cKo.. "an t LAWRENCE FUND ^ Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/traittlioriqu02must THEORIQUE ET PRATIQUE DELA VÉGÉTATION, CoiSTENANT plufieurs Expériences nouvelles & démonftraàves fur l'Econoniie végétale & fur la Culture DES ARBRES: Par m. MUSTEL , ancien Capitaine de Dragons , Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , de l'Académie des Sciences , Belles-Lettres 6c Arts de Rouen ,tde la Société des Arts de Londres , & de plufieurs Sociétés d'Agriculture. él^wMW I II I 11 I » I ■ ■"«■ m» ■ I III I — ^i^M Experientia rerum magiftra, TOME SECOND. A P A R I S ^ Chez LES Libraires 0 Et A ROUEN , Chez LE BOUCHER le jeune, Libraire , rue Ganterie. M. D C C. L X X X I. Avic Approbation & Privilège du RoL xL.7^ Chap. VI. De la Gelée. 409 Chap. Vif Df/ Gr/re. 433 Chap. VIII. De la Neige» 437 Chap. IX. i?£/ To/2/2€rrd. 449 Supplément à Texpérunce fur la raréfaaion ^la condenfatLon dans la terre. 471 Y\s\ de la Table ds la féconde Partie. lyiTRODVCTlON. INTRODUCTION. o 17 S voilà à Pafcicle le plijslm* pcrcanc ôc le plus eflentiel de la ve'- gécacion , puifqa'il en eft le principe 6: la bafe. Nous ne manquons pas de fyftèmes , d'opinions hafardées fur cec inrérelTanc problème ; mais on peuc bien dire qu'il eft refté jufqu'ici fans Solution , puifque plufieurs Auteurs, qui en ont traité, nr^ont fait Que des railonnemencs contraires , ôc n'onc donne que des idées tres-vagues , '^e i a denfe , moins épais, ou plus vif dansjes îîeii^ plus élevés ; ce qui vient de cette qualité expan- fîve dont ri jouit, de cette vertu élaftique qui fait que fes parties s'écartent ou s'éloi- gnent les unes des autres, à proportion que la force qui tend à les rapprocher agit plus foi- blement contre elles. La vertu élaftique de Fair eft démontrée par nombre d'expériences. Si l'air donne des preuves de fon refîort, îorfque dans le récipient de la machine pneu- matique on a afîbibli le degré de tenfîon qu'il doit à fon propre poids , il ne le manifefte pas moins lorfqu'on lui fiit fupporter un nouveau poids au-delh de celui qu'il porte naturellement. L'expérience du fufil à vent nous prouve que fa vertu éîaflique augmente à railon du degré de tenfion qu'on lui fait fubir. Il efl: plus aifé de connoîtrÊ la pefanteur & l'élafticité de Tair , que d'en conllater les de- grés. Ils fouffrent du plus ou du moins , à raifon des fjbftances étrangères dont ce fluide eft continuellement imprégné , & dont on né peut le dégager abfolument pour le foumet- tre à des épreuves convenables. On n'a pu que faire quelques expériences en différents temps , mais peu furesj pour tâcher de parvenir, au- tant qu'il eft pofTible , à la connoifîànce de la pefanteur fpécifîque de l'air, & des diffé- rents degrés de reflbrts qu'il peut acquérir dans i'étac cîi il fe trouvé vers la furface de notre globe. Si on ne peut déterminer exacle- înens le poids de i'air, il n'efl pas plus fà- Végétation, Liy. îîI , Ch. T. 25 cile de juger des degrés de condenfation qu'i» peut fupporter. Boile & Mariette font ceux qui fe font le plus occupés de cet objet. 11$ crurent pouvoir regarder comme une règle confiante , que l'air fe comprime h raifon des poids dont il eu chargé ; de forte qu'en Iui_ faifantfupporier un poids double, il fe réduit en iHî efpace fous double. Cette règle n'eft point à la vérité fans fondement, mais elle n'a lieu que jufqu'à un certain point ; elle fe trouve très-bien con- firmée dans l'expérience fuivante. Prenez un tube recourbé de trente -fix pouces ou environ de hauteur , & dont la petite branche , parallèle à la grande , bien calibrée dans fa longueur , n'ait que fix pouces de hauteur , & foit fermée hermétiquement. Introduirez dans ce tube une quantité fuffi- fânte de mercure pour remplir le coude que forment entr'elles les deux branches , vous diviferez par ce moyen la colonne d'air, dont la totalité du tube eft remplie, en deux par- ties ; l'une renfermée dans la petite branche , & qui ne pourra s^en échapper , puifque l'our verture du tube fera obftruée; l'autre partis demeurera dans la grande , mais s'en échap- pera facilement par l'ouverture fupérieure » à proportion que vous y introduirez du mer- cure. La petite colonne d'air jouira de fon degré de condenfation naturelle, puifqu'elle ne portera que le poids naturel de Tathmof- phere. Verfez alors du mercure dans la grande î>ranche de ce tube; verlez-en jufqu'à une hauteur donnée , fuppofons vingt-huit pouces, B 4., Î4 T s. A t T Ê D E t A dans ce cas , îa colonne d'air renfermée dans ce petit tube fupporrera une prefîion double de celle de rathmofphere , puifqu'outre cette dernière , elle aura à fiipporter le poids d'une colonne de rliercure de vingt-liuic pouces, qui équivaut au poids moyen de l'air : or , vous verrez alors cette colonne fe réduire h. h moitié de l'efpace qu'elle occupoit aupara- vant dans le tube ; d'où il fuit qu'elle fe con- denfe à raifon des poids qui la chargent. Jufques-là , la règle de Boile & de Ma- riette eft aflèz jufîe , & il ell probable que ces célèbres Phyficiens s'en font tenus à une expérience de cette efpece pour rétablir. Mais s'ils euflènt poufîe l'expérience plus loin , ils fe fnfîênt bientôt apperçus que la règle eft en défaut , lorfqu'on fait fupporter de plus grands poids h l'air. Lorfquen effet on eft parvenu à condenfer l'air au point de le ré- duire au quart de l'efpace qu'il occupe na- turellement, il réfif1:e proportionellement da- vantage , & il faut des poids plus grands que ceux qui font indiqués par la règle , pour ramener à un nouveau degré donné de com- prefïiort. On conçoit même qu'au moment où il fera amené à un degré de corn preflîon tel que fes parties le touchent, il ne fera plus poffible de le comprimer davantage, puifque îes' corps font impénétrables : cela s'accorde très - bien avec l'idée des refTorts en fpirale qu'on a attribués à l'air. On fait que la ré- iil^ance de ces refTorts n'efl pas dans la même progreflion que les poids qui le chargent. •■ Ve€etat-ion , Liv. tll , Ch: Î. if — Si on ne peut connoitre exadement la pro-- grefîion félon laquelle l'air fe condenfe , Tex- périence nous apprend aflèz bien les degrés de raréfadion qu'il éprouve par un degré de chaleur donné. Quel que foit l'état de condenfation ou de raréfaciion de l^air , les Phyficiens démontrent qu'une petite mafîè d'air donnée , eft en équi- libre avec le poids total de i'athmolphere , ou, pour parler plus clairement , une petite mafîè d^air compris dans un efpace qu'elle remplit, eft en état de produire autant d'effet par fon refibrt^ que rathmofphere par fon poids. L'air , enfin, contribue à la produdion d& quantité de phénomènes qui ne pourroienc avoir lieu fans le concours de ce fluide. Il eft indifpenfablement néceflàire h l'entretien de la vie animale ; il l'eft également à la pro- dudion & à l'entretien du feu ; il ne l'eft pas moins pour la tranfmifîion des fons ; & comme fans l'air les végétaux ne peuvent naître , fubfifter , croître & produire , j'ai rendu ce Chapitre étendu , parce qu'il doit (èrvir à l'in- teliigence de Texplication & des démonftra- tions de tous les phénomènes de la végéta^ tion. On voit quCv notre athmofphere eft- une jnafle d'air dans laquelle s'élèvent conrinuelr- Jement toutes les vapeurs, les exhalailons, & ei^ général toutes les émanations qui s'échap- pent de tous les corps appartenants à la fur- ùcQ de notre gîobe , & même d'une partie de ceux qui font renfermés dans fes entrailles ; que toutes ces parties étrangères fe difperfent. iS" T R A ï TÉ B S t A flottent dans Taîr , & y demeurent fufpendues jufqu'à ce que quelques circonftances parti- culières les déterminent à fe précipiter vers îa furface de la terre pour fe reporter enfuite dans la mailè d^air qu'elles avoient aban- donnée. On feut done , k jufle titre , regarder Fath- ïnorphere comme une efpece de chaos qui contient un nombre prodigieux dé corps étran- gers de différente nature , & différemment combinés entr'eux. De-Ià ces vrcifïïtudes con- tinuelles qu'on obferve dans fa conflirution ,- de -là cette féchereffe & cette humidité qui y régnent alternativement,* de- là cette va-' Hété dans (à denfité & fon reflfort; de-là ces différents degrés de chaleur & de froid qui fe fuccedent habituellement ; de-là ces différences fi marquées dans les procédés des analy fes chymiques qu'on en a faites en différents temps & en différents endroits. On trouve communément dans l'athmof- phere une certaine quantité d^eau dont on ne peut la dépouiller entièrement, quelque moyen qu^on emploie à cet effet. Dans le temps même où l'on fe plaint d'une féche- reffe incommode & dangereufe , cette maffe d'air, qui nous enveloppe, contient une très- grande quantité de vapeurs humides qui fe décèlent de différentes manières , comme !es expériences de M, le Roi font prouvé. On conçoit en effet que quelque féchereffe qui régne vers la furface de la terre , iî s'élève néanmoins du corps de tous les ani- maux une quantité prodigieufe de vapeurs » ^^ÉGETÂTÎON, Eïf . ni , Cil. T. \^ *qui fe difperfént dans rathmofphere. Il n'eft , outre cela , aucune plante qui ne répande autour d'elle, fous la forme d'une rofée plus ou moins abondante , une quan- tité de vapeurs aqueufes. Combien le feu Touterrein , la chaleur qui régne dans lath»- moiphere , Tadion du ibleil , le fèu de nos cheminées •n''en éîevent-iis pas continuelle- ment ?, Plus le foîeii eft ardent , & plus il fe diflîpe d'eau fur la furface des mers , des fleuves , des rivières, &c. & même delà terre. Cette eau raréfiée, & peut-être mife en difTolu- -tion dans Tair, opinion rendue bien probable ■par les expériences de l'habile Médecin que je viens de nommer; c^ito. eau qui, réduite en vapeur, efl: devenue plus légère que Pair, s'élève & circule avec lui ; mais fon état de ténuité eft tel qu'il échappe à la foibleflè de notre vue. CHAPITRE II. De l'air fixe. Aj Es anciens Phyfîciens n ont point connu îa pelànteur de l'air , & n^ont point eu h moindre idée de l'air fixe : il n'y a pas îong - temps qu'on le connoît & qu'on en parle. Je crois que c'ed aux ingénîeufes expé- riences de M.' Haïes qu'on en doit la vraie èc sûre connoifîànce. Quoique ce Savant Phy* ficien nous ait démontré , de la manière h plus inconteilable , non-feulement Texiftence de Tair fixe dans les corps , mais fa prodi- gieufe élafticité , lorfqu^il en efî: dégagé , il ne paroîr pas que les Phyficiens & les Chy- miiies fe foient fort occupés des fuites de cette importante découverte; & ce n'eft que depuis quelques années qu'on a dirigé les ex- périences fur l'analyfe & la formation de Pair iîxe; & ces obfervations , devenues aujour- d'hui fi communes & fi répétées, neparoif- fent dues qu'à la célébrité des expériences faites par M. Szge à l'Académie des Sciences , en préfertce de l'Empereur , & t l'effet de l'al- iali-fluor volatil , remède efficace & fi prompt pour l'afphyxie où tombent fubitement les animaux plongés dans l'air fixe. L'applica- tion que donnent aujourd'hui les plus fàvants Chymiftes à l'examen des phénomènes de l'air fixe, doit nous faire elpérer desconnoif- 0nces plus diflinâes & plus étendues. Je m'en tiendrai à dire, ici quelque chofe de ce que l'expérience nous en a fait connoîcre ; & fî je me permets quelques conjedureg nou- velles, c'efi: parce qu'elles me paroifTent pro- bables, & qu'elles ne font que des corollai- res qui découlent naturellement des vérités connues. Je crois pouvoir définir l'air fixe , un air enveloppé dans les vapeurs , comprimé fi for- tement, que dans cet état il n'a plus d'élaf- ^iricité. Les expériences de M. Haies ne nous laiflènt point douter que «l'air fixe ji'exiiîe VeGEÎ ATION , Liv. III , Ch. II. 29 dans tous les corps, & n'entre dans leur corn- pofition. Mais comment l'aîr athmofpbérîque , h délié, fi adif, fi fluide , fi élaftique, eft - i! ainfi fixé ? Voilà la grande queftion , dont je ne fâche pas qu'on ait encore donné de fo- lution fatisfaifante. Eclairés des lumières que nous avons déjà fijr ce phénomène, râchon* d'en acquérir de nouvelles. Les expériences nous font connoître que les fluides, & principalement les vapeurs , qui doivent être regardées comme des fluides très- divifés & dilatés , abforbent beaucoup d'air & le fixent. Elles nous prouvent encore que plus ces vapeurs font fulphureufes , huileufes , & plus elles abforbent d'air athmofphérique, Voîlh ce que nous prouve l'expérience. Mais comment ces vapeurs abforbent-elles une fi grande quantité d'air athmofphérique > Comment y ell-il fixé , comprimé fi forte- ment ? C'efi: ici où il faut avoir recours aux conjectures , au défiut des expériences. Les vapeurs raréfiées par Ja chaleur , trè^* dilatées , & fi déliées qu'elles font plus légères que l'air de l'athmofphere dans laquelle elles flottent & s'élèvent éparles , venant à fecon- denfer par la cefliàtion de la chaleur , pren- nent , en diminuant de volume , beaucoup plus de confifiance , & acquièrent plus de corps & de pefanteur , de même que l'air qui les tenoit éparfes. Alors devenues plus com- pares & plus pefantes que l'air , elles le refi^rrent & compriment fon reffbrt , td qu'il foit, par l€urmaiîe,& epcore plus gaj: ^ T R A I T i B E t A leur tçndance k unir leurs parties de pîu^ près. Les particules d'air intermédiaires qiii^ s'oppofent à l'union des parties homogènes des corps , doivent être fortement compri- mées , comme en effet on ne peut douter qu elles ne le foient , à en juger par la force de leur relîbrt , lorfqu'il vient à le débander Subitement. Les vapeurs dilatées raréfiées , qui occupoient un très-grand efpace,-en oc- | cupent un très-petir lorlqu'elles font con- denfées. Il en eft de même de l'air; nous en pouvons juger par Ton étonnante dilatatiori lorfqu'il a repris fon élifticiré. , Cette expofition, cette iîmple explication peut nous faire concevoir comment les par- | ticules d'air , dans les vapeurs , peuvent être en même-temps qu'elles condenfées & con> priniées fortement /de manière qu'elles peu- vent devenir auffi compares & auffi folides que les particules àes vapeurs dans la forma- ,tion des corps , comme nous le verrons par la fuite. . Cette conie(5Lure va devenir d'autaht pins probable , qu'elle va fervir à concevoir & expliquer les phénomènes de Tair fixe & ceux du relfort de l'air d'une manière afîèz claire, 1°. L'air fixe eft plus pefant que l'air libre de l'athmofphere .-cela doit être, félon mon ^ypothefe , pour deux raifons : il elî plus comprimé, plus denfe, & par-là plus pefant; de plus , les vapeurs, condenfées qui les con- tiennent font devenues plus pefances que i'air. 2**. La fîamme s'éteint auiS-tot dans l'air VEGETATION, Il V. IIÎ, Ch. II. 3* 6xe,&: les animaux n'y peuvent relpirer : cela doit être encore fi, comme nous Ta- vons dit, cet air comprimé n'a plusderef- fort , & a perdu aufli Ton élafticité néceflàire à la durée de la flamme & à la refpiratioiï des animaux. 3°. L'air n^eft fixé que dans l'étendue du volume de la vapeur condenfée. On refpire très-bien à l'entrée d'un récipient plein d'air fixe; mais fi on y plongeoir le nez & là bouche , on ne pourroit plus rerpirer. On connoît les efîèts de la grotte appellée la grotte du chien , proche de Naples , parce que tout chien qui yentre efl auffi-tôt privé de la refpiration , tandis qu'un homme y ref- pire bien , & fans danger. Ce n'efl pas que cet air foit particulièrement dangereux pour les chiens ; tout autre animal , qui n'efl pas plus élevé qu'un chien , feroit de même fuf^ fbqué , & il en arriveroit autant à un homme qui fe coucheroit par terre ; c'eft que Tair n'eft fixe que dans le volume de la vapeur condenfée , qui ne s'élève là qu'à deux ou trois pieds de hauteur ; cela , de même que plufieurs autres expériences , prouve mon opinion fur lair fixe. 4^*. L'air fixe s'entonne , quoiqu'invifible- ment , dans des vafes, ce qui ne peut fe faire qu'en déplaçant l'air libre qui étoit dans ces vafes; preuve qu'il efl plus pefant que l'air libre : il fe conferve même long-temps dans des bouteilles bien bouchées ,* mais lorfqu'elles rae le font pas , la vapeur fe diffi- pant infenfiblenjeat, Tair fixe , dégagé de iès 3i Traité r> e i a liens, reprend peu-à-peu Ton reflbrt & fon éîaflî- citéj&redevientdansfon premier état d'air ath- mofphérique ; ce qui prouve qu'il netoit déte- nu & comprimé que par la vapeur condenfée , puifqu'il fe dégage à mefure qu'elle s'évapore. Cette extenfion de report fe fait fans bruic & fans violence marquée, lorfqu'elle ne fe fait ainfî que fuccelTivement & par degrés ; mais lorfqu'elle fe fait tout d'un coup & brufquement , c'eft toujours av'ec violence & expîofion. ' 5°. Si on difnpe fubitement îa vapeur qui retient & fixe l'air, tous les rèfibrts de cet air dégagé au même initant , jouent tout à la fois & tows enfembîe avec expîoiion , parce que l'adion réunie & brufque de tous ces refîbrts frappe violemment l'air athmof- phérique, qui oppofe toujours une réfiftance proportionnée à îa rapidité du mouvement & du choc , comme ii ce choc fubit ne lui donnoit pas le temps de plier fon refTort. Cette vive détente de l'air peut être compa- rée à un arc bandé : on fait quelle q(ï fa force , fi on le débande tout d'un coup ; mais fi on le lâche fucceffivement & infenfiblemenr, il ne fait que peu d'efïer. La violence du dégagement fubit de Tair fixe eff prouvée par piufieUrs expérience?. Si on approche une bougie allumée de la furfàce d uh volume d'air fixe & inflammable, il s'enflamme auffi-tôt avec détonnation, par- ce que toutes les parties fulphureufes ôc in- flammables de îa vapeur condenfée , qui fe diffipem au même infîant , dégagent fubitç- ment Végétation , Iiv. III i Ch. îï. ^ | itiént l'air fixe qui détend rapidement tous fes reffbrts. Quoique l'air iilflammable foit un àir privé d'élafticité ^ comme l'eft l'air fixe , il en dif^ fère en ce quil éfl: incomparablement plus léger ; il ne s'enflamme avec explofion que lorfqu'il efl: combiné avec l'air athmofphé- rique. Mais lorfqu'il efî dans un tube qui à peu de diamètre , & qu^il n'eft ainfi qu'en contacl avec l'air athmofphérique , alors il ne s'enflamme que lentement & foiblement , fans aucune ésplofion , pai'ce que , comme nous l'avons déjà dit , le dégagement ne fe fait que fuccelîivement. C'eft bien ici lé liéti de dire (Quelque cliofe de la poudre à canon , dont PefFet violenc n'efl autre que celui du refTdrt de l'air fixe ; ce qui paroît fuffifamment prouvé par l'ex- périence connue de la poudre mife fous le jrécipient de la machine pneumatique. Si oii met quelques grains épars de poudre fous ce récipient , & qu'après avoir pompé l'air , autant qu'il eft poffibîe , on y porte le feu au moyen d'un verre ardent , la poudre" ne s'enflamme point , mais elle fe fond , bouil- lonne & pirouette en fe liant à quelques grains de la poudre voifme. Selon ce que j'ai avancé , ce phénomène devient aifé à expliquer ,aufîi-bien que le fui- çvant. On fait que la flamme ne peut naître & durer que dans un air élaftique. Une mâche ;de foufre placée fous un récipient vuide d'air j & expofée au foyer d'un verre ardent , r^ jijl'enflamme pas , malgré la force de l'aâioQ & Tome II C <5j4 1" ît A I T £ D È ta de la réadion que la leimiere & les corps fuf<» phureux exercent les uns fur les autres. Or ^ comme il st'y a plus , ou du moins prefque plus d'air élaftique fous le récipient , la poudre ïie peut s'enflammer : mais la chaleur la fài- fant fondre, & divilant fuccefîivement les par- ties du grain , l'air fixe fe dégage de même fiicceflîvement fans violence &: fans bruit. Si au contraire on nlet fous le récipient une plus grande quantité de poudre raflèm- lilée en petit tas^, quaiqu^on ait pompé l'air le plus que Ton a pu ^ fi on y porte le feu au- moyen dii verre ardent, la poudre s^enflamme peu de temps après avec fà violence & foa explofion ordis^ire ^ qui fait fauter en éclats îe récipient. Cet effet devient à rexamert tout auiîi aifé à expliquer. Après avoir ex- pofé le verre ardent au foîeil , & dirigé fes iavôns fur le tas de poijdre, on voie une petite vapeur qui s'éle^re de la partie échauf^ ^ée ; cette vapeur n^efl autre chofe qu'une dilatation fuccelîîve des parties fulphureuiès de la poudre, & en même- temps de l'air fixe. Cet air fixe, dont le refîort eft dégagé pair h' chaleur , reprend fon élafîicité fous le récipient , & s*y étend d'autant plus qu'il y trouve plus de facilité. Et bientôt le récipient fe trouve pour^ de ce nouvel air élaftique en quantité fuf^ fifante pour faire naître la flamme ,* & alors tous les grains de poudre qui n'ont pais fondu ^ s'enflamment tout-à-la-fbis ^ & produifenc leur effet ordinaire. Que l'on ne s'étonne pas de ce que je dî$ Veset AtioN , Lrv. IIÎ, Ch. ÏÎ. jf <^u*un récipient peut être pourvu d'une quan- tité fuffifante d'air élaftique en peu de temps 9 & au moyen du développement; d\m très- petit volume d'air fixe. Si on Ut îes expé- ïiences de M. Haies , on ne pourra certai- nement pas en douter par une, expérience très-bien faite , ôc dont il rend un compte exa<3. Un demi- pouce cubique de matière lui a donné, parla diftillatfôrî , cent vingt- huit pouces cubiques d'air. Uri grand nombre' .d'*expériences que ce favantPhyfîcién a faites j, & nous rapporte avec h plus grande exaâ:i- îude,fur les fubïlances animales , végétales & minérales , prouvent toutes la prodigieufe di- latation de l'air , fur- tout quand il palîè de l'état fixe à celui d'élafi:ique. On dira peut-être que l'air éîaiîique fuffit :pour produire les effets dont je viens de par*» 1er : Texamen détruira cette objeélion. On fait que l'air élaftique peut le devenir eni:oi*e davantage par un plus grand degré de chaleur ; mais ce n eft que par une plus grande extehfion de fon reiîort , déjà fort développé danâ l'étât d'élafticité , & cette extenfion ne fe fait pas avec violence; la chaleur le raréfie fucceffivement , comme le froid le condenle. Il n'en eft paâ de même de l'air fixe : il efl tellement fixé dans certaines fubfiances, comme: dans le fèl de tartre , qu'il faut un degré très- cônfidérabîe de chaleur pour le dégager ; & l'expérience fait voir que plus il eft fixe dans ces fubftances , c'eft-à-dire plus fon refiorc y eft refîèrré , & plus il en fort avec vio° Jence & avec fracas: c'eft ce qu'on voit p^t 55 T R A r T É e E 1 A rapport au fel de tartre dans la poudre M- minante. Plus un refîort eu comprimé ,& plus l'efFet doit être fort : & d^autant plus , .que raâiori des reflbrts eft plus multipliée. L'efFet d'un grain de poudre eft peu confîdérable ; mais les effets réunis en un même moment de plu- fieurs milliards de ces grains , acquièrent une grande force , parce que d\in grand nombre de petite forces féparées , lefquelles agiflènt en même-temps , naît un efîèt total qui efi: tres-coniidérabîe. Une expérience bien commune nous montre encore avec quelle viVacité l'air fixe déploie fon rellbrt îorfqu'ii eft fubirement dégagé. On fait que îorfqu'une flamme a«5live opère furie bois , & fur-tout fur celui de châtaignier & de chêne , les parties fulphureufes de ce bois étant rapidement difïipées par la flamme, î'air fixe qui y étoit comprimé étend fort refîort avec vélocité, avec éclat, &avec afïez de force pour lancer quelquefois afTez loin les charbons qui s'oppofoient à fa prompte dila- tation. ' Je dois parler ici d^une expérience qui pa- roîtroic fans doute incroyable , fi elle n'étoic pas aufîi communément pratiquée pour déta- cher des meules de moulin d'une feule pièce. La dureté de la pierre que Ton choifit pour former ces meules , donne à peine prife à l'a- cier ; il eft ainii très-difficile de les détacher. Si on faifoit ufage de la poudre à canon , on • feroit fauter ces pierres par éclats. Pour les avoir entieres,& dans la forme qu'elles doivenc ' VEGETATION^ tlV^ ÎÏî; Clî. ïï. 57 «voir , on a imaginé un moyen bien {împF & d'un effet iurprenant. Enflammer de la poudre,eomme nous l'avons dit , ceft dégager & lâcher au même mftantles refforts très-comprimés de l'air fixe qui eft contenu dans chaque grain ; ce qui opère une grande violence & explofion : mais (i tous les refïbrts dei*air fixe ne fe débandent que fuc- cefTivement , leurs efforts féunis, non moins puifïànts, opèrent fans violence & fans bruit. Qui auroit cru qu'une cheville de bois , de quelques pouces cubiques , eût été capable de loger une afiez grande quantité de ces puiflànts refïbrts pour opérer un effort aufS merveilleux ? ceÛ. cependant ce qui arrive. Après avoir fait des trous dans la roche , on y enfonce , à coups de maffe , des coins, de bois qu'on a eu la précaution de bien faire fëcher dans un four pour en difliper toute l'humidité. On mouille , h. différentes repri* fes , la tête de ces coins ; l'eau s^infinue dans les pores du bois , qui étoient vuides ,* elle s'introduit dans les fibres ligneufes , dans les véficules ; & en humeclant toutes les parties* du bois , elle perd fa confîftance naturelle & (k fluidité : toutes les parties d'air fixe qui y étoient engagées &:compriméesjfe trouvent^ ainfi dégagées , & reprennent leur refforr. Bientôt des milliers de petites cellules , anciens féfervoirs de la fève, font dilatées par dès milliers de refforts en a(5tion , qui exercent leur force les uns contre les autres , & tous enfemble , contre les corps qui leur réfiflent, J)qI^ naît un effort irréfjflible , & tel que là- |S T s. A r T E B is z j^ îTiafîë de pierre , quelque dure , quelque pe- ïante qu'elle foit , fe trouve enlevée & dé- tachée : telle elt encore la caufe de la force prodigieufe des cordes mouillées. Je ne ferai point furpris de voir que cette opinion trouve des contradicteurs ; jniais d'a- près tout ce que j'en ai déjà dit , voilà le raifonnement bien fimple fur lequel je la fondCo On ne peut douter que l'eau ne con- tienne une grande quantité d'air , dans uiî état de compreilion ou de fixité , puifquei l'expérience ne prouve que trop îbuvent qu'il ne peut fournir à la refpiration ; mais l'eau ne peut s'évaporer îans que l'air qu'elle contient ne fe développe ; & on' fait que rien ne peut réflfter à FefFort de ce déve- loppement. "."•' . On voit par toutes ces expéricHces qu'il y a dans l'eau , de même que dans toutes les liqueurs V beaucoup d'air fixe ; c'eiî-à-dire , ^ont le reflprt efl fortement comprimé ; cô qui n'eft pas difficile à concevoir , en iàifanr attention à la formation d'une goutte d'eau. Ç-Qtte goutte d'eau n'étant , comme nous l'a-' yon? vu , que la réunion des particules d'une vapeur dilatée , fi ténue qu'elle étoit plus- légère que l'air de l'atmofphere , devient , par la condenfation dans fon état matériel ^ liuit cents fois plus pefante que l'air :iî faut donc que , pour palïèr de l'état de vapeur à celui de fubfiance fi pefante , ^Uq ait dl-^ rainué plus de huit cents fois de volume ; ^e qui n'a pu fe faire fans que les particules fiMir répandues dans fon volume ne fe foieiî^ VEGETATION , LiV. liï, CH. IL 39 pareillement condenfées & relTerrées ; ce qui doit produire dans cet air ainfi comprimé & fixé une grande teafion de reflfort. Mais ces gouttes d'eau , telles, par exemple, que nous les voyons le matin formées par la rofée , qui n'eft que l'effet de îa condenfation des va- peurs pendant la fraîcheur de la nuit, & telles que font aufïi celles de la pluie ; ces gouttes d'eau , dis-je , réunies en gros volume dans les rivières , les ruilîèaux , &c. , doivent com- primer fortement le refîbrr de l'air qui y eft lixé , par leur propre poids & par celui de la colonne d'air atmofphérique ; & on conçoit •que plus ce reffort eft comprimé , plus iî doit agir avec force , lorfque , dégagé de l'eau difïipée , l'air a h. liberté dp j-eprendre fon élafticïté. Un phénomène fort oppofé aux loix con- flues de la raréfaâiion & de la condenfation , ^occupé de tout tempsles plus célèbres Phy- ^ciens,qui fe Ibnt trouvés en opinions dia- métralement oppofées ; c'eft la converfion de Teau en glace. Les uns ont regardé la glace 4Comme une liqueur condenfée par le rap- prochement de fes parties ; mais on fait ■que ce rapprochement ne peut fe faire fans que le volume diminue , & tout au contraire celui de la glace augmente. Cet effet , fi op- pofé à celui de la condenfation , a porté d'au- tres Phyficiens à regarder la glace comme H» efîèt de la raréfadion. La glace , difent- ils , eft une liqueur raréfiée par l'interpofi-? tien d'une matière étrangère qui fert de lieii .& de glutea aux parties de cette liqueur» Ç 4. ^(3 T RAI TÉ DE la: mais quelle eft cette matière étrangère ? quel eft ce gluten , qui opère dans l'eau gelée ? Quelle eft cette raréfadioa dont la feule idée répugne à tout ce que nous connoiflbns de la glace & de l'effet du froid ? c'eft ce que n'expliquent pas les Auteurs de cette opinion. Comme il ne gele prefque jamais dans no- tre climat que pendant le fouffle d'un vent qui vient du nord h Tefl: , nous fommes au- torifës à penfer que ce vent froid eft chargé de particules frigorifiques qui peuvent bien contribuer à une plus prompte congellation , mais dont le contad n'eft cependant pas nécef- faire , puifque nous; voyons l'eau fe convertie en glace dans des bouteilles bien bouchées 2 ce n'eft pas non plus î^addition de ces par- ticules frigorifiques qui donnent plus d^exten* -£on à la glacé, puifque, ne pouvant paflèr dans les bouteilles bien bouchées , la dilata? tion dg la glace ne s'y mianifefte pas moins, en fàifant éclater lies vafes où elle iè Forme, quelque forts qu'ils foient^ fur-tout lorfqu'iîs ne! font pas d'une forme à le prêter à fon expanfion. Si j félon Fopinion de pïufieurs Phyficiens , on reconrioîr le feu comme principe élé> -mentaiie , qui entretient la fluidité de i'eau?, il eft aifé de. concevoir que J'abfesce de ce feu f expulfé par je troid , doitifaire rappro- cher les parties aqiieufes , les condenfer & les convertir en glace; mais comment expli^ quer enfuite l'cicpaiifion dela.gîace avec uiie force reconnue ,. pour ainfi.dire , pour irré» ,fi^ihk l C'eft- ce qui a toujours ^mbarralls^.^ VeGeT ATïôi^ , Li V. HT , Cff. ïî. 41 t'eft ce qui a obligé d'avoir recours à l'addi- tion des parties frigorifiques , ou à la matière fubtiîe , &c. Mais en reconnoifîànt dans ce phénomène ce même agent que nous voyons opérer fi puifîàmraent dans les autres , tout devient aifé à expliquer. Nous avons vu que les vapeurs abforbent beaucoup d'air qui y eft fixé ; nous avons vu que l'eau eft le produit des vapeurs condenfées avec l'air fixe qu'elles contiennent : l'eau eft donc remplie d'air fixe. Mais nous avons vu que lorfque Teau perd fa fluidité , l'air fixe alors dégagé reprend fon élaftieité. N'eft-il pas évident q|ue c'eft cette élafticité , cette force de refibrt de l'air , qui obligent la glace à prendre cette expanfion. que nous lui connoiffons , & h la prendre en tous fens avec une force d'autant plus irré^ iiftible , que l'air fixe eft mieux :dégagé paâ ïa force de la gelée ? En eftèt , plus le froid: continue , plus la gelée augmente , &: plus !a glace devient porcufe & légère ; ce quî n'arrive que parce que l'air de plus en plus dégagé , devenant plus aélif , élargit les pores , & dilatant ainfi les parties folides , augmente îe volume de la mafte totale. On voit en eftèt; dans la glace des bulles d'air qui groffifîènt k proportion que les gelées augmentent. Si on obje^it que Tair qui eft dans l'eau doit fe reflerrer au lieu de s'étendre par l'efFec du froid, je conviendrai -qae .. cela devroie être & feroit certainement, fi c'étoitde l'air îftthmofphérique ,dont le: refTort ,. dans u« femps tempéré, paroît être dans un état mi-i foye^j i ç'eit^.à^dire à. demi déçejîdu ^ ^ mÏ' 42. Traité delà que la compreflîon dont il eu capable, égale î'extenfion qu'il peut recevoir. Mais dans foti état d^air fixe , il eft infiniment plus com- primé que l'air athmofphérique , & par con- lequent le degré de froid qui condenfe celui- ci , n efl pas capable de condenfer l'autre , dont il ne peut tout au plus que retarder un peu Ja force de refîôrt. Or , on fait que Tair contenu dans l'eau eft un air fixe , puifr qu^aucun animal terrefîre n'y peut refpirer, & y eft futFoqué aufE-tot qu'il y eft plongé, comme il arrive dans toute efpeee d'air fixe. Je crois bien que fair n'eft pas tout-k-fait autant fixé dans l'eau qu'il Teft dans les corps durs , dont il fait parties intégrantes ,* cair il y a apparence qu'il y a différ-ents degrés ide compreffion dans le refibrt des différents airs fixes : cependant l'air athmofphérique , iîxé dans Veau , doit y être fortement cam-r primé, puifque Teau eft huit cents ibis plus pefanre queTair athmofphérique. Cet air^fixel doit donc être relTerré huit cents foi? piu$ qu'il ne l'étoit dans fon état libre , & pàc conféquent avoir une grande force de ref- fort , & bien fupérieure à . celle de h epn- denfation qui opère alors la congeliation. H eft bien probable qu'on doit attribuer au même agent l'effet que l'on connok dans la machine à feu , dont l'aétion eft fi puiflànte fur, les pompes ; c'eft encore l'air fixe qui joue ce grand rôle par une caufe oppofée à 1^ pré- cédente, mais dont il doit réfulter les îpêmes effets : car l'air fixe étant dégagé àes parti- «;uks aqueuf^s, il doit néce^aifemenr iQptÇ^n Vf!GETÂTroN,Ziv.nî, Ch. n. 41 iiêitefon reflbrt & fon élafticité ; n'importe que ce foit par le froid ou par le chaud. L'expérience nous prouve qne lorfque l'eau échauffée par le feu vient à fe raréfier , elle s'exhale en vapeurs , dont la dilatation , con- stenue & arrêtée dans un vafe , devient d'une force extrême. Eft-ce Feau , eft-ce l'air qui produit ce prodigieux effet ? Il eft affez gé- néralement reconnu que l'eau n'eft pas com- preflible : or , fî elle n'efl pas capable de compreiSbiliré , elle ne doit pas Têtre d'une telle dilatation par elle-même ; & c'eft fans doute l'air dilaté par la chaleur qui operei i'expanfion de l'eau en vapeur , de même que e'eft la vapeur condenfôe par le froid iquicaufe la comprefEonde l'air , comme nous l'avons déjà expliqué. C'eft donc encore ici l'air fixe, dégagé par la chaleur, du fluide épais de Teau ,dont le relïbrt, devenu plus libre ^ansla vapeur raréfiée , s'étend & produit iine force prodigieufe fur tout ce qui s'op- pofe à fon élafticité : mais l'eau froide venant à condenfer ces vapeurs , l'air fe trouve aufiî- tôt lié & comprimé , & n'a plus d'effet de reffort: c'efl: ce qui arrive dans la machine à feu dont je parle ; on fait qu'elle n'agit que par l'effet alternatif de la raréfadion & de la condenfation. ■ -/ On fera peut-être étonné que j'attribue k l'effetde l'air fixe, ce qui n'a étéattribué juf- qu'ici qu'à celui de l'expanfion de l'eau ; mais plufîeurs expériences prouvent bien monopi-* îaion. J'er^vais rapporter queîqueç-unes, après '^44 T R A I T é 3> Ê X A avoir examiné une queftion qui mérite bien d^étre approfondie. '. 'V0 fcî' ' - La raréfaftion & la condenfation âss corps , qui îes fait augmenter ou diminuer de vo- lume , s'opere-t-eI!e par la dilatation ou la •refièrrement efîèdif de leurs parties folides > ou bien feulement par la raréfaâion ou la condeniàt ion de l'air qu'ils contiennent tous, plus ou moins j félon la quantité & la gran- deur de leurs pores? Si cette dernière opinion efî: vraie, il s'en-, fuit que dans- les fluides & les folides , la ra- réiaclîon & la condenfation ne s'opèrent pro- prement que fur Tair, ;qui!, en dilatant ou rétréciflànt les pores des corps , étend ou diminue leur volume , en forçant les partir cules de la matière à s'éloigner. & à. ferap^ procher. -". / -'.v/:- ^ '■■"."■--• .. Ainii l'eau n'efl rarefîibîe que, par l'aflioa de l'air qu'elle contient en grande quantité > êc qui dégagé & raréfié par la chaleur, fou-' îeve, divife 5 dilate & réduit en vapeurs les particules d'eau qu'il entraîne ëc qu'il étend avec lui. L'eau iTelî donc ici que pafîive ; Tair feul eil aélif. VoiU une;expérience qui îe prouve. ,-!i-/{_;0 ^^.^r •>: ;, „ : Tout le monde connoît ces petites boules de verre , grollès comme un pois , dans lefquelles^ étant encore chaudes, on fait entrer de l'eau comme dans un éohpyle , & on foude auffi- tôt Textrémité du petit tube par ou l'eau efk entrée. On fait que ii on pique dans une bou-^ gie une de ces petites boules , Iprfqu'elle e|| ' Vëgetatiotst , Lrv. îïl , Ch. îÏ. 4^ bien échauffée par la flamme de la bougie , elle fe caflê avec éclat. Or, ce n'eftfûremenc pas l'eau réduire en vapeurs qui produit CQt effet ; car ayant fouvent répété cette expé- rience , j'ai toujours trouvé l'eau dans un état de denfité & de fluidité. On voit , après l'ex- plofion , les gouttes d'eau fur la bougie & dans les morceaux de verre qui reftent : ce n'eft donc ici que l'air dilaté par la chaleur qui produit cet effort & cette explofion. Cet effet efî: ïe même que celui qu'éprouvent les Chymilîes , lorfque fe fervant dans la diflil- lation de récipients trop petits , la dilatation de l'air les fait fauter en éclats. Le murmure de l'eau bouillante , les bulles dont fa farface eft couverte , indiquent affez la préfence , & l'effet de l'air. Dans l'expérience connue de réolipyIe,reaii y eft dans un état purement pafîif Ce liffle- ment que l'on entend, n'eft que Faction àe îair fortement raréfié par la chaleur, & qui, en fe dilatant , enlevé , divife & étend les par- ticules de l'eau , & les pouffe avec d'autant plus de force , qu'il trouve de réflRance & d'op- pofition h fon ifFae plus ou moins refîèrrée. Il efl: à croire que fi on pouvoit introduire dans un éolipyle de feau dégagée de toute efpece d'air, cette eau,quelqu'échauffée qu'elle fût , ne feroit qu'y bouillir fans en fortir, ou du moins ce ne feroit qu'en fumée, fans bruit & fans effort. II paroît donc bien probable par l'é'/iderice &. par l'expérience , que c'eft l'air qui eft l'agent de la raréfaélion & de la cpndenfatioa dans les folides & les fluides ; 4& Traité d e zâ ç'eû lui qui fait dilater les éponges , les cordée 9 les étoffès , le bois , &c. & comme cette di- latation s'opère dans l'épaifîèur des corps libres p iî faut néceflàirement que leur longueur di- minue s excepté cependant dan? les éponges , dont la jftrufture les rend très-difpofëes à fe dilater en tout fens. L'éponge & le liège ne peuvent être dilatés que par l'air que l'eait y porte , parce que hs pores de ces deux îubflances font iî îarges , que l'effort de la iaréfadion n'y peut trouver de point d'ap- pui , & refîe par conféquent fans effet. Voilà ies réfultats de nos petites expériences fur la dilatation de Tair fixe : mais il eft aifé de re- Connortre que c'efî: cette même caufe qui pro- duit les grands mouvements que nous voyons arriver dans notre globe & dans notre athraof- phere. On ne peut attribuer à d'autre caufè les tremblerAents dé terre ,rérupti0n des vol- cans, le bruit du tonnerre, rimpétuofîté des ^ents & des ouragans. Si, par de petits moyens, nous voyons de û grands effets de la dilata- tion deTair fixe , devons-n^ous être furpris de ceux qui fe développent dans les laboratoires immenfesde la nature ? L'air fixe devient principe qui entre dans fa conflitution intime des mixtes , & qu'on n'en peut retirer que par des moyens qui altèrent cette conftitution & qui les décom- pofent. Ce principe ne réfide point dans les mixtes fous la même forme fous laquelle iî fe préfente à nos recherches, lorfque nous l'obligeons à fe manifefter , & à fe produire au-dehors. Extrêmement expanfible dans ce Végétation , Liv. III , Ch. ïf. 47 (âernier état , il occupe un efpace très-confî- dérable, & là pîuï petite portion de matière en produit une quantité très-abondante. On auroit eu peine à croire combien îeis végétaux en contiennent , fi l'expérience ne iavoit prouvé incontellablement. M. Haies a tiré d'un demi-pouce cubique de bois de chêne, 128 pouces cubiques d'air élafïique: ce mor- ceau de bois , d'un demi-pouce cubique, pe- ibit 91 grains; les 128 pouces cubiques d'air pelbient 30 grains : ainfî, les 30 grains d'air îbnt un tiers du poids des parties folides du ï)ois. Il feut donc que cet air foit contenu dans les mixtes, non fous une forme fluide & expanfible , tel qu'il paroît îorfqu'il fe dé- gage , mais fous une forme fixe & concrète ; delà la dénomination d'air fixe dont on fe ferc pour caraélérifer ce principe. Mais comme il jouit de tant de propriétés différentes , fuivant la nature des corps dont on le retire, & fuivint les moyens qu'on em- ploie pour l'en retirer , on le défigne fous des noms particuliers. On a diftingué l'air fixe , Fair nitreux , l'air inflammable , Pair déphlogifiique , l'air acide, l'air alkalin ; mais comme fous ces différentes dénominations, ce n'efl toujours que de l'air fixe , je n'entrerai point dans le détail des différences qu'ont défigné lès Chymilîes , ni de la manière dont ils forment ces fubfiances , ne devant parler ici que de ce qui efl relatif k la végétation ,où la nature l'emploie comme partie conftiîuante 3 & dans un état purement paflî£ 4S T R A I T É 15 E t A Mais ce qu'il y a d'admirable , c'eft que fixé pendant des Hecîes dans les corps , l'ex-* périence prouve qu'il ne perd rien de la vi'^ vacité & de Ja force de fon refTort , lorfqu'en étant dégagé , il paiîè de l'état de combinai-* fon &■ de fixation à celui de liberté , & à fori élafticité naturelle : ce qui prouve que fes éléments font bien purs & inaltérables ; qu'il n'y a point , comme on le dit , d^'air cor- rompu , mais que la corruption qu^il porte ne vient que des vapeurs dont il efi: chargé, & dans ïefqueîles il eft engagé & fixé. 1\ eit certain que toute efpece d'air fixe efl mortelle pour les animaux qui y font plon- gés ; mais efi:-ce parce quecet aireft, comme on le dit , méphitique & empoifonné , oa J)lutôt,n''efi-ce pas uniquement parce que pri- vé d'élafticité , les anim.aux n^'y peuvent ref^ pirer , cauie bien fuffifànte fans en chercher d'autre ? On ne connoît point de poifon auffi violent, & qui produife fon effet au fîi fubi- tementpour détruire la vie des animaux , que la privation de l'air élafiique , feul air refpi- rable pour les animaux terreftres , & égale- .nient néceffaire aux plantes ,qui , à la vérité, ne périflènt pas auffi fubitement que les ani- maux , lorfqu'elles en font privées ; mais l'ex- périence prouve qu'elles ne peuvent s'en paf^ fer. Un animal terreftre eil fuffoqué lorfqu'if efl plongé dans l'air fixe; mais il eft également fuffoqué fous le récipient de la machine pneu- matique , ou lorfqu'il eft plongé dans l'eau. II n'y a cependant point de poifon, ni fous ie fécipient , ni dans l'eau ; & il eft éyideriE que Veôetation , tiv. iir, CuTii. 'VV iqiiec'efl: par-tout la même cau(è, c'eft-à-dirb îa privation d'un aie élaftique ôt propre à la rerpiration. Il eft vrai qCi'on reconnoîc un acide dans Tair fixe ; mais cet acide n'eflr que lefrec de la vapeur fulphureufe dans laquelle fl eft pour l'ordinaire enveloppé. On fait <^ue ïorfque des raiims écrafés dans une cuve (ont en fermentation , on toit des bulles s'élever à la furface ; &il fe dégage de la mafle fermen- tante un fluide éîafiique, auquel on découvre toutes les propriétés & les efrèts de l'air fixe. La bougie s'y éteint, les animaux y font luf- foqués;il n'ya cependant là rien qu'on puifie appeller poifon. Nous ne pouvons douter ce- pendant que les poifTons rîe refpirent dans î'ea-u ; mais c'eft que leur conftitution rend fuffifant pour leur refpirâtion un air modé- rément fixe , tel qa'il l'eft dans l'eau ; & l'air athmofphérique eft aufti mortel pour ces ani- maux, que l'eft pour nous l'air peu élaftiqus qui leur convient. Il en eft fur-tout, tels que !es harengs & les fardines , qui meurent ézi même inftant qulls fortentde l'eau ^ ce qu'on ne peut attribuer qu'à TefFet dé l'air libre qui îes faifit & les tue fubiteraent. Ayant mis une fardine dans une boîte de fer-blanc bien fer- mée , elle y vécut plufieurs heures. . Puifqu'e je parle de cette expérience, je dois rendre •ia manière dont je la fis. Sachant qu'aucune fardine ne furvit à l'inftant auquel elle fort de l'eau, j'en faifis une attachée au filet qui étoit encore dans là met , & je la mis fous Teau dans une petite boîte que j'avois prépa- .xée , & la fermai avec- fon couverde. Mark Toms II, D %0 T R A t T i DE LA comme j'avois prévu que la boîte fe rempîi- roit d'eau , ce qui pourroit rendre mon expé** rience douteufe, j'avois eu la précaution de percer la boîte d'un petit trou par lequel je iaiflài écouler l'eau , & je lé bouchai auffi- tôt avec de la cire. Quatre heures après , la fardine faifoit encore des mouvements fen- iibles dans la boîte ; je l'ouvris , mais je n'eus que le temps d'appercevoir un mouvement q^ui ne fut fuivi d'aucun autre , comme il ar- rive à ce genre de poilïbn en fortant de l'eau , c'eft- à-dire, au moment qu'il refpire un air libre ; ce que prouve bien mon expérience. Si les poifTons d'eau douce ne font pas aufS fubitement frappés en général par J'^ir libre , que le font la plupart de ceux de la mer, c^eiï fans doute parce que l'air eft plus fixe dans les eaux delà mer que dans celles des rivières : c'eft pourquoi les habitants decelles-ci trouvent moins de différence en pafîànt dans l'air libre. C,H,A P I T R E IIL Delà Terre, J E m'abftiendraî de parler de la terrecoirt- rae planète , de difcuter \qs différents fyfté^ mes de fa formation , des révolutions" & des changements qu'elle a éprouvés , des couches de corps marins , de bitumes , de métaux j de minéraux de toute efpece , qu'on trouve ^ans fes entrailles & dans.les montagnes , des Végétation , Lï vV III , Ch. IIL {r corps légers placés comme au hafard fur d'autres plus pefants. Toutes ces merveilles , auiïî connues que les explications qu'on a tenté d'en donner font peu fatisfaifanres , n'appar- ^ tiennent point à mon fujet. De toutes les opinions , je m'en tiendrai à celle qui aflfure que la terre a été faite pour que l'homme en jouît , & non pour qu'il en difcutâc la formation. On ne p'eut douter que cet amas de matière, qui ne nous efî: conna qu'à une petite profondeur , ne foit îa fuite d'une grande révolution : voilà le point où nos lumières atteignent, & où le flambeau de révidence s'éteint. Je ne dois parler iciqùede la terre pro- ductive & propre à la végétation. Cette terre , telle que nous la trouvons fur le. globe , eft entre-mélée de particules pierreufes , falines , bitumineufes & métalliques ; on ne peut là confidérer q.ue comme un corps compofé. Car , de même que nous avons fait voir que nous n'avons point d'air ni d'eau dans l'état élémentaire & pur , de même nous n'avons point de terre élémentaire & flmple. Les terres font aufTi très-différentes , félon leurs diffé- rents méUnges. On ne doit regarder la craie ou terre marneufe, l'argille , la terre gypfeufe," les fables, & toutes les efpeces de terres cal- caires , que comme des terres accidentelles y puifqu'dîes ne font que la décompofition des' animaux , des végétaux & des minéraux , qui finifïènt par refïituer à la terre tout ce qu'ils en ont pris. On a divifé les terres en terres calcaires & en terres argillèufes : celles-ci né fz Traité de la" font point attaquées par les acides ;' elle fe durcifïènt au feu. On diftingue les argilles en plufieurs efpe- ces , comme en terre en poufliere ; ce font celles dont les parties font friables & fans liaifon ; en terres poreufes, qui fè gonflent beaucoup dans l'eau ; en terres graflès & glu- tineufès , en terres minérales ; elles font or- dinairement pefantes & colorées ; elles en- trent , comme les métaux , en fufion au grand feu. Les terres calcaires fe diflbivent dans les acides ; élks font compades & abforbanres : on en diflingue de plufieurs efpeces fous les noms de craie , d'agaric minéral & de marne. Comme je ne dois parler ici que de ta. terre qui eft propre à la végétation , nous allons d'abord examiner fes bonnes & fès mau- vaifes qualités. Dans fe moral , comme dans le pHyfique, les extrêmes font vicieux ; le bon exiiîe dans un jufte milieu. Il en eft airifi de h terre: fi elle eft totalement fabFonneufe ou argil- leufe , ces deux extrêmes feuls font infertiles; mais ces deux efpeces de fubftances étant réunies, forment une terre très-bonne & très- propre à la végatation. On voit ainfi que fi on mêle enferable de l'argille & du fable , on parvient à faire un bon terrein } ôc c'eft ce que prouve l'expérience y l'une détrui- fant le mauvais effet de l'autre. La ténacité naturelle entre les parties de l'argille eft unj défaut de cette terre , qui la rend infertile s VEGETATION , LiV. III , CH^IL f 3 ce défaut difparoît , en la mêlant avec un^ quantité fuffifante de fable , qui diminue l'ag* grégation de fes parties. On verra mieux dan^ les Chapitres fuivants combien pèche une terre trop compadle , trop humide , telle qu'eft l'argille ; & de même une terre fans Haifon , fans confiftance , tel qu'eft le fable. Une terre qui n'eft ni trop compacte, ni trop déliée ; eft la plus favorable à la végétation , par les raifons que l'on verra ci-aprés ; & c eft celle qui convient le mieux àla plus grande partie des plantes. Mais comme il s'en faut bien que l'or-» ganifation des plantes foit la même, il s'en-» fuit que ce qui convient k l'un ne convient pas toujours à l'autre ; il s^enfuit aufti qu'il n'y a aucun terrein , foit humide , foit fec, qui ne convienne à quelques genres de plantes. On fait que les animaux terreftres , les oilèaux & les poiflbns ont une organifation différente & un régime différent : il en eft de même des plantes terreftres , des plantes aquatiques , qu'on pourroit regarder comme les poiffons du régne végétal , & des plantes qui croifTent fur les murs & fur les monta- gnes arides, qui font des efpeces de plantes aériennes : il y a autant de différence dans la conftitution de ces trois clafïès de plantes, qu'il y en a dans celle des trois claftès d'ani-=^ maux , auxquels en cela elles peuvent être affimilées. En efict , chaque genre de plante, foit de terre , foit de montagne , foit d'eau , eft organifée différemment , comme le dé- fïiontrent les expériences que je rapporterai i 14 . Traité d e l a il £aiît donc traiter ces plantes félon leur conftitution , fî on veut les voir réuffir , de même qu'un Médecin doit diriger les hom- mes dont la fanté lui efl confiée , félon leur tempérament. Nous voyons qu'il y a des plantes qui profperent & fe multiplient dans un fol , dans une poiirion où d'autres péri- roient. Nous voyons de plus, que fi plu- iieurs genres de plantes ne laiiïênt pas de végéter dans le même terrein , il en eft qui réuffifïênt bien mieux les unes que les autres. La convenance des différents terreins pour les différents genres de plantes , eft-elle feu- lement l'effet des parties intégrantes , ou celui du plus ou du moins d'humidité ? C'eft ce qui fera mieux examiné dans les Chapi- tres fuivants. On en pourra cependant juger dès-à-préfent,endifcutantlagrindequell:ion, favoir s'il entre quelques particules de terre dans les vaiffeaux lymphatiques des plantes. Les opinions font partagées fur cette propo- fition. D'habiles Naturalifles ont foutenu l'affirmative , & d'autres la négative , & Texpé- fîence fe déclare en faveur des derniers. Je vais îa rendre telle que je l'ai faite d'après le rapport de plufieurs Naturalifîes qui ont, obtenu les mêmes réfultats. Après avoir fait defïëcher dans un four de îa terre fablonneufe & légère , de manière qu'il n'y refloit plus du tout d'humidité , j'en pefai exaélement huit livres, que je mis dans un pot : j'y plantai un jeune pied de chou qui pefoit une once ; j'arrofai bien la terre , Si je couvris le pot d'une plaque de plomb. VEGETATION , LiV. tll , Gh. IH. Çf Kia-ftiquée au bord du pot , & percée de deux trous ; un au centre , pour le paflàge de la tige de la plante , & un autre pour introduire l'eau des arrofements , que j'avois foin de fer- mer d'un bouchon de liège. Sachant que la tige du chou devoit grofîir , j'avois fait le trou central , par où elle pafToit j d'environ deux pouces de diamètre ; mais ce trou étoit recouvert de deux plaques de plomb , mobi- les , que j'eus foin d'écarter à mefure que la tige groflifîbit. Ces précautions m'ont afluré qu^il n'eft point entré de terre dans le pot , que celle que j'y avois mife. Au moyen des fréquents arrofements, mon chou pouflâ & pomma très-bien. II n'avoit pas encore ac- quis toute fi croîfTance ; mais obligé de m'ab- fenter , & ne voulant pas remettre cette expé- rience , non plus que quelques autres , en d'autres mains , pour en être plus afluré , je tirai la plante du pot , & ramaflai toute la terre que je fis fécher au four pour la re- mettre dans leméme état où elle étoit. Lorfque je m'en fervis , je troiwai que la plante , avec fa tige , fes racines & fes feuilles , pefoit quatre livres dix onces , & les huit livres de terre, réduite au même état de fécherefîe , comme je l'avois mife dans le pot , n'avoient diminué que de deux onces ; diminution que je penfe ne s'être faite que par l'écoulement des eaux, par le trou du fond du pot , ces eaux en- traînant toujours avec elles un peu de terre. Voilà donc une production du poids de quatre livres dix onces , qui s'eft faite dans une terre qui n'a prefque rien perdu de fors ^6 Traité d e i a poids. Plufieurs célèbres Phyfîciens ont fait h même expérience fur des arbres quiavoient acquis un poids bien plus confidérabîe , fans que la terre des vales où ils étoient eût fen- iiblement perdu de fa pefanteur. Il en réfuîte donc qu'i! n'entre point dans les vaifîèaux lymphatiques des plantes des particules de terre. Si on fait attention à îafinefîè des con- duits de la fève /comment pouvoir imaginer qu'il y entre des grains de terre ? II efi: cer- p'm que l'eau ne peut tranfmettre dans les plantes que les particules qu^'eîle a mife en dilTolution : or , fi la terre eft indifToIubîe dans î'eau , comme le difent tous les Phyficiens, l'eau ne peut tranfmettre de la terre dans les plantes. Je crois bien qu'il y a dans la terre des fubft an ces qui paroifîent rerreufes, et qm font difToIubles , au moins en grande partie, telies que les erigrais ; je crois bien que l'eau ayant mis en difîblution ces fiibf- tances , & s'en étant faturée , les porte avec elle dans les conduits féveux : mais pour de la terre proprement dite , le raifonnement , joint à ^expérience , démontre qu'il n'y en entre point. Mais, dira-t-on , il faut bien qu'il entre de ia terre dans les plantes, puifqu'on trouve dans leurs réfidus des fubfirances terreuies ; mais l'en trouve pareillement des fubflances ter- |-éufès dans le réfidu de plufieurs autres corps, ' Gn fait qu'il n'y a point de plante qui nè- périlKi dans une terre abfoîum'ent feche & fans humeur ; feule , elle ne peut faire aucune pToduciion ikns lefecojrs de l'eau j tandis que VEGïiTÂTroîî , Il V. III , Ch. m. 57 BOUS voyons que l'eau feule peut fufEre à la végétation. M. Bonnet a élevé & fait fleurir & frudffier des plantes , 4es haricots dans de l'eau feuie ; & M. Duhamel nous dit de plus qu'il a élevé un chêne dans l'eau , Se qu'il y a pouffé & fubfîfté plufieurs années. Mais fi la terre n'eft point nécefïàire à la végétation , il n'en faut pas conclure qu'elle y (bit inutile. On verra combien puiffam- ment elle y contribue à d'autres égards , foit en imprégnant l'eau des particules falines, Hilphureufes , bitumineufes qu'elle contient , & que lui tranfmettent les engrais , & en fourniiïànt ainfi la fève de particules nutri- tives ; foit en préparant cette fève réduite en vapeurs , & en attirant la fève aérienne. S'il fe feit une fermentation dans la terre bien fa- vorable à la préparation de toutes les diffé- rentes fubflances que l'air & l'eau y charient, le choix & l'emploi de ces fubflances fe font naturellement dans la plante, qui attire & re- tient par l'afHnitéles particules homogènes qui lui conviennent Se lui font propres: car la fermentation eft un mouvement aveugle , qui ne produit rien , qui ne met rien en place , qui n'organife rien , mais qui tourmentant les parties d*un tout , détermine celles qui ont 4esrapportsenfembîeàs'accrocher&fe joindre par leurs parues analogues , Se former un com- pofé régulier. Cette préparation ainfi faite, c'eil d^ns l^arbre que fe fait la vraie fécré- tion. Mais ce n'eft pa? ici le lieu d'entrer à ce fujet dans des détails dont je parlerai dans les Chapitres fuivants, f s Traité d s ï a CHAPITRE IV. Ver Eau, \J N a regardé de tout temps î'eau comme î'un des éléments des mixtes , quoiqu'il ne foit point poflibîe de l'obtenir dans fonéîat yérisablement élémentaire ; nous fbmmes af^ iurés par i'analyfe , que l'eau élémentaire , c'efl:-à-dire , parfaitement pure, n'esifîe point dans notre région. Toute eîpece d'eau que îîous avons , quelque limpide , quelque claire , cjuelque pure qu'elle nous paroifîè, eft tou- jours plus ou moins chargée de particules de^ différentes nature qui nagent dans ce fluide. La difliiîlation même , le meilleur des moyens connus , ne peut la purger entièrement de ces fubflances hétérogènes. En effet , l'eau difliîlée avec le plus de foin, a toujours donné, après I'analyfe chymique , quelques réfidus laiins & terreux, & des parties hétérogènes. L'impoffibilité où ,on a été jufqu^ici de connoître les premiers éléments de l'eau , de même que œuy. de l'air, ne permet pas à'o-ïi donner la définition. On n'a pu qu'hafarder quelques conjeflures : on a dit que les premiers principes de l'eau font des globules infiniment déliés , qui , gîifîànts avec facilité les uns fur les autres., entretiennent dans l'eau un état de fluidité & d'égalité çonllante fur ia fuifice. Quoi VEGixÂTroN , Il V. III , Ch. IV. f^ ^u'il en fôit, nous nous en tiendrons ici à examiner la nature. & les propriétés de ce iîuide , qui nous font mieux connues. L'eau eft un fluide humide , tranfparent , pefant , fans goût & fans odeur ; car ces deux dernières qualités ne lui font qu'acci- ■dentelles. L'eau fepréfente à nous fous trois états dif- férents : elle eft pefante lorfqu'elie eft fluide, légère dans Tétat de vapeur, foïide lorfqu'elie eft convertie en glace. Confidérée dans fou état de fluide , Teau le diftingue.en plufieurs efpeces ; favoir , l'eau de pluie, Teau de fource , & l'eau de mer. La première forme les mares > les ci- ternes, les étangs, & pluiieurs lacs. La féconde donne naiflànce aux fontaines, aux puits & aux rivières. La troifierae occupe plus de la rnoitié de la furfàce de notre globe, & four- nit en grande partie , par fon évaporation continuelle , la matière àos Eaux précé-» dentés. L'eau de pluie n'eft en effet que le pro- duit des vapeurs qui fe font élevées dans l'athmofphere , & qui s'y font condenfées 6c réduites en eau. La plus grande partie de ces vapeurs s'éieve, de la furfàce immenfe des cners, dans la moyenne région , d'où, retom- bant en pluie , elles concourent à l'entretien éos fources ; de forte que , par une circula- tion continuelle & nécellaire à la falubrité de cet élément, la même eau fe transforme ■en différentes efpeces. En jcirculanf ainli dans le vague des airs^^ ^Ô T R A I T É B E L A lur la furface & dans Fintérieur de la terre i l'eau entraîne avec elle une quantité plus ou moins abondante de fubflances hétérogènes, qui altèrent fa pureté, & qui varient fin- guliéreraent fes caraderes & fes propriétés. Delà les eaux qu'on appelle minérales , & qui font bande à part , quoiqu'à proprement parler , toute eau quelconque participe plus ou moins à la nature de ces dernières , à rai- fon des principes hétérogènes qu'elles cha- rient. Mais on efl: convenu de conferver le Bom d'eaux minérales à celles qui circulent dans l'intérieur de notre globe , & qui , fa- turées de principes minéraux, produifentdes altérations manifeftes dans l'économie ani- male. Toute efpece d'eau quelconque doit donc être regardée comme un mixte chargé de particules animales , végétales & minérales ; ce qui ne peut manquer de lui donner des qualités , des faveurs, des odeurs, & même quelquefois des couleurs différentes : telles font ces prétendues pluie de fang que l'on a vu tomber. L'élévation àes eaux réduites en vapeurs, & leur chute , lorfqu^elles font condenfées & réunies en gouttes d'eau , entretient une eu pecede circulation aquatique, qui, quoiqu'in- termittente, a un cours confiant. C'eft cette circulation qui humecle continuellement Pair & la terre, & fournit à la formation &: k Fentretien des minéraux , des animaux & des végétaux, comme nous le verrens pai? h. fyite. Veget ATIOÎÎ , Liv. IIÎ , Gh. IV, 6l Il eft évident que dans cette circulation » l'eau eft toujours le véhicule des émanations* des corps , des particules étrangères don^^ elle eft imprégnée, & toujours difpofée à les dépofer dans les corps où elle paftê , félon l'affinité des parties homogènes ; ce qui fera plus amplement expliqué au Chapitre des mouvements de la fève. On verra comment l'eau , ayant mis en diflolutiorï dans la terre les parties falines, fulphureufes , bitumineu- feSi &c. qui s'y trouvent, & s'en étant fatu- rée , les porte & les dépofe dans les plantes. C'eft bien ici le lieu de parler de cette fà- meufe expérience de la végétation purement aquatique , dont Vanhelmont a fait mention , ^ qui a été depuis répétée , avec le même fuccès , par plufieurs célèbres Naturaliftes^ Cette expérience, aflez; curieufe à la vérité i dont j'ai fait norhbre deflàis pendant plufieurs années, ceftè d'être furprenante, lorfqu'on faiç attention à tout ce que nous venons de dire de l'air & de feau : elle démontre bien que, iàns le fecours detpute autre fubftance, l'eau peut fournir à la végétation & à raccroiflè- ment d'une plante. Mais que doit-on légiti* mement conclure du fuccès de cette expé- rience, finon que l'eau & l'air, qui ont con- couru , à leur manière, à cetre végétation , ont fervi de véhicule aux parties graftès , fàlines , fulphureufes , bitumineufes , &c. qui font entrées dans la conftitution &: dans le corps de U plante ; mais fai toujours vu qu© cette eau n'étant pas aufli-bien pourvue de particules nutritives que celle qui s'eft fam^^ fi Traita ïj ê l â x Tée des lèls de la terre, ne fait que des pro^ "dudions foibles & chetîves ; & fi M. Bonnet a obtenu de très-bons fruits des arbres qui! àvoit plantés dans de la rîiouflè, ces fruits font le produit de la fève aérienne , comme je le prouverai. Quand je dis que les productions qui fe font dans l'eau fèuîe font toujoiirs fbibles & ché- tives , je n'entends parler que des plantes li* •gneufes , c'eft-à-dire , des arbres. On fait qu'iî y a plufieurs plantes herbacées qui y pros- pèrent très-bien : plufieurs oignons de fleurs y font alîfîi merveilles, ce qui n^efl: pas éton- nant, parce que les fucs de ces oignons fuf- fifent feuls à la nourriture & aux produdions de la plante. On fait que les oignons de cro- cus, mis fîmpîement à nud fur une tablette, pôufiènt fans aucun fecours , & donnent des feuilles & des fleurs; èi cette végétation ner fe fait qu'aux dépens de l'oignon qui y four- nit & s'épuife. Il en efl à-peu-près de même des oignons de hyacinthe , de narcifîès , de jonquilles , &c. j'en ai vu qui, oubliés dans èzs tiroirs , y avoient pouffé des racines, des feuilles, &■ montroiônt déjà les boutons à fleur. Il n'efi: donc pas étonnant , pour le peu que ces oignons foient aides ^qu'ils fàfîènt, ou plutôt qu ils développent des produdlions déjà toutes faites dans l'oignon ; maison fait que les oignons qui ont ainfi végété dans l'eau, font tellement épuifés, qu'ils pourriiTent ôrdinairerhent. - L'oignon de tulipe ne réuffit point dans? î'eau , parce qu'il efl d-une nature particiï4 VEGETATION , tlV. III, Ch. W. 6^ liere , qu'il s'épuife entièrement , & eft tota- lement détruit chaque année, pour fournir à la formation de la plante , & à celle d'un nouvel oignon principal, & même d'autres petits qu'on nomme cayeux. C'eft une ob- lervation qu'il m'a paru que peu de gens , & même de Jardiniers, ont faite, & qui devient bien évidente à ceux qui veulent remarquer, en levant ces oignons de terre , que la tige , adhérente alors à la racine , eft entièrement extérieure & détachée du nouvel oignon : ainfi l'oignon qu'on tire de terre n'eft cer- tainement pas celui qu'on y a mis. Je me fuis convaincu de ce fait en levar«: Se examinant l'oignon un mois après l'avoir mis en terre. II ea eft die même des griftès de renon- cules ; celle qu'on met en terre s'épuife & périt pour produire de nouvelles griffes quifè forment immédiatement âu-defîus ; ce qu'il eft: très-aifé d'oblerver & de reconnoître pendant la végétation de cette plante. Les induétions que l'on voudrpit tirer de ces genres parti- culiers pourroient-elles avoir quelqu'applica- tion à d'autres plantes , & fur-tout aux ar- bres .? Ce qui fait bien voir que les jGimilitu- des qu'on a voulu établir , non-feulement d'un animal à une plante , mais même d'une plante à une autre plante, n'ont pu fervir qu'à éga- rer ceux qui s'y font trop attaché?. Nous voyons , à l'aide du microfcope, une infinité de petits animaux dans l'eau ; maîSt ces animaux font-ils naturels à l'eau , ou nt font-ce pas des animaux aériens qui y foiït dépofés , & qui peuvent égalemçm y; vivre? ê^ T R A f T E D E 1 A Une expérience que j'ai faite paroît biéi^ prouver cette dernière opinion. Dans le defTein de détruire tous les ani- maux qui pouvoierrt être darrs l'eau , j'en diftillai environ deux pintes: j'en mis quan- tité égale dans deux plats , je les expofai à î'air, mais je couvris un des deux d''une clo- che de verre que je luttai bien au plat. Deut jours après , je trouvai , à l'aide du microf- cope , beaucoup de petits animaux dans l'eau qui étoit dans le vafe découvert , mais je ne pus en voir dans celle qui étoit. dans le vafe bien couvert. nc'îjo ' ^. -. On fait que l'eau abfdrbe beaucoup d'air, & qu'elle contient une grande quantité d*aif fixe. L'aggrégation de ces deux fubfta'nces n'eft point à la vérité bien fenfible , ni biesi adhérente j on peut facilement les défunirpar des moyens très-fimples & peu adifs. On les fépare en effet fieilernent par voie d'ébulli- tion, & par le moyen de la machine pneu- matique. ... Privée de fon air , cette eau expofée à rair libre, en abforbe encore une même quan- tité; niais elle emploie un remps affez con- sidérable à produire cet effet fur l'air athmoA phérique. 11 n'en eiï pas de même de l'air £xe, qu'elle abforbe très-promptement & en pfus grande quantité ; & c'eft particuliére- inent à Taide de î'air ûxç , dont plufieurs eaux çharient une grande quantité , que fon pou- voir diflbîvant s'étend fur nombre de fubf- tances qu'elle nepourroit attaquer , ou qu'elle n'attaqueroit point fenfiblement fans ce fe- €Ourg;- VegeTà.Tion , Lit. m, Ch. IV. 6^ ' C'5ursf Imprégnée d'une plus grande quantité d'air fixe , elle dilîôut & elfe s'unir aux terres calcaires , au fer , & à i^lufieurs autres fubi- îances. Son. adîondîiïbîvantèfé manifelle fe'nfible< nient fur toute efpece de métal/a Texception de l'or & del^ad'genf. mais elle fe manifefte pîuslen- fiblement encore îôrfqù'elle eft réduite en va- peurs, & qu'elle eft aidée du concours de' l'air. Dans ce cas elle les attaque vi/ibîement » en convertiflant leur fùrface en rouilfe pro- pre à l'efpece de métal fur lequel elle agit. Si l'eau peut être regai'd'ée comme le dif- iolvint d'une àflèz grande quantité de fubf-, tïinces , elle l'efî particulièrement des fubf- tances falines; & , de q[uelqu'efpece qu'elles foient , elle les attaque & s'en fàture à des dofes difFéreritès. Cette eau éinfl faturée de différentes parties falines j, êft la fève pro~- prement dite daiïs les végétaux , comme nou-^ fs verrons. L'eau eft abfolument rîéceÏÏàire à îa yêgé-^ tation ; nous avons vn guelfe peut, féuîè raire des produ6lions ; mais fans elle la rne'iîîeur2 terre fêroit irifértire. Nous verrons' que l'eau & l'ai'f ,' qtii s'accompagnent toujours , j'ouenc fe principal & le plus grand rôle dans la vé- gétation ; c'eft pourquoi j'ai cru nécefïàire dé comttrencer plir parler de ces deux fluides,- d'une, manière étendue ,' pour faciliter Pin- telligence de ce que j'ai à dire par fa fuite. "En récapitulant çé que nous verfons dd dire /on voit q lié l'eau e/l réduite eil va- peurs par l'effet de la raréfadion , & qûeféi Toms JL E 6ê Traité d e i A Vapeurs condenfées reviennent hleurpremîef état, & retombent en eau. Pour bienfaifirla caufe de ces météores aqueux , confîdérons- de quelle manière ils s'engendrent. Les vapeurs dont nous venons de parler forment les nuées, qui font plus ou moins viiîbîes , plus ou moins tranfparentes , félon que leurs couches font plus ou moins épaifîes y & félon qu'elles font plus ou moins conden- fées. II faut concevoir qu'une nuée eft corn- pofée d'une niultitude de petites molécules aqueufes féparées les unes des autres , & fuf- pendues dans l'air ;■ mais fi ,• par pkifieurs cir-- Gonftances dont nous allons parler , fi œs mo- lécules viennent à fe condenfer , à fe refîèrref & à fe rapprocher au point d'exercer en- tr^eifes leur force attraxSive , elles fe joignent alors , & elles forment àes gouttes plus eu- moins grofîès , qui fe précipitent lorfqu'elles deviennent plus pefantes que Tair ambiant. Ces petites gouttes rencontrent dans leur ehemm d'autres molécules aquçufes auxquelles elles fe réunifient encore , & elles augmen- tent par là de volume : elles en augmentent d'autant, qu'elles s'afîimilent à une plus grande quantité de ces molécules , & delà la grofîèur variée que nous appercevons dans les goutte» de pluie. En efïêt, îorfque h pluie efl fur le point" de tomber, on voit plulîeurs nuées éparfes qui fîottent dans le Ciel. Ces nuées s'approchent les unes des autres , & elles forment, pai? Teur concours , une nuée uniforme s^' quelque- fcis elles couvrent toute l'étendue de notre VeGetâttôn , tiv. ilî, Ch. W. èj noriibn. On les voit fe condenfer, defcendre & perdre de leur blanchdur ; elles dérobent i par leur denfïte, une portion filus oo moin^ grande de la lumière du foleil j & enfin elles lancent leur eau. Plus les nuées font blanches, moins la pluie eft abondante, & plus les gouttes font fines; niais lorfqu'elles font noires > c'efl alors que la pluie efî abondante ,- & iés gouttes plus grofïès. Quelquefois ces jfbftes de nuées ne fè féu-- niffent point eh une feule; on en voitplufieurs flotter çà &: là dans l'athmofphere. Chacune îance fon eau en particulier, & cette pluie Celle auHi-tôt que le vent a repoufTé la nuée qui fe décharge. Parmi les différentes caufes quî concourent à la prodùftion de la pluie ; il paroit que le vent doit obtenir le premier rang.; d'oij if fuit que les efîèrvefcences qui s'exécutent dans î'athmofphere , par le mélange de quantité d exhalaifons , doivent encore concourir à la produflioh de ce phénomène» C'eft fans doute pour cette raifon que la température de l'air* devenant plus chaude aptes midi, ou vers le loir , qu'il pleut pendant la nuit, ainfique le îendemain. On obfef ve afîèz fréquemnient que les vents occafionhent de la pluie. 