Thorn, A. Chr

Etude sur les verbes denominatifa en français

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ES VERBES DÉNOMINATIFS EN FRANÇAIS

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A. CHR. THORN

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LUND

IIJ. MOLLER

LIBRAIRE DE L'UNIVERSITI'

1907

ÉTUDE

SUR

LES VERBES DÉNOMINATIFS EN FRANÇAIS

I

PAR

A. Chr. Thorn

LICENCIE ES LETTRES

LUND HJ. MÔLLER,

LiRKAIRE DE i/UnIVERSITÉ 1907

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LUND 1907, Aktiebolaget Skânska Centraltryckekieï

Avant-propos.

Dans les pages qui stdvent je 7ne suis proposé d étudier qtielques-unes des questions qui se rattachent aux verbes dénominatifs dîi français. Je suis loin de me dissimuler les imperfections de m,on travail. On 7ne re- prochera peut-être de 7n être contenté parfois de signaler des faits quil eût sans doute été intéressant d'examiner de plus prés, et de ne pas avoir suivi le développement parallèle des verbes dénominatifs dans les langues roma- nes. Mais Vétude de ces questions m'aurait amené a dépasser de beaucoup les limites ordinaires d'un travail de ce genre.

Qu'il me soit permis d exprimer ma profonde re- connaissance a mon cher et vénéré maître M, Fr. Wulff qui pendant tout le cours de mes études ?i a cessé de me témoigner l'intérêt le plus bienveillant. MM. E. Wal- bergy C. Polack et C. Collin m'ont aidé pendant la préparation de mon travail de leurs conseils, et j'ai eu plus d'une fois recours a leur expérience et a leur érudi- tion. Qu'ils veuillent bien accepter ici ines remerciements les plus sincères.

Lund, septembre içoj.

A. Chr. Thorn.

■^Tz^x^r--

TABLE DES MATIERES.

Page

Avant-propos

I. Introduction i

II. Quelques remarques générales sur la fonction du nom dans

les verbes dénominatifs 6

A) Quelles sont les fonctions d'uh nom dans un verbe dénominatif? lO

B) Est-ce que la fonction du nom dans un verbe dénomi- natif a quelque rapport avec le chorx de la conjugaison? 23

III. Les verbes dénominatifs du latin classique 26

IV. Les verbes dénominatifs du latin vulgaire 36

A) Les dénominatifs en -are... 37

B) Les dénominatifs qui n'appartenaient pas à la conjugaison

en -are 39

V. Les verbes dénominatifs en vieux français 43

I. Formés sur des noms germaniques 45

II. Formés sur des noms d'origine romane 52

A) Verbes simples 52^

i) Formés sur des substantifs 52

2) Formés sur des adjectifs 55

B) Verbes composés 58

i) Formés sur des substantifs 61

2) Formés sur des adjectifs 63

Les verbes en -er 63

Les verbes en -ir 65

VI. Les verbes dénominatifs du français moderne 67

A) Les verbes dénominatifs en -ir formés sur des substantifs 76

B) Les verbes dénominatifs en -ir formés sur des adjectifs 89

Index * loi

Bibliographie 1 05

Additions et corrections 109

-^^

INTRODUCTION.

Dans toutes les langues indo-européennes on trouve une catégorie de verbes qui constituent une classe très nombreuse et très importante: ce sont les verbes dits dénominatifs, c.-à.-d. ceux qui sont formés sur des noms (substantifs ou adjectifs). Cette formation est si an- cienne dans le langage qu'il est impossible de déterminer sa date de première apparition et, en même temps, elle est si vivace que l'on constate journellement la création de nouveaux verbes dénominatifs. S'il est vrai que dans beaucoup de cas il est assez difficile de savoir si un verbe doit être considéré comme verbe dénominatif ou comme verbe radical ^), le nombre des verbes qui sont incontestablement dénominatifs est cependant très grand dès les anciens monuments des langues indo-européennes.

Whitney nous enseigne qu'en indien classique et dans les plus anciens dialectes indiens, des verbes dé- nominatifs pouvaient être formés sur tout nom et à toutes les époques. ^)

^) cfr. Brugmann, Gnmdriss, II, 2, p. I104; pour les verbes dénominatifs en général, v. Grundriss: Index, l'art. Denominativa; Delbruck, Syntaktische Forschwigen, p. 222.

'^) W. D. Whitney, Indische grammatik, umfassend die klas- sische Sprache und die âlteren Dialecte; aus dem Englischen libersetzt von Heinrich Zimmer, Leipzig 1879: p. 366, § 1054: »Die Gramma-

Les langues iraniennes forment des verbes déno- minatifs sur plusieurs espèces de noms radicaux, cf Grundriss der iranischen Philologie, Tome I, i, p. 84 ss. ; I, 2, p. 222 s.

Les dénominatifs en arménien, comme dans les langues celtiques, germaniques et balto-slaves sont très fréquents et ce procédé pour former des verbes nou- veaux s'emploie journellement. ^)

Les verbes dénominatifs du grec ont été étudiés par plusieurs savants et offrent à l'examen une matière très riche. ^) La monographie de v. d. Pfordten, pu- bliée en 1886, -^Zur Geschichte der griechisc lien Denomi- nativa-», fut suivie, cinq ans plus tard, de y>Zur Geschichte der verba denominativa im Altgriechischeny> , par SÛTTERLIN. Ces dénominatifs ont encore été traités par M. Ernst FRtENKEL, » Griechische Denominativa in ihrer geschicht-

tiker lehren dass jeder Nominalstamm der Sprache ohne weitere Hin- zufiigung als die eines a (welches als Bindevocal es ermôglicht, ihn nach der zweiten Hauptconjugation zu flectieren) in einen Pràsensstamm umgewandelt und als solcher flectiert werden kann» et p. 367, § 1055: »Im Allgemeinen wird der Stamm der Denominativen Conjugation vom Nominalstamm vermittels des Conjugationszeichen ya abgeleitet, wel- ches den Accent trâgt»; puis, /. c, § 1057: «Denominativa werden zu jeder Période der Sprache, von der altesten an, gebildet». cf. L. SÛTI'ERLIN, Die Denominativ-verba im Altindischen dans Indogermani- sche Forschungen XIX, p. 480 ss.

^) cfr. Brugmann, Grundriss II, 2. p. 11 16 ss.

'^) »Die Denominativa im Griechischen imponieren zunâchst durch die Massenhaftigkeit ihres Auftretens: nicht nach Hunderten, sondern nach Tausenden ist ihre Anzahl zu schâtzen. Dazu kommt noch dass wir vielleicht noch mehr als irgend sonst zu der Annahme berechtigt sind, die lebendige Volkssprache habe deren noch vveit mehr besessen, als unsere Quellen uns uberliefert haben» (v. d. Pfordten, Zwr 6^^j<r//. der griech. Den.^ p. 9).

lichen Entzvickeltmg und Verbreitung-f> , Gottingen 1906, et comme tous les autres idiomes indo-européens par Brugmann, assez sommairement d'ailleurs, dans Grundriss II, 2, p. 11 17 ss.

Dès Diomede et Priscie?i ^) les verbes dénominatifs latins ont été l'objet de recherches d'abord, na- turellement, assez rudimentaires et c'est une étude qui se continue encore de nos jours. En général, les grammaires latines contiennent un ou plusieurs chapi- tres sur cette question; PauCKER, Kuhns Zeitschrift, t. XXVI, l'a traitée de points de vue plus spéciaux. Nous verrons plus tard combien était fréquente cette forma- tion en latin vulgaire: toutes les langues romanes ont hérité de cette faculté de créer des verbes correspon- dants à des noms déjà existants, peut-être surtout dans la langue technique et dans la langue parlée.

Un grammairien^) a dit sur cette question : »Auch an Zeitwortern haben die romanischen Sprachen einen ausserordentlichen Reichthum, denn sie konnen fast aus jedem beliebigen Hauptworte durch blosse Anfùgung der Abwandlungsendungen neue Zeitworter bilden».

Enfin, en français moderne les verbes dénominatifs ont été l'objet d'un certain nombre de recherches et d'études. Dans la première édition de son Histoire £t théorie de la conjugaison française^ Paris 1868, M. C. Chabaneau fait observer, p. 59, que les » conjugaisons vivantes», celle des verbes en^r et celle des verbes en -ir, »sont les seules qui aient jamais servi et qui servent

') Granwiatici /atit/i, tome 2, ]). 117 ss. : Pkiscianus: liber quartus: De denoininativis; Jkki', Zttr Gcsch. der Lchre 7'. d. Rede thcilcii, p. T50.

") FucHS, Die romanisr/ien SprocJicn in ihrein VejJiàltnisse zn?/i Laieinischen. Halle 1849, p. 159.

encore à former de nouveaux verbes, la première avec des substantifs, la seconde avec des adjectifs.» Dans une note il continue:» Il y a des exceptions qui souvent même ne sont qu'apparentes, le substantif et l'adjectif changeant, comme on sait, fréquemment de rôle. Ex. abrutir, abêtir. Mais tel est l'emploi habituel, normal^ de chacune de ces conjugaisons. Ex.: bois: boiser; drap: draper; cher: chérir; saint: saintir (verbe usité aux XIP et XIIP siècles). L'ancienne langue avait de fin formé finer qu'elle préféra longtemps à finir, ré- gulièrement dérivé de finir e. »

Cette règle, nous la retrouvons très souvent. Voici p. ex. ce que dit Darmesteter, CoJirs de grammaire historique de la langue française, troisième partie, p. 92.: »La dérivation simple se fait à l'aide des suftixes ^r, ir qui donnent des verbes de la première conjugaison quand le radical est un substantif et des verbes de la deuxième quand le radical est un adjectif: mur: murer; blanc: blanchira).

Dans son étude >>Geschichte der franz. Infinitivty- pen>^ [Zeitschrift filr romanische Philologie, 1899, p. 377) M. E. Herzog dit à peu près la même chose: »Schon von Chabaneau, Histoire et théorie de la con- jugaison française, 2:e édition, s. 43, wurde ein wichti- ger Umstand entdeckt, dass nàhmlich Adjektivableitungen II inch., Substantivableitungen I. bevorzugen». Les pa- ges suivantes de cet intéressant ouvrage contiennent, il est vrai, plusieurs restrictions mais elles se rapportent, dans bien des cas, aux dialectes ou à l'ancien français.

D'une manière générale, les grammairiens répètent sans la discuter, la règle énoncée par M. Chabaneau; quelques-uns pourtant (Ayer et MÂTZNER par exemple)

b

en la présentant d'une manière moins précise et moins formelle. Ils se bornent à faire observer qu'à mur (subst.) correspond un dénominatif murer et à. mûr {a.d].) un dénominatif mûrir, qu'à toux (subst.) correspond tousser et à roux (adj.) correspond roussir et que cette différence de conjugaison est due à la différence de na- ture du mot radical.

Un fait est évident: c'est qu'en français moderne les verbes dénominatifs appartiennent tous à la première ou à la deuxième conjugaison. On peut se demander alors

si dans le latin classique les verbes dénominatifs

étaient restreints à deux conjugaisons, l'une contenant

ceux qui étaient formés sur un substantif et l'autre

ceux qui avaient pour radical un adjectif.

2^ Quels sont les rapports du nom et du verbe en

latin vulgaire et en vieux français? 3^ En français moderne, la règle, énoncée par M. Cha- baneau, est-elle tout à fait vraie et garde-t-elle tou- jours sa valeur.?

Mais avant d'entrer dans le détail de ces questions il est nécessaire d'étudier la nature même du verbe dé- nominatif.

Quelques remarques générales sur la fonc- tion du nom dans les verbes dénominatifs.

On appelle verbe dénominatif tout verbe dérivé directement d'un nom (substantif ou adjectif). ^)

Le nombre des noms étant presque infini, le nom- bre des verbes dénominatifs l'est théoriquement aussi, en vertu de la définition même.

Tous ces verbes sont formés par milliers à peu près de la même manière; il semjblerait donc que leur signification par rapport au nom dût être la même. Il n'en est rien. Ils peuvent présenter des significations extrêmement différentes et le même verbe peut avoir des sens différents; la relation du nom avec l'idée ex- primée par le verbe pouvant varier d'une manière assez remarquable.

Dans la Zeitschrift fur deutsche Wortforschung I, I, mai 1900, M. Behaghel a présenté quelques ré-

^) L'immense majorité de ces verbes est en effet formée sur des substantifs ou des adjectifs. On trouve aussi un assez petit nombre de verbes formés sur d'autres classes de mots (pronoms, ad- verbes, interjections etc.), mais comme on le verra dans la suite, ces formations peuvent être considérées comme exceptionnelles; ce ne sont pas des verbes dénominatifs au sens rigoureux du mot, et nous pouvons, par conséquent les négliger provisoirement.

7

flexions sur des verbes de ce genre: y>Zeitworter, die von Hmiptw'ôrtern ahgeleitet sind», il dit: -^sie (les verbes qui sont dérivés de substantifs) dienen im allgemeinen zur Be- zeichung der Handlung, des Vorgangs, der bei Erwdhung des vont Hauptzvort bezeichneten Begriffs afn leichtesten ins Bezvtisstsein eintritt»})

Nous ne trouvons rien à redire à ce qu'a dit M. Behaghel, si ce n'est que c'est trop incomplet et pourtant c'est, à notre opinion, la meilleure définition qu'on puisse donner.

C'est la relation du nom avec l'idée du verbe ou, en d'autres termes, c'est la fonction du nom dans l'ex- pression verbale qui décide de la signification d'un ver- be dénominatif et cette fonction du nom apparaît dans chaque emploi particulier du verbe en question.

Pour montrer combien la fonction d'un nom peut être variable dans un verbe dénominatif, prenons le verbe danois stene et examinons les différentes valeurs du mot ste?i (pierre) sur lequel il est formé. Nous ne prétendons pas, d'ailleurs, les indiquer toutes. -) i^ a) j-/^?2é' = assommer à coups de pierre, lapider. Sten

est le inoye?i ici.

C'est également la fonction du nom dans le sens voisin, b) stene = hv^esse et skaerende Redskab paa en sten,

slibe, (aiguiser un outil au moyen d'une pierre). 2^ a) stene (terme d'agriculture).

ex. stene en Ager =1= enlever les pierres d'un champ, b) stene (terme de cuisine).

'j cf. Paucker, dans Kuhns Zcitschr. XXVI ; Peter dans AV/^z- nisches Muséum fur Philologie, III.

-) cf. Salomonsens Konversaiionsleksikon^ l'art. Denominativum.

- 8

ex. stene KirsebîEr = enlever les noyaux des ce-

rises. 3^ stene (terme de pêche).

ex. stene et Fiskegarn = garnir un filet de

pierres.

Le rapport de l'idée verbale avec le nom est com- plètement différent dans les exemples i, 2 et 3, et le sens varie en conséquence. Dans le premier cas le nom fait fonction de moyen; dans le deuxième il y a l'idée d'enlever; dans le troisième l'idée diamétralement oppo sée de mettre, d'ajouter.

On serait donc tenté de croire que dans un verbe le nom a autant de fonctions que dans celui que nous venons de citer, la signification du verbe puisse être difticile à saisir pour chaque cas particulier. Mais non! C'est le milieu, se trouve le verbe, ou même seulement le réghne du verbe s'il y en a un qui nous dit si dans p. ex. steite le nom a la fonction de 7noyen; ou si le verbe a le sens sèparaiifo^x se trouve dans p. ex. stene Kirsebœr ou si nous devons chercher un autre sens.

En général, les verbes dénominatifs, nous le répé- tons, »dienen sur Bezeichnung der Handlung, des Vor- gangs, der bei Erwàhnung des vom Hauptwort bezeich- neten Begriffs am leichtesten ins Bewusstsein eintritt». Si un lexicographe danois avait à traiter le mot stene ^ il mettrait d'abord, à coup sûr, le cas »sten» doit être considéré comme moyen stene med sten»); mais si un pêcheur danois entend le verbe » stene», il est bien possible que ce soit une autre idée qui lui vienne la première à l'esprit, celle qu'il a l'habitude de mettre en » stene et Fiskegarn». C'est le même phéno- mène que nous trouvons dans plusieurs autres cas:

dans peupler comme dans lat. class. populari il est évi- dent que c'est une action qui se fait par rapport au peuple. ^) Mais quand un Français dit »peuplerun pays» il met le nom radical peuple dans une autre relation avec l'idée du verbe que le Latin ne le faisait quand il disait: » populari provinciam»; pour le Français c'est l'idée de pourvoir, pour le Latin c'est l'idée de ôter qui est la prédominante. Par contre, pluniare veut dire pourvoir, garnir de plumes tandis que plumer en français signifie dégarnir (un oiseau) de ses pluines. C'est ainsi que l'allemand y>kdpfen-)> peut signifier » dépouiller de la tête, décapiter», aussi bien que » pourvoir d'une tête», que hàuteji peut avoir le sens de »ôter la peau», aussi bien que » pourvoir, garnir de peau», ou que l'anglais cap =: casquette, employé comme verbe exprime une action qui se fait par rapport à la casquette: cap sig- nifie »couvrir d'une casquette» et »dépouiller d'une casquette».

Il nous semble que les exemples donnés suffisent pour montrer les relations différentes entre les noms et les verbes. ^)

On peut se demander alors:

a) quelles sont les fonctions d'un nom dans un verbe dénominatif r

b) est-ce que la fonction d'un no7n a quelque rap- port avec le choix de la conjugaison ? ^)

V cf. H. CuERS, Bilduvg und BedeuHmgswandel franzôsichet Infinitive beim Vbergang aus dem Lateinischen, 1899, p. XXXXII.

^) Nous renvoyons le lecteur à l'essai de M. Sandfeld Jensen dans Nordisk Tidskrift for Filologi, tredie Rœkke, t. Vil, p. II3 ss.

^) Nous nous servons de l'expression » choix de la conjugai- son», adoptée déjà dans la traduction française de la grammaire de DiEZ, tome II, p. 362.

lO

A) Quelles sont les fonctions d'un nom dans un verbe dénominatif?

C'est une question des plus intéressantes mais aussi des plus difficiles et il n'entre pas dans notre plan d'essayer de la résoudre. Il aurait été très intéressant d'examiner en détail p. ex. la fonction du nom dans les dénominatifs de formation médiate, comme dans les verbes en icare, izare etc. Nous sommes con- vaincu que l'étude spéciale de ces verbes pourrait mettre au jour plus d'un fait important. Un autre sujet, non moins intéressant, serait le rapport des verbes composés avec les verbes simples dans les différents groupes de fonction: nous croyons avoir constaté en français mo- derne que les verbes le nom doit être regardé com- me moyen sont dans la plupart des cas des verbes sim- ples; en outre nous avons observé que le^ formations composées sur des adjectifs sont en général transitives, c'est-à-dire que dans ces formations l'adjectif a la fonction de complément prédicatif se rapportant au régime.^ )

Mais laissant à d'autres le soin de poursuivre les recherches sur ces sujets nous nous bornerons à faire quelques remarques générales et à discuter les opinions de quelques grammairiens sur la fonction du nom dans ces verbes.

^) Plusieurs mois après avoir terminé nos études sur ce sujet, nous avons trouvé que Darmesteter, Traité de la formation des mots composés^ p. 84, a dit à peu près la même chose: - »les com- posés formés d'adjectifs ont la valeur de verbes factitifs. Cependant la plupart d'entre eux, surtout les verbes en-zV, ont une tendance à deve- nir neutres, c'est-à-dire qu'ils s''emploient absolument: assagir est aussi bien rendre que devenir sage ; abêtir est également rendre et de- venir hetef> .

