» ” ”… © D OO LL CZ) 4 Li. G GLLOGG/0 19/1 € LNNL | { LES FORESTIERS T L'ÉTABLISSEMENT DU COMTE HÉRÉDITAIRE DE FLANDRE SUIVIE DE QUELQUES DOCUMENTS SUR LES FÊTES DES FORESTIERS DE BRUGES PAR JULES BERTIN SOUS-INSPECTEUR DES FORÊTS, MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'ARRONDISSEMENT DE BOULOGNE-SUR-MER LA & GEORGE VALLÉE MEMBRE DES SOCIÉTÉS DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE ET DE LA MORINIE, DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER, EIC. ï À : EX % FUI Ur wa) ARRAS, chez SUEUR-CHARRUEY, Libraire-Éditeur, 31, Petite Place 1876 U il : ñ bé 2 2 | | AT APE URSS TL à 772 M” die FÉ CT 200 Lecfueux. 2x7 aufeuts, / ETUDE SUR LES FORESTIERS L'ÉTABLISSEMENT DU COMTÉ HÉRÉDITAIRE DE FLANDRE SUIVIE DE QUELQUES DOCUMENTS | SUR LES FÊTES DES FORESTIERS DE BRUGES. \ BY LA” c { Ü LY M d) (a ee L@ ‘ A EAAUT Ÿ | Put “ Ur vel f : t , ; { L2 ‘ ï i i . : AN CP 4 NOR € F LE , Le MAT U Y+ "n ; , f'ià-de " L, À Le ai N = LA N dé gr MORE, 0 RER TT à F ” CA RL: 2 , | . su trs D 2e NN | | : \ 1, 4 . Le ” + 4! À MONSIEUR TAILLIAR PRÉSIDENT DE CHAMBRE HONORAIRE 4 LA COUR DE DOUAI CHEVALIER DF LA LÉGION D HONXEUR ‘MONSIEUR LE PRÉSIDENT, Dans cette étude fur les Foreftiers de Flandre, nous nous fommes appliqués fpécialement à faire reffortir les évènements qui, par une marche pro- greflive, ont amené l'agrandiflement de la Flandre et fa transformation en comté héréditaire. Cette queftion présente un intérêt d'autant plus réel que la Flandre apparait comme un des fiefs héréditaires les plus anciens. Dans cette effai hiflorique, nous avons, Monsieur le Président, recouru à vos remarquables travaux fur nos anciennes inflitutions, ef nous ne faurions trop vous remercier de vouloir bien accepter la dédicace de cette étude fur les Foreftiers. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'affurance des fentiments les plus respectueux, de vos très- dévoués ferviteurs, Jules BERTIN. Géorge VALLÉE. Douai, ie 29 Décembre 1873 AVERTISSEMENT. Dans un article de la Revue des Eaux et Forêts de 1862, p. 209) relatif aux forêts de la Belgique, M. Christian Dassen dit en terminant : «n'oublions pas que les premiers souverains (1) » par ordre de date, de l’ancien comté de Flandre ont porté le » titre de Forestier. Dans ce titre même et les actes adminis- » tratifs qui s'y rattachent, il v aurait à faire plus d’une » évocation utile dont le présent et l'avenir pourraient profiter. » L’attention publique s’est portée souvent sur les origines de notre province : à Douai, dans une exposition de tableaux qui a eu lieu, il y a quelques années à l'Hôtel-de-Ville, et où figuraient les glorieux ancêtres de Thierry et Philippe d'Alsace ; à Courtrai, dans la chapelle des comtes de Flandre décorée de peintures murales de M. J. Vanderplætsen qui représentent les premiers gouverneurs de la Flandre ; à Lille, dans quelques fêtes commu- nales dont les personnages s’appelaient Phinart, Lyderie, en souvenir des premiers Forestiers ; à Bruges où, en 1417, les citoyens s'étaient réunis pour organiser des fêtes et faire revivre la dignité de Forestier du tournoi commémorative des vieux châtelains d'Harlebecke. (1) Ou plutôt les premiers gouverneurs. on — Ces considérations nous ont permis de croire qu'il y avait quelque utilité à réunir et résumer les documents relatifs aux Forestiers, documents disséminés dans des ouvrages qui ne se rencontrent souvent que très-difficilement, et que le plus grand nombre de personnes n’ont ni le loisir ni la facilité de compulser. Nous n'avons point la prétention d'avoir résolu dans tous ses points cette question des Forestiers, plus ardue et plus obscure que celle des Mérovingiens dont ils dépendaient : notre but a été de présenter en quelques pages assez de documents pour permettre au lecteur de se faire une idée juste et à peu près complète du gouvernement de la Flandre à cette époque, de ce que l'on entendait alors par Foréts, et des règlements qui y étaient relatifs, de la hiérarchie administrative, des mœurs cynégétiques du temps, — et de faire ressortir surtout les événements qui, par une marche progressive, ont amené à la suite des Forestiers, la fondation du comté héréditaire de Flandre. Nous demandons pour notre essai la bienveillance du lecteur qui, si nous osions nous servir de cette phrase de M. Maury « n'oubliera pas que dans les œuvres d’érudition, on ne saurait jamais se flatter de n'avoir point commis de fautes d’inexactitude ou d'omission (1) ». a (1) Les forêts de la Gaule et de l'ancienne France par L.. F. Alfred Maury, Paris, 1867, préface, p. 7. CHAPIPRE,. EE » DESCRIPTION DE LA FLANDRE. D'après une très-ancienne chronique du monastère d'Oudenbourch (Aldemboure) dont parle d’Oudegherst, la Flandre fut ainsi nommée à cause des eaux que la mer v versait sur divers points. Ces eaux formaient ce ‘que l’on appelle en flamand het vlache et en langage picard flaques ou flaquais, petites mares. C’est ainsi que l’on a trouvé dans diverses parties de l’ancienne Belgique, entre autres à (1) Sources : Annales de Flandre, de P. d'Houdegherst commentées par Lesbroussart, édit. de Gand, p. 3. édit. d'Anvers, 1621, p. 43. — Forêls des Gaules et de l'ancienne France, par L. F. Alfred Maury, Paris, 1867, chap. ?, p. 55. — Généalogie des’ Forestiers de Flandre, par C. Martin Zelandoys, Anvers, chez J.-B. Vrints, 1598, p. 2. — Les comtes de Flandre, par Edward le Glay, Paris, 1843, prélim : p. 1. — Histoire des comtes de Flandre, depuis l'établissement de ses souverains jusqu'à présent, pas de nom d'auteur, Paris, 1733, Ouvr. de la bibliothèque de Douai, p. 4, de l'Abrégé de l'Histoire de Flandre. — Florus II, 3. — Histoire de la Flandre et de ses inslilutions civiles et politiques jusqu'à l'année 1305, par L. A. Warnkœnig, Bruxelles, 1835, p. 119, 123. — Histoire de Flandre, par Kervyn de Lettenhove, Bruges, 1853. p. 52. — Charlemagne, par Capefigue, Bruxelles, 1842, p.725, 159, 160. — De la religion du Nord de la France avant le christianisme, par Louis de Baecker, Paris, 1834, p. 7 et suiv : — Une page détachée de l'histoire de Flandre, 1301 à 1328, ou l'époque héroïque de Bruges, par J. Perneel, Bruges, 1850 : LR ER. Clairmarais, à Blandèque, à Wisernes, des débris de navires et des ancres (1). Les eaux de la mer envahissaient de plusieurs côtés les marais et, faisant irruption à travers les dunes, gagnaient les forêts elles-mêmes. Un écrivain du xvi siècle, Cornille Martin Zelandoys, nous dit que la Flandre s'appelait Flandria œsluaria parce qu’elle était pleine de flots et d’étangs. Ce fut seulement avec le temps que la mer se retira lorsque l’on eut créé en quantité suffisante des obstacles tels que remparts, fossés, etc. Pierre Bertius, en commençant sa Description du comté de Flandres, dit : « L'on doute d’où vient lé nom de Flandres : (1) Le Glay (prélim. p. 1.) prétend que la mer s'avançait non-seulement jusqu'à Clairmarais, Blandèque, Wisernes, mais jusqu'à Flines-lez. Marchiennes, aux environs de Douai. Nous devons à l'obligeance de M. Jules Lion, auteur de savants mémoires sur le Portus Itius et le Sinus Itius, la communication suivante qui indiquera ce qu'il y a d'erroné dans cette assertion : « la mer, au temps de Jules César, venait « battre le pied du mont Sithin, et au v° siècle, le golfe appelé avec raison /tius s'étendait encore de Sangatte à Clairmarais. — Quant à la » plaine de Dunkerque dont le niveau n'est aujourd'hui qu'à 1 m. en » moyenne au-dessous des hautes mers de vives eaux, elle était certai- , nement couverte par les eaux au temps de Jules César. De cette » époque au v* siècle, on a pu y faire des tentatives d'endiguement, , mais ce ne fut que longtemps après ces temps reculés que cette vaste » plaine put être conquise sur la mer. — Au v° siècle, dans le départe- , ment du Nord, le terrain submersible peut se limiter par le canal de » Ja Colme et le canal de Bergues à Furnes. Flines-lez-Marchiennes est » bien loin de là. » En suivant la carte dressée par M. Jules Lion, on voit que le golfe Itius commençait au cap Blanc nez,en avant de Sangatte, se continuait le long du littoral jusqu'à l'embouchure de l'Yser au-dessus de Furnes, et au-dedans des terres était limité par Guines, Ardres, Saint-Omer, Blandecques, l'Aa, Watten, le canal de la Colme, Bergues, le canal de Bergues à Furnes, Hondschoot et Furnes. ss C4 VERT pe aucuns le déduisent d’une ville de ce mesme nom, assise où est à présent Ardenbourg ; les autres de Flandebert, fils de Belsinde, qui fut sœur de Clodion, roy de France. Ce Flandebert vivait l'an de Christ 445. Les autres estiment que ce nom fut donné à ce pays de Flandrine, femme de Lyderic premier comte; quelques-uns aussi, des vents et » flots dont ce pays est fort affligé pour estre proche voisin » de la mer ; voire de telle sorte sujet qu’encore l'an 1340 » en la location et vendition des champs, on exceptait celu » assavoir que si dans le terme de dix ans la mer par son flus » les submergeait, le contract serait de nulle valeur » (1). Le pays était voilé par d’éternels brouillards, attristé par des vents glacés, impétueux, qui, selon quelques-uns, four- nissent l'explication du mot Vlaenderen donné à la Flandre. Florus ne fait pas de différence entre le ciel de la Gaule et celui de la Germanie ; il les qualifie tous deux de atrox SELS y cœlum. D'après l'opinion émise par M. Kervyn de Lettenhove, opinion qui rencontre beaucoup de partisans, le mot Flandre ne s'applique dans l’origine qu'aux rivages de la mer situés entre les frontières des Gaules et la Frise, où des colonies Saxonnes (2) étaient venues successivement s'établir. (1) Communication de M. Jules Lion déjà cité. (2} Les Saxons doivent leur nom à leurs longs couteaux. Ils venaient des bords de l'Elbe. — Ils s'imposaient la loi de s'exiler tous les cinq ans. Ceux qui devaient quitter la patrie pour ne plus la revoir étaient désignés par le sort. — Les Saxons adoptaient le nom de Kerskonung pour désigner ceux qui les conduisaient aux batailles. On ne doit point prendre ici la dignité de roi dans ses acceptions monarchiques : rer signifie alors conducteur d'hommes, chef de tronpes victorieuses quelque- fois même capitaine de pirates. + RARE Le nom de Flander-Land, celui de Flamings, que portent ses habitants, appartiennent à la même langue et aux mêmes traditions ; ils désignent la terre des bannis, le sol où la conquête a donné aux pirates un port pour leurs navires, une tente pour leurs compagnons. La Flandre, dans l’origine, forme un district individuel nommé Pagus Flandrensis (1). Ce pagus n’est autre que le littoral saxon connu déjà vers la fin du 4° siècle, du temps de Théodose, et dans la Nolitia impert, sous le nom de littus Saxonicum, et occupé par les colons germaniques. Il s'étend des frontières de la Morinie jusque vis-à-vis d'Anvers, et se subdivise en plusieurs petits cantons, savoir : celui de l'Yser qui comprend Nieuport, celui de Bruges, et le pays de Waes (placé d’après quelques auteurs dans le Pagus Gandensis) avec les quatre métiers ou villæ prinei- pales de Bouchautes, Assenede, Axel et Hulst. Telle était la Flandre jusqu'en 863, époque à laquelle elle eut pour limites, au Nord et à l'Est l'Escaut : au Sud, (1) Le mot Pagus signifie pays, canton {voir d'Oudegherst, dise : prélim. et Maury, chap. 10, p. 155). — Les grands districts (pagi majores) se sont formés d'après les peuples qui les habitaient, et se sont conservés jusqu'au milieu du xu° siècle. Jusqu'à cette époque la situation des localités et des possessions particulières est déterminée d'après les cantons. Au xu* siècle, la division par cantons fit place à celle par Châtellenies (Castellaniæ) ; néanmoins plusieärs contrées retinrent leurs anciens noms de pays (pagi) tels que le pays de Wæs, le pays d'Alost {Warnkænig, p. 121 et de Lovys, j. 103), le pays du Franc de Bruges “onnu aussi sous le nom de Municipium Brugense. Les mots Franc de Bruges signifient terre franche, Brugensis Ager immunis, (Dictionnaire géographique et historique par Michel-Antoine Baudrand, Paris, 1705) : — Le mot Municipium signifie lieu fortifié possédant sa juridiction {Adhémar Inghels, p. 17. LS AN == l'Oise et la Somme jusqu'à Saint-Valery inclusivement, à l'Ouest et au Nord-Ouest, l'Océan. La Flandre comprit alors en 863 : Le Prqus Bononiencis, dont les principales localités étaient Boulogne (Gessoriacum), Witsant, Guines et peut-être encore Arkeset Petresse, depuis Calais. Le Paqus Flandrensis, au Nord-Est; Bruges en était la principale ville. Le Paqus Menapiscus ou Mempiscus formé de six moindres Pagi, savoir : 1° le Mempiseus propre qui s’étendait depuis Cassel jusqu'aux environs de Gand. 2 le Thorholtanus où l’on remarquait Thourout et Roulers. 3° le Curtriusus sur les deux rives de la Lys autour de Courtrai, où s’élevaient Courtrai, Harlebecke et peut-être Audenaerde. 4 le Torna- censis, à l’exception des places de Condé et d’Antoing qui se trouvant sur la rive droite de l’Escaut appartenaient au roi Lothaire. 5° le Leticus, sur les deux rives de la Lys, où se trouvaient Reninghe, Armentières et Broylus, qu’on appela depuis Maurontii villa ou Merville, du nom de Saint-Maurant qui bâtit en cet endroit, dont il était seigneur, le monastère de Brueil. 6° le Pagus Gandensis, pays peu étendu, qui possédait l’abbaye de Saint-Pierre au mont Blandin, le Portus Gandavus et probablement aussi les villages de Heckengem (Akkergem), Goxdelghem (Woxdelgem), Slola, Slonderiga (Sleydinghe), Desseldonck (Desteldonk), Tonen- sela (Dooreseele), Spengedonk (peut-être Ter-Donk sur le canal de Neuzen) et Metmedonk (Mendonk), qu’un diplôme de 9067 indique comme appartenant au Portus Gandavus. Le Paqus Adertisus où Atrebatensis, Artois de l’histoire moderne, qui avait déjà les villes d'Arras, Bapaume, Lens et Béthune. Il avait dans sa dépendance les pagi suivants : D EL 1 4° l'Ostrebannus, situé entre lEscaut et la Scarpe, où se trouvent les monastères de Marchiennes et Hasnon, Goui et Lambres. 2 le Tarvennensis où Wastelain désigne les villes de Térouanne, Sitiu (l’abbaye de Saint-Bertin près de Saint- Omer), Blangirenti, Aire, Saint-Pol, Lillers et autres de moindre importance. Le Metunensis ou Medenatensis, nommé plus tard Melan- thois, où se trouvaient Seclin, Ronchin, Roubaix, et Los, abbaye près de Lille. Le Pabulensis, pays de Pevelle ou Puelle, dont Orchies et l’abbaye d'Elnone ou dé Saint-Amand étaient les principaux points. Après le partage des Etats de Lothaire, entre Louis et Charles-le-Chauve, celui-ci paraît avoir ajouté aux comtés de Baudoin-Bras-de-Fer le comté de Cambrai, puisque nous voyons que Rodolphe, fils de Baudoin, en était comte avant 899. (Rodolphus comes Cameracensis, frater comitis flandrensis, in bello occiditur). (Rhegino, ad ann. 899). CÉLRPEFÉRE) "IT." UTILITÉ DES FORÊTS. Les Gouverneurs de la Flandre, avant l'établissement du comté héréditaire de Flandre, étaient des comtes bénéfi- ciaires portant le titre de Forestiers. Ce n’était point là un simple titre honorifique. Les Forestiers étaient réellement des Administrateurs placés sous le contrôle de fonctionnaires d’un ordre plus élevé, le Missi Dominici. C’est ce qui nous est indiqué d’une manière formelle par l’article 22 du capi- tulaire de l'an 819 où il est dit : « Ut Missi nostri ubicumque » fuerint, de forestibus nostris dilligentissime inquirant » quomodo salvæ sint et defensæ et ut comitibus denuntient.» Ces explications sont nécessaires pour comprendre pour- quoi nous donnons assez de détails dans les chapitres suivants concernant les forêts, la hiérarchie administrative et les règlements de l’époque, relaufs aux forêts. (1) Bauprizarr : Diclionnaire général des Eaux el Forëéls, Paris, 1823, tome I., p. 43 et 44 du Discours préliminaire. — Charlemagne, par Capefigue. Bruxelles, 1842, p. 46. — L'aliénation des forêts de l'État devant l'opinion publique, Paris, 1865, p. 3, 22, 70, 48, 143 et 233. — Revue des Eaux el Foréls de 1869, p. 116 ; de 1867, p. 194, 195 ; de 1868, p. 161, 162, 163, 166; de 1862, p. 156. — Biographie générale, publiée par MM. Firmin Didot, sous la direction de M. Hæfer, — article : Schiller. — Cours élémentaire de culture des bois, par Lorentz, complété et publié par Parade, édit. de 1855, Introduct : v et vr. De. NAT Les historiens qui ont écrit sur les Forestiers se sont généralement peu occupés de ces Officiers royaux au point de vue administratif, au point de vue des forêts soumises à leur juridiction, et cependant cette question présente un intérêt réel, puisque de tout temps on a pu reconnailre l'utilité des forêts. Ainsi, sous les Forestiers, les forêts (les Forestæ) étaient utiles spécialement à cause de la chasse. L'administration des fermes royales (Forestæ regie, Ville regiæ) offrait une haute importance dans le système adopté par Charlemagne ; c'était la branche principale du revenu public. De nos jours, on reconnait plus que jamais l'immense utilité des forêts pour régulariser le régime des eaux et s'opposer ainsi aux inondations, pour jarrêter la marche des sables dans les dunes, pour empêcher le tarissement des sources, pour maintenir les terres dans les pentes. Les massifs boisés purifient l'atmosphère en absorbant les miasmes délétères qui s’exhalent des eaux stagnantes et marécageuses. Un hectare de forêt fixe par an dans les tissus ligneux 2000 kilogrammes de carbone, empruntés tout entiers à l’atmos- phère par la décomposition du gaz acide carbonique. — Et au point de vue de la consommation ! Nous ne citerons que quelques chiffres ; car, comme le dit Pline (livre XI): « Mille sunt usus arborum, » et nous serions entrainés trop loin. — Il faut à la marine militaire 40,000 mètres cubes par an, et à la marine marchande 60,000, soit en tout 100,000 mètres cubes équarris à vive arête, ce qui correspond à 200,000 mètres cubes de bois plein. — Les traverses de chemins de fer, destinées à supporter les rails, durent dix ans ; il en fallait déjà en 1864, 3,600,000 par an, ce qui à raison de 10 par mêtre cube, donne un volume de 360,000 PRE CT mètres cubes par an, correspondant à la production totale de 120,000 hectares de forêts régulièrement aménagées en futaie pleine ! Et le réseau de nos chemins de fer est loin d’être complet ! Et on n’a pas compté dans le calcul qui précède les bois nécessaires pour la construction des wagons, tenders etc. ! — Aussi les chemins de fer ne savent pas comment suppléer à l'insuffisance des produits propres à la fabrication des traverses. On a essayé le fer et on a reconnu que le prix était plus élevé que celui des madriers en bois. — Dans certaines parties du bassin carbonifére du nord de la France, des puits ont plus de 600 mètres de profondeur, et il faut pour le cuvelage de ces puits, pour guidages et autres travaux accessoires Jusqu'à 900 mètres cubes de bois de chène de 4* choix au prix de 200 à 250 fr. l’un ! De plus, une fosse comprend des galeries principales, des galeries secondaires. La compagnie d’Anzin consomme annuellement pour ces galeries 1,070,000 perches, de diverses essences et et de diverses dimensions ! Et les charbonnages prennent de plus en plus d'extension dans notre contrée ! On rapporte que Schiller, le grand poète, qui obtint de la convention le 26 août 1792 avec seize autres étrangers le titre de citoyen français, interrogea un jour un Inspecteur des Forêts sur sa profession et ses travaux, et que ce dernier en parla avec tant de verve et d'enthousiasme que Schiller s’écria après lavoir écouté avec attention : « Quel beau » métier que celui de Forestier ! Je voudrais être Fores- » tier ! » Et en effet on comprend cet enthousiasme en se reportant à cette variété de travaux que comporte le service, tels que triangulations et aménagements de forêts, barrages et gazonnements contre les inondations, création de pépi- nières, semis et plantations notamment dans les dunes, "eue Es établissement de routes pour le transport des bois, de ponts, d’aqueducs pour l'écoulement des eaux, de fossés d’assainis- sement, direction des exploitations, estimation des bois à vendre, détermination des arbres à réserver, ele, etc. ; travaux qui sont tous marqués d’un haut degré d'utilité, et qui empruntent leurs éléments constitutifs à l'histoire natu- relle, aux mathématiques, à la physique, à la chimie, au droit et à l'économie politique. L'illustre ministre Colbert s'occupait des forêts puisque c’est à lui que nous devons l'ordonnance des eaux et forêts de 1669. On lui prête ces mots : € la France périra faute de bois ! » Puisse cette menace ne jamais se réaliser ! Puissions-nous conserver avec soin et améliorer de plus en plus les forêts qui nous restent! Espérons surtout que l'on ne songera plus à l’aliénation des forêts de l’État. Rappelons-nous qu'en 1865 lorsque le (Gouvernement a présenté au Corps législatif un projet de loi pour laliéna- tion de forêts de l’État jusqu’à concurrence de 100 millions à de francs, d’énergiques protestations ont éclaté de toutes parts, et que cent-trente-mille hectares de forêts ont été sauvés ! CHAPITRE :IIf. DESCRIPTION FORESTIÈRE DE LA BELGIQUE (2). La Belgique actuellement si peu boisée le fut jadis sur presque toute sa superficie. Le mot Loo qui sert à former une foule de noms de localités de la Belgique tels que Waterloo, Westerloo, Louvain (2), etc. s’appliquait à des hauteurs boisées, et témoigne de la disparition des forêts dans les Flandres et le Brabant. On a reconnu des branches et des troncs de bouleaux, de hêtres et de chênes dans les tourbières de la Flandre. Les essences qui composaient les forêts au temps des Gaulois étaient généralement les mêmes qu’on y rencontre aujourd’hui, abstraction faite de celles qu’y ont introduites les progrès de la sylviculture. Ainsi on y voyait déjà nos principales espèces de chênes, l’érable (acer), le bouleau, (1) Maury. Chap. 2. p. 58. Chap. 4. p. 82. 83. Chap. 6. p. 113. Chap. 2. p. 55. (2) Louvain, le mot ven, en flamand vehen, en hollandais veen ; signi- tie « tourbière ». Les noms de venloo, looven, indiquent donc des lieux tourbeux et boisés (Maury, chap. ?, p. 58). tr — l'orme, le saule, le platane (1). Le hêtre foisonnait en Gaule, là où le sol atteignait une certaine altitude. L'état forestier de la Gaule sous les Mérovingiens et au commencement des Carlovingiens, ne devait pas être bien différent de ce qu'il était sous les Romains. Le seul trait qui différencie les deux époques, c’est que, de plus en plus coupées par des chemins, les forêts anciennes encore subsis- tantes tendaient à se partager en plusieurs forêts distinctes. Près du littoral de l'Océan, les arbres n’offraient pas la même élévation, les fourrés la même épaisseur qu’à l’inté- rieur des terres; on rencontrait seulement une suite de buissons, de halliers, poussant sur un sol marécageux. Les Ménapiens et les Morins (2) se logeaient dans ces forêts basses pour harceler l’armée romaine. IL® FORÊTS DU LITTORAL, FORÊTS ET BOIS DIVERS SOUMIS A LA JURIDICTION DES GRANDS-FORESTIERS. M. Maury nous dit à la page 55 de son ouvrage sur les forêts des Gaules et de l’ancienne France : «les forêts qui (1) Le Platane fut transporté par les Morins des bords du Tibre sur ceux de la Lys et de la Canche (P. d'Houdegherst, discours préliminaire, p. 13). (2) Verre (Enéide, 1. 8) place les Morins aux extrémités du monde parce qu'ils occupaient l'extrémité du continent occidental de l'Europe (P. d'Houdegherst, Discours prélmiinaire, par Lesbroussart, p. 3.) (3) Maury. Chap. 2. p. 56. 57, 58. 59, Chap. 6. p. 112. Chap. 11. p. 186. 187. net » couraient d'Ostende à Boulogne paraissent avoir subsisté » jusqu’au temps de Charlemagne. » Nous pouvons donc ajouter : € par conséquent sous les « premiers Forestiers. » Ce fait est très-important à relater pour combattre l'opinion émise par M. de Loys dans son mémoire de 1834 à la société des Antiquaires de la Morinie, p. 88, où il prétend que le nom de Forestier ne vient pas . de Forêts puisqu'il n’y avait pas de Forêts dans la première Flandre. C’est là évidemment une erreur, en se reportant aux limites que nous avons données à la Flandre primitive, d’après l'opinion de Kervyn de Lettenhove et de Varnkænig ; c’est-à-dire que la Flandre ou le Pagus flandrensis, d’après ces limites, comprenait une portion des forêts du littoral dont la présence est signalée précisément par M. Maury. Le même auteur nous dit en outre, qu'au moyen-âge la forêt de Beverhout s’étendait sur une partie du canton de Bruges (qui faisait partie du Pagus flandrensis). L'emplacement de Turnhout (situé à 28 kilom. N.-E. d'Anvers) et de Thourout (sis à 16 kilom. S.-0. de Bruges) était occupé au vire siècle par deux forêts (Thoraldi sylva, Thoralti sylva) d’où ces villes ont tiré leur nom. Sous Charlemagne et ses successeurs, la juridiction des Grands-Forestiers ne s'exerce plus seulement sur le Pagus flandrensis, mais sur divers districts, dont la plupart contri- bueront en 863 à former la Flandre agrandie. — Dans ces districts nous trouvons les forêts ou les bois suivants qui recouvrent une grande partie de la superficie, et se rattachent sans doute les uns aux autres par des lignes d'arbres souvent entre-croisées et formant de véritables pleæus : — 20 — 4° Le Lisganaw, forêt des bords de la Lys, dont le point central paraît avoir été Harlebecke, sis à une lieue au nord de Courtray. — Le Skeldeholt, forêt de l'Escaut, qui se pro- longeait sur les bords de ce fleuve, et touchait Wasda ou Waes (forêt aux vastes prairies) dans le comté de Gand. Le Wasda était situé entre le Skeldeholt et le Lisganaw. Le Lisganaw et le Skeldeholt sont mentionnés dans le capitulaire rendu en 877 par Charles-le-Chauve. ) 9% La forêt d'Orville, située d’après quelques auteurs près d’Aire en Artois, où ils placent la villa royale dont parlent les annales de Saint-Bertin. 30 Dans le diocèse de Térouanne dont dépendaient Aire et Saint-Omer. — La forêt dite Tristiacencis sylva ou vastus saltus. Le bois de Beyla (Bailleul) situé entre Budderwoorde et Thourout. 4 Sylva sancti Leodegarii, forêt où saint Léodegaire souffrit le martyre, et qui, s'étendant sur le territoire des Atrébates, se rattachait aux précédentes. Il en reste encore aujourd'hui un débris dans le bois de Lucheux dont le nom est une corruption de celui de Léodegaire. De Au nord de Bailleul. — Le bois d'Ypres et le bois de Poperingue. 6° La forêt de Lens. 70 Dans le district de Loo. — La forêt de Heinaerst- Trist, débris au 9 siècle du Vastus saltus. Le … 8° Du côté de Guise et d'Avesnes. — La forêt d’Arouaise (arida gamentia sylva) et la forêt de Thiérache (Theoraciu sylva) qui furent défrichées de bonne heure sur plusieurs points. 9 Dépendances de la forêt Charbonnière. — La forêt de Vicogne ou de Saint-Amand était une dépendance de la forêt Charbonnière, et devail comprendre la forêt de Condé que l’'Escaut partage en deux. On distingue encore sur la carte des traces nombreuses de son ancienne extension à l’ouest. Toute la rive gauche de la Scarpe jusqu’au bois situé au sud de Tournay est semée de localités dont les noms dénotent l’ancienne présence des arbres ; tels sont ceux de Sautbois, Court-aux-Bois, le Chêne- Sartaigne, Rue-du-Bois. A l’ouest d'Orchies, les bois du Roi deviennent un dernier lambeau de la partie de la forêt Charbonnière qui s’étendait au sud jusqu'au voisinage de Douai, comme le rappelle le nom de Le Forest, porté par un village sis un peu au nord de cette ville. C’est là que passe la frontière de l’ancien Artois. Ce canton de la forêt Charbonnière a dû conséquemment constituer la marche des Atrébates. Une charte de l'an 937 mentionne dans les environs de Saint-Amand une forêt appelée Blangiacus (Blangy) qui est un autre débris ‘de la forêt Charbonnière. 1100" FORÈT CHARBONNIÈRE. — QUELQUES MOTS SUR LA FORÊT _ DES ARDENNES DONT ELLE FAISAIT PARTIE. D'après du Tillet, les Forestiers avaient sous leur juri- diction la forêt Charbonnière. On ne s’explique pas comment cette forêt pouvait dépendre des Forestiers, puisqu'elle se trouvait dans le Hainaut, le Brabant et le Cambrésis, que, de plus, elle était limitée à l'ouest par l'Escaut, et que même en 863, après l'agrandissement de la Flandre, ce comté de Flandre ne s’étendait à l’est que jusqu’à l'Escaut. — Panckouke nous dit que plusieurs historiens ont nommé la Flandre forêt Charbonnière parce qu’elle était couverte de plusieurs forêts. Il est donc probable que du Tillet a fait une confusion rela- tivement aux nombreuses forêts qui couvraient la Flandre, et dont nous avons fourni la nomenclature, en leur donnant la dénomination de forêt Charbonnière applicable seulement à des forêts du Brabant, du Hainaut et du Cambrésis. Les Forestiers exerçaient leur juridiction sur des dépendances de la forêt Charbonnière que nous avons indiquées. De plus, Charlemagne ayant placé les Saxons transportés dans la Flan- dre et le Brabant sous la direction du forestier Lyderie II pour défricher des forêts, on voit que les Forestiers ont pu aussi momentanément s'occuper de la forêt Charbonnière. (1) Abrégé chronologique de l'Hisloire de Flandre, par A.J9. Panckouke, Lille, 1762. p. 7 et 8 de l'introd: Maury. Chap. 2. p. 53. 54. 59. G0. Chap. 11. p. 177. 184. 187. Etudes élymologiques, par Chotin. Dictionnaire de la Conversalion el de la Lecture, Paris, 1833, t. 3., Art. Ardennes (Forèts des) Cœsar, de bell. gall. VI. 33. 1) — à — Nous donnerons donc la description de cette forêt dont on parle fréquemment, en disant aussi quelques mots de la forêt des Ardennes dont elle formait une partie. Au nord de la Somme et de l’Aisne se trouvait une forêt connue sous le nom de Carbonaria sylva, forêt Charbonnière. Cette forêt a sans doute pris son nom des charbons qu’on y faisait, comme l'indique Charles Wastelain dans sa description de la Gaule belgique. — D’après Belleforest, le nom de Charbonnière serait une altération de Cambronière, dérivé du nom de Cambron, le chef des Cimbres, ou peut-être de celui des Cimbres eux-mêmes. La forêt Charbonnière est trés-souvent nommée dans les monuments du moyen-âge. Sulpice Alexandre, cité par Grégoire de Tours (Hist. eccl. franc. IT, 9) en parle à l'occasion d’un avantage que les Romains, ayant à leur tête Nannenus et Quintinus, y avaient remporté sur les Franks vers 388. Elle n’a jamais été continue. Elle s'étendait au nord jusqu’à Bruxelles (1) et Louvain; au sud-est, jusqu’à la Sambre ; au sud, jusqu’à Landrecy, Bavay (qui existait déjà du temps des Romains), le Quesnoy, péné- trait dans la partie Est de la Picardie ; l'Escaut formait sa limite à l’ouest. Les forêts de Soignes (Sylva Soniaca), (Sonienbosch) près de Bruxelles, de Fagne, Sirault ou Tirault, la forêt de Mormal dans le Cambrésis, faisaient partie de la forêt Char- bonnière. La plus grande masse se trouvait dans le Hainaut. (1) Bruxelles écrit dans les anciennes chartes latines Prosella, Pr'uole- sila, Bruesella, Brusellia, signilie un petit bois, un breuil. Un village situé près de Saint-Gilles garde encore le nom de Forest, dénomination qui prouve qu'une forêt existait dans le principe au sud de Bruxelles, {note des annales forestières, 1" année 1808, p. 208, 219, citée par Maury, chap. 2. p. 99). D. : CS Nous avons indiqué précédemment quelles étaient les dé- pendances de la forêt Charbonnière, Les bois que l’on coupait dans cette forêt et ses dépen- dances étaient vraisemblablement embarqués sur l'Escaut, et conduits de là sur les bords de l'Océan où ils servaient à construire des nefs qui hantaient la haute mer. — Dés le vire siècle, la fondation de monastères au voisinage ou dans les clairières de la forêt en hâtèrent le démantellement (1). Près de Namur, la forêt de Villers ou de Marlage unissait la forêt Charbonnière à la forêt des Ardennes, dont César et Strabon nous ont donné la description, et qui est mentionnée par Tacite et plusieurs écrivains de l'antiquité. Le nom d’Ardennes ou Arduenna sylva est un appellatif général. Ardanac ou Arduanac signifie très-crand, très-étendu. C'était donc la grande forêt, de même que la forêt Hercynienne, en Germanie, le Harz (en germanique, grande forêt). Les différentes parties des Ardennes avaient des noms propres. Celle qui couvrait les Vosges s'appelait Vosagum, et celle du Hainaut, autour de Bavay, Carbonaria. La dénomination de très-grande, très-étendue, était donnée à juste titre à la forêt des Ardennes, puisque, d’après Jules César, elle s’étendait depuis le Rhin jusque chez les Nerviens,(2) sur une longueur de plus de 500 milles. (1) La constitution en forêts séparées des principales divisions de la forêt Charbonnière, explique pourquoi le nom de celle-ci disparut au moyen-äge. Déjà à la fin du xu* siècle, elle n'est plus représentée que comme un bois, Nemus Carboneria (Maury, Chap. 11, p. 183). (2) Les Nerviens habitaient entre la Sambre et l'Escaut sur les bords de la Dyle et de la Hayne (Notice sur l'origine el la formation des vit- lages du nord de la France, par M. le Président Tailliar, de Douai). CETAPITRE "IV" I" ATTRIBUTIONS DES FORESTARII, SALTUARII (2), OU GRANDS-FORESTIERS DE FLANDRE. Les gouverneurs de la Flandre, avant la proclamation de Baudoin Bras-de-Fer comme comte héréditaire, exerçaient sur cette contrée une surintendance civile, militaire et maritime. On les désignait sous Le nom de Forestari, Saltuarii, Grands- Veneurs ou Grands-Forestiers. Ces titres étaient loin d’être simplement honorifiques. Les forêts, ce que l’on appelait alors les Forestæ, les Ville regiæ, recouvraient le pays, et les gouverneurs de la Flandre ou Grands-Forestiers étaient (1) L'Univers pilloresque, Histoire de France, par Ph. Lebas. — Art : Flandre el Arlois, p 113. — La