RER D es ; Ssÿ : j # DID. 227 > 52) } ’HIDD) De 2 >} >: PERS ARE mé PE A VYUVUUL YUUVL (A 14 | | | PAST EEE V U + 1861. # Nuscun 4 Le lon, IN GB; CAUBRIDGE, MAS. date subscript p pri = = Du mn Le Q Len] — — . F2 .— No. 9,0 354 AT HARTARD-COLLE a & Deposited by ALEX. AGASSIZ, Jounded b COMPARATIVE ZOÜLOGY, AÀ % + 11 . gs ÿ £ = - me. à WT. N > . 4 A ñ 0 AL Ent 4 ni 10e UN ÉTÉ D’OBSERVATIONS CORSE ET A MINORQUE. 0 Paris, — Imprimerie de L. MARTINET, rue Mignon, 2. UN ÉTÉ D'OBSERVATIONS EN CORSE ET À MINORQUE QU RECHERCIRS D'AXATOMIS ET PHYSIOLOGIR ZOCLOGIQUES SUR LES INVERTÉBRÉS DES PORTS D’AJACCIO, BONIFACIO ET MAHON PAR LE DOCTEUR NH. LACAZE-DUTHIERS, Professeur à la Faculté des sciences de Lille, membre des Sociétés philomatique de Paris et des sciences de Lille. PREMIÈRE SERIE. POURPRE. PLEUROBRANCHE. — HALIOTIDE. VERMET. — BONELLIE. PARIS VICTOR MASSON"ET FILS" PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE. Sn 4861 MOT AVATÉHOIE YTT PNTT f UH Shi £. (EL “A 7 F À 'PRACE FAOBOUIOX MALTE FA vor nano edANÉTAANEL A A0 MORAIE TA OO LTTALA AIME AT PIC INIE ECTS IR ES je dust 6 rpm sb ste nidbdeenest dcirtes énil “EE 18 ET 26 dns sul du © à AE + te " A MONSIEUR LE CONSUL GÉNÉRAL DE FRANCE AUX ILES BALÉARES J. DE CABARRUS A PALMA DE MALLORCA. L'accueil si bienveillant et si amical que j’ai reçu en 1853 et en 1858 pendant mon séjour aux îles Baléares, l’empressement que vous avez mis à m'aider de votre influence pour faciliter mes recherches, tout me fait un devoir de vous exprimer ma reconnaissance. Veuillez donc accepter l'offre de mon travail. l IH. LACAZE-DUTHIERS. A: | RISRROU ! SA ANAN 2814 à EANe au JARMAS AUAAO 4 EUAAASAI 4 LL. ds 2 ASMOMNÉN GORE Aa à BEBE na lo ÉGAE ds vont is aupone à da 19 tontlirasiet ie suvy ed sp isouseztqu , nndlstt esft 2e ol | ou juot ébdorodise ao #9 1w0q ouwmufai sur 4h | Huserisnno SU LETUTEU EEE dif ire aq ah a moe be io » 3% TT è L ms D M dl tal "A + rt TABLE DES MÉMOIRES ET DES PLANCHES. Pages. Planches. ÉRRRARUCHION EE ne PR MONS MORE te PR ER IX LEFT SP RE a ERA ES Reel à 5 (] 6 7 8 ÉLEUROBRANCHE AL eee tee he ie DE Sun NN 199 9 10 A1 12 ( 9 EPA DO DID DS CR Det LR PE enr es o Mieda es cn 10 41 fe L 5 VERMET st 6 ETS ARE, FRERE M5 2 Un 1 ele et OS PM TO 7 | : 9 £ 1 BONELLIE Se. AMOR EURE. QUI PCR SAN AMC" ORPI A 56 : ho: FIN DE LA TABLE, Les mémoires réunis ici sont le résultat des observations qu'un séjour prolongé, pendant toute une belle saison, en Corse et à Minorque des Baléares, n’a permis de faire. Dans ce nouveau voyage, de même qu’en 1853, c’est encore à Mahon, grâce à la richesse du port, que j'ai pu recueillir les plus importants et les plus nombreux matérieux. Les sujets divers que l’on va trouver rapprochés paraitront peut-être sans enchainement. L'histoire de la Pourpre sera à côté de l'anatomie physiologique du Pleurobranche; celle du système nerveux de l'Haliotide près des études d'anatomie et d'embryo- génie du Vermet; enfin, dans un autre groupe, la Bonellie pré sentera un type aussi singulier qu'important à connaitre. Cependant, quoique isolés et distincts, ees mémoires, surtout les premiers, sont dominés par une idée générale, car mon but est de trouver, dans les détails les plus minutieux pour les en dégager, les faits capitaux pouvant conduire à la morphologie des Mot- lusques. Depuis bientôt dix années, j'emploie tout le temps dont je puis disposer en voyage de recherches à la mer; et cependant Je ne me hasarde pas encore à présenter les résultats généraux : e'est X INTRODUCTION. que des données nombreuses me manquent, et que la prudence m'impose la réserve. Chacun, du reste, travaille ou entend le travail scientifique d’une manière différente. I'en est qui, confiants dans leur esprit généralisateur, se croient en mesure, avec quelques observations et l’aide des travaux con-- uus, de poser les bases de la science. Ien est d’autres qui, plas prudents et plus sages peut-être, avancent pas à pas, comprenant que la zoologie, depuis ses progrès, ne peut plus se lancer presque au hasard dans des combinaisons, hardies sans doute, mais qui, n'ayant pas pour base des faits multipliés et sérieux, deviennent ‘de pures spécula: hons de l’esprit. Ce sont les philosophes de la nature qui n’ont pour ainsi dire qu'à bien penser pour créer la science presque de toute pièce, indépendamment des observations. Ce sont les zoologistes positifs de l’école des faits qui, trop exclusifs peut-être, ne voient au contraire que l'observation, et redoutent trop le raisonnement et ses déductions. Mais, comme le fait observer M. I. Geoffroy Saint-Hilaire, entre ces deux écoles opposées il en est une troisième, celle qui, tout en acceptant ce qu'il y a de vrai dans les préceptes des deux premières, n’en parlage pas cependant l’exclusivisme. L'analyse d'abord, la synthèse ensuite, les faits suivis du raisonnement et des déductions philosophiques, telles sont les règles pleines de sagesse qu'impose celle troisième école, et que J'adopte sans réserve. Aussi on ne sera pas étonné de trouver ici d’abord des faits ; car, lorsqu'on est à l’œuvre, c’est en mettant en pratique les préceptes d’une école, que l’on peut, à bon droit, espérer d’être considéré comme en faisant partie. Sans doute, on verra de loin en loin l’indication de quelques idées générales. Mais n'est-il pas préférable de retarder les généra- lisations, quand des données exactes manquent sur tant de points ? N'esi-il pas prudent de ne pas s'exposer au reproche que Pon peut, avec tant de raison, adresser à plus d'un naturaliste ? INTRODUCTION. XI Il faut le reconnaitre, la science à plus que jamais aujourd'hui besoin de faits minutieux et multipliés, et par cela même de dédue- ions générales et philosophiques. Nous sommes loin du temps où, pour déterminer les rapports des êtres, quelques traits de leur organisation suflisaient; ee n’est qu'en accumulant les détails que l’on peut espérer d'obtenir de bons résultats. Mais, comme l’ana- lyse poussée fort loin multiplie beaucoup les faits, les généralités n’en deviennent que plus nécessaires ; car, sans elles, la science, perdue au milieu de détails sans fin et sans nombre, deviendrait un véritable chaos. On pourra peut-être m'adresser un reproche. Les discussions bibliographiques paraîtront en général peu étendues ; à cet égard, je ne dissimulerai point ma pensée. I y a aujourd’hui une tendance à faire de très longs mémoires avec un très petit nombre de données. La chose est simple et facile ; on trouve quelques faits, on les compare à tout ce qui a été publié, et les travaux prennent des proportions démesurées. Cette tendance, que l’on peut souvent attribuer au désir de hâter et de multiplier les publications, est fâcheuse, car la science se hérisse de citations interminables, qui la rendent non-seule- ment rebutante, mais encore, 1l faut bien le dire, presque inac- cessible. Quandil s’agit de démontrer un point important, en appeler aux preuves que peut fournir la bibliographie est plus qu'utile, c’est nécessaire, et j'espère que l’on ne pourra m’accuser de n'avoir pas agi ainsi dans l’histoire de la Pourpre. Mais qu'à propos de chaque fait indiqué on passe en revue tout ee qui a été écrit en dehors même du cercle où est naturel- lement enfermé le sujet, c’est ce qui me parait de l’exagération. Un mémoire devient alors plutôt une revue critique qu’un exposé des faits nouveaux que l’on veut faire connaitre. Sans aucun doute, la bibliographie critique est absolument nécessaire, mais sa place logique est surtout marquée dans les tra- vaux d'ensemble. C'est là que plus tard, après quelques autres publications de détail, quand j'aborderai les considérations géné- xil INTRODUCTION . rales, 11 sera plus fructueux d’opposer les résultats acquis à ceux qui se trouvent dans la seience. Déjà la zoologie se complique assez par les progrès considé- rables qu'elle fait depuis qu'elle est entrée dans une voie nou- velle, sans rendre son étude encore plus difficile. Ne faisons done pas d’un mémoire spécial et particulier l'objet d’une compi- lation savante et universelle. Quant à la voie où marche maintenant la science des animaux, m'abuserai-je en espérant que j'ai pris pour guide lesprit nou- veau qui là caractérise ? I ne faudrait pas remonter bien loin pour voir la zoologie bornée pour ainsi dire aux animaux supérieurs, ou bien encore pour la voir s'attacher presque exelusivement à la deseription de l'extérieur des individus entassés dans les musées. De nos jours, les zoologistes comprennent que ce n’est plus une série de dé- pouilles qu'il s'agit d'étiqueter ; aussi, à côté de l'étude de l'ex- rieur, placent-ils non-seulement l'anatomie qui déjà ne marche plus sans la physiologie, mais encore l'observation de l'animal vivant, de lanimal dans les conditions biologiques qui lui sont propres. De là ces voyages nombreux, conséquences forcées du désir et de la nécessité de bien étudier, de mieux connaître les animaux. Combien depuis quelques années, combien denaturalistes sont allés en des pays lointains chercher et fouiller les secrets de la nature ! Chacun s’est dirigé à l’envi vers la mer. C’est qu’en effet 1 on trouve à profusion les objets d’études séricuses ; c’est que l'on à senti avec raison que dans les invertébrés sans nombre qui peu- plent les eaux marines, on pouvait espérer de trouver la base des principes de la philosophie naturelle. Une autre raison a poussé encore à ce genre de recherches, on a reconnu enfin quelle importance avait la connaissance de l'étude des invertébrés, de ces êtres que, naguère, on disait imparfats, et qu'on nommait des ébauches de la nature. Les progrès sont tels aujourd'hui en ee poiet, que tout le monde INTRODUCTION. XIII reconnait combien il est nécessaire, pour chercher à se faire une idée aussi exacte que possible de Ta vie, de connaitre à la fois et les organismes supérieurs et ceux qui se trouvent au bas de l'échelle. C'est qu’en effet la vie, cette manifestation sublime d’une cause première, cette manifestation universelle si difficile à comprendre, et plus difficile encore à traduire par des mots dans une définition, ne se présente pas avec les mêmes caractères dans tout le règne animal. Aussi peut-on dire hardiment, sans craindre d'être combattu par les travailleurs sérieux, qu'un Zoologiste ne doit pas plus négli- ger dans son éducation scientifique l'étude de l’Éponge et du Zoo- phyte que celle de l'Homme. De même, qu’on peut le reconnaître et qu'ils le reconnaissent eux-mêmes, les naturalistes qui ont négligé l'anatomie humaine, qui n’en ont point fait la base de leurs connaissances scientifiques, trouvent toujours qu'il leur manque quelque chose. La connaissance des animaux inférieurs est tout aussi utile et nécessaire. Comment conclure, en effet, d’un vertébré à un inver- tébré, les choses sont si différentes ? Je n'ai jamais vu et essayé de tuer une Aclinie el souvent même un Mollusque, sans avoir profondément réfléchi sur l'embarras qu'il y a à bien juger des phénomènes vitaux. Où ce principe d’action que nous nommons la vie, sans trop pouvoir ou savoir le définir, at-il sa source ? Si dans les animaux supérieurs il semble être la résultante du jeu de tous les organes, cependant on se croirait autorisé à l’attribuer plus particulière- ment à quelque partie devenue par cela même prépondérante. Porter l'instrument tranchant, le poison destructeur sur cette partie, c’est faire disparaître la vie avee d'autant plus de rapidité que l'être est plus supérieur et l'organe plus important; on peut muliler un animal vertébré, Fhomme même qui en offre souvent de malheureux exemples, sans que la vie soit atteinte; mais enle- ver une norlion du système nerveux, une seule, et cela dans un certain point dont létendue se mesure en millimètre, c’est fou- droyer l'animal. On sent qu'il y a une hiérarchie dans l'impor - XIV INTRODUCTION. lance des organes ; car, si Ja vie est la manifestation du jeu de tous, il n’en reste pas moins évident qu'elle semble devoir être plus spécialement attribuée à certains d’entre eux. Attendre cette partie de l'organisme, c’est atteindre la vie, non-seulement dans ses manifeslations, mais encore dans son principe. Dans les animaux inférieurs, combien sont différentes les choses! Que l’on cherche dans une Actinie, par exemple, à décou- vrir le lieu d'où semble émaner le prineipe vital, et lon pourra retrancher peu à peu et partie par parle, tout le corps, sans voir de changement appréciable. On aura poursuivi sans le rencontrer, ce principe qui semble s'étendre alors seulement que tout lani- mal est détruit. Un point de l'organisme est aussi important que son voisin ; mais il ne l’est pas davantage, et tous les deux sem- blent indépendants. Que l'on prenne une Anémone de mer, et qu'on cherche à la faire mourir, elle se putréfiera déjà par l’un de ses côtés, tandis qu’elle restera tout aussi sensible par l'autre ; on n’arrivera pas à découvrir un point où la vie puisse être atteinte. Si done on jugeait des animaux supérieurs par les animaux inférieurs, si l’on concluait de l'Homme aux Zoophytes, ou même aux autres invertébrés, on s’exposerait à de bien grands mé- comptes. Il est donc tout aussi indispensable d'étudier la vie dans les premiers que dans les derniers degrés de l'échelle animale. Cette étude des invertébrés à une utilité que l’on ne saurait mettre en doute, non-seulement au point de vue de la philosophie naturelle, mais encore à un point de vue plus positif, car c’est bien souvent, trop souvent peut-être, qu’on demande cette der- nière sorte d'utilité. Un fait suffira pour montrer l'utilité de ces études de zoologie maritime en vue des applications. Depuis que les observateurs ont dirigé leur attention vers les êtres inférieurs, l'étendue des con- naissances sur Ja génération a pris des proportions imprévues. D'abord les faits nouveaux ont paru d’un intérêt purement scien- tifique, une application quelconque semblait si éloignée ! Qu'im- porte, en effet, que d'une branche d'un Sertularien ou Polypier INTRODUCTION. XV flexible se détache une Méduse ? Cependant les bases de P'Helinin- thologie sont complétement liées à ce fait, dont l'importance peut ètre jugée par les remarques suivantes. Les médecins sont les premiers qui ont déerit les Vers para sites de l'Homme; ils les ont étudiés avee ce soin, avec celte altention qu'on leur voit apporter à loutes les choses d'anatomie pathologique. Quels progrès doit-on à leurs travaux purement des- eriplüifs et médicaux ? En est-il un qui se soit douté de l’origine du Ver solitaire, pour ne prendre qu'un exemple ? Ce n’est pas s'engager beaucoup en répondant : Non. Et, qu'on le remarque, il ne pouvait pas en être autrement. Sans doute il est utile de déerire l’objet que l’on veut faire connaître, mais à quel résultat arrive- rait le naturaliste qui n’étudierait que le papillon et qui ne saurait pas qu'il s’est dégagé de l'enveloppe lourde et pesante de Ta Chenille. Il fallait, pour remonter à l'origine du vers solitaire et pour Pat- laquer avec plus de chances de succès, connaître les faits nouveaux de métamorphose, de digénèse, de migration que la zoologie mari- time nous a révélés. Alors on s’est demandé st les êtres dont l'ori- gine semblait un mystère, et que l’on rapportait franchement, faute de mieux, aux générations spontanées, n'avaient pas, eux aussi, leur point de départ ailleurs que sur l'être même où on les observait. De Jà les travaux si nombreux, les recherches si persé- vérantes qui nous montrent le parasite du porc, là Eadrerie, devenir le Ver solitaire de l’homme ; le Cœnure qui donne le Tourni au mouton attaquer le chien, le Cysticerque du rat infecter le chat. Dira-t-on après cela que les études purement scientifiques n'ont pas leur utilité ? Rien dans les sciences, rien dans la nature n'est inutile. Si nous jugeons différemment, c'est que nous n'entre- voyons pas le côté vrai des questions. Certainement il importe fort peu, au point de vue purement médical, qu'une Méduse ait pour origine un Sertularien. Mais de déductions en déduetions on arrive aux applications les plus remarquables que l’on puisse présenter aux hommes que la théorie semble effrayer et qui demandent sans cesse des applications. XVI INTRODUCTION. Reconnaissons donc la marche nouvelle de la zoologie ; elle est devenue à la fois analytique et synthétique. Analytique, par les nombreux faits d’anatomie et de physiologie sur lesquels elle cherche maintenant à s'appuyer; synthétique, par les rapprochements et les déductions philosophiques qu’elle en lire. Mais que le Zoologiste ne s'oublie jamais, qu'il ne se laisse pas aller trop vite aux charmes de la généralisation, qu'il résiste à ses entrainements, et que, pionnier infatigable, 1l sache avec au- tant de courage que de persévérance, et souvent de désintéresse- ment et d’abnégation, recueillir, accumuler les matériaux pour élever l'édifice de la belle science qu'il cultive, de cette science qui, en retour de ses pénibles labeurs, lui donnera la joie douce et vraie, et lui procurera, trésor inestimable, au milieu des boule- versements et des changements perpétuels de l'humanité, le calme et le repos de l'esprit. SCIENCES NATURELLES. ZOOLOGIE. Pants. — fnprimerie de L. MARMFINET, rie Mignon, 2, SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE MÉMOIRES D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE H. LACAZE-DUTHIERS, Professeur à la Faculté des sciences de Lille, PARIS LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON RUE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE. 1860 LIIAAUT AM 21) AMDE AMAOIOOK…. ETAT | MYOLOITHL ‘ad Le are d 12100 | Eee | ÉAAIHTUA-ASAIAS H volt ay agent aol Mlleout à8 4 summer MÉMOIRE SUR LA POURPRE. Ce qui a conduit à s'occuper de la question. Dès longtemps la question de savoir comment les anciens se procuraient la belle couleur qui fut dans l'antiquité l'apanage des grands et des rois a préoccupé les naturalistes ; ce n’est donc pas une question nouvelle dont il s’agit ici. Bien souvent la solution des problèmes dont l'intérêt, au point de vue de l'application, a complétement disparu, est due à une simple curiosité. J'avoue que c’est poussé par la seule curiosité de savoir avec quoi on produi- sait cette belle couleur que j’ai fait quelques recherches ; d’ailleurs, au point de vue anatomique, il faut reconnaitre que ce que l’on trouve dans les ouvrages est bien vague, si même on trouve des renseignements exacts. Tantôt, en effet, on rencontre dans les traités de malacologie les 6 H, LACAZE-DUTHIERS, expressions poche à pourpre, la veine à matière pourprée, le réser- voir, elc.; on va même jusqu’à dire que c’est la bile de l'animal (1) ou suc pris de l'estomac; la coquille elle-même a été considérée comme fournissant la couleur. Quand on s'occupe sérieusement de l'anatomie d’un groupe, on se contente moins facilement de renseignements aussi vagues ; et, il faut le dire, ce ne serait pas être difficile que d’être satisfait par celte série d'indications aussi peu précises que variées. J'avais toujours le désir de m'occuper de la détermination exacte de l’organe producteur, mais je laissais cela, entrainé par d’autres occupations ; d’ailleurs, après avoir fait quelques recherches bi- bliographiques, j'avais compris tout d’abord que l’on était loin de s'entendre sur l'espèce produisant Ja couleur. Et je ferai remar- quer à cette occasion, que, tandis qu'il y avait doute pour moi lorsque je cherchais quelles espèces avaient employées les anciens, aujourd'hui ce doute a disparu; cela tient à cette circonstance (on ne devrait jamais l'oublier, quand on veut interpréter les au- leurs anciens) qu'il faut toujours mettre en regard des textes les résultats de l'observation directe de la nature. D'abord je n'avais pas fait de recherches précises sur les animaux eux-mêmes; main- tenant les espèces produisant la pourpre me sont familières ; quel- ques-unes n’ont pas changé depuis les anciens, les noms seuls ont été intervertis. Une occasion s’offrit, et me conduisit à faire les recherches que je présente ici. Dans l'été que je passai en 1858 à Mahon, j'avais, ainsi que je l'ai dit à propos de la Bonellie, un pêcheur que le consul français M. Walz, dans son obligeante protection pour les Français, m'a- vait procuré. Pendant que je fouillais les anfractuosités du port, Alonzo le plus souvent m'’attendait dans sa barque ; parfois 1l em- ployait les loisirs que lui laissaient mes recherches au bord du port à marquer son linge et ses vêlements ; ses culottes de toile (4) Voy. Mémoire de M. Sacc, Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 4856, p. 306. « Il est positif qu'à Tyr on préparait la laine en l'im- prégnant d'abord du suc verdâtre d’un coquillage, et qui semble en avoir été Ja bile. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 7 blanche lui servaient de fond sur lequel il dessinait tant bien que mal quelque croix ou quelque petit ange gardien. Quand je le questionnais, il me répondait : « C’est pour ne pas égarer ou changer mes hardes avec celles des autres péê- cheurs que je les marque ainsi. » Les traits formés par sa petite baguette de bois étaient jaunâtres. « Il n’y paraîtra guère? lui disais-je.— Ce deviendra colorado (rouge), me répondaitil, quand le soleil l'aura frappé. » Il trempait son morceau de bois dans la mucosité du manteau déchiré d’une coquille, qu'il était facile de reconnaître pour la- Pourpre à bouche de sang (Purpura hæma- stoma), etqu'il nommait Corn de fel. Intrigué, je le priai de faire surle tissu de mes vêtements, et sous mes yeux, quelques-unes des lignes et dessins qu'il savait exécu- ter ; puis je continuai mes recherches ; mais bientôt je fus pour- suivi par une odeur horriblement fétide des plus pénétrantes, et, en observant les parties marquées, je vis une fort belle couleur violette d’une vivacité remarquable. Alonzo avait raison. La pratique, en m'instruisant, me fournissait l'occasion de fure quelques études, et j'appris bientôt que, dans le port de Mahon, on trouvait le Corn de fei, la Pourpre bouche de sang, en assez grande quantité. Il arrive rarement, lorsqu'on se trouve en rap- port avec les pêcheurs, et si l’on peut parvenir à les faire conver- ser, de ne pas apprendre quelque chose au milieu des erreurs, dont il faut savoir faire la part. On apprend toujours des choses justes, exactes, qu'il faut, il est vrai, interpréter et rapporter à leur véritable cause, ou bien dégager de ces exagérations que per- pétuent, soit l'ignorance, soit la tradition de cette pratique qui sait tant et qui ignore bien davantage; de cette pratique qui ne veut pas de la théorie, sans doute parce qu'elle redoute de savoir moins qu’elle, et qui cependant, si elle la consultait plus fré- quemment, éviterait bien des erreurs, et ferait souvent de bien plus rapides progrès : car l’une et l’autre se fournissent réci- proquement des renseignements précieux, renseignements qui, certainement, les conduiraient toutes les deux plus vite à la vérité. Mais malheureusementil y a entre elles une répulsion bien difficile à vaincre, et cela non-seulement quand il s'agit de la na- 8 M. LACAZE-DUTHIERS. ture, mais encore pour loutes les autres branches de la science. Les premières observations sujets de ce mémoire ont donc été faites à Mahon ; je les ai continuées à Lille avec des animaux que Je devais à l’obligeance de M. Alfred Lejourdand, sous-directeur du jardin de zoologie de Marseille : ses soins aussi habiles qu’em- pressés m'ont permis de recevoir une bourriche d'animaux venant de la Méditerranée en très bon état, je lui en dois mille remerci- ments; et J'ai terminé mon travail à Pornic, dans la haute Bre- tagne, à la Rochelle et à Saint-Martin-en-Ré, après avoir encore étudié dans mon laboratoire de la Faculté des animaux que j'avais recueillis à Boulogne-sur-mer. Il Historique de la question. La Pourpre a disparu comme matière tinctoriale depuis long- temps; ce n'est que dans quelques localités, fort arriérées sans doute, que, d’après quelques auteurs (4), elle serait encore em- ployée. Son histoire doit donc être et se trouve en eflet dans les ou- vrages anciens. On sait que sa valeur élait grande, et que son nom était employé pour désigner tantôt la royauté, tantôt la puis- sance : en latin, les purpurati, expression lirée de la possibilité de porter un habit de pourpre, servait à désigner les grands. C’est l'adjectif purpuratus (qui porte un habit, des ornements couleur € pourpre), pris au pluriel substantivement. La valeur en était si grande, que, s’il faut s’en rapporter à Théopompe, dont Athénée cite un passage dans son douzième livre, la Pourpre se vendait en Asie au poids de l'argent (2). (1) Gonfreville, cité par M. Sacc, Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 1856, p. 407. (2) Voyez Athénée : ioosräsios yap M n moppopa mpos Gpyopav tberabomen. (Athen. Deipnos., XI, c. 31, edit. Bipont., vol. IV, p. 455). — Voyez aussi plus loin la note accompagnant un passage de Pline, où les prix sont indiqués en valeur de notre monnaie, MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 9 Mais, de nos jours, les progrès de l’industrie ont fait perdre presque entièrement la valeur à cette malière tinetoriale. Aujour- d'hui, dans de rares pays, tout au plus est-elle restée le secret de quelques personnes qui s’en servent pour marquer le linge, car elle est à peu près indélébile. Les choses sont done bien changées depuis les temps anciens ; aussi ne trouvons-nous relativement à elle que des recherches de pure curiosité dans les temps mo- dernes. Dans les temps anciens, Aristote et Pline s'en occupent, comme on le pense bien ; l’un et l’autre font connaître comment on pré- parait la couleur. Il y aura lieu de revenir sur les faits que rapporte Pline, car on sait que cet auteur semble faire recueil des parti- cularités les plus étranges: on croirait parfois qu'il s'impose de rapporter toutesles traditions, quelle qu'en soit la valeur; 1l semble les accumuler à plaisir. Il paraît préférable de juger les opinions diverses au fur et à mesure que les faits se présenteront. Pline et Aristote nous ser- viront beaucoup pour résoudre certaines questions; on peut donc laisser de côté, pour le moment, leur texte et leurs opinions, dont l'interprétation se trouvera singulièrement simplifiée par l'exposé des faits que fournit l'expérience. Les mémoires relatifs à la Pourpre sont extrêmement nom- breux, et l’on en trouve à peu près dans toutes les langues. C'est surtout la recherche de l’espèce de coquillage employé par les anciens, et des procédés mis en usage par eux, qui sert de thème. Sans examiner tous ces travaux comme dans une revue critique, j'indiquerai cependant les principaux, et je choisirai sur- tout les points douteux qu'ils ne résolvent pas. Bernard de Jussieu et Réaumur s'occupèrent de la Pourpre, et firent quelques expériences curieuses. Il est assez intéressant d'étudier le mémoire de Réaumur ; on y trouve un enseignement qu'il est sans aucun doute utile de mettre en lumière, Réaumur avait été sur les côtes du Poitou pour se livrer à dif- férentes recherches, ainsi qu'il le raconte. On trouve son travail 10 MH. LACAZE-DUTIMERS. dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences (A). Il avait, dans sesexeursions au bord de la mer, exprimé sur ses manchettes le liquide de la Pourpre (qu'il désigne sous le nom de Buccin). Comme cela lui est habituel, il nous fait participer à l’étonnement que lui fait éprouver la découverte du développement de la cou leur pourpre; il porta surtout son attention sur les capsules que produisent les Pourpres, et où elles enferment leurs œufs : il reconnait très bien que ces grains, ainsi qu'il les appelle, n'étaient autre chose que les œufs de son Buccinum. Le liquide contenu dans ces capsules jouissait de la propriété de devenir pourpre comme une partie du tissu de l’animal. Mais voiei le fait qu’il semble utile de faire ressortir : il montrera combien, dans les sciences, quand le point de départ n’est pas juste, on dévie facilement ; combien surtout on arrive à des con- clusions exactes en apparence, mais d’aulant plus erronées, que les prémisses ont été plus fausses et le raisonnement conduit par un homme plus habile. Répétant chez lui les expériences qu'il avait faites sur ses manchettes en parcourant les grèves, Réaumur fut frappé de ne point voir se développer la couleur pourpre. I s'approche de la fenêtre, et bientôt il voit le violet qui s'était produit à la mer se représenter. D'où vient que dans le fond de la chambre la couleur n'apparaît pas? D'où vient qu'elle se montre près de la croisée ? «Je savais bien qu’il n’y a pas de moyen plus propre pour faire » prendre promptement la couleur pourpre à la liqueur des Bucci- num, que d'exposer cette liqueur à un grand feu ou à un soleil ardent; mais je savais aussi que le soleil n'avait point paru pen- dant tout le temps que j'avais été au bord de la mer. La chaleur n'avait done point eu de part au succès de l'expérience que J'avais » faite alors. » Voilà certainement le point de départ de ses interprétations, qui sont complétement opposées à Ja vérité. Réaumur cependant était habile observateur, scrutateur consciencieux, prudent par-dessus V2 © A4 © > DA C4 Ÿ (1) Année 1711, p. 168. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. il tout. Qui n’a admiré ses belles observations sur les Insectes! observations où tant de faits se trouvent réunis; malheureusement trop souvent presque inutiles, si ce n’est même perdues pour la science, par cette imperfection si regrettable de là nomenclature zoologique à l’époque où il écrivait et observait. Il cherche partout la cause du développement de la couleur vio- lette. Tantôt il croit que ee peut être la chaux, et cela parce qu'il remarque que la couleur arrive quand il place la liqueur sur la muraille près de la croisée de son appartement; mais il est obligé de renoncer à cette explication. Tantôt il considère le soleil agis- sant seulement comme agent de calorique, et il ajoute même (1) qu’en concentrant la lumière à l’aide d’une loupe, la teinte pourpre se développe très vite dans le point ainsi soumis aux rayons con- centrés, et cependant, quand il était sur la grève, le soleil était caché. La conclusion qui lui parait forcée d’après cela est celle qu'il indique dans les termes suivants : « La cause d’un changement si prompt était alors aisée à aper- » cevoir, et tout le monde tire sans doute la même conséquence » que je tirai, savoir, que, puisque mes linges avaient toujours con- » servé la couleur blanchâtre de la liqueur dont ils étaient imbi- » bés, lorsque je les avais laissés au milieu de ma chambre, et » qu'au contraire, au lieu de cette couleur, ils en avaient pris une » pourpre lorsque je les avais mis sur ma fenêtre, on ne pou- » vait attribuer ce dernier effet qu’à la différente manière dont l'air » agissait sur eux dans l’une et l’autre circonstance; qu'il était » dans un plus grand mouvement dans eelle où ils rougissaient » que dans l’autre où ils gardaient la première couleur de la li- » queur. Qui eût jamais pu deviner qu'un peu plus ou un peu » moins de cireulation d’air eût pu produire si vite un pareil effet ? » car les fenêtres mêmes de ma chambre, au milieu de laquelle je » laissais les linges, étaient ouvertes. » Ainsi, parce que le jour où il fit les taches sur ses manchettes en étant à la plage, il vit la couleur, bien que le soleil fût caché, 11 (1) Loc, cit., p. 166, 12 M. LACAZE-DUTHIERS. arrive à admettre que c’est le mouvement de l'air, etil est si con- vaineu de celte influence, qu'il ajoute : « 1 arrivait même, lorsque j'exposais les linges au grand air » dans le milieu de la cour, et que, pour empêcher le vent de les » emporter, je posais quelques petites pierres sur les coins, que » tous les coins sur lesquels ces pierres portaient ne changeaient » point du tout de couleur, quoique le reste prit une fort belle cou- » leur pourpre (1). » Et plus loin : « C’est donc à l'air seul qu'il faut attribuer ce changement de » couleur (2). » Dans ce fait qui le frappe, à savoir, que les parties de ses linges qui étaient couvertes par les pierres ne se coloraient point, il y a toutes les propriétés photogéniques nettement indiquées, mais inaperçues ; tant il est vrai qu’un esprit souvent le plus supérieur peut faire erreur, par cela seul qu'il n’interprète pas, ainsi que cela doit être, une condition même des plus insignifiantes en appa- rence. Réaumur, en faisant erreur et en attribuant au courant d’air ce qui devait simplement être rapporté à la lumière, a manqué, lui aussi grand physicien que naturaliste, la découverte (chose faeile à reconnaitre aujourd’hui) de la photographie. Celte manifestation si belle de la science moderne se traduisait à ses yeux par le fait de la couleur venue seulement dans les points non couverts par les pe- tites pierres qui fixaient les pièces d’étofles sur le sol de la cour; mais il ne voit que le courant d’air, et l’action de la lumière ne lui apparait pas. En remontant plus haut, bien avant lui indubi- tablement, on avait connaissance du fait; car la couleur pourpre ne se développant que sous les rayons lumineux, il est impos- sible de pouvoir nier que les anciens avaient connu celie pro- priété. Seulement il fallait l'initiative; il fallait cette idée qu s'applique à atteindre un but spécial; il fallait cette simple pensée qui ouvre une nouvelle voie; il fallait, en un mot, ce quelque (4) Loc. cit., p.176. (2) Loc. cit.,p. 4177. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 13 chose qui, souvent bien longtemps attendu par les siècles, révèle toute une voie inexplorée, lorsqu'il est trouvé, crée une branche nouvelle que l’on dit ou croit être l'ouvrage d’un seul, alors que les générations ont accumulé les faits, et fourni les matériaux à celui qui a eu le bonheur de couronner l'édifice par un trait de génie qui paraîtra bientôt aussi simple que naturel. Avant Réaumur, William Cole avait fait des essais tout à fait semblables. On ne trouvera, du reste, dans les traités qui en font mention, rien qui puisse apporter une clarté quelconque relativement au sujet qui doit nous occuper. De Jussieu avait opéré en 1709, Réaumur en 4711. Duhamel fit ses expériences en 1736. A bien des égards, il est le contra- dicteur de Réaumur. Lui aussi il s'occupe du changement de cou- leur ; il en décrit très exactement les phases, il en indique la cause ; mais il finit par une explication peu conforme, sans doute, aux connaissances modernes. Ayant montré comment Réaumur avait été conduit à une con clusion fausse, il est utile de rappeler les résultats du travail de Duhamel (1). Si l’on voulait passer en revue tous les mémoires et écrits qui ont été publiés sur la Pourpre, on n’en finirait pas. Aussi, en appelant l'attention encore sur celui de Duhamel, le but est de montrer qu'il a fait des expériences qui auraient dû encore plus directement que celles de Réaumur le conduire à la photographie. Duhamel fait remarquer que les changements de couleur sont très connus; il ne pouvait en être en effet autrement. Pline lui-même, dit-il avec raison, en fait mention. Le point qui fixe l'attention du savant est que l’action du soleil seule détermine la couleur. On a va que Réaumur l’attribuait au renouvellement de l'air, «Ayant donc » bien vérifié, par plusieurs expériences, que toutes les fois que » je mettais le suc colorant de mes Pourpres sur du linge exposé (1) Voyez volume de 1736 des Mémoires de l'Académie des sciences, p. 49. 1h M. LACAZE-DUTUIERS. » au soleil, 1} devenait rouge en quelques minules, après avoir » passé par les couleurs dont j'ai parlé, je voulus m’assurer s’il ne » prendrait pas cette couleur à l'ombre : pour cela, je frottai un » morceau de linge, que je laissait passer la nuit sur ma cheminée : » inais il devint seulement vert, et ne rougit pas. J’essayai encore » si le grand air ne réussirait pas mieux : pour cela, je mis de ce » sue colorant sur un morceau de linge, que je posai sur ma fe- » nêtre au nord, et sur laquelle la lune ne donnait pas, afin d'éviter » toute lumière, et je le retirai le lendemain avant le soleil; il » n'avait pas changé de couleur le jour suivant. Cette expérience » prouve que le soleil agit d’une façon très singulière et très effi- » cace sur le suc colorant dont il s’agit (1). » Puis 1l recherche si le soleil a une action par la chaleur ou la lamière, en déterminant dans le premier cas une évaporation de quelque chose : « Je posai sur un appui de fenêtre bien échauffé » par les rayons du soleil un morceau de linge mouillé du sue » colorant, et que j'avais couvert en partie d’un écu ; dans ce mo- » ment, la partie du linge qui était exposée au soleil se colora, mais » celle qui était sous l’écu resta seulement de couleur verte (2). » Puis essayant la chaleur du feu, les résultats furent négatifs. Voulant s'assurer que Îles corps couvrant les tissus imbibés n’agissaient qu'en interceptant les rayons lumineux, et non en em- pêchant une évaporation, il fit l'observation que, sous un verreépais de plusieurs pouces, la couleur venait aussi belle et très foncée. Des papiers transparents de différentes couleurs, employés suc- cessivement, lui donnèrent des résultats curieux. On remarquera que sous un papier bleu, la teinte pourpre se développa bien. On sait que la couleur bleue est très photogénique. « Mais ce qui me » surprit le plus, dit-il, c’est que, quoique le papier bleu parût assez » opaque, les échantillons qui étaient dessous étaient assez bien » colorés (3). » Ainsi se trouve démontrée l’action de la lumière aussi claire- (1) Loc. cit., p. 53. (2) Loc. cit., p. 54. (3) Loc. cit., p. 53. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 45 ient que possible, et par cela même la fausseté de l'explication donnée par Réaumur. Mais Duhamel, lui aussi, avait fait des expériences démontrant les propriétés photogéniques ; il avait sous la main les phénomènes, base de cette science toute nou- velle, mais il n'avait pas trouvé l’explieation. Celle qu’il donne n’est certainement pas à l’abri de tout reproche : «Il me parait que cette action du soleil sur cette liqueur est » assez singulière, et mérite d’être examinée avec plus d'attention » et de loisir que je ne lai pu faire, quoiqu'il paraisse qu'elle tienne » assez à l’eflet que cet astre produit sur les pêches, les pommes » (’api, et quantité d’autres fruits qui ne prennent une belle cou- » leur rouge que dans les endroits qui y sont exposés (1). » On trouve ici comparées deux choses qui ne sont guère compa- rables : dans un cas, c’est l’action des rayons solaires sur la ma- tière soumise à la vie; dans l’autre, c’est cette même action sur des produits qui ont cessé d’être sous l'influence de la force vitale. Jamais le manteau des Pourpres ne se colore pendant la vie de l'animal ; les mucosités seules prennent la teinte rouge violacé, Par ordre de date, le mémoire que je citerai ensuite est de 1779; 11 est d'un Espagnol, et ne manque pas d’avoir assez d'intérêt. On y remarque aussi relatées les observations, comme les opinions des auteurs français et des autres naturalistes. L’au- teur, Don Juan Pablo Canals y Marti, inspecteur général pour S. M. del Ramo de la Rubia o Granza, directeur général des teintures du royaume, est plein d’érudition, et y traite à peu près de la plupart des questions relatives au changement de couleur de la matière, etc. Il y établit que beaucoup d’espèces peuvent servir à teindre ; que dans les Indes, comme dans l'Amérique, beaucoup de Caracols (coquillages, Limaçons) sont mis à profit par les tein- turiers, et que les changements de couleur y sont connus. Enfin il cherche à préciser d’une manière exacte la position de la partie de l'animal qui donne le produit propre à la teinture. Mais il n’est point anatomiste, et bien que, de tous les auteurs, ce (1) Voy. loc. cit., p. 59. 16 NH. LACAZE-DUTRBIERS. soit celui qui donne une description des plus exactes, 1! ne traite nullement de la question qui doit surtout nous occuper er. Il ne nv’est possible de citer quelques mémoires venus un peu plus tard que par des extraits que je trouve heureusement dans un auteur fort sérieux ; on verra plus loin les citations empruntées à l’auteur allemand, auquel je laisse toute la responsabilité des faits qu'il avance (1). Quelle que soit la valeur de ces travaux, on peut prévoir cependant qu'ils n’ont pas dü traiter les questions de pho- tographie et de structure, ainsi que là détermination de la partie productrice, en raison même de l’état de la science à leur époque, comme eela a pu l’être dans le présent travail. Du reste, il suffira de se reporter aux passages qui seront cités plus loin, pour recon- naître que Pline a servi largement, quand il s'est agi, soit de dési- oner les espèces, soit de faire connaitre le prétendu réservoir de la Pourpre. Aussi, Amati dans son travail De reshitulione purpurarum (2), Capelli dans celui qu'il intitule De antiqua et nupera purpura (3), et Don Michaele Rosa dans sa Dissertazione delle porpore e delle materie vestiarie presso gli antichi (h), ne doivent-ils pas s’être occupés de la question au même point de vue que nous. Tout en indiquant leurs travaux, je le répète, j'ai le regret de ne pouvoir en parler que d’après Heeren. On lira avec le plus grand intérêt, et surtout avec beaucoup d'utilité, l'article Pourpre du Dictionnaire d'histoire naturelle (1826) de M. Defrance ; on y trouvera, en effet, des traductions et des analyses des extraits, pour les anciens, d’Aristote, de Pline, de Vitruve, d'Opien, d'Élien, de Pollux ; pour les modernes, de Belon, de Rondelet, de Gesner et d’Aldrevande, de Fabius Co- (4) Voy. plus loin Ann. des sciences nal., Zool., 4° série, t. XIT, citations Heeren. (2) Amati, De restitutione purpurarum, 3° édit. Cesena, 1784. (3) Capelli, De antiqua et nupera purpura. (4) Don Michael Rosa, Dissertazione delle porpore e delle materie vesliarie presso gli antichi, 1786. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 17 lumna, de Guill. Cole, de Lister, de Réaumur, de Duhamel du Monceau, ete., ete. Nous aurons à revenir sur quelques-unes des conclusions de cet article. En se rapprochant beaucoup plus de ces derniers temps, on ne voit que deux travaux sur la Pourpre, l’un de M. Barto- lomeo Bizio, l'autre de M. Sace. On trouve bien aussi des disser- tations critiques sur les interprétations des textes des anciens, des traductions d’Aristote et de Pline, et Je puis en particulier citer celle que M. de Sauley a fournie à M. Sacc, et qui a été publiée dans le même recueil que le mémoire du savant chimiste de Mulhouse. Le travail de Bartolomeo Bizio a pour objet Znveshigazione chr- miche sopra à Murex brandaris Linn., et a été publié dans les Annali delle scienze del regno Lombardo-F'eneto (Padova, 1835). I y est question aussi du Murex trunculus. Le travail est étendu, et la substance colorante semble avoir élé traitée de toutes manières ; il y a des analyses fort nombreuses, ou plutôt des essais par les différents agents, eau, alcool, ete., des parties antérieures et postérieures du corps ou du corps tout entier ; 11 y à de nombreuses expériences sur la solubilité de la matiere, sur l’action de l’ammoniaque, des alealis, ete. Les analyses organiques aissent beaucoup à désirer, bien qu'il y soit parlé d’oxydation. Je ne puis reconnaitre s’il y a eu un principe immédiat isolé, et si cette question, fort intéressante, est résolue : La matière, avant l'action de la lumière, est jaune ei non odorante ; après, elle est vio- lette et d’une odeur des plus prononcées. Y a t-1l eu une transfor- mation ? Quelle est done au juste la nature de l’action du soleil ? Quel changement a-t-il produit? Quelle modification a-t-1l impri- mée à l’état moléculaire on à la composition chimique de cette substance organique ? Il était impossible que l'on travaillàt, comme Pa fait Bizio, sur une pareille matière, sans reconnaitre les changements de eou- leur sous Pinfluence des ravons solaires. Aussi ces changements &° série. Zooz. T. XIL. (Cahier n° 1.) ? 2 … 18 H. LACAZE-DUTHIERS. sont-ils indiqués, de même qu'ils l'avaient été bien avant par Réaumur, Duhamel; de même qu'ils l'ont été et qu'ils devaient l'être dès la plus haute antiquité, c’est-à-dire du moment que l’on a employé la pourpre. La matière, comme on le verra, n'étant colorée, n'étant pourpre qu'après cette action solaire. M. Sacc a publié dans le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, année 4854, une esquisse de l'histoire de la Pourpre. Dans ce résumé assez suceinct des travaux qui ont pré- cédé son mémoire, M. Sace s'occupe peu de la question anato- nique ; il semblerait même qu'il n’a fait qu'une revue purement bibliographique, avec quelques rapprochements inspirés par les découvertes modernes relatives à l’alloxane et à la murexide. Il ne parait pas, d’après ce travail, que M. Sacc ait fait d'expériences par lui-même. Son mémoire, du reste, qui fut lu à la Société in dustrielle, n’est pas long, et, comme tout ce qui est destiné à la lecture, il est agréablement écrit, et les faits y sont présentés d’une manière aussi claire que concise, et avec ce cachet apprécié par tous ceux qui connaissent l’éminent chimiste. Il y a cependant quelques-unes des conclusions qu’il n’est pas possible d'admettre, l'anatomie démontrant, par exemple, clairement que la partie pro- ductrice de la pourpre n'est pas le rein, bien que cela soit affirmé, sinon d’après des expériences, du moins indiqué comme probable d'après l’analogie des couleurs que fournissent la matière à pourpre et l'acide urique ou ses dérivés. Dans leurs recherches historiques sur Rome et l'antiquité, il est rare que les auteurs ne parlent pas de la pourpre ; elle tenait un rang trop distingué parmi les couleurs des vêtements et les dignités, pour qu’un article ne lui soit pas toujours consacré. Or, le plus souvent, dans les citations bibliographiques, les auteurs se copient les uns les autres, en modifiant les expressions de leurs prédécesseurs suivant leur goùt pour le style; de là souvent des erreurs nouvelles faisant suite où venant s'ajouter aux erreurs des textes que l’on prend pour guide. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 19 On peut trouver, en histoire naturelle, bien des exemples de ces citations faites sans remonter à l’auteur original, et de ces cita- tions tout à fait fautives qui se perpétuent de la sorte. Au milieu de tant d’autres ouvrages où 1l est question de la couleur qui nous occupe, voici M. Desobry, dans ses Lettres, du reste fort instructives et très intéressantes, sur Rome au siècle d’Auguste, ou Voyage d’un Gaulois à Rome à l'époque du règne d'Auguste et pendant une partie du règne de T'ibère, qui donne aussi un extrait des auteurs, pour la faire connaitre, On trouve à chaque instant, dans les auteurs latins, fincta mu- rice lana (1); les mots mureæ, conchylium, concha (2), revien- nent bien fréquemment. C’est donc d’un coquillage qu'il est question dans Pline comme dans les autres auteurs, et, pour per- sonne, un Limaçon de mer n’a été un Poisson. Et qu’on le remar- que, ce n’est pas ici une distinction sévère, exacte et subtile d'histoire naturelle que je veux établir : non. Il n’est possible à per- sonne de reconnaitre un coquillage sous celte expression : « Un poisson de mer appelé Pourpre fournit cette riche teinture. » Or cette expression, pour des personnes qui lisent simplement les ouvrages sans remonter aux sources, désignera bien ce qu'elle indique. Il est vrai de dire que si l'on ouvre un Gradus ad Parnassum (3), on y trouvera, après le mot Murex : « Poisson dont on tire la pourpre » : après le mot Pourpre : « Couleur fournie par un coquillage que trouvèrent les bergers.» Quel embarras pour celui qui n’est pas na- turaliste, qui connait seulement, comme tout le monde, que le Poisson n’est pas un coquillage, et réciproquement. Comment fixer son idée sur l'animal qui produisait cette belle couleur ? C’est avec de telles traductions que, dans le tome [*', lettre x1v, M. Desobry reproduit tout ce que dit Pline, avec des renvois en (1) Horace. (2) Voyez les dictionnaires classiques latins donnant des synonymies au mot Pourpre. L'idée de coquillage y est bien établie : « Quæ de Tyrio murice lana rubet. — 0. » « Purpura Thessalico concharum tincta colore, — Er. » (3) Gradus ad Parnassum, Quicherat, ouvrage classique. 20 H. LACAZE-DUTHIERS. note indiquaut le livre et le paragraphe. Mais pourquoi changer les expressions d’une manière aussi malheureuse : « Un poisson de mer appelé Pourpre fournit cette riche teinture (A). » Jamais Pline, au paragraphe xxxvr, n’a parlé d’un poisson; il a déjà fait assez d'erreurs pour ne point lui en faire commettre d’autres. Après avoir traité, dans le livre IX, des Crustacés, qu'il désigne par le nom de Cancer (2), et des Oursins (3), il arrive aux coquillages, el il dit en toutes lettres : « Viennent à présent les Mureæ, dont les » tests sont plus durs, et les divers genres de coquillages (4). » D'ailleurs le mot couleur conchylienne revient à chaque instant dans son ouvrage. Les erreurs se transmettent et se perpétuent par des citations incomplètes ou des changements de mots : c’est le cas ici. M. Desobry rapporte toutes les erreurs avancées par Pline, et ajoute celle qui vient d'être indiquée plus haut. Le Bue- ein lui-même y est désigné comme un «autre poisson de mer». Déjà le texte est difficile à interpréter, quand on veut se rendre compte de l'espèce désignée par le naturaliste latin; que devient-il pour celui qui prend lexpression poisson de mer au sérieux ? Dans tous les travaux, la propriété particulière à cette matière ne pouvait ne pas se trouver relatée. Il eût été curieux de faire des analyses organiques, et de voir, ainsi qu’il a été dit pré- cédemment, ce qu'est cette matière. J'espère que mon excellent ami et collaborateur pour d’autres recherches de chimie physio- logique, M. Alfred Riche, pourra m'aider à combler cette lacune, et que plus tard des notions exactes sur la substance trouve- ront leur place dans la science. Ce qui est surtout l’objet du travail actuel, c’est la détermination exacte de la partie qui produit la matière colorante. Nulle part on ne trouve des données claires et nettes relatives à la question, et, après bien des recherches bibliographiques, il me parait encore (1) Desobry, loc. cit., p. 353, lett. x1v du tome I. (2) Voy. Pline, édition Panckoucke, t. VII, p. 78, 80, liv. IX, $$ L, ui. (3) Ibid., p. 80, liv. IX, $ ur. ‘4) Ibid., p. 82, traduction de la collection Panckoucke, liv. IX, $ zu. « Fir- » mioris jam testæ Murices, et concharum genera. » ; MÉMOIRE SUR LA POURPR. 