1 1

Une remarque .s'impose dès le début: les auteurs qui ont traité ce sujet sont relativement peu nombreux. L'étude de Paucker, Die verba denominatiua auf -are (Kuhjis Zeitschrift, t. XXVI, p. 261 ss.), contient, il est vrai, beaucoup de renseignements précieux sur les dé- nominatifs latins en général et en particulier (p. 294 ss.) sur la fonction du nom. Dans son essai sur les verbes dénominatifs, M. Sandfeld JENSEN, 0. c, propose de trai- ter sutout »nogle af de tilfaelde, 1 hvilke et denominativt verbum kan optrœde i sammansaetning med en prépo- sition» (p. 114) (»quelques-uns des cas, un verbe dénominatif peut être composé avec une préposition»), mais sur la fonction du nom en général il ne dit pres- que rien. Le troisième tome du Rheinisches Muséum fier Philologie (1845) contient deux exposés aujour- d'hui un peu vieillis de Peter, qui, à ce point de vue, n'offrent pas grand' chose et, enfin, la » Grammaire des langues romane s-}> de M. MeyeR-LÛBKE traite cette question en deux ou trois lignes (t. II, § 575)-

M. Meyer-LÛBKE divise, /. c, la fonction du nom dans ces* verbes en trois groupes: a) sujet, b) régime, c) moyen. PauCKER fait de même pour les verbes latins, mais au lieu d'appeler le premier groupe j^^V/ comme M. Meyer-Lubke il l'appelle nominalpràdicat, en faisant la remarque que le sujet réel se trouve dans le verbe [0. c, p. 296). »Ein satz besteht aus subject und pràdicat, von denen jedes weitere bestimmungen an- nimmt, also aus zwei theilen oder satzstellen, locus subiecti und locus praedicati. Ein uerbum finitum stellt schonfùrsich aliein einen satz dar, denn es ist pràdicat, und das sub- ject enthàlt es zwar nicht als nomen, setzt es aber als pronomen in seiner personalform. In dem uerbum de- nominatiuum nun kommt in diesen einfachsten satz

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noch ein nomen hinzu, ein nomen ad prsedicatum, in praedicato, ein nomen also in loco praedicati, nicht in loco subiecti. Hieraus folgt als was, in welchem satz- verhàltnis das nomen im denominatiuum sich darstellen und fungieren kann, sowohl was es in ihm sein kann, als auch in der hauptsache schon was es nicht sein kann. Nicht sein kann es subject, denn das subject ist zwar, wie gesagt, durch das verbum schon vertreten, nàmUch projicirt, in ihm aber ist es nicht, kann be- standteil des pràdicats nicht sein und so kann z. B- nubilat nicht exponiert werden: wolken sind da, son- dern nur: es (subj.) macht wolken, wie »es regnet» = et gibt (ergibt, macht) regen. Und ebenso wenig kann es etwas von dem sein, was in locum subiecti hinein- gehort. was zum subject oder zu einem subject-wort d. h. nomen, dasselbe bestimmend, construirt wird, d. h. nicht attribut, nicht appositiuum, nicht casus adnominalis, d. h. genitiv. Dagegen kann es sein was ein nomen construirt ad prsedicatum sein kann, nàmlich a) nomi- nalpràdicat in casu recto, bezeichnend als was oder in welcher eigenschaft das subject sich bethàtigt, wie militât er bethàtigt sich als miles, thut kriegsdienst, b) o b j e c t in casu objectiuo, wie 1 i b e r a t = facit liberum, b e 1 1 a t :ir= facit, gerit bellum ; c) adver- biale pràdicatbestimmung in casu adverbiali» ^) etc^

Pour les différentes opinions de ces deux auteurs quant à la fonction du nom dans le premier des grou- pes — le sujet de M. Meyer-LÛBKE est le nominalpràdi- cat de PauCKER nous serions assez disposé à nous ran- ger du côté de ce dernier, bien qu'il faille avouer que la question de savoir si le nom a la fonction de sujet ou

^) Paucker, 0. c, p. 295 s.

de complément prédicatif, se rapportant au sujet, est de peu d'importance. On voit mieux, cependant, que Paucker a raison si Ton examine de ce point de vue un verbe formé sur un adjectif: il n'y a pas de doute que la fonction de louche dans loucher ne soit celle d'un complément prédicatif (ex. : cette personne louche) ; c'est ainsi que nous devons arriver au même résultat avec des formations telles que : avocasser, fainéanter, gas- conner etc. (cf PETER, o. c, p. 102).

Le deuxième groupe dans la classification de M. Meyer-LÛBKE et de Paucker est celui le nom doit être regardé comme régime.

Faisons d'abord remarquer qu'il est souvent très difficile de voir si le nom est régime ou adverbial. Mais d'autre part, il est souvent très facile de recon- naître le régime. C'est peut-être dans les verbes in- tra7isitifs qu'on voit le plus clairement cette fonction du nom. Le seul exemple donné par M. Meyer-LÛBke est fogliare, » pousser des feuilles». Nous pourrions y ajouter une foule de verbes: agneler, chatter, chienner, cochonner, enfanter, faonner, levreter, pouliner, vêler etc. tous appartenant au même genre. Bourgeonner, boutonner, bouturer, drageofiner, fleuronner, taller etc. ne différent pas beaucoup de ceux-ci. Mais nous devons ranger également ici des verbes tels que cabrioler, gam- bader, pirouetter, valser; cabaler ; commercer ; cheminer, voyager; herboriser, v er mille r; luncher ^), etc.

Inutile d'ajouter qu'il y a des verbes intransitifs le nom n'est pas régime mais p. ex. moyen comme dans béquiller dans le sens de » marcher à l'aide de bé- quilles», fourgonner, godiller etc.

*) cf. suéd. occasionnel chainpagnera, = » boire du vin de Cham- pagne», Svenska Akademiens Ordbok.

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Quelle est la fonction du nom dans les verbes im- per somiels de formation dénominative? C'est une question assez délicate. Nous serions assez disposé à con- sidérer le nom dans ces expressions comme un régime; dans il h'uine p. ex. »il fait de la bruine», il nous semble que » bruine» est régime. Ce doit avoir été le même sentiment qu'a eu le Grec quand il disait ZeiSq ■081 ou ô y^^ôc^ "uei = Dieu pleut au Heu de il pleut ^). Qu'on prenne bien garde, cependant, de conclure ainsi d'après une traduction plus ou moins juste, donnée dans un dic- tionnaire. Mais celui qui a lu les pages précédentes comprendra pourquoi bruine doit être considéré comme régime dans cette expression. De même avec brouil- lasser, brumasser, brumer, grésiller etc. Le français rend l'idée de ces verbes d'une manière qui correspond tout à fait à ce que nous venons de dire p. ex. il brume = il fait de la brume etc. (comp. Paucker, o. c, p. 296, nubilat = es (subj.) macht wolken).

Quant aux verbes transitifs il y a des cas le régime est très facile à reconnaître et d'autres cas où, au contraire, c'est une question assez difficile.

On le voit peut-être le plus clairement dans les verbes dans lesquels l'analyse démontre que le régime direct du verbe dénominatif passe à la fonction de génitif. Pour nous faire mieux comprendre choisissons un exemple : caricaturer qn est un verbe transitif; mais si nous analysons la phrase, nous trouvons tout de suite que le substantif sur le- quel est formé le verbe est régime : caricaturer qn c'est faire la caricatîcre de q?i comme critiquer qch ^n faire une cri- tique de qch; copier qcJis^ faire une copie de qch, etc.

') cf. K. W. KrÙger, Griechische Sprachlelire, 2, p. 138.

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De même contrôler, censurer, périphraser, fricoter etc.

Après ce que nous venons de démontrer il pour- rait être très intéressant de conclure sur la relation qui existe à ce point de vue entre les verbes transitifs et intransitifs. Si nous nous bornons cependant, à citer ce qu'a déjà dit PETER ^) c'est que nous croyons que nos recherches sur les verbes dénominatifs ne font que confir- mer son opinion. Après avoir signalé que Grimm, dans sa Deutsche Grammatik, II, 85, IV, 50, a traité la rela- tion qui existe entre les verbes transitifs et intransitifs, il continue: »Ich meine die Nichtigkeit der Unterschei- dung zwischen transitiven und intransitiven oder, wie sie F. Becker nennt, zwischen subjectiven und objec- tiven Verben, welche, vvenn auch nicht im spàteren Ge- brauch einer Sprache, so doch vom Standpunkt der Sprachforschung ganz zusammenfallen. An sich ist kein Verbum weder subjectiv noch objectiv; das letztere wird es durch das hinzugefùgte Object und wenigstens in Be- zug auf das Griechische und Lateinische kann man, wenn man fur letzteres den dichterischen Gebrauch mit hinzu- nimmt, geradezu behaupten, dass jedes Verbum einen Accusativ zuj sich nehmen konne. Freilich wird das eine Verbum dazu geeigneter sein als das andere, und wenn es demnach hàufiger einen Accusativ bei sich hat, so wird diess leicht auf das Verbum selbst zuriick- wirken, und sonach der transitive Gebrauch etvvas ihm Inhàrirendes werden.»

Cela nous mènerait trop loin, cependant, d'étudier ici à fond cette question ; nous ne pouvons pas non plus examiner en détail tous les groupes le nom doit être regardé comme régime: ce qu'il y a, de notre point de vue, de plus important dans ce sujet, ce n'est

') Rheinischcs Musemn fïir Philologie, III. p. 95.

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pas la fonction du nom en elle-même, c'est surtout de voir s'il existe un rapport entre la fonction du nom et le choix de la conjugaison.

Le troisième groupe de la classifiation que nous avons citée renferme les verbes le nom doit être considéré comme adverbial. Mais avant de passer à ces formations il faut dire; quelques mots des verbes qu'on ne peut jamais ranger parmi ceux qui ont leur nom radical en adverbialis: les verbes qui sont formés sur des adjectifs.

Nous le ferons d'autant plus volontiers que le grou- pement de Paucker comme celui de M. Meyer-Lûbke n'est pas satisfaisant en ce qui concerne les formations sur adjectifs. Leurs classifications, en effet, n'admettent pas les verbes l'adjectif a la fonction de complément prédicatif se rapportant au régime, bien que, il est vrai, le groupement de Paucker, renferme ceux l'adjec- tif en qualité de complément prédicatif se rapporte au sujet.

Le rôle joué par l'adjectif radical dans le verbe dénominatif varie en effet selon que le verbe est tran- sitif ou intransitif. Dans le premier cas] l'adjectif ra- dical ne peut être que complément prédicatif se rap- portant au régime. Dans le second cas il est com- plément prédicatif se rapportant au sujet. Quelques exem- ples! Si je dis : y>cet enfant a grandi-}) l'adjectif radical joue un autre rôle que si je dis: p. ex. •i>r imagination grandit les choses-^; dans le premier cas, en effet, il se rapporte au sujet, dans le second au régime. Entre ces deux nous pourrions mettre un exemple avec un verbe ré-

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fléchi comme intermédiaire: ^'> cette ville s est agrandie^ l'adjectif sur lequel est formé le verbe, se rapporte au pronom réfléchi, c'est vrai, mais en même temps au sujet, puisque le régime et le sujet réellement sont identiques dans cet exemple.

Il n'est pas sans intérêt de constater que, dans le Dictionnaire Général, il y a une cinquantaine de verbes simples en -ir qui sont formés sur des adjectifs et de tous ces verbes nous n'en avons trouvé qu'une dizaine *) l'adjectif n'a que la fonction de complément pré- dicatif se rapportant au sujet^).

Quant aux verbes sijnples de la deuxième conju- gaison où l'adjectif joue le rôle de complément pré dicatif se rapportant au régime nous avons observé qu'ils sont un peu plus nombreux une quinzaine ^).

Mais il y a un troisième groupe de ces verbes, ceux l'adjectif radical peut avoir deux fonctions, c'est-à-dire se rapporter au sujet ou au régime. Évi- demment tous ces verbes sont transitifs dans le cas le complément prédicatif se rapporte au régime. Cette classe est la plus nombreuse et contient dans le Dictionnaire Général une vingtaine de verbes *).

^) Il est bien possilile que nos chififres quelquefois ne soient pas tout à fait exacts.

*) Ex. blcchir, blêmir^ blettir, blondir, fraîchir, froidir, Jotichir^ rancir, surir, tiédir.

^) Ex. baitdir^ chérir, égalir, épaissir, ma tir ^ inoitir, obsctircir, saurir, ternir.

*) Ex. aigrir, blanchir, bleuir, durcir, grossir, laidir, maigrir^ roussir etc.

~ i8 -

Quant aux verbes composés en -ir, formés sur des adjectifs, il faut d'abord faire une remarque assez notable; dans aucun de ces verbes V adjectif na, a notre sens, la fonction de coinplément prédicatif se rappor- tant seulement au sujet, tandis que les verbes dont l'adjectif se rapporte à un régime abondent: ^) accourcir, affaiblir, affranchir, enrichir, enhardir, débrutir etc. Les cas où, dans le français actuel, l'adjectif peut se rapporter à un sujet ou à un régime ne sont pas encore très nombreux p, ex.: abêtir, assagir, enlaidir, embellir, enchérir, abonnir, assauvagir, rajeunir.

Nous allons voir plus loin que le nombre des ver- bes en -er, formés sur des adjectifs est environ de 270 dont une cinquantaine sont des composés.

Pour les verbes si^nples de cette espèce, il nous faut constater que le groupe nous devons ranger les verbes dont l'adjectif radical se rapporte seulement au sujet contient environ 70 verbes: ex. loucher, niaiser, prodiguer etc.; d'autre part ceux l'adjectif se rapporte au régime arrivent au nombre de 140 (en- viron); ex. livrer, larguer, calmer etc. et ceux l'adjectif peut se rapporter soit au sujet, soit au régime sont environ une douzaine: ex. égaler, bornoyer, obliquer, opiniâtrer etc.

Les verbes composés en -er, formés sur des adjec- tifs ne diffèrent pas beaucoup de ceux en -ir. Nous avons vu qu'il n'y avait pas un seul verbe composé en -ir l'adjectif radical ait eu le rôle de complément prédi- catif se rapportant seulement au sujet. Dans les verbes en -er, nous n'avons pas trouvé d'exemple sûr l'ad-

\) Comp. p.

jectif se rapporte au sujet. Dans les verbes com- posés en -er, l'adjectif doit se rapporter, en général, seulement au régime, ex. esseuler, aviver, assoter, allon- ger, aplaner, etc.

Le fait remarquable est donc constaté que, en franaçis moderne, les verbes composés, formés sur des adjectifs, appartiennent dans la plupart des cas au groupe l'adjectif a la fonction de complément prédicatif se rapportant au régime ^).

Si intéressant qu'il eût été de faire encore des recherches sur ces formations, il faut les laisser pour arriver enfin au troisième groupe, appelé par M. Meyer- LÛBKE moyen, par Paucker adverbial.

Nous ne savons pas si M. Meyer-LÛBKF, en don- nant à ce groupe le titre de moyen, a voulu restreindre son domaine: il n'en donne qu'un seul exemple ^fal- ciare (travailler avec faux, faucher)» ^). A notre avis la terminologie de Paucker répond beaucoup mieux à la fonction du nom dans cette catégorie de verbes.

Le nombre des verbes dont le radical toujours un substantif a la fonction de 'tnoyen est très considé- rable. Surtout les mots qui appartiennent à la langue technique nous fournissent un riche matériel à cet égard: on invente un outil et voilà le verbe qui exprime ce qui se fait avec cet outil déjà fait! Nous répé- tons que, en français moderne, les verbes composés de ■cette espèce sont assez rares.

^) V. p. lo et i8.

-) Grammaire des langues romanes, II § 575.

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Il n'est pas difficile de trouver des verbes le nom a la fonction de moyen: tripolir exprime que quelque chose se fait au moyen de tripoli; de même pour fouetter, ciseler, verrouiller, trépaner etc.

Cependant ce n'est pas seulement comme moyen que le nom do'it être considéré dans cette fonction. Dans un grand nombre de verbes nous retrouvons le nom comme adverbial tout pur: épauler'^') p. ex. si- gnifie »blesser à l'épaule;» sur falaise on a fait falaiser^) qui veut dire » battre contre les falaises»; sur fesse fesser = » battre en donnant des coups sur les fesses» ; barroter et bonder signifient resp. » remplir un navire de marchandises etc. jusqu'à la hauteur des barrots» et » remplir un tonneau jusqu'à la bonde». Si nous y ajoutons p. ex. baratter qui veut dire > agiter la crème dans une baratte», abîmer » jeter dans un abîme», coffrer omettre en prison» nous avons une collection assez considérable de cette espèce de verbes.

Mais il y a d'autres formations le nom doit être regardé comme adverbial p. ex. par rapport au temps: sur août a été formé, de très bonne heure, aoûter pour exprimer ce qui se fait au mois d août, comme plus tard on a formé septembriser pour exprimer ce qui arriva au mois de septembre d'une certaine année. Sur ce modèle se forma décembriser (de décembre) ^).

^) Comp. suéd. axla = lâgga axlarne = mettre sur les épaules.

^) Comp. suéd. strand: stranda.

^) Septembriser et décembriser ne se trouvent pas dans le Dic- tionnaire Général; v. Sachs- Villatte. L'allemand offre un exemple analogue à aoûter, septembriser et décembriser: c'est merzen ^rejeter, éliminer», formé sur »mârz», le mois de mars. Voici ce que dit le Dictionnaire des frères Grimm sur ce mot: >merzen, verb. aussondern wegthun, fortthun. Das wort, ein landwirtschaftliches, ist

21

Un autre type de verbes est celui qui est repré- senté par puiser, dérivé de puits. Cette catégorie ne contient pas en français beaucoup de verbes simples, la langue ayant en général recours à des compositions avec é- ou dé- pour exprimer ces significations. Remar- quez épuiser à côté de puiser l

Nous nous sommes jusqu'ici occupé des verbes simples de ce groupe; nous allons dire quelques mots des verbes composés.

Ce n'est, d'abord, qu'assez rarement qu'on trouve parmi ces verbes un simple à côté d'un composé de même sens. L'un ou l'autre de ces doublets est sou- vent un peu hors d'usage ou il appartient à la langue technique. C'est le cas pour cloîtrer et encloitrer, re- gistrer et enregistrer ^), coffrer et encoffrer ^), chmnbrer et enchmnbrer, classer et enclasser, pocher et e^îipocher, gainer et engaîner, (cf. rengainer, dégainer), ra?îger et arranger (cf. déranger) etc.

Il faut observer qu'un très grand nombre des ver- bes que nous regardons en général comme des verbes

zunâchst gebraucht von der im Mdrz vorgenommenen aussonderung der schafe (s. merzschaf) und der etymologische zusammenhang des verbums mit dem monatnamen, der in der neueren sprache durch ver- schiedene schreibung verdunkelt ist, wird in der âlteren zeit auch noch hervorgehoben : im allgemeinen sinne wegschaflfen : 'also soll man die mônch merzen und inn luft henken'». Comparez le comp. -^merzkuh^ kuh, die aus der herde ausgemerzt und zum verkauf gestellt wird», et ymerzschaf, ovis rejicula, das man ausmerzt», merzvieh etc. cf. Kluge, Etym. W'ôrterb.^ 6:e éd.; Paul, Deutsches W'ôrter- buch. Les verbes suédois h'osta et vâra (dial.) peuvent aussi servir d'exemples de cette formation.

^) Comp. suéd. registrera et inregistrera.

^) Comp. suéd. bura et inbura.

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composés ne sont pas des verbes composés mais des formations parasynthétiques. A coup sûr, ce serait un sujet intéressant à étudier que le développement des verbes parasynthétiques dès le latin, mais comme le français moderne ne différencie pas ces formations des verbes composés quant à la forme des mots nous lais- sons ce sujet et nous nous bornons à donner la défi- nition de ces verbes (de Hatzfeld-Darmesteter- Thomas, Traité, p. 80): »I.es parasynthétiques ver- baux sont formés à l'aide d'une particule et un nom auxquels s'ajoute une terminaison verbale. Ils offrent ce caractère remarquable d'être le résultat d'une com- position et d'une dérivation agissant ensemble sur un même radical, de telle sorte que l'une ou l'autre ne peut être supprimée sans amener la perte du mot. De barque on tire embarquer, débarquer, sans qu'on ait eu besoin de créer embarque, débarque ou barquer^^ ^). Qu'on ne s'imagine pas que ce soit une formation familière seulement au français! En grec, p. ex,, c'est une formation très fréquente. »Viele Verben jedoch die durch Ableitung oder als einheitliche Komposita (wie èyx^ip^î'^^ b^x^\ç>\(^^\\ von èv x^^P^ scil. Xa|^|3dv8iv, èjTixetpeîv von èjri xeîpct jSàXXeiv) entstanden sind, wer- den behandelt als ob sie durch Zusammenzetzung eines einfachen Verbs mit einer Pràposition entstanden wàren und es ist dies bei beginnender Pràposition sogar das Ûberwiegende und Regelmàssige ^).» C'est ainsi que le latin a fait des verbes tels o^ç: postier g are y

') cf. Darmestf.tkr, JVaité de la formation des mots composés dans Bibl. de ^ Ecole des hautes études^ sciences philologiques et historiques XIX, p. 79 s., 82 ss.

^) KtJHNKR-BLASS, Ausfiihrliche Grammatik der griechischen Sprache. Hannover 1890, I, 2, p. 34.

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transf retare, peragrare sur post tergii^n, trans fretum, per agriim et que le français s'est enrichi de forma- lions comme engranger, emprisonner, démancher, en- cager, etc. sans avoir les verbes simples correspon- dants, granger, prisonner, 7na?icher ou cager.

II n'entre pas dans le plan de notre travail d'exa- miner spécialement la relation du nom à l'idée du verbe dans les formations avec des suffixes tels que -iare, -idjare, -icare etc. Cf. Herzog, Zeitschr. filr rom. Philol. XXIII, p. 379: »Eine Einzeluntersuchung wird noch sehr viel nachzutragen haben; so konnte mog- licherweise eine Bedeutungsverschiedenheit zwischen -are und -ire bestehen. Auch kàme die Verwendung der Suffixe -iare, -idjare, -icare in Betracht und ihr Ver- halten zu einfach -are und -ire».

B) Est-ce que la fonction du nom dans un verbe dénominatif a quelque rapport avec le choix de la conjugaison?

Pour nous en tenir d'abord aux adjectifs il faut remarquer le fait que la fonction de l'adjectif en qualité de complément prédicatif se rapportant ou au sujet ou au régime du verbe dénominatif n'est d'aucune impor- tance quant au choix de la conjugaison; braver, brus- quer, prodiguer peuvent être des formations aussi régu- lières que blondir, fraîchir et rancir: c'est le développe- ment historique, l'analogie etc. et non la fonction

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de l'adjectif qui déterminent si un verbe, formé sur un adjectif, se conjuguera d'après la première ou la deuxième conjugaison.

Quand un substantif a la fonction de sujet ou, avec la terminologie de Paucker, plus claire à notre avis, de nominalpràdicat in casu recto le verbe a, en français, toujours l'infinitif en -er: avocasser, prélasser, pirater^ gajniner, garçonner, rossignoler etc.

Si le substantif sur lequel est formé un verbe doit être regardé comme régime^ ce verbe appartient, en général, à la première conjugaison. Il y a, pourtant, une classe de verbes en -ir que nous devons ranger dans cette catégorie: p. ex. asservir^ racornir (mais corner) le substantif doit être considéré comme complément prédicatif, c'est-à-dire il joue un rôle qui appartient en général à l'adjectif dans les verbes dénominatifs. Dans les formations de cette sorte beaucoup plus nombreuses en vieux français que dans la langue moderne le substantif a la fonction d'un complément prédicatif se rapportant au régime. Tous les verbes de ce genre sont composés; nous aurons lieu plus loin d'étudier les circonstances qui ont donné à ces verbes un infinitif en -ir.

