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BIOLOGY

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S U R LES POISONS EDS OR LE CORPS ANIMAL.

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SUR LE VENIN DE LA VIPERE SUR LES POISONS AMERICAINS

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SUR LE LAURIER-CERISE

È F SUR QUELQUES AUTRES POISONS VEGETAUX.

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SUR LA STRUCTURE PRIMITIVE DU CORPS ANIMAL.

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/ / DIFFÉRENTES EXPERIENCES SUR LA REPRODUCTION DES NERFS ET LA DESCRIPTION D'UN NOUVEAU CANAL

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M 6@FELIX FONT AN.A

Puysicien DE S. A. R. L’AgcHinpue Grano-Duc pe Toscane

ET Directeur De son Casiner D'Historre NarureLie. PAS AVEC PLUSIEURS PLANCHES. ai DO ME PRE MILE Ri at Law tin, ti > ve) ri, ar 4

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AVEC NA PP ROBATION.

Ft fe trouve à Paris chez Nyon l'Ainé = A Londres chez Ems'cy.

Dans cet examen la forme, et la di&ion m'ont paru indifferentes. Ce font des couleurs, qui ne décident point des fonds. Elle ne reconnoit que cette ele- gance, qui n'e que la clairté, et la precifion. Ce fly'e dida@ique, qui ett le flyle de la raifon, cet orde qui eft la marche du genie, et qui prefente les obieQs dans l’anchainement qui les lie, encore meme la verité toute nue ne feroit pas moins brillante aux yeux des Phylofophes dans la barbarie du language, et dans des tableaux grofliers; des pierres précieufes couvertes d'or, ou de bue ont toujours le même prix:

Senac Traité du Cocur. Pracf. pag.

à à

dr po TV AS “E DE LED E STGEÙ R,

A premiere partie de cet Ouvrage fur le vénin de la Vi

pere fut publiée en Italien è Lucques en 1765. M. Dar- cet celebre Médecin Chymifle à Paris, la jugea de fi grande importance, qu'il la traduifit en François peu de tems après. Des circoflances accidentelles firent différer l’impreffion de cette tradudion. L'Auteur vint à Paris en 1776.; et donna à M. Darcet quelques feuilles de corrections et d'addirions, qui farent auff traduites et jointes au refle. L'année fuivante, il parur è Paris une brochure (a) fur Palkali volatil fluor , dans la quelle ow traite de la nature da vénin de la Vipere, et de l'ufuge de lalkali volati! contre la morfure de cet animal. Il y a dans cette brochure beaucoup de chofes tout-à-fait contraires à ce que nôtre Auteur avoit écrit plus de dix ans auparavant en Italie. Il crut s'être trompe, et il fe mit à faire de nouvelles expériences fur le même fujet, déterminé à corriger la tradu- élion dont nous avons parlé, avant de la rendre publique par l'impreffron .

C’efl à ce nouvel examen quon doit les II. III et IV, parties de cet Ouvrage, dans les quelles les expériences les plus délisates brillent de toutes parts. On peut dire en toute vérité que ces trois parties font entierement neuves, tant par les ma- tieres dout elles traitent, que par les découvertes gwelles vou- tiennent.

On iguoroit avant François Redi en quoi confifle le vénin de la Vipere.Ce celebre Naturalifle employa la plus grande par-

die

(2) De M. Sage.

VI

sie de fes recherches à réfuter les erreurs de fon tes. Son Ouvrage fur le véuin de la Vipere eft deftiné prejque tout ex- tier à démontrer, qu'on ne favoit que pen on vien de vrai fur ce vémin, et que ce qu'on croyoit fuvoir étoit faux: vérité bu- miliante pour l'homme, qui ne peri arriver à la verité, qu'en pafant par l'erreur !

Ce qu'on doit à Redi, et ce qui lui a acquis la plus gran- de reputation, c'eff d'avoir découvert le premier l'humeur qui rend venimeufe la morfure de la Vipere. Les expériences qui lui fervent à prouver cette découverte font en général très-bieu faites, quoiqu'elles n'aient pas paru décifives à M. Charas Chy- mifte François.

M. Charas , après avoir fait beaucoup d'expériences fur la morfure de la Vipere, crut pouvoir conclure que le vénin de cet animal confifle dans la rage même, ou pour mieux dire, que la falive de la Vipere exalt'e par la rage, quand cet animal met en fureur et mord, devient vénéneuje, et meurtriere.

Quoique cette opinion foit une erreur, elle melt ceperdant pas hors de vraifemblance ; parce qu'il ef certain, quuve Vi pere eft en effet plus dangereufe et plus meuririere quand elle eff plus irritée; ainfi qu'on le verra dans le courant de cer Ouvrage.C'eft ce qui aengagé nôtre Auteur à examiner pur des expériences décifives l’hyporbefe de la falive exaltée par la rage, et il Pa fait avec le plus grand [uccés, comme on pourra s'en afurer en lifant la premiere partie de cet Ouvrage.

François Redi s’eft trompé, à la vérité, relativemeut à Pendroit il a placé le réceptacle du vénin, et à la route que prend ce même vénin, lorfque la Vipere le communique ex mor- dant les animaux. Il a cru que cette bumeur avoit fon jiege dans la membraue qui fert è couvrir les dents Canives, et que fe glifant extérieurement le long de le dent, elle s'infinuoit en

meme

Vii

même tems dans les animaux mordus. On voit cette erreur ri. perle un demi-fiecle après dans le Dichonnaire de James, qui a- dopte de plus toutes les erreurs de Mead fur la narure Saline de ce vénin. Enforte que s'il w'étoit pas abfolument nécelJaire ; i étoit certaiment utile d'examiner de nouveaucette matiere, et de la mettre dans tout for jour.

Tout le refte des recherches que nôtre Auteur a fuites , lui appartient en propre, et l'on peut dire avec raifon quila com- mencé les autres avoient fini; ou avec plus de jufteffe , que tout fon Ouvrage eff neuf, et vraiment original.

Quant à moi, je penfe qu'un de plus grauds mérits de cet Ouvrage confifle moins dans les belles, et nombreufes décou- vertes qu'il contient , que dans la méthode lumineufe avec la quelle les queftions les plus importantes y font traitées. Pon eft étonné de l'immenfe quantité d'erreurs qui y font re- devces à chaque pas, l'on ne fauroit auffi s'empêcher d'admirer les routes encore inconnues aux obfervateurs, que nôtre Au- teur seft frayées pour examiner la matiere des poifons »

Mais ce qui mérite la plus grande confidération c’eft l’analyfe srès fine qu'il fait des queflions les plus obfiures et les plus com- pliquées, et la fagacité avec la quelle il a imaginé ces expérien- ces, qui devoient néceflairement le conduire à la vérité. On doit foubaiter qu'il ferve de modele à l'avenir aux Phylofopbes qui recherchent la vérité fans préjugés et fans prévention. Com- bien de difputes, et d'opinions feroient terminées! Combien de ve- rités feroient decouvertes ! Combien d'erreurs détruites\ Combien de livres de moins! L'art d'interroger la nature par la voye de l'expérience ell très-délicat. En vain raflamblerez vous des faits, fi ces fait n’ont entr’eux aucune liaifon; s'ils fe préfentent fous une forme équivoque; fi loriqu'ils font produits par différentes

Cau-

VII caufes, vous êtes ‘dans l’impuiffance d’affigner et de feparer avec une certaine précifion les effêts particuliers de chachune de ces caufes. (4)

Pour juger de ce qua fait nôtre Auteur dans cet Ouvra- ge, et de ce qui lui appartient avec juflice, les leteurs doivent lire avant tout les écrits de Redi, et de Mead fur la méme matiere ; je les y exborte, et cet le plus grand éloge que je puife faire du préfent Ouvrage. La comparaifon ef la pierre de souche qui ne trompe point, et ef tout ce que je demande ; ou pour mieux dire, cet ce quexigent la juflice et l'impar- tialité.

_ Qu'on compare done cet Ouvrage avec ceux fur le même fujet qui ont immortalifés les Redi, etles Mead.On jugera fans peine de combien il les furpalle, foit par le nombre des décou- vertes, foit par la varieté, et la multiplicité des expériences, Jon verra même bientôt quil n'y a lieu de faire aucune com= paratfon .

Je regarde comme une véritable découverte d'avoir recon- nu que le vénin de la Vipere ef} une fubffance gimmeufe. Une gomme animale eff une chofe importante, et neuve.

Tout ce qu'on lit fur le [ang et fur les nerfs par rapport au vérin de la Vipere efl neuf,er entierement original. On peut appeller cela un pas de géant, qui ouvre une nouvelle voye è de nouvelles vérités.

Mais ce r'efl pas que fe borne le mérite de cet Ouvra- ge. Les mémoires fur le porfon appelié Ticunas, et [ur les au- tres poifon végétaux, principalment celles fur le Laurier Cerife, eft un nouveau champ dans le quel brillent les découvertes, et l'ind'firie de l'Auteur. Mais lorfquaprès tant de belles dicounver-

Les

(a) Nouvelles Expér. fur la Refift. des Fluides par MM. d’Alembert , Condor- cer, et Buflut. Difc. Prélim.

1X es on croit favoir toit, et avoir enfin pénétré dans les replis les plus fecrets de la nature, on trouve des labyrinthes dont il me paroit pas permis de fe tirer : tels font les réfultats impor- tans, et nouveaux des obfervations fur le poifon du laurier-ceri- fé: matiere encore obféure, mais piquante, et qui donnera lieu aux recherches des obfervateurs è venir.

Les belles expériences que nôtre Auteur a faites, relative- ment à l’adlion des poifons fur les nerfs, lui ont donné occafion denrichir cet Ouvrage de plufieurs recherches très-importantes fur la firuure des nerfs mêmes: matiere obfeure, dans la quel le on ignore tout, et il paroit à peine donné à l'homme de pouvoir arriver. Dans les mains de nôtre Auteur tout s'eclair- cit, tout devient facile, et uni.Je ne faurois Concevoir , comment ce double ordre de bandes, comment cette firudure fpirale, exté- rieure , et apparente, dans les nerfs, a pu échapper à la vûe des tous les anatomifles, et je regarde comme une des plus belles et des plus piquantes découvertes quon ait faites dans la phyfique animale, la conmoiffance certaine que nous avons maintenant des premiers Clemens du nerf, découverte qui a échappé aux yeus des ‘obfervateurs les plus habiles, et les plus exercés.

Après les obfervations de Leevvenboek, les phyfrologifles, et les anatomifies avoient cru quon ne pourroit jamais parvenir à voir les dernieres divifions des nerfs; mais ce qui ne paroifoit pas poffible alorseft mainienent un fait cericin, dont chacun pesi s'affurer par foi même en fuivant les traces de nôtre Au teur. Nous avons lieu de nous flatier qu'il voudra bien nous donner dans pen [es obfervations fur la mature et les uji- ges des cylindres nerveux primitives . C’eff la derniere cho- Je qui refte à connoître touchant ces organes merveilleux. I! a commencé depuis quelque tems à s'occuper de cette recher- che: que ne doit-on pas attendre d'un obférvateur aufi exuit et auf} penetrant! : Non

x

Nos feutement nous connoiffons maintenant la vraie firutu- re des nerfs, mais nous connoiffons encore beaucoup mieux qu au- paravant celle du cerveau.

Il a encore examiné la firutture intime de la rétine.; enfor-

te qu'il paroit ne.refler prefque plus rien à defirer fur cet organe. ; Mais ce wef point eucore le terme des obfervations de nôtre Auteur. Il a développé avec le même [uccés la ffrudlure des mmufeles, et celle des tendons. il trouve des caratleres certains pour diflinguer ces deux fortes de fubflances, tant entr'elles, que d'avec les nerfs.

Les premiers élémens organiques des nerfs , du cerveau, des mufiles, et des tendons étant ainfi connus ; nôtre Auteur paf- Je à nous découvrir un, fyféme neuf, et. complet de cylindres tranfparens, tortueux, non ramifiés beaucorp moindres en gref- feurs que ceux du fang, et qui font er plus étendus, et en plus grand nombre, que les vaiffeaux artériels, et veiueux. Illes trou- ve dans toute la fubflance cellulaire, fubffance qui pénetre, et ‘compofè tous les organes de la machine animale.

Nüire Auteur trouve les fils qui s'appellent tortueux, dans les cheveux, dans les ongles, dans l'épiderme, dans les os. Il rapporte enfuite quelques obfervations fur les végétaux, dans les quels il paroit qu'on voit une femblable firucture. Et il finit par donner ume belle juite d'obfervations fur les fofiles, au fajet des quels il laif entrevoir quelques doutes, à fin que le leéteur ne fois pas trompé pus les fimples apparences. Es.il feréferve de dire fin féntiment fur “ce.fujet dans en autre Ouvrage, qe il Je propofe de pubker fous le titre d’obfervations microfcopiques.

Il termine fes recherches fer les nerf cu rapportant plu fieurs expériences fur de reproduéten des nerfs : matter Pres piquante, et encore iuconnne aux phyftiens, et qu ila mife dans de plus. grand jour. Pour

xa

Pour completer l'édition, nous avons cru devoir y joindre da defcription d'un nouveau canal de ‘oeil, découvert par nôtre Auteur depuis plus de 18 ans, et qu'il ia jamais publié par la voie de limpreffion. Nous avons tiré cette defeription, d'une let- tre qu'il écrivit de Londres à la fin de l'année 1779, à M. Murray, célebre profeffeur d'anatomie, à Upfal, et nous avons rapporté cette partie de la lettre de nôtre Auteñr telle gwelle à été écrite.

Nous ne pouvons qu'être fiurpris du peu de cas que nôtre Auteur paroit faire de fes propres découvertes; tandis que tout autre Anatomifte , même des plus renominés, fe feroit bâté de les rendre publiques par la voie de l’impreffion. Au bout de 18 ans, 2l permet à peine quom annonce en pen de lioies, dans sin de fes Ouvrages, le nouveau canal quil a diconvert, pendant quit y a plus de dix ans quon le démontre à Vienne en Autriche dans les cours ordinaires d'anatomie, dont les Profeffeurs en ont probablement recw communication de la part du célebre M. Brambilla, Chirurgien de S. M. PEmpereur, et Diredeur des Hôpitaux militaires. Notre Auteur montra le cana! dont il s’agit, à M. Brambilla , quand il accompagnoit fa Majefié Imp. dans fes voyages en Îtake.

Quoique vôtre Auteur wait jamais publié par la voie de Pimpreflion, le neuvean canal de l'oeil, qu'il a découvert depuis tant d'années, comme mons venons de le dire, il l'a cependant fait voir dès le principe dun grand nombre de [ès amis, et à plujieurs autres perfennes. Le célebre Profefeur d'anatomie à Upfal M. Adol- phe Murray, dans une lettre qu'il écrivit & nôtre Auteur le 4. Mai de l'année pafffe, lui annonce que la dejéripiion de fon nouveau ca- nal de l'oeil a étéinftrée dans le dernier Tome des attes d'Upfal: in ultimo Tomo, ( écrit-i/) defcriptio canalis à te deieéti extar. Ce ca- sal fut montré par udire Auteur au Profeffeur Suédois, (orfque ce

PA 2 der-

XII

dernier vint en Italie, et s'arretta è Florence. A fon retour en Suéde il écrivit è nôtre Auteur à Paris, il fetrouvoit alors, pour en avoir les defleins, et la defiription, qu'il defiroit pu- blier dans les adles de Suéde pour l'avancement de l'anatomie et l'avantage de fes compatriotes. Les deffeins et la defcription fu- rent envoyés de Paris; mais le tout fe perdit en chemin. Nôtre Auteur lui en envoya de Londres de nouvelles copies, dont nous igncrons le fort. Nous avons ajouté à la fin de cet Ouvrage ces figures et cette defiription avec une copie de la lettre qui les ac- compagnott .

M. le D. Troja Profeffeur diflingué à Naples, et Membre de\P Academie Royale de la même Ville, dans une differtation quil a publié en 1780. fur les maladies des yeux, parle de ce nouveau canal de loeil, et y dit que la découverte ef due à nd- tre Auteur, qui le lui avoit fait voir à Paris dans un oeil de Beuf. | I ne temoit qua nôtre Auteur de donner à cet Ouvrage un air plus original, et plus neuf, et de la fair même pa- roître plus parfait à certains égards . IL wavoit qua ca cher les voies par les quelles il étoit arrivé aux verités qu'il a déconveries , et taire les méthodes et les procedés qui l'y ont con- duit. Le lecteur eclairé trouvera quà proportion qu'il avance dans la lecture de cet Ouvrage, et qu'il rencontrera des difficultés im- prevues, les experiences tinaginées par l'Autear pour les fur- monter fe prefenteront fi naturelleinent, qu'il croiroit prejque fans s'en appercevoir les avoir imaginces lui même; tant elles paroif- fent fimples, et places à propos. De même les vues neuves set les nombreufes recherches qui font indiquées dans le courant de l'Ouvrage femblent naltre de la matiere même et non pas de D'Au- teur. Il powvoit encore ne point parler des chofes qui font vefties doutenfes ou indecifes ; il pouvoit paffer fous filence les queffions, quit

VAL,

XIli wa pu décider méme après tant d'expériences .On auroit trouvé fon Ouvrage plus complet, parceque l'ignorance ne fait Jéuffrir quen tant quon la connoit, mais nôtre Auteur a préfèré par tout la clairté et l'utilité à la veine gloire.

I] y aura bien une claffe de perfonnes aux quelles cet Ou- vrage ne plaira certainement pus, et cette claffe n'efl ni la moins mombreufe ni celle qui a le moins des felateurs et de partifans. Elle eft compofte de ces pretendus phyfiviens qui expliquent la natu re devant leur bureau, qui meditant des faits mal vus, et co piés dans les livres, en devinent auffitét les refforts, et qui Je f- gurent comme réels des caufes ideales pour expliquer des effets qui mont jamais exiflés que dans leur imagination, qui prefé- rent em fin les romans aux faits, et à la verité.

A cette forte de gens acoutuinés a lire, on a faire des romans en Phyfique le préfent Ouvrage doit paroitre flérile, ennuyeux, et peu philofiphigue, et je ne faurois les exborter à le lire; mass ceux au contraire qui aiment les faits vrais, les obfervations fêres, en feront ènfiniment futisfuits. Quant à moi je ne con- mois aucun fijet, foit de phylique, foit de médecine, qui ait été traité avec un plus grande richefle d'expériences, que celui dont il s'agit.

Quand vi Ouvrage eft fondé fur des faits certains et meufs, on gagne toujours à le lire, quand même il feroit mal raifon- né, mal entendu, mal préfenté. Les nouvelles verités qu'il con- tient font de vraies acquifitions pour le philofophe, et il peut facilement les faire fervir de bafe à des fyflemes plus vrais, à des opinions plus fiires, enfin à dicowvrir les vrais loix de la nature.

Mais quelle confiance ne doit pas nous infpirer un auteur , qui après avoir dit ,, jai fait plus de 6coo. expériences, J'ai fait mordre plus de 4000. animaux, j'ai fait ufage de plus

de

X1V de 3000 Viperes, ze fe fuit pas une peine d'ajouter: Je puis m'être trompé . . ..et.il eft prefque impoffible que je ne me fois trompé! quelle différence entre -cet Auteur, et tant d'au- tres! entre l'opinion, et la certitude! entre l'ignorance et le favor!

Cet Ouvrage fi riche par limmenfité des fuits sonveanx et par le longueur et le difficulté de recherches qu'il renferiie ;n'au- roit più être executé fans la protection et les faveurs conftantes de l'Augufie Mecene que l’'Auteur a le bonbeur de fervir; sais tandis que les bien-fuits d'un Souvrain Philofophe procerent è l'Eu- rope favante tant d'expériences, et de decouvertes, l'ufage que nôtre Auteur a fu faire des moyens, qui lui ont été offerts dans Je voyages excitera fans doute la reconnoifjunce et 'admiration des gens des lettres, et l’on s'etonnera toujours, qu'un Ouvrage, qui a couté tant de travail ait pris uaiflance à Paris et a Loudre,

L'Auteur n'a fait, pour ainfi dire, que pajer.

FIN DE LA PREFACE.

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TION SITI SOSTE OE CIRO EN JOLIETTE (ONTANI ZETA ENT SAT LATE, SA Te e o veu

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TABLE DES MATIERES DE LA PREMIERE PARTIE.

EN ROUE LE ON. Les Auteurs font peu d'accord ontr'eux au fujet de la Vi pere. page I. CHAPITRE. PREMIER. Nombre, ffruclure et ufage des dènts de la Vipere. da

Opinion de Redi fur les dents Canines, et fur le réfervoir de l'humeur jaune qui aborde dans la gueule de la Vipere lorf-

qu'elle mord. ibid. Nombre et fituation des dents canines, ou grandes dents de la Vipere. 6. Nombre et fituation des dents moyennes qu’on trouve à la ba- fe des grandes. ibid. Nombre et fituation des plus petites dents. so Defcription de la gaine des dents canines. ibid. Structure des grandes dents, autrement dents canines. ibid. Structure des denis moyennes. De Struéture des petites dents. ibid. Lorfque la Vipere mord, elle bieffle même avec les dents qui font moins bien fixes. | lo;

CHA-

XVI GU AGI RES L’humeur jaune fort de la dent. page 10.

L’humeur jaune, lorfque la Vipere mord, fort de la dent ca-

nine. ibid. Elle fort aufli des dents qui font moins fermes et vacillan- tes. nb L’ufage des moyennes eft de fuppléer aux dents canines. #bid. Ufage des petites dents. ER

G' i. API RE DIL

Du lien eff fitué le réfervoir de cette bumenr jaune. 15. Opinion de Redi fur le réfervoir de cette humeur. ibid. Defcription de la petite veflie qui contient cette humeur Jaune, et de fon mufcle conftricteur. 16. L’humeur jaune eft portée à la dent par un conduit qui la reçoit de la vélicule qui en eft remplie. 18.

CHA Pea DR REL >

Le vénin de la Vipere n’efl autre chofe que cette humenr jauze 1 gui fort de la dent lorfque la Vipere mord. 19.

L'humeur jaune fe feche quelque fois dans la dent, et l’on peut

croire pour lors qu’elle fort de la gaine. ibid,

La falive et les autres humeurs de fa gueule de la Vipere, mê-

me lorfqu’elle eft irritéc jusqu’à la fureur, ne font point un poi-

XVII poifon , enforte qu'érant miles fur une bleflure, elles ne nui- fent Jamais. page 20.

L’humeur jaune qui fort de la dent, même lorfque la Vipere n’eit pas irritée, donne la mort. 2.1, La Vipere ne tac jamais lors mème qu'elle eft en colere ,fi elle n’a point de cette humeur jaune qui fort de la dent. 14 Lorfqu’on a enievé la véficule du vénin, ou qu'on a faitune li- gature à fon conduit excreteur, la Vipere ne tue plus, même étant irritée. 1b1d.

GG H A DITER E], V, Le vénin de la Vipere neft point un poifon pour fon efpece. 21.

Les fcorpions qui fe tuent entr’eux ne meurent pas de poi-

fon. 23: Ni les araignées . tbid. Ni le ferpent appellé Cobra de capello. ibid. L’exemple du ferpent i Sonnettes n’eft pas une preuve bien clai-

re des effets de nos Viperes. ibid. Les Viperes qui fe mordent entr’elles ne meurent point. 24: li elt faux que le fcorpion s’empoifonne lui même. 27

Le polype d'eau douce n’eft pas venimeux pour fon efpece; et vraifembiabiement il y a peu d'animaux qui le foient en effet en- tr'eux. ibid.

CNED PSE TL R En VL

Le vénin de la Vipere nef pas un peifon pour toute forte d’a- UIMAUX . 23.

2 Une

Foa

X VIlil

9 SETA 8 PE PE TE x 4 Nati A Une fubitance peut Ctre en pollon pour unanima!, et ufi reinede

pour un autre d’efpecc différente. page 28. Le vénin de la Vipere ne tue pointles fangfués. 29. Mème lorfqu’on l’ introduit dañs leurs bleflures. 30, Les limaces et l’efcarsot ne meurent pas du poifon de la Vi

pere. gut L’afpic n’en meurt point. ibid. Ni la couleuvre, ni les autres ferpens, comme le cecilia owl'or-

val. à 2e Les tortues en meurent très-difficilement en quelque endroit qu'el-

les foient mordues. 23 Mème lorsqu'on introduit le vénin dans leurs bleflures . ibid. Les autres animaux, comme les anguilles, les petits lézards &c.

ca meurent. 34.

C HA PUT RE: MIL Le vini de la Vipere n'eft point acide. 33. fl ne change point en rouge la teinture bleue des végétaux. 36.

Ni le firop de violettes. ibid. Il ne fait point effervefcence avec les fubftances alkalines. si.

CH A PI TR E : VIH

Le vénin de la Vipere wefi pas alkalin . 3%. Il ne fait pas effervefcence avec les acides. ibid. Il ne change point en verd le firop de violettes. ibid.

CHA-

Og A PE TP À

nto] pi bud

8 P 2 RAINER MISTI ; ola 7 Fo 523} fo ln hi On ne diccsvre point de [els dans le vénin de la Fi

pere. pige 38.

Pris immédiatement de la dent, et foumis au micrefcope, il ne

prefente ni aiguilles brillantes, ni pointes qui nagent. 39. . , . . . . . 1] "n LA Oa n'y voit point de vrais fels lorsqu'il eft deffeché. 40. On réfute les erreurs des philofophes fur ces fels. ibid.

o ba PIT RE X.

Le vénin de la Vipere ma point de faveur déterminée. Eta mis fur la langue, il n'y excite point d'inffammation. 44.

Le vénin de la Vipere mis fer la langue n’a point de faveur Î

decidée. ibid. Il n’elt ni acre ni brülant comme celui de l’abeïlle , de la guèpe, du frélon et du fcorpion. 47. Il laifle néanmoins fur la langue une fenfation qui dure long- tems. ibid. Lorfqu'il touche au vif les chairs des animaux, il ne paroit pas y exciter de douleur. 48.

COURS AVS -T RE XI. Autres proprictés du vénin de la Vipere . so. Lorfqu’on le met dans l’eau, il va au fond. ibid.

Méle avec l'eau, il la trouble et la blanchit légerement. id. Soit

>, DI Soit qu’on l’expofe à la flamme d’une chandelle, ou fur des char- bons embrafés, il ne brûle pas. page 50. Celui de l'abeille et du fcorpion ne brûle pas non plus. ibid. Lorfqu’il eft frais, il eft un peu vifqueux, et lorfqu'il cit defle- ché il s'attache comme de la poix. [AC

CH A, BP Es Fe R dE EL

Particularités touchant le vénin de la Vipere et des autres ani-

MARX . : ST: La dent percée n’en pas faite pour tuer. ibid. Abus que lon fait des caufes finales. 52. Le fcorpion infinue fon vénin par deux trous qui font à fon

aisvillon. ibid. Le vénin conferve encore fon energie dans une tête de Vipere

qui a été coupée depuis longtems . 53. Et cette tête pourroit bies empoifonner quiconque fe pique-

roit à la dent. ibid. Des animaux font morts pour avoir été piqués de la dent

foule. ibid. Le vénin deffeché depuis plufieurs mois perd fa propriété, et ne laifle aucune impreflion fur la langue. ibid. Comment les charlatans fe faifoient mordre anciennement par la Vipere, et quel rifque ils couroient ST. De l’inftrument dont fe fervent les fangiuîs pour percer la peau, et de fon mechanifme. 59.

CHA-

Cobb VAR SD TRA XIII

Quelle ef la caufe de la mort des animaux qui ont été empoifon-

ués par la Vipere. page 60. On propofe les principales hypothefes et on les réfute. ibid. Il eft faux que les globules du fang foient décompofés par ce

poifon. 64. Les convulfions des animaux mordus se prouvent pas que ce

vénin agifle par des fels. | 65. Elles arrivent aufi faute de fluide animal, et parceque léquili-

bre eft rompu entre les mufcles. ibid. La jaunifle ne peut pas fe manifefter à la peau, avant que la

bile foit féparée dans le foie. 67. Le vénin ne donne pas la jauniffle en obftruant, et crifpant les

conduits biliaires. ibid. La jaunille arrive à caufe de la convulfion du duodenum. 69. Pent être aufh par j’atcénuation de la bile. ibid.

Le vénin de la Vipere ne contient point de smolcuies organi ques comme le prerend M. de Buffon; non plus quele pus. 69. Continuations des erreurs de M. Buffon, et leurs confutations. 71. Les effets du vénin dela Vipere analogues à ceux de l'opium. 73. Les moffettes ne tuent en aucune des manicres qu’on a ima- ginces. ri. Ni furtout en bleffant le poumon. ibid. Mais parce qu'elles font perdre lirritabilité à la fibre mufcu- aire. de, Difficultés faites par Tiilot fur la caufe de la mort des animaux dans l’air fixe. i0rd. Reponfe à toutes ces difficultes. 76.

Cali

x X [1

C'eft ainfi I ill i rd

-eit ainfi que les grenouilles, qui ont été morducs par Ja Vipere, meurent parceque leurs mulfcles perdent lirritabi-

lité . page 79. Les plus grands animaux font dans le même cas. 80. Le polype tue les vers en leur Ôtant l’irritabilité. 81. La caufe de la mort que donne le vénin de la Vipere cit dé-

couverte. ibid. La patréfaction fait perdre aux mufcles lirritabilité . ibid. Poifons qui tuent en introduifant dans les animaux un principe

de putréfaction. 82. On ne trouve des fels que dans un petit nombre de plantes ve-

iumeues, 83. On peut mourir de poifon fans qu’il faille des fels. 2bid. Abus que les philofophes ont fait des fels. ibid. Les maladies putrides agiffent fur l’économie animale de la mé-

me façon que le vénin de la Vipere. 85.

Le poifon le plus a@if qu’on connoifle jufqu'ici eft celui du polype, quoiqu’il ne le foit peut être que pour les animaux

dévore. 86. On ne meurt pas toujours, quoique la circulation du fang foit arrettée . ibid. La vie de l’animal confifte dans lirritabilité, 594 Animaux qui meurent et reflufcitent. ibid. Il fuffit au philofoph: de favoir que la putrefattion Ôte lirrita- bilité, et que la vie cefle avec cette derniere. 94.

SECON-

XXIII

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T_———_—————rm__cci == = _TT TT —F_-o-Wwre*oor_r--rr,rr Te -——@"«-@<"@©Ò@bi

SECONDE PARTIE

CARI TRE PREMIER: Sur la Source de beaucoup d'erreurs. page 97. e H AC PRI T RE Il

Si Palkali volati! eft 1 remede afuré contre la morfure de la

V’ipere. 106. Animaux mordus par une feule Vipere une feule fois, à une

feule partie. 107. Expériences fur les Piscons. 112. Expériences fur les Poules. tu): Expériences fur les Cochons d’Inde. 120. Expériences fur les Lapins. ina Expériences fur les Chats. 125, Expériences fur le Chiens. 12%. Expériences fur les Grenouilles. 128.

Gol ga Ple E LEE

Des effets de la morfure dune, ou de plufieurs Viperes, fur la meme partie de animal, ou fur deux parties Rnblables du meme animal. page 130.

PEN CHA-

XXIV

Expérisaces fur les Cochons d'Inde mordus à pluficurs, repri-

fes, et par plufieurs Vipercs. page 140. Expériences fur les Lapins mordus à plufieurs reprifes et par plufieurs Viperes. 141. Expériences fur les Chiens mordus à plufieurs reprifes, et par plufieurs Viperes. 142. Expériences fur les Chats. 144.

Coll A PURO RO E 1%

Des effets de la morfure de la Vipere fur différentes parties de

L'animal. | 145. Expériences fur la Peau. 146. Bletlures fuperficielles de Ja Peau. 147. Bleflures de la Peau dans toute fa fubftance. 149. Expériences fur le tiffu Cellulaire. 150. Expériences fur les Mufcles . riso. Le vénin de la Vipere appliqué fimplement fur les fibres mufcu-

laires eft tout-à-fait innocent. 154. Le vénin de la Vipere ne perd pas fes qualités meurtrieres, mé-

me après avoir empoifonné d’autres animaux. 155 Animaux mordus à la Poitrine. 156. Animaux mordus fur le Ventre. 158. Expériences fur les Intellins. 159. Expériences fur le Foie. ibid. Expériences fur les Oreilles. 160. Expériences fur le Péricrane. 163: Sur les Os, et le Périofte. ibid, Dure mere, et Cerveau. 164.

Moël-

Moëlle des Os. p

n

Sur la Cornée tranfparente. Gb HT; BL Lab PR".

Expériences fur la Crète, les Barbes, le Nez, et le ANIMNAUX +

Expériences fur la crête des Poules. Expériences fur les Babes des Poules. Expériences fur le Col des animaux. Expériences fur le Nez des animaux. Expériences fur les Chats mordus au Nez.

OCA, R Eo VI Efpériences fur les Tendons. . ORA de di. RE VII

Sur la nature du vénin de la Vipere. Defiription de parties de la tête de la Vipere relatives au vénin.

De la nature du vénin de la Vipere. On examine fi

de la Vipere eft acide. Sur les Abeilles, les Bourdons, et les Guèpes.

EAFR

ty

Col des 107:

ibid. 169. 172. 174. 179.

132,

quelques 193.

le vénin

197. 217.

TROI-

xxvi

SORSSZZZZZA SICA CZ n _——__—_ 6 @@.@@@l@t@@'m@ iu

CHAPITRE PREMIER.

Aion du vénin de la Vipere fur les parties mordues de l'animal . 23:

Quelle eft la quantité de vénin qu’il faut pour tuer um ani- mal? | 284.

Cl a RI I Ri

Du tems reqgtis pour que les effe ffets du vénin de la Vipere foient fenfibles . 236.

Expériences fur des membres récemment feparés de l’animal. 23 7. Expériences pour s’aflurer dans combien de tems le vénin de la Vipere produit fes effets après qu'il eft introduit dans la bleflure . 241. ER ce i la feule nialadie locale, cu par un defordre produit fur des principes plus nobles ; que meurent les animaux mor- : dus par la Viperc. + 244.

a lu

XXVII Ce derangementinterne que le vénin dela Vipere caufe aux ani maux mordus eft il produit dans l’inftant de la morfure quelque tems après? page 247. Des fignes qui caraéterifent la maladie. 25 Expériences pour $ aflurer fi dans le moment de l’amputation il ne s'echappe du fang quelque principe fubtil . 553,

SME EN PEER EE: EL,

De Padion du vénin de la Vipere fur le fang des aut MAUX . 24:

Injettion du vénin dans les vaiffeaux fanguins et fes effets. 256. Expériences fur le fang des Lapins. 265.

CE PD IT RE IV, Expériences fur les nerfs. 268.

Expériences fur les nerfs, fur la moëlle épiniere, et fur le cer- vau des grenouilles.

209: Expériences far le nerf fciatique des Lapins. 295: Expériences fur le nerf fciatique coupé fupérieurement . 278. Expériences fur le nerf fciatique coupé inferieurement . 279: Expériences fur le nerf fciatique lié. 282.

Expériences fur les nerfs fciatiques avec des bleffures mécha-

niques. 285. Expériences fur les nerfs fciatiques. 286. Expériences fur les nerfs fciatiques coupés fupérieurement, et inférieurement . 29%. Morfure de la Vipere fur des Grenouilles fans tête. ZO,

Fan Xp

NXNU Expériences fur des Grenouilles dont on a coupé la moëile epi- )

niere. page 293. Morfure de la Vipere fur des parties dont les nerfs avoient été coupés. ibid. Effets de la morfure de la Vipere fur des Lapins aux quels on a coupé la moëlle épiniere. 298.

Eñlèrs du vénin far des parties de l’animal , dont la circulation a été interrompue. 299. Effets du vénin fur des parties , dont les vaifleaux ont-ete

coupés. 39e

CG EU NA EP dd, TR EM.

x

Des efets du vénin de la Vipere fur le fang expofé à Pair

libre , 203. Expériences de comparaifon avec la Gomme Arabique. 310. Effets du vénin de la Vipere fur des membres qu'on a mis à

Fabrice l'air, 314.0 Nouvelles expériences fur des parties coupées après leur avoit

interrompu la circulation par une ligature. us Expériences fur des animaux à fang chaud, dont on a coupé

la-téte. 316.

G H À DU ATDIIR EE VAI

Sur la caufe de la mort des animaux mordus par la Vi pere. 318.

RECHER-

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RECIERCHIRS PHYSIQUES SUR LE VENIN Pope A WI DER È

PERCESNSE SRE -<IP-A RTEE

INTRODUCTION.

Ou Pon fait voir combien les auteurs font peu d'accord entr'eux au fujet de ia Vipere.

N convient aujourdhui, qu'il n’y a dans la recherche des vérités naturelles d’autre guide que la connoiflance des faits ; ce’n’eft que d’après des faits que le philofophe peut fe flatter d’éta- blir un fyitème raifonnable, ou de juger fainement de ceux qui font déja établis. L’obfervation eft le feul flambeau à la faveur du quel nous puiffions diffiper les ténebres qui enveloppent les

caufes cachées des phénomenes de la nature: enfin c’eft aux A tra-

è

travaux des obfervateurs qu’on doit les progrès rapides que la philofophie a faits de nos jours. Mais rien ne retarde plus ces progrès, que le peu d’accord qui fe trouve entre les auteurs, mé- me en fait d'expériences; c’eft à dire en fait de chofes qui fe tou- chent au doigt et à l’oeil. Rien n’eft plus ordinaire que de voir les obfervations de cette efpece, faites d’ailleurs par des hommes pleins de candeur, fouvent démenties par d’autres, ou en con- tradiétion avec elles mêmes. Quelle eft donc la caufe, et la fource de ces erreurs? eft-ce l’efprit de parti, ou la difficulté de bien obferver? quoi qu’il en foit, il n’eft pas moins vrai, qu'après avoir confulté les auteurs les plus renommés, fur un fait qu'on veut eclaircir, on fe trouve fuovent tout auffi peu. inftruit et auffi in- certain qu'auparavant. J'ai donc crù qu’en pareil cas, je pouvois fans bleffer le refpe& à l’autorité de ces grands hommes, ne m'en rapporter qu'à mes propres yeux; et pour rendre mes ex- périences plus décifives, je me fuis fingulierement appliqué à bien voir, à comparer celles de mes prédécéffeurs avec les miennes, à en bien développer toutes les circonftances , à démêler enfin ce qui peut avoir donné lieu à cette grande variété dans leur maniere de voir & dans leurs opinions.

Tel eft le vrai motif qui m'a engagé à rendre compte des expériences qui fuivent. Sans cette raifon , je les aurois volon- tiers paflées fous filence, pour ne point fatiguer le lecteur, en lui préfentant des chofes, que d’autres auroient déja publiées.

Les expériences dont Je vais rendre compte font relatives à la Vipere, et roulent bien moins fur l’anatomie ,et la ftru&Aure particuliere de quelques unes de fes parties, que fur la nature du venin de cet animal. La facilité qu'on a de fe procurer des Viperes à Pife, Jai fait mes expériences, m'a mis en état de multiplier, et de varier extremement mes recherches. C’éut été perdre le tems que de n'avoir d'autre objet que celui de détruire

les

3 les prejugés populaires qui regnoient, avec force , fur cette ma- tiere, du tems de Redi. Nous devons à cet auteur de les avoir fait connoître, et d’en avoir débarraflé l’hiftoire naturelle . Il con- noiffoit lui même le prix du tems; l’on peut en juger parce qu'il dit à la fin de fa lettre à Magalotti: ehe 1] perder tempo a chi più fa, più fprace. Que plus on eft infiruit, plus on regrette le tems perdu.

Lorsque j'ai vu que les obfervations fouvent répétées , d’un homme auffi célebre que Mead heurtoient de front celles de Re- di, javoue que lutilité que j'ai entrevue à faire connoitre la fource des erreurs de ces deux grands hommes, et le plailir de trouver des vérites nouvelles, m’ont fingulierement encouragé dans cette entreprife, malgré le rifque qu'on court à manier des ani- maux fi dangereux.

J'ai crû devoir, avant tout, dire quelque chofe touchant les dents, et autres parties de la Vipere, et fi je rappelle ici en paflant quelques vérités que d’autres obfervateurs ont d’eja pu- bliées, je ne le fais que pour mettre plus de clarté dans mon Ouvrage, et le leéteur impartial me le pardonnera fans peine, fur- tout lorfqu'il verra que ces vérités font mieux établies, et que les expériences qui leur fervent de bafe, ont étés variées de tant de manieres, qu'il ne peut plus refter de doute fur ce fujet.

À 2 CHA- |

CHAPITRE PR ESMITRE RI Nombre, ffruture et ufage des dents de la Vipere. (a)

TAN a déja beaucoup écrit fur la ftruture et l’ufage des grofles dents

ou dents canines dela Vipere; elles avoient été examinées, mème au microfcope avant le tems de Redi; on avoit reconnu qu’elles étoient vuides et tubulées jufqu’à leur pointe, Redi s’en affura parfaitement, même à l’ocil nud; et trouva, enles exami- nant lorfqu’elles étoiént feches, que fi on les écrafoic elles fe fendoient en trois ou quatre morceaux, de la bafe à la pointe, et laifloient bien voir leur cavité interne; mais il nie décidé- ment que cette cavité foit un conduit pour l’humeur jaune, et que ce venin jailliffe par le petit trou qui eft à la pointe de dent, lorfque la Vipere vient à mordre. Il dit, qu’ila ouvert la gucule des Viperes, et qu’ila toujours que cette liqueur jaune lorfqu’elles mordent, coule le long de la dent de haut enbas, et a l'extérieur; et qu'elle ne vient jamais du dedans. Je m'en fuis bien affuré, ajoute Redi, par plufieurs expériences, et par le témoignage fouvent reiteré de mes propres yeux.

Le célebre Valisnieri ajoute de plus, que les dents cani- nes de la Vipere font percées de quatre trous latéraux très-petits. Il croit que la partie du venin la plus fubtile pénetre par cet petits trous, de l’intérieur de la dent dans la bleffure, tandis que la plus épaifle & la plus groffiere y coule le long de fa

fur-

(a) Note de l'Editeur. Pour faciliter l'intelligence des parties qui font décrites dans ce Chapitre, nous avons emprunté de l’Ouvrage de Mead quelques figu- res de la tête de la Vipere; voiez Tab.I. et l'explication et qui la precede, ee nous exhortons le lecteur à jetter un coup d'oeil même fur la T. IL avant de pourfuivre .

furface. Mead: et Nicholls au contraire font partis: de l’analogie qu'a la Vipere avec le Serpent à fonnettes, dans le quel on voit très-clairement -cette humeur fortir de l’intérieur de la dent; et ils foûtiennent que dans la Vipere le venin fort auffi par la pointe des dents canines, ou du moins par une ouverture qu'elles ont vers leur extrémité. Jai répété plufeurs fois. les. expérien- ces de Redi, j'ai ouvert la gueule de ces animaux vivans, cet Javoue que je n'ai jamais bien pù. m'aflurer fi.cette liqueur vé- néneufe fortoit précifément de la dent, ou fi.elle.ne failoit que fe glifler tout du long en dehors, de la bafe à la pointe, fi je tenois la téte de la Vipere de fagon que la pointe des. dents fut tournée vers la terre, je n’avois qu’à prefler fortement les mufcles du palais, pour voir cette humeur jaune fe porter ra- pidement de la bafeà la pointe de. la dent. Au lieu que fi les dents étoient tournées vers lehaut, je voyois le venin fe raffem- bler d’abord autour de la bafe de la dent, et remplit tout la capacité de la guaine qui-lui fert d’enveloppe. Redi foutient de plus, que cette guaine eft le véritable refervoir, cette hu- meur fe dépofe, et fe conferve ; il penfe quelle cit. fecernée par une petite glande voifine fituée au deflous de l’orbîte. Ni. cholls dit au contraire, qu'ily a une vélicule ou petit fac fépa- de la guaine, et que cette glande eft deftinée à un tout autre ufage, comme de fecerner quelque humeur lymphatique ou fa- livaire .

Dans cette incertitude, je compris qu'il n’y avoit rien de mieux à faire que d’éxaminer de mes propres yeux la ftruQu- re des dents de la Vipere, à fin d’en bien développer les ufa- ges; d'autant que les defcriptions qu’en donnent ces auteurs font obfcures, ct que les obfervations des deux favans Anglois con- tredifent celles de Redi.

La Vipere a de chaque coté de la partie antéricure et fu- pe

6

périeure de la tête un os mobile qui fait partie de la machoi- re fupérieure; chacun de ces deux os a deux alvéoles, à coté lune de l’autre; elles ne font féparées que par une lame im- mobile, mais tres-fragile dont la fubftance eft fpongieufe et fem- blabe à celle même de l’os; c’eft dans ces alvéoles que font implantées les dents canines, qu'on y trouve quelque fois au nombre de quatre, plus rarement de trois, et plus fouvent de deux. On obferve que quand ces dents font au nombre de qua- tre, elles n’ont pas toutes également la même fermété et la mê- me ftabilitè dans leurs alvéoles; il y en a pour lors commu nément deux, ou aumoins une, de mobiles, et qu’on peut fa- cilement arracher fans les rompre: ce qu'on ne feroit pas des autres, qu'on n’arrache jamais entieres, quoiqu’elles n'aient pas des racines comme les nôtres. Jen ai trouvè quelque fois trois de mobiles. Jai auffi quelques Viperes qui n’ayant que deux dents canines, les avoient cependant toutes deux foibles et mou- vantes; mais ce cas eft très-rare.

A' la bafe de ces grofles dents, et tout à fait hors des al- véoles on trouve toujours fix ou fept dents très petites: elles font mêmie quelque fois au nombre de huit. Lorsqu'on les exa- mine attentivement avec une loupe, on voit qu'elles tiennent par leur bafe à une efpece de tiffu membraneux très-fin et très- mol. Ces petites dents vont en diminuant de grofleur à mefu- re qu'elles s’éloignent des alvéoles des dents canines; celles qui font le plus près de ces alvéoles font auffi les mieux formées et les plus dures. Les autres font plus petites, plus tendres, moins bien formées, et comme muqueufes, particulierement à leur bafe; elles paroiffent en effet devoir leur formation à une matiere blanchàtre et gélatineufe.

Outre ces deux efpeces de dents dont nous venons de par-

ler, la Vipere en a encore d’un autre ordre, beaucoup plus pe- tites

7

tites que les autres: elles reffemblent à de petits croch:ts, et font implantées fortement au nombre de dix, onze, et quelque fois quinze dans deux petits os aflez longs et paralleles qui for- ment de chaque coté la machoire fapérieure ; et de huit, neuf, et quelque fois douze dans chacun des deux os qui forment la machoire inférieure.

Les dents canines ou grofles dents, ainfi que les autres plus petites qui fe trouvent à leur bafe, font renfermées dans une guaine qui les couvre de tous cotés, et qui eft compofte de fibres très fortes, et d’un tiflu cellulaire. Elle eft toujours ouverte vers la pointe de la dent, et s’y termine par le repli de fes deux lames en un ourlet fouvent dentelé; cette guai- ne paroit être un prolongement de la membrane externe du palais .

Il et rare que la dent canine ait plus de trois lignes de longueur, mefure de Paris. Et fon diamêtre à la bafe n’a gueres plus d’une demi-ligne : fa figure eft celle d’une corne un peu ap- platie et très peu courbée vers fa bafe. Cette dent fe termine en une pointe fort aigue, vers la quelle perdant infenfiblement de fa courbure, elle finit par devenir prefque droite. Au deflus du- milieu de la dent tirant vers la pointe, et dans fa partie con- vexe, on découvre même à l'oeil une petite ouverture trés étroite, mais fort longue, la quelle finiflant en une échancrure canelée, legere, à peine fenfible , et qu’on ne voit bien qu’au microfcope, va ainfi fe terminer à la pointe. On peut facilement introduire dans cette ouverture des poils de mouftaches de Re- nard, de Chat, de Chien &c. on voit au microfcope que c’élt une fente qui a prefque le quart de la longueur de la dent, et dont la largeur en eft tout au plusla dixieme partie; elle repré- fente avec fon ourlet extérieur une ellypfe trés allongée ou ap- platie, mais un peu plus large du coté de la bafe dela dent.

Cet-

(e)

5

Cette fente pénetre jufques dans l’intérieur, et eft terminée des deux cotés par deux bords -ou levres courtes, grofles et relevées à la ligne. On trouve encore une autre ouverture fitute fur la partie convexe de la dent, vers la bafe et prés de l’éndroit elle s'implante dans l’alvéole. Cette ouverture commence auffi par un petit fillon peu profond immédiatement au fortir de de l’alvéole. Elle et beauconp plus large que la premiere, quoi- qu'elle ne foit pas plus longue. A mefure que cette échancrure ou cannelure pénetre dans la dent, elle la perce dans toute fa lon- sueur, et forme un canal qui va fe terminer au trou elliptique de la pointe. On fait paffer facilement une foie d’une ouverture dans l’autre, furtout lorfqu'on a l'attention de l’introduire par la bafe, fe trouve l’éntrée naturelle de ce paffage. Le bord de cette feconde ouverture reffemble à une parabole dont la bafe pafle fur les levres offcufes de lalvéole , ct qui finit avec les autres cotés en une pointe un peu obtufe du coté du fommet de Ja dent. La dent canine de la Vipere eft donc vuide et tubule dans fa longueur , de la bafe à la pointe, et porte deux trous dans fa partie convexe. Cette tubulure n’eft cependant pas telle qu'on pourroit fe l’imaginer, d'apres la troifieme figure de Mead, et les defcriptions de Redi.

La dent de Ja Vipere a une double tubulure prefque dans toute fa lonsucur: c’eit un fait inconnù jufqu'ici à tous les ob: fervateurs . Ces deux tubes ou canaux ne communiquent point lun avec l’autre; ils font féparés par une cloifon offeufe trés fragile versla bafe; mais qui fe renforce un peu à mefure qu’elle savance vers la pointe. L’un de ces tubes ou canaux, que j'ap- pelle externe, parcequ’il eft du coté de la:convexité de la dent commence, comme on l’a vû, à la bafe de l’ouverture triangu- laire, et va en s’élargiflant de plus en plus jufqu’au milieu de la longueur de la dent, d’où il fe rétrécit peu à peu, et finicà

l’ou-

S l'ouverture ellyptique de la pointe. Le canal interne au contraire, qui regarde la partie concave de la dent, commence à la bafe par une large ouverture, de il avance en fe reflerrant peu à peu, et il fe termine enfin en une pointe borgne au deflus du milieu de la dent. Quant à la cloifon mitoyenne qui fepare ces deux cavités, elle a aufi une figure courbe, et tourne fa partie con- vexe du côté du creux de ce canal qu’elle termine ; enforte qu’elle préfente plutôt une figure curviligne irréguliere , ofleufe, et un cône tronqué ,qu’un cône parfait. Ce canal borgne communique avec l’alvéole la dent s'implante , et reçoit des vaifleaux et des nerfs qui entrent par un petit trou ovale qu’on apperçoit à la vue fimple, et qui s'ouvre dans les parois de l’alvéole mé- me, vers la partie interne de la machoire. Cet os de la ma- choire eft auili percé d’une grande ouverture ronde, qui com- mence un canal placé un peu en deflous et par côté, le quel s'ouvre d’une part dans l’alvéole, et de l’autre vers l'extrémité de la furface de cette même machoire, lateralement et plus en deflous .

Les petites dents qui font fituées à la bafe des grandes leur reffemblent parfaitement quant à leur ftruture, foit interne foit externe. Celles fur tout qui font placées le plus près des pre- mieres, et quifontles plus fermes, leur reflemblent à tous égards, fi ce n’eft que leur bafe n’eft pas auffi bien terminée. Elles ont toutes comme les grofles le trou ellyptique vers la pointe, et une partie du trou triangulaire à la bafe: on y découvre auff les deux conduits interne et externe.

Il n’en eft pas de même des autres dents très petites dont nous avons parlé, et qui font en beaucoup plus grand nombre, ct aux deux machoires. Celles ci ne font point canaliculées , et n'ont aucune efpece d'ouverture è leur pointe ni à leur bafe.

B | CHA-

10

CE APE DS Pr RorbBorseIt L’humeur janse fort de la dent.

D la Vipere veut mordre ,les dents canines s'élevent par un méchanifme, que Nicholls a parfaitement bien décrit, dans l’appendix anatomique qu’on a joint autraité des poifons de Mead. Mais celles des grofles dents qui tiennent moins forte- ment à leurs alvéoles, s’élevent alors d'autant moins, qu’elles font plus mobiles, et moins bien aflurées fur la machoire. Ni- cholls prétend que lorfqu'il yaune ou deux de ces quatre grof- fes dents qui font mobiles, la Vipere ne peut mordre qu'avec une feule dent de chaque côté, il ne fonde à la vérité fon opi- nion fur aucune expérience; mais il paroit s’en rapporter à cer- taines caufes finales, que je ne faurois admettre ; parce qu’en phyfique ces fortes de preuves ne font plus d’aucun poids. Il re- marque qu'il y aune telle diftance entre les deux dents canines du ferpent à fonnette, que l'humeur jaune, qui eft portée par un conduit entre l’une et l’autre de ces dents, entreroit toute en- tiere dans la guaine, et n’iroit point à la bleffure de l’animal que ce ferpent auroit mordu ; et c’eft pour cela qu'il ne balance pas à croire que le conduit de cette liqueur vient s’appliquer préci- {ément au trou de la bafe de la feule dent, de chaque côté, avec la quelle la Vipere faifit ce qu'elle mord. Mais outre qu’on ne voit point d’organes pour exécuter cette fonction, et qu’on n’en découvre pas le méchanifme; je puis aflurer que j'ai quel- que fois dans la Vipere toutes les quatre dents canines égale- ment fermes et bien plantées dans leurs alvéoles, et plus fou- vent j'en ai trouvé trois bien implantées, et très-fort en état de faifir et de mordre. Il n’eft pas douteux que dans ce cas là, la Vi-

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Vipere ne peut pas mordre feulement avec deux dents, une de chaque côté; mais qu’elle doit faifir également avec toutes cel- les qui font fixées folidement dans leurs alvéoles; et je m'en fuis afluré par l’expérience même. Il n’eft donc pas vrai, com- me le prétend Nicholls, que le conduit de cette liqueur Jaune ne s'adapte qu’a une feule dent lorfque la Vipere mord . D'ailleurs cet intervalle qu’il a obfervé entre les dents canines du ferpent à fonnettes ne fe trouve pas de même dans nos Viperes, dont les dents fe touchent et fe ferrent, prefque depuis la bafe jusqu’à la pointe; en forte qu’il n’y peut paffer aucun fluide, et enco- re moins la liqueur jaune et vénéneufe qui eft un peu gluante. De plus il eft conftant que la Vipere mord et faifit non feule- ment avec les dents qui font arrêtées dans leurs alvéoles: mais encore fouvent avec celles qui font mobiles. De dix Viperes que j'ai examinées, il y en avoit trois qui avoient deux dents mobiles et deux fermes dans leurs alvéoles ; les fept autres n’avo- ient qu’une feule dent mobile et deux fermes et bien arrêtées fi j'en excepte une des trois premieres Viperes et deux des fept de- rnieres, toutes les autres aux quelles je préfentai un morceau de teudon de boeuf bouilli et bien depouillé de fa guaine, le faifirent avec force, et y laiflerent bien imprimées les traces de toutes leurs dents; il faut dire cependant que leurs dents les moins fermes n’étoient pas des plus mobiles; et que quand elles font bien va- cillantes, je me fuis afluré qu’elles s’élevent alors fi peu, qu'il eft abfolument impoflible que leur pointe vienne s’appliquer fur le corps que la Vipere faifit. Nicholls conjeéture avec beaucoup de fagacité d’après Re- di, que la nature a préparé les petites dents qui font à la bafe des autres, pour remplacer au befoin celles que la Vipere perd de tems en tems; car il eft certain que cet animal ne mord ja- mais fans courir rifque de les perdre. Leur figure courbe fait que Bia

ce

12

ce melt qu'avec quelque difficulté qu'elle les retire de la bleffure ; et Jai obfervé quelque fois pendant le couts de mes recherches que ce ne font pas feulement celles qui font mobiles; mais que les plus fermes auffi font fujettes au même accident. La ténuité de la dent et la force de Fanimal qui a été mordu. contribuent également à cette perte, et cette opinion devient encore bien plus vraifemblable lors qu'on confidere que ces petites dents mo- biles ont précifement la même firu@ure que les canines; c’eft à dire, qu’elles ont auffi deux. canaux ( celles du moins qui. font les plus formées ) et les mêmes ouvertures à leur bafe: et à. leur pointe. Mais enfin toutes ces vraifemblances n’étoient au fond qu'une raifon de plus pour confulter l’expérience» et s'afurerde de la verité par des obfervations exactes.

J'ai obfervé quelquefois dans une de- ces alvéoles une dent très mobile dont la bafe mal formée et encore gélatineule ve- noit s'attacher aux bords, ou aux levres de cette foflètte pro- fonde ; on pouvoit même retirer un peu cette dent de l’alvéole, fans l'en détacher tout à fait, au moyen d’une matiere tendre et muqueufe qui lui fervoit comme de colle. Mais alors cette dent ne s'éleve point du tout. En faifant mouvoir la machoire, je faifois bien lever la voifine ; niais pour celle dont je viens de parler , elle refloit abfolument couchée fur la bafe de l’os mobi- le de la machoire. H eft clair que cette dent avoit été du nom- bre de celles qui font à la bafe des grandes ou canines.

Farrachai tout exprès à une groffe Vipere une de ces dents qui étoit mobile et mal aflurée dans fon alvéole, et quelque tems après Je m'apperçus que la plus groffe de celle qui font placées fous la guaine et au deffous de l’alvéole, s’étoit un peu avancée vers l’alvéole vuide; quelques jours après je crus l’en voir encore plus rapprochée. Je pourfuivis mes obfervations tous les deux jours, et je vis à lafin, que cette dent s’étoit parfaite-

ment

13 ment logge dans l’alvéole, elle étoit cependant encore. très mobile , et mal aflurée. Cet acheminement fucceffif s’étoit fait dans l’efpace de moins de vingt jours ; et dix jours après. elle s’y trouva affez folidement établie pour pouvoir mor: dre. La néceffité l’on elt de prendre fouvent la Vipere à la main pour s’affurer de l’état de fes dents, et lui ouvrir la guai. ne, avec des pinces ou avec une pointe emouflée , rend cette ex- périence très-dangereufe. Les compreflions répétées que reçoivent les petites dents par la contraétion des mufcles de la machoire, et l’action de la guaine elle même qui prefle continuellement fur les pointes. des dents les plus. élevées, font bien fuffifantes pour poufler la racine dela dent, dont ilelt queftion , dans l’alvéole , que la. vicille dent qui eft tombée a latlé vuide.

Les dernieres ou plus petites dents des deux machoires ne fervent certainement pas à mordre; mais leur ufage eft de rap- procher encore davantage du gofier, et tenir plus ferme l’animal que la Vipere a deja faifi.

Cette. ftructure. finguliere des feules dents canines, fi diff- rente de celle des autres dents des deux machoires,eft bien pro- pre è faire penfer que c'eft de celles-là que. fort la liqueur jau- ne, et que ce n'eft pas fans quelque apparence de raifon , que Redi, fi cxa& d’ailleurs, a été induit en erreur.

Pour m'én affurer d’une maniere plus particuliere, je liai fortement fur une table la tête d'une Vipere que je venois de tuer. J’éus foin pour mieux voir, et pour plus grande fureté, de lui emporter la machoire inférieure: dans cette fituation, la dent canine étoit tournée en haut; et je me mis à obferver la fente ellyptique avec la plus forte lentille du microfcope d’Ellis, Je preflai légerement fur le palais avec un fer un peu obtus, et je vis paroitre auflitôt au trou cllyptique dela pointe une hu- meur Jaune, un peu tranfparente, qui sy forma en goutte et

tom-

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tomba à la fin en gliffant le long de la furface externe de cette dent. Je répétai pluficurs fois cette expérience; et toujours avec le même fuccès. Je m’avifai enfuite de boucher avec de la cire cette petite ouverture; je preflai enfuite fur le palais; mais le venin ne put plus venir fe faire jour, et couvrir la pointe exté- rieure de cette dent. Je le voyois cependant à travers de fes pa- rois tranfparentes, fe porter de la bafe vers la pointe de la dent par le canal externe qu’il avoit rempli. Je mis, fur d’autres têtes, un anneau de cire un peu faillant tout autour de la dent, immédiatement au deflous du trou ellyptique, et ayant fortement comprimé le palais, je vis auffitòt cette même liqueur fortir de la pointe avec force et comme par jets, et fe répandre abon- damment fur l’anneau de cire, qu’elle couvrit entierement , tout autour de la dent.

Je fuis parvenu, quoiqu’avec peine, à boucher auffi avec de la cire le trou qui eft à la bafe, et pour lors j'ai eu beau prefler fucceffivement tous les mufcles de la tête: Jamais je n'ai en fagre fortir une goutte de la pointe; ni même endécouvrir au travers des parois de la dent. Chaque fois qu'on tient en main une tête de Vipere, les dents tournées en haut, il et aifé à un oeil attentif et exercé, de voir cette goutte de liqueur jaune fe préfenter à l’ouverture ellyptique, en forte qu'on peut la groflir plus ou moins à fa volonté. Jai répété mille fois la e expérience, et J'ai toujours fortir la petite goutte de

enin par le trou ellyptique de la dent. Il ya plus, c’elt, que fe l’on appuie avec force, on voit quelque fois cette liqueur fortir tout d’un coup et jaillir aflez au loin. Il faut cependant faire at- tention que quand la dent en eft une fois baignée, et furtout lorfqu'elle eft entierement couverte de la guaine, cette humeur» ou la goutte qu'elle forme, glifle et coule avec tant de vîtefle le long de la dent, qu’on la voit fubitement à la bafe fans lavoir

vue

15 vue à la pointe. Elle remplit ainfi peu è peu la guaine fans qu’on Sen appergoive, enforte qu’on auroit de la peine à fe perfuader qu’elle fût fortie par la pointe de la dent. Voila comment Re- di, cet obfervateur fi exact, à été induit en erreur. Il ne faut pas, à fon exemple, fe fervir de Viperes vivantes, ni leur ouvrir Ja gueule de force, parce qu’alors la fortie de cette liqueur eft trop p'ompte, et qu'on ne peut fans danger l’obferver d’auffi près qu'il le faudroit, pour n’y être pas trompé.

Ce n’eft pas feulement de la pointe de la dent que j'obfer- vois, que j'ai fortir cette humeur jaune ; mais encore de la dent voifine lorfqu’elle y étoit: enforte qu’elle vient également de toutes les dents canines à la fois, fans en excepter mème cel- les qui fans être tout à fait raffermies. dans leurs alvéoles, le font cependant aflez pour s’elever avec les autres. En un mot, j'ai dans. toutes les têtes de Vipere que j'ai obfervées, cette humeur fortir conftamment de toutes les dents canines quis’élevent aflez lors qu'on prefle fur les mufcles du palais, et qu'on ouvre la gueule de force, pour pouvoir blefler l’animal que la Vipere auroit faifi. On voit d’après cela, que Nicholls fe trompe lors- qu’il prétend que le venin ne fort jamais que d’une dent à la fois de chaque côté. |

CUT À BILI T_RAE.: MI Du lieu eff fitué le refervoir de certe humeur jaune .

“op donc de la pointe de la dent, que fort cette liqueur jaune de Ja Vipere, contre le fentiment de Redi, qui re- gardoit comme le veritable refervoir de ce venin la guaine qui enveloppe les dents canines, ainfi que les autres qui fe trou- vent à leur bafe; mais cette opinion eft encore démentie par la pro-

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propre ftruîture de cette guaine, qui a du côté des jouesune gran- «de ouverture, par cette liqueur fortiroit fans cefle avec la ‘plus grande facilité; en forte qu’à chaque fois que la Vipere au- roit les machoires écartées on verroit le venin diftiller continuel- lement ‘par l’extrémité de la guaine, lors même que la Vipere ne mordroit pas: ce que perfonne n’a obfervé jufqu'ici. H -eft certain d’ailleurs, que lorfqu'on ouvre avec des cifeaux cette

uaine on ne trouve dans fa cavité ni cette humeur jaune, -ni aucune autre efpece de fluide qui s’y foit ramañlé.

Mais puifque cette liqueur fort, ainfi qu’on l’a déja Vv, par le érou ellyptique qui eft à la pointe de la dent, il faut bien qu’elle foit portée au trou qui eft à fa bafe par un conduit dif- férent de cette guaine, puifqu’en effet on ne trouve jamais dans celle ci aucun veftige du venin. Et d’après -cela, il ne fera pas difficile de découvrir la petite véficule qui eft véritablement de- ftinée à le contenir.

‘Si après avoir dépouillé les dents de cette guaine, on ap- puie et.on prefle fur le-palais, on voit fortir cette huineur par un petit trou prefque imperceptible., fitué fur la partie antérieure de los maxillaire, en dedans de la guaine, et à côté de la bafe des dents canines; enforte que quand cette guaine les couvre, ce petit orifice vient pour ainfi dire s’aboucher avec l'ouverture in- férieure de la dent. On découvre en effet, avec le fecours de la loupe, un très-petit orifice fitué au milieu d’une fente, ou petit fillon, qui répond à l’os maxillaire. Jai taché d’introduire dans cet orifice un poil de renard très fin; mais cependant aflez fort, et je fuis parvenu enfin à l’y faire entrer, et à le voir pañer tout autravers de la guaine, par un long conduit membraneux, jufques dans une petite veflie placée fous les mufcles de fa ma- choire fupérieure. Elle cit fitute fur la partie latérale de cette machoire. C’eft un fac membrancux d’un tiflu fort etferré, qui

eft

17 eft recouvert en partie de fibres tendineufes. Sa figure el prefque celle d’un triangle équilatéral. Il differe des autres véficules, qui font courbes ou fphériques, au lieu que la bafe de celui ci eft en quelque façon droite. Cette petite veflie fe termine du côté de ’deil en un canal tranfparent, qui après avoir marché au del- fous de l’orbite, l’efpace de deux lignes, vient percer la guai ne, et s'ouvre enfin à l’extrémité des alvéoles dans la petite fen- te dont nous avons parlé. Lorfque ce conduit elt arrivé dans le voifinage de la guaine, il fe dilate un peu, et c’eft que la liqueur jaune trouve le plus grand obftacle à fon paflage, par la compreflion qu'elle éprouve de la part des os de la ma- choire .

La véficule dont nous parlons, et qui fert de refervoir è cette humeur, a trois ou quatre lignes de long, et tout au plus deux lignes de large à fa bafe. Elle ne contient jamais au de de 4 à 5 gouttes de ce venin; le quel en eft challé princi- palement par l’ation d’un fort et puiflant mufcle, qui part de la machoire inférieure, fe replie un peu, fait un arc et va à la machoire fupérieure, fur la quelle il court en partie, et s’y at- tache. Vers l'angle interne de ce mufcle conftridteur, ou plutôt vers l'endroit de fa courbure le plus voifin de la machoire fu- périeure , commence la petite veflie. Elle eft couverte de ce mufcle dans prefque toute fa longueur. Cette véficule ainfi pla- céc, fe trouve comme dans une prefle; elle el arretée et fixée aux parties offeufes voifines par le moyen de deux tendons ct du canal; enforte qu’elle ne peut fe porter ni en avant ni en arriere, ni fur les côtés, et doit néceflairement efluyer la dou- ble action de ce mufcle, qui tantôt la comprime , lorfque la Vi- pere mord et ferre avec force, et tantôt la raccourcit, lorfque ce mufcle conftriéteur fe contratte , s'enfle et groffit. Ce qui prouve que ce mufcle cit principalement deftiné à chafler le ve-

C nin

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nin de fon refervoir, c’eft que fes attaches à l’une et à Pautre machoire font placées de maniere qu’il ne peut fervir que très foiblement à la Vipere pour fermer fa gueule. D’où il réfulte que ce n’eft pas celui ci fon principal ufage.

Les poils des barbes du renard pénetrent et paffent facile- ment de la vélicule par le conduit excréteur et vont fortir par Porifice fitué è la partie interne de la guaine; et j'ai quelque fois réufli à les faire parvenir jufqu'à l’ouverture ellyptique de la pointe de la dent. C'elt donc bien certainement la route que fuit cette humeur jaune pour aller fortir par le petit orifice de la guaine, le quel correfpond précifément à la hauteur du trou parabolique de la dent. (2) Et comme la guaine s'adapte très étroitement fur la bafe de la dent canine, il faut néceflairement que le venin qui fort de fon conduit par le petit orifice, entre tout entier dans le trou de la dent; et quoiqu'il coule avec abon- dance par ce canal, il n’a garde de fe répandre dans la guaine, que l’ovifice par il fort eft infiniment plus petit que le trou parabolique, au quel l’application intime de la guaine le fait correfpondre immédiatement. En un mot, il y pafle tout entier, fur tout lorfqu’il n’y a qu’une feule de ces dents. Bien plus, j'ai obfervé que fi on replie la guaine de deflus la bafe des dents, et qu’on prefle un peu de proche en proche fur le conduit , le venin e porte par une pente naturelle vers le trou de la dent, qu’il remplit en entier avant qu'il s’en repande une goutte dans la guai- ne. Or cette pente naturelle n’a d’autre caufe qu’une petite fof-

fette (a) Il paroitra fort étrange que le Doéteur James que a écrit après le Do&eur Mead, ait affirmé, dans fon diftionnaire de médecine, que le véritable re- fervoir de cette liqueur eft le fac qui couvre la racine des groffes dents de la Vipere, et qu'au haut de ce fac on trouve une petite véficule qui s'ou- vre à fon extrémité pour donner paffage aux dents qui verfent le venin. Il

paroit cependant que cet écrivain a fait beaucoup d'expériences fur la Vipe- re, et avec le deffein de les bien faire.

19 fette qu’on découvre à peine au microfcope fur la machoire , ct qui s'étend jufqu’au trou parabolique. Je ne prétends pas cepen- dant qu’il n’y ait tel cas particulier, cette liqueur ne puifle fe répandre d’abord dans la guaine, et glifler même jufqu’à la pointe des dents, fur tout lorfqu’il y en a deux aflez rapprochées pour fe toucher et ne laiffer ainfi qu’un fillon entre deux; et lorfque la Vipere mord aflez profondément pour faire entrer fes dents bien avant dans la chair, et boucher même le trou parabolique; et qu’elle ferre aflez fort et aflez longtems pour comprimer la véii- cule , et donner le tems à la liqueur de fe glifler entre ces deux dents . Ces cas font rares: pour lors, il n’eft pas douteux que cet animal ne puifle même tuer fans que le venin ait paflé par le conduit ordinaire de la dent. J'ai eflayé quelque fois de boucher avec de la poix tantôt le trou parabolique tantôt le trou ellypti- que, et quelque fois auffi tous les deux; mais pour lors cette li- queur jaune ne parvenoit jufqu’au fond de la guaine que difficile- ment et après qu'on avoit comprimé fortement, et pendant long- tems le mufcle conftriéteur. D'où je concluds avec certitude , que le venin fort par la pointe de la dent , et jamais par la guaine, foit que la Vipere le fafle couler elle même en mordant, foit qu'on comprime à deflein la véficule dont nous avons parlé.

Gi His GPU TRE IV.

Le venin de la Vipere weft autre chofe que certe burscur jaune qui fort de la dent lorfque la Vipere mord.

F arrive affez fouvent, fur les Viperes qu'on vient de tuer de puis peu, que cette humeur jaune fe deffeche, bouche les deux trous, et obftrue même entierement le canal de la dent.

Alors cette liqueur ne peut plus ni entrer dans la dent, ni en Gia fer-

Xe)

fortir, et doit par conféquent refiter du conduit excréteur dans la guaine. Cette obfervation eft d’autant plus néceflaire, qu'il fcroit facile fans cela de s’y tromper, ct de préfumer que ce poifon fort et eft porté de la guaine, et non pas de la dent dans la bleflure, et ce feroit ètre dans l'erreur.

Vai voulu n'aflurer du fond qu'on doit faire fur l'opinion de ceux qui croyens que la morfure de la Vipere n’eft mortelle qu'à caufe de la rage et de la colere qu'elle. éprouve avant de mordre. Je laiffe à part le nombre infinis d’expériences que j'ai faites pour m'aflurer d’après Redi, que cette humeur jaune qui fuinte ou coule de la dent de la Vipere cl réellement mortel- le, lorfqu’on l’iatroduit immédiatement dans le fang par une bleffure. Je dirai feulement que toutes les expériences de Redi ct de Mead. s'accordent parfaitement fur la vérité de ce fait; et je ne congois pas comment certains écrivains célebres ont pi fe perfuader le contraire , et attribuer l'effet mortel de la mor- fure de la Vipere à la rage de cet animal, et à l'énergie de la falive exaltée, plutôt qu’au caraétère fpécifique de cette humeur.

Jai mis fouvent des Viperes en fureur , je leur ai enfuite ouvert la gueule, de façon qu’elles ne puflent ni ferrer ni mor- dre; j'ai bien imbibé des tampons de cotton de cette falive bave dont toute la gueule étoit baignée, je les ai appliquées enfuite à des animaux, fur des bleflures dont il ne couloit plus de fang; jamais je n’en ai vu d'accident. L'animal n’avoit pas même l’air d’en être incommodé. Ce n'e donc ni la bave, ni les autres humeurs de la gueule de la Vipere qui tuent, lorf- qu’elles font introduites dans le fang d'un animal.

Jai coupé d’un feul coup la tête à plufieurs Viperes dans le moment bien loin d’être enfureur, elles étoient calmes et tranquilles; j'ai pris alors le venin dans la dent mème, a fin d’être plus für de lavoir pur et fans mélange. Dans quel-

ques

21 ques unes, Je lai pris immédiatement après avoir coupé la iète et dans d’autres, quelques heures après, la tête étant prefque deflechée et n'ayant plus de mouvement. Néanmoins ce venin appliqué avec foin fur des bleffures.,.à différens animaux, les à toujours tués, fans qu'aucun ait jamais échappé à fon ation. Con. cluons donc que e’cft cette humeur qui coule par la dent feule- ment, qui a le pouvoir de tuer, fans que la fureur et la rage l'animal y contribuent pour quelque chofe. Mais afin de prévenir toute objeétion, et pour qu'on ne me reprochàt pas d’avoir négligé de faire mordre une Vipere après lavoir mife en fureur ;et de m'être contenté d'introduire fa bave dans les blef- fures; Jen pris une; je la forçai à mordre pluficurs animaux. Quand je jugcai qu’elle ne pouvoir plus avoir de cette humeur, je commençai à la picquer, à la tourmenter: en un mot, Jem: ployai tous les moyens qui me parurent les plus propres à la mettre en furie. Lorfque je vis par fes fiflemens, et par les ra- pides vibrations de fa langue qu’elle étoit comme enragée, je lui préfentai des animaux, qu’elle mordit de toute fa force; mais aucun n’en mourut ni n’en parut abfolument incommodé . Cela de- voit être ainfi, puifque la liqueur de la dent qui feule a la pro- priété de tuer, avoit déjà été entierement confommée, et qu'il ne reftoit plus que la bave et les autres humeurs, qui ne font nullement venimeufes, même dans la plus-exceffive fureur de cet animal. Jai répété cette expérience fur deux autres Viperes, et toujours avec le même fuccès.

Je voulus faire une autre expérience qui exige beaucoup de précaution et d’adreffe de la part de l’obfervateur, pour. n'être pas dangereufe ; quoiqu'aprìs tout, elle ne puiffe pas etre plus décifive que la précedente; ce fut d’enlever tout à fait les deux “licules du venin. Après quelques tentatives inutiles, J'y. réuflis. enfin fans incommoder beaucoup la Vipere ct fans lui déchirer

la

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Ja gueule. Jincifai la peau fur les deux véficules, et les ayant faifies avec des pinces, je les enlevai toutes entieres avec un bi- ftouri. Ceux qui fe font exercés à difféquer ces fortes d’animaux , fentiront bien que cette expérience eft plus dangereufe que dif- ficile; il faut, pour en veniràbout, faire faifir la Vipere au col par quelqu'un, oubien l’attacher fur une table, de maniere qu’elle ait Ja gueule ouverte, et qu’elle ne puifle pas lever la tête pour mordre. Les deux véficules étant enlevées, je fis mordre d’abord deux grenouilles, afin d’épuifer le refte du venin qui pouvoit être dans les dents ou dans l'extrémité du conduit. Cependant les grenouilles n’en moururent pas. Je confervai cette Vipere longtems, ct Je lui fis mordre de tems en tems différens animaux grands et petits, à fang froid, et à fang chaud; mais aucun n’en mourut, ni n’en parut mème plus afleété qu’il n’auroit l'être par la fim- ple bleflure mechanique de la dent.

Je diai enfuite, dans deux Viperes, les conduits de ce ve- nin, immédiatement au deflous des yeux ,avecun bon fil bien ci- ré. J’eus beau les irriter alors, et leur faire mordre difiérens ani- maux, il n’en mourut aucun. Il ne s’agit ici que de pafler un fil fous les conduits, au lieu d’enlever les deux réfervoirs: ce qui eft aflurément bien plus aisé lorfqu'on en connnit la fituation , ct cependant l’expérience n’eft pas moins décifive. |

Ci, Pi rRudE 3130Va

Le venin de la Vipcre nen ell point un pour [on efhece. fi

Es auteurs très graves ont encore imaginé que cette hu-

meur qui tuc les autres animaux n'eft pas moins nuifible

pour la Vipere même. Et c’eft l’opinion de ceux qui ont

écrit de nos jours fur le venin des animaux. L'exemple des fcor- pions

> 9

pions et des araignées qui fe tuent fur le champ en fe mordant ou fe picquant mutuellement fembloit merveilleufement favori- fer cette opinion. On lit dans les Tranfaétions philofophiques , que les ferpens à fonnette périflent en très-peu de minutes lorf- qu’ils viennent à fe mordre entr’eux. On fait aujourd-hui que ce ferpent eltune efpece de Vipere plus grande que la nôtre; et c’eft par analogie qu'on a tiré la même conféquence à l’egàrd de la Vipere et des autres animaux venimeux.

Des Efpagnols avoient rapporté des Indes orientales trois Serpens appellés Cobras de capello. Et un feul ayant furvécu aux fréquents combats qu'ils s’étoient livrés, le Do&teur Mead en conclut que les autres. étoient morts du venin , et qu’en confe quence celui de la Vipere doit aufli être mortel pour fon efpe- ce. Il auroit dû, ce me femble, en tirer une conféquence con- traire ; car iln’eft pas. vraifemblable que le ferpent vainqueur qui avoit furvécu, n’eût auffi quelque fois été mordu par les deux autres; et cependant il n’en étoit pas mort.

Il auroit mieux valu fans doute faire des expériences, que de fonder fi légerement fon opinion dans une chofe de pur fait, comme a fait le Doéteur Mead, fur une fimple analogie , tirée de quelques cas fort rares. D'autant mieux que la fureur avec la quelle les fcorpions et les araignées fe battent et fe déchirent, n’eft point une preuve qu’ils meurent du venin qu’ils ont reçu: Ona d’ailleurs obfervé que l’araignée qui fort viétorieufe du com- bat, ne meurt que quand elle y a perdu quelqu'un des organes néceffaires à fa vie. Quant à ce qui concerne le ferpent à fon- nette, les exemples qu'on en a, font trop rares et trop peu con- ftatés pour fournir une bonne analogie. Ce ne feroit d’ailleurs ja- mais qu'une fimple analogie, d’autant plus foible, qu’il y a cer- tainement beaucoup de différence entre ce ferpent et notre Vi- pere, foit dans leur ftrudture, foit dans l’activité de leur venin.

il

24

Il n'et pas aisé de faire mordre des Viperes ‘entr’elles, quelque foin qu'on prenne de les bien irriter auparavant. Voici comment je my fuis pris pour vaincre leur répugnance; j'ai faili au col une Vipere avec des pinces, et de l’autre «main je tenois fa queue , 8 fin de pouvoir la manier avec plus de fureté. Jen ai fait failir de même une feconde par une autre perfonne. Jai prefenté le corps de l’une à la téte-de l’autre; celle-ci fe fentant prile et bien ferrée par le col fifloit, fe tordoit, s'elt jettée avec fureur fur tout ce qui lapprochoit, et a merdu plufieurs fois l'autre Vipere, qui étoit beaucoup plus petite, et qui a témoi- gné chaque fois par la vivacité de fes mouvemens l'excès .de la douleur qu'elle fouffroit. Jai trouvé è l’endroit elle avoit été mordue une légere bleffure baignée du venin de la dent.et du fang de la plaie. J'ai enferm£ cette Vipere dans un vaiileau de verre; elle y a été tranquille pendant quelques minutes.; deux heures après, je l’ai trouvée un peu enflée à l’endroit elle a- voit été bleflée ; mais ce gonflement a duré peu, et bientôt après il n’y a plus rien paru; elle a repris fa vivacité naturelle t s’eft giiflée le long des parois du vale, et a levé la tête avec force , comme fi elle n’éût jamais été mordue. Douze heures après, je l’ai mife à terre en liberté avec une autre, et elle ne montroit pas avoir moins de force et de vivacité que celle qui me fervoit de terme de comparaifon. Je lai remife dans fon vale, e le lendemain je lai trouvée dans le meme état de force et de fant; en fin 36. heures après n’y voyant aucun figne de poi- fon, je l'ai tute. Jai trouvé plufeurs trous à la peau dans l'endroit elle avoit été mordue; les mufcles mêmes du dos étoient percés très-profondément, et les coups de dent avoient pénétré le corps de part en part en plus d’un endroit, ainfi que les vifcercs du bas ventre. Enfin les bleflures étoient légs- ïcment enflammées; mais il n'y reftoit plus aucun veftige de gon-

flement ni de tumeur. Deux

25

Deux jours après je pris deux très-groffes Viperes qui fe jettoient avec fureur fur les animaux qu'on leur préfentoit, et je leur fis mordre une autre Vipere de grofleur médiocre; l’une lui donna deux forts coups de dent, et l’autre, quat- tre tous très-profonds . Il y en eut même une des deux qui laifla une dent dans la bleflure. A chaque coup qu’elle reçut fur le ventre, et toujours au même endroit, elle donna les mê- mes fignes de douleur; elle fifa, et faillit échapper des mains de celui qui la tenoit. Je la mis dans un bocal: elle y fut quel- ques minutes comme étourdie; mais enfuite je la pofai à terre, et elle s'enfuit avec beaucoup de vîteffe. Je ne pus jamais dé- couvrir aucun gonflement dans l’endroit elle avoit été mordue ; la peau y étoit pourtant déchirée et laifloit les chairs à nud; mais elles ne faignoient pas. Je la gardai quatre jours dans le vale. Elle parut conftamment n’avoir aucun mal. Le fecond jour je lui préfentai un animal qu’elle mordit fur le champ, et qui mourut deux heures après. Enfin je la tuai. Je trouvai que les coups de dent Pavoient percée de part en part; et les bleflures étoient un peu rouges et enflammées; la même chofe arriva à cinq autres Viperes que je fis mordreà différentes reprifes. Jen forçai même une fixieme à fe mordre elle même à la queue: au- cune n’en mourut, nine parut même avoir du mal.