France Forestière, par Ch. de Kirwan, p. 31? du correspondant du 25 juillet 1869. — Nolice historique sur quelques monuments des environs d'Arras, par M. le Président Quenson ; notes p. 123 des Mémoires de la Sociélé d'agricullure de Douai, 1829- 1830. — Charlemagne, par Capefigue, p. 113. (2) Le mot Forél est indiqué en latin par les mots Foresla, Foresle, Fores- tus, Sallus, Silva, Nemus : les quatre premiers donnent l'explication des mots Foreslarii, Salluarii (Voir l'ouvrage de Du Cange intitulé : + Glos- sarium ad scriptores mediæ et infimæ latinitatis, + Paris, 1844), — 26 — réellement des administrateurs dont le service était contrôlé par des députés royaux {les Maissi dominici). Charlemagne les invitait à prendre connaissance de tous ses décrets, notamment pour la chasse, et indiquait par cela même qu'ils remplissaient réellement des fonctions d’administra- leurs. | Les Grands-Forestiers provoquaient les jugements, avaient un droit d'inspection sur les métairies royales dites Forestæ qui étaient composées de jardins, vergers et surtout de bois avec les plaines, rivières et élangs qui les Joignaient ou sy enclavaient. Ils donnaient des instructions pour la chasse, la pêche, les défrichemenis, etc... Dans les bois nombreux qui couvraient le pays, ils devaient chercher à les rendre prati- cables et à pourvoir à la sûreté des voyageurs. Is portaient non-seulement le titre de Grand-Forestier mais aussi celui de comte, (1) puisqu’en parlant de lun d'eux, d’Inguelram, dans le capitulaire de Charles-le- Chauve de 853, on désigne comme comtés d’Inguelram, les districts soumis à sa juridiction. Par conséquent tout ce qui va suivre pour faire connaitre les attributions des Comites sera applicable aux Grands-Forestiers. (1) Le titre de comte se rencontre déjà à la fin du rv° siècle dans le litlus saronicum où la Flandre. Ainsi lorsque l'empereur Honorius fit dénom- brer les populations diverses de l'empire, lorsqu'il commanda de rédiger le livre sur les dignités du monde romain, ilindiqua un comte du littoral saxon comes lilloris saxonici (Hisl. de Charlemagne, par Capefñigue, p. 159.) RÉGIE DES FORÊTS ROYALES. — HIÉRARCHIE ADMINISTRATIVE. La régie des forêts royales fait l’objet de plusieurs capi- tulaires de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, et on peut déterminer de la manière suivante la hiérarchie administrative : 1° Senaiscalchus, 2 Buticularius. — Le Sénéchal était Grand-Maitre de France. Il occupait la pre- mière dignité de l'Etat. — Le Grand Bouteillier était Grand- Officier de la couronne. Les chartes des rois étaient signées par lui. Les officiers envoyés dans les provincés pour porter ou pour exécuter les ordres du roi ou de la reine, en ce qui concernait l’administration des biens royaux, dépendaient du Sénéchal et du Bouteillier. On en a la preuve dans la fin du capitulaire de Charlemagne de lan 802 ainsi conçue : « quando ad aliquam utilitatem eos miserimus, aut » Seniscalchus et Buticularius de nostro verbo eis aliquid » facere præceperint. » (1) BaupricLarT. Disc. prélim : p. 43, 44. art. « Forêt » p. 163. — Maury, p. 97, 98, 99, 100, 409, 416. — La France forestière, par Ch. de Kirwan p. 312 et 313 du Correspondant du 25 juillet 1869. — Diction- naire de la Conversalion el de la Leclure, art. « Sénéchal et Bouteillier.: — Nolice des diplômes, des charles el des actes relatifs à l'histoire de France, par M. de Foy, Paris, 1765, p. 281, 282, 284. — Charlemagne, par Capefñgue, p. 10, 52, 94, 125, 131, 138 et 158. Der Ne 3 Missi dominici. — Ces mots indiquent des députés que les rois envoyaient dans les provinces pour voir par eux-mêmes ce qui se passait et leur en rendre compte. Souvent on les choisissait dans l’ordre des évêques, ainsi qu'on le voit par un état de répartition qui fut fait alors des divers cantons pour lesquels on nomma des députés. Leur pouvoir n’avait point de bornes ; leurs instructions, pas de limites ; ils commandaient aux comtes avec la puissance qu'ils tenaient de l’empereur ; ils paraissaient comme l’image et le symbole de la centralisation carlovingienne. Ils trouvaient dans les provinces des comtes résidants, partagés par districts limités, qui étaient chargés d'informer de l’état où ils trouvaient les métairies royales, et de veiller à y main- tenir le bon ordre et à y réformer les abus. C’est ce qui est indiqué par l'article 22 du capitulaire de l'an 819 où il est dit: & Ut Missi nostri, ubicumque fucrint, de forestibus » nostris diligentissime inquirant quomodo salvæ sint et » defensæ, et ut comitibus denuntient. » Il est nécessaire de donner ici quelques explications concernant les métairies que l’on désignait sous le nom de Villæ ou Foreslæ. Les Carlovingiens, tout en laissant subsister dans les Gaules une partie des coutumes apportées par les barbares, cherchèrent à fortifier leur autorité et à s’attribuer exclusi- vement des avantages dont avait d’abord joui l’ensemble des conquérants. — A cette époque on conservait les forêts, non point pour le bois qui était trop commun et de trop peu de valeur, mais avant tout pour la chasse. La chasse était l’objet de la vive sollicitude de Charlemagne. Le capitulaire De Villis de l'an 800 s’en occupe spécialement. — On sait combien les Franks étaient amateurs de la chasse. « Vix Le 04 » ullain terris natio invenitur quæ in hac arte Francis possit » æquari, » écrit Eginhard. — Les arbres de fortes dimen- sions servaient dans les chasses à marquer les quêtes et les relais. — Les loups pullulaient dans les forêts de la Gaule. Les porcs sauvages, les sangliers erraient par troupes nom- breuses dans ces forêts où les glands leur fournissaient une abondante nourriture ; les renards, les cerfs n'étaient pas moins répandus. — On se servait pour la chasse d’épieux garnis d’un fer pointu et de rets faits d'une quadruple toile de lin. Les cerfs étaient abattus à coups de flèche. On com- battait les loups avec le harpon ou par des fosses ou au moyen de chiens. — Les fermes royales étaient habituelle- ment situées au milieu de vastes forêts ; le suzerain y faisait son séjour de chasse lorsque venait le temps d'hiver. L'éducation des chiens, des faucons, des éperviers, était l’objet des grandes sollicitudes du suzerain; les chiens étaient de belle espèce d’'Ecosse, de Germanie ; les danois, les suêves avec poils courts ; les dogues, (Molossus, les glossaires donnent ce nom à une grosse espèce de dogues) à la dent aigue. Le droit de chasse devint le privilége exclusif du roi, des Leudes et des derniers rejetons de la noblesse gallo-romaine. Pour exercer ce droit, les souverains commencèrent par affecter à leur usage spécial et à celui des officiers de la couronne, non-seulement les massifs de forêts les plus beaux et les plus propices, mais aussi les plaines, rivières et étangs qui les joignaient ou s’y enclavaient. Ces étendues de terrain, souvent immenses, étaient peuplées de gibier et de bêtes fauves, et servaient aussi à l'exercice du droit de pêche ; on les appelait Forestæ où Ville, métairies entremêlées de jardins, de vergers et surtout de bois, C'est seulement plus tard que ape le mot forêt (sylva) servit à désigner uniquement une grande masse boisée. — Les Forestæ ou Villæ appartenant au roi étaient désignées sous le nom de Forestæ regiæ ou Villæ regiæ. — Au prince seul appartenait le droit de laisser établir une Foresta. C’est ce que l’on appelait forestare, afforestare ou inforestare. Lorsqu'un grand de la cour, un comte (comes) voulait établir une Foresta, c’est-à-dire une garenne, 1l devait demander l'autorisation au monarque : La Foresta, même établie avec le consentement royal, pouvait être supprimée. C’est ce qu'on appelait deafforestare ou disafforestare. Le droit de supprimer les Forestæ établies cum jussione regis n'a guère élé exercé par nos rois. Du reste la définition que nous avons donnée du mot Foresta fait voir que le droit de déforester ne signifiait pas qu'il fût interdit de planter des bois. 4 Comiles, (ou pour la Flandre, les Grands-Forestiers).— Les Comtes résidanis existaient déjà avant Charlemagne et même du temps des Romains. Le puissant empereur leur donna une organisation régulière, complète ; 1l les fit assis- ter dans l’administration et la justice par des propriétaires élus; c'était l’idée saxonne du gouvernement représentatif. Les Comtes étaient chargés, comme le prouve le capitulaire de 819, d'informer de l’état où ils trouvaient les métairies royales et de veiller à y maintenir le bon ordre et à réformer les abus. Les articles des capitulaires que nous citerons bientôt et qui ont rapport aux forêts, feront connaître les attributions des subordonnés des Comites et les différents points sur lesquels devait se porter l'attention de ces derniers dans leur contrôle administratif. — Un capitulaire de Charlemagne de Fan 813 montre que les comtes ne jugeaient pas, mais SAT: Ps étaient chargés de provoquer les jugements. — Les procès sur les personnes et les propriétés étaient jugés sur le verdict des échevins et des jurés, tous nommés par élection popu- laire. — Les comtes, les ducs (marquis, gouverneurs des marches, des frontières) et les Missi dominici étaient réunis tous les ans par Charlemagne. Il recevait leurs IE ts, et savait ce qui se passait dans chaque province. Un autre capitulaire de 813 indique que les comtes étaient quelquefois munis d’une commission expresse et envoyés alors avec le titre de Missus. 00 Venalores. — Les veneurs royaux visitaient de temps à autre les forêts, y tenaient conseil et dressaient des règle- ments. La surveillance des pêcheries du roi leur était spécia- lement dévolue. 6° Forestarii vel Judices. — Les Forestarni portaient aussi le nom de Judices ou Juges comme l'indique un capitulaire de 815. À cette époque, rien n’est distinct dans les fonctions : administrer et juger sont choses confondues. Les Forestarii rendaient des jugements, et avaient la garde générale des forêts de la couronne. Ils donnaient leur avis sur les défrichements à opérer dans les endroits propres à la culture, et veillaient à ce qu'on ne mit pas en labour ceux où le bois prospérait. Ils avaient sous leur garde tout le gibier, et affermaient la glandée. 79 Vicari et luparii. — Les Vicaires ou les Viguiers étaient des espèces de hieutenants des Forestiers ou Juges. Ils remplissaient les fonctions de ministère publie dans le canton, dans la Viguerie, faisaient la levée des impôts, des amendes pour le roi. Comme officiers chargés du ministère public, ils faisaient exécuter les jugements. Par un capitulaire ES. pe de Charlemagne de lan 813, il leur fat ordonné d’avoir deux preneurs de loups que l’on nommait luparii et les peaux de loups se vendaient au profit de la métairie. Le pays était alors couvert d’un grand nombre de forêts où il y avait une quantité énorme de loups, et il était de la sagesse du gouvernement de s'occuper de la chasse de ces animaux cruels qui causaient les plus grands désordres. CÉRAPEPRREA NE. 0 CAPITULAIRES. — POLICE, EXPLOITATION DES FORÊTS. Les décrets désignés sous le nom de Capitulaires étaient ainsi nommés parce qu’ils étaient rangés par chapitres. Le capitulaire de Charlemagne de l'an 800 sur les fermes intitulé : « de villis Fisci seu Karolo magno regi pertinen- tibus » contient 70 articles. Nous extrayons de cette ordon- nance les articles suivants qui ont rapport aux forêts : ART. 10. Nous enjoignons à nos Forestiers de nous payer exactement le cens des terres de notre domaine que nous leur donnons pour leur salaire. Nous leur recommandons de remplir avec soin et fidélité les fonctions de leur emploi, et afin qu’ils puissent y vaquer plus librement et y donner toute leur attention, nous leur ordonnons de charger un domes- (1) Histoire des comtes de Flandre jusqu'à l'avènement de la maison de Bourgogne, 863 à 138%, par Adhémar Inghels, Bruges. 1875, p. 17. — Histoire de France, par Anquetil, Paris, 1817, t. I, p. 402. — Notice des diplômes, des charles el des actes relatifs à l'Histoire de France, par M. de Foy, Paris, 1765, p. 212 et suiv : — Æervyn de Lellenhove, édit. de 1847, p. 118, 119; édit. de 1853, p. 57. — BaupriLLarr, Disc. prélim., p. 43. — Maury, Chap. 6. p. 102. tique particulier de faire valoir pour eux les terres ou le bénéfice que nous attachons à leurs emplois. | ART. 27. Nous défendons à nos Missi, de même, qu'aux autres officiers que nous envoyons en ambassade de prendre leur nourriture dans nos maisons de campagne qu'ils trouveront sur leur route, à moins qu’ils n’en aient eu l’ordre de nous ou de la reine ; mais notre intention est que chaque comte et tous autres officiers, lesquels sont accoutumés suivant l’ancien usage de fournir à nos susdits missi et ambassadeurs les chevaux et ce qui est nécessaire pour leur voyage, continue à leur procurer à l'avenir ces mêmes secours. ART. 30. Les officiers de nos forêts garderont avec soin nos bois, et lorsque le temps d’émonder sera arrivé, ils feront émonder les arbres qui bordent les chemins, de peur que la trop grande ombre ne nuise aux champs ; ils seront attentifs à ne pas permettre que l’on coupe des arbres où il doit y en avoir pour la décoration ou autrement ; ils pren- dront garde que personne ne nuise aux bêtes fauves de nos forêts. Ils élèveront pour notre service particulier des faucons et des éperviers. Par rapport à nos intendants, ils lèveront avec exactitude les impôts qui nous sont dûs. Arr. 49. Nos intendants auront soin d'entretenir, chacun dans leur district, de bons oiseleurs, des hommes qui fassent des filets pour la chasse. Art. 60. Nous enjoignons à nos intendants d’avoir égard à la fidélité de nos officiers pour les faire monter aux grades dans l'administration de nos domaines et non pas à leurs richesses. Arr. 62. Nous ordonnons à nos susdits intendants de nous présenter tous les ans à Noël leurs livres de régie, où — 33 — ils auront écrit, dans des articles distihcts et séparés, le profit qu'ils auront fait sur les bœufs, les produits des impôts, des amendes, des composilions, des permissions de chasser à la grosse bête dans nos Forêts, de nos moutons, de l'usage dans nos bois et dans nos pacages, des péages sur nos ponts et dans nos bois, de la vente du bois de corde et des fagots, de la glaise et autres matériaux de nos carrières, des diffé- rentes espèces de fruits, des grosses et petites noix, des abeilles, de la pêche dans nos rivières, de la vente des cuirs, des peaux et de la chair des différentes espèces d'animaux. ArT. 69. Nos intendants auront soin de faire pêcher nos rivières, d'en vendre le poisson à notre profit, et de les repeupler ensuite, en sorte qu’elles soient toujours empois- sonnées. — S'il arrivait cependant qu’il nous plût d'aller passer quelque temps dans nos maisons de campagne, nos intendants réserveraient pour notre usage le poisson que l’on aurait pêché, et ne le vendraient pas. Arr. 69. Nous voulons que dans tous les temps de l'année, on chasse le loup, et que l’on nous rende non-seulement compte du nombre de loups que l’on aura pris, mais même que l’on en présente les peaux ; au mois de mai de chaque année, on tendra des piéges, et on fera une chasse parti- culière pour les louvetaux. Diverses dispositions frappent sévérement quiconque oserait conduire ses troupeaux dans l'enceinte des domaines royaux (Baluze. 1. col. 336). La possession des forêts était le privilége des rois. De là l’étymologie du mot forest, vor-eis, vieux allemand : forêts où se nourrit le bétail, réservées aux princes. For, voor, vooruyt, pour, dans un sens exclusif ; est, elzen, ausen, faire paître les animaux (Meidinger, Dict, des lang. teuton, p. 59, — 96 — 278 et 279). — Le mot forêt s'appliquait aussi aux étangs royaux (1). Les forêts ne fournissaient donc pas seulement du bétail mais aussi du poisson. Il faut remarquer que les forêts étaient toutes voisines de quelques fleuves. Ainsi la forêt Charbonnière touchait à l’Escaut ; la forêt d'Harlebecke à la Lys; celle de Boulogne était près de la Liane; celle d'Hesdin près de la Canche et enfin la forêt de Crécy s’éten- dait entre la Somme et l’Authie. — Un capitulaire de l'an 802 ordonne aux Forestiers d'exécuter les défrichements partout où ce sera nécessaire. De plus, les Foresliers ne devaient point permettre de couper les bois trop fréquem- ment sur les points qui ne devaient pas être défrichés. Les serfs chargés du caplim, c'est-à-dire de la coupe du bois, furent assujétis à certaines observances. — Les Forestiers avaient enfin à poursuivre les serfs rebelles ou fugitifs (Baluze, 1. col. 543). —_——_——— (1) Bauprizcarr, art. « Forêt » p. 163. — L'union étroite des droits de chasse et des droits de pêche explique pourquoi la surveillance des Eaux et celle des Forêts ont été, jusque dans ce siècle, confiées à une même administration, celle des eaux et forêts (Maury, chap. 6, p. 104.) CÉAPITREN VI . ARMOIRIES DES GRANDS-FORESTIERS. — ARMES D'HARLEBECKE. Armoiries des Grands-Forestiers. — Les armes des Grands-Forestiers sont gironnées d’or et d’azur. Ces couleurs retracent, selon le P. Malbrancq, l'or des moissons qui enri- chissent la Flandre et l'azur des flots qui baignent ses rivages. Elles sont de dix pièces, d’après C. Martin Zelandoys, de douze pièces, d’après Philippe de l'Espinoy. Sur le milieu se trouve un écusson de gueules ayant pour timbre et devise une couronne d’or à deux mains ouvertes à la façon de deux ailes étendues, ce qui dénote, selon quelques-uns, vaillance et fidélité. Ces armes sont restées les mêmes l’espace de 547 ans jusqu’à l'avènement de Philippe d’Alsace, 16° comte de Flandre. (l) Kervyn de Lellenhove, édit. de 1847, p. 94 et 95. — C. MarrTix Zeuaxvoys déjà cité, p. 1 de son ouvr. — Recherche des Anliquilez et noblesse de Flandres, par Philippe de l'Espinoy, Douai, 1631, p. 1. — WaARNK®ŒN1IG, p. 129.