21 possible de répéter l’une des conelusions que l'on trouve à l’ar- ticle Pourpre (1) du grand Dictionnaire d'histoire naturelle. M. Defrance s'exprime ainsi : «»° Nous ne savons pas davantage au Juste dans quelle partie » de l'animal se trouve cette matière : est-ce dans l'organe dépu- » rateur? est-ce dans l'appareil générateur lui-même? Ce qui pour- » rait porter à le croire, c’est que les œufs du P. lapillus contien- » nent la même liqueur en abondance, comme l’a observé Réaumur. » Et alors on pourrait penser qu'il ne s’en trouve que dans les » femelles, ce qui expliquerait l'observation de Duhamel, qui dit » avoir vu des individus de la même espèce en avoir, et d’autres » n'en AVOIr pas. » Ces conclusions démontraient la nécessité de nouvelles observa- tions ; aussi est-il possible de présenter les faits qui suivent comme nouveaux et positifs. Ayant eu à faire des recherches sur la matière pourprée, j'ai dû observer naturellement ses propriétés particulières : bien des au- teurs en ont déjà parlé; j'arrive un peu plus tard, alors qu’une nouvelle branche des arts tirée de la science est née, je veux dire la photographie, et j'ai pu mettre à profit cette découverte. Dans ces deux voies on ne rencontre rien, et c’est sur elles que j'appelle l'attention d’une manière plus spéciale. En tout cas, on trouvera ici des notions précises qui permet- tront de voir nettement où est le lieu qui fournit la matière , et qui pourront conduire peut-être d’autres plus favorisés à pousser plus loin l'étude de cette partie de l’histoire des sécrétions dans les Mollusques. Ainsi se fait la science ; chacun apporte, suivant ses forces, ce qu’il peut, et le faisceau se constitue lentement et peu à peu, mais aussi sûrement ; mieux vaut dire moins, mais dire sûre- ment sans hypothèse. La bibliographie y gagne des notions pré- eises, au lieu de ces opinions vagues, souvent contradictoires, qu'il faut contrôler, et qui nuisent sans aucun doute au progrès ; car le travail pénible rebute, et rien n’est aujourd’hui rebutant comme cette série de noms à citer, auxquels se rapportent trop fréquemment des opinions qu'on doit combattre. (4) Voy. Dict. d'hist. nat., t. XLIII, p. 235, art. Pourpre. © pou) H, LACAZE-DUTHIERS. IT Des propriétés de la matière, Quand on enlève la matière qui doit devenir pourpre du lieu où elle se trouve, et dont la place sera plus tard assignée exactement, elle est blanche ou légèrement jaune. Dansle Purpura lapillus, elle varie entre le blanc mat et le jaune. Dans la Pourpre hémastome, de même dans les Mureæ, la teinte est parfois un peu grisâtre. Soumise à Paction des rayons solaires, ainsi que les anciens le savaient déjà très bien, ainsi que Réaumur l'a dit, et après lui Bozio, ete., ainsi que les pêcheurs des côtes de la Méditerranée le savent par tradition, elle devient d’une teinte d’abord jaune-citron, puis jaune verdâtre ; elle passe au vert; enfin elle vire au violet, qui se fonce de plus en plus, à mesure que l’action se prolonge davantage. On trouvera plus loin, lorsqu'il s'agira de déterminer exactement de quelle couleur devait être la pourpre des anciens, plus de détails et d'explications relativement à ce changement de couleur. En étendant sur un tissu eette substance en couches de diverses épaisseurs, on peut avoir un violet foncé qui offre les tonsles plus vifs, les plus riches, et parfois arriver au sombre le plus intense, ou bien enfin à la nuance la plus délicate. En variant la quantité de matière et la durée de l'exposition au soleil, on peut arriver à faire des dessins qui ne manquent pas, avec une grande vigueur de ton, des teintes dégradées les plus douces. Une matière qui se comporte de la sorte mérite aujourd’hui, à coup sûr, le nom de matière photogénique, et il était donc tout naturel de faire des essais dans cette nouvelle voie. Quand se trouveront exposées, ainsi que cela aura lieu bientôt, les propriétés des tissus, les connexions de la glande ou de la par- tie productrice, il sera plus facile de juger du parti que peut-être on pourrait tirer, au point de vue de la science et même de la MÉMOIRE SUR LA POURPRE,. 23 pratique, des propriétés de la pourpre. Mais voyons d’abord quels résultats on peut obtenir. En recueillant la matière purpurigène à l’aide d’un pinceau un peu rude, que les peintres nomment brosse plate, dont on coupe et raccourcit les erins, on arrive très bien à se procurer toute la quantité produite par un animal. Il suffit pour cela de brosser tout doucement plusieurs fois, sans se lasser, la partie qui sécrète. Bientôt la brosse se trouve chargée d’une substance visqueuse et filante qui reste adhérente. Alors on n’a qu'à barbouiller les tissus que l’on veut imprégner, en répétant fréquemment sur eux un mouvement de moulinet ou de va-et-vient. On arrive ainsi à étendre en couche uniforme la mucosité recueillie, qui fait d’abord un peu de bave ou de mousse, mais qui bientôt ne forme plus qu'un liquide, quoique épais, où toutes les bulles d’air dispa- raissent progressivement. Pour que le tissu se trouve imprégné à peu près uniformément, on charge le pinceau une seconde, une troisième, une quatrième fois, en avant soin de bien fondre les limites des différents points sur lesquels on apporte successive- ment de la nouvelle matière. Pour réussir à avoir une couche de matière uniforme sur l’étoffe, on doit employer d’abord la brosse; puis, passant le doigt en différents sens, on doit chercher à faire cheminer, des points plus imbibés vers les creux qui le sont le moins, l'excès de matière. Tantôt j'ai opéré presque au grand jour, tantôt dans l'obscurité ; je dois dire que dans ce dernier cas j'avais peut-être plus de détails. Cependant j'ajoute que la matière n'étant point encore modifiée donnait, quand je la préparais au jour, des résultats encore très satisfaisants. Je laisse de côté toutes les minutieuses précautions qui sont bien connues de tous les photographes, et qui n'ont rien de spécial, quelle que soit la matière photogénique employée. Rien faire adhé- rer le tissu chargé de la couche photogénique au eliché qui doit être reproduit ; éviter les bulles d’air, etc., ete., tout cela étant connu, et n'ayant rien de particulier, peut être laissé de eôté. I faut un certain temps au soleil, même avec un cliché négatif, 21 HW. LACAZE-DUTHIERS. pour obtenir une épreuve positive ; par conséquent, il serait infi- niment plus long d’avoir une épreuve dans la chambre obseure par l’action simplement de la lumière réfléchie. Je n'ai pris qu'une image d’un objet, sur lequel, à l’aide d’une glace, tombait la lu mière directe du soleil. Le tissu exposé dans la chambre obscure a présenté l’image, ainsi qu'il était facile de le prévoir. Le temps nécessaire au développement de l’image positive varie avec la vivacité des rayons lumineux du soleil. On observe surtout très bien le passage des tons divers, quand on soumet la matière à la lumière solaire, masquée de temps en temps par des nuages, la durée de l’expérience étant alors beaucoup plus longue. Une image était reproduite à Pornic (Vendée), à la Rochelle (Charente-Infé- rieure), à Agen (Lot-et-Garonne), en quatre ou éinq minutes, par un beau soleil, et cela vers la mi-août, fin du même mois et le commencement de septembre. Dans cette dernière localité, un portrait n'était fini qu'après trois quarts d'heure par un ciel nua- seux, mais laissant encore entrevoir de temps en temps de très piles rayons de soleil. Je n’ai point calculé le temps nécessaire au développement de la couleur à Mahon , mais il me paraissait infiniment plus court : deux minutes, une minute même, à quelquefois paru suffire , autant que je puis comparer par souvenir un temps non calculé à un temps dont la durée a été bien appréciée. Mais le ciel dans les ilesBaléares est si lumineux , la lumière y est si vive et le soleil si pénétrant, que cela doit être etne peut étonner. Avec des clichés négatifs, on obtient des portraits pleins de vi- eueur et de netteté, qui présentent les caractères dus aux chan- oements successifs de couleur de la matière. Pour que la matière passe successivement aux teintes indi- quées, il faut qu'elle soit constamment mêlée à une certaine quan- tité d’eau. Après avoir étendu la pièce de tissu sur la plaque por- tant le négatif, il est bon de l’humecter avec quelques gouttes d'eau de mer, puis d'appliquer une étoffe, également humide, ployée en plusieurs doubles ; on recouvre le tout avec une seconde plaque, et lon expose au soleil, H faut aussi, quand la chaleur est erande, avoir soin d'ajouter de temps en temps quelques gouttes MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 25 d’eau, afin que le contact de la pièce chargée de matière reste con- stant et parfait; sans cela, le tissu s’isole un peu de la plaque néga- tive, des bulles d’air se forment, et nuisent à la pureté de l’image. En ajoutant ainsi de l’eau, on observe le derrière du tissu, et l'on juge de l’état de développement des couleurs et des tons. Pour arriver à avoir des ombres bien accusées, ordinairement on doit suspendre linsolation quand les parties qui doivent être blanches dans les images obtenues par les matières photogéniques ordinaires présentent ici une belle teinte jaune verdâtre. Si le vert est trop accusé, les violets envahissent tout, et les jaunes ne font plus assez de contrastes avec les violets représentant les noirs qui ne se sont pas foncés en proportion. Dans les images ainsi obtenues, on trouve donc les noirs rem- placés par une teinte violette d'autant plus foncée, que la lumière solaire a pu mieux traverser la photographie négative. Cette teinte violette se dégrade successivement, et passe au jaune d'autant moins intense et moins verdàtre surtout, que les noirs sont plus accusés dans le négatif. C’est aussi ce qui m'a fait choisir, pour faire des épreuves positives, des clichés fort accentués et pré- sentant des contrastes de noir et de blanc très tranchés. La teinte et les reflets que présentent ces photographies sont fort agréables, et sur une reproduction de la tête d’une vieille femme, la nuance du jaune pâle formant les blanes de la figure imitait assez la teinte de la carnation de la vieillesse. D'ailleurs il y à, Comme on peut le remarquer, harmonie de couleur, le jaune et le violet étant complémentaires l’un de l’autre. Sans aucun doute, avec des espèces donnant une grande quan- lité de matière purpurigène, on obtiendrait plus facilement une couche égale et uniforme; car les temps d'arrêt, qui sont la conséquence de la recherche de la matière sur plusieurs petits individus, comme le sont ceux du Purpura lapillus, se font souvent plus où moins remarquer par quelque inégalité de la couche impressionnable. I est, en effet, assez difficile de re- prendre juste dans le point où l’on à eessé d'étendre, et alors les traits ou les décroissances de teinte se trouvent plus ou moins accusées, Suivant qu'il y a plus ou moins de matière. 26 H. LACAZE-DUTHIERS. PAU Sur papier, on aurait des épreuves ayant infiniment plus de détails et de vigueur: mais la difficulté se trouve dans l’impossibi- lité où l’on est de pouvoir agir avec une brosse ou un pinceau dur pour étendre la matière impressionnable. Quelques essais n’ont pu être faits qu’à la condition d'étendre la substance avec le doigt sans trop frotter, afin de ne point enlever le poli de la feuille de papier. Je ne doute pas que l’on n’obtienne de très bons résultats sur papier ; mais n'ayant, dans mon dernier voyage au bord dela mer, que peu de clichés, et l’adhérence qui s’établissait entre le papier et le collodium me faisant redouter d'enlever ce dernier, j'ai re- noncé à continuer les essais, dans la crainte d’être obligé de cesser mes expériences. Mais, évidemment, le tour de main consisterait à imprégner le papier sans l’érailler : or, je crois volontiers qu’on arriverait facilement à le trouver. A quel usage pourrait-on employer la pourpre ? Aujourd'hui que les manufactures de produits chimiques versent à torrent dans l’industrie les matières qui, avec la plus grande fa- cilité et la plus grande perfection, peuvent servir aux teintures les plus délicates et les plus riches, comment pourrait-on espérer de voir ce peu de matière animale donnant du violet, quoique fort beau et fort tenace, être employé par l’industrie? Il n’est guère probable que la pourpre revienne en honneur. Toutefois 1l me parait utile d'appeler l'attention sur un point : la photographie n’a pas encore tourné ses efforts vers l'application sur les étoffes délicates des dessins et des peintures d’un fini comme elle en fait. On a bien, il est vrai, sur certaines toiles cirées, appli- qué la couche de collodium déposée sur une glace et portant une image ; mais on n'a pas, par exemple pour des éventails et tout autre objet de luxe très délicat, donné sur soie des reproduc- tions des dessins, des tableaux, ete., que la photographie procure avec la plus grande facilité. ” On peut done se demander si, en étudiant avee soin la matière purpurigène, si en arrivant à dissoudre la matière restée jaune quand on à fait la photographie, on ne pourrait utiliser ces repro- duclions sur soie ayant cette belle teinte violette dont il a été MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 97 question. Il serait facile alors de pouvoir utiliser sous forme de médaillons, sur les pages et les cartons de tel ou tel de ces petits objets de luxe, un portrait ou une scène prise aux grands maîtres, etreproduite avec cette facilité et cette fidélité que chacun connait au daguerréotype. C’est là sans doute une application fort restreinte; mais cepen- dant, quand on voit la douceur des tons et les nombreux détails, ainsi que leur finesse, des photographies obtenues avec la matière des espèces indiquées plus haut, on se demande si, dans ces indus- tries de luxe et d'objets si délicats à la mode, on ne pourrait utiliser cette propriété photogénique, qui permettrait de trouver un usage à celte matière si recherchée des anciens et si délaissée aujourd’hui. La soie, d’ailleurs, conserve ce brillant et ces reflets qu'on lui connait, et si l’on venait à employer ce moyen photographique, on obtiendrait de l’industrie des soies certainement avec un grain plus fin que celles qu’on trouve dans le commerce, et qui cependant donnent déjà de très beaux résultats. Les étoffes sont d’ailleurs fortement imprégnées de la matière colorante, etle dessin apparaît toujours également net et vif, quelle que soit la face du tissu que l’on examine. On à vu que la pourpre ne devait pas se faner; on sait aussi que si elle perd d’abord un peu de son teint vif par le lavage, ensuite elle persiste ; on aurait done des conditions de conservation très bonnes, et qui donne- raient peut-être plus d'importance qu’on ne le pense à cette branche de la photographie. IV Que se passe-t-il pendant l’action du soleil, et dans le changement de couleur ? C'est à une question qu'il est assez difficile de résoudre sans des recherches de la plus grande délicatesse et des analyses orga- niques probablement fort difficiles, sinon fort minutieuses. La première chose qui frappe est celle-ci : développement, con- Jjointement et parallèlement à la production de la teinte violette, 28 H. LACAZE-DUTHIERS. d’une odeur vive et très pénétrante, que bien des personnes, à qui je demandais inopinément, sans qu’elles fussent prévenues, — quelle est cette odeur? — comparaient soit à l'odeur de la pierre à fusil, soit à l’odeur de la poudre brülée, soit enfin à l'odeur de l'ail, de l’asa fœtida. Les chimistes à qui j'ai fait la même question donnaient tous et toujours cette odeur comme étant celle de l’essence d'ail. L'odeur est extrêmement pénétrante au moment où la couleur vient de se produire; elle persiste encore pendant fort long- temps ; elle ne se reproduit toutefois que lorsque l’on humecte le issu coloré. Cependant, après un certain temps, elle semble disparaître ; mais quand on la connaît bien, on la retrouve sur les tissus que l’on imbibe. Une petite pièce de batiste teinte en violet à Mahon, en 4858, au mois d'août, exhalait l’odeur d’une manière très forte en la lavant un an après. Il se forme done un produit, une matière nouvelle; cela semble être une conclusion forcée, puisque les caractères physiques ont si complétement changé. La matière non influencée par la lumière est certainement so- luble dans l’eau et dans l'alcool. Les preuves de ce fait sont nom- breuses. D'abord quand on laisse mourir un animal, non-seulement la partie renfermant la matière devient pourpre, mais les tissus environnants se colorent eux-mêmes : cela tient à ce qu'ils se sont imprégnés du liquide évidemment par imbibition, et ils devien- nent également pourpres. Les bords du manteau sont sans aucun doute complétement dépourvus de matière influençable, et cepen- dant, sur les animaux morts, on lestrouve souvent d’un beau violet. De plus, les animaux qu’on plonge dans les liquides conser- vateurs colorent la liqueur. Jai placé dans des tubes avec de l’alcool des portions du manteau de la Pourpre hémastome, à Mahon ; l'alcool était devenu d’un beau violet. Au Jardin des plantes, des Pourpres conservées dans les liquides ont une partie du manteau d’un beau violet. Cet effet s’est présenté constamment dans les flacons que j'ai. Enfin, quand on ajoute des gouttes d’eau sur les linges impré- MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 99 gnés de la matière, l’eau qui s'écoule va teindre les parties envi- ronnantes d’une teinte légère. Évidemment il y a eu dans ce cas solution de la matière. Plus tard, quand la matière est devenue violette, elle est par- faitement insoluble , et sa stabilité sur les tissus en est la preuve. Avant d'aborder de nouvelles questions, il est important de dire quelques mots sur la persistance de la teinte. J'ai fait des marques et des dessins sur du linge ; en particulier, J'avais fait mes initiales sur le coin de l’un des mouchoirs qui me servaient dans mon voyage; et encore, bien que ce mouchoir ait servi avec intention très fréquemment, et que le tissu en soit rompu , les lettres de Ta marque sont encore d’un très joli violet un peu pâle, mais cependant d’une teinte extrêmement agréable. Du reste, l'habitude qu'’ontles matelots de marquer leur linge avec le Corn de fel, à Mahon; leur opinion, qui est la même pour tous, savoir, que les marques resteront inaltérables, prouvent que la matière, une fois colorée ou transformée, reste toujours inattaquable. Dans quelques essais que je faisais pour enlever la matière non attaquée, le chlorure de fer l’a détruite, mais le chlorure de chaux a agi beaucoup moins efficacement. La potasse, l'acide acétique, lammoniaque, l'acide chlorhy- drique, ne m'ont pas paru altérer ou même modifier la teinte. La matière doit évidemment imprégner les tissus, et se modifier dans leur intérieur pour y rester ensuite indéfiniment. C’est ainsi qu'en enlevant la matière à pourpre avec une brosse, pour fournir un point d'appui au manteau, je le renversais sur mon pouce pour que les tissus passent être brossés et dépouillés de leur matière. L'ongle était recouvert naturellement de matière ; il S’imprégnait tout à fait comme un tissu ordinaire, et conservait cette belle couleur pourpre plus de einq semaines. L’ongle con- tinuant à croître, la partie de nouvelle formation tranchait, après un certain temps, par sa couleur blanche sur la partie rouge anté- rieure. Évidemment, surtout quand on se livre à des recherches, quand on va à la mer presque tous les jours, voilà des conditions de 30 H. LACAZE-DUTHIERS. lavage qui devraient faire disparaitre vite cette teinte, si elle n’était fort tenace et fixée d’une manière presque indélébile ; mais incor- porée aux {issus à l’état moléculaire, elle y reste dans cet état. Ainsi voilà des propriétés remarquables : insolubilité, inaltéra- bilité, à la suite de l’action de la lumière, La valeur qu'avait auprès des anciens la pourpre peut certai- nement trouver une raison dans ce fait: que, sous les climats brülants et le ciel toujours si lumineux de l'Italie, de la Grèce et de l'Orient, la pourpre ne devait pas se faner comme les autres cou- leurs rouges , surtout comme celles tirées du règne végétal ou animal. La Cochenille, dont parle Pline (4), et qui fournis- sait l’écarlate, ne devait point résister à l’action solaire. La pourpre, au contraire, qui à eu pour cause directe cette lumière même, ne peut s’altérer comme les autres couleurs. Évidemment tout ce qu’aurait pu faire le soleil, et les anciens étaient souvent exposés dans leurs cérémonies publiques à ses rayons, c’eüt été de renforcer le ton des étoffes ; et l’on doit voir là certainement une des raisons de cette estime de la pourpre entre toutes les autres couleurs. Quand on connaît ces faits, on ne peut se refuser d'admettre qu'il a dù se former un composé nouveau. M. Sacc a dit dans son rapport : «Il est évident que la matière » à pourpre est accompagnée par une autre matière qui joue le » rôle de mordant, et c’est à ce mordant qu'est due la fixation de » la couleur. » Est-il absolument nécessaire, pour qu’une matière se fixe, qu’elle soit accompagnée d’un mordant? II y a bien des cas en teinture où l’on n’a pas besoin de mordancer les étoffes ; et 1e1 je crois, sans être livré pour cela à des recherches particulières , qu'il n'y à pas de mordant. La substance est soluble, elle imprègne les issus ; (1) Voy. Pline, t. VII, édit. Panckoucke, p.115 et 114, liv. IX, $ zxv, tra- duction, etc. : « Quin et terrena miscere, coccoque tinctum tyrio tingere, ut » fieret hysginum. Coccum Galatiæ rubens granum, ut dicemus in terrestri- » bus, aut circa emeritam Lusitaniæ, in maxima laude est. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 31 elle devient insoluble, se précipite, et reste par cela même fixée. Il faut dire cependant que les parties environnantes du manteau sécrètent une mucosité assez épaisse qui se mêle toujours, et quoi qu'on fasse, avec la matière à pourpre. Ce mueus aide beaucoup à rendre la couche de matière parfaitement égale dans le cas où l’on veut faire des photographies. Mais il faut aussi savoir que, si l’on à une trop grande quantité de mucus, celui-ci forme une sorte de vernis, de couche superficielle, qui se colore d’abord, et qui forme écran à la surface de la matière imprégnée dans le tissu. Si done on a fait une photographie en laissant une trop grande quantité de muecus, on à l’image à la surface, en dehors des tissus, ce qui fait que, pour peu qu'on humecte l’étoffe et qu’on la fasse adhérer aun autre tissu, on perd une grande partie de l’image. Maintenant quelle est l’action de la lumière sur cette matière ? Et d’abord c’est une action de la lumière, et non autre chose. On à vu quelle interprétation avait donnée Réaumur. Pour lui, c'était une action de l'air; un renouvellement de ce fluide était absolument nécessaire pour produire la modification de la ma- tière. Or non-seulement les expériences de Réaumur prouvent que c’est bien la lumière qui agit; mais il suffit d'avoir fait une épreuve photographique quelconque pour se convaincre de la par- faite inutilité de ce renouvellement. Placée entre deux plaques de verre, il est difficile de trouver là pour la matière les conditions que disait nécessaires le grand observateur. I n’est done pas pos- sible d'admettre l’action de l’air, au moins ainsi que l’entendait Réaumur. C'est bien une action de la lumière, car les Pourpres placées dans des liquides conservateurs ne manquent pas de se colorer dans les points voisins de la place qui produit la pourpre : dans ce cas, ilest difficile de voir une action de l'air; sous l’eau, dans un flacon bouché, il n’y a pas de courant et de renouvellement. Ce qui ne prouverait encore rien relativement à un autre mode d'interprétation, car l’eau tient en dissolution une assez grande quantité d'air. Mais on à vu que déjà Duhamel avait combattu par des expériences décisives cette opinion. 92 H. LACAZE-DUTHIERS. Afin que les liquides imprègnent les animaux que l’on veut con- server, il est bon d'en briser la coquille. Dans un voyage, mon but étant d'obtenir simplement des animaux conservés pour servir au besoin, je jetais dans un flacon indistinetement les individus après en avoir concassé le test. Or, toujours les animaux dont la coquille était intacte restaient incolores, et les animaux dont la coquille était en partie brisée restaient blancs sous les fragments et s’em- pourpraient dans les parties qui voyaient la lumière, Si done l'action de l'air dissous dans l’eau alcoolisée était invoquée pour expliquer ce changement, 1] faut bien le dire, cette action ne pourrait être, sans aucun doute, accomplie que sous et par l'influence de la Inmière. Etilne faut pas croire que ce soitseulement des rayons lumineux directs du soleil qui causent ce changement : la lumière diffuse le produit également; mais l’action est beaucoup plus lente que lors- que les rayons du soleil agissent directement. Les flacons qui reu- fermaient les Pourpres concassées n'étaient certes pas exposés à la lumière directe, et cependant la couleur s'était développée. Mais en quoi consiste celte action, et comment l'expliquer ? Des circonstances ayant porté obstacle aux recherches que nous devions faire avee M. Riche, j'avouerai que je ne poserai ici, pour ainsi dire, que des questions. La première idée qui se présente est celle-ci. La matière subit sous l'influence du soleil une oxydation. Cette opinion n’est pas nou- velle ; il en est déjà question dans quelques-uns des travaux cités. Ce qu'il y à de positif, c’est qu'il serait nécessaire de bien savoir ce qu'est la matière avant l’action de la lumière, et ce qu'elle est après. Sans aucun doute, il y à un produit nouveau de formé ; mais ce produit est-il le résultat d’une simple modifica- tion dans l’arrangement moléculaire, sous l'influence de cet agent profondément modificateur ? Sans analyse, il n'est guère possible d’en décider. Réaumur croyait déjà que la modification était toute moléculaire. S'il y a oxydation, ce qui pourrait bien être, le produit nou- veau est-il plus complexe ? Quel est:1l, comparé à ee qu'il était MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 59 avant. Voilà certanement des recherches intéressantes, et qui, je l'espère, conduiront à des données exactes. Quoi qu'il en soit, l’odeur qui se développe est parfaitement caractéristique, et, chose curieuse, elle se développe dans toutes les espèces qui fournissent la couleur, que ce soit les Purpura hœæmastoma ou lapillus, les Murex trunculus, brandaris ou eri- naceus, toujours l'identité d’odeur est absolue. Les personnes qui n’ont pas senti l’essence d'ail la comparent peut-être avec quelque raison à l'odeur du reste de la poudre qui à brülé; d’autres à celle un peu sulfhydrique que dégage du silex frappé; on pourrait lui trouver de l’analogie avec celle que l'on sent quand une voiture marche avec un sakot à l’une de ses roues. Il y a aussi une très grande analogie avec lodeur de l'ail et de l'oignon brülés. C’est dans la constance de cette odeur qu'il faut surtout chercher une preuve de la formation d’un corps nouveau, soit qu'il y ait un changement de l’état moléculaire, soit qu'il v ait absorption de l'oxygène, et par conséquent produc- ion d’une combinaison nouvelle avec un plus grand nombre d'éléments. Cette question sera, Je l’espère, résolue plus tard, quand les analyses et les recherches que je ne puis entreprendre seul pourront être conduites par mon très habile ami et collabo- rateur. Il serait à propos, après avoir parlé des propriétés de la ma- üère et de sa ténacité, de dire un mot de sa teinte; mieux vaut, pour éviter des répelitions, s'occuper de celte question quand il s’agira des espèces fournissant la couleur. V Position de la glande ou partie produisant la matière à pourpre. Ainsi qu'il à été dit en commençant, le but principal de ee travail est la détermination anatomique exacte de la partie du corps des Gastéropodes fournissant la matière colorante, 4° série. Zooc. T. XIL, (Cahier n° 4.) à 3 ol I. LACAZE-DUTHIERS. — Qu'est-ce done que cette partie ? où est-elle placée ? — Est-elle particulièrement spéciale aux espèces donnant la matière colorante ? — La retrouve-l-on dans tous les Mollusques gastéropodes? Voilà tout autant de questions qu'il faut résoudre, et dont la solution permettra seule d'arriver à une détermination anato- mique générale satisfaisante. Où est située la partie fournissant la matière pourprée ? Il me parait à peu près inutile de citer les auteurs dont les indications sont les plus vagues et les plus entachées d'erreur. Les mots veine, poche, sac à pourpre, doivent également et tout d'abord être rayés, leur emploi étant fautif. Un des auteurs qui ont cherché à donner le mieux l’idée du lieu où il faut puiser la matière tinctoriale est Juan Pablo Canals y Marti, dont le mémoire à été déjà indiqué (4). Il compare la coquille de la Pourpre à celle d’un Limaçon de jardin, puis il fixe le point où se trouverait dans celui-ci les vases, les vais- seaux qui préparent la matière. La comparaison entre un Limaçon et une Pourpre n’est peut-être pas très heureusement choisie, cependant elle sert à indiquer la position, ce qui est très impor- tant. Mais l’auteur fait erreur en indiquant un réceptacle de la liqueur ; il n’y a pas de réceptacle. Je citerai textuellement ce qui a trait à ce point; on verra que la question anatomique proprement dite v est complétement laissée de côté (2). Cherchons à donner une description en rapport avec les con- naissances actuelles de l'anatomie des Mollusques. (1) Voyez, à la fin de notre mémoire, la note relative au travail de MM. Gri- maud et Gruby. (2) Loc. cit. : page 75, description de l'animal ; page 76, portion de la partie qui colore, Paragraphe 6 de l'appendice. — « Rompiendo la concha a poca distancia de » sua abertura, o de la cabeza, y arrojando los pedazos rotos, se descubre el re- » ceptaculo Ileno del licor proprio para dar la tintura de purpura. » « S7. Se puede facilmente comprehender la posicion de este receptaculo, que » no es siempre de la misma capacidad, si le concidera como un Caracol de MÉMOIRE SUR LA POURPRE. D) Il faut de toute nécessité concasser la coquille et débarrasser l'animal de tous les débris. Quand on est arrivé à séparer le muscle rétracteur attaché à la columelle, sans rien déchirer, on à l’animal intact et l’on peut faire la préparation suivante. D'abord qu’on examine l'animal dénudé (1), et l’on verra le bord de son manteau entourant la base de la tête et du pied; son prolongement tubuleux paraîtra à gauche, puis, à droite sur le coté, le muscle de la columelle en-avantdes tours de spire du corps. Par transparence, dans l'épaisseur du manteau, on distinguera la branchie (2), dont on reconnaitra même les feuillets à des stries correspondantes ; à droite de celle-ei paraîtront successivement une bandelette jaunâtre (3), puis, tout contre cette dernière, une arborisation longitudinale brun-chocolat (4) : sur la Pourpre lapil- lienne rien n’est facile à distinguer comme ces parties, sans autre préparalion que l’enlèvement de la coquille. Si maintenant on fend d'avant en arrière le manteau, un peu à droite du canal, en longeant le bord gauche de la branchie (5); si l’on rabat les lambeaux du manteau, on a la préparation sui- vante (6) : Le corps de l’animal parait faisant suite à la tête : c'est sans aucun doute ce que les auteurs ont appelé le col de la Pourpre (7). A droite de cette partie, on voit le lambeau droit du manteau rejeté en dehors et montrant maintenant sa face interne, celle qui aupa- » jardin. Ÿ asi supongale denudo de una parte de su concha, y descubierto le collar, o la masa de carne que circuye su cuello. Se vera colocado en el _»+ paraje que corresponde al pescuezo el precioso receptaculo referido. Su ori- » genesta à la distancia de algunas lineas del bordo de su collar, y se extiende » en direccion conforme al cuerpo del animal, esto es desde la cabeza hasta la »* cola, es o en linea recta, sin o culebreando. » (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 1, fig, 1, animal de la Pourpre lapillienne vu par le dos. (2) bid., (b). (3) Ibid., (a). (4) Ibid., (x). (5) Ibid, (b). (6) Jbid., Gg. 2. (7) Ibid., (x). L-2 36 H. LACAZE-DUTHIERS. ravant était la voûte de la cavité. En partant du bord de la fente, on rencontre, en allant vers le corps de l'animal, les parties sui- vantes : un petit corps allongé feuilleté et avant l'apparence d’une branchie (4) ; la branchie (2) ; la bandelette jaunâtre (3) cachant en partie les arborisations brunâtres (4) ; l'anus (5), et le rectum qui lui fait suite ; enfin l’orifice de la reproduction (6). Dans la Pourpre hémastome, la même chose se rencontre. La préparation se fait de même. Ea figure qui accompagne ce tra- vail n'est que peu différente. La section du manteau a été faite dans un autre point, en sorte que les deux lambeaux (7) portent, l’un, à gauche, la branchie (8) et le corps d'apparence bran- chiale (9) ; l’autre, à droite, l’orifice génital presque caché et au contact du corps (10), et puis lanus et l'intestin (11), enfin la bandelette jaune blanchâtre (12). Les Murexæ présentent une analogie des plus grandes, dans la disposition, avec ce qu'on vient de voir dans les Pourpres; la glande anale, c’est ainsi désormais que seront désignées ces ar- borisations brunâtres, est surtout extrêmement marquée, et sa cou- leur tranche vivement sur celle de la partie voisine. La figure du Mureæ brandaris (13), comparée aux précédentes, montrera tout de suite, et mieux que ne pourrait faire une deserip- tion détaillée, l’analogie. Ainsi, il résulte déjà de cet examen que l’on trouve au côté 3) Ibid., (a). (4) Ibid., (x). Ibid., (c). ) Ibid., (c). (43) Ibid., fig. 4. — Les lettres indiquent les mêmes choses que dans les figures précédentes. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 37 gauche de l'anus et de l'intestin , parallèle à ce dernier, entre lui exactement et la véritable branchie, une glande brunâtre et une bandelette blanc jaunâtre. La glande est dans l'épaisseur des tissus accolée à l’intestin; la bandelette est à la surface interne du manteau, elle tapisse une partie de la voûte qu'il forme. Quand on à fait l’une des préparations indiquées (L), et elles sont abso- lument nécessaires pour obtenir la matière pourprée, on n’a qu'à brosser la surface rabattue du manteau, et le pinceau se charge de la matière de la bandelette jaunâtre : celle-ci disparaît entière- ment, et la glande anale se montre alors à découvert. C’est la bandelette jaunâtre qui fournit à elle toute seule la matière qui doit donner la couleur. Ainsi donc on peut fixer la position de la partie purpurigène de la manière suivante : C’est une bandelette de teinte blanchâtre, souvent d’un jaune très léger, et placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin et la branchie, plus près de celui-là que de celle-ci, et ne dépassant guère en avant l'anus, atteignant tout au plus en arrière le point où le manteau arrive au contact du corps de Bojanus (2). C'est en cherchant à délimiter nettement cetle partie, que j'ai trouvé la glande anale dont, à ce que je erois du moins, il n’est pas question dans les ouvrages. VI Quelle est la structure intime de la partie purpurigène ? Quand on examine sous l’eau l’une des préparations précédem- ment indiquées, malgré les contractions de l’animal, on distingue très vite que ce n’est pas à une glande proprement dite que l’on à affaire ; mais pour bien reconnaître toutes les dispositions, il (1) Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 2, 3, #. (2) lbid., Gg. 2, k, (r) corps de Bojanus. 38 NH. LACAZE-DUTHIERS. faut, à l'aide d’un jet d’eau, laver et entrainer les mucosités que sécrète la surface tout entière du manteau à la suite de l’irrita- tion qu'a produite l'incision. On voit très bien aussi la matière purpurigène, comme blane jaunâtre, mêlée ou comme suspendue dans la mucosité transparente du reste de la surface, L'apparence est un peu différente dans le Murex brandaris et le Purpura lapillus : dans l’un et l’autre cas, sous une loupe ordi- naire, la bandelette parait comme piquetée de points plus blancs et plus jaunâtres, quelquefois un peu grisâtres. Dans la Pourpre, la surface de la bandelette est onduleuse (4). Cela tient-il aux contractions transversales du manteau, ou bien à une plus grande épaisseur de la matière ? Dans le Mureæ bran- daris, la bandelette est comme veloutée; il m'aurait même semblé que chaque point était le résultat d’une élévation comme une vil- losité. J'avoue cependant que les Murex arrivant de Marseille étaient depuis trop longtemps hors de la mer pour oser affirmer, et que cette apparence ne s’est pas présentée dans le Murex erina- ceus tout frais observé sur les côtes du Poitou et de la Bretagne, à Pornic, à l’île de Ré, à la Rochelle (pointe des Minimes). La résistance de cette bandelette est très faible ; sous la plus légère pression, sous l’attouchement le plus léger, la matière blanchâtre semble exsuder à sa surface, comme une mucosité ; les contractions seules de l'animal, quand on Pirrite, produisent, pour ainsi dire, une sueur qu’il est toujours facile de distinguer, par suite de la couleur blanchâtre opaque. C’est en observant sous un jet d’eau qui lave la surface ou détermine un courant, que l’on voit bien cette particularité, Ces caractères prouvent assez que la partie blanche qui fournit la matière n’a pas par elle-même la disposition générale que l’on trouve dans les glandes proprementdites. Nous reviendrons encore sur celte distinction, quand la texture intime qui va nous occuper sera connue. La texture est assez simple. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1. XIE, pl. 4, fig. 2. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 39 Quand on soumet à un grossissement un peu fort la matière exsudée à la surface par suite des contractions de l’animal, on la trouve composée de petits grains opaques, liés entre eux par la mucosité’(1), et le plus souvent on voit au milieu de ces gra- pulations des vésicules plus où moins volumineuses, plus où moins sphériques. ou allongées, et remplies elles-mêmes de granulations analogues à celles qui sont libres. Si l'on enlève avec des ciseaux bien tranchants une petite por- lion de ce tissu, sa composition se présente avec les mêmes ca- ractères. On trouve qu'il se compose de cellules longues placées parallèlement les unes aux autres, et perpendiculaires par leur plus long axe à la surface du manteau (2). Les plus superficielles forment par l’une de leurs extrémités un plan, une surface qui est celle-là même que l’on aperçoit dans les préparations indiquées précédemment en renversant le manteau (3), et qui, ainsi qu'on peut le prévoir, est couverte d'un épithélium vibratile, comme tout le reste de la surface du corps. Ces cellules renferment la matière granuleuse qui doit se dis- soudre et produire la matière colorante. Elles sont, du reste, très grandes ; le plus souvent elles erèvent dans l’eau. Leur contenu empêche de reconnaitre le noyau, si elles en ont un. Leur grandeur varie cependant sur un même individu, ainsi qu’on peut le voir dans l’une des planches où deux figures prises au même grossissement, el représentant le tissu de la glande d'un même Purpura lapillus, sont très différentes (4). La différence entre les grandeurs est très considérable. Dans le cas où les cel- lules sont plus grandes, il semble que leur extrémité libre se dé- gage un peu, et par cela même se renfle davantage, tandis que l’autre semble pressée et comme effilée (5). Évidemment ces apparences diverses dépendent de la différence du développement. (1) Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 1, fig. 6 et 7, B, B, Pourpres hémastome et lapillienne. (2) Jbid., fig. 2, 3, &. (3) Ibid., fig. 7 et 8. (4) Ibid., fig. 8. (5) Ibid, [A 2 10 H. LACAZE-DUTHIERS,. La grosseur est sans doute en rapport avee le plus ou moins d'avancement ou de maturité de la sécrétion. Lorsque l'animal se contracte, ou lorsqu'on exerce une pres- sion sur la bandelette, ee sont ces cellules qui s’échappent et de- viennent libres; presque toujours baignées par un liquide, elles s’endosmosent et crèvent, alors leur contenu granuleux se mé- lange au mucus et aux autres cellules non déchirées. Ce sont done ces cellules que lon détache, isole et déchire, quand, à l’aide d’une brosse de peintre, on passe successivement à différentes reprises sur la partie qui les produit. Enfin c’est leur contenu qu'il faut étendre uniformément sur les tissus pour obtenir la couleur. Le contenu paraît, par la lumière transmise sous le microscope, avee sa teinte jaunâtre, mais il est facile de voir aussi mêlées avec les cellules jaunes d’autres cellules qui présentent une certaine transparence; celles-ci sont sans doute de formation plus récente, et leur contenu n’est pas aussi près de la maturité où d’une éla- boration parfaite que dans les autres. Ces cellules forment une couche d’une certaine épaisseur et dont on voit mieux la constitution quand elles sont moins volumi- neuses. C’est ce qui parait dans l’une des figures (4). Quand on pénètre plus bas, au-dessous de la couche qui vient d'être décrite, on trouve des cellules transparentes plus où moins irréculièrement ovales, d’une autre nature, plus petites, formant une couche qui parait être le tissu même du manteau sur lequel repose la bandelette dont il vient d’être question. Remarque. — El maintenant que cette structure est connue, posons cette question : Est-ce une glande qui fournit la matière à pourpre ? Évidemment ici point de canal excréteur, point de eul-de-sae sécréteur ; si donc il y a glande, la partie sécrélante est à nu et étendue sur la face inférieure du manteau. A ce point de vue, (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., &° série, &. XII, pl 4, fig. 7, A. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. LA l'opinion peut être soutenue; mais habituellement on réserve ce nom à une cavité plus ou moins profonde, plus où moins ra- mifiée, plus ou moins simple ou composée, et tapissée par le paren- chyme cellulaire producteur de la matière à secréter. Il suffirait ici de reployer cette couche et de l’enfoncer, pour ainsi dire, en un cul-de-sac, pour avoir dans ces nouvelles conditions une glande dans la véritable acception du terme. On comprend maintenant que les expressions qui, en commençant, étaient condamnées, ne peuvent plus être employées. IE n°y à pas plus de réservoir que de sac ei que de veine, que de poche à pourpre. L'expression glande à pourpre serait convenable, si le mot glande n’indiquait presque toujours les dispositions qui viennent d'être caractérisées. VII Cireulation dans la partie du manteau correspondant à la couche productrice de la matière à pourpre. La partie purpurigène se trouve ainsi limitée, et sa texture, comme sa position, ne permet plus de doute relativement à quel- ques opinions nées de considérations à priori et par induction. Nous reviendrons sur ces opinions, quand le tissu riche en vais- seaux qui la supporte aura fixé un instant notre attention. On sait que généralement, dans les Mollusques, 1l y a une sorte de veine porte, relative non pas au foie, mais au sac que Bojanus décrivit dans les Acéphales comme un poumon, et dont l'existence est générale dans les Gastéropodes. Aujourd’hui toutes les ana- lyses tendent à montrer que cet organe est bien un rem; on v a trouvé l'acide urique en nature cristallisé (4), ou bien l'analyse chimique y a fait reconnaitre de l’urée (2). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. IV, pl. 4, fig. 44, mes obser- vations personnelles et les dessins des cristaux d'acide urique. (2) Ibid. Les analyses de M. Riche, professeur agrégé à l'École de phar- macie de Paris. — Voy. aussi le travail sur le Pleurobranche (Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XI, art. Corps de Bojanus). 2 Hi. LACAZE-DUTHIERS. La structure, la position, relativement au cours du sang, tout fait trouver une analogie extrême et certaine entre les corps de Bojanus dans les Acéphales et le sac rénal des Gastéropodes. Dans le cas actuel, le sang qui revient du corps rénal par un ou plusieurs trones (4) se dirige vers la branchie. Une veine assez volumineuse (2) monte dans l'épaisseur du manteau parallèlement à la branchie et à l'intestin, et porte le sang dans le réseau qui le distribue à l’organe de la respiration ; elle reçoit aussi le sang des parties voisines du rectum et de la partie ou marge antérieure du manteau. C’est dans cet espace qui est limité à gauche par la bran- chie, à droite par le rectum, et qui présente ce réseau sanguin fort riche, que se développe la matière purpurigène. Un regard jeté sur la figure montrera, mieux que ne pourrait le faire une description détaillée, la disposition des vaisseaux. En arrière, on voit l’origine du trone venant du corps de Bojanus (3) se dirigeant parallèlement à la branchie (4) et au rectum (5), et donnant, à la droite de la figure, des rameaux afférents à la bran- chie ; on remarquera sans doute de la différence entre les capil- laires à droite et à gauche de ce tronc principal. Les injections poussées par une simple piqûre du bord libre du manteau remplissent ce réseau, en sorte que le sang qui sert à la sécrétion purpurigène est à la fois simplement veineux, et veineux après avoir été épuré dans le corps rénal ou dépurateur. La couche purpurigène semble en certains points un peu plus épaisse, en raison des dépressions qui paraissent exister sur celte surface vasculaire, et qui n’ont pas pu être rendues d'une manière bien satisfaisante, pour ne pas charger trop la figure, Tels sont les rapports de la partie purpurigène avec l'organe de la respiration, l'appareil de la circulation etle tube digestif. (1) (2) Ibid. ) MÉMOIRE SUR LA POURPRE. hà VII] La matière colorante pourprée n’est pas fournie par le rein, et elle n'est et ne peut être l'urine de l'animal. Telle est la conclusion qui va faire l’objet de ce paragraphe, et la conséquence à laquelle conduisent forcément les détails anato- miques. Cette conclusion est, comme on peut en juger, complétement opposée à la manière de voir mise en avant, d’après des consi- dérations purement chimiques, par M. Sacc. «… C’est, dit cet auteur, évidemment un liquide événté, etnon » pas une sécrétion utile à l'animal, puisque la poche dans la- » quelle il se développe s'ouvre au dehors : or que peut être ce » liquide, sinon l'urine du Mollusque, urine toujours chargée, dans » ces animaux, d'acide urique ou de ses dérivés oxydés (1). » De quelle poche entend parler M. Sace? Évidemment si c’est du corps de Bojanus, il y a erreur. Ce n’est pas l’organe de Bojanus qui fournit la matière colorante, ce doit être la partie qui vient d'être décrite, puisque le savant chimiste ajoute : « La matière » colorante est un fluide épais et si visqueux, qu'il ressemble » à une espèce de gelée, qu’on peut enlever avec un pinceau à poils » un peu roides (2). » Cette description se rapporte certainement à ce qui vient d’être dit. Or il n’y a aucune analogie entre la glande dont on vient de lire la description et le sac de Bojanus ; sans aucun doute, ce sont des considérations chimiques qui ont conduit à cette conclusion : car la murexide, qui prend naissance quand on met l’acide urique en rapport avec l'acide azotique, est fournie par l'urine, et rappelle par sa couleur pourpre celle que fournissent les coquillages. Il reste donc complétement à vérifier les conclusions du travail fort intéressant de M. Sacc, mais qui ne paraît pas basé sur des obser- (1) Voy. Sacc, loc. cit., p. 305. (2) Ibid., p. 305. ll H. LACAZE-DUTHIERS. valions directes, puisqu'on y trouve ceci : « Qu'il serait bien utile » de chercher le mordant (qui sert à fixer la couleur) organique, » et qu'on le trouverait à coup sûr, si l’on pouvait avoir quelques- » uns des Buccinum lapillus (A), si communs sur les côtes du » Poitou (2). » Dans ce mémoire si intéressant d’ailleurs, et qui paraît lout à fait bibliographique, sans données expérimentales positives, on trouve les conclusions suivantes : « 1° Que la pourpre des anciens doit être un produit analogue » ou identique avec celui qu'on obtient avec l’alloxane (2). » Et en nole : / « Cette idée vient de passer à l’état de conviction bien arrêtée, » après que M. de Sauley, président de l’Académie de Metz, nous » eut fait la communication suivante : » Étant à la Martinique en 1836, en rade de Saint-Pierre, je » prenais, sur les rochers couverts par la lame, la Pourpre bi- » coStale ; dès que les Mollusques étaient dans ma main, ils suin- » taient un liquide épais, onctueux et opalin, ce qui me les fit » mettre dans les poches de mon caleçon de bain, qui peu à peu se » Colora en pourpre magnifique, identique avec celle de la mu- » rexide. Cette belle couleur s’effacait bientôt sous l'influence si- » multanée de l’eau salée et d’une température élevée, en passant » au brun, que rien ne put enlever. » On ne voit là rien autre chose que le rapprochement fait entre la couleur de l’alloxane et celle de la pourpre. Il n’y a point, ana- tomiquement parlant, analogie aucune entre le rein et la partie qui fournit la matière. « 2° Que si elle était aussi solide sur le lin que sur la laine, cela » lient à ce que l’alloxane est combinée (dans l'urine des Mollus- » ques employés) à une liqueur animale jouant vis-à-vis d’elle le » rôle de mordant. » On a vu plus haut la troisième conclusion, à laquelle je m'as- (1) Sans doute M. Sacc a voulu dire la Pourpre. Dans un mémoire de si fraîche date, voilà encore un nom qui jette du doute sur l'espèce. (2) Page 308. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 5 socie : car je crois, en effet, que, pour ne point présenter d’hypo- thèse et faire connaitre exactement, non à priori, mais après des expériences, la composition des substances de la matière colorante, il serait imprudent de dire qu'il n'y à pas d’alloxane dans la ma- tière purpurigène, puisque les analyses ne sont point faites en- core; mais ce qui devait être élabli ici, c’est que ce n’est point le rein qui fournit la matière pourpre, puisqu'on trouve les deux organes parfaitement distincts. Rien n'empêche d’ailleurs d’ad- mettre que l'acide urique qui se trouve dans l'urine, dans le sac de Bojanus, donne naissance à la couleur bien connue ; mais en- core une fois si l’on est arrivé par des considérations purement chimiques, et à priori, à admettre que c’est l'urine du Mollusque qui fournit la pourpre, et par suite que la couleur est due à l’al- loxane, comme anatomiquement il est impossible de voir le rein dans la bandelette jaunâtre, les conclusions précédentes se trou- vent singulièrement compromises. On peut done revenir à ces questions, qu'il est bon de poser encore avant de se prononcer. Il faut savoir ce qu'est la matière avant l’action de la lumière , ce qu’elle est après ; alors seulement il sera possible d'émettre une opinion, et de dire : C’est à tel pro- duit qu'est due la couleur pourpre des anciens. IX D'une nouvelle glande que l’on peut*nommer glande anale. Les recherches d'anatomie ayant pour but la connaissance exacte de la partie productrice de la matière purpurigène ont con- duit à reconnaître une autre glande qui, vivement colorée en brun violâtre, pourrait, au premier abord, être prise pour de la substance pourprée introduite dans les tissus. En y regardant de prés, on voit que la matière est différente, et que la partie qui la contient a surtout une organisation toute spéciale. Cette glande est logée sur le côté du rectum, qu'elle aecom- pagne jusqu'à l'anus, où elle s'ouvre par un pore très petit. Le nom de glande anale semble par cela même lui convenir. 