Mais pour qu'on n’imaginât pas que la dureté de la peau avoit empêché le venin de pénétrer; et a fin d'introduire plus fürement ce poifon dans le fang, j’enlevai à trois Viperes une portion aflez confidérable de la peau du dos, et je les y fis mor- dre par fept de ces animaux, qui en effet leur donnerent plu- fieurs coups de dent; mais aucune n’en mourut, aucune ne pa- ruten être malade; il n’y eût qu'une feule d’entr’elles, qui parut affoupie et languiflante et qui enfla fur le dos.

J'irritai encore une autre Vipere en la picquant fur le corps

D avec

26

avec un fer pointu, et je lui fis mordre enfuite un morceau de verre irrégulicrement coupé. Le venin fe répandit de la dent dans toute la gueule que le verre avoit mife en fang. Je la laif- fai en repos pour voir quel feroit l’évenement. Elle eût peu de mouvement les trois premiers jours. Le quatrieme elle fut plus vive et plus animée; quoiqu’elle ne cherchàt pas encore à mor- dre, même étant agacée. Le feptiéme jour je lui ouvris la gueule, que je trouvai entierement guérie, ct fans qu'il parut qu’elle cût été bleffée. Le même jour je lui fis mordre un petit ami mal, qui mourut une heure après.

Je repétai la même expérience fur trois autres Viperes, et je my pris de la maniere fuivante. J’enlevai à l’une une por- tion de la peau du col; à Pautre une portion de celle du dos; cufin à la troilieme je découvris la chair audeflus de la queue; je les bleflai toutes trois à ces mêmes endroits découverts, en tournant un peu la pointe de la lancette pour mieux ouvrir la plaie. Jintroduifis dans chacune de ces bleflures une petite gout- te de venin, c’eft à dire, autant qu’il en fallut pour les rem- plit entierement. Je remis enfuite ces Viperes dans leur bocal; elles s’y mürent très-facilement fans aucune inquietude , paroif- fant n’avoir que peu foufiert. Cependant leurs bleflures s’enflam-

xerent; mais fans aucun gonflement des chairs. Je gardai après cela ces mèémes Viperes en vie pendant plufieurs jours.

On voit maintenant ce qu’il faut penfer de l’analogie qu’on a prétendu établir entre le venin de la Vipere et celui des au- tres animaux; et l’on peut juger combien grande eft l’erreur de ceux qui ont cru que cette humeur jaune qui fort de la dent de la Vipere, et qui eft un venin mortel pour les autres animaux, l’étoit auffi pour elle mème; et que ces dangerenfes bêtes pou-

ienten fe mordant s’empoifonner entr’elies. Si l’analogie pou-

‘tre de quelque poids à cet égard, je ferois tenté de croi-

rés

27 re, contre l’opinion de Mead, que le venin du fcorpion ne peut rien fur le fcorpion même; et peut être n’y a-t-il fur la terre aucun animal venimeux dont le venin puifle nuire à ceux de fon efpece. Si cela arrive, ce ne peut être que dans trés-peu d'animaux, et feulement dans les plus petits dont le venin eft acre et cauftique, comme dans les abeilles , les guèpes ct les fré- lons. Peut être eft il vrai auffi que les fcorpions d’Afic et d’Afri- que portent un venin mortel pour leur efpece, puifque le venin du fcorpion d’Italie étant mis fur la langue ne laïfle pas de pa- roître acre et mordant: au refte il me femble que cette erreur séncrale que beaucoup d’obfervateurs, trés-exaûs d’ailleurs, ont embraflée, a pris fa fource dans une expérience trompeufe. On avoit remarqué que lorfqu'on entouroit un fcorpion de charbons embrafés , il s’agitoit d’abord, et tournoit fon aiguillon contre fon dos comme pour fe picquer. Et comme à la fin il mouroit, et mème fe rôtifloit à caufe de fa grande agitation et du trop grand voifinage du charbon, on avoit cru bonnement qu’il muo- roit de fa propre bleflure et de fon venin. Mais cette expérience eft équivoque; elle eft même faufle. Je lai répétée mille fois, et je n'ai jamais vu que le fcorpion fe frappât de fon aiguillon; il mouroit brûlé et rôti, et non empoifonné .

On a obfervé auffi que le polype d’eau douce en avalant fa proie avale aufli quelque fois les bras ou ferres dont il la tient; et de même lorfque deux polypes fe la difputent, fouvent le plus fort emporte et avale les bras du plus foible. Cependant ils ne meurent ni dans l’un ni dans l’autre cas, quoique leur venin foit très-actif, comme nous le verrons dans la fuite. Leurs parties ainfi avalées fortent bientôt après de Peftomac, entieres ct plei- nes de vie, fans avoir fouffert d’altération apparente ; ct conti- nuent à fervir de bras au polype comme au paravant.

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Le venin de la Vipere nef pas un poifon pour toute forte d'animaux.

Ne avons vu jufqu’ici que le venin de la Vipere n'eft un poifon ni pour elle , ni pour fon efpece; cette fin- gularité n'a fait foupgonner qu’il pouvoit bien. auffi ne pas l'être pour quelques autres efpeces d’animaux . Et pourquoi ne feroit il pas en effet auffi innocent pour d’autres que pour la Vi- pere?.. En un mot, s’il peut ne pas décompofer les folides, ne pas altéres les fluides d’une machine vivante, en particulier, s’il peut n’en pas troubler l’harmonie ni lui caufer la mort, pour- quoi n’y auroit-il pas d’autres êtres organifés, et vivans, fur les- quels il n’auroit pas plus d’action?.. Nous connoiflons peu la ma- niere d’agir des poifons en général; mais l’on fait qu’il y a bien des fubftances très-aîtives qui, produifent l’effet le plus terrible fur certaines parties, et qui cependant font abfolument fans effet fur d'autres. Le tartre ftibié, par exemple, qu’on introduit im- punément dans les yeux, eft un émétique très violent lorfqu’il eft reçu dans l’eftomac. Il et des gens que l'odeur de la rofe met en convulfion. Tous ces divers accidens tiennent fans doute à la ftruture età l’organifation des différentes parties de l’animal.

L'on fait auffi que certaines fubftances font un poifon pour cer- tains animaux, tandis que bien loin de nuire, elles fervent mé- me d’aliment à quelques autres. Telle eft la cigue qui tue l’hom- me et nourrit les chevres. C’eft ainfi que les amandes ameres que nous mangeons par goût tuent certains oifeaux, et ne font point mal aux autres. Il peut donc fe faire auffi que le venin de la Vipere ne foit pas un poifon pour toutes les efpeces d’animaux »

fur-

29

furtout s’il agit comme les narcotiques, qui ne tuent point en corrodant les parties folides des animaux. Le fublimé corrofif cit un poifon deftruéteur de tout animal vivant, parce qu’en effet fon a&ion méchanique peut s'exercer fur tous les organes de l’animal. Les narcotiques au contraire, qui font fi dangereux pour l’homme ne produifent aucun mauvais effet fur les chiens. La différente ftraAure des organes des animaux peut donc faire que telle fubftance foit en même tems un poifon très-aftif pour certaines efpeces, et une chofe tout à fait indifférente, ou un aliment, même un excellent remede pour d’autres.

C’eft d’après ces conjettures, que Je me fuis engagé dans la longue fuite d'expériences que je vais rapporter. J’avois déja ob- fervé qu'entre tous les animaux les fangfues font, fans contredit les plus difficiles à mourir. Lorfqu'on les coupe en morceaux, chaque portion conferve pendant plufieurs mois les mêmes mou- vemens qu’elles avoient avant d’être féparées. Je penfai qu’un animal dont la vie eft aufli tenace, pourroit bien réfifter au ve- nin de la Vipere fans en mourir, et même fans en être incom- modé. Je m’attachai donc aux fanglues; mais avant de les faire mordre, Jeus foin de les tirer de l’eau et de les bien elluyeravec un linge, de peur que cette mucotité ou efpece de glu qui les cou- vre, et qu'elles pouflent au dehors lorfqu'on les touche ne jet- tàt du louche fur mon expérience. Jen fis mordre une des plus grofles qu'on appelle /@rgfues de chevaux , par une très-forte Vipere que Javois bien irritée auparavant, et qui lui perga le corps de part en parten plufieurs endroits. Il en fortit quelques petites gouttes de fang. Je la remis dans l’eau, et elle conti- nua de s’y mouvoir comme auparavant. Le lendemain je chan- geai fon eau; ( c’eft une attention abfolument neceflaire parce que la corruption de l’eau les tue ) elle étoit très-vive, et nageoit parfaitement dans le vafe. Elle vécut ainfi pluficurs jours, et

auroit

30

auroit certainement vécu davantage fi je ne l’euffe fait fervir a un autre ufage.

Jen pris une plus petite, de l’efpece qui a des bandes de différentes couleurs fur le dos, et qui eft en ufage en médeci- ne; je la fis mordre par deux Viperes, qui la percerent aufli en pluficurs endroits du corps. Elle fut mordue le lendemain par une troifieme; et par deux encore le jour d’après. Sa peau étoit criblée, et quand on la prefloit entre les doigts, on voyoit fuin- ter de tous ces trous une matiere vifqueufe et noire. Malgré cela, elle continua de vivre etde fe mouvoir dans l’eau. Enfin Jai fait mordre pareillement différentes autres fanglues des deux efpeces, tantôt à la tête, tantôt au corps, &c. et jamais aucune n'eft morte de ce poifon.

Je ne men fuis pas tenu à; mais craignant que le venin w’eût été enveloppé et amorti par l'humeur gluante de fangfues, qui fort mème avec plus d’abo: idace, au moment que la dent de la Vipcre leur perce la peau; je leur ai fait de profondes bleffures avec le biflouri ct avec les cifcaux ; et j'ai fait couler dans ces plaies de grofes gouttes de venin. J'ai pañlé au travers du corps de quelques unes des tampons d'étoupe imbibés du venin; et ce dernier moyen furtout que j'avois toujours reconnu mortel pour les autres animaux a été impuiflant dans cette occafion; aucune des fangfues n’en eft morte. Javois depuis plufieurs mois des tron- cons de fangfue tous vivans dans des vafes pleins d’eau. Cha- cun de ces morceaux y confervoit fes mouvemens, et fes incli- nations comme avant d’être coupé. Jen fis mordre quelques uns par des Viperes, je fis des entailles à d’autres et jy paffai des tampons d’étoupe pleins de venin; mais aucun n’en mou- sut. Ils conferverent tous leurs mouvemens, et ne parurent pas même en être plus incommodés. La fangfue a donc la propriété de réfifter au venin de la Vipere, et ce poilon n’eft qu’une humeur douce et innocente pour ces animaux. Je

=

51

Je voulus effayer enfuite quel féroit l'effet du vénin de la Vipere fur les limagons et fur les limaces . Je m'en procurai des plus gros et de différente efpece; jen fis mordre quelques. uns dans plufieurs parties de leur corps ct par peRGeRIS: Viperes. Je leur fis des bicilures dans les quelles Jintroduifis du venin: Javois bien eu foin auparavant d'effuyer la gie qui les couvre. à fin que le venin trouvât moins d’obftacle à penstrer. De 27. tant limaces qu’efcargots, fur les quels je fis ces expériences, une feule limace mourut 20. heures après la morfure. Je ne parvins pas même à les faire périr,. avec le tampon d’étoupe imbibé de venin , que j'introduifois. dans leur corps. La plupart fe couvroient de leur bave, vifqueufe à mefure qu'ils étoient mordus.

On trouve dans la campagne de Pife un ferpent que les gens du païs appellent afpic, et qu’ils font pañer pour plus vé. nimeux que la Vipere. Cet animal a bien à l’extérieur quelque reflemblance avec la. Vipere ; mais il n’en a ni les dents cani- nes ni la guaine, ni la véficule ou refervoir du: venin; et ma propre expérience m’a convaincu que c'e un animal innocent et nullement dangereux. C'eft de cette efpece qu’étoit le ferpent à deux tètes qu'on préfenta à Redi, et dont il donne la de- {cription au commencement de fes obfervations Sur /es animaux vivans quon trouve dans des animaux vivans. Celui de Redi

étoit pourtant fingulier en ce qu’il avoit deux têtes. Te voulus P 8

m'aflurer d’abord fi le venin de la Vipere étoit mortel pour

cette efpece de ferpens. Jen pris un que je fis mordre deux fois à la queue par une groffe Vipere. Deux Jours après, il fut mordu par deux autres au dos, ct il en’ fortit un peu de fans ;

enfin le furlendemain je lui préfentai encore trois Viperes qui lui donnerent fept ou huit coups de dent fur le col. Il en fat

un peu Ctourdi, ct fes mouvemens furent plus lents; mais deux

jours

32 Jours après je le retrouvai en vie, et l'ayant mis à terre je le vis aller comme s’il n’eùt eu aucun mal. Je répétai cette expé- rience fur un autre de ces ferpens, qui ne mourut pas, quoiqu'il cût été bien mordu.

Le venin de la Vipere n'a pas plus d’a@ion fur un autre ferpent plus confidérable, et qu’on appelle particulierement en Tofcane Ve ferpent ; c’eft la couleuvre. J'en fis mordre plutieurs au dos, à la queue, au col, et fur le ventre; il yena eu même à qui J'ai préfenté trois Viperes à la fois; mais aucun n’en ‘et mort. Îls n’en parurent même ni plus étonnés, ni plus engour- dis. Enfin je tentai d'employer le tampon d’éroupe imbibé. Jin- finuai du venin dans leurs bleflures; jenlevai même la peau en certains endroits à quelques uns, pour le faire mieux pénétrer dans le fang. Mais tous ces moyens furent inutiles. Il pareit donc certain que le venin dela Vipere n’eft nullement mortel ni dan- gereux pour ces efpeces de ferpens. Ce n’eft donc pas fur les animaux de Ja clafle des vers feulement, que le venin de la Vi- pere n’a point d’ation;il en eft d’autres encore, d’une organifa- tion plus compofée, qui ont un coeuret beaucoup de vifcéres, et qui font pourtant à l'abri de fes atteintes.

J'ai découvert un autre ferpent , qu’on appelle cecilia, ( l'orvai des françois ) qui refifte auffi à la morfure de la Vipe- re. Jen ai fouvent fait l'expérience; et j’en ai fait mordre par pluficurs Viperes à la fois, et fur différentes parties du corps. Cet animal naturellement engourdi n’a point paru incommodé par le venin, lors mème que je l'ai fait pénétrer dans fon corps par des incifions.

Cet trois ferpens, l’afpic, la cecilia ou l’orvai, et la cou- leuvre, ne font point venimeux; enforte qu'on ne court jamais aucun rifque, même lorfqu'ils mordent jufqu’au fang; ils n’ont:

point de dents canalicultes, ni de guaine qui les recouvre, ni de re-

dI réfervoir pour le venin; en un mot ce font des animaux tout è fait innocens , dont la morfure n’eft jamais vénimeufe, comme je men fuit afluré par beaucoup d’expériences.

J'ai fait mordre par une Vipere très-grofle et en fureur deux tortues d’eau aux pattes de derriere, la peau eft moins dure. Je les ai gardées plus de dix jours en vie. Elles n’ont pas paru avoir fouffert, et elles ont marché comme auparavant. Jen fis mordre une autre plufieurs fois au col; et ce qui prouvoit clairement que les dents de la Vipere pénétroient è travers de cette peau chagrinte, c'e qu’une fois elle y en laifla une enfon- cée jusqu'aux vertebres. Le jour d’après, cette tortue fut mor- due par une autre Vipere au col, et par une troifieme aux pattes de devant. Enfin letroifieme jour, elle le fut encore par deux Vi- peres, au col, et aux pattes de derriere. Non feulement elle n’en mourut pas; mais elle ne parût pas même avoir fouflert le moindre mal. On auroit dit au contraire qu’elle étoit devenue plus fenfible et plus aétive.

Jeu ai fait mordre cinq autres par huit Viperes, fur la poitrine et fur le ventre, à chair découverte, après leur avoir enlevé l’écaille de deflous. Aucune n’en cft morte;elles vivoient mème encore quatre jours après, comme cela arrive à celles à qui on a fimplement enlevé cette écaille. Jai fait à d’autres de profondes bleflures aux pattes ; et Jai même enlevé la peau à quel- ques unes pour y micux infinuer le venin. Enfin, j'ai enfoncé dans leurs bleflures de gros tampons d’etoupe imbibés de venin. Aucune n’en eft morte, ni n’a paru avoir eu aucun mal.

Je nc crois cependant pas que la tortue foit abfolument à l'abri des atteintes de ce venin. Jen ai vu mourir une après qu'elle cût été mordue par 18 Viperes. Le fang ruifleloit de tout fon corps par les bleflures que ces animaux lui avoient fai- tes. Jen ai vu mourir une autre, douze heures après que trois

E VI

34

Viperes feulement l’eurent mordue au col;et une troifieme enfin après 24 heures, quoiqu’elle ne l’eût été qu'aux pattes par deux grofles Viperes. il paroît donc que ce veninne pénetre,et ne fe répand que rarement dans le corps des tortues, et qu'il y agit avec bien plus de lenteur et moins d’aétivité que dans les autres animaux à fang froid. Ceux-ci meurent généralement de ce poi- fon; du moins tous ceux que j'ai fait mordre: fans excepter mi me les anguilles qui en meurent plus tard, et feulement au bout de 18 à 20 heures. Les autres poiflons meurent auffi de ce ve- nin. Enfin les petits lezards furvivent à peine quelques minutes à cette morfure.

Les animaux à fang chaud périffent tous de ce poifon. Du moins n’en ai-je vu aucun qui ne fubit le même fort. Un petit Autour a furvécu moins de trois minutes. Au bout de quelques fecondes, il commenga à ouvrir le bec, comme fi la refpiration Jui eût manqué, et qu'il eût eu envie de vomir. Quelques in- ftans après il tomba de foibleffe fur fa poitrine , et ne put plus fe remettre fur fes pieds. Il mourut enfin avec tous les fignes d’une extreme foiblefie . En général, j'ai obfervé que les animaux à fang chaud, et dont l’attion du cocur eft très-vive, meurent auffi plus promptement que les autres.

Ilya donc plufieurs cfpeces d’animaux très-difiérens en- treux, pour les quels le venin de la Vipere n’eft pas un poifon; ou s'il left, ce n’et que rarement et avec le moins d’éner- gie poffible. Peut être en eft-il bien d'autres que nous ne con- noiflons pas, qui reliitent à fon a&ion. J'en ai moi même trouvé beaucoup dans le genre des infeétes er des vers aux quels ce ve- nin ne nuit pas. J'en parlerai peut être plus au long dans un autre ouvrage, je traiterai des remedes contre la morfure de la Vipere . .

Tous ces faits doivent rendre bien circonfne le Philofophe

qui

3.5 qui étudie la nature; s’il ne veut s’égarer à chaque pas; ils nous font voir encore combien il eft peu für de compter fur la fim- ple analogie qui pourroit fe trouver entre différens animaux, lorfqu’il s’agit de leur vie, ou de l’économie de leurs mouve- mens. La nature ne fe laifle pas deviner. Il n°y a que l’expérien. ce dans les mains d’un obfervateur attentif et clairvoyant, qui puifle lui arracher fon fecret.

Ge. ASD IT : KR E VII

Le venin de la Vipere weff point acide.

N trouve dans un petit livre de Mead fur les poifons, qui

fut imprimé en 1739, fous la faufle indication d’Amfter- dam et de Naples, que le venin de la Vipere eft acide, et qu’il change en rouge la couleur bleue du tournefol: vérité dont il prétend s'être convaincu par fa propre expérience. Pour m'en affurer, Je reçus fur une lame de verre une goutte de venin d’une Vipere que je venois de tuer. Je le fis fortir immédiatement par la pointe de la dent, en comprimant un peu le palais. Je fit tomber enfuite cette goutte fur un papier bleu. Ce papier s’en imbiba; mais au lieu de devenir rouge, il jaunit un peu, et con- ferva même cette couleur après s'être feché. Il me parût étran- ge de croire qu'un homme tel que ce favant Anglois eût pu fe tromper dans une expérience aufli facile. Je pris donc une plus grande quantité de venin, dont je frottai diflérens morceaux de papier bleu, ct pour ne rien omettre Je variai cette expérience en cent manicres diflérentes. Tantôt pour avoir le venin plus pur, je le prenois immédiatement de la dent, avant qu'il touchàr aux autres parties de la bouche; tantôt Je roulois un tampon de cotton dans la gueule d’une Vipere en vie à linitant qu'elle mor-

Eri doit,

36

doit, ou d’une Vipere déja morte et dont la gueule étoit pleine de ce venin. Jen êtendis dans de l’eau; et Jen imbibai un pa- pier bleu. Je cherchois à découvrir fi le mélange du venin avec les autres humeurs de cet animal n’avoit pas trompé Méad fur cette couleur ;et je variaià l'infini ces expériences; mais envain. Jamais je n’ai vu rougir le papier. Il prenoit fimplement une teinte jaunâtre, ou de la couleur du venin. Méad aflure encoré avoir vu rougir un peu le mélange de cette liqueur avec le fi- rop de violettes; j'ai tenté la même chofe; mais je n'ai pas eu le même fuccès. Lorfque le venin eft en plus grande quantité que le firop, ce mélange devient à la vérité un peu jaunûtre; mais jamais rouge. Jaugmentai, je diminuai la dofe du venin; Je lai pris pur et mêlé avec la bave del’animal. Jamais je n'ai vu d'autre couleur qu’une légere teinte jaunàtre; ct toutes mes expériences n'ont fervi qu'à me confirmer que ce venin ne chan- ge en rouge ni le firop de violettes, ni la fcinture de tourne- fol (a). |

Dans le même ouvrage fur les poifons, Mead foutient, que celui de la Vipere eft un véritable acide, et qu'il fait ef- fervefcence avec les fubftances alkalines. J'ai pris en conféquen- ce plufieurs alkaiis fousforme fluide, comme l’efprit de corne de cerf, l'huile de tarire par défaillance, aux quels j'ai mêlé difft- rentes quantités de ce venin, toujours bien pur et fans mélange des autres liqueurs de la bouche. Je mai Jamais oblervé le moindre mouvement ni la moindre effervefcence dans linftant de leur union. J'ai eu beau m'armer d’un microfcope, je n'ai jamais pu voir la moindre bulle d’air fe dégager; la couleur eft reltte la même, ct je mai rien vu qui ait pu me faire feulement

foup-

(+) Le Dosteur James croit auf, que le venin de la Vipere eft acide, parce

que, felon cet auteur, il change en rouge la teinture de Toursefol et le firop

de viol:ttes, comme font los autres acides,

si foupgonner la préfence d’un acide dans ce venin; il ne faut pas croire que la rapidité de l’effervefcence lait fait échapper à mes yeux; cat la petite goutte de venin s'unifioit aux alkalis avec tant de lenteur, qu’il étoit très-aifé de la fuivre avec le micro- fcope , et de faifir è point le moment précis de leur parfaite union ,

CH A B.E IT R.E, VIIL Le venin de la Vipere nef pas alkalin.

ge il y a eu aufli des auteurs qui ont prétendu que ce même venin étoit alkalin, et non acide, et que c’eft prin- cipalement fur l’aRivité et la rapidité de fes eflets qu’ils ont fon- leur hypothefe; j'ai cru ne devoir pas négliger de confulter l’expérience deffus. Jai donc pris différentes liqueurs acides, comme le vinaigre, l’efprit de fel, l’efprit de nitre, celui de vi- triol, enfin divers fels acides tirés des plantes. Jai mêlé avec tous ces acides plus ou moins de venin de la Vipere; mais je nai eu d'autre couleur que du jaune, lorfque le venin étoit en plus grande quantité que l'acide. Je me fuis armé d’un bon mi- crofcope, ct je n’ai jamais vu ni effervefcence, ni mouvement, ni bulle d'air réfulter de ce melange. Je lai effayé de nouveau avec le firop de violettes, mais il ne l’a point verdi, comme font ordinairement les fubftances alkalines .

C'eft donc fans fondement que les naturaliftes prétendent que le venin de la Vipere eft acide ou alkali; et plus mal à pro- pos encore ont ils imaginé d’expliquer d’après ces hypothefes les eflets pernicicux de ce poifon. Ces hypothefes dépourvues de tou- te efpece de raifon, font complettement démenties par l’expé- rience, quide unique pour ceux qui s’attachent à la recherche des

, VC-

38 vérites phyfiques. Cependant il faut avouer que le Do&eur Mead a corrigé beaucoup d'erreurs de fait dans une nouvelle édition de fon ouvrage fur les poifons, faite à Paris en 1751 ; qui net parvenue trop tard.Il y rétraéte cn effet ce qu’il avoitavancé fur la nature acide du venin de la Vipere. Il convient que l’expé- rience faite avec le tournefol et le firop de violettes ct fauffe, et que ce venin ns fait effervelcence ni avec les acides ni avec les alkalis. Cet aveu me difpenfe de chercher les raifons de la contradiction des expériences de ce grand homme avec les mien- nes, et d'indiquer quelle pouvoit avoir été la caufe de fon erreur.

CENT RDC PP PIN A DIES A On ne découvre point de [els dans le venin de la Vipere.

Infi j'ai eu la fatisfaétion de confirmer le premier après Mead, par des expériences plus nombreufes et plus diverfifiées que les fiennes, les vérités qu’il avoit découvertes; et dont perfon- ne, que je fache, ne s’eft plus occupé depuis lui. Cette con- formité fixe d’une maniere invariable la certitude de mes obfer-

vations. La 7, si Jai apporté le fcrupule le plus rigoureux dans mes recherches

fur l’exiftance de ce fel picquant et cauftique, que Mead même ans fon dernier ouvrage, et tous les obfervateurs d’après lui, difent avoir vu dans le venin de la Vipere. (4) Mead regarde ce fel de la Vipere comme un fel neutre. Il prétend lavoir vu flottant dans le venin encore liquide; et il le

décrit comme formé de pointes très-aigues. Mais quelle fut ma fur-

(a) James foutient avec Mead avoir vu ces fels, quoiqu’en petite quantité dans

." . A . CES 0 VI ce venin délayé. Ils difent tous deux que le réfeau qu'il forme en fe féchane,

eft tout compofé de petits cryftaux.

319 furprife lorfque foumettant le venin de la Vipere au microfco- pes je ne pus jamais y découvrir cet amas de cryftaux falins que ce favant Anglois croyoit y avoir toujours vus! J'employ al mé- me, mais inutilement, les plus fortes lentilles, qu’on fait en Angleterre. Jene trouvai partout qu’une humeur jaunâtre ct vis- queue, fans figure déterminée, fans corps flottans , ni molécules féparées, mais égale dans toute fa maffe, comme une huile qu’on regarderoit au microfcope. Le venin dont je me fervois étoit pur ct pris uniquement de la dent même; j'ai varié cette expé- rience en cent manieres différentes; je me fuis mème fervi du microfcope folaire; et Je me fuis enfin convaincu, que ces fels mexiftent point réellement dans ce venin, et qu'il faut que ce foit quelque circonftance particuliere qui en ait impofé à Mead.

Je me fouvins alors d’avoir vu autrefois au microfcope certains Corps tranfparens qui flottoient fur la falive humaine, et qu'on pouvoit facilement prendre pour des fels. Quiconque cn effet ne feroit pas bien exercé à manier cet inftrument, et habitué à voir la forme des difitrens fels qu’on trouve dans les liqueurs, fpécialement lorsqu'elles fechent, fe perfuaderoit facile- ment que ces petites molécules diaphanes qui flottent fur la fa- live font cfetivement de nature faline. Mais elles font cepen- dant trop légeres trop 0 et pas aflez tranfparentes, pour être réellement des fels. Elles varient par la grandeur et par la forme. La direfion de ces petits corps eft plutôt courbe que droite; ils ont à leur furface des creux et des plis; enfin ils fe crifpent et fe terniffent à mefure que la falive fe déffeche. Ainfi aux yeux d'un obfervateur exercé, ce ne font que de petites pel- pa ct d:s membranes légeres et pliflées, et comme des re-

s d’alimens prelque digérés. En effet, ils difparoifient à me- Li qu'on fe rince la bouche; et j'ai obfervé que fi on les ma- nic avec une aiguille fine et aigue, ils s'allongent ou fe replient

com-

40 comme de petits morceaux de peau. J'ai retrouvé au microfcope dans l'humeur falivaire de la Vipere ces petits corps flottans femblables à ceux qui cxiftent dans la falive de l’homme, et des autres animaux. Jen ai également vu flotter quelques uns dans une goutte de venin que j'avois pris avec une petite fpatule d’arsent dans la gueule d'une Vipere en lui preflant fortement le palais. J'ai compris alors comment Mead avoit pu fe trom- per. Il avoit certainement tiré le venin de la gueule de cet ani- mal, et non pas immédiatement de fa dent, comme j'avois fait; et il regarda comme appartenans au venin, ces petits corps, qui ne venoient réellement que de la falive.

Il elt vrai auffi qu'on trouve fouvent dans le venin de la Vipere encore fluide, de petites bulles ou globules un peu jaunes et tranfparens; et cela n'arrive que quandon prefle fortement fur le palais ou fur la véficule; mais alors loin d’être pur, il fort mêlé avec d’autres corpufcules que fournit le réfervoir.

On trouve encore dans l’ouvrage de cet écrivain une obfer- vation, qu'on voit répétée dans Edition de Paris, et qui femble établir .d’une maniere lumineufe et convaincante l’exiltance de ces fels. Il aflure qu’en examinatt au microfcope le veuin de la Vipere fur une lame de verre, on voit à mefure qu'il fe délle- che, ces particules falines fe figurer en cryftaux très-déliés ct rès-aigus, repréfentant une toile d'araignée des plus fines; et que ces cryltaux ou aiguilles tranfparentes fe confervent parfaite- ment pendant pluficurs mois: tanc ils font forts et roides, mal gré leur petiteile.

Je pris donc une goutte de venin de Vipere bien pur ct exempt de mélange avec les autres liqueurs de la bouche. Je la fis ficher fur une lame de verre et la foumis à un bon micro- fcope. Quelle fut alors ma furprife, de voir à la place de la coutte un amas de difiérens corps tranfparens, d’une furface éga-

le,

41 le, et difpofés avec beaucoup de régularité et de fimétrie! leur figure en général étoit ou quadrilatérale ou triangulaire » et leurs pointes étoient très-aigues; enforte qu'ils repréfentoient aflez bien le réfeau dont Mead nous a donné la defcription. Leur résularité et leur tranfparence pouvoient bien d’abord les faire prendre pour des fels; mais ils étoient et trop grands et arrangés avec trop d’ordre, pour qu’on pit fe fier à cette apparence. Ce qui acheva encore de me perfuader que ce n’étoient point des cryftaux , c’eft que je n'en vis aucuns de groupés, comme on en trouve dans les autres fels; ils étoient tous diftin@s et placés à une éga- le diftance les uns des autres. Les perfonnes accoutumées à voir les fels des autres fluides favent de quel poids font en effet ces dernieres preuves. Je foupgonnai alors que le venin s'étoit gercé et fendu en différens endroits en fe fechant, et qu'il s’étoit ainfi partagé fur le verre, comme cela ne manque pas d'arriver à plu- fieurs fubftances, qui en fe fechant fe fendillent ainfi en mille et mille fragmens aflez réguliers quarrés, ou de forme triangulaire » et placés à des diftances égales les uns des autres. Si ces gergu- res font par tout de la même largeur, c’eft que la même caufe, je veux dire l’evaporation, agit en même tems, etavec la même force dans toute la couche; de vient qu’elle repréfente une forte de réfeau avec des mailles différentes, précisément comme la toile d’araignée.

Enfin pour m'aflurer encore davantage que ce n’etoient point des fels, mais plutôt autant d’écailles et de débris de cette humeur vifqueufe deflechée , je m’avifai d’une nouvelle expérience que Je crus décifive. Je laiffai fécher au fond d’un verre mince et concave, quelques gouttes de ce venin bien pur; Je les foumis enfuite au microfcope, et je les trouvai comme à l'ordinaire pleines des petites crevailes reprefentant une toile d’araisnée. Mais on voyoit très-bien que ces fentes vers le fond

E du

42 du verre;. étoient d’autant plus grandes, que l'humeur déffechée y avoit plus d'épaiffeur. Ces prétendus fels n’étoient que des fragmens de venin féparés et féchés fur le verre . Ceux qui 2- voient le plus d’épaiffeur n’étoient que peu ou point du tout tran- fparens. Ils étoient de couleur jaunâtre comme le venin même dans fon état de fluidité. Ces crevaffes ne viennent donc que de la retraite que prennent les parties du venin pendant l’évapora- tion, Tout cela fe voit même à l’ocil, fans le fecours du micro- fcope.

Mais pour diffiper tout doute et écarter toute efpece de: foupgon fur un fait aufli important, auffi généralement adopté, et fur le quel enfin Mcad avoit fondé fon hypothefe de l’a&ion de ce venin porté dans le fang des animaux; j'ai fait cette autre expérience , qui détruit abfolument tout ce prétendu réfeau falin, Jai mis une goutte de venin fur un verre plat et uni, et je l'ai fuivie tres attentivement avec le microfcope pendant tout le: tems de fon entier déffechement; mais il ne s’eft paflé ici rien de femblable à ce qui arrive aux fels diffous dans l’eau. Les particules falines pendant le progrés de l’évaporation fe raflem- blent et vont fe dépofant-de la circonférence vers le centre d’abord en forme de très-petits cryftaux, mais qui groffiffent par l’addition de femblables molécules falines de même nature, qui s’y réuniflent . Ici au contraire, Je n'ai trouvé qu'une humeur, qui. à mefure qu’elle fe defleche fe fend vifiblement , et préfente des tillons qui forment ces fragmens quadrilatéraux et triangulaires. dont nous avons parlé. Ces -crevaffes, qui font comme le fil' du réfeau, fe montrent d’abord à la circonférence, et vont peu à peu vers le centre à mefure que la defficcation s’en approche . Mais les fragmens quadrilatéraux et triangulaires qui rempliffent les intervalles des crevaffes, et repréfentent les mailles, ne grof- fifent pas ici comme font dans une diflolution de fel les molé-

cu-

43 cules falines par le progrès de l’évaporation. Pai répété plufieurs fois cette obfervation avec un fingulier plaifir. Jai ellayé de mêler le venin avec des gouttes d’eau de fontaine bien pure que jobfervois et laiffois évaporer patiemment fous le microfcope; cfperant ainfi de trouver les fels qu'il auroit pu contenir; mais je n'ai pas été plus heureux. Quoiqu'il n’y eût cependant rien de plus propre que ce moyen pour les découvrir.

Jai eu pour témoins de mes expériences deux célebres profefleurs de l’univerfité de Pife MM. Perelli, cet Lampredi; ils ont bien voulu m’honorer de leur préfence, et n'ont conftam- ment affitt; furtout pendant que je faifois mes recherches fur les fels du venin de la Vipere. Ils conviennent tous deux que quelque raifon qu'on eût cue de foupgonner leur exiflance, mes expériences jointes à un peu de réflexion, font plus que fuffi- fantes pour détruire jufqu’à l'apparence même de foupçon.

Il faut favoir aufli que les gergures qui fe forment lorsqu’on évapore une groffe goutte de ce venin, font bien plus grandes que quand la goutte cit plus petite, qu’elle eft diffoute dans de l'eau, ou fort étendue fur le verre, et ces fentes font très-larges et difpofées comme des rayons qui vont fe réunir vers le centre du venin déffleché. L’efpace qui fe trouve entre ces rayons eft auffi coupé par d’autres rayons tranfverfaux qui fe ferrent d’a- vantage à mefure qu'ils approchent du centre, et forment les figures dont nous avons parlé, ainfi que beaucoup d’autres fort irrégulieres. Ces fentes tranfverfales font plus petites à la cir- conférence, plus ou moins voifines les unes des autres, et cour- bées en fegmens de cercle.

Lorfqu'on regarde le venin de la Vipere au microfcope , on y obferve auffi quelque fois des gouttes ou comme des taches beau- coup plus petites et fort tranfparentes, qui font les dernieres à fe déflecher.

EF 2 A i A-

44

Ainfi; je me fuis bien convaincu de la nonexiftence de ces fels que les médecins et les phyliciéns ont admis jufqu'ì préfent avec tant de confiance, Jai vu que les Théories qu'on fondoit fur ce principe pour expliquer l’action de ce poifon tombent et s'évanouillent devant. l'expérience, qui prouve qu’il n’exifte au- cun fel, foicacide, foit.alkalin, foit neutre; dans cette humeur.

Co 4 0 PRECI

Le venin de la Vipere Wa point de faveur déterminée.

Etant mis fur la langue, il n'y excite point d'infammation .

Dea le témoignage de Redi, le venin de la Vipere avoit d’abord pafle pour être infipide et affez femblable au goût à de l’huile d’amandes douces. Maison ne trouve nulle part dans fes ouvrages, qu'il Pait éprouvé-par lui même. Il paroît au con- traire s'en être rapporté à cet égard à un certain Jacques cher- cheur de Viperes, qui étoit aflez hardi peur goûter de ce dange- reux liquide. Il fe vantoit de pouvoir en avaler une cuillerée entiere, et Redi nous apprend qu'on lui en a vu prendre plu- fieurs fois.

Mead au contraire nous affure qu’il l’a goûté lui même, qu’il Pa fait goûter à d’autres, et que ce venin eft acre et mor- dant; il dit qu’il laifle fur la langue comme une impreffion de feu pendant plulicurs heures; quoiqu'il eût été delayé avec de l'eau chaude. Il ajoute que la douleur et la tuméfaétion de ia langue furent bientôt le prix de latémérité de celui qui le gotta pur. Ces contradiétions m'ont mis dans la nécéfité philofophique de goûter moi même de ce venin. Je lai fait; mais ce n'a pas £té fans ripaznance; et comme le dit le célebre Morgigni dans

fa

45 fa belle lettre fur les poifons (4) je ne confeillerois à. perfonne de le tenter de gaieté de coeur, de peur d’avoir quelque écorchu- re fur la langue: ce qu'il n’eft pas toujours facile de vérificr. Mais il s'agilioit de conftater un fait qui tenoit encore divifés les écrivains les plus modernes ct les plus accrédités.

Je pofai donc fur une lame de verre une goutte de ce ve- nin; je l’étendis avec dix ou douze parties d’eau; jy touchai très légerement du bout de ma langue; et J'éprouvai d'abord, comme une fenfation de froid et d’infipidité; j'attendis un peu, cher- chant cette fenfation de feu qu’occafionnent les liqueurs acides et cauftiques; enfin Je retirai ma langue, je la roulai autour de mes levres ,de mes gencives,et de mon palais, pour mieux dé- velopper la faveur de ce venin; mais je ne le trouvai qu'infi- pide et fans goût. Je m'enbardis, et je répétai cette épreuve en diminuant à chaque fois la quantité d’eau et prenant plus du venin. Malgré cela, je n’y trouvai ni odeur, ni autre. faveur que celle d’une liqueur fort infipide. Ce fùt alors que je pris tout le venin que je pus exprimer d’une Vipere, et je me ha- zardai de le mettre tout pur fur ma langue; je le roulai autour de mes levres, et J'en frottai bien la pointe de ma langue, com- me étant l'endroit les faveurs fe font le micux fentir. Je lui trouvai d’abord un peu de confiftance et de vifcofité en com- paraifon de l’eau pure; mais d’ailleurs rien d’acre, rien de pic- quant, rien de brùlant; en un mot, aucune faveur déterminée ; il n’eft pourtant pas audi inlipide que l’eau de fontaine pure. Il a quelque chofe d’approchant de la faveur prefque infenfible de la graife fraiche des animaux , avec une très-légere odeur qu'on peut à peine diltinguer; mais qui reviendroit allez à celle de la graifle de Vipere, fi celle ci n’étoit d’ailleurs plus forte et plus nauféabonde .

(a) De fedib. et canfis morb. epifl 49.

D eg RSA ms

46

Je n'ai pas trouvé plus d’odeur ni de goût à ce même ve- nin, après l'avoir pris défleché et réduit en poudre: comme je n'ai point trouvé de phyficien aflez hardi pour faire la même épreuve et appuyer mon Jugement, je l'ai donné à goûter à un Tirolois mon domeftique, nommé Jacques Benvenuti. Cet hom- me aufli intrépide que celui dont a parié Redi avec tant d’admi- ration, en a pris plufieurs fois en différens tems, et en plus ou moins grande quantité, tantôt pur et tantôt étendu d’eau; mais jamais il ne s’eft fenti enfler ni brûler la langue ou la bouche. Il difoit pourtant, lorfqu’il le prenoit pur, et en grande dofe, que la fenfation qu'il éprouvoit étoit très-différente de celle qu'excitent l’huile d'amandes douces, l’eau pure, ou les chofes acides ou âpres. Mais il ne pouvoit pas dire en quoi confiftoit cette différence. Il lui et arrivé quelque fois de conferver fur Ja langue, pendant des heures entieres, un fentiment , non de dou- leur, mais tel, difoit il qu'on l’éprouve lorfqu’on a goùté quel. que aftringent; etil difoit vrai; carjai éprouvé moi même cette efpece de fenfation défagréable, fouvent pendant cinq à fix heu- res de fuite dans toutes les parties de ma bouche fur les quelles le venin s'étoit longtems arretté. Si on le prend à petite dofe et mêlé avec de l’eau, il ne laife aucune fenfation fur la langue; ct cette efpece de malaife de la bouche ne fe fait point fentir dans l’inftant qu’on goûte ce venin, ni auffitôt après; mais feu- Jement au bout d’un certain tems, et encore faut il qu’on lait tenu longtems dans la bouche. Jai répété plus de cent fois les mêmes épreuves , et je n'ai jamais eu la langue enflée ni enflam- mée, ni douloureufe. Il y a plus encore; c'eft que ce venin ap- pliqué même aux yeux n’y caufe ni inflammation ni douleur. J'en ai mis plufieurs fois fur laconjonétive de différens animaux, comme du loir du chat, des chiens; et jamais il n’eft furvenu dans ces parties, fi fenfibles d’ailleurs è l’impreffion des corps,

fou-

da

fouvent même les plus innocens, ni tumeur, ni intlammation ; je l'ai porté de même, bien avant dans le nez de ces animaux, fans qu’ils aient jamais donné aucun figne d’en fouffrir la moin- dre incommodité .

ll et donc certain que le venin de la Vipere n’a rien de femblable aux cauftiques; qu’il n’eft point acre et brülant com- me celui de l’abeille ou du fcorpion. A peine avois-je mis fur la langue un atome de celui de l’abeille foit pur, foit mêlé avec un peu d’eau, qu'il me picquoit et me brüloit aufli fortement que fi jy avois appliqué les plus forts cauftiques que fournit la chymie. Le venin de la guépe et celui du frélon ne font pas moins acres et mordans que celui de l'abeille; ils caufent tous une douleur qui dure longtems: je le prenois tantôt de l’aiguil- lon, et tantôt de la petite véficule qui lui fert de refervoir; mais ce venin el partout le meme.il fait toujours éprouver la même douleur. Et ilconferve encore fa force et fa caulticité après avoir été féché et gardé pluficurs Jours.

Je puis en dire autant du venin du. fcorpion : l’humeur blanche ct vifqueufe qu'il jette par l’aiguillon quand il picque, caufe une fenfation à peu près femblable fur la langue; mais beau- coup moins forte que celle que caufe le venin-de l’abeille. De vient que la picqure de l’abeille eften effet plus douloureufe que celle de nos fcorpions. Peut être le venin de ceux d'Afrique eft il extrémement cauftique, puifqu’il tue les animaux en fort peu de tems.

Je fis enfuite l’effai de ce venin fur d’autres animaux, qui quoiqu’ils n'aient pas comme l’homme l'ufage de la parole, ne laïflent pas de manifefter par des fignes le plailir ou le désoût qu'ils éprouvent à manger quelque chofe. Je mis donc un peu de venin de Vipere dans. la gueule d’un chien à moi. Il l’avala avce avidité, ct fe lécha longtemms les levres, comme sil eùr

man-

48

mangé quelque mets de fon goût. Enfuite jimbibai de ce venin un morceau de mie de pain, au point qu'il en étoit tout jaune, je le donnai au même chien, dans un moment il étoit déja fi raflafié qu'il refufoit de manger. Il le flaira, le dévora fur le champ, et manifefta le plus grand defir d’en avoir davantage: en un mot, chaque fois qu’on lui approchoit des levres une goutte de ce venin, il la lechoit avec Je plus grand plaifir.

Tout le monde fait que les chiens font, comme les enfans, ennemis jurés de tout ce qui eft amer etacre, qu'ils aiment avec paffion ce qui eft doux et onétueux. Concluons donc que fi mon chien trouvoit tant de goût à ce poifon, c’eft fans doute à cau- fe de fadouceur. Ainfi c’eft une chofe abfolument fauffs et ima- ginaire, que ce venin foit acre et brûlant; comme il eft faux auffi, que la langue devienne douloureufe, fe tuméfie, et s’en- flamme lorfqu’on en a pris.

Mead étoit dans l'opinion, que le venin de la Vipere ap- pliqué aux bleffures d’un animal vivant y caufe une fenfation crès-douloreufe; et c’eft ainfi que doivent penfer ceux qui com- me lui croient que ce venin eft chargé de fels qui le rendent cauftique et brûlant. Il tâche d’établir fon fentiment fur une ex- périence faite fur un chien. Cet animal ne parut pas beaucoup affeQé de la douleur qu'on lui caufoit en lui perçant la narine avec une aiguille courbe et canelée; mais il devint furieux et pouflla des hurlemens, lorfque ce poifon vint à gliffer dans la plaie. J'ai fait précifément la même expérience fur un jeune chien; et il parût infenfible à l’abord de la goutte de venin dans la bleflure. Je dois cependant avouer que j'ai vu un chat fe fe- couer et s'agiter davantage au moment que ce poifon s’infinua dans les levres de la plaie qu’on lui avoit faite au nez. Mais cette expérience eft toujours fujerte à erreur, en ce que l'aiguille non feulement refte dans la plaie; mais le mouvement de lani-

mal

49 mal fait encore qu’elle y eft plus agitée, et qu'elle s’y enfonce et la déchire davantage: ce qui fuffit fans doute pour réveiller la douleur, et bleffer même les nerfs qui avoient échappé à la premiere introduction de l'aiguille.

J'ai fouvent fait couler de ce venin dans des incifions fai. tes avec la Jancette, et je n’ai jamais bien pu m'aflurer que fa préfence caufìt de la douleur, quoiqu'il me foit arrivé quelque fois d'avoir cru voir le contraire.

Mais füt il bien avéré que ce poifon caufe de le douleur, s'enfuit il qu'on en puiffe conclure avec certitude qu'il eft char. de fels, qu’il et acre et cauftique? Comme fi nous n’avions pas des exemples qu’un fuc infipide au goùt caufe cependant de violentes douleurs, lorfqu’on lapplique fur une bleffure. J'ai connu moi même des sens qui ayant été mordus par la Vipere n’avoient pourtant reflenti qu'une très-légere douleur, femblable à celle qu'auroit pu leur faire feulement le coup de la dent. Nous avons à Pife un habile chafleur de Viperes nommé Bonsi qui ayant un jour été mordu au doigt, ne s’en apperçut que lorfqu'il vit couler fon fang; preuve qu’il n’avoit point fenti de douleur. Son pere nous en a dit autant; il avoit été mordu de même au doigt; et il compare cette douleur à celle d’une pic- quure de mouche. Ils furent cependant très-mal l’un, et l’autre à la fuite de ces bleflures: preuve evidente que le venin avoit pénétré Jufques dans le fang. Jefuis donc bien perfuadé d’après Fexpérience , que ce venin n’eft niacre ni brûlant (4), ct qu'il ne contient point ces fels que tant d'écrivains n’ont imaginés qu’afin d'expliquer fa maniere d’agir dans le fang; ou parcequ’ils one mal obfervé.

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(a) On verra dans la fuite quelle modification peut fonijiiv cetie expreffor.

so

Cb Ag POI ib NI. Autres propriétés de venin de la Vipere.

(ss humeur jaune et meurtriere que fournit la Vipere, et que nous n’avons trouvée ni acide, ni alkaline, ni cauîti- que, étant mife dans l’eau, tombe fur le champ au fond, comme certaines huiles pefantes tirées des végetaux: fes parties confervent dans l’eau pendant quelque tems leur vifcofité, et leur union naturelle ; elles y reftent réunies entr’elles, et gardent leur premiere couleur, et leur tranfparence. Ce poifon eft donc plus pefant que l’eau,et differe en cela des huiles ordinaires, de la graifle des animaux, et de celle même de la Vipere, qui flottent toutes fur l’eau. Les huiles et les autres liqueurs plus pefantes que l’eau, doivent au moins être fufpeites, er font fou- vent en effet des poifons très-violens. Et fans parler de l’huile du laurier-commun, et de celle du laurier-cerife, huile rouge d'amandes ameres, tirée par la diftillation eft un poifon.

J'ai erifuite cherché à favoir fi le venin de la Vipere étoit inflammable, c’eft à dire; fi le principe phlogiftique y eft aflez développé pour prendre feu. Jen ai mis fur des charbons em- brafés. Jen ai imbibé un papier, un morceau de bois; Jen ai mis pur et raflemblé en petites gouttes à la pointe d’une aiguil- le. Je lai préfenté de toutes ces manieres à la flamme d’une bougie ,il n’a jamais pris feu,et je n’ai pas touve qu'il fût plus inflammable que les autres fluides des animaux.

J'en puis dire autant du venin de l’abeille, de celui de la guèpe, du frélon , et du fcorpion. Ils reflemblent en cela à celui de la Vipere, ils fe confument, et fe deflechent au feu fans

s'enflammer. Si

si

Si l’on porte à la bouche une goutte du venin de la Vipe- re pur et tout frais, on trouve qu'il a une certaine vifcofité ; mais lorfqu'on le fait fécher en grofles gouttes fur une lame de verre, il a l'air d’une gelée tranfparente et jaunâtre; pour lors il prend aux dents comme de la poix; au point qu’on a de la peine à l'en détacher,

6 HA tP:I TOR Es XIL

Particularités velatives au venin de la Vipere et des autres ANIMAUX Venimenx.

Ous avons vu que le venin de la Vipere fort par le trou - N de la pointe de la dent, contre le fentiment de Redi, et qu'il y entre par le trou qui eft à fa bafe. A’ cette difpolition on feroit tenté de croire, que ces dents ont été faites exprès pour tuer, tant ce petit trou paroit difpofé pour porter ce poifon dans le fang de l’animal qu’elle mord; mais je ne prétends pas recourir ici aux caufes finales; et je fuis bien éloigné de pen- fer , que tout ce méchanifme fingulier ait été fait exprès dans la Vipere pour la deftruétion des autres êtres vivans. Peut être cet- te liqueur dans la Vipere cit-elle néceffaire à la digeftion de cet animal; Je ferai voir quelle difpofe fingulierement les chairs dont il faft fa nourriture, à une prompte putréfaétion: degré d’altération par elles doivent pafler pour être bien digérées ; mais par un méchanifme facheux mais nécefiaire , la même dent porte également ce poifon dans les animaux que la Vipere mord et dans lesalimens qu’elle mange. Qui fait fi la privation de cet- te humeur venimeufe n’expoferoit pas la Vipere aux mêmes ac- cidens qui furviennent aux autres animaux par le défaut ou le vice de quelqu'un de leurs fucs digeftifs ?

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S'il étoit vrai, par exemple, comme l’a cru que a fali- ve humaine fût ua poilon pour certaines efpeces d'animaux, et qu'un philofophe parmi ces animaux, voulant réflechir et raifon- ner fur la nature de ce poifon vint à dire que notre falive eft un des principaux fucs qui concourent le plusà notre digeftion, ce nouveau philofophe auroit il tort? Et n’auroit il pas deviné la nature? Mais fi au contraire cette même efpece prétendoit que notre falive nous a été donnée pour les empoifonner, puifqu’el- le les tue en effet; ne feroit elle pas dans une erreur bien abfur- de? Voilà pourtant vont donner tête baiflée, ceux qui recou- rent fans ceffe aux caufes finales, dans l’examen ct l'explication des faits et des évenemens phyfiques.

C'elt au refle une loi générale dans les animaux venimeux, qui bleflent de la dent ou de l’aiguillon, de porter le venin dans la bleflure, par des trous ou orifices qu’ils ont à ces parties. Quant au fcorpion, par exemple les écrivains ne font d’accord, ni fur le nombre, ni fur la fituation de ces orifices. Redi par une fatalité inconcevable n’a jamais pu les découvrir ; et comme il n’avoit vu qu’une feule goutte de ce venin fur une plaque de fer, contre la quelle il avoit fait lancer plufieurs fois à un fcor- pion fon aiguillon, il en inféra qu'il n’y avoit qu'un feul trou à extrémité de cette pointe. Valifnieri en compte jufqu'à trois; il eft pourtant très-vrai que ceux de la Tofcane que j'ai exami- nés, n'ont jamais plus de deux ouvertures latérales, pr cou- le le venin; et jamais on n’en trouve une feule, ni trois, com- me ces deux grands obfervateurs l’ont prétendu. Lorfqu'on prefle un peu la petite véficule qui termine la queue du fcorpion, et commence l’aiguillon, on voit à l’aide d’une bonne loupe ces deux ouvertures latérales, ainfique le venin à Piftant qu'il en fort. |

Mais pour revenir à la Vipere: fon venin fe conferve pen-

dant

53 dant des années dans la cavité de fa dent, fans perdre de fa cou- enc ’on met alors dans de l’eau tiede cette dent, il fe difout très-promptement et fe trouve encore ca état d2 tuer les animaux. Car d’ailleurs le venin de la Vipe-

1 ] 2

leur ni de fa tranfparence: fi È

re feché et mis en poudre conferve pendant pluficurs mois fon aétivité, ainfique je l’ai éprouvé pluficurs fois d’après Redi. Il fuffit qu'il foit porté comme à l'ordinaire dans le fang par le moyen de quelque bleflure. Mais il ne faut cependant pas qu'il ait été gardè trop longtems: je l’ai vu fouvent fans cflet au bout de dix mois.

Je croirois volontiers que ceux que périflent pour avoir touché des têtes de Viperes, même longtems après leur mort, n’ont en effet été empoifonnés que par le venin qui étoit logé dans la cavité de la dent, et qui fe trouvant diffous par le fang de la bleflure peut être forti par le trou ellyptique de la pointe de la dent. Une portion de venin défleché qui peut fe trouver attachée à la furface extérieure de la dent eft capable auffi de produire cet efier. Car je fuis bien affuré par toutes mes obfer- vations quela tête de la Vipere meurt en beaucoup moins de 24 heures; que fes mufcles fe deffechent en peu de jours s’ils font dans un lieu bien fec, ou fe putréfient promptement fi l’endroit eft humide. D'ailleurs les dents de la Vipere font très-aigues ct aftilées, enforte qu’elles percent et entrent dans la peau pour peu qu'on y touche. Jai réuffi deux fois à faire périr des animaux, en les bleflant feulement d’une dent de Vipere arrachée depuis plufieurs heures, et qui etoit pleine de venin coagulé. Et fi le neveu du fameux Jacques challeur de Viperes, s’eft picqué la main plulieurs fois jufqu'au fang, comme nous l’apprend Redi, avec des dents de Vipere qu’il venoit d’arracher, fans qu'il lui en foit jamais arrivé d’autre mal que celui qu'il auroit fouffert de la piquûre d’une épingle ou d’une épine; ce n’a du moins

jama-

54 jamais été fans courir le plus grand rifque qu’il ne fut dans la dent un peu de ce mortel poifon. Et ces poulets que Redi a picqués en différentes parties du corps avec des dents arrachées à une Vipere vivante ont tous courule même rifque.

Je ne nierai pas que le venin contenu dans la véficule de Ja tête d’une Vipere ne puifle tuer auffi même un jour après quelle a été coupée. Il fuffit pour cela qu'elle n'ait pas mordu avant d’être tuée, et qu’elle ne foit ni trop deflechée ni pourrie, parcequ’alors, ou la véficule feroit décruite, ou elle ne pourroit plus envoyer cette humeur à la dent par le conduit excréteur d’éja obltrué et defleché.

D'après ce que nous avons dit jufqu’ci, l’on conçoit com- ment certains charlatans , au rapport de l’auteur du livre de la Thériaque è Pifon pouvoient impunément fe faire mordre par des Viperes ». Il y a des hommes, dit cet auteur, qui fous pré- » texte qu'ils pofledent un antidote, fe font mordre par des Vi- » peres; ils leur donnent auparavant certaine pâte qui bouche les » trous de leurs dents, et ils rendent ainfi leurs morfures fans » effet, au grand étonnement des fpe&ateurs qui ignorent le mo- » yen qu'ils ont employé pour cacher leur fourberie.;, Ce paflage nous montre évidemment que des ces tems on connoifioit en quelque façon la flruéture de la dent de la Vipere, et qu'on étoit dans l'opinion que c’eft par ce trou qu’elle porte le venin dans a bleflure. On voit aufli dans l'ouvrage de Chryfogonus qui a pour titre de arzificiofo modo curandi febrinm, que cet auteur qui vivoit longtems après, étoit aufli dans la même opinion. ;, Elle 2 » ( dit il en parlant de la Vipere),, deux dents, la droite et la » gauche, implantées dans la machoire inférieure, et toutes deux » percécs; elles font plus longues que les autres; elles tombent » tous les ans lorfque ces animaux quittent leur peau; ces deux » dents font enveloppées de deux véticules pleines de venin d’où

» il

35

» il découle par le canal creufé dans la dent à l’inftant elles » mordent. ;,

Il paroît que cet auteur n’a ajouté que des erreurs à ce qu'on favoit avant lui de l’hiftoire naturelle de la Vipere. Il cit faux, par exemple, qu’elle change fes dents tous les ans en chan- geant de peau, il eft faux que les deux véficules foient autour de fes dents; il eft plus faux encore, que ces deux dents foient placées à la machoire inferieure. Cela feul prouve bien qu'il n’a jamais obfervé la guele de la Vipere.

Jai effayé moi même de parvenir à faire mordre impuné- ment des animaux; pour cela je préparai une pâte avec la poix ; la térébenthine, et la cire jaune. Jy fis mordre pluficurs fois deux Viperes, qui furent enfuite quelques jours fans pouvoir faire mou- rit aucun animal. Je trouvai en effet que leurs dents, vers la pointe , étoiet pleins de cette pâte gluante qui bouchoit l’orifice par le venin auroit du fortir.

Je ne crois cependant pas que cette méthode foit un pré- fervatif afluré contre la morfure de ces animaux. Nous avons vu qu'il y a des circonftances le venin peut aufli pafler immédia- tement du conduit excréteur dans la guaine. Le plus für moyen feroit donc d’enlever fe réfervoir en entier. C’eit ainfi que le charlatan en impoferoit probablement au vulgaire, et captiveroit les efprits d'autant plus fürement, qu’il n’auroit plus rien à re- doûter de ces dangereux animaux.

Il y a d'excellents naturalifles qui croyeut que la mouche qu'on appelle en Tofcane A/F/0 ( le Taon ) jette par le bout de l’aiguillon qu'elle porte à l’extrémité de fon ventre un fuc véni- meux et cauftique. Valifnieri qui a fi bien écrit fur cet infeéte, penfe qu’en pergant le cuir des plus grands animaux avec cet aiguillon qui eft très-aigu, il y fair couler une efpece de venin très-mordant, qui irrite jufqu’au fpafme, ct brûle, pour ainfi di.

es

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re, les filets délicats des nerfs de leur peau, fait entrer leur fang en efiervefcence , et les poufle jufqu’ à la fureur (4).

Reaumur au contraire, ce grand et exact obfervateur des plus petits animaux, croit contre l'opinion de Valifnieri, que cette douleur eft plutôt l’effer d’une bleffure purement méchani- que, que d’un venin , ou de quelque autre matiere cauftique ; que le Taon jetteroit par fon aiguillon. (4)

Le célebre Morgagni après avoir bien balancè les deux opi- nions n’en embraffe précifément aucune, et femble s’en faire une des deux. Il prétend que la douleur qu'occafionne aux animaux l’aiguillon de cette mouche dépend fouvent de deux caufes en même tems: d’un nerf plus confidérable, que l’aiguillon a tou- ché, et d’un venin acre et cauftique qui irrite les nerfs (c).

L’ occafien que j'eus de me procurer de ces mouches me donna le defir de les examiner. Les anciens ont connu une mou- che qui mettoit par fa piquure les troupeaux en fureur. Les Grecs avoient nommé cette mouche Oe/ffros . Les Latins ont aufli parlé d’une mouche dont la piquure produifoit le même effet fur les grands animaux. Ils l’ont nommée Aff//4s. Je ne doute nul- lemant que l’Oe/fros des Grecs, et l’Æfällus des Latins ne foit le même que le Tabauus de Varron et de Pline. Et quoique les anciens aïent porté leur négligence ordinaire dans la defcription qu’ils ont donnée de cette mouche, il n’eft cependant pas poffble de ne pas voir que cell la même que l’4/f//o des Tofcans et le Taon des Francois. Ou bien, il faut fe réfoudre à penfer qu’une mouche qui étoit fi commune chez les Grecs et les Latins, n’eft pas venue jufqu'à nous, et que fon efpece s’eft détruite et étein- te de puis longtems. Je me flattai de pouvoir trouver facilement

et

—-- rc————— e

(a) Tom. I. pag. 229. Venezia, = Di CIR GP | "rt r (b) Hifloire des infeif, T. IV. (c) De caufis ct fedibus Morior. Tom, IT.

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ct la petite véficule qui contient le venin de cette mouche e: Paiguillon creux qui le porte, ainfi qu'on le découvre prompte- ment dans l’abeille, la guépe, et le frélon; mais je metois abu- sé; fon aiguillon bien plus confidérable que celui de l'abeille, n’elt pourtant ni creux ni canelé, je n'ai jamais pu y découvrir e trou ni à d'extérieur, ni à l’intérieur. Je ne fus pas plus heureux à trouver le refervoir de cette humeur prétendue, les meilleures lentilles dont je fis ufage ne fervirent à rien; j'ai eu beau preffer fur l'extrémité du ventre de cette mouche et fur fa racine de fon aisuillon; Jamais jo n'ai vu fortir cette liqueur comme on l’appergoit dans l’abeille, la guèpe, le fréion: en un mot, dans tous les animaux qui portent le venin dans les blef- fures qu'ils font.

Mais pour ne rien laifler à defirer dellus, j'ai engagé d’autres perfonnes à eflayer, et j'ai eflayé moi même plufieurs fois de reconnoître au goùt ce venin, en portant à la bouche l’aiguillon du Taon avec les parties du ventre qui en font les plus voifines. Je l’ai brisé entre mes dents, et roulé dans ma bouche; mais je n’ai jamais trouvé rien d’acre cu de brûlant, ni éprouvé la moindre douleur ou incomimoditè. Si cependant il étoit vrai que cette humeur füt acre et cauftique jufqu’à brûler pour ainfi dire les filets nerveux de la peau des boeufs, jaurois affurément la fentir fur ma langue, puifque le venin que porte - l’aiguillon de labeille caufe fur cette partie une cuiffon et une douleur infupportable.

Il eft donc faux que le Taon verfe un poifon en même tems qu'il perce le cuir des boeufs. La douleur qu'il caufe eft purement méchanique, et elle vient de la ftruéture particuliere de fon aiguillon. Il et formé de trois petits crochets tranchants et aigus, dont la fubftance et comme de la corne; lorfqu’ils font unis enfemble, ils forment une efpece de tenaille. Commune

H ment

ment il ne caufe pas une grande douleur; mais s’il vient par ha-

zard à bleffer quelque gros nerf ou autre partis fenfible de l'ani-

mal, ou, ce qui eft plus probable, s’il retire cet aiguillon avec. Cpouvante et précipitation, et dans une direction oppofée à cel-

le de fon entrée; c’eft alors qu’en déchirant la peau avec fes crochets, et en tiraillant fortement les nerfs, il doit néceflaire- ment occafionner cette douleur violente et fi infupportable, qui met les troupeaux en fureur. On fait l’énorme différence qu'il y a entre la douleur légere que caufe un inftrument tranchant, ct celle qu'excite une arme qui déchire les parties et qui tiraille les nerfs.

J'ai cu pareillement occafion de porter mes recherches fur les fangfues. Il eft des phyficiens qui les croient venimeufes, parceque les bleffures qu’elles font font fort douloureufes, reftent longtems ouvertes, et font quelque fois gonfler les chairs d’alen- tour. Mais il eft bien averé que ces petits animaux, fi utiles en medecine, n’ont point de. venin, et ne font qu'une bleflure pu- rement méchanique, avec cet outil fi fingulier qu'elles ont au fond de la bouche. Cet inftrument eft formé par trois demi-lu- nes qui fe trouvent. placées à l'embouchure de l’éfophage, vers le centre du quel elles iroient fe toucher par leurs tranchans, fi cet- te cavité ne les féparoit; elles font pofées à plomb: fuivant la di- reétion de la longueur de cet animal. Les bords circulaires de ces demi-lunes fe terminent en une fubftance cornée difpofée par ällons, les quels venant à fe détacher de plus en plus les uns des autres, forment à la fin une efpece de denture très fine femblable à celle de. la fcie.…

Voici comment ces. vers fuccent le fang; ils appliquent for tement à la peau: les bords extérieurs de leur bouche. Ils font enfuite le vuide en élargiffant cette cavité de maniere que Pin- Arument à demi-lanes s'approche de la peau; alors la fangfue

faic

55 fait mouvoir circulairement ces trois fcies, et les rapprochant ct les éloignant fucceflivement les unes des autres, elle fait dans la peau trois entailles qui fe réuniffent en un feul point. A mefure que ces fcies s’éloignent, l’éfophage fe dilate et attire dans fa ca- vité le fang qui a été pompé.

Jai éprouvé fur moi même ce que j'avance ici; je m'étois appliqué au bras une groffe fangfue , après lui avoir coupé la moi- tié de la bouche; et j'ai pu par ce moyen obferver à mon aife tout le jeu de ce méchanifme.

Les dents et les canelures de ces fcies fe découvrent facile- ment au moyen d'un bon microfcope; on les fent mème autat, en paffant le bout du doigt par deflus: ainfi qu’à l’oreille en y faifant gliffer le tranchant d'une lancette, furtout après les avoir lailé un peu fécher. On peut dans cet état s’en fervir pour fcicr la peau, pourvu au’on les tienne ferme avec des pinces, ou qu’on les tourne en rond, le tranchant toujours tourné vers la peau. Je fuis même parvenu à la fcier, quoique les parties moiles de ces demi-lunes, comme les mufcles, ne fuflent pas encore défle- chées.Îl eft donc aifé de comprendre comment, après avoir con- tradté et roidi les mufcles qui forment la plus grande partie de ces fcies femilunaires, la fanglue parvient à percer le cuir le plus dur, et pourquoi ces bleffures caufent une fi vive douleur, ct fourniflent du fang pendant fi lonstems; puifqu’elle n’obtient ce fang, qu'après avoir déchiré avec des fcies, et avoir ouvert un fillon dans une partie aufli fentible que la peau, et auffabon- damment pourvue de nerfs, et de vailicaux.

Je termine ici les expériences, qui font, comme je Pai dit au commencement de ce traité, le fil le plus affuré pour nous conduire à la découverte et à la connuiffance des vérités natu- relles; mais les faits feuls ne fuffifent pas pour diffiper l’obfcu- rité qui les couvre. Un amas d’obfervations, fans l’aide d’une

ha main

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main habile qui les mette en ufage, ne feroit tout au plus que la preuve inutile d’un pénible travail; et de même les plus brillants fyftemes que puifle fournir au philofophe l’imagination la plus féconde et la plus riche, ne méritent aucune attention de la part des Phyficiens, s'ils ne font fondés fur de bonnes expériences. C’eft aiali que pour trouver les caufes des Îoix qui reglent le cours des globes celeftes , il n’a rien moins fallu que la longue fuite d’obfervations des Pafteurs Caldéens, et le fecours puiflint du génie créateur de Newton.

H AoP Æ TRE: XII.

Quelle eff la caufe de la 1wo0rt des animaux qui ont été emposfannés par la Vipere .

° ’Objet de mes obfervations fur Ie venin de la Vipere a été d’abord de découvrir l’origine des contradiétions, qui fe trouvent entre les diverfes expériences qu’on a faites fur ce fu- jet, quoique ces expériences foient atteftées de part et d’autre par des favans du premier ordre. Mais j'avoue qu’en vérifiant et analyfant tous ces faits, mon but a été aufli de trouver, s'il etoit poffible, dans leur combinaifon une explication fatisfaifante de la maniere d’agir prompte et funefte de ce venin. Je demanderai donc avec Redi:,, de quelle maniere le ve- » nin de la Vipere éteint la vie et donne la mort. Si fon aétion » dépend d’une caufe cachée, etau deflus de l’intelligence humai- » nc; ou bien fi ce venin étant arrivé au coeur, y refroidit et » glace le principe de la chaleur; ou fi au contraire multipliant » ces mêmes principes, et leur donnant plus d’aétivité, il le , réchauffe, le brûle, et réfout et détruit ainfi tous les efprits; è S'il agit en étcignant le fentiment dans cet organe; fi au » MO-

Gi

» moyen d’une irritation douloureufe qu'il y caufe, le fang ne » retourne pas trop précipitämment au coeur, au point qu'il le » fuffoque; s’il en arrette le mouvement, en congelant le fans » dans fes deux ventricules, enforte qu’ils ne puiflent plus ni » fe dilater, ni fe contraéter; enfin, s’il le coagule, non feule- ment dans le cocur, mais encore jufque dans toutes les vei- 5 nes; qu'on ne s’y trompe point ,, ajoute Redi ,, ces grandes » queftions font au deflus de mes forces, et je les mets au nom- » bre de cette infinité de chofes que jignore , et que vraifem- so blablement j'ignorerai toujours.,, Il eft d’autres auteurs, plus hardis fans doute, qui n’ont pas craint d’expofer leur fentiment bien ou mal fondé; mais avant de propofer le mien, je crois qu’il eft néceflaire de rapporter les opinions les plus raifonnables qui aient eu cours fur ce fujet parmi les naturaliftes tant anciens que modernes.

Le favant Brogiani, Profeffeur d’anatomie à Pife, a écrit un traité plein d’érudition fur les venins des animaux. Il y exa- mine en habile critique les différens fyftemes, et les opinions diverfes qu’on a établies fur la maniere d’agir de ces poifons.

On a crû d'abord que le venin en entrant dans le fang y caufoît une coagulation univerfelle, précifément comme le font les acides qu’on y introduit par l’ouverture d’une veine. Les animaux fur qui on fait cette expérience, périflent en très-peu de tems dans le tremblement, les convulfions , les vomiffemens. Quand on les ouvre enfuite, leur fang eft tout coagulé dans les veines; et comme on a trouvé aufli le fang coagulé dans quel- ques fujets morts de la morfure de la Vipere , après avoir afluyé les mêmes fymptòmes, on en a tiré la conféquence légere et ha- zardée, que c’eft en coagulant que le venin donne la mort. Mai; fi d’après le témoignage de Redi et des mémoires de l’Académie de Paris, il paroît que cela n’eft pas également vrai de tous les

fujets

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fujets morts de ce poifon; s’il eft faux auffi qu'ils aient tous des tremblemens, des vomiffemens yet des convulfions; fi l’on trouve fréquemment le fang ainfi coagulé dans toute forte de cadavres il s'enfuit que la queftion refte encore indécife, et la difhculté dans fon entier. D'ailleurs, ne peut il pas y avoir d’autres cir- conftances qui ayent coaguler le fang, exciter le tremblement les convulfions et Jes autres accidens , fans recouir à l'acide du venin de la Vipere? Mes propres expériences m'ont fait voir que cet acide n’exifte pas, et ne doit être ici compté pour rien.

Il el fi incertain que le venin de la Vipere agiile en coa- gulant le fang, qu'il y a eu des auteurs qui ont pensé, et donné pour indubitable, que fon action confifte à occafionner une diffo- lution totale daus les humeurs . Il faut avouer cependant, que cette derniere aflertion paroit plus gratuite que l’autre, puifqu’el- le n'eft fondée fur aucune expérience bien confirmée ou con- ftante.

D'autres ont cru au contraire que ce venintue en excitant ane inflammation univerlelle . Mais comme imaginer qu’elle puille s’exciter au point de donner la mort dans un tems aufli court? Je dis plus, c’eft que la fievre, cette compagne indivifible de linflammation, ne fe trouve pas toujours dans ceux qui meu- rent de cette morfure. Il n'ya pas même de traces d’inffamma- tion dans leurs cadavres ; et lorfqu’il s’y en trouve, cet effet eft plutôt à quelque circonflance particuliere du temperament, qu'à une qualité propre et particuliere qui réfide efentiellement dans le venin de ce dangereux animal.

Les difciples d'Hoffinan, qui à l'exemple de leur maitre , expli- quent tout par l’atonic et le fpafme des parties, ont eflayé de faire fervir ici la vérité à appuyer leur opinion. Ils ont préten- du que ce poifon excite, on ne fait comment, un fpafme uni- verfel dans la machine. Mais encore. un coup;, fi fpafime

n'exi-

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n'exifte pas dans tous les animaux qui meurent de ce poilon, comment le regarder comme une caufe univerfelle ? Il eft certain au contraire, que tous périflent plutôt dans l’atonie et la réfo- lution univerfelle, que dans la rigidité et la contraîtion de tous leurs membres.

Je pañe fous filence plufeurs autres hypothefes, qui ne font rien de plus que de fimples conjeétures, et qui bien loin d’être appuyées fur aucune obfervation décifive, font au contraire dé- menties par l'expérience.

Je me fais cependant un devoir de rapporter l’opinion de Mead. Cet auteur eft parti de l’exiftance des fels cauftiques dans ce poifon; et c'elt fur ce fondement qu’il a bâti toute fa théorie des eflets de ce venin. On trouve dans l’edition de 1739, de fon livre fur les poifons, un ample détail des différentes opinions des philofophes, fuivi d’un raifonnement fyftématique fort long et rempli de fuppolitions, comme chacun peut s’en convaincre par foi même. Il a pour objet de faire voir que ces fels décom- pofent les globules du fang, et détruifent fa conftitution; et comme il eft difficile de comprendre comment ces fels peuvent, en fi peu de tems, en détruire ainfi toute Ja mafle, il dit, qu’une fois que le venin eft fixé dans la plaie, il en fort auffitàt un fluide très-fubtil et très-élaftique, qui dans un iftant étend fon action, et porte la. décompolition fur toutes les parties de ce fluide, jusqu'aux plus éloignées. C’eft ainfi qu'une feule étincel- le qui touche à une longue trainée de poudre, gagne fubitement de proche en proche, et caufe une explotion univerfelle par le dégagément fimultané de l'air que renfermoit chaque grain. Le D. James ne manque pas aufli de rapporter laétion de ce venin aux fels acides qui font perdre aux globules da fang leur conftitution naturelle.

left, fans doute, inutile de chercher à combattre ce fyfte-

me,

6 Lo

me, puifque ces prétendus fels n’exiftent même pas dans le ve-. nin de la Vipere, et que rien n'’eft plus faux que ces petits ballons de fang remplis d’un air élaftique. Il eft certain d’ailleurs que le venin n’altere point la figure de ces globules. Et fi on les obferve au microfcope, on trouvera qu’ils font exactement les mémes qu'auparavant, c’eft a dire obfcurs et foncés à la cir- conférence set. plus tranfparents dans le milieu; comme font en- oénéral tous les petits corps ronds qu’on regarde au microfcope. Je ne comprends pas comment Backer, homme d’ailleurs très- exaA dans les obfervations, a pu dire dans fon #raité des micro- fcopes, que la morfure des animaux venimeux, ou même un atôme de leur venin corrompt toute la mafle du fang, en altérant la folidité et la figure des globules rouges qui le compofent.

Ce n’eft pas ici la feule occafion, l’on a cru fans fonde- ment au changement de figure des globules du fang. Les petits anneaux qu’on a voulu fubftituer à ces globules, font une preuve. que la lumiere, le microfcope, et l’obfervateur qui s'en tient aux apparences, font fouvent la fource de ces pretendus change- mens qui n’exiftent pas en effet. Je ferai voir dans un petit ouvrage è part (a), que tous les petits corps globulaires, vus au microfcope , paroiflent avoir la figure des anneaux, parce que les rayons de lumiere viennent à l'oeil de l'obfervateur en plus orand nombre du milieu que des bords.

La décompofition des globules du fang, fi fouvent avancée par les médecins, cit un des phénomenes les plus rares dans l'économie animale. Les médecins méchaniciens ont fuppofé que les globules du fang étoient autant de bulles, ou petites veflies pleines d’un air très-élaftique renfermé dans une petite membra- ne; aufli ont ils cru que ces globules pouvoient facilement cre-

ver

(2) L'ouvrage qu'on annonce ici eff imprimé de puis plufieurs années a Lucques; il a pour titre: Ofervazioni fopra i globetti del fangue.

65 ver ct changer de figuro, même par des caufes infiniment moins puiflantes que l’aétion d’un fel cauftique; mais le fait eft que ce ne font point des veflies, comme on fe l’eft perfuadé, cr que les globules rouges (4) ne changent prefque jamais de figure.

Les convulfions même, que. n'éprouvent prefque jamais les animaux à fang froid,'et. que n’ont pas toujours ceux à fans chaud , ne fourniflent pas de preuve que le venin de la Vipere con- tienne des fels cauftiques, dont les pointes invifibles piquent les nerfs et irritent la fibre mufculaire; d’ailleurs les narcotiques et l'opium donnent des convulfions ; croirat-on pour cela qu’ils agif- fent par de femblables agens méchaniques ? Il y a plus; les convul- fions ne font pas toujours l’effet d’un fhimulns qui irrite; elles viennent plutôt de ce que l’équilibre entre les mufcles antagoniftes eft rompu. Les animaux foibles, languiffans, et qui meurent en perdant leur fang, périffent dans d’horribles convulfions; il n’y a pourtant alors ni pointes ni felsirritans ; c’eft encore à tort qu’on attribue dans ce cas les convulfions à la furabondance des efprits animaux; il paroîtroit plus raifonnable de croire au contraire, que c’elt à leur défaut, ou à la diftribution irréguliere qui s’en fait dans les mufcles , ou pour mieux dire, à une irregularité dans la cireulation du fang, qu'elles doivent leur origine.

Si l’opium caufe de violentes convulfions, c’eft, à mon avis, parce qu'il détruit en tems différens, et d’une maniere irréguliere , l’irritabilité de la fibre mufculaire; il eft certain d’ail- leurs, que ce font les hommes les plus foibles et les femmes les plus délicates qui font toujours le plus fujets aux convul- fions; et il n’eft pas poffible de fuppofer chez ces individus une {u-

LE née el lui

(a) Qwon n'entend pas qu'ils foient réellement des globules: On en verra leur veritable figure dans un Ouvrage d'obfervations microftopiques que je me propofe de publier bientôt, je parlerai auffi de tout ce qui a rapport à leur proprietés è

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furabondance d’efprits animaux. On fait que tous les mufcles, même dans le relâchement, confervent cependant une certaine tenfion dans leurs fibres, qui lorfqu'on les coupe ne manquent jamais de fe retirer et d’élargir la plaie. Lorfqu'un mufcle eft paralysé, il s’allonge, et fon antagonifte fe contra&e alors davan- tase: ce qui démontre que le repos dans les mufcles dépend de l'équilibre des forces entre les différens mufcles , et entre leurs difiérentes fibres. Ces forces ainfi balancées fe détruifent, et fe- renouvellent à tout inftant, fans produire aucun: mouvement ni aucun changement vifible. Cette tenfion naturelle de la fibre mufculaire dépend certainement d’une égale et exate diftribution des fluides dans toute la fubftance des mufcles. Cette vérite fe trouve démontrée dans une differtation, que je donnai dans le troi- fieme volume des Aes de Sienne, qu'on reimprima à part quel- que tems après avec plufieurs aditions. confiderable à lucques, en latin, et qui fut réfondue enfuite dans le premier Volume de ma Phyfique Animale.