— Diclionnaire de la Conversalion et de la Lecture, Paris, 1533, art. « Blason ». — D'OupesnersTr, nole de Lesbroussart, p.65. — Hisloire de France, par Anquetil, Paris, 1817, t. 1, p. 494. 3 PE TRES Les auteurs qui nous donnent la description de ces armoiries commettent, du moins pour les cinq premiers Forestiers, une erreur résultant d'un fait mal interprêté, de la confusion des emblèmes avec le blason, les armoiries. Les emblèmes sont de simples symboles servant de marque distinctive. Le blason, les armoiries, indiquent par des lignes ou hachures les diverses couleurs des emblèmes empreints sur les boucliers, sur les cottes d'armes et les bannières des preux, et portent alors le nom d’emblèmes héraldiques. C’est un fait constaté par le résultat des recherches les plus cer- — 39 — taines que l'invention du blason, des armoiries ou emblêmes héraldiques date seulement de l'établissement des joûtes et des tournois, c’est-à-dire de 842. Précédemment, on ne rencontre que des signes symboliques et de simples emblêmes destinés à servir de marque distinctive chez les nations et peut-être aussi chez des familles d’un rang élevé. Le premier tournoi fut donné par Charles-le-Chauve et son frère Louis de Bavière, lors de l’entrevue qu’ils eurent à Strasbourg et du traité d'alliance qu'ils conclurent contre Lothaire en 842, époque du fameux serment! qui fut prononcé en langue romane et en langue tudesque, et qui nous a élé conservé par Nithard. Armes d'Harlebecke. — Harlebecke situé sur la Lys, à une lieue au nord de Courtray (1), joue un rôle important sous les Forestiers. Ainsi, le Forestier Lyderic II est nommé comte d’Iarlebecke. Il est enterré dans cette ville ainsi que son successeur Inguelram. — Harlebecke formait le centre de la forêt de la Lys qui était placée sous la juridiction des Forestiers. Ses armes sont d'argent au chevron et à la bordure de gueules. (1) Courtray possède deux églises : 1° l'église Saint-Martin commencée en 1390. La const’uction de sa tour fut terminée en 1439. — 2° L'église Notre-D.me. Cete église fut b'‘tie, dit-on. par Baudoin, comte de Flandre et empereur de Constantinople. Bitie contre le côté droit de l'église Notre-Dame est une chapelle dite des comtes de Flandre, élevée en 1374 par Louis de Mäle. (Collection des guides Joanne. Itinéraire de la Belgique, par A. J. du Pays, Paris, 1863, p. 267-268). Dans la chapelle se trouvent des peintures murales de M. J. Vander- plœætsen représentant les Foresliers et les comtes de Flandre jusqu'à Jean-sans-Peur. CERRPIRE" VIRE LYDERIC Ier DIT DE BUC, l‘° FORESTIER, (2) DE 621 A 692. Lyderic 4e, fils de Saluart, prince de Dijon, habitait le fort de Buc situé sur l'emplacement actuel de la ville de Lille. Il tua en champ clos Phinart, meurtrier de son père. Le roi Clotaire II le constitua premier Forestier de Flandre, et lui donna en mariage josne, une de ses filles. — Vers 630, Lyderic fit construire un château-fort afin de défendre la Lys près de la voie romaine qui vient de Térouanne. Ce (1) P. d'Oudegherst donne la chronologie suivante : Lyderic 1°, de 640 à 692. — Antoine, Bouchard, Estorède, de 692 à 792. — Lyderic IL, de 792 à 808. — Ing:elram, de 808 à 823 et Audoacre, de 823 à 837. — Nous avons adopté de préférence celle de G. Martin Zelandoys (indiquée en tête des Z du chapitre VIT) sous réserve de ce qui sera dit plus tard pour Inguelram, Audoacre et Baudoin Bras-de-Fer. (2) C. Martin Zelandoys. — /isloire générale de la France du Nord, (Flandre, Artois, Picardie), par M. P. Decroos, Avocat, Paris, 1874, p. 15,16. — Bibliothèque royale de Bruxeiles, comple rendu des séances de la Commission royale d'hisloire ou recueil de ses bullelins, t, XI, p. 105. — Kervyn de Lettenhove, édit, de 1847. p. 92, 93; édit. de 1853, p. 45, 46 — Maury, chap, VL p. 112. — Mémoire de M. Lebon, Sociélé des Antiquaires de la Morinie, 1834, t. IX, p.77. — P, d'Oudegherst, p. 66. An sera la paroisse de Saint-Martin près d’Aire. Plus tard, trouvant une position favorable sur les bords de la Laquette, il v bâtit un second château, près du pont du Catel, où se formera le bourg d’Aire. — Lyderic fit différents dons à l’abbaye de Saint-Bertin à Saint Omer. — Il gouverna la Flandre jusqu’en 692, époque où il fut enterré à Aire. D'après une opinion émise par M. Kerwyn de Lettenhove et paraissant parfaitement fondée, Lyderic de Buc n’est autre que Leudesius, forme romaine du nom de Lyderic, lequel Leudesius, était fils d’Erkembald, maire de Neustrie 1). A cette époque, Maurontus, neveu d’Erkembald, était Forestier de Créey. Il est assez remarquable que la dernière mention de l'existence des Forestiers en Flandre se retrouve dans une plainte formée à la fin du treizième siècle par les chanoines de l’église de Saint-Amat, construite par Erkem- bald, père du Forestier Lyderic. Et contre quels Forestiers était-elle dirigée ? Contre ceux qui résidaient dans la cité de Merville (Mauronti villa) fondée par le Forestier Maurontus(2). Quelques citations relatives à Maurontus expliqueront la position qu’à pu occuper Lyderic : Maurontus, ob insignem nobilitatem apud regem Dagober- tum plurimum poterat, et tunc terrarum vel sylvarum ad regem perlinentium dispositor et custos habebatur, in sylva Chrisiasensi (3). — Maurontus, nobilis quidam vir et terra- (1) La Neustrie, en langue teutone Westerryck, pays de l'Ouest, avait pour limites au Nord, l'Océan; à l'Est, l'Escaut; au Sud, la Loire et à l'Ouest, l'Océan. Au 1x° siècle, elle perdit son nom de Neustrie pour prendre celui de France (A. Inghels, p. 13 des prélim.) (2) Ann. Benedict. 1. p.385 ; arch. de Lille, charte du 10 mars 1298 ‘v. st. ‘3) Chr. cent. 1, 18. LR rum vel sylvarum ad regem pertinentium servator (1). — Sylvarum regiarum procurator (2). Regius Forestarius. (3). Le vaste recueil des Bollandistes, où abondent tant de documents précieux des époques les plus reculées, fournit la preuve que le roi Childéric If, dont Lyderic aurait été le contemporain, eut des Forestiers comme Nagobert Ier, On y rencontre les mots : Foreste dominica, Furestarii nostri. Quelques documents concernant l’église de Saint-Amé de Douai semblent établir que les comtes de Flandre ont été les successeurs du Korestier Lyderic, fils d'Erkembald : Herchenaldus perædificavit duacum castrum et infra cons- truxit ecclesiam S. Amati. Juxta illam (ecclesiam) turrem munitissimam contruxit. Flandriarum comites turrem 1llam possident prout sibi invicem succedunt (4). À Erkembald, maire de Neustrie, avait succédé Eberwin. Un complot s'était formé en Bourgogne et en Austrasie contre Eberwin qui succomba dans la lutte, et fut enfermé au monastère de Luxeuil. Lyderice, fils d'Erkembald, prit alors possession de la mairie du palais du roi Childéric IF; mais sa puissance fut de peu de durée. Eberwin s'enfuit de Luxeuil, réunit ses amis de Neustrie, traversa l'Oise, et réduisit Lyderic à se retirer précipitamment au nord de la Somme dans ses domaines de la Flandre ; puis, lui proposant une entrevue dans le Ponthieu pour y délibérer de la paix, le fit assassiner dans la forèt de Crécy (Cresiacum foreste). (1) Alcuin in vita S. Rich. inter opera p. 1427. (2) Alia vita S. Risch, 12. (3) Almoin, V, 47. — Mauny, p. 173, désigne Maurontus comme Préfet des forèts royales {(Præfectus regiarum sylvarum). (4) Boll : , Acta SS, maii t. TIT, p. 89. CES CB Nous avons passé sous silence divers récits de la vie de Lyderie, dont parle d'Oudegherst, et qui évidemment tiennent de la fable. — Chacun sait que les temps les plus reculés du moyen-âge ont eu leurs poètes et leurs romanciers. C’est ainsi que Jean Turpin, au commencement du 1x° siècle, rédi- geait l’histoire de Charlemagne à sa manière, et prêtait à ses héros des qualités exagérées. Roland pourfendait des Sarrasins d'un seul coup de sa bonne épée, et tranchait de gros morceaux de roche aussi facilement que s’il eut coupé un fil. Le son du cor suspendu à son cou se faisait entendre à plusicurs centaines de lieues. D'Oudegherst rapporte que Lyderic aimait extrêmement la chasse, et à cette occasion, il fait l'éloge de la chasse d'une manière assez originale. & La chasse porte une » semblance de fortitude, et avec elle tient la similitude des » armes. Elle établit en premier lieu son capitaine, au com- » mandement duquel tous veneurs obéissent et obtempèrent ; » elle provoque son ennemi par excursions ; elle met ses » espions en sentinelles ; elle cache ses ruses ; elle fait sem- » blant d’ouvertement combattre ; elle guette et prend garde » aux lieux où se peut retirer la bête ; elle fait marcher ses » piétons devant par les champs et tullis ; elle met en plaine » et lieu découvert ses aesles ; elle sonne avec ses trompes » l'entrée et Pissue de la guerre; elle donne les signes de » victoire ; elle signifie quand la bête vient ou s'enfuit ; elle » donne à connaitre quand il faut dresser le camp ailleurs ; » bref, il faut conclure que la chasse et la guerre sont sem- » blables l’une et l’autre. Les veneurs sont accoutumés au » froid et au chaud ; ils endurent faim pour le désir de la » proie; ils sont faits plus durs et plus robustes en chevau- » chant, grimpant contre les montagnes et plus prompts et En US » courageux en faisant la guerre aux bêtes sauvages. Outre » cela nous avons pour témoin Pline second que la chasse » est propre à la contemplation des choses pesantes et » difficiles ; lequel se glorifiant, rescrivait à Cornelius Tacitus » que souvent il hantait la chasse; disant que c'était mer- » veille, que l'esprit par le plaisir de la chasse s’émeut et » excile à contemplation. » II ANTOINE, FILS DE LYDERIC; BOUCHARD, FILS D'ANTOINE ; ESTORÈDE. FILS DE BOUCHARD, 2m, gème ET 4im FO- RESTIERS, (1), DE 692 A 792. L'administration d'Antoine, 2% Forestier de Flandre, offre peu de particularités. Il entoura de murs le bourg d’Aire qu'il dota de l’église Saint-Jacques, depuis Saint-Pierre. Son fils Bouchard, qui lui succéda, joua un rôle actif dans tous les troubles de son temps. Ayant eu l’imprudence de se déclarer contre Thierri, il vit une notable partie de ses domaines réunie à la couronne jusqu’au moment où ils lui furent restitués par Pépin d'Héristal. Son successeur Esto- rède suivit la fortune de Charles-Martel, dont il obtint de grands bénéfices. L'administration intègre de ce seigneur, le soin qu'il mit à purger les forêts des brigands qui infes- (1) P. Decroos, p. 18. — GC. ManTiN ZELANDoys, p. 42, 44, 46, — P. n'OupecuersT, note de Lesbroussart, p. 78 et 83. + A taient la contrée (1) lui valurent le surnom de Grand- Justicier. D’après P. d'OudegherstetC. Martin Zelandoys, le pays sous Antoine, Bouchard et Estorède, était encore soumis aux in- vasions des barbares, Goths, Vandales et Huns, qui auraient continué à l’occuper jusque vers la fin du vus siècle. Lesbroussart, annotateur de l’ouvrage de d'Oudegherst, dit que le règne de ces peuples barbares élait passé, et qu'ils ne faisaient plus d’incursions dans le pays. III LYDERIC Il, D'HARLEBECKE, FILS D'ESTORÈDE, 5ème FORESTIER (2) DE 792 À 836. A partir de Lyderic IT d'Harlebecke, on peut constater d'une manière certaine l'existence des gouverneurs de Flandre. Ainsi dans la chronique du chancelier Eginhard, (1) Une tourbière servant d'asile aux brigands , note de Lesbroussart. — Univers pilloresque. — Hisloire de France, par Ph. Lebas. Diclion : encyclop ; art. noblesse, p. 173, 174, 189 et 190. — Notice sur les inslilu- tions Gallo-Frankes, par le Président Tailliar, p. 156, 157, 165 et 219. — Essais sur l'Histoire de France, par Guizot, Paris, 1836, p. 72 et 73. — Dictionnaire de la Conversalion et de la Lecture, supplément de 1849, art. Guild. — Histoire de France, par Anquetil. Règne de Charlemagne, t. I. p. 378, 388, 400, 401. — Règne de Louis-le-Débonnaire, t. I p. 409. ER: TE Gand, Courtrai, Tournai et en outre le Pagus flandrensis dont nous avons donné les limites. Les Ménapiens aidés par leurs voisins, les Morins, qui habitaient la partie de la Gaule que nous appelons de nos jours le Pas-de-Calais résistèrent longtemps à Jules César. Leurs pays couverts de forêts et de marais se prêtaient admirablement à une défense opiniâtre, et ce ne fut-que lorsque toute la Gaule fut à peu près conquise qu'ils envoyérent des députés vers César,pour trai- ter de la paix ; mais ils conservèrent toujours une indépen- dance relative. D’après ces préliminaires, on comprend la résistance que les rois francs renconirèrent dès l’origine de la part des Ménapiens. — De plus, en s’établissant dans les Gaules, dans la Flandre, les Franks n’apportèrent que très-peu de chan- gements à l'administration gallo-romaine. Ils étaient peu nombreux, et crurent nécessaire de ne point se permettre témérairement des innovations. Les comtes administrant le pays furent maintenus. Les villes, dotées d’institulions plus ou moins libres, étaient régies par des magistratures muni- cipales ; les conquérants leur en laissérent la jouissance. Or, toutes ces institutions qui restèrent debout furent autant d'obstacles au despotisme royal. L'institution des Leudes ou Antrustions fut aussi très- fatale à la royauté. Quand les Franks eurent pris possession de la Gaule, la coutume de se faire le compagnon du roi se maintint, mais lenom changea ; celui qui devint compagnon fut appelé Leude, Antrustion, Fidèle. l'Antrustion ou Leude, hé au prince par un serment inviolable, se trouvait sous la sauvegarde immédiate de la royauté (in truste regis) ; la peine infligée au meurtrier d’un Antrustion était trois fois plus rigoureuse que celle qui était prononcée pour le nr meurtre d'un simple Frank. — Pour récompenser leurs fidèles serviteurs et stimuler leur dévouement, les rois cons- tituèrent au profit des Leudes des espèces de dotations qu'on nommait bénéfices, et qui portaient tous les caractères de pures libéralités, sans soumettre les donataires à aucune charge. Ces bénéfices toutefois n'étaient dans le principe et en général que des concessions de jouissance .ou d’usufruit assignées sur certains domaines. Îls étaient essentiellement temporaires et révocables. Les Leudes en se faisant nommer patrices, ducs ou comtes, acquéraient ou occupaient de vastes domaines, recevaient en bénéfice des terres du fise, et à leurs dignités, à leurs fonctions, Joignaient souvent une immense fortune territoriale qui affermissait leur position politique, et la rendait pour ainsi dire inviolable. Leur auto- rité, s'accrut et s’étendit sans cesse. Ils passérent par degrés de la subordination à l'indépendance, et de l'indépendance aux envahissements, et arrivèrent à s'emparer de la mairie du palais et à l’exploiter à leur convenance. Ils furent à cet égard admirablement servis par les circonstances. En effet les grands propriétaires francs et gaulois voulaient vivré indépendants et maitres dans les domaines qu'ils avaient acquis, n'importe à quel titre. Les rois, forts de leur nom, entourés de leurs leudes ou fidèles, s’eflorçaient sans cesse de les dépouiller et de les asservir. De là le combat. Les rois se servirent d'abord des Maires du palais pour contenir ou opprimer les grands propriétaires. Un homme puissant, (un Leude), appelé à cette charge ou devenu puissant par la charge elle-même prêtait à la royauté sa propre force, et à son tour exploilait à son profil celle de la royauté. Mais bientôt le Maire du palais trouva plus sûr de se faire le chef et l'instrument des grands propriélaires. Cette aristocratie VE conquit pour son compte la mairie du palais et la rendit élective. Ces points généraux étant établis, nous devons déterminer les principaux évènements qui, sous les Forestiers, ont amené progressivement le comté héréditaire de Flandre. Vers 621, des officiers royaux, sous le nom de Grands- Forestiers, sont établis pour administrer la Flandre. Nous avons énuméré les