seulement ce pin recherche les climats méridionaux, mais qu'il évite les calcaires de la Provence, et reste cantonné sur les sables de domùicuii sut>ordojirw rare 1res- rare ou, nul Fig\ 24. — Distribution du Pin maritime. l'Océan ou sur les terrains non calcaires des Maures et de l'Esterel. On nomme ces essences calciluges. Beaucoup d'ar- bustes et de sous-arbrisseaux sont dans le même cas : la callune (vulgairement bruyère), l'airelle myrtille, la fougère impériale, etc.. (1) On s'exposerait à de grosses erreurs en se basant sur la nature de la roche sous-jacente pour qualifier un sol de calcaire ou de siliceux: Par lixiviation ou par apport de matériaux, un terrain reposant sur des dalles calcaires ne contient souvent que des traces infinitésimales de chaux. Une analyse rapide au calcimètre s'impose. 48 LES ESSENCES. D'autres espèces affectionnent aussi les sols siliceux, mais sans qu'on puisse affirmer que cette préférence soit due à l'absence de chaux, plutôt qu'aux qualités physiques propres aux terres de cette nature. C'est le cas du pin sylvestre, qui se plaît dans les terrains divisés et notamment dans les sols graveleux provenant de roches dolomitiques. Quelques essences, comme le chêne yeuse et le pin d'Alep, affectent, au contraire, des allures calcicoles. Mais ici encore, c'est une propriété accessoire des sols calcaires, leur plus grande aptitude à réchauffement, qui les leur fait rechercher. Ainsi le chêne yeuse, qui ne se rencontre en France que sur les calcaires, est beaucoup moins exclusif en Corse et en Al- gérie (1). L'aune, l'orme, le frêne, le pin de montagne, peuvent vivre dans les sols aquatiques pourvu que l'eau ne soit pas stagnante; les terres simplement humides conviennent à ces mêmes espèces et au chêne pédoncule ; le pin maritime, le pin sylvestre, le pin noir d'Autriche, le pin d'Alep comptent parmi les essences qui s'accommodent le mieux des terrains secs (2); le bouleau a la faculté de tolérer les excès d'humi- dité et de sécheresse. La consommation plus ou moins grande d'eau que font les végétaux ligneux, comme toutes les plantes à chlorophylle, dépend essentielle- ment de la transpiration. Plus les feuilles perdent d'eau par la trans- piration, plus elles en extraient du sol si elles fonctionnent norma- lement... Les résineux forment un contraste bien net avec les feuillus : leurs feuilles aciculaires, étroites et raides, couvertes d'un épiderme épais, fortement cuticularisé et imprégné de résine, provoquent une telle diminution dans la transpiration qu'elles évaporent, d'après les recherches de von Hœnel, 6 à 10 fois moins d'eau que celles des feuillus ; en conséquence, les résineux ont des exigences moindres en eau et en (1) P. Fliche in A. Mathieu, Flore Forestière, quatrième édition, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1897. (2) Certains sols sont évidemment humides, d'autres évidemment secs. Pourtant, il ne faut pas se fier à une simple apparence : la partie superficielle de certaines argiles, de certaines marnes prend un aspect de sécheresse extrême, après quelques jours de soleil, alors que les couches profondes tiennent à la disposition des racines plus d'eau qu'on se l'imagine. M. le professeur Fliche explique de cette façon la réussite de l'aune dans les craies de la Champagne. Gl m i: M il i S. 49 principes nutritifs que les arbres feuillus croissait avec <-ux sur le même soi ( i ). Le frêne, le chêne n'atteignent de belles dimensions qu'en terrain profond; le hêtre, l'épicéa et quelques autres essences à enracinement traçant acceptent volontiers des sols superfi- ciels. Certaines espèces sont plus accommodantes que d'autres, mais il reste acquis, en principe, que la végétation forestière sera toujours plus belle sur les sols frais et profonds que sur ceux qui présentent les qualités inverses. Influence de la fertilité. — De même, tous les arbres, comme les hommes et les animaux, préfèrent une nourriture abondante à un régime trop maigre ; et, si Ton voit des essences se développer convenablement dans les sols les plus pauvres, c'est que, douées d'un tempérament frugal, elles résistent dans un milieu où d'autres mourraient d'inanition. A la suite d'analyses qu'il a fait porter sur des arbres de la forêt de Haye, en terrain calcaire jurassique, M. le Pro- fesseur Henry classe nos principales espèces de la manière suivante, en commençant par les plus exigeantes (2) : 1° frêne et érable ; 2° tremble; 3° chêne, orme de montagne et ali- sier; 4° hêtre et charme. Le frêne enlève au sol deux fois plus de potasse et d'acide phosphorique que le hêtre. Dans le même ordre d'idées, M. le Professeur Ebermayer (3) distingue : l°Les feuillus, à grande consommation, demandant plus que tous les autres, de la potasse et de l'acide phosphorique ; ils ne prospèrent que dans le lehm, les marnes et les calcaires argi- leux. Citons par ordre d'exigence : le frêne, le peuplier pyra- midal, l'orme champêtre, les tilleuls, le sorbier des oiseleurs, le robinier, le marronnier d'Inde et les érables plane et sycomore; 2° Les feuillus à consommation moyenne : tremble, saules (1) Ebermayer, La nutrition minérale des arbres des Forêts. (Traduc- tion par E. Henry, Amiales de la station agronomique de VEst.) (2) E. Henry, Études chimiques sur les principales essences de la forêt de Haye et sur leurs cendres. (Annales delà station agronomique de l'Est.) (3) Ebermayer, loc. cit. Boppe et Jolyet. 4 50 LES ESSENCES. et chênes, peuplier blanc, charme, hêtre, érable champêtre; 3° Les feuillus à faible consommation : bouleau, aune glutineux et aune blanc; 4° Les résineux : le moins frugal est le sapin, qui exige sensiblement plus de potasse et d'acide phosphorique que les suivants; puis viennent le pin cembro, le mélèze, l'épicéa (ce dernier demande une notable quantité de chaux, autant que le hêtre), le pin Weymouth, enfin le pin sylvestre et, pour ter- miner la série, le pin noir et le pin de montagne. Après cette dernière espèce, l'auteur ne range que la callune et un lichen. Il faut toutefois remarquer, avec M. Ebermayer, qu'une espèce peut avoir des cendres très riches en certaines substan- ces, sans exiger un sol qui les renferme en quantité notable; elle dispose quelquefois, en effet, de moyens spéciaux qui lui permettent de ... gagner sa vie. Ainsi le frêne « aime à prendre une partie de sa nourriture à l'état de dissolution dans les eaux de ruissellement ou d'infiltration ; dans ces cas, il se contente de sols assez pauvres ». L'aune, les saules agissent de même. Le robinier, en sa qualité de légumineuse, vit en symbiose avec un bacille, grâce auquel il transforme direc- tement l'azote de l'air en matière albuminoïde : malgré ses exigences^ il doit être rangé parmi les espèces améliorantes. Les protubérances des racines de l'orme glutineux renferment un schizomycète, qui joue, sans doute, le rôle du bacille chez le robinier. Le hêtre s'accommode de sols très superficiels, une couche de terreau lui suffit : en effet ses radicelles sont en- tourées de filaments mycéliens, ou mycorhizes, « qui appor- tent l'eau et les matières nutritives et par l'intermédiaire des- quelles les arbres se nourrissent bien mieux dans les sols hu- miques qu'ils ne le feraient à l'aide de poils radicaux dans les sols minéraux (Franck). » L'épicéa est dans le même cas. Quoi qu'il en soit, l'extrême frugalité des résineux, jointe à leur moindre besoin d'eau, fait que ces essences sont toutes désignées pour rétablir l'état boisé dans les forêts épuisées et pour constituer, par voie artificielle, un premier peuplement dans les friches et les landes stériles. Cette observation s'ap- plique également au bouleau. Essences sociales et essences disséminées. — Dans ci'.m'h w.rn's. 51 le travail cité plus haut, le 1> Ebérmayèr fait une inté- ressante comparaison entre les végétaux forestiers et les plantes agricoles. Seuls, dit-il, les feuillus du premier groupe, le robinier exeeplé, exigent des sols assez lions pour la cul- ture des prairies et des céréales. Les autres se contentent tous de terrains que l'agriculture ne pourrait utiliser à moins de fortes fumures. Or, dans un pays de vieille civilisation comme le nôtre, les bonnes terres à blé sont généralement employées.... à donner du blé ; il est rare que le sylviculteur en dispose. Le cas peut se présenter, cependant, motivé par des raisons spéciales : déclivité du terrain, fréquence des inondations, etc. Alors des terres excellentes reviennent à la culture forestière; nous en avons vu, en Bavière, sur des terrains basaltiques dans la région de Rhon ; nous en connaissons également sur les bords de la Saône, de l'Oignon, de l'Adour ; il doit s'en rencontrer le long de la plupart de nos grands cours d'eau. Mais, ailleurs, c'est-à-dire dans la majorité des cas, le sol des forêts est trop pauvre pour nourrir un grand nombre de végétaux exigeants. De même que les animaux de proie vivant de chair, c'est-à-dire d'une nourriture de luxe, sont moins nombreux que le peuple des granivores ou des rongeurs, de même les gros mangeurs de potasse et d'acide phosphorique doivent rester clairsemés. Les nombreuses familles sont l'apanage des petites gens, a dit quelque part Toussenel. Ceci nous amène à classer nos arbres forestiers en deux grands groupes : les essences sociales et les essences dissé- minées. Les premières, grâce à leur frugalité et à une certaine flexi- bilité de tempérament, semblent se plier au plus grand nom- bre des circonstances locales; aussi constituent-elles la partie principale, souvent même la totalité des peuplements. Le chêne, le hêtre, le sapin, l'épicéa, les pins, sont des essences sociales. Les essences disséminées, au contraire, affectent de vivre, soit par pieds isolés, soit par bouquets épars. Cette répulsion apparente pour leurs semblables résulte d'exigences trop spéciales de leur part au point de vue de la fertilité du sol. 52 LES ESSENCES. Réunies en grand nombre sur un même point, à moins qu'il s'agisse de l'un de ces terrains d'une fertilité exceptionnelle que nous citions plus haut, elles s'affament entre elles, et l'individu le mieux doué résiste seul. Les frênes, les ormes, les érables, les fruitiers, les bois blancs, font partie de ce groupe, qui ne contient que des espèces feuillues. La variété de la flore forestière sur un même point est donc un indice certain de la fertilité du sol, et aussi de la douceur du climat. Car, plus les circonstances sont mauvaises, plus est restreint le nombre des espèces douées d'une force de résis- tance suffisante pour s'y maintenir. C'est ainsi que les es- sences disséminées sont toutes, ou à peu près toutes, canton- nées dans les régions de plaine. En montagne, au contraire, on rencontre surtout des espèces sociales; parfois même, dans les stations les plus rudes, une seule forme occupe toute la forêt. Dissémination. — La nature semble d'ailleurs avoir pris soin de régler la répartition des essences sociales et des essences disséminées par la manière dont elle assure leur multiplication. Toutes les espèces à semences lourdes sont sociales par la force des choses et aussi par nécessité : d'une part, en effet, ces semences tombent au pied de l'arbre qui les porte, ce qui dispose les nouveaux individus par bouquets et même par masses considérables; d'autre part, elles ont besoin, pour se protéger contre le froid et la dessiccation, d'une couverture de feuilles mortes qui ne se rencontre que dans les massifs forestiers ; tombant en automne, avant la chute des feuilles, qui les recouvrent quelques jours plus tard, elles sont, en outre, recherchées par les rongeurs (1), par les sangliers, et ces animaux en enfouissent autant qu'ils en mangent. (1) Bien que sociales, ces essences ne sont pas dépourvues de tout moyen de dissémination au loin. Ce sont les petits rongeurs, en accu- mulant des provisions d'hiver exagérées, les geais, en transportant des glands ou des faînes qu'ils oublient ou laissent tomber, qui se chargent de cette mission. Les chênes nés de glands réunis par les rongeurs naissent par paquets ; ceux qui proviennent des semences jetées çà et là par les oiseaux germent isolés. G] NI RALITÉS. 53 Toutes les espèces disséminées ont des semences légères, souvent ailées, ou munies d'aigrettes rendant plus facile leur transport par le vent, qui les disperse au loin (1). D'ailleurs elles sont, non plus charnues, mais sèches, et supportent sans en souffrir de fortes gelées. Elles germent, enfin, sur un sol nu, pourvu qu'elles y rencontent la faible quantité d'humidité qui leur est nécessaire. Une épaisse couverture morte est, pour beaucoup d'entre elles, plus nuisible qu'utile à leur installation ; car, en raison de l'extrême ténuité de leurs organes naissants, elles recherchent, avant tout, une surface meuble [2) et riche en terreau; aussi, pour en faciliter l'ins- tallation, la nature fait-elle tomber leurs semences pendant l'hiver, après la chute des feuilles, quand celles-ci sont déjà tassées et en voie de décomposition. Ajoutons qu'elles sont presque toutes d'une exubérante fécondité et que leurs jeunes semis, dont la croissance est des plus rapides, luttent avan- tageusement contre la végétation herbacée au milieu de la- quelle ils sont jetés, Tous les résineux ont des semences ailées, dont la dissémi- nation se fait au loin sous l'action du vent, comme chez les espèces précédentes. Et, pourtant, ce sont des essences so- ciales. Mais, en général cantonnées dans les régions monta- gneuses et dans les mauvais sols de la plaine, elles ont peu à redouter la compétition d'autres espèces. Elles donnent d'ail- leurs des graines en quantité suffisante pour assurer, tout à la fois, la régénération des massifs qu'elles constituent, et leur installation dans les pâturages avoisinants, qu'elles auraient bien vite envahis, si l'homme et les troupeaux n'y mettaient obstacle (3). Enfin, les résineux sont tous plus ou moins des (1) Les fruitiers ont des semences lourdes et charnues ; mais les graines sont transportées de côtés et d'autres par les oiseaux et se re- trouvent dans leurs déjections : le résultat est le même. (2) Aussi, exception faite des forêts en terrain sablonneux, où le peuplement n'est pas très dense, où le sol n'est jamais compact, les semis des saules et des bouleaux n'apparaissent-ils nombreux que dans les clairières et principalement sur les anciennes places à charbon, dont Taire est couverte de fraisil. Ils sont plus que rares dans le massif lui-même. (3) C'est ainsi que la dispersion de leurs graines légères fait remonter certaines espèces au delà des limites de l'aire où elles mûrissent leurs 54 LES ESSENCES. essences de lumière, leurs jeunes plants naissent dans des clairières, dans des vides, plutôt que sous la projection immé- diate des vieux arbres. Le sapin seul fait exception, par le poids de sa graine plus grosse que celle des épicéas et de la plupart des pins de nos forêts, par la désarticulation de son cône, dont toutes les graines tombent en bloc sur le sol; cette essence d'ombre par excellence n'est pas sans présenter quelques analogies avec les espèces feuillues sociales, le hêtre notamment. En résumé, si l'on considère l'énorme production des se- mences forestières, les procédés multiples mis en œuvre pour assurer leur dispersion et leur adaptation aux milieux pro- pices, il semble que la nature ait voulu rétablir, au profit de l'espèce végétale, la faculté de locomotion qu'elle a refusée à l'individu. Un arbre périra, plusieurs fois séculaire, sur le point même où le hasard a fixé la graine dont il est sorti ; mais, longtemps avant sa mort, sa descendance, qui constitue le massif, se meut sans cesse dans toutes les directions. Cette progression continue, pour être plus lente, n'est pas moins assurée que celle des animaux doués de mouvement, et bientôt la forêt aurait reconquis son ancien domaine, si, à tout instant, l'homme ne venait pas l'arrêter dans sa marche envahissante. Longévité. — Dans la pratique forestière, par longévité, il faut entendre non pas la durée absolue de la vie des arbres, mais le temps pendant lequel leur bois reste généralement sain. D'ailleurs chaque espèce est douée d'une vitalité qui lui est propre, mais dont un concours de circonstances plus ou moins favorables peut avancer ou reculer le terme dans des limites très étendues. Les conifères et toutes les essences de bois dur, peut-être le charme excepté, sont susceptibles de s'accroître sans dépérir pendant cent cinquante ans et même davantage. Certaines fruits. On remarque, en effet, que, clans la haute montagne, vers les confins supérieurs de leur habitat, les forets résineuses se prolongent et s'égrènent en arbres épars, qui sont, en général, stériles. Ils pro- viennent des semences apportées des massifs inférieurs. Que ceux-ci soient imprudemment détruits, les arbres des pâtures, n'étant plus remplacés, disparaîtront après eux. — A. Mathey, Inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, le Pâturage en forêt. Besançon, imp. Paul Jacquin, 1900* ci \i it IUTBS. .)•) espèces, nolammcnt le chêne el le mélèze, se maintiennent en massif pendant trois cents ans et pins. En général, les bois tendres et les arbustes ont une durée beaucoup moindre. Un climat favorable augmente la longévité; aussi les es- pèces naturalisées ou introduites vivent-elles moins long- temps que dans leur station d'origine ; mais l'influence de la fertilité du sol est capitale : sur un terrain pauvre ou man- quant de profondeur, les arbres tombent en décrépitude bien avant l'âge normal. On chercherait vainement à les maintenir sur pied au delà de ces limites; tous périraient sans profit. Dans une même station, l'état de massif augmente ou dimi- nue la longévité d'un sujet considéré isolément ; tel arbre appartenant à une espèce plus longévive que ses voisins, sera fatalement entraîné par le dépérissement du massif avec lequel il fait corps : il partagera le sort commun quand, seul, ou associé à ses semblables, il aurait pu vivre plus longtemps; tel autre, au contraire, verra son existence prolongée par les conditions meilleures de protection et d'humidité que lui assure l'état de massif. C'est, d'ailleurs, sous l'influence de l'énergie vitale propre à chaque individu que la sélection s'opère dans les forêts natu- relles d'une manière plus parfaite que dans les milieux culti- vés. En effet, la nature jette à profusion les germes des arbres forestiers ; mais il n'en survit qu'un petit nombre, appartenant aux types les plus parfaits, lesquels, en arrivant à l'âge de la fertilité, fourniront les germes les mieux préparés pour la propagation de l'espèce. Cet argument doit être invo- qué en faveur de la régénération naturelle; car, lorsqu'on élève les plants destinés à la régénération artificielle dans des pépinières où, par des soins constants, on en sauve le plus grand nombre, on constitue les peuplements avec une foule de tiges de vigueur au-dessous de la moyenne, et que la na- ture aurait éliminées. Il en est de même pour les semis de main d'homme, dans lesquels on est obligé d'épargner la graine par raison d'économie. Semis et plantation donneront des massifs moins résistants que ceux de la forêt naturelle, et, dans l'avenir, les races iront en s'affaiblissant. 56 LES ESSENCES. ARTICLE II MONOGRAPHIES DES PRINCIPALES ESSENCES (1) Le chêne rouvre et le chêne pédoncule. Aire et Station. — Indifférents à la composition minérale du terrain, ces deux chênes se plaisent surtout dans les sols profonds, argileux sans trop de compacité. Bien que, pendant longtemps, on les ait considérés comme pouvant impunément se substituer l'un à l'autre, ils manifestent des préférences distinctes (2). Le pédoncule exige un sol humide ou, tout ou moins, frais; les terrains argilo-sablonneux, fussent-ils sub- mergés en certaines saisons, lui sont très favorables, c'est, par excellence, l'espèce des grandes plaines et des vallées. Au contraire, les sols bas, argileux, humides conviennent peu au chêne rouvre ; celui-ci préfère les terrains plus meubles, gra- veleux, sablonneux, calcaires, pourvu qu'une certaine quan- tité d'argile y maintienne la fraîcheur dont il ne peut se passer; les collines, les plateaux, les contreforts des mon- tagnes, où il trouve plus habituellement toutes ces conditions réunies, forment sa station de prédilection. On ne saurait attacher trop d'importance, dans les travaux de repeuple- ment, à cette différence fondamentale, afin de placer chacune des deux formes dans la station qui lui est propre. Sous ces réserves, le chêne pédoncule et le chêne rouvre, se rencontrent en France à peu près partout, sauf dans la haute montagne et dans les stations les plus chaudes du littoral de la Méditerranée. Le premier est très abondant dans les régions du sud-ouest où il peuple, presque à lui seul, les forêts feuil- lues des Landes et du bassin de l'Adour. C'est lui qu'on plante dans les haies de la Normandie, c'est lui qu'on retrouve dans (1) Nous indiquerons sommairement la distribution géographique des essences et nous prierons le lecteur de se reporter pour plus de détails à la Flore forestière, par A. Mathieu, 4e édition, revue par M. Fliche, Paris, J.-B. Baillière etfds, 1897. C'est à cette flore que nous emprun- tons toutes les données botaniques. (2) Dubois, Considérations cullurales sur les futaies du chêne du Blésois, Blois, Lexesne, 1856. LE CHÊNE ROUVBE V.T LE CHENE PÉDONCULE. •>/ les alluvions de la Saône el de nos grandes vallées. Le second domine dans le centre de la France et dans les régions acci- dentées; il s'élève môme jusqu'à I 000 mètres d'altitude et au delà. Ces chênes atteignent leur maximum d'expansion dans la zone tempérée, où ils caractérisent, par leur abondance, une région se confondant souvent avec celle de la vigne; au-dessus d'eux on trouve le sapin. Tempérament. — Les deux espèces ont un jeune plant robuste ; leur couvert est léger, souvent même incomplet pour le pédoncule. Ils résistent bien à la chaleur, assez bien aux grands froids de l'hiver, mais leur feuillage est très sen- sible aux gelées printanières ; le pédoncule, qui entre en végétation plus tard que le rouvre, est moins exposé à ces accidents (1). L'un et l'autre repoussent parfaitement de souche et conservent cette faculté jusqu'à un âge très avancé. Enracinement, fructification. — La racine de ces deux chênes est essentiellement pivotante. Le gland est un fruit lourd ; les années de semence, ou glandées, sont surtout fré- quentes dans la région du Sud-Ouest, où l'on peut récolter des fruits presque tous les ans; plus on s'avance vers le Nord, plus les glandées sont rares ; dans la France septentrionale, elles se font parfois attendre dix et même quinze ans. Croissance, longévité. — La croissance de ces chênes, lente au début, devient bientôt assez active dans les bons sols ; elle se soutient jusqu'à un âge très avancé, car leur lon- gévité est très considérable et dépasse plusieurs siècles. L'accroissement en hauteur des arbres en massif, comme des sujets isolés, s'arrête vers l'âge de cent ans. Bois et usages. — Le bois de chêne doit être mis au pre- mier rang pour l'ensemble des qualités qu'on y rencontre ; mais, suivant la nature du sol et du climat, qui active ou ra- lentit la végétation, il est plus ou moins nerveux ou plus ou moins tendre. Le bois du pédoncule est, en général, plus (1) Cette observation de M. l'Inspecteur Bartet dans la forêt de Haye [Observations phénologiques sur les chênes rouvre et pédoncule), (Ann. Se. agronom. française et étrangère^, suffirait à expliquer ce fait souvent constaté que les chênes pédoncules donnent des glands plus fréquemment que les chênes rouvres. 58 LES ESSENCES. dense que celui du rouvre, il convient mieux comme bois de construction. Le rouvre est plus estimé pour le travail et pour la fente ; le pédoncule de Hongrie donne, néanmoins du merrain très apprécié. Produits accessoires. — L'écorce de ces deux chênes est utilisée comme écorce à tan ; celle du rouvre, qui croît sur les coteaux chauds et bien éclairés, est généralement plus riche et plus recherchée. Allures forestières. — « Le grand mérite du chêne pour les propriétaires de bois, dit M. Broilliard (1), c'est qu'il abonde dans les forêts, qu'il croît dans presque tous les sols, qu'il prospère à l'état de massif ou d'arbre isolé, en futaie comme en taillis, et qu'il joint à la rusticité une longévité per- mettant à la plupart des sujets d'arriver à de grandes dimen- sions. » Le chêne s'accommode très bien du traitement en taillis simple et fournit un chauffage estimé, surtout quand il pro- vient de taillis écorcés ; on le vend alors sous le nom de hois pelard. Mais le principal mérite du chêne consiste dans ses qualités comme bois d'œuvre et clans les grandes dimensions qu'il est susceptible d'acquérir. Traité en futaie, il devient le géant des forêts de la plaine; par contre, ce n'est pas avant l'âge de deux cents à trois cents ans qu'il acquiert son maximum de valeur. Les massifs qu'il forme ont besoin d'être desserrés de bonne heure ; mais alors ils entretiennent mal la fertilité du sol. 11 ne convient donc pas d'élever le chêne à l'état pur et on doit le conduire en mélange avec le hêtre ou avec le charme ; à leur défaut, il est indispensable de conserver avec soin toute la végétation arbustive qui se développe en sous- bois, grâce à la demi-lumière tamisée à travers sa cime (2). A ce point de vue, l'exercice du pâturage sous les vieilles fu- taies de chêne est particulièrement nuisible. En général, le feuillage plus fourni du chêne rouvre lui permet de mieux accepter ce genre de traitement. Leur tempérament robuste, leurs exigences spéciales au (1) Broilliard, Traitement des bois en France. (2) Dubois, loc. cit. LE CHÊNE ROUVRE ET LE CHINE PEDONCULE. 59 point de vue de la lumière el de l'espace, disposent naturelle- ment ces deux chênes et, plus spécialement le pédoncule, à rechercher l'état isolé | I), aussi les rlève-t-on avec avantage sous l'orme de réserves dans les taillis sous futaie. Ils donnent alors une proportion de bois d'œuvre moins forte que dans les massifs de futaie, mais, grâce à un grossissement plus rapide, leur bois acquiert la plus grande dureté. Isolés dans les campagnes, ils fournissaient autrefois des pièces courbes recherchées pour les constructions navales. Ces deux chênes, le rouvre surtout, possèdent la précieuse faculté de se plier aux conditions les plus diverses que le traitement leur impose ; ils vivent môme longtemps en forme de têtards et d'arbres d'émonde. Dans les sols les plus maigres et les plus secs, le rouvre végète sous les dimensions réduites d'un simple buisson ; c'est sous cette forme qu'on le voit per- sister dans certaines forêts ruinées, comme le dernier repré- sentant des anciennes richesses. En un mot, suivant la fertilité des milieux, le chêne se montre exigeant ou frugal ; mais, c'est seulement dans les bons sols, qu'il mérite sa réputation et que les dépenses pour le multiplier se justifient. Variétés. — Le chêne rouvre et le chêne pédoncule, comme beaucoup d'espèces dont les aires sont étendues, présentent d'assez nombreuses variétés. Nous en citerons deux : 1° Le chêne pubeseent, variété du chêne rouvre : c'est le chêne blanc du midi, arbre généralement de petite taille, souvent tortueux ou même simple buisson, mais qui n'en est pas moins précieux par la complaisance avec laquelle il ac- cepte de croître dans les pierrailles calcaires brûlées par le soleil. 2° Le chêne de juin ou tardif, variété du chêne pédoncule : cette intéressante variété, signalée en France par M. le Con- servateur de Béer dès 1877, est surtout connue depuis l'étude (1) Le chêne pédoncule constitue rarement des massifs de futaie pleine : ainsi, dans certaines régions de la Normandie, il est très com- mun dans les haies qui séparent les héritages et fait totalement défaut, à quelques pas de là, dans les futaies domaniales. Il est, au contraire, l'arbre des taillis sous futaie, dont il fournit les réserves idéales (quand la nature du sol s'y prête, bien entendu). 60 LES ESSENCES. très complète qu'en a faite M. le Conservateur Gilardoni (1). L'épanouissement tardif de ses bourgeons (ils s'ouvrent un Fig. 25 , _ Forci du Petit-Noir (Jura). Vue prise le 10 mai 1894 : à droite Chêne de juin. (Photographie de M. Gilardoni.) mois, quelquefois deux mois plus tard que ceux des chênes pédoncules ordinaires) (fig. 25), met cet arbre à l'abri des ge- (1) Le chêne de juin, notice sur une variété bressane du chêne pé- doncule, par M. Gilardoni, inspecteur des Forêts. Nancy, impr. Ber- ger-Levrault et Gie, 1X95. LE CIIIiNF ROUVRE ET LE CHENE I' NCULÉ, 61 lées printanières. 11 est Burtoul commun dans la vallée d<- la Saône (départements do Saône- et- Loire el du Jura). M. le Conservateur Duchalais l'a retrouvé dans la vallée d<- la Loire et M. Fôldes en Hongrie. Des expériences faites à l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts à Nancy (fîg. 26), ont Fig. 26. — A gauche Chênes de juin, glands de la forêt du Petit-Noir (Jurai. — Adroite Chênes pédoncules ordinaires, glands de la forêt du Petit-Noir (Jura). Semis en automne 1896, dans le jardin de l'École Nationale des Eaux et Forêts. Aspect le 4 mai 1898. (Photographie de M. l'Adjudant Fournel.) montré que le caractère particulier à cet arbre, le retard dans la foliaison et la floraison, était complètement hérédi- taire (1). Le port des chênes tardifs est particulièrement élancé, avantage dû sans doute à ce que la croissance n'est pas en- travée par les accidents de gelée. (1) Bulletin Société des Sciences de Xancy, 1899. 62 LES ESSENCES. Le chêne tauzin. Aire et station. — Cette essence, propre au Sud-Ouest de la France, caractérise la région océanique qui s'étend des Pyrénées à la Loire et même un peu plus au Nord, et du littoral à une ligne tirée d'Orléans à Tulle et à Toulouse. Elle semble préférer les sols siliceux et croît plutôt dans les stations du chêne pédoncule que dans celles du chêne rouvre. Tempérament. — Le tempérament du jeune plant est ro- buste ; le couvert de l'arbre est léger ; on ne rencontre le chêne tauzin que dans les stations où les grands froids de l'hiver et les gelées printanières sont peu à craindre. D'ail- leurs, comme il entre en végétation très tardivement, il est moins exposé que les deux espèces précédentes à ces derniers accidents. Il repousse très bien de souches. Enracinement, fructification. — Bien que pourvu d'un pivot, ce chêne est particulièrement remarquable par ses ra- cines traçantes, qui possèdent au plus haut degré la faculté de drageonner. La production des glands est assez abondante chaque année. Croissance. — Le chêne tauzin est, le plus souvent, un arbre tortueux; il est loin d'atteindre les belles dimensions du rouvre ou du pédoncule. Bois et usages. — Son bois raide, se gerçant et se tour- mentant beaucoup, peu estimé comme bois de construction ou de travail, est, au contraire, recherché comme bois de feu. Produits accessoires. — L'écorce jeune renferme beau- coup de tanin et fournit du tan d'une qualité supérieure. Dans les départements du Sud-Ouest, ses glands sont récoltés pour l'engraissement des porcs. Allures forestières. — Le traitement en taillis convient à tous égards au chêne tauzin ; il doit même lui être exclusive- ment appliqué, car ses dimensions toujours restreintes et ses médiocres qualités comme bois d'œuvre, font qu'on n'aurait aucun intérêt à le traiter en futaie. LE CHÊNE LIÈGE BT LE CHÊNE OCCIDENTAL, 63 Le chéne-llège et 1<* chêne occidental. Le chêne-liège est une essence exclusivement méditerra- néenne. Répandu en Corse et en Algérie, il occupe dans la France continentale trois régions disjointes : les Maures et l'Esterel, — le Gard et l'Hérault, — les Pyrénées-Orientales. Cette essence calcifuge se trouve cantonnée sur les sols granitiques, porphyriques et schisteux. Dans les Maures, elle monte jusqu'à 700 mètres d'altitude ; dans les Pyrénées, jusqu'à 500. Tempérament. — Le feuillage du chêne-liège est persis- tant, mais grêle, rare; son couvert est léger, son jeune plant très robuste. Il repousse bien de souches. Enracinement, fructification. — Les racines sont, à la fois, pivotantes et traçantes, suivant la profondeur du sol ; elles ont aussi la faculté de drageonner, notamment quand les sou- ches ont été atteintes par les incendies qui ravagent les forêts dans sa région. La fructification est précoce et se produit dès l'âge de quinze ans ; ce n'est guère qu'à trente ans qu'elle est abondante et soutenue; en France, elle n'est le plus souvent qu'intermittente. Croissance, longévité. — Arbre de deuxième grandeur, d'une croissance assez rapide dans le jeune âge, mais prenant bientôt une forme trapue. Sa longévité est grande. Bois et ses usages. — Son bois est peu estimé comme bois de service, parce qu'il est très lourd et se tourmente trop ; il fournit un très bon combustible et d'excellent charbon. Produits accessoires. — Le liège qu'on tire de son écorce a plus de valeur que le bois lui-même ; il donne une très grande importance à cette précieuse essence, dont on ne sau- rait trop recommander la multiplication partout où elle peut prospérer. Les glands, sans être très âpres, ne sont pas ordi- nairement comestibles. En Algérie, le liber est très recherché à cause de sa richesse en tanin ; les vieux arbres sont exploi- tés en vue de cette récolte. Le chêne occidental. — Il ressemble en tous points au chêne-liège : pour lé tempérament, l'enracinement, la crois- 64 LES ESSENCES. sance, les qualités de son bois et de son écorce, ses exigences calcifuges. Il n'en diffère que par la maturation bisannuelle de ses glands et sa localisation sur les côtes de l'Océan. Allures forestières. — Le chêne-liège et le chêne occiden- tal n'ont d'autre importance forestière que celle de leur écorce.' Fit?. 27. — Chêne-liège près de Bastia. — Photographie de M. H. Bregeault. A ce point de vue, on en obtient le meilleur rendement en les disposant par pieds isolés, à la façon des arbres fruitiers dans les vergers (fig. 27). Le chêne yeuse ou chêne vert. Aire et Station. — Cette espèce méridionale est rare dans la région océanique, très commune, au contraire, sur le ver- sant méditerranéen, de Menton à Géret, — de la mer à Digne, Sisteron et Montélimart; elle remonte même au nord de Valence. Elle manifeste, dans la France continentale du moins, une préférence pour les sols calcaires, de là son LE CHENE ÏEUSE OU CHENE VERT. 65 abondance sur le littoral méditerranéen, sauf dans les régions granitiques des Maures et de l'Esterel ; delà aussi sa rareté sur le littoral de l'Océan, si oe n'esl dans les stations calcaires de la Charente ; de là enfin, son apparition dans le Plateau central, par les caftons des Causses. Elle parvient dans les Alpes et en Provence jusqu'à l'altitude de 700 à 800 mètres, dans les Pyrénées à celle de 000 mètres. Tempérament. — L'yeuse est très robuste et résiste aux expositions méridionales les plus chaudes; son feuillage, per- sistant, est assez léger. 11 fournit des rejets de souches jusqu'à un âge avancé. Enracinement, fructification. — Bien que solidement (1) ancré dans le sol, l'yeuse possède des racines latérales dra- geonnantes. La fructification est précoce et se produit dès huit à dix ans ; elle se soutient abondante et régulière jusqu'à un âge avancé. Croissance, longévité. — Sa croissance est assez rapide clans le jeune âge, pourtant il ne dépasse pas les dimensions d'un arbre de troisième grandeur. Sa longévité atteint trois siècles et plus. Bois et ses usages. — Le bois du chêne yeuse est très dur, très lourd et extrêmement compact; il est fort sujet à se tour- menter et peu convenable au travail ; son poids exagéré et ses faibles dimensions en longueur limitent ses emplois comme bois de construction. Il n'a point d'égal comme combustible. Produits accessoires. — L'écorce du chêne yeuse donne un tan très estimé, supérieur à celui des chênes à feuilles ca- duques. Les glands, lorsqu'ils sont doux, ont une saveur agréable et servent à la nourriture de l'homme, qu'ils soient crus ou cuits. On les récolte pour cet usage dans quelques départements du Midi. Allures forestières. — Comme le chêne tauzin et pour des causes identiques, le chêne yeuse ne comporte pas d'au» (1) Les pivots du chêne vert pénètrent dans certaines crevasses jus- qu'à 15 et 20 mètres de profondeur. Beaucoup de végétaux des stations sèches agissent ainsi pour se procurer l'eau qui a disparu des régions superficielles du terrain. Boppe et Jolyet. 5 66 LES ESSENCES. tre traitement que celui du taillis simple.' Sous cette forme, il peut être utilement associé au pin d'Alep; il fournit à celui-ci d'excellents sous-bois peu sujets à être détruits par les incendies. Le châtaignier. Station. — Le châtaignier, répandu sur beaucoup de points de la Franee, ne paraît cependant pas y être spontané, et c'est une erreur populaire de croire que l'hiver de 1709 l'a fait dis- paraître des régions de la Loire. Il recherche les terrains sili- ceux. Tempérament. — Le châtaignier exige moins de lumière et forme, en conséquence, des massifs plus serrés que les chênes à feuilles caduques ; il tient assez bien le milieu, pour le tempérament, entre le hêtre et ces chênes, avec lesquels il peut être maintenu en sous-étage. Il repousse très bien de souches. Fructification. — Le châtaignier fructifie vers vingt-cinq ou trente ans, s'il est isolé — vers quarante ou soixante ans, s'il est en massif; ses années de semences se succèdent à deux ou trois ans d'intervalle et sont généralement abondantes. Enracinement. — L'enracinement est formé d'un pivot assez allongé et de nombreuses et fortes racines latérales. Croissance, longévité. — C'est un arbre de première grandeur, à croissance rapide et d'une grande longévité, malgré les tares centrales qu'il contracte d'assez bonne heure. Bois et ses usages. — Le bois de châtaignier a beaucoup d'analogie avec celui du chêne (1) ; il lui est cependant infé- rieur en qualité pour les constructions ; même dans les con- trées les plus méridionales de la France, l'arbre se creuse avant d'avoir atteint les dimensions qui le rendraient propre à ce service. Il est estimé comme bois de merrain et fournit également de très bons échalas; en effet, son aubier étant tou- jours très mince, il y a une forte proportion de bois de (1) La confusion est toutefois impossible entre ces deux bois : le bois du chêne a de larges rayons médullaires; celui du châtaignier, au con- traire, a des rayons invisibles à l'œil nu : il n'est jamais maillé. i i in i ni oi i oi \nn. f>7 cœur, même dans les jeunes sujets ; il est aussi recherché pour la fabrication des cercles de tonneau. Produits accessoires. — Son fruit est comestible ; sous le nom de chât&igne, il sert à l'alimentation dans les départe- ments du Centre et du Midi. Le marron comestible n'est autre chose que le fruit d'un châtaignier amélioré et traité à la façon des arbres fruitiers. Cette culture, très répandue dans la ré- gion des Maures, fournit des fruits très estimés, connus dans le commerce sous les noms de marrons du Luc ou de Lyon, Allures forestières. — Le châtaignier exige un climat doux. En France, du moins, il constitue rarement des massifs de quelque étendue. Il est souvent introduit artificiellement, sur de petites surfaces, dans les sols fertiles que leur déclivité rend impropres à l'agriculture. Traité en taillis, il donne alors des produits très abondants et recherchés comme menu bois d'œuvre. Pour constituer un massif de futaie, le chêne devra toujours lui être préféré. Le hêtre ou foyard. Aire et Station. — Il se rencontre partout, en France, si ce n'est dans la haute région des Alpes, sur le littoral méditer- ranéen de Nice à Perpignan, et sur les côtes de l'Océan de Bayonne aux Sables d'Olonne; il abonde dans les régions de collines et dans les montagnes de moyenne élévation. Le hêtre, assez indifférent à la composition minéralogique du terrain, préfère, néanmoins, les sols légers et surtout calcaires, il redoute les terres fortes et mouillées et craint la trop grande chaleur. Tempérament. — Le jeune plant de hêtre est très délicat, le couvert de l'arbre très épais. Il supporte les plus grands froids de l'hiver, mais son jeune feuillage, bien qu'un peu moins sensible aux gelées printanières que celui du chêne, est souvent atteint à cause de sa précocité. Le hêtre repousse mal de souches dans les climats froids, mieux et même bien dans les régions méridionales, notamment dans les Pyrénées ; partout il perd d'assez bonne heure, à vingt-cinq ou trente ans, la faculté d'émettre des rejets de bourgeons proven- 68 LES ESSENCES. tifs; ceux -d'origine adventive sont alors plus fréquents. Enracinement, fructification. — Dans les premières an- nées,la racine pivote, reste simple ets'enfonce à peu près autant dans le sol que la tige s'élève dans l'air ; vers douze ou quinze ans, le pivot s'arrête et les racines latérales prennent une grande extension ; à trente ans, celles-ci cessent de croître et sont alors remplacées par des racines superficielles, traçantes, souvent en partie saillantes hors du sol jusqu'à une certaine distance du pied de l'arbre. En somme, l'enracinement total est peu profond, mais très étendu en surface, sans pour cela donner de drageons. Le hêtre appartient à la catégorie des arbres à semences lourdes; il ne fructifie qu'à un âge avancé, vers soixante ou quatre-vingts ans en massif, quarante ou cinquante ans, quand il est isolé. Les faînes ne sont abondantes que tous les cinq ou six ans dans les circonstances les plus favorables, et, quelque- fois, tous les quinze ou vingt ans seulement. Les [aînées com- plètes sont généralement plus communes dans les plaines et sur les coteaux que dans les régions montagneuses; mais, en retour, les années de disette absolue n'y sont pas rares : en montagne, au contraire, les faînées partielles se succèdent à peu près sans interruption. Croissance, longévité. — Le hêtre atteint de très grandes dimensions, sans parvenir cependant à celles du chêne et du sapin, en raison de sa longévité bien moins élevée et qui dé- passe rarement deux cents ou deux cent cinquante ans. Cette longévité décroît d'une façon notable au fur et à mesure qu'il quitte la région des collines pour s'abaisser dans la plaine ; dans les forêts situées sur les bords de la Loire, il dépérit, en massif, avant l'âge de cent cinquante ans. Au début de son existence, le plant s'accroît peu, environ d'un décimètre de hauteur annuellement ; mais, passé cinq ans, il prend son essor, écrasant autour de lui les espèces de lu- mière qu'on voudrait lui associer ; vers quarante ou cin- quante ans, il parvient à son maximum d'allongement annuel; comme le chêne, entre quatre-vingts et cent, il ne s'accroît plus sensiblement en hauteur. Bois et ses usages. — Les emplois du hêtre sont nombreux il m lui. OU i «>\ Aiin. 09 comme bois d'industrie. Il esl très estimé comme chau liage et donne un charbon lourd et profondes qui ont accompagné Les évolutions géologiques- du globe. Perturbations apportées par l'intervention de l'homme. — Mais, dès que l'homme es! intervenu, variant ses procédés d'exploitation de façon à approprier les produits de la forêt à la diversité de ses besoins, il a modifié les actions naturelles. Le traitement appliqué à chaque forôl varie avec les essences cultivées et avec la nature des marchandises que l'on se pro- pose d'en tirer : bois à brûler, bois de travail, écorces, rési- nes, etc.. Il s'établit, dès lors, entre le traitement et la manière d'être du peuplement, une relation nécessaire et constante. Ces effets du traitement se manifestent sur Vorigine, la forme, la consistance, la composition et Vêlai de végétation du peuplement et lui donnent le type dans lequel il se main- tiendra. Origine des peuplements. — L'origine d'un peuplement peut être naturelle ou artificielle : naturelle, quand la régénération est obtenue sous l'influence des seules actions de la nature, — artificielle, lorsqu'elle provient de plantations ou de semis exécutés de main d'homme. En France, le principe de la régénération naturelle est géné- ralement appliqué ; aussi, l'origine de la grande majorité des peuplements se rattache-t-elle à l'une des causes suivantes : soit la dissémination naturelle des graines, qui donne naissance à des peuplements formés de brins de semence; — soit la repro- duction par les axes, qui rajeunit les peuplements au moyen des rejets de souches ou des drageons. Quel que soit l'âge des peuplements, on est convenu de les appeler des futaies (1) dans le premier cas ; des taillis simples dans le second. On a donné à chacun de ces groupes fonda- mentaux le nom de régime, qui est synonyme de : mode de régénération. On dit :1e régime de lafutaie\\e régime du tail- lis simple. (1) Autrefois, en France, on appelait futaies tous les gros arbres, tous ceux dont la tige mesurait à hauteur d'homme trois pieds de tour, quelle que fût leur origine. La définition actuelle date de la pu- blication du magistral traité de MM. Lorentz et Parade : la Culture des hois. 106 LES PEUPLEMENTS. Lorsqu'on cherche à réunir sur une même surface les avan- tages du régime delà fulaie à ceux du régime du taillis sim- ple, on obtient des peuplements mixtes, qui, dans la pratique, acquièrent une importance suffisante pour qu'on ait cru de- voir en faire un troisième régime, celui du taillis sous futaie, dit aussi régime du taillis composé. Forme des peuplements. — Dans chacun de ces régimes, suivant qu'on fait porter les exploitations sur des surfaces continues ou sur des tiges considérées individuellement, ou bien que l'on adopte toute autre combinaison pour récolter les produits, on applique des modes de traitements différents. On appelle forme d'un peuplement le faciès qu'il revêt sous l'influence du traitement qu'on lui applique. A ce point de vue, les peuplements se divisent en deux classes principales : ceux qui sont composés de tiges ayant sensiblement même âge et, par suite, mêmes dimensions — et ceux qui sont formés de tiges de différents âges et conséquem- ment de hauteurs et de grosseurs différentes. Les premiers sont les peuplements d'un seul âge ou uniformes ; les seconds sont dits d'âges multiples ou inégaux', on les appelle encore mêlés, en ce sens que les plus jeunes sujets et les plus âgés sont confusément agencés sur des espaces restreints. Quand une série (1) de futaie est composée d'une suite non interrompue de peuplements ayant même âge chacun, on dit qu'elle est traitée en futaie régulière ou futaie pleine', de même pour la série de taillis, qui sera traitée en taillis simple régulier. — Quand la série de futaie est composée de groupes de peuplements d'âges mêlés, on dit qu'elle esljardinée', dans les mêmes conditions un taillis simple est fureté. Le jardi- nage et le furetage sont les modes de traitement qui donnent naissance à ces formes. Le régime du taillis composé ne com- porte nécessairement que des peuplements mêlés. Quand, pour des causes d'un ordre cultural ou économique, (1) On appelle série d'exploitation ou simplement série, toute forêt ou portion de forêt, disposée de façon à fournir, durant la révolution, une série de coupes successives et annuelles (Lorenlz et Parade, Culture des bois). La notion de la série, conception toute française, doit être attribuée à ces auteurs. ACTION DBS AgBAES LES UNS BUB LES AUTBB8. K>7 on est amené à changer le mode de traitement .- 1 j > j > 1 1 < 1 1 1 <'* jus- qu'alors à une forêt, on lui fait subir un traitement tempo- raire, qui prend le nom de conversion, quand on passe d'un régime à un autre régime, — et de transformation, quand on change simplement le mode de traitement dans le même régime. Consistance des peuplements. — La consistance d'un peuplement se rapporte au nombre des tiges qu'il renferme et à la densité de son feuillage. Le nombre des tiges peut varier à l'infini en raison de l'Age des peuplements, des essences qui le composent et de la fer- tilité locale. Mais, en tenant compte de cesditTérentséléments, on peut admettre que, pour chaque état particulier, il existe un nombre maximum de tiges qui n'est jamais dépassé. Plus on se rapproche de ce maximum, plus le peuplement est plein. On dit qu'un peuplement est un massif, dès que les bran- ches des arbres se touchent sans être agitées par le vent. Le massif est serré, quand les branches s'entrelacent. Dès que les cimes des arbres sont isolées, l'état de massif n'existe plus : on obtient alors un peuplement d'arbres isolés ou clair- plant é. On nomme clairières les surfaces de peu d'étendue peu- plées d'arbres épars et, dans lesquelles, sous l'influence d'un couvert insuffisant, l'état superficiel du sol est dégradé. Les vides sont des espaces plus grands, entièrement dépourvus de bonnes essences et tout au plus couverts de mort bois. Le peuplement est clairière, s'il y existe de nombreuses clai- rières; entrecoupé, quand il présente des vides. La densité du feuillage, par suite l'obscurité plus ou moins grande du couvert, dépend avant tout de la frondai- son des essences du massif. A ce point de vue, chaque espèce se constitue d'une manière différente et, dès que l'état maxi- mum de densité qu'elle comporte est atteint, il disparaît au- tant de feuillage dans le dessous qu'il s'en produit dans le dessus. Nul n'ira chercher, sous les pins sylvestres ou les bou- leaux, les épais ombrages des sapins ou des hêtres (fig. 29 et 30). Entre ces types extrêmes, tous les intermédiaires existent. 108 LES PEUPLEMENTS. Figi 29. — Vieille futaie de hêtre en massif très serré, canton de^ la Mare-aux-Bourres(Lyons-la-Forèt). (Photographie de M. J. George.) ACTION m s Aitliltl ;s LES UNS Mit Lis AUTRES. III!» D'ailleurs, en sol fertile cl sous nu climat doux, la végé- tation des arbres esl plus luxuriante, les limbes des feuilles Fig. 30. — Haut perchis de pins sylvestres formant massif clair, canton des Rappes, forêt de Bertrichamps (Meurthe-et-Moselle. (Photographie de M. l'Ingénieur Guéroult.) sont plus développés, par suite le couvert est plus dense, plus noir, que dans les sols médiocres et sous les climats rudes. Étages de végétation. — Jusqu'alors nous avons considéré 110 LES PEUPLEMENTS. le peuplement à l'état simple, c'est-à-dire, formé par un seul étage de végétation, fourni par des arbres semblables les uns aux autres, dont les cimes s'étalent parallèlement au sol dans une même zone de hauteur. Mais, souvent, on rencontre sur un même point plusieurs de ces étages ; il est rare, cependant, que ces peuplements composés en présentent plus de deux. On appelle, alors, étage dominant, celui qui est formé par la masse des cimes les plus élevées, dont les rameaux s'épanouis- sent en pleine lumière ; tous les sujets dont les cimes, subor- données aux précédentes, végètent ou languissent en dessous d'elles, constituent Y étage dominé ou sous-étage. Entre l'étage dominant et l'étage dominé, il s'établit une relation nécessaire quant à la densité ; le second, en effet, ne vit que delà lumière tamisée à travers le feuillage de l'étage supérieur; donc, plus celui-ci sera léger, plus la végétation basse pourra se développer. On constate que les peuplements de même âge, quelles que soient leur origine et les essences qui les composent, ont tou- jours une tendance à se constituer en un étage unique, au- dessous duquel les longues tiges nues se profilent dans des espaces vides de feuillages. Cette tendance à l'uniformité est d'autant plus marquée que la station est plus fertile. Au con- traire, plus les conditions sont mauvaises, moins les arbres affamés supportent l'état serré; au fur et à mesure que le massif s'éclaircit, le sol se couvre de générations nouvelles et l'uniformité originelle disparaît. C'est une indication dont il est utile de se souvenir, quand il s'agit de choisir le mode de traitement applicable à une forêt donnée. Quoiqu'il en soit, cette égalité absolue, qui, pendant longtemps, a été considérée comme le type idéal vers lequel devaient tendre tous les efforts des forestiers, doit autant que possible être prévenue et évitée. Car, sous son couvert insuffisant et qui va sans cesse en s'éclaircissant avec l'âge, le sol se tasse, se dessèche, les vents balayent les feuilles mortes et avec elles disparaissent les éléments qui le fécondent. La présence de sous-étages, ne fussent-ils représentés que par les plus humbles sous-bois, prévient ces accidents. Aussi l'hygiène de la forêt commande-t-elle de conserver scrupuleu- ICTIOM DES A.RBRES LES UNS *l'U LES AUTRES. Il l sèment cette végétation intermédiaire on buissonnante, et, lorsqu'elle a disparu sous l'influence r, on cul- ture forestière, l'homme n'apporte pas d'engrais el ne laboure pas le sol. Pourquoi ce dernier conserve-t-il néanmoins sa fertilité? C'est que, d'une part, — les analyses chimiques l'ont dé- montré, — le bois constitué de lout échantillon ayant dépassé les dimensions de branchettes ou de brindilles renferme en quantités très faibles les matériaux rares et précieux, comme l'azote, l'acide phosphorique et la potasse; si, donc, on se contente d'exporter de la forêt du bois ayant au moins le calibre de rondins, la production forestière sera beaucoup moins épuisante que les autres. Et, d'autre part, nous allons le voir, Faction du peuplement suffit pour entretenir le sol dans un état de fertilité satisfaisant et même pour l'améliorer. La couverture. — L'instrument dont il se sert est la couverture, qui, par ce fait, est appelée à jouer, dans la vie de la forêt, un rôle capital, tant au point de vue physique qu'au point de vue chimique. Comme son nom l'indique, la couverture est la couche superficielle qui recouvre immédiatement le sol minéral. On distingue la couverture vivante, généralement connue sous le nom de tapis végétal, composée par des plantes de petite taille, ligneuses ou herbacées, qui verdissent la surface du sol, sans jamais s'élever au point d'être confondues avec les sous- bois, — et la couverture morte, véritable litière ou paillis de détritus de tous genres, tels que : feuilles, aiguilles, brindilles et branches mortes, lambeaux d'écorce, fruits, déjections et débris d'animaux, etc. La couverture morte, son rôle physique. — D'après M. le professeur Henry, le poids de la couverture morte récoltée au mois de novembre dans des taillis sous futaie de vingt ans, aux environs de Nancy, varie suivant les sols, entre 4.600 et 5.500 kil. à l'hectare; et, dans les futaies de hêtre de la même région, il peut atteindre 7 à 8.000 kil. (1). (1) E. Henry, Poids et composition de la couverture morte {Annales de la Science agronomique française et étrangère). 118 LES PEUPLEMENTS. M. le professeur Ebermayer (1), a résumé les principales propriétés physiques de la couverture de la manière sui- vante : 1° Elle offre de nombreux espaces capillaires, des sortes de canaux, qui la rendent comparable à une éponge et lui permettent de retenir une grande quantité d'eau par imbibition, quantité qui, parfois, peut atteindre deux fois et demi son poids ; 2° Elle protège le sol contre l'accès direct de l'air et le met par- tiellement à l'abri des mouvements de l'atmosphère, empêchant ainsi une trop active évaporation ; 3° Enfin, l'air renfermé dans ces canaux agit, comme dans le cas de la neige, en rendant la couverture peu conductrice pour la cha- leur et diminue ainsi, tantôt le rayonnement du sol, tantôt la quan- tité de chaleur qu'il absorberait s'il était nu; la couverture empêche donc la couche superficielle du sol de s'échauffer ou de se refroidir trop rapidement. Ajoutons enfin que la couverture s'oppose au tassement du sol, en brisant le choc des gouttes qui viendraient le battre pendant les grandes pluies; qu'elle prévient le ruisselle- ment des eaux et le ravinement des terres ; qu'elle facilite enfin la pénétration des eaux athmosphériques dans les couches profondes. Le terreau, l'ameublissement du sol et la terre à bois. — Sous l'influence de ferments divers, agissant dans des milieux favorables, les éléments de la couverture se résolvent en une matière pulvérulente, de couleur foncée, souvent complètement noire, dégageant une odeur de moisissure spé- ciale que tout le monde connaît. C'est V humus ou terreau. Son importance est prépondérante, et nous devons, tout d'abord, enregistrer ses propriétés physiques, qui viennent s'ajouter aux précédentes pour le bénéfice du sol forestier. Il absorbe et retient une quantité d'eau beaucoup plus considérable que tous les autres éléments terreux; mais s'il reste toujours frais, il n'est jamais mouilleux, car il est aussi filtrant qu'hygroscopique. Il semble, d'ailleurs, qu'en toutes choses, il se montre le pondérateur merveilleux des qualités physiques d'un sol. Ainsi, il se comporte à la façon (1) Ebermayer, Étude d'ensemble sur la couverture des forêts, Ber- lin, 1876; analyse de M. L. Grandeau, dans les Annales de la Science agronomique française et étrangère, Nancy, Berger-Levrault, 1878. ACTION DBS ARBRES Si it LE BOL. 119 dos argiles pour donner quelque cohésion aux sables les plus pulvérulents, sans que ses effets, dans ce sons, viennent s'ajoutera ceux de l'argile; bien au contraire, il divise les terres trop compactes. De môme, il tempère les excès de chaleur et de froid et adoucit les propriétés mauvaises de certaines matières minérales. D'autre part, le terreau est le principal agent d'un véri- table ameublissomenl mécanique du sol, dont l'effet ne peut être comparé qu'à celui du labour. Darwin avait déjà appelé l'attention sur les procédés à l'aide desquels les vers de terre brassent les couches superficielles du terreau; mais, en ce qui concerne plus particulièrement les forêts, les travaux récents poursuivis en Danemark par M. le Docteur Mûller (1) ont montré que, dans le terreau forestier, existent des pléiades d'organismes, de dimensions aussi variées que les embranche- ments auxquels ils appartiennent. Tous ces fouisseurs vivent dans le terreau et par le terreau ; plantivores et carnassiers le perforent de leurs galeries et le transforment en une masse mouvante, sous l'effort constant des mangeurs et des mangés, qui le parcourent dans tous les sens à la poursuite les uns des autres. Mais bientôt, attirés par ce régal, les animaux d'un ordre plus élevé : musaraignes, taupes ou sangliers, achèvent de mélanger sol, sous-sol et terreau, comme ferait la pioche ou le soc de la charrue. A ce propos, ajoutons que les arbres eux-mêmes con- tribuent, d'une manière directe, à donner au sol, sinon l'ameublissement, du moins la perméabilité, par leurs racines qui le pénètrent profondément. Avec le temps, l'ensemble de ces actions concourt à trans- former la terre sauvage en cette terre à bois, dont la consis- tance toute spéciale explique la sensation d'élasticité qu'on éprouve en marchant sur le sol d'un vieux peuplement. Rôle chimique de la couverture morte, l'acide phos- phorique et la potasse, l'azote. — Le rôle chimique de la couverture n'est pas moindre. En analysant les matériaux (1) D1' P.-E. Mûller, Studien ûher die nalûrlichen Humusformen und deren Einwirkung au/* Végétation und Boden. Berlin, 1887. (Trad. par M. Henry Grandeau. Nancy, Berger-Levrault, 1889). 120 LES PEUPLEMENTS. qui constituent la couverture morte dans des forêts doma- niales des environs de Nancy, traitées en taillis-sous-futaie, M. le Professeur Henry (1) a trouvé les chiffres suivants par hectare, dans un peuplement âgé de 20 ans. Acide phosphorique.. 23 kil. en sol calcaire. 29 kil. en sol argileux. Potasse 16 — 33 — Azote environ 43 kil. dans l'un et l'autre sol. Ce qui représente l'équivalent de 6.000 kilos de fumier de ferme, et, aux prix actuels des engrais chimiques, une valeur de 74 francs. Si les feuilles rendent au sol ce qu'elles lui ont pris, où trouver la restitution des matériaux précieux exportés dans la récolte-bois et qui, malgré leur faible importance relative, ne constituent pas moins une perte sèche? Cette restitution se fait par une sorte de mobilisation de la réserve du sol, sous l'influence de la vie du peuplement. a On appelle réserve du sol, dit M. Henry, les éléments tels « que les silicates de potasse, de chaux, de magnésie, etc. , qui, « insolubles pour le moment et inutilisables pour la végéta- « tion, le deviennent peu à peu grâce à l'oxygène et surtout « à l'acide carbonique, dont l'air occlus dans les sols forestiers « contient toujours de notables quantités. » Or, l'air pénètre dans les sols ameublis et fournit l'oxygène. D'autre part, l'acide carbonique en excès est dégagé par les microorga- nismes, lorsqu'ils réduisent la couverture en terreau. Ce dernier dissout les sels nutritifs, les digère pour ainsi dire et les prépare en aliments tout prêts à être livrés à la consom- mation des racines. Mais d'où vient l'azote? Car, si les phosphates et la potasse restent fixés dans la terre tant que la végétation ne vient pas les lui prendre, on sait que les nitrates ne font que traverser les couches superficielles et se perdent avec les eaux de drainage. On admet que les matières nitreuses en dissolution dans les eaux météoriques (pluies, neiges, rosées), lorsqu'elles traver- sent lentement les puissantes assises pénétrées par les racines (1) E. Henry, Poids et composition de la couverture morte des Forêts (Comptes rendus Ac. des Sciences, 1896). action m s A.RBRB8 BUH LE BOL. 1-1 des grands arbres, cèdenl à ceux-ci plus d'azote qu'elles n'en peuvent fournir aux récoltes agricoles, dans leur court trajet à travers la mince couche arable qui lii Tl<>\ m ru il EMBNT. 1 25 Aussi, on dehors du cas spécial <>ii l'on cherche une régéné- ration par la semence n'esl-il pas indiqué de la faire dispa- raître par des travaux onéreux . ( le serait supprimer l'effet sans supprimer la cause; car l'évolution d'un (apis végétal est la conséquence nécessaire de l'arrivée au soi de rayons lumi- neux, tamisés à travers la frondaison insuffisante d'un peu- plement incomplet ou mal composé. Le seul moyen d'en avoir raison, sans frais, est donc de laisser le peuplement se recon- stituer normalement et de provoquer la réinstallation des sous bois. ARTICLE IV ÉVOLUTION DU PEUPLEMENT Evolution du peuplement uniforme. — États de développements suc- cessifs des futaies régulières ; — du taillis simple régulier. — Évo- lution des peuplements jardines et furetés. Évolution du peuplement uniforme. — Suivant son ori- gine et sa forme, chaque peuplement évolue à sa manière et, à ce point de vue, il faut établir une différence fondamentale entre le peuplement uniforme et le peuplement d'âges mêlés. Dans tout peuplement uniforme, les tiges d'avenir, celles que leur vitalité plus grande maintient dans l'étage dominant où rien n'arrête leur essor, s'élèvent en bloc, chaque année, d'une quantité à peu près égale pour toutes, jusqu'au moment où elles ont atteint leur maximum de hauteur. Aussi, à tous les âges, le profil du massif est-il limité par une ligne régulière et parallèle au sol. États de développements successifs de la futaie régu- lière; — du taillis simple régulier. — Dans cette suite non interrompue d'accroissement en hauteur, l'observation de phénomènes qui se reproduisent d'une manière constante a permis de distinguer certaines phases, certains états particu- liers, qui, pour la futaie régulière, ont été appelés, dans l'ordre où ils se produisent : semis, fourrés, cjaulis, bas et haut per- chis, haute futaie et vieille futaie . Chacun de ces états de développement peut être caractérisé 126 LES PEUPLEMENTS. dans les termes suivants, que nous empruntons à M. le Pro- fesseur Broilliard (1) : ... Tant que les jeunes semis se trouvent isolés l'un de l'autre sur le terrain découvert entr'eux, la végétation reste faible, et l'avenir de la forêt naissante est encore incertain; mais, quand le fourré s'est gé- néralement constitué, s'élevant plus ou moins suivant les points, et alors même qu'il y reste quelques places vides, la forêt a pris posses- sion du sol et se développe rapidement. Les fourrés naturels offrent généralement des tiges de hauteurs rrégulières, et faisant un mélange confus de jeunes sujets de bonnes essences avec des espèces secondaires et des morts-bois, dont la pré- sence hâte la formation du fourré et lui donne la densité désirable. Le gaulis est formé de baguettes, ou gaules flexibles, ayant perdu les branches basses.... Le sol s'améliore rapidement par l'effet du cou- vert bas et complet et des détritus végétaux qui s'accumulent. Le nom- bre des petites cimes qui luttent entre elles en s'élevant pour prendre la place au soleil, diminue d'année en année, pour ainsi dire à vue d'œil. Une futaie se trouve à l'état de perchis, quand elle est principalement constituée par des perches, tiges de 1 décimètre de diamètre au moins... Dans les bas perclus, la production annuelle en bois arrive à son maximum ; l'élagage naturel des branches basses s'opère encore avec rapidité et le nombre des tiges diminue de même. On appelle haut-perchis ou demi-futaie le massif dont les fûts ont déjà pris une grande hauteur : hauteur qui correspond souvent à un diamètre minimum de 2 décimètres, à 1 m. 30 du sol. Les cimes, dont les branches principales sont déjà fortes, occupent chacune une place assez large, les plus faibles résistent longtemps avant de périr sous l'étreinte de leurs voisines... Quand les fûts sont entièrement constitués, le massif prend le nom de « futaie proprement dite » ou de « haute-futaie ». Les cimes élevées ont de fortes branches, qui persisteront à peu près indéfiniment, ou ne disparaîtront à la longue qu'en laissant au tronc des tares amenant la dégradation lente des arbres les plus faibles. Les trouées qui viennent à se produire se comblent dès lors difficilement, et, au-dessous d'elles, des semis se montrent en permanence sur le sol. La production ligneuse du massif est un peu plus faible que dans les perchis. Chacun de ces états persiste un temps plus long que celui qui l'a précédé, le bas perchis plus longtemps que le gaulis, mais moins long- temps que le haut perchis et celui-ci moins encore que la haute futaie. Celle-ci prend le nom de Vieille futaie quand les arbres, devenus gros, approchent de la maturité. Les vieilles futaies ne sont pas toujours en massif uniforme par l'âge et la grosseur des tiges. En résumé, dans l'évolution du peuplement uniforme, comme dans celle de tout être organisé, on peut distinguer trois grandes phases : (1) Broilliard, Le traitement desbois en France, p. 238. i' \ OLUTION i»i PEUPL1 \n.\ i . I 'Il 1" Naissance è\ constitution du fourré; 2° ./aînesse et croissance en hauteur, pendant les états de gaulis, bas et haut perclus. 3° Enfin Age mûri pendant lequel les arbres adultes s'ac- croissent surtout en grosseur et fructifient abondamment. Le taillis simple régulier ne se comporte pas toul à l'ait de même. Les rejets, à leur naissance, émergent de souches tou- jours plus ou moins éloignées les unes des autres, de sorte qu'il se passe un temps variable, mais toujours assez long, avant que les branches basses se rejoignent et s'entrelacent pour former le fourré. Pendant ce temps, les tiges principales dépassent les dimensions de gaulis et le peuplement devient un bas perchis, sans prendre l'aspect de gaulis. A partir de ce moment, il évolue comme la futaie pleine, dont il se différencie néanmoins par certaines tares qu'il doit à son origine : les tiges sont, en effet, plus ou moins déviées à la base, et leur section faite dans cette même région, au lieu d'être circulaire, est dé- primée du côté de la souche dont elles sortent. Aussi, pour les distinguer de la futaie vraie, ajoute-t-on les mots sur souches, aux expressions qui caractérisent leur état de développement et l'on dit : bas et haut perchis sur souches, haute futaie sur souches. Évolution des peuplements jardines et furetés - Bien différentes sont les allures des peuplements qu'un traitement systématique entretient dans les formes jardinées etfuretées. Ici, les sujets mûrissent individuellement, et, sur chacun des points dénudés par la coupe qui les enlève, il en naîtra d'au- tres pour occuper leur place. Les bois de tous âges se déve- loppent irrégulièrement dans les espaces variables que leur ménagent les hasards des exploitations, leur croissance étant tantôt activée, tantôt ralentie par la plus ou moins grande quan- tité de lumière qu'ils reçoivent à un instantdonné. Pas plus que dans la masse de leur frondaison on ne distingue d'étages, on ne peut constater dans la durée de leur évolution aucune phase, aucun état particulier de développement. Si bien que ces .peuplements, qui n'ont pour ainsi dire point d'âge, se per- pétuent toujours semblables à eux-mêmes. Pour mieux faire comprendre la situation, pour mieux faire 128 LES PEUPLEMENTS. ressortir la différence qui sépare ces deux types de peuple- ment, nous comparerons leur évolution à celle des parcs d'agré- ment, suivant qu'ils sont créés et entretenus d'après une des méthodes : française ou anglaise. Dans les parcs français, les arbres, souvent de même essence, sont disposés, à la même époque, en longues bordures ou en avenues régulières, où, tou- jours solidaires les uns des autres, ils grandissent et vieillis- sent ensemble. Ils forment un tout homogène, et sous peine d'en rompre le caractère grandiose et l'harmonie, il est im- possible de les rajeunir autrement que par un remplacement en masse. C'est l'analogue du peuplement uniforme. Au contraire, dans le parc anglais, tous les éléments sont indépendants les uns des autres. Les arbres, plantés un peu au hasard, tout en suivant certaines règles de l'esthétique, peuvent être remplacés individuellement au fur et à mesure de la maturité de chacun, sans nuire au caractère de l'ensemble. Comme les peuplements jardines ou furetés, ces parcs conservent toujours le même aspect. En deux mots, l'évolu- tion de l'un se fait à temps, tandis que celle de l'autre se pro- longe h perpétuité. A propos des traitements qui engendrent des formes aussi dissemblables, nous pouvons, dès maintenant, déduire les conséquences suivantes : 1° Chacune des unités de surface couverte par un peuple- ment d'âges multiples forme un tout complet qui, au point de vue du but final, évolue indépendamment des surfaces voi- sines. La vie de relation y existe à peine ; c'est, en quelque sorte, la cellule unique des êtres inférieurs. Comme l'organisme, le traitement restera simple. 