Il est bien évident que ce sont seulement les substantifs qui, dans un verbe dénominatif, peuvent avoir la fonction a adverbialis.

Nous croyons donc avoir le droit de conclure: i^ que les formations en- er se retrouvent dans toutes les fonctions du nom, tandis que

o:

5^ les formations en -ir appartiennent

a) au complément prédicatif dans plusieurs dérivés d'adjectifs, ex. rancir^ enrichir.

b) à quelques dérivés de substantifs le sub- stantif est régimç ou surtout complément pré- dicatif se rapportant au régime (type : racornir).

c) à plusieurs dérivés de substantifs le nom doit être regardé comme adverbial (type: ac- croupir).

d) à un très petit nombre de verbes de formation analogique etc. (type: iripolii').

Les verbes dénominatifs du latin classique.

Pour pouvoir faire une étude sur les verbes déno- minatifs en français il faut étudier d'abord le déve- loppement de ces verbes dans les périodes précédentes. En latin, ces phénomènes ont été étudiés depuis long- temps, ce qui facilite beaucoup les recherches que nous allons faire.

»La première conjugaison renferme, à beaucoup près, le plus grand nombre des verbes latins ^). Vivante et productive à toutes les époques, elle n'a pas cessé de s'enrichir. Dans les temps historiques elle fournit presque tpus les dérivés nouveaux ^) et il en est ainsi jusqu'aux dernières années de la littérature latine». (JOB, Le présent et ses dérivés, p. 280). Le type en -are, contenant tant de verbes latins, renferme aussi la plu-

^) »j'y ai relevé 3616 verbes répondant à 1814 simples. La troisième conjugaison, la plus riche après elle, comprend 2497 verbes, répondant à 568 simples.» (jOB, /. <:., note).

^) »I1 n^ a d'exception que pour ceux en -3cot>. (Job,. /. c, note).

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part des dénominatifs ^). Nous allons voir comment sont faits ces verbes et examiner un peu les circon- stances qui ont fait du suffixe -are le suffixe le plus employé pour la formation des verbes dénominatifs.

Nous constatons d'abord avec JOB, Le présent, p. 292, »que les dérivés en -o, -as, etc. étaient tirés à l'origine exclusivement de la première conjugaison la- tine». ^) Sur corona, sagitta, jlamma, on a créé coronare, sagittare, flanimare etc. »De ce type, le seul légitime à l'origine, le latin a tiré une sorte de suffixe verbal -a-, qu'il ajoute à toute espèce de noms pour former des dérivés. C'est un procédé habituel à toutes les langues, et dont nous aurons encore à signaler des exemples en latin». (JOB, o. c, p. 293 s.). Ainsi, l'ana- logie a appliqué ces désinences même à des radicaux qui n'étaient pas en a. Et il n'est pas difficile de se figurer une contamination des radicaux en -a p. ex. avec ceux en -o, étant donné que le latin possède souvent des substantifs de la deuxième déclinaison à côté de substan- tifs de la première: dominus: domina; animus : a?itina ; films: filia etc. en même temps que dans la déclinaison des adjectifs des première et deuxième déclinaisons p. ex. clarus, clara, clarum on avait toujours des radicaux en -a et en -0 côte à côte. Ce fut ainsi que le suffixe -are commença à se prêter à la formation de

') cf. Paucker o. c. p. 261 s.: 5 Die lateinischen verba deno- nimatiua gehen in weit liberwiegender mehrzahl auf -are aus. Die zahl der iibrigen, der auf -ire eridenden, wie custodire, stabilire, esurire, der auf -~ere wie flauere, senere, und der denominativischen inchoative wie z. b. arborescere, ditescere, maturescere, notescere, kommt zusammengenommen nicht einmal dem fiinften theil jener gleich».

^} cf. Stolz, Historische Grammatik, p. 590 s.

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verbes dérivés des deux premières déclinaisons et que s'expliquent des formes telles que locare, regnave, cla- rare etc. ^).

Puis, par contamination des adjectifs en -us, -a, -uni, avec ceux en -is, -is, -e ce qui pouvait arri- ver facilement à cause des doublets de ces déclinaisons, p. ex. inermus, -a, -uni et inermis, -is, -e; infamus, •a, -uni et infamis, -is, -e etc. ou de ceux en -er qui appartenaient à la deuxième déclinaison, p. ex. asper, 7niser, avec ceux en -er de la troisième déclinaison, p. ex. pauper, celeber on forma un certain nombre de verbes en -are sur des noms de la troisième déclinaison; ainsi sur vulnus on fit vulnerare, sur opus (opéra) operari etc. ^).

Après avoir vu comment sont faits les dérivés verbaux des noms appartenant aux trois premières dé- clinaisons, nous ne sommes pas étonnés de voir que même des radicaux en -u, c.-à.-d. des substantifs de la quatrième déclinaison peuvent servir de radicaux à des verbes en -are. Ainsi sur fluctus, sinus, etc. ont été créés fluciuare, sinuare, etc. ^).

Et comme la cinquième déclinaison montre des rapports avec la première pour plusieurs mots p. ex. luxuî'ies : luxuria\ effigies: effigia; mate rie s : materia; barbaries '. barbaria ; durities : duritia et que sur des substantifs de cette espèce furent formés des verbes en -are p. ex. effigiare, luxuriare etc. il est bien natu- rel que même sur des substantifs de la cinquième dé- clinaison qui n'avaient pas, dans le latin classique, une

^) cfn Stolz, o. r., p. 591; Job, 0. <:., p. 294, 296. ^) V. Stolz, o. c, p. 591; Job, 0. c, 299 ss.; ^) V. Job, o. c, p. 302; Stolz, o. c, p. 592.

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forme en -a à côté de la forme en -es p. ex. glacies, meridies, sanies, aient été, grâce à l'analogie, faits des verbes en -are, comme glaciare, meridiare, [ex)-sani- are etc. ^).

Il est donc constaté que les dénominatifs de cette conjugaison sont formés sur des substantifs aussi bien que sur des adjectifs. Pour faire voir la différence numérique entre ces deux catégories nous citerons les données de JOB, Le préseiit, p. 293 ss.

Formés

sur

des

substantifs :

adjectifs

(ou part.):

simples

simples

Déclinaison

I

399

225

552

317

^>

2

537

265

405

143

»

3

481

200

121

65

»

4

25

13

»

5

7

6

1449

709

1078

525

Si ces calculs sont exacts, nous aurions donc dans la conjugaison latine en -are 1450 verbes, répondant à 710 sinples, dérivés de substantifs, et, par contre, 1078 verbes, répondant à 525 verbes simples, dérivés d'ad- jectifs ou de participes^).

^) V. JoK, 0. r., p. 304 ; Neue-Wa(;ener, FormenJehre der lat. spr. I, p. 560: »Die fiinfte Deklination ist eine Nebenform der ersten, und mehrere Nomina derselben auf -les stehen als seltenere Formen der er- sten auf -ia zur Seite, A^âhrend in anderen Fàllen -ies die herrschende, -ia die minder gebrâuchliche Form ist.».

*) En faisant une comparaison p. ex. avec le grec nous trou- vons que le développement des verbes dénominatifs en are du latin correspond assez exactement à celui des dénominatifs grecs en -acô.. Ce furent, en grec aussi, les radicaux en -a qui formèrent d'abord

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Les dénominatifs de la deuxième conjugaison la- tine — répondant aux dénominatifs grecs en -éco ^) sont relativement peu nombreux; on n'en a que 63, répondant à 40 simples; et de ces verbes 40, répon- dant à 26 simples, sont dérivés d'adjectifs ^), avec trois exceptions putreo, molleo, villeo, tous formés sur des adjectifs des première et deuxième déclinaisons.

Ils se différencient de ceux de la conjugaison en -are surtout par la signification, le suffixe -are exprimant, en général, une activité, le suffixe -eré un état^). Clarare veut donc dire rendre clair, clarere = être clair; salvare = rendre valide, salvere = être valide, être en bonne santé; (in)albare = rendre bla7ic, albere = être blaitc etc.

Quant aux verbes de cette conjugaison, formés sur des substantifs au. nombre d'une quinzaine il faut remarquer qu'ils sont tous i7itransitifs. Toutes les déclinaisons excepté la cinquième ^) ont fourni des substantifs pour la formation de verbes de cette caté-

-des verbes en -àoD: b{i|?a: bixj?àco ; TTSÎva : rreivàco; coxpa : côxpàto etc. Mais plus tard on fit des verl)es en àco même sur des radicaux en -o: xzoc,: veàco; cpàpuaxov. cpapjuaxàco; OTOjuaxoç: OTO]u,axâco €tc. Enfin, ce suffixe fut très employé pour former des dérivés sur presque tous les radicaux. Cf. \. i). Pfordtkn, o. c, p. 13 ss.; SÛTTERLiN, 0. c, p. 19: »Die nicht von a-stammen abgeleiteten Verba auf -àco sind analogiel)ildungen, die im anschluss an die von a-stammen abgeleiteten vcrba mit dem gleichen ausgang entstan- •den sind.»

^) cf. V. D. Pfordten, o. r., p. 22 ss. et

'■*) JOH, o. c, p. 389.

•^) JoH, o. c, p. 389 ss.; Stolz, o. c, p. 608; Froehdk dans KuHNS Zeitschr. XXII, p. 256; pour la différente opinion de Paucker, V. KuHNS Zeitschr. XXVI, p. 292.

^) JoK, 0. C, p. 403 ; cf. Brcal, Mcm. de soc. Ling: VI, 345.

-- 31

gorie : frondeo, florco, lacteo^ etc. Pour plusieurs ver- bes, à coup sûr dénominatifs, on a perdu les noms dont ils sont dérivés, par exemple rubeo =z.]q suis rouge; vigeo =: je suis vigoureux ^).

Le conjugaison en -ii^e que nous traiterons avant celle en -Qre renferme aussi des dénominatifs, bien que leur nombre en comparaison de ceux de la conjugaison en -are, ne soit pas très grand. Évidemment ce sont les noms en -/ qui formèrent d'abord les dénominatifs en -ire. De lenis, mollis, finis, vestis on dériva lenire, mollire, finire, vestire. Une fois en possession du type -ire la langue en étendit l'emploi; en d'autres termes: de même que le suffixe -are ne se restreint pas à for- mer des verbes seulement sur des noms en -a, le suf- fixe -ire s'emploie non seulement pour créer des verbes sur des noms en -/, mais sur bien d'autres radicaux ; selon Job, o. c, p. 434, »toutes les déclinaisons, sauf la cinquième, en ont fourni des exemplaires.» C'est ainsi que grâce a une contamination de la même nature que celle qui avait rendu plus fréquent l'emploi du suffixe -ai^e ont pu se former sur superbus'. superbire; [in)sanus: insanire, etc.

Ajoutons que, même dans cette conjugaison, il y a un assez grand nombre de verbes qui sont d'origine douteuse, c-à.-d. qui peuvent être des dénominatifs ^) mais le nombre de ceux qui sont, incontestablement, formés sur des noms est, pourtant, assez considérable : à en croire les listes, dressées par JOB, o. c, p. 434 ss.,

* Joiî, 0. c, p. 394 ss. , Frokhde, o. c, p. 257. -) Job, o. c, p. 428 ss.; cf. Thurneysrn, Cher Hcrkunft ntid Bihhmg dor lat. Vcrba auf -io, p. 15 s.

la conjugaison en -ire contiendrait environ 147 déno- minatifs, répondant à 63 simples ; à peu près une centaine (99 verbes), répondant à 41 simples, dérivent de substantifs, tandis que 48, répondant à 22 simples, sont formés sur des adjectifs ^).

Les dénominatifs de formation immédiate de la troisième conjugaiso7t sont tellement peu nombreux qu'ils ne valent guère la peine d'être mentionnés: on ne trouve dans le latin classique que dix ou douze dénominatifs simples en -Qre, p. ex. metuo, gruo, acuo, statuo, tribuo^ consulo et encore quelques autres ^).

Cependant, cette 3"^® conjugaison a pour les ver, bes dénominatifs joué un rôle très important, grâce au suffixe inchoatif -se- qui a laissé des traces si profondes dans la conjugaison de ces verbes qu'il faut absolument dire un mot sur son emploi.

C'est surtout en grec et en latin que ce suffixe fut employé; dans les autres langues indo-européennes il n'a laissé que de faibles traces. ^) Il faut supposer que le grec ne lui a jamais attribué la signification »in- ceptive» qu'il a eu en latin au commencement du moins. »Gr3ecos quidem cum Latinis consentire, quod utrisque incohativa ex verbis denominativis fingere licebat, con- cedimus; attamen longe diversas leges in reliquis secuti sunt. Illi enim, ut exemplo utar, verba simplicia ma- xime ita conformabant, hi autem plerumque composita. Illi inceptivam vim numquam, nisi fallor, huiusmodi

^) Il est possible que les calculs que j'ai faits au moyen des

listes de l'ouvrage de M. Job ne soient pas exacts.

-) V. Job, o. c. p. 257 ss., 273 s.; Stolz, 0. c. p. 614.

"'') V. Brugmann, Grundriss, II, 2, p. 1029 ss.

33 -

verbis tribuebant. Nam yeveiàcïxcjc), yipàoxco, qpàdxco quid aliud exprimunt, nisi quod yereidco, ynP^f*^. npcxco? 'A(Li' ni^épi} bia(p{oaxov(5r} num distat a à|u' n|népî;| biacpaivojuévî;!?». (Karl Sittl, De linguœ latinœ ver- bis mcohativis^ dans Archiv fiir Lateinische Lexikogra- phie und Gram^natik, tome I, p. 527).

Mais remarquons que la signification »inceptive» qu'on attachait longtemps en latin à ce suffixe, »kein Erbstùck aus der Ursprache, sondern sekundàre Ent- wicklung ist, da zufàllig einige Beispiele dieser Klasse von der Wurzel aus diesen Sinn hatten, wie cre-sco». (Sommer, Handlmch der lateinische?i Laut- und Formen- lehre, p. 345 ss. ^).

Les inchoatifs n'étaient pas, d'abord, très nom- breux. Ils expriment, en général, »une action qui s'ac- complit progressivement, le plus souvent un changement qui s'opère par degrés». Vers la fin de la latinité les inchoatifs eurent beaucoup plus de vogue, en mê- me temps que le suffixe -sco perdit la signification inchoa- tive qui lui était devenue propre. »Près de moitié des inchoatifs d'origine dénominative ne se rencontrent que dans les auteurs postérieurs au siècle d'Auguste, un tiers même après les Flaviens». (JOB, 0. c, p. 187). cf. DahmÉN, 0. c, p. 62: »Posterioribus autem linguae latina^ temporibus suffixum -sco- vim primariam amisit, quo factum est, ut verba suffixo -sco- formata a verbis simplicibus non dififerrent» ; cf. SiTTL, 0. c, p. 519 ss.

On pourrait diviser les verbes inchoatifs en trois

) cf. Breal, Mém. Soc. Linguist.^ VI, p. 344; Brugmann, Gnmdrîss, II, 2, p. 1036 ; DahmÉnt, De 7'erbis latinis suff. -sce fcrmatis p. 59 ss. ; Ploix, Ment, Soc. Ling., VI, p. 399 ss.

~ 54

groupes comme le font p. ex. les grammaires de KÛHNER 1) et de JOB. (p. i68 et p. 197):

a) primitifs, p. ex. posco, suesco.

b) dérivés

i) de verbes, dans la plupart des cas appartenant à la deuxième conjugaison, »und zwar viele in der Zusammensetzung mit einer Prà- position, wàhrend so gebildete Stammverben un- gebràuchlich oder erst in spàterer Zeit in Ge- brauch gekommen sind, z. B. excandescere, in- tumescere, exardescere, occalescere (aber nicht excandere, intumere, exardere, occalere)». (KÛII- NER, /. c).

2) d'adjectifs ou de substantifs. Sur la fréquence des formations sur des noms, KÛHNER fait remarquer, o. c, p. 499 que le nombre des formations sur des substantifs n'est pas très grand, tandis que »die Anzahl der von Adjektiven %ç)o'\- deten Inchoative ist sehr gross». ^)

Le nombre des verbes dénominatifs de ce genre en latin monte à 93 (correspondant à 69 simples), tan- dis que la somme totale des verbes en -sco est 680 (cf. Job, 0. c, pp. 188 ss., 181, note 2). Ajoutons qu'il y a un assez grand nombre de verbes d'origine douteuse, c.-à.-d. dont on ne sait pas au juste s'ils dérivent de noms ou de verbes, étant donné qu'ils correspondent à la fois à un nom et à un verbe, comme grandesco [dérivé de gran- dir e ou de grandis?], dure sco [durare?, durusr\ etc. Le nombre de ces verbes d'origine douteuse est de 77 (cor-

^) R. KÛHNER, Ausfûhrliche Grammatik der lat. Spr., I, p. 497 ss. ^) cf. Lysander, Quastiones criticœ ac grammaticœ.

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respondant à 51 simples, tous intransitifs; cf. JOB, o.c, p. 192 ss.). Quel qu'ait été leur rôle et leur emploi en latin, les verbes en -sco eurent plus tard un emploi très grand et eurent, pour tout le système de conjugai- son, l'importance la plus grande comme nous le ver- rons dans le chapitre suivant.

Peut-on donc dire que, en latin classique, comme aujourd'hui en français selon l'opinion de plusieurs au- teurs, les dérivés de substantifs étaient réservés à une conjugaison et les dérivés d'adjectifs à une autre?

Il semble que Thurneysen, Uber Herkunft und Bildung der lateinischen Verba auf -io, p. 64, veuille dire qu'il y ait eu une époque dans le latin classique, les dérivés des substantifs étaient des verbes de la con- jugaison en -are, tandis que les dérivés d'adjectifs étaient des verbes en -ire: »ich denke wir dùrfen es deshalb gestire als eine Formation aus der Zeit ansehen als die Denominativbildung sich durchaus auf die erste und vierte Conjugation letztere vorzugsvveise bei Ab- leitungen von Adjectiven eingeschrànkt hatte».

Mais nous venons de voir qu'en général les gram- mairiens latins ont une opinion tout à fait différente. Nous savons que, originairement, ce sont les noms en -a qui ont pris le suffixe -are, les noms en -i le suffixe -ire etc. bref: que c est la finale des radicaux et non la signifi- cation, la nuance du mot qui a décidé du choix de la con- jugaison.

Les verbes dénominatifs du latin vulgaire.

Nous devrions, semble-t-il, examiner toutes les con- jugaisons du latin vulgaire, comme nous venons d'exa- miner celles du latin classique, afin d'obtenir des résul- tats exacts au sujet du rapport du nom avec ses déri- vés verbaux. Mais il nous est aussi difficile de faire ces recherches en latin vulgaire qu'il nous était facile d'étudier ces faits en latin classique: le latin classique nous permet de nous livrer à l'étude de son vocabulaire à toutes les dates, tandis que le latin vulgaire nous fait seulement entrevoir son glossaire. En tout cas, il faut supposer que le »sermo plebeius» a former des dé- nominatifs en grand nombre; nous verrons qu'il y a sur- tout deux conjugaisons qui ont gagné ainsi beaucoup de verbes.

Naturellement, si les 7ioms d'une langue subissent de grands changements, les verbes dénominatifs ne peuvent pas être insensibles à de telles altérations; c'est ce qui se voit en latin vulgaire aussi. A côté des vieux noms, hérités du latin, on en créa beaucoup de nou- veaux qui furent d'un usage très courant et sur lesquels on forma des verbes. Pour faire des noms nouveaux on eut recours p. ex. à des suffixes, dont la plupart étaient assez fréquemment employés déjà en latin clas- sique.

L'étude des suffixes ne doit pas, cependant, nous arrêter ici: il suffit de constater que la plupart des suf-

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fixes se terminaient en -a (p. ex. -la, -ula^ -ella, -illa etc.) ou en -0 (p. ex. -ellus, -illus, -cellus, -ellulus, -ilhilus etc.). ^) En d'autres termes: le nombre des noms avec des radicaux en a et en -o fut beaucoup plus grand.

A) Les dénominatifs en -are.

Bien qu'il nous soit impossible de déterminer exac- tement le nombre des verbes dénominatifs, il y a, ce- pendant, plusieurs circonstances qui nous font entrevoir comment ils furent formés.

Rappelons-nous que, en latin classique, c'était ori- ginairement la conjugaison en -are qui formait des verbes sur des radicaux en -a et puis, par analogie, sur ceux en -0. La foule des noms en -a et en -o du latin vulgaire augmentée grâce aux suffixes a ainsi pu donner un surcroît assez considérable aux dénominatifs en -are; cette conjugaison, étant de beaucoup la plus riche déjà en latin, a perdu un peu de sa richesse, il est vrai, en lais- sant tomber beaucoup de verbes, autrefois très usités, ^) mais le latin vulgaire a enrichi énormément la liste de ces verbes.

^) cf. CoHN, Die Suffixxvandkmgen im Vulgdrlatein. La Jangue vulgaire a une très grande tendance à former des verbes dé- nominatifs. Nous nous permettons de citer ce que dit à ce sujet Cooper, Wordformatioii in the Rovian sernio plebeins, p. 225: »The plebeian tendency to form neologisms is again seen at its height in the deno- minative verbs». >In the sernio plebeius every substantive and ad- jective and even the adverbs seem capable of forming a correspon- ding denominative verb». Et p. 228: »The Romance languages are a good criterion of the great license in the later sertno pleheiîis, showing by surviving words that practically any substantive or adjective, pri- mary and derivative alike, could receive the verbal suffixes».

") p. ex. osculare, osculari (remplacés par hasiare), cquitare (remplacé par caballicare) etc.