puissants motifs qui devaient faire reconnaitre le premier de ces Forestiers, Lyderic de Buc, comme fils d'Erkembald, Maire de Neustrie, et de- venant aussi à son tour Maire du Palais. On sait de quel prestige étaient entourés les Maires du Palais sous les rois Mérovingiens, puisqu'ils arrivèrent à s’imposer à la royauté affaiblie, à choisir et à proclamer les rois. La famille d’Er- kembald était devenue la plus puissante de la Neustrie. A la bataille de Textry, le Forestier Bouchard, fils de Lyderic [*, jouait un rôle politique important en prêtant son appui à Pépin d'Héristal. Sous le 5° Forestier, Lyderic Il, d'Harlebecke, Charle- magne déclara héréditaire la charge de Forestier. Précé- demment le titre de Grand-Forestier n’était point forcément héréditaire. Les Rois Francs choisissaient pour gouverneurs des provinces ceux qui dans ces mêmes provinces possédaient déjà de grands biens. Ainsi, il est vraisemblable qus le Fo- restier Lyderic [: avait des possessions propres et des alleux libres, soit qu'il les tint de la générosité des rois, soit qu’il les eut acquis ou hérités de ses ancêtres. Le fils succédait au père à cause de la position de fortune de la famille qui ten- dait à affermir sa situation politique, et engageait le sou- verain à user de ménagements et à maintenir en faveur du fils les distinctions et les priviléges dont le père avait été LASER 2 revêtu, à la condition que le fils prêterait comme le père serment de fidélité (1). L'autorisation du souverain pour la transmission du titre de Grand-Forestier était donc né- cessaire de même qu'au xIx° siècle, ainsi que le prouve le statut impérial du 1% mars 1808 qui organisait définitive- ment la noblesse, il fallait l'autorisation de l'Empereur pour la transmission d’un titre de noblesse. Charlemagne rendit non-seulement héréditaire en faveur de Lyderie II la charge de Grand-Forestier, mais il le nomma comte d’'Herlebecke, placa sous sa juridiction une plus grande étendue de pays, lui donna des biens considérables dans le Hainaut, et son fils Inguelram fut nommé Preæfeclus, Gouverneur du littoral, depuis l'embouchure de lEscaut jusqu’au port de Boulogne. — Sans doute ces honneurs, ces avantages multiples étaient pour Lyderic la récompense de sa bonne administration, de sa bravoure, et des services qu'il avait rendus à l'Empereur dans ses armées. Mais il faut remarquer que les populations flamandes avaient voué à (1) Formule du serment de fidélité et conséquences du parjure sous l'empereur Charlemagne : « Je promets qu'à partir de ce jour, je serai fidèle à mon seigneur Charles, très-pieux empereur, fils du roi Pépin et de la reine Bertrude (ou Berthe), écartant de mon esprit toute fraude et mauvaise machination de ma part contre lui, ainsi que cela doit être de droit d'un homme envers son seigneur; si Dieu et nos saints patrons m'aident, j'espère Lenir ma promesse pendant toute ma > vie, avec l'intelligence que Dieu m'a donnée. » S'il est prouvé que quelqu'un s'est parjuré, il perdra la main droite, et sera privé de son patrimoine jusqu'à ce que nous ayons décidé sur cela. » Le parjure, c'est le grand crime dans une législation qui fait reposer » tant de choses sur le serment. (CareriGus, p. 110 et 113.) Ne Lyderie un dévouement sans bornes, et les considérations qui vont suivre indiqueront que Charlemagne, malgré toute son énergie, dut faire quelques concessions à ces populations et entrer dans leur vues, en augmentant dans des propor- tions considérables la puissance du Gouverneur Lyderic. Avant Charlemagne, les Flamands jouissaient d’une li- berté presque illimitée. Ils étaient gouvernés par des échevins librement élus. L’échevinage doit être compté au nombre des libertés primitives dont a joui la Flandre. Charlemagne va modifier ces libertés, établir un ordre régulier, une administration plus centralisée et s’attirer ainsi le mécontentement des Flamands. Il établit des Com- missaires extraordinaires, Missi dominici, chargés de par- courir les provinces et de veiller à l’exécution de ses ordres. il s'efforce de fortifier leur pouvoir, d'augmenter leur au- torité ; mais ils sont presque toujours en lutte avec les Grands-Forestiers ou Comtes, avec les autorités locales de chaque district, et ne conservent le dessus dans cette lutte que parce qu'ils se sentent soutenus par le caractère éner- gique de Charlemagne. Du milieu des Assemblées du Champ de Mai, Charlemagne dicte les capitulaires destinés à former la loi suprême de tous les pays soumis à sa domination. Comme entrave à ce vaste mouvement de centralisation et d'unité, il rencontre les associations des Guilds. — Le mot Guild est un vieux mot saxon qui signifie confrérie, association. Les Flamands qui font partie de la Guild sont unis par les liens de la fraternité. Ils déposent dans le trésor commun le denier destiné à soulager les misères et les infortunes de chacun de leurs frères. Dans leurs Assemblées ils délibérent sur les questions les plus importantes, et choisissent les chefs de a) Yo la Guild destinés à être investis de l'autorité supérieure, Tous s'engagent par les mêmes serments les uns envers les autres à se prêter un mutuel appui. — Charlemagne com- prenant l'opposition qu'il pourrait rencontrer chez les Guilds avait fait publier en 779 une loi ainsi conçue : « Que per- » sonne n'ait l'audace de prêter les serments par lesquels on » a coutume de s'associer dans les Guilds. Quelles que » soient les conventions qui aient été faites, que personne » ne se lie par des serments au sujet de la contribution » pécuniaire pour le cas de naufrage et d'incendie. » Cette défense devait rencontrer une résistance opiniâtre parmi les Flamands el amener un grand mécontentement. Les Saxons transportés en Flandre ne firent qu’augmenter le nombre des mécontents. Ces Saxons furent pendant trente- Lois ans, c'est-à-dire pendant la plus grande partie du règne de Charlemagne, le but de ses armes. [les poursuivit jusque dans leurs forêts les plus inaccessibles, passa le Rhin. pénétra bien au-delà des forêts où périt Varus avec ses légions, et leur fit une guerre sans trève et sans merci. Ne pouvant vaincre complètement dans leur pays les Saxons qui jusqu’en 785 avaient eu pour chef Vitikind, il résolut de les affaiblir en les divisant. Les Saxons transportés dans la Flandre et le Brabant en 794, au nombre de soixante malle, pour défricher des forêts et dessécher de nombreux marais, ne perdirent pas pour cela l'amour de l'indépendance, et ne lirent que le développer chez les Ménapiens, chez les nations auxquelles ils s'incorporaient, de même que vers 804 de nombreux Saxons transportés par les ordres de Charlemagne dans les montagnes de l'Helvétie Y propagèrent, dit-on, ces mêmes idées de liberté si chères aux habitants de ces cantons. Pt ee La peuplade Saxo-Ménapienne vit alors son iufluence orandir de plus en plus. Sous l'administration de Lyderie, vinrent en Flandre, placés par Charlemagne, des Franks des hautes terres (1), des Gallo-Romains, des clercs, des ecclé- siastiques de grande vertu et de haut rang destinés à contre- balancer l'influence des Ménapiens et des Saxons. De nouvelles abbayes se fondérent, et une noblesse de race étrangère vint, à côté des hommes libres Saxons ou Ména- piens, occuper une partie du sol. Mais à côté de la noblesse Franque ou Gallo-Romaine se forma une noblesse également bénéficiaire issue des Saxons, des Ménapiens ou autres habi- tants du sol, et où l’on devait compter les plus valeureux champions de l'indépendance flamande. En résumé, la liberté presque illimitée dont jouissaient les Flamands avant Charlemagne, l'établissement des Missi dominici et de capitulaires qui devaient amoindrir cette liberté et exciter le mécontentement, l'opposition formée par les associations des Guilds, la déportation en Flandre et dans le Brabant de soixante mille Saxons qui ne firent que déve- lopper chez les nations auxquelles ils s’incorporaient les idées d'indépendance, une opposition très-vive de la part de la noblesse Saxo-Ménapienne, tel fut l’enchainement des évènements qui durent, pour ainsi dire, engager Charlemagne à transiger avec les Flamands, à augmenter la puissance de (1) Les Franks n'étaient dans le principe qu'une association de plusieurs peuplades qui se liguèrent pour maintenir leur liberté. C'est ce que veut dire le nom de Franck ou Vranck dans la langue germanique. (A. INGHELS, p. 9 et suiv. des prélim.) Les hautes terres par opposition aux terres basses, aux marais, aux polders conquis sur la mer, aux sols sablonneux fertilisés, (PERNSEL p: 14, introd.) "mc — 17 — Lyderic et faciliter ainsi la féodalité, la transformation de la Flandre en comté héréditaire. — Charlemagne est même regardé par M. Guizot comme le véritable fondateur de la féodalité. Voici à cet égard les réflexions de cet illustre his- torien, dans son histoire de la civilisation (t. IV, p. 92) : « Avant Charlemagne, les propriétés, les magistratures » changeaient sans cesse de main ; aucune régularité, » aucune permanence dans les situations et les influences » locales. Pendant les 46 ans de son règne, elles eurent le » temps de s’affermir sur le même sol, dans les mêmes » familles ; elles devinrent stables, première condition du » progrès qui devait les rendre indépendantes, héréditaires, » c’est-à-dire en faire les éléments du régime féodal. Rien » à coup sûr ne ressemble moins à la féodalité que l'unité » souveraine à laquelle aspira Charlemagne, et cependant » c’est lui qui en a été le véritable fondateur ; c’est lui qui, » en arrêtant le mouvement extérieur de l'invasion, en répri- » mant jusqu'à un certain point le désordre intérieur, a » donné aux situations, aux fortunes aux influences locales, » le temps de prendre vraiment possession du territoire et » de ses habilants. » Après Charlemagne, ses faibles successeurs entrent large- ment dans la voie des coneessions. Louis-le-Débonnaire renvoie dans leur patrie une grande partie des Saxons qui avaient élé transportés sous son prédécesseur dans la Flandre et le Brabant. — Charlemagne avait défendu les associations des Guilds; Louis-le-Débonnaire rappelle cette défense en ces termes : « Nous voulons que nos Missi ordonnent à ceux » qui possèdent des serfs dans là Flandre de réprimer leurs » associations sous peine de payer une amende de soixante » sous si leurs serfs osent former de semblables asso- "oo — 19 — » ciations. » Les Guilds, comprenant l’affaiblissement de l'autorité impériale, ne tiennent aucun compte de ces injonc- tions, et continuent leurs réunions qui du reste devenaient de plus en plus nécessaires pour les mesures à prendre contre les invasions des Normands. — Les Assemblées gé- nérales, les Missi dominici, V Administration centrale et sou- veraine, {outes ces institutions de Charlemagne sont de plus en plus sans force et sans effet sous Louis-le-Débonnaire et Charles-le-Chauve, et les liens qui rattachaïent la Flandre à l'empire perdent de plus en plus de leur puissance. Par contre, la situation politique et administrative du Gouverneur de la Flandre gagne de plus en plus de terrain. C'est ainsi que les capitulaires de 844 et 853, c'est-à-dire des documents authentiques, désignent les comtés de Noyon, Vermandois, Courtrai, Artois et Flandre, comme comtés d'Inguelram, et montrent que le successeur du Grand- Forestier, Lyderie d'Harlebecke, avait réuni plusieurs comtés sous un seul gouvernement. La propriété subit pendant l'administration d’Inguelram une révolution considérable. Sous Charlemagne on distin- guait les alleux ou terres libres possédées soit par un franc, soit par un romain, et les bénéfices concédés par le fisc. La terre libre ne devait rien, excepté le service militaire. Les bénéfices n'avaient pas la même origine que les alleux, ils étaient presque toujours une concession; pour attacher un homme, le suzerain lui donnait une terre fiscale, et cet homme en acceptant un bénéfice contractait des devoirs plus intimes envers le roi. Ces bénéfices étaient souvent des métairies, de grandes fermes modèles. — Sous Charles-le- Chauve, la situation de la propriété se modifie, le bénéfice se confond avec l’alleu. Ceux qui tiennent des bénéfices de la couronne s’affranchissent de tout devoir, veulent en rester maitres sans contestation et les transmettre à titre d'héri- tage. Leur puissance devient d'autant plus grande que la plupart des hommes libres propriétaires d’alleux se placent sous leur protection, renoncent à leur liberté parce qu'ils se sentent isolés, et ne peuvent seuls se défendre contre les invasions des Normands. Lorsque Baudoin I commence à gouverner la Flandre comme Forestier, du vivant d’Inguelram, le pouvoir central a perdu presque toute sa force. Les populations flamandes reprennent leurs anciennes lois, partout les Guilds existent en dépit des capitulaires. Baudoin s’identifie avec le peuple qu'il gouverne, pour étendre les domaines de la Flandre et défendre le pays contre les invasions des Normands. Dès les premières années de son administration, il complète l’organisation militare des races guerrières auxquelles il commande. Une ligne non interrompue de forteresses est construite. Aussi lorsque les Normands abordent aux rivages de Flandre, 1ls ne peuvent s'y maintenir, et sont constamment rejetés sur leurs vaisseaux. Ils tombent alors sur la France, remontent la Seine, et portent la dévastation et la mort dans les belles provinces qui s'étendent le long de ce fleuve. Charles-le- Chauve se défend avec peine contre ces barbares, et cependant le monarque oubliera les intérêts et la défense de son royaume, pour ne songer qu'à sa vengeance personnelle. — Baudoin avait enlevé et épousé sans son consentement sa fille Judith veuve du roi d'Angleterre, Etelwulf. Charles-le-Chauve se croit encore assez fort pour punir l’outrage qu'il a reçu. Une armée marche contre Baudoin ; mais celui-ci est prêt à la repousser ; ses populations toujours armées n’attendent Qt He qu'un signal de leur chef pour se mesurer avec des ennemis quels qu'ils soient. La race indomptée des Saxo-Ménapiens est avide de combattre les Gaulois ; ce sont des étrangers pour elle qui n'ont nises mœurs ni sa langue ; elle hait les Franks, c'est là une race conquérante qui vainquit les Saxons dans leurs forêts. Elle se croit donc assurée de la victoire ; car les Franks des hautes terres, les Gallo-Romains, attirés en Flandre par Charlemagne ne sont pas assez puis- sants pour s'opposer à Baudoin et aux hommes de sa race. Baudoin marche à l'encontre de l’armée royale ; un combat a lieu près d'Arras ; la victoire reste du côté de Baudoin. Une considération des plus importantes vient porter le der- nier coup et forcer Charles-le-Chauve à passer par toutes les conditions. — Les Saxo-Ménapiens haïssent presqu’autant les Franks et les Gallo-Romains qu’ils détestent les Normands eux-mêmes. La nécessité de se défendre d’une entière ruine peut dans le désespoir les pousser jusqu'à se liguer avec les Normands, Germains comme eux. La crainte de voir Baudoin joindre ses armes à celles des Normands engage Charles-le-Chauve à pardonner. Le mariage de Baudoin avec Judith est ratifié ; Baudoin reçoit en bénéfice dotal et hérédi- taire, toute la région comprise entre l’Escaut, la Somme et l'Océan, et le comté héréditaire de Flandre est fondé. CHAPITRE X." BAUDOIN I, DIT BRAS-DE-FER, COMTE HÉRÉDITAIRE OU MARQUIS DE FLANDRE (2\, DE 863 A 879 ; PRÉCÉDEMMENT GRAND-FORESTIER, DE 840 A 868. Le surnom de Bras-de-Fer (3) donné à PBaudoin venait de la bravoure dont il fit preuve en combattant les Normands. — S'il faut en croire un auteur qui se trompe sans doute sur l’antiquité de l'institution qu’il rapporte, Baudoin [* voulant » afermir et donner du lustre à son État, y créa divers » officiers héréditaires à guise des rois ses voisins dont le (1) Univers pilloresque : Histoire de France, par Lebas ; annales, 7° livre., p. 98, art. « comté de Flandre ». — P. Decroos, p. 31, 32. — Nolice hislorique sur quelques Monuments des environs d'Arras, par M. le Président Quenson, dans les Mémoires de la Société d'Agriculture de Douai de 1829-1830, p. 123, 124. — A. IxGHELs, p. 24. (2) Le Comté de Flandre s'intitule jusqu'au xn° siècle presque toujours Marchius où Comes Flandrensiuim, comme le roi de France se nommait Rex Francorum (Warnkænig p. 114). (3) L'Univers pilloresque, Belgique, par Van-Hasselt, Paris, 1844, Uv-4-20, 10; ? Surrexit illis diebus in regno, ex fortissima heroum prosapia, Balduinus ob invincibile animi robur et fortia, insignia gestorum Cognomento Ferreus, (Act. SS. Ord. S. Ben., VI, p. 205), voir KERvYN DE LETTENHOVE, édit. de 1853, p. 76. EX — » premier estait l’évesque de Tournay; et après lui le » prevost de saint Donat de Bruges fut faict héréditaire. » I ordonna de plus douze pairs des premiers seigneurs » de son pays, et les honora tous du titre de Comtes, » dont ceux qui avaient séance à droite du comte Baudoin, » estoient les comtes de Gand, Harlebekc, Therrouenne, » Tournay, Hesdin et Guise, et à gauche les comtés de » Blangis, Bruges, Arras, Boulogne, Saint-Pol et Messines » (Vinchant, Annales du Hainaut, p. 8.) » Baudoin, malgré les perpétuelles incursions des Normands, réussit à ranimer momentanément dans ses domaines le commerce et l'industrie. Il engagea bon nombre d'ouvriers à se fixer dans la province. Il établit l'ordre des Tisserands qui devint l’un des trois métiers de Flandre. Il fixa le siége de son gouvernement à Arras. — Malgré la cession de la Flandre qui leur avait été faite, 1l laissa Charles-le-Chauve y exercer encore quelques actes de souveraineté, et c’est de ce monarque en effet que les abbayes de Saint-Martin, Saint-Vaast et Marchiennes obtinrent les chartes qui leur furent concédées. — Baudoin [* mourut à Arras en 879. Son corps transporté à Saint-Omer y fut enterré dans l’église de Saint-Bertin. Baudoin [er laissa deux fils : Baudoin mari d'Eltrude, fille d'Alfred-le-Grand, roi d'Angleterre et Rodolphe, comte de Cambrai.