2° Dans les peuplements uniformes, chacun des éléments est solidaire des autres, avec lesquels il marche d'ensemble vers le but commun. Pour assurer l'harmonie dans ce concert, un instrument nouveau est indispensable, dont le rôle n'est pas sans présenter une certaine analogie avec celui du système nerveux chez les êtres supérieurs. Le traitement de la forêt -sera compliqué d'aulnnt. CHAPITRE IV LES FORÊTS Nous venons de constater les effets de l'intervention de l'homme sur la vie des peuplements. Mais, de cette étude, il ne faudrait pas conclure que la forêt se prête, sans protester, ;t tous les caprices de l'exploitant. Loin de là, l'expérience de tous les jours nous l'indique, chaque mode de traitement est cantonné dans un champ d'application dont les limites sont parfois très étroites et en dehors desquelles tous les accidents sont à craindre. Sans pousser les choses au pire, dès que la main de l'homme élimine l'une ou l'autre des espèces qui forment la forêt spontanée, la fertilité générale en souffre et s'amoindrit ; cette modification dans le sens rétrograde peut avoir une marche assez lente pour ne pas être bien visible dans le cours d'une génération, mais elle n'en est pas moins fatale. C'est dire que, toujours et partout, l'action de la nature est prépondérante. Dans chaque région, dans chaque station même, les agents sol et climat imposent à la forêt des allures particulières, lui façonnent une sorte de capacité forestière, qu'on ne saurait lui faire dépasser. Nous pensons en fournir la preuve dans les pages qui vont suivre. ARTICLE PREMIER ACTION DU SOL Rôle du sol : généralités ; classement. — Sols siliceux : propriétés physiques; tapis végétal; allures des forêts; sables à grains fins; alios ; tourbières. — Sols argileux: propriétés physiques; tapis vé- gétal ; allures des forêts; lcehm. — Sols à base calcaire : propriétés physiques ; tapis végétal ; allures des forêts ; marne. Rôle du sol. — Le rôle du sol, en même temps qu'il sert Boppe et Joi/yet. •' 130 LES FORETS. de support aux arbres, est de maintenir à leur disposition une quantité d'eau suffisante pour contre-balancer les effets de l'évaporation. D'autre part, nous avons dit que les végétaux ligneux et surtout les espèces sociales, qui for- ment la base de tous nos peuplements, sont très peu exigeants au point de vue de la richesse minérale du sol. Remarquons enfin, qu'il faut considérer comme faisant partie du sol fores- tier, non seulement la terre arable, mais encore toutes les zones sous-jacentes perméables aux racines; par conséquent la masse nourricière des forêts est beaucoup plus puissante que celle qu'utilisent les végétaux agricoles ; cependant cette quantité n'est pas illimitée ; car, en dehors des fissures qui, en raison de leur humidité constante, font pénétrer les racines jusqu'aux assises les plus profondes des rochers disloqués et des éboulis, il est rare que celles-ci fonctionnent au-delà de un ou deux mètres de profondeur. Pour la forêt, les propriétés chimiques d'un sol importent donc beaucoup moins que ses qualités physiques; parmi lesquelles la profondeur et la perméabilité d'une part, et d'autre part l'aptitude, non seulement à absorber l'eau des pluies, des neiges, du givre et de la rosée, mais encore à la retenir, sont les plus importantes. Dans la pratique, on a conservé l'habitude de classer les sols en trois groupes distincts : les sables siliceux, les argiles et les terrains à base calcaire. Sans doute, dans les milliers d'échantillons de terres qui se rencontrent à la surface du globe, la proportion des trois éléments : silice, argile et carbonate de chaux varie à l'infini ; mais il est rare que l'un d'eux ne prédomine pas suffisamment pour donner au milieu son caractère propre. Sols siliceux. — Le sable siliceux pur, lorsqu'il contient peu de matière organique en mélange, forme un sol meuble, sans liaison à l'état sec, n'ayant même qu'une faible cohésion sous l'influence de l'humidité. L'eau, qui traverse facilement cet amas filtrant, entraîne avec elle les particules fines dans les profondeurs ; aussi la surface, n'offrant aucune résistance à l'érosion, est-elle facile- ment ravinée par les eaux ou déplacée par les vents. Sa \<.ii<»\ nu SOL ni faible ténacité n'offre aux grands arbres qu'une assiette in- suffisante; du reste, aussi bien pour y chercher leur nourriture que pour trouver un point d'appui plus solide, les racines pénètrent fort avant dans ces sols et -'\ étalenl amplement. Très pénétrable par l'air, le sable prend rapidement la tem- pérature du milieu ambiant : il s'échauffe et se refroidit très Fig. 33. — Escarpements calcaires des bassins du Doubs. (Photographie de M. Thiollier.) vite; aucune terre n'est plus apte à se dessécher, à devenir aride dès qu'elle est ouverte à l'accès des vents et des rayons du soleil : toutes conditions mauvaises pour la bonne fabrica- tion du terreau, qui prendra souvent la forme fibreuse. Les accidents de gelées, printanières ou autres, y sont aussi plus à craindre qu'ailleurs. Le tapis végétal du sol siliceux est plus pauvre en espèces que celui des terres plus fertiles; mais les plantes sociales, qui s accommodent de ces stations, se jettent à foison dans les vides et profitent de toutes les fautes pour en augmenter la gravité ; 132 LES FORÊTS. car, une fois installées, elles ne se laissent plus exproprier, même par les grands arbres. Ces plantes sociales peuvent être her- bacées, comme la grande fétuque bleue, mais elles sont plus souvent ligneuses : comme les genêts, les ajoncs, l'airelle myr- tille, la callune et ces éternelles bruyères, qui, suivant les climats, feront la lande ou le maquis . Malgré tout, le sol siliceuxpeut nourrir de belles et bonnes forêts, sous la condition d'être découvert le moins possible. Le semis y réussit très bien; par contre, les souches n'y rejettent que médiocrement : c'est dire que le traitement en futaie est préférable au traitement en taillis. Aussi les tentatives faites pour y perpétuer ce dernier mode ont-elles, le plus souvent, amené des désordres et des états d'épuisement tels, qu'il a fallu remplacer les espèces spontanées par d'autres plus frugales. Les trop nombreuses taches de résineux introduits, qui envahissent progressivement les régions autrefois peuplées de magnifiques forêts de hêtre et de chêne, n'ont pas d'autre origine. Enfin, ces sols conviennent parfaitement à la culture en pépinière; car ils se travaillent sans effort et s'entretiennent à peu de frais en bon état de propreté. Essentiellement neutres, ils n'excluent aucune essence et acceptent sous forme d'engrais et d'amendement toutes les matières qu'on veut leur incorporer. D'ailleurs, à cause de leur état de divi- sion, les racines développent un chevelu abondant, qui facilite la reprise des sujets lors de la transplantation. Ces propriétés moyennes peuvent être profondément modi- fiées en bien ou en mal par des causes diverses. C'est ainsi que ces mêmes sols, quand les éléments en sont fins ou très fins, conviennent mieux que tous les autres à l'éducation des massifs de futaie; les sables les plus ténus, pourvu qu'ils soient imprégnés de terreau, jouent à s'y méprendre un rôle analogue à celui de l'argile et assurent une fraîcheur constante. Les arbres atteignent des hauteurs considérables, leurs fûts se rapprochent de la forme cylin- drique et la régénération par la semence y est des plus faciles. Les argiles h silex, qui, malgré leur nom, rentrent dans la catégorie des sols siliceux, nourrissent les plus belles futaies \<:tion DU sol. 133 de France : ainsi, celles de Villers-Cotterets, de Lyons, de Bellême, de Bercé, de Senonches, de Trouvais, pour ne citer que les plus remarquables par leur splendeur et leur étendue. On peut en dire autant des sapinières qui reposent sur les près infraliasiques elles autres formations gréseuses, sous le climat humide des Basses- Vosges. Souvent aussi, quelle que soit la grosseur des éléments et l'apparence filtrante de ces sables, on est surpris de les voir constamment mouilleux ; c'est qu'alors il s'est formé, à une faible profondeur, celte couche d'altos si connue dans les Landes de Gascogne et dont la composition n'est autre que celle du sable lui-même, agglutiné en une sorte de roche compacte, imperméable, de couleur brune, par un ciment organique dans lequel les sels de fer ne manquent jamais. Partout où cet alios se rencontre, les effets ordinaires d'une végétation mauvaise sont encore aggravés par des accidents fréquents de gelées prinlanières et de gelées d'hiver. Quand les circonstances le permettent, et plus particulièrement lorsque le relief est peu accusé ou en forme de cuvette, la présence de l'alios est pour ainsi dire fatale. Le seul moyen d'y remédier temporairement serait de percer de loin en loin la couche imperméable par des trous de sonde, qui rempli- raient l'office de puits perdus. On peut encore faire rentrer les tourbières dans le groupe des terrains siliceux. Celles-ci, heureusement assez rares en France, n'y ont qu'une faible importance forestière. Souvent d'ailleurs, surtout dans la moyenne montagne, elles jouent, au point de vue de l'alimentation des cours d'eau pendant Tété, un rôle analogue à celui des glaciers. Aussi, sans pré- tendre les mettre en valeur par des assainissements coûteux, suffit-il de préserver par des fossés d'écoulement les cantons boisés qui les entourent, contre leur envahissement toujours à craindre. Sols argileux. — Les terrains argileux sont froids, humides, et, quand ils se dessèchejit sous l'action du vent ou du soleil, ils se transforment en une masse dure, crevassée par un retrait considérable et douée d'une odeur spéciale lors- qu'elle s'humecte. Les eaux séjournent à leur surface si la 134 LES FORETS. pente fait défaut; alors l'excès d'humidité, le manque de chaleur retardent la végétation et entravent la décomposition des débris organiques; le terreau y prend la forme acide et la pauvreté de sa faune ne lui permet d'amender que les couches les plus superficielles. Ces terrains sont, en géné- ral, profonds ; mais les racines des arbres s'enfoncent difficile- ment dans ces masses compactes, où elles ne fonctionnent qu'avec peine, faute d'oxygène. Un couvert prolongé sera donc plus nuisible qu'utile aux sols argileux et l'accès modéré de l'air et du soleil ne peut que leur donner plus de fertilité ; leur teneur suffisante en sels nutritifs, leur fraîcheur constante permettent de leur appliquer un genre de culture assez épuisant; toutes raisons qui justifient le traitement en taillis sous futaie ou même en taillis simple, qu'on applique généralement aux forêts feuillues de ces stations. De pareils modes de traitement, quelque peu artificiels, conviennent à ces terrains, qui donnent de belles récoltes en bois, comme ils donneraient de belles récoltes en blé, à condition que l'homme se charge de veiller à la régénération de la forêt, aussi bien qu'il le fait pour la semaille des céréales. Par contre, ces terres, très difficiles à travailler, sont tout à fait impropres à la culture des plants en pépinière. Le tapis végétal varie suivant le degré de compacité des argiles; souvent composé d'herbes denses et touffues : joncs, graminées, carex, il se réduit parfois, dans les cas extrêmes, à une couche de mousse peu épaisse, dans laquelle l'ensemen- cement semble assez bien réussir; mais où, bientôt, les jeunes plants disparaissent, faute de pouvoir enfoncer leurs radi- celles dans la terre. Bien que la flore arbustive n'ait pas la variété de celle des terrains calcaires, on y trouve, outre la bourdaine, fréquente comme sur les sables, d'abondants fourrés d'épines noires et blanches. Parmi les grandes es- sences, les plus communes sont le chêne pédoncule, le frêne et surtout les bois tendres: tilleuls, aunes, saules, trembles, etc., qui, d'ailleurs, y rejettent bien de souches. Deux variétés principales se rencontrent dans les terrains de ce groupe : AC'UmN Dl SOL, I 35 l" Le lehm <>u le lœss, que sa fertilité incomparable a converti depuis longtemps en nos meilleures terres agricoles, aussi n'en restc-t-il à la forêi que des lambeaux sur les rives submersibles des grandes rivières, comme L'Adour <-l la Saône. "2" Les terrains feldspathiques provenant de la décomposi- tion de roches comme les granits ou les syénites, donl les éléments argileux sont divisés par de menus cristaux et qui, malgré leur peu de profondeur, sont 1res favorables à la végé- tation forestière; dans les régions montagneuses, où on les rencontre le plus souvent, ils sont couverts de fort belles sapinières. Sols à base calcaire. — Dans la majorité des cas, les sols calcaires donnent une terre de ténacité moyenne, très avide d'humidité et se délayant en boue, mais qui se dessèche très vite, se fendille finement et tombe en poussière. Parfois aussi, les plateaux oolithiques ont leur ossature calcaire recou- verte d'un manteau d'argile rouge ferrugineuse, terre excel- lente, d'une épaisseur toutefois trop variable. Dans l'un et l'autre cas, ces sols s'échauffent avec une grande facilité et, si l'humidité ne fait pas défaut, la couverture morte s'y décom- pose rapidement dans d'excellentes conditions, en même temps que les acides organiques s'y neutralisent. Toujours riches en principes nutritifs, ils conviennent tout particulièrement à la végétation ligneuse, bien qu'ils manquent, en général, de pro- fondeur et que la nature fissurée des roches sous-jacentes les rende très perméables et les expose au dessèchement f fig. 34). Ces inconvénients sont, d'ailleurs, atténués ou aggravés suivant l'orientement du système de fissures. Lorsque celles-ci sont verticales, les racines peuvent les suivre et s'y nourrir jusqu'à de grandes profondeurs dans la terre qui les remplit. Si, au contraire, la direction en est horizontale, la roche se présente en la forme de dallages superposés, contre lesquels les racines se buttent en vain. Dans ces conditions, le choix du mode de traitement est entièrement subordonné à la profondeur. Quand elle est suffisante, on peut tout demander et tout obtenir; partout où elle fait défaut, on s'efforcera d'éviter le dessèchement que causerait un découvert trop complet et trop souvent répété 136 LES FORETS. et, renonçant aux chênes et autres arbres pivotants, on ne cultivera que des espèces à racines traçantes. Dans les régions méridionales, les forêts en terrain calcaire sont ex- ploitées surtout en vue de leur production en écorce, ou utilisées comme pâtures; chêne yeuse et chêne blanc, traités en taillis simple, couvrent de grands espaces, dont l'étendue dépasse 100 000 hectares. Assez souvent le pin d'Alep les accompagne. Le calcaire nourrit une flore très variée; plantes herbacées, arbrisseaux, arbustes, grands arbres y abondent en espèces; Fig\ 3i. — Taillis sous futaie sur roche calcaire fissurée (oolithe) Forêt de Chargey-lès-Port (Haute-Saône). n'en sont exclues que les formes calcifuges déjà signalées. Les essences les mieux appropriées à ces terrains sont le hêtre et l'épicéa à cause de leur enracinement superficiel; puis les essences exigeantes : ormes de montagne, érables, fruitiers, à cause de la richesse du sol ; enfin les espèces frileuses, comme le pin d'Alep et le chêne yeuse, qui y trouvent la chaleur dont elles ont besoin. Étant donnée cette richesse de la flore ligneuse, partout où la sécheresse n'est pas absolue, il se rencontrera toujours quel- ques sujets assez accommodants pour se contenter des maigres conditions qui leur sont offertes par les calcaires les plus dégradés. Aussi le caractère véritable de ces stations se ACTION Dl S<>F.. .37 pévèle-t-il par la bâte avec laquelle Les surfaces dénudées Be couvrentdc broussailles. Quelque mal justifié que soit le traite- a •o 3 o pu ho — a P te ment, quelqu'abusives que soient les exploitations, l'état boisé se maintient. Si les arbres disparaissent, arbrisseaux et arbustes seront toujours là, prêts à masquer les vides, à 138 LES FORETS. panser les blessures. Malgré leur vitalité, ils ne sont pas à redouter comme la tenace bruyère. En effet, tandis que celle-ci contribue à l'acidité du terreau, tandis qu'à l'instar de toutes les plantes sociales, elle couvre le sol d'un tapis continu et permanent, qui ne s'élève jamais assez pour jouer le rôle utile de sous-étage, les coudriers, les cornouillers et les différents arbustes des sols calcaires fournissent un excellent humus, et, si on a la patience de les laisser grandir, constituent un abri, sous lequel naissent abondants les semis de sapin ou des autres essences d'ombre. De même, au milieu de touffes de buis, de genévriers ou d'épines dans les friches ou les garriques, on voit poindre, suivant les altitudes, la flèche d'un épicéa ou d'un pin, la cime d'un charme ou d'un chêne (fig. 35). Et toute cette broussaille complaisante, après avoir abrité les grands arbres dans leur jeunesse contre l'enva- hissement des plantes herbacées, contre les rayons du soleil ou la dent du bétail, se laisse dominer par eux et passe mo- destement à l'état de sous-bois. Les pépinières établies en terrain calcaire se cultivent facilement, et, bien soignées, elles fournissent de bons plants ; mais, en raison de l'extrême diversité des plantes sauvages qui s'y développent, elles sont d'un entretien très coûteux. Si la proportion du calcaire en mélange avec l'argile descend au-dessous de 30 p. 100, la terre devient la marne, à laquelle les agriculteurs ne permettent plus aux forestiers de s'intéresser. ARTICLE II ACTION DU CLIMAT I. Aptitude forestière. — II. Les climats de plaine : caractères géné- raux. — Division en zones. — Zone parisienne. — Zone girondine. — Zone provençale. — III. Les climats de montagne : caractères généraux. — Vosges. — Jura. — Alpes. — Plateau central. — Pyrénées. I. — Aptitude forestière. En culture forestière, tout comme en agriculture, il s'agit de tirer parti de végétaux. Pour apprécier les aptitudes 1 10 Ai'TlTi DE I ORESTII RE, ,u' forestières d'un climat, on ajoute doncà Is série des phéno- mènes atmosphériques que 1rs cultivateurs apprécient ou &?**£*«* MF;:i#«t'** '^é- fâF* T3 Se o •«5 bo O O o -G 05 ,3 O s redoutent, certaines particularités, qui concernent plus étroi- tement le végétal arbre et, par suite, la forêt. Pour maintenir] un état de saturation constant dans sa 140 LES FORÊTS. masse ligneuse, qui doit renfermer toujours au moins 40 p. 100 de son poids total en eau, l'arbre a besoin d'une somme con- sidérable d'humidité pendant la saison de végétation ; il n'est pas surprenant, dès lors, que la forêt n'existe plus partout où le climat lui refuse le minimum d'eau nécessaire aux espèces les moins exigeantes à cet égard. La nudité relative des déserts, des steppes, des champagnes ou campines n'a pas d'autre cause. A ce point de vue, la culture forestière se rap- proche beaucoup plus des cultures fourragères et pastorales que des autres; car elle a plus d'intérêt à favoriser le déve- loppement des axes et des organes verts que celui des graines ou des fruits mûrs. En un mot, régions forestières et régions pastorales se superposent. On peut donc dire que les contrées où l'herbe reste verte toute Vannée, grâce à leur climat humide, sont, en même temps, la patrie des belles et bonnes forêts. Mais, plus que toutes les autres plantes cultivées, l'arbre craint la violence des vents ; quand l'ouragan passe inoffensif sur les prairies et les champs, il est mécaniquement nuisible aux arbres des forêts, en déracinant les uns, brisant les autres, renversant parfois des cantons tout entiers. Les sujets brisés, arrachés par le vent se nomment chablis (fig. 36). Le danger que courent les massifs dépend de l'essence, de l'âge, de la saison, de l'altitude, de l'exposition et du mode de traitement. Enfin des expériences aussi concluantes en France (1) qu'en (1) Les expériences installées aux environs de Nancy, en 1867, par M. Mathieu, sous-directeur de l'École forestière, et continuées jus- qu'en 1900 par les soins de la station de recherches, établissent les lois suivantes : 1° En forêt, pour cette région, la température moyenne annuelle est d'environ un demi-degré plus basse que dans les terres agricoles voisines ; 2° cet abaissement, très faible pendant les mois d'hiver, est surtout sensible en été ; 3° la moyenne annuelle des minima est même relevée de près de un degré, tandis que celle des maxima est abaissée de deux environ, d'où une diminution dans l'écart entre les maxima et les minima atteignant presque trois degrés; 4° les hauteurs d'eau pluviale dans une clairière de forêt, — sur la lisière d'un massif, — et dans une région franchement agricole voisine, sont entre elles comme les nombres 100, 95 et 77; APTITUDE FORESTIÈRE. 1 \ I Allemagne, concourent à l'aire admettre les faits généraux suivants comme chose jugée : l" Les grands massifs forestiers abaissent quelque peu la température moyenne de l'année ; niais, en même temps, ils régularisent les climats, en diminuant l'intensité des grands froids et des chaleurs extrêmes. *J" La forêt qui abaisse la température moyenne, facilite la condensation des vapeurs; d'autre part, la transpiration des feuilles augmente la quantité de vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère; par conséquent, l'état boisé d'une contrée active la chute des pluies et le dépôt des rosées. Ainsi, en modifiant l'état hygrométique d'un climat, la forêt le rend plus favorable à sa propre production. Elle exerce dans l'intérieur du continent un rôle analogue à celui de la mer sur les îles et les côtes. On peut donc dire que la forêt appelle la forêt et qu'il est toujours avantageux de la cultiver en grands massifs. Telles sont les considérations qui nous ont servi de base pour diviser la surface de la France en deux groupes princi- paux de climats forestiers : les climats de plaine et les climats de montagne (1). 5° il pleut davantage sur la lisière Sud-Ouest d'un grand massif forestier que sur la lisière Est; mais c'est le centre du massif qui reçoit le plus d'eau ; 6° le couvert des arbres feuillus intercepte, en été, environ 8 p. 100 de l'eau pluviale ; mais comme la forêt reçoit 22 p. 100 d'eau en excès sur les champs voisins, c'est encore un bénéfice de 22 — 8 = 14 p. 100, en faveur du sol forestier, par rapport au sol agricole. M. Mathieu, Météorologie agricole et forestière, Paris, 1878. M. Fautrat, Id. M. Bartet. Id. Bull. Ministère de l 'agriculture, 1895. M. Claudot, Id. Ann. Société d'émulation des Vosges, Épinal, 1897. M. Hûffel, Influence des forêts sur le climat, Bull. Société forestière de Franche-Comté et Belfort, 1895. (1) Nous ne pouvons ici que diviser la France en grands climats forestiers. Mais chaque département, chaque montagne, suivant l'expo- sition, suivant l'altitude, se subdivise, souvent, en plusieurs régions, caractérisées par leurs espèces forestières et que l'on peut reconnaître, même quand les grandes essences font défaut, à leur flore herbacée ou arbustive. On sait, par exemple, que l'on se trouve dans la zone du sapin, quand on voit à ses pieds Géranium sylvaticum, Prenanlhes purpurea, lianunculus aconitifolius, — dans celle du chêne vert quand on. rencontre Cistus monspeliensis, C. albidus, Lavandula lati- 142 LES FORÊTS. II. — Les climats de plaine. Caractères généraux. — Un climat de plaine comprend, en général, celui des pays de collines et de coteaux. Il est caractérisé par des altitudes variables entre 0 et 600 mètres et des reliefs, qui, bien que parfois assez accusés, ne présentent nulle part les allures abruptes et tourmentées des pays fran- chement montagneux. Dans chaque station la température est aussi chaude que leur latitude le comporte ; les saisons sont bien marquées par les quatre grandes phases du mouvement de la terre qui les produisent. Le printemps, l'été, l'automne, et l'hiver se suc- cèdent avec les variations annuelles qui leur sont propres : le printemps, plus ou moins régulier, avec ses alternatives de chaleur et de froid, qui activent ou suspendent la végétation, au point de la détruire quand surviennent les gelées dites printanières; — l'été, plus ou moins chaud; — l'automne, plus ou moins sec; — l'hiver plus ou moins froid. La suspension de la végétation par les froids de l'hiver dure quatre à cinq mois et la période d'activité se prolonge pendant sept ou huit. Mais, si la végétation est, en moyenne, plus rapide, la produc- tion annuelle est aussi plus variable; pendant telle année, un concours de circonstances atmosphériques favorables fait que la production ligneuse se trouve deux fois plus forte que pen- dant telle autre, où ces mêmes influences auront été mau- vaises. Il en résulte que les bois formés dans les plaines présentent une assez grande irrégularité dans l'épaisseur de leurs couches annuelles et, par suite, peu d'homogénéité dans leur structure. Division en zones. — En France, étant données la grande folia, Thymus vulgaris, Genisia scorpius, etc. M. Flahault, Professeur à l'Université de Montpellier, a entrepris le travail considérable, mais d'un haut intérêt, qui consiste à établir des cartes forestières ana- logues, comme échelle et comme facture, aux feuilles de la carte géologique (Ch. Flahault, Projet de carte botanique, forestière et agricole de la France, Paris, Librairies-imprimeries réunies, 1895. — Au sujet de la carte botanique, agricole et forestière de France, Annales de Géographie, 189G). F.HS CLIMATS DE PLAINK. L43 étendue relative des régions dites de la plaine et la quantité variable de lumière, de chaleur et d'humidité qu'on y ren- contre, il est nécessaire de les partager en un certain nombre de subdivisions, (l'est encore la question d'humidité ou de répartition des pluies qui permet de distinguer les trois zones suivantes : 1" zone du nord et de l'est ou pari- Zône Parisienne Zone Girondine Zone Fivven cale i ÛHuicvt demoiilamte Fig. 37. — Carte des climats forestiers. sienne; 2° zone océanique ou girondine ; 3° zone méditerra- néenne ou provençale (fig-. 37). Zone parisienne. — Cette zone est la plus développée de toutes, elle embrasse plus de la moitié de la France, c'est- à-dire, toutes les contrées qui, à l'exception du Morvan, du Jura et des Vosges, s'étendent au nord d'une ligne orientée de l'Est à l'Ouest, de Valence à l'embouchure de la Gironde. Les forêts y sont, en totalité, peuplées d'essences feuillues; 144 LES FORÊTS. les bois résineux, pin sylvestre, pin maritime ou pin laricio d'Autriche, n'y apparaissent jamais qu'à l'état d'essences introduites par la culture. Le charme en est peut-être l'es- sence la plus caractéristique ; le chêne rouvre et le chêne pédoncule sont plus nombreux là que partout ailleurs ; le hêtre y abonde, sans appartenir en propre à cette région, puisqu'il s'élève dans la montagne. A côté des essences prin- cipales qui admettent la culture en massif, on y rencontre, à l'état disséminé, des espèces précieuses, telles que: les frênes, les érables et les ormes, dont les bois, doués de qualités spéciales, apportent le plus utile contingent à la richesse forestière; c'est également la patrie des bois tendres : saules, tilleuls, peupliers, qui recherchent surtout les terrains fer- tiles et humides : de nombreux arbustes y constituent les sous-bois. La quantité d'eau tombée atteint, en moyenne, 70 centi- mètres; mais, ce qui caractérise l'influence bienfaisante des pluies, c'est que la majeure partie se précipite en été, de sorte que les grandes sécheresses sont rarement à craindre. Les vents dominants sont ceux de l'Ouest, qui, chargés de nuages, activent peu l'évaporation et se condensent en brouillards et en pluies au moindre abaissement de température. Tout concourt donc à rendre le climat humide et essentiellement favorable à la végétation ligneuse. C'est, par excellence, la région qui produit les bons bois d'œuvre, région d'aspects très divers, toutefois, pour celui qui la parcourt de l'Ouest à l'Est. A l'Ouest, sont les grands massifs forestiers bien limités, souvent isolés au milieu de vastes espaces livrés à la culture (fig. 38); beaucoup portent des noms historiques, presque tous sont d'anciennes forêts royales ou des biens d'apanage, dont les uns ont fait retour au Domaine, quand les autres sont devenus propriétés particulières. Si les étés sont moins chauds que dans l'est, du moins, les hivers y sont-ils plus doux: circonstances qui, jointes à la nature généralement siliceuse du sol, justifient le traitement en futaie, auquel nous devons les superbes forêts que nous avons déjà citées à l'ar- ticle précédent. LES CI.IM \ i S DE PL \l\i . i î:> Par contre, le régime épuisant du taillis, là fréquence des celées printanièreâ <'t l'abus du pâturage aux siècles passés /, = a, -— ? 9 0 — — j 3 2 in cembro. Fil Forêt de montagne près de Saint-Etienne de Tinée (Alpes-Mari limes . A l'exception du pin cembro, qui s'avance sous forme de sentinelle perdue, sur les confins des pâturages alpestres, toutes les autres espèces peuvent fournir de bons massifs, lambeaux plus ou moins étendus de la forêt continue qui 158 LES FORETS. couvrait les Alpes avant l'arrivée de l'homme. On peut citer encore : les hêtres du Vercors, les épicéas de la Tarentaise, les pins de montagne de l'Embrunois, les sapins de toutes les vallées fraîches, même dans le Var et les Alpes maritimes, et enfin les mélèzes du Briançonnais, du Queyras et du Comté de Nice. Ce dernier fait la richesse forestière des Alpes. Tantôt, ce sont des massifs purs ; tantôt, en mélange avec l'épicéa ou le pin de montagne, il s'accroche aux flancs les plus escarpés, domine les crêtes les plus élevées et s'avance jusqu'aux èhoulis et aux clnppes, où il a tout à souffrir des avalanches de neige et de pierres et surtout de la dent des chèvres. Dans la partie française des Alpes, on peut distinguer deux régions forestières : 1° Les Alpes septentrionales, — les Alpes vertes, — du Mont Blanc au Pelvoux, dont les vallées fraîches, s'ouvrant au Nord, sont livrées à la culture pastorale et produisent assez pour nourrir leurs habitants, où la forêt préserve encore la montagne contre les ravages des torrents. Le hêtre, le sapin, l'épicéa forment les principaux massifs de cette Suisse fran- çaise; les mélèzes y sont rares. 2° Les Alpes méridionales, du Pelvoux à la Méditerranée, où la direction Nord-Sud de la chaîne oriente les pentes du Dauphiné et de la Provence vers les expositions chau- des de l'Ouest et du Sud. Au point de vue de la répartition des pluies, le climat devient excessif ; à de violents orages, trop souvent mêlés de grêle, succèdent des sécheresses prolongées; le sol, calciné par le soleil du midi, est facilement entraîné par les paquets d'eau qui le délayent et le ravinent ; ailleurs, des terres affouillables, que les assises rocheuses ne soutiennent pas, glissent, entraînant avec elles des pans de montagnes tout entiers. C'est la terre classique des torrents. Sans doule aux grandes altitudes, là où la roche donne de la solidité au terrain, il v a encore de belles et bonnes forêts (fig. 44). Sans doute, sur les versants Nord ou Nord-Est, sur les uhach, comme on les désigne dans certaines vallées, le sapin et l'épicéa forment des massifs pleins, ombreux et frais à quelques dizaines de kilomètres de la côte Niçoise ; mais, souvent aussi, la forêt m .1 [MAT DE MON r IGNE, L59 change d'aSpect, elle est plus clairiérée et sa composition se modifie : l'épicéa se fait plus rare, il cède fréquemment la place au pin tic montagne ou au pin sylvestre, Buivant 1 alti- tude ; mais surtout, — cl on ne peul que sYn louer — le mélèze acquiert une Importance prépondérante. Comme feuillus, citons le hêtre, compagnon habituel des résineux, quand on ne l'a pas détruit systématiquement (1), — à lilrcde curiosité, le tremble, qui existe parfois en beaux exemplaires, en mélange avec les pins sylvestres, — enfin le châtaignier, dont les massifs égayent le bas des versants et dont on ne saurait trop favoriser la propagation. Mais clans l'une et l'autre de ces régions, faute de routes, ces arbres ne se vendent encore que des prix dérisoires. Souhaitons que l'initiative privée du commerce des bois intro- duise bientôt dans les vallées les mieux boisées des systèmes de transport perfectionnés, plans inclinés ou câbles aériens (2). Il est regrettable en outre que, dans ce pays, si bien doué par la nature pour la production du bois d'excellente qua- lité, les forêts aient en grande partie disparu par suite de l'abus du pâturage. L'administration forestière a reçu l'im- portante mission de reboiser les Alpes ; mais c'est dans le but de consolider le sol que ces travaux sont entrepris, et il faudra que les forêts nouvellement créées aient accompli pendant bien longtemps ce rôle protecteur, pour qu'on puisse les considérer comme une véritable source de produits ligneux. En tout cas, jamais elles ne remplaceront les forêts de la plaine que certains économistes en chambre voudraient sacrifier à une œuvre toute de restauration et d'entretien. Plateau central. — Comme celles des Alpes, les forêts du Plateau central sont loin d'occuper la place qui leur se- rait assignée par l'exploitation rationnelle du sol; car, sous ce climat franchement montagneux, les bois sont susceptibles d'acquérir toutes les qualités désirables. La pauvreté actuelle des forêts résulte de la situation qui leur a été faite dans les temps passés, alors que, dans ce grand massif arrondi, les (1) Sur quelques points, le hêtre fait naturellement défaut. (2) E. Thiéry, Les transports par câbles aériens. (Bull. Société d'en- couragement pour Vindustrie nationale. Nancy, A. Nicolle, 1896.^ 160 LES FORETS. voies de pénétration étaient trop rares pour attirer le commerce des bois. Faute de débouchés pour les produits ligneux, les habitants n'ont estimé la valeur productive des forêts que sous forme de pâturage, et la dent des bestiaux a fait son œuvre de destruction. L'ouverture des grandes voies ferrées qui le traversent a sensiblement modifié la situation économique du pays; et sur ces terrains solides, où il suffit d'ensemencer le sol sans qu'il soit besoin de le sou- tenir, l'œuvre de reboisement, entreprise au milieu du siècle, marche rapidement avec plein succès. On y trouve déjà de beaux cantons en pleine production. A ce groupe, peuvent se rattacher les montagnes du Mor- van, où domine le hêtre, dont le bois de moule descend àt Paris par les canaux et les rivières, — et celles des Cévennes connues par la forme de pin laricio qui porte son nom. Pyrénées. — Au point de vue forestier, le massif des Pyrénées doit être séparé en deux régions distinctes; mais, ici, ce n'est plus comme dans les Alpes une simple affaire d'exposition, puisque dans tout son développement l'axe de la chaine orienté Est-Ouest, donne naissance à des vallées ouvertes du Sud au Nord; c'est une question d'influence climatérique plus complexe. En effet, le climat et la flore des Pyrénées Orientales par- ticipent du climat provençal, tandis que le climat et la flore des Pyrénées Centrales et Occidentales sont influencés par le voisinage de l'Atlantique. La frontière entre ces deux stations peut être établie vers la ligne de séparation des eaux entre le bassin de l'Aude et celui de l'Ariège. Dans la première, le climat se rapproche de celui des Alpes Maritimes, moins sec cependant. Les pluies torren- tielles accompagnées de grêle y sont d'ailleurs moins fréquentes et moins redoutables ; enfin le sol est plus solide. Aussi, bien que les inondations soient encore graves et dangereuses, ne prennent-elles pas le caractère désastreux des torrents des Alpes. Les essences qui peuplent les forêts sont le sapin, le hêtre et le pin de montagne, qui prend le nom de pin k cro- chets. Les sapins forment dans le département de l'Aude, sur LE CLIMAT DE M0NTAGN1 . 161 1rs derniers contre-forts de la Montagne Noire, de superbes massifs, dont les produits rivalisent en qualité avec ceux des Vosges et du Jura. Nulle part aussi, le pin de montagne ne donne des forêts plus denses et plus exclusivement pures. Il règne en maître au-dessus de Taire du sapin, dans une région où épicéas et mélèzes, qui manquent complètement dans les Pyrénées, ne viennent plus lui disputer l'espace, comme ils le font dans les Alpes. Les pâtures, médiocres, sont fortement dégradées par des abus de toute sorte et, plus particulièrement, par le pâturage immodéré des moutons et des chèvres. La deuxième zone est beaucoup mieux partagée sous le rap- port des pluies, que lui apportent régulièrement les vents d'Ouest. Sous leur action bienfaisante, les forêts et les pâtu- rages s'améliorent. Les vallées, plus vertes et mieux boisées, prennent parfois l'aspect riant de la Suisse. Les bêtes à corne se substituent aux chèvres et aux moutons et les forêts, moins dégradées, se refont plus facilement. Les essences sont à peu près les mêmes que dans la zone orientale; cependant, les forêts sont plus denses; le hêtre est en mélange plus nombreux avec les résineux; peu à peu le pin sylvestre se substitue au pin à crochets, qui devient d'autant plus rare qu'on se rapproche d'Irun et d'Hendaye. La montagne est ici franchement pastorale et forestière. Pourquoi faut-il que, malgré ses aptitudes, en dépit des lois et règlements, les habitants ne cessent de ruiner pâtures et forêts? Dans la partie centrale et notamment dans le dé- parlement de l'Ariège, le mal a produit son maximum d'ef- fet ; car, sous la rubrique trompeuse de forêts domaniales, la statistique enregistre plus de 30.000 hectares de rochers nus et absolument improductifs. Jusqu'à ces derniers temps, la véritable situation forestière des Pyrénées était restée à peu près ignorée ; en dehors des sapinières classiques de l'Aude, on parlait vaguement de surfaces couvertes de taillis de hêtre, agonisant sous le régime du furetag'e ; pour révéler, sinon les richesses, du moins les aptitudes forestières de la région, il a fallu que des forestiers fussent appelés par l'opinion publique pour préserver les stations balnéaires de Luchon Boite et Jolyet. 1 1 162 LES FORÊTS. et de Barèges contre les inondations et mettre les sources thermales de Cauterets à l'abri des avalanches de pierres qui les mitraillaient du haut de la combe de Pégères. Mais ces sauvetages si vaillamment accomplis suffiront-ils pour con- vaincre les montagnards que la conservation des forêts est la meilleure prime d'assurance contre la ruine des pâturages? CHAPITRE V LES MODES DE TRAITEMENT ARTICLE PREMIER LES OPÉRATIONS CULTURALES. La régénération. — Les dégagements de semis. — Les eclaircies; leur but CulturaL — Leur but économique. — La manière de les con- duire. — Leur importance. La régénération. — Dans la culture forestière, l'inter- vention de l'homme se rapporte à deux ordres d'idées distincts : la régénération et les améliorations. De la régéné- ration, nous ne dirons rien ici : il en a été parlé déjà à propos de la reproduction de l'arbre et, d'autre part, les procédés qui permettent de l'obtenir, variables avec les modes de traitement qu'ils caractérisent, seront étudiés au chapitre VI. Les dégagements de semis. — Au contraire, les dégage- ments de semis et les eclaircies tendent toujours à un même but, procèdent toujours des mêmes principes et peuvent être, par suite, l'objet d'observrations générales. Les semis de nos grandes espèces ligneuses, les brins de dix, quinze et même vingt ans, ont une croissance lente, si on la compare à l'évolution rapide des morts bois qui se jettent au milieu d'eux et, surtout, des rejets de souche qui parfois les entourent. Il peut aussi se faire, il arrive même presque toujours, que, dans un peuplement mélangé, une des essences se montre envahissante aux dépens d'une autre. L'opération qui consiste à retarder l'essor des espèces secon- daires ou trop ambitieuses, tendant à entraver le dévelop- pement normal du peuplement d'avenir, constitue le dégage- ment de semis. Dans la première jeunesse, les brins de semence, dont 164 LES MODES DE TRAITEMENT. les rameaux latéraux n'ont qu'une faible importance, vivent surtout par leur bourgeon terminal, et l'on favorise leur développement par la simple suppression des obstacles qu'ils peuvent rencontrer suivant la verticale : aussi, l'opération se fait-elle rapidement et à peu de frais. Sauf quand il s'agit de dégager de tout jeunes semis perdus sous un roncier qui les étoufîe, point n'est besoin de couper rez terre : on se contente d'étêter les tiges nuisibles, en enlevant d'un coup de serpe les parties gênantes de leur cime. L'instrument le plus commode est le croissant, sorte de serpe, à manche long de 1 mètre à lm,50, qui permet de faire l'opération très vite et sans se blesser (fig. 45). En principe, un dégagement de semis n est pas une guerre aux morts bois. L'objectif, dans une opération de ce genre, ne nl vécu le nombre d'années que ces mêmes dimensions comportent. Ces derniers constituent seuls la nro//con le retenu. Le déplacement successif des surfaces occupées p&i les récoltes annuelles a (ait naître l'idée de rotation, et on est convenu de nommer révolution le temps qui s'écoule entre deux récolles successives sur le même point. C'est, en théorie, le temps laissé aux arbres pour atteindre les dimensions qu'on leur demande. Les bois en croissance, c'est-à-dire ceux qui restent sur pied dans les surfaces autres que celles qui portent la récolte, l'ont nécessairement partie du capital générateur, puisque, en dehors de leur présence, on ne peut concevoir de revenu annuel. Exemples : Soit une forêt de 100 hectares couverte, par parties égales, d'une suite de peuplements âgés de un à vingt ans et dont les produits sont réputés réalisables à l'âge de vingt ans. La récolte sera fournie par les 5 hectares qui portent les bois de vingt ans, et les peuplements en croissance, répartis sur les dix-neuf autres surfaces, feront partie du capital d'exploitation. De même, dans une forêt de 100 hectares peuplée de bois d'âges gradués de un à cent ans, le revenu sera fourni par le seul hectare où sont localisés les arbres de cent ans, et ceux qui sont âgés de un à quatre-vingt-dix-neuf ans et répartis sur les quatre-vingt-dix-neuf autres surfaces, seront comptés comme capital superficiel, Il en résulte que la partie du capital générateur représentée par les bois en croissance est essentiellement variable. Son importance est entièrement subordonnée à la longueur de la révolution et va sans cesse en augmentant avec cette dernière : à des révolutions courtes correspond un capital superficiel restreint; les révolutions longues exigent un capital d'exploitation d'autant plus considérable qu'il ren- ferme des arbres plus âgés et, par conséquent, ayant plus de valeur. — De plus, ce capital ligneux n'est pas seulement représenté par un cube de bois de dimensions quelconques, mais par ce même volume constitué d'une façon toute parti- 170 LES MODES DE TRAITEMENT. culière au point de vue de la gradation des âges. C'est seulement lorsqu'il renferme la suite complète de ceux-ci, répartis sur autant de surfaces d'égale production, qu'il est normalement constitué : on dit alors que la forêt est normale. Dès lors, le capital forestier se compose de deux éléments distincts, qui fonctionnent concurremment, mais chacun à sa manière, ce sont: d'une part le fonds de terre (1), dont la va- leur, subordonnée à sa fertilité, est soumise aux mêmes fluctua- tions que celles des autres biens ruraux : il donne Vespace et fournit la quantité) — d'autre part, le capital superficiel, de va- leur essentiellement variable, mais de forme définie : ce dernier se constitue par l'épargne et grandit avec le temps) il travaille uniquement à l'accroissement des produits en qualité. Le caractère particulier du capital ainsi constitué est d'être toujours en partie mobilisable : ce qui expose à des confusions fâcheuses avec le revenu et, par suite, à des abus de jouissance. Par contre, toute fraction du revenu qu'on ne réalise pas, s'incorpore et fonctionne avec lui, naturellement et sans frais. De la composition toute spéciale du capital forestier résul- tent les conséquences suivantes, qu'il suflit d'énoncer ici sous forme de propositions : 1° toutes choses restant égales d'ail- leurs, plus les révolutions sont longues, plus le revenu annuel est considérable ; "2° le taux de placement suit une marche inverse, il est d'autant plus faible que les révolutions sont plus longues (2). 1) Ce fonds de terre comprend le sol, avec son ensouchement ou les graines forestières prêtes à germer qu'il renferme, sa réserve d'humus, et aussi les travaux de l'homme qui facilitent l'exploitation de la forêt : bornages, chemins de vidanges, etc. (2) Ce capital-superficie augmente avec la longueur des révolutions. Très faible dans un taillis simple aménagé à 15 ans, où il ne comprend que des taillis de 1 à 14 ans, presque sans valeur marchande, il devient très grand dans un taillis sous futaie riche en réserves, plus considérable encore dans les futaies pleines aménagées à 150 ou 200 ans. Dans la forêt domaniale de Bercé (Sarthe), certaines parcelles contiennent, à l'hectare, 700 à 800 mètres cubes de chêne, repré- sentant une valeur de 30 à 40 000 francs pour le capital-superficie. Dans la forêt de Levier (Doubs), plus d'un hectare, dont le sol nu vaudrait 100 francs à peine, porte 1 000 mètres cubes de sapin d'une valeur de 25 000 francs. Ces massifs sont peut-être les plus beaux de France ; mais dans des forêts même beaucoup moins riches en maté- riel, le capital superficie est souvent assez considérable pour rendre muions D AMENAGEtfBNT. 177 Définitions. — Coupes (1). — On appelle coupe, toute étendue déterminée dans une forêt pour y abattre le bois, en totalité, ou avec réserve d'un certain nombre d'arbres. Le mot exploitation est souvent employé dans le sens de coupe ou de renie. La désignation du lieu où doit se faire une coupe s'appelle Y assiette. Ainsi, asseoir une coupe ou faire l'assiette d'une coupe, c'est déterminer son emplacement. Une coupe est en usance lorsqu'on l'exploite, elle est usée lorsqu'elle est exploitée et vidée. Les coupes sont dites principales, lorsqu'elles ont pour conséquence la régénération des surfaces parcourues. Quand, dans une coupe, on exploite tous les arbres, on dit que cette coupe est faite à hlanc-étoc. Accroissement. — L'accroissement de volume, ou sim- plement Y accroissement d'un arbre ou d'un peuplement est la quantité dont le volume de cet arbre ou de ce peuplement s'accroît au bout d'un temps déterminé. U accroissement annuel est celui que les bois prennent en un an ; l' accroissement périodique est celui que l'on réalise au coursd'une période de plusieurs années. h' accroissementannuel moyen, ou Y accroissement moyen, est le quotient d'un accrois- sement périodique quelconque par le nombre d'années de la période considérée, laquelle peut correspondre à la durée totale de l'existence des sujets. Rentes. — Taux de placement. — Le revenu brut d'une forêt est le montant de ses produits, sans déduction d'aucun frais. Si l'on déduit de ce revenu brut les frais de production, on a le revenu net ou la rente. Le taux de placement est le rapport entre la rente et le capital qui la produit (2). le capital fonds presque négligeable clans les estimations en fonds et superficie. (1) Tassy, V Aménagement des forêts, 3e édition, Paris, 1887. (2> Le taux de placement est le rapport du revenu au capital géné- rateur.Donc, si beau que puisse être le rendement d'une forêt comme celle de Bercé ou celle de Levier, elle fonctionnera toujours à un taux très réduit. Au contraire, les plus mauvaises « rapailles » de chêne vert, avec un rendement infime fonctionneront à un taux très élevé, le capi- tal engagé étant nul ou à peu près. BorPE et Jolvet. 1- 178 I-ES MODES DE TRAITEMENT. Aménagement. — L'aménagement est un travail qui consiste à régler l'exploitation d'une forêt, de façon que celle- ci fournisse un revenu annuel aussi soutenu et aussi avanta- geux que possible. Tout aménagement a pour but de créer l'état normal et de le perpétuer quand il est obtenu. Le moyen employé consiste à régler l'ordre et la nature des exploitations, après avoir fixé l'âge ou la dimension des arbres à couper et le volume des produits à réaliser annuellement. Pour faire comprendre l'importance de ces questions, il est nécessaire d'indiquer sommairement ce qu'on entend par les termes exploitabilité et possibilité. Exploitabilité. — Un arbre ou un peuplement est ex- ploitable, quand il réalise le mieux possible le genre d'utilité qu'on réclame de lui. Sans entrer dans le détail des différents' services qu'une propriété boisée est susceptible de rendre, nous constaterons les deux faits suivants : 1° Dans les forêts de protection, on doit, en principe, lais- ser les arbres sur pied jusqu'à leur dépérissement : les pro- duits ligneux n'ont donc qu'une faible valeur marchande ; 2° Dans un grand pays comme la France, l'industrie réclame des bois de fortes dimensions. Pour les obtenir, il faut exploiter à des âges très avancés ; cela conduit à entretenir sur pied un capital superficiel considérable, et abaisse le taux de place- ment à un chiffre trop peu rémunérateur pour les proprié- taires particuliers . Ces deux considérations justifient la possession par l'Etat d'un certain nombre de forêts. Seul, il peut logiquement accepter cette situation, en vue de l'intérêt général. Possibilité. — Théoriquement, la possibilité est l'expres- sion de la capacité productive de toute surface boisée. Il est évident que si, dans une forêt normale, on se contente tous les ans d'enlever à la forêt, sous forme de bois exploitables, un volume moyen équivalent à celui dont s'accroissent les peu- plements répartis sur toute la surface, le revenu en matière sera constant et le capital générateur maintenu intact. Toutefois, le propriétaire désire tirer de son bien un revenu notions ii'amkn aobment. 179 constant, tandis (jue la quantité do bois fabriquée et( évi- demment variable suivant les années ; d'autre part, les forêts étant, en général, plus ou moins éloignées de Fêlai normal, en suite d'excès ou d'insuffisance du capital générateur, il peut y avoir nécessité de couper plus ou moins (pie la production, en vue de se rapprocher de cet état. Il en résulte que, dans les forêts aménagées, la récolte annuelle, ou ta.rc, diffère sen- siblement de la possibilité vraie; néanmoins, et par extension, on est convenu de désigner la quolité qu'elle représente par ce même nom de possibilité. Dès lors, la possibilité devient l'ex- pression pratique du revenu en matière, tel qu'il est fixé par l'aménagement en cours d'application (l). Série d'exploitation. — La série d exploitation ou sim- plement série, est l'unité de gestion de la propriété fores- tière, car chaque série est destinée à fournir, durant la révolution, une même suite de coupes principales annuelles, ayant chacune à peu près même valeur. Nous avons donné la définition de la série, page 106, en note. Parcelles. — Lorsque, dans une même station et sous l'influence d'un même traitement, le peuplement se constitue identique à lui-même dans toutes ses parties, la surface qu'il occupe représente une parcelle naturelle. Quand, dans un peuplement, il se rencontre des différences dues à des causes permanentes, étrangères au traitement (essences, sol, exposi- tion), on a affaire à des parcelles distinctes. Ainsi constituée, la parcelle est l'unité culturale de la série. Réalisation de la possibilité. — Pour réaliser la possibilité, on peut : ou bien faire porter les exploitations sur des surfaces égales ; — ou bien abattre des arbres en nombre indéterminé jus- qu'à concurrence d'un chiffre de mètres cubes fixé à l'avance ; — ou, enfin, couper chaque année un même nombre d'arbres, choisis parmi les tiges exploitables, sans se préoccuper autre- ment de leur volume. De là trois méthodes d'aménagement. La méthode par contenance, la plus simple, suppose impli- citement que les facteurs de la production sont partout les mêmes, et que les produits matériels sont entre eux comme (1) A. Puton, Traité d'économie forestière. Paris. 1888. 180 LES MODES DE TRAITEMENT. les surfaces. Elle est toujours appliquée aux forêts traitées en taillis, mais peut très bien convenir aux autres. La méthode par volume nécessite la détermination de l'accroissement moyen en volume; quel que soit le système employé pour arriver à ce résultat, on taxe la forêt à un chiffre de mètres cubes que l'on réalise annuellement sans s'inquiéter du nombre de tiges nécessaires pour l'obtenir. Une pareille manière de procéder n'est rigoureusement possible que dans les futaies régulières, où tous les arbres qui constituent un mas- sif donné arrivent en même temps au terme de l'exploilabilité. Quand on traite une forêt comprenant des peuplements d'âges multiples, et dont les individus arrivent un à un au terme de l'exploitabilité, on peut opérer autrement: on estime, par tradition ou par comparaison, la production éventuelle de cette forêt; on évalue d'autre part le volume de l'arbre réputé exploitable, et le quotient du premier nombre par le second donne le nombre des pieds d'arbres à réaliser. Les futaies iardinées, la réserve des taillis sous futaie, peuvent être amé- nagés de la sorte. Observations générales. — Quelle que soit la méthode adoptée pour déterminer les possibilités par volume ou par pieds d'arbres, elle ne saurait être parfaite. La prudence exige donc que des inventaires fréquents — répétés tous les dix ans par exemple — établissent les oscillations du matériel sur pied. C'est le seul moyen d'éviter des abus de jouissance ou des épargnes exagérées. Si ces inventaires sont dressés de manière à faire ressortir l'accroissement, ils fourniront des renseignements intéressants sur l'effet cultural des opérations. Dans le même ordre d'idées rentre la tenue de sommiers de contrôle, registres où sont inscrits, par parcelle et par année, la nature et l'importance des coupes, les prix de vente, les travaux d'amélioration exécutés, le but poursuivi, les dé- bours etc. Une colonne est réservée aux « faits divers » de la forêt: gelées printanières, invasions d'insectes, années de se- mence, etc. Les anciennes pratiques forestières françaises, réglementées par les ordonnances remarquables qui ont servi de modèles à notre Code forestier, prévoyaient les exploitations par conte- NOTIONS l> AMÉNAGEMENT. 181 nance, On ne concevail pas autrefois, dans noire pays, une forêt aménagée, sans compartiments délimités sur le terrain et affectés chacun aux exploitations de telle ou telle année. On a fait à ces méthodes le reproche d'être trop primitives, trop peu savantes. Peut-être les critiques oubliaient-ils qu'elles avaient été un objet d'études raisonnées pour des agents de la marine et des forestiers éminents, parmi lesquels on s'honore de comp- ter Réaumur, Duhamel du Monceau, de Bulïbn, Varenne de Fenilles. Peut-être aussi ne songeaient-ils pas que l'ordre et la suite dans les opérations de gestion sont plus assurés quand on est lié par des divisions assises sur le terrain, que lorsqu'on a pour seul guide un nombre de mètres cubes d'un calcul sou- vent problématique. D'ailleurs, rien n'empêche de concilier les deux choses ; libre à chacun de faire intervenir les volumes dans son sys- tème d'aménagement; mais nous ne cesserons de recommander, avec M. Broilliard, la division de la forêt en compartiments limités par des chemins de vidange ou des tranchées bien tracées, d'une contenance de 5 à 10 hectares, véritables unités de gestion, dont le développement sera suivi pas à pas. Rappelons enfin, avant de commencer l'étude des divers modes de traitement, que si les auteurs forestiers ont dû, pour les besoins de leurs règlements ou de leurs traités didactiques, classer les systèmes employés, leur donner des noms et leur imposer des définitions, ils admettent, du moins, que les méthodes se fondent entre elles, et que chacune possède une élasticité suffisante pourse plier aux exigences des arbres. Sous l'empire de cette idée, nous avons, clans les quatre premiers chapitres, attaché la plus grande importance à tout ce qui concerne la vie de nos essences ligneuses. Les données qui vont suivre, et surtout le sens forestier du sylviculteur, suffiront, dès lors, à lui tracer sa ligne de conduite. Nous étudierons successivement : 1°. Le régime delà futaie : futaie régulière, futaie jardinée. k2°. Le régime du taillis simple : taillis simple régulier, taillis fureté. 3°. Le régime du taillis sous futaie. 4°. Les améliorations possibles en toutes situations. CHAPITRE VI LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT ARTICLE PREMIER LA FUTAIE RÉGULIÈRE Principe de la méthode. — Avantages et inconvénients. — La régé- nération. — Procédé par coupe unique. — Procédé par coupes suc- cessives . — Soins culturaux. — Application aux principales essences. Principe de la méthode. — On se propose pour but : 1° d'assurer la régénération complète et naturelle de la forêt en essences appropriées au sol et au climat, et de créer une suite de peuplements uniformes, d'âges gradués et d'une composition déterminée à l'avance; 2° de profiter de cet état régulier pour améliorer la situation des peuplements en croissance. Avantages et inconvénients. — L'irrégularité première qu'affectent, en général, les fourrés et les gaulis est favorable à leur végétation ; car, en-dessous de l'étage dentelé, formé par les sujets les plus forts, se maintiennent des tiges retarda- taires et surcimées, dont le grand nombre augmente la densité du massif. Le sol, hermétiquement couvert, se maintient dans les meilleurs conditions de fertilité pendant toute la période de jeunesse qui précède la formation de la haute futaie. L'état uniforme, le plus souvent acquis vers la dimension de bas perchis, permet d'intervenir efficacement pour donner aux sujets d'élite les soins culturaux convenables. En favori- sant l'élagage naturel, il augmente aussi la production du bois d'œuvre : les arbres prennent une forme régulière et allon- gée, leur bois reste généralement sain. Au point de vue de la qualité, la longueur exagérée des fûts, qui accompagne l. \ FUTAIE Itl (.1 LIERE. 183 une faible épaisseur des couches ligneuses, est plus ou moins avantageuse suivant les espèces : excellente pour les sapins ». *v .xitiiMMt^ ^frfcflSSKftflE bàSSBR « u fcn -- BO -J o CS > O en -. oj M *" 75 CS 3 PQ -r m c o o ""^ c t« es C »»• eS 3 T3 »-9 en . — é5 C es o ce — V T3 "S EU - 3 -r. ce. O *a> — b O — * C A o "~—^ = 0J Q, 3 EU - CO (fig. 48), les épicéas, les pins, — bonne pour les hêtres, — parfois moins désirable pour les chênes. Enfin, la futaie régulière assure la mise en ordre des forêts, 184 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. le rapport soutenu, la facilité des exploitations et l'exactitude dans la comptabilité et le contrôle. Par contre, cette forme présente certains dangers, dont l'im- portance est atténuée ou aggravée par la composition des massifs. C'est ainsi que, dans les peuplements purs, la haute futaie, souvent réduite à un seul étage, s'achemine plus ou moins vite, suivant le sol, le climat et les essences, vers l'état incomplet qui caractérise la vieillesse. Le feuillage s'éclaircit, la couverture se dégrade, le sol se tasse, se durcit et là préci- sément où il va être appelé à recevoir les semences. De plus, ces massifs sont exposés à être renversés par les ouragans, ou encore écrasés par la neige, qui s'accumule en grande masse sur la surface horizontale de leurs cimes. Enfin, chaque sujet présentant les mêmes conditions d'âge et de végétation que ses voisins, ils offrent à l'invasion des insectes des milieux identiques et, partant, favorables à leur multiplication. Dans les forêts mélangées, ces inconvénients sont en partie atténués; mais d'autres soins sont nécessaires, car ils exi- gent l'intervention continuelle du forestier pour maintenir l'équilibre entre des espèces de tempéraments différents. En tout état de choses, cette période de régénération, qui marque la fin d'un massif et le commencement d'un autre, constitue un véritable temps de crise, pendant lequel une imprudence ou un accident de force majeure peut compro- mettre l'état boisé. En résumé, les allures des futaies régulières sont entière- ment artificielles : les peuplements d'un seul âge ne se créent jamais spontanément que sur des espaces restreints, où la na- ture les a jetés au hasard, en un jour de colère ; ils ne se per- pétuent dans cette forme que grâce à l'intervention de l'hom- me et à l'aide de soins incessants. Aussi, bien qu'on doive toujours tenter de s'en rapprocher le plus possible, à cause des avantages incontestables qu'elle présente, sera-t-il prudent de ne la rechercher dans toute sa rigueur que si les agents naturels de la production peuvent se plier à toutes les exigences qu'elle comporte. La régénération. — La régénération naturelle d'une futaie se réalise par trois sortes d'opérations consécutives : LA FUTAIE RÉGULIÈRE, is:> 1° le desserrement des cimes, qui favorise la mise à fruits des porte-graines ; 2° la destruction du sous bois et le relèvement du couvert, qui permettent au sol de recevoir la lumière et la chaleur nécessaires à la germination des graines et à l'évolution des semis; 3° la mise en état du sol, qui doit être assez meuble pour que les graines s'y enterrent légèrement et surtout que les racines des jeunes plants puissent y pénétrer. Le desserrement des cimes est plus ou moins intense suivant les cas; il peut aller jusqu'à l'isolement complet. La destruction des sous bois consiste dans l'enlèvement de toute la végétation basse : sujets dominés ou morts bois. Le relèvement du couvert s'obtient par la coupe ou l'ébranchage des sujets dont le feuillage descend près du sol : les hêtres, les charmes surtout, sont le plus souvent dans ce cas. La mise en état du sol est inutile si le terreau et la couver- ture morte sont normalement constitués. Cette situation heu- reuse peut exister dans les forêts dont le pâturage est proscrit, quand on y a observé le respect des sous bois jusqu'à l'épo- que de la régénération. Mais, souvent aussi, le sol est trop tassé, ou bien une couverture vivante fait obstacle à l'instal- lation des semis ; il faut alors intervenir. Pour les semences lourdes, il suffit de remuer la couche superficielle du sol avec une charrue spéciale (1), ou simple- ment à la houe. L'opération se fait en automne, après la chute des glands et des faines. Ces « crochetages », d'un usage cou- rant dans les futaies de l'ouest de la France, où ils produisent les meilleurs effets, coûtent une dizaine de francs par hec- tare. Quand il s'agit de graines légères, on détruit, avant leur chute, la couverture vivante (herbes, bruyères, myrtilles, mousses), ou bien on rompt la couverture morte trop épaisse (aiguilles d'épicéa, feuilles de hêtre) par les moyens les plus économiques dans la localité. Ces enlèvements se font tantôt sur toute la surface, tantôt sur des bandes alternes, de 0m,60 à (1) Dubois, Travaux de reboisement exécutés à la chai^rue forestière dans le Blésois. Blois, irnpr. Lecesne, 1862. 186 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. 0m,80 de largeur, séparées par des intervalles incultes de 1 à 2 mètres. Mais, en toute circonstance, l'essentiel est de limiter les effets de la culture à quelques centimètres au-dessous de la surface, de façon à ne pas enfouir la couche de terreau en la mélangeant avec la terre minérale des zones plus profondes ; car c'est seulement lorsque les semences sont en contact immédiat avec l'humus, qu'elles germent et se développent assez promptement pour résister à la chaleur et à la séche- resse de l'été. Parfois, dans les pentes exposées àl'ouest ou au midi, la super- ficie est dégradée à ce point que toute régénération naturelle ou artificielle y serait impossible. On peut améliorer la situation à peu de frais, en ouvrant une série de petits fossés disposés horizontalement en la forme de gradins. Les feuilles mortes s'accumulent au fond de ces rigoles, l'humidité s'y conserve, et il se forme une couche fertile, dans laquelle le semis naturel prend à la longue. On peut aussi, dans certains cas, recommander l'exploita- tion par extraction de souches, qui ameublit le sol par places. Enfin, dans les régions où l'habitude du panage s'est con- servée, on a souvent recours à l'introduction des porcs. Mais cette pratique doit toujours être considérée comme un moyen de culture, et non comme un profit; car les produits de la glandée peuvent être entièrement dévorés parles hardes qu'on laisserait séjourner à jeun dans les coupes. Nous ne saurions trop insister sur l'utilité de ces travaux de mise en état du sol. En les négligeant, on s'expose à attendre indéfiniment une régénération que quelques coups de pioche eussent suffi à provoquer. Nous conseillerons d'ailleurs de ne pas hésiter à recourir à la régénération artificielle quand, logiquement, celle-ci s'im- pose, c'est-à-dire toutes les fois que les porte-graines sont en nombre insuffisant, toutes les fois que des gelées printanières répétées ou une cause accidentelle quelconque entravent manifestement l'intallation du semis. Il vaut mieux, en pareil cas, réaliser les bois exploitables avant qu'ils se dégradent, et reboiser par un des procédés que nous indiquerons dans le chapitre VIII. l \ FUTAIE RÉGULIÈRE. 187 Enfin, la régénération par la semence et l'éducation des arbres en massifs uniformes pendant de longues années donnent inéluctablement l'avantage aux essences les mieux appropriées au sol et au climat I ; à l'instar du hêtre, celles-ci éliminent toutes les autres. Si doue on préfère cultiver des espèces plus précieuses, mais moins bien armées pour la lutte, eu égard à la station, il faut adopter un autre mode de traitement : le taillis sous futaie, par exemple, où des recépages fréquents donnent plus de puissance à l'intervention du sylviculteur. Il est illogique de vouloir marcher à l'encontrc de cette loi na- turelle. Nous avons vu quelquefois, avec regret, des régénéra- tions en hêtre sur des terrains peu profonds de l'oolithe, qui ne demandaient qu'à prendre leur essor, et que l'on sacri- fiait à l'espoir chimérique de leur substituer le chêne. Avec un pareil système, on dépense beaucoup d'argent, pour obtenir, en fin d'opération, des fourrés d'aubépine ou de cor- nouiller. La régénération d'une futaie régulière peut se faire par coupe unique, oupar coupes successives. Procédé par coupe unique. — Ce procédé consiste à exploiter systématiquement, en une seule fois, fout le ma- tériel existant sur les surfaces à rajeunir, et à confier à la nature le soin de régénérer celles-ci par l'apport des graines provenant, soit des peuplements voisins, soit de quelques arbres réservés dans l'enceinte parcourue. En deux mots, la coupe unique est, pour la nature, une sorte de mise en de- meure de procéder à la façon du malheureux qui ramasse un chiffon quelconque pour rapiécer son vêtement en lambeaux; elle prend une essence au hasard, la première venue, pour cacher la nudité du sol brutalement découvert. Ceci explique les bigarrures des vieilles futaies dont l'origine remonte à ce traitement. Ici, le hasard a favorisé le chêne; plus loin, le hêtre ou le charme sont à l'état pur; parfois encore, un champ de bruyères a succédé aux bois tendres et appelle la régénération artificielle en pins. L'ensemble constitue ces (1) Exception peut être faite pour le sapin, qui, grâce à son abondante fructification et surtout à son tempérament d'ombre, est envahissant, même dans des stations où il n'existe pas spontanément. lOO LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. « futaies irrégulières », dont parlent Lorenlz et Parade. Que l'exploitation soit faite à blanc étoc ou à tire et aire (1), la coupe unique ne peut être appliquée méthodiquement aux essences à graines lourdes ; car, si le semis de ces espèces n'existe pas avant l'opération, il ne se formera plus après. En effet, le sol dénudé se dégrade rapidement et ne se couvre que d'espèces à graines légères, de telle sorte que le jeune peuplement formé n'aura aucune ressemblance avec celui qui l'a précédé. Même dans les circonstances les plus favorables, c'est-à- dire quand, au moment de son passage, le sol est garni de semis préexistants des essences à cultiver, la coupe rase n'est pas mieux justifiée : 1° parce qu'elle entraîne le développement de l'espèce unique dont le semis existe au moment où on vient découvrir le sol et donne ainsi naissance à des peuplements purs fgéné- ralement d'essences d'ombre) ; 2° parce que les semis préexistants disparaissent en grand nombre sous l'influence d'une trop brusque exposition aux agents atmosphériques (insolation, sécheresse, gelée) ; 3° enfin, parce que l'exploitation et l'enlèvement d'un matériel considérable sur des surfaces restreintes, fatigue le semis au point de compromettre son existence. L'emploi de la coupe unique reste donc limité à la régé- nération des espèces à graines légères. Encore faut-il que cette condition soit accompagnée de certaines circonstances favorables : en montagne, par exemple aux grandes altitudes et sur les points où la violence des vents empêche d'utiliser une méthode plus perfectionnée. En ces stations, le nombre des espèces est très restreint; les arbustes et les arbrisseaux faisant à peu près défaut, le sol dénudé ne se couvre que (1) La coupe unique a été appliquée à toutes les futaies feuillues de l'Ile de France, de la Normandie et du Berry, en exécution de l'Ordon- nance de 1669. Ces forêts étaient exploitées par contenance, de proche en proche et à tire et aire, avec reserve d'un certain nombre de porte-graines (20 par hectare) ; en même temps, on imposait l'obli- gation de ne jamais revenir en arrière pour faire des coupes d'amélio- ration ou autres, et de répandre une certaine quantité de graines sur les parcelles récemment exploitées. LA PUTAIB aBGULlÈRB, 189 d'herbes grêles et peu touffues, nu milieu desquelles les graines ailées des mélèzes, des épicéas, des pins de montagne, provenant des massifs voisins, s'installent en plein découvert. Pour faciliter leur régénération, ces coupes blanches son! disposées par bandes longues et étroites, et marchent à la rencontre des vents dominants. On cherche également à les établir dans la direction de la ligne de plus grande pente, plutôt que suivant l'horizontale; enfin, il est toujours pru- dent de réserver à la limite supérieure de la forêt une zone d'abri intacte. On doit d'ailleurs renoncer à cette méthode partout où les pentes sont très raides. Quoiqu'il arrive, la régénération ne s'obtient qu'assez len- tement et, souvent, on est obligé de la compléter artificielle- ment. Pour obvier à cet inconvénient, on 'a proposé de dis- poser les coupes par bandes alternées, dont les unes sont rasées et les autres conservées en massif plein ; les bandes nues, mieux abritées et recevant la graine des deux côtés à la fois, auraient ainsi plus de chances de se régénérer. Nous connaissons dans les Alpes des couloirs d'avalanche qui simulent à merveille des coupes par bandes et qui se gar- nissent de semis. Mais, s'appuyer sur ces résultats acciden- tels pour ériger la chose en système de régénération, nous paraît bien imprudent, d'autant plus que les bandes de mas- sifs demeurés debout sont à la merci des ouragans. Où la coupe unique donne, au contraire, des résultats à peu près certains, où elle semble d'une application logique et recommandable, c'est dans les stations chaudes des plaines girondines et provençales, lorsqu'on a affaire à des essences de lumière, et portant régulièrement de la graine, comme le pin maritime et le pin d'Alep. 11 suffit d'exploiter le massif à blanc, en automne, avant la dissémination des graines; les cônes se détachent en ce moment et, si l'on prend la précau- tion d'activer l'exploitation et la vidange, de manière que le parterre soit débarrassé avant la germination des graines, on voit le sol se garnir d'une quantité de jeunes plants suffisante pour assurer la régénération. Ces jeunes sujets sont doués d'une végétation assez rapide pour s'élever en même temps que le fourré des morts bois qui les enserre de toute part. 190 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. Dans les pignadars du Sud-Ouest, les cônes des arbres exploités jonchent le sol et le couvrent de graines qui germent bientôt ; souvent, d'ailleurs, on laisse debout pendant deux ou trois ans quelques pins épars, analogues aux anciennes réser- ves prévues par l'ordonnance de 1669, et qui complètent l'ensemencement. Procédé par coupes successives. — La méthode des cou- pes successives offre beaucoup moins d'aléa. Au lieu d'enle- ver en bloc tout le matériel sur pied (fig. 49) dans une par- celle donnée, on le réalise par fractions de telle sorte que le nouveau peuplement s'installe sous l'ombrage et se substitue graduellement à l'ancien. Ces opérations de régénération portent les noms de coupe cl ensemencement , coupes secon- daires et coupe définitive. Gomme son nom l'indique, la première a pour but de favo- riser l'ensemencement, en provoquant la production des graines et en mettant le sol en état de les recevoir avec uti- lité (fig. 50). Si l'on tient compte de l'état superficiel du sol, de la fécon- dité locale des espèces et de la rigueur du climat, cette pre- mière coupe peut être faite tantôt sombre, tantôt espacée. La coupe est sombre, dit M. Bagnéris (1), quand les branches laté- rales des cimes des réserves se touchent lorsqu'elles sont agitées par le vent. Dans la coupe espacée, l'intervalle entre les cimes peut aller de 2 à j et 6 mètres. La coupe ombre est celle qu'on a le plus souvent l'occasion d'appli- quer; elle est nécessaire toutes les fois que la semence est lourde et s'écarte peu du pied de l'arbre qui l'a produite, que le tempérament du jeune plant est délicat, que le sol est exposé à s'enherber fortement ou à se dessécher, qu'on opère sur les lisières des forêts ou dans les endroits exposés aux vents. Quant aux porte-graines, il est évident qu'il faut les conserver parmi les pieds les plus vigoureux, ceux à fût élevé et dont la cime est largement développée. On doit, avant tout, s'attacher à une égale distribution du feuillage et non à la régularité de répartition des tiges. Pour que la régénération soit suffisante à tous égards, il suffit que les espèces à cultiver soient représentées par quel- (1 Bagnéris, Manuel de sylviculture, 2" édition. Nancy, 1878. 