1°. Lorfqu'iîs foufflent de haut en bas , contré' une nuée; parce qu'ils la compriment alors y & rafîèmblent par cette, comprelîion les mo° fécules aqueufes qui y font dîfperfées. 2.°. Lorfque les vents rencontrent quelque! fîuées.de vapeurs qxii s'élèvent de la mer, iî^ E 2 6Z T R A ï T E D Ê L A fes chafient vers la terre , & ils les pouflène' contre les montagnes & les fbréts ,- Ih elles fè condenfent & fe convertifîent en pluie : aufîi remarque-t-on que les pays montagneux fonfi plus fujets à la pluie que les pays plats. 3°. De même que les montagnes & les forêts rompent le^ niîees, de même les vents j^ qui ont àei direclions cohtràires, les pouflènt les unes contre les autres & les compriment* 4°. Comme il fe forme beaucoup de nuées pleines de vapeurs a-u-defllis de la mer , on remarque que les vents qui viennent de la mer vers- notre continent font ordinaire» ment accompagnés de pluie ; au lieu que leà vents qui foufîlent fur la terre ferme, n'em* portant que peu de nuées avec eux , ne font point aufli pluvieux. Il efl: à obferver que les pluies & les féche»' refîès qui fe fuccedenr dans chaque climat , n'ont point lieu dans le même temps danâ toute Fétendue de l'athmoiphere. On remar- que en effet que lorfque le temps eft pluvieux en France , il règne une très-grande féche- refle dans un autre pays peu éloigné ;..par exem- ple , en Allemagne. On explique facilement ces fortes de phé- nomènes , en confîdérant que la chaleuf dû foleil élevé dans chaque pays une certaine quantité de vapeurs ; ces vapeurs élevées y forment des nuées : mais les vents venant à tranfpbrter ces nuées d'un pays dans un autre, ïa fécherefïè le fera fentir dans le premier, & l'humidité dans l'autre; parce que les nuées gui y arriveront, fè joignant à celles qui^ VEGETATION , IlV. ÎII , Ch. ÎV. ^ Ibnt déjà , fe condenferout & fe réfoudron^ ea eau. Comme la pluie tombe d'en haut à travers Tair rempli & infefté de toutes fortes d exhalaifons , cette pluie raflèmble ces exha- laifons , & les tranfporte fur la terre : il s'en faut donc bien que la pluie (bit une eau pure, mais elle eft remplie d'une multitude plus ou moins grande de fubilances étrangères qu'elle entraîne avec eiîe. On conçoit delà que l'Air doit être plus pur, plus ferein , plus falubre après la chute de la pluie : àuffi diftingue- t-on mieux alors les objets éloignés ; les cou- leurs des plantes paroifîènt beaucoup plus vives, & la nature fe trouve alors comme rajeunie. Cette efpece de circulation des eaux nous procure bien des avantages; elle ranime & vivifie les plantes , en humedant , en ramol- lifTant la terre defïechée & durcie par Tardeur du foleil; elle purge l'air de quantité d'exha- laifons qui deviendroient dangereufes à la ref- piration animale & à l'économie végétale , il elles y demeuroient trop abondamment fuf- pendues; elle modère ordinairement la cha- leur de l'air vers la furface de notre globe, comme venant d'une région plus froide q4je la couche d'air que nous refpirons vers k fur- face de la terre; elle forme & elle entretient les eaux des fources , des puits , des fontaines , des rivières, &c. , elle fait celFer une raréfac- tion trop fuivie & trop longue dans les vé- gétaux épuifés par la féchereiïè , à laquelle l'eau des arrofements ne remédie que bien imparfiitement. En effet , c'efl: après une pluio Je printemps ou d'été, quei:'on voit les plantes ?JO T R A î T i D E I, 4 fe ranimer & végéter avec le plus de vigueuf. S'il y a des opinions différentes fur la corn- preffibilicé de l'eau dans fbn état ordinaire de fluidité , il ne peut y en avoir qu'une fur fon expanfion & fa çompreffibilité dans l'étaf de vapeur , puifque perfqnne ne doute que l'Eau peut être dilatée, par l'effet de la chaleur , à un point qu'on auroit peine à imaginer, fi nous n'avions d'aufli fortes preuves de fon étendue & de fa force. Un célèbre Phyfîcien a calculé qu'une goutte d'eau expofée à un degré de chaleur un peu plus fort que celui ^e l'ébuilition , occupe, en (e coîiivertiffant eii vapeur, un efpace 14 mille fois plus grand que celui qu'elle oçcupoit. Comme les expériences font connostre quç î'air fî^te , en reprenant fon élafticîté , aug- mente prodigieufenient de volume , cette grande expanfion de l'eau réduite en vapeur, pourroit bien n^étre que celle de cet air , dont la dilatation connue étend les parti- cules d'eau qui le çontenoient. Quoique l'eau , dans fon état de liqiîeur , foit ,800 fois plus pefante que Tair , il n'eft pas ^tonnant qu'elle devienne beaucoup plus lé- gère dans l'état de vapeur, puifqu'elle pccupe 14 mille fois plus d'efpace qu'elle n'en oc- çupoit. L'eau eft pqreufe , puifqu'elle tranfmet \^ ïumiere , & qu'elle contient beaucoup d'air; |ès parties font fi déliées, qu'elles pénètrent d^ns les corps qui femblent refufer le paf- |age à l'air. La dilatation de l'eau , ou plutôt fdk de i'aif qui y efl conten^ s efl fi çonCi-^ Végétation, Liv. ÎII , Ch. IV. 27 dérable , & acquiert tant de force , qu'elle pa^ roît furpaflèr celle de la poudre à canon; c'eft ce qui eft prouvé dans la machine à feu & dans ïa glace. II me refteroit à parler de cette troi- fîeme forme de l'eau ; mais ce que j'en ai die au Chapitre de l'air fixe fufïit pour en pren- dre les idées qui peuvent être relatives à la vé- gétation ; c'eft pourquoi jen'ajoutemi rien à ce Chapitre, qui peut-être paroîçra déjà trop long. CHAPITRE Vo 'il eft un être dont la nature foît difficile, à faifir , & échappe à toute la fagacité du Phyficien, c'eft fans contredit le feu. Tantôt engagé dans les corps comme principe , tan- tôt libre, mais modifié d'une- multitude de manières toutes différentes , & acquérant par ce moyen des propriétés très-variées, on fè- roit tenté de le regarder comm,e autant d'êtres particuliers & différents : mais on eft par- venu à reconnoître qu'il n'exige dans la na- ture qu'un feul & unique principe du feu. Le foleil eft , à ce qu^il paroît , l'unique fource de celui que nous voyons dan? 'a çombuftioii des corps qui nous échauffer:? ,jdans les vol- cans qui dévorent les entrailles de notre globe, dgns la foudre c^ui éclate au-deffus die nous. f$, ;■ T ?- A I T É • D E ■ î A' ^ézns réiedricité qui produit des effets fi va- ifiés , & dans tous les météores ignés qui nous étonnent. II n'exifle dans la nature qu'un feui .& unique élément du feu , îiifceptible d'un^ Hîuidtude t]e cQmbinaifons qu'on ne peut en- core afligaerj & dont la liature s'eft dérobeç jufqii'è préfeht aux rech,erches 5. aux niédi- .tations des plus célèbres Phyfîciens. La prodigieufe fubtilicé des riiolécul^s îgpées , l'impoiTibilité de les ifôler , ne nous permettent- point encore de reconnoître toutes les pro- pdéîés dont elles font douées, ni même d'ap ^g'ner les caraâeres diftinclifs qui leur font propres; & cette remarque n'eft point échap- pée aifcêîebrd Boheraave , qur eiV/falis con- tredit, celui de tous les Phy(iciens qui ait le blus étudié & îe mieux' développé cette im- portante matière. Je me bornerai à expofer ici les caraçleres généraux fous lefquels pn a pu îa iaifir jufqu'à préfent , & à indiquer les effet? qu'elle produit en quantité de circonf- tanees dans ïefqueOes rinçiuftrie de l'homm^ efr parvenue à diftjnguer fon aâion , & par* liculiéremeni* relativement aux plantes. .On peut en -général diftinguer cet étrq fous deux rapports différents ; comm.e prin- cipe des corps & dans un état de combinai- ion s pu çpmine libre- & dégagé de toute çon> l^inaifop. ' , ■ Çonfidéré fous le premier de ces deux rap- ports , c'efl; ce qu'on appelle en Chymie , Iq .principe inflamniabîe ou le phoîogiflique ; cç principe efl: répandu dans tous lesxorps, nor^ prts cep.encjanr cqmme principe efîèntieî à !eu| VEGEfATlOK,LlV. III ,Ch. V, '^^ jpompofition , puifqu'on peut les en priver, & îTîéme le leur rendre fans qu'elles foufFrent pour cela la moindre déeompofition ; fous le fécond rapport, c'eft ce qu'on appelle, à pro- prement parler , le feu ou la matière ignée ^ & nous ne le confidérons ici que fous ce der-^ îiier rapport. Mis en liberté , & dégagé àçs corps , le fèuparoît être un fluide très-fubtil, doué d'ua riiouvement extrêmement rapide , & propre par cela feula pénétrer les corps les plus com- paéles , & à produire en eux une multitude ^'altérations. Accumulée dans un corps quel- conque , la matière Ignée fe dilate & augmente ies dimenfions ; tous les corps fe dilatent en tout fens par l'effet de la chaleur; & cette ra- Téfadion , cette dilatation continue tant qu'ils font jgxpofés à l'aftion du feu » ni^is elle faic Obfèrver beaucoup de variétés. Cette dilatation efl d'autant plus grande , que le feu eft plusadif; mais elle ne s'étend point au- del^ de certaines bornes, toutes variables & rela- tives à la conftitution des corps qu^on foumet à cette épreuve. Cejte raréfaftion s'opère d'a- bord lentement ; elle fair bientôt quelques pro- grès , & elle va en augmentant jufqu'à un cer- tain /72ûj:im«;7z au- delà duquel elle fe rallentit; çlle continue malgré cela tant que le corps demeure expofé à Tadion du feu. On ne peup donc encore rien conclure ^e la dilatation ^es corps, qui puifle étendre nos connoifTances fur l;j nature dû feu , ni même fur fon in- tenfité ,• c'efl feulement un effet que la pré« f^nçQ de ce fluide opère dans les cçrps qjX il pénètre. «y 74 Traité b e t a: La dilatation des corps occafîonnée par îe feu , produit des effets différents relativement I la nature & à la conftitution des corps dans îefqueîs elle sopere. S'agit-il d'un fîuide en général , ou d'un folide dans la compofition auquel il entre des parties flifceptibles de vo- îatiîifation , ces corps fe volatilifent , & les parties voîatilifées s'échappent de îa maflê to- tale qu'elles concouroient à former. Delà un moyen dont la Chymie fe ferf: avantageufement pour analyfer les mixtes par la voie de la diflillatidn ou de la fublimation. 5'agit-il d'un métal , ou d^un demi-métal donc les parties trop fixes pour être volatilifées , ne peuvent s'exhaler & fe détacher de îa mafïe rotale , elles s^écartent les unes des autres au point de n'être plus en contad , & de ne plus conferver d'adhérence lènfible entr'elles; & on voit le métal pafïèr de l'état de folidité qui lui eft propre, à celui d'une parfaite li- quidité. II tombe en fufîon , il devient eou- îant, prodigieufement atténué, & doué de îa plus grande mobilité. Les parties ignées pé-? netrent tous les corps , pafîeRt de ceux qui les contiennent plus abondamment, dans ceux qui en contiennent moins, fè difïribuent. uni- formément entre les uns &lesautres, & tendent, en un mot , à fe mettre en équilibre dans tous les corps environnants. C'eft en vertu de cette tendance k l'équi- libre, qu'afFe(5leconflammentla matière ignée, qu^un corps fortement échauffe & pénétré de feu , fe refroidit dans la mafîè d'air qui l'enve- loppe , & (jui lui enlevé continuellement uin^ VEGETATION, Il V. liï, Ch. V. 7^' portion de la matière ignée furabondante qu'il contient. C'eft ainfî qu'accablés fous le poids de I? chaleur, nous nous rafraiehilïons en paflànç dans une mafle d'air dont la température effe plus froide que celle d'où nous fortons. C^eft ainfi qu'une barre de fer rougie au feu , & appliquée fur une barre femblable réduite k la température aéluelle de Tathmofphere , fe? refroidit en communiquant à cette dernière ijne portion de fà matière ignée furabondante ^ & qu'elles parviennent l'une & l'autre à uns température moyenne pour fe refroidir uni- formément enfuite , & fe mettre l'une & l'autre à la température de l'air qui les enveloppe. C'eft ainfï qu'un liquide plus froid ^'empare de Texcès de la matière ignée d'un liquide plus chaud avec lequel on le mêle , & que la temr pérature du mélange tient le milieu entre celle qu'avoient les deux liquides avant leur corn-- binaifon. Enfin , c'eft ainfi que les parties des arbres, 8^ fur-tout les vaifîèaux lymphatiques^ paffant de la chaleur du jour h la fraîcheuc de la nuit, fe refroidifîènt , & que l'état de raréfaction où ils étoient fe change en celui de ippndenfation. Quoique la matière ignée ait une tendance à fe diftribuer uniformément entre tous les ^orps circonvoifins , quoiqu'elle tende à leur communiquer à tous un degré uniforme de chaleur , cet effet cependant ne peut avQJr lieu ^ & ne fe fait obferver que dans 4e§ circonftances pu cette matière n'éprouve point d'obftacl^ infurrnpntable quivs'oppofe à i'exaditvide 4? ff$ Traité ©e ia cette diftributîon ; elle ne pénètre point auflî facilement les corps, îorfque leurs mafïês forst immenfes , & elle ne communique point le même degré de chaleur à chacune de leucs parties. Un bloc de marbre , par exemple , à\m gros volume , ne fubit que vers fa furface les varia- tions qui furviennent à la température de i'athmofphere qui l'enveloppe ; de même ua gros arbre n'éprouve pas en même propor- tion la diiiipation qu'éprouve celui dont la tige eft peu groiTe. L^s lieux fous-terreins , lorfqu'ils font pro- fonds , font conftamment plus froids pendant l'été, que tous les corps fitués à la furface de la terre; leur température demeure afîèz conf- tamment la même pendant toute la durée de Fannée ;ils confervent conftamment une tem^ pérature mpyenne : il n'eft donc pas éton- nant que ceux qui defcendent dans àcs caves pendant les grandes chaleurs de l'été , \qs trou? venr très-froides , & qu'elles leur paroiflènt très- chaudes lorfqu'ils y defcendent pendant les rigueurs de l'hiver. En général, plus un corps eft denfe , moins il s'échauffe à une température donnée : iî abfo^be bien une plus grande quantité de ma- tière ignée ; mais elle fe diftribue davantage en (è tranfmettant à chacune de fes parties; & la température du corps efl toujours in- férieure à celle qu'acquerroit un autre corps dont la denfité feroit moindre. La configu- ration particulière des corps contribue au/îi à ctitte différence 5- ia couleur dont il§ fçi^i ' VegetatîoîTjLîv. IIIjCh. V. 77 teints n'y eft pas indifférente : un corps teint ou peint en blanc feche beaucoup moins k l'ardeur du folerl , qu'un corps qui feroit teint ou peint en hoir , parce que le premier ré- fléchit , & que le fécond abforbe les rayons de la lumière. La diflîpation de la matière ignée , qui fs retire des corps qui la recèlent , eft un objet bien digne de méditation , & dont on ne peut encore donner des raîfons bien fatis-* fàiTmites. Expofé au feul contraél de l'air , un corp^ pénétré de matière ignée , fe refroidit afîèr uniformément : échauffé à la température de i'athmofpbere , un corps y demeure plongé , & peut y être agité de différents mouvez ments , fans que fa température varie , parce qu'il fe trouve continuellement entouré d'une athmofphere échauffée au même degré que hii. Un thermomètre fufpehdu à un fil aflèz long; pour qu'on pùifTe le mettre en vibration dans l'air , y conferve afîèz conftamment fa- même température , & on n'obferve aucua mouvement dans la liqueur élevée dans fon tube ,• mais il n'en arrivera pas ainfi,, fi oît mouille auparavant la boule de ce thermo^- metre , ou fi on l'entoure d'un linge rhouillé ; on verra la liqueur defcendr'e plus ou moins brufquement , & d'une quantité plus ou moins fenfiblé On remarque un phénomène fembîabîe , & on voit baifïèr feniiblementla liqueur d'un" thermomètre, lorfqu'un vent humide (oufBe «ontre fîi boule, tandis que la liqueur à'um f8 T R A I t É D É t À autre thermomètre garanti des impreffions de ce vent, demeure fixe à la Hauteur à laquelle îa température de l'athmofphere l'a fait mon- ter. Ces obfervations s'accordent parfaite- ment avec une pratique lifitée depuis long- tems par les marins. Ils ont coutume de fuf- pendre , entre les voiles , des bou'teilles plei- nes de vin , & enveloppées d'un linge mouillé , & par ce moyen ils fe procurent Favantagè de boire frais. La même expérience prouve que les arbres mouillés , ou feulement imbi- bés de rofée , paflènt aufîi-tôt dans l'état dé condenfafion , quand même l'air feroit chaud » comme iî l'eft fouvent dans des nuits d'été. Le frottement i îe choc & le mélange dé Certaines fubftancés propres à fe combiner féciproquemeot, font autant de moyens qu'on peut employer avanTageufément pour don- ner de l'aâiivité à la rnatiere ignée qui ré- lîde dans tous les corps , pour Tobliger à fe développer , & pour là tirer de cette efpecé d'inertie où elle e^ retenue par les molé- éules de la matière environnante. L'application du feu Hbre produit cet effet d'uae manière plus cotilmôde & plus expé- ditive : mais s'agit-il de porter fur un corps toute l'adivité qu'on peut attendre de cet agent pour la décompofition âes mixtes , il n'eft point de moyen plus efficace que de raffembler ks rayons du foleil paï le moyea d'une louppe ou d'un miroir concave. Aie défaut d'un agent aufripuiffant, qu'on ne peut fe procurer en tout temps , les Chymifleff emploient un feu de réverbère , & il ré- Végétation , Liv. IÎÎ,Ciî. V. 79^ |3ond afîèz généralement à leurs vaes. Les expériences fi connues de I eledrîcité , jîous font voir que le feu fe trouve p^r-tout,. même dans l'eau , dont on croit qu'il entre- tient la fluidité ; de forte que le feu paroï- troit le feul fluide par eflènée, & le principe de la fluidité des autres. Nous fie parlerons ici que du feu con- iîdéré dans fon état naturel & fenfible ; ca- ché dans les corps , il y efl paifible & inac- tif ; mais fi on l'excite par les moyens con- nus dans les matières que nous appelions inflammables , qui contiennent des parties huileufes , fulphureufes , bitumineufès , alors il paroît vifiblement fous la forme de flamme , & la quantité d'alinients qu'il trouvé dans ces corps décide fa violence , fa chaleur & fa éurée. Il confume & réduit en cendres ces- corps inflammables > & échauffe violem- ment ceux qui ne le font pas. Ses princi-» pales propriétés font de difiiper les fluides , en les réduifant en vapeurs , de s'infinuer dans les pores des folides , & d'étendre & de dilater leurs parties conftittranîes , de calciner plufieurs minéraux , & d'en mettre d'autres en fufion , de même que les métaux. L'opinion générale eft que l'adion du feu fur les cofps, volatilife & entraîne avec lui le^ parties qui font propres à céder à fon adion : ainfî on peut conclure qu'on doit regarder i'évaporation ou l'élévation des vapeurs, com- me l'effet immédiat de l'aélion du feu. Les molécules d'eau raréfiées par la cha- leur perdene u^H€ partie de leur pefameur fd f R A.î t E DE I A fpéciiîque. Devenues plus légères que l'aîr^ elles s'élèvent dans fon iein, jufqu'àce qu'elles foient parvenues h une couche de l'athmof-' phere dont la pefanteur fpécifîque foit égald I la leuf : îà , elles refient flottantes eri équi- libre. On a dit que le feu , ou fôrf effet qui elî îa chaleur , n^attire pa^ Thurnidité , mais la repouflè ; & fi l'on voit , dit-6h , qu'un linge înouillé , préfènté aiY ftn d^une cheminée i fume du côté de la chenlinée , c'efi que îé courant d'air datîs la cheminée- entraîne la vapeur de ce côté. Une expérience qïii efl: à la portée de tout le mondé , contredit cette afïèrtion^ Ayant mis iû milieu d'une chambre un ré- chaud |3leih de brafier ardent , yf ai préfènté un linge niouiîlé : te linge tourrié en face où à l'oppofîte de la cheminée , en face ou à î'oppofite de la porte & des croifées , enfirî préfènté au feu de tous les côtés , a toujours confiamment répandu fa vapeur du cot'é du feu 5' qui m'a toujours paru l'attirer entiére- meni: , puifque je n'ai point viï fumer là partie du linge qui' n'étôir pas ëxpofée au feu. J'ai obfervé du îinge mouillé étendti au foJeil , je ne Taî point vu fumer ; mais ne pouvant douter que la chaleur ne diilipât fon huniidité réduite eri vapeurs impercep- tibles , j'ai préfènté H glace d'un miroir à ce linge , du coté du foleiî, & je l'ai vue ter-, nir en peu de temps : mais l'ayant préfentée au même linge du côté oppofé , je ne me fuis point appereti que la glace fût- terilie; ci quî VEGETATION, LlV. Ul , Ch. V. 8i qui prouve que la vapeur efl attirée par le Soleil , comme elle l'efl: par ie feu. En effet , l'eau des étangs , des rivières i diffipée , la terre defîechée par les grande^ chaleurs, ne nous donnent rien moins que l'idée de cette répullion. . Si nous voyons û peu d'accord entre, le feu & l'eatï dans fon état naturel , ceft-à- dire dênfe & matériel, l'effet n'éH pas le nié- ■ me lorfqu'elle eft réduite en vapeur. Si on met un fer rouge , un charbon ardent dans l^eau , on fait quelle aflion , quel bruit s'en- fuit ; mais fi on plonge ce même fer chaud ^ ce charbon ardent dans la vapeur de l'eau , il ne paroît en réfulter aucun effet fenfible ; iî m'a paru que l'un & l'autre abforboient beau- coup de la vapeur , & j'ai vu fur le charr bon éteint une humidité très-apparente. Si on met un tifon ardent dams la vapeur de l'eau bouillante , on voit fenfiblement qu"**! en attire & en abforbe une partie ; & loiri qu'elle l'éteigne , on voit que la partie du ti- fon t^ui eft dans la vapeur s'entretient plus vive & plus long-temps que celle qui eni eft éloignée :dn voit cette partie de charbon , plongée dans la vapeur , briller encore après que les autres parties fe font éteintes , & on !a voit toute couverte d'une épaiiTeur de cen- dres très-blanches & très-fines, qui paroîtroic être le réfukat de l'aliment que la vapeur à fourni. On fait que fi on jette une grande quan- tité d'eau fur le feu , il s^éteint avec bruit ; mais fi on n'y en jette. qu'une petite . quan- Tome IL F Si Traité de là tité , loin de s'éteindre , il ne prend que pïus d'adivité , comme fi l'eau lui portoit un nou- vel aliment : c'eft ce que favent très-bien les forgerons , & ce qu'ils ne manquent pas de pratiquer. Lorfqae Ton plonge un fer rouge dans l'eau , ce qu'on appelle le tremper pour le rendre plus dur , ne feroit-ce pas la quantité d'air qui s'y fixe par cette fubite & violente condenfation , qui lui fait acquérir cette du- reté , mais aufîi le rend plus cafîànt > Toutes ces expériences démontrent que l'humidité , c'efl-à-dire l'eau réduite en va- peur, efl attirée par la chaleur , & non re- poufTée , comme quelques-uns l'ont cru ; & cette démonftration , en fervant de preuve à ce que j'ai à dire par la fuite y n'en deviendra" que plus évidente. CHAPITRE Vî. De la chaleur du SohiL L E Soleil eft un aflre lumineux par îu!-* iriême , qui répand fa lumière fur notre fyf- îéme planétaire , au centre duquel on doir le conlidérer comme immobile > & autour du- quel les Planètes font leurs révolutions dans des temps périodiques différents , relativemene à leur diflance de cet aflre > qui efl la fourc@ de la lumière & du lèiî. Vegêtatioî^, Liv. ni i Ch.VI. §3 Si on demandoir à un homme expofë pen- dant la canicule aux rayons , brûlants du So- leil , fi cet aftre a de la chaleur , il croiroit qu'on fe moqué de lui ; cet homme s'en te- nant aux fenfations naturelles , 6c h etarit point imbii des fubtilités fcholaftiques , ne pour- roit concevoir que les rayons dii Soleil ne foient pas chauds, quand il fent qu'ils font brû- lants , & qu'il voit , à n'en pouvoir douter, que toutes les fubftarices folides & fîuides en font pénétrées & échauffées. En voyant la terre deflechée, les ruilîèauK difîipés^ les rivières affoiblies, il croit devoir penler & dire que les rayons du Soleil ont un fort degré de chaleur qui raréfie les eaux ■& les réduit en vapeur. Nous voyons, en effet, qu'au coucher du Soleil les vapeurs de là terre & des eaux qui s'élevoient pendant fa préfence , retombent auffi-tôt condenlées en pluie fine ; c'eft ce qu'on appelle le ferein. Je fais qu'on poura dire que ces vapeurs très-raréfiées , très-dilatées,étant devenues plus légères que l'air de notre région, doivent na- iturellement s'élever au-defrus;& qu'étant con- denféés , &c alors devenues plus pefantes , elles doivent retomber , &c. J'en conviens; mais toujours eft-il vrai de dire qu'elles ne fe font élevées que par l'ef- fet de la préfence du Sôleiljpuifqu'elles tombeng peu après qu'il a difparu , & ceffe d'échauffer notre horizon. Lorfqu'après la chaleur d'un Jour à! été , pendant lequel le Soleil a fait élever une grande F « iij Traîté de ia quantité de vapeurs du fein de la terre & des eaux , lorfque cet aftre difparoît & que l'aiif fe refroidit brufquement, on voit qu'il s'élève des vapeurs dans les vallées fur la furface des prairies baignées de rivières, qui les couvrent de nuages : ces vapeurs s'élèvent très-peu , & ne paroiffent que comme des toile» blanches qui couvrent îa prairie; qu'eft-ce autre chofe que la fuite des vapeurs que le Soleil raré- fioit&: fàifoit élever , & qui, à ion coucher^., fe condenfent fur la furface du terrein ? Voilà ce que croira tout homme, à en juger par ce qu'il fent, par ce qu'il voit, & par touE ce qu'il obferve. Cependant il s*eft trouvé quelques Phyfi- cie ns qui , par des raifonnements fcientifiques' en apparence, ont prétendu prouver que la Soleil n'a point de chaleur ; que celle qu'il^i fait éprouver ne s^opere que par la rapidité du mouvement , par le frottement & l'élec- tricité des corps , &c. Comme ils ont etayé leur fyfléme de quel- ques raifons pîauiibles en apparence, il cH bon de les difcuter ici, puifque celan'eft pas étran- ger à mon fu jet. Le Soleil, difènt-ils , ne peut pas être un corps de feu ; car , félon la probabilité de l'exif- tence des mondes dans toutes les planètes , il nY 3 point de créatures qui ne fufîent con- ibramées dans un foyer aufïi ardent & auffi j immenfe. On peut répondre à cela , qu'en ad- mettant l'exiftence des mondes dans les autresi planètes , & même dans le Soleil , la toure- puifïïince de l'Etre fupréme qui, a bien pu Vegetation,Liv.III,Ch, VI. §^ •créer des milliers d'efpeces d'animaux vivants .dansTeau , phénomène que nous aurions pein^ .à croire , s'il ne nous étoit pas aulîi familier , a bien pu fans doute en créer d'une efpece ^ vivre dans le feu. Sans nous arrêter à beaucoup d'autres rai- fonnements dont on lent la foibleflè , palîbns h celle de leurs objedions qui paroît la pliis farte. Si le Soleil , dilent-ils, étoit un corps chaud & qui répandît de la chaleur , il devroit faire ;plus d'effet fur les corps qui en font les plus proches. Or, les montagnes élevées fur notre globe ayant leur fommet plus près du Soleil , devroient en être plus échauffées ; & nous voyons tout le contraire , puifque le fom- met de ces hautes montagnes efî couvert en tout temps de neige & de glace , & qu^il y hii toujours très-froid. Cette objeclion pa- loïc d'abord forte, mais l'examen |a va rendrç . très-foible. r; D'abord Télévation dés plus haut-es mon-r tagnes , telle qu'eft ceUe des Alpes , des Py- rénées , des Cordellieres qui nous paroît il grande , parce que nous fommes lï petits , n'eft rien, ou prefque rien ,en comparaifon de la diftance immenfe qui efi: entre le foleil & la terre. L'élévation de ces montagnes rapproche in-^ finiment moins leur fommet du Soleil , que n'efl: rapproché de notre vue le plus petic grain que le microfccpe nous fait apperce- Yoir, élevé fur un corps qui, fansfonlecours ^^ nous paro;t fort uni. ■Ê6 T R A I T i s E L 4 Maïs enfin , dira-t- on , quand on ne comp- feroit pour rien ce rapprochement du Soleil , pourquoi cet hiver continuel fur îe fommet de ces hautes montagnes ? J'avoue qu'il n'eft pas auffi facile de don- ner une explication démonftrative fur cela 5 que fur d'autres faits qui font plus à notre portée =• il faut abfQlument ici avoir recours aux eonjedures ; & j'en vais rendre quelques- unes qui me paroiÔènt probables. Il eiï de fiît que plus on s'élève fur ces Siautes îîîontagoes , plus on fênt que î'air de-? vient agité, vif & aftif. Plus on monte, plus on s'élevç, & plus on fent augmenter cette vivacité, cette activité de l'air; & plus en même-temps^ & dans la même proportion , le froid augmente & fe iPait fenrir. Il y a donc bien apparence que ce froid eft l'effet de laélivité » de la vivacité de l'air , qui devient fenfiblement plusfubtil, plus agité éc plus piquant à mefure que l'on monte , de même que le froid que l'on fent. Ainfi , la çaufe étant dans la même prqgrefîion quç l'effet, il y a bien lieu de juger qu'il provient de cette caufe. Nous voyons gu printemps, & quelquefois même en été , que fi l'air vient à être fort agité par un vent de Nord ou de Nord-Efî , nous fentons un froid aflèz vif, quoique le Soleil foit élevé iSc brillant fur notre horizon. Nou3 voyons encore que dans un air plus que tempéré, fi nous courons avec rapidité 5 foit à pied j foit à cheval j l'air qui nous frappe VEGEt ATION , LiV. IIÎ, Ch. VI. ^7 lïevîent plus ou moins froid, félon quelacourfe eft plus ou moins rapide. Enfin , on connoît l'effet des courants d'air plus ou moins adifs ; on fait qu'un air chaud introduit dans un foufflet, fait fentir un air d'autant plus froid, qu'on l'en fait fortir avec plus de célérité & de force. On fait que Tair qui fort de nos poumons efl chaud , & qu'il efl fènfiblement tel lorf- qu'il fort par la bouche ouverte ,• mais on fait aufîî qu'il fe fait fèntir afîèz froid lorfque les lèvres étant ferrées , on lui donne un cours plus rapide & plus aclif C'eft ce que tout le monde fait & pratique fouvent pour accélérer le réfroidifîèment des aliments qui font trop chauds ; c'efl l'homme de la fable, qui foufile le fi"oid & le chaud. Ce petit phénomène, mieux connu qu'ex-r pliqué , étonne ceux qui n'en ont pas bien examiné la caufe. On fe tromperoit , fî on croyoit que l'air qui fort des poumons devient froid tout-à- coup. Il fort également chaud de la bouche , de quelque rnaniere qu'elle lui donne pafiage ; mais lorfquel'ouvertureeft plus étroite, étant pouf- fé avec plus de célérité & de force , il agito vivement les particules d'air qui fe trouvent entre la bouche & le morceau que Ton veut refroidir , & cet air prend un degré de froid proportionné à Tagitation où on l'a mis. II efl aifé de fe convaincre de cette vérité, en approchant la main très-près des lèvres ^ & pour lors on fendra ralr chaud, quelque $È T R A r T É D E L A force que l'on donne à lemifTion de l'air âe h bouche. L'effet bien connu de Féventail qui agite l'air , provient de la même caufe. Or , fi tour cela prouve qu'un air même échauffé j le Elit fèntir froid eri lui donnant un mouvement plus rapide , ne peut-il pas , par la même raifon , devenir très-froid fur nos Bautes montaf^iies? La réverbération des rayons du Soleil fuc là terre peut bien encore être coniptée pour quelque chofe , çians te degré de froid que l'on fent de plus en plus en montant & en s'é- îoi^oant de la fur fa ce de îa terre; l'eftèt de cette réverbération doit s'afîqiblir dans la même proportion. Si c'efi: à cette caufe qu'on doit attribuer l'afcenfion des vapeurs de la terre, la fphere- de fon adivité paroit afTez limitée , à en' juger par l'élévation de la région où fe forment les. nuages ^ qui n'eft pas fort éloignée de îa- ferre. C'eit, ce que j'ai reconnu étant fur des montagnes dont Télévation n'ell pas égale à celle dés Alpes , j'ai vu les éclairs &: j'ai en- tendu le tonnerre éclater au-defTous de moi, & les nuages le réfoudre en pluie \, tandis que î'air étoit ferein bii j'étois. ' A ces conjeftures ' plaufibles j je vais me permettre d'en hafarder une autre, 'Les rayons du Soleil ,peut-éi:retrop épars^ trop divergents au-deiïiis de la moyenne ré- gion , ne deviendroient-ils pas plus conver^ gents , plus rafl'embîés en pafïànt au travers Ses nuages qui s'y "forment ^ comme quiinti Végétation , Iiv. III, Ch. VI, % V-s paflènt au travers d'un verre convexe ? Cette opinion deviendroit probable , en fe rappeliant ces coups vifs de Soleil que nous Tentons pendant l'été ,& qui font toujours pré-f curfeurs d'une prochaine ondée de pluie. Il y a bien apparence que le Soleil n'ac- quiert la réunion de fès rayons , alors fî vifs Se fi fenfîbles , quoique momentanés , que par^ C3 qu'ils paflent au travers de ces nuages paf- fagers & peu^épais ; ce qu'il eft aifé alors de rémarquer : car , de même qu'un verre trop épais feroit peu propre a réunir les rayons du Soleil , & même à nous les tranfmettre , il paroit aufli que des nuages qui ont trop de éenfité , nous dérobent de fa lumière & de fà chaleur. Pour fjivre cette comparaîfoh , qui femble fe vérifier dans tousfes points , de même qu'un verre colleclif des rayons du Soleil n'opère jamais un effet plus vif que lorfqu^il les raf- fbmble le plus perpendiculairement poiîibie; car lorfque les rayons ne font que gîifTer oblif quement deOiis , ils n'ont que peu ou point d'effet ; de même il arrive que plus le Soleil eff élevé fur notre horizon , & par conféquenc plus ks rayons donnent perpendiculairemene iiir les nuages, & plus l'effet en efl fort&fe«- fible. La fimilitude' des efFets autorife à admettre h comparaifon , & à la faire regarder comme jufte. Que Ton ne dife pas qu'il y a des jours dans Pété où il n'y a point de nuages ; il e(k certaio que c'eft pendant h cquts de ces jciuw tçô Traité de la chauds & feretns qu'il s'éîeve de îa terre un® plus grande quantité de vapeurs qui fe dif" perfent dans rathmofphere : ces vapeurs fon^ de véritables nuages , mais dans un état de dif- folution qui n'altère point la tranfparence de î'air; h la différence de ceux qui y étant grof- lîérement interpofés , altèrent plus ou moins cette tranfparence. Ainfi pouvons -nous répondre à ces ob- jedions , qui d'ailleurs ne font pas capables d'a- néaniir ce que nous voyons , ce que nous fentons. Tenons-nous en à prendre du Soleil l'idée qu'en doit faire prendre tout ce qu'il eft pof- fibîe d'en appercevoir, & ce que nousdémontre l'expérience. Le Soleil étant îa iburce de îa lumière qui éclaire la terre & les autres planètes » on ne peut douter qu'il ne foit lumineux. Il efi: pareillement la fburce du feu qui les échauffe ; peut-on raifonnablement dou- ter de fa chaleur ? On connoît la force de fes rayons réu- nis par le moyen d'un verre ardent , fort capable de mettre les métaux en fufiort er^ très-peu de temps. Si , pour n'être point ébloui de l'éclat du Soleil , on le regarde au travers d'un trou fait avec une épingle dans un papier , ce qu'on en apperçoit paroît conirpe une four- naife ardente , ou comme la rnatiere vitri- fiable mife en fufion dans les fourneaux des verreries , avec des mouvements d^ondula- tion au-de(ius , ce qui engageroit à y ad» Végétation , Iiv. III , Ch. VL f i mettre une efpece de fluidité : opinion que fortifie encore le changement local ou îa dif- parition des taches que l'on y appereoit , qui paroiiîènt comme des parties decume iiageantes fur fa fuperficie. Quant à l'efîènce du Soleil , à la formation de cet aftre lumineux & immenfe , à la ma- nière don>t fes émanationsr-fe répandent dans l'Univers, fans faire de changements apparents à fa mafîè,ne cherchons point a expliquer des merveilles qui font inftniment au-deflus de nous. Ne tentons point de pénétrer dans les mys- tères adorables de la création , & dans les fu- blimes décrets de l'Etre fupréme. Souvenons- nous de la fable de cette petite fourmi qui , obfcurément retirée dans le trou d'un château , vouloit s'occuper à régler les deflèins & les projets du Maître: je fiis que la comparaifon eu encore bien éloignée ; mais le ridicule peut être également lenti. Aufîi voyons-nous que les hommes les plus inftruits d'ailleurs , n'ont fait que s'égarer iorfque , foit pour fe faire une réputation , ioit qu'ils aient été féduits par des raifonne- ments ingénieux , ils fe font livrés à des idées purement fyjftématiques. Tel eft fur la lumière le fyftéme de Def- cartes , qui , quoiqu'erroné , n'a pas laifle d'avoir depuis lui de célèbres fèdateur^ qui ont tâché de le foutenir , au moins en partie. Ce Philofophe a prétendu que la lumière , cette matière fubtile , n'eft autre chofe que kl matière globuleufe de fon fécond élément , ^f2 Traité delà répandue dans tout l'efpace de l'univers ms* tériel ,• que cette matière , pouflee & mife en a!5tîon par le Soleil , prefîe nos yeux comme un bâton pouffé par l'un de fes bouts. ' D'après cette opinion , Defcartes prérend ■que la lumière fe tranfmet à nous , ou que raâioa du Soleil fur la lumière fe tranfmet' jufqu'à notre organe dans un feul & uniqu^e inilant. Il étoit fi perfuadé de la vérité de fon opinion , qu'il dit formellement dans la dix- feptieme de fes lettres , que fi on pouvoit le convaincre de faiifîèté à œt égard , il étok prêt de convenir qu'il ne favoit rien du tout en Phiiofophie. Il ajoute , dans la même lettre , que s'iî fàlloït le moindre intervalle de temps pour que la lumière du Soleil arrivât à notre glo^ be , il étoit prêt de confefîèr que fa phi- iofophie étoit entièrement renverfée. En feroit-il également convenu , s'il eue connu les obîervations aftronomiques qui ont été faites après lui , & fur-tout les der- nières de Bradley , qui démontrent incon- teflablement que la lumière emploie enviroa lèpt minutes pour arriver du difque du So;- leil jufqu à la furface de notre globe. AufTi fe trouve-t-il peu de Phyfîcieris qui tiennent aujourd'hui pour l'opinion de Def- cartes fur la lumière , quelques modifications qu'aient imaginé de lui donner ceux qui ont voulu en être feclateurs , tels que MM-, Bohault , Régis , Hughens & A l/abbe Nolieto Végétation iLiv. III, Gh. VL 93 Quelqu'ingénieufe & féduifante que foie îa manière félon laquelle l'Abbé Nollet mo- difie l'opinion deDefcartes fur la lumière , qu'il a fentie infoutenable , telle que l'avoic donnée ce célèbre Phyficien , quelqu'efFort qu'il faiïe pour la fouftraire aux Jdifficukés qui la preflènt de toutes parts , & quelque grandes que lui paroiffènt celles qu'il oppofe à l'opinion de Newton , cette dernière eil préférable , plus conforme aux principes de la freine Phyfique , & moins contraire aux obfervations univerfellement reçues. L'opinion de GafTendi fur la lumière, adop- tée &: prouvée par Newton , eft que h lumière eft une véritable émifïion du corps lumineux , une portion de la fubflance qui s'en échappe continuellement. Il dit exprefîement dans fon chapitre fjr les qualités des chofes , qu'il en eft des corps lumineux comme des corps odoriférents ; que ces deux efpeces de corps envoient de leur fein ,îes uns à nos yeux , les autres à nos narines , des corpufcules capables de fiire i.mpreiTion fur les organes de la vue & de l'odorat. Cette opinion , fpndée fur une multituda d'obfervations qu'on ne peut révoquer en doute , efi: aéluellement prefque générale- ment fuivie , malgré la grande objeélion que l'on prétend y faire. Si , difent les Cartéfiens , îa lumière nous vient du Soleil par voie d'émiffion , & que: tous les efpaces céleftes en foient remplis , comme on ne peut fe défendre de le croire , ^4 ï R A I T é B E i A îè Soleil s epuifant continuellement depuis Yô-^ figine du monde, auroit depuis long-temps perde) une grande partie de fa fubftance. Or , l'obfervation dépofe manifèftement îe con- traire ; d'où il réfulte que la lumière n'efl point une émanation du Soleil. Cette objedion, qui pourroit paroîtrefo- îide y ne Teft pas plus à l'examen , que celle ^ue l'on pourroit faire , en dfiànt : s'il eft vrai que Tes foîides & les fluides abforbenc beaucoup d'air , la maflè de l'air devroit être confidérablement diminuée , ce qui ne paroit pas. En effet , fi rien ne s^anéantit dans le monde , ne doît-il pas y avoir une circula- tion , une reftîtùtion de lumière , comme il y a une eircuïafion ôc une reftitution d'air ? En fuppofant que la quantité de matière émanée du corps du Soleil , puilîè occafion- ner une perte fenfîbîe , elle eft fuffifammenc réparée. Le Soleil , en effet , envoie fa. lumière , ou à des corps opaques , tels que font les planètes du premier & du fécond ordre , ou à des corps lumineux ,, tels que les étoiles fixes. Dans îe premier cas , cette lumière , après difiérentes réflexions qui fe feront d'une pla- nète vers une autre , fe rendra enfin dans l'athraofpliere folaire. Dans le fécond cas , la perte fira encoire moins confidérabîe : le Soleil envoie de fà lumière aux étoiles , mais celles-ci n'envoient- elles pas de leur lumière au Soleil , & ce com- merce ne rend-il pas nulle la difîipation de I VEGETATION, LtV. IIÏ, Ch, VÏ. 99 lùbftance que les Cartéfiens évaluent fï haut ? Enfin il eft de fait que le mouvement pro- greffif de la lumière prouve maniFeftemen£ fon émiflion des corps lumineux. Si cette émiffion ne peut fé faire fans une déperdition réelle de la fubftance propre du Soleil , on doit croire que l'Auteur de la nature a pourvu d'une manière certaine à fa confervation & à la réparation de fes pertes. L'ignorance où nous fommes des moyens que la fagefîe de la nature a employés à cec effet , ne peut influer fur la certitude de cette émiffion. Nous dirons donc que de quelque ma- nière que la nature s'y prenne pour veiller à la confervation de ce corps lurriineux , i! n'en eft pas moins vrai que nous fommes éclairés par les parties qui s'échappent de foiî difque avec une vîtefîè incroyable , & qui fe ^ répandent en lignes droites , en forme de rayons & en toutes fortes de fens , jaiqu'aux confins de FUnivers. Après avoir donné des notions nécefîaires fur la lumière & la chaleur du Soleil , nous allons voir dans le Chapitre fuivant com- ment il opère fiîr les plantes. Le célèbre Newton nous a donné à con- noître , que non-feulement le Soleil efl la fource de la lumière , mais que la lumière eft la matière du Soleil , réfervoir immenfe & intariffàble de cette fubflance précieufe qu'il p5 T R A i T É C E I A a fu fî bien analyfer, & pour ainfî dire" difTéquer On n'auroit jamais pu imaginer la prodi- gieufe vîtefTe des rayons du Soleil , fi on n'avoit pas été afTuré , comme on l'eft par le point de fon orient , que (ks; rayons arri- vent à nous en fept ou huit minutes. Quelle étonnante rapidité ne leur faut-il pas pour traverfer en fi peu de temps la diftance im- îtienfe du Soleil à la terre , calculée à trente millions de lieues? Tout nous dit donc , tout nous fait apper- cevoir que le Soleil eft un corps lumineux & chaud , & qu'il efî la fource. de la lumière Se de la chaleur. Ainfi , fans trop nous embarrafîèr de vou^ loir comprendre & expliquer comment H lumière & la chaleur du Soleil opèrent dans les régions fupérieures & fur les autres pla- nètes , tenons-nous en à tâcher d'obferver comment l'une & l'autre agilTent fur la terre j & particulièrement liir les plantes ; ce qui efl ici notre objet. CHAP. Vît f'EGETAtlON^'LlV.IIÏ , Ch. Vit CHAPITRE VI r. De Vûâion du Sbkilfur les plantes. I îâ chaleur du Soleil difîîpe , pompe thumidité, c'e/(l-à-dire , .'es parties aqueufes gui font dans L^s corpf, & même des maiïèi d'eau confidérabies ; fi cette aétioh du Soleil j quelle qu elle foit , car je ne veux pas dif- pyter fur les termes j fi , dis-je , cette aâiori êfifufîifante pour attirer cèsmafîèsd'eau rédui- tes en vapeurs, &: les élever dans la moyenne région, où étant condenfées , elles font refti- tuées à la terre par les pluies, comment pour^' roit-on ne pas admettre cette adion du Soleil fur les plantés? Bien plus fufceptibles de la" tranfpiratrorî que les minéraux & même les animaux , elles préfentent des milliers de bouches ouverte^ à la diffipation. Comment pourroit-on douter que lâcha- îeur de cet aflre n'agiiïè encore plus pùif- famment fur les plantes qu'il le fait fur la fur- face des eaux , de h. terre , 6t de tous les corps ? Cela étant,conimé rion-feulement lé ràîfon- fiement , mais toutes les expériences,concout«» rent k le prouver , examinons-en les efîèts. . Non-feulement la chaleur du Soleil eft I^' éaufe de la tranlpiratioa des plantes, coràmç Tome II, B 9% T R A I t É D E I. A jious le démontrerons bientôt; mais il exifîe uiïe force d'attraélion bien marquée , bien évi- dente , par laquelle elles font comme entraî- nées vers les rayons de fà lumière. C'eft ce que je vais prouver dans ce Cha- pitre , qui, comme les précédents, & quel- ques-uns qui vont fuivre , ne renferme que àcs propofîtions antécédentes , mais néceflàires pour parvenir à la découverte & à la démonf- îration des vérités les plus importantes. On fuit que les tiges d'une jeune plante , encore tendi'e & herbacée, étant mifes dans une chambré , perdent leur perpendicularité , & qu'elles s'inclinent toutes du côté du vi- trage , c'eiï- à-dire, du côté des rayons ou de îa lumière du Soleil. Puifque le célèbre Newton nous a fait con- îîoître que la lumière eft la matière même dit Soleil , nous pouvons prendre l'un pour l'au-* ire. Cette inclinaifon des plantes dont je viens de parler, n'eft afTurément caufée que par lar lumière du Soleil, car pendant la nuit elles fe redreffent un peu. Si o n fait faire ati pot oir font ces jeunes plantes une demi-converfion , elles fe re-» dreffenc entièrement pour s'incliner bien- tôt dans un fèns oppofé , & toujours du côté de la lumière. Des plantes pofées entre deux croifées » e^eft-à-dire , entre deux chafîis h verre éga-" lement fermés , s'inclinent toujours du côté du chalTis extérieur j ç'eft-à-dire , d'où vient le jour. Végétation , Llv. III ; Ch. VIî. ^5^ , On pourroit dire que c'eft parce que c- chaiTis extérieur eft mieux éclairé que l'au* ffre. Pour lever ce doute , j'ai fait l'expérience luivante. J'ai mis de jeunes plantes en pot fous imè boîte quarrée , ifoîée en plein air; les côtéâ ^e cette boîte étoient fermés de quatre car- reaux 4e verre égaux , & le delTus étoit cou* ^ert d'une planche , le tout niaftiqué en~ femble. . Les quatre cotes de ma boîte étoient cer- tainement bien également éclairés; cependant toutes les plantes fe font inclinées du coté dii niidi. La même chofé arrive aux jeunes ptan» tes élevées fous des cloches de verre, lorl-^ qu'on a mis des paillaflbns fur ces cloches. Mais îorfqu^on n'y en met pas, la partie! fupérieure des cloches donnant également paf- fage aux rayons du Soleil , les plantés ne s'in-^ clinent point, ou du moins très-peu. Voilà une expérience qui me pa'roît encore plus concluante. Je mis au mois d'Avril de jeunes plantes en pot ,1e long dû vitrage intérieur de ma ferre chaude. Je mafquai extérieurement ce virrage paf îe moyen d'un paillaffon mince, à la vérité^" mais qui cependant ombrageoit afiez ce vi* trage, pour donner évideiiimenrà connoître que la partie du pot qui y touchoit étdiî bien moins éclairée que l'autre. Malgré cela,mes jeunes plantes s'inclinèrent •eu côté du vitrage , mais moins à la vérité G z 100 Traité b è t a que d'autres qui lï'étoient point marquées pâf le paillafTon. On ne peut donc pas dire que îeis plantes fie le déterminent, dans leurs mouvements ,- que du côté îe mieux éclairé , ou du moins que ce foit-là Tunique caufe : feroit - ce la partie la plus échauffée qui les détermine- roit ? La même expérience m'a fait voir le con* traire : quoique pendant le temps de cette expérience le ciel étant clair , le Soleil lu- mineux , îe vent étoit de nord , & le ther- momètre de Réaumur , expofé à l'air libre , ne s'éleva point à midi au-deiTus de huit dé- grés j & rePca ainfi toujours au-defîbus de tera-» péré. Un pareil thermomètre, que j'avois remar- qué être, afTez d'accord avec l'autre, étoit dans la ierre chaude, & ne marqua jamais moins dé q:uin2e degrés. L'air de la ferre étoit donc pins chaud que l'air extérieur. Donc fi c'étoit la chaleur feule qui attirât les plantes, & qui déterminât leur fRouvement & leur inclinailon , elles auroienc dû s'incliner plutôt du côté du fourneau, que de celui du vitrage ; mais j'obfervai îe con- îraire : donc il y a un autre moteur , utr autre agent qui les attire, qui les déter- mine. Cet agent , qui fe retrouve par-tout , ne peut être autre que l'effet attraélif des rayons du Soleil ; effet plus ou moins puifîànt , feiont que ces rayons frappent plus ou moins di- îe^Sement ; mais qui , fe réfléchifîanc &. agif-» Végétation, Lîv. m,CH. VIL ioï fànt avec la lumière , fe fàif fentir par-tour, même dans les parties de l'air qui n'y pa- roifîènt pas expofées. Toutes les expériences que je viens de ren- dre ont lieu , non-feulement fur de jeunes plantes herbacées , mais fur toutes les jeunes pouflès des arbres. Ayant mis au mois de Mars, dans ma ferre chaude, plufieurs petits orangers, dans l'inten- tion de faire pouflèr plutôt les écufTons qui y a voient été mis h œil dormant, tous les écuf* fons avoient pouffé de la longueur de cinq à fix pouces ; mais tous s'étoient inclinés du côté du vitrage , de manière qu^iîs formoienc avec la tige des angles de plus de foixante dégrés. Je trouvai mon îardinier qui fe difpofoit à les redrefîèr , en les alfujétifTant h des ba- guettes ; il les eût sûrement cafîes. Je fis fimplement tourner les pots dans un fens oppofé , & mes écuffosis fe redrefîèrenc ; quelques-uns même commençoient h fe cour- ber de l'autre côté, lorfque je les fis fortir de la ferre chaude. Voilà une expérience qui m'a donné une preuve encore plus marquée du revirement des plantes du côté du Soleil. Sur un bout de planche épaifîè , pofée ho- rizontalement fur le terrein , j'avois fait clouer une autre planciie affez large & peu épailTe , dans une pofition vertitale de la hauteur d'en- viron quatre pieds. J'avois fait percer cette planche , d'environ fix pouces en fîx pouces, par des trous qui G 3 |ro2 Traité b e ■ x a' ^ s^oient à-peu -près deux pouces en quatre.' Je îïîis fur la planche , qui fervoit de bafe» iîn pot dans lequel étoit un jeune jafmin de? Açores , qui n'avoir qu'une tige lârmenteuie & très-flexible. Cette plante étçit derrière la planche ver- jtîcale qui (àifbit face au midi , & en écoitainfi ©mbr<3çée. Lorlque la partie fupérieure du farmenî: le fut élevée â hauteur, & vis-à-vis du pre- mier trou de la planche , elle ne tarda pas à palier par ce trou , attirée par le Soleil , ôc s'in- plin^nt du côté de cet aftre, Lorfqu'elle eut pris environ quatre pouces ^e croifîanpe , je tournai la planche & la plante du coté oppolé, de manière que ce qui étqit à l'expolition du niidi fe trouva au rjprd : ce changernent de pplition influa fur la jeune poufle, qui refl:a quelques jours flans le ipême état ; mais ayant enfin poufîe ile nouveau, & atteint à la hauteur du fe-7 çond trou , elle ne manqua pas d'y paflèr corn- jTie h' première fois, &c pour lors elle s'aîonge^ rapidement. Si, çqmrne les anaîogifej j'eufîè admis ^u fentiîîjent dans les plantes , je n'aurois pa$ voulu expofer celle-ci à un nouveau chagrin ^^ en la retournant au nqrd ; ce que je fis tou- jours avec Igs mêmes réfultats , de rnanier^ gu'a la fin mon jafmin fe trouva entrelace dans tous les trous de la planche. Que Ton ne cherche pas là de qiouvement^ Spontanés daiis ces tiges; il n'y en a pas plus igue dans ks racines gui fe détournent pouç Vegètatioît, tîv: m , Ch. VII. le^ ëvîterles obftacles qu'elles rencontrent en leur chemin. On en verra la caufe , comme on doit re- connoître ici l'aflion du Soleil , qui fe mani- fèfte évidemment. Les arbres plantés contre un mur , à l'ex- pofition du nord , étendent leurs branches du côté de Tair libre, mais moins que ceux qui font plantés contre un mur au midi. D'après des expériences faites par M. Bon- net , & qui , répétées , m'ont donné les mér- mes réfulrats, fî on met fur une plante eri plein air un tuyau opaque de bois ,degrais, ou de terre cuite, qui foit ouvert par le haut, on verra que la plante pouflè beaucoup en hauteur , (ans prendre que très-peu de grof- leur, comme il arrive aux arbres plantés en maffif dont nous allons parler. Mais fi le tuyau eft de verre & tranfpa- rent, la plante s'incline du côté du Soleil, & pour lors elle s'élève moins & groiîit da^ vantage. Si on pratique quelques petites ouvertures aux tuyaux opaques , les plantes s"'inclinent du côté de ces ouvertures. Si on feme dans un va(è des graines quel- conques, & qu'au milieu de la fuper^ciede ce vafe on place une petite planche , ou tout ;^utre corps opaque, élevé & fupporté fur la terre h environ trois pouces , les plantes qui ne feront point couvertes s'élèveront droi- tes , & celles qui le feront s'inclineront plus QU moins, leîon qu'elles feront éloignées ds î'air libre j de forte que celles qui feroni G 4. |Ô4 T B. 4 r T E B E t 4: l^ers le milieu de la planche, s'inclineront p|u| que celles qui feront vers les bords. Si les jeunes tiges & les poufïès encore ten- dres s'inclinent, comnie nous venons de 1« |îireï du cpté de la lumière; je dis les pouffes encore tendres , car , quoique la même attrac- tion ait lieu fur toutes les branches , celles qui font devenues ligneufes ôc dures , & qui pnt acquis une force fufHiante pour véddet à cette attraclîon, ne s y prêtent efredivemene plus , ou du ttîoins très - peu & fort len- |tement; fi, dis-jç, ces jeunes pou fies s'incli- nent toujours du coté àe la lumière, il y a plufieurs plantes qui penchent leurs fieurs dii côté du Soleil, & qui s-inclinent par leur fom- met de façon qu'elles préfentent leur difque à cet aftre , & qu^eîîes Ip fuivent dans fprj cours. Comme pendant la journée le Soleil change de fituation, les fleurs en changent aufîi; elles regardent le matin l'orient, à midi le fud, & îe foir î'occident ; elles reftent là pendant la puit; mais au retour du Soleil on les voit bientôt feire une demi-converfion , & fe re- tourner pour venir lui préfgnter leur difque, C'efit ce mouvement qu'on appelle plus par- t'iculiérement hniitatîon des plantes. Celles qui > par la dudilité & la fbupîefïè de leurs fibres , font plus difpofées à y çbéir^ iè nomment plantes héliotropes. La plante connue fous le lîom de Soleil des jardins , qui a urr très-grand & large difque 5 eft aufïi plus héliotrope qu'aucune aiitre. ' '"■ ' v'egètatïoîî,Iïv. m, Ca.Vîl. lôf On a dit que c'eft parce que les fibres 'de fa tige fe raccourcifîènt du côté du Soleil, ce gui force îa fleur à s'incliner. Il eft bien certain que fi on pîie une tige ou une branche quelconque , les fibres fe raccourcifîènt du côté de la courbure con- cave, & tendent h s'alonger du côté convexe, au point même fou vent de fe cafïèr , fi la ten- fion eft trop forte. Mais outre qu'il n'efl pas aife de concevoir .& d^expliquer ce raccourciflement circulaire & fucceflif, n'efi-il pas plus évident que c'effc |a nutation qui caufe le raccourciflement , & japn pas |e raccourcifiement qui caufe I^ nu- cation ? Si c'éîoit , comme l'ont dit de favants Na- îuraîi fies, dont je refpeâe d'ailleurs les lumières i& la (cience , fi o'étoît une plus grande tranl^ piration de la branche du côté du Soleil qiù causât ce raccourciflement des fibres , ne de- yroit-il pas avoir lieu également fur les branches qui n'ont pas de fleurs , ce qui n^arrive pas > On remarque que les épis de bled rie pen- chent prefque jamais du côté du nord , mais s'inclinent du côté du cours du Soleil depuis Se levant jufqu'au couchant. Il paroît donc que la même caufe de la nu- tation influe fur l'obliquité des épis, qui de plus cèdent au poids de la charge. Non-feulement Faclion du Soleil attire & fait tourner les fleurs , mais elle fait les méme^ effets fur les feuilles de plufieurs plantes. Qn voit ces feuilles fuivre l'impreflion de fon cours ôc fe tourner toujours vers Iqi j fan^ ■?.0^ T R A, I- T É " U E X A que leur pédicule paroifle avoir rien perdu dé la ligne droite. Ainfî , on ne peut pas trou-? ver ià de raccourciflèment de fibres. Je ne parle point ici du revirement des feuilles qu'on avoit retournées ; nous avons çxamirïé ce fingulier & admirable phénomène. Toutes les fleurs s'ouvrent fouvent à rafpeâ: du Soîeil , & fe referment ou du moins fe reiïèrrent lorfqu'i! difparoît. C'eH fans doute par le même effet qui force les feuilles en général à fe préfenter à l'aélioii de fes rayons. Que l'on ne cite point le géranium trijîe , h. plante du/Wdzp, connue fous le nom de belle- denuit ,* on ne peut les regarder que comme des exceptions à la règle générale, dont nous ne ferons plus furpris lorfque nous parvien- drons à pouvoir connoître leur prganifation particulière, qui fouftrait ces plantes aux lois auxquelles toutes les autres font aiïujetties. Il eft certain que les expériences les plus décisives ne prouveroient jamais rien , fi on fe laifîoit arrêter par quelques citations particu- lières , qui , fouvent bien examinées, fe trouvent ^rt étrangères au fujet. J'ai remarqué que la nutation a îieu fur les? plantes qui végetentdans Peau comme fur celles qui font en terre , mais d'une façon moins mar-* quée , parce que peut-être étant remplies d'une fève trop crue^, elles font moins difpofées que Ses autres à l'adlivité de ce mouvement. Ces effets finguliers , qui n'ont évidemmenç pour caufe que la lumière & la chaleur du So- îq|î 5 bien di&renre fans àout& de |a lumière ^EjSETÂTIOîT,IlV. m, Ck. Vil t(yf iSc de la chaleur artificielle , n'ont point lieu pendant la nuit ; alors l'efFet ceflè avec h caufe. On voit même pendant rabfence du Soleil , que les jeunes plantes qui s etoient inclinées yers lui pendant le jour, fe redrefîènt pen- dant la nuit, n'étant plus contraintes par foa attraélion. En vain j'ai présenté aux fleurs , auï feuilles « des charbons ardents , un fer rouge , la flamme .d'une bougie , &c. je n'ai jamais pu parve- nir, par aucun moyen de chaleur artificielle» à occafîonner le moindre mouvement dans les plantes , excepté la (enfitive. Lorfque cette chaleur a été trop forte & f rop rapprochée delà plante, j^ai vu les feuilles fe contrader & fe replier , mais c'efl: parce qu'elles étoient brûlées: & en effet , l'organi- lation étoit tellement détruite, que toutes celles qui ont fait ce mouvement ont defféché & péri. PafTons maintenant à l'obfervation de la nu^ tation , c'eft-ci-dire, des effets de l'attradion du Soleil fur les arbres qui font en pleine terre & en plein air. On voit que les arbres poulîènt& ^'étendent plus du côté du midi ,* que les couches circu- laires , corticales & ligneufes du tronc & des branches fonrpQur l'ordinaire plu§ épaiflès du jcôté du midi. Les plantes ombragées s'inclinent & pouf- fent toujours du côté de la partie la plus éclai- rée, & toujours de préférence, tant qu'elle^ |i£ peuYcnt j du côté dii Solepa ïôS T K Jî T r à DE I A Cette obfervation efl: bien féniîble dans les futaies & dans les maflîfs des forets , où les arbres fe trouvant réciproquement refîèrrés & ombragés, pouflènt droits & s'élancent avec rapidité du côté au ciel , feule partie où puif- fent faire efîèt fur eux en pareille poCnlon les rayons du Soleil. On voit que ces arbres s élèvent prodigîeu- iêment en peu de temps , mais en prenant peu de corps; cependant, îorfqu'ils font par- venus h la hauteur qulls doivent avoir g alors ils grofTifïènt. Les arbres ifolés pouflènt beaucoup plus de branches latérales que ceux qui font en maflif , & les branches du haut de ces arbres font un angle plus aigu avec la tige que les branches du bas. ]^^ eft-il pas évident que cet écartement , ainfî que le plus grand alongement de ces branches du bas , ne provient que de ce qu'elles font obligées de s'incliner pour chercher l'air, toujours attirées par le même agent qui fe reconboît par- tout ? D'après toutes ces expériences, & pîufieurs autres que j'aurois pu rapporter , on peut con- clure avec évidence , que l'adion du Soleil pa- roît être plus puifTante fur les végétaux que fur les êtres des deux autres règnes ; que cet aftre les vivifie , les anime & les attire plus fortement. Qu'il a fur les jeunes tiges , les jeunes bran- ches , les boutons , &c. & particulièrement fur les feuilles une force d\ittra6iron à laquelle elles font forcées de fe préfènter, comme il fera encore mieux démontré, VEGETATIOWjtlV. îïî, Ch.VIÎ. 10^ Que devient ici le fyftéme de Descaftes ^ que devient cette ' hypothele de la matière globuleufe poufîee par le Soleil , & qui fait fur les corps TefFet de la preffion d'un bâton pouffe par l'autre bout ? Les plantes feroîent donc pouflees par la lumière, & elles fe renverferoient dans un fens tout oppofé à celui où nous tes voyons s'in- cliner conftamment. Si DeTcartes , fi fes feâateljrs avoient eu connoifiànce des esrpériences que je viens de rapporter , auroient-ils pu foutenir un pareil fyftéme ? C'efl: ainfi qu'uft Ecrivain de cabinet, qui îi'eft pas à portée de fuivre & d'oblerver les opérations de la nature , en parle fouvent d'une manière bien oppofëe à ce qu^elles font en effet. Que î't)n ne regarde pas comme étrangères au fujet que je traite , les propofitions pré- liminaires que j'ai cru devoir établir ; on en verra bientôt Tapplication & rufage. Elles ferviront à expliquer & à démontrer Ses mouvements de la fève de la manière dont j'en parlerai bientôt. iro Traité pèxi CHAPITRE VII L î)e la raréfacliort & de la tàndènfdiion dans VAir. N appelle raréfacfllon, ration <3e îa cha- leur qui dilate & étend les parties des Iblîdes & des fluides , enforte qu'ils occupent vm. plus grand efpace qu'auparavant. La condenfation eft i'adion du froid ; elle refïèrreles parties des cofps de manière qu'ik ont moins de volume qu'ils en avoienr. , Ainfi i les effets de l'une & de l'autre ibnt diamétralement oppofés. Où commence la condenfation , là finit îa faréradion ; & réciproquement. Ce conrrafte «i'efîèts fuccefîîfs joue un grand rôîc dans plu- fïeurs opérations de la nature. Je m'en tiendrai ici à démontrer celui qu'il pue très-évidemment dans îa végétation ; & , me propofant de le préfenter comme le prin^ cipal agent, quoiqu'en efîèt il ne foit que fe- condaire , je vais tâcher d'établir fès effets , & de les rendr^e intelligibles & fenfibîes. Nous avons vu qu^ la chaleur du Soleil a fur les plantes une influence , une adtion que n'a pas de même îa chaleur artificielle ; mais il paroît que l'une & l'autre produifent égale- ment la raréfaélion. Nous voyons la liqueur contenue dans le VEGÊTATIONi LiV.IIÎ,Gh. VIII. II ï tube d'un thermomètre mis dans un lieu écha^uf^ fè , monter au même degré que l'a fait mon* ter la chaleur du Soleil. Si nous voyons TefFet de la raréfaâion fur !cs fluides , il eft certain qu'il a lieu auffi fur les folides, même les plus dénies & les plus durs. Les animaux , les végétaux & les minéraux éprouvent l'effet de la raréfaélion : la tranfpi- ration fenfibîe & infenftbie des deux premiers n'en peut laiflèr douter ; & on fait que les pierres les plus dures , & même les métaux , font dilatés par la même caufe. Un fer rouge devient plus gros & plus long dans le feu qu'il n'étoit auparavant. L'expé- rience a fait voir à M. Haies , qu'une barre de fer de quatre pieds de longueur ayant été rougis au feu, alonge de quatre pouces. Cette exren (ion des métaux parla chaleur E'eft que trop connue des Horlogers,qui éprou- vent que les horloges retardent fenlibîement dans les grandes chaleurs par l'alongement du pendule. La eondenfation qui eft eau fée par le froid , coTTime nous venons de le dire , a des effets tout contraires ; elle refïèrre les parties des corps , en diminue le volume , & lui fuit oo^ euper moins d'efpace. On a expérimenté à l'Oblèrvatoire dé Paris , que pendant de fortes gelées , les corps les plu» durs, tels que les marbres , les verres, les mé- taux,fe font condenfés & rétrécis fenfiblemenr , qu'ils étoient devenus aigres & cafl&nts paj: îe froid ; mais qu'après le dégel ils font reve-*^ fltis en leur premier état. m TkAiTÈi)±i A Nous avons dit que la chaleur donnant p!o^ trextenfîôn aii pendule , fait ferardér les hor- loges ; au contraire , le froid qui le condenfe , lé raccourcit , & fait avancer l'horloge , parce que l'arc d'ofcilîation devenant pîus petit, lé mouvement eft accéléré , coîîime il qÛ retardé quand l'arc eu plus grand. Il eil certain que tous les corps fe raréfient par la chaleur, &: fe candenfent par le froid t on ne peut donc dôufer que les végétaux, in- finiment pîus porétix, plus remplis d'air & de liqueurs , ne foient très-fufcepribles des effets èe la raréfaction & de îa condenfation ; c'efl: ce que nous verrons en parlant des mouvements de la fève. Quels quQ fôient îes principes élémentaires de l'air , foit qu'ils foient en forme de fpiraîe ou de véiîcùles , toujours eft-il certain que nous remarquons dans l'air l'effet d'un reffort très-ad:if& très- fort , quoique très-délié Ôt Irés-foupFe. Nous avons vu qu'il peut être comprime âu point de devenir fixé , & nous voyons la prodigieufe dilatation dans îes favantes expé- riences de M. Haïes , qui non-feulement a reconnu d'une manière indubitable l'exten- iîon de Fair , mais méine eil parvenu à la' âiefiirer. Nous avons vu que l'air perd & répfencf fon élafficité avec un bruit & une force es^pri- mée dans nos expériences en petit , de ma- nière à nous faire concevoir combien il elî capable d'opérer hs terribles phénomènes ■<|ue l'oa éprouve quelquefois. Je Vegetation,Liv. IÎÎ,Ch.VIIÎ. lij Je vais tâcher ici d'exani^ner & d'expliquer comment il le raréfie par la chaleur , & fe condenfe par le froid. La grande fluidité, la grande élaflicité de Tair àthmofphériquejtoujours plus ou moins char- gé , coiïime nous l'avons dit , de particules hétérogènes , le rend très-fufceptible de l'ef- fet de la raréfadion & de la condenfàtion. Après uil grand froid qui l'a fortement: çondenlé , le rçoindre degré de chaleur fuf- fit pour commencer à le raréfier ; & de mê- me , après une grande chaleur , peu de froid ou même de fraîcheur le condenfe. C'efl ce que nous fait voir le thermo- inetre ; & cette pbfervâtion devient impor- tante pour ce que j'ai à expliquer par la fuite. Le degré de raréfaélion ou dé condenfà- tion de l'air efi: toujours égal au degré de chaleur ou dé froid. Ainfi une diminution de froid ou de con- denfàtion peut être regardée comme un com- mencement de chaleur ou de raréfadion ; ôc réciproquement ces alternatives font ainfj très-fréquentes dans toutes les faifons ; ce qui rend tels , comme nous le verrons , les mouvements dé la fève , & concourt à bien d'autres opérations de la nature. Il efl très-probable que la raréfardion & la condenfàtion des corps ne s'opère que par la dilatation de l'air, qui , en ouvrant & éten- dant leurs pores , leur fait prendre plus de volume qu'ils n'en a voient ; de même qu'en ^fe conderifànt , fe refïèrrant , il permet aux Toms n, ij ÏI4 T R A I T É D E LÀ — parties homogènes des corps de fe rapprd* cher davantage , ce qui ne peut fe faire fans que ces corps perdent de leur volume. Autrement la raréfaélion des corps ne pourroit le faire que par une défunion de leurs parties ; & on fait que cette défunion ne pourroit qu'être accompagnée de frac- tures , de décompofition , & de la féparatiom des .parties conflituantes. De l'autre côté , comment concevoir dans îa condenfation le refîèrrement des parties des corps ?Seroir-ce en rentrant les unes dans les autres ? on fait que cela n^eft pas poffi- ble. Il eft donc très-probable qu'il n^ a que l'air répandu dans les corps , qui foie vraiment fuiceptibîe des effets de la raréfac- tion & de îa condenfation. C'eft aufïi l'air qui opère la raréfadion dans les fluides, dont il divife & étend les par- ties au point de les rendre imperceptibles & invifibles, & fî légères qu'elles flottent dans les airs. Que l'on ne s'étonne pas que Teau ainfi raréfiée devienne plus légère que l'air , puis- qu'on fait que l'or , le plus pefant des foîi- des^ peut acquérir une telle extenlion, qu'il devient lui-même plus léger que l'air. Quelques Phyficiens avoiént prétendu que 'dans la rarefadion le feu s'inflnuant dans les corps, en augmentoit le volume par l'addi- tion des particules ignées : mais comment expliquer que dans la condenfation , les par- ;ticules frigorifiques qui s'y introduifent , fé- lon eux , puiflènt diminuer le volume de c^s mêmes corps? i VEGEÎATIONillV. IÎÎ.Ch. VIÎÎ. ïÎ$ ReconnoifTons donc , comme il eil évident ,. que ïi la chaleur & le froid font les caufes de la raréfaction & de la condenfation, l'une ôc Tautre ne s'opèrent véritablement que fur i'air. G'gft fa dilatation qui opère celle des corps ; opération plus ou moins fenfible , félon le plus ou le moins de folidité , & par confé- quent le plus ou le moins de ré/îilance des parties confîituarites. EfFedtvemerit la dilatation des folides eli toujours relative à leur derifité. II n'eft pas étonnant qiie la dilatation de Vâir opère Une û grande extenfiorl dans les fluides , parce que leurs parties font défunies , & peurent être aifémënt fépârées. ' D'après ces notions , on concevra fans peine les effets de la raréfadion & de la con- denfation de l'air dans les végétaux; on en- tendra commeiit il divife les particules diffé- rentes dont il efl chargé , comment il les- tranfmec dans les plantes , & comment , après avotr raréfié les parties aqueufes fu- perflues , il s'exhale avec elles par une efpeed de tranfpiration. fi^lih Hz iê Traité d e t i CHAPITRE IX. Des effets de la raréfaction 0 de la conden-* fation dans le. terre. I l'effet de la raréfàdion & de la con- denfation a lieu dans tons les corps , & prin- cipalement dans ceux qui font les plus po- reux , il ne doit pas paroitre douteux qu'il n'ait lieu dans; la terre : les cavités de cet . élément , remplies d'air & de vapeurs , fub- iîances fur lerquelfes s'opèrent plus particu- lièrement la. raréfadiori & la çoadenfation , ' font bien propres à en recevoir les effets. Examinons ici ce qui nous en eft bien connu. Voilà une expérience bien commu- ije ,, que tout le monde peut veir , & que peu de perfonnes ont peut-être obfervée avec ^attention qu'elle mérite. . , Lorfqu'après des pluies , il s efl formé des Vaques d'eau , s'il vient à geler , là partie fu- périeure de l'eau fe convertit "en glace plus ou moins épaiiîè , félon le degré de la ^éiée ; mais entre cette épaifïèur de glace & le fond du trou , il fe forme un efpace vuide , qui fait connoître que îerefte de l'eau s'efl: difïïpé , de forte que la fuperfîcie glacée refle ifbîée , comme la voûte d'une cave. H n'y a point de voyageur qui n'ait eu lieu de voir cela , quelquefois même au pré- ^ VEGETATIOH,LlV.III,CH.VIïr. IL7 Judice de fes chevaux, dans les chemins creu^ & dans les ornières : mais lorfque vient le dé- gel , ces flaques , ees ornières fe remplifîènt d'eau prefqu'à la même hauteur qu'avant la gelée ; de forte que la même eau qui avoit difparu , revient au dégel remplir la cavité qui la contenoit. Comment expliquer ce petit phénomène , plus commun qu'il n'eft peut-être remarqué , fi ce n'eft par l'effet de la raréfaâion & de la çondenfation ? En effet , pendant la gelée , en même temps que la furface de l'eau fe glace , les molécules de la terre fortement conden- fées par le froid , & fur-tout les particules d'air qui font répandues dans les cavités de la terre , fe condenfent , fe redèrrent & laif- fent entr'elles des efpaces que vient remplir l'eau du fond de ces fofîès , qui étant encore dans un état de fluidité , y eft afpirée. Mais au dégel , l'air & les parties du ter- rein dilatées par l'effet de la raréfaéiion ,, venant à remplir les efpaces qui s'étoîent for- més , il doit en réfulter une preffion qui force l'eau h rémonter dans la cavité où elle çtoit contenue auparavant. Tout autre terrein très-fec pendant îa gelée , devient tellement mouillé & détrem- pé au moment du dégel , que l'on ne peut douter de la quantité d'eau qui , par la mê- me caufe , elî repouffée & fort alors de la terre. - Un terrein nouvellement foui , & où par çonféquent il y a plus d'interftices , plus à.