— La mort de Baudoin [+ fut pour le pays de Flandre une véritable calamité. Par son énergique bravoure, il avait constamment repoussé des côtes flamandes les terribles pirates normands dont l'épouvantable furie n’avait point été égalée jadis par les invasions des [uns, des Vandales et des Suëves. — Après lui, la ville de Thérouanne fut pillée et livrée aux flammes. Tout le Paqus mempiscus qui repré- sentait toute la partie comprise entre l’ancien pays des Morins et l'Escaut fut horriblement dévasté. Tournai, les. bourgs, les villages et tous les monastères situés entre l’'Escaut et la Sambre furent pillés, ravagés, brûlés, détruits de fond en comble. ÉHAPTERE XL. QUELQUES DOCUMENTS SUR LES FÊTES DES FORESTIERS DE BRUGES (1). ; PRÉLIMINAIRES. Nous avons, dans le cours de cette étude et au point de vue administratif, combattu cette idée que le mot Forestier ne pouvait venir de forêts puisqu'il n’y avait point de bois dans la Flandre ; nous avons prouvé que le titre de Grand- Forestier avait réellement existé, qu’il dérivait des forêts, des foreslæ se trouvant alors dans cette contrée, que ce titre (1) Rapport sur les concours d'économie publique, d'histoire et de poésie, p. 62 et 63, dans les Mémoires de la Sociélé royale et centrale d'agriculture de Douai, 1841-1842. — Histoire des fêles civiles et reli- qieuses, usages anciens el modernes dela Flandre et d'un grand nombre de villes de France, par Me Clément, née Hémery ; Avesnes (1845), chap. 1°". — A.-J. Panckouke, t 1, p. 134. — Mémoires de la Société les Antiquaires de la Morinie (1834), 1'° part. : Mémoire de M. de Loys, p. 84 et 85. — Kervyn de Lettenhove, édit. de 1847, 1. 1, p. 25 et t. 4, iv. 15, p. 345. — Mémoires de la Sociélé des Anliquaires de la Morinie, (1834), 1"° part., note à la suite du Mémoire de M. Lebon, p. 80. — Chroniques, Tradilions el Légendes de l'ancienne Histoire des Flandres, par Octave Delpierre, Lille (1834), p. 91 à 98. = #0 n'était pas simplement honorifique, que les Grands-Fores- tiers étaient réellement des Administrateurs, attendu qu'ils portaient aussi le titre de Comte, et que par suite tout ce qui était relaté dans des capitulaires concernant les attri- butions des Comites leur était applicable. Au point de vue politique, nous avons signalé dans le chapitre 1x les capitulaires de 844 et 853, C’EST-A-DIRE DES ACTES AUTHENTIQUES, Où il est fait mention des comtés de Vermandois, Flandre, ete... comme comtés d’Inguelram. Cette longue énumération de comtés prouve suffisamment quelle devait être l'immense situation politique et adminis- trative du Grand-Forestier Inguelram, linfluence qu'il devait exercer, et qni avait été préparée de longue date par ses devanciers. Lorsque son successeur Baudoin à laudace d’épouser sans le consentement de Charles-le-Chauve la fille de celui-ci, veuve d’Etelwulf, roi d'Angleterre, et qu’il encoure ainsi tout son mécontentement, sera-t-il regardé par les Flamands comme un aventurier et abandonné par eux ? Non. — Baudoin a su s'identifier avec les Flamands, leurs associations des Guilds, leurs aspirations vers la liberté, l'indépendance, leur opposition à la noblesse gallo-romaine ; aussi rencontre-t-1l chez eux le concours le plus valeureux, et Charles le-Chauve est obligé de consentir non seulement au mariage de sa fille, mais encore à l’agrandissement de la Flandre et à sa transformation en comté héréditaire. — Les Forestiers qui, par une sage et judicieuse administration, avalent amené ce grand évènement, qui de plus avaient organisé les moyens de défense contre l’invasion étrangère et lutté énergiquement contre les incursions des Normands, avaient quelques titres à la reconnaissance publique, et les en hs L | EN Dee « Flamands ne l'ont pas oublié en faisant revivre en 1M17, en commémoration de leurs services, les fêtes magnifiques de Bruges, qui se maintinrent pendant 70 ans, après avoir été fondées au x" siècle par Jeanne de Constantinople. IT FÊTES DES FORESTIERS DE BRUGES, DE 1218 A 1417. — SOCIÉTÉ DE L'OURS-BLANC. -- PRIX DES TOURNOIS. La fête des Forestiers de Bruges qui consistait en joùtes, tournois, jeux de bagues et banquets, fut probablement instituée en 1218 par la comtesse Jeanne de Constantinople lorsqu'elle eut acquis de Jean de Neelle, pour elle et ses successeurs, la châtellenie de Bruges, moyennant la somme de 23,545 livres de France. On aurait trouvé sans doute l’époque précise de cette institution et les règlements qui durent être faits pour la célébration annuelle de la fête si, en 1229, un incendie n’eùt détruit l'Hôtel-de-Ville de Bruges avec les archives, mémoriaux, priviléges des Brugeois et autres précieux do- cuments qu'il renfermait. Des guerres intestines, des révoltes, suspendirent la célé- bration de la fête des Forestiers, ou du moins en laissèrent peu de traces. — Toutefois, on trouve dans les archives de la ville de Douai que le douaisien Henry Bel remporta un 2700 prix (1) à une fête de joûtes à Bruges, en avril 1395. — Dans un mémorial de 1400 des archives de Bruges, on rencontre des documents positifs sur la fête des Forestiers. Il est dit dans ce mémorial qu'il y avait à cette époque, à Bruges, une société dite de lOurs-Blanc qui, après son assemblée annuelle, se rendait à cheval sur la grande place pour y rompre des lances. En 1409, un lillois, Jeban d'Escanbesque, remporta à Bruges le prix des joûtes. I paraîtrait que les fêtes furent interrompues pendant plusieurs années, peut-être à cause de la guerre civile qui suivit l’assassinat du duc d'Orléans, ou bien par suite de la désastreuse bataille d'Azincourt, qui plongea dans le deuil les plus nobles familles de la France et de la Klandre. Les fêtes furent réorganisées solennellement en 1417. Le 13 mars de cette année, la Société de l’Ours-Blane, le Bourgmestre, les Echevins, Conseillers, Trésoriers et autres notables de la ville s’assemblèrent à trois heures après- (1) Extrait du compte de la ville de Douai pour l'année 1394-1395, f° 255 : Pour l'accat (l'achat) fait à Colars Bonebroque d'une double pièce de vin blanc de Bourgogne le quelle (laquelle) fu (fut) présentée au nom de Ja ville à Henry Bel, fil Henry (fils d'Henry); Jehan (Jean) Piquette, fil Jehan (fils Jean) et Jehan (Jean) Dauby, fil Jehan (fils Jean) Dauby le joene (le jeune), le joedi (jeudi) xix jour d’Avril l'an mil sue (l'an mil trois cent) rx (quatre-vingt) et quinze que ils re- vinrent de Bruges lou (là où) ledit Henry avait waigné (gagné) ours qui fu (fut) donné pour le pris (prix) a une feste (à une fête) de joustes (de joûtes) quel avoit lieu en icelle ville (qui avait lieu en cette ville) de Bruges, laquelle double pièce de vin tenant deux" (deux mille) et xur setiers porte xxvi 1. xit s. — Cette communication est due à l'obli- geance de M. Lepreux, archiviste de la ville de Douai. « 2] midi en la loge bourgeoise, Poorters logie (1). H fut résolu unanimement que l’on célébrerait de nouveau, avec les mêmes solennités que précédemment, les joûtes et tournois que les ancêtres avaient institués en mémoire des anciens Forestiers de Flandre. — Les prix ordinaires des joûtes consistaient en bijoux d'argent : un épieu, un cor et un ours ciselé en argent. En 1443 on établit un nouveau prix ; c'était un diamant. — L’épieu donnait au vainqueur le titre de Forestier pour un an. C'était ordinairement la Société de l’Ours-Blane qui faisait les frais des joùtes et des festins ; mais, malgré cela, certains Forestiers annuels se laissaient entrainer à de grandes dépenses pour ces brillants tournois où toute la noblesse du pays environnant était conviée. D'où vient cette dénomination « Société de l'Ours-Blanc ? » Les prix des tournois et notamment l'ours étaient des bijoux en argent. L'argent est le premier des métaux blancs. — A-t-on voulu jouer sur les mots, ou bien la déno- mination a-t-elle une immense portée au point de vue historique ? C’est une question que nous croyons utile d'examiner. (1) La loge des Bourgeois (aujourd'hui l'Académie de peinture, sculp- ture, architecture) se trouve non loin de l'ancienne maison consulaire des Biscaïens ou domus Cantabrorum. L'ours en pierre placé à l'un des coins rappelle la fameuse Société de l'Ours-Blanc. Cet ours debout et de grandeur naturelle porte l'écusson de la ville de Bruges. — Les ar- moiries de Bruges ont pour supports à droite le lion, symbole de la force, et à gauche, l'ours, symbole de la splendeur de Bruges et rappe- lant cette Société célèbre qui avait contribné, par ses fêtes et ses tournois, à rehausser l'éclat de la renommée de cette ville. (Communi- cation de M. Lepreux, archiviste de la ville de Douai déjà cité. — Annales de Bruges, par O. Delepierre, Bruges, 1835, p. 5 et 1? de la préf. Te Ve Les Brugeois, en faisant revivre en 1417 la fête des Forestiers, ne voyaient point là seulement un but de réunion; ils s’identifiaient avec cette période du vi" au 1x°"* siècle ; ils savaient que si les forêts étaient conservées à l’époque des Forestiers, c'était spécialement à cause de la chasse. Aussi, quels sont leurs prix dans leurs tournois commémo- raufs? Un épieu, un cor, un ours. — On sera peut-être étonné de voir apparaitre ce 3% prix qui indiquerait que précédemment l'ours se trouvait dans les forêts du pays. — Si l’on en croit la légende de Saint-Vaast ou Vedast, ce carnassier habitait aux v'* et vi” siècles les forêts de PArtois (1). Chotin, dans ses études étymologiques, nous dit qu'au vi siècle la forêt Charbonnière occupait presque tout le Hainaut, et n'offrait qu'un affreux désert rempli d'ours et de sangliers (2). Mais comment expliquer ces mots « l'ours blanc » dans le titre de la Société qui organise les tournois ? L’ours blane terrestre ne pouvait se rencontrer dans la Flandre. Il habite des pays d’un climat beaucoup plus rude, tels que la Sibérie, la Russie, la Pologne (5). On a écrit, il est vrai, que du temps des Gaulois, la France étant couverte de bois épais, le froid y était si intense que, pendant plus de trois mois, chaque hiver, les (1) Un ours sortit des forêts qui s'étendaient au-delà du Crinchon, nous dit la vie de ce saint, (F. Accuinr, Vila S. Vedasti dans les œuvres d'Alcuin, t. II, vol. 1], page 168, éd, Froben.) (Maury, note, chap 98, p. 415 et 416.) (2) Éludes élymologiques sur les nems des villes, bourgs, villages et hameaux de la province du Hainaul, par A. G. Chotin, p. 22. (3) Panthéon lilléraire, Paris 1837, t. ITI, œuvres de Buffon, art: 91,7 Ursus Arclos, Ersus marilimuæ, p. 240 à 247. its Éd NÉ) à RO — rivières étaient complètement gelées (1). Mais on lit dans les Commentaires de César que les Gaules ne se composaient pas seulement de forêts, de lacs et de marais, et qu’il s'y trouvait également de vastes étendues de terres dans les- quelles les habitants se livraient à la culture des céréales. Les terres les plus fertiles étaient celles des Santones (habitants de Saintonge), des peuples du Berry, du SoissoNNaAIS (qui n’est pas loin de la Flandre). Preuve que l'abondance des forêts ne rendait pas le chimat aussi rude qu’on l'a prétendu (2). Il faut donc chercher en dehors de la Flandre l'explication de ces mots « Société de l'Ours blanc », et nous pensons que l’on a voulu faire allusion à l’ours blanc maritime désigné aussi sous le nom d'ours blanc polaire, d’ours de la mer glaciale. C’est ici qu’il est nécessaire de se reporter aux Saxons, au rôle considérable qu’ils ont joué dans l’histoire de la Flandre, pour en tirer certaines conséquences de nature à éclairer la question. L'établissement des colonies saxonnes dans la Flandre se trouve formellement rappelé dans la relation du martyre de la légion Thébéenne (3) ; car il y est dit que les Franks appelés par Carausius se trouvaient placés à Boulogne entre les frontières de la Gaule et celles du territoire occupé par les Saxons. (Surius : Acta Sanclorum, tome V.) — Nous avons vu que la Flandre, dans lPorigine, formait un district (1) L'aliénalion des forêls de l'Élat devant l'opinion publique, Paris, 1865, p. 71. (2) Même ouvrage, p. 129. (3) La légion Thébéenne était ainsi appelée parce qu'elle avait été levée en Égypte. (Histoire de France, par Anquetil, Paris, 1817, tT p. 193), (0 individuel nommé Pagus Flandrensis, que ce pagus n’était autre que le littoral saxon connu du temps de Théodose et dans la Notitia imperii sous le nom de LITTUS SAXONICUM. — Nous avons relaté dans le chapitre IX le rôle important de l'association des Guilds qui était d’origine saxonne. — Nous avons parlé de la noblesse Saxo-Ménapienne en lutte avec la noblesse gallo-romaine. — Nous avons indiqué que 60,000 Saxons furent transportés en 792 dans la Flandre et le Brabant (D, et ne firent que dé- velopper chez les nations auxquelles ils s’incorporaient l'amour de l’indépendance. — Le Forestier Baudoin, d’après des arguments qui paraissent irréfutables, était d’origine saxonne. — Par conséquent, on est en droit de déclarer que les Saxons ont joué un rôle considérable dans l’histoire de la Flandre, dans les évènements qui ont amené son agrandissement et sa transformation en comté héréditaire. — Or les Saxons, d’où venaient-ils ? Des bords de l'Elbe, du Danemarck, et là précisément ils pouvaient chasser l'ours blanc maritime, l'ours polaire, l'ours de la mer glaciale transporté du Groenland, du Spitzberg, de l'Islande ou de (1) Une preuve de la transplantation des Saxons dans la Flandre et le Brabant existe dans les anciennes chroniques de Saint-Denis, où on lit au sujet de cette transplantation des Saxons : « De cette gent sont nés » et estraits le Brabançon et li Flamene, et ont encore celje meisme » langue » — La langue flamande qu'on parle dans ces deux provinces est en effet dérivée de celle des anciens Saxons. — Un ancien historien, cité par Meyer rapporte ce fait en parlant de Charlemagne : « Il trans- » planta, dit-il, des Saxons dans la Gaule belgique où il leur assigna pour habitation la côte de l'Océan. (Hisloire générale de la Belgique depuis la conquête de César, par M. Dewez, Sous-Préfet de l'arrondisse- ment de Saint-Hubert, département de Sambre-et-Meuse, Bruxelles an XIV, 1805, t. IT, p.22). NT la Nouvelle;Zemble sur des glaçons flottants et arrivant ainsi dans la Norwège et le Danemarck (1). On comprend done que les Brugeois, dont la ville formait le point le plus important dans la Flandre primitive, DANS LE LITTUS SAXONICUM, aient voulu au point de vue his- torique, au point de vue de la chasse, étudier, suivre par la pensée les Saxons leurs glorieux ancêtres (2\, non-seulement dans la Flandre, mais encore dans le Danemarck, d'où ils émigraient tous les cinq ans pour se fixer dans la Flandre. Cest, croyons-nous, dans cet ordre d’idées que lon pourra trouver lexplication de ce titre « Société de l'Ours blanc. » EEE. DESCRIPTION DES PRINCIPALES FÊTES DES FORESTIERS DE BRUGES DE 1418 A 1489. — INDICATION DES ANNÉES OÙ LES FÊTES N'EURENT PAS LIEU. 1418. Le 10 avril, le Forestier Jean de Milon, fit la veille (1) Ouvrage de Louis Figuier, Paris 1669 ; voir l'article sur l'Ours blanc, p. 411 et 412. (2) Les noms de Flandre et Flamand dérivent des mots anglo-saxons flyan, fuir et /lymen, fugitif, réfugié. Ils s'appliquent aux Saxons qui émigrèrent du nord par suite d'un excès de population, et vinrents'établir sur les côtes occidentales de l'Europe. (Annales de Bruges, par Joseph, Octave Delepierre, Bruges, 1835, page 6 de la préf.). — Les Saxons mélés aux guerriers francs forment les ancêtres des Flamands. Leur langue est un dialecte allemand qu'on appelle encore bas-allemand dans le pays même (WaRNKO@ŒNIG, p. 120). AUTRE d'armes, c’est-à-dire soupa sur la Grande-Place, et se rendit le lendemain aux lices, accompagné de quatorze cavaliers qui, durant toute l’après-dinée, firent de beaux faits d'armes. Pierre Adornes remporta l'Epieu, et fut en conséquence proclamé Forestier pour l’année suivante. Jacques de Milon, le jeune, gagna le Cor, et Jacques Vander-Stüichelin, d’Ypres, remporta l'Ours. — L'Epieu ne pouvait être disputé que par des Brugeois de la Société de l'Ours blanc, et cette victoire conférait le titre de Forestier pour une année. 