1 \ FUTAIE Itl'ci -J.1KHF. 191 ques plants au mètre carré, pourvu qu'ils soicni uniforme' Fig\ 49. — Vieille futaie de chênes, canton des Clos, dans la forêt de Bercé (Sarthe). D'après une photographie de M. Couturier, photo- graphe au Mans. ment répartis, Ce résultat obtenu, il est inutile de refuser plus longtemps au jeune semis la lumière dont il a besoin ; 192 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. on juge d'ailleurs de son état de gêne à la pâleur de son feuil- lage et à la faible longueur de ses pousses. Le moment est venu de faire les coupes secondaires. A cet effet, on désigne pour être abattus un certain nombre d'arbres, choisis parmi ceux qui recouvrent les semis les plus complets et les plus vigoureux: les plus gros sont généralement les plus nuisibles; on laisse mieux garnies et tout à fait intactes les places insuffisamment ensemencées ou celles qui sont peuplées de sujets trop jeunes (fîg. 51), pour éviter à ceux-ci les insolations trop brusques, le dessèchement du sol et les accidents de gelée (1). Ces extractions se font avec une lenteur mesurée par la rigueur du climat, la fertilité du sol et le tempérament des essences. Les circonstances fussent-elles aussi favorables que pos- sible, on serait toujours amené à faire les coupes en plusieurs fois, afin d'épargner au jeune semis la fatigue considérable qui serait la conséquence de l'enlèvement d'une trop grande quantité de produits sur des espaces restreints. Sous l'influence de ces coupes secondaires successives, le semis participe progressivement à la lumière ; il s'installe et grandit. En même temps s'opère le mélange naturel. Après les espèces sociales installées les premières, les formes dis- séminées, dont la graine légère vient des massifs environ- nants, apparaissent à leur heure, au fur et à mesure que le découvert fait naître sur le sol les conditions favorables au tempérament de chacune d'elles. Quel que soit l'avenir réservé à ces régénérations de hasard, elles jouent, comme rem- plissage, un rôle des plus utiles et hâtent la formation du fourré. On conduit ainsi le peuplement jusqu'au moment où, passant au gaulis, il n'a plus à redouter ni le plein soleil, ni la sécheresse, ni la gelée. Alors la coupe définitive lui donne un libre essor. Celle-ci fait disparaître les derniers représen- tants de l'ancienne futaie. A proprement parler, elle n'est que la dernière des coupes secondaires ; car elle n'enlève ni plus, (1) Les arbres d'abri : 1° diminuent l'intensité du rayonnement noc- turne; 2° empêchent un réchauffement trop brusque après la gelée. i\ FUTAIE RÉGULIÈRE, 93 DÎ moins de matériel, elle ne donne ni plus, ni moins de lumière que ne le fait chacune de ces exploitations relative- ment à celle qui l'a précédée (l). Fig. 50. — Coupe d'ensemencement dans une futaie de chênes, forêt de Bercé (Sarthe). (Photographie de M. P. Galland.) Remarques générales. — 1° Suivant les circonstances, il faut compter qu'il s'écoulera de 10 à 25 ans entre la~coupe (1)' Au point de vue économique, il serait souvent désirable de laisser surjpied, après le passage"de la coupe définitive, des chênes de végé- BOPPE et JOLYET. 13 J94 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. d'ensemencement et la coupe définitive. La durée de cette période sera plus longue chez les essences d'ombre (sapin, hêtre) que chez les essences de lumière (pin sylvestre, chêne) ; — plus longue dans les peuplements mélangés que dans les peuplements purs; — sous les climats rudes que sous les cli- mats doux; — sur les points exposés aux gelées prin- tanières que sur ceux où ces dangers ne sont pas à redouter. 2° Dans les sols médiocres, superficiels, dans les hautes stations, les coupes d'ensemencement devraient être faites moins sombres à cause de la rareté des années de semence, de la moindre fertilité des arbres et aussi de l'enchevêtre- ment des racines de la vieille futaie, qui dessèchent superficiel- lement le sol et ne laissent au semis aucune place disponible où il puisse s'installer. Mais ces coupes trop claires auraient l'inconvénient de dégrader davantage la surface ; aussi est-il préférable de procéder par petites trouées, disposées de loin en loin, en choisissant les places où il existe déjà du semis. Le passage des coupes secondaires augmente l'étendue de ces découverts, au fur et à mesure que les jeunes brins naissent sur leurs bords ; à la longue, les semis se rejoignant, la surface entière est régénérée. Ce moyen est également recommandable pour obtenir un mélange naturel. 3" La méthode par coupes successives donne naissance à des semis, qui se présentent sous forme de taches d'autant plus inégales en hauteur que la période de régénération aura été plus longue. Cet état, au lieu d'être nuisible, est plutôt avantageux puisque, tout en favorisant les mélanges, il donne plus de densité au peuplement et augmente sa force de résistance contre la neige, le givre ouïe verglas. D'ailleurs, ces inégalités s'atténuent avec l'âge et disparaissent avant l'état de haut perchis. Les soins culturaux. — Le plus souvent, il y a lieu de commencer les dégagements de semis pendant la durée même tation vigoureuse, qui acquerraient, clans la suite, des dimensions exceptionnelles. L'expérience a malheureusement montré que ces arbres se dégracient presque toujours aussitôt après leur isolement, et qu'il faut les réaliser à bref délai. En tout cas, la question ne se pose que pour les essences de lumière à bois parfait distinct et de grande valeur, comme le chêne. I \ I ITMi: HLC.ri.lKHB. 195 de la période de régénération, dès les premières années qui suivent la coupe d'ensemencement. <>n les répète aussi sou- vent qu'il est nécessaire, jusqu'à ce que les tiges des espèces à cultiver soient généralement dominant es; il doit en être ainsi vers L'époque du passage de L'étal de gaulis à celui de perchis. Fig. 51. — Coupe secondaire dans une futaie de chênes, forêt domaniale de Champenoux (Meurthe-et-Moselle). — A droite : espace occupé par un semis incomplet ou peu développé, au-dessus duquel on a maintenu des grands arbres. — A gauche :. tache de semis bien développés, au-dess.is desquels on a fait un large découvert. Alors la constitution générale du peuplement est acquise : il reste à l'améliorer dans sa composition, sa consistance et le choix des sujets d'avenir. C'est le rôle des éclaircies, étudiées dans le chapitre V. Application aux principales essences. — Nous donnons ci-après le résumé succinct des opérations applicables à celles de nos essences sociales 'qui sont susceptibles d'être 196 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. traitées en futaie régulière, renvoyant aux Chapitres II (les essences) et III (les peuplements), pour tout ce qui concerne leur tempérament et leurs allures forestières. Hêtre. Régénération. — Fruits lourds : coupe d'ensemencement très sombre, formant un abri régulièrement réparti si la sta- Fig. 52. — Coupe d'ensemencement et, au dernier plan, coupe secondaire dans une futaie de hêtres, forêt de Lyons-la-Forêt, canton de Pain d'Épices. (Photographie de M. J. George.) tion est fertile (fig. 52), interrompu par de petites trouées si le sol est pauvre et superficiel. Mise en état du sol par un ratissage des couches trop épaisses de feuilles mortes, ou par un crochetage des surfaces tassées et de la couverture vivante (mousses et plantes diverses). Profiter des semis préexistants (1) s'ils n'ont pas été trop long- (1) On appelle semis préexistants des semis, — appartenant presque toujours à des essences d'ombre, — qui s'installent sous un massif préalablement à toute coupe de régénération. CHENE ri R. [91 temps dominés; attendre patiemment que les faînées partielles complètent les régénérations insuffisantes au début. Coupes secondaires 1res prudentes, au nombre de quatre ou cinq, Limitées chacune à l'enlèvement d'un arbre sur trois ou quatre avec retour tous les cinq à six ans. On sait, en effet, que les jeunes hèlres supportent aisément un couvert prolongé. Dégagement de semis. — Le hêtre se défend contre les semis de toutes les autres grandes essences. Parfois, des déga- gements peuvent s'imposer pour le protéger contre l'envahis- sement des rejets, des morts-bois et des ronces. Eclaircies. — Le hêtre se plaît en massif très serré. La première éclaircie n'est nécessaire qu'une fois l'état de bas perchis bien aftirmé. De ce moment, jusqu'à l'âge de cent ans : eclaircies tous les dix ans, à faire très prudentes, pour favoriser l'élagage naturel et éviter les ronces. A partir de cent ans, ne plus les répéter que tous les quinze à vingt ans. Respect absolu de l'étage dominé ; enlèvement systéma- tique des sujets tarés ou branchus qui ne paient pas la place qu'ils occupent. Chêne pur. Régénération. — Fruits lourds: coupe d'ensemencement sombre, dont l'abri sera toujours régulièrement réparti. Nettoiement radical du sol, excepté, pourtant, dans les régions où les années de semence sont rares ou très rares; on attendra, en pareil cas, pour faire l'opération, que la glan- dée soit certaine. Partout et toujours, crochetage au moment de la chute des glands. Le semis général ne peut être que le produit d'une glandée complète, les résultats partiels disparaissant sous un couvert prolongé (1). Dès qu'on juge la régénération acquise, procé- der aux coupes secondaires. Les faire d'autant plus intenses (1) Souvent, les jeunes semis de chêne, dont la tigelle semble morte, conservent, dans les régions avoisinant le collet de la racine, une vita- lité suffisante pour émettre des rejets qui s'élancent à nouveau des que la lumière leur parvient. Aussi dit-on que les jeunes chênes se recèpent sous le couvert. 198 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. que les gelées printanières sont moins à craindre; à chaque passage, prendre un arbre sur deux ou trois, en évitant d'a- battre trop de matériel à la fois. Dans la région girondine, une coupe secondaire, ou deux au plus, précèdent la coupe définitive ; dans celle du Centre et de l'Ouest, deux ou trois sont nécessaires. Enfin, dans le Nord et l'Est de la France, on doit procéder plus lentement, pour éviter les accidents de gelée et pour permettre aux essences de remplissage de combler les lacunes d'une régé- nération trop souvent incomplète. Dégagements de semis. — Ils sont presque toujours indispensables (sauf peut-être dans la région girondine). Leur nécessité s'impose partout où la rareté des années de semence permet aux morts bois et au hêtre de s'installer avant le chêne. Eclaircies. — Jusqu'à l'état de bas perchis le chêne pur peut former des massifs assez denses. Mais, à partir de cette époque, les tiges demandent à être desserrées : dès qu'on les voit se couvrir de gourmands, on peut être certain qu'elles souffrent et qu'il faut intervenir. Alors, procéder hardiment en faveur des tiges d'avenir qui s'affirment ; revenir tous les dix ans, et même plus souvent, jusqu'à l'état de haut perchis ; enlever les chênes dominés, qui sont voués à une mort inévitable, mais respecter tous les sous-bois de hêtre ou d'essences diverses qui peuvent exister. Il suffit de par- courir tous les vingt ans les hautes et les vieilles futaies. Chêne et hêtre mélangés. Régénération. — Opérer comme ci-dessus, mais en ayant soin, de toute nécessité, d'installer le chêne le premier; à cet effet, traiter les semis préexistants de hêtre comme des morts bois: les couper, ou mieux les arracher. Le chêne ayant pris possession du terrain après une bonne glandée, permettre seulement au hêtre de combler peu à peu les vides. Donner à une même coupe secondaire une intensité variable suivant l'espèce à favoriser sur un point donné : la faire plus intense là où l'on veut du chêne, plus timide sur les places réservées au hêtre. V \l'l\. 11)0 Dégagements de semis. — Os opérations sont toujours indispensables pour protéger le chêne contre !«■ hêtre el les rejels envahissants. Éclaircies. — Kllcs sont laites en forme d'éclaircies-déga- gements, et répétées tous les quatre à cinq .m- dans les gaulis et les bas perehis, sans jamais dépasser dix à douze ans, quel que soit l'âge du massif. Ces soins culturaùx sont bien simplifiés si Ton établit un mélange par compartiments. Il suffit alors de protéger le chêne sur les bords des placeaux où il vit à l'état pur, tout en béné- ficiant de l'avantage d'une association avec le hêtre. Une excellente pratique, indispensable même dans les futaies de chêne conduites au-delà de deux cents ans, est la création d'un sous-étage de hêtre sous les chênes arrivés à l'état de haut perehis. Sapin. Régénération. — Essence d'ombre, habitant, en outre, des stations exposées au vent : coupe d'ensemencement très sombre. S'il y a lieu, détruire la couverture vivante (herbes, myr- tilles, bruyères) et mettre le terreau à nu par bandes. Inutile de recéper les morts bois feuillus (sureaux, coudriers, etc.) qui envahissent fréquemment le parterre des coupes; car avec le temps, le sapin s'installera sous leur couvert devenu moins épais, dans l'excellent terreau formé par leurs détritus. Utiliser les semis préexistants dont l'avenir ne paraît pas com- promis. Commencer les coupes secondaires quand le sapineau est verticillé, c'est-à-dire âgé de six à huit ans. Les conduire avec lenteur. Dans la crainte des chablis, il est permis, aux gran- des altitudes, où les insolations sont moins à craindre, de lais- ser la régénération s'installer solidement, puis, après dix à douze ans, de passer sans transition à la coupe définitive. Quand la régénération se fait attendre, ou parait aléatoire, procéder par trouées prudentes, ou par bandes qui pro- gressent du périmètre vers le centre du massif. "2(>0 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Dégagements de semis. — Le jeune sapin arrive, en général, à percer, par ses seuls moyens, des fourrés épais de hêtres ou de morts bois. Néanmoins, afin d'éviter que les sujets dominés soient déshonorés par la perte de leur flèche, il est toujours utile d'intervenir par des dégagements de semis sobres et, par suite, peu coûteux. Éclaircies. — Bien que, par son tempérament, le sapin accepte de vivre en massifs très denses, les éclaircies sont du plus haut intérêt. Très délicates à conduire dans des peuple- ments mal dirigés au début, elles deviennent faciles si l'on a toujours eu soin de respecter scrupuleusement les sujets dominés. Dans ces éclaircies, enlever avant tout les arbres champignonnés, chaudrorînés ou mal conformés ; adopter les mêmes périodicités que pour le hêtre. Le sapin peut, à la rigueur, être traité à l'état pur dans les régions moyennes de son aire. Mais, sur les limites de celle-ci, un mélange rationnel avec les essences qui le précèdent ou qui le suivent est indispensable. Aux altitudes basses, le hêtre s'impose. Aux altitudes élevées, cette essence donne des produits dont la valeur mar- chande est des plus médiocres ; d'autre part, étant, en pareille station, bien plus souvent fertile que le sapin, elle devient envahissante; aussi, sans la proscrire systématique- ment, semble-t-il indiqué de donner dans le mélange, — au besoin par voie artificielle, — une large part à l'épicéa, comme cela se présente spontanément dans le Jura et dans les Alpes. Dans l'un et l'autre cas, la conduite des exploitations sera modifiée pour tenir compte des exigences du nouveau venu. Épicéa. Régénération. — Semence ailée : coupe d'ensemencement assez claire; toutefois, les chablis étant à redouter, il vaut mieux procéder par trouées éparses, en enlevant trois ou quatre arbres sur le même point. Le ratissage par bande de la couverture vivante, et sur- tout des couches épaisses d'aiguilles non décomposées, faci- lite l'installation du semis. I PI( I \ J(M Fig. 53.— Épicéas de Gilley Doubs;, 1892. — Arbres atteignant 50 m. de hauteur. (Photographie de M. Thiollier.) 202 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Dans la haute montagne, les jeunes épicéas supportent assez bien le couvert des grands hêtres, moins nuisible qu'en plaine par suite de la petitesse du limbe des feuilles ; mais il faut extirper les semis préexistants de cette espèce, quand ils couvrent les parcelles à régénérer. Il n'en est pas de même des arbustes, dont la présence ou l'apparition n'ont rien d'inquiétant : « La régénération, dit M. l'Inspec- » teur Guinier (1), est médiate et indirecte, quand elle a » lieu lentement et seulement avec l'intermédiaire de phases » diverses de végétation, c'est-à-dire après l'occupation suc- » cessive du sol par certaines plantes herbacées ou arbo- » rescentes.... Il ne faut donc pas considérer l'avenir » comme compromis et la forêt comme ruinée parce que la » régénération immédiate et directe n'est pas obtenue et que » le sol est envahi par cette végétation appelée bien à tort » parasite. Au contraire, c'est une végétation auxilliaire... » A l'appui de celte théorie, rappelons certains cantons du Jura, où le massif, détruit par la tempête, a fait place à une végétation herbacée, puis frutescente, au milieu de laquelle sont nés, comme troisième stade dans la régénération de la forêt, de nombreux épicéas, qu'il n'y a plus maintenant qu'à dégager du fourré. Une fois le semis installé, le découvrir rapidement, afin de le soustraire aux funestes effets de la coupe définitive brutale toujours subordonnée au caprice des ouragans. Si l'on a pro- cédé par trouées, les coupes secondaires élargiront les pre- miers vides et en créeront de nouveaux. Dégagements de semis. — La lente croissance de l'épicéa pendant sa première jeunesse rend ces opérations très utiles. A l'occasion, respecter les sorbiers, dont le couvert léger n'est point gênant, et dont les fruits attirent toute une popu- lation d'oiseaux, qui font la guerre aux insectes si dangereux dans de pareilles forêts. Éclaircics. — L'épicéa ne prend les belles formes cylindri- ques et élancées qui font sa valeur (fig. 53), que si l'élagage natu- rel fonctionne régulièrement. Contrairement au sapin, il meurt (1) E. Guinier, Traitement de V épicéa dans les Alpes, Saint-Jcan-de- Maurienne, 1896. m i ; il /i . •ur.i dès qu'il est dominé. Dos lors, faire de bonne heure des éclair- oies très prudentes, mais Bouvenl répétées. Profiter de leur passage pour enlever lous les arbrea tarés ou dépérissants, qui favorisent la multiplication des insectes et deviennent des l'o\ ers d'invasion. A tous ces points de vue, il est avantageux de mélanger l'épicéa avec le sapin et le hêtre (1), ou de lui constituer un sous bois de ces essences. Mélèze. Régénération. — Coupe d'ensemencement très claire, ou mieux par trouées éparses, après avoir rigoureusement fermé au pâturage les cantons à régénérer (2). Quand le sol est trop enherbé, donner une très légère cul- ture, en procédant par bandes de 0m,30 de largeur, séparées par des intervalles de lm,50 à 2 mètres. Faire une seule coupe secondaire hardie, puis la coupe définitive, car on peut, sans crainte, laisser largement entrou- verts les massifs de mélèze, dont l'enracinement est très puissant. Dégagements de semis. — Les jeunes mélèzes croissant vite, et la végétation basse étant peu redoutable à ces hautes altitudes, les dégagements sont peu nécessaires. Il suffit, dans les semis très drus, d'opérer un dépressage. Éclaircies. — Faire de bonne heure des éclaircies hardies. Pourtant, comme le mélèze a la cime peu étalée, ne pas exa- gérer leur intensité de façon à ne pas entraver le fonction- nement de l'élagage naturel. A toutes les altitudes, il est bon de favoriser le mélange du mélèze avec d'autres espèces par crainte des maladies crypto- (1) Dans ces mélanges, l'épicéa est toujours quelque peu dominant par rapport aux espèces associées, ou, du moins, il les dépasse légè- rement en hauteur. On ne peut que se féliciter d'un pareil état de choses. (2) Les jeunes mélèzes, dans les prés-bois alpins, arrivent pourtant, mieux que beaucoup d'autres conifères, à se défendre contre la dent du bétail : à la façon des genévriers ou des épines blanches, ils étalent leurs branches basses jusqu'à ce que les animaux ne puissent plus atteindre le centre de cette touffe, d'où s'élance une flèche vigoureuse. 204 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. gamiques, — sous cette réserve que le mélèze demeure l'es- sence principale du peuplement. Pin sylvestre. Régénération. — Coupe d'ensemencement très claire, ou par trouées. Donner une culture au sol souvent durci, tassé et couvert de sous-abrisseaux de grande taille et envahissants (bruyères, genêts) ; au besoin, procéder par arrachis, suivant des bandes plutôt espacées et larges (0m,50 au minimum) que nombreuses et étroites. On évite cette dépense, en partie tout au moins, par l'extraction des souches des arbres exploités. Dès que le semis est suffisant, on peutdécouvrir hardiment, brusquement même, les jeunes pins, qui ne craignent ni le soleil, ni les gelées. Eviter toutefois de fatiguer les régénéra- tions par des coupes radicales. Dans les mélanges de pin sylvestre avec le hêtre, installer d'abord celui-ci par une coupe d'ensemencement sombre ; plus tard les pins se jetteront en abondance dans les vides, partout où les coupes secondaires apporteront de la lumière, et, grâce à leur végétation rapide, ils se raccorderont facile- ment avec ce qui les entoure. Dégagements de semis. — S'ils ne sont que rarement nécessaires, du moins est-il important de pratiquer des dépres- sages toutes les fois que les semis, trop nombreux, se consti- tuent en fourrés très denses, où l'évolution des champignons parasites est à craindre ; ces dépressages s'imposent dans les pineraies de création artificielle. Éclaircies. — L'éclaircie est la base du traitement des essences de pleine lumière, comme le pin sylvestre, dont la cime franchement desserrée dès le jeune âge, isolée même à partir de l'état de haut perchis, doit alors occuper au moins le tiers de la hauteur totale du sujet. Sinon, la croissance est ralentie, l'arbre ne forme pas de bois de cœur, prend une forme étriquée, et devient la proie des insectes ou des cham- pignons. Les g-aulis et perchis serrés et uniformes sont fré- quemment aussi écrasés par la neige. Dans les peuplements artificiels, faire la première éclaircic PIM m UUTIMB. '2(.» l'entretien de la couverture morte et la fertilité de la forêt. Les sujets les plus vigoureux, tout en continuai à appar- tenir au massif, 8e créent une certaine individualité. Parleur Fig. 5i. — Une futaie jardinée clans le Jura. (Photographie de M. A Fron.) végétation meilleure, par leur enracinement plus profond, ils rendent la foret plus solide et plus durable. Les massifs jardines sont moins exposés que les peuplements réguliers aux dégâts de la neige et du vent ; ils ne présentent pas non BOPPE et JOLYET. Il 210 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. plus un milieu aussi favorable au développement des orga- nismes nuisibles. La forêt entière est sans cesse en voie de végétation, et ses peuplements, dont on ne saurait déterminer exactement l'âge moyen, se succèdent sans crise de transition, sans à coup, sans qu'on s'en doute, pour ainsi dire. D'ailleurs, dans les massifs jardines, l'intensité du couvert, variable dans le temps, diffère, par suite, à un moment donné, d'un point à un autre d'une même enceinte et favorise l'instal- lation, ici d'une essence, là d'une autre. Les espèces fores- tières se succèdent donc et se mélangent avec une opportu- nité, un à-propos, auxquels ne peuvent prétendre les procédés factices du sylviculteur, dans le délai relativement court affecté à la régénération d'une parcelle de futaie régulière. Enfin le jar- dinage, dont l'organisme est simple, peut s'appliquer à toutes les forêts, aux plus petites comme aux plus grandes, et il est juste de constater qu'il a maintenu jusqu'à nos jours de nom- breuses sapinières dans un état de prospérité remarquable. Par contre, la qualité des produits laisse souvent à désirer. Les arbres ne fournissent pas toujours ces pièces élancées, de croissance régulièrement constante que produisent les peu- plement suniformes. Les exploitations portant sur de gros arbres englobés au milieu de tiges de tous âges occasionnent à ces dernières des dégâts importants. Leur dissémination sur de grandes éten- dues couvertes de bois en croissance rend la surveillance diffi- cile et le transport des produits onéreux. Les peuplements restent ce que la nature les a faits, leur composition, comme leur amélioration, échappent à l'action du forestier. La possibilité, calculée sur des bases incertaines, ne permet pas de réaliser un rapport suffisamment soutenu, et les limites vagues dans lesquelles flotte le capital générateur rendent la confusion possible entre ce capital et le revenu ; d'où des épargnes inutiles ou des abus de jouissance. Cas où le jardinage doit-être maintenu. — Nous citerons en premier lieu, suivant les conseils de M. Broilliard (1), les 1 Ch. Broilliard, Cours d'aménagement. Édition de 1878, p. 180. la m r mi j \um\i i . '211 foré ta de protection, c'est-à-dire celles <>ù le maintien cons- tant du massif est indispensable, soi! à la sécurité publique pour prévenir les éboulements, les torrents, les avalanches, soil à la prospérité des forêts de rendement donl elles cons- tituent la ceinture de défense; puis toutes les forêts <»ii la régénération se lait avec lenteur. Tantôt c'est un escarpe- ment, une pente très déclive, où la majorité des graines roulent entraînées par les eaux pluviales : tantôt c'est un éboulis rocheux, où les semis ne n'installent qu'à la longue dans les interstices des pierres, et à la seule condition que la mousse ne soit pas desséchée par un découvert irréfléchi ; tantôt encore c'est le climat qui rend les arbres peu fer- tiles, le vent qui renverse les porte-graines isolés dans les coupes successives de régénération A quoi bon prendre la peine de fixer une révolution, d'établir des périodes, auxquelles correspondent sur le papier des affectations, si la nature bouleverse toutes les prévisions de l'aménagiste, si tel canton, qui doit se régénérer d'après le procès verbal en vingt-cinq ou en trente ans, ne se garnit qu'à la longue de semis se développant avec une lenteur désespérante? On se trouve conduit à prolonger la durée des périodes préalable- ment fixée, — ce qui est contraire au principe de la méthode, — et à conserver sur pied des sapins dépérissants, — ce qui, fait plus regrettable, entraîne des sacrifices de matériel impor- tants. A cette énumération, nous ajouterons les forêts de faible étendue, et toutes celles où l'on craint de ne pouvoir donner les soins culturaux, dégagements de semis et éclaircies, que comporte la futaie régulière. D'ailleurs, il faut bien se dire que les inconvénients des futaies jardinées peuvent être atténués. L'irrégularité théori- que de ces forêts est moindre dans la pratique qu'on ne pourrait le supposer. Quand un arbre est devenu dominant, il est rare qu'il perde la situation acquise, et, si le terme de l'exploitabilité est reculé, le peuplement prend cette forme d'apparence quasi régulière dont nous avons parlé plus haut : les produits qu'il fournit répondent très suffisamment aux exigences du commerce. 212 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. La réalisation de la possibilité par volume, et surtout les comptages et les inventaires souveni, répétés réduisent à peu de chose les dangers du système au point de vue économi- que; enfin, nous allons le voir, l'établissement de coupons remédie à la dissémination des produits, signalée comme pré- judiciable au propriétaire de la forêt, aussi bien qu'à l'acqué- reur des coupes. Pratique du jardinage. — L'application du jardinage est d'une simplicité primitive, car la régénération est en gran- de partie abandonnée à la nature. Néanmoins, si la régénéra- tion est incomplète ou se fait trop attendre sur un point, on lui vient en aide par la mise en état du sol, par des semis ou des plantations. De même, un martelage bien dirigé fait tomber de préférence les arbres âgés dont le couvert étouffe des placeaux de jeunes semis; ailleurs, sur les points où la lumière arrive au sol en quantité insuffisante, il rompt le massif pour faciliter l'ensemencement. Tout en laissant faire la nature, il n'est pas défendu de conduire intelligemment la cognée. Le principal soin nécessaire est de bien choisir les arbres à exploiter. On prend de préférence, parmi les gros, ceux qui couvrent la jeunesse et qui sont les moins bien venants. On évite de faire de larges trouées, de dégarnir les lisières, d'isoler les arbres pauvres en branches et, par suite, en racines. On se garde bien d'enlever les perches dominées qui seront un jour ou l'autre des sujets de remplacement. Quand le hêtre se trouve mélangé aux résineux, on coupe les gros hêtres, qui s'étalent, de préférence aux sapins et aux épicéas, à moins que les hêtres ne soient rares ou placés sur les bords du massif, auquel ils font alors comme un manteau protecteur. (1) Les rotations. — Les séries jardinées seront de faible étendue, de façon à égaliser autant que possible les facteurs de la production. Cette précaution prise, dans le but de ré- glementer les exploitations, de faciliter le choix des arbres, et de garantir la bonne exécution des opérations, on a imagi- né de restreindre encore la surface annuellement parcourue, en partageant la série en un certain nombre de divisions, dans chacune desquelles la coupe de Tannée se trouve concentrée. Il s'établit ainsi une véritable rotation. (1) Ch. Broilliard, Traitement des bois en France, p. 311. LA M i Mi JARDINES. 213 Le nombre des divisions ou coupons, qui 1 i x < * la périodi» cité du retour du jardinage sur le mémo point, règle en môme temps l'intensité de la coupe sur chaque unité de surface. En effet, étant donnée une série de cent hectares, avec une possibilité d'un arbre par hectare et par an, si la BUrfaCe est divisée en dix coupons, dans chacun de ceux-ci succes- sivement on réalise cent arbres, en une seule fois. Si le nombre des coupons est réduit à cinq, la surface de chacun se trouve doublée, et, comme le nombre des arbres à prendre reste toujours de cent, l'intensité de la coupe est réduite de moitié. Ce procédé est donc un palliatif ingénieux, mais l'importance donnée aux exploitations constitue une dérogation au prin- cipe de la méthode. Si on augmente outre mesure le nombre des coupons, si Ton en fait vingt, par exemple, on découvre le sol vingt fois plus qu'on ne le doit théoriquement et l'on s'expose à perdre les avantages culturaux du jardinage. Pour concilier ces derniers avec les avantages économiques du coupon, on est conduit, en tenant compte de la situation, du climat et des essences, à faire varier la durée des rotations entre cinq et quinze ans. En général, il faut revenir plus sou- vent chez les essences d'ombre que chez celles de lumière, plus fréquemment dans les sols fertiles que dans les sols pau- vres, dans les climats doux que dans les climats rudes. Par- fois même, dans les régions alpestres où la végétation est très lente, on se croit autorisé à dépasser le chiffre de quinze ans. Cela permet de réglementer le pâturage, de cantonner le bétail dans les coupons où les semis, âgés de huit à dix ans déjà, souffriront moins de sa présence. Les rotations un peu longues créent, par suite des vides qui, relativement grands au début, vont sans cesse en se réduisant et permettent aux diverses essences de trouver l'une après l'autre les conditions propres à leur régénération ; elles facilitent donc le mélange. Les coupons sont, bien entendu, établis une fois pour toutes sur le terrain et délimités par des tranchées ou des chemins de vidange. En outre, quelle que soit la méthode adoptée pour le recrutement de la possibilité (volume ou 21 1 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. pieds d'arbres), la division en tour d'exploitation doit être entièrement parcourue par la coupe ; il est facile d'obtenir ce résultat si la taxe de chaque coupon a été individuellement calculée, comme si ce dernier constituait une série à part. Soins culturaux. — En principe, la futaie jardinée ne comporte pas de soins culturaux. D'une part, en effet, la ré- génération est supposée obtenue par les seules forces natu- relles, ce qui supprime les dégagements de semis. D'autre part, l'impossibilité où l'on est de distinguer les individus appelés à jouer les rôles principaux dans le peuplement, de ceux qui seront éternellement réduits à l'état dominé, ne permet pas de faire des éclaircies, opérations destinées par définition à l'amélioration des sujets d'avenir. Cependant, quand de jeunes sapineaux luttent péniblement pour se dégager d'un roncier ou d'un fourré de hêtres, quel- ques coups de serpe donnés à propos peuvent être fort utiles. De même, au passage de la hache, on coupera les perches mal conformées qui gênent un sujet voisin de belle venue. La différence entre ces soins culturaux et ceux qui sont en usage dans les futaies régulières, est que, dans celle-ci, ils consti- tuent une ou plusieurs suites d'opérations systématiques spé- ciales et indépendantes des coupes principales. Dans le jardi- nage, au contraire, tout se fait à la fois dans la même enceinte : en même temps que l'on réalise les « vieux », on améliore la situation des « jeunes ». Le passage fréquent de cette coupe à tout faire assure un travail durable et suivi, pourvu que les exploitations soient strictement limitées aux nécessités cul- turales. Application aux différentes essences. — Le jardinage étant surtout à sa place dans les régions montagneuses, ne trouvera son application que dans des forêts généralement peuplées de conifères. D'autre part, le jardinage vrai, ne convient qu'aux essences d'ombre, et, en fait, c'est dans la sapinière qu'il a pris nais- sance, c'est à elle seule qu'il peut s'appliquer sans réserves; d'ailleurs, la présence du hêtre ne s'oppose en rien à l'appli- cation d'une méthode grâce à laquelle le mélange se main- tient en d'excellentes proportions. LA FI TAIE J midim'i . 215 Dans |e Jura, le sapin (île à travers les hêtres, ci il esl facile de I"' sauver. Dans les Vosges, il exige pins de précaution et de soins. Mais partout il se tire d'affaire dans la futaie jardinée, car, à L'état dominé comme à l'état dominant, il prime eu hauteur les hêtres voisins, et prend ainsi la meilleure place (1). Le propriétaire ne peut pas rêver mieux. Quant au mélèze, bien que comportant peu l'état jardiné, il se rencontre à de hautes altitudes, dans la zone alpine où la plus grande prudence s'impose, quel que soit le nom du traitement choisi. Or, le jardinage se prête à toutes les mo- dalités, et permet au sylviculteur d'agir au mieux des inté- rêts de la forêt. On peut, en effet, parcourir les cantons en enlevant des arbres, toujours cà et là, mais, de préférence, en créant de petites trouées où les semis naîtront par bouquets : le mélange des âges s'établira non plus par pieds isolés, mais par petits groupes plus ou moins homogènes. Les arbres qui constituent ces forêts ont d'ailleurs assez de résistance indivi- duelle aux intempéries et aux coups de vent pour qu'il n'y ait pas trop de danger à entrouvrir les massifs. Sous ses réserves, on peut jardiner le mélèze dans les Alpes, comme le pin de montagne et même le pin sylvestre dans les Pyré- nées et dans toute situation analogue (fig. 55). Il suffira, par exemple, d'exploiter de ci et de là quelques arbres sur un même point. Pour l'épicéa, la question est plus discutable. En dehors de la zone alpine, où le jardinage peut lui être appliqué comme au pin et au mélèze, on sait : 1° que son semis a besoin de lumière pour s'installer ; — 2° que plus tard, au contraire, si l'on veut en obtenir du bois de bonne qualité, cette essence doit former des peuplements très pleins; or, ces considéra- tions semblent incompatibles avec le jardinage. Nous ne pensons pas cependant devoir en proscrire systé- matiquement l'application. Tout d'abord, il favorise d'une manière générale le mélange des essences et ne peut être, en particulier, nuisible à l'association sapin et épicéa. En second lieu, dans les forêts d'épicéa pur à de grandes altitudes, les arbres, dont les cimes se rapprochent plus ou moins de la (1) Gh. Broilliard, loc. cit., p. 310. 216 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. forme columnaire, ne constituent, malgré leur grand nombre, que des massifs peu serrés ; on pourra donc, sans trop se préoc- Fig. 55. — Mélèzes et pins ccmbros à 2000 mètres d'altitude," forêt de Villarodin Bourges, près de Modane. (Photographie de M. Thiollier.) cuper d'une régénération qui, avec le temps, se produira tou- jours, tantôt sur les vieilles souches, tantôt dans les clairières, I.E TAU. US SIMPLE RÉGULIER. 217 réaliser, en jardinant, les gros bois, de préférence les arbres sur le retour ou menacés par les hnslrirhes. La production du sol atteignant à peine deux mètres cubes, par hectare et par an, il faut ménager un matériel dont la croissanee est lente, mais la qualité exceptionnelle. On peut, à la rigueur, ranger dans les forêts jardinées les peuplements de chêne-liège des Maures et de l'Esterel. Ces chênes forment des massifs très clairs, ou même sont à l'état d'arbres isolés au-dessus d'épais maquis de bruyères, de cistes et d'autres arbustes méridionaux ; le plus souvent, ils poussent en mélange avec les pins maritimes. Le seul produit de valeur étant le liège, on exploitera — en jardinant — les arbres où la levée de l'écorce sera devenue, avec l'âge, peu rémunératrice. Pour propager l'essence précieuse, il est indispensable d'en dégager radicalement tous les semis et de découvrir, en temps opportun, les jeunes tiges par des extractions de pins en forme jardinatoire. L'incendie, qui détruit les résineux, n'atteint pas la vitalité des souches de chêne : celles-ci four- nissent d'abondants rejets après le passage du feu; mais ce n'est pas là un procédé de culture à recommander! article m LE TAILLIS SIMPLE RÉGULIER Principe de la méthode. — Avantages et inconvénients. — Régénéra- tion. — Soins culturaux. — Application dans les régions tempérées. — Application dans les régions méridionales. — Applications di- verses. Principe de la méthode. — Quand on coupe systémati- quement à blanc étoc, et sans y faire aucune réserve, une surface continue, peuplée de bois feuillus susceptibles de rejeter de souches, les peuplements se constituent en taillis ■simple régulier. La régénération est la conséquence nécessaire de l'exploitation. Dès le printemps qui suit la coupe, le recrû, formé de rejets et de drageons, naît sur toute la surface à la même époque, et son ensemble représente le type le plus parfait de peuplement uniforme. 218 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. La densité d'un taillis, eu égard au nombre des cépées, est fonction de la révolution. Comme chacune de celles-ci se développe avec les années, sa projection occupe d'autant plus d'espace qu'on la laisse davantage vieillir. Par conséquent, le nombre des centres de reproduction est d'autant plus faible, et par suite le fourré véritable, — abstraction faite des morts bois, — s'établit d'autant plus tard, que les révolutions sont plus longues. Le mode de régénération par rejets entraîne une liaison intime entre le peuplement à venir, et celui qui va tomber sous la hache. En fait, il n'y a pas de nouvelles individualités créées, puisque les anciens sujets continuent leur existence sous la forme des rejets émergeant de leurs souches mutilées. Il y a rajeunissement plutôt que naissance d'une génération nouvelle ; aussi, théoriquement, en dehors de la question d'âge, ne devrait-il y avoir aucune différence entre le peu- plement ancien et le peuplement nouveau, où les mêmes essences se retrouvent dans la même situation. Les seules causes de perturbation dont il y ait lieu de tenir compte sont : la mort naturelle d'un certain nombre de sou- ches, — l'évolution possible de drageons, — enfin l'appari- tion de quelques brins de franc pied, provenant de semences apportées par les vents ou par les animaux. Avantages et inconvénients. — L'exploitation en tail- lis simple régulier est facile et commode. Elle fournit des produits constants. Le capital engagé reste toujours très faible et fonctionne à un taux de placement élevé. Les peuplements de cette forme sont peu exposés aux dégâts des champignons et des insectes (1), non plus qu'aux bris de vent ou de neige ; d'ailleurs, en cas d'accident, on ne perd que la récolte et les bois en croissance : l'ensouchement reste toujours intact. Enfin, le taillis, dont les tiges flexibles résistent à l'arra- chement, dont les racines nombreuses s'entrelacent dans la partie la plus superficielle du sol, est tout indiqué pour prévenir et corriger les ravinements. Par contre, les taillis simples, du moins dans leur jeunesse, (1) Un Corœbus est pourtant nuisible dans les forêts de chêne vert. LE tau. lis si m il I : iti < ; i i.i i-:it . 219 sont Irôs exposés à l'atteinte des gelées. La première année surtout, les rejets peuvent être arrêtée dans leur lignification par les gelées d'automne et disparaître victimes de l'hiver, qui les trouve mal « aoutés ». C'est, alors, une année de végétation à peu près perdue, et si l'accident se répète plusieurs années de suite, les souches meurent en grand nombre. Les gelées prinlanières, quand elles sévissent fréquemment dans un can- ton, entravent aussi la croissance des taillis, qui prennent un aspect chélif et rabougri caractéristique; on dirait d'un abou- tissement par le bétail. Le régime du taillis exige donc un climat doux, une grande somme de chaleur et un temps de végétation suffisamment long : ce qui rend son aire d'applica- tion beaucoup plus restreinte que celle de la futaie. En outre, le traitement en taillis, qui dénude complète- ment les surfaces à des intervalles rapprochés et ne produit que des bois jeunes, fatigue le sol, auquel il n'apporte que des restitutions insuffisantes. D'ailleurs, les effets de l'épuisement sont d'autant plus rapides que le terrain est d'une nature plus sèche et la révolution plus courte. L'influence des taillis sur les phénomènes météoriques est aussi bien moindre que celle des futaies. Enfin les taillis ne fournissent que du bois de chauffage, du charbon, des écorces, ou du menu bois d'industrie ; encore la quantité de ces derniers est-elle subordonnée à la longueur des révolutions. Régénération. — Toute la méthode de régénération des taillis simples réguliers repose sur le fait même de l'exploita- tion. Les points essentiels à considérer, pour assurer la pro- duction permanente des rejets, sont relatifs à l'âge de l'ex- ploitation des peuplements, à la saison la plus favorable pour faire la coupe et au mode d'abatage des produits, toutes questions étudiées au chapitre ier. Soins culturaux. — Les soins culturaux se bornent, en général, à quelques plantations sobrement faites, pour rétablir l'état de massif continu en bonnes essences, sur les points clairières par la mort accidentelle d'une ou de plu- sieurs souches. Ces plants doivent être dégagés périodiquement en la forme prescrite, afin qu'ils ne soient pas étouffés par la poussée des 220 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. essences inférieures. Le plus souvent, les plantations seront rendues inutiles, si l'on prend soin de sauver les semis naturels qui se rencontrent accidentellement disséminés, et qui pro- viennent de semences fournies par le taillis lui-même (1), ou par des arbres constitués, fructifiant dans les environs. Dans les taillis simples réguliers, systématiquement exploités à des révolutions courtes, souvent inférieures à vingt-cinq ans, tous les sujets ont même avenir et sont appelés à une même fin prochaine. Les cépées existent aux distances que comporte la révolution ; elles s'étalent sans se gêner l'une l'autre. Dès lors, si la lutte s'engage, ce n'est pas de cépée à cépée, mais de rejet à rejet dans une même cépée. Cette lutte est d'assez courte durée pour qu'il ne soit pas nécessaire d'intervenir; car, par- tout où l'on n'a aucun intérêt à créer des individualités, l'éclaircie ne se justifie pas. Il n'en est plus de même si les révolutions atteignent ou dépassent 30 ans. Alors une éclaircie s'impose, dans le même esprit que celle des peuplements de futaie. Dans chaque cépée, traitée comme une unité à part, on enlèvera, au profit des plus belles tiges, les perches surabondantes ou tarées de l'étage dominant, en respectant scrupuleusement tous les brins do- minés, rabougris ou traînants, qui composent le sous étage et lui donnent sa densité. Une telle opération est aussi délicate à diriger qu'à exécuter; car il n'est pas toujours facile au bû- cheron de lancer sa hache au milieu d'une cépée pour y abattre, sans froisser les autres, le ou les seuls brins à faire tomber. Exceptionnellement, en sol fertile, dans un mélange de bois tendres et de bois durs, quand les premiers sont exploi- tables avant les seconds, on peut les réaliser en temps oppor- tun, avant la coupe principale. Mais alors ces éclaircies, qui sont de véritables exploitations anticipées, perdent en partie leur caractère cultural... Application dans les régions tempérées. — En France, on trouve les taillis simples clans les régions méridionales (1) Les cépées de chêne rouvre et surtout de chêne pédoncule don- nent des quantités assez considérables de glands. Mais beaucoup de ceux-ci, quoique de belle apparence, demeurent stériles. LE tau. lis SIMPLE RÉGULIER. 221 comme dans les régions septentrionales. Malgré leur impor- tance — ils couvrent plusieurs millions d'hectares — et leur variété, nous ne ferons que passer rapidement en revue les principaux types. Dans les climats tempérés, ce mode de traitement, très jus- lilié alors que diverses industries (salines, verreries, for- ges, etc.) consommaient des quantités considérables de bois de petits calibre, répond de moins en moins à la situation économique de notre pays, à une époque où le charbon et les bois à brûler perdent de jour en jour de leur valeur. Les écorces à tan, d'un produit autrefois très rémunérateur, souf- frent aussi d'une baisse de prix considérable. Il est donc ur- gent de songer à transformer les taillis simples en vue de la production de marchandises d'un plus fort diamètre. Le rôle et la composition de ces taillis différent sensible- ment d'une région à l'autre. Dans l'ouest, ce sont des taillis de chêne tauzin; en Sologne, on trouve le chêne rouvre et le chêne pédoncule ; dans les Ardennes, dans les Vosges méri- dionales, le chêne rouvre domine. Un peu partout, aux chênes se mélangent : le bouleau, sur les sables pauvres, — les bois blancs dans les stations fraîches, — le charme, l'érable cham- pêtre, le coudrier dans des sols secs et moins profonds. Par- tout, des améliorations importantes pourraient être apportées à ce genre d'exploitation et en atténuer les mauvais effets; la principale serait l'allongement des révolutions, précédant la conversion en taillis sous futaie. En ce qui concerne les taillis de chêne écorcés (1), nous avons vu au Chapitre Ier que l'exploitation pouvait, sans in- convénients sérieux pour l'évolution des rejets, être reculée jusqu'en mai, époque de la levée des écorces. D'autre part nous pensons que l'écorçage sur pied est peu préjudiciable, à condition que l'exploitation des perches soit précédée d'une incision annulaire ouverte au dessus du niveau du sol, et que la coupe ait lieu ensuite rez-terre ; et cela malgré l'opinion des sylviculteurs autorisés qui considèrent celte incision comme inutile et même nuisible ('2). (1) Bouvart. De l'écorçage du chêne. (Bévue des Eaux et Forêts, 1866.) (2) Société centrale forestière de Belgique, avril 1899. 222 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Nous restons convaincus que le plus grand inconvénient de l'écorçage sur pied consiste dans le va-et-vient de nombreux ouvriers dans les coupes où commencent à évoluer les rejets; et, pour ce motif, nous croyons bon de tenir la main, — atin de délivrer le plus vite possible la forêt de toute cette popu- lation qui la fatigue, — à l'abatage des perches écorcées dans le plus court délai possible, alors même qu'il serait démontré que le maintien sur pied de ces perches, pendant une quinzaine de jours, n'est pas nuisible à la vitalité de leurs propres souches. Il va sans dire que les propriétaires de forêts ne peuvent que souhaiter l'extension des procédés d'écorçage à la vapeur. — après exploitation, — inventés par MM. Maitre et de Nomaison (1). Disons enfin un irfot de la pratique du sartage, ne fût-ce que pour en signaler le danger. Dans certaines régions, notamment dans les Ardennes et les Gévennes, les taillis de chêne sont encore soumis à cette pratique. Le sartage consiste, après l'exploitation d'un taillis simple, à brûler les rémanants répandus sur le sol, de façon à le faire profiter, sans frais, des matières fertilisantes immédia- tement assimilables et à permettre, grâce à cet engrais, d'in- tercaler une culture agricole, du seigle généralement, entre deux exploitations forestières (2). Mais le mince bénéfice qu'on en tire s'obtient au détriment de la forêt : 1" la mise à feu se faisant vers le mois d'août, toute la pousse de l'année est perdue, et un certain nombre de souches, les unes fatiguées par cette pratique qui dérange le mouvement de la sève, les autres directement atteintes par le feu, cessent de repousser et meurent ; le sarteur, qui ne cherche que le chêne, aide à la destruction de toutes les autres essences : charmes, bouleaux, fruitiers, qui disparaissent et sont remplacés par des morts bois et surtout par le genêt, dont la multiplication est favorisée par la grande quantité de potasse contenue dans les cendres ; — 2° sur les versants à (1) Bull. Société des Agriculteurs de France, mai 1873. (2) Cornebois. Notice sur le sartage dans V arrondissement de Hocroy, Paris, J. Tremblay, 1882. LB TAILLIS SI Mil i: ni <,i LIER, 223 pente rapide, la terre végétale est brûlée e\ perd, pendanl quatre ou cinq ;uis au inoins, la cohésion nécessaire pour résistera l'action des pluies; le retour de chaque exploitation en enlève une bonne part, et les lianes des montagnes mon- trent de plus cfî plus les rochers stériles qui en forment les Fig. jG. — Un taillis de chêne vert; exploitation par le saut du piquet. Forêt de Mérindol (Vaucluse). (Photographie de M. J. George.' assises; — 3° enfin le sartage met obstacle à rallongement des révolutions et à la conversion en taillis sous futaie. Du reste, tous les prétendus avantages attribués au sar- tage au point de vue forestier, ne supportent pas la discus- sion. On entend dire, en effet, que les taillis se sontmaintenus grâce à lui ; or, il est facile de se rendre compte de ce fait que, pour sarter, il faut couper soigneusement les taillis rez-terre; c'est donc grâce à leur bonne exploitation que ces taillis se sont perpétués quoique, — et non parce que, — sartés. Le sartage perd d'ailleurs du terrain dès que l'aisance pénètre dans les pauvres contrées qui en vivaient. Applications dans les régions méridionales. — Les taillis 224 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. de chêne yeuse, pur ou mélangé de chêne blanc (tig. 56), donnent la seule forêt qu'on puisse demander aux terrains cal- caires brûlés par le soleil de la Provence, sur lesquels ils sont localisés (1). Pour ceux-ci, comme pour tous les précédents, l'allongement des révolutions s'impose. Leur durée actuelle, qui varie de huit à quinze ans, peut, sans inconvénients, être portée à vingt ou vingt-cinq ans. Sans rien perdre au point de vue de la pro- duction des écorces, on aurait l'avantage d'augmenter la valeur des produits ligneux et de faciliter l'exercice du pâturage (2). Heureux le propriétaire de pareils taillis qui, à défaut de bois, peut y récolter des truffes (3). Peut-être, comme le con- seille M. Broilliard, des éclaircies bien dirigées augmente- raient-elles la production de cet intéressant cryptogame. Il semble nécessaire que le taillis ait huit à dix ans pour que les truffes y soient abondantes; elles disparaissent quand les cépées sont plus âgées, et, malheureusement, — sur les pentes du Ventoux tout au moins, — ne reviennent pas quand on substitue une forêt nouvelle à l'ancien peuplement devenu stérile (4). (1) Voir : Regimbeau, Le chêne yeuse ou le chêne vert dans le Gard, Nîmes, impr. Jouve, 1879. A, Rousset, Recherches expérimentales sur les écorces du chêne yeuse, Paris, imprim. Nationale, 1887. E. Rouis, Note sur le développement et la gestion des forêts com- munales dans le déparlement du Gard, Avignon, Séguin, 1896. V. de Larminat, Les forêts de chêne vert, Troyes, L. Lacroix, 1893. F. Tessisr, Le versant méridional du Ventoux. (Revue des Eaux et Forêts, janvier, février, mars 1900.) (2) Voir chapitre Vil. (3) En 1892, la commune de Bédouin (Vaucluse) a tiré un revenu de plus de 55,000 francs d'une forêt truffière, créée par M. l'Inspecteur général Bédel, alors qu'il était chef de service à Avignon en 1865. (4) Nous n'avons pas besoin d'ajouter que le chêne « truffier » est une pure chimère en tant que race ou variété. Des glands nés de chênes verts ou de chênes blancs quelconques, peuvent donner des cépées truffières, si, d'ailleurs, les conditions nécessaires à la vie du champi- gnon sont remplies. Peut-être, cependant, de la terre ou des feuilles, prises dans une forêt où vivent des truffes, en apporteraient-elles des spores. Pour créer une truffière artificielle, on défriche le terrain, on cultive des bandes de quatre à six mètres de largeur et on y sème des glands de chêne yeuse autant que possible. Dans l'intervalle, et en attendant que les truffes apparaissent, ou peut pratiquer une culture agricole Ll TAILLIS SIMPLE ltl GULI1 R. 225 Applications diverses. — Indépendamment des essences dont nous vouons de parler, il peu! «'Ire avantageux de cultiver en taillis simple d'autres espèces et, plus particulièrement, les suivantes : 1° dès l'âge de quinze ans, les taillis d'aune donnent de fort beaux rendements; mais ils peuvent, avec avantage, être conduits beaucoup plus loin. Les stations où le sol est frais cl profond, les parties trop mouilleuses des régions de prai- ries, le bord des rivières conviennent à merveille à cette essence; 2° sous la dimension de faibles perches, le châtaignier présente déjà une bonne proportion de bois parfait, et, comme il pousse très vite, on a la coutume de le couper d'assez bonne heure, généralement vers douze à quinze ans. Dans les sols riches, en retardant l'exploitation et en prati- quant des éclaircies convenables, on obtient, dès l'âge de trente ans, des perches de vingt à vingt-cinq centimètres de diamètre, dont on tire d'excellents merrains. Le châtaignier, traité en taillis simple, ne prospère que dans les climats doux et sur les sols siliceux, légers et profonds. Les scories volca- niques du Plateau central lui conviennent particulière- ment (1) ; 3° les taillis de robinier (vulgairement acacia), sont d'un bon rapport. Les plants doivent être espacés et maintenus à l'état pur, car ils ne supportent aucun mélange avec les es- sences indigènes. En général, on exploite le robinier rez terre tous les dix, douze ou quinze ans ; mais, en le maintenant en massif clair, on peut le conduire avantageusement jusqu'à quarante et même cinquante ans. A quelqu'âge qu'on le coupe, il se reproduit très facilement par drageons. Le robi- nier croît vite ; mais il craint le vent, l'état serré et le (Ad. Chatin, De la truffe, de sa culture et de sa naturalisation, Bull. Société botanique de France, 1872.) (1) En Alsace, le châtaignier fournit, à 4 ou 5 ans, des cercles de futaille, — à 15 ou 20 ans, d'excellents échalas pour la vigne. L'hectare de taillis de châtaignier, dont la création exige une dépense d'environ 800 francs, sol et plantation compris, rapporte annuellement, clans la région du vignoble un revenu net de 100 francs. — Millischer, La cul- ture du châtaignier en Alsace. (Bull. Société forestière de Franche- Comté et Bel fort, avril 1893.) BorrE et Jolyet. 1-* 22() LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. couvert. On le plante trop souvent dans des sols sans pro- fondeur ou compacts, sous le prétexte qu'il « reprend » presque toujours ; c'est un tort, car il n'est d'une culture avantageuse et justifiée que dans des sols légers et profonds; 4° dans les terrains submersibles enrichis par le limon des cours d'eau débordés, les bois blancs, les saules surtout, prennent une végétation active et donnent de bons revenus. Les révolutions adoptées sont très courtes : elles dépassent rarement douze ans, et descendent parfois au-dessous de huit ans, pour former les menus taillis', 5° les perches ou barres de micocoulier, réduites au nombre de deux ou trois sur chaque souche, atteignent une dizaine de centimètres de diamètre à dix ou douze ans et valent un à deux francs pièce. Des taillis de cette essence peuvent être d'un rendement avantageux, mais ils exigent un sol divisé, bien ameubli et le climat méditerranéen. Nous empruntons une bonne part des renseignements qui précèdentau Traitement des Bois en France de M. Broilliard. Nous ne pouvons que renvoyer à cet important ouvrage le lecteur désireux de plus amples détails sur la création et la conduite de ces divers types de taillis simples. ARTICLE IV LE TAILLIS SIMPLE FURETÉ Forme des peuplements. — Circonstances clans lesquelles il se justifie. — Régénération. — Réglementation. Forme des peuplements. — Pour fureter un taillis simple, on y revient à de courts intervalles, compris entre huit et quinze ans, en se bornant à couper les perches exploitables, c'est-à-dire, le plus généralement, celles qui ont de 0m30 à 0m35 de tour à hauteur d'homme. Si, par exemple, on passe tous les neuf ans dans un taillis où il faut vingt-sept ans aux rejets pour atteindre cette grosseur, on trouvera, en théorie, sur chaque cépée, immédiatement avant la coupe, des ra- meaux de neuf, dix-huit et vingt-sept ans. En fait, les choses se passent comme il suit: les exploita- LE TAILLIS SIMPLE PURETÉ. •JJ7 lions, limitées sur chaque cépée à un petit nombre de perches choisies dans l'étage dominant, avec réserve de tous les rejets moins forts, occasionnent, çà et là sur La souche, des blessures qui tendent à se cicatriser; à la longue, la surface de cette souche présente donc des îlots de tissu cicatriciel (l),dans Fig. 57. — Souche de taillis fureté. lequel s'organisent des bourgeons adventifs. De ces bourgeons, les uns restent à l'état dormant, d'autres s'allongent quelque peu en restant grêles et chétifs, mais tous sont prêts à se déve- lopper dès que le hasard d'une exploitation leur donnera l'espace et la lumière ; la question d'âge n'entre donc pour rien dans leur évolution successive: chacun peut devenir dominant bien avant son tour d'ancienneté. (1) Un grand nombre de bourgeons adventifs naissent sur le tissu cicatriciel des blessures faites aux souches et aux racines par le trainage des produits et les autres accidents consécutifs à l'exploita- tion. 228 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Les éléments qui entrent dans la composition d'un taillis fureté représentent, par suite, une cépée en forme de buisson (fig. 57), dont les brins, émergeant tous d'une souche d'aspect tourmenté comme la cime d'un têtard, sont les uns plus ou moins dominants, les autres franchement chétifs et traî- nants : à vrai dire, au lieu de trois ou quatre classes d'âge, l'œil distingue à peine deux étages. Dans son ensemble, le peuplement constitue un fourré per- pétuel, ayant de 6 à 10 mètres de hauteur. Quand il est plein et parcouru par des exploitations modérées, il est souvent fort difficile d'y pénétrer : la présence des traînants, notam- ment, rend la circulation pénible pour peu que la pente soit accusée. Il n'y peut être non plus question de pâturage; et si, pour satisfaire aux exigences de propriétaires ou d'usagers, on coupe lesdits traînants, on perd tous les bénéfices de la forme furetée. Cette pratique funeste explique tout le mal que l'on a dit du furetage, procédé trop peu étudié et, par suite, souvent calomnié, véritable jardinage sur souches, qui par- tage avec le jardinage dans les futaies le grand mérite de tenir le sol toujours couvert et de bien le protéger contre l'éro- sion. Circonstances dans lesquelles il se justifie. — Bien que des chênes, des châtaigniers, des fruitiers, puissent se jeter et se maintenir quelque temps dans un taillis fureté, ce mode de traitement ne concerne que le hêtre, et voici sa justifica- tion. En général, les taillis simples réguliers de cette essence ne se perpétuent facilement que dans les stations tempérées, et sous la condition d'être exploités jeunes. Dès que les rejets naissants ne résistent plus, sans protection, à l'action d'un climat trop rigoureux par excès de chaleur ou de froid, dès que les pro- duits, pour être utilisés, doivent atteindre une dimension qui dépasse celle où le hêtre repousse facilement de souches, il est nécessaire, si l'on veut rester dans le régime du taillis, de recourir au furetage. C'est, d'ailleurs, en de semblables cir- constances, que ce mode de traitement est né dans le Morvan, dans les Pyrénées et, sans doute aussi, dans les Cévennes, en Savoie et en Suisse. LE TMI.I.IS SOUS M I Ml . 229 Régénération. — La nécessité de ménager tous les pamèaux d'avenir oblige à couper les perches exploitables à un certain niveau au-dessus du sol, de 1<'II<' sorte que les bourgeons donnent des rejets qui ne s'affranchissent jamais ; les souches furelées sont donc condamnées à mourir de vieil- lesse un jour ou l'autre. Pour les remplacer, il faut utiliser les faux drageons, les brins de semence qui naissent dans les inter- valles, ou, à défaut, marcotter des traînants. Ces remplaçants sontrecépés d'assez bonne heure pour provoquer la création de cépées, qui seront, à leur tour, mises à l'état furelé. Réglementation. — On doit s'astreindre, non seulement à ne réaliser que des brins de calibre, mais encore à couper le plus grand nombre de ceux-ci. Sinon, les perches dominantes auraient des tendances à former un massif assez serré, et arrêteraient le développement des rameaux intermédiaires et des bourgeons dormants ; alors se constituerait un perchis plus ou moins régulier, qui ne serait plus un taillis fureté. On n'a pas intérêt à multiplier le nombre des exploitations ; au contraire, en augmentant, dans une limite convenable, l'intervalle qui sépare les retours de la hache dans une même cépée, on rend plus nette la distinction des perches de calibre ; le peuplement se trouve moins souvent exposé aux fatigues et aux abus d'une exploitation; enfin, on a l'avantage d'augmenter la surface des cantons où, les rejets étant plus âgés, le pâtu- rage est moins nuisible. A tous les points de vue, les rota- tions de douze à quinze ans sont préférables à celles de huit à douze ans. ARTICLE V. LE TAILLIS SOUS FUTAIE Constitution. — Solidarité entre la futaie et le taillis. — Avantages et inconvénients. — Régénération du taillis. — Constitution de la futaie. — Les dégagements de semis. — Les éclaircies. Constitution. — Le taillis sous futaie, ou taillis composé, est caractérisé, comme ce dernier nom l'indique, aussi bien par son mode de régénération, que par sa nature complexe. Il est formé, en effet, de deux éléments : un sous étage •23() LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. exploité à intervalles égaux, à la façon des taillis simples, — et un étage composé d'arbres irrégulièrement disséminés, dont les cimes, qui dominent le taillis, se développent à l'état isolé jusqu'au terme de leur existence utile. Ces arbres consti- tuent ce qu'on appelle la réserve ou la futaie. Cette réserve, d'ailleurs, est constituée et s'exploite de la manière suivante: lors du passage des coupes, on réalise dans la futaie, individuellement et en jardinant, les arbres devenus exploitables. En même temps, on choisit, pour les conserver, un certain nombre de brins de l'âge du taillis, qui, à partir de cet isolement, sont acquis à la réserve et viennent la ren- forcer de façon à entretenir sa composition, sa consistance et sa production aussi constantes que possible. Il résulte de cette manière d'opérer que les arbres de la futaie ont d'abord vécu avec le sous étage, dans le sein duquel ils ont été confondus pendant une révolution, et que, dans l'ensemble, la réserve se compose d'arbres appartenant à plu- sieurs classes, dont les âges différent entre eux d'un temps égal à la durée des révolutions de taillis. Dans ces conditions, ces divers éléments peuvent se com- biner de mille façons différentes; aussi la forme des taillis sous futaie est-elle essentiellement variable. Entre un taillis simple régulier, ombragé par quelques arbres épars, et un autre do- miné par une réserve très nombreuse, il y a place pour tous les intermédiaires. Solidarité entre la futaie et le taillis. — D'ailleurs, entre les deux éléments du taillis sous futaie, il existe une solidarité complète. D'une part, la consistance du taillis est en raison inverse de celle de la futaie, puisque ce taillis, qui forme l'étage do- miné, est d'autant plus clair et chélif que la réserve, c'est-à- dire l'étage dominant, est composée d'arbres plus nombreux et plus gros. Cette dernière considération engage donc à com- poser la réserve, autant que possible, avec des essences à feuillage léger, et dont la valeur acquise par le grossissement soit suffisante pour compenser la perte que leur couvert fait éprouver au sous bois. D'autre part, la réserve agit sur la composition du peuple- LE tau. lis socs i i i \n:. 23 J ment, lequel est loin de eonserver ta stabilité relative que présente?!! les faillis simples. En effet, par son couvert, elle SafâH'{^^3r i^bvÉJjt^JltfLL/^^^^Ji tîNi -^HBfcJTV ^*vj Ot5i V J ftp - w ïh|P •SA- s* ■"£ r » ' i /I ' i ; : 111» 1-, 1, HH HmwH m : ï1 IIH ' • / 1 ' ■>v ■P^^^EÎ - i Fig. 58. — Un taillis sous futaie avant la coupe. Forêt de Ghampenoux. fait perdre à un certain nombre de souches la faculté de pro- duire des rejets. D'après les recherches faites par M. d'Arbois de Jubainville dans les taillis de la Meuse (1), on peut admet- (1) Recherches sur les Taillis sous Futaie, Grimblot. Nancy. 1860. 