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Le latin vulgaire a opéré de bien des manières pour enrichir son vocabulaire: il a formé un verbe nou- veau sur un nom déjà existant en latin classique, p. ex. ancorare (au lieu de p. ex. in ancoris consister e)^ men- surare (au lieu de p. ex. metiri) etc. ; ou bien il a mo- delé, sur un nom qui n'existait pas dans la langue clas- sique ou qui n'appartenait pas à la langue littéraire, un verbe nouveau, p. ex. bassum : bassiare, caballum : caballicare , etc.

En laissant de côté les formations savantes, pas- sons aux verbes formés sur des noms diminutifs.

Les suffixes diminutifs ont joué un rôle très im- portant dans la formation de ces verbes. Nous venons de voir que ces suffixes étaient, en général, des radi- caux en -a ou en -o ; et leur emploi vers la fin de la lati- nité et surtout dans la langue vulgaire était tellement grand qu'ils avaient rapidement perdu leur valeur di- minutive ^). De spica (ou spicum) le lat. classique dé- riva ainsi spicare\ sur spica (spicum) fut fait le dimi- nutif spiculum ; nous avons donc spiculare avec le même sens que spicare : » rendre aigu»; sur capitulum, dérivé de caput, on forma à cette époque capitulare etc. La première conjugaison, renfermant en latin classique déjà une très grande partie des verbes dénominatifs, re- çut donc, grâce à ces suffixes, des accroissements con- sidérables, d'autant plus importants que, grâce à l'ana- logie, cette grande foule de formations nouvelles entraî- nait après elle d'autres formations^).

^) V. p. ex. WÔLFFLIN, Vulgàrlatein, dans Philologus XXXI V^ p. 153 ss.

*^) V. Grôber, Vulgdrlateinische Substrate romanischer W'orter dans Archiv fur lat. Lexikogr. m. Gr., I VII; cf. Meyer-Lûbke, Gram- maire des langues romanes, II, § 117 ss.

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B) Les dénominatifs qui n'appartenaient pas à la conjugaison en -are.

Les dénominatifs en -Qre n'étaient pas nombreux en latin classique, et le latin vulgaire n'augmente pas leur nombre. Au contraire, cette conjugaison devint plutôt, de plus en plus pauvre, surtout à cause du fré- quent emploi de V inchoatif ^).

Le latin classique avait, outre les inchoatifs pre- miers et les inchoatifs déverbatifs, aussi des inchoatifs dénominatifs, » tirés directement d'adjectifs, et, en moins grand nombre, de substantifs». (JOB, o. c, p. 197; KÛHNER, 0. c, p. 497 ss.; cf. p. 34). Le latin vulgaire forme, avec ce suffixe, aussi des dérivés, sur- tout sur des adjectifs. Et il y a plusieurs circonstances qui ont contribué à rendre ce suffixe de plus en plus employé. D'abord quelles qu'aient été les causes de ce phénomène ^), le suffixe inchoatif perd la signi- fication qui l'avait caractérisé en latin classique ^), en même temps qu'il devient plus fréquent.

') cf. CooPEK, O. r., p. 2i6r "Of the various classes of deno- minative verbs, none has gained a more gênerai acceptance in classic Latin than that of the so-called inchoative verbs.» »They are, on the whole, much more numerous in the sermo plebeius than the classic speech». cf. Siiil, De lingtiœ lat. incohativis, A. L. L., t. I.

-) cf. MusSAFlA, Zur Prdsensbildung im Kovianischen dans Sitzungsberichte der phil. hist. Kl. der Wiener Akad.^ t. CIV, p. 5 ss. ; KoRTiNG, Verbum, p. 175 ss.; Meyer-Lùbke, o. c, II, § 124 ss.; Herzog, Geschichte der franz. Inf. typen dans Zeitschr. fur rom. FhiloL, t. XXIV, p. 81 ss.; Dahmén, o. c, p. 62;

^) cf. Hatzfeld-Darmksteter-Thomas, Traité, p. 228 ; WoLFFLiN, Vulgdrlatein dans Philologtis XXXIV, p. 157 ss. ;

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Mais il y a aussi un autre fait qui a ses origines, comme celui que nous venons de signaler, en latin classique, mais qui eut pour la formation verbale en latin vulgaire la plus grande importance: une certaine classe de verbes composés change de conjugaison en prenant le suffixe inchoatif. Cf. LiNDSAY, The latin la?ig2iage, p. 480: »The suffix (inchoativej is closely associated with Intransitive Verbs of the second Con- jugation, so closely indeed that thèse, when compounded with the Prépositions cum, ex, in (Prépositions which convey the idea of »becoming»), always form their Present-stem with this suffix in good authors, e. g. eru- besco (not erubeo), convalesco (not convaleo), 2?iardesco (not inardeo)y>, Cf. COOPER, 0. c, p. 217.

Pour nous résumer: les verbes inchoatifs étaient très employés en latin vulgaire; un très grand nombre de ces verbes étaient formés sur des adjectifs; les verbes inchoatifs étaient très souvent composés.

Il y avait, en latin classique, des verbes dénomi- natifs en -asco, -esco et -isco. Dans le latin vulgaire -asco devient bientôt un peu archaïque et est remplacé, en général, par -esco. Déjà en latin classique un certain nombre de verbes présentent tantôt -esco, tantôt -isco (cf Job, o. c, p. 174), et on peut dire que, en la- tin vulgaire, -isco et -esco furent en général confondus. LiNDSAY, /. c, dit au sujet de cette fusion de -isco et à^ -esco : »the spelling -isco for -esco in Late Latin, e. g. erubisco may often be a mère interchange of the simi- larly sounding vowels ï and ë, but it may also be referred to the Late Latin importation of Verbs of the second Conjugation into the fourth (e. g. floriet, florient in the Itala) which has left its mark on the Romance

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languages, e. g. Ital. apparire (apparisco Près.) from Lat. apparere». ^)

Une autre circonstance qui a facilité la fusion des verbes inchoatifs avec la conjugaison en -ire réside dans le fait qu'il y avait, en latin classique déjà, un certain nombre de verbes qui, appartenant à la conju- gaison en -ire, se présentaient aussi sous la forme en -isco, p. ex. dormir e : dormisco, sentir e: sentisco; c'est donc un développement assez naturel si les verbes en -esco (-isco) ont une certaine tendance à se terminer à l'in- finitif par -ire.

Il n'entre pas, cependant, dans notre plan d'étudier de plus près toutes les circonstances qui ont amené tous ces changements dans le système de conjugaison du latin vulgaire. Et s'il s'agit, du reste, de trouver une classification satisfaisante, il vaut peut-être mieux accepter celle qui a été signalée par HatzfelD-DaR- MESTETER-Thomas, Traité, p. 226 ss. : on pourrait di- viser ces verbes en deux groupes, ceux qui a l'infinitif ont la terminaison -are et ceux qui ne l'ont pas. Et, à en croire les mêmes auteurs, p. 226, » aucun des^ver- bes de formation populaire, tirés de verbes latins en -aj^e, n'a passé dans une autre conjugaison. De même, les verbes des IP, IIP et IV^ conjugaisons n'ont point, passé dans la première et les exceptions ne sont qu'apparentes.»

^) Cette fusion de c et de i que nous trouvons dans zsco et -gscû se constate aussi, naturellement, dans les verbes non inchoatifs; V. Meyer-Lûbke, o. c, t. II, § 119 ss. ; cf. Lindsay, Die lateinische Sprachc (Leipzig 1897), p. 562; Chabaneau, Conjugaison française, 2"^6 édition, p. 77 78; RiSOP, Geschichte der franz. Konjugation ouf -ir, p. 91, note.

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Nous aurons lieu, plus loin, d'étudier un peu les détails de ces verbes en latin vulgaire, du moins dans la mesure ils se retrouvent en vieux français. Un fait est évident : pour former des verbes dénominatifs, le latin vulgaire eut recours à deux moyens : le suffixe -are, surtout pour les radicaux en -a et en -o, c'est-à- dire pour les substantifs aussi bien que pour les adjec- tifs, et le suffixe i7îchoatif (et la conjugaison en -ire) surtout pour les formations sur des adjectifs ; et ces ver- bes étaient, dans la plupart des cas, composés.

Les verbes dénominatifs en vieux français.

Le glossaire du »sermo plebeius» nous étant rela- tivement peu connu, il est assez souvent difficH'e de décider si un verbe vieux français doit être considéré comme une formation française ou comme une forma- tion latine.

Le vieux français a continué le nivellement, com- mencé par le latin vulgaire. La conjugaison en -er et celle en -ir augmentent le nombre de leurs verbes, et, pratiquement, les dénominatifs du vieux français n'ap- partiennent qu'à ces deux conjugaisons. Il est vrai qu'on en trouve aussi quelques-uns qui à l'intinitif ont la terminaison -re ou -oir^ mais le nombre de ces verbes est très restreint, et nous n'avons trouvé aucun verbe dénominatif en -re ou -oir à côté duquel il n'y ait un infinitif avec une autre terminaison.

Étant donné i" que le nombre des dérivés de noms, appartenant à

la première conjugaison était très grand déjà en

latin classique et 2^ que, grâce aux suffixes, le latin vulgaire augmenta

encore le nombre des radicaux en -a et en -<?, et,

par conséquent,

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3^ accrut la tendance des substantifs, et en même temps des adjectifs, à former des dérivés verbaux en -are,

4^ tandis qu'un très grand nombre des dérivés d'ad- jectifs — et, moins, de substantifs se développèrent, grâce au suffixe inchoatif, d'une autre manière,

il résulte que c'est un développement tout à fait régu- lier que présente le vieux français quand, à peu d'ex- ceptions près, ses dérivés de substantifs appartiennent surtout à la conjugaison en -er, tandis que la plupart de ses dérivés d'adjectifs appartiennent à la conjugaison en -ir, s'ils ne sont des formes héritées du latin ou des formations analogiques. Ex. : acostumer, afruitier, dero- chier, es tabler, gracier: - abelir, accortir (■z^ï2iCco\xrc\r), amieldrir, esbaldir, esclarcir etc.

Comme les verbes coînposes, du vieux français présentent un développement souvent assez différent de celui des verbes simples ce qui s'est produit égale- ment en latin vulgaire il sera à propos de traiter d'a- bord, dans chaque groupe, les verbes dénominatifs simples.

La difficulté de voir à quelle époque a été formé un verbe se fait remarquer bien des fois. S'il s'agit p. ex. de finer l'ancien français a aussi finir on se- rait tenté de le traiter comme une formation du latin vulgaire, "^finare, l'italien, l'espagnol, le provençal etc. présentant des formes en ar(e) à côté de celles en -ir(e)^).

') La ioxvaç. femr ne doit être qu'une dissimulation à^ finir ; v. KoscHWiTZ, Commentar zu den dliesten franz'ôsischefi Sprachdenkmàlern, Heilbronn i886, p. 2ii; Hatzfei.d-Darmesteter Thomas, Traité, p. 226; KÔRTING, Vcrlmni, p. 253, note.

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Probablement c'est l'influence du substantif y?«^w qui a amené la formation de ce verbe nouveau. ^)

Le Dict. Gén. et Nyrop, Grammairf historique de la langue française, II, p. 49, sont d'avis que sangloter dérive de sanglot. ■>-> Sangloter, dit M. Nyrop, a remplacé l'ancien sangloutir (de ^'- singluttire pour singul- tire\ cf. I, § 518, i), encore employé par Rabelais (III, chap. 2); c'est probablement un dérivé de sanglot». Cette dérivation est-elle juste? Nous serions beaucoup plus disposé à croire que c'est de singultare qu'il faut dériver sangloter, comme nous dérivons sanglotir de singultire devenu "^singluttive. Et, en effet, plusieurs dialectes romans reposent sur '^singhittare au lieu de singultare (cf. KÔRTING, W'ôrterb., art. n^ 8732). Si aujourd'hui sangloter l'a emporté sur sanglotir ils étaient tous les deux vigoureux en vieux français la raison doit être cherchée dans l'influence de sa?iglot et dans l'existence d'un nombre assez considérable de ver- bes en -oter.

I. Formés sur des noms germaniques.

Nous venons de voir des exemples caractéristiques de la difficulté qu'il y a à déterminer avec certitude si une forme donnée date du vieux français ou remonte à l'époque latine. Il y a donc intérêt à examiner le cas des verbes dénominatifs qui ne remontent certainement pas au latin: les verbes faits sur des noms d'origine germanique.

') Pour la relaiion entre tousser et ioussir, voir la partie qui traite du français moderne.

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Pour nous en tenir d'abord aux verbes simples, formés sur des substantifs, nous pouvons constater comme règle générale que ces verbes se conjuguent d'après la conjugaison en -er\ baconner,^ harnaschier, haubergier^ herauder, heaumer, haier, halebrener etc.

Les quelques verbes de cette espèce qui appartien- nent à la conjugaison en -ir procèdent quelquefois d'un radical en -/, ou, dans le cas contraire, le radical en question a été influencé par un verbe germanique en -jan. ^) Dans quelques cas une forme composée a gardé l'infinitif en -ir pour le verbe simple.

Pourquoi trouve-t-on en vieux français p. ex. orgoillir à cote de orgoillier? D'après la règle que nous venons de formuler, orgoillier serait la forme régulière. Quelles circonstances ont contribué à la formation d'un infinitif en -ir ? Nous croyons qu'il y en a plusieurs.

D'abord, le radical germanique est urgoli. Mais il y a aussi une autre circonstance : il y a plusieurs verbes composés, dérivés de urgoli, p. ex. enorgoillir etc., et, comme nous le verrons plus loin, ces compo- sés entraînaient, influencés surtout par les formations sur des adjectifs, souvent la terminaison -ir à l'infinitif.

Du subst. germ. hmmipa on a dérivé plusieurs verbes, entre autres régulièrement honter. D'où dérive donc le verbe hontir ? Probablement du même substantif, mais le verbe germanique ^haunjan (cf. hon- nir) a influé sur la formation du nouveau verbe en an- cien français.

Dans son dictionnaire étymologique, M. KÔRTING dérive sous l'article n^ 1545 brandir de »germ. brand (ahd. brant, ags. brand, altn. brandr), Schwertklinge,

') cf. p. ex. Nyrof, Gramm. hist., II, p. 50; Paris, Extraits de la chanson de Roland, p. 40.

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eigentl. Feuerstrahl oder Funke». Les autres dérivés verbaux de ce radical prov. brandar, fr. brander ne font que confirmer la vérité de la règle que nous venons de formuler; mais les formes en -ir (ital. bran- dire, prov. brandir, esp. blandir, ptg. blandir^ brandir et vfr. brandir) laissent entrevoir l'influence d'un -i-. En fait, cette hypothèse nous semble d'autant plus acceptable que brand qui signifiait » tison» avait un rap- port très étroit avec "^brannjan ^).

Nantir comme nanter doit dériver du subst. germanique nant = gage. 11 est possible que nantir, d'un emploi assez restreint et appartenant surtout à la langue juridique, n'ait pas tout à fait suivi les règles générales. Nant veut dire, primitivement, » prise, en- lèvement» et se rattache au même radical que le verbe allemand nehnien <Z^ * nanijan. Probablement c'est ici encore l'influence du verbe en -jan qui a fait créer la forme en -ir.

Les exemples cités suffiront pour montrer que, la formation régulière sur des substantifs étant la formation en -er, les dérivés de cette espèce qui présentent à l'in- finitif la ternimaison -ir se conjuguent ainsi à cause de la forme du radical, à moins qu'ils n'aient subi l'influence d'un verbe en -jan ou d'un verbe composé.

Les verbes composés sur des substantifs germaniques se sont développés, dans la plupart des cas, comme les verbes simples: p. ex. aharneschier, renharneschier, en- heaumer, desheaumer, reheaumer, renheaumer, afeutrer, de saf entrer, de senf entrer, etc. Il y a, cependant, aussi des verbes composés en -ir, p. ex. enorgoillir

') cf. FoERSTER dans Zeitschr. fïir rom. Philol. II, p. 170.

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à côté de enorgoillier , ahontir à côté de ahonter mais ces formations en -ir se rattachent en général aux causes que nous avons indiquées pour les verbes simples de la même nature.

Pour en venir, enfin, aux dénominatifs formés sur des adjectifs gerînaniqties, il faut se rappeler que le la- tin vulgaire, déjà, avait une grande prédilection pour les verbes composés; il semble, par suite, assez na- turel que les dérivés germaniques soient aussi, pour la plupart, des verbes composés. Mais comme les verbes composés et surtout ceux qui étaient formés sur des adjectifs se terminaient en vieux français très souvent par -ir à l'infinitif, il s'ensuit que l'apport germanique ait, lui aussi, une certaine tendance à passer dans la même conjugaison. Les verbes simples, enfin, suivirent grâce à l'analogie le chemin qui leur était tracé par les composés et se joignirent au groupe en -ir.

Pour examiner de plus près ces formations sur des adjectifs germaniques, observons d'abord sans pour- tant prétendre que notre collection soit complète que ce sont surtout les verbes composés qui étaient en vogue à cette époque.

Ainsi plusieurs verbes ne se présentent jamais que sous la forme composée ^) p. ex. avachir, esvachir, »amollir», formé surgerm. *waik, (*waikjan), éblouir.

^) Evidemment, la signification du verbe est de la plus grande importance à cet égard; cf. pp. lo, i8; Darmesteter, Mots compo- sés, p. 84.

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vfr. esbloir sur "^blauô C^blmiâjan) et pour d'autres on ne trouve la forme simple que beaucoup plus tard. C'est le cas p. ex. pour baldir, formé sur bald. A en croire le Dict. Gén, le verbe simple ne se trouve qu'au XIV® siècle; mais esbaldir est très souvent em- ployé, même dans les plus anciens textes: »a icest mot si sesbaldissent Franc». [Roland, v. 148 1). Resbaldir^ enibaldir et même abaldir ne sont pas rares non plus; mais baldir nous le répétons doit être beaucoup plus récent que les formes composées.

Nous ne pouvons guère dire que le dérivé verbal simple de riche ait eu beaucoup de vogue. Il est vrai qu' il y a en vieux français richir, mais, à en juger par le dictionnaire de Godefroy, cette forme ne doit avoir été employée que dans quelques textes de peu d'impor- tance ^). Pour exprimer l'idée de richir on se sert, dès le XII® siècle, surtout de enrichir.

Il doit en être de même de freschir qui se trouve dans quelques textes du XII® siècle. Mais tout à fait comme pour richir les deux exemples dt. freschir que donne Godefroy n'ont pas grande valeur en com- paraison avec les composés: refreschir, afreschir, ren- freschir, etc.

Nous ne saurions dire si hardir doit être rangé dans le même groupe; en tout cas, le rapport avec hard

^) Le dictionnaire de Godefroy ne donne que deux exemples, dont l'un semble appartenir à une anthologie, contenant des morceaux des XVe et XVie siècles!

5-0

est évident ^). Haj'dir doit, cependant, avoir été assez rare, mais le composé enhardir p. ex. est employé très souvent dès le Xlle siècle.

Blanchir et franchir présentent un développement analogue. Franchir se trouve déjà dans des textes du XII® siècle, blanchir semble appartenir à en juger par la littérature au siècle suivant. Cependant, les formes composées, surtout affranchir et einblanchir, eurent beaucoup de vogue de très bonne heure, bien qu'il faille noter que franchir et blanchir sont restés vivants tout le temps. Blanchir a gardé le sens qu'il avait en vieux français, tandis que franchir signi- fie aujourd'hui surtout » passer au delà de ce qui fait obstacle». A en croire M. KÔRTING {Lat. rom. W'ôrterb. art. n^ 3959)» frarichir a ce sens dès le XVP siècle. Il est remarquable d'ailleurs que franchir qui signifiait autrefois aussi rendre franc n'a plus ce sens, mais seu- lement celui de devenir franc '^).

L'adjectif germanique gram a pour dérivés p. ex. en gothique gramjan, en vieux-haut-allemand gremmen etc. On trouve cet adjectif de très bonne heure en vieux français: »Sed il iut g7^aims ne l'estuet demander». {Vie de S:t Alexis, v. 128). Il y a dans les langues romanes plusieurs dérivés verbaux de cet adjectif, p. ex. en italien: gramare »rendre triste», et en vieux français gramier » affliger», mais il est remarquable que l'ancien français n'a pas gra7nir, tandis que agramir et engramir y sont très employés.

^) Pour l'étymologie, cf. KÔRTiNG, Lat. ro7?t. W'ôrterb., l'art, n^ 4502; Mackel, Die germ. Elem. ht der franz. Spr., dans Franz. Stv- dien, VI, p. 70; DiCT. GÉN. sous l'article hardi; Walthemath, Die frànkischen Elemente in der franz. Spr. ^) cf. p. 48, note.

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Viennent enfin deux verbes qui diffèrent un peu •de ceux que nous venons de traiter: brunir Q.t Jlatir. Brunir figure déjà dans le Roland: »Françeis i fièrent des espiez bru7iissa?iz>'> (v. 162 1). Et ce n'est qu'au XIII® siècle que nous trouvons des composés: embrunir et abrunir. Evidemment il est très possible pour ne pas dire probable que ces formes composées aient existé avant le XIIP siècle. De même Jiatir dont se sert Chrestien de Troyes:

»Par mautalant et par corroz

Flatist 2. la terre s'espee. (Yvain, vv. 6270 6271).

Aflatir nous paraît peu usité.

Mais la liste de ces doublets est déjà assez longue. N'y a-t-il donc pas de verbes simples en -ir formés sur des adjectifs? Il y en a, en effet, quel- ques-uns. Nous avons déjà parlé de baldir.jîatir, fran- chir^ freschir, richir, hardir, blanchir, graniir et brunir, et nous avons montré qu'ils dépendent tous, plus ou moins, des verbes composés. Il faut ajouter blofidir, blesmir (de blcme, <C. blàmi), laidir côté de eslaidir, enlaidir, alaidir), et peut-être encore quelques autres.