1490. La fête du Forestier n'eut pas lieu cette année, l’assas- sinat du duc Jean-sans-Peur remplit la Flandre de deuil ; ce prince y était très-aimé, et fut vivement regretté. 1491. Le Forestier Guillaume Geerolf fit joûter le 31 mars. L'Epieu fut gagné par Jean Geerewout; Jean de la Tré- mouille, seigneur de Joinville, remporta le Cor, et Pierre de Luxembourg, depuis comte de Saint-Pol, gagna l'Ours. Nous voyons par le nom des joûteurs de quelle importance étaient ces fêtes guerrières données par des bourgeois, et auxquelles les plus grands seigneurs prenaient part. 1426. Les joùtes n’eurent pas lieu cette année à cause de la ouerre de Philippe-le-Bon contre Jacqueline de Hollande sur laquelle il remporta deux victoires signalées. 1428. Le Forestier ne fit pas joùter dans cette année. Ro — 1430 Les joûtes furent d’une extrème magnificence et honorées de la présence de plusieurs chevaliers de la Toison d'or créée le 20 Janvier à Bruges par le duc de Bourgogne, à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal. 1435. Le 9 mars, le Forestier Vander-Vagevière et quatre compagnons se rendirent aux joûtes de Lille. Ils combattirent si vaillamment qu’ils remportèrent le prix de l'Epervier (1), et obtinrent tous les honneurs des joûtes. — Le 25 mars, ils se rendirent à Malines. Martin-Honin gagna le premier prix : c’élait un cerf vivant que ses compagnons ramenèrent en triomphe à Bruges. Le 3 mai, le Forestier Vander-Vagevière célébra sa fête. Martin Honin obtint l£pieu ; un Malinois, le Cor ; un Lillois, l'Ours. 1443. L'Epieu, Pierre Vanthemsekc. Le Diamant, Jacques Melleneve. Le Cor, Olivier Vander-Banck. L'Ours, un cavalier de Tournai. C’est la première fois qu'il est question du Diamant pour les joûtes du Forestier ; on retrouve encore ce prix aux (1) L'épervier d'or décerné aux joûtes de Lille était une preuve de grande valeur. Des honneurs, des exemptions d'impôt, des priviléges, devenaient la récompense du vainqueur et la gloire de sa famille. e ms D années 1446, 47, 55, 56, 63 et 72. Il est probable que c'était une munificence du Forestier ou de la Société de l'Ours blanc pour donner plus de chances aux joûteurs dont le nombre s’accroissait sans cesse. 1444. Fête à Bruges en présence de la duchesse de Bourgogne qui donna elle-même l’'Epieu à Jean Breydel ; le Cor à Anselme Adornes, et le prix de l'Ours à Adrien Van-Haveskerke. Le Forestier Van-Aertrecke alla le 6 mars à Lille avee quatre compagnons ; il gagna l'Epervier, et donna à son retour à Brages un bal magnifique. — Le 24 avrilil se rendit aux lices pour tenir ses joùtes. Plusieurs beaux faits d'armes illustrèrent ce tournoi honoré de la présence de la duchesse Isabelle. — Le tournoi terminé, la duchesse alla le soir avec son fils Charles, à l'Hôtel-de-Ville, où les membres de la Société de l’Ours blanc avaient fait préparer un repas. — Le lendemain, à midi, la duchesse accepta le diner qu'ofirit chez lui le Forestier Anselme Adornes. Après le diner, le Forestier accompagné de six cavaliers se rendit sur la place pour rompre des. lances. Un prix fut remporté par Adolphe de Cléves, seigneur de Raveinstein. Les {êtes furent célébrées en présence du dauphin de France (Louis XI), du duc de Bourgogne et de toute la cour. — Les vainqueurs furent fêtés au soir à l'Hôtel-de- Ville, par les princes et seigneurs de la cour. 2 ge 1458. Le 17 avril, le Forestier tint ses joùtes en présence du duc de Bourgogne et du comte de Charolais. 1459. George Metteneye obtint l'Epieu pour la troisième fois ; il fut porté en triomphe à l'Hôtel-de-Ville, aux acclamations r 4 générales. Le 20 avril, le Forestier Rombaud de Wachtère, tint ses Joûtes en présence du duc de Bourgogne et de toute sa cour. L’Epieu fut remporté par Josse de Bul; le Cor par Antoine, chevalier de la Toison d'Or et l'Ours par Pierre Prudhomme de Lille. Après les joûtes, le prince avec toute la cour fut traité splendidement dans la maison du nouveau Forestier ; un bal suivit le festin. 1463. Le Forestier, Jean de Moens, tint ses Joùtes en présence du duc et des illustres personnages qui se trouvaient à Bruges. Après les joùtes, on se rendit à l'Hôtel-de-Ville où l’on termina joyeusement la soirée. 1468. La fête eut lieu pendant huit jours à l’occasion du mariage de Charles de Bourgogne dit le Téméraire avec Marguerite d'York, sœur d'Edouard, roi d'Angleterre, = 992: Le prix du tournoi était un superbe cheval magnifiquement harnaché. À la suite du tournoi, il y eut un magnifique banquet. Une des singularités de ce banquet, c’est que dix-sept des plats qui y furent servis étaient en bois et de la forme d’un vaisseau, avec mâts, cordages et autres agrès. Ces vaisseaux étaient ornés de diverses armoiries. Leur nombre faisait allusion aux 17 provinces dont le royal époux était seigneur. Ces plats d’une nouvelle espèce étaient remplis de mets excellents jusqu’à la moitié de la hauteur des mâts. Sur les bords représentant le pont du vaisseau, on avait placé des mannequins armés, des catapultes, des serpentines et autres instruments de guerre. Les sauces étaient servies dans des espèces de nacelles magnifiquement ornées. Il y avait trente plats surmontés chacun d’une tour peinte où se trouvaient les emblèêmes des villes et contrées de Charles de Bourgogne. — Ce qui étonna le plus, ce fut un grand nombre de plats chargés de fruits de toute espèce, imités en cire d’une manière si naturelle qu'il semblait qu’on venait de les cueillir. 1477. Pas de fête, à cause de la mort de Charles-le-Téméraire devant Nancy le 5 janvier 1477, par la trahison du napolitain Campo-Basso. Charles-le-Téméraire avait 44 ans. 1480. Le 16 août, le Forestier de Baents nt ses Joûtes en la manière accoutumée. Les troubles qui eurent lieu à cette époque, et la guerre er QE entre les Brugeois et l’archiduc Maximilien firent perdre la trace des Forestiers. 1489. La Société de l’Ours blanc prit fin ainsi que la fête des Forestiers. Dans cinquante tournois différents, on vit les Brugeois remporter vingt-sept fois à Lille l’'Epervier d’or et les Lillois remporter vingt-et-une fois à Bruges l'Ours, prix d'honneur du tournoi annuel de la Société de l’Ours blanc. FIN. ANT Au moment où l'on termine l'impression du Mémoire qui précède, nous recevons de M. le Président TAILLIAR, la com- munication suivante que nous nous empressons de publier avec son autorisation : MESSIEURS, J'ai lu avec un vif intérêt volre laborieuse notice sur les Forestiers de Flandre. Malgré les incertitudes répandues sur l'histoire de ces personnages, je persiste à considérer leur existence comme certaine. Je vous transmels ci-jointes les dernières recherches auxquelles je me suis livré en ce qui les concerne. Veuillez, Messieurs, agréer l'expression de mes sentiments distingués. _—— … à. TAILLIAR. Douai, le 15 janvier 1876. entre rt tue ns, NOTE CONCERNANT LES FORESTIERS ET LES PREMIERS COMTES DE FLANDRE. SOMMAIRE. — I. Division du sujet en trois périodes. — II. Topographie. Aspect du Nord de la.Gaule. — Grands bois qui s'y trouvent. — ITL. Divisions administratives. — Territoires des trois cités d'Arras, Térouanne et Tournay. — Grands et petits pagi qu'ils renferment. — IV. La Flandre primitive. — Ses limites restreintes. — V. La Marche de Flandre à la fin du VIII: siècle. — VI. Ce que l'on entend par Forêt sous les rois gallo-franks. — Forestiers ordinaires. — VII. Les Grands-Forestiers, leur assimilation au comte de marche ou marquis. — VIII. Confusion produite par les divers sens donnés au mot comle. — Distinction essentielle entre trois ordres de comtes. — IX. Application de cette distinction à la Flandre qui tour-à-tour est gouvernée par un Forestier, comte de canton ; par un Grand-Forestier, comte de frontière et par un Grand-Feudataire, comte de province. DIVISION DU SUJET EN TROIS PÉRIODES. L'histoire de la Flandre antérieure au xu° siècle peut se partager en trois périodes. La première embrasse les temps antérieurs à l’an 792. La Flandre proprement dite (Flandrensis pagus) ne comprend alors qu’une petite contrée encore barbare située près de la mer et dont Bruges est le centre. La deuxième période renfermant un espace de soixante-dix ans, s'étend de l'an 792 à l'an 862. En 792 Charlemagne, pour sauvegarder RTE toute cette partie du littoral, y institue un comte de marche ou marquis, désigné aussi sous le nom de grand-forestier. La troisième période postérieure à l'an 862 s'ouvre par l'érection de la marche de Flandre en principauté. Pendant ces trois périodes distinctes, la Flandre progressivement agrandie, a tour-à-tour à sa tête un Forestier, faisant l'office de grafon, un grand-forestier investi de la dignité de marquis et un comte provincial, bientôt transformé en grand-feudataire de la couronne. II. TOPOGRAPHIE. — ASPECT DU NORD DE LA GAULE. GRANDS BOIS QUI S'Y TROUVENT. Malgré tous les éléments de civilisation propagés par les Romains, le Nord de la Gaule présente encore au 1v° siècle de vastes régions incultes, couvertes d’eau, de marais et de hais. « C’est dit saint Paulin, dans une lettre de 399, une terre sau- » vage, où des étrangers barbares et des habitants pillards fré- » quentaient les déserts des forêts et des rivages également sans » sûreté (1) » Malbrancq, de Morinis, en dérivant au début de son livre l'ancien pays des Morins, s'exprime ainsi : « J’aborde une » province dépourvue de villes, et que rendent affreuse de très- » épaisses forêts, des marais innombrables, des sables, les » souffles des autans, les gelées et les pluies (2). » (1) Ubi deserta silvarum ac littorum pariter intuta advenæ barbari aut latrones incolæ frequentabant. (2) Provinciam ingredior oppidis nudam, sylvis densissimis, frequen- tissimis paludibus, sabulo, ventorum flatibus, gelu, imbribus horridam, "107 2 Dans ces rudes et àpres contrées du Nord, les bois occupent des espaces immenses. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : presqu'aux portes d'Arras s'étend la vaste forêt de Moflame ; à quelque distance de là, tout le pays boisé de la Gohelle (Sylvinus pagus) ; non loin des bords de la Scarpe, le grand bois de Lalaing ; puis les forêts de Marchiennes, Wallers, Hasnon, Vicogne, Raimes, Saint-Amand ; du côté du httoral, les forêts de Hesdin, Boulogne, Hardelot, Desvres ; dans le bassin de lAa, la forêt de Fauquemberg et de Renti, la forêt de Tournehem, le bois d'Helfaut et de Bilques, la forêt de Clairmarais, le bois de Watten ; dans le bassin de la Lys, le Vaastloo (Vastus saltus), la forêt de Nieppe et plus bas vers la Deule, la forêt, de Phalempin (1). RTE DIVISIONS ADMINISTRATIVES. — TERRITOIRES DES TROIS CITÉS D'ARRAS, TÉROUANNE ET TOURNAY. — GRANDS ET PETITS PAGI QU'ILS RENFERMENT. Les régions du Nord dont nous venons de parler contiennent au point de vue administratif les trois cités d'Arras, Térouanne et Tournay. Le territoire de la cité d'Arras renferme quatre districts ou grands cantons qui sont: l'Artois proprement dit (Adharctensis 0 (1) Voir dans les Mémoires de la Sociélé d'Agricuilure, Sciences el Arts de Douai, ann. 1849-1851, % série, t. I, p. 249, notre dissertation intitulée: « Notions lopographiques sur le Nord de la France. » TRE pagus), l'Arouaise (Atrewasia ou Arida gamantia), la Gohelle (Goaria ou Sylvinus pagus), l'Escrebieu (Scirbiu) (4). La cité de Térouanne, (Morinorum civitas,) comprend dans son territoire le pays de Térouanne, le Boulonnais, (Gessoriacus pagus), le pays de l'Oye, (Auciensis pagqus), le pays de l'Yser, (Isereticus pagus). La cité des Ménapiens dont Tournay est le chef-lieu renferme de son côté quatre pays ou districts, le Tournaisis (Tornacensis pagus), le Mempiscus paqus entre l'Yserd et la Lys, le Melantois (Medetenensis paqus) et le Courtraisis (Cortoriacensis pagus) entre la Lys et l'Escaut. Chacun de ces territoires se partage ainsi en grands districts ou pagi majores. Mais quelques-uns de ces vastes pays ont produit des cantons plus restreints. C’est ainsi que du pays de Térouanne s’est détaehé le Ternois (Ternensis pagus) baigné par la Ternoise avec Saint-Pol pour chef-lieu. Sur d’autres points ont pris naissance le Flandrensis paqus ou pays de Flandre et le Gandensis paqus où pays de Gand. LY : LA FLANDRE PRIMITIVE. — SES LIMITES RESTREINTES. À une distance peu éloigée du rivage de la mer s'était formé, au milieu des bois, des eaux et des sables, un modeste canton, le Flandrensis pagus, habité par des Saxons réfugiés qui étaient (1) Entre les Atrébates, les Nerviens et les Ménapiens, s'étendait un grand espace vide désigné sous le nom de Pabula ou Pévèle. I] fut plus tard divisé en quatre parties qui furent l'Ostrevent, le pays de la Lys, le Carembaut et le Pévèle proprement dit. ge nn et Éd EC Ven venus y chercher un asile. Ce pays renfermé dans d'étroites limites avait pour principales bourgades les lieux où s'élevèrent ensuite Bruges, Oudembourg, Damme, l’Écluse, Middlebourg et Ardembourg (1). Une chronique des Forestiers de Lille contient sur la Flandre un Curieux passage ; l’auteur donne sur Bruges et ses environs des détails qui ne manquent point d'intérêt. « Du temps de ». Clotaire, fils du grand Clovis, quelques villes et forteresses » étaient déjà construites et réglementées en Flandre. Les plus » notables étaient Harlebecke, Oudenbourg et Rodenbourg » (plus tard Ardembourg). Au milieu de la route qui conduit » de l’une de ces deux villes à l’autre était un faible torrent, un » petit bras de mer qu'on nommait Bruigstoc (dans la suite, » Bruges). Du côté du Nord se trouvaient cinq maisons et du » côté du Midi six maisons, où logeaient les voyageurs qui » allaient de Rodenbourg à Oudenbourg et vice versa. À deux » lieues de Bruges s'élevait une colline sur laquelle était » construite une habitation telle quelle. Avec le temps, on la » nomma Laminisuliete et .uliérieurement l'Écluse. De ce port » de Laminisvliete, à cause des périls de la forêt, se prolongeait » sur le rivage de la mer une voie commune pour se rendre au » château de Sitiu qui est maintenant Saint-Omer (2). » (1) Bruges forme un point à peu près central entre Oudembourg arrond. de Bruges, Damme à une lieue et demie de Bruges, l'Ecluse au Nord-Est de Bruges, Middelbourg à une lieue un quart au Sud-Est de l'Ecluse, Ardembourg à quatre lieues au Nord-Est de Bruges. (2) Nota quod tune temporis Clotarii, filii Clodovis regis, in Flandria ordinata etiam et ædificata aliqua oppida et castra satis adhuc notabilia, Arlebecca, Rodenburg, quod Ardenburg dicitur et Oudenburg; et in media via de Rodenburg, et Oudenburg erat quidam torrens vilis, quoddam brachiolum maris, qui Bruigsloc dicebatur. Ex parte aquilonari erant quinque domus, ex parte vero australi sex, ubi homines transeuntes de Rodenburg et Oudenburg vel vice versa hospitabantur ; nunc vero Brugis dicitur. Erat quidam collis ad duas leucas de Brugis, ubi erat — 100 — LA MARCHE DE FLANDRE A LA FIN DU Vills SIÈCLE. Charlemagne pressentant les irruptions des pirates dont cette partie du littoral pouvait être affligée y établit une marche ou frontière militaire. Il en confia le commandement à Inguelram, fils de Lyderic, forestier de Flandre, dont le château d'Harlebecke, dominant le cours de la Lys, pouvait plus facilement pourvoir à la sûreté de celte région. La Flandre qui ne désignait jusque là que le simple canton dont nous venons de parler, donna son nom à la marche tout entière qui devint le siége d'un marquis (marchionis) et composa un marquisat, dont la circonscription embrassa un espace considérable. Au point de vue stratégique, le comte de la marche ou marquis de Flandre eut surtout pour devoir de défendre d’un côté toute la partie du littoral qui s'étend depuis la rive gauche de la Lys jusqu'à la mer et de l’autre la Lys elle-même dont le cours depuis Wervick (Viroviacum) passe successivement par Menin, Courtrai (Cortoriacum), Harlebecke, Deynse et Tronchienne. hospitium tale, quale.