232 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAÎTEMENT. tre que, dans les conditions moyennes, sous le couvert direct des chênes, 3 à 6 p. 100 des souches ne rejettent plus. Cette proportion augmente encore si, au lieu de chênes, la réserve est formée d'espèces à couvert épais, ou peu élevé, notam- ment de hêtres ou de charmes. De plus, la cépée dans la- quelle on fait une réserve est, en général, perdue pour le sous étage, celle-ci ne devant être exploitée qu'à un âge où sa souche ne fournira plus de rejets durables. Mais, ces dégradations sont compensées par l'apparition de brins de semence. Ceux-ci apparaissent dans les circonstances les plus diverses grâce à la disposition variée de la réserve, dont les arbres sont en grande partie fertiles. Ainsi les semis de bois blancs et des autres espèces à graines légères, telles que : frênes, ormes, érables, etc..., se jettent, aussitôt la coupe faite, sur le sol mis à découvert. Ces semis ont un sort variable : ceux de charmes, qui naissent nombreux, ne résis- tent à l'été que dans les sols assez frais pour ne pas se des- sécher au delà de la zone peu profonde pénétrée par les racines superficielles de cette essence ; ceux de chêne et de hêtre se produisent après chaque année de semence, mais ils ne ren- contrent pas toujours des conditions favorables pour se maintenir : tant que le taillis est à l'état de fourré, à couvert très bas, leur réussite est impossible ; s'ils se forment vers la fin de la révolution, les jeunes hêtres sont exposés à être tués par l'insolation trop brusque, consécutive à la coupe ; quant aux semis de chênes, ils peuvent, sans doute, résister à la pleine lumière, mais, le plus souvent, ils sont dominés par des rejets de souches et disparaissent en presque totalité dans le cours de la révolution suivante, à moins qu'on ne vienne à leur aide. Toutefois, profitant d'une série de circonstances propices, quelques brins de charme, de chêne, de hêtre, parviennent à entrer définitivement dans la composition du peuplement. On constate d'ailleurs que les semis se montrent d'autant plus nombreux que les révolutions sont plus longues, et la réserve plus riche en arbres fertiles. Aussi peut-on dire que, dans les taillis sous futaie bien tenus, l'action de la réserve tend à enri- chir la composition du taillis en bonnes essences, plutôt qu'à l'appauvrir. LE TAILLIS BOUS FUI Ul 233 Avantages et inconvénients. — Lé taillis sous futaie em- prunte au taillis simple son mode de régénération facile, sur et gratuit ; mais, mieux que lui, il utilise, en sol profond, toute l'épaisseur de la couche pénétrable aux racines. Le changement perpétuel dans la situation des réserves établit, dans cette zone, une sorte d'assolement entre les régions superficielles et les régions profondes, oecupées alternati- vement par les racines des cépées, et par celles des arbres. Mieux que lui encore, il protège le sol et fournit à la cou- verture morte des détritus abondants; on ne remarque pas d'ailleurs qu'il exerce une action fâcheuse sur la fertilité des terrains de bonne qualité ; toutefois, épuisant par nature, comme tout taillis, il peut être d'une application dangereuse dans les sols pauvres et secs, surtout si la révolution adoptée est courte. Le sous étage, en tant que taillis simple, échappe à tous les dangers extérieurs. Les arbres de la futaie, eux-mêmes, grâce à l'enracinement solide qu'ils doivent à leur état isolé, offrent une grande résistance au vent ; c'est seulement au cours des deux ou trois années qui suivent l'exploitation qu'ils risquent d'être renversés ; les anciens protègent, d'ail- leurs, les modernes et surtout les baliveaux. Dans son en- semble, le peuplement, d'âges multiples et de composition variée, est peu exposé aux ravages des insectes. En toutes circonstances, et mieux que la futaie, le taillis sous futaie répare ie lui-même les dégâts dont il a pu être victime; car quel que soit le sort de la réserve, l'ensouchement du taillis est toujours là, pour fournir une régénération par rejets et sauver l'état boisé. Au point de vue économique, le taillis sous futaie se recom- mande par ses produits variés, de nature à satisfaire les besoins les plus multiples du commerce. Il permet, en outre, d'obtenir, dans un temps relativement court, des chênes d'un fort diamètre, dont le bois est très nerveux, et, accessoire- ment, d'élever les grandes espèces disséminées que la futaie élimine presque toujours. Enfin, cemode de traitement se prête aux combinaisons les plus diverses ; il demeure applicable aux forêts de toute étendue, aux plus grandes comme aux plus 234 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. petites ; il est à la portée de toutes les bourses, de toutes les catégories de propriétaires. Tels sont les avantages fondamentaux de ce mode de traite- ment; par contre, il exige, comme le taillis simple et pour les mêmes raisons, un climat doux, une longueur suffisante de la saison de végétation, un sol assez frais pour ne pas craindre des découverts souvents répétés, et, — en plus — un terrain dont la fertilité et la profondeur rendent possible la culture des essences précieuses, surtout du chêne. Au point de vue économique, on peut reprocher au taillis sous futaie l'irrégularité dans l'épaisseur des anneaux ligneux fabriqués par les arbres, et l'excès de densité du bois de chêne : celui-ci, trop nerveux, se tourmente, et le travail en est diffi- cile. D'ailleurs, les produits en bois d'œuvre sont moins sains que dans les futaies : les alternatives d'isolement et d'enclave au milieu d'un sous étage grandissant, disposent les arbres à contracter des tares, si bien que, même dans les circonstances les plus favorables, il est rare qu'ils fournissent de 40 à 50 p. 100 de leur volume total en bois d'œuvre ; le reste n'est que du chauffage de médiocre qualité. — D'autre part, les peuple- ments s'éloignent des formes naturelles : ils sont le résultat de combinaisons entre des éléments antagonistes et trop va- riables pour qu'on puisse les modeler dans un moule unique ; chaque forêt, chaque climat, chaque sol, chaque propriétaire peut exiger, dans un sens ou dans l'autre, des modifications du type qu'on se serait imposé. — Enfin, si l'on n'y prend garde, la futaie partage, avec toutes les exploitations d'arbres considérés isolément, l'inconvénient d'être toujours mobili- sable, et, par suite, exposée aux abus de jouissance. Régénération du taillis. — Dans l'ensemble, le taillis assure l'ensouchement, c'est-à-dire l'état boisé, et consti- tue, en outre, une véritable pépinière, où se recrutent les brins destinés à remplacer les futaies qui tombent sous la hache. 11 est, en un mot, l'agent fondamental de la perpé- tuation de la forêt. La futaie, au contraire, est l'élément principal du revenu, c'est elle qui fait la richesse des peuplements. La régénération du sous étage est identique à celle d'un LE TAILLIS ><>i S PUTAIB. 235 taillis simple régulier en semblable condition : les mêmes précautions sont è prendre pour L'assurer (article V). Il n'\ a pas, d'ailleurs, à l'aire fonds sur les rejets éventuels, et géné- ralement sans avenir, que peuvent donner les souches des réserves exploitées. Il est inutile, d'autre part, de trop s'attacher à la prédomi- nance des bois durs dans le sous étage. Aujourd'hui bois durs et bois tendres, — les premiers moins recherchés qu'autrefois pour le chauffage, les seconds plus employés dans la fabrica- tion des pâtes à papier, — se vendent aussi bien,... ou aussi mal l'un que l'autre. Le seul point essentiel est de veiller au maintien, en nombre suffisant, des essences qui doivent assu- rer un bon recrutement de la réserve. Constitution de la futaie. — Toutes les règles culturales propres au taillis sous futaie concernent donc la réserve, nous rechercherons à ce sujet : les essences qu'il convient de préfé- rer; — le choix à faire quant à Y origine de ces réserves ; — enfin la répartition la plus avantageuse à leur donner. Les réserves à préférer sont, avant tout, les essences de lumière, puisque le besoin qu'elles ont d'espace pour étaler leur cime les dispose tout naturellement à croître à l'état isolé, plutôt qu'en massif plein. D'autre part, c'est dans ce groupe que se rencontrent les espèces à feuillage léger, dont le couvert est le moins préjudiciable au développement du taillis. Parmi celles-ci, les chênes rouvre et pédoncule se rangent en première ligne ; on peut même dire qu'en dehors de leur présence on n'a aucune raison sérieuse de faire du taillis sous futaie. Aux chênes, il est intéressant d'associer des essences disséminées, telles que : frênes, ormes, érables, frui- tiers, qui, suivant les stations, fournissent chacun d'excellents produits. Les bois blancs, comme le tremble et le bouleau, dont le couvert est très léger, sont utilement conservés sur les points où ne se rencontrent pas de meilleures espèces. Ils poussent vite, et leur production se trouve pour ainsi dire, en supplément, car ils entravent peu la croissance des cépées qu'ils dominent. Au contraire, la conservation de l'aune et du 236 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. tilleul, dont le couvert est assez épais, n'est à recommander que dans des circonstances exceptionnelles : l'aune sur les bords des ruisseaux, le tilleul dans les pierrailles amoncelées et les débris de carrières, où aucune autre essence ne prospère aussi bien que lui. Le hêtre s'accommode assez mal de l'état isolé, et le régime du taillis composé ne lui convient pas en principe. Aussi dis- paraît-il bientôt des forêts en bon sol, où son absence n'est pas à regretter, puisqu'on peut obtenir mieux à sa place. Au contraire, dans les sols médiocres, il persiste pendant assez longtemps, parce qu'il ne s'y trouve pas d'espèce plus vivace que lui pour l'éliminer. Si le charme est l'arbre par excellence pour former les sous étages, il a moins sa raison d'être dans la futaie. Sa croissance est trop lente, son feuillage trop épais, son bois trop peu estimé pour le travail ; en outre, à cause de son cou- vert bas, il tue le plus grand nombre de cépées qu'il couvre et ne permet à aucun semis de s'installer à son ombre. L'abus de la réserve charme est une cause de ruine pour les taillis ; tout au plus est-il permis d'en conserver quelques sujets, aux- quels on ne laissera pas dépasser la dimension de modernes; d'ailleurs, ceux-ci n'ont pas seuls la propriété d'enrichir en semis de l'espèce les taillis où elle serait insuffisamment repré- sentée, car les perches fructifient de bonne heure et suffisent à tous les besoins. En ce qui concerne la constitution de la réserve, nous de- vons citer les observations recueillies par M. Mathey (1) dans le bassin de la Saône ; nous ne pouvons que résumer ce travail, où les taillis sous futaie de la région sont répartis en six groupes, définis par les qualités de leur sol, et caractérisés par leur flore ligneuse et herbacée. Les conclusions, souvent d'ordre très général, intéressent les propriétaires de taillis sous futaie de toute la France. Les trois premiers groupes comprennent les terres à chênes, celles où le taillis sous futaie donne son plein rende- (1) Mathey, Elude sommaire des taillis sous futaie dans le bassin de la Saône. (Bulletin Société forestière de Franche-Comté et Belfort, septembre, 1898.) LE TAILLIS -"i S FUTAIE 237 ment. A toul seigneur, tout honneur..., la futaie cstconsli- tuée en chêne. Pourtant, sur les colmatages, dont la fertilité est exceptionnelle, on lui associe «les essences dissémina frêne, orme champêtre, sans toutefois donner une trop grande prépondérance à ces espèces, dont l'accroissement n'est supé- rieur à celui du chêne que pendant les deux premiers âges, dont la valeur marchande est variable, et qui sont très épui- santes. — Dans les sables argileux et siliceux fins, une petite place est faite au hêtre, auquel on ne laisse pas dépasser la dimension d'ancien de lm,50 de tour. — Enfin, dans les marnes compactes, mais profondes et fertiles, les baliveaux et modernes de bouleau et de tremble, essences à couvert très léger et d'un bon rapport, sont utilement associés au chêne, quand celui-ci est insuffisant. On cède trop souvent sur de pareils sols à la fâcheuse habitude de réserver des charmes. Le quatrième groupe englobe des argiles oxfordiennes ou autres, des conglomérats calcaires ou siliceux, terres de com- position variée, mais toujours compactes , froides et acides. Le chêne seul, dit M. Mathey, doit y constituer la futaie, mais, « au milieu des maigres taillis que décime la bruyère, « il végète mal. Aussi le forestier doit-il se préoccuper, avant « tout, de resserrer la trame ordinairement trop lâche et trop « uniforme du sous bois. » Quant aux deux derniers groupes, leur caractéristique est la profondeurdeplusen plus faibledusol,et, comme corollaire, le rôle de plus en plus prépondérant du hêtre. Sur les calcaires marneux des pays de collines et de basse montagne, la terre est mélangée de plaquettes calcaires ou de rognons marneux; le chêne décline; il devient logique d'accepter largement le hêtre, qui est, en fait, l'essence la plus productive: « il ne « faut pas craindre de le multiplier en modernes, et d'en gar- « der les beaux anciens, les plus longs; » quelques chênes, là où la profondeur sera suffisante, quelques alisiers torminaux, enrichiront la réserve et achalanderont les coupes. — Sur les arènes provenant de la décomposition des granits ou des por- phyres, sur la terre rouge qui recouvre certains calcaires jurassiques, sols éminemment superficiels tous deux, repo- sant tous deux sur des roches dures, « la réserve du chêne 238 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. « ne compense, à aucun âge, la perte du recrû qu'elle entraîne ; « le hêtre, jusqu'aux dimensions d'ancien, est l'essence fonda- « mentale et exclusivement rémunératrice de la futaie. » Certes, nous le reconnaissons, l'introduction dans la réserve d'une essence d'ombre comme le hêtre, n'est pas conforme au principe du taillis sous futaie. Mais peu importe la théorie, si, ne pouvant faire mieux, nous constituons une forêt solide et d'un bon rapport. Or, il suffit de constater l'aspect chétif des chênes que l'on réserve, en semblable situation, pour se convaincre de leur faible production, c'est-à-dire de leur inutilité économique. Pour entretenir en bon état la consistance du taillis, il y a lieu de ne pas choisir les baliveaux sur les grosses cépées, qui, donnant d'abondants rejets, forment sa véritable richesse. On leur préfère les brins de semis; à leur défaut, les rejets déjeunes souches, et les drageons ; en dernier lieu, les brins isolés, détachés des cépées, comme il s'en rencontre presque toujours. On admet que les brins de semence et les drageons ont le plus de vitalité. A ce point de vue, les rejets provenant du premier recépage d'un jeune sujet de franc pied ont à peu près même valeur que lui ; en fait, ils fournissent même la majeure partie des bons baliveaux, car il est rare qu'un brin soit assez fort pour être isolé à la fin de la révolution au début de laquelle il est né : c'est seulement après avoir élé recépé, qu'il s'élance avec assez de vigueur pour marcher comme le sous étage. Les rejets de vieille souche se carient d'assez bonne heure, et c'est se tromper soi-même que de conserver des arbres, sur l'avenir desquels on ne doit pas compter. On choisit d'ailleurs les baliveaux parmi les tiges de forme régulière, droite et bien équilibrée, car les sujets fourchus risquent d'être déchirés par le vent, et, quand ils échappent à ce danger, leur bois est déprécié par la présence d'entrer écorces. Les arbres bons à être réservés ne se présentent pas tou- LE TAILLIS sors i i r \n . 239 jours clans la station géométrique voulue pour obtenir un bon espacement. De plus, les réserves s<>ni entremêlées de telle sorte que l'on peut voir avoisinées les espèces les plus diffé- rentes, appartenant à une catégorie quelconque de baliveaux, et parmi lesquelles il faut opter. Sans entrer dans plus de détails, ni discuter les problèmes que soulève la question ^ noué Fig. 59. — Un taillis sous futaie après la coupe. Forêt de Pont-à- Mousson (Meurthe-et-Moselle), terrain argileux. — Photographie de M. J. George. engageons les opérateurs à se pénétrer de cette vérité que, sur chaque point, l'arbrele meilleurà conserver, est toujours celui qui, eu égard à l'espèce à laquelle il appartient, à sa vigueur, à son état sain, à ses dimensions, à sa valeur actuelle, travaille le plus utilement clans l'intérêt du propriétaire (1) ; ici nous marquerons un chêne ancien, là un hêtre moderne, ailleurs autre chose. (1) Exemples : Entre deux chênes d'âges différent?, s'il y a lieu de choisir, c'est, 240 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Dans la pratique, il est essentiel de porter d'abord toute son attention sur la grosse réserve. C'est seulement quand le choix de celle-ci est bien arrêté qu'on s'occupe des baliveaux, en les répartissant dans les espaces où les arbres manquent, en évitant surtout de les marquer trop près des modernes et des anciens, ou comme cela se fait trop souvent, sous leur pro- jection. Ce serait, d'ailleurs, se faire illusion que d'en exagé- rer le nombre pour masquer l'indigence d'une réserve trop pauvre en arbres constitués ; il faut être convaincu que les modernes et les anciens forment la véritable richesse de la forêt : c'est le capital indispensable à la fabrication des gros bois, les seuls qui se vendent cher au mètre cube. Enfin, il est bon : 1° de renforcer le balivage sur les lisières des forêts : on crée ainsi, sur 15 à 20 mètres de largeur, des rideaux de protection du plus utile effet; — 2° de réserver, le long des tranchées ou des chemins de vidange, des cordons d'arbres de futaie, qui embellissent la forêt, rendent plus facile l'entretien des lignes et assurent une riche épargne, que l'on est heureux de trouver le cas échéant; cette excellente pra- tique, en honneur autrefois, s'est perdue de nos jours : à tous égards il serait avantageux d'y revenir. Le balivage. — Tous les arbres qui entrent dans la réserve se nomment des baliveaux. Suivant leur catégorie, on les dis- tingue en : baliveaux de Vâge, baliveaux modernes et bali- veaux anciens. Au moment de la coupe, les premiers sont âgés d'une révolution, les seconds de deux, les autres de trois révolutions et plus. C'est ainsi que les ordonnances et le Code forestier les distinguent. Mais, en fait, le terme de baliveau est exclusivement attri- bué aux brins de l'âge, aussitôt après leur isolement. On en général, le plus gros qu'il faut conserver, à condition qu'il soit sain, bien entendu. C'est lui, en effet, qui fabrique le bois ayant le plus de valeur à l'unité de volume ; c'est lui qui sera le plus tôt et le plus sûrement exploitable. Entre plusieurs réserves d'essences autres que le chêne, c'est la plus vigoureuse qu'il faut conserver, quelle que soit sa grosseur, car ici le prix du mètre cube de bois fabriqué n'augmente pas sensiblement avec le diamètre. LE TAU. LIS SOUS M T VII , ->il appelle modernes les arbres des deux âges, cl etncittlB tous ceux de trois âges et au-dessus. Ces dénomination* ^<>nl insuffisantes : il serait bon d'adopter des termes plus précis et permettant de distinguer chaque classe d'âge, par exemple : Baliveau 1 révolution. Moderne 2 Ancien de 2me classe 3 — Ancien de 11C classe î — Vieille écorce de 2mc classe 5 — Vieille écorce de ll'° classe (> — Il est d'ailleurs assez rare que le même arbre puisse supporter six fois la crise de l'isolement, en restant assez sain pour ne pas être exploitable (1). Leur désignation se fait par l'apposition de l'empreinte du marteau du propriétaire sur une flache, ou miroir, ouverte à la patte de l'arbre à réserver, savoir : une empreinte sur un miroir, pour les baliveaux de l'âge, — deux, chacune sur un miroir, pour les modernes, — trois, superposées sur le même miroir, pour les anciens. On ne saurait sans de graves incon- vénients multiplier les miroirs et les coups de marteau, mais une excellente mesure consiste à tracer un numéro d'ordre sur l'écorce de chaque ancien, avec de la couleur ou avec une roanne ; sur le calepin de balivage on inscrit, en regard de chaque numéro, le diamètre ou la circonférence de l'arbre. Ce procédé permet de reconnaître et de bien spécifier les exploi- tations frauduleuses ; il permet aussi de suivre, dans l'avenir, la marche de l'accroissement de tous ces sujets de valeur. Cette marque, dite en réserve, est évidemment le procédé donnant le plus de sécurité au propriétaire vis-à-vis de bûche- rons insouciants ou mal intentionnés ; mais ces plaies faites à la base des arbres sont une cause de pourritures. On peut leur substituer des indications à la couleur rouge ou de simples coups de griffes ou roannes, d'une imitation malheureusement bien facile. En tout cas, ce dernier procédé peut être employé (1) Il est souvent difficile de déterminer l'âge d'une réserve, aussi se base-t-on sur la grosseur pour qualifier un arbre comme moderne ou an- cien. On décide, par exemple, d'appeler anciens, les sujets de 35 cen- timètres de diamètre et au-dessus. Boppe et Jolyet. 16 242 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. sans inconvénient pour les baliveaux de l'âge, dont la va- leur marchande est très faible; quant aux gros arbres, le garde marqueur prendra soin de faire le miroir le plus petit et le moins profond possible, et de le placer sur une grosse racine plutôt que sur le fût même du sujet. Pour éviter tous ces dangers, il serait préférable d'exploiter le taillis, après désignation des baliveaux de l'âge, et, seulement ensuite, de choisir dans la futaie les arbres à conserver et ceux à aban- donner : ces derniers seraient alors marqués en délivrance par l'apposition d'une empreinte au corps et à la racine. Ce système, appliqué en Belgique, n'est pas encore entré en France dans le domaine de la pratique. La base du traitement en taillis sous futaie repose sur ce fait que la régénération naturelle du sous-étage par rejet, et sa consistance en massif, doivent être assurés d'une manière permanente. Ces deux conditions ne seront satisfaites que si l'on main- tient toujours les réserves à l'état isolé. Par ce terme, il faut entendre qu'immédiatement après la coupe, les cimes des arbres voisins jouiront d'un espace tel qu'elles puissent se développer librement sans se rejoindre avant la fin de la révo- lution ; c'est dire que jamais elles ne formeront massif. Cet espacement minimum, est d'ailleurs suffisant, et il n'y a pas d'espacement maximum : les arbres peuvent être aussi éloi- gnés les uns des autres que le veut le bon plaisir du proprié- taire. Toutefois, si ce dernier dispose d'une marge considérable, encore ne doit-il pas marcher à l'aventure. En toutes cir- constances, il est prudent d'établir, en même temps que la division en coupes, un plan de balivage, à l'esprit et à la lettre duquel l'opérateur Aevra se conformer. Le plan de balivage fixt par hectare — approximativement tout au moins — le nombre de réserves de chaque essence et de chaque catégorie ; il n'y a pas d'autre moyen de faire ces- ser l'état d'incertitude dans lequel llottent le capital d'exploi- tation et le revenu de la plupart des taillis sous futaie. Divers procédés ont été mis en avant pour l'établir. Le point de LE TAILLIS sois FUTAIE. '2 H départ de tout calcul de ce genre esl le choix d'un âge d'ex- ploitabilité pour les réserves dos différentes essences, et la détermination du nombre de sujets, parvenus à cet âge, que l'on entend réaliser au passage de la coupe. Ce nombre est subordonné à la longévité des espèces, aux prix des mar- chandises sur les marchés, et au chiffre du capital que le propriétaire veut engager dans son exploitation ; il est aussi fonction de la projection horizontale de la cime des réserves dans chaque catégorie : baliveaux, modernes, anciens et vieilles écorces. « Dans une semblable question, dit M. le Conservateur Burel (l), le couvert des arbres est le facteur prépondérant, car il importe, par la distribution des futaies et leur abatage mesuré, de ménager à chaque catégorie la place indispen- sable pour se développer librement jusqu'au terme de l'ex- ploitabilité. » M. l'Inspecteur Galmiche (2), admet, en moyenne: pour un arbre de 25 ans, un couvert insignifiant; — 50 — de 22 mètres carrés: — 75 — de 58 — 100 — de 89 — 125 — de n<; — 150 — de 115 — A chaque exploitation, on est dans la nécessité de réaliser, outre les arbres murs, un certain nombre de sujets apparte- nant à tous les âges de la réserve, mal venants ou mal choisis, tarés, brisés par le vent ou la neige; il en résulte un déchet, qui oscille entre le tiers et les deux tiers de l'ensemble, dit M. Galmiche dans le même travail, où nous lisons plus loin : Si nous pouvions trouver en tous points, l'arbre qui nous convient: si cet arbre devait arriver sans encombre jusqu'au terme de l'exploita- bilité, nous n'aurions qu'à diviser la surface de la coupe par la somme des couverts, pour obtenir le nombre des réserves de 1, 2, 3, 4 révolu- tions à marquer ; nous enlèverions exactement le nombre des arbres (1] Burel, Élude sur les taillis composés. (Revue des Eaux et Forêts, février 1885.) (2) Galmiche. Élude sur les réserves des taillis sous fu.la.ie. (Bull. Société forestière de Franche-Comté et Belfort, août 1893.; •244 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. exploitables et désignerions un nombre égal de baliveaux pour les remplacer. Ce serait admirable ! Malheureusement, nous ne trouverons pas à la distance convenable l'arbre à réserver et, quelque désir que nous ayons de voir la coupe entièrement couverte par les cimes à l'expiration de la révolution qui va commencer, nous ne réaliserons jamais ce souhait : ce sera superbe si le couvert futur est des 3/4 de la surface de la coupe ; il y a plus de chance pour qu'il ne soit que des 2/3; peut être même ne sera-t-il que de 1/2. Nous réussirons moins encore à maintenir toutes les réserves sur pied jusqu'à une dimension uniforme. Il est absolument chimérique, dès lors, de rêver la formule du plan de balivage intégral applicable en toutes circons- tances. 11 appartient à chaque propriétaire de calculer celle qui convient à sa fortune et à la situation de son bois, en tenant compte des circonstances de temps et de lieu. A titre de spécimen, nous donnons, en forme de tableau, le résumé des opérationsà faire, sans d'ailleurs insister aucune- ment sur la valeur absolue ou relative des chiffres employés. RESERVE. Catégories. Nombre. COUVERT PAU Arbre. ni. car. m. car. Catégorie. VALEUR SUR l'IED PAR Arbre. Catégorie Situation vraie de la réserve par hectare immédiatement après la coupe. Baliveaux , Modernes Anciens Vielles écorces, Totaux, 50 » 30 25 20 70 10 90 110 » 750 1.400 900 3.050 0,30 5,00 20.00 60,00 Situation théorique a la fin de la révolution. Modernes Anciens Vieilles écorces. . . . Bois mûrs Totaux. 50 30 20 10 110 25 70 90 110 1 . 250 2.100 1.800 1.100 6.250 5,00 20,00 60,00 90,00 15 150 400 6(J0 1.165 250 600 1.200 900 2.950 Si l'on veut ramener la réserve au taux initial et l'entretenir dans cette forme, il suffira, lors du passage de la coupe, d'exploiter 20 modernes, 10 anciens, 10 vieilles écorces et les LE TAILLIS soi 9 FUT ME. 2 15 10 arbres mûrs ; soil 50 arbres, et d'ajouter 50 baliveaux choisis dans le sous bois. Au cas particulier, la valeur des réserves abattues, aérait de 2950 — 1 165= 1785 francs, somme qui représente la part de bénéfice résullanl du fonctionne- ment de cet élément pendant le cours de la révolution. Pour compléter le bilan de ['entreprise, il n'y aura plus qu'à tenir compte de la perte causée par le couvert des futaies à l'ac- croissement du sous étage. 11 est clair que le bénéfice produit par la réserve est surtout fonction de la valeur et du calibre des gros arbres, et qu'il varie avec le nombre de ceux-ci. La limite supérieure serait atteinte par cet état théorique d'un « sol couvert au moment de V exploitation d'arbres isolés en croissance. » D'aucuns ont pris l'habitude d'appeler « futaies sur taillis » les peu- plements dans lesquels le plan de balivage se rapproche de cet idéal; mais nous ne voyons aucune nécessité d'adopter ce vocable, tant qu'on n'aura pas établi par des faits les limites qui séparent le taillis sous futaie vrai, de cette sorte de futaie sur taillis, et introduit dans la pratique une bonne définition de ces deux modalités. Les dégagements de semis. — Les peuplements traités en taillis sous futaie comportent des soins de même nature que ceux que l'on applique aux futaies régulières; mais, ici, l'ob- jectif constant doit être d'assurer le bon fonctionnement de la réserve. G'estdansce but que seront pratiqués les déga- gements de semis et les èclaircies. Les dégagements de semis appellent les observations sui- vantes : 1° la végétation des rejets est trop rapide pendant les pre- mières années pour justifier l'espoir de raccorder avec eux les brins de semence pendant la révolution en cours; on ne peut faire plus que les maintenir vivants / 2° la marche régulière du développement d'un taillis rend possible l'indication précise de l'époque à laquelle ces dégage- ments deviendront opportuns : le premier se fait, en général, quand le recrû à trois ans, — les autres suivent à trois, quatre ou cinq ans d'intervalle, jusque vers la quinzième année ; 3° il est inutile de dégager tous les semis épars sur le par- 246 LES DIFFERENTS MODES DE TRAITEMENT. terre d'une coupe; on concentre, au contraire, tous ses soins sur les petites taches de semis lorsqu'elles se présentent sur les points où leur présence est utile, nous voulons dire où il existe un vide dans la réserve ; c'est, en tout cas, peine perdue que de faire le moindre travail sous la projection d'un gros arbre : une cinquantaine de placeaux bien choisis par hectare suffi- sent largement pour assurer l'avenir, si on ne les abandonne pas trop tôt à la concurrence des rejets ; ce chiffre répond au nombre des baliveaux à conserver dans chaque coupe. Les éclaircies. — L'éclaircie est conduite d'après les règles générales (Chapitre V), en se proposant pour objectif : 1° de continuer l'œuvre commencée par les dégagements de semis ; 2° d'assurer un espace convenable à la cime des perches qui se présentent dans les conditions voulues pour former un bon baliveau; en donnant ainsi de l'ampleur à leur cime, et, par suite, du diamètre à leur fût, on les prépare à subir la crise de l'isolement, on diminue donc le nombre de ceux qui ris- quent d'être courbés ou brisés par le poids de la neige ou de leur feuillage; cette opération concerne tous les futurs bali- veaux: brins de franc-pied, drageons ou rejets de souches; 3° de favoriser la naissance de semis naturels quelques années avant l'exploitation ; l'opération doit être alors accom- pagnée de l'enlèvement des morts bois; mais ce n'est justi- fiable que quand ceux-ci sont assez dépérissants et le couvert du peuplement principal assez complet pour qu'ils ne donnent plus de rejets, c'est-à-dire quand le taillis a atteint ou dépassé l'âge de trente ans ; 4° de faire tomber les perches qui, pénétrant dans la cime des réserves, ou fouettant contre l'extrémité de leurs bran- ches, menacent de les dégrader. Si l'on excepte le cas où l'éclaircie continue les dégagements de semis, on conçoit qu'elle n'a aucune raison d'être — et même ne présente que des inconvénients, — quand la révolu- tion est inférieure à trente ans. Passé ce terme, une seule éclaircie faite six ou dix ans avant la coupe, est suffisante. On peut ranger à la suite des éclaircies la réalisation des bois tendres dans les sols très fertiles, réalisation qui se fait AMÉLIORATION DBS PORBT8 TRAITEES in TAILLIS. 24" vers dix-huit à vingt ans, lors de la maturité de ces essences, en général peu longé vives. Trop souvent, sous le même nom d'éclaircie ou celui de nel- toiementy on procède au recépage de toute la végétation basse d'un taillis sous futaie, morts bois et brins traînants, avec des- serrement intérieur des cépées; une telle opération a pour con- séquence immédiate de découvrir et de fatiguer le sol, c'est-à- dire d'exagérer les inconvénients du régime. Nous n'ignorons pas que ces « détrappages » sont recommandés par nombre de praticiens, parmi lesquels on compte des forestiers distin- gués (1); sans nier l'efficacité relative de ces opérations sur les points où elles ont été étudiées et conduites avec le doigté et les soins minutieux qu'elles comportent, nous nous con- tenterons de faire à leur sujet les observations suivantes: Ou bien les produits sont vendables, et il est à craindre que la serpe coupe plus que de raison pour augmenter le bénéfice du jour ; Ou bien les produits, sans valeur, pourriront sur le sol ; alors bien peu consentiront une avance de fonds dont la ren- trée et le bénéfice, s'il y a lieu, n'interviendront qu'à longue échéance. La raison et la prudence nous font donc un devoir de dire que, dans l'immense majorité des cas, il y a lieu de s'abstenir en laissant agir la nature (2). ARTICLE VI. AMÉLIORATION DES FORÊTS TRAITÉES EN TAILLIS SIMPLE ET EN TAILLIS SOUS FUTAIE Transformations et conversions. — Leur peu de raison d'être dans les forêts particulières. — But à poursuivre. — Améliorations proposées. — Allongement des révolutions. — Éducation d'arbres plus nom- breux. — Substitutions d'essences. Transformations et conversions. — Quand la dégradation d'une forêt a pour cause un mode de traitement appliqué à (1) Du nettoiement des bois, par M. l'inspecteur Schœffer. {Bull. Société forestière de Franche-Comté et Belfort, juillet 1897.) i II importe de se mettre en garde contre une illusion d'optique 248 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. tort dans une station ne le comportant pas, — ou quand, pour des raisons économiques, il faut produire des marchandises très différentes de celles dont on se contentait dans le passé, — il peut y avoir lieu de changer le mode de traitement, de faire une transformation ou une conversion, c'est-à-dire d'ap- pliquer un de ces modes de traitements temporaires que nous avons définis plus haut (page 107). En toutes circonstances, le procédé reste le même : 1° tracer sur le terrain et sur les registres le cadre du nou- vel aménagement dans lequel les opérateurs devront se mou- voir ; 2° exécuter, sur les points de la forêt qui paraissent le mieux se prêter à la transformation ou à la conversion immé- diates, les coupes spéciales au nouveau mode de traitement : ainsi, pour transformer une futaie jardinée, ou pour conver- tir un taillis sous futaie en futaie régulière, pratiquer sur ces points les coupes successives de régénération par la semence ; 3° conserver dans les autres cantons de la forêt, jusqu'à ce qu'ils arrivent à leur tour de transformation ou de conversion, l'ancien mode de traitement, que l'on modifie toutefois dans un sens qui rende plus facile, dans la suite, les véritables opérations de conversion. La durée du traitement temporaire est, par nécessité, égale, en théorie du moins, à celle de la révolution adoptée pour l'avenir; car, au moment où les derniers peuplements de l'an- cienne forêt viennent d'être transformés ou convertis, il faut, pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans les revenus, que les cantons attaqués et régénérés en premier lieu portent des bois exploitables. Bien plus, dans le cas de la conversion d'un taillis sous futaie en futaie régulière, l'obligation de laisser vieillir le taillis jusqu'à un âge tel que les rejets de souches n'évoluent pas en trop grand nombre dans les coupes affectées à la régé- nération conduit, préalablement à toute opération, à mainte- nir sur pied les peuplements pendant une « période d'attente » qui ne peut être inférieure à une trentaine d'années, mais un peuplement que Ton a débarrassé de toutes les menues tiges, parait, dans son ensemble, constitué par des sujets plus gros qu'un peuplement où des tiges de tous calibres sont confusément mélangées. AMÉLIORATION Dis FORÊTS TRAITÉES BN TAILLIS. 249 peut dépasser soixante ans. Inversement, quand il y a lieu de convertir en taillis simple ou en taillis sous futaie les lambeaux d'une futaie régulière disloquée, démembrée par un partage, on est souvent conduit à régénérer pa,r la semence, une fois encore, les massifs trop vieux pour que l'on puisse compter sur une production suffisante de rejets après leur recépage. Leur peu de raison d'être dans les forêts particulières. — Ces traitements, dits temporaires, ont donc, en réalité, une durée très longue, si on la compare à celle de la vie humaine. Ils sont, de ce fait, incompatibles avec la situation écono- mique des forêts particulières, exposées à des changements de main continuels. D'autre part, ces opérations comportent des connaissances techniques que peuvent seuls posséder des professionnels expérimentés. Gomme nous l'avons vu, il s'agit plutôt de combinaisons d'aménagement que de questions culturales proprement dites ; car ces dernières sont, en général, peu différentes de celles qui se pratiquent dans les traitements permanents; mais leur distribution est autre. D'ailleurs, pour passer d'un mode de traitement à capital restreint (taillis simple ou taillis sous futaie), à un autre mode à capital plus important (futaie pleine ou futaie jardinée), il faut toujours prélever sur les revenus des économies consi- dérables, qui se traduisent par des diminutions, souvent même par des suspensions complètes de produits pendant un temps plus ou moins long. Enfin, au cours d'une transformation ou d'une conversion, on est conduit tantôt à laisser des porte-graines se dété- riorer sur pied, tantôt à exploiter avant l'âge des arbres en pleine croissance, sacrifices qui, bien que justifiés par des nécessités culturales, n'en ont pas moins des conséquences économiques qu'on ne doit pas affronter sans les motifs les plus graves. En fait, l'Etat, et parfois les Communes, sont les seuls propriétaires qui puissent se permettre une pareille dé- termination. But à poursuivre. — Par ces derniers mots, nous n'enten- dons nullement conseiller aux propriétaires particuliers un statu quo défectueux ; mais nous leur proposons d'améliorer 250 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. graduellement leurs forêts : but qu'ils peuvent atteindre, avec quelque peine, sans doute avec du soin, de la patience et, certes, de l'économie, mais sans aller jusqu'à des suppressions totales de revenus incompatibles avec leur situation de fortune. Tout le monde a vu, dans l'industrie, des exploitations d'appa- rence modeste, qui, entre les mains d'un manufacturier éclairé, sachant profiter des découvertes de la science dans la mesure où ses capitaux le lui permettent, s'agrandissent, se transfor- ment sans bruit, et rapportent finalement des bénéfices bien plus considérables que telle affaire lancée avec grand fracas de réclame et grand luxe de bâtisse. C'est un exemple à imiter. Etant donnée la situation actuelle du marché des bois, le but à poursuivre est de faire des arbres plutôt que des taillis, et, d'une manière plus générale, d'augmenter le calibre, la grosseur des produits ligneux de nos forêts. Les traitements en futaies régulière ou jardinée sont tout naturellement orientés vers ce but ; un choix judicieux de la révolution et des espèces à cultiver, l'opportunité, la bonne exécution des dégagements de semis et des éclaircies, con- duisent, par la force des choses, au résultat souhaité. Il n'en est pas de même des taillis simples et des taillis sous futaie, que visent les améliorations exposées dans le présent article. Améliorations proposées. — Nous ne nous occuperons pas ici des travaux d'entretien tels que : dégagements de semis, façons données au sol, plantations de brins destinés à faire les baliveaux de l'avenir ou à remplacer les souches épuisées, toutes choses inhérentes au traitement lui-même; ce que nous avons en vue, ce sont des mesures d'un ordre plus général, qui, sans changer le mode de jouissance, modi- fient le fonctionnement du capital-bois incorporé dans l'en- treprise et augmentent la valeur de la récolte. Les moyens sont : 1° l'allongement des révolutions; 2° l'éducation d'arbres plus nombreux; 3° parfois même une transposition d'essences. Allongement des révolutions. — Nous savons qu'au point de vue cultural, le terme supérieur des exploitations d'un taillis peut être fixé aux environs de quarante ans. D'autre AMKl.mn \TK>\ DES FORÊTS TRAITEES SU iaii.iis. 251 part, la qualité des marchandises qu'il fournit augmente avec la durée de la révolution. Ainsi M. Broilliard (1), faisant observer qu'il n'est pas rare de rencontrer des laillis qui, à l'âge de dix ans, ont à l'hectare un volume de *20 mètres cubes, établit le décompte suivant, dès justifiable dans la pratique, et qui fait ressortir l'accrois- sement de plus en plus rapide du cube et surtout de la valeur, suivant que l'on exploite à dix, vingt ou trente ans : Volume Ige. à l'hectare. Répartition en marchandises. 10 ans. "20 m. c. i5 stères bois à charbon à 4 f r 20 — 60 — 15 — — à I Ti- TO — bois de moule à 8 fr 30 — 100 — 45 — bois à charbon à 4 fr, 70 — bois de moule à 8 fr, 66 2/3 — bois de perches à 12 fr . D'après M. Cardot (*2), en 1897, les résultats de la vente des coupes de taillis sous futaie dans les forêts soumises au régime forestier du département de la Haute-Saône ont mis en évidence les résultats suivants : 1S0 » .. 180 j .. 560 s 7 il) » .. 180 \ .. 560 V 1.550 » .. 800 S Age Prix de vente La val eur de oit fr. an taux de d'exploitation. à l'hectare. 4 p.! 100 est devenue : 25 ans. 541 .. 30 — 756 658 23 35 — 1.025 801 79 40 — 1.117 1 013 29 Dans la Haute-Marne, rapporte M. Devarenne (3), les forêts de Bourmont et de Forcey, comprenant chacune deux cantons contigus, situés dans des conditions semblables, mais exploités à des révolutions différentes, ont fourni à l'hectare les rendements moyens suivants, calculés sur toutes les coupes assises pendant une révolution entière : (1) Loc. cil, page 90. (2 Cardot, Allongement de la révolution dans les taillis. (Bull. Société forestière de Franche-Comté et Bel fort.) •v3) Devarenne, Mémoire sur le meilleur traitement des laillis sous fu- taie. [Bull. Société forestière de Franche-Comté et Belfort, juillet, 1899.) 252 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. Bourmont : 24 ans, 10 st. rondin, 85 st. charbonnette, ensemble : 85 fp. 27 — 20 — 100 — 130 fr. Forcey : 24 — 8 — 80 — 76 fr. 29 — 15 — 100 — — 124 fr. Les observations précédentes intéressent aussi bien les taillis simples que les taillis sous futaie. En ce qui concerne spécialement ces derniers, nous ajouterons : 1° que les longues révolutions seules, permettent de pratiquer les éclaircies et de réaliser toutes les mieux-values qui en sont la conséquence ; 2° que les courtes révolutions multiplient dans un temps donné le passage des coupes, et, par suite, favorisent l'enlè- vement des gros arbres : le propriétaire le mieux disposé sai- sira toujours quelque bon prétexte pour réaliser l'ancien auprès duquel il passe et dont la valeur le tente ; 3° que la hauteur de fût des réserves est subordonnée à celle du sous-étage, puisqu'elle est le résultat de l'élagage naturel; par suite, plus les révolutions seront longues, plus la production en bois d'œuvre sera considérable; à ce point de vue, il faut faire en sorte que le fût des réserves atteigne au moins 6 à 10 mètres de hauteur. Il est bon, toutefois, d'appeler l'attention sur ce fait que l'on ne peut impunément allonger la révolution appliquée jus- qu'alors à un taillis sous futaie sans prendre certaines pré- cautions. En effet, quand le sous-étage est maintenu sur pied plus longtemps que par le passé, il continue à s'accroître en hauteur, et les cimes des réserves, englobées parmi ces perches qui les entourent, se dégradent. Aussi, dans la pra- tique, quand la réserve d'un pareil taillis est riche en arbres constitués, est-il prudent de répartir l'allongement cherché sur deux révolutions. Pour passer de vingt-cinq à trente- cinq ans, par exemple, on se bornera, pendant la première révolution, à laisser pousser le taillis jusqu'à trente ans; à la révolution suivante, on fera le reste. Quand, au con- traire, la grosse réserve est rare, ce sont les baliveaux ou modernes -qui, pour le moment, sont l'élément principal : on peut alors, sans transition, prolonger la révolution du nombre d'années voulu, caries arbres jeunes peuvent encore allonger AMÉLIORATION DES FORETS TRAITÉES EN TAILLIS. 253 leur fût sans en souffrir, et les vieux arbres, qui seront pro- chainement exploités, n'auront pas le temps de se dégrader sérieusement. Ajoutons que, si l'on prolonge une révolution, il est toujours prudent d'effectuer une éclaircic vers l'Age auquel l'exploita- tion se faisait antérieurement: on dégage alors la cime des réserves menacées d'enveloppement. En résumé, nous recommandons, dans les taillis simples comme dans les taillis sous futaie, les révolutions de trente à quarante ans. Quand le sol sera frais, fertile, et les bois ten- dres abondants, on se rapprochera du chiffre de trente ans. Quand le sol sera peu profond, exposé au dessèchement ou peu fertile, il faudra sans hésitation adopter une révolution de quarante ans. Éducation d'arbres plus nombreux. — Sans en rechercher les causes, nous devons constater ici la pauvreté relative de notre littérature forestière à l'égard d'un mode de traitement aussi essentiellement Français que celui des taillis sous futaies. Quand les documents abondent pour les futaies, c'est à peine si nous possédons quelques données sur le rendement des 1 200 000 hectares de forêts domaniales et communales sou- mises à ce régime; mais il est surtout fâcheux que nous ne sachions rien de positif sur le traitement et sur la production des taillis sous futaie appartenant aux propriétaires particu- liers et dont la surface dépasse certainement 6000000 d'hec- tares, sur les 9 000 000 qui composent la richesse forestière de la France. Quoi qu'il en soit, l'expérience des faits nous permet de donner les indications suivantes sur le champ d'application du taillis sous futaie et des modalités qu'il comporte. En principe, ce régime n'a sa raison d'être que dans les sta- tions assez bien favorisées sous le rapport du sol et du climat, pour qu'on puisse y conduire, à l'état isolé et jusqu'à la dimen- sion de gros arbres, les grandes espèces de lumière, telles que : frênes, ormes, érables et fruitiers et surtout les chênes. Partout où ces essences l'emportent en valeur sur les espèces d'ombre telles que le hêtre et le charme, on peut, sans sortir du régime, multiplier leur nombre jusqu'à couvrir le sol d'ar- 254 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. bres isolés en croissance. Partout, au contraire, où les condi- tions inverses se présentent, partout notamment où le manque de profondeur du terrain ne permet pas l'éducation du chêne, il y a lieu de recourir à l'un des expédients suivants : 1° ou bien, .renonçant à se payer de mots, abandonner le régime du taillis sous futaie, et se contenter du modeste taillis simple ; 2° ou bien s'accommoder de la présence d'essences peu faites par leur nature pour entrer dans la réserve et modifier en conséquence l'application théorique du régime. Examinons la première de ces deux hypothèses. Il est con- venu que nous utiliserons le mieux possible le taillis simple en allongeant sa révolution; car, à défaut d'arbres, nous aurons ainsi du gros rondin de chauffage, c'est-à-dire du bois de luxe, le seul qui soit coté à un prix rémunérateur. Peut- être y trouverons-nous même quelques autres marchandises: des perches pour étais de mines, du tremble pour la fabrica- tion des pâtes à papier, etc. Si, pour une raison ou pour une autre, le propriétaire ne peut, ou ne veut, adopter cette mesure d'ensemble, — la seule logique à notre avis, — il pourra se contenter de n'en réaliser les heureux effets que sur un petit nombre d'individus, ou encore sur une essence seulement, en maintenant sur pied, pendant deux ou même trois de ces trop courtes révolutions, non pas des perches isolées, mais bien des cépées tout entières, choisies au nombre d'une cinquantaine par hectare. Celles-ci peuvent être éparses, et on les appelle des volières, — ou réunies en cordons de 2 à 3 mètres de largeur le long des sommières, des chemins, etc. MM. Broilliard, Mathey et beaucoup de sylviculteurs en recommandent l'usage. Il est à remarquer que le hêtre accepte cet état avec une complai- sance très réelle, et c'est là un sérieux avantage de sa pré- sence dans les taillis en sol superficiel. Notre seconde hypothèse vise le taillis sous futaie et sup- pose l'admission du hêtre en quantité notable dans la réserve. 11 s'agit, dès lors, d'une sorte de substitution d'essences, et quelques détails sont nécessaires à ce sujet. Substitutions d'essences. — Sur les plateaux oolithiques AMELIORATION DES FORÊTS TRAITÉES EN TAILLIS. 255 de la Lorraine, de la Bourgogne, «le la Franche-Comté, le foyard est souvent la seule essence qui lasse de beaux arbres. Ceux-ci fournissent déjà du bois de quartier recherché pour le chauffage; ils produiront du bois d'industrie en quantité notable le jour où, en les maintenant à l'état plus serré, en augmentant les révolutions, on favorisera l'allongement des fûts. Pourquoi donc ne pas substituer peu à peu le hêtre au chêne? N'est-ce pas lui, d'ailleurs, qui a permis de remettre en état, sur les grés des Basses- Vosges, les taillis ruinés par des exploitations à courte révolution? le principe appliqué il y a quelque soixante ans par M. l'Inspecteur de Buffévcnt a été de marquer en réserve les hêtres bien venants et d'im- poser le respect des semis de cette essence, de tout âge et de toute taille, que l'on rencontre noyés dans le taillis lors de l'exploitation de ce dernier; ses successeurs l'ont imité, et maintenant la forêt, en parfait état, s'achemine vers la futaie mélangée de chêne et hêtre. Si nous accordons une importance toute spéciale à cette extension du hêtre, c'est qu'elle entraîne certaines modifi- cations dans la conduite des balivages. Une réserve en chênes et essences disséminées suppose, en effet, des arbres isolés et maintenus sur pied le plus longtemps possible, afin d'en ob- tenir des produits de qualité supérieure. 11 n'en est plus ainsi avec le hêtre, dont le prix au mètre cube n'augmente pas avec le diamètre à partir du moment où celui-ci est suffisant pour le débit en bois d'industrie: point n'est besoin, dès lors, de pousser les arbres au delà du diamètre de 50 centimètres qui les rend exploitables; plus^tard, peut-être seraient-ils dépréciés par le défaut du « bois rouge », ou d'autres tares plus graves encore. D'autre part, on sait que la valeur du foyard comme bois d'industrie, est liée à son état sain, à la rectitude et à la hauteur de son fût : la réunion des réserves de cette essence par petits groupes ne pourra donc que contribuer à en amé- liorer la situation; de la sorte, sans prétendre à une produc- tion égale à celle des futaies régulières, du moins pourra-t-on s'en approcher; c'est donc une disposition nouvelle à adopter dans la distribution des réserves. Après celui du hêtre, citons l'emploi des conifères. 256 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. En montagne, leur utilité saute aux yeux. Dans maintes cir- constances, la substitution se fait d'elle-même, au profit du sapin ; en général, le processus est le suivant : au milieu du taillis, on voit, épars, quelques sapins branchus, à fût très court, arbres sans valeur marchande, mais tout à l'alentour leurs graines se répandent et les jeunes sapineaux percent les ronciers ; la tache s'étend bien vite. On peut y aider par des plantations ou des répandages de graines sur les points où les semis naturels font défaut. Dans la pratique des opérations, on évitera de dégrader les sapins d'avenir par les blessures du marteau : feuillus et rési- neux à abattre seront marqués en délivrance, et les sous bois seront recépés, avec réserve de tous les jeunes sapins et désignation, par griffage, d'un certain nombre de baliveaux feuillus. Dans les régions de plaines ou de coteaux, les résineux peuvent encore fournir une aide des plus utiles. Quand des taillis sont clairières ou entrecoupés par des vides, quand ils manifestent des signes d'épuisement, l'introduction du pin noir si le sol est calcaire, du pin sylvestre sur le sable, est toute indiquée (11. Les aiguilles enrichissent le sol, recons- tituent la couche d'humus détruite, et ces arbres, par leur croissance rapide ont vite compensé les frais de plantation. C'est ainsi que, dans les Basses-Vosges, quand le hêtre n'y suffît pas, dans les forêts d'Orléans, de Fontainebleau, de Montargis, etc. , dans tous les terrains sablonneux en un mot, on sauve les forêts ruinées par le traitement en taillis (2). On se demande quelquefois ce que deviendront, comment se ré- généreront des taillis peuplés de résineux en plus ou moins grande abondance. Nous répondrons que tout d'abord l'intro- duction des résineux en pareille station est toujours suivie de la réapparition spontanée des feuillus, et notamment des chênes, dont les glands sont apportés par les oiseaux et les petits rongeurs, — et que, si l'avenir a de l'importance, le pre- (1) Maire, loc. cit., Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté et de Belforl. (2) Le pin noir joue le même rôle dans les craies de la Champagne. AMÉLIORATION DSS îniiîrs TRAITÉES i\ rvu.iis. 257 simiI cmi a tout autant, sinon plus. D'ailleurs, nue foré! riche en matériel, avec un sol <>n bon état, est toujours une forêt d'avenir. A chaque âge suffit sa peine. Nous irons plus loin : dans les mauvais faillis, môme si la forêt ne renferme pas de vides, nous serions tentés de recou- rir aux résineu* pour faire une forêt plus riche, d'un plus grand rapport. Dans ce but, on peut procéder radicalement: faire une coupe rase du taillis et planter des pins noirs sur les cal- caires, des pins sylvestres sur les sables. L'opération est, en général, fructueuse, mais c'est un véritable reboisement, dont les frais sont majorés du coût des dégagements rendus né- cessaires par l'évolution des rejets. Aussi, est-il indiqué de chercher à réduire la dépense en mettant à profit tout ce qui est utilisable dans l'ancien peuplement, et en n'introduisant les résineux que cà et là, sur des points choisis à cet effet. Plus tard, on augmentera, si on le juge à propos, la surface qui leur est attribuée. Sans doute, ici encore, il faut lutter contre la poussée des essences feuillues qui ne se laissent pas exproprier sans résis- tance ; mais les sujets à défendre sont peu nombreux, et l'uti- lisation du sapin et de l'épicéa, qui souffrent moins que les pins, du voisinage des buissons, diminue le travail (1). Entre ces deux espèces laquelle choisir? Cela dépend des cas et des convenances; sous la réserve expresse que le sapin, tout en acceptant de vivre assez loin des montagnes où il est spontané, exige, néanmoins, des stations suffisamment fraîches, acciden- tées ou maritimes, rappelons que l'épicéa se recommande par la facilité de sa reprise, le sapin par son aptitude à se réense- mencer naturellement au milieu des taillis : le plus sage sera, le plus souvent, de planter des épicéas en majorité, avec une faible proportion de sapins destinés à servir plus tard de porte-graines. M. l'Inspecteur des forêts Runacher (2), paraît (1) Ces dégagements de semis sont facilités par le feuillage vert des résineux, qui tranche, en hiver, sur la coloration uniforme des taillis. (2) Runacher, Utilité de l'introduction du sapin et de l'épicéa dans les taillis médiocres de la région jurassique. (Bail, de la Société fores- tière de Franche-Comté et de Belfort, octobre 1899.) Boppb et Jolyet. 1 « 258 LES DIFFÉRENTS MODES DE TRAITEMENT. vouloir généraliser Temploi du sapin et de l'épicéa dans celte œuvre de restauration, et certes, sur bien des points, on ne pourrait mieux faire que de suivre ses conseils. Cependant, pin Weymouth et mélèze méritent aussi qu'on leur réserve quelques belles places. En somme, il est certain que les résineux sont appelés à jouer dans les forêts de la plaine un rôle plus important que celui qui leur avait été réservé jusqu'alors. Et, pendant qu'on en sera à restaurer les peuplements dégradés à coup de bêche et à coup de pioche, il ne paraîtra pas imprudent de risquer la plantation de quelques pieds isolés d'essences exotiques en voie d'introduction, le chêne rouge d'Amérique, par exemple, qui se multiplie dans certains taillis sous futaie des Vosges et plusieurs espèces dont nous parlerons au cha- pitre VIII. Nous croyons avoir suffisamment recommandé le principe de chaque essence clans sa station, pour pouvoir nous permettre ces exceptions; mais, une fois de plus, nous signalons les dangers des cultures d'espèces étrangères plus exposées que les indigènes à toutes les maladies cryptoga- miques ou autres. Aussi, avant d'avoir recours aux formes exotiques, fera-t-on bien de consulter la flore forestière locale ; souvent, avec ses seules ressources, on pourra com- poser des mélanges de feuillus et de résineux d'une résistance assurée ; témoin les excellents résultats que donne, au point de vue économique, la multiplication du pin d'Alep dans les taillis méridionaux, tout comme celle du sapin dans les taillis du Bas-Jura. CHAPITRE VII EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORÊTS ARTICLE PREMIER GÉNÉRALITÉS Tandis que la nature arme suffisamment la forêt sauvage pour sa défense contre les ennemis qu'elle lui suscite, la forêt domestiquée, celle dont nous venons d'étudier les conditions d'existence, modifiées de mille façons en vue de satisfaire à nos besoins les plus divers, exige, en échange, de notre part, mo- dération et protection. Ses forces amoindries par la culture sont, en effet, devenues impuissantes à conjurer les périls dont celle-ci est la cause ou l'occasion. Exploitation et production se rattachent ainsi directement à la sylviculture. Les détails que comporte la pratique de la coupe et de l'enlèvement des produits appartiennent à un autre sujet (1) ; nous nous bornons donc, ici, à prémunir la gestion contre les dommages éventuels qui sont une conséquence inévitable de l'introduction en forêt de la hache du propriétaire, et, comme s'il s'agissait de tout autre dégât imputable à l'homme, d'indi- quer les moyens d'en atténuer les effets. Sous cette réserve, toutes les misères qui sont de nature à entraver les énergies productrices de la forêt et que nous avons intérêt à écarter de son chemin, lui peuvent venir de l'une des causes suivantes : 1° Dommages causés par l'homme ; 2° Dégâts des animaux ; 3° Dégâts des végétaux ; 4° Dégâts des météores. (1) L. Boppe, Cours de technologie forestière, Nancy, Bcrger- Levrault, 1878. 260 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. ARTICLE II DOMMAGES CAUSÉS PAR L'HOMME Fait du propriétaire : à l'occasion des exploitations ; — des élagages ; — des émondages; — des assainissements. — Fait des délinquants : les causes ; — la répression. — Les concessions de menus produits : tolérances nécessaires; — menus produits végétaux; — menus pro- duits minéraux. — Le pâturage : la situation actuelle; — nocuité du pâturage suivant les régions ; — influence de la nature du bétail introduit; — de l'état des peuplements; — conclusions. — Les in- cendies : leurs causes et leurs conséquences; — régions monta- gneuses ; — zone parisienne ; — régions méridionales. Fait du propriétaire. Les exploitations. — Celles-ci comprennent Yabatage des bois, le façonnage et le transport des produits. Pour Yabatage, la saison d'hiver est la plus avantageuse dans les coupes principales des forêts feuillues. Toutefois, ces travaux doivent être suspendus par les froids rigoureux ; car, le bois a perdu alors toute élasticité, il brise les outils et fatigue les bûcherons; les arbres gelés risquent aussi beau- coup plus de se rompre dans leur chute. Le moment le plus favorable est la lin de l'hiver et le commencement du printemps avant l'ouverture des bourgeons. Les essences résineuses doivent, de préférence, être exploi- tées en temps de sève, leur bois est alors plus léger et conserve un plus bel aspect lors du débit; il est aussi plus facile de les écorcer pour éviter les piqûres des insectes. Dans le cours de cette saison, il suffit de suspendre les exploi- tations pendant les deux mois qui suivent la montée de la sève, époque où les jeunes pousses sont extrêmement fragiles et pendant laquelle les tiges elles-mêmes guérissent beaucoup plus difficilement leurs blessures (1). Quand les arbres feuillus ou résineux sont exploités par (1) On remarque néanmoins, que souvent, les bois résineux exploités en été, surtout quand ils sont flottés, sont tachés par le mycélium de divers champignons dont ils ont pris le germe en forêt. Le redou- table Merulius lacrymans, qui détruit le solivage et les lambris de toute une maison, peut y être importé de la sorte. DOMMAGES C \l SES l'Ait I. IMimmi 26 extraction de souches suivant la forme dited culée noire, leur chute est facilitée et rendue moins dommageable par L'emploi du brocqùe en usage dans certaines forêts de l'Ouest et du Fig. 60. — Abatage à culée noire, à laide de brocques, foret de Senonches (Eure-et-Loir). (Photographie de M. d'Alverny.) Centre, notamment, dans celle de Senonches (fig. 60). h'ébranchage ou holtacje des arbres à abattre sera prescrit partout où il sera jugé nécessaire dans l'intérêt des régéné- rations acquises ou des arbres réservés. Bien qu'il soit plus commode et moins dangereux pour le bûcheron de 262 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. couper les branches de haut en bas, l'opération est meilleure lorsqu'on la pratique de bas en haut, parce que, dans le premier cas, les branches coupées, en tombant sur les branches inférieures encore attachées à l'arbre, les brisent, les arrachent et occasionnent des déchirures qui déprécient la tige. Dans les belles futaies de l'Ouest, pour éviter les dégrada- tions et les brisures qui pourraient atteindre les longues Fig. 61. — Bûcheron appuyé sur ses crampons, soutenu par une cein- ture de corde, et tronçonnant un chêne. (D'après une photographie de M. Takasima, Elève Japonais à l'Ecole forestière.) pièces dans leur chute et en déprécier le débit comme bois de fente et de sciage, on a pris l'habitude de les tronçonner sur pied en billes de 4 à 6 mètres de longueur (fig. 61 et 62). Les coupes d'éclaircies peuvent être exploitées indifférem- ment en toute saison, et même, si l'on a intérêt à éviter la production des rejets, il vaudra mieux faire l'abalage en été. Dans les bois feuillus, pourtant, on préfère la saison d'hiver, parce qu'alors les bûcherons travaillent à meilleur marché, et aussi parce que les menus bois coupés avec leurs feuilles se façonnent moins bien et moins proprement que ceux qui en sont dépourvus; c'est ce qui fait que les fagots feuilles DOMM \r.i S C m BÉ8 P \i; L'HOMMB. 263 passent, avec raison, pour avoir été coupés en délit, cl les honnêtes gêna ne les achètent pas. Aussitôt après leur chute, les arbres sont découpes suivant le genre du débit qu'ils comportent. Les divers produits ainsi obtenus sont ensuite rassemblés et disposés de façon à encom- brer le moins possible le parterre des coupes, en attende ni qu'on vienne les enlever. Dans l'enceinte des ventes, le débit des bois ne doit pas Fig. 62. — Tronçonnement d'un arbre sur pied, forêt de Bellème (Orne). (Photographie de M. J. George.) être poussé au delà de la forme d'un premier façonnage brut, indispensable pour qu'on puisse en faire l'enlèvement et pour en réduire les poids par la dessication. Il ne faut jamais y tolérer l'installation de chantiers destinés à transformer la matière première en produits fabriqués tels que : sabots, merrains, échalas, sciage, etc.. Cette coutume ramène chaque année, en forêt, toute une population ouvrière qui s'installe pendant plusieurs mois sur les points qui demande- raient à être le mieux garantis ; non seulement les places d'atelier sont tassées par la fréquentation des ouvriers et de 2G4 EXPLOITATION- ET PROTECTION DES FORE1S. leur famille, mais le piétinement exerce partout son influence fâcheuse et les régénérations les mieux assurées ne lui survi- vent pas. C'est à de pareils abus qu'on doit, dans une certaine mesure, attribuer la destruction de belles futaies de chêne, où de maigres régénérations artificielles en pin sylvestre suc- cèdent aux peuplements les plus riches. Quoi qu'il en coûte, il faut faire cesser un tel état de choses. I»ien n'est plus simple que de déterminer, dans Fig. 63. — Atelier de fente dans la forêt de Senonches. (Photographie de M. Juvanon du Vachat.) chaque série, un certain nombre de places bien choisies qui seront consacrées, d'une manière permanente, à l'installation des chantiers de débit. Le propriétaire de la forêt pourrait ainsi faire la dépense de baraquements loués aux adjudica- taires ; cette première mise de fonds serait bientôt couverte au grand profit de tout le monde. L'emploi, pour le débar- dage, de petits chemins de fer ou porteurs Decauville, faci- literait considérablement les améliorations à introduire dans des habitudes funestes, enracinées depuis des siècles. Le transport des produits hors des coupes se fait à dos ho.MM \<.l S CAUSES l'Ait I IIh.m \n.. 265 d'homme ou à la brouette, pour les l><>is de chauffage et les pièces de faibles dimensions ; au moyen de chariots, d'avant?- trains ou de traîneaux pour les billes trop grosses pour être maniées à bras d'homme. Tous ces procédés peuvent être mis avantageusement en pratique suivant lés cas, el les incon- vénients cj u 'ils présentent sonl proportionnés à l'intelligence, au bon vouloir et à l'adresse des charretiers; on doit aussi Fig\ 6i. — Empilage de planches de sapin, scierie du Grand-Roue (Vosges). (Photographie de M. J. George.) tenir compte des dommages causés au jeune recru, qui aug- mentent avec la longueur sous laquelle les pièces de service sont maintenues. Le traînage ou glissage direct des tronces sur le sol, qui déplace la couverture et commence les ravinements, doit être proscrit, autant que possible, des coupes principales. Nous en dirons autant du langage, fût-il amélioré par les couloirs creusés en cuvette en vue de diriger les billes dans leur chute. C'est seulement dans la grande montagne que ces procédés primitifs seront tolérés et cela ne sera jamais 266 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. sans dommages; car on sait combien de billes bondissent hors dulançoir, et, dans leur chute désordonnée, mutilent ou brisent tout ce qu'elles rencontrent (fig. 68, /?). On devra tou- jours leur préférer le transport par traîneaux sur les chemins de bois dits chemins de schlitte (fig. 65), ou, mieux encore, les câbles aériens (1). La dépense sera grandement récupérée Fig. 65. Le schlittage dans les Vosees. par la plus-value des marchandises et la meilleure tenue des peuplements. Dans les futaies feuillues, le passage des voitures ou des avant-trains ne fait pas de dommages aussi considérables qu'on pourrait le supposer : les brins de semis se courbent sous les pieds des chevaux ou sous les roues des voitures et se relèvent bientôt sans paraître trop souffrir des lésions qui leur sont faites. Il suffit d'éviter de faire passer plusieurs voi- (1) E. Thicry. Étude sur les petits chemins de fer forestiers. Nancy. Berger-Levrault. 1893. — E. Thiéry et Demonet. Les transports par câbles aériens) Nancy, Nicole, 1896. DOMM USES <: \l SIS l'A lt L E10MM1 . 207 (mes de Miile dans le même sillon, ce qui crée un véritable chemin battu dans lequel tout est écrasé. D'ailleurs, si cela est nécessaire, on peut avoir recours au recepage. Quand des soins convenables ont été pris, deux ou trois ans après une coupe, le fourré sera complètement rétabli sans conser- ver de traces bien sensibles de la dernière exploitation. Dans les forêts résineuses, plus de précautions sont néces- saires, car les jeunes plants écrasés se relèvent difficilemenl et Fig. 66. — Enlèvement d'une tronce de sapin, vallée de Ravines (Vosges.) (Photographie de M. Fron). n'ont pas, comme les feuillus, la faculté d'émettre des rejets. D'une manière générale, on peut dire que le dommage causé au peuplement par le transport des arbres à travers bois est proportionnel à la longueur des billes plutôt qu'à leur poids. C'est ainsi que, dans les régions où l'on fabrique de la planche marchande, les plus grands sapins ou épicéas sont débités sur place en tronces de 4 mètres, dont le transport se fait facilement et d'une façon inoffensive (fig. 66). Tandis qu'il faut avoir vu, dans le Jura, les douze à quinze paires de 268 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS bœufs attelées à une de ces énormes poutres dont la lon- gueur dépasse 30 mètres et destinées aux chantiers de cons- tructions navales de la Méditerrannée, pour comprendre les ravages que de tels convois font subir à la régénération; sur une largeur de 4 à 5 mètres, le long de leur parcours, toute la jeunesse est écrasée. De plus, les ingénieurs forestiers doivent calculer les courbes de leurs routes avec un rayon suffisant pour que les prolonges puissent parcourir les tour- nants sans venir butter contre les talus en déblai. Quelles que soient les essences, il est d'un intérêt majeur d'enlever les produits aussi rapidement que possible. Moins longtemps le parterre des coupes sera fréquenté, mieux s'en trouveront les peuplements; car, pour réparer les fatigues de toute sorte qui sont la conséquence nécessaire d'une exploi- tation, la forêt demande à être au plus vite rendue à elle- même (1). Dans les coupes de taillis, la vidange doit être conduite plus rapidement encore que dans les futaies. Leur fréquentation par les hommes et les animaux pendant la saison d'été qui suit l'abatage, devient une cause de dommages considérables pour la régénération ; car un grand nombre de jeunes rejets sont détruits alors qu'ils sont cassants et mal attachés. Certai- nement, il en repoussera de nouveaux au printemps sui- vant, mais les rejets de la première année sont les plus abondants et les plus vigoureux ; de plus, il y a toujours un certain nombre de souches ainsi fatiguées qui ne repous- sent plus. C'est là une des principales causes de l'appauvris- sement des taillis en bonnes essences. Pour se rendre compte de ce fait, il suffit de comparer deux coupes voisines, en tout semblables et exploitées en même temps; dans l'une, la vi- dange aura été terminée avant le printemps qui suit l'ex- ploitation, tandis que, dans l'autre, cette opération se sera (1) Avec les délais de vidange admis dans la pratique de la vente des coupes sur pied, l'adjudicataire se sert pendant plus d'une année du parterre de la vente comme d'un lieu de dépôt dans lequel il peut, au fur et à mesure de ses livraisons, prendre les produits pour Les conduire directement au bûcher de l'acheteur. Il gagne ainsi les frais de chargement et de déchargement qu'il subirait en les accumulant dans ses chantiers. Dl 'MM IGES < M SES l'Ali I "ll'iMMI •_><•,<» prolongée pendant (oui l'été suivant : la différence entre le développement «les deux régénérations est saisissante en faveur de la première. Les produits dos éclaircies soûl porlés à dos d'homme sur leschcmins existants. A ce point de vue, il est avantageux de multiplier, dans les limites raisonnables, le nombre de ceux qui traversent les massifs, et de rendre praticables aux voitures Fig\ G7. — Enlèvement de pièces de pin laricio, forêt d'Aitone vCorse) (Photographie de M. J. Bregeault.) toutes les lignes d'assiette de l'aménagement. Ces chemins intérieurs, établis sur une largeur de 2 à 3 mètres lors de l'exploitation des coupes principales, peuvent être mainte- nus pendant toute la vie du peuplement sans nuire sensible- ment à la production totale. Toutes les précautions qui précèdent sont du ressort de la gestion. La seule prescription qui concerne les aménagistes est contenue dans le formulaire des Règles d'assiette. La deuxième de ces règles dit : 270 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Les coupes doivent être disposées de manière que les bois d'une coupe en exploitation ne soient pas dans le cas d'être transportés à travers d'autres coupes récemment exploitées. Pour s'y conformer, il suffit que chaque coupe soit indé- pendante des autres et qu'elle aboutisse directement, soit sur une route ou un chemin, soit sur un ruisseau où le bois puisse se flotter, soit enfin sur les terres riveraines (1). Ce qui vient d'être dit, suffit, en général, pour concilier les exigences de la perception des revenus avec celles de la régénération. Sans doute, dans la pratique, quelques légères modifications y seront apportées en vue de mieux les adapter aux habitudes ou circonstances locales ; mais il est superflu d'imposer aux adjudicataires des charges souvent onéreuses que la routine éternise dans les documents administratifs sans aucun profit pour la forêt. Il en est ainsi, par exemple, de l'arrachage des épines. A quoi sert, en effet, d'arracher les épines? Ce travail, lorsqu'on l'exige, est toujours mal fait ; de plus, la plupart des morts-bois et arbustes dits nuisibles, notamment les ronces, les épines noires et blanches dra- geonnent facilement, et l'enlèvement de la souche, qui ne peut nécessairement s'étendre jusqu'à l'extrémité des racines, pro- voque leur expansion sur une grande surface. Les élagages. — A l'occasion des méfaits commis par la hache ou la serpe du propriétaire, nous devons parler des élagages. Mais, pour ceux-ci du moins, on a la faculté de laisser les outils se reposer et, dans la majorité des cas, aussi bien dans l'intérêt de ses arbres que dans ceux de sa bourse, le mieux sera de s'abstenir. L'élagage est une sorte de taille appliquée aux arbres, en vue de leur donner, en une seule fois, une forme plus avan- tageuse au moyen d'amputations totales ou partielles des rameaux réputés inutiles ou nuisibles. Séduit par l'aspect extérieur des arbres élagués, et faute de s'être rendu un compte exact de la conséquence des opé- rations, on a, pendant longtemps, érigé en un véritable sys- tème d'exploitation forestière cette pratique d'ailleurs excel- (1) Lorentz et Parade, Culture des bois. DOMM IGES C m SES l'Ait L iiommi-:. 