Mais fi les mufcles ne reçoivent pas In même quantité de fluide, ou fi ce fluide y arrive, ou s’y diftribue avec une vitefle et des forces inégales, auffitòt cet équilibre d'effort des mufcles cntr'eux eft rompu; ceux qui l’emportent entrent en contraction, et de ces convulfionsetces violentes fecoufles de toute la ma- chine. Voilà pourquoi ceux qui meurent d’hemorragie font agi- tés de convulfions, auffi bien que ceux qui périflent de poifon. Car il meft certainement pas probable que la perte du fang et la perte des forces foient en égale proportion dans chaque partie, dans chaque mufcle , dans chaque fibre, tandis que la circulation elle même eft fi iségale, et que l’irritabilité s’anéantit pas à pas, et d’une mauicre fort irréguliere dans les mufcies , fuivant le temset les circonftances.

Mais quand mème on pourroit conclure de la préfence des convullions, que la matiere qui les occalionne eft acre et cauiti-

que,

67

que, ce n'e pas à dire pour cela que ce foit un fel; et par- ceque les fels picquent , irritent, et corrodent jes nerfs, diraton qu’il n’y a que les fels qui aient cette propriété? Nous avons trop peu d’experiences pour pouvoir l’aflurer.

Les convulfions qæéprouvent quelque-uns de ceux qui ont été mordus par la Vipere, me fourniflent un argument affuré pour expliquer cette efpece de jaunifle qui furvient quelque fois à ceux qui meurent de cette morfure, ou qui font attaqués par ce venin. Quelques Auteurs ont attribué la préfence de cette jaunifle à la crifpation des pores biliaires à l'endroit de leur ori. gine dans le foie; de façon qu: toute sécrétion de la bile étant interrompue ; le fang fe charge de cette humeur, et la dépofe fur tout dans les orzanes de la peau.

D'autres ont imaginé avec plus de vraifemblance à la vé- rité, que ces convuilions, et cette violente irritation des nerfs, occafionne un reflerrement dans les conduits biliaires; enforte que la bile déia féparée eft reportée auffitòr dans le fang, et va teindre toute la fuperficie de la peau; mais ces deux hypothefes font fondées lune et Pautre fur un principe faux. Car l’anato- mie nous apprend qu'il n'el pas vrai que les nerfs foient irrita- bles, et que les conduits biliaires foient compofés de fibrés mu- fculaires. La premiere cl abfurde encore; car fi la bile, n’eft pas d’abord feparèe dans le foic, et repompée enfuite dans le fang, comment peut elle manifefter fa qualité et fa couleur? Il eft incroyable que de tres-grands phyficiens aient penfer qu'il n'eft pas néceilaire qu'elle fe fépare dans le foic, pour que lc fang fe teignc en jaune et donne cette coulcur è la peau. Tel- je eft cependant l'opinion de plulicurs perfonnages ïlluftres; cr Boërhaave lui mêmé a adopté cette doQrine.

Ce n'eft pas aïlez qu'ily ait dans le fang tous les ingrédiens de la bile; des fels fixes ,et volatils, de l’huile, ct de l’eau, pour

l 2 qu'il

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qu'il s’y forme de la bile. I fint encore que les organes. qui concourent à fa génération , cn approprient li matiere, et en re- gleat les dofes; enforte que les mêmes maticres qui dans le vi- fcere propre auroient fait de la bile, ne pourront pourtant Ja- mais, étant mélées dans le fang, avec les autres principes de ce fluide , acquérir ni la nature, ni les propriété de la bile. Mais auffi , une fois qu'elle eft féparée, et repompée dans la mafe du fans, elle conferve toutes fes qualités, au point que tous les principes du fang ne peuvent plus la décompofer, ni détruire fa combinaifon. C’eft comme une goutte d’huile qui conferve conftamment fa nature au milieu d’un aatre fluide, quoiqu’on l'agite, et qu’on la divife à l'infini; chaque molécule féparée refte toujours huile comme auparaVant. Ainfi, par exemple les principes du moût et de l'huile exiftent bien dans la vigne et dans l’olivier; mais ces deux fluides ne fe manifeftent enfin que dansle railfinet dans l'olive.

Un fait plus lumineux encore, et qui ruine cette hypothe- fe, c'elt l'exemple des Eunuques. Ces malheureux ( et les parti- fans de l’hypothefe que nous combattons en conviennent ) ont beau avoir pendant toute leur vie dans Je fang les principes qui conftituent la femence, elle ne fe manifefte par aucun de fes effets; ils reffemblent aux femmes, et n’ont jamais cette odeur qui caraéterife le mâle. Allons plus loin, et pañlons que non feulement les principes de la bile, mais encore, que la bile el- le même foit contenue dans le fang, il ne s’enfuivra pas pour cela qu’elle ait la propriété de teindre la peau en jaune. On a vu des animaux ayant depuis longtemps le foie fquirreux, ou de tres-grands abfcès dans ce vifcere, fans iétere ,et fans jaunifle. Con- venons donc que fi les fujets attaques par le venin deviennent jauncs, il faut que la caufe qu produit cet effet ait intercepté ic cours de la bile, après qu’elle cft féparée dans le foie, fans

avoir

69 avoir auparavant nui en rien à cette fécrecion. Je croirois vo- Jontiers qu'elle ne fe répand ainfi dans la mafie des humeurs ; que parceque fon cours eft intercepté dans le canal choledoque avant qu’elle fe dégorge dans le duodénum. Les convulfions de l’eltomac et des inteftins, qu'éprouvent ceux qui ont été mordus par la Vipere peuvent très-bien irriter,et crifper le duodénum, et boucher ainfì cet orifice. Ne nous étonnons pas non plus de voir fa même jaunille fe manifefter chez ceux qui ont pris d’au- tres poifons, puifqu'ils éprouvent auffi de femblables convul- fions, un tirailiement douloureux dans le creux de l’eftomac, des vomiffemens bilieux et convulfifs, une contraétion autour de lombilic, et d’autres accidens dansle bas ventre. il peut eneore arriver dans certains cas, que la bile chez les fujets mordus foit fi atténuée et fi exaltée, qu’elle pénetre même à travers de la fubltance du foie, rentre auflitôt dans le torrent de la circula- tion, et porte l’ictere fur la furface de tout le corps; c’eft ainfi qu'à force d’être exaltée dans certaines maladies, elle paffe autra- vers des membranes les plus épaifles , et va fe dépofer en abon- dance fur le colon, le duodenum, le méfentere, l’épiploon et le péritoine, qu’elle infette de fa couleur; c’eft ce dont on peut s'aflurer par l’ouverture des cadavres. On fait qu’il n’y a que tres peu d’humeurs dans le corps animal qui fe corrompent auffi facile- meut que la bile; et nous verrons bientôt , que c’eft effentiellement ce principe de putréfaction, que le venin de la Vipere porte dans les animaux.

Mais pour revenir fur les opinions des Auteurs touchant la caufe prochaine de la mort de ceux qui font attaqués par ce ve- nin, le celebre M. de Buffon dans fon grand ouvrage fur l'Hi- ftoire Naturelle, foutient que laétivité du venin de la Vipere, ainfi que des autres poifons aétifs, dépend de ces animalcules microfcopigues, qu'on découvre dans les infufions des fubfitan-

ces

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ces végétales, et animales, et qu'il croit de fimples so/écules organiques. Je puis affurer qu’il n’éxifte rien de femblable, ni dans le venin de la Viperc , ni dans les autres poifons, foit du regne animal, foit du regne végétal, et bien moins encore dans ceux du regne minéral, C’eft de quoi je me fuis bien afluré par les expériences le plus ferupuleufement taites, et en me fervant des plus forts microfcopes .

L'auteur du livre qui a pour titre: De la reprodudlion des iudividus, ou pour mieux dire M. de Buffon lui même, pré- tend que le venin de la Vipere, ainfi que les autres poifons qui font aëtifs et pénétrans, peuvent bien n'être autre chofe, dans les animaux et les végétaux, que ces pretendues molécules organiques ; et il dit que ces fels qu’a obfervés le dofteur Mead font précifément ces mêmes molécules organiques, portées à leur plus haut degré d’a&ivitt. Il croit encore que fe pus des plaies eft rempli de ces corps mobiles; mais c’eft fans fonde- ment. Et nous avons fait voir qu’on ne trouve pas plus ces pré- tendus fels dans le venin de la Vipere, que ces molécules, qu’on fuppofe en mouvement. Jai auffi examiné toutes fortes de plaies, foit celles qui font de bonne qualité , foit celles qui font gangréneufes, ou affe&ées d’un vice cancéreux; jamais je n'y ai trouver le moindre veftige de ces molécules; je n'y ai Ja mais découvrir qu'une quantité de petits corpufenles inégaux, plus ou moins arrondis, qui nageoient dans une liqueur tranfpa- rente; mais ce qui paroîtra encore bien plus étrange, et. qui pourtant ef inconteflable, c'elt qu'on ne trouve point ces ani. molcules microfcopiques, même dans ces plaïes qui furviennent naturellement aux animaux vivans, tandis qu’on les découvre toujours dans les fubftances animales, et végétales , qu’on met à pu- tréfier dans l’eau, et qu’on expofe à l’air.

L'illuftre neturalifte François s'eft donc trompé danstout ce

qu'il

71 qu'il a écrit fur la nature et l’aîtion du venin de la Vipere, ct des autres poifons. Les fels acides de Mead qui n’ont jamais exifté dans la nature, et les fels neutres du même Auteur qui ne font pas plus réels, ont été métamorphofés par la féconde ima- gination de l’éloquent écrivain François en molécules organiques douées de mouvement, ce qui eft encore plus abfurde.

Il eft faux que ces corpufcules qu’on voit avec le micro- fcope fe mouvoir continuellement dans les infufions des fub- ftances animales et végétales foient de fimples molécules organi- ques, puifque ce font de vrais animaux. Il eft plus faux encore qu'on voie de ces molécules organiques dans le venin de la Vi- pere, et dans lesautres poifons. Car on n’obferve aucun mouve- ment dans quelque poifon que ce foit, et il n’y a même rien qui puille faire feulement foupgonner que ces corpufcules y exi- ftent. Il eft d’ailleurs impoffible que les fels de Mead foient les molécules Bufoniennes, puifque ces fels font purement imagi- naires. Il n'eft pas plus vrai que ces molécules exiftent dans le pus des plaies, car rien ne fe meut dans cette fubftance. C'eit à regret que je me vois obligé de relever les erreurs de cet -élé- cant Ecrivain; mais fon autorité auroit facilement en impo- fer à ceux qui ne favent juger que d’aprés les autres. Et com- bien de gens qui jugent de cette maniere! On peut mettre de ce nombre tous ceux qui ne favent pas confulter la nature par eux mêmeset qui preferent l’hypotefe au fait, l’eloquence à la verité, La fevere et jufte Pofterité fera etonnée fans doute de voir que dans le dixhuitiéme fiecle il y ait eu des Philofophes, des Natu- raliftes, des Phyficiens, qui même dans les chofes les plus im- portantes, ont Ofé fubftituer des conje@ures à l’experience, quoi- que Pexperience eut été aufli aifée à faire, que decilive.

: Que des hommes oififs ( diloit liliuflre Senac (+)

CPC na n f se; ;

da Coen f. 29 reface .

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» cherchent un amufement, qu’ils s’imaginent les refforts. de » la nature, comme des Politiques obfcurs devinent et re: » glent ce qui fe pafle dans les Cabinets des Princes, c’elt un de- » lire philofophique qui ne fait du tort qu’à Pefprit; mais dans » ce qui interefle la vie, s’il eft permis de former des conje&u- » tes, c’eft pour les foumettre à l’epreuve de l’experierico»qui » doit decider.

Dans cette incertitude, voyant que les opinions des plus grands philofophes étoient fujettes aux plus grandes difficuliés, je crus qu'il étoit à propos de tirer parti de mes propres obferva- tions. Il n’y a point de fyftême qui puifle fatisfaire, lorfqu’on fait attention à la prompticude avec la quelle le venin de ja Vi- pere tue les animaux. Je ne pouvois pas comprendre pourquoi les animaux à fang froid, comme la grenouille, mouroient fi- tôt parce poifon, pendant qu'ils vivent fi longtems après qu’on leur a oté le cœur, les inteftins, les autres vilceres, et même le cerveau et la tête.

Le Doéteur Mead, comme nous l'avons déja vù, avoit dit, dans fa premiere edition avec le commun des philofophes, que les poifons, furtout ceux qui font tirés du regne animal, agif- foient fur le fang, et qu’à la faveur de ce fluide, ils étoient portés jufques dans les parties les plus internes; mais ayant fait attention à la promptitude avec la quelle le venin du Serpent à fonnettes donne la mort, cet illuftre phyficien a changé d’opi- nion dans fon dernier ouvrage fur le même fujet, et il a fubftitué fes efprits animaux au fang. Il prétend donc que la primicre action du venin de la Vipere et des autres animaux s'exerce contre le fluide nerveux, qui étant altéré par le venin, porte l’infammation dans les organes, et la mort dans l’animal, de forte que la maladie produite par ces venins ne fe communique à tout le corps que par le moyen des efprits animaux, qui vicient en-

fin

73 fin ie fang avec le quel ils fe mêlent. La faufleté de cette hypo- thefe de Mead fera démontrée dans la fuite.

Rien n’eft moins connu que la maniere dont ce poifon agit et donne la mort; mais fi nous réfléchiflons fur les effets de l’opium , fa maniere d’agir pourra nous iftruire, et nous éclairer un peu fur l’aftion du venin de la Vipere. Ce fuc végétal affoi- blit d’abord l’animal, lafloupit, et bientôt le tue, en détruifant lirritabilité de la fibre mufculaire, comme je lai obfervé plu- fieurs fois dans les animaux à fang froid; et comme Villuitre Haller l’a démontré depuis longrems , même dans les animaux à fang chaud. Les accidens , et les fymptômes qui fuivent la mor- fure de la Vipere ne diflerent pas beaucoup de ceux dont je viens de parier, et peuvent au moins faire foupgonner que ce venin ne tue aufli qu’en otant à la fibre toute fon irritabilité.

Je me rappelle qu’étant il y a quelques années à Bolo- gne, et réfléchiflant avec attention fur lation des moffettes foit naturelles foit artificielles, je ne pus jamais me contenter de rout ce qu'ont écrit les diflérens auteurs fur leur nature, et fur la caufe prochaine de la mort prompte qu’elles donnent aux animaux. Les uns veulent que ce foit l’exceffive élafticité de l'air, et d’autre l’attribuent à la perte totale de cette même Glafticité; or ces deux hypothefes font également dementies par les faits, qui prouvent d’un côté, que les altérations que peut foufirir l’élafticité de Pair dans les moffettes n’eft jamais fufi. fante pour tuer auffi rapidement les animaux; et de l’autre, qu’il y a des moflèttes dans les quelles l’air ne perd abfolument rien de fon élafticité. D’autres ont imagine que cette vapeur peftilentielle tuoit en irritant les nerfs des bronches, et en oc- cafionnant une crifpation et une conflri&ion univerfelle dans les poumons, au point de fermer le paflage è l’air et d’empécher leur dilatation. Enfin, il y en a qui ont fuppofé queles parti-

K cules

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cules vitrioliques des moffettes exergoient une force de répul- fion contre les particules élaftiques du. fluide animal; enforte que les véficules pulmonaires dépouillées des efprits animaux tomboient dans un relìchement abfolu; mais ce qu'il y a de vrai, c’eft que les animaux même qui vivent longtems fansre- fpirer, et fans que la circulation fe falle dans le poumon, com- me font les grenouilles et autres animaux à fang froid ,et com- munement les infectes, chez qui la circulation refte fouvent long- tems interceptée, fans aucun danger pour la vie; tous ces ani- maux , dis-je, périflent très-promptement dans les moffettes. D'ailleurs les nerfs ne font fufceptibles ni de. contraétion, ni d’irritabilité, et les véficules du poumon ne font point formées de fibres mufculaires. D'ailleurs il eft certain qu'il y a des moflettes fans foufre, fans odeur, fans faveur, et qui ne con- tiennent aucun fel acide ni alkali; mais quand elles en contien- droient, on ne comprendroit pas davantage , comment elles peu- vent tuer fi promptement ces animaux dont la vie eft fi te- nace, et que le fer, le feu, lextraétion même du coeur, des poumons, de tous les vifceres, du cerveau enfin, ne font mou- rir qu'avec beaucoup de difficulté. D’après ces confidérations, je me propofai dèslors très-fermement de faire des moflettes artificielles, et d’en examiner les effets fur les animaux vivans. Je fis entrer de la vapeur de foufre fous un récipient, jy plagai une grenouille, qui aprèsavoir fait quelques fauts et quelques grands mouvemens, y mourut prefque fubitement; je l’ouvris, et je trouvai toutes fes parties flafques et relachées. Le coeur battoit encore, mais fort légerement et avec beaucoup de diffi- calté, et peu de tems après, il perdit entierement ce refte d’a- &ion. Je tachai de l’irriter, ainfi que les autres mufcles; mais envain: il n’y eut point de contraétion. Jinfinuai une aiguille dans la moëlie épiniere, et je vis avec furprife qu'il ne fe réveil- ù loit

75 loit plus de mouvement dans les membres. Le fang étoit du couleur brune, mais fes globules confervoient encore leur forme ronde et fphérique.

Je plagai deux autres grenouilles fous un récipient de ver- re, fous le quel j'avois conduit la vapeur d’une diflolution de fer par l'acide nitreux. Ces animaux périrent fur le champ. Je les ouvris, je trouvai le fang brunàtre, et raflemblé dans les oreillettes. Le coeur ne battoit plus, et €toit infentible aux fti- mulans. Toutes les chairs étoient flafques et avoient aufh perdu toute irritabilité. Je picquai le nerf crural; mais les jambes ne fireut aucun mouvement.

Sur ces entrefaites, le celebre Doûeur Veratti fit aufli de fon côté d’autres expériences fur les moflettes artificielles. Jy afliftai moi même avec d’autres Profefleurs, et elles furent tres- conformes aux miennes. De tousces faits, il rélulte clairement, que les moffettes tuent les animaux en Ôtant l’irritabilité à tout le fvfteme mufculaire. Voilà la caufe prochaine de leur ation, et la raifon pourquoi ces pernicieufes exhalaifons tuent les ani- maux pour ainli dire en un iftant.

Dès le tems la premiere partie du préfent Ouvrage pa- rut en Italien Lucques en 1767.), Javois trouvé, commeon Pa vu ci-deflus, que les airs artificiels tuoient les grenouilles en détruifant l’irritabilité de leur coeur, et F’examen des effets que produifoient les moffettes fur les animaux vivans m’avoit fait conclure qu’elles caufoient la mort en Ôtant l’irritabilité è tout le fyteme mufculaire. Mais un illuftre Médecin (M. Tiflot) ne paroit pas être de cet avis dans fon excellent Ouvrage /#r /es nerfs. Voici comment il s'exprime à ce fujet (2) ,, Un des plus » grands Phyficiens de nos jours a penfé que les airs fa@ices

te dé-

* 7, a , « L . . ed . pe (a) Voyez Traité des nerfs &c.T. 1.2. partie, article des effets des poifons $. 218. en note +

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» détruifent abfolument l’irritabilité du coeur, et que c’eft ainfi » qu'il falloit en expliquer les effets; mais il n’y a point de » voie par la quelle leurs aëtions puiflent fe porter direQement » fur le ceur. L’air fixe qui étant refpiré tue, étant appliqué fur » les fibres. mufculaires des inteitins en Javement, ranime leur » action, réveille le principe de vie, et guérit des malades » chez lefquels la vie étoit prète à finir. Appliqué aux mufcles » mêmes, il excite donc leur irritabilité au lieu de la détrui- ne o

Ce n’eft pas ici le lieu de parler expreflément des effets des airs artificiels fur le corps vivant. Je me referve de le fai- re. dans un Ouvrage à part fur la refpiration , qui eft terminé de- puis affez longtems, et dans le quel je donnerai le détail des expériences que j'ai faites fur cette matiere, ct je. dirai mon fentiment fur la caufe de la mort dans les airs méphitiques. Mais en attendant, je me crois obligé d’obferver, que jusqu'à préfent les raifons du favant Tiffot ne font point décifives, que la queftion refle dans fon premier état, et qu’elle doit être dé- cidée par le moyen de l'expérience: une autorité d’aufli grand poids que celle de ce philofophe, n'eft que trop capable d'em- pêcher qu’on n’y ait recours.

La premiere difiiculté qu'oppofe l’éloquent Médecin de Laufanne, c’eft que nous ignorons par quelle voie les airs mé- phitiques enlevent au coeur fon irritabilité.

Mais il convient d’avouer que l'ignorance d’une vérité n’exclud pas la connoiflance d’une autre, et que nous pouvons favoir les effets, fans connoitre les caufes, et encore moins leur maniere d’agir. Toute la fcience humaine eft de cette nature. On connoit des effets, dont on ignore entierement les caufes; et l'on connoit des caufes dont la maniere d’agir eft abfolument

inconnue . La

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La queition fe réduit donc è s’aflurer par l'expérience, fi les airs méphitiques détruifent, ou ne détruifent pas l'irritabi- lité du coeur, et la difhculté ci deflus propofée n’eft d'aucune valeur, foit qu'on connoïfle, foit qu'on ignore ces voies, pour que l'expérience foit certaine , et l’illuitre Ecrivain n’oppofe rien qui la démente.

Je ne vois pas d’ailleurs comment on peut affurer qu'il n’exi- fte abfolument point de voies par lefquelles l’action de ces airs puifle parvenir au coeur.

Ces airs tuent les animaux qu’on force à les refpirer. Il y a dans ces circonftances une communication immédiate entre le poumon et ces airs. Il fe fépare perpétuellement des fubftances fluides du poumon, et ce vifcere peut en recevoir d’autres, s'il s’en trouve qui le touchent . Il peut donc y avoir une commu- nication réelle entre ces airs et le poumon, entre ces airs et les matieres qui fe féparent de ce vifcere. Mais le poumon reçoit, comme on fait, le fang du coeur et le reporte au coeur même. Je ne congois donc pas pourquoi la communication, ou pour mieux dire, l’aftion de ces airs fur le coeur feroit impoffible .

L’autre difficulté que fait M. Tiflot c’eft que l’air fixe qui étant refpiré tue, lorfqu'il eft immediatement appliqué fur les fibres mufculaires des inteftins, ranime leur aétion, et guérit des maladies; d’où il deduit, qu’appliqué aux mufcles mêmes, cet air doit exciter l’irritabilité au lieu de la détruire, et que par confequent il ne peut faire perdre au coeur fon irritabilité.

Mais en premier lieu, rien n’eft plus commun en Médeci- ne, que de trouver des corps, qui étant appliqués à une partie de l’animal, font capables de le guérir, au lieu qu’ils lui occafion- nent des maladies et même la mort, fi on les applique fur d'autres parties. Plufieurs medicamens , furtout dans la claf-

fe des poifons, operent précifément de cette maniere; ct l’on peut

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peut en voir de nouveaux exemples dans la fuite de cet Ouvrage.

L’éle&ricité donne la mort en òtant Pirritabilité au coeur et à la fibre charnue, comme je l’ai prouvé dans ma Phyfique Animale (a). Et néanmoins cette même éleétricité eft un des plus forts ftimulans qu'on connoifle pour la fibre mufculaire. Elle rend la vie en excitant l’irritabilité à ces mêmes animaux dans les quels elle l’avoit détruiteun inftant auparavant. Parmi tous les ftimulus qu’on peut employer pour rappeller à la vie les animaux que la commotion électrique a fait tomber en afphi- xie, les étincelles légeres appliquées à propos m'ont paru le remede le plus ethcace.

En fecond lieu, l'application de l’air fixe lorfqu’il eft in- troduit dans les inteftines, fe fait d’une maniere bien différen- te, que lorfqu'il eft refpiré par l’animal. Dans le premier cas, fon aétion eft immediate, dans le fecond, il paroit avoir be- foin du fans pour porter fon énergie jufqu’au coeur. D’où il fuit, que fes effets peuvent être bien différens dans ces deux circonftances.

D’après tous ces faits, je fus amené naturellement à pen- fer que c’eft de même en décruifant lirritabilité, que le venin de la Vipere tue les animaux. Je me procurai une cinquantai- ne de grenouilles des plus fortes et des plus grofles. Je préfé- rai ces animaux parce qu'ils font plus vivaces , qu’ils meurent plus dithcilement que les autres, qu'ils font plus irritables, et qu’enfin leurs chairs fe contraétent même des journées entieres après la mort.

Je fis mordre chacune d’elles par une Vipere, les unes à

la

(a) Tom. E. cet Ouvrage que nous avons eu occafion deja de citer plufieurs fois fut imprimé a Florence 1775. et a pour titre Ricerche filofofiche fopra la fifice

animale è

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dla cuiffe, les autres aux jambes, au dos, à la tête &c, quel ques unes moururent en moins d'une demi heure, d’autres dans l’efpace d’une heure, et d’autres enfin dans deux, trois heures, ou un peu plus. Il y en eut qui n’en furent pas affectées , tan- dis que d’autres qui n’en moururent pas devinrent cependant enflées. Jen eus auffi à qui il ne refta depuis qu’une vie lan- guiflante, et leurs jambes de derriere qui avoient été mordues demeurerent très-foibles, et même paralytiques. Je me con. tentai dans quelques-unes d'introduire avec précaution une gout- te de venin de Vipere dans une bleflure faite dans le moment mème avec une lancette. Celles-ci vécurent plus longtems que celles que j'avois fait mordre; il n’en réchappa cependant aucu- ne. Javois toujours foin d'empêcher que le venin que Jj'introdui- fois dans la bleffure ne fût rejetté par le fang qui en fortoit. Quelques unes de ces grenouilles enflerent beaucoup, d’autres un peu moins, les autres point de tout. Les plaies furent, dans prefque toutes plus moins enflammées. Il y en eut pourtant qui en moururent tres-promptement fans avoir le plus leger veftige d’inflammation. Peu de tems après que ces ani- maux avoient été mordus, ou bleflés et vezimés (a) on recon- noifloit évidemment qu’ils perdoient la force de leurs mufcles et le mouvement de leurs extrémités. Lorfqu'on les mettoit à terre en liberté, elles ne fautoient plus, elles trainoient leurs jambes et même leur corps avec beaucoup de difhculté, et lorfqu’on leur picquoit les cuifles avec une aiguille, à peine pouvoient elles les retirer; elles ni donnoient prefque aucun fi-

{a) On a cru pouvoir fe fervir de ce terme pour exprimer, en un fegl mot, qu'an animal , qu'une partie a reçu le venin, que du moins il y a été ap- pliqué. Envenimé feroit le terme propre ; mais l'ufage lui a donné une fignificarion figurée et morale qui fait craindre de l’employer au propre. It doit être permis dans un Ouvrage de fciences de fe fervir d'un mor

nouveau pour éviter les longueurs l’ambiguité.

80 gne qu’elles fuffent fenfibles à l’aiguillon; peu à peu elles de- venoient immobiles et paralytiques de tout le corps, et paf foient de cet état tres-promptement à la mort.

Jouvris l’abdomen, J'irritai les nerfs qui y paffent et vont des vertebres aux cuifles; j'employai les plus forts corrofifs : point de mouvement, ni de tremblement dans l’extrémité in- féricure. En vain je picquai les mufcles , ils ne fe mürent point; je pouffai une longue epingle le long de la moëlle épiniere; mais cela ne produifit aucun mouvement, ni même de tremblement dans les mufcles ni dans les membres. La mort avoit frappé en même tems fur toutes les parties; ec nulle part il ne reftoit plus aucun veftige de vie. Les nerfs n’étoient plus les inftru- ment du mouvement. Les mufcles ne fe contraétoient plus et n’étoient plus fenfibles à l’aiguillon . Seulement le coeur conti- nuoit encore de fe mouvoir avec langueur dans quelques unes, et fes oreillettes étoient gonflées et obfcurcies par le fang qui les furchargeoit. Cependant cet organe ne paroïfloit pas avoir beau- coup fouffert de l'aétivité du venin. Il continuoit fon mouve- ment, malgré la mort entiere des autres parties; et il recom- mengoit fes vibrations lorfqu’on venoit à l’irriter fortement avec des aiguilles. Il eft cependant de fait que fon mouvement et fes ofcillations étoient de courte durée après la mort de l’animal.

On a vu quelquefois des gens, qui ayant été mordus par une Vipere, étoient reftés pendant toute leur vie paralytiques de quelque partie de leur corps. Et depuis peu une femme de ‘Fofcane qu’une Vipere avoit mordue au petit doist de la main, après bien des accidens eft devenue paralytique de toute la moitié de fon corps du coté droit, fans avoir jamais en gué- sir. En un mot, il eft certain que tous ceux qui ont eu ce malheur fe plaignent bientôt après d’une foiblefle univerfelle . Les mufcles fe refufent à leur volonté. Ils font comme afloupis

ci

8 1

et engourdis ils n'ont plus le libre exercice ni du corps ni de l’efprir, et tombent, fans s’en appercevoir, comme en léthargie: tant il eft vrai que ce venin porte la paralyfie dans les mufcles, et les dépouille de cette proprieté active, que les modernes ont appellée irritabilité animale: on verra dans la fuite de cet ouvrage ce qu'on doit penfer de ce fyflême et des changemens que J'y ai faits.

Ainfi donc les animaux ne periffent de la morfure de la Vipere, que parceque leurs fibres perdent lirritabilité, ce grand principe des mouvemens tant volontaires qu'involontaires dans Péconomie animale. (4)

Il paroit d’après ces expériences fur les grenouilles que le venin du polype eft fort analogue à celui de la Vipere, à pei- ne le polype a-t-il faifi un ver de terre que ce ver périt fur le champ, et n’a plus de mouvements; on fait pourtant que ces fortes de vers ont la vie très-dure, et qu’ils fe mouvent encore longtems après avoir été coupés par morceaux. Difons donc, que Je venin du polype ( car c'en eft un, puifqu’il tue prom- ptement et en très-petite dofe ) attaque l’irritabilité animale, ct Ôte la vie précifément comme celui de la Vipere.

Mais après avoir trouvé que c’eft en détruifant l’irritabili- de la fibre, que la Vipere donne la mort, il faut rechércher quels font les changemens qui arrivent aux mufcles, lorfqu’ils font dépouillés de cette propriété. C'elt une vérité conftam- ment obfervée que les chairs des animaux perdent de leur mou- vement, et de leur irritabilité à proportion qu’elles font péné- trées d’un principe de putréfation. Nous avons beaucoup d’exem- ples qui prouvent que la perte de l’une accompagne toujours les premiers progrès de l’autre. Les moffettes qui Ôtent l'irrita-

È bi-

, > a x . È * (a) Ce n'elt qu'une propofition très generale que j'avance ici: On verra dans la fuite les differentes modifications aux quelles on peut l’aTujettir,

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bilité accélerent auf la putréfaétion, et les. animaux qui en meurent ont leurs chairs flafques et livides . L’on voit auffi tomber en pourriture dans vingt quatre heures celles des ani- maux qui font mordus par la Vipere. Dans les deux cas la fibre élémentaire eft attaquée jufques dans fes principes, qui en fe défunifflant entrainent la perte de fes propriétés naturelles les plus intimes; et cette défunion de parties, qu'opere toujours. la putréfaîtion dans les chairs; doit néceflairement enlever aux mufcles leur irritabilité et leur aptitude au mouvement.

Je fuis porté à penfer que le venin de la Vipere produit un effet à peu près femblable; et je me fonde principalement fur l’analogie des autres poifons. On trouve en effet que les chairs des animaux , qui ont été frappés d’un couteaw trempé dans le fuc du Napel, deviennent fur le champ plus tendres; et d’un meilleur ufage pour la cuiline. Les voyageurs nous ap- prenent que dans les deux Indes, ainfi que dans l’Afrique , les habitans de ces regions ne chaflent ordinairement qu'avec des flèches empoilonnés, et que dans l’efpace de fix minutes, plus ou moins fuivant le degré d’aftiviré du poilon, ils tuent les plus grands animaux, les lions,les tigres,et même les éléphans; ils obfervent auffi que les chairs de ces animaux s'amolliffent et s'attendriflent fur le champ: preuve non équivoque que tous ces poifons difpofent également les chairs à une prompte corru- puon. Jai moi mème obfervé la même chofe dans les grenouil- les, et autres animaux frappés du venin de la Vipere. Leurs chairs s'amolliffent bien plutôt qu’à l'ordinaire aw point de fe rompre pour peu qu’on les touche, et de fe détacher d’elles mé- mes des os; elles fe corrompent, et puent très-promptement.

S'il eft donc prefqu'impoffible, d’après ces obfervations , de nier que le venin de la Vipere éteint lirritabilité en portant dans les chairs et dans les fluides des animaux qui ont été mor-

dus,

83

dus, un principe de putréfation, il faut convenir qu'il eft inu- tile d’avoir recours à l'exemple des mechaniciens, à tous ces {els cauftiques, picquans et invifibles, pour expliquer l’aétion de ce venin; bien loin de favorifer ce mouvement, on fait en gé- néral que les fels font bien plus propres à le fufpendre ct à l'arrêter; et je ne congois pas comment des phyficien, d’ail- leurs très-éclairés, ont imaginer, et croire que les poifons ti- rés des animaux,et même des végétaux, ne devoient leur aétivi- qu'à de prétendus fels de cette efpece, d’ailleurs, à peine trouve-t-on quelque léger veftige de fels dans les fucs de quel- ques unes de ces plantes, même des plus venimenfes. J'en ai examiné plufieurs au microfcope, et je n’ai l’idée d’en avoir trouvé que dans le roxicodendron; encore ne découvre-t-on dans cet arbre, comme dans les autres plantes, que quelques globu- les brillans, plus petits que les globules du fang, et qui nagent dans un fluide plus ou moins tranfparent. Mais ce que j'ofe bien affurer, c’eft qu'il n’exifte pas dans le venin de la Vipere la moindre trace de ces fels redoutables, qu’on avoit imaginé de- voir tuer fur le champ les animaux en s’introduifant dans leur fans .

C’eft donc la facilité qu’on a trouvée, au moyen de ces prétendus feis, à expliquer l’aétion des poifons, qui a féduit les médecins méchaniciens. Ils ont cru voir partout des pointes pro- pres à défunir la fibre animale, et à décompofer les humeurs. Mais que répondre à l'exemple de l’opium? Il tue enafloiblif. fant, en détruifant même l’irritabilité de la fibre; et fi la vi- rulence de ce fuc végétal réfide eflentiellement dans fa partie sommeufe et réfineufe, voudra-t-on pareillement y fuppofer des fels? C'eft dans un laboratoire de chymie qu'ont été enfantées ces hypothefes, et non d’après une obfervation conftante des phéiomenes de la nature. Il faut en convenir , on n'a que

L 3 trop

84 trop abulé de tous ces fels imaginaires; lon n’a pas craint de les placer partout; on a été juiqu’à croire qu’il n’y avoit que de fels qui puffent reveiller les fens du goùt et de lodorat ; il n°y a pourtant rien de moins démontré que la prefence de ces feis dans les corps fapides et odorans. D'ailleurs, om ne sit pas attention que les fels peuvent changer de figure fans perdre leur faveur naturelle, comme auffi changer de faveuren ‘gardant la même figure. Ce n’eft donc pas d’une certaine f- gure déterminée qu'il faut faire dépendre leur aétion.; à l’exem- pie de certains phyficiens qui ne voyoient partout que des coins et des pointes lorfqu'il s’agifloit d'expliquer les fenfations: ce qui dans une infinité de cas eft non feulement fuppofé, mais encore démenti par lPexpérience. Et s’il ne faut que de reveil- ler ces fenfations dans quelques uns de nos organes, qu'eft il donc tant befoin de ces fels? Cela ne pourrat-il pas s’opérer fans leur fecours? Les autres molécules des corps n’ont elles pas aufli la propriété du conta& et du choc? Eft ce un fel que la lumiere? L'air en eft il un auffi, parce qu’ils viennent frap- per l'oeil, et l'oreille? Un corps quelconque qui vient frapper un nerf peut tirailler, et relâcher la fubitance médullaire, il peut la comprimer ou Pirriter, indépendamment de la caufe qui porte enfuite l’impreffion à lame ou au cerveau. Et fi c’eft à un changement dans l'organe que fe réduifent toutes les fenfations externes, les autres corps pourront donc l’opérer aufli bien que les fels. Un fluide peut aufli relâcher les parties ten- dres d'un nerf découvert; il pourra également les rider et les déflecher. H y a des efprits et des huiles qui déflechent etrac- corniffent les chairs des animaux, qui irritant le fyfleme ner- veux et mufculaire, fans qu'il y ait des fels dans tout cela. Et l’on peut également mourir de poifon fans fuppofer des fels partout dans les trois regnes. Ne peut-il pas exifter un a@ion d'un

8; d’un corps fur un autre, fans le fecours des coins et des poit- tes? Dira-t-on qu'il fe trouve des fels partout, lon trouve ces figures? Ou qu’ils préexiftoient dans tous les corps d’où la chymie vient à bout d’en tirer? Il n’y a point de néceffité à tout ce la; non plus qu’à fuppofer des fels et des pointes dans les fievres des armées et des prifons, dans le fcorbut, en un mot, dans toutes les maladies putrides, la corruption des folides et des fluides eft également univerfelle. Ii faut avoir recours à toute autre chofe qu’à des fels pour expliquer la for- ce deftruétive de ces dangereufes maladies, qui bouleverfent et détruifent en fi peu de tems toute l’economie animale. Leurs effets et ceux de bien d’autres maladies qui leur font analo- gues , ainfi que les accidens qui les accompagnent , font très-propres à faire croire qu'elles portent dans la machine un virus caché , le quel femblable au venin de la Vipere, fomen- te la deftruction, et la décompofition univerfelle des folides et des fluides. En effet, on obferve toujours dans ces maladies les convulfions, le grand abattement, la proftration des forces, Pañoupiflement , la puanteur exceflive qui s’exhâle du corps en- core vivant, et enfin la putréfaétion prompte qui fuccede pref que immediatement après la mort. La force vitale qui vient à manquer ainfi tout à coup dans tout le fyfteme mufculaire eft une marque certaine que le mal attaque l’irritabilité ani- male, et le principe du mouvement dans la fibre. Ce n'e qu'ainfi qu'on peut comprendre et expliquer fans avoir recours à des fyflêmes, et à des hypothefes arbitraires et gratuites, comment le germe de la mort peut s'étendre en un iftant dans toate l’économie animale.

Je ne préfume pas qu’il foit poflible d’avoir quelque dou- te à l'avenir fur la véritable caufe prochaine de la mort qu’oc- cafionnent fi promiptement les venins de la Vipere et de l’afpic:

de

86

de celui principalement d’entre les trois efpeces, qu'on appelle Nintipolenga Zeilanica. Cet afpic tue par l’affoupiflement fubit et la foiblefle univerfelle fuivie de la mort, qu'il occafionne dans l'animal qui en a été frappé. En un mot, il paroit que tous les poifons que fournit le regne animal donnent la mort en détruifant lirritabilité de la fibre mufculaire, et en difpo- fant les folides ainfi que les fluides à une corruption fubite. On peut en dire autant de ces poifons végéraux qui ne font pas plutôt introduits dans le fang, qu’ils font fuivis de la mort la plus prompte. |

Mais de tous les animaux venimeux connus jufqu'à pré- fent, il femble qu’il n’y en a aucun dont la venin foit auffi puif- fant, aufli actif que celui du polype. Dans un inftant il vient à bout d’éteindre le principe du mouvement et de la vie dans les vers d’eau, quelque irritables et durs à mourir qu'ils foient d’ailleurs. Et ce qu’il y a de plus admirable encore, c’eft qu’à peine fa bouche, ou fes levres touchent elles ce ver, qu’il eft mort: tant eft grande la force et l’energie de ce poifon, qui s'introduit par les pores du ver, et va fur le champ éteindre en lui le principe de la vie et du mouvement. On ne trouve ce- pendant aucune bleffure dans l’animal mort. Le polype n’a ni dents ni autre inftrument propre à percer la peau, comme je m'en fuis bien afluré moi même, en l’obfervant avec d’excel- lens microfcopes,

Gardons nous bien aulfi de croire, à l’exemple de beau- coup de phyficiens, que la vie confifte en-général dans la circu- lation du fang et dans le mouvement du coeur; et qu'elle celle abfolument dès-que cette circulation cit interrompue. D'ailleurs la circulation ne fe fait pas dans tous les animaux, furtout dans les polypes, qui n'ont pas même de coeur, ni d'autre vi-

fcere analogue pour l’opérer. Il eft prouvé auffi que plufieurs ani

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animaux è fang froid vivent encore loñgtems fans coeur et fans vifceres, comme on le voit dans les grenouilles, les tortues, et beaucoup d’autres poiflons et vers, chez qui pour lors la circu- lation elt à coup für arrèttée, et cependant ils continuent de vivre et de fe mouvoir, ils font agités de leurs paffions ordi- maires, et paroillent encore fujets et fenfibles aux befoins dela vie.

J'ai trouvé beaucoup d'animaux, d’infeAes , de vers dans les quels il ne fe fait certainement aucune efpece de circula- tion dans des vaifleaux; il y en a chez qui elle ne fe fait qu’imparfaitement, dans quelques parties du corps feulement; et point du toutaux extrémités. Je me propofe de mettre ces vérités au grand jour dans un Ouvrage, que je prépare depuis plufieurs années fur les animaux microftopiques .

Cette erreur ne s’eft répandue parmi les philofophes qu’à la faveur d’une faufle analogie; qu’on avoit fuppofée entre les animaux à fang chaud et les animaux à fang froid: maniere de raifonner très dangereufe en phyfique, et démentie à chaque pas par l’obfervation et les expériences. On a vu une fonétion s’executer d’une certaine maniere dans les animaux à fang chaud, et l’on a conclu d’abord qu’il en étoit de même dans tous les autres. On ne fait ainfi des loix générales, et l’on n’avance des propofitions auffi étendues que parce qu'on n’a pas aflez confulté la nature. Il nous a fallu un Tremblei et un Bonnet pour nous défabufer de ces axiomes généraux, et de l’idée d’une loi néceflaire et commune à la génération de tous les ani- maux.

Je ne faurois m’empêcher de parler ici de Ja fingularité du mouvement du coeur d’un petit animal microfcopique , que Lcewenhoeck a nommé Rotifer ( polipe à roues ). Tous les ob- fervateurs, même les plus modernes, qui font venus après lui

ont

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ont cru que ce petit animal portoit de véritables roues; (4) mais pour s’aflurer du contraire, on n’a qu'à le placer entre deux James de verre, et l’obferver alors avec un excellent microfco- pe. Cel un petit ver gélatineux qu’on trouve communement dans la terre ou le fable que les pluies raflemblent dans les gouttieres des toits. Je l’ai trouvé auffi dans d’autres terres, ainfi que dans les eaux qui ont croupi quelque tems, et plus fré- quemment encore dans celles qui ont peu de courant, qui font remplies de conferva, et d’autres plantes aquatiques. Ce ver fe divife vers la tête en deux troncs aflez gros qui ont la forme d’une étoile , par la quantité de petits bras très-aigus et fort courts qui les environnent, et leur donnent la figure de deux roues. Il parut en effet à Leewenhoek que cétoient deux roues d’un ra- re artifice , et on le jugera toujours de même, en voyant ce petit ver lorfqu'il les met en mouvement. Mais enfin une cbfervation plus exate m'a fait voir que ce ne font point des roues , mais quantité de petits bras mobiles , faits en forme de cônes pointus implantés tour au tour de ces deux troncs. Il abaifle fucceffivement ces bras ou ces rayons mo- biles, et il les éleve enfuite avec tant de célérité l’un après l'autre, que l'oeil croit qu’ils tournent en rond, comme une roue fous le caroffe, ou mieux encore , comme fait une girandole d'artifice. Au refle, il ne remuc gueres ces deux roues que quand il nage, ou quand il veut manger, et ces deux états la font

(«) Il faur bien prendre garde de ne pas confondre ce que l'on imagine, avec ce que l’obfervation nous montre. Il y aeu à la verité des auteurs qui, ou guidés par l’analogie, ou embaraflés par l'explication d'un mouvement fi fingulier, ha- zarderent d’affurer que ces roues n’etoient pas réelles; par bonheur ils ont dit la verité. Ondoit convenir cependant qu'il faut obferver , et non. pas deviner les phénomènes de la natare. Quiconque fe livre à ce genre de recherche fans ie guide fidele de l'obfervation, court le plus grand rifque de tomber dans l'erreur.

89 font toujours les plus courts de fa vie. Pour nager, il frappe de fes bras l’eau avec beaucoup de célérité, il prend diflérens points d'appui, et fe tranfporte ainfi d’un lieu à un autre. Pour man- ger au contraire, il implante fa queue à quelque corps, il fait enfuite tourner fes deux roues et imprime un tel mouvement à l'eau, qu’il en dirige le cours vers fa tête; enforte qu'elle pre- fente è fa bouche tous les petits corps dont elle et remplie. J'avoue que je n’ai jamais vu de fpeétacle plus furprenant ct plus agréable. La vélocité du mouvement de fes bras ,ou de fes roues eft incroyable; mais ce qu’il y a de plus étonnant enco- re, c'elt le mouvement de fon coeur. Ce vifcere eft très-vifibie au microfcope, et ne peut jamais être confondu avec quelqu’au- tre partie que ce foit de l’animal. Il eft abfolument immobile lorfque le ver n’agite point fes roues; mais à peine celles-ci font elles en mouvement, que le coeur fe meut auilitôt; et fon aétion eft d'autant plus forte, que l’agitation de ces roues eft plus grande, enforte que leurs mouvemens font toujours dans une exacte proportion. Je ne prétends pas nier qu'il n'arrive quelque fois (quoique très-rarement, et à des intervalles très-longs, ) que le coeur ait un mouvement même pendant que les roues font ea repos; et comme le mouvement des roues eft toujours à la difpofition de l’animal , celui du coeur y eft auf. Le coeur eft donc un mufcle volontaire, dépendant de la volonté de l’animal: ce qui jufqu'à préfent eft unique, et n’a jamais été obfervé nul- le autre part. Ce ver pañle donc la plus grande partie de fa vie fans le mouvement de fon coeur, et par conféquent fans cir- culation du fang, ou d’un fluide qui regoive le mouvement de ce mufcle. Cela ne l’empéche pourtant pas de fe mouvoir pen- dant le refte du tems, en rampant et fe trainant comme font les vers, parmi lescorps qui l’environnent.

On pourroit objeéter ici, que cet organe du polype à roues M n'elt

90 n’eft pas le coeur de l’animal; mais que c’eft plutôt fon efto- mac, puifqu’on le voit en mouvement lorfque l'animal mange ; et qu'il eft tout à fait extraordinaire de fuppofer que le coeur foit ua mufcle foumis à la volonté, tandis qu’il ne left dans aucun autre animal. La chofe n’eft pas impoffible, il faut l'avouer; mais elle n’eft pas pour cela très-probable; et quand mème elle feroit vraie, il feroit vrai encore qu’il exifte un or- sane comme l’eftomac, le quel a un mouvement volontaire ; ce qu'on n’obferve non plus dans aucun autre animal. Ainfi la difficulté que je combats n’eft d’aucun poids, puifqu'il faut tou- jours convenir qu'il y a dans cet animal un organe mufculaire fubordonné è la volonté, au contraire de tous les autres ani- maux: ce qui eft précifément ce que je voulois prouver par mes obfervations, de forte que ma découverte a toujours lieu. Il eft encore à obferver que le rotifer met en mouvement cet organe fin- gulier lors même qu’il ne mange pas; c’eft à dire dans le tems il ne peut en faire aucun ufage; fi c’eit fon eftomac. Cela arrive toutes les fois qu’il nage dans le fluide il fe trouve, et qu'il veut paffer rapidement d’un lieu à un autre. Il a befoin alors de mouvoir fes deux roues, et cet organe fe meut en conféquence. L'on voit par que cer animal ne meut pas cet organe pour manger, mais que Ce mouvement a néceflairement lieu quand il fait jouer fes deux roues, quelque foit le motif qui les lui fait mouvoir.

Mais puifqu’il eit certain que les mouvemens volontaires des mufcles des animaux à fang froid, ne dépendent pas plus de la circulation des humeurs, que n’en dépend Pirritabilité de la fibre, qui paroit être la fource et le principe de la vie et du mouvement dans l’animal; il s'enfuit que la vie dans les animaux confifte dans l’a&ion de leurs mufcles et de leurs parties: car du moment que ce mouvement celle, l’animal cef-

fe

91 fe auffi de vivre; et des lors fon corps, quant à la vie ne differe plus de i’ètar d’un foflile , ou d’une fubflance végé- tale quelconque ; et tout cet appareil de vaifleaux, tant d’orga- nes différens, cette étonnante ftruéture de fes parties, ne font plus d’aucun ufage pour l'animal, et l’on doit regarder tout cela comme fi rien n’exiftoit plus ; le mouvement étant une fois terminé dans la machine, le fentiment et la vie le font auf. L'animal retournera à la vie dès-que fes parties repren- dront leur premier mouvement ; au lieu qu’il meurt pour Ja mais, lorfque, ainfi qu’il arrive à l’homme, fes parties. vien- nent à perdre non feulement le mouvement aQuel, mais enco- re la faculté de le recouvrer dans la fuite. Ainfi les anguilles microfcopiques, qu’on trouve arides et feches dans le bled er- gotté, reprennent le mouvement et la vie, dès-qu'on les hu- mette d’un peu d’eau; elles meurent et fe deffechent de nou- veau, des-que l’eau vient à leur manquer. Je m'en fuis affuré moi même plufeurs fois avec un plailir extrème; elles confer- vent donc le pouvoir de revivre et reflufcitent en effet, par la préfence feule de l’eau qui vient les baigner.

Le célebre M. Bouguer , dans fon Ovrage fur la figure de la terre, nous apprend d’après le témoignage du Pere Gumiilo Jefuite et des Indiens du Pérou, qu'on trouve dans ces contrées un gros Serpent venimeux , le quel étant mort et défleché à l'air libre, ou à la fumée d’une cheminée, a la propriété de redeve- nir vivant, dès-qu’on l’expofe pendant quelques jours au foleil et dans une eau ftagnante et corrompue. Il eùt été à defirer qu’un phyficien et un philofophe comme M. Bouguer eût vé- rifier fous fes yeux un fait auffi important par lui méme,et par la grandeur de l’animal. |

J'ai fait fécher plufieurs fois à Pair libre, mais fans Py laiffer trop longtems, le ver qu’on appelle fera equiza, ou ger-

2 dius

92 dius fuivant Linné. Il avoit perdu prefque tout fon volume er fon poids, et étoit devenu comme ua paille écrafée et aride. Sa peau étoit retirée au point de ne laiffler aucune cavité fenfible, et il n’avoit plus de figne de vie, ni de mouvement. Je le remis dans l’eau, et en moins d’une demi heure, il y reprit fon vo- lumé, fon poids, et donna bientôt après des figues de vie non équivoques et permanens.

Le polype à roues dont nous avons parlé cideffus perd aufli toute efpece de mouvement, et la vie, lorfqu'on le fait defle- cher , et il recouvre l’un et l’autre lorfqu'on le remet dans l'eau. Enfin j'ai effayé de le laifler pendant deux ans ec demi hors de l’eau dans une terre très-aride, et expofé pendant l'Eté à toute l’ardeur du foleil. Je Pai remis enfuite dans l’eau et au bout de deux heures il a recouvré la vie et le mouvement. Jen ai mis un fur une lame de verre que j'ai expolée pendant tout un Eté au grand foleil; il s’y eff tellement defleché qu’il eft devenu femblable à une goutte de colle aride; cependant il n’a fallu que quelques gouttes d’eau pour lui rendre le mouve- ment et la vie. Jai trouvé depuis quantité d’autres petits ani- maux, foit fur les toits, foit dans d’autres terres ,et dans l’eau, qui perdent également, et recouvrent lufage de leurs organes, lorfqu’on les defleche et qu'on les remet enfuite dans l’eau . Mais je me réferve: de parler de ces petits prodiges dans un Ouvra- ge à part, qui aura pour titre: de la vie et de la mort apparente des animaux.

Mais il n’en eft pas de même de lirritabilité que perdent les mafcles des animaux empoifonnés par la Vipere: ils reftent flalques, et leur mouvement eft perdu pour toujours; il paroit prefque certain que fon venin eft peu diflérent de l’opium,; quant à fes effets, et que fa maniere d'agir fur la fibre ferap- proche beaucoup de celle de ce fuc végétal. L’un et Pautre

exci-

53 excitent de violentes convulfions et le vomiflement. Ils portent Jun et l’autre une foibleffle univerfelle dans les organes, ils ren- dent les mufcles paralytiques, ils afloupifient lanimal, et tuenc esfin promptement l’un et l’autre, en détruifant l’irritabilité de la fibre. Il n’y a que le coeur, qui dans lun et lautre cas conferve encore cette propriété quelque tems après la mort des autres parties. Îl ne fert de rien ici aux animaux à fang froid d'avoir la vic dure, et de la conferver long temps avec le mouvement, après avoir été coupés et mis en pieces. Si lun ou l’autre de ces poifons vient à attaquer le principe de leurs mouvemens, et à détruire lirritabilité de leurs mufcles , ils mourront promptement, tout mouvement fera anéanti en eux, ct leurs parties ne donneront plus aucun figne de vie. Leur corps confervera, il eft vrai, fon organifation; mais un corps organi(é qui a perdu le mouvement eft véritablement un corps fans vic.

H eft donc évident qu'aucune des nombreufes hypothefes que les phyficiens ont imaginées, et que nous avons eu foin de rapporter en grande partie; n’explique raifonnablement la mort des animaux empoifonnes par la Vipere; mais que fon venin ne tue, qu'en dépouillant les mufcles de leur irritabili- té, et en détruifant dans ces parties le principe du mouve- ment, unique fource de la vie animale. Je fuis d’autant plus at- taché à l’opinion que le venin de la Vipere n’agit qu’en détruifant l’irritabilité de la fibre mufculaire, que j'ai déja fait voir dans un mémoire imprimé dans les actes de l’Académie de Sienne, que le fluide nerveux n’eft point du tout la vraie caufe ; la caufe efficiente du mouvement mufculaire; mais quand je penferois autrement, et que je resarderois les efprits animaux comme la caufe de l’ir- ritabilité, et le vrai principe de tous les mouvemens de l’éco- nomic animale, ma découverte de la caufe prochaine de la mort

des

94

des animaux qui ont été mordus par la Vipere ,ne perdroitrien de fon importance; car foit qu'elle opere immediatement fur le fluide nerveux, ou fur la fibre mufculaire, il n’eft pas moins vrai que ce venin tue en dépovillant l'animal de tout mou- vement , en Ôtant aux mufcles le pouvoir de fe contraéter.

Je crois, fi je ne me trompe avoir heureufement terminé le diférend qui tient dépuis fi longrems les efprits partagés touchant la maniere d’agir du venin de la Vipere. Je crois avoir developpé comment ii peut, en fi peu de temps, faire périr les animaux même les plus durs à mourir. Ce poifon une fois introduit dans le fans, détruit l’irritabilité de la fibre mufculaire, fource et principe de tous les mouvemens, non feulement pendant la vie de animal, mais encore après fa mort. Jappelle un animal mort, tout animal dans k quel il n’y a plus aucun des fignes extérieurs qui peuvent faî- re dire qu'il eft vivant, et dans le fait, ce n'e que d'après nos fens et leur rapport, que nous pouvons juger de la mort véritable des animaux, c'eft è dire, de l'inflant precis ils ceffent d'être, et ne vivent plus. En effet, comment concevoir un être vivant, fans l’idée d’un mouvement quelconque dans fes organes? Autrement ce feroit introduire dans la phyfique un pyrrhonifme infenfé, et jetter le trouble, er Pincertitude fur les notions et les idées les plus certaines et les plus reques. Un principe de corruption pénetre et fe répand dans les folides er

perdre la force de fe contracter. C’eft donc à cette loi génera- le de putréfaction, c’eft à ce principe univerfel de diffolurion et de mort, que fe réduit dans les corps erganiques toute l'a- Sion du venin de la Vipere. Er il faut nous en tenir puif quen effet ce qu'on appelle la feience de la nature trouve È fes bornes; et qu’il ne nous eft pas permis d'aller plus avant:

Q v'elle

25

Qu'élle que foit certe fcience, s’il eft vrai que la putréfiétion a lieu dans la nature, et qu’elle opere la deftruîtion de tous les corps organifés, il eft aufli certain que nous en ignorons tout le méchanifme. En effet, lorfque ces corps font livrés à fon ation, qui pourra nous dire quelle eft fa maniere d'agir, avec quelles forces il opere, par quels changemens enfin, et par quelles ré- volutions il les fait pafler? Cette prodigieufe quantité de petits mouvemens qui s'exercent fur des parties d’une petitefle inf- nie, font trop obfcurs pour nous, ils échappent à nos fens, Mais c’elt aflez de voir qu’il regne dans la nature un principe général de putréfaGion et de deftruîtion, qui décompofe les corps organiques et les livre è la mort. Chercher, à connoître la nature ce n’eft autre chofe pour l'homme; que raflembler les effets accidens particuliers des corps, et les rapporter è d’au- tres effets plus généraux, qu’on appelle principes ou loix de la nature. C'eit uniquement ce qu'à fait le grand Newton, lorf- qu'il a foumis tous les mouvemens celeftes à la loi générale de la gravitation. Qu'importe d’ailleurs à l'aftronome obfervateur de connoître la caufe de la tendance réciproque des corps qui tournent dans les cieux? Cette connoiffance feroit plutôt un objet de curiofité pour l’homme, qu’un avantage réel pour l’aftro- nome.

C’eft ainfi que je penfois lors que je publiai cette primiere partie en Italien, il y a deja treize ans. Je n’ai pas jugé à pro- pos d’y faire è prefent que peu de changemens, et très-peu d’addi- tions, parce que tout ce qu’on lira dans la fuite n’eft à la rigueur,

"qu'un fupplement, et peut fervir de correétion à ce qui a été avancé précedemment, et parce que j'aurois été forcé par l’ordre de donner des réfultats qu’ n’aurvit pu aifement faifir qu'après s'être formé une idée génerale de ce fujet.

L’irritabilité anneantie dans l’animal vivant etoit le phé-

a n9-

96

nomene le plus conftant, qui me fe prefentoit dans ce tems lì. C'eft pourquoi jai reduit à ce principe géneral l’aftion du venin de la Vipere, et Jen ai exclu tout à fait le fyftème nerveux. Cependant il faut que j'avoue que le nom- bre de mes experiences n’étoit alors que très-borné ; et je ne les avois pas même variées autant que Je l’ai fait après. Jignorois aufli la faculté du Poifon Ticunas, ainfi que les effets furprenants de l’huile de laurier-cerife qui etoient incon- nus pour la plus grande partie à tous les Obfervateurs.

Vai pañlé auffi trop légerement fur plufieurs autres fujets dans cette primiere partie, et même je me fuis livré à quel- que fuppofition , que je difcuterai , dans mes Oférvations Microfcopiques dont les obiets principaux feront la figure, et les proprietés des globules du fang; les animaux qui peu- vent, mourir et retourner en vie, ce qui me donnera occafion de paffer à l'hiftoire complette de ces célebres Anguilles du blé ergoté; et enfin la caufe de Ja mort des animaux dans les airs artificiels et non rénouvellés.

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SECONDE PARTIE

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CHAPITRE PREMIER.

Sur la Source de beaucoup d'erreurs .

’Jgnorance d’une vérité en phyfique peut nous cacher la caufe d’un phénomene naturel; mais lerreur établie au

lieu de la vérité arrêtte les progrès de la fcience , et fubftitue des fonges et des chymeres aux faits et à la nature. C’eft tou- jours un mal d’ignorer une vérité; mais quand on fait qu'on l’ignore, on peut encore efpérer de la favoir. Le livre le plus utile de tous manque encore aux hommes. Ce livre feroit celui qui détermineroit et ce que nous favons en effet, et ce que nous ne favons pas, quoique nous foyons perfuadés que nous le fa- vons. Nos raifonnemens n’auroient plus pour bafe l’hypothefe et l’erreur, et au lieu de fabriquer des fyftèmes, on chercheroit à préparer des matériaux. La nature feroit plus confultée, on raifonneroit moins, et on fauroit davantase .

Il elt des erreurs et des vérités qui touchent les hommes de

plus près quelesautres, et ce font furtout celles qui regardent la confervation de fon individu.

N L’hom-

98

L'homme eft naturellement fujet aux maladies: mais il en eft qui lui font accidentelles. La Medecine s'occupe de l’une er l’autre clafle de maux, et en cherchant à y rémédier, fe rend utile à la fociété.

On ne fauroit louer aflez ceux qui ont fe diftinguer dans cette recherche. La poftérité rendra juftice à leurs tra- vaux, et l’immortalité leur eft aflurée. Mais d’un autre côté, qui ne voit pas le mal que pourroit produire un remede pro- pofé contre les maladies les plus graves, fi au lieu d’être fa- lutaire, il etoit tout à fait inutile, ou même nuifible? Paffer légerement fur une matiere auffi importante, c'e expofer les hommes aux plus grands maux. Car étant plus furs du reme- de, nous méprifons encore plus le danger, et nous ne cher- chons pas autant qu’il le faudroit à nous en garantir. Le mal arrive, nous négligeons les fecours de l’art, et nous dévenons fouvent viétimes de notre crédulité ,et de l’ignorance d’autrui.

La perfuafion nous fommes qu’une découverte eft fai- te, émoulle l'aiguillon qui eût fait poufler plus loin les re- cherches, et nous reftons pendant des fiecles dans une erreur pernicieufe ;, dont lefpoir des récompenfes, ou l’ambition de la gloire nous auroient fait fortir. L'hiftoire des découvertes des hommes eft remplie de pareils exemples. Nous devons tout à ces deux grand moteurs des actions humaines: l’interèt, et l’am- bition. Is ont fait trouver les longitudes fur mer... mais lors qu'on croit favoir, on celle de chercher, er c’eft alors qu'on ne découvre plus rien, et qu’on perd jufqu’à l’efpoir de favoir davantage. Tel étoit le fort de l’Europe quand elle étroit bar- bare, et croupilloit dans l'ignorance ; et telles font encore les idées du fauvage.

ll ya plus de dix ans que je publiai en Italie un Ouvrage Sur le venin de la Vipere. C'eft cet Ouvrage qui forme la pre-

miere

99 miere partie du prefent traité. Je m'engageai dès-lors en quel- que forte avec le public à donner une feconde partie de cet Ouvrage, dans la quelle je me propofois non feulement de par- ler des remedes contre ce même venin; mais encore de trai- ter divers autres points intéreflans et tout à fait neufs, Je n’eus ni le tems ni la commodité de terminer toutes les recherches que j'avois alors en vile, Je voulois des réfultats fürs et évi- dens, et il falloit multiplier à l'infini les expériences, et les varier de mille manieres. Mais ce qui, plus que tout le refte, m'a fait différer fi lonstems de publier la feconde partie, ça été le peu de fuccès que j'ai eu dans la recherche d’un reme- de afluré contre la morfure de la Vipere. Ce melt pas que je n'en aie effayé un très-grand nombre déja connus, et plufieurs autres que mon imagination ou le hazard m'ont fuggérés. Mais ils m’ont tous paru inutiles, plus ou moins, et je n’en ai point trouvé d’afluré. Parmi ces remedes, il eft naturel de penfer que je devois certainement avoir éprouvé le plus fameux de tous, favoir, l’eau de la luce, ( qui, dans le fait ,n’eft autre cho- fe que ’a/kali volatil fluor , uni avec un peu d’huile de fuccin, qui n’en altere aucunement les qualités; ) mais le fuccès n’avoit pullement répondu à mon attente. Ce qui me fit à la fin aban- dooner aufi celui là, comme j'avois abandonné tous les autres.

Un nouvel Ouvrage a dernierement réveillé l’attention du public fur, les avantages de /'a/kali volati! contre le venin de la Vipere (4) on annonce dans cet Ouvrage , avec le ton de laflurance , et de la perfuafion que /’a/kali volati! eff le vrai fpe- cifique de ce dangereux poifon, ainfi que de prefque toutes les

N 2 ma-

ENI

(a) Cet Ouvrage ett intitulé Expériences propes a faire connoitre que l Alkali vo- latil fiuor eff le remede le plus efficace contre les afpbyxies. Paris. M, Sage de l'Academie des Sciences, en eft l’Auteur.

î00

maladies le plus terribles. En lifint cet Cuvrage j'ai cra que je m'étois trompé du tout au tout. Il eft bien vrai que quand je réfléchiffois aux expériences que j’avois faites en Italie, je ne favois plus ce que j'en devois croire ; et fai même été par fois jufqu’à penfer, que les Viperes de France étoient moins veni- meufes, et moins meurtrieres que celles d'Italie, ou qu’elles étoient d’une efpece difiérente : tant il eft vrai que l’amour pro» pre ne nous laille convenir de nos erreurs, qu’à l’extrémité!

Mais ce qui n'a furpris encore davantage, ç’a été de voir reparoître dans des livres modernes les erreurs de Redi fur l’ufage du fac qui couvre les dents canines de la Vipere, qui ont été réfutées depuis plus de 30 ans par Mead; d’y voir aufli les erreurs de Mead fur l’acidité du venin de la Vipere: er- reurs qu'il a lui même abjurées;, et d’y trouver enfin celles du même auteur fur la nature faline de ce venin, qui ont été ré- futées en Italie de puis plus de dix ans. (4)

Si d'un côté je ne pouvois me perfuader, que je m’étois trompé fur tant de points et de queftions, que j’avois cependant examinés fans prévention, ct avec la volonté de bien voir; d’un autre côté il m'étoit impoñlible de me figurer que certains au- teurs pullent avancer avec une fi grande aflurance tant de chofes de fait, fans s’en être auparavant convaincus par des expérien- ces certaines et répétées. Il eft vrai aufli, que je ne compre- nois pas pourquoi les auteurs de ces nouveaux livres avoient

né-

(&) Il n'e cependant rien d'étonnant la methode qui paroît être génera- lement adoptée par nos Ecrivains modernes. On pourroit citer au dela de deux cents auteurs qui fe font copies les uns les autres fur cette matiere en nous donnant des erreurs groflieres pour des verités démontrées . Ce feroit avec rai- fon qu'on pourroit s'écrier » Modernes Perroquets qui copiés des autres Perroquets celléz de nous tromper et confultéz une fois la Nature. Sile tems que vous employez à vous copier vous l’eufliéz employé à faire des expérien-

ant!

ces, que d’erreurs et de tems que vous auriez epargné à la poferité !

toi

nésligé de démontrer clairement la fource des erreurs dans les quelles font tombés les écrivains poftérieurs à Mead, qui s’etoient flattés Jjufqu'ici d’avoir montré avec la derniere évidence, et par des obiervation, et des expériences certaines , comment et Re- di, et Mead avoient été induits en erreur.

Le public étant perfuadé que les matieres de phyfique font foumifes à l'expérience , et non à l’autorité, ces mefficurs auroient oppofer expériences à expériences, et obfervations à obferva- tions, et dévoiler l'origine des erreurs, dans lefquelles nous fom- mes tombés. Mais ils n’ont rien fait de tout cela. Ils ont fub- ftitué leur autorité à l'expérience, et leur nom à l’obfervation. Cette méthode eft tout à fait pernicieufe: elle tend néceflaire- ment à perpétuer les erreurs parmiles hommes, et à rendre les difputes éternelles. Quand nous faurons que deux obfervateurs ne font pas d’accord fur un fait, fur une expérience, à qui des deux croirons nous, fi ce font des obfervateurs d’un mérite égal? Nous refterons dans une incertitude abfolue , et nous n'aurons acquis, en les lifant, rien de plus qu'un pyrrhonifme raifonnable .

Mais n’yatil poiat de pierre de touche pour juger le quel des deux obfervateurs eft dans l'erreur, et pour diftinguer entre deux expériences contradictoires la vraie d’avec la fauffe ?

La difficuité de porter un jugement entre deux auteurs, même dans les matieres de fimple fait, a été caufe que bien des erreurs, et des hypothefes ont duré longtems, même après que leur faufeté a été démontrée, et bien des vérités ont été rejettées par la feule raifon, qu’on n’a pas fu répéter les expé- riences qui les prouvoient, de la même maniere qu’elles avoient d'abord été faites .

Quant à moi, je penfe que c’eft un devoir pour l’obferva- teur qui vient le dernier, non feulement de répéter fidellement

les

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les expériencies antérieures qui lui font contraires; mais encore de préfenter les fiennes de maniere qu’elles ne laiflent pas le moindre foupgon d'incertitude dans l’efprit du leQeur, Sans cet- te condition, il manquera le but, qu'il s’eft propofé en écri- vant, quiet, d’être cru, et ilne méritera point de l'être, quoi- qu'il ait pù, par hazard, dire la vérité.

‘IU y a trois principaux moyens d'éviter cet inconvénient, qui perpétue les erreurs, et nous retient dans un pyrrhonifme très-nuifible.

Le premier eft de multiplier extrêmement les expériences. Il eft prefque impoffible qu’en répétant un fi grand nombre de fois les expériences, on ne rencontre les cas fortuits , qui peuvent les varicr, et que le réfultat final de tant d'expériences ne foit cer- tain et conftant.

Le fecond eft de varier les expériences de mille manieres, en en changeant les circonftances , felon que la nature et le genre de ces mêmes expériences le requierent, et de leur don- ner toute la précifion et toute la fimplicité dont elles font fu- fceptibles. Ce fecond moyen fuppofe beaucoup plus de talens, et de géaie dans l’obfervateur , que le premier; et il eft peu d'obfer- vateurs, mème parmi les plus habiles, qui puiñlent fe glorifier de l'avoir toujours mis eu ufage.

Le troifieme moyen, c’eft non feulement de réuffir à faire des expériences décifives par leur nombre, par leur variété, ct par leur fimplicité, mais encore de parvenir jufqu’à découvrir la fource des erreurs des autres.

C'eit donc une faute dans ceux qui écrivent les derniers, de ne pas donner le moindre détail de leurs expériences, et de ne pas chercher à en démontrer la fupériorité, et l'exactitude, en comparaifon de celles des premiers. C'eft cependant à eux, plus qu’à tout autre, qu'il appartient de remonter à l’origine des

CIi-

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erreurs, et de faire voir comment le premier obfervateur a pu fe tromper. Sans cela tout leur travail eft en pure perte, et ils ne font nullement dignes de foi.

D’après toutes ces confidérations, j'ai jugé qu’il étoit à pro- pos de revenir fur le fujet du préfent Ouvrage, et de le traiter dans un auffi grand détail que les circonftances je me fuis trouvé ont le permettre. L'importance du fujet l'exige, puit- qu’il eft queftion d’une maladie très-grave, et mortelle, qui por- te l’épouvante dans ceux qui ont le malheur d'en être atteints, et la défolation dans les familles.

Perfuadé qu'on ne peut parvenir à bien connoître le ve- nin de la Vipere, que par la recherche de toutes fes propriétés, qui font plus ou moins inconnues; je n’en ai voulu laifler pafier aucune fans la foumettre à un examen rigoureux et en même tems impartial. Et pour ne laïifler rien en arriere fur ce fujet, Jai voulu examiner de nouveau la prétendue acidité de ce ve- nin; et les fels dont on veut qu’il foit compof£.

Une erreur quelconque relative à ce venin peut avec le tems devenir funeite. Les auteurs perfuadés par une erreur de Mead, qu’ils connoifloient la vraie nature de ce venin, ont été prompts à fabriquer des fyftèmes pour expliquer, comment il agit , pourquoi , et par quel méchanifme l’animal en meurt fitôt. On a enfuite inventé des remedes relatifs à la nature fup- pofée du venin, et ce qu'il y a de plus étrange, on les a trouvés eflicaces; on a chanté victoire pour la théorie et pour le remede, et l’on a fait voir comment l’une a fervi de guide pour parvenir à l’autre. En un mot, on prétend que tout eft fait, et qu'il ne refte plus rien à favoir fur le venin de la Vi pere. On veut que la nature de ce venin, fa maniere d’agir fur le corps animal; et enfin les remedes capables de le dompter foient connus. Mais laiflons ces auteurs s’applaudir avec Icurs

fe-

104 feétateurs, de favoir tant de chofes, et d’avoir deviné la nature. Quant è moi, je crois que nous ne favons encore rien deflus , et que cette matiere eft encore toutà fait neuve. Mes expérien- ces le feront voir dans le cours de cet Ouvrage.

Une grande partie de mes expériences exigeoient que je fuffe aidé de plufieurs perfonnes, et j'ai lieu de m’en feliciter ; car j'ai l'avantage d’avoir eu prefent entre autres deux hommes d’un rare mérite : l’un eft M. le Dr. Troja Membre de l’Academie Roya- le de Naples, Auteur de plufieurs excellens Ouvrages fur la Phylique Animale, le quel fe trouvoit a Paris dans le temps je faifois mes experiences fur le venin de la Vipere . (4) L’au- tre eft M. Jean Fabroni de Florence mon Compagnon de vo- vage, attachè au Cabinet d’Hiftoire Naturelle du Gran Duc de Tofcane, jeune homme très-inftruit, ct de grand efpéran- ce. (6) Je nomme ici ce Mefficurs avec d’autant plus de plaifir, qu’en leur témoignant publiquement ma reconnoiflance, et mon eftime.je donne à mes propes expériences un nouyeau dégrè d’autenticité .

La premiere queftion que j'entreprens maintenant d’exami- ner, ct quia principalement été caufe que j'ai fait mes expérien- ces, c'elt de favoir, fi /’akali volati! fluor eft un remede afluré contre la morfure de la Vipere, c’eft à dire, fi /’a/kali volati! délivre de la mort un animal qui aurcit péri fans ce remede. Cette premiere recherche eft, comme on voit, très-intéréflante , ct mérite d'être examinée avec toute l’attention poffible. Jai tellement multiplié mes expériences fur ce premier point, que

cela (a) M. Troja vonoit prefque touts les jours chez moi pour voir ma maniere de faire les expériences fur differents fujets de phyfique. (b) M. Fabroni a été de même prefant aux expériences que j'ai fait a Londres

et à mou retour en Tofcane, et a bien voulu fe charger de défleins des planches de cer Ouvrage.

105 cela paroîtra inutile à plus d’un de mes lefteurs. Mais je fais ce que peuvent la prévention pour une hypothefe favorite, et Fau- torité d’un nom fameux. Il femble que l’erreur et la vérité éprouvent de la part des hommes la même difficulté , et la même réfiftance, lune pour fe déraciner, l’autre pour s'établir. On a combattu pendant un fiecle avant de recevoir le fyfteme de Newton, et on a été un fiecle pour abandonner celui de Defcar- tes. Ce qu’il y a de certain, c’eft qu’on n’a débité tant d'erreurs fur la nature et fur les remedes du venin de la Vipere, que parce- qu’on a trop peu obfervé, et trop peu diverfifié les expériences. Mead lui même n’a pas été exempt de ce défaut, comme nous le ferons voir en examinant les remedes qu’il a propofés contre la morfure de la Vipere. L’ufage de l’a/kali volati! même ne s’eft introduit qu’à la faveur d’une théorie fauffe fur la na- ture de ce venin; et on ne la foutient avec tant de réfolution et de prévention, que faute d'avoir fait un nombre fufifant d’expériences. Par la même raifon durent encore tant de di- fputes fur la phyfique animale , qui auroient été terminées dès leur naiffance, fi l’on eùt beaucoup plus multiplié les expérien- ces. Mais l’art d’expérimenter eft lent et pénible, au lieu qu’il en coûte peu de fuivre l’autorité d'autrui. Il eft plus facile de raifonner, que de faire des expériences; et cet art toujours long et difficile n’eft pas à la portée de tout le monde. D’autres leéteurs trouveront que le nombre de mes expé- riences, quelque grand qu’il puifle être en foi, n’eft cependant pas tel, qu’il fuffife pour décider toutes les queftions que j'éxa- mine dans cet Ouvrage, et terminer toutes les recherches que je fais fur le venin de la Vipere. Je n'ai rien à oppofer à ces derniers; et Je ne prétends point aufli que tous les réfultats que Jai déduits de mes expériences foient certains. Peut-être un nombre d'expériences deux fois aufli grand, n’y pourroit fuflire O qu'a

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qu'à peine. Ceux qui connoiffent les difficultés qui fe rencon- trent lorfqu’on expérimente fur les animaux vivans, et qui fa- vent combien varient d’un animal à un autre les circonftances, qui rigoureufement parlant, ne font jamais les mêmes, feront d'accord avec moi fur ce point.

Qu'on examine tout ce qui eft écrit fur l'irritabilité et Ja fenfibilité de la fibre animale, on y découvrira les mêmes in- convéniens, et les mêmes difficultés. On a fait, il eft vrai, en peu d'années un très-grand nombre d’expériences. On a facrifie un nombre infini d’animaux à la philofophie, ou à l'utilité pu- blique. Mais il refte encore beaucoup à favoir, précifément par la raifon que le nombre des expériences n’eft pas encore auffi confidérable qu'il devroit l'être.

Je dois avouer aufli que j'ai manqué de tems et de pa- tience pour faire davantage. L’idée de l'utilité publique peut fcule faire fupporter l'horreur de voir fouffrir tant d’animaux, fenfibles à la douleur comme nous mêmes, et de les voir ex- pofés à mille genres de tourmens. Je laifle à d’autres plus cou- rageux que moi le foin de pourfuiore cette carriere. Le che- min eft ouvert aux obfervateurs, et je me réjouirai de les voir fe jetter avec ardeur dans la recherche des vérites utiles au gen- re humain.

C “HA PT FO Rue

Si Palkal volati! cf un vemede affuré contre la morfure de la Vipere.

° Ai cru devoir néceflairement examiner cette premiere que-

«3 ftion dans le plus grand détail. Jai extrémement multiplié

les expériences, et Je les ai beaucoup diverfififes. Cette mé- tho-

10-

,

thode feule pouvoit me conduire à l'évidence; ct je nie flatte de ne laitler aucun doute à mes lecteurs.

Les animaux que jai fait mordre par les Viperes font de trois qualités diff&rentes; je me fuis fervi des oifeaux ; et des qua- drupedes à fang chaud, etdes grenouilles, animaux à fang froid .

Parmi les oifeaux, j'ai prefque toujours employé les moï- neaux, les pigeons, et les poules. Parmi les quadrupedes, les lapins, les cochons d'inde , les chats,et les chiens.

Un animal peut être mordu par une feule Vipere, et par plufeurs. Il peut l'être une feule fois, ou d'avantage. Il peut l'être dune feule partie, ou à pluficurs: tous ces cas peuvent fai- re varier extrémemens la maladie et les effets du venin; il a donc fallu les diftinguer entr’eux.

Animaux mordus par une feule Vipere une feule fois, à une feule partie.

La jambe a été conftamment la partie de l'animal que j'ai fait mordre parla Vipere, dans toutes les expériences contenues dans ce Chapitre. Par jambe j'entends cette partie mufculaire de la patte, qui eft entre le femur et le tarfe (4). La facilité de faire mordre les animaux par la Vipere dans cette partie, m’y a fait donner la préférence. Il y a encore l'avantage de la faci- lité d’y appliquer des remedes.

Dans les expériences de ce Chapitre, ainfi que dans celles du fuivant, je ne me fuis fervi d’aucun autre remede contre la morfure de la Vipere que de /a/kali volati! fluor, que j'ai pris chez MM. Rouelle, Baumé, Cadet, &c. et que tout apoticaire fait faire. Je me fuis fervi auffi de celui que j'ai fait moi mé- me. La méthode pour le faire eft connue depuis longtems, et

Oi: tou-

(a) C'eft ce qu'on appelle vulgairement le pilon.

108

toutes les pharmacopées en parlent. Je me fuis fervi de cet a/kali en le faifant avaler et en lappliquant fur la partie. Quand je voulois en médicamenter la partie mordue, je la fomentois long- tems avec un chiffon de linge bien trempé dans /’a/kali volatil > et enfin je la couvrois avec ce même linge, à fin qu’elle fe con- fervât humide encore plus longtems. Je diluois avec une quan- tité d’eau celui que je faifois avaler, comme on le verra plas bas. Dans bien des occafions; je renouvellois - plufieurs fois, et j'appliquois en différens tems /4/k4/4% volati! fur la partie. Il y a des animaux qui vivent fi peu de tems après avoir été mordus, que jai trouvé fuperflu de renouveller plufieurs fois /’a/kali volatil fur la morfure. Quand je dirai fimplement que j'ai médi- camenté la partie mordue, ou l’animal, il faut entendre que Palkali velati! n'a point été donné intérieurement, et qu’il n’a été qu’appliqué à la partie.