Enfin quelques mots sur les formations en -er sur les adjectifs d'origine germanique.

Il y avait en vieux français un certain nombre de verbes composés en -er, dérivés d'adjectifs, et provenant directement de verbes latins. Par analogie avec ces formations, quelques verbes composés, formés en vieux français sur des adjectifs germaniques, ont pris la finale -er à l'infinitif, p. ex. affra?ichier, emblancher, embruner, etc.

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Mais cette catégorie très peu nombreuse est plutôt une exception : affranchier, eniblancher^ embruner, sont loin d'avoir la vogue des formes correspondantes en -ir.

Abstraction faite des formations en -oier, -eier, -isery p. ex. bla7ichoier, brunoier, richoier etc. on peut dire que les verbes simples en -er de formation immédiate et dérivés d'adjectifs germaniques sont très rares.

IL Formés sur des noms d'origine romane.

A) Verbes simples.

I. Formés sur des substantifs.

Pour former des verbes sur des substantifs d'ori- gine romane, le vieux français les pourvoit à l'infinitif de la terminaison -er] des verbes tels que ambassader^ amertumer^ amourer^ barbeter^ bouer, besocher^ bougeron- ner sont, selon toute vraisemblance, des types de la formation en question en vieux français ^).

Exceptions:

Il n'entre pas dans notre plan d'examiner en détail les formations dénominatives en vieux français, et les exemples suivants d'exceptions à la règle formulée plus haut ne constituent pas une liste complète ; nous croyons intéressant toutefois de les donner ici comme types de ces exceptions.

agonir à dériver de agonie est un verbe neutre et a le sens de »être à l'agonie.» A coup sûr, ce doit être la forme du substantif qui a amené la créa- tion en -ir\ observons que à côté de agonir le

*) cf. Etienne, Grammaire de 1" ancien français^ p. 463.

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vieux français possède aussi une autre forme, en -er : M,goner qui a, selon Godefroy, le sens de »jeter (quel- qu'un) dans une violente agitation.»

langorir comme langorer doit avoir un cer- tain rapport avec le substantif latin languor, languorem. Tandis que langorer est le développement régulier d'un verbe fait sur '^langor, langorir doit s'être formé sous l'influence de languir (<^ languere)\ cependant, langorir a été appuyé par des formes composées (v. plus loin!) et, dans ce cas-ci, il y a une autre circonstance qui n'est pas sans valeur: la diflerence de sens entre /â:«^/^/r » faire languir, affaiblir», et langorir [langorer), »être faible, languissant». Plusieurs verbes présentent un dé- veloppement semblable à celui que nous avons vu dans langorir.

Nous avons montré comment se faisait la conta- mination de -esco et de -isco et comment des formes telles que sentisco et dormisco, répondant aux infinitifs sentir e et dormir e, entraînaient après elles des verbes en -esco etc. Vesprir et vesprer présentent un développe- ment analogue à celui de langorer et langorir. Vesprir remonte, à coup sûr, à vesperascere (> ^vesperescere) du latin classique. De même tenebrer et tenebrir: tene- brer est donc une formation régulière sur un substantif; tenebrir, appuyé par des formes composées, peut bien être une analogie avec vesprir; mais il est plus probable qu'il faut le dériver de "^tenebrescere. Et nous sommes d'autant plus disposé à supposer "^ ténèbre scere que nous trouvons chez Varron contenebrascere (v. CoOPER, o. c, p. 220). Comme -ascere a une certaine tendance à être remplacé par -escere, ce ne serait pas, à notre avis, . aller trop loin que de supposer *tenebrescere. (Cf. Coo- PER, /. c, note 7).

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Il y aurait peut-être lieu de placer ici setgnorir. L'italien ne semble pas connaître de dérivations verba- les sur senior, mais l'espagnol a senorar et senorear avec le sens de »sich ein gebieterisches Ansehen geben, den grossen Herrn spielen wollen», resp. »beherrscheny unterwerfen». Il vaudrait peut-être mieux regarder la forme en -ir comme régulière et formée sur senior à une époque il avait encore le sens ^'adjectif, tandis que seignorer doit reposer sur senior pris substantivement, Telle paraît aussi être l'opinion de M. Herzog, Zeitschr. fur rom. PhiloL, 1899, p. 377, lorsqu'il dit: »Es er- klàrt sich nun das Nebeneinander von seignurer und seignourir, ersteres namentlich normannisch, da man seignour leicht sowohl als Adj., wie als Substantiv fassen konnte». Mais il y a une autre circonstance qui doit,_ d'une manière très efficace, avoir contribué à la forma- tion d'un verbe en -ir: les formes composées (enseigno- rir) etc.

C'est presque le règle que, s'il y a des doublets de verbes tels que ceux que nous venons de montrer, le sens des verbes n'est pas tout à fait le même, ce qui a contribué à garder les deux formes. Mais c'est également presque une règle que les dérivés de sub- stantifs en -ir sont appuyés par des formes composées en -ir: à côté de langorir, seignourir, vesprir, tenebrir nous avons des composés: enlangorir, enseignourir^ asseignourir etc. Dans le chapitre suivant nous aurons lieu de voir encore des exemples de ce procédé.

Cependant, la règle principale reste inébranlable: les dérivés verbaux simples de substantifs appartiennent à la première conjugaison, et si l'on trouve des excep-

DD

tions à cette règle, on a affaire à des formations ana- logiques ou à des formes qui dérivent de verbes d'une époque précédente.

2. Formés sur des adjectifs.

Pour créer des verbes sur des adjectifs le vieux français se sert surtout de la conjugaison en -ir.

Il y a une difficulté que nous rencontrons toujours dans ces recherches: la difficulté de savoir si un verbe date du latin vulgaire ou du vieux français.

Nous savons que le latin classique formait très souvent des dénominatifs, dérivés d'adjectifs, en -scej^e ^) et que la conjugaison inchoative eut un emploi toujours plus fréquent. Mais nous savons aussi que latin classi- que avait un assez grand nombre de dérivés d'adjectifs dans la conjugaison en -are et que le suffixe -are était toujours p)roductif. Un fait qui est de la plus grande importance pour cette question, c'est que, en latin clas- sique déjà mais surtout en latin vulgaire, les verbes composés de ce genre eurent recours au suffixe -se. Évidemment ces verbes composés ont exercé une in- fluence très grande sur les verbes simples.

Le nombre des verbes formés sur des adjectifs et appartenant à la conjugaison en -ir est assez considé- rable. D'abord, une foule de verbes latins en -ère, en -escere et en -ire se retrouvent dans ce groupe: ex. lat.

*) cf. KiJHNKR, o. c, p. 499: »Die Anzahl der von Adjek. tiven gebildeten Inchoative ist sehr gross.»

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Umre (ital. lemre^ esp., ptg., prov. lenir)\ vfr. lenir; lat. clarere (clarescere) : vfr. clerir etc. ; puis, l'ancien fran- çais a continué ce développement en créant des verbes nouveaux, pour la plupart appuyés par des formes composées, p. ex. aveuglir^), crespir, fermir, maladir, belir et d'autres.

Il y a, pourtant, en vieux français un assez grand nombre de verbes en -er formés sur des adjectifs, mais il faut se rappeler que ces verbes sont, dans la plupart des cas, hérités du latin (classique ou vulgaire) et que, assez souvent, Vanalogie a exercé une grande influence Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que nous retrou- vions lat. firmare, integrare, laxare, salvare etc. sous les formes de fermer, intégrer, laissier, sauver etc. Plusieurs verbes dérivés d'adjectifs ont passé d'une autre conjugaison à celle en -er ; nous trouvons ainsi mollire, stabilire, et encore quelques autres remplacés par mouiller, stabilier côté de stabilir) etc. Lascivire, dérivé en général de lascivus (v. JOB, o. c, p. 438), est devenu lasciver ; protervire est réprésenté par protervir et protervier, celui-ci à coup sûr influencé par le subst. protervie, tout à fait comme insanire est devenu insa- nier (sous l'influence de insanie ?).

Enfin deux mots sur les verbes dénominatifs* le nom peut être considéré comme substantif ou comme adjectif et nous avons, pour cette raison, un verbe en -er à côté d'un verbe en -ir. Nous savons déjà que seignorer et seignourir peuvent dériver d'un sub- stantif, resp. adjectif; c'est ainsi que nous voudrions expliquer aussi des formes telles que papelarder et papelardir, feloner et felonir etc. Mais nous voulons

^) V. F. Brunot, Histoire de la Langue française I, Paris 1905; cf. Zeitschr. fur franz. Spr. n. Liti., avril 1907, p. 14.

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attirer l'attention sur le fait que ces formes en -ir doivent avoir été influencées par des formes composées en -ir, apapelardij\ enfeloniîir etc. ^)

Nous avons vu qu'il y avait des substantifs en -/ dont le dérivé verbal appartenait à la conjugaison en -ir, grâce à la forme du substantif, ex. agonie: agonir. Y a-t-il aussi des adjectifs dont les dérivés appartiens nent à la conjugaison en -ir à cause de la for^ne de l'adjectif?

Il est possible que ce soit le même phénomène que nous voyons dans massis (»massif»): massir (rare) »rendre massif», ce qui prouve que Xs finale de massis ne se prononçait pas à l'époque fut formé massir.

Sur la forme moderne massif repose massiver (v. Sachs-Vilatte 2). Massir doit être d'une date assez récente, n'apparaissant à en croire GODEFROY

que dans le Dictionnaire de COTGRAVE de 1611, Il n'est pas sans intérêt de comparer avec ?^^.$-j-?> ; massir d'une part vernis: vernir (v. plus loin!) et d'autre part p. ex. précis: préciser du XIV® s.

^) On peut se demander si les deux verbes laider (rare) et laidir doivent être rangés parmi ces formations. Leur rapport avec lait est évident; comme lait a plusieurs significations, surtout celle de souffrance., doulejir., outrage et celle de désagréable etc., ces deux em- plois du mot ont du faire naître laider formé sur le substantif et avec le sens de »outrager» et laidir., formé sur Tadjectif, signi- fiant «rendre laid». Observons cependant les formes composées enlaidir et alaidir qui probablement n'ont pas été sans influence sur laidir. Il n'est pas, enfin, impossible que laidir ne repose sur le germ. ^laid- jan, cf. KÔRTING, Lat. rom. PVôrterb., art. 5392.

") cf. New English Didionary massy: »massy (old French massi. massis, masse ïs). Formerly in common use; now rhetorical or arch.; in ordinary prose use superseded by massive».

vS

B) Verbes composés.

Les verbes composés de formation dénominative en vieux français doivent être rangés en deux groupes: ceux qui, hérités du latin, ne sont qu'un développement régulier d'après les règles connues et qui sont pourvus d'un préfixe qui n'a eu aucune influence quant à la forme du verbe ; et, d'autre part, ceux que leur préfixe a fait passer à la conjugaison inchoative.

Le latin vulgaire eut recours à beaucoup de moyens pour rendre à la langue une certaine » plénitude d'expression»: dans les substantifs p. ex. les suffixes diminutifs abondent; les verbes fréquentatifs ont beau- coup de vogue et le suffixe inchoatif jouit d'un emploi toujours croissant. ^).

Beaucoup d'auteurs ont traité ces formations ca- ractéristiques de la basse latinité et, plus encore, du latin vulgaire. Voici ce que dit p. ex. LUDWIG, De Petronii sermone plebejo^ Marburgi 1869, p. 31: »Eadem ratione, qua in sermone plebejo suffixis deminutivis no- minum formai amplificantur, quum notio iis genuina remaneat, saepe fit, ut pro simplici verbo amplior forma frequentativa vel inchoativa usurpetur»; et encore A. GUERICKE, De linguœ vulgaris reliquiis apud Petronium et in inscriptionibus parietariis Pompeianis, p. 34: »In sermone plebeio verba formse intensivae et incohativae valde usitata erant, ubi formae simplicis verba sententise jam suffecerunt.».

Cependant, ce ne sont pas seulement les verbes fréquentatifs et inchoatifs qui furent si employés, ce sont

^) Pour la signification de ces formations, v. p. ex. WCiLl-FLlN, Viilgcirlatcin dans Philologus XXXIV, p. 153 ss.

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surtout les verbes composés, »one of the marked cha- racteristics of the sermo plebeius-» (COOPER, o. c, p. 246) ^). En général la composition doit être regardée comme de la même nature que les autres renforcements mentionnés plus haut : le préfixe a bientôt perdu sa va- leur et, dans la plupart des cas, le verbe composé ex- prime tout à fait la même idée que le verbe simple. »Die pràposition war urspriinglich nicht immer blosser luxus, allein die bedeutung blasste ab, und das compositum blieb oder verdràngte gar das simplex, Wo bei den Roma- nen die pràposition zum leeren sinnlosen fùllstiick herab- gesunken ist, da offnet sich die wahrscheinlichkeit, das compositum werde auch schon in der romischen volks- sprache, wenigstens in den letzten jahrhunderten der kaiserzeit, entwerthet gewesen sein». (WÔLFFLIN, <?. ^., p. 158)^). Comme les verbes inchoatifs étaient très souvent

^) cf. Katharine V. Garnikr, geb. Mokwes, Die Pràposition als sinn-verstdrkendes Prdfix im Pigveda, in den homerischen Gedich- ten und in den Ltistspiek7i des Plautus 7i?id Terenz, Leipzig 1906.

'^) cf. Bonnet, Le latin de Grégoire de Toicrs^ p, 228 ss. CooPER, 0. c.^ p. 248: »The graduai process of decay is first indicated in Plautin Latin, where the compounds were freely used in place of the simple forms, but had not althogether lost their

distinctive meaning. The progress of decay continued in

the sermo plebeius uninterrupted, the older compounda being the first to lose their identity, the later ones succumbing in their turn. In late Latin so large a share of prepositional compounds had sunk to the levai of the simple word that the new formations were as likely to be made by analogy with those in which the préposition was value- less as with those in which it retained its value. In late literature especially, where the popular speech had made serious inroads upon the classic models, and provincial vulgarisms stood side by side with Ci. ceronian forms such inconsistencies aro to be expected as a necessary incident to language in a highly transitional state.»

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composés déjà en latin classique ^) et, d'autre part, que les verbes intransitifs de la deuxième conjugaison com- posés avec cum, ex, in demandaient en général le suffixe inchoatif, il est évident que nous avons ici affaire à une des circonstances les plus importantes pour toute la for- m,ation verbale ^).

Rem. que, en espagnol comme en portugais et en- core dans quelques autres dialectes romans, les verbes en -ir ont en général une forme correspondante en -ecer. Quant aux formations françaises accourcir^ éclair- cir, noircir, etc., v. Meyer-Lûbke, Gramm. d. langues ro- manes, II, § 593 s.; § 200 ss.

Nous nous occuperons d'abord des verbes com- posés en -er, formés sur des substantifs; puis nous trai- terons des verbes composés en -ir^ dérivés de substantifs. Plus tard nous aurons l'occasion d'étudier les formations sur des adjectifs.

^) cf. Job, 0. c, p. 172.

*^) V. LiNDSAY, The latin langtiage, Oxford 1894, p. 480: »The suffix (inchoative) is closely associated with Intransitive Verbs of the second Conjugation, so closely indeed, that thèse, vvhen compounded with the Prépositions cum, ex, in (Prépositions which convey the idea of »becoming5>) always form their Present-stem with this suffix in good authors, e. g. erubesco (not erubeo), convalesco (not convaleo)^ inar- desco (not ijiardec) , . .-^ . Cf. Cooper, o. <:., p. 217: » The intransitives, when compounded with a préposition expressing the idea of »beco- ming», as con-, de-, ex-, regularly assume the inchoative suffix, thus rnbere : erubescere ; uaîere: conualescere\ etc. and noi ertibere, conua 1ère'*, Cf. p. 40.

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I. Formés sur des substantifs.

Le nombre des verbes composés formés sur des substantifs et appartenant à la première conjugaison est très considérable, mais un très grand nombre de ces verbes sont hérités d'époques antérieures.

Le même rapport que nous avons vu exister entre le substantif et son dérivé verbal simple en er existe souvent même à l'égard des dénominatifs composés. Nous avons des verbes tels que afruitier^ mnaisnier^ amaisonner^ derochier etc. Plusieurs circon- stances ont contribué à ce développement.

Nous avons, d'abord, V influence des verbes dénomi- natifs simples en -er. Il est bien évident que, si la langue avait déjà un verbe simple, p. ex. cuisiner, elle a pu conserver la même forme pour ce mot même dans ses compositions, p. ex. acuisiner, encuisiner. D'autre part, si le verbe simple a deux formes, il n'y a rien d'étonnant à ce que le composé se présente sous les deux formes, p. ex. langorer, langorir: enlangorer, en- langorir\ ombrir ^ ombrer: aombrir, aombrer etc.

Quand un nom doit être regardé comme jnoyen ou comme adverbial, le verbe se termine en général, à l'infinitif par -er, p. ex. acorner, » corner, appeler au son du cor», abalancier, aboeler, abrider, achasteler, demar- teler, desdosser, encofiner, enheaumer^ etc. Observons que la prépondérance numérique des verbes de la première conjugaison a exercé une très grande influence sur ces formations.

Mais quand le substantif .sur lequel doit être formé un verbe a la fonction de complément prédicatif se

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rapportant au régime, le vieux français a une cer- taine tendance à se servir de la conjugaison en -zr. Voilà pourquoi nous trouvons des formes telles que racornir, s'aclergir, s'achenir, aculvertir [acuivertir\ achancrir, sapunaisir, afetardir, se rafrarir, afrerir, aprevostir, aroiir, aveuvir, are7iardir, empzmaisir, s encailloîiir , sempatronir, englacir, esprahir, s anainir etc. Ce n'est pas à dire que cette règle ne souffre pas d'exception. Dans beaucoup de cas, sous l'influence de substantif ou même par suite de dispo- sitions héritées, tel verbe dénominatif se conjugue d'après la première conjugaison, bien que le substantif sur lequel il est formé ait la fonction de complément prédicatif. C'est le cas p. ex. pour acosiner, abester (mais fr. mod. abêtir), abuer, » convertir en fumier», en- meirer, »devenir mère», etc. Et plus nous nous rap- prochons du français moderne, plus -er l'emporte sur -ir dans- ces verbes. Dans d'autres, une forme en -er se trouve à côté d'une en -ir, p. ex. aglacer et englacier mais englacir, afabler et afablir, ave ver et avevir, embastarder et embasiardir, etc.

Plusieurs verbes ne se laissent pas, cependant, ranger dans les groupes que nous avons déterminés. Dans beaucoup de cas l'action de l'analogie est évidente; pour en choisir un exemple: ensepulcrir à côté de ensepulcrer doit être formé sous l'influence de {en)sevelir, bien qu'il faille remarquer que le préfixe n'a pas été sans influence. Dans d'autres cas il est très difficile de voir ce qui a amené une forme en -ir au lieu de -er ; souvent nous devons l'infinitif en -ir a l'influence des formations sur des adjectifs, souvent ce

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doit avoir été le préfixe qui a amené la conjugaison en ~ir. C'est ainsi que nous pourrions expliquer p. ex. enibalsemir côté de embalsemer), anervir, enfrenaisir (mais frenaisier) etc.

Le nombre des verbes composés en -/>, formés sur des substantifs est assez grand. Nous pourrions ajouter bien des verbes à ceux que nous avons déjà traités, mais nous avons l'intention d'étudier de plus près dans le chapitre suivant ceux qui ont passé en français moderne.

2. Formés sur des adjectifs.

Les verbes en -er.

Le latin déjà possède un nombre assez grand de verbes composés, formés sur des adjectifs et apparte- nant à la conjugaison en -are. Ce groupe se retrouve en vieux français, même augmenté. Lat. confinnare, complanare^ delassarc sont devenus conformer^ compla- ner, délasser etc. Le latin vulgaire dont la tendance à composer les verbes nous est déjà connue a encore en- richi le groupe en question : ex. "^alleviare (fr. alléger, it. allegiare, esp. aliviar, etc.), ^incrassiare, ^incrassare (fr. engraisser, it. mgrassare, esp. encrasa?') etc.

Quelquefois nous trouvons qu'un verbe appartenant autrefois à la conjugaison en -are a changé de con- jugaison : applanare, devenu applaner, est souvent remplacé par applanir; appropriare ]> approprier est dans certains dialectes remplacé par approprir etc. (cf. Herzog, Geschichte d. franz. Inf. typ. dans Zeitschr. fier rom. Philol. XXIII, p. 377.). On peut se deman- der si M. Herzog a raison quand il dérive, /. c, sechir

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de siccare; ne vaudrait-il pas mieux l'expliquer comme un dérivé de siccescere ou même supposer que c'est à cause de la composition "^assiccescere que nous trouvons, dans un de nos anciens textes, asechi?

Il faut, nous le répétons, en pareil cas bien des fois supposer que ce sont les composés qui ont in- fluencé les verbes' simples. Pourquoi ne trouvons-nous p. ex. planir qu'au XVP siècle ? Nous avons applanir déjà au XIII®. Evidemment nous avons ici le même procédé que dans enrichir: richir, esbaldir : baldir etc.; cf. p. 49 ss. Ce sont aussi les préfixes [a et en) qui ont fait passer meillorer (meldrer) dans la conjugaison en -ir. Les exemples de ce passage ne sont pas rares, et nous croyons que la plupart des verbes que nous offre M. Herzog, /. c, peuvent s'expliquer de cette manière.