271 lente pour les arbres de parc ou d'alignement (1). Mais si la taille (>sl réellement profitable à celui qui — chaque jour— inter- vient pour diriger un bourgeon bien placé, en vue de lui faire Fig. 68. — a, Tares indélébiles consécutives à une inscription faite sur l'écorce. — /), Plaie contuse occasionnée par le choc d'une tronce lancée sur un versant de montagne. — c, Élagage rez-tronc bien fait : solution de continuité dans les tissus. — d, Élagage rez-tronc suivi de pourriture. — e, Elagage en chicot suivi de pourriture. produire, à son gré, des fruits, des fleurs ou des ombrages en forêt, où l'on cherche — avant tout — à fabriquer du bois sain, elle ne saurait être qu'une fallacieuse mutilation. Il faut se souvenir que l'enlèvement de toute branche de tout rameau, se traduit par une perte de substance et une (l) V élagage des arbres, par le comte des Cars, Paris, Rothschild, 1867. 272 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. plaie à recouvrir. Pour permettre à l'arbre qui en est victime de réparer ces dommages, il lui faut une nourriture supplé- mentaire qu'un arboriculteur avisé ne lui ménage pas. Mais, en forêt, qui apportera à l'opéré les médicaments et fortifiants nécessaires à sa guérison ? Quoiqu'il en soit, il est certain que l'élagage rez-tronc, à section verticale, présente certains avantages sur les procédés en chicot ou à section oblique ; mais il n'en produit pas moins des blessures incurables, avec tout le cortège de mala- dies qu'elles engendrent, en dépit des pansements les mieux appliqués. Le recouvrement (fig. 68, a) cache la surface de section sans la cicatriser dans le sens physiologique du mot; et, avant qu'il soit complet, le bois mis à nu a tout le temps de mourir, de se gercer et l'on sait que toute crevasse est la porte ouverte aux germes des champignons destructeurs (1). Aujourd'hui, l'expérience a fait justice de toutes ces chi- mères et il n'est pas trop tôt d'arrêter les mutilations infligées, de parti pris, à la plupart des chênes réservés dans les taillis composés. Il suffit, en effet, d'ouvrir le tronc d'un de ces arbres pour constater toute l'étendue du mal (l)(fig.68,c,rf,e). « En fait, dit, M. Broilliard (2), tout arbre constitué ne saurait être amputé d'une ou plusieurs grosses branches sans qu'il en résulte un ralentissement dans la végétation, un trouble marqué dans les fonctions vitales, et une plaie nui- sible par elle-même et souvent désastreuse par les vices qu'elle occasionne dans le corps de l'arbre ». L'élagage doit donc être proscrit des forêts, en tant que procédé méthodique de traitement, mais on doit se demander dans quelles limites il est permis d'en user, à titre d'opération chirurgicale, suivant qu'il s'agit de branches vivantes, de branches mortes ou de branches gourmandes. L'élagage des branches vivantes ne peut être toléré que dans les cas suivants : (1) Martinet, Garde général des forêts, Considérations et recherches sur Vèlagage des essences forestières, Paris, librairie agricole, 1876. D'Arbois de Jubain ville, sous-inspecteur des forêts, Observations sur le système d'èlagage de Coursai et des Cars, Paris, Rothschild, 1869. (2) Broilliard, Cours d'aménagement des forets, Nancy, Berger-Le- vrault et O, 1878, p. 258. DOMMAGES C ai SES P Ut l HOMME, 273 1° sur 1rs |)l;mls de haute tige élevés en pépinière et qu'on peul soumettre à une taille raisonnée dans le bul d'a- méliorer une l'orme défectueuse ; 2° sur les branches basses appartenant à la eime des bali- veaux de l'Age et des jeunes modernes. La suppression de ces branches basses, dont le calibre ne dépasse pas 5 à 8 centi- mètres de diamètre à la base, peut se faire sans graves incon- vénients, car d'aussi petites plaies se recouvrent bientôt et les solutions de continuité qui en résultent sont placées près du centre de l'arbre et n'en déprécient pas sensiblement le débit; quand il s'agit de chênes, le bois mis ànu étant encore entièrement à l'état d'aubier, celui-ci se recouvre d'un enduit gommeux qui le préserve du contact immédiat de l'air et le met à l'abri des champignons. D'ailleurs, ces branches basses sont condamnées à disparaître sous l'influence de l'élagage naturel : en les supprimant on ne fait que devancer la nature ; 3° il est également permis de couper, si on le juge néces- saire pour favoriser un ensemencement, les branches appar- tenant à des sujets destinés à être exploités à brève échéance. On ne saurait trop se garder de toucher à une branche, quel- que petite qu'elle soit, sur les conifères ; car, toute plaie faite à un arbre de ce groupe provoque des écoulements de résine et des désordres plus graves encore que chez les arbres feuillus. Les branches mortes doivent être traitées comme les bran- ches vives, puisque, pour obtenir le recouvrement, il faut re- culer le point de section jusque dans le bois vif (1). Il vaut donc mieux laisser les branches mortes continuer, lentement et au grand jour, leur œuvre de destruction, en surveillant le mal pour couper l'arbre avant qu'il soit plus dégradé. Cette observation s'applique surtout aux grosses bran- ches mortes insérées directement sur le fût des arbres. Certes, pour retarder les pourritures, il serait utile de remplacer par une section nette la cassure esquilleuse qui les termine le (1) L. Boppe, Cours de technologie forestière. Nancy, Berger-Le- vraultet O, 1887. Boppe et Jolyet. 18 274 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. plus souvent ; mais l'opération est trop onéreuse et l'on évite de faire des sacrifices pour des sujets qui sont affectés de tare compromettant leur avenir. Du reste, on ne pourrait pratiquer ces amputations qu'en montant sur les arbres à l'aide de crampons, dont l'usage est peut être encore plus nuisible que l'élagage lui-même. Quant aux branches mortes dans la cime, branches appar- tenant aux ramifications secondaires, il n'y a pas lieu d'y tou- cher. Les essences de lumière, notamment les chênes réser- vés dans les taillis composés, présentent toujours de pareilles branches dans la couronne, quand ils arrivent à un âge avancé ; ces cornes sont la conséquence de leur tempérament et des crises qu'ils ont à supporter après chaque exploitation. Tant que l'arbre se maintient d'ailleurs vigoureux, elles dispa- raissent assez vite sous l'effort du vent et, avant longtemps du moins, leur rupture n'occasionnera aucun désordre sé- rieux. Au contraire, chez les essences d'ombre, chez les hêtres principalement, les branches mortes dans la cime sont toujours un indice fâcheux, et il n'est jamais prudent de conserver les individus qui portent ainsi les signes d'un dé- périssement prochain. M. Mer conseille d'enlever, sur les arbres résineux, les branches mortes en dessous de la cime, de façon qu'elles ne soient pas englobées, — véritables chevilles, — dans le fût qui grossit autour d'elles. Leur amputation se fait à la scie, à quelques millimètres au-dessus du bourrelet de base, pour ne pas en entamer les tissus vivants. Les émondages. — On admet que l'évolution des bran- ches gourmandes ou des gourmands sur le fût des réserves est la conséquence du changement d'état que leur impose chaque exploitation; les gourmands, abandonnés à eux- mêmes, disparaissent pendant le cours de la révolution. On accuse leurs évolutions successives d'engendrer des ex- croissances, des nodosités, des broussins, dont le tissu lâche et madré, est de qualité médiocre. L'opération qui consiste à supprimer ces rameaux gour- mands, porte le nom à1 èbourgeonnement ou d'émondage. Nombre de forestiers attachent à la pratique des émondages DOMMAGES CAUSÉS V Mt I. IKimmi . 275 une importance capitale ; d'autres, n'ont dans leur efficacité qu'une confiance très limitée; un observateur de premier ordre, AI. le Conservateur d'Arbois de Jubainville les signale même comme nuisibles à l'égal dos élagages. Nos recher- ches personnelles nous font partager cette dernière opi- nion; aussi, sans proscrire systématiquement les émonda- ges, recommandons-nous de ne pas en généraliser l'ap- plication et de les restreindre à un petit nombre de cas particuliers, que tout praticien saura discerner : il y a, pour les propriétaires qui en abusent par tradition, de sérieuses économies à réaliser de ce côté. Quoiqu'il en soit, partout où l'opération sera jugée indis- pensable, on devra se conformer aux indications sui- vantes : 1° procéder à l'opération au milieu de l'été, ou mieux, en automne, de façon à ne pas exposer les ouvriers aux déman- geaisons avec accès fébriles qu'occasionnent les poils de la chenille processionnaire très commune sur les chênes ; 2° limiter strictement la coupe aux gourmands dont le diamètre à la base ne dépasse pas 1 centimètre, en employant des instruments spéciaux, bien tranchants et maniés avec assez d'habileté pour ne pas entamer les parties vivantes de l'écorce. En effet, dès que les branchettes ont dépassé ce calibre, elles laissent des plaies étendues, dont la marque indélébile déprécie, lors du débit, les échantillons qui les portent : émondage devient êlagacje. Les assainissements. — Mais, dans la trousse du chirurgien forestier, la hache n'est pas seule à torturer les peuplements. Pendant qu'elle ampute les arbres soi-disant pour les re- dresser, la bêche et la pioche, sous prétexte d'hygiène, épui- sent le sol par d'inutiles saignées. L'eau n'est réellement nuisible aux arbres que si elle reste stagnante à la surface du sol pendant la saison de végé- tation; ces parties marécageuses se présentent, dans la plu- part des cas, sous forme de tourbières, de mares ou de fonds de cuvettes sans écoulement. En semblables condi- tions, on confond, trop souvent, la cause avec l'effet ; car, si l'eau reste à la surface, c'est que le sol est imperméable, 276 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. aussi bien aux racines qu'à l'eau, et cet inconvénient est encore plus accentué après qu'avant le drainage. Quant aux fossés d'assainissement ouverts dans les stations humides ou aquatiques dont l'eau se renouvelle, ils ont pour effet de ralentir la végétation des arbres déjà développés. Ils modifient en mal la qualité du bois des chênes , des ormes, des frênes et compromettent, enfin, leur mélange avec les bois tendres. On ne bouleverse pas impunément les conditions dans lesquelles les arbres ont vécu; car les peu- plements forestiers se constituent en fonction du sol et de état permanent de ses propriétés physiques. Quand celles-ci sont modifiées, l'ancien peuplement dépérit, pour faire place à un autre dont le tempérament sera mieux en harmonie avec la situation nouvelle. Peu importe d'ailleurs l'état submergé d'un terrain en hiver, quand l'excès d'eau disparaît au moment de la végétation. On constate que les cantons soumis à ces inondations pério- diques fournissent les meilleurs chênes de France, aussi bien dans le Nord que dans le Centre et dans le Midi. L'assainissement ne se justifie donc que dans les terrains improductifs par excès d'eau stagnante] dans ce cas, l'opéra- tion présente un caractère purement local et ne doit être exé- cutée que si les bénéfices à prétendre sont de nature à compenser la dépense ; partout ailleurs, l'assainissement érigé en système, outre qu'il augmente les crues des rivières, est inutile, onéreux et nuisible au point de vue strictement forestier. Au surplus, par la transpiration des feuilles, parla pénétra- tion des racines et surtout par les propriétés hygrométriques de la couverture, la végétation forestière exerce sur tous les sols une action asséchante des plus marquées; aussi, dans l'immense majorité des cas, l'excès de sécheresse est-il plus à craindre que l'excès d'humidité. A l'appui de ce fait, citons un exemple bon à noter. Partout, en montagne, il est facile de constater les effets dus à l'ouverture d'un chemin qui coupe la pente d'un versant quelque peu rapide. Les eaux superficielles d'amont sont cap- tées par la tranchée des talus de déblai et conduites dans les DOMMAGES CAUSES PAB L'HOMME, 277 fossés bordiers jusqu'au prochain caniveau, par où elles s'é- coulent en flots inutiles ef parfois nuisibles par suite des ravi- nements qu'elles produisent; dès lors, les parcelles d'aval, privées des eaux superficielles qui les alimentaient, souffrent de la soif et leur végétation se ralentit. Pour atténuer l'inten- sité du dommage, le seul moyen est de multiplier les cani- veaux pour rendre aux eaux leur cours naturel d'infiltration à travers toutes les surfaces : irriguer, après avoir asséché. Lors donc qu'il s'agit de remettre en valeur des terrains sans déclivité que la nature du sous-sol et leur état de nudité ren- dent marécageux, il peut être nécessaire de faire des assainis- sements préalables, en vue d'y rétablir l'ancien état boisé; mais, une fois les peuplements reconstitués grâce à un tra- vail d'ensemble qui englobe toute une région, la forêt fera le reste ; c'est du moins ainsi que cela s'est passé dans certaines contrées autrefois infectées par les fièvres paludéennes et en partie assainies par la forêt, comme : les Landes de Gasco- gne (1), la Sologne (2) et les Dombes. Enfin les intéressantes recherches de M. Chevandier au su- jet de l'influence des irrigations sur la végétation des forêts permettent de conclure que de telles améliorations ne peuvent être généralisées dans la pratique, mais qu'il est utile de mettre à profit toutes les circonstances dans lesquelles la nature les fournit sans frais ; — qu'il n'est donc pas logique, — par exemple, d'assainir d'une façon exagérée les tourbières dans la haute montagne où elles jouent un rôle analogue à celui des glaciers et fournissent, en été, l'eau nécessaire pour irriguer les versants et alimenter les sources de la plaine. Fait des délinquants. Les causes. — De tous temps, les forêts ont eu à souffrir du voisinage des populations riveraines. Cela tient à ce fai (1) Chambrelent, Mise en valeur des landes de Gascogne, Bordeaux, 1862. (2) A. Brongniart, Rapports sur les reboisements de la Sologne {Annales forestières, t. XI, 1865.) 278 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORÊTS. que la forêt, avant d'être reconnue, en droit, comme une propriété privée, était regardée comme un bien banal, où chacun pouvait prendre ce qui se rencontrait d'utile à l'entretien du ménage. De telles traditions à réprimer justifient les rigueurs du Code forestier. L'enlèvement frauduleux de tout produit du sol y constitue un délit; le bois mort, les herbes, la litière, les pierres, etc..., aussi bien que le bois sur pied, rien ne peut être exporté sans autorisation ; certains faits sont même punissables, alors qu'ils dénotent la simple intention de commettre un délit. De ce côté, tout est prévu, le pro-v priétaire est suffisamment armé; à lui de veiller à l'exécu- tion de la loi, en faisant bonne garde. On prévient aussi les délits, dans une certaine mesure, en donnant satisfaction aux besoins les plus impérieux des ha- bitants pauvres, au moyen de concessions sagement régle- mentées. Ces délivrances, limitées comme il sera dit plus loin, font aimer et respecter la forêt. La répression. — En ce qui concerne la répression directe, on remarque que les délits augmentent bientôt lorsque la police forestière n'est pas assurée d'une manière convenable ; aussi les propriétaires de forêts ne doivent-ils pas regretter les dépenses que leur occasionne un personnel de surveil- lance actif et suffisant ; les économies mal entendues sur les frais de garde coûtent souvent bien cher. Au surplus, les fonctions du vrai garde forestier ne doivent pas être limitées à la répression des délits ; il peut exécuter une foule de menus travaux, dont l'ensemble représente une somme d'a- méliorations notables pour la forêt : il est, en un mot, l'auxi- liaire naturel du propriétaire clans tous les actes relatifs à la gestion de son domaine. Mais, avant tout, il faut qu'un garde ait une moralité et une tenue en rapport avec la dignité d'of- ficier de police judiciaire dont il est investi ; on doit donc le mettre, par un traitement convenable, dans une situation pé- cuniaire supérieure à celle des bûcherons et des manœuvres qu'il dirige. Bien que, chez nous, le garde forestier ne puisse pas don- ner à la chasse tout le temps que comporte une source aussi DOMMAGES CAUSÉS PAH l'iIOMME. 279 importante de revenus pour les forêts, il ne devra jamais s'en désintéresser. Mieux que personne, il est à môme disposés à la façon d'une Normandie, où les chênes, comme des pommiers, laissaient tomber leurs branches jusqu'à terre, sur un sol nu, sans cesse tourmenté par les souilles, où nulle végétation n'avait le temps de s'installer; le repos en a fait d'excellents massifs où le chêne abonde. A ces dégradations, il faut encore ajouter celles qui sont le fait des pâtres, souvent des enfants, dont les jeux, taxés d'innocents, se traduisent par de véritables actes de destruction : l'un étêtera un jeune brin d'avenir ; un autre détachera un lambeau d'écorce sur le cerisier, le bouleau ou le sapin le plus lisse de la forêt, ou gravera son nom sur le fût d'un hêtre (fig. 68a) ; un troisième, allumera du feu dans un vieux tronc, y laissera couver un tison d'où naîtra l'incendie ; tous s'amuseront à faire rouler sur les pentes des pierres qui, en rebondissant, iront frapper les arbres et leur ouvrir de larges plaies. Ces petits méfaits, que le jeune âge excuse, finissent, lorsqu'ils sont répétés tous les jours, par coûter à la forêt plus cher que le salaire d'un pâtre sérieux et intelligent. Influence de l'état des peuplements. — Les feuillus ont plus à souffrir que les résineux, les essences de lumière plus que les essences d'ombre. Les peuplements jeunes sont les plus malmenés par le bétail; plus aussi, on s'approche du mo- ment de la régénération, plus le pâturage est nuisible; pour bien faire, tout bétail doit être exclu des cantons en voie de régé- nération dix ans au moins avant l'ensemencement et douze ou quinze ans après la naissance des semis ou des rejets; il en ré- sulte que les bois d'âge moyen peuvent seuls être déclarés défensables; or, ceux-ci, étant les plus serrés, renferment le moins d'herbe. Quant aux forêts jardinées ou furetées, qui toujours sont mélangées de jeunes bois, le bétail ne devrait jamais y pénétrer en principe. Telle est la source de l'éter- nelle querelle entre usagers et propriétaires, entre cultiva- teurs et forestiers. Boppe et Jolyet. 19 290 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Quand le sol est en pente rapide, qu'il soit d'une nature terreuse ou couvert de pierrailles, le parcours y augmente les chances de ravinement ; dans le dernier cas, les bestiaux détachent des pierres roulantes qui occasionnent, au pied des arbres atteints, des tares, bientôt suivies de pourritures ; sur les plateaux terreux ou mouilleux le plus grand dommage vient du tassement. Conclusions. — Tels sont les faits contre lesquels on doit se prémunir. On n'y parviendra qu'à l'aide des précautions suivantes : 1° s'assurer contre les délits par une surveillance constante sur les points les plus exposés ; 2° établir une forte et solide clôture entre le sol boisé et les pâturages voisins, faire de même le long des pistes fréquentées par les troupeaux. Cette clôture sera, suivant les cas, un fossé difficile à franchir, avec les terres disposées en rempart à l'intérieur du bois, — : un mur en pierres sèches, — des haies vives, — un landrage en bois brut disposé à la Suédoise, — un cordon en fil de fer nu ou façonné en ronce artificielle; 3° enfin, soumettre le droit de parcours aux restrictions sévères dont on trouvera le détail aux articles 66 à 85 du Code forestier. Constatons, en terminant, que dans toute l'Europe centrale, le xixe siècle aura eu pour mission de réparer, dans les forêts, les désordres imputables au pâturage pendant les temps pas- sés. Veillons ! 1 Les incendies. Leurs causes et leurs conséquences. — Les incendies dans les forêts sont occasionnés, le plus souvent, par des im- prudences ou par la malveillance ; ils proviennent très rare- ment des effets de la foudre. Presque toujours, le feu, allumé sur le sol, est alimenté par des matériaux inflammables qui s'y accumulent pendant la sécheresse ; il se propage parfois sur de très grandes surfaces. Du niveau du sol, il peut s'élever jusqu'au sommet des arbres résineux, dont les aiguilles gorgées de résine sont in- DOMMAGES CAUSÉS l'Ail l'hOMMB, 291 flanimablcs à l'état vert, et alors, de proche en proche, des massifs considérables peuvent être entièrement dévastés* Rarement il gagne la cime des arbres feuillus. Par un temps sec, si la saison est favorable, il suffit d'un fragment d'allumette ou d'amadou encore en combustion, d'une étincelle échappée du fourneau d'une pipe ou d'un cigare, d'une bourre enllammée par la décharge d'un fusil, d'un charbon tombé du cendrier d'une locomotive pour déterminer l'embrasement presque subit d'un espace trop étendu pour qu'un homme seul puisse l'éteindre. D'ailleurs, le nombre des incendies et la gravité de leurs conséquences varient suivant les régions que l'on considère. Régions montagneuses. — Sous le climat humide de la haute montagne, la couverture morte est toujours mouillée et le feu ne s'y propage pas facilement ; aussi, malgré la constitution des forêts en massifs résineux, les incendies sont-ils peu à craindre. Toutefois, il ne faut pas abuser de cette apparente sécurité pour commettre des imprudences : les feux qu'on allume volontairement en forêt doivent être surveillés, en montagne comme partout ailleurs ; il faut éviter de les placer sous le feuillage des arbres résineux, dont les branches trop basses pourraient être atteintes par la flamme, et on ne doit jamais abandonner un brasier sans l'avoir éteint complètement. Zone parisienne. — En plaine, dans la zone parisienne, où les forêts sont en majeure partie peuplées d'espèces feuillues, l'incendie ne quitte guère le sol. C'est au printemps, quand les feuilles mortes sont desséchées par le vent du Nord-Est (vulgairement appelé le haie de mars), que le feu prend ; le danger existe pendant quelques semaines au plus, car il suffît que les herbes entrent en végétation pour l'écarter. L'incendie se propage en détruisant la couverture, il en- dommage les parties inférieures des tiges et les portions de racines qui sont à découvert. Poussé par le vent, il marche dans la même direction que lui, et s'avance tant qu'il trouve des aliments et aussi loin que le massif se prolonge, à moins qu'une pluie abondante ou les secours l'arrêtent. Les gros arbres en souffrent généralement peu ; par contre les jeunes tiges sont presque toujours mortellement atteintes; 292 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. il est d'ailleurs, facile, de se rendre compte de la situation en examinant les couches cambiales mises à nu par de légères incisions pratiquées au couteau sur quelques tiges de moyenne grosseur, choisies dans les cépées de toutes les essences. Dès que cette couche apparaît, teintée en noir, même légère- ment, il faut prescrire le recépage immédiat ; sinon, la pousse encore possible des feuilles masque la situation : il arrive que les bourgeons, grâce à l'eau qui monte dans les tissus ligneux, parviennent encore à s'ouvrir; mais la sève élaborée ne pouvant plus descendre et se diffuser par la couche cambiale nécrosée, les racines insuffisamment nourries, si elles ne sont pas complètement mortes, au printemps sui- vant, ne donneront plus, du moins, que des rejets chétifs et sans avenir. Dans le doute, le mieux est encore de se résoudre au sacrifice immédiat; car, si un grand nombre de tiges partiellement atteintes continuent encore à vivre tant bien que mal, on voit apparaître à leur pied, sur les zones brûlées, des plaies chancreuses qui ralentissent leur croissance et déprécient la marchandise. Il faut veiller avec soin à la préservation des bois résineux d'origine artificielle, pour qui le danger est permanent sur- tout pendant les années sèches, comme l'été 1893, où l'on a vu les incendies prendre le caractère de désastres, aussi bien en France que dans la Campine Belge. Aussi, dès qu'une de ces forêts est plus particulièrement exposée par la proxi- mité d'habitations ou d'une ligne de chemin de fer, y a-t-il lieu de procéder au nettoiement du sol et, dès l'état de gaulis, d'élaguer les branches basses jusqu'à 50 ou 60 centi- mètres au-dessus de terre ; mais, sous cette réserve expresse que les brindilles provenant de ce travail, au lieu d'être abandonnées sur le sol, comme cela se fait trop souvent, se- ront emportées au loin, hors des enceintes parcourues; autrement c'est enfermer le loup dans la bergerie. En sem- blable situation, il sera prudent, de la part des compa- gnies de chemin de fer, dont la responsabilité est si sé- rieusement engagée, de s'entendre avec les propriétaires riverains de la voie et de leur fournir les subventions néces- saires pour procéder à ces travaux de préservation, en tenant DOMMAGES CAUSAS l'Ait [/HOMME, 293 la main à leur exécution. La division des surfaces par de larges tranchées garde-feu, comme nous recommandons plus loin de le faire, serait encore d'un grand secours. En général, le feu n'est pas allumé par la malveillance; personne, clans cette région, n'ayant intérêt à détruire l'état boisé. Dès qu'un incendie est signalé, les populations riveraines doivent, au besoin, être mises en demeure d'accourir pour l'éteindre; il faut reconnaître que leur bonne volonté ne fait jamais défaut, et que, le plus souvent, leur concours est spontané. Les hommes arrivent munis de pelles, de pioches et de râteaux ; si l'incendie ne présente qu'un foyer peu actif et peu étendu, on éteint le feu en le piétinant, en le couvrant de jets de terre, ou en le frappant avec des branchages ; toutefois ce dernier moyen n'est pas trop à recommander, car, en lançant des flammèches dans toutes les directions, on peut allumer de nouveaux foyers en arrière des travailleurs. On attaque le feu de préférence par ses flancs et dans le sens de sa marche, en cherchant à rétrécir de plus en plus la largeur du front jusqu'à fermeture complète. Quand le foyer est trop ardent pour qu'on puisse l'appro- cher et, pour ne pas exposer ses hommes à des accidents, le chef des travaux se transporte avec une bonne équipe en avant du feu et dans sa direction ; là, les travailleurs, avec des râteaux, débarrassent une bande de terrain de tous les matériaux combustibles ; cette bande est tracée perpendicu- lairement à la direction du feu et à une distance suffisante pour qu'on ait le temps d'achever le travail avant son arrivée ; il s'éteint, alors, faute d'aliments. Si, néanmoins, la flamme franchit cet obstacle, elle a, du moins, perdu sa violence, et on l'étouffé. Ordinairement il suffit de donner à la tranchée une largeur de 2 à 3 mètres. L'incendie réprimé, on doit veiller sur le théâtre du feu jusqu'au moment où il n'y a plus à craindre de le voir se ranimer. 11 faut remarquer qu'un tison peut couver long- temps encore dans les arbres creux, dans les troncs pourris, dans les racines et qu'il faut l'éteindre parfois, soit en l'inon- dant, soit en l'étouffant sous des jets de terre. 294 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Régions méridionales. — Dans les climats méridionaux, et, plus particulièrement dans l'Esterel et dans les landes de Gascogne, les incendies sont le fléau des forêts résineuses. La fécondité du climat, la nature siliceuse du terrain font naître à profusion, sur le sol des forêts, des plantes socialse qui se dessèchent en été et couvrent la terre de matières inflammables. Les forêts en terrain calcaire avec leur flore plus variée et surtout plus riche en arbustes à feuilles per- sistantes, sont, à ce point de vue, beaucoup moins exposées que les précédentes. Dans les forêts des Maures, dit M. Faré (1), sous le couvert des pins maritimes et des chênes-liège qui, avec le châtaignier, forment la grande masse des peuplements, la végétation arbustive se développe sur le sol en buissons impénétrables, les cystes et la bruyère arbores- cente sont, de beaucoup, les espèces les plus dangereuses. Pendant la saison chaude, ce sous-étage, à l'état naturel dans tous les massifs de la contrée, parvient à un tel degré de dessiccation, qu'il suffit d'une étincelle pour produire la combustion. Lorsque le feu s'est déclaré, il se propage avec une rapidité plus ou moins grande suivant la violence du vent, et on est disposé à admettre que, si le mistral souffle avec force, tous les moyens employés pour combattre l'incendie sont, le plus souvent, inefficaces et dangereux pour les travailleurs. Dans ces circonstances, les cônes de pins seraient un agent de propagation des plus dangereux; de nombreux témoins occulaires affirment, en effet, que, sous l'influence de la chaleur de l'incendie, ces cônes encore verts éclatent et que leurs débris enflammés peuvent allumer de nouveaux foyers à plusieurs centaines de mètres de leur point de départ ; les flammèches et les fragments des écorces de résineux, qui pétillent sous l'action du feu, concourent au même résultat, de sorte qu'il n'est pas rare de voir de nouveaux incendies se multiplier en dehors de la ligne où les travailleurs combattent la marche du feu. Ces conditions font de l'arrêt de l'incendie une opération toujours délicate. Le plus souvent, les secours, quelques dévoués qu'ils soient, restent impuis- sants contre les forces aveugles du fléau et le feu ne s'arrête que lors- qu'il n'y a plus rien à dévorer. Ces incendies proviennent, pourla plupart, de l'imprudence des fumeurs, des chasseurs, des ouvriers charbonniers ou de ceux qui pratiquent les écobuages. On dit même que le feu peut être allumé et communiqué à distance par les déga- gements d'huiles essentielles odorantes, produits, pendant les grandes chaleurs, par certaines plantes de la famille des la- (1) Faré, Enquête sur les causes des incendies dans la région des Maures et de l Ester el, Imprimerie nationale, 1869. DOMMAGES CAUSES PAH [/HOMME, 295 biées : lavande, thym, Berpolel etc.»; celle assertionaura.il besoin d'être continuée. On ;i malheureusement trop de preuves qu'ils doivent aussi être attribués à la malveillance. Il est rare que le lover conserve la forme du l'en courant sur le sol ; presque toujours, il monte dans les cimes des pins, entraînant la mort de tous les arbres atteints, quand même il ne s'attaquerait qu'aux brindilles sèches et aux feuilles ou aiguilles; le plus souvent, d'ailleurs, les arbres ne sont con- sumés en entier que lorsqu'ils sont creux. Les cantons ainsi parcourus doivent être exploités, et, dans les massifs trop jeunes pour donner de la semence, les espèces feuillues repa- raissent seules sous forme de rejets ou de drageons. Le seul moyen efficace de diminuer les chances de sinistres est le déhroussaillement . L'opération est malheureusement trop coûteuse pour qu'on puisse l'imposer à tous les proprié- taires ; cette dépense est évaluée en moyenne à 80 ou 100 francs par hectare, pour la première opération; les débroussaille- ments ultérieurs, qui doivent être répétés à des intervalles de 5 à 10 ans, coûtent, suivant les difficultés locales, de 5 à 10 francs par hectare. Dans l'impossibilité de détruire la cause des incendies, on a eu recours à une loi spéciale promulguée les 6 juillet-3 août 1870, pour en limiter les effets. Cette loi interdit l'usage du feu, même pour les exploitations fores- tières ou agricoles usitées sous la dénomination d'écobuage, taillards, issards et petit feu, en dehors des époques déter- minées par des arrêtés préfectoraux. Elle prescrit, en outre, l'ouverture et l'entretien de tranchées garde-feu, soigneuse- ment défrichées et d'une largeur de 20 à 50 mètres entre deux propriétés contigues et non débroussaillées. Si cette loi était sévèrement appliquée, on pourrait en attendre de sérieux résultats. Dans les landes de Gascogne (1), les forêts sont de création récente ; elles sont en presque totalité peuplées de pins mari- times que l'on résine. Comme dans les Maures, les incendies se propagent sous l'influence de la végétation buissonnante extrêmement touffue et formée d'ajoncs, de bruyères, de fou- (1) Rapport de M. Faré, Enquête sur les incendies dans la région des landes de Gascogne. Imprimerie nationale 1873. 296 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORÊTS. gères et de diverses plantes herbacées parmi lesquelles il faut citer la Canche en gazon (A ira cespitosa). Les causes des incendies sont les mêmes que partout ail- leurs, mais ici il faut attribuer une beaucoup plus large part aux accidents causés par la circulation des locomotives et, aussi, à la malveillance. On a constaté, en effet, que, trop souvent, surtout dans les forêts plantées en exécution de la loi de 1857, les bergers allument le feu, volontairement, dans le but de détruire un état boisé qui entrave la jouissance des terrains autrefois livrés au parcours. Les meilleures précautions à prendre sont encore le débroussaillement et l'ouverture de tranchées garde-feu peuplées d'essences feuil- lues et plus spécialement de chêne pédoncule et de chênes américains : Q. tinctoria, Q. phellos, Q. palustris... Quoiqu'il en soit, dans ces deux régions, le feu a déjà causé des pertes immenses. Comme on est sans cesse exposé à de nouveaux ravages, il faut savoir comment s'y prendre pour arrêter la marche de l'incendie. Au premier signal, dit M. Faré (1), il faut réunir sur le lieu du sinistre des travailleurs en grand nombre, placés sous une direction éclairée et munis des instruments nécessaires. Mais, comme la popu- lation est peu dense et les chemins aussi peu nombreux, il y a d'ordi- naire bien du temps perdu avant que les secours soient organisés. Les habitants d'une commune une fois réunis devraient être placés sous la conduite d'un homme compétent qui imprimerait à tous les efforts une direction unique. Il arrive souvent, en effet, que, par suite du défaut de commandement, les secours se divisent au grand détriment du résultat à obtenir, et la vie des travailleurs se trouve môme parfois menacée. Le manque d'instruments de travail paralyse parfois le dévouement, et, à ce propos, on a fait remarquer la convenance de placer dans les cantons habités un dépôt d'outils appropriés à ce genre de travail auquel peut participer toute la population. Les mesures à prendre consistent d'ordinaire à disposer les travailleurs sur une route ou sur une ligne de pare-feu parfaitement débarrassée de matières combustibles. Chacun d'eux est muni d'une perche garnie de ses feuilles vertes et c'est en frappant les parties embrasées soit sur le périmètre de la ligne, soit en arrière, lorsqu'un nouveau foyer produit par des flammèches portées au loin vient à éclater, qu'on arrête l'in- cendie. Cette opération suppose l'existence d'une route ou d'un pare- feu ; mais, dans tous les autres cas, c'est en plein massif qu'il faut agir et alors il convient de se donner une base d'opération. On commence (1) Rapport ci-dessus mentionné. dég \ Ta ni - \mm w \. 29*3 doue par abattre les huis sur une largeur déterminée «le manière à former une ligne déblayée d'arbres el ii En général, chaque espèce d'insecte vit sur un arbre déterminé. Aussi, quand, bous l'influence «le circonstances favorables, l'une ou l'autre se multiplie en nombre exagéré, les cantons peuplés de l'essence qui la nourrit sont-ils très compromis. Dans les peuplements purs, il n'est pas rare (pic des surfaces considérables soient dévastées : on est alors obligé d'abattre le massif entier pour tirer parti des bois dépérissants ou morls et pour empêcher la propagation du mal; on a môme été contraint parfois d'avoir recours à l'incendie. La principale cause des invasions tient à la grande fécon- dité des insectes, qui permet à leur nombre de s'augmenter en progression géométrique, quand l'influence des milieux est favorable à leur développement. Parmi les circonstances qui activent cette multiplication, nous citerons : 1° l'abondance de nourriture convenable; 2° l'absence d'ennemis; 3° la température. Les forestiers conservent, dans certaines limites, une action sur les deux premières circonstances ; ils sont absolument impuissants -en présence de la troisième. Pour justifier les moyens préservatifs à employer contre ces redoutables fléaux, il est nécessaire de diviser les insectes nuisibles en deux groupes : les insectes lignivores et les phyl- lophages. Les insectes lignivores sont ceux qui perforent le bois constitué comme : Boslrichus lineatus, Sirex gigas, dans les résineux ; Cossus lignipercla, Zeuzera œsculi, dans les bois feuillus; — ceux qui creusent leurs galeries dans le liber et l'écorce comme : Boslrichus typographus, si redoutable dans les forêts d'épicéa, Hylohius ahietis dans les forêts de pin sylvestre, Scolytus ulmi chez les ormes; — ceux qui détruisent les jeunes pousses et les bourgeons, comme : Hylesinus pini- perda, Tortrix buoliana, T. turionana; — ceux enfin qui, vivant dans le sol, rongent le chevelu des racines, tels sont : la larve du hanneton commun (Melolontha rulgaris) et la cour- tilière (Grillolalpa vulgaris) dans toutes les phases de son déve- loppement. Et nous n'avons prétendu nommer ici que les types 304 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. de familles dans lesquelles les espèces nuisibles sont légion. Les plus redoutables parmi les phyllophages, c'est-à-dire ceux qui détruisent les feuilles et les autres parties vertes des végétaux, sont : dans les forêts résineuses, les chenilles de Lasiocampa pini, Liparis monaeha, Fidonia piniaria, Lophyrus pini; et, dans les forêts feuillues, celles de Orgya pudibunda, Bombyx neustria, Bombyx processionnea, de Pyrales et de Tinéides. En de certaines régions, le hanneton commun à l'état parfait exerce périodiquement ses ravages. A chacun de ces groupes correspondent des moyens pré- ventifs spéciaux. 1° Presque tous les insectes lignivores ont besoin, pour se développer en grand nombre, de bois morts, dépérissants ou atteints de maladies. L'abondance de ces matériaux dans une forêt crée un foyer de contagion où les insectes se mul- tiplient en telle quantité que les arbres qui leur ont servi de berceau deviennent bientôt insuffisants; les bois en bon état de végétation sont attaqués, à leur tour, et menacés d'une perte imminente. Pour empêcher la formation de ces foyers, il faut : entretenir les peuplements à l'état sain par des soins appropriés, — cultiver les essences adaptées au sol et au climat et leur appliquer un traitement ration- nel, — donner la préférence aux peuplements mélangés et surtout au mélange de feuillus et résineux, — exploiter radicalement et annuellement les bois morts ou dépéris- sants, — écorcer totalement les arbres résineux dès qu'ils sont abattus, et, pour rendre l'opération possible, les cou- per de préférence en temps de sève, — enlever les pro- duits aussitôt après le façonnage et ne pas laisser de bois gisants en forêt. 2° Sauf les cas d'invasions, les insectes qui mangent les feuilles ou les aiguilles trouvent toujours la nourriture qui leur convient ; il n'est pas possible, comme pour les lignivo- res, d'augmenter ou de diminuer l'élément principal de leur multiplication. On reste donc à peu près désarmé contre eux; cela est d'autant plus regrettable que ce groupe renferme les espèces les plus à craindre pour les bois résineux comme pour les bois feuillus. DOMMAGES CAUSÉS PAB LES VEGETAUX. 305 De plu?, lorsqu'ils ne font pas périr complètement les mas- sifs, ils les affaiblissent au pointde préparer les invasions des xylophages ; ceux-ci achèvent fatalement l'œuvre de destruc- tion. Les seuls moyens à recommander sont : l'éducation de peuplements mélangés adaptés au climat et au sol ; — la con- servation de la couverture morte dans les forêts et la protec- tion des animaux insectivores utiles. Mais ces moyens restent souvent inefficaces et, quel que soit le groupe auquel il appartiendra, la meilleure sauvegarde contre un insecte sera la connaissance complète de ses mœurs. Il est rare qu'une invasion se produise soudainement, — le cas se présente néanmoins — : en général, elle marche progres- sivement et celui-là seul qui possède une connaissance exacte des faits peut la prévenir et la combattre. Le plus sûr sera donc d'avoir immédiatement recours à un homme compétent à qui l'on adressera, avec les exemplaires de l'insecte en cause, un échantillon des dégâts dont on l'accuse et des fragments de toutes les parties dégradées ou suspectes de l'arbre ; car, bien souvent, les dégâts d'un insecte ne sont que le corollaire de l'attaque préalable du sujet par une autre espèce ou par un champignon. Ce spécialiste pourra, en même temps que sa consultation, renvoyer aux ouvrages et articles d'entomologie qui traitent la matière. ARTICLE IV DOMMAGES CAUSÉS PAR LES VÉGÉTAUX. Les plantes sarmenteuses. — Les plantes parasites. — Le gui. — Les champignons. — Les bactéries. Pas plus que nous l'avons fait pour les animaux, nous ne pouvons, au sujet des végétaux nuisibles, entrer dans tous les détails que comporte une branche aussi importante de l'histoire naturelle appliquée aux forêts. Le simple aperçu qui va suivre n'a d'autre but que de signaler les principaux dan- gers, et d'engager les intéressés à recourir, en cas de besoin, aux botanistes autorisés. Boppe et Jolyet. 20 306 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Sans nous occuper du tapis végétal, nous ne parlerons que des espèces directement nuisibles aux arbres. Celles-ci sont toujours ou sarmenteuses ou parasites ; et, parmi ces dernières, plus on étudie la forêt, plus on est frappé de l'importance énorme que prennent les champignons. Sous le climat de la France, les plantes sarmenteuses nui- sibles appartiennent aux classes supérieures du monde végé- tal : le lierre, les clématites et le chèvre- feuille des bois sont ligneux ; les crampons et les circonvolutions de leurs tiges fatiguent et dégradent les sujets qui leur servent de support ; il y a lieu de les extirper partout où on les rencontre quels que soient l'âge et la forme des peuplements (fig. 70 c). Le gui vit en parasite sur un grand nombre d'essences feuillues ou résineuses. Bien qu'il soit très rare sur le chêne, on l'y rencontre néanmoins ; c'est, sans doute, en raison de cette rareté extrême que les Druides l'avaient choisi comme plante sacrée. Mais Vellèda, notre patronne, avait dû révéler à ses prêtresses les procédés d'en multiplier les buissons nécessaires à l'entretien du culte. En général, le gui fait peu de mal aux bois feuillus, parce que, installé sur leur cime, ses racines ne dégradent que les régions destinées à être débitées en bois a brûler. Sur les résineux, sur les sapins surtout, ses racines traçantes, par- tent des branches sur lesquelles la touffe a pris naissance et peuvent atteindre le tronc, où elles laissent des traces profondes et causent de sérieux dommages (fig. 70 b). Amputer les branches envahies par le gui, c'est évidemment empêcher sa propagation par les oiseaux qui se nourissent de ses baies ; mais le moyen est peu pratique; le vrai remède serait, au passage des éclaircies, d'enlever de préférence les sapins qui portent de ces buissons. Etant donnés les ravages qu'ils engendrent, les champi- gnons peuvent être comparés aux insectes les plus nuisibles. De même que ces redoutables ennemis de la culture fores- tière, les champignons s'attaquent aux arbres, qu'ils endom- magent ou font mourir; — aux massifs, qu'ils éclaircissent ou détruisent en tuant les sujets qui les constituent; — au bois, qu'ils rendent impropre à tous usages. Quelques exemples DOMMAGES CAUSÉS l'Ail F.l'.S VÉGÉTAUX, 307 permettent de se rendre compte de ces laits ; citons : Olùi- dium elatinum, qui fait le bàl&i de sorcières et, sans tuer le sapin, provoque le grave défaut connu sous le nom de chuu- e a h c Fig. 70. — Dégâts des végétaux : a, fructification en épaulette d'un polypore qui ravage une tige de sapin ; b, plateau de sapin portant les traces des racines du gui; c, tige de hêtre déformée par les cir- convolutions du chèvrefeuille des bois ; d, balai de sorcière sur une tige de sapin ; au point d'insertion, on peut voir le renflement qui donnera un chaudron ; e, tige de charme déformée par le chancre (Nectria ditissima) ; /*, nodosités causées par la bactérie du pin d'Alep. dron (fig. 70 d) ; Cœoma pinitorquum, qui déforme simple- ment les tiges; Peridermium pini (var. corticola), Agaricus melleus, Trametes radiciperda, qui tuent un grand nombre 308 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. d'arbres dans les pineraies; Bhizoclonia quercina, qui s'atta- que aux forêts de chêne ; Peziza calycina, qui atteint le mélèze et fait périr des arbres en pleine vigueur. On peut remar- quer ce fait que les conifères sont plus exposés aux attaques des champignons que les feuillus ; sous ce rapport l'analogie se continue entre la nocuité de ceux-ci et celle des insectes. Quant à l'action funeste exercée sur le bois, elle n'est pas moins redoutable pour les feuillus que pour les conifères : c'est ainsi que Hydnum diversidens, Telephora perdix, Poly- porus sulfureus, Polyporus igniarius, détruisent le bois de chêne, — comme le font, des bois de sapin, de pins et d'épicéas : Polyporus fulvus, Polyporus vaporarius, — tous produisant chez les uns et les autres les vices connus depuis longtemps sous les noms de : rouge, grisette, etc., sans qu'on les eût rapportés à leur véritable cause. Si l'on commence à connaître assez bien bon nombre de champignons nuisibles aux forêts à des titres divers, non seulement dans leur structure, mais encore dans leur mode de développement et dans l'action qu'ils exercent sur le végétal ligneux dont ils sont l'hôte, on n'est pas toujours à même de mettre les forêts à l'abri de leurs dégâts. Les spores de cham- pignons sont d'une extrême ténuité qui facilite singulière- ment leur transport par les vents ; elles sont aussi très nom- breuses ; enfin, assez fréquemment, elles germent sur un vé- gétal très différent de celui sur lequel s'est constitué le corps reproducteur qui leur a donné naissance, et ce végétal est parfois ignoré : c'est le cas, par exemple, pour JEcidium elatinum. Cependant, même dans cet état imparfait de la science, il est certaines mesures de protection dont l'efficacité n'est pas à dédaigner. D'une façon générale, il sera bon de supprimer tous sujets sur lesquels se sont développés les corps reproduc- teurs ; quand il s'agit des espèces dont les spores ne germent que sur le bois, — souvent même, que sur le bois de cœur, — on devra éviter, avec le plus grand soin, de le mettre à nu, proscrire, par conséquent, tous les élagages sur les essences comme le chêne et le sapin, très sujettes à l'altération de leurs tissus ligneux. Enfin, pour quelques espèces, il y aura d'autres DOMMAGES CAUSES l'Ait fis VEGETAUX. 309 mesures spéciales à prendre, tel, YAt/aricu.s maliens, qui produit dans les pineraies la maladie dite dn rond, parce qu'elle s'étend en cercle à partir des premiers arbres attaqués et qui se propage sous terre au moyen d'une forme spéciale de mycélium, connu sous le nom de rhizomorphe] on le combat avec efficacité par la suppression, non seulement des sujets atteints, mais encore de ceux qui les entourent immédiate- ment, et par une culture du sol après extraction de toutes les racines, — ou, tout au moins par l'ouverture d'un fossé d'isolement. Ce serait sortir de notre cadre que parler des bactéries et autres infiniment petits, dont, paraît-il, nous avons autant à craindre pour nos forêts que pour nos personnes. Témoin, ces nodosités dues au travail de formes spéciales, parmi lesquelles on peut excuser les espèces qui agrémentent cer- tains rameaux d'enjolivures variées, au grand profit des fabricants de cannes ou de manches de parapluie. Mais les autres ?... En résumé, si tout forestier ne peut pas être initié aux secrets les plus intimes de la mycologie, chacun peut, du moins, diagnostiquer la présence des champignons, soit par leurs fructifications en forme de chapeau, dépaulettes ou de touffes, soit par les lames de mycélium dont les filaments, à la façon de radicelles, serpentent sous l'écorce ou dans les tissus du bois. Dès que ces signes apparaissent, il faut, sans hésiter, abattre et enlever l'arbre qui les porte ; car, désormais, on ne peut rien attendre de lui que pourriture progressive, et, de plus, il devient un bouillon de culture, d'où s'échappent des milliards de spores avides de nouvelles victimes (fig. 70 a). Disons, en passant, que les champignons ne s'attaquent pas seulement aux arbres sur pied, ils détruisent aussi le bois après son emploi. 11 appartient à la technologie forestière et à l'art du constructeur d'indiquer les moyens à employer pour mettre le bois en œuvre à l'abri de ces dangereux parasites. 310 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. ARTICLE V DÉGÂTS CAUSÉS PAR LES MÉTÉORES. Généralités. — Le vent : troisième règle d'assiette et massifs de pro- tection. — Le froid et les tares qu'il engendre. — Les coups de soleil. — La foudre. — La neige et les avalanches. — La grêle, le givre et le verglas. Généralités. — Nous avons établi que, sur chaque point, la forêt spontanée est la résultante de tous les phénomènes météoriques d'une suite en quelque sorte indéfinie d'années ; par leur longévité, les arbres ou les peuplements ont traversé les saisons les plus excessives : les hivers les plus rigoureux, comme les étés les plus secs. Une telle forêt n'a donc rien à craindre des effets normaux du climat dont elle est fonction ; et, même, les accidents sporadiques, dont les actions mau- vaises dépassent la moyenne, n'y atteignent que les individus sans compromettre l'existence de l'organisme en tant que terrain boisé : ce ne sont qu'épisodes clans son processus vers les fins de la nature. Mais, ce qui est vrai pour la forêt en soi, ne s'applique plus à nos séries aménagées. Celles-ci, en effet, sont com- posées d'arbres ou de peuplements savamment distribués en raison de leur âge et de leurs dimensions ; toute action qui, à un moment donné, change l'état d'un seul des éléments dans un tout si bien organisé, en détruit l'harmonie générale. En cela, la culture forestière est encore bien différente de la culture agricole. Quand un accident météorique supprime la récolte pendante de céréales ou autres plantes annuelles, là se borne la perte ; l'instrument de production, la terre, reste indemne, et, dès l'année suivante, les choses reprenant leur cours normal, le cultivateur continue à toucher son revenu moyen. En forêt, au contraire, le météore brutal frappe au hasard jeunes et vieux : les bois en croissance, comme les bois mûrs ; derrière lui, le revenu gâché est compromis pour un temps dont la durée dépasse parfois l'existence du pro- priétaire. DÉG \ts CAUSÉS tau LES mi': TÉOIIES. 31 Quand bien môme la tourmenté épargne les plus vieux canlons, toute avarie dans le capital générateur amoindri! Bon 0> a rZ c/î ■z a} ►J o 73 0 V ." a rt es fcD <6 O > * D 0) c — u CJ r" — ^ 1 « u a — s en — o _Q (M 2 S 7) C3 activité productive et marque un temps d'arrêt dans la marche de l'ensemble vers le but commun. Car, sur ces champs de bataille, il faut compter, non seulement avec les cadavres 312 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. gisants ou en estant, mais encore avec les blessés, qui, pour muets qu'ils soient, n'en souffrent pas moins d'infirmités incu- rables; la matière bois va se dégrader progressivement dans la forêt, qui en est l'entrepôt en même temps que la fabrique. Par suite, si l'on tient compte de la durée plus que séculaire d'un massif de futaie ou d'une réserve de taillis, il faut bien admettre que tout arbre ou peuplement aura, au moins une fois en sa vie, à subir, de l'un ou l'autre des agents météo- riques, une des atteintes néfastes que les hommes d'une génération peuvent ne connaître que par ouï-dire. Le devoir du sylviculteur est donc de prévoir l'impro- bable comme le possible, et de garer la forêt des méchants coups, même les plus rares, et d'où qu'ils viennent : froid, vent, foudre, neige, grêle, etc.. Voyons quelles sont à ce sujet les limites de ses pouvoirs. Le vent. — Maintes fois déjà nous avons parlé du vent et 'noté, à leur place, les influences, bonnes ou mauvaises, du sol, de l'exposition, de la forme des peuplements, etc.. Il suffit à un profane de visiter un ahatis de chablis (fig. 71) pour être saisi d'une épouvante salutaire. Mais les forestiers, comme les marins, s'habituent au danger de tous les jours, et quelques avis sont nécessaires pour les ramener à la réalité des faits (1). (1) On peut dire que, en montagne surtout, ces accidents sont devenus la règle. Il ne faut pas remonter bien haut dans l'histoire forestière d'une région pour trouver trace de nombreuses catastrophes qui ont bouleversé les plus sages prévisions. Rien que dans les forêts de l'Est, les dates suivantes sont enregistrées comme particulièrement néfastes : novembre 1868: Jura et Suisse; désastre suivi d'une redou- table invasion de bostriches. 28 octobre 1870 et 11 novembre 1875 : plaines et collines de la Lorraine. 20 février 1879 : Suisse. 22 août 1889 : Basses-Vosges. septembre 1890 : Vosges, Jura et Suisse. 29 mars 1891 : Vosges, janvier 1895 : Jura et Suisse. Trop souvent, la plaine n'est pas épargnée : témoin les ouragans qui, pendant l'hiver 1899-1900, ont saccagé les forêts de l'Ouest, entre autres les beaux massifs de chênes de Bercé. DEGATS CAUSES l'Ait LES METEORES. 313 Tout d'abord, une étude approfondie de la météorologie du lieu et de son passé forestier permettra de délimiter exacte- ment loules les zones dangereuses. Chacune de celles-ci sera soumise au traitement que comportent les formes d'âges mul- tiples, les plus résistantes entre toutes : le jardinage notam- ment. Partout ailleurs, et quelque rassurantes que puissent être les allures du climat, les tempêtes, toujours à craindre, com- mandent d'user pour chaque série de certaines précautions intérieures et extérieures. A l'intérieur, le formulaire des règles d'assiette trouve encore son application. Citons le texte de la troisième règle, emprunté au manuel de sylviculture de M. le professeur Bagnéris. Dans toute forêt ou série d'exploitation, les coupes devront être assises, de manière à toujours marcher à l'encontre des vents les plus dangereux régnant dans la contrée, généralement, en France, en allant du Nord-Est au Sud-Ouest. Le principal objet de cette troisième règle est de protéger, contre les dégâts du vent, non seulement les arbres réservés dans les coupes, mais encore les peuplements en croissance. Par malheur, — on le constate tous les jours, — si les jeunes peuplements, quelle que soit d'ailleurs leur forme, ont peu à craindre de ce côté, il n'en est pas de même des vieux bois. Parmi ces derniers, les plus exposés sont, d'une part, les plus âgés et ceux qui se rapprochent le plus de l'état uni- forme à un seul étage : d'autre part, ceux qui sont plus ou moins interrompus par le fait des exploitations ; tel est le cas des arbres d'abris conservés dans les coupes successives de régénération et des réserves dans les taillis sous futaie (1). (1) Les observations faites dans la forêt de Haye, cantonnement de Nancy-École, à la suite des ouragans des 28 octobre 1870 et 11 no- vembre 1875, nous ont permis de constater les faits suivants : 1° dans les parcelles de futaie en régénération, le volume des cha- blis a été vingt-trois fois plus grand que dans les cantons non entrouverts ou traités en taillis sous futaie, bien que la surface des premières fût huit fois moindre que celle des autres; 2° dans l'ensemble des parcelles traitées en taillis sous futaie, les chablis étaient localisés, pour les deux tiers de leur volume, dans les coupes en exploitation ou exploitées depuis un à trois ans. D'autre part, le relevé des produits mis en vente dans l'ensemble 314 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Si les points d'attaque sont du côté opposé à la direction des vents à redouter, ceux-ci, maintenus à la hauteur des cimes par les massifs" intacts, passeront avec moins de dan- gers sur ceux que des exploitations récentes rendent moins résistants ; dans les forêts de plaine, le mieux sera de faire marcher les coupes en allant du centre vers la cir- conférence. — Dans les taillis sous futaie, on constate égale- ment que les coupes riches en grosses réserves sont moins endommagées que celles où la jeunesse domine : les anciens soutiennent et protègent les modernes et les baliveaux ; en toute situation, on devra renforcer les martelages le long des tranchées et sur les rives de la forêt. A l'extérieur, il sera prudent de conserver, sur tous les périmètres des grandes forêts, des rideaux d'abri maintenus à l'état de massif, par le jardinage, ou soumis à un traitement indépendant de celui des suites de coupes contiguës. Dans les futaies résineuses, en montagne, la stricte obser- vation de la troisième règle d'assiette doi t avoir un e portée plus étendue encore. Elle doit être appliquée, non seulement de coupe à coupe, mais de canton à canton et de série à série. Il serait même désirable de faire accepter entre propriétaires voisins le principe des zones de défense tel qu'il existe dans certaines provinces de l'Allemagne centrale, où de larges bandes de forêts sont, au point de vue du traitement, grevées de véritables servitudes de voisinage. En tout état de choses, il est indispensable, dans les régions montagneuses, d'établir, vers les limites supérieures de la végétation, un rideau pro- tecteur qui sépare la forêt régulièrement traitée des parties réservées au pâturage; ce rideau sera plus ou moins large, suivant l'altitude, la violence des vents et la configuration du terrain ; il ne subira d'ailleurs que des exploitations modérées et toujours faites en jardinant, car il est extrêmement diffi- cile, pour ne pas dire impossible, de régénérer par les mé- des sapinières des Vosges, pendant la période quinquennale écoulée de 1879 à 1884, fait ressortir que, dans un total de 668.053 mètres cubes, les chablis entrent pour 204.533 mètres cubes, soit clans l'énorme pro- portion de 43 p. 100, par rapport au volume des coupes vendues sur pied. DEGATS CAUSES l'Ail LES METEORES. 3 1 5 thodcs perfectionnées les massifs aboutissant à la crête des hautes cimes ou voisins des alpages. Il est inutile d'insister sur ce fait que ta troisième règle d'assiette n'est efficacement applicable que dans les peuple- ments d'un seul âge chacun ; elle perd sa raison d'être dans les cantons jardines ou furètes. Le froid. — Le froid, qui trace les frontières septentrio- nales des essences spontanées, occasionne aussi, dans les limi- tes de ces zones et surtout vers leurs confins Nord, les trou- bles les plus graves: tantôt les gelées tardives et précoces Fig. 72. — Rondelle de chêne présentant, dans sa région centrale, une lunure, dont la portion de gauche est déjà attaquée par la pourriture. détruisent les organes verts au printemps et à l'automne ; tantôt les gelées d'hiver tuent la zone cambiale, produisant des nécroses d'abord superficielles, mais qui deviennent de plus en plus profondes, et qu'on nomme, suivant les cas : gelures, morsures de gelée, friasses, etc.. ; ou bien encore, pénétrant dans le corps de l'arbre, elles provoquent dans le bois toutes ces tares que, d'après leur aspect, les praticiens ont appelées : lunure ou double aubier, quand les couches les plus jeunes atteintes dans leur vitalité, ne peuvent plus se transformer en bois parfait; — gélivure ou roulure, quand les dislocations, rayonnantes ou circulaires, crevassent la masse toute entière. 310 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. Nous en donnons (fig. 72 et 73) les principaux spécimens. Pour en préserver les arbres, nos moyens se bornent à cette précaution générale qui consiste, connaissant le tempérament de nos essences, à maintenir chacune à la place où ces dan- gers seront le moins à craindre pour elle. On remarque, tou- d r> c h Fig. 73. — Dégâts causés par les météores : a, roulure ; b, gélivures ; c, nécrose due à un coup de soleil avec bourrelets de recouvrement; d, nécrose de gelée. tefois : 1° que les accidents morbides qui accompagnent les abaissements de température tiennent bien moins au nombre de degrés accusé parle thermomètre au dessous du zéro centi- grade, qu'aux circonstances qui accompagnent ou qui suivent le refroidissement; c'est ainsi que les passages brusques du froid au chaud sont bien plus dangereux, toutes choses res- tant égales d'ailleurs, que les transitions lentes ; il en résulte qu'une nuit très froide, suivie d'un jour clair, pourra occa- sionner des gelures sur les points directement frappés par les DKC.ATS CAI'Sl's l'Ait LIS MKTKOHKS. 317 rayons du soleil, quand, à (nus les autres aspects, le sujctrestera indemne ; — '2° que dans les sols siliceux, meubles, qui se laissent plus profondément pénétrer par les froids vifs, les accidents de lunures, de gélivures, de roulures sont plus fré- quents que dans les sols argileux, argilo-calcaires et surtout tourbeux ; — 3° que les arbres à écorce lisse, et vivante dans toute son épaisseur, sont plus souvent nécrosés que ceux dont la couche cambiale est protégée par un rhytidome épais. De ces faits, on peut tirer les conséquences suivantes :• éviter de faire des repeuplements artificiels à l'aide d'es- sences introduites au nord de leur station d'origine; — placer les plantes à feuilles persistantes de préférence aux expositions froides, pour leur épargner les passages trop brusques du froid au chaud ; — dans les dépressions plus particulièrement expo- sées aux gelées printanières, planter les espèces à frondaison tardive ou peu sensible ; — craindre la transition rapide, de l'état du massif à celui d'isolement pour les essences à écorce mince et privée de rhytidome ; — et tant d'autres qu'un sens des choses de la forêt suggère à tout forestier, qui sait, par expérience, que, quoi qu'il fasse, il a toujours des chances à courir, bonnes ou mauvaises. Les coups de soleil. — L'excès de chaleur, comme l'excès de froid, peut occasionner des nécroses. Ce sont encore les espèces à écorce lisse, les jeunes sujets, ceux qui sont nou- vellement plantés et dans le corps ligneux desquels la sève circule mal, qui ont le plus à souffrir. On atténue le danger en prenant partout les mêmes précautions que contre le froid, et, en ce qui concerne les hautes tiges, en les orientant, lors de la mise en place, aux mêmes aspects que lorsqu'ils étaient en pépinière; — en les arrosant abondamment pendant la sécheresse ; — en habillant leurs tiges d'un fort manchon de paille : toutes choses qui intéressent plus le verger que la forêt. La foudre. — La foudre produit sur les arbres les désordres les plus variés, depuis la décortication partielle ou le simple sillon qui marque la trace de son passage, jusqu'à la rupture la plus complète (tig. 74), qui pulvérise un arbre en mille éclats ; 318 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. souvent même, à coté de ces effets mécaniques, les arbres voisins de celui qui est foudroyé, sont tués, sans lésion appa- rente, parce qu'on appelait autrefois le choc en retour. On a beaucoup discuté sur les causes qui font tomber la Fig. 74. — Sapin brisé par la foudre dans les Hautes-Vosges. foudre sur tel arbre plutôt que sur tel autre. Les uns attri- buent cette disposition fâcheuse à une forme plus ou moins aiguë de la cime, d'autres à l'épaisseur du feuillage, d'autres encore à la proximité des eaux stagnantes ou courantes ; des observations récentes semblent en avoir trouvé la véritable cause dans la conductibilité variable du bois suivant les essences et son état vert ou sec. Malgré notre incompétence sur cette question de physique, il nous semble, en tout cas, DÉGÂTS CAUSAS l'Ait LES Ml. n';niu s. .119 assez naturel qu'un chêne, dont les racines pivotantes attei- gnent les couches toujours humides du terrain, soit frappé plus souvent qu'un nôtre dont l'enracinement reste suj)erjiciel. La seule conclusion pratique à en tirer pour le forestier est que, surpris par un orage, il fera bien de ne jamais s'a- briter sous un gros arbre, pas plus sous un hêtre que sous un chêne, et, surtout, sous un fruitier isolé en rase campagne. La neige et les avalanches. — On cite de nombreux exemples de peuplements dégradés ou écrasés par la neige, lorsqu'elle tombe prématurément ou tardivement sur des arbres couverts de leur feuilles ; mais, il faut reconnaître qu'on a rarement à déplorer, dans les forêts d'essences feuil- lues, des désastres aussi impossibles à prévoir qu'à conjurer, tels que celui qui a dévasté la forêt du Sihhvald, appartenant à la ville de Zurich, le 28 septembre 1885 (fig. 75.). Au con- traire, les forêts résineuses de la basse montagne ont à souffrir annuellement de dégâts analogues, mais dont on peut atténuer les effets par des éclaircies faites à propos et judi- cieusement conduites. Dans la haute montagne, il faut prévoir et combattre les avalanches, dont tout le monde connaît les effets désastreux. On sait qu'une fois la masse en mouvement, rien ne l'arrête plus dans sa chute vertigineuse : arbres, chalets, ponts, ou- vrages d'art, tout est écrasé sur son passage (fig. 76.). Mais, on sait aussi que jamais l'avalanche ne prend naissance dans les terrains boisés ; c'est donc à la forêt qu'il faut demander aide et protection. Dans une étude magistrale publiée en 1881, M. Coaz, inspecteur général des forêts à Berne (1), donne les moyens suivants de combattre le fléau. Après avoir repéré exactement la ligne de première cas- sure, par des recherches personnelles, et sans trop s'en rap- porter au dire des gens du pays, on corrige le sol nu et glis- sant des couloirs d'origine à l'aide d'obstacles artificiels : fossés, pieux, murs en pierre sèche ou en maçonnerie. En (1) Voir dans la Revue des eaux et forets du 1er avril 1900, les frag- ments traduits par M. l'Inspecteur- Adjoint Mathey. Voir également : P. Mougin, La correction des avalanches en France. Revue des eaux et Forêts, mai 1900. 320 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. sa s: o T3 03 «03 43 -0 o O) PU DÉG vrs CAUSÉS P vit LES METEORES. 321 aval de ces abris morts, exposes aux injures du temps, on plante de* arbres qui seronl seuls d'un secours définitifs ; la rig. 76. — Arbres renversés par le déplacement de l'air au passage d'une avalanche sur les pentes de la Jungfrau, le 1er mai 1879, d'après une photographie. meilleure essence à employer est le pin cembro, l'arolle des montagnards. Partout où la forêt n'a pas encore été détruite, dans les Bofpe et Jolyet. 21 322 EXPLOITATION ET PROTECTION DES FORETS. zones dangereuses, elle devra être ménagée avec le plus grand soin, afin de prévenir les accidents à naître. Dans ces contrées, il ne faut pas risquer les régénérations trop systématiques ; et si, contraint par la nécessité, on est conduit à réaliser un arbre mort ou vivant, il est sage de le couper à 1 mètre ou lm,50 au-dessus du sol, de façon que le chicot attenant à la souche continue à jouer longtemps le rôle de soutien dévolu à l'arbre sur pied. La grêle, le givre, le verglas. — Bien que les forêts passent pour écarter les nuages à grêle, on pourrait citer nombre d'exemples d'arbres portant dans leur sein des traces de blessures causées par les grêlons, il y a vingt, cinquante ans et plus, et recouvertes par un nombre égal de couches ligneuses. A cela nous ne pouvons rien ! On prétend, aujourd'hui, que des salves d'artillerie empêchent, dans un certain rayon, la formation de la grêle ; mais une longue expérience nous fait craindre que, de tous les biens de la terre, la forêt soit encore la dernière en faveur de qui on fera parler la poudre de protection. Enfin, nous signalerons les graves accidents dus au givre et au verglas, dont le poids couche les jeunes brins et brise les plus grosses branches des vieux arbres. Souhaitons au lecteur de n'avoir jamais à les constater dans ses forêts ;... faire plus, nous est impossible (1). (1) Dans la forêt de Fontainebleau, on a évalué à 150 000 stères le volume des débris, — arbres et branches — cassés par le verglas pendant les journées des 22 et 23 janvier 1879. CHAPITRE VIII LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS ARTICLE PREMIER OBSERVATIONS GÉNÉRALES But à poursuivre. — Définitions. — Les différents procédés de boisement, But à poursuivre. — Si nous portons nos regards en ar- rière, nous constatons que la sylviculture, telle que nous avons cherché à la présenter dans son application, nous ensei- gne à exploiter les forêts surtout à l'aide des moyens natu- rels, sans avoir recours à des capitaux étrangers, si ce n'est pour subvenir aux dépenses de mise en valeur. Dans les pays de vieille civilisation, où l'on doit poursui- vre, partout et toujours, l'exploitation rationnelle du sol, la forêt a sa principale raison d'être quand elle fonctionne à l'aide du temps dans les terrains non réclamés par d'autres emplois. Sa culture est donc extensive au premier chef. Quel que soit le point de vue auquel on se place, ce carac- tère s'impose. En effet, s'il s'agit de la forêt de protection, on est largement payé du service indirect qu'elle rend par sa seule présence, pour qu'il ne soit pas nécessaire d'engager des capitaux en vue d'augmenter une production en bois qui n'est ici que l'accessoire. S'il s'agit de forêts de rendement, le bois, premier objectif de leur culture, n'est réellement utile que s'il est abondant et à bon marché ; dès qu'il devient cher, la consommation l'abandonne pour le remplacer par des succédanés, souvent de qualité moindre, mais qu'on obtient à meilleur compte. Aussi, tout progrès doit-il être recherché dans un choix judicieux des modes de traitement les mieux adaptés aux conditions locales : car le surcroît de production 324 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. obtenu à l'aide de procédés dispendieux a pour effet d'aug- menter le prix de revient de la matière ligneuse dans des limites qui dépassent l'intérêt normal des sommes engagées : c'est la conséquence nécessaire du fonctionnement des capi- taux forestiers à intérêts composés. Si, de la forêt naturelle nous passons à la forêt artificielle, nous constatons que les mêmes causes doivent amener les mêmes effets. Ici encore, nous devons demander à la sylvi- culture les moyens de réduire les dépenses nécessitées par le boisement à leur strict minimum, de façon que le résultat financier de l'entreprise soit accessible à toutes les catégories de propriétaires et au plus grand nombre des bourses. Définition. — Nous appelons boisement toute formation nouvelle de peuplements forestiers dans les sols nus. Le plus souvent, en France du moins, l'homme ne fait que rendre à la forêt les terrains dont ses ancêtres l'avaient dé- possédée ; cependant, le fait n'est pas assez général pour justi- fier, dans tous les cas, le terme de reboisement. Quoi qu'il en soit, nous nous proposons d'étudier les procédés, dits arti- ficiels, mis en pratique pour créer, de main d'homme, la forêt dans les espaces où elle n'existe pas. A cette occasion, nous parlerons des travaux de même nature qui s'exécutent dans les peuplements acquis dont on veut améliorer la situa- tion. Les différents procédés de boisement. — Les plus usi- tés sont le semis et la plantation. La bouture et la mar- cotte, très employées par les arboriculteurs, ne trouvent leur application en sylviculture que dans certains cas particuliers dont nous indiquerons les principaux. Mais faut-il planter, faut-il semer? Telle est la première question qui se pose. Les circonstances si diverses de climat, de sol et de situation dans lesquelles on est appelé à opérer, la variété même des essences à employer, ne permettent pas de répondre d'une manière catégorique. Toutefois, d'après l'ensemble des faits acquis, on peut résumer la situation comme suit : 11 vaut mieux planter que semer : 1° sur les terrains mouilleux, sur ceux que les gelées sou- OBSERVATIONS GENERALES. 