6 H. LACAZE-DUTHIERS. Il ne parait pas que son existence ait été connue; on n’en trouve pas l'indication dans les ouvrages de malacologie. Sans avoir fait un grand nombre de recherches comparatives, il est aussi permis de supposer par quelques faits que son existence n’est pas générale dans les Gastéropodes. Les Gastéropodes nus ne paraissent pas la posséder, de même que beaucoup des Pecti- nibranches de Cuvier. Dans beaucoup de ces derniers, l'absence n’est pas douteuse, à moins toutefois qu’un examen trop super- ficiel, basé en grande partie sur la coloration de la glande, n'ait fait porter un jugement trop précipité. Quoi qu'il en soit, les genres Pourpre et Rocher l’ont montrée fort caractérisée. Dans les Purpura lapillus, Murex trunculus, M. brandaris, M. erinaceus, on la voit au travers du manteau, dès que l’on a enlevé la coquille. La couleur brunâtre de ses arbo- risations l’a fait toujours reconnaître au travers des tissus et des mucosités (4). On sera sûr de son isolement quand, après avoir brossé avec un pinceau la partie purpurigène, on aura enlevé toute la matière jaunâtre ; alors les arborisations de la glande paraîtront très bien entre les lames du manteau. Avec l’aide d’une loupe, on reconnaitra aisément la disposition suivante, caractéristique d’une glande. Un long canal (2) central, parallèle à la direction du rectum, paraît au milieu des arborisations latérales : c’est évidemment le canal excréteur qui conduit au pore ou ouverture extérieure (3). À droite et à gauche de ce canal sont, mais dans un même plan, les ramifications brunâtres de la partie qui séerète. Quand on dit un même plan, ce n’est pas horizontale- ment qu'il faut entendre; les ramifications secondaires ne se diri- gent pas dans toutes les directions, mais seulement à la surface de l'intestin. On ne saurait nueux comparer l'aspect général de cette glande (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 1, fig. 9 et fig. 4, 2. (2) Ibid., dessin de la glande dans le Purpura lapillus un peu grossi. (3) Ibid. fig. 4 (f). MÉMOIRE SUR LA POURPRE. L7 qu'à ces arborescences noirâtres que l’on rencontre parfois entre des lames de pierre. On distingue très nettement cette disposi- tion, surtout à l'extérieur du manteau, après avoir enlevé la co- quille dans le Purpura lapillus, le Mureæ erinaceus et le Murex brandaris (1). On éprouve assez de difficulté à bien voir l’orifice du eanal excréteur, et ce n’est qu'avec beaucoup de soin que l’on arrive à le découvrir, Il faut étendre les lambeaux du manteau, ainsi qu'il a été dit; alors on voit la face interne de la voute palléale, et l’on peut enlever sous l’eau, pour agir plus facilement, toute la matière purpurigène. Le meilleur moyen pour reconnaitre l’orifice excré- teur est, après avoir fendu un peu l’anus et l'intestin du côté inférieur, de presser doucement sur la glande et son canal, et de se servir de la matière brune qu’elle sécrète comme matière à injection : en agissant ainsi, on voit la matière sécrétée s’échap- per par l'anus ; et si l’on à fendu ainsi qu'il à été dit (2), on dis- üngue très bien que l’anus n’est pas régulièrement cireulaire, mais que, en avant et contre le manteau, 1l semble se prolonger en une petite pointe ou papille (3). C’est vers le sommet de cette papille que l’on trouve un petit pore par où s’échappent les pro- duits de la sécrétion. C'est avec la plus grande attention que j'ai répété cette explora- tion, et toujours avec les mêmes résultats, Du reste, où aurait pu s'ouvrir celte glande? Plus profondément dans l'intestin ? Si cela était, la matière sécrétée, en passant d’avant en arrière, se serait échappée postérieurement: or cela n’a jamais eu lieu. Plus tard, après m'être bien assuré de cette position de l’orifice, un jet d’eau chargée de matière colorante, poussé directement sur la papille, sur des individus frais, faisait découvrir, par l'introduc- üon de la matière, l’existence du pore excréteur avec la dernière évidence. Il ne saurait donc y avoir de doute relativement à la position de (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 4 (f). (2) Ibid, 8, fig. 9 (f). (3) bid., fig. 9 (c). te H, LACAZE-DUTHIERS,. cette glande, qui peut, à bon droit, porter le nom de glande anale, comme on le voit maintenant. Reste à voir quelle est la structure; ce sera chose plus facile que d’assigner le rôle, les usages et les fonctions. Si l’on prend sur les côtés du canal médian longitudinal quel- ques ramifications ou arborisations, et qu'on les examine à un faible grossissement (1), on aperçoit la matière brunâtre formant autant de ramilications et de troncs que la glande elle-même, et occupant le centre des canaux principaux et des culs-de-sac secon- daires. Considérée à un autre point de vue, la glande paraît formée de canaux ramifiés et terminés en fin de compte par des culs-de- sac. Les bords des canaux paraissent transparents, tandis que le centre est brun et opaque. La figure qui accompagne ce travail rend très exactement l'apparence (2). Mais en soumettant à un fort grossissement l'extrémité de l’un de ces culs-de-sae, la structure intime devient facile à ob- Server. On voit ici bien nettement celte structure si simple que pré- sentent toutes les glandes, et qui a permis de généraliser si heu- reusement la théorie des sécrétions (3). Les cæcums, ou culs-de-sac borgnes, sont formés d’une membrane mince, dans laquelle il est difficile de démêler une texture (4). Puis enfermé par cette membrane, se trouve le parenchyme cel- lulaire véritablement glandulaire. Cette partie est facile à étudier : elle est composée de cellules dont les dimensions sont beaucoup plus considérables en largeur qu’en hauteur, ee qui donne au tissu de la glande une apparence toute différente, suivant que l’on exa- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 11, grossisse- ment de 20 à 25. (2) Jbid., id. (3) Zbid., (y). (4) Ibid. (x). MÉMOIRE SUR LA POURPRE. h9 mine ses parois de champ sur le côté, ou bien de face sur le milieu. Les cellules sont ou paraissent dans un sens assez grand; elles sont remplies de granulations fines auxquelles est due la couleur. Ces granulations se trouvent souvent en grand nombre, libres dans la cavité du cul-de-sac (1), et constituent la sécrétion de la glande. Les cellules renferment aussi un corpuscule plus ou moins gros, plus ou moins noyé au milieu des granulations, et qu'on peut regarder comme un noyau ; on le voit surtout très bien quand on regarde la surface de la glande (2); on le distingue aussi nette ment quand c’est le côté qu’on observe. Ce noyau est irrégulier, el souvent anguleux à sa surface; il est relativement très gros. Mais, chose qui m'a paru constante dans la plupart des cellules vues de face (3), en plaçant le foyer à un certain point, on aperçoit dans leur intérieur, à côté du noyau, comme un espace clair, qu'il n’est pas facile d'expliquer. C’est un pomt d’une certaine étendue, qui semble sinon dépourvu de granulations, du moins en présenter beaucoup moins. Chaque cul-de-sae renferme dans son intérieur une assez grande quantité de matière sécrétée, et 1lest facile, quand on vient de l’en- lever sur des animaux vivants, de voir, si l’on ne comprime que très légèrement, que cette matière est entraînée par des courants que déterminent les nombreux et puissants cils vibratiles qui tapis- sent la paroi interne : granulations fines, noyaux, quelques petites souttelettes à apparence huileuse, tout est entrainé par le courant qui pousse vers le canal excréteur (h). Le parenchyme ou tissu sécréteur parait former une couche fort peu épaisse ; une ou deux rangées de cellules semblent mesurer cette épaisseur dans le plus grand nombre de cas. Quelles sont les fonctions de cette glande? Il me parait impos- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 1, fig. 44 (z). (2) Zbid., (x). (3) Ibid, (x). (4) Jbid. Le mouvement est indiqué par la fleche. &4° série. Zooc. T. XII. (Cahier n° 4) 4 4 o!} M. LACAZE-DUTHIERS. sible de les préciser; c'est évidemment une glande, dans toute là force du terme , mais son rôle est difficile à dévoiler d’une manière positive. Il est un rapprochement qu'il est nécessaire d'établir. Dans les embryons des Gastéropodes, on voit, la plupart du temps (Bulle, Bullée, Aplysie, Doris, Cérite, ete., etc.), un point rougeñtre qui est placé au côté droit, dans le point où commence la cavité du manteau. Ce point, coloré d’une teinte un peu variable avec les espèces, fixe facilement le eôté droit de l'embryon, et sert, sous le microscope qui renverse, à déterminer exactement les rapports naturels des parties. Or il semblerait assez naturel de regarder, comme origine de la glande dont on vient de suivre la description, le point coloré auquel il est maintenant fait allusion; ce point est, en effet, tout près de l’anus chez les embryons. Il serait intéressant de suivre attentivement son développement dans les Gastéropodes, et de voir ce qu'il devient : s’il donne, chez les uns, naissance à une olande véritable; si, chez les autres, il disparait sans être suivi de la formation d’un organe particulier ; S'il s’atrophie, en un mot, dans les espèces qui ne paraissent pas avoir de glande anale. X La glande purpurigène est-elle particulière aux espèces qui fournissent de la couleur ? La structure du manteau dans le point fournissant la matière pourprée semblerait au premier abord particulière aux animaux donnant de la couleur, et cependant l’analogie devait conduire à généraliser et à faire admettre que chez la plupart, si ce n'es tous les Gastéropodes, une même chose existait. Quand on prend un Limaçon des plus communs dans nos cam - pagnes, et qu'on l’irrite, on le voit rentrer dans sa coquille, et les MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 51 bords de son manteau dans lequel il s’'enferme se couvrent d’une matière jaunâtre visqueuse qui, étendue sur un linge blanc, le teint d’une très belle couleur jaune légèrement verdâtre. Quand on tracasse une Aplysie, on a les mains tachées d’une très belle couleur violette qui se communique aussi à l’eau. La matière colorante coule entre les replis du pied ; elle est tout à fait liquide et soluble, ou mieux miscible à l’eau. Si l’on écarte les bords si larges du pied, et qui remontent sur le dos, dans l’Aplysie dépilante (Aplysia depilans), l'Aplysie fasciée (4. fasciata), ou bien l’Aplysie ponctuée (À. punclata), on voit sur le rebord charnu du repli qui renferme la coquille, ou sur les parois latérales du corps, à côté et en arrière de l’orifice génital, exsuder une substance plas- tique blanche qui s'échappe de différents points isolément, et qui, dans l’Aplysie fasciée, est versée par unorifice parüculier placé en arrière des organes génitaux. C’est mème, dans ce dernier cas, un caractère particulier à lAplysia fasciata, que d’avoir l’orifice dont il est ici question ; 1} y aura lieu d’insister ailleurs sur ce point. Cette matière (à part l’Aplysie fasciée, qui, même pour le bord de son manteau vers la coquille, ne fait pas exception) semble done s'échapper ici, comme chez les Pourpres, des points qui la con- üennent, et cela directement. On ne peut davantage appeler ici glande ces parties logées si isolément dans l’épaisseur du manteau ; ear on croirait voir se rompre de petites poches qui rejettent au dehors leur contenu sous l'influence des contractions des muscles ; il y a, sans contredit, une analogie des plus grandes avee ce que l’on observe dans le manteau des Pourpres et des Murex. Porte-t-on cette matière sous le mieroscope, l'anaiogie devient encore plus grande, pour les Limaçons en particulier; laspect des masses allongées de granulations rappelle les cellules des Pourpres ; seulement, quand on prend une parcelle de tissus tout entier, on observe que les cellules chromatogenes sont plus isolées que dans les Pourpres, et surtout plus profondément placées au milieu des fibres des tissus. C’est du côté droit vers l'anus que, dans le Limaçon, transsude cette matière jaune verdâtre ; 52 H. LACAZE-DUTHIERS. cependant le reste du manteau en fournit aussi, et parfois on en voit sortir du pied. Dans l’une de ces petites espèces que l’on recueille sur les r- vages de l'Océan et que l’on nomme Vigneaux, dans le Turbo lttoralis par exemple, on trouve la matière tout à fait semblable de structure et d'apparence, et surtout on trouve les cellules accu- mulées dans un point, dans le même point que chez les Pourpres. Le manteau, vu en dessous(L), présente exactemententre la bran- chie et le rectum l'apparence qui a été décrite chez les Pourpres, et l’on reconnait la glande purpurigène, seulement tran Spa- rente, et n'ayant pas, soit cette légère teinte jauntre, soit cette opacité blanchâtre. Examinée au microscope, au même grossissement que pour les Pourpres (2), analogie est frappante, et la différence se trouve simplement dans un peu plus de transparence ; rien autre chose ne pourait la différencier. Dans les Aplysies, enfin, on trouve une certaine ressemblance entre les granulations de cette substance blanche qui vient d’être indiquée ; cependant elles sont plus volumineuses et semblent sor- tir de cavités plus grandes que dans les espèces précédentes. Le manteau, sur son bord antérieur droit, parait aussi, dans le Bulla lignaria, tout pointillé. Un fort bel individu que jai con servé dans la glycérine permet de reconnaître dans cette appa- rence quelque chose d’analogue à ee qui a été indiqué plus haut. De tout ceci, il paraît devoir résulter que la production d’une matière semblable à celle produisant la couleur pourpre n’est pas particulière uniquement au manteau des Pourpres. On peut ad- mettre qu'avec des modifications sans doute bien nombreuses, la plupart des Gastéropodes à coquille sécrètent dans leur manteau ces matières visqueuses à texture particulière qui ont été décrites ; mais que tantôt ces matières sont colorées et ne changent plus de couleur, comme dans le Colimaçon et l’Aplysie ; que tantôt, tout en (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 4, fig. 5. (2) Jbid., fig. 40. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 92 présentant la plus grande analogie avec les mêmes matières des Pourpres, comme dans les Turbo hiloralis, Trochus cinereus, et autres espèces de notre littoral, les Cassidaires (Cassidaria echino- phora) et les Buccins (Buccinum undatum), la lumière ne Int fait éprouver aucune espèce de changement. La propriété de virer au violet sous l’influence des rayons lu- mineux semble rester l'apanage de quelques genres, dont la plu- part, si ce n’est toutes les espèces observées, présentent la même particularité. Ainsi ce ne serait peut-être pas trop se hâter de généraliser que de dire : Chez tous les Mollusques, cette matière est produite dans des points plus ou moins semblables, et tout en ayant une même origine, elle jouit de propriétés diverses chez différentes espèces. Dans cette différence de propriétés on ne doit trouver, du reste, rien d’étrange. Qui n’a reçu, en chassant les Insectes, quelque coup d’aiguillon d’un Hyménoptère, et qui n’a été frappé de la diffé - rence dans la douleur que produisait le venin introduit dans la plaie ? Au fond, anatomiquement parlant, c’est même chose; mais le résultat semble très différent à celui qui reçoit le venin. Voici un serpent venimeux qui fera à peine souffrir ou qui ne mettra pas en danger la vie de l’homme, et tel autre le foudroiera en quelques instants. Dans les Insectes, on trouve encore des choses plus étranges en apparence, et quise rapportent à des variétés de propriétés d’un produit identiquement le même au fond. Les effets que produisent les Cynips, les Mouches à scie, les Iehneumons, ete., sont bien variés. Les uns piquent un arbre, et une galle, grosse tumeur, se développe avec une forme spéciale ; les autres piquent de même, et la tumeur, véritable maladie du vé- gétal et conséquence de l’inoculation du virus, est toute différente. Faites l’anatomie, et vous trouverez toujours que le liquide qui produit tant d'effets divers est sécrété par la même glande et versé par la même poche. De même les Ichneumons qui déposent leurs œufs dans le corps d’auires animaux, et dont le virus ne fait souvent qu'engourdir la victime sans la tuer complétement. La propriété qu'a la matière fournie par le manteau de chan- 5/ H. LACAZE-DUTRIERS. ger de couleur, n'a done rien qui puisse étonner, et qui per- mette de la considérer comme différente anatomiquement de celle qui prend naissance dans des parties analogues sur d’autres indi- vidus, mais qui reste toujours la même, bien que le rayon lumi- neux la frappe dans les mêmes conditions que la première. La spécificité du produit, la qualité peuvent donc être très dif- lérentes, mais l’origine, organiquement, anatomiquement parlant, est semblable. XI Quelle est la couleur réelle de la pourpre, et quelle était cette couleur chez les anciens ? Il semble, si ce n’est inutile, du moins bien facile de répondre à cette question, car chacun a l’idée de la couleur qu'il veut dési- gner, lorsqu'il dit : telle chose est pourpre. Or, il est certain que la plupart du temps on a, de la couleur qui nous occupe, une idée qui n’est pas celle que fait naître la vue de la nuance dont il vient d’être question. Lorsque j'ai montré les dessins et les photographies, il m'a été dit immédiatement par beaucoup de personnes : « Mais cela est violet, et la pourpre des anciens était rouge, » On ajou- tait même : « et la plus belle pourpre, celle de Tyr, était rouge de sang. » Quand on désigne la pourpre romaine de nos jours, c’est d’un rouge vif dont on entend parler : un rouge qui serait représenté, par exemple, par un fond de rouge vermillon sur lequel on passerait un glacis de carmin. Piqué de euriosité, j'ai prié plusieurs peintres de faire devant moi une teinte semblable à celle qu'ils placeraient Sur une toile où ils représenteraient un vêtement de pourpre au temps des Romains, et toujours j'ai vu des teintes complétement différentes, : Cependant aujourd’hui, dans les expériences, la couleur obtenue MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 9 avec les coquillages à constamment été violelte, seulement avec des nuances un peu différentes, suivant les conditions que Fon à étudiées plus haut, et dont il sera encore question plus loin. Pour le moment, la question qu'il faut résoudre est celle-ci : Quelle est et quelle devait étre la couleur primitive et naturelle de la pourpre ? En rapprochant les faits fournis par l'expérience de l’interpré- tation des auteurs anciens, on peut arriver à avoir des nollons positives sur le sens des mots; établissons done tout d’abord ce qu'il s’agit de prouver, afin que la discussion un peu scolastique qui va suivre soit lue avec plus de facilité. D'après les expériences faites avec les espèces désignées dans ce travail (et ce sont très probablement quelques-unes de celles qu'employaient les anciens), il ne peut être douteux, en ce qui concerne la matière colorante qu’elles fournissent, que la couleur primitive et naturelle de la pourpre ne fût un violet plus ou moins foncé. Or, l’idée que l’on s’est faite, ou que beaucoup de personnes se font encore de la pourpre, se rapporte bien plus souvent au rouge ; il s’agit done de trouver, dans les textes anciens, si les expressions qui désignaient la couleur doivent faire comprendre plutôt le rouge que le violet, ou réciproquement. Voilà toute la question. Elle semble simple au premier abord, mais elle se complique; car de synonyme en synonyme le sens des mots s'étant étendu et modifié, il est devenu très difficile de le fixer exactement, Naturellement il faut consulter les auteurs les plus anciens, et principalement ceux qui vivaient aux époques où la pourpre (s’en- tend la couleur tirée des coquillages) était un objet de luxe et de grand prix. Si l’on ne s’en tenait qu'aux auteurs modernes sans remonter aux originaux, On s’exposerait à avoir les sens dérivés donnés par les compilateurs, qui trop souvent se sont copiés les uns les autres. Aristote ayant fait un livre tout entier sur les couleurs, on devait espérer trouver dans ses écrits une définition exacte et préeise de 56 NH, LACAZE-DUTHIERS. la couleur pourpre. On va voir quels renseignements il est possible de tirer de l’interprétation de son texte. Il désigne la couleur pourpre par le mot alourgès (dovoyës) (4) ; on est donc conduit à rechercher la significaïon de ce mot, et ce n’est pas sans beaucoup étudier et comparer les textes que lon peut arriver à quelque chose de positif. Quand on consulte les dictionnaires, on voit qu'ils assignent le sens de pourpre à l’adjectif alourgès, où bien qu'ils lui donnent des synonymes tout aussi difficiles à traduire ; car relativement à la question qui nous occupe, ils sont tout aussi vagues, et il est 1m- possible d’avoir d’après eux une idée précise et certaine à la fois. On en est donc réduit à chercher le sens dans le texte même, et si l’on éprouve un peu d’embarras, c’est qu'alourgès avait plu- sieurs nuances, Aristote le dit de la manière la plus positive (2); et, d’un autre côté, cela est certain aussi, deux mots servaient à désigner les couleurs plus où moins pourprées, c'étaient alourgès et phoinicoun (gowxoùv). Ces deux adjectifs avaient un sens spécial et distinct, ainsi qu'on peut s’en assurer en lisant le traité même Des couleurs d’Aristote. Mais, bien que ces deux mots se rapportassent évidemment à des nuances d’une même couleur générale, on acquiert la convic- tion, après un examen attentif des textes, que alourgès était plus particulièrement employé pour désigner la couleur pourpre pro- prement dite (3). En ce qui regarde la valeur de chacun de ces deux mots, on peut observer que Platon se sert de phoinicoun lorsque le rouge domine, tandis qu'il emploie alourgès lorsqu'il s’agit de quelque chose de plus sombre, Cela est clairement la conséquence de la (1) Voy. Œuvres d'Aristote, t. LIT (édit. Firmin Didot, Paris. 4854) : Des COULEURS, [lept ypœopatæy, Cap. IV, p. 647,lib. XXVITI : tà dù xœt troie to Cow yuhots, xaBorep vai To dhoupyès Th moppupa: « Quin etiam animalium succis, » quemadmodum violaceus color purpura » (traduction latine du même ouvrage). (2) Voy. Ibid., cap. nr, p. 645, lib. XLT: mols pag xat To doupyts êyet dragopas : « multas enim et violaceus color habet differentias » (traduction latine du même ouvrage). (3) Voy. aussi lesfdifférents Dictionnaires et le Thesaurus de H. Étienne. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 97 composition assignée par lui à la couleur alourgès qui était un mélange de noir, de rouge et de blanc (1). Evidemment une couleur où entre le noir devient plus sombre, et c’est le cas de l’alourgès. Ainsi donc phoinicoun devait se rapporter à quelque chose de plus rouge, de plus clair, de plus éclatant, et par cela même alourgès devait être considéré comme une chose plus obscure. Dans un passage du livre d’'Aristote, on trouve le rapport des deux couleurs assez clairement exprimé par l’image de la sueces- sion des tons et des nuances que suit le raisin lorsqu'il mürit. « Dans les raisins, dit-il, la couleur vineuse se développe quand » ils mürissent, et lorsqu'ils noireissent, la teinte phoinicoun se » change en alourgès. » Or, quand on a suivi jusqu’à leur maturité les raisins que, dans les pays vinicoles, on appelle noirs ou rouges, on voit très bien qu’ils sont plus rouges au commencement, et d’un rouge plus foncé, où mieux d’un violet sombre à la fin (2). Ainsi se caractérise le sens respectif de ces deux mots. Il res-, sort évidemment de ce passage, comme de l'interprétation précé- dente des textes, que alourgès correspondait à une nuance de violet, et c’est ainsi que l’a entendu aussi le traducteur des ou- vrages d’Aristote ; 1l rend toujours le mot alourgès par violet (vio- laceus), tandis qu'il emploie toujours le mot rouge (puniceus) pour traduire phoinicoun. Si done on voulait s'appuyer sur lopinion d'autrui, indépendamment de l'interprétation directe des textes, on trouverait là une preuve à l'appui du sens qu’il convient d’attri- buer au mot alourgès (3). Gœthe, comme chaeun le sait, a lui aussi traité des couleurs. En sa qualité de philosophe, et surtout de naturaliste ou d'homme (4) Platon, édit. Bipont., t. IX, p. 383 : épuOpov dé On péhave exo re xpabèv, ahovgyoüy : « esse rubrum cum albo nigroque permixtum. » (2) Voy. loc, cit., cap. 11, p.645, lib. VI : xot yap toute oivwnèy gpaiverat ro XPOU Ey To memaivecQai pelarvouéver yap To porrxody st: To ahoupyes perahahe : « Horum enim apparet color vinosus, dum maturantur, quippe quum nigrescenti- » bus puniceum mutatur in violaceum. » (3) On peut remarquer que, dans les citations précédentes, la traduction la- iine emploie toujours puniceus et violaceus pour rendre worsrx5y et houpyts- D8 M. LACAZE-DUTHIERS, de science, à laquelle il tenait tant, il ne pouvait laisser de côté les ouvrages d’Aristote. Il a traduit en allemand le Tegr ypwuxrwvy (De coloribus), qu'il semble rapporter, d’après le titre, indifférem- ment à Théophraste (1); mais il n’emploie pas le mot allemand violet pour traduire alourgès , il se sert du mot blaurothe (rouge- bleu). Or quiconque a manié une couleur voit la couleur violette dans le mélange du bleu et du rouge (2). Voyons enfin comment ont entendu alourgès les compilateurs et commentateurs. Parmi eux, H. Étienne nous conduit exactement, dans son Thesaurus, aux mêmes conclusions. D'abord le sens d'alourgès signifia pourpre (purpureus) ; peu à peu sa significa- tion s’élant étendue, il servit pour quelques-uns à désigner le vio- let (violaceus), mais qu'on le remarque toutefois, après avoir in- diqué une teinte spéciale, la couleur pourpre (3). On trouve aussi dans H, Étienne une distinction relative au sens des deux mots aleurgès et phoinicoun, qui est en tout semblable à celle qui vient d’être établie ; on en voit la preuve dans la citation suivante : « Le premier arc-en-ciel est phoinicoun, le second est » alourgès et pourpre (4). » Si, comme c'est incontestable, d’après ce qui vient d’être dit, phoinicoun répond plutôt au rouge qu'au violet, en ayant présent à l'esprit le spectre solaire développé dans l’arc-en-ciel, 1l ne peut (1) Voy. OEuvres de Gœthe, édit. Tetot (Paris, 1837), t. V, p. 494 : Theo- phrastoder Aristoteles von den Farben. (2) Voy. OEuvres de Gæthe, loc. cit., p. 496, chap. 1v, relatif aux diffé- rentes couleurs. Il traduit ainsi le passage qu’on a déjà vu, mais qu'il est utile de mettre ici en regard du texte allemand : « Auch mit thierischen Saften, wie » das Blaurothe durch die Purpurschnecke. » Voy. Aristote, loc. cit., p. 647 : za dù xat roîs Toy Cowy yuhoïs, xaÜamep xat to Ghgvpyts tü moppopa. Traduction latine : « Quin etiam alia animalium succis, » quemadmodum violaceus color purpura. » (3) Voy. H. Étienne, Thesaurus græcæ linguæ , ab H. Stephano, editio nova, vol. Il (Londres, 1819, 1825, col. 4885). « À }ousyod. Purpureus vel, ut » quidam loquuntur, purpurisseus ; à nonnullis et violaceus. Sed non dubium est » Quin govpyès a purpuræ colore ductum, longius significationem suam extenderit. » (&) bid. « Arcus cœlestis primus color est porexçüs, secundus aultem ghoupyñs » @b Toppupay. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 99 être question pour les deux autres couleurs que du violet, et cela que l’on entende les deux ares-en- ciel qui se présentent souvent, ou bien les différentes zones d’un même are. Ainsi, par tous ces détails, peut-être un peu longs, mais néces- saires cependant, on arrive à conclure qu'Aristote et les Grecs, ainsi que leurs commentateurs, en désignant la couleur pourpre par le mot alourgès, entendaient parler d’une couleur plutôt vio- lette que rouge, et qu'ils réservaient le mot phoinicoun pour les cas où la nuance, plus voisine du rouge, était aussi plus claire et plus éclatante. Voilà donc un premier pas de fait dans la détermination exacte de la couleur de la pourpre ; mais évidemment il existait, comme il a été dit, plusieurs nuances, les unes plus foncées que les autres. Or, c’est précisément au dernier des tons obtenu à la fin de Ja préparation de la matière tinetoriale que se rapportait l’alourgès, comme on peut en juger par le passage d’Aristote, où, après avoir parlé du changement des couleurs dans les plantes, il passe à celui qu'éprouve la matière de la pourpre pendant ses pré- parations. «Dès le commencement, lorsque les teinturiers en » pourpre ont abandonné les veines chargées de sang dans la » chaudière, elles deviennent sombres et noires; mais lorsque la » fleur (1) a été cuite convenablement, elle devient d’un alourgès » beau et brillant (2). » Ce qui à contribué à jeter sur la couleur qui nous occupe le vague que nous cherchons à écarter, c’est qu'elle présentait une foule de tons et de nuances ; et ce devait être absolument comme cela se voit aujourd’hui, surtout pour les couleurs com- posées. (4) On entendait par fleur (Aristote et Pline), la matière animale fournissant la couleur même. (2) Loc. cit., cap. v, p. 654, lib, VIT: +à pèy yao &E apyüs, Orav Barroures Ty opposer xaÜiéar ras aiuaridac, opyvior yivoytar xai pélavae xai Geporudete. reù d” you auvebnéyros txavows, Govpyès yiverar ebavOEc xot kaurp6y. Traduction latine : « Enitio enim, quum purpurarii venas sanguinarias (in cortinam) demi- » serint, caliginosæ fiunt et nigræ et aereæ: pigmento autem salis concocto, co - » lorem violaceum floridum et splendidum assumunt. » 60 H. LACAZE-DUTHIERS. « C’est une idée complétement fausse que de se représenter » sous le nom de pourpre une seule couleur, » dit Heeren (1). « Cette expression, ajoute-t-il, désigne bien plutôt, dans l’anti- » quité, tout un genre de teinture pour lequel on se servait de cou- » leurs animales tirées surtout des coquillages de mer (2). » ILest certain que le mot pourpre, désignant à la fois une étoffe, une couleur, une matière colorante et un animal, a dû donner par- fois lieu à des confusions résultant de cette multiplicité de sens appliqués à un seul mot; de plus, les épithètes différentes em- ployées pour désigner des tons ou des nuances diverses d’une même couleur sont venues ajouter à la confusion, et augmenter la difficulté qu'il y à à reconnaitre la valeur réelle du mot. Quant à la multiplicité des nuances, doit-on en juger par un passage de Heeren, qui n'avance lui-même que des faits empruntés à Amati et à Rosa? Voici ce qu'il dit dans une note : «Amati compte neuf couleurs de pourpre simple, depuis le » blanc jusqu'au noir. Les neuf premières sont le noir, le gris, le » violet, le rouge, le bleu foncé, le bleu clair, le jaune, lerougeûtre, » le blanc (3). » Pour peu que les couleurs composées soient diffé- rentes des précédentes, toute l'échelle chromatique se trouvera représentée par ce seul mot de pourpre. Il y a là sans doute de l’exagération, à moins que quelques-unes des teintes indiquées ne soient des passages produits par la lumière solaire ; mais cela ne paraît guère probable. Quand on remonte aux ouvrages originaux, on est frappé des répétitions que l’on rencontre; le plus souvent, les auteurs se (4) Voy. Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehms- ten Vülker der alten Welt, von H. Heeren, 1824, Bd, II, vierte Auflage, 88 : « Es ist eine gänzlich falsche Vorstellung, wen man sich unter Purpur eine » einzelne Farbe denkt. » (2) Ibid. : « Vielmehr bezeichnet dieser Ausdruck im Alterthum eine ganze » Hauptgattung der Färberei, zu der man sich animalischer Farben, nämlich des » Saftes der Seemuscheln, bediente. » (3) Voy. Heeren, paragraphe 1°, p. 89, vol. IT: « Amati, 4, c, Zählt 9 einfache » Purpurfarben, von weiss bis zu schwarz, und 5 gemischte auf. Jene erste sind, » Schwarz, graun {lividus), violet, roth, dunkelblau, hellblau, gelb, rôthlich, » weiss, » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 61 copient les uns les autres, et bien souvent sans le dire. Pline lui- même ne parait pas être exempt du reproche : c’est ainsi qu'il pourrait bien se faire qu’il eût emprunté à Aristote les histoires relatives à la formation des alvéoles par les Pourpres avec une matière analogue à la cire, et cela sans dire à quelle source 1l à puisé. Puis c’est lui qui à son tour, pendant bien longtemps, sert à ses successeurs, qui oublient aussi de dire qu'ils lui empruntent, ou qui le citent en interprétant simplement le sens des mots, sans rapprocher de ces interprétations les faits positifs fournis par l'observation directe de la nature. Heeren indique les différentes espèces de coquillages fournissant la pourpre, et l’on reconnait facilement (c’est, du reste, d’après Amati) les distinctions du Buccin et de la Pourpre, telles qu’elles ont été données par Pline. La veine blanche placée près du cou et fournissant la fleur, rien ne manque pour reconnaitre le natura- liste latin (1). I n'oublie pas d'établir la différence entre les étoffes teintes une ou plusieurs fois : « La teinture était répétée ordinairement, » et par ce moyen on obtenait, ou le rouge vif, ou le violet, selon » que l’on se servait de différentes espèces de Pourpres, ou que » l’on disposait les procédés (2). » On voit que ces différences tenaient, ou bien à l’espèce, ou bien aux procédés, et cela est important à remarquer , car on n'a pas (4) Voy. loc. cit., Heeren, Bd. II, p. 89 (*). (2) Voy. Heeren, vol. IE, p.94. « Die Färbung geschah bei ihnen durchgehends »in der Wolle; und ward gewübnlich wiederholt (Purpuræ dibaphæ) ; wodurch » man theils das hohe Roth, theils aber auch das Violet erhielt, je nachdem man » verschiedener Arten des Purpurs sich bediente, und die Verfahrungsarten ein- » richtete (**). » (‘) Man sehe Amati, p. XXVII. Die Hauptstelle bei Pline, IX, 36, cf. Amati, p. xxx. (**) Man sieht leicht, dass sowohl die grôssere Schünheit als auch die Mannigfaltigkeit der Farben nicht bloss durch die natürliche Verschiedenheit, sondern noch mehr durch die künstliche Bereïtung und Mischung hervorgebracht ward. So erhielt man Z. B. den dunkelrothen Purpur, indem die Wolle zuerst in den Saft der Purpura, und dann, wenn die gekämmt war, in den von den Buccinis gelegt wurde; den violetten aber durch die umgekehrte Procedur. Es gab dabei aber eine menge Handgriffe, besonders um den Grad zu bestimmen, bis zu welchen die Farbe gekocht werden musste, (Man sehe Amati,p. XXXV, etc.) 62 H. LACAZE-DUTHIERS. perdu de vue la question qu'il s’agit d'éclairer : Quelle était la teinte naturelle et primitive de la pourpre ? Mais à côté de ces variétés de nuances, il faut encore ranger ces reflets que savaient donner les teinturiers aux étoffes, qui, par cela même, devenaient brillantes avec les jeux de la lumière. Les anciens trouvaient à ces qualités des charmes tout partieu- liers : Sénèque en parle dans plus d’un endroit, et Pline les in- dique d’une manière toute spéciale. Revenons maintenant un peu en arrière, et cherchons dans Pline d’autres preuves en faveur de l'opinion qui a servi de point de départ à la discussion. Pline a dit, et après lui chacun a répété, que « la plus belle » pourpre tyrienne est celle qui a la couleur du sang figé, et » qui parait noirâtre quand on la voit de face, et brillante dans » ses reflets : aussi Homère donne-t-il au sang l’épithète de » pourpré (1). » Cette couleur du sang fait naître naturellement l'idée du rouge ; et d’ailleurs on trouve encore dans Pline : «Le rouge vif vaut mieux que le rouge foncé (2). » Ainsi c’est du rouge que l’on croit généralement qu'il est ques- tion, quand il s’agit de la pourpre. À ces interprétations des textes opposons des faits positifs tirés de l'observation directe. Dans tous les essais faits avec cinq espèces différentes et prises dans des localités très diverses et fort éloignées, c’est toujours le violet qui s’est présenté (ou le bleu pour une espèce de Murex trunculus, mais qui a donné aussi le violet). I est donc indubitable que la couleur primitive non modifiée, la couleur réelle de la Pourpre, qui dut se présenter la première (4) Voy. Histoire naturelle de Pline, Bibliothèque latine, édit. Panckoucke, traduct. de M. Ajasson de Grandsagne, t. VIL, liv. IX, p. 409: « Laus ei sum- » ma, in colore sanguinis concreti nigricans aspectu, idemque suspectu reful- » gens. Unde et Homero purpureus dicitur sanguis. » (2) Voy. doc. cit., liv. IX, $ Lx. « Rubens color nigrante deterior. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 65 fois à celui qui en fit la découverte, absolument comme cela est arrivé à tous ceux qui, sans artifice, ont essayé la matière sur les erèves des bords de la mer, que cette couleur, dis-je, a dû être pour les anciens, comme elle est pour nous, violette, à moins que l’on ne veuille admettre un changement dans l’organisation des animaux, supposition qu'il est inutile de réfuter, tant elle serait gratulte. Au surplus, voici sur quelles raisons repose cette opinion, indé- pendamment des considérations précédentes et de celles qui sui- vront encore relativement aux textes. Toutes les fois que les rayons du soleil ou la lumière diffuse ont frappé la matière purpurigène dans Pair, avec lhumidité, comme sous l’eau, dans une liqueur à la fois saline, alumineuse, et renfermant du sublimé, dans une solution de cyanure de mer- cure, dans l'alcool, l’eau douce, la couleur violette s’est déve- loppée. Les animaux que j'ai rapportés des bords de l'Océan, et que j'ai conservés morts plus de huit jours, ont fourni avec les débris de leur manteau déjà en putréfaction des épreuves photographiques, et toujours le violet se développait, mais un peu plus sombre, et par conséquent un peu moins rouge. La couleur présentait souvent des différences de tons et de nuances dont la cause m'échappait, mais toujours constamment, sans exception, elle était violette au fond. On n’a pas oublié aussi que l’action du soleil se faisait remarquer encore par le développement de l'odeur infecte particulière dont il a été question. Il y a dans le développement de cette odeur quel- que chose de caractéristique indiquant certainement une réaction chimique très nette, très précise. Or, il est important de remarquer que ce changement de couleur, comme la fétidité de la matière, était connu des anciens ; on en jugera par le passage suivant : « Mais où est le mérite des couleurs conchyliennes ? L’odeur en » est infecte à la teinture, et la nuance en est d'un vert attristant et » semblable à celui de la mer en courroux (1). » (1) Pline, loc. cit, IX, S 1x, p. 380. « Sed unde conchyliis prætia ; queis 64 MH. LACAZE-DUTHIERS. On voit certainement là les changements de couleur et l'odeur qui les accompagne, quand va se produire la couleur violette. Il est impossible, d’après cela, que la couleur naturelle ne fût pas connue des anciens. D'ailleurs on vatrouver encore un autre ordre de preuves. Si tant est qu'on veuille admettre un changement de condition physique dans la formation du violet, cela parait tout à fait inadmissible, car les animaux d'autrefois ne peuvent pas avoir changé de manière d’être; d’ailleurs, on vient de le voir, les con- diions capitales, odeur et changement de couleur, démontrant la similitude, étaient connues. En recherchant dans les auteurs anciens, on y trouve la preuve de la première nuance de la pourpre, celle que l’on peut appeler naturelle. Bien que Pline ait rapporté souvent des histoires qui ressemblent à des comptes faits à plaisir, on peut cependant démêler au milieu de tout cela les choses qui sont exactes. Pour ce qui est de la pourpre, par exemple, il est facile de eroire qu'il n’a pu écrire que ce qu'il devait voir chaque jour dans les rues de Rome. Or, en s’occupant de la manière dont on teignait les tissus, il nous fait connaître que l’on mêlait les Pourpres et les Buceins : « De ce mélange, dit-il, on obtient une teinture que l’on » recherche, et qui est le résultat du sombre de la pourpre et du » brillant de l’écarlate. Les deux couleurs ainsi combinées se » prêtent réciproquement du sombre ou de l'éclat. Pour avoir une » excellente teinture, il faut, pour cinquante livres de laine, mêler » deux cents livres de Buccin à cent onze livres de Pourpre : » c’est ainsi que s'obtient cette superbe couleur d’améthyste (2). » Ainsi les couleurs rouge de sang figé, rouge vif, la pourpre » virus grave in fuco, color austereus in glauco, et irascenti similis mari ? » On peut remarquer que Pline fait connaître la première couleur verte, et par consé- quent, ainsi qu'on a pu l'observer dans les citations d’Aristote, que la teinte violette arrivait plus tard. (4) Pline, loc. cit., t. VIT, p. 409, liv. IX, $ zxur. « Pelagio admodum alli- » galur, nimiæque ejus nigritiæ dat austeritatem illam nitoremque qui quæritur ; » coccita permixtis viribus alterum altero excitatur, aut adstringitæ summa * medicaminum in £ libras vellerum, buccini ducenæ , pelagii ext. Ita fit ame- MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 65 sombre et la couleur améthyste, voilà des teintes diverses qui toutes se rapportaient à ce que l’on nommait d’une manière générale la pourpre. On vient de voir la remarque de Heeren, qui dit : «Ce serait une erreur que de croire que le mot pourpredésigne une seule couleur. » I n’est donc pas douteux qu'au temps des Romains comme au- jourd’hui, le goût du public n’eût une influence sur la nuance, et que les teinturiers ne cherchassent à obtenir celle qui avait le plus de faveur. Or, sans rapporter ici tout ce que dit Pline sur les pré- parations de la matière tinctoriale, il est certain que les manipula- tions, comme le mélange d’autres produits ou des espèces, de- vaient avoir une influence sur la nuance (1), et qu'en définitive la couleur des étoffes pouvait être différente du violet qu'on obtient dans les expériences naturelles faites par tous ceux qui ont observé les coquillages purpurifères. Mais certainement la teinte primitive, la couleur naturelle de la pourpre, celle produite par l'exposition de la matière à l'influence de la lumière du soleil, était et ne pou- vait être autre que le violet, au moins pour quelques espèces, pro- bablement pour la plupart de celles qui fournissaient jadis aux anciens la couleur des vêtements des grands de Rome. Il parait done probable que les modifications du violet qui le rapprochaient plus ou moins du rouge étaient toutes artificielles et dues à des manipulations, à des changements ayant pour but d'ajuster au goût de l’époque la couleur primitive, qui se présente toujours la même quand les choses marchent naturellement. Sans contredit, aussi les manipulations que les teinturiers fai- saient éprouver aux matières pour obtenir les reflets si estimés dont » thysti color eximius ille. » — En s’en rapportant à la valeur de la livre telle qu'elle a été indiquée par Savot de la Nauze, Romé de Lisle, et enfin, et sur- tout, par Letronne (voyez le mémoire intitulé Considérations générales sur des monnaies grecques et romaines, 1817, p. 4-7): 50 livres romaines équivalaient à 46*,359 de nos poids. 300 livres id. id. 65*,436 id. 114 livres id. id. 36“,316 id, (4) On l'a déjà vu dans les citations de Heeren et Amati, loc. cit. (voyez la note dans les Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII). 4° série. Zoo. T. XII. (Cahier n° 2.) ! 5 66 H. LACAZE-DUTHIERS. parlent Sénèque et tous les anciens durent conduire à des modi- fications de couleur, et en cherchant les étoffes changeantes, on dut modifier la nuance. Mais on ne perd pas de vue qu'il ne s’agit pas de nier ici que la pourpre pût se rapprocher plus où moins du rouge; non, il s’agit de prouver que la couleur primitive a été le violet, et que, sans aucun doute, tant que l’on se servit de la ma- tière tinctoriale des Mollusques, elle fut au fond un violet plus ou moins voisin du rouge. Sans contredit encore, le mot pourpre s'appliquant aux vêtements des grands (1), lorsque les découvertes firent trouver des couleurs minérales plus éclatantes, plus rouges et plus faciles à avoir, lors- que la teinture avec des coquillages fat abandonnée, il dut arriver que le mot pourpre continuant à désigner des étoffes dont la cou- leur changeait peu à peu, on l’appliqua à des étoffes qui n’étaient plus violettes et qui déjà arrivaient peut-être à l’écarlate. De À, sans aucun doute, une cause d'incertitude sur le sens à attacher de nos jours à ce mot pourpre ; de là aussi la nécessité de revenir, ainsi que cela vient d'être fait, aux textes anciens, en les mettant en regard des expériences faites avec les espèces d'animaux qui, suivant toute apparence, ont servi, quelques-unes du moins, à la teinture primitive de la pourpre. Du reste, quelques citations montreront encore que la pourpre ne fut pas toujours rouge, comme on le pense trop souvent. Pline emprunte à Cornelius Nepos un passage plein d'intérêt pour la solu- tion de la question : «Pendant ma jeunesse, dit Cornelius, la pourpre » violette était en vogue et se vendait cent deniers la livre (2) ; (4) Puisqu’on les nommait purpurati, les grands. (2) Pour comparer avec les valeurs modernes, voyez l'estimation de la livre et du denier par Letronne, et avant lui Romé de Lisle. | La valeur varia souvent pour les monnaies, et le tableau des variations nous permet d'estimer ainsi la valeur des pourpres indiquées par Cornelius Nepos : Sous Auguste : Une livre correspondait à 327#',18 de nos poids modernes, les 100 deniers valaient 79 francs. Ce qui fait à peu près 237 francs le kilogramme. La livre payée 1000 deniers valait 790 fr., et le kilogr. 2370 fr. à peu près. Aujourd’hui cette somme nous paraît énorme. Si l’on calcule que probable- MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 67 » bientôt après on préféra la pourpre rouge de Tarente, et ensuite » la double pourpre de Tyr, dont la livre coûtait plus de mille de- » niérs (1). » Ce passage me parait montrer d'une manière non douteuse ce qui vient d'être avancé plus haut, à savoir, que la véri- table teinte pourpre, la couleur naturelle, était le violet. En effet, on voit tout d'abord la pourpre violette estimée, e’est la première obtenue; puis par un raffinement, par une exigence du goût, elle fut demandée plus rouge, plus éclatante, ee qui s'obtint par des mani- pulations, par des perfectionnements de l'art du teinturier : de Rà probablement une modification de la couleur. Enfin on arriva à la purpura dibapha, ou aux étoffes qui avaient été teintes deux fois, afin d’avoir une couleur plus belle, plus vive à la fois, plus riche, plus chère et plus rare. «On appelait dibapha la » pourpre qui, par une dépense magnifique alors, avait été teinte » deux fois,comme le sont aujourd’hui presque toutes les pourpres » les plus recherchées (2). » Pline indique une différence entre la couleur conchylenne et la pourpre; on retrouve à chaque instant ces deux mots, ce qui évidemment leur donne une signification un peu différente ; du resté, il s'applique lui-même à définir ces couleurs : « Deux sortes » de coquillages nous donnent la pourpre et la couleur conchy- »lienne ; car, pour l’une et pour l’autre, la matière est la même : » toute la différence est dans la combinaison (3). » ment, chez les Romains, l'argent avait encore plus de valeur que chez nous, on ‘comprendra bien vité que la pourpre fut d'abord l'insigne des chefs, des rois, des empereurs, et put être si recherchée. Longtemps elle ne fut abordable que pour les grands et les patriciens romains. (1) Loc. cit, liv. IX, zx, p. 111, Pline, trad. édit. Panckoucke, 1. VIT : « Me, inquit, juvene, violacea purpura vigebat, cujus libra denariis centum » venibat: nec multù post rubra Tarentina. Huic successit dibapha Tyria, » quæ in libras denariis mille non poterat emi. » (2) Loc. cit, p. 410. « Dibapha tune dicebatur, quæ bis tincta esset veluti » magnifico impendio, qualiter nunc omnes pene cominodiores purpuræ lin- » guntur. » (3) Loc. cit., Pline, t. VIT, édit. Panckoucke, p. 105, liv. IX £ ‘zx, et p. 10%, texte latin id. « Concharum ad purpuras ét conchylia (eadem enim est » materia, sed distat temperamento), duo sunt genera. » 65 H. LACAZE-DUTRIERS. Plus loin, il s'attache à faire connaître cette différence : « On » suit le même procédé pour la couleur conchylienne, si ce n’est » qu'on n’emploie pas de buccin ; en outre, on verse dans le sue » de pourpre de l’eau et de l'urine à parties égales, et l’on y ajoute » une moilié de plus en pourpre. C'est ainsi qu'au moyen d’une sa- » turation incomplète, on obtient cette couleur tendre si vantée, » et d'autant plus claire, que la laine a pris moins de teinture (4). » Ainsi la couleur conchylienne ne paraissait être autre chose que la pourpre (probablement violette) très légère, etelle se rapporte- rait sans doute à ces dessins et à ces effets si légers, si doux, que j'ai obtenus sur batiste et sur soie, en employant fort peu de matière purpurigène du Purpura hæmastoma à Mahon, ou du Murex brandaris de Marseille à Lille. Enfin, pour en finir avec ce que devait être la couleur pourpre, un dernier mot sur la teinte dont Pline s'occupe spécialement, et qu'on nommait améthyste. C'est la couleur de la pierre de ce nom, et autrefois , comme aujourd'hui, l’améthyste était une pierre violette ; il ne peut done y avoir de doute à cet égard. Je crois que e’en est assez pour prouver que, pranitivement, la couleur pourpre était non pas rouge, mais violette; qu'elle avait dû être celle-là même que la lumière solaire fait naître en agissant sur le suc purpurigène ; enfin, que peu à peu la teinte a été modifiée par les caprices de la mode et les exigences du luxe : « La couleur » conchylienne n’est plus ainsi qu’une bonne préparation pour la » teinte tyrienne (2). » C'était le premier état de cette pourpre dite dibapha, qui plus tard fut si estimée (3). On voit 1à évidemment (4) Loc. cit., t. VIT, p. 410, liv. IX, zxiv : « In conchyliata veste cetera » eadem, sine buccino : præterque, jus temperatur aqua, et pro indiviso, hu- » mani potus excremento : dimidia et medicamenta adduntur, Sic gignitur » laudatus ille pallor saturitate fraudata, tantoque dilutior, quant magis vel- » lera esuriunt. » (2) Loc. cit., t. VII de Pline, édit. Panckoucke, p. 113, texte p. 142, liv. IX, cxv : « Et quum confecere conchylia, transire melius in Tyrium putant.» (3) Elle valut 2417 fr. 40 c. au moins le kilogramme. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 69 les progrès et les modifications apportés à la préparation de la oO pourpre par suile des exigences du luxe. Pour toutes les recherches bibliographiques qui précèdent, je dois mille remerciments à mon cousin le premier avocat général H. Drôme. Sa riche bibliothèque et les précieuses éditions qu’elle renferme, mises à ma disposition, ont été pour moi d’une grande ressource. Que sa modestie me pardonne si je le nomme ici, mais sa complaisance sans bornes, sa connaissance si parfaite des textes anciens et son érudition si vaste, n'ont rendu de tels services pour l'étude de la question, que la reconnaissance et l'amitié m'imposent de lui adresser les remerciments les plus sincères. En résumé, quel enseignement pratique est-il possible de tirer de cette longue discussion? Curieux de bien déterminer le sens du mot pourpre en tant que couleur, je me suis adressé à la pein- ture; j'ai vu les tableaux des maitres; j'ai prié des peintres, aussi habiles qu'érudits, de me montrer le ton, la teinte, qu'ils emploie- raient pour représenter des draperies pourprées. A cette question, comme à l'observation des tableaux, j'ai toujours trouvé beaucoup d'embarras. Mais toujours j'ai vu le rouge dominer, Je consulte les ouvrages de peinture, et jy trouve, relativement à la pourpre, toujours le même vague. Si donc on se rapporte aux expériences et aux explications don- nées plus haut, il est évident que les peintres devront faire varier leur nuance avec l’époque : car plus on remonte haut, plus la teinte dominante est le violet ; plus, au contraire, on se rapproche du temps où éerivait Pline, plus le rouge domine; et jusqu’au moment où la pourpre tirée des coquilles fut abandonnée, ce qui dut être assez tard, toujours certainement le fond de la couleur dut être plus ou moins violet. Si l’on ne perd pas de vue que, dans quelques dessins obtenus avec la matière des différentes espèces, j'ai obtenu des tons et des reflets bleuâtres et rougeâtres ; si l’on n'oublie pas non plus que les anciens estimaient beaucoup les vêtements de pourpre reflet, on devra toujours, dans les draperies, sur le fond du violet plus ou 70 HN. LACAZE-DUTHIERS. moins varié comme il vient d’être indiqué, placer habilement des elacis de rouge et de bleu, qui répondront bien certainement à ces tons si vifs et si changeants dont parlent Pline et Sénèque. Il est bien difficile de décrire une couleur; cependant je dirai que, dans tous les essais obtenus, la teinte était non pas un violet bleuâtre, mais bien un violet plus rosé que bleu. En faisant des essais pour imiter la couleur obtenue naturellement, le carmin, le bleu de cobalt et un peu d'encre de Chine me donnaient les tons sombres très beaux. Pourles nuances claires, j'obtenais des teintes avec de la garance cerise et un peu de bleu d’outre mer ; mais toujours les violets doivent être plus voisins du rose que du bleu. Il faut enfin ajouter que la couleur pourpre de Cassius, et les couleurs ou précipités que les chimistes appellent pourpres, se rap- portent à ces teintes foncées, sombres, mais violettes, dont il vient d'être parlé, et qu’on obtient surtout avec les Pourpres bouche de sang, en employant beaucoup de matière. XII De l'espèce du coquillage fournissant la couleur pourpre. C’est après bien des auteurs que cette question va être traitéé ici; elle est facile à résoudre, quand on a fait, non pas des recher- ches purement bibliographiques où donné autre chose qu'une interprétation des textes des anciens, mais bien quand on a exé- cuté des expériences directes. | Il est, d’après les observations qui ont servi de base à ce travail, d'après les renseignements obtenus, il est incontestable que deux des genres des conchyliologistes modernes, observés dans les mers qui baignent les côtes de France, fournissent de la matière à pourpre. Les genres Rocher (Mureæ) et Pourpre (Purpura) don- nent incontestablement la matière purpurigène. Les Murex brandaris, M. trunculus, M. erinaceus, ont servi aux expériences : les deux premiers à Mahon et à Marseille ; le troisième à Pornic (Vendée), la Rochelle et l'ile de Ré. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 71 Dans ces trois espèces prises sur des points bien différents, l'organisation des parties productrices est tout à fait identique. La glande anale surtout se fait remarquer par sa teinte très foncée, d'une manière très nette, sur les côtés de la bandelette purpurigène. Il faut remarquer toutefois que le Murex brandaris donne un violet parfois plus rose et extrêmement délicat, et beaucoup plus clair; du moins c’est ce qui s’est présenté dans les expériences faites à Lille, avec les animaux que M. Alfred Lejourdand avait bien voulu m'adresser de Marseille. Le ciel des Flandres est loin d'avoir cette éblouissante lumière du Midi, et l’on peut se deman- der si l’action de la lumière un peu différente n'aurait pas une part dans la variation de la teinte ? Quant au Murex trunculus, voici ce qui m'a frappé : à Mahon, il est connu des pêcheurs pour donner une teinte bleuâtre, et sur- tout pour ne pas fournir des marques fixes résistant au lavage. Or j'ai fait à Mahon des dessins que j'ai et que je puis montrer ; ils sont d’un violet bleuâtre avec des parties tout à fait bleues. Plus tard, la même espèce m'est arrivée de Marseille à Lille, et j'ai fait des dessins d’un violet très foncé, qui rappellent le sombre de la pourpre dont parle Pline. | Voilà done avec une même espèce, non-seulement des nuances bien différentes, mais des couleurs tout à fait distinctes ; du reste, le violet n’est au fond qu’un mélange de rouge et de bleu, et sui- vant que telle ou telle de ces deux couleurs prédomine, la pour- pre peut être plus sombre ou plus rouge. En suivant le développement de la couleur, soit du Mureæ trun- culus, soit des autres espèces, surtout par un ciel nuageux, on voit, chose curieuse, le développement successif des couleurs sim- ples qui, par leur mélange, forment les couleurs composées. Ainsi de blanche, la matière devient jaune : voilà une première couleur simple; puis c’est Le bleu qui se développe; et alors, avec le jaune qui existe déjà, 1l apparaît évidemment du vert. Le bleu va toujours augmentant, tandis que le jaune semble disparaître, aussi se fonce-t-il; et ceci est très marqué pour la matière du Murex trunculus. À ce moment donc, la matière, après avoir été 72 M. LACAZE-DUTHIERS. jaune clair, jaune verdàtre, puis verte, vert bleuâtre, devient bleuâtre sombre. Le rouge se produit en dernier lieu, et forme avec la couleur bleue le violet, qui, on le comprend, sera d'autant plus voisin du bleu ou du rouge, que celui-ci se sera moins ou plus développé. Ainsi quand on suit à l'œil le développement successif des couleurs, et que l’on s'arrête au moment où commence à pa- raitre le violet, les étoffes semblent avoir été tachées par ce vin bleuâtre de mauvaise qualité, qui laisse sur les tissus blanes une teinte que l’on trouve tout aussi bleu que violette. Dans quelques cas, les reflets bleus, qui paraissent mêlés au violet ou au rose déjà développé, sont extrêmement beaux ; et certainement c’est à ces reflets que doit faire allusion Pline, quand il dit : « Les deux cou- » leurs combinées ainsi se prêtent réciproquement du sombre ou » de l'éclat (1). » Seulement les deux couleurs dont il est question sont la pourpre et l’écarlate ; ce qui correspond sans doute au rouge et au violet foncé, et ce dernier probablement très chargé de bleu. Pour le Murex erinaceus, que l’on trouve sur les côtes de Pornic et de la Rochelle, la teinte constante qu'il donne est le vio- let; toutefois, sans savoir encore pourquoi , il s’est présenté des teintes plus vineuses, plus bleuâtres ou plus rosées, en opérant dans des conditions qui paraissaient exactement les mêmes. Quant aux Pourpres qu’il m'a été possible desoumettre à l’expé- rience, elles appartiennent aux espèces P. hæmastoma et lapillus. Les dessins obtenus avec la matière de la première espèce ont été faits à Mahon, sous le soleil et le ciel éblouissant des îles Ba- léares. La teinte varie évidemment avec la quantité de matière déposée à la surface des tissus; elle est du violet le plus délicat sur le fil, la batiste, mais elle est aussi du pourpre le plus foncé, le plus obseur, quand Ja quantité de matière est considérable. C’est la Pourpre bouche de sang que les Mahonais appellent (4) Loc. cit., p. 108: « [ta permixtis viribus alterum altero excitatur, aut » adstripgilur, » MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 7à Corn de fel, et qui a la réputation bien méritée de fournir une couleur inaltérable. Nous reviendrons sur ce caractère, et il ne sera pas sans intérêt de le rapprocher de quelques passages du texte de Pline. Enfin, de nombreux essais ont été tentés à l’aide du Purpura lapillus de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais), ou bien de Pornic (Vendée). Il faut remarquer que, dans la première localité, les individus sont de bien plus grande taille que dans la seconde, ce qui facilite les recherches. Quelques individus ont donné un violet des plus beaux; d’autres des reflets bleuâtres des plus remarquables, et qui impriment quelque chose de très doux et de très agréable à la teinte et au coloris des dessins. Ainsi voilà cinq espèces, appartenant à deux genres, qui four- nissent une couleur identique ; seulement la teinte parait plus tenace pour quelques-unes d'elles. Faut-il généraliser, et dire : Tous les Rochers (Murex), toutes les Pourpres (Purpura), fournissent de la matière purpurigène. Ces généralisations sont souvent imprudentes ; cependant ici elles seraient légitimées. Les Pourpres dans lalcool sont souvent colo- rées ; voici, d’une autre part, d’autres espèces de Pourpres (Ia Pour- pre bicostale) qui ont coloré les caleçons de bain de M. de Sauley (4); enfin un Rocher (Murex) qui n'avait pas été observé au point de vue qui nous occupe, bien entendu, m’a fourni de la matière tout comme Îles autres espèces étudiées du même genre. Il est done probable que dans ces deux genres, tels qu'ils sont caractérisés aujourd’hui (2), la matière purpurigène est sécrétée par les espèces diverses. J’ajoute encore que j'ai observé de nombreuses espèces de Pourpres dans l'alcool, au Jardin des plantes : elles présentaient une partie du manteau d’un violet foncé ; elles s'étaient évidemment empourprées après la mort. (4) Voy. Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 4854, note 2 du travail de M. Sacc, p. 308. (2) Voyez les principaux ouvrages : Georges Cuvier, Lamarck, Kienner, Deshayes, Wodwards, etc., etc. 7li H. LACAZE-DUTHIERS. Et maintenant cherchons, après tant d’autres, à savoir quelles espèces Pline à voulu désigner, et par conséquent quelles espèces servaient à la production de la pourpre des anciens. Il suffit de lire attentivement Pline, et de rapprocher ce-qu'il dit des faits positifs qui viennent d’être présentés il n’y a qu'un instant, pour voir que les deux genres Pourpre et Rocher sont par lui désignés, mais avec des noms différents : « Ainsi, dit-il, deux » sortes de coquillages nous donnent la pourpre... . Le plus petit » est le Buccin; il doit son nom à la ressemblance avec cet autre » coquillage, duquel on tire un son de trompette (buccinum), et à » son ouverture arrondie en bouche (bucca) (1). » Il est évident qu'il est question du genre Pourpre. Ainsi que le fait remarquer M. de Sauley, le « rotunditate oris in margine incisa » a une très grande valeur, et l’on peut voir que, dans la traduction de la eol- lection Panckoucke, incisa est négligé : or c’est un caractère du genre Pourpre que cette échancrure de l'ouverture de la coquille, et par cela même la traduction du mot incisa a une très grande importance quand il s’agit de l'interprétation du texte. Toutes les difficultés viennent de ce que l’on s’en est tenu le plus souvent à des commentaires, à des recherches bibliogra- phiques , à des interprétations de textes. Le plus souvent les traductions ont été faites par des littérateurs à qui les détails d'histoire naturelle n'étaient point familiers, ou bien les interpré- tations venaient de naturalistes qui s’en tenaient aux traductions ; et c’est pour montrer quel inconvénient il y a à ne consulter qu’une traduction souvent faite par un linguiste, sans doute ha- bile, mais non familier avec les sujets, que j'ai tenu à mettre ici en regard la traduction d’une collection célèbre et son texte ori- ginal. Plus d’une fois on a pu remarquer qu’au point de vue de l’histoire naturelle, l'expression française ne répondait pas au texte latin. Mais M. Littré, dont le travail porte le double cachet du linguiste savant et du naturaliste habile, a fait une excellente tra- (1) Loc. cit., Pline, t. VIT, liv. IX, zx, p. 104, de l'édition citée : « Con- » charum ad purpuras et conchylia........ duo sunt genera. Buccinum minor » concha, ad similitudinem ejus qua buccini sonus editur : unde et causa » nomini, rotunditate oris in margine incisa. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 75 duetion de Pline; aussi a-t-il rendu le caractère « son ouverture est ronde à pourtour ineisé » (1). Ce que l’on appelait d’un nom autrefois est appelé d'un autre aujourd’hui, et sans remonter jusqu'aux Romains, le même coquil- lage est désigné sur les côtes de France par des noms tout à fait différents. Réaumur appelle Buccin le Purpura lapillus ; cela n’est pas douteux, car il en donne un dessin. Quelle serait, d’ailleurs, sur les côtes du Poitou, la coquille qui donnerait la couleur pourpre et à laquelle se rapporteraient les descriptions de Réaumur ? C’est, sans doute, d’après Réaumur et Pline que M. Sacc, un peu en retard à ce point de vue en conchyliologie, appelle aussile Purpura lapillus un Buccin. Ainsi donc le Bucein de Pline, comme celui de Réaumur, est une Pourpre des catalogues modernes. Quant à l’autre espèce, il est impossible de n’y pas voir désignée sous le nom de Pourpre ce que nous appelons aujourd’hui les Rochers. « L'autre se nomme Pourpre; son bec se prolonge contourné en » volute et creusé en canal pour donner passage à la langue. De » plus, la coquille est couverte de pointes jusqu'au sommet : ces » pointes, disposées en rond, sont ordinairement au nombre de » sept ; le Buccin n’en a point (2). » Non-seulement la description du eanal pour le passage de ce qu'il appelle à tort la langue est un caractère des Murex en gé- néral, mais encore les pointes qu'il décrit prouvent que Pline avait certainement en vue le Murex brandaris. La découverte que l’on a faite, à Pompéi (3), de tas de coquilles du Murexæ brandaris près des boutiques des teinturiers, prouve assez que c'est de cette espèce qu'il s'agit. Ainsi transportons au genre Rocher le nom de Pourpre donné (1) Pline, trad. Littré, liv. IX, zxr, p. 380. (2) Loc. cit., p. 40%, liv. IX, zx, coll. Panckoucke. « Alterum Purpura » vocatur, cuniculatim procurrente rostro, et cuniculi latere introrsus tubulaio, » qua proferatur lingua. Præterea clavatum est ad turbinem usque, aculeis in » orbem septenis fere, qui non sint Buccino........... » (3) Je cite ce fait sous toute réserve : j'ai souvenance de l'avoir vu indiqué ; mais quand j'ai voulu remettre la main dessus pour fixer exactement la source de la citation, je n’ai pu y réussir. 76 H. LACAZE-DUTHIERS. par Pline à l’une de ses espèces, celui de Buccin aux Pourpres donné anx autres, et nous aurons une idée exacte relativement aux genres employés par les anciens pour avoir la couleur pourpre. Quant à l'espèce même, il est très probable que le Purpura hæmastoma, qui a la réputation de donner une couleur indélébile, devait jouer un grand rôle dans la teinture. On peut encore remar- quer, et cela avec plus de connaissance de eause maintenant, ce passage où Pline dit: «Le Buccin ne s'emploie pas seul, la couleur » ne tiendrait pas ; on le mêle à la Pourpre... (4)» Ne serait-il pas permis de croire (et ici ce n’est qu'une remarque relative à l’in- terprétalion des textes, et qui montre combien, avant d’avoir bien étudié les espèces dont il doit être question, on peut faire erreur) ‘que le Murex trunculus, dont le bec n'est que peu prolongé et dont la surface n’est point couverte d’épines, a été aussi compris par Pline dans son premier genre qu'il nomme Buccin. Le Mureæx trunculus donne une couleur plus bleuâtre et qui n’est pas solide; de là peut-être cette opinion de la nécessité de mélanger ces deux genres, ainsi qu'il vient d’être dit. Il faut ajouter, c’est de toute justice, que M. de Saulcy a mdiqué très nettement, dans une note adressée à M. Sacc, que l'expression de Pline oris in margine incisa, devait faire rapporter évidemment au genre Purpura des auteurs modernes (2) ce que le naturaliste ancien appelait Buccinum, et que le Mureæ brandaris devait être reconnu sous le nom de Purpura employé par Pline. Du reste, dans les notes qui accompagnent la traduction de Pline, dans la collection Panckoucke, notes qui, pour la plupart, sont dues à Cuvier (3), la distinction des genres Purpura et Mu- reæ, et l'indication du Mureæ brandaris, se trouvent parfaite- ment établies, et cela à la date de 1830. (4) Loc. cit., p. 409, liv. IX, Lxn : « Buccinum per se damnatur, quoniam » fucum remittit. Pelagio admodum alligatur.....…. sue (2) Voy. Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, année 1854, p. 309, trad. du passage de Pline par M. de Sauley. (3) Les notes du livre IX ne sont pas signées ; mais dans une note, p. 490, 1x, ig. 22, il y est dit: « Voyez notre Mémoire sur l’analomie du Buccin. Ce doit être évidemment G, Cuvier qui a écrit cela, MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 7) Cependant il y est dit encore : «On ne connait pas aujourd'hui » très bien les espèces. » Il s’agit de celles qui étaient employées pour la temture (4). Dans cette note on trouve encore l'indication du rotunditate oris in margine incisa. « Les Buccins proprement dits » Ont au bas de l’orilice de la coquille une échanerure qui fait le » caractère deleur genre. » Aujourd'hui, dans la famille des Buc- cins, on place à la fois le genre Bucein et le genre Pourpre avec beaucoup d’autres ; or,les Buecins proprement dits ne fournissent pas de matière colorante : c’est ce dont j'ai pu m'assurer, du moins sur le Buccinum undatum, à la Rochelle. Enfin il n’est guère probable qu'à l’époque où écrivait Pline, les distinctions entre les genres eussent la précision qu’elles ont aujourd’hui, et dès lors il n’est pas étonnant que sous un même caractère fussent réunis des genres très distinets dans les ouvrages modernes. Pour ce qui est d'admettre les distinctions d’espèces établies par le naturaliste latin, 1l faut une certaine réserve. Ainsi, quand il reconnait cinq variétés de Pourpres (entendre Murex dans le lan- gage scientifique moderne) dont il apprécie les valeurs relatives, il est impossible de les rapporter à des espèces bien déterminées, Je n’essayerai done pas de fixer à quelles espèces des catalogues modernes se rapportent celles qu'il nomme lmoneuse, algensis, calculensis, dialutensis, etc. (2). Il est très probable que les espèces employées étaient plus nombreuses que celles dont il a été question dans ce mémoire; mais ce ne serait que par des re- cherches sur la faune des côtes de Tyr que l’on pourrait peut- être arriver à quelques données plus précises. L'occasion se présente encore de produire ici un fait qui montre bien que les Purpura de Pline correspondent aux Mureæ des modernes; on le trouve dans l'exposé qu'il fait de la pêche de ces coquillages. Sa narration , empreinte d’exagération , offre cependant quelque chose de vrai. On peut remarquer une certaine analogie entre ses récits et (1) Voy. édit. Panckoucke, Pline, t. VIT, note, p, 190. (2) Voy. loc. cit,, p. 406 et 107. 78 IH. LACAZE-DUTHIERS. ceux que les pêcheurs, gens observateurs s’il en fut, que les pra- üiciens purs, en un mot, font lorsqu'on les interroge. Pline raconte ainsi la pêche des Pourpres (entendez Mureæ) : «On prend les Pourpres en jetant dans la mer de petites nasses » à larges mailles, dans lesquelles on met pour appât des coquil- » lages qui s'ouvrent et se ferment comme lés moules. Ces coquil- » lages à demi morts se raniment el s'ouvrent lorsqu'ils ont été » rendus à la mer. Les Pourpres les attaquent et avancent la langue » pour les percer ; ceux-ci, excités par la douleur, se referment : les » Pourpres se trouvent prises, et, victimes de leur avidité, on les » enlève Suspendues par la langue (4). » Cette façon de prendre les Pourpres a quelque chose de singu- lier et qui étonne tout d’abord. Je n'ai jamais pêché à Mahon un individu de l’espèce Mureæ trunculus, sans que le pêcheur qui m’accompagnait, et qui était mariscador (pècheur de coquillages), me répétât : « Ces corn détruisent mes coquillages ; ils viennent autour des mariscos (co- quillages) [surtout des Prères (Scupinas gravadas en mahonais, Corbula striata Deshayes), qui sont estimées, et par cela même par- quées dans certains points du port où on les trouve au besoin], ils les sucent etles font mourir, puis ils les dévorent. » Je taxais mon pêcheur d’exagération ; et je crois encore que si les Mureæ sont très carnassiers, ils doivent cependant y regarder à deux fois avant d'introduire leur trompe (ce qu’on appelle à tort langue) entre les valves si puissantes d’un J’enus verrucosa où d’un Corbula striata, car ellé serait sans aucun doute plus qué blessée par la pression. Ce qui est plus probable, c’est que les Mureæ font pé- nétrer en effet leur trompe dans les coquilles bivalves, mourantes ou mortes, pour s'en repaitre, et il ne serait d’ailleurs nulle- ment nécessaire de les voir pincés par leur langue pour qu'ils (1) Loc. cit., t. VII, p. 406 et 407, cxi : « Capiuntur autem Purpuræ par- » vulis rarisque textu veluti nassis in alto jactis. Inest iis esca, clusiles mordaces- » que conchæ, ceu mitulos videmus : has semineces, sed edditas mari, avido » hiatu reviviscentes, appetunt Purpuræ, porrectisque linguis infestant : at » illæ aculo exstimulatæ claudunt se, comprimuntque mordentia : ita pen- » dentes aviditate sua Purpuræ tolluntur, » MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 79 pussent être pris. Ces animaux, au lieu de fuir quand ils sentent des mouvements auprès d'eux, s’enferment ou restent fixés et assez fortement adhérents aux corps sur lesquels 1ls sont : aussi pourrait-on voir relever les nasses et monter les Rochers avec elles, sans qu'il fût nécessaire de croire que ceux-e1 sont suspendus par la langue. Dans le récit de Pline il y a de l’exagération ; mais à coup sûr, il peut et il doit y avoir du vrai dans le mode de pêche qu'il indique. En descendant ainsi au fond de la mer des coquil- lages à moitié morts, c'était un appt qui devait sans aucun doute attirer les animaux carnassiers, et en retirant les nasses, on devait remonter tous les Murex venus sur l'appât. C’est, du reste, une croyance généralement répandue, que les Murezx font périr les bivalves, Sur les plages de la Rochelle, où j'ai recueilli tant de Mureæ erinaceus, les personnes qui aux grandes marées sont très nombreuses sur les plages, et qui, me voyant ra- masser ce qu'elles ne cherchaient pas, me demandaient ce que j'en voulais faire, ajoutaient toujours que ces animaux faisaient mourir les Huitres en les suçant. Cette opinion me semble être le résultat d’une observation incomplète, mais aussi d'un fait incontestable, fait que j'ai pu observer sur les individus que je détachais des rochers, derrière la pointe des Minimes, près de la Rochelle; le plus souvent les Mure étaient fixés aux roches, non-seulement par lé pied, mais encore par leur trompe introduite à quelques centimètres (2-3) dans un trou, et quand j'avais arraché les animaux, je pouvais très facilement voir la trompe et observer sa rentrée assez lente. Or, dans ces trous souvent il y a de petites Pholades. On comprend parfaitement que les Murex puissent impunément driger leurs attaques sur ces bivalves, car il n'en est pas de leur coquille comme de celles des Vénus. Chez les Pholades, le corps est tou- jours à découvert dans quelques points, au contraire dans les Vénus il est parfaitement à l'abri. Ainsi dans les récits de Pline comme dans ceux des pêcheurs, souvent de l’exagération, souvent une mauvaise interprétation d’un fait, mais au fond il y a de la vérité ; il faut la chercher, il faut la dépouiller de ses fausses interprétations, et l’on pourra utiliser et 4 50 H. LACAZE-DUTHIERS. mettre à profit très avantageusement les renseignements que les uns et les autres fournissent toujours. On voit enfin ici que les habitudes de faire saillir au loin la langue (entendre la trompe) pour attaquer leur proie peut se rap- porter aux Rochers, ce qui permet de reconnaitre dans les Pour- pres de Pline les Rochers des modernes, puisque les pêcheurs, les gens de mer, racontent encore aujourd’hui, et cela dans des points bien éloignés, Mahon et la Rochelle, des traits relatifs aux mœurs tout à fait semblables à ceux quele naturaliste ancien rapporte à ses Pourpres. Il faut ajouter cependant que les Pourpres proprement dites, des catalogues modernes ont, elles aussi, une trompe qui peut devenir saillante. Nora. — Une omission involontaire me fait placer ici ce qui suit; c’est dans la partie historique qu’on aurait dû citer ce mémoire. MM. Grimaud de Caux et Gruby ont fait une communication à lAcadé- mie des sciences en 1842 (1) sur l'organe et la liqueur purpurigène du Murex brandaris. Ce travail se rapporte aux recherches de M. le doc- teur Bizio, dont il a été question ; on y trouve la description suivante : « Cette poche {celle qui contient la liqueur purpurigène) a 2 centimètres » de long, 1 1/2 centimètre de large à sa base; elle forme un cul-de- » sac, et a par conséquent la forme d’un entonnoir ; elle est située à la » partie supérieure du corps de l’animal, entre les organes de la tête et » le foie. C’est proprement la cavité pulmonaire. Elle s’ouvre par une » grande solution de continuité entre le bord du manteau et le corps de » l'animal, et elle fournit un prolongement qui se loge dans un canal, au » moyen duquel la cavité pulmonaire communique à l'extérieur, quand » l'ouverture de la coquille est complétement fermée par l’opercule. » C’est évidemment de la cavité tout entière du manteau qu'il est ques- tion. On ne peut admettre une telle description; sans aucun doute, dans la cavité palléale se trouve de la matière purpurigène mêlée aux muco- sités, mais ce n’est pas pour cela une poche particulière à la pourpre. (8) Comptes rendus, 1842, t. XV, p. 1007, Description anatomique de l'or- gane qui fournit la liqueur purpurigène dans le Murex brandaris, et une analyse microscopique de cette liqueur, par MM. Grimaud de Caux et Gruby. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, S1 l'organe spécialement producteur de la matière est indiqué comme longitudinal, supérieur, placé au bord convexe de la branchie, floconneux, etrenfermant des cellules hexagones symétriques. L'analyse microscopique du liquide contenu dans la poche a donné les résultats suivants : € Le » liquide extrait de la poche durant la vie de l’animal se présente sous » l'aspect d’une substance amorphe, transparente, dans laquelle nagent » des cellules ovales, rondes, ayant une enveloppe transparente, el parse- » mée de petites molécules blanchâtres. » Et plus loin encore : « La liqueur, contenue dans une FR peche » siluée à la partie supérieure de animal, s’extrait avec facilité. Il ne peut manquer d’être évident que la cavité du manteau est consi- dérée comme la poche à pourpre; dès lors, dans l’observation microsco- pique fort incomplète du reste, sont confondues des choses les plus di- verses, tous les produits de sécrétion arrivant dans cette cavité. Quant à cette proposition : « Le Murex brandaris fournit la pourpre » tyrienne; la poupre améthyste est donnée par le Murex trunculus, » elle semble bien absolue; car, d’après les interprétations des textes, les diverses nuances s’obliennent par les manipulations, les mélanges des espèces et le nombre des applications de la matière tinctoriale sur les éloites. EXPLICATION DES FIGURES (Pz. I, T. XI). Organe producteur de la Pourpre. Fig. 1. Purpura lapillus (c'est le Buccin sur lequel a expérimenté Réaumur), débarrassé de la coquille, un peu grandi, pour montrer ce qui parait par transparence au travers du manteau : (a) la partie sécrétant la matière pur- purigène ; (b) la branchie; (f) les arborisations noirâtres de la glande anale. Fig. 2. Le même, le manteau fendu à gauche et rejeté à droite. On voit alors distinctement : (a) la partie fournissant la pourpre ; (b) la branchie ; (b") la partie qui ressemble à une seconde branchie ; (c) l'anus ; (d) l'orifice génital ; (f) la glande anale cachée sous la couche (a) ; (r) le corps de Bojanus; (x) le corps de l'animal, que très probablement les auteurs ont appelé, avec Pline, le cou. à Fig. 3. Purpura hœæmastoma. Manteau fendu entre la branchie (b) et la couche purpurigène (a): (e) anus ; (d) orifice génital ; (b’) corps branchioïde. 4° série. Zooz. T. XII. (Cahier n° 2.) ? 6 82 H, LACAZE-DUTHIERS. Fig. #4. Murex brandaris. Mêmes lettres désignant mêmes choses, Manteau fendu entre la branchie et la couche purpurigène. Fig. 5. Turbo lilloralis. Même préparation, mêmes lettres. On remarquera que le corps branchioïde (b!) a la forme d'une bandelette fort étroite, Fig. 6. Éléments de la couche purpurigène dans le Purpura hæmastoma, vus au n° 5 objectif (Nachet) et dessinés à 18 centim, de la chambre claire. En À, les éléments sont longs ; en B, l’un est rompu, la matière granuleuse s'échappe. Fig. 7. Éléments et portion de la couche purpurigène du Purpura lapillus. En A, montrant les rapports et la formation de la couche par les éléments cylin- driques ; en B, un des corpuscules isolés autour des granulations qui se colorent au soleil. Fig. 8. Ibid. Pour montrer qu'il yaune grande différence dans la même glande pour le volume des éléments. Fig. 9. Partie du manteau comprise entre la branchie (b) et l'intestin (i), pour montrer : 4° le réseau capillaire sur lequel repose la couche purpuri- gène, formé par les vaisseaux qui arrivent du corps de Bojanus (g), et aussi de la partie antérieure du manteau (k) et celle de la branchie ; 2° la glande anale (f) et son orifice (e) au sommet de la papille que l'on voit quand on a fendu l'anus (c) ; (d) est l'orifice génital. Fig. 40. Éléments de la partie (a) dans le Turbo littoralis, fig. 5. On voit la grande analogie de ces éléments avec ceux des autres espèces purpurigènes, bien qu'ici ils ne changent pas de couleur. | Fig. 41. Quelques culs-de-sac de la glande anale à un faible grossissement. Fig. 42. Un cul-de-sac de la glande anale à un fort grossissement, pour mon- trer : en «, les cellules de face avec leur noyau et leur tache blanche, et leur granulation intracellulaire ; en y, les mêmes, mais vues de champ ; en 3, on voit le courant qui entraîne les granules et cellules sécrétées. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 83 COULEUR ET NUANCES NATURELLES DE LA POURPRE. N°1 Beaucoup de matière. Longue insolation ; soleil vif et chaud. N° 2. Assez grande quantité de matière. Mêmes conditions d’in- solation. N° Avec moins de matière que dans les deux cas précédents. Matière dis- soute et bien étendue, Teinte surtout produite dans les épreuves photo- graphiques. N° 4. Avec peu de matière ou peu de durée de l'ac- tion solaire. Tons légers et dégradés des photo- graphies. Avec peu de matière sur les bords des dessins où la substanee dissoute s'est étendue. Nuance la plus sombre, obtenue surtout avec le Purpura hæœmastoma, et une fois le Murex brandaris. Purpura lapillus. P.hæmastoma. Murez brandaris. M. erinaceus. M. trunculus (1 fois). Purpura hæmastoma. P. lapillus, Murezx erinaceus. M. brandaris. Purpura hæmastoma. P. lapillus. Murex brandaris. M. erinaceus. Murezx lrunculus. Nora. —— Ces couleurs et nuances ont été obtenues naturellement, en soumet- 8/ HW. LACAZE-DUTHIERS. tant à l’action de la lumière solaire la matière fournie par les espèces de Wurex et de Purpura dont il a été question dans ce mémoire. Ces teintes, à part la bleuâtre, doivent étre considérées comme représentant la couleur primitive, naturelle et non modifiée, de la Pourpre. ion solaire a été plus Ju moins grande, on ex trunculus, on peut c les autres espèces, Ces nuances sont les pr peut obtenir une très g avoir du bleu plus bleu Les peintres trouvail ces nuance 8e comparaison qui les Les numéros 1 et 2 répondent certainement à ces es nuances sombres, et e dont parle Pline. — [ee] a = E (ey LE (e] ua [2e] œ ce = =tA HISTOIRE ANATOMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE DU PLEUROBRANCHE ORANGE, PAR H. LACAZE-DUSHIERS. L'anatomie des Mollusques a fait depuis quelques années de très grands progrès. Les malacologistes, en plaçant leurs travaux Sur un terrain nouveau, ont compris qu'il ne s'agissait plus de donner des aperçus généraux ou d'une série de canevas del’organisation, comme au temps de Cuvier ; mais qu’il était nécessaire de seruter les plus secrets replis de l’organisation ; qu'il fallait les détails les plus mi- nulieux pour se faire une idée exacte de l'être dont autrefois il sufli- sait d'esquisser à grands traits les dispositions générales. Dans cette nouvelle voie, on a déjà obtenu des résultats importants pour la malacologie ; mais on sent encore qu'il devient nécessaire de prendre à part chaque type pour les bien connaître, et de les étu- dier non-seulement dans leur organisation, mais encore et surtout dans leur développement. Cette direction nouvelle donnée aux études malacologiques a fait faire un pas de plus vers Papplication des principes généraux de la méthode naturelle; et elle est aussi une preuve que l’on sent le besoin de tirer les rapprochements zoologiques non plus de ces formes, de ces couleurs si variées de l'enveloppe solide extérieure, mais bien de toutes les particularités organiques présentées par les êtres À toutes les époques de leur existence. La monographie anatomique qui fait l'objet de ce mémoire a pour but de répondre, en partie du moins, à ce besoin, pour le > 200 Hi, LACAZE-DUTHIERS. Pleurobranche ; et c’est au milieu des nombreux détails qu'elle renferme que l'on pourra trouver des données générales, toujours importantes quand il s’agit de la morphologie et de l’organisation comparée. L'animal qui à fait l'objet de ces recherches est connu de tous les malacologistes, aussi n’y a-t-il rien de particulier à indiquer relativement à son extérieur; mais son organisation est loin d’avoir été suffisamment étudiée. Cuvier s’en est occupé cependant, mais il l’a fait très briève- ment dans ses mémoires (1). Delle Chiaje, dans ses Animaux sans vertèbres du royaume de Naples, parle aussi de l'organisation du Pleurobranche, mais de loin en loin, sans que ses recherches puissent être considérées, ils’en faut de beaucoup, comme une mo- nographie (2). H. Meckel a publié dans les Archives de Müller un travail général sur les organes génilaux des Gastéropodes. Il s’y occupe du Pleurobranchæa (3); mais encore [à on ne trouve pas une histoire complète de l’organisation même de l'appareil génital. Dans le travail du célèbre naturaliste français, il y a des aperçus généraux très importants sans doute, surtout à l’époque où il écrivait; mais à côté se trouvent indiqués quelques faits qui ne semblent pas être en rapport avec ee qui va suivre. Comme dans tout son ouvrage, l'éminent naturaliste napolitain place à côté d’une série de descriptions de nombreux faits d’orga- nographie; mais les détails importants manquent, ainsi que les vues générales, au moins en ce qui concerne le Pleurobranche. Ainsi donc peu de chose pour la partie historique ou bibliogra- phique. ILest dès lors possible d'aborder immédiatementnotre sujet; d’ailleurs, en décrivant chaque partie de l'organisme, ce sera avec (1) Voy. Cuvier, Mémoire pour servir à l'histoire des Mollusques. — Mémoire sur le Pleurobranche et les Phyllidies. (2) Voy. Delle Chiaje, Animali senza vertebre. (3) Voy. H. Meckel, Archiv für Anal. und Phys. de Müller, 1844, p. 373. — Ueber den Geschlechtsapparat einiger hermaphroditischer Thiere, mit Taf. XII à XV. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 201 le plus grand soin que les opinions des auteurs seront mentionnées et rapprochées des faits qui se trouveront mis en lumière. il est utile de faire encore une autre observation. La monogra- phie que l'on va lire ne doit pas être isolée : elle sera suivie par d'autres mémoires sur l’anatomie des Gastéropodes. H parait donc préférable de ne point allonger les descriptions par de nombreuses comparaisons qu'il serait facile de multiplier avec des animaux voisins ; aussi ne doit-on pas s'attendre à rencontrer ei beaucoup de généralités, beaucoup de rapprochements, les analogies néces - saires pour faire connaitre aussi complétement que possible l'or- ganisation seront seules mises à profit. Les auteurs qui se sont occupés du Pleurobranche ont été et se- ront cités ; mais on ne trouvera pas cette multiplicité d'opinions que l’on rencontre habituellement dans les mémoires d'aujourd'hui, et qui souvent compliquent singulièrement la lecture d'un travail. Si cependant quelques faits généraux non connus, où bien n'étant pas en rapport avec quelques idées reçues, se présentaient, il estentendu que leur valeur sera indiquée; mais enfin, je le répète, au fond ce mémoire n’est point critique, la discussion des opinions n'ayant réellement de valeur que dans un travail général et d’ensemble, el non à propos d'une espèce spéciale dans un travail tout parti- culier. il sera successivement question de l'espèce et des mœurs de l'animal, des organes de la nutrition, dé ceux de la reproduction, et enfin de ceux de l'appareil de la vie de relation. Il Espèces. — Mœurs. — Séjour. L'espèce de Pieurobranehe qui a servi surtout à ces études est le Pleurobranche orangé (Pleurobranchus aurantiacus). On trouve dans la Méditerranée une autre espèce qui, par sa taille, eût été bien plus favorable aux recherches anatomiques ; elle est difficile à se procurer : on la rencontre bien, il est vrai, dans 202 H. LACAZE-DUTRIERS. les filets des pêcheurs, mais le plus souvent elle est mutilée. J'ai pu cependant sur cette espèce vérifier certaines dispositions impor- tantes dont 11 sera plus lom question, quoique le seul individu que j'aie eu de Pleurobranchus testudinarius (4) fût peu complet. Je l'avais obtenu des pêcheurs qui, pendant l'été, campent à l’ouest de Ceite, sur la plage sablonneuse qui conduit à Agde. C’est au milieu des débris de, végétaux sous-marins qui avaient été amenés avec les longs filets à la traine, que je l'avais trouvé. À Ajaccio, j'ai rencontré sur les rochers qui affleurent sous les murs de l'hôpital, situé sur la côte, à l’ouest de la sortie de la ville, une autre espèce, el j'ai pu aussi constater sur elle quelques faits relativement importants. Cette espèce me paraît sans aucun doute être le Pleurobranche ocellé (P. ocellatus) de Delle Chiaje (2). Je la trouvai sur les fucus, et la vivacité des taches blanches qui couvrent sa robe d'un brun mêlé de roux me la fit remarquer avec la plus grande facilité. Mais Le plus grand nombre des individus que j'ai obtenus appar- tiennent à l'espèce orangée (3) et à une variété légèrement citrine dont on à peut-être fait à lort une espèce ; car, par tons ses carac- tères, elle ressemble singulièrement au Pieurobranche orangé. Je les trouvais à Mahon, avec assez de facilité, au nombre d’une à deux douzaines dans une après-midi. Au commencement de l’histoire de la Bonellie(4), j'ai déjà indi- qué dans quelle partie du port de Mahon il était le plus avantageux de chercher les animaux. Je dois dire cependant que si partout, dans ce port, le Pleurobranche se rencontre, néanmoins il se trouve en général sur le rivage nord, et plus particulièrement sur le petit promontoire qui est à l’entrée de la Cala Longa, et qui s'étend en remontant à l’ouest jusqu’à la Cala San-Anionio. Dans cet endroit, (1) Pleurobranchus testudinarius , Cantraine, WMalacclogie méditerranéenne. — P. Meckelii, Delle Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali senza verlebre, t. II, p. 45-50. (2) Pleurobranchus ocellatus, Delle Chiaje, loc. cit. (3) Pleurobranchus aurantiacus, Cantraine, #alacologie méditerranéenne (4) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° sériu. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 203 qui fait face à l'entrée du port, l'eau participe un peu au mouve- ment de la grande mer. Eà toujours j'ai trouvé de nombreux indi- vidus, que le pêcheur Alonzo désignait par les noms de Colorados. Pour les avoir, àl fallait agir de deux manières. Ou bien chercher en observant le fond : pour cela, on plaçait la petite barque du pê- cheur contre le vent, afin d'éviter les rides de l'eau, et puis on tournait les pierres avec un crochet (un gancho), ou tout autre instrument servant à la recherche des coquillages. Ou bien entrer dans l’eau sur le bord, et enlever les pierres qui, sur le côté nord, sont de nature toute différente de celles de la partie sud. En face des cimetières anglais et français, il y a un point qui paraissait surtout recherché par les Pleurobranches pour déposer leurs œufs, A une petite profondeur, en soulevant les pierres qui, dans cette partie, sont plates et peu couvertes de végétation, je rencontrais souvent des Pleurobranches pondant ou accouplés. Le Pleurobranche vit, du reste, très facilement en captivité, et j'ai vu fréquemment l’accouplement et la ponte se répéter dans les aquariums que j'avais construits et où l’observation était facile. Pendant presque tout le temps de mon séjour à Mahon, j'ai eu toujours quelques Pleurobranches vivants, que je pouvais observer à chaque instant. Hs ne fuyaient point trop la lumière, et venaient souvent jusqu'au bord de l’eau; c’est surtout à qu'ils déposaient leurs œuls. Lorsqu'on touche un Pleurobranche ou que l’on dérange vive- ment la pierre sous laquelle il est, il se roule en boule en se contractant, et se laisse aller à son propre poids ; aussi tombe-t-il au fond de l’eau, car il n’adhère pas fortement sur les pierres par son pied, comme les Doris, les Haliolides et tant d’autres : cireon- slance heureuse, car ses tissus, ainsi qu'on le verra, sont d’une telle délicatesse, que s’il fallait faire des efforts pour le prendre dans les anfractuosités des pierres sur lesquelles on le rencontre, on le déchirerait certainement. Il est assez difficile de bien conserver le Pleurobranche orangé ; 20/ il. LACAZE-DUTHIERS. les liqueurs conservatrices lui font perdre sa couleur, et sa taille diminue considérablement. Des individus de 4 à 5 et 6 centi- mètres de long perdent tellement de leur volume, qu'il est difficile de les reconnaitre; en effet, quand la mort arrive, les tissus se rétractent, ee qui fait aussi diminuer beaucoup les proportions. On sait qu'il y a un grand avantage à faire mourir les Mollus- ques dont on veut faire l'anatomie. Pour cela j'employais une so- lution dans l’eau d'acide cyanhydrique préparé à l’instant avec l’acide chlorhydrique et le cyanure de mercure ; mais cette pré- paration entrainant toujours une perle de temps et un certain em- barras de manipulation, surtout dans un voyage, je songeai à n’employer que le eyanure seul, qui m'avait si bien servi et été si utile pour l'étude d'autres Mollusques. Je ne fus pas peu étonné de voir mes Pleurobranches presque liquéliés ou détruits par une solution faible de sel de mercure. On voit par cet exemple combien il faut être prudent quand on veut généraliser. À chaque instant, on annonce la conservation parfaite des animaux par tel ou {el procédé : sans doute, on à réussi pour quelques espèces ; mais comme on n’a pas fait d'essais géné- raux, On peut préconiser une chose utile dans un cas et fort mau- vaise dans l’autre. Depuis que ces observations ont eu lieu sur les Pleurobranches, il m'est arrivé de faire mourir des Acéphales dans une solution faible de cyanure de mercure, et de les conserver plus de trois mois, par de très fortes chaleurs, dans un état par- fait pour la dissection. En opposant ces résultats, on comprendra qu'il ne faut pas se hâter de donner comme certain ce qui n'a rapport qu'à des espèces isolées, car on s'expose à faire rejeter l'emploi de choses fort utiles, pouvant rendre de grands services, mais seulement dans des cas spéciaux. Les Pleurobranches se conservent assez bien dans la glycérine pendant quelque temps ; cependant comme j'ai recueilli Les indi- vidus que je voulais conserver au moment de la reproduction, la elande mucipare s’est gonflée, et a rompu les parois du corps sur le côté droit. Cuvier ayant donné la description du genre Pleurobranche qu'on ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 9205 a repétée bien souvent après lui, quelques mots suffiront ici, afin de fixer nettement le sens de plusieurs expressions qui revien- dront souvent, et serviront à désigeer les parties principales. Le corps des Pleurobranches orangé et ocellé est ovoïde ; quand on le regarde en dessus, il ressemble à un disque aplati; son dos bombé paraît comme un bouclier eharnu, plus large en arrière qu'en avant, sous l'extrémité antérieure duquel s’avancent en se courbant en arrière deux tentacules creux, formés par une lamelle contournée et recroquevillée comme une oublie; plus en dessous, mais au-dessus de la bouche, est un voile membraneux, triangu- laire, plus large en avant qu’en arrière. Les yeux sont à la base des tentaeules et paraissent comme deux très petits points noirs. Lorsque l’animal se contracte, la branchie disparait sous les bords du bouclier dorsal; quant au pied, moins large que celui-ci, il est ovale et relativement plus allongé ; son extrémité antérieure dépasse la bouche, que l'on trouve entre lui et le voile triangulaire indiqué plus haut. Pendant ses mouvements, le Pleurobranche se moule sur les inégalités des corps qu’il parcourt, et ses tissus sont si mous, qu'ils lui permettent de modifier à chaque instant sa forme générale ; alors aussi on voit plus où moins épanouis ses tentacules, le voile buceal et la branchie; parfois encore la verge, devenue extérieure, se présente en avant sur le côté droit, : Du reste, les détails qui vont suivre pendant la description des organes compléteront les faits qui sont donnés ici comme de sim- ples jalons servant à établir les premiers rapports. Quand animal rampe, il est bombé en dessus, et ses tégu- ments forment comme un bouclier représentant à lui seul tout le corps; mais en le regardant de côté, au-dessous de ce premier disque, on en voit un second plus charnu, contractile, épais, bien connu dans tous les Gastéropodes : c’est le pied. Entre les deux, ainsi que le remarque Cuvier, semble régner un canal circulaire, résultant de leur union (1). (1) Voy. dans la planche 8 du tome XI des Annales des sciences naturelles 4° série, Zoologie, la figure 4. Le bouclier dorsal a été fendu en deux à la base 206 NH. LACAZE-DURHIERS. Sur le côté droit, vers le milieu de là lougueur, on aperçoit comme un panache élégant dirigé en arrière : c’est la branchie ; en avant d'elle, et tout près, les orifices plus où moins contractés de la reproduction ; en arrière, l'anus placé tout à fait dans le point où le repli qui fixe la branechie vient l’attacher au corps. Branchie, apus et orifices génitaux, voilà trois choses dont il est bien nécessaire de connaître la position exacte, car beaucoup de dispositions leur seront rapportées (1). IT Organes de la conservation de lindividu. he Digestion. Les organes de la digestion peuvent être étudiés isolément, en raison de leur simplicité, qui permet aussi de les prendre comme point de départ dans la description des autres appareils; d'ail leurs les idées principales relatives à la forme et aux régions du corps qui viennent d’être exposées succinctement suffisent par- faitement pour que l’on puisse entendre les descriptions qui vont suivre. Du tube digestif en lui-même. Le tube digestif est en lui-même fort simple ; ses annexes toute- fois offrent un certain degré de complication, La bouche est toujours une chose plus difficile à définir que cela des tentacules et du voile sus-buccal triangulaire, et en quatre sur le dos. C'est de toutes les figures celle qui donne le mieux l'idée de l’animal. Dans la figure 2, le Pleurobranche est vu en dessous, et l'on voit le pied et le bouclier dorsal, la bouche, le voile triangulaire, etc. (1) Du reste, on doit voir, au commencement de l'explication des planches, l'indication des principales lettres, dont la signification est la même dans toutes les planches. ANATOMIE DU FLEUROBRANCHE, 207 ne parait au premier abord. On se trouve, en effet, toujours en présence de cette difficulté : Est-ce un orifice ? est-ce une cavité? Et de plus, quand il y a plusieurs orifices, quel est celui qui mérite le nom de bouche? Un oritice buccal (4) est placé entre le pied et le voile triangulaire antérieur, assez exactement dans le sillon qui fait le tour du corps, et qui sépare partout le pied du reste de la portion dorsale. Rien n'indique ee premier orifice quand il est contracté, comme cela à lieu sur lanimal vivant que l’on touche dans le but de lobserver. Mais ce n’est pas là réellement l'entrée du tube digestif. Quand l'animal veut prendre ses aliments, 11 fait sortir par cet orifice une trompe, analogue à celle que tant d’autres Mollus- ques gasléropodes font saillir souvent fort longue, et c’est à l'extrémité de cette trompe que se trouve l'ouverture du tube digestif, et une cavité à laquelle on pourrait peut-être donner le nom de bouche. La trompe se présente tout différemment, suivant qu’elle est observée en dedans ou en dehors du corps. Quand elle est saillante, elle est plus large à son extrémité libre que sur le point où elle adhère au corps; elle est, comme on peut en juger sur les animaux morts, un peu conoïde, froncée et plissée, dure et résistante au toucher : on voit qu’elle est formée d’une membrane extérieure, continuation de la peau ou des téguments, et d’une masse charnue interne (2). En ouvrant le corps et pénétrant jusque dans la cavité abdomi- nale, on trouve successivement, depuis le point signalé comme orifice extérieur, et faisant suite lun à l’autre, d’abord un pre- mier renflement cylindroïde, lisse, et n'offrant aucune parti- cularité ; puis un second, très légèrement rougeâtre, comme tri- lobé, et auquel viennent aboutir le tube digestif et quelques autres CANAUX. Lorsque la trompe est saillante, le point d'union de ces deux (*) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 2 (a), et les figures des autres planches. (2) Voy. Ibid., pl. 7, fig. 4. 208 H. LACAZE-DUTHIERS. masses est juste à l'extrémité de la partie saillante; là se trouve la véritable bouche (4). En sorte que la trompe peut être considérée comme un tube membraneux, protractile, dans l’intérieur duquel pénètre la se- conde masse charnue rougeûtre. IL est facile de reconnaitre dans celle-ci le bulbe fortement musculaire qui meut un appareil dentaire lout à la fois très com pliqué, très puissant, admirablement disposé pour dépecer les malières alimentaires, et auquel on donne généralement le nom d'appareil lingual. Ainsi, dans celle disposition de la première portion du tube digestif, on rencontre quelque ehose non-seulement de très ana- logue, mais encore de tout semblable à ce qui s’observe dans les Gastéropodes conchifères, comme les Pourpres, les Buceins, les Murexetles Tritons, ou bien les Aplysies, les Doris, les Bulles, ete. Plus tard, j'espère montrer, dans un travail d'ensemble, que la trompe ne fait pas partie du tube digestif, mais des téguments externes. L'orilice buccal proprement dit est done placé au fond d'un tube protractile, et ne devient extérieur qu'à certains moments; il doit jouir d’une grande extensibilité, car, lorsque l’animal décoche un coup de langue contre sa proie, l'appareil, profondément placé, doit devenir subitement saillant. Or ce changement de position s'exécute souvent avee la plus grande rapidité, si l'on en juge d’après d'autres animaux du moins. Les Vermets, par exemple, quand on les tracasse, entr'ouvrent leur bouche, et, faisant sortir leur langue, attrapent, pincentet déchirent tout ce qui se présente àeux. Ainsi le Vermet, qui aservià mes études d’embryogénie et d'anatomie, pouvait relenir dans sa bouche les mors de mes pinces fines, ce qui prouve combien est puissant son appareil, et quelle action efficace il peut et doit avoir sur la peau si tendre des Mollusques ou des autres animaux qui leur servent de proie. L'épanouissement de la partie cornée de la langue doit évidem- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, L. XI, pl. 6, fig. 1 (b). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 209 ment avoir lieu dans le Pleurobranche comme dans les Vermets ; ear sur des animaux morts contractés, et ayant la trompe saillante, on voit au sommet de celle-ci les dents de la langue disposées absolument comme chez les Vermets,au moment où ils décochent contre un corps extérieur un coup de langue. Le bulbe lingual (4) est plus large en arrière qu’en avant; il est séparé de la trompe par un étranglement qui Pen fait toujours distinguer. Un peu aplati de haut en bas, ses dimensions transversales sont plus grandes que celles qui mesurent sa hauteur. Sa surface pré- sente deux sillons peu profonds qui le divisent en trois lobes distincts, dont l’un est médian, moins large que les autres et un peu plus long, ce qui fait qu'illes dépasse en arrière. C’est sur ce dernier, en dessus et vers le tiers inférieur de la longueur, que s'attache lœsophage. En arrière les deux lobes latéraux sont plus larges qu’en avant, et arrondis en bosse comme le premier. En dessous, le bulbe ne présente rien de particulier, tandis qu'on verra encore trois canaux s'ouvrir sur sa face supérieure. Ses parois sont épaisses, charnues, et de nature musculaire. Il y aurait sans aucun doute à décrire les faisceaux musculaires qui entrent dans sa composilion, et je ne vois pas que l’on ait pris le soin d’en faire une anatomie minulieuse et surtout comparative. En tout cas, pour avoir une opinion juste et bien arrêtée de l’or- ganisation de la bouche des Mollusques et de son anatomie com parée, il faudrait d'abord bien connaître un type, et cela serait plus facile et plus simple à faire dans de plus grandes espèces que les Pleurobranches ; aussi j'avoue que je n'ai pas poussé ici aussi loin mes investigations que pour le Dentale, où chaque muscle à été décrit avec soin (2). Quoi qu'il en soit, les muscles peuvent se diviser en deux (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4e série, t. XI, pl. 6 b, fig. 4 B, et dans les autres planches du travail les parties marquées B. (2) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, t. VI, pl. 9, fig. 10, Organisation el dé- veloppement du Dentale. &e série, Zooz. T. XI. (Cahier n° 4.) ? (E CS 210 ii, LACAZE-DUTHIERS. eroupes : ceux du bulbe lui-même (muscles intrinsèques) qu meuvent les pièces qui le composent, et ceux qui, attachant le bulbe aux parties environnantes du corps, servent à le déplacer dans la ‘avité générale (muscles extrinsèques). On comprend que, puis- que la trompe devient saillante et renferme le bulbe, 1! est néces- saire que celui-ci puisse être ramené en dedans, lorsque son action extérieure est accomplie. On trouve les muscles ‘extrinsèques passant en sautoir à gauche des organes, et revenant en dessus de la masse sylanchnique, vers la petite coquille, dont il sera plus loin question, pour S'y attacher (4). Ces muscles, que l’on peut nommer indifféremment rétracteurs où extrinsèques du bulbe, sont au nombre de six, deux pour chacun des lobes latéraux, deux pour le lobe médian. Les museles d'un même côté s'unissent ou s’accolent, en sorte qu'à quelque distance du bulbe, il ne semble plus y en avoir que deux ; ceux-ci eux-mêmes se rapprochent, et viennent en un seul point se fixer à la face inférieure de la petite coquille. Si l’on ouvre le bulbe lingual (2), on trouve dans son intérieur trois cavités bien distinctes : lune est médiane ; elle est continue en dessus avec le tube digestif; en arrière elle forme un petit cul-de-sae, tandis qu’en avant elle s’ouvre à l'extérieur par l'ori- fice buccal si la trompe est saillante, ou dans la trompe même si elle est rentrée. Les deux autres cavités latérales forment des culs-de-sac borgnes qui s'ouvrent en avant de chaque côté de la cavité centrale, dans le point tout voisin de l'orifice externe. Chacune de ces cavités renferme une pièce cornée d’une nature toute spéciale, et dont le rôle est tout particulier. La langue proprement dite (3) est renfermée dans la cavité mé- diane. C’est une partie cornée fort complexe le plus souvent, com- posée d’une multitude imnombrable de petites pièces secondaires, (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XE, pl. 6, üg. 4 (p), et pl. 8, fig. 1 (b). (2) Zbid., pi. 7, fig. 4. (3) Zbid., pl. 7, Gg. 4 (p), Gg. 5 (p). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 211 toutes fort mobiles, et dont l'ensemble forme une lame plus large étalée en avant, plus étroite repioyée en arrière. Elle occupe le fond de la cavité médiane, et s'étale vers l'entrée du bulbe; elle n’est pas absolument plane, et l'on peut se la figurer comme étant creusée en gouttière. Quant à la forme générale, elle est tout à fait analogue à celles que présente le Dentale (1) et le plus grand nombre des Mollusques. Les muscles intrinsèques agissent de telle sorte, que la langue devient saillante hors du bulbe, en se courbant. Quand elle est devenue extérieure, elle s'applique contre les corps et accomplit son action en les entamant par un mouvement de glissement à leur surface, comme le ferait une râpe, Lorsque la langue devient sallante, c’est par une sorte d’épa- nouissement ou de renversement au dehors du bulbe. Son extré- mité postérieure, la plus étroite, se rapproche de antérieure, ear celle-ei est fixée à peu près à la marge de l'ouverture. Mais l’action réelle, l’action eflicace, n’a lieu que pendant là rentrée, lorsque la position première va être reprise. On peut dire que lorsque la langue revient en dedans, elle râpe les objets sur lesquels elle est appliquée (2). En étudiant sa struelure, on voit qu’elle est loin d’être simple, et qu'elle résulte du rapprochement d'une multitude prodigieuse de pièces secondaires que lon peut nommer dents ou crochets. Ces crochets ne sont autre chose que des lames fort minces, très transparentes, ayant un talon où extrémité antéro-inférieure, dont il est difficile de donner une idée aussi exacte par une des- cription que par un dessin (3). Les talons (4) de tous les erochets sont rapprochés et unis par (1) Voy. Loc. cil., Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. VI, pl. 10. (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 7. La figure 4 a pour but de montrer le commencement du renversement au dehors de cette pièce cornée, ainsi que celui des deux voisines. (3) Voy. Jbid., pl. 7, fig. 6, où un certain nombre de dents sont placées dans leurs rapports naturels, quand la langue est renversée et dans une position telle qu'elle puisse agir . (4) Voy. Ibid., (+). 249 H. LRCAZE-DUTHIERS. une membrane assez résistante. Le reste de la lame, c’est-à-dire plus des trois quarts de la longueur, est tout à fait libre. La lame est, du reste, un peu courbe, et lon ne saurait mieux la compa- rer qu'à une lame d’un petit couleau un peu courbé et pointu, présentant vers lextrémité arquée, sur le bord concave, une série de éinq ou six pelites dents (£) fort acérée à la manière d’une scie. Quand pour ouvrir on fend en dessus, sur la ligne médiane, le bulbe lingual, on tombe sur la face supérieure de la langue pro- prement dite, et l’on remarque qu'elle semble comme striée per- pendiculairement à son axe longitudinal, et comme soyense paral- lèlement à sa longueur. Ces deux apparences s'expliquent bien simplement par la connaissance de la structure. En général, le plan des langues des Mollusques présente une disposition fort semblable au fond dans toutes les espèces. Une série de pièces impaires médianes, placées bout à bout, forme comme un axe central, auquel on donne le nom de ra- chis. Sur les côtés, plus ou moins nombreuses, se trouvent des pièces de deux ordres : les unes actives, les crochets ; les autres passives, servant de soutien, les lames. Dans le Dentale, on trouve très distinctes ces pièces (2). Mais quand on étudie cet organe dans les différents Gastéropodes, on voit de nombreuses modifications portant sur la présence de ces trois ordres de pièces ou sur leur nombre, où enfin sur leurs proportions respec- lives. Lei point de lames latérales, point de série de pièces médianes ourachis, mais, par contre, multiplicité prodigieuse des crochets ou dents. Maintenant on peut se faire plus facilement une idée du (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 7, fig. 6 (r). (2) Je cite le Dentale, parce qu'en effet, dans cette espèce, on trouve très simples et très distincts ces trois ordres de pièces ; mais on consultera avec avantage, pour plus de détails, les considérables travaux de M, Lüven Sur les dents de la langue des Mollusques (Bulletins de l'Académie des sciences de Stockholm) ; ceux de MM. Alder et Albany Hancock : Mollusques nudibranches d'Angleterre (Société de Ray) , et ceux de M. Troschel, qui doivent résumer tout ce qui a été dit à cet égard (Das Gebiss der Schnecken). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 213 apport des pièces, en se les figurant comme placées tout près les unes des autres, et se touchant par leur face; le bord concave est en dessous, le convexe libre en dessus, dans la cavité du bulbe. Le talon est en avant et la pointe en arrière (D). C'est à l’ensemble des extrémités hbres des crochets, rangées en séries parallèles, qu'est due lPapparence striée transversale- ment; au contraire, c'est aux dos des erochets qu'il faut rapporter l'apparence soyeuse suivant la longueur. Les rangées sont fort rapprochées ; aussi les talons, dans deux rangées voisines, se touchent presque : or, comme les crochets sont couchés obliquement, et qu'ils sont assez longs, il suit qu'ils doivent se recouvrir les uns les autres. Les extrémités libres d’un rang queleonque dépassent les talons des trois où quatre rangs placés en arrière (2). Il est facile de voir maintenant quelle est l'action de la langue tout entière. Quand son extrémité postérieure est poussée en avant, elle se courbe et sa face supérieure devient convexe. Alors évi- demment les dents qui la composent sont par cela même redres- sées (3), et elle est toute hérissée comme le dos d’un animal qui hérisse ses poils. Quand ensuite, par un mouvement inverse, elle rentre ef reprend sa position normale; évidemment il arrive que ces petites lames cultriformes, acérées et dentelées, s’abaissent, coupent et fendent directement le corps contre lequel elles s'étaient appliquées. Que l'on ait présents à l'esprit maintenant, et les muscles puis- sants du bulbe, et les innombrables lamelles st minces et st tran- chantes de Ja langue, et l’on verra qu'avec des mouvements répétés, les corps servant à la nourriture des Pleurobranches devront être bientôt entamés ; on peut aussi juger que ces animaux, si déli- (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 7, fig. 6. Ne pas oublier que dans cette figure les dents sont redressées et non au repos. (2) Pour avoir une idée exacte de cette disposition, que lon suppose dans la figure 6, pl. 7 (1. XIE, 4° série, Ann. des sc. nat.), que les rangées sont inclinées vers le bas du dessin, et l'extrémité n de la rangée supérieure descendra à peu près jusque vers les talons de la rangée inférieure, (3) Voy. comme sur la figure 6, 21/ M, LACAZE-DUTHIERS, als en apparence, el si faibles, sont pourtant bien armés pour dépecer leur proie. Mais la nature ne s’en est pas tenue là, elle a ajouté encore d’autres pièces à l’armature linguale. Dans chacune des cavités latérales (L), on trouve une plaque cornée résistante, formée d’une seule pièce, el tout à fait lamel- laire, oblongue, tronquée à son extrémité antérieure, et arrondie à son extrémité postérieure (2). Ces plaques attachées aux tissus du bulbe par leur extrémité antérieure, tout près de l’orifice buecal réel, paraissent être libres dans le reste de leur étendue, c’est-à-dire dans leur partie posté rieure. Quand tout le bulbe se contracte et se renverse en dehors, elles éprouvent une flexion et une courbure analogue à celles de la pièce médiane; elles deviennent saillantes en présentant latéralement leur surface convexe (à). Alors, sans aucun doute, elles forment, relativement à la pièce active médiane, deux parois qui garantissent les parties molles contre l'atteinte de ses crochets acérés. Elles sont toutefois différemment plaeées que la langue propre- ment dite. Si l'on suppose celle-ci plane et étalée dans an plan, en la considérant comme horizontale, on aura une idée exacte de sa po- sition, Quant aux deux autres, leur grand diamètre étant antéro-posté- rieur, leur surface est oblique de dehors en dedans et de haut en bas, On comprend comment, de chaque côté, elles protégent le üssu du bulbe pendant que la langue exécute surtout des mouve: ments pour sa rentrée, Le nom de plaque leur est très justement mérité. Cependant il ne faut pas croire qu'elles soient parfaitement lisses à leur surface ; (4) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, L. XI, pl. 7, fig. 4 et 5 (q,q). (2) Joid., fig. 5 présente les trois pièces de prolil; les pièces latérales q se voient avec leur forme exacte. (3) bid., fig. # q. La plaque latérale est en partie renversée et encore er majeure partie enfermée dans le bulbe, ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 2145 elles sont couvertes d'aspérités fort régulières sur lune de leurs faces, sur celle qui regarde en dedans, et qui correspond par con- séquent à la langue. La direction de ces aspérités, que l'on peut Justement comparer aux élévations quihérissent ces limes à bois des menuisiers connues sous le nom de râpes, est exactement inverse de celle des cro- chets de la langue ; de sorte que, lorsque celle-ci pousse ou fixe dansun sens le corps sur lequel elle est appliquée, les deux autres fixent et retiennent dans un sens opposé. De la disposition de ces trois pièces résulte évidemment une sorte de fixation du corps à entamer, condition favorable sans aucun doute à l’action des crochets. Ces aspérités sont fort régulièrement disposées ; on peut fa- cilement, surtout en les rompant, en observer la disposition et l'agencement sur un des côtés. La plaque tout entière semble formée par la réunion de petites pièces losangiques (À) dont une extrémité (2), quoique peu aiguë, est relevée en pointe, landis que l’autre est plus large et comme tronquée (3). Les angles latéraux du losange sont tout à fait ar- rondis (4). Que l’on suive les rapports de quatre de ces pièces, et l’on aura une idée exacte de la disposition dans tout le reste de l’étendue de la plaque. Si l’on place l’une de ces pièces isolément, la pointe tronquée en arrière, on pourra sur les deux côtés postérieurs du losange poseret faire coïncider les côtés gauches et droits antérieurs de deux autres pièces. Le rapport sera intime et tel, que les pointes des deux pièces latérales arriveront juste vers le milieu de la Jon gueur de la première. Alors on aura trois pointes en avant, ré- eulièrement disposées, comme les trois angles d'un triangle iso- cèle, En arrière, on verra les trois extrémités tronquées limitant entre elles un angle rentrant formé par les côtés gauches et droits des deux secondes pièces, et l'extrémité tronquée de la première, ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool , 4° série, t. XI, pl. 7, fig 7. 2) Ibid, fig. 7 v. ) 1bid., y. ) Ina, 216 M. LACAZE-DUTHIERS. Or, si l'on veut maintenant ajouter une quatrième pièce, on verra qu'elle vient exactement, par sa moitié antérieure, remplir l'angle rentrant indiqué, et que sa pointe antérieure, placée dans le som- met de cet angle, fera saillie au-dessus de l'extrémité postérieure de la première pièce. Cette pointe antérieure, restant libre dans cet enchàssement réciproque, produit les aspérités dont la plaque est couverte (1). Si maintenant, à côté des pièces précédentes, on en ajoute de nouvelles en nombre illimité, on formera une plaque couverte seulement d’un eûté d'aspérités qui seront fort régulièrement disposées en un quinconce dont l'élégante disposition frappera quand on examineéra à Microscope. Dans le Dentale, comme dans beaucoup d’autres Mollusques, 1l est facile de trouver au-dessous des pièces actives ef cornées, non- seulement des muscles, mais encore un cartilage, qui soutient évi- demment les parties molles en leur servant comme de charpente ; ici on trouve aussi quelque chose d’analogue, mais Ta partie qu'on peut regarder comme le cartilage à une épaisseur fort peu considérable. Au fond du cul-de-sac du lobe médian (2) paraît exister comme un pelit tampon, qui doit être, ainsi que cela à paru pour le Dentale, une partie protectrice des parois du sac, et peut-être le point d'origine des crochets de la langue. Ce qui doit faire croire à cette origine, e’est qu'il semble que les dents se multiplient d’arrière en avant. Leur teinte plus foncée et leur résistance plus orande en avant sembleraient l'indiquer suffisamment. Il est très probable que l'animal doit perdre, par l'usage répété de sa langue, quelques-uns de ses crochets, et il parait tout naturel que ceux-ci soient remplacés d’arrière en avant, comme cela a lieu pour les dents des Requins, dont l’analogie, au point de vue de la disposi- tion par série recouvrante, ainsi que du mode d'action par le ren- (1) Pour bien comprendre toutes ces dispositions, [il est nécessaire d'avoir sous les yeux la figure 7 de la planche 7, Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XI. (2) Voy. Ibid. lig. 4 (q'). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 217 versement en dehors de la membrane qui les supporte, est des plus frappantes. Telle est la première partie du tube digestif. Elle présente déjà, on le voit, une grande complication; elle recoit cependant encore des vaisseaux et des nerfs tout spéciaux, dont il sera particulière- ment question plus tard. L'æsophage est un tube cylindrique assez égal dans toute son étendue, et à peu près aussi long à lui seul que tout Pintestin (1). Il commence au-dessus du bulbe lingual vers son extrémité postérieure, et naît sur le lobe médian en arrière du milieu de la longueur totale. Il ne présente, du reste, rien de bien particulier. D'abord il suit dans la marche à peu près la même direction que les museles extrin- sèques de la langue, c’est-à-dire qu'il se porte à gauche et en arrière pour labandonner ensuite. Il est flexueux, et assez Rche- ment uni aux parties environnantes ; cela doit être, puisqu'il par- licipeaux mouvements du bulbe lingual, et pénètre dans la trompe. Après un parcours peu étendu, il descend vers la face inférieure du corps, et semble passer sous Ja masse viscérale; il devient in- sensiblement de plus en plus large, et se continue sans limite mar- quée avec l'estomac. s Laissons de côté les autres rapports, qui deviendront bientôt plus clairs, quand il sera question du système nerveux et des autres organes. L’'estomac est, du moins dans le Pleurobranche orangé , un peu différent de ce que Cuvier nous a fait connaitre chez le Pleu- robranche de Péron (2). Lei c’est un sac assez vaste, le plus habituellement rempli d'une bouillie brunâtre, et qui représente dans son ensemble un cône dont le sommet serait à l’œsophage en avant, et la base convexe en arrière (3). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6, 6g 4 (c). (2) Voy. Mémoires pour servir à l'histoire des Mollusques : Pleurobranches et Phyllidies, Cuvier. (3) Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XT, pl. 6, fig. 4 G, et en général dans les autres figures la lettre G. 218 H. LACAZE-DUTHIERS. Pour voir celte grande cavité, il faut beaucoup de précaution ; ear ses parois sont fort minces et les lobules du foie lui adhèrent ; les moindres tractions pour séparer les deux produisent des dé- chirures qui masquent la véritable forme. Cuvier à décrit quatre estomacs dans le Pleurobranche de Pé- ron (1); et l’une de ses figures, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des Mollusques, représente lintérieur de ce qu'il appelé le jabot, le gésier, le feuillet el le quatrième estomac. Le célèbre anatomiste a-t-1 eu beaucoup de Pleurobranches à sa dis- position ? les a-t-ileus en assez bon état de conservation pour que l'on ne puisse supposer que ces dilatations soient la conséquence des contractions des tissus? Toujours est-1i que, dans le Pleuro- branche orangé, de semblables cavités successives sont loin d’être distinctes. D'un autre côté, est-il permis de croire que Cavier ail pu prendre pour des dispositions naturelles des états résultant d’une contrac- tion après la mort, où d’un effet des liquides conservateurs? Cela est difficile; en sorte qu'il faut done admettre une différence, dans la disposition de l'estomac, chez les différentes espèces (2). Toutefois la première partie de l'intestin est renflée, épaisse, et séparée {rès près de l’estomac par nn étranglement, qui doit faire admettre que cette première partie cerrespond à l’un des estomacs de Cuvier (3). L'éntestin est infiniment moins long, et surtout moins con- tourné que dans la plupart des aulres Gastéropodes, soit Nudi- branches, soit Tectibranches où Pectinibranches ; mais on trouve (4) Loc. cit. (2) Loc. cil., fig. 6. (3) En revoyant sur des individus conservés les dispositions relatives au tube digestif, j'ai trouvé que la première partie de l'intestin, qui est dilatée, à des parois épaisses; qu'elle présente longitudinalement à sa surface interne non des plis, mais des stries qui semblent correspondre à des épaississements de la mu- queuse devenue sans doute glandulaire ; que, dans le grand cul-de-sac stomacal jusqu'à l’œsophage, il existe aussi deux étranglements; mais néanmoins il me paraît que ce qui est très marqué dans le Pleurobranche de Péron offre ici moins d'importance, ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 219 une certaine analogie avec ce qui se présente dans les Doris. L'intestin proprement dit nait sur le côté du cône stomacal, à droile, et presque vers le milieu de son étendue ; il se porte un peu en avant et à droite (4), de telle sorte qu'il décrit une courbe à convexité antérieure, embrassant dans sa concavité la masse viscé- rale, à laquelle il reste uni par des trabéeules nombreuses ; il semble placé dans un canal dont les parois sont formées par les lobules du foie, des glandes salivaires et de l'ovaire. Il est peu flexueux, et ne déerit pas de circonvolulions; tout au plus, vers le milieu de sa longueur, présente-t-l une inflexion (2). Par cela même, il est, on le voit, fort simple et très court. Si l’on jugeait de l’alimentation du Pleurobranche orangé d’après la loi relative au rapportqui existe entre la longueur du tube digestif et la nature de l'aliment, on serait évidemment conduit à admettre que le Pleurobranche est très carnassier. Cela est possible ; mais pendant tout le temps que j'ai conservé des individus dans des aquariums, je n'ai pas remarqué qu'ils fussent très voraces ; je ne sais même s'ils ont pris des aliments; et cependant, d'après la loi, l'animal avant an tube intestinal, peut-être un peu moins long que le corps, devrait, comme ehez les animaux supérieurs, se nourrir de proie : or il en aurait certainement trouvé dans les aquariums, où il s’'accouplait et pondait au milieu des autres ani- maux qui y vivaient. L'anus (3) ne présente rien de particulier : sa position est con- stante sur le côté droit, ainsi que Cuvier, Delle Chiaje et les auteurs qui ont donné des descriptions, l'ont indiqué ; il est sous le bou- clier dorsal, en arrière de la branchie, et dans le pli qui fixe le bord postérieur de l'organe respiratoire au corps. (1) Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6, fig. D. (2) Zbid., pl. 6, fig. 4. \3) Jbid., pl. 40, fig. 4, et les différentes figures, le point marqué {d) en arrière de la branchie. Voyez surtout la figure 4 de la planche 11, relative au système nerveux, représentant un Pleurobranche vu de côté. Les points y sont bien neltement posés, 2920 H. LACAZE-DUTHIERS. Des glandes annexes de l'appareil digestif. On trouve les deux ordres de glandes, le foie et les glandes salivaires, que présentent généralement les Mollusques gastéro- podes; mais, de plus, il existe une autre glande toute particulière qui ne me paraît pas avoir été décrite, et sur laquelle il semble nécessaire de fixer l'attention tout spécialement. Le foie (1), quant à l'aspect et à la disposition générale, ne pré- sente pas de différence avec les Mollusques gastéropodes. Il a en général une teinte noirâtre très prononcée qu'on distingue par transparence au travers des tissus et de la couleur orangée du bouclier dorsal. Ses lobes, lorsqu'ils sont bien séparés et isolés de toute autre partie, paraissent formés de petits grains noirâtres appendus à des canaux excréteurs qui, ramifiés comme dans toutes les glandes, se réunissent en quelques gros troncs venant s’abou- cher dans le même point, sur le eôté de l'estomac (2). La position de ce point est facile à fixer. IT est en arrière de l'origine de l'intestin ; même chose se retrouve, du reste, dans les Aplysies, les Bulles, les Bullées et les Doris. Les rapports de la masse hépatique sont nombreux et sem- blables à ceux qu'ils présentent dans la plupart des Gastéropodes. En arrière et surtout à droite, ou même un peu en avant du côté droit, elle est entourée par l’ovaire (3) qui lui est intimement uni, puisque les acini de l’un sont mêlés à ceux de l’autre. Ces deux glandes forment une masse globuleuse ayant à gauche l'estomac, en avant l'intestin, et plus au-dessus de celle-ci, tou- jours en avant et à droite, le sae de Bojanus. Du reste, tous ces rapports se trouveront de mieux en mieux caractérisés, à mesure que la description de chaque organe se présentera. | (4) Voy. Ann. des sc. nat, t. XI, pl. 6, fig. 4, et les autres planches et figures lettre G. (2) Voy. pl. 6, fig. 4 (g). (3) Voy. Ibid., pl. 6, fig. 4 : M, ovaire; G, foie; J, sac de Bojanus ouvert. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 921 Un autre rapport doit encore être signalé, c’est celui que les glandes salivaires (4) affectent avec lui; elles viennent, en effet, se mêler à la masse splanchnique, particularité qui est loin d'être constante et même commune dans les Mollusques. Quant à sa structure, le foie présente aussi la plus grande analogie avec les autres Mollusques gastéropodes. Chacun des grains ou acini est entouré par une membrane fort mince, qui se continue avec celle du voisin, se rétrécit, et forme les petits canaux exeréteurs. Aujourd'hui, avee la simple et claire théorie de la sécrétion dans les glandes, la description de ces organes s’est singulièrement mo- difiée; en prenant le cul-de-sac borgne sécréteur comme élément, on arrive à consütuer une glande même des plus complexes, et les expressions de lobes, lobules, acini, etc., se trouvent n’être plus que des mots désignant des parties plus où moins étendues , répondant à des éléments plus ou moins nombreux d’un même organe : connaitre la structure d’un seul élément, c’est connaître donc toute la giande. Les acini, ou culs-de-sae du foie du Pleurobranche, sont oar- nis à l'intérieur d'une couche parenchymateuse fort épaisse qui constitue véritablement le foie (2). Cette couche se désagrége très facilement, tombe dans les canaux excréteurs sous la forme d’une bouillie noirâtre, épaisse, et vient remplir l'estomac. Il a été dit que le plus habituellement l'estomac était rempli de cette matière pul- tacée brunâtre. Quand on enlève avec des pinces fines des parcelles du foie pour les porter sous le microscope, le plus souvent le parenchyme interne s’échappe en grande partie ; il faut faire ces préparations avec les organes d’un animal encore vivant, et il faut surtout éviter de les trop comprimer avec la petite plaque de verre recouvrante; il est bien aussi de n’enlever les parcelles du tissu que dans l’eau, afin que, soutenues par le liquide, elles ne s’affaissent et ne s’al- térent pas. (1) Voy. Ann des se. nat., Zool., 4° série, t. XE, pl. 14, pl. 6, fig, 1 (E). 2) Ibid., la figure 5 de la planche 6. (< \ 222 MH. LACAZE-DUTHIERS. En ajoutant beaucoup d'eau à la préparation, la petite plaque de verre recouvrante surnage, et la compression n'est etne devient que ce que lon veut, quand on absorbe ensuite peu à peu le fiquide en exCces. Avec ces précautions, on peut très bien distinguer alors que les acini sont tapissés par une couche de cellules fortement colorées et remplies de granulations. Quand on a étudié comparativement le foie dans bon nombre d'espèces, on reconnait bientôt les cellules hépatiques remarquables par leur contenu globulaire et granuleux fortement coloré. Leur couleur, par transparence, est un peu diffé- rente de ee qu'elles présentent par réflexion. La couleur est plus obseure, quand la lumière est réfléchie (1). Examinées avec la lumière transmise, ces cellules paraissent plus où moins transparentes, suivant que leur contenu est plus où moins considérable. Les unes renferment des sphérules jaunâtres translucides (2) qui souvent sont libres, où forment de petits amas indépendants de la cellule qui paraît les renfermer (3); dans d'autres cas, ces petits amas de petites vésicules sont parfois sur l'un de leur côté couverts de cils vibratiles (4). Evidemment leur origine montre qu'ils sont formés de petites cellules produites par voie endogène dans une cellule mère. Mais on trouve d’autres cellules de forme variable, ordinaire- ment allongées, remplies de petits corpuscules de couleur vive terre de Sienne, et dont la puissance de réfraction indique un état solide (5). Ce sont en effet comme de petits caleuls, sans doute de matière bilieuse, puisque la bile est sécrétée duns l’inté- rieur de ces cellules; calculs probablement formés autour des noyaux ou nueléoles des petites cellules où sphérules dont il vien d’être question. (1) Les colorations que donne la lumière transmise ont été reproduites assez exactement dans la figure 5, Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6 (u, 3, &). (2) Ibid., (u, z, x). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 295 Ces deux ordres de cellules se trouvent mélangés dans la couche assez épaisse qui lapisse à l'intérieur chacun des euls-de-sac (D), et forment par leur union et leur mélange le parenchyme hépa- tique ; on les rencontre surtout à la périphérie. Mais on trouve autre chose encore. Plus vers le centre des acini, on voit des corpuscules notrâtres ovoïdes qui, par transparence, paraissent légèrement bleu-violet, et qui ont une ressemblance frappante avee des grains de fécule de pomme de terre fortement bleuis par liode. Ces corpuseules, à peu près de la grandeur des cel- lules les plus grandes du parenehyme, se trouvent mélangés à ces derniers, mais en nombre d'autant plas grand que l’on s'approche davantage du centre du cul-de-sae, c’est-à-dire de la cavité (2). L’acide azotique les dissout avec effervescence, et ne laisse à leur place qu'une pellicule mince et peut-être une tache. Sans aucun doute ee sont des calculs de nature calcaire, formés dans la cellule parenchymateuse, et qui tombent dans la bile lorsque la pro- duction incessante des cellules les pousse vers la cavité du canal excréleur. C’est à eux, sans aucun doute, qu'il faut rapporter la couleur si sombre et parfois si noirâtre du foie, couleur qui permet de le re- connaitre au travers des parois du corps. Cet exemple n'est pas isolé, et dans les Vermets on trouve des calculs à peu près sem- blables dans bien d’autres organes. Des sécrétions calcaires dans les parois du tube digestif. Ce qui vient d’être dit relativement à ces caleuls hépatiques calcaires nous conduit à parler des concrétions de nature calcaire que l’on trouve dans les parois mêmes du tube digestif. Nous reviendrons plus d’une fois sur ee fait aussi curieux qu'important. L'œsophage, quand on ouvre un animal bien conservé, paraît tout piqueté de points blancs fort petits. Soumis au microscope, on le trouve composé, en dedans, d’une couche cellulaire interne (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, L. XE, pl. 6, fig. 5 (y). (2) Ibid, (y). 22/, H. LACAZE-DUTHIERS. présentant parfois quelques fines granulations de matière colo- rante orangée et d’un épithélium vibratile très vif (D). Comme dans toutes les autres espèces, la couche externe est musculaire; mais, particularité curieuse, les fibres et les éléments de cette couche renferment de très nombreuses productions cal- caires en forme de petits disques assez irréguliers, et dont la figure la plus générale rappelle celle d’une graine de Melon peu allongée (2). Les axes de ces corpuscules sont le plus souvent parallèles entre eux et dirigés suivant la longueur du tube di- geslif. J'ai rencontré une disposition tout à fait semblable dans les Bra- chiopodes : la Térébratule tronquée et la Térébratule tête de ser- pent ont leur tube digestif bourré de corpuseules calcaires plus réguliers que ceux-ci, et qui semblent faire comme une sorte de charpente à cet organe. Des glandes salivaires. Ces glandes forment en général une paire d'organes symétri- ques et latéraux à la bouche, mais il n'est pas rare de rencontrer dans quelques Gastéropodes conchifères deux paires de ces or- ganes. Ici il n'y a réellement qu'une paire de glandes salivaires proprement dites et placées de telle sorte que lanalogie avec ce que l’on voit dans les Aplysies, Bulles, Bulles, ete, est incontes- table. Mais on trouve encore répandue dans tout le corps une glande qui vient s'ouvrir par un seul canal à l'entrée du tube digestif. On doit naturellement la considérer encore comme un organe salivaire. | Déerivons successivement chacune de ces glandes. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6,fig. 4. (2) Zbid., fig. 4 (). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE,. 9295 A. — Glandes salivaires proprement dites. Ces glandes ont leur partie parenchymateuse mêlée avec le foie et l'ovaire, ee qui fait qu’elles sont placées très loin de la bouche ; position exceptionnelle, ear habituellement elles en sont rappro- chées. C’est à l’examen microscopique que je dois de les avoir décou- vertes; sans lui j'aurais cherché bien longtemps, car, tout naturelle- ment, Je dirigeais mes recherches dans le voisinage de la bouche. En enlevant des parcelles du foie, il arrive le plus souvent que l’on trouve mélangées aux éléments hépatiques caractéris- iques des cellules ou bien des portions d’acini dont la composition microscopique est toute différente de celle du foie, et qui rappelle à plus d'un titre celle des glandes salivaires chez d'autres ani- maux, Si, d'un autre côté, on porte son observation directement sur la masse viscérale, on distingue comme de petites bandelettes blanchâtres qui se ramifient et s'étendent à la surface du foie (1); en enlevant avec précaution seulement le tissu de ces bandelettes, on remarque tout de suite, par lPexamien microscopique, qu'il ne renferme que des éléments particuliers tout à fait différents et dis- üincts de ceux du foie. On à done là quelque chose de tout spécial, et quand une premiére fois on est guidé par ce renseignement et qu'on cherche anatomiquement les rapports et communications des parties, on arrive à trouver que chaque bandelette présente dans son milieu l'apparence d’un canal, lequel conduit en définitive à un tube grêle et transparent (2) qui abandonne la masse viscé- ale pour devenir flottant en avant d'elle et se diriger vers l'extré- mité antérieure du corps. I faut apporter le plus grand soin dans les dissections pour reconnaitre la continuité qui existe entre les deux canaux que l'or voit hbres dans la cavité générale et les petites bandelettes glan- dulaires placées sur la masse viscérale. La dissection est fort diffi- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6, fig, 9 : E, glandes salivaires ; G, foie, (2) Zbid., (e): &° série. Zoo. T. XL. (Cahier n° 4.) 5 15 226 M, LACAZE-DUTHIERS. cile. I n’y a cependant aucun doute sur cette continuité, car l'exa- men microscopique la démontre aussi {très nettement. Les deux canaux peuvent être suivis avec une grande facilite dans la plus grande étendue de leur trajet, ce qui permet de reconnaitre le point où ils viennent déboucher dans le tube di- gestif; ils s'ouvrent, comme cela a lieu dans presque toutes les espèces, sur le bulbe lingual, tout près de Pæsophage, de chaque côté de son origine (4). Cette analogie anatomique prouverait bien à elle seule, si cela était nécessaire, que les glandes dont 1l s’agit sont les glandes salivaires. Mais la texture intime conduit à la même conclusion sans laisser le moindre doute. Les bandelettes glandulaires sont blanchâtres et irrégulières. Sur leurs côtés, à droite et à gauche, elles portent de petits culs-de-sac plus ou moins grands (2). Dans une portion enlevée tout près de l'extrémité, toute la bandelette paraît parenchiymateuse ; mais dans le voisinage du canal excréleur, c’est d’une manière parfaite que l’on peut établir la distinction entre la partie qui sécrète et la partie chargée de déverser au debors le produit de la sécrétion (3). La partie parenchymateuse parait comme marbrée (4) de parties plus transparentes les unes que les autres ; sans doute cela tient à des bosselures et à l'épaisseur plus ou moins grande des cellules sé- crétantes, aussi l'apparence glandulaire se retrouve très nettement. Avec un grossissement assez considérable, les éléments se des- sinent et parussent exelusivement cellulaires (5). Leur tente générale est d’un blanc transparent et comme lavée d’une très légère nuance bleu noirâtre. L’apparence est rendue très bien, quand on passe sur le dessin qui les représente un pinceau fort légèrement imprégné de teinte neutre. (4) Voy. Ann. des sc. nal., ZLool., 4° série, t. XI, pl. 6, fig. 2 (e’). — Voy. aussi les différentes planches où est représenté le bulbe lingual, Un bout des canaux salivaires s'y trouve ordinanement représenté. (2) Ibid, fig. 2. (3) Jbid., fig. 3. (4) Ibid., fig. 2. (5) Ibid. Gg. 3 (r). 1 ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 22 Celle teinte est aussi celle que présentent les éléments des elandes salivaires dans les Mollusques que j'ai pu examiner. De grosses cellules qui se dessinent parfois si nettement, que l’on croirait avoir sous les yeux du tissu cellulaire végétal, rem- plissent le eul-de-sac membraneux de la glande. Leur diamètre est considérable, leurs bords nettement accusés ; et, par transpa- rence, on aperçoit les contours de celles qui se trouvent placées sous la première couche. Leur contenu est granuleux, et les granulalions, fort nom- breuses, qui le forment sont assez volumineuses et assez régulié- rement égales (1). Elles sont pressées les unes contre les autres , et apparence générale de la glande est un peu analogue à celle du tissu végétal dont les cellules renferment de nombreux grains de fécule très jeunes encore et très transparents. Ces granulalions ne sont certamement pas de petits corpuscules parfaitement isolés, ear lorsqu'une cellule se rompt, elles forment de petites masses, de petits amas: elles restent rapprochées, comme si elles étaient unies par une malière plastique. Elles sont transparentes, mais leurs contours paraissent assez obscurs ; cela tient évidemment à leur puissance réfringente. Ce tissu cellulaire, parenchymateux, est du reste assez lâche, et ses éléments, bien qu'ils paraissent polyédriques, par suite de la légère compression qu'ils exercent les uns sur les autres, n’en sont pas moins très distincts. I est impossible de ne pas trouver de Fanalogie et de la simili- tude d'apparence, dès le premier examen, avec les glandes sali- vaires des autres Gastéropodes. IF est important d’insister sur ce fait ; car, lorsqu'on a devant soi toute une organisation à démêler, quand les glandes diverses ne se présentent pas dans les places et positions ordinaires, l'anatomie simple devient parfois assez em- brouillée et difficile. L'examen microscopique peut alors servir de guide, en faisant distinguer chaque groupe d'organes; il diminue (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XT, pl. 6, fig. 3. La cellule isolée est représentée crevée. 298 H. LACAZE-DUTHIERS. notablement les recherches, qu'il faudrait très souvent multiplier Sans SON SCCOUPS, Les canaux sécréteurs sont tout à fait différents de la partie parenchymateuse, ils s'en distinguent à la fois par la structure et la couleur. Des que les cellules à granulation ou cellules parenchymateuses cessent, apparence, la teinte, tout change : les parois deviennent épaisses et jaunâtres (1). La cavité du canal reste béante, c’est la conséquence de lépais- seur et de la résistance de ses parois, et elle est plus obscure que les tissus qui la Hmitent. Les parois, quoique transparentes, laissent disinguer bien claire- ment les lignes perpendiculaires an canal même, qui indiquent les séparations des cellules constutuantes ; ces cellules semblent apla- lies, et, par conséquent, plus résistantes, plus fortement serrées que celles du parenchyme, dont elles différent, du reste encore, par l’absence de contours, comme aussi par la couleur. Non loin du parenchyme, le diamètre du eanal exeréteur peut être partagé en trois parties égales, et chacune d'elles représen- tera exactement l'étendue de la cavité du canal et les deux parois. Relativement, Pépaisseur de celles-ei est considérable, puisque, à elle seule, elle représente les deux tiers du diamètre total. La face interne du canal est couverte par des cils vibratiles très vifs, fort longs et dont les mouvements sont dirigés du côté de la bouche. Entre le canal excréteur proprement dit et le parenchyme, on trouve une partie dont les caractères sont intermédiaires aux deux, et où l'on voit la transition insensible entre les cellules de l’un et les cellules de l’autre. Dans le reste de son étendue, le canal excréteur présente, en outre, une couche musculaire, où tout au moins contractile ; puis- que, lorsqu'on en enlève une grande parte et qu'on l’examine avec (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 6, fig. 3 (q). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 229 un faible grossissement, on la voit se mouvoir, s'allonger, se rac- coureir, preuve évidente de sa nature contractile. Du reste, Péloi- enement de la partie sécrétante expliquerait seul la rrécessité des fibres actives destinées à faire mareber le produit de la sécrétion. Telles sont les glandes salivaires proprement dites, dont la post- tion est un peu différente de celle qu’on observe dans beaucoup d’autres espèces, mais dont la structure et le point où débouchent leurs canaux exeréteurs sont tout à fait semblables à ce qui se voit cénéralement. B. — Glande salivaire supplémentaire. On trouve une autre glande qu'il est bien diflieile de ne pas appeler glande salivaire, puisqu'elle verse ses produits dans la bouche. Il va sans dire cependant que, pas plus pour elle que pour les autres glandes, on n’a fait d'expérience, et que les dispositions anatomiques ayant seules déterminé le nom des premiers , 1ln°y a pas de raison pour ne pas appeler également glande salivaire celle dont nous avons à nous occuper maintenant. Cette glande occupe une très grande étendue. Elle forme une véritable couche sous tous les organes au-dessus du disque pédieux. Le pied représente, en effet, une sorte de gouttière à la face supé- rieure de laquelle tous les organes viennent reposer. Cette exca- ation forme la paroi inférieure de la cavité viscérale; les bords remontent sur les côtés, et s'unissent au bouclier dorsal pour en former les parois latérales. Quand on ouvre le corps du Pleurobranche (4), et qu'on enlève les organes bien connus, foie, ovaire et annexe de la généra- tion, etc., on trouve au-dessons et sur les côtés, peut-être même un peu entre eux, une sorte de feutrage, dont les éléments volu- mineux s'entrecroisent et laissent voir une foule de tubes et d’extré- mités libres en forme de petits sacs. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 7, fig. 4. Tous les organes ont été enlevés, il ne reste que le collier œsophagien, le bulbe lingual, la trompe et la glande FFF. 230 NH, LACAZE-DUTHIERS, La teinte des éléments de ce feutrage est jaune, un peu bru- nâtre, et tres facile à distinguer. C'est surtout quand il s’agit de préparer le système nerveux, que lon est à la fois ennuyé et fatigué par les nombreux filaments qu'il faut enlever pour trouver et disséquer les nerfs inférieurs. C’est le premier exemple semblable qui se présente à mon observation, et tout d'abord j'avoue en avoir été assez embarrassé. D'une autre part, en étudiant la bouche, on remarqne avec la plus grande facilité, entre la trompe et le bulbe lingual tri- lobé proprement dit, un tube grèle, très distinet, qui vient se ter- miner en dessus, à l’étranglement qui sépare les deux parties. A la première vue, ce tube parait appartenir à une glande salivaire ; mais quand on le suit, et qu'on arrive avec Jui à gauche dans la cavité générale, puis qu'on le perd au milieu du feutrage spongieux dont il vient d’être question, on voit la nécessité de recherches assidues et minutieuses. En rapprochant de ces faits l'existence des deux tubes condui- sant de chaque côté de l’origine de l'œæsophage, juste dans les points où l’on voit déboucher habituellement les glandes salivaires, on se trouve encore un peu plus dans l’embarras. Il est donc nécessaire d'apporter le plus grand soin, pour voir que ce canal, qui prend son origine entre la trompe et le bulbe lingual, se porte directement en bas en tournant à gauche, vers la face inférieure de la cavité générale ; que R il se divise (L) et se subdivise, et envoie ses ramifications en avant, en arrière, à droite et à gauche, et que ces ramificalions, en se divisant elles mêmes un grand nombre de fois, finissent par aboutir aux culs- de-sac tubuleux, aux éléments eylindriques, formant le feutrage jaunâtre qui compose la glande tout entière (2). Voilà, sans contredit, un organe tout spécial et particulier, qui n’a pas été déerit, du moins que je sache, car je n’en vois le dessin nulle part, dans les recueils qu'il m'a été possible de consulter. La structure microscopique, en fournissant des données nou- (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t XH, pl. 7, fig. 4 (f). (2) Joid., (F). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 251 velles, va montrer que c’est bien une glande. En tout cas, il est certain que les produits ne tombent pas dans le même point de la cavité buccale que pour les autres glandes salivaires ; car on se rappelle que la distinction du bulbe et de la trompe nous « appris à placer l’orifice buccal réel à la séparation des deux. Ainsi done il v à deux espèces de glande salivaire s'ouvrant dans la bouche plus où moins profondément, et s’il était permis d'établir un rapprochement entre les dispositions physiologiques des animaux supérieurs et le Pleurobranche, en appliquant ici les résultats des expériences si curieuses de M. CI. Bernard, il y aurait lieu de penser que cette dernière glande salivaire, versant son produit à l'entrée du tube digestif, a des fonctions plus spécialement en rapport avec la gustation ; tandis que les autres, dont le produit est visqueux sans aucun doute, se rappor- téraient plus particulièrement à la déglutition et à la digestion proprement dite. Mais, comme cela à été dit plus haut, il n’y a pas eu d’expé- riences, et ce ne sont que des rapprochements tirés purement des dispositions et des analogies anatomiques qui trouvent place ici. Tout en les faisant, il ne faudrait pas leur donner cependant plus d'importance qu’ils n’en méritent. La structure de cetie glande est des plus simples; c'est in- sensiblement que son canal excréteur diminue de volume, et va en se ramifiant de plus en plus. Quand on enlève une parcelle du tissu, on croit voir flotter dans l’eaa où lon fait la prépa- ration une véritable ramification ou arborescence (2); ici point de corpuseules, de grains où d’acini; tous les tubes plus où Moins libres et flexueux sont terminés par un eul-de-sae, C'est la glande la plus simple qu’il soit possible de rencontrer, puisque ses Canaux sécréteurs ne sont pas même gonflés à leur extrémité. La texture intime s'apprécie facilement, ear les tubes sont vo- lumineux et transparents , et les forts grossissements permettent (4) Voy. Ann. des se. nal., Zool., 4° série, t. XT, DIANPNTEN, 232 if. LACAZE-DUTRÉIERS. de voir leur composition, Ici, pour que tout soit comparable, les éléments ont été pris au même grossissement, et dessinés à une même distance avee la chambre elaire. Ba paroi membraneuse est tapissée par de très grandes cel- lules qui, se comprimant les unes les autres, paraissent polyé- driques (4). Ces éléments sont assez inégaux ; aussi à côté les uns des autres en trouve-t-on qui différent beaucoup, et qui sont trois ou quatre fois plus grands que leurs voisins. Le centre des cellules parait plus clair et transparent; les bords et les lignes de jonction sont au contraire granuleux, et donnent la couleur aux tubes de la glande. Si l’on fixe sa vue avee la plus grande attention sur les inter- valles cellulaires plus obscurs et colorés, on aperçoit, entre Îles eranules, des eils vibratiles (2) assez puissants, qui déterminent des mouvements dirigés vers le canal excréteur. Quand on comprime légèrement le cul-de-sac, ces cils vibra- iles paraissent arriver jusque tont à fait au bord de la membrane qui limite le tube; cela semblerait indiquer que le parenchyme cellulaire est à la surface interne du eul-de-sac bosselé et fort irrégulier, couvert d’anfractuosités, lesquelles sans doute doivent être rapportées à l'accroissement isolé des cellules ; celles-ei lais- sent entre elles des vides étroits, continuation évidente de la cavité générale, sur laquelle elles ont empiété par leur accroissement considérable. Quand on examine les cellules isolément, elles paraissent for- mées d’une masse assez régulièrement sphérique et centrale, dont la transparence et la teinte blane bleuâtre frappent au premier abord. L'absence complète de granulations fait assez facilement distinguer cette sphérule, ear c’est autour d'elle que s'accumulent les granulations de matière colorante (5). L’apparence générale qui se trouve représentée dans les dessins s'explique maintenant: les granulations rejetées à la cireonférence (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XE, pl. (2) Tbid., z. (3) Jbid., (5). Fe! 3 ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE,. 233 sont rapprochées par le contact des cellules ; de 1 les bandes de matière colorante qui séparent les espaces clairs correspondant aux cellules, où plus particulièrement sans doute à cette masse claire centrale. Est-ce une production endogène que cette masse centrale plus claire? On serait tenté de le croire, en raison de sa régularité; mais il faudrait démontrer l'existence d’une membrane autour d'elle, ce qui n'est pas facile; à la première vue, on se rappelle, malgré les différences qui n’échappent point, la vésicule transparente de l'œuf. Tel est Porgane de la digestion ; les détails qui précèdent mon- (rent à la fois et analogie et les différences qu'il présente avec ce qui s'observe dans les animaux de la même classe. QUE Organes ce la respiration. La branche, organe respiratoire, est fort simple, et sa position se trouve indiquée et presque caractérisée par le nom même du genre. C'est sur le côté droit qu'elle se montre comme un pa- nache élégant. Assez considérable et s'étendant au loin chez le Pleurobranche orangé, elle est un peu moins étendue chez le Pleurobranche ocellé (1). Très contractile, elle se replôie et disparait sous le bouclier dor- sal, lorsqu'on vient à la toucher. Observée attentivement quand elle est bien développée, et que l’animal ne craint pas d’être in- quiété, elle présente de petits mouvements isochrones avec les pulsations du cœur, qui paraissent être la conséquence des con- tractions de cel organe, ainsi que cela se voit et s’observe si bien chez les Doris. Rien de particulier ne me parait se rapporter à la branchie d’une (4) Voy. surtout la figure | de la planche 11, t. XI, Ann. des sc. nat., Zool., 4° série. La forme de la branchie et sa position y sont bien indiquées. — Voyez, du reste, dans les autres planches, la partie indiquée EF, 23h il. LACAZE-DUTHIERS manière particulière ; lorsqu'il sera question du système nerveux, ou de l’appareil circulatoire, ou bien enfin du corps de Bojanus , les faits relatifs à ses rapports, à son insertion, où à Ja disposition de ses feuillets, seront indiqués. Nous n'ajouterons iei que quelques mots relatifs à la des- cription (1); elle représente dans sa forme générale une lame triangulaire, à côtés courbes, dont la base se fixe au corps, dont le sommet est libre, la convexité est en avant et la concavité en arrière ; sur les deux faces supérieure et inférieure s'élèvent les lamelles secondaires, qui seront plus spécialement étudiées à pro - pos de la circulation, mais qui, il faut le dire, n’ont rien de spécial, et de très important. $ II. Organes de la circulation. Les travaux de M. Milne Edwards sur la cireulation des Mol- lusques (2) ont fait connaitre beaucoup de faits généraux qui s'appliquent ici dans l’espèce. Pour la circulation veineuse et la circulation artérielle, comme aussi la petite cireulation branchiale, on trouve des particularités qui se rapportent à ce qui a été observé dans les autres Gastéro- podes. I n'y aurait qu'à établir comparativement les différences des dispositions tenant à la forme du corps, pour qu'il füt très simple de saisir les analogies qui existent, par exemple, entre la cireulation de l’Aplysie et celle du Pleurobranche. Mais on ren- contrera, en outre, un fait nouveau très important. Trois choses doivent nous occuper dans cette étude : la creu- lation veineuse, la circulation artérielle, enlin et surtout les com- munications de l'appareil circulatoire avec l'extérieur. (1) Voyez les différents traités de malacologie, où la position et la forme de la branchie sont parfaitement indiquées, et aussi Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 1. (2) Voyez les travaux du savant professeur, dans les Annales des sciences naturelles et les Mémoires de l'Académie des sciences. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 235 4° Circulation artérielle. Comme chez tous les Mollusques, l'organe central pousse dans toute l’économie le sang qui revient de la branchie, c'est-à-dire le sang artériel, celui qui a respiré ; voyons d’abord quelle disposi- tion présente ce centre d'impulsion. A. Le cœur (1) est placé transversalement un peu en avant du milieu du corps. Son oreillette unique est, on devait le pressentir d’après la position de la branchie, à droite, et le ventricule à gauche ; son axe est tout à fait transversal. Il est enfermé dans un péricarde grand, permettant aisément l'augmentation de volume, placé sous la membrane qui forme la paroi inférieure de la grande cavité renfermant la coquille, et que recouvre le disque dorsal. La direction du cœur est un peu différente, suivant que l'oreil- lette est remplie ou contractée. Quand l'oreillette est dilatée, le veutrieule remonte en avant, tiré qu'il est par la base; il semble dirigé alors un peu en arrière vers la pointe. Les parois de ces deux cavités sont très différentes, comme eela a toujours lieu : l’une, mince, est transparente et ressemble à de Ta caze; l’autre est charnue et résistante ; une valvule les sépare, et s'oppose au retour du sang dans l'oreillette, quand le ventricule se contracte. Le ventricule est pyriforme, et sa partie effilée s'attache au fond du péricarde, à gauche, là où commence l'aorte. L'oreillette s'attache à droite, dans une assez grande étendue, vers le point qui correspond à la racine antérieure de à branche, B. L'aorte (2) est unique, mais fort courte, et se divise presque immédiatement après sa sorlie du péricarde; c'est à peine, Je l'avoue, si l’on peut donner le nom d’acrte à cette portion qui semble continuer le ventricule. o, AH, etles (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig autres planches, où le cœur est toujours indiqué par cette lettre. (2) Voy. Ibid, les figures où le cœur est représenté, 230 fl, LACAZE-DUTHIERS, On nommerait, avec plus de raison peut-être, aorle antérieure et aorte postérieure, les deux branches nées de cette crosse ou tronc primitif, qui se dirigent d'abord en avant où en arrière, suivant leur position, mais ensuite se courbent gracieusement toutes les deux vers la droite pour gagner, l’une le côté droit du bord du pied en avant, l’autre le côté droit de la masse viscérale en arrière (1) Nous allons suivre chacune de ces branches isolément, et voir quelle est leur distribution. a. L'artère aorte antérieure offre la marche suivante. Elle s'avance de gauche à droite, en passant en avant du cœur, et descendant vers le côté du pied, qui ferme au-dessous la cavité générale; puis elle se porte directement en avant jusqu’à peu près au-dessus de la base du tentacule droit et de l'œil du même côté (2). Alors elle change de direction, et marche à gauche en décrivant trans- versalement une courbe, en passant sous la trompe et le bulbe lingual et affectant des rapports distincts avee le système nerveux central (3). Dans ce trajet, elle est d'abord entre le péricarde et le tube di- gestif, puis elle arrive sur le côté gauche des organes de la repro- duction et le bord du pied. Les trones principaux qu’elle forme pendant son trajet sont nombreux et importants. C’est d’abord une artère génilale, ensuite tantôt une, tantôt deux artères pédieuses, puis les tentacularres, et enfin à la fois la linguale et l’æsophagienne. L'artère génitale (h) est volumineuse, et nait immédiatement de l'aorte antérieure, quand celle-ci a dépassé le cœur un peu en (4) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, la fig. À, qui donne une idée très exacte de la distribution générale de l'arbre artériel dans les par- ties dorsales. (2) Voy. Jbid., pour cette première partie du trajet : la figure 1 montre la marche de l'artère antérieure (q) jusqu'au collier nerveux. (3) Pour cette seconde partie du trajet, voyez /bid., et la figure 2, destinée aussi à montrer la distribution des artères pédieuses, (4) Jbid., fig. 1 (ag), et toute la figure 3. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 237 avant et à droite : on croirait presque que l'aorte se bifurque (4). Dès son origine, elle se porte en s’infléchissant en arrière, et, dé- crivant une courbe d'un rayon très court, elle arrive au cenire de l’agglomération des glandes et organes multiples de l'appareil re- producteur. Comme elle fournit à chacune de ces parties, il semble préférable et à la fois plus facile de suivre sa distribution, après avoir étudié les organes génitaux. Nous la laisserons donc de côté pour le moment, Les artères pédieuses (2), qui viennent ensuite, sont, l’une antérieure, Pautre postérieure. Celle-er naît à peu de distance de la précédente, en avant d'elle ; elle‘a une marche qui la fait bien vile reconnaitre, quelquefois même sans dissection; arrivée sur le bord du disque pédieux à droite, elle se courbe en dedans, et se dirige à peu près perpendiculairement à l’axe antéro-postérieur du corps, gagne par conséquent le bord opposé où gauche du disque. Quand l'injection est réussie, en tournant sens dessus dessous le Pleurobranche, on voit très bien cette marche par trans- parence au travers des tissus (3). La distribution de ses branches collatérales est assez régulière. Dans le point où l'artère se porte sur le côté gauche, sur le bord même du disque pédieux, se détachent deux rameaux, l’un anté- rieur, plus grêle et plus court (4), l’autre postérieur, plus fort et plus long (5). L'un et l’autre suivent le bord du pied en lui restant parallèles, et s’épuisent en donnant à droite et à gauche des ra- museules nombreux et variables pour leur marche, leur gran- deur, ete., avec les individus. La même chose se répète au bord gauche du pied ; seulement, de ce côté, ce sont les branches terminales de l'artère pédieuse qui fournissent les ramuscules : on trouve donc un rameau anté- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 2 et 3 (ag). (2) Jbid., fig. 2, 3 (up). (3) Ibid., fig. 2. Le pied a été fendu en travers pour montrer les artères lin- guales et la distribution de l'artère pédieuse. (4) Jbid., (r). (5) Ibid., (r'). 238 il. LACAZE-DUTHIERS. -uc rieur (4) et un postérieur (2), différant de grandeur, comme pré- cédemment. Dans son trajet, vers le milieu du pied, l'artère transversale donne un rameau qui Va aux parties centrales du disque et toujours parallèlement à l'axe (3). Mais encore ici, 11 y a bien des différences avec les dispositions particulières et indivi- duelles. Prise d'une manière plus générale, la description de cette artère pourrait être ainsi indiquée : après l’origine, deux branches colla- térales pour le bord droit; vers le milieu du pied, une artère pour le centre; sur le bord gauche, une branche collatérale antérieure ; enfin, en arrière, la branche terminale de l'artère devenant paral- lèle au bord, et par conséquent aussi à la branche collatérale droite postérieure. L'injection de cette artère est facile, et réussit le plus souvenr. La troisième artère, qui nait de l'aorte antérieure, est la pé- dieuse antérieure, dont Ia présence n’est pas constante (4); son origine est sur le côté droit de l'aorte, au moment où elle va se courber en dedans, vers la gauche, près du système nerveux cen- tral (5). Elle est destinée à cette partie antérieure du pied qui dépasse la bouche, et à laquelle on verra aussi que se distribuent des nerfs spéciaux. I y a la plus grande analogie dans la marche de l’artère pédieuse antérieure et de la précédente. Elle marche en avant, puis se porte à gauche, en traversant le pied perpendiculairement à sa (4) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 2 Call (2) Zbid., (r'). (3) /bid. La petite artère dont il est ici question n'a pu être indiquée par une lettre spéciale, mais on la voit sur le bord de la section à gauche de l'ani- mal et à droite de l'observateur. (4) Ibid. L'exemple choisi pour servir au dessin présente l'artère pédieuse antérieure très distinctement ; si elle n'eût pas existé, il suffirait de supposer les deux rameaux collatéraux antérieurs droit et gauche de la première pédieuse suffisamment développée pour la remplacer. (5) Jbid., (1). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 239 direction. Les artères collatérales qu’elle fournit sont toutes anté- rieures, et se détachent de la convexité de sa courbe ; elles arri- vent, en se subdivisant de plus en plus, jasqu'au bord du pied, s’y épuisent en capillaires peu déliés, et en s’anastomosant soit entre elles, soit avee les dernières ramifications des collatérales antérieures de l'artère pédiense postérieure. Toute cette cireulation artérielle du pied m'a paru constante, avec quelques variations peu importantes portant sur le volume des branches secondaires. La première artère tentaculaire lire son origine d’un point voi- sin de l'artère pédieuse antérieure, tout près du ganglion céré- broïde et au côté droit du collier æsophagien(L). Elle se porte en avant et en haut, vers la base du tentacule droit, près de l'œil. Arrivée à ce point, elle se divise en deux branches à peu près d’une égale grandeur qui se distribuent, l'une, plus grèle, posté rieure, au tentacule proprement dit (2), l’autre, plus volumineuse et plus étendue, à la moitié droite du voile sus-labial (3). Si l’on pouvait appeler lèvre le voile triangulaire supérieur de la ‘bouche, il faudrait donner le pom d’artère tentaculo -labiale droite à celte artère, qui évidemment ne se distribue qu'à des par- ties de la tête jouissant d’une sensibilité spéciale. L'aorte continue sa marche et s'engage alors {out à fait sous le tube digestif, en traversant le Are œsophagien (4). Arrivée à peu près sous le milieu de la largeur de la trompe, elle donne à gauche une branche collatérale qui ressort du collier œsophagien, et va se dirigeant vers la base du tentacule; on pour- rait appeler celle-ci tentaculo-labiale gauche , pour les mêmes rai- sons que précédemment, et avec les mêmes réserves, car elle se bifurque bientôt, et se comporte comme l'artère tentaculaire droite, déjà décrite. (1) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 4 (4, w). (2) Ibid, (u). (3) Ibid., (+). (4) Jbid., fig. 2 (al). 240 H. LACAZE-DUPHIERS. lei encore, l’une des branches de bifurcation suit le milieu du tentacule en s’épanouissant el fournissant des ramuseules dans toute son étendue. C'est l'artère tentaculaire proprement dite (4). L'autre se porte sur le côté gauche du voile sus-labial et le couvre de ses nombreux capillaires (2). Dans les injections qu'il m'a été donné de réussir le mieux, l'artère, qui continue et semble: être la terminaison de l'aorte, se fixe à la face inférieure de Ja trompe et du bulbe lingual, marche alors directement en arrière, pour s’épuiser dans les parties anté- rieures du tube digestif. On doit la nommer, en ürant son nom de là partie la plus saillante à laquelle elle fournit des rameaux, artère linguale (3). Elle marche à la face inférieure de la trompe, sur la ligne mé- diane, d'avant en arrière, en fournissant à droite et à gauche des rameaux collatéraux qui remontent du côté dorsal. S'il s'agissait de faire une étude comparative de cette partie de l'organisme, on pourrait donner des noms spéciaux à quelques- uns des ramuscules qui paraissent avoir une origine, une direction et une distribution assez constantes. Ainsi, vers le milieu de la trompe, on trouve deux artères à peu près constantes, qui remontent sur le eôté dorsal et s’y distri- buent {artères proboscidiennes) . De même, sur le milieu du bulbe lingual, nait du trone prineipal un rameau qui fournit à la face inférieure de ce bulbe et un peu à l'extrémité inférieure de la trompe {artère linguale proprement dite inférieure). Enfin, arrivé tout près de la saillie du lobe médian du bulbe, le tronc principal se bifurque, et chacun des rameaux passe sur le côté de ce lobule, puis remonte sur le côté dorsal, y apporte et distribue du sang. Ces deux rameaux marchent dans le sillon de (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XE, pl. 8, fig. 4 {t'). (2) Jbid. (u’). Le tentacule droit ayant été coupé en partie pour laisser voir la distribution des artérioles du voile, on les distingue bien mieux sur le côté droit. À gauche, la distribution est la même. (3) Ibid, fig. 2 (v). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 2/1 séparation des trois lobes [artères linguales proprement dites supérieures (1) |. Foutelois Pane de ces branches, celle de gauche, lorsqu'elle est arrivée au côté de l’origine de l’æsophage, se bifurque, et, après avoir donné les deux artères linguales supérieures, se continue et se termine par l'artère æsophagienne (2). Celle-ei court sur la face inférieure de la première portion du tube digestif, en donnant des rameaux qui l'entourent. Elle se pro- longe fort loin, et arrive presque jusqu’à l'estomac, où elle s’ana- stomose avec des rameaux de l’aorte postérieure. En résumé, l'aorte antérieure fournit à la partie antérieure du corps et du tube digestif, et s'il ne naissait pas d'elle d’autre artère allant aux téguments dorsaux du corps, On pourrait résu- mer ainsi les vaisseaux qu'elle fournit dans son trajet. A côté des organes génitaux, l'artère génilale, puis l'artère pédieuse posté- rieure, et l'artère tentaculaire droite, ainsi que la pédieuse anté- rieure; plus loin, dans le collier œsophagien, en prenant une di- rection nouvelle, l'artère tentaculaire gauche ; enfin la branche terminale S'engageant sous le tube digestif et fournissant les col- latérales proboscidienne et linguale, et en dernier lieu Partère æsophagienne. Mais très probablement le bouclier tégumentaire dorsal, qui se contracte toujours beaucoup, n'a pas permis d’injecter les vais- seaux qui lui arrivent. Aussi faut-il plus prudemment peut-être chercher soit une terminaison autre que l'artère œsophagienne, soit un rameau particulier qui, je dois le dire, m'a entièrement échappé. b. Aorle postérieure. — !a masse viseérale est à peu près glo- buleuse, et s’avance jusque sous le péricarde, de sorte que le (1) Le nombre des planches n'a pas permis de dessiner une figure de l'artère linguale supérieure; ici on ne voit que le tronc inférieur de l'artère linguale inférieure. (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t XI, pi. 8, fig. 2 (x). 4° série. Zoou. T. XI. (Cahier n° 4.) 4 16 Da? 1. LACAZE-DUVHIERS. ventrieule et l'aorte la touchent presque. Sur sa gauche, on voit le tube œsophagien qui s'élargit déjà pour former l’estomae (4). A droite parait l'intestin, qui s'est dégagé et se dirige vers Panus en décrivant la courbe qui à été indiquée. L’aorte postérieure (2) se porte en arrière, el va se loger dans le sillon que laissent entire eux l'intestin à droite et la masse viscérale à gauche. Daus son trajet elle fournit une première branche stomacale (5) qui nait tout près de son origine, et s’accole à F'œæsophage en des- sus, puis à Pestomac. Ensuite elle donne un rameau intestinal (k), d’où partent, à droite et à gauche, de nombreuses branches assez volumineuses qui pénètrent la masse des viscères, et portent le sang au foie, à l'estomac, sans doute aussi à Povaire, aux glandes salivaires, enfin à tous les organes composant la masse viscérale. Le tronc principal continue, passe en dessous des viseères, un peu en arrière du rectum et près de lanus, pour fournir des branches aux parties inférieures. En résumé, on le voit, il reste une lacune d'autant plus regret table, que l’on est en droit d'espérer que des descriptions minu- tieuses puissent conduire à des notions exactes de morphologie, et faire reconnaitre les significations de quelques parties qu'il est assez difficile sans cela de bien déterminer. Je ne puis faire connaitre les artères du disque dorsal, tégu- mentaire. Là se trouve encore un point à éclaireir. Je préfère donc fixer nettement les desiderata, laissant les suppositions et les rapprochements hypothétiques de côté. (1) Voyez les planches diverses des Annales des sciences naturelles, Zool., &e série, t. XI, pl. 6 et 8 : C désigne l'estomac; D, l'intestin ; F, les glandes salivaires ; G, le foie; H, le cœur. (2) Zbid., fig. 1 (æ). (3) bia. fig. (y). (4) Jbid,, fig. (z). ANATOMIE DU PLEUROBRANGHE, 243 29 Glande indéterminée. ILest utile maintenant de dire un mot d'une glande spéciale pla- cée juste dans l'angle de bifurcation des deux aortes. Dans cet angle naît une artériole qui parait souveut indépendante des deux troncs précédents, et qui cependant, dans quelques cas, nait soit plus près, soit du tronc même de l'artère postérieure. Ge petit vaisseau s’injecte toujours avee la plus grande facilité, et ses nombreuses ramifications, quoique fort petites, se font toujours nettement remarquer sur les tissus auxquels is se distribuent. Cette glande (4) est au eûlé gauche du péricarde, et plutôt un peu en dessous qu'en dessus; elle est d’une couleur légérement orangée, ce qui permet de la reconnaitre avee la plus grande fact- lité quand on à ouvert le corps. Les grains qui la forment, etqui se réunissent en pelits groupes, forment des lobules et des lobes qu'on peut voir à Ja loupe (2). Malgré des recherches assidues, il m'a été impossible de trouver un canal excréteur : à un autre plus de chance où d'habileté. En général, quand on soumet une parcelle d'une glande à l’exa- men microscopique, à un faible grossissement, on distingue aisé- ment les petits lobes, lobules, les acini, et au milieu d’eux les conduits excréleurs ; mais iei on ne voit que les grains glandu- laires tout piquetés de matière colorante rongetre, et ce qui s’ob- serve avec tant de facilité pour les glandes en général ne parait pas. Si l’on soumet à un grossissement plus fort l’un de ces grains ou acini, on voit qu'ils sont formés par une agglomération de très petites cellules où éorpuseules, renfermant chacun un noyau de matière colorante rouge orangé, cause de la couleur générale de la glande (3). Ces petits corpuseules sont assez irréguliers, et parfois, quand (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 4 (p). (2) Ibid., fig. 4, portion du tissu de cette glande vue à un faible grossisse- ment. (3) Voy. lbid., fig. 4, vue générale d’un paquet. — Fig. 5, portion de l'un des grains de la figure 4. 2h H. LACAZE-DUFBIERS. on les trouve isolés, flottant dans le liquide de Ja préparation, leurs parois semblent déchirées et hérissées de petits filaments. Leur noyau est aussi irrégulier, et présente une grandeur qui est loin d’être Ja même dans tous ; quelquefois leur volume est presque égal à celui de la cellule même. Quel est le rôle de cette glande ? Cuvier la signale dans son mémoire (4), et ne peut lui assigner un rôle physiologique. I est bien certain que l'absence de canal excréteur rend toute interprétation fort incertaine et les hypo- thèses même très difficiles à faire. Pans les animaux supérieurs, on rencontre beaucoup de glandes sans canaux excréteurs : le thymus, la thyroïde, les capsules sur- rénales, la rate. Celle-ci surtout, que l’on appelle glande sanguine, est fort riche en vaisseaux, et de même que celle du Pleurobranche, s'injecte avec la plus grande facilité, On ne peut et ne doit certar- nement pas établir une comparaison à tous les égards ; mais au point de vue de la richesse des vaisseaux et de leur facile per- méabilité, il y a quelques traits de ressemblance ; aussi je ne sau- rais trop répéler que, dans les injections les plus ordinaires, celles qui avaient le moins bien réussi, la glande était cependant gon- flée, et les canaux capillaires toujours pleins. Je ne me prononce pas pour lui assigner un rôle quelconque. 3° Circulation veineuse. Les veines sont, dans les Pleurobranches, extrèmement nom- breuses et fort dilatables. On pourrait comparer le bouclier dorsal de cet animal, ainsi que son disque musculaire pédieux, à de véri- tables éponges. Tantôt les animaux ont une pelite taille, tantôt, quand ils se trouvent dans de bonnes conditions, les proportions de leur corps sont doublées ou triplées. Or, ee que le sang fait, les injections peuvent le produire aussi, et l’on arrive, en injec- tant au hasard, à rendre aux parties du corps leur taille primitive avant la mort. (1) Voy. les Mémoires de Cuvier pour servir à l'histoire des Mollusques, el particulièrement le Mémoire sur le Pleurobranche el la Phyllidie. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 245 a. L'origine des veines nous conduit à nous occuper des eapil- laires, et ceux-ci nous placent en face de la question des lacunes. Les capillaires, où vaisseaux intermédiaires entre les artères et les veines, sont aussi peu marqués que dans beaucoup de cas que l’on a pu observer avec plus de facilité, comme, par exemple, les Aplysies, ete., ete. Dans le pied, le voile sus-buccal, on voit, quand l'injection artérielle est bien réussie, les ramifications les plus déliées des artérioles s'épanouir comme de petites étoiles dont les rayons divergent dans tous les sens parallèlement au plan de la surface, tandis que l’artériole qui les produit est perpendiculaire à la surface même. Cela se voit, par exemple, très bien dans le pied (1). Ces petits vaisseaux s'ouvrent directement dans d’autres plus oros, formant par leurs anastomoses et entrecroisements multiples un lacis très riche, dont les mailles ne sont guère plus étendues en diamètre que les eananx qui les limitent. Peut-on donner à ces réseaux le nom de capillaires ? En vérité, ce serait donner une extension bien étrange à ce mot capil- laires, et il n’y aurait plus aucun rapport entre le sens qui lur est habituellement donné et les caractères que présente 1e le eom- mencement du système veineux. Le tissu, quand non-seulement on l'injecte, mais encore quand on l’examine simplement par dilacération sous la loupe, paraît véritablement semblable à celui d'une éponge, et cela surtout pour le disque dorsal. Quand on à injecté un point quelconque de cette partie, on peut faire voyager avec la plus grande facilité la matière à injection d’un endroit à l’autre; on peut, à laide de légères pressions, faire gonfler plus ou moins quelques-uns des in- terstices, et voir combien peu ils ressemblent à un réseau capillaire. J'admets done ici les lacunes interorganiques , car elles parais- sent exister d’une manière incontestable. Quant à trouver lépithélium qui tapisserait, suivant M. Robin, les veines des Mollusques (que cet auteur ne peut considérer comme des lacunes), je ne Pai point vu dans ce tissu si Ache et si (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 2 (y). 246 M. LACAZE-DUTHIERS. spongieux, el je érois que ce n’est pas chose facile à trouver et à démontrer. Du reste, l'apparence des réseaux veineux est très différente, suivant le degré de réplétion des vaisseaux qui le forment, Quand il est à peine distendu, on croirait voir des vaisseaux de la plus grande régularité, rappelant même les artères par leur mode de distribution, mais on n’a, dans ee cas, rempli que les gros trones qui, recevant le sang du réseau lacunaire, le conduisent, par des branches souvent bien marquées et distinctes, dans des réservoirs considérables, véritables sinus. Quelques sinus m'ont paru présenter une disposition constante, Ils amènent, en définitive, le sang à l'appareil de la respiration, ou bien au cœur, probablement aussi au sae de Bojanus. Deux d’entre eux ressemblent assez bien à de gros vaisseaux circulaires (1), et reçoivent le sang des ramifications vemneuses, soit du disque tégumentaire dorsal, soit du pied. Is sont, l’un et l’autre, logés dans le point de jonction et d’u- nion du pied et du disque dorsal, placés relativement au-dessus l'un de l'autre. Celui qui reçoit le sang du disque dorsal, et que pour cette raison on peut nommer péridorsal (2), commence par un canal unique entre les deux tentacules (3), où il est toujours facile à voir sans même faire d'injections. En fendant les téguments, on trouve un trou entre les deux cornes, et l’on voit que ee trou reçoit cinq vaisseaux, Fun médian (4), venant du voile sus-buceal, les quatre autres latéraux, arrivant, soit des tentacules (5), soit de cette parie antérieure du pied où l'on voit se distribuer des arté- rioles déliées de la pédieuse antérieure (6). (A) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 4 et 3 (x, y). (2) Ibid, fig. 4 et 2 (x, æ!, æ!). | (3) Ibid., fig. 2 (a). (4) Ibid., fig. 2 (u). (5) Jbid., fig. 2(v). Celui du côté droit n'a pas été dessiné. (6) Fbid , fig. 2 (1). Celui du côté gauche ne paraît pas ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 9h7 Ce canal unique (4) semble se bifurquer en arrière des veux. Chacune de ses branches fait le tour du corps, el peut se rejoindre à la partie postérieure {2}, On peut le trouver et l'ouvrir sans avoir fait d’injections, sa capacité étant telle, qu'une des plus grosses canules de seringue à injections fines peut pénétrer facilement dans son intérieur. Il offre des communications avec les sinus voisins, ainsi qu'on va le voir. Sur la limite du pied, à sa jonction avee le lobe dorsal, on trouve un autre sinus circulaire tout à fait semblable au précédent, que l’on peut désigner par le nom de péripédieuxæ (3). Il reçoit de chaque côté, en avant, le sang des parties anté- rieures du pied, sans présenter 1 des limites aussi marquées qu'en arrière de la branchie, surtout au eôté gauche. Dans tout le reste du pourtour du pied, les veines plus ou moins distinctes viennent se verser dans son intérieur. En arrière, en soulevant un peu les bords du bouclier dorsal, on voit de gros trones qui établissent directement des communi- ‘alions entre lui etle sinus péridorsal (4). IL semble même se confondre avec ce dernier, en avant de la branchie, vers les organes génitaux. Tout à fait en avant, les ramifications veineuses du pied vien- nent se verser dans le sinus dorsal, qui, on le voit, se trouve plus complétement cireulaire que celui que nous venons d'étudier. Un fait important, relatif à la circulation veineuse, est le pas- sage du sang arrivant des viscères et de la cavité générale par l'organe de Bojanus avant d'arriver dans l'appareil de la respira- lion. Tout me porte à croire qu'iei il en est comme dans les autres Mollusques, et cependant les injections sont, relativement à cette (1) Voy: Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, &. XI, pl. 9, fig. 2 (x). (2) Ibid. Dans la figure 3, on a supposé le disque dorsal fendu pour laisser voir en arrière le pied. (3) Zbid., (y). (4) Fbid., fig. 4 (y). 218 M. LACAZE-DUTHIERS. particularité, fort difficiles à réussir ; on en verra la raison quand viendra l'étude du corps de Bojanus. Cependant, du côté interne du sinus péripédieux, en face du point où celui-ci verse le sang dans l'appareil de la respiration, on voit très bien des petits vaisseaux qui semblent venir de la masse viscérale, justement du point où se trouve l'organe rénal. Du reste, lanalogie aidant, puisque tous les Mollusques présentent cette disposition de l'appareil cireula- loire, on peut bien admettre, sans trop se hasarder, qu'il existe ie. Je dois dire que mes injections n’ont pas été démonstratives, et qu'il serait utile de chercher de nouveau à éclaireir ce point. Quand les injections ont bien réussi, la cavité générale du corps renferme toujours de la matière, mais on trouve quelques poches particulières qu’il est bon de signaler. Ainsi, à gauche de la masse viscérale autour du foie et des ovaires, on voit un sinus viscéral très Jimité (4), communiquant en avant par un canal avec une autre dilatation (2) qui me paraît entourer la glande indéterminée placée à gauche du eœur. De ce sinus partent aussi deux canaux qui le mettent en communication en avant et en arrière, sur le côté gauche, avec le sinus péridorsal. 4° Circulation branchiale La marche du sang dans les branchies est analogue à celle que l'on observe chez les autres Gastéropodes tectibranches. La branchie s'attache au corps à l’aide d’un repli membraneux étendu de l'anus jusqu'à peu près aux orifices des organes géni- taux, et au fond du sillon qui entoure le corps. La base de ce repli falsiforme renferme la partie la plus dilatée du sinus péripédieux qui a reçu le sang par l'intermédiaire de ses anastomoses avec le sinus péridorsal d’une partie du bouclier dorsal; puis celui des viscères par l'intermédiaire ou les communications avec les sinus intérieurs et la cavité générale, De cette partie dilatée partent de (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 3 {ac). (2) Jbid., (w'). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 249 nombreux canaux qui forment un réseau dans le repli (4). Sur le bord bre postérieur du même repli se trouve un eanal qui nait directement du sinus péripédieux, en avant de Panus (2). De ce réseau, et du vaisseau qui vient d'être indiqué, partent des branches particulières pour chaque lamelle branchiale, en dessus comme en dessous (3). Sur ces lamelles naissent des lamelles secondaires, et des bran- ches nouvelles s'étendent sur elles en un réseau capillaire délié, comme dans tous les organes respiratoires. C'est du côté libre et convexe externe de la branchie, en avant par conséquent, que se rencontre le canal (4) qui rapporte le sang au cœur. Ce canal, très distinet et bien limité, est le résultat de la réunion des canaux nés sur chaque repli du réseau capillaire bran- chial. On le suit jusqu'aux parois mêmes du corps, un peu en arrière des oriices de la circulation. Mais tout le sang arrivant au cœur n’est pas artériel. Cela existe iei comme dans tant d’autres Mollusques, etla communication qui permet le melange entre le sang veineux et le sang revenant de l'organe respiratoire est facile à démontrer. I suffit d’injecter une matière colorante par la veine branchiale (5) arrivant au cœur, pour voir le plus souvent le sinus péridorsal S'injecter dans le voisinage du cœur. Si l’on introduit peu de matière à injection par celte veine, et si l'on injecte ensuite une autre matière diffé- remment colorée par le sinus veineux péridorsal, on trouve Île mélange des deux couleurs dans le cœur. Il est à peine utile de faire remarquer que lon a dù pousser les deux liquides vers l'oreillette. Du reste, la démonstration se tire encore des dissections qui montrent une branche veineuse partant du sinus péridorsal, au- (4) Voy. qu des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 4 (z). F Ibid, A (i). (3) Pbid. e rétéättos conventionnelle pour désigner l’appareil veineux guide beaucoup. (4) Zbid., (p). (5) Ibid, fig, 4 (p). 250 di. LACAZE-DUTHIERS. dessus de Ja branchie, un peu en arrière du eœur, et venant s'a- boucher directement avee la veine branchiale, au moment où elle va pénétrer dans l'oreillette (4). Ainsi, à ce pont de vue, l'appareil de la circulation du Plenro- branche ne diffère point de ce que l’on observe dans les autres Mollusques. 5° Communication de l'appareil circulatoire avec l'extérieur. C'est un fait des plus remarquables et des plus intéressants que celte communication de l’appareil de la circulation avee l'extérieur, surtout quand on rencontre cette marque évidente de dégradation dans des animaux d’une classe relativement supérieure, comme les Gastéropodes. Ce n'est que sur des animaux morts et dont les tissus sont dans le plus grand relâchement, qu'il sera possible de vérifier les faits qui vont suivre, et c’est très probablement pour n'avoir pas observé des animaux dans ces conditions, que l’on a méconnu celle com- munication extérieure. Il est utile d'indiquer avec détail comment les faits ont été constatés, afin d’éloigner les objections que pourraient suseiter les causes d'erreurs supposées et attribuées aux moyens employés pour arriver à la démonstration. Quand on regarde et cherche les orifices naturels des Pleuro- branches, on trouve dans une petite dépression ou fossette au- dessus des orifices de la génération, en avant de la veine bran- chiale, et dans le fond du sillon qui sépare le pied du disque dorsal, un tout petit orifice (2) en forme de boutonnière, qui se fait surtout remarquer quand on tiraille tout doucement les tégu- ments avec deux pinces dans deux directions opposées, surtoul en tirant le pied en haut et le bouclier dorsal en bas. Qu'est-ce que cet orifice ? D'abord, je l'avoue, je ne m'en préoccupai que peu; je le con- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 4 (r). (2) Jbid., fig. A (q). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 251 sidérai comme étant l'ouverture du sac de Bojanus, bien que cepen- dant l'orifice de ce sac fût habituellement sous la branchie. Le sac lui-même de Bojanus, que je cherchais, ne se présentait pas à mon observation ; et comme j'injectais par cet orifice un liquide coloré, ce ne fut pas sans surprise que je vis mon injection arriver dans le cœur et refluer même jusque dans la veine branchiale. Si déjà je n'avais point trouvé un fait analogue, en étudiant l'anatomie du Dentale (4), sans aucun doute il me fût venu dans l'esprit que la matière à injection était arrivée ainsi dans le cœur par le corps de Bojanus, dont souvent le riche réseau est lésé, et s’injecte si facilement par la cavité même, Mais la position, que je pourrais appeler anormale, de cet ori- ice, s'il avait appartenu au sac de Bojanus, et ce que j'avais démontré dans le Dentale, me conduisirent à répéter et à varier les injections. Un tout petit procédé rend les plus grands services pour recon- naître les orifices difficiles à voir; je conseille aux naturalistes de l'employer. Il consiste à pousser dans tous les sens sur la surface du corps d'un animal de l’eau tenant en suspension du bleu d'azur, et mieux du bleu de Prusse, sans que la canule de Ia seringue touche les üssus. La matière colorante s’introduit toujours un peu dans les anfractuosités, et finit par faire reconnaitre, en lui donnant l'apparence d’un point noir, un orifice, qu'il est absolument impos- sible de voir auparavant. On ne peut sapposer que des ruptures de tissus aient eu lieu ainsi sous la pression seule du jet de liquide. En employant ce procédé, d’abord l’orifice se trouve facilement mis à découvert, et ensuite il arrive très souvent que linjection de l'oreillette et du vaisseau branchial a lieu. Dans ce cas, peut-on dire qu'il y a une erreur, conséquence de la déchirure des tissus ? Évidemment non. Si les tissus eussent été intéressés, comment s'expliquer que le résultat fût toujours le même en variant la matière à injection ? L'air, par exemple, pénètre dans les mêmes endroits, quand on (4) Voy. Histoire de l'anatomie et du développement du Dentale (circulation) (Ann des se. nat., Zool., 4° série, t. VID). 259 fi. LACAZE-DUTRIERS. le pousse tout doucement, et quand le bee d'une canule un peu grosse est applique de manière à toucher à peine sur la région de lorifice. Les antres substances, graisse, huile, ete., toutes en suivant le même trajet, produisaient le même résultat, et cela non-seulement sur le Pleurobranche orangé, mais encore sur le Pleurobranche de Meckel, sur le Pleurobranche ocellé. Ce premier résultat se trouve d’ailleurs confirmé par l’obser- valion anatomique, démontrant directement le canal par où la matière peut arriver de l'orifice à l'oreillette. On doit peut-être se demander, quand on remplit directement l'oreillette, pourquoi l'injection ne s'échappe pas des conduits par l'orifice? Même chose arrive pour le Dentale, où il faut, quand l'appareil circulatoire est rempli, tirer des deux côtés des petits orilices en boutonnière pour les faire entre-bâiller, et alors la matière s'échappe ; on admettra, sans doute, quelque disposition valvulaire s'opposant au passage du liquide. D'ailleurs quand on ouvre le vaisseau branchial par son eôté dorsal, on voit que l'air et les liquides poussés par l’orifice externe s’échappent tout près de l'oreillette au fond du canal. On peut aussi s'assurer de la direction oblique du petit condait (4) arrivant de l'orifice externe, et apportant les matières injectées, disposition qui s'oppose à la sortie du liquide allant du dedans au dehors. On voit surtout dans la grande espèce, dans le Pleurobranchus Meckeli ou testudinarius (2), le repli membraneux qui recouvre l'entrée du petit canal, et qui se trouve évidemment abaissé par le courant sanguin arrivant de la branchie. Ce repli joue un rôle analogue à celui que remplit la muqueuse de la vessie urinaire des animaux supérieurs, qui empèche le re- flux de l’urine dans les uretères. Cette communication du vaisseau sanguin avec lextérieur mé- rite toute l'attention des physiologistes ; elle tend à se généraliser (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 9, fig. 2 (q, a, q'). Ouverture de la veine branchiale pour montrer l'arrivée dans son intérieur sur un repli du petit canal arrivant de l'orilice extérieur q. (2) Malacologie méditerranéenne (Cantraine). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 399 beaucoup plus qu'on ne Pavait supposé tout d'abord ; et ceux-là même qui étaient incrédules an point de vue de son existence, l’admettent aujourd’hui presque comme un fait général. Bien des choses se trouvent expliquées par cette disposition, qui n'avait pas encore été observée sur les animaux relativement supé- rieurs, comme les Gastéropodes. Sans contredit, pour quelques groupes, on avait indiqué le passage probable de l’eau dans le sang ; mais il me paraît que je puis réclamer la priorité en ce qui touche la découverte des vaisseaux s’ouvrant directement au de- hors sans aueun intermédiaire, et surtout én ce qui est de leur existence dans les Gastéropodes. Il y a dans cette question un grand intérêt, car c’est bien fait pour étonner que de voir un animal rejetant au dehors une partie de son sang pour le remplacer ensuite, sans doute, par de l’eau. Quand on étudie exclusivement les animaux supérieurs, on considère le sang comme un liquide précieux, principe de toute vie, blastème où tous les matériaux utiles et nécessaires sont ver- sés par la digestion, et où sont aussi puisés tous les éléments con- stitutifs ou restaurateurs de l'organisme ; cette idée, qui est juste aussi pour les animaux inférieurs, embarrasse quand on voit cette possibilité de se débarrasser d’une partie du liquide préparé par l’économie elle-même pour la continuation de la vie. Or il est pourtant évident que les Mollusques rejettent une partie du liquide dont sont imprégnés leurs tissus. Il suffit d’ob- server un Mollusque dans l’eau, de le tracasser, où même de le retirer du milieu où il vit, pour le voir changer de volume, se contracter, et laisser écouler une grande quantité de liquide. Ceci a frappé tous les observateurs qui se sont occupés des Mollusques : aussi Delle Chiaje a-t-il été conduit à décrire un appareil spécial qu'il a nommé aquifère, appareil destiné à porter l’eau dans tout le corps des Mollusques, comme les trachées portent l'air dans celui des Insectes. M. Mine Edwards à parfaitement dé- montré que le prétendu appareil de vaisseaux particuliers n’était autre chose que les veines et les lacunes; mais cependant il y avait quelque chose de vrai dans l’idée de Delle Chiaje. Le fait était en partie juste, seulement les canaux spéciaux n'existaient pas. 25 HW. LAUAZE-DUSBIERS. Préoceupés de ces changements de volume, tous les auteurs, à peu près, ont cherché à s’en rendre raison, el sont arrivés à des opinions diverses. Les uns ont pensé, et cela est vrai dans quelques cas, que les contractions vives faisaient rompre les parois du corps, et la sortie du liquide est devenue pour eux le résultat d'une lésion, d’un accident. Ces orifices artificiels, dont il est facile de voir sourdre ou même jaillir le liquide, ont été pris et indiqués, à tort, comine étant naturels par d’autres. Quant au passage de l’eau dans le sang, M. Van Beneden l'annonce catégoriquement ; mais qu'on le remarque bien, on ne fixe pas le point par où ce passage a lieu, Cependant MM. Leydig, Leuckart et Gegenbauer, ont indiqué sur la Paludine, les Ptéro— podes et les Héléropodes, le même fait,en admettant comme inter- médiaire le sac de Bojanus. Enfin M. Karl Eanger, en s’oceupant avec un soin tout particulier de la circulation de l'Anodonte, à trouvé des canaux spéciaux qui, du péricarde, conduisent dans le système veineux, et comme le péricarde lui-même est en commu nication directe avee le sae de Bojanus, 1l s'ensuit que, par cette série d’intermédiaires, le sang peut s'échapper au dehors. Dans les étés de 1854 et 1855, en faisant l'anatomie du Dentale, j'avais moi-même trouvé une communication extérieure directe. Voici encore aujourd’hui un autre fait qui vient s'ajouter aux autres, et montrer que l'opinion qui admet des orifices distinets (mais bien démontrés) est vraie. On peut comprendre maintenant que les changements de vo- lume aient lieu avec la facilité que chacun à pu remarquer ; il suffit à Panimal de rejeter au dehors une partie du liquide que renferment ses tissus ; dès lors, il peut se contracter, et sa taille diminue en proportion directe de la quantité de liquide rejeté. Mais ces opinions, ou mieux ces interprétations des faits qu'on touchait du doigt, qu'on ne pouvait nier, sont-elles des preuves que l’on avait vu et connu les véritables orifices spéciaux et bien distincts? Non, sans aucun doute ; et paree qu'on aura ainsi jugé qu'il devait s'échapper du liquide, on n’a eu nullement con- ANATOM:E DU PLEUROBRANCHE. 259 naissance du fait très important, pour là découverte duquel, je l'avoue, je revendique une certaine part. Qu'on lise mon travail sur le Dentale, et lon v verra que c'est à mon corps défendant que j'arrive à admettre cette communica- lon avec l'extérieur ; cette communication qui a choqué tant au premier abord les idées habituellement reçues par la connaissance peut-être trop absolue de Ta physiologie des animaux supérieurs. Et il faut bien le dire, j’eus de la peine à faire admettre ce que je voyais dans le Dentale, et ce que les injections rendaient in- dubitable. Je montrais les préparations, et l’on trouvait cela si étrange, que l’on m'engageait à revoir encore avant de publier. Tout porte à croire aujourd’hui que ce fait se généralisera, et que, dans tous les Mollusques, on verra cette communication avec l'extérieur; mais avant de généraliser aussi facilement qu'on le fait souvent, quand des faits isolés deviennent évidents, qu’on montre les orifices, je parle des vrais orifices el non des dé- chirures, et alors les choses, encore douteuses pour beaucoup, serônt définitivement acquises à la science. I faut remarquer enfin que cette particularité importante fait entrer dans une voie nouvelle Phistoire de la circulation des Mol- lusques; l'importance du fait acquis, qui coneilie en les expliquant, les différentes manières de voir, n'échappera à personne. On y trouvera, n’en doutons pas, la clef de bien des aperçus nouveaux relatifs à cette partie de l’organisation et de la physiologie. Mais peut-on déterminer, à priori, la position de l'ouverture de l'appareil de la cireulation à Pextérieur ? Sans aueun doute, la position de cet orifice dans le Dentale et le Pleurobranche est identique, relativement au moins à quelques organes. Dans le Dentale, la branchie est rudimentaire, et placée dans l’épaisseur du manteau. Un canal médian verse de chaque côté du corps le sang du manteau, conjointement avec celui qui vient de l'organe de la respiration, dans deux vaisseaux symétriques qui se rendent à un sinus central présentant des mouvements oscilla- toires, et qu’on peut considérer comme un cœur rudimentaire. 256 Hi. LACAZE-DUTHIERS. C'est sur le trajet de ces derniers vaisseaux que lon trouve les orifices. par conséquent entre ce qui représente le centre de la eir- culation et l'appareil de la respiration, ou, en un mot, sur le vais- seau qui reçoit à la fois le sang du manteau et de la branchie. Relativement au Pleurobranche, le Dentale occupe une position, sans aucun doute, inférieure dans la série; mais c’est cependant absolument dans le même point que lon trouve chez lun et chez l’autre l’orifice extérieur , il est en effet entre l'organe de la respiration et le centre de l'appareil cireulatoire, dans le point où se réunissent le vaisseau apportant du sang veineux et celui qui ramène le sang de la branchie artériel. Cette analogie devait faire espérer de rencontrer le mème ori- fice dans quelques autres exemples, et cependant je n'ai pas à citer d’autres faits absolument positifs. Dans deux genres très différents, soit entre eux, soit du Pleurobranche, j'ai observé des faits ana- logues ; mais je préfère en faire l’objet d'une publication spéeiale, désireux d’ailleurs que je suis de vérifier de nouveau l'exactitude des choses. Si l’on ne prenait pour point de départ que les exemples qui viennent d’être cités, ce serait done avant le cœur que se trouve- rait l’orifice ; mais avee un aussi petit nombre de faits, gardons- nous de généraliser, et contentons-nous du rapport spécial et par- ticulier dans l'espèce. $ IV. Des organes de sécrétions spéciales. — Corps de Bojanus. C'est surtout du sac de Bojanus qu'il doit être question ici, les glandes diverses ayant été ou devant être décrites avec chaque appareil auquel elles se rapportent; enfin, la description des cryptes cutanés trouvant mieux sa place quand il sera question des téguments. Habituellement, le sac de Bojanus est appréciable à l'extérieur, On peut le voir, en fendant la cavité du manteau (Pourpres di- verses, Rochers, Toupies, Buccins, Tritons, ete., ete., Aplysies, ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 257 Bullées). Mais ici c'est en vain qu'on tourne et retourne le Pleuro- branche, on ne voit rien. C’est done dans la masse viscérale, et profondément qu'il faut aller chercher. En examinant attentivement les viscères, on voit bien qu'en avant d'eux il y à une couche glandulaire grisâtre qui les recouvre ct les continue à droite. En déchirant les enveloppes de cette masse viscérale , on remarque aussi que, dans le point corres- pondant à cette couche, on tombe dans une cavité assez vaste, d'où s'échappe un liquide charriant des particules, débris évidents d'un tissu. L'examen microscopique de ces débris conduit tout de suite à y reconnaitre les éléments particuliers au corps de Bojanus. La cavité, la teinte, les éléments, tout guide pour arriver à fixer son opinion. C'est encore ici un de ces exemples où l’utilité des observations microscopiques est évidente. Reste à connaitre l'ouverture qui, dans la plupart des autres Mollusques, est si facile à trouver et à voir après la seule fente du manteau. Or, dans les Bulles, les Bullées, les Aplysies et les Doris même, qui sont bien plus voisines des Pleurobranches que les autres Gastéropodes conchyfères, l'ouverture du sac de Bojanus est placée sous la branchie. C’est donc dans les replis, placés sous l’organe respiratoire, qu'il est naturel de diriger ses recherches, et, en employant le moyen indiqué plus haut, injection d’une eau forte- ment bleuie, on trouve un orifice naturel placé tout à faiten avant sous le vaisseau afférent au cœur, sous la veine branchiale (4). Quel est cet orifice ? La réponse est à la fois facile et importante ; il conduit la matière injectée dans la cavité (2) où l’on trouve les éléments caractéristiques du corps de Bojanus. La connaissance de cette ouverture a la plus grande importance. Car on aurait peut-être, sans elle, pu croire à une erreur relative- ment à lorifice extérieur de la circulation. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XL, pl. 10, fig. 2 (j). La branchie a été rejetée à gauche pour laisser voir l'orifice. (2) Ibid. La figure 4 a pour but de montrer le sac ouvert. 4° série. Zoou. T. XI. (Cahier n° 5.) ! 47 258 IH, LACAZE-DUTHIERS. Ainsi donc, pas de doute possible. Le corps de Bojanus s'ouvre sous la branchie, et son orifice distinct, placé dans la position qu'il occupe le plus habituellement, ne peut être pris pour rien autre chose ; seulement, comme il est placé profondément dans le fond d'un petit eul-de-sae, il est assez difficile à voir. Sur un animal vivant, on ne peut, dans aucun cas, lPapercevoir. La cavité dela glande est considérable (4) et entoure, en avant et à droite, près de la moitié de la masse viscérale. Elle s’avance même un peu au-dessus, mais sans s'étendre beaucoup. En avant, plutôt à droite que sur le milieu, on trouve comme un pont tendu entre la partie antérieure du corps et la masse viscérale. Les canaux, venant de la glande génitale, sont contenus dans cette espèce de bride, que revêt de tous côtés le tissu glandulaire. La cavité se prolonge en infundibuiun: (2) en avant et à droite, et l’on acquiert facilement la certitude que le sommet de cet infun- dibulum se dirige directement vers l'angle antérieur d'insertion de la branchie, vers le point où l’on a vu que se trouvait l’orifice extérieur. Cette position du sac de Bojanus est fort différente, au premier abord, de celle qu’on trouve dans la plupart des autres Mollusques. Au point de vue de la morphologie, il y à là un sujet d’observa- lion intéressant dont il sera utile de déduire plus tard des consé- quences. La structure des parois grisâtres de cette poche est fort simple. Il faut remarquer que le tissu est des plus délicats, et que, par le moindre attouchement, on le voit se désagréger. Cette condition, ajoutée à cette autre, mort et relächement, qui doit exister pour que les injections puissent réussir, fait qu'il ne m'a pas été possible d'arriver à injecter les réseaux capillaires qui entrent dans sa composition, et que l’on observe si bien dans les autres espèces. Les débris de son lissu paraissent exclusivement formés par de (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1, XI, pl. 10, fig. 4 (J, j, s). (2) Ibid. {j! }: ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 259 grosses cellules, tellement peu serrées el unies, qu'elles restent sphériques (4). | Les parois de ces cellules sont minces et très transparentes. Leur contenu est un liquide renfermant peu de granulations isolées, baignant un gros noyau où mieux un amas de matière fort irré- gulière, jaune-verdûtre, plus brune au centre. C’est de la couleur vue par la lumière transmise au microscope dont il est question, car à la lumière réfléchie, la glande paraît d’un gris brunâtre. Du reste, cette teinte est variable avec les individus et probable- ment aussi avec leur état. Au centre de cet amas de matière colorante, il semble y avoir un point plus obscur qui probablement est le noyau primitif. On trouve aussi des cellules à double contour, comme dans la plupart des exemples que j'ai examinés ou cités. On croirait voir, entourant le noyau, une cellule plus petite, dont le contenu trans- parent réfracte la lumière un peu différemment de la cellule la plus extérieure. Dans les Acéphales, on rencontre cela presque constamment ; est-ce une production de cellule simple endogène ? Cela est possible. La plus grande analogie de forme, d'apparence et même de cou- leur rapproche ces cellules de celles que l’on trouve dans le corps de Bojanus des autres Mollusques. Il ne peut y avoir de doute relativement à la nature de ce sac: l’on doit ici, comme dans les autres animaux, le considérer comme un organe dépurateur et en particulier comme un rein. A l’appui de cette opinion se présente une observation intéres- sante. En examinant les débris du corps du P. testudinarius que je trouvai sur la plage d'Agde, je erus un moment que les tissus étaient remplis de grains de sable, tant les viscères craquaient sous mes mains ef mes pinces. Mais en les observant avec atten- tion, il devint facile de se convaincre de l'existence d’une multi- tude de petits corpuscules globulaires dans l'épaisseur des parois d'une cavité que tout me faisait reconnaître comme étant le sac de Bojanus. En examinant à un très faible grossissement ces (1) Voy. Ann. des sc, nat, Zool., 4° série, t. XL, pl. 40, fig. 3. 