Je fis mordre une feule fois à la jambe douze moineaux par autant de Viperes. Je tirois ces animaux de la cage l’un après Pautre fans choix. Le premier qui fut mordu, fut médi- camenté fur le champ, le fecond ne le fut: pas; le troifieme fut médicamenté: Je quatrieme ne le fut pas: et ainfi des autres, chacun portoit à la patte un fil attaché, il y avoit des noeuds pour les diftinguer entreux. La jambe avoit été déja débarrafée des plumes per le moyen des cifeaux . L’animal étoit à peine mordu par la Vipere, qu'il étoit médicamenté. Il ne pouvoit Vetro pañlé plus de cinq ou fix fecondes entre la morfure ,et l’ap- plication de l'alkalt volati! .

Le premier moineau mordu ne pouvoit plus, au bout de deux minutes, fe tenir fur fes pattes, et il mourut au bout de quinze.

Le fecond, non médicamenté, commença de vaciller après

trois minutes, et mourut au bout de trentecinq. Le

109

Le troifiéme tomba fur le ventre après fix minutes, ct mourut après trentchuit.

Le quacriéme tomba après quatre minutes, et mourut après vingt. ;

Le cinquiéme tomba après cinq minutes, et mourut au bout de vingtfept.

Le fixiéme tomba après fept minutes ,et mourut après trente.

Le feptiéme vivoit encore au bout de trois heures, et fans paroître avoir aucunement fouffert.

Le huitiéme tomba après deux minutes, et mourut au bout de fept.

Le neuviéme tomba après trois minutes, et mourut après onze -

Le dixiéme tomba après deux minutes, et mourut au bout de quinze.

L’onziéme tomba après une minute et un tiers, ct mou- rut après deux et demie.

Le douziéme tomba après fix minutes, et mourut après trentedeux.

Le feptiéme moineau mordu par la Vipere vivoit encore même au bout de trois heures, comme je viens de le dire. Vexaminai fa jambe; je la trouvai tout à fait dans fon état naturel: point livide, point gonflée, et fans bleflure fenfible. Les jambes des autres moineaux paroifloient très-altérées, mê- me immédiatement après avoir été mordues, d’où il étoit fa- cile de foupgonner, que ce moineau n’avoit pas été bleflé par la Vipere, ou que la Vipere n’avoit pas de venin.

Pour découvrir la quelle des deux hypothéfes étoit la vraie, je fis mordre par la mème Vipere la même jambe de ce moincau. Il fortit un peu de fans de la bleflure, et je la médi- camentai fur le champ. Il tomba au bout de deux minutes, et après quattre il étoit mort: ce qui démontre que la Vipercavoit du

VC-

LIO”

venin, mais que la jambe n'avoit réellement pas été entamée par les dents, quoique je ne m'en fufle pas douté, et qu’il m’eût paru que la Vipere avoit mordu comme à l'ordinaire.

Je voulus répéter la même expérience fur douze autres moincaux , dans les mêmes circoftances, et avec le même ordre. mais je fis avaler de plus aux fix que je médicamentai , quelques gouttes d’eau dans la quelle il y avoit un peu d'a/kale volatil, qui en faifoit environ la centieme partie, to

Le tems de la mort de ces animaux eft exprimé par les nombres fuivans, qui repréfentent autant de minutes écoulées après la morfure Savoir, To. 7. 8: 9. 6. 7. 3: 7. 15218580 les fix premiers nombres indiquent fes tems qu'ont vecu les moinçeaux traités avec l’alkali volatil, |

On peut maintenant déduire des experiences précédentes les confequences qui fuivent,

I. Que les Viperes dont je m'etoit férvi avoient affez de venin pour tuer les moincaux.

II. Qu’à peine le venin eft introduit dans la jambe de animal, qu’elle enfle fenfiblement, et change de couleur, de- venant un peu livide.

Ul Qu'il ne fuffit pas, pour que le venin s'infinue, que la Vipere faifille entre fes dents un animal, et qu’elle ferme la gueule et le ferre.

IV. Que l’alkali volatil fluor ne délivre pas de la mort les moineaux mordus par la Vipere.

V. Que l’alkali volatil donné intérieurement aux moineaux pourroit même Ctre nuifible. Du moins leur mort plus prom- pte le feroit foupgonner.

Mais les expériences ne font pas encore en nombre fuffi- fant pour rendre certaines les conféquences que nous venons de déduire; et il n’y a que la feule multiplicité des expériences qui puifle le faire. Je

II

Je fis mordre comme cideflus à la jambe, douze moi. neaux également vivaces, chacun par une feule Vipere et une feule fois. Je n’en médicamentai que fix avec l’alkali volatil. Tous les douze moururent. La jambe mordue devint livide dans tous, et enfla plus ou moins, en moins de deux minutes.

Les fix medicamentés moururent en 3. 4. 6. 11. 30. 33. minutes. Les fix qui ne le furent pas moururent en 4. 4. 7. FF 18. 35:

Pour avoir des réfultats encore plus certains, j'en fis mor- dre 24 autres. Jen médicamentai douze et je leur fis avaler de l’alkali volatil. Tous les 24 moururent. Les nombres fui- vans indiquent les minutes de tems que vécurent les douze medicamentés : favoir, 2. 3. 3. 5. 5. $. 7. 7. 10. 15. 15.22: les autres nombres qui fuivent indiquent les minutes de la vie de ceux à quije ne fis point de remedes. 4. 6. 6. 6. 7. 7. 9. 9. JO Es: 20,

C’eft donc une vérité d’expérience, que l’alkali volatil fluor eft entierement inutile, foit qu'on lapplique fimplement fur la partie mordue par la Vipere, foit qu'on en fafle avaler en même tems à l’animal. Et l’on pourroit même foupçonner qu'il fût nuifible, du moins pour les moineaux.

Quelque évident qu’il puiffe paroître que l’alkali volatil n’eft pas un remede cflicace pour un petit animal comme le moincau; il n’eft pas démontré pour cela, qu’il ne puiffe l'être pour un animal beaucoup plus gros et d’un genre différent.

Le venin infinué dans le corps d’un plus gros animal, doit être confidéré comme diminué de quantité. Ses eflets doi- vent certainement être moindres; il en eft de même en effet de tous les poifons que nous connoiffons. Ce qui eft un mé- dicament pour un gros animal, ou pour un animal formé, peut être un poifon pour un animal plus petis; ou encore jeune.

Il

112

Il faut donc recourir à l’expérience, et voir l'effet que produit fur d’autres animaux la morfure de la Vipere.

Expériences fur les Pigeons.

Je fis mordre par une Vipere un Pigeon à une jambe, et je le médicamentai è l’inftant. Au bout d’une minute, il tomba en avant, fans pouvoir plus fe foutenir. Après 20 fe- condes de plus, il mourut.

Je fis mordre de la même maniere un autre pigeon fem- blable au premier; mais je ne le médicamentai pas. Au bout de deux minutes, il tomba en avant. Deux autres minutes après, il mourut.

Je fis mordre deux autres pigeons à la jambe; l’un fut médicamenté, l’autre ne le fut pas. Le premier tomba au bout de 3 minutes, et mourut au bout de 20. L’autre tomba après une minute, et mourut après 20.

Deux autres pigeons furent mordus à la jambe; l’un fut médicamenté , l’autre ne le fut pas. Le premier mourut au bout de 40 heures, l’autre au bout d’une heure.

Je fis mordre fix autres pigeons de la maniere ufitée . Trois furent médicamentes, trois ne le furent pas. Ceux qui le fu- rent moururent au bout de 6, 22. 40. heures. Les trois autres moururent après 1, 2, 10. heures,

J'en fis mordre deux autresà la jambe comme de coutume, den médicamentai un, et non l’autre. Le médicamenté mourut au bout de 8 minutes, l’autre au bout de 2 heures.

Les intervalles de tems dans lesquels meurent les pigeons mordus par les Viperes font fi différens, qu’à peine peuvent ils donner lieu à quelque conjeéture raifonnable . Il paroît cepenx dant qu'on peuc déja en déduire deux vérités. L'une, que

l'al-

1:19

Palkali volati! ne garantit pas de la mort les pigeons mordus par les Viperes. L’autre, que les oifeaux plus gros qua les moineaux vivent plus longtems dans les mêmes circoftances ; ou biens que les pigeons meurent plus tard que les moincaux.

Mais il faut multiplier les expériences; et en examiner les circonftances avec plus d'attention.

Je ne concevois pas trop comment de deux animaux pa- reils mordus à la même partie une feule fois, l’un mouroit au bout de deux minutes, et l’autre au bout de 40 hueres.

J'avois obfervé auffi quelque chofe de femblable fur les moinceaux; et cela me détermina enfin à faire mordre un très- grand nombre de moineaux et de pigeons. Je n’en voulus mé- dicamenter aucun; mais en revanche, je notai diligemment toutes les circonftances qui accompagnoient ces expériences. Je n’en rapporterai pas ici le détail parce qu'elles ont été en trop grand nombre; il me fuffira d’en tirer les vérités fuivantes.

I. Que dans d’égales circonftances la Vipere plus grofle pro- duit une maladie plus grave ,et donne la mort en moins de tems.

II. Quela maladie augmente auffi en raifon que la Vipere eft plus irritée.

III. Qu’elle augmente auffi en raifon du tems que la Vipe- re tient serré entre fes dents l’animal qu’elle a mordu.

IV. Que la maladie de la partie mordue paroît plus gran- de dans les animaux qui meurent plus tard.

V. Que dans quelques animaux il fort de la bleflure, au- fitôt qu'elle eft faite, un fang noir et livide.

VI. Que dans d’autres au contraire, il fort rouge, ct cor- ferve cette couleur.

VII Que les animaux, des quels fort ce fang rouge, mcu- rent plus tard que ceux qui répandent un fans noir et livide.

VII. Que quelque fois avec le fang, fort aufli le vé-

P nin,

114 nin, qui conferve fa couleur et fes qualités. Dans ce cas, non feulement l’animal ne meurt pas toujours, ou meurt beaucoup plus tard; mais quelque fois il ne paroît pas même foufirir le moindre mal.

Ces réfultats, qui font le fruit d’un nombre infini d’expé- riences, diverfifiées de toutes les manieres, et d’un examen ri- sourcux de toutes les circonftances qui les ont accompagnées ; font autant de principes qui expliquent comment de deux ani- maux mordus à la même partie, l’un meurt fubitement, et l’au- tre ne meurt pas, ou ne meurt que très-tard.

Il y a encore une autre caufe , que j'ai découverte de- puis, et qui peut faire varier beaucoup les effets qu’on obferve dans les animaux mordus. Cette caufe dérive de la Vipere mè- me. Ilm'eft arrivé de trouver, quoique rarement, des Viperes qui n’avoient de vénin dans aucune des deux velicules, et plus fouvent, qui n’en avoient que dans une feule.

Ce qui me donna le premier foupçon qu’il n’y avoit pas toujours du vénin dans les veficules, ce fut de voir que j'eus beau faire mordre à pluficurs reprifes un pigeon par une certai- ne Vipere; et que non feulement il n’en mourut pas; mais qu’il ne donna même aucun figne de maladie; malgré que les dents canines de la Vipere auflent percé en plufieurs endroit la chair de cet animal.

Ayant eu cccafion, dans le cours de ces expériences, de couper la tête à un grand nombre de Viperes, et d’examiner leur vénin; fur peut être deux cent, j’en trouvai deux entierement privées de véuin, et cinq, qui au lieu du vénin avoient dans les véficules une maticre vifqueufe blanche et opaque. Dans deux de ces dernieres, je trouvai que cette matiere blanche étoit tout à fait innocente. Mais dans les trois autres elle confervoit en- core, du moins en partie; la qualité vénéneufe, comme je m'en

al

{15 affurai en l’introduifant en petite quantité dans les jambes de pigeons qui avoient été légerement mordus, les quels moururent au bout de peu de minutes.

C'eft donc une autre vérité de fait, qu'il fe trouve par fois des Viperes fans vénin du tout, et qu'un peu plus fouvent il y a dans leurs véficules une humeur blanchâtre, qui n'eft pas toujours vénéneufe. Mais ces cas font toujours très-rares , ct on ne les rencontre qu’en opérant fur un très-grand nombre de Vi- peres. D’où il fuit qu'il eft encore vrai en général , que toutes les Viperes ont leurs véficules remplies de vénin, et que cette hu- meur occafionne des meladies, et même la mort.

J'ai obtenu des réfultats beaucoup plus uniformes, en in- troduifant le venin dans le corps de l'animal, au lieu de le fai- re mordre par la Vipere. Voici la méthode que j'ai mile en ufagc : je coupe la tête d’une Vipere avec une paire de cifcaux: je la laifle en repos pendant un quart d’heure ou plus. Alors je lui ouvre la gueule, etje fépare avec u ne autre paire de ci- feaux la machoire inférieure. Je partage enfuite en deux avec de forts cifeaux la partie fupériure de la tête. Chacune de ces deux portions eft munie de fes dents canines et de fa véficule de vénin. Avec un peu de dextérité et de courage, qu'on ac- quiret par l'ufage, il eft facile d’infinuer dans la peau d’un ani- mal la dent de la Vipere, fur la quelle on fait une compref- fion avec le doigt index pendant qu’on prefle la véficule avec le pouce. On peut infinuer plus ou moins de véninen preffant plus ou moins la véficule ; on peut faire la bleflure l’on veut, et empêcher enfin que le vénin ne foit rejetté, en te- nant longtemps la dent dans la bleffure. Un grand nombre d’ex- périences faites de cette maniere m'ont fait voir que les moi- neaux meurent entre 5 et 8 minutes, ct les pigeons entre 8 et 12. Il en eft très-peu qui meurent plutôt ou plus tard;

pus d'où

110

d'où il fuit, que par cette méthode les périodes de leur maladie font plus uniformes, et plus courtes.

Je fis mordre à Pordinaire douze pigeons l’un après l’au- tre autant de Viperes, et je les traitai tous avec l’alkali vola- til. Ils moururent tous. Les nombres 4. 10. 16. 52.expriment en minutes les tems de la mort de quatre de ces pigeons, et les nombres 2. 4. 9. 15.19. 22. 25.36.expriment en heures les tems de la mort des autres.

Ces nouvelles expériences ne laiffent point de doute de Pinefficacité de l’alkali volatil fluor contre le venin de la Vi- pere.

Afin de m'en aflurer encore mieux, je fis mordre vingtquattre autres pigeons par une feule Vipere, chacun une feule fois à la jambe. Je les médicamentai tous, mais il n’en mourut que vingtdeux les tems de leur mort font exprimés en minutes par les nom- bres. 47/4. 6 6. 7: 8/8. 10: 122 +42 1420.030156. #56: et en Heures par ceux-ci Tr. Fr. x. 44/9: 100 18.52 go

Deux de ces piscons, mordus comme les autres, paru- rent n’avoiîr rien fouffert, et ils marchoient dans la chambre comme s'ils euflent été tout à fait fains. Au bout de deux heures Je voulus examiner dans quel état fe trouvoient les jam- bes mordues, et je ny vis aucun figne de maladie. Il n’y pa- roifloit ni gonfiement ni lividité. A' une des jambes mordues il y avoit feulement un petit trou; et une petite tache rouge de fang, à l'endroit la dent avoit pénétré. Puilqu'il n’y avoit aucun figne de maladie, il étoit facile de voir que le vénin ne s'étoit pas introduit dans la jambe, ou que s'il s’y étoit introduit, il avoit été reje&té, de forte que l’animal n’en avoit rien fouffert. Après dix autres heures, je les fis mordre une feule fois à la même jambe par deux Viperes qui avoient déja mordu. Au bout de trois minutes il y eut des fignes de

ma-

LE} maladie; et l’un mourut au bout d’une henre, et lautre au bout de deux.

Non content de ces expériences, je voulus faire morde douze autres pigeons à l'ordinaire ; je les médicamentai fur le champ, et je leur fis avaler de lalkali volatil. Il mourerent tous douze, au bout de 4. 4. 7. 10. 10. 10. 15. 18. 20. minutes et de 2. 3.3.heures.

Autant il eft certain d’un côté, que l’alkali volatil ef inu- tile pour guérir les pigeons mordus par la Vipere, autant d’un autre côté refte-t-il indécis, s’il eft en outre nuifible , ou non.

Les tems de la mort de ces animaux font fi divers, qu’il n’eft pas poffible d’en déduire de conféquences certaines.

Expériences, [ur les Poules.

Il ne fuffit pas d’avoir démontré l’inutilité de l’alkali vo- latil fluor adminiftré aux pigeons, pour conclure qu’il foit inu- tile aux autres animaux plus gros et plus difhciles à tuer. L’alkali volatil pourroit avoir le tems d’agir contre la morfu- re de la Vipere, lorfque la maladie eft moins grave, et lani- mal plus lent à mourir.

Il eft tel remede qui, bien qu'efficace, requiert un certain tems pour agir; ct il en eft peu qui ne foient pas dans ce cas-là.

Je fis mordre une poule à la jambe par une Vipere, une feule fois, et je la médicamentai fur le champ; au bout de fix heures, elle mourut. j’en fis enfuite mordre une autre, une feule fois, par une Vipere et Je ne la médicamentai point du tout. Celle-ci mourut au bout de 8 heures.

Je fis mordre deux autres poules, à la jambe, comme à Pordinaire et une feule fois. L’une fut médicamentée, l’autre ne le fut pas. La premiere mourut après 4 heures , l’autres après 10.

16

118

Je fis mordre fix autres poules, comme cideflus chacune à la jambe, une feule fois, par une feule. Vipere. Les trois premieres furent traitées avec lalkali volatil, et moururent, l'une après 6 heures, l’autre après 8, et la troifieme après 9. Les trois autres ne lc furent pas, et moururent au bout de 7. 9. et 20 heures.

Quoique les expériences faites jusqu'ici fur les poules ne foient pas encore en aflez grand nombre pour qu’on puifle en tirer des conféquences certaines, il paroît qu’on peut cependant en déduire déja avec beaucoup de probabilité ce qui fuit.

I. Que les poules morducs par une feule Vipere, une feu- le fois, à la jambe, peuvent très-bien mourir.

IL Qu'en général elles meurent beaucoup plus tard que les pigcons, et les moineaux , lefquels meurent encore plus fa- cilement que les pigeons.

HI. Que les oifeaux réfiftent d'autant plus à la mort qu’ils font plus gros.

IV. Que lalkali volatil non feulement eft inutile pour guérir les poules mordues par la Vipere, mais encore qu’il leur eft, peutètre nuifible.

Mais. il faut multiplier bien davantage les expériences , et voir fi les conféquences que nous venons de déduire font bien ou mal fondées.

Je fis donc mordre fix poules féparément par fix Vipe- res, une feule fois et à la même jambe. Je les médicamentai toutes fix, et Je renouvellai de deux en deux heures laikali volatil fur la partie mordue. Deux moururent dans léfpace de 4 heures, une dans 5, deux dans 6, et une au bout de 10 heures. Un moment après je fis mordre fix autres poules par autant de Viperes une feule fois à la jambe, et je n'en médicamentai aucune . Deux moururent dans 2 heures ;

trois

119 trois moururent au bout, de 10, et deux au bout de 1: heures.

Douze autres poules furent mordues par autant de Vipe- res une feule fois à la jambe. Yen médicamentai fix, et je leur fis avaler de l’alkali volatil. Les autres fix refterent fans remede. Des fix médicamentées cinq moururent, et la fixieme eut à peine quelques fisnes de maladie. Sa jambe ne fe gon- fla , ni ne devint aucunement livide. Il y avoit feulement un trou à la peau, qui étoit rouge et très-enflammée. Les cinq que je viens de dire moururent après 3. 4. 6. 7. 10. heures. Les fix autres moururent au bout de 6. 10. 17. 22. 36. 36. heures.

Si les expériences que j'ai rapportées jufqu’ici étoient en plus grand nombre, non feulement linutilité abfolue de l’alkali volatil fluor contre la morfure de la Vipere feroit démontrée; mais on pourroit même douter de fon innocence, du moins pour cette forte d'animaux.

La poule médicamentée, qui ne mourut pas, ne prouve tien en faveur de l’akali volatil, ainfi qu'on le verra dans la fuite de cet Ouvrage. C’eft un de ces cas obfervés ci deflus fur les pigeons et fur les moineaux, dans lesquels le venin ne fe communique pas à la partie mordue, quoique la dent canine y ait laiflé quelque ouverture: ou la Vipere n’avoit point de ve- nin, ou le venin a été rejetté. Dans l’un et l’autre cas, il ne fe trouve rien à l'avantage de l’alkali volatil fluor.

M'étant afluré de l’inutilité de lalkali volatil fluor pour les trois efpeces d’oifeaux que j'ai foumis à mes expériences, j'ai penfé qu'il étoit tems de faire les mêmes épreuves fur les qua- drupedes.

Expériences fur les Cochons d'Inde.

Je fis mordre un gros cochon d’Inde par une feule Vipe- re, une feule fois, à la jambe, et je le médicamentai fur le champ. La jambe enfla peu dems après, et devint livide. Au bout de 16 heures il fe forma une plaie d’un pouce de largeur, à l’endroit il avoit été mordu et médicamenté. Après 20. heures, la peau paroifloit tout à fait détruite à cet endroit. Cet- te plaie refta ouverte plus de 20 jours, et pendant tout ce tems l'animal ne fe fervoit qu'avec peine de fa jambe; la patte étoit très contractée et les mufcles étoient trés-affectes : finalement l'animal guérit, mais fa jambe refta contratée en partie, et il ne pùt plus la mouvoir auffi bien que l’autre.

Un autre cochon d’Inde prefque auffi gros que le premier fut pareillement mordu par une Vipere, une feule fois, à la jambe. Il ne fut pas médicamenté ; il mourut au bout de deux jours .

J'en fis mordre comme cideflus quatre autres; mais qui avoient à peine le tiers dela grofleur des premiers. Je les médi- camentai tous quatre, et leur fis avaler de l’alkali volatil. Il moururent tous .L’un au bout de 2. heures l’autre au bout de 3; le troifieme au bout de 6, et le quatrieme vécut 20 heures et plus .

Pour avoir une expérience de comparaifon, je fis mordre quatre autres cochons d’Inde entierement femblables aux quatre précedens , et je n’en médicamentai aucun. Ils moururent tous quatre. L’un au bout de 7 heures; un autre au bout de 10; le troifieme au bout de 30; et le dernier au bout de 31.

Il paroît qu'on peut déja tirer de ces expériences quelques induétions , fi non certaines, du moins fort probables.

i. Que

[EMI

L Que la morfure de la Vipere peut être mortelle pour les Cochons d’Inde même les plus gros.

IL Que les animaux plus petits de la même efpece meurent avant ceux qui font plus gros.

IN. Que l’alkali volatil n’eft pas un remede afluré contre le venin de la Vipere.

On m’oppofera que le premier Cochon d'Inde mordu et médicamenté a été enfin guéri, et que tous les autres non médi- camentés font morts. Le fait eft vrai; mais il ne prouve rien, parcequ’il y a plufieurs circonftances qui peuvent rendre la mor- fure de la Vipere innocente, ainfi qu’on l’a vu plus haut. Et d'un autre côté, il eft auf vrai que les cinq autres Cochons d'In- de font tous morts, quoiqu’ils aient médicamentés. Et fi lon veut faire attention que les cinq médicamentés font morts dans un beaucoup moindre efpace de tems, que les fix qui ne l'ont pas été, on pourra foupgonner, que l’alkali volatil a été plus qu'inutile : qu'il a été nuifible .

Pour lever tout doute, je fis mordre douze Cochons d’Inde tous égaux et femblables aux huit précédens. Six furent médica- mentés, fix ne le furent pas.

Le premier que je fix mordre étoit le meme dont j'ai parlé un peu plus haut et qui bien loin d’être mort de la morfure, n'avoit pas même été malade . Celui ci mourut au bout de 30 heures, quoique médicamenté. Les cinq autres qui furent auffi médicamentés , eurent la maladie que caufe le vénin, mais il n'en mourut que trois. Deux moururent en moins de 20 heu- res, l’autre au bout de 27. les deux qui ne moururent, pas eu- rent, è la jambe ils avoient été mordus, une grande plaie, qui refta ouverte pendant plus de dix jours.

Des fix qui ne furent pas médicamentés, deux feuls mou- rurent en moins de 16 heures. Trois autres eurent des plaies

Di pro-

12 2

profondes qui refterent ouvertes pendant fept jours, et puis ils guérirent. Le fixieme n'eut pas le moindre fymptôme de mala- die, et je ne trouvai à fa jambe aucun figne que la dent de la Vipere y eut pénétré.

Tous les cas rapportés jufqu’ici paroiffent ne laiffer aucun doute fur linutilité de l’alkali volatil fluor pour ces animaux aufli, et ne détruifent pas le foupgon qu’il pourroit même leurs être nuilble.

On voit encore que les Cochons d’Inde plus petits et plus jeunes meurent plus facilement que les plus gros.

Jen fis mordre douze extrêmement petits, qui è peine pe- foient chacun cinq onces. Six furent médicamentés, fix ne le furent pas: Tous moururent. Ceux qui furent médicamentés moururent en 30. 40. so. minutes 1. 2., et 3. heures. Ceux qui ne le furent pas moururent en 57. minutes 2. 3. 4. et 4. heures.

Je fis enfuite mordre fix Cochons d’Inde trois des plus gros furent médicamentés, les trois autres ne le furent pas. Un feul de ceux qui furent médicamentés mourut. Et il n’en mourut aucun de ceux qui ne le furent pas. Ils eurent cependant, tant les uns que les autres une grande maladie; mais les médicamen- tés furent les derniers à guérir.

Expériences fur les Lapins.

Il me reftoit à faire les mêmes expériences fur les Lapins, pour fuivre le plan que je nv'étois propolé .

Dans cette vie, je fis mordre par une feule Vipere un eros Lapin, une feule fois, à la jambe, que je panfai fur le champ avec lalkali volatil, je lui en fis avaler aufli , délayé dans l'eau. Au bout d’uns heure, je répétai le panfement, et la

Pos

123

potion. Il mourut au bout de 3 heures, avec des fignes très-Ié- gers de maladie à la jambe.

Jen fis mordre en même tems un autre parfaitement fem- blable au premier, il fut mordu de la même maniere par une feule Vipere une feule fois à la jambe. Il eut une legere maladie; la jambe à peine enfla un peu. Au bout de 30 heures, il y avoit àla peau mordue une plaie, large de deux lignes , et fort profon- de. Cinq autres jours après l'animal étoit tout à fait guéri.

Deux feules expériences ne peuvent fournir aucun réfultat certain. Jeus donc recours à ma méthode ordinaire.

Je fis mordre douze Lapins de groffeur médiocre par autant de Viperes, une feule fois à la jambe. Six furent médicamen- tés, fix ne le furent pas. Il ne mourut que deux des médicamen- tés, et il en mourut trois de ceux qui ne le furent pas. Deux des quatre médicamentés qui ne moururent pas furent à peine malades. Les jambes enflerent peu, et ne parurent pas livides. Les deux autres eurent une grande maladie , et des grandes plaies, qui ne suérirent qu'au bout de quatre jours. Les deux qui mou. rurent ne durerent l’un que 2 heures, l’autre que cinq. Les fix qui ne furent pas médicamentés eurent tous une grande maladie, et de grandes plaies . Leurs jambes enflerent beaucoup, et devin- rent très-livides. Trois moururent au bout de 14, 22, ct 47 heures. Les trois autres ne furent guéris qu’au bout de fept jours.

C’eft une obfervation conftante, que lorfque l’animal mor- du par la Vipere meurt en peu de tems, la partie mordue eft d'autant moins altérée, moins enfiée et moins livide. Cette al- tération qui fe palle à l'endroit le vénin eft entré je l'ap- pelle maladie externe, pour la diftinguer d’une autre, maladie infiniment plus grave ct plus dangereufe, qui eft tout à fait in- terne, ct qui produit plus directement la mort de l’animal. Je parlerai plus au long de cette derniere au IV. Chapitre de cette

fe-

124

feconde partie, je tacherai de rendre raifon de ce phénomene.

Le peu d'expériences faites jufqu’ici fur les Lapins peuvent déja faire foupgonner le peu d’éfficacité de l’alkali volatil, et Pon feroit même tenté de le croire nuifible. En attendant, il eft certain que les Lapins de groffeur médiocre réfiftent fouvent au venin de la Vipere.

Je voulus éprouver les Viperes fur des Lapins beaucoup plus petits. Jen fis mordre àce deflein donze de la maniere ac- coutumte; Jen médicamentai fix, et non pas les fix autres. Tous les douze moururent ; les médicamentés moururent au bout de:2.: 3.-4. 6. 8.:9. heures .' Ceux qui ne le furent pas, au bout derg-nsi bai pitta; 13

Je répétai ces expériences fur douze autres petits Lapins femblables aux précedens. Jen médicamentai fix, et je leur fis avaler de l’alkali volatil d’une heure à l’autre. Je ne médica- mentai pas les autres. Ils moururent tous. Les médicamentés au bout de 1. 1.2.2. 5. 17. heures. Les autres au bout.de 1. 3. 3.210. 16:16. heures.

Ces nouvelles expériences font déja voir clairement le peu d'éfficacité de l’alkali volatil contre la morfure de la Viperc dans les Lapins, ct pourroient même faire croire qu'il eft plutôt nui- fible .

L’on voit encore ici, que les Lapins plus petits meurent de la morfure de la Vipere, qu’on les médicamente , ou non ; mais qu'ils n’en meurent pas toujours, ni tous, lorfqu'ils font plus gros.

Je fis en confequence mordre fix Lapins des plus gros par une feule Vipere, une feule fois à la jambe. Trois furent mé- dicamentés et avalerent Palkali volatil. Deux moururent au bout de 20 heures, et le troifieme eut une grande maladie, et une grande plaie qui refta ouverte 23 jours. De ceux qui ne furent

pas

125

pas médicamentés, l’un mourut au bout de 34 heures, er les autres deux eurent la maladie , mais ils en guérirent en moins de dix Jours.

Je répétai cette même expérience fur fix autres gros La- pins. Des trois qui furent médicamentés, il en mourut un; et il en mourut un auffi des trois qui ne le furent pas. Les deux qui refterent de ces derniers étoient déja guéris dix jours après: Et les médicamentés ne guérirent qu’au bout de 18 jours.

Il paroît qu'on ne peut plus douter de l’inutilité de Pal- kali volatil pour ces animaux; il paroît même qu’il augmente et renforce la maladie, au lieu de la diminuer.

Il nous refte à éprouver les eflèts de la morfure de la Vi- pere fur les Chats et fur les Chiens. Le nombre de mes expé- riences fur ces deux fortes d'animaux eft beaucoup moindre que far les autres. La difficulté de s’en procurer, le danger qu’on court en opérant , et plus que tout cela, l’incommodité de les garder pendant tout le tems de la maladie, et le défagrement qu'on éprouve à les voir fouffrir, ont été caufe que J'ai moins fait à cet égard, que la matiere ne fembleroit peut étre l'exiger . |

Expériences fur les Chats.

Je fis mordre deux très-petits Chats, une feule fois, à la jambe, comme de coutume. L'un fut médicamenté, l’autre ne le fut pas. Ce dernier mourut au bout de 16 heures. Le mé- dicamenté eut une grande maladie et une plaie à la jambe, qui demeura ouverte pendant 5 jours, mais il ne mourut pas.

On m'apporta trois Chats très-jeunes, et encore plus pc- tits que les deux précedens. Je les fis mordre à Pordinaire à la jambe. Je médicamentai lun, et je lui fis avaler Palkali

vo-

126

volatil. Je ne fis rien aux deux autres. Ils moururent tous trois en moins de 6 heures.

Ces expériences ne font ni afféz uniformes ni en nombre fuffifant , pour qu’on puiffe en tirer des réfultats certains. On voit en général que les animaux plus petits, même les Chats, meurent plus facilement que les gros; et qu’il en meurt auffi de ceux qui font médicamentés, et qui ont avalé de lalkali volatil .

Je fis mordre deux autres Chats jeunes, mais plus gros que ceux, que j'avois employés jufqu’ici. Ils furent mordus, comme de coutume par une feule Vipere, une feule fois. L’un fut médicamenté, l’autre ne le fut pas. Aucun ne mourut, et la maladie ne fut pas grande. Ils n’eurent point de plaie, et au bout de 24 heures ils mangeoient très-bien. La jambe n’étoit cependant pas encore bien libre dans fes mouvemens. Je ne fis pas avaler de l’alkali volatil au Chat médicamenté, à caufe de la difficulté qu’il y a d’y parvenir, lorfqu’ils font un peu gros. Cet animal fe met dans une fureur extrême, et il eft très-difficile à manier, du moins fans danger.

Je fis mordre deux autres Chats égaux aux deux précédens , ct je n’en médicamentai aucun. Ils furent mordus par une feu- le Vipere, une feule fois à la jambe. Ils guérirent tous deux et n’curent pas de plaie fenfible. Il eft vrai qu’ils ne commen- cerent à fe fervir un peu de la jambe qu’au bout de 20 heu- res; ct ils parurent entierement guéris au bout de 3 jours.

Deux autres Chats beaucoup plus gros furent également mordus à la jambe. Aucun ne fut médicamenté , aucun ne mou- rut. Au bout de 36 heures, ils mangeoient un peu, et fe fer- voicut déja de leurs jambes, quoique non pas très-bien. Au bout de 30 heures ils paroïfloient entierement guéris.

À peine le Chat eft-il mordu par la Vipere; qu'il ne fe

fert

187

fert plus de la jambe mordue. Il refte couché d’autant plus long- tems que la maladie eft plus grande; il ne mange et ne boit que lorfque la maladie devient moindre , et alors il guérit cer- tainement. ai

Expériences fiu le Chiens.

I ne refte plus qu'à expérimenter fur les Chiens la mor- fure de la Vipere, ct l’alkali volatil fluor, qui ne sell pas trouvé utile aux Chats. Le Chien a beaucoup de rapport avec l’homme même, et c’eft de tous les animaux celui qui paroît le plus fufceptible de paffions. Il left certainement plus que le Chat , et que les autres animaux, que nous avons fait mordre jufqu’ici par les Viperes. Il en cit de toute taille, et l’on peut en avoir de fi gros, qu'il ne difiéreront pas beaucoup à cet égard, de l’homme adulte.

Les effets de la morfure de la Vipere fur les Chiens peu- vent donner de grandes lumieres pour juger de la morfure de la Vipere fur l’homme même.

Je fis mordre deux Chiens de groffeur médiocre une feule fois à la jambe. Jen médicamentai un de deux en deux heures, et Je lui fis évaler autant de fois l’alkali volatil. Ils ne mouru- rent ni l'un ni l'autre, quoique la jambe eût enflé à tous les deux. Celui qui ne fut pas médicamenté n’eut aucune plaie, et guérit au bout de 4 jours; celui qui le fut, eùt une grande plaie, et ne fut guéri qu’au bout de dix jours.

Je fis mordre deux autres Chiens beaucoup plus petits. L’un fut médicamenté, l’autre ne ie fut pas. Ils moururent tous deux en moins de 3 heures. Les Jambes étoient un peu enflées et livides.

On m’apporta deux gros Chiens, et je me figurai, qu’ils ne

| mour-

128

mouriroient pas, quoique non médicamentés , je les fis donc mor- dre à l'ordinaire à la jambe, une feule fois. L'un eût è peine une maladie fenfible, l’autre n’eut point de plaie fenfible, mais fa jambe enfla très-fort, et il ne fut guéri qu’au bout de 6 jours -

Je fis mordre deux autres gros Chiens par une feule Vipe- re, une feule fois à la jambe, comme ci deflus. Je ne les mé- dicamentai pas. L’un guérit au bout de 2 jours; l’autre au bout

de 6. Ou peut déduire des expériences faites jufquici fur les

Chiens...

I. Que les plus petits meurent communément tous de Ja morfure de la Vipere.

II. Qu'il n'en meurt communément aucun des plus grands.

II. Qu'il en échappe, et qu'il en meurt quelques uns des médiocres. |

IV. Que l’alkali volatil ne paroît être un remede niafuré, ni utile contre la morfure de la Vipere.

Expériences fur les Greuouilles.

Il me reftoit à éprouver le venin dela Vipere fur les Gre- nouilles. Javois opéré jusqu'ici fur des animaux à fang chaud; il convenoit de faire aufli quelques expériences fur les animaux à fang froid.

e fis mordre douze Grenouilles par autant de Viperes, une feule fois à la jambe. J'en médicamentai fix, et non les autres. Deux des premieres moururent au bout de 20 heures, les quatre autres eurent les jambes enflées et un peu livides, mais elles guérirent. Des fix non médicamentées, trois mouru. rent au bout de 5. heures. Des trois qui furvécurent, l’une eut la jambe enflée etlivide, les deux autres ne parurent pas même avoir reçu aucun mal. Ces

129

Ces réfultats font encore trop vagues et en trop petit nom- bre, pour qu’on puifle en tirer des conféquences certaines.

Je fis donc mordre douze autres Grenouilles. Six furent médicamentées, fix ne le furent pas. Je renouvellai l’alkali vo- latil fur les jambes, d’heure en heure, et Jen faifois avaler à chaque fois. Toutes ces fix moururent avant l’efpace de 4 heu- res, et une entr'autres au bout de vingt minutes. Des fix non médicamentées, quatre moururens au bout de 6. 10. 12. 20. heures; la cinquieme eut à peine quelque figne de maladie, et la fixième étoit gucrie deux jours après.

Je répétai cette expérience fur douze autres Grenouilles, ct je les fis mordre de la même maniere par une feule Vipere ,une feule fois à la jambe. Six furent médicamentées d’une heure à l’autre, et avalerent de l’alkali volatil à chaque fois. Les autres fix n’eurent point de remede. Il mourut cinq des premieres, et la fixième eut à peine quelque figne de maladie. Des fix non médicamentées il en mourut trois, et les trois autres furent guc- ties au bout de deux jours.

Après tout ce la, il paroît qu’on ne peut pas douter de linutilité de l’alkali volatil fluor; et il eft très-probable que etant donné intérieurement aux Grenouilles , au lieu de diminuer la maladie que leur caufe le vénin de la Vipere, il l’augmente. It eft certain du moins que l’animal meurt plus facilement dans ces circonftances .

7

atei re ile ane died me Same È

R CHA-

© A. Po RUE UR a Beal e

Des effets de la morfure d'une, ou de plufieurs Viperes, fur la méme partie de l'animal, ou fur deux parties femblables du même animal.

NS wavons parlé jufqu’ici que des eflets du vénin de la Vi- AN pere fur les animaux mordus par une feule Vipere, une feule fois, à une feule partie. Il nous refte à parler des ani- maux mordus à plufieurs reprifes, ou morfures, parune, ou par pluficurs Viperes en ditterentes parties.

Heft naturel de penfer qu'une Vipere qui mord pluficurs fois le même animal doit produire en lui une maladie d’autant plus grave. Après avoir vu dans la premiere partie de cet Ouvrage que le vénin de la Vipere eft une humeur qui fe sé- pare des fluides de cet animal, et qui s’arrêtte dans une ve- ficule ou glande, et que cette humeur eft toujours vénéneufe en foi, toutes les fois qu’elle eft introduite par quelque bleflure dans le corps des animaux, principalement à fang chaud; on ne fauroit douter de cette vérité, ni de la fauffeté abfolue de lhy- pothefe de M. Charas, qui prétendoit que le vénin de la Vipe- re n’eit autre chofe que la rage de cet animal, qui altere la fa- live, et ies autres humeurs de fa gueule, au point d’en faire un vénin pulifant, comme on l’obferve dans la bave du Chien

La véficule da vénin eft de plus conftruite de telle ma- niere, que le vénin n’en peut fortir tout à la fois, en une feu- le morfure, quelque grande qu’elle foit, et quelque irritée que puifie être la Vipere. On verra la defcription de cette véficule avec celle de la glande dans la IE Partie de cet Ouvrage. Il

étoit

131 étoit donc important d’examiner les efiets et les maladies pro- duites par plulicurs morfures, quoique d’une feule Vipere. On “a diversexemples de perfonnes mordues à plus d’une reprife par Ja même Vipere. Et quoique ce cas ne foit pas le plus fré- quent , il ne laiffe pas que d'arriver de tems en tems.

Il ef non feulement très-important d’examiner ce que peu- vent faire les morfures redoublées de la même Vipere fur la mème partie de l’animal; mais il importe également de voir les eflets de ce vénin fur les différentes parties du même animal.

Ou fait que l’animal eft formé d’organes et de parties di- verfement organifées. Il eft de ces parties qui ont des vaifleaux et des nerfs, fans avoir de mufcles; il en eit d’autres qui ont des vaifleaux, des nerfs, et des mufcles; mais en différentes quantités, et diverfement diftribues: il en elt qui n’ont point de nerfs, et qui ont à peine quelques vaifleaux déliés et capil- Jaires, fi tant eft qu’elles en aient. Il eft très-naturel d'imaginer que les effets du véain de la Vipere fur des parties de l’animal fi différentes, doivent être totalement différens, et que la même quantité de vénin qui fera portée fur la bleflure faite è un ani- mal peut lui procurer ou une légere maladie, ou la mort, ou rien du tout. En un mot, il n'a paru que dans une maticre auffi importante, on ne doit rien laiffer en arriere.

Il y a encore le cas, bien que je ie croie très-rare ,où plu- fieurs Viperes enfemble mordent la même partie, ou difitren- tes parties de l'animal. Quelque rare que foit cet accident il n'eft pas impoflible; et ce n°eft pas une chofe extraordinaire , de trouver plufieurs Viperes réunies enfemble en certaines faifons. Un homme qui n’y auroit pas pris garde pourroit en paflant par deflus rifquer d’être mordu par plus d’une; et Jai connu un chercheur de Viperes qui fut mordu à la main par deux en mé- me tems, et qui pouvoir l'être par beaucoup plus de deux, par-

Risa

ce

132

ce qu'elles Ctoient plufieurs enfemble dans une botte d’où elles fortirent.

Cependant ces exemples d'animaux mordus par pluficurs Viperes pourront facilement être rapportés avec peu de diffé- rences aux cas de morfures redoublées de la même Vipere, foit fur la même partie, foit fur différentes parties d’un animal.

J'ai dit plus haut, que j’avois trouvé par expérience, que les effets du vénin font beaucoup plus uniformes entr’eux , lorfqu’au lieu de faire mordre les animaux par les Viperes, on gliffe dans leurs parties le vénin en preffant avec un doigt la véticule qui le contient, tandis qu'avec un autre, on enfonce dans l'animal la dent de Vipere. Pai fouvent employé cette méthode dans le cours de mes expériences, furtout avec les moineaux et les pigeons. Par cette méthode on peut non feulement piquer la même partie de l’animal avec tonte certitude, mais le même point, la même fibrille. L’on peut encore fi l’on veut, s’aflu- rer s'il y a du vénin dans la véficale, ou s’il eft fufpet , et altéré.

La plus légere preffion qu'on fafie fur la véficule fuffit pour faire paroître fur la pointe de la dent une goutte imperceptible de vénin, cr fa couleur tranfparente décide de fon a@ivité et de fa nature.

La premiere queftion que j'aicru devoir examiner ici avant tout, cet de voir fila feconde morfure de la Vipere toit auifi mortelie que la premiere, la troilieme que la feconde, et ainfi des autres, et combien de fois de fuite la Vipere pouvoit enveni- mer par les morfures qu’elle faifoit aux animaux. Je pris une Vipere de groffeur médiocre ct très-vive, et fans lirriter beaucoup je lui fis mordre une feule fois un pigeon à la jambe . Le pigeon mourut au bout de 12. minutes. Un moment après qu'elle eut mordu le premier pigeon, je lui en fis mordre un

fe-

133 fecond, un troifième, un quatrième, un cinquième , un fixième et un feptième à la mème partie. Le fecond mourut aubout de 18. minutes; la troifième au bout de 16. le quatrième au bout de 52. le cinquième au bout de 20 heures le fixième eut à peine quelques fignes de maladie; le feptième n’en eut abfolument aucun.

Jai répété plufieurs fois la même expérience, elle m'a donné des réfultats quelque peu différents. Jai trouvé quelques Viperes, furtout des plus groffes, qui pouvoient tuer jufqu’à dix, ou douze pigeons. Et fi elles font fort irritées dans les premieres morfures, les dernieres font moins dangereufes , ainfi que jem’en fuis affuré par des expériences réitérées.

C'e donc une vérité de fait, et que j'ai éprouvée plu- ficurs fois, que les premieres morfures redoublées d’une même Vipere font prefque également dangereufes, et que la Vipere plus irritée occafionne par fa morfure une maladie plus grave.

Cette derniere vérité pourroit en quelque façon expliquer les expériences trompeules de Charas fur le vénin de la Vipere . IL étoit d’avis contre le fameux Redi, comme on la vu plus haut, que le vénin de la Vipere ne confiftoit que dans la rage de cet animal, et il fit un grand nombre d’expériences pour fou- tenir fon hypothefe.

Il eft naturel de penfer que la Vipere plus irritée devoit produire une plus grande maladie, et que moins irritée., elle en devoit produire une moindre. Mais pour tirer quelque confc- quence certaine de cette obfervation , il auroit d’abord fallu s’être affuré fi le degré de la maladie, ou l’intenfité du vénin étoit en proportion de la rage de lanimal: Expérience très-diflicile, et peut être impoflible à bien faire; et ce w’auroit peut être pas été encore affez, parce qu’enfin ce pouvoit être une condition accidentelle, et non la vraie caufe du phénomene.

Cha-

134

Charas qui ignoroit fa véritable caufe de la plus grande intenfité de la maladie dans les cas de l’irritation de la Vipere fe trompa dans fes conféquences. Il n’eft pas furprenant qu’en pareil cas le phyficien prenne pour la caufe d’un effet les circoa- ftances qui l’accompagnent.

Il y a trois raifon pour que la morfure de la Vipere irri- tée foit plus dangereufe que celle de la Vipere qui ne left pas. La premiere c’eft que quand la Vipere eft plus irritée elle en- fonce fes dents plus profondément dans l’animal; la feconde, c’eft qu'elle les y tient plus longtems; la troifieme c’eft que fans lâcher la partie mordue , cile continue à contrafter les mufcles qui compriment la vélicule du vénin.

Quand on eft accoutumé depuis quelque tems à faire mor- dre des animaux par des Viperes, il n’eft pas difficile de s’ap- percevoir de la vérité de la premiere raifon, et quelque fois mème on obferva que la dent de la Vipere perce la peau des Quadrupedes un peu gros avec beaucoup de difficulté, ou ne la perce que mal, ou feulement en partie. Toutes mes expé- riences m'ont fait voir qu'en général la maladie eft d’autant plus grave, que Ja dent s’eft infinué plus profondément dans la peau, et dans les autres parties de l'animal.

La même obfervation démontre auf la vérité de la fe- conde raifon.L’on voit fouvent que quand la Vipere eft très- irritée , elle ne lâche prife que difficilement et tard, et l'on diroit même qu’elle trouve de la difhculté à retirer fes dents. Dans ce cas, il eft facile de voir, que la dent non feulement empéche le vénin pendant tout ce tems d’être rejetté avec le fang qui fort naturellement des bleffures; mais encore, qu'elle en facilite l’union et le mélange avec les fluides de l’animal.

La troifieme raifon eft encore plus forte que les deux au- tres. On a vu qu'il faut pluficurs morfures de Vipere pour

bien

135

bien vuider la véficule de fon vénin. On a vu que les pre- mieres morlures de la Vipere font prefque d’une égale a@ivité, parcequ’il fort prefque une égale quantité de vénin. La ftru&u- re cellulaire de la véficule ne permet pas qu’elle fe vuide fa- cilement, ni tout d'un coup. Quand la Vipere tient longtems ferré entre fes dents un animal, et qu’elle cit très-irritée, elle continue viliblement de contracter les mufcles de la machoire. Les mufcles qui entourent la vélicule fe relàchent et fe con- tractent fans interruption, enforte que dans ces cas-là on peur évaluer la morfure de la Vipere, non pas à une feule morfu- re, mais à plufieurs; et cela peut aller au point que la Vipe- re fe trouve enfuite fi Cpuilte de vénin, quelle ne puille tuer même un petit animal.

On a vu que les premieres morfures de la Vipere font prefque toutes de la mème activité, et qu'il n’y a que les der- nieres qui donnent des differences très-marquées; et nous avons expliqué la raifon de ces divers phénomenes.

Il eft naturel de fe perfuader d’après ce que nous avons dit jufqu'ici, que la maladie produite par la Vipere doit être plus grave et plus dangereufe fi la Vipere a mordu plulieurs fois le meme animal. Jai vérinié ce fait par des éxpériences dont Je me difpenferai de donner ici le détail, parce qu’il feroit trop long; et que d’ailleurs il ne paroît pas qu'il fût tres-utile.

Pour me bien affurer de ce fait, j'ai eu l’attention de me fervir d'animaux de la même efpece, de la même grofieur, que je faifois mordre par des Viperes égales. Je me fervois plus fou- vent de ma méthode ordinaire, et les réfultats étoient encore plus uniformes. Lorfque le nombre d’expériences n’elt pas grand, les réfultats peuvent être équivoques, parce qu'il elt très diffici- le que les circonftances foient parfaitement les mêmes. Non feulement elles peuvent différer par la quantité de vénin qui re-

fte

136

ite dans la bleffure de l'animal, er qui peut toujours varier plus ou moins; mais encore parce qu'il eft très-difficile de piquer les mêmes fibres et les mêmes vaifleaux de l’animal. On obferve donc en effet des variations; mais dans le grand nombre des expériences, les circoftances fe compenfent mutuellement, et il fe trouve une affez grande variété de faits, pour qu’on ne coure aucun rifque de fe tromper. Tels du moins nvont parus les ré- fultats que j'ai obtenus.

Une nouvelle recherche è faire, c’eft de favoir fi la maladie fera égale, foit qu’on fafle mordre par ia Vipere une feule partie pluficurs fois, ou deux parties différentes; pourvû que le nombre des morfures foit égal.

Cette nouvelle recherche m'a couté aufli un très-grand nom- bres d’expériences, que j'ai été obligé de faire dans les mêmes circonftances, en variant, feulement la partie mordue.

J'ai fait mordre non feulement des oifeaux , mais encore un grand nombre de Quadrupedes. Je les faifois, mordre aux jambes, aux mêmes endroits. Je comparois ceux qui étoient mordus aux deux jambes avec ceux qui ne l’étoient qu’à une feu- le, pourvû que le nombre total des morfures fùt le mème pour chaque animal.

Vai obtenu encore ici des réfultats plus ou moins conftants : il na faliu multiplier les expériences jusqu’à ce qu’il m’ait pa- ru que je pouvois avancer avec beaucoup de probabilité les deux vérités fuivantes.

I. Que l'animal meurt plus facilement s’il eft mordu un égal nombre de fois dans deux parties, que dans une feule.

IL Que la partie qui a reçu feule autant de morfures que les autres enfemble eft fujette à une maladie externe beaucoup plus confiderable .

J'entends par maladie externe l’enflure qui fe fait à Ja partie

mor-

157 mordue; la couleur livide et noire de fa peau et du fang, et la plaie qui fe forme peu de tems après. Ces fymptômes font certainement plus graves dans la partie mordue plufieurs fois, quoiqu'il foit de fait que les animaux meurent plus tard, et qu’il en meure moins, comme on le verra dans la fuite. Il eft vrai auffi que ces réfultats ne font tels, que dans le cas les animaux ne meurent pas fubitement; parcequ'autrement il ny a pas aflez de tems pour que le vénin altere notablement les parties externes; au point que fi la mort arrive peu après la mor- fure de la Vipere, à peine y a-t-il des figues certains de la ma- ladie.

Avant d'examiner les effets de la morfure de la Vipere fur les différentes parties d’un animal, qu’il me foit permis de rap- porter les réfultats de beaucoup d'expériences que J'ai faites fur divers animaux que jai fait mordre à plufieurs reprifes et par pluticurs Viperes: J'ai mis en ufage dans tous ces cas l’alkali volatil fluor, ou fimplement appliqué à la partie mordue, ou donne encore intérieurement. Ces nouvelles expériences fervi- ront à démontrer toujours de plus en plus l’inutilité de l’alkali volatil, et combien peu l’on doit efperer de ce remede.

Je fis mordre fix poules par fix Viperes féparément. Cha- que poule fut mordue par une feule Vipere, mais à deux repri- fes. Trois furent fimplement médicamentées, trois ne le furent point. Les trois qui le furent moururent au bout de 3. 5. 6. heures. Les trois autres moururent au bout de 3. 0. 12. heures.

Je fis morde fix autres poules par douze Viperes. Chaque poule fut mordue à deux reprifes par deux Vipercs aux deux jambes. Je les médicamentai toutes fix, et leur fis avaler de l’alkali volatil. Elles moururent toutes en moins de 7 heures. Une d’elles mourut en moins de 27 minutes.

Douze autre poules furent morducs aux deux jambes, 3 deux

139

deux fois à chaque jambe, et chaque poule par deux Viperes. Six feulement furent médicamentés, et avalerent de l’alkali vo- latil. Il n’en mourut que neuf; cinq des médicamentées, et qua- tre des autres. Deux de celles ci ne moururent qu’au bout de 43 heures. Les cinq médicamentées moururent dans l’efpace de 7 heures.

Le réfultat de ces dernieres expériences, bienqu’il ne foit pas conforme à ceux des deux précédentes, n’eft pas moins vrai pour cela: ce qui démontre combien ces fortes d’expérien- ces peuvent difiérer entr’elles, par des circonftances qui varient d’une fois à l’autre, et qu’on ne connoit pas toujours. La cir- coftance qui peut influer le plus, c’eft que les Viperes n’ont pas toujours la même quantité de vénin, qu’elles font plus ou moins vigoureufes à mordre et à exprimer le vénin de leur véficule; ct dans le cas dont je parle, il y a de plus l’effet de la faifon plus moins froide. Jai commencé mes expériences en fe- ptembre, et Je les ai continuées plus ou moins jufqu'à la fin de janvier fuivant. Jen ai fait encore quelques unes en fevrier , mars,et avril, ct pai trouvé une différence fenfible dans ces dif- férens tems. Pendant le grand froid elles étoient fi foibles qu'il y avoit de la difliculté à les obliger à mordre, et leurs morfu- res Ctoient trés-peu dangereufes.

Je ne veux pas négliger de rapporter ici une ‘expérience gue je fis dans le mois de janvier, et qui me fit foupçonner que Palkali volati! pourroit quelque fois être un remede contre le morfure de la Vipere.

Je fis mordre fix poules à la jambe. Chaque poule pa trois Viperes; et chaque Vipere mordit trois fois fucceflive- ment. Je les médicamentai toutes fix pluficurs fois, et je leur fis avaler piuficurs fois l’alkali volatil fluor. Elles eurent toutes. la maladie, mais très-lesere, et elles guérirent en peu de jours.

Il

159

Il etoit refté par hazard dans la mème boite 18 autres Vi. peres entierement femblables aux 18 dont je viens de parler. Voyant qu'au bout de 14 heures aucune des fix poules n’etoit morte, et qu'elles navoient qu'une légere maladie, je m'avifai de faire mordre fix autres poules dans les mêmes circonftances que les précédentes ,chacune par trois Viperes, et à trois morfu- res par Vipere à la mème jambe. Je n’en médicamentai aucu- ne; et il n'en mourut qu'une feule après le fixième jour. Deux furent à peine malades; et les trois autres étoient guéries le troifième jour. On voit clairement par cette expérience, que les fix poules médicamentées n’ont pas été guéries par l’alkali volatil; mais qu'elles ne font pas mortes, à caufe du peu d’a- tivité, et de vigueur des Viperes mêmes.

La poule non médicamentée qui mourut, ne prouve rien en faveur de l’alkali volatil, parceque c’eft une feule fur fix, et parcequ’elle ne mourut qu’au bout de fix jours; ce qui prouve évidemment que fi le vénin eùt été en quantité un peu moin- dre, elle ne feroit point morte du tout: l’on a vu cideflus que mille accidens peuvent faire varier ce plus ou moins de vé- nin, foit dans la Vipere qui mord, foit dans lanimal qui le reçoit.

Par cette même raifon, je me fuis fait une loi dans prefque tout le courant de mon Ouvrage, de faire les expériences en re- gard, et de ne comparer entr’elles que celles qui ont été faites dans le même tems,et dans les mèmes circoftances.

Je dois avertir ici mes lecteurs d’un accident que j'ai obfer- relativement aux dernieres Viperes, dont je m’étois fervi. La faifon étoit très-froide, et quoique la température de ma cham- bre füt à 12 degrés au deflus du terme de la glace, les Viperes étoient fort pareffeufes et engourdies. Je crus leur redonner de la vigucur en les réchauffant, Elies étoient dans mon laboratoire

D+ de-

140 depuis plus de fix heures dans une boite percée de plufieurs trous. Je mis la boite fur un bain de fable, dont la chaleur è la fuperficie n’étoit que de 20 degrés. Au bout de deux minutes je trouvat mortes les 18 Viperes qui étoient dans la boite. Le mèê- me accident melt arrivé deux autres fois, dans des circoftances à peu près femblables, dans le même mois.

Expériences [ur les Cochons d'Inde mordus à plufieurs reprifes, et par plufieurs Viperes .

Je fis niordre deux Cochons d’inde très-gros à la jambe ; à trois reprifes par deux Viperes. L’un fut médicamenté, l’autre me le fut pas. Ils moururent tous deux. Le premier au bout de deux jours; le fecond au bout de 32 heures.

J'en fis mordre quatre autres auffi gros que les deux précé- dens, chacun à la jambe par trois Viperes, et à trois reprifes- Deux furent médicamentés, et avalerent de l’alkali volatil, les deux autres n’eurent aucun fecours. Tous quatre moururent en moius de deux jours.

Une autre fois j'en fis niordre de la mème maniere quatre autres auiîi gros que les premiers. Je n’en médicamentai aucun. Il en mourut un feul, après le cinquiéme jour.

Douze autres, mais très-petits, furent mordus comme tous les autres. Six furent médicamentés , et avalerent de l’alkali vo- latil. Je ne fis rien aux fix autres. Ils moururent tous les douze en 26 minutes.

Deux jours après, Jen fis mordre douze autres, petits com- me les douze précedens. Ils furent mordus chacun par deux Vi- peres , à trois reprifes chacun aùx deux jambes: fix furent médicamentés ; fix ne le furent pas. Hs moururent tous douze en deux heures; un des médicamentés mourut en fept minu- tes, et deux de ceux qui ne le furent pas, en 14. Ces

141

Ces ‘expériences fur les Cochons d'inde préfentent encore au premier coup d'oeil linutilité de l’alkali volatil, comme elles font voir d’ailleurs que dans cette même efpece, des animaux plus petits meurent plus facilement que les gros, et qu’ils meu- rent d'autant plustôt, et plus certainement, que le mombre de

morfures de la Vipere a été plus grand.

Expériences fur les Lapins mordus è plufieurs reprifes et par plufieurs Viperes.

Je fis mordre quatre Lapins médiocres, quatre fois cha- cun, à la jambe, par deux Viperes. Jen médicamentai deux, ct non les deux autres. Je fis avaler de l’alkali volatil de deux en deux heures aux deux premiers, et je renouvellai auffi fou- vent leur panfement. Ils moururent tous quatre. Les deux mé- dicamentés en 18 heures, et les deux autres au bout de trois jours . Dans tous la maladie fut grave, et la jambe enfla très-fort .

Je fis mordre quatre autres Lapins fort gros, chacun par deux Viperes, à deux reprifes, à la jambe. Deux furent mé- dicamentés, deux ne le furent pas. Les deux médicamentés ne moururent pas, mais il refterent malades, et avec des plaies ouver- tes, pendant 20 jours ct plus. Des deux non médicamentés , il en mourut un le troifième jour, et l’autre fut guéri le dixième jour.

Je fis mordre douze Lapins de grofleur moyenne. Chacun fut mordu à la jambe par deux Viperes à trois reprifes chacu- ne. Six ne le furent pas; ilen mourut quatre des premiers , et cinq des autres

Ces réfultats ne font cependant ni affez uniformes, ni en affez grand nombre pour nous mettre en état de prononcer fur lalkali volatil, Jai donc cru devoir faire de nouvelles expé-

riences . Je

142

Je fis mordre, comme cideflus, douze autres Lapins un peu plus petits queles douze, dont je viens de faire mention. Six furent médicamentés, et avalerent de l’alkali volatil. Je ne fis rien aux fix autres. Les fix premiers moururent tous; des fe- conds il em mourut cinq. Le fixième cut à peine de maladie fenfible.

Jetois curieux de voir s’il y avoit une différence fenfible entre les effets du vénin de la Vipere fur les animaux mordus plus ou moins de fois, par plus ou moins de Viperes. ‘A cet éffet, je fis mordre fix Lapins médiocres chacun par une feule Vipere, une feule fois à la jambe. Six autres Lapins furent mor- dus à la jambe par deux Viperes, qui mordirent chacune deux fois de fuite. Six autres furent mordus chacun par deux Vipe- res, mais chaque Vipere mordit quatre fois ; et fix autres furent mordus par trois Viperes, qui mordirent chacune quatre fois la jambe,

Des fix premiers il en mourut trois; et les trois autres furent médiocrement malades. Des feconds il en mourut cinq, et le dernier eut une grande maladie. Les troifièmes moururent

tous en moins de 43 heures. Les quatriemes moururent tous en moins de 20 heures.

Expériences [ur les Chiens mordus à plufieurs reprifes, et par plufeurs Viperes.

Je fis mordre deux Chiens petits et jéeunes à la jambe par deux Viperes, et deux fois par chacune: l’un fut médica- menté, et avala de l’alkali volatil. L’autre refta fans remedes. Tous deux moururent dans l’éfpace de 13 heures.

Je fis mordre deux autres chiens plus gros de moitié, comme cideflus, par deux Viperes à deux reprifes. L’un fut

La

me-

143 médicamenté , et non pas l’autre. Tous deux guérirent. Le mé- dicamenté au bout de 26 jours, l’autre au bout de 10.

Jen fis mordre quatre autres, mais fort gros, comme les deux précédens. Je les fis mordre chacun par trois Viperes, et chaque Vipere mordit trois fois. Deux furent médicamentés, deux ne le furent pas. Il mourut un feul des médicamentés, au bout de 6 jours. Les autres furent très-malades, et eurent de grandes plaies.

On m’apporta deux chiens très-gros et bien nourris. Je les fis mordre chacun à la jambe par quatre Viperes bien irritées. Chaque Vipere mordit quatre fois au moins. Je ne médica- mentai ni l’un ni l’autre de ces chiens, à caufe de la difficulté qu'il y avoit à le bien faire, fans rifquer d’être mordu. Tous deux guérirent en moins de 10 jours. Ils eurent plaies, tumeur et lividité. Au bout de deux jours ils commencerent à boire , et au bout de trois à manger.

A peine les animaux, et furtout les chiens et les chats ont ils été mordus par la Vipere,et font-ils en liberté, qu’ils s'éten- dent par terre fur la partie qui n’a pas été mordue, et fe tiennent fort tranquilles dans cette fituation, jufqu’à ce qu’ils foient gué- ris. Dès qu'ils commencent à boire et à manger, c’eft un figne prefque afluré qu'il gugriffent. Les chats font encore moins avi- des d’alimens que les chiens. Jen ai vu qui n’ont mangé qu'après plaficurs jours de maladie.

Pour avoir un nombre fuflifant d'expériences fur les chiens, je n’en procurai fix petits qui paroiffoient de la même cfpece, de la même grofleur, &c. je les fis mordre tous à la jambe, chacun par trois Viperes, et chaque Vipere mordit trois fois. Trois furent médicamentés, trois ne le furent pas. Les trois médicamentés moururent tous. Il en mourut deux des autres, et le troilième eut une grande maladie, et une grande plaie, et ne guérit qu’au bout de 15 jours. Ne

144 Ne voyant aucun avantage à donner de l’alkafi volatil aux

chiens contre la morfure de la Vipere, j'ai cru devoir fuivre mes expériences fur d’autres genres d'animaux.

Expériences fur les Chats.

Cet animal réfifte extrêmement à la morfure de la Vipe- re. Ce n’eft pas que le vénin de la Vipere foit innocent pour lui, comme il left pour d’autres animaux; mais c’eft qu'il meurt plus difficilement que les autres.

Je fis mordre un chat de groffeur moyenne, par deux Vi- peres à la jambe. Chacune mordit deux fois. Je ne le médica- mentai pas. Sa jambe enfla, mais pas beaucoup. Il refta couché fur le ventre tout le tems de la maladie. Il but au bout de 36 hueres, et mangea au bout de 52. Le quatrième jour il etoit entierement guéri.

Je le fis mordre à l’autre jambe par trois Viperes. Chacu- ne mordit deux fois. Je ne le médicamentai pas. Il vomit plu- fieurs fois au bout de 6 heures, et au bout de 30. Il but au bout de 42, et mangea au bout de 3 jours. Le cinquiéme jour il ètoit guéri.

Je choifis un autre chat femblable au premier; je le fis mordre per quatre Viperes; chacune le mordit quatre fois è la jambe. Je ne le médicamentai pas. Il enfla beaucoup, vomit plufieurs fois, et ne mangea qu’au bout de 6 jours.

Deux jours après, je le fis mordre par quatre autres Vi- peres à l’autre jambe. Il eut une grande maladie. Il vomit fou- vent. il mangea au bout de cinq jours. Le huitiéme jour il étoit guéri.

Je pris un autre chat encore plus gros que les autres, et très-farouche. Je le fis mordre par fix Viperes bien irritées.

Cha-

a

145

Chacune le mordit pluiicurs fois. Une des Viperes y laiffa fes dents: Elle ne pouvoit lâcher prife, ce qui m’obligez à la tirer fi fort que fes dents canines fe caflerent. Le Chat étoit dans la plus grande fureur; mais à peine fut il en liberté, qu'il devint doux et facile. Il fe pofa fur le ventre comme avoient fait les autres; Il vomit de tems en tems, et ne commenga à manger qu'après le cinquiéme jour. Il refta malade encore deux Jours, et guérit enfin. .

Il étoit tout à fait fuperflu du donner l’alkali volatil aux Chats, qui ne meurent pas, comme on voit, du vénin de la Vipere , lorfqu’ils font d’une certaine sroffcur. On a vu néan- moins que les plus petits en meurent; et ileft vrai auffi que les plus gros mourroient tout de meme, fi on les faifoit mordre par un plus grand nombre de Viperes.

La morfure de la Vipere produit une véritable maladie dans cet animai, et la produit plus grave à proportion du nom- bre des morfures. Je ne faurois cependant dire précifément quel nombre de Viperes il faudroit pour tuer un Chat fort, et de plus gros. Peut être à peine y enauroit il aflez de dix ou douze.

Gross A7 Ris, Br: E.o: IV.

Des effets de la morfure de la Vipere fur différentes parties de Panimal.

Ous avons parlé jufqu'ici des animaux mordus par une

plufieurs Viperes, à une feule, ou à plufieurs reprifes; mais

à une feule partie de l'animal: favoir, à la jambe, ou tout au

plus aux deux jambes. Il nous refte maintenant à voir les cflets

de Ja morfure de la Vipere fur les autres parties de l’animal. Il

eft facile de fe figurer que les réfultats feront quelque peu dif- T fe

146

férens de ceux que nous avons vus jufqu'à prefent, et qu’il doit y avoir des parties dans un même animal plus, ou moins fufce- ptibles de vénin; mais certaines parties mordues m'ont donné des phénomenes fingulicrs, et imprévus.

Expériences fur la Peau.

La premiere partie de l’animal qui eft percée par la dent canine de la Vipere, et qui éprouve avant les autres l’action du vénin, c’eft la Peau. J'ai borné mes expériences à la Peau des Cochons d'Inde, et des Lapins ,animaux innocens qu’on manie fans rifque. Je n'ai pas fait ufage des oiïfeaux, parceque leur Peau eft trop déliée pour ces expériences.

Les bleflures faites à la Peau peuvent être très-légeres et tout à fait extérieures. Elles peuvent être plus ou moins pro- fondes; et elles peuvent enfin percer la Peau de part en part. J'ai obfervé ces trois cas dans le cours de mes expériences fur les morfures de la Vipere. Jai vu quelque fois la dent de la Vipere prendre la Peau fi obliquement qu’elle n’etoit point en- tamée, ou qu’elle l’éroit tout à fait fuperficiellement. Le pre- mier cas arrive fouvent parce que la Vipere quand elle eft ir- ritée, mord tout ce qui fe préfente , de quelque maniere et fous quelque forme que ce foit. Le fecond cas eft beaucoup moins fréquent, et encore moins celui elle mord Ja Peau fans la percer 9

Ces deux derniers cas peuvent arriver à l’homme; et fa Peau peut être plus ou moins offenfée par les dents Canines de la Vipere :

Cette recherche, outre qu'elle eft curicufe, peut encore être utile dans la partique, en aidant à faire bien connoître la qua- lité de la maladie dans ces cas-là. Une parcille queftion bien

exa-

147 examinée peut fervir aufli à expliquer l’aftion du vênin de la Vi- pere fur les animaux en général, ainfi qu'on le verra dant la fuite.

Bleffures fuperficielles de la Peau.

J'ai cru devoir faire en confequence les expérience fuivan- tes. Je coupai avec des cifeaux le poil fur une portion de la Peau d’une jambe, à un Cochon d'Inde. Je frottai plufieurs fois avec une lime fine une portion de Peau d'environ un demi pou- ce dans les deux dimenfions. La Peau étoit rouge, et l’on y voyoit une exfudation de fang prefque imperceptible, et qui ne pouvoit fe former en gouttes entieres. L’ayant bien effuyé , je Par- tofai avec une grofle goutte de vénin unie avec une goutte d’eau, pour le faire couler plus facilement, et s'étendre fur toute la Peau limée.

L'animal ne parut point fouffrir du tout, et à peine eut- il quelque figne fenfible de cicatrice. Le jour fuivant, voyant que ce Cochon d’Inde étoit fain et vigoreux , je le fis mordre pat une Vipere par deux fois à une patte. Il mourut au bout de 24 minutes, Cette expérience fut répétée deux autres fois avec un réfultat prefque égal; et les Cochons d’Inde moururent tous deux quand ils furent mordus.

Je rafai le poil avec un rafoir à un Cochon d’Inde, fur fa jambe à la partie latérale externe. La Peau étoit rouge, et il en exfudoit un peu d'humidité, qui étoit aufli rougeatre, je mis deux gouttes de vénin fur la Peau rafée qui étoit d’envi- ron deux tiers de pouce. L'animal ne parut point du tout in- commodé, et la Peau fe fecha, fans former de cicatrice ni d’efcarre. Etant mordu aux pattes le jour d’après, il mourut au bout de 26 minutes.

T2 J'en.

148

Jenlevai le poil avec de Peau bouillante fur une partie du dos à un Cochon d'inde. J'y fis avec la pointe d’une lan- cette deux incilions très-petites, et très-peu profondes. Il en fortit un peu de fang , que j'éfluyai. Je fomentai avec deux gouttes de vénin, mais fans eau, la Peau incifée. Il fe forma une plaie auffi grande que le vénin s’etoit étendu, et la Peau fut confumée de la moitié de fon épaifleur. Elle fe couvtit de pus, et le jour d’apròs il s'y étoit formé une efcarre. L’ani- mal parut tout à fait guéri au bout de fix Jours. Le feptiéme jour, je le fis mordre par une feule Vipere une feule fois à la patte, il mourut au bout de 40 minutes.

Je répétai la même expérience fur deux autres Cochons d'Inde dans les mêmes circonftances, autant du moins que j'en pouvois juger. L'effet fut exaëtement le même: Plaie, Peau confumée jufqu'à la moitié de fa fubitance, pus, efcarre et guc- rifon. Les ayant fait mordre enfuite à la patte, ils moururent tous deux en moins d’une heure.

Je voulus faire encore une expérience femblable fur un ariimal qui eût la Peau beaucoup moins forte que celle d’un Cochon. d'Inde. Je choitis un très-petit Lapin, et avec un ra- foir je lui enlevai du poil, de maniere qu’il venoit vifiblement ua peu de fang. Jarrofai avec deux gouttes de vénin la por- tion rafée qui étoit d'environ un demi-pouce; il s’y forma une véritable plaie, la Peau fut confumée toute entiere, elle fe cou- vrit de pus en quantité, mais le Lapin ne ‘parut pas foufrif beaucoup pour cela. Au bout de fept jours il éroit guéri. Je le fis mordre à la jambe à deux reprifes par une Vipere; il mourut au bout de fix heures. Je répétai fur deux autres de ces animaux la même expérience avec le même fuccès.

Il paroît qu'on peut déduire des experiences rapportées jufqu'ici, les vérites fuivantes:

I. Que

199

i. Que le vénin de la Vipere applique fur la Peau, lege- rement écorchée aux Cochons d’inde, et aux Lapins, n’eft pas mortel.

II. Qu'il ne produit qu’une légere maladie de la Peau dans les Cochons d'inde, et une maladie un peu plus grave dans les Lapins.

lil. Que cette maladie eft circonfcripte dans cette partie de la Peau qui a été touchée du vénin.

Je voulus faire une nouvelle expérience un peu diférente fur la Peau des Cochons d'Inde. Jenlevai avec le cifeaux les poils d’une portion de Peau d’environ un demi-pouce fur le dos . Avec une lancette j'incifai la Peau de maniere qu’elle ne fût pas percée de part en part, et que les incifions ne pénétraffent que jufqu'à la moitié ou un peu plus de l’épaifleur dela Peau. J'y mis deux gouttes de vénin par deflus. Hfe fit une plaie, qui fuppura très-abondamment , et qui étoit auffi grande, que la partie que le vénin avoir couché. La Peau fe confuma toute entiere, et fe couvrit d’une efcarre. L'animal ne donna aucun figne qu’il fouf. frit aucun mal, il mangea toujours, ct guérit au bout de dix heures.

cette derniere expérience paroît prouver que lorfque les bleflure de la Peau font profondes, la maladie ou les effets du vénin font plus confidérables, quoi qu'il ne foient pas mortels; et que la maladie foit limitée à la peau feule.

Biejfures de la Peau dans tonte fa fubflance.

Je pingai avec mes doigts la Peau de la jambe à un petit Lapin, et jela perçai cinq ou fix fois avec une dent de Vipere qui diftilloit du vénin. Au bout de 12 heures, il fe forma dans la Peau un fac tumeur rempli d’humeurs a un pouce au

def-

150

deffous de ja bleffure. Le fac étoit fans poil, et tout écorché; il en exfudoit un peu d'humeur. L'animal mourut le cinquié- me jour.

Je répétai cette expérience fur un Lapin auffi petit que le premier; et je picquai la Peau pluficurs fois avec une dent ve- nimeufe. Au bout de 10 heures la tumeur ordinaire fe forma au même endroit. Le fecond jour elle perdit fon poil, le troi- fiéme elle s’ouvrit, et l’animal mourut 4 heures après.

Je traitai de la même maniere deux autres petits Lapins et l’effet fut encore le même. Ils moururent tous deux, Il y eut une tumeur, ct la tumeur s’ouvrit.

Je fis mordre par une Vipere à plufieurs reprifes la Peau du dos d’un Cochon d’Inde. Je tenois la Peau foulevée au moyen d’une pince , a fin que la Vipere en mordant ne bleffät pas les mufcles placés deffous. En moins de deux heures la Peau devint livide aux endroits mordus. L’animal mourut au bout de 32 heures, fans plaie ouverte. La Peau paroifloit gangrénée. Le fang étoit noir, extravafé pas tout le tiflu cellulaire, et s’étendoit jufqu’à tous les mufcles de la poitrine , et du bas ventre.

Je répétai cette expérience avec les mêmes circonftances fur quatre autres Cochons d’Inde . Ils moururent tous. Aucun n’eut de plaie; mais le tiflu cellulaire paroiffoit gangréné , et éroit plein de fang noir extravafé. Ce fang occupoit le tiflu cellulaire de la poitrine, et du bas ventre; ct il était en fi grande quanti- té, qu'il paroifloit former un fac,

Expériences fur le tifu Cellulaire.

Les expériences précédentes ne regardent pas feulement la Peau, mais encore le tiffu cellulaire même. Dès-que la dent pénctre la peau dans toute fa fubitance, il cit certain que le

vé-

151 vénin doit encore fe communiquer au tiflu cellulaire; d’où Von voit que la maladie, ou les citets du vénin de la Vipere doi- vent être en raifon compofée des deux parties infeétées du vé- pin, Ja peau et le tiflu cellulaire. Il étoit donc néceflaire de faire mordre le tiflu cellulaire feul, pour favoir ce qui regarde la peau; mais ces expériences font aflez difficiles à faire avec exactitude .

Je fis une incifion à la peau d’un Cochon d'Inde, auprès de laine, et je fis entrer par fans toucher à la peau une gout- te de véain. Il fe fit à l’aine une tumeur, qui s’accrut pendant deux jours. Le troifiéme jour l’animal mourut. La tumeur étant ouverte, il y avoit du fang diflous, noir, extravalé ,et en gran- de quantité.

Je répétai cette expérience fur deux autres Cochons d’In- de. L'un mourut, et l’autre ne mourut pas. Ce dernier eut à peine de tumeur fenfible. L’autre eut une grofle tumeur, et les mêmes fyinptomes que le premier. Deux jours après J'ou- vris celui qui paroïfloit fain et fans mal. Je trovai que le tiflu cellulaire êtoit un peu enfanglanté avec quelques extravafations d’humeurs; mais le tout légerément. Il n’y avoit aucune appa- rence que cet animal pùt mourir du vénin. Il êtoit vigoureux, il mangeoit, couroit comme en fanté, tandis que l’autre étoit déja tout l’oppofé au bout de 4 heures.

Ces expériences laiflent toujours quelque doute, quele vé- nin ne fe foit communiqué aux parties incifées, aux levres de la peau. Je cherchai différens moyens de faire des expériences pour fortir de ce doute; mais je trouvai toujours des difhcultés, et quelque équivoque dans les rélultats.

Après beaucoup d'épreuves, je me tins à la méthode qui fuit .

Je coupai un grand morceau de peau fur le dos d’un

Co-

152

Cochon d'Inde. Je féchai bien le tiflu cellulaire, et je mis deux gouttes de vénin par deflus. La piece de peau emportée circulairement étoit de plus d’un pouce de diamètre. J’éten- dis le vénin fur le tiflu cellulaire fur un efpace de trois lignes en rond, et également diftant de la peau, de tous les côtés.

Le tiffu cellulaire devint noir comme de l’encre en moins de fix heures. Au bout de douze heures il fe couvrit d’une efcarre. L'animal ne mourut cependant pas, quoiqu'il eût en- core l’efcarre 22 jours après.

Je répétai cette expérience fur fix petits Lapins, et fur fix petits Cochon d’Inde. Les réfulrats de mes expériences ont été quelque peu différens entr’eux.

Premierement il ne mourut aucun des deux animaux qui reçurent le vénin dans le tiffu cellulaire. Six eurent une ma- ladie très-confiderable, et guérirent très-tard. Quatre eurent une lésere maladie, et deux jours après il paroifloient guéris; et deux n’eurent pas même de fignes certains de maladie. Jecrois qu'on peut prononcer en général, que le vénin de la Vipere n’eft pas mortel, s’il ne pénetre que dans le tiflu cellulaire.

Expériences fur les Mules.

Je dépouillai bien de leur peau, et du tiflu cellulaire ex- térieur les mufcles de la jambe à un pigeon, mais de telle maniere qu'il n’en fortit point de fang, du moins fenfiblement . J'infinuai dans un mufcle une dent de Vipere remplie de vé- nin. Au bout d’une minute le pigeon tomba en avant, il mou- rut au bout de dix. Le mufcle bleflé étoit extrémement livi- de , et prefque dans toute fa fubftance.

Je répétai cette même expérience fur quatre autres pi- geons. En moins de deux minutes, ils tomberent tous quatre

en

155 en avant, et moururent: l’un au bout de 11 minutes, un au- tre au bout de 17; un autre au bout d’une heure, et le qua- triéme au bout de quatre heures. ne.

‘Je dépouillai de la peau et du tiffu cellulaire divers muf- cles de la jambe à un lapin médiocre; et je les bleflai pluficurs fois avec des dents venimeufes (4), de telle forte qu’elles entroient toutes entieres dans les mufcles. Je les bleffai aux endroits il ne paroifloit point de vaifleaux, du moins un peu confidéra- bles. ‘A peine fortit-il du fang du mufcle, qui cependant, de- vint promptement livide aux endroits il reçut les bicffures. L'animal non feulement ne mourut pas; mais ilne donna pas des fignes qu'il fùt très-mal : 15 heures après, le mufcle blefé étoit à peine fenfiblement altéré. Au bout de 30 heures, il ne paroif- foit plus que la bleffure méchanique de la peau, qui avoit été incifée fur le mufcle.