325 lèvent avec facilité, <>u qui sont couverts d'herbes, oL dans les stations élevées où le climat es! rude; 2° dans les endroits où les graines sont exposées à être dé- vorées par les animaux ; .'{n clans les régions chaudes, où les racines doivent être de suite assez profondément enfoncées pour résister à une vive insolation et à des sécheresses prolongées. En outre, avec la plantation, on peut, mieux qu'avec le se- mis, régler à son gré la consistance des peuplements et le mélange des espèces. Enfin, on s'aperçoit plus tôt des insuccès et il est plus facile de les réparer. La plantation sera donc la règle, le semis se trouvant loca- lisé : 1° dans certains terrains pierreux où la plantation serait très difficile ; 2° dans les régions où l'on peut obtenir de la graine à très bas prix, et quand le terrain, pour être ensemencé, ne demande pas une préparation particulière ; car, dans tous les autres cas, il coûte plus cher que la plantation. Un des principaux inconvénients du semis est, en cas de réussite, de donner sur un même point des plants trop nom- breux, qu'il faut largement desserrer de bonne heure, sur- tout lorsqu'il s'agit de résineux. Ce travail occasionne un surcroît de dépense dont il faut tenir compte. Depuis que l'art de planter, trop longtemps négligé en France, a rapidement progressé sous l'impulsion des grands travaux de reboisement, la pratique de la plantation a établi sa supériorité sur le semis : le fait est incontestable. Mais, en matière de boisement, pas plus qu'en matière de traitement, il ne faut s'en tenir à la théorie immuable ; car rien ne peut se résoudre en dehors des questions de temps et de lieu. Tous les moyens sont bons quand on sait les employer à propos. 326 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. ARTICLE II LE BOISEMENT PAR SEMIS Qualité des semences. — Leur récolte. — Leur conservation. — Préparation du sal avant le semis. — Les différents modes de semis : en plein ou à la volée ; — par places ; — par bandes continues ou brisées ; — par trous ou potets ; — en terrain non préparé ; — semis expéditifs. — Répandage de la semence. — Quantité de semence à employer. — Saison favorable pour faire les semis. — Application aux essences sociales. — Soins à donner aux semis. Qualité des semences. — La réussite du semis dépend, en premier lieu, de la qualité de la semence; on doit toujours s'en rendre compte avant l'emploi. A la simple inspection, on peut juger si la graine est bien pleine, si elle a une odeur et une saveur fraîches, si l'amande présente la couleur normale de l'espèce à laquelle elle appar- tient; on peut aussi, en plongeant les semences dans l'eau, considérer comme bonnes celles qui tombent au fond et com- me vaines, celles qui surnagent; ou bien encore, en les mettant sur une plaque de fer rougie au feu, on regarde celles qui éclatent en sautillant comme ayant conservé leur faculté ger- minative, tandis que celles qui se consument lentement sont mauvaises. Mais tous ces procédés ne donnent que de simples présomptions; pour avoir des renseignements à peu près certains, — et la question en vaut la peine, — il faut soumettre toutes les graines à l'épreuve du germoir artificiel : c'est également le seul moyen de constater la fraude qui consiste à livrer certaines espèces, au lieu d'autres, dont les fruits sont plus rares. A défaut d'appareils spéciaux, on peut toujours placer dans les conditions convenables à la germination un certain nombre de graines comptées à l'avance, et établir la proportion de celles qui germent et de celles qui ne germent pas ; il suffit, par exemple, de les semer dans des terrines que l'on place sous vitraux sur couche chaude ; ou bien de les disposer, dans une serre ou dans une chambre à température élevée, entre deux LE Moisi MENT l'Ail SEMIS. :vn doubles de flanelle dont les extrémités plongent dans un récipient plein d'eau, etc. D'une manière générale, plus les semences sont légères plus grande est la proportion des stériles, A l'exception des glands et des faînes, dont la bonne qualité est toujours facile à constater, les semences des autres espèces feuillues sont peu employées sous forme de semis direct ; elles s'obtiennent du reste à des prix assez bas pour qu'il n'y ait pas grand intérêt à les ménager. La qualité des graines résineuses est très variable suivant les espèces; ainsi, quand les semences de sapin pectine, d'épicéa, de pin sylvestre, pour être considérées comme bonnes, ne doivent pas ren- fermer plus de 10 p. 100 de graines vaines, on en accepte 30 p. 100 pour celles de mélèze (1). Il faut aussi tenir compte de ce fait qu'à l'air libre, la germination naturelle donne toujours un résultat inférieur à celui des épreuves ; outre les accidents météorologiques à re- douter, les mulots, les oiseaux et les insectes occasionnent, en effet, un déchet sérieux. Dans tous les cas, si l'on achète des graines dans le commerce, c'est une économie mal placée que de s'adresser à des maisons n'inspirant pas toute confiance, ou d'utiliser des « fonds de sac » des années précédentes. Le mieux, quand cela est possible, est de ramasser soi-même en forêt les semences dont on a besoin. Il faut alors donner tous ses soins à leur récolte et à leur conservation ; les indi- cations suivantes serviront de guide dans cette double opé- ration. Récolte des semences. — A moins de circonstances excep- tionnelles, on ne doit récolter que des graines provenant d'ar- bres sains, exempts de tares héréditaires ( fig. 77), vigoureux et croissant dans leur station. La récolte ne se fait que quand les graines sont complètement mûres. Les graines lourdes se ramassent sur le sol après leur chute naturelle ; les graines (1) Les cônes de résineux, dans leurs portions terminale et basilaire, ne renferment souvent que des graines stériles. Des cônes très courts, comme ceux du mélèze, fournissent donc une proportion de bonne graine bien inférieure à celle que l'on trouve chez des espèces à cône allongé, comme l'épicéa. 328 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. légères et les cônes des résineux doivent être cueillis direc- tement, en montant sur les arbres. Les glands des chênes mûrissent et se disséminent vers la fin de l'automne. Parmi ceux qui tombent les premiers, il s'en Fig. 77. — Anomalies de structure: libre-torse (défaut héréditaire); loupe (défaut purement local) et sections faites dans les loupes. trouve beaucoup de véreux ; pour les ramasser, il faut donc attendre le moment où la chute se fait abondamment ; on choisit alors ceux qui sont fraîchement tombés et les plus gros, l'expérience ayant indiqué que ces derniers donnent les plants les plus forts. En faisant cette récolte, il est extrêmement important de bien distinguer les il, BOISEMENT PÀB SEMIS. 329 glands du chêne rouvre el ceux du chêne pédoncule ; les deux espèces ont, <»n effet, des exigences bien différentes, dont il faut tenir compte, sous peine de mésaventures diffici- lement réparables. La faine mûrit également à la fin d'automne; on la recueille par terre, à la main ou au balai ; quelquefois, on la fait tom- ber sur des draps étendus au pied des arbres, dont on frappe les rameaux avec de longues perches. Les glands de charme se récoltent à la main vers la im d'automne, après la chute des feuilles, ou bien on gaule les arbres, comme cela vient d'être dit pour les faînes. La samare des érables et celle du frêne, mûrissent aussi en automne ; on les récolte à la main, sur l'arbre, après la chute des feuilles; chez l'érable sycomore et le frêne, ces semences restent suspen- dues jusqu'à la fin de l'hiver, celles de l'érable plane se dissé- minent plus tôt. La samare des ormes mûrit vers la fin de mai, ou au com- mencement de juin; elle s'envole bientôt. On la ramasse surtout le long des routes et dans les allées des promenades publiques où ces arbres sont abondants. Il importe alors de savoir distinguer l'orme champêtre de l'orme de mon- tagne, car ces deux espèces, dont les bois ont des qualités bien différentes, sont souvent mélangées comme arbres d'agré- ment. Les semences d'orme germent de suite après leur dis- sémination ; beaucoup sont vaines. "Les cônes du bouleau mûrissent en septembre; ils se désar- ticulent bientôt après, et la graine tombe en même temps que les écailles. Ceux qui mûrissent les premiers, de même que ceux qui restent sur l'arbre jusqu'en novembre, ne contien- nent généralement que des semences infertiles. Les cônes des aunes blancs et glutineux ne se désar- ticulent pas ; ils s'entr'ouvrent et laissent échapper leurs petites graines, depuis le commencement de décembre jusqu'au printemps. On ramasse ces cônes, en automne, dès que les écailles en deviennent brunes; on les conserve dans un lieu sec, et la semence se sépare tout naturellement. Les graines de sapin pectine mûrissent en septembre et tombent des cônes avec les écailles, surtout après les gelées, 330 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. dans l'espace d'une quinzaine de jours. Les cônes sont dressés sur les branches du sommet de l'arbre ; il faut se hâter de les y cueillir au moment précis de la maturité. Les cônes d'épicéa mûrissent au mois d'octobre, ils ne s'entr'ouvrent pas de suite et on les cueille pendant l'hiver. Lorsque la température est douce, les graines commencent, dès cette saison, à s'échapper des cônes et à s'envoler; le plus souvent la dissémination ne se fait qu'au printemps. La récolte des graines de mélèze s'opère dans les mêmes conditions que celles de l'épicéa, en évitant de ramasser les cônes vides, qui restent plus d'une année attachés à l'arbre après la dissémination. On peut aussi la récolter sur la neige durcie, dans les dépressions où le vent l'a balayée. Les cônes de pin sylvestre mûrissent dix-huit mois après la floraison, pendant l'automne de l'année suivante; les semences se disséminent au printemps. On cueille les cônes pendant l'hiver. Il en est de même des pin maritime, pin de montagne, pin laricio, pin cemhro. Les graines de pin d'Alep se récoltent au printemps de la troisième année qui suit la floraison ; les cônes vides restent indéfiniment attachés aux rameaux. La désarticulation des cônes du sapin se fait facilement et par simple torsion dans les mains. Tous les autres cônes s'ouvrent sous l'influence de la chaleur et de la séche- resse. La récolte et la préparation des graines, — des graines résineuses surtout, — sont l'objet d'une industrie très im- portante. Le plus souvent, le commerce les façonne dans des établissements spéciaux, auxquels on donne le nom de sé- cheries) à défaut de séchoir artificiel, on soumet les cônes à la chaleur solaire, en des endroits exposés au midi et bien abrités contre les vents. Les graines ainsi obtenues sont mu- nies de leurs ailes; si elles doivent être conservées un cer- tain temps, il estpréférable de les laisser intactes, mais, avant l'emploi, il convient de les désailer. Cette opération se fait en humectant légèrement la graine ; on la met ensuite dans des sacs remplis au quart environ, et qui sont secoués par LE ItnlM Ml [S r l'Ai; SI MIS. 33 i des ouvriers tenant chacun deux des quatre coins. Le net- toyage s'obtient au moyen de vans(l). Conservation des semences. - Les fruits lourds, comme la châtaigne, le gland et la faîne, moisissent facilement; il est impossible de les conserver pendant plus d'un hiver, et encore est-il nécessaire de prendre certaines précautions assez déli- cates, car il faut les garantir en même temps contre la ger- mination (2), la moisissure, le froid, le dessèchement et la voracité des animaux. C'est dans des silos qu'on obtient les meilleurs résultats ; on peut aussi renfermer les glands dans des tonneaux percés de trous et qu'on immerge dans de l'eau courante. Si Ton préfère conserver ces semences dans un grenier, — ce qui est également bon, — on doit, aussitôt après la récolte et le nettoyage, les étendre au soleil, en couches minces ; on les brasse deux ou trois fois par jour, si elles sont très humides. Après complet dessèchement, on les place par couches de 3 à 5 centimètres d'épaisseur sur le plancher d'un grenier, où il faut les remuer tous les jours pendant le premier mois, — ensuite, une fois par semaine. Une forte aération du grenier est nécessaire. La graine de sapin est aussi très délicate, à peine se con- serve-t-elle pendant un hiver. Celles des pin d'Alep, pin pinier, pin cembro, qui ren- renferment une assez grosse amande, rancissent très vite et se conservent difficilement au-delà de six mois. De même les semences légères et sèches de plusieurs bois feuillus, tels que l'orme, le bouleau, l'aune, perdent en quelques mois leurs facultés germinatives. Les glands de charme, les samares de frêne, quelquefois aussi les samares d'érable, restent une année en terre avant de germer; on les stratifié alors, durant un an, au fond de simples rigoles ouvertes dans un terrain sain et frais, en les recouvrant de 10 à 15 centimètres déterre. La graine d'orme doit être semée au printemps, aussitôt après dissémination ; (1 Voir les articles de M. Thil sur la «. Récolte et préparation des graines résineuses » {Bévue des eaux et forêts, t. XXIII, 1884). (2) Une température de -j- 4° suffit à la germination des glands. 332 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. le même procédé permet de retarder sa germination jusqu'au printemps suivant. Toutes les autres graines se conservent plus ou moins longtemps dans des greniers bien aérés, où l'on a la précaution de les remuer pour éviter réchauffement. Mais la conservation d'une semence a toujours pour effet d'en altérer peu à peu la vitalité, jusqu'au moment où toute faculté germinative est perdue. En général, plus on s'éloigne, en semant, de l'époque de la récolte, plus la ger- mination est irrégulière, lente à se produire, et moins aussi les plants obtenus ont de vigueur. Le tableau suivant con- tient le résultat des essais de graines de différents âges, poursuivis par M. l'Inspecteur Pierret à l'Ecole forestière des Barres. NOMBRE FACULTÉS DE GRAINES. GERMINATIVES (Tain p. 100) ESSENCES. 6 il ex o <6 -ai a a < O c < Ci 7 A défaut de fumier de ferme, pour rendre au sol la matière organique dont il ne peut se passer, on a recours ;< des composts faits de déchets de jardin, de feuilles ramassées en forêl, d'herbes, de pourrissoirs, d'ajoncs, de genêts, etc.. préparés dans les conditions qui seront indiquées plus loin. Nous venons de constater la pauvreté de ces composts en sels nutritifs; aussi, pour rétablir l'équilibre rationnel entre l'importation et l'exportation, est-il toujours indis- pensable de leur mélanger des engrais organiques ou minéraux; ceux-ci sont incorporés dans la masse des com- posts au moment de leur préparation, et dans des propor- tions variables suivant la qualité du sol naturel et son degré d'épuisement en telle ou telle substance. Il existe dans le commerce toutes sortes de poudres ou mé- langes dont les vendeurs disent merveille pour leur emploi en pépinière. H y a toujours lieu de se méfier des falsifications, et le plus sage sera de se procurer des engrais titrés en s'adressant aux syndicats et aux stations agronomiques. En toutes circonstances, et pour éviter des analyses longues et coûteuses, on peut, sans crainte, choisir entre l'une des formules ci-après, qui se recommandent par la notoriété de leurs auteurs : « Pour les vergers, dit M. Grandeau, on se trouve bien, à l'hectare, des fumures suivantes : 2000 kilog. de scories de déphosphoration ; ou 600 — de kaïnite; ou 200 — de chlorure de potassium, « On peut aussi employer le mélange indiqué par P.Wagner, savoir : 200 kilos superphosphate double ; ou 500 — de superphosphate à 16 p. 100 et 160 — de chlorure de potassium; ou 230 — de phosphate de potasse et 40 — de chlorure de potassium. « Ces fumures de tête doivent être incorporées dans les « fumiers composts avec lesquels ils sont répandus avant la « façon; après le labour et l'épandage des graines au prin- 358 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. « temps, on sème, à la volée, 200 kilos de nitrate de soude à « l'hectare (1). » Les pépinières de l'Ecole forestière d'Eberswalde (Prusse) en sol siliceux très pauvre, ont été entretenues dans un parfait état de rendement par l'emploi, à l'hectare, sous forme de mélange dans les composts, de : 50 kilos de poudre d'os azotée 50 — de scories de déphosphoration 100 — de sang desséché 50; — de sulfate d'ammoniaque 150 — de carnallite (2). Ces quantités suffiront pour une et, au plus, pour deux récoltes ; il est facile, d'ailleurs, d'apprécier l'époque du re- nouvellement par l'aspect des cultures. Fumiers et composts nourris sont, en général, employés dans la proportion de 8 à 10 mètres cubes à l'hectare. Enfin, comme source gratuite d'azote, on peut semer dans les jachères du lupin ou toute autre plante légumi- neuse. Nous nous sommes très bien trouvés de ces cultures dérobées, qui, en même temps qu'elles sont utilisées comme engrais verts, étouffent les mauvaises herbes et dispensent des sarclages. En ce qui concerne l'emploi du fumier, on remarque que les racines des jeunes plants, mises en contact immédiat avec des matières fraîches, sont exposées à la moisissure. Pour éviter cet inconvénient, il est bon de faire précéder le semis d'une culture de plantes sarclées, ou mieux, de stratifier les fumiers pendant une année dans des fosses abritées contre les pluies et le soleil et où ils seront nourris. Le terreau. — Quant au terreau utilisé en couverture, lors de l'exécution des semis, on peut le préparer économique- ment de la manière suivante : En dehors de la pépinière, mais aussi près que possible et en donnant la préférence aux endroits bien abrités, on creuse (1) L. Grandeau, La fumure des champs et des jardins, 6e édition, p. 126, Paris, Librairie agricole, 1897. (2) Schwappach, Ueber Mineraldûngung in Forstg'Arten (Zeitschrifl fur Forst-und-Jagdwesen, t. VII, juillet 1891). i.i: BOISEMENT PAH PLANTATIONS. 359 une tranchée de 60 à so centimètres de profondeur el (Tune largeur de ,'J à i mètres; on en règle le fond avec une inclinai- son convenable vers des fossés d'écoulement, de telle sorte que l'eau n'y séjourne jamais. Dans ce pourrissoir, on accumule des feuilles sèches ramassées à L'automne, au moment de leur chute naturelle et, de préférence, par un temps humide; on les tasse d'ailleurs convenablement ; on y ajoute tous les débris de la pépinière : ce sont, des herbes, des brindilles non ligni- fiées, des mousses, des pailles, des gazons, des cendres (1); mais il faut avoir le plus grand soin, et cela est d'une im- portance capitale, de ne jamais jeter au pourrissoir que des piaules qui n'ont pas fleuri. Dès qu'une mauvaise herbe est montée en graine, elle doit être brûlée, autrement on la re- sème avec les composts. Pour activer sa décomposition, la masse doit être remaniée deux fois par an, le plus sonvent en mai et en septembre, épo- ques où l'ouvrage ne presse pas dans les pépinières; on profite de ces moments pour faire les additions convenables d'en- grais chimiques. Il faut, en moyenne, trois ans pour obtenir l'état de terreau. La longueur à donner à la fosse sera proportionnée à la quantité de terreau qu'on veut produire annuellement, en te- nanteompte de ces faits, que cette fosse doit toujours présenter : 1° une place vide pour recevoir la provision de feuilles à ramasser à l'entrée de l'hiver; 2° un premier tas de feuilles stratifiées depuis un an; 3° un second de celles de deux ans; 4° le terreau de trois ans prêt à être employé. Il faut, de plus, avoir soin que ces dépôts soient séparés entre eux d'un espace suffisant pour qu'on puisse les remuer en les déplaçant par un simple jet de pelle. Par les temps secs, il sera bon d'arroser le pourrissoir de temps à autre. Ces arrosages seront rendus plus efficaces quand ils seront additionnés de purin, des eaux de vi- dange, de lessive, de savon ou de cuisine, ou enfin de guano dissous. Tous les terreaux, quelle que soit leur provenance, doivent être passés à la claie avant leur emploi. (1) En forêt, on peut s'en procurer de grandes quantités, et à très bon compte, en les ramassant dans les baraques des bûcherons. 360 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Aménagement de la pépinière. — Une pépinière destinée à fournir des plants d'espèces et de dimensions variées, doit être divisée en grandes sections dans lesquelles on cantonne : 1° les semis feuillus ou résineux à planter à demeure, dès l'âge de deux ans, sans repiquage ; 2° les semis destinés à être repiqués à un an ; 3° les planches à repiquer, ou batardières, qui se divisent en compartiments séparés pour les bases tiges, demi-tiges et hautes tiges. >, ■- Afin de simplifier les travaux de toute nature* il est bon qu'un compartiment ne soit occupé que par des plants à ex- traire au même âge; sous cette réserve, on peut admettre plusieurs essences dans le même carré. Quand les plants sont extraits au printemps pour être mis en place, la saison est, le plus souvent, trop avancée pour qu'on puisse immédiatement les remplacer par de nouveaux semis. Le carreau d'où ils sortent reste donc improductif pendant une saison; on devra néanmoins le sarcler avec autant de soins que s'il était occupé ; aussitôt après l'ex- traction des plants, on répandra sur leur emplacement la quantité d'engrais nécessaire, puis on donnera un bon la- bour; dans cette terre, ainsi fumée et bien préparée, on cultivera une récolte de plantes agricoles sarclées : bette- raves, carottes, pommes de terre, choux, légumineuses, fourrages, etc., dont la valeur paiera, en grande partie, les frais de fumure et le travail ; au printemps suivant, il suf- fira d'une légère façon pour que le carreau se trouve en parfait état pour recevoir les semis. Il faut donc, de toute manière, consacrer trois carreaux à la production de plants de deux ans et deux à celle de plant de un an. Une disposition semblable sera adoptée pour les semis extraits à un an pour repiquages ; on ne donnera, toutefois, à la terre livrée à la culture agricole qu'une fumure propor- tionnée à la durée de la rotation. Cette alternance de cultures agricoles et forestières établit, dans l'ensemble de la pépinière, une sorte d'assolement régu- lier dont l'effet ne peut qu'être utile à la bonne venue des plants, et les mettre à l'abri des germes infectieux, dont la L1-: HOISEMKNT l'Ail PLANTATIONS. 361 vitalité persiste plusieurs années sous terre. Dana la rotation ainsi établie, il sera bon de faire alterner les semis de feuillus avec les semis de résineux, de façon à ne pas demander au même terrain deux récoltes consécutives de la même essence. Étendue de la pépinière. — Comme les plants de deux ans ne s'obtiennent qu'à raison d'une récolte sur trois car- reaux, il faut multiplier par trois la surface occupée par les plants bons à être mis en place. En général, on peut compter sur une production moyenne de 400 plants'par mètre carré : soit 10 000 plants par are de semis de deux ans, et un tiers, ou 13 333, par are de pépi- nière. En tenant compte des déchets, des accidents et des non valeurs, ce chiffre doit être abaissé à 10000; il justifie donc la donnée empirique généralement adoptée pour les pépinières qui approvisionnent les chantiers des boisements obligatoires, laquelle consiste à fixer pour l'ensemble des pépinières une étendue représentée, en ares, par le chif- fre des surfaces à reboiser annuellement, exprimé en hectares. Si l'on veut employer des plants repiqués, il faudra tripler, quintupler même les surfaces cultivées, et la dépense sera augmentée dans la même proportion. Les outils. — Les outils à employer dans les pépinières n'ont rien de spécial ; ce sont ceux dont se sert généralement la culture maraîchère dans la région où l'on se trouve. D'ailleurs, en ce qui concerne l'exécution des semis, l'im- portant n'est pas d'aller vite, mais de bien faire. Il faut donc se méfier des outils soi-disant perfectionnés dans le seul but d'activer le travail. Le semis est toujours une opération mi- nutieuse, et le temps que l'on croit gagner dans une exécu- tion plus rapide se paie souvent fort cher par une réussite incomplète. Les clôtures. — Toutes les pépinières permanentes ou volantes doivent être défendues par une clôture contre les dégâts des animaux domestiques ou sauvages et contre les maraudeurs. Suivant les cas, cette clôture sera formée de murs, de haies vives, de palissades ou de treillages. Pour les pépinières volantes, on choisit de préférence un mode économique de clôture mobile : treillage à larges 362 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. mailles, fils de fer, cordon simple ou double de ronce arti- ficielle, piquets et longrines provenant d'exploitations quel- conques, etc Les dangers à combattre. — Outre les accidents pro- venant des causes atmosphériques et dont on trouvera plus loin des moyens de prévenir les fâcheux effets, les pépinières sont exposées à de nombreux dangers de la part des ani- maux : sangliers, lapins, taupes, mulots, oiseaux, larves de hannetons, courtilières, etc. Elles sont aussi attaquées par des organismes inférieurs de la classe des champignons. On se préserve contre les sangliers qui viennent dévaster les semis de glands ou de faînes, soit avec de solides clô- tures, soit en piquant dans les carreaux ensemencés des baguettes à l'extrémité supérieure desquelles sont suspendus des chiffons imbibés de pétrole qu'on renouvelle quand il est évaporé. — Contre lièvres et lapins les entreillagements sont nécessaires, bien qu'on ne doive pas toujours compter sur leur efficacité. — Les taupes se prennent aux pièges. — Quand les mulots sont très abondants, il est fort difficile pour ne pas dire impossible de s'en débarrasser, même avec le poison, dont l'emploi, toujours dangereux, n'est pas à recommander. Malgré la protection que nous réclamons en faveur des petits oiseaux, nous ne pouvons qu'engager ici à se défendre énergiquement contre ceux d'entre eux qui se montrent très friands de certaines graines et surtout des semences résineuses ; le danger existe de leur côté depuis le mo- ment où la graine est mise en terre jusqu'au moment où la jeune tigelle est débarrassée de l'enveloppe ou chapeau qu'elle pousse hors de terre. Pour les éloigner, on fait cir- culer autour des carrés un enfant muni d'un fouet, ou un garde armé d'un pistolet qu'il tire à blanc de temps en temps. Quand on peut se procurer à bon marché de vieux filets de chasse ou de pêche, on les utilise en les étendant à 30 ou 40 centimètres au-dessus des planches, mais en ayant soin de les tenir bien fixés contre terre sur tout leur pourtour et de fermer soigneusement tous les trous. Ces différentes précautions sont les seules efficaces, LE BOISEMENT PAB PLANTATIONS. 363 car, en général, les épouvantaila produisent peu d'effet. On dit cependant qu'il y en à de bons (1) et il n'en coûte guère de les essayer; on fera bien, dans ce cas, d'en chan- ger souvent la forme et remplacement. Parmi les insectes, la larve du hanneton, connue sous le nom de mans ou ver blanc, est un des plus redoutables, surtout dans les terrains meubles. Un moyen pratique, sinon pour la détruire, du moins pour atténuer ses dégâts, est de la chercher en terre, soit à la main, soit avec un outil, partout où le dépérissement rapide des plants signale sa présence. On facilite d'ailleurs ces destructions en plantant, comme le font les jardiniers, des bordures-pièges formées de plantes dont ces larves sont très friandes, tels que des fraisiers et des laitues ; les recherches sont alors localisées sur ces bordures où les dégâts sont aisés à constater ou à suivre. Dans une étude, publiée dans la Revue des eaux et forêts (2), M. l'Inspecteur Croizette-Desnoyers recommande, comme très efficace, l'emploi de benzine répandue dans le sol, à raison de 30 kilogrammes par hectare, au moyen du pal-injecteur Gonin. La chenille d'un lépidoptère, Ag rôtis segetum, connue sous le nom de ver gris, commet des dégâts en tout sem- blables à ceux de la larve du hanneton, notamment sur les jeunes semis de chêne, dont le chevelu et le pivot sont complètement rongés ; on la détruit par des procédés ana- logues. Les courtilières, à tous les âges, rongent les racines des jeunes semis; quand elles sont nombreuses, elles ravagent en peu de temps des carreaux entiers, dont elles parcourent toutes les rigoles. Les procédés les plus usuels pour les com- battre sont les suivants : 1° on fait la perquisition des nids renfermant les œufs et on les détruit. Les courtilières fréquentent de préférence les (t) Citons les petits miroirs de la grosseur d'une pièce de 5 francs que l'on suspend par de longues ficelles à côté des planches de semis : les rayons lumineux qu'ils lancent de côtés et d'autres inquiètent les oiseaux. (2) Août 1888. 364 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. lieux humides, les abords des fossés d'irrigation ; c'est là qu'on trouve leur trace sur les points où gisent les débris des plantes dévorées ; ces nids, parfois assez profondément enfoncés dans le sol, se présentent sous la forme d'une boule de terre de la grosseur du poing, dans laquelle les œufs sont renfermés. La recherche des nids doit se faire en mai et en juin ; 2° on prend des pots à fleurs de 20 centimètres de dia- mètre environ, on bouche avec un liège l'ouverture infé- rieure et on les enfonce aux endroits des plates-bandes où de petits sillons annoncent le travail de l'insecte; le rebord supérieur du vase doit être à quelques centimètres au-des- sous du niveau du sol : la courtilière, en suivant son sentier habituel, tombe dans le vase d'où elle ne peut sortir. Le mieux est d'entourer les planches attaquées, ou celles qu'on veut préserver, avec des voliges fixées verticalement et fai- sant saillie de 10 à 15 centimètres sur le sol ; les pots sont disposés, comme il vient d'être dit, à l'intérieur et à l'exté- rieur et tout contre ces planches, qui guident l'insecte vers les pièges lorsqu'il veut entrer dans l'enceinte ou en sortir ; 3° on recommande de préparer, en septembre, dans les pépinières contaminées, des tas de fumier de cheval mesurant de 1 à 2 mètres cubes. En décembre ou en janvier, si on rompt ces tas, on y trouvera en quantité les courtilières en- gourdies (1). Le fumier doit être frais; 4° au printemps, on étend sur le sol nouvellement arrosé, des paillassons, sous lesquels les courtilières viennent s'abriter contre la chaleur du jour ; 5° on peut aussi leur faire la chasse en introduisant, par l'ouverture des galeries, des huiles grasses ou minérales, qui font immédiatement sortir les insectes ou les tuent dans leurs réduits. Mais tous ces procédés ne sont que des palliatifs ; ils atténuent le mal, sans le supprimer, surtout quand on a eu la mauvaise fortune d'installer une pépinière dans un milieu favorable à la multiplication de ces hôtes dangereux. (1) Séance de la Société pomologique, avril 1880. LE B0I88MBXT l'Ait PLANTATIONS. 365 Un remède enfin contre les limaces, qui détruisent les feuilles cotylédonaires des semis de hèlre aussi bien en pépi- nière qu'en forêt: on enduit de graisse ou de beurre, — qui peut être rance, — des petites planchettes qu'on dispose dans les semis, la face grasse tournée vers le sol; en visitant ces pièges de bonne heure le matin, on détruit quantité de cette gluante vermine. Les champignons engendrent sur les plantes tout un cortège de maladies. Tous les jours on en découvre de nouveaux, et il n'est pas surprenant que les cultures artificielles, qui leur fournissent en grande masse la nourriture préférée, soient plus exposées encore à leur ravage que les peuplements spontanés. Ne pouvant entrer ici dans tous les détails que comporte la question, nous ne citerons que les maladies les plus connues et les plus graves. Il est rare, par exemple, que dans une pépinière déjà an- cienne, les semis de pins sylvestre, comme ceux de toutes les races de laricios ne soient pas atteints par le Rouge, maladie provoquée par le mycélium de Leptostroma pinastri. Pour le combattre, M. l'Inspecteur Bartet (1) a eu l'idée d'user de bassinages à la bouillie bordelaise dans les con- ditions employées contre le mildew de la vigne (2) ; à la pépinière de Bellefontaine, dans les bandes ainsi traitées, le plus grand nombre des plants ont été sauvés, tandis que, dans les bandes témoins, intercalées au milieu des autres et laissées sans traitement, tout était perdu. Le procédé peut donc être recommandé ; il est même probable qu'il trouverait son appli- cation dans d'autres circonstances. Phytophtora fagi, est commun à toutes les essences et plus particulièrement au hêtre, chez lequel il provoque la maladie de l'embryon. Dès la germination, les plants sont atteints et, si le temps est humide, la pourriture s'étend bientôt de proche en proche : les taches contaminées sem- blent roussies par le feu. La sécheresse arrête le mal. Rosellinia quercinia attaque les jeunes semis de chêne en (1) Bartet et Vuillemin, Note présentée à l'Académie des sciences, séance du 27 février 1888. (2) Société pomologique, loc. cit. 366 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. pépinière lorsqu'ils sont âgés de un à trois ans. Le mycélium se propage sur les racines et tue les plants. Les moyens pratiques pour combattre ces germes infec- tieux sont à peu près les mêmes pour toutes les espèces ; et nous résumons ceux que recommande le savant Professeur Robert Hartig dans son traité sur les maladies des arbres forestiers (l) : ne pas installer les pépinières de résineux au milieu des forêts de pins ; les placer, autant que possible, sur le péri- mètre Ouest, de façon que les vents dominants qui vien- nent de cette direction aient passé sur des champs plutôt que sur des peuplements forestiers, d'où ils arrivent chargés de germes morbides ; orienter les bandes de semis dans la direction Nord-Sud en élevant à l'Ouest un petit bourrelet de terre qui arrêtera ces mêmes germes ; ne semer ni pin, ni hêtre dans les planches où des ma- ladies se seraient manifestées sur des espèces similaires depuis moins de quatre ans; on peut cependant, en ce qui concerne le hêtre, y repiquer des jeunes plants de deux ou trois ans, les champignons à craindre ne s'attaquant qu'aux sujets naissants ; éviter tout ce qui peut entretenir l'humidité, c'est-à-dire les abris, les couvertures, les paillis ; en un mot aérer, et activer l'évaporation dès que le mal apparaît ; extraire avec soin tous les plants malades, et les placer de suite dans un récipient fermé d'où ils ne sortiront que pour être brûlés ; éviter de passer dans les planches saines en sortant des planches malades, car les spores s'attachent aux vêtements, aux chaussures, et on les transporte avec soi. C'est d'ail- leurs à cause de la propagation par les hommes et par les animaux qu'on voit surtout le mal se développer le long des chemins et sentiers ; quand il s'agit de maladies souterraines qui s'attaquent (1) R. Hartig, Wichtige Krankheiten der Waldbaûme, Berlin 1874. Traduction de MM. Gerschel et Henry, Nancy, Berger-Levrault 1891. LE BOISEMENT l'A il PLANTATIONS. 367 aux racines, creuser des fossés profonds autour des parties contaminées, de façon à arrêter la marche du mycélium dans le sol. Ajoutons qu'une excellente mesure consiste, des qu'un compartiment de pépinière est attaqué par un champignon, à isoler les parties indemnes des points contaminés par un rideau de branches hautes de 2 mètres environ et feuille es jusqu'au bas: ce n'est là sans doute qu'un palliatif, mais il suftit à rendre les progrès de la maladie assez lents pour qu'on ait le temps de prendre des mesures plus énergiques. Eniin, quand au cours d'une saison de végétation, on a constaté sur les semis d'espèces à feuilles caduques les signes d'une inva- sion cryptogamique, la prudence commande de ramasser et de brûler, dès les premiers jours de l'automne, les feuilles qui se détachent, car, bien souvent, c'est dans les feuilles mortes traînant sur le sol, que les spores du champignon arrivent à maturité: cette dernière remarque concerne spécialement le mélèze. 2. EXPLOITATION DE LA PEPINIERE. Exécution des semis : en plein ; — en rigoles; — en coffres ; — pro- cédés spéciaux ; — quantité de graine à employer ; — saison des semis. — Soins à donner aux semis : pralinage des graines; — abris contre la sécheresse; — abiis d'hiver; — abris contre les gelées printanières ; — abris permanents ; — arrosages et irrigations ; — sarclages; — binages. — Travaux divers : repiquage des plants; — leur extraction ; — leur taille et leur rhabillage ; — transport et em- ballage. Exécution des semis. — Pour les semis de toutes essences, on prépare le sol en planches parallèles, ayant une largeur de lm,20 et séparées entre elles par de petits sentiers. S'il a été possible d'orienter les côtés des grands carreaux dans les directions, les uns Nord- Sud, les autres Est- Ouest, on tracera les planches parallèlement à ces derniers ; on verra plus loin que cette disposition est avantageuse lorsqu'il s'agit de placer les abris. Semis en plein. — Dans chaque planche, on peut semer en plein, comme cela se fait pour les carottes dans un jardin ; 368 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. mais ce mode, qui distribue inégalement la graine sur toute la surface, en exagère la quantité ; de plus, les sarclages et les binages à l'aide d'outils sont impossibles, tout doit se faire à la main, ce qui est bien plus coûteux; les maladies crypto- gamiques s'y propagent aussi plus rapidement; enfin l'extrac- tion des plants y est rendue difficile par l'enchevêtrement général des racines : un grand nombre de brins, plus ou moins meurtris, doivent être rebutés. Aussi ce mode n'est-il à recommander que lorsqu'on destine les plants à être extraits en gazons pour les plantations à faire en mottes. Semis en rigoles. — Il est préférable de généraliser le système des rigoles ou sillons, dirigés, soit longitudinale- ment, soit transversalement et espacés entre eux de 10 à 30 centimètres, suivant l'âge auquel on se propose de con- duire les plants. Pour les résineux non repiqués, qu'on plante à demeure à deux ans, l'espacement de 15 à 18 centimètres est le plus convenable, en ce sens qu'il permet le passage du fer des outils à sarcler, à biner et à rechausser. On peut tracer les rigoles à la binette, à la laite, ou à la planche bavaroise. Dans les deux premiers cas, ces rigoles sont ouvertes suivant le sens delà longueur, dans le dernier, suivant le sens de la largeur des planches. Quand on opère à la binette, on tend un cordeau dans toute la longueur de la planche et à 10 centimètres de l'un des bords; avec la pointe de l'outil, on trace, le long du cor- deau, un sillon de 2 ou 3 centimètres de profondeur; on sème à la main et on recouvre la graine en nivelant le sol au râteau, puis on replace le cordeau à la distance conve- nable, et on ouvre un nouveau sillon ; ainsi de suite pour toute la planche. A la latte, on fait de même, en employant des lattes de 3 à 4 mètres de longueur, qu'on dispose le long du cordeau et qu'on frappe à la masse, de façon à tracer dans le sol un sillon de profondeur égale à leur épaisseur, c'est-à-dire 2 centimètres environ. Les lattes pourvues d'une double gorge semblable à celle de la planche bavaroise présentent un sérieux avantage sur la latte simple. La planche bavaroise se compose d'un madrier en bois dur LE BOISEMENT PAR PLANTATIONS. 369 (chêne, orme ou frêne) de 3 centimètres d'épaisseur, d'une lon- gueur ég a le à la largeur «les bandes (fîg. 7* el 81, h. j, soit 1"J20 et large de deux fois l'espacemënl adopté entre les rigoles. Sur la face inférieure de cette planche sont disposées deux paires de baguettes triangulaires espa- cées entre elles de la largeur entre p °>^€ »1 les sillons, soit 18 centimètres, et VWMMMmMMjB distantes des bords de la planche I g^i« , «nv¥ de moitié de cette largeur ; cha- °°9 , j , • , rig. 78. — Coupe delà planche cune' des baguettes juxtaposées bavaroise. a 3 centimètres de base sur '2 cen- timètres 1/2 de hauteur. En appuyant la planche ainsi dispo- sée sur un sol meuble et en la damant, on imprime deux doubles sillons bien espacés et d'une profondeur uniforme ; la graine, qui tombe sur la crête de la double gorge, glisse à droite et à gauche et se répartit en deux rangs espacés de 3 centimètres. Chaque chantier est muni de trois ou quatre planches sem- blables que Ton juxtapose successivement, et une à une, sui- vant toute la longueur de la bande. Ces petits appareils, qui nécessitent une terre meuble et saine, facilitent la besogne, économisent beaucoup de temps et donnent d'excellents résultats. Quel que soit le mode employé, au fur et à mesure que l'on trace les sillons, on y répand la semence, aussi uniformément que possible, en faisant varier la quantité suivant la grosseur et les espèces. Pour les résineux à petites graines, comme : le pin sylvestre, le pin de montagne, l'épicéa, le sapin, le mélèze, il suffit qu'il y ait, au fond de chaque rigole double du système bavarois, une seule série de semences se touchant dans leur travers. Pour assurer une bonne* répartition de la graine et se mettre à l'abri des nervosités toujours possibles dans les doigts du semeur, on a imaginé des instruments réglés à l'avance pour répandre automatiquement les quantités voulues. Certaines de ces machines sont bien compli- quées et ne fonctionnent bien qu'à la condition d'être parfaitement entretenues ; mais nous recommandons tout BorpE et Jolyet. -4 370 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Fig. 79. — Coupe de la règle semoir Gardot. particulièrement la règle semoir imaginée par l'Inspecteur Car- dot et qui a fait ses preuves dans les pépinières communales de l'arrondissement de Pontarlier. Cet outil très simple, et que tout le monde peut fabriquer, consiste en une règle de la lon- gueur de la planche bavaroise dontelle esten quelque sorte l'an- nexe. La section transversale a en est disposée comme l'indique la figure 79, c'est-à-dire que sa face supérieure est creusée d'une gorge dont laprofondeur est cal- culée de telle sorte qu'elle ren- ferme, pour chaque unité de lon- gueur, la quantité de graine à semer. Il suffit de remplir la gorge de semence et de faire circuler la réglette mobile/) le long- de l'arrête c pour faire tomber le trop plein ; puis, posant la règle chargée le long de la rigole, d'y verser son contenu. 11 va sans dire qu'on assortit tout un jeu de règles aux différentes semences et aux différents états de densités que l'on cherche à obtenir pour le semis d'une même essence. Quand on veut produire des plants résineux et bons à être mis en place, non repiqués, à l'âge de deux ans, il suffit de 3 à 5 kilos de pin sylvestre, pin d'Autriche, épicéa et mélèze par are, — si d'ailleurs les semences sont de bonne qualité. Il faudrait semer plus dru, si les graines étaient de qualité moindre ou si l'on ne voulait faire que des plants d'un an. Derrière le semeur, marche immédiatement un autre ouvrier, qui, muni d'une sorte de coffre en bois ou en tôle (fig. 80), remplit les sillons d'un compost formé de moitié Fig. 80. — CofTre à terreau utilisé à la pépinière de Bellelontaine. terreau et de moitié sable ou encore de sciure de bois. Les expé- riences poursuivies depuis quelques années à la pépinière de LE B0I8BMENT l'Ail PLANTATIONS, 371 Bellefontaine ont permis de constater que l'emploi de la Bçiure pure, provenant de bois de touLcs essences, sans excepter le chêne, donne d'excellents résultats ; la levée s'esi môme mon- trée plus complète et plus hàlive que dans le compost de terreau ; la seule condition essentielle à remplir, c'est epic la sciure soit bien saturée d'eau lors de l'emploi. 11 suffit de rabattre la substance employée en couverture jusqu'au niveau du sol, au moyen du revers d'une pelle, pour que l'opération soit terminée. D'ailleurs, la profondeur des sillons indique la quantité de terre qui doit recouvrir les semences ; cette quantité reste fixée à 2 ou 3 centimètres pour toutes les graines de résineux les plus usuelles de petite et moyenne grosseur. Semis en coffres. — Gomme le terrain d'une pépinière coûte toujours cher d'achat ou de mise en valeur et d'entre- tien, il faut que chaque unité de surface produise son maxi- mum de rendement en plants forestiers. Aussi ne saurait-on donner trop de soin à chaque opération. En ce qui concerne le semis, nous recommandons d'entourer les plates-bandes d'un cadre de planches brutes dressées en la forme du coffre employé par tous les horticulteurs ou maraîchers. Cette disposition présente une foule d'avantages : elle permet de renouveler sans grands frais la terre épuisée par la cul- ture, ou d'y doser plus facilement les amendements et en- grais, sans risque de déchets dans les zones d'entourage; — de créer les milieux artificiels pour cultures spéciales; — enfin elle facilite singulièrement la mise en place des diffé- rents appareils destinés à protéger les semis contre tous les dangers auxquels ils sont exposés. Le semis dans les coffres se fait d'ailleurs par les procédés ci-dessus détaillés ; il convient, surtout, pour les plants des- tinés à être repiqués à un an, qu'on peut semer très dru sans crainte de déchets, et pour économiser les graines dont le prix est élevé. Procédés spéciaux. — Pour les semis de grosses graines, qui demandent à être plus profondément enterrées que les précédentes, on trace, à la binette, des raies de 4 à 6 centi- mètres de profondeur et de largeur assez grande pour que 372 LÉS PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. deux ou trois graines puissent y entrer, placées de front. Souvent, lorsqu'on sème les glands en automne, et pour éviter les accidents causés par la gelée, on les enterre jusqu'à 10 ou 15 centimètres de profondeur, sauf à décaper la surface au printemps. Ce procédé n'est pas à recommander, parce que, malgré les précautions prises, les graines se trouvent enfouies à des profondeurs inégales et la germination ne se produit plus uniformément : on voit des chênes lever jusqu'en juillet et même seulement au printemps suivant, ce qui nuit à la régularité des bandes. Aussi, vaut-il toujours mieux semer à la profondeur normale, et, dans les régions où la gelée est à craindre, couvrir les semis de paillassons ou de feuilles mortes qu'on enlève au premier printemps. Quelle que soit la saison, une sage précaution à prendre immédiatement avant la mise des glands en terre, sera de les mouiller légèrement et de les agiter dans des sacs renfermant quelques poignées de minium rouge. Cette poussière minérale forme autour des graines un enduit qui les préserve de la vo- racité des animaux. L'enracinement du jeune chêne est constitué par un pivot simple, dont la longueur, dans un terrain bien défoncé, peut atteindre 50 centimètres, dès la première année. Semblable conformation rend délicates et onéreuses les manipulations, extractions et mise en place de ces plants ; depuis long- temps, les forestiers ont cherché à supprimer le pivot ou du moins à limiter son développement. Duhamel du Monceau signale la pratique, dite de Bretagne, qui consiste à établir au fond des rigoles un dallage qui arrête le pivot à la profondeur voulue. Dans le même ordre d'idées, M. le conservateur Le- vret a proposé de semer les glands sur un lit de pierres cassées, comme celles qui servent à l'empierrement des routes, et de les recouvrir d'une couche de bon terreau de 0m 10 d'épaisseur. Nous avons expérimenté ces deux procédés qui ne nous ont rien donné de satisfaisant, et il ne pouvait guère en être autrement; car, d'une part, le dallage étanche entretient une humidité exagérée qui pourrit les racines; d'autre part, le macadam produit un drainage qui assèche les plants. LE BOISEMENT l'Ait PLANTATIONS. 373 Quelques praticiens fonl germer les glands et ^- de se flétrir: les faînes mélangées de sable passent, directement et immédiatement, du germoirà la planche de semis. Contrairement à la pratique consacrée par L'usage, l'ihvien- teur du procédé recommande tout particulièrement de ne pas rechausser les Libelles des plants; car cette opération conduit à trop recouvrir les graines qui ne sont pas levées, ce qui relarde encore leur développement. On constate, en elïet, que la germination des faînes, comme celle des glands, n'ayant jamais lieu en même temps sur un même point, il s'écoule souvent 15 jours ou trois semaines entre l'apparition des pre- miers plants et la levée complète ; ces retards font que les der- niers levés n'ont pas un enracinement assez profond lorsque surviennent les sécheresses de l'été et qu'ils périssent en grand nombre dans les terrains qu'on n'irrigue pas. A partir de la levée, des sarclages et des binages répétés entretiendront les surfaces toujours meubles et bien propres. Cet excellent procédé est applicable aux chênes dans les mêmes conditions. Il existe, pour le semis de hêtre, bon nombre d'autres recettes, accompagnées de tour de main, dans le détail desquels nous ne pouvons entrer. On recouvre toutes ces graines lourdes de 3 à 6 cen- timètres de terreau, la couche étant d'autant plus épaisse que la terre est plus légère. Les semis de semences légères, aune et bouleau, se font en plein, et la graine n'a pour ainsi dire pas besoin d'être enterrée; il suffit de répandre à la surface une mince couche de ter- reau et de tasser légèrement avec un revers de pelle. L'aune doit être placé dans des conditions telles qu'il puisse être constamment irrigué ; les bords humides d'un fossé con- viennent très bien à ce genre de semis. La graine de bouleau germe difficilement dans les terres dont la surface n'est pas parfaitement ameublie. A défaut de terrain graveleux, on peut semer cette essence sur les anciennes places à charbon. Le procédé suivant est égale- ment à recommander pour le répandage de la semence, quand il est possible de disposer de porte -graines dans les forêts 376 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. voisines de la pépinière : avant la maturité complète des cônes, on coupe sur les arbres des branches de faible grosseur et bien pourvues de semences ; ces branches sont plantées sur le terrain à ensemencer; dans cette situation^ les cônes achèvent de mûrir et la dissémination des graines se fait natu- rellement: il suffit d'une pluie, même peu abondante, pour les coller sur la terre nue et, sans autre préparation, elles germent au printemps suivant. Ce même procédé peut être avantageusement employé pour le semis direct de cette essence. On réussit encore le semis de bouleau en répandant sa graine mélangée avec la proportion de sciure suffisante pour former sur le sol une mince couverture continue. Dans aucun cas, il ne faut craindre d'exagérer la quantité de cette semence, qui présente toujours une forte proportion de graines vaines. Comme toutes les graines légères, celle du bouleau germe et se maintient infiniment mieux quand la semence est abritée par un léger paillis de suite après l'épandage. Les aiguilles de pin font, à ce point de vue, une excellente couver- ture; une couche très mince suffit ; mais il faut craindre les dégâts des limaces, qui se réfugient en grand nombre dans ces milieux frais et humides. Nous préférons le procédé cité plus haut et employé par M. l'Inspecteur Bartet, qui consiste à semer la graine en mélange avec une quantité égale ou supé- rieure de sciure de bois. Les autres espèces feuillues se sèment rarement en pépinière, pu, du moins, en petite quantité. Les semences sont à bon marché et on ne les ménage pas, d'autant plus que les plants sont presque toujours extraits à un an pour être repiqués en vue de la production des moyennes ou hautes tiges. Rappelons seulement, au sujet des charmes, frênes et érables, que la semence ne germe régulièrement qu'après une année de strati- fication en rigoles, comme cela a été dit à propos de la conser- vation des graines. La semence mise en place ne doit pas être couverte de plus de 2 à 4 centimètres de terreau. Les essences résineuses de lumière sont celles qui sont le plus souvent cultivées dans le terrain découvert des pépi- nières. Les procédés indiqués plus haut leur sont applicables LÏB BOISEMENT l'Ail PLANTATIONS. 377 en tous points cl sans autres précautions spéciales. II n'en est pas tout à fait de même du sapin, essence d'ombre, beau- coup plus délicate à manier ; à ce point que, même parmi les forestiers, certains prétendent qu'il n'es! pas possible de l'obtenir de semis en pépinière. Rien n'es! pins simple cependant : il suffit d'avoir un terrain tel qu'il y trouvera l'abri nécessaire à son tempérament. Dans ce but, on choisit sous bois, dans une parcelle mise à l'état d'ensemencement, une ou plusieurs surfaces, suivant la quantité de plants à produire, dont la forme sera quelconque entre les tiges des porte-graines ; on nettoie le terrain, on le défonce en le débarrassant de toutes les racines vivantes et, dans la terre à bois ainsi préparée, on sème, comme s'il s'agissait du pin sylvestre ou de l'épicéa. — 11 va sans dire que cette petite pépinière annexe sera traitée, au point de vue des clôtures et des soins divers, comme l'établissement principal. Les abris d'hiver et d'été lui étant seuls fournis par le peuple- ment qui les protège, il faudra recourir aux engrais si l'on demande plusieurs récoltes consécutives à la même sur- face. Quantité de graines à employer. — Cette quantité varie, non seulement avec l'espèce, mais, pour une même espèce, avec la nature des plants à obtenir. Il faut semer plus dru pour utiliser les plants à un an que pour les em- ployer à deux ans, et, d'une manière générale, d'autant plus clair que les plants resteront plus longtemps en place. Cette considération est très importante, car un semis fait pour être extrait à un âge déterminé ne peut demeurer en rigoles, au delà de cet âge, sans subir une perte considérable. Chez les résineux, par exemple, qui végètent rapidement entre la deuxième et la troisième année, le déchet, par suite de manque d'espace, réduit d'environ moitié le nombre de plants récoltés à trois ans, alors qu'ils étaient semés pour l'être à deux ans. Aussi, malgré la dépense qu'entraîne le repiquage, il faut, si des circonstances indépendantes de la volonté empêchent d'utiliser les plants à l'âge voulu, les extraire et les rigoler en pépinière. Si l'on n'a ni le temps, ni le terrain préparé nécessaire pour cette opération, ne pas 378 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. hésiter à faire le dêpressage, mais, en se gardant bien de procéder par arrachage à la main ou avec un outil quelconque. La coupe au ciseau, par petites bandes alternes dans le travers de la rigole, est beaucoup plus expéditive, en ce sens qu'elle limite à la proportion voulue l'enlèvement des sujets sura- bondants, sans nuire à ceux qui restent en place. Pour les semis faits en rigoles et destinés à être extraits après leur deuxième année, dans les conditions moyennes de sol et de climat, il suffit d'employer, par 1,000 mètres cou- rants de rigoles, les quantités suivantes : 6 à 7 kil. d'épicéa désailé. 5 à 6 — de pin sylvestre (id.) 7 à 8 — de mélèze (id.) 8 à 9 — de pin noir d'Autriche (id. 30 à 35 kil. de sapin désailé. 30 — de frêne. 30 — d'érable. 12 — d'orme. Si les semis doivent être extraits après la première année, ces quantités pourront être augmentées d'un tiers. On compte, par are, de 600 à 700 mètres courants de rigoles espacées entre elles de 15 à 18 centimètres, déduction faite des sentiers de 33 centimètres réservés entre chaque planche de lm,20 de largeur. Saison des semis. — Quelles que soient les essences et les régions, le printemps paraît la saison la plus convenable. Suivant que le climat sera plus ou moins sec, on commencera plus ou moins tôt, pour profiter de l'humidité accumulée dans le sol pendant l'hiver. A partir du 15 mars, dès que la terre est assez ressuyée à la surface, on peut profiter de tous les beaux jours pour semer, et il n'y a pas de temps à perdre, car, à ce moment, les travaux à faire pressent de tous côtés dans une pépinière comme ailleurs. Soins à donner aux semis : pralinage des graines. — Dès qu'elles sont mises en rigoles, avant même la germina- tion, les graines sont exposées à la voracité d'animaux de toute sorte. On atténue les dégâts par des procédés analogues à ceux qui sont employés pour les plantes agricoles (1). (1)M. Neuville, professeur à l'Kcole pratique de Neubourg recommande le pralinage au pétrole par le procédé qu'il décrit en ces termes: On prend 200 grammes de pétrole et 6 litres d'eau bouillante; on verse d'abord l'eau bouillante sur 100 grammes de goudron de gaz LE BOISEMENT l'Ail PLANTATIONS. .'{79 Dès leur levée, les semis réclament d'autres BoinBJusqu'au moment de la récolte. Abris contre la sécheresse. - Ce sont, d'abord, les abris qui les maintiendront ombragés contre la chaleur. De ces abris, les uns sonl formés par des tiges vivantes et cultivées, à cet effet, le long des bandes ;on plantera, par exem- ple, sur la ligne du côté sud, soit des boutures de saule ou de peuplier, soit des feuillus de demi- tiges de manière à former une série d'écrans; on peut également semer sur cette même ligne du seigle, des fèves de marais, ou toute autre plante annuelle à tige droite et rigide, pouvant s'élever jusqu'à 60 ou 70 centimètres et dont on obtiendra une récolte utilisable. Mais, au lieu de ces cultures dont la réussite est incertaine, qui fatiguent le sol et qui sont à demeure jusqu'à la récolte, il vaut mieux employer des abris morts qu'on peut placer ou enlever à volonté. En foret, les plus économiques sont des branchages de bois résineux ou de bois de feuillus coupés au moment où les feuilles sont déjà développées, que l'on fixe en terre le long des bandes et de façon à les abriter du côté du midi; l'orientation des bandes dans la direction Est-Ouest facilite beaucoup cette opération. Les branchages peuvent être sim- plement plantés sur une ligne ou, mieux encore, sur les deux bords de la bande et entrelacés au-dessus d'elle en forme de berceau ; cette disposition fournit des abris d'une solidité à toute épreuve, mais elle augmente sérieusement la difficulté des sarclages. On peut aussi installer le long des bandes deux lignes de lattes parallèles supportées par des cro- chets de 61) à 70 centimètres de hauteur et sur lesquelles on étend les branchages. A défaut de rames feuillées, on se épuré, en agitant, puis on ajoute 100 grammes de pétrole en remuant le mélange ; on remet de nouveau du goudron puis du pétrole, en même quantité, jusqu'à épuisement des provisions, qui sont dosées dans la proportion de : 100 gr. de goudron de gaz 100 gr. de pétrole épuré 1 litre 1/2 d'eau bomllante, proportion qui suffit pour 50 litres de semence. Celle-ci est trempée dans le mélange refroidi et employée ressuyée. 380 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. sert, suivant les cas, de toiles, de claies, de paillassons, en donnant la préférence au meilleur marché. Quelquefois, on garnit les intervalles des rigoles avec de la mousse. On attribue à cette couverture l'avantage : 1° de garantir le sol contre le durcissement superficiel et de diminuer le nombre de binages que les semis néces- sitent pendant l'été; 2° d'empêcher, dans une large mesure, la levée des mauvaises plantes et d'économiser ainsi une partie des sarclages ; 3° de garantir les plants contre les fortes pluies et surtout contre la sécheresse, en conservant au terrain une partie de sa fraîcheur et diminuant ainsi, ou même supprimant, les arrosages. Par contre, la mousse pré- sente l'inconvénient de faire obstacle à l'influence bien- faisante des rosées et de servir de repaire à une foule d'ani- maux nuisibles. Abris d'hiver. — Les plants forestiers indigènes n'ont pas beaucoup à craindre du froid ; mais, dans certains sols, comme les marnes, on perd beaucoup de plants par l'effet du déchaussement. Bien que ces accidents soient surtout à craindre pour les semis de l'année, ils produisent parfois des effets tels que des semis de tous âges et même des plants de haute tige sont complètement arrachés (1). On prévient ces accidents, en grande partie du moins, en recouvrant les semis, dès l'automne, d'un paillis grossier ou de feuilles sèches fixées par des branchages. Pour être efficace, la couverture doit être maintenue jusqu'au moment où les plants entrent en végétation ; car c'est au mois de mars que le déchaussement est le plus à craindre ; quand il se produit, malgré les précautions prises, on relève avec soin les plants renversés et on en rhabille les racines et les jeunes tigelles au moyen de terreau qu'on répand sur le sol à travers un tamis; jamais on ne doit les brutaliser, en les renfonçant (1) On peut citer des exemples, notamment dans les environs de Barcelonnette, de poteaux télégraphiques soulevés par l'effet du dé- chaussement. En semblante circonstance, il ne faut songer, ni a créer des pépinières permanentes ou volantes, ni à faire des semis en place; on ne peut que planter, et encore faut-il avoir recours à la plantation ohlujue, de telle sorte que le soulèvement par la gelée déplace en même temps tout l'appareil souterrain sans le tirer en dehors. il. BOISEMENT PAS PLANTATIONS. 381 avec les doigts, comme cela se l'ail trop BOUVent. ( m peut aussi butter la terre autour des lignes «le -émis, soit à la houe, soit avec des outils spéciaux. Ajoutons que les paillis, qui empêchent le réchauffement rapide de la surface dès le premier printemps, retardent l'évolution des bourgeons assez pour les garantir contre les gelées printanières. Abris contre les gelées printanières. — Ces accidents sont tellement fréquents en toute région, aussi bien au Midi qu'au Nord, qu'il est prudent, en règle générale, d'abriter tous les plants et plus particulièrement les espèces délicates et à végétation hâtive, comme le sapin, le hêtre, le frêne, etc.. A cet effet, on se sert de paillassons qu'on enlève pen- dant le jour, ou, plus simplement, de grandes toiles mainte- nues par des piquets à 1 mètre au-dessus du sol et qu'on peut installer ainsi d'une façon permanente, tant que cela est jugé utile. Le gardien de la pépinière doit aussi être pourvu du ma- tériel nécessaire pour la création de nuages artificiels. Abris permanents. — Pour éviter toutes ces dépenses d'appareils et de main d'œuvre, on a été conduit à créer des abris permanents contre tous les effets météoriques : vents, chaleur, sécheresse, froid, etc.. Le plus souvent ce sont des haies vives d'essences feuillues ou résineuses : charme, épicéa, thuia, qu'on taille suivant une épaisseur réduite au- tant que possible, en les maintenant à une hauteur de 2 mè- tres environ. Si leur disposition varie dans le détail, du moins sont-elles toujours orientées suivant la direction Est- Ouest. Certainement ces abris en-tous-cas ont une efficacité réelle, mais nous ne pouvons passer sous silence leurs incon- vénients : ils occupent une place beaucoup plus grande que leur faible projection semble l'indiquer ; car les racines s'éta- lent à droite et à gauche et interdisent toute culture profitable à une distance de 1 mètre à lra,50 de chaque coté de leur pied ; — les haies doivent être entretenues par une taille sévère et soigneuse qui absorbe du temps ; — leur présence diminue considérablement les dépôts de rosée. Quoiqu'il en soit, nous pouvons citer comme exemple la 382 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. disposition adoptée dans les pépinières de la forêt domaniale de Lyons-la-Forêt et dont les forestiers locaux disent le plus grand bien. Les haies sont en charme, dont les feuilles marces- santes continuent, en toute saison, les effets qu'on demande à l'abri. La figure 82 donne le plan de leur installation. Sentier T* S c ^ * j 3 i - > i \ S" ~ Sentier ° — ^ ! ! ' 7 *1 1 ' 1 J i • â si ■ ! i e L i* O- 2 i £ I i i \ § I 9 V 1 Sentier ) — r i ~ï s ? Fig. 82. — Haies en charmille servant d'abri permanent contre les gelées prin tanières. Nous ne terminerons pas cette question si importante des abris sans rappeler combien l'emploi des coffres simplifie tous les travaux, surtout en ce qui concerne les semis d'un an qui occupent la plus grande place dans les pépinières de rési- neux. Rien de plus facile, notamment, que de construire des cadres tendus de grillage galvanisé ou de claies en menues lattes ayant la largeur du coffre et protégeant les plants contre les oiseaux ou le soleil. Arrosages, irrigations. — Les arrosages, tel qu'on les pratique le plus souvent, ne sont pas à recommander. L'eau qu'on jette sur la terre, en grande masse à la fois, n'y pénètre que difficilement et s'écoule inutilement à la surface pour peu que le terrain présente une pente, môme légère. Un arrosage, pour être efficace, ne doit laisser arriver l'eau sur la terre qu'en quantité égale à celle qui peut être immédiatement absorbée, et l'opération doit se prolonger tant que la terre n'est pas saturée jusqu'à la profondeur pénétrée par les racines. Il; B0ISEMEN1 l'Ail PLANTATIONS. .'{S.'{ Avec les ustensiles ordinaires, une telle opération sérail trop onéreuse pour être appliquée à de grandes étendues ; au lieu de produire un cll'et utile, les arrosages incomplets encroûtent la surfaoe du sol et, pour ne pas devenir nuisibles, ils doivent être suivis d'un binage. Les seuls arrosages convenables seraient faits à la lance fixe qui projette l'eau en goûte- lettes fines et qu'on déplace à volonté ; mais ces appareils coûtent cher, et on ne dispose pas toujours de la pression .convenable. Aussi, au lieu d'arroser, vaut-il mieux irriguer. La dépense de première installation nécessitée par l'établissement d'un système complet d'irrigation sera largement compensée par les économies qui en résulteront plus tard et par la meilleure qualité des plants obtenus. Quand l'eau courante peut être amenée jusqu'au bord des planches, un ouvrier creuse, le long- de chacune d'elles, un sillon où il dirige une petite quantité d'eau qu'il y laisse assez longtemps pour que la bande entière soit imbibée entre deux terres, par voie de filtration, sans que l'eau puisse couler à la surface : ce qui serait nuisible et parfois dangereux. Pendant les années ordi- naires, deux irrigations, pratiquées à des époques bien choisies, sont suffisantes pour entretenir en bon état de fraîcheur un carré de semis. Dans les régions plus sèches, le mode d'irriga- tion par submersion, dans des compartiments bien nivelés et entourés d'un bourrelet de terre, donne d'excellents résultats. Sarclage. — Le sarclage consiste dans l'enlèvement de la végétation herbacée qui se présente plus ou moins abondante dans toutes les cultures. On doit sarcler la pépinière aussitôt que les mauvaises herbes commencent à poindre et avant qu'elles aient développé de fortes racines; quand ces herbes sont encore jeunes, on les arrache facilement à la main, surtout après une petite pluie ; si on les a laissées grandir, il vaut mieux les couper : l'arrachis ne pourrait plus se faire sans danger pour les jeunes plants. Le point essentiel est de ne jamais laisser les mauvaises herbes monter en semence; de telles négligences sont impardonnables, caries graines mûres se répandent à profusion sur le sol et le terrain en est littéra- lement empoisonné pour plusieurs années. A ce point de vue, 384 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. il est important que les carrés vides, les chemins et les abords des pépinières soient sarclés comme les bandes de semis elles- mêmes. Quand l'espacement entre les lignes de semis est suffi- sant pour. qu'on puisse y passer le fer d'un racloir, on fera facilement et économiquement le sarclage en même temps qu'un binage. Binage. — Les jardiniers prétendent que binage vaut arrosage. L'opération consiste à donner au sol une légère culture pour en ameublir la surface. Elle a pour effet, en augmentant la perméabilité du sol, de faciliter l'absorption de l'air et des eaux de pluie, de fixer les vapeurs et les rosées, de ralentir l'évaporation, en un mot, de rompre la liaison entre la couche supérieure et celle sous-jacente : ce qui fait remplir à la première le rôle de couverture. Travaux divers : repiquage. — Le repiquage ou le rigo- lage est toujours une pratique très coûteuse, non seulement à cause de la dépense qu'entraîne l'opération elle-même, mais encore, et surtout, à cause de la grande étendue du terrain qu'elle nécessite et dont l'entretien en bon état de production est très onéreux. C'est en faisant les semis d'une manière convenable et dans des carreaux bien fumés qu'on se dis- pensera de ces repiquages ; car le plus souvent, si les plants résineux de 2 ans ne sont pas assez forts pour être plantés à demeure, c'est parce que l'engrais ou les soins nécessaires leur auront manqué. Aussi, malgé la supériorité incontestable des plants qu'il procure, le repiquage doit-il être l'exception pour les plantations de résineux en basses tige; il est, au contraire, la règle pour les essences feuillues; ajoutons enfin que nombre de pépiniéristes sont partisans du repiquage quand même ; il importe dès lors d'en connaître les effets et la pratique. Prenons, par exemple, deux plants de pin sylvestre de 2 ans provenant du même semis. L'un (fig. 83 a) a été extrait directement dans le sillon où il a été semé; l'autre (fig. 83 /;.), enlevé de la bande de semis et repiqué à sa première année, ayant par conséquent une année de repiquage. Le premier est élancé, grêle; ses aiguilles pâles et rares, son enracinement représenté par de longs filets à peine ramifiés forment un ensemble de médiocre aspect. Le second est trapu ; ses aiguilles LE BOISEMENT PAU PLANTATIONS. 