260 M. LACAZE-DUTHIERS. grains (1) isolés ou réunis en masse conglomérée, ildevint évident qu'ils n'étaient: autres que des concrétions sphéroïdales, tantôt libres, tantôt soudées (2). En les brisant et augmentant le grossisse- ment, on les voyait comme fibreuses, à partir d’un centre (3). Il était clair dès lors que ces granulations n'étaient point des grains de sable, et étaient des concrétions calculeuses de la même nature que celles que l’on trouve chez tant d’autres Mollusques, chez les Acéphales et, en particulier, chez la Pine marine(4). L'ana- tomie faite avec le plus grand soin, montrait, du reste, ces concré- tions dans les tissus mêmes, et j’observerai en passant que, dans cette espèce, les injections seraient faciles en raison de l'épaisseur et de Ja résistance plus grande des parois du sac de Bojanus. Une analyse chimique était intéressante à faire sur ces coneré- tions. Dans un premier essai, en dissolvant dans l'acide azotique concentré et pur des laboratoires, quelques-unes d'elles, 11 y eut, avec l’aide de la chaleur, effervescence et dépôt après volatilisation d’une substancejaunâtre. Les vapeurs d’ammoniaque développèrent sur ce résidu immédiatement une fort belle couleur rouge. Or, c’est bien 1 la réaction caractéristique de l'acide urique. Quoique cette petite manipulation chimique ne soit pas difficile et que l'erreur paraisse impossible, néanmoins j'ai désiré avoir le contrôle d'une main habituée et habile : l’un des préparateurs de la Faculté des sciences de Lille, M. Tinel, à qui je demandais si ce que je lui présentais était de l'acide urique, répétant la même expérience, arriva au même résultat, ef me confirma ainsi que j'avais bien certainement affaire à de l'acide urique. Si l'urine dans les animaux inférieurs est, comme dans les ani- maux supérieurs, chargée plus ou moins d'acide urique; il est naturel de conclure que l'organe, qui renferme des caleuls de cet acide, est bien l'organe urinaire ou le rein. (1) Voy. Ann, des sc. nal., Zool., à° série, !, XI, pl. 10, fig. 4 (p). Grandeur naturelle. (2) Jbid., (q). (3) Ibid. (ri. (4) Vov. Ann. des sc. nat, Zoo!., 1. VI, 4‘ série, le travail sur l'organe de Bojanus dans les Acéphales lamellibranches, ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 261 Ainsi, en résumé, l’état calculeux du Pleurobranche de Meckel où P. testudinarius nous fournit une preuve à lappui de Fopinion qui semble aujourd'hui prévaloir, et qui déjà avait reçu par les expériences de mon excellent et très habile ami M. Riche, ainsi que cela a été relaté dans mon travail sur cet objet (1), une première démonstration. Plus tard, M. Schlosberger a trouvé les mêmes choses, avec peut-être moins de détail, et à ce sujet, je ferai obser- ver que les Allemands qui nous reprochent tant de ne pas connaitre leurs travaux, péchent, eux aussi quelquefois, par le côté faible qu'ils nous reconnaissent. M. Schlosberger ne semble pas avoir eu connaissance des analyses de M, Riche, ni de mon travail, Organes de la conservation de l'espèce. Le Pleurobranche orangé est hermaphrodite. La description des organes mâles et des organes femelles se trouve par cela même moins distincte que dans les cas où les sexes sont portés par des individus séparés. Nous étudierons d’abord la glande génitale à la fois mâle et fe- melle, ensuite les annexes, enfin les organes de la copulation, l’accouplement et la ponte. Sur. Glande génitale. On peut assez facilement reconnaitre la glande génitale du Pleurobranche, comme du reste dans la plupart des Gastéropodes. Sa couleur jaune, un peu bistrée, tranche si vivement sur la cou- leur brune ou noirâtre du foie, qu'il n°y à pas un seul instant de doute; dès que l'on a découvert la masse viscérale, on la voit à droite formant la moitié pour sa part du volume des viscères (2). (1) Loc. cit., Ann, des sc. nat. [Mémoire sur l'organe de Bojanus des Acépha- les lamellibranches), 4° série, t. IV. (2) Voy. Ann. des se, nat.,st. XI, pl. 40, fig. 4 (M). 262 H, LACAZE-DUTHIERS, Pour juger exaclement de ses rapports, qu'on se la représente dans son ensemble avee la forme d’un croissant répondant par sa concavité au foie avec lequel ses lobules s’entremêlent, et par sa convexité au sac de Rojanus qui la recouvre (4), à l’anse in- testinale qui l'entoure. Que lon rapproche la figure où le tube digestif est représenté isolé (2), et celle où est la glande génitale seule (3), on pourra voir quelle position relative devaient occu- per les deux parties. Celle position à été conservée dans une autre figure d'ensemble, où le sae de Bojanus ouvert oceupe la plus grande partie du dessin (4). Du reste, si l’on prend le Pleurobranche avant ou pendant la ponte ; si on le prend surlout quand la période de la reproduction est passée où non encore commencée, la glande génitale offre de erandes différences de volume tenant à l’état de repos ou d'activité physiologique. En dirigeant un jet d’eau délié sur la glande génitale, débarras- sée des tissus environnants, on remarque qu'elle est formée de petits grains rapprochés en petites masses, ou lobules. Quand elle est gonflée par les produits de sa sécrétion, tous les grains ou acini se touchent, se compriment, et ce n’est qu'après en ‘avoir crevé quelques-uns que le filet d’eau les déplace, les isole, et fait dis- {inguer ceux restés infacts. Les lobules sont séparés entre eux par de petites lignes ou espaces vides; mais cependant ils se rapprochent plus les uns des autres, et forment ce qu’on pourrait appeler des lobes; mais à ces distinetions n'attachons d'autre importance, si ce n’est que les lobules correspondent aux ramuscules du canal excréteur, dans lesquels ils versent leurs produits, et les lobes aux principales branches du même canal recevant les ramuscules secondaires. a. — Le canal eæcréteur est facile à trouver, surtout sur les individus en plein état de reproduction, En enlevant le corps de 1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, &. XT, pl. 10, fig. 1 a) Jbid.wpl.,6, fig. 3) Tbid., pl40, x ÿ. L), Ibid, ig. te ( ( ( ( ANATOMIE BU PLEUROBRANCHE. 263 Bojanus, dont les parois sont si {ransparentes et délicates, en cher- chant à isoler la glande génitale, on aperçoit bientôt un tube blane, d’un blanc très beau, comme un peu nacré, qui part du milieu de la masse jaunètre génitale, et se dirige en serpentant vers l'extré- mité antérieure du corps (L). Ses flexuosités sont nombreuses et grandes. En le suivant de la partie libre moyenne vers la glande, on le voit diminuer de volume, et devenir extrêmement grêle; parvenu à peu près au centre de la glande, il se divise, et se ramifie en conduits secondaires très déliés qui pénètrent dans le parenchyme, et qu'il est difficile de suivre bien loin par les dissections. C’est bien le canal excréteur , car en louvrant et portant son contenu sous le microscope, on trouve des œufs et des spermato- zoïdes. L'une des flexuosités ou circonvolutions qu'il décrit est à peu près constante ; elle est très voisine de la glande, et correspond à la partie la plus dilatée (2) ; au delà de cette courbe, le conduit est crêle et tortueux; mais ses inflexions n'ont pas autant d’étendue, il s'en faut beaucoup. Le canal passe en se dirigeant à droite et en avant dans cette espèce de pont que l’on a vu en ouvrant le corps de Bojanus (3), en arrière et en dedans de Pinfundibulum, au fond duquel est l'orifice externe du sae. b. — La structure de la glande génitale est analogue à celle que l’on rencontre dans la plupart des Gastéropodes qui sont herma- phrodites. Mélange des éléments des deux organes mâle et femelle, voilà le caractère général ; mais ce mélange ne porte pas seulement sur les lobes, lobules, grains où acini, qui seraient les uns mâles, les autres femelles. Les glandes sont confondues au plus haut de- oré, Les éléments d'un sexe sont produits à côté de eeux d’un (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, L. XT, pl. 10, fig. 5 (m). (2) Ibid, La disposition la plus habituelle au conduit (n) a été reproduite avec le gonflement et la courbure. (3) lbid., fig. 4. 264 HI. LACAZE-DUTRIERS, autre. C'est dans le même grain que se développent les œufs et le sperme; aussi est-ce lhermaphrodisme le plus complet qu'il soit possible de trouver. En portant une parcelle du tissu, déchiré en tout sens, sous le microscope, on rencontre le plus souvent quelques euls-de-sac ou grains glandulaires offrant des détails de structure tels, que l'on peut se faire une idée exacte de la structure générale. Chaque élément sexuel se développe absolument comme si tout le eul-de-sac était mâle où femelle, et la partie productrice de l'œufou bien du spermatozoïde ne diffère en rien de ce qu’elle se- rait dans un cul-de-sac non hermaphrodite et composé en entier par le parenchyme du testicule ou de l'ovaire. Sans entrer dans des discussions relalives à la structure com- parée de ces glandes, passons successivement en revue la com- position de la partie femelle et de la partie mâle, et voyons comment se développent leurs éléments : œuf et spermato- zoïde. Les culs-de-sac sécréteurs où acini de la glande génifale repré- sentent assez régulièrement une portion de sphère dont un seg- ment enlevé correspond à une ouverture à laquelle s'attache le canal excréteur. C’est celte petite ampoule qui est tapissée par le parenchyme elandulaire produeteur des éléments. Ce parenchyme est cellulaire, mais l'apparence comme la nature intime des cellules différent pour les deux sexes. Dans la partie femelle où se développe l'œuf, les cellules renfer- ment plus de matière granuleuse jaunâtre; elles sont aussi plus grandes. C'est dans l'intérieur de chacune d'elles quese forment les œufs, à des époques un peu différentes. La rupture de ces cellules, devenues vésieules quand l'œuf est mûr, permet à celui-e1 de tom- ber dans la cavité du eul-de-sac. Dans les préparations bien réus- sies, on trouve sur les parois des acini déchirés des œufs à tous les degrés de développement. Les uns sont encore dans les cellules à peine saillantes, mais parfaitement reconnaissables à leur tache germinative, à leur vésicule transparente et à un jaune ou vitellus encore rudimentaire ; les autres, au contraire, font saillie ou her- ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 265 nie, et présentent, quoique encore eutourés par la vésieule qui les a produits, tous les caractères de l'œuf arrivé à maturité, Du reste, pour ce qui concerne la partie femelle du parenchyme, tout ce que, en d'autres travaux, j'ai indiqué, relativement au dé- veloppement de l'œuf, chez le Dentale et les Acéphales Tamelli- branches, je l’admets ici complétement (4). La plus grande partie du pourtour de lampoule du eul-de-sae se trouve occupée par le parenchyme femelle, qui parfois est tellement développé au moment de la ponte, que la cavité est obstruce, non pas encore par les produits, mais par le même parenchyme tumé- fié et bosselé. La partie mâle lapisse les espaces de la surface du cul-de-sac où ne se trouvent pas les éléments de l’ovaire. Son épaisseur est moins considérable ; cela tient à ce que ses produits sont loin d’at« tendre les proportions de l'œuf. Les cellules spermatogènes sont facilement reconnaissables, elles ont toujours les mêmes caractères, transparence très légére, couleur teinte neutre (2) et multiplication constante par la voie endogène ; ce dernier caractère fait trouver presque tonjours dans le champ du microscope, à côté du spermatozoïde, des cellules mères renfermant deux, trois ou quatre cellules filles plus petites (3). Le spermatozoïde est dans le Pleurobranche orangé très sem- blable à celui que l'on rencontre le plus souvent chez les Gasté- (1) Voy. Ann. des sc. nat.; Zool., 4° série, Histoire de l'organisation et du développement du Dentale. Si je renvoie aux travaux que j'ai publiés, ce n’est point en vue d’un amour-propre personnel; mais je crois qu'il est utile pour la bibliographie que l'opinion d'un même homme se trouve caractérisée et non déguisée. En disant qu'une opinion émise antérieurement est sem- blable à celle que l'on a eue dans un moment postérieur, c’est réunir en une sorte de faisceau tous les faits que l'on apporte à l'appui de sa manière de voir, (2) Pour donner l'idée de ce caractère, la description est assez difficile, et probabiement ces mots couleur d’une teinte neutre paraissent exagérés ; mais quand on dessine ces cellules, qu'on passe sur le papier un pinceau à peine imbibé de la couleur et l’on rendra très exactement l'apparence des cellules spermatiques. (3) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XT, pl. 10, fig. 8. 266 H, LACAZE-DUTRIERS, ropodes ; fort long; sa queue n'est pas droite, elle est très fine- ment onduleuse, et sa tête est représentée par un pelit développe- ment terminal dépassé par un très court filament comme une pointe (4), elle est fort petite relativement à la largeur totale, un peu plus obseure que le reste, sans doute parce qu’elle réfracte assez fortement la lumière; enfin elle est un peu courbée sur le côté, Les Spermalozoïdes sont {oujours disposés en paquets avant d’être libres, leurs têtes sont rapprochées et unies, tandis que leurs queues oscillent où vibrent (2). Mais on trouve de ces paquets évidemment non encore arrivés à maturité complète, qui ont aussi loutes leurs têtes réunies, et dont les queues portent chacune un globule tout à fait analogue à lune des cellules filles formant le parenehyme (3). On sait que dans la théorie du développement des Spermato- zoïdes, chaque filament se développe dans l’une des cellules filles, qu'ensuite sa queue s'échappe etdevientlibre, etque très souventon rencontre des débris de la cellule sur les côtes des filaments. Dans le eas cité, les filaments ne sont pas encore complétement libres; là aussi leur longueur parait être moins grande, Ce sont sans doute les débris des cellules non résorbées qui paraissent à l'opposé du point où les têtes sont toutes réunies. On peut trouver ainsi des paquets de Spermatozoïdes avec des longueurs différentes, et alors moins considérable est la longueur, plus sphérique et développée est la cellule productrice qu'ils portent encore. Comment expliquer cependant dans cette théorie des apparences que l’on rencontre fréquemment ; comment par exemple se rendre compte de ces renflements fusiformes simples on doubles, de grandeurs très différentes, que l’on rencontre sur la longueur d'un même Spermatozoïde ? Il semble que c’est une substance plas- tique qui s’est allongée en restant accolée au filament sperma- tique. est, en effet, assez difficile de démontrer autour des cor- (4) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, . XE, pl. 10, fig. 5 (r). Ne pas prendre pour tête la petite masse qui est à l'extrémité de ce filament spermatique et qui la cache. (2) 104 0(7): (3) Thid., fig. 40. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 267 puseules, restant ainsi adhérents, une membrane enveloppante ; toutefois je présente les faits que fournit l'observation, sans m'é- lever d’une manière absolue et catégorique contre une manière de voir qui semble admise aujourd'hui généralement, Les produits des deux parties distinctes de la glande tombent dans le cul-de-sac sécréteur, et par les ramifications des conduits qui font suite à ces cavités arrivent dans le canal excréteur. Donc les œufs et le sperme suivent la même voie pour arriver au dehors, et la question quise présente bien naturellement est celle-ci : Ces deux éléments opposés agissent-ils les uns sur les autres, dès qu'ils se trouvent en contact? La fécondation, en un mof, s'opère-t-elle, sans qu'il soit nécessaire du concours dun autre individu ? Il suffit de faire remarquer que l'accouplement à lieu, ce qui conduit à supposer à priori la nécessité de l'intervention de deux individus. Toutefois, il faudrait des expériences précises pour dé- cider si un seul individu peut se suffire à lui-même; or, ces expé- riences sont, comme on va le voir, extrêmement difficiles à faire, si même elles sont possibles, en raison même des conditions que présentent les annexes des organes génitaux. Le sperme et les œufs cheminent dans le canal excréteur, pro- bablement par l’action d’un mouvement péristaltique dont il est doué, mais à coup sûr aussi par l'influence des cils vibratils vifs et puissants, qui tapissent ses parois. Ils arrivent tout près des annexes et là, très vraisemblablement, ils se séparent pour suivre des voies différentes. $ IT. Annexes de la reproduction. Toutes les parties qui se trouvent après la division du canal excréleur sont comprises sous cette désignation. Elles sont femelles et mâles, et forment un paquet assez volu- mineux, que l'on trouve à droite de lœsophage, en dessous du péricarde, et en avant de la masse viscérale, composée du foie, des glandes salivaires, de l'ovaire et du sac de Bojanus. 268 H. LACAZE-DUTIHIERS., Glande annexe mâle. Elle est placée sur le milieu de la lon- eueur du canal qui naît du conduit arrivant de la glande génitale et allant à la verge (1). Cette glande est d'un rose assez vif et se trouve sur le plan le plus antérieur et inférieur du paquet général des annexes. Il est difficile de suivre au milieu de sa masse parenchymateuse le canal qui porte le sperme, on ie voit âson arrivée, on le retrouve à sa sortie ; après avoir traversé celle masse glandulaire, il est très flexueux et se continue comme un ressort contourné en élastique au centre de la verge. Tout doit faire supposer que ce canal charrie le sperme dans l'organe copulateur male, et très probablement la glande annexe verse un produit qui s'ajoute au liquide fécondant pour aider ou faciliter son action. Cette glande se compose de très grosses cellules (2) renfermant de nombreuses granulations ; elle paraît sous la loupe comme très finement granuleuse ; ce doit être aux grosses cellules qui la com- posent qu'est due celte apparence. Au milieu des granulations fines et transparentes de ces cellules paraissent les petits points de matière colorante ; du reste, ses éléments se désagrégent avec la plus grande facilité, et leur con- tenu, qui à assez d’analogie avec celui de la glande annexe fe- melle, se meut animé qu'il est d’un vif mouvement brownien. La glande annexe femelle est très volumineuse, et sécrète sans aucun doute cette mucosité qui se gonfle, et devient pour ainsi dire résistante dans l’eau en formant un abri aux œufs qu'elle renferme (3). Quand on suit le canal excréteur de la glande génitale, on voit qu'arrivé au milieu des organes copulateurs et annexes, 11 semble se partager en deux, que l’une des branches va en avant, c’est le mâle; que l’autre se porte à droite et en dehors, c’est la femelle, (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série. t. XI, pl, 40, fig. 5 N. (2) Did. fig. 40. (3) Jbid., fig. 5 L. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 269 Celle-ci s’unit àune masse sphéroïdale, qui présente dans la moitié antérieure de son étendue des tubes pelotonnés comme des cir- convolutions intestinales (4), et dans la moitié postérieure une surface lisse ; c’est en avant, et en dehors entre la partie lisse et la partie pelotonnée, que se rend la branche femelle du conduit excréteur génital. Il est très probable que les cavités de la partie pelotonnée, de la partie lisse et du conduit excréteur, font suiteles unes aux autres ; mais il est fort difficile de s'en assurer. Les dissections doivent se faire sous l’eau, le tissu se gonfle, et tout devient bientôt confus. Quant aux éléments de cette glande annexe, comme dans les parties analogues chez les autres Gastéropodes, ce sont de grosses cellules remplies de granules transparents, ayant la faculté d’ab- sorber l’eau et de se gonfler énormément en une masse mucilagi- neuse tremblottante. C’est cette grosse glande annexe qui, dans les animaux conservés dans la glycérine où dans l’eau faiblement alcoolisée, se gonfle par endosmose au travers des parois du corps ou directement par l’orifice génital, et rompt les tissus par excès de dilatation. Elle s'ouvre au dehors par un orifice disünct, qu'il ne faut pas confondre avec celui de la copulation. Les organes copulateurs sont muluples et faciles à distinguer ; ils comprennent la partie male et la partie femelle. Lorsque l'animal est au repos, on voit sur le côté droit de son corps en avant de la branchie un orifice à bords saillants et plissés. Il est bien rare, en pressant le corps d’un Pleurobranche au mo- ment de la reproduction, de ne pas faire sortir et s'échapper vers la partie antérieure du eôté droit un corps cylindroïde, terminé par une pointe : c’est la verge (2). La longueur de la verge esl assez considérable, et dépend du moment où on l’observe ; quand elle est fort allongée, on voit très bien par transparence, au milieu d'elle, le conduit flexueux qui (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 40, fig, 5 (4). (2) Ibid, P, Fig, 7 P. {n) est le conduit tortueux. 270 M. LACAZE-DUTHIERS. arrive jusqu'à son extrémité, et se continue Jusque dans sa pote terminale ; celle-ci même ne parait être que le canal renversé au dehors, et devenu par cela même saillant. Il est difficile de décider, de visu, si la pointe de la verge est percée d'un orifice ; mais puisque le canal spermatique s'y rend, ce n’est pas trop s'engager, Je pense, que de le croire. À l’époque de la reproduction, les orifices génitaux sont bien plus saillants et faciles à étudier qu’à tout autre moment; aussi peut-on distinguer à la base et en arriere de la verge (1) un petit orifice caché qui conduit dans la poche copulatrice. À ce propos, qu'on le remarque, les orifices, entourés par une sorte de repli en collerette, semblent être simples ; mais il faut pour bien les reconnaitre étaler le repli; alors seulement on voit qu'il v a successivement d'avant en arrière la verge (2), l'entrée de la poche copulatriee (3) et l'entrée de la cavité de la glande muet- pare (4). La poche copulatrice (5) à la forme d’un cul-de-sac, dirigé transversalement de dehors en dedans. Ses parois sont assez épaisses et sa longueur médiocre ; elle se termine en cul-de-sac, et porte vers son extrémité, sur son côté antérieur, deux poches piriformes, dont le pédoncule est iné- galement long. Dans la première poche, on trouve habituellement une ma- tière fortement plastique très brunâtre. En dissolvant le contenu dans l'eau, on voit qu'il est composé de corpuscules fort petits animés du mouvement brownien et de Spermatozoïdes très vi- vants, et d'autant plus agités, que l’eau a mieux dissous la matière visqueuse. Dans la seconde poche, la plus voisine de l'extrémité et la plus longuement pédonculée, on trouve du sperme blane filant et cou- 1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool , 4° série, t. XL, pl. 10, fig. 9. P, Verge. 2) Ibid., P. 3) ) ANATOMIE DU FLEUROBRANCHE, 274 lant, comme celui qui se trouve dans le canal excréteur de la glande oénitale. On se demande tout naturellement comment le sperme est-il arrivé dans ces poches? Est-ce pendant l'acte de la copulation? Cela est probable, surtout dans la seconde poche (1). On doit même penser que l'extrémité elfilée de la verge vient porter ce liquide dans l’orifice du pédoncule. Mais pourquoi deux poches, et d’où vient cette matière plastique dans l’une d'elles? Voilà des questions qu'il est pour le moment assez difficile de résoudre. $ IL. Accouplement et ponte. Lorsqu'ils vont s’accoupler, les Plenrobranches se placent ordi- nairement sous des pierres assez bien établies, pour que la vague ne puisse les faire rouler; ils se rapprochent par leur côté droit, et très probablement l’accouplement est double, les parties mâles de l'un des individus pénètrent dans les parties femelles de l’autre, et réciproquement. Pendant cet acte, les deux corps sont très rapprochés et pelo- tonnés en boule; ils m'ont paru en repos, et ne pas exécuter de mouvements. Les deux individus se séparent promptement et facilement quand on les tracasse, et la verge se raccourcit assez vite. C’est pendant le mois de juillet et au commencement d’août que, dans le port de Mahon, sur le eôté nord exposé au soleil, j'ai ren- contré des Pleurobranches le plus souvent en compagnie, et fré- .quemment accouplés. La fécondation a-t-elle lieu pendant l’accouplement? Ou bien le sperme, déposé dans les poches copulatrices, est-il versé au mo- ment de la sortie des œufs, et de leur passage dans cette annexe fe- melle qui les entoure de mucosité? À toutes ces questions, il n’est possible de répondre qu'hypothétiquement. Mais très probable- (1) Voy. Ann, des sc. nat.; Zool., 4° série, t; XI, pl: 40, fig. 8 (k'). 272 H. LACAZE-DUTHIERS. ment si le mème animal ne peut se suflire, le sperme, déposé dans les poches copulatrices, doit féconder les œufs à mesure qu'ils sortent. Très probablement aussi, un accouplement doit suffire à plusieurs pontes et plusieurs fécondations. On comprend maintenant combien il est difficile de faire des expériences sur la question de savoir s'il estnécessaire d’un accou- plement pour qu'un individu se reproduise, puisque, dans l’une de ses poches copulatrices, il peut longtemps séjourner du sperme capable encore sans aucun doute de féconder. La ponte s’accomplit bientôt après l'accouplement, et ne se fait probablement pas en une seule fois ; 11 doit y avoir plusieurs pontes SUCCESSIVES Le même individu dépose certainement plusieurs rubans d'œufs. Le Pleurobranche pond à peu près comme les Doris; il colle à une pierre peu éloignée de la surface de l’eau le commencement d’un ruban ; 1l tourne, en décrivant une spirale, autour de ce premier point, peu à peu enroule ainsi une bande mucilagineuse verticale, et disposée à peu près comme un ressort de montre. Quand la ponte est finie, 1l abandonne ; l'eau le gonfle à mesure qu'il sort, et les œufs se trouvent enfermés au milieu de son épaisseur. L'adhérence a lieu seulement par le bord en contact avec la pierre, tout le reste est libre (4), et flotte ballotté par les mouvements de l’eau. La hauteur ou largeur de ce ruban peut être de 4 à 1 centimètre 4/2. C’est surtout dans les parties du rivage du port voisines des ci- metières anglais et français que je trouvais en grand nombre ces rubans mucilagineux, dont la teinte jaune-orangé rappelait celle. de l'animal qui les avait produits. Quand on les examine attentivement, on voit que les œufs for- ment des trainées en chapelet transversales, et par conséquent perpendieulaires à la longueur du ruban; on doit croire que les œufs sont ainsi disposés en chapelet dans la partie pelotonnée de (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., #° série, t. XI, pl: 40, fig. 44. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 273 la glande annexe, et puis entourés dans la partie lisse de la muco- silé qui doit se gonfler et les protéger. Le ruban sort par l’orifice le plus postérieur (D), dont l'étendue transversale, assez grande et oblique, est telle que cette bande en sortant oceupe à peu près la position qu'elle aura plus tard, A Circulation artérielle dans les organes de la reproduction. I est maintenant facile de faire connaître la distribution assez complexe des artères dans lPappareil génital, on se rappelle que la description en avait été négligée. On a vu que la glande génitale elle-même reçoit le sang arté- riel de l'aorte postérieure, Tout le reste de l'appareil génital est alimenté par le premier tronc de l'aorte antérieure ; ce trone nait à droite, et se porte en faisant une courbe, d’abord en dehors, puis directement en arrière, vers les organes génitaux; il arrive sous les téguments à la base de la verge et tout près des orifices, en passant au-dessus de la poche copulatrice (2); Ril se divise en une série de branches qui paraissent constantes. Reprenons : avant d'arriver à la racine de la verge, une arté- riole très grêle (3) se détache en dehors, se porte en avant et en dessus en décrivant une courbe pour revenir en arrière ; elle est extrêmement déliée, et va se distribuer à peu près à toute l’éten- due de la seconde glandesalivaire, que l’on a vue former un feutrage au-dessous de tous les organes sur la face supérieure du disque pédieux. Dans la figure qui accompagne ee travail, il s’en faut de beaucoup que toutes les ramilications, extrêmement ténues et dé- licates, qu’elle fournit, soient représentées ; il faudrait les supposer sur Ja figure représentant la glande (4). ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, &. XT, pl. 40, fig. 9 (o’), ) Ibid., pl. 8, fig. 3. ) Ibid": ) Abid., pl. 7, fig. 4. &e série. Zooc. T. XI. (Cahier n° 5) * 18 ( (2 (3 n 271 H. LACAZE-DUTHIERS. La deuxième artériole est celle qui pénètre dans la verge (artère pénienne) ; elle se distribue à Ta manière des artères. Rien de bien particulier à cet égard ; eette branche est externe comme la pre- mière (4). Le troisième trone est celui qui continuant la direction passe sur le côté postérieur de l’organe à mucosité, et fournit des rameaux à la partie lisse (2). Mais sur son trajet, cette troisième branche fournit encore en dehors une artériole, qu'on peut nommer vulvaire, dont les divisions serpentent à la base des plis qui en- tourent les orifices, et fournissent à ces plis de nombreux ranus- cules (3). L'artère génitale continue sa marche, et gagne le canal excré- teur, qu'elle longe presque jusqu'à la glaride génitale propre- ment dite (4); mais avant d'arriver là, elle fournit trois vaisseaux principaux. L'un d'eux, qui sera le quatrième, se distribue à la partie pelo- tonnée de la glande mucipare femelle (5). L'autre, le cinquième, se porte sur la grande poche copulatrice, lui fournit des ramuseules, et donne aussi de petites branches aux deux poches piriformes (6). Enfin le dernier ou sixième va en passant sous la poche copu- latrice à la glande annexe mâle (7). En résumé, on le voit, la circulation artérielle de l’appareil gé- nital est fort complète. On trouve dans la distribution des artères une disineuon entre la partie fondamentale et les parties acces- soires, puisque lune recoit le sang de l'aorte postérieure et l’autre de l'aorte antérieure, A) Voy. Ann. des sc. nal., zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 3 (t). (1) (2) Jbid., (y). (3) Jbid., (v). (4) Ibid., (3). (5) Jia. É ) ( ) 1bid., (z). (7 7) lbid., N. 6 ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 275 VI Organes de la vie de relation. Ces organes comprennent le système nerveux de la vie animale, celui de la vie végétative, et les enveloppes du corps. Sd. Système nerveux de la vie animale. Le système nerveux dans le Pleurobranche est bien développé, il présente comme dans tous les Mollasques des centres en nombre déterminés assez rapprochés et des parties périphériques. En ouvrant le corps en arrière et à la base des tentacules, on trouve la trompe et le bulbe lingual, en dessus d'eux les ganglions principaux que leur couleur orangée fait facilement reconnaitre. Si l’on enlève avec précaution le tube digestif, on rencontre le collier œsophagien constitué par quatre masses ganglionnaires, deux en haut, symétriquement placées au milieu, et deux latérales, l’une à gauche, l’autre à droite (4). Celles-ci sont un peu moins volumineuses que les supérieures ; elles sont assez voisines de ces premières et très éloignées entre elles. Un cordon nerveux trans- versal passant sous l’œsophage les unit et complète le collier. Les deux premiers ganglions sont ceux que l’on désigne habi- tuellement sous les noms de cérébroïdes où sus-æsophagiens (2), les autres sont les ganglions pédieux (3). A. Première paire de ganglions. — Ganglions sus-æsophagiens, cérébroïdes, cérébraux. a.—Ces ganglions sont arrondis en portions de sphères, acco- lées l’un à l’autre sur la ligne médiane, réguliers en arrière, (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1. XI, pl. 14 et 12. (2) Ibid., fig. 1, 2, 3 V. (3) Jbid., fig. 1,2, 3 X. 276 H, LACAZE-DUTHIERS. chargés de nombreuses origines de nerfs en avant ; on remarque sur leur bord antérieur un renflement à la base de l’une des ori- gines nerveuses. Ce renflement est, sans contredit, l’analogue tres restreint des ganglions cérébraux supplémentaires que l’on trouve dans quelques espèces (4). La commissure qui les unit n’est pas appréciable puisqu'ils sont accolés l’un à l’autre. Quant aux connechfs qui les mettent en rapport avec les autres ganglions, ils sont au nombre de trois paires : deux antérieurs vont aux ganglions du grand sympathique, nous les étudierons plus loin; deux les unissent aux ganglions pédieux (2), ils sont très courts, contrairement à ce qui à lieu habituellement, enfin deux autres les unissent aux ganglions génito-respirateurs où laté- rauæ. Ceux-ci, difficiles à étudier, seront décrits et indiqués avec Soin. b. —- Les nerfs qui naissent des ganglions sus-æsophagiens sont fort nombreux, leur distribution extrêmement étendue et leur importance très grande. Avec les individus 1l y a des différences pour le nombre et la grandeur de quelques filets secondaires; mais les principaux nerfs semblent ne pas varier dans leur origine et leur distribution. En dehors, tout près eten avant du connectif cérébro-pédieux, nait le nerf le plus volumineux , celui qui à aussi le plus d’éten- due (3), et qui se distribue de chaque côté au bouclier tégumen- taire dorsal. Apres son origine il se porte flexueux en arrière en restant pa- rallèle au bord du bouclier ; il correspond presque au sillon unis - sant le pied et le disque dorsal, à où Pon a vu les sinus veineux circulaires; 11 gagne Pextrémité postérieure du corps en devenant (1) Voy. Ann. des sc, nat., zool., 4° série, L. XL. Voir spécialement les figures 2, 3 et # de la pl. 42, où les ganglions sont grossis. (2) Ibid. (w). (3) Jbid., pl. A1, fig. 4 æ. On n'a représenté que le nerf de droite afin de placer sur la même figure les nerfs pédieux de “auche; mais, de ce côté, la même chose se répète. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 3 19 77 de plus en plus grêle, épuisé qu'il est par les nombreux ramuseules qu'il donne dans son trajet. On peut remarquer un rameau secondaire assez constant qui se détache non loin de l'origine de ee nerf, vers le point où sa direction change ; ilse distribue à la partie antérieure du bou- clier dorsal, celle qui retombe sur les veux et la base des ten- tacules. Les filets destinés au centre du dos de l’animal sont moins nombreux que ceux qui vont au bord du limbe du bouclier. Dans ee dernier point ils se divisent et se subdivisent, puis s’anasto- mosent (4) et présentent tout à fait l'apparence d’un réseau ; sou- vent dans les angles d'union anastomotiques, on rencontre de tout pelits renflements ganglionnaires très distinets. Cela, du reste, est en rapport avec ce que beaucoup d’autres Mollusques présen- tent (2). Ce nerf peut être nommé nerf de la première paire ou grand nerf cutané dorsal. Évidemment il préside à la sensibilité de tout le dos, et celle sensibilité est très grande. De chaque côté, en avant el en arrière, et tout près de lui deux nerfs secondaires qui ne paraissent pas constants pour leur volume surtout, parfois même pour leur existence, naissent encore du ganglion sus-æsophagien (3), et se distribuent aux parties anté- rieures et latérales du bouelier dorsal ; ils sont d'autant moins ou d'autant plus développés, que les deux premiers rameaux du grand nerf cutané dorsal sont plus ou moins gros. Nommons:-les petits nerfs tégumentaires dorsaux antérieurs. Une autre paire nait encore tout près du grand nerf dorsal, à peu près au-dessous du petit nerf antérieur : e’est la paire qui se (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., pl. 11, fig. 4. Ces anastomoses n’ont été représentées qu'en deux points y y; mais elles existent de même tout le tour du bouclier, c'est pour ne pas trop charger le dessin qu'on ne les à pas repré- sentées. (2) Ce mode de distribution est très évident dans les Tethys leparina et Doris limbata. Chez ces animaux, celte division est beaucoup plus facile à étudier en raison de l'absence dans les téguments de spicules calcaires. (3) Voy. Ann. des se. nat., Zool , 4° série, pl. 12, fig. 4 (f, g). 9278 H, LACAZE-DUTHIERS. distribue aux bords du voile sus-labial (1); celle-ci est constante et très importante; elle se rend surtout aux parties latérales du voile. Vers le milieu de sa longueur, avant d'arriver au pli ou enfoncement que présente sur ses côtés le voile sus-labial, on lrouve un pelit renflement ganglionnaire, Groupons, comme nous venons de le faire, autour d’une autre paire importante, d’autres nerfs moins volumineux, mais très constants dans leur existence et leur distribution. En mettant à nu le cerveau, on remarque immédiatement près du point où se touchentles ganglions deux nerfs volumineux qui se portent dans les tentacules (2): c'est la paire tentaculaire. Cette paire n’est pas difficile à voir ; prenons-la comme point de repère. Le voile sus-buccal est animé par une seconde paire de nerfs (3); c’est la paire médiane ; elle est très grêle, et se distribue à la partie moyenne. On la trouve immédiatement à côté et en dedans de la précédente. En dehors de la paire tentaculaire et peut-être un peu plus en dessus qu’elle, on trouve une autre paire très grêle aussi, fort courte, conduisant à deux petits globes noirs qui sont les yeux : c'est la paire ophthalmique ; elle est constante (4). Sur un plan bien plus inférieur et relativement à la ligne mé- diane entre les deux paires du lobe sus-buccal, on en trouve une autre qui mérite le nom de proboscidienne, car elle distribue ses trois principales ramificalions (5) à la trompe, et, qu'on Île re- marque bien, uniquement à la trompe. On doit observer la liaison qui existe entre les nerfs de la trompe et la paire externe du voile suslabial; une anastomose récur- rente (6)les unit. Plus tard, dans un travail morphologique, je me (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, &. XI, pl. 44, fig. 2 (g), pl. 42, Ibid., pl. 11 et 42, figures diverses (p). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 279 propose de faire ressortir cette liaison, qui évidemment rapproche la trompe et le voile sus-buccal. Enfin c'est au-dessous de ce groupe de nerfs, dont la paire lentaculaire est comme le centre, que prend naissance la paire des conneclifs cérébr LL. (2). Revenons sur la distribution du nerf tentaculaire. A peine a-t-il pénétré à la base du tentacule, qu'il se divise en deux troncs (2) d'inégales grosseur et longueur : lun, plus gros, suit le dos du teutacule ; c’est celui que l’on voit seul quand on observe le tentacule enroulé (3). I présente au milieu de son éten- due, très souvent, un renflement ganglionnaire, quelquefois deux, mais cela est très variable; ses branches secondaires sont nom- breuses, se portent vers le bord externe. Le second trone, plus court, s'anastomose souvent en haut avec le premier, et fournit des branches au bord caché du tentacule, à celui qui devient interne par l’enroulement. En résumé, le cerveau fournit deux paires aux organes spéciaux, yeux et tentacules; trois au voile sus-buecal et à la trompe ; une très grande et deux autres très petits au bouclier cutané dorsal ; enfin trois paires de connectifs l’unissent aux ‘centres cérébraux Voisins. Est-il possible de donner un numéro d'ordre à chacune de ces paires? Je ne le pense pas ; car l’ordre qui conviendrait à telle espèce ne conviendrait probablement pas à telle autre. En effet, les nerfs sont développés en proportion de la partie à laquelle ils se distribuent ; or le disque dorsal, très développé ici, peut ne point l'être dans tel autre genre et telle partie qui prend le dessus, offre un nerf très gros qui déplace l'insertion. D'ailleurs, ce n’est pas sur une seule ligne latérale que naissent les nerfs, mais bien au- dessus les uns des autres. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, X1, pl. 12, fig. 2, 3 et 4 (x, æ). (2) id. . 4 (p). (3) Ibid. 2 (p). 280 HW. LACAZE-DUTHIERS., Résumons done ainsi les origines de ces nerfs sus-æsophagiens : latéralement se trouvent des paires de connectifs et des paires de nerfs cutanés dorsaux. Au milieu, en avant et en dessus, les nerfs des sensations spé- ciales ; encore au milieu, mais plus bas que ces derniers, prennent leur origine les nerfs Iabiaux proboseidiens et les connectifs sym- pathiques. On voit, d'après ces détails, que le Pleurobranche est largement partagé au point de vue de la sensibilité, ear les nerfs sont fort nombreux dans ses tissus. B. Deuxième paire de ganglions, ganglions pédieux, a. — La position de ces ganglions dans le Pleurobranche est différente de ce qu’elle est le plus souvent dans les autres Gastéro- podes ; en effet, habituellement , ces deux ganglions se touchent presque et leur commissure est extrêmement courte, Dans un grand nombre d'exemples, qu'il serait facile de citer, les ganglions pé- dieux sont rapprochés, comme on vient de voir unis et soudés les ganglions cérébraux. La conséquence de l'éloignement des gan- olions pédieux est leur rapprochement des ganglions cérébraux, et la très grande longueur de la commissure qui les unit (4). Il ne serait point étonnant que les deux ganglions pédieux, très éloignés l’un de l'autre, et devenus très voisins des ganglions cérébraux, n’eussent par quelques auleurs, dans quelques espèces de Nudibranches, été pris pour des ganglions cérébraux eux- mêmes ou supplémentaires. b. — Les otolithes reposent sur ces ganglions, et forment une petite tache blanche en arrière et en dessus (2). Leur forme est analogue à celle que présentent la plupart des Gastéropodes. L'examen microscopique fait reconnaitre en eux (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 11 et 12. (2) Voy. lbid., figures diverses, où l’otolithe à ét6 réservé en blanc sur le ganglion X. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 281 un petit sac (4) transversalement ovale, présentant des débris de membrane sur les côtés, restes évidents du névrilème général du système nerveux qui les entourait (2), et un prolongement que l'on peut croire être le nerf qui les met en communication avec le ganglion. Je dis on peut croire, car il est fort difficile de faire la dissec- tion de cette poche; aussi l’observe-t-on le plus souvent en enle- vant une parcelle du cerveau, et en comprimant un peu. Les corpuscules calcaires sont toujours nombreux, cvoides, allongés, assez réguliers, mais moins que dans quelques espèces que j'ai eu l’occasion d'observer. Les mouvements vibratiles d’un épithélium les tiennent sans doute réunis en une petite masse au centre du sac, comme cela "est si évident pour le Dentale, par exemple, 15 sont allongés et présentent au centre, quand on les observe isolés, une tache en croix comme une fêlure (3). C’est, du reste, ce quise voit très souvent dans les Acéphales et en particulier dans les Cyelades où cette particularité est très marquée. Le paroi (4) du sac présente une certaine épaisseur et une teinte particulière, ce qui permet de croire qu’elle est revêtue d'une couche de nature nerveuse. c.— Chaque ganglion pédieux donne quatre nerfs qui m'ont paru toujours distinets et constants. Le plus considérable est le postérieur (grands nerfs pédieux) qui descend (5) parallèlement à l'axe du pied et fournit des nerfs à droite et à gauche, à partir du ganglion jusqu'à l'extrémité | os- térieure. Le pied de presque tous les Gastéropodes présente en avant une sorte de dépression, qui tantôt forme un sillon transversal, c’est ici le cas, où bien un cul-de-sac; il me paraitrait nécessaire de (1) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t, XI, pl. 14, fig. 6 (b). (2) Ibid. (a). (3) Ibid. (4) Ibid. (5) lbid., fig. 2 (te); fig. 4 (v). 282 H, LACAZE-DUTHIERS. porter particulièrement son attention sur celte dépression, ce qui n'a pas été fait jusqu'ici, mais ce n’est que par de nombreuses comparaisons qu'on eut espérer d'arriver à quelque résultat satisfaisant, Sur le côté antérieur du ganglion pédieux, deux petits nerfs se détachent et se dirigent vers le pli dont il vient d’être fait men- tion (1); on peut les nommer petits nerfs pédieux antérieurs. Il ne serait pas impossible que cette partie du pied ne fût douée d'une grande sensibilité, et que les deux paires de nerfs qui vien- nent se distribuer dans son intérieur ne fussent peut-être des nerfs sensitifs spéciaux ; qu’on le remarque : je dis peut-être. Enfin, entre ces nerfs en avant et le grand nerf pédieux en arrière, on trouve un autre nerf, petit nerf pédieux (2), qui se distribue à la partie musculaire inférieure de l'extrémité antérieure ‘ du pied ; celui-ci est bien évidemment, comme le grand nerf pé- dieux, en rapport plus particulièrement avec le mouvement. L'origine de ee petit nerf pédieux est tout contre celle de la commissure (3) qui unit les deux ganglions pédieux. C. Troisième paire de ganglions. Ganglions génito-respirateurs. a.-— La paire que l’on peut distinguer ainsi par ce numéro d'ordre, est loin d’être désignée sous le même nom par les diffé- rents auteurs ; quand nous chercherons à quels organes elle donne les nerfs, nous discuterons la valeur de chacune de ces dénomina- tions. Décrivons d’abord. Il semble que la masse ganglionnaire correspondant à cette paire, n'existe, dans le Pleurobranche, que pour mémoire, tant elle est petite (4). C’est, du reste, un fait commun à beaucoup d’autres Nudibranches. Y a-t-il deux ganglions dans cette petite masse? c’est possible, mais il est difficile de le dire. (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XI, pl. 14 et 12, figures diverses, mais surtout fig. 4 (u, v). (2) Jbid., fig. 4 (1). G ) Ibid. ta 4 a (4) Ibid. les diverses figures Z. ANATOMIE DU: PLEUROBRANCHE., 283 Les conneclifs sont fort courts relativement, car habituellement dans les autres espèces (Aplysie, Bulle, Bullée, ete, ete.)les gan- elions sont fort éloignés. Tei on les voit s'ajouter ou s’'accoler à la commissure qui unit les ganglions pédieux (1), de telle sorte qu'il ne faut point considérer le collier œsophagien comme étant composé d'éléments homogènes, car 1l renferme une commissure et des conneelifs. IIS partent des ganglions sus-æsophagiens et donnent un petit filet anastomotique aux ganglions pédienx en pas- sant près d'eux (2). Les figures montrent bien plus clairement que la nature cette disposition, et les dissections sont délicates et minutieuses; pour arriver à trouver les parties, il faut chercher d'abord le petit ganolion à droite et sur le côté du ganglion pédieux droit; en iso- lant ensuite chaque chose on arrive à voir très nettement les COnNexIOnS. b.— Deux filets très grèles partent seulement de ee ganglion (3), ils marchent tous les deux en arrière, parallèles lun à l'autre et très rapprochés; ils passent au-dessous des annexes de la repro- duction, et se séparent seulement quand ils sont arrivés sur le côté gauche de la glande à la mucosité. Le plus interne doit recevoir le nom de nerf respirateur, le plus externe celui de nerf gémtal. Le nerf génital présente une particularité digne de remarque, il arrive sans présenter rien de particulier à peu près jusqu'au point où le canal exeréteur se bifurque, un peu plus loin il s’ac- cole à ce canal et le suit jusqu’à la glande où (4) on le voit se bi- furquer et où on le perd bientôt. Mais avant de s'accoler au canal excréteur, il recoit une branche anastomotique aussi volumineuse que lui-même, sans que cepen- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 44 et 12, figures diverses (b). (2) Ibid, pl. 12. Ce petit filet n'a point été désigné par une lettre, mais il suffit de regarder attentivement les figures pour le reconnaître, (3) Ibid., figures diverses (i, j). (4) Tbid., fig. 4 (o). 28/ H. LACAZE-DUTHIERS, dant son volume s’accroisse, qui lui vient d'un autre nerf génital dont nous n'avions pas parlé encore et qu'on peut nommer nerf copulateur. Celui-ei part du ganglion cérébral droit, entre le conneetif et le grand nerf cutané dorsal (1), gagne la base de la verge, se renfle là en un ganglion fort petit et variable, fournit des ramuscules à la verge (2), à la poche copulatrice, et le rameau (3) anastomotique qui le met en rapport avec le nerf génital proprement dit. On remarque la distinction qui existe entre le nerf copulateur et le, nerf génital proprement dit, L'un tire son origine d’un gan- glion destiné évidemment à la vie de relation, l’autre naît, au con- traire, d’un centre nerveux qui, dans l'espèce au moins, ne sem- blerait avoir de rapports qu'avec la vie végétative, puisque ses rameaux ne se rendent qu’à des viseères. Le nerf respirateur marche sous les viscères pour se porter à la base de la branchie (4), où il est très difficile de le suivre. Il passe sous le grand nerf tégumentaire dorsal, et va s’anasto- moser dans le repli falciforme qui soutient la branchie, avec deux nerfs rarement plus, nés sur le côté externe du grand nerf dorsal, un peu avant l'anus (5). De ces anastomoses résulte un réseau de petits filets très dé- liés, qu'on dissèque avec la plus grande peine, si les animaux ne sont pas dans un état de relâchement complet. Au milieu du réseau, on croit suivre la direction primitive du filet nerveux respirateur ; enfin, sur le côté droit du réseau, on voit de petits épaississements ganglionnaires, d'où partent les filets qui suivent la direction des troncs veineux qui vontapporter le sang à chaque feuillet branchial, On peut aussi remarquer que les mailles du réseau enferment des veinules principales de la branchie. Mais la branchie tire ses nerfs d’une autre origine encore. ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 12, fig, 4 (h). Ibid., (k). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 285 Quand on examine avec soin un Pleurobranche bien mort, et dans ces conditions où les nerfs deviennent opaques blanchâtres, tandis que les autres tissus se décolorent (ces conditions se présentent quand la putréfaction va commencer ; avec un peu d'habitude, on arrive à les reconnaître), on voit sur la veine branchiale (1) un nerf assez gros et toujours facile à distinguer qui serpente jusque vers l'extrémité de la branchie en donnant à droite et à gauche un rameau aux vaisseaux qui arrivent des feuillets branchiaux. Or qu'on suive ce nerf en remontant vers le centre; que l'on s’entoure de toutes les précautions nécessaires pour les préparations lines et délicates, et l’on acquerra la certitude que le filet arrive Jusqu'au niveau du grand nerf tégumentaire dorsal (2) en passant au-dessus et assez près de l’orifice extérieur de la cireulation. Ainsi voilà un fait qui semble positif, si du moins il n°y a pas eu d'erreur de dissection ; les nerfs branchiaux viennent de deux sources : du ganglion respirateur, pour la partie veineuse où in- terne ; du cerveau, par l’intermédiaire du grand nerf dorsal, pour la partie qui apporte le sang au cœur. ce. — En face de ce fait, demandons-nous quel nom il convient d'adopter pour ce ganglion latéral, si exigu dans l’espèce qui nous occupe ? Avant de répondre à cette question, je dois ajouter encore que, sur l'oreillette, on trouve des filets nerveux évidents, mais qu'il m'a été impossible, vu leur délicatesse, de les suivre jusqu'à leur origine. Si l’on invoquait l’analogie, lout porterait à croire qu'ils naissent des nerfs branchiaux ou génitaux. M. Blanchard appelle ganglions cervicauæ des ganglions plus ou moins développés, et placés, dit-il, sur les côtés des ganglions cérébraux, fournissant les nerfs cervicaux cardiaques qui condui- sent eux-mêmes au quatrième groupe de ganglions, nommé par lui ganglions branchio-curdiaques (3). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., &° série, t. XI, pl. 41, fig. 4 (n'). (2} Tbid., (c). (3) Voy. Blanchard, Voy. en Sicile, Organisation des Opistobranches, mars 1848, Ann. des sc, nat., Zool., 3° série, t. IX, p. 180. 