M. Herzog, o. c, p. 378, attire l'attention sur le fait qu'il est bien possible que beaucoup de verbes, formés sur un adjectif, appartiennent à la conjugaison en -er, grâce à la forme de l'adjectif: »Der Weg derartiger schein- barer Konjugationswandlungen wird oft der gewesen sein dass zunàchst ein Adjektiv auf nach bekannten Ana- logien zu einem Substantiv gebildet wurde und von die- sem aus wurde erst das Verb konstruiert; so wàre bei- spielsweise denkbar, dass vom afrz. flourè (garni de fleurs) ein Verb fleurer gebildet worden wàre. Zu perré kommt ein vereinzeltes perrer (empierrer) vor, s. Godefr. So war ferratus bereits hochlateinisch, nicht aber ferrare. Auch beim umgekehrten Wandel (Adjektiv- ableitungen) konnte der Weg vielfach ein âhnlicher ge- wesen sein».

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Les verbes en -ir.

L'étude de ces verbes est une des plus intéres- santes que présente notre sujet. Car les verbes coin- posés en -ir, formés sur des adjectifs, offrent un maté- riel très vaste qui nous fait assez bien entrevoir les changements par lesquels a passer le vocabulaire. Cependant, ce n'est pas ici le lieu de faire des recher- ches minutieuses sur ce sujet; il nous suffit de consta- ter qu'un certain nombre des verbes en -ir, formés sur des adjectifs, sont venus du latin, p. ex. erudire > eru- dir. Mais nous devons aussi faire remarquer que plu- sieurs des verbes qui appartenaient, primitivement, à la première conjugaison, ont passé dans la conjugaison en 4r\ la tendance qui existait en latin chez certaines classes de verbes composés à prendre le suffixe inchoa- tif s'observe en vieux français: ce n'est pas seulement les compositions avec cum, ex et in qui, en latin clas- sique et en latin vulgaire, ont demandé le suffixe in- choatif, ce sont presque tous les composés, surtout ceux peut-être qui ont le préfixe a-, Nous venons de voir, p. 63, que plusieurs verbes ont, grâce à leur na- ture de composés, passé dans la conjugaison en -ir\ nous ajoutons ici attenuare qui se retrouve sous la forme de ate7iv[i]er, c'est vrai, mais atenvir nous fait suppo- ser une analogie avec les verbes dont nous avons déjà fait mention [applanir etc.) : nous devrions peut-être sup- poser ici '^-attenuescere (au lieu d' attenuare). Comme le remarque M. Herzog, 0. c, p. 378, atténuer doit être » gelehrte Ubernahme » .

C'est probablement le même développement qu'on retrouve dans acclarare: acclairir, acclaircir, à moins qu'ils n'aient été formés par analogie avec inclarescere :

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enclairir^ enclaircir. De même complanare qui se re- trouve en vieux français sous la forme coniplaner ; mais à côté de complaner on a complanir etc.

En un mot, nous vSavons que le nombre des ver- bes de ce groupe est très grand, et nous croyons avoir constaté que la plupart des verbes composés en -ir formés sur des adjectifs apartiennent à cette conjugaison par suite de l'influence exercée par leur préfixe.

Les verbes dénominatifs du français moderne.

En général, les langues romanes peuvent sur tous les noms former des verbes correspondants, par addi- tion des terminaisons de conjugaison ^). Et au fur et à mesure que la langue acquiert grâce aux progrès de la civilisation des mots nouveaux, le nombre des verbes dénominatifs s'accroît en même temps. Car »rétat du lexique d'un peuple, à un moment donné, répond nécessairement à l'état des idées qui, à ce mo- ment, s'agitent dans son esprit, et le flux incessant de faits et de pensées qu'emportent les générations dans leur écoulement sans fin laisse sa trace dans le voca- bulaire.» (Darmesteter, La vie des mots, p. 34).

Pour nous en tenir aux verbes dénominatifs, il est intéressant de voir comment naissent ces verbes avec

*) cf. FucHS, 0. <:., p. 159. - On peut former des dérivés verbaux même sur d'autres mots que des noms: sur l'interjection chtit on a fait chtiter etc.; sur tu on a formé tutoyer et puis, par analogie, sur TOUS vouvoyer ; sur des noms propres: nous avons p. ex. des routes piacadamisées (de Mac- Adam), nous entendons parler de lait pastewisé (de Pasteur) et de maisons boycottées (de Boycott, nom du premier propriétaire irlandais mis à l'index); cf. en Scanie, Ttroïlade vàgarT du nom de Troil, gouverneur à Malmô, mort le 3 nov. i88o, qui prescrivit que les chemins fussent améliorés d'une certaine manière (cf. Landshofdinge-dmbetets ktingorelser^ le 30 juin 1852).

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le nom, comment, une fois le nom tombé en désuétude, ses dérivés meurent ou survivent avec un sens mo- difié ou non , comment on fait un terme de métier qui ne sort jamais d'un cercle étroit, ou encore un verbe d'une nature tout à fait éphémère et n'ayant de raison d'être que dans la situation ou dans le moment il a été créé ^).

Les verbes dénominatifs donnent une image aussi fidèle que possible de la vie du langage. Un substan- stantif, créé du français ou même importé d'une autre langue, désigne p. ex. un instrument ou un outil; sur ce substantif peut se former alors le verbe qui exprime l'action qui se fait p. ex. au moyen du substantif en question. Avec l'invention du télégraphe on eut besoin de former un verbe sur ce substantif et on créa télé- graphier, tout à fait comme presque sous nos yeux automobile (»auto») a fait naître en allemand auteln (cf. radeln) et en danois bile (cf. cykle).

Nous pourrions donner un très grand nombre d'exemples de cette formation dénominative: ils abon- dent dans la langue ordinaire, les patois, la langue technique etc. ^). Mais il n'est pas possible de les traiter

^) cf. Darmesteter, La vie des mots^-p. 114: » quelqu'un lance dans la conversation, un écrivain risque une expression nouvelle, mot ou métaphore. Elle plaît au cercle des hommes qui l'entend, se ré- pand peu à peu, devient à la mode, fait fortune. Si elle répond à quelque idée ou sentiment durable, elle a chance de vivre».

^) cf. p. ex. la liste de formations nouvelles dressée par Dar- mesteter, De la création actuelle de mots notiveatix dans la langue française, p. 116 ss. Dans sa thèse, Guy de Maupassant^ quelques recherches sur sa langue^ Lund 1907, M. Bossqn fait observer, p. 113, »l'extension énorme du suffixe -ot dans la langue triviale». Ce serait une question très intéressante que d'examiner seulement les sub- stantifs en ot et leurs dérivés verbaux chez un auteur quelconque.

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tous; ce n'est pas nécessaire non plus pour avoir une dée complète du procédé général de formation, et en principe nous ne nous occuperons que de ceux qui figurent dans le Dictionnaire Général.

Sur l'emploi des particules Darmesteter dit, Mots composés, p. 'j^^ qu'elles se combinent de plusieurs manières avec les radicaux -en donnant ainsi naissance à plusieurs sortes de mots, substantifs, adjectifs, verbes. » Elles s'unissent: i^ aux verbes, formant ainsi de nou- veaux verbes ; 3^ aux noms et aux adjectifs, formant avec eux de nouveaux verbes par l'addition d'un suffixe verbal». Le premier groupe contiendrait donc des formations telles que battre: abattre, com- battre, débattre; mettre: admettre ^ commettre, démettre, permettre etc. Pour exemplifier l'autre groupe DARME- STETER donne ac-cordare^ de-calcare, de-collare, ex. corticare etc., cordare, calcare, collare, corticare n'exi- stant pas. Il atteste, p. 80, que »le français a déve- loppé considérablement cette tendance et, avec des substantifs ou des adjectifs, a créé des verbes apparte- nant à la première ou à la seconde conjugaison.»

Il peut, cependant, être très difficile de décider si un verbe appartient à une classe ou à l'autre. Quand Darmesteter donne, o. c, p. 82, le conseil de ne pas » confondre ces composés parasynthétiques avec les composés formés d'une préposition et d'un verbe déjà dérivé d'un substantif», il ajoute plusieurs exemples qui, pour la plupart des cas, sont tout à fait mal choi- sis pour ne pas dire faux, à en juger d'après le Dict. Gén.j dont DARMESTETER fut, pourtant, l'un des rédac- teurs. Tandis que DARMESTETER, /. c, regarde dé'

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plumer et e7nplumer comme des formes composées sur plumer^ on traite ces verbes dans le Dict. Gén, comme formés sur dé, resp. en, et plume. Il en est de même pour enrager et enrayer qui, à en croire le Dict. Gén., dérivent de en -\- rage, resp. en -f- raie, et non de rager ni de rayer \ de même e7nbrocher, débrocher etc.

Des verbes avec préfixe nous n'avons, dans nos recherches, examiné que ceux qui dans le Dict. Gén. sont désignés comme parasynthétiques, les autres, en qualité de formations secondaires, n'étant pas des dé- nominatifs au sens rigoureux du mot mais plutôt des déverbatifs ^).

Nous voulons, avant de continuer, attirer l'atten- tion sur le fait que dans les formations parasynthétiques il y a plusieurs nuances dignes de recherche spéciale: quelle est p. ex. la différence de relation du préfixe et du nom dans embarquer (sur en -|- barque) et encourager (sur en -f- courage) ? Évidemment le préfixe a, dans ces deux cas, un rapport assez différent. Et encore, quel rap- port a-t-il dans p. ex. enrichir} (Cf. DarMESTETER, Mots composés, p. 84).

Répétons tout d'abord que le français moderne n'a des verbes dénominatifs qu'en -er ou en -ir. Sui- vant la règle de M. Chabaneau et des autres gram- mairiens ce seraient surtout les substantifs qui font naître des dénominatifs en -er, tandis que les verbes en -ir sont faits sur des adjectifs.

Nous allons voir ce que vaut cette règle, à en juger par le Dictionnaire Gé?iéral.

^) Suivant l'usage établi nous ne nous servons pas, en gêné rai, du mot parasynthétique pour désigner ces formations, mais du terme eoîiiposé.

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Qîiels sont les verbes dénominatifs que possède le français moderne?

Sur 2750 verbes dénominatifs qui se trouvent dans le Dict. Gén., 2605, si nous avons bien compté, appartiennent à la conjugaison en -er, 145 à celle en •ir; 2375 semblent dérivés de substantifs, 375 d'adjectifs ^).

Sur les 2375 verbes, dérivés de substantifs, il n'y en a qu'une trentaine qui se terminent à l'infinitif par -ir.

La première conjugaison française, contenant en- viron Vio de tous les verbes français, renferme aussi la plupart des verbes dénominatifs. Et de nos jours, c'est seulement le sufîfixe -er qui est productif, même •en des cas l'on se serait attendu, à cause de la forme ou de la qualité du nom, à un infinitif en -ir. La première conjugaison l'a emporté sur la deuxième: plusieurs verbes qui en vieux français se terminaient à l'infinitif par -ir on qui avaient une forme en -ir à côté de celle en -er se conjuguent aujourd'hui seulement comme

^) Ces chiffres ne sont quVpproximatifs. Voici des chiffres plus précis: la somme des dénominatifs 2752; appartiennent à la con- jugaison en -er 2606, à celle en -ir 146; dérivés de substantifs 2376, d'adjectifs 376. Naturellement ces données peuvent ne pas être tout à fait exactes. Selon B racket, Grammaire historique de la langue française, 3oèiïie éd., p. 198, le Dictionnaire de l'Académie de 1835 contient 4060 verbes, dont 3620 sont en -er^ 350 en -ir. Si on com- pare les données de Brachet avec les miennes, il y a lieu de s'éton- ner p. ex. de ce que des verbes de la conjugaison en -er il y a tant <ie dérivés de noms. Pourtant la comparaison n'est pas juste, car la langue frança'ise a subir bien des changements depuis 1835 ^^ point de vue de la richesse de son vocabulaire.

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des verbes en -er. C'est le cas p. ex. pour tousser; toussir était loin d'être rare en vieux français mais la langue moderne ne s'en sert plus; c'est tousser qui a remporté la victoire, appuyé par le substantif et peut- être influencé par pousser^). De même sangloter a sur- vécu à sanglotir^ évidemment parce que la forme en -oter était appuyée non seulement par le substantif sanglot mais encore par une grande foule de verbes en -oter, numéroter, ergoter, sauter etc. tandis que la forme en -otir est tombée en désuétude, parce qu'elle restait assez isolée; (cf. p. 45).

Il faut encore remarquer que sur plusieurs substan- tifs en -i sont faits des verbes en -er et non en -ir, pilori-, pilorier et non pilorir; gabari: gabarier et x\ox\ gabarir ; coloris : colorier et non colorir ni coloriser^ cf. vernis : vernir, vernisser; observons aussi des formations telles que authographier, asphyxier etc.

Quant aux verbes composés la différence entre le vieux français et le français moderne devient encore plus grande. Tandis que le vieux français avait grâce aux dispo- sitions héritées une certaine prédilection pour les formations dénominatives composées en -ir, de sorte qu'il y avait dans ces verbes très souvent soit une forme en -ir, soit une forme en -er à côté d'une forme en -ir, le français moderne ne souffre guère ici de formes en -ir, mais les remplace très souvent par des formes de la première conjugaison ^). Ainsi p. ex. encoragir, emplastrir, en- graissir, enfermir etc. sont hors d'usage aujourd'hui.

^) cf. KoRTiNG, Formenlehre , Verbuni^ p. 253. *'^) cf. Risop, Studien zur Geschichte der franzôsischen /sTonjuga- tion anf -ir^ Halle 1891, p. 5 ss.

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Ce n'est que rarement que nous trouvons en fran- çais moderne deux verbes composés, dérivés du même nom et avec le même sens, dont l'un se conjugue d'après la première conjugaison, l'autre d'après la deuxième. Mais c'est le cas p. ex. pour engrosser et engrossir^)\ celui-ci doit pourtant être considéré comme vieilli; il en est tout à fait de même ^'améliorer et améliorir la forme en -ir est vieillie.

Nous aurons, du reste, occasion de nous occuper dans la suite plus en détail des formations de cette espèce.

Pour bien comprendre le développement des ver- bes dénominatifs en français moderne, il faut se rappe- ler un fait important non seulement pour les dénomina- tifs, mais pour tous les verbes: le stock des verbes composés du vieux français subit des changements très grands, plusieurs préfixes ne jouissant plus de la fré- quence qu'ils avaient à une époque antérieure.

Beaucoup de verbes, autrefois composés, se pré- sentent maintenant sous la forme simple, et d'autres, gardant encore un préfixe, l'ont échangé, en général contre un a-. Nous ne trouvons pas aujourd'hui p. ex. complanter (mais plantei^), enmûrir (mais mûrir), enrancir (mais rancir), enrougir (mais rougir), ensotir (mais assoç ter), enoscurer, enoscurcir (mais obscurcir), enmalader, enmaladir, escueillir (mais cueillir), esbouillir (mais bouillir') etc.

En d'autres termes: si la langue a eu à des épo- ques antérieures une certaine prédilection pour les pré- fixes, on peut constater que cette disposition n'est pas si forte aujourd'hui qu'elle l'a été. Et à mesure que ces liens entre le préfixe et le verbe deviennent moins

^) engrossir ne figure déjà ni dans Richet.et (1680), ni dans l'Académie (1694), ni dans Furetière (1690).

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forts, la conjugaison en -ir perd son appui le plus im- portant.

Nous venons de signaler' un autre fait qui a eu une très grande importance: l'échange de préfixes. Il y a un nombre de verbes assez considérable le préfixe si le verbe garde encore un préfixe est remplacé par un autre. C'est surtout a qui devient ainsi de plus en plus employé, mais dans plusieurs verbes c'est en. Ainsi nous trouvons qu'aujord'hui con- francir, complaner, complanir sont remplacés par des formes avec a-: affranchir, applaner, applanir etc. Dans plusieurs verbes, commençant par corn, a- s'ajoute devant le mot ; on ne dit plus compag-ner^ mais accompagner, pas compter, complir, mais accomplir etc. En est rem- placé souvent par a- : au lieu de enge?ioillier , engenoillir on a agenouiller, au lieu de engrandir agra?îdir, au lieu de enmaigrir amaigrir, au lieu de entiêdir attiédir etc.

C'est également dans la plupart des cas a- qui a remplacé es-; ainsi esgrandir est remplacé par agrandir, esplanir par aplanir, escomplir par accomplir, eschevir et eschever par achever, escompagiiier par accompagner, essourdir par assourdir etc. Dans plusieurs verbes es- est remplacé par en- ou dé-: ex. eslaidir : enlaidir; esflamber, esjlammer : enjlajnmer ; esplumer: déplumer : esraciner: déraciner etc. quand il ne tombe complète- ment: au lieu de dire escueillir le français dit au- jourd'hui cueillir, au lieu de esconvenir convenir etc.

En un mot: cum, ex et in qui étaient si fréquents en latin classique déjà et qui, plus tard, entraînèrent après eux avec la conjugaison inchoative tant d'autres préfixes, ont en français moderne perdu leur

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influence par rapport au choix de la conjugaison. Seul a- a, jusqu'à un certain point, gardé, à cet égard, son ancienne valeur ^).

Pour mieux suivre le développement des verbes dénominatifs en français moderne, il sera utile d'exa- miner l'ensemble de ces verbes du point de vue hi- storique, c.-à.-d. en groupant les verbes d'après les siècles ils paraissent pour la première fois. Nous savons très bien, cependant, qu'une telle classification a ses défauts, mais c'est, d'autre part, la meilleure, qui existe de notre point de vue et pour cela il faut, malgré tout, la garder.

Comme la formation verbale en -er sur des sub- stantifs se fait conformément aux règles que nous avons indiquées déjà bien des fois, nous laissons de côté cette dérivation pour nous en tenir à celle en -ir sur des substantifs ^).

*) Faisons observer encore une fois que ces changements de préfixes sont caractéristiques non seulement pour les verbes dénomi- natifs, mais encore pour tout le vocabulaire français.

^) Avant de traiter des verbes en -zV, formés sur des substantifs, notons que la conjugaison en -ir l'a emporté sur la première conjugai- son en plusieurs cas. Finer existe encore comme terme technique à côté de fi7iir\ mais, en réalité, la forme en er a céder le pas à la forme primitive en -ir\ vester est aujourd'hui disparu, rem- placé par la forme originaire vêtir \ etc.

A) Les verbes dénominatifs en -ir, formés sur des substantifs.

Datant du XP siècle:

brandir, v. p. 46 s.

fleurir. » Dérivé de fleur. A remplacé l'anc. îx2.w(;. florir, flourir^). [Dict. Gén). M. KÔRTING le dérive (Lat.-rom. W'ôrterb., art. 3849) de flo- rescere. Evidemment nous avons ici affaire à "^florire (cf. Nyrop, Gramm. hist., II, p. 52) qui se retrouve en vieux français sous la forme florir (ou fleurir). Et, comme le remarque M. Nyrop, Gramm. hist. de la langue fr., I, première éd., p. 164, c'est sous l'influence de fleur que florir a été remplacé par fleurir. Le latin classique avait beaucoup de formations composées sur flore SCO, p. ex. effloresco, reflore sco etc. qui, pro- bablement, n'ont pas été sans influence sur fleurir ').

garantir, dérive de garant qui est, selon G. PARIS, Ex- traits de la Chanson de Roland (dictionnaire), le part. prés, de guai'ir (germ. warja?i). Nous aurions donc aussi pour ce verbe à supposer l'influence d'un verbe en -jan. Évidemment la forme de ga-

*) Le subst. fleu7' qui eut aussi le sens de »la superficie d'une chose», fit naître un verbe fleurer, dès le XVI^ s. remplacé par affletirer avec la signification de » mettre à fleur, être au niveau de qch.»

n

rant qui est une forme participiale et qui ressem- ble ainsi à une forme adjectivale a beaucoup faci- lité le développement d'un verbe de la deuxième conjugaison. Remarquons cependant que le vieux français avait aussi garanter avec le sens de garantir. Pourquoi la langue a-t-elle conservé la forme en -z>, les formes en -er étant, en général, beaucoup plus ordinaires? A coup sûr parce que la forme en -ir était soutenue par le substantif garantie, qui se trouve déjà dans des textes du XIP siècle et qui doit avoir exercé une influence conservatrice sur la forme en -ir.

Datant du XII® siècle;

croupir., v. plus loin accroupir, (XIIP siècle).

enorgueillir, v. p. 46 ss.

7neurtrir dérivé dans le Dict. Gén. de meurtre doit sa forme en -ir probablement à l'influence d'un verbe germanique en -jan, p. ex. '*morprja?i (cf. KÔRTING, Lat.-rom. Wb., art. n^ 6300).

Datant du XIII® siècle:

accroupir, formé sur a -\- croupe. Bien que croupir se trouve déjà dans des textes du XII® siècle, nous serions plutôt disposé à croire que croupir s'est formé sur accroupir. En ancien français acroper se trouve à côté de acropir. Nous ne savons pas s'il y a, outre le préfixe a-, quelque circonstance qui ait pu aider la formation de acropir. Mais

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nous croyons que ce qui a contribué jusqu'à un certain point à conserver la forme en -ir c'est le substantif acropie » action de s'accroupir» (cf. ga- rantir: garantie) ^).

ahurir^ sur à -\- hure. Hure signifie primitivement »tête hérissée»; ahurir qn veut donc dire: rendre la tête hérissée à qn. Cf. p 88, note.

nantir^ v. p. 47.