^ £i8 Traité de t a cavités , laifle à peine voir le matin fur ik furface les marques de la rofée- , tandis que le terrein voifin _, qui n'a pas été remué , en eft tout couvert. Cette obrervation efl très-connue des ma- raudeurs, qui vont le matin à la recherche des effets que les malheureux habitants d'un pays ennemi ont enterrés, dans refpoir de les fquftraire aux vifites fâpheufes qui fe font dans leurs maifons. Cet effet de la rofée abforbée n'efl-il pas produit p^r la même caufe ? Une plus grande quantité d'air condenfé pendant la nuit dans les cavités du terrein , ne doit-elle pas produire une plus grande afpiration , & par conféquent attirer plus puifTamment la rofée & l'air extérieur chargé de vapeurs ? Cettte obfervation prouvera en fon lieu î'utilité principale des labours , des fumiers, de la marne , & de toutes autres fubfiances qui , en divifant les parties de la terre , Isi rendent plus poreufe & plus admifïïye à i.'aij: & aux vapeurs. Une expérience dont je vois conftam- ment le même effet toutes les années , don^r- neroit fe.ule une preuve fufEfante de la forcœ de l'afpiration qui fe fait fur les racines dans la terre j pendan;: le temps de la çonden- làtion. Je fuis, dans Tufage de faire enterrer des pots , dans lefquels j'élève des arbrifîeauxquj aiment la fraîcheur , tels que des grenadiers ^ 4es myrtes j des lauriers , &c. VEGETATION, LiV. III , Çh. IX. Ii^ Lorfque Fon fort au printemps ce^ ar * triflêaux de la ferre , je les fais mettre en terre avec leurs pots ; Parce que j'ai reconnu qu'ils poufîènt ainfî plus vigoureufement , & qu'ils fleurifîènt bien mieux , en donnant moins de foins & de peines pour les arrofer. À rapproche des gelées d'automne , on retire de terre ces arbres pour les mettre dans la ferre. J'ai toujours obfèrvé que de longues & fortes racines font forties par les trous qui font vers le fond des pots , & que ces raci- nes fe font enfoncées en terre , s'y font con- jfidérablement alongées , & y ont fait des productions & des bifurcations qui les font tenir dans la terre , de manière qu'on a quel- quefois de la peine h les en recirer ; fouvent même elles y reftent , en fe caiîànt vers le trou du pot par où elles font forties , ôc qu'elles remplifïènt totalement , tant elles ont groffi. Pour m'afTurer fi ces racines étoient atti- rées hors du pot , ou fi elles n'en fortoient pas d^efles-mêmes pour venir chercher la terre extérieure , j'ai mis , à des exportions différentes, de femblables arbrifTeaux en pot, mais en pofant feulement les pots fur un bon terrein. J'ai même mis h quelques-uns quelques pouces de bonne terre pour couvrir ces trous qui , pareillement à ceux qai étoient en terre , étoient fur les côtés du pot , un peu au-deffus, 4u fond, H 4 |2a Traité de z k Je n'ai jamais vu fortir de racines par ces trous : j'ai Elit plus , j'ai attiré des racines par ces trous , je les ai recouvertes d'un peu de terre que j'avois foin d'arroîèr : ces ra- cines 5 loin de pouffer , fe font defTéchées en peu de temps. , N'eft-ii pas évident que les racines ne fortent par les trous des pots enfonces en terre , que parce qu'elles font attirées par l'ef- fet de l'efpece d^afpiratioii qui s'y fait fentir^ ^ que celles qui font fur la fuperfîcie de îai terre n'en fortent point , parce qu^eîîes n'é- prouvent pas cette afpiration? ^ Je dois ajouter que j'ai vu fortir quelques racines par les trous du fond du pot qui étoit un peu enfoncé en terre, parce que s dans cette poiition , TefFet dont je viens dé parler devoir avoir lieu ; mais ces racines n'avoient acquis ni la grolîèur , ni la lon- gueur de celles dont |çs pots étoient totale- îr.ent en terre. Voilh encore une autre preuve de l'e^et de l'afpiration du terrein fur les racines. ' Si , à une petite diftance d'un jeune ar- bre , on fait une tranchée de trois ou quatre pieds de profondeur , ^ qu'on la remplifîé fur le champ de la même terre que l'on a retirée de cette tranchée, hs racines de î'arbre fuivront la direction de cette tran- chée", ou elles feront de grands progrès en peu de temps , & elles s'aîongeront prodi- gieufement , fans prefque faire de racines latérales. * La même chofe arrive fî j au Heu ds Veget ATïOîi , Lit. III , Ch, IX. 1 21 ferre , on remplit h traochée dç terreau très- délié ; mais alors les racines qui y ont pé- nétré font fort menues: car les racines font toujours d'autant plus longues & plus che- velues , qu'elles font dans une terre plus lé- gère & plus aifée à pénétrer. C'eft pourquoi elles font très-longues Se très-menues dans la vafe , & encore plus dan^ Veau : ce qui fera mieux développé dans le volume fuivanr. Tout cela prouve bien mon opinion, qui, quoique nouvelle , n'en eft pas moins fon- dée , comme on lé verra de plus en plus pac h fuite. Je démontrerai que l'effet de la raréfàftioii & de la condenfacion qui s'opère dans I4 terre , efl: un agent aftif & puiflant des mou- vements de la fève , qui n'a point encore été apperçu. Je ne lâche pas que perfqnne en ait en- core parlé : on verra que ce qui a paru in- concevable , devient très-aifé à concevoir & ^ expliquer par cette démon ftratiqn de l'af- piration des racines , effet très-naturel de I4 condenfation dans la terre. Il me fera aifé de démontrer que cet efîêc 4'afpiration & de répulfion dans la terre , eff îe principal mobile de la végétation. L*idée feule de fon exiftence éclaircit & rend facile la démonffration des mouvements de la fève ; mais pluscette idée elHmportante, & neuve , & plus elle a befoin d'être in- conteftablement prouvée. C'eft pourquoi , pour mettre mou opiniQ.rî ,$1% • T E. A î T E DE 1 K - entièrement hors de doute, j'ai imaginé une expérience qui m'a Satisfait au-delà de mon attente : j'en vais donner Fexplication & les réfuîcats dans, le Chapitre fuivant. CHAPITRE X. JnJIrument nouveau qui fert à prouver & à marquer les effets de la conàenfaûon & de. la raréfacîion dans la terre. i o u E. me procurer une nouvelle preuve de l'effet de la condenfation & de la raréfac- tion dans la terre , & pour obtenir un moyen d'en reconnoître les variations & même les degrés, j^ai imaginé un inftrùment bienfim- ple , qui m'a très-bien réufîî. J'ai lieu de croire qu'il paroitra aufîî intérelîànt qu'il efl nou- veau. je pris un tube de la grolîeur de cehii d'un baromètre , de deux pieds de largeur ; je marquai fur ce tube une longueur de qua-" torze pouces j, & je divifai les autres dix pou- ces en deux parties égales. Ayant fait rougir ce tube au premier point înarqué, je le courbai en manière de fyphon; je fis rougir pareillement ce tube au fécond point marqué, qui divifoit la branche de dix pouces en deux parties égales , & je le cour- bai dans un fens oppofé. " Selon cette difpofition, ïa longue jambe est Vegetatioît, Iiv. ni,CH.X. 12,5 «non fyphon avoit quatorze pouces de lon- gueur , & l'autre jambe de dix pouces étoit jrepliée en deux parties de cinq pouces cha- cune ; & ces deux parties formoient un fy- phon renverfé , dans lequel je fis pafïèr de l'eau colorée de la hauteur d'environ troi^ pouces , dans Tune & l'autre branche. Ayant ouvert la terre à neuf pouces de pro- fondeur , j'y plaçai la longue branche du tube, que je fixai à un appui bien ferme. J'eus foin de Tarranger avec de petits morceaux d'ardoife, de manière que l'orifice du tube ne fût pas bouché , & je remplis de terre le trou que j'avois fait pour y niettre le tube. Je plaçai enfuite deux petites règles gra- duées , en marquant fur chacune le point corrcfpondant à la furface de la liqueur dans î'une & Tautre branche. Par ce moyen bien fimple , je me fuis pro- curé la connoifïânce du temps de la raré- fadlion & de la condenfation qui s'opère dans la terre , avec la certitude du degré de J'une& deTautre. Cette expérience curieufe n'efi: pas fat^s utilité, comme on le verra dans le quatrième Livre. Au temps de la condenfation , où fe fait une forte d'afpiration dans la terre , la liqueur monte dans la branche qui tient au tube dont lorifice eft en terre , & elle defcend d^ns Vautre branche ; le contraire arrive dans le temps de la raréfaélion. N'eft-il pas évident que le même effet (Joi^ Traite b e i â avoir lieu fur les racines des arbres &de tou" tes les plantes ? Cette expérience prouve évidemment ce que j'expliquerai des mouvements de la levé. Elle démontre que pendant la chaleur du jour, temps de la raréfaction , îes particules d'haïr & d^eau dilatées dans la terre , y for- ilient unepreffion en toutfens , dont l'effet fe hk fentir fur la furfàce de la liqueur avec afîèz de force pour la iàire defcendre de ce çôté-îà , & la faire monter de l'autre. Et que pendant la nuit , temps dfe la con- denfation , les particules d'air & d^eau dimi- nuant alors de volume , & occupant moins d'efpace , il fe forme dans la terre une forte d'afpiratîon qui attire , fouleve la liqueur qui monte du côté ou elle efl: alpirée j & defcend dans l'autre. Ces effets de la raréfaélion & de la conden- sation dans la terre , bien reconnus , prouvés èc même gradués au moyen de l'inf^rument que j^ai imaginé , ne îaifïènt plus douter ^e leur adion fur les racines des plantes. Il eft aifé de corxevoir que , pendant h chaleur du jour , la fève eft poullle dans les racines avec la m.éme force qui preflè ici la, liqueur dans le tube , & que , pendant la fraîcheur de la nuit, l'afpiration qui fouleve. ici la liqueur, attire & aîonge les petites ra- cines , & leur communique une grande force <3e fuccion pour attirer la fève defcendante. Que d'incertitudes difïipées , que de con- noiffances acquifes par cette feule expérience, qni va noys fervir à expliquer, plufieurs phé- Végétation, Liv. IIî,Ch.X, s2^ nomenes de la végétation , qui jufqu'ic^ ont été regardés comme incompréhenfibles , tels que la perpendicularité confiante de la radicule & de là plume des graines , toujours dans un (ens oppofé. De la manière dont ces tendres plumes foulevent & percent des mafïès de terre énor- mes , eu égard à leur foiblefle. Comment les racines s'allongent , s'étendent & pénètrent dans dès terreins fort durs , &;c. &c. On verra dans le troifieme volume com- bien l'ufàgede cet inftrnment deviendra utile, pour faifîr le temps & les circonftances fa- vorables aux femis , pour diriger les arrofe- ments , & ne pas contrarier la nature dans fa. marche. - J'appelle cet inftrument thermomètre ter- îeflre , très-diiîerent , comme on le voit , de celui qui nous indique les degrés de la tempé- rature de l'air. Celui-là nous fait connoîtro toutes les vi- cifTitudes que différentes circonflances opèrent dans la terre. Ces circonflances font telles, que j'ai recon- nu quelquefois par un temps plus fenfiblemenE chaud que froid, &le foleii étant ardent, que la terre étoit dans un état qui approchoir plus de celui de la condenfation que de h raréfaction. Nous en verrons les caufes par- ticulières. J'ai fait plufieurs de ces infîruments: étant mis à la même profondeur en terre , Si^ tou- tiS TraitÉ'DE ia tes chofes étant d'ailleurs égales , ils marquent tous au même degré. Mais ils varient félon la profondeur où on les met en terre , félon la- longueur & le dia- mètre des tubes. Ceux qui n'admettent qu''une petite colonne de liqueur, font les plus fenfi- bles , & marquent plus fortement que ceux oit la majGTe de la liqueur eft plus pefante ^ & par-là plus difficile à élever. J'ai reconnu aufîi que ceux qui font le moins profondément en terre , marquent plus fen- fibiement que ceux qui y font plus en- foncés. Cdmme il y aura des planches gravées dans les derniers volumes , on y trouvera la figure de cet inflrument , ce qui en facilitera l'expli» cation & l'ufage. Cette expérience a rempli mes vues au- delà de mon attente ,• car , non-feulement elîé- m a prouvé , cotiime je m'y attendois , l'efFet de la raréfaflion & de la condenfatiôn dans la terre , & cette efpece d'afpiration & de jrépulfion que Tune & l'autre y opèrent alter-^ nativement; mais de plus l'humeur de la terre s'eft élevée dans le tube, fans doute en vapeur , & s'y eft condenfée d'une manière bien fen- fible , dont il en aréfulté deux effets. 1°. Dans les tubes où j'avois rais une li- queur foibls en couleur, l'eau poufîee par heifet de la raréfadîon dans la terre, & quia monté dans le tube, s'eft mêlée avec la li- queur, & en a afïbibli confidérablement la teinte^ • - • • ■ ■ - -^ ::n^:s:' VEGETATION, LiV, lîî , ÇH. X., llj 2p. Dans les tubes où j'avois mis une li- queur très-forte en couleur, il s'eft formé au-deffus de la liqueur colorée , une colonne d'eau très-claire , dont la hauteur augmentoic ,dans le temps de la raréfadion , & diminuoit dans celui de la condenfatiôn. Cependant ayant obfervé qUe cette petife colonne d'eau fe coloroit un peu vers fa bafe , j'ai dû foiipçonner qu'il s'y faifoit une mixtion avec la liqueur colorée. Pour éviter cette mixtion, j'ai fubftituéîe mercure à la liqueur colorée ; alors mon ins- trument , fans cefîèr d'offrir lés mêmes effets , a eii une marche plus sûre & plus réglée. La colonne d'eau qui s'eff formée fur lé mercure étant plus légère que ce minéral , n'a formé av^ec lui aucune mixtion , & elle s'eft coniervée limpide & pure. N'eft-il pas évident que cette eau émanée de la terre , &: qui monte dans le tube & re- defcend dans le l'yphon renverfé , n'eft que ce qu'on appelle la fève dans les arbres ? Si l'eftet de la raréfadion qui s'operc dans la terre , eft capable de la pouffer & de la faire monter ainfi., n'eft-il pas aifé de juger que la même force pouffe la fève dans les racines , & la fait monter dans la tige dé l'arbr'e avec d'autant plus de facilité, qu'elle y eft attirée au fommet des branches par Tagent puifîànt dont nous parlerons? .11 On verra que la manière dont je l'expli* que eft auffi fimple , aufïi intelligible & auffi- bien prouvée, que celle dont on a parlé juf* jiÈ Traité deha qu'ici étoit compliquée, incompréhenlîble & fyftématique. Ce nouveau jour , qui diffipe robfcurite ré- pandue fur les myfteres de la végétation , efi; dû à l'expérience dont je viens de donner les détails , puifqu^elle rend mon opinion bien prouv^ée fur les efïèts de îa raréfaélion & de la condenfation dans la terre : découverte fi lîmpîe, mais fi importante , qu'il eft bien éton- nant que perfbnne , que je fâche , n'en ait parlé avant moi. Nous en tirerons, dans îa fuite dé cet Ou- vrage , les éclairciflèments qu'elle fournit , & les indications utiles que donne l'inllrument dont je viens de parler. CHAPITRE Xr. De l'Analogie, c ^''est par le moyen de Tanalogic quora éft parvenu à acquérir plufîeurs nouvelles con- noiffances; elle a fervi utilement aux progrès de plufîeurs fciences. On fait que l'analogie eflun des plus puifTants moyens des Mathé- matiques ; on fait de quelle utilité elle a été \ la Phyfique& à la Chymie, & fur-tout à la Botanique. C'efl par l'analogie qu'on efl: parvenu , mê- me en fuivant des fyitémes très- différents. VeGETATIOïT , tlt. III l Ch. XÎ. T2| I arranger les plantes pârclalTes, par familles''^ 'par genres & par elpeces. Séduits par ces effets litîlès He l'arialdgie ^ J)lLifieurs Phyficiens ont voulu l'étendre juf- qu'où elle ne doit & ne peut aller ; & pouf- fée ainfi trop loin , elle n'a plus fcrvi qu'à les égarer. On fait qu^il y a trois rîghes Bien difl:in<5!s dans îa nature; les animaux , les végétaux & les minéraux ,• on en connoît les différences marquées , quoiqu'à la vérité là nature femblè avoir pris plaifir à pafTer de l'un à l'autre par des nuances peu tranchantes. Si la découverte des polypes , par exemple, eft venue fi à propôà au fecours de ceux qui fe plaifent ï confldérei* les pafTages infenfibles de l'un ï. Pautre règne ; toujours faut-il qu'url polype foit ou un animal , bu un végétal , nô pouvant être Tun & I autre à la fctifi. Ainfi, quoique le polype' ait de la refTem- blance à une plante , s'il fe nourrit d'autres animaux , s'il les faifir , les avale , les digère , îe polype eft un animal, mais fînguliérement conftitué , Comme quelques-uns que nous tonnoiîTons & peut-être comme bien d'autres que nous ne connoifîbns pas. Mai^ il n'eft pas moins vrai que l'un & l'autre règne rèffent toujours féparés &t difîinéls. On a apperçu quelques rnoyens de compa- raifon , les uns réels, les autres imaginaires ,, entre les animaux & les végétaux ; & ori n'a pas héfîté à établir aufîi-tôt des analogies pluà ou moins hafàrdées. • De-1^ le fyftéme df h circulation des' Ii4 Toms II, t î;0 TuAItÉDBtA queurs , & l'exiftence des veines dans îes uns comme dans les autres; de-là les trachées dans les plantes comme dans les infecles.: on y a même vu des poumons , comme dans les ani- maux. De- là un eflomacpowr opérer la digeftion du chyle dans les arbres ; & cet eftomac ima- ginaire a été placé entre les racines & le tronc:d*autres, ne voulant pas perdre la belle occafion de l'analogie de l'e.ftomac , mais le trouvant mal placé là , Tont mis ailleurs. D\iutres,ne fâchant trop comment arran- ger les fonélions des racines , leur ont fait faire celles des veines ladées. Enfin , la fureur de l'analogie s'^eft emparée de plufieurs Phyïîciens , au point de vouloir aflimiler toutes les parties des animaux à celles des végétaux ; & quoique (î différentes entre elles , on a toujours voulu faire des eompa- raifons ; ce qui n'a pu fe faire qu'en fuppo- fànt dans les uns celles qui font fi bien connues dans les autres. En effet, un Anatomifîe connoît, démontre & met en évidence Texiltence des vifceres , des mufcles , des veines , ôqs artères , des nerfs , &c. dans les animaux. Mais aucun Botanifte a-t-il jamais pu,noM« feulement démontre? , mais même apperce- voir rien de femblable dans îes plantes /* Pourquoi donc vouloir s'efforcer de faire ces vaines comparaifons , & à quoi fervent- elles ? J'ai lu , j'ai examiné ces comparaifons qu'on a tenté de faire ; je défie qu'on en cite un® Végétation, ttv. ilî, Ch. XL t^î ieule qui ferve à éclairdr la moindre quef- tion fur l'économie végétale , d^une manière tant foit peu fatisfaifante ; ce qui en prouve àM moins l^inutilité. Après avoir établi Ces analogies entre les îinimaux & tes végétaux, n'a-t-onpâs été jus- qu'à admettre le fentiment aux uns comme aux autres , jufqu^à dire que le petit bruit qui fe fait entendre quand on coupe un chou eft un cri , effet de îa douleur qu'il refîènt ? Cette dangereufe analogie n'a- r -elle pas été pouiîee jufqu'aiux minéraux par quelques Phyficiëlis ? pafce qu'on a vu qu'ils croif- foient , on a voulu y admettre une végéta- tion comme dans les plantes. Le célèbre Tour nefort lui-même s'efi don- né bien de la peine pour établir ce ftnguhe^ fyftême , tant cette manie de l'analogie faic égarer les plus habiles , quand ils s'y aban- donnent. Les animaux font des corps vivarîts & or- ganifés ; les végétaux font des corps vivants & organifés; cela eft très-vrai : voilà peut- être la feule comparaifon vraiment jufte qu'on puifTe faire eatr'eux. Mais la différence de leur organifation ^ de leur manière d^étre & de vivre , ne peut plus admettre de fimiïitude raifonnable, puif- que leurs rapports ne font certainement pas les mêmes ; c'eft ce qui fera démontré dans un Chapitre particulier. Je ne dis cependant pas qu'on ne puiflèy trouver quelqu'apparence de rapports; car où n'en trouve-t-on pas , quand on veut s^e^ ï i 13^ Traité de ia forcer d'en trouver ? mais ce ne font que (îés apparences ^ dont il eft plus aifé de fe laillet éblouir que de s^inftruirCi Eli 1 comment pourroit-on trouver de vé- ritables analogies entre deux règnes |i diffé- rents , puifque nous nVn trouvons que très- peu entre plufieurs individus du même règne ? Les rapports , les points de comparaifoii fe foutiennent-iis entre un infede & un poif- fon , entre un poifTon & un quadrupède , entre un quadrupède & un oifeau ? Se foutiennent-ils même entre un poifîbn & un autre poilTon , dont^ outre la grande différence de conformation , Fun eft ovipare, Pc l'autre vivipare ? Que de différence entre les quadrupèdes ! que de plus grandes différences encore parmi les oifeaux , non feulement dans leur plumage & dans l'arrangement de leurs plumes, mais dans leur régime, dans leur façon d'être ! Les uns le plaifènt dans feau & y nagent, ce que ne font jamais les autres. Ceux-ci couvent leurs œufs , ceux-là les cxpofent à la chaleur du loleil. Il y en a , comme le coucou , qui les foiït couver par d'autres. Les uns refient toujours dans le même pays, les autres en changent félon les fai- Ions. Quelques-uns pafîènt l'hiver dans un état de léthargie , fans prendre aucune nourriture. Mais c'efl fur -tout parmi le petit peuple des [infedes , que les variétés étonnantes f© font remarquer. VEGETATrGTÎ,LlV. III , Ch. XL 133 Ceux que M. de Réaumur s'eft attaché à . obferver , & dont il hous a fait un rapporc fi bien circonftancié , paroifîènt faire des ani- maux très-différents. De même qu'il y a peu de refîemblance entre plufîeurs individus du règne animal , il en.eftplufieurs dans le règne végétal qui n^en offrent pas davantage. Dans les individus de ce règne on pour- roit , comme dans l'autre , distinguer les ter- reftres , les^ aquatiques & les aériens. Outre les plantes qui vivent fur la terre, n'en voyons- nous pas qui ne vivent que dans Teau , & d'autres que fur des murs ou fur des rochers? Il exifte certainement de grandes différences entre ces plantes , & fans fortir de la même cîafîè des plantes terreftres. Combien peu de comparaifon entre quelques-unes; par exem- ple , entre une rave & un chêne ; entre un gramen &. un maronnier ; entre un oignon & un orme , & même entre un oignon & un autre oignon ? On fait qu 'il y en a , tels que les crocus , qui végètent dans une chambre, fur une tablette, & qui , fans le fecours de la terre ni de l'eaii , poufîent des feuilles , des tiges & des fleurs^ Que l'on vienne ici faire des analogies de ces oignons à d'autres plantes , ou même à d'autres oignons. On fait qu'une joubarbe, &-pîufîeurs autres -plantes gralïès expofées de même à fec fur une planche , ne laiiîent^ pas d'y fubfifter long-^ jtemps, & de faire des produélions nouvelles. , . Paurroii-oii j en comparant ces plantes 13 ■ 214 T B. A r T E BELA aux autres plantes , en conclure la même vé* géfation? Une trufe ne paroît-elle pas plus compa- rable à un minéral , à un morceau de char-? bon de terre , qu'à un hêtre ? ce font cepen- dant deux végétaux; rpais que de différence entre ces végétaux ! . Il efl: confiant qu'il y a en chaque plaîite une détermination particulière , certaine & infaillible pour le commencement & la durée de fon adtion , pour fa manière d'être en dehors & en dedans , pour la forme de fon fruit , pour la figure , grofîèur & couleur de fa graine , pour la différence de fes feuilles» pour les variétés de fa tige, la difpofîtion de les branches , & enfin la manière dont chaque partie forme ce que nous appelions fpn port* Tout cela ne part que d'une organifàtio4 lîifîérente, qu'il nous eft plusaifé de préfumer que d'appereevoir , & qui nous fait connoirre que Tanalogie eft bientôt en défaut , puifqu^i! ne peut pas y avojr de çomparaifon çntre des chofes différentes. Malgré' cela , des Phyfîciens très-habiles d'ailleurs, ont prétendu éluder oy contrarier làes expériences évidentes , par des citations de ce qui arrive à des plantes très-différentes , ^aute fans doute de faire attention que l'or- ffanifation règle par-toutle phyfique, & ia- 0ue beaucoup fur le moral. Celui qui feroit parvenu à bien eonnoître |cette variété d'organifation dans les animaux !& les végétaux , feroit un grand prophète , puifqii'il pourrpit avec certitude çofinoitre , Végétation, Liv. III, Ch. XI. 13$ annoncer tout ce qui en doit réfuirer : con» noiflànt la caufe , il eft aifé de juger des effets. Quoiqu'il paroiflè qu'il ne foir pas donné à l'homme de parvenir à cette plénitude' de connoilTânces , tâchons du moins de prendre celles qui font à notre portée , au moyen des expériences que nous pouvons faire , fans nous embarrafler d'analogies quine portent que fur des fuppofitions , ou qui n'éclairciflent rien, quand même elles fèroient plus juftes. Quand on comparera , par exemple , l'epi- derme de l'écorce d'un arbre à celui de la peau d'un homme , & s'il y a véritablement quelques rapports , en fommes-nous plus avancés ? cela psur-il fervir à expliquer pourquoi l'épiderme d'un bouleau , d'un merifier fe levé avec tanc de facilité , & fous ce premier épiderme plu- fieurs autres, fans que l'arbre paroifîè en fouf- frir aucunement ? Puis -je en faire autant fur ma peau ? Quand on fera une analogie plus raifon- nable & plus apparente entre une graine & un oeuf, je vois fortir de l'un un animal vi- vant ; & de l'autre une petite radicule : que devient l'analogie ? M'apprend-elle pourquoi cette ra dieu les 'en-^ fonce toujours conffcamment en terre , & pour- quoi la petite tige qui paroît peu après se" levé toujours droite vers le ciel ? Convenons donc que l'analogie ne peut être utilement & juftement appliquée qu'en- tre les plantes d'un même genre. Lk feulement elle devient frappante par h 14 ■f-^ê Traité de z k parité d'organifation , de fucs propres , de^ produétions ; là , die devient d'une applica- tion utile pour îa culture particulière de ces plantes , du régime qui leur convient , & des greffes que ion peut faire avec fuçcès îe& lines fur les autres. Ceft ce que nous détaillerons plus ^mpIe-= îiient par la fuite. Mais j je Is répète encore , vouloir cher- cher une parité d'effets dans des ckufes difFé- îentes , vouloir que la nature ait mis la même ïharche dans des êtres tcès-différen ts , c''efl: , «je me femble , vouloir qu'une machine aille comme une machine d'une autre conftruc- îion ; par exemple j, une pendule comme un ïnoulin à vent. ^ Les machines de !a nature font infiniment plus parfaites & plus admirables que celles de Fart j, dit- on , les humeurs malignes qui pro- viennent âQs plaies de ces branches , viennent par la circulation infeéler les racines. Cette allégation ne paroît nullement fondée : il n^eft pas rare de voir , d'éprouver que les gelées du printemps endommagent & fafîênc périr les jeunes poufïès des arbres , far-tout fur la vigne, le noyer, le chêne, &c. & quoi- qu'on ne prenne pas la peine de couper ces rameaux gelés , il ne paroît pas que ces pré- tendues humeurs malignes iè foient portées , comme on le dit y aux racines, puifque ces arbres ne laifïènt pas de faire de belles pro-- 4u(^ions, quoique plus urdives. Vegetatioît , Liv. III, Ch. XII. 14$ Bien plus , les figuiers Se autres arbres déli- cats & tendres, dont les branches & même les tiges , frappées par une forte gelée , périf- fènt entièrement , comme il arrive dans de grands hivers ; ces événements, plus que tout autre , devroient porter aux racines de ces hu- meurs malignes ; & cependant on voit ces fi- guiers repouflèr vigoureufement de leurs ra- cines , & faire de nouvelles & belles produc- tions. Voilà les principales raifons , les plus fortes obfervations , les expériences les plus con- cluantes que rapportent en faveur de leur fyA têmeles fedateurs de la circulation de la fève, déterminés fur -tout dans cette opinion par l'évidence réelle des mouvements rétrogrades de la fève. Si ces fàvants Naturalises, moins préoccu- pés de ces fimilitudes animales & végétales , ne s'étoient pas attachés à les pouffer trop loin , ils s'en feroient fans doute tenus à re- connoître pour caufes des effets connus, celles qui fe préfentent fi naturellement , & qui paroîtront , je crois , évidentes d'après ce que nous dirons par la fuite. Après avoir expofé les raifons des parti- iàns de la circulation de la fève , & avoir com- mencé déjà à faire remarquer le peu de con- vit^ion qu'elles portent , voyons les obferva- tions contraires , & les objedions concluantes contre ce faux fyfiême. Traité h b la CHAPITRE XIII. Réfutation du fyjlémz de la circulation de là Sève. \^ OâtME il efl bien p1iis dfé ^e foutenir une bonne caufe que d'en plaider une mau- ^aife , les antagoniftes du fyftéme de la circu- lation de la fève l'emportent évidemment fur leurs âcïverfàirés par \ts raifonneraents , par les obfervations & les ejcpérienées',qai toutes concluent en leur faveur*. Après avoir mis en état de juger de la foiblefïè des allégations des ledateurs de Ta- îialogie , on va voir que les principes de leurs adverfaires iont vi<5î:orieux. D'abord îI efi ceftain qtie qùaftd on abat un arbre à fleur de terre , les racines ne meu- rent pas , & qu'on voit avec le temps cette fouche produire un plus grand & plus gros arbre que celui qu'elle portoit. Cependant ces racines devroient périr infailliblement , fi elles n'étoient nourries que de la fève circulante dans lé tronc & dans les bfanches , épurée par les feuillôs , &c. puifqû'en fuivant l'analogie prétendue de la" circulation du fàng dans les animaux, auffi - tôt que cette circulation efl arrêtée & cefle totalement y l'animal eft fan^ ^ie. , Un chêne vert, greffé fur un chêne com- tnun , conferve fes feuilles pendant Thiver •• au VEGEt Af loTi ^'tif . ni ;Cîï. xrfî. f 4f J^tf lieu que le cbéne commun, qui a fei'vide fujet à cette greffe; les quitte. On n'apperçôit point-là l'effet de h prépa- ration de la fève par la circula tio^n ; mais' ce' petit phénomène en apparence^ fera expli-' Cfué bien naturellement à l'a rtïclë des greffes. En admetrant que h (eve monta^nte fe porter d4red;ement àes raciïies a'ux branches & dans hs feuilles; qui en exhalent Id^fLiperflu' , on voit par les expériences qu'en ne confidérant^ue k quantité des liqueurs qui s'échappent par eettevoie, il faut- que la fève paiïè dans la' tige & dans les branches avec une grande ra- pidité. , Si on fttpp^ofe \i circutatioïî dé la fève quit monte , redefcend & remonte, cette rapidité feroit triplée,- ce qui ne s'accorde point avec Ce qu'on remarqué dé l'étonnante franfpiia- non- des plantes-. On fait qu'A ulîl- tôt que h circulation cêflâ* dans les animaux , le fang fe fige & fe càt-^' *ompt ; i\ en devroit donc être de même de(' îafeve dans' les phntes ,♦ ce qui heureufemënî; n'eft pas. ■ • On a vu qae pôuf enfretenir h circulation <3e la fève , il faut que les racines porapenç Continuellement lesfucs nourriciers de la terrej maisles racines d'un arbre arraché ne peuvent afTurément plus pomper ces: fucs^-donc la eiï^ tulation doit ceffèr. - ^'i> y^ , Cependant on fait q'ù'u'n tel arfe' peut! f^ tonfefver piufleurs mois pendant l'hiver £nâ rnourir. . ,. On fait que les membres d'un artim'at pou^^' Tome IL K 1^6 T R A î T É r> È t A riffent lorfqu^ils font Téparés du corps ; iln'eri-^ eft certainement pas de même des branches d'un arbre ; elles fe confervent très-long-temps dans l'érat de vie , qu'elles reprennent très- bien îorfqu'on leur en donne les moyens. Cela efî bien prouvé par les boutures, les- greffes qu'on envoie dans les pays éloignés , & qui y arrivent en très-bon état, pourvu qu'on ait pris la précaution de les entretenir dans un~ état d'humidité convenable ,-&" qu'on lésait préfervés de la fécherefîè, qui les al- téreroit : encore en ai je vu qui paroifïbient def^ fichées, & q.ui n'ont pas kifTé de bien re- prendrgo' Comment trouver* de îa circulation dans^ ces petits rameaux effeuillés & féparés des ra-', gines , du tronc & des grofîes branches? Mais les feflat&urs de la circulation feroient ^ns doute encore bien plus embarraffés d'ex- pliquer fel'on leur fy^éme un fâk bien avéré 6c bien connu; <: Au printemps, tçs arbres notivenement pTantés ne laifTent pas de faire des produdions , quoiqu'ils n'aient pas fait encore de nouvelles racines: on fait même que ces apparences de vie ne fervent fouvent qu'à tromper I;ef- pérançe du. cultivateur , parce quelî cerarbrs ne fait pas de nouvelles racines, il finit eer- îainement par.fe.defîechep & périr. ' On fait que des branches {îJantées en rerre donnent des-feuilles, & font dés jets quelque- fois même aflèz forts } mais û elles ne font pas de racines , elles éprouvent bientôt Iç •même lort K 2 i^% Traité 2>e la Les plantes, marines qui n'ont point de raî-' cines , n'ont point , comme les plantes à ra- eines , des vaifîeaux capillaires longitudinaux pour porter la fève ; mais elles font entière-' ment compofées de véficules qui tirent im- médiatement leur nourriture de Teau qui les environne. On peut donc dire que puifqu'il n'y a |îO!nt de canaux pour porter la fève d'une extrémité de la plante à Tautre, il n'y a point de circulation , & qu'ainfi la végétation peus fe faire fans elle. Après ces expériences , ces obfervations , voyons ce que dit le raifonnement. Je rap- porterai ici celui que fait M. de la Quintinie, Praticien îiabiîe , quoiqu'il ne fut pas encore éclairé de fon temps par la phyfique expé- l'imentalsyqui a fait depuis lui tant de pro- grès. Cet Obfervatèur, d^autant plus m'éritantu qu'il ne pouvoit gueres alors tirer de lumières que de fon expérience & de fes propres ob- fervations, nous a prouvé par les Ouvrages qu'il nous a laides , qu^'il favoit en faire une application juile, & qu^il avoit appris à rcj- jeter les faux fy ftémes des Phyfîeiens fcoîaf- dques de fon remp^. Si on peut dire qu^il eft tombé dans quel- ques erreurs, & qu'il n'a pas poufîe l'Art du Jardinage au degré de perfedion qu'il a ac- quis depuis lui; il efl: de h jufîice &: de k vérité de dire qu^il efl: le premier qui ait in-, diqué des moyens que d'autres on r perfèdion-* jaé depuis. Végétation, Liv. lîl, Ch. XIlI. 149 Le mérite fi rare de découvrir & d^puvrir de nouvelles voies , n'eft-il pas bien fupérieur au mérite commun de les perfeclionner ? Mais revenons h mon fujet dont m'ont écarté pour un moment, les réflexions bien dues à la mémoire de cet habile homme. M. de la Quintinie, après avoir cité ce quç l'obfervation lui indiquoit decoi^itraire aufyl- téme de la circulation de h fève , raiionne ainfi : Il ne me paroît gueres pofTîble de mariejr la circulation avec l'adion des racines que nous voyons grofîir & s'aîonger elles-mêmes dans le même- temps qu'elles attirent la nourriture; 6i voici mes difficultés. C/eft que premièrement je ne puis m'ima- giner quand commence cette circulation, ni en quel endroit elle commence.. En fécond lieu, je ne vois ni fa néceiïité ni fon utilité. En troifieme lieu, fuppofé qu'il y en eût, je ne fai s^il faut dire qu'il n'y en a qu'une géné- rale dans chaque arbre , ou qu'il y en a au- tant qu'il y a de branches , &c. A l'égard du temps & de l'origine , s'il étoit vrai qu'il y eût une circuîarion , il fàu- droit néceiïairement qu'elle ne commençât que dans le moment que les racines com- mencent d'agir, & que ce fut par ces raci-^ nés qu'elle commençât • Ainfi, il y auroit un temps où il ne s^eii feroit point , puifque les racines n'agiffent pas toujours. Comme la principale raifon, qui fait que dans l'animal on admet la circulation eft K3 IIP T R ^ ï T Ê P E L 4' |)our h purification du fang , que ion pré- jjend devoir être au hafard de fe corrompre » ^à moins qu'il ne foit dans un mouvement per- pétuel, iî (audroit conclure delà que la fève, |lans les plantes , fe corromproit pareillement ■id'abord qu'elle cefïèroit de circuler. Ainfi on yerroit périr tous les arbres d V feord qu'ils feroient fans action , foit pour être empêchée par le froid j foit pour fe troi^- ver hors de leurs terres. Et à plus forte raifon les branches féparées jde l'arbre qui les a produites , périroient Tur le champ , tout de même que les mem- bres d'un, animal périffent d'abord qu'ails font leparésdecet animal, Cependant rien n'efl pîuig contraire à l'ex- périence de tous les plants & de toutes les $7refîes , qu'on envoie fi fouvenr & il heureu- lèmenj: (^ans les pays éloignés, îans qu'il ieur arrive le moindre accident, pourvu que h chaleur ne les altère pas. Mais de plus, fuppofé que cette circiîîa- îîou fût vraie , &c qu'elle ne commençât d'a- gir , par où fauvera-t-on la produélion des branches qui fe font au printemps , indépen- damment des racines? Or, on ne peut dou- ter qifi! nes^en faflèjpuifqui? beaucoup d'arbres pou veaux plantés en font au printemps, (âris .qu'ils aient produit aucunes racines. Puifque la plupart des arbres arrachés en hiver &z laiffés fur la terre , & même îa plu- part des branches coupées en ce temps- là, &,mifes par une de leurs extrémités dans la lef re ^ pouffent de petits jets au renoui^eau , VeGetationJ.iv.IîI, Ch. Xlir. i^i fans avoir encore rien fait dans cette terre- Mais enfin , comment expliquer cette cir- culation, quand les amandes des noyaux, ou les graines ordinaires , germent dans la terre, & qu'il en fort pendant quelques jours une racme qui s'alonge en defcendant , fans qu'il paroifîè aucune produ(5):ion qui monte ? Quand , vers le mois d'Août , l'oignon d'impériale , fans erre enterré , poufïe tout de même l^es racines , & ne poufïe point de tige? Quand les autres oignons pouîTent leur tige en automne & au printemps , ôc ne pouiïent point de racines; quand les tulipes, les tubéreufes , & particulièrement les af- perges, montent, en forte que ce qui a d'à-? bord paru extré mité le demeure toujours , & ainfi la partie monte toute entière du bas en haut ? Quand les branches , k l*extrémité de celle qui a été coupée ou pincée, font produites avec cette différence de grodeur & de lon- gueur que nous avons expliquée , en forte qu'il s'y fait une difiribution de fève fort inégale? Quand, fur les branches foibles , les bou- tons à fruit fe forment feulement k l'extré- mité, & fur les grofîes fe forment feulement en bas ? Il me fèmble qu'il e(x bien difficile da trouver de la circulation dans tous ces exem- ples , &■ dans un nombre infini d'autres touc femhlabîes que je pou trois alléguer. Or , Cl on peut afTez bien prouver qu'eri ■^^?, Traité p b ha quelques plantes il n'y ait point de circufa-t ficn , ne peut-on pas abfoiument conclure l^fu^il n'y a aulig raifon pour en admettre dans |:es autres? " - Joint que pour faire voir I^împofîibilité dg îa circulation , il efi: vrai d®- dire qu'elle fup^' poferoit en chaque branche trois chemins .diflinds ^ réparés; deux poiir 1/iller & lé ^revenir de la fève imparfaite , & un troi- lleme pour le retour de la paifaite; Savoir , le premier pour la première route ; l'autre, pour' fervir de paiiàge i^u retour i & la troiiîeme, pour conduire la fève par- faite à f endroit où elle devroit demeurer. Je ne dis pas qu^il faudrgit des chemins pour monter & pour defcendre , parce quç Ibuvent les extrémités des branches font pen- fiiantes ^ & régulièrement celles des fruits le font toujours. '"A parler au£H proprement, on ne pourroit pas dire que la fève monte, quand en effèç elle deicend ; mais je dis fimplement qu'il faudrait pîulieurs chemins pour aller & re-= i^enir. • ■ ' ■ ' ' . Or, je demande comment, par exemple, on poufrpit trouver' ces trois chemins dans une queue de cerife ; comment cette fève , quiaiirpît fon premier niouvemçnt pour mon-* ter aux extrémités, d'où elle devroit defcendr«j a'ufli-tôf v'ers lesTaeiues; •• Comment, dis- je , elle feroit déterminée à defcgqdre vers ce fruit qui pend, & delà déterminée jufqu'à l'endroit où elle avoiç '" q,Liiîté Ig route qui la (porjdtiifoif ÇA tot , i Végétation , Iiv. lïl, Ch-XIIÎ. x^ ^our prendre aufTi-tot ce chemin qui la de^ vroit ramener en bas , & puis la reconduire au dernier lieu où fa defîinée de fruit & d^ tèuilles la doit porter. Je demande encore s'il ne fe fait point de circulation pour le fruit aufîi-bien que pouç le bois , & , cela étant , ces deux fèves au re^ tour OBt-elles chacune leur chemin particu- lier (ce qui fera une grande mukiplicatioa de chemins ) , ou bien fe méîent-elles enfem- t>îe, & cela fera une çonfufion malheureufe de deux fèves,, dont on veut que l'une foit l^eaucoLip plus épurée &: plus excellente que l'autre. Voilà , ce me femble , bien des allées & des venues , dont la nature , qui eft fi fimple dans fes opérations , ne s'accommode gueres volontiers. Pourquoi la fève n'acquerroit-elle pas tout d'un coup la perfection au moment que le^ t^cines l'ont attirée , tout de même qué^'air efl: tout d'un coup éclairé d^abord que I4 lumière du foîeil ou des irlambeaux vient à fe ' préfentei^ ? De plus , fuppofé que la circulation dûtétrq liécefFaire pour perfedionner la fève , je demande où eflrce que s'acquiert cette per- fedion? ^ ■ Ce ne peut pas être à la pren^iere entrée des racines , puifqu'on veut qu'elle y foit comme indigefte ; ce ne peut pas être aux extrémités des branches de des fruits , puif- qù'elle ne s'y arrête pas , ayant encore deux sroyages k faire : car , fi elle s'y arrêcoù , ii ïï^4 Traïté be sa s'enfLiivroit qu'etle feroit par^ite, & que par jconféquent il ieroit inutile de retourner à fa première foiirce. Ce ne peut pas être aufH à la féconde vi- fnc qu'elle vient rendre aux racines, parce qu'elle s'y arrêreroit fûrement; car,, comme il eft indifférent à la fève parfaite d'être em- ployée à faire les racines ou la tige s les branches ou les feuilles , ou les fruits , elle feroit fixée au premier endroit ou elle fe trouveroit accompagnée des degrés de per- fection qui lui conviennent. Je denianderois encore volontiers , en cas que l'extrémité où la fève devoit venir eût été retranchée , comment fe feroit la com- munication des chemins de l'un à l'autre, 6c ce que dcviendroitîa fève qui feroit préparée pour être fruit , en cas qu'elle fut arrêtée à mi-chemin , en forte qu'elle ne pût plus rem- plir la deftinée. Il efl donc vrai que cette doflrine de la circulation entraîne néceffairement une grande fuite d'embarras que nous pouvons, ce me fembîe , heureuf-ment fauver , en difant que ce principe de vie, qui fait tout agir quand la chaleur du foleil lui en a donné rimpreP iion , donne d'abord & en entrant, à cettQ eau qui a été attirée , une qualité de fève parfaite ^ qui cependant de foi efl indi0*é- rente à devenir fruit, feuille ou bois ; &: que comme cette fève a les degrés de raréFaâioîi qui lui conviennent, elle fe trouve légère, & propre à s'élever yçts routes les esiré*? mités. ^l^EGETATION, IlV. ïïl , Ch. XIII. iÇf Que fi elle eft très-abondante, elle faitpar- ,îout beaucoup de bois & de feuilles , & le tout grand & matériel à proportion de foa abondance; que fi elle eft en très - petite jquantité , elle fait des fleurs prefque par- tout , & affez de fruits enÇuite ,• mais vérita- blement elle les fait ici de petite taille. Que fi enfin elle efl: médiocre en de cer- tains endroits , comme fur les branches foi- bles & au bas des branches fortes , elle y fait premièrement des boutons à fruit, &'enfin de beaux fruits. Mais pour pouvoir comprendre & expli- quer cette belle diftribution de fevç vers toutes les parties dont l'arbre eft compofé, foit pour commencer chacune, & la conti- nuer autant qu'il lui convient , foit pour la déterm.iner à fa jufte grandeur, il femble que la natures'y foit formellement oppofée, comme fi elle avoit pris foin de fe couvrir d'un voile épais pour n^étre pas apperçue dans le temps qu'elle produit & qu^elle engendre. Tellement que nos lumières ordinaires ne fauroient pénétrer jufques dans lefecretmyf- |:érieux de cette végétation. Je veux bien que dans Tanimal iî y aïe une circulatioji àt fang : les vaifîèaux , aufti- bien que tout le corps de l'animal , y font parfaits dans toute leur étendue^ fans qu'il y îaiiîe imaginer un commencement & une fin ; ainfi ils contiennent fort bien le fang & les efprits , pour les empêcher de fortif par aucune extrémité. Mais dans nos arbres, qui s'glpiigent (ai|S ::t^$ T s. A î T é de i a eefïè par dehors ^ il faut fuppofer que ïeur^ vaiffeaux font ouverts par leurs extrémités » qu'ils s^'alongent incefîàmrngnt par-là, tout de même que fait la mafle entière de l'arbre : ainfi nul rapport de vaifïeaux d^animal à vaif- ièau d'arbre , &- par conféquent i'iiiduclion m'en paroît vicieule & imparfaite. . La troifieir^e difficulté qui refte pour ex- pliquer Cî y la circulation étant admife , iî faut dire qu'il ny en a qu'une générale dans chaque arbre, ou qu^iî y en a autant depar^ ticulieres qu'il y a en effet de branches, n'eil peut-être pas la moindre de toutes les autres. Parce que , de n'en admettre qu'une géné- rale , on aura bien de la peine à concevoir ïa reprife des branches , qui , étant plantées de bouture , deviennent en peu de temps des plantes parfaites. 11 faudroit bien dire que dans chacune 'de ces branches il y avoit une circulation véri- table , laquelle avoit cefîe d'agir au moment qu'il leur étoit arrivé d'être féparées de l'ar- bre fur lequel elles avoientété produites; mais que d'abord ayant été replantées, elles s'étoient trouvées en état d'agir par elles-mêmes , leut circulation avoit auffi commencé à faire fon devoir , & qu'ainfi elles étoient parvenues à le rendre parfeires. Or fï, pouy l'explication de la bouture , on admet des circulations flngulieres dans chaque branche , iî en faudra nécefîàirement admettre plufîeurs dans chacune de ces bran- ches , puifqu'en effet 5, pouvant être divifées tii plufieurs parties , fi on remet en terre ^^EGETATJON , IlV. lîl, Ch. XIÎL i^ thacirne de ces parties avec toutes les con- ditions néceffaires , elles reprendront anfïi ai- sément que fî on avoit planté les branches entières ; & cela étant , n'eft-ce pas ce pro- grès ai "infini qui eftleplus horrible monftre du raifonnement ? Mais quand h branche couchée fait racine à l'endroit de fa courbure , & que de-là en avant ,- cette partie du dehors qui étoit la plus menue , devient en peu de temps beau- coup plus grofle que celle qui' tient encore à l'arbre , ne faudroit-iî pas dire qu^il s'eft fait nécefîàirenient une circulation nouvelle , fi bien que l'ancienne a fini , ou qu'au moins elle eft demeurée inutile ? Joint que je ne puis voir le moyen d'a- jufter toutes ces drcuiations particulières avec fa générale , pour les faire agir de concert & par fubordination , quand elles font de com- pagnie dans un même arbre. Tant d'embarras & tant d'inconvénients me déterminent fans doute à n'avoir pas grande créance à cette nouvelle opinion de circu- lation de fève, quoique j'aie une extrême con- fidéracion p-our le mérite de ceux qui l'ant îmaginée. D'après ces raîfonn'ements du bon Prati- cien la Quintinie, d'après les obfervations que' ?ai rapportées , & les expériences que j'ai' faites, & enfin d'après ce qu'ont dit des Au- teurs célèbres , & fur-tour MM. Haies & Bonnet , on peut conclure que l'exigence de fa circulation de la levé dans les végétaux , comité la circulation du f^ng dans les sm^- i^È TRAÏtÉ ÔE lA VEGEtAtlOîrjfc -maux, efl: un fyftéme purement imaginaire, <& deftitué de toute réalité. Si je me fuis attaché à le détruire par d'auffi longs détails , <:'eft que je fais que ce fyftéme s'eft fort ac- crédité , é: qu'il a beaucoup de partifans qui y tiennent fortement. Mais ce n'eft pas afifez que de dîfliper des erreurs, il faut faire paroître la vérité dont elles ofurpoient la place : c'efl ee que je vais faire éâîîsle livre fuivant. TRAIT THÉORIQUE ET PRATIQUE DELA rÉ G É TA TI 0 N. SECONDE PARTIE. ***** #■* + ^ *-ii«-f ++-fiî[-4-f -^--f-^^-'K'if -*--♦"* LIVRE QUATRIEME. DES MOUVEMENTS DE LA SEVE, CHAPITRE PREMIER. Expllcanen déis mùtivements généraux de la Scvs. OUS voîîà arrivés au- grand problème des mouvements de la fève. Ce problème va ^idevenir auflî facile à réfoudre, au moyen des «xpiieaùons antécédentes , qu'il a paru juir- tèo Traite delà qu'ici difficile, ou même impofTible par d'au- tres moyens. Tous les détails dans îefqueîs fe fuis entré par rapport aux éléments, à Padion du foleiî fur les plantes , aux effets de la raréfadion ^ de la condenlàtion ,' ne font qtie âés prélimi- naires pour la démon ftration des mouvements de la fève, qui va devenir très-fimple / très^ intelligible /^ruffifamment prouvée. Ce font des matériaux qu'il falioit raflcm- Blér pour fer vi'r à la conftruélion du nouvel édifice que je vais élever ; &'com.me ils font tout préparés, il n'efl plusnqueftion que de fes mettre en œuvre. J'ai prouvé combien l'af^ion du foîeil efl jfuidanté fuV les pîanîesv &~quellé foreéd'ât- traétion il a fur elles. . ,^ J'ai démontré par des expétiérices les effets ^e la raréfa.élion &. de la.condenfation fujc les folides, furies fluides, & particuliérentènt fur l'air & dans la terre. En fàifant appîîca- tjon de ces vérités reconnues fiir les arbres , -je vais parvenir fans peine a la démonfrra^ tion nouvelle que je me fuis propofé d'éta- Uir. , Siôn'fe fifufé un fèifceau de' fik qiîi paf- fent & foient refîerrés au centre dans un' •^uyau qui n'ait qu'envirôtflaP moitié de leiî^ longueur , que fort (6 figure que les ^eux bouts , les deux extrémités de ce failceau de i^fils fe divifenr en haut & en/basen pliifieurs parties , que ceJies-cr fe fubdivifent en un plus grand -nombre de parties qui fe rami- èenfi encart, que ces parties divifées foiem également Vegetation,Liv. iV^, Ch. Î. î^t i^gaîemènt refïèrrées dans d'autres tuyaux qui ne font que la divifion & la prolongation da tuyau principal , & qui par conféquent y com- munique coinme elles peuvent communiquer entr'elles , on aura une idée , quoiquimpar-^ faite, d'un arbre ordinaire i dé fori tronc, de fes branches &: de fes racines. En adoptant cette comparaifon fenflMe | on conçoit coriiment toutes les parties à'un arbre fe répondent Ôc fe communiquent les unçs aux autres. En effet , quels que {oient les conduits dé îa fève , il eft certain qu'ils fe communiquent imniédiatèmerit depuis la cime des arbres jufqu'à l'extrémité des racines : il eil encore certain qu'ils fe communiquent latéralemene & en tout fens y de forte qu'il n'y a aucune partie de l'arBre qui ne foit pourvue de feve^ & qui n'ait befoin d'en recevoir de nouvelle par îa continuelle difîipation qu'elle en fait. Nous voyons bientôt périr & deiîecher toutes les branches qui ne font point expô^ fées à l'attradiôn & à la diffipation de I^ fève i comme H arrive h celles qui, trop ombragées dans Un malTif de bois , ne jouif- fent. point dQs effets du foleiî. Mais revenons à la comparaiforl de hotrë faifceau » dont les filaments,- quoique reiïèr*» rés au ceritre , font continus d'une extré-* mité à l'autre ; de même les fibres ligneufes â'un arbre fe prolongent , ou du rnoins fe communiquent depuis l'orifice de la plus pe* tite racine jùfqu'à l'extrémité de la plus pe.j iite branche , d'où pafTant dans le ^pédieuîë Tome IL h iêi Traité de ia les feuilles, elles s'étendent en ramificatioriâ dans toute 1 étendue de la feuille , où il fe forme des milliers de pores. Chaque partie de l'extrémité de l'arbre préfente ainfi à l'aclion du foleil une grande quantité d'orifices des conduits de la fève , êc ces conduits aboutifîânts aux racines , y ont pareillement leurs orifices inférieurs. Il efl: aifé d'app^ercevoir que l'aélion du foleil, dont j'ai démontré la force fur les plantes , ne peut opérer fu r les orifices fupérieurs de la fève, fans que cette même adiori ait lieu dans toute rétendue de ces conduits, ce qui doit opérer une force de fuccion à leurs orifices infé- rieurs qui font aux extrémités des racines , comme il arriveroit h un long tube , fi orl afpiroit la liqueur & l'air qui eft dedans ; on fait que les liqueurs y monteroient aufli-tôt, & &Q cefferoient d'y monter tant que dure-* roit l'afpiration y c'efl ce qui arrive dans hé arbres , tant qu'ils font frappés de la lumière Se de la chaleur du foleil. Et de même que dans le f ube , récouîement de la liqueur efl d'autant plus rapide que Fafpiration efl plus forte; de même, dans le* arbres , plus la chaleur du foleil eft vive, Ss plus la fève monte & fe difïipe eh plus grande quantité ; & cela au point que nous voyon^ fcs feuilles & les jeunes poufîès fe flétrir & fé deffécher , lorfque les racines ne trouvent plus àfîèz d'humeur dans la terre pour four- sûr h cette grande difîipation s^ & que les ré- fermoirs de la fève commencent à s epuifer. Ce feul agent de la fève fuffiroit peut-être Veéetation, Liv. IV , Ch. Î. t^^ i)our opérer fon écoulement continuel des tacines aux branches ; mais la nature, tou- jours prévoyarîté, ^ qui n'eu, jamais en dé- faut de moyens , outre l'aélion qui s'opère dans Vsiir , s'en eft encore réfervée une autre dans la terre. . ,-' J'ai prouvé pai* l'expérience ; que î'efïêc de la chaleur où celui de la raréfadiion , di- latant l'air contenu dans les cavités de la terre j ainfî que les molécules du terrein , il fe forme une efpece dfe preffion , d'expanfioiî afîèz forte pour faire temoniter l'eau. Cette prefïion , cette expanfîon bien fa- vorable pour réduire la fève en vapeurs .^i ne doit-elle pas auflî la difporer_& même la forcer à paftef dans les pores & ks orifices des racines? , L^expérience dont j'ai rendu compte , ne "âoit plus laiflèr aucun doute fur cette opi- nion ; les détails que j'en ai donnés me dif- penfent d'en dire davantage. ^^.^ Voilà donc en même temps deux ttidteijr's pour l'introduétion & l'élév'ation de la fève s quoiqu'on connoiiTe la prodigieufe tranlpi^ ration des plantes , & que l'expérience ait iîrouvé à M. Haies qu'une plante de folei! des jardins exhale & diffipe dans un jour d'été une livre & quatorze onces d'eau , ce- pendant rious n'appercevons rien de cet écou- lement d'eau; elle fe difïipe en vapeur fî té- nue , û légère , qu'elfe eft entièrement im- perceptible ; & étant ainfi plus rare & plu5 légère que Tair de notre région , elle s'élève au-deffus de hii, félon h loi des fluides. Traite de ia . Gvew a dit que la fève ne peut entr&t (dans les racines que dans un état de vapeur : cette opinion n'auroit vraifemblablement ja- mais eu de contradiéleurs, fi ce mot avoit été bien entendu. En effet, le mot de vapeur défigne bien la même cliofe, mais dans un .état bien différent: un brouillard épais, & qui jie rend fenfible en pluie très -fine , eft une vapeur ; & on appelle de même ce qui exifte bien au-delà de ce qui s'efl: rendu totalement imperceptible à nos ïèns. On voit combien peu ie refïèmbîent ces deux extrêmes com- pris fous le nom de vapeur. Il en eu de même du mot vent, qui fert à défîgner îe plus doux , le plus foible zé- phir comme le plus violent ouragan , & toutes les différentes agitations de l'air com- prifès entre ces deux extrêmes. Si , par le mot de vapeur , Grew a enten- du un broiiilîard compofé de parties aqueufes très-déliées , qui fe répand en pluie très- fine , fon opinion ne fera certainement pas réfutée par tous ceux qui ont connoifîànce de la finefîè des conduits féveux. ILréfuke de ce que nous avons dit, que îa lumière & la chaleur du foîeil opèrent fur toutes les .parties de l'arbre , & fur-tout fur les feuilles , une grande force de fuccion ; que cette force de fuccion agiffant fur hs orifices fupérieurs des conduits de la fève , doit né- ceil^irement îa faire monter des racines aux branches, & même épuifer les véficules , réfervoirs de la fève , iorfqué le terrein àeÇ- féché ïi€ peut plus feuinir de iùçs; ôc c'eii Végétation , Liv. IV , Ch. I. i^f ce que nous voyons arriver. Nous verrons bientôt comment fe difTipent les parties aqueufes , qui ont été le véhicule des par- ties nutritives qu'elles dépofent à leur paf- fage dans les plantes. Voilà une explication , ce me femble , bien iîmple de ce qui doit arriver pour l'opéra- tion de la fève montante pendant la chaleur du jour , c'efl:-à-dire pendant la préfence an foleil. Examinons adluellement ce qui- fe paflè en fon abfence. Lorfque la fraîcheur de la nuit commence, la condenfàtion fuccede à la raréfaction ; alors la fcene change , & les aéleurs jouant un rôle tout oppofé, vont nous donner l'inverfe de îa pièce précédente. La tranfpiration cefle; les parties du tronc & des branches , & fur-tout les feuilles qui en étoient les principaux organes, deviennent ceux de l'inipiration de la fève ; de forte que d'organes de diflipation , elles deviennent organes de nutrition. Les racines , en changeant auffi de rôle , pendant la nuit remplilîent celui que ces premiers afleurs avoienr faiz pendant le jour. Peu après le coucher du foleil , les der- nières vapeurs qu'il avoir raréfiées étant en- core peu élevées , fe condenfent de même que celles qui s^élevent encore de la terre , & fe réfolvent en pluie fine qu'on appelle le ferein. Les arbres & leurs feuilles fe trouvent plon- gés dans cette humidité ; voilù la prépara^ tion, d'une nouvelle fève , feub & fuififantf L3 jê6 T 11 4 r T É p E t A. fubfifrance pour les plantes qui croifîènt dans les fables brûlants de PAfrique , où il ne tombe d'eau du ciel quq celle des rofées per>dant la nuit. '■■--•■ - • • . Mais comment cette lève , que j'appellq aérienne , peut-elle entrer dans les vaifïêaux propres & lymphatiques , & defcendre juf- qu'aux racines ? eft-ce par fon propre poids ^ il n'y a pas d'apparence. Qn conçoit bien qu'uae colonne d'eau , ne fût-ce qu^un filer , peut tomber par fort propre poids; mzid que àes particules d'eau irifinimeni: déliées, telles qu'elles font , puiflènt avoir par elles- înémes un poids capable de les ^ire def- cendre dans des conduits fi fins du fommeç aux racines des arbres , [fans aucun autrq ^gerit j.c'eft ce qui n'eft guère croyable. Mais quel eft cet agent .? L'expérience nous î'a fait connoïtre , & nous démontre que les racines qui , pendant î^ chaleur du jour, ^toient àes organes de remplacement & dé liutritipn , deviennent pendant Ja fraîcheur de la nuit des organes d'afpiration & de dilTipation ,* elles ont fourni pendant le jour à l'entretien âes parties extérieures & des l^euilles , & ce§ qiémes parties fournifîènt ^ |eur tour à leur entretien pendant la nuit. ' Voilà les alternatives réglées de la chaleui; du jour &t de la fraîcheur de la nuit. Mais ces alternatives fi effèntielles , fi riécefra'nes ^ îa végétation , ne laiflènt pas d'avoir Ueii B'^ns d'autres temps , & quelquefois même plufieurs fois dans une jourriéis. Un vent de îiord quifuccede brufquement à celui du fud^ VEGETATION, Lrv. IV, Ch.I. 157 une pluie froide à la férénité d^un beau jour* les rayons du foleil qui échauffent touc-à- coup Tair qui étoit froid , toutes ces cir- conftances font bien capables doccafionnef en tout temps des variations dans les mou- vements de la fève. Un phénomène dont fe font beaucoup occupés les Phyficiens , nous va fournir de nouvelles preuves ; & en même temps ce phénomène, qui n*a point été expliqué, va l'être évidemment. Une goutte d'eau pofée fur une furfàce de verre , eft un peu applatie ; elle efî: plus applatie encore lorfqu'elle eft pofée fur une fiirface de marbre , de métal ou de toute autre matière denfe ; mais elle efl: tout-à- fait ronde fur une feuille d'arbre , ou encore fur un papier huilé. Les partifans de l'impulfion tâchent d'ex- pliquer ce phénomène par la prefTion d'un fluide ambiant ,• ils prétendent qu'un fluide agilfant & maîtrifant en tout fens les par^ ties de cette goutte de liqueur, les oblige à fe réunir autour du centre. Mais qui empêcheroit alors quec2tte goutte fût également arrondie , également fphérique fur toute efpece de plan quelconque ? D'ailleurs , la faufîèté de cette opinion fè jnanifefre encore par ce qui arrive à deux gouttes de liqueur : lorfqu'elles font fur le point de fe réunir , on les voit s'alonger l'une ëc Fautre , devenir ovales , fe réunir & re- prendre alors la figure globuleufe qu'elles. venaient à'âhz^àonxïçx. %ê^ T R A î T Ê rj E X A Or il eft conlîant que la preffion en toug fens d'un fluide environnant , s'oppofe ' îîéceiTairement à cet effet. Il y a donc, une autre cauîe, & en voici une bien évidente. Quoique pendant ieté les arbres foîent plongés dans une aîhmofphere plus humide îe foir que pendant tout le refte de !a nuit , on ne voit point de gouttes d'eâu fur les feuilles , parce que ce premier temps de condenlation eft auffi celui de la plus forte afpiration de la terre , & par conféquenç des racines ; mais lorfque les conduits & la réfervoirs de la fève aérienne font bien rem- plis , & que l'afpiration eiï fort ralentie , alors la rofée n'eft plus fi fortement at- tirée , & elle fe forme en gouttes fur les feuilles. Mais la fuccion àes fucs propres qui con- tinue toujours , fëpare de ces gouttes d'eau des particules fuîphureufes, huileufes , donc elles étoient chargées ; & alors , purgées de ces parties hétérogènes , on voit îe ma- tin ces gouttes d'eau d'une forme tout-à-faÎE ronde , & ces pleurs brillants de l'aurore nous donnent l'eau la plus pure que nous puilSons avoir. li en eft de même du papier huilé , qui par la raifon d^afîinité , attire les particules iiuîleufes. II eft ainfi h'iQn probable que ce font ces parties hétérogènes dont les gouttes d'eau ïie peuvent être débarraffées fur un corps ^ur , qui leur cionneai: cette forme applatie-j^ VEGETATION, LiV. IV , Ch. T. l^^ puifqu'elles font toujours fphériques lorf- qu'elles en font purgées. J'ai vu aufîi pendant des jours d'été de ces gouttes rondes fur les feuilles , après une pluie douce , mais jamais pendant l'hiver (btr celles des arbres toujours verts ; ce qui viene à l'appui de la fuccion dont j'ai parlé. J'ai prouvé par des expériences , que l'effet de la condenfatïon dans la terre eîî: capa- ble d'attirer fortement l'air & l'eau ; ainfi cette attradion , eqtte forte d'afpiration qui s'y forme alors, doit communiquer aux ori- fices & aux pores des racines une force de- fuccion fufïifante pour attirer l'air & l'eau que pompent, par ces mêmes effets, les parr ties de l'arbre, & fur-tout les lèuiîles, qui font plongées toute la nuit dans un athmofpherç çrès-humide. Voilà la fève defcendante jufqu'aux racines qu'elle nourrit & alonge , comme nous \ç verrons bientôt. On conçoit que la fève terreftre , donc 3es vaiflèaux de l'arbre étoient remplis au moment où a fini la raréfaclion , doit com~ înencer par defcendre dans les racines , & , leur porter des fucs nutritifs. Il me refte h parl«^r de la fève latérale ; il îi'eft pas plus difficile de l'expliquer. Les vaiiîèaux lymphatiques, ainfi que le tifTu vé- iîculaire , s'érant remplis de fève pendant la nuit , comme nous l'expliquerons plus am- plement , lorfque le foleil venant à s'élever fur notre horizon , coiT;imenee à faire fentir les effets de la chaleur & 4e la raréf^éèion ^ Traite de i. a alors l'air & l'eau contenus dans toutes ïe^ parties de l'arbre , & principalement dans les vaifïeaux lymphatiques , fe raréfient & le dilatent de manière que la fève ne pouvant s'exhaler aufïî fortement qu^elleefl: fubitement dilatée, il doit fe faire une expanfion telle que cette levé doit êtrepoulîeeen toutfens, & fe répandre latéralement dans toutes les parcies; de l'arbre par le moyen de la communication des utricules & du tiffli cellulaire ; communi-i- çation bien prouvée par pîufieurs expérien- ces que je rapporterai. Voilà les mouvements de la fève montante ^^ defcendante & latérale, expliqués bien fîmi- plement , fans avoir recours à une circula- CÎon démontrée purement imaginaire. Voilà une marche dont la fimplicité efl bien conforme à celle que nous remarquons dans toutes les opérations de la nature. Les phénomènes qui ont paru jufqu'ici inexplicabjes , deviennent faciles à entendre «Se à expliquer par cette marche de la fève û évidente, juflifîée par tous les effets con- nus , démontrée par plufîeurs expériences , & dont nous verrons encore de nouyelles preuves dans le cours de cet Ouvrage. Cette marche , telle que je l'établis , donne nécefïài rement une fève qui monte des ra-i^ cines aux branches : je l'appellerai fève ter- reflre. Une fève qui defcend des branches aux racines , je l'appellerai fève aérienne ,• & une fève qui fè répand en tout fèns , que i'appelle latérale , j'en vais parler féparg- menç. VEGETATION, tiV. ;IV , Ch, I, IJl Je finis ce Chapitre , après avoir , ce me femble , lufEfajminent prouvé l'opinion^ que j'établis fur les mouvements de la feye par les expériences ^ les obfervationç. On va voir c^u'en fuivant cette opinion ^ tous îes autres phénomènes delà végétation, qui paroiflbient inconcevai?les , vont s'etpli- quer facilement ; & cette i^aifon feule n'y «donne pas peu de poids , puifqu on ne doit en admettre aucune en phyifique , qu'autant qu'elle (atistaic à tous les phénomènes. ■ Nous allons voir que l'explication que je viens de donner , non-fèulement s*accorde avec les opérations de la nature , dont nous parlerons , mais qu'elles concourent toutes à y ajouter de nouvelles preuves. Si on pefe attentivement toutes les cir- çonftances des expériences que j'ai rappor-» tées , on fera obligé de convenir qu'elle^ démontrent mon opinion , qui va être en- core plus évidemment prouvée dans les Cha- pitres fuivants. Paflbns à l'explication de ces trois différents mouvements dç la fève. fjz Ts-AîTÉ a ^ X A' CHAJPITRE ir. De fa Seye montante , que j*appdk Stve ter^ rzjire. J. L a été pîus aîfé de voir que la fève monte depuis les racines jufqu'au fommet des bran- ches , que d^appercevoir & d'expliquer le moteur qui l'y détermine & l'y attire : c'efï: le nœud gordien de la Botanique , qui a paru toujours fi difficile à dénouer. Si j^ai ofé entreprendre de le faire, & fî j'ai été affez heureux pour réuffir , j'en dois îe fuccès aux expériences , feuls guides qui n'égarent jamais. Je viens de donner une démonilration des mouvements de îa fève , d\nie manière fimpîe & intelligible ; il efl quefîion de ia fuivre & de la prouver de plus en plus. Avant d'entrer dans les détails relatifs à îa fève montante pendant îe jour , que j'ap- pelle fève terrefîre , je dois commencer par prouver avec quelle force elle eft attirée au ibmmetdes arbres par Fafpiration des feuilîes^ frappées de la lumière & de îa chaleur du foleil ; & la même expérience pjfouvera que la fève defcendante , que j'appelle aérienne , eft fortement attirée pendant la nuit par l'af-^ piration des racines : & de plus , je vaii prou- yer un fai^t qui n'efl peut-être ^as aij.fli, çon,-. Végétation, Iiv.-IV,, Ch. ÎI. 171 ï\u ; c'eft que non-feulement la fève eft afpî- rée des racines aux branches , mais elle l'eft pareillement de toute autre partie de l'ar- bre dont on a disjoint les fibres ligneufes ; c'eft ce que prouve inconteftablement l'expé- rience fuivante. Je perçai avec une vrille , à environ-^moi- tïé bois , Ta tige d'un rofîer qui aV-oit trois quarts de pouce de diamètre , & trois pieds trois pouces -de hauteur : je perçai ce trou à quinze pouces de la racine , il reftoit ainfi deux pieds ds tige au-defTus du trou : j'avois fait adapter à un entonnoir un bout recour- bé , dont l'extrémité étoit fort menue, j'en- fonçai cette extrémité dans le trou que j'a- vois fait à la tige de mon rofier , & j'en maftiquai enfuite l'ouverture avec le tuyau, v Après avoir affLijetti l'entonn^ûir qui , au moyen de la courbure du tuyau , fe trouvoic dans une. pofition droite ,, j'y mis la q.uan;* tité d*eau contenue dans im verre. Je ne tardai pas à voir l'eau diminuer fen- iîblement dans l'entonnoir , Se la totalité fut pompée en ,{ix heures d'un jour chaud : il eft vrai que ce roiier avoit une tête afïèz forte« vrtiil^;.." , J'ai ré]5été cette expérience fur plufieurs autres arbres ,, & toujours avec le même efiet. .^MJ^ !^ -in ^iniè";^-, ./,;.; ,. Elle jSrouve que. hs fibres ligneufes dii font les conduits de la fève , font fufcepti- bles d'afpiration dans toutes les- parties de leur étendue ; & elle prouve de plus qu'il n'eft pas befojji ^ue l'eau foit réduite, en ^74 T R À I f è î) é r.  vapeur fi ténue , pour pouvoir y paflef ^ comme l'ont cru quelques Phyficiens. J'ai remarqué que tant que je n'ai mis que de l'eau fimpîe dans l'entonnoir , les plantes n'on-t point paru en foufFrir , & mc- ine ont fembîé être plus en vigueur. Mais dans le defTéin de voir fi je né par< ^iendrois pas à changer la couleur des fleurs -^ au moyen des eaux colorées , je mis pour eét efïèt dans l'eritonnoir àç l'eau teinte de cou- leurs minérales ; elle fut pompée de même. Mais je rie tardai pas à recohnoitre que îes plantes y trcïuverent un poifori mortel : toutes celles qui en furent abreuvées yfe flé- trirent peu après , Ô2 en peu de temps î'é- torce des branches devint pîîflee 6c noire ; le lendemain les feuilles ëtoient roulées & defFé- chées , comme fi elles âvoient été brûlées. Je fis uTage de couleurs végétales , aved <3e l'aiun : les plantes en foufffifentjmais n'y ayant pas mis d'alun , pour lors je ne m'ap- perçus point qu'elles en refîèntiflènt aucun mal ; mais je n'obtins aucun èhangemen^ dans la couleur àes fleurs : peut-être n'ai-je^ pas fuivieaflèg cette opération. J'ai lieu de croire qu'on réu/firôît rhieux à coloret les fleurs des arbres , en fàifan^ tremper pendant fâ nuit les feuilles dans' une liqueur végétale colorante , & que peut^ être même on parviendroit à donner aux fruits un goût plus relevé , en trempant aufli pen- dant la nuit les feuilles d^ns une liqueur tineufe & fucrée ; c'eft ce que je me pro- pofe 'd'éprouver , en fixant une -terrine otr Végétation, Il V. IV ,Ch. II, 17c autre vafe fort large à la hauteur de quelque® branches , & de les faire tremper dans la li* queur ; peut-être pourroit-on parvenir ainfî à obtenir des variétés fort fîngulieres dans ies fleurs & dans les fruits. Voilà donc la fève montante dans les con- duits féveux de la tîgé , fans h fecours des racines ; & la force avec laquelle elle monte , démontre bien celle de rafpiration qui so* père au fommet , félon ce que j^ai expliqué. Je fis l'anatomie de mon rofier qui étoit tnort fî fubitement par la fuccion des parti- cules minérales , trop grofïîeres fans doute s je vis aifément , en fuivant ïa trace de l'eau colorée, 1°. Qu'il ri*étôit point du tout defeendu de liqueur au-deflbus du trou j 2" Que toute la liqueur avoit monté dâriS la tige , de-là dans les branches , dans les plu$ petits rameaux & les feuilles dont les fibres du pédicule étaient teintes , de mime quç les nervures. Je croi^ que'la principale ïaifon qui a fait fi prorhptement périr l'arbre , c'eft que cette liqueur minérale , grofliere & mal digérée-^ âvoit obftrué les utricules & les pores des feuilles , & avoit ainfî intercepté la tranfpi-A ration & dérangé' toute l'économie végétale. Cette expérience fèite fur l'arbre même ; & pour ainfî dire fous l'aâion de la nature ,' Éfl plus décifîve & |)lus concluante que celle» que des Phyfieiefts font dans le cabinet fur' tes parties féparées de Farbre. Ces fortes d'ex* périences fônc-pottr l'efdiaaire très-équivow l'jS TrAîté de t ques , & je pourrois citer bien des erreurs auxquelles elfes ont donné lieu .• que de faux apperçus par des expériences faites fur des feuilles féparées de la plante , dont il eft im- poffible de reconnoître alors les véritable.