… Processu temporis vocatum est Laminisuliele, quæ nunc Selusa dicitur; item de portu laminisvliele, propter pericula forestæ erat via communis super ripam maris pro eundo ad castrum de Sithiu, quod nunc sancti Audomari dicitur. (Voir Catalogus et chronica principum Flandriæ) dans le Recueil des chroniques de Flandre, publié par M. de Smet, t. I p. 25. a OR == VI. LES FORÊTS DE FLANDRE. — CE QU'ON ENTEND PAR FORÊT. LES FORESTIERS ORDINAIRES. Les Franks, après la conquête de la Gaule, continuëèrent d’attacher une grande importance à la possession des bois et des eaux qui, outre les produits qu'ils en retiraient, leur offraient les plaisirs de la chasse et de la pêche. Sous les rois Gallo-Franks, ils constituèrent des espaces déterminés marqués par des limites. Dans leur langue, le mot germanique Vorst ou Forst d’où est dérivé notre mot forèt n’est point un simple bois. C’est une circonscription dans laquelle se trouvent des parties boisées, des pièces ou des cours d’eau affectées à la chasse ou à la pêche. On connaît désormais des forêts d’eau ou de pêche. Par extension, les forêts comprennent des bourgades, des villages et plus tard des villes plus ou moins considérables. Le mot Forét se présente donc sous une acception nouvelle. On lit dans un acte de Childebert, in Pragmatica Childeberti : « Nous avons fait au même lieu la tradition de toutes les » pêcheries qui existent ou qui peuvent être créées de chaque » côté du fleuve ainsi que nous les possédons et qui sont de » notre forêt (1). » Aussi voit-on dans la loi salique, titre 35, art. 1, que les délits commis dans les pêcheries sont mis sur la même ligne que les délits dans les chasses réservées (2). NE PR Re PA AS ES Re (1) Has omnes piscationes quæ sunt et fieri possunt in utraque parte fluminis sicut nos tenemus et nostra forestis est, tradidimus ad ipsum locum. (Voir encore pu Tuer, livre I, au chapitre de la seconde branche de Bourgogne et Boucnez, Trésor du droit français, t. II, p. 72.) (2) Quam legem tam de venationibus quam et de piscationibus convenit observarce. Fr Î — 102 — A la tête de chaque forêt ainsi définie et limitée se trouve nécessairement un administrateur chargé de sa conservation et de sa garde et qu'on appelle Forestier (Forestarius). Un de ses premiers devoirs est de prévenir et de réprimer les braconnages, de veiller à la sûreté des habitants, d'atteindre et de châtier les malfaiteurs. Diefenbach dans son supplément au {Glossaire de Ducange, au mot Forestarius, indique comme correspondant à ce nom ceux de Lucarius el Viridus (Verdier). Dans le mème supplé- ment, à l’article Economus, p. 194, il donne au mot Economus le sens de Directeur ou de Dispensateur, Economus, Dispensator (1). Invest de ces attributions, le Forestier avait un office analogue à celui de Grafion ou de Judex fiscalis. VIT. LES GRANDS-FORESTIERS. — LEUR ASSIMILIATION AU COMTE DE MARCHE OÙ MARQUIS. Ainsi qu'on l’a vu plus haut $ VI, le caractère principal de la forêt est de constituer un espace limité renfermant des eaux el des bois avec les habitations qui s'y trouvent. La Flandre primitive n’est en réalité qu'une forêt. Plus tard, même lorsqu'elle à été agrandie et transformée en Marche ou frontière maritime, comme elle est en majeure partie couverte d’eau (1) Voir au surplus le Gloss. de Lindrebrog, à la suite du Codex legum antigquarum, p. 1403; le Gloss. de Du Cange aux mots Foresla et Forestarius ; les notes de Sirmond sur les Capilulaires de Charles-le Chauve, p. 107. — 16 — et de bois, on la qualifie encore de Forét, et le chef qui la gouverne est désigné sous le titre de Grand-Forestier. Ce personnage dont la dignité correspond à celle de l’ancien Comes limitaneus où Comes tractus maritimi, exerce alors les pouvoirs de comte de frontière ou marquis (marchio) dont il porte aussi le titre. À raison de l'étendue et de l'importance de son territoire et des populations qui lui obéissent, le forestier supérieur n'est plus seulement un grand-maiître des eaux et forêts, c'est un gouverneur proprement dit en possession d'une triple autorité militaire, judiciaire et politique. Comme chef militaire il est le gardien de la Marche de Flandre, il en est le commandant suprême, veille à sa défense et la garnit de forteresses ; au point de vue judiciaire il y fait régner l'ordre, la sûreté et la paix publique ; toutes les juridictions lui sont soumises ; comme chef politique 1l en est le premier adminis- trateur ; il y fonde des bourgades et des villages, y développe la culture, a la police et la régie de tous les bois et de toutes les eaux que renferme sa vaste circonscription. On a maintes-fois émis des doutes sur ia nomenclature et sur l'existence des Grands-Forestiers de Flandre, depuis l'an 792 jusqu'en 862 (1). On doit toutefois regarder comme offrant un degré suffisant de certitude les renseignements que fournissent d'anciennes chroniques dans lesquelles sont mentionnés, dès l'an 792, Lyderic institué par Charlemagne et après lui ses successeurs. Parmi ces documents on peut indiquer : un manuscrit du x siècle, provenant de l'abbaye de Saint-Bertin (2) ; le Liber floridus, manuscrit antérieur à 1120, rédigé par un chanoine (1) Voir notamment par Depasr, une Nolice sur l'erislence chimérique des Foresliers de Flandre el sur le premier comte Baudoin. (2) Il est aujourd'hui à la Bibliothèque de Boulogne sous le n° 58. — 104 — de Saint-Omer Lambert fils d'Onulf, et appartenant jadis à l'abbaye de Saint-Bavon (1). Un autre chroniqueur, Jean de Thielrode, qui écrivait en l'an 1298 , contient dans son chapitre XIX de Comitibus Flandriæ un important passage qui confirme et complète les indications précédentes. Après avoir signalé tour-à-tour Lyderie et ses : successeurs, il ajoute : « Au temps de Bauduin, la Flandre » devientun comté (c'est-à-dire un comté provincial), et Bauduin » en est le premier comte. Ses prédécesseurs furent les » forestiers de Flandre sous le roi de France, comme nous le » lisons dans les chroniques des Franks (2). VIII. CONFUSION PRODUITE PAR LES DIVERS SENS DONNÉS AU MOT COMTE. — DISTINCTION ESSENTIELLE ENTRE TROIS ORDRES DE COMTES. Les différentes significations données au mot Comte ont amené une obscurité et une incertitude qu'il importe de dissiper. Outre les comtes palatins et les comtes royaux de divers ordres, il est nécessaire de distinguer des comtes de canton, des comtes de marche ou frontière et des comtes de province. Dès le vie siècle les comtes de canton se multiplient rapide- re (1) Actuellement à la Bibliothèque de Gand sous le n° 179. (2) Tempore Balduini Flandriæ fit comitatus et Balduinus primus comes. Antecessores sui fuerunt Forestarii Flandriæ sub Rege Franciæ, sicut legimus in chronicis Francorum. PR — 105 — ment. À cet égard des nouvelles créations de comtés ont pour causes : Les partages du royaume, le besoin pour les rois de se concilier des partisans, la nécessité de défendre plus spécialement des points menacés, les subdivisions des vastes domaines entre les fils du même bénéficiaire, le déplacement des populations, l'érection des puissantes abbayes dont les chefs deviennent ensuite des seigneurs, et enfin le morcellement des grands districts, Pagi majores, en clrconscriptions plus restreintes, (Pagi minores.) C’est le fractionnement de plus d'un Pagus major de ce genre qui fit éclore les Pagi minores du Nord de la France, dont l'administration fut confiée à des officiers qui remplirent l'office de grafion ou comte de canton (judex fiscalis). Des comtés plus considérables d'un autre genre furent produits par l'institution des commandants militaires des marches ou frontières, destinés à remplacer les anciens comites limitanei ou comites maritimt tractus (1). Ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, Charlemagne prévoyant les maux désastreux que les irruptions des Normands viendraient faire subir aux régions limitrophes, institua pour les repousser des comtes de marche ou frontière. Dans de plus vastes proportions et avec des prérogatives bien plus éminentes, surgissent les Comtes des provinces quand des contrées tout entières furent détachées du domaine de la couronne et attribuées à quelques grands personnages, parents ou alliés du souverain. Dans cet ordre plus relevé on avait vu déjà se produire en première ligne les comtés de Vermandois et Ponthieu. (1) Sur les attributions des anciens généraux dans l'empire romain voir la Nolilia dignitatum imperii avec le Commentaire de Boecking, t. II, p. 514 et 553. = 106 — Le: APPLICATION A LA FLANDRE DE LA DISTINCTION QUI PRÉCÈDE. Les trois ordres de comtes que nous venons d'indiquer furent tour-à-tour appelés à gouverner le territoire plus où moins spacieux de la Flandre. Tant qu'elle ne fut qu'un moindre canton, Pagus minor, le chef placé à sa tête et designé sous le nom de Forestier fut dans des limites restreintes à la fois administrateur et juge. En cette dernière qualité 1l fut chargé de veiller à la sûreté commune, de poursuivre les délinquants et de prononcer contre eux les peines portées tant par la loi salique que par les capitulaires. Après l'institution par Charlemagne du comte maritime ou marquis de Flandre, les attributions de ce haut fonctionnaire, exercées dans un espace beaucoup plus étendu, eurent une portée et une sphère d'activité bien autrement considérables que celle d'un simple Forestier. Il devint un véritable gou- verneur et dut agir de telle sorte que les populations préservées de toute agression extérieure et intérieure pussent vivre satisfaites sous son égide tutélaire. Enfin, quand le comté de Flandre fut constituéen principauté au profit de Bauduin Bras-de-Fer, mari de Judith, fille de Charles-le-Chauve, son heureux possesseur réunit à la fois les splendeurs et les prérogatives d'un prince souverain. Il eut autour de lui de grands officiers ; il eut sous ses ordres des troupes nombreuses, des cours de justice et des baillis ; dans ses rapports, tant avec le clergé qu'avec les communes, il jouit de droits étendus. La distinction qui précède fait évanouir les nuages et même — 107 — les contradictions que semblent présenter quelques chroniques. Aïnsi dans la chronique de Saint-Bavon par Jean de Thielrode, l’auteur, au chapitre XIX, dit que Bauduin Bras-de-Fer, mari de Judith, fut le premier comte de Flandre. Plus loin, au chapitre XXVII, il indique comme comtes de Flandre à partir de 792, Lyderic et ses successeurs. La contradiction disparaît au moyen de cette explication que Lyderic fut le premier comte de la marche de Flandre créée par Charlemagne et. Bauduin Bras-de-Fer, le premier comte provincial de la Flandre érigée en principauté par Charles-le-Chauve. FIN. TABLE DES MATIÈRES DépiCACE. AVERTISSEMENT . CHAPITRE Ier. CHAPITRE II. CHAPITRE IL. CHAPITRE IV. CHAPITRE V. CHAPITRE VI. — Description de la Flandre... . . . , . ÆnUtUNtE des) forêts. 2. 4 . LU run —$ I. Description forestière de la Belgique. $ IT. Forêts du littoral, forêts et bois divers soumis à la juridiction des Grands-Forestiers . . . $ IT. Forêt charbonnière. — Quelques mots sur la forêt des Ardennes dont elle faisait parte, SU RONS —$ I. Attributions des Foreslari, Saltuarii, ou Grands-Forestiers de Flandre. $ I. Régie des forèts royales. — Hiérar- chie administrative. . . . — Capitulaires. — Police, exploitation des MP OU à 4 € ce Ce € — Armoiries des Grands-Forestiers. — Armes 'IATIODECRO, LS OS 8 18 22 33 37 — 110 — CHAPITRE VIL —$ I. Lyderic Ier dit de Buc, Ie" Forestier, de 621 à 692. $ IT. Antoine, fils de Lyderic ; Bouchard, fils d'Antoine ; Estorède, fils de Bouchard ; 2, 3e et 4 Forestiers, de 692 à 792. S HT. Lyderic IT, d’Harlebecke, fils d’'Es- torède, 5e Forestier de 792 à 836. L' $ IV. Inguelram, fils de Lyderic II, 6 Fo- restier, de 836 à 852 . $S V. Audoacre, de 853 à 863. $ VI. Audoacre. — Discussion chronologi- que. 8 VII. Baudoin Ier dit Bras-de-Fer, 7° Fo- restier de 840 à 863. . CHAPITRE VITI. — Réfutation des objections présentées contre l'existence du titre de Grand-Fo- à restier de Flandre . CHAPITRE IX. — Résumé des principaux évènements qui ont amené l'établissement du comté héréditaire de Flandre. CHAPITRE X. — Baudoin [°r, dit Bras-de-Fer, comte héré- ditaire ou marquis de Flandre, de 863 à 879; précédemment Grand- Forestier, de 840 à 863. . CHAPITRE XI. — Quelques documents sur les fêtes des Fo- restiers de Bruges . $ I. Préliminaires. 8 II. Fêtes des Forestiers de Bruges, de 1218 à 1417. — Société de l’Ours- Blane. — Prix des Tournois. Pages. 44 + he 90 33. 76 st DST À LETTRE DE 8 IX. — 111 — S IT. Description des principales fêtes des Forestiers de Bruges de 1418 à 1489. — Indication des années ou les fêtes n’eurent pas lieu. M. LE PRÉSIDENT TaAILLIAR. NOTE CONCERNANT LES FORESTIERS ET LES PREMIERS COMTES DE FLANDRE Division du sujet en trois périodes. Topographie. — Aspect du Nord de la Gaule. Grands bois qui s’y trouvent. Divisions administratives. — Territoires des trois cités d'Arras, Térouanne et Tournay. — Grands et petits pagi qu'ils renferment. La Flandre primitive. — $es limites restreintes. La Marche de Flandre à la fin du VII siècle. Les forêts de Flandre. — Ce qu’on entend par forêt. Les Forestiers ordinaires. Les Grands-Forestiers. — Leur assimiliation au comte de marche ou marquis. Confusion produite par les divers sens donnés au mot comte. — Distinction essentielle entre trois ordres de comtes. - Application à la Flandre de la distinction qui précède. Pages. 96 102 104 106 ERRATA Tages. 7 11 12 13 13 16 ne — 67 58 — Note, ligne 1 — au lieu de d'Houdegherst, lisez : d'Oudegherst. — Ligne 4 — au lieu de Preus, lisex : Pagus. — Ligne 5 — au lieu de Blangirenti, lisex : Blangi Renti. — Ligne 6 — au lieu de le Missi Dominici, lisez : les Missi dominici. — Ligne 9 — au lieu de dilligentissime, lisex : diligentissimè. — Ligne 2 — ne pas mettre de virgule entre eaux et de fossés. — Note, avant dernière ligne — au lieu de d'Houdegherst, lisez : d'Oudegherst. _— Note, avant dernière ligne — au lieu de prélmiinaire, lisez : préliminaire. — Ligne 47 — au lieu de diligentissime, lisez : diligentissimè. — Ligne 41 — au lieu de continue, lisex : continuent. _— Note wmise. — On ne trouvera pas sur notre dessin l’indi- cation des couleurs (azur et gueules) des armes des Forestiers blasonnées dans le texte de C. Martin Zelandoys. Pour plus de vérité archéologique, nous avons tenu à reproduire fidèlement l'antique dessin de cet auteur. — Ligne 28 — au lieu de tour d'ordre, lisex : tour d'Ordre. — Ligne 20 — au lieu de Gloriosus Marchins, lise : gloriosus marchius. — Ligne 3 de la note — au lieu de Inghals, lisez : Inghels. — Ligne 24 — au lieu de qus, lisez : que. — Ligne 10 — au lieu de Herlebecke, lisex : Harlebecke. — Ligne 46 — au lieu de qui leur avait, lisez ; qui lui avait. — Avant-dernière ligne — au lieu de Thérouanne, lisez : Térouanne. oo Amiens. — Imp. de Decarrre-LENOEL, rue des Rabuissons, 30. Liu ee TT LE ” é AA s + x . : v h * ë a D. “ : 4 si ARRAS ni SUEUR-CHARRUEY, Jibraire-éditeur, 9h, Pate mi citntlié A Cac LE re LA #3 RS du département du Pas-de- Calais _ Ouvrage publié par la Comnvission des Monuments historiques du ol x et honoré de la souscription du Conseil général. Sont en vente : Arrondissement d'Arr as, ? vol. gr. in-8° avec carte historique 10 fr. Arrondissement de Montreuil, 1 v.gr.in-8® id. id. 5 f. Arrondissement de Béthune, ? v.gr.in-8 id. id. 10 fr. . DICTIONNAIRE BIOGRAPHIQUE DU DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS Par Adolphe de CARDEVACQUE Membre de la Commission des Monuments historiques du Pas-de-Calais ot de plusieurs Sociétés savantes. Conditions de ia Souscription au Dictionnaire biographique Le Diclionnaire biographique du Pas-de-Calais formera 2 volumes in-4° d'en- viron 400 pages chacun : il sera distribué par fascicule de 10 feuilles, soit SN pages in-4° à deux colonnes : il y én aura environ 10 qui paraitront de trois mois en trois mois. — Prix du fascicule & fr. &@ en librairie, et E fr. SOC par la poste. Tout acquéreur d'une livraison sera réputé souscrire à l'ouvrage entier.— Le tirage de cet ouvrage n'est que de 460 exemplaires. — Le premier fascicule est en vente. | HISTOIRE DE L'ABBAYE D'AUCHY-LES-MOINES | Ordre de faint-Benoit au diocèse de loulogne-sur-Mer Par Anozene pe CARDEVACQUE | Membre dela Commission des Monuments historiques du Pus-de-Calais a | et de plusieurs autres Sociétés savantes Uuvrag> couronné par la Société acadé mique de Boulogne-sur-Mer, dans sa | séance publique du 13 juin 1875, 1 beau volume in- -8° raisin avec planches, 8 fr, — 50 exemplaires ont été tirés sur papier vergé des Vosges, et tous numérotés, prix : 1® fr. — Cet ouviage n'a été tiré qu'à 300 exemplaires. a Histoire des Abbayes de Dommartin et de St-André-au-Bois Ordre de Prémontré, au diocèse d'Amiens; et de leurs fondateurs he. . Par le baron A. de Calonne, membre de plusieurs Sociétés savantes. In e couronné par la Société des Antiquaires de Picard : au Concours de 1873. | { beau vol. gr, in-8°, imprimé avec soin et orné de 7 planches. net $ fr. = 70 exemplaires ont été tirés sur papier vergé à la forme, et tous numérotéss Prix net 1% fr. { PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY LR SD Bertin, Jules 190 Etude sur les forestiers F5B4S | BioMed RL k EGP EL ENE a HE ET: à) a1:4} es LEE BH