385 longues <■( de couleur foncée, ses racines nombreuses et bien pourvues de chevelu témoignent de sa vigueur. A cause de la faiblesse de leur enracinement , les épieras Fig. 83. — Effets du repiquage. — a, Pin sylvestre de 2 ans, non repi- que ; b, pin sylvestre repique; c, Chêne pédoncule de 2 ans, non repiqué ;L chêne pédoncule de 2 ans repiqué après résection du pivot. doivent presque toujours être repiqués avant emploi. Toutes les essences exigent cette pratique quand on veut les con- duire jusqu'aux dimensions de moyennes et de hautes tiges; alors plusieurs opérations successives sont nécessaires, en Boppe et Jolyet. 25 386 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. augmentant les espacements en proportion de la taille qu'elles atteindront. Plus particulièrement en ce qui concerne les chênes, les types c et d de la figure 83, nous montrent les effets du repi- quage. Le premier représente un plant de 2 ans, tel qu'il a été extrait de la rigole avec toutes les précautions voulues pour qu'il soit complet : cime chétive, tige grêle, pivot simple d'une longueur exagérée. Le second, repiqué à un an, après résection du pivot, s'est formé un appareil radiculaire multiple, bien pourvu de radicelles en même temps qu'il étoffait sa région aérienne. Inutile d'insister pour faire res- sortir lequel des deux sera d'une reprise plus certaine. Mais venons à la pratique du repiquage. Il se fait en pépinière dans des compartiments spéciaux, qu'on nommait autrefois des hatardières. Qu'il s'agisse d'espèces résineuses ou feuillues, on emploie, pour être repiqués en pépinière, des jeunes plants âgés d'un ou deux ans au plus. On les arrache avec les précautions né- cessaires pour ne pas endommager les racines; on en fait le triage et l'on écarte les sujets trop grêles ou trop chétifs. Les bons sont abrités avec soin contre le soleil et le vent, pour les préserver du dessèchement. La mise en terre de ces plants se fait d'après l'une des trois méthodes suivantes : 1° au moyen d'un plantoir à main, dont la grosseur et la longueur sont proportionnées à la dimension des jeunes plants, on fait une série de trous alignés au cordeau, et régulièrement espacés; dans chacun de ces trous, on enferme un plant de manière que le collet de la racine se trouve au niveau du sol; puis on les rebouche au moyen d'une simple pression qu'on exerce avec le plantoir enfoncé à une faible distance de la première ouverture. Ce procédé s'applique surtout aux rési- neux d'un an ; 2° avec une bêche, on ouvre, le long d'un cordeau, une simple fente qu'on élargit à sa partie supérieure en ap- puyant successivement à gauche et à droite sur le manche de l'outil ; dans cette fente, on glisse les plans un à un, à la distance voulue, et l'on remplit avec du terreau; on les fixe LE BOISEMENT l'Ali l'LANTATIONS. :;h7 ensuite, en pressant la terre, suit avec Le pied, soit avec la bêche ; 3° un ouvrier creuse à la houe une rigole alignée au cor- deau ; un autre, le plus généralement une femme, pose les plants, un à un, en les appuyant contre l'une des parois de la rigole que Ton a eu soin de maintenir à peu près verticale : pendant qu'il les soutient en bonne position avec ^v la main gauche, il lixe les racines en refoulant, de la main droite, la terre meuble qu'on vient de retirer de la rigole. 11 suffit, quand une planche est entièrement remplie, de donner un coup de râteau entre les lignes pour terminer la besogne. Cette troisième méthode, de beaucoup préférable aux deux autres, s'appli- que aux plants de toutes dimensions. D'ailleurs, la rapidité du travail et la régularité parfaite dans l'emplace- ment des plants peuvent être assurés par l'emploi de la règle à repiquer (fig. 81 c. c.) dont M. l'Inspecteur Cardot a fait le pendant de sa règle à semer (1). Sensiblement de même forme et de même dimension que celle-ci, elle porte sur une de ses faces une suite d'encoches équidis- tantes, dont chacune est destinée à recevoir un plant, qui y est posé de telle façon que le collet de la racine soit au niveau de la face inférieure de la règle. Quand toutes les encoches sont garnies, on maintient la série en appuyant la réglette mobile dans l'angle supérieur de magasin et l'on place le tout sur le bord de la rigole ; il suffit de rechausser (1) Le principe est celui de l'antique règle à repiquer, outil en fer, mal commode, et dont personne n'avait jamais songé à se servir. Fig. 84. — Coupe de la règle à repiquer. 388 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. les racines en procédant comme ci-dessus, après quoi on enlève l'appareil. La règle peut servir à des espacements différents en gar- nissant à volonté une encoche sur 2, — 3, — etc. L'espacement à donner aux plants varie avec l'emploi au- quel on les destine. Si l'on ne veut que des basses tiges, l'écar- tement entre chaque ligne pourra varier, suivant les essences, de 15 à 25 centimètres et la distance dans les lignes de 4 à 5 centimètres ; pour les moyennes tiges, on devra augmenter ces dimensions et donner 10 à 15 centimètres à l'espacement des plants dans les lignes ; enfin, pour les hautes tiges, il con- viendra de donner aux lignes au moins 50 centimètres d'écar- tement et aux plants un espacement minimum de 10 centi- mètres. Il est entendu qu'au point de vue de la fumure, des sarclages, des binages et même des irrigations, les planches repiquées seront entretenues comme les planches semées. Extraction des plants. — Lors de l'extraction des plants, on évitera de blesser les racines et les petites tiges; aussi l'arra- chage à la main doit-il être absolument proscrit. Le meilleur procédé, celui qui est surtout facilité par le semis ou le repi- quage en lignes, consiste à ouvrir, sur le bord des sentiers et tout contre la première rangée, une jauge assez profonde pour attein- dre l'extrémité inférieure des racines ; puis, au moyen d'une bêche, ou mieux encore d'une fourche à dents plates, on exerce une pression du côté opposé de façon à renverser les plants dans la jauge, sans que la terre se détache des racines ; celles-ci restent absolument intactes quand il s'agit de jeunes plants résineux d'un ou de deux ans; dès lors, il n'y a jamais besoin de les tailler ou d'en retrancher une portion quelconque. L'ex- traction est toujours suivie d'un triage, qui permet, tout en comptant les plants, de rebuter tous ceux qui ne paraîtraient pas de bonne qualité. Cette opération doit être faite sous un hangar fermé ou, tout au moins, à l'abri de paillassons, pour éviter le contact d'un air trop agité ou trop chaud et, par suite, le dessèchement. Les feuillus d'espèces pivotantes, les demi ou moyennes tiges s'arrachent beaucoup plus difficilement; il faut faire des I i BOISE Ml N r P \lt PL vn I AI IONS. 380 trous profonds et, malgré celle précaution, il es1 rare qu on puisse extraire les racines entières. Alors, la taille de ces ra- cines est justifiée; mais l'opération se limite a pratiquer une section bien nelle, l'aile obliquemenl avec une sei-pelle tran- chante, immédiatement au-dessus des cassures ou des por- tions Irop fortement lésées: en aucun cas, il ne faut rien re- trancher aux parties saines, car les (ilamenls les plus tenus sont les plus utiles. Quand il s'agit de plants précieux ou délicats, le mieux esl de les extraire et de les transplanter en molle; le surcroît de dépense que l'opération entraîne est largement compensé par une reprise plus certaine et une végétation meilleure. D'ailleurs, quand on veut assurer la transplantation en motte d'un sujet, quelles que soient ses dimensions, on procède de la manière suivante : dès le printemps qui précède la saison où se fera le déplacement, on creuse, tout autour de la tige et à une distance variable entre 40 centimètres et 1 mètre, sui- vant la force du sujet et la nature de son enracinement, une jauge circulaire de la largeur d'un fer de bêche et de 50 ou (30 centimètres de profondeur. Cette jauge, taillée à parois ver- ticales, au moyen d'une bêche avivée, est ensuite remplie avec de la bonne terre mélangée de terreau. Si l'on a soin de l'arroser plusieurs fois dans la saison de végétation, il se formera, dans cette terre neuve, un chevelu abondant, et, quand le moment sera venu, on extraira la motte sans occa- sionner de nouvelles lésions aux racines (1). Taille ou rhabillage des plants. — Quand les plants de basses tiges ont été convenablement arrachées, les racines sont suffisamment intactes pour qu'il ne soit pas nécessaire de les pare?', à moins qu'il ne s'agisse de rabattre le pivot sur des sujets destinés à être rigoles en pépinière. Quant aux branches des feuillus ou des résineux, il ne faut jamais y toucher. En effet, la règle est de ne mettre en place que des plants bien conformés ; ceux-ci n'ont pas besoin qu'on enlève quoi que ce soit à leurs tiges ou à leurs rameaux. La taille ne devient nécessaire que quand les sujets sont l) A. Chargerand. Traité des plantations d'alignement et d'orne- ment. Paris. Rothschild, iN'.Mi. 390 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. mal équilibrés : tige trop grêle ou fourchue, rameaux insuf- fisants ou trop développés. Dans ce cas, il vaudra mieux l'opérer dans la pépinière, rigoler à nouveau les plants et n'en disposer qu'une année ou deux plus tard lorsqu'ils seront suffisamment refaits ; c'est ainsi qu'on est souvent conduit à recéper les individus mal conformés, soit au moment de la mise en terre, soit en pépinière, ce qui vaut mieux. Transports et emballage des plants. — 11 faut se per- suader que de la bonne conservation des plants dépend, en grande partie, la réussite des plantations et ne jamais perdre de vue cet axiome important : moins longtemps les racines restent à découvert, mieux elles se conservent. A partir de l'extraction jusqu'au moment de la plantation à demeure, les sujets, surtout les résineux, dont les racines sont très délicates, doivent être garantis des accidents de nature à dessécher le chevelu ou à leur occasionner des lésions. S'ils ne doivent pas être transportés au loin, et si l'on juge inutile de les emballer avec soin, on les dispose, par bottes, dans un panier ou dans une brouette en les entourant de mousse humide, de ramilles ou de terre meuble. On recom- mande souvent de plonger les racines dans une bouillie li- quide de terre grasse et, après les avoir entourées de mousse, de les emballer dans des paniers ou dans des caisses, mais ce pralinage a le grave inconvénient d'agglutiner les racines en pinceau et d'en provoquer la mise en terre dans des condi- tions tout à fait anormales. Pour les espèces à feuilles persistantes, il est prudent d'entre-croiser les bottes de telle façon que les feuilles de l'une soient en contact avec les racines de l'autre, parce que les parties vertes pressées et accumulées en grande masse fermentent facilement. 11 faut éviter aussi de faire voyager les plants par un froid trop rigoureux ou une chaleur exces- sive, sous peine de s'exposer aux accidents très fréquents de gelée ou d'échauffement. Si les sujets ne peuvent être expédiés ou plantés à demeure aussitôt après l'extraction, on creuse une fosse dans laquelle on les dresse et on couvre leurs racines avec de la terre fraîche ; cela s'appelle mettre les plants en jauge. De même, LE BOISEMENT l'Ait PLANTATIONS. 391 dès leur arrivée à destination, les plants doivent être immé- diatement déballés et mis en jauge. En hiver, pendant les grandes gelées, les espèces à feuilles persistantes seron! uti- lement recouvertes d'un paillasson ou de branchages. 3. — LES PÉPINIÈRES Vol. AMES OU LOCALES. Avantages. — Installation. Avantages. — Les pépinières volantes suffisent largement à tous les besoins des repeuplements à faire, sous forme d'amélioration, dans les terrains déjà boisés ; souvent même, bien qu'il s'agisse de terrains nus, les pépinières ne peuvent être établies que dans cette forme. C'est le cas, par exemple, pour les reboisements à exécuter sur le sommet des monta- gnes, en des climats rudes, dont les saisons de végétation ne correspondent pas avec celles des stations plus tempérées où les pépinières permanentes sont en général établies. Installation. — Les pépinières volantes se font en pleine forêt, soit dans une petite clairière, soit à l'abri de grands arbres. Après avoir choisi l'emplacement convenable, on défriche le terrain et l'on défonce, comme s'il s'agissait d'une pépinière permanente, sans toutefois apporter d'en- grais. On y fait des semis ou des repiquages, en vue d'obtenir les plants dont on peut avoir besoin dans les environs im- médiats, et, quand la terre est fatiguée, on abandonne la place, après y avoir laissé autant de plants qu'il est nécessaire pour en assurer le boisement. Ces petites pépinières intelligemment disposées, présentent les avantages suivants : 1° elles ne doivent fournir qu'un nombre de récoltes assez faible pour qu'on puisse se passer d'engrais ; 2° elles offrent La possibilité d'élever, pour ainsi dire sur place, et dans les conditions climatériques où ils doivent végéter, les sujets destinés à être plantés ; 3° elles suppriment les nombreux inconvénients des emballages et des transports à grandes distances. En montagne, les espaces de petite étendue, ayant la di- mension de pépinières volantes, peuvent, par exception, être 392 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. traités à la façon des pépinières permanentes à cause de la rareté des emplacements qui conviendraient à ces dernières. On est souvent obligé de les maintenir clans cette forme ; car, de toute nécessité, les plants doivent être produits sous un climat identique à celui des espaces où ils seront plantés à demeure. Dans ces conditions, il faut créer autant de centres de production qu'il y a de zones d'altitude, c'est-à-dire de climats différents. Exécution des plantations. Préparation du sol. — Disposition des plants. — Confection et dimension des trous. — Manipulation des plants. — Plantation à racines nues; — par touffes; — en butte; — en corbeilles. — Plan- tation en terrain non préparé. — Saison favorable à la plantation. — Application aux principales essences. — Soins à donner aux plantations. Préparation du sol. — Ce que nous avons dit, à l'article précédent, de l'heureuse influence d'une culture du sol sur la réussite des semis, nous dispense d'entrer dans de nouveaux détails, et notre conclusion est tout aussi absolue dans un cas que dans l'autre : à la rigueur, on peut se dispenser de culti- ver le sol dans les terres naturellement très meubles, tels que les sables sans consistance; — dans les forêts constituées où la terre à bois est déjà préparée de longue date ; — enfin, dans les terrains enherbés où la présence d'un tapis continu de plantes basses, se maintenant en végétation pendant toute la saison d'été, témoigne d'une constante fraîcheur. En toutes les autres circonstances, la culture doit être considérée, le plus souvent, comme indispensable, — toujours, comme avantageuse . On procède aux façons de la terre par les moyens les plus économiques dans chaque région,, en cherchant par le bras- sage des couches, à donner à l'ensemble une composition moyenne ; contrairement à ce qui a été recommandé pour les semis, il sera préférable de localiser la meilleure terre dans les zones profondes, où les racines vont être appelées à fonc- tionner immédiatement. La culture en plein n'est jamais nécessaire, elle présente LE BOISEMENT l'Ait PLANTATIONS. 393 même certains inconvénients; en eiïet, dans les pentes rapides, un soi trop ameubli peul être entraîne par lea eaux; de plus, L'expérience indique que les dégâte «lu ver blanc son! bien plus à redouter dans un terrain cultivé que dans ceux qui ne l'ont pas été. L'ouverture de bandes conti- nues n'es! avantageuse que pour des plantations de hautes tiges dont la mise en terre demande de larges défoncements ; elle est inutile lorsqu'il s'agit de basses liges; les dégâts de ver blanc y sont d'ailleurs à craindre, comme dans les cultures en plein. Reste la préparation du sol par trous ou potets à laquelle nous donnerons la préférence, comme permettant de défoncer profondément le sol sans entraîner une grande dépense : elle réunit donc tous les avantages culturaux et économiques. Disposition des plants. — Ces trous seront disposés sui- vant le tracé de figures géométriques : triangles, carrés ou quinconces, de manière que les plants puissent être re- trouvés facilement, soit pour les soigner, soit pour remplacer les manquants ; un bon ouvrier prend toujours la précau- tion de jalonner sur le terrain les lignes équidistantes suivant lesquelles seront disposés les plants : une baguette coupée à la longueur voulue, ou bien un cordeau portant des nœuds en ficelle de couleur, donnent leur espacement dans les lignes. Quel écartement convient-il de donner aux plants? Cela dépend des circonstances. Tout d'abord, voyons quelle est l'influence de cet écartement sur la végétation. Des expériences récentes entreprises par M. l'Inspecteur Bartet à la station de recherches de l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts semblent établir les faits suivants, sous réserve de vérification dans d'autres milieux : 1° à tous égards, l'espacement de "2 mètres, plus que les espacement moindres, convient à l'épicéa; on peut en trou- ver l'explication dans le besoin d'espace latéral réclamé par l'enracinement superficiel de cette essence ; 2° pour tous les résineux, le même espacement, plus que les espacements moindres, donne aux plants un riche appa- reil foliacé, et favorise leur croissance en diamètre ; 3° pour tous les résineux autres que l'épicéa, on ne peut 394 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. encore rien avancer de certain quant à la croissance en hau- teur ; il semble toutefois, contrairement à l'opinion qu'on pourrait se faire à priori, que les grandes distances sont peu favorables à l'allongement des espèces de lumière : celles-ci, en effet, ont souvent une tendance à buissonner qu'il est bon de combattre en hâtant la formation du fourré ; M. le Pro- fesseur Fliche nous a souvent entretenus de la forme trapue et par suite défectueuse que prennent les jeunes pins noirs d'Autriche quand ils constituent des peuplements trop clairs. Un article que nous avons publié sur ce sujet dans le Bul- letin du Ministère de l'Agriculture (1), est résumé par les lignes suivantes : « à notre avis, la croissance en hauteur n'a pas une importance capitale pendant les premières années consécutives à la plantation. La vigueur et la bonne santé de l'arbre, accusées par l'abondance du feuillage et l'accroisse- ment en diamètre, en ont au contraire beaucoup. Si donc, laissant de côté les massifs résineux destinés à produire à brève échéance telle ou telle marchandise spéciale (perches à houblon ou étais de mine), nous songeons à créer une forêt solide et définitive, nous constatons une fois de plus avec combien de raison M. Broilliard, dans le Traitement des bois, recommande de ne pas surcharger les plantations d'un nombre inconsidéré de sujets, trop souvent plantés à V économie. » Nous rejetons les plantations faites avec des écartements inférieurs à 1 mètre (2) : ou bien elles sont exécutées sans soin, avec des plants à bon marché et conduisent à un insuc- cès total, — ou bien les sujets viennent trop serrés et l'on se trouve dans la nécessité d'en sacrifier la moitié par dépres- sage. Nous considérons aussi comme imprudentes, au moins jusqu'à preuve du contraire, les distances égales ou supé- rieures à 3 mètres. Pour qui veut un chiffre, nous recom- (1) Année 1899. (2) Dans certaines forêts de la Bavière, on fait les plantations exces- sivement serrées ; nous avons vu dans le Spessart des plants disposés à 0m,30 les uns des autres, dans des lignes espacées entre elles de 1 mètre; cela représente 30 000 plants à l'hectare. La mise en place coûte 55 francs, quand Je prix de la journée ne dépasse pas 2 fr. 50 pour les hommes, 1 fr. 75 pour les femmes. Même à ce prix, il y a exagé- ration et les forestiers enseignants réagissent contre le gaspillage des pratiquants. LE BOISEMENT rut PLANTATIONS, M~) mandons pour toutes les essences feuillues el résineuses, les écartements de I m,50, dans les Lignes espacées de - mètres, — ou tou( au moins de lta,50 dans Ions les sens. Le tableau suivant donne le nombre de plants à l'hectare, dans les limites les plus ordinaires des écartements entre les lignes et entre les plants d'une même ligne. BCABTJ UBN1 i CAB i i:\n-.Nr NOMIIIIK DES L ION F 9. ii B s l' i. a N T9 dans chaqae ligne. DKS PLANTS 1^,20 0»,80 Ill,il7 lm,20 ()"»,90 9,260 ]m,l BOISEMENT. 429 et, à L'usage, elles ne s'arrachent pas en esquilles comme celles du sapin. Le pin Weymouth accepte tous les Bols, même ceux qui sont mouilleux ; il est donc tout indiqué, pour mettre en valeur les terrains de cette nature. Le Sapin de Douglas (Pseudotsuga DouglsLsii), couvre déjà de grandes surfaces en Allemagne et en Ecosse. Il forme des massifs d'une densité extrême et dont l'obscurité dépasse celle de nos sous bois les plus noirs ; il atteint des dimensions superbes et son bois de cœur, rouge et d'excel- lente qualité, se prête aux meilleurs emplois. Il est de re- prise facile, ne boude pas comme l'épicéa, mais s'élance ra- pidement à la façon du mélèze. Sans être exclusif, il préfère les sols siliceux. Par contre, son aubier est toujours très épais, comme chez les laricios, et un ennemi déjà très connu, du genre Botrytis, engage à ne pas l'utiliser à l'état pur. Bien que moins étudiés, en forêt surtout, semblent recom- mandâmes encore : le noyer noir [Juglans nigra), qui résiste mieux au froid que notre noyer commun («/. regia) et dont le bois est très recherché; de même les Cary a alba, C. porcina, C. amara; le tulipier [Liriodendron tulipifera), dont le bois très léger, serré et tendre répond à des besoins spéciaux; il est recherché par l'industrie du tranchage ; le cédrèle, Cedrela sinensis, rustique, croissance assez rapide, bois dense, élastique, résistant; les planères, Zelkowa crenata, rustique, à croissance rapide, dont le bois vaut au moins celui de l'orme, et Zelkowa acu- minata, également rustique, à bois très souple se rapprochant de celui du frêne Dans les carrefours, sur les points que l'on voudrait garnir de plantes ornementales et un peu partout, à titre d'expé- rience, on peut placer avec des chances sérieuses de réussite les belles espèces suivantes : Un sapin : Abies concolor ; — deux cupressinées améri- caines : le cyprès de Lawson (Cupressus Lawsoniana) et le Thuia géant (TTiii l'a Lohbii) et deux japonaises : le Hinoki (Chamœcy paris ohtusa), très rustique sous nos climats, dont nous avons déjà parlé, et le beau Thuiopsis dolahrata. 430 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Nous serions moins affirmatifs pour le libocèdre (Libocedrus decurrens) à végétation très vigoureuse, mais qui souffre des hivers rigoureux sous le climat de Paris. Dans des circonstances particulières, on peut aussi utiliser : — si le terrain est mouilleux, submergé même, à côté du Pin Weymouth : Thuiopsis borealis et Chamœcyparis Nutkaensis — sur les landes maritimes, les chênes américains : Q.palustris, Q. Phellos ou encore Cupressus Lamhertiana, et, si le climat est trop rude pour le pin maritime, le pin raide, Pinus rigida, qui n'est bon qu'à fixer les surfaces les plus rebelles à la vé- gétation. — Dans la basse montagne méridionale, au-dessous de la station du sapin pectine, on peut essayer le cèdre de V Atlas (Cedrus atlanlica) comme l'Administration forestière l'a tenté sur les versants du Mont Ventoux et le sapin algérien, Ahies baborensis vel numidica, qu'il ne faut pas confondre avec Abies pinsapo originaire d'Espagne. — Enfin si, dans les terrains siliceux, on veut installer quelque refuge pour le gibier, on pourra créer des remises avec le petit chêne de Banister, véritable buisson, dont la fructification est des plus abondantes et qui fournit des glands recherchés par les animaux de cirasse. A titre d'expérience ou d'essai, on peut encore jeter, çà et là, quelques pieds des érables américains ou japonais, — de bouleau merisier, bonne espèce sur laquelle nous appelons spécialement l'attention et que recommandent les qualités spéciales de son bois, — de mélèze du Japon [Larix leptolepis), — de divers pins et épicéas : Picea Alcockiana, Picea orien- talis, Picea alba, Picea Menziesii, Pinus ponderosa, Pinus Jeffreyi. Ces quatre dernières espèces sont d'origine améri- caine; habituées au climat excessif du versant de l'Atlan- tique, elles ont plus de chance de réussir chez nous que les espèces californiennes qui, à l'instar des formes japo- naises, jouissent d'un climat marin d'une douceur exception- nelle, dont on ne trouve l'analogue en France que sur les confins du littoral réchauffé par le Gulf-Stream. Mais n'oublions jamais qu'au-delà de cette zone, le climat de nos plaines, d'allures trop continentales, est souvent meur- trier pour les plantes à feuilles persistantes. LA MISE EN VALEUB l'Ait II: BOISEMENT. 131 Conclusions. — Ce court résumé n'a d'autre but que de bien faire comprendre au lecteur l'importance cjue nous atta- chons à l'étude des essences exotiques, en l'engageant à recou- rir aux ouvrages spéciaux ; de bien lui l'aire voir que nous admettons toutes les tentatives, toutes les expériences — d'abord en petit — en matière de boisement ; que, loin d'adopter la formule des feuillus quand même, nous sommes partisans de l'introduction raisonnée des résineux dans cer- taines forêts où tant de vides, tant de clairières s'éternisent dans leur stérilité première, quand depuis longtemps le frugal conifère les aurait comblés et utilisés. En un mot, mettre en œuvre les facultés du sol pour obtenir sur chaque unité de surface le maximum de rendement en bois, telle est la limite dans laquelle nous comprenons la cul- ture forestière intensive. ARTICLE VI. LÀ MISE EN VALEUR PAR LE BOISEMENT L. GÉNÉRALITÉS. Les boisements facultatifs. — Les boisements obligatoires. — Régie commune à tous deux. Les boisements facultatifs. — Le boisement est facultatif quand il a pour but de satisfaire d'une façon directe et immé- diate à un intérêt privé ; l'intérêt public, lorsqu'il existe, ne passe qu'en seconde ligne. Au propriétaire du fonds : Département, Commune, Eta- blissement public ou Particulier, appartient exclusivement l'initiative de l'opération. L'Etat peut encourager ce proprié- taire, l'aider, le subventionner même (1); mais nul ne peut exercer contre lui aucun moyen de coercition. Pareille opération doit être fructueuse et le problème finan- cier se pose dans toute sa rigueur (2). Les données pour le (1) Lois du 21 juillet 1860 et du 8 juin 1864. (2) Arthur Noël, Essai sur les repeuplements artificiels, chap. \n et xiii. Paris, Berger- Levrault et O, 1882. 432 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. résoudre présentent un certain degré d'incertitude, en ce sens que, si Ton peut se rendre un compte assez exact de la valeur du fonds, des frais occasionnés par le boisement et de la durée probable de rengagement du capital avant d'en tirer profit, du moins ignore-t-on quelle sera la valeur de la marchandise au terme de cette échéance. Néanmoins, on est à peu près certain de faire une entreprise avantageuse chaque fois que, s'adressant à des terres d'une faible valeur vénale, on pro- cède avec une connaissance suffisante des faits pour réussir sans engager dans l'opération matérielle du boisement un capital supérieur à 100 francs par hectare, y compris l'achat des graines ou des plants. Les boisements facultatifs se rattachent à l'une des caté- gories suivantes : a. les améliorations en forêt', b. la mise en valeur des terres arables abandonnées par V agriculture ; c. celle des terres vaques et incultes en pays de plaines et de coteaux ; d. celle des terres stables en montagne. Les boisements obligatoires. — Chaque fois que Yintérêt public commande la constitution de l'état boisé comme unique moyen de défense contre l'action destructive des éléments, le boisement est obligatoire. Il en est ainsi principalement lorsqu'il s'agit : a. de la restauration des montagnes ; b. de la fixation des dunes. En semblables conditions l'État, investi par la loi des pou- voirs nécessaires (1), a la mission de poursuivre l'entreprise pour la terminer avec succès. Règle commune à tous deux. — Dès qu'un terrain est destiné à être boisé, il importe, avant toutes choses, d'inter- dire l'introduction du gros et du menu bétail de la façon la (0 Loi du 28 juillet 1860 sur le reboisement des montagnes; —Loi du 8 juin 186'» sur le gazonnement des montagnes ; — Décret du 10 novembre 1864 pour l'exécution de ces deux lois; — Loi du 4 avril 1882, relative à la restauration et à la conservation des terrains en montagne ; — Décret du 11 juillet 1882 pour l'exécution de cette loi- LA MISE EN VALEUR l'Ai; LE BOl i-.Mi.vr. l33 j)lus scrupuleuse. // y a incompatibilité absolue entre !•> jouissance pastorale et la forêt naissante, Z. LES BOISEMENTS FACULTATIFS. a. Les améliorations en forêt : considérations générales. - Applica- tions dans K-s futaies : — dans les taillis. Considérations générales. — Bien que la régénération naturelle soit la base de tout traitement rationnel des forêts, il faut lui venir en aide dans bien des eas. En effet, quelle que soit la méthode appliquée, des accidents de force majeure, des situations particulièrement difficiles, des abus de jouis- sance, des opérations mal raisonnées peuvent dégrader les peuplements et en faire disparaître les bonnes essences : ce qui conduit à les reconstituer par des procédés artificiels. Mais, avant d'avoir recours à ces moyens extrêmes, tou- jours très coûteux et dont les résultats sont souvent incertains, on doit, sous peine de travailler en pure perte, se rendre un compte exact des faits qui ont amené la dégradation, pour en faire cesser immédiatement les causes. C'est ainsi que, suivant les cas, il faut : changer le régime appliqué; régle- menter le pâturage ou même le supprimer complètement ; rajeunir les parties sans avenir ; ou encore, augmenter la durée des révolutions trop courtes et réformer les balivages défec- tueux. Quand, ces remèdes étant inefficaces, des repeuple- ments artificiels s'imposent, il y a toujours lieu de les exécu- ter avec la plus stricte économie. Lorsqu'il s'agit de réintroduire une espèce précieuse dans un peuplement d'ailleurs complet, on doit utiliser toutes les ressources que présente le massif à améliorer; en général, il suffira de disposer convenablement une faible minorité de sujets dans la masse des tiges naturelles. L'important est alors de mettre les nouveaux venus dans des conditions telles qu'ils se raccordent le plus tôt possible avec leur entourage. Il est clair que, pour qu'il en soit ainsi, le moment le plus favorable coïncide toujours avec la naissance du peuplement à soigner : c'est-à-dire avec l'époque où l'on y provoque une régénération, soit parla semence, soit par rejets. Bori'E Ct JOLYET. 2o 434 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Exceptionnellement, lorsqu'on veut créer par voie artifi- ficielle des sous étages dans des massifs réguliers d'essences de lumière, il faut procéder quand, ce peuplement étant à l'état de perchis, on vient d'y pratiquer une éclaircie avec extraction de toutes les tiges surcimées, — qu'on peut faire disparaître sans arrière pensée, puisque leur tempérament les condamne à une mort prochaine et qu'on va les remplacer par des essences d'ombre. Le sol est alors en bon état de conserva- tion et, quel que soit le moyen employé, — semis ou planta- tion, — les sujets introduits réussiront à merveille sous le cou- vert du peuplement principal. Enfin, quand il s'agit de vides ou de clairières, il est d'une bonne administration de les repeupler immédiatement, afin de remettre aussitôt que possible le sol en état de production. Applications dans les futaies. — Si, la semence étant fournie en quantité suffisante par des porte- graines convena- blement répartis, le sol dégradé n'est pas en état d'assurer l'installation du semis naturel, toute la dépense se borne à la préparation du sol par des crochetages; nous avons insisté dans le chapitre VI, pages 185 et suivantes, sur l'urgence et les bons résultats de cette pratique. Si, au contraire, les porte-graines font défaut ou que, pour tout autre motif, la régénération naturelle soit incertaine ou impossible, il faut semer ou planter. Dans un peuplement mis à l'état d'ensemencement, le procédé par voie de semis est tout indiqué, puisque toutes les conditions favorables sont réunies pour assurer la germination des graines, — qu'elles soient apportées du dehors ou disséminées naturellement.il suffit de déterminer les espaces affectés à l'espèce à introduire et de disposer les semences de façon à obtenir, soit le mélange intime, soit le mélange par places ou par compartiments plus ou moins étendus. La plantation par mottes peut d'ailleurs être assimilée au semis quant à l'âge, ou, pour mieux dire, à la situation du peuplement dans lequel on opère. Certaines circonstances locales s'opposent à l'emploi du semis. Il en est ainsi quand la semence de l'espèce à intro- duire fait défaut, ou bien quand ces semences sont exposées à la voracité des animaux: sangliers, mulots, pigeons ramiers, LA MISE in VALEUR PAR LE BOISEMENT. i.'C) pour les glands et 1rs faines, — oiseaux granivores, pour les espèces résineuses : il est toujours imprudent, par exemple, de semer en forêt des glands ou des faines apportés du dehors pendant le cours des années où les chênes et les hêtres n'ont pas fructifié dans la région. Il faut alors piauler des sujets aussi jeunes que possible, afin de réduire les dépenses à leur minimum. De même, on est obligé d'avoir recours à la plantation pour terminer des régénérations acquises dans l'ensemble, mais que la nature a laissées incomplètes; en effet, le plus souvent, on ne constate ces insuffisances que quand le sol est déjà plus ou moins dégradé sur les espaces à regarnir. Il est alors trop tard pour semer, et l'on plantera des sujets dont la force sera proportionnée à celle des semis naturels qui les entou- rent. Il faut tenir compte de ce fait que le semis réussit mieux dans les sols médiocres que dans les terrains fertiles, où les jeunes sujets naissants sont exposés à être envahis et étouffés par une abondante végétation herbacée. Les espaces à repeupler artificiellement dans les futaies jardinées se présentent, le plus souvent, sous forme de vides ou de clairières ; comme tels, ils seront remis en état le plus promptement possible, par les procédés généraux les plus économiques adaptés aux exigences de la station. Applications dans les taillis. — Dans les taillis composés, les repeuplements artificiels doivent être exécutés dans le même esprit que les dégagements de semis, c'est-à-dire loca- lisés sur les points où l'état de la réserve demande une amé- lioration. Aussi, dans la majorité des cas, faut-il planter avec grand soin, dans un sol bien préparé, des sujets assez forts pour résister à l'étreinte des rejets. Faire peu, mais ne rien négliger pour bien faire, tel est le principe dont on ne doit jamais se départir. Pour tenir compte du déchet, il est toujours prudent de ne pas planter des brins isolés, mais de les réunir par groupes de 4 à 8 individus, convenablement espacés. Puisque l'objectif est ici de créer des ressources pour les balivages futurs sur les points où la réserve présente des lacunes, ce sont toujours des espèces de lumière et notamment des chênes qu'il s'agit d'introduire ; suivant les cas, ormes. 436 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. frênes, érables, peuvent être associés ou substitués aux chênes. Les plantations seront donc faites en plein découvert, immédiatement après l'expiration des délais fixés pour l'enlè- vement des produits. C'est d'ailleurs à cette époque qu'on peut le mieux juger, en constatant l'état de la réserve, de la nature et de l'importance des travaux à exécuter. Un procédé simple et économique consiste à faire ces plantations sur les emplacements des souches concédées sous forme de menus produits ; les places de loges ou d'ateliers, les places à charbon, les chemins temporaires peuvent également être repeuplés à peu de frais. Ces menus travaux suffisent, dans la plupart des forêts situées en bon sol, pour entretenir la richesse du taillis en essences précieuses et pour assurer le recrutement de la réserve. Mais les plantations ne sont profitables que si l' on vient pé- riodiquement les dégager dans la même forme que les semis naturels ; les deux opérations sont solidaires l'une de l'autre. Et si, en faisant ces dégagements, on prend la précaution de donner une légère culture au sol autour des brins plantés, on leur assure une vigueur telle que l'on pourra souvent les réserver comme baliveaux à la fin de la révolution au début de laquelle ils auront été introduits. Nécessairement ces dégagements sont onéreux; aussi, tout compté, est-il préférable de planter des moyennes ou des hautes tiges. Quelques sujets bien soignés coûteront, en défi- nitive, moins cher que les milliers de basses tiges jetées sans soin et au hasard, et dont l'entretien sous forme de dégage- ments nécessite, en même temps que des frais énormes, une perte de production considérable. Il ne manque pas d'exemple de ces plantations négligées dont le profita été nul pour la forêt. On suit des procédés analogues dans les taillis simples réguliers, soit pour y combler les vides, soit pour y ramener les bonnes essences, — notamment le chêne dans les haies à écorces. Dans les taillis simples furetés, indépendamment des semis et plantations, on a recours à la marcotte pour rem- placer les cépées mortes de vétusté. LA MISE i\ VALEUR TAU LE BOISEMENT. \'^' b. La mise en valeur des terres arables abandonnées par l'agricul- ture : conditions du déclassement. — Les procédés de boisement. — Boisements spéciaux, — Arboriculture fruitière. — Les têtards; les arbres d'émonde el les ramilles-fourrage. Conditions du déclassement. — Les motifs qui engagent à restituer à la forêt les I erres autrefois livrées ;i l'agriculture se rattachent à des questions économiques; telles sont : l'abon- dance de la terre arable, le prix élevé de la main d'oeuvre, la rareté des fermiers, etc. Ces causes sont d'ailleurs pure- ment locales, souvent même passagères. Ainsi, dans une province riche en terres fertiles, franchement agricole, où la main d'oeuvre est chère, où les bois sont rares, on sera con- duit économiquement à abandonner comme trop mauvaise, telle terre, qui, dans une autre région moins bien partagée, serait encore considérée comme d'une culture avantageuse Quoi qu'il en soit, avec la culture intensive que Ton pour- suit à l'aide des engrais minéraux, l'étendue des surfaces em- blavées diminue tous les jours et la contenance des terres disponibles augmente d'autant. D'ailleurs, on a pu dire avec raison que « même sur un sol fertile, la forêt peut lutter, par- fois avec avantage, contre le champ cultivé » (1). M. HùlTel cite l'exemple de la ferme de Dombasle, connue par sa bonne exploitation, qui donne à son propriétaire un revenu net de 40 francs par hectare, tandis que la forêt communale de Pont- à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), qui lui est contiguë et trai- tée en taillis sous futaie, rapporte 60 francs par hectare et par an. Les procédés de boisement. — L'ancienne culture agri- cole est toujours une excellente préparation pour le reboise- ment. Elle a d'ailleurs des conséquences pratiques qui in- fluent sur le choix des méthodes à employer : 1° le sol est débarrassé de la végétation sauvage et meuble, ce qui rend possible le boisement par semis direct ; 2° il est facile à travailler et suffisamment profond pour permettre l'emploi de la charrue avec cultures en plein ; (1) (t. Hïiffel, Sols forestiers et sols agricoles. Nancy, imprimerie centrale, 1894. 438 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. 3° souvent il conserve encore assez de la fertilité due aux anciennes avances pour qu'on puisse associer une plante agri- cole aux essences forestières : une plante sarclée avec le chêne, — une céréale de printemps avec les résineux. La récolte en grains ou en pomme de terre paie une bonne part des frais de semis. M. Henry (1) cite, à titre d'exemple, le décompte suivant des dépenses et recettes d'une pareille exploitation dans une région calcaire de la Meuse : A. Dépenses. par hectare. Labour d'automne à quatre chevaux, suivi d'une légère façon au printemps 70 fr. Avoine de semaille, 125 kilogr 20 Graine de pin, 10 kilogr 50 Répandage à la volée de l'avoine et de la graine de pin 4 Hersage et roulage 16 Frais de récolte de l'avoine 30 190 fr. B. Recettes. 14 hectolitres d'avoine 112 fr. 1 000 kilogr. de paille 30 142 fr, Excédent des dépenses : 190 — 142=48 francs par hectare (2). Dans les terres profondes, froides, argileuses sans trop de compacité, on donne la préférence au chêne. On le sème en rigoles et, entre les lignes, si l'on ne plante pas des pommes de terre, on lui associe des espèces à croissance rapide telles que saules bouturés, ou aunes plantés. Les grandes espèces disséminées formeront aussi un utile mélange. Dès que, la profondeur faisant défaut, la sécheresse est à redouter, on choisira parmi les résineux l'espèce la plus con- venable à la station. Ces derniers sont, tantôt plantés par potets, tantôt semés en plein ou en bandes. Les essences (1) Henry, Un reboisement à bon marché {Revue des Eaux et Forêts, 1er juin 1900). (2) Voir aussi, pour le reboisement « à bon marché » : l'article de M. Dufay, dans le Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, de juillet 1899. I,A MISE IN v.\i.i:i il l'.ui LE BOISEMENT. 139 feuillues disséminées, et les résineux autres que 1<^ espèces courantes : épicéa, pin sylvestre, etc., sont toujours plan- tées. Ajoutons deux observations: 1. dans les régions infestées de lapins, les plants sont infail- liblement détruits. Les semis, au contraire, ont beaucoup plus de chances de passer inaperçus ; encore faut-il que le semis soit fait en plein, les bandes indiquant à ce désagréable ron- geur qu'il y a des dégâts à commettre ; '2. le déchaussement est plus à craindre dans les anciennes terres agricoles que partout ailleurs. Ainsi, au mois de mars dernier, une de nos plantations a été très endommagée de ce fait, et cela dans une région où nous n'avions jamais souffert de pareil accident: mais il s'agissait d'un champ cultivé en pommes de terre l'année précédente, et dont la terre friable était dépourvue de toute végétation. Il sera donc prudent, dans les conditions analogues, non seulement de renoncer au semis, mais encore de planter des sujets assez forts, âgés de trois ou quatre ans par exemple ; d'ailleurs, la facilité avec laquelle se creusent les potets permet de leur donner, sans augmentation de dépense, des dimensions un peu supérieures à la normale. Boisements spéciaux. — L'état morcelé des terres arables est le principal motif qui détourne le propriétaire d'y créer une forêt. Aussi, quand une parcelle a moins de 5 hectares d'un seul tenant, peut-on, tout en la reboisant, orienter sa mise en valeur vers un but spécial. Quelle qu'en soit la variété, ces cultures ligneuses ont un caractère commun : les bois y sont réalisés à court terme et en bloc. C'est ainsi que cela se pratique dans certaines contrées du nord de l'Europe, où l'on fait entrer une récolte forestière dans la rotation d'un assolement agricole. A cet effet, on boise le terrain appauvri par une culture vampire en mélangeant la graine forestière à une demi semence de céréales. On donne les soins convenables au peuplement que l'on coupera à blanc étoc, entre vingt et cinquante ans. Après le défriche- ment du terrain, on profite de son humus pour en obtenir 440 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. deux ou trois récoltes agricoles. Puis on reboise à nouveau et ainsi de suite. En France, on peut utiliser de la sorte le pin sylvestre, le pin noir et le pin maritime. Nous déconseillons le mélèze, qui, même dans sa jeunesse, ne comporte pas l'état serré, et le pin Weymouth, bien que ce dernier soit souvent employé à cet usage dans d'autres pays. Ailleurs, on supprime l'alternance des céréales, et l'on fait une culture ligneuse permanente. C'est le cas des taillis de coudriers, de robiniers et de châtaigniers, qui donnent des cercles de futaille ou des échalas dans les vignobles, — des taillis de tilleul dans l'Aube et dans toutes les régions où les fibres libériennes de cette essence servent comme ma- tière textile, — des oseraies, — des taillis de micocoulier, etc. Nous avons dit un mot déjà de ces différentes exploitations (page 225), renvoyant au Traitement des bois en France, par M. Broilliard, pour les détails qui concernent leur création et leur exploitation. Nous mentionnerons toutefois d'une façon plus spéciale les taillis de charme créés dans certains pays où la propriété est morcelée, — sur les coteaux calcaires de Franche-Comté notamment, — par des cultivateurs qui utilisent ainsi des pièces de terre de qualité médiocre. La mévente des bois taillis ne les inquiète pas, car ils consomment des quantités considérables de bois pour la cuisson des aliments destinés aux bêtes de boucherie. Au besoin, on brûle le bois de ses « buissons » et l'on vend sa part d'affouage. C'est une cul- ture très rationnelle. De même se recommandent : le bouleau dans les champs sablonneux ; sa présence est peu gênante pour les cultures agricoles voisines, — l'aune sur les parcelles de prairies trop mouilleuses ou trop exposées aux inondations, — et bien d'autres encore. C'est là, direz-vous, de l'arboriculture industrielle, plutôt que de la sylviculture. Peu importe, pourvu que le sol rende. Nous irons même plus loin dans ce sens. Arboriculture fruitière. — Alors que les céréales ont baissé de prix, deux productions restent rémunératrices : LA MISE EN VALEUR PAH LE BOISEMENT. 441 la viande et les fruits. Toutes doux peuvent s'obtenir de pair : il suffit de créer des pâtures-vergers, en utilisant trois choses qui ne manquent pas en France : la terre, l'eau et le soleil. « L'arboriculture fruitière, dit M. Ballet, est entrée dans une voie nouvelle de grande culture et de grande production. De simple délassement d'amateur, elle est devenue une branche importante de la richesse nationale en approvision- nant nos marchés de fruits frais, ou transformés par l'indus- trie, et en ajoutant une source de revenus à l'exploitation agricole (1) ». D'ailleurs entre les cerisiers ou les pommiers l'herbe pousse abondante, et le kirsch, le cidre, le lait, le beurre se vendent toujours bien. On a dit, avec raison, que la France était le « verger de l'Europe » ; c'est ici l'occasion de le rappeler. Les têtards; les arbres d'émonde et les ramilles-four- rage. — Dans les prairies humides, sur le bord des rivières ou des ruisseaux, partout où les gelées printanières rendent impossible la culture des arbres fruitiers, partout encore où, bien que donnant la plus large part à la production des her- bages, on veut néanmoins récolter les produits ligneux néces- saires au chauffage domestique, les essences forestières réap- paraissent, mais cultivées sous la forme de têtards ou d'arbres d'émonde. Quand on tronçonne la tige d'un arbre feuillu, naturelle- ment disposé à fournir des rejets, on voit évoluer des rameaux nombreux dans la zone qui avoisine la section ; ces rameaux se développent à la façon des rejets de souche. Exploités eux- mêmes systématiquement à de courtes révolutions, ils for- ment bientôt, au sommet de la tige mutilée, un renflement caractéristique, qui a fait donner le nom de têtards aux arbres ainsi traités. Le têtard n'est donc autre chose qu'une cépée aérienne, se reproduisant à l'abri des atteintes du bétail, et dont l'éléva- tion au-dessus du sol est généralement suffisante pour per- mettre la circulation des hommes et des animaux sous des (1) Ch. Baltet, Traité de V arboriculture fruitière, commerciale et bourgeoise. Paris, Masson, 1884. 442 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. rameaux qui ombragent les pâtures sans les étouffer. Les saules sont les plus cultivés sous cette forme ; indépendamment du menu bois qu'ils fournissent, ils contribuent par leur enracinement à protéger les berges des cours d'eau contre les érosions et les éboulements. Cependant toutes les espèces feuillues peuvent accepter ce traitement ; dans certaines plaines, notamment dans celle des Laumes, on voit des frênes, des ormes, des charmes traités en têtards. Les têtards ont un fût trop court et qui se carie de trop bonne heure pour qu'on puisse en tirer aucun parti. Si donc on veut combiner une exploitation de rejets sur tige avec la production du bois d'œuvre, il faut traiter les sujets en arbres d'émonde. Pour cela, laissant la tige entière, on élague périodiquement tous les rameaux latéraux, à l'exception d'un faible bouquet qui reste intact au sommet. Sur cette tige, chaque branche amputée forme un centre de production, une façon de cépée, d'où sortent de nouveaux rameaux après chaque exploitation et dont l'ensemble constitue un véri- table taillis sur futaie. L'arbre se couvre de broussins, mais ne se dégrade pas aussi vite que le têtard : son bois madré, à fibre tourmentée, souvent interrompue par des traces de cicatrices, reste longtemps sain ; si, à cause de sa structure irrégulière, il ne peut donner ni sciage, ni bois de fente, du moins fournit-il à la construction des pièces d'une grande résistance. Les peupliers d'Italie, communs autrefois le long de toutes nos grandes routes, sont le meilleur type d'arbres d'émonde. Les chênes pédoncules existent encore sous cette forme au milieu des haies de la Normandie et du centre de la France. M. Marcel Vacher, — dans un éloquent plaidoyer en faveur des haies vives, qui fournissent d'excellentes clôtures, et un abri pour les oiseaux insectivores, — expose les revenus vraiment merveilleux que l'on peut se créer de la sorte avec quelque peu de soin et de patience (1). Dans certaines régions même, clans le Quercy par exemple, rémonde semble métho- diquement adoptée à un traitement régulier de la forêt : car, (1) Marcel Vacher, Les haies: utilité, plantation, taille. (Revue des Eaux et Forêts, le* décembre 1899). I\ MISE l\ VALEUR PA1 II BOISEMENT. H.'i dans bon nombre de taillis sons futaie, toutes les réserves sont émondées, et l'on voit les sous étages en chêne pur, se développer, à la façon d'un taillis gimple, sous (•<•< futaies, dont la projection est pour ainsi dire nulle. Nous n'avons envisagé jusqu'ici l'arbre d'émonde que comme producteur de bois d'œuvre et de chauffage. Il peut encore fournir du fourrage et un fourrage apprécie, ainsi qu'en témoignent les expériences faites à ce sujet de défé- rents côtés (1). M. Grandeau (2) à la suite de nombreuses analyses a cons- taté que les feuilles et les ramilles d'arbres sont beaucoup plus riches en matières protéiques au printemps qu'en été ; mais, comme de tous les organes d'un végétal, ce sont toujours les feuilles qui ont le plus de valeur alimentaire, et comme, d'autre part, c'est en été que ces feuilles entrent en majeure proportion dans la masse d'un rameau, il en résulte que l'on récolte presque autant de substance azotée en cueillant les branches en août et même en septembre qu'en le faisant aux débuts de la végétation. D'ailleurs, ces branches feuillées sont un fourrage d'une réelle valeur : « les foins les plus riches en matière azotée, tel que le foin des Alpes, dit M. Grandeau, atteignent seuls la teneur en cette précieuse substance des ramilles de printemps bien préparées, et sont très peu supérieurs aux ramilles d'été. Quant aux pailles, elles se montrent infiniment plus pauvres que les ramilles de bonne composition ». Toutefois, cette ramille alimentaire est d'autant plus nutritive que les parties de l'arbre qui la composent sont plus jeunes. Elle devra donc être exclusivement constituée « avec des pousses de l'année (axes et feuilles) et des jeunes bran- chettes dont le diamètre n'excédera pas 5 à 6 millimètres ». (1) Cormouls Houles, Utilisation des ramilles d'arbres ensilées pour V alimentation du bétail. Mazamet, Carazol, 1893. Circulaire ministérielle de juillet 1893. Pœssler, Uber Futterworth und Gerbstoffgehalt des Laubes, der Triebe und der schwachsten Zweige der Eiche, 1891. Dr Ramann et Iena, Holtzfûtterung und Reisigfiïtlerung. Berlin, 1890. (2) L. Grandeau, La Forêt et la disette de fourrage. Paris, C. Pariset, 1893. i44 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Il y a longtemps d'ailleurs que les Romains avaient inventé l'arbre d'émonde pour suppléer aux prairies fauchées rares dans leur pays, et pour se procurer le fourrage d'hiver néces- saire au bétail pendant les courts moments qu'il passait à Tétable. Cette pratique s'est conservée jusqu'à nos jours telle qu'elle était au temps de Virgile, dans la plupart des vallées de nos basses montagnes, surtout dans la France méridionale. Nous ne pouvons qu'en souhaiter le maintien et l'expansion, comme un des meilleurs moyens de détourner des forêts le fléau du pâturage de printemps. c. La mise en valeur des terres incultes en pays de plaines et de coteaux : les landes. — Les friches. — Les garrigues. Les landes. — La lande est caractérisée par la nature sili- ceuse du terrain. Nous savons que sur de pareils sols le boi- sement par semis direct donne les meilleurs résultats, pour certaines espèces, du moins. On emploiera suivant les cas : pin sylvestre, pin maritime, chêne, bouleau, en y ajoutant par plantation, si on le juge à proposées essences exotiques appropriées à la station, notam- ment le cerisier tardif. Les landes les plus étendues sont celles de Sologne et de Gascogne. En Sologne, on fera bien de s'en tenir au pin sylvestre et au chêne comme essences principales de reboi- sement. Malgré les désastres que l'hiver de 1879-1880 a fait éprouver aux nouvelles forêts de pin maritime, bon nombre de propriétaires reviennent encore à cette espèce à cause de la rapidité de sa croissance pendant la première jeunesse; avant de s'engager dans cette voie, on fera bien de considérer que le pin maritime est loin de présenter tous les avantages qu'on lui suppose trop généralement (1). On sème le chêne et le pin sylvestre après trois cultures agricoles, dont la dernière, faite par petit billons, avec embla- vure de sarrasin, rend le sol meuble et propre. La récolte faite, on répand à la volée, sur chaque hectare, cinq hecto- (1) E. Girard, Traité de sylviculture pratique en Sologne. Romo- rantin, Joubert éditeur, 1881. LA MISE EN VALBUR l'Ail LE BOISEMENT. 145 litres de glands, en automne, ou huil kilogrammes de graine de pin sylvestre, au printemps suivant. La dépense est en partie payée par la récolte du sarrasin. Si le terrain n'est pus susceptible d'être ensemencé en céréales, on procède par bandes; la dépense ne dépasse pas 100 à 120 lr. par hectare. Le semis par potels est surtout employé pour regarnir les vides dans les parties traitées par les procédés précédents ; de même encore, dans les forêts ré- cemment exploitées, où la présence des souches empêche l'emploi de la charrue. La dimension des bandes et potels est variable, suivant l'état superficiel du sol : on donne jusqu'à 1 mètre et lm,33 de largeur aux unes et de côté aux autres dans les terrains fortement envahis par l'ajonc et la fétuque bleue ; dans ceux où l'on ne rencontre que de la bruyère courte, cette dimension est réduite à 40 centimètres et même *25 centimètres ; la dépense, dans ces dernières conditions, ne dépasse pas 70 à 90 francs par hectare. Malgré les bons résultats obtenus par le semis, bon nombre de prati- ciens préfèrent la plantation bien faite, surtout pour le pin sylvestre (1). La région autrefois désolée et malsaine de la lande de Gascogne s'est transformée rapidement en riches domaines forestiers, grâce au système d'assainissement appliqué vers 1850 par M. l'ingénieur en chef Chambrelent. Sur ce grand triangle dont la surface dépasse 8,000 kilo- mètres carrés, le sol est formé d'un sable siliceux à peu près pur. A une profondeur moyenne de 30 à 40 centimètres règne une couche continue imperméable à laquelle on a donné le nom d'alios, laquelle est formée du même sable agglutiné par un ciment de sels de fer et de matières organi- ques. La présence de ce sous-sol étanche et le peu de relief du terrain entretenaient dans la région une humidité insa- lubre, et s'opposaient en même temps à la végétation ligneuse. Une étude approfondie a permis à M. Cham- brelent d'y découvrir un système de pentes naturelles et, par suite, un moyen de l'assainir. De grands canaux ont été (1) David Cannon, le Propriétaire planteur. Orléans, 1887. 4(6 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. creusés qui déversent les eaux au Sud, vers l'Adour, et au Nord, vers la Garonne ou les grands étangs qui longent le littoral : Arcachon, Gazau, Biscarosse, Aureilhan, etc. A ce système général se rattache tout un lacis de fossés, for- mant une sorte de drainage à ciel ouvert, et qui vont par- tout chercher l'eau en excès. Chaque hectare assaini présente environ 400 mètres courants de ces fossés, dont le prix actuel ne dépasse pas 15 centimes par mètre (1). La lande devient ainsi un bon sol forestier, dans lequel le chêne pédoncule et surtout le pin maritine s'instal- lent sans aucune difficulté. On connaît d'ailleurs la facilité avec laquelle le pin maritime se multiplie dans cette région. Il suffit pour obtenir un semis complet de peler la terre soit par bandes, soit par trous et d'y répandre 10 à 1 2 kilogrammes de graines par hectare ; le prix de revient de l'hectare semé est d'environ 50 à 60 francs. Le chêne pédoncule, encore beau- coup trop rare jusqu'à présent, y prend aussi de superbes accroissements. Il serait intéressant, à titre d'essai, d'y tenter l'acclimatation de quelques chênes d'Amérique à végétation très rapide, tels que : Quercus ruhra, Q. tincloria, Q. palus- iris et Q. Phellos. Les pouvoirs publics devaient donner leur appui à l'œuvre de M. Ghambrelent : la loi du 19 juin 1857 règle la question de la mise en valeur par l'assainissement et le boisement, d'environ 400.000 hectares de terrains communaux, en même temps qu'elle renferme des dispositions relatives à l'ouver- ture de routes agricoles. Les friches. — * La friche est dans les terrains calcaires ce qu'est la lande dans les sols siliceux. Son caractère est l'irré- gularité : irrégularité dans la profondeur du sol, le plus sou- vent assez faible, mais qui peut être nulle quand la roche affleure, ou au contraire assez considérable dans les poches ou les crevasses, — irrégularité dans l'aspect de la superficie, tantôt gazonnée, tantôt recouverte de blocs ou de pierrailles éparses, de murgers, de débris de carrière ou de vestiges de clôtures abandonnées ; — irrégularité entin dans la végé- (1) Croisette-Desnoyer, Notice forestière sur les landes de Gascogne Glermont (Oise), Daix, 1874* LA MISE UN VALEUR PAR LE BOISEMENT. H7 talion spontanée: ici, c'est un gazon court et tondu par les moutons, là, un mélange de piaules aussi variées dans leur taille que clans leurs espèces, mais souvent Ligneuses et buîfl sonnantes : coudriers, troènes, trembles, charmes, épines, genévriers, etc. (fig. 35, p. 137). Le sylviculteur avisé saura, comme nous l'avons dit, se plier à cette diversité, et, utilisant chaque chose à sa place, attendre patiemment, après avoir mis en valeur les meilleures parties, que la nature se charge de repeupler les mauvaises. Il convient donc de respecter soigneusement toutes les broussailles existantes, — il est même bon de receper celles qui sont trop fatiguées par la dent du bétail, — puis on ouvre des potets partout où il y a de la terre. Avec un peu d'habi- tude, on reconnaît vite les bonnes places, que l'on marque par des jalons; mais le propriétaire devra se charger lui-même de cette besogne ou la faire exécuter par des hommes de confiance. En général, où poussent des sureaux hyèbles ou des épines noires, le sol est profond ; de même, quand on remarque sur la surface du terrain des sortes de ressauts, d'escaliers, il y a des chances pour qu'au bas de chaque contremarche existe une crevasse, une fracture du sous- sol ; au contraire, la petite terrasse qui forme la marche est le plus souvent constituée par une roche à fleur de terre. On vérifie d'ailleurs très vite ce qu'il en est en sondant le terrain avec une barre à mine. Tout ce que nous avons dit à propos des essences indique suffisamment à chacun ce qu'il peut planter et comment il doit s'y prendre, en utilisant tous les abris naturels et toutes les ressources locales. Dans les friches, plus que partout ailleurs, il faut faire preuve d'opportunisme et songer aux petites recettes. C'est ainsi qu'il peut être permis d'avoir recours au semis direct, en terrain non préparé dont M. l'Inspecteur des forêts Pierre Leddet signale les excellents résultats (1) : dans les friches de Reuilly et Saint-Georges (Indre), on a jeté à la volée 10 kilog. de semence (8 kilog. de pin noir (1) Bulletin de la Société des Amis des arbres^ n° 25, 1899i 448 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. et 2 kilog. de pin sylvestre) par hectare ; avec un double her- sage à tour croisé suffisant pour recouvrir la semence, les frais n'ont pas dépassé 58 francs par hectare, y compris l'achat de la graine. Le résultat a été parfait et les massifs de plus de 30 ans sont très beaux. Il s'agit d'un terrrain appartenant au groupe corallien de l'oolithe moyenne, aride au point d'être appelé Champagne', la nature filtrante du sous-sol, fissuré en tous sens, draine les surfaces sans permettre à la capillarité d'y faire rencontrer les eaux profondes ; la mince couche de terre ne conserve quelque fraîcheur qu'en raison de son état de tassement : tout ameublissement, toute culture ne feraient qu'en augmenter l'extrême sécheresse. En sem- blable situation, on peut procéder de même; mais pour être certain de réussir, il faut comparer la flore sauvage des deux stations î car rien ne fait mieux ressortir l'analogie des milieux que la présence simultanée des mêmes plantes : arbustes, herbes, mousses ou lichens. A titre d'exemple, nous citerons encore l'intéressante étude de M. Duparchy (1), où l'auteur décrit le procédé qu'il a mis en usage pour boiser des versants chauds pauvres en humus des environs de Saint-Claude, dans le Jura : .. . On doit tout d'abord renoncer à la satisfaction de faire des plan- tations bien alignées, contenant le nombre réglementaire de plants à l'hectare... il faut se borner à mettre ceux-ci au hasard des places qui semblent propices, de préférence tout contre un buisson, si petit soit-il, et le plus possible du côté nord. J'ai acquis la conviction que là où végète un buis de médiocre vigueur, là aussi peut vivre et pros- pérer un épicéa, à toute exposition, sauf peut-être le plein midi; mais à la condition que le plant sera placé de manière que ses racines soient en contact immédiat avec les racines du buis et, par consé- quent avec l'humus qui entoure celles-ci... Comme il s'agit ici d'un sol pierreux et pauvre en terre végétale, on devra s'abstenir de faire des trous à l'avance et à la pioche, ce serait s'exposer à perdre le peu d'humus qu'on aurait déplacé... Il est préférable de se servir d'une forte barre de fer ou sorte d'épieu terminé, à une de ses extrémités, par une pointe aciérée, et à l'autre, par une tête arrondie. Avec la pointe on sonde le sol, et, quand on a trouvé un fond suffisant, en agitant la barre, on élargit le trou assez pour pouvoir y introduire le plant. Quelques coups donnés avec le pommeau serrent la terre contre les racines. (1) Loc. cit. page 406. LA MISE IN VALEUR PAS LE BOISEMENT. 14(.) A chacun de s'ingénier! Les garrigues. — La garrigue, c'est la friche sous le soleil du midi. On peut la boiser, grâce au pin d'Alep et au chêne vert, qui réussissent partout où le vent n'est p;is trop violent. ( >n peut encore y introduire des plantes ligneuses diverses, arbrisseaux ou sous-arbrisseaux, tels que le sumac fustet, l'épine-viiiette, qui ont des emplois industriels, et surtout le buis, si recherché des tourneurs, mais qui se l'ait rare dans le midi comme dans le Jura. La bruyère en arbre, l'arbousier sont dans le même cas. Enfin, les garrigues pourraient être transformées en pâ- tures ligneuses ; diverses espèces de genêts, de saules, de peupliers, le noisetier, les variétés de robinier sans épi- nes, etc., présenteraient des ressources sous ce rapport. « Je suis convaincu, dit M. Lecoq (1), que la plupart des ter- rains secs, des pacages, par exemple, donneraient d'aboli dantes feuillées, bien supérieures en quantité aux maigres plantes herbacées qui les couvrent ou que l'on peut y semer, si on y plantait des arbres à feuillage, dont les souches, tail- lées chaque année, donneraient en abondance des jeunes pousses qu'une sécheresse prolongée ne saurait détruire, comme elle arrête la végétation des prairies. » M. Grandeau (2) cite dans une brochure signée M. A. P. et imprimée à Bourg, les lignes suivantes, qui peuvent trouver place ici, bien qu'intéressant une autre région de la France : Dans quelques parties du haut Maçonnais, on coupe, au mois de septembre, les taillis de l'âge de six ans pour fourrage, et on les vend, à cet âge^ aussi cher que si on les vendait à dix pour le bois seule- ment... On coupe les branches pour feuillées, avant les brouillards^ autant que possible, par un beau jour d'automne, et on fagote le len- demain, alors que la feuille s'est un peu fanée au soleil... L'utilité de ces fourrages ligneux étant ainsi bien démon^ trée, nous ferons seulement à leur emploi deux objections : 1. 11 ne faut employer qu'avec prudence, dans l'alimentation du bétail, les ramilles ou les jeunes pousses dont l'usage n'est (1) Traité des plantes fourragères. Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1862. (2) Loc. cit. BoprE et Joi.tet. 29 450 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. pas courant : des indispositions, ou, tout au moins, des sym- ptômes suspects se sont produits déjà à différentes reprises; ainsi, les hématuries qui sont attribuées à l'abus des papilio- nacées. De plus, quelles que soient les essences, les feuilles vertes récoltées au premier printemps amènent des désordres analogues à ceux qu'on appelle le mal du brou ou la folie des chevreuils, chez les bêtes fauves. 2. Un terrain quelconque, — mais surtout un terrain pauvre et superficiel, sous un climat chaud, — consentira-t-il à produire des récoltes indéfinies et quasi annuelles de four- rage ligneux? Il s'épuisera sans aucun doute, car on n'a pas la prétention de fumer de pareilles cultures comme on le fait pour les oseraies, — mode d'exploitation analogue et dont on connaît les exigences. — Nous avons aussi souvenance de certaines landes des environs du Mans où, à force de couper la bruyère, on est arrivé à un état d'appauvrissement tel qu'elle-même s'est refusé d'y croître. Pourtant, s'il est un végétal frugal, c'est bien la bruyère! Quoi qu'il en soit, nous concluons qu'au lieu de mener le bétail pâturer en forêt, ce qui entraîne le gaspillage, le tasse- ment du sol, la perte des engrais, le mieux serait, au point de vue agricole comme au point de vue forestier, de récolter les feuilles vertes, en cas de pénurie de fourrage, ou de cou- per au sécateur les jeunes ramilles feuillues, de préférence en juin, juillet et août, dans les coupes destinées à être exploi- tées l'hiver suivant. d. La mise en valeur des terrains stables en montagne : les procédés de boisement. — Les prés-bois. Les procédés de boisement. — Dans les massifs monta- gneux qui, par suite de leur âge géologique, de leur nature rocheuse, de la végétation herbacée ou ligneuse protégeant les surfaces, semblent avoir acquis des conditions définitives d'équilibre, la dénudation se présente sous forme d'accidents purement locaux : les torrents dangereux n'existent pas. Les reboisements conservent alors leur caractère de mise en valeur et d'utilité privée : ils restent facultatifs. A cette caté- LA MISB i:n VALEUB l'Ali LB BOISEMENT. 451 gorie appartiennent les Ar donnes, les Vosges, Le Jura, le Morvan, le Plateau central, les collines de Bretagne el les montagnes basses des Maures el de l'Esterel. En toutes ces régions, on peut procéder à l'aide des seuls moyens déjà cités : rien de spécial ne doit précéder ou accompagner l'opération. 11 sullit de choisir les essences les mieux appropriées au sol et au climat, en tenant compte de l'altitude, et de suivre les procédés les plus économiques suivant les ressources locales. S'il se présentait quelque diffi- culté, elle serait facilement résolue grâce aux indications données plus loin, à propos des boisements obligatoires en montagne. Les prés-bois. — Mais ici encore, plus qu'ailleurs peut- être, il y a lieu pour un propriétaire de bien peser si son intérêt est de boiser partout et à tout propos, s'il ne convien- drait pas, au contraire, de réserver une place à la production des herbages ou, mieux encore, d'associer sur certains espaces l'exploitation forestière et l'exploitation pastorale. Cette association existe dans la forme excellente du pré-bois. Dans le Jura, ces sont de bouquets d'arbres disséminés en îlots parmi les pâtures et constitués par des essences diverses, dont les plus importantes sont : le hêtre, le coudrier, l'épicéa et le sapin. Ces deux dernières se trouvent quelquefois à l'état de sujets isolés et prennent alors une forme spéciale et pitto- resque, comme on se plaît à se représenter les anciens cèdres des montagnes du Liban. Dans les Alpes, l'espèce habituelle est le mélèze qui, par tempérament, accepte mieux la forme de « clairs-bois », dont le sol couvert d'herbe est pâturé ou iauché (fig. 87). Dans les Pyrénées, le pin de montagne, le sapin et le hêtre se prêtent à cette double culture. Nous prendrons pour type les prés-bois du Jura, qui passent, à juste titre, pour les modèles du genre (fîg. 88). Les vallées de la Suisse, celles de la Savoie en possèdent aussi de très beaux exemples, et l'administration des Eaux et Forêts emploie tous ses efforts à en généraliser l'usage aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées et dans le Plateau central (1). (1) Gebhart, Pâturages et forêts. Paris, Berger-Levrault, 1889. 