Datant du XIV® siècle:

atterrir primitivement » remplir de terre» est un produit de l'époque les dénominatifs avec pré- fixe, et surtout ceux, peut-être, qui avaient le préfixe a-, se conjuguaient d'après la deuxième conjugaison. Il est cependant possible qu'une autre circonstance encore ait contribué à maintenir pour ne pas dire créer cette forme en -ir. En réalité nous avons un autre verbe, atterrer, exi- stant déjà, à en croire LiTTRÉ, au XIP s. avec le sens de » renverser à terre». Pour différencier ces deux verbes on a soigneusement gardé la forme en -er à côté de celle en -ir, ce qui n'a pas em- pêché que, plus tard, ces deux verbes ont pris le même sens, celui de » prendre terre», tandis que les significations primitives sont vieillies. Comme terme de marine atterrir reste toujours vi- goureux.

emboutir originairement » façonner en bout» s'est formé dans les mêmes conditions que atterir. Comme il y avait un atterrer à côté de atterrir, il

^) accroupie se trouve encore dans le Dût. Gén. mais doit être considéré comme tout à fait vieilli.

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y a aussi embouter à côté de emboutir. Emboutery » garnir d'un embout», se trouve encore dans la langue technique mais n'est pas, par suite de sa valeur spéciale, d'un emploi très fréquent. V. plus loin aboutir, p. 80. lotir dérive d'un substantif germanique signifiant lot, (cf. KORTING, Worterb., art. n^ 5484). L'ancien français avait aussi loter » tirer des lots» (comp. orgueillir^ orgueiller), mais la langue mo- derne ne garde du verbe simple que la forme en -ir. Alloter datant de la même époque que lotir - a aujourd'hui si l'on peut dire qu'il existe aujourd'hui le sens de » former les lots pour un partage». Ce qui nous paraît singulier, c'est qu'on ne trouve allotir que relativement tard, pour la première fois en 161 1 dans le dictionnaire de COTGRAVE. Si on avait pu prouver que allotir datait de la même époque que alloter, on aurait pu supposer que lotir repose sur allotir, mais ce ne semble pas être le cas ici. Observons toute- fois que allotir d'après LiTTRÉ est un >/terme d'ancienne jurisprudence» et que, par cette raison, on a peut-être le droit d'attendre une forme relativement vieillie.

Datant du XV^ siècle:

assortir » mettre ensemble des choses qui s'accordent les unes avec les autres» dérive à en croire le Dict, Gén., de a -\- sort. LiTTRÉ le dérive de ^ -]- sorte, tandis que KÔRTING, Wb., art n^ 975, est d'avis que nous avons ici affaire à ital. assortir e, qui de l'italien a passé comme mot d'emprunt dans

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les autres langues romanes. Probablement sortir a appuyé cette formation. L'ancien français avait aussi assorter disparu aujourd'hui avec le sens de » disposer, mettre en train».

Datant du XVP siècle:

aboutir est une survivance de la formation qui avait tant de vogue en vieux français. A en juger parle Dict. Gén., les plus anciens exemples de aboutir datent du » Dictionnaire françois-latin» de ROBERT ESTIENNE (1539). Il est cependant pos.sible que aboutir ait été formé assez longtemps avant qu'il ne figure dans les dictionnaires; naturellement aboutir a été appuyé par emboutir, cf. p. 78. Ce qui a conservé les deux formes jusqu'à nos jours c'est probablement leur différence de sens : ^^^?//^r= »joindre par le bout» et aboutir •==. -hiox- mer bout, arriver par le bout.» Nous aurions pu faire la même remarque quant à embouter et em- boutir : c'est leur signification différente qui a conservé dans la langue moderne les deux verbes. Sur abouter et aboutir M. E. Herzog, Zeitschr. fitr rom. PhiloL, t. XXllI, p. 378, fait quelques réflexions qu'il faut noter: »so findet sich neben abouter von about vom ^^is jahrh. an aboutir ein, indem die Zusammengehorigkeit mit about in den Hintergrund und die mit bout in den Vorder- grund trat». Est-ce que M. Herzog veut dé- river abouter de about et aboutir de rt; -|- bout} Le Dict. Gén. dérive abouter de « -|- bout et regarde about comme un substantif verbal de abouter. Nous n'avons pu trouver about dans

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la collection des substantifs postverbaux de M. Lené. 1)

aguerrir^ sur à A^ guerre. Il est probable que ce mot existe beaucoup plus tôt qu'on ne peut le suppo- ser à en juger d'après les dictionnaires. LiTTRÉ fait aussi remarquer que »il est singulier que le mot ne se trouve pas avant le XVIP siècle. Il y avait aguerroier avec un sens différent, faire la guerre à.»

appoiiitir et appointer dérivent tous les deux de à et pointe. Il est remarquable que la forme en -ir est postérieure à celle en -er, appointer datant du XIIP siècle, appointir du XVP . Ils appar- tiennent tous les deux plus ou moins à la langue technique ; appointir doit être disparu de la langue d'aujourd'hui.

enfourchir et enfourcher ^Ç: en A^ fourche ressem- blent, quant à leur formation, beaucoup à aboutir et abouter. Ce qui a contribué à garder les deux formes, c'est leur sens différent; enfourchir n'est aujourd'hui qu'un terme de vénerie.

terrir est d'un emploi presque tout à fait technique et ne doit guère, par conséquent, être traité selon les règles que nous avons vu se fixer pour la langue ordinaire.

Probablement terrir doit son existence à atter- rir (cf. p. 'J^i). Le sens primitif de terrir doit avoir été celui de prendre terre (marine) tandis que atterrir existant dès le XIV^ siècle signifiait «remplir de terre.» Mais déjà dans le dic- tionnaire de Trévoux de 1752 atterrir a pris le

*) G. LknÉ, Lis substantifs pcstverôaux dans la langue française, Uppsala 1899.

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sens de » prendre terre», de manière que tcrrir s'emploie aujourd'hui surtout avec le sens de » venir pondre à terre» (se dit des tortues). Terrir doit donc se rapporter à atterrir comme p. ex. croupir à accroupir, verjîir. Le substantif vernis (avec \ s finale prononcée) a fait naître, au douzième siècle, régulièrement vernisser. Dans beaucoup de cas on peut de la formation verbale sur un nom quelconque tirer des conclusions sur la prononciation du nom en question. Quand on trouve colorier ou massir dérivés de coloris, resp. mas sis, on voit assez clairement que \ s finale de ces mots ne peut pas avoir été prononcée à l'époque fut formé le * verbe. Il en est de même pour vernir. Dans le dictionnaire de RiCHELET on trouve vernis ou verni', mais quand le XVP siècle nous a donné vernir, on peut conclure que du moins les personnes qui se servaient de ce mot ne prononçaient pas 1'^ finale ^).

Vernir et vernisser existent encore tous les deux, grâce à leur emploi différent: '>->ovià\\. vernis- ser et non verriir en parlant des poteries». (LiTTRÉ).

Datant du XVIP siècle:

allotir, formé sur à -\- lot. V. lotir p. 79.

renformir est formé sur renformis qui signifie »une opé- ration par laquelle on renformit un mur». [Dict. Gén.). Sur ce substantif est fait renformir=z » consolider (un mur) en remplaçant les pierres

^) V. Thurot, De la prononciation française.^ II, p. 17 ss. surtout p. 32.

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qui manquent et en mettant un crépi». [Dict. Gén.). On se serait plutôt attendu à renfor^niser (cf. agoniser, bistouriser). V. tripolir, note. Mais renformir probablement appuyé par j^en- dormir et d'autres avec le préfixe reji- et la ter- minaison -//' appartient, comme tripolir, vernir etc. aux termes techniques, ce qui a facilité la création d'un verbe en -ir. tripoLir » polir avec du tripoli» formé sur tripoli. Comme le remarque M. Nyrop, nous avons ici une influence de polir ^).

Datant du XVIIl^ siècle:

abroutir dérive à^ a A^ brout. La formation en -2>, très rare à cette époque, peut dépendre de plusieurs circonstances. Abroutir terme d'eaux et forêts semble apparaître d'abord en 1724 dans un Mémoire alphabétique des eaux et forets. On peut donc dire que ce mot, en qualité de terme technique, ne se conforme pas aux lois générales de la formation de verbes; on peut supposer que abroutir a existé dans la langue parlée bien long- temps avant que nous le trouvions imprimé, ou même que c'est une forme dialectale admise dans la langue écrite. Mais rien ne nous empêche de supposer l'influence d'un verbe presque homony- me : quand à -j- bout ont fait naître aboutir^ il pa- raît bien naturel que h -)- brout, sur ce modèle, aient donné abroutir. Il est vrai que le sens de ces verbes est très différent; mais quand p. ex.

*) Gramin. hist. II, p. 51: »la création moderne iripolir àéTW^, il est vrai, de tripoli, mais il y a une sorte de contamination de polir (le dérivé régulier serait iripoliser; comp. charivariser)'».

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KÔRTING, Formenlehre der franz'ôsischen Sprache^ Verbuin^ p. 253, prétend que tousser l'a emporté sur toussir grâce à l'influence de pousser^ il ne semble pas trop hardi de supposer que abroutir a été formé sous l'influence de aboutir (et même de emboutir), anordir terme de marine signifie, en parlant du vent, »soufl"ler du nord.» Le Dict. Gèn. dérive ce mot de rt; -|- nord. Mais anordir d'une forma- tion qui n'était pas courante au XVIII® siècle serait assez difficile à expliquer, même en se rap- pelant que c'est un terme technique, si l'on n'avait à côté de anordir le subst. anordie^ »vent qui soufl'le du nord.»

L'origine de a7iordie n'est pas tout à fait claire. Il semble bien curieux que le Dict. Gèn. donne le verbe anordir comme datant de 1783 {^Encyclopédie méthodique') et regarde le subst. anordie comme » subst. particip. de anordir >->, da- tant déjà de 1694! Le dictionnaire de Th. COR- NEILLE (1694) a ainsi défini anordie: »0n appelle ainsi des tempestes de vent du Nord qui s'élèvent en certains temps dans les Isles du Mexique aux costes de la nouvelle Espagne». Et J. H. RÔDING, Allgemeines W'ôrterbuch der Marine^ Hamburg 1794, dit de anordie: »so wird insonderheit in Neuspanien ein heftiger und anhaltender Nord- wind genannt». Il est donc possible que nous ayons ici affaire à une influence de l'espagnol.

Le dictionnaire de marine de KONOW (1887) présente ariordier aussi bien que anordir; •i>anordier

anordir, nordra sig, draga sig nord (om vinden)». Dans la partie suédoise-française nous trouvons >-> nordra sig = anordier» (mais pas

~ «

anordir f). Il n'est pas sans intérêt de comparer ces formations avec p. ex. esp. noruestear^ »nach Nordwest abweichen, (Magnetnadel)». (ToLHAUSEN).

échampir, sur é -{-champ, est, selon RiCHELET (1732), un terme de peinture et signifie contourner une figure, un feuillage ou autre ornement, en sépa- rant les contours d'avec le fond», et le Dict. Gén. donne à ce verbe à peu près la même signification. Ce mot ne se trouve comme tant d'autres que dans le dictionnaire de F'URETIÈRE (1701); nous aurions, par conséquent, le placer dans un groupe d'une date antérieure. En tout cas, les formations é -f- subst. -\- ir n'étaient pas cou- rantes au dix-huitième siècle; rappelons-nous pour- tant que échainpir est un terme technique.

endolorir à^ en -V- dolor » rendre douloureux (le corps ou une partie du corps)». [Dict. Gén). On peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux re- garder ce verbe avec LiTTRÉ comme da- tant du XVP siècle. Il est vrai que nous n'avons que le part, endoulouri de ce temps-là, mais la formation est tellement étrangère au XVIII® siècle qu'elle y reste presque tout à fait isolée. On peut à cette remarque faire l'objection que, au XVP siècle, de telles formations n'étaient pas ordinaires non plus. Cela est vrai, mais en tous cas les formations en -ir du XVI® siècle n'étaient pas aussi rares qu'elles le sont au XVIII® . Cf. p. 88, note.

raboutir, de re, a -f- bout, doit sans doute sa forme à l'analogie de aboutir (et emboutir). Le Dictionnaire Général ne contient pas de verbes

dénominatifs en -ir, dérivés de substantifs et datant du

XIX® siècle. Il ne contient pas, non plus, de forma-

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tions en -ir désignées comme néologismes, exception

faite pour

agonir qui semble dériver de agonie.

C'est un verbe qui appartient à la langue vul- gaire ; ce qui a déterminé la formation en -ir est sans doute la forme du substantif, terminé par i{e\ Nous avons vu cependant que, pour les ver- bes dénominatifs, la langue moderne préfère la première conjugaison, même quand le nom sur lequel le verbe est formé se termine par -i (v. p. 72); mais ce mot, appartenant à la langue po- pulaire, a eu un développement différent du déve- loppement régulier.

On se serait attendu à agoniser ou à agonier comme le résultat d'une dérivation de agonie; en effet ag07tiser se trouve depuis longtemps, traduc- tion du lat. ecclés. agonizare et a le sens de »être à l'agonie», c.-à.-d. ce mot a remplacé tout à fait le agoîiir du vieux français.

Comme plusieurs noms peuvent être employés comme substantifs ou comme adjectifs et aussi parce que plusieurs substantifs ont, dans les verbes que nous allons traiter dans ce groupe, une fonction adjectivale, les dérivés verbaux de ces noms doivent être mention- nés dans un paragraphe spécial. Observons toutefois qu'en vieux français ces formations étaient beaucoup plus fréquentes qu'elles ne le sont aujourd'hui: on ne fait plus de verbes comme assoignantir dérivé de à A^ soignante , concubine avec le sens de » faire sa

7

concubine», embarnir sur en^ber, baron signi- fiant » devenir fort, croître, grossir», etc. Dans les cas de ce genre on a aujourd'hui recours à la formation en -er.

Voici la liste des verbes en -ir de cette espèce, appartenant au français moderne, d'après le Dict. Gén. :

Datant du XIP siècle : abâtardir,

anéantir, (le vfr. avait aussi anea7iter^^ asservir dérive àç: à -\- serf.

Le vieux français a asservir et asserver ; mais asservir a la signification de » servir à», tan- dis que asserver qui ne paraît pas avoir été d'un emploi très courant avait justement le sens qu'a aujourd'hui asservir = assujétir.

Datant du XI V«^ siècle: racornir: » rendre dur comme la corne». Cf. vfr. acorner, » corner, appeler au son du cor.»^)

Datant du XV^ siècle :

abêtir de à -\- bcte. Le Dict. Gén. fait remarquer que

»la vieille langue disait plus habituellement abe-

ster^. Comp. fr. mod. embêter (néologisme).

Nous avons donc ici affaire à un cas la con-

^) Notez que corner que nous trouvons déjà dans le Roland (»ço dist Rolanz: cornerai l'olifant», v. 1702) a aujourd'hui presque perdu son ancienne signification ^annoncer à son de corne> qui est remplacée par plusieurs autres, par ex. par celle de » rendre semblable à la corne» et de 5>plier en corne».

On dit toutefois encore: »l'automobile a corné en descendant la côte> etc.

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jugaison en -ir l'a emporté sur la conjugaison en -er, probablement à cause du préfixe et de la fonction du nom.

assujétir (assujettir), » rendre sujet».

Datant du XVI® siècle: abrutir, »rendre semblable à la brute», formé sur a -\- brute. Cette formation a peut-être été influencée par abêtir.

Datant du XVII« siècle: affainéantir, » rendre fainéant», avec le nom en fonction de complément prédicatif se rapportant au régiine\ mais on a fainéanter, » vivre en fainéant» avec le nom en qualité de complément prédicatif, se rapportant au sujet. Et pourtant, tous ces deux verbes datent, à en croire le Dict. Gèn., du même siècle.

Nous sommes au bout de nos recherches sur la création des verbes dénominatifs, dérivés de substantifs. Nous avons constaté que, à peu d'exceptions près, ces dérivés du français moderne se conjuguent d'après la première conjugaison ^): la vieille règle qui dit que les

^) La liste des verbes dénominatifs nouveaux qu'a dressée Dar- MESTETKR dans la Création achidle, p. Il6 ss., contient 98 formations en -er et pas un seul verbe en ir.

Au point de vue du procédé de formation de ces verbes, notez que souvent le participe passé est la forme primitive: enrubanné, ensoleillé ont précédé enrubanner, ensoleiller; cf. p. 64 et Hatzfkliv Darmesteter-Thomas, Traité, p. 80.

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substantifs forment leurs dérivés verbaux en -er reste donc toujours inébranlable.

Pour dire, enfin, quelques mots sur les exceptions il n'est pas sans intérêt de constater que, des 36 ver- bes que nous avons rangés dans cette catégorie, 17 ont le préfixe a-, 2 les préfixes re -]- à- [raboutir et racor7tir) et 4 le préfixe en- {emboutir, endolorir^ enfourchir, en- orgueillir)] quatre, au moins, sont formés sur des sub- stantifs en -/: tripolir, ver?iij\ renformir et agonir.

B) Les verbes dénominatifs en -ir, formés sur des adjectifs.

D'après p. ex. Darmesteter, Cours de gram- 7naire historique de la langue française, troisième partie, p. 92, »la dérivation simple se fait à l'aide des suffixes er, ir, qui donnent des verbes de la première conjugai- son quand le radical est un substantif et des verbes de la deuxième quand le radical est un adjectif: 7nur, mu- rer; bla?ic, blanchir. y>

Rappelons-nous que les dérivés verbaux d'adjec- tifs montent dans le Dict. Gèn. selon nos calculs, au nombre de 375 (v. p. 71). La somme des formations dénominatives en -ir y compris, par conséquent, les 36 verbes que nous venons de traiter s'élève au nombre de 146. La somme totale des formations sur des adjectifs s'élevant à 376, restent pour la conjugaison en -er 376 (146 36) = 266 verbes. Nous aurons par conséquent dans le groupe suivant 146 36=110 verbes à examiner; nous verrons dans quelles conditions et à quelles époques se sont formés ces dérivés en -ir, formés sur des adjectifs et se trouvant dans le Dict. Gèn. Faisons d'abord remarquer que la plupart de ces

90 -

verbes 63 sur iio sont composés et que ceux qui ne le sont pas ont souvent été influencés par des verbes composés.

Voici la liste de ces verbes:

Datant du XI® siècle; blêmir, cf. p. 51, brunir, v. p. 51, ébaudir, v. p. 49.

Datant du XIP siècle:

abonnir,

adoucir,

affaiblir et faiblir ^),

alentir,

amaigrir,

amollir,

amortir,

appauvrir,

appesantir^

assagir,

assouplir,

assourdir,

attiédir, (cf. vfr. entiedir),

blondir,

chérir, appuyé par enchérir du même siècle,

crépir,

dégourdir,

durcir, soutenu par endurcir du même siècle.

\) Le Dict. Géjt. remarque que faiblir était inusité aux XVie et XVIie siècles; repris au XVIII e , ce qu'on a pu faire avec d autant plus de facilité que affaiblir était toujours très fréquent.

91 -

éblouir,

égalir, à côté de égaler du XIIP siècle; égalir n'est employé que comme terme technique et avec le sens de égaliser, p. ex. égalir les dents d'une roue.

élargir,

embellir, (cf. vfr. abellir),

enhardir, v. p. 50,

enlaidir et laidir, v. p. 57, note,

enrichir, v. p. 49,

envieillir et vieillir,

flatir, (cf. vfr. aflatir, » renverser à terre»), v. p. 51,

flétrir, (cf. vfr. aflestrir),

fraîchir, v. p. 49; (cf. vfr. afreschir, refreschir, ren- frescJiir),

franchir, v. p. 50; (cf. affranchir, vfr. enfra?ichir, es- franchir),

froidir et refroidir: (cf. vfr. enfroidir),

grossir, (cf. engrossir ; vfr. rengrossir),

matir, » rendre mat, rendre sans éclat»,* à côté de mater avec le même sens, datant du XVIIP siècle; celui-ci est, pourtant, supprimé dans la dernière édition du dictionnaire de l'Académie (1878). Ce qui a contribué à conserver 7natir presque jusqu'à nos jours, c'est probablement le composé amatir qui a le même sens que 7natir ^).

pâlir, (cf. vfr. empalir, apalir)^

rajeunir,

rougir, (cf. vfr. enrougir),

salir, (cf. vfr. e7tsalir),

') M. E. IIerzog dit, Zeitschr. fur roni. Philol., t. XXIII, p, 378: -amatir heisst es im Altfrz. vielfach neben mater, fiir das sich die neuere Sprache entschied, da sich das Substantiv le mat vom Adjek- tiv mat, matte mm j^anzlich losgelôst bat, wàhrend matir, als Ablei- tung vom Adjektiv gefiihlt, nur in inehreren Handwerken das >matt> machen bezeichnet*.

- 92 - verdir, (appuyé par vfr. averdir, raverdir).

Datant du XIII^ siècle:

accouardlr,

accourcir, (mais ècourter, du XII® siècle^); le vfr. avait

aussi acorcier avec le même sens que accourcir. affadir, affra7îchir,

agrandir et grandir, arrondir, assauvagir, attendrir,

blanchir, v. p. 50, embnmir, v. p. 51,

engourdir, (cf. dégourdir du XIP siècle), ennoblir, havir, jaunir,

obscurcir, (cf. vfr. enoscurcir), raidir, (cf. vfr. aroidir et enroidir), roussir, (cf. vfr. enroussir).

Datant du XIV« siècle: allègérir, ameublir, » rendre meuble», mais ameubler, (du XVP s.)

formé sur 7neuble (subst.), avec la signification de

» meubler», anoblir, (cf. ennobli^'), aplanir, (aplaner du XIP siècle), aplatir, »rendre plat», mais ^//<3:/^r (néologisme et terme

technique, formé sur le subst. plat et avec le sens

cf. accowcir: écourter et vfr. atteiivh-: exténuer.