^ fbnélions! ■ : :■ J'ai obfèrvé que quelque bien broyée qu'eût été îa couleur minérale ^ il refloit tou- jours au fond de l'entonnoir àts parties gra- veleufes , quoique très-fines ^ qui n'avoient pu être introduites dans les conduits féveux ; ce qui eft encore une nouvelle preuve qu'il ne pafîè pas de , terre dans les plantes. Nous avons .tu que la fève qui monte des racines aux branches , n'eft autre chofe que, rhumidité de îa terré ; que cette humidité eft fortement afpirée,- principalement par Ig^ feuilles, qui communiquent aux. oriiices fu- périeurs des conduits févèux. , L'eau qui a délayé <& m(is en diftoîutîon les parties nitreiifes j . i fulphureufèsj éç falines^ qui fe trouvent dans îa terre , s%n eft im- prégnée , & les trànfi-net avec elle dans les canaux des plantes ,"Comme il eft espliquéf au. Chapitre de la nutrition. j^îiArtj.yy' •/;.: ;r Ces fubftances térreftres, jjif^lus'rgrofîières: & plus matérielles. 5. fervent , à la formation du corps ligneux :, ;auffi Voyons^nOius que, plus le terrein eft fuccuîent , - Çoh par. lui- même j fôitlpar lès engrais ,'&r.,;pîtis;'Iesar-, très y pouftent avec yi^ueui; ;^ s^éjevent & groftiftènt en peu^de-temps. r- • , ^ Nous voyons encore que ,çeu-x qui ne .fon| point exjxofés;îty,:.f0ldi peodapcitowt^ le cour» VÊGïTAtlOTT , LiV. ïV, Ch: ÎI. îfj du jour , pouflent plus en bois que les au- tres , parce que la fève y pafTe moins ri^ pidement , & qu'il s'en diiïipe moins que dans ceux qui foni: continuellement frappés du foleil : , Ne cherchons point à deviner eommerj:t la terre & l'eau fe changent ,en bois ; l'une ny entre pour, rien , comme je l'ai prou véj «Se Tautré en fort par la tr^nfpiration , après y avoir charié & dépofé les parties jnutri?- îives qui conviennent à la plante ; & cela dans un , état de difïblution qui lui donne la facilité de fe les approprier. , Quoique l'eau n'entre, dans les plantes qu'en parties très-fines & très-divifées , il paroÎE qu'elle en ,fort en vapeur beaucoup plus té'* nue , puifqu'elle eft ablolument invifible k nos yeux. Cette tranfpiration-des arbres a cependant quelque chpfe de fenfible, par la fraîcheur d$ î'air que nous refpirons 4ans les bois pendant un beau jour du printemps : cette fraîcheur ^ portée par la refpiration dans nos poumons j excite en nous une certaine hilarité que tout' le monde éprouve , parce qu'il, eft certain' que l'air qui vient d'être épuré dans les plan- tes ,, en foft dans un état-^e pureté qui le rend , pour ainfi dire , déphlogiftiqué j6ç très-falubxe , principalement pendant les jour? de la belle faifoh , ou la végétation eft ea pleine vigueur. Cette opinion , qui ne peut être combattuf par aucun Naturatifte éclairé , fera prouvée âans un Chapitre particulier* TomcJi M Îj2 THAItÉ ÏÎE lA Nous avons vu que les conduits lymplia- tiques font environnés & entrelacés par une grande quantité de petits vafes qui font des magafins , des réfervoirs de la fève , appelles véfîcules par les uns , & utricules par les au-* très ; que ce font efFeclivement des efpeces de petites outres ou de petites vefïîes pleines ' de fève ; elles la retiennent & la corifervent non- feulement tant que l'arbre eft fur pied , mais même après qu^il eft abattu. On voit qu'elles en font pourvues dans tou- tes les parties même féparées de l'arbre , & encore long- temps après leur féparation j. c'&û ce que nous appelions bois vert. Lorfque l'on met au feu un de ces mor- ceaux de bois ^les écoulements d'eau que Ton- remarque à leurs extrémités prouvent com- bien ils en étoient pourvus, La fève conlervée dans les parties de l'ar- bre coupées & féparées , parok y faire fubfîfter un efprit de vie toujours prêt à fe manifefter , puifque tant qu'il rejfle encore de cette fève dans un morceau de branche „ il on le met en terre , il peut poufîèr des racines & des branches & devenir un ar- bre tel que celui dont il faifoit partie. " Mais lorfque les magafins font vuides Se jifFaifTés , que les fibres font defîechées , & qvQ h bois eiî ce qu'on appelle fec, alors if îie tarde pas à tomber en pourriture , s'il efî expofé à l'humidité : ce qui arrive , même Turf arbre, aux branches mortes qui y reftenr. La fève , c'ei}-à-dire cette liqueur prépa- rée dans la terre , eft donc nécefïàire à la for- VeG Et Àf ION , Li V. iV , diî. tt 1 j^ ftiation & à l'entretien du bois , puifque non-feulement tout principe de vie ed éteint lorfqu'il en eft dépourvu, ziiais de plus, tou- tes fes parties devienrienc alors difToIubles en peu de temps par. l'eau commune ; & ce même élément , fi héceflaire h la vie dé îarbre j précipite alors fa deftrudion. J'ai déjà dit que je ne fais pourquoi on à penfé que lâ fève defcendoit pendant rhivef' dans les racines àes arbres ; il efî: cependanr très- certain que les parties ligneufèâ en font plus remplies pendant l'hiver que pendant I ete. C'eft ce qui fait pîerir leî arbres , lorfqué pendant de fortes gelées la fève qui y abon- de , fur-tout après la pluie , venant à fe gla- cer , l'extènfion des parties de glace brife les vaifîèaux véficuïaires du bois & de l'écorce , & fait même éclater le corps ligneux ; c'efî ee qu'on a vu arriver dan:s les grands hi- vers. , '.' j.','V •'"', L'expéfiericé prouve qùlô îé tes -que rori coupé pendant l'été n''eft pas , à beaucoup près f aufli pefant , toutes chofes d'ailleurs égales , que celui que l'on abat vers la fin de l'automne : ce ne peut certainement être que î'abondance de fève dont il eft alors rem-« pli , qui caufe la grande difFérence de pefan«* teur que l'on y trouve. '-^""-^^•^ "^■ Ceft pourquoi le bois que ron coupe pen- dant Tété n'eft pas d'une cbnfervaîion aufïi langue ni aufïi bonne : è'eft ce qui fers mieux prouvé. La fève , très eondenfée Se épaifîîe pendanf M :è I-8o T R A î T é B E L A ^'hiver , a. véritablement peu d'aclion , maïs eîle ne laifîè pas de fubir quelques effets des viciflîtudes qui lui donnent un peu de mou- vement. On a vu que le temps de la condenfation eil le plus favorable pour les racines , & l'ex- périence m^a fait connaître qu'elles pouflerit en hiver,* ce qui prouve l'avantage de plan- ter en automne,- ce qu'pra peut faire avec fu- reté aufli-tÔE que les feuilles font tombées. On pourroit croire , d'après ce que nous avons dît , que lafevc terreflre étant un rem- . placement de celle qui s'exhale continuelle- ment par la rranfpiration dans la chaleur du jour , devroit être fucceiTivement & uni- quement fournie par les racines , telle que la. liqueur dans un vafè fournit fucceflivement & uniquement à rafpiration d'un tube; ce qui n'eft pas ici tout-à-fait de même ; la nature, toujours prévoyante, a lu fe ménager ici des refïburces. Les véfîcules , petits , mais innombrables magafins de la fève, y fuppléent au befoin ; & fi' elles ont été épuifées pendant le jour, elles ne fe rempliffent que mieux pendant ïanuit. Cef^ ainfi^ que les plantes qui croiffent fur îes murs, fur les rochers & dans les fables brûlants de l'Afrique , ne laiffent pas de vé^ géter & de croître, quoiqu'elles ne paroifîènt yien recevoir dans ces climats , ni des fucs du terrein , ni de l'eau des pluies qui y font très -rares. Ce n'efl certainement que à^s roféos qui y font abondantes , c'efî:-à-dire p^ Végétation, Il V. IV, Ch. II. iS-i <àe h fève aérienne , qu'elles reçoivent des fe"" cours & de la nutrition. II en eft à- peu -près de même des arbres plantés dans un terrein fec & aride; mais avec cette différence que ceux-ci ayant befoin d'une nutrition plus folîde & plus abondante que les plantes , y végètent bien foiblemenc & y dépérifTent fenfiblement : je vais rap- porter une expérience qui le prouve bien. Ayant levé deux jeunes peupliers d'Italie d'un afîèz bon terrein , au mois de Novem- bre , comme je les a vois à-peu -près choifis de la même hauteur & groflèur , leur poids fut à-peu. près égal; il fe trouva être de fîx livres & quelques onces chacun. Je les plantai tous deux dans un terreint fec & aride : ils y reprirent cependant , mais ils n'y firent que de chétives pjroduc- tions. Je les levai au bout d\in an , à la mpme époque du mois de Novembre ; je remarquai qu'ils avoient un peu plus poufle en racines qu'en branches. Les ayant pefcs , je trouvai que le poids de chacun n'étqit plus que de quatre livres & quelques onces. Ainfi ces arbres ^ loin d'augrnenrer de poids pendant un an , avoienc perdu deux livres de leur première pefanteur. Je les plantai dans un bpn terrein : leurs produdions pendant la première , & fur-touc I^ (econde année , m'annoncèrent Teffet du bon terrein où ils étoient , & de la nourri-:' fure lueculente qu'ils y trou voient. • '^ ' ■ ' ^ ^^ Ml iîz Traité be ia Je iss levai toujours à la même époque du mois de Novembre , & je trouvai qu'ils peloient chacun à-peu-près neuf livres ; ils avoient donc augmenté de cinq livres pen- dant deux années dans ce bon terrein , tan- dis qu'ils avoient diminué en un an de deu^ livres dans un terrein aride. Je n'ai point eu l'attention de m'a^Turer dp la différence de leur circonférence ; mais ily a apparence qu'elle a également varié ,, parce que dans le mauvais fol les véfi.cuîe§ îe font yraifemblablenxent rétrécies , & qu'elles fe font élargies dans le bon terrein. Cette expérience prouve bien la nécefîité de la fève terreftre pour la formation , l'en- tretien & la croiflànce des parties ligneufes des arbres; ceux qu'on a tenté d^élever dans l'eau feule ont prouvé , par leur foibles pro- dudions , qu'ils ont befoin de fucs plus fubfi îantiels qui leur tfanfrnetteiit des paf tiçul^$ plus folides. CHAPITRE IIL p£ la Sevs defçcndante au ae'riennç, ^ ï I^ fève monte des racines aux brandies 3, elle defcend des branches aux racines ; c'eil ce qu'if faut prouver ; plulieurs expériences ^ont convaincre de ce fait. Il f 11 lîien étonnant Liv. IV, Ch. îII. 187 La nature furprife , pour ainfi dire , par cette chaleur artificielle , fait auffi des produélions avancées & précoces. Toutes les parties de la fruâifîcation étoient déjà formées dans le bouton ; elles nattent Soient que les premières chaleurs du prin-» temps pour opérer leur développement. La chaleujr artificielle eft fufTifante pour devan- cer cet effet, parce qu'enfin rien ne fe faif ici qu'un fimple développement ; mais peut- on parvenir , au moyen de cet artifice , à faire opérer dans un arbre quelque forma- tion de boutons à fruits ? Nous allotîs voir que non. Lorfque les arbres ont fait cette fruftifi- cation prématurée , on ne manque pas de îes fortir de la ferre chaude , ou de retirer îes vitrages qui les couvroient , parce que l'expérience a fait connoitre que fi on les y îaiflbit , il n'y auroit rien de bon à en attendre pour l'année fuivante. . Effeélivement , toutes les expériences que j'ai faites à: répétées fur les arbres fruitier? mis dans cette pofition forcée , m^'onjC toij^ jours donné les mêmes réfultats. J'ai mis dans ma ferre chaude , foit en pot , foit en pleine terre , différents arbres fruitiers , tels que pommiers , poiriers , ce- fifiers , pruniers, abricotiers, pêchers, &c. tous ces arbres pourvus de leurs boutons ^ fr'iit , ont fait leur développement & leup fruèlification ; mais tous ceux que j'ai laides fous les vitrages pebdant 1 été , n'ont jamais produit aucun bouton à fruit : quelques-uns ï88 Traité de la ont bien formé des boutons h bois, d'où il eft forti des branches l'année fuivante ; mais j je le répète , jamais de boutons à fruit. ' Mais parmi ceux que j'ai remis en plein air , quelques-uns ont formé des boutons k fruit àès la même année , & tous l'année fuivante. Je dois obferver que quoique ces arbres enfermés fous des vitrages donnent de5 pommes , des poires , des oranges , ôzc. il eft cependant vrai de dire qu'ils ne font point de véritable frudification ; car aucuns ne donnant des pépins bien formés & pourvus du germe produélif de l'efpecc. On fait que c^eft là le principal objet de la nature , & que tout l'appareil extérieur n'eft fait que pour la formation & la con- fervation de ce germe précieux. Je ne l'ai jamais trouvé dans toutes les pommes , poires , oranges , &c. qui ont mûri fous des vitrages ; j'y ai bien trouvé des apr parences de-pepins ; mais , à l'examen , ce n'étoit que la capfule coriacée , dépourvue du corps farineux où le germe eft contenu. Je ne fâche pas que perfonne ait encore parlé de ce fait , dont il efl aifé de fe con- vaincre ; je n'ai trouvé de même dans le^ fruits à noyau, que des amendes mal for- mées & fans germe. Les arbres que j'ai îaiffes fous les vitrages , quoiqu'en pleine & bonne terre , n'ont plus fait d'ailleurs que de chétives productions en bois ; & j'ai reconnu à Tinfpedion de ceux; que j'ai arrachés > qu'ils nQ faiiçiqnt ppins VegetationjIïv. IV, Ch. IîL 189 «îô nouvelles racines , & que plufieurs même des anciennes étoient pourries. J'ai encore éprouvé que tous les arbres fruitiers que j^'ai enfermés trop tôt fous les vitrages , fur la fin de l'automne , c'eft-à- dire ceux dont les boutons fruitiers n'étoiene point encore aflèz formés >aflèz élaborés 9- j'ai éprouvé que ces arbres fleuriflbient plus fbibleraentque les autres, & ne donnoient point de fruit. Une expérience très-relative à celle-ci t ni 'a fait éprouver la même choie, Séduit par l'exemple de ceux qui croient bien faire eis couvrant avant l'hiver leurs pêchers & leurs abricotiers en efpalier avec des rideaux ou avec des paillaffons , pour les mettre à cou- vert de la gelée , j'ai voulu fuivre cette pra^ tique , & voilh quel en a été l'effet. Toutes les branches qui étoient entière* rnent couvertes ne m'ont point, donné de fruit ; mais toutes celles qui excédoient cette couverture , ou même quelques - unes qui étoient reftées expofées à l'air par les trous des paillaffons , ont très -bien frudlifîé , & cela feulement fur la partie de la branche qui fé trouvoit vis-à-vis de quelque fente du paiî-» îalTon. Je dois dire ici en paflànt ^ que ceux qui ont fubfîitué à cette dangereufe précaution celle d'abriter l'arbçe avec des rameaux quel- conques , s'en font bien trouvés , parce que ces rameaux, efpece de brife-vents, ne s'op- jpofent point à ra(^ion de la fève aérienne-. îg& T R A ï f Ê i) lî t A tommé on le voit , fî néceflàire à la fruâl" fication. ' J'ai enlevé pendant Thiver des anneaux: decorce fuf des branchés de pruniers &: d'abricotiers , où il y avoit beaucoup de bou- tons à fruit; fai chôifi fés branches les plus vigoureufes & les plus longues : la coupe de î'écorce que j'avois Une vers le milieu des branches , féparoit ainii les ÏJoutons h fruit. Il eft arrivé , comme je m'y attendois , que les broutons qui étoient aii-deffus de la' coupe ont très-bien réufîi & frudifié ; mais îl n'en a pas été de même de ceux qui étoient au-delîbus ; quelques-uns n'ont fleuri que foiblement fans donner de fruits; & le très- petit nombre qui a frudifié, n'a donné que des fruits très- petits & rmparfaitl Tout le contraire eft arrivé aux boutoné à bois; ceux qui étoient au-deflbus de la €oupe , ont pouffé plus vigoureufement ; & îa différence de l'étendue deis feuilles étoit très-fenlîble ; ce qui prouve bien îa marche & les effets différents des deux fèves. Pour nous en convaincre , récapitulons îiiaintenant les effets des expérienées que je viens de citer. On voit par ces e^cpériences ^ i°v Que tous les arbres couverts de vitrages ne produîfent jamais de boutons à fruit ; & ce bouton à fruit étant la véritable frudifi- cation , dont là chaleur de la ferre ne fait qu'ac- célérer le développement , comme il fe faic liâturellement par la douceur du printemps y Vegetatioîî, tiv. ÏV, Ch. lit., t^t sî en faut conclure qu'il ne fe fait point de fruâifîcation fous les vitrages, parce que les • arbres n'y reçoivent pas autant qu'il le fau- droit les influences de la fève aérienne. Je dis autant qu^il le faudroit , car la clô- ture de ces vitrages n'eft jamais telle que l'air & l'humidité de la nuit n'y puifîènt pé-» nétrer , fans doute , en quantité fufïîfante pour opérer la croilîance des parties de la fru(5î:ificatïon. 2°. On voit que les boutons à fruit n'é- tant point fuffifàmment élaborés par la fève aérienne , fî on Iss couvre d'une manière quelconque qui les prive de fon influence , la fruftification manque ; & que toutes chofes d'ailleurs égales , elle s'opère très-bien dans tous les boutons du même arbre qui n'ont pas été couverts. ■ 3°. Que les racines des arbres couverts de vitrages rie font aucuns progrès ; qu'il ne s'en fait point de nouvelles , & que pluiîeurs des anciennes pourriflènt ; ce qui concourt à prouver , comme je l'ai déjà établi , que la fève aérienne defcendante aux racines, efi: nécefîaire h leur formation , à leur croiiïànce & à leur entretien. 4°. Par la dernière expérience que j'aî rapportée , n'eft-il pas évident que les bou- tons qui étoient au-delîbus de la coupe de Técorce , n'ont manqué que parce qu'ils étoient privés du cours de la fève aérienne defcendante , dont la communication étoic interrompue par la coupe faite à Técorce ; ee qui démontre encore que cette fève def- cend- principalement par lécorce. t^l T % A t T È DE LA Elle prouve aufïî qu'il n'en cft pas. (îs même dés boutons à bois qui tirent la fevô montante par les fibres ligneulès , puifque . ces boutons qui étoient au-defïôus de la coupa d'écorce fjrent des produflions vigoureufes , au contraire de. ceux qui étoient au-dejGiis 5 car la coupe, d'écqrce afîbiblit toujours lel produdîons ligneufes. Cette vérité reconnue , a fait imaginer un moyen de faire frudlifîer les arbres ; j^ea parlerai par la fuite. Pour m'affur.ef, mieux encore de ces vé- rités , quoiqu'elles me parufîênt fuffifam- ment prouvées , j'ai fait encore plufieurs autres expériences; elles ont toutes' concouru à donner les , mêmes preuves. . ,J'ai mis fous des chaffis afTez bien cîos ^ pluiîeurs plants de frai/îers ordinaires avant l'hiver ; ils ont fleuri & fruftifié au prin- temps,, comme je n'en dputois pas. J'ai laifîe ces fraifiers fous les chaïïîs ; & au moyen de fréquents arrofèments , & ds l'air que je leur donnois , mais ^ulement pendant le jour , ils ont continué à végéter a0èz! bien j mais ils n'ont point fruâ:ifié l'an- née fuivante ; & ils n'avoient point aug- menté en racines , eomme font ceux qur font en plein air. Ayant mis fous des chaffis dans l'été , des pieds de fraifiers très-vigoureux , $c qui ve~- noient de donner beaucoup de fruit , ils n'en donnèrent point Tannée fuivante. J^avois en pot un cerifier nain , qui, de?- çuis plufieurs années , ne mànquoit jamais VEGEtATîON, LiV. IV, CH.III. 195 de fe caiivrir de fleurs & de fruits en plein air; le tenant à l'ordinaire pendant le jour, j'eus loin de le faire mettre dans un lieu fer- mé pendant toutes les nuits deté & d^au^. tomne t il ne parut point en fouffrir , mais il ne forma point de boutons à fruit ; &c l'ayant tiré du pot , il ne me parut point qu'il eût poufïë de nouvelles racines. J'ai lailTé dans la lèrre vitrée des rofiers qui y avoient fleuri ; ils ont bien pouPCé en bois , mais ils n'ont donné aucune fleur l'an-* née fuivnnte. J'ai mis deux myrtes à-peu- près de même grandeur dans deux vafes de verre , où j'a- vois mis de bonne terre; je les laifîbis tous deux en plein air pendant le jour , & j'en faifois mettre un à couvert pendant la nuit. Les racines de celui qui rejfta toujours de- hors pouflerent très-bien ; mais celui qu'on rentroit pendant la nuit n'en poufîa pref- que point. Le verre , par fa tranfparence , me donnoit la facilité d'obferver la croiflàncô des racines , qui fe, replient , comme on fait, contre les parois du vafe. Pour cet effet , je remarquois le matin , à l'extérieur du vafe , le poin-t qui répond- doit à l'extrémité d'une jeune racine ; j'ob- fervois pendant la journée jufqu'au foir fans y trouver de changement ; mais la nuit s*é- tant écoulée , je trouvois le matin que la ra- cine avoit toujours plus ou moins dépaffe le point marqué , & cela fur-tout lorfque la rofée avoit été fort abondante. J'ai même obfervé quelquefois un écoule- Tome IL N 194 Traité de la ment de gouttes d'eau qui s'étoit formé à l'orifice de la racine contre les parois du vafe. L'obfervation dont j'ai parlé au fujet des arbres trop enfoncés en terre , ferviroit (eulq à prouver mon opinion. Nous avons dit qu'une expérience conf-' tante fait voir que îorfque la tige d*un arbre eft trop enfoncée dans la terre , il paroît languir pendant deux ou trois ans ; mais qu'enfuite il pouiîè vigoureufement , parce qu'il s'eft formé , à une profondeur conve- nable aux circonftances de la végétation , un. fécond étage de racines qui s'étendent & groffiflent rapidement ; & qu'après que ce nouvel étage de racines eft bien formé , toutes îçs anciennes périiïènt & tombent en pourriture , de même que la partie de la tige qui eft au-deffous de ce nouvel étage, & là le mort eft féparé du vif. N'eft-îl pas évident que cela n'arrive que parce que ces nouvelles racines fe trouvant plus près de l'adion des feuilles , fe mettent" avec elles en correfpondance direde , & in- terceptent ainfi la communication qui étoit établie avec les anciennes racines , & ces gour- rnandes arrêtent & s'approprient toute la fève defcendante qu'elles afpirent , tandis que toute la partie qui eft au-deftbus , étant alors pri- vée de l'adion de l'arbre & de la nourriture qu'elle en recevoir , le defleche & tombe en pourriture; ce qui n'arriveroit certainement pas , Il la fève montante ièrvoit à aourrir les racines .? VEGETATION , LiV. IV, Ch. HT. Ig^ Cette marche de la nature eft afîèz la mérne dans la formation & la croiflànce des mar- cottes , qui , lorfqu'elles deviennent très Fortes & très - enracinées, fîniiTentpar faire périr la mère qui les avoit produites. Nous en parle- rons dans la fuite plus amplement. Toutes ces expériences ne prouvent-elles pas clairement l'exïftence & la néceffité de la fève aérienne defcendante aux racines ? & puifque fon défiut dans les arbres rend nulle la frudification , ne doit -on pas en conclure que c'eft elle qui fert à l'opérer ? Les raifonnements deviennent fondés, quand ils font les corollaires des expériences : c'eft pourquoi je peux , avec plus de confiance , ex- pofer ceux qui fuivent. Il a toujours paru très -difficile à concevoir comment le même terrein , les mêmes fucs pouvoient produire des fleurs différentes ea couleurs & en odeurs ; comment il pouvoir en provenir des fruits fi différems en con- fiftence & en faveur. Si ces fleurs tirent leurs couleurs & leur? parfums des différentes efîènces répandues dans l'air ; fî les particules les plus exaltées qui y flottent , font attirées & apportées dans les fruits pour y former l'affaifonnement qui leur convient ; û , comme tout nous porte à le croire , c'eft l'effet de la fève aérienne , i! devient d'abord plus facile d'appercevoir corti- jnent cela s^opere. S'il ne nous eft pas poffiblç d'expliquer tous [ les détails de ces admirables opérations , d'en 1 tonnoître tous les reiîbrts cachés dans une ■ ' ■"■■■■■ ^2, 1^6 Traité de xa texture fi fine , qui échappç également à notre i-nagination & à notre vue , au moins aurons-nous des notions intelligibles & fatis- faifanres de ce phénomène de la nature; & mes idées , rendues bien probables , pourront fans doute être menées plus loin. Tout nous conduit à croire que c'eft la fève aérienne qui fert à la formation & à la nutrition des fleurs 6c des fruits ; tous les boutons h fruit fe forment fous raiffelle du pédicule des feuilles ; & bien différents des boutons à bois, ils ne tiennent que peu aux fibres du bois , mais principalement à celles de l'écorce. Cette pofition met ces boutons fous l'afpi- ration & la protedlion immédiate des feuilles: on voit évidemment que la feuille eft la mère & la nourrice de l'enfant , puifqu'il ne peut ni naître ni croître que par elle. -^ II eft démontré que les feuilles font les or- ganes de la difïîpation pendant le temps de la chaleur , & qu'elles deviennent organes de nutrition pendant la fraîcheur. Or, elles ne peuvent alors afpirer que k fève aérienne ; donc ce n'eft que celle-là qu'elles peuvent trarifmettre au bouton à fruit , qui ne paroît tenir que peu aux fibres ligneufes de l'arbre. Ce n'eft pas qu'il n'y ait beaucoup de fi- bres dans les fruits ; mais il y a apparence que ce font des fibres corticales , plus endur- cies. Les particules dont les feuilles fe fàififîènt, font fans doute les matériaux dont les prin- cipes les plus fubtils & les plus rafinés des VEGETATION, Ilv/lV, Ch. III. I97 végétaux font formés : car l'air , ce fluide fî délié , eft bien plus propre à fervir de milieu & de moyen pour combiner & préparer les principes les plus relevés des végétaux , que l'eau , ce fluide groflier , qui n'efi: que la par- tie inaftive de la fève. L'odeur gracieufe des fleurs, & le goût re- levé des fruits , nous apprend qu'ils contien- nent beaucoup d'huile très-fubtile & très- cxaltée , qui fans doute contient elle-même beaucoup d'air & de foufre. Toutes les plantes qui ont des feuilles très-odorantes , ont auffi des fruits très-odo- rants : tels font les orangers, citronniers , cé- dras , Tagnus-caflus , l'angélique , le baume , &c. Car les Botanifles appellent fruits en gé- néral , toutes les graines qui portent les germes qui doivent perpétuer l'efp^ce ; & effedive- pient ce font-là les vrais fruits. Ces fucs aromatiques fe répandent toujours aufîi dans l'écorce des branches où il y a des feuilles. Il y a quelques individus où ils fe répan- dent dans toutes les parties de la plante , comme dans Tangélique; mais dans d'autres, où ils ne font lentis que dans les parties fu- périeures , comme dans l'oranger , l'écorce du tronc & celle des racines ne s'en refïènc prefque point , non plus que le bois. Tous ces effets ne proviennent évidem- ment que de la fève aérienne pompée par les feuilles , puifque ces odeurs ne réfident principalement que dans les parties de l'arbre qui approchent le plus des feuilles. N 3 i^^ Traite de la Tout cela fait juger que pour former & amener à maturité les graines & les fruits , la nature s'applique à combiner enfembîe i 4ans la proportion la plus exadle , les prin- cipes" les plus purà & les plus adifs ide foufre & d'air ; & comme ce font les feuilles qui afpirent ces principes fulphureux , il 'paroïc qu'elles fe refufent à Tadmiffion de ceux qui' ibnt trop groflîers ; ce qui eft prouvé par lés particules de foufre que l'on trouve fou- vent fur leur fuperficie. Il en eft de même de cette fubflance înîelîeufe que l'on trouve quelquefois fur les feuilles de î érable , & de cette autre gommeufe fur les feuilles des peupliers , &:c. Voïiin , pour mon malheur , d'une manu- ifadure d'huile de vitriol , qui eft un extrait de foufre , dont les exhalaifons font très-in- 'commodes & très -nuifi blés , j'ai vu fouvent les Feuilles de mes arbres, & fur- tout des ro- ïîers , toutes couvertes de poudre de foufre; ce qui m'a fait connoître que cet arbre eft: plus difpofé qu'un autre à afpirer les parti- cules fulphureufesi & ceft peut-être la caufe de la vivacité des couleurs de fe's fleurs , & «? ■ leur odeur. Comme le goût exquis des fruits, & Todeur agréable des fleurs , viennent de ces principes aériens combinés & fubtilifés, il eft aftez na- tureî de penfer que les belles couleurs de ces imémes fleurs doivent auili être attribuées à la taeme caufe. On fait d'ailleurs que les terrains fort fecs fevorifent plus le jeu > & contribuent plus à Végétation, tiV. IV, Ch.ÏÏÎ. tp^ ïâ variété de leurs couleurs , que les terreins humides , où elles rirent plus de nourriture aqueufe : c^eft ce que favent très -bien les Fîeuriftes qui veulent dire panacher leurs tulipes. Il peut cependant arriver que la ïumiere . y ait auffi beaucoup de part ; car , comme dit Newton , ne peut-il pas fe faire une tranf- formation réciproque entre les corps grof- fîers & la lumière ? & les corps ne peuvent- ils pas recevoir une grande partie de leur adivité des particules de la lumière qui entre dans leur compofîtion ? Le changement des corps en lumière , & de la lumière en corps , étant une chofe très-^ conforme au cours de la nature qui femble fe plaire aux transformations , Les expériences que j'ai rapportées fur lê phlogiftique colorant , ou fur la lumière ^ émanation du foleil , viennent bien à l'appui de cette opinion. L'expérience nous prouve que les arbres plantés dans des terreins fecs donnent des fruits plus fucculents , & d'un goût plus re- levé , que ceux de ces mêmes arbres qui font dans des terreins humides , parce que les premiers tirent moins de fève terrefîre & plus de fève aérienne ; & il en eft au con^- traire des autres , qui , trop remplis de Cette fève aqueufe , ne peuvent tirer avec autant de force la fève aérienne. C'eft par la même caufe que les arbres 'plantés trop à l'ombre , ou trop abondao'tt '«Q fève j ne donnent point de fruits. '^ 4 IQQ Traité ijblâ "^En expliquant pourquoi les arbres plantés dans un tereîn fec & peu fubiîantieux don- nent des fruits plus fucculents, d^un goût plus relevé , on voit pourquoi les vignes , dans ^un terrein gras par lui-même , ou par les engrais, ne donnent pas de iî bon raifin, & que le jus du raifin fe reiTentdes mauvaifes ex- halaifons qui fortent de ce terrein. Les plantes qui , dans les pays chauds , tirent peu de lues de la terre deiïechée, con>- tiennenr une plus grande quantité de prin- cipes fubtils & aromatiques que les plantes plus feprentrionaîes , parce que celles- là tirent fans doute plus dé rofée que celle-ci. Quand je dis que les fruits font formés par îa fève aérienne, qu'on n^objedte pas le goût de terroir , qui , à la vérité , gÛ quelquefois très-fehfible dans les fruits, puifqu'il eft aifé de concevoir que les exhalaifons qui émanent de ce terrein , & que les feuilles pompent , peuvent & doivent être communiquées au fruit. Une expérience connue prouve encore îa rnême chofe : on fait qu'en grefîàntplufieurs fois un arbre à différents étages, il donne de meilleur fruit ; mais cet arbre poulïc peu en bois , & cela parce que les différents nodus qui fe forment àl'infertion de chaque greffe ne laiflent pas un aufîi libre paflàge à la lève terreftre , & qu'ainli la tête de l'arbre eft dif- pofée à pomper en plus grande quantité la iève aérienne. 0n fait qu'en général un arbre greffé ne devient jamais aulîi grand 6c auffi gros qu'un parçiî arbre çle femence. Végétation, Liv.iy,CH. III. 201 On fait aufli qu'un arbre auquel on laiflê peu de branches , ne fait que peu de racines ♦" tels font les arbres en efpalier ,• tels font ces jeunes ormeaux qui font mutilés fouvent par le fer d'un Jardinier pour les railler en boules , parce que moins il y a de branches , & moins il y a de feuilles pour pomper la rofée & en tranlmettre les fucs aux racines. Après avoir prouvé la nécefîité de la levé aérienne pour la formation des fleurs, & fur-tout des fruits; après avoir démontré comment cette fève s'introduit dans les par- ties des plantes , & fur-tout par les feuilles, & defcend jufqu'aux racines dont elle opère la croifîànce & l'alongement. Pour donner à l'opinion que nous établif- fons une explication plus fenfible , récapitu- lons ce que nous avons dit au Chapitre de l'air. Nous avons vu qu'on peut à Jufte titre re- garder l'athmofphere comme un chaos qui contient un nombre prodigieux de corps étrangers de différente nature , & différem- ment combinés entr'eux. Que l'air eft chargé de toutes les vapeurs , des exhalaifons , des émanations des corps qui font fur la furface & même dans les entrailles de la terre. Les végétaux, dont la tranfpiration efl: pro- digieufe , fourniflènt des émanations différen- tes, parmi lefquelles onne peutméconnoitre les parties odorantes qui s'en échappent conf tamment , & que les Chymiltes nomment leur efprit rsSeur, 2Ô1 Traité îiE la Ces efprits> qu'on ne peut imiter que bien imparfaitement , fe font diftinguer & fe dé- cèlent à des difîances plus ou moins éloignées des endroits où ils s'élèvent dans l'athmof- phere : les plantes qui fermentent y répan- dent une grande quantité d'efprits vineux > incapables de s'altérer , mais qui fe combi- nent très-bien avec les autres fubftances qu'ils rencontrent dans la mafîè d'air qui les re- çoit. Les fumées , & fur^tout celles des cuifî-* îles , les opérations chymiques , fourniiïènt encore une très- grande quantité de parties qui fe volatililènt , & qui s'élèvent avec la plus grande facilité. Il s'exhale encore âes végétaux des Huiles propres & natives , que la chaleur dégage à la longue, & qui s'afîimilent aifémentf à Tair ; il s'en élevé quantité de fels natifs , âpres, iavonneux , & qui approchent aflèz de la nature des âîkalis. Rien ne s'anéantit , rien n'efi- perdu dans îa nature : c'efl: ici, par le moyen de la fève aérienne, que fè hk dans les plantes la refti~ tution des fubftances exaltées dont nous ve- nons de parler : Tair & l'eau , qui en font les véhicules , les apportent & les dépofent dans les plantes, où elles font attirées & re- tenues félon l'affinité j de manière que cha- que plante s'approprie ce qui lui convient. Delà les différents fucs propres; delà les couleurs , les odeurs fî variées dans les fleurs j° delà ces fruits û difîèmblables en confiflance ^ en couleur & en faveur. VEGETATION, LiV, ÏV,Ch. ni. lOj On ne demandera plus comment il peut fe faire que le même fol, la même eau , les mêmes fucs de la fève psuvenc faire des prp-t- durions Cl différences. On voit que c'eft la fève aérienne qui tranfmet dans les plantes toutes cqs variétés exilantes & préparées dans l'air , qu elles y font attirées & retenues par affinité ,& éla- borées par la végétation. On voit par-îà que le changement de lô* cal , d'expofition , de fituation , enfin le chan- gement d'air peut contribuer , autant que ce- lui du terrein, au fuccès des {bn-isnc2s Ôc des plantes. L'objet de ce Chapitre m'a para aufîi im- portaat qu'il efî nouveau ; c'eft pourquoi j 'aï cru qu'il valoit mieux répéter, que d'omettre les obfervations & les détails qui peuvent fer- vir à l'écîaircir & à le prouver ; il nous four- nira dans lé troifievTie Volume des méthodes- pratiques bien confirmées par l'expérience. Je finis par l'expofition d'un fait que tout le monde connoît , & qui me paroit dé- cifif On voit fouvent de vieux arbres, tels que des poiriers, pommiers, cerifiers , abrico- tiers , &Co qui font telleme;it creux &c vuidcs de bois , qu'il ne leur reffe que Técorce : ces arbres, en cet état, donnent cependanc de beaux & bons fruits ,& même quelquefois en grande quantité. On ne peut pas dire que les fleurs & les fruits que donnent de tels arbres , foient formés par le corps ligneux 5, puif|u'ii n'en refte .plus : ils ne font J©ac 104 Traité de la formés, & ne peuvent recevoir de nourriture que par le moyen des fibres ôc des vaiflèaux de l'écorce. Mais l'expérience prouve qu'il ne monte point de fève terreftre par l'écorce , & que la fève aérienne y ^efcend : c'eft donc cette fève aérienne qui forme & nourrit les fruits. On dira peut-être que ces arbres qui pa- roifîènt dépourvus de bois , ne laifîènt pas de conferver encore quelques fàifceaux défibres îigneufes fous l'écorce : c'eft effeéliveraent ce que j'ai remarqué dans quelques-uns ; mais j'en ai vu où j'ai trouvé toutes les parties îigneufes pourries, détruites, & il n'y reftoit abfolument que des fibres corticales , mais qui paroififeient très-renfijrcées : car il eft à remarquer que l'écorce devient très-épaifie dans ces arbres creux , & qu^il fe forme àes deux côtés de la cavité d'afl^z gros bourre- lets , efpeces de colonnes qui fou tiennent l'arbre. La coupe de ces bourrelets ne m'a laifle appercevoir que des parties corticales ; mais je n'ofe afTurer qu'il ne s'y forme pas quel- ques nouvelles fibres Iigneufes. Ces arbres donnoient des fruits ; mais ils ne faifoient plus de produfliions ligneules , & perdoient même de leurs anciennes bran- ches. Jedois cependant dire que je ne difcon- viens pas que la fève terrefire ne concoure à la fr unification , par rapport à quelques fibres Iigneufes qui s'y trouvent ; mais je crois Vegetatioît , Liv. IV, Ch. IV. 205 avoir fufîîfamment prouvé qu'elle n'y opère pas aufli efficacement que la fève aérienne. CHAPITRE ÎY. De la Sève latérale. J E viens d'établir que la fève monte & defcend dans les arbres ; il refte à prouver qu'elle y agit en tous fens, & qu'elle s'y ré- pand latéralement. Toujours guidé par l'expérience , c'eft en- core à elle que j'ai recours pour nous four- nir cette preuve. Si on fait une entaille, même afîèz profon- de , à la tige d'un arbre , il ne paroît point en fouffrir ; les parties qui font au-deffus & au-defTous de cette entaille reftent vertes, & continuent à végéter & à pouffer. J'ai fait cette expérience au - deffous & près d'une grofTe branche, qui ne parut point s'en refîèntir, non plus que celles qui étoient au-deffus d'elle ; cependant cette entaille ifo- loit , féparoit la branche des vaiffeaux fé- veux qui la nourrifïbient ; la communication direéle étoit totalement interrompue ; & mal- gré cela , la branche a fubfifbé , végété , pouffé de même que toutes les autres parties de l'arbre , qui n'a donné aucun fîgne de lan- gueur. Il y a bien apparence qu'elle recevoit dans 2o6 Traité be ia cet état îa même quantité de fève , qui pafTôÎE fans doute avec plus de rapidité dans la par- tie de la tige qui reftoit entière , de même qu'on voit Peau paflèr fous l'arche d'un pont ; priais ce n'étoit qu'au lieu de l'enraille que fe dévoyoit & fe reflèrroit îa fève. La vigueur des branches au-defTus & au- defîbus prouvoit bien qu'elle s'y portoit com- me auparavant. J'ai fait plus: d'après ce qui avoir été déjk éprouvé par MM. Haies & Duhamel , j'ai fait quatre entailles h la tige d'un jeune peu- plier qui avoit environ fix pouces de dia- îiietre , j'ai Eiit creufer ces entailles à environ un pied de didance l'une de l'autre au levant , au midi , au couchant & au nord : cet arbre découpé ainfi par quatre entailles de deux pouces de largeur & de profondeur , a pouffé fes feuilles comme les autres , & a fait les marnes productions , véritablement moins vigoureufes. Voiià une preuve bien évidente de îa gran- de facilité qu'a îa fève de fe porter indiffér remment d'un côté ou de Ta-utre , & de fe répandre en tous fens , félon qu'elle y eft at- tirée. Cette dernière expérience fur-tout' prouve que non -feulement elle agit latéralement, mais que fon cours eft dévoyé aifément de tous côtés , félon les circonftances; Elle prouve encore que la coupe d'une partie des conduits féveux ne paroît pas di- minuer de beaucoup la maffe ordinaire de la ieve , puifque l'arbre continue de poufTeur prefc[u'aulîi bieti. VEGETATION, IlV. IV, Ch. IV. 207 De pareils détours de la (eve , répétés quaf- tre fois li brufquement dans cette expérience» prouvent une grande facilité de communica- tion entre les conduits féveux. Or , eft-il pof- iîble de l'admettre entre des tubes , des veines , enfin des vaifleaux fermés ? il eft évident que cela ne peut pas être. L'opération de la greffe nous fournit en- core des preuves bien connues. On fait qu'à peine un petit morceau de branche, ou un bouton , a été incorporé à un arbre ;-fî on coupe cet arbre au -delTus du bouton ino- culé , bientôt il s^empare , non - feulement de la fève qui eft du côté de fon inoculation, tnais de toute celle qui eft dans l'arbre , & il Pattire toujours plus puî(îàmment à me- fure qu'il fe couvre de feuilles ; afpiratîop quelquefois û forte que le fujet , n'y pouvant fournir , s'épuife & périt. Comment un homme tant foit peu inf- truit de l'économie végétale , & à plus forte , raifon , comment Grew a-t-il pu penier que les vaifleaux des plantes étoient autant de cy- lindres creux qui ie prolongeoient , fans s'abou- cher avec aucun de ceux auxquels ils tou- choient ? Malpighi , qui n'a pu admettre cette opi- nion , mais ne voulant pas renoncer à l'ana- logie avec les veines des animaux , a penfé que ces vaifleaux s^anaftomofoient , & qu'ils s'abouchoient les uns avec les autres. Les idées de l'un & de l'autre n'ont pu cer- tainement qu'être imaginaires, puifqu'ils n'ont, cité aucune obfervatipn fur laquelle dles fufr 2o8 Traita DE LA fent fondées , & qu'ils ne difent point avoir lien apperçu qui le prouve. L'opinion du premier eu abfolument in- fourenable , puifqu elle eft diamétralement oppofée à ce que nous démontre l'expérience par rapport à la fève latérale. Celle du fécond , qui n'a fait qu'entrevoir la vérité , ne peut être expliquée en fuivant ridée d'un tube fermé. Que feroit un tube auquel s'anaftomofe- roient des vaifïèaux dans toute fa longueur , à chaque point de fa longueur & de tous côtés } ce ne pourroit être qu\me décou- pure perpétuelle , dont Malpighi & tout autre n'a jamais pu prendre une idée làtis- làiiante. i- Pourroit-on reconnoître à ce travail com- pliqué & embrouillé , la marche (impie de" la nature ? Mais il eft aifé de concevoir que les interftices qui exiftent entre les fàifceaux des fibres ligneufes & corticales , & qui font les vrais conduits de la fève, ont une libre» communication avec les védcules qui les en- trelacent, comme je l'ai vu très - diftinfte- ment au microfcope. Ces véficules m'ont paru comme des pe- tits pois , fur lefquels j'ai apperçu quatre petits filets difpofés en croix ; & c^eft par ces filets qu'elles fe communiquent les unes aux autres , & aux conduits féveux. Quand même le microfcope ne m'auroit pas fait appercevoir ce mécanifme fi bien ordonné & fi {Impie , ne paroît-il pas plus intelligible , félon ce que je viens de dire , & VEGETATION , IlV. IV , CH. IV. 209 & félon ce que j'en dirai par la fuite , que J'idée de faire travailler h- nature à former un tube pour le percer de trous dans toute fa longueur, de tous les côtés, & fi rappro- chés les uns des autres, que le vuide furpafîèroit infiniment le plein.? On ne peut douter qu*il n'y ait une dé» pendance réciproque entre le développe- ment des racines & celui des branches ; & cette dépendance eft une nouvelle preuve qu'il y a une communication entre les vaif- féaux des racines & ceux des branches: c'ell ce que j'aurai fouvent occafion de prouver. On voit qu'une groiïe branche qui ré- pond ordinairement à une grofîê racine , attire fi puiflamment la fève , que le tronc de l'arbre prend plus dç çroilîànce de ce côté-là. Mais fi on fupprime cette branche , la fève prend un autre cours , & va fe porter dans les autres branches, dont l'augmenta- tion de vigueur & de croifîànce nous fàic bien voir combien elles en profitent. Où Grew trouveroit il ici fes tubes creux & clos , fans communication pour la fève latérale & en tout fens , bien prouvée par ce fait , puifque la racine que je fuppofe du côté du nord nourrit aIor$ une branche du côté du midi ? Si on coupe la tige d'un arbre vers le fommet ou vers le milieu de fa hauteur, on fait qu'il pouâè une grande quantité de branches de tous côtés ; ce qui prouve bien la cqmmunication de la fève en tous fens. Tome Jl O 2IO Traité le la par des routes latérales ; en feroit-il de même fi les conduits de la fève étoient des tubes fermés & fans pouvoir fe communiquer. ; M. Haies rapporte u;ie expérience qui ieule pourroiî fervir à prouver la fève mon- tante , la fève defcendante & la fève latérale. Cette expérience finguliere & curieufe eft faite fur trois arbres plantés h proximité. Il a greflé en approche farbre du milieu avec ceux de droite & gauche ; & lorfque l'union fut bien formée , il déracina ou cou- pa par le pied l'arbre du milieu , qui n'en mourut pas , parce qu'il fut nourri par les deux autres. Voilà des effets bien marqués de la dévia^- tion de la fève , & de fa propriété de (e communiquer en tous fens aux branches qui ont befoin de nourriture. Une branche divifée en deux rameaux , dont on aura plongé un des deux rameaux dans l'eau , entretiendra long-temps la verdure (de l'autre qui eft rsûé à l'air libre : tout prouve donc le libre cours de la fève latérale &c en tous fens. î^ous en retrouverons encore de nouvelles preuves au livre de raccroifïè-^- ment des arbres. Comme il n'y a effeélivement que deux fèves , dont l'une monte & l'autre defcend , la fève latérale ne doit être confîdérée comme une troifieme fève , qu'eu égard àfonaélion particulière ,• elle n'efl: que le produit desjJ deux autres , & fi j'en ait faip un Chapitrsl particulier , ce n'eft que pour en démontred les mouvemepts. Végétation, Liv. IV, Ch. V. 211 ______^ -, ^ -- CHAPITRE y. Des CQflduits 4^ la Sève. ' A I prouvé par l'expérience , que la fève s'étend en tous fens; qu'elle monte, defcend, ^ qu'elle agit latéralement ; mais comment concevoir cette communication latérale de la fève dans toutes les parties de l'arbre , fii çlle eft contenue dans des vailîèaux fermés comme des tubes , auxquels on a comparé les fibres iigneufes , en admettant qu'elles font creufes ? comment ces tubes pourroîent-ils communiquer par - tout avec les véficules dont iis font environnés , avec ces milliers de réfervoirs de la fève , dont l'exiftence nous eft auffi connue dans toutes les parties de l'ar- bre , qu'elle eft efFeélivement néceffaire à h végétation ? Cette difficuîté a paru fi grande, qu^'on a mieux ainié la pafîèr fous filence. ' ' Je fais que plufieurs avant moi ont for- tement douté que les fibres Iigneufes fufTenç des vaifïèaux creux ; mais l'effet bien reconnu de la fève latérale , doit porter h faire plus que d'en douter : voyons d'abord ce qui a été reconnu & dit au fujet de ces vaifTeaux. 1°. Tous ceux qui fe font livrés ayec at? tention à l'examen des fibres Iigneufes, ont été obligés de convenir qu'ils n'ont jaqiaisf pu appercevoir de cayités dans ces fibres ^ lïz Traîté be la comme on en voit dans les tubes auxquels on !es compare. Les plus fortes lentilles des meilleurs mi- crofcopes , ne peuvent y faire découvrir rien de femblable. 2°. Après un certain temps de macéra- tion , on parvient à difîequer , au moyen de pointes bien fines , les fibres îigneufès qui fe détachent aflez aifément les unes des autres; mais j'avoue , comme l'a dit M. Duhamel , que quelle que foit la plus petite fibre , elle fe trouve encore divilible en piufieurs autres , & que rien n'efl plus propre à nous doïiner ridée de la matière divifible à Tinfini. Or , comment concevoir qu'une efpece de fila- ment aufïi fin , & qui paroît fufceptible d'être divifé encore en d'autres filaments, puilîe être creux comme î'eft un tube ? Celui qui nous paroît fi fin , que nous l'appelions capillaire, eft, pour ainli dire, une poutre en comparaifon du plus fin de ces fi- laments. Or on fait que lorfque nos tubes capillaires de verre font d'une grande finefïè , l'eau n'y monte point; comment donc pour- roit-il en pafïèr dans des tubes infiniment plus fins ? les vapeurs épaifîès n'y pourroient pas pafler. _L'expérience des entonnoirs que j'ai adap- tés à la tige des arbres , prouvent que l'eau pafTe àfïèz librement , en grande quantité & en peu de temps , dans les conduits de la fève , & qu'ainfi ils ne font pas fi étroits. 3°. Plufieurs expériences prouvent incon- teftablement que les bois les plus durs font traverfés par les liqueurs. Végétation, Il V. IV, Ch. V. 213 L'efprit-de-vin s'évapore très-prompte- ment quand on le met dans un étuis de bois , quoique bien fermé. Le mercure mis dans un vafe de bois , fous le récipient de la machine pneumatique , tombe en forme de pluie au travers du bois lorfque l'on a pompé l'air. M Camus ayant fait aboutir un tuyau de trois cents pieds de longueur rempli d'eau, à un gros bloc d'orme choifi très - fâin, la charge de cette colonne d^eau la fît palîèr à travers du bois , de manière qu'elle en for- toit comme d'un arrofoir. M. Haies a fait la même expérience avec un tuyau feulement de neuf pieds , adapté à un bâton de pommier de trois pieds de longueur & de trois quarts de pouces de grofîèur. L'effet , fans doute moins rapide , a été d'ailleurs le même. Ces expériences prouvent que les liqueurs traverfent la fubflance du bois ; & qu'ainfi il y a des ouvertures latérales. Plufieurs Auteurs, & entr'autres M. Tour- nefort , n'ont pas cru à la réalité & à la né- cefïité de ces tubes , de ces vaiflèaux. Il dit dans un de ces mémoires , qui fait partie de ceux de l'Académie àes Sciences ea 1^92 : Quoique les parties des plantes qui por- tent le fuc nourricier & qui le diiïribuent j, foient ordinairement appellées vaifîeaux , à caufe qu'elles fervent aux mêmes ufages que les vaifïèaux des animaux , cependant leur firudure , & quelques-uns de leurs ufages ^ It4 TiÀiTÉ i)E i.À inontrent qu'elles ne font que de fimples fibres, qu'on peur plutôt comparer à des mèches dé Coton qu'à des vaifïèaux. Leuvenhoek, & plufieurs autres, affurent que les fibres ligneufes font de vrais vaif- ieaux, & qu'ils font revêtus intérieurement- d'une efpece de duvet ; mais fi ces vaifleaux i tomme nous l'avons dit, font d'une fi grande finefîè, que les meilleurs microfcooes nepuif- ïènt pas y faire appercevoir de cavités , com- îment a-t-on pu y voir intérieurement du duvet? Ce n'eft pas que je veuille révoquer eh doute les obfer varions de ces célèbres Phy- siciens ; mais il y a apparence qu'ils n'ont vii cette 'efpece de duvet que dans les efpaces dont nous allons parler , & non dans l'inté- 5-ieut de fibres àufli fines. Si on trouve qu^il efl: plus convenable d'admettre dans les arbres des tubes fermés, 'des veines qui contiennent les liqueurs, poui^ les porter dans les parties qui en ont befoini il faut avouer que ce ne font-là que des rai- ïbns de convenance. Mais fi l'exifîence de ces vaifïèaux eu dé- Ibontrée impoïTible pour la diftribution de H fev'e latérale , il faut convenir que cette raifon doit l'emporter comme décifive. Or, SI eu impoÏÏibïe, te me femble, de conce- voir la comlnunication , la diftribution de lâ ïève latérale dans des tubes. îl èfl donc plus probable , & je crois qu'on prouvera fufiifamment prouvé dans le cours *fe cet Ouvrage > qu'on doit regarder les fibireà Végétation, Lir. IV, Cri. V. iî^ ligneufes comme les filaments d'un corps ner" veux. On apperçoit au microfcope , & même à fa loupe , dans les différentes ferions du bois , que cette aggrégation de fibres eu diîpofée de manière qu'il fe forme , dans leur éten- due longitudinale , des efpaces qui paroif- fent les vrais conduits de la fève dans la lon- gueur de l'arbre. Ce font fans doute Ces efpaces que l'Auteuf que je viens de citer a vus au microfcope tapiffés de duvet; fubftance très -convenable pour écarter les fibres fans obflruer le paf- fage des liqueurs , qu'elle doit même faci- liter. Outre cela, ces fibres paroifîententreïacées d'un nombre infini de véficules pofées par lits horizontaux , & qui communiquent fans doute les unes aux autres , de même qu'elles s'a- bouchent dans les efpaces ou conduits desJfeif- ceaux des fibres ligneufes. Il eft airfé de concevoir que ces véficules , font toujours à portée de fe remplir des li- queurs qui paflènt entre les fibres ; & voîlà les vrais vaifleaux , les réfervoirs de la feve> dont elle ne fort que par l'ordre de la na-- ture dans fes befoins , comme nous aurons occafion de le prouver. Voilà les réfervoirs lymphatiques. Mais l'examen fait appercevoif encore ides s véficules qui paroiiîènt différer de ceîl-là; & vraifemblablement ce font les téfervoirs des fucs propres des arbres, donc je parlerai plus amplement. zîS Traité de ia Ces véiîcuîes , ces cellules remplies de li- queurs occupent vifiblement des efpaces qui font entre les fèifceaux de fibres ligneufes ; & c*eft ce qu'on appelle le tîfTu véficulaire ou cellulaire. Si on apperçoit fur la coupe tranfverfale d'un morceau de bois quantité de trous très- apparents, qui femblent être les extrémités d'autant de tuyaux , on ne peut pas croire que ce puifîent erre ceux des tubes ou fibres îigneufes , puifque ces trous très-vifibles ne peuvent être les cavités de ces fibres fi fines , où- on ne peut en appercevoir ; mais il y a apparence que c'efi: la fedion des efpaces ou conduits dont nous avons parlé, & que j'ai obfervés au microfcope dans les faifceaux de fibres. Quoique ces parties paroilîènt , comme on va le voir, fuffifantes pour entendre & expliquer les mouvements de la fève & la végétation , je m'abftiendrai de prononcer qu^il n'y en ait pas encore d'autres qui peu- vent avoir des fondions que nous ne con- lîoifîons pas. Je fuis bien éloigné d^avoir la vaine pré- tention de vouloir fixer les opérations de la nature -, c'eH bien afiez d'être parvenu à en reconnoîtreles principales, par Texamen, par Texpérience, & par l'attention que j'aimifeà fuivre ôc à obferver fa marche autant que je !'ai pu. Quant à la moelle, j'ai déjh démontré qu'au- tant elle a été néceflâire pour la formation des jeunes pouffes , autant elle devient inu-= Végétation, tiv. IV, Ch. V. 217 tîle & même nulle dans les troncs & lesgroflès branches des arbres: ce n'eft qu'une efpece d'échafFaudage qui a été néceflaire pour la formation de l'édifice , mais qu'il devientinu- tile après qu'il eft formé. Je n'ai pas parlé de trachées , puifque je crois avoir fuffifamment démontré qu'il n'en exifte point dans le bois fx^rmé , & que les Ipirales, auxquelles il avoit plu de donner ce nom de trachées , & qu'on apperçoit effec- tivement dans les jeunes pouflès herbacées des arbres , ne font que les rudiments des fibres ligneu{es dont nous venons de parler. De tout ceci nous pouvons évidemment conclure , que les fibres ligneufes ne doivent point être comparées aux veines dans lef- quelles circule le fang des animaux ; Qljc ces fibres ne font point creufes & fer- mées comme des tubes ; ce qui rendroit im- poffible la communication libre de la fève la- térale , dont l'exiftence eft prouvée par les expériences ; Qu'il eft plus probable & plus évident que les fàifceaux défibres, tels que nous les avons décrits , font divifés eux-mêmes en plufieurs fàifceaux , qui, aflèz écartés les uns des au- tres pour n'être point en contafl & ne point conferver d'adhérence , laifiènt entr'eux des efpaces , & que ces efpaces font les vrais con- duits de la fève : que ces efpaces , que l'on peut confidérer comme des efpeces de ca- naux , font entrelacés d'une multitude in- nombrable de véficules qui s'y abouchent & qui fe communiquent entr'elles. lïS Traite de ia Voilà les magafins & les réfervoirs die k fève dans le corps ligneux , & du fuc propre dans l'écorce. Si les expériences nous prouvent le libre cours de la fève en tout fens , la communi- cation des canaux & des vaifleaux féveux , telle qu'elle vient d^être expliquée , en donne une explication facile , & fait voir lès ref- fources que la nature s'efi; ménagée, félon les différentes circonftances : c'efi: ce que nous aurons fouvent occafîon d'admirer dans le cours de cet Ouvrage. CHAPITRE VI. Du Suc propre. N ÔUS avons vu qu^outreles vaifîèaux lym- phatiques des plantes, il y en a d'autres que l'on diflingue aifément dans plufieurs plan- tes: on les appelle vaifîèaux propres , parce <3u'ils fervent à contenir le fut propre. On fait que ce lue eft très-différent, félon les différents genres de plantes. S'il eft plus aifé de le diftinguer des fucs lymphatiques dans de certaines plantes que dans d'autres, îïous ne pouvons douter ^u'il n^exifte dans toutes. Dans les unes il eft aromatique; dans d'au- tres , il eft infipide : il eft blanc & laiteut dans le figuier & les tithymales > jaune dans Végétation , Liv.IV, Ch. VI. it^ ï'éclaire , rouge dans la betterave , raifineux dans les fapins, pins , mélèzes , thuyas, &c. goramenx dans îe cerifier , pécher, abrico- tier, prunier , amandier ; vifqueux & aro- matique dans les peupHers noirs. Enfin ce Tue propre eft différent dans les différents genres d'arbres , & les véficules qui le contiennent font différentes & différem- ment pofées 5* & j'ai lieu de croire que cqs vaiiîèaux propres n'exiffent que dans l'é- corce. Leur pofirion varie dans les arbres de dif». férentes erpeces. La térébenthine du fapin fe raflembîé fous l'épiderme dans des véficules , la fandaraque du genévrier s'amafle entre i'é- corce &le bois ; la poix du picéa fuinte prin- cipalement d'entre le bois & l'écorce ; la réfine du pin tranffude de Técorce, & d'entre le bois & l'écorce : la gomme ,dans le pé- cher , le prunier, Tabricotier, &c. ne paroît fortir uniquement que de l'écorce, ou d^entre le bois & l'écorce. Ce fuc propre elt-il produit par la fève terreffre rhontante ? il n'y a nulle appa- rence ; mais tout concourt à prouver que c'eft parla fève aérienne defcendante. Examinons , & nous verrons d'abord qu'il y a peu d'arbres dans lefquels ce fuc propre exifte dans la partie baffe de la tige & des Racines ; que c'eft toujours dans les parties fupérieures qu'il exifte le plus fortement, & que c'eft toujouts au plus près des feuilles tqu'il eft le plus abondant & le plus odorant ^ é"n proportion de la groftêurdes branches* 220 Traité de la Si on coupe une jeune branche , on voit îe fuc propre fortir de fes vaifTeaux ; mais on le voit fuinter plus abondamment de la coupe qui appartient aux branches , que de celle qui répond au tronc. Cette expérience fe fait plus vifiblemenc fur un arbre dont le fuc propre eu aifé à diftinguer de la lymphe : c'efl pourquoi j'ai choifi des branches de figuier , de pin , de fapin, &c. Après avoir coupé des branches fur ces arbres , j'ai toujours vu le fuc propre couler plus abondamment de la branche féparée , que la coupe qui reftoit à l'arbre ; & cela dans quelque pofition que je tinflèla branche, même en tenant en haut le bout coupé , dans îe temps que la fedlion fur l'arbre étoit en bas. Ayant en différents temps fait des plaies , & enlevé des anneaux d^écorce à des arbres réfineux & gommeux , j'ai toujours obfervé que le dépôt de réfine ou de gomme fe fài- foit principalement à la partie fupérieure de î'écorce coupée. Tout au contraire des vaiflèaux lympha- tiques , qui ne font jamais fi remplis de fève que pendant l'hiver , comme je l'ai prouvée les vaiîfeaux propres ne font jamais fi rem- plis que pendant l'été. On fait que le fuc propre cefîê de couler dans le temps du froid, & lorfqu'il n^ a plus de feuilles fur les arbres , auquel temps les, plaies que l'on fait aux arbres gommeux ne font pas dangereafes. Les arbres toujours verts font peu pour- VegetatioNjItv. IV,Ch. VI. 221 vus du fuc propre pendant l'hiver , parce qu'a- lors abondants en fucs lymphatiques, ils font peu difporés à afpirer la fève aérienne. Cela nous prouve que ces deux fèves ont un cours fort différent , & même oppofé. Dans les branches que j'ai effeuillées fur différents arbres , je me fuis apperçu que le fuc propre paroifloit fe difîiper. J'ai obfervé la même chofe après avoir levé des anneaux d'écorce fur les branches ; j'ai toujours vu dans cette expérience la gomme ou la refîne découler entre le bois & l'écor- ce , à la coupe fupérieure , & s'y accumuler , fans qu'il fe fût fait aucune efîufion de fuc à la partie inférieure de la coupe ; ce qui fait voir que le fuc propre defcend des branches , & ne monte pas des racines. Récapitulons ces expériences , & nous ver- rons qu'elles prouvent, 1°. Que le fuc propre exifte, au moins principalement, dans l'écorce des arbres ; & l'expérience prouve qu'il n'y pafîè point de fève montante terreftre ; 2°. Que toutes les expériences prouvent que le fuc propre defcend des branches, & ne monte point des racines ,• que lorfqu'on a interrompu la communication , en enlevant un anneau d'écorce , la partie inférieure de la branche parojt dépourvue du fuc propre , ou du moins on y en trouve beaucoup moins ; c^°. Que le fuc propre n'abonde & ne coule que dans le temps de la chaleur dn printemps ou de l'été , & toujours plus la nuit que le 222 Traité de la jour: c^eft-à-dire , îorfqu'après une forte ra-?- réfaftion , la condenfation donne aux feuiiles une force de fuccion pour tranfmertre dans les vaifTeaux propres la rofée aérienne. 4*^. Que c'efl: toujours à la pvoy.imné des feuilles qu'abonde le plus le fuc propre , & que daras plufieurs plantes on n'en trouve que peu ou point du tout dans les parties qui en font éloignées. II y en a plufîeurs où le fuc propre ne le trouve que dans les fommités. On fait que le fuc laiteux & narcotique du pavot ne fe tire que de la tête de cette plante. II y a grande apparence que les propriétés des plantes réfident dans leurs fucs propres. D'après ces expériences, peut-on mécon- noître la marche & les eftets de la fève aérienne defcendante dans les plantes , qui y porte les efîènces répandues dans Tair ,donE elles favent retenir , par affinité , & s'appro- prier les particules qui leur conviennent? De même que les véficules lymphatiques font les réfervoirs de la fève terreftre monr tante , de même le fuc propre a les fiennes , qui paroifîènt nombreufes & plus amples que les autres. Ce fuc propre paroît de même nature que celui qui fert à la formation des fruits : il eft laiteux dans la jeune figue comme dans les autres parties du figuier ; il eft réfineux dans les cônes du pin, fapin , &c. il eft gommeux «fîans l'abricot, la prune, fur lefquels on voit fouvent de fortes émanations de gomme. Il y a dQîic bien de l'apparence que ç§s Veçetation , Liv. IV, Ch. VI. ^23 fucs propres , dont les vaifîèaux communi- quent fans doute à ceux des fruits , fervent beaucoup à leur formation , à leurs croiiGân- ces & à leur entretien , & qu'ils font des ma^ gafins pour leur fubftance , comme font les réfervoirs lymphatiques pour celle du corps ligneux. II paroît bien aufîi que la fève defcen- dante eft la feule qui ferve à l'entretien & à la croifîânce des particules. Je prouverai que leurs nouvelles couches ne font que des émanations de l'écorce , comme les nouvelles fibres ligneufes ne font produites que par le corps ligneux , & que le liber n'eft qu'une nouvelle couche cor-r ticale. D'après ces expériences , ces obfervations , qui feront encore mieux démontrées par la fuite , il rne lemble aifé de conclure que le fuc propre des plantes n'eft que le produit de la fève aérienne ; que ce fuc propre a fes conduits & fes réfervoirs dans l'écorce, & fé- parés ainfi des conduits de la fève tçrreftre, qui font dans les fibres ligneufes. Les feuilles dont le pédicule eft formé d'un faifceau de fibres ligneufes qui tiennent au corps ligneux , & recouvert de fibres corti- cales qui tiennent à l'écorce , peuvent égale-? ment tranfmettre aux unes Se aux autres les particules de la fève aérienne qui leur con- viennent. Quoique les feuilles foient certainement les principaux organçs de l'inlpiration & 4^ 224 Traita DE LA ï'expirationdes plantes, l'un &rautre s'opèrent encore fans doute par les bouons & par les pores de lecorce ; & ainfi dans toutes les par- ties des arbres, & particulièrement dans ceux dont Técorce eft plus poreufe & plus fpon- gieufe , comme eil celle de la vigne. On ne .peut douter que toutes les parties poreufes des arbres, les boutons , les fleurs & les fruits , ne foienc des organes d'infpiration & difïîpation. Les arbres qui dépouillent vers la fîn^de Tau- tomne, n'en ont point d'autres pendant l'hi- vet ; mais les opérations de ces parties font bien foibIes,en comparaifonde celle des feuilles organifées & difpofées pour remplir princi- palement les fon<^ions importantes de la vé- gétation. C'eft pourquoi je n'ai parlé que des feuilles en expliquant les mouvements de la fève, parce qu'elles font les organes principaux des arbres pour attirer & pomper la fève aérien- ne, & pour exhaler & dilTiper le fuperflu de la fève terreftre. "^ CHAP. VU. Tegetation , Iiv. IV , Ch. VII. 225 C H A P I T R E VIT. De l'Affinité. A V A N T de parler de la nutrition des plantes qui s'opère , comme nous allons l'ex-» pliquer , par raifon d'affinité , il eft bon de donner l'idée de ce qu'on doit entendre par ce terme , & d'entrer dans quelques détails à ce fujet. On appelle ^/2/re, en Chymie , cette force qui fe décelé entre les parties conftituantes & intégrantes des corps , & en vertu de la- quelle ces parties tendent à s'unir les unes aux autres , & adhèrent entr'elles après leur union. On voit aifément par cette définition , que quoique le terme affinité foit confacré particulièrement par les Chymiftes , il ne dé- figne cependant autre chofe que cette même force que le Phyficien remarque par-tout où il obferve de la matière. Quoique tous les phénomènes des affinités dépendent d'une feule & même caufe , & qu'on foit autorifé à n'admettre qu'une feule êc même affinité dans la nature , ces phéno- mènes font fi variés & paroifîènt fi différents les uns des autres , eu égard aux circonfîances qui concourent à leur produdion , qu'il efl néceflàire de les diftinguer en plufieurs claC- Tome IL ' P 21Ô T R A I T É D E L A fes , pour les développer comme il convient : c'eft pour cette raifon que les Chymiftes ont jugé à propos de les différencier en plufieurs efpeces. On appelle affinité fimple ,, celle qu'on re- marque entre les parties intégrantes & ho- mogènes d'un même corps , & en vertu de laquelle elles tendent à s'unir les unes aux autres. On range encore dans cette même cîaflè , cette tendance qu'on obferve quelquefois entre les parties de deux corps différents ; mais pour les diftinguer Tun de Tautre , on appelle la première affinité d'aggrégation , & la féconde affinité de compojîtion ; expreffions qu'on ne peut refufèr d'admettre en conve- nant de leurs définitions. On remarque à cet égard que la première de ces deux efpeces d'affinités s'oppofe à la féconde ; & la raifon qu'on en donne paroît on ne peut plus folide. Il eft en effet confiant que la force qui fait adhérer deux molécules de matière fi- milaire , peut erre regardée comme un obf- tacle à leur féparation , pour que l'une ou l'autre puifîe fe joindre à toute autre partie de matière étrangère ; d'où l'on tire plufieurs corollaires très -curieux , & qui répandent beaucoup de jour fur la théorie des affinités : on peut le voir dans le Diélionnaire de Chy- mie de M. Macquer. On appelle affinité compliquée , celle dans laquelle il y a plus de deux principes qui tendent à s'unir & à fe combiner enlemble. VEGETATION , LiV. IV, Ch. VIL XZ'J Suppofons , ^ar exemple, qu'un troifieme principe tende à s'unir à deux autres ; dans ce cas , il peut fè faire que ce troifieme prin- cipe ait une même affinité avec les deux pre- miers ; & alors le mixte fera compofé de trois principes. S'il arrive , au contraire , que le troifieme principe n'ait aucune affinité avec l'un des deux premiers , mais bien avec l'autre , en fuppofant toutefois que fon affinité avec ce- lui-ci foit égale à celle que les deux premiers ont entr'eux , il en réfuhera encore un com- pofé de trois principes. Cette compofition néanmoins fera bîeii différente de la première ; celle-ci fe faic immédiatement , & en vertu d'une affinité réciproque entre les trois principes ; au lieu que dans la dernière fuppofition , l'un des ttois principes fert d'intermède ou de moyen d'union aux deux autres : aufii donne-t-on à cette efpece d'affinité le nom dafflaité din" iermede. Il peut fè faire , & il arrive quelquefois que le troifieme principe qu'on veut com- biner avec deux autres , n'ait que très-peu , ou qu'il n'ait même aucune affinité avec l'un des deux premiers , mais qu'il en ait avec l'autre une beaucoup plus grande que celle qui les unir ; dans ce cas , il fe fait une véritable féparaiion des deux premiers prin- cipes , & le troifieme s'unit intimement avec celui des deux avec lequel il a le plus d'af- finité. Il fe fait donc alors une véritable fépara- P 2 il8 THAîTÉDÊLA tion & une véritable compofition ; cette fé-» paration s'appelle précipitation, & on dif- tingue ce phénomène fous le nom d'affinité de compofition par précipitation. On admet encore une autre efpece qu'on appelle affinité réciproque ; cette dernière a lieu , lorCqu^un principe ayant été féparé par un autre , comme nous venons de l'obfer- ver dans le cas précédent , il fait lui-même quitter prife à celui qui l'avoir feparé. Ce phénomène dépend de quelques cir- confiances particulières qui fàvorifènt alter- nativement ces deux principes, en fuppofanc néanmoins qu'ils ont une affinité prefqu'égale avec le troiiieme principe, auquel ils s'uniiîënc alternativement. On conçoit aifément qu'on peut étendre beaucoup plus loin ces obfervarions fur les affinités j & cela , à raifon de la multitude de principes qui peuvent fe combiner en- femble. L'affinité produit l'adhérence ou cohéfîon par laquelle les parties conflituantes des corps s'unifîènt étroitement , & avec une force qui s'oppofe à leur mutuelle féparation. Cette force augmente lorfque les parties confli- tuantes des mixtes étant irrégulieres , iné- gales , raboteufes , & ne pouvant fe toucher par de grandes furfaces , les efpaces qu'elles îaiflènt entr'elles font remplis par d'autres corps propres à boucher exadement ces ef^ paces , à remplir ces vuides , à détruire les afpérités des furfaces , & à augmenter l'étenr due de leur contai. Végétation, Liv. IV, Ch. VII. ii^ La nature emploie communément l'eau , l'huile , les fels , ou toute autre fubftance qui participe à la nature de l'eau & de l'huile , pour remplir cet objet , & pour former une efpece de ciment. C'efl: à l'aide d'un pareil procédé que les parties des métaux & des demi-métaux fe trouvent unies. On obferve en effet que lorfqu'on retire les parties huiieufès qu'ils contiennent , il ne refte plus qu'une efpece de chaux , une pouf^ liere deflechée. C'efl l'huile , conjointement avec l'eau , qui fburnifïènt le ciment qui unit les parties des végétaux & des animaux : ces. fubflances fe réduifent pareillement en poufîiere , lorfqu'on les prive de l'huile & de l'eau qui entrent dans leur conftitution. Les arts imitent afïèz com- munément la nature dé ce procédé. Cette force fe fait encore remarquer plus fenfiblement , & elle augmente d'intenfîté » lorfqu'une preffion extérieure fe faifant fen- tir fur les parties en contad , Iqs oblige à s'appliquer plus intimement les unes aux autres. Parmi les différents exemples que nous pourrions rapporter pour confirmer cette vérité , nous ferons obferver l'effet d'une prefîion extérieure que les Chinois emploient avantageufèment pour réunir en une feule pièce plufieurs petits morceaux de corne , dont ils forment des lanternes de trois pieds de diamètre , fans qu'on puifTe s'appercevoir de la jonélion des parties. Ils coupent par tranches très-minces des 230 TRAITé DELA cornes de bouc , ils en amincilTènt les bords , & après les avoir fait cuire pendant quelque temps , ils les pofent les unes fur les autres de façon qu'elles fe touchent par une fur- face d'environ trois lignes ; ils ferrent alors avec des tenailles de fer les parties en con- tai , ils les humeclent une féconde fois pour les refiferrer encore de npuveau , & leur adhé- rence devient telle qu'il n'efl: plus pofïîble de les féparer. Plufieurs Phyjfîciens ne reconnoiflènt