Je répétai la même expérience fur un autre Lapin, dans les mémes circoftances que ci deflus. Le mufcle changea un peu de couleur; mais pas extrêmement ; au bout de 23 heures il ne paroifloit pas que Fanimal eût aucunement fouffert , et il ne Jui reftoit que la folution de continuité de la peau.

Je dénuai parfaitement de la peau et du tiffu cellulaire quel- ques mufcles de la jambe à un Cochon d’Inde. Je plongeai une dent chargée de vénin entre les fibres, de maniere qu'il n’y eut que peu ou point de vailleaux entamés. Le mufcle devint livide; mais l’animal n’en mourut pas.

Je répétai cette expérience fur les mufcles mis à nud, dans divers autres petits animaux, comme Cochoas d’Inde ; et Lapins, et Je trouvai que le vénin de la Vipere dans ce cas produit

V

tou-

eee e >> òé ee e@e@M@Mo Mmmm t—_——m—mntm—t—tmtmtii

(a) Ces font les dents de la Vipere detachées de l'animal, mais encore attachées à leur veficule remplie de vénin : J'ai deja expliqué ci deffus la maniere dort je me prend dans ce genre d'expériences.

154 toujours une maladie, le plus fouvent très-grave; mais qui n’eft pas toujours mortelle.

Le vénin de la Vipere appliqué Jimplement fur les fibres mufculaires eff tout à fait innocent.

Il étoit queftion de favoir fi le vénin tue lorfqu’on le met fimplement fur les mufcles, fans couper les fibres.

Je dépouillai de la peau les mufcles de la jambe à un pi- gcon, et je fis enforte que les fibres découvertes, et les vail- feaux ne donnaffent point de fang en quantité fenfible. L’expc- rience réuflit bien, et les mufcles dépouillés du tifflu cellulaire paroïfloient bien à fec:}étendis fur ces mufcles une groffe gout- te de vénin, en obfervant, qu’il ne fe répandit pas dans les autres parties voifines. Le pigeon n'eut aucune maladie, et gué- rit très- -promptement de la bleflure.

Je préparai un autre pigeon comme ci deffus; mais Je fis en forte que les mufcles faignaflent un peu; et l’on y voyoit une veine qui donnoit du fang en quelque quantité. Jy appli quai le er le pigeon mourut au bout de 30 heures; mais avec de lézers fignes d'altération dans ces parties,

Je répétai ces expériences fur les mufcles de quatre autres pigeons, qui ne donnerent point de fang; aucun ne mourut ni ne parut avoir d'autre incommodité que cells de la fimple incilion de la peau.

Quand on fait que la plus petite quantité de vénin eft ca- pable de tuer un pigeon en peu de minutes , on ne fauroit héfiter de prononcer que le vénin de la Vipere appliqué fimplement fur les fibres mufculaires eft tout à fait innocent .

Le

155

Le vénin de la Vipere ne perd pas fes qualites meurtrieres, mème après avoir empoifonné d'autres animaux .

Jétois curieux de favoir fi le vénin de la Vipere après avoir communiqué la maladie à un animal cefléroit d'être vénin pour un autre animal. Pour m'en aflurer , je découvris les mufcles de la jambe à un pigeon, et j'y fis de petites incifions fur les quelles je mis environ une goutte de vénin.

Je préparai auflitôt un autre pigeon et je lui fis comme à l’autre de petites incifions aux mufcles. Au bout de quatre mi- nutes je mis en contact les mufcles nuds et blefiés des deux pi- geons, et Je les tins de cette maniere pendant deux minutes. Aucun des deux ne mourut; le premier fut cependant très-mala- de, mais à peine le fecond le fut-il.

Je découvris les mufcles à deux autres pigeons ,et j’y fis des petites incifions. Je bleffai les mufcles de l’un avec une dent qui diftilloit du vénin. Au bout de quatre minutes, je mis en con- taét les mufcles nuds des deux pigeons er les y tins pendant trois minutes ; le premier pigeon mourut au bout de trois autres minu- tes, et le fecond au bout d’une heure.

Je répétai cette derniere expérience fur deux autres pi- geons. Le pigeon venimé par la dent mourut au bout de huit minutes, et l’autre au bout de 18.

Par conféquent dans tous les cas rapportés ci deflus le vé- nin continue d’être tel, et ne perd pas fes qualités meurtrieres en s’uniflant au fang des animaux vivans, et en excitant en eux la maladie ordinaire.

V

tu

Ani-

Animaux mordus à la Poitrine.

Je fis mordre par une Vipere un pigeon , une feule fois, à la poitrine. Se le médicamentai. Il mourut au bout de 10 minutes.

Je fis mordre un autre pigeon à la poitrine; deux fois de fuite, par une Vipcre, et jele médicamentai; il mourut au bout de deux hucres.

Je fis mordre fix pigeons à la poitrine par autant de Vipe- res, deux fois chacun. Trois furent médicamentés, trois ne le furent pas. Ils moururent tous. Les trois médicamentés mou- rurent au bout de 1o. 20. et 50. minutes. Les trois autres au bout de 17 minutes, de 2, ct de 4 heures.

Jen fis mordre fix autres, trois à la poitrine, trois à la jambe, un égal nombre de fois. Fous moururent. Les trois mordus à la jambe , au bout de ro 15 et 20 minutes. Les trois mordus à la poitrine au bout de 17. so minutes, et 2 heures.

Ce peu d’expériences fur les pigeons feroient foupçonner que les morfures è la poitrine ne font pas plus dangereufes que celles à la jambe; et que ce feroit même le contraire. Mais les expériences font eri trop petit nombre pour que nous puiilions cn tirer des conféquences certaines.

Je fis mord'e par une Vipere un Cochon d’Inde à Îa poi- trine deux fois de fuite, et le médicamentai fur le champ. Il mourut au bout de 2 heures.

Je fis mordre par une Vipere un autre Cochon d'inde, mais beaucoup plus gros, deux fois à la poitrine, et je le mé. dicamentai. Il eut à l’endroit il fut mordu une très-grande plaie, qui demeura ouverte plus de 15 jours; mais enfin il guérit.

nd [ea

| 157

Je fis mordre un Cochon d’Iride des plus gros à la poitri- ne, par une feule Vipere, à deux reprifes,et je le médicamen- tai fur le champ. Il n'eut pas même figne de maladie. Deux jours après, je le fis mordre de nouveau par une autre Vipe- re, au même endroit, et il mourut au bout de 12 heures.

La peau dans les Cochons d’inde eft fort tendue, particu- lierement fur la poitrine. La Viperc trouve beaucoup de difh- culté à la faifir entre fes dents. Et j'ai obfervé plufieurs fois, qu'on crait que l'animal ct mordu à la poitrine, tandis qu’il ne left pas, enforte qu’il faut répéter l’expérience pour s’en bien affurer.

Je fis mordre par une Vipere un petit Lapin, à la poitri- ne, et je le médicamentai fur le champ. Au bout de 30 fecon- des il tomba fur le ventre ,et it fut mort en moins d’une minute.

Je fis mordre un autre Lapin femblable au précedent, à la Poitrine; je ne le médicamentai pas; il cut une petite plaie, et an bout de 3 jours, il étoit guéct.

Je fis mordre quatre Lapins à la poitrine, deux fois cha- cun par une feule Vipere. Jen médicamentai deux, et non pas les deux autres. Les deux médicamentés moururent, l’un au bout d’une heure, l’autre au bout de 10. Des deux autres il en mourut un ax bout d’une heure. L'autre eut à peine des marques d: la plaie à l'endroit mordu.

Je fis mordre à la Poitrine vers l’aile droite une poule, à deux reprifes, par une Vipere : et je Ja médicamentai. Elle mou- rut au bout de 24 heures.

Je fis niordre une autre poule à la poitrine, vers laile droite, à deux reprifes par une Vipere, et Je ne la médicamen- tai pas. Elle mourut au bout de 9 heures.

Je fis mordre quatre poules comme les deux précédentes, et dans les mêmes circoftances. Elles moururent toutes quatre en 18 heures.

Je

158

Je fis mordre quatre autres poules, deux comme ci deffus à la poitrine, et deux à la jambe. Le deux mordues à la poitrine moururent en moins de 10 heures, Des deux mordues à la jam- be, l’une mourut au bout de 27 heures; l’autre eut une grande maladie, mais elle ne mourut pas.

Si le nombre d'expériences étoit plus grand, on pourroit en déduire , que la morfure de la Vipere à la poitrine eft plus dan: gercufe qu'aux jambes, pour les poules ; et que c’eft l’oppofé de ce qu'on a vu dans les Lapins, et dans les Cochon d’inde.

Animaux mordus fur le Ventre.

Je fis mordre un Lapin fur le ventre, à deux reprifes, par une feule Vipere. Au bout de 18 heures il fe forma une très- grofle tumeur à l’endroit mordu . Quatre jours après elle avoit crû encore davantage. La peau avoit perdu fes poils, et elle droit entamée, et ulcerée. L’animal ne mourut cependant qu’au bout de 20 jours.

Je fis mordre au ventre un autre Lapin femblale au premier, par une Vipere, à plufieurs reprifes. Au bout de 12 heures il s’y forma une tumeur. Le poil, et l’épiderme tomberent. La tumeur étoit humide, et fanguinolente . Elle s’ouvrit au bout de 13 heures, et il fe forma un ulcere de deux pouces et demi de long fur plus d’un pouce de large. L'animal n’en mourut pas; mais il fut plus de vingt jours avant d’être guéri.

J'en fis mordre deux autres, parcillement au ventre comme ci deflus. Tous deux guérirent; mais ils eurent la tumeur, et l’ul- cere, qui refta ouvert pluficurs jours.

Je pris deux autres lapins auf gros que les autres, et je les fis mordre plufieurs fois au ventre par deux Viperes. L’un mou- rut au bout de 26 heures. L'autre eut une plaie qui tenoit

prefque

159 prefque toute la peau du bas ventre, et il refta malade 26 Jours .

"Expériences fur les Inteftins.

Jouvris le bas ventre à un Lapin, et je fis mordue à deux reprifes, par une Vipere, l’inteftin //e07, à trois pouces de di- ftance du co/or, et je lui bandai le bas ventre le mieux que Je pus. L’animal mourut au bout de 6 heures. L’inteftin étoit en- flammé, noir et contracté au deffous et au deffus du lieu de la mor- fure, à la diftance de plus de fix pouces; enforte que lPalteration s'étendoit jufqu'au color. Les vaifleaux du méfentere étoient noirs et gonflés, et le fang éroit caillé.

Je répétai cette expérience fur quatre autres Lapins, que je fis mordre aux inteftins par une feule Vipere, comme ci deflus. Le réfultat fut entierement analogue au premier.

Expériences fur le Foie.

Ayant ouvert le bas ventre à un Lapin, je bleffai avec une dent venimeufe le lobe droit du foie , dans fa partie interne. Au bout de quelques fecondes le Lapin commença à hurler, et à fe tordre; et il mourut en moins de deux minutes. Tous les vaif- feaux du foie étoient pleins de fang noir, et grumelé. Ilen étoit de mème au méfentere. Le coeur et les orcillettes étoient rem- plis de fang noir, mais fluide.

Je bleflai en deux endroits le lobe externe du foie à un au- tre Lapin avec une dent venimeufe. L’animalfe couva un peu; mais il n’hurla pas. Il mourut une heure après.

Jintroduifis dans le lobe externe du foie à un troifieme Lapin une dent venimeufe ,ct je ne la retirai pas fur le champ. Ce Lapin

cria

160

cria comme -le premier, fe tordit fortemeit, et mourut en moins d’une minute et demie. Le fang étoit coagulé dans le foie; et l’étoit également dans le méfentere.

Jinfinuai de la maniere accoutumée la dent venimeufe dans le lobe interne du foie à deux autres Lapins, et je l’y tins pen- dant quelque temps. Ces Lapins crierent, comme à l’ordinaire, au bout de peu.de fecondes, et moururent en moins de deux minutes. Le fang du foie étoit noir et coagulé; celui du coeur et des oreillettes étoit noir, mais fluide.

Je fis la même opération au lobe externe du foie à deux Lapins; mais je retirai la dent venimeufe immédiatement après l'avoir infinuée. L’un commença de hurler et de fe tordre au bout de peu de fecondes, et mourut en deux minutes. L'autre vécut près de deux heures. Dans le premier le fang du foie étoit tout coagulé ; il l’étoit auffi dans le fecond, mais beaucoup moins. Dans le premier le fang des orcillettes et des ventricules étoit fluide, et il étoit coagulé dans ic fecond.

Expériences fur les Oreilles.

Je fis mordre à deux reprifes par une Vipere, l” oreille à un Lapin médiocre , vers l'extrémité ou la pointe . Au bout de 6 heures, l'oreille étoit un peu enflée; mais l’animal, étoit difpos, et mangeoit. Au bout de 4 jours il étoit totalement guéri.

Je fis mordre de même à l'extrémité de l'oreille, deux au- tres Lapins médiocres, chacun par une Vipere, à deux reprifes. Les oreilles enflerent fenfiblement; mais Îes Lapins étoient difpos et mangcoient. Au bout de s jours ils étoient guéris tous deux.

Je fis mordre vers l’extremité de l’orcille droite un autre Lapin par une Vipere, à deux reprifes ; je le médicamentai;

l’orcil-

LOÌ

l'oreille enfla beauconp , et ne fut guérie qu'au bout de 16. jours.

Je fis mordre l’orcille à un Lapin à un tiers de fa hauteur au deffus de fa bafe, à deux reprifes, par une Vipere: à chaque ou qu'avoient faits les dents fur les deux parties oppofées de Vorcille, il y avoit une goutte de fang, et à côté de celle une petite goutte de vénin, qui bien qu'il fût en contaét avec le fang; ne s’y méloit cependant point du tout. Les trous faits par les dents étoient au nombre de 4.de chaque côté de l'oreil- le, en forte que les gouttelettes de vénin étoient au nombre de 8. L’oreille enfla beaucoup, et ne fut guerie qu’au bout de 20. jours.

Il n’eft point du tout difficile de rendre raifon des goct- telettes de vénin fur les parties oppofées de l'oreille. On fait que le vénin fort par la pointe de la dent. L’oreille d’un Lapin médiocre eft moins épaifle que de la longueur d’une dent de Vipere ; c’eft pourquoi la pointe de la dent doit fortir à la par- tie oppofée de l’oreille. Lorfque la Vipere retire la dent le vé- nin eft déja parvenu jufqu’a fa pointe, d’où il eft forcé de s’ar- rètter fur les bords du trou qui fe ferme par lelafticité de la peau de l'oreille. En fortant de l’autre côté de l'oreille la dent laiffe pareillement fur le bord du trou oppofé le vénin qu’elle continue de répandre. Ces gouttelettes de vénin laiflées fur la partie oppofée de l'orcille , je les ai obfervées depuis fur prefque tous les autres Lapins que j'ai fait mordre à l'oreille; et j'ai qu’elles font en général plus grandes à la partie par la dent eft fortie, qu’à celle par elle eft entrée, furtout fi l’on fait enforte que la Vipere ne retire pasles dents trop promptement.

Je fis mordre les deux orcilles à un Lapin, à un tiers de leur hauteur au deflus de la bafe. Chaque oreille fut mordue à trois reprifes par une feule Vipere. Les deux orcilles enflerent

X hor-

162

horriblement, de près de 8 lignes vers la bafe; l’animal fut fort malade. Il ne mangea que peu, et ce ne fut encore qu’après les premiers jours. Il ne fut entierement guéri qu’au bout de 20. Jours; et il étoit alors beaucoup maigri.

Jen fis mordre deux autres, au méme endroit è chaque orcille,età plufieurs reprifes, par deux Viperes. Les oreilles au bout de deux jours étoient difformes par l’enflure. Deux autres jours après elles leur tomboient fur le col, et pendoient chacune de fon côté. L’un des deux Lapins mourut au bout de huit Jours ayant les orcilles ulcerées et fphacélées; l’autre guérit; mais ce ne fut qu’au bout de 28 jours.

Je fis mordre un Lapin de grofleur médiocre, à l’oreille par une Vipere , une feule fois. L’orcille donna un peu de fang, et à côté de deux trous qu’avoient faits les dents , on voyoit deux petites gouttes de vénin. Il nc fut pas médicamenté ; il eut une petite inflammation et tumeur à fa partie ,et au bout de 30 heures il étoit parfaitement ouéri.

Je fis mordre un autre Lapin auffi gros que le précédent . Je le médicamentai fur le champ, et lui fis avaler de l’alkali vo- latil. L’oreille enfla très-fort; et elle étoit livide à l’endroit elle étoir le plus gonflée. La tumeur de l'oreille fe maintint pendant 6. Jours; et quatre autres jours après, l’animal étoit gucri .

Je fis mordre aux orcilles quatre Lapins, par autant de Viperes. Deux furent médicamentés, et deux ne le furent pas. Il n'en mourut aucun. Les orcilles enflerent médiocrement à tous les quatre, et au bout de 3. jours, ils furent tous guéris. | M'étant ainfi affuré que la morfure de la Vipere faite aux oreilles n’etoit pas très-dangereufe, je fongeai à faire mordre ees animaux par plulieurs Viperes, à divers endroits des deux oreil- les. “A cet effet, je choilis douze lapins de grofleur moyenne,

et

163

et je les fis mordre tous à pluficurs reprifes, à divers endroits des deux oreilles, chacun par trois Viperes. Ils eurent tous une grande maladie. Leurs oreilles enflerent extrêmement, et ils re- fterent malades plus de 12 jours. Trois eurent fous le menton et au col, une tumeur, ou fac enorme plus gros que la tête de l'animal et rempli d’une humeur; mais cédant à la preffion. Au bouc de deux jours, les tumeurs fe creverent , et les oreil- les s’uleérerent. Au bout de 16 jours, ils étoient parfaitement guéris .

Expériences fur le Péricrane.

Je découvris le crane à un pigeon, en enlevant une bonne étendue de peau. Je fis quelques petites incifions fur le péricra- ne avec la pointe d’une lancette. Je verfai du vénin par deflus, de maniere cependant qu’il n’atteignit pas aux parties voifines, et coupées. L’animal ne parut avoir fouffert aucun mal, et il guérit en même tems qu’un autre que j'avois préparé pour fer- vir de terme de comparaifon, et au quel je n’avois point mis de vénin fur le péricrane.

Je répétai cette expérience fur quatre autres pigeons, avec le même fuccès. Aucun ne mourut; et aucun ne parut même avoir été attaqué de la maladie du vénin.

Sur les Os,et le Periofle.

Je découvris le crane à un pigeon, et j'en dépouillai une bonne partie du péricrane; je fis de petites bleffures avec une lancette fur le crâne, fans cependant le percer de part en part. J'infinuai du vénin en quantité dans les bleffures, et j'empéchai comme à lordinaire, qu'il ne fe communiquât aux parties voi-

X 2 fines.

164 fines. L'animal non feulement ne mourut pas; mais il ne parut même avoir rien fouffert.

Trois autres pigeons traités de la même maniere donnc- rent les mêmes réfulrats.

Ayant découvert le #ibia à deux pigeons, et l'ayant bien dépouillé du tiflu cellulaire, je picquai en plufieurs endroits avec la pointe d’une aiguille le périofte,et l'os, et jy répandis copieufement du vénin par deffus. Non feulement ils ne mou- rurent pas; mais il ne paroïfloit pas mème qu’ils euflent de ma- ladie; et ils guérirent, comme deux autres que javois traités de la même maniere, mais fans vénin, pour qu'ils ferviflent de terme de comparaifon.

Je répétai cette expérience fur deux autres pigeons dans les mêmes circoftances; et les réfultats furent toujours les mê- mes. Aucun ne mourut, aucun ne donna même le moindre fi- gue de la maladie du vénin.

Je découvris le périofte du #02 À fix autres pigeons, et l'ayant piqué en plufieurs endroits avec une aiguille, je l'hume- Wai de vénin. Aucun des pigeons ne mourut, ni ne parut foufitir .

Dure imere, et Cervean.

J'enievai un morccau du crane à un pigeon, en ayant at- tention de ne pas déchirer fenfiblenrent la dure mere. JPelluyai légerement avec de la charpie feche la dure mere, qui fe trou- voit à découvert; et jjy mis une goutte de vénin par deflus. L'animal ne mourut, ni ne parut éprouver aucune maladie du vénin. Il guérit dans le même tems qu’un autre, que j'avois pré- paré de la même façon, mais fans vénin, pour fervir de terme

de comparaifon. Cet-

165

Cette expérience eut le même réfultat dans deux autres pi- geons traités comme ci deflus.

J'ôtai un morceau du crane à un pigeon, et Jincifai la du- re mere tout autour. Je fis entrer par l’ouverture une goutte de vénin. L'animal guérit, et ne parut avoir éprouvé aucun mal du vénin.

Dans un autre pigeon, après avoir òté la dure mere, je perçai le cerveau, mais à peu de profondeur. L'animal guérit, comme le précedent.

Un troifiéme pigeon, au quel je fis la même opération, mourut au bout de quatre heures.

Moëlle des Os.

Je coupai les zibia vers l’extremité infériure à deux pi- geons, et jinfinuai dans l'os le long de la moëlle deux petits morceaux de bois chargés de vénin. Ils ne moururent pas, et n’eurent aucun figne de la maladie du vénin.

Je coupai les #:bia comme ci deflus à deux autres pigeons, et J'introduifis dans la moëlle deux petits morceaux de bois bien enduits de vénin, et je les y tins pendant fix minutes. Il ne pa- rut pas qu'ils euflent même fenfiblement la maladie du vénin.

Je répétai les mêmes expériences fur quatre autres pigeons dans les mêmes circoftances que ci deflus. Elles eurent le même réfultat dans tous, et ils guérirent , dans le même tems que deux autres migcons qui fervoient de terme de comparaifon , fans vénin.

Sur la Cornée tranfparente .

Je piquai avec une dent venimeufe la cornée tranfparente de l’ocil droit à un gros Lapin. L'humeur aqueufe fortit: avec une

166

une autre dent venimeufe j'égratignai d’abord, enfuite je pergai la cornée tranfparente de l’autre oeil. Au bont d’une heure je trouvai l’oeil droit rempli de l’humeur aqueufe et entierement fain. Au bout de 18 heures, il fe forma un leucome fur la cornée tranfparente de l’autre ocil, mais fans inflammation fen- fible. Au bout de trois jours on voyoit une perle enrelief fur l’ocil gauche.

Jégratignai avec une dent bien éffuyée la cornée d’un autre Lapin, et enfin je la perçai. Au bout de 14 heures, il y parut un nuage. Deux Jours après, elle s'étoit élevée en perle.

Je jettai une goutte de vénin dans l'oeil à un gros Lapin et je l’examinai d’une heure à l’autre. Au bout de 18 heures, il me parut que la membrane syéitante étoit un peu plus rouge qu'à l'ordinaire.

Je fis tomber deux gouttes de vénin fur l'oeil ouvert à un autre Lapin; il ne s’y forma point d’inflammation.

Je fis la même expérience fur l'oeil à un troifiéme Lapin; et cet oeil fe maintint toujours dans fon état naturel.

Je répétai cette expérience fur trois autres Lapins; et dans aucun l'oeil ne s’enflamma d’une maniere fenfible.

Je mouillai pluficurs fois avec beaucoup de vénin les yeux à un gros Lapin, et je lui en mis plufieurs gouttes fur les levres et fur la langue. Au bout de trois heures, la membrane nyétitante paroifloit quelque peu rouge. Au bout de 18 heu- res, elle étoit dans fon état naturel.

Je mis fur la langue à un autre Lapin plufieurs gouttes de vénin, et je lui en barbouillai avec un pinceau les levres et le palais. Il n’eut aucune enflure dans aucun endroit de la bouche ; et il parut n'avoir rien fouflert .

(Cette expérience répétée fur deux autres Lapins eut tou- jours le même réfultat. Aucune partie de la bouche n’enfla, ni ne parut enflammée. CHA-

167 Cos. Ace PE, RUE FN

Expériences [ur la Crête, les Barbes, le Nez, et le Col des animaux .

Près tout ce qu’on vient de voir, il me reftoit à exami-

ner les effets du vénin de la Vipere fur la crête, le nez, et le col des animaux. Ces parties m'ont préfenté des phénome- nes inattendus et intéreflans; c’eft pourquoi j'ai cru devoir en traiter à part, et avec une certaine étendue.

Expériences fur la crête des Poules.

Je fis mordre à deux reprifes par une Vipere la crête à une poule. Il fortit beaucoup de fang des bleffures que firent les dents. Au bout de 3 heures je m’appergus que les barbes setoient accrues. Au bout de 6 heures elles formoient une grande tumeur ou veflie. La poule mourut au bout de 4 jours fans avoir mangé ni bu. La tumeur des barbes, qui n’en for- moient qu'&ne feule monftrueufe, étoit remplie d’une humeur diffoute et de couleur de chair; et d’un amas ou tiflu de fila- mens, et de vaifleaux.

Je fis mordre un petit coq à la crête, par une Vipere, une feule fois, ec je le médicamentai tout de fuite. Il mourut au bout de 10 minutes.

Je fis mordre par une Vipere, une feule fois, un autre coq femblable au premier; et Je le médicamentai. Au bout de 2 heures il avoit déja les deux barbes enfiées; au bout de 22 à peine l’etoient-elles fenfiblement; au bout de 36, une feule avoit encore quelques marques d’enflure; au bout de 40 heures le coq étoit tout à fait gueri. Je

168

Je fis mordre la crête à un gros coq, à trois reprifes, par une Vipere. La crête étoit branchue, pointue, et épaiffe par tout de plus de 4 lignes. Elle donna quelque peu de fang. Il y avoit de petites gouttes de vénin à côté des trous qu’avoient faits les dents. Je fis une petite bleflure à la crête avec la pointe d’une lancette, et j'y infinuai un peu de vénin. Ce coq n'eut aucun figne de maladie. Deux jours après, je le fis mordre de nouveau par une autre Vipere , à deux reprifes, à la créte. Au bout de deux heures, elle paroiffoit un peu livide vers la bafe, ct peutétre plus grofle. Au bout de 3, les barbes étoient fort groflies. Au bout de 20, elles etoient monftrueufes, et livides dans toute leur étendue. Au bout de 23 elles s’ouvrirent, etle coq mourut peu de tems après,

li n’y a pas même lieu de douter que dans le premier cas le vénin n'eût été rejetté au de hors par le fang, ce qui arri ve fouvent dans des cas pareils. Il eft beaucoup plus difficile de rendre raifon de la tumeur qui fe forme aux barbes, tan- dis que la morfure eft à lacréte. Jai cependant arriver auffi quelque chofe de femblable dans d’autres animaux. Souvent la morfure faite à la jambe des Lapins fait naitre une tumeur, ou arrêt d’humeurs dans les parties les plus baffes de la même jambe. Mais il faut continuer les expériences.

Je fis mordre à ja crêre une poule par deux Viperes, à deux reprifes chacune. Au bout de 2 heures, une des barbes commença de fe gonfler, et non pas l’autre. Au bout de 20; el. les éroient toutes deux très-fort enfites, et tellement unies qu’el- les ne formoient qu’un feul corps. Au bout de 36, elles étoient monftrueufes par leur groffeur et leur lividité. Au bout de 10 jours , la poule étoit guérie, le quattriéme jour, elle refpiroit avec peine et en fifflant; la glotte étoit enflammée et ouverte, et la trachée artere étoit enfée.

n

169

Je fis mordre à la crête une poule par deux Viperes à plufieurs reprifes. Au bout de 3 minutes, la bafe de la créte étoit livide, et paroiffoit un peu grofle. Au bout d’une heure, la couleur livide et la tuméfaétion paroiffoient s'ître évanouics, mais au lieu de cela les barbes étoient groflies. Au bout de 3 heures une des paupicres inférieures diftilloit du fang de tous fes points. Le gozier etle palais étoient noirs. Au bout de i: heures, la poule paroifloit mourante; et les barbes étoient livi- des, et de grofleur monflrueufe. Elle mourut au bout de 33 heures .

Je fis mordre à la crête une poule, à pluficurs reprifes, par une Vipere. A peine l’une des deux barbes fe gonfla-t-clle un peu. Au bout de 36 heures ce peu de gonflement avoit di- fparu, mais elle refpiroit mal, et en faifant graad bruit. La trachée étoic groffie et très-enflammée, même 6 jours après. Elle fut entierement guérie au bout de 10 jours.

Tous ces faits démontrent une communication immédia- te des vaifleaux et des humeurs entre la créte et les barbes des poules. Jomet de rapporter le dérail de toutes les expériences faites fur d’autres poules, au nombre de plus de dix mais qui fe réduifent aux cas qu’on vient de voir.

Expériences fur les Barbes des Poules.

J'étois curieux de favoir ce qui feroit arrivé fi j'eufle fait mor- dre par des Viperes, non pas les crêtes, mais feulement les barbes: favoir; fi la morfure auroit été également dangercufe ; fi la tumeur auroit fauté à la créte feulement, ou fi elle fe feroit formée à la crête et aux barbes .

Je fis mordre par deux Viperes à plufieurs reprifes les barbes à une poule. Au bout de 2 minutes elles étoient déja

Y grof-

179

groflies et livides. Les yeux diftilloïent une grande quantité d'humeur, et étoient fermés par la membrane nyétitante alté- rée. En moins d’une heure les barbes étoient d’une grofleur énorme, et toutes livides : elle mourut au bout de 5 heures.

Je fis mordre à deux reprifes par une Vipere les barbes à une autre poule. Elles s’enflerent en moins de quatre minutes; et au bout de 2 heures elles étoient très-sroffes et fort livides. La crête paroifloit un peu obfcure fur les pointes et fur les bords. La poule mourut au bout de trois jours.

Ce peu d'épreuves pourroient faire foupçonner que les bleffures faites à la crête font moins dangereufes que celles qui font faites aux barbes dans les mêmes circonftances.

Pour m'affurer de cette hypothefe, je crus devoir faire les expériences fuivantes. Je fis mordre fix poules, chacune à deux reprifes par une feule Vipere. Trois furent mordues à la crête; et trois aux barbes. Il n’en mourut qu’une des premieres, et deux des fecondes.

Cette expérience répétée fur fix autres poules eut un fuc- ces un peu différent. Il ne mourut qu’une de celles qui furent mordues à la crête, et celles quile furent aux barbes moururent toutes .

Ces nouvelles expériences me firent croire que ma con- jeéture étoit très-pr'obable : favoir, que la morfure de la Vipe- re eft plus dangereufe pour les poules quand elle eft faite aux barbes, que quand elle cit faite à la crête.

L’accident qui arrive aux poules dont la crête eft mordue par les Viperes ne laiffe pas d’être fingulier. L’aétion du vé- nin, la maladie méme fe portent fur une partie éloignée qui n’a point été mordue. Et quand on fait mordre les barbes, le vénin ne fauie pas à la crête, et la maladie ne fe communique point à cette partie, et cependant la firuéture des barbes, et de la

cré-

r7u

crête eft la même, et les vaifleaux et les nerfs font communs à l’une et à l’autre partie.

J'avoue que ce phénomene me parut très-piquant, et di- gne d’être en quelque forte analyfé et approfondi par des recher- ches ultérieures.

Je commençai par faire mordre une feule fois par une Vipere la crête à une poule, et au bout de 15 fecondes je lui coupai les deux barbes. Non feulement la poule ne mourut pas, et n’eut aucune forte d’altération à la crête; mais il ne parut pas qu'elle eût aucun principe de maladie du vénin.

Je fis mordre une feule fois la crête à une autre poule, et au bout de 15 fecondes, je la coupai toute entiere jusqu'a fa bafe. Les barbes n’enflerent point; et il ne parut pas que la poule eût aucun figne de la maladie du vénin.

Je fis mordre à plufeurs reprifes par une Vipere les bar- bes à un grand coq. Six heures après, fes deux barbes éroient horriblement groffes. Le jour fuivantelles l’étoient encore plus, et en outre elles étoient livides. Il guérit au bout de 13 Jours.

Je fis mordre à plufieurs reprifes, par deux Viperes les barbes à un autre coq très-grand. Au bout de 10 minutes je les lui coupai. Le jour fuivant il mangeoit et paroiffoit fain » et au bout de 3 jours, il étoit entierement guéri.

Je repétai ces expériences fur les barbes de fix autres coqs que je fis mordre chacun à pluñeurs reprifes par deux Vipe- res. Je leur coupai les barbes à tous; mais à divers intervalles: j'en coupai au bout d'une minute, de 2 de 4,8,16,32 ils gué- rirent tous, ct ne parurent malades que de la fimple fection méchanique .

Je fis mordre la crére à un gros coq par deux Viperes, à plufieurs reprifes; et au bout de 8 minutes Je lui coupai les bar. bes. Il mourut au bout de 3 heures.

V2 Je

192

Je fis mordre un autre coq très-gros, par deux Viperes , à pluficurs reprifes, à la crête, et au bout de 4 minutes, je lui coupai les barbes. Il mourut au bout de 27 minutes. A peine ce coq fut-il mordu par la primiere Vipere, qu’il ne pouvoit plus fe foutenir fur les pieds , et qu’il ne pouvoit plus tenir fa tête droite. Il ouvroit le bec, refpiroit précipitamment et avec peine, et il fortoit de fon bec une humeur glutineufe.

Je répétai cette expérience fur fix autres cogs, que je fis mordre à plufieurs reprifes, par deux Viperes chacun, à la crête. Je leur coupai à tous la crête au bout de quatre minu- tes. Trois moururent en moins de 20 heures; et trois eurent une grande maladie, et ne furent guéris qu’au bout de 10

jours. Expériences fur le Col des animaux.

Je fis mordre à deux reprifes par une Vipere un petit Cochon d’Inde, fur le derriere du col; et je le médicamentai. il mourut au bout de 40 minutes.

Je fis mordre au haut du col un Lapin de groffeur moyen- ne, par une feule Vipere, à deux reprifes, et je le médica- mentai. Il mourut au bout de ,24 heures.

Je fis mordre deux Cochons d’Inde su col; chacun par une Vipere, à deux reprifes. L’un fut médicamenté, l'autre ue le fut pas. Ils moururent tous deux: le médicamenté, au bout d'une heure, et l’autre au bout de quatre.

Je fis mordre deux petits Lapins au col; chacun par une Vipere, à plufieurs reprifes. L’un fut médicamenté et avala plufeurs fois de Paikali volatil. Je ne fis aucun remede à l’au- tre. Ils moururent tous deux. Le premicr au bout de quatre

{ 2 1 ë honres; l’autre au bout de 22.

Le

173

Je fis mordre au col par une feule Vipere, à deux repri- fes, un très-gros Cochon d'Inde. Au bout d’une heure le col étoit livide et tuméfié à l’endroit mordu. Au bout de 23 heu- res il y avoit une grande plaie. Au bout de 2 jours les ma- tieres qui formoient la tumeur écoient defcendues fous le men- ton, et faifoient une grande bourfe, ou veffic. Au bout de quatre jours la tumeur s’étoit étendue de maniere qu'elle oc- cupoit prefque toute la poitrine; la peau s’étoit dépouillée du poil et de l’épiderme; et il en fuintoit une humeur un peu coloréc. Au bout de 6 jours elle commença à diminuer, et l'animal étoit guéri au bout de 15.

La maladie, ou la matiere qui defcendoit dans cet ani- mal de la partie la élevée du coi, à la plus bafle, et qui s’'étendoit encore fur la poitrine, elle formoit un fac ou une. veflie, a la plus grande analogie avec les phénomenes que nous avons obfervés en faifant mordre la crête des poules. La feule différence qu'il y ait, c'elt que dans les poules cet effet eft plus fréquent, ec c'elt même le plus ordinaire; et qu’au contraire il arrive beaucoup plus rarement dans les quadrupedes , du moins dans les Cochons d'Inde , mordus au col . De vingtdeux animaux que j'ai traités de la même maniere , et dont je médicamentai onze, ce non les autres, Je n'en aivu que cinq dans les quels la ma- ladie foit defcendue au deffous du col, et ait formé une veflic. De ces cinq, trois furent médicamentés, et deux ne le furent pas. Le nombre des morts fut égal des deux côtés; il fut de quatre ca tout.

Il eft cependant vrai qu’en ayant fait mordre quelques autres; mais par pluficurs Viperes, et à pluficurs reprifes, j'eus un plus grand nombre d'animaux aux quelsle fac, ou la tumeur fe forma cn deflous; mais ils moururent prefque tous.

Jobtins des réfultats analo ques, en faifait les mêmes cxpé-

174

riences fur les Lapins. Le fac fe forme quelque fois auffi fous le menton dans ces animaux, quoiqu'ils n’ayent été mordus que fur le col, et il fe forme beaucoup plus grand, et plus fou- vent, lorfqu’on les a fait mordre par plufieurs Viperes, et alors ils meurent plus facilement.

Expériences fur le Nez des animaux.

Il me reftoit à examiner les morfures de la Vipere fur une partie de l’animal qu'on croit la plus fenfibie et la plus (u- jette à donner la mort à quelques animaux, quand elle eft offen- fée. Cette partie, c’eft le nez. Il paroît que le chat, qui eft un animal fi difficile à mourir, fuccombe comme les autres, s’il eft frappé à cette partie.

Mead l’a réputée fi fenfible et fi dangereufe dans les Chiens , que voulant s’affurer de l'efficacité d’un remede contre la mor- fure de la Vipere, il fit mordre un Chien au nez, et y appli- qua le remede. Le Chien ne mourut pas, et cela fuffit pour faire regarder ce remede comme un véritable fpécifique: tant étoit forte l’opinion, que la morfure de la Vipere fur le nez étoit mortelle.

Je ne rapporterai pas ici toutes les expériences que jai faites fur cette partie; mais feulement un petit nombre qui fuf- ilent pour rectifier nos idées fur des opinions trop populaires.

On verra quelle opinion lon doit avoir de la morfure de la Vipere fur le nez, et combien il eft d’abfolue néceflité de confulter la nature par les faits, et par l’expérience, Il n’eft rien de plus dangereux et de plus incertain dans de parcilles recher- ches, qu’une analogie vague, ou qu'un raifonnement feduifant et probable. La nature ne fe devine pas, et les prophêtes en phyäque ne font point dignes de foi.

Je

119

Je fis mordre un petit Lapin au nez à deux reprifes, par une Vipere. Deux minutes après, le nez étoit fenfiblement en- fé. Au bout de trois heures il fe forma une tumeur au col fous le menton. Au bout de fept heures la tumeur devint très- confidérable; mais l’animal guérit.

Je fis mordre au nez un autre Lapin un peu plus gros que le premier, et je le médicamentai. Il fut mordu à deux reprifes par une Vipere, mais une des morfures avoit été faite fur la levre fupérieure è côté du nez. Deux minutes après le nez avoit grofli. Il fe forma fous le menton une tumeur qui étoit monftrueufe par fon volume. Au bout de 20 heures la tumeur creva; il en fortit beaucoup de matieres; et l’animal guérit au bout de fix jours.

Je fis mordre au nez un troifiéme Lapin de groffeur me- diocre, par une Vipere, à deux réprifes: le nez enfla peu de tems après. Au bout de deux heures, il fe forma une tu- meur fous le menton. Au bout de fept heures , la tumeur étoit fanguinolente et fort grofle. Au bout de 36 heures, la tumeur et la peau commencerent à fe fecher, et l’animal fut guéri au bout de fix Jours.

Six autres Lapins furent mordus dans les mêmes circoftan- ces. Il n’en mourut aucun, et les effets furent à peu près les mêmes que ci deflus.

La motfare de la Vipere au nez des Lapins paroît être moins dangereufe qu'aux autres parties, au contraire de ce qu’on auroit naturellement croire. D'ailleurs, la maladie qu’elle produit eft très-analogue, par rapport à fonfiege, à celle de la crête des poules. Dans les cas dont je parle, il fe forme auf une tumeur dans un endroit l’animal n’a pas été mordu: elle fe forme aux parties inférieures à l'endroit mordu, et le plus fouvent le vénin occalionne à peine une maladie réelle, et

fen-

176

fenfible à l’endroit ou il eft entré. La feule différence effentiel- Je qu'il y ait, c’eft que dans les Lapins la tumeur prend une plus grande extenfion, et va quelque fois jafqu’à la moitié de Ja poitrine.

Il nous refle encore à voir fi la même chofe arrive fur les autres animaux différens des Lapins.

Je fis mordre au nez par une Vipere un gros Cochon d'Inde. Demi.heure après, le nez étoit fort enflé; au bout de trois heures il etoit très-diminué ; mais au lieu de cela, il fe forma une grofle tumeur fous le menton. Au bout de 15 heures la tumeur s'ouvrit et donna une grande quantité de fang,et de ferum. Au bout de 36 heures la tumeur étoit épuifée,et la peau ouverte s'éroir déflechée.Il étoit entierement guéri au bout de 4 jours. Cet animal ne fut jamais très-mal, car il mangea toujours:

Je fis mordre au nez ‘un autre gros Cochon d’Inde, par une Vipere, à deux reprifes. Le nez et le mufeau enflerent beaucoup; mais ils diminuerent à proportion qu’il fe formoit une tumeur fous le menton. 22 heures après, la tumeur qui s’étoit ouverte une heure auparavant, commença de fe déflecher . Au bout de 36 heures, elle paroifloit prefque entierement defle- chée; et au bout de deux jours, l’animal parut guéri. Pendant le cours de toute la maladie il parut foufirir peu, et il man- gea toujours.

Je fis mordre un gros Cochon d’Inde au mufeau, par deux Viperes, qui le mordirent chacune deux fois. Le nez enfla en moins de 3 minutes. Il étoit encore plus gros au bout de 10. Deux heures après, il fe forma une tumeur fous le menton, et le nez commença de diminuer, et peu de tems après, il fut réduit à fon état naturel. Au bout de 23 heures, la tumeur étoit très-grofle, elle occupoit prefque toute la poitrine, et au bout de deux jours , elle creva. Au bout de 5 autres, l’anima! étoit guéri. Je

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Je répétai la même expérience fur un autre gros Cochon d'Inde. Je le fis mordre par trois Viperes, à trois reprifes cha- cune. Le nez enfla beaucoup, ainfi que le mufeau; mais il ne refta enflè, que 4 heures. Au bout de 2 heures on voyoit déja fous le menton une grofle tumeur, qui au bout de =; heures étoit enorme et defcendoit fur la poitrine; cette tumeur s'ouvrit au bout de 30 heures. L'animal ne fut entierement guc- ri que le huitiéme jour. Je trouvai que les os du nez étoient dé- couverts, ct que la peau étoit confumée tout à l’entour.

Je fis la même expérience fur deux autres Cochons d’In- de; mais petits. L’an mourut au bout de 12 heures, l’autre eut la tumeur ordinaire; mais il ne mourut pas, quoiqu'il eût été très-mal.

La morfure de la Vipere fur le nez paroît produire à peu près les mêmes eficts fur les Cochons d'Inde que furles Lapins, et il femble que le vénin eft moins dangereux dans cette par- tic que par tout ailleurs. On obferve encore la même conftance d’ettets relativement au fiege de la maladie; mais ces effets font ils les mêmes dans tous les autres animaux? Je rapporterai ce que Jai obfervé dans les chiens,et dans les chats , animaux qui cotrent dans le plan de mes recherches préfentes. On verra combien peu lon doit fe fier à l’analogie feule , et comment la même caufe produit des effets très-diflérens, lorfqu’on chan- ge fimplement quelque circonflance, qu’on croiroit ne pouvoir faire une grande varicté.

Je fis mordre un petit chien par deux Viperes À plafieurs reprifes, au nez. Le nez, et le mufeau enflerent, et l'animal mourut au bout de 8 heures, fans aucun figne de maladie en quelqu'autre partie.

Je fis mordre un chien plus gros du double que le pre- mier, par deux Viperes, à plafieurs reprifes, au nez. Tout le

4 mu.

178

mufcau lui enfla tellement, que 12 heures après, même les le- vres étoient très-enflées. Il vomit plufieurs fois. Il fut très-ma- lade pendant trois jours de fuite, à la fin du troifiéme il com- mença à boire, au quattriéme il mangea; au cinquième il étoit tout à fait guéri.

Je pris un autre chien encore plus gros que le fecond, et je le fis mordre au nez par trois Viperes, à trois reprifes cha- cune. Peu de tems après, le nez, le mufeau, et les levres lui enflerent au point d'être difformes par leur volume. il vomit grand nombre de fois; le quattriéme jour il but, et mangea, le cinquiéme il fuc guéri.

Je fis mordre un autre chien auffi gros que le précédent. Il fut mordu au nez par 4 Viperes, et chacune le mordit trois ou quatre fois. Il eut une morfure à côté du nez ,et une autre à une levre. Son mufeau enfla jufqu'aux yeux, et fon nez de- viot difforme et monftrueux. Il vomit frequemment. Il ne but ni ne mangea qu'après le trofiéme jour, le cinquiéme il étoit guéri.

Je fis mordre un autre gros chien au nez par fix Vipe- res. Chaque Vipere le mordic trois ou quatre fois. Le nez le mu- feau enflerent énormément, Il vomit un grand nombre de fois. Il mangea après le quattriéme jour, et il fut guéri au fixiéme.

En fin j'en pris un autre auffi gros que ces derniers. Je le fis mordre au nez par 6 Viperes, et chaque Vipere le mor- dit 3 ou 4 fois. Son nez enfla extrèmement; il ne mangea qu'après le cinquiéme jour. Il vomit fouvent, et il fut guéri au bout de 7 Jours.

Les Lapins et les Cochons d'Inde mordus au nez ont or- dinairement la maladie fous le menton, et: non pas au nez. Celt tout loppofé dans les chiens. La maladie eft toute au nez, et non fousle menton. Ils forment ainti une efpece d’exce-

,

ption aux cas rapportés ci deilus. Il

179

Il eft d’ailleurs fingulier que l'aGion du vénin étant re- ftrainte au nez ne produife pas des plaies et des gangrenes in- curables dans ces parties. On voit même tout l’oppofé. La par- tie mordue ne forme communément point de plaie; et non feulement l'animal ne meurt pas facilement, mais encore il pa- roit n'avoir qu’une maladie légere, puifqu'il guérit en peu de jours .

Expériences fur les Chats mordus an Nez.

On a vu plus haut, que le chat et un animal qui réfifte plus que les autres à la morfure de la Vipere, quoique le vénin lui procure toujours une maladie réelle. On pouvoit conjeétu- rer que la morfure de la Vipere au nez du chat ne lui occafion- neroit pas une maladie mortelle. Mais d’un autre côté l’on fait que les percuffions méchaniques au nez font dangereufes pour les chats ,et qu'ils meurent facilement s'ils tombent de haut fur cette partie.

Je voulus donc recourir encore dans ce cas à l’expérience, qui pouvoic feule m'affurer de la vérità.

Je fis mordre un chat de grofleur médiocre, au nez, à plufieurs repriles, par une Vipere. Le mufeau s’enfla dans toute fa circonférence. L’animal mangea dès le fecond jour, et fut tout à fait guéri le troilitme .

Jen fis mordre un autre femblable au précédent. Ii fut mordu au nez, à pluficurs reprifes par une Vipere. Peu de mi- nutes après, le nez lui enfla. Il vomit deux fois. Il mangea dès le fecond jour, et le troifiéme il étoit entierement guéri.

Ce fecond chat parut avoir peu foufert, et n’avoir cfluyé qu'une très-legere maladie. i

Je fis mordre un troifiéme chat au mufeau, à plufieurs re-

Z 2 pri-

180

prifes, par une Vipere. Une des morfures porta fur Ja levre fupérieure qui faisna beaucoup; tout le mufeau lui enfla très-fort; mais le fecond jour il mangea, et le troifiéme il fut guéri.

Je fis mordre un gros chat au nez par une Vipere, à plu- fieurs reprifes. Le nez lui faigna beaucoup. Peu. de minutes après, il lui enfla un peu. Au bout de 20 heures, il étoit en- core enflé; mais le chat paroifloit peu incommodé. Au bout de 40 , il étoit guéri.

Je fis mordre un autre chat groffcur moyenne, au nez, à pluficurs reprifes, par une Vipere, qui le mordit une fois fur le mufeau, ct fur les levres. 5 minutes après, il avoit le mu- feau enflé. Au bout de $ heures, il vomit plufieurs fois. Au bout de 36, il étoit entierement guéri.

Je fis mordre un autre chat de moyenne grofleur, au nez et au mufcau, deffus ct deffous. Sept heures après il vomit plu- fieurs fois. Son nez et fon mufeau étoient enflés, mais affez mé- diocrement :au bout de 20 heures, il étoit guéri.

Un autre chat de moyenne groffeur fut mordu par trois A VAperes: qui le mordirent chacune trois fois, et plus, au nez, au mufeau, et même intériurement au palais, qui donna du

eh

fano: ca elques minutes après, fon mufeau'enfla., mais: peu; il vo- mit plufieurs fois, et fon palais n’enfla point du tout. Il man: sea au bout de 3 Jours. Au bout de 5, il écoit entierement guéri.

Jen pris un atütre un peu plus gros que le précédent, et je le fis mordre par 4 Viperes. Chacune à plufieurs reprifes, au nez, au mufcau, aux levres, et au palais, de maniere que le chat fe fentant picquer dans la gueule par la: Vipere, la: prit aux dents, er lui coupa prefque entierement la tête. Le nez et le mufeau lui enflerent beaucoup. Il vomit plufieurs fois. li mange au quattritme jour, et Je fixiéme il étoit suéri.

Je

181

Je répétai les mêmes expériences fur trois autres chats, que je fis mordre au nez, à pluficurs reprifes par une Vipere; et les effets furent à peu près les mêmes. De forte qu'il pa- roit qu'on peut en déduire, que la morfure de la Vipere au nez n'eft pas fort dangereufe pour les chiens ; et qu'elle left en- core moins pour les chats.

I et cependant bien étrange que dans les chats et les chiens il ne fe forme point de tumeur fous le menton, et que la maladie locale foit reftrainte au lieu mordu , tandis qu’au contraire dans les Lapins et dans les Cochons d’Inde, la mala- die n’eft pas à l’endroit mordu; mais dans une autre partie de l'animal, et plus bas.

Il eft clair que cette différence ne peut dépendre que de l’organifation et de la nature diverfe de ces animaux; mais cet- te diverlité cft précilément ce que nous ignorons.

Je dois prévenir ici une difliculté que pourroient faire ceux qui ne font pas habitues à faire de pareilles expériences.

On. pourroit oppofer que peut-être les morfures faites fur le nez deviennent moins dangereufes parceque les animaux fe lèchent dans ces parties. Les Lapins et les Cochons d’Inde ne fe lèchent jamais, quoiqu'il foient mordus; je m'en fuis afluré de façon à ne pas craindre de m'être trompé.

Plus des deux tiers, tant des chiens, que des chats que jai fait mordre au nez, ne fe font jamais léchés, quoiqu'ils le puffent facilement. Je les ai obfervés, et les ai fait oblfer- ver pendant des heures entieres. Il eft vrai que ceux qui fai- gnent beaucoup fe lèchent s'ils le peuvent; mais en les obfer- vant on voit que l’amimal ne cherche avec la langue qu'à fe débarrafler du fang qui en coulant le chatouille; ct que des qu'il y eft parvenu, ce qui arrive dans un inftant, il ne lèche plus. Dans les expériences que Jai faites fur les chiens, et fur

les

182

les chats qui faignoient par le nez, j'en ai empeché quelques uns de fe lècher, et j'ai laiffé faire aux autres. La maladie a été la même dans tous. Enforte qu'il eft certain que le fimple lìéchement du nez, que font le chien et le chat, ne dimi-

nue point du tout les effets du vénin de la Vipere fur ces parties .

Ge H Alibi: «RE VI, Efhériences uv les Tendons,

Luficurs Phyfologiftes modernes ont cru que les tendons

ne font point doués de fentiment. Il eft certain qu'on n’a pas encore prouver avec certitude que le tendon regoive des nerfs ou du mufcle, ou de la tunique vaginale qui le couvre. Il ne. paroît pas non plus qu’il ait des vaifleaux rouges, du moins en certain nombre, et fenfibles. Il étoit naturel de fou- pgonner que la morfure de la Vipere fur le tendon ne devoit pas être de grande conféquence, ct que le vénin ne pourroit opé- rer fur cette partie. J'ai voulu neanmoins confulter encore fur ce point, l'expérience.

J'ai été plus d’une fois fur le point de me tromper ,en fai- fant mordre les tendons par des Viperes; et fi je n’eufle multi- plié et varié de plufieurs manieres mes expériences, comme je l’ai fait, je ferois certainement tombé dans |’

,

erreur. Je rappor- terai avec quelque détail quelques unes des expériences que j'ai faites fur les tendons, pour montrer qu’il eft facile , même à l'ob- fervateur, de fe tromper, s’il ne fuit que les feules expériences ; parce que leurs réfultats peuvent varier, quoiqu'il ne paroille pas de varieté dans les circoftances.

Mes expériences ont été faites fur les Lapins; mais je me fuis

183

fuis fervi des plus gros que j'aie pu trouver: quelque uns pefoient 10 livres, et plus.

Ayant Ôté la peau fur le tendon d’achille, ct l’ayant par- faitement dépouillé de fa guaine dans l’efpace de 6 lignes de longueur, je fis pafler par dellous un linge fin plié en plu- lisurs doubles, pour empêcher que le vénin ne fe communi- quat ailleurs. Je bleflai ce tendon en plulieurs endroits avec une dent qui répandoit du vénin, et je le couvris enfuite avec les bouts du linge, de maniere qu'il ne paroïfloit pas poffible que le vénin pût fe communiquer aux parties voifines. L’ani- mal mourut au bout de 36 heures. Le tendon étoit livide dans toute fa fubftance; mais les parties voilines m’étoient pas fenfi- blement altérées .

J'ouvris. la peau fur les deux tendons d’achille d’un autre Lapin. Je les dépouillai l’un et l’autre de leur guaine. Les tendons étoiént polis, argentés; et fans vaiffeaux. Je paffai par deflous un linge plié en huit doubles. Je les fis mordre à plu- fieurs reprifes par deux Viperes; et je les couvris avec le lin- ge, de maniere que le vénin ne püt fe gliffer ailleurs. Au bout de 38 heures, l’animal mourut. Le fang dans les oreillettes, dans les ventricules, et dans les gros vaifleaux du poumon, étoit noir et grumelé. Le poumon avoit beaucoup de taches livides. Les mufcles autour des tendons étoient un peu en. flammés; et avoient des taches livides en pluficurs endroits.

Je répétai la même expérience fur deux autres Lapins; et jeus à peu près le même réfultat. Ils moururent tous deux en 37 heures.

Quoiqu'il réfalte clairement des expériences rapportées juf- qu'ici, que les Lapins meurent après avoir été mordus au ten- don d’achille par les Vipere, je ne pouvois malgré cela concevoir qu'ils mouruflent de lintroduétion du vénin, er de la maladie cau- fée. par le méme vénin. Il

DE

Il ne me paroifloit pas poffibie, qu'une partie auffi peu vitale que le tendon, qui n’eft point du tout fenfible, et qu'on Peut couper impunément dans l’animal et dans l’homme, dût éprouver l’action du vénin, qui ne fe fait point fentir à la bou- che, ni à l’eftomac. Je foupgonnai que l’animal mouroit par quelqu’autre caufe ou circonftance, que J'ignorois, on qui étoit cachée.

Je me déterminai en confequence à multiplier mes expé- riences, et à les diverlificr à proportion que le cas pourroit l’exiger.

Ayant Ôté la peau fur le tendon d’achille à un Lapin, et l'ayant dépouillé deffus et deflous, de fa guaine, de telle forte qu'il paroifloit blanc et poli, je fe bleffai avec la pointe d’une aiguille large ct tranchante, qui pañoit de part en part. L’ai- guille étoit toute couverte de vénin, et javois mis fous le tendon , des linges en pluficurs doubles. J’efluyai le tendon plu- fieurs fois, J'ôtai les linges et je le laiflai découvert. J'intro- duifis dans le trou fait au tendon un petit morceau de bois bien enduit de vénin,et l'ayant oté jy fis entrer une goutte de vénin pur. Au buot de 24 heures, le tendon paroifloit obfcur à l'endroit de la bleflure. L'animal mangea toujours, ne parut point foufftir, et au bout de 15 jours il étoit guéri.

Jenlevai une large étendue de peau fur l’articulation du genou, à un Lapin, et je dépouillai du tiflu cellulaire le liga- ment qui contient cette partie. Je Île piquai obliquement en buit endroits avec une dent qui répandoit du vénin; et il pa- rut huit gouttes de vénin fur les trous faits par. la: dent. Je fs avec la pointe d’une lancette, de petites incifions far les gouttes de vénin. Ces incifions pénétroient dans Ja fubitance du ligament fans le percer ct le vénin s’infinuoit par là. Au bout de huit jours, l'animal ‘étoit gueri. Il ne parutavoir fouf-

fert

185 fert aucune maladie. ff mangea toujours, ct demeura gaillard et. difpos.

Ayant découvert le tendon d’achille de fa gaine dans un autre Lepin, et y ayant mis des linges par deflous à l’ordi- naire, je le fis mordre à plufieurs reprifes par deux Viperes. Je le couvris comme de coùtume avec les linges , mais J'ôtai ceux qui étoient fous le tendon. Ce Lapin ne parut avoir aucun mal les premiers jours; mais la bleflure au tendon ne fe ferma jamais bien. Au bout de 10 jours, il me parut que fon bas- ventre s’exténuoit. Il mourutau bout de 20 jours, et Je trouvai qu’il étoit hydropique.

Ces nuovelles expériences paroiflent en oppofition avec les premieres, et rendent douteux fi la morfure de la Vipere au tendon produit une maladie du vénin, ou non. Les trois der- niers cas feroient croire que non; mais ils font contredits par les premiers. Or comme une des principales recherches , que je métois propolé de faire dès le commencement de mes expérien- ces, étoit de decouvrir quelles fent les parties que le vénin de la Vipere affeéte, et d’obferver la différence des effets du vénin même dans les différentes parties de l'animal, j'ai voulu conti- nuer avec une forte d’obftination mes expériences fur les tendons, et voir fi je pourrois réuflir à m’éclaircir fur ce point.

Voulant apporter une plus grande précilion dans mes expé- riences, et me doutant que peut être le vénin fe communiquoit aux parties voifines et incifées, et qu'il pouvoit pénétrer peu à peu a travers les linges, quelques redoublés qu’ils fuflent, je m’avifai de mettre entre les linges une lame de plomb bien min- ce et facile à plier.

Ayant dépouillé de fa gaine le tendon d’achille à un La- pin Jy fis pañer par deffous un linge en huit doubles au mi- lieu des quels Javois mis Ja feuille de plomb. Je le piquai en

Aa plu-

186

plufieurs endroits avec deux dents venimeufes, et je couvris le tendon de maniere qu’il étoit tout enveloppé, et couvert deflus et deffous par la lame de plomb. L'animal mourut au bout de 32 heures. Le tendon étoit noir à l'endroit des piquüres , les chairs adjacentes étoient un peu enflammées, et le fans du coeur étoit diflous.

Toutes ces précautions n'ont, comme on voit, fervi ni à empécher, ni à retarder la mort de l'animal ; mais comme ce neft encore ici qu'un cas unique; je n'ai pas cru devoir m’en tenir là.

Jai répété les mêmes expériences fur les tendons d’achil- le à quattre autres Lapins. Ils étoient bien dépouillés de leur gainc. Je me fervis de linges et de lames de :plomb comme ci deflus . Je bleflai les tendons avec les dents venimeufes, afin que le véain fùt plus réuni ,et touchât moins de parties du ten- don. En un mot, Je ne laïflai rien en arriere pour bien opérer. Les Lapins moururent tous quattre en moins de 40 heures. Dans les uns le fang autour du coeur étoit coagulé; il ne l’étoit pas dans les autres. Les poumons étoient tachés dans tous. Les mufcles adjacents aux tendons étoient un peu enflammés , et dans deux de ces Lapins ils étoient livides.

Ces nouvelles expériences ne fervirent point à m’éclaircir . Si d’un còté, elles rendoient probable l’action du vénin fur le tendon, d’un autre côté, je pouvois pas me figurer qu'une partie qui n'étoit ni fenfible, ni nerveule, ni vafenlaire n1 mu- fculaire, dit ou recevoir la maladie de la Vipere, ou la com- muniquer à l’animal, jufqu’à lui donner la mort. Je refléchiflois encore, que je me fervois de très-gros Lapins, que je n’em- ployois pas'beaucoup de vénin, ni plufieurs Viperes; et que j'avois dans les autres occafions, qu’un gros Lapin ne meurt que tard ct difficilement, quoiqu'il foit mordu par pluficurs Viperes ,

+

Ci

x

187 et qu'il meurt avec de grandes plaies, et avec les fignes les plus affurés de la maladie du vénin. Cela me fit penfer à un nou- veau genre d’expériences dont j'efpérai tirer quelque forte de lumiere .

Je préparai, comme ci deflus le tendon d’achille à un La- pin, et je paflai par deflous un linge en 16 doubles avec la la- me de plomb dans le milieu. Je perçai avec une dent veni- meufe le tendon au même endroit; il fe ramafla une goutte de vénin que je fis entrer dans la fubftance du tendon par une in- cifion longitudinale de 3 lignes, faite avec la pointe d’un ca- nif; mais qui ne pañloit pas de part en part. Je laiffai ainfi le tendon avec le vénin par deffus pendant 6 ou 7 minutes. Jef fuyai après cela le vénin avec de la charpie feche. Et au moyen de plufieurs petits pinceaux, je lavai fucceffivement avec de Veau la partie blefiée du tendon. A mefure que lhumidité étoit fenfible fur le linge, je le faifois glifler fous Ie tendon, en le tirant par un bout. De cette maniere, il étoit impoffible que l’eau pùt traverfer le linge et communiquer le vénin aux parties adjacentes. Je lavai le tendon plus de 20 fois, de telle forte qu'il ne pouvoit refter aucun atôme de vénin qu’au dedans du tendon. L'animal mourut au bout de 32 heures. Le tendon étoit dans fon état naturel, et à peine fa couleur paroïfloit-elle un peu plus intenfe à l'endroit de la bleflure.

Je répétai fur deux autres Lapins la même expérience ,avec les mêmes précautions. Les deux Lapins moururent en moins de 37 heures.

Il me vint en idée que peut être les linges, que je lai(- fois deffus et deffous le tendon jufqu’à la mort de l’animal, pou- voient altérer les parties voifines, au point de produire une ma- ladie mortelle.

Avant Otî la peau fur le tendon d’un Lapinet l’ayant dé-

Aaa pouil-

188

pouillée de fa gaine, je mis par deffous les linges à l'ordinaire, et je le bleflai avec une dent venimeufe. J’efluyai le tendon avec de la charpie, et je le lavai peu à peu, en obfervant que l'eau ne fe répandit pas fur les parties voifines. J'òtai alors le linge; et je couvris le tendon avec un autre linge propre. Le Lapin mourut au buot de 36 heures. Les parties voifines étoient dans l’état naturel.

Je préparai les tendons à un autre Lapin comme ci def- fus ; je les bleffai avec une dent venimeufe, et les laiffai ainfi fans y toucher pendant deux minutes, après quoi je jettai fuc- ceffivement une grande quantité d’eau fur le tendon, à fin qu’il fut bien lavé partout, et que le vénin ft ou emporté par l’eau, ou délayé de telle forte, qu’il ne pùt offenfer les parties voili- nes du tendon. Je favois déja par d’autres expériences, que Jorfqu'on a fait mordre une partie de l’animal, on a beau y jetter cette quantité d’eau qu’on voudra, même immédiatement après la morfure , l’animal ne laiffe pas pour cela de mourir, et d’avoir, à l’endroit mordu, la maladie ordinaire du vénin. Ce Lapin mourut au bout de 32 heures.

Un troifiéme Lapin qui fut traité de la mème maniers non feulement ne mourut pas, mais il parut mème n'avoir pas d'autre maladie que celle de l’incifion de la peau et des parties qui couvrent le tendon.

Tous ces cas confiderés dans toutes leurs circoftances, commencerent à me faire croire que le vénin de la Vipere eft tout à fait innocent pour le tendon. Pour men aflurer davanta- ge je fongeai à varier encore les expériences, et à les faire de maniere qu’elles devinffent enfin décifives.

Ayant Ôté la peau et mis à nud le tendon d’achille d'un Lapin, je le liai très-fortement avec une ficelle aux deux extré- mités de la fubflance tendineufe. La lisature étoit telle qu'il

i i n’étoif

189

n'étoic pas poffible qu'il fabfiftàt aucune communication foit d’humeurs, foit de fentiment, entre le tendon et l’animal: je mis pardeffous le linge redoublé à l’ordinaire, et je bleffai plu- fieurs fois Ie tendon entre les deux ligatures avec une dent ve- nimeufe. Je couvris le tendon avec le linge, et lanimal mou- rut au bout de 32 heures.

© © Je répétai cette expérience fur un autre Lapin, dont je liai les tendons comme cideflus, et que je fis mordre entre les ligatures. Je lavai les morfures avec une grande quantité d’eau jettée avec force, et puis J'ôtai le linge. Ce Lapin mourut au bout de 30 heures. Unautre Lapin mourut au bout de 27 heures, après avoir été traité à peu près comme le précedent , avec cet- te feule différence, qu’au lieu de jetter beaucoup d’eau fur les tendons, je les lavai peu à peu, J'ôtai les linges, et Jen remis d’autres fecs ct propres.

Il paroit enfin aflez clair que le vénin de la Vipere n’eft pas la caufe de la mort des Lapias dans les cas dont il eft queftion, et qu'il n’a aucune aétion fur les tendons. Il me re- ftoit cependant encore un doute qu’il falloit éclaircir. favois obfervé qu'il s'introduit quelques fibres mufculaires parmi les parties tendineufes qui forment le tendon d’achille, et le vé- nin de la Vipere pouvoit s’y communiquer, et paffer par ce moyen à l'animal: quoique Ja chofe parùt peu probable, je vou- Jus m'en éclaircir par l’expérience.

Ayant Ôté une portion de peau fur le tendon d’achille à un Lapin, ct l'ayant dépouillé de fa gaine, je détruifis les fibres mufculaires qui defcendent des mufcles de la jambe, et qui s'implantent entre les trois portions de ce tendon; je fis pafler un linge en pluficurs doubles au milieu de ces portions tendineufes, de maniere qu'il s’en trouvât une qui füt féparée

des

190

des deux autres, et enveloppée dans le linge. Je bleffai avec une dent venimeufe cette troifiéme portion tendineufe , et je la couvris de façon que le vénin ne touchàt à aucune des parties voifines. L'animal mourut au bout de 32 heures. Le tendon venimé étoit obfcur et taché. Le coeur ct fes vaifleaux étoient remplis de fang noir et orumel.

Je répétai la même expérience fur les tendons dans un autre Lapin, qui mourut au bout de 32 heures. Les tendons bleflés étoient obfcurs dans toute leur fubftance; mais ceux qui n’avoient pas été bleflés l'Etoient beaucoup plus. Le poumon étoit couvert de taches livides. Le coeur et fes vaiffeaux étoient pleins de fang noir et grumelé.

Je fis une nouvelle expérience, comme la precedente, fur un autre Lapin; Je détruifis les fibres entre les tendons; mais je fis paffer le linge fous tout le tendon, ainfi que je l’avois pratiqué dans les cas rapportés un peu plus haut, et je piquai avec une dent venimeufe tout le tendon enfemble. L’animal mourut au bout de 33 heures. Le tendon bleflé avoit changé de couleur; il étoit devenu plus obfcur et plus rouge en quel- ques endroits, Le fang dans le coeur ct dans fes vaificaux étoit noir, mais fluide,

Il paroît toujours davantage, que le vénin de la Vipere n’elt pas Ja caufe de la mort dans ces animaux; que la mort dépend d’unc autre caufe, et probablement de la dénudation du tendon même. Les expériences fuivantes levent tous les doutes.

Je préparai fix Lapins très-gros et tous égaux deux d’en- treux je mis à nud, comme de coùtume, Îes tendons d’achil- le, je les piquai avec une dent venimeufe et je les envelop- pai bien dans les linges. "A deux autres je mis à nud lesten- dons; mais je les piquai avec la pointe d’une aiguille en plu-

ficurs

191 fieurs endroits. ‘A deux autres je mis les tendons à nud, et je ne les piquai pas. Je les couvris tous également avec des lin- ges. Ils moururent tous fix. Les deux qui avoient reçu le vénin, moururent enfemble en 32 heures. Des deux piqués avec l’aiguille, l’un mourut en 30 heures, l’autre en 32. Les deux non piqués moururent, l’un en 27 heures; l'autre en 4o.

Les conféquences de toutes les expériences que nousavons rapportées jufqu’ici fur les tendons font:

I. Que le tendon ne reçoit pas la maladie du vénin de la Vipere.

IL Que lorfque le tendon eft dépouillé de fa gaine, l’ani- mal en meurt prefque toujours, même fans la circoftance du vénin.

Cette derniere conféquence doit paroître très-importante, et peut Ctre de quelque utilité dans les piquüres des tendons de l’homme. Elle fait voir combien il eft dangereux de dé- pouiller les tendons de leur tunique vaginale, et combien l’on doit épargner cette partie.

Il me refla une obfervation fur le tendon, que Je rappor- terai ici, et qui peut donner quelque lumiere fur la nature et économie des fubftances tendineufes et de leur nutrition . Ayant dépouillé parfaitement à un Lapin le tendon d’achille , et détruit jufqu'aux fibres mufculaires qui y entrent, enforte qu’il n’y avoitplus de fibres charnues ni de vaifleaux dans le tendon, je gvapperçus que le Lapin mangcoit peu d’heures après, et que pro- bablement il ne mouroit pas. En effet, il ne mourutpas;etau bout de 34 jours, il étoit guéri, même de la bleflure faite à la peau. Jétois curieux de voir ce qui étoit arrivé au tendon, et s’il s’étoit defléché, comme on pouvoit le fuppofer, par le défaut de vaifleaux: tous les vaifleaux antour du tendon avoient

,

été

192 été coupés, et il étoit abfolument ifolé de par tout à la réfer- ve de fes deux extrémités, Je trouvai fur le tendon une fub- ftance en partie fpongieufe ou cellulaire compa&e, et en partie calleufe, avec beaucoup de vaifleaux qui l'arrofoient . Etant parvenu au tendon, je le trouvai blanchàtre, nourri, fouple, comme è l’ordinaire, quoiqu’il ne parût recevoir des vaifleaux d’aucua côté .

On pourroit ajouter à cette obfervation beaucoup d’autres femblables, et peut être en réfulteroit il alors des conféquences importantes, et des vérités relatives à la nutrition de certaines parties .

Les expériences multipliées et variées que j'ai faites fur le tendon m'ont admirablement fervi pour la pourfuite de mesre- cherches. S'il me fût refté quelque doute fur ce fujet, fi je ne me fufle pas bien afluré que la morfure de la Vipere eft fans effet fur le tendon, fi j'eufle cru que le vénin peut fe com- muniquer à l’animal par l’intermede de cette fubftance; il me feroit refté mille doutes relativement aux parties fur les quelles le vénin agit dans l’animal mordu. Il n'y a aucun fujet abfo- lument indifferent dans le nature; er quand il s’agit d’exa- miner des eflets fi rares et fi extraordinaires dans le corps animal , il n'y a rien à négliger, il ne faut rien croire inutile,

CHA-

OL A: PI: PRIVE DL VE

Sur la nature du vénin de la Vipere. Defcription de quelques parties de la téte de la Vipere relatives au vérin.

À Vant d'examiner les propriétés et la nature du vénin de la Vipere j'ai cru devoir parler de quelques autres chofes qui font relatives aux dents canines de cet animal , au fac, ou à la membrane dont elles font naturellement couvertes, et à la véfi- cule ou réceptacle du vénin, que les écrivains les plus moder- nes continuent de confondre avec le fac ou gaine des dents. Jai traité de tous ces objets dans ma premiere partie; mais jai cru devoir fur tout donner ici quelques figures, qui feront con- cevoir plus facilement ce que j'ai dit dans la premiere partie, et ce que je dirai dans la fuite.

J'ai cru neceflaire de faire un Chapitre à part fur ce fujet , et d'interrompre , pour ainfi dire, la fuite de mes expériences fur l’effet de ce Poifon appliqué aux différentes parties des ani- maux; puifqu'il eft bien de connoître, avant tout la nature de ce Poifon, et ne pas laiffer que le leéteur s’égare encore dans des opinions errontes,.et dans les hypothéfes deftituges de fon- dement, qui ont été debitées par les ecrivains qui fe font occu- pés de cette matiere avant, et äprès la publication de mes pre- mieres expériences. On ne fauroit trop dire pour cet cffet; car, malheurefement quand nôtre efprit eft prevenu en faveur d’ une opinion quelconque .etablie par l’autorité , et generalement adoptée, il femble qu'il fe refufe même à l’evidence du fait, ou qu'il ne veuille pas fe pretèr à la force des expériences même les plus decifives .

B b Dans

194

Dans lOwvrage de Mead fur les vénins fe trouve la defcri- ption de la tête de la Vipere, et il y a des figures qui en re- prefentent les parties. L’imperfection des figures de cet Auteur, ou, pour mieux dire, de Nicholls; qui en eft le véritable Au- teur, ma obligé d’y en fubitituer qui me font propres. J'ai trouvé celles de Mead éloignées de la vérité et de la nature. Quiconque voudra fe donner la peine de les confronter avec l'original, n’atra pas de peine à em convenir.

La figure 1. repréfente les deux dents canines de fa Vipe- re d'un côté de la machoire fupériure couvertes en partie par unc membrane en forme de fac on de gaine, ouverte, comme on le voit, pour donner iflue aux dents. Mead define ce fac comme sil étoit frangé au bord. H fe trouve en effet fouvent ainfi, mais encore plus fouvent il eft fans franges ou échancru- res , et tel que je lai repréfenté. Les dents canines font un peu découvertes et élevées, elles paroiffent fur le point de bleffer: lorfque la Vipere les abaiffe, elles rentrent en entier dans le fac, ou gaine. Ileft facile de voir que fi ce fac étoit le recepta- cle du vénin, le vénin fortiroit natureilement par l'ouverture du fac, et couleroit perpetuellement dans la gueule de la Vipere. C'et une erreur copiée de Redi, qui croyoit que le vénin étoit contenu dans cette guaine des dents, et qu'il étoit féparé dans une petite glande fituée fous l'oeil.

La figure 2. repréfente le fac des dents ouverts s avec les cifeaux jufqu’à fa bafe, et fur l’os de la machoire fupériure. On voit à la bafe de chacune des dents canines un trou prefqu'elly- ptique #. e. ayant les bords arrondis, et un trou plus long ct plus étroit vers la pointe de chaque dent r.4.

Latéralement aux dents fe trouve une veilie faite comme une bourfe à berger ,# qui parunlong canal perce la guaine des dents et va s'ouvrir par un petit trou o entre les deux dents. Le

vé-

195

wénin qui eft dans ia bourfe fort par ce canal, et fe porte à la dent, entrant par le trou qui eft à la bafe, et fortant par celui qui eft à la pointe. i

La figure 3. repréfente la bourfe vue à la loupe. Elle nell pas formée d’une membrane lifle et unie; mais elle eft au contraire toute pliffée , comme fi c’étoit un tiflu d'inte- fins, ou de rides,et de fillons. Sa figure eft triangulaire, et el- le a beaucoup plus de largeur que de profondeur. Si on la cou- pe en travers, et qu’on l’examine avec attention, on trouve que fa fubflance eft fpongieufe, et compofte de cellules plus profondes que larges. Tout concourt à faire croire que ce n'eft pas une fimple veflie ou receptacie du vénin; mais que c'elt plu- tôt une vraie glande fort volumineufe, et d’une ftruéture parti- culiere, qui fépare le vénin du fang de la Vipere, et dans la quelle il demeure en referve pour les ufages deftinés par la na- ture, certainement pour l’avantage de cet animal.

La ftru&ure celiulaire de cette finguliere glande ne permet pas à la Vipere d’exprimer facilement tout le vénin qu’elle con- tient. Jai éprouvé de la difficulté à le faire fortir en preffant très-fortement fur cette glande avec les doigts. Et l’on a vu en effet qu'une Vipere peut tuer fucceflivement jufqu'à fix ou fept pigeons.

Les deux Figures N. 4 )repréfentent le réceptacle du vé- nin dans fa grandeur naturelle, par fa partie antérieure, et par fa partie poftériure, et uni avec fon canal excréteur.

La Fis. 5, repréfente une feétion tranfverfale de la bourfe feparée par differents cloifons se. &c. remplie de vénin, qui fort, par gouttellettes, comme en xa &c. et telle qu’elle paroit lorf- qu'on lobferve à la loupe.

La Fis. 6, repréfente une dent canine de la Vipere, avec tous fes cavités internes et deux fes ouvertures externes.

s s. eft le trot elliptique à la pointe de la dent.

c a.eît l'ouverture du trou à la bafe.

B b iii

%

196

iti eft le canal interne dela dent quis’ouvre à la bafe 6. et à la pointe ss.

Il y a une large ouverture en e qui forme la bafe de la dent, dont la fe&tion ct repréfentée en m.

r.. 0. de la figure qui eft à côté font les deux ouvertures z e de la figure 6 que l’on découvre par une fetion de la dent en a 6.

x. Repréfente la figure du trou longitudinal de la dent.

o. Repréfente l’ouverture de trou e qui eft à la bafe. Ce fe- cond canal de la dent ne communique point avec le premier; ct ne va que jufqu'en 7, il finit en cul de fac.

La figure 7. repréfente deux dents canines d’un côté, qui ont à leur bafe diverfes autres dents plus ou moins formées 4. c. r. Ces dents font le plus fouvent au nombre de fix, et font fituées dans le fac, couvertes d’une toile cellulaire très-fine, qui les lie et les. unit enfemble. Elles font placées l’une fur lautre,. et les fupé- ricures ou les plus voifines. des dents canines font les plus gran- des. Les autres décroiffent à proportion, et les deux voifines font parfaitement égales entr’elles. Elles ont toutes, et même les plus petites, la pointe aflez dure et bien conformée, Elles. font canaliculées et finiflent par l'ouverture ordinare à la pointe.

Lorfque ces dents font au nombre de fept, la feptieme eft toujours Ja plus petite de toutes. Elle eft fituée au deflous de toutes les autres, et dans- le milieu. La bafe de ces dents n’eft pas encore formée, et ce n’eft qu’une gelée flexible, tranfparen- te et blanchôtre. Non feulement la bafe, mais encore le trou ovale leur marque; mais on en voit queique fois un principe dans les plus grofles.

Quoique la matiere qui eft à la bafe des dents paroifle une fimple gelée, même lorsqu'on la regarde avec les loupes ordinaires, le phyficien fe tromperoit très-fort, s’il la croyoit non organique. Les lentilles plus fortes n'ont fait voir, qu'elle

cl

+97

eft compofée d’une membrane très-fine, tillue, et remplie de très-petits corpufcules arrondis. Cette membrane fe replie fur elle même, et paroît montrer jufqu’aux trous et à la forme que doit prendre un jour la bafe de la dent. J'ai cru du moins quelque fois la voir ainfi. De toute façon, il eft certain que la partie gélatincufe de la dent eft organifée, et qu’elle exifte telle longtems avant que la dent foit toute formée et dans fa perfetion.

De la nature du vénin de la Vipere. On examine fi le vénis de la Vipere eft acide.

La connoiffance parfaite de la nature du vénin de la Vi- pere pourroit être une recherche de la plus grande importance pour la phyfique animale, et en même tems fort utile au gen- re humain. Les notions trop vagues et trop peu approfondies, fur ce point ont donné naiflance è des hypothefes , à des théo- files, et enfin à des remedes.

L’alkali volatil doit en grande partie fa reputation à l’opi- nion que le vénin de la Vipere eft acide.

Les anciens ne favoient en quoi il confifte, et il refi- de dans l’animal. François Redi a été la premier à fixer les idées fur ce point. Il trouva que c’eft une humeur femblable à l’huile d’amandes douces, que la Vipere répand par la dent dans la bleflure qu’elle fait en mordant. Mais il fe trompa dans prefque tout ce qu'il dit de plus fur ce vénin. Il crut que cette humeur jaune réfidoit dans le fac, ou dans la mem- brane repliée qui couvre les dents canines. Il ne put jamais découvrir, que l'humeur jaune entràt dans la dent même eten fortit. il penfa que la petite glande qui eft fituée fous les yeux de la Vipere fervoit à la fécretion du vénin, ct l’on ne voit

var | 63

198

pas qu'il ait fait aucune recherche fur la nature du vénin mème.

Il eft vrai qu'avant François Redi, on n’avoit que des idées vagues et très-confufes fur le vénin de la Vipere. C'elt à ce célebre Naturalifte Italien que nous devons les premiers pas fur une matiere, qu'il a trouvée dans fon berceau, et mêlée d'hypothefes et d'erreurs populaires. Mais ces erreurs étoient celles de fon tems, et il falloit un génie comme le fien pour les combattre, et pour ouvrir une nouvelle carriere à la véri- té. IL paroît que nous ne quittons l'ignorance que pour nous plonger dans l'erreur; et que c'elt de que l’homme de génie nous fait entrevoir quelque lumiere. On commence par igno- rer les chofes, on fubititue enfuite l’erreur à l'ignorance, et de l'erreur nous arrivons à la vérité. C'eft la marche ordinaire des connoiffances humaines, et c'elt par qu’ont paflé les nations les plus éclairées.