93

de » répartir les matelots par séries de sept à table

pour manger au même plat»). approfondir, baudir, v. p. 49, épaissir, mûrir, (cf. vfr. afueîirir, enmeurir).

Datant du XV« siècle:

aigrir, (cf. vfr. enaigrir),

blettir,

engrossir,

ternir, » rende terne, non brillant ou moins brillant» peut avoir été influencé par un verbe en -ir, datant du XII® siècle et ayant le même sens que ternir: matir.

Datant du XVP siècle:

abougrir,

affermir, sur à -\- ferme, [adj.)^), am,éliorir (vieilli), à côté de améliorer, apoltronnir,

avilir, sur à -\- vil, cf. vfr. avilenir, envilenir. » L'ancien français n'avait que aviller; c'est au XVP siècle

^) En français moderne existent aussi : affenner de afjirmare vieilli, et remplacé par la formation savante affirmer \ affermer de a -\- ferme (subst). datant du XlIIe siècle. Cf. C. Michaelis, Studien zur romanischen Wortsch'opfung, p. 18 1. LiTTRÉ remarque quant à affermir que » l'ancienne forme est afermer qui a son analogue dans le provençal, l'italien et l'espagnol, et qui vient du latin afjirmare, affermir, rendre ferme, de ad, à, et firmus, ferme. La forme affermir provient du même mot par un changement de conjugaison ; elle ne paraît qu'au XVie siècle dans le langage écrit; mais elle doit être plus ancienne dans le langage parlé, car ce n'est pas au XVI© siècle qu'on aurait changé la conjugaison d'un verbe latin».

94

que avilir entre en usage.» (LiTTRÉ). Cf. it.

avilire, avilare, esp. avilar etc. candir, à dériver d'un adjectif en -/, candi, dégauchir, empuantir,

maigrir, (cf. amaigrir du XIP siècle, enmegrir), w,oitir, (cf. vfr. amoistir, enmoistir'), mollir, (cf. vfr. enmollir), ragaillardir, regaillardir, tiédir, (cf. attiédir, XII® s.), rancir, [cî. vfr. enrancir).

Datant du XVIP siècle:

abalourdir,

alourdir, (cf. vfr. eslourdir),

appiétrir,

bleuir,

dégrossir, (mais dégrosser du XIV® et engrossir du

XV« siècle), saurir, aujourd'hui remplacé par saurer.

Datant du XVIII® siècle:

abasourdir^ dérivé de ^ -f- sourd, et, à en croire le Dict. Gén., formé sur le modèle de abalourdir', LiTTRÉ le dérive »de sourd et de aba qui est probable- ment le même que dans abajoue, c'est-à-dire formé de a et ba ou be indiquant une mauvaise dispo- sition.» Cette formation a avoir été influencée surtout par assourdir.

alestir terme de marine; LiTTRÉ a aussi alester dans le même sens.

95 -

mniîicir, (mais émincer, datant du même siècle ^),

assainir,

assombrir, (mais sombrer),

blèchir, (vieilli),

dèbrutir, sur -f- brut. Une autre formation verbale sur brîit, abrutir, a exercer une influence sur débrutir. Débrutir se trouve déjà dans le dic- tionnaire de FURETlÈRE (1701).

doucir, probablement formé sur a-doucir. Terme technique.

A en juger par \q Dict. Gén. le XIX^ siècle ne nous a pas laissé de verbes dénominatifs en -ir, dérivés d'adjectifs.

Néologismes :

défraîchir, formé sur le modèle à^ fraîchir, affraîchir etc.

êbaubir, tiré de ébaubi, existant dès le XIII® siècle. ^)

louchir, côté de loucher). L'adjectif louche avait d'abord seulement le sens de : »dont les yeux ne regardent pas dans la même direction». Sur cet adjectif fut formé au commencement du XVII ^ siècle loucher, signifiant » avoir les yeux qui ne re- gardent pas dans la même direction». Mais peu à peu louche eut aussi le sens de »qui n'est pas transparent»; on parlait p. ex. d'une couleur louche et c'est ainsi que fut formé louchir » devenir lou- che, perdre sa transparence en parlant d'un li- quide». — Louchir doit, naturellement, être consi- déré comme un terme technique.

surir, » devenir sur, aigre». Ce mot appartient, jusqu'à un certain point du moins, à la langue technique; et c'est une circonstance qui ex-

^) cf. accourcir mais écourter ; vfr. attenvir: exténuer. ^) comp. ébaubi: ébaubir, candi: candir (p. 94), f?iassi: massir (p. 57), vernis: vernir, agonie: agonir etc.; v. p. 89.

- 96 -

plique suffisamment la conjugaison en -ir. Mais il y a plusieurs autres verbes dénominatifs qui ont facilité le développement de surir. Nous trou- vons en ancien français ensurir, avec le sens de »devenir sur, aigre, aigrir»;^) il est possible aussi que sur: surir, ait été facilité par aigre: aigrir ou même que quelque autre verbe d'une significa- tion semblable ait contribué à cette forme en -ir : p. ex. rancir, saurir; ce dernier est comme sui'ir d'origine germanique.

Si nous faisons un tableau chronologique des ver- bes que nous venons de traiter, nous verrons mieux comment sont faits ces verbes en -ir, formés sur des adjectifs et se trouvant dans le Dict. Gén.;

Siècle:

XP (v. p. 90)

XIP (v. p. 90)

Xllle (v. p. 92)

XIV^ (v. p. 92)

XVe (V. p. 93)

XVie (v. p. 93)

XVIP (v. p. 94)

XVIIP (v. p. 94)

XIXe (V. p. 95)

néolog. (v. p. 95)

Simples:

Composés:

Somme:

2

I

3

19

24

43

7

II

18

3

6

9

3

I

4

6

9

15

2

4

6

2

6

8

3

I

4

47 63 iio

^) L'adjectif sur (germ. sttr) se trouve en français dès le XII ^ siècle.

97

Nous voyons donc que plus de la moitié des ver- bes modernes en -ir, formés sur des adjectifs et dont la somme totale est iio, soit 64 appartient aux XI ^, XII® et XIIP siècles; et le plus grand nombre 36 de ces 64 verbes sont composés.

Faisons remarquer encore une fois que parmi les verbes simples au nombre de 48 plusieurs reposent sur des verbes composés: ex. maigrir, tiédir etc., quand ce ne sont pas de termes techniques (doucir etc.), sous- traits par cela même aux lois générales.

Dans son étude si intéressante sur les types de l'infinitif français et à laquelle nous revenons toujours, M. Hekzog cite plusieurs exemples en -ir qui ne s'ex- pliquent guère, à moins qu'on ne les regarde comme influencés par un composé; souvent le composé s'est perdu et il n'y a que le verbe simple qui reste dans la langue vivante. C'est le cas p. ex. pour nettir. -^Nettir verdràngt seit dem 13. Jh., zuerst im Norden, nettoyer, findet sich dann auch teilweise in der Schriftsprache, z. B. bei Garnier und dauert bis in das i/.Jahrh. Dia- lokte weisen es noch heute auf. ^)» Il faut ajouter que le vieux français avait aussi neter dans le sens de net- toyer; l'italien a nettare. A coup sûr, nous avons le droit de supposer que c'est ennettir (vfr.) qui a fait naître et qui a maintenu nettir jusqu'à nos jours.

»Neben meldrer und meillorer steht vereinzeltes meilloriry> (Herzog, /. c.)\ cf. esp. meldrar ; nous croyons que c'est enmeillorir qui a appuyé meillorir, comme ce doit être aplanir qui a soutenu planir : ^) »neben planer, applarier, die auf lateinisch '^-planare beruhen

^) Zeitschr. fur roin. PhiloL, t. XXIII, p. 377. ''') cf. adoucir: doucir, p. 95.

98

(vgl. complanare) findet sich zeitweilig seit dem i6 Jh. planir, noch heute im Norm. und Liittich, und aplanir, das seit dem 13 Jh. besteht, hat applaner aus der Schrift- sprache verdràngt». (Herzog, /. c\ Cf. seignorer et seignorir, p. 54.

Quand M. Herzog dit, o. c, p. 378: »gewisse Pràfixe, nainentlich a-, scheinen die -?r-Ableitung vor- zuziehen», il le dit avec une certaine raison ; nous avons vu, cependant, que, dans les verbes dénominatifs, ce n'est que dans relativement peu de cas qu'une dérivation en -ir, avec le préfixe a-, faite sur un substantif, s'est maintenue jusqu'à nos jours; les dérivations de cette espèce sur des adjectifs s'élèvent dans le Dict. Gén. au nombre de 40 (environ). Quant aux formations en -ei- avec le préfixe a-, formés sur des substantifs, elles sont très nombreuses. Les formations correspondantes sur des adjectifs sont, naturellement, d'un nombre moins élevé; mais il est intéressant de voir comment ce groupe devient plus grand de jour en jour: il n'y a que les patois qui con- naissent aujourd'hui acagnardir mais acagnardir doit être antérieur à acagnarder qui date du XVP siècle ^). Améliorir (a^nieldrir) a cédé le pas à améliorer comme- allongir l'a déjà fait à allonger. Atenvir a été remplacé par atténuer (par influence savante, cf. HERZOG, o. c, p. 378), atardir par attarder, assurir par assurer etc. ^).

1) cf. Zeitschr. fur rom. Philol. XXIII, p. 378.

'■^) Parfois les formes en -ir et en -er se trouvent côte à côte en vieux français, dans beaucoup de verbes le français actuel n'en a qu'une: adoucer: adoucir; alenter: alcntir ; refroider: refroidir; quel- quefois les deux formes existent encore aujourd'hui: égaler: égalir ; améliorer: améliorir ; ejîgrosser: engrossir etc. Remarquons qu'il arrive eu général dans ce cas que Tune de ces formes est vieillie, à moins qu'elle ne soit particulière à la langue technique. Ainsi égalir a un emploi exclusivement technique, améliorir et engrossir sont vieillis.

99

Il paraît donc certain qu'en français moderne le suffixe -ir n'est plus produx:tif: dans le Dict. Gén. 4 for- mations sur des adjectifs appartenant à la deuxième con- jugaison sont rangées parmi les néologismes, tandis que la première en renferme 27 (environ). Et pour les sub- stantifs le Dict, Gén. ne traite que agonir comme néo- logisme, tandis que les formations nouvelles en -er abondent.

Évidemment le français a beaucoup de formations en -ir, sur des adjectifs comme sur des substantifs, qui ne se trouvent pas dans le Dict. Gén., et ce serait une question très intéressante que d'examiner l'emploi de ces formations p. ex. dans la langue technique. Dans les listes de mots, dressées par M. GOHIN dans sa thèse Les transformations de la langue française pendant la deuxième moitié du XVIIP siècle [1740 i7Sç\ il y a beaucoup de mots intéressants à notre point de vue, p. ex. p. 251 violir: »violir et bleuir de rage». Les dialectes présentent, eux aussi, bien des formations qui méritent un examen spécial quant aux formations dénominatives.

Quelles conclusions peut-on donc tirer au point de vue du choix de la conjugaison des verbes dénomina- tifs français .f* Peut-on dire, avec Darmesteter, que l'on trouve, en français moderne, »des verbes de la pre- mière conjugaison quand le radical est un substantif et des verbes de la deuxième quand le radical est un adjectif» } Évidemment non.

100

Nous croyons avoir démontré que:

la formation en -ir est actuellement exception- nelle même quand le radical est un adjectif;

et que, par suite, le suffixe -er est actuellement le seul qui serve en français moderne à former des verbes dénominatifs.

INDEX,

abalancier 6i abaldir 49 abalourdir 94 abasourdir 94 abâtardir 87 abelir 44 abester 62 abêtir 87 aboeler 61 abonnir 90 abougrir 93 abouter 80 aboutir 80 abrider 61 abroutir 83 abrunir 51 abrutir 88 abuer 62 acagnarder 98 acagnardir 98 acclaircir 65 acclairir 65 accortir 44 accouardir 92 accourcir 92 accroupir 77. achancrir 62 achasteler 61 {s')achenir 62

(s^)aclergir 62 acorner 61 acosiner 62 acostumer 44 acroper 77 acuisiner 61 aculvertir 62 adoucer 98 adoucir 90, 98 afabler 62 afablir 62 afetardir 62 afeutrer 47 affadir 92 affaiblir 90 afifainéantir 88 affermer 93 affermir 93 affirmer 93 affleurer 76 affranchier 5 1 affranchir 50, 92 afîatir 51 afrerir 62 afreschir 49 afruitier 44, aglacer 62 agoner 53 agonir 52, 86, 99

agramir 50 agrandir 92 aguerrir 81 aguerroier 81 aharneschier 47 ahonter 48 ahontir 48 ahurir 78 aigrir 93 alaidir 51 alenter 98 alentir 90, 98 alester 94 alestir 94 allégérir 92 allonger 98 allongir 98 alloter 79 allotir 79, 82 alourdir 94 amaigrir 90 amaisnier 61 amaisonner 61 ambassader 52 améliorer 73, 93, 98 améliorir 73, 93, 98 amertumer 52 ameubler 92 ameublir 92

I02

amieldrir 44 amincir 95 amollir 90 amortir 90 amourer 52 (s')anainir 62 anéantir 87 anervir 63 anoblir 92 anordier 84 anordir 84 aombrer 61 aombrir 61 apapelardir 57 aplanir 92 aplater 92 aplatir 92 apoltronnir 93 appauvrir 90 appesantir go appiétrir 94 applaner 63 applanir 63, 98 appointer 81 appointir 81 approfondir 93 approprier 63 approprir 63 aprevostir 62 (s')apunaisir 62 arenardir 62 aroiir 62 arrondir 92 asphyxier 72 assagir 90 assainir 95 assauvagir 92 asseignourir 54 asserver 87 asservir 87

assoignantir 86 assombrir 95 assorter 80 assortir 79 assouplir 90 assourdir 90 assujétir 88 assurer 98 assurir 98 atardir 98 atenv[i]er 65 attarder 98 attendrir 92 atténuer 65, 98 attenvir 98 atterrer 78 atterrir 78 attiédir 90 authographier 72 avachir 48 aveuglir 56 avever 62 avevir 62 avilir 93 baconner 46 baldir 49 barbeter 52 baudir 93 belir 56 besocher 52 blanchir 50, 92 blanchoier 52 blêchir 95 blêmir 90 blesmir 51 blettir 93 bleair 94 blondir 51, 90 bouer 52 bougeronner 52

boycotter 67 brander 47 brandir 46, 76 brunir 51, 90 brunoier 52 candir 94 chérir 90 chuter 67 clerir 56 colorier 72 complaner 63, 66 complanir 66 conformer 63 corner 87 crépir 90 crespir 56 croupir 77 débrocher 70 débrutir 95 défraîchir 95 dégauchir 94 dégourdir 90 dégrossir 94 délasser 63 demarteler 61 déplumer 69 derochier 44, 61 desafeutrer 47 desdosser 61 desenfeutrer 47 desheaumer 47 doucir 95 durcir 90 ébaubir 95 ébaudir 49, 90- éblouir 48, 91 échampir 85 égaler 91, 98 égalir 91, 98 égaliser 91,

~ 103

élargir 9 i embaldir 49 embalsemer 63 embalsemir 63 embarnir 87 embarquer 70 emljastarder 62 embastardir 62 embellir 91 embêter 87 emblancher 51 emblanchir 50 embouter 79 emboutir 78 embrocher 70 embruner 51 embrunir 51, 92 émincer 95 (s')empatronir 62 emplumer 70 empuantir 94 empunaisir 62 (s')encaillouir 62 enchérir 90 enclaircir 66 enclairir 66 encofiner 61 encourager 70 encuisiner 61 endolorir 85 enfelonnir 57 enfourcher 81 enfourchir 81 enfrenaisir 63 englacier 62 englacir 62 engourdir 92 engramir 50 engrosser 73, 98 engrossir 73, 93, 98

enhardir 91 enheaumer 47, 61 enlaidir 51, gr enlangorir 54 enmeillorir 97 enmeirer 62 ennoblir 92 enorgoillier 48 enorgoilîir 46, 47, 77 enrager 70 enrayer 70 enrichir 49, 70, 91 enrubanner 88 enseignourir 54 ensepulcrer 62 ensepulcrir 62 ensoleiller 88 envieillir 91 épaissir 93 esbaldir 44, 49 esclarcir 44 eslaidir 51 esprahir 62 establer 44 esvachir 48 faiblir 90 fainéanter 88 feloner 57 felonir 57 fermer 56 fermir 56 finer 44, 75 finir 44, 75 flatir 51, 91 flétrir, 91 fleurer 76 fleurir 76 florir 76 fraîchir 91 franchir 50, 91

freschir 49 froidir 91 gabarier 72 garanter 77 garantir 76 gracier 44 gramier 50 grandir 92 grossir 91 haier 46 halebrener 46 hardir 49 harnaschier 46 haubergier 46 havir 92 heaumer 46 herauder 46 honter 46 hontir 46 insanier 56 intégrer 56 jaunir 92 laider 57 laidir 51, 57 laissier 56 langorer 53 langorir 53 lasciver 56 lenir 56 loucher 95 louchir 95 loter 79 lotir 79

macadamiser 67 maigrir 94 maladir 56 massir 57, 82 massiver 57 matir 91 meillorer 64, 97

104

meillorir, 64, 97 meldrer 64, 97 meurtrir 77 moitir 94 mollir 94 mouiller 56 mûrir 93 nanter 47 nantir 47, 78 nettir 97 obscurcir 92 ombrer 61 ombrir 61 orgoillier 46 orgoillir 46 pâlir 91 papelarder 56 papelardir 57 pasteuriser 67 pilorier 72 planir 64, 98 préciser 57 protervier 56 protervir 56 raboutir 85 racornir 62, 87

(se) rafrarir 62 ragaillardir 94 raidir 92 rajeunir 91 rancir 94 refreschir 49 refroider 98 refroidir 91, 98 regaillardir 94 reheaumer 47 renformir 82 renfreschir 49 renharneschier 47 renheaumer 47 resbaldir 49 richir 49 richoier 52 rougir 91 roussir 92 salir 91

sangloter 45, 72 sanglotir 45, 72 saurer 94 saurir 94 sauver 56 séchir 63

seignorer 54 seignorir 54 sombrer 95 stabilier 56 stabilir 56 surir 95 télégraphier 68 tenebrer 53 tenebrir 53 ternir 93 terrir 81 tiédir 94 tousser 72 toussir 72 tripolir 83 tutoyer 67 verdir 92 vernir 57, 72, 82 vernisser 72, 82, vesprer 53 vesprir 53 vester 75 vêtir 75 violir 99 vouvoyer 67

-ÏZSXT

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Additions et corrections.

4, 1

5, 1 7, 1

2, d'en bas: énoncée lisez: énoncée

2, ' > nécessaire ^ nécessaire

I, d^en haut: Zeiiworter » Zeitwôrter

7, 1

4,

>;

~^

Bezeichung, Erwahung

lisez :

Eezeichnung, Er- wâhnung

>

8, 1

10

>

diamétralement

y>

diamétralement

>

II,

1. 8

propose

^>

se propose

•>>

II,

1. 9

''

»

sutout

!>

surtout

>

i6,

1. 4

"

^>

classifiation

»

classification

i6,

1. 16

»

»

régime

^>

régime

->

i6,

1. 6

d'en

bas :

predicatif

»

predicatif

»

i6,

1. 2

»

»

ajoutez à la fin de la 1

igné:

formules

»

19.

1. 2

d'en

haut :

général

lisez

; général

»

19,

1. 6

^>

franaçis

•>

français

■>

19,

1. 14

■»

^>

MeyerLûbki?

»

Meyer-Lûbkk

»

21,

1. 19

»

^>

très

»

très

»

22,

1. 24

Zusammenzetzung

»

Zusammensetzung

»

24.

1. 4

d'en bas

: a'adverbialis

»

d'adverbialis

»

29,

1. 12

»

»

sinples

»

simples

>

30,

1. 6

d'en

haut

: villeo

»

vileo

>>

30.

1. 10

>'

»

êré

»

ire

3ï.

1- 13

d'en

])as

grâce a

»

grâce à

»

40,

1. 18

d'en

haut

: étaient

•"

étaient

»

41.

1. 9

d'en

bas

n'ont point, passé

»

n'ont point passé

•>

43.

. 8

d'en

haut

nivellement, commencé »

nivellement com-

mencé

44:

1. 15

d'en

bas :

les verbes composes,

->

les verbes com- posés

»

44,

1. 4

»

>

dissimulation

»

dissimilation

■»

48,

1. 14

d'en

haut

: ait

»

avait

48,

1. 4

d'en

bas :

surgerm.

>

sur germ.

»

50.

1. 3

d'en

haut

Xlle

•>

Xlle

1 10

p. 54, 1.

» 56, 1.

» 57, 1-

» 62, 1.

» 62, 1.

» 68, 1.

» 69, 1.

» 74, 1-

» 78, 1.

» 79. 1-

13 d'en bas : le rè<^le lisez: la règle

2 î-' •' ajoutez : p. 43g.

9 » » du

10 d'en haut: de

4 d'en bas : n'a pas été 9—10 d'en haut: substanstantif 2 » >' dée

7 d'en bas : ne tombe complètement

4 » » atterir

1; » » dérive à

' d'un

» n'a pas être >' substantif >> idée

ne tombe pas complètement

atterrir > dérive, à

affaifiéajitir : notez toutefois que le mot affaincantir qui se trouve pour la première fois dans le Frajicion de Sorel (1622) ne semble pas avoir eu une vie très intense; il ne figure ni dans RiCHELET, ni dans Furetière, ni dans I'Académie.

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017^ ^^o^n, A. Chr.

-^O stude sur les verbes

-^ denominatifs en français