cruere que cette dernière caufe , & font dépendre toute l'adhérence qu'on remarque entre les mixtes , de la preflîon d'un fluide ambiant. , Nous fomraes bien éloignés de difputer à cette caufe une partie de fon efficacité , mais elle n'eft pas feule efficiente. On fait quelle efl la force d'adhérence de deux furfaces planes & unies qui fe tou- cbent , de même que celle que contraient les hémifpheres de Magdebourg , lorfqu'on a retiré l'air compris dans leur cavité ; mais on ne peut difconvenir que cette caufe à part , ils ont encore une adhérence très-fen- fible lorfqu'on répète cette expérience dans le vuide ; & celle-ci dépend fans doute d'une autre caufe différente de la preffion d'un fluide extérieur. Dira-ton ici que le vuide que l'on fait avec la meilleure machine pneumatique, n'eft point parfait ; qu'il refte fous le récipient une certaine quantité d'air , & que de plus , la matière fubtile , ainfî que plufieurs autres fluides élaftiques , fe faifant aifément jour à VEGETATION , LiV. IV , Ch. VII. 23 1 travers les pores du récipient , ils peuvent très -bien produire TefFet que nous venons d'obferver ? Pour réfuter ce raifonnement , qui pour- roit en impofer , il n'eft queftion que de citer cette expérience. Si on fubftitue des plans de glace aux mar- bres dont M. Huyghms , fît anciennement ufage , l'expérience réuflit également ; ces plans demeurent adhérents , & , lorfque le vuide eft fait , fupportent fans fe féparer les mêmes poids que fupportent les marbres. Or , il eft manifefte qu'on ne peut attribuer cette adhérence à l'effet de la matière fub- tile , ou de tout autre fluide qui paflèroit à travers les pores du récipient , puifque les plans étant de même matière , il paflèroit aufli librement à travers leurs pores , & con- féquemment ne pourroit contribuer à leur union. II faut donc néceflàirement avoir recours à une autre caufe différente de la prefîion d'un fluide ambiant , pour rendre raifon de ee phénomène , & de quantité d'autres fem- blables qu'on ne peut expliquer d'une ma- nière fatisfaifante dans cette hypothefe. Mais quelle eft cette caufe différente de l'impulfton ? réfideroit-elle dans les corps eux-mêmes ? feroit-ce un principe particu- lier , une force imprimée à toutes les molé- cules de la matière , en vertu de laquelle chaque particule de matière attireroit à elle celles qui Tavoifineroient ? Ceft une idée qui fe prélente naturelle- l^Z T H A I T ^ D È L A ment à refprit , lorfqu'on examine les phé- nomènes de l'afbion réciproque des corps. Mais c'efl: en même-temps admettre une qualité occulte dans la matière , & c'eft aller beaucoup au-delà des prétentions du célèbre Newton. Il admet bien à la vérité une force attradive entre les molécules des corps , mais il ne les regarde point comme un principe inhérent à la matière. Il avoua même de bonne foi qu'il n'en- tendoit autre chofe par cette force qu'il ap- pelioit attraâion , que TefFort qu'il remar- quoit dans les corps pour s'approcher les uns des autres , & pour s'unir entr'eux , foit que cette adion vînt de Téther ou de l'air qui les pouffe, ou de quelqu'autre caufe que ce foit. Il fe contenta de regarder CQt effort réci- proque comme un phénomène univerfel dont il ignoroit la caufe , mais dont il étudia par- ticulièrement les efîèts. Berthier nous apprend que Ci on fufpend à des cheveux de petites lames très - minces de toute matière folide quelconque , qu'on piace cet appareil fous une cloche de verre pour empêcher les mouvements de l'air d'a- giter ces lames , & qu'on approche enfuite extérieurement contre la furface de la cloche de groiïes maffes de différentes matières, on verra alors toutes les petites lames fe porter vers les maffes folides qu'on leur présentera au-delà de la cloche. On peut donc conclure de cette expé- rience , que les folides exercent entr'eux une Végétation, Liv, IV, Ch. VIL 233 fores attraclive qui devient fenfible lorfqu'ils font à une petite diftance les uns des autres , & qu'ils font difpofés de manière à pouvoir obéir à cette force. Les liquides nous préfentent les mêmes phénomènes ; la forme globuleufe qu'ils af- feélent , lorfque rien ne s'oppofe trop forte- ment à cet effet , en eft une preuve con- vaincante. Rien ne paroît mieux prouver l'attradion entre les molécules des liquides , que Texpé- rience du dodleur Taylor , qui fe trouve décrite dans les Tranfadions philofophiques. Ce Phyfîcien prit un morceau de bois de fapin d'un pouce de quarré de face , &: après l'avoir laiffé pendant long - temps dans l'eau pour qu'il pût s^en imbiber , il le fufpendit à fun des bras d'une balance très- mobile , de façon que fon plan inférieur touchoit à îa furface d'une mafïe d'eau contenue dans un vafe placé au-deflbus. Il mit ce morceau de bois en équilibre avec un poids convenable, fufpendu au bras oppofé de la même balance, & il fut obligé d'ajourer cinquante grains à ce contre-poids , pour faire trébucher la ba- lance & enlever ce morceau de bois. Cette expérience prouve lo. la force at- tradive entre les molécules correfpondantes de Teau comprifes entre les parties du mor- ceau de bois , & celles qui conftituoient la furface de la maflè liquide enfermée dans le vafe, 20. L'intenfité de cette force , qui ne peut être vaincue dans cette circonftance que p:ir 134 Traité de la un poids de cinquante grains , abflraâion faite cependant de la réfiftance que le fléau de la balance pouvoit oppofer à fon mouve- ment ; réfiftance toutefois qui ne mérite point d'entrer en confîdération. Ces expériences , & quantité d'autres, dé- montrent feniîblement qu'il exifte dans la nature une caufe telle qu'elle foit , différente de l'impulfion ; que cette caufe obIJge les molécules des folides , ainfi que celles des fîuides , à s'approcher & à fe réunir pour former cette adhérence qu'on remarque en- tr'elles. Pour peu qu'on réfléchîfïè fur différents phénomènes qu'on obferve habituellement dans les laboratoires de Chymie , on trou- vera une multitude de preuves qui tendent toutes à confirmer cette vérité. Lorfqu'on mêle enfemble & qu'on agite les parties de certains liquides , celles qui fe touchent s'attirent quelquefois avec une force qui détruit leur mobilité naturelle , qui les fait pafTer de l'état de liquidité à celle d'une folidité très-marquée , ce qu'on appelle coa- gulation. Lorfqu'on fait difîbudre des (èls dans une large quantité d'eau , les parties falines font attirées par l'eau avec une force fupérieure à celle qu'elles exercent entr 'elles , & elles relient iéparées & comme fufpendues dans !e liquide qui les tient en difîblution. Si on fait évaporer cette eau de quelque manière que ce foit , il fe forme alors h la , furface du liquide une pellicule falinedont levé hi eu le s'eft évaporé. VEGETATION, IlV. IV, Ch. VIL 23$ Plus rapprochées qu'elles ne l'étoient au- paravant , ces parties falines attirent plus puilîàmment les autres parties de même ef- pece qui flottent encore à la furfàce de l'eau ; celles-ci fe joignent aux premières , & aug- mentent l'épaiflèur de la pellicule à mefure que l'eau s évapore. Rien n'eft plus propre à nous donner l'idée de la nutrition des plantes , qui s'opère à- peu-près de la. même manière , comme je vais [^expliquer , lorfque j'aurai joint à ces détails une expérience qui me paroît con- cluante fur l'attradion des particules homo- gènes : le hafard feul me l'a indiquée , & je ' la crois plus démonftrative que toutes celles qu'on a rapportées pour prouver la force de l'afîînité &de l'adhérence des corps. L'air le plus léger des fluides qui tombent fous nos fens , & incomparablement moins pefant que tous les folides que nous connoif- fons , eft attiré d'une manière furprenante par les folides & par les liquides. Il faut Hre dans les Mémoires de l'Académie pour 1731 , le détail curieux des expériences que fit M. Petit pour démontrer ce phéno- mène , & pour faire voir avec quelle force l'air adhère & fe colle , pour ainfî dire , aux folides , & même aux fluides. Il exifte donc une attraâion réciproque entre toutes les parties de la matière : mais quelles font les loix qu^elle fuit dans fon aélion ? c'eft ce que nous allons examiner. On démontre que l'attradion entre les corps qui agiflènt à de grandes diflances les 1^6 Traité db la uns des autres , a une force , s'il eft permis de Tappeller ainfi , qui troît en raifon direde des maflès ", & en raifon inverfe du quarré de leurs diftances ; c'efl-à dire que , les mafles demeurant égales , cette force diminue dans la même proportion que le quarré de leur diftance augmente. On convient encore généralement que les forces attraélives font proportionnelles aux rnaffes , lorfque les corps agiflent les uns con- tre les autres à de très-petites diftances ; mais on croit , & Newton en étoit même per- fuadé , que les maflès étant égales , la loi des diftances ne doit point être la même en cette circonftance. On remarque en effet que ces forces s'é- vanouiflent pour peu que la diftance aug- mente , & elles ne font fenfibles que lorfque ïes corps font en contad ou très-proches de ce point. Ce fut cette obfervatîon qui fit naître une divifion entre les opinions des Newtoniens : les uns ne pouvant fe perfuader qu'une même caufe pût fe modifier d^une façon fi diffé- rente , abandonnèrent l'attradion à de pe- tites diftances , & ne la conferverent que pour l'explication des phénomènes céleftes : d'au- tres crurent qu'il falloit admettre deux loix d'attraétion ; l'une pour les grandes, & l'au- tre pour les petites diftances ; la première en raifon inverfe du quarré de ces diftances , & l'autre en raifon inverle de leurs cubes : c eft même aujourd'hui l'opinion dominante de l'Ecole. VEGETATION, LiV. IV, CH. VII. 237 Si d'un côté , dit-on , on ne peut nier que les phénomènes céleftes décèlent une force actradive en raifon inverfe du quarré des diUances , d'un autre côté, on ne peut expli- quer aifément les phénomènes de l'attradion à de petites dilïances , fans admettre que cette force fuit la raifon inverfe d'une plus haute puiflance,& conféquemmenrcelle du cube de ces diftances , puifque cette force paroît très- petite à la moindre diftance fenfîble , & très- grande au point du conraél. Quoique les phénomènes de l'attradion pa- roiflènt fe prêter efîèdivement à cette dou- ble loi , & s'expliquent afîèz bien jufqu'à un certain point , toutefois , en admettant cette double manière d'agir de l'attradion , on ne manque pas de reprocher à Newton & aux Newtoniens, qu'ils modifient lattradion h leur gré , & qu'ils lui impofent des loix à raifon qu'ils en ont befoin. Sans admettre cette double loi , on peut juftifier Newton de ce reproche ; il fuffit pour cela de faire obferver qu'il y a quantité de loix dans la nature qui nous fournifîent des exemples de ces modifications différentes re- latives aux circonflances. Ne voyons -nous pas habituellement que quoique la réfradion dépende d'une feule «Se même caufe , fes loix ne font pas les mêmes pour tous les corps ?. La lumière n'a-t-elle pas fa loi particulière & différente des autres corps ? les loix de la preffion des fluides ne font-elles pas différentes de celles que fuivent les folides , quoique tou- 23S Traité de xa tes dépendantes de la même caufe , l'adion de la pefanteur qui maîcrife les uns & les autres ? II ne doit donc paroître ni furprenant ni contraire à la (implicite des opérations de la nature , que les phénomènes qui appartien- nent à l'artradiion fuivent des loix différentes tes dans des circonftances différentes. Cette difficulté leule ne pourroit donc em- pêcher d admettre les deux loix d'arrraclion établies par Newton , fi elles fatisfàiloient ab folument aux phénomènes qu'on fe propofe- d'expliquer. Mais il efî: un reproche mieux fondé con- tre la loi des attrapions à petites diftances , comme l'a démontré Sigornc dans les Infli- tutions newtoniennes. Comment donc expliquer ces phénomè- nes , puisqu'ils ne paroilfent pas pouvoir fe concilier avec la loi qui concerne les attrac- tions à grandes diftances ? Il faut considérer pour cela que les effets d\me même caufe générale peuvent être bien différents , & varier dans leurs rapports , fans que la caufe générale elle-mêpie fouffre aucune variation dans fa manière à agir. Ne voyons-nous pas tous les jours que les loix de i'impuliion demeurant conilammenc les mêmes dans le choc des corps , fcs effets font néanmoins différents , fuivant la nature des obftacles contre lefquels elle agit , & fui^ vant le temps qu'elle emploie à produire fon effet ? Ne pouvons-nous pas dire pareillement ici VEGETATION, LiV. IV, Ch. VII. 239 que les phénomènes que nous rapportons à l'attradion , dépendent d'une même caufe ; que celle-ci agit dans tous les cas , félon la même loi ; mais que ces phénomènes varient félon les circonftances qui modifient l'adion de cette caufe générale ? Cette manière de concilier la loi géné- rale de l'attradion , paroît d'autant plus na- turelle , qu'il le préfènte & qu'on oblerve quantité de circonftances dans lefquelles cette même caufe, agiflànt de la même façon , doit néanmoins produire des effets aufli différents que ceux qu'on remarque dans les phéno- mènes de l'attradion à petites diftances , com- parés à ceux qu'on obfèrve dans Tattradion à grandes diftances. Une circonftance qui doit beaucoup in- fluer fur les variétés que nous obfervons , c'eft la réciprocité de l'aétion des corps : cette ré- ciprocité doit être , & eft effedivement très- xonfidérable à de très-petites diftances , à moins qu'ils ne trou-» vent un corps avec lequel ils ont encore plus d'affinité, & qui les attire plus puiflàmment j car alors leur atttadion mutuelle cède à celle qui eft plus forte. Cette expérience eft en cela bien conforme à celle que nou: offre la Chymie, lorfqu'une fubftance fluide, unie à une autre , Taban- donne pour s'unir à une autre fubftarice avec laquelle elle a encore plus d'affinité. Dans l'expérience du bois, de la paille, du liège , j'ai remarqué que ces fubftances ont plus d^affinité avec le verre qu'elles n'en onc entr'elles ; qu'elles dirigent toujours leur mou- vement de préférence & plus rapidement du côté des parois du verre , & qu'elles y forment utle adhérence fupédeure à celle qu'elles contraélent eticr'elles , puifque je les ai vues quelquefois fe défunir pour s'attacher de préférence au parois du verre. Si on met fur la furface de Peau de pe- tites lames bien minces de cire à cachetef , elles furnagent , elles s'attirent réciproque- ment &s'uni{rent; mais, loin de s'approcher, & de former adhérence avec le verre , on les voit s'en éloigner comme ii elles en étoienc repoufféeso Mais je n'ai vu , dans toutes les fubftances que j'ai foumifes à cette expérience , aucun effet li fenfiJDie , fi marqué que celui que l'oB 244 Traite jy % la obferve dans une compofitioa dont je vais parler. Cette compofition forme une efpece de pé- trification, qui , quqiqu'affèzdure, eft néan- moins plus légère que reau,& flotte defTus com^ me du bois : elle rend cette expérience bien complette & tout-à-faitintérefîànte,& donne à î'Obfervateur un fpedacle bien capable dV mu fer fes yeux & d'exercer fbn imagination. Si on remplit un verre d'eau , & que l'on mette fur îa furfàee deux petits morceaux de cette matiere,Ieurattra(5lion mutuelle s'annonce d'abord par un petit mouvement , mais très- îent & très-foible ; on voit ce mouvement s'accélérer en ligne droite de leur tendance : ïa progrefïian de ce mouvement augmente fsnfiblement à mefure que ces deux corps s^approchent , & il devient très-rapide lors- qu'ils font prêts à fe toucher; & le clioc qu'on leur voit éprouver au point de Con- rad prouve la rapidité du mouvement, &la force de l'attraélion qui les a conduits & ame- nés a la jondion. . Si, avec la lame d'un couteau, on les défu- xnt , on remarque la réfiftance qu'ils oppo- fent à leur défunion, & l'adivité avec laquelle ils tendent h fe réunir offre un fpedacle qui a quelque chofe d'animé, de curieux & de récréatif, & qui fournit des objets bien in- téreflànts de méditation au Phyficien quil'ob- ferve. ' Si on met plufieurs petites parties de cette matière fur Teau, on les voit s'unir en che- min , pour aller avec la même célérité s'unir Vegetatiott , Liv. IV ,Ch. VIII. 245 à celles qui y étoient déjà, & on les voi^ toutes réunies au centre du verre: fi on le^ fépare , elfes fe réuniflènt auffi-tôt ; & en les. agitant, elles ne font que changer de point de contad , mais fans fe féparer. ^Jamais aucun de ces petits corps ne s'unît au parois du verre : fi on en approche quel- qu'un , on voit qu'il en efi: brufquement re- poufle : de forte qu'il y a dans cette expé- rience une double aélion ; l'une qui repoufîè le corps , & l'autre qui l'attire vers les corps avec lefqueîs il a une grande affinité. J'omets plufieurs-circonftances de cette ex- périence aulîi intérefTante que nouvelle ; elle rhérite bien d être faite & répétée par les Sa- vants, qui y trouveront matière à de nou- velles obfervations, & par tous ceux qui fè. plaifent à exercer leur imagination ; & pour en faciliter les moyens , je crois faire plaifir de donner la compofition de la fubftancô dont je me fers. Il Élut laifîèr éteindre à Tair de la chaux , ou bien, après l'avoir trempée pendant quel- ques ininutes dans un panier qu'on enfonce dans l'eau , peu de temps après qu'on l'en a retirée elle tombe en poufîiere. On détrempe cette pouffiere avec du fang pur de bœuf ou de mouton , potir en former un mor- tier qui efl alors fort rouge , mais qui de- vient d'une couleur verdâtre iorfqu'il eft fec. Parvenu à cet état de ficcité , ce mortier devient une efpece de pétrification afièz dure , & néanmoins plus légère que l'eau , Q3 z^6 Traité de la & qui eft la fubftance dont je viens de par* îer : on en détache de petits morceaux pour faire notre expérience. On avoit bien parlé de fufpendre à des cheveux de petits corps homogènes très^près îçs uns des autres , pour prouver lattrac-» tion des corps ; mais l'effet de cette expé- rience eft bien foibîe en comparailon de celle que je rapporte; & celle-ci préfenre des ef^ fets bien plus fenfibles, plus marqués & plus variés. On peut y reconnoître non-feule-^ ment î'attraélion des corps, mais de plus, les degrés de progrefîion , & la force de leur adhérence. Que devient ici le fyftême de l'impulfîon ? Si c etoir la prefîion de l'air ambiant qui dé- terminât les corps à fe joindre , l'air qui eft interpofé entre les deux corps qui tendent à fe réunir, ne devroit-il pas contre- balan* cer l'effet de l'air qui de Tautre côté les prefïê ? D'ailleurs j toutes les circonftances de cette expérience ne font- elles pas connoître des anouvements dont Tair ambiant ne peut être k caufe ? Lorfqu'on retient de force un morceau de la matière dont je viens de parler , contre les parois du verre , l'effet de l'air ambiant devroit l'y fixer ; cependant je contraire ar- rive- A peine a-t-on laiffé en liberté ce morceau de matière , îl s'éloigne du verre avec une célérité qui fait connoître évidem- ment la force qui le repoulle ; de même que Vfiétmté avec laquelle il dirige Ion mouve- VEGETATION , tlTT. IV , CH. VIII. 24.7 ment & il s'unit à un morceau de la mêm^ matière , démontre évidemment la force de l'attraâion qui le fait agir. L'eau la plus pure eft la meilleure pour faire cette expérience : l'eau de puits , trop chargée de félenite , y eft peu propre , par- ce qu'il fè forme bientôt fur cette eau une efpece de pellicule dans laquelle les petits corps qu'on y fait flotter s'engagent & y font retenus , leur mouvement n'étant plus libre. l'ai obfèrvé que ces petits corps fe meu- vent avec plus de force & de célérité dans le premier temps qu'on les met fur l'eau : plus ils en font imprégnés , & moins ils ont d'aâion. Comment expliquer cette force d'attrac- tion qui fe remarque ici entre les corps li- gneux & le verre ? Seroit-ce un effet de l'élec- tricité qui donne à ces corps une tendance fî forte & (i marquée dans cette expérience du côté du verre, avec lequel ils forment une adhérence fupérieure à celle qu'ils forment enrr'eux .? L'éleâricité feroit-elle auffi la caufe de cette forte répulfion qu'on obferve entre le verre & Ifes parties de la matière dont j'at parlé ? feroit-ce parce que cette matierç eft fortement anti-éledrique ? Si cela eft, ne pourroit-on pas en faire ufage comme un trés-bon prélèrvatif contre le tonnerre ? Il feroit très-poffibîe d'en couvrir les mai- fons , ou du moins de joindre les tuiles avec Q4 Traite de la ce mortier , & on feroir très en fureté contre îe tonnerre dans des maifons ainfi couvertes , s'il efl bien reconnu par cette expérience que cette matière eft anti - éleâ:rique. Si au contraire la forte attraiflion que l'on ob» ferve dans la même expérience entre le verre & tous les corps ligneux, efl une preuve que ces corps font éleftriques , combien nos toits faits en charpente doivent-ils être propres à attirer la foudre ? effet que rendroit nul l'in- terpofition de la matière dont J3 viens de parler : ces confïdérations bien importantes méritent un examen plus fuivi. S'il efl reconnu que cet effet d'attradion & de répulfîon qui s'obferve ici entre cer- tains corps & le verre , ait pour caufe l'élec- tricité, il ne fera plus vrai de dire que la foie efl ânti-éîe6lrique, puifque cette expé- rience prouve qu'elle eft attirée par le verre, & qu'elle y adhère afîéz fortement, au con- traire de ceux dont je viens de parler , & de plufïeurs autres qui en font vifiblemenc repoufïes. La force d'attraâion que nous obfervons dans les corps ligneux , leur tendance à fe rapprocher , la célérité qu'ils acquièrent à me- fure qu'ils s'approchent , la vivacité avec la- quelle ils fe joignent , & le mouvement ra- pide qui précède & qui accompagne leur union , toutes ces circonflances bien recon- nues &: très-fenfibîes dans cette expérience, ne feroient- elles pas la caufe principale de ce choc violent , & quelquefois même deilruc- eeur , qu'éprouvent deux navires qui fe tou- chent? / Végétation, Liv. IV, Ch. VîîI. 245 Cela étant , ne feroit-iî pas poffible de pa- rer à cet accident, en interpofant, dans des circonftances dangereulès, des facs remplis de matières qui n'ont point d'afEnité avec le bois ? Ces fàcs fufpendus extérieurement contre le navire , n'empêcheroient pas TefFet des vents 6c des flots qui le pouflènt , mais anéan- tiroient peut-être, ou du moins diminueroient l'effet violent du choc aux points de con- taél. Quelques tentatives que j'ai déjà faîtes à ce fujet, paroîtroient faire efpérer un fuc- cès favorable. La {implicite de cette expérience ne la rend pas moins intéreflante ; elle eft bien digne de l'attention des Phyiîciens : ils y trouveront un moyen facile de reconnoître le degré d'affinité des corps , & en général ceux qui s'attirent ou qui fe repoufîè'nt. On peut l'étendre furtous les corps quelconques, puifqu'on fait que l'or , le plus pefant ds tous ceux que nous connoifibns , peut être réduit en parties afïèz minces pour flotter fur 1 eau. Les pouflieres , ou de petites lames des minéraux les plus pefants , y flottent auffi. On peut donc foumettre à cette expé- rience toutes les fubffances folides , & coa- iioître leurs degrés d'affinité ou d'anti- affi- nité. On en peut tirer une infinité de coa- noifîànces utiles que j'apperçois mieux , que je n'ai pu encore examiner avec tout le temps & toute l'attention que mérite 6c exige cette intéreflànte expérience. '■'Vl iço Traité delà: On voit qu'elle dérange , & qu'elle con- tredit même plufieurs idées reçues fur les affinités & fur l'attraâion des corps : mais tous les raifonnements doivent céder à l'ex- périence. Je laiflê à ceux qui répéteront & examineront celle-ci, le foin de reconnoîtte !e vrai & le faux de ce qui a été dit à ce fujet. CHAPITRE IX. Delà nutrition des Plantes. N^ Ous avons expliqué d'une manière afîêz prouvée , comment la fève monte , defcend & fe répand latéralement dans les arbres; mais comment y opere-t-elle la nutrition & la croiflànce des différentes parties de Tarbre ? c'efl ce que nous allons examiner. Commen- çons d'abord par expliquer ce qu'on entend par ce mot fève. La fève efl une liqueur qui efl poufîee & attirée dans les arbres , par des conduits qui lui font propres , comme nous l'avons ex- pliqué ; mais quelle efl cette liqueur ? efl- de Teau pure ? Non certainement. Nous avons vu qu'il n'y en a point dans notre région , non plus que d'air parfaitement pur : l'un & l'autre élément efl un fluide dans lequel nagent des particules, & même des animaux de différentes efpeces. Végétation, Liv. IV , Ch. IX. 25 s Si nous ne nous en ap percevons pas à la vue (impie , le microfcope nous les feit dif- tindement voir. L'air & l'eau , imprégnés des vapeurs qu'ex- halent continuellement les corps, & même des particules de ces corps délayées , & dans un état de diflblution, les charient dans les plantes. II y a dans l'air & dans Teau des particu- les fàlines , fulphureufes , nitreufes , huileu- fes , &c. qui , chariées par ces éléments , font difpofées à s'attirer , à s'accrocher & à fe dé- pofer aux parties homogènes qui fe ren- contrent à leur paflage , par la raifon de l'affinité. La fève terreftre & la fève aérienne font l'une & l'autre chargées de ces différentes particules : puifque cette fève a pour bafe Tair & l'eau , il eu naturel que ces particules de différentes elpeces s'accrochent , s'unifîènt & s'incorporent , à leur paflTage , aux parties homogènes qu'elles rencontrent , & qu'elles deviennent ainfi partie? nutritives & addi- tionnelles de l'arbre. L'air & l'eau ne font ainfî que les véhi- cules des parties nutritives , chariées , portées, par eux dans les plantes ; & après y avoir dépofé les particules qui leur conviennent félon l'aiHnité , le furplus de la fève terreftre s'exhale par la voie de là tranfpiration , pour circuler de nouveau dans les airs. Ce font principalement les feuilles qui , comme «ous ll'avons dit , iont les principaux organes ds la tranfpiration & de la diffipation de la fève » %^z Traité de la qui font en grande partie ces fondions ; & elles peuvent être auflî regardées comme or- ganes excrétoires de la fève terreftre pom- pée par les racines. La fève aérienne , pompée par les feuilles , boutons & autres parties des arbres , charie dans l'intérieur des plantes les particules qui leur conviennent , & les dépofe de même ;^ & le furplus attiré , comme nous l'avons dit » par la forte afpiration des racines , le réfoud à leurs extrémités en gouttes d'eau, qui non- feulement rafraîchit intérieurement leterrein, mais en délayant les molécules qui font à l'extrémité des racines , leur donne la liberté de s'alonger & de s'étendre en même temps que leurs tendres filets y font invités par la fuccion du terrein , & que les parties nutri- tives y font portées. Cette manière de concevoir l'alongement & la croiflànce des racines , eft , je crois , la feule probable eut imaginer contre la diftribution de la levé efl de beaucoup inférieure à celle des effets de la raréfaélion & de la condenfa- tion, qui , d'un coté, s'opèrent en l'air , & de l'autre dans ia terre , comme il a été prouvé. VEGETATION, LiV. IV , CH. ÎX. 257 On voit combien font abfurdes & inu- tiles les analogies qu'on a prétendu établir entre les animaux & les végétaux , par rap- port à la circulation , aux veines , aux pou» mons , aux trachées , à i'eftomac , à la di*' geftion , &c. Il n'y a rien du tout de fembîable dans ces deux règnes ; les plantes n'ont point de parties qui répondent par leur ftrudure & par leur jeu à celles des animaux ; on n'y trouve rien qui refîëmble au cœur , au pou- mon , à l'eftomaç , &c. qui fe trouvent dans les animaux. La ftruclure des plantes efl très-fîmple « très-uniforme ; les fibres ligneufes & corti- cales , les véficules & les vaifîèaux propres compofent le fyftéme entier de leurs vifce- res , & ces vifceres font répandus dans tout le corps de la plante ; on les retrouve jufques dans les moindres parties. L'expérience prouve que les plantes re- çoivent & tranfpirent , en temps égal, beau- coup plus que les animaux ; que ces plantes font dans un état continuel de fucçion ; elles prennent fans cefïe de la nourriture pen- dant le jour par les racines , & pendant la nuit par les feuillçs , tandis que les animaux ne prennent de nourriture que par inter- valle. La mécanique qui opère la nutrition des plantes, diffère donc abfolument de celle qui exécute celle des animaux. Cette nutrition des plantes fe fait d'une ma- Tom€ Il R 2^8 Traité BEiA îîiere bien différente & bien plus fîmple , comme nous venons de le voir ; la fimplicité des. organes conftate ce fait. Dans les uns il entre des aliments groflîer s ; nous avons vu qu'ils ne peuvent être intro- duits dans les autres : dans les uns la digef- tion eft abfolument néceflaire ,dans les au- tres elle n'a point lieu ; & cela , comme nous l'av^Rs vu , s'exécute dans un ordre bien inverfe , puifque ce qui forme les excréments des uns produit la nutrition dans les autres; il n'y a donc aucune comparaifon à faire. Les détails dans lefquels je fuis entré, par rapport à l'affinité & l'attradion des corps , fuffifent pour £iire comprendre comment les différentes particules dont l'air & l'eau font chargés , font tranfmifes dans les plantes par ces deux véhicules qui y pafîent continuelle- ment , & comment ces particules font atti- rées à leur palîàge , & reftent adhérentes aux parties des plantes qui leur font analo- gues; de même que celles qui ne le font pas doivent être repoulîees, &:fortent de la plante avec Tair & l'eau , qui n^y dépafent que ce qui ki convient. CONCLUSION. D'après les propofitions préliminaires établies dans le troifieme livre , propofitions ^ comme on le v©it , néceffaires pour l'intel- ligence des explications que j'ai données des niouvements de la fève, & de ce que j^aià dire encore par la fuite ; d'après les expériences Végétation , Liv. IV , Ch. ÎX. 259 que j'ai rapportées en preuve de ce que j'ai avancé, & que j'ai tâché de rendre intelligible & prouvé , on peut conclure avec évidence des vérités que j'ai démontrées, 1°. Queraéliondufoleil , foitparattraélion, foit par un mouvement d'ondulation ^ opère puifïamment fur toutes les parties poreufes des plantes, & principalement fur les feuilles qui préfententà cette aétion de grandes furfaces; que l'effet, de cette adlion eft d'élever & d'attirer la fève que j'ai nommée tsrrellre, depuis les racines jufqu'au fommet des ar- bres , où le fuperflu s'exhale par les feuilles , & qu'ainfî c'eft plutôt une exlialaifon qu'une tranfpiration proprement dite. z°. Que dans le même temps où la fève efl attirée au haut des arbres par l'aflion du foleil , l'effet de la raréfadion qui s'opère dans la terre pouffe la fève dans les racines , de forte qu'il fe fait en même temps une double aélion concourante l'une &c l'autre h l'élévation de la levé ; l'une qui la poufle dans les racines , & l'autre qui l'attire dans les branches. 3°. Que tout le contraire arrive dans le temps de la condenfation. L'air condenfé dans les véfîcules & dans les conduits lympha- tiques , occupant alors moins d'efpace, laiile un vuide qui ne peut être rempli que par l'afpiration d'un nouveau volume d'air exté- rieur. Mais cet air extérieur efl alors, ceû- à-dire pendant le temps du foir & de h nuit , chargé de beaucoup d'humidité & d@ vapeurs çondenfées, qu'il charie avec lui daas â;5o TRAÎtÈ DE lA les plantes ; & voilà la fève que j'appelle aê- xienne. Cette fève introduite dans ies vaîfleaux propres & lymphatiques , eft attifée par les racines fur lefqueîles l'effet de la condenTa- îion qui s'opère dans la terre agit alors pUif- famment , comme le prouve mon expé- rience. Et ainfi , la fève portipée par les lèuilles plongées dans l'humidité , eft attirée par les racines qui s'en nourriflênr, croifîènt & alongent , & laiflent exhaler le fupefflu. Les gouttes d'eau qui fortent par les ex- trémités des petites racines , rafraîchifîênt îe terrein , huraeâ:ent & déîaieïit les molé- cules terreules , & fervent à ouvrir & frayer la contiauation de la route de ces tendres racines , trop foibles pour pouvoir percer un terrein fec & dur. Si une racine rencontre un corps foirde que Teau ne peut diflbudre , les gouttes d'eau tombant contre cette pierre , humec- tent le terreiti qui eft au-déflbiis , & la ra- tine fe dévoie & fuit cette route. Si, au milieu d'un terrein dur & pierreux» tl y a des molécules plus tendres & plus dé- liées , l'eau les diflbut plus facilement , & la racine s^ enfonce. Enfin, les parties de terrein les plus âét liées , les plus rémuées , déviennent non- feulement plus perméables à l'eau , & de fuite aux racines, qui fuivent toujours le che- ïnin frayé par les gouttes d'eau qui en for- tent. Mais de plus , ce terrein plus poreux , plus reriipli de cavités, éprouve plus forte- VEGETATION, LiV. IV, Ch. IX. l6i ment l'effet de la condenfation , & par con- féquent les racines font plus puiflamment attirées. Voilà ces mouvements fpontanés s, ce choix de pâture qu'on a voulu admettre aux racines comme aux animaux. 40 La fève, c'eft-à-dire Tair & l'eau qui pafTent continuellement dans les plantes , mais par des mouvements alternatifs , tantôt mon- tant des racines aux branches, tantôt defcendanc des branches aux racines, félon les temps de ra- réfàélion & de condenfation ; l'air & l'eau , diî- je , toujours chargés de particules de diffvitentes efpeces , les dépofent en pafTanc dans les plantes, félon Taffinité; &; voilà Vo- pération de la nutrition. Les particules qui ne conviennent point à une plante , en fortenc avec les véhicules qui en font chargés pour circuler dans les airs, & de-là palîèr dans un autre plante à laquelle __ elles conviennent , & qui fe les approprie i car rien ne fe perd,, rien n'eft inutile dans la nature, ^o. La fève terreflre & la fève aérienne fervent l'une & l'autre à la nutrition des plantes , mais non p^s aux mêmes produc- tions. La fève terreflre, qui doit être confidérée comme une difîolution de particules plusL grolfieres , opère particulièrement la nutri- tion des parties folides des arbres ; & la fève aérienne , chargée de particules plus pures ^ mieux préparées & plus exaltées , plus fpi-. yitueufes, y tranfmet des liqueurs qui con-* viennent à l'affinité du fuc propre de cha- %6i Traité de ia que plante , de l'odeur de fes fleurs , & de îa faveur de fes fruits. Chaque plante , ou plutôt chaque partie de la plante , s^approprie les particules qui lui conviennent , chariées continuellement par l'air & l'eau, Ges véhicules des particules nu- tritives des plantes , s'y trouvent même fixées & retenues en aflrîz grande quantité , de manière à devenir parties conftituantes & intégrantes des plantes. Ce que nous avons dit au Chapitre de l'air fixe n'en peut laif- fer douter. Cette explication fommaire , déjà démon- trée dans les Chapitres précédents , & qui fera encore mieux prouvée par la fuite , rend bien fîmplement îa marche de la na- ture , débarrafîee ainfî des fyilémes, des ob- fcurités dont on la furchargeoit , âes ana- logies entre les animaux & les végétaux qui étoient inexplicables , puifqu'eiles n'exiflent point. Elle brille d'un nouveau jour qui , j'efpere , ne fera pas méconnu , d'après les expériences qui le font naître. On trouvera de nouvelles preuves dans ïes volumes fuivants, & combien cette théo- rie bien établie fcrvira a éclairer fû rement la pratique , combien d'anciennes , mais non moins fauffes routines doivent erre abandon- données. Le cultivateur opérera avec connoif- fance de caufe. Les jardiniers , guidés par des principes fûrs , fauront comment il convient d'aider la nature , & ne la pas contrarier ; quelles font les circonilances favorables qu'il faut favoir faifîr , les accidents qu'on peut VEGETATION , LiV. IV , Gh. X. 2^3 prévoir , & comment iï faut y remédier. Si le phyfîque répandu dans cet Ouvrage efl: au deflus de la portée de plusieurs Jar- diniers greffiers , ignorants & entêtés , il en eft d'autres plus inftruits , plus intelligents, & avides d'infiruflion. Ceux-là , aidés des ex- plications des mots , & même àes chofes que je donne dans la table alphabétique , pour- ront comprendre tout ce que nous difons dans cet Ouvrage ; & les fuccès de la cul- ture qu'ils feront en conféquence , détermi- neront les autres à les imiter. Les maîtres , plus fufceptibles àss connoiflànces phyfiques que nous donnons , pourront les leur expli- quer , en s'oppofant aux routines dont nous démontrons la fauflTeté & le danger. CHAPITRE X. VAlr qui fort des plantes & de toutes leurs parties eji très-épuré & très-falubre. X^ ous avons vu que l'air & l'eau ne far- tent des plantes qu'après y avoir dépofé les particules des différentes fubflances dont l'un & l'autre étoient chargés , & qu'ils ne peu- vent être confidérés ?,in{i que comme véhicules de ces particules qui deviennent parties nu- tritives & additionnelles de la plante. 11^ eft aifé de concevoir que l'air & Teas R4 6^ Traité DE LA t)rrent, par l'exhalaifon des plantes , dans un état de vapeur fi ténue, qu^il eft abfolument imperceptible à notre vue ,& dans un degré de utuation & d'épurement que ne peut lui donner aucune opération chymique ; l'une & l'autre, en (ortant des plantes, font donc dans le plus grand degré de pureté poffible dans notre région Il e/î cependant probable que l'air & Teau ne doivent pas être abfolument dégagés de toutes particules étrangères , parce que la plante dans laquelle ils viennent de paflèr n'a dû retenir que les particules qui lui con- viennent , félon l'affinité de celles dont elle tû pourvue ; mais toujours eft-il -/rai que Vun & Paucre en fortent beaucoup plus épurés. Les expériences que l'on a faites fur Tair qui fort des plantes pendant le jour par la tranfpiration , concourent toutes à prouver cette vérité , & n'ont pas , que je fâche, elTuyé de contradidion. Perfonne n'a contefîé la pureté & la fa- ïubrité de cet air que nous reipirons avec • une fî douce fenfation dans les bois pendant la belle faifon. Mais il s'eft élevé depuis peu une opinion tendante à faire croire, qu^autant les plantes répandent un air pur & falubre pendant le jour , autant celui qu'elles exhalent pendant la nuit eft méphétique , empoifonné , tiuifîble & mortel. II importe d'autant plus d'examiner cette opinion, quelle eft accréditée par des Au- teurs qui méritent par eux-mêmes beaucoup d!5 CDïïfidéfgtion & de confiance ; & cette Végétation, Lrv. IV, Ch. X. zS^ leule raifon me tiendroit encore en fufpens, fi je n'a vois vu , par l'Ouvrage que vient de nous donner M. îngeri Houlz , fur quoi cette opinion eft fondée. Ce lavant Médecin , qui a fu mériter , fans doute à jufte titre-, la confiance de la Souveraine la plus éclairée , dont la mort nous plonge aéluellement dans le deuil & les regrets ; ce Savant , dis-je , n'auroît pas eu befoîn de foumettre les réfultats de les ex- périences au jugement deàPiiyficiens, comme il le dit avec modeftie dans fa Préface , fi fes grandes occupations lui avoient permis de fuivre à la pide les opérations de la nature dans l'ouvrage de la végétation , dont l'exa- men exige un loiiir continuel & un grand efpace de temps. Les expériences qu'il nous rapporte font regreter qu'il ne les ait pas faites d'après des principes plus vrais. Les expériences qu'il a faites fur des plan- tes, ou fur des feuilles mifes dans des bo- caux expofés au foleil , lui ont donné pour réfultat un air déphlogiftiqué & trèsfalubre : voilh l'effet vrai & naturel ; mais n'eft-il pa? étonnant que, fe refufant à l'évidence , il veuille féparer la caufe de l'effet , en cifant que cette opération merveilleufe n'efl: au- cunement due à la végétation , mais à l'in- fluence de la lumière du foleil fur les plan- tes ? Il a obfervé que ces feuilles , lorfqu'iî les a miles dans le bocal avec de l'eau , fe cou- vroient d'une multitude de bulles d'air qui ^66 Traité de la îTiontoîent fucceffivement au-deffus de l'eau : delà il conclut que ces feuilles, qui venoient d'être féparées de Tarbre , étoient encore animées d'un efprit vital , & continuoient à donner les jers d'air tels qu'elles les don- noient fur l'arbre ,-& que ces jets d'air ar- rêtés par l'eau fe formoient en bulles. Mais M. îngen Houfz avoue , d'après M. Bonnet , qu'ayant fournis des feuilles féches à la môme expérience , elles fe couvrent également de bulles d'air. Voilà donc des efîèts pareils , foit que les feuilles foient vertes ou feches; mais cesef" fets pareils doivent partir d'une même caufe; & comment trouver dans une feuille lèche cet efprit vital & cette continuation de jets •d'air admife dans les feuilles vertes.? D'ailleurs , l'obfervation des bulles d'air dont fe couvrent les feuilles, n'a rien qui lui foit particulier, parce que prefque tous les corps qui contiennent de l'air fixe , étant mis dans l'eau , donnent plus ou moins de pareille» bulles d'air. M. Ingen Houfz a fait plufieurs expérien- ces fur les menues plantes , & fimplement fur les feuilles , les fleurs & , les fruits mis pareillement darîs des bocaux , ou pendant la nuit, ou pendant le jour, mais dans des lieux ob(curs & inaccefîibles à la lumière. îi a mis ces feuilles dans des bocaux avec' ou fans eau ; il a même échauffé l'eau par le moyen du feu, & les réfukats de toutes ces expériences noclurnes ne lui ont donné qu'un air plus ou moins fixe , plus ou moins VEGETATION, LiV. IV , CH. X. 2^7 méphitique & nuifîble : delà il conclut que les fèuiîies , les fleurs & les fruits exhalent pendant îa nuit un air méphitique, dangereux & mortel. Tout le refpeâ: que j'ai pour M. Ingea Houfz ne peur m^empécher de m élever contre cette opinion. Cultivateur zélé & afîidu des arbres & des fleurs depuis vingt ans , je dois rendre hom- mage à la vérité qu'elles m'ont fait connoî- tre ; & je me croirois coupable de ne pas détruire une telle afïèrtion pour îa juflifica- tion des fleurs , & pour la tranquillité de ceux qui les aiment. Cette juftification va être prouvée par un examen bien fimple. Si on met fous des bocaux , avec de l'ean , des plantes, des Feuilles, des fleurs, des fruits, des racines , des écorces de bois, &c. il ù forme de l'air fixe dans le bocal ; le fait efî: certain ; & de même fî on met dans l'eau & dans un bocal des parties d'animaux & de minéraux , on trouvera aufli qu^ils'y efl formé de l'air fixe. Les favantes expériences de M. Haîes prouvent que toutes les fubfcances foîides ou liquides contiennent de l'air fixe : il n'eft donc ! pas étonnant qu'étant mifes dans l'eau , qui eft un dilïblvant , il en forte plus ou moins \ d^'air fixe , félon qu'il y eft plus ou moins ; abondant, & qu'il y eft pîu^ ou moins fix>5. 1 Toutes les expériences de M. Ingen Houfz 1 démontrent qu'il a tiré de l'air fixe des ' plantes, des feuilles de des fleurs; ceh éroic ij trop cohfiu pour pouvoir être contefté ; mais s,é$ Traité dé la en conclure que tes feuilles , les fleurs & îes fruits exhalent pendant la nuit de l'air fixe & méphitique , çeft une conclufion qui non feulement n'efî pas jufle, mais qui eft diamétralement oppofée à la marche de la nature. Je crois avoir prouvé inconteftablement. par les expériences qui démontrent les mou-^ vements de la fève ,que toutes les parties, des plantes qui tranfpirent pendant le iour , telles que les feuilles , les fleurs & les fruits > loin de tranfpirer pendant la nuit, devien- nent des organes d'imbibition & de fuccion. Or , comment pourroit-il arriver que dans, ce dernier écateîies exhaleroientdeTairi&des fucs , puifqu'au contraire elles en pompent ? J'ai prouvé que la condenlation dans la terre donne aux racines une force de fuccioa qui attire puifîàmment la (ève aérienne pen- dant la nuit , & que le fuperflux de l'air & de Teau eft alors dépofé dans la terre , d'où certainement il ne peut s'exhaler en vapeur pendant la fraîcheur de la nuit. Je pourrois cirer pîufieurs autres obfèrva- dons , mais je crois que celle-ci feule eft con- cluante & déciiive. Les fleurs qui , pendant le jour , forcées par cet agent dont nous avons parlé , pré- ientent leurs pétales ouverts à l'adion du foleil , tranfpirent alors fortement, en exha- lent fans douce plus d'odeur qu'en tout autre temps ; & la rapidité avec laquelle cette odeui eft enlevée dans les airs nous iaifîè peu k temps de la fentir ^ mais vers le foir , lorfque y VEGETATION, LiV. IV, Ch. X. 2^9 *''h raréfadion fé ralentit,, & même quelque- fois ajfïèz tard dans les nuits chaudes de l'été , & fur-tout lorfque la raréfadion recommence au lever du foleil , c'eft dans ces circonftan- ^ ces tempérées que notre odorat eft frappé ': vivement des parfums qu'exhalent les plan- tes ; mais je ne me fuis jamais apperçu des ex- halaifonsdes fleurs pendant le cours delà nuit. Les pétales alors fermés femblent même s'oppolèr à leur émiffion , &: les fleurs ne pa- roiiîènt alors occupées qu'à pomper , par les pétales , les fucs aériens dont nous avons parlé. 11 efl donc înconteflable , & , ce mefèmble , incontefté, que l'air qui fort pendant le jour, parla tranfpiration des plantes , eft très-pu- l rifié & très (alubre ; il eft prouvé qu^elles I ne peuvent en exhaler de méphitique & de I nuifibie , pendant la nuit , puifqu^'eiles n'en exhalent point du tout. j Dira-t-on que comme les plantes poni- I penc pendant la nuit un air chargé de va- peurs, elles doivent attirer ces vapeurs, & qu'ainfi l'air de la nuit ne feroit pas auflî falubre que l'eft celui du jour ? l'examen n'eft pas favorable à cette opinion, i II eft connu, fur-tout Cn certains pays , que Tair de la nuit eft mal fain ; mais il y a tant de circonftances qui y doivent contri- buer , que les plantes n'ont nulle part à cette infalubrité : car fi elles attirent les vapeurs pendant la nuit , il eft certain qu'elles en abforbent une grande quantité; & c'eft ainfî purger rathmofphere,ôc peut-être même eft- 270 Traite de la. de ainfi qu'elles contribuent le plus à rendre l'air plus falubre. Les expériences laites fur des feuilles fépa- rées de la plante ne peuvent être qu'équi- voques & fautives, parce que fouftraites alors à l'aélion qu'elles éprouvent fur la phnte ,. il eft bien impoffible d^ reconnoître les fondions dont elles s'acquittent dans le cours de la végétation. De plus, l'eau dans laquelle font plongées les feuilles foumifes à ces fortes d'expérien- ces dans un bocal , a (es effets particuliers , qui fe trouvent ainfi confondus avec ceux de la feuille ; comment pouvoir les difcer- ner ? Ne voit -on pas encore que les réfultats de ces expériences ne font que les effets dii commencenient de la diflblution de la feuille? dans l'eau , & nullement de fon aélion natu- relle fur la plante ? Le favant & laborieux M. Bonnet , qui s'e(t fort occupé de ces expériences , nous; fiitvoir , par fes incertitudes & fes opinions ^^ariables, que l'on ne peut tirer qu'une lu- mière trompeufe de ces fortes d'expériences. Rien ne le prouve mieux que les induc- tions qu'en a tiré M. Ingen Houfz , & qui îui ont fait publier , Seft 15 , que toutes les ' fleurs exhalent en tout temps un air des plus mortels, &: empoifonnent une grande maflè d'air , autant au milieu du jour que dans ■ la nuit & à l'ombre ; ce font fes propres termes . Le jugement expreiîif de ce favant Mé* Vegetatiok , Li V. IV , Ch. X. 271 decîn efi: bien capable d'efFrayer ceux qui ne verroient pas qu'il n'eft porté que d'après des expériences très-fautives , & iès con- noiflàncesle mèneront fans doutelui-mémeàen reconnoître l'erreur , qu'il efl: bon de ne pas laifler fubfifter pour la tranquillité publique. Il eft prouvé que les fleurs étant fur la plante, ne peuvent exhaler en tout temps de poifon mortel, puifque 1°. elles n'ont point d^exhalaifons pendant la nuit , & qu^au con- traire elles afpirent , comme les feuilles, l'air chargé d'humidité & de vapeurs dont elles font environnées ; z^. la fève & les fucs pro- pres qu'elles exhalent pendant le jour par la tranfpiration , en forrent dans un état très- épuré , & font rapidement enlevés dans les airs ; il n'y a donc-là rien qui fbit capable de fixer, d'empoifonner l'air pendant la nuit ni pendant le jour; car ce n'eil: qu'à cet effec d'air fixe que M. Ingen Houfz attribue la vertu empoifonnée des lueurs , qu'il ne leur auroit jamais trouvée dans le cours ordi- naire &: naturel de la végétation ; mais il en a jugé fur des fleurs féparées de la plante , amoncelées & renfermées dans i'efpace étroit d'un bocal. Ces fubfl:ances alors fouflraites à l'aclion de la végétation , ont répandu des vapeurs fulphùreufes bien capables, fans doute, de fixer le, peu d'air contenu dans le bocal ,• rien défi naturel,* mais peut-on en conclure que les fleurs , dans l'état de végétation de la plante & en plein air , fixent Tair de l'ath- 272. Traité de la: mofphere ? c'eft ce qui certainement ne pa- roic pas jufte. Ceft pourquoi en convenant , avec ce cé- lèbre Médecin, qu'une grande quantité de fleurs ou de fruits dépoCës dans une cham- bre clofe , peuvent bien dérang*3r Télafticité de l'air , & le rendre nuifible à la refpira- tion , ce qu'ont prouvé uniquement fcs ex- périences , nous ne pouvons lui accorder qu'il en foit de même en plein air & dans le cours ordinaire de la végétation. Au furpîus , ce que nous avons expliqué au Chapitre de l'air fixe eft je crois fuffilant pour faire connoître que la dénomination de mé- phitique, d'empoifonné , ne convient point à cet air , qui , réduit h un état de fixité , ayant perdu en grande partie l'élafticité dont îi jouît , dans fa qualité d'air athmofphéri- que & Hbre , n'eil: plus propre à la refpi- ratfon des animaux terreftres, qui, ne pouvant plus y refpirer , y font fufFoqués , comme ils le font également, & par lamémecaufe, dans l'eau. C'eft cette privation , ou du moins cette grande diminution de relTort dans l'air fixe, qui fait que les animaux y font fufFoqués , , que la bougie allumée s'y éteint , &c. Mais pourquoi le- dire méphitique , empoifonné ? il y a apparence qu'un examen plus réfléchi le dégagera de ce prétendu poifon , qui ne peut y être que lorfque la vapeur qui le èxe eft réellement empoifonnée.Mais, je l'ai déjà dit, & je le répète , l'air fixe n'a par lui-même rien d'empoifonné. L'air VEGETATION , LiV. IV, Ch. X. 273 L'air eft fixe dans i'eau , & nous^y fommes fuffoqués , parce qu'il n'eft point propre k notre refpiration , mais nous avalons cet air avec l'eau , & nous n'en fommes point em- poilonnés : qu'on cefîè donc d'appelîer mé- phitique l'air qui n'eft que fîmpîement privé de fon refTort , tel qu'ii le déploie en îibarté dans notre athmofphere. li y efl: cependant toujours dans un état de compreffion qui varie félon les lieux & les temps. Le ref- fort de l'air eft plus comprimé dans les vaî-^ lées que fur les montagnes; effet de la plus grande élévation , & par conféquent de la plus grande preffion de la colonne d'air. L'air efl aufîi plus comprimé , ou , fi l'on veut plus fixé , lorfque dans un temps de chaleur l'athmofphere efl remplie de vapeurs fulphureufes bien capables de le fixer, temps prefque toujours précurfeur des orages : c'efl alors que cet air plus comprimé , plus fixe qu'à l'ordinaire , rend la refpiration difficile éc pénible ; ce qui nous met dans un état de mal-aife & d'afFoiblifîèment qui continue jufqu'à ce que ces vapeurs foient dilTipées ; foit par le cours des vents , foie par la pluie qui les diffout & en purge l'air , qui reprend pour lors fon éîaflicité. On ne devroit appeller air fixe , que ce* lui dont le refTort eft totalement comprimé ; de forte qu^il entre en cet état comme par- tie intégrante dans la compofition des corps î tel efl celui ainli nommé par M. Haïes , & qui a fait l'objet de fes ingénieufes recher- ches & de fès favantes expériences. Mais -on. Toms IL S 174 Traité BEtA ^ appelle depuis air fixe , celui dont le ret- *orr beaucoup moins comprimé , l'eft ce- pendant afîèz pour n'être plus propre à la rerpiration des animaux; & depuis cet état jufqu'h celui de fixité totale , Tair a certai- nement bien des degrés différents de fixité: de .même qu'en remontant depuis ce pre- mier degré de fixité jufqu a celui du déve- loppement total du reiïbrt de l'air , il y a une gradation qu'il efl plus aifé d'imaginer que de mefurer. Il n'y a pas d'apparence qu'en aucun temps l'élafticité totale de l'air puifîê exifter dans notre athmofphere ; Ton reflbrt doit être néceiTii rement plus ou moins comprimé par l'élévation de la colonne d'air , & plus encore dans ce chaos de vapeurs & d'exha- îaifons plus ou moins abonlmtes. Ces changements d'élaRicité de l'air , ne contribuent pas peu à faire varier les ài{' pofiîions dans lefquelles nous nous trouvons. Cette fenlation que nous appelions appétit , qui annonce une difpofition h bien digérer, fe fait particulièrement fentir dans un air élailique , qu'on appelle vulgairement grand air. Le contraire arrive quand l'air a perdu de fon reflbrt engagé dans l'humidité & les vapeurs , ce qu'on appelle temps mou , tel qu'il efi: prefque toujours dans les pays ma- récageux , ôc dans les vallées refierrées , où l'on voit régner fouvent des maladies épidé- mîques, dont les hab'tmts de la plaine voi- fine ne font point affedés ; ce qui fait que Veôetatioî5,LiV.IV, Ch. XL 275 CQUx qui font attaqués de ces maladies n'é- prouvent de remède plus (aiutaire que le changement d'air ; remède peut-être tro^ peu pratiqué dans bien des maladies. CHAPITRE XI. Du peu de rejjlmhlance entre les animaux 6" les végétaux. \) U Ê L Q U E S Botaniftes modernes fe font efforcés à chercher & à . vouloir trou- ver des analogies entre les animaux & les végétaux ; & d'après eux , plufieurs Auteurs ont pris plaifir à faire des comparaifons entre les êtres de ces deux règnes. Ces comparai- fons ont paru féduifantes , on les a adop- tées ; on a été même iuîqu'^ vouloir affimi- ler ces êtres , qui ne fe refîèmbhnt point , puifqu'il eft certain que l'examen ne peut y trouver aucune analogie qui puifîe être luivie. On dit que les végétaux , comme les ani- maux , font des êtres vivants , organifés , qui fe nourriiFent, croiflènt, tranfpirent & ont la faculté de fe reproduire. JMais ces reiîemblances fi préconifées vont difparoître , fi tout cela s'opère très-diffé- remment dans les uns & dans les autres , comme en effet on peut le voir. S'il étoit permis d'établir des reffemblances S i %']6 Traité de la fur quelques rapports généraux & apparents » où n'en trouveroit-on point dans la nature , qui foufFre par- tout des à-peu-près. Séduits par ces apparences , plufieurs Phy- flciens ont tenté des comparaifons ingé- nieufes , tendantes à perfuader que les ani- maux & les végétaux font des êtres du même ordre. Parmi ceux-là, un célèbre Naturalise ,aulîî infatigable que favant , dont les ouvrages immortels font devenus des oracles , a rap- proché plufieurs comparaifons féduifantes entre les animaux & Iqs végétaux. Plein d'admiration & de refpeél pour cet iîluftre & fubiime Auteur , j'oferois aflurer qu'il ne s'y feroit pas mépris , fi fes immen- fès & importants travaux avoient pu lui îaiflèr le loifir de fuivre à la pifle la nature fi lente & fi imperceptible dans fon travail de la végétation. Ce génie fubiime auroit mieux reconnu que tout autre , que la marche de la nature . abfolument différente dans ces deux règnes, les rend bien difîêmblables. lo. Les végétaux, comme les animaux, font des êtres vivants ; mais leur manière de vivre efî: abfolumenr différente. La facul- té de le mouvoir, de fentir & de chercher les aliments qui leur conviennent , eft ab- folument refufée aux végétaux. L'ingénieufe remarque fur les racines de ceux-ci , qui femblent , dit-on , s'écarter d'une veine de mauvais terrein ou d'un autre ob~ l}acle , pour aller chercher la bonne terre , Végétation, Il V. IV, Ch. XL 277 n'eft point du tout une preuve du mouve- ment libre & du choix des racines , pui{- que j'ai prouvé qu'elles font attirées par un agent puifïànt qui les détermine. La vie des végétaux, & celle des animaux, n'eft qu'une exprefîion inexadement comparative : ce qui l'entretient dans les uns, & la manière donc elle s'entretient , ne peut guère être com- parée à celle qui l'entretient dans les autres» puifque l'une & l'autre s'opèrent bien diffé- remment , comme je lai démontré. 2°. Les uns & les autres font organifés ; mais quel être n'eft point organifé ? On dit même quelquefois qu\ine machine eft orga- nifée ,* & il paroît qu'il y a moins de rap- port entre l'organifarion d'un animal & celle d'un végétal , qu'entre celle d'un végétal & d'une machine hydraulique. Où trouvera-r-on dans une plante quel- que chofe de refîèmblant au cœur , au pou- mon , au fo'iQ , à la rate à Teftomac , & enfin à toutes les autres parties que l'on trouve dans les animaux ? On a vu dans cet Ouvrage que la préten- due circulation de la fève , les valvules , les trachées , &:c. ne font que des êtres d'ima-» gination. Des fibres ligneufes & corticales , des - conduits {éveui qui y font ménagés , des utricules ou véficules , réfervoirs de la fève, d'autres réfervoirs des fucs propres , voilà les feuls vifceres connus dans les plantes , ôq qui fufïifent feuls à la marche firaple de 1^ Baturç , telle (^uç je l'ai démontrée. Où trou;* 278 Traité be la ver entre les animaux & les végétaux que]-' que reiîèmblance d'organifation & des mou- vements lymphatiques ? 30. Les uns & les autres fe nourriîïènt ; c'eft ici fur-tout où il me paroît qu'il de- vient impoffible de trouver le moindre poinf de comparaifon. Les animaux ont befoin de prendre des aliments foiides , de les digérer, & d'en ren- dre les réfîdus greffiers par les excréments : rien de tout cela dans les plantes ; la diffé- rence eu même fî marquée, que j'en tire- rois une diftindion bien fûre & bien carac- tériftique des deux règnes , entre lefqueîs îa nature dit-on , qui fe plaît à marcher par des nuances inlèniibles , n'a point mis de • barre. Je diroïs que tout être qui avale des ali- ments foiides , qui les digère, & en rend- les réfïdus par les excréments , eft fû rement un animal, fans m'embarraiïêr de la refîèmblance extérieure qu'il peut avoir d'ailleurs avec une plante , tel qu'un polype , &c. Que tout être qui ne vit que par une fuc- cion continuelle , fans digeftion , & qui ne rend qu'une diffipation infenfibîe , eft fûre- ment une plante. Je dis fuccion continuelle , car on fait qu'une plante , dans l'état de vé- gétation , fe fane & périt lorfque cène fuc- cion efl: interrompue ; & un animal peut refter affez long temps fans prendre de nour- riture , & n'en prend que* par intervalles. Au ^ furplus , la nature des aliments , & fur-tour h manière de les prendre , eil afTurément VEGETATIOÎX,LlV.IV,CH.Xr. 279 très-différente , & ne peut foufFrir aucune comparaifon. 40. Ils tranfpirent les uns & les autres., II n'y a encore ici de commun que le mot, encore eft-il impropre. Les animaux trans- pirent véritablement par un mouvement in- térieur , par une caufe qui agit en eux : les^ végétaux tranfpirent par une caufe extérieure, par l'effet d'un agent qui n'efl point en eux. Dans les premiers , la tranfpiration efè aâiive ; dans les autres , elle n'eft que paf- five , & n'eik point une vraie tranfpiration proprement dite ; c'eft plutôt une exhalai- ion, une déperdition d'humidité peu diffé- rente de celle qui fe fait dans un linge mouillé , dans une pierre , &c. Et fi je me fuis fouvënt fervi du mot de tranfpiration , ce n'eft que pour m'exprimer fclon les idées reçues. 50. Les uns & les autres croifîênt , mais par des moyens abfolument différents. Les animaux croifTent par l'alongement des mê- mes parties ; les végétaux en reçoivent de nouvelles toutes les années , & leur croiflànce additionnelle & par couches les rapproche- roit plutôt en cela des minéraux, puifqu'on fait que les nouvelles couches ligneufes fe forment par juxta pofition, 6'^. Enfin , les uns & les autres ont la fa- culté de fe reproduire ; mais cette repro-? dudion peut-elle fouîfrir la moindre com- paraifon encre les animaux vivipares & les S4, aSo Tfi-AITE DE LA plantes , dans la fécondation , dans la gefi:a* tion & dans raccoiichement. Je conviens qu'il ne feroit pas aufîl éloi- gné de reconnokre une apparence de (îmi- litude entre les animaux ovipares & ies vé- gétaux , par rapport aux œufs des uns , & aux graines des autres ; mais fi on vient à examiner toutes les circonftances , il faut avouer que cette fimiiitude s^évanouit, & ne peur plus fe foutenir. On ne trouve dans les animaux rien de femblable à la reprodudlion à&s arbres, par les marcottes & Iqs boutures , rien de pareil à l'opération de la greiïe. On ne voit point un animai enté fur un autre animal , y vivre, & y faire des produdions. Je fais qu'on me va citer le polype ; mais cet être fîngulier , peu connu encore , ne peut que faire exception à la règle générale des animaux , comme la truffe en fait une par rapport à celle des végétaux ; & on n'en doit conclure autre chofe , iinon que ces êtres font d'une flruâure tout-à-fait particu- lière , & qu'ils n'ont que peu de rapports avec ceux du même règne. En réfléchiffant fur tout ce qui a été dé- montré dans ce traité, on voit combien font faufles ces analogies. Je dis plus , s'il étoit permis d'en trouver entre deux différents règnes , il paroît que ce feroit plutôt encre les végétaux & les minéraux. Ils font les uns & les autres privés de h faculté de changer de lieu ; ils tranfpirenç Végétation, Liv. IV, Ch. XL i8^ les uns & les autres par la même caufe ., éc d'une manière affez (èmblable. ,,b Leur croiffance s'opère par parties nou- velles , additionnelles , & enfin par juxta po- sition. Ils ne font doués de fentiment ni les uns ni les autres ; ils cefîènt de croître & fe defîèchent lorfqu'ils fontféparés de la terre. L'air & l'eau font les feuls véhicules de leurs parties propres & intégrantes , &c. Ces comparaifons , quoique bien im^par- faites , le font cependant moins que celles qu'on a voulu faire entre les deux premiers reo-nes. L'organifation parfaite , l'intelligence , h fupériorité que nous reconnoiflbns dans les animaux en général fur les êtres végétaux & inanimés , les rend bien difFemblabies. Si quelques individus particuliers nous of- frent des fingularités , ce n'eil: qu'un efîèt plus frappant à la vérité des variétés que la nature fe plaît à produire , mais qui ne doivent point autorifer à àer. comparaifons générales. De ce qu'un polype d'un,? flruélure par- ticulière pourra le reproduire de {gs mor* ceaux coupés , on ne pourra pas en conclure que les autres animaux fe reproduiient de même ; & cette reprodudion du polype , s'il eft bien reconnu pour un animal , ne (e £ih certainement point , comme odh d^un arbre , par les boutures & les marcottes , aux- quelles on a voulu l'aflimiier. Parce que la plante nomme'e fènlitive fe contracle au toucher, ce petit phénomène. i$z Traité de î,a qui .n'efl: dû qu'à l'organifation particulière de cette plante , organifation que nous ne connoifïbns pas encore , ne doit point lui faire admettre de fentiment , non plus qu'à beaucoup d'autres plantes , où l'on ©bfervc des mouvements particuliers. On remarque dans plufieurs feuilles con- juguées d^s mouvements de contraâ:ion, lef- quels, s'i|s ne font pas auffi brufques & aufîî frappanff^s que ceux de la fenfitive , font dans le fait les mêmes. On voit les folioles des acacia , gleditfîa , amorpha , &c. fe contrader de même. On voit ces folioles fe replier au defTus de la nervure commune , pendant la chaleur du jour ; & la nuit elles fe replient au - defïbus , de forte qu'elles décrivent deux fois , pendant vingt-quatre heures , un demi-cercle dans un fens oppofé. Nous avons vu que dans les plantes hélio- tropes , les feuilles &: les fleurs ont aufîi des- mouvements particuliers ; mais toutes ces plantes ne font en cela qu'obéir aux loix gé- nérales de la nature , & leurs mouvements font conféquents à leur organifation parti- culière. Ces mouvements n'ont rien de fpontané comm.e ceux des animaux , qui fe font par la volonté , en liberté & fans contrainte. Se âinfî ils ne peuvent leur être comparés. Ne voyons-nous pas auffi dans les miné- raux des mouvements de dilatation & de condenfation ? Faudra-t-il pour cela leur admettre auffi du fentiment , & faire des Vegetatioit, Liv. IV, Ch. XL 2?