Mead eft le premier qui ait examiné de quelque maniere la nature et les qualités du vénin de la Vipere. Mais par une fatalité à la quelle l’obfervateur même plus diligent eft fouvent fujet, s’il veut ouvrir le premier une carriere à la vérité; Mead trouva acide le vénin de la Vipere, et le vit changer en rouge le tournefol, et donner meme une légere teinte de certe couleur au firop de violettes.

Peu d’années après, Mead lui même, dans une feconde edition de fon Ouvrage fur les vénins, fe retrata de tout ce qu’il avoit avancé fur l’acidité du vénin de la Vipere, et avoue en homme vrai et ingénu, qu'il ne teint en rouge ni le firop de violettes ni la teinture de tournefol, et qu'il n’eft ni acide, ni alkalin. Le Do&eur James qui aflure avoir répété les expé- riences de Mead, trouve dans ces derniers teims ce vénin aci- de; mais il ne dit rien des expériences poftérieures de Mead,

Il

199

il ne nous dit point comment Mead s'eft trompé la feconde fois, s'il avoit dit vrai la premiere. Cette maniere de publier {es propres idées, ou fes propres expériences, conduit néceflai- rement à perpétuer les doutes et les hypothefes; parce qu’en fin l'autorité d’un homme vaut autant que celle d’un autre , et Von ne fait pas le quel des deux eft dans lerreur. Un autre écrivain depuis le Docteur James a pris pour une vérité de fait, que le vénin de la Vipere eft acide, s'appuyant fur la feule autorité de Mead, fans dire que le même auteur avoit nié depuis cette acidité.

Il faut bien croire que l'expérience même a démontré à ces écrivains, que Mead s’eft trompé la feconde fois, et qu'il ne s'étoit pas trompé la premiere, lorfqu’il le trouvoit acide... ces confidérations m'ont mis dans la néceffité d'examiner de nouveau cette matiere. J'efpere qu'il n’y reftera plus aucun doute, et je me flatte d’avoir découvert l'erreur dans la quelle Mead tomba la premiere fois qu’il examina ce vénin: erreur dont le Doéteur James na pas fgu fe défendre.

Jai obfervé quelque fois, mais rarement, que le vénin de la Vipere changeoit en un rouge léger la teinture de tournefol . Ce phénomene, au lieu de me faire croire le vénin acide, m’a plutôt excité à en rechercher la caufe, qui pouvoit être acci- dentelle. Jai obfervé que dans ces cas le vénin de la Vipere n’étoit pas très-pur; et en l’examinant avec le microfcope, j'ai reconnu des globules de fang qui y étoient nageants. Jai exa- miné alors la gueule de la Vipere, et j'ai trouvé que les deux facs qui couvrent les dents étoient légerement entlammés, et rouges. Il n’eft pas rare de trouver les Viperes naturellement dans cet état, et il eft encore plus fréquent de voir ces facs rougis après que les Viperes ont mordu. Il arrive encore fou-

vent de voir le vénin taché de fang, fi l’on preile avec trop de for-

200

force fon réceptacie. Tous ces cas peuvent arriver, et le tour- nefol peut alors être rougi , fans que pour cela le vénin foit acide. Il paroît naturel de penfer que le Docteur James a pu £ tromper auffi, après Mead, de la même maniere. Il eft cer- tain que dans le petit nombre de cas, j'ai trouvé la teintu- re de tournefol rougie, le vénin n'etoit pas pur, mais il étoit mêlé de fans.

Prévenu de tous ces accidens, j'ai employé Îes plus gran- des précautions en prenant le vénin de la Vipere. Jai coutume le plus fouvent de couper tout d’un coup la tête de la Vipere , Quelques heures après lorfque les mufcles ont perdu leur mou- vement, je lui ouvre bien la gueule, et je fais enforte que les pointes des dents canines foient dépouillées de leurs facs. Je fais alors une légere preflion fur le réceptacle du vérin, et je reçois fur un verre le vénin qui fort de ia pointe de la dent. Le vénin el ordinairement fi pur , qu'etant regardé au microfcope , il paroît une vraie huile, plus ou moins jaune. On n’y obferve aucuo corps étranger ; et lorfque J'ai cru par fois y voir des cor- pufcules nageants, je ne l’ai point employé dans les expériences fuivantes.

Le vénin étant donc ainfi retiré de Ja dent de la Vipere ; il ne m’eft jamais arrivé de le voir changer en rouge le tournefol, quel- que fouvent que j'en aie fait l'expérience ; et je l'ai repétée un très-grand nombre de fois. Le plus fouvent je commengois par unir une goutte de vénin avec 30 gouttes de teinture de tour- nefol. Ne la voyant pas changer de couleur j'y en ajoutois une feconde ; et continuant à y en ajouter, J'ai été jufqu'à y en mettre : dix gouttes, ou un ticrs de la teinture. Le tournefol n’a pour cela jamais rougi, nichangé de couleur. Il paroifloit fimplement un peu moins clair qu'auparavant. J'ai répété cette expérience trop de fois pour croire que je me fois trompé. Non fculement

n Jai

201

j'ai éffayé le vénin de la Vipere avec ia teinture de tournefol! ; mais J'ai encore répeté les mêmes expériences fur le fuc bleu des raves, fubftance extrêmement fenfible à lation des acides, même les plus foibles. Je n’y pus jamais obferver aucun chan- gement, et il fe maintint bleu, comme il étoit auparavant. Favois en outre du papier bien teint avec ce fuc de raves. Je fis tomber du vénin deflus par grofles gouttes; le vénin fe fecha peu de tems après, le papier relta roide et taché de jaune, et enn’y voyoit rien de rouge. Plulieurs autres fois je diluois avec de l’eau les gouttes de vénin, mais le papier ne rougiffoit pas davantage pour cela, que fi le vénin étoit pur.

Je ne veux pas diffimuler que je n’aie vi quelque fois un léger principe de rougeur fur le papier bleu, quand je faifois l’expérience de la maniere qui fuit. Je couvrois de ce papier une grofle pelotte de coton, et j'obligeois la Vipere à la mordre avec force. Il m’eft arrivé quelque fois de voir {ur le papier une teinte très-pàle de rouge aux endroits la Vipere l’avoit percé avec les dents. Je n’ai pas, à la verité, affez multiplié mes ex- périences pour prononcer avec certitude d’où venoit cette lége- re teinte de rouge dans ces circonftances, et l’on peut foupçon- ner qu'il s’unifloit au vénin un peu de fang de la bouche; mais il reftera toujours vrai que le vénin pur de la véficule ne chan- ge en rouge ni la teinture de tournefol, ni la teinture de raves.

Mais quand même on accorderoit que le vénin de la Vi- pere peut parvenir jusqu’à teindre en rouge la teinture de tour- nefol s’enfuivroit-il que l’alkali volatil eft un remede afluré con- tre ce vénin, et que ce vénin tue précilément parce qu'il eft acide ?

L'écucil ordinaire des hommes, écueil que les phylofophes les plus circonfpeéts n’ont pas toujours fou éviter, c’eft qu’il fuf- fit qu'on trouve une circonftance, qui accompagne le phénome-

C c ne,

202

ne, pour qu'on croye trop facilement qu'elle en eft la caufe.

Le défir inné de tout favoir fait que nous cherchons à tout expliquer. Si nous voyons un effet produit après l’application d’une fubftance donnée, nous cherchons auflitôt à voir s’il n’eft rien en elle qui puille fervir de quelque maniere à lexplication de l'effet, nous mettant peu en peine d'examiner fi la caufe que nous avons découverte elt proportionnée, ou non, à l’eflet pro- duit. Il paroît que cette erreur a été commife par deux hom- mes du premier mérite, Mead et Juflieu. Mead perfuadé, lorf- qu’il donna la premiere édition de fon Ouvrage, de l’acidité du vénin de la Vipere, jugea qu'il devoit tuer les animaux parce qu'il coaguloit le fang comme le font les autres acides. Juffieu perfuadé auffi, fur l’autorité de Mead, de l’acidité du vénin, trouva auffitôc dans l’alkali volatil le fpécifique contre ce même vénin (a).

Le vénin de la Vipere, ainfi que tant d’autres corps; eft une fubitance formée de pluficurs principes que nous ne con- noïffons pas encore. Toutes les qualités que nous trouvons dans les corps n’en conftituent pas la nature réelle. Les unes de ces qualités font accidentelles, les autres ne le font pas. L’acidité, quand même on l’obferveroit toujours dans le vénin de la Vi- pere, pourroit néanmoins n’en être qu'une qualité accidentelle, et il pourtoit en ceffant d'être acide ne pas cefler d’être vénin. La chymie offre mille exemples femblables. On a donc mal déduit de l’acidité la caufe de la mort, et de la même acidité l’ufage de l’alkali volatil comme reniede ; car en fuppofant mé- me que l'acidité eft conftante dans ce vénin, et quelle ne peut

s’en

(a) Ce n'eft pas que M. Juiliea alt été le premier à récomander l’ufage

de l'alkali volatil contre la morfure de la Vipere, mais comme il fit 5 "e 32 À cf x I è a ni È de IR A I Dei 101 une guetilon d’eclat; ceft à lui gu»: ce remede do.t fa plus grande

colebrite.

203}

s'en feparer, cela fuflit-il pour dire que le vénin de la Vipere tue en tant qu'il eft acide ? Et que l’alkali volatil en cft le fpé- cifique, parce qu’il peut le faturer?... Le vénin de la Vipere peut avoir encore plufieurs autres qualités qui nous font incon- nues, ct il peut caufer la mort par chacune d’elles féparément, ou par toutes enfemble. Pour quoi donc voudra-t-on croire que tout derive de l’acidité? Il y a des raifons qui demontrent le contraire .

L'eau abforbe environ fon volume d’air fixe ; et conféquem- ment un pouce cubique d’eau ne peut contenir à peu près qu'un pouce cubique de cet air. Il n’eft pas encore prouvé qu'un pouce cubique d’air fixe pefe un grain entier. Un pouce cubi- que d’eau en pefe environ 373, et par conféquent, l'air fixe con- tenu dans un pouce cubique d’eau, n’en fera jamais, en poids , que la 373 partie. Or, un pouce cubique d’eau impregnée d'air fixe peut teindre en rouge 60 pouces cubiques de teinture de toucnefol , c’eft À dire, 22380 grains. D'où l’on voit que x d’un grain d’air fixe peut changer fenfiblement en rouge la teinture de tournefol. Dans l’hypothefe que je fuppofe, il n'y auroit tout au plus dans un grain de vénin que —- de matie- re acide; et puifque un feul millieme de grain, en poids, de vé- nin peut tuer un animal, comme un moineau, ainfi qu’on le verra ci deflous , il faudroit fuppofer que —— d’acide peut

22380009

tuer un animal fimplement comme principe acide.

Qui ne voit pas maintenant, que quand même il feroit ac- cordé que le vénin de la Vipere teint en rouge le tournefol, il ne s'enfuivroit pas pour cela qu’il dût tuer en tant qu’acide ? Son acidité feroit fi peu de chofe, qu'elle ne produiroit aucune alté- ration fenfible dans le corps animal. Et quel eft cet acide fi vio- lent, ou cet autre principe des corps tellement actif, qui en di- miauant de quantité ne devienne enfin innocent?

Cosa Qu'on

to

C4

Qu'on fuppofe , fi lon veut, que l'acidité du vénin de la Vipere foit auili grande que celic de l’acide vitriolique glacial raème. Si les effets funeftes du premier dépendoient de l’acidité, Pacide vitriolique glacial jetté , quoiqu'en très-petite quantité fur une bleffure, cauferoit la mort aux animaux. Dans le fait, huile de vitriol glaciale mife fur une blefiure pourra en empirer Pétat, ct même corroder les chairs; mais Vanimal ne mourra pas pour cela. Il ne peut s’en introduire que tres-peu dans le fang qui circule dans les animaux, ct ce peu qui s’introduit eft alors énervé par le fang même avec le quel il s'anit. Il eft vrai qu’il peut tuer aufli, fi on l’injeéte en petite quantité; mais cela arrive abfolument que parce qu'il n’eft pas encore mêlé avec tes autres humeurs, que parce qu'il n'eft pas encore affdibli . Mais te vénin de la Vipere peut être abforbé par les vaifleaux, com- me peut l'être l’huile de vitriol; et malgré qu'il foit en petite quantité et extrèmement délayé par le fang, il tue l'animal, que ne tue point l'huile de vicriol. Ce vénin ne caufe donc pas très-promptement la mort en tant qu'il elt acide, mais par d’autres principes encore inconnus .

Mead qui changea d'opinion fur l'acidité du vérin de la Vipere, na cependant jamais changé de fentiment touchant les fels de ce même vénin. H eft refté toujours perfuadé qu’il avoit obfervé des fels nageants dans le vénin encore fluide des Vi. peres, peu après le leur avoir êté, et non feulement il croit à Pexiftance de ces fels nagcants dans le vénin, mais encore il prétoud que le vénin même fe transforme en un fimple refeau (lin d’une très-belle ftructure, qu’il compare aux toiles d’arai- snée. Il parle de la folidité et de la dureté de ces fels, qu'il décrit minutieufement, ct il en donne même féparément une figure. Il ajoute qu'il a découvert que ces fels ont çà et de petits noeuds en forme de petites boules, qui font extrême- ment

205 ment folidés, et qui ne perdent plus la: figure qu’elles ont d’abord prife.

Jai examiné fort au long dans mon Ouvrage publié en Italie; et qui forme la premiere partie de cette Edition, ce fujet qui n'avoir paru très-intéreflant. fe m'étois même flatté non feulement d’avoir démontré d’une maniere inconteftable. l'erreur de Mead, mais encore d’avoir découvert la fource mème de ectte erreur. On ne peut faire plus pour réfuter en phyfique une erreur, d'une maniere victoricule, que de remonter jufqu’à fon origine. Mais tout céla ne paroit pas fuffire encore à cer- tains auteurs, qui continuent è foutenir d’après l’autorité de Mead, que le vénin de la Vipere eft un amas de fels, quoi- qu'il y ait déja plus de 1: ans que Mead a été réfutè. Je dé- montrait dès ce tems là, que le vénin de la Vipere eft un flui- de homogene , qui retiré tout pur de la dent ne fe trouve 3a- mais mêlé avec des fels, qui y nagent , ni avec d’autres parti- cules hétérogenes : Que ces corpufcules nageants, lorfqu'il peut s’y en trouver, ne font qu’accidentels à ce vénin, et que ce ne font nullement des fels. Les petits noeuds vus par Mead ne font autre chofe que de petites bulles d’air interpofées dans le vénin mème. Ces petites bulles d'air ne fe voyent jamais lorf. qu'on tire le vénin immédiatemeut de fa véficule, et l’on peut à volonté les faire paroître ; car il n’y a qu'à prendre dans la gueu- le de la Vipere le vénin mêlé avec la falive de cet animal (4).

Le

e ee e eV ————— e e e (a) Ce n’eft pas affez que d’avoir même demontré la fauffeté d’une opinion quelcon- que, pour la faire abandonner, fi celleci eft géneralement adoptée par les Au- tears. Il ne faut pas moins pour cela que le renouvellement de la generation entiere, afin qu'elle puiffe fe flatter qu'on ne pourra pas lui reprocher d’avoir rejetté une erreur qu'elle n’a point commis, Il a fallu un demi fiecle, avant que la circulation du fang , ct l’attraGion de Newton euflent pris pié parmi

les Phylofophes. L’ homme toujours orguilleux en foi même croit que c’eft une

206

Le prétendu réfeau falin, obfervé par Mead, et décrit par tant d’autres après lui, n'eft autre chofe que les fragmens du vénin même defléché. Le vénia tiré de la dent et mis fur une lame de verre fe feche en peu de tems: en fe fichant, il fe cafle, et fe crevaffe en plufieurs endroits, et préfenté des pie- ces et fragmens très-différens des véritables fels. Le Comte, de la Garaie faifoit des fels de la même efpece, en défiéchant à fond fes extraits fur des afficttes de fayances: le poli du ver- nis donnoit aux fragmens défiechés une forte d'éclat falin &c.

Si l’on examine avec le mifcrofcope une goutte de vénin de Vipere mife fur une verre, on verra la fubftance mème du vénin commencer à fe fendre peu à peu à la circonférence le vénin fe féche plutôt. Les fiflures dans cet endroit font moins larges et plus courbes qu'ailleurs; mais em contiauant à obferver le vénin, on en voit naître partout à la circonféren- ce de plus grandes, de plus larges, ct de plus profondes , qui vont en s'avançant vers le centre de la goutte, elles fe ren- contrent et s’arrêttent. On voit très-bien au microfcope ces li- gnes courbes courir au centre de la goutte , et fe prolonger de maniere qu’on les prendroit à la premiere vùe pour de petits ferpens , qui courent de la circonference de la goutte vers le centre. Après que toutes les fiflures fe font ainfi formées, elles s'élargiflént encore davantage, parce que le vénin continue de fe fecher de plus en plus, et d'occuper un moindre efpace fur le verre. | Je ne connois aucune obfervation microfcopique plus cer- caine et plus évidente que celle là, et de la quelle on puifle

allu-

une humiliation pour lui s'il fe montre fujet à s'égarer; er le Vulgaire, juge : N

toujours trompé, ne penfe pas autrement. On n'a malbeureufement que trop

d'exemples de ce genre pour ne pas s'appercevoir que l'amour de la verité

n'eft pas le premier effort des aétions des hommes.

207

aflurer avec plus de fondement, que la chofe eft ainfi, et non autrement. Mais afin qu'il ne reîte pas le moindre doute, mê- me chez les perfonnes qui n’aurout pas la commodité de ré- péter mes expériences , j'ai cru devoir repréfenter ici en plu- fieurs figures une goutte de vénin dans l'acte de la deffication . Il fuflit d’y jetter un coup d’ocil pour y reconnoitre la verité.

La Fig. I. Tav.IL repréfente une goutte de vénin au moment elle commence à fe fécher fur une lame de cryftal. Les fiflu- tes les plus courbes à la circonférence de la goutte font déja toutes formées, parceque le vénin commence à fe fécher d’a- bord à la circonférence. On voit les autres devenir plus droi- tes, s’allonser, s'approcher du centre le vénin fe féche plus lentement. Lorfque le vénin eft parfaitement fec, la premiere figure fe change en la feconde, f I ) dans la quelle on voit les fiflu- res prolongées jufqu'au centre; après avoir repris différentes courbures. Dans le centre les fillures font plus larges, parce- que le vénin qui s’y trouve en plus grande quantité prend en- core plus de retraite en fe féchant.

La Figure HI. repréfente quelques fragmens de vénin fec, dans les quels on voit des fiflures ex lignes fpirales. Ces fpirales comme en # fe forment fur tout lorfqu’on fait fécher du vénin en quantité , et qu'il s’en trouve une bonne épaiffeur dans un verre de montre. Les fragmens de vénin qui font très-gros dans ce cas s’ouvrent donc dans le milieu, et l’ouverture eft de forme fpirale; comme nous venons de le dire. La lettre e répréfente une fente qui fepare les frasmens entreux.

On a repréfenté dans la Fig. IV., une goutte de vénin prife dans la gueule de la Vipere , et enfuite féchée . On y voir comme en @ les petites boules ou petits noeuds de Mead. Ces petires boules font de vraies bulles d’air que la pointe d’une aiguille fait difparot- tte , et qui réfrangent la lumiere , comme le font toutes les bul-

les

208

les d’air qu’on fait naître daas les fluides. La lettre #2 répréfen- te une feute qui fepare les fragmens, comme ci deflus.

C’eit donc une erreur fondée fur des obfervations mal fai tes, que la préfence des prétendus fels nagcants dans le vénin de la Vipere; et c’eftune autre erreur que d’avoir regardé comme des fels les fragmens de ce vénin. On n’obferve rien de tout ce- la dans le vénin de la Vipere. Il eft partout égal, partout ho- mogenc.

Mead qui à regardé le vénin de la Vipere comme un amas de fels, a cru encore qu’il eft cauftique et brûlant lorfqu’on le met fur la langue. Il fe cite lui même et plufieurs de fes amis pour l'avoir goûté. Il fait obferver encore, que quand la Vipe- re mord, et que le vénin commence à s’infinuer dans la blefiu- re d’un animal, l’animal crie, fe tord, et donne des fignes ma- nifeftes de douleur. Sans prétendre rien décider fur cette que- ftion, que J'ai examinée aufli dans la premiere partie je dirai ici, que l’expérience des chiens, qui hurlent quand ils font mor- dus, n’eft pas une preuve évidente et fùre que le vénin foit cauftique de fa nature. Peutétre dans ces cas le vénin uni avec les fluides de l’animal fe decompofe-t-il, et acquiert-il des quali- tés qu'il n’avoit pas un moment auparavant. Quant aux hurle- mens des chiens, onles entend fouvent, ileft vrai, mais pas tou- jours ; et il pourroit fe faire qu’ils dérivafient de ce que fouvent il y a quelque nerf piqué par les dents de la Vipere, et alors le vénin pourroit caufer de la douleur comme corps, ou fivide fimple, appliqué au nerf même.

Si Mead a goûté du vénin et l’a trouvé cauftique, je Pai goûté aufli , et je J'ai fait goûter à d’autres’, et nous ne avons trouvé, ni cauftique, ni brûlant. Le vénin, felon moi, mis fur la langue ne manifefte aucune forte de faveur, et on ne le fent ni piquer, ni brùler. Il eft vrai qu’on éprouve peu après une fen-

fa-

20% fation pacticuliere, la quelle pourroit faire foupgonner aux per- fonnes qui le croient compofé de fels, et qui s’attendent à quel- que changement extraordinaire , qu'il eft cauftique et brülant, La fenfation qu'il laife, quand on le prend par la bouche, eft celle d’une rorpeur ou ftupéfaétion dans les parties qu’il a tou- chées. La langue principalement paroit engourdie, elle femble même être devenue plus grofle. Ses mouvemens font plus lents et plus difficiles. Cet état de la langue eft certainement extraor- dinaire; mais il m’a paru très-différent de celui qu'occafionnent les cauftiques,et les corps brûlants mis fur la langue. En der- nier lieu M. Troja a voulu en goûter lui même, et il m'a aflu- qu’il ne l’avoit trouvé ni cauftique ni brûlant, quoiqu'il lui foit enfuite reft& dans la bouche cette fenfation de #or- peur, et de ftupéfaétion. Je puis certifier encore, que je lai mis à cinq, ou fix gouttes à la fois, dans la gueule de petits animaux, comme Lapins, Cochons d'Inde, &c. fans avoir ja- mais obferver aucune rougeur , ni aucun gonflement. Ces fortes d’expériences ne fe font ni ne fe voient faire fur les hom- mes fans quelque répugnance, parce qu'après tout, une petite ouverture dans {a bouche, ou fur la langue , pourroit les faire payer trop cher à l’obfervateur. Jai cru pouvoir m’en affurer d'une autre maniere, et fur une partie encore plus fenfible peut être que la langue même, favoir, fur les yeux de divers animaux. J'ai mis une, ou pluficurs gouttes de vénin fur les yeux

d’un Chat, à gni je tenois les paupieres ouvertes de force. Jen ai fait tomber dans les yeux de quelques Lapins fans qu’ils s’en apperçuflent. Jai fait la même chofe à des chiens. On voyoit courir le vénin fur la cornée tranfparente et fur la cornée opa- que, et s'infinuer entre les paupieres. Dans aucun animal, dans aucun cas, JC n'ai pu m'appercevoir qu'il operàt comme caufti- que, ou comme fubftance brülante. D d

CS) Cr

210

Si Mead s’eft trompé en croyant le vénin de la Vipere compofé de fels, il ne s’eft du moins pas trompé en affurant qu'il n’elt ni acide, ni alkalin; parcequ’en effet, il ne fait au- cune effervefcence ni avec les alkalis, ni avec fes acides.

Il elt inutile ; après les expériences que J'ai publiées dans la premiere partie, de donner ici un nouveau detail de celles que Jai voulu répéter dans cette occafion ; et fur les quelles il ne peut plus refter aucun doute chez les perfonnes qui favent obferver. C’eft une vérité d'expérience, que le vénin de la Vi. pere ne fait eflervefcence avec aucun des acides minéraux, ou végétaux, ni avec aucune forte d’alkali connu. Jai répété trop de fois ces expériences pour craindre de m'être trompé.

Mais il ne fuffit pas d’avoir reconnu que le vénin de la Vipere n’eft ni acide, ni alkalin, qu'il n'eft pas compofé de fels, et qu'il n’eft pas corrofif au palais, pour favoir ce que c’eft. On ne fait à quel autre corps plus connu on peut le rapporter. Et c’eft principalement à ccla que doivent enfin fe diriger les efforts des obfervateurs, puilque il eft certain que nous ne con- noiflons bien la vraie nature d’aucun corps; quoique nous con- noiilions plus ou moins les proprittés de certains corps.

Quand lc vénin de la Viperc eft encore liquide il s’unit plus cu moins bien avecles acides. Mais il faut Pexaminer auf lorfqu’il eft défiéché.

Je Jaflai fécher dans un verre de montte plufieurs gouttes de véain très-pur; le quel en fe féchant devint jaune ec plein de fiflures. J'y mélai de l’huile de vitriol. Il ne s’enfuivit point

e diffolution vifible. Je foulevai du fond du verre avec la pointe d’un tube capillaire quelques fragmens de vénin, qui fiottoient dans l’huile de vitriol fans s’y diffoudre. Enfin il pa- rat au bout de quelque tems, qu'ils commençoicnt à fe divifer un peu. Il eft vrai qu’ils fc réduilirent en une efpece de pâte li

211 liquide. Mais ils conferverent encore leur couleur naturelle. Il ne paroifloit pas d’ailleurs qu’il fe fut fait une vraie et parfai. te diffolution, au moins, pendant le tems que je les obfervai.

L’acide marin agic à peu près de mème que l’huile de vi- triol, quand on Punit au vénin défléché. Il ne paroit pas que cet acide diffolve, à proprement parler , les fragmens du vénin, quoiqu'il les rende mous, et pâteux.

L’acide nitreux ne paroit pas difloudre non plus les frag- mens fecs du vénin, quoiqu'il leur Ôté enfin leur dureté. Le vénin, bien que rendu flexible par cet acide, conferve encore une certaine confiftance ou tenacité, qui le tient uni, et il de- vient plus jaune; et fi on l’examine dans cet état, il paroit compofé d'un nombre infini de très-petits corpufcoles fphé- riques.

Ainfi donc, les acides même les plus forts n’altérent, que tard et fort peu, le vénin de Vipere défléché, et ne le diflol- vent qu'imparfaitement , et à la longue.

Les acides végétaux, quelque concentrés qu'ils foient, ne diffolvent pas mieux ce vénin que ne font les acides minéraux, et les fubftances alkalines ne le diflolvent pas non plus.

J'ai voulu éprouver encore fi les huiles eflentielles le dif foudroient ; mais je ne leur ai pas trouvé cette propriété.

Le foie de foufre liquide ne le diflout pas davantage.

Ces expériences que je variai de pluficurs manieres me firent peu à peu foupçonner que le vénin de la Vipere étoit une fubftance gommeule, ou une fubftance lymphatique, fépa- rée du fang de l'animal. Javois déja obfervé longtems aupara- vant, que le vénin défléché paroïifloit tenace comme une gom- me des plus fortes quand on le rompoit entre les dents; mais il falloit faire de nouvelles expériences pour s’aflurer qu’il étoit de nature gommeule.

Dea Les

212

Les Chymiftes favent que les gommes ne font pas difiou- tes par léfprit de vin, ni par lhuile, mais bien par l'eau. Cette forte d’examen pouvoit fans doute être convainquant; mais il falloit prouver auparavant, que ce vénin n'étoit pas femblable à la Iymphe animale, ou au blanc d'oeuf. On fait que ces fubftances fe coagulent dans l’eau chaude, au lieu de s’y diffoudre comme font les gommes. Je préparai pour cette épreuve une grande quantité de vénin de Vipere, que je fis bien fécher dans une petite capfule de verre. fe verfai tout à la fois environ une demi once d’eau bouillante fur le vénin: il fut diffous tout entier à l’inftant, au lieu d’être coagulé. Cette expérience répétée pluficurs fois m'a toujours donné le même réfultat. L'eau , après avoir été verfée dans le verre , con- fervoit encore so degrés de chaleur , et plus.

Ayant exclus ainfi par des expériences direétes l’hypothe- fe d’une matiere lymphatique animale, je pañlai à l’expérience de l’efprit de vin.

Je fis fécher à l’ordinaire dans un petit verre une bonne quantité de vénin. Jy mélai une demi once d’efprit de vin très- rectifié . Je le laiffai en repos pendant plus de deux heures, après quoi je trouvai le vénin inta& au fond du verre. Je le détachai de force en pluficurs petits morceaux, avec la pointe aigue d’un petit tube de verre, et Jagitai longtems le tout enfemble; mais il n’y cut pour cela rien de diflous: tous les petits morceaux demceurerent entiers, colorés, et durs: cette expérience elt tou- jours conftante, pourvà qu’on opere avec de bon efprit de vin; car fi l’efprit de vin étoit mêlé de trop de phlegme, le vénin pourroit être diffous en partie. Mais cela même prouve bien que c’cit une fubftance sommeufe; car les gommes fe diflolvent très- bien dans l’eau, ct l’eau difiout promptement le vénin de Vipere déféché, comme je m'en fuis afluré une intinité de fois.

Si

LI3

Si le vénin eft parfaitement pur, l’eau ne perd point de fa tranfparence ; et il eft mieux, dans des pareilles expériences, de fe fervir d’eau diftillée.

Jai plulieurs fois approché du feu le vénin fec; Jai aug- menté la chaleur par degrés; mais il ne s’eft jamais liquéfié. Si on le jette fur un charbon ardent, il fe gonfle, et bott; mais il ne commence à s’enflammer que tard, et lorfqu'il devient charbon.

Il me reftoit une autre expérience à faire pour donner la derniere évidence à cette matiere.

Tous les Chymiftes favent que les sommes diffoutes dans l’eau font précipitées par l’efprit de vin, et que l'eau qui les tient en dillolution blanchit beaucoup dans cette expérience.

Je mis d’égales quantités d’eau dans deux petits verres. J'ajoutai à l’un une quantité de vénin de Vipere et à l’autre une égale quantité de gomme arabique. La gomme arabique ayant été diffoute à l’aide d’un peu de chaleur, et reduite à la tempé- rature de l’autre verre, je commengai à verfer des gouttes d’ef- prit de vin dans l'un et dans l’autre. Le nombre des gouttes, que Jen avois miles dans chaque verre, éroit à peu près le mème, lorfqu'on commença à voir fe former dans les deux verres, à chaque goutte d’efprit de vin qu’on y verloit, une né- bulofité blanchàtre , qui difparoiffoit un moment après. Ayant continué de verfer des quantités égales d’efpric de vin dans les deux verres, je vis que le nuage blanc, au lieu de difparoître, s'étendoit dans le fluide qui devenoit toujours plus blanc, et plus opaque. Je ceflai de verfer de l’efprit de vin dans les deux ver- res quand je m’appergus que la matiere blanche commengoit à fe précipiter au fond, et qu'il ne s’en féparoit plus lorfque Jajoutois de nouvelles gouttes d’efprit de vin. Au bout de 24 heures tout étoit précipité, et je vis au fond des verres;à peu

près

214

près la meme quantité d'une poudre également bianche, molle, et pàteufe .

Le vénin de la Vipere diflous dans l'eau, et précipité par l’efprit de vin, fous l’apparence d’une poudre ou farine bianche, fe crevafle en plufieurs endroits lorfqu’il fe féche de nouveau, et fes fiflures ont, comme à l'ordinaire , la forme réticulaire .

Quand on mêle avec du vénin précipité par l’efprit de vin et féché dans le verre, de l’huile de vitriol claire et tranfparen- te, elle change de couleur au bout d’un certain tems, et prend une couleur vineufe obfcure. On obferve les mêmes change- mens dans la gomme arabique difloute dans Peau ,et précipitée par l’efprit de vin. La gommeen fe défléchant s'attache au ver- re, fe crevafle auffi, et fi on y mêle quelques gouttes d’hnile de vitriol, elles y prennent dans le même tems une couleur vineu- fe obfcure. L’analosie entre le vénin et la gomme ne fauroit être plus parfaite. Ils fe diflolvent également dans l’eau, ils font précipités de la même maniere par l’efprit de vin; la poudre, ou farine précipitée a la même couleur; ils fe défléchent et fe crevaffent l’un et l’autre; l'huile de vitriol ne les ramollit que fort tard, et change elle même de couleur, de la même maniere, avec l’une et l’autre de ces fubftances,

Il me reftoit encore à faire fur le vénin de la Vipere une expérience, qui bien qu’elle ne décide rien au fond fur la natu- re intime de cette fubitance, prouve néanmoins toujours davan- rage, qu'il fe trouve une grande analogie entre cette fubftance et les sommes.

Je mis fix grains de vérin de Vipere très-pur et défféché, dans un petit matras, et j'y ajontai cinquante gouttes d’acide nitreux pour en retirer les airs. Il cn fortit, par le moyen du feu, autant d’air que pouvoit cn contenir le matras, ou un peu plus. Cet air étoit de Pair commun un peu altéré dans fes qua-

lités.

215

lités, Je continuai le feu: il commença à fortir un nouvel air nébuleux, qui à l’examen , fe trouva compofé d’un tiers d’air fi- xe, et de deux tiers d’air phlogiftiqué .

La goinme arabique dans les mémes circonftances me don- na de même de Flair fixe et de l’air phlogiftiqué; enforte qu'on auroit confondre les réfultats comme parfaitement fembla- bles. Il elt vrai que la gomme arabique donne auffi de Pair ni- reux; mais cela n’arrive que lorfqu'elle eft en quantité plus fen- lible. Si fa quantité eft très-petite, le peu d’air nitreux qu’elle donne fe décompofe en s’uniffant avec l’air commun du matras.

Il paroit donc demontré que le vénin de la Vipere n’eft nutre chofe qu’une gomme; on voit du moins qu'il en a toutes es proprictés, et tous les principaux caracteres.

Ce vénin fe trouve dans un animal, et élaboré dans fes

rganes, et formé de fes humeurs. Il doit donc être confidére comme une vraie gomme animale, d’autant mieux que la Vi- pere même ne fe nourrit que d'animaux. Quoiqu'on ne con- noiffe aucune autre gomme animale, il ne paroit pas qu’on puille nier pour cela que le vénin ne foit tel, quand il en a toutes les proprietés. Il eft naturel que d’ortnavantil foit inféré dans le catalogue des gommes. Peut être cette découverte don- nera-t-elle occafion aux phyliciens d’examiner, s’il ne fe trouve- roit pas dans quelque autre animal quelque autre fubitance gom- meufe.

Quoiqu'il foit reconnu que le vénin de Ja Vipere eft une gomme , on ne conçoit pas pour cela comment il eft vénin, puifque c’eit une vérité connue, que les sommes ne le font pas, ct qu'on peut les employer impunément. H eft fuperflu de parier des expériences que j'ai faites à ce fujet par pure curio- tité. Je me fuis affuré de mille manieres, que la gomme ara- bique appliquée fur les blefures eft tout à fait innocente. Mais

telle

216

telle eft la condition de l'homme, et tel eft ce que nous appel- lons fcience. On arrive à la fin à des limites, au de des quel- les tous nosefforts deviennent toutà fait inutiles. Cette notion, que le vénin de la Vipere eft une gomme quelconque, ne nous fert de rien pour expliquer comment cette gomme excite en uo in- flant une horrible maladie, et comment, en fi petite quantité , elle ôte la vie en fi peu de tems. Ce principe, quelqu'il foit, qui la rend vénin eft enfi petite quantité, qu’il n’altere en rien les proprietés ordinaires de la gomme; et l’on ne peut rien ap- percevoir de ce principe, foit en fe fervant des microfcopes les plus forts, foit en obfervant le vénin de toute autre maniere. Les fubftances les plus actives font rendues telles par des quan- tités inaffignables de matiere. La pointe d’une aiguille, qui tou. che une puftule varioleufe, conferve fon aëtivité pendant des an- nées, et excite les plus grands changemens dans le corps de plu- fieurs perfonnes, qu’on en peut piquer fucceflivement.

Oh combien nous fommes encore éloignés de pénétrer la vé- rité de ce myftere! Par combien de voies difficiles et inconnues, ne faudra-t-il pas pafler, pour avoir quelques lumieres fur cette matiere fi difficile et fi obfcure! Heureux encore, fi toutes les peines qu’on prendra, fi tous les eflorts qui fe feront, ne feront pas tout à fait inutiles{

Cette nouvelle découverte, qui enrichit l’hiftoire naturelle d'une gomme nouvelle, ne doit pas être négligée par les phy- ficiens. Elle pourroit conduire avec le tems à faire mieux con- noître la nature du vénin de la Vipere, et les eflets compli- qués qu’il produit. Elle pourroit peut être fervir un jour à fai- re comprendre pourquoi les animaux à fang froid meurent fi tard de la morfure; pourquoi il en cl qui n'en meurent pas, et pourquoi ce vénin cit entierement innocent pour la Vipere, de quelque maniere qu'il foit introduir dans fon corps. Si les

ani-

217

animaux froids, qui meurent tard, fi les autres qui ne meurent pas, fi la Vipere à qui le vénin n’eft point du tout nuifble, avoient des humeurs ou des parties telles, qu’elles ne fuffent que peu, ou tard, ou point altérées par cette gomme anima. le, on pourroit alors expliquer de quelque maniere un fait en- core très-obfcur, et qui fembloit ne pouvoir être éclairci que d’après la connoiflance intime de la nature du vénin même, et des principes et des qualités les plus cachées des corps animaux, fur lesquels il opere.

Sur les Abeilles, les Bourdons, et les Guèpes .

Dans la premiere partie de cet Ouvrage, j'ai rapporté quel- ques expériences fur le vénin du Scorpion, et fur cette humeur qui fort des Abeilles, lorfqu’elles piquent avec leur aiguillon. J'ai eu occafion depuis, de faire quelques autres obfervations, non feulement furles Abeilles, mais encore fur les Guèpes fur les Frelons, et fur les Bourdons. Je ne fache pas qu'aucun Phy- ficien ait examiné comme il convient Ja liqueur de ces ani- maux qui piquent avec l’aiguillon. Mead dit bien avoir obfer- que la liqueur des Abeilles eft compofée de très-petites ai- guilles ou pointes falines. Il affurc qu'il l’a examinée au mi- crofcope et qu'il la trouvée remplie de fels, etde pointes. Je ne fais fi cette obfervation de Mead a été confirmée , ou non par d’autres. Quant à moi, je puis aflurer que je n'ai jamais rien voir de falin dans cette humeur, quelque attention que jy aie apporté, et quoique je me fois fervi des plus fortes lentilles. Je fuis perfuadé que Mead s’eft trompé en cela, com- me il s'eft trompé en obfervant le vénin de la Vipere. Il a fürement des molécules en mouvement dans cette liqueur

Le avant

118

avant qu'elle fe défféchât, et il a cru auffitôt que e’toient ées pointes nageantes.

I n’eft pas difficile de fe perfuader que Mcad n’a exami- cette humeur , qu'impure, ct mêlée avec des corpufcules qui lui étoient étrangers, et que cela lui a fuffi pour qu'il Pait crue compofée de fels. Il s'eft trompé deflus comme fur le vénin de la Vipere, dans le quel il n’y a rien de tour ce qu'il croit v avoir và; et Pérreur paroit abfolument la même. L'humeur des Abeilles en fe défléchant s'éclate de la même maniere que le vénin de la Vipere, ct laifle voir les fragmens ordinaires, aigus ,et réguliers. Iln’en a pas fallu davantage à Mead pour croi- re que c’étoit du véritable fel.

Je puis afflurer qu'on ne voit rien de tout cela quand l’ob- fervation eft bien faite. Si en exprimant la liqueur de l’aiguil- on des Abeilles on ne fait pas la plus grande attention à ce que rien ne fe brifeet ne s’y mêle, il eft facile qu’elle forte chargée d’autres corps irréguliers; et lorfqu’on la met fur le porte-objets on peut encore obferver dans ces corps quelque peu de mouve- ment , et ils peuvent Etre plus ou moins mageants. Mais ce mouvemetit accidentel qui leur eft étranger, cefle bientôt, ce totalement, lorfque tout eft tranquille. Peu à peu l’hameur fe déftche; en fe défléchant, elle fe brife ,et fe crevafle, et forme des angles, ct des pointes.

Il n'y aucune différence fenfible entre le vénin de la Vipe- te, ct l'humeur des Abeilles obfervés avi microfcope, lorfqu'ils font défléchés l'un, et l’autre. Et fai feulement obfervé que l'humeur des Abeilles mile à Pair furun verre fe défféche beau- coup plus tard que le vénin de la Vipere, et que les fiflures mèmes de l’humeur des Abeilles fe forment auffi plus tard, que celles du vénin de la Virere, en fuppofant même des degrés égaux de défficcation dans ces deux fluides.

Ces

219

“Ces deux humeurs s'accordent non fculemene dans les fi- gures que préfentent leurs parties, en fe défléchant; mais encore en d’autres qualites. Si l’on en met un fragment entre les dents, et qu'on les ferre avec force, on les fent comme fortement collées enfemble: ce qui eft entierement de même qu'avec le vénin de la Vipere, et avec toutes les fubitances gommeufes feches. Elle fe diffout aufii dans l’eau fimple, et rélifte à l’efprit de vin, com- me le vénin de la Vipere, et comme les gommes mêmes; de forte que je ne ferois pas éloigné de croire que cette humeur cit une fubftance gommeufe, comme left fürement le vénin de la Vipere. Il eft vrai que les quantités de cette humeur font fi petites, qu'à peine on peut tenter de faire quelque expérience avec certitude fur cette fubftance. Mais les réfultats m'ont paru affez conftants pour me faire croire que je n'ai pas facilement me tromper.

J'ai obtenu les mêmes réfultats en examinant l’humeur des Guèpes, des Bourdons, et en général de divers autres infectes volatils qui piquent avec un aiguillon ,et qui donent un humeur. L’humeur eft amere, et mordante dans tous ces animaux, et pa- roit certainement de nature gommeufe. Quand on la laifle {&- cher fur le verre, elle fe crevafie par tout comme le vénin de la Vipere; et mife entre les dents elle eft tenace, glutincafe , ct riliftante..

Mais ilne faut pas croire pour cela, qu’elle foit la même chofe que le vénin de la Vipere, ni qu'elle en ait toutes les autres qualités. Le vénin de ia Vipere n'eft décidement ni fa- vourcux au palais, ni futfilamment acide pour changer en rou- ge le tournefol, ou la teinture de raves . L’humeur des Abeilles, et des autres infeétes qui leur font analogues, au moment qu'on l'applique au papier teint avec le fuc de raves, le rend légerement rougeatre, et peu après la tache devient d’un blanc jaunâtre, de

E e 2 {or-

220

forte qu'il paroit, que cette humeur confume la couleur bleue du pa- pier. Cette expérience ayant été répétée plufieurs fois et fuivie par le même fuccés démontre, que cette humeur eft unie avec un principe acide, et non pas alkalin; mais on voit en même tems, que la quantité d'acide dans cette humeur eft très-petite, ct ablolument incapable de faire, comme principe acide, la nroin- dre feufacion fur la langue et fur les piquûres.

Une quantité d'eau impregnée d’un égal volume d’air fi- xe, teint en rouge papier coloré par le fuc de raves. Elle le teint fortement, et la couleur dure pendant quelque tems. Une petite quantité d’eau imprégnée d'air fixe eft à peine fenfible au palais, et elle eft aulli tout à fait innocente fi on la met fur les bleflures.

Il faut donc règarder comme une erreur l’hypothefe de ces Phyficiens, qui ont prétendu que cette humeur fait enfler les parties parcèqu’elle cit acide, et que l’alkali volati! en elt le rêmedé parce qu’il faturé le principe acide.

L'expérience fait croire, que cette butireut agit par un principe amer; er cauftique, qui n'elt ni acide, ni alkalin. Si on Ja met fur la langue, on la fent amere, ct bràlante, et non pas acide, ni alkalin&, ainfi que nous l’avons dit.

Il eft beacoüp de fubftances qui fans être ni acides, ni al- kalines paroiffent brülantes au palais, et excitent des fenfa- tions fortes et défagréables. Les cantharides, plufieurs plantes aromatiques, font de cette clafle. Dans le tas donc il s’agit, il patoit certain; que ni la douleur, qui eft fouvent infupporta- ble; er plus grande que celle que cauferoit lhuile de vitriol mame, ni l’enfluré ou l’inflammation des patties, ne peuvent Ciro produites par un principe acide introduit dans la peau de ces animaux; ét pat conféauent, il faut regardes comme abfo- lament fauffe la théorie imaginée par certains auteurs pour ex-

pii-

221

pliquer les cffèts de cette humeur, et les confequences qu’on en a déduites ne font pas plus vraies que la théorie même. Un prétendu acide concentré, un acide à nud, un acide non com- biné; un acide phofphorique qui produit tant de chofes, font des bypotheles qui ne réfiftent point à l’examen de la raifon, et de l'expérience, et qui font peu dignes de ce fiecle. Il n’eft plus tems d'imaginer la nature ; il faut la confulter. Si la chy- mie a augmenté le nombre de nos connoillances, Pabus de la chymie même a fouvent retardé nos progrès. Il nous a fouvent jectés dans l'erreur , eta fubftitut les hypothefes aux faits, et aux expériences.

Quoique les Abeilles, et les autres infeftes analogues à ceux-ci par rapport à lhumeur qu'ils lancent par leur aiguil- lon, ne parviennent pas à tuer, je crois malgré cela, qu'on doit les confidérer, fi non comme des animaux venimeux dans le fens le plus vulgaire, du moins comme des animaux qui feparent de leurs corps une petite quantité d’une matiere, la quelle ne tue point par cela feul, quelle eft en trop petite quantité. Les poifons et vénins les plus a&ifs, comme l’arfenic, le fublimé corrotif, le vénin de: la Vipere pris en très-perite quantité, non feulement ne tuent pas, mais ils ne vont pas mème jufqu'à produire un dérangement fenfibie, bien loin qu'il approche de celui que produiroit un gros frelon en piquant de fon aiguillon; mais ces quantités, quoique très-petites par- viennent cependant à tuer les plus petits animaux, tandifque des quantités plus confidérables ne vont pas jufqu'à tuer les plus grands, L’on voit par là, que la différence gît toute dans la quantité du vénin, et dans les différens degrés de force de animal, et non pas dans la nature du vénin, qui eft toujours li même. Le vénin, ainfi que je l’appellerai, des abcilles, eft irîsatif dans fa petite quantit, e:il cft facile d’en juger par

la

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la douleur , et l’inflammation qu’il produit è l'inftane. Que fi l'on en augmentoit la dofe, il produiroit les plus grands dé- fordres, et peut être la mort la plus prompte. Et je ne ferois pas éloigne de croire qu’un grain de poids de ce vénin tucroit un pigeon en peu de fecondes. La différence qui fe trouve en- tre la piquùre de l’Abeille, et celle du Frelon eft déja très-gran- de, quoique la différence entre les quantités refpeétives de leur vénin foit encore très-petite. Il faut en dire autant .des fcor- pions ordinaires d’Italie et des autres pais; ainfi que de la mor- fure des araignées. Les plus groiles produifent en général un plus grand dérangement, et celies d'Afrique, ou d’Afie, vont jufqu'à donner la mort; mais toutes, jusques aux plus petites occalionnent une altération plus ou moins grande.

Il y a d’autres animaux et fur tout des Infeétes, qui lorf- qu'ils mordent, ou piquent excitent la plus forte douleur, et de l'inflammation ; de forte qu’on pourroit foupçonner avec raifon qu’ils infinuent dans la bleflure une bumeur cauftique, et veni- meule. On peut comprendre dans ce nombre les fourmis, qui lorfqu’elles mordent inftillent dans la piqure une humeur acre, et très-piquante qu’elles font fortir d’une vélicule fituée à la par- tie pofterieure de leur corps. Je ne m'arrèterai pas ici a parler de cette humeur en particulier, parce que j'en ai traité avec beaucoup de detail dans un memoire qui avoit pour obiet l’exanien des ac1- des des animaux &c. ct fur tout de /4 nature de celui des four- mis, imprimé dans le Journal de M. l’Abbé Rozier. J'y demon- trai que cette humeur des fourmis eft un vrai acide, et qu'il n’eft pas autre chofe que l'acide de l'air fixe concentré, privé de fon clafticité, et rendu liquide.

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TROISIEME PARTI

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CHAPITRE. PREMIER,

Afion du vénin de la Vipere fur les parties mordues de l'animal.

E fujet de cette parties eft le plus piquant que le matie- re dont nous traitons puille préfenter à un obfervateur philofophe .

Toutes les queftions qui y font traitées deviennent inté- réflantes, parce qu’elles peuvent jetter de grandes lumieres fur la nature des vénins. L'économie animale même paroit s'expliquer mieux par leur moyen, et beaucoup d’hypothefes qui ontété faites jufqu’icitombent devant l'expérience. Elle eft la pierre de touche qui fait bientôt reconnoître tout ce qui n'appartient pas à la natu- re, tout ce qui vient de l'art, des préjugés, de l’imagination : ca un mot, de l’homme.

L'expérience feulc peut nous conduire par les fentiers in- connus de la nature, et nous faire parvenir à des vérités neu- ves et inattenducs. Mais dans le tems même que l’homme court hardiment vers la vérité à la lucur de ce flambeau, er qu’il s’ele- ve comme pour dominer fur la nature même, elle l’arrétte à tout moment, en ne fe découvrant à lui qu’en partie, comme fi

elle

224 elle craignoit d’être reconnue; elle l'avertit aiali toujours de fon foible, et lui montre que fes efpérances font vaines ou très- limitées .

L'homme qui affigne aux cometes le cours qu'elles ont à tenir, et qui fixe le tems qu’emploie la lumiere pour venir du foleil à nous, ne connoit pas après cela l’air qui l’environ- ne, le feu qui le réchauffe. Telle eft nôtre condition, et c’eft ainfi qu'exifte la fcience des hommes.

La premiere queftion qui fe préfente après tout ce qu’on a vu jufqu'ici, c'elt de favoir fi le vénin de la Vipere eft un poifon pour tous les animaux à fang chaud. On verra dans peu que ce n’eft pas fans deflein que nous avons feparé cette gran- de famille des animaux, de l’autre qui comprend ceux à fang froid. Je dis au refte, qu’une fubftance eft venimeufe, pour un animal, lorfqu'elle produit en lui des défordies très-confidé- rables, quoiqu’elle ne foit introduite dans fon corps qu'en mé- diocre quantité.

Pour répondre convenablement à la queftion que je viens de propofer , il elt certain qu’il faudroit avoir fait mordre par les Viperés tous les animaux à fang chaud qui exiftent fur le globe. Le queftion n'eft pas affez intéréflante pour mériter un t'avail fi long et fi difficile. Cependant s’il eft permis d’em- ployer l’analogie entre les divers animaux à fang chaud, je ne crains pas d’avancer que le vénin de la Vipere fera un poifon pour tous. On a vu qu'il l’eft pour toutes les fept ,efpeces que nous avons examinées ci devant. Et je me fouviens très-bien d: n'avoir trouvé en Italie aucune efpece d’animal chaud pour le quel de vénin de Ja Vipere ne füt pas un véritable poifon. J: l'éprouvai fur tous les oifeaux que je pus retrouver, et fur tous les quadrupedes que je pus me procurer, de grofitur mé- diocre ; car j'avoue que je mai fait mordre ni le cheval, ni

le

225

le chameau, ni le boeuf, qu'on ne peut avoir facilement pour cet ufaze .

Il paroit donc très-naturel de croire que le vénin de la Vi pere eft un poifon pour tous les animaux à fang chaud ,et qu’au- cun ne feroit à l'abri des efièts qu’il produit ordinairement lo rf- qu’il eft introduit dans le corps en quantité fuflifante .

La feconde queftion, qui nait immédiatement de la pre- miere, cit de favoir fi levénin de la Vipere eft un poifon pour tous les animax à fang froid.

Nous avons déja ci devant, que lesgrenouilles, animal froid, et fi difficile à mourir, meurent elles mêmes trés-bien en peu d’heures, fi elles font mordues par la Vipere; mais ce n’elt pas affez pour conclure avec certitude, que tous les autres animaux è fang froid meurent auffi. On court fouvent le rifque de fe tromper de cette maniere, lorfqu'on fe prévaut d’analogics peu étendues, et trop limitées.

Une feule efpece d'animaux ne fuffit pas pour fournir un argument d’analogie d’aucune valeur.

Si on avoit examiné cinq ou fix cent efpeces d’animaux à faug froid, et qu'on eùt obfervé dans tous des fignes certains de poifon après qu'ils auroient été mordus, l’analogie dans ce cas formeroit un argument de probabilité, ec l’on auroit conclure des animaux froids comme des animaux chauds.

Il eft trop facile de foupgonner que le vénin de la Vipe- re n’eft pas un poifon pour la Vipere meme .La Vipere, dans toutes les maladies ou bleffures de fa gueule, courroit le plus grand rifque de fe tuer avec fon propre vénin. Iln'elt pas tres- rare de trouver des Viperes ayant les facs des dents enflam- més, et fanglants. On voit fouventfe former dans la gueule de la Vipere, lorfqu’elle mord, de petites taches rouges, et il cit d’ailleurs facile de concevoir, que lorfqu'elle feroit mordue à la

F f gucu-

226

gucule par quelque autre animal; fon propre vénin lui devien- droit funefte.

Le véain fe fépare continuellement, et féjourne dans la glande fpongieufe. Celle ci a fon canal toujours ouvert, par le quel tout le vénin fuperflu qui ne peut tenir dans la glande elt forcé de fe répandre dans la gueule de la Vipere même.

Quoiqu'il en foit, il étoit facile d’en faire l’expétience . On peut lire dans ma premiere partie les détails d’un grand nombre d’expériences que J'ai faites à ce fujet ; des quelles il réfulte , que le vénin de la Vipere n’eft pas un poifon pour les Vipe- res; mais que c'elt pour elles une humeur tout à fait innocen- te. Jai voulu répéter de nouveau plufieurs de ces expériences, et parmi un grand nombre, que jJoinets pour abréger, il me fuflira d’en rapporter une feule.

Je forçai une Vipere, après l’avoir bien irritée; à fe mor- dre elle mème plufieurs fois vers la queue; mais elle ne fouffrit rien pour cela, quoiqu’elle eût certainement bien enfoncé fes dents dans cette partie. Jai répéte cette expérience fur trois autres Viperes avec le même fuccès; de forte que c’eft une chofe certaine, que le vénin; ou la morfure de la Vipere eft tout à fait innocente pour la Vipere même qui fe mord, com: me elle left auf lorfqu’elles fe mordent entr'elles

Mais cette exception fi finguliere n’eft pas pour les Vipe- res feules. Il eft d’autres animaux pour les-quels ce vénin eft innocent; et il en eft d’autres fur les quels, quoiqu'ils foient petits, une Vipere ,ou deux, font à peine capables de produire une altération fenfible. Jai parlé de quelques uns de ces ani- maux froids dans ma premiere partie, et pouf en connoître le nombre, il faudroic étendre les expériences fur d’autres efpeces que je ne pus me procurer alors, et fur les quels je crus fuperfu d’en faire l'expérience.

Sil

227

S'il eft tout à fait extraordinaire de voir que la même ma- tiere elt entierement innocente pour diverfes efpeces d’animaux , et qu'elle eft mortelle pour une infinité d’autres; il eft bien plus furprenant , et plus merveilleux de concevoir comment, et par quels principes il peut fe faire, qu’une gomme infipide, au- tant qu’on peut s’en appercevoir , excite les plus grands défor- dres fur tant d’animaux fi gros, et qu’il n’en produife aucun fur d’autres incomparablement plus petits, et plus foibles.

La diftinétion connue d’animaux à fang chaud, et d’ani- maux à fang froid, la quelle n’eft fondée que fur quelques de- grès de plus ou de moins de chaleur, et fur quelqu'autre petite différence de circulation d’humeurs, n'eft d’aucun ufage dans le cas préfent. Parcequ’il y a des animaux à fang froid qui meu- rent de ce vénin, et qu’il en eft qui n'en fouffrent aucunement.

Si l’on compare deux animaux froids, lux qui meure du vénin, et l’autre qui n’en meure pas; on y trouvera les mêmes organes , la même circulation, une égale ténacité de vie; tout, en un mot, paroîtra égal en eux, aux yeux de l’obfervateur .

Qu'et-ce donc qui fait que cette matiere qui fort de la dent foit un poifon pour l’un, et non pas pour l’autre? C’eft ce que nous ignorons entierement, et ce qu’il ne paroit pas qu’il nous foit donné de favoir jamais. Il faudroit connoître la natu- re la plus intime de cette merveilleufe gomme animale . Il fau- droit pénétrer dans la fubftance la plus interne, et la plus ca. chée des folides, et de fluides des animaux à fang froid, con- noitre le méchanifme de leur organifation, et comprendre par- fritement le principe de la vie, et alors on pourroit répondre à tout. Mais comment favoir de fi grandes chofes, quand nos ergancs font fi peu pénétrans, fi peu a@ifs!

Mais s’il ne nous eft pas donné de favoir queleft ce prin- cipe fi actif du vénin de la Vipere, qui introduit dans l’animal

F f 2 vi-

226

vivant lui caufe la mort, il nous eft du moins permis de re- chercher quelle quantité de ce vénin eft néceflaire pour donner la mort à un animal d’une certaine grofleur. Cette recherche; qui eft très-curieufe en elle même , ne laïfle pas d’être de quel- que utilité dans la pratique, et fur tout pour ne pas laifler croi- re le danger plus grand qu’il n’eft en effet, fi par malheur on venoit à être mordu par cet animal.

A fin de pouvoir dire quelque chofe de précis fur cette recherche, il falloit commencer par déterminer de très-petites quantités de vénin, et les introduire fans perte de fubitance dans le corps de l’animal. Il falloit encore opérer fur des ani- maux très-petits, dans les quels la mort s’enfuivit promptement et certainement, a fin que les réfultats fuflent moins équivo- ques. Il et vrai qu'en multipliant fans bornes les expériences , on pourroit à la fin avoir auffi les mêmes réfultats dans les gros animaux; mais il auroit fallu plus de tems, et plus de commo- dités, et d’ailleurs étre perfuadé de l’importance de la chofe.

J'ai choifi, parmi les animaux , les moineaux etles petits pi- geons, qui meurent facilement du vénin, ainfi que je le favois par experience .

Pour déterminer de petites quantités connues de vénin, j'ai commencé par prendre quattre grains en poids de vénin de Vi- pere, et je lai uni avec huit grains d’eau diftillée. Avec un pin- ceau fin j'en ai enduit également partout un pouce quarré de pa- pier fin. Cela peut fe faire aflez bien et aflez facilement pour exclure toute erreur confidérable , et j'ai trouvé en effet que les moitiés et les quarts de pouce quarré de ce papier étoient du mème poids lorqu’ils étoient féchés .

Jc coupai par le milieu le pouce quarré de papier, et je divifai en deux une moitié, et je continuai ainfi jufqu'à fix divifions. Pen fis autant de l’autre moitié afin d’avoir ainfi deux portions de la même valeur ,au lieu d’une feule. Je

229 Je dépouillai de la peau les mufcles de la jambe à dix moineaux, et j'attachai deflus les dix morceaux de papier en que- ftion. Les réfultats, en commençant par les plus gros morceaux de papier, +, 4 xs fs 2, furent comme il fuit. Des deux oifeaux qui avoient les papiers marqués -, l’un mourut au bout de 15 minutes, l’autre feulement au bout de 35° Des deux du +, l’un mourut au bout d’une heure, et lautre ne mourut pas. Des deux du = l’un mourut au bout de deux heures , l’au-

tre ne mourut pas. Des deux du è lun mourut au bout de deux heures, l’autre au bout de cinq. Des deux du ;; l’un mou- rut au bout de trois heures, et l’autre au bout de fept minutes.

Cette expérience ayant été répétée, elle eut des réfultats encore plus irrézuliers. Cela me fit abandonner cette méthode comme tout à fait infuffifante et trompeule ; probablement parce- que le papier mis en conta& avec les humeurs de l’animal ne le Jaife dépouiller ni entierement ni également du vénin qui y eft attaché. Il me fallut donc avoir recours à une autre méthode, qui eft peut tre moins cxaîe pour déterminer la quantité pré- cife du véain; mais qui m'a donné des réfultats auffi conftans, et auffi uniformes qu’on puiffe les attendre dans une matiere aufli difficile .

Voici la méthode que J'ai employée.

Je prenois une quantité donné de vénin, par exemple trois grains, et je l’étendois fur une lame de verre, de maniere qu’ elle y occupoit un efpace déterminé de forme circulaire.

Le vénin dans fon cenire n’avoit pas plus d’un quart de ligne de profondeur.

J'avois un petit tube capillaire de verre qui fe terminoit par une petite pelle d'environ une demi ligne de diametre. Je piongeois verticalement la petite pelle dans le centre de la gout- te, ct je la retirois dans la même direction.

Pour

239

Pour determiner la quantité de vénin qui s'attachoit à la petite pelle, et pour favoir en même tems fi cette quantité étoit conftante, je mis enfemble fur une balance très-délicate, les trois grains de vénin, et la lame de verre, et je plongeai dix fois de fuite la petite pelle de verre dans le vénin, ayant foin de l’effuyer parfaitement à chaque fois. Après les dix fois, je trouvai que l’equilibre étoit perdu, et qu'il manquoit envi- ron = de grain du vénin. Je continuai à plonger la petite pel- le de verre dans le vénin autres dix fois de fuite, et la balan- ce ayant de nouveau perdu fon équilibre, je trovai que le vé: nin étoit diminué d'environ è, de grain. On réuffit à faire cet- te expérience moyennant un peu de pratique, en moins de deux minutes de tems, et dans deux minutes les trois grains de vé- nia ne font pas fenfibiement diminués de poids par l’évapora- tion naturelle, ainfi que je m'en fuis afluré par l’expérience . Je m'affurerai pas ici que toutes les quantités {vient , à la rigueur, les mêmes. Je conviens qu’en répétanr pluficurs fois cette ex- périence , on doit trouver des différences fentibles, et j'en ai trouvé en effet; mais toutes ces différences prifes enfemble ne peuvent faire varier que de trés-peu de chofe la quantité de vénin qui s'attache chaque fois à la petite pelle. Sur le tout, jai pu établir, que la petite pelle de verre plongée à plomb dans le vénin, comme je viens de le dire, emporte avec foi environ ,= de grain de vénin de Vipere.

Je dette une portion de la jambe droite à un moi- neau, et je fis une petite incifion longitudinale aux mufcles avec une lancette. dr introduifis à l’inftant la petite pelle en- duite de vénin, et je l’y tins pendant 30 fecondes. Au bout de deux heures ce moineau mourut ayant la jambe livide.

Je répétai cette expérience fur fix autres moineaux, en obfervant les mêmes circonftances. Ils moururent tous l’un après

l’au-

autre au bout des nombres d’heures qui fuivent. 2. 2. 3. 451 7: |

Je voulus appliquer cette expérience à douze autres moi- neaux de la même maniere, et les réfultats furent encore plus irréguliers que dans les expériences précédentes . L’un mou- rut au bout de quatre minutes, un autre au bout de 3 Jours, et un autre au bout de cinq jours. D'ailleurs les fignes de la maladie étoient indubitables dans tous les trois. Les neuf autres moururent tous au bout des tems exprimés par les nom- bres fuivans, qui font autant d'heures: favoir, 2. 3. 3. 5. 6. Gi 9. ro. Yi

Ces premiers réfultats font voir que les quantités de vè- nin dont nous parlons font fuffifantes pour tuer un animal de la groffeur d’un moineau ; mais que ce vénin produit dans ces animaux des effets très-inégaux. et des maladies plus ou moins grandes. Un animal qui meurt au bout de 3 minutes, et un autre tout à fait femblable au premier, qui ne meurt qu’au bout de 5 Jours, prouvent qu’ils ont eu une maladie bien différente. Mais quoiqu’on puille fuppofer que les quantités de vénin in- troduites étoient égales , et que les incifions l’étoient aufi un peu plus un peu moins de fang qui fe désorge des vaiffeaux coupés, peut caufer toute ‘cette ditftrence, parceque cela peut faire qu’il entre plus ou moins de vénin dans la circulation des humeurs, et pour mieux dire, dans l’animal.

J'étois curieux de voir fi en doublant la dofe du vénin Jaürois caufé plus promptement la mort. Faute d’une métho- de fùre pour doubler le vénin, je fis deux incifions au lieu d'une feule, et j'introduifis dans chacune la petite pelle dont jai parié. Tous moururent également; mais l’un au bout de 3 Minutes , un autre au bout de 27, un autre au bout de 40. les autres au bout desnombres fuivans , qui expriment autant d’heu- FES RVOIr I 1. 2, 2, 3.73, 3415. 6. Les

232

Les expériences faites fur les moineaux, et la méthode d’introduire uue quantité donnée de vénin dans leurs mufcles par une incifion, in’ont fait faire une obfervation très-intere(- fante. Je tenois ordinairement ia petite pelle dans lincifion pendant environ 20 fecondes, er je commengai à obferver que les levres de la partie bleiiée devenoient livides au bout d’un certain tems. Je pris ce figne comine un caractere certain de la communication de la maiauie, et Je ne me trompai pas » ainfi qu'on le verra dans ia fuite,

Je voulus voir ce que pourroit produire une quantité de vénin fur un animal plus gros, que les moineaux.

Je dépouillai de Ja peu uae porction de Ja jambe à un pi- geon, de forte que les mulcies étoient à nud dans cet endroit, Y ayant fait lincilion à l'ordinaire, J'y introduifis la petite pel- le après l'avoir plongée dans le vénin, et je ly tins jufqu’à ce que je vifle les levres de l’incilion devenir livides, ce qui fut après environ 20 fecondes, comme dans les moineaux. Au bout d’une demie heure, la jambe étoit légerement livide; mais elle ne paroifloit ni enflée ni dure. L'animal ne mourut, nine parut fouffrir fenfiblement.

Je répétai la même expérience fur fix autres pigeons, en obfervant exaGement les mêmes circoftances. L’un d’eux n’eut pas même de figne de maladie, et lincifion ne devint pas livide, quoique jy tinfle la petite pelle pendant plus d'une minute entiere. Les quattre autres eurent les fignes de la mala- die du vénin, et deux de ceux ne furent bien guéris qu’au bout de 40 heures. Le fixiéme n’cut parcillement aucun figne d: mal; mais l'incifion de la jambe répandoit du fang, quand j'y introduifis le vénin.

J: répétai cette expérience fur 8 autres pigcons dans les mêmes circonftances. L'un mourut au bout de 6 heures. Trois

cu-

233 eurent tous les fignes de la maladie du vénin, et ne furent bien guéris que le troifiéme jour: deux autres n’eurent aucun figne de maladie. Je dois avertir queles incifions à la jambe dans ces deux derniers donnoient fenfiblement du fang lorfque jy intro- duifis le vénin: ce qui démontre que le fang qui fort des vaif- feaux peut empêcher le vénin d’y entrer, ou d'y refter lorfqu'il y eft entré. | Je voulus répéter de nouveau cette expérience fur douze pigeons. IL en mourut un au bout de 10 heures. Deux autres furent grievement malades. Les autres ne foufirirent pas fen- fiblement .

Ces nouvelles expériences font voir que cctte quantité de vénin qui tue ordinairement un moineau, ne tue pas un pi- geon; Mais on voit même tems qu'il peut y avoir tel cas, il s’introduife autant de vénin qu'il en faut pour tuer un pigeon, bien que ce foit en fi petite quantité, qu'il y en ait à peine pour tuer un moincau.

Jai vouiu éprouver fur les pigeons, ainfi que je l’avois fait fur les moineaux, ce que produiroient deux incifions, et une double quantité de vénin.

Ayant découvert comme à lordinaire les mufcles de la jambe à un pigeon, jy fis deux petites incifions, et j'introdui- fis dans chacune la petite pelle enduite de vénin, comme de coùtume. La tache livide parut dans les deux inciions; la jam- be devint prefque route livide, elle demeura telle pendant deux jours, et l’animal guérit entierement.

Je répétai la même expérience fur 12 pigeons, et j'eus des réfultats différens. Deux moururent an bout de 3 jours. Les au- tres eurent ies Jambes livides; mais ils guérirent tous. ‘Cette expérience ayant été répétée fur 12 autres pigeons; il en mourut 4. L’un au bout de 6 heures, un autre au bout

G g de

Do

234 de 20, et deux allerent jufqu'au cinquiéme jour. Tous les au- tres eurent la maladie du vénin; mais ils guérirent.

Au lieu de deux incifions feulement, je fongeai à en fai- re quattre, l’une à côté de l’autre fur douze pigeons. Il en mou- rut neuf. L’un en dix minutes, deux en une heure, deux en deux heures, et trois en s heures. Les autres eurent la mala- die, et les jambes livides, enfiées et dures; mais ils ne mouru-: rent pas.

Quelle eft la quantité de vénin qu'il faut pour tuer un animal?

Après toutes ces expériences, il paroit qu'on peut déter- miner avec quelque probabilité la quantité de vénin requife pour tuer un animal: queftion qui commence déja à devenir impor- tante pour nous mêmes, parcequ’enfin nous pourrons nous flatter que peut être la morfure d’une Vipere n’eft pas aufli dan- gercufe qu’on l’a cru jufqu'à prefent.

On a vu ci deflus que = de grain de vénin, introduit immédiatement dans un mufcle par le moyen d’une incifion , peut être une quantité fuffifante pour tuer un moincau; quoique cet animal n’en meure pas toujours, et qu’il en faut environ 4 fois plus pour tuer un pigeon. On peut même fuppofer qu’il en faut cinq ou fix fois plus pour le tuer immanquablement

Les moincaux fur les quels Jai fait mes expériences pe- foient un peu moins d’une once chacun, et les pigeons pefoient un peu plus de 6 onces. Qu'on fuppofe que les moineaux pe- fent une once jufte, et les pigeons 6.La quantité de vénin qu’il faudra pour tuer un gros animal, par exemple un boeuf, fup- pofé qu’il pele 750 livr. fera d’environ 12 granis, et pour tuer un homme, il en faudra à peu près 3 grains, en fuppofant qu’il

pefe

235 pefe la quattriéme partie de ce que pefe un bocuf: favoir 150 livr.

Ce calcul fuppofe, il eft vrai, quelques nouvelles hypo- thefes plus ou moins probables; mais dont aucune n’eft invrai- femblable : il manque un nombre fuflifant d'expériences pour les rendre, ou verités abfolues, ou fufceptibles de quelques re- ftritions ,

La premiere hypothefe qui eft fuppofée ici, c’eft que le vénin de la Vipere agit fur l’animal en raifon de fa quantité. Il paroit naturel de croire que cela eft ainfi; parceque fi une très-petite portion de vénin peut déranger è ## certain point l'économie d’un animal, une plus grande dofe doit produire un plus grand défordre, une plus grande maladie. Et de plus, nous avons vu les animaux mordus plufieurs fois par une feule Vi- pere ou par plufieurs, mourir plutôt que ceux qui n’étoient mor- dus que par une feule Vipere, et qu'une feule fois; et l’on fait qu'une Vipere qui mord plufieurs fois introduit de nouveau vénin dans les parties mordues.

La feconde hypothefe eft, que le défordre produit dans l’économie animale par le vénin de la Vipere,eft d’autant moin- dre, ou bien la force que lanimal a pour réfifter è l’aftion de ce vénin el d’autant plus grande, que l’animal eft plus gros. En général, cela eft ainfi, quoiqu’il y ait des exceptions à cette loi, et qu'elle ne foit pas de toute rigueur.

La troifiéme hypothefe eft, qu’on puiffe argumenter des effets produits dans un animal d’une efpece, aux efféts produits dans un animal d’une autre efpece: favoir, des volatils aux quadrupedes. Cet argument n’eft qu’une fimple analogie; mais c'eft une analogie entre des animaux à fang chaud, et on peut l’eftimer de quelque valeur.

Maintenañt, fi l'on veut fuppofer qu'une Vipere de grof-

G g 2 feur

236 feur médiocre contient dans fes véficules deux grains de poids de vénin, il faudra le vénin de fix Viperes pour tuer un boeuf , et prefque celui de deux pour tuer un homme.

Mais fi l’on fait réflexion qu'une Vipere qui mord ne re- fte pas fans vénin; qu'à chaque morfure, du moins aux trois ou quattre premieres , elle peut donner la mort prefque avec la même facilité à un animal, on ne trouvera pas tout à fait in- vraifemblable , qu’il faille peut être 20 Viperes pour tuer un boeuf, et cinq ou fix pour tuer un homme.

CH. AP A TOR. E AE

Du tems vequis pour que les effets du vénin de la Vipere

Jotent Jenfièles ;

Ne quantité de vénin de Vipere qui pefe à peine = de

grain, produit, lorfqu’elle eft introduite dans le corps d’un petit animal, une maladie telle, que la mort s'enfuit en peu de minutes. Il faut bien que fon a@ivité foit grande, et que les effets qu'il produit foient prompts, et très-gratids . Nous avons avancé en plufieurs endroits de cet Ouvrage, que le vénin de ja Vipere rend les patties mordues dans les animaux, incapg- bles d'exécuter leurs mouvemens ordinaires, et cela prefqu” è Pinftant. Da moins il cit certain que dans pluficurs on obfer- ve ce phénomene. On a que la partie venimée devient li- vide après avoir été mordue; mais feulement au bout de quel- que tems. Les parties bleflées deviennent bientôt enflées, et dou- loureufes, et le tiflu cellulaire fe remplit peu de tems après, d'une humeur difloute et noire, pendant que le fang qui refte dins les vaifleaux clt noir, ctcoagulé.

Hl fembleroit naturel de penfer que lation de ce venin

fur

237

far les organes de l’animal eft imomentante, et ne différe pas de celle qui fe pañle lorfqu’on unit enfemble deux fubitances différentes, ct dont la chymie fournit mille exemples.

Curieux de fuivre ces vues, et flatté de l’efpérance de dé- couvrir quelque phénomene ou quelque fait utile aux recher- ches préfentes , Jimaginai un nouveau plan d'expériences.

Mes premiers eflais eurent pour but principal de voir les altérations que produiroit le vénin de la Vipere introduit dans une partie d'animal coupée , mais encore chaude, et palpi- tante .

Expériences fur des membres récemment feparés de l'animal.

Au moment la partie étoit coupée, je la faifois mor- dre par la Vipere, et quand Pexpérience réuffiloit bien, ce qui arrivoit fouvent , il ne pouvoit fe pañler qu’à peine une fe- conde entre l’amputation , et la morfure.

J'ai choifi les petits pigeons pour cette expérience, parce- que Javois obfervé que dans ces animaux, le vénin de la Vi- pere produit très-promptement une tache livide dans la partie des mufcles par il s’eft infinué.

Pour faire cette expérience, une perfonne tenoit l'animal avec une main,et elle tenoit de l’autre les cifeaux ouverts, en- tre lefquels étoit la jambe du pigeon qu’il falloit couper. Une autre perfonne tenoit d’une main la jambe à couper , et de l’au- tre main préfentoit la tere d'une Vipere, à dents découvertes, et les enfoncoit profondément dans les mufcles de la jambe. La tere de la Vipere avoit été feparée de fon corps quelques minutes auparavant, ct pour faire plus commodément lexpé- rience , on l’avoit dépouillée de fa machoire inférieure. Certe tête vivoit encore, et la moindre compreflion qu’on y fit fuf-

fio

238

fifoit pour qu'elle fit elle mème fortir fes.dents du fac, et les enfonçât dans les parties qui s’en approchoient.

Il eft certain que dans aucune des expériences que j'ai fai- tes, et J'en ai fait douze, il ne s’eft jamais pafsé plus de trois fecondes entre l’amputation, et la morfure, et plulieurs de ces expériences ont été faites en une feule feconde, ou précifément dans Je même inftant.

On voyoit dans quelquefunes des jambes coupées le vénin tourer les trous faits par les dents; on le voyoit fortir des netrous mêmes dans d’autres; et dans d’autres, on ne voyoit point de vénin à lextérieur. Les mufcles ainfi mordus par la Vipere étant examinés , ne montroient aucun figne de maladie communiquée: on ne pouvoit obferver aucun commencement de lividité autour des trous. Le fang continuoit d’être fluide dans les veines et dans fes arteres.

Ces jambes qui étoient encore chaudes et palpitantes, et qui faignoient, étant gardées pendant des minutes, et des heures entieres, ne m’oat Jamais prélenté rien de plus à obferver.

Je répétai cette expérience fur les mufcles découverts, et prefque pàles et tranfparents de 12 grenoutiles. L’évenement fut entierement le même : il ne parut aucune figne de maladie communique .

Je répétai de nouveau ces expériences, tant fur les pigeons que far les grenouilles, en faifant mordre les jambes coupées par des Viperes entieres, et auparavant bien irritées: le réfultat fut le méme dans toutes.

Je préparai des jambes de pigeons, et de grenouilles, et dès qu’elles furent coupées, Je les bleflar avec des dents decou- vertes, et tirées d’une tête de Vipere défléchée. Les fignes de ces bleflures fimples n’etoient pas fenfiblement diférens de ceux- des bleffures dans les quelles on avoir fait entrer du vénin, bien qu’elles cuffent été faites dans le même tems. “Il

239

Il paroit donc que c’eft une vérité de fait, que le venin de la Vipere ne produit aucun changement fenfible fur les par- ties détachées d’un animal, bien qu’elles palpitent encore. Cet- te vérité m’a paru très-importante pour la théorie de ce vénin, et digne de la plus grande attention.

Premierement, ileft certain qu’il fubfifte encore pendant 20 fecondes et plus, dans la jambe coupée, la même chaleur qu’au- paravant ainfi que je m'en fuis afluré. L’irritabilité fubfifte en- core en entier dans les mufcles, qui continuent à fe mouvoir; même pendant des minutes entieres. Les humeurs artérielles et veineufes y font au moins pour la plus grande partie, et elles y confervent encore du mouvement pendant quelque tems.

Quand on a examiné la circulation du fang dans les ani- maux à fang froid, on n’ignore pas que le fluide continue de circuler encore pendant longtems dans les parties coupées de ces animaux.

Malgré tout cela, le vénin paroit tout à fait inaétif, ct in- nocent dans tous les cas que nous avons rapportés ci deflus, quoique tout fublifle dans la partie mordue: favoir les hu- meurs , les arteres. les veines, les nerfs, l’irritabilité, et le mouvement.

Ce phénomene me parut fi neuf, et en même tems fi pa- radoxal, que je voulus tenter un nouveau genre d’expériences , dans lefquelles la partie de l'animal fût encore plus voifine de fon état naturel, lorfqu’elle feroit mordue par la Vipere.

Je coupai avec un couteau tranchant les mufcles, les nerfs, et les vaifleaux , qui vont à la jambe d’un pigeon, et je laiffai los intat. La coupure fut faite au commencement du zibia im- médiatement au deflous du femur. Dans le même inftant, je fis mordre par la Vipere les chairs de l’animal fous la cou- pure.

Mais

240

Mais avec tout cela, je ne pus pas m’appercevoir que les mufcles fuflent rendus livides, et que la maladie leur eût été communiquée .

Je répétai cette expérience fur onze autres pigeons, et je ne pus jamais obferver aucun figne, quelque longtems que je laiflafle vivre l’animal, qui ne meurt pas de cette opération.

Je voulus la répeter fur 12 grenouilles. Leurs mufcles mordus fe maintinrent blancs, et fans aucun figne de maladie, tout à fait femblables à ceux des autres grenouilles, que j'avois preparées de la même maniere fans les faire mordre, pour en fai- re la comparaifon.

On peut donc regarder ce fait comme tout à fait hors de doute, quelque paradoxal qu’il puifle paroître; et je commen- çai à me flatter qu'on pourroit en tirer quelque verité phyl- que fur le méchanifme du venin de la vipere, et quelque prin- cipe fécond pour l'intelligence des mouvemens animaux. D'a- bord il eft certain que le vénin ne paroit pas agir par un fim- ple mouvement méchanique, ou par un fimple mélange de flur des, car on ne voit pas pourquoi il ne devroit pas produire les effets ordinaires dans les cas rapportés ci deflus, puisqu'il y a dans le mufcle, et les humeurs et les mouvements ordinaires. Il ne paroit pas agir non plus de la maniere que la Chymie en- feisne, comme feroit, parexemple,le conétat d'un acide avec un alkali, précifément par la raifon, qu’il n’y a acun effet produit, quoiqu’il y ait le conta& du vénin même avec les humeurs de la jambe de l’animal.

Sar

241

Efpericuces pour s'affurer dans combien de tems le véuin de la Vipere produit fes effets après qu'il eft introduit dans la bleffure.