152 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Un pré-bois, dit M. Broilliard, est un terrain, mi-partie en prairies ou en pâturages à peu près dépourvus d'arbres, et mi-partie en bois à l'état de bouquets ayant une certaine consistance ; les arbres isolés n'y sont qu'exceptionnels. Les parties déprimées, doucement ondulées, fraîches, riches en terre végétale, sont laissées à l'herbe, qui s'y déve- loppe abondante, grâce aux rosées et à l'abri des arbres voisins. Ceux-ci, occupant les hauteurs, les pentes raides, les parties pauvres ou rocheuses, forment des massifs, des bosquets, des lisières, défendus sur les bords par des buissons et des arbres de tailles diverses qui en font comme une masse de feuillage (1). Fig. 87. — Clairs bois de mélèzes au Lautaret. (Photographie de M. S. George.) Rien de frais et d'agréable à l'œil comme ces véritables parcs, sortes de jardins anglais qu'animent les magnifiques troupeaux jurassiens. Rien aussi de mieux compris au point de vue utilitaire. Au bénéfice cultural que le voisinage des arbres entretient la fraîcheur dans ces prairies sur sol naturellement sec et super- ficiel, s'ajoute le profit que l'on tire du bois. Les boqueteaux fournissent les perches nécessaires à l'édification des clôtures, le chauffage indispensable pour la fabrication du fromage et des épicéas, des sapins, qui, s'ils n'ont pas comme bois de sciage et comme bois de fente toutes les qualités de leurs congé- nères des futaies voisines, trouvent pourtant acquéreur dans des conditions très acceptables ; enfin ils abritent le bétail (1) Broilliard, loc. cit., édition de 180 J, p. 359. LA MISK EN VALEUR TAU LE BOISEMENT. 453 contre les ardeurs du soleil, contre la pluie <>( la (empote. Mais, si l'on n'y prend garde, un des associés absorbe l'autre et la faillite générale esl fatale. En fait, c'eal toujours l'arbre qui succombe victime de l'herbage ; cherchons le motif et le remède : D'abord, là comme en forêt, l'arbre est un capital, dont la réalisation (ente toujours le propriétaire. De plus, sur les Fig. £8. — Un pré-bois près de Leviers (Doubs). (Photographie de M. Juvanon du Vachat). surfaces en prés-bois, on ne peut pas indiquer par des chiffres les étendues relatives des pâtures et des boisés : le rapport varie à l'infini suivant l'état des lieux; l'essentiel est de mettre chacune des deux exploitations aux points que lui assigne la nature, en affectant aux arbres les endroits rocheux et les pentes rapides, car, quelles que soient les précautions prises, tout versant un peu incliné se dégrade quand il est livré au parcours. Une fois reconnue la place faite au bois, pour y maintenir ou pour y installer les essences ligneuses, il suffit de mettre 454 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. à profit un fait d'observation : l'union intime qui existe entre l'arbre et le buisson. Partout, en effet, nous voyons les bouquets de hêtres ou d'épicéas maintenus à l'abri de la dent du bétail par une ceinture d'épines, de genévriers, véritable rempart plus ou moins abrouti, mais qui supporte tous les mauvais coups. La chose est plus frappante encore, quand on assiste à la formation naturelle d'un pré-bois : comme dans toute forêt naissante, les arbrisseaux s'installent les premiers, — arbrisseaux épineux pour la plupart — et, quand ils ont pris possession du sol, les semis des grands arbres se jettent dans le fourré. Utilisons donc tous ces auxiliaires dévoués et, quand ils font défaut, remplaçons-les par des obstacles inertes. Ainsi, dans le Jura, on entoure de fagots d'épines les jeunes plants d'épicéa. Aux environs d'Ischl, dans le Salzram- mergut, on nous a montré des plantations faites au milieu de pâtures et que protégeaient efficacement des planchettes de 4 à 5 centimètres de largeur dépassant le sol de 20 à 30 cen- timètres, et fichées près de chaque sujet ; ce modeste obstacle suffisait à empêcher les vaches de poser le pied sur le jeune épicéa ou de brouter dans son voisinage immédiat. A notre avis, le meilleur est encore la clôture continue en ronce arti- ficielle, en fil de fer galvanisé ou en palissade « à la suédoise ». Ces défenses, utiles partout, sont indispensables autour des parties nouvellement boisées ; elles n'empêchent pas d'ailleurs le bétail de venir chercher près des arbres l'ombre et la fraîcheur. Les herbages réclament aussi nos soins. Le plus efficace est un bon aménagement, laissant à chaque pâture, à tour de rôle, un repos de deux ou trois années, pendant lequel l'herbe fatiguée « se refait » ; les vides disparaissent, les bon- nes espèces fructifient. Cette jachère, revenant tous les huit à dix ans, remplace l'engrais que l'on donne aux prairies de la plaine. D'ailleurs, le propriétaire qui comprend son intérêt profite de ce moment pour épierrer le pâturage, pour arra- cher la gentiane, le véraire, le genêt sagitté, les aconits, les linaigrettes, les euphorbes et autres mauvaises plantes, — pour défricher aussi les genévriers et les épines, là où l'on ne LA MISE in \ Al.KUlt r\i: LE BOISEMENT. 155 veùl pas que le l)nis s'installe, — pour étendre les fourmi- lières et les taupinières — pour semer un peu de bonnes graines dans les vides, etc., etc., — toutes précautions que nous avons entendu recommander sijustemenl aux éleveurs jurassiens par M. L'Inspecteur Cardot. Il en est de ceci comme des dégagements de semis: un bon pâtre, aussi bien qu'un bon garde, peut, le plus souvent, suffire lui-même à la besogne. L'un et L'autre méritent d'en être bien récom- pensés. Mais, qu'il s'agisse du Jura, des Alpes, des Pyrénées ou du Plateau Central, tous ces soins sont perdus si chèvres et moutons sont admis au pré-bois. Seules les bêtes bovines en méritent les honneurs. 3. LES BOISEMENTS OBLIGATOIRES. a. La restauration des montagnes: les causes de la dénudation. — Lu méthode de travail suivie. — Les travaux de soutien. — Les boise- ments proprement dits; — traitement des parties stables; — des parties mouvantes; — des terres noires. — Les enherbements. — Le gazonnement. — Conclusion. Les causes de la dénudation. Deux forces antagonistes se trouvent en présence dans les Alpes, dit M. Mathieu (1), et de la prééminence de Tune ou de l'autre, dépend la ruine ou la prospérité du pays. La première est la force de dénuda- tion qui démolit les crêtes, ravine les versants, comble les vallées, porte partout la dévastation. La seconde est celle de la végétation, victorieuse autrefois , vaincue aujourd'hui par l'aveuglement de l'homme, qui a tout fait pour l'amoindrir et a causé la disparition du tapis de verdure, auquel il devait aisance et sécurité ; toujours prête cependant à cicatriser les plaies, à réparer les désastres. Les phénomènes de dénudation sont de deux ordres et, suivant la cause qui les détermine, doivent être subis ou peuvent être prévenus. Parmi les premiers, se rangent les éboulements qui se produisent au pied des hauts escarpements calcaires, les chutes de rochers, les glis- sements lents ou subits de terrains parfois étendus, qui descendent à des niveaux inférieurs, avec maisons, forêts et pâturages. Les exemples de ce genre ne sont pas rares... Ce sont là des conséquences inévi- tables de la constitution géologique des Alpes ; soulevées à des époques relativement récentes et formées le plus souvent de terrains sédimentaires ou métamorphiques, alternativement délayables et résis- (1) Mathieu, Reboisement des Alpes, page 8. 456 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. tants, elles n'ont point encore pris leur assiette et la doivent prendre ; nulle force humaine ne saurait s'y opposer. Mais à côté des faits de ce genre, locaux et accidentels en défini- tive, il en est d'autres d'un caractère plus général, auxquels revient la plus large part des ruines dont les Alpes sont couvertes. Ceux-là peu- vent être prévenus : reboisement et regazonnement en fournissent les moyens certains. Ces moyens d'action sont exposés avec détail par M. l'Ins- pecteur général Demontzey (1). Les procédés mis en œuvre sous son habile direction dans les Alpes françaises sont applicables à toutes les autres régions montagneuses, car cette contrée, la terre classique des torrents, présente les plus grands exemples de la dévastation et les difficultés les plus sérieuses. C'est à l'ouvrage de M. Demontzey et au rapport de M. Mathieu que sont empruntés la plupart des renseignements qui vont suivre. D'ailleurs, en dehors des grands cataclysmes qui ont pétri la surface du globe pendant la suite des âges géologiques, nous voyons autour de nous la nature tout former et tout détruire à l'aide des infiniments petits : la goutte d'eau et la cellule végétale jouent le rôle fondamental dans tous ces phénomènes. Spécialement en ce qui concerne l'érosion des montagnes, l'observation des faits a démontré que les torrents ont pour cause première le déboisement et l'abus du pâturage. C'est par la reconstitution des forêts et des pâtures que nous par- viendrons à les éteindre. La méthode de travail suivie. — Dans l'ensemble de la région dévastée, on a procédé à la reconnaissance des torrents en activité, et délimité sommairement, pour chacun d'eux, le bassin de réception des eaux dangereuses. En présence de l'immensité du travail à accomplir, la méthode comman- dait de concentrer tous les efforts, toutes les ressources dis- ponibles, sur un petit nombre de points choisis parmi ceux où le danger était le plus imminent. Au début surtout, il fallait aboutir, et c'est en fractionnant la tâche qu'on a réussi. (1) Demontzey, Etude sur les travaux de reboisement et de regazon- nement des montagnes. Paris, imprimerie Nationale, 1878. LA MISi: EN VALEUR l'AK II' BOISEMENT. A*\ i 57 On peul envisager le versant d'une montagne déboisée comme constitué par une série dr à-dos, donl la ligne médiane serait dirigée suivant la pente et séparés les uns des autres par des ravins plus ou moins profonds, parcourus ou non, en temps ordinaire, par un ruisseau, mais où se précipitent, lors des grandes pluies ou des grandes fontes de neige, des masses énormes d'eau chargées de boue et roulant des blocs de rochers. 11 faut donc : 1° enrayer la vitesse des eaux au fond des ravins; c'est la Fig. 80. — Un grand barrage. (Photographie de M. P. Hirsch.) première chose à l'aire, car le torrent, affouillant la base des berges, provoque le glissement de pans énormes de terrain; !2° fixer les surfaces des à-dos par une végétation herbacée ou ligneuse qui, arrêtant les eaux de ruissellement dans leur parcours, empêche qu'elles se précipitent en masse dans les ravins où leur afflux presque instantané produit le phénomène torrentiel. Ainsi : consolider les masses, et fixer les surfaces, tel est le but à atteindre. Ajoutons que les torrents accumulent au bas des pentes, en arrivant dans le thalweg principal, des 458 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. masses énormes de détritus, qui constituent le cône de déjec- tion et qu'il importe aussi de boiser. Les travaux de soutien. — On obtient la consolidation des masses par une série de travaux établis dans le lit même du torrent et qui, depuis le barrage monumental en maçon- nerie jusqu'au simple clayonnage, soutiennent la montagne de la base au sommet (fig. 89 et 90). Le principe est, en général, de couper le lit du torrent par des barrages qui diminuent la vitesse d'écoulement des eaux et provoquent par suite le dépôt d'une partie des matériaux qu'elles charrient: terres délayées, blocs de pierre, etc.. Ainsi se forme en amont de chaque barrage un atterris- sement, et le profil en long du ravin perd son irrégularité primitive pour se transformer en une série de parties en pente douce séparées par des cascades. Dès lors, les eaux ri a /fouil- lent plus le bas des berges, qui sont même rechaussées par l'atterrissement. Ce sont là des travaux d'art ; mais le forestier qui les conduit a souveni besoin de faire œuvre de sylvicul- teur, pour consolider et défendre immédiatement ses travaux. Il en est ainsi quand il installe des barrages vivants, dans lesquels entrent de fortes boutures ou plançons, qui, tout en remplissant le rôle de pieux dans la carcasse des ouvrages, sont destinés à s'enraciner et augmentent, par leur grossisse- ment, la résistance à la poussée. S'agit-il de fixer des berges fraîchement décapées ou des talus en voie de règlement, on a recours à des planta- tions qui prennent alors le caractère de fascinages vivants, dont la disposition varie suivant les circonstances. Le plus souvent, on trace dans les berges une suite de rigoles horizontales d'une largeur proportionnée à la nature plus ou moins meuble du terrain et éloignées en raison des pentes, qui atteignent parfois 100 à l'20 p. 100. Pour établir ces haies de soutien, le regretté M. Couturier, alors qu'il était chef de service dans les Basses-Alpes, imagina le procédé suivant : dans la partie la plus basse de la berge, on creuse une pre- mière jauge en rejetant les déblais dans le fond du ravin; sur le plafond réglé en revers, on place horizontalement une série de plants assez rapprochés pour qu'ils puissent remplir LA MISE EN \ Ail rit PAR II BOIS] MENT. 159 le rôle de haie vive. Aussitôt ers dispositions prises dans la rigole inférieure, on ouvre immédiatement au-dessus Fig. 90. — Grands et petits barrages : clayonnages vivants en essences feuillues qui consolideron les ouvrages d'art; du torrent Bourget en 1885. (Réduction d'une photographie extraite de la collection due à M. le Conservateur de Gayffier.) une seconde jauge semblable, dont les déblais sont utilisés pour combler la première et régler le talus dans sa pente d'équilibre. Ainsi de suite jusqu'au sommet de la berge. Les jeunes plants, disposés dans une terre meuble, poussent avec vigueur, et, de suite, ils retiennent le sol dont on faci- 460 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. lite encore la consolidation par des enherbemenls en touffes. On peut utiliser, à cet effet, diverses essences feuillues comme le prunier de Briançon (1), le cytise des Alpes, l'aune gluti- neux, etc., cette dernière espèce, employée en boutures de 0m,20 de longueur et enfoncées de 0m,15 dans le sol, donne malgré l'opinion courante, d'excellents résultats, comme a pu le constater M. l'Inspecteur adjoint Mougin dans le périmètre d'Ugines (Savoie). Enfin, autour de chaque ouvrage et sur les atterrissements, on plante ou l'on bouture des peupliers, des aunes blancs (A. incana), des saules pourpres ou bleuâtres (S. purpura, cœsia), des hippophaés (//. rhamnoides), etc., toutes es- sences, soit drageonnantes, soit susceptibles d'être propagées par marcotte. Le saule marsault lui-même est bouturé dans certaines vallées des Alpes, à l'égal de ses congénères. Ces plantations, souvent traitées en menus taillis, préser- vent parfaitement le thalweg contre les érosions et fournis- sent, à chaque recépage, des matériaux qui seront utilisés avec profit dans tous les chantiers, sous forme de pieux, fas- cines, etc. Les boisements proprement dits. — En même temps que l'exécution des ouvrages d'art est poussée vigoureusement, on s'occupe de fixer toutes les surfaces relativement stables dans l'ensemble du périmètre délimité. Or, on sait que dans les pentes la terre nue n'offre aucune résistance à l'érosion des eaux pluviales ou sauvages, et que la végétation, sous forme de forêts, de broussailles ou d'her- bages, est seule capable de rendre au sol son armure pro- tectrice. Ce champ d'action appartient donc exclusivement au forestier reboiseur. Dans le choix des essences, il importe de s'en tenir à des espèces bien appropriées à l'exposition, à l'altitude, et au ter- rain. Ainsi, les Alpes méridionales, peuvent se diviser en quatre zones : (1) Peut-être le cerisier tardif d'Amérique donnerait-il de bons résul- tats. Ce serait à expérimenter. LA MISE BIS VALEUR PAB LE BOISEMENT. f<>l altitude 1° zone méditerranéenne ou ch&ude (l" à 1,000 — 3° zone alpestre ou froide de i, 000 à i ,800 — 4° zone alpine OU très froide de 1,800 à 3,000 — Chacune de ces quatre zones peut être caractérisée par l'aspect de sa végétation sauvage. Dans la première, les prairies proprement dites n'existent que dans les terrains irrigués. Les pâtures nombreuses ne sont autres que des garrigues, où les plantes, en touffes isolées, ne forment jamais gazon continu ; les graminées sont représen tées par des herbes à feuilles rares, dures, ordinairement enroulées. Dans la seconde, la végétation est encore éparse sur les terrains vagues. Les plantes qui les peuplent sont de familles très diverses; les espèces ligneuses dominent, comme : le buis, la lavande, le thym, le sumac, les genêts, les bruyères, les cistes, les bugranes ; le sainfoin s'y rencontre fréquemment. Dès qu'on pénètre dans la région alpestre, les pâturages peuvent être en gazons continus. Les plantes herbacées y réussissent mieux; différentes familles ont de nombreux représentants, mais les graminées, pour l'importance, sont reléguées au second rang. Les espèces annuelles ont disparu. Enfin, la zone alpine est la région pastorale par excellence. Les pâturages qui recouvrent de leurs gazons touffus tous les lieux en pente douce, les plateaux, les cols et même les pentes rapides sont peuplés d'espèces vivaces ; les gra- minées prennent plus d'importance que dans la région pré- cédente. Ces pâturages sont parfois fauchés et deviennent alors des prairies. Les principales essences déboisement appropriées à chacune de ces zones sont indiquées dans le tableau ci-après, en tenant compte des facultés qu'elles présentent pour être employées par semis ou par plantation : 46:2 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. DESIGNATION DES ZONES. ESSENCES A EMPLOYER Par plantation. Par semis. Pin cPAlep (Pin maritime. Zone chaude JPin pinier ^Chêne yeuse et liège, ( » (Caroubier. (Pin sylvestre ^Chêne rouvre. Zone tempérée u pelouses permanentes et n'est pas appli - cable à toutes les altitudes des régions montagneuses. C'est dans les grandes hauleurs avoisinant la Limite de la végétation ligneuse, régions purement pastorales, que ces travaux peuvent fournir le degré d'utilité qu'on leur demande; mais le boisement, qui n'est plus ici l'objectif, lui vient souvent en aide. En elfet, bien que le gazonnement intéresse la produc- tion pastorale plutôt que la production forestière, il existe une relation nécessaire entre ces deux modes d'exploitation du sol; et, sans sortir de notre cadre, il est permis d'appeler l'attention sur les faits suivants : Si Ton cherche à se rendre compte de l'origine de ces gazons naturels, de ces pelouses unies qui tapissent les flancs des montagnes au-dessus des forêts actuelles, tout indique qu'elles n'ont pu s'installer que grâce à la protection de la végétation ligneuse. Celle-ci a disparu par le fait de l homme, qui a méconnu les lois de la nature en exploitant les forêts d'une manière désordonnée et en abusant d'elle avec une impré- voyance coupable. C'est ainsi que la limite actuelle des forêts ne doit pas être considérée comme réelle, mais comme artificielle : les arbres épars et les souches recouvertes qu'on retrouve dans toutes les pâtures en font foi (1). Ces pelouses ne se reforment plus sur les terrains nus, et celles qui existent encore sont destinées, si l'homme n'y prend garde, à dispa- raître à leur tour et à suivre la loi d'abaissement que son égoïsme a déjà imposée aux forêts. Dans les Alpes de la Provence, par suite du climat sec qui caracté- rise cette région, la création de nouvelles pelouses sur les terrains supérieurs absolument dénudés ne peut être assurée que par l'intermé- diaire de la forêt. On constate, en effet, que les plantes herbacées qui végètent au-dessus de la limite réelle imposée à la végétation ligneuse par la température du lieu, ne forment pas des gazons sérieusement exploitables et sus- ceptibles de protéger le sol contre les influences météoriques. C'est en poussant le reboisement jusqu'à cette limite qu'on peut espérer rame- ner la pelouse partout où le sol est dénudé et assurer la consolidation des terres dans les régions les plus élevées du bassin de réception. (1) Rapprochons de ces lignes empruntées à M. Demontzey une phrase de M. Mathey : « Partout où l'homme n'a pas abaissé par des défrichements les limites supérieures de la forêt naturelle, celle-ci se termine par des arbres épars, le plus souvent stériles, car ils ont dé- passé les frontières normales de leur aire d'habitation. Ils proviennent de semences fournies par les massifs inférieurs et apportées par le vent sur des points où ils peuvent encore vivre, sans toutefois pouvoir mûrir leurs graines » {Le pâturage en foret). 470 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Telles sont du moins les conclusions auxquelles s'est arrêté M. Demontzey dans son xie chapitre, intitulé Travaux de (jazonnement. Il suffît d'ailleurs de constater la présence du beau gazon qui tapisse le sol de toutes les forêts de mélèzes, même celles de récente création pour être convaincu de ce fait. Conclusion. — Nous devons nous borner aux simples indi- cations qui précèdent, renvoyant le lecteur désireux de plus amples détails aux nombreux ouvrages publiés sur un aussi vaste sujet, aussi bien en France qu'à l'Étranger. Constatons seulement que l'initiative de l'entreprise et le mérite de la réussite reviennent tout entiers à l'Administration Française des Eaux et Forêts. Les résultats ont dépassé toute espérance et les quelques écoles des premiers jours ne sont rien en comparaison des succès obtenus. Peut-être, cependant, ne faut-il pas s'endormir dans une quiétude trop confiante. Tout en reconnaissant l'efficacité des moyens d'action et la parfaite exécution des travaux, il est permis d'appeler, une fois encore, l'attention sur une série de faits dont la gravité s'accroît de jour en jour. En même temps que l'œuvre du reboisement se pour- suit, des ennemis jusqu'alors inconnus ou, du moins, mépri- sés comme inoffensifs, se montrent partout ; leurs attaques prennent un caractère inquiétant : du nord au midi, on n'entend plus parler que d'insectes, de champignons, qui détruisent, en totalité ou en partie, les jeunes forêts créées à grands frais et sur lesquelles on fondait les plus belles espé- rances. Sous une forme animale ou sous une forme végétale, chaque essence artificiellement installée semble porter en elle son parasite. Les espèces exotiques ou étrangères à la région, sont plus particulièrement atteintes ; on dirait que le climat, à la rigueur suffisant pour qu'elles puissent s'en accommoder, est particulièrement favorable au développement de leurs ennemis. Le moment semble venu de couper court au mal par la reconstitution de la forêt spontanée. Sans attendre qu'on y soit contraint par la force majeure, il faut profiter du premier abri, de la première couche de terreau fournis par le boise- LA MISE EN \ \I.I I H PAR LE BOISEMENT. 171 menl pour installer en mélange les espèces de I" région. Le mieux, partout où eela sera possible, sera de créer des sous- bois de feuillus, hêtre ou châtaignier; à défaut de hêtre, le sapin formera d'excellenls SOUS-étageS dans les stations moyennes. Enfin, dans les plus grandes altitudes, le mélèze, dont les parasites lui appartiennent en propre, sera toujours indiqué pour remettre en état de production les espaces de quelque étendue. b. La fixation des dunes : les dunes mari Limes. — Les moyens d'action. — La dune littorale. — Boisement de la dune blanche. — Les dunes continentales. Les dunes maritimes. — Le long du littoral de l'Atlan- tique, de Bayonne à Dunkerque, partout où la mer n'est pas brisée par des falaises, elle dépose sans cesse, sur les plages, des sables siliceux, blancs, fins, provenant de matériaux tri- turés par les mouvements du flux et du reflux. La tempête soulève ces sables mobiles, les chasse vers l'intérieur où ils s'accumulent en chaînes de collines voyageuses, tantôt paral- lèles au littoral, tantôt confusément orientées, en tous cas, donnant à la contrée ce relief particulier auquel on a donné le nom de dunes. Entre chacune de ces chaînes s'étendent les leltes, sorte de vallées marécageuses, errantes comme les dunes, et dont les eaux malsaines, refoulées dans le mouve- ment général de transport, inondent les terres fermes, en même temps qu'elles charrient la fièvre. L'accumulation des eaux dans les lettes tient à la constitu- tion toute particulière du sable cru qui constitue la dune blanche. Dans leur mouvement de translation, ces grains lavés, presque chimiquement purs, se dessèchent à la façon des poussières atmosphériques et se déposent absolument privés de leur eau globulaire. On sait que de tels milieux restent longtemps imperméables ; aussi toutes les eaux plu- viales qui tombent sur les pentes roulent-elles rapidement vers le fond des cuvettes où elles sont retenues par des causes semblables. Parfois le dessèchement rend les maté- riaux de transport tellement réfractaires à la capillarité, qu'ils peuvent se déposer en couches assez épaisses à la surface 47.2 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. des eaux tranquilles pour former les blouses, dont l'aspect trompeur a été fatal à plus d'un voyageur imprudent. Aussitôt que le boisement a revêtu la surface de cette cou- verture forestière dont on connaît les propriétés hygromé- triques, en même temps que diffusé la matière organique dans les couches plus profondes, le régime des eaux reprend son cours d'infiltration normal. L'assainissement des lettes devient ainsi la conséquence nécessaire du boisement des dunes. Les moyens d'action. — Dès la fin du xvmc siècle, on avait compris que le boisement était le seul procédé efficace pour fixer les dunes. En 1787, l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Bré- montier, donnait une réelle impulsion aux travaux de dé- fense qu'il dirigea durant plusieurs années et qui lui valu- rent, avec le nom de Bienfaiteur des Landes, le monument élevé à sa mémoire à la station de La Bouheyre. Il est juste toutefois de citer les Ruât, les Desbiey, le comte de Montausier et surtout le baron de Villers, ses précurseurs, qui, moins favorisés par les circonstances, ne purent mettre en œuvre les projets qu'ils avaient conçus (1). Mais, comme pour la restauration des montagnes, la loi devait intervenir en vue de donner à l'opération son carac- tère obligatoire (2). Aujourd'hui — et c'est un nouveau point de similitude avec les travaux de restauration des montagnes — on a reconnu la nécessité de se créer une base d'opération, de donner au point d'appui aux premiers boisements exposés à l'assaut des vents et du sable : on a donc encore recours aux mêmes moyens : 1° consolider les masses par des travaux d'ordre plutôt technique ; 2° fixer les surfaces par la culture forestière. (1) Pierre Buffault, Étude sur la côte et les dunes du Médoc. Irnp. Jehl. Souvigny, 1897. (2) Décret-loi du li décembre 1810, relatif à la plantation des dunes; — ordonnance des 15 juillet 1818-8 mai 1819, contenant règlement des digues et dunes du Pas-dé-Gelais. LA MISE IN VALEUR PAU LE BOISEMENT. 173 La dune littorale. — Sans cesse renouvelée par les apports inépuisables de l'Océan, la masse des sables poussés par le vent de mer remonte les pentes assez faibles que pré- sentent les collines du côté cl 11 rivage. Elle s'accumule sur les sommets d'oii elle s'éboule, en vertu de son poids, suivant des profils atteignant 45 degrés et plus, à cause du manque de cohésion des matériaux. La base de ce talus s'avance ainsi continuellement vers les terres avec des vitesses variables suivant les années et les saisons, mais pouvant atteindre 12 et même 20 mètres en une année. Aucun obstacle ne peut arrêter la marche de ces collines envahissantes dont la hauteur dépasse parfois 70 à 80 mètres : forêts, villages et clochers qui se rencontrent sur leur passage, disparaissent ensablés. Pour combattre le fléau, il faut l'étoulTer à sa naissance; on y arrive par l'édification de la dune littorale (1). Le baron de Villers, puis Brémontier, semblent avoir conçu l'idée de ce véritable ouvrage de défense dont la construction n'a été commencée que bien après eux, en 1851. Depuis cette époque à nos jours, plusieurs théories se sont succédées quant au profil à lui donner. L'ancienne méthode, que nous allons décrire, est peut être celle qui donne l'idée la plus nette du but poursuivi et des moyens à employer. Elle a du reste fait bonne besogne pen- dant de longues années. A 50 ou 80 mètres de la hisse des hautes eaux, parallè- lement au rivage, c'est-à-dire perpendiculairement à la direc- tion du vent, on dispose une palissade formée de madriers d'une largeur de 0m,12 et d'une épaisseur de 0m,03 ; ces ma- driers sont profondément enfoncés dans le sable avec une saillie de 1 mètre au-dessus du sol ; ils sont espacés les uns des autres de 0m,0'2 à 0m,03. A la suite de chaque tempête, le sable, poussé par le vent, s'accumule devant la palissade et coule de l'autre côté par les vides laissés entre les planches; (1) Pour plus de détails, voir les articles et notices publiés par MM.Goursaud, Revue des Eaux et Forêts, 1880; — Grandjean, La dune littorale, Revue des Eaux et Forêts, 1887; — Violette, Entretien de la dune littorale, lmp. A. Dupeyron, Mont-de-Marsan, 1899 ; — A. Lafond, Fixation r/ev dunes, lmp. nationale, Paris, J900. 474 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. suivant la dimension des grains, l'équilibre s'établit plus ou moins facilement entre les dépôts des deux aspects. Mais, contrairement à ce qui se passe dans les dunes naturelles, l'inclinaison est assez forte sur le talus du côté de la mer, tandis qu'à l'opposé la pente s'allonge bien davantage, une partie du sable étant entraînée, par la force du vent, en arrière de la palissade et plus ou moins loin suivant la grosseur des grains. Lorsque les madriers sont enfouis presque jusqu'au sommet, on les relève et l'opération suit son cours jusqu'à ce que la dune ait atteint la hauteur voulue; en géné- ral, 10 à 12 mètres au-dessus du niveau de la haute mer. C'est ainsi que le vent, dompté par l'homme, travaille lui- même à élever l'obstacle qui détruira les effets nuisibles de sa force d'entraînement; comme la vapeur, il actionne en même temps les freins et les moteurs. Tout en exhaussant les madriers, on se préoccupe de la forme la plus favorable à donner au profil de la dune. On surveille la marche des dépôts pour rectifier le travail, par- fois peu précis, du vent, par des fascinages, des épis et autres moyens complémentaires. Enfin, le relief normal étant acquis, on fixe la surface en la plantant de touffes de gourhet (Calamagrostis arenacea). Cette précieuse graminée est l'auxi- liaire indispensable ; elle se propage par voie de boutures comme par voie de semis, lance ses drageons à de grandes distances, et pousse de nouvelles racines au niveau du sol, à mesure que sa tige est ensablée. La dune littorale étant ainsi achevée et garnie, il ne reste plus qu'à l'entretenir. Une surveillance constante doit assurer la bonne conservation d'un ouvrage qui sera la sauvegarde contre tous les dangers à venir; il faut, sans aucun retard, réparer les brèches ouvertes sur ses flancs par les rafales de vent ou les paquets de mer de la dernière tempête. Dans les départements des Landes et de la Gironde, un personnel de cantonniers est spécialement préposé à la garde de cette dune, dont la plate-forme a été kilométrée pour faciliter la direction du service et la transmission des ordres. Aujourd'hui une tendance assez générale se manifeste à donner à la dune littorale un profil quasiment inverse du pré- LA MISE EN VAI.KUll l'Ai» LE BOISEMENT. 175 cédcnl. Suivant la pittoresque image employée par M. le Conservateur de Vasselot de Régné (I), la dune naturelle rap- pelle par son profil un chien assis regardant vers L'Est, vers la lerre ferme. On avait pu s'imaginer qu'en retournant le chien, le nez vers L'Océan, il perdrait son humeur vagabonde et ferait bonne garde contre les sables envahissants: d'où la forme des premières dunes littorales. Mais c'était compter sans le courroux de l'Océan qui, les jours de tempête, se rue sur l'obstacle, y faisant de larges brèches ; aussi, a-t-on replacé le chien dans sa position première : comme le roseau de la fable, la dune littorale à pente très douce vers l'Océan, se laisse submerger par les vagues, puis, la tempête finie, quand les eaux se sont retirées, elle reparaît intacte. Ce nouveau profil s'obtient en disposant, parallèlement au rivage, des lignes successives de petites haies faites de branches de pin, hautes d'environ 0m60 et au pied desquelles le sable s'accumule. Le talent consiste, suivant la forme de la côte et la marche des sables, à disposer ces obstacles au point voulu pour amener la dune à constituer sa ligne de crête à une distance du littoral telle que la pente puisse s'étendre sous l'inclinaison la plus efficace. Ces mêmes cordons, avec les semis degourbet sans couver- ture de branchages, permettent de barrer et d'enrayer les .sifflets ou siffle-vent, couloirs que le vent creuse dans la dune et d'aveugler les ventouses. C'est, d'ailleurs, merveille devoir comme les forestiers com- pétents savent utiliser les forces de la végétation pour modeler suivant leur gré cette chose d'allures si mobiles et si capricieu- ses qu'est le sable de la dune : ils s'empressent de fixer par le gourbet les points où le profil est acquis, arrachant ou éclaircis- santeette plante, au contraire, quand ils veulent faire déplacer parle vent les amas de sable ou trucs devenus inutiles ou gênants. Souvent les haies parallèles au littoral sont flanquées d'épis, dont la direction est perpendiculaire à la leur ; ceux-ci peuvent eux-mêmes se subdiviser en patte d'oie, ou se ramifier en contre-épis. (J) De Vasselot de Régné, Xotice sur les dunes de la Coubre. Paris, Imprimerie nationale, 1878. 476 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. Quand des côtes sinueuses, en pointe, sont exposées à tous les vents violents, une étude approfondie de la situation peut seule déterminer les points où il faut établir les ouvrages de '43 _ o Q £ es T3 X G O 03 tj O T3 — 3 C x cd C —i 0 0 C 5 o , , « X c o 'c. 'Ec 'C ■•93 G „ O TZ 03 cd S ta .— a ■*â cd — > s . #- ■03 43 u *J TJ ? c 03 03 o «a S _c «j jj Q ^ ? u CJ fcc 2 X o a — J c o G c ~ es G o «— rj T) "3 03 3 G o Q C G 15 03 c O ta Qj CO U -c U o 1 2 -o l ea C3; 03 h5 -ce i e bc 1 Ph fc défense, et la direction à leur donner. 11 en est ainsi à la dune de la Coubre (Charente-Inférieure) (1); il en sera de (1) de Vasselot de Régné, loc. cit. LA MISE EN VALEUR l'A» LE BOISEMENT, 177 môme, à plus forte raison, quand il s'agira d'établir des dunes C riline lia les de défen se. G Sa S a o - O 0) o o o G 3 Enfin, sur les points où la mer déferle en rongeant les rives, sans déposer de sable, les matériaux font défaut. On sub- stitue donc à la dune des enrochements et l'on combat la vio- 478 LES PEUPLEMENTS ARTIFICIELS. lence du flot par la création d'une forêt de solides pieux enfoncés dans le sable et appelés brise-lame. Letamarix, avec ses longs rameaux flexibles, rend les plus grands services pour con- solider toutes ces œuvres mortes par un feutrage vivant. On cherche, en même temps, à remplacer l'ancien profil tracé par le caprice des flots par une véritable plage artificielle dont la pente descende jusqu'à 5 à 6 p. 100 de façon que la lame puisse s'y étaler en perdant sa force d'érosion. Ainsi chaque point appelle une solution spéciale; à toutes celles qui sont déjà expérimentées ou entrevues, l'observation de chaque jour en apporte d'autres. En fait, le profil définitif de la dune n'est pas encore trouvé, peut être même ne le trouvera-t-on jamais. Mais ce que l'on peut dire, c'est que la dune artificielle créée par nos prédécesseurs a accumulé à pied d'œuvre des masses colos- sales de matériaux plastiques pour les tenir à la disposition du forestier. Celui-ci peut pétrir à son gré les kilomètres cubes de sable suivant le mode ou la formule du jour; il peut en déplacer ou en fixer les masses à l'aide de la force gratuite du vent, sans autre dépense que les petits travaux peu coûteux qui consistent en piochages superficiels quand il veut abaisser les profils ou en plantations des gourbets quand il veut les relever. Ce qu'on peut dire encore, c'est que le fait dominant de cette œuvre magistrale, a été de permettre le boisement complet de la dune blanche, de la fixer définitivement, de la lande à la mer, et de créer, dans cette large zone qui n'était qu'un désert aussi menaçant qu'improductif, une forêt immense dont la valeur et le rendement sont déjà considérables. Voici d'ailleurs le procédé de boisement de cette dune blanche. Boisement de la dune blanche. — Tout le système de fixation repose sur le principe suivant: Dans la masse de sable nu, susceptible d'être corrodée par le vent, le transport s'opère grain par grain, roulé à mesure que chacun, débarrassé de ceux qui le recouvraient, arrive à la surface pour être transporté à son tour. Dès lors, si l'on parvient à arrêter le déplacement des grains à la superficie, I.A MISE l'N VALEUR PAR LE BOISEMENT. 479 il n'y a rien à craindre pour ceux l. - Lei engrais. Le terreau. — Amé nagemenl de la pépinière. — Sun étendue. — Lei outils. — Lef clôtures. — Les dangers à combatl re •• . . 351 :;i>~ g 2. Exploitation de la pépinière. Exécution des semis : en plein; — en rigoles; — en coffres; — procédés spéciaux ; quantité de grai- nes à employer; — saison des semis. — Soin» à donner aux semis -. pralinage des graines; — abris contre la sécheresse ; abris d'hiver; — abris contre les gelées printannières ; — abris permanents : — arrosages el irrigations; — sarclages; — binages. — Travaux divers: repiquage des plants: — leur extraction; — leur taille et leur rha- billage ; — transport et emballage 367-390 § 3. Pépinières volantes ou locales. — Avantages. — Installa- tion 391 -392 Exécution des plantations. — Préparation du sol. — Disposition des plants. — Confection et dimension des trous. — Manipulation des plants. — Plantation à racines nues; — par touffes; — en butte; — en corbeilles. — Plantation en terrain non préparé. — Saison favorable à la plantation. — Application aux principales essences. — Soins à donner aux plantations 392-513 Article IV. — Procédés spéciaux de boisement. Les boutures. — Les plançons. — Les marcottes 413-415 Article V. — Les essences de boisement. 1. Généralités. — Choix des essences. — Caractères de la forêt arti- ficielle 415-117 2. Les essences indigènes. — Essences résineuses. — Essences feuil- lues. — Mélanges 417-422 3. Les essences exotiques. — Généralités. — Le choix à faire. — Les essences les mieux connues. — Conclusions 422-431 Article VI. — La mise en valeur par le boisement. 1. Généralités. — Les boisements facultatifs. — Les boisements obli- gatoires. — Règle commune à tous deux 431-433 2. Les boisements facultatifs. — a. Les améliorations en forêt: Con- sidérations générales. — Applications dans les futaies, dans les taillis 433-436 b. Les terres arables abandonnées par l'agriculture: Conditions de déclassement. — Les procédés de boisement. — Boisements spéciaux. — Arboriculture fruitière. — Les têtards; les arbres d'émonde et les ramilles-fourrage 437-444 c. Les terres incultes en pays de plaines et de coteaux : Les landes. — Les friches. — Les garrigues 444-450 d. Les terrains stables en montagne : Les procédés de boisement. — Les prés-bois 450-455 188 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES. 3. Les boisements obligatoires. — a. La restauration des montagnes dégradées: Les causes de la dénudation. — La méthode de travail suivie. — . Les travaux de soutien. — Les boisements proprement dits ; — traitement des parties stables ; — des parties mouvantes ; — des terres noires. — Les enherbements. — Le gazonnement. — Conclusion 455- 17 1 b. La fixation des dunes : Les dunes maritimes. — Les moyens d'action. — La dune littorale. — Boisement de la dune blanche. — Les dunes continentales 471-182 Table analytique des matières 483-488 FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES. 87j--91>. — Cohijeil. Imprimerie Éd. Crktè J.-B. BA1LLIÈRE ET FILS, 19, rue Hautefeuille.JPARIS BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉTUDIANT EN MÉDECINE ATLAS D ANATOMIE TOPOGRAPHIQUE pah Le Dr O. SCHULTZE PROFESSEUR DANATOMIE A L'UNIVERSITÉ DE WURZBOURQ ÉDITION FRANÇAISE Par le Dr Paul LECÈNE Prosecteur à la Faculté de médecine de Paris, interne lauréat des hôpitaux de Paris 1905, 1 volume grand in-8 colombier de 180 pages, accompagné de 70 planches en couleurs et de nombreuses figures intercalées dans le texte. Cartonné. . . 24 fr. 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Examen de Médecin auxiliaire : Airte-mémoire de l'Examen de Médecin auxiliaire. \ vol., 3 fr. Le Premier Llore de Médecine Manuel de Propédeutique pour le stage hospitalier Par J. BOUGLÈ I et A. CAVASSE Chirurgien des Hôpitaux de Paris. Ancien interne des Hôpitaux de Paris. I Partie médicale, 1 vol. in-18 jésus de 447 pages, avec figures 5 fr. II. Partie chirurgicale, 4 vol. in-18 jésus de 531 pages, avec figures 5 fr. Les 2 parties en 1 vol., reliure d'amateur, peau souple, tête dorée 12 fr. Conférences pour l'Externat des Hôpitaux Par les Drs SAULIEU et DUBOIS, Internes des hôpitaux. Anatomie 4901, 1 vol. gr. in-8 de 370 pages, avec 277 figures 8 fr. Pathologie et Petite Chirurgie 1901, 1 vol. gr. in-8 de 334 pages, avec 45 figures 8 fr. Conférences pour l'Internat des Hôpitaux Par les Drs SAULIEU et DUBOIS, Anciens internes des hôpitaux. 1902, 30 fascicules gr. in-8 de 48 pages chacun, avec 307 figures 30 fr. Chaque fascicule se vend séparément 1 fr. Fascicule I. Larynx et Trachée. — II. Poumons et Plèvres. — III. Cœur. — IV et V. Thorax. — VI. Crâne et Face. — VII. Œil et Oreille. — VIII. Encéphale. — IX. Moelle. — X. Moelle et Rachis. — XI. Cou et Corps thyroïde. — XII. Langue, Voile du Palais, Amvgdales. — XIII. Œsophage et Estomac. — XIV. Intestin. — XV. Rectum et Périnée. — XVI. Foie et Voies biliaires. — XVII et XVIII. Abdomen. — XIX et XX. Reins, Uretères, Vessie. — XXI. Organes génitaux de la femme. — XXII. Accouche- ments. — XXIII. Organes génitaux de l'homme. — XXIV et XXV. Membre supérieur. — XXVI, XXV11 et XXVIII. Membre inférieur. — XXIX et XXX. Maladies générales. anatomie, Aide-mémoire de Médecine hospitalière, $£$£$, {>etile chirurgie, pour la préparation du concours de l'externat, par le professeur *aul Lefert. 4 vol. in-18 de 288 pages, cart .... 3 fr. Dictionnaire de Médecine, de Chirurgie et de Pharmacie Par Emile LITTRÉ ET DES SCIENCES QUI S'Y RAPPORTENT de r Académie française .*_/•.». et de l'Académie de médecine. (Vingtième édition) 4903. I vol. ?r. in-8 de 1910 p., à 2 col., avec fig. * 25 fr. ANATOMIE SOBOTTA.. DISSECTION RéGNÂULT HISTOLOGIE — Sobotta 90 fr. — Beauius et Boi chabd. 25 fr. 5 fr. 12 fr, 20 fr. — Alquieb Précis de Dissection des Régions Par J. RÉONAULT Prosecteur à l'Ecole de médecine de Toulon. 1904, 1 vol in-8 de 176 pages avec 50 planches coloriées 5 fr. Nouveaux Éléments d'Anatomie descriptive Par H. BEAUNIS I et A. BOUCHARD Professeur à la Faculté de médecine de Nancy. I Professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux. Avec 557 figures tirées en 8 couleurs 5e édition. 1894, 1 vol. in-8 de 1072 pages, cartonné 25 fr. THBLEHOX SYNOPTIQUES DlfiïOJUIE %oLL^™NY 1899, 2 vol. gr. in-8 de 200 pages chacun, cartonnés 10 fr. ATLAS MANUEL D'ANATOMIE -SS^- 1895, 1 atlas gr. in-8, de 27 planches coloriées, découpées et superposées, cart. 40 fr. Aide-mémoire d'Anatomie lostéologie, splanchnologie et organes des sens) et d'enihryologie, par le professeur Paul Lefert. 4e édition. 1 vol. in-18 de 276 pages, cartonné 3 fr. Aide-mémoire d'Anatomie à l'Amphithéâtre, dissection et technique microsco- pique, arthrologie, myologie, angéiologie, névrologie et découvertes anatomiques, par le professeur Paul Lefert. 4e édition. 1 vol. in-18 de 306 pages, cart. . 3 fr. Atlas-Manuel d'Histologie et d'Anatomie microscopique Par le Professeur SOBOTTA Édition française par le Dr MULON far le *TOieî>!»eur 3UDU i i j\ Préparateur d"Histologie à la Faculté de médecine de Paris. Préface du Dr LAUNOIS, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 1903, 1 vol. in-16 avec 89 pi. coloriées, relié maroquin souple, tête dorée.. 20 fr. Guide Pratique d'Histologie Normale et Pathologique TECHNIQUE ET DIAGNOSTIC Par L. ALQUIER et E. LEFAS Anciens internes des hôpitaux de Paris. Préface du Professeur CORNIL 1902, 1 vol. in-8 de 423 pages, avec 151 figures noires et coloriées 12 fr. Aide-mémoire d'Histologie, par le professeur Paul Lefert. 1897, 1 vol. in-18 de 317 pages, avec 64 fig., cart 3 fr. Précis de Microscopie, par le Dr Couvreur. 1888, 1 vol. in-16 de 350 pages, avec 112 fig., cart 4 fr. La Technique microscopique et histologique, par le professeur Mathias Duval. 1878, 1 vol. in-16 de 313 pages, avec 43 fig 3 fr. 50 MICROBIOLOGIE Macé. 25 fr.— Besson. 14 fr. PARASITOLOGIE Momez 10 fr. ANATOMIE PATHOLOGIQUE Co'y.ne 15 tr. Traité pratique de Bactériologie Par E. MACE, Professeur à la Faculté de médecine de Nancy. 5e édition. 1904, 1 vol. gr. in-8 de 1295 pages, avec 361 fig., cart 25 fr. ATLAS DE MICROBIOLOGIE parE.MAcé 1 vol. gr. in-8 de 60 planches en 8 couleurs, cart 32 fr. Technique microbiologique et sérothérapique Par le Dr BESSON, Directeur du Laboratoire de Bactériologie de l'hôpital Péan. 3e édition. 1904, 1 vol. in-8 de 847 pages, avec 340 fig. noires et coloriées... 14 fr. Aide-mémoire de Bactériologie, par le professeur P. Lefert. 1901, 1 vol. in-18 de 275 pages, cart 3 fr. Tableaux synoptiques de Bactériologie médicale, par Dupont. 1901, 1 vol, in-18 de 80 pages, cart I fr. 50 Guide pour les Analyses de Bactériologie clinique, par L. Feltz. 1898, 1 vol. in-18 de 282 pages, avec 111 fig., cart 3 fr. Les Microbes pathogènes, par Ch. Bouchard, professeur à la Faculté de médecine de Paris. 1892, 1 vol. in-16 de 304 pages 3 fr. 5Q Traité élémentaire de ^arasitologie Par R. MONIEZ, Professeur à la Faculté de médecine de Lille. i896, 1 vol. in-8 de 680 pages, avec 111 figures 10 fr. Atlas-Manuel d'Histologie pathologique Par le Dr DURCK Édition française, par le Dr GOUGET, Professeur agtégé à la Faculté de médecine de Paris. £901, 1 vol. in-16, avec 120 planches chromolithographiées, relié en peau souple,, tête dorée 20 fr. Atlas-Manuel d'Anatomie pathologique, ^^e£T tion française, par le Dr Gouget. 1902, 1 vol. in-16, avec 137 planches coloriées^ relié maroquin souple, tête dorée , 20 fr. Traité élémentaire d'Anatomie pathologique Par R. COYNE, Professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux. V> édition. 1903, 1 vol. in-8 de 1056 p., avec 355 fig. noires et coloriées 15 fr. Aide-mémoire d'Anatomie pathologique, d'histologie pathologique et de tech- nique des autopsies, par le professeur P. Lefeut. 3e édition. 1898, 1 vol. in-18 de 296 pages, cart 3 ]'r. Traite d'Histologie pathologique, par le professeur Rindfleisch. 28 édition, par F. Gkoss et J. Schmidt, professeurs à la Faculté de Nancy. 1888, 1 vol. gr. in-8 de 869 pages, avec 359 fig 15 fr. Tableaux synoptiques pour la Pratique des Autopsies, parle Dr Valéry. 1902, 1 vol. in-18 de 72 pages, avec fig., cart I fr. 50 Hématologie et Cytologie cliniques, par le Dr Lefas. préface par P.-E. Launois, professeur agrégea la Faculté de médecine de Paris. 1904, 1 vol. in-18 de 198 pages, avec 5 planches coloriées, cart 3 fr. PATHOLOGIE GÉNÉRALE — — IKl.l.OPEAU 1 2 fr. p ATT^dT ntïTF r/VTrPTvr— 22 fr. 10 fr. Traité Elémentaire de Pathologie Générale PAR MM. E. APERT Médecin des hôpitaux de Paris. H. HALLOPEAU Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 6e édition. 1904, 1 vol. in-8 de 952 pages, avec 192 figures 12 fr. Tableaux Synoptiques de pathologie générale, par le Docteur Coutance. 1890» 1 vol. gr. in-8 de 200 pages, cartonné (Collection Villeroy) 5 fr. Aide-mémoire de Pathologie générale, par le professeur P. Lefkht, 3e édition. 1900, 1 vol. in-18 de 300 pages, cartonne 3 fr. Tableaux synoptiques de Pathologie interne Par le D' VILLEROY 2e édition. 1899, 1 vol. gr. in-8 de 208 pages, cartonné 5 fr. &Lide-£Mémoire de Pathologie interne Par le Professeur Paul LEFERT 1899, 3 vol. in-18, ensemble 858 pages, reliés en 1 volume maroquin souple. 10 fr. ÉLÉMENTS de PATHOLOGIE MÉDICALE PAR MM. A. LAVERAN Membre de l'Institut et de l'Académie de médecine. J. TEISSIER Professeur à la Faculté de médecine de Lyon, Médecin des hôpitaux. Sédition. 1894, 2 volumes in-8, 1866 pages, 125 figures 22 fr. La Pratique journalière de la Médecine dans les Hôpitaux de Paris, parle pro- fesseur P. Lefert. 1895, 1 vol. in-18 de 288 pages, cartonné 3 fr. Traité des Maladies de l'Estomac, par I.. Bouveret, professeur à la Faculté de médecine de Lyon. 1893, 1 vol. gr. in-8 de 743 pages 14 fr. Séméiologie et Thérapeutique des Maladies de l'Estomac, par le Dr Frenkel, professeur agrégé à la Faculté de Toulouse. 1900, 1 vol. in-16 de 550 pages, cartonné 7 fr. 50 Aide-mémoire des Maladies de l'Estomac, par le professeur P. Lefert. 1900, 1 vol. in-18 de 304 pages, cartonné 3 fr. Aide-mémoire des Maladies de l'Intestin, par le professeur P. Lefert. 1901, 1 vol. in-18 de 285 pages, cartonné 3 fr. Aide-mémoire des Maladies des Poumons, par P. Lefert. 1902, 1 vol. in-18 de 273 pages, cartonné 3 fr. Aide-mémoire des Maladies du Cœur, par le professeur P. Lefert. 1901, 1 vol. in-18 de 285 pages, cartonné 3 fr. Diagnostic et Traitement des Maladies infectieuses, par le professeur Schmitt (de Nancy). 1902, 1 vol. in-18 de 504 pages, cartonné. 6 fr. GUIDE du MÉDECIN PRATICIEN Aide-Mémoire de Médecine, de Chirurgie et d'Accouchement Par P. GUIBAL, Interne des hôpitaux de Paris. (903, 1 vol. in-18 jésus de 676 pages avec 349 figures, cartonné 7 fr. 50 PATHOLOGIE EXTERNE Llfert. . . 10 fr. — Gross... 60 fr. OPHTALMOLOGIE Haab 15 fr. LARYNGOLOGIE Castex 14 fr. Nouveaux Éléments de Pathologie chirurgicale Par F. GROSS, J. ROHMER, A. VAUTRIN et P. ANDRÉ Professeurs à la Faculté de médecine de Nancy. Nouvelle édition augmentée de 27 2 pages. Î900, 4 vol. in-8, ens. 4474 pages, reliés en maroquin souple, tête dorée ... 60 fr. Tableaux synoptiques de Pathologie externe Par le Dr VILLE ROY DeuriAme édition. 4899, 1 vol. gr. in-8 de 208 pages, cartonné 5 fr. Aide-mémoire de Pathologie externe, par le professeur Paul Lefert. 1899, 3 vol. in 18 de 300 pages, reliés en un volume maroquin souple 10 fr. La Pratique journalière de la Chirurgie dans les hôpitaux de Paris, par le professeur I»aul Lekekt. 1894, 1 vol. in-18 de 324 pag«s, cartonné 3 fr. Atlas-Manuel des Fractures et des Luxations, par le professeur Helferich. 2e édition, parle Dr Paul Delbet. 1901, 1 vol. in-16 de 448 pages, avec 68 planches coloriées et 137 figures, relié • 20 fr. Atlas-Manuel de Chirurgie orthopédique, par les D™ Luning, Schulthess et Villemin, chirurgien des hôpitaux de Paris. 1902, 1 vol. in-18 de 348 pages, avec 250 figures et 16 planches coloriées, relié 16 fr. Chirurgie des Centres nerveux, par le Dr Glantenay. 1897, 1 vol. in-16 de 300 p., avec 30 figures, cartonné 5 fr. Chirurgie du Médiastin antérieur, par le Dr Auvray, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 1904, 1 vol. in-8 de 224 p., avec 23 pi 6 fr. Atlas-Manuel d'Ophtalmoscopie, par le professeur Haab. Edition française, par le D' Tehsôn. chef de clinique ophtalmologique à l'Hôtel-Dieu. 3e édition. liJOi, 1 vol. in-16 de 276 pages, avec 88 planches coloriées, relié 15 fr. Atlas-Manuel des Maladies externes de l'Œil, par Haab et le Dr Terson. 1^00. 2e édition, 1905, 1 vol. in-16 de 284 pages, avec 40 pi. coloriées, relié 15 fr. Traité des Maladies des Yeux, par le Dr Galezowski. 3e édition. 1888, 1 vol. in-8 de 1030 pages, avec 483 figures 20 fr. Technique ophtalmologique, par A. Terson. 1898,1 vol. in-18, avec -ç3 fig., cart. 4 fr. Chirurgieoculaire.par A. Terson. 1900,1 vol. in-18de540p.,avecfig., cart. 7 fr. 50 Précis d'Ophtalmologie journalière, par les D1'8 H. Puech et Ch. Fromaget. 1900, 1 vol. in-16 de 368 pages, avec figures, cartonné 5 fr. Maladies du Larynx, du Nez et des Oreilles, par le D' A. Castex, chargé du cours de laryngologie à la Faculté de médecine de Paris. 2« édition. 1903, 1 vol. in-18 de 922 pages, avec 264 figures, cartonné 14 fr. Atlas-Manuel des Maladies du Larynx, par le Dr Grunwald. Edition française, par les Drs Castex et Collinet. 2e édition. 1903, 1 vol. in-16 de 244 pages, avec 44 planches coloriées, relié en maroquin souple, tête dorée 14 fr. Atlas Manuel des Maladies de la Bouche, du Pharynx et des Fosses nasales, , parles Dr* Grunwald etL\URENS. 1903, 1 vol. in-16 de 197 pages, avec 42 planches coloriées, relié en maroquin, tète dorée 14 fr. Atlas-Manuel des Maladies de l'Oreille, par les Drs Bruhl, Politzer et Lauhens. 1902, 1 vol. in-18 de 395 p., avec 88 fig. et 33 planches coloriées, relié 18 fr. Manuel du Chirurgien-Dentiste, par le Dr Godon. 1904, 9 vol. in-18, cart.. 27 fr. Atlas-Manuel des Maladies des Dents, par les Drs Preiswerck et Chompret, , dentiste des hôpitaux de Paris. 1904, 1 vol. in-16 de 366 pages, avec 44 planches] coloriées et 163 figures, relié maroquin souple, tête dorée 18 fr. Chirurgie des Voies urinaires, par le Dr Chevalier, chirurgien des hôpitaux. Préface du professeur Guyon. 1898, 1 vol. in-16 de 360 p., avec 85 fig., cart. 5 fr. Consultations sur'les Maladies des Voies urinaires, par G. de Rouville, pro- fesseur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier. Préface parle DrTuFFiER. 1903, 1 vol. in-8 de 272 pages, avec 110 figures 5 fr. ANATOMIE TOPOGRAPHIQUE Sciillïze et Lie» nf: 24 fr. MÉDECINE OPÉRATOIRE ZuCKEMUtcpi, et MoUCUtT. 16 fr. Tableaux synoptiques d'Ànatomie topographique ET CHIRURGICALE Par le Dr BOUTIGNY 1901, 1 vol. gr. in-8 do 176 pages, avec 117 figures, cart 6 fr. PRÉCIS D'ANATOMIE TOPOGRAPHIQUE Par le Professeur RUD1NGER Édition française par Paul Dblbet, chef de clinique à. la Faculté de médecine. Préface par A. Lk Dkntc, professeur à la Faculté de médecine de Paris. 1893, 1 vol. gr. in-8 de 252 pages, avec G8 figures en couleurs, cartonné 8 fr. Tableaux synoptiques d'Exploration chirurgicale des Organes, par le D1 Cham- PSAUX, ancien interne de» hôpitaux de Pari». 1901, 1 vol. gr. in-8 de 170 pages, cartonné. (Collée/ ion Yilleroy) 5 fy. Aide-mémoire d'Anatomie topographique, par le professeur P. Lefert. 1894, 1 vol. in-18 de 298 pages, cartonné 3 jj-. Tableaux synoptiques de Médecine opératoire Par le Dr LAVA RÈ DE 1900, 1 vol. gr. in-8 de 208 pages, avec 150 fig. dessinées par G. Devy, cart. 6 fr. Atlas=Manuel de Chirurgie opératoire Par le Professeur ZUCKtRKANDL Deuxième édi/ion, par A. Mouchet, chef de clinique à la Faculté de médecine de Paris. Préface par le Dr Quénu, professeur agrégé à la Faculté de Paris. 1900, 1 vol. in-16 de 436 pages, avec 266 figures et 24 planches coloriées, relié maroquin souple 13 fr> Guide pratique de Technique opératoire, par le Dr J. Brault, professeur à l'Ecole de. médecine d'Alger. 19U3, 1 vol. in-18 de 332 pages, cartonné 3 i'r. Aide-mémoire de Médecine opératoire, par le professeur P. Lefert. 1 vol. in-18 de 31a pages, cartonné 3 fr. Précis d'Opérations de Chirurgie, par le Dr J. Chauvel, professeur au Val-de- Gràce. 3e édition. 1891, 1 vol. in-16 de 894 p., avec 350 lig., cart 9 fr. Précis de Médecine opératoire, par le Dr Eu. Le Bec 1885, 1 vol. in-18 jésus de 460 pages, avec 4 : 0 fig 6 fr. La Pratique des Opérations nouvelles en Chirurgie, par le Dr Guillemain, chi- rurgien des hôpitaux de Paris. 1895, 1 vol. in-18 de 334 pages, avec lig., cart. 5 f-. La Pratique de l'Asepsie et de I Antisepsie en chirurgie, par Ed. Schwartz, agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 1894, 1 vol. in-18 de 388 pages, avec 56 figures, cartonné 6 fr. Atlas-itfianuel des Bandages, Pansements et Appareils Par A HOFFA Édition française par P. Hallopeau, interne des hôpitaux de Paris. Préface de M. le prefesseur Paul Beruer. 1900, 1 vol. in-16 de 160 pages, avec 128 planches, relié en maroquin souple. 14 fr. Aide-mémoire de etite Chirurgie, par P. Lefeht. lvol. in-18 de 340 p., cart. 3 Ir. Traité de l'Anesthésie générale et locale, par les Drs Dumont et Cathelin. l(Jn±, 1 vol. in-8 de 376 pages, avec 160 figures 8 fr. THÉRAPEUTIQUE^0™ 24 *• î ( Herzen 7 fr. 50 FORMULAIRES — Breuil 4 fr. » Traité élémentaire de Thérapeutique de Matière médicale et de Pharmacologie Par A. MANQUAT Professeur agrégé à l'École du Val-de-Grâce. 5e édition. 1903, 2 vol. in-8, ensemble 2104 pages 24 fr. Tableaux synoptiques de Thérapeutique Par le Dr H. DURAND, Ancien interne des hôpitaux. 1899, 1 vol. gr. in-8 de 208 pages, cartonné (Collection Villeroy) 5 fr. Aide-mémoire de Thérapeutique, par le professeur P. Lefert. 1896, 1 vol. in-18 de 318 pages, cartonné 3 fr. éléments de IVUUère médicale et de Thérapeutique, par Nothnagel et Rossbach. Introduction par le professeur Ch. Bouchard. 2e édition. 1889, 1 vol. gr. in-8 de 913 pages 16 fr. Principes de Diététique, par H. Labre. 1904, 1 vol. in-18 de 334 pages. 3 fr. 50 Précis d'Électrothérapie, par le Dr Bormer. Préface par le professeur d'Arsonval. 2e édition. 1902, 1 vol. in-18 de 516 pages, avec 162 figures, cartonné 8 fr. Guide et Formulaire de Thérapeutique Par le Dr HERZEN 3« édition. 1905, 1 vol. in-16 de 700 pages, cartonné 9 fr. Édition de poche, imprimée sur papier de riz indien (extra-mince), relié peau souple 10 fr. Poids : sur papier ordinaire, 700 grammes ; — sur papier indien, 200 grammes. L'ART DE FORMULER Indications. — Mode d'emploi. — Posologie des médicaments usuels. Par le Dr BREUIL 1903, 1 vol. in-18 de 344 pages, papier indien extra-mince, format portefeuille, cart 4 fr. Le même, papier ordinaire, cart 4 fr. Formulaire électrothérapique, par le Dr Régnier. 1899, 1 vol. in-18, cart. 3 fr. Formulaire d'Hydrothérapie, par le Dr O. Martin. 1900, 1 vol. in-18 de 252 pages, avec figures, cartonné 3 fr. Formulaire du Massage, par le Dr Norstrôm. 1900, 1 vol. in-18 de 268 pages, avec figures, cartonné 3 fr. Mémorial Thérapeutique Par C DANIEL, interne des hôpitaux de Paris. 1903,1 voi. in-32 de 240 p., sur papier de riz indien (format portefeuille). 2 fr. 50 Relié œarotiuin souple, tôte dorée 3 fr. 50 UROLOGIE F. Guyon 37 IV. 50 DERMATOLOGIE RalLOPEAU. 30 fr. — MilACEK.. 20 lr. » NEUROLOGIE Jâkob 20 fr. — Weygaïidt 24 fr. »> Iieçons cliniques sur les Maladies des Voies urinaires Par Félix GUYON, Professeur à la Faculté de médecine de Paris. 48 édition. 1903, 3 vol. in-8, de 1891 pages, avec 146 flg. et 15 pi. 37 fr. 50 TRAITÉ DE DERMATOLOGIE PAR LES DOCTEURS HALLOPEAU Prof. agr. à la Faculté de médecine, médecin de Sainl-Luui>, membre de l'Académie de médecine. LEREDDE Chef de Laboratoire à Saint-Louis. 1900, 1 vol. gr. in-8 de 996 pages, avec 24 planches coloriées, cart 30 fr. Atlas-Manuel des Maladies de la Peau, riï^^ZXiï*^ hôpitaux de Paris, :2e édition. 1905, 1 vol. in-18 de 350 p., avec 03 pi. coloriées, relié maroquin souple 20 fv. Diagnostic et Traitement des Maladies de la Peau, par le Dr Barre. Préface du professeur Gaucheh. 1901, 1 vol. in-18 de 332 pages, cartonné 5 IV. Aide-mémoire de Dermatologie, par P. Lefert. 1900, 1 vol. in-18, cartonné.. 3 IV. Atlas-Manuel des Maladies Vénériennes, ^StSS^JSat clinique de la Faculté de médecine de Paris. 2e édition. 1904, 1 vol. in-18 de 428 pages avec 71 pi. color., relié maroquin, tête dorée 20 fr. Précis des Maladies vénériennes, par le Dr Audry, professeur à la Faculté de médecine de Toulouse. 1901, 1 vol. in-16 de 342 pages, cartonné 5 fr. Traité pratique des Maladies vénériennes, par Louis Jullien, chirurgien de Saint-Lazare. 3e édition. 1808, 1 vol. in-8 de 1270 pages avec 246 figures. 20 fr. Leçons sur les Maladies vénériennes, professées à l'hôpital du Midi, par Ch. Mau- riac 1890. 2 vol. gr. in-8. 2250 pages ... 38 fr. Atlas-Manuel des Maladies du Système nerveux Par les Dr ShIFFER et QASNE, Médecin des hôpitaux de Paris. DIAGNOSTIC etTRAITEMENT 1905, 1 vol. in-16 de 450 pages avec 26 planches coloriées et 264 fig. Relié.. 20 fr. Atlas-Manuel du Système nerveux Anatomie et Pathologie Par C. JAKOB et A. REMOND, Professeur à la Faculté de Toulouse. 1900, 1 vol. in-16 de 364 p., avec 84 planches coloriées, relié maroquin souple. 20 fr. Les Centres nerveux, physio-pathologie clinique, par le professeur J. Grasset, de Montpellier. 1005, 1 vol. in-8 de 400 pages, avec 60 lig. et 26 tableaux 12 IV. Diagnostic et Traitement des Maladies nerveuses, parie ûr J. Roux, médecin des hôpitaux de Saml-litienne. 1901, 1 vol. in-10 de 500 puges, cartonné. 7 fr. 50 Aide-mémoire de Neurologie, par P Lefeut. 1899, 1 vol. in-18 de3u0p., cart. 3 fr. Traité des Maladies de la Moelle épinière. parles Drt Deieiune, professeur à la Faculté «le médecine de Paris, et Thomas. 1902, 1 vol. in-8 île 458 p., avec 162 fig. 9 fr. Traité des Maladies mentales, par Dagojnet. 18U4, 1 vol. gr. in-8 de 850 p. 20 IV. Traité des Maladies mentales, par A. Cullerrë. 1SS9. 1 vol. in-18 de 608 p. 6 lr. Traité de Thérapeutique des Maladies mentales et nerveuses, par les D1'* Garnieu et Cololian. 1901, 1 vol. in-8 de 490 pages 7 fr. êAtlas-manuel de ^Psychiatrie ^weTuandt et le Dr ROUBINOVl TCH, Médecin de la Salpètrière. 1903, 1 vol. in-10 de 043 pages avec 24 planches coloriées et 264 fig. Relié.. 24 ft OBSTÉTRIQUE. Schiffer et Potocki. 20 fr. — Penard.. 6 fr. GYNÉCOLOGIE. Schiffer, Bouglé, Second 20 fr. et 15 fr. PÉDIA TRIE — d'Espine et Picot 16 fr. ATLAS-MANUEL D'OBSTÉTRIQUE Par^SrER et le Dr POTOCKI, Professeur agrégé de la Faculté de médecine, accoucheur des hôpitaux de Paris. Préface par le Professeur PINARD 1S01, 1 vol. in-16 de 472 p., avec 155 pi. col., relié 20 fr. Tableaux synoptiques d'Obstétrique Par les D" SAULIEU et LEBIEF 1900, 1 vol. gr. in-8 de 200 pages, avec 100 planches photographiques, cart.. 6 fr. L ■ — ■ — — — — — — — ^ — — ^— Guide pratique de l'Accoucheur, par L. Pénard et G. Abelin. 8e édition. 1896, 1 vol. in- 18 de 708 pages avec 243 ligures, cartonné. 6 fr. Traité pratique des Accouchements, par A. Charpentier, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 2° édition. 1890, 2 vol. in-8 de chacun 1000 pages, avec 930 figures 30 fr. Aide-mémoire de l'Art des Accouchements, par le professeur P. Lefert. 2e édition. 1898, 1 vol. in-18 de 286 pages, cartonné 3 fr. Anatomie topographique obstétricale, par le Dp Carbonelli. Préface du pro- fesseur P. Bah. 1905, 1 vol. in-4 avec planches coloriées 20 fr. Précis de Médecine opératoire obstétricale, par J. Remy, agrégé à la Faculté de Nancy. 1893, 1 vol. in-18 de 460 pages, avec 185 figures, cartonné 6 fr. Atlas-Manuel de Gynécologie Par ,e S&«K* et le Dr J. BOUGLE, Chirurgien des hôpitaux de Paris. 1903, 1 vol. in-16 de 333 pages, avec 90 planches en couleur, relié 20 fr. Atlas-Manuel de Technique gynécologique Par les Professeurs SCHAEFFER, P. SEGOND et le Dr LENOIR 1904, 1 volume in-16 de 200 pages, avec 42 planches coloriées, relié 15 fr. Précis de Gynécologie pratique, par le Dr Fournier, professeur à l'École de médecine d'Amiens. 2e édition. 1903, 1 vol. in-16, 392 pages, 149 fîg., cart. 5 fr. Traité pratique de Gynécologie, par S. Bonnet et P. Petit. Introduction par le D'A. Chaiu'Entieu. 1894,1 vol. in-8 de 804 p., avec 297 fîg., dont 90 en couleurs. 15 fr. Aide-mémoire de Gynécologie, par P. Lefert. 1900, 1 vol. in-18, cart. .. 3 fr. Consultations gynécologiques, par le Dr De Rouville, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier. Préface du Dr Lucas-Chamfionnière. 1901, 1 vol. in-8 de 2 'kl pages, avec 72 lig. noires et coloriées 5 fr. Traité pratique des Maladies de l'Enfance Par A. D'ESPllNE et C. PICOT, Médecins des hôpitaux de Genève, ô* édition. 1900, 1 vol. gr. in-8 de 996 pages 16 fr. Précis de' Médecine infantile, par le Dr H. Legrand. 1903.1 vol. in-16 de 432 p. 4 fr. Aide-mémoire de Médecine et de Chirurgie infantile, par le professeur 1». Lefeht. 1901, t vol. in-18 de 300 pages, cartonnés, chaque 3 fr. Formulaire de Thérapeutique infantile, par le Dr Fouineau. Préface du profes- seur HiTiNEi.. 1901, 1 vol. in-18 de 326 pages, cartonné 3 fr. Formulaire d'Hyg.ène infantile, par le Dr Gillet. 1898, 2 vol. in-18, cart. 6 fr. HYGIÈNE Aiiv.ru> 20 fr MÉDECINE LÉGALE Vibert 10 fr TOXICOLOGIE VilEM 10 fr NOUVEAUX ÉLÉMENTS D'HYGIÈNE Par le Dr ARNOULD, Professeur à la Farulié de médecine de Lille. 5e édition. 1905, 1 vol. gr. in-8 do 1024 pages, avec 233 fig., cart 20 fr. Tableaux synoptiques d'Hygiène, parleDr Reille. 1900, 1 vol. gr. in-8 de 200 p., cartonné ( Collection Villeroy) 5 f r. Aide-mémoire d'Hygiène, par le professeur P. Lefert. be édition. 1903, 1 vol. in-18 de 288 pages, cart 3 fr. Traité d'Hygiène militaire, par G. Morache. 188G, 1 vol. in-8 de 930 pages, avec 173 ûgures 15 fr. Manuel du Médecin militaire, parle Dr Coustan. 1897, 3 vol. in-18, cart... 9 fr. Hygiène Coloniale, par G. Reynaud, médecin, en chef des Colonies en retraite, pro- fesseur d'hygiène à l'Institut colonial de Marseille. 1903, 2 vol. in-18 de 818 pages, avec 17 planches et 96 fîg., cart 10 fr. Traité des Maladies des Pays chauds, par le Dr J. Brault, professeur à l'Ecole de médecine d'Alger. 1900, 1 vol. gr. in-8 de 530 p., avec fîg 10 fr. PRÉCIS DE MÉDECINE LÉGALE Par le Dr V1BERT, Médecin expert près les Tribunaux de la Seine. 1903, 6e édition. 1 vol. in-8 de 912 pages, avec 87 fig. et 5 pi. coloriées 10 fr. COURS DE MÉDECINE LÉGALE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS par le professeur P. Brouardel. 1893-1904. 11 vol. in-8 103 fr. 50 La Mort et ta Mort subite. 1895, i vol. in-3 de 500 pages 9 fr. Les Asphyxies par les Gaz, les Vapeurs et les Anesthésiques. 1896, 1 vol. in-8 de 416 pages, avec figures et 8 Dlanches 9 fr. La Pendaison, ta Strangulation, la Suffocation et la Submersion. 1896, 1 vol. in-8 de 584 pa?es, avrc 43 figures et planches 12 fr. V Infanticide. 1S97, 1 vol. in-8 de 402 pages, avec figures et planches 9 fr. Les Explosifs et les Explosions. 1897, 1 vol. in-3 de 272 pages, avec 39 figures 6 fr. La Responsabilité médicale. 1898, 1 vol. in-8 de 456 pages 9 fr. L'Exercice de ta Médecine. 1*99, 1 vol. in-8 de 564 pages 12 fr. Le Mariage. 1900, 1 vol. in-8 de 452 pages 9 fr. L'A aorte ment. 1901, 1 vol. in-8 de 376 pages avec figures 7 fr. 50 Les Empoisonnements, lî'02, 1 vol. in-8 de 538 pages, avec figures 9 fr. Les Intoxications, Arsenic, Phosphore, Cuiore, Mercure et Plomb. 1904, 1 vol. in-8 de 516 p. 12 fr. Atlas-Manuel de Médecine légale, par le professeur Hofmann. Edition française, oar le Dr Gh. Vibert. Introduction par le professeur P. Brouardel. 1900, 1 vol. în-16 de 1G8 pages, avec 56 planches coloriées et 193 fîg. noires, relié maroquin souple • • 18 fr. Aide-mémoire de Médecine légale, parle professeur P. Lefert. 5° édition. 1903, 1 vol. in-18 de 300 pages, cart 3 fr. Le Secret médical, par P. Brouardel. 2e édition. 1893, 1vol. in-16 de 300 p. 3 fr. 50 La Profession médicale, par P. Brouardel. 1903, 1 vol. in-18 * 3 fr. 50 PRÉCIS DE TOXICOLOGIE clini%7P?rimentale Par le D' VIBERT 1900, 1 vol. in-8 de 912 pages avec ligures 10 fr. Précis de Toxicologie chimique et physiologique, par A. Chapuis. 3e édition. 18'j7, 1 vol. in-3 de T'J2 pages, avec li-fc ligures 9 fr. y CLINIQUE MÉDICALE — Huchard 20 fr. — CHIRURGICALE. Le Dentu 15 fr. DIAGNOSTIC — — — — Mayet 24 fr. Par le D' HUCHARD Médecin de l'hôpital Necker, Membre de l'Académie de médecine. 3« édition. 1903, 1 vol. in-8 de 650 pages 10 fr. Consultations médicales Nouvelles Consultations médicales Par ie Dr huchard 4904, 1 vol. in-8 de 620 pages 10 fr. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Paris, par A. Trousseau, professeur à la Faculté de médecine de Paris. 10e édition. 1901, 3 vol. in-8 32 fr. Aide-mémoire de Clinique médicale et de Diagnostic, par le professeur P. Lefert. 1894, 1 vol. in-18 de 314 pages, cart 3 fr. Glinique ebirargieale Par A. LE DENTU Professeur de clinique chirurgicale à la Faculté do médecine de Paris, Chirurgien de l'Hôtel-Dieu, Membre de l'Académie de médecine. 1904, 1 vol. gr. in-8 de xxvu-634 pages, avec 45 figures 15 fr. Consultations chirurgicales, par les Drs Braquehaye et De Rouville, professeurs agrégés des Facultés de médecine. Préface du professeur S. Duplay. 1901, 1 vol. in-8 de 350 pages 6 fr. Clinique chirurgicale, par U. Trélat, professeur à la Faculté de médecine de Paris. Leçons publiées par Pierre Delret, professeur agrégé à la Faculté de méde- cine de Paris. 1891, 2 vol. gr. in-8 de 800 pages, avec fig 30 fr. Aide-mémoire de Clinique chirurgicale, par P. Lefert. 1900, 1 vol. in-18, cart. 3 fr. Traité de Diagnostic médical et de Séméiologie Par le Dr MAYET, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon. 1898-1899, 2 vol. gr. in-8 de 1632 pages, avec 191 fig 24 fr. ATLAS-MANUEL DE DIAGNOSTIC CLINIQUE Technique médicale, indications thérapeutiques Par le D' C. JAKOB et le Dr A. Létienne, ancien interne des hôpitaux de Paris. 3« édition. 1901, 1 vol. in-16 de 396 p., avec 68 pi. col., relié maroquin souple. 15 fr. Précis d'Auscultation, par le Dr Goiffier. 5e édition. 1903, 1 vol. in-18 de 189 pages, avec 93 fig. coloriées, cart 5 fr. Tableaux synoptiques de Diagnostic et de Symptomatologie, par le Dr Cou- tance. 1898, 1 vol. gr. in-8 de 208 pages, cart. {Collection Villeroy) 5 fr. Tableaux synoptiques d'Exploration médicale, par le Dr Champeaux. 1902, 1 vol. in-8 de 184 pages, cart. {Collection Villeroy) 5 f r Précis d'Exploration clinique du Cœur et des vaisseaux, parleDr G. Brouardel, médecin des hôpitaux de Paris. 1903,1 vol. in-16 de 176 pages, avec 35 fig., cart. 3 fr. Sémiologie pratique des Poumons et de la Plèvre, auscultation, percussion, mensuration, par le Dr H. Barbier, médecin des hôpitaux de Paris. Préface du professeur Grancher. 1902, 1 vol. in-18 de 252 pages, avec 20 fig 4 fr. Tableaux synoptiques de Symptomatologie, par le Dr M. Gautier. 1900, 1 vol. gr. in-8 de 180 pages, cart. {Collection Villeroy) 5 fr. Tableaux synoptiques de Médecine d'urgence, par le Dr Debussière. 1902, 1 vol. in-8 de 180 pages, cart. {Collection Villeroy) 5 fr. Atlas Manuel de Médecine et de Chirurgie des accidents, par les D™ Golebiewski et P. Riche, chirurgien des hôpitaux de Paris. 1902, 1 vol. in-16 de 4U6 pages avec 143 fig. noires et 40 pi. chromolithogr. Relié 20 fr. 2547-Ui — CuiiuuL. Imprimerie ÉD- Cu4té. ou '■• . . * ^ DATE DUE ( A r • >* r r n 7 ■ «q . U ftCi/Otf i -> ocm JAN 1 /HtUU AGRICULTURE FORESTRY LIBRARY t '' 1 bJ 1 c / 93 7 RE