^ analogies ? Si nous ajoutons à tout ce que nous venons de dire,rexiftence &rufage des fens bien connus dans les animaux , les mufcles , organes du mouvement, l'oeil, or- gane de la vue , l'oreille, de l'ouie, le nez, d@ Todorat , la langue , du goût , où trouver quelque chofe de pareil dans les végétaux , quelque chofe qui en approche ? Tout y eft d'une fîrudure infiniment plus {impie; nous n'y appercevons d'organes que des fibres ligneufes & corticales , âc des vé- ficules. Ces parties différemment difpofées , varient dans les plantes le jeu de leur orga- nifation , dont la différence produit des ef- ièts fi variés. La nature n'emploie ici que les mêmes moyens,* des difpofitions , des combinaifons infiniment variées , nous donnent des variétés infinies , mais des produétions confiantes dans les mêmes efpeces de plantes , parce que l'organiiâtion étant la même , c'efi: la même caufe qui produit le même efi'gc. Ceflbns donc de nous occuper de toutes ces vaines analogies , qui n'ont été que trop fuivies & trop répétées : eh .' quel avantage en a-t-on retiré f Peut -on citer un feul point de l'économie végétale qui ait été éclairé par ces prétendues analogies ? Si on veut y réfléchir , on verra qu'au contraire elles n ont fervi qu'à embarrafièr & à égarer ceux qui ont voulu les fiiivre. Ne nous laiflbns point féduîre par des merveilles imaginaires; nous en trouverons 2^4 Traité de la afîèz de réelles , en examinant les êtres en particulier avec toute l'attention dont nous fommes capables. Pourquoi vouloir comparer ce qui eft eh foi incomparable , l'agent avec le patient , îe froid avec le chaud ? c'eft cependant ce qu'on fait en comparant les animaux aux plantes. O a beau élever des arbres généalogiques, conftruire des échelles , former des chaînes des êtres créés , travail vain & infrudueux , que chacun fait & refait à fa. manière , fans pouvoir jamais îe rendre complet : on a beau chercher de nouvelles gradations , de nou- velles dénominations , tout cela heureufement ne changera rien dans l'ordre général & dans les divifions des trois règnes. II refiera toujours certain qu'un être , un individu quelconque , efl ou un animal ou un végétal , ou un minéral , ne pouvant être à ïa fois l'un & l'autre. Ainfî , fans s'embarrafîèr à chercher afîèz inutilement fi îa nature a mis ou n'a pas mis de barre , & où elle a mis précilément cette barre entre les animaux &: les végétaux, entre les végétaux & les minéraux , il faut s'en tenir à la décifion évidente &: immua- ble, que tout individu eft ou un animal , ou un végétal , ou un minéral. Si on s'eft aviié de dire qu'il y a des êtres équivoques , c'eft notre ignorance, & non pas leur efience, quiJes prive de caraderes dif- dndifs. On a cité , par exemple , les œufs , parce VEGETATION , IlV. IV, Ch.XI. 2S5 qu'on ne trouve point d'échelon fur lequel on puîfîè les placer fur lechelle ; mais on n'y en trouve pas plus pour placer les graines , & néanmoins les uns & les autres ne lont cer- tainement point des êtres équivoques ; ils appartiennent chacun h leur règne , en éma- nent & en font parties , & parties bien eflen- tielles , puifqu'elles contiennent le germe de leur reprodudion ,* germe vivant , & peut-* être toujours adif, & qui n'attend que les circonftances favorables pour opérer fon dé- veloppement & une plus grande adion. Les animaux , les végétaux , les minéraux ont une manière d'être , une efpece d'iden- tité , une organifation générale , dont le grand reffort paroît le même dans tous les êtres du même règne : mais l'examen fait voir que la difpofirion différente des relTorts particu- liers rend leur jeu différent ; ce qui forme , dans le même règne , des êtres très-diffem- blables , qui, chacun dans leur cîaffe , ce font qu'un , & font peu comparables. Cette vérité bien reconnue par tout Ob- fervateur éclairé , n'exclut-elle pas , à plus forte raifon , toute comparaifon entre des êtres de règne différent ? Je dis que le grand refîbrt eu le même dans les êtres du même règne ; je pourrois dire avec autant de vérité qu'il en eft un que la nature emploie généralement fur tous les êtres , même fur ceux que nous appelions morts , comme fur ceux que nous appelions vivants : ce refîbrt général «Se adif fur tous les egrps , qui mec notre monde dans un mou- iHS Traité iJE t él vement vraiment perpétuel , eft l'effet âe ta. raréfadion & de la condenfation dont j'ai déjà aflèz parlé pour le faire connoître. Les effets de la raréfaftion & de la conden- fation fe fuccedent : ne pourroit-on pas mé- me dire que la condenfation ugÛ qu'une ra- réfaftion ralentie ? & dans ce fens le froid neferoit qu'une diminution de chaleur, dont l'augmentation ou la diminution fe porte- roit également aux deux extrémités j mais combien de degrés entré ces deux extrêmes degrés qu'une température différente fait va- rier continuellement ! II nous efl: moins aife de mefurer ces va- riations que de les concevoir. La direction & l'effet plus ou moins libre des rayons du foleil , le cours des vents , l'état de l'athmof- phere, & aucrescirconftances, apportent né- cefTairement des changemencs notables à la température , & par conféquent aux degrés de la chaleur ; mais ces degrés de chaleur ne peuvent changer , fans faire changer les diffé- rents degrés de l'élafticité de Tair qui ou- vre » qui dilate continuellement , plus ou moins, les pores des corps ; & voilà ce mou- vement perpétuel dans notre monde ; mou- vement nécefîaire à fa confervation : ce qui fait dire avec raifon qu'il n'y a rien de mort dans le monde , puifque tout efl; affujetti à ce mouvement > qui a lieu fur toutes les for- mations & les transformations poflibles. Ce point de vue eff bien étendu ,- il efl bien digne de toute l'artention & de la mé- ditation des Phyfïciens ; il nous offre une VEGETATION , LiV. IV, Ch. XI. 2S7 vafle comparaifon générale entre tous les étre^ fublunaires fournis à l'adion dont je parle ; & cette comparaifon générale eft plus jufte que ne font les refïèmblances particulières qu'on s'eft vainement efforcé de vouloir trouver dans des organi(ations différentes. Comme l'agent général dont je parle opfe- re principalement , & peut-être uniquement fur l'air , c'eft ce fluide , indifpenfablement nécelîaire à tous les ades de la nature , qu» eft évidemment fon premier & principal adeur : c'eft lui qui joue le premier & le plus grand rôle fur le théâtre du monde ; fans lui la fcene devient muette ; fans lui plus de mouvement , plus d'adion ; tout tombe dans l'inertie , tout périt , tout femble s'a- néantir. Si cet adeur joue prefque tous h$ rôles de la pièce , c'eft^ qu'il a la propriété , Taptitude, la facilité de changer fubitement & conti- nuellement fa manière d'être , & cela de façon à n'être prefque jamais véritablement le mê- me , changeant , pour .ainfi dire , aufîî fou-v vent d'habits que de formes : tantôt d'une très-grande , tantôt d'une très-petite éten- due : c'eft un Pr.otée toujours différent de ce qu'il étoit un moment auparavant , & de ce qu'il fera un moment après. Revêtu fuccefîivement d'une infinité de différentes vapeurs dans lefqueîles il le trouve plus ou moin? refîèrré , il a plus ou moins d'étendue , plus ou moins de volume , au point de devenir quatorze mille fois plus pe« tit qu'il étoit. Cet état de fa plus grande 288 T R. A I T E D E L A comprefîion , dans lequel Tes parties fe trou- vent il reiîerrées _, le met au nombre des fo« îides dont il fait partie intégrante & confti- tuante de leur formation. Retenu quelquefois pendant des ilecîes dans cette elpece de captivité, Tair, dont les prin- cipes font purs & inaltérables , en étant dé- gagé , reprend fon état de fluidité , d'éiafticité êc d'étendue naturelle, &îe voilà qui occupe tout d\m coup un efpace quau)rze mille fois plus étendu : les expériences de M. Haies ne lailîent point douter de ce fiit. Entre cette prodigieufe élafticité & fixité totale de l'air , qui font les deux extrêmes , ii y a une infinité de degrés , de variations d'élafticité ; variations auffi continuelles que le font celles de la raréfadion & de la con- denfation. Nos fenfations trop peu diilindles, & les infiruments que l'on a imaginés , qui font trop greffiers & trop peu fennbles, ne nous font appercevoir que foiblement & d'une manière peu exacle ces variations con- tinuelles. Pour mieux concevoir ces différents de- grés de compreffion de l'air , qu'on fe rap- pelle la conjedure que nous avons expofée, en imaginant les particules de l'air difpofées en fpiraie , comme l'eft un tire-bouchon ou un tire-bourre , ou encore un reffort de montre. On conçoit que ce reffort étant libre , & pgifiant fuivant ion élafticité , fe détend ik I occupe un grand efpace ; mais on conçoit aufîî Vegetation,Liv. IV,Gh. Xr. 28^ au(ïï qu'il peut être comprimé de manière, que toutes les parties de la fpirale fe tou- chent; & alors il ne fera plus qu'un corps, dont toutes les parties font unies , & il occu- pera beaucoup moins d'erpace. Rien n'elt plus propre à nous donner l'idée de l'air fixe , tel qu'il eft dans les corps dont il fait partie conftituante ; mais entre cet étac de comprefTion totale, & l'entier développe- ment poffible de ce reffbrt , il y a bien des' degrés poiTibles de comprefiion : irhaginons- îa même chofe par rapport à Tair , ôc nous; reconnoîtrons que lorfau^iî eft parvenu à un'^ certain degré de comprefîion tel ^ qu'il a aflez perdu de fon élafticité pour être privé des propriétés qu'il a , étant plus élaftique , alors il n'eft plus capable d'entretenir la flamrae , de fournir à la refpiration àQs animaux ter- refrres , &c. & l'air, dans cet état , a étééga-; lement appelle air fixe. ' •: "rrl'.r;'^ On conçoit que fi on répand fur un refîbrp de montre des fubflances liquides, telles que de la cire, de la raifine fondue , ces fubftances* venant à fe condenfer & à fe figer , compri-.' nieront ce refTort , & le priveront de fou adion : on peut concevoir le même effet àes- vapeurs condenfées fur le refTort de l'air ; mais fi on fait fondre , fi on difîipe ces fub- iîances qui engagoient le refTort de montre,, on conçoit qu'il va reprendre aufîi-tôt fou élaflicité ; il en eil de même de l'air. Je ne fais ces comparaifçns grolîieres 6c imparfai- tes, que pour donner l'idée de ce que je con- Tome IL T â^Ô THAîTÉ ï) E LA cois mieux que je ne peux re:xpliquer. Si j'entre ii fréquemment dans des détails quelquefois même répétés au fujet de l'air , c'efl , comme je Pai déjà dit , que c efl: notre principal adeur dans toutes les fcenesdu mon- de , & fur-tout dans celle de la végétation , comme nous aurons de plus en pltis lieu de îe recônnoître. Non-feulement les effets de la faréfaâiori & de là condenfation influent continuelle' ment fur l'air, mais les vapeurs plus ou moins fulphu reu fes , plus ou moins fortes , dont il fe charge , engagent , compriment & ref- ferrent plus ou moins fon reffort ; &: cela au point , comme nous l'avons déjà dit , que , quoiqu'encore éloigné de fa fixité totale , il perd néanmoins afîez de (on élafticité , qu ii n'efl plus propre à la refpiration des ani- maux accoutumés à refpirer Tair élaftique de î'athmofpfaere , de manière qu'ils font fuffo- qués dans cet air comprimé ; c'eft ce qu'on appelle air fixe, dont nous avons parlé, & qu'on dit méphitique , empoifonné , parce qu'on y voit mourir les animaux ; mais ce Ti*eû effe(51:ivement que par le défaut de ref- piration , puifque la même chofe arrive aux animaux plongés dans l'eau , où l'air efl dans im degré de fixité tel qu'il ne peut p!us fournir à leur refpiration. Je ne répéterai point ici tout ce que j'ai déjà dit à ce fujet; je m'en tiendrai à dire qu'il ne peut y avoir de poifon dans l'air fixe , qu'autant que la vapeur qui le comprime feroit réellement Végétation, Lrv. ÎV,Ch. XL i^t empoifonnéejcequi ne peut arriver que très- rarement. Les remèdes curatifs que l'on emploie pouf ramener h la vie les animaux qui ont été pion-» gés pendant quelque temps dans l'air fixe , font des curatifs qui conviennent kl'afphy^ie j & qui feroient certainement inCuffifants pour détruire l'effet du poifon ; preuve évidente qu'il n'y a point de poifon dans l'air fixe. Parmi les analogies que l'on a faites entre les animaux & les végétaux , on n'a pas ou- blié de faifîr celle des excroifîànces qui s'ob- fervent {ur les uns comme fur les autres ^ mais cette comparaifon , plus jufte que biert d'autres , peut s'étendre jufqu'aux minéraux, qui font encore , pour la plupart , plus cou- verts de ces excroifîànces. En effet , en examinant avec attention ces excroiffances , ces produdions exubé- rantes , enfin, ces parties accefibires à la conf- titution des corps , auxquelles on a donné dif- férents noms, comme tumeurs , tubercules» mammelons , loupes , glandes , verrues , &c. on reconnoît que la caufe de leur formation eft à peu près par-tout la même ; c'efl la difconvenance des parties » la trop grande abondance des fucs i/Tus par quelqu'ouverture des conduits , qui fait que la nature dépofc ainfî des humeurs à l'écart , & jette & étend en dehors ces raatieres fuperflues à fon éla- boration. Ces monflruofités , quoiqu'accidenteîfes dans leur origine, deviennent cependant par- ties conftituantes & organiques des corps qui ,l9,2 TuAltiBE LA îes portent , puifque l'expérience prouve que î amputation qu'on en fait îur ies animaux , îes végétaux , & même îes minéraux, dans leur état d'élaboration , dérange toujours leur croifîànce, & leur e(\ très-fouvent nuifible : car fans adopter le Ty-fléme de Tournefort , qui àffimile îa végétation des minéraux à celle des plantes , il efl: cei^tain que les premiers éprouvent dans la terre une forte de fuccion qui ri'efl: pas aufîî différente qu'on lé penfe de celle des autres. La grande quantité de fucs , de parties aqueufes dont font remplies les pierres fraî- chement tirées de la carrière , le prouve fuffi- famment : on fait que ces parties aqueufes fe difîipent dans les pierres , comme celles qui font dans le bois , lorfque celui-ci efl: féparé de ià fouche , & la pierre feft de la carrière, quoique Fun & l'autre foîent expofés aux in- jures de l'air , à rhumidité & à la pluie beau- coup plus qu'auparavant. Nous pouvons conclure de tout ceci , qu'il h'y a point d'êtres dans lefquels on ne puiffe trouver quelques rapports généraux , mais bien infuffifants pour établir des' analogies lùivies : je crois que chaque être bien con- fîdéré eft un , qu'il n'y a de vraie refîèm- bïance qu'entre ceux , non pas feulement du Thème règne , mais de même genre. " La nature ne ilous l'a-t-elle pas indiqué par ïa réciprocité des appétits , par la convenance (des parties deftinées à la fécondation & à la reproduction des êtres , par l'afîînité & l'at- îradiorï d^s pardeules analogues des corps l Végétation, tiv. IV, Ch.XI. 293 Cette démonftration feule doit nous fufEre '& nous prouver la dift-inflion qu'elle a voulu mettre, non-feulement dans les règnes ; mafs encore dans les genres du même règne : gen- res d'êtres qui , comme je Tai déjà dit, étant bien examinés , ne font qu'un , 6c ne peu- vent admettre avec les autres que des com- paraifons générales. Les idées que je viens de rendre, dans ce Chapitre , & que j'aurois voulu rendre aufli clairement que je les conçois ; ces idées , dis- je , me font propres ; elles ne font que les réfultats de mes obfervations & de mes expé- riences : je dois les confidérer & les donner comme neuves , puifque je n'ai rien lu qui y foit conforme , & qui n'y foit tnéme op-^ pofé. Cette raifon pourroit me faire crain- dre qu'elles n'emportent pas la convidion de tous ceux qui les liront , & fur-tout de tous ceux qui , fort attachés aux idées reçues, ne favent juger que conformément à ce qu'ils ont entendu dire. Mais ceux qui voudront prendre la peine de les examiner , de les difcuter , ahftraclion faite de tout ce qui a été dit de contraire ; enfin ceux qui , ayant de juftes notions de 1^ marche de la nature, s'en tiennent toujours à ce qui paroît y être le plus conforme ^ ceux-là, déjà difpofés à la perfualion, en trou»? veront de nouveaux motifs dans les Volumes fuivants. Au furplus , n'ayant d'autre objet quQ 4'çxp.ofer la vérité telle quelle paroît faR.-^ f^4 Traité de la Végétation, pante , je n'ai point la vaine prétention de vouloir rendre croyants ceux qui ne veulent pas Tétre. Expériences. i^f EXPERIENCES Faites avec des liqueurs colorées. J * A I dit , & je le repère , que les expé- riences faites fur des parties détachées & fé- parées du corps des plantes , font fautives pour l'ordinaire , parce que ces parties dé- tachées n'ont plus l'adion qu'elles avoienç pendant le cours de la végétation. On ne peut donc tirer quelques réfultats sfTurés de pareilles expériences , qu'auranç qu'elles font faites conformément aux fonc- tions que cette partie féparée faifoit fur la plante ; telles font celles que je vais rappor- ter. Nous y verrons le vrai cours de la fève, & je ferai remarquer ce que ces expériences nous préfentent d'une manière peu conforme au cours de la végétation : ce qui prouvera qu'il n'yâ d'expériences certaines, que celles qui font faites fur un arbre qui efî en ac- tion , & qu'on ne peut compter fur les autres, qu'autant que Ton eft aÂèz inftruit pour favoir difcerner les vrais di les faux effets qu'elles nous préfentent. On fait combien les injeftions des liqueurs colorantes ont été utiles iux progrès de Î'A- natomie ; ce qui a donne l'idée aux Natu- raliftes d'en faire ufage pour reconnoître la marche de la fève. Ce moyen eft bien fà^ T 4 %^$ Traite de la Végétation. îorfqu'il efl: appliqué fur !a plante , comme on a vu que je J'ai fait ; mais quoiqu équi- voque & fautif fur des parties féparées , il ne laiiTe pas de nous éclairer fur quelques mouvements de la fève qu'il nous espofe plus fidèlement. Je me fuis livré à ces expériences avec l'attention qu'elles méritent ,* je vais en rap- porter plufieurs : je dois commencer par rendre compte de îa manière dont je les ai faites, afin d'en jnflruire ceux qui voudront les répéter. La liqueur colorante dont j'ai fait ufàge , étoit une décodion de bois de Brefil avec un peu d'alun ,• ayant mJs de cette eau co- îorée dans des bocaux , j'y mettois tremper les branches enfoncées dans la liqueur d'en-^ yiron deux pouces. Le maflic dont je vais parler , étoit com- pofé de cire jaune & de térébenthine , que j'appliquois étant fondu , fans être brûlant , foit fur la coupe totale des" branches , foit fur la circonférence. Je vais rendre les autres détails le plus clairement qu'il me fera poiïible. Toutes les expériences que je vais rap- porter ont été faites au mois de Janvier , 4ans une ferre chaude , à la température de quinze à vingt degrés audefTus de la con- gellation du thermomètre de Réaumur. PREMIERE EXPERIENCE. Ayant mis des branches d'unç efpece de Expériences. 297 peuplier d'Amérique , nommé liard , dans un. bocal où elles trempoient dans la liqueur co^ lorante , & les ayant examinées quarante-»- huit heures après , je trouvai que la liqueur avoit monté par les fibres ligneufes jurqu^au haut de la branche ; mais la moelle & l'écorce n''en avoient pris aucune teinte , & certaine- ment il n'y en avoit pas paffé. La coupe tranfverfale laifloit appercevoir alternativement des marques rouges , & d'au- tres qui étoient reftées blanches : la coupe longitudinale paroiflbit comme rubanée ds blanc & de rouge. c ïi C: OBSERVATION. On voit par cette expérience que la îi- qu2ur que nous devons regarder ici comme la fève , a monté uniquement par les fàif- ceaux àts fibres ligneufes , & qu'il n'en a point pafTé par la moelle ni par Técorce : c'efi: ce qu'on verra dans toutes les autres expériences. Mais nous verrons des bois différemment ©rganifés, où la fève monte abondamment entre le bois & l'écorce. Les fibres ligneufes dans lefquelles font les conduits féveux , étoient teintes en rouge ; & j'ai reconnu que les efpaces qui étoient reftés blancs , étoient les véficules qui n'a^ voient point pris de liqueur, parce qu elles en étoient alors fuffifamment remplies , & qu'elles n'en afpirenc , comme nous l'avons dit , que par l'effet de la condenfation , fur- a^S Traité de la Végétation. tout lorfqu^elles ont'été afFaifTées & épuifées par la chaleur du jour ; c'eft ce qui va êcre bien prouvé par l'expérience 33e. 2^ EXPERIENCE. J'avois bien couvert la coupe fupéricure d'une pareille branche, avec le ma flic dont je viens de parler; je trouvai que la liqueur n'avoit point monté ; il en fut de même d'une branche dont j'avois maftiqué la coupe inférieure , qui trempoit dans la liqueur. OBSERVATION. La première partie de cette expérience prouve que la fève i\Q monte que parce qu'elle eft attirée & afpirée par la partie iupérieure de îa branche , 011 font les ori- fices des conduits féveux, qui , étant bou- chés & fans aclion , n'ont pu faire leur effet. Xa deuxième prouve que les liqueurs ne peuvent paffer par l'épiderme & par l'é- corce , puifqu'il n'a point palTé d^eau colo- rante dans la branche dont la cbupe infé- rieure étoit mafliquée , quoique la branche fût enfoncée de deux pouces dans la liqueur, & qu'elle eût fon afpiration libre à la par- tie Supérieure. 3^ E X P E R I E N C E. Ayant mis une pareille branche dans l'eau Expériences. ^.^^ colorée , après l'avoir maftiquée circulaire- ment à fa coupe inférieure , c'eft-à-dire que je n'avois formé qu^un bourrelet de maftic qui couvroit lecorce & les parties Iigneu(es qui l'avoifinoient , je trouvai que la marche de la fève avoit été la même que dans la première expérience où je n'avois rien ma- ftiqué, & la moelle étoit reftée très-blanche. OBSERVATION. La fève n'avoit pu paflèr d'abord ici que par une partie des faifceaux ligneux , puif- que ceux de la circonférence éroient bou- chés ; mais la difTeiflion me fit voir qu'à mefure qu'elle montoir dans la branche , elle s'étendoit & fe répandoit dans tous les autres faifceaux dont les orifices inférieurs étoienc bouchés ; ce qui prouve inconteftablement la facilité àQs communications , & la liberté qu'a la fève de fe répandre latéralement. 4^ EXPERIENCE. Ayant choifi une branche du même arbre qui avoit deux auti'es petites branches laté- rales , je coupai ces deux branches au ni- veau de la grofle que je mis dans l'eau co- lorante , après en avoir bien maftiqué la coupe inférieure. Je trouvai que la liqueur n'avoit point pu monter par le bout de la branche , ni paf- fer par Pécorce ; mais comme les deux coupes des petites branches trempoient dans la Xi- ^oo Traité de ia Végétation. queur , elle s'étoic introduite par l'une & psr l'autre. Le cône ligneux de ces deux branches étoit totalement rouge ; la liqueur s'étoit ré- pandue dans tous les faifceaux ligneux de la branche , & avoit monté jufqu'au haut. Je trouvai qu'elle avoir aufîi un peu defcendu, mais non pas jufqu'au bas de la branche , dont la diffèdion ne me laiffà appercevoiï aucune trace de liqueur. OBSERVATION. \ Cette expérience prouve la libre commu-> nication que les branches confervent entre elles & avec le corps de l'arbre ; elle four- nit encore une nouvelle preuve de la facilité qu'a la fève de fe répandre en tout fens. Mais je dois faire remarquer un article fur lequel elle ell: ici fautive , & qui pourrcit induire à erreur par rapport au vrai cour» de la végétation. J'ai dit que je trouvai que non-fèulemcnt !a fève introduite par la coupe des branches avoit monté, mais qu'elle étoit aulTi defcen- due ; ce qui n'eft point conforme à fon vrai cours , & n'arrive point dans les expériences que l'on fait fur l'arbre qui végète , comme je l'ai rapporté , parce que l'arbre qui eft couvert de feuilles expofées à l'aâiion du for leiî , éprouve une force de fuccion bien fu- périeure à celle qui agit dans une branche dépouillée. Voilà comment des expériences faites fur des parties féparées j peuvent fouvent fe trou- ver en défaut. EXPERI]ENGES. 50S Bien perfuadé que fi la fève avoît defcen* du dans cette expérience , ce n'étoit que parce que la force d'afpiration n'étoit pas fui- fifante , je voulus cependant en avoir une nouvelle preuve. Comme je faifois ces expériences pendant l'hiver , je choifis une branche d^arbre tou- jours vert, c'étoit un azarero , qui étoit pa- reille à celle que m'avoit fourni cette expé- rience, c'eft-à-dire qui avoir deux branches latérales ; & après avoir préparé cette bran- che , comme j'avois fait l'autre , je la mis avec Tes feuilles dans la liqueur où les coupes des branches étoient plongées. Je trouvai que la liqueur avoit pafle de même par lés ouvertures , & qu'elle avoit monté avec bien plus de force jufque dans ies feiàlles, comme j'en parlerai féparément; mais je ne vis aucune trace qui marquât qu'elle eût defcendu , parce que l'adlion des feuilles attachées k la branche , donne dans cette expérience le cours ordinaire de la vé- gétation, mais non pas quand ce&feuilles font coupées & mifes dans l'eau , puifque fouvenc elles donnent alors des réfultats tout oppofés à leurs fondions naturelles. 5^ EXPERIENCE. Je choifis une pareille branche qui avoît un bouton, à environ un pouce au-defTus de fa coupe ; je coupai ce bouton ; & ayant bien mafiiqué la coupe de la branche , je la mis dans lâ liqueur de manière que la plaie pt Traité 15e la VegetAtioît. de l'amputation du bouton y trempoit; jef trouvai qu'il s'étoit introduit un peu de li- queur par la coupe du bouton , qui avoic pris fa diredion en montant entre le bois & lecorce; mais lecorce , tout le corps ligneux & la moelle , n'en ofFroient aucune tracée OBSERVATION. Cette expérience, fi elle n'eft. pas fautive, prouve que le bouton n'a point au moins dans Ton principe de communication avec le corps ligneux , & qu''il ne reçoit de fucs nutritifs que ceux qui paflent entre le bois & récorce. Au refte ^ cela pourroit être at- tribué h Torganifation particulière de ce genre d'arbres ; car on va voir que la même expérience m'a donné des réfultats différents fur des branches d'un bois difîéremment con- formé. J'ai remarqué que dans toutes les expé- riences que j'ai faites fur les branches de cette efpece de peuplier , la liqueur avoic toujours principalement monté par les faif- ceaux ligneux de Tintérieur , & jamais dans les couches ligneufes extérieures , comme on va le voir dans plufieurs autres genres d'ar- bres. 6\ EXPERIENCE. Ayant enlevé au bout d'en h^s d'une brart- ehe un anneau d'écorce d'environ quatre li- gnes de largeur, de manière qu'il reçoit un Ex PERiE^CÉS. 30* cylindre ligneux de pareille longueur qui étoit dépouillé de fon écorce , dont je cou- vris la coupe d'un bourrelet de maftic ; la liqueur monta dans cette branche comme dans toutes celles dont je n'avois point écorcé le bout ; & je remarquai même qu'elle y avoit monté plus abondamment que dans Ie« autres. OBSERVATION. On voit ici qu'il fuffit à la fève de mon- ter par les fibres ligneules , puifque dans cette expérience elle n*a pu palîer, ni dans l'écorce , ni entre le bois & l'écorce , dont le pafTage étoit maftiqué. f. EXPERIENCE. J'enlevai toute l'écorce de deux branches dans la longueur d'environ deux pouces , de manière cjue toute la partie qui trempoic dans la liqueur étoit dépouillée. Je mafliquaî bien lextrémiré de Tune , &: je laiflai l'autre telle qu'elle étoit ; je trouvai que la liqueur s'étoit également introduite dans tout le corps ligneux ; que route la partie écorcée étoit to- talement rouge , de manière qu'il n'étoît plus poffible de reconnoître les traces par- ticulières de la liqueur^: mais cette confufion fe diflipoit à mefure que la liqueur montoit, & la fève reprenoit fon cours ordinaire , & également bien marqué par la couleur. 304 Traité î>e la Vegetatîon. OBSERVATION. Cette expérience prouve que ce n'eft que î'écorce qui empêche îa liqueur de palfer dans le corps ligneux , comme nous l'avons Fu dans les autres expériences , puifque ce corps ligneux en étant dépouillé , s'en efl totalement imprégné dans îa branche qui ëtoit lîiaftiquée à fon extrémité , comme dans celle qui ne l'étoit pas. On voit par la teinte générale dans le bout écorcé , que la liqueur a pénétré par-tout, & qu^'il en a été totalement teint; mais la fève en montant,^ s'eft dégagée de ce défordre ^ &; a repris fon*' cours ordinaire. ( 8^ E X P E R I E N C Ë. Je choifis une jeune poufîè en grande par- tie encore herbacée , remplie de fubftance médullaire, & qui avoif peu de» fibres li^ gneufes , lerqueîles éroient encore pîiées en fpirales vers fon extrémité. Je n'apperçus au4 Gune trace :de liqueur , ni dans îa fubftancer médullaire , ni dans Técoree; fa coupe tranfri verfale faifoic appercevoir un petit cerclé!: rouge entre la moëlie & I'écorce ; la difîec-f tion de cette branche me fit voir qtje lari liqueur avoit monté uniquement par le peiï" de fibres îigneufes qui y étoient formées. > ; Comme la liqueur avoit monté alîèz hauc ' dans la branche , j'apperçus vers fon extré^ ■ mité fupérieure les contours de la liqueur ■ colorante, ! Expériences. 30c colorante dans les fibres , qui , n'étant point totalement développées , étoient reftées en- core pliées en fpirale. Cette expérience prouve , comme toutes les auti"es , que la liqueur ne monte que par les fibres ligneufes où font les conduits de la fève. On va cependant voir dans plufieurs autres genres d'arbres, que la liqueur monte aufli , & même abendamment, enrre le bois & l'écorce , mais jamais dans la moelle ni dans l'écorce. Elle donne auffi une nouvelle preuve de ce que j'ai dit au fujet des prétendus tra- chées que les uns difoient des vaifleaux fè- veux , d'autres des vaifleaux uniquement aériens. Il eft aifé d'en juger par cette ex- périence , qui prouve encore ce que j'ai dit au fujet de l'article bien recommandé , de prendre garde de couper les fibres ligneufes en féparant les deux parties de la branche , pour appercevoir les trachées. Cette expérience prouve , comme je l'ai dit , que ces fibres longitudinales qu'on a cru être ligneufes, font des fibres corticales par lefquelles il ne paflè point de liqueur. Ayant répété ces expériences fur des bran- ches de différents arbres , elles ont eu toutes les mêmes réfultats par rapporta l'afcenfion des liqueurs toujours dans les faifceaux des fibres ligneufes , & jamais dans la moelle ni dans récorce ; mais la marche de la fève a été différente dans les divers genres d'arbres , ce qui prouve la différence de leur organi- fation. Tome IL V 3ô5 Traité de la Vegetatiotî. Je me fuis afluré que cette marche de la fève a été toujours conftamment la même dans les arbres de même genre ; je vais rap- porter les variétés que ces expériences m'ont fait appercevoir dans le bois des différents genres d^arbres. Bois d ch&ne, - Je ne répéterai point ce que les branches de chêne ont eu de commun dans ces expé- riences , avec celles dont je viens de parler; il rfte fuffira d'en faire remarquer les dijEfé- rences. - 9e E X P E R I E N C £. ^ Ayant mis une branche de bois de chêne dans la liqueur colorée , j'ai trouvé que non- feulement elle avoit monté dans le corps li- gneux , mais entre le bois & l'écorce : fès traces étqient plus marquées que dans les branches de peupliers ; ce qui n'eft peut-être que 1 effet de la multiplicité des boutons. Cette efpece de bois a cela de particulier , que la coupe longitudinale préfente des efpe- ces de rubans alternativement rouges & blancs-, & que les faifceaux de fibres rougies par la couleur , paroifTent entrecoupés par iiQs lames larges & brillantes , qui n'ont point pris la couleur de la liqueur. On fait que l'épiderme de l'écorce du chêne eft d'une couleur blanche ; je l'ai trouvé teint en rouge : mais Tenveloppe cellulaire , Expériences. 307 ^uî efî: fous cet épiderme n'avoit point chan- gé de couleur , de même que les autres cou- ches corticales. 10^ E X P E R I E N C E. Ayant enduit cîrculairement de maftic une pareille branche c'eft-à-dire , de manière , comme je l'ai déjà expliqué , que 1 ecorce & les parties ligneufès qui lavoiiinent fuflent bien couvertes , il eu arrivé que la liqueur a monté par les fibres ligneufès, dont les orifii- ces n'étoient point bouchés ; & il efl à remar- quer qu'elle ne fuivoir que la diredion de ces fibres en lignes droites , fans fe répan- dre dans les fibres voifines , ni entre le bois & l'écorce. OBSERVATION. Nous avons vu par Texpérience précédente que dansia branche de chêne qui n etoic point maftiquée, la liqueur a monté dans le corps ligneux , & entre le bois & l'écorce ; mais dans cette expérience, où la branche étoit maftiquée circulairement , la liqueur n^a pafTé que dans les fibres dont les orifices n'étoient point couverts de maftic , & y a monté en lignes diredes , fans fe répandre dans les fibres voifines. Cette expérience prouve que les faifceaux des fibres ligneufès du chêne s'étendent plus en ligne droite que dans d'autres bois, où ils V 2 5o8 Traita de ia Végétation. forment des réfeaux plus élargis & plus dévoyés. C^eft pourquoi le bois de chêne eft , com- me le difent les bûcherons , plus de fil, qu'il le fend & fe détache plus aifément que tout autre en petites parties longitudinales ; ce qui donne la facilité d'en faire des lattes. Ceft aufli pourquoi ce bois eft plus ner- veux , d'un meilleur fervice , & de plus de durée que tout autre ; (es réfèaux de fibres plus ferrés , admettent moins de véfîcules , qui font ces lames blanches dont nous venons de parler , & par conféquent ce bois eft plus plein , plus denfe , plus fort & plus durable; mais aufli il doit croître plus lentement , com- me Texpérience nous le prouve. On voit aulTi qu'il doit contenir plus d'ail? fixe ; ce qui eft prouvé par les expériences de M. Haies , & par les pétards fréquents qui s'y font entendre lorfqu'il eft mis au feu. ii« EXPERIENCE. Une pareille branche qui avoit deux bou- tons qui trempoient dans la liqueur , m'a fait voir que ces boutons étoient imprégnés exté- rieurement , & même un peu en dedans , de la liqueur, mais elle n'avoit point paiTé dans les fibres ligneuiès de la branche. Expériences. 309 12** EXPERIENCE. Bois de Cytifc ou Ebénicr des Alpes. Une branche de cytifè des Alpes avoit pompé la liqueur qui s'éroic élevée fort haut; la coupe^tranfverfale préfentoit une zone très-rouge du côté de l'écorce , mais qui s'é- tendoit peu du côté de la moelle : la coups longitudinale faifoit voir des fibres fort rou- ges du côté de Técorce ; mais les deux tiers des fibres ligneufes, comprifes entre la moelle & l'écorce , étoient reliés blancs ; on voyoic cependant dans ces fibres quelques filets rouges. 13* EXPERIENCE. Branches de Frêne, L'expérience fuivante fait connoître que !e frêne , de même que les autres arbres à feuilles conjuguées, a une organifation particulière , qui expofe ces arbres à une tranfpiration moins forte. Une branche de ce bois , foumife h la mê- me expérience , afpira très-peu de liqueur, qui monta foiblement : la dilTeélion ne me fit ap- percevoir que quelques points colorés , par- lemés au milieu du corps ligneux qui étoic refté fort blanc, V3 310 Traité de la Vegetatiox OBSERVATION. Cette expérience répétée fur plufieurs au- tres branches d'arbres à feuilles conjuguées , prouve que ces genres d'arbres font organifés de manière à tranfpire»* beaucoup moins que les autres ; ce qui fait qu'ils réuffiffent bien dans des terreins fecs , où d autres ne font que languir; c'eft effedivement ce que l'expérience vérifie par rapport aux acacia , gleditfia » amorpha , fophora ,&c. 14^ EXPERIENCE. Branches de poirier. Après î'afpîration de l'eau colorée , une branche de poirier me fie voir dans fa cou- pe iranfverfale une zone entièrement rouge entre la moëile & lecorce; mais ce fut afi^ez pour faire monter la liqueur : je trouvai qu'elle avoit pafie juf- quf ux extrémités de la branche , &c dans les feuilles. La di{ïë(^ion me fit voir que non-ièuîement les fibres ligneiifes , mais aufii les véficules, étoient pour la plupart fi^rt rouges , parce ïju'ayant été épuiiées & afFaifi^ées par la cha- leur , elles attirèrent alors la liqueur, & s'en •templirei-t. EXPERIENCE ^tir des mauviments JinguUers de la fevt, Je 'mis le douze de Janvier quelques nr- fecifiêauï en jpot contre le vitrage de ma ferrô Exi»i:RtEKCES. 52.7 chaude , de manière que les uns furent pla- cés extérieurement , & les autres intérieu- rement. Je fis pafler par un trou fait à ce deflèîn au vitrage , une branche de chacun de ces arbres , c'eft-à-dire que ceux qui éroient pla- cés dans la ferre avoient une branche qui for- toit en dehors , & ceux qui étoient en dehors avoient une branche qui paflbit en dedans : les trous par-où j'avois fait paflèr ces bran- ches furent bien bouchés avec du maftic- Cette expérience inverfe ne pouvoir man- quer de me donner des points de comparai- fon pour pouvoir en obferver les différences, en fuivant affiduement , comme je l'ai fait , {es effets. Le vingt Janvier , c'eft-à-dire huit jours après cette difpofition , tous les rameaux qui croient dans la ferre commencèrent à ouvrir leurs boutons. Dans les premiers jours de Février , les feuilles commencèrent à paroître , & vers la fin de ce mois les bourgeons , déjà bien pouJP» fés & alongés , préfenterent les boutons à fleurs. Un pommier nain , plufieurs rofîers que j'avois fournis à cette expérience , parurent alors tels qu'ils ont coutume decre dans le mois de Mai. Toutes les branches qui étoient en dedans du vitrage , & frappées de Tair chaud , étoient à la fin de Février dans un état très- ver- doyant , & pouflbient avec vigueur ; il n'en était pas de même dé toutes les parties djA 32§ TllATTÉ DE LA VegETATIOÎï, même arbre qui étoîent en dehors ,. & expo- fées à l'air froid ; aucune ne donnoit la moin- dre marque de végération. Il geloir alors fi fort , que l'effort de la ge- lée ûc cafTer le pot d\ia rofier qui étoit en dehors du vitrage , & fitrnourir quelques ra- meaux du rofier , tandis qii^une branche de ce même arbre , qui pafîbit dans la ferre ,pour- foit de plus en plus fes bourgeons , fes feuilles & fes boutons de rofe ; de forte que ce ro- fier gajoit d'un côté, &fleurifîbit de Tautre. La continuation de la gelée n'apporta au- cun changement à toutes mes branches inté- rieures: toutes continuèrent leurs productions très- vives & très- verres, comme fi elles n'euf fenr point appartenu à l'arbre qui étoit alors très-fouffrant en dehors. Le quinzième de Mars , malgré la rigueur de la faifon , tout fut en pleine fleur : je m'explique. Le petit pommier avoir le pied , la tige & ijne partie des branches dans la ferre chai-îde ; ces -branches étoient couvertes de feuilles & de fîenrs , mais les branches de cet arbre qui pafîbient en dehors , & qui étoient expo- fées à i'air froid , ne parricipoient en rien à î'adlivité des autres , & elles étoient abfolu- ment dans le même état où font tous les arbres pendant l'hiver. Un rofier , qui étoit en même pofitîon , avoit pouffé de longs bourgeons couverts de feuilles & de boutons de rofes ; il avoit mê- me poufle un jet long & vigoureux fur la fige j aiidis que h branche du même ro- Expériences. 319 fier qui paiToit en dehors du vitrage , n '2- voit commencé aucune produdion , &: étoi^ dans le même état que tous les roilers en pleine terre : cette branche avoit quatre li- gnes de diamètre, & dix - huit pouces.de haureur.^ tco Le rofier qui éroit en dehors étoit dans'îe même état ; mais une de Tes branches qui paflbit au travers du vitrage dans la ferre chaude , étoit couverte de feuilles & de bou- tons de rôles ; & ce n'eft point fins étonne- nient que j'ai vu cette branche faire toujours auffi vivement fes productions que le rofier qui éioit dans la ferre , dont les racines & h tige échauffées, paroiiîbient devoir devancer en produdion cette branche qui appartenoit à un arbre dont les racines , la tige & toutes les autres branches étoient gelées ; elle n'a paru nullement fè refîèntir de Tétat de fon tronc , & l'aélion de la chaleur a fait fur elle le même effet que ii l'arbre avoit été entiè- rement dans la ferre , puifqu'elie a donné fes fleurs en même temps que le rofier de même elpece qui étoit dans la ferre. Inutilement rendrois-je ici en entier le journal que j'ai tenu pendant le cours de cette întéreffmte eT quî étoient en pleine terre. Le petit pommier avoit noué fés fruits gros comme des mufcades fur les branches intérieures , tandis que la fleur ne faifoit que commencer fur les branches qui étoient en dehors. - J'ai fait voir à M. Tilîet, de l'Académie dés Sciences , à fon pafîâge ici , les réfultats de cette expérience , de même qu'une obferva- tion que le hafard m'a fait faire , & que je ne dois pas omettre. II arrive à un Obfervateur qui fuit avec attention la nature , comme à un Chafleùr qui Tuit un lièvre : fouvent ce lièvre en fait par- tir un autre ; de même l'expérience que l'on fuit , fait découvrir ce qu'on né cherchoic pas. C^efi: ce que j'éprouve fouvent depuis que j^emploie aufîi délicieufement mon loifir à examiner les merveilles de la nature. Dans la quantité de bouquets de fleurs que me donna mon petit pommier , je m'apper- cus que trois avoient été mangés par un li- maçon ; de forte que tous les pétales & toutes les étamines avoient entièrement difparu , & étoient rongés au niveau du calice , où l'ani- mal n^ayant pu pénétrer > la bafe du piftil& Fembrion avoient été conlèrvés. Je crus bien que ces fleurs ainfi mutilées ■dévoient avorter , "mais il en efl: arrivé tout -autrement. J'ai vu avec étonnement que pfcfque tou» X È P E R t È N C E §. I^î tes ont très-bien frudifié ; les pommes onf très-bien noué , au nombre de fix ou de fept au même bouquet. Le limaçon avoit épargné quelques autres bouquets de fleurs , fans doute parce qu'il lui étoitplus difficile de s'y'porter;dedix ou douj^e fleurs qui étoierit à ces bouquets ^ il n'y en a eu qu'une ou deux qui aient noiié. Ceci me donna à connoitre que lorfquë les ■fleurs des arbres font bien épanouies , & fans doute fécondées , il eft avantageux de préve- iiir la chute naturelle des pétales & des éca - mines pour mieuic aflurer la fr unification , & cette expérience répétée m'a convaincu de la vérité du fait. J'ai coupé avec des cifeaux , au niveau dit calice , comme avoit fait mon limaçon , les pétales des fleurs de poirier , de pommier , de prunier , de cerifier : prefque tout ce qui a été coupé a très-bien noué , tandis que plu- fleurs fleurs voifines ont avorté. C'eft ainfl qu'un limaçon efl: veriu m'ap- prendre un moyen de faire fruéïifier les ar- bres ; & ce n'efl pas la première fois que les animaux qu'on appelle des bétes , ont appris aux hommes des chofes très-utiles. J'avoue cependant que cette opération n 'efl pas trop praticable pour un verger étendu ; mais elle pourvoit l'être pour un nombre d'ar- bres des meilleures efpeces d'unefpalier, donc «n voudroit fe procurer beaucoup de fruit. Je reviens à ma première expérience , & les téfultats , tels que je viens de les rendre , mê paroiflènJ: prouver, 33i Traité de la Végétation. i". Que la circulation de la fève n'a point lieu dans les végétaux , comme la circulation du fang dans ies animaux , ainfi que plufieurs l'ont cru. 2°. Que chaque partie d'un arbre eft pour- vue d'une portion de fève fuffifante pour fournir au premier développement des bou- tons , des feuilles & des fleurs. 3°. Que ceft la chaleur qui opère ce dé- veloppement fur la partie expofée à fon adion. Voyons fî ces trois proportions font bien prouvées par cette expérience , & fi elles font d'ailleurs conformes à ce que nous con- noifîbns de la marche de la nature. 1°. La circulation de la fève n'a point lieu dans les végétaux , comme la circulation du fang dans les animaux : l'expérience dont je viens de rendre les réfultats , paroît le prou- ver inconteftabîemenr. L'arbre qui étoit dans la ferre chaude a fait toutes fès produdlions pendant l'hiver , & la branche de ce même arbre , qui fortoit en dehors , n^en a fait aucune ; la fève qui étoit en adion dans les racines , la tige & la tête de l'arbre , n'a donc point circulé dans cette branche extérieure , qui n'a pris nulle part à la végétation de fa fouche & de fon tronc. On dira fans doute que c'efl: l'effet de l'air froid auquel cette branche a été expofée, qui a arrêté !a circulation : quoique cette ob- jeâion ne prouve pas en faveur du fyfléme , j'avoue que cette première expérience ne fe- roit pas abfolumént décifive , mais l'inverfe me paroît l'être abfolumént. Expériences, 333 L'arbre qui étoit en dehors de la ferre chaude, a toujours été pendant l'hiver dans l'état d'engourdifTementoù font tous les arbres expofés à l'air en cette faifon ; mais une de fes branches qui paffoit dans la ferre chaude ,^ a fucceffivement développé fes boutons , fès feuilles, Ces bourgeons, fes fleurs 6c fes fruits j & tandis que les racines de l'arbre auquel elle appartenoit, étoientdans une portion de terre tellement gelée que le pot n'a pu y réfifler ; tandis que la tige & la tête de cet arbre étoiecit couvertes de glace , que plufieurs branches ont gelé au point qu'elles en ont péri , cette. branche , qui ne fe reflèntoit nullement de l'état de fouftrance & d'engourdiflement de l'arbre , étoit en pleine végétation. Sa fève étoit très- raréfiée & en grand mouvement, tandis que celle de l'arbre étoit très-con- denfée & dans Pinadion. Comment trouver ici une circulation de la fève des racines d'une tige gelée h une bran- che pleine de vigueur , couverte de feuilles & de fleurs ? Il faut avouer que cette expérience efl concluante contre le fyfliéme de la circula- tion ,* car certainement on ne peut l'admettre ici que dans la feule branche végétante ; & pourroit - on appeiler circulation celle qui n'auroit lieu que dans un feul membre ? 2". Cette expérience prouve que chaque partie d'un arbre eft pourvue d\ine portion de fève fufHfante pour fournir au premier développement des boutons , des feuilles «Se des fleurs. Il n^ ^ p^s d'apparence que la 334 Traité de la Végétation. branche introduire dans la ferre chaude, aîf pu tirer fa fève des racines de l'arbre. Ces racines enveloppées alors d'une petite por^ tion de terre très-endurcie & delîechée par îa gelée , n^étoient guère difpofées à fournir des liqueurs ; & de plus , l'état de congé- iation où étoient alors les vaiiïèaux lympha-^ tiques de fa tige , n'en devoit pas per^ mettre le pafTage. Cette branche n'a donc pu continuer fa végétation qu'au moyen de la portion de ièye dont elle étoir pourvue , & dont la dif-^ fipation a fans doutç été réparée au pre-» mier dégel. Ce fait démontré par cette expérience, étoic annoncé par pîufieurs autres déjà con-? jpiues. .Tout le monde a pu remarquer qu'ua arbre abattu pendant l'automne , quoique fé-» paré de fa louche , ne laiffe pas au prin-f temps de commencer les mêmes produélions qu'il auroît fait , s'il étoit reûé fur pied. Ses boutons s'ouvrent , il pouîîe des feuilles , & même des bourgeons quelquefois affez longs j effet de la fève dont il eft pourvu. Il eft vrai que ces produdions ne font pas de longue durée , parce que cette pro-> viiion de fève une fois épuifée , fans être renouvellée , il faut bien que tout périfle. C'eil: encore le même effet qui trompe fi fouvent , & donne de faufîès efpérances dans les arbres nouvellement plantés , & dans les boutures qui donnent des feuilles & même ^es fleurs , fans ayoir pouffé de racines ^ mn^ Expériences. 33^ ces produélions qui paroifToient annoncer leur vie, ne fervent qu'à accélérer leur mort, parce que les feuilles étant les organes les plus puifïants de la tranfpiration & de la dit» îîpation , la bouture n'en eft que plutôt épui- fëe , s'il ne fe forme point de racines qui four- nifîènt des fucs nourriciers. . . 3°. Cette expérience prouve que c'eft la chaleur qui opère le développement des feuilles & des parties de la frudlification dans la bran-- che expofée à fon adion. C''eft pendant l'automne que la nature tra- vaille , pour ainfi dire , clandeftinement à former fous raiflèlle des feuilles les boutons qui renferment les rudiments des feuilles , des fleurs & des fruits qui doivent éclore au printemps fuivant. Ces boutons s'élaborent , fe perfeélionnenc pendant l'hiver fous les enveloppes écailleu fes qui font deftinées à les préferver de la ri^ gtieur de la failbn. Sitôt que les premières chaleurs du prin- temps fe font lentir , ces boutons s'ouvrent, &c leurs écailles devenues inutiles , tombent fous le développement des produdions qu'elles renfermoient <&:confervoient; alors les feuilles & les fleurs paroiflènt. Voilà la marche ordinaire de la nature. Mais dans notre expérience , la nature a été pour ainfî dire furprife par l'art ; elle a fait en hiver ce qu'elle ne devoit faire qu'au printemps , parce que la chaleur de la ferre a opéré le développement qui , dans le cours naturel, çft l'çfFet dçs rviyons du fpleii dQ^ .g3^ Traité le la Végétation. venus moins ob'iques fur notre horizon. C'efl donc la chaleur, ou naturelle , ou ar- tificielle , qui opère ce développement ; 5t notre expérience prouve inconteftablement que ce n'eft que dans la partie de l'arbre expofée à l'effet de la chaleur , que la fève ib met en mouvement, & fait fortir les nou- velles produdions , quoiqu'.eUe refte dans une forte d'inadion dans toutes ^les autres par- ties. . , On voit qu'en cela l'économie végétale eft très-dilfirente de Técoriomie animale , & qu'on a voulu poufîèr l'analogie trop loin , en établifîànt la circulation dans l'une comme dans Tautre,. ^m3ss Metïioïles. EXP L ICATIO DES METEORES. L A connoifTance des météores eft fans doute très-utile k un Cultivateur, puifque leurs efîèts influent beaucoup fur la végétation. II eft donc de mon fujet d'en donner ici les notions les plus généralement reçues , & d'expofer mê- me les différentes opinions qu'en ont pris les phyficiens. Parmi ces opinions , il y en a qui font fi conftatées , qu'elles n'ont plus au- jourd'hui de contradiéleurs ; mais il y en a plufieurs autres fur lefquelles les fentiments font encore bien partagés : je vais tâcher de mettre le leéleur , qui voudra les examiner avec attention , en état d'en juger par lui- même, ou du moins de les difbuter. On donne le nom de météores à tous les corps fufpendus entre le ciel & la terre , & qui nagent dans notre athmofphere , qui y font emportés & qui s'y meuvent. On range encore dans cette clafïè tous ceux qui s'enflamment dans l'athmpfphere, qui s'y trouvent leuls , ou qui y font mêlés avec d'au- tres , ceux qui fe féparent après leur union , ceux qui montent ou qui defcendent , en un mot , ceux qui produifent quelques phéno- mènes. Des m e te o RE s. 34$ On diftingue les météores en trois daflès générales ; en météores- aériens ou en mé- téores de l'air , en météores aqueux , & eii météores ignés. Pour fe former une juile idée des premiers, il feroit important de connoître toutes les exhalaifons /toutes les parties qui (è déta- chent de notre globe & des corps qui lui ap- partiennent , pour fe porter dans Tatlimof- phere , s'y combiner & y éprouver unemuî* titude étonnante de tranfmutations particuliè- res , toutes dépendantes des îoix des affinités ,& conféquemment qui y produifent , par leurs mélanges , nombre de phénomènes différents , & plus furprenants les uns que les autres. Delà cette variété prodigieufe de phéno- mènes qu^on obferve en différents endroits du globe , & à raifon de la variété qui y rè- gne dans la température, & plus particulière- ment encore à raifon de la variété qu'on re- marque dans la conflitution du fol & des corps qui s'y trouvent. On lit dans l'hiftoire des Indes de Jofeph Acojîa y que l'air eft ii rempli de fels dans certaines régions de l'Amérique ., qu'il y cor- rode les métaux , Se les amené en aiîez peu de temps à un tel point de deftruélion , qu'on peut les écrafer avec les doigts , & les réduire en poufîîere. Vufennius a obfervé un phénor^ene fem- blable dans les Ifles Açores : ce phénomène fe fait également remarquer , mais d'une ma- nière moins fenfibîe & moins prompte dans la province de Hollande , qui jtouche à h mer 34^ Des Météores. germanique. Mujfenhroeck rapporte que les barreaux de fer qu'on pofè au-devant des fe- nêtres des maifons dans la ville de Leyde , ne peuvent s'y conferver que refpace de cin- quante ans. II y a nombre d^endroits où Taîr eft rem- pli de cendres qui y font apportées de très- loin : les cendres vomies par les volcans fè diftribuent à plus de cent milles de diffance , & produifent fou vent de très -grands ra- vages- On a vu tomber à Conftantinople des cen- dres que le Mont Ethna vomifîôit en Sicile. Les chemins de Naples font quelquefois cou- verts , à la hauteur de quelques pouces , de celles du Mont Véfuve ; elles fe répandent quelquefois jufqu'à Rome ; elles font d^au-' très fois fi abondantes qu'elles pourroient en- gloutir àc^ villes. Perfonne n'ignore qu'elles engloutirent an- ciennement la ville d'Héraclée ; elle en fut cou- verte jufqu'à la hauteur de foixante - huit pieds. En 17^9 îa Montagne Bleue qui fe trouve dans rille de Java , commença à s'ouvrir au mois d'Avril , & lança des pierres jufqu'à dix- huit m ï lies de diftance ; elle poufîà des cen- dres jufques dans la ville de Batavia. Il y a quantité de terreins fablonneux qui n'occafionnent pas moins de ravages; les vents qui paiîènt deffus en enlèvent des quantités énormes de fables , & vont les décharger à des diflances étonnantes. Ces fables écrafent les endroits où ils tom- Des Météores. 547 bent ; ils oppriment les voyageurs. On lit dans le feptieme Livre de Quint- Curce^ qu'Alexandre fut fort incommodé d'un femblable météore dans la Badriane : la plus grande partie de cette terre, dit l'Hiftorien, eft couverte de fable aride que les vents en- lèvent lorfqu^ils viennent à fouffler du Pont- Euxin ; & Iorfqu*i!s les raflemblent en un en- droit, ils Y paroifîent de loin fous la forme ds collines ; la trace à^s anciens chemins s'efface & ceux qui ont à traverfer ces campagnes , font obligés , comme les navigateurs , d'oh- ferver pendant la nuit le cours des aftrespour diriger leur route. On remarque afîèz fouvent dans les détroits de la mer arabique, ainfi que dans l'Ethiopie , une nuée épaifîe & noire , qui paroît diilé- minée de petits nuages enflammés, & qui reilemblent à des fournaifes ardentes : cette nuée obfcurcit la lumière du jour. Bientôt elle eft fuivie d une forte tempête de peu de durée à la vérité ; mais cette tem- pête fait tomber dans la mer & fur la terre une très-grande quantité de fable rouge. Les Arabes afllirent qu'il eft arrivé plufieurs fois que ces llibles aient engloutis des Mar- chands & des compagnies de voyageurs. Nous pourrions encore ajouter ici une multitude dexemples femblables , rapportés par les Géographes & les voyageurs , mais qui ne nous apprendroient rien de plus fur ces météores. Nous ne dirons rien de cette quantité prodî- gieufe d'exbalâifons différentes , qui s'élevenc 34S Des m e t e ô il e s, des mines, qui portent avec elles descarafteres particuliers , & produifent des effets plus ou moins malfàifants. Nous ne parlerons point non plus de cette multitude variée d'infèétes qui flottent conti- nuellement dans l'athmofphere, qui y trouvent h nourriture qui leur eft propre , & s'atta- chent à différents corps qu'ils rencontrent vers la furface de la terre. Nous obferverons feulement que chaque contrée doit avoir fes météores particuliers, à raifon de la différence & des qualités pro- pres aux exhalaifons qui s'y élèvent; de forte qu'il n'eft gueres pofîible d'établir une théorie générale des météores aériens. Pour être infîruit comme il conviendroit fur cette matière , il faudroit que chacun ob- fervât en particulier la nature des exhalai- fons , des vapeurs , & en général de toutes les émanations qui s'élèvent dans le climat qu'il habite ; qu'il pût apprécier afîèz exaflement la quantité de ces émanations, & qu'il connût en outre les efïèts qui doivent réfulter de leur mélanges dans rathmofphere. Car on conçoit facilement que dès qu'elles ont abandonné la furface de la terre ; elles commencent par fè mêler , fe combiner & engendrer des mixtes dont les qualités doi- vent nécefîàirement varier. On peut en effet confîdérer l'athmofphere comme un grand laboratoire de Chymie , dans lequel il s'opère continuellement des mélan- ges , des effervefcences , des précipitations j &c. Des Météores. 345 Nos laboratoires de Chymie , & les opéra- tions qui s'y font , ne font qu'un modèle en petit de ce qui s'opère habituellement dans l'athmofphere. Mais par quel mécanifhie ces vapeurs , ces exhalaifons s'élevent-elles dans l'athmofphere.? c'eft une queftion qui n'eft pas tout-à-fait fà-* cile à réfoudre. Un des principaux météores aériens , & à proprement parler , celui qu'on doit re- garder .^comme le principal & comme la caufb fouvent occafionnelle de la plupart de ceux qu'on obferve dans rathmofphere , c'eft fans contredit le vent ou mieux les vents ; car ils différent finguiiérement entr'eux , & ils offrent à la curiofité du phyfîcien une multitude éton- nante de phénomènes , tous dignes d'attirer fon attention. Les météores aqueux ne font pas moins în- térefïànts par la variété de leurs phénomènes , Se par les efïèts finguliers qu'ils produifent. On range dans cette clafïe le brouillard , les nuées , la rofée , la pluie , le frimas ou le givre , la neige , la grêle , les trombes de mer , l'iris ou l'arc-en-ciel , les parélies , &c. Xes météores ignés ont quelque choie de plus frappant & de plus merveilleux que les précédents ; car on range dans cette clafle tout ce qui brûle , ou qui jette feulement de la lumière. La foudre , le tonnerre , les éclairs , les glo- bes de feu , les étoiles tombantes , les feux fol- lets , les aurores boréales , &c. font autant de météores ignés. ^5© Des Météores. Nous obfèrverons , d'après le célèbre Muf- fenbroeck , qu'il ne faut pas confondre , com- me on le fait quelquefois , les phénomènes purement lumineux , avec ceux qui brûlent réellement. ' Il s'en trouve plusieurs qui brillent & qui frappent p'u- for rement la vue , que la plupart de ceux qui brûlent. On ne doit pomt non plus confondre les météores io^nés avec les crépufcules du ma- tin & du foir , avec les traits lumineux de la voie ladée , ou avec la lumière zodiacale. Les crépufcules du marin & du foir dé- pendent de l'air & des vapeurs qui flottent dans fon fein , & qui nous renvoient la lu-- miere que le foleil lance fur elle. Ces crépufcules s'étendent jufqu'à la hau- teur de dix-huit degrés au-delTus de l'horizon ; d'où il fuit qu'on ne peut , ou qu^on ne peut que très-difficilement diflinguer pendant i'été ces crépufculesdes aurores boréales,qui font de véritables météores ignés , à moins que celles-ci ne foient plus élevées, ou qu'elles ne jettent une lumière plus vive , ou au moins qu'elles ne lancent des colonnes lumineufes. Météorologiques fe dit de tout ce qui a rapport aux météores ; ainfi on dit iiîftru- ments météorologiques , & ce font ceux dont on fe fert pour faire à^s obfervations fur les météores. Ces obfervations font fans contredit très- importantes pour l'agriculture. Les Compa- gnies favantes ne peuvent faire plus de bien qu'en fe livrant à ce genre de travail : quel- D E s '^M E T E 0 R E s. 3^1 que multipliées que foient ces obfervatîons , elles ne font point afTez nombreufes , & elles préfentcnt tant de variétés d'une année à Tau- tre , qu'on ne peut non-feulement épuifer cette matière , mais qu'on ne pourra peut-être i, dans Tefpacede plufîeurs fiecIeSjrafTembler aflèr de matériaux pour acquérir des connoiflances certaines & fatisfaifantes fur cet important ob- jet de la Phyfique. Malgré la difette où nous nous trouvons, nous avons cependant une belle fuite d'obfèr- vations de ce genre dans les Mémoires de l'A- cadémie des Sciences , & un Traité très-cu- rieux & très-bien fait de météorologie. Nous devons cet excellent Ouvrage au Père Cctu^ de l'Oratoire , & Curé de Montmoren- cy : il comprend l'Hiftoire des Oblervations météorologiques , un Traité des météores , rhiftoire & la defcription des principaux inf- truments météorologiques , les réfultats des tables & des obfervations , enfin la méthode pour faire les obfervations météorologiaues. 35 Z D E I A R o s É E. CHAPITRE PREMIER. De la Rofà, JLi A rofée eft produite, de même que toutes les eaux des mjages , par les vapeurs qui fe font élevées dans l'air dans un état de raréfadion & de ténuité qui les rend im- perceptibles à notre vue , qui y ont demeuré fufpendues , fe font enfuite condenfées par la difparition du foleil, & conféquemment par la fraîcheur de la nuit, & ont été obligées de defcendre par leur pefanteur fpécifique, devenue plus grande que la denfité de l'air ; c'eft ce qui forme la première fraîcheur de la nuit-, qu'on nomme fercin. C'eft prendre l'effet pour la caufe , quand on donne le nom de rofée à cette multitude de gouttes d'eau dont on voit le matin , en été , les feuilles des plantes toutes cou- vertes. Nous avons déjà expliqué comment les plantes "plongées dans l'humidité dont l'air eft chargé pendant la nuit, pompent cette humidité principalement par les feuilles , & comment elle ell: attirée dans les plantes par l'effet de la condenfation qui s'opère alors dans la terre , qui produit une forte d'afpi- ration qui donne aux racines , & conféquem- ment aux feuilles , une grande force pour at- tirer De ia Rosée. 35^ tirer la rofée ; ce que j'ai appelle la fève aérienne. Cette opinion a été fî bien confta- tée par les expériences que j'ai rapportées , que je dois la regarder comme hors de doute , & que je crois inutile d'y ajouter de nou- velles preuves. II eft donc fufHfamment prouvé que toutes les parties des plantes , & principalement les feuilles , afpirent & pompent l'humidité de l'air pendant la nuit , & en tout autre temps où la condenfation a lieu. Mais au moment où la condenfation vient à cefîer , la raré- faction qui lui fuccede produit l'effet con- traire , comme nous l'avons expliqué ; c'efl pourquoi , au lever du foleil , la rofée qui n'eft plus que foiblement , ou point du tout attirée & pompée par les feuilles , y refte réunie en gouttes d'eau qui font peu après diffipées & enlevées par les rayons du fo* leU. Ces vérités bien reconnues & prouvées , il ne fera pas difKcile de faire connoicrg Terreur dans laquelle eft tombé à ce fujet ie célèbre Mujfmbroeck , & d'après lui pluûeurs autres Physiciens. Ils ont prétendu , & ont même donné comme confiant que la rofée, que les gouttes d'eau que l'on voit le matin fur les feuilles , ne font autre chofe que la tranf^ piration des plantes qui s'échappe continuel- lement , difent-iJs , de leurs vailTeaux. La réputation, bien méritée d'ailleurs , de î'auteur de cette opinion , l'a tellement ac^ créditée , qu'il eft important d'en feire con- jioitre le faux ; il fuffiroit de dire que l'ec-» Tom U, Z 5^4 I^^ ^ ^ RoséE. ^eur efl manifefle , puiTque certainement tes plantes ne tranfpirent point pendant la nuit, comme je l'ai fuflifamment prouvé. Mais il eft bon d'examiner les obfervâtions fur lef- queîles cette opinion eft fondée. 1°. On a oblervé que. chaque plante avoit fa rofée particulière , fuivant la différente conftitution de fes vaifîèaux , & îa difpofi- tion de fes orifices. Cette rofée , dit-on , eft ^tuée à la pointe extérieure de Therbe ; ces gouttes fe raflèmblent fur toutes les éminences des feuilles de chou ou de pavot. On remar- que la même chofe fur Iqs feuilles de crefîbn alénois : dans d'autres plantes , on remarque que ces gouttes fe rafîemblent vers le milieu de la feuille ; dans d'autres elles fe ramaf- ient vers la tige , dans l'endroit où la feuille prend naifîànce : dans les feuiiles de vigne , cette rofée fe rafîèmbJe tout autour des par- ties faillantes. J'ai fait ces obfervations , & elles m'ont prouvé que la pcfition de ces gouttes d^'cau n'efl: rien moins que confiante iur les feuilles & fur les autres parties des plantes. Nombre de circonflances concourent évidemment à les déranger, telles que l'agi- tation de l'air , Tmclinaifon des feuilles qui fsit rouler le?, gouttes d'eau. Mais quand ces circonflances & autres n'en fèroient pas va- rier la pofition , elî:-il bien certain que ces gouttes de rofée fe fîxeroient plutôt fur un endroit que fur un autre ? nous en parle- ions bientôt. Quoi qu'il en fbit, ce ne fe- roit pas par l'effet de la tranfpiration , qui cer- tainement n'a pas lieu alors; ainfî l'erreur efl De là Rosée. 555 ici d'avoir pris rentrée de cette vapeur aé- rienne pour la fortie. 2°. Si on renferme , dit-on , des plantes dans des vafes , ou û on les conferve fous des clochqs de verre, & qu'on entoure leurs tiges avec des lames de plomb & de la cire , de façon que les vapeurs ne puifîènr point s'élever de la terre fous ces vaies , on re- marque que les feuilles raflèmblenr pendant la nuit une plus grande quantité de ces gouttes d'eau , que les feuilles des autres plantes expofées en plein air. On peut auiîî obfer- ver la même chofe par rapport à la vigne , <3ui fe couvre de ces gouttes pendant cha-» que nuit, quoiqu'elle foit exadement renfer» niée dans une ferre. Ces obferv^tions ne prouvent rien que ce qui eft très- r.atnrel & très -connu. On fait queies vapeurs qui s'élèvent & qui font contenues; fous les verres, en général, font plus raféfiées^ & quainfî 1 effet de la con- denfationeflplus confidérable; &: coniéquem- ment l'humidicé , l'eau qui en provient , eft plus abondante. Perlonne n'ignore la quan- tité de gouttes d'eau qui fe formant pendant la nuit, non -feulement fur toutes les parties des plantes qui font couti'ertes d'une cloche , mais même contre les parois intérieures de ces cloches, au point dy voir l'eau ruifîelerï dira-t-on que c'efl aufli l'effet de la tranfpi- ration du verre ? On fait que la même chofe arrive dans les ferres vitrées , fous lefquelles il y a beaucoup de plantes , & par çpnféquent beaucoup d^ Z z, ^^6 De la Rosée. vafes remplis de terre humide. La grande évaporation qu\me chaleur plus confidérable occafionne pendant le jour fous ces vitrages, fur cette quantité de petites mafles de terre , produit des vapeurs aqueufes d'autant plus rortes , qu^elIes font mieux contenues dans les ferres les mieux clofes. L'effet de la condenfation pendant la nuit y forme une rofée très-abondante , non-leu- lement fur la vigne , feîon î'obfervation pré- cédente , mais fur toutes les autres plantes , & principalement contre le vitrage , où j'ai vu ibuvent l'eau ruilfeler , de même que fur le bois : c'efl: cette rofée qui règne pendant la nuit dans les ferres vitrées, qui fait pour- lir en peu d'années les bois qui foutiennent les verres. J'ai remarqué que bien avant le coucher du foleil , cet aftre continuant de darder fes rayons fur la plus grande partie du vitrage de la ferre , finterpofition d'un bâtiment voifin mettant à Tombre une petite partie de cette ferre ; j'ai remarqué, dis- je , qu'à me« fure que les carreaux ceflbient d'être frap- pés des rayons du foleil , ils fe ternifïbient aufîi-tôt , & on y voyoit les gouttes d'eau s'y former peu après. Les arrofements fréquents qu'on elî obligé de faire dans ces ferres , pendant les chaleurs du printemps , doivent naturellement pro- duire ces effets. Quant aux précautions que Fon a priies d'envelopper les plantes avec des lames de plomb, de même que celles que l'on prend De l a R o s é e. 557 pour clore le mieux pofîible une ferre , il eft certain, & il eft très-néceflàire qu'il y entre beaucoup d'air , qui eft toujours plus ou moins chargé de particules aqueules. 50. Les gouttes d'eau , dit-on encore , qui fc trouvent le matin fur les feuilles , fe font remarquer feulement djins les endroits où les orifices des vaifïèaux s'ouvrent manlfeftement , & non fur toute la furfàce des feuilles. On ne les obfèrve pas feulement fur les feuilles fupérieures ûqs arbres ou des plantes , fur leurs fettilles-infërteures , comme on devroit Tob- fèfver , a cette rofée ne provenoit que d'une exhalaifon ou d'une vapeur qui tomberoic d'en haut & de tous côtés ; mais on les ob- fèrve fur toutes les feuilles fupérieures , in- férieures & moyennes. La nuit qui fuit un jour très-chaud , & lorfque Tair efl calme*, cette fueur s'échappe en plus grande abon- dance de fes vaifïèaux , & elle ne fe diflîpe point dans l'athmofphere , avant qu9 le fo- leil , à fon lever , air raréfié & volatilifé cette liqueur. Cette alTertion , ou plutôt cette fuite d'af- fermions , n'eft pas plus difficile à réfuter que les précédentes. Pour répondre au premier article , je di- rai que l'obfervation fait appercevoir , par le fecours des verres , des milliers de pores fur les feuilles. Ces pores font des bouches toujours ouvertes , tantôt pour l'expiration , tantôt pour l'infpiration. Ces pores font les orifices des conduits féveux. Sans vouloir dé- cider ici s'il y a ou s'il n'y a pas de ces ori- Z 2 ^^§ De ia Rosé ê. fices pîus grands que les autres , fur lèfquels fe fixeroient particulièrement les gouttes d'eau de la roiée , comme on le dit, je demande- rois feulement quelle preuve, quel indice on peut avoir des orifices de ces vaiffèaux qui s'ou- vrent manifeflement , puifque les meilleurs microfcopes ne font appercevoir fur les feuilles d'autres orifices que les pores donc je viens de parler. Il eft vrai que de petits faifceaux de fibres que l'on voit fe prolonger jufqu'aux extré- mités des pointes & des parties faillantes des feuilles , pourroient être jugés capables d'une plus forte afpiracion ; mais fi à la vérité on y apperçoit quelquefois des gouttes de rofée, ibuvent on n'y en voit point. Ainfi , ces en- droits ou les orifices des vaiflTeaux qui s'ou- vrent , dit-on, manifeftement, ne font que des conjedures qui font au moins fort dou- teufes ; & quand même elles feroient jufii- fîéespar les expériences, elles ne concluroient rien en faveur de la prétendue tranfpirarion des plantes pendant la nuit ; elles ne fervi- roient qu'à mieux démontrer encore les bouches les plus aélives de Pafpiration des feuilles pendant la nuit , où la rofée cefiant d'être pompée le matin , s'aflèmbic &. fe réunit en gouttes d*eau. Quant au fécond article , oii l'on dit qu'on obfcrve la rofée également fur les feuilles fu- jperieures , inférieures & moyennes , cette aiiertion eft alTurément peu jufie ; il fufîit d y regarder pour être afTuré que les parties dès plantes les plus découvertes font tou- y D E L A R O S :É E. 3^^ ? jours celles qui font incomparablement plu^ chargées de rofée , & que toutes les autres le font moins à proportion qu'elles font plus I couvertes, & que l'on n'en voit point du tout i fur les fèuilles qui étant dans l'intérieur des arbres , font ofFufquées par les autres. Le troifieme article où l'on dit que la nuit qui fuit un jour très-chaud, & lorfque Tair eft calme, la fueur s'échappe en plus grande abondance des vaiiîeaux des plantes , n'eft cer- tainement pas plus jufte; cette allertion eft diamétralement oppofée à la marche de h nature. Comment imaginer que des plantes fuent abondamment pendant la fraîcheur de la nuit? j'ai démontré tout le contraire ,• mais il eft bien vrai que plus le jour a été chaud, plus il s'eft élevé de vapeurs aqueufes dans i'athmofphere , & plus conféquemment la ro- lée eft abondante pendant la nuit. De tout cela on peut conclure que mal- gré la célébrité bien méritée d'ailleurs de MufTenbroeck , & des Phyficiens qui l'en ont cru trop légèrement , fon opinion eft très- faufle au fujet de la prétendue tranfpiration des plantes pendant la nuit , & de la rofée qui en eft l'effet ; & nous pouvons regarder comme conftant que les gouttes d'eau que nous voyons le matin fur les feuilles, font l'effet de la rofée aérienne qui s'y eft con- denfée. Outre les gouttes d'eau- qu'on apperçoit le matin fur les feuilles, on obferve fur piu« iîeurs plantes qui abondent en fuc propre , une fubftance fluide fous la forme de goactes, Z ^ ^^d Dé t a R o s é é. iattachée aux feuilles de ces plantés ; ctttë fubftance a une faveur fucrée & un peu mu- cilagineufe , ce qui lui a fait donner le nom de mitlat. II y en a qui paroît tenir de la nature d'une gomme diflbute , dautre qui fèmble participer un peu de la réiîne. On a cru que ce miélat étoit une tranflu- dation de la plante ; je l'ai cru aufli : mais depuis que je fuis afîuré que les plantes ne tranfTudenr & ne tranfpirent point pendant i la nuitj & que cette fubîlance ne s''obfêrve ' fur les plantes que ïe fbir & le matin , il eft certain que ce ne peut être une tranffuda- tion; mais il y a apparence que c'eft un ré- fîdu de la fève aérienne , afpirée par les vaii^ lèaux propres j qui s'attache aux feuilles , par- ce que la finefTe de leurs pores fe refufe à l'introdudion àes particules trop épaifles & trop groffieres de cette fub/îance qui refte fur la feuille » comme le marc d'une liqueur ^u'on fait filtrer au travers d'un papier brouil* ïard. Outre la raifon décifive que je viens de citer , plufîeurs obfervations m'ont con- firmé dans Cette opinion. Pour prendre une jufte idée de la rofée , il faut concevoir que les vapeurs que le fo- leil élevé dans l'athmofphere , (e condenfent à fon coucher : l'effet cefîè avec la caufe ; mais la raréfadion dans la terre échauffée, continuant encore long-temps après l'abfènce .| de cet afbre ) il s'éîeve toujours de la terre " des vapeurs qui le condenfent très -près de fa furface , & retombent en pluie fine , c'ell KQ que nous appelions le fercin , qui fe rend De I a R o s è e. ^^i fêniïble peu de temps après îe coucher da foleil. A ces vapeurs terreftres , condenfées prefque à leur fortie , fe joignent celles qui tombent de plus haut ; voilà la rofée, c'eft- à-dife une athmofphere aqueufe , dans la- quelle les plantes font plongées toute la nuit; éc où , comme nous l'avons démontré , elles pompent cette fève que j'ai nommée aérienne, Lorfqu'elles en font faturées, & que d'ailleurs la condenfation vient k cefïèr aux premiers rayons du foleil , cette humidité n'étant plus afpirée par les feuilles , elle le rafîemble & iè forme en gouttes d'eau fur leur furface ,. & voilà ce qu'on a appelle les pleurs de Tau- rore. Il s'enfuit de cette explication , que la ro-* fée qui s'élève ainlî de la iurfàce de la terre , doit être bien différente félon la conftitutioa naturelle du (ol : c'eft une efpece de chaos qui renferme une multitude variée de par- ties hétérogènes , à raifon des fubftances de différentes efpeces qui fe volatilifent , & s'é- levent fous la forme de vapeurs : on ne doit donc pdint être étonné du peu de confor- mité qui fe trouve dans les analyfes que plu- iîeurs Chymiftes nous ont données de la ro- fée ; ils ont tous travaillé fur des mélanges différents ; les produits de leurs analyfes doivent être aufH tous différents. Les qualités de I* rofée doivent donc difl. férer, & participer à celles des parties qui entrent dans fa compofition. Souvent elle doit être nuifible à l'économie animale , & 410US avons plus d'une preuve de cette véri- 3^2 D E L A R O s É E. té dans différentes obfervations qu'on peu^ recueillir des voyageurs. Il eft nombre de pays où la rofée qui tombe mouille indifféremment tous les corps ; il en eft d'autres où elle ne s'attache qu'à certains corps ; ks autres exercent fans con- tredit entr'elles une force répulfive qui l'em- pêche de s'y attacher. Gefîen nous apprend qu'à Hefïê , qui eft une des parties de l'Allemagne, la rolée ne mouille point les corps qui font placés fur des lames & fur des tables de métal. On remarque un phénomène /emblable à Utrecht ; la rofée n'y tombe point fur une plaque d'or , d'argent , d'étain , de cuivre , de plomb , de fîmilor , de bifmuth, de zing: elle n'y tombe point non plus fur la furface du mercure , ni fur une efpece de pierre bleue poiie de Namur. Mais elle tombe fur du fer brut, fur du fer peint , fur du fer blanc, fur des planches, fur de l'ardoifè, fur du verre, fur de la porcelaine , fur toutes les couver- tures de foie, fur toutes fortes d'étoffes de laine, de coton , fur toute eipece de cuirs , fur du linge, fur toutes fortes de papiers, fur la furface de Peau , &c. Mais il refte encore bien des expériences à faire pour défigner tous les corps fur lefquels elle tombe, & ceux fur lefquels elle ne tombe pas : cette expérience, dontonpourroit tirer des connoifîànces utihs^ mériteroit bien d'être répétée dans les différents pays- II paroît que la rofée qui tombe à Paris, a affez d'analogie avec celle qui tombe à Utrecht, De ia Rosée. 