Avoir exclus quelque hypothéfe fur la maniere d'agir du vénin de la Vipere, ce peut bien être un pas vers la vérité; mais cela ne fuffit pas encore pour favoir, et comment, ct fur quelles parties de l’animal il agit. Ma curiofité étoit donc plu- tÔt excitéc, que fatisfaite, et je cherchois déja comment je pour- rois pourfuivre mes recherches.

Je faifois réflexion que fi le vénin de la Vipere ne pro- duifoit aucun effet fur une partie détachée de l’animal , quelque voifine qu’elle füt encore de fon état naturel, il étoit certain qu'il en produifoit de trés-grands, et trés-prompts fur les par- ties non encore coupées,

La premiere queftion qui fe préfentoit naturellement, fut de rechercher ti ce vénin produifoit fes eflets ordinaires, ou pour mieux dire, s’il communiquoit la maladie à la partie mor- due, dans l’inftant, ou feulement au bout d’un certain tems.

Je fis mordre, dans cette vile, la jambe è un pigeon par une grofle Vipere irritée, la quelle y fit au même inftant deux morfures confecutives . Je coupai auflitôt cette jambe, et je lexaminai en diligence. On y voyoit très-bien les trous des dents ; mais il n’y parut aucun figne de maladie, ni aucune

marque de lividité, quelque longtems que j'attendifle. | Je fis mordre de la même maniere fix autres pigeons, à une feule et à plufieurs reprifes, et je coupai prefque fubitement la jambe mordue, et avec d’allez petites différences de tems.

I] ne parut aucun figne de maladie dans les parties mordues. D'où il réfuite une verité inconteftable; favoir ;que le vénin de

H h la

242 la Vipere n’opere pas à l’inftant fur la partie mordue; mais qu'il exige un certain tems, puilqu'il eft certain qu'on voit en fin deveuir livides ct enflées les parties mordues par la Vipere.

Il falloit déterminer cet efpace de tems par l’expérience

»

mème.

Je fis morde, pour cela, douze pigeons, chacun par une feule Vipere, et une feule fois. Je mefurai avec une montre à fecondes le tems qui fe pañloit entre la morfure de la Vipere, et l’amputation de la jambe. Je fis enforte que les efpaces de tems augmentaffent de 10 en 10 fecondes, de façon que les 12 jambes furent coupées au bout de 10. 20. 30. 40. 50. 60. 70. So. 90. 100. 110. 120. fecondes. Je dépouillai au paravant les mufcles de leur peau, fans y faire de coupure ou de dé- chiremens, et j'enlevai avec une petite éponge humide le fans qui fortit des mufcles coupés. Dans la jambe de 10 fecondes, je ne pus appercevoir aucune altération , ni tache livide; mais dans celle de 20 il y avoit des fignes de maladie, il me parut du moins voir um commencement de lividité autour des trous faits par les dents de la Vipere. Dans tous les autres, Ja maladie droit décidée au point qu’il ne me reita aucune forte de doute.

Je répétai cette expérience fur douze autres pigeons; mais au licu de prendre de 10 en 10 fecondes les intervalles de tems des jambes coupées; Je les pris de 7 en 7.

La jambe coupée après 7. fec : n’avoit aucun figne de maladie. Il en fur de mème de celui de 14; mais toutes les autres , en com- meaçant par le 21; étoient avec des fignes de lividité. Il eft encore vrai qu'en général les raches livides éroient d'autant plus grandes que les amputations avoient éié faites plus tard. Quoi- que cette regle ne fur pas fans quelques exceptions, à caufe de

mil-

243 mille circonftances, qui ne font jamais les mêmes, et que cha- cun peut fe figurer facilement.

Pour avoir avec plus de précifion les tems la maladie fe communique, Je fis mordre 12 autres pigeons avec l’inter- valle de 5 à 6 fecondes, et je commençai par ne laifler que 5 fecondes.

La maladie commença à n’être certaine qu'après 25 et il y avoit quelque doute fur le 20:le 5 le 10, et le 15 étoient fans fignes de maladie, et fans même le moindre indice de li- vidité.

Il paroit qu'on peut conclure avec certitude, de toutes les expériences rapportées jufqu'ici, que l’ation du vénin de la Vipere fur la partie mordue n’eft pas inftantanée; mais qu'il faut un certain tems avant que les effets de ce vénin foient fen- fibles dans la partie mordue.

Le tems qui fe pafle avant que le vénin manifefte la ma- Jadie qu’il produit, eft entre les 15 et les 20 fecondes, ou en- viron.

Il paroit naturel, que ce tems varie dans les divers ani- maux, et qu’elle fe manifefte plûtot dans les uns, et plus tard dans les autres. La différente conftitution de l’animal, fa grof- feur même doivent y faire une variation fenfible, et modifier plus ou moins l’action du vénin.

Mais il nous fufht de favoir que le vénin de la Vipere n'opere pas dans l'iaftant, et de connoître en quelque façon le tems qu'il lui faut pour agir dans quelques efpeces d'animaux. Ces données ouvrent la voie à des recherches ultérieures.

H h : Eft

244

Eft ce par la fèule maladie locale ou par un deférdre produit fur des principes plus nobles, que meurent les animaux mordus par la Vipere.

La premiere recherche qui fe préfente, et qui eft tres-im- portante, c’eft de voir, fi le vénin de la Vipere produit dans l'animal une maladie indépendante de celle qui fe forme dans ja partie mordue: favoir, s’il s’excite un tel dérangement dans l’économie animale, après qu’une partie eft mordue, que l’ani- mal puifle même mourir de cette feule caufe.

Jai des animaux, même affez gros, commie, par cxem- ple, les chiens, les quels mordus par la Vipere tomboiens fans pouvoir fe remuer de quelque tems, et avec une -refpiration à peine fenfible. Jen ai d'autres lâcher à l’inftant leur urine et leurs excrémens, comme fi leurs fphincters étoient devenus para- lytiques au moment qu'ils avoient été mordus. Il n’eft pas rare de voir dans l’homme des défaillances, prefque à l’inflant mé- me qu'il cft mordu. Mais l'agitation dans certains animaux, ct la peur dans certains autres, peuvent contribuer beaucoup à produire tous ces effets ; et puis il eft toujours vrai qu'il continue d’y avoir une communication d'organes, une Conti- nuation d’humeurs entre la partie mordue et l’animal, enfor- te qu'on peut prendre pour maladie communiquée ce qui n’eft qu'une fimple correfpondance entre la partie mordue, et le re- fte de l'animal. Après tout, c’eft à la feule expérience à déci- der fur ce point, comme fur tous les autres.

Je fis mordre à plufieurs reprifes par une Vipere la jambe à un pigeon, que je lui coupai peu après d’un feul coup, è l'ar- ticulation du femur avec le tibia,

La jambe coupée avoit tous les fignes de la maladie: les

trous

245 trous étoient livides, et en voyoit les petites taches ordinaires. Le pigeon mourut au bout de quattre minutes.

Vavois obfervé dans les expériences rapportées ci deflus, que l’amputation de la jambe n’eft pas mortelle pour le pigeon; du moins je trouvait vivans au bout de plufieurs heures divers pigeons qui étoient reftés fans jambe.

A fin que les expériences qui fuivent fuffent certaines et point équivoques, je coupai en premier lieu la jambe à fix pi- geons, pour les faire fervir de termes de comparaifon .

Je fis mordre fucceffivement l’un après l’autre douze pi- geons, les uns une feule fois, d’autres à pluficurs reprifes. En- tre la morfure ct l’amputation, il ne pouvoit jamais s'être pafié moins d’une minute, et plus de deux. Tous les pigeons mouru- rent, ct les époques de leur mort font marquées par les nom- bres fuivans , qui expriment des minutes 2. 2. 3. 4. 4. 4 7. 7. NOMX24112. 14.

Des fix pigeons ci deflus, auxquels javois coupé la jam- be faris les faire mordre, il n’en étoit mort aucun: il ne paroif- foit pas même qu’ils euffent rien fouffert. Je les laiflai vivre huit jours en leur donnant à manger, et puis Je m’en fervis à d’autres ufages. ;

Ces premieres expériences font voir de maniere à n’en pou- voir douter, qu’il fe communique une maladie mortelle è l’ani- mal en très-peu de tems; et que l'animal meurt indépendamment de la maladie locale, mais par un dérangement intérieur déja communiqué à Panimal entier par ce vénin.

L'importance de cette nouvelle vérité étoit trop grande pour qu’elle ne méritàt pas de nouvelles expériences.

Je tis mordre 24 pigeons par autant de Viperes , et je cou- pai à chacun la jambe mordue au bout d’une minute de tems, ou avec une très-petite différence, fi même il y en avoit quel-

qu'une.

246

qu'une . Ils moururent tous 24; et aux tems exprimés par les nombres fuivans, qui font autant de minutes: 3. 3. 3. 4. 4. 5600) 70 7.7. 7. 9.090 Lo, ho. LONG! Fossa, TAN. 13. 14. 20,

Il eft certain, comme je m'en fuis enfuite affuré par de nouvelles expériences, que l’amputation de la jambe, non feule- ment n’eft pas mortelle pour les pigeons; mais qu’elle ne paroit même leur caufer aucune forte de maladie. Et il eft également certain par les expériences rapportées ci deffus, que les pigeons mordus par la Vipere à la jambe, meurent, quoique la jambe leur foit coupée, fi l’amputarion fe fait au bout d’un certain tems. C’eft donc une verité démontrée, qu’il s’excite dans l’a- nimal mordu une maladie indépendamment de la partie mor- due, et que l'animal meurt de cette feconde maladie locale de la jambe, qui ne fubiifte plus lorfqu’elle ell coupée, ce qui n’empèche pas la mort. Du moins, la chofe cit certainement ainfi dans les pigeons, fur les quels nos expériences ont été fai- tes. Mais ce qu'il y a encore de plus furprenant, c’eft de voir que les animaux meurent encore plusiôt qu’à l’ordinaire, quand on leur coupe la jambe, que quand on ne la leur coupe pas. On a déja vi que la fimple amputation de la jambe aux pi- geons n’eit d’aucune conféquence; il eft donc bien furprenant que la maladie locale, qui ne laifle pas d’être très-grande , étant Ôtéc, cette circonftance ne retarde nullement la mort de lani- mal; mais que plutôt elle l’accélere. Comme fi la partie mor- due fervoit de diverfion aux humeurs altérées dans l'animal, et qu'elle fût, pour ainfi dire, une maladie excitte par l'animal même, ou pour mieux dire, par ce principe, qui fe trouve dans l'animal vivant, qui paroit préfider fur la vie même, et en être le modérateur, et qui a été reconnu pour tel par Hip-

pocrate, et par Sydenham . Ce

247

Ce derangement interne que le vénin de la Vipere canfe aux animaux mordus eft il produit dans l'inflant de la morfure; ou quelque tems après ?

Ce qui maintenant importe le plus à favoir, c’eft: fi la maladie du vénin de la Vipere fe communique à l'inftant, ou non, à l’animal.

On a déja vi ce que c’eft que la maladie locale, et quels en font les fignes; et nous avons déterminé le tems qui eft ré- quis pour que le vénin produife quelque effet fenfible fur la partie mordue. La maladie interne eft celle, qui s’eft rendue commune à tout l'animal, et qui peut aller jufqu'à lui caufer la mort; indépendamment de la maladie externe, et locale.

Pour déterminer fi cette maladie eft inftantanée ou non, J'ai fait ces expériences qui fuivent.

Je fis mordre douze pigeons à la jambe par autant de Viperes, et à peine furent iis mordus que je la leur coupai à chacun d’un feul coup. De la morfure à l’amputation , il ne fe palla pas plus de trois ou quatre fecondes . Aucun de ces pigeons ne mourut, ni nc parut avoir aucun figne de maladie .

Je répétai cette expérience fur douze autres pigeons, qui furent mordus et mutilés en trois ou quattre fecondes. Aucun ne mourut, ni ne donna aucun fisne de maladie.

Il et donc certain que le vénin de la Vipere ne produit pas la maladie interne dans un inftant, et qu'il faut un tems déterminé pour qu’il fe communique à l'animal; mais quel eft Ce tems? Seroit il le même que celui qu'il faut pour produire la maladie externe? Et fi cela étoic, par quel principe com- muu ces deux efiers irotent-iis de pair? Pourquoi la maladie

CXECT-

248

externe ne pourroit elle pas être antérieure à l’interne? Le vé- nin de la Vipere commence par toucher la partie locale, et il fe mêle avant tout avec les humeurs de cette partie.

Mais venons à l'expérience.

Je fis mordre 12 pigeons par autant de Viperes ,une feu- le fois, et je leur coupai la jambe à différens tems, et avec l’in- tervalle de 5 fecondes. La jambe fut coupée au premier au bout de 5 fecondes. Les autres teins font exprimés en fecondes par les nombres fuivans. 10. 15. 20. 25. 30. 35. 40. 45. 50. 55. 60.

Celui de 60. fecondes mourut au bout de 7 minutes. Celui de 55. au bout de 6. celui de so au bout de 7. celui de 45 au bout de 6, celui de 40 au bout de 20. celui de 35 au bout d’unc heure, celui de 30 au bout de 3 heures, celui de 25 au bout de 10 heures. Ceux de 20 15 10 et 5 fecondes nc moururent point, et ne parurent pas fouffrir fenfiblement.

Quelque irréguliers que puilfent paroître les tems de la mort dans ces animaux, on y remarque néanmoins une forte de régularité. Il ne mourut aucun des douze pigeons, aux quels l’amputation de la jambe avoit été faite. avant les 25 fecondes, et aucun ne guérit de ceux, aux quels la jambe avoit été cou- pée après les 25 fecondes.

En général on obferve encore que les pigeons aux quels lamputation a été faite le plus tard, meurent auili le plustôt.

Je voulus répéter cette expérience fur 12 autres pigeons, avec les mêmes intervalles de tems: les réfultats furent un peu différens, il eft vrai; mais il fubfifta toujours une grande régu- larité entre les amputations, et les morts.

Les 5 10 15 ne moururent pas. Le 20 mourut au bout de 7 minutes, et le 25 ne mourut pas. Les 30. 35. 40. 45. so. 55. 60. moururent tous, et les tems de leur mort, en

com-

commençant par le 60 ,ct rétrogradant, font 5. 10. 7. 7. 6. 4o. minutes, 8 heures.

On voit encore ici, qu'aucun ne mourut avant les 20 fe- condes, et aucun ne véçut après, et en général ils moururent d’autant plus promptement que l’amputation de la jambe avoit été plus tardive.

Le pigeon qui mourut , quoiqu'il eût ét! mutilé avant les 20 fecondes, tandis qu'auparavant il n’en étoit mort aucua à cette époque, me fit foupgonner que la groffeur de la Vipere, et plus qu'on l’avoit irritée , pouvoient produire, au moins en partie, cette différence.

Pour m'en aflurer, je fis mordre deux pigeons tout à fait pareils: l’un par une grofle Vipere très-irritée; l’autre par une petite Vipere ,qui nc l’étoit pas. Je conpai la jambe à tous les deux au bout de 20 fecondes. Le premier mourut au bout de s minutes; le fecond n’eut pas même de figne de maladie.

Certe expérience me fit voir que les tems aux quels la ma- Jadie interne fe communique pouvoient bien être plus ou moins longs, felon les diverfes circonftances dans les quelles fe trou- voient les Viperes et les pigeons, et felon la maniere de mordre .

Pour m'en aflurer davantage, je fis mordre deux autres pi- geons; l’un par une très-srofle Vipere, l'autre par une très-mé- diocre. La premiere étoit irritée, et fiffloit lorsqu’elle mordoit. L'autre fut forcée de mordre fans être maltraitée. L’amputation de la jambe fut faite dans tous les deux au bout de 15 fecon- des. Le premier pigeon mourut au bout de 9 minutes, le fe- cond n’eut aucun mal.

Il fuit de tout ce que nous avons dit, qu’il faut un. cer- tain tems avant que le vénin de la Vipere fe communique à Panimal, et que ce tems eft entre les 15 et les 20 fecondes.

On a vu ci deffus, qu'avant que la maladie externe fe com-

Li mu-

250 munique à la partie mordue, il faut à peu-près le même tems; d’où il paroit que les deux maladies vont enfemble, et que le vénin de la Vipere ne produit pas la maladie externe avant l’in- terne, ni l’interne avant l’externe.

Ce rapport de maladies, et d’effets, fi régulier et fi con- ftant, à ce qu'il paroit jufqu'ici, meritoit bien d’être confirmé par d’autres expériences encore plus précifes et plus fimples.

Des figues qui caradterifent la muladic. .

Le point de la difficulté éroit de déterminer la mort ou la maladie de l'animal, par des fignes produits dans la partie mor- due, et vice verfa de déviner les fignes de la partie mordue, par la mort de l’animal. D'un côté, ces fignes ne font pas équi- vogaes, comme il a été déja dit, et il eft facile de les obfer- ver, et de l’autre la mort de l’animal eft une vérité d’expé- rience.

Il feroit long, et ennuyeux de donner ici les fimples réful- tats de ces expériences, qui ont été au nombre de plus de 80. et il me fuffira de rapporter en général qu'aucun des animaux( à l'exception d’un feul qui étoit douteux ) ne mourut faus avoir des fignes manifeftes à la partie mordue; et qu'à l’exception de cinq cas feulement J'obfervai dans tous les autres, que quand l’animal ne mouroit pas, il n’y avoit aucun figne de maladie. Lc peu d’exceptions , qui peuvent dépendre de mille caufes ac- cidentelles, ne rendent pas moins certaine Ja loi qu’obfervent ces deux maladies, et leur conftance à s’exciter au même tems dans l'animal.

Cette concorde fi conftamment obfervée me fit toujours plus foupçonner , qu’il y a dans l’animal vivant quelque principe qui préfide, et veille fur la vie.

À

251

A peine y at il dans un animal quelque chofe qui trouble et dérange les fonétions de fa vie, qu’il paroit en même tems s’exciter, et pour ainfi dire, fe réveiller une nouvelle force, qui tend avec vigueur à éloigner des organes les plus effenticls à la vie la caufe de la mort, et à porter la matiere morbifique dans la partie qui eft la plus difpofée à la recevoir, foit à caufe des bleflures qui y étoient déja faites, foit à caufe des humeurs qui s’extravafent par les ruptures, et les déchiremens des vaif- feaux .

Le vénin de la Vipere n’occupe qu’un très-petit efpace dans la jambe d’un animal, et l’on peut, fi lon veut, le réduire au point qu'il occupe à peine un centiéme de ligne de fuperficie fans folidité phyfique, ou fenfible.

Quand on fuppoferoit que cette petite quantité de vénin fût toute abforbée, et portée dans le torrent de la circulation elle devroit fe trouver diftribuée également dans la mañle des humeurs de lanimal, et fa diftribution devroit être en rai- fon de la groffeu de l’animal, ou des vaiffeaux de ce même animal.

Mais c’eft tout l’oppofé. Les humeurs, le fang, tout fe porte à la hâte ,et tumultueufement à la partie mordue, et le fang ne fe jette pas feulement autour de la fimple bleffure, que la dent a faite; mais il fe répand à une grande diftance, et fe ver- fe en torrens, dont la couleur eft changée dans le tiflu cellu- laire, tandis qu’une partie de ce fluide, devenue plus difloute, pénetre à travers les parois des vaifleaux.

Il paroit donc que tous les efforts que fait l’animal mordu par la Vipere font employés à décharger le fang, et les hu- meurs infectées de ce principe maifaifant, en en jettant autant qu'il peut fur la partie mordue. S'il réuflit à foutenir de cette manière les fonctions les plus néceflaires dans les parties vita-

lia les,

152 tes, il a furmonté la maladie interne la plus prompte et la plus dangereufe .

Quant à la maladie externe, la chofe eft bien différente. Cette maladie devient femblable à beaucoup d'autres maladies d’humeurs arrettées dans les vaifleaux , de fluides extravalés dans le tiflu cellulaire, de fang qui menace corruption, et fpha- cele. Si les forces de lanimal font grandes, pour grande que foit la maladie locale, il en guérit à la fin; et j'ai obfervé des tumeurs horribles,-des extravafations enormes, les parties toutes Hvides et gangrénées,; et avec tout cela l'animal en guérir. Ce- la s’obferve fréquemment dans les animaux les plus gros, et qui réliltent plufiears jours au vénin fans mourir.

Je bleffai, avec des dents de Vipere ; qui diftilloient du vé- nin, les mufcles des jambes à 3: pigeons, et je coupai ces jam- bes prefque au même inftant. Les mufcles du prentier pigeon n’avoient aucun figne fenfible de maladie. Les: mufcles du fe: cond avoient une petite tache rouge, qui pénétroit à travers les fibres fans changer de couleur. Les mufcles du: troifiéme avoient une tache rouge comme celle du fecond: animal; mais elles pénétroit jufqu'au tibia, et à elle paroïfloitun peu obfcure.

Avec d’autres dents , mais. defléchées depuis longtems et bien lavées, je bleflai les mufcles des jambes à deux pi- geons, et un moment après Je les leur coupai. Dans l’un des deux il n’y avoit aucun figne de maladie, de bleflure : dans l'autre il y avoit deux taches rouges qui pénétroient dans les. mufcles , en perdant infenfiblement iear rougeur.

Je bleAai avec des dents venimeules les mufcles des jambes à trois autres pigeons, et dans le même inflant jeles liai,etles coupai. Dans un de ces pigeons il y eut des fignes de fang noir et extravafé. Dans les deux autres les fignes de la maladie furent: tout à fait vilibles et certains: c’eft-a-dire , couleur livide, fang noir, et extravafé dans toute la profondeur du muicle. Je

253 Je bleflai avec des dénis defléchées les mufcles des jambes 3 deux pigeons, et dans le même tems elles furent liées, et eoupées. On voyoit dans toutes deux. du fang extravafé , et ce fang étoit de couleur obfcure.

Expériences pour Saffuver f$ dans le moment de Pamputation il ne Sechappe du fune quelque principe fubtil.

Le peu de conffance de ces expériences, le doute que quel: que fluide voiatil ne forte du fang auflitôt qu'il eft tiré de fes vaifleaux., et expofé à l’air libre, m’engagerent à faire quelques autres. expériences de la maniere qui fuit. Je tenois les pigeons de telle façon que leurs jambes fuflent toutes féches, mais que leurs cuifies fuflent entierement plongées dans l’eau. L’amputa- tion étoit faite à la cuifle fous l’eau, à fin que la partie coupée ne communiquat pas avec l'air. Les mufcles étoient bleflés fous l'eau avec des dents venimeufes. Cela étant fait, je tenois la patte dans l’eau pendant trois ou quatre minutes, et l’en ayant tirée je l’examinois.

J'ai fait cette expérience fur encore autant de pigeons que ci deflus, et feulement les mufcles de ceux ci étoient bleflés avec des dents defléchées. Il y eut quelques fignes de fimple bleffure méchanique, tant dans les mufcles venimés, que dans ceux que ne l’avoient pas été, et je n’y trouvai point de dif- ference; enforte que je n'ai cru pouvoir établir avec fondement aucune vérité importante fur ces fignes.

Jai voulu voir plufieurs fois dans quel Etat Etoient les parties autour de l'endroit mordu dans les animaux déja gué- ris, dans les quels on ne voyoit plus de fignes certains. de maladie, et dont les parties avoient prefque recouvré leur mou- vement ordinaire. Fai oblervé avec furprife dans plus d’un ani-

mal

254

mal qui avoit été mordu à la jambe, qu'il fubfitoit encore beaucoup d’extravafation d’humeurs dans le tilu cellulaire, à de grandes diftances de la partie mordue , et même tous les mufcles du bas ventre étoient encore enflammés, et rouges. Enfin tout concourt à me perfuader l’exiftance de ce prin- cipe qui a été foupçonné, ou admis par d'autres, et à me prouver que la maladie locale net pas leffet méchanique du vénin introduit dans la partie; mais plutôt le moyen dont fe fert le principe vital pour chaffer vers l’extéricur la matiere morbifique qui circule dans les humeurs, et pour en débarraf- fer les organes les plus néceflaires à la confervation de l’animal. On verra dans la fuite l’ufage, et l'utilité qu’on peut retirer de cette diftinétion des deux maladies qu’occafionne la Vipere dans l'animal mordu. Le défaut d’attention à ces deux états fi difté- rens de l’animal a jetté la plus grande confufion fur cette ma- tiere, et l'a enveloppée d'erreur, et d’obicurité. On a attribué à l’une ce qui appartenoit à l’autre, et ainfi tout a été confondu.

CH. LAC BI TR Exit

Sur Padtion du vénin de la Vipere fur le [ang des animaux.

S' la matiere du Chapitre précédent a été de quelque impor- tance, et l’on ne fauroit en difconvenir; fi elle a préfenté des phénomenes neufs et tout à fait inattendus; fi elle nous a conduits à établir des principes et des forces vitales dans la machine vivante; le fujet des Chapitres fuivans ne fera certaine- ment pas moins important, foit par la nouveauté des matieres, foit par l’ufage et: les applications qu’on en pourra faire pour l'intelligence des vénins analogues à celui de la Vipere, ct pour

255

pour l’explication du méchanifme animal, tant dans l'état de maladie, que dans celui de fanté.

Mead, pour déterminer fi le vénin de la Vipere a voit quel- que aétion fur le fang de l’animal mordu, unit à une demi once de fang , cinq ou fix gouttes de vénin de Vipere. Il ne put ob- ferver aucun changement ni dans la couleur ,ni dans la confiftan- ce du fang. Il n’y eut enfin aucune différence entre ce, fang et une égale quantité d’autre fang qu’il, avoit mis dans un vaifleau pareil , pour en faire la comparaifon. Jai répété cette expérien- ce, en recevant immédiatement le fang, qui fortoit des vaifleaux coupés d’un animal, dans un verre concave, chaufé auparavant, et dans le quel j'avois mis le poids de cinq grains de vénin de Vipere. Le paffage du fang des vailleaux au verre, étoit fi prompt, qu'il n’eit pas poilible de l'avoir plus voifin de fon état naturel , hors des vaifeaux. Au moment que le fang s’unifloit avec le vénin , je l’obfervois avec un microfcope très-fort La quantité du fang étoit d'environ une once, ou un peu plus. Je ne pus jamais oblerver aucun mouvement d’aucune efpece , je ne vis fe faire aucune diflolution du fang, il ne fe forma aucun coagulum , en un mot, tout le fang écoit dans fon état naturel, fes globules etoient figurés comme ils le font ordinairement, et il fe maintint également coloré. Et ce fait ne doit pas furpren- dre après les expériences que nous avons faites fur les jambes à peine coupées, et auflitôt mordues par la Vipere, et fur les jam- bes mêmes coupées quelque tems avant d’avoir été mordues. Le fang dans ces cas eft certainement bien plus voifin de fon état naturel, que quand on le retire des vaificaux. Il y a alors ct la chaleur naturelle, et le mouvement ordinaire dans les humeurs, et enfiu toute l’intézrité et la vie des organes mêmes.

Rien paroit plus naturel après tout cela, que d'en dé- duire, que le véain de la Vipere n’a aucune aétion fur le fang

de

+2: 5 6

de l’animal mordu, et telle eft en effet la conclufion que Mead en a tirée.

Quelque féduifante que fût cette expérience fur le fang, et quelque refpeétable que foit l'autorité de Mead, je n'ai pas vou- du manquer d’éprouver un nouveau genre d’expériences, anelo- gues en partie à .celles rapportées ci deflus, mais plus directes et plus fimples. Elles confiltent à -iarrodyire immédiarement dans le fang le vénin de la Vipere fans toucher è aucune par- tie coupée. Cette expérience elt un peu difficile à la verité; mais elle eft poffible. Elle fe fait en injeétant le vénin de la Vipere, par le moyen d’une petite feringue de verre dans une veine qu'on a ouverte avec une lancette. Je prévois qu'on m'objeétera qu’une pareille expérience eit tout a fait inutile après celles que j'ai rapportées jufqu'ici, et qui y font entisre- ment analogues, et que puifgu’on n’obferve aucune altération dans le {ang venimé, de même on n’en doit obferver aucune dans cette expérience. Tel eft le rilque que courent ceux qui aiment mieux raifonner que d’expérimenter, et c’eit aïnli que raifonnent ces philoïophes, qui perfuadés d’être arrivés à la fource des fciences naturelles ,fe flattent de connoître tout, et de pouvoir tout expliquer .

Zujeition du vénin das les vaifleaux fanguins et fes effets.

Les expériences que Je vais rapporter ont ét£ faites fur.les plus gros Lapins. La veine jugulaire évoit le vaiileau fur le quel j'opérois.

Lorfqu'on a enlevé un grand efpace de poil fous Ie col du Lapin, latéralement, et qu’on y a fait une large -incifion à la peau, on voit la jugulaire fe divifer en deux rameaux moin- dres. Je dépouillois da tiflu cellulaire et des autres parties voi-

fines

257 fines les deux rameaux et une partie du tronc de la jugutaire far la longueur de dix douze lignes au moins. Je liois un des deux rameaux de la jugulaire avec un fil à 10 lignes de diftance du tronc, j'attachois un autre fil au deflous du premier à la diftance d'environ 7 lignes au même rameau, de forte que ce fecond fil n’etoit qu’à 3 lignes du tronc. Ce fecond fl por- toit un noeud pret à être ferré dans fon tems: mais avant de pour- fuivre , je crois qu’il eft néceffaire d’expliquer ici la maniere de fe fervir d’une petite feringue pour introduire le vénin dans les vaifieaux .

C'e une petite feringue ordinaire de verre, qui fe ter- mine en un tube capillaire de dix lignes de long , et courbé. Je mets dans cette feringue le vénin que je veux introduire dans la veine. Je coupe ordinairement deux têtes de Vipere, Jote de leurs vélicules tout le vénin, et je le reçois dans une petite cuillere de criftal. J'ajoute à ce vénin une fois autant d’eau, et quand elle y cit bien mêlée , je fais afpirer le tout à la feringue. Il entre ordinairement avec le vénin dans la ferin- gue une petite bulle d'air, qu’on chaffe facilement en repouf- fant un peu le pifton vers le tube. On laiffe tomber dans la petite cuiller le peu de liquide qui fort avec l’air, et on le fait rentrer dans la feringuc en retirant un peu le pifton.

La ferinsue étant ainfi privée d’air extérieur , je retire è peine fenfiblement le pifton. Le vénin fe retire un peu, et abandonne la pointe dutube capillaire, quirefte pleine d’air fur la longueur de quattre lignes. La quantité d’air reftée vers la pointe elt prefque nulle, la petitefle du diamétre du tube dans cet endroit. J'elluye avec un linge fin et mouille la par- tie courbe de la feringue ,ou fon extrémité, et jintroduis un fil de lin très-fin, etfec, long de deux lignes, pour nettoyer le vé- nin, et mème le petit trajet qu'occupe l'air dans le tube capillaire.

K La

258

La feringue etant ainfi préparée, je fouleve un peu la jugu- laire avec les deux fils, en élevant le fille plus haut; je l’ouvre avec une lancette entre les deux fils, et j'introduis par l’ouver- ture l’extrémité capillaire de la petite feringue , jufqu'à ce qu'elle parvienne à entrer de quattre oucinq lignes dans le tronc principal. Je tire alors les fils, les quels ferrent extrêmement les parois du vaifleau fur le tube capillaire de la feringue. Dans cet état de chofes, je pouffe peu à peu le pifton de la fe- ringue, ct J'en fais forcir le vénin, qui paffe tout dans le tronc de la jugulaire pour être porté au coeur un inftant après.

Cette expérience fuppofe au moins deux perfonnes, et l’on y reuflit mieux quand on eft trois. Elle ne dure tout au plus que deux minutes en tout, fi la feringue a été préparée d’avan- ce, et elle n’eft fujette à aucun inconvénient quand on connoit bien les parties de l'animal, et qu'on l’a déja pratiqué quel- que fois.

Avant d'ôter la feringue du vailfeau, j'ai coutume de re- tirer un peu le pifton, pour qu'il entre un peu de fang dans le tube capillaire, et qu'il ne refte point de vénin à fon orifi- ce. Au moment je retire la feringue, Je fais ferrer de nou- veau le fil le plus bas, et le vaifleau refte ainfi parfaitement clos. Je fouleve avec une pince le trajet de la jugulaire , qui re- fte entre les fils, je le coupe des deux côtés, et Je l’enleve.

Ce n’eft pas fans raifon, que Je choifis un vaiffeau qui fe divife en deux autres, et ce n’eft pas non plus au hazard que je fais entrer la portion capillaire de la feringue jufque dans le tronc principal.

Jai voulu que le vénin fùt porté au coeur immédiate- ment, et je n'ai trouver un meilleur expédient que celui de me procurer un vaiffeau latéral très-grand, qui continuant à courir plein de fang vers le tronc, devoit emporter avec foi le véain, qu'il rencontroit dans le tronc. Ces

259

Ces expériences font trop importantes pour que je ne doi- ve pas les rapporter avec quelque détail . Elles exigent au moins que je détaille les principales circonftances, dont elles ont été accompagnées. Je les rapporterai ici dans le même ordre, que je les ai faites.

Jinje&ai dans la veine jugulaire externe d’un gros Lapin, qui pefoit fept livres, le vénin de deux têtes de Vipere pré- paré comme il eft dit ci-deflus, et en obfervant toutes les pré- cautions, que je viens d’expofer. A peine le vénin commençat-il d’entrer dans le veine, que l’animal fit des cris horribles, fe détacha, fe tordit, et mourut un moment après.

La nouveauté de ce cas étrange ct inattendu ne me per- mit pas de mefurer avec exactitude le tems que l’animal vécut après que le vénin lui eut été inje&é; ni celui que j'employai à faire fortir tout le vénin de la feringue. Mais il eft certain que l’animal ne vécut pas plus de deux minutes, et que je ne mis pas plus de 8 ou 10 fecondes à faire l’injeétion.

Le defir de voir fi cette expérience étoit conftante, ou fi l'animal étoit mort par quelque circonftance que j'ignorois, fit que J'examinai dans quel état fe trouvoient les vifceres, et le fang dans les vaiffeaux de l’animal mort, ct que je variai quel. ques circoftances .

Je préparai un nouveau Lapin comme ci deffus et je com- mençai par lui injeAer autant d’eau feule, qu'il y avoit eu de vénin et d’eau méles enfemble dans la premiere expérience. L'animal ne foufirit point du tout. Je le tins en cer état cinq ou fix minutes, et voyant qu'il ne paroifloit avoir aucun mal, je me mis à lui injeéter la quantité cidellus de vénin par la mè- me jugulaire.

L'animal ne cria point, et ne s’agita pas pour cela. Au bout de quelques minutes, je m’apperçus qu’il étoit malade, et

K k 2 il

260

il mourut au bout de 12 heures. Toutes les parties de l’ani- mal que javois dépouillées de la peau pour mettre à nud la jugulaire, étoient fortement enflammées et livides. Le tiflu cel- lulaire étoit rempli de fang noir extravafé. Tous les mufcles de la poitrine, du côté Javois injecté le vénin, et partie de ceux du bas ventre étoient déja livides. Les. inteftins mêmes étoient enflammés; la partie interne du thorax étroit enflammée ct fanguinolente, et le coeur avoit contra@té des adhérences. Le. fang étoit coagulé et noir, dans les gros vaiffeaux, et dans le coeur. Le poumon etoit marqué ga et detaches tendantes à la jividité.

Cette feconde expérience me fit voir combien il pouvoit être important de bien examiner l’état de l’animal après la mort. C'étoit principalement par cetétat, qu’il falloit juger de l’aétion du vénin fur le fans.

Mais comment fe peut-il que le premier foit mort dans Pinflant, et le fecond feulement au bout de 12 heures? A quoi attribuer cette diverfité ?

Je paflai immédiatement à une troifiéme expérience efpé- rant en tirer quelque lumiere ultériure.

Je préparai le Lapin, et je lui injeGai, comme ci deflus,. le vénin de deux Viperes par le rameau de la jugulaire. L’ani- mal ne parut point foufitir du tout de cette injeétion, ct il fut gutri de la maladie externe en peu de jours, comme sil “eût été foumis à aucune opération. Une heure après. l’injeétion, je le trouvai mangeant, comme s’il eût été en perfaite fanté.

Cette troifiéme expérience acheva de me confondre, et Je commengai à douter de tout. Je voyois d’un còté un animal mourir, pour ainfi dire, à l’inftant de l’injeétion, et je voyois une maladie réelle dans celui qui vegut 12 heures. Il étoit donc vrai que ce vénin uni au fang pouvoit altérer tellement la ma-

chi-

261

chine animale, qu'il excitàt dans an animal une très-grande ma- ladie, et même la mort. Tout cela étoit réel; mais comment concilier ces deux cas avec le troifiéme?

Il me vint quelques doutes fur la méthode que J'avois pra- tiquée en faifant ces expériences, et qui étoit en partie moins exacte que celle que j'ai décrite. Je ne faifois pas la feconde ligature è la veine, je ne faifois pas attention fi le tube capil- laire parvenoit jufques dans le tronc principal de la jugulaire; je ne retirois pas le pifton de la feringue avant de la fortir du vaifleau. Le défaut de ces précautions me fit régarder comme fufpeétes toutes les trois expériences que Je viens de rapporter , et je me misà expérimenter de nouveau, avec encore plus d’at- tention qu'auparavant.

Je préparai pour cet effet un gros Lapin robufte, et bien nourri. Je fis les deux ligatures au rameau externe de la jugu- laire. J’introduifis le tube Capillaire jufques dans le tronc com- mun de la même jugulaire, je ferrai le fil furle tube, et Jin- je@ai tout d’un trait. J’eus foin de retirer le pifton avañt de fortir la feringue, ct de ferrer davantage le fil. En un mot, je ne manquai certainement à aucune des précautions , que je m°étois prefcrit de prendre. Les effets furent les fuivans.

Le vénin de la feringue n’étoit pas encore tout entré dans la jugulaire, que le Lapin poufla des hurlemens terribles, et fut pris des plus violentes convulfions. Il mourut en moins d’une minute et demic. Le tems de linjeétion ne dura pas plus de fept fecondes .

Le fans étoit coagulé, et noir dans tous les plus grands vaiffeaux. Il étoit de mème dans le coeur, et dans les orciliet- tes. Les coronaires étoient gonfKes et livides, et l’on voyoit à l’entour dans la fubftance mufculaire du coeur une cxtravafation fenfible d'un fans noir âtre, fous forme de grandes taches. Le

pi

262

péricarde étoit tout rempli d’humeur, comme fi c’eût été une veflie, et l’humeur étoit tranfparente, et léserement teinte en rouge.

Le poumon étoit rempli des taches accoutumées, par les quelles lair fortoit à travers l’eau, pour peu qu’on y toychät. Les inteftins, le ventricule, le méfentere avoient de petites ta- ches livides, et rouges.

Cette expérience réuffit trop bien pour que je duffe douter de fes réfultats. L'animal meurt en peu de momens; il meurt en hurlant à l’inftant que le vénin vient à entrer dans la ju- gulaire .

Les deux vifceres, principaux organes de la vie, font af- feAés inftantanément d’une maladie grave et mortelle. Les hu- meurs fe figent fur le champ dans les grands vaiffeaux, dans les poumons, et dans le coeur. Tout, en un mot, concourt à arrét- ter fubitement la circulation, et à ôter la vie à l’animal.

L’extravafation du fang des coronaires, eft furprenante, les taches livides du poumon, et les dilacérations de ce vifcere le font davantage; mais ce qui m’étonne le plus, c’eft le fang qui fe ramafle à l’inftant dans tant de vaiffeaux , dans, tant de cavi tés, en-{i grande abondance. On voit dans cette maladie une extréme diflolution d'une partie de lhumeur qui circule dans les veines, et qui fuinte alors partout, et en même tems une coagulation de l’autre partie, qui fe fixe et fe condenfe en peu de momens,

Chaque pas que je faifois dans cette nouvelle carriere d’ex- périences me paroificit ou uu paradoxe , ou une vérité inatten- due ,et nouvelle. Je pallai à la cinquiéme expérience, que je fis comme la quattriéme, ct que je préparai de la méme maniere. Le réfaltat fut un peu différent; mais il s'accorde très-bien avec le quattriéme pour la nature de la maladie, et pour le jugement

qu’on

203 qu'on peut porter fur l'introdufioi du vénin de la Vipere dans le ‘fang. L’injcétion étant faite l'animal ne cria pas, nine parut fouffrir beaucoup. Au bout d’une heure il paroiffoit malade, il ne mangeoit pas, et il mourut au bout de 24 heures.

A l’ouverture du cadavte, je trouvai que les vifceres du bas ventre n’étoient pas fenfiblement enflammés; mais on vo- yoit en revanche fur le poumon les taches livides ordinaires, par les quelles l’air fortoit avec facilité. Tous les mufcles de la poitrine étoient fenliblement enflammés, et tout le tiflu cellu- laire, en commençant depuis le col jufqu’au fond dubas ventre» étoit plein de fang extravafé noir, et fluide. Il y avoit du fang coagulé dans le coeur, dans le poumon, dans les plus grands vaifleaux veineux; mais beaucoup moins que dans les cas ci deffus, l’animal étoit mort dans l’inftant.

Je paffai tout de fuite è la fixiéme expérience, pour voir s’il y avoit quelque forte de rapport conftant entre l’injeétion du vénin, et la mort de l’animal. Dans quelqu’une des expérien- ces ci deffus, J'avois négligé de noter ; que j'avois trouvé plus ou moins de vénin dans les têtes des Viperes, et même dans quel- ques unes,javois vu fortir de la dent une matiere un peu gluan- te, et blanche.

Javois encore obfervé que le palais de quelques unes des Viperes, dont je m’étois fervi étoit enflammé à un certain point, et que les deux facs des dents étoient enflammés et rouges.

Mais je ne faurois dire pofitivement fi ces circonftances avoient pu altérer les cffers du vénin fur l’animal. Ce qu'il y a de vrai, c’eft que je réfolus de ne prendre le vénin que de têtes de Viperes toutà fait faines, et mieux fournies de vénin, et d'en prendre en plus grande quantite.

Je préparai comme à l'ordinaire un Lapin gros et fort,et Jintroduilis dans la feringue le vénin de deux Viperes très-grof- fes, dont les têtes étoient faines. L’in-

204

L’injeétion du vénin n’'étoit pas encore finie, que l’animal commença d’hurler, et il mourut dans les plus fortes convul- fions en moins de deux minutes. La poitrine étant ouverte, je trouvai les oreillettes et les ventricules du coeur remplis de fang grumelé. Il Pétoit auffi dans les grands vaificaux veineux. Il y avoit beaucoup de lÿmphe dans le péricarde, et il y avoit auf du fang extravafe et concret. Tous les inteftins étoient tres-en- flammés; le ventricule et le méfentere l’étoient auffi. Les arce- res en général étoient vuides. Le poumon ne paroïfloit prefque pas taché, mais en y foufflant fous l’eau, on voyoit l'air fortir de plufiears endroits, et alors les petites taches étoient apparentes. Le fang étoit auffi grumelé dans les poumons.

Je préparai un nouveau Lapin, et je lui injeétai comme de contume par la jugulaire la quantité ordinaire de vénin.

À peine le vénin commenga-t-il d’entrer, que l’animal fe mit à hurler, et il mourut en moins de deux minutes, avec les hurlemens et les convulfions les plus terribles,

Je louvris, et je trouvai à l’ordinaire le poumon taché, le fang coagulé dans les deux ventricules ; mais beaucoup plus dans le droit, ainfi que cela avoit été dans tous les autres cas déja décrits. Il l’étoit de même dans les oreillettes et dans les vaifleaux veincux. Le péricarde étoit rempli d’eau fanguinolen- te. Les coronaires préfentoient autour d’eiles deux grandes ta- ches longitudinales et livides. Les poumons étoient tachés à l’or- dinaire, et l'air fortoit par toutes les tâches. Le fang y étoit condenfé et noir. Les inteftins étoient enflammés , tous les mu- fcles du bas ventre l’étoient auffi, et il y avoit beaucoup de fang extravasé et diflous dans le tiffu cellulaire.

Ces deux derniers cas font très-femblables, et uniformes, et ils fe rapportent trop bien «vec les autres rapportés ci deflus, pour qu'on puiffe douter de l'aétion immédiate du vénin de la Viperc fur le fans. Mal-

ts N Vi

Experiences fur les nerfs des Lapins.

Malgré l’incertitude et les obftacles qu’on rencontre dans des expériences fur les nerfs je voulus les répéter encore en y em- ployant tous les foins poflibies, et la plus grande attention. car elles me paroilioient de la plus grande importance. Je choifis pour cela deux des plus gros Lapins que je pus me pro- curer, et qui pefoient 10 livres chacun. Je tirai le vénin de deux Viperes faines, que jexaminai bien à l’avance pour cet effet. Je n’avois pas encore tini linjeétion dans lun et l’autre des deux Lapins, qu'iis fe mirent à crier avecla plus grande force, et iis moururent dans les plus violentes convultions en moins de deux minutes. Leur ayant ouvert le thorax, je trouvai à l’ordinaire le poumon taché, et les vaificaux, et les oreillettes du coeur remplis de fang noir, et figé. Le péricarde contenoit, com- me de coutume, une humeur; les inteltins etles mufcles étoient enflammés à l'ordinaire.

L'action immédiate du vénin de la Vipere fur le fang des animaux à fans chaud eft donc une chofe indubitable, et con- ftante: vérité à la quelle on n’auroit pas cru auparavant, et qui paroiiloit combattue par d’autres expériences moins directes à la vérité, et moins fimples, mais qui cependant avoient été faites fur le fang. Cela nous apprend combien l’on doit être re- tenu en tirant des inductions des expériences, et nous prouve que nous ne favons que peu, ou rien, du moins avec certitude, et fans rifquer de nous tromper, au delà de ce que l'expérience feule démontre.

Mais comment accorder maintenant l'aétion immédiate du vénin de la Vipere fur le fang, lorfqu’on l’injete par les vei- nes, et l’inaétion de ce mème vénin non feuiement fur les par-

Lat i ties

266

tiesà peine coupées d’un animal, mais encore fur celles qui font encore entieres , encore unies. à l’animal, pendant 15 ou 20 fecondes ?

J'avoue que c'elt une grande difficulté, et qu’il eft bien difficile d'en trouver la véritable explication. IL paroit qu’il ne manque rien aux parties qui tiennent encore à l'animal, et que tout y cft, lorfqu'elles font mordues. IL fembleroit même y avoir plus dans ces cas là, car les fibres mufculaires font blef- fées, et les nerfs font offenfes par les dents, au lieu que le vé- nin injecté dans les vaifleaux ne touche certainement ni à des fi- bres. mufculaires , ni à des nerfs. Quelle eft donc la caufe qui retarde de plufieurs fecondes la maladie du vénin dans la par- tie mordue de lanimal ,et qui n’en produit aucune dans. les par- ties coupées et auffitôt mordues, ou mordues et auflitôr coupées ?

Il y a peut être dans le fang un principe inconnu qui cir- - cule dans les veines, qui n’exifte plus au moment que le fang elt forti des vaifleaux, et qui ne fe trouve pas non plus dans les parties dès-qu'elles font coupées. Ce principe eft donc de tant d’aivité, et de fubtilité qu'il eft déja diflipé, dans le moment même que la partie eft retranchée de l’animal .

On a vu qu'à peine le vénin vient à toucher le fang dans un vaiffzau, que les plus grands défordres font produits. L’ani- mal fouffre extrêmement, et le fang fe condenfe à linftant. Si l’on mêle ce même vénin avec le fang qui fort tout chaud d’un vaifleau ouvert; ou fi on l’introduit dans quelque partie d’un mufcle retranché un inftant auparavant , il n’y produit aucun efet, et l’on n’obferve aucun figne de maladie ou de condenfa- tion d’humeurs. Ici tout eft cependant égal, fi ce n’eft, que dans le cas du vénin introduit dans les veines, il y a un fang circulant avec le refte des humeurs, et toujours. couvert par les vaileaux , au lieu que fans tiré de la veine eft déja hors du

tor-

267 corrent de la circulation, et que celui des parties à peine re- tranchées fouffre déja un contact avec l’air, et que les vaiffeaux font ouverts. De quelque maniere que ce foit, les effets font différens entr’eux, il faut donc que les circoftances different en- trellesauffi,et nous ne faurions nous figurer autre chofe touchant l'humeur contenue dans un vaifleau, et l'humeur fortie d’un vaifleau, fi non qu’il y exifte dans le premier cas quelque cho- fe qui ne s’y trouve plus dans le fecond.

Dans cette hypothefe, ce nouveau principe qui exifte ou réfide dans le fang, dans les vaifleaux d’un animal vivant, ne produiroit pas également et dans le même tems les mêmes ef- fets par tout. A peine le vénin vient-il à fe mêler avec le fang de la jugulaire, que l’animal fouffre une grande maladie, et que le fang fe coagule en peu d'inftans. Au lieu que dans les parties plus éloignées du coeur, les vaifleaux font plus pétits, il faut un certain tems avant que la maladie fe mani- fefte, avant que la partie fouffre quelque altération fenfible.

Il paroit donc que ce principe gouverne l’économie anima- le avec certaines loix, et qu’il eft lui même aflujetti à obferver certaines regles.

Dans ces cas la maladie eft plus éloignée du coeur, et moins dangereufe , le fang fe coagule peu à peu, il e repouf- aux parties mordues , et donne lieu et tems aux forces de la nature de furpafler la maladie, et de conferver la circulation dans les organes de la vie.

Mais quel eft enfin ce nouveau principe, quels font les organes qui le féparent ,et qui le portent dans les veines?

Dans une recherche fi difficile, Jai cru que l’expérience feule pourroit me fournir quelque Jumiere, et me conduire à quelque vérité nouvelle. Mais par commencer les expé- riences ?

Lors CHA-

CH A PA T RUE" IV, Expériences fur les nerfs.

Ans la longue fuite de mes expériences fur le vénin de

la Vipere, eten raflemblantles faits, et les idées , qu’elles préfentent, Javois toujours eu an vüe le principe fenfitif de l’animal, qui m’avoit paru affe@é par ce vénin. J'ai cru de- voir en conféquence examiner les nerfs dans les quels il réfide, ou qui enfont l’organe , et l’inftrument.

Mead dit dans l’introduîtion de fon Ouvrage fur les vé- nins, qu'ayant mieux confidéré la nature et la qualité des fym- ptômes de la morfure de la Vipere dans les animaux, il s’eft affuré que cette maladie eft entierement nerveufe, et qu'elle fe communique par le moyen des nerfs, et non des vaifleaux. Il a recours en conféquence aux exprits animaux, et il croit que C'elt contre eux que s’exerce l'action immédiate du vénin dela Vipere.Et en effet fi l’on examine les fymptòmes que produit ce vénin dans les animaux, on cft facilement porté à croire qu'une parcille maladie appartient à cette clafle de maladies que les médecins dia nerveufes. Jai vu dans le cours de mes expériences, un chien aflez gros, tomber par terre fans mou- a une minute après qu'il eut été mordu par deux Vi- oeres, Je le crus mort; mais je m'apperçus enfin qu'il confer- a encore un peu de refpiration, mais fi languiflante ; et fi I£- ere, qu'à peine on pouvoit la diftinguer. Ce chien demeur: dans cet état de ltrhargie pendant ui d’une demie heure. Jen ai vu beaucoup d’autres dans les plus fortes convulfions. Le vomiffement, l’anxieté, la fureur font ordinaires. Le mouve- ment du cocur irrégulier et convuülfif. Le fvflême artériel dur

Gt

269

et contraté. En un mot, ils meurent au milieu des fymptômes les moins équivoques des fpafmes, des contrattions, des affe- tions, en un mot, appellées xerveujes par les médecins.

Il me vint une autre idée: que peut être il fe fépare par les nerfs mêmes un principe actif, un fluide fubtil, qui mêlé avec le fang l’anime en quelque façon, et le rend vital, et le maintient fluide. Dans ce cas, l’aftion du vénin de fa Vipere auroit peut être agir contre ce principe même et par ce moyen on expliqueroit en quelque maniere, pourquoi le fang, hors des vaiflcaux et à l'air libre, n'éprouve plus laétion du vénin.

Experiences fur les nerfs, fur la moelle èpiniere , et le cervau de grenouilles.

J'ouvris le ventre à une grenouille et je découvris bien les nerfs cruraux; je fis tomber fur ces nerfs un peu de vénin, en ayant foin qu'il ne s’étendit point fur les parties voifines. Au bout de deux heures, je les touchai avec la pointe d’une aiguil- le, et les mufcles des pattes fe contraéterent. Au bout de 4 heures, tout étoit immobile dans cette grenouille. Une grenouil- le préparée pour fervir de terme de comparaifon vécut 12 heu- res quoique Je lui eufle ouvert le bas ventre, déchiré les inte- fins, et percé le poumon.

Je répétai deux autres fois la même expérience, et le fuc- cès fut à peu près le même; mais peu de tems après, cette ex- périence me parut fufpe&:. Il eft prefque impoffible d’empè- cher le vénin qu’on met fur les nerfs, de fe communiquer aux parties voifines. Dans ce cas, la maladie et la mort de la ore- nouille pourroient être l'effet du vénin communiqué aux autres parties de l’animal, et non pas au nerf feul.

Je

270

Je changeai de méthode; mais je me fervis des mêmes animaux .

Je coupai la tête à deux grenouilles égales, et je touchai plufieurs fois avec du vénin la moëlle épiniere à une grenouil- le, et non pas à l’autre. Au bout de 3 hueres, la grenouille venimée paroifloit morte, tandifque l’autre étoit vivante , et fautoit.

J'introduifis une épingle dans la moëlle épiniere de la gre- nouille qui avoic reçu le vénin; fes bras demeurerent immobi- les, et il y eut à peine figne de tremblement dans les pattes. Le coeur, et les orcillettes avoient pourtant encore un peu de mouvement. Après une autre heure tout étoit immobile. La feconde grenouille fautoit par la chambre au bout de 24 heures.

Je coupai la tête à une autre grenouille, et j'introduifis une goutte de vénin dans la moëlle épiniere. Au bout d’une heure , à peine donnoit-elle quelque figne de vie. La poitrine étant ouverte, le coeur et les orecillettes paroiffoient conferver à peine quelque mouvement. Une épingle introduite dans la moëlle épiniere occalionne quelque petit mouvement, mais peu fenfible, dans les bras et dans les pattes. Cependant le coeur ayant été flimulé, fe mut long'ems, et ofcilla.

Je coupai la tête à une grenouille, et j'enlevai un peu de la moëlle épiniere. J'infinuai par le grand trou vertébral une goutte de vénin. La grenouille paroïifloit morte au bout de deux heures. Le coeur confervoit à peine quelques fignes de mouvement, et n'en acqueroit pas davantage lors qu’on le fti- muloit. Une épingle introduite dans la moëlle épiniere put à peine mettre quelque mufcle en mouvement.

Je coupai la tête à une autre grenouille, et ayant enlevé un peu de moëlle épiniere, J'y infinuai une goutte de vénin ; au bout de 3 heures, clic paroilicit morte. Ayant ouvert la

poi-

271 poitrine je remarquai que le coeur étoir encore irritable; mais une épingle que j'introduilis dans la moëlle épiniere fit à peine contracter fenfiblement les pattes.

Je répétai cette expérience fur deux autres grenouilles , et le fuccès fut le même que ci deflus. La mort des grenouilles s'enfuivit entre les deux et les trois heures. Le coeur étoit un peu irritable; mais les mufcles. l’étoient peu ou point, quoique la moélle épiniere fût flimulée avec une aiguille.

Je crus devoir diverfifier un peu ces mêmes expériences.

J'enlevai un morceau du crane à une grenouille, et jinfi- nuai un peu de vénin dans le cerveau. Au bout de 4 heures , la grenouille étoit morte; le coeur étroit immobile même aux ai- suillonnemens . La moëlle épiniere etant ftimulée avec une aiguil- le, il ne fe réveilla aucun mouvement.

Jouvris le crane à une autre grenouille, et je mis une goutte de vénin fur le cerveau. La grenouille ne mourut qu’au bout de deux heures. Le coeur fe mouvoit à peine un peu; il étoit petit, noir, et contracté. La moëlle épiniere étant ftimu- lée , à peine les mufcles fe contraterent.

Je répétai ces expériences fur le cerveau, fur quatre autres grenouilles. Les réfultats furent très-analogues aux deux précé- dens; mais ayant enlevé le crane à deux autres grenouilles, fans mettre du vénin dans leur cerveau, pour en faire la com- paraifon ; elles moururent toutes deux dans l’efpace de dix heures .

Les réfultats de ces expériences ne me paroiffant ni lumi- neux, ni conftans, Jeus de nouveau recours à l’excifion de la té- te. Je penfai qu’à force de multiplier les expériences, je pour- rois m’affurer de l’action du vénin fur les nerfs.

Je coupai la tête à deux grenouilles, et Je touchai avec du vénin la moëlle épiniere à l’une, et non pas à l’autre. Au bout

de

22

de trois heures la grénouilie venimée paroifloit morte, l’autre étoit vivante ,et fe mouvoit partout. J'infinuai une épingle en- duite de vénin dans le trou vertebral de la premiere grenouil- le, et à peine y eut il quelque mouvement dans les pattes; il n’y en eut point dans les bras. A peine touchois-je avec une aiguille la moëlle épiniere de l’autre grenouille, qu’elle fautoit par tout. Au bout d’une autre heure, tout étoir immobile dans la grenouille venimée, et ni le cocur , ni les orcillettes n’étoient plus irritables. L'autre grenouille fautoit encore au bout de 30 heures.

Je coupai la tête à une autre grenouille, et jinfinuai le vénin dans la moëlle épiniere. Au bout de deux heures, la gre- nouille paroifloit morte. La poitrine étant ouverte, le coeur étoit immobile, même après avoir été ftimulé. La moëlle de l’épine, pareillement ftimulée , occafionnoit à peine quelque mou- vement dans les pattes.

Je répétai cette expérience fur une autre grencuille, dans les mêmes circonftances que ci deflus. Elle fut morte au bout de 3 heures. Le coeur et les mufcles étoient tout à fait immo- biles. Une autre grenouille traitée de même, donna le même réfultat.

Je coupai la tête à une autre, et touchai la moëlle épinie- re avec du vénin. Au bout de 5 heures elle donnoit quelque figne de vie. Ayant ouvert la poitrine je vis que ,le coeur étoit immobile , mais à peine fut-il touché, qu'il continua de fe mouvoir.

Les réfultats de toutes ces expériences pourront, avec rai- fon, faire foupgonner que le vénin agit fur les nerfs, et que loriqu'il eft mis fur ces parties, il produit une maladie, et la mort dans les grenouilles. Mais cette méthode de faire les expé-

ricuces n’eft pas entierement irréprochable. La moëile épiniere, le

7 SI.

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le cerveau, font des parties trop petites, pour qu'on puilfe s'affurer gue le vénin ne fe communique pas aux parties voifines. il n’eft, à mon avis, aucune précaution qui puifle l'empêcher. Les vaifleaux, et les parties font trop proche du vénin appliqué; mais d’ailleurs, comment éviter les vaifleaux fanguins du cerveau, et de la moëile épiniere même ?

Cette queftion eft trop importante pour ètre laiflée dans les limites d’une fimple probabilité, Je me flattois encore d’en tirer beaucoup de lumiere pour Pinteiligence et des qualités du vénin de la Vipere, et de l’économie animale même.

Dans cette vùe je me formai un plan d’expériences à fai- re fur les nerfs des Lapins les plus gros que je pourrois trou- ver. Cet animal eft dur à mourir, on peut le manier comme on veut, parce qu'il cit tranquille de fa nature, ct il n’eit pas fi petit que fes nerfs ne puiflent fervir aux expériences les pius décifives.

Expériences fur le nerf fiiatique des Lapins.

J'ai choifi le nerf fciatique pour fujet de mes principales expériences. Jenlevois le poil avec les cifeaux , fur la peau qui couvre le grand feilier, et je faifois une incifion qui commen- goit fur le grand trocanter, ct qui defcendoit en fuivant la di- reîtion du femur. Je détachois le côté antérieur du maulfcle fef- fier, des os innominés, et du trocanter, et Je foulevois peu peu ce mufcle avec les doigts, en le détachant du tiflu cellalai- re. Quand on cit un peu habitué à ces fortes d'expériences, on réuffit à les faire en moins de deux minutes. Et on parvient à faire enforte, qu'après qu’on a Ôté le peu de fang qui fort de la peau, il n'en vienne point d’autre, qui retarde, ou qui trouble l'opération. Tenant avec les mains le grand feffier, Jinfinue fous

M m lc

274

le nerf fciatique par le moyen d’une pincette un linge fin pli en plufieurs doubles. Quand le nerf elt en cet état, je com- mence à faire mes expériences fur cette partie.

Ayant préparé de cette maniere le nerf fciatiqueà un La- pin, je le piquai en pluficurs endroits avec une dent venimcé. L'animal ne fe fecoua qu'à peine un peu: au bout de 20 heures, il mangcoit, et paroifioir plein de vie, mais il mourut au bout de 7 Jours, avec une grande plaie aux parties coupées. Cette expérience ne réuffit pas trop bien; plus de la moitié du mu- {cle feflier fut coupée, et il y eut par tout beaucoup de fang.

Je découvris bien le nerf fciatique à un autre Lapin, je mis un linge en plufieurs doubles par deffous, et je le bleilai cn plus de 10 endroits avec les dents venimeufes de deux Vipe- res. L’animal ne donna que quelques fisnes de douleur. Au bout de 10 heures, il mangeoit, et paroiïloit difpos. Au bout de 24, il étoit à l’ordinaire. Il mourut au bout de 48 heures. Le nerf étoit marqués, çà et de taches rouges, et obfcurés. Les parties adjacentes étoient très-enflammées, le fang étoit noir, et grumelé dans les orcillettes, et dans le cocur.

En bleffant le nerf avec les dents venimeufes, j'ai eu attention la plus ferupalcufe d’empécher que le vénin ne fe foit communiqué aux parties vollines, et Jai ue Ccou- vert le nerf après lavoir bleilé.

Ayant préparé le nerf fciatique à un autre Lapin ,'je fis pue fer par deflous le linze ordinaire redoubié. Je bleffai le nerf

nn endroits avec les dents venimeufes de deux Vipe- res. Je couvris bien le nerf, er je coufus la peau, comme de coutume.

Le nerf fut préparé en moins de deux minutes, et à pei- ne fe répanditil quelques gouttes de fanz de la. peau. Avec

le Lapia moacut au bout de dix huit heures. Le nerf pa

jar cela,

+

275 paroiffoit dans l'état naturel. Le fang étoit noir, et grumelé dans les oreillettes, et dans le coeur. Les mufcles autour du nerf étoient un peu enflammés, et léserement livides à la fu- perficie .

Ces expériences, quoiqu’en petit nombre, et peu unifor- mes entr’elles, commencent néanmoins à faire foupgonner, que la morfure de la Vipere eft moins dangereufe fur le: nerf que fur beaucoup d’autres parties de l’animal, et que l’animal meurt beaucoup plus tard qu’on n’auroit cru. Il eft vrai que tôt ou tard les animaux font morts ; mais ainit, que dans le cas des tendons, il me vint encore des foupgons que le vénin fe com- muniquoit aux parties voilines, et que peut étre l’animal mou- roit plutôt par cette caufe,que par toute autre.

Pour plus grande précaution dans ces expériences,j'eus re- cours à ja lame de plomb, dont je m'etois déja fervi, et je la mis dans le milieu du linge plié en pluteurs doubles. De cette maniere le nerf étoit très-bien défendu, et il ne paroifloit pas pollible que le vénin pùt s'étendre.

Je bleffai en pluficars endroits avec le dents venimeufes de deux Viperes le nerf fciatique aïnfñ préparé, à un Lapin, je le couvris du linge, et après cela je le bandai bien. A mefure que les dents s'imprimerent dans le nerf, le Lapin cria plu- fieurs fois, et eut de fortes convullions. Il mourut au bout de 20 heures. Tous les mufcles autour du nerf étoient livides, fphacélés dans toute leur fubitance, et le fphacéle defcendoit tout le long de la jambe. Le poumon étoit taché. Le nerf mé- me étoit aufii couvert de taches livides, et de taches rouses. Le fang des oreillettes du cocur, et des grands vaificaux vei- neux, droit noir, et grumelé.

Cette expérience cit accompagnée de circoftances capables de faire croire que le vénin de la Vipere a réellement une gran-

M ma de

DIO

de action fur les nerfs. Le fphacéle de tant de mufcles, méme fort éloignés de la partie mordue, me faifoit grande impref- fon. Je ne terminai cependant pas pour cela mes expé- riences.

Ayant bien découvert le nerf fciatique à un nouveau La- pin, ct Payant bien enveloppé dans les linges, mais fans lame de plomb, je le bleflai en plufieurs endroits avec les dents de deux Viperes. Je le couvris comme à l’ordinaire avec les linges . Il mourut au bout de 32 heures. Le nerf étoit à peine un peu plus rouge qu’il ne left naturellement; mais il n’étoit pas ta- ché. Le fang des orcillettes du coeur, et des grands vaiffeaux étoit à peine grumelé. Lorfque j'ouvris l’animal, il étoit encore un peu chaud.

Cette expérience ell fort différente de la précédente , et dé- montre combien peu nous devons nous fier aux expériences mé- mes, quelqu’exaftitude qu'on y apporte, fi elles ne font pasen grand nombre, et uniformes entr’elles.

Je découvris le nerf fciatique à un autre Lapin, et Je l’en- veloppai bien dans les linges avec la lame de plomb. Je le bleflai en plufieurs endroits avec les dents venimeufes de deux Viperes, et je le couvris bien. Il mourut au bout de 32 heu- res. Le nerf étoit rouge cn plufieurs endroits avec quelques taches livides. Les mufcles voifins du nerf Croient dans l’état naturel, les poumons livides ,et tachés. Les orciliettes , le cocur , les grands vaifleaux contenoient du fang noir et grumelé.

“ile répétai fur quattre autres lapins les expériences de l'ap- plication du vénin au nerf fciatique, mais avec quelques va- riétés. Il me vint un foupgon que peut être le linge qui en- touroit de tous côtés le nerf fciatique, et qui reftoit fur la bleffure, étoit la caufe de la mort de l’animal, et des acci. dens que nous avions obfervés. Il falloir donc féparer ces deux

cir-

277 circottances, et oter ic linge après que le nerr avoit été BISI avec les dents venimeufes. Avant d’ôter le linge, je nettovai de tout le vénin le nerf fciatique, le mieux que je pus, avec un pinceau fin que je changeois fouvent. Après cela, je trem- pai de petits linges dans l’eau, et les prenant avec une pinco, je m'en fervis pour laver le nerf de tous les côtés. Le linge de deflous, qui étoit en plus de dix doubles, empéchoit que l'eau ne fe communiquat aux parties voifines. J'ôtois alors le linge, et je faifois tomber de haut fur le nerf fciatique une grande potée d’eau. L'eau lavoit tout à la fois, nerf, mufcles, ec. enforte qu'il n’et pas poffible de s'imaginer qu’il reftàt aucune portion de vénin,quelque petite qu’elle fùt, dans les parties voi- fines du nerf.

Ces Lapins moururent tous quattre en moins de 37 heu- res. Dans trois de ces Lapins on ne voyoit aucune altération fenfible dans les parties adjacentes au nerf venimé . Les mufcles ; à une petite teinte près, plus rouge qu’à l'ordinaire, étoient dans leur état naturel.

J'avoue qu’il ne me paroifoit pas poffible d’un côté, que le vénin fe fût propagé aux parties voilines, malgré toutes les précautions que javois prifes; et de l’autre côté, Je ne pouvois trouver aucun figne de maladie, aucun eflet du vénin dans les mufcies voifins du nerf venimé. Ce qu'il y avoit de pluscon- ftant, c’étoit la mort de Panimal, qui cependant ne mouroit que fort tard, et fans aucun figne apparent de convulfions, ou de fpafmes. Si la morfure de la Vipere eft vraiment venimeu- fe pour les nerfs des animaux, il eft certain qu’elle agit fur ces parties avec moins de force, et d'a&ivité, que fur beaucoup d’autres parties de l’animal.

Mais cette recherche m'ayant paru des plus importantes, je crus devoir continuer, et varier un peu mes expériences.

Ex-

278

Expériences fur le nerf fciatique coupé fupérieurement .

Je découvris le nerf fciatique, comme à l'ordinaire, à un Lapin, et avec une paire de cifeaux je le coupai le plus haut vers les vertebres, qu’il me fut poffible. La parcie ifolée du nerf fciatique vers l’éxtremité avoit environ un pouce et demi de longueur. Je l’énveloppai avec les linges ordinaires en plu- fieurs doubles, je le bleflai en plufieurs endroits avec les dents, venimeufes, et je le couvris bien, a fin que le vénin ne fe communiquàt pas aux parties voifines. Le Lapin mourut au bout de 36 heures.

J'ouvris l’animal pendant qu’il étoit encore chaud; le fang étoit noir, mais non pas grumelé dans les oreillettes, et dans le coeur. Les mufcles voitins du nerf étoient un peu enflammés.

Je découvris le nerf fciatique à un autre Lapin, je le cou- pai comme ci deflus. Je l’enveloppai des linges; je le bleffai avec les dents venimeufes, et je le couvris. Le Lapin mourut au bout de 18 heures. Le nerf étoit obfcur et livide en quel- ques endroits; les mufcles voifins avoient à peine quelques mar- ques d’infaminations le fang du coeur étoit fluide.

Cette maniere de procéder avoit pour but principal, de voir quel eflet produifoit le vénin de la Vipere appliqué im- médiatement à un nerf, qui fe porte, à la vérité une partie o’ganilée et douée de fentiment ; mais qui n’a plus aucune com- munication immediate avec la vie de l’animal. L'action du vé- nin dans les deux cas ci deffus ne pouvoit en aucune façon fe communiquer du nerf à l'animal, et ne pouvoit reveiller en lui aucune fenfation ou douleur immédiate; mais tout cela nempèche pas que le nerf w’eùt pu communiquer la maladie du vénin aux parties inférieures dans les quelles il aboutit. Il faut

faire

279

faire attention que dans ces parties, les humeurs fubfiltent en mouvement comme au paravant; qu'il y a toute l'intégrité na- turelle das les mufcles; que la fibre y conferve fon irritabilité , et que la partie continue de fentir par le moyen des aucres nerfs qui y aboutiflent. Avec tout cela, on n'obferve point de maladie à la partie infériure. Il n’y a poiat de tumeur, point de gangrene ou fphacele, point d’extravafation de fang noir et grumelé.

Penfant néanmoins que deux feules expériences ne devoient pas fuflire pour établir la certitude d’un fait fi important; Je voulus en faire d’autres, et les faire de la même maniere.

Je deflinai à cet ufage fix autres Lapins, auxquels je dé- couyris, et Je coupai le nerf fciatigue. Je le bleflai à l’ordinai- re avec les dents venimeufes. Je le couvris bien avec des lin- ges; tous les fix Lapins moururent: deux en 18 heures, et quattre en moins de 36 heures. Les mufcles adjacens étoient dans l’état naturel; les nerfs étoient plus ou moins obfcurs, et tachés.

Il eft donc certain que le vénin de la Vipere n’eft point communiqué par le nerf aux parties dans les quelles il entre; et fe ramific; bien qu'il foit vrai que lanimal meurt.

Expériences fur le uerf fiiatigne coupé inferienrement .

Mais fi la maladie du vénin ne fe communique pas aux parties infécieures, ct au deflous du nerf coupé, elle pourro!t peut-être

fe communiquer aux parties {upérieures, avec les quel- les il conferve encore toute fa premiere union, ct fa correfpon-

dance. L’animal continue à fentir pour peu qu'en touche le nerf , qui cit par conféquent toujours organe, et inftrument de fen-

280 fenfation de l’animal, et il exifte encore dans le nerf ce princi- pe, quel qu'il foit, qui fait que l’animal fent.

Le nerf fciatique étant découvert à l’ordinaire, au lieu de le couper avec les cifeaux dans fa partie la plus haute vers les vertebres, je le coupois à fa partie la plus inférieure vers les pattes. La partie Ifoléc du nerf étoit d’environ un pouce, et demi, comme ci deflus. Je le couvrois avec les linges à l’ordi- naire, ct je le faifois mordre par les dents venimeufes dela Vi pere, en ayant foin de bien couvrir le tout, afin que le vénin ne fe communiquât point aux parties voifines.

Voici les expériences que jai faites.

Le nerf fciatique étant découvert, je le coupai inférieu- rement vers la patte, et je l’enveloppai dans un linge en fept doubles. Je le bleffai plufieurs fois avec les dents. venimeufes de deux Viperes. A mefure que le nerf fut bleflé, animal don- na des fignes de grande douleur. Il mourut au bout de 20 heu- res. Le nerf étoit taché, et livide. Le poumon avoit auffi des taches livides. Le fang étoit noir, et grumelé dans le coeur, mais les mufcles autour du nerf paroifloient à peine un peu altérés .

Cette expérience paroit confirmer toujours davantage que le vénin ne fe communique pas du nerf aux mufcles voifins, et qu'il n’y a point de maladie locale dans ces parties.

Je découvris lc nerf fciatique à un autre Lapin: je le cou- pai comme ci deflus, et je le bleflai à l'ordinaire, avec les dents venimeufes de deux Viperes. La Lapin cria, et fit des contor- fions à mefure que le nerf fut bleflé. II mourut au bout de 16 heures. Le nerf étoit enflammé, ct livide en plufieurs endroits: Le poumon avoit de grandes taches noires: Les orcillettes, le coeur , les plus gros vaifleaux veineux avoient du fang noir grumelé. Tout le tiflu cellulaire du bas ventre étoit enflammé ;

Ja

fa partie interne de la peau lévoit paccillement. Vers la poitri. ne, la peau, le tiflu cellulaire, les mufcles, tout étoit gangré- né. Les mufcles à l’entour du nerf étoient livides jufqu’à une ligne de profondeur.

Cette feconde expérience eft bien différente de la premie- re, et peut faire fortement foupçonner , que la morfure de la Vipere eft venimeufe auffi pour les nerfs, et que la maladie du vénin s’etoit communiquée à l’animal, et à toutes les parties fupérieures au nerf coupé. Dans cette incertitude, il n'y a pas d'autre méthode pour découvrir la verité, que de pourfuivre les expériences. ll eft prefque impoffible qu'on n'obtienne à la longue quelque conftance dans les efets .

Je coupai à l'ordinaire le nerf fciatique, je l'enveloppai dans les linges, je le bleffai avec les dents venimeufes de deux Viperes. Le Lapin cria fortement au moment qu'il fut bleffé. H mourut au bout de 37 heures. Le nerf étoit plein de taches noires, et livides. Les parties voifines étoient à peine enflam- mées. Le coeur étoit très-petit, ct extrêmement dur : quand J'ou- vris l’animal, il étoit mort de puis plus d’une heure. Les vei- nes caves ofcilloient cependant encore avec force. Leur mouve- ment commençoit à l'endroit elles s'ouvrent dans l’oreillet- te, et clles continuerent à fe mouvoir pendant cinq heures de plus, quoique la poitrine fut ouverte à l'air extérieur.

Ayant coupé le nerf fciatique à un Lapin,et l’ayant bien enveloppé dans les linges, je le blefiai pluficurs fois avec les dents venimeufes de deux Viperes. Il mourut au bout de 16 heures. Le nerf étoit taché de noir en deux endroits. Les muf. cles adjacens étoient livides dans toute leur fubitance. Le fans des oreillettes, du coeur, et des grands vaifleaux veineux étoit fluide , et à peine obfcur.

Je répétai les mêmes expériences dans les mêmes circon-

Nn ftan-

> 8 - de

ftances fur fix autres Lapins. Les réfultats furent entierement analogues à ceux que j'ai rapportés ci deflus. Les animaux mou- rurent tous en plus, ou moins de tems, mais aucun en moins de 16 heures, et aucun en plus de 37. Dans quelques uns les mufcles autour du nerf fciatique étoient enflammés, et livides dans toute leur fubftance, dans les autres au contraire, à peine étoient ils un peu plus rouges. Le fang du coeur étoit fluide dans les uns, et grumelé dans les autres. Les mufcles de la poi- trine, le tiflu cellulaire, et la peau étoient enflammés dans un feul, et non pas dans les autres. Le feul figne plus conftant eft la mort de l'animal.

Quant à moi, il me paroit qu’on peut déduire de toutes Jes expériences que J'ai rapportées jufqu'ici fur les nerfs, que les altérations qu’on obferve dans les mufcles voifins du nerf crural, ou dans d’autres parties de Panimal, font tout à fait ac- cidentelles , parce que tantôt elles exiftent, et tantôt elles n'ext flent point.

Expériences fur le nerf fiiatique lie.

Il me reftoit à faire fur les nerfs un nouveau genre d’expé- riences , qui pouvoit décider la queftion. Faifant reflexion, que le nerf ne pouvoit communiquer à l'animal Ja maladie du vénin, qu’en tant qu'il y avoit une libre communication entre le nerf, et l'animal même; je penfai à Oter tout à fait cette communica- tion; mais fans couper le nerf. On fait qu'un fil qui ferre un peu un nerf empêche enticrement cette communication, que le mufcle n’obéit plus à l'animal, et que le nerf n’eft plus inftru- nent, ou organe ni du mouvement, ni da fentiment.

Je découvris en confequence le nerf fciatique, et je fe Hiai

for-

233

fortement à deux endroits, avec un fil. Les deux ligatures laif- foient entr’elles un intervalle de nerf de plus de dix lignes. Jc le couvris de linges redoublés, et je le bleflai plufieurs fois avec les dents venimeufes de deux Viperes, ayant foin de bien couvrir tous les alentours, pour éviter que le vénin ne fe com- muniquit. Le Lapin mourut au bout de 16 heures, Le nerf en- tre les ligatures étoit blanc. Les mufcles autour du nerf étoient à peine un peu plus rouges que de coutume, Le coeur, les oreil- lettes, et les grands vailleaux veincux étoient pleins de fang fluide , et à peine obfcur.

Je découvris le nerf fciatique à un autre Lapin, et je le liai comme ci deflus; je le bleflai avec les dents venimeufes entre les ligatures, et le couvris avec les linges. Il mourut au bout de 18 heures. Le nerf étoit dans l’état naturel. Les mu- {cles adjacens étoient rouges, et livides, à la profondeur de qua- tre ligncs, ct plus.

Ayant découvert le nerf fciatique à un autre Lapin, je le fis mordre comme cideflus. Il mourut au bout de 17 heures. Le nerf étoit dans l’état naturel ,les mufcles étoient à peine en- flammés .

Ces trois expériences font voir que le plus, ou moins d’infammation, et de lividité des mufcles autour du nerf cru- ral, neft point l’effet du vénin, et la mort même de l’animal peut reconnoître quelque autre caufe que le vénin. Il eft bien vrai que dans les cas le nerf eft lié, on ne voit point de ta- ches livides fur le nerf, et qu’elles dérivent par conféquent de la communication libre du nerf avec l’animal.

Je répêtai les mêmes expériences avec les mêmes circon- flances fur quattre autres Lapins. Ils moururent tous quattre en moins de 19 heures. Le nerf dans tous étoit blanc, et dans état naturel. Deux avoient les mufcles voifins à peine enflam-

N 2 DÉS ;

284

més; dans les deux autres ils étoient livides jufqu’à une certai- ne profondeur. Dans un de ceux ci une partie des mufcles de la poitrine étoit enflammée.

J'avoue qu’en combinant enfemble ce grand nombre d’ex- périences, je n’y trouve rien qui puifle faire feulement foupgon- ner, que le nerf foit un moyen pour communiquer le vénin de la Vipere à l'animal , et pour y exciter la maladie de ce vénin. Il eft vrai qu’il y a fur le nerf venimé des taches li- vides, qu’on n’y obferve pas lorfqu’il cft lié; mais ces taches ne pourroient-elles pas être purement méchaniques , et l'effet de la dent qui blefle? mais quand même elles feroient produites par le vénin même, s’enfuivroit-il pour cela, que lc vénin agit fur le nerf comme vénin et nonautrement? Eft-il démontré que le nerf le dût communiquer aux autres parties de l’animal?

Tous ces doutes, ct queftions peuvent fe décider par un nouveau genre d'expériences.

On connoit déja les phénomenes qui fuivent l'application du vénin au nerf fciatique, lorfque ce nerf eft entier; lorfqu’il cit coupé, tant fuperieurement qu'inférieurement; et enfin lorf- qu'on y 2 fait deux ligatures. Il refte à comparer tous ces chets déja connus, avec ceux qu'on obferveroit en opérant fur le nerf avec de fimples bleflures méchaniques. Après ce que nous avons vu, Ces expériences de comparaifon ne pourroient plus. laiffer aucun doute.

Comme les expériences rapportées jufqu’ici fur les nerfs cruraux. ont été faites de trois manieres différentes; de même: les expériences de comparaifon feront divifées en trois clafles:

correfpondantes .

A did

[el CS Vi

Expériences fur les nerfs féiatiques aves des blefures méchaniques

Le nerf fciatique étant découvert à un Lapin, et enveloppé dans les linges comme decoutume, afin que toutes les circoftan- ces fuflent égales, je le bieflai en plufieurs endroits avec une dent qui étoit défechée de puis plus d’un mois, et qui avoit été lavée longuement dans l'eau, pour Ôter tout foupgon qu’el- le récélât du véuin. L'animal parut fouffrir une grande douleur quand la dent le perçoit. Il mourut au bout de 21 heures. Le nerf étoit rouge ct livide en plufieurs endroits; les mufcles autour du nerf étoient enflammés, et obfeurs jufqu'aux parties les plus baffes de la jambe. Les mufcies du bas ventre, et la peau étoient pareillement enflammés. Le ventricule droit du coeur avoit du fang grumelé.