363 félon les obfervations de M. Dufay. Il prit deux verres concaves de l'efpece de ceux donc en fe fert pour couvrir les cadrans des mon- tres : l'un ctoit entouré d'un cercle d'argent poli , & i! le plaça fur une plaque d'argent , de manière qu'il pùc recevoir la rofée dans fa concavité: il plaça l'autre fur un morceau de porcelaine ; ce dernier recueillit lept fois plus de rofée que l'autre. li re-T'arqua outre cela, que Tanneau d^ar- genr avoir repouiîe la rofée à plus de cinq lignes de diftance , de forte que la circon- férence du verre étoit à fec jufqu'à cinq lignes de diftancedu cercle. Il prit enfjite une lame de cuivre po- lie , de fîx pouces de longueur , trois pouces de largeur , qu'il plaça fur une poutre à côté d'un morceau de verre, dont les dimenfîons étoient les mêmes , & il remarqua que le plan de verre avoir recueilli la rofée , &: que la plaque de cuivre n'en avoir point reçu. H couvrit après cela ces deux plaques avec une plaque de verre, & ilobferva que la par- tie de cette dernière qui couvroit la plaque de cuivre n'avoir point ramaffe de rofée , tan- dis que fon autre partie en étoit couverte ; de lorte que la force répulfive du cuivre s'é- toitméme raanifeftée à travers répaiffeur du verre. Il faut lire dans THiftoire de l'Académie , pour l'année 1736 , la fuite curieufe de ces fortes d'expériences, & dans le troiheme vo- lume du Cours de Phyfique expérimen- tale de Muj^enbroeck , celles que ce célèbre 3^4 ^^ ^ ^ Rosée. Phyficien a faites fut le même fujet. Toutes prouvent manifeftement qu'il y a âes corps qui s'imprègnent de rofée,& qu'il y en a plulîeurs qui ne peuvent la recueillir. Muffhnbroeck , pour s'afllirer de la chute de !a roféc , plaça fur la plate-forme de fon ob- fervatoire , à Utrecht , un tonneau de trente pouces de hauteur , peint en dedans & en dehors : il mit dans ce tonneau une cloche de verre renverfée, & il obferva qu'elle avoic reçu une certaine quantité de rofée dans fa concavité , d'où il lui parut démontré que la rofêe étoit véritablement tombée en cet en- droit, quoi qu^il en fût da la caufe qui l'eût déterminée h tomber. Plulieurs ont peine à croire que la rofée tombe de l'air fur les corps; elle tombcroït, difent"ils , indiilinélement fur tous les corps qui feroient placés les uns à côté des autres. Or, l'expérience nous prouve qu'elle ne tom- be point fur les métaeix polis , & fur plufîeurs autres efpeces de corps. Ce fut cette raifon qui engagea Mujfm- hroeck à examiner iî l'éledricité n'avoit point de part à ce phénomène ; mais il avoue de bonne foi qu'il n'a rien découvert qui pût le fatisfaire à cet égard, Arljhte remarque , dans (on traité des Mé- téores , qu'il n'y a point de rofée à moins que l'air ne foit tranquille & non agité par un vent quelconque : car toute efpece de vent entraîne , dic-il , avec lui les parties de la yofée qui tendoient à s'élever, & les empê- che de s'élever & de tomber. De la Rosée. 3^$ Muffènbroeck dit avoir remarqué plufieurs fois que le temps étant parfaitement calme, il étoit tombé une grande abondance de ro- fée deux ou trois heures après le coucher du foleil. Il a remarqué outre cela qu'il en étoit moins tombé les heures fuivantes , & qu'il n'en tomboit que peu vers le milieu de la nuit ; qu'il en tomboit enfuite beaucoup lorf- que le foleil étoit fur le point de s'élever , mais qu'il n'en tomboit plus lorfque cet aftre étoit fur notre horizon. Si la rofée tombe avec le lever du foîeil , & qu'il furvienne un vent léger, alors la ro- fée eft pouflee , comme une efpece de nuage, contre les différents obftacles placés vers la furfàce de la terre ; elle s'y attache , elle s'y condenfe; mais les rayons du foleil la dijfïî- pent peu de temps après ôc la font difpa- roître. La rofée a coutume de tomber dans notre climat depuis le mois d'Avril jufqu'au mois d'Odobre , parce que dans ces mois le foleil échauffe l'air : mais lorfque l'athmofphere ôc la terre commencent à fe refroidir , & que Phi- ver approche , il ne s'élève que très-peu de vapeurs & d^exhalaifons du fein de la terre. On remarque encore en automne , lorf- qu'il a fait chaud pendant le jour, & qu'un vent doux s'efl fait fentir , qu'il y a enfuite de la rofée. Mais on n'en voit point, ou très- peu , pendant l'hiver , ou même au printemps, lorfqu'un vent froid du nord ou du nord- efl s'eft fait fentir. On ne peut gueres déterminer la quan^ ^6$ De ia Rosée. lité de rofée qui s'élève pendant chaque nuît, ou pendant le cours d'une année , ce qui vient des vents , qui l'enlèvent & la tranlpor- tenr d'un endroit dans un autre, dans les ré"- gions fupérieures de l'athmofphere ; ce qui vient auiîi des pluies qui tombant fur la terre , précipitent avec elles tout ce qui s'eft élevé de la furface de notre giobe , & tout ce qui tendoit à s'en élever ; ce qui vient en- core de ceque la rofée eft plus abondante après la pluie , que lorfque le temps s'eft maintenu fec pendant plu fleurs jours. " La quantité de rofée varie aufîî fuivant la conftitution du terrein ; eft-il très- humide, il s'en élevé beaucoup de rofée. Nous liions en efîèt dans le voyage de Maundrd , depuis les Alpes jufqu'à Jerulalem , que la montagne qu'on appelle Hermon étoitii couverte de ro- fée, que les tentes qu'on y érabliiToit étoient aulîi mouillées le matin que s'il avoit plu pen- dant la nuit. La quantité de rofée qui tombe dans un endroit dépend auffi de la pofîtion locale. S£ le vent a coutume de foufRer vers un endroit élevé & montagneux , la rofée s'y portera avec plus d'abondance : cette quantité dépi^nd en- core de la chaleur que le foleil communique; de forte qu'on doit obferver une plus grande abondance de rofée dans les régions les plus chaudes. Ceft pour cette raifon que dans l'Arabie , où le ciel effc toujours ferein , où le foleil échauffe confidérablement le terrein, qui eft fablonneux , & où les nuits font froi- des ,. la rofée eft fi abondante , que les habits De la Ros^e. 3^7 des voyageurs en font pénétrés. C'eft la feule nourriture des plantes qui croifïènt en ces climars, où il ne pleut prefque jamais; parce que non-feuîement les plantes afpirent cette humidité abondante pendant la nuit, mais le terrein , qui en eft fortement imbibé, fournit à l'adion des racines pendant le jour. D'après ce que nous venons d'obferver, il paroît que la rofée & le brouillard ne diF* ferent que très - peu. II faut cependant dif^ tinguer ces deux efpeces de météores ; & voici en quoi ils diffèrent. Il paroît que le brouillard efî, en grande partie, compofé de vapeurs aqueufes , quoi- qu'il contienne outre cela quantité d'exha- laifons qui fe font élevées de la furface de U terre ; mais ces vapeurs , ces exhalaifons s'élè- vent fur-tout pendant le jour , tandis que la rofée s'eleve , ou du moins fe forme pen- dant la nuit. Au refle, la rofée efî auflicom- pofée d'une vapeur aqueufe, & c'eff pour cela que s^il s'élève une très- grande quantité de vapeurs dans un endroit ,& qu'il ne tombe point d'eau pendant plufieurs jours dans cet endroit, il s'y élèvera alors beaucoup moins de rofée pendant la nuit , & que cette rofée deviendra enfuite très-abondante , fi , après la pluie, il furvient de la chaleur. La rofée qui s'élève des prairies baignées d'eau , après un jour de chaleur, efi une vapeur aqueufe , une efpece de brouillard.* mais s'éleve-t~il pendant la nuit des vapeurs plus pefan tes que celles qui s'élèvent pendant 5 donnent à connoître que le Seigle ergoté eft compofé de deux fubftan£:es ; l'une noire , & l'autre blanche : cette dernière , fuivant lui , efl: molle , compofée de fibres longues , unies entr'elles , & dans lefqueîîes on ne remarque rien qui paroiiîè avoir vie : mais fi on verfe quelques gouttes d'eau fur cette fubfîance , ou fi on la iaiilè macérer dans une petite goutte d'eau,eî|e fe délaie, les fibres fe féparenr les unes des autres , & elles paroifient fe convertir ea petits animalcules , fembîables à ces efpeces de petires anguilles que le microfcope fait découvrir dans le vinaigre. Veut on remédier à cette fâcheufe difpofi- tion du feigîe , & s'oppofer aux mauvais efièts que produit celui qui eit ergoté ; il ne s'agir, fuivant le rapport de Bradky , confirmé par les obfervations du célèbre Naturalifte que je viens de cirer , que de laifTer macérer le grain infeété dans une forte faumure à laquelle on ajoute de Talun , & de l'y laiiîér en macéra- tion pendant l'efpace de trente heures ; il vaut cependant mieux le féparer avec foin de celui Du BRoifiiiAS-D. 373 qui s'eft garanti de cette corruption. Le brouillard ne paroît que dans un temps calme & tranquille ; & s'il furyisnc du vent lorfque ce météore fe fciit obferver , ce venC le poufîe devant lui, & le diiîipeaflèz promp- tement. II arrive fouvent que le venr foui- fiant de différents côtés , raiîèmbîe plufieurs brouillards , ik il en réfulte une pluie fine qui retombe vers la furface de la terre. Après la chute du brouillard , le temps efl: ordinai- rement beau , & même très-chaud, en été. Le brouillard paroît afîez communémenc vers le foir , fur-tout lorique la terre a été fortement échauffée par les rayons du foleil p & que Tair vient à fe refroidir tout-à-coup après le coucher de cet afire. On conçoit qu'en effet les particules terreflres&aqueufes ayant été échauffées & détachées de la mafîè dont elles faifoient partie , & qui tendoient à s'élever dans l'athmofphere , fe trouvant alors iàifies par un air frais , elles y (ont conden-» fées , & elles forment, par leur réunion, un nuage très-fenfible ; c*e{ï ce qui arrive fré- quemment dans les vallées & les lieux bas & aquatiques. On remarque moins de brouil- lards en été que dans le printemps & dans l'automne , parce que dans cette fiifon la différence entre la chaleur du jour & le froid du foir efî moins fenfible; ce qui vient auiTi^ comme le remarque très bien Mu0nhroeck , de ce que la chaleur de l'été , même celle du foir , empêche non-feulement ces exhahiifons de fe condenfer, mais même diltribue encore & répand dans l'air celles qui s'y font éhvéùs, A a 3 374 ï^ù Brouillard. i& empêche , par ce moyen , que la tranfpa-" fence de l'air en îoit afFeélée. Il fait aufîi du brouillard le matin îorf- !jj^ le foleiî fe levé, & quejî'air fe trouvé tcnauffé & raréfié avant que les vapeurs & les exhalaifons aient eu le temps de s'y difiri- buer. Ces exhalaifons étant alors d'une pe- fànteur fpécifique plus grands que celle de l'air , elles fe précipitent , & elles font portées vers la furface de la terre par les rayons mê- mes du foleil , comme il arrive à la fumée qui tend à s'élever d'une cheminée fur laquelle le folsil darde fes rayons : delà la lumière du ifoleil fe trouve îifFoibîie au point qu'elle pa- i-oît pâle , & qu'on peut alors fixer cet aftrê , fans que la vue en foit bleiïee. Les brouillards font quelquefois fî épais j qu'ils obfcurcifîènt la lumière ^du jour, aii point qu'on peut à peine diflinguer les ob- jets les plus voifins. Nous en vîmes un de cette efpece en lyyoj qui dura toute la journée , & qui étoit telle- ment épais, qu'il n'étoit pas pofTible de diftin- guer une perfonne à côté de laquelle on fé trouvoit. Souvent un brouillard fort épais couvre une vallée , tandis que le temps eft ïort ferein fur les hauteurs. J^ai rriême vu -, étant dans Une plaine voifine d une vallée , par un temps fort ferein , un brouillard fort épais , qui me parut de loin comme une montagne ": en étant fort près , j'apperçus que ce brouil- lard formoit une tranche perpendiculaire , 'très-diftinde & féparée de l'air qui l'avoifi- THok ; ce qui lui donnoit Tappàrence d'une ïrtiiraille fort élevée. En pénétrant cette ef- ipece de muraille , je vis encore mieux com- bien elle tranchoit net avec l'air voifin qui étoit a'ôrs fort lerein ; de forte qu'en m'cn- fonçant dans ce brouillard alTtz épais , je pa/Taî fubitement , pour ainfi dire , du jour à la nuit. Ce phénomène forr (ingulier fut pareillement: Remarqué par plufieurs Naturalises. Il efi: aflez ordinaire de voir dans l'aîr des- des opacités locales &c momentanées , occa- ^onnées par l'efîèrvefcence de diiférentes fub- lîances qui fe combinent & qui lancent pen- dant ce temps des exhalaifons fort épaifîes. Il fe forme quelquefois des opacités lo- cales qui dépendent d'une autre csufe. On voie un brouillard épais fe former à côté Se fur I2 fommet d'une montagne : cet eff^^t fe remar- que lorfque le vent , dirigé vers une monta- gne , rencontre fur ion palTage des vapeurs" & des cxhdaifons dcliées qu'il pouffe devant lui ; & qu'il vient condenfer contre cette montagne. On voit , félon ce que nous venons de' dire, que les brouillards ne font que de petits' nuages placés dans la plus bafîè région de l'air;' & les nuages ne font que des brouillards qui ic font élevés dans l'athmofphere. Les objets qu'on voit à travers îe bro'uiî- ïard paroiffent plus grands & plus éloignés,' 'èTet produit par la réfraflion de la lumière. On appelle bruine la petite pluie fine qui' provient de la matière du brouillard , qui Itî' trouve condenfée dans l'athmofphere , &• qui- A a. 4. 57^ De la Pluie. retombe vers la furfàce de la terre , lorfque fa pefanteur Ipécifique eiî plus grande que celle de l'air. CHAPITRE III. De la Pluie, A pluie eft l'effet de la condenfation de vapeurs aqueufes , lefquelîes devenues plus pe- fantes que l'air, dans lequel elles flottoient , fe précipitent & tombent en gouttes d'eau plus ou moins groiîès fur la furface de la terre. Pour bien faifir la caufe de ce météore aqueux , il jfàut confidérer de quelle manière il s'engendre. Une nuée efl compofee d'une multitude de petites molécules aqueufes , féparées les imes des autres , & fufpendues dans l'air ; niais fi , par quelque caufe que ce foit , ces molécules viennent à fe rapprocher au point d'exercer entr'elles leur force attraélive , elles fe joignent alors , & elles forment des gouttes plus ou moins groiîès , & qui fe précipitent lorfqu'elles font plus pefintes que l'air am- biant. Ces petites gouttes rencontrent dans leur chute d'autres m.olécules aqueufes, auxquelles elles fe réunifient encore , & elles, augmen- tent par-là de volume : elles en augmentent De ia Piuie. 377 d'autant , qu'elles s^aflimilent à une plus grande quantité de ces molécules ; de-Ià la groiîèur variée que nous appercevons dans les gouttes de pluie qui arrivent jufqu'à nous. Lorfque la pluie eli fur le point de tom- ber , on voit plufieurs nuées blanches qui flottent dans le ciel , où elles font éparfes. Ces nuées s'approchent les unes des autres ^ & elles forment par leur concours une nuée; uniforme ; elles couvrent quelquefois toute l'étendue de notre horizon. On les voit fa condenfer , defcendre & perdre un peu de leur blancheur; elles dérobent par l'^ur den-r fité une portion plus ou moins grande de la lumière du foleil ; elles paroifîènc exhaleç vers nous comme une efpece de fumée ; & enfin , elles lancent leur eau. Plus les nuées font blanches, moins la pluie eft abondante , & plus les gouttes font fines ; mais lorsqu'elles font noires , c'eft alors que la pluie eft abondante , & les gouttes plus grofles. On obferve quelquefois que ces fortes de nuées ne fe réunifient point en une feule ; on en voit plufieurs flotter çà & là dans î'ath- mofphere : chacune lance fon eau en partir culier , & cette pluie ceffe aufTi-tor que le vent a repouffé la nuée qui fe décharge. Parmi les différentes caufes qui concou- rent à la produclion de la pluie ,il paroit que le vent doit obtenir le premier rang; d'où il fuit que les effervefcences qui s'exécutent dans l'athmofphere » par le mélange de quan- tité d'exhalaifons , doivent encore concourir «i 57§ Ô E t A Pluie. !a production de ce phénomène. C'efl fans doure par cefte raifon, que la température de l'air devenant plus chaude après midi, où" vers le foir, il arrive aflèz ordinairement qu'il pleut pondant la nuit , ainii que le lende- ïnain. La connoiilance des vents efî d'autant pîus^ înéceflàire à un Agriculteur, que leurs cours décide afTez ordinairement l'érar du temps. II eft bien rare qu'il pleuve quand le vent fouffle du nord ou de l'efi: ,• mais s'il tourne au fud ou à l'ouefl: , on eft prefqu'aflTuré d'a- voir de la pluie , & qui quelquefois conti- îinue , ou du moins tombe par intervalles jufqu'à ce que le vent air changé de direc- tion. Je parle pour notre clirn: t ; car d-fFi- rentes circondances concourent à faire va- rier tout cela dans les difFirents climats , & même dans les diftcrents pays d'un même dimat. Les vents occafionnenr de la pluie paf plufieurs ci rcon fiances difFérentes. Lorfque les vents rencontrent quelques îîuées de vapeurs qui s'élèvent de la mer , ils les chaiTent v^rs la terre, & ils les poufTent contre les montagnes & les fsrêts ; là elles iè condeniènt, oc elles iè convertifTent en pluie: auffi remarque- t-on que les pays mon- tagneux font plus expofés à la pluie que les pays plats. Lorique les vents foufflent de haut en bas contre une nuée , ils la compriment alors ^ & ra{ïèmb!ent par cetie compreffion les mo^ 'Pécules aqueufes qui y font dil^erfées. 13ÈLA ^LITIÉ. ^7^ De même que les montagnes & les forét^ tonpent les nuées , de même les vents qui ont des diredions contraires les pouflenc les unes contre les autres , les compriment. On remarque en effet qu'il pleut quelquefois à Verfe dans l'Océan éthiopique> vis-à-vis de là Guinée , parce que les venrs viennent s'y réunir de toutes parts , & qu'après avoir raf-^ femblé de plufieurs côtés les nuées , ils les pouffent vers un endroit où ils les compri- ment. Comme il fe forme beaucoup àe nuées pleines de vapeurs au-deffus de la mer , on remarque que les vents qui viennent de la mer vers notre continent , font ordinaire- ment accompagnés de pluie ; au lieu que les vents qui foufflent fur la terre ferme , n'em- portant que peu de nuées avec eux , ne fotit point aufli pluvieux. Les forêts font encore une des càûfès àà^ cafionnelles de la pluie ; les arbres en effet tranfpirent une très-grande quantité de va- peurs , & forment des nuées très - abondan- tes en eau. Aufli obferve-t-on que les pluies font fi abondantes en Suéde , qu'elles inondent le terrein , l'arrofent trop abondaniment , Se nuifent à fa fertilité. Les habitants n'ont pu reniédier jufqu'à un certain point à cet inconvénient, qu'eii détruil'ant une partie de leurs immenfes forêts. Les François & les Efpagnols furent obligés d'en faire autant dans les Antilîfes , qui étoio^t 3S0 De la Pluie. autrefois beaucoup plus humides qu'elles ne le font aujourd'hui. Bouquer confirme cette idée par les ob- fèrvations qu'il fit pendant Ton voyage au Pérou ,* il remarqua qu'il tomboit des piuies très-fréquentes & très-abondantes, depuis l'em- bouchure du fleuve Guayaquiî , jufqu'à Pa- nama , ce qui forme une longueur de trois cents milles , parce que l'étendue de ce ter- rein eft couverte de bois , & qu'il ne pleut jimais depuis Guayaquiî , en fuivant vers le midi , jufqu'au de-là d'Arica & vers les de- ferts d'Atacania , à la diftance de quatre cenç. milles ; parce que tout ce terrein eft fablo- neux , découvert, & qu'il ne s'y trouve au- cune forêt. II obferve de plus que le tonnerre ne s'y fait jamais entendre , & qu'on n'y voit au- cune tempête ; mais que ce terrein eft tou- jours aride, nud, fi on en excepte le bord des fleuves qui y coulent, & qu'on n'y ob- ferve qu'une fimple rofée pendant la nuit. De toutes ces circonftances & autres , naiftènt ces variétés fingulieres dans la pluie , ces différences fi notables dans les quantités de pluie qui tombent en différents climats; de-là ces faifons pluvieufes, fi régulières, û. confiantes en certains endroits; de-là CQitQ multitude d'obfervations variées , que pîu- fieurs Phyficiens ont pris plaifir à recueillir & h publier. Nous obferverons que les pluies & les fé- cherefies qui fe fuccedent dans chaque cli- De ia Piuie. ^8i mat , n'ont point lieu dans le même temps , dans tous les lieux. On remarque en effet que lorfque le temps eft pluvieux , par exemple en France , il règne une très-grande féche- reiTeailleurs , comme en Allemagne. En 1751 il régnoit une très-grande humidité en An- gleterre , tandis que les herbes périffbient en Italie , par la féchereflè qu'on y éprouvoit alors. On explique facilement ces phénomènes, en confidérant que la chaleur du loieil élevé dans chaque pays une certaine quantité de vapeurs. Ces vapeurs élevées y forment des nuées ; mais les vents venant à tranfporter ces nuées d'un pays dans un autre , la féche- refle fe fera fentir dans le premier , & l'hu- midité dans l'autre; parce que les nuées qui y arriveront, fè joignant à celles qui y font déjà , fe condenleront & le réfoudront en pluie. On explique encore facilement dans cette même théorie , comment il arrive qu'une tempête venant à s'élever à différentes heures du jour dans une contrée , tantôt il y pleu- vra , un infiant après il y fera fec ; le temps deviendra en fuite ferein , & la pluie recom- mencera encore h tomber. Comme la pluie tombe d'en haut à travers • l'air rem,pli & infedé de toutes fortes d^exha^ laifons , cette pluie rafîèmble ces exhalaifons & les tranfporte fur la terre. La pluie n'efl donc jamais une eau pure , mais elle eft rem- plie d'une multitude plus ou moins grande de fubdances étrangères qu'elle entraîae avec ' ^82 De la Pluie. çlie ; d'où il fuit que les qualités de l'eau de pluie doivent varier félon la nature des ter- xeins , félon refpece àes yapeurs répandues (dans l'air où elle pafïè , & félon \qs faifons de l'année. On lit dans l'hiftoire de l'Académie des Sciences, qu'ayant ramafTé de la pluie qui tom- ba en 1724 pendant un temps d'orage , & qu'ayant fait fondre du fel de tartre dans cette pluie , on obtint du tartre vitriolé ; ce qui prouve qu'elle avoir ramafîe , en traverfant rathmofphere , une certaine quantité d'acide yitriolique. Souvent la pluie entraîne avec elle des fe- înences végétales & des œufs de plufieurs in-, fèdes , qui flottent aflèz abondamment dans î'athmofphere ; aufli voit -on affez fouvent croître dans Teaa de pluie que l'on recueille , quantité de petites plantes; & fouvent même on y voit naître une quantité de petits in- feéles, de petits vers qui la f^nt comme fer- menter , ce qui lui communique , après un certain laps de temps , une mauvaife odeur par leur corruption. De- là on explique facilement pourquoi on voit naître dans l'eau de pluie qu^on ramafîè, & qu'on renferme dans une bouteille bien bouchée , des petits nuages blanchâtres qui augmentent infenfiblement , qui s'épaifîifîènt & fe changent enfin en une humepr mu- queufe , qui tombe au fond , & qui corrompt la maffe d'eau & la change en une efpece de liqueur vilqueule. De-là on conçoit , ôç on explique affez |^- Dé I. a Pluie. 38^ ciîernent l'origine de ces pluies extraordinaires, qui effraient le peuple peu inftruit des phé- nomènes de la nature , & qui ne fâchant pas que rathmofpliere eft le réceptacle d'une multitude étonnante de fubfîances de toutes efpeces, il peut fe faire que la pluie entraîne avec elle ces fortes de fubllances , ou que les vents les recueillant très- abondamment, les précipitent elles-mêmes telles qu'elles font , fous la forme de pluie. Ds-là ces pluies de Ibufre, ou d'autres pouffieres différentes, qui le plus fouvent ne font que des pouffieres des étamines de certaines plantes élevées dans l'athmofphere , & précipitées enfuite vers la furface de notre g^lobe. Ces dernières ne font pas rares j il eft peu de fiecles où on n'en ait obfervé plufàeurs de cette efJDece. De-Ià ces pluies merveiîleufès qu'on a nommées im- proprement pluies de fang , & qui font dues à une multitude d'infedes , que la pluie en- traîne pendant fa chute. Plcrefc examinant en France une pluie de cette efpece , obferva que les gouttas de cette pluie étoient remplies de petits infeéles rou- ges qui voloient dans ce temps là en grande quantité dans l'athmofphere On fait d'ailleurs qu'il y a quantité d'infeâes dont les excré- ments font rouges ; tels font ceux des papil- lons, après qu'ils ont quitté l'état de nymphe: ces excréments mêlés avec la pluie , lui don- nent une couleur de fang. Puifque la pluie entraîne avec elle les or- dures , les corps étrangers qui flottent dans l'attoofphçre , qa conçoit ^ue l'air doit être 384 De i- a P l u, I e. plus pur , plus iêrein après la chute de 1^ pluie; auffi diftingue- t-on mieux alors les objets éloignés ; les couleurs des plantes paroiflent beaucoup plus vives , & la nature fe trouve alors comme rajeunie. Les gouttes de pluie font autant de bulles rondes dont la grofleur varie , ainfi que les diPiances que ces gouttes laifîènt entr'elles dans leur chute. Souvent ces bulles font très-fines, & fer- rées les unes auprès des autres; quelquefois elles font très-groffes , très -éloignées; ceû ce qu'on obferve fur-tout pendant l'été, ôc dans des temps d'orage. Ces différences tiennent à la manière félon laquelle les nuées fe condenfent & lâchent Jeiiirs eaux ; & en même temps , elles dépendent de la réfiftance que Pair fait éprouver à la pluie pendant le temps de fa chute. Les effets utiles de la pluie font très-mul- tipliés ; nous allons feulement parler des prin- cipaux. 1°, Elîefert^ hame6ler, à ramollir la terre defféchée & durcie par l'ardeur du foleil ; elle remplit la terre d^humeur qui fournit alors abondamment de fève les végétaux ; fève d'autant plus nutritive , qu'elle eft alors pour- vue de particules falines , fulphureufes , oîéa- gineufes, &c. que la pluie a ramaifées en tombant , & qu'elle dépofe dans la terre : elle occafîonne d'ailleurs des alternatives plus fré- quentes de raréfadion & de condenfation ; refTorts d'autant plus aétifs & puiiîànts de la végétation , que leur jeu eu. plus varié. 2°. Elle De t a f l V 1 ê. ^gf 20. Elle purge Tair de quantité d'exhalai* fons qui deviendroient dangereufes à la ref- pirarîon animale, & à l'économie végétale > fi elles y demeuroient trop abondamment fufpendues, 30. Elle modère ordinairement la Ghaleur* de l'air vers la furfacede notre globe, comme venant d'une région plus froide que la cou* che d'air que nous refpirons vers la furfece de îa terre. 40. Elle forme & elle entretient les eaux des puits , des fontaines , des rivières , &Ci On a fupputé qu'il tombe chaque année de quarante k quarante-quatre pouces d'eau dans nos climats. CHAPITRE IV. De la Grik, JLi A grêle eft une eau de pluie qui s'eil condenfée & criftaîlifée par le froid en paf- fant dans la moyenne région avant de tom- ber fur la terre, La grêle n^eft donc point elTentielIement différente de la glace , & U y a apparence qu'elle fè forme dans l'ath- mofphere , de la même manière que les eaux fe glacent à la furface de la terre. On fait que, quoique plus prochesdu foleil qui ré- pand fa chaleur dans toutes les parties de no-< tre fyflême planétaire , les régions fupérieu- Tome. IL B b e^iS t)E lA Grêie. res de rathniofphere terreftre font beaucoufi plus froides que les régions inférieures. Oa fait qu'on éprouve un froid très-piquant fur le fommet des montagnes , & que la plupart font même couvertes de neige pendant toute la durée de l'année : mais on ne fait point à quelle hauteur déterminée le froid eft affez fort pour y former de la grêle. D'ailleurs , il en eft fans doute de la forma- tion de la grêle comme de celle de la glace : elle ne dépend pas précifément du froid qui faifit à leur pafîàge les gouttes de pluie qui traverfent les régions froides de l'athmof- phere. Il faut outre cela que ces régions îbient chargées de ces corpufcules étrangers qui entrent dans la compofition de la glace ; & dès -lors on conçoit facilement que la grêle doit fe former à différentes hauteurs. On remarque en effet , comme l'obferve MuJJenhroeck , que pendant l'hiver, l'air alors très-froid , eft afîèz difpofé k produire la con- gélation de l'eau à très-peu de diftance de la îurface de la terre , pour que des nuages très-peu élev^és fe convertilTent en grêle; & fuivant que ces nuées feront plus ou moins élevées en ce temps , la glace fe formera à des hauteurs plus ou moins grandes. Il n'en arrive point ainfi pendant le prin- temps , ni pendant l'automne. La grêle fe forme dans une région plus élevée de l'ath- mofphere , dans celle qu^on regarde commu- nément comme la région de la glace , & elfe traverfe alors une mafïè d'air qui n'eft point affèz échauffée pour la faire fondre. De la Grêle. 387 "La grêle qui tombe pendant l'été fe forme vers la partie fupérieure de la région glaciale , & fes grains fe fondent en partie en traver- fant des couches d*air chaud pour arriver k la furface de la terre. La groflèur des gouttes de pluie efl: com- munément la mefure de celle des grains de grêle ; de-là on doit obferver les mêmes va- riétés dans la grofïèur des grains de grêle , qu'on obferve dans les gouttes de pluie. Or , de même que la pluie efl afïèz menue à une certaine hauteur au-defTus de la furface de notre globe , & qu'elle devient toujours plus grofle à mefure qu'elle fe précipite , il ne doit point être furprenant que la grêle qui arrive à la furface de la terre , foit plus grofTe que celle qui tombe fur le fommet des montagnes. Ceft une obfèrvation qui n'a point éehappé à M. Scheuchiery dans l'un de Tes voyages fur les montagnes des x'^lpes , de que le P. Bcccaria confirme dans fon our Vrage fur l'Eleâiricité. ■ La grêle eft en criftaux de différentes formes & grofTeurs, qu'on voit en petits grains qui font également durs , femblables à de la glace. Il arrive rarement que les grains de grêle foient parfaitement ronds ,* ils font applatis irrégulièrement , & on leur remarque Aqs angles & des cavités. La grêle qui tombe dans un temps d'orage , lorfque le vent eft fort , efl ordinairement moins régulière que celle qui tombe dans un temps plus calme , parce que le vent détruit la rondeur des goutte? dç Bb2 De ia Gréie. pluie, & les applatit; & conféquemment elles coniervent Cette forme au moment où elles fe congèlent. Quelquefois la gréîe eu comme molle ; fa furfàce paroît faupoudrée de farine. Cette grêle eft alîèz communément petite , &c elle fe fond facilement : elle ne tombe gueres que dans un temps calme, humide 6c un peu . chaud ; & voici à quoi tient ce phéno- mène. Les petites particules de vapeurs qui con-i fervent leur fluidité vers la terre , & qui y demeurent fufpendues, s^atta-henr aux grains de grêle qui viennent des nuées fupérieures ; elles fe gèlent au moment où elles s^appli- quent fur leur furface, & forment cette ef- pece de farine dont il eft ici queftion. On trouve fou vent , remarque Mujfenbroedc , dans le centre de la grêle , une efpece de noyau opaque & blanc, qui efî: entouré d'une croûte tranfparente. Il paroît que ce noyau s'eft d'abord converti en glace dans la par- tie fupérieure de la région glaciale , où il gelé fortement ; & qu'en tombant enfuite avec une très-grande vîtefîè, il a rencontré dans fa chute des gouttes d'eau qui fe font attachées à ia furface , & qui s'y font gla- cées. Mais comme l'intenfité du froid efè beau- coup plus petite vers la région inférieure de l'air , cette glace extérieure doit être plus molle & doit être tranfparente , de même que la glace qui commence à le faire oblerver fur la furfàce des eaux des fofîès. l\ peut fe faire aulTi, ajoute MuJJhn^rocck , De d a g r é t e. 5S9 que cette croûte fe foît formée d'une glace qui ait commencé à fe fondre, tandis que le noyau a confervé toute fa dureté. Cette forte de grêle a coutume de tomber en même- temps que la pluie , qui l'accompagne afTez ordinairement. Quoique les grains de gréle foienr com- munément de la grofîèur des gouttes de pluie qui les forment , on en a vu d'une groiïèur prodigieufe ,• on en a vu dont les grains étoient gros comme des œufs de poule , & même plus gros. On a dit qu'il tomba dans les environs du Périgord , des criftaux de gréle plus, gros que le poing , & qui pefoienc plus d'une livre. On parle, dans l'hiftoire de l'Académie", d'une grêle qui tomba dans le Perche en .1703 , dont les moindres grains étoient gros comme des noix ; les moyens comme des «Euis , & de plus gros qui pefoient cing quarterons. On lit dans la defcription des Ifles Or- cades , faite par îVallacc , qu'il y tomba au mois de ^in 1(380 , une gréle d'une grof- feur exrraordinaire ; qu'on en vit des mor- ceaux de l'épaifîèur d'un pied : elle tomba dans un temps d'orage, accompagnée d*un tonnerre effrayant. En confultant les relations àts voyageurs , on trouve une multitude d'obfervacions de ce genre. MuJJènbroeck en a raflèmblé un très-grand nombre , & toutes s^accordenc à nous ap- prenire que ces fortes de grêle tombent pen- B b 3 350 I^E LA GR3ÈLE. dant l'été , lorfqu'il furvient des orages fu- rieux accompagnés de tonnerre & d'éclairs. Ces efpeces de gréîe ont toujours des for- mes irrégulieres Chaque grain , ou pour parler plus corredement , chaque morceau eft toujours compofé de plufieurs grains , ou de plufieurs fragments diftingués les uns des autres , mais fortement réunis. La chute de la grêle , comme le remarque M. Deratte , Secrétaire de l'Académie de Montpellier , eft accompagnée de plufieurs circonftances. I**. Le temps eft fort fombre , couvert & orageux. 2°. Toutes les fois que la grêle eft un peu grofîè , I orage qui la produit eft excité d'or* dinaire par un vent impétueux, & qui con- tinue de foufïîer pendant qu'elle tombe. 3**. Le vent n'a quelquefois aucune direc- tion déterminée ,* il paroît fouftîer afîèz in- différemment de tous les points de l'horizon ; mais ce qu'on remarque aflèz conftamment , c'eft qu'il y a toujours avant la chute de la grêle, un changement dans les vents. Si , par exemple, le vent du midi a chaflèvers nous l^orage , il ne grêlera que quand un autre vent aura commencé à fouffler. 4°. Quand il grêle, & même avant que la gréîe tombe, on entend fouvent un bruit dans Tair caufé par le choc des grains de gréîe que le vent poufîè avec impétuofité les uns contre les autres. ç°o La grêle tombe feule, & fbuvent mêlée De la g r ]ê l e. 391 avec de la pluie ; mais , dans le premier cas » la pluie la précède ou la fuit. 6°, Lorfque la gréîe eft un peu confîdé- rable, elle eft prelque toujours accompagnée de tonnerre ; jamais le tonnerre ne gronde & n'éclate avec plus de force , que dans ces grêles extraordinaires dont nous avons par- lé précédemment. Les éclairs , les foudres (e fuccedent alors fans interruption ; le ciel paroît tout en feu ; l'obfcurité porte avec elle un ipedacle ef- frayant; & on diroit que Tunivers va fe re- plonger dans fon premier chaos. Mais fi ces fortes de grêle font conftam- ment accompagnées de tonnerre , fi même plufîeurs grêles de grofïèur ordinaire font elles-mêmes accompagnées de ce météore » cela n'empêche point qu'il ne grêle très- ibuvent fans qu'il y ait de tonnerre. 7**. Quoique les orages que donnent fa grêle foient quelquefois précédés dé chaleur étouffante , l'on remarque néanmoins qu'aux approches de l'orage , & plus encore après qu'il a grêlé , l'air fe refroidit fenfîblemenr. Quelques Phyficiens célèbres , & Hamberger lui-même , ordinairement très-exaâ: dans ks obfervations , prétendent que la grêle ne tom- be que pendant le jour. Cefl une erreur avérée par le témoignage de plufieurs obfer- vateurs dont on ne peut fufpeder la bonne foi, & qui ont oblervé de la grêle en plu- fîeurs faifons de l'année pendant la nuit. Il eft rare, k la vérité , qu'il en tombe pen- Bb4 392. De la Grêle. dant la nair , de même qu'il en tombe très- rarement pendant l'hiver. M. Deraite xapportQ en avoir vu dans ce temps, notamment le 30 Janvier 1741 : elle s'amafïa , dit- il , en moins d'une demi- Jieure dans les rues & fur les toits des mai- fons , à la hauteur de pîufieurs pouces. Celle qui étoit fur les toits fut plus de vingt -quatre heures à fe fondre ; & on ne fe fouvenoir point à Montpellier , où elle tomba, d en avoir ja- mais vu tant dans aucune faifon de l'année. Pendant qu'elle tomboit , le tonnerre gron- da fans interruption , comme dans les plus grands orages de l'été: il étoit alors neuf heures du foir; ce qui prouve encore Fer- reur de ceux qui prétendent que la gréle né tombe que pendant le jour. A quelque hau- teur que foient les nuées qui le convertifïènt en gréle, toujours eft-il vrai de dire qu'elle accélère fa vîteife en tombant, & conféquem- nient qu^elle acquiert plus ou moins de force , fuivant qu'elle tombe d'une hauteur plus ou moins grande. Vient-elle d'une très-grande hauteur, fes grains toujours très-compades , & quelque- fois très- gros , doivent avoir une percu/Iion violente : auffi l'a-t-on vu creufer la terre jufqu'à un pouce de profondeur , dégrader des murs , caffer des vitres , des ardoifes , ^c. elle couche , elle hache les moifïbns , dis abat les fruits , elle caiîe les branches des arbres , elle tue Iqs animaux dans les cam- ■ pagnes , & même quelquefois les hommes gui font expofés à fa chute. D E I A Grêle. 353 La gréle ne conlèrve pas long- temps fa forme & fa^folidité; elle fe réfout en eau prefqu'auffi - tôt qu'elle eft tombée fur la terre , dont la température eft bien oppofée à celle de l'athmofphere , d'où elle nous par- vient; ce qui n'empêche pas que les ravages qu'elle produit fur la terre ne foient bien coniîdérables , & d'autant plus funeftes , qu'on ne fait comment les prévenir , ni commenc les réparer. On a vu des grêles dont l'efFec étoit tel^ qu'elle détruifoit pour plufîeurs an- nées Tefpérance de la récolte. Il y a des endroits très-expofës à la grêle , & d'autres où il grêle rarement. Ceux qui font fltués entre des montagnes , & expofés au vent du nord, y font très-fujets , fur- tout lorfque le vent du nord foufîie au-def- ius de ces endroits. Mais ce phénomène ne s'obferve que très- rarement dans les vallons qui ont leurs mon- tagnes à l'orient ; ce qui fait foupçonner à quelques Phyficiens , que la grêle qui (e forme dans ces fortes de contrées , fe fond en tom- bant , & en traverfant une maffe d'air très- échaufFée par la réflexion des rayons du fo- leil. Il efl une efpece de menue gréle qu'on appelle «^r^/, dont la blancheur égale celle de la neige: il eft extrêmement dur , & rcf- femble à de la coriandre confite & fucrée ; il a la même origine que la grêle , dont il 0.'^ d'iffcre que par la petiteiîè de fes grains. 594 ^ ^ Vent. CHAPITRE V. l^u Vent, X-j E vent n'efl: autre chofe qu'une agitation de l'air , & cette agitation , plus ou moins forte , produit un vent plus ou moins fort. On a donné aux vents différents noms , fé- lon le côté d'où ils foufflent , fuivant les qua- tre points cardinaux du monde. Il y a quatre vents principaux ; le vent d'orient , du levant ou d'eft , le vent d'occident , du couchant ou d'oueft ; le vent du midi ou de fud ; le vent du nord ou de feptentrion. Les quarts de cercle compris entre ces quatre points prin- cipaux , font divifés en quatre autres parties ; les vents qui en partent font appelles demi- vents , & portent les deux noms principaux , tels font les vents nord-eft ou fud-eft , &c. Les demi arcs ont été encore divifés chacun en deux parties égales , & pour lors le vent qui fouffle fur ces points porte un triple nom , comme fud-fud-eft , fud-fud-oueft , &c. Ainfi !e cercle ou boufîble marine eft divifé en 32 parties, dont chacune défîgne un vent diffé- rent, & nommé : ce qui fuffit à la navigation, puifqu'ainfi les vents font divifés en demi- vents , en quarts de venu , & en demi-quarts de vent. Rien ne paroît plus irrégulier & plus varia- D U V E N T. - 39^ ^.bte que la force & la direction des vents dans nos climats ; mais il y a des pays où cette - irrégularité n'efl: pas fi grande , & où le vent fbuiïle conftamment & dans la même direc- ^tion , & prefqu'avec la même force : ainfii . on peut diftinguer quatre fortes de vents ; fàvoir : 10. Les vents généraux & confiants : tels font ceux que Ton nomme proprement vents alifés : 20, Les vents périodiques & anniverfàires , qui foufîlent en un certain temps ; 30. En vents de terre & en vents de mer : 40. En vents libres & variables , qui n'ont aucune dire6lion fixe. Lzs vents aliféi^ qui font confiants , fbufflent pendant toute l'année du même côté : les tro- piques font les limites de leur empire ; ils s'é- tendent peu au-delà j ils foufHent tous les jours, & continuellement fur la furface de la mer d'orient en occident. Cqs vents confiants font la fuite de la raréfàdion de l'air , occafionnée par la chaleur du foleil. Les vents périodiques font ceux qui fouf- flent pendant un certain temps d'un côté , & enfuite d'un autre: ils font très-communs fur k mer des Indes : on les nomme moujjbns , &les Anglais les appellent, à jufie titre , vents de commerce ; car ils font très-favorabies à ceux qui font le commerce des Indes. Sur cette mer des Indes , ces vents foufHent: pendant trois ou fix mois de l'année du môme côté , & pendant un pareil efpace de temps du côté oppofé. Les Navigateurs font obligés ^^6 Du Vent. d'attendre celui qui leur eÛ favorable Lorf- que ces vents viennent h changer , il y a plufieurs jours,& quelquefois un mois ou deux de calme ou de tempêtes dangereufes. Les vents de terre & de mer fe font ientir fur la mer méditerranée : le vent foufïle de la terre vers la mer, au coucher du foleiî , & au contraire , de !a mer vers la terre peu après le lever de cet aftre ; enforte que le matin c'eft un vent du levant , & le foir un vent du couchant. Les vents de mer s'élèvent vers les neuf heures du matin ; ils agitent foibîe- ment la furface de la mer , &c ih fe portent afîèz tranquillement vers la terre : mais dès qu'ils ont gagné la terre , ils commencent ^ devenir plus forts , & leur force augmente julqu'à midi : c'eft le moment de leur plus grande vigueur : ils perféverent avec la mê- me force jufqu'à trois heures ; ils mollilîènt enfuite peu à peu jufqu'à cinq ou fîx heures , & ils difparoiiïènt alors jufqu'au lendemain matin. Les vents de terre, au contraire, ne com- mencent à fe faire fentir que vers les fix heu- res du foir ; ils foufrlent enfuite pendant toute la nuit jufqu'au lendemain matin , & ils tom- bent depuis (ix jufqu'à huit heures , félon la faifon de Tannée : on remarque fur-touc de c&s fortes de vents fur les cotes & dans les iiles fîtuées entre les deux tropiques. Cette expofition fuccinde des venrs réglés fufïït pour en donner une notion générale. Les Phyficiensjdont l'objet eft d'expliquer les phénomènes de la nature , attt cherché à en D u V E N T. 397 découvrir la caufe : on ne la trouve point . dans les ouvrages des Anciens. Defcartes lui- même , le reftaurateur de la Phyfîque , ne nous donne rien de fatisfaifant fur cette ma- tière. M, d'AIembert prétend , dans un excellent Ouvrage qu'il a publié , que la véritable caufe des vents dépend de la force attradive de la lune & du foIeiL On a trouvé que cette opi- nion n eft pas fatisfiifante à certains égards & en plufieurs circonftances , fur-tout lorfqu'il s'agit d'expliquer le vent général d eft , qui règne conjftamment entre les deux tropiques. II paroît que Ja variation des vents dépend de différentes caufes , & la principale paroît être la chaleur du foleil , qui , échaufîànt & raréfiant une raafïè d'air , la dilate , la fou- leve ; ce qui attirant l'air prochain plus con- denfé , qui s'y précipite afîez rapidement pou ? exciter ces mouvements plus ou moins con- {îdérables , occafionne ces agitations que nous appelions à vent. PalToas à l'examen des vents libres , irrégu- îiers & variables , qui n'ont aucune diredion ni aucune durée fixe. Ces vents ne font au- cunement réglés , foit par rapport au temps où ils paroiiîènt , foit par rapport à celui de leur durée , foit par rapport h leur force , à leur hauteur , leur longitude , leur lati- tude, &c. On les remarque flir-tout dans les zones tempérées ; ils s'étendent néanmoins depuis les tropiques jufqu^aux pôles : quoiqu'ils ne paroiiîènt affujettis à aucune règle , ils fouf-; 398' D U V E N T. fîênt cependant plus fouvent le matin que lô foir. Ils ne font' nulle part fî violents que dans !és contrées où ii fe trouve beaucoup de mon- tagnes , de cavernes , de forêts , & quantité d'autres obfîacles qui s'oppofent à la direélion des vents généraux & réguliers. Tous les vents ont cela de particulier, que leurs qualités va^^ rient fuivant les différentes régions où ils fe font obferver. Les vents d'oueîl , par exemple , qui font fort pluvieux en France , en Hollande & ail- leurs, font fecs & fereins lorfqu'on approche du Canada : les vents du midi, qui font pref- que par-tout humides , font fort fecs en Afri- que & en Egypte. Le fud-eft très-mal-fain , & qui brûle les fruits à Aix en Provence , eft fort fain au Cap-Roux , iîtué dans la même province , & il y contribue à la fertilité. Les vents du nord font très-froids & très- dangereux en Pologne ; ils font aufîi froids ea Italie , mais ils y font très-falubres. On convient afîèz généralement que la principale caufe des vents eft la chaleur du foleil: mais en général , fout ce qui produit dans l'air une raréfàdion ou une condenlà- -tion confidérable , produit des vents dont les diredlions font toujours diredes ou oppofées au lieu où s'opère la plus grande raré^dion ou la plus grande condenfation : on voir qjue ce relTort général de la nature (e retrouve & agit par-tout. La preflion des nuages , les exhalaifons de la terre , l'inflammation des météores , la ré* Du V E N ^. 39^ folutîon des vapeurs en pluie, font des caufes qui produifent auffi des agitations confîdéra- bles dans l'athmolphere ; & chacune de ces caufes fe combinant de diftérentes façons , elles produifent des effets différents. Les vents libres dépendent d'une multitude de caufes qu'on ne peut afïîgner fans con- noîrre la difpofîtion des lieux où ils fe font fentir ; ils dépendent en général de tout ce qui peut caufer quelqu'ébranlement dans l'atli- mofphere : ils dépendent encore de quantité de phénomènes qui fe pafîènt même dans Tathmofphere , du mélange , des exhalaifons qui s'y combinent & y excitent des efferves- cences , & de quantité d'autres caufes que nous ne connoifîons point encore afïèz pour établir une théorie certaine fur la génération de ces fortes de vents. Ainfi il paroît , dit M. de Buffon , qu'on tenteroit vainement de donner une théorie des vents ; il faut fe borner à en faire l'hif- toire : cette hifîoire fèroit un ouvrage très- utile pour la navigation & pour l'agricul- ture. Les vents font plus réguliers fur la mer que fur la terre , parce que la mer eft un efpace libre , & dans lequel rien ne s'opère à la direftion des vents. Sur la terre , au contraire , les montagnes , les forêts , les villes , &c. forment des obfta- cles qui font changer la diredion du vent , & qui fouvent produifent des vents contraires aux premiers. On remarque fouvent dans l'air des cou'î; 460 Du Vent: rants contraires : on voit des nuages qui {^ meuvent dans une diredion , & d'autres nua- ges plus élevés ou plus bas que les premiers , <^ui fe meuvent dans une direclion con- traire. Mais cette contrariété de mouvements ne dure pas long-temps , & n eft ordinairement produite que par la réfiflance de quelque nuage à l'adion du vent , & par la répuîfion du vent direél qui règne fèul dès que l'obfta- cle eft difîipé. Les vents Ibnt plus violents dans les lieux élevés que dans les plaines ; & plus on monte fur les hautes montagnes , plus la force du vent augmente ; c'eft-à-dire , plus Tair eft agité , julqu'à ce qu'on foit arrivé à îa hau- teur ordinaire des nuages , eftimée à en- viron un quart ou un tiers de lieue de hau- teur perpendiculaire : au-delà de cette hau- teur , le ciel eft ordinairement ferein , au moins pendant l'été , & le vent diminue. L'air fe trouve quelquefois tellement agité & comprimé , fuivant certaines circonftan- ces, qu'il fe forme àes ouragans terribles ; les vents femblent alors venir de tous les côtés à la fois ; ils ont un mouvement de tourbillon & de tournoiement auquel rien ne peut réfifter. Le calme précède ordinairement ces hor- ribles tempêtes , & la mer paroît auffi unie qu'une glace ; mais dans un inftant la fu- i reur des vents éîevç les vagues jufqu'aux nues. II y a des endroits dans la mer où Ton ne peut aborder , parce qu'alternativement il y a D U V E N T. 4OE a toujours des calmes & des ouragans de cette efpece. Les Efpagnols ont appelle ces ■ endroits calmes & tornados : les plus remar« quables font auprès de la Guinée , dans un efpace de plus de cent mille lieues quarrées. Le calme ou les orages font prefque continuels fur cette côte de Guinée : il y a des yaifîèaux qui y ont été retenus trois mois fans pou- voir en fortir. Lorfque les vents contraires arrivent h la fois dans le même endroit , comme à un centre , ils produifent ces tourbillons & ces tournoiements d'air , par la contrariété de leurs mouvements , comme ]es courants con- traires produifent dans l'eau des goufFres ou fies tournoiements : mais lorfque ces vents trouvent en oppofition d'autres vents qui contre-balancent de loin leur aâion , alors ils tournent autour d'un grand erpace dans le- quel il régne un calme perpétuel , & c'efi: ce qui forme les calmes dont nous parions , ÔC dont il efl: impoflible de fortir M lis je fuis porté à croire , dit M. de Buffon., que là contrariété feule des vents ne pourroit pas produire cet effet , fi la direélion à^s côtes & la forme particulière du fond de la mer , dans ces endroits , n y contribuoient pas. Les gouffres ne paroiiient de même autre chofe que des tournoiements d'eau caufés par l'adion de deux ou de plufieurs courants oppofés; ainii il n'efb pas néceffaire , pour en rendre raifon , de fuppofer au fond de la mer des trous & des abîmes qui engloutifîènç continuellement les eaux. Tome IL e C 401 Du Vint; Le plus grand gouffre que l'on connoilîe eft celui de la mer de Norwege : on aflure qu'il a plus de vingt lieues de circuit : il abforbe pendant fîx heures tout ce qui efl dans fon voifinage , l'eau , les baleines , les vaiflèaux , & rend enfuite , pendant autant de temps, tout ce qu'il a abforbé. Le Cap de bonne - Efpérance eft fameux par fes tempêtes , & par le nuage fii^gulier qui les produit. Ce nuage ne paroît d'abord que comme une petite tache ronde dans le ciel , ce qui fait que les matelots l'ont appelle œil de bœuf. Les premiers Navigateurs qui ont appro- ché du Cap ignoroient les effets de ces nuages funelles qui femblent fe former lentement, tranquillement, & fans aucun mouvement fenlibledans rair,&qui tout d'un coup lancent la tempête & caufent un orage qui précipite les vaiflèaux au fond de la mer , fur-tout lorfque les voiles font déployés. Il y a encore d'autres phénomènes que les Navigateurs ne voient jamais làns crainte & lans admiration ; on les nomme des trombes: ce font autant de cyh'ndres d'eau qui tombent des nues , quoiqu'il femble quelquefois, fur- tout quand on eft à quelque diftance , que l'eau de la mer s'élève en haut. Mais il faut diftinguer deux efpeces de trombes: h première , qui eff celle dont nous venons de parler , n'eft autre chofe qu'une nuée épaiiïe , comprimée, refîerrée & ré- duire en un périt efpace par des vents oppo- fés & contraires, qui , foufîlanr en méme-« Du Vent. 403 temps, donnent à la nuée la forme d'un tour- billon cylindrique, & font que l'eau tombe tout à la fois fous cette forme cylindrique. La quantité d'eau eft fi grande , & la chute en eft Ci précipitée , que fimalheureufement une de ces trombes venoit à tomber fur un vaifîèau , elle le briferoit & le fubmergeroit en un inlîant. On prétend qu'en tirant fur la trombe pîuiieurs coups de canon chargés à boulet , on la rompt , & que cet^e com- motion de l'air la fait cefîèr aflèz p romptemenr. On a voulu afîimiler cet efîèt à celui du fon & du mouvement des cloches pour écar- ter les nuages qui portent le tonnerre ; mais on n'a que trop éprouvé que ce mouvement des cloches produit un effet contraire. L'autre efpece de trombe s'appelle 07?Ao/2: elle ne defcend pas des nuages comme la première , mais elle s'éieve de la mer vers^ le ciel avec une grande violence. Tlparoîtque . les typhons n'ont d'autre caufe que les mou- vements fouterrems, tels que ceux des vol- cans ; car la mer eft alors dans une forte d'ébullition , & l'air eft rempli d'exhalaifon;? fulphureufes , débris de la prifon de l'air fixe , & qui reprend rapidement fon élafticité. Si on fe rappelle tout ce que j'ai dit de l'air , dont le reifort eft comprimé dans les vapeurs, il ne fera pas difficile de reconnoître qu'il eft la principale caufe de l'agitation de l'air & des vents plus ou moins violents , félon le degré de fixité dont il part ^ & de la vivacité avec laquelle il reprend fon élafticité. En examinant bien, & en fuivant cette Ce a Bu Vent, caufe , la théorie des vents ne feroit pas aufïi difficile h établir qu^on l'a cru ; & en partant de cette caufe , dont je ne peux douter de la réalité , on verra que tous les phénomènes des vents deviendront aifés à expliquer. Je dis plus , il n'y a point de phénomène dans la nature qui ne puifîe être conçu & expliqué par cette même caufe de l'élaflicité ou de la fixité de l'air , ou , ii Ton veut, & ce qui eft la même chofe , de la raréfaélion & de la condenfïuion: que l'on y fkfîè atten- tion , que Ton y prenne garde , & on re- trouvera par -tout ce principal aéteur dans toutes les grandes & les petites fcenes d2 la nature ; & c'eft , comme je Tai déjà dit , le grand refibrt du monde. Les vents ont beaucoup depuilîàncepour changer la conllitution de notre athmof- phere, & ils en ont aufîi beaucoup pour af- feéler les corps organifés , fur-tout le vent du nord & celui du midi. Tous ceux qui fe font appliqués à la con- noifîànce des divers moyens de conferver la fànté en ont fait l'expérience. On a remar- qué que , quand le vent du midi foufHe , il tombe de l'eau, ou il arrive des orages ac- compagnés d'une chaleur excefîive; le refîbrt de l'air efl toujours plus ou moins compri- mé , plus ou moins fixe ; la refpiration efl alors gênée, les vaifîeaux fe gonflent, & la tranfpiration efi: abondante. Si le même vent règne long-temps , on fe fent bientôt accablé de îafîitudes extrêmes, h tête s'appefantir, & les viandes fe corrèm- D tj Vent. 40^ pent en peu de temps: cependant ce vent eft le plus favorable pour l'agriculture, tant pour les femences que pour les plantations & les greffes. Le vent de nord, qui rend l'air plus froid, plus comprimé & plus fec, donne ainfi plus de mouvement à toute rarhmofphere ; ii ref- ferre les pores , condenfe les fluiJes, &: em- pêche la trop grande dilîipation dès humeurs: il eft plus falutaire pour les animaux que pour les végétaux: cependant, lorfqu'il règne long- temps, il affecle la poitrine, il produit des toux, des fluxions, des enrouements. Le vent de nord eft nuifibb aux plantes; on ne doit ni planter , ni femer , ni greffec quand il {oufîle, parce que l'effet de la con- denfation , qui a lieu alors dans l'air & dans la terre , loin de poulîèr des fucs nourri- ciers dans les racines , attire ceux dont elles font pourvues , & opère une difîîpacion dans toutes les parties de l'arbre qui n'eft point réparée; ceft ce qui fera mieux expliqué dans les volumes fuivants. On verra combien, ce vent eft nuifibîe aux feuilles, aux fleurs & aux fruits ; car fes effets , peu favorables k l'afcenfîon de la fève terreftre , diffipent en grande partie la fève aérienne. Le vent d'ouefl eft ordinairement chargé d'humidité; il donne fouvent des pluies abon- dantes, & quelquefois longues: il efl très- favorabîe à la végétation ; on peut le regar- der comme mitoyen entçre le froid de celui du nord, & la chaleur dé celui du raidi. Le vent d'efl, qui eft oppofé au. dernier. Ce 3 4o5 D U V E N T. peut être auffi confidéré comme mitoyen entre celui du nord & celui du midi ,• il ne donne qu'un degré modéré de cha!eur,mais il eft ordinairement ferein & fec: c'efl celui qui foufîîele plus rarement dans notre climat. La force & îa vîtefïè des vents varie fin- guîiérement ; il en eft de fi impétueux qu^ils produifent les eiîèts les plus furprenants: on en a cité des exemples qui paroîtroient in- croyables, s'ils n'étoient atteftés. On lit dans le Journal économique pour le mois de Mai i']66 , qu'en 1757 il furvintà Malte deux ouragans fi fijrieux, que le premier, arrivé le ig Oélobre , déplaça plufieurs pièces de canon & de mortiers établis fur h plate- forme du fort Saint-Elme; deux canons, en- tr'autres, déplus de quarante livres de balles, montés fur leurs affûts, placés l'un à coté de l'autre , furent retournés en fens oppofé , &: rapprochés par les cotés de leur culafîe. On trouvera des effets extraordinaires pro- duits par l'impétuofité des vents dans pres- que tous les voyageurs. M. de Buffon en rap- porte plufieurs très - remarquables dans le premier volume de fon Hiftoire Naturelle ; mais le plus extraordinaire qui foit venu à notre connoiffance eft celui qui eft rap- porté dans le Journal des Savants, année 1680. On y lit qu'il s'éleva un vent fi impé- tueux à Radzreiovicaah , à cinq milles de Varfovie , qu'il enleva une grofîè tour de l'églife &: les cloches qui y étoient, & qu'il tranfporta f ette maffe énorme fur un édifice fort éloigné. Du Vent. 407 D'après de pareils événements , qu'on n'of^ rendre qu'en citant les rapports authenti- ques , on voit jufqu'oLi peut aller la force des vents ; on ne peut leur oppofer aucune digue , & ils font on ne peut pas plus à craindre dans les endroits qui font expofés à leur fureur. Leur force impétueule & irréfiftible peut être comparée à celle de la poudre à canon ; aufîi a-t-elle à -peu-près la même cau(e:c'eft l'air fixe qui reprend fon élafticité , & qui frappe Tair athmofphérique plus ou moins violemment, félon que fon refîbrt efl: dé- bande avec plus ou moins de célérité. Tout Phyficien qui voudra fuivre l'examen de cette opinion n'en doutera pas plus que moi Si les vents nous expofent à nombre de défaftres , ils nous procurent nombre d'avan- tages qui compenfent les dommages qu'ils nous apportent quelquefois : ils tiennent l'air dans une agitation , dans un mouvement con- tinuel ; ils purifient Fathmofphere,en diflî- pant le mélange & la fermentation des exha- laifons qui s*y élèvent & *sY répandent. Aufîi le célèbre Hyppocrate a-t-il obfervé qu'a- près un long calme, & fur -tout pendant l'été, il furvient des maladies contagieufes, des fièvres malignes , &c. Us rafraîchifient l'air de plufieurs contrées, qui ne feroient point habitables fans ce fecours : on fait que les grandes chaleurs ont befoin d'être tempérées par un air frais. lis nous procurent la facilité de nous tranf- porter dans les régions les plus éloignées, par îe moyen de la navigation qu'ils favorifent, Cc4 Ils agitent , ils mettent en mouvement les eaux , & les empêchent de croupir & de répandre une infedion mortelle. lîs font mouvoir pîufieurs machines def- tînéescjprépa«-er la nourriture de l'homme r& \ lui fournir plufîeurs commodités de la vie,&:c, C'eft ainfi que la même caufe produit îe bien & le mal : il y a dans le monde une qui nous oblige à regarder la glace comme une liqueur raréfiée par rintefpofltion d'une matière étrangère entre les molécules de l'eau. Il y a certains pays où il geîe la nuit des jours les plus chauds : telle eÛ. la partie fep- tentrionale de la Perfe & de l'x^rménie. M. de Tournefort étant à Erzeron , Capi^-^ taie de l'Arménie , écrivoir à M. de Pont- chartrain , qu'il y avoit fréquemment de la glace dans cette Ville , & qu'il y éprouvoit un froid très -piquant : fa lettre étoit datée du 19 Juin. Il marque dans la relation de fon voyage au Levant , que Teau dans laquelle il avoit mis des plantes pour les conferver & pour les dé- crire le lendemain , fe glaça pendant la nuit de l'épaifTeur de deux lignes , quoiqu'elle fût à couvert dans un bafîin de bois. La même choie arrive en Italie > en Alle- magne , en Suifîè ; il y a même un fleuve dans TEvéché de Bâîe , qui , au rapport de Scàeucfi:^er , ne gele que dans i'été. On connoït la deîcription que M. Bofc îiGus a donnée àes grottes de Befançon , dans laquelle il marque que ces grottes font rem- plies de glace en été , & que plus il fiit chaud , plus ces glaces font épaifîès ; que l'on voit au milieu de ces grottes un ruifîeau qui ne fe glace que pendant l'été, & qui coule pendanc l'hiver. De la Gelée. 42)-/ Ajoutons encore à ces phénomènes , tous propres à démontrer rinfuffifance de Thypo- thefe du grand Boerhaave , qu'on voit en Hol- lande & dans les environs de Leyde une gran- de quantité de mares peu diftantes les unes des autres ; toutes expofées à la même tem- pérature , dont les unes font couvertes de glace , tandis que les autres font encore li- quides. Ajoutons encore que fi la feule privation du ^u cohvertifîbit l'eau en glace , on ne verroit point de l'eau refroidie de plufieurs degrés au - deflbus du terme de la congéla- tion confèrver fa liquidité ; & on ne verroit point de glace fubfifter & confèrver toute fa foîidité, dans une température de quelques degrés au-defTus du terme de la congélation. Or , on obferve aflèz fréquemment cqs deux phénomènes ; on a vu de Teau refroi- die au feptieme degré au-deflbus de zéro > échelle de Réaumur^ demeurer encore liquide ; & on a vu de la glace ne donner ancun figne de fufibilitéjquoiqu'expofée dans une athmof- phere où le thermomètre indiquoit quatre degrés de température au-deifus du terme de la congélation. Que réfulte-t- il de toutes ces obfervations , & de plufieurs autres que nous pourrions ci- ter, fi nous ne craignions de devenir pro- lixes .<■ 11 en réfulte que la feule privation du feu ne fuffit pas pour la formation de la glace , & qu'il faut néceffairement emprun- ter le fecours d'une caufe concomitante : or , cette .caufe concomitance ne peut être que 4^8 De la Gelée. quelque fluide étranger , dont les molécules , trop fubtiles pour tomber fous nos fens , s^inclinent entre les parties de Peau , en pré- cipitent la matière ignée, l'en expulfent, & fervent de lien & de gluten aux molécules de î'eau ; voilà comme raifonne un autre Auteur. Or, dans cette hypothefe confirmée par plufieurs obfervations , la glace ne fera plus, comme Boerhaave & fès partifans le préten- dent , une liqueur condenfée, mais une li- queur raréfiée par l'interpofition des corpus- cules étrangers dont elle fera remplie. Cette hypothefe, j'en conviens , efi: expo- fée à plus d'une difficulté : il fèroit difficile d'indiquer la nature de ces corpufcules ; ils échappent à la foiblefîe de nos organes , &: jufqu'h préfent on n'a pu trouver de moyen de les ifoler , de les recueillir, & d'en examiner les propriétés. On fait feulement que , diftin- gués des parties nitreufes & des parties de tout autre fel , ils fe trouvent abondamment répandus entre les parties de ces fortes de fubf^ tances. On fait qu'ils fe trouvent en quantité dans tous les endroits qui abondent en nitre ; & ce font ces fortes de corpufcules que les fels emportent avec eux , qui donnent h ceux- ci la faculté de refroidir l'eau dans laquelle on les fait fondre. Sans nous occuper de leur origine & de leur nature, bornons -nous à conflater leur exigence dans la glace qu'ils concourent à former. Si la glace ne contenoit aucun corps étran- De la Gelée. 429 ger , fi elle n'étoit due qu'à la feule priva- tion du {en , l'eau qui proviendroit de la fu- fion de la glace , par l'addition de la matière ignée , feroit fans contredit la même qu'elle étoit avant la congélation. Or, l'expérience démontre le contraire ; tout le monde fait que cette eau, ainiî que eeUe qui provient des fontes des neiges , eft infalubre , & qu'on ne peut remployer , même dans les cuifînes , pour y faire cuire les légumes , qu'après l'avoir fait long-temps bouillir ; fans cela les légumes ne cuifènt point convenablement. Elle contient donc quelque fubilrance étran- gère , dont l'adion du feu ne la dépouille que difficilement : or quelle peut être cette fub- ftance, Ci ce n'eft celle qui s'eft unie avec elle dans fa congélation , ces petits corpuf- cules que MuJJenbroeck défigne fous le nom de parties frigorifiques, à delfein feulement de caraélérifer leurs effets ? Lorfqu'il arrive que la maffe , refroidie au-defibus du terme de la glace, vient à ge- ler, on voit le thermomètre qui y efi: plon- gé monter de quelques degrés, & s'arrêter au terme de la congélation , qui prouve plu- rôt un effet de raréfaélion que de conden- fation. On lit dans THiftoire de TAcadémie des Sciences pour Tannée 1745, une expérience chymique afîèz curieufè , & qui mérite d'être rapportée. C'eft une préparation qui acquiert la for- me de la glace , qui en a tout Tafped;, & 430 De ia Gelée. qui s^enflamme par le moyen de Vefprk de nitre. Ceft la même expérience qu'on fait en cîiymie lorfqu'on démontre les proprié- tés de l'acide nîtreux fumant , & qu^'on fait en phyfique , lorfqu'on y traite de i'inflamma- bilité àQs huiles. C'eft , à proprement parler , une petite charlatannerie chymique , ou , plus honnê- tement, une recréation chymique : en voici le procédé. On met de Tliuile de thérébentine diftil- îée fur un feu doux, & on y fait fondre lentement un peu de bîanc de baleine. Cette folution efl: aufïi claire que de Teau ordinaire ; mais en tranfportanr le vaifïèau qui la con- tient dans un lieu frais , elle fe glace dans l'efpace de trois minutes. Si cette congélation n'avoit point lieu dans cet efpace de temps , il ne s'agiroit que à'y ajouter encore un peu de blanc de baleine: la quantité n'efi: point déterminée, & il n'y a nul inconvénient à y en remettre plufîeurs fois ; la feule circonltance eflèntielle eft de ne le point piler , mais de le faire fondre en afïèz gros morceaux pour donner à cette glace toute la tranfparence qu^elle peut avoir. Lorfqu^'on fait cette expérience pendant les chaleurs de l'été , on peut mettre le vaif- feau dans de l'eau fraîche ; la glace fe formç plus promptement, mais ellen'^eft point auflî belle. Lorfqu'on veut faire l'expérienpe , il eft bon d'attendre que la température de l'air commence à faire fondre cçtte glace , & lori^ De xa Gelée. 431 qu'elle fera un peu dégelée , verfez par-def- fusderefprit de nitre fumant, & la glace s'en- flammera. Ces explications fur la gelée & fur la glace , qui en eft l'effet , fuffifent pour en prendre les notions néceflaires pour l'intelligence de ce que nous dirons dans les volumes pra- tiques , de fon influence par rapport à l'agri- culture , des moyens à employer pour pré-* ferver les plantes délicates de fes mauvais effets , & de ce qu'il faut faire pour remé- dier au mal qui s'enfuit. Il y a une efpece de gelée afl^êz fréquente en automne & au prin* temps qui s'opère au-deflijs du terme de la con- gélation ; on l'appelle gdét blanche. On donne ce npm à une multitude de petits glaçons qu'on apperçoit le matin fur les toîrs des bâ- timents , fur les herbes des prairies, où ils for- ment une efpece de tapis blanc femblable à une neige légère & peu épaifle. Ce n'efl: autre chofe que la rofée faifîe par le froid, & convertie en une elpece de neige. Cette gelée adhère h la furface des corps & dQ^ plantes fur lefquelles on la voit ; ce qui prouve qu'elle n'efl: point formée dans l'athmofphere, comme la neige, & précipi- tée enfuire fur les corps; mais que ç'eft vé- ritablement la rofée, dont ils çtoient cou-^- verts, convertie en gelée. Aufîi ne remarque - t- on point de gelée blanche fur les corps qui n'attirent point , ou qui diflipent trop promptement l'humidité de i'air , éç qui ne font point mpuillés de 432- I5e la Gelée. rofée 5 tels que les métaux lorfqu'ils font bierl polis , ou les furfàces imprégnées d'huile. Les qualités de la gelée blanche dépendent de celles de la rofée dont elle fe forme. Elle ie fond au lever du foîeil , & elle s'élève en grande partie dans l'athraofphere en forme de vapeur. Cette gelée afFede peu les parties des plan- tes , fi ce n^eft dans les circonftances où quelques-unes font trop remplies de parties, aqueufes. Il n'en eu pas de même des fortes gelées ; nous parlerons des moyens de préferver , au- tant qu^il eft pofTible, les plantes de fes effets meurtriers. Il gèle aiïêz ordinairement dans notre cli- mat , lorfque le vent foufîle du côté du nord, & la gelée continue prefque toujours jufqu'à ce que le vent change. Je terminerai ce Chapitre par une obfer- vation que je me garderois bien de rendre , il un Journal exad ne m'avoit ùiit voir qu'elle eft prefque toujours jufte. Que l'on ne me demande point de raifbn phylîque de cette obfervation ; je ne vois point fur quoi elle peut être fondée ; mais je l'ai vue an- nuellement prefque toujours û bien jufti- fiée , qu'elle ne doit pas être confondue avec plufieurs autres , quoiqu'elle ne puiffe : pas être mieux expliquée par aucun principe connu. Enfin cette obfervation , que je n'ai re- gardée pendant long-temps, ainll que beau- coup De la Gelée. 