Je découvris le nerf fciatique à un autre Lapin, et l'ayant enveloppé dans les bandes ordinaires, je le perçai en plufieurs endroits avec la pointe d’une aiguille fine. L’animal poufia des hurlemens terribles. Il mourut au bout de 36 heures. Le nerf avoit plufieurs taches obfcures. Les parties voifines étoient un peu enflammées. Le fang au cocurétoit noir,et grumelé.

Ayant découvert le nerf fciatique à un troifiéme Lapin, Payant enfuite enveloppî dans les linges, je le piquai plufieurs fois avec une aiguille. Il parut foufirir de la douleur. Il mou- rut au bout de 27 heures. Les mufcles autour du nerf étoient un peulivides, ct enflammés. Le nerf étoit tout taché de rou- ge et de noir. Le fang dans le cocur étoit noir, et grumelé.

Ces cxpérieaces démontrent quelques vérités importantes: favoîr,

I. que les taches livides ;et rouges du nerf font l'effet des fimples bleffures méchaniques. IT Que

286

IL Que la mort des Lapins dérive de la fimple bleffure du nerf, et non pas du véain de la Vipere.

III Que le vénin de la Vipere communiqué aux nerfs ne produit aucune forte de maladie du vénin, et qu’il n’accélere point la mort de l'animal.

IV. Enfin, que le vénin de la Vipere eft entierement inno- cent aux nerfs, comme l’eau pure, ou la fimple gomme arabi- que diffoute dans l'eau diftillée , qui n’offenfe point le nerf, ainfi que je m'en fuis afluré par d’autres expériences.

Les expériences que je viens de rapporter n’étoient pas en- core fuffifantes pour me fatisfaire et me convaincre entierement . Je favois par expérience combien il eft facile de fe tromper quand les faits font en petit nombre. Je voulus donc répéter les mémes procédés fur quattre autres Lapins. L’evénement fut en- tierement femblable aux trois ci deflus. Les animaux moururent tous quattre. Les nerfs fciatique étoient plus ou moins tachés de livide, et de rouge. Les mufcles adjacens étoient plus ou moins enflammés, plus ou moins livides. Le fang dans le coeur étoit en général noir, et coagulé.

Expériences fur les nerfs fciatiques .

Ayant découvert le nerf fciatique à un Lapin, je le liai en deux endroits avec un fil. Je le piquai plufieurs fois avec une aiguille entre les deux ligatures. Il mourut au bout de 33 heu- res. Le poumon avoit quelques taches obfcures. Le nerf étoit blanc , et dans l’état naturel. Le coeur avoit du fang obfcur, mais fluide. L'animal étoit encore chaud lorfque je l’ouvris.

Je découvris fe nerf fciatique à un fecond Lapin, et je le. liai en deux endroits, je le piquai avec l’aiguille ordinaire entre les deux ligatures. Il mourut au bout de 18 heures. Le nerf

, . etolt

287 étoit blanc et naturel. Le fang du coeur étoit, noir et coagul. Les mufcles autour du nerf étoient rouges ct livides.

Je répétai la même expérience fur deux autres Lapins. Les nerfs cruraux furenr liés, et piqués avec l'aiguille ordinaire. Les Lapins moururent tous deux, l’un au bout de 30 heures, un autre au bout de 35. Les nerfs étoient dans l’état naturel, les mufcles étoient enflammés, et dans l’un des deux Lapins ils étoient livides à beaucoup de profondeur. Le fang du coeur étoit noir ,et grumelé.

Experiences fur les nerfs fciatiques coupés fupérieurement et tuférieurement.

Ayant découvert le nerf fciatique à un Lapin, je le coupai inférieurement, et je l’enveloppai dans les linges à l ordinaire ,com- me dans tous les autres cas rapportés plus haut. Je le piquai pluficurs fois avec l’aiguille. L’animal poulffa plufisurs cris. Il mourut au but de 37 heures. Le nerf étoit rempli de taches noires et livides. Les parties voitiues étoient un peu enflam- mées ; la coeur petit et fort dur. Les veines caves continue- rent à fe mouvoir pendant 5 heures après l’ouverture de la poi- trine. Leur mouvement commençoit à l’origine des oreillettes .

Je coupai le nerf fciatique à un autre Lapin, et l'ayant en- veloppé dass les linges, je le piquai pluficurs fois avec la poin- te d’une aiguille, il mourut au bout de 54 heures. Le nerf avoit des taches noires en plufieurs endroits. Les mufcles adjacens étoient à peine enflammées. Le coeur contenoit du fang fluide.

Je fis la même expérience fur un autre Lapin. Je le pi- quai pluficurs fois avec l'aiguille, etil mourut au bout de 30 heures. Le nerf ètoit rouge et livide en plutieurs endroits. Les mufcles éroient liviles et enflammés. Le fang du coeur, étoit noir ct grumele. Je

288

Je voulus répéter fur trois autres fapins les mêmes expé- riences dans les mêmes circoftances. Ils moururent tous quatre en moins de 40 heures, et l'un d’eux mourut avant 18 heures- Les mufcles étoient plus ou moins enflammés. Le nerf étoit plus ou moins rouge plus ou moins livide. Dans quelques uns feule- ment le fang étoit noir et grumel£ dans le coeur.

Voyant que toutes ces expériences fe combinoient, è un certain point, ee entr'elles, et avec celles qui leur correfpondent, fur les nerfs venimés, je ne crus pas néceflaire d’en faire un grand nombre fur le nerf fciatique coupé fupérieurement. Je n’en fis en conféquence que deux; et elles furent analogues à celles Javois employé le vénin.

Je ne crois pas qu’il puiffe refter aucun doute, que le vé- nin de Ja Vipere appliqué fur le nerf fciatique ne foit tout à fait innocent , et que la morfure de cet animal ne produife point de maladie du vénin lorfqu'elle n’eft faite que fur le nerf feul.

Cette nonvelle vérité de phyfique animale eft de la plus grande importance pour l'intelligence de la nature du vénin de la Vipere et de fon aélion fur le corps animal. J'avoue que jai eu befoin de toutes les expériences rapportées cideflus , en fi grand nombre et variées de tant de manieres , avant d’en être plei- nement et clairement perfuad£. Tout concouroit à me faire croi- re le contraire. La rapidité de la maladie la promptitude de la mort, la perte inftantanée des forces, les convulfions les plus violentes, la douleur la plus vive, en un mot, tout ce qui ca- ra@erife les maladies nerveufes paroifloit exifter dans l’animal lorfque le nerf étoit mordu. li ell cependant certain que le vé- nin de la Vipere ne fe communique pas aux parties par le mo- yen des nerfs, et que cette fubftance qui fait le fentiment de. l’animal, et de la quelle la vie même paroit dépendre, w’eft pas

al-

Q 209

altérée par l’action de ce même vénin. Les exp{riences fent di- rectes , elles font en grand nombre, et variées de pluficurs ma- nieres ; le fait el certain; l'erreur étoit de nôtre côte, et elle étoit fille du préjugé, et de lopinion, et non pas de la nature ou de l’expérience. D'un autre côté, nous avons vu quele vénin de la Vipere introduit dans le fang, fans toucher aucun vaifleau, aucune partie folide, tue les animaux dans l’inftant, les rue avec des douleurs très fortes, et de violentes convulfions. Jai vu les fphin&ers relachés lailler fortir les urines, etles matieres cales .

Ce feroit ici le lieu d'examiner les principes, et les fon- demens , fur Îes quels s’appuie cette doctrine dela médicine théo- rique, et pratique, qui attribue les maladies aux nerfs, et tant de mouvemens, et de fonétions au principe nerveux. Le champ eft trop vafte pour que je doive m'y arrêter même un iltant, quoique cette difcuffion pùt être très-utile pour la pratique mé- me de la médicine. Il me fuffira pour le préfent de tirer cette conclufion générale: que les fignes ordinaires des maladies ner- veufes font équivoques ,et trompeurs; qu’ils peuvent exifter fans qu'il y ait maladie aux nerfs; qu’une fimple altération des hu- meurs rouges fufiit pour produire tout ce défordre, et pour le produire à l’inftant.

Si le célebre médicin anglois Richard Mead eût feu, qu’un peu de vénin introduit dans le fang tue prefqu’à Pinftant un animal grand et fort, et que le vénin de la Vipere eft entierement innocent pour les nerfs, il n’auroit certainement pas eu recours aux efprits animaux, et aux nerfs, pour expliquer lation du vénin fur les animaux mordus; mais ces deux grandes vérités lui manquoient entierement, et elles étoient de même ignorées de tous les autres médecins.

Mead fe fert du même principe: favoir, des nerfs et des

O o efprits

290

efprits animaux, pour expliquer la nature, et les effets des autres poifons. Partout le nerf eft aflecté; par tout les efprits animaux font altérés, et en mouvement, par tout il voit tumulte; et agi- cations nerveufes. Il veut appliquer ce principe non feulement au vénin de la Vipere, et aux autres poifons; mais encore à pluficurs autres maladies très-graves, et entr'autres à la pefte. Cette théorie eft abfolument faufle pour le vénin de la Vipe- re, pour le quel elle paroiffoit le plus favorable; je ne la crois pas moins faufle pour plufieurs autres vénins, fpécialement ceux des animaux; et après les expériences que J'ai faites, je ne la ttouve pas démontrée pour la pefte, et autres maladies.

Quand on examine quelles font les raifons qui ont déter- miné les phyliciens, et les médecins à recourir aux nerfs pour expliquer ces maladies, foit de vénin, foit naturellés, on voit qu'il y en a deux principales: l'une, la rapidité de la maladie mème , l’autre ,les convulfions, et la proftration fifubite des for- ces dans l'animal.

La premiere de ces deux raifons n’eft d'aucun poids, puif- que nous avons fait voir qu'un peu de vénin introduit dans le fang tue lanimal en peu d’inftans; la feconde n’eit ni évidente pi certaine, puifque l'expérience même nous a démontré qu'un peu de vénin introduit dans le fang , produit les plus fortes con- vulfions, et abat les forces d’un animal en peu de momens; quoiqu'il ne touche qu'aux parties fluides du fang. Je ne crois pas d’ailleurs qu'il foit difficile d’expliquer les convulfions , fans avoir recours ni aux efprits animaux, ni au fyfteme nerveux. Dans la premiere partie de cet ouvrage, j'ai parlé des convul- fions qui peuvent avoir lieu par le feul défaut d'équilibre des parties, par la différente diftribution du fang dans les organes, par l’irritabilité inégalement perdue dans les mufcles. Je ne fa-

N'RN ; vois pas dans ce tems, ni que le nerf n'étoit point attaqué par le

4

le vénin de la Vipere, ni que ce vénin iatroduit fimplement dans le fang fût meurtrier. Cette matiere me paroïit aflez im- portante pour exiger un ouvrage à part. On y examineroit les autres vénins comme celui de la Vipere, on analyferoit les ef- fets, et on noteroit toutes les circonftances. Quelles lumieres n’en recevroient pas la phyfique animale , la théorie des poifons, et de la medecine même! La carriere eft ouverte, il n'y manque qu’un obfervateur induftrieux, et patient. Dans l’efpace de peu d’an- nées J'oferois lui promettre les découvertes les plus brillantes , et peut être encore les plus utiles.

Mais revenons à nos expériences.

Quoique je fufle afluré de l’innocence du vénin de la Vi- pere appliqué immédiatement fur les nerfs, il me reftoit cepen- dant toujours le foupgon, que les nerfs pouvoient être au moins une condition néceflaire pour que le vénin agît fur le fang. Le nerf dépofe peut être quelque principe inconnu, quelque fluide fubtil dans les vaifleaux de l’animal : ce fluide peut être effentiel à la vie, eflentiel à l’état de fanté du fang même : Ce la feroit une nouvelle maniere de confiderer l’action du vénin fur le corps vivant, qui differeroit beaucoup de toutes les hypothefes que les médecins ont imaginé jufqu’à ce jour , et il refteroit encore è favoir fi le vénin de la Vipere produit une maladie plus ou moins forte, lorfque la communication nerveufe entre la partie mordue, et l’animal fe trouve interrompue.

Morfure de la Vipere fur des Grenouilles fans tête.

Pour jetter quelque lumiere fur toutes ces recherches je fis les expériences fuivantes,

Je coupai la tête à une Grenouille, et je la fis mordre à O o 2 deux

a) e) - -

xe

deux reprifes à la jambe par une Vipere. Elle n’eut aucun figne de maladie dans cette partic.

Je coupai la téte,à une autre Grenouille, et je dépouillai de la peau une jambe, que Je fis mordre à plulieurs reprifes par deux Viperes; et elle n’eut aucun figne de maladie.

Je coupai la tête à une troifieme grenouille, et je la fis mordre plufieurs fois à la jambe couverte de la peau. Il paroif- foit y avoir à la jambe quelque figne de maladie. Pintroduifis au bout de deux heures une épingle dans la moëlle épinicre, et il y cut quelque petit mouvement dans les mufcles.

Je répétai fur quatsre autret Grenouilles fans tête la même expérience. Trois n’eurent aucun figne de maladie ; mais la quat- triéme parut en avoir.

Ces expériences ne me paroiffant ni Iumineufes ,n1 conftan- tes, je voulus les repeter fur 24 autres Grenouiiles , aux quelles. je coupai la tête à l’ordinaire. Douze furent mordues à la jambe, à plulieurs reprifes , par plulicurs Viperes, et douze autres furent piquées à la jambe avec des aiguilles fines, ou avec des dents de Vipere difléchées ec fans vènin. Les réfultats: furent très-va- gues. Des douze mordues, trois feulement eurent la maladie;. et des douze non mordues, mais piquées avec des aiguilles, il y ea cut une qui eut des fignes d’inflammation , et de lividité à la jambe, tels qu'on auroit pu les confondre avec les fignes qui accompagnent la maladie du vénin.

Il paroit qu'on peut dire ca général que la grenouille fans tête contracte plus difficilement la maladie du vénin, et que la partie mordue eft moins altérée par le vénin dans cette circon-

e aflez de lu- rs

aais ces expériences ne donnent pas encor [Le 2% enr fés d’éclaircir.

ftance, n e pour les queitions. que nous fommes propo

inai donc d’expérimenter d’une autre maniere.

i; la miei

LA Je me déterm

Es

293

Expériences fur des Grenouilles dont on a coupe la mocile épiniere .

Je coupai cn deux la moëlle épiniere à une Grenouille, deux lignes au deflus du lieu d’où fortent des vertebres les nerfs qui vont aux jambes, et aux pattes. Je fis mordre alors à plu- fieurs reprifes, par deux Viperes , une des jambes. Il ne parut pas que la maladie eût été communiquée.

Je répétai cette expérience fur quattre autres Grenouilles + Elle eut ie même réfuitat. Je ne pus obferver aucun figne de maladie dans les jambes mordues.

Apres avoir coupé la tèteà quattre autres Grenouilles, je détruilis avec un morceau de bois toute la moëlle épiniere . Après cela je les fis mordre aux jambes, mais il ne parut aucun figne de maladie.

Ayant voulu répeter fur fix autres grenouilles l'expérience de la moëlle épiniere coupée en deux, je vis qu’il ne paroiffoit aucun figne de maladie dans quattre d’entr’elles. Il y en avoit quelque doute dans fa cinquième; mais la fixiéme paroifioit vrai- ment attaquée du vénin.

Ce dernier cas me rendit moins certaines les autres expé- riences ci deilus rapportées fur les nerfs des grenouilles ; je crus donc devoir pailer à quelque expérience moins équivoque et plus lumineufe. Je me fervis pour cela des plus gros Lapins.

Morfure de la Vipere fur des parties dont les nerf avoieit été coupés.

Je coupai le nerf fciatique et le crural de la jambe droite À un Lapin. Je coufus la peau coupée, et je fis mordre cette mè-

294

même jambe par trois Viperes, et è trois reprifes chacune. Le Lapin ne mourut pas, et cominença à manger peu de tems après qu’il eut été mordu. Au bout de 20 jours je m'en fervis pour d’autres expériences. Je dois avertir ici qu’il fubliftoit quel- que mouvement dans la jambe , et que je fus en doute d’avoir bien coupé le nerf crural.

Je coupai le nerf fciatique, et le crural de la jambe droi- te à un autre Lapin, et je m’affurai que les nerfs étoient bien coupés. Ayant coufu la peau, je fis mordre la même jambe de trois Viperes, à trois reprifes chacune. Il mourut au bout de heures, Les mufcles de la jambe mordue étoient noirs, A. gonflés, fphacéles; de plus, les mufcles du bas ventre étoient enflammés, comme l’etoit aufli toute la partie interne de la peau.

Ces deux expériences ne peuvent pas ètre plus oppofées entr’elles; mais il eft toujours vrai que dans le fecond cas il y avoit la maladie du vénin. Le premier cas ne prouve autre cho- fe, fi non qu'un animal peut dans quelque occafion particuliere être mordu à plufieurs reprifes, même par plufieurs Viperes, et ne point avoir la maladie: ce qui fe combine avec d’autres expé- riences rapportées plus haut.

Je coupai le nerf fciatique, et le crural à un autre Lapin; les nerfs étoient bien coupés, et la jambe n’avoit point de mou- vement. Je la fis mordre alors par trois Viperes à plufieurs re- prifes. Le Lapin mourut au bout de 16 heures. Les mufcles de la jambe étoient livides et grangrénés dans toute leur fubMlance .

Je répétai cette même expérience fur deux autres Lapins dans les mêmes circoftances. L’un mourut au bout de 20 heu- res, l’autre au bout de 24.1ls avoient l’un, et l’autre les fignes les plus certains de la maladie du vénin dans les jambes mor- dues.

Ces

295

Ces expériences font pofitives uniformes, et rendent indu- bitable, qu'il cit indifférent pour la maladie du véain, que les nerfs des parties mordues foient, ou ne foient point coupés; qu'ils communiquent ; qu’ils n’aient plus aucune communica- tion, avec l'animal:

Mais dans ces expériences, il fubfifte toujours quelque com- munication nerveufe entre la partie mordue et l’animal. Cette communication el établie par la peau même de l’animal qui couvre la partie mordue. Il faut donc òter encore cette commu- nication , et couper la peau.

‘Après avoir coupé le nerf crural, et le nerf fciatique à un Lapin, et coufu la peau fur les parties coupées, je fisune inci- fion circulaire autour de la jambe à quattre doigts au deflus de l'endroit je m’étois propofé de la faire mordre par les Vi peres. Dés qu'elle fut coupée, je la coufus tout autour. Alors je fis mordre la même jambe par trois Viperes è plufieurs re- prifes . Les dents pénéiroient la peau. Au bout de deux heu- res, il n'y avoit aucun figne de maladie. Au bout de 6 heures, la partie mordue paroiffoit vifiblement enflée. Au bout de 10 heures, il fuintoit du fang à travers la peau mordue. Au bout de 22; le fang fortoit en plus grande abondance. Au bout de 24 heures; fa partie étoit très-enflée; mais elle ne fut jamais livide: Au bout 30 heures, la peau s’ouvrit; et forma une pla- ie. L’añimal vécut 8 jours , et fervit à d’autres ufages.

On ne peut pas douter que dans cette derniere expérien- ce, la maladie n’eût été communiquée à la partie mordue, quoi- que cette maladie ne fût pas très-grande :

Je penfai à faire une expéricacé de éomparaifon .

A cette fin, je ne coupai ni les nerfs ni la peau du La- pin. Je le fis mordre à la jambe par trois Viperes, à plufieurs reprifes. Au bout de 8 heures, la jambe étoit enflée, mais non

pas

296

pas livide. Au bout de 22, ils’etoit formè auprès de lendroit mordu entre les jambes, un fac, ou une veffie pleine d'une humeur de couleur obfcure. Il mourut au bout de 40 heures. La peau étoit rompue et détruite è l’endroit des morfures . Les mufcles de la jambe étoient livides et gangrénés. Le coeur, les orcillettes, et les grands vaiffeaux avoient du fang noir grume- le. Ily avoit des grumeaux de fang jufques dans l'aorte, qui com- munément eft vuide de fang.

Je répétai l’expérience précedente fur trois autres La- pins , en les faifant mordre à la jambe, après leur avoir coupé les nerfs, et fait l’incifion circulaire de la peau. Après que la peau fut coufue, ils furent mordus par trois Vipercs, à plufieurs reprifes . Non pas un feul, mais tous eurent les fignes de ma- ladie à la partie mordue.

Il me vint un nouveau foupçon, qu'il fabfiftoit encore après tout cela queleque communication nerveufe entre l’animal etla jambe , le nerf fciatique, et le crural étant coupés. Je me dou- tois que la Vipere avoit pu mordre fur quelque fibre du grand feffier qui defcend fort bas dans ia jambe. Ccia fuffit pour que je fiffe les expériences qui fuivent.

Je coupai le nerf fciatique, et le crural à un Lapin, et fincifai circulairement la peau que je coufus enfuite. Je fis mor- dre la jambe par trois Viperes, à pluficurs reprifes; mais dans un endroit aficz bas pour éviter le grand feffier. Au bout de deux heures la partie mordue commença à s’enfler. Au bout de

22, la peau Ctoit rompue, mais non enflée. Au bout de 42 ures lanimal paroifioit guéri. Au bout de huit jours, il fervit à d’autres ufages. Je coupai le nerf fciatiqne, et le crural à un autre Lapin, j'incifai la peau tout autour de la jambe, et je la coufus. Je le fis mordre à la partie la plus inférieure de la jambe par trois Vi-

id 297 Viperes, à trois reprifes chacune. Au bout de 8 heures, la peau s'étoit ouverte, et rendoit une humeur. Au bout de 22 ,la peau étoit gonflée, livide , et rompue. Au bout de 60, l'animal étoit mourant. Je l’ouvris, et je trouvai que tous les mufcles de la jambe étoient gangrénés, prefque tout le tiflu cellulaire du bas ventre étoit plein de fang extravafé. Dans le coeur le fang étoit diflous.

Je coupai à un avtre Lapin le nerf fciatique le crural,et toute la peau autour de la jambe, et je Ja confus. Je le fis mordre è la partie la plus baffe de la jambe par trois Viperes, à plufieurs reprifes. Au bout de deux heures, l'endroit mordu paroifloit plus enflé. Au bout de 8, il l’étoit fenfiblement. Au bout 22, la peau s’étoit rompue, mais fans gonflement. Au bout de 42 heures, il n’y avoit qu’une plaie à l'endroit mordu. L'animal vécut dix jours, et fervit à d’autres expériences .

Ces expériences démontrent que le vénin de la Vipere pro- duit fes effets ordinaires fur les parties mordues, quoique toute communication nerveufe entre la partie, et le refte de l’animal foit interrompue. Mais il n’eft pas encore décidé, que s’il fe fé- pare du nerf quelque principe aftif, qui fe mêle avec le fang, ce principe ne doive pas s'évanouir à l’inftant le nerf eft coupé; d'autant plus qu’il fubfite toujours des nerfs dans la par- tie mordue, quoi qu'ils ne foient plus inftrumens de fentiment, ct de mouvement volontaire. Cette reflexion m'a fait imaginer les expériences fuivantes.

Je coupai les nerfs fciatique, et crural à un Lapin, je lui coupai aufli la peau circulairement, et la coufus. Je le laiffai dans cet État pendant 16 heures. Après ce tems, je le fis mor- dre à la jambe par trois Viperes, à plufieurs reprifes. Il mourut au bout de 22 heures. Tous les mufcles de la jambe étoient li- vides, gangrénés, et puants. Le péricarde étoit rempli d’une

FD hu-

295 PI

5 È & humeur tranfparente. Le veatricule droit du cosur, et fon oreil- lette étoient pleins de fang noir grumelé. Il en étoit de même du fang des grands vaiffcaux.

filet A PARLE Vi È è Je répétai la même expérience fur deux autres Lapins, et A . Pévenement fut le même. Les animaux moururent avec les fi- gnes les plus certains de la maladie du vénin.

Effets de la morfire de la Vipere fur des Lapins aux quels on a coupé la moelle épinicre.

Je terminerai mes expériences fur les parties privées de leurs nerfs, et mordues par la Vipere; en rapportant trois expé- riences faites fur les Lapins, aux quels Javois entierement cou: la moëlle épiniere; je la coupois au deffous des reins, et el- le étoit fi bien coupée de par tout, qu'on ne pouvoit foupgon- ner aucune communication de nerfs entre lés jambes, et le re- fte de l'animal.

La moëlle épiniere ayant été coupée, comme je viens de dire, ct Ja peau incifée circülairement autour de la jambe, et recoufue, à un Lapin je la fis mordre par trois Viperes, à plu- lisurs reprifes. Au bout d'une heure, il s'étoit formé une peti- te tumeur à la partie mordue. Au bout de 2 heures, elle étoit très-enflée, et livide. Il mourut au bout de 7 heures. La par- tie mordue étoit toute gangrente, et la grangrene pénétroit dans toute la fubftance des mufcles mordus. Le fang dans le coeur étoit noir et grumelé.

Je coupai la moëlle épiniere à un autre Lapin, et Je dé- tachai avec les cifeaux une grande étendue de peau fur les mufcles de la jambe. Je fis mordre les mufcles ainfi découverts, par trois Viperes, à pluficurs reprifes. Peu de minutes après, il y avoit des fignes de la maladie du vénin; et il mourut dans 7

beu-

299 heures. Les mufcles mordus étoient livides, et enflammés. Le fang Cétoit extravalé tout autour, dans le tiflu cellulaire: Le poumon avoit des taches livides: le coeur étoit rempli de fang; mais prefque tout dans l’état de diflolution.

Je répétai cette même expérience, fur un autre Lapin, avec les: mêmes circonftances. Le réfultat fut auffi le méme. I! mourut au bout de 6 heures. Les mufcles étoient affectés de la maladie du vénin.

Nous fommes affurés ainfi, que les nerfs qui vont aux parties mordues ne contribuent en rien à la maladie du vénia de la Vipere, et que ce vénin eft entierement innocent pour les nerfs: vérités importantes, ctauparavant ignorées. Mais ce qui refte toujours caché, c’eft la caufe par la quelle le fang uni au vénin fe coagule en un inftant lorfqu'il eft renfermé dans les vaifleaux de l’animal, et ne fe coagule pas à l’air libre.

Effets qu vénin fur des parties de l'animal, dont la circulation a été interrompue .

J'efpérai retirer quelque lumiere des nouvelles expériences qui fuivent: elles confiftent à examiner les effets de la morfure de la Vipere fur les parties des animaux, dans les quelles les arteres , et le veines avoient été préalablement liées. Cette ma- ticre étoit encore nouvelle pour nous, et il étoit toujours bon de favoir quels effets feroient produits en pareils cas.

Je liai à un Lapin l’aorte defcendante, et la veine cave, dans le bas ventre. Lg peau étant coufue, je le fis mordre à la jambe par trois Viperes, à plufieurs reprifes, Il mourut au bout de 9 heures. La jambe étoit grangrénée tout autour des morfures ; mais non pas ailleurs.

Je coupai à un Lapin les arteres, et veines qui vont à la

P p 2 jam-

300

jambe droite , hors du bas ventre , et j'enlevai encore un grand mor- ceau de peau fur la jambe, que je fis mordre à l’endroit découvert, par trois Viperes, à trois reprifes. Au bout d’uncheure, il y avoit des fignes certains de maladie locale. Au bout de deux heures Ja jambe étoit livide à l’endroit mordu; mais non pas ailleurs. Le coeur etoit pleim de fang noir et grumelé.

Je liai, comme dans la premiere expérience, les arteres et les veines dans le bas ventre, à deux Lapins. Is furert mordus tous deux par trois Viperes:, à plufieurs reprifes. L'un avoit la peau entiere fur la jambe; à l’autre elle étoit coupée circulairement, et coufue. Ils moururent tous deux en vingt heures. Il y avoit des fignes de maladie dans les parties mor dues; mais la maladie étoit légere, point étendue, point pro: fonde. Le fang etoit coagulé et noir dans le coeur.

Je coupai les arteres,etles veines, hors du bas ventre, à un autre Lapin; mais je ne le fis pas modre par les Viperes. Il mourut aubout de 16. heures. Le poumon étoit livide. Le coeur, les orcillettes, et les grands vaiffeaux, étoient remplis de feng voir et grumelé. Cette expérience nous démontre toujours: davantage, que le fang grumelé dans le coeur, et dans les vaif- feaux voifins, eftun figne équivoque, quand on le prend. feul, et fans qu'il foit accompagné dés autres.

Je rénétai lexpérience des vemes, et arteres liées dans le bas ventre fur trois autres Lapins. Je les fis mordreà lajam- be, chacun par trois Viperes. Hs moururent tous trois en moins de 17 heures. La maladie du vénin' exifloit dans les mufcles mordus, mais non pas dans ceux d’alentur. La maladie locale étoit aulli très-petite.

Nous pouvons déduire avec certitude de ces expériences; que le vénin de la Vipere produit fes effets ordinaires, même lorsque les parties mordues ne participent plus à la circulation

du

301

du fang dans l'animal. Dans ces mêmes cas on voit qu’en gé- néral la maladie ef moins étendue ; ct moins grave, que lorfque la circulation du fang et libre. Et cette vérité fe combine trés- bien avec les expériences du vénin inje@é dans la Jugulaire .

Effets du vénin fer des parties, dont les vailfleaux ont été coupés .

Je voulus voir ce qui arriveroit à un Lapin, à qui les arteres,et les veines crurales auroient été liées, et coupées fous la ligature, plufieurs heures auparavant. Dans ces cas à, non feulement le fang ne circule plus dans la jambe; mais il eft fta- gnant pendant longtems, et il peut etre déja altéré en partie, ) avoir beaucoup perdu de fa quantité, et fe trouver privé de quelque principe fubtil. Le Lapin, que Je préparai de cette ma- niere reftra plus de 8 heures dans cet état. Au bout de ce tems, je le fis mordre à la jambe par trois Viperes, à plu- fieurs reprifes chacune. La peau de la jambe avoit été enlevée précédemment, il mourut trois heures après. Le mufcle, les Viperes avoient mordu paroifloit, un peu plus coloré, que dans les parties voifines; mais le tout étoir à peine fenlible.

Je coupai comme ci deflus l’artere, et la veine fous la liga- ture à un Lapin, et fattendis dix heures avant de le faire mor- dre. Au bout de vingt heures il éroic très-vif, et je le fis mor- dre par trois Viperes, à plulieurs reprifes;à la jambe couverte de fa peau. Il mourut 6 heures aprés. Les ue mordus étoient livides dans toute leur fubitance; mais la maladie étoit reftrein- te au feul endroit mordu.

Je répétai la même expérience fur deux autres Lapins. Je les fis modre aux jambes couvertes de la peau, 8 heures après leur avoir lié, et coupé l’artere, et la veinc crurale. Je preflai encore pluficurs fois la jambe, afin que le fang artericl, et vei-

neux

302

neux fortit par les ouverture des vaiffeaux. Ils moururent tous deux en moins de 11 heures. Les chairs, les dents étoient entrées, paroilloient plus colorées , ct obfcures ,et la couleur pe- netroit jufqu'è l’endroit, la dent étoit parvenue. Tout le refte ctoit dans l’état naturel.

Je préparai deux autres Lapins pour fervir de comparaifon ; mais je ne les fis pas mordre par les Viperes . Ils moururent en 72 heures.

Il me reftoit à examiner encore les effets du vénin de la Vipere après avoir lié les vaifleaux arteriels, et veineux fépa- rément.

Je liai donc la veige cave dans le bas ventreà un Lapin. Je coupai la peau autour de la jambe, et je la coufus. Je fis mordre la jambe par trois Viperes à plufieurs reprifes. Au bout de 24 heures, on voyoit les fignes de la maladie dans la partie mordue. Dans cet état, je tuai le Lapin, etje trouvai que la maladie étoit circonfcrite à l’incifion de la peau. Les mufcles étoient livides, et le tiffu cellulaire étoit rempli de fang extra- valé, et obfcur.

Je liai à un autre Lapin la veine cave dans le bas ven- tre, et je fis mordre la jambe par trois Viperes, à pluficurs re- prifes. Au bout de 2 heures, la peau étoit tendue à l’endroit des morfures; mais À peine étoit elle enflée. Au bout de 4 heures, elle rendoit de l’humidité. Au bout de 10 heures, elle étoit un peu plus enflée. Il mourut au bout de 15 heures. La partie mordue étoit livide, et gangrénée dans toute fa fubflan- ce ; mais la maladie étoit limitée à la jambe feule.

Deux autres Lapins, traités comme cideflus, me donnerent prefque les mêmes réfultats.

Je liai l'aorte à un Lapin dans le bas ventre, et je le tis mordre à la jambe couverte de peau, par trois Viperes, à plu-

fie-

393 fieurs reprifes. Au bout de 6 heures, on voyoit des fignes de maladie. Il mourut au bout de 15 heures. La jambe mordue étoit enflée, ct livide, et la couleur pénétroit dans les mufcles, à peu de profondeur. Le fang étoit noir è l’endroit mordu, et il étoit coagulé dans les vaifleaux un peu gros.

Cette meme expérience répétée fur deux autres Lapins eut le même réfultat, ou à peu de chofe près.

Je finis en rapportant en peu de mots deux expériences faites fur deux Lapins, aux quels Javois coupé dans le bas ven- tre tous les vaifleaux Iymphatiques que je pus trouver ,et jusqu’ au canal thorachique. Une heure après cette opération , je les fis mordre aux Jambes couvertes de leur peau, par trois Viperes, à plufieurs reprifes. Au bout de 6 heures, les jambes prefentoient les fignes les plus certains de la maladie du vénin - La jambe étoit livide,et enflée, et rendoit beaucoup d'humeur. Ils moururent au bout de 18 heures. Les mufcles de la jambe étoient livides dans toute leur fubftance.

N'efperant rien de la continuation de ces expériences, et voyant que l’arrèt de la circulation de la Iymphe, et du chile n'influe point fur les effets ordinaires du vénin de la Vipere, Yai cru ne devoir pas aller plus loin.

G- HA P L_I_R E V.

Des effets du vénin de la Vipere fur le [ang expofé à l'air libre.

Uoique toutes les expériences rapportées jufqu’ici préfentent Lo i È x des faits intéréflans, nous fomines toujours dans Pobfcu- ne ni rité relativement au phénomene du fang ,qui lorfqu'il s'unit avec . 7 x Di , I: vénin, fe coagule dans les vaitlsaux, ct non pas à l'air exté- rieur.

304

ricur, Du moins, il m’avoit toujours paru y avoir une différen- ce très-fenfible dans le fang, dorfque je faifois mordre une jam- be féparée de l’animal, et lorfque je la faifois mordre tenant encore à l’animal, ou liée avec une ficelle. |

Dans une pareille incertitude, j'ai cru, qu’il feroït conve- nable de faire une analyfe , fuivie de l'expérience de Mead , con- cernant les effets du vénin de la Vipere fur le fang tiré de Pani- mal, et comme Mead a fait fon expérience fur une petite quan- tité de vénin, et une grande quantité de fang, j'ai cru devoir opérer fur de beaucoup moindres quantités de {ang , a fia que les effets fuflent plus fenfible

Je fis entrer dans un petit verre conique trois gouttes de vénin de Vipere, et 20 de fang, fortant du col coupé d’une poule. Finclinai, et fecouai circulairement le verre l’efpace , de 10 fecondes, à fin de bien mêler enfemble le vénia et le fang.

En même tems, je fis tomber dans un verre pareil, 20 gouttes de fang tout chaud de la même poule. Je fecouai le verre de même que le précédent, a fin que les circoftances , à l'exception du vénin, fuffent les mêmes. Au bout de deux mi- nutes, le fans, exempt de vénin, s’etoit coagulé, et avoit une belle couleur vermille. Au contraire le fang uni au vénin étoit noir, et fluide, bien qu’un peu vifqueux, et denfe.

Je répétai de nouveau cette expérience, ct l’évenement fut le même. Le fang vénimé ne fe cougula pas, et il eut tou- jours une couleur noire. Au contraire le fang non venimé fe coagula fubitement, et fe conferva toujours rutilant.

Je répétai cette même expérience fur le fang d’un Cochon d'Inde, au quel javoi coupé une jambe. Le fang venimé étoit encore diflous, et noir ,au-bout de 24 heures. L'autre fe coagu- la en moins de deux minutes, et fut toujours de couleur ver- meille. Le fang venimé ne s’endurcit, qu’en fe défléchant peu à

peu,

395

peu, et fedivifant en plulicurs croutes; mais confervant toujours Ja couleur noire, au lieu que le fang non venimé, fe maintint rouge , mème après s'étre défléché en écailles.

La couleur noire du fang uni au véain fe combine très- bien avec les effets les plus ordinaires de la morfure de la Vi- pere fur les animaux, et avec les effets du vénin introduit dans la jugulaire des Lapins. Mais l’autre partie du phénomene eft tout à fait finguliere, et inattendue. Au licu que le vénin dela Vipere coagule le fang, comme il fembleroit devoir le faire, il empêche même que le {ang ne fe coagule, comme cela arrive naturellement à l’air libre, et le tient conftamment diflous, Ici donc le vénin de la Vipere non feulement ne produit pas fur le fans fon effet ordinaire qui eft de le coaguler; mais il en produit un tout à fait contraire, qui eft de le tenir en diffolu- tion, ct d'empêcher qu'il ne fe coagule , comme il fait toujours.

Cet cifet fingulier du vénin fur le fang expofé à l’air, pa- roifloit promettre quelque découverte importante fur l’a&tion du vénin dans les animaux. Je réfléchifiois, que la morfure de la Vipere eft tout à fait innocente pour la Vipere même, comme elle left pour beaucoup d’autres animaux à fang froid, et que pour quelques animaux, comme les grenouilles , il m’eft pas mor- tel, ct ne leur caufe pas la maladie, fi ce n’eft très-tard, et avec difficulté. D'après tout cela, je me flattois que les effets du vé- nin fur le fang des Viperes, et des srenouilles devroient être fort différens de ceux, qu'il produit fur le fang des animaux à fang chaud, et que de cette difilérence dépendroit précifément celle de la maladie, et de la mort de ces animaux. Tels étoient mes raifonnemens, et mes efpérances.

Conléquemment, je mis dans le verre trois gouttes de vé- nin, ‘et trente gouttes de fang de Vipere fortant du col de cet animal, après que Javois Ott la tête. Je fecouai le verre com-

Q_q me

306

me de coutume. Le fang ne fe coagula point, et il étoit un peu obfcur. Au bout de deux heures, il y avoit du férum na- geant fur le fang. La partie rouge du fang étoit au deflous. li étoit obfcur, et vifqueux comme de la colle, mais non pas coagulé .

Dans le même tems, j'avois préparé une expérience de comparaifon. J’avois mis dans un verre 30 gouttes de fang de la même Vipere, mais fans vénin. Je fecouai le verre com- me ci deflus. Le fang ne fe coagula point, et fe couvrit de beaucoup de férum a travers le quel on voyoit des fibres fangui- nes, et fort rouges. Au bout de deux heures, le /érum étoit en plus grande quantité que dans l’expérience qui précede . Au bout de 24 heures, il y avoit les mêmes fibres rouges ordinai- res; mais malgré cela le fang étoit moins denfe, que celni étoit le vénin. Au bout de 35 heures, il étoit encore fluide, avec beaucoup de /ermm furnageant . Au bout de 50, il étoit devenu. plus tenace, et plus denfe. Au bout de 6®, il étoit rouge, et déflécheé.

Junis trois gouttes de vénin à so gouttes de fang d’une Vipere dans un verre, et je mis dans un autre so gouttes du même fans tout feul. J'agitai un peu, et également les deux verres. Le fang il n'y avoit point de vénin fut toujours plus- coloré, plus vermeil, plus fereux que l’autre. Au bout de 30 heures, le fang venimé fe coagula; mais l’autre ne fe coagula. po:nf .

Dans ces expériences on voit, que lacouleur du fang des Viperes, quia été uni au vénin, s'accorde avec celle du fang des animaux à fang chaud pareillement uni au vénin, quoique il y ait une grande différence dans tous les autres phénomenes : Mais les expériences font encore trop peu variées pour qu'on: puille en tirer des rélultats certains.

Je

397

Je mis trois gouttes de vénin dans un verre ; et j'y ajoutai 30 gouttes de fang d’une grenouille, à Ja quelle j'avois coupé la tè. te. Je mis 30 autres gouttes de ce fang dans un autre verre,et je n'y mis point de vénin. Je fecouai comme de coutume ces deux verres. Au bout de 3e minutes, Jexaminai les deux fangs. Et je trouvai que le fang venimé étoit noir, et non coagulé . Le {ang non venimé avoit moins de /érwm que l’autre, il étoit plus rouge, plus fi- breux; mais il n’étoit pas coagulé non plus. Au bout de 3 heu- res, le fang venimé étoit noir, diflous; mais vifqueux, et fans ferum apparent. L’autre fang avoit une grande quantité de /e- rum furnageant. Il étoit rouge, et coaguié au fond, mais le coa- gulum étoit mobile, fibreux et vifqueux.

Non content de cette nouvelle expérience, que je répétai deux autres fois avec un fuccès un peu différent, je me déter- minai à faire des expériences en meme tems fur le fang de Vi- pere, fur celui de Grenouilles, et fur celui de Cochon d’inde, et de fuivre minutieufement tous les changemens, que j’aurois à obferver .

Je pris fix verres coniques, pareils à ceux dont je me fer- vois auparavant, et Je mis dans chacun des trois premiers qua- tre gouttes de vénin avec so gouttes de fang. Dans l’un ce fut du fang de Vipere, dans l’autre du fang de Grenouille, dans le troifiéme , du fang de Cochon d’Inde. Dans chacun des trois au- tres verres Je mis fimplement so gouttes de fang des mêmes animaux. Je fecouai un peu également les fix verres, et je les laiffai quelque tems en repos. Au bout de quelques minutes les trois fangs venimés étoient noirs, et beaucoup moins colorés que les trois autres, qui étoient déja coagulés; mais le fang de Vipere Flétoit bien moins que les autres, et il étuit peut être plutôt vifqueux, que véritablement coagulé.Le fang de Vipere cft d’ailleurs naturellement moins rouge, et pius obfcur que ce-

O qa lui

308

lui de Grenouille, et de Cochon d’inde. JPobfervai au bout de quelque tems, que le fang de Vipere,et celui de Grenouille, qui étoient mêlés avec le vénin, avoient du /éfwm furnageant en quantité; mais il n’y en avoit point fur le fang de Cochon d’In- de parcillement venimé. Il n’y avoit encore aucun figne de /è- rum dans les trois fangs non venimés. Au bout de huit heures, le fans pur de Grenouille avoit autant de /érwm, que le venimé ; mais il étoit toujours plus rouge, et il étoit difous auffi que celui ci. Le fang de Vipere non venimé ne donna jamais de ferum , et fe maintint coagulé comme à Pordiraire; mais le fang de Vipere venimé étoit plus obfcur, et diflous, bienque fort vifqueux. Au bout de 3 jours, le fang de Vipere veni. mé, confervoit encore toute fa grande quantité de /erum; mais if étoit noir, et vifqueux. Celui de Vipere non venimé avoit peu de férum, il étoit rouge, filandreux, et prefque entierement coagulé. Le fang de Grenouille venimé étoit enticrement difious , verdâtre, et il avoit peu de /érmm; mais celui qui n’étoit pas ve- nimé, avoit beaucoup de férum , étoit coagulé , et plus rouge. Le fang de Cochon d'Inde venimé étoit noir, vifqueux, et fans /èrwm. Jexaminai, au bout de 8 heures, les globules rouges des trois fangs venimés, et je trouvai qu'ils avoient peu changé de forme, et qu’ils étoient à peine différens des globules des autres trois fangs non venimés. Mais au bout de 8 jours, je trouvai que les globules de fang de Vipere venimé étoient défigurés à un certain point; il y en avoit beaucoup de brifés, et le tout étoit beaucoup plus altéré , que le fans de Vipere, non venimé. Le fang de Grenouille venimé avoit fes globules prefque tous diffous. Les autres défigurés, et extremement rapetiflés. Le fang de Cochon d’Inde venimé avoit au contraire fes globules plus

agrandis , en partie défigurés, et pius moins diffous; mais ne différant pas beaucoup de ceux du même fang non veniméi.

Ces

309

Ces dernieres obfervations fur les globules rouges de fang ne peuvent pas fervir pour expliquer les effets immédiats du vénin de la Vipere introduit dans les veines, et ces phénome- nes ne s'obfervent que longtems après, que le vénin a agi fur animal. Si l'animal eft petit, il eft déja mort longtems avant qu'il fe palle aucun chansement fenfible dans la figure des gio- bules du fang.

Jai répété deux autres fois l’expérience fur les fangs de Vipere, de Grénouille, et de Cochon d’iInde. Les réfultats ont été très-uniformes, quoiqu'ils n’aient pas été femblables en tout, enforte que je n'ai pas cru devoir les rapporter en détail.

Oa voit en général que le vénin de la Vipere rend noir le fang des animaux chauds, comme celui des animaux froids; celui des animaux fur lefquels il agit en tant que vénin, com- me celui de ceux fur les quels il n’agit point; mais cette mè-

ie uniformité d’altération de couleur fait voir que le vénin de la Vipere ne tue pas les animaux par ce principe qui rend noir le fang au quel il s’unit. Autrement il feroit vénin pour la Vi- pere même: ce qui n’eft pas.

Mais il n’eneft pas de même par rapport à la coagulation du fans. Le vénin opere peu ou point fur le fang de la Vipere, et les petites différences que nous avons obfervées à cet égard font tout à fait à négliger. Il n’en eft pas ainfi du fang de Gre- nouille ; et plus encore du fang de Cochon d’Inde. Ce dernier eft à peine dans le verre, qu’il fe coagule; au lieu que s'il eft uni à quelques gouttes de vénin, il ne fe coagule plus, et il demeure noir, vifqueux, et fans ferum. Cet effet du vénin eft d'autant plus fingulier, qu’il devroit être tout l’oppofé. Mais le vénin, mêlé avec le fang, lui enlevet-il, en tant que vénin, ou par quelqu’autre principe, la faculté de fe coaguler ?

a vu que le véain de la Vipere produit un changement

fen-

310

fenfible dans le fang tiré des vaiffeaux de lanimal. Dans ces cas, le fang devient noir et demeure fluido au lieu de fe coaguler, comme cela lui arrive conftamment, lorfqu'il n’eft pas uni avec ce vénin. Au contraire quand il eft introduit dans le fang des animaux le vénin de la Vipere le coagule promptement, enforte qu’il en empêche la circulation. Les effets de ce vénin fur le fang des animaux font certains; mais on ne fait pas pour cela d’où ils dépendent, nipar quel méchanifme tous ces changemens s’o- perent. Le vénin de la Vipere agit-il fur le fang, fimplement comme vénin, c’eft à dire, par ce même principe qui le rend méurtricr? L’on a vu que ce vénin eft une vraie fubftance gom- meule, et qu'il a toutes les propriétés, qui carattérifent les gom- mes. On a vu encore que les gommes font entierement inno- centes pour les animaux ; et j’ai obfervé que quand on les inje- Cte en très-petite quantité dans le {ang , il ne s’enfuit pas que l’ani- mal meure. Mais pourquoi la couleur noire du fang venimé,et la fluidité qu’il conferve hors des vaifleaux, ne pourroient elles pas dépendre du principe gommeux du vénin? On fait que les gommes abondent en phlogiftique, et que le phlogiflique teint le fang en noir. Il eft vrai que comme fubftance gommeufe il de- vroit plutôt, ce femble, coaguler le fang, que le tenir diflous; mais l’expérience feule peut répondre à tous ces doutes.

Expériences de comparaifon avec la Gomme Arabique .

Je fis difloudre quelques grains de gomme arabique dans une petite quantité d’eau diftillée chaude. I! fe forma une gelée tran- fparente, et prefque fluide. Je mis dans un verre trois gouttes de cette gelée , et j'y unis 6o gouttes de fang tout chaud d’un pigeon.

En même tems je mis trois goutres de vénin de Vipere dans un autre verre et 60 gouttes de fang tout chaud du même ani-

mal.

mal. Je fecouai Fun et l’autre verre pendant une minute, à fin que tout fut bien mêlé. Au bout de deux minutes, le fans étoit la gomme fe coagula, fa couleur demeura rouge, et telle qu’elle eft naturellement, et il ne s’en fépara point de /érum pendant deux jours, que Je le gardai dans le verre. Le fang de l’autre verre devint tout d’un coup noir, et: fe maintint fluide comme à l'ordinaire.

On voit par cet expérience. que les fubftances gomineufes ne teignent pas le fang en noir ,et mont pas la proprieté de le te- nir diflous, et d’empècher fa coagulation naturelle. Ainfi donc, les altérations que: produit le vénin de la Vipere dans le fang, il ne les produit pas par un principe gommeux quelconque; mais par quelque autre principe encore inconnu, et probable- ment par le principe même qui le conftitue vénin; puifqu’en fin on ne connoit rien de plus dans cette humeur, qu’un prin- cipe gommeux, et un principe vénéneux deitruétif de la vie animale.

J'ai voulu éprouver enfuite fi le vénin de la Vipere cef- feroit d’être vénin après avoir été mêlé avec le fang. Pour cet efiet Je mis dans un verre 30 gouttes de fang de pigeon tout chaud, et trois gouttes de vénin. Je mélai bien le tout, et après avoir laiflé pafler:24 heures, Jappliquai aux mufcles plu- ficurs gouttes du vénin du verres. Le pigeon ne mourut pas, et au bout de 30 heures à peine paroïfloit-il avoir eu quelque fi- gne de maladie.

Je préparai du vénin, et du fang, comme ci deffus, dans un autre verre; mais Je mis parties égales de l’un, et de l’autre; et deux minutes après, je couvris de ce mélange les mufcles bleffés d’un pigeon. Ce pigeon ne mourut pas; mais il eut des fignes certains de Ja maladie du vénin.

Je répérai cette derniere expérience fur 4. autres pigeons. Trois en moururent en moins de 18 minutes; le quattriéme eut

une

313

une grande maladie jet ne fut guéri, qu’au bout de 6 jours. Deux autres pigeons furent préparés comme ci defius, et je n’employai le vénin que demi-heure après lavoir mêié avec le fang dans le verre. Ils moururent touts les deux.

Il réfulte de toutes ces expériences que le vénin ne perd point fes qualités malfaifantes par fon union avec le fang.

On a vu que le vénin de la Vipere eft une veritable gomme, et qu’il en a toutes les propriétés eflentielles. Pour- quoi le vénin ne pourrat-il pas empêcher le coagulation du [ an des animaux chauds, et celle du fang de plufieurs animaux froids, comme fimple gomme, et non pas comme vénin? et pourquoi le fang de la Vipere ne pourrat-il pas aufli être dif- férent de celui des autres animaux, puifqu’on voit que le vénin eft innocent pour la Vipere , et ne l'eft pas pour les autres animaux ?

C’étoit encore à léxpérience à décider deflus.

Comme il ne me paroifloit pas que les expériences rap- portées jufquici fuffent fuffifantes pour expliquer le phénomène difficile, du fang qui fe coagule dans les vaiffeaux fermés de lanimal, et qui ne fe coagule pas dans les verres à lairlibre; je crus qu'il feroit néceflaire d’examiner mieux qu’anparavant les effets du véuin dans les jambes des animaux coupées et dans les jambes liées, et mordues par la Vipere. Je craignois d’a- voir fait quelque erreur, et que quelque attention néceflaire ne m'eut échappé. Il étoit naturel de s’imaginer qu’après tout ce que j'avois dans le cours de mes dernieres expériences, j’etois mieux préparé pour bien obferver.

Je fis donc les expériences fuivantes.

Je fis mordre la jambe à un pigeon par une Vipere à plu- fieurs reprifes, et peu de fecondes, après, je la coupai.'A l’en- droit précis les dents avoient pénétré, il y avoit quelque lividité; mais a peine étoit elle vifible.

Cette

CRE:

Ayant répété cette expérience dans les mêmes circonfiances j'en ai obtenu le même réfultat.

Je fis mordre la jambe à un autre pigeon par une Vipe- re, un moment après que je l’eus coupée. Il n’y eut aucun fi- gne de maladie, ou de couleur livide.

Je bleflai avec une dent vena.veufe la jambe à un pigeon, et je la coupai d’abord après: il y avoit quelque figne de fang grumelé dans le mufcle que la dent avoit percé.

Je bleflai, avec une dent défléchée depuis longtems, la jambe à un pigeon, et en même tems je bleflai l’autre jambe au même pigeon avec une dent venimeufe. Les bleflures faites avec la dent venimeufe étoient livides, et la lividité pénétroir dans toute la fubftance du mufcle. L'endroit percé par la dent non venimeule ne préfentoit rien de vifible , et de certain.

Je piquai avec des dents venimeufes la jambe à un pi- geon, et je la coupai d’abord après. A peine pus-je reconnoître quelque figne de tache obfcure à l'endroit la dent avoit pé- nétré.

J'infinuai une dent venimeufe dans la jambe d’un pigeon, et immediatement après je la coupai:il n’y avoit aucun figne de maladie .

Je coupai la jambe à un autre pigeon, et immédiatement après je la bleflai avec une dent venimeule: il eut quelque figne de fang obfcur extravalé.

J'infinuai une dent venimeufe dans la jambe d’un pigeon, et immediatement après je la coupai: il n’y avoit aucun figne de maladie.

Je piquai avec la pointe d’une aiguille , à plufieurs repri- fes la jambe à un pigeon, et je la coupai auflitôt après. A len- droit de la piquùre , il y avoit du fang obfcur, et extravafé.

Quoique la plupart de ces expériences démontrent que le

Rr vé-

314 vénin de la Vipere n'a aucune aétion fur les parties coupées des animaux, il en eft cependant quelques-unes j’on trouve de légers fignes de fang obfcur, et extravafé.

L’expérience faite avec l’aiguille rend encore plus incertai- nes les indu@ions qu'on voudroit en tirer. Il fembleroit que touces les fois qu'il fe romp de gros vaifleaux, et qu'il fort fenfiblement du fang, les taches, et la couleur obfcure peuvent avoir licu, méme fans vénin.

Il eft toujours vrai en général qu’il exifte une différence notable entre les effets du vénin de la Vipere introduit dans une Jambe coupée, et les effets du même vénin communiqué è , une jambe qui continu: de faire partie de l'animal. Cette dif- férence peut avoir lieu, ou parceque la quantité de fang eit moindre dans la jambe coupée, ou parce que le fang reçoit mielque chofe de Pair, ou parcequ'il perd au contraire quel- que chofe au contaët de Pair. Pour voir quelle de ces hypo- thefes feroit la plus problable, je fis les expériences fuivantes.

Effets du vénix de la Vipere fur des membres qu'on a mis à l'abri de l'air.

Je plaçai un pigeon dans l’eau, de manicre que je pulle lui couper une Jambe fans que la partie coupée communi- quit avec l'air. Un moment avant de la couper je l’avois blef- {ie avec une dent venimeute. Au bout de 4 minutes, je la re- tirai de l'eau. A l'endroit la dent avoir percé le mufcle, il v avoit une petite tache livide, que jouvris auffitôt. La tache livide pénétroit dans le mufcle ; jufqu’à lendroit la dent, et le vénin avolent pénétré.

Je répétai cette expérience deux autres fois, et le réfultat. fur le même. On voyoit la tache livide dans la fubftance du mufele mème comme ci defius. Le

315

Le fang de la jambe coupée dans l’eau fort des vaiffeaux, comme fi elle avoit été coupée dans l’air. Donc les fignes du vénin dans la jambe, tenant encore à l'animal, et le défaut de ces lignes quand elle en eft détachée , ne dependent pas de la quan- tité diverfe du fang , qui fe trouve dans les deux difiérens états des jambes,

Cette même expérience paroitroit décider encore, que lc fang ne perd rien d’efflentiel quand il eft expofé à l'air, parce- qu'il ne paroit pas vraifembiable que l’eau qui laifie fortir le fang de la jambe, ne Jaïfle pas fortir avec lui ce principe fuppolt .

Il demeure donc probabie que le contact de Pair fait une telle altération fur le fang de la jambe, et que l'air s’y unit tel- lement,qu'il produit la diverfité des phénomenes , que nous avons obfervés; quoiqu'il foit vrai, qu’on ne fauroit expliquer en quoi confifte cette altération, et comment l’air fe mêle avec le fang dans ces cas,

Nouvelles expériences fur des parties coupées après leur avoir suterrompu la circulation par une ligature .

Il me reftoit à faire une expérience importante, et c’étoit de voir les effers du vénin de la Vipere fur les parties des ani- maux, liées, et puis coupées.

Je fis mordre par une Vipere la jambe à un pigeon dans Je même inflant que je la faifois lier, et couper. L’operation entiere fut faite en trois fecondes; mais avec l’aide de trois perfonnes. La jambe fut coupée fur la ligature, qui éroit très- forte, et qui empéchoit le fang de fortir même en petite quau- tité. La jambe coupée avoit les fignes les plus certains de la maladie du vénin. Elle avoit des taches livides, les vaifeaux étolent noirs, et gonflés, le fang noir, et condenfé en partie.

R ra Ayant

316 Avant ouvert les mufcles, je trouvai que la couleur livide pé- nétroit dans toute leur profondeur, les mufcles mordus.

Je fis fur le champ une autre expérience femblable, fi ce net que je ne fis pas mordre la jambe, et il n’y eut aucun fi- gne de maladie dans cette jambe.

Je fis mordre la jambe par une Vipere une feule fois, a an autre pigeon, et 4 fecondes après, je la Jiai, et la coupai dans le mème inftant. En moins d’une minute, on voyoit les fignes de la maladie. Les mufcles mordus étoient livides dans toute leur fubitance.

Je Dai, ct je coupai la jambe à un pigeon, et immédiate- ment après je Ja fis mordre par une Vipere une feule fois. I y eut de grands fignes de maladie du vénin, et les mufcles Crolent livides dans. toute leur fubltance.

Je liai, et je coupai la jambe à un autre pigeon, et Je le fis mordre après par une Vipere. Les mufcles étoient livides dans toute leur fubftance.

Ces expérinces me parurent aflez uniformes pour me di- fpenfer de les multiplier davantage, et elles font voir que le vénin de la Vipere agit comme vénin fur les parties, quoique détachées des animaux; pourvû que le fang ne forte pas des parties coupées.

On voit encore qu’il n’eft pas neceflaire que la circulation ordinaire du fang, et des autres humeurs fubfifte dans la partie, parceque j'ai depuis obfervé, que le vénin agit fur les jambes lies même lorfqu’on les fait mordre un tems aflez confidérabie après qu’on les a liées.

Expériences fur des animaux à [ing chaud, dont on a coupé la tête.

Les expériences faites fur les Grenouilles fans tête, dans les

FU les quelles il m'avoit paru que la maladie du vénin fe commu- niquoit diflicilement ,m’ont fait venir l’idée de voir s’il en feroit de même dans les animaux à fang chaud. Ces expériences ont quelque rapport avec les autres, faites fur les jambes coupées, et enfuite mordues, et n’en difièrent qu’en ce que la plus grande partie du corps refte attachée à la jambe, quoique le fang forte en grande quantité du col coupé.

Je coupai la trachée artere à une poule, et y ayant aju- la tuyere d’un petit foufflet, je lui coupai la tête fur le champ. Je commengai à faire agir le fouffler, et en meme tems, je la fis mordre à la jambe par deux Viperes, à plu- fieurs reprifes. L'animal continua de vivre pendant plus de 15 minutes. Les jambes avoient des taches livides, et profondes dans le lieu les dents avoient pénétré.

Je répétai cette même expérience fur deux Lapins, et fur un Cochon d'Inde. Ils vécurent incomparablement plus que la poule, et leur vie n’étoit point équivoque ,comme onle voyoit par les mouvemens volontaires. Il elt vrai que j'empèchai dans ceux ci la perte du fang, du moins en grande partie, en liant les vaifleaux, et il eft certain qu’ils pourroient vivre beaucoup plus, fi l’on pouvoit empêcher totalement l’eifufion du fang.

Les fignes de la maladie du vénin étoient manifeftes dans tous les trois; les mufcles mordus étoient livides.

Cette expérience démontre que la tête dans les animaux chauds et parfaits n'e pas nécefiaire à Ja vie , quoiqu'elle le foit à la continuation de ja vie mème. Fn un mot, un animal peut très-bien vivre, quoique fans tête, et peut fentir les objets exté- rieurs. La refpiration pulmonaire, la circulation des Bumeurs dans les parties, fuffifent à tout cela. Le principe de la vie fe foutient encore dans l'animal. et l’on peut dire avec raifon , qu'il n'eft pas tout-à-fait mort; qu'il n’eft mort, qu'en partie.

CHA.

318

Cosio À Di: BUTUREE VI

Sur la caufe de la mort des animaux mordus par la Vipere.

N a vu par mes expériences fur les nerfs des animaux

mordus par les Viperes, que le vénin eft une fubflance tout à fait innocente pour ces organes, qu'il ne leur caufe au- cune altération fenfible, ct qu’ils ne font pas même un véhi- cule, ou un moyen pour introduire le vénin dans l'animal. En un mot, il paroit que le fyfleme nerveux ne concourt pas plus à la production de cette maladie, que le tendon, ou que toute autre partie infenfible de l'animal. De l’autre côté, toutes les expériences fur le fang, les injeétions du vénin dans les vaif- feaux ; tout dépofe que lation du vénin de la Vipere fe fait fur le fans même. Ce fluide eft le feul altéré par le vénin, Ce fluide porte le vénin à l’animal, et le répand dans tout fon corps. L’aftion du vénin, et fes effets fur le fang font prefque inftantanés. Sa couleur eft fubitement altérée; il perd ce rouge vermeil qui lui eft naturel, il devicat livide et noir. "A ce premier effet en fuccede un fecond. Le fang fe coaguie tròs-promptement; il fe coagule dans le poumon, dans les orci!. lettes, dans le coeur, dans le foie, dans les plus gros vaifieaux veineux. Quelquefois le coeur continue à battre encore, quoi- que le fang y foit coagulé, du moins en partie. D’autre fois, le coeur bat avec plus de force, comme s’il vouloit arretter le principe de coagulation qui exifte dans le fang.

La coagulation du fang eft certainement l’effet le plus re- marquable du vésin de la Vipere dans les animaux, et c'eft celui qui doit caufer les plus grands défordres dans les vifceres,

et

319

et dans leurs fonétions. Mais tout le fang n'eft pas coagulé dans l'animal, puilqu’il paroit y en avoir une partie diffoute. La partie rouge, et la partie lymphatique forment feules le coagu- lum, la partie féreufe eft diffoute et plus fluide qu'auparavant. Il eft du moins certain que la partie féreufe fe jette en grande abondance dans les parties venimées, et fe répand avec la plus grande facilité par: tout le tiffu cellulaire.

Si on laille pendant quelque tems dans l’eau la partie coa- gulée, elle perd la couleur noire qu’elle avoit, elle dépofe la partie rouge qui s’unit avec l’eau, et il refie une fubftance tena- ce, blanche, fibreufe, femblable au polype.

Le fang en partie coagulé, en partie diffous, produit le plus grand défordre dans les organes de l’animal. La partie mordue par la Vipere fe gonfle auffitòt, et devient livide par degrés fuc- ceffifs. Dans les orofles veines le fang s’arrette, et fe coagule. La partie féreufe tranfude dans le tiffu cellulaire qu’elle remplit par tout. La circulation ef dérangée dans les vifceres; elle y dimi- nue peu à peu, et enfin elle y ceffe. Le poumon cit le vifcere la circulation manque plutôt que dans les autres parties. Un moment après l'injeétion du véoin dans la jugulaire, le fang eft déja coagulé dans le poumon, les vaifleaux de ce vifcere font remplis, et gonflés de cette humeur noire, et condenfée. En un

#

mot, la circulation eft totalement interrompue et arrettée, et l'animal meurt. C’eft un fait connu, que dés que la circulation eft arrettée dans ua animal à fang chaud, la morts’enfuit en peu de momens: quel que foit d’ailleurs le principe qui lie et unit enfemble la circulation et la vie , le mouvement des fluides, et la faculté de fentir.

Il eft à propos de parler ici de lirritabilité animale, ou de cette propriété de la fibre mufculaire , par la quelie un mufcle 16 gerement touché fe con:rate . Il faut concevoir cette propriété

de

31e

de la fibre mufculaire comme une chofe différente du nerf, ou du fentiment; quoiqu'il foit vrai, que le nerf eft l'organe des mou- vemens volontaires de l’animal, et que lorfque le nerf cit tou- ché, il excite l’irritabilité dans le mufcle. Le nerf de quelque maniere qu'il foit heurté, eft toujours immobile, et le mufcle féparé de lanimal continue à fe contracter; d’ou il fuit, que le nerf eft plutôt occafion, que caufe de la contra@ion des mufcles.

Dans mon ouvrage intitulé ce legibus srritabilitatis nunc primum fancitis imprimé à Lucques en 1767. j'ai démontré que le fluide nerveux ne peut pas être la caufe éfficiente du mouve- vemenñt des mufcles. Les argumens que Jai apportés dans cet ouvrage, font dérivés de l’hypothefe, que le fluide nerveux agit fuivant les loix des fluides ordinaires, Si le fluide nerveux étoit différent des fluides ordinaires, s’il avoit des loix tout à fait différentes des leurs, s’il étoit analogue à l'électricité, mes raifons ne feroient plus applicables au cas préfent.

Quoiqu'il en foit, il eft certain que le mouvement d’un mufcle coupé ne dépend nullement de l'animal, ou du principe fentant qui réfide dans l'animal, et l’irritabilité fubfifte par elle feule dans la fibre. L’irricabilité des fibres eft donc diftinéte de la fenfibilité de l’animal, et l’on ne doit pas confondre encore deux chofe qui paroilfent fi différentes , et qui femblent avoir été féparées par la nature.

Mais fi le principe fentant qui conftitue la vie de l’ani- mal eft difitrent de l’ircitabilité de la fibre, pourquoi ne pour- roit-il pas fubfifter dans une partie féparée de l’animal un fen- timent obfcur, une vie imparfaite relative à la grandeur, et à la nature de la partie féparée de l’animal, et aux nerfs qui fe trouvent dans cette partie ?

Dans cette fuppofition , il n’y a aucun rapport, aucune harmonie entre la vie de l’animal entier, et le fentiment ob-

fcur

à 4 des

fcur de la partie feparée; mais on ne voit. pas auffi pourquoi dans ce cas l’irritabilité ne pourroit pas dépendre du fentiment de la partie. L’irritabilité dépendroit alors de la fenfbilité, ou feroit la mème chofe avec elle, c’elt à dire, qu'elle dépendroit de la partie coupée, et non pas de la fenfibilité de Panimal.

Mais l'opinion, qu'il fubfilte un fentiment obfcur de vie dans les parties coupées des animaux cli fondée fur un nombre immenfe d’obfervations, er d’expériences que Jai promis de don- ner dans le troifiéme Tome de mes, recherches philofophiques fur la phyfique animale dont le premier Tome in quarto è été imprimé en Italien à Florence en 1775. En attendant ,je puis affurer d’avance , que je connois un très-grand nombre d'animaux, même parmi ceux qu'on nomme parfaits, c'elt à dire, qui ont humeurs, coeur, et Vifceres, dans les quels fe vérifie l'hypothefe que nous avons avancée fur le fentiment ani- mal fubfiftant encore dans les parties coupées.

Mais quelque opinion qu'on veuille adopter fur l’irritabi- lité , il eft toujours vrai que cette propricté exifle dans la fibre mufculaire, qu'elle eit le principe de tous les mouvemens de Vanimal, et que fans elle tout feroit en repos, les organes de- viendroient inutiles, et les fonctions feroient fufpendues.

Javois cru dans la premiere partie du préfent ouvrage, que le vénin de la Vipere attaquoit immédiatement l'irritabili- té, et que l’animal mouroit par la perte de l’irritabilité de la fibre. Mais alors jignorois que ie vénin de la Vipere n’a aucu- ne action fur les nerfs, et que lorfqu'on Pintroduit dans le fang, il tue l’animal en peu d’initans. Cette hypothefe doit mainte- nant Ctre modifiée en partie. Ce n’eft pas qu’en effet l’irritabili- ne diminue pas dans l’animal mordu, et qu'elle ne foit mê- me tout à fait détruite en peu de tems; mais Ceft plu- tôt un effet qu'une caufe, et c’eft une conféquence de l’altéra-

Sf tion

522 tion caufée au fang.par le vénin, plutôt qu’un effet du véniu {ur la fibre mufculaire. H arrive quelque fois de voir un ant mal, au moment ou il eft mordu, perdre tous les mouvemens, volontaires, et donner à peine quelque dernier figne de vie.

En général la foiblefle cit très-grande dans l’animal, après qu'il a été mordu; mais cela montre également, que la fentibi- lité eft affectée; et comme le vénin magit pas fur les: nerfs, et qu'il agit fur le fang, c’eft aufli du fang même que peut dépen- dre la diminution des forces, et du fentiment, et de encore la diminution de l'irritabilité même.

J'ai fait mordre quelques Grenouilles à la jambe, ct jai trouvé qu'elles n’avoient que peu ou point perdu de leur irrita- bilité, fi. je: piquois les nerfs. craraux peu après la morfure, ou fi Jen. tirois des étincelles éleétriques. Il eft bien. vrai que lir- ritabilité diminue avec le tems, et que fouvent elle: eft entierc- ment perdue lorfque l’animal meurt; mais: alors la: fentibilité diminue aufli, et fe perd. Il eft vrai d’ailleurs, que fi l’on fti- mule: les nerfs cruraux de la jambe non mordue, les mufcles fe conétrattent avec. plus de force que dans l’autre, et fouvent ils fe contraîtent encore, lors: même qu’on ne peut plus faire con- tracter ceux de la jambe: morduc.

L'irritabilité de la fibre dans. les animaux mordus par la Vipere diminue d'autant plus que la maladie eft plus contidéra- ble, et qu’elle dure plus longtems. Un animal qui meurt après peu de minutes, conferve dans fes mulcles plus d’irritabilità ; que lorfqu'il meurt au bout de plulieurs heures, ou de plulieurs . jours L’irritabilité finit beaucoup: plus tard.dans le: coeur, dans leftomac, dans les inteitins, que dans les autres. parties. Elle fi- nit furtout très-tard dans les inteftins, qui continuent à fe muovoir, quoique l'animal foit mort depuis quelque tems. L'irritabilité du diaphragme, cu le mouvement de: la: poitrine finit plus tard , que dans les autres mufcles foumis à la volonté. Ja

323

J'ai fait toutes ces obfervations dans les animaux à fang chaud, dans les quels il m’a paru que les etincelles éle&triques forteat plus difficilement des parties mordues, que du reite de l'animal. Cette expérience reuflit principalement dans les pou- les, aux quelles il eft facile de mettre les jambes bien à décou- vert, et de les faire mordre.

La caufe qui diminue lirritabilité dans la fibre eft le fans même altéré par le vénin. Le fang dans cet état, il eft en partie dillous, et en partie coagulé, fe difpofe à la putréfa- &ion; et étant retenu dans les vaifleaux , il en diflout la texture, tranfude à travers leurs tuniques, fe répand dans le titlu cellulaire, corrompt; et dèfunit tout. On voit les parties mordues des animaux paffer en peu de tems à Ja plus forte pu- tréfation, et offrir des gangrenes , et des fphaceles. La peau e ft bientôt corrodée, et détruite , les mufcies noirs, et fétides, le tiu cellulaire tombe .en difiolution.

J'ai tel Lapin mourir en moins de trois heures, qui avoit déja les mufcles de la jambe gangreneux dans toute leur {ubflance, noirs, et puans, et un couteau les divifoir fans éprou- ver aucune réfiflance. En un mot, on ne peut nier cette ten- dance des mufcles à la ‘putréfa@ion dans les animaux mordus par la Vipere, et elle dérive du fang altéré par le vénin.

Il eft bien vrai que quand l’animal meurt en peu de mi- nutes, il n’y a pas encore de putrefaîtion aQuelle dans les par- ties folides, quoi qu’il y ait dans les humeurs une vraie ten- dance à cet état. La maladie eft feulement dans les humeurs, et les humeurs arrettées dans leur cours naturel caufent la mort à l'animal. Tout ce qui tend à arrétter les mouvemens dans l'animal, tend encore nécefiairement à détruire en lui le princi- pe fentant, et la vie, et l’on ne peut concevoir de vie là, tout cit dans un parfait repos.

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324

Lc fentiment eft un principe aftif; et il exprime néceffai- rement une action, et l'on ne fauroit concevoir aétion fans mouvement. Nous difons en eflet qu'un animal eft mort , quand il ne fent plus, et nous difons qu’il ne fent plus lors qu'il n°y a plus dans fe organes ces fignes, ces mouvemens extérieurs qui indiquent les fentiment. Au moment ces mou- vemens ceflent, nous difons que l’animal eft mort. Cette ma- nicre de juger cft fondée fur l’obfervation même. Nous avons que quand un animal eft réduit à cet état de repos, il ne retourne plus à la vie, et d’un autre côté, nous croyons être fondés à penfer qu’un animal mort ne peut plus revivre en aucu- ne maniere. M eft vrai que cette feconde opinion paroit déri- ver de la premiere , fi lon y fait attention; parce qu’enfin nous ne connoiflons point le principe qui conftitue la vic, et le fen- timent dans les animaux, et cependant elle eft contredite par des obfervations, et expériences plus modernes.

Mais cette obfervation même, que lanimal privé de mou- vement ne retourne pasà la vie, paroit combattue par des obfer- vations enticrement oppofées. On raconte des afphixies fi for- tes, qu'il ne paroïfloit plus aucun figne de mouvement. On parle aufli de noyés, qui ont préfenté le même phénomene, quoi- que la mort ne fût en eux qu’apparente. Mais Je ne vois pas pourquoi il ne pourroit pas fubfifter dans les organes d’un avi- mal quelque mouvement obfcur, qui n’iroit pas jufqu'à tomber fons nos fens. Un mouvement pour être infenfibie n’eft pas moins réel, et quand il fubüfte un mouvement dans l’animal, il peut encore fubfilter en Jui un principe de fentiment.

Je ne faurois nier que quand il ne fublüfle plus aucun principe de fentiment, Panimal ne foit mort en toute rigueur phyfique. Parcegu'on ne peut nullement concevoir la vie dans un animal fans le fentiment. De même il paroit également clair,

que

325 que le repos total dans les organes d’un animal doit caufer la ceffation de ce fentiment, et conféquemment la mort “de l’ani- mal. Mais y a-t-il quelque moyen de s’aflurer de l’immobilité totale des organes d’un animal, dans le quel les humeurs font encore dans un état de fluidité? Je ne faurois le concevoir. Un très-petit mouvement elt tout à fait imperceptible pour nous; nous ne voyons que les grands mouvemens. Tout eft en mou- vement dans la nature; et il n’eft pas poffibie qu’un corps, ou quelle que ce foit de fes parties, fe trouve un feul inftant dans un repos total et parfait. D'ailleurs le repos parfait répugne aux loix de la pefanteur univerfelle , et à la nature des fluides, qui font plus ou moins pénétrés de feu. De vient la difficulté de prononcer fur la mort des animaux , parcequ’enfin il peut fubfifter en eux un mouvement infenfible pour nous; mais fuffi- fant encore pour y maintenir un fentiment obfcur, pour les em- pêcher d’être tout à fait morts, et pour les mettre en état de retourner à la vie.

Le mouvement du cocur étant fufpendu, la refpiration , et la circulation étant arrettées dans un animal, il fe trouve bientôt dans cet état, dans le quel nous difons qu’il eft mort; quoique peut-être il ne le foit pas toujours lorfque nous le croyons. Je ne connois que deux états dans l'animal, qui puiffent nous rendre certains qu'il eft vraiment mort. L'un ell la putréfattion totale de fes organes ; l’autre eft le défléchement abfolu de fes humeurs. Le premier Ôte la pofbilité de toute fonétion animale, le fecond détruit tout principe de mouvement. |

Le déffléchément total des parties fluides ct folides d’un ani- mal non feulement empêche l’ufage des organes, mais il amene jufqu'a l’immobilité abfolue dans toutes fes parties. Un animal dans cet état de déflechement total des parties, d’immobilité d’orga- nes, ell certainement mort, felon moi, et il doit l’étre felon

tout

326

tout le monde; autrement nous ferions expofés à un pirrhonifme capricieux et déraifonnable. Un poiflon, par exemple, féché au foleil, ou dans les étuves pendant 20 ans de fuite, et rendu plus dur que du bois, pafferoit encore pour vivant, J'avoue que je ne peux concevoir de vie fans ation, ni d’aQion fans mouve- ment, ni de mouvement organique , lorfque les organes font déf- féchés; cet état ct donc pour moi l’état de mort. Mais cepen- dant le phyficien ne doit pas confondre ces deux différens états de mort, favoir, la putréfa&ion des parties, et le déiléchément des prganes. Dans le premier, l’animal ef mort pour toujours, dans le fecond, il peut encore revenir à la vie. Nous ne con- noiflons aucune force, la nature même n’en fait voir aucune, qui puifle recompofer un organe détruit, et totalement décom- pofé par la putréfaëtion, ou par les chocs des corps extérieurs. C’eft ce qu’on n’a jamais pu faire, et ce qui ne s’eft jamais vu. Nous avons donc toute la raifon poflible non feulement de croire mort un animal réduit à cet état, mais de le croire mort pour toujours. Mais fi l’animal ef fimplement défféché ; s’il n°y a aucun vice phyfique dans les organes, fi les molécules compo- fant les parties confervent leurs fituations refpe&ives, l’animal pourroit très-bien dans ce cas retourner à la vie; il fuffit alors que les organes fe trouvent dans l’état ils étoient quand Pani- mal vivoit. Et pourquoi l'animal ne devra-t-il pas revivre dans ces cas , s’il a tout ce qui le faifoit vivre peu auparavant ? Quiconque auroit raifonné de la forte, il y a un fiecle, auroit dit des chofes raifonnables, des chofes probables; mais il n’auroit pas été écou- té, pas même des philofophes, et il auroit rifqué , tout au moins de pafier pour un extravagant, et pour un vilionnaire.

Mais révenons aux animaux qui meurent de la morfure de la Vipere.

Le fang fe coigule dans les vaiffeaux de l’animal mordu

par

327 par la Vipere, ct l’animal fe trouve dans l’état de mort. Le fang altéré par le vénin corrompt, et détruitles organes des ani- maux, et rend tout à fait invraifemblable tout foupgon de vie.

Il eft vrai qu'à proportion que la circulation du fang sar- rette dans les vaifleaux, et que lanimal approche de la mort, on voit diminuer fenfiblement aufli fa fenfibilité; mais cela ne démontre pas encore que le nerf foit altéré, que le nerf foit oflenfé .

Il peut y avoir entre la circulation du fang, l'air des pou- mons, le principe fentant ,ct le nerf, une harmonie, un accord tel, que l’un étant Ôté, l’autre diminue; quoique l’un n’opere pas fur l’autre.

Nos expériences nous ont démontré qu’un animal peut per- dre la fenfibilité par toute autre caufe, que par ce que le nerf cit offenfé; d’où il me paroit qu'on raifonneroit mal, fi l’on di- foit que la mort d’un animal dépend du principe nerveux feul, parcequ’à mefure que l’animal approche de la mort, fa fenfibili- diminue auffi. La diminution de la fenfibilité dans le nerf peut être un effet fecondaire de la caufe qui tue l’animal jet de fait, fi le repos, fi tout ce qui arrette le mouvement dans l’a- nimal, produit la mort, il doit encore produire la privation du fentiment , qui ne peut fubfifter fans mouvement.

Telle eft la mort des animaux à fang chaud, mordus par la Vipere; mais dans les animaux froids, il y a quelque différence. Les animaux à fang froid, comme par exemple, les Grenouil. les, peuvent vivre un tems donné, fans circulation du fang, ct fans refpiration. Et c’eft précifement par cette raifon, que le vénin de la Vipere eft moins actif pour elles, que pour les ani- naux chauds, et qu’elles durent plus longtems, que ceux-ci en égard à la petiteffe de leur corps. L'action du vénin de la Vipe- re fe communique infenfiblement à tout l'animal, les mufcles fe

di-

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difpofent à la putréfaction, et la partie mordue devient en peu de tems livide, et gangrénée. La mort s'enfuit alors dans l’ani- mal; mais elle arrive plus rard, parceque le principe de la vie n’eft pas auffi lié avec la circulation des humeurs, qu'il l'eft dans des animaux à fang chaud.

Comment enfuite la circulation du fang eft elle ainfi liée avec la vie dans les animaux à fang chaud, et comment left elle fi peu dans les animaux à fans froid , c’eft une queftion beaucoup plus relevée; et je me referve d'en parler dans un autre ouvrage fur les airs fadices et naturels, que jefpere pouvoir publier dans peu. |

FIN DU PREMIER VOLUME.

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