435 coup d'autres , que comme l'effet de la cré- dulité des gens de la campagne , c'eft que cha- que jour où l'on obferve du brouillard pen~ dant le mois de Mars , il y a de la gelée à pareille date au mois de Mai. Depuis que je fais cette obfervation , je l'ai trouvée rarement feurive ; elle a été affeï jufte cette année; elle s'efl même juflifiée dans !e temps où on la regardoit comme devant être en défaut. On avoit obfervé un afïèz fort brouillard le 22 de Mars; mais les jours chauds de la mi-Mai accompagnés d'orage , ik une pluie douce qui étoit tom- bée les jours fuivants , pendant un temps chaud , n'annonçoient rien moins que de la gelée : cependant tout -à -coup un vent de riord foufîla le 22 , & il gela pendant h nuit. CHAPITRE VIL Du Givre. E givre efl une efpece de geîée blan- che; c'efl une forte de glaee qui s'attache particulièrement aux plantes , aux poils des animaux, & h plujîeurs autres corps fufcep- tibles d^attirer les vapeurs, & de s'en laifïèr mouiller. Celle qui s'attache aux plantes doit fon origine aux vapeurs qu'elles attirenc Tome IL E e 434 P u G I V R E. pendant la nuit , & qui fe font fortement Condenfées par le froid, & cela eft fi vrai que ce font les parties des plantes les plus aîpirantes pendant la. nuit , telles que les _ feuilles qui font toujours le plus couvertes <îe givre. Saifies par le froid , ces particules aqueufes que les feuilles afpirent & pompent, fe glacent & prodiiifenc cette efpece de neige & de glace dont les plantes paroifîent cou- vertes le matin , avant que le îok'û ait pafîe par-defîlis. La rranipiration animale, faifie par un froid piquant , fe convertit auflî en gelée blanche, & adhère fous cette forme aux poils àes animaux. Ainfi voit-on que les cheveux , la barbe des voyageurs , les crins des chevaux , font cou- verts de givre , îorfqu'iîs font expofés pen- dant Thiver aux injures d'un air glacial. L'ha- leine même des voyageurs revêtus de fourru- res , fe glace fur la partie de la fourrure qui répond à leur menton ; on la voit couverte d'un givre plus ou moins épais. Il fe forme encore de la gelée blanche lorf- que les corps qui font vers la furfàce de la terre font entourés d'un brouillard fort bas , qui s'applique à la furface de ces corps , & qu'il furvient un froid aiïèz grand pour glacer les particules aqueufes de ce brouillard. Cette gelée blanche adhère de toutes parts k ces corps fous la forme de petits floccons de nei - ge : cette gelée efi: très-denfe du côté où die ed e>;pofée au vent. Si elle dure pendant pki- lîeurs jours , elle devient fi denlè & ii com-^ D u G, IV R E. 435 pacte, qu'on la prendroît pour de véritable , neige tombée fur ces corps. On remarque fouvenr que cette gelée pa- roîr fous la forme d'une longue barbe de nei- ge du* côté où les corps font expofés à l'aélion du vent. On remarque encore du givre fur les corps qui font en plein air : cet effet a lieu pen- dant l'hiver , lorfqu'après une gelée l'air efî rempli de vapeurs humides , plus chaudes que les murailles iSc les corps circonvoidns ou elles vont s'attacher , s'y condenfer & s'y convertir en gelée blanche. Cette geléQ s'attache fur-tout aux murailles des maifbns , & fur les tuiles expofées aux in- jures du temps. Le givre s'attache particu- lièrement encore aux vitres des maifons , par- ce que le verre attire fortement Tes vapeurs ; il les couvre intérieurement ou extérieure- ment. Il y adhère extérieurement, lorfque Tair intérieur , celui de Tappartement , eft plus froid que celui du dehors. Dans ce cas le feu qui domine au dehors , & les vapeurs , fe por- tent vers les endroits plus froids : ces vapeurs s'appliquent contre les vitres , tandis que la matière ignée tendante à l'équilibre , pénètre celle-ci pour fe jeter dans Tair de l'appar-^ tement. Mais lorfque l'air du dehors eft- plus froid que celui du dedans , le feu & les vapeurs qui nagent dans l'air de l'appartemetit font effort pour s'en échapper & pour fe porter au dehors, -^ Ee i ^^6 D iT Givre. te feu abandonne donc les vapeurs qu'il accompagne fur l'intérieur des vitres,où elles fe cpndenfent & fe glacent , tandis que la matière ignée s'échappe & fe porte au dehors. Ces lortes de congélations , ces frimats re- préfentent différentes figures fur les vitres ; elles repréientent affez fouvent des feuilles d'arbre. C'eftdonc une erreur de regarder îe givre comme tout formé dans' l'air , ^ {q précipi- tant enfuite fur les corps qu'on en trouve cou- verts , ainfi que nous Savons déjà oblèrvé par rapport à la gelée blanche. Le givre caufe fouvent de grands domma- ges , fur-tout dans le printemps , lorfque les arbres font en fleur; il eft très - dangereux lorfqu'après. un jour ferein , pendant lequel le foleil s'efl: montré dans toute fa fplendeur , & a déterminé les lues nourriciers à s'élever des racines aux tiges & au fommet des plantes , & a mis la fève en grand mouvement , il fur- vient une nuit très-froide,& qui engendre du gi- vre;cette congélation détruit les étamines & les piftils des fleurs encore trop tendres pour ré- iîfter à fon adion ,• elle dilate les vaiflTeaux , elle les rompt , & elie anéantit ainfi la fruâi- iication. Le dommage n'efl pas moins grand , fl aprèç une nuit pendant laquelle il s'eft formé une grande quantité ^e givre , il furvient un jour ferein ; alors la fonte lubite de cette glace fait périr les parties des plantes qui en font cou- vertes , &: c'eft une raifon de plus pour abri- £c;r des rayons du foleil les plantes délicates , D ir G I V R ^ 437 & les arbr^ qu'on craint d'expofer à ces fortes de dommages. S'il eft certains pays expofés à ces fortes de frimats , il en eft quelques-uns où on ne les remarque que très-rarement. Montpellier & tout le bas Languedoc font dans ce cas; ce quî vient de ce que le froid & la gelée y font ra- rement accompagnés d'humidité & de brouil- lards. Ces pays font naturellement fecs , & l'air n'y efl humide jufqu k un certain degré , que quand les vents du fud & du fud-eft y tranf- portent les vapeurs qui s'élèvent en abondance de la Méditerranée ; mais ces vents , modé- rément chauds , modèrent le froid , & s'oppo- fent à la génération du givre. C H A P I T R E VIII. De la Nàg», ^ X-i A neige n'eft que de l'eau dans un état de vapeur épaiflè , condenfée & glacée par le froid dans la moyenne région de l'air ; elle tombe fur la terre par petits floccons blancs , qui font d'autant plus menus que le temps eft plus froid. Pour fe former une idée de la génératioa de ce météore aqueux, il faut confidérer que les nuées ne font qu'un amas de brouillards E e 3 43? De ia Neige. ou de vapeurs aqueu Tes qui demeurent fufpen- dues dans notre athmofphere ; que ces vapeurs, réunies , devenant plus peintes , tombent d'une nuée dans une autre , & fe précipitent vers la furface de la terre. Or , îorfque ces vapeurs font faides dans leur chute par un froid pro- pre à les congeler , elles fe convertifTent en de petits filaments de glace , & ces filaments venant à fe réunir , forment des floccons de différentes formes & de différentes groffeurs , auxquels nous donnons îe nom de neige. La forme , en efïèt , de ces floccons n'efl pas confîamment la même : on en voit dont la figure eft très-réguliere , & d^'autres dont la forme efi: tout à-fiitirréguliére. Il arrive^ quelquefois , mais ce phénomène eft affez rare , que les parties aqueufes,fuf- pendues fous la forme de vapeurs dans la ré- gion glaciale de l'athmofphere , fe gèlent avant de fe réunir en grand nombre ; alors la neige qui en réfulte , au lieu de former des floccons, îie forme qu'une poufîiere fine & feche. ■^Jlfaupertids obferva ce phénomène dans îa Xaponie. Chah/et en fait mention dans fon voyage fur les côtes de l'Amérique , & dit l'avoir obfervé dans l'IOe royale , à Louis- bourg : on appelle cette efpece de neige pou- dwrl; elîe pénètre à travers les chafTis àes fenêtres ; elle efl fi rare & fi ténue , qu'on ne peut marcher deffus îorfqu'il en eft tombé une certaine quantité fur Ja lurface de la terre. Les vapeurs des nuées , dit Maupertuis dans Ion -Ouvrage fur la figure de Ja terre , fe De la Neige. 43^ convertifîent alors û promptement en neige , qu'elles n'ont pas le temps de fe ralîèmbîer en floccons ; ces floccons , qui font la forme la plus commune fous laquelle la neige nous arrive , relîemblent quelquefois à de petites anguilles minces & oblongues ; elles p^roif- fent formées de petites particules de vapeurs qui fe difpofent à coté les unes des autres , félon leur longueur. Lorfque plufieurs de ces anguilles fe com* binent enfemble , (e réunirent , & qu'elles font de différentes longueurs , elles forment alors des floccons irréguliers. Souvent ces floccons font réguliers , 6c dans ce cas ils imitent quelquefois la figure d'une étoile exagonale , dont les rayons font très-minces , & forment entr'eux des angles de 60 degrés : ces rayons font plus ou moins multipliés ; de forte que la forme des floccons varie flnguliérement. Nous avons k ce fujet des obfèrvations très-bien faites par M. Guettard ; elles font conlîgnées dans les Mémoires de l'Académie pour l'année 1762: il eut occaflon de les faire dans fon voyage en Pologne en ly^o & 17^1. II obfèrva à Varfovie que , comme dans ce pays , les floccons de neige reflèmbloient à des étoiles ramifiées en fîx rayons égaux , ou quelquefois fans ramifications , mais rarement en douze , ou bien elle efl: en grain plus ou moins gros. Il remarqua que le thermomètre étant au-deflbus de zéro , plus il étoit bas , plus la neige avoit la figure d'étoiles , & que Ee 4 ^^0 De la Neige. les rayons de ces étoiles éroient d'autant plus ramifiées que le froid étoit plus grand. Quoique la neige foit afîez rare , elle four- nir une aflez grande quantité d'eau îorfqu'elle vient à fondre. Selon les oblèrvations de S'idlauy un tas de neige de cinq à fix pouces de hauteur produit ordinairement un pouce d'eau : M. de la Hire a confirmé cette obfer- vation ,• mais il ajoute que toute efpece de neige ne fournit pas la même quantité d'eau ; il en obferva qui ne fournit que la moitié de cette quantité. Lorfqu'il tombe beaucoup de neige dans un endroit , & que la gelée continue avec un temps fereia , elle s^afFaifîe de plus en plus & elle diminue , parce qu'elle s'évapore fenfîble- ment. Mais un fait qui paroîtra fingulier , c'eft que dans les Alpes toujours couvertes de neige , elle ^'y fond plus abondamment lorf- que le temps eft couvert de nuages , & lorf- qu'il fait chaud , que lorfque le ciel eft /e- rein , & que le ibleil darde de/Tus fès rayons. Cette obfervation que l'on regarde comme confiante , a fait imaginer que cela venoit de ce que les rayons du foîeiî , réfléchis en plus grande partie par la neige , n'exerçoient point afTez leur adion fur eîle pour la fondre , & que la matière ignée , furabondante dans l'ath- mofphere lorfqu'il fait chaud , la pénétrant intimement & de tous côtés , la fond plus aifément. Lorfqu'il neige tandis queîa gelée dure, les fîoccons font toujours plus petits \ mais fi l'air De la Neige. 442 devient plus chaud ou plus humide , ces floc- cons font alors plus gros : on les voit fouvent tomber avec la pluie , quelquefois on voit tomber en même temps , & de la neige & de la gréle ; ce qui, arrive, oulorfque les petites gouttes de pluie fe convertifîènt en neige , & les grofîès en grêle , ou lorfque la neige & la grêle viennent de différences nuées , & qu'elles tombent en un même endroit. La neige tombe ordinairement avant oit après les fortes gelées; mais il arrive, quoique? rarement, qu'il neige lorfque la gelée eft très^ force : c'eû ce qu'a obfèrvé Mujfenbroeck ; il a même remarqué que la neige tomboic pendant des jours où la gelée augmentoic. Quoique le froid fe relâche afîez commu- nément par la chute del:? ne'igQ , Muffènbroerk fait obferver aufîi que le contraire arrive quel- quefois. Ce célèbre Phyficien s'élève aufTi con- tre une erreur qui eft fort accréditée : ont croit , dit-il , qu'il n'en tombe jamais llir la mer , parce que les vapeurs qui s'en élèvent font fondre la neige avant qu'elle foit arrivée Jur la furf\ce de la mer : û ce fait fe trouve vrai en quelques circonftances , il n'eH: pas général , puifqu'on voit fouvent tomber de la neige fur la mer d'Allemagne. C'eft encore une erreur populaire de croire que la neige n'eft jamais accompagnée de ton- nerre ; elle furvient , à la vérité , pendant l'hi- ver , temps où il eft rare que le tonnerre fe falïè entendre ; mais il n'en eft pas moins vrai que la neige & le tonnerre fe font quelque- fois obferver enfemble. 442. De la Neige. Le premier Janvier 171 ij , il éclaira & il tonna à Montpellier dans le même temps qu'il neigeoit. Dans le dernier fiecle il y eut à Senlis , à Châlons , & dans les villes voilines , un orage des plus violents au milieu de l'hiver ; la fou- dre tomba en plufieurs endroits , & fit de terribles ravages , tandis qu'il y toraboit une très-grande quantité de neige. Il en eft de la neige comme de la pluie : celle-ci tombe beaucoup plus abondamment en certains endroits qu'en d^autres : la neige pareillement femble afïèâionner par préfé- rence certaines contrées ; elle tombe , par exemple , très - abondamment dans Tlfle de Fer. On lit dans le Journal des Savants pour l'année l6q6 ^ qu'il arrive dans cette Ifle que les moutons qui y font en pâturage font tellement couverts de neige, qu'on ne peut les voir , & qu'on ne les découvre que par une vapeur épaiflè qui s'en élevé , & qui pénètre la neige. En 1729 il tomba fubitement fur les fron- tières de !a Suéde & de la Norwege une fî grande quantité de neige , que les maifons , près du village de Villaras , en furent couver- tes , & que ceux qui étoient dedans y péri- rent. M. Wofh rapporte un fait de même efpece , arrivé en Siîéfie & en Bohême. M. Maupertuis nous apprend qu^'il furvient allez fréquemment en Laponie des efpeces de tem- pêtes de neige , qui font on ne peut plus dan- gereufès. De la ttéige. 443" le vent , dit -il , foufHant de toutes parts tranfporte la neige avec une très-grande hn- pétuofité , & en couvre les chemins ; cette neige aveugle les voyageurs , les écrafe ôc les fait périr. On lit dans le voyage d'El/is k l'x^bbaye d'Hudfon , que les Angîois y ont éprouvé quelquefois la même chofe. Bouguer, àins (on voyage du Pérou , nous af- fure qu'il furvient quelquefois des tempêtes de neige, fur-tout fur la montagne Afonai , que ceux qui en font furpris peuvent à peine reconnoître leur chemin & s'en échapper. En 1741 il tomba une (i grande quantité de neige, pendant l'efpace de 4S heures, dans la nouvelle Yorck de l'Amérique , que la terre en fut couverte à feize pieds de hauteur. La neige eft très-froide au toucher : quel- ques-uns ont attribué cette propriété au nitre aérien ,dontrexifl:ence eft regardée par d'au- tres comme une chimère ; & ceux-ci préten- dent que fi la neige contribue à la fertilité des terres, ce n^eft que par l'effet qu^elIe opère en fe fondant , parce que l'eau qui en pro- vient pénètre profondément le terrein , & le met plus en état de réfifter au deflëchement de .la chaleur & du hâle du printemps : il eft certain que cet effet feul eft fufHfant pour entretenir en vigueur les plantes. La neige eft fujette à l'évaporation ; en fe réfolvant en eau ,eiîe diminue confidérablemenc de volume. Comme cette eau concrète (e fond aifément , el'e eft un moyen plus commode que la gîace pour rafraîchir le vin en été : on s'en fert iur-tout dans les pays chauds ; c'eft ce qui fe 444 T) E LA Neige. pratique à Rome. Elle fe conferve auffi bien que la glace dans les glacières ; mais il faut pour cela la ramafîèr par pelotons , la battre & la bien prefler, afin qu'il n'y ait point de vuide. Dans les grands froids on y jette de l'eau qui en remplit les intervalles en fè gelant aufïi-tôt : c'eft à la fonte àes neiges congelées fur le foramet des montagnes , que nous devons communément le phénomène des fontaines intermittentes. Autant Teau de la neige eft fàîutaire aux végétaux & aux opérations de quelques arts , autant eiie eflr nuifîble en boiflbn. On remar- que que les habitants d'une partie de la Sui& & du Tirol , qui en font ufage , font attaqués de goitres & d'enflures de gorge. On pratique dans les pays du nord des chauf- fées de neige , fur lefquelles on voyage en traîneau ; il fe fait dans les Cours du nord des courfes de traîneaux qui forment àts fêtes très-brillantes pendant le carnaval. Il arriva une année que pendant ce temps - là il ne tomba point de neige en Saxe ; & au grand regret de la Cour & des habitants de Drefde, on fe voyoit obligé de renoncer aux courfes de traîneaux. La magnificence du Souverain y fuppléa ; il fit venir à grands frais , de fort loin , une quantité de neige fufïifante pour fournir à la courfe des traîneaux : beaucoup de gens ont prétendu que la fomme prodi- gieufe que cela coûta auroit pu être mieux employée. La neige , comme très-blanche de fa na- ture , réfléchit très -fortement la lumière , & De là Neige. 44c conféquemment fatigue la vue des voyageurs qui font obligés de traverfer des pays couverts de neige. Les Naturaliftes & lesPhyficiens qui fè font occupés à examiner les propriétés des êtres qui font l'objet de leurs recherches , ont dé- couvert plufîeurs ufages dans la neige. 1°. Elle fert h couvrir & à défendre contre îa force de la gelée qui furvrient pendant l'hi- ver , les herbes , les boutons des arbres ; elle conferve également les racines de plufîeurs plantes , les oignons , & généralement tous les grains qu'on a femés avant Thiver , & qui commencent à poufler : l'eau qu'elle produit, & qui pénètre fort avant les couches de la terre , ne concourt pas peu à fa fertilité. Ou- tre cela , foit nitre , ou toute autre fubftance , il eft certain qu'elle contient des principes étrangers k l'eau ordinaire j fa couleur & fes effets le prouvent. 2**. Lorfque la chaleur fait fondre la neige & la réduit en eau , cette eau concourt à l'en- tretien des fontaines , des rivières , des fleu- ves: fouvent elle efl fi abondante , qu'elle oc- cafionne des débordements , des inondations. On remarque en effet afîèz généraîem.ent en Europe, que les rivières fe gonflent dans les mois de Mars & d^Avril par Teau que leur fournit les fontes de neige qui s'opèrent fur les hautes montagnes. 3°. Un autre effet de la neige , c'efl , fans contredit » de s'oppofèr à la difîipation des exhalaifons qui s'éléveroient du fein de la terre , ù fa furface reftoit à découvert peu- 44<' Delà Neige. dant l'hiver. Ceft à caufe de cela qu'on bb- ferve une grande férénité dans les régions boréales. Non-feulement la neige arréieces exhalaifons; mais elle s'oppofe encore à la (diiïipation de la chaleur qui règne dans l'in- térieur de la terre ; eile empêche la gelée de îa pénétrer. 4°. Les habitants d'Irlande favent tirer un affez bon parti de la neige pour y conferver leurs poifibns & leurs viandes ; ils les en- terrent dans la neige , & ils s'y confervent comme dans une faumure. On peut voir à cet égard des obfervations conilgnées dans le Journal ôqs Savants pour Tannée i6ji^. Nous n'avons gueres de moyens délîgnés certains, qui nous annoncent l'approche delà neige, On remarque cependant que ii le temps eft obfcur pendant hs mois d'hiver, & que le vent du nord ou nord-ouefl fouffle , que û alors le baromètre efl bas, il furvient fou- . vent de la neige, parce que îa pluie qui fe forme alors ayant à traverfer un air très-froid , fe convertit en neige. On a un autre moyen en Suéde de prévoir la chute de la neige : fi pendant Thiver & pendant la nuit le ciel eft couvert de nuages, & qu'il paroifle de couleur de fang du coté de l'Occident à'été ; de même Ci une maifon. paroît comme en feu à une très - grande dil]ance,les Suédois appellent ce phénomène feu de neige , & ils remarquent qu'il geîe alors à deux ou trois milles de lendroit d'où on rapperçoit. II eft aufTi alîèz ordinaire dans nos climats de voir beaucoup de rouge du De la Neige. 44,7 côté de l'Occident dans les temps de neige. La neige eft quelquefois accompagnée d'au- tres phénomènes furprenants , comme il ar- rive aulîi à la pluie. On lit dans l'Hiftoire de l'Académie des Sciences , qu'au moi? de Jan- vier 1749 & 1750, une chute de rjeige fut accompagnée d'une grande quantité de che- nilles & de vers de différentes efpeces. On voyoit ces infedes fur là furfàce de la neige &: fur celle de la glace qui couvroit un lac. Ce phénomène , comme l'obferve très -bien THiftorien de l'Académie, venoit d'une tem- pête violente qui avoir précédé; elle avoir dé- raciné plufîeurs arbres. Ces infedes , pour le dérober aux rigueurs du froid, s'étoient cachés, comme ils ont coutume de le faire, dans la terre qui fe trouvoit entre les ra- cines de ces arbres. Or, le vent les avoit ar- rachés de leurs retraites , & les avoit empor- tés fort haut dans l'athmofphere ; mais la neige furvenant enfuite , les avoit précipités vers la furface de la terre, où d'ailleurs en- traînés par leur propre poids, ils tomboienc avec la neige. La neige n'étant que de Teau congelée , il eft naturel qu'elle foit très. froide , quand bien même elle ne contiendroit pas d'autres prin-^ cipes ; mais cette température n'eft pas la mê- me dans toute l'épaifTeur d'un gros morceau de neige. M. Guenardz fait des obfervations à cefu- jec , configneés dans le Mémoire de ce favanc Académicien dont nous avons déjà parlé. Pour connoître le degré de froid de la 44.S !De la Neige. neige , il enfonça un thermomètre dans un morceau de neige à différentes profondeurs , & il obferva que la neige ne prend la tem- pérature de l'athmofphere qu'à une petite profondeur, &qu'à celle de quatre pieds elle eft une fois moins froide dans une mafîè de trois à quatre pieds de diamètre. Cette obfervation peut fervir à expliquer un fait qu'on trouve dansplufieurs Voyageurs qui ont parcouru le Nord. Ils rapportent que les perfonnes qui fe trouvent faiiies par la nuit dans les campagnes , fe couchent fous la neige pour échapper à la rigueur du froid , & que fans cette refTource elles rifqueroient d'avoir quelques parties du corps gelées. Un autre phénomène du même genre, & généralement reconnu de tous ceux qui ont ma- nié de la neige avec quelqu'attention , c'eil que 11 on plonge fa main dans un tas de neige , on commence par éprouver un fçntimentde froid des plus vifs, & que quelques moments après on éprouve un fentiment de chaleur. ' On imagine, pour rendre raifon de ce phé- nomène , que les parties fines de la neige qui fe fondent un peu à l'approche de la main, entrent dans les pores de la peau , & s^appliquent exadement aux fibres des nerfs, delà ces petites particules bouchent les pores & arrêtent la vapeur chaude qui tend à s'en exhaler : il faut donc que cette vapeur s'a- mafle vers lafurface de la peau , & qu'elle y caufe un fentiment de chaleur. Tel eft l'cx- pofé de l'explication afïèz ingénieufe qu'on a donnée de ce phénomène, & qu'on trouvera développée Du Tonnerre. 44^ développée dans les Mémoires de l'Académie pour l'année 1702. CHAPITRE IX. Du Tonnerre. A foudre eft une flamme brûlante 6c très-vive qui fè fait voir dans l'athmofphere , & qui eft accompagnée d'un bruit très-écla- tant. La parité des effets de la poudre à canon & du tonnerre, porte à croire qu'ils font pro- duits , finon par une feule , au moins par une même & principale caufe : l'inflammation & la détonation , qui eft à-peu-près la même , annoncent afîêz le même agent : on ne peuc gueres douter que cet agent ne foit dans la poudre , l'air fixe dans la vapeur fulphureufe. Cet air fixe , dégagé au même inftantpar l'in- fl-ammation de la matière fulphureufe, étend, développe rapidement fes refïbrts,dont le choc fubit contre l'air athmofphérique qui leur ré- fifïe , fait naître le bruit éclatant qui frappe nos oreilles. Il y a bien apparence qu'il en eft de même de l'air fixe dans les vapeurs fulphureufes , qui , comme la poudre , venant à s'enflammer dans l'athmofphere , produifenc la même détonation que nous appelions ton- nerre ; ce qui va étrô encore mieux déve- loppé. Toma U. fi 4^0 Pu Tonnerre. Les Anciens ont attribué ce phénomène, & toutes les variétés qu'il préfente à des ma- tières fulphureufes , bitumineufes qui s'élèvent dans rathmcfphere , s'y combinent , fermen» tent & s'embrafent par l'ade feul de cette fer- mentation. La plupart des modernes ne reconnoiflênt aujourd'hui dans tous ces effets qu'une fura- bondance de matière éledrique qui tend k fè mettre en équilibre: quoiqu'appuyée fur des oblervations inconteiîables , il pourroit bien fe faire néanmoins que cette dernière opinion ne fût point abfolument vraie,* que fi l'éledricité le manifefîe dans le tonnerre , il n'eft pas moins vrai que ce phénomène dépend principalement d'une matière ful- phureufe enflammée , & de la combinaifon de ces fortes de matières avec la matière élec- trique. Ainfi l'opinion des anciens demeurant bien confiante , on peut dire feulement que les modernes ont découvert une addition que les premiers n'avoient point apperçue. Ce font ces confidérations établies fur des obfervations foîides , qui ont engagé à diftin- guer trois efpeces de foudre & de tonnerre: l'une produite par une matière fuîphureufe embrafée dans -les entrailles de la terre , & qm s'élance en l'air avec rapidité : la féconde provenante d^une matière ardente qui tombe de la région fupérieure de î'athmofphere ; la troifieme produite par un© combinaifon de ces fortes de matières avec la matière éleârique. Il eil aifé de concevoir que ces Du Tonnerre. 45 r trois efpeces de tonnerre doivent avoir la même caufè de l'air fixé dans la vapeur, & qui en eft fubitement dégagé par l'inflamma- tion de la vapeur. Les montagnes dévorées par des Volcans , tels que le mont Hécla , le Véfuve. , VEthna , &:c. lancent fouvent des flammes vives , mais inoins éclatantes que les éclairs; & ces flam- mes font pour l'ordinaire accompagnées de déronations foudroyantes. On remarque en- core des phénomènes femblables dans certains tremblements de terre. Au moment de ces iecoufîes terribles , il {e fiit de grandes ou- vertures dans la terre ,* fes parties en font ébranlées , renverfées avec expiofion , tous effets de la même caufe dont nous avons parlé. Ce font des phénomènes de cette efpece que les anciens regardoient comme des ton- nerres qui s'élançoieKt de la terre : opinion fcien fondée, abandonnée cependant pendant long-temps, mais qui vient d être renouvel- lée de nos jours. Maffd parle d'un phéno- mène de cette efpece , & on trouve la def^ cription de plufieurs phénomènes femblables dans le fécond volume des Mémoires de l'Académie de Bologne , dans le voyage de l'Abbé Chappe en Sybérie , &c. qui tendent tous à prouver que le tonnerre & la foudre ^'élèvent fouvent de terre. Bien perfuadé de cette vérité , lAbbé Ber^ tholon propofe dans le Journal de l'Abbé Ro- zier , un moyen de fe garantir des accidents que peut produire ce terrible météore : mais F f 2 452. Bu T O W N E R R E. il nous refte encore bien des recherches k faire avant qu'il nous foit permis de porter un jugement fur la nature de ces fortes de phénomènes , & conféquemment avant que nous puiffions compter fur aucun des moyens qu'on peut propofer pour fe mettre à l'a- bri de ces redoutables météores. La féconde efpece de foudre doit fe ranger dans la même clafîè que ces globes de feu qui tombent fur la terre , & qui fe portent, foit entiers , foit brifés en plufîsurs parties , vers différents endroits, où ils éclatent avec bruit, & produifent quantité de défordres affreux dont on peut lire la defcription dans les Tranfac- tions philofophiques , dans les Mémoires de l'Académie de Berlin , dans la Colledion de Brellau , & dans quantité d'autres Ouvrages. Nous n^en cirerons que quelques exemples. En 171 1 , quelques perfonnes étant afîem- blées fous le portail de l'Eglife à Lampfort- Courtency , dans le Comté de Devon , il tom- ba au milieu d''elles une boule de feu qui éclata & les renverfa toutes par terre : on remarqua encore en même temps quatre autres globes plus petfts qui tombèrent dans l'Eglife , & la remplirent de feu & de fumée. Wafle rapporte qu'en 1725 il obferva un globe de feu qui tua un berger & cinq mou- tons. Ce globe , dit- il , étoir gros comme le poing ; il fe brifa & fe divifa en quatre parties. Scheuchier rapporte qu'au mois de Mai de l'année 1724 , le tonnerre tomba dans le can- ton d'Appenzel , par le toit d'une maifbn , Dit Tonnerre. 455 fit un trou à une porte , tomba dans le poéle Ibus la forme d'un globe embrafé , & éclata enfuite , brifa les fenêtres, & blelîà un hom- me occupé à coudre des étoffes. Le 10 Mars 1 75 0 , il y eut un tonnerre effroyable à Horn ; il tomba dans le chemin , fous la forme d'un globe de feu , & il rejaillit jufques fur le dôme de la tour , qu'il embrafa par fon ex- plofion. Comme ces globes tombent du ciel , il efl naturel de penfer que la matière dont i'.s font, compofés flotte auparavant dans la région fu- périeure de Pair , fous la forme d'une nuée rare , qu'elle fe raffemble, fè condcnfe , s'ar- rondit en fe condenfant , & qu'enflammée en- fuite elle tombe par fon propre poids. Pen- dant ce temps fes parties intérieures s'échauf- fent & achèvent de s'enflammer totalement ; & Tair le plus fixe qui y étoit reflé , fe dé- gage avec explofion , & difperfe avec rapi- dité les parties de ce globe enflammé. Il ne paroît pas douteux que lés nuées où fe forme le tonnerre , ne foient remplies de matières fulphureufes où l'air fe trouve con* denfé & fixé. La troifieme efpece de foudre , qui proba- blement provient de la même eau fe , mais com- binée avec un autre principe, fe manifefle par une flamme très-brillante , qui fe meut en ferpenrant avec la plus grande célérité , & trace dans l'air des traits de lumière qui y for- ment des efpeces d'ondes , des ferpentaux j fouvent cette lumière fe termine par un coup foudroyant , ou elle s'écHpfe , tandis que Is F f 3 4^4 ^^ Tonnerre. bruit de la foudre fe fait encore entendre. Quelquefois le temps étant nébuleux , on voit, avant que le tonnerre fè faffe entendre , des nuées noires & épailïês qui fe raîTemblent , qui fe meuvent félon différentes diredions , & même félon des direfhions contraires. Les nuées fe condenfent de plus en plus , & pour l'ordinaire nous annoncent un orage pro- chain. Quelquefois une feule nuée de peu d'éten- due , qui rencontre diredement une autre nuée , ou qui la rencontre latéralement, pro- duit un orage : on voit aufîi- tôt une lumière éclatante & ondoyante qui s'étend avec une très-grande rapidité , & parcourt plus ou moins d'efpace , félon les différentes diredions, & on entend gronder le tonnerre dès que cette lumière fe diffipe. Quelquefois plufieurs tonnerres prennent naiffance de la même nuée , & prefque dans le môme endroit : ces tonnerres qui finifîènc & fe dilfipent plus promptement les uns que les autres , parcourent différentes contrées du clef plus ou moins éloignées les unes des au- tres ; ce qui fait qu'il y a plufieurs tonnerres qui s'entendent plus ou moins promptement, qui forment différents éclats , & qui fe fuc- cedent plus ou moins rapidement. Or , voici de quelle manière on peut concevoir & expli- quer ces fortes de phénomènes. D'après les recherches de M. Francklin fur îéledricité , il efl parfaitement démontré que les nuées font quelquefois furabondamment chargées d'éiedricité , & que dans cet état elles Dit Tonnerre. 4^5 font l'office d'un conducteur , ou de tout autre corps furabondamment chargé de cette ma- tière. Celle-ci tend à fe mettre en équilibre , à fe reporter , à fe diftribuer uniformément dans fbn réfervoir commun , dans le globe terreftre , en paflànt pour y arriver , fous la forme de feu , & avec un éclat plus ou moins vif, à travers tout autre corps qui peut lui fervir de condudeur , & qui ne contient que fà quantité naturelle , & quelquefois moins que cette dofe d'éledricité. II en arrive de méi;ne lorlqu'une nuée eft dépouillée de fa quantité ou d'une partie de fa quantité naturelle d'éledricité ,♦ elle tend , comme tout autre corps qui feroit dans le même cas , à reprendre ce qui manque à cette quantité naturelle d 'électricité , & elle l'en- levé avec explolion à tout autre corps qui fb trouve abondamment chargé de la même ma- tière : dans tous ces cas les nuées éleCtrifées , loit en plus, foit en moins, produifenr,mais en grand , tous les efièts que nous produifons en petit avec nos appareils électriques; ce qui prouve la parfaite analogie entre la matière électrique & la matière du tonnerre. Or , Pair de notre athmofphere étant ex- trêmement ou furabondamment chargé â'é- leCtricité , & quelques-unes des nuées qui y flottent contenant pareillement une très - grande dofe de cette matière qui forme au- tour d'elle une athmofphere électrique très- denfe , fi une nuée de cette elpece vient à rencontrer une autre nuée qui ne contienne, » proportion gardée , qu'une petite dofe de cette Ff^ 45(? Du Tonnerre. matière , ou qui en contienne moins que fa quantité naturelle, ileft manifefte que la .ma- tière éledfique de la première fe portera en partie , & avec impétuofité , fur l'autre nuée , & qu'elle s'y portera en produifant une lu- mière érincelante & ierpentante , jufqu'à ce que Péquilibre foit établi , & que la matière éleflrique foit uniformément répandue dans les deux nuées. Mais comme dans les temps où la matière éledrique efl: très-abondante dans l'athmof- phere , les nuées y font dans une agitation continuelle , & qu'elles fe touchent fucce/îî- vement par différents points de leurs furfaces , îî doit nécefTairement en réfulterde nouvelles lumières foudroyantes , qui pafîènt fuccefîive- ment d'une. nuée dans une autre : de-là , ces éclairs qui fe répètent tant que durç l'orage ; "c'eft-à-dire , tant que la matière électrique ne fe trouve pas uniformément difîribuée êc ré- partie entre toutes les nuées. Ces flammes ondoyantes qui partent & qui s'élancent avec tant de vîtefTe, conden- ' fent , dit-on , l'air qu'elles divilènt & qu'elles agitent ; par conféquent jlorfqu elles difparoif- fent , cet air fe dilate avec là plus grande cé- lérité. De-îà un bruit, un fon d'autant plus plus fort , que la malîè d'air eft plus ébranlée : mais comment imaginer que des flammes con- denlenr l'air ? elles doivent produire un effet contraire ; & elles le produisent en effet, félon mon opinion , que voici : Ces feux qui partent & qui s'élancent avec tant de vîteffe , enflamment & diifipent tour- Du Tonnerre. 4^7 à-coup les parties fulphureures que contient la nuée : Tair qui y étoic fixé étant fubitçment dégagé , étend rapidement fes refîbrts ; l'air athmofphérique en eft violement frappé : de- là ce bruit que nous entendons; bruit d'au- tant plus fort , plus éclatant , que l'air étoit plus ou moins fixé , & en plus ou moins grande quantité. Cette explication du tonruerre très- relative aux effets de la poudre à canon , n'en devient que plus démonftrative , l'une & l'au- tre ayant la même caufe & à peu près les mê- mes effets , quant à l'intonation. Le bruit d'un canon dont on efî: très-proche,ne fait entendre qu^m feul coup ; mais h une certaine diftance on entend plus long-temps la durée du fon, qui femble fe prolonger & devenir roulant d'au- tant plus long-temps ficplus loin , que la mafîè d'air a été plus frappée & plus ébranlée : il en èfl exaélement de même du bruit du tonnerre ; s'il éclate fort proche de nous , nous n'enten- dons qu'un feul coup , & ce coup eft à crain- dre ; il part en même temps que l'éclair , com- me le bruit d'un canon en même temps que la lumière : mais fi la nuée enflammée eft éloi- gnée , on n'entend le bruit que quelque temps après qu'on a apperçu l'éclair : ce qui arrive de même lorfqu'on eft éloigné d'un canon , & alors le bruit le fait entendre plus long-tems , & devient , comme celui du canon , prolongé & roulant ; bruit qui n'a rien de dangereux pour ceux qui l'entendent ainfi. On peut donc juftement comparer l'éclair à la lumière d'un canon , & Tintonation eft femblable ; mais Ci 4^8 Du Tonnerre. les effets font les mêmes , il eft bien probable igu'îls partent de la même caufe. L'analogie encre le bruit du tonnerre & ce- lui de la poudre à canon eft û vraie , qu'on en a tiré un moyen de connoître l'éloignement de la nuée enflammée , par une règle de trois. Si étant à une diftance connue dun canon , ou feulement d'un fufil , on compte combien de fécondes depuis le moment auquel on ap- perçoit la lumière , c^eft-à-dire l'inflammation de la poudre , jufqu'à celui auquel on entend le fon ; je fuppofe que la diftance foit de 300 toifes , & le nombre de fécondes de 1 5 ; après avoir compté la quantité de fécondes depuis rinftant auquel on apperçoit l'éclair, jufqu'à celui auquel on entend le bruit du tonnerre, que je fuppofe de 30 fécondes, on fera cette règle de proportion : fi 1 5 fécondes ont don- né 300 toifes , combien donneront 30. C'eft-à-dire i^j-^oo:: 30. Dans cette règle de proportion , dite règle de trois , le produit des moyens étant tou- jours égal au produit des extrêmes , le qua- trième terme donnera 600 toifes pour l'éloi- gnement du tonnerre. Que Ton examine toutes les circonftances, & l'on verra une analogie allez fuivie ent-reles effets du tonnerre & ceux de la poudre. Les vents qui accompagnent allez ordinairement le tonnerre , vents qui n'ont point de cours réglé , & qui quelquefois femblent s^entre- choquer en formant des tourbillons , ne font que l'effet de l'agitation violente de Tair atb- Du Tonnerre. 4^9 mofpherique pouffe en tout iêns par la di- latation de l'air fixe , dégagé par l'inflammation de différentes nuées , dans des portions plus ou moins oppoîées : de - là cette efpece de bouleverfement que nous remarquons alors dans rathmofphere. Nous pouvons donc alïèz évidemment con- clure que l'air fixe dans les vapeurs fuîphu- reufes qui forment la nuée , dégagé fubite- ment, comme dans la poudre, par ^inflam- mation & la diiïipation de ces vapeurs , dé- ployant tout-à-coup Ton reflbrt , & reprenant rapidement fon élafticité , choque violem- ment l'air athmofphérique , & produit le bruit éclatant du tonnerre. Je ne difconviens pas cependant que l'éiedricité ne fe joigne à cette principale caufe : elle peut être là fource de la flamme , mais non la caulè du bruit , com- me l'ont cru plufieurs Phyfàcïens. Lorfque la nuée s'enflamme , l'éruption violente de l'air fixe ébranle fortement la rnaffè d'air qui l'avoifine, la déplace, & elle occafionne , comme nous venons de le dire , des vents violents qui foufRent fuivant diffé- rentes diredions ; nous venons d'en dire la caufe. Ces vents commencent & finifîènt avec rinflammation des nuées ; preuve évidente qu ils n'ont d'autre caufe que Teffèt de cette inflammation. Mais tandis qu'ils foufflent , ils bouleverfent, agitent & compriment les nuées, & occafionnent ordinairement une pluie très- abondante; & fi la foudre prend fon ori- gine dans la plus haute région glaciale de rathmofphere, la pluie fe convertît alors en grêle plus ou moins grofle. ^6o Du Tonnerre. Plus on fuîvra , plus on examinera mon opinion , & mieux elle fe trouvera prouvée. On remarque en général que le tonnerre fe fait entendre plus fréquemment dans les en- droits dont le terrein efl: rempli de matières fulphureufes , pyriteufes , bitumineufes , & d'autres parties inflammables , matières du tonnerre : auffi remarque-t-on conftaramenc que les endroits battus de la foudre exhalent pendant quelque temps une odeur fulphu- reufe afîèz analogue à celle de la poudre à canon. En admettant le concours de ces deux caufes , & peut-être de quelques autres que nous ignorons encore , on peut rendre aflèz facilement raifon de tous les phénomènes qui ont rapport à ce météore. On convient que la matière éleélrique efl univerfellement répandue dans toute l'éten- due de notre globe , que tous les corps en contiennent une quantité qui leur eft pro- pre. En partant dp cet expofé généralement reçu , le tonnerre devroit régner par -tout de la même manière , û l'éîeclricité étoit , comme on le dit , la principale caufe , l'ame du tonnerre ; mais on fait que cela n'efî: pas. On fait qu'il y a àQs pays où il tonne fré- quemment , & d'autres ou il ne tonne que très-rarement , tels que dans le Groenland. On n'entend prefque jamais le tonnerre dans ïa baye d'Hudfon : il règne cependant dans ce dernier endroit de très -grandes chaleurs dans l'efpace de deux mois : aulTi lorfque le tonnerre s'y fait entendre , il eft terrible , & îa foudre ravage & embrafe les arbres. D U T O N N E R R E. ^6l II tonne rarement encore dans la Caroline en Amérique ; mais s'il furvient quelque ton- nerre pendant l'été , ce tonnerre cft prefque toujours furieux ; la pluie y eft très -abon- dante , & la foudre y fend les arbres depuis leur fommet jufqu'à leur racine. II tonne au contraire très-fréquemment en Iflande, & même plus {buventpejidant l'hiver que pendant l'été. On remarque la même chofe en Ecofîè & dans les Orcades ; mais rarement la foudre y caufe-t-elle quelque dommage. Il tonne très -fréquemment en Sicile, en Italie , pays , comme on fait, rem- plis de pyrites & de matières fulphureufès ; preuve que ce redoutable météore doit être regardé comme l'effet des exhalaifons propres à fixer l'air, & à fournir un aliment à la ma- tière ignée. La foudre attaque par préférence les en- droits élevés, tels que les clochers , les tours , les grands arbres , &c. parce qu'ils fe trouvent plongés dans l'athmofphere de la nuée char- gée d^éledricité , & qu'ils fervent de conduc- teurs pour tranfporter cette matière dans le réfervoir commun. Elle renverle des murs, des édifices ; elle déracine , elle abat des ar- bres. Mais ces effets paroiffènt moins dus à Tadion immédiate de la foudre , qu'à cellâ de Tair. Lorfqu'en effet le tonnerre, tombe en quel- que endroit , il y tombe avec la plus grande rapidité ; il écarte , il chaflè devant lui la maflè d'air qu'il traverfe , & de-là une pref- fion fubite ^ violente , bien capable de pro- ^6z Du Tonnerre. êuire les effets que nous obfervons. Ceux qui connoiflent les effets que pro- duit une fbrre commotion éledtrique , & les loix de leledricité , concluront fiîcilement comment la foudre pénétre les corps les plus compades , comment elle embrafe certains corps , comment elle attaque les métaux , les fond , iàns endommager quelquefois d^au- tres corps voifins , dont la texture , îa foli- dité efi: incomparablement moins ferme & plus facile à détruire. Par exemple , une épée fondue dans fon fourreau , fans que celui-ci en fût endommagé ; des draps brûlés dans un lit , fans que les matelas ni les couvertures fuffent endommagés , &c. faits furprenants à la vérité , mais qui s'expliquent par les effets connus de leledricité. De tout temps on a cherché des moyens pour fe garantir ôqs accidents fâcheux que le tonnerre entraîne avec lui. On a tiré dans les ports de mer des coups de canon dirigés vers les nuées orageufes qu'on obferve alors. Dans plufîeurs pays , on a coutume de fonner les cloches des Eglifes ; mais ces moyens font plus dangereux qu'utiles , & on a commencé à abandonner ce périlleux ufage. M. Pluche remarque dans le 7^ volume du Speâacle de la Nature , que dans l'efpace de trente ans il a obfervé cinq orages, pen- dant îefquels îe tonnerre efl: tombé fur cinq clochers dont on faifoit fonner \qs cloches. Toute la Baffe-Bretagne, le long des côtes qui sMtendent depuis Landerneau jufqu'à S. Pol-de-Léon, fut témoin qu'en X718 le ton- Du Tonnerre. 4^3 nerre tomba fur vingt- quatre Eglifès , & précifément fur celles où Ion fonnoit les cloches , tandis que celles où on ne fonnoit point furent à l'abri de cet accident. Ce fait eft conftaté dans l'Hiftoire de l'A- cadémie pour l'année 171 9. Nous ne dirons rien des autres moyens qu'on a propofés en différents temps, & qui ne font pas plus fûrs que les précédents. Il en eft un, & c'eft le feul qui foit connu aâ:uellement , & auquel on puifîê donner toute fa confiance : ce moyen eft fondé fur une théorie certaine , &c con- firmé par une multitude d'obfervations ; c'eft de fournir à la matière du tonnerre , à la matière éleélrique accumulée dans les nuées , un condudeur qui puifle la tranfmettre di- redement dans le réfervoir commun. Ce con- dudeur eft une barre de fer qu^il faut éle- ver fur l'édifice , de manière qu'elle en dov mine le comble de plufieurs pieds, ainfi que toutes les parties qui peuvent excéder c& comble. Cette barre doit être tirée en pointe très- aigué , & cette pointe doit être dorée ou brunie pour qu'elle foit garantie de la rouille. Vers le bas de cette barre de fer , à un pied ou deux au-deffus de l'endroit où elle eft en- clavée fur ijédifice , il faut y adapter une chaîne, ou mieux un fil de métal qui defcende le long de l'édifice pour aller s'enfoncer dans la terre humide , à quelque diftance des fon- dations de l'édifice. Ceux qui défirent de prendre des connoif^ 4^4 ^u Tonnerre. lances étendues fur cette expérience, peuvent confulter le quatrième volume des Eléments de M. Sigaud de la Fond , & un excellent ouvrage de M. l'Abbé Toaldo y intitulé : Mé- moire fur les conduclcurs pour preferver les édi- fices de la foudre. Cet ouvrage a été traduit de l'Italien par M. Barbur de Tinan ; & le Tradudleur très- inftruit fur cette matière, y a ajouté un fup- plément qui ne laifîe rien à defirer fur la manière de difpofer ces fortes d'appareils. Ceux qui font inftruits des effets de l'élec- tricité , & qui connoiflent tous les phéno- mènes découverts jufqu'à ce jour , favent que les pointes ont la faculté de foutirer de loin , & fans explofion , toute la matière élec- trique dont un conduéleur peut être fur- chargé , & conféquemment qu'une pointe élevée au-delTus d'un édifice peut pareille- ment dépouiller un nuage orageux furabon- damment chargé de la matière de la foudre. lis favent que cette matière abordant par un condudeur qu'on lui préfente , ne fe détour- nera point de ce condudeur , s'il eft plus propre que tout autre à recevoir & à con- tenir cette matière , & conféquemment qu'il ia tranfportera julqu'à fon extrémité. Or , un conduâ:eur continu de métal eft plus pro- pre qu'un édifice compofé de différents ma- tériaux à tranfporter & à conduire Ja ma- tière éledrique. Par conféquenc une barre de fer élevée au - defTus d'un édifice , & qui le continue par un fîl de métal jufques dans le Du T O N N E îi R È. 4(^y le réfèrvoîr commun , y tranfportera plus (u* rement la matière de la foudre qu'elle pui- fera dans l'arhmofphere. Ce raifonnement Fondé fur une théorie certaine, eu confirmé par plufieurs obfer- vations qu'on a eu occaiîon de faire depuis qu'on a élevé en différents endroits des con- dudeurs de cette cipece. Nous n'en citerons qu'un feul exemple , mais il fera fuffifànt ; on en trouvera plufîeurs dans l'ouvrage de M. Francklin , dernière édition , & dans celui de l'Abbé To^ldo. Nous lifons dans îes Tranfâdions philofb- phiques pour l'année 1773 , un extrait d'une; lettre de M. Kinnerjley , adreffée le 12 Ùc* tobre 1770 i à M. Francklin , dans laquelle il rapporte le trait que voici : Le 12 Juillet de la même année , il furvint un orage fi violent à Bofton , qu'en moins d'une heure trois maifons , &c un brigantin qui fe trou- voit alors à l'un des grays , furent frappés de la foudre. Le brigantin & deux de ces maifons en furent confidérablement endom- magés , tandis que la troifieme qui étoit ar- mée d'un CGndudeur en fut entièrement pré« fervée. Ce condufleur , ajoute M. Kinncrjîey ^ étoit compofé de plulieurs tringles de fer vilîees les unes au bout des autres ; fon ex- trémité inférieure entroit en terre, & fa par- tie fupérieure fe terminoit par urivfil de fer tiré en pointe. On ne pourra objeéler que k foudre ne fur peut- être point dirigée contre cette maifon , car le fil qui terminoit le coït-*' Toms IL Q g ^■éê Du Tonnerre, dudeur en fut fondu de la longueur de fix pouces vers le haut. Il efl: donc bien probable que la matière de la foudre eft la matière électrique qui effc lancée de la nuée au moment de (on inflam- mation, & poufTée par la violence du reiîbrt de Tair fixe fubitement dégagé de la fublf ance fuîphureufe de la nuée ; ce qui , par rapport à l'intonation & à la force de pulfion produit à-peu-près les mêmes effets que ceux que nous obfervons dans la poudre à canon , par- ce que ces effets proviennent de la même caufe; la nuée, comme la poudre, étant un compofé de parties nitreufes & fulphureufès , dont l'inflamm-ation dégage fubitement dans la nuée comme dans la poudre tous les ref- lorts de l'air qui y étoic fixé. Je pourrois citer pîufieurs obfervations qui viennent à l'appui de mon opinion. Plus on l'examinera , & plus on trouvera de rapports entre Tinflammation de la nu-ée & celle de la poudre ; & par-là i'explofion du tonnerre devient incontelfablement plus intelligible & plus aifée à expliquer , que par la manière qu'on a tenté de la rendre, en ne l'attribuant qu^au feul effet de l'éleélricité , qui peut bien être la caufe de l'inflammation de la nuée , & la matière du feu qui en eft lancée , & que nous appelions la foudre ; matière vrai- ment reconnue pour éledrique , félon les ex- périences que nous venons de citer. Il nous relie à parler de ce qu'on appelle éclair. On donne coramimémenc ce nom k Du Tonnerre. 457 à un jet de lumière qui paroît dans les nuages , &z qui difparoîc (ur le champ en parcourant une plus grande ou une plus petite étendue du ciel. On peut diftinguer , quant à la caufe qui les produit , & quant aux effets qu'ils peuvent eux-mêmes produire, deux efpeces d'éclairs; fes uns foudroyants , & les autres fimplement lumineux. Les premiers paroiiîent accompa- gnés d un fluide électrique ; ce font autant d'étincelles tleclriques qui partent d'un nuage furabondamment chargé de ce fluide. Ces étincelles foudroyantes , lancées de la nuée , arrivent en fiiionnant jufques fur la terre, 8ç y produifent les effets aufli terrib'es que lin- gulrers , que nous n'avons que trop d'occa- Cons de remarquer. Le mouvement irrégulier que l'on obferve dans les éclairs , 6c cette efpece de zigzag qu'ils forment, dépend des matières hétéro- gènes qui fe rencontrent dans leur traiet, plus propres les unes que les autres à fervir de conduâeur à la matière éleûnque. Ce fluide enflammé fuit &: parcourt celles qui font plus propres à cqc efîèt ; & cette lumière doit paroicre aufïi irréguliere que l'eft natu- rellement la difpoflîion de ces corps flottants dans rathmofphere. On remarque un phéno- mène femblabîe , lorfqu'un conducteur d'élec- tricité étant fbrremenc chargé de matière électrique , on en rire une étmcelle , oc que cette étincelle ie porte à une diflance aflez éloignée pour qu'on puiiTe en fuivre la route. On la voit ie détourner de la ligne droite G e i ^62' Du Tonnerre. qu'elle tend à parcourir, en fortant du con- ducteur , & aller frapper en ferpenrant le corps qu'on lui préfente. Les éclairs, foudroyants font toujours ac- compagnés de coups de tonnerre ; on ^ peut les comparer à la lumière qui précède ou plutôt accompagne le coup de canon. Ces coups qui ne fè font entendre à la fuite de î'éclair , qu'après un intervalle de temps plus ou moins long , félon l'éîoignement , nous annoncent qu'on n'a rien à redouter de ce terrible météore , parce que fon foyer efl d'autant plus éloigné de nous, qu'il fe pafîè plus de temps entre la lumière de î'éclair ôc le coup foudroyant. Outre ces éclairs foudroyants qui font le produit de la matière éleélrique , c'efl- à-dire de la matière du tonnerre , i! en eft une autre efpece qui procède d'une autre caufe ,• tels font la plupart de ceux qu'on obferve dans les grandes chaleurs , & qui ne font jamais accompagnés de détonation. Ceux - ci , félon toute apparence , ne doivent leur origine qu'à ce fluide particulier qu'on défigne fous le nom d'air inflammable , plus répandu qu'on ne le croit. Ce fluide fe trouve fixé dans le fond des eaux bourbeufes , dont on le retire par un moyen très-fimpie ; il eft dans ces fortes d'endroits le produit de la décompôfî- tion des fubftances végétales qui s'y pourrif- fent. La chaleur en dégage une affez grande quantité qui s'exhale , qui fe porte dans l'arh- mofphere , & qui y produit par fon inflam- matian fpontanée ces éclairs que l'on nom* me vulgairement ecldirs de chakur. Du Tonnerre. Cette inflammation eft produite fans dé" tonation , parce qu'elle s'opère fur des par- ties inflammables , éparfès & flottantes libre- ment dans l'athmofphere , dont Tair fixe s'efl: déjà dégagé. II ne feroit pas aufîi aifé de con- cevoir & d'expliquer pourquoi il n'y a point de détonation à la fuite de ces fortes d'é- clairs , Cl réle<5lricité en étoit la feule caufe. Cet embarras a forcé les partifans du fyf- tême éleclrique, à avouer que réiedricité n'a point de part à la produdlion de ces éclairs ; mais fl on efl: obligé de congédier Pélefhri- cité à regard de ceux-ci , pourquoi l'admettre à l'égard des autres ? puifque l'effet des uns & des autres paroît abfolument le même , quant à l'inflammation , il eft bien proba- ble qu'il eft produit par la même caufe , c'eft - h - dire l'inflammation de vapeurs , de fubftances fulphureufes , dont les unes com- primées dans la nuée contiennent beaucoup d^'air fixe , qui , dégagé fubitement , produit l'intonation ; & les autres flottantes libre- ment & dépourvues d'air fixe , s'enflamment fans bruit. On n'obferve ces fortes d'éclairs que pen- dant les nuits qui fuccedent à des jours très- chauds. Il eft donc bien à croire que c'efl la chaleur qui a élevé les vapeurs fulphu- reufes qui les produifent, & que cette même chaleur les avoit fuffifamment dilatées pour permettre à l'air fixe qu'elles contenoient de îe dégager fuccefïivement. Devenues par là plus légères , elles s'élèvent & flottent plus librement dans les airs j & lorfqu'elîes s'y ca- Gg 3 "Du To-N-KERllE. jflamniént , ce doit être fans bruit , ou â\î moins fi foible , qu'il ne parvient pas jufqu'à nos oreilles, comme feroic celui de la poudre à canon qu^on a réduite en poufîiere. Oiî fait qu'à peu de difîance on verroit I^in- llamrrtâtion de cette poudre , fans entendre aucutt bruit. Je crois cette coTiparaifon très- jufte , parce que le bruit du tonnerre & celui de la poudre à eanon paroifTent produits par la înême caufe ; ce qui n^empêche pas de re- connoître les effets de l eledricîté dans ce que nous appelions la foudre, qui eft lancée de la nuée éclatante , & où fe :^it l'expIofioOo 471 S U PPLÉMENT A f expérience fur la raréfaâion ^ ta conità*' - fation dans la terre. Jf E ne peux finir ce volume fans rendre ' compte des obfervations ultérieures que ]'aî eu occafion de faire fur la lumineufe expé- ïience dont j*ai déjà parlé. Plus on la fuit » & pluis on y fait de nouvelles découvertes ; outre celles qu'elle m^a préfentée pendant l'impreffion de cet Ouvrage , & dont je vais parler , j'entrevois qu'elle m'en fournira bien d'autres dont on trouvera le rapport dans les volumes fuivants. Ce neft point à moi a vanter l'importance de cette découverte ; les Naturaliftes éclairés fauront en reconnoîrre le mérite & l'utilité; ceft à eux h qui je dois remettre le foin de la juger & de l'ap-* précier. II arrivera peut-être que quelqu'un fâurd fi bien la retourner , qu'il s'en appropriera tout lé mérite , comme il m'efl déjà arrivé fur des objets moins importants, & qui, quoi- qu'ils me fuflènt moins uniquement propres que l'eft celui-ci , m'étoient devenus tels païf la publication. Cependant, fous un vain pré* texte , on a fu fe les approprier. Que l'on fende des détails qu'un Auteur â déjà rendus d'après pîufieurs autres , c eiî faîr(^ 472. Supplément. Ce que l'Imprimerie nous offre depuis long- temps ; les uns fè croient auteurs en faifan^ le niéme thème en deux façons ; les autre ^ rendent par parties ce qui a été dit de mieux par rapport aux explications des objets qu'iîs traitent , mais en les avouant ou ies com- battant , félon qu'ils les trouvent conform.es ou oppofés à la vérité : c'efl: ce qu'ont fait prefque tous les Auteurs , & c'eft ce que j'ai fm dans cet Ouvrage, par rapport à des explications connues, en défignantles fources où j'ai puifé. Mais s'approprier des idées neuves , ou le mérite àes Ouvrages pratiques qui ont déjà paru , c'eft ce qu'on doit ap- peller juftement un larcin : & ces larcins ne deviennent que trop communs , à en juger par les réclarnations publiques que l'on fait il fréquemment. ' Au refte , que les uns rejettent les opi- nions nouvelles que j'ai expofées , que d'au- tres fe les approprient , peu m'importe , pour- vu que j'aie pu contribuer au progrès d'une Science k laquelle je me fuis livré par goût , & par le àdlr d'être utile : mon objet fers rempli ,- s'il en réfulte tout le bien que je defire ; je ne demande & n'attends aucune récompenfe. Le Gouvernement importuné par tant d'au- tres , ne le fera pomt par mes demande^ ; je ne vanterai point mes travaux ,* j'y ai peu de mérite , puifqu'ils n'ont çté pour moi que des amufements. Après avoir fervi , j'ofe le dire , avec dif- tin^ion , d'après le rapport & le témoignage Supplément. 473 de pîufieurs Officiers Généraux, ayant fini» comme Candide , par venir cultiver mon jar- din , rien ne pouvoit m être plus fatisfaifant dans ma retraite , en me livrant à àes goûts dont je fais fentir tous les charmes , que de pouvoir rendre mes amufements utiles. Ce n'eft point un homme qui a àss af- faires y des devoirs à remplir ; ce n'eft point un Ecrivain de cabinet; ce n'eft qu\in cul- tivateur , un folitaire libre , qui puifle bien examiner & fuivre les opérations de la na- ture , & qui puifîè la prendre fur le fait. C'eft , comme on le voit dans cet Ouvrage , ce qui m'eft arrivé plusieurs fois ; c'eft ce qui m'a fait voir mieux que n'ont vu plu- fîeurs Ecrivains , qui d'ailleurs plus favants que moi , n'ont pas eu autant de loifir. ^S'i je n'ai pu réftfter au defir de faire part au Public des expériences , des obfervations & des découvertes que j'ai faites, j'ai compté d'ailleurs fur fon indulgence par rapport au ftyle & aux incorredions , que Ton paftèra plutôt à un Militaire qu*à un Ecrivain de profe/Tîon. Au furplus , dans un Ouvrage de cette efpece , on doit moins s'attacher aux mots qu'aux choies qu'il contient. Si j'ai pu me rendre intelligible , j'ai rempli mon ob- jet. Dans l'hiftoire de la Nature , tout doit être fimple comme elle. Que l'on me paflê ce petit exorde, je re- viens à mon expérience. J'ai dit que pendant le temps de la con- denfation qui s'opère dans la terre , par l'effet du froid au de la fraîcheur ^ la liqueur qui 474 Supplément."' eft contenue dans h branche du fyphon rçn- verfé qui tient au tube, dont rextrémiré eft en terre , s'élève ; & qu^au contraire elle baifîe dans le temps de la raréfadlion , effet de la chaleur. J'ai dit que dans le temps de îa raréfadlion il s'éîevoit une humeur de la terre qui montoit dans le tube , & qui retombant dans la branche du fyphon , s'y condenfoit , & formoit fur la liqueur déjà contenue dans cette branche , & fur-tout fur îe mercure, une colonne d'eau très-diiîinéle , qui augmente chaque jour. Mais pendant le temps de la condenfation , temps auquel il fe fait une afpirarion dans la terre qui produit une force de fuccion , la liqueur s'éîevant alors dans îa partie du fyphon renverfé qui tient au tube , &: baiffant d'autant dans l'autre par- tie dont l'orifice eft ouvert , la force de fuc- cion , d'afpiration dans la terre fe fait fèntir , t& opère même au travers de la liqueur ; de manière que l'humidité de la nuit eft afpirée dans cette branche du fyphon , & y forme pareillement une colonne d'eau qui augmente de hauteur chaque nuit ; mais avec cette dif- férence que la colonne d'eau formée par l'humeur de la terre , que j'ai appellée la fève terreftre , eft d'une couleur un peu terne ; & que celle qui eft formée par l'hu- meur de l'air , que }'ai nommée la fève aé-^ rienne , eft très-Iympide. On voit fenfibîenient augmenter îa colonne d'eau produite par l'humeur terreftre , à pro- portion que la chaleur du jour j & confequem^ mem l'effet de îa raréfàdion j augmente ;, & s u p P I é M E K t. 47^ pendant la nuit qui fuccede à ce jour de cha- leur, la colonne d'eau produire par l'humidité de Fair augmente en même proportion. Arrêtons-nous ici pour reconnoîrre & ad- mirer cet ordre proportionnel & fi bien réglé , qui entretient la durée des êtres ; mais ne por- tons notre vue que fur les végétaux, qui doi- vent ici la fixer. Parmi les principes de là^ végétation que j'ai érablis , perfonne ne conteftera que plus la chaleur efi: grands , & plus la di Hlpation , ou , fi l'on veut, la tranfpiration des plantes efî: forte ; il faut donc que la terre y fourni0e dans la même proportion : mais plus la chaleur augmente , plus augmente aufTi , & en même proportion , l'efFet de la raréfaélion ,• & plus cet effet de la raréfaélion augmente, plus la pref- iion qui s'opère daas la terre , augmente de force , &c par conféquent plus l'humeur efi: exprimée & pouffée dans les racines , comme il arrive à une éponge dont la preflion plus ou moins forte , fait rendre plus ou moins d'eau. Mais auffi en fuivant cette comparai- fon , plus l'éponge a été prefTée , & plus elle eft dilpofée à s'imbiber d'eau t il en efl dé même de la terre pendant l'humidité de Is nuit , comme le prouve Ci bien notre expérien- ce;*^: de même les plantes épuifées par la grande difliparion du jour , font plus diipofées à fe remplir de fucs pendant la nuit. Mais cette imbibition du terrein& des plan- tes pendant la nuit , eft-elle toujours capable de réparer la difîipation extrême d'une cha- leur de plufieurs jours , & d'une féchereiïe de 47^ S ijr P P L É M E Tsr T. terrein non réparée par des pluies ? L^expé- rience prouve dans notre climat que cet ex- trême devient mortel , ou du moins très-nuî- fîble aux plantes dont les racines font peu en- foncées en terre, fur-tout lorfqu 'elles font tou- jours expofées au foîeil ; mais celles dont les racines pénètrent plus avant en terre , ne laif- fbnt pas de fubfifter , & cela d'autant mieux , que dans les gpends arbres les racines pénè- trent plus profondément. Aufli voit-on que ceux-ci fe foutiennent toujours mieux , quoi- que tranfpirants beaucoup plus que les autres, à raifon de l'étendue de leur tète , & delà quan- tité de leurs feuilles. Les jeunes arbres qui n'ont pas autant de bouches pour les nourrir , & qui ne puifent que dans un fol deiféché, proche de la fuper^ ficie de la terre , font voir , par leur état lan- guiffant , combien ils en fouffrent : mais j'ai lieu de croire par l'expérience que j'ai rap- portée, de mes peupliers , que , dans ces temps de difette , les conduits de la fève fe refîèr- rent , & que la diffipation devient ainfi plus proportionnelle à la fubfiftance. Il y a apparence que les arrofements que Ton donne aux plantes empêchent ce rétré- cifïement des canaux féveux ; c'eft ce qui fait que û l'on n'a pas foin de continuer afTidue- ment les arrofements à ces plantes , on voit qu'elles foufFrent beaucoup plus de la féche- refîe , que celles qu'on n'a point du tout arro- fées. C'eft ce qui eft très-connu des jardiniers ; & ceux dont la parefîè l'emporte fur l'amour de leurs plantes, ne manquent jamais d'alléguer cette raifon. Supplément. 477 Ayant enfoncé le tube de mon expérience dans la terre contenue dans un pot , tel que ceux où nous élevons des arbuftes , j'ai recon- nu que l'effet de la raréfaélion eft plus mar- qué de plus fort que celui qui s'opère en plei- ne terre', & celui de la condenfatîon moins fort ; & cela plus ou moins, à raifon de la grandeur du pot , & proportionnément à la mafîè de terre qui y eft contenue. Ceft pour- quoi il devient indifpenfablement néceffaire d'arrofer fouvent les plantes qui font en pot , & plus fouvent encore celles qui font dans de très-petits pots ; c'eft encore pourquoi cer- taines graines que Ton feme dans des pots ou dans des vafes quelconques , lèvent & réuf- fiflènt mieux que celles qu'on dépofe en pleine terré , fur-tout aux mois de Mars & même d'Avril , lorfque l'air n'çft pas encore échauffé. C'eft encore pourquoi les arbres élevés en pots , & même dans des caiftès , ne font ja- mais d'aufîi grofîes racines que ceux qui font en pleine terre, & par conféquent ne peuvent pas s''élever autant. ^ Cette force de compreflion des fucs de la terre , qui s'opère pendant le temps de la ra- réfaction & la force d'afpiration qui a lieu pendant le temps de la condenfation , û in« conteftablement prouvée par notre expérien- ce , doit produire plufieurs effets. Examinons s'ils font conformes au cours ordinaire d^ la végétation. 1°. La compreflion doit produire & poufler dans les racines d'autant plus de fucs , que le terrein , félon qu'il eft plus frais & plus hu- 47^ SUPPLIÉMENT. mide , en contient davantage ; & les plantes qui font dans un te! terrein doivent s'entre- tenir en vigueur, y poufier , s'y élever , grof> fîr en peu de temps , & y faire des produc- tions étendues & bien nourries pendant les fe- chereiîes ôc les chaleurs de leté ; tandis que les mêmes plantes qui font dans un terrein fa- blonneux^ (ècSc aride, doivent être fouffran- tes , fe flétrir &' dépérir de jour en jour pendant ce temps de féchereiïè , parce que lacomprefïion , quolqu'alors plus forte , ne peut exprimer que peu de fucs d'un terrein qui en eft épuifé : on a beau coniprimer une éponge à demi lèche , on n'en pQ^rra espri- jner que très- peu d'eau. 2**. S'il furvient de la pluie qui abreuve le terrein d'autant plus difpofé à fe remplir d'eau , qu'alors le temps eft frais & produit l'effet de la condenfation dans la terre , on doit voir les plantes fe ranimer , parce que tandis que îe terrein s'abreuve d'eau , elles s'en abreu- vent elles-mêmes par la force de fuccion que - produit dans ia terre l'effet de la condenfation il bien prouvée par notre expérience ; mais la terre pourvue de nouveaux fucs doit , au premier moment de chaleur , en pou iîèr abon- damment dans le^ plantes ; êc ces fucs étant afpirésaux extrémités fupérieures, éprouvent en même temps une double adion ; favoir , une qui les pouffe , & une autre qui les attire : ils doivent nécefTài renient monter êc fe porter dans toutes les parties fupérieures , où ils font afpirés , comme nous l'avons démontré. Oa 4oij: voir alors les plantes fe raniiiier &pouirei? SU??LÉ MENT. 479 ^vec vigueur ; mais cette vigueur doit ceflèr avec i'épuifement des fucs du terrein où font les racines des plantes. 3°. En fuivant toujours les effets de notre expérience , il doit arriver que dans les an- nées très-pîuvieufes & très-humides , les plan- tes réuflifTent beaucoup moins bien dans les terres fortes & compaéles , que dans les terres légères & déliées , parce que les premières dif- pofées à retenir l'eau , en font alors fi rem- plies, que la moindre comprefîion poufle dans les plantes une quantité furabondante de fucs qui y deviennent d'autant plus nuifibles , que l'adion & la chaleur du foleil en font moins exhaler , & en diiîipent d'autant moins que le temps efî: plus frais. Mais il n'en eft pas de même dans les terres légères , & qui ont peu de liaifon ; les eaux de la pluie n'y font point retenues , & il n'y en refte jamais trop; & tout au contraire de ce qu^il arrive dans ces fortes de terrains pen- dant les temps de chaleur & de fécherefïè, on doit voir les plantes y réuffir à merveille dans les années fraîches & pluvieufès. 4.^. Plus l'impulîion des fucs eft abondante & forte dans les plantes , & plus elle doit élar- gir & étendre le diamètre des conduits fé- veux , des canaux par-où pafîènt ces fucs ; mais plus ces conduits feront étendus , & plus ils feront capables de contenir une plus grande quantité de fucs , & mieux conféquemment l^arbre doit être nourri , pourvu néanmoins que le terrein y fournifTe fuffifamment ; caïf autrement l'arbre ne peut manquer de déné- 4^0 Supplément. rir , comme il eft prouvé par l'expérience des peupliers que j'ai citée dans le premier Vo- lume, il eft donc bien efTendel d'avoir atten- rion à ne tirer des arbres que d'un terrein. moins bon que celui où l'on veut les planrer; & cette attention fi négligée eft la caufe du peu de fuccès des plantations dans les terres lé- gères. Nous en parlerons plus amplement dans les Volumes fuivants. Nous ferons connoître qu'il y a d'ailleurs des arbres dont les conduits léveux font natu- fellement plus larges que ceux de plufieurs autres ; ce qui fait que Ces arbres ne trou- vant point dans les terres fàbleufes & légères une quantité de fucs fuffifante pour remplir leurs larges canaux , y languiftènt & y périC* fent en peu de temps , fur-tout lorfqu'ils font expofés au foleil ; tels font les tulipiers , mag- nolia , le cyprès de la Lôuifiané , quelques efpeces de peupliers , l'aulne , le faule , &c. 50. Les expériences de M. Haies fur les pleurs abondants de la vigne, au printemps, svant qu'elle ait poufte des feuilles , fur la force avec laquelle ces pleurs , ces écoule- ments lymphatiques de la vigne élèvent le jTiercure dans les jauges à des hauteurs con- fidérables : ces expériences, .dis-jé , bien conf- îatées , n'en étoient pas moins inexplicables ; elles prouvent , a dit M. Haies , une grande force de fuccion dans les racines. Tous ceux qui en ont parlé d'après lui ont dit de même; mais quelle étoit la caufe de cette force de fuccion ? c'eft ce que perfonne ne pouvoir ap- percevoir ; conféquemmeiit , aux notions don- nées f Supplément. 4^1 nues , notre expérience en donne l'explica- tion. M. Haïes , & tous ceux qui ont répété fes expériences , ont reconnu que les pleurs de la vigne ne coulent point pendant la nuit, & pendant un temps froid, mais que ces pleurs, ces écoulements lymphatiques font très-abon- dants dans les temps de chaleur , que leur abon- dance & leur degré de force font toujours ré- glés fur la température de l'air. C'eflr ce qui arrive exadement dans mon tube; l'humeur de la terre n'y monte jamais pendant la nuit , ni pendant un temps froid , c'eft-à-dire pen- dant le temps de la condenfation ; mais elle y monte pendant le temps de chaleur , qui efl: celui de la raréfadion , avec plus ou moins de force , félon le degré de chaleur ou de raré- fadion qui s'opère dans la terre. Ainfî ce qui arrive dans mon tube , arrive pareillement dans les plantes ; mêmes effets , même caufè que cet inftrument démontre évidemment. C'eft un flambeau lumineux qui va diffiper l'obfcurité répandue fur les opérations de la rature dans la végétation. Il nous donne le mot de plufieurs énigmes qu'on ne pouvoic deviner ; il réfoud plufieurs problèmes qui étoientreftés fans folution; il explique plufieurs phénomènes qui ont toujours paru inexplica- bles : enfin ce guide fur que nous avons trouvé , va nous conduire & nous faire parcourir la théorie & la pratique de l'agriculture , fans crainte de nous égarer :c'eft ce qu'on reconnoi- tra darvs les Volumes fuivants. On verra que la théorie des mouvements de la (êve que j'ai établie & démontrée d'unç manière aufîi fim-»- Tome IL H h 4S2 SUPPL ÉMEN t. p!e qu'elle efl: nouvelle , nous éclairera & nous dirigera fûrement dans la pratique,^ qu^elIe nous indiquera les meilleurs moyens de cuî-: ture pour les arbres & pour les plantes , & fur-tout pour le bled , la plus utile & la plus précieufe de toutes les plantes : on trouvera des obfervations nouvelles & importantes à ce fujer. Je dois prévenir ceux qui voudront répé- ter cette expérience, que le mercure, beau- coup plus pefant , conîme on fait, que toute efpece de liqueur , n'agit pas dans, le tube aufïi fenliblement que l'eau colorée , refprir-de- vin, &c. parce que la fubflancela plus légère obiiit plusaifement à l'impulfion & aux effets de la raréfadion & de la condenfarion qui s'opère dans la terre. J'indiquerai aufîi une méthode meilleure que celle dont j'ai parlé pour former cet inftrument , dont l'utilité fera mieux démontrée par la fuite. Fin du fécond Voiums. De l'Imprimerie de veuve L. PuMtsNii. 1781. CORRECTIONS, AGE 4, ligne 8 , rapport , lifez relatif. Page 14 , ligne 10 , recèlent , lifez décèlent. Page 30, ligne 30, /e5 contiennent y lifez /e Page 31 , ligne 4 , <2k^'7z , lifez ^m/z. Page 40, ligne 17, qui donnent ^ lifez qui donne. Page 42 , ligne première , ^0/2^ // ^ capable , lifez dont ilefi fufceptible. Page 43 , ligne 10, capable de , lifez ^oa/e i/^. Page 47 , ligne 25 , déphtogijlique ^ lifez déphlo- gifiiqué. ^ ^ Page 51 , ligne première,, ellefedurcijfent, lifez e//^5 y^ durciffeat. Page 5 5 , ligne 22 , au même état ou elle étoit , lifez au même état où. elle étoit lorfque je m'en fervis. Page 60 , ligne 10, qu elles charient y lifcz qu'elle charie. Page 67 , ligne 2,6, ^£/*/7 p/^w? , îi^ez // p/ew/. Page 73 , ligne 2 , Jans qu elles fouffrent , lifez fans qù ils fouffrent. Page 80, ligne 30 , ternir , lifez ternie. Page 121 , ligne 11 , ^r// quoique nouvelle ^ lifez quoique nouvelle. Page 1 22 , ligne 13 , z//z ^«if degré de jituation , lifez di ■ filtratzon. Page266 , ligne 19 , qui lui foit particulier ^ lifez (7?// leurfoit. Page 168 , ligne 10 , fuperflux , IKcifuperflu. Page 287 , ligne 34, qu il étoit ,Y\Çqx quil nétoii. Page 289 , ligne 30 , quiengagoient, lifez ja/ e/ï- gagcoient. Même page , ligne 11 ^ par rapport à Tair , lifez ï air athnofphérique. Page 290, ligne ij , quil n'ejî plus propre ^Y\(qz ce qui fait qu'il nefiphis propre. Page293, ligne ô^nefont qu un yïikz ne font qu'ua. Page 29e, ligne 30, congellation,]i[tz congélation. Page 3 12, ligne 14, nullement empreinte y lifçz empreinte de la couleur. Page 358, YignQ^rtvcàtXQ, plus grandque les autres^ Yikz plus grands les uns que les autres. Page 381 j ligne 2 , dans tous les lieux y lifez dans tous les pays. Page 3 9 1 j ligne 20, que donnent la grêle^ y lifez qui donnent la grêle. P. 403 , lig. ^7 ^l^ii dit de l'air, lifeide l'air fixe. Même page , ligne 30 , de l'agitation de l'air jIïYqz de l'air athmofphérique.