286 HW, LACAZE-DUTHIERS. I nous parait diflicile de faire concorder la deseription de M. Blanchard avec celle qui vient d’être donnée, ear nous n'avons pas trouvé « de chaque côté, sur un plan un peu inférieur aux » ganglions cérébroïdes, un centre nerveux d'un volume assez » considérable (4) » {ganglions cervicaux Blanch.). On n'a pas vu davantage « les nerfs d’un volume assez considérable descendant » parallèlement au tube digestif, » et nés l’un et l’autre des gan- glions cervicaux, à moins qu'il ne faille considérer, comme étant les deux nerfs cervicaux cardiaques, les deux nerfs respirateur et génital qui partent du petit ganglion asymétrique de droite (2). Je me propose de résumer dans un travail général ce que l’ob- servation d’un nombre assez considérable de types m'a fourni, et j'aurai le regret de ne pouvoir être toujours d'accord avec M. Blan- chard ; ce regret sera d’autant plus vif, qu'il est périlleux d’avoir à contredire un aussi habile anatomiste, et que j'aurai devers mot la crainte d’avoir peut-être trop préjugé de mes forces en face des travaux si nombreux et si bien conduits où exécutés par cet habile naturaliste. J'avoue pourtant qu'il me parait difficile d'admettre les quatre eroupes de ganglions, tels que les indique M. Blanchard ; et quand on les admettrait, le nom de branchio-cardiaques ou de cervicaux ne ferait pointjuger de lune de leurs attributions très importantes, puisqu'ils fournissent aux organes génitaux. Il me paraît du reste sage, dans les comparaisons des résultats obtenus par d’autres que soi, de toujours tenir grand compte des espèces disséquées. Ilest très probable que M. Blanchard et moi n'avons pas observé les mêmes espèces, car il dit : « Les ganglions cérébraux des Pleurobranches sont écartés, » et l’on vient de voir qu'ils se touchaient; l’on doit bien entendu éloigner toute suppo- sition d'erreur : en pourrait-on attribuer, en effet, à un anato- miste aussi habile, et qui a si souvent fait ses preuves ? Ceci prouve encore quelle réserve il faut apporter dans lés gé- néralisations, el surtout quelle prudence il faut mettre à critiquer (1) Loc. cit., p. 180. (2) Il n'est pas questiün ici des ganglions pédieux. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 297 les travaux, quand les espèces que lon a étudiées ne sont pas tes mêmes. Dans un travail général, M. T. H. Huxley a réduit à trois le nombre des groupes ganglionnaires, et il appelle celui qui nous occupe en ce moment pariéto-splanchnique (À). Sans chercher à apprécier iei l’ensemble des recherches du sa- vant professeur anglais, d’abord parce que je crois que les résul- tas auxquels il est arrivé sont plus en rapport avec ce qui existe, et ensuite parce que ce n'est pas le lieu, je me demande si le nom est applicable dans l'espèce. Nous n'avons vu aucun filet ailer aux parois du corps; nous auraient-ils échappé? C’est possible, mais pourtant peu probable, en raison des nombreux détails indiqués. En ne considérant que le Pleurobranche, on pourrait appeler ec ganglion génito-respirateur. Mais si, comme cela doit être, il donne les filets nerveux du cœur, cette partie de sa destination ne se trouverait point indiquée. (4) Voy. le travail de M. T. H. Huxley, présenté à la Société royale de Londres en 1852 : « On the Morphology of the cephalous mollusca (Philosophical transaction, 1853, p. 54). » « LIT Under the name of Parielo-splanchnic system of ganglia, L include the » branchial and visceral ganglia of most authors, and the cervical, branchio- » cardiac, and angeial ganglia of Blanchard. This system consists of two pri- » mary ganglia wich are always to be found at the side of the œsophagus, con- » nected with both the pedal and cephalic ganglia, and for wich I reserve » specially the term parieto-splanchnic ganglia ; from there nerves are given » Off. » À, Parietal, to the side of the body, as distinct from the foot. » 2. Columellar, lo the shell-muscle or muscles, of wich there are twoin Octopus, Nautilus, and Cymbulia ; one in the Gasteropoda. »3. Branchial to the branchiæ, > » 4. Angeial, to the heart, and great wessels and generative organs. » Separate ganglia. answering to the three latter sets of nerves, maÿ be found in the dibranchiate Cephalopoda : to the two last in the Heteropoda ; a single ganglion corresponding to all of them is found in Aplysia, Buccinnus, Turbo, Paludina, etc. Two such exist in Strombus and Pteroceras. » The angeial ganglia, wherever they exist separaey, are placed above the » aorta and united by a commissure. » LA 7 288 HN. LACAZE-DUTHIERS. J'espère établir d'une manière incontestable dans un autre tra vail, que ces ganglions sont le plus souvent dans les Gastéropodes plus où moins asymétriques et sur le côté droit; dès lors, ne serail- il pas possible de leur donner un nom quifütüré de cette position, nom qui ne préjugerait en rien leur attribution ? Mais en consi- dérant bien tout, une difficulté s'élève tout de suite. Si l’on veut comparer les principales divisions du groupe des Mollusques, le nom tiré de cette position chez les Gastéropodes ne devient-il pas fautif, lorsque l’asymétrie disparait. Le nom de Dextéro-latéraux que j'avais eu lidée d'employer d’abord, en s'appliquant donc aux Gastéropodes avantageusement, pouvait être inexact pour d’autres, dont toutes les parties de organisme seraient symétriques. Tout bien pesé, peut-être les deux mots de génito- respirateur indiquant les fonctions les plus saillantes auxquels ils se rapportent, suffiraient-ils pour la désignation. En tout cas, ce mot composé vaudrait peut-être mieux que celui de branchro- cardiaque ; car la fonction de reproduction est plus distinete de la respiration que la cireulation ne l'est de la respiration. Si l’on voulait employer une autre nomenclature générale, on pourrait donner des noms à chacun des groupes tirés de la post- tion relativement aux ganglions cérébroïdes, et cela aurait certai- nement un avantage. Mais ce serait, dans le cas spécial qui nous occupe, trop étendre des considérations qui trouveront mieux leur place dans un travail général. Une dernière observation générale sur les trois centres nerveux du Pleurobranche. — On s'est beaucoup occupé de ce que l'on a appelé la centralisation du système nerveux; sans contredit il y a ici un exemple frappant de cette centralisation. Les ganglions pédieux s’écartent eux-mêmes lun de l'autre, puis remontent sur les côtés et se rapprochent des ganglions cérébraux. Le collier œsophagien est formé directement par les ganglions. Si l'on vou lait trouver dans cette centralisation un caractère de supériorité, le Pleurobranche occuperait une place distinguée parmi les Gasté- ropodes ; mais l'importance de ce caractère est-elle b'en ce qu'on a voulu en dire, et quand nous étudions un de ces peuls el si ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 299 délicats Nudibranches, qui ont donné lieu à de si nombreuses dis- cussions, {ant leur organisation est imparfaite relativement à celle des autres Gastéropodes, n'y trouvons-nous pas une centralisation tout aussi grande que dans le Pleurobranche et les Thétys? Deman- dons beaucoup à l'anatomie comparée, cherchons avec les lu- mières qu'elle nous fournit un guide pour la distribution métho- dique des espèces, mais n’exagérons pas son emploi dans les classifications. UT Du système nerveux de la vie végétative ou grand sympathique. La disposition du système nerveux de la vie végétative est, dans le Pleurobranche, ce qu’elle est dans les autres Gastéropodes. Deux ganglions en forment le centre; ils sont volumineux, de couleur orangée, toüt à fait sphériques, assez rapprochés pour se toucher, mais non pour se confondre (4) etse déformer. On les trouve sous l'œsophage tout près de son origine sur le bulbe lingual. C’est toujours R qu'il faut les chercher dans les Gastéropodes, et si leur position semble changer quelquefois, cela üent uniquement aux formes et aux proportions très variables que présentent le bulbe lingual, la trompe et lœsophage. Les connectifs qui mettent ces ganglions en rapport avec les ganglions cérébroïdes, naissent en avant et en dessous de ces derniers, assez près de la ligne médiane (2). On les trouve en gé- néral très tortueux, cela devait être, car l'allongement qu'éprou- vent les parties quand la trompe est projetée hors du corps, aurait pu produire des Uraillements qui sont évités par les nom- breuses flexuosités. On les voit sur la face supérieure du bulbe lingual et de la trompe. De ces ganglions partent deux paires de troncs principaux. (1) Voy. Ann. des sc nat., Zool., 4° série, t, XI, pl. 42, fig. 2 Y, (2) Zbid., fig.2,3,4 (5,4). i 4° série. Zoou. T. XI. (Cahier n° 5.) 5 19 290 H. LACAZE-DUTHIERS. L'une inférieure, la linguale, va se distribuer au bulbe lingual, les deux nerfs qui la forment naissent près du connectifet se portent en dehors, puis donnent des ramuscules qui vont aux différents museles (1). Qu'on le remarque, et les différents dessins ont été disposés de manière à mettre ce fait hors de doute, la trompe est parfaitement distincte du bulbe lingual par les nerfs qui se distribuent dans ses parois (2). Jamais un filet du grand sympathique ne vient à la trompe, et réciproquement, jamais un des nerfs nés sur le ganglion cérébroïde n'arrive au bulbe lingual ; on peut dire par cela seul que la trompe et le bulbe lingual sont, morphologiquement par- lant, deux choses tout à fait distinctes. La seconde paire est supérieure; on peut lui donner le nom d'æsophagienne, où plus particulièrement de viscérale, ou bien enfin de grand nerf sympathique (3). Elle se porte sur les côtés de l’œsophage, fourrit un ramuscule à chacun des canaux salivaires (4), quelques branches à la pre- mière partie de l’œsophage (5), puis descend, sur les côtés de ce tube, jusqu’à l'estomac (6) où elle se subdivise sans changer de volume, et forme des réseaux irréguliers très variables avec les individus, enfin les deux branches s’anastomosent plusieurs fois entre elles. On reconnaît dans tout cela des caractères du grand sympathique en général. Les préparations sont fort délicates, et le plus souvent après l'œsophage quandil s’agit de poursuivre lesfilets nerveux plus loin, on éprouve une grande difficulté; ici en particulier, la dissection devient d’une difficulté extrême et on a de la peine à aller au delà de la poche stomacale. Encore ici comme cela est arrivé déjà plusieurs fois, je dis ce (4) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XI, pl. 42, voyez surtout la figuré #4. (2) Ibid., (3). (3) Ibid., fig. 2 (w). (4) Ibid., les deux figures précédentes 2 et 4. (5) Zbid., (z', z!), (6) Ibid, fig. 2. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 291 que J'ai vu et ne généralise pas. Je crois même, si j'en juge par d'autres préparations sur d’autres espèces, que quelques filets m'ont échappé. Vers l’étranglement qui sépare l’estomac de l'intestin, on voit (4) que les angles du réseau se renflent tantôt en deux, trois, quatre petits ganglions irrégulièrement disposés, et peu constants dans leur nombre, leur position, leur volume, ete. Cependant l’idée générale qui ressort de cette disposition est que, vers l'endroit où débouchent les canaux hépatiques et où commence l'intestin, le grand sympathique fait comme un collier autour du tube digestif ; cela est constant dans bon nombre d’autres Mollusques gastéro- podes. L'habitude à prévalu et l’on nomme les parties du système nerveux, dont on vient de suivre la description, Système de la vie organique où grand sympathique. Cependant, à certains égards, la partie correspondant au ganglion génito-respirateur mériterait aussi bien le même nom. Dans les Articulés on les a appelées stomato-gastriques, et ce nom est peut-être préférable, car il indique bien les parties qu’il à sous sa dépendance. Toujours est-il que dans les Mollusques pas plus que dans les animaux supérieurs, la distinction absolue entre le système ner- veux présidant aux phénomènes de la volonté ou de l’animalité, et le système nerveux ayant les phénomènes vitaux proprement dits ou de nutrition sous sa dépendance, n’est absolue ; il y a une ten- dance à cette distinction, mais il n’y a rien de tranché. Exemple : ces nerfs branchiaux qui partiraient, S'il n’y à pas eu d’erreur de dissection, d'un nerf cutané ; et d’une autre part ces origines des nerfs copulateurs différant de celle des nerfs génitaux proprement dits. La copulation est cependant un phénomène qui suppose la volition, la sécrétion génitale au contraire n’a rien de commun avec celte action directe du cerveau. Enfin ne peut-on admettre que dans la branchie qui est émi- (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool.; 4° série, t, XI, pl. 12, fig: 2 (F'). 292 H. LACAZE-DUFNWIERS. nemment sensible, et qui se retire sous l’influence dela volonté de animal, il était nécessaire, non-seulement de nerfs spéciaux (nerfs respirateurs), mais de nerfs sensitifs et moteurs (nerfs res- pirateurs venant du grand nerf dorsal tégumentaire). Ces considérations générales sont pleines d'intérêt et leur impor- tance ne peut échapper à personne, mais leur développement trouve mieux sa place ailleurs. $ IL. Des organes de la locomotion et de la sensibilité, Des téguments. a. — L'organe principal, et l'on pourrait dire unique de la locomotion est, dans le Pleurobranche, le pied. C’est un disque musculaire, allongé, ovale, étendu sur toute la face inférieure du eorps, qui présente les caractères qu'on lui assigne dans la plupart des Gastéropodes, surtout des Gastéropodes Nudibranches et Tectibranches. Sa contractilité est très grande, de mème que sa dilatabilité, il se dureit fortement quand on l’irrite, il se moule exactement sur les corps pendant les mouvements et adhère comme toujours en ne laissant rien d’interposé entre lui et le corps sur lequel il s’at- tache. Aussi le Pleurobranche, quand il le veut, adhère fortement aux pierres, au fucus, etc., ele. Le petit sillon transversal (1) qui se trouve à son extrémité an- térieure, a été déjà signalé à propos du système nerveux ; il serait à propos dans un travail général de fixer l'attention sur lui. Si tout le corps jouit d'une très grande sensibilité, deux parties semblent jouir cependant d’une propriété tactile plus marquée. b.— Le voile sus-buccal est évidemment un organe du toucher, car lorsque 1e Pleurobranche avance on lui voit abaisser cette partie et la promener lentement à la surface des corps sur lesquels il rampe. (1) Voyez, Ann. des sc. nal., 4° série, t. XI, les diverses figures d'ensemble où les tentacules sont représentés (Q, Q, Q). ANATOMIE DU PLEUROPBRANCHE. 295 La physionomie de Fanimal est, quand il couvre ainsi en avant de lui les aspérités des corps avee son voile sus-labial, très singu- lière; on croirait que le voile est une sorte de trompe qui sort de sous-bouclier dorsal. Cette particularité est en rapport avec ee qu’on à vu dans la distribution des nerfs, car le voile est spécialement riche en filets nerveux, tirant leur origine de eette partie qui semble présider plus directement à la sensibilité générale ou spéciale du ganglion céré- broïde. e.— Les tentacules ont dans les Pleurobranches une forme toute particulière, ils sont à peu près cylindriques; mais quand animal les développe, ils se courbent et leur extrémité supérieure se porte en arrière. En les examinant de près on voit que leur som- met présente un orifice, ce qui les a fait décrire quelquefois comme creux et tubuleux. L'apparence est bien celle d’un tube, mais le tube est produit par le recroquevillement, comme une oublie, de la lame qui les forme. Dans l’une des figures (4) qui accompagne ce travail, on trouve le tentacule droit déroulé et sa lamelle étalée. L'un des bords est plus long que l’autre, c’est celui qui reste externe; l’autre plus court se reploie en dedans et par conséquent est le plas interne. On a vu combien les tentacules sont riches en nerfs, aussi, sans aucun doute, sont-ils en rapport avec là sensibilité spéciale. M. Hancock (2) a, dans un mémoire fort intéressant à tous égards, fait des rapprochements très ingénieux qui Pont conduit À regarder comme organes de lolfaction ces tentacules des Mollus- ques. Celte opinion ici semblerait tronver üne confirmation, à n’en juger du moins que par les faits d’ane observation simple. Le voile susbuccal est un organe du toucher, cela n’est pas douteux; il apprécie les corps en s'appliquant sur eux en avant de l'animal, et les tentacules recourbés en arrière ne m'ont jamais paru toucher, täter, palper les corps. (1) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t, XI, pl. 12, fig. Q. (2) Voy. Annales and magazine of natural history, série 2°, 1852, t. IX, p. 188 : On the olfactory apparatus in the Bullidæ. 294 HW. LACAZE-DUTHIERS. Vers leur base, à leur racine en dehors, on voit un petit orifice, terminaison du canal central, et qui permet à l’animal d'établir, à l'aide, sans doute, de eils vibratiles, un courant dirigé au travers du tube, de son extrémité à sa base, Ïl y à là, bien certainement, une très grande analogie avec les tubes olfactifs que quelques poissons présentent, d, — L'enveloppe générale du corps, qui dans le courant du travail a été presque toujours désignée par le nom de bouclier téqu- mentaire dorsal, est-elle le manteau ? Les auteurs sont loin d’être d'accord pour déterminer la partie que ce nom sert à désigner. On appelle manteau l'enveloppe générale du corps. Dans cer- tains exemples nulle difficulté, mais en suivant les modifications des formes, on arrive à trouver de telles différences que, dans quelques cas, c’est le pied lui-même qui remplace comme enve- loppe générale le manteau. Je crois qu'ilest encore fort difficile de bien préciser exacte- ment ce qui est le manteau, car les caractères positifs applicables , à toutes les divisions des Mollusques nous manquent. Dans un travail de morphologie extrêmement remarquable et important, M. Huxley (1) a cherché à déterminer exactement celle partie du corps, mais les résultats qu'il a consignés diffèrent un peu des appréciations données par d’autres malacologistes, et j'avoue moi- même que je me trouve fort embarrassé pour donner une définition précise et exacte, Aussi cette partie, que l’on désigne dans les ouvrages descriptifs par le nom de manteau, a été désignée constamment dans ce travail par ces mots le bouclier dorsal, nom qui n'implique aucune opinion relative à l'origine. Quand on fend sur la ligne médiane ce bouclier charnu, on tombe dans une cavité très vaste au-dessous de laquelle on voit par transparence les viscères, le cœur, la masse viscérale, etc., et vers l'extrémité postérieure la petite coquille (2). (1) Voy. Ga morphology of Mollusca, Trans. philosophiques . (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 8, fig. 1. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 295 Or, l’on a défini quelquefois le manteau, la partie qui produit et sécrète la coquille ; d’après cette définition, le manteau ne serait donc pas le disque qui limite cette cavité en dessus, mais bien la pellicule mince qui revêt les viscères et qui est sous la coquille. Toutefois ce ne serait pas à une difficulté que cette position anormale de la coquille, car dans les Bullées, la coquille est aussi enfermée dans une cavité, dont on a peine à trouver l’orifice, et dans l’Aplysie on verrait le passage insensible entre ces cavités eloses et une bourse offrant un large orifice. Mais si l’on voulait déterminer la nature des parties par la loi des connexions, c’est- à-dire par la distribution des nerfs, on se trouverait encore peut- être un peu plus embarrassé sur le cas du Pleurobranche. J'ai déjà répété souvent que je désirais laisser à ce travail tout son caractère de spécialité, réservant les généralités pour plus tard, Pour aborder une question qui nécessiterait de nombreuses comparaisons, il faudrait s'occuper de plusieurs espèces à la fois ; alors on pourrait utilement discuter les opinions des différents au- teurs, et arriver à des rapprochements généraux. Quoiqu'il en soit de la détermination exacte de la partie du corps du Pleurobranche, qui correspond au manteau des autres animaux, une particularité très remarquable se présente. Le bouclier dorsal renferme en grand nombre deux espèces de corpuscules calcaires, qui servent à le soutenir, sans doute, à défaut d’une grande coquille protectrice. En enlevant avec les ciseaux un petit lambeau de sa surface supérieure, on voit (4) d’abord sur son bord des cils vibratiles, puis une couche cellulaire parsemée de nombreux noyaux de ma- tière colorante orangée (2), puis mélangés aux fibres contractiles qui se croisent en tout sens, les corpuscules (3) lenticulaires plus ou moins ovales et réguliers. L’acide nitrique dissout ces corpuscules avec effervescence en ne laissant qu'une apparence de vésicule et un noyau souvent (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t, XI, pl. 44, fig. 3. (2) Ibid. (c). (3) Ibid., (a). 296 H, LACAZE-DUTBIERS, coloré. Très probablement les noyaux orangés ont servi de centre de dépôt à la matière calcaire, qui a fourni ces petits calculs eu- (anés. Dans toute l'étendue du dos on voit encore de petits orifices (E) microscopiques qui sont les ouvertures des cryptes logés dans l'épaisseur du tégument et qui versent à sa surface cette mucosité dont les Mollusques sont toujours couverts et qu'ils répandent comme moyen de protection où de défense, quand on les prend dans la main. Enfin on trouve encore dans les féguments, mais plus particu- lièrement à la base du voile sus-buceal et des tentacules, c’est-à- dire en avant, de très nombreux spicules (2), habituellement à trois branches, qui sont aussi solubles avec effervescence dans l'acide azotique. Les bords de ces spicules, trieuspides, sont transparents et lisses, le centre renferme comme une matière grenue plus obseure. La présence de ces deux ordres de corpuscules rappelle ce que l'on observe surtout dans les Doris et qui a été étudié et repré- senté avec tant de soins par M. Hancock, dans son travail st remar- quable (3) sur les nudibranches. Quant à la coquille, elle a été bien décrite par les conchiholo- gistes, el je n'aurai rien de particulier à en dire. Elle est fort peute et présente une grande analogie de forme avec celle des Haliotides, moins les petits trous. Je ferai remarquer seulement qu'avec les espèces 11 y a une très grande différence pour la grandeur; Île Pleurobranche orangé à à sa coquille à peine 5, 6, 7 millimètres de long, tandis que le Pleurobranche ocellé de la mème taille l’a bien plus grande, un centimètre et demi au moins; quant au Pleuro- branche de Meckel, sa coquille est en rapport avec sa taille, au moins si j'en juge par l'individu mutilé que j'ai observé. (1) Voy. Ann. ües sc, nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 11, fig. 3 (c). (2) Ibid, fig. 4. (3) Voy. British nudibranchiate Mollusca by 3. Alder and À. Hancock (Ray Society). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 297 Telle est l'histoire anatomique du Pleurobranche orangé ; on ne trouvera pas ici en terminant un résumé qui permette de faire des rapprochements zoologiques. Sans aueun doute, c’est une chose importante et utile que de chercher la place que doit occuper un être quand on vient d'étudier avec soin son organisation ; mais Il n'existe pas assez de différence entre les résultats auxquels on pour- rait être conduit et ceux qui sont déjà consignés dans la science, pour que, isolément du moins, il soit nécessaire de rechercher une position nouvelle dans le cadre zoologique. Un tel travail serait mieux à sa place dans une revue des classifications après des études multipliées sur l'organisation des principaux types que l'on considère avec juste raison comme voisins du Pleurobranche. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres dont la signification est la même que dans les figures des sept planches. A— Trompe. N— Glande annexe mâle. B— Bulbe lingual. O— Orilices génitaux. C— Estomac. P— Verge. D — Intestin. Q— Tentacules. E — Glandes salivaires ordinaires. R— Voile labial. F — Glande salivaire supplémentaire.| $ — Bouclier tégumentaire dorsal. G— Foie. T— Pied. H— Cœur. U— OEil. I — Branchie. V— Cerveau ou ganglions sus-®@so- J — Organe de Bojanus. phagiens. K— Poche copulatrice principale. X — Ganglions pédieux. L — Glande à mucosité,annexefemelle.| Y — Ganglions sympathiques. M— Glande génitale ( ovaire et testi-| Z — Ganglions génito-respirateurs. cule). / PLANCHE 6. Organes de la digestion. — Structure du foie, des glandes salivaires ordinaires et de l'intestin. Fig. 4. Un Pleurobranche ouvert par le dos, pour montrer le tube digestif isolé, débarrassé de tous les autres organes. A, trompe à moitié saillante ; a, orifice cutané par où sort la trompe ; b, véritable orifice buccal à l'extré- mité de la trompe; B, bulbe lingual; c, œsophage; C, estomac; D, intestin ; E, glandes salivaires ordinaires mélangées au parenchyme du foie G. (e) con- duits excréteurs de ces glandes allant déboucher près de l'origine {c') de l'œso- phage; (f) bout du conduit excréteur de la glande salivaire supplémentaire s'ouvrant entre le bulbe et la trompe; (g) conduits excréleurs du foie 298 H. LACAZE-DUTHIERS,. Fig. 2. Une portion de ces arborescences blanchâtres E de la figure 4 ou glandes salivaires. Fig. 3. Partie d'une glande ‘salivaire ordinaire intermédiaire au canal excré- teur (q) et au parenchyme sécréteur (r), pour montrer la différence de struc- ture des deux parties. Fig. 4. Coupe du tube digestif vue au microscope pour montrer les corpus- cules calcaires (x) qui se trouvent dans la couche musculaire. Fig. 5. Portion d'un grain du foie, (u) cellules hépathiques (3) et (w) agglo- mération de petits corpuscules qui semblent analogues à ceux renfermés dans les cellules (u) et (x), il y a des cils vibratils; (4, 1’) cellules allongées ren- fermant de petits corpuscules, solides, calculeux sans doute : (v) calculs, de teinte noir-brunâtre, calcaires faisant effervescence dans l'acide azotique. PLANCHE 7, Glandes salivaires supplémentaires, position et structure, — Langue, sa composition. Fig. 4. Un Pleurobranche dont tous les organes ont été enlevés, pour mon- trer la position de la glande salivaire supplémentaire F, F, F, dans le fond de la cavité viscérale. (/) canal excréteur venant s'ouvrir entre la trompe A et le bulbe lingual B ; (e) reste des conduits salivaires ordinaires ; (c) æso- phage ; (s) lambeau du bouclier tégumentaire dorsal. Fig. 2. Quelques débris de la glande vue dans la fig. 4 double de grandeur, et ici encore un peu grossie, La glande est composée exclusivement de tubes terminés en cæcum. Fig. 3. Extrémité de l’un des culs-de-sac de la fig. 2, fortement grossie pour montrer les cellules qui les tapissent (z) et les cils vibratiles qui se trouvent à leur face interne, même très près de la paroi (r’). Fig. 4. La trompe saillante À renfermant le bulbe lingual B qui s’est invaginé ; (c) œsophage; (p) langue ou pièce centrale; (q) lames latérales enfermées dans les lobes latéraux du bulbe ; (g') lobe moyen renfermant la langue. La trompe a été ouverte ainsi que le bulbe pour montrer la position des trois cavités dans les trois lobes du bulbe et les trois pièces qu’elles renferment. Fig. 5. Les trois pièces cornées, isolées et vues de profil dans leur position relative ; (p) langue ou pièce médiane ; (q) les lames latérales. Fg. 6. Trois rangs de dents ou crochets de la langue, dans la position où ils sont, telle qu'est placée la langue dans les fig. 4 et 5 ; (1) les talons; (r) le dos de la partie libre convexe et dirigée en avant. Ces dents sont supposées redressées comme elles le sont pendant la sortie de la langue, quand l'organe est rentré, la rangée (r) s’appliquerait presque sur la rangée (1). ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE, 299 Fig. 7. Une portion des plaques cornées latérales pour montrer leur composition en mosaïque de pièces losangiques, ayant une extrémité (v) qui fera saillie sur la plaque des angles latéraux obtus (æ) et un angle aigu postérieur (y) recou- vert par l'angle aigu saillant antérieur de la plaque postérieure. Ces dents régulièrement disposées sont représentées dans la position qu'elles occupent dans la langue telle qu'elle est posée fig. # et 5. PLANCHE 8. Circulation artérielle. Fig. 4. La cavité placée sous le bouclier dorsal tégumentaire et le péricarde sont ouverts, le bouclier dorsal fendu en avant laisse voir la base du tentacule gauche et du voile sus-labial; H cœur; (x) artère aorte postérieure que l’on peut suivre sur la masse viscérale : (y) artère stomacale; (2) artère intestinale ; (p) glande indéterminée placée à gauche du cœur et s'injectant avec la plus grande facilité ; (q) artère aorte antérieure, donnant : (ag) artère génitale ; (ap) artère pédieuse faisant une courbe pour se porter à gauche en (r) et donnant après : (4) artère tentaculaire droite ; (x) artère du voile sus-buccal ; (t'u') artère pour le côté gauche ; (al) l'artère linguale. La coquille (w), les muscles rétracteurs du bulbe lingual venant se fixer à la coquille. Fig. 2. Un Pleurobranche injecté et vu en dessus, le pied fendu sur la ligne médiane pour laisser voir la circulation du tube digestif; (a) orifice tégumen- taire de la trompe; (q) artère aorte antérieure ; (ag) artère génitale ; (ap) artère pédieuse qui croise le pied en sautoir et fournit deux ordres de branches, les unes antérieures peu développées (r q'), les autres postérieures très grandes(r'); (t) petite artère pédieuse antérieure qui n'existe pas toujours et qui est alors remplacée par les artères (rr'') ; (al) artère linguale ; (c’) artère æsophagienne. Fig. 3. Distribution de l'artère génitale ; (q) artère aorte antérieure ; (ap) artère pédieuse ; (ag) artère génitale générale; (t) artère pénienne ; (u) artère des annexes femelles ; {z) artère copulatrice et tronc terminal; (3’) artère terminale sur le canal excréteur génital ; (v) artère vulvaire ou de l'orifice; (y) artère de la partie lisse de la glande à mucosité; (x) artère de la partie pelotonnée. Fig. 4. Apparence de la glande indéterminée (p) de la fig. 4 à un faible gros- sissement. Fig. 5. Structure à un fort grossissement de cette même glande (a) les cellules du parenchyme unis, (b) id. séparées. “ PLANCHE 9. Circulation veineuse. — Orifice externe de l'appareil de la circulation, Fig. 4. Pleurobranche injecté en rouge par la veine branchiale (p) et vu de côté; (h) l'oreillette vue profondément, par transparence ; (q) orifice externe de la circulation ; (x +’) sinus circulaire péri-dorsal ; (y) anastomose de ce dernier 500 H. LACAZE-DUTRIERS. avec le sinus péri-pédieux qui lui fait suite ; (r) anastomose du sinus péri-dorsal et de la veine branchiale (p) ; (1) tronc veineux pour la partie antérieure du pied allant du sinus péri-dorsal; (u) tronc veineux du voile sus-buccal ; (v) tronc veineux du tentacule. Fig. 2. Le mème individu que fig. 4 vu par-dessus; (x) confluent des troncs (t, u, »,) désignés dans la fig. 4, qui commence le sinus péri-dorsal (x, z'); (y) sinus péri-pédieux ; (y, y) portion du sinus péri-pédieux fournissant au plexus veineux + de la fig. précédente; (vw) sinus viscéral ; (w') sinus dans lequel est la glande indéterminée. F3. 3. Communication de l'appareil de la circulation avec l'extérieur ; I bran- chie et veine qui apporte le sang à l'oreillette A; (h') ventricule; (r) anasto- mose veineuse dorsale ; (g)orifice externe de la circulation: (q') orifice interne du canal qui, du vaisseau placé avant l'oreillette, va à l'orifice externe, on voit le trajet du canal par transparence et l'entrée oblique, sous un repli falciforme dans le vaisseau. PLANCHE 10. Organes de Bojanus et de la reproduction. Fig. 1. Partie centrale du corps renfermant les viscères. Le sac de Bojanus J est ouvert, afin de montrer ses rapports avec F, la glande salivaire G, le foie M, la glande génitale ; (j) cul-de-sac au fond duquel est l'orifice d'entrée, (j') point où passent les vaisseaux et canaux génitaux : I branchie. Fig. 2. I La branchie rejetée à gauche pour pouvoir distinguer l'orifice d’en- trée (j) du sac de Bojanus placé sur elle en avant de l'anus (d). Fig. 3. Cellules composant le tissu du corps de Bojanus. Fig. 4. Concrétions ou calculs trouvés dans le sac de Bojanus, du Pleurobrancus testudinarius ; (p) grandeur naturelle ; (q) les mêmes grossies ; (r) les mêmes fortement grossies et brisées. Fig. 5. Pleurobranche ouvert par le dos, les organes seuls de la reproduction sont conservés ; P verge : O orifices génitaux ; K poche copulatrice principale ; (k, k') petites poches renfermant du sperme à des états différents : M glande géni- tale hermaphrodite; (m) canal excréteur de cette glande; N glande annexe mâle ; (n) canal excréteur mâle né sur le canal (m) et se continuant dans le pénis où on le voit très flexueux ; L annexe femelle, organe de la mucosité (partie lisse); (1) annexe femelle, organe de la mucosité (partie pelotonnée). Fg. 6. Spermatozoïdes ; (g) paquet de filaments bien développés ; (r, s, £) paquet de filaments bien développés, mais portant sur divers points de leur longueur, qui est variable, des débris des corpuscules qui les ont produits. Fig. 7. Un paquet de spermatozoïdes peu développés portant chacun des débris de cellules et réunis par leur tête, Fie, 8. Cellules mères, renfermant des cellules filles et formant le parenchyme de la partie mâle ou testiculaire. ANATOMIE DU PLEUROBRANCHE. 301 Fig. 9. Orifice externe de la reproduction ; P verge ; (n) canal spermatique dans l'intérieur ; (0) orifice de la poche copulatrice K ; (0) orifice de la ponte. Fig. 10. Paquet ou ruban d'œufs de grandeur et de position naturelles. ” PLANCHE 11. Système nerveux, Fig. 4. Pleurobranche vu du côté droit, bouclier tégumentaire dorsal relevé en haut et laissant voir le grand nerf tégumentaire dorsal (e), le grand nerf pé- dieux (t, t); I la branchie ; (n’) nerf respirateur tirant son origine du grand nerf tégumentaire; (n) les nerfs respirateurs du grand tégumentaire allant s’anastomoser avec le réseau du vrai nerf respirateur qu'on verra sur la planche suivante 12; (1’) petit nerf pédieux antérieur ; (u etv) les deux rameaux nerveux allant à l'extrémité antérieure du pied; U l'œil; Q tentacule; R lobe sus-buccal; V ganglion cérébral; X ganglion pédieux. Fig. 2. Pleurobranche vu par le dos, le côté dorsal gauche du bouclier a été enlevé; la figure a pour but de montrer les ramifications nerveuses partant du ganglion sus-æsophagien, le collier œæsophagien et le grand nerf pédieux, les lettres sont les mêmes que dans la figure précédente; (b) connectif unissant les ganglions génito-respirateurs Z et les ganglions sus-æsophagiens V ; (b) com- missure des deux ganglions pédieux ; (p) nerf tentaculaire; (q) nerf externe du lobe sus-buccal ; {r) nerf externe moyen; (é) réseau du bord du bouclier tégu- mentaire dorsal; X les ganglions pédieux sur lesquels on voit une tache blan- che, c’est l'otolithe. Fig. 3. Une portion du tégument dorsal; (a) petit corpuscule calcaire lenticu- laire ; (b) noyaux de matière colorante orangée; (c) orifice d'un crypte ou folli- cule muqueux. Fig. 4. Spicules calcaires tricuspides qui se trouvent surtout à la partie anté- rieure du corps. Fig. 5. Un nerf pour montrer le névrilème qui est lui-même rempli de ces cor- puscules calcaires. Fig. 6. Une otolithe; (a) les corpuscules calcaires isolés montrent la fêlure centrale; (b) la poche ou vésicule auditive. PLANCHE 42. Fig. 4. Pleurobranche vu par le dos avec les viscères enlevés moins les organes de la reproduction ; (a) connectif cérébro-pédieux ; (b) commissure pédieuse ; (c) connectif cérébro-respirateur; V ganglion sus-œæsophagien; X ganglion pédieux ; Z ganglion génilo-respirateur ; (e) grand nerf tégumentaire dorsal : ([ et g) petits nerfs tégumentaires dorsaux antérieurs ne sont pas toujours constants ; (+) nerf génital; (j) nerf respiraleur ; (k) nerf copulateur né du ce, 202 H, LACAZE-DUTHIERS. veau et donnant une anastomose ({) au nerf génital; (m) nerf respirateur arri- vant à la base de la branchie pour faire un plexus avec les petits nerfs res- pirateurs (n) nés sur le grand dorsal e; (0) nerf génital proprement dit allant à la glande en suivant le canal excréteur. Fig. 2. Cerveau et grand sympathique vus par le dos ; V cerveau; Y ganglions sympathiques placés sous l'œsophage ; (w) nerf salivaire ; (x) connectif cérébro- sympathique ; (s et b) nerfs proboscidiens; (g') anastomose du nerf sus-labial exterue et du proboscidien ; (3) nerfs grand sympathique ou æsophagien arri- vant sur l'estomac où ils forment un réseau; Y ganglions secondaires sym- pathiques près de l'origine de l'intestin. Fig. 3. Le cerveau vu au-dessous pour montrer l’origine des connectifs sym- pathiques (æ) (Z) ‘ganglion génito-respirateur ; (s) nerf proboscidien; (q) nerf externe sus-buccal ; (p) anastomose avec le nerf (s) sus-buccal. Fig. 4. Collier œsophagien grossi, et les nerfs qui en partent spécialement par la partie antérieure du corps ; (Z, à, j) ganglion génito-respirateur et les deux perfs; (1') nerf pédieux antérieur ; (u, v) nerfs de la partie antérieure voisine du pli du bord antérieur du pied; {s) nerf proboscidien ; (g') nerf latéral sus-buccal et son anastomose ; (r) nerf sus-buccal interne; (e) grand nerf tégumentaire dorsal ; (f) petit nerf tégumentaire dorsal ; (p) nerf tentaculaire avec sa distribution dans le tentacule Q déroulé: (x) connectif allant du cerveau au ganglion sympathique Y; y, nerf lirgual; s nerf œsophagien donnant 3’ le nerf grand sympathique, w le nerf du canal de la glande sali- vaire. Nora. — Les figures 3, 4, 5, pl. 6 ; 3, pl. 7; 5, pl. 8 ; 3, 4, 6, 7, 8,140, pl. 10; 3, 4, 5, 6 (a), pl. 14, ont été dessinées à l’aide de la chambre claire (Georges Oberhauser) avec l'objectif n° 5 (Nachet) et oculaire n° 4 (Nachet), le tube du microscope ayant 21 centimètres de long entre les deux lentilles extrêmes de l'oculaire et de l'objectif. La distance du papier à dessin était de 21 centimètres ; 5/400° de millimètre vus au microscope, couvraient 15 mil- limètres d’une règle placée sur le dessin ; l’amplification était d'environ 300 fois. Les figures 2, pl. 6 ; 6,7, pl. 7, ont été dessinées dans les mêmes condi- tions avec l'objectif n° 2 (Nachet): 5/100° de millimètre répondaient à 6 milli- mètres. L'amplification était de 120 fois MÉMOIRE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DE L’HALIOTIDE (HALIOTIS TURERCULATA et H, LAMELLOSA Lamk.) Par H, LACAZE DUTHIERS. La rapidité avec laquelle quelques auteurs se hâtent de généra- liser d’après un petit nombre de faits, conduit à se demander s’il est véritablement bien nécessaire de pousser les investigations anatomiques aussi loin qu'on le fait quelquefois, et si le but que l'on cherche à atteindre, c'est-à-dire la connaissance des rapports naturels des êtres, se trouve réalisé par les recherches minutieuses. On serait tenté de répondre négalivement, si l’on ne voyait, quand l'on pousse les observations fort loin, combien ces géné- ralisalions, basées sur un petit nombre de données, se trouvent souvent fautives. Il faut avoir consacré bien des soins et du temps à faire ces anatonies fines et longues, aussi difficiles que pénibles parfois, pour sentir la justesse de cette remarque ; alors on reprend cou- rage, et l’on cherche avec une nouvelle ardeur l’enchaîinement des rapports naturels, bien que l’on se trouve souvent sinon arrêté, du moins découragé, par cette question : À quoi cela sert-il ? C'est qu’en toutes choses aujourd’hui il y à une tendance à re- chercher le côté utile. Sans doute, e’est une louable tendance : mais de ce qu'on n’aperçoit point l'utilité immédiate, ce n’est point une raison pour sembler dédaigner les recherches de science pure. Il va sans dire que l'utilité dont il s’agit ici n’est et ne peut être 218 H, LACAZE-DUTRIERS, de celles qui conduisent à une application matérielle. La science ne lient pas heureusement toujours à honneur, entre les mains de certains hommes du moins, à répondre que le résultat des re- cherches sera telle ou telle application matérielle. Mais il est une autre espèce d'utilité, c’est celle qui s'applique à la science même. Un travail, qui semble d’une importance secon- daire au point de vue utilitaire proprement dit, peut cependant avoir une grande portée. C’est à cette utilité, en vue de la théorie et non de la pratique, que l’on peut rapporter ces travaux entre- pris dans un but puremeni scientifique, indépendamment de toute application. La zoologie, plus que toute autre science, doit redouter l'in- flexible question utilitaire, car rares sont les applications qu’elle peut fournir. Si, à un autre point de vue, l’on ne considérait que les brillants résultats annoncés et proclamés par de hardis généralisateurs, on pourrait peut-être encore se demander à quoi sert de connaitre, avec autant de détails, les parties de l'organisme d'animaux peu importants en apparence. Heureusement cette question tombe d'elle-même devant les faits, et si l'utilité d’une étude consciencieu- sement conduite ne parait pas immédiate, elle se fait plus tard sentir, quand les données sérieuses en se réunissant conduisent à des généralisations plus certaines, et par cela même vraiment utiles. Aujourd’hui, l'on ne peut le nier, il faut chercher à dégager les généralités des détails qui doivent être fort nombreux ; mais cer- tainement cela n’est guère possible à l’aide de quelques coups de scalpel plus où moins heureux ; et l’on ne doit pas espérer arriver maintenant, comme au début des réformes zoologiques, à des ré- sultats certains par des investigations simples; ce n’est qu’en fouillant les organismes les plus simples en apparence que l’on peut acquérir d’abord leur connaissance propre et ensuite leur connaissance relative, ou notion des rapports naturels. Quand on fait de la science pour la science elle-même, le dé- couragement n'arrive jamais. Le zoologiste, qui le plus souvent n’a pour toute récompense de ses veilles que les jouissances éprouvées par la contemplation de là nature, s’avoue à lui-même SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 249 que son but est plus élevé que celui auquel conduisent ces recher- ches terre à terre arrivant aux applications matérielles. 1 travaille et apporte sa part dans le faisceau qui constituera peu à peu la science, la vraie science. Là se trouve sa consolation, à l'impos- sibilité où il est si souvent de répondre quand on lui demande : A quoi cela sert-11? Il a pàli à la recherche de quelques filets nerveux, dans des êtres que nul ne voit et ne connait; 1l sait bien qu'on lui fera la question inflexible, qui se résout encore dans ces vers du poëte : A quoi bon toutes ces peines, Pourquoi tous ces soins jaloux. (V. Huco.) Mais s'il aime la science avec cette vivacité qui fait que rien n'arrête, qui fait que toutentraine avec plus d’ardeur, les entraves comme les mécomptes, les diflicullés comme les peines, il sera satisfait, car il aura conscience d’avoir travaillé exactement, d’avoir apporté la prudence dans ses recherches, et de s'être tenu sur la réserve plutôt que d’avoir compliqué inutilement la théorie. 1 sait aussi que si ses travaux sont sérieusement faits, tôt ou tard ils auront leur part d'utilité qui, pour n'avoir pas été immédiate, n’en sera pas moins grande. Sans doute, le rôle qu'ilse donne à lui-même est moins brillant pour le moment, mais en retour il peut être assuré de la durée plus grande de ses travaux. Les faits restent, les théories passent, disait Cuvier. Oui; mais on peut et l’on doit ajouter : Les théories qui n’ont eu pour base que des notions peu détaillées, que des données trop rapidement recueillies sur lesquelles on a généralisé pour se hâter d'établir des lois. Comme sit, lorsqu'on a, sous une forme plus ou moins sèche et aphoristique, formulé une phrase, que l’on décore d’un nom qui implique la généralisation, on pensait que ce mot seul conduira à faire admettre par tous sans vérifica- tion, ce qui n’a été souvent qu'une appellation pompeuse et em- phatique. | Les exemples fameux ne manqueraient pas, et il serait facile de 250 (4, LACAZE-DUTHIERS. montrer tel ou tel qui n'a marché durant toute sa carrière, qu'en présentant ainsi les lois qu'il découvrait, et qu'il offrait avee la confiance, sans aucun doute, d'en imposer. Ainsi done l'analyse avant la synthèse, les généralités après les détails. C’est pour être conséquent avec ce principe, que le mémoire que l’on va lire n’a d'autre but que de faire connaître la disposition du système nerveux de l’'Haliotide. Il sera purement descriptif comme celui qui l’a précédé, et qui a fait connaître l’organisation du Pleurobranche. Il sera suivi de près par d’autres tout sem- blables sur les Vermets, ete., quand le nombre des types sera suf- lisant; alors les rapprochements, les critiques, les noms spéciaux, se trouveront mieux reliés ; alors aussi il sera plus facile de pré- senter le typeidéal, résumant d’une manière abstraite et théorique le plan d'organisation des Mollusques. IE. L'Haliotide est un Mollusque fort commun sur nos côtes, sur- touten Bretagne et dans la Méditerranée. Cependant on ne trouve d'autre travail sur elle que dans les mémoires de Cuvier. Le compte rendu annuel, si utile, des travaux faits sur les Mollusques par M. Troschel, dans ses Archives d'histoire natu- relle, ne mentionne rien, du moins au point de vue qui doit occuper 11. Mais, on le sait, il arrive souvent que, par cela même que l’on a plus facilement sous la main un animal, on en fait moins l'étude. Le naturaliste, comme tous les hommes, aime la rareté, et à ce litre il court chercher souvent bien loin des sujets de travaux. Ces études ont été commencées à Mahon, alors que d’autres recherches générales étaient dirigées sur la morphologie des Gastéropodes ; elles ont été continuées avee les individus venant des côtes de Bretagne. Les espèces qui ont servi à ce travail sont done l'Haliotide com- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 251 mune (Haliotis tubereulata Lamk) pour l'Océan et F'Haliotide la- melleuse (Haliotis lamellosa Lamk) pour la Méditerranée (4, Cuvier (2) a déerit le système nerveux de l’Haliotide dans le mémoire oùil a traité des Patelles, des Sigarets et des Oscabrions. Les détails qu'on trouve dans les figures qui accompagnent son travail sont peut-être plus étendus que eeux qui sont dans le texte. Les descriptions ne sont pas étendues ; Cuvier, on le sait, ne cherchait que les premières démarcations de ses grandes divi- sions. Il ne pouvait, il ne devait peut-être pas faire ses invesliga- lions dans la même direction que les zoologistes qui l'ont suivi; de là, on le pense, des différences, même assez considérables, entre les résultats du grand zoologiste et ceux que modestement nous nous permettrons de leur opposer. On pourrait, changeant un mot à une maxime bien connue, dire ; Autre temps, autres recherches ; c’est qu'avec le temps, en effet, les besoins de la science se modifient; elle fait des progrès; elle de- mande, elleexige d’autres études ; partant elle entraîne forcément à des recherches nouvelles, et presque toujours à des travaux plus étendus dans l'espèce, moins vaste dans l’ensemble peut-être, mais plus spéciaux ; de là, des différences dans les résultats, différences qui sont la conséquence plutôt des progrès généraux que de l’im- perfection, ou mieux de l'insuffisance des travaux des premiers z0ologistes. Les travaux ont leur temps comme toute chose, IT. Les centres nerveux de l'Haliotide présentent des caractères que l’on ne rencontre que dansquelques Gastéropodes, tels que les Pa- telles, les Oscabrions, ete. ,ete. La forme globuleuse, arrondie, gan- olionnaire, pour employer l'expression technique, ne se présente pas à proprement parler. Il y a certainement des renflements qu'il (1) Lamarck, Animaux sans vertèbres, t. IX, p. 20, n° 3 el n° 10. (2) Mémoire pour servir à l'histoire des Mollusques. 252 H. LACAZE-DUTHIERS. faut considérer comme des ganglions, comme des analogues des canglions des autres Mollusques; mais ces renflements, au lieu d'être globuleux, sont au contraire allongés, et par cela même peu distinets entre eux, et peu distincts des commissures et connectifs qui les unissent. Ce trait, cette particularité frappent tout de suite quand on ouvre le corps de l’Haliotide , comme ils frappent aussi, on le verra plus tard, pour la Patelle et l'Oscabrion. Cependant, plus on s'éloigne des ganglions ou des masses fusi- formes ganglionnaires cérébrales, plus la forme arrondie se repré- sente. On peut reconnaitre trois groupes nerveux distincts et princi- paux, reliés entre eux par des cordons gros, volumineux, souvent aplatis, unis par des commissures et des connectifs. On sait qu'il importe de désigner par le premier de ces noms les unions trans- versales de deux parties semblables, et par le second les parties différentes ; on verra ici dans l'espèce combien sont utiles cette différence et l'emploi de ces mots. Nous étudierons successivement et séparément le système de la vie animale et le système grand sympathique, ce dernier corres- pondant plus exactement à ce que l’on a nommé le stomato-gas - trique dans les Artropodaires. FVE Système nerveux de la vie animale. Désigner d’une manière collective l'ensemble du système ner- veux qui n’est pas le grand sympathique ou le système stomato- gastrique , n’est guère possible. C’est faute de mieux que l'on trouve la désignation placée en tête de cet article; en effet, ei une portion du système nerveux semble correspondre en partie à ce qui, dans les animaux supérieurs, est soumis à l'influence de la volonté, en partie à ce qui est soustrait à cette faculté. Les organes profonds de la reproduction, les organes respiratoires et le cœur, recoivent l'influence nerveuse d’un groupe ganglionnaire particu- SYSTÈME NERVEUX DE L HALIOTIDE. 253 lier, qui, à en juger par les animaux supérieurs, est indépendant de la volonté; et cependant le manteau, c'est-à-dire l'organe tégu- mentare extérieur, la peau, lorgane du tact, se trouve rapproché, par l’origine de ses nerfs, des parties glandulaires, évidemment en rapport avec la partie végélative de l'être. 4o Centre céphalique ou sus-æsophagien. Désignons ainsi tont ce qui correspond à la partie céphalique du système nerveux : centres ou nerfs. A. Des centres en eux-mêmes. — C'est lorsque l’on a fendu l'enveloppe externe sur la ligne médiane, assez en avant des ten- tacules ou cornes de la tête, que l’on peut voir la partie centrale. Elle ressemble à une large bandelette transversale, reposant sur le dos de Ja masse linguale. Elle descend sur ses côtes, comme pour l’entourer, et s’élargit manifestement. Ce sont ces élargissements latéraux qui représentent véritable- ment les ganglions, et la bandelette transversale est la commis- sure ; toutefois, si lon voulait voir dans l’origine des nombreux nerfs que fournit cette dernière une raison pour la considérer plutôt comme le prolongement des ganglions, 11 n’y aurait pas d’objection à faire, si du moins on admetlait que les nerfs naissent seulement des parties centrales et non des cordons qui les unissent. On sait que dans l'Haliotide, cette sorte de collerette élégante qui borde le pied, et entoure la base de la coquille de ses non- breuses découpures délicates, remonte vers le dos à la tête, ct semble se continuer avec la base du tubereule oculaire, en passant ainsi au-dessus de la corne ou tentacule, pour se rattacher à une lamelle sus-céphalique transversale ; c’est à peu près au-dessous de ce repli sus-céphalique étendu d’un tentacule à l'autre, que l’on trouve le système nerveux central. Nous reviendrons sur ces rapports quand les origines des nerfs qu'il fournit nous oceuperont. B. Des commassures et connectifs. — On vient de voir que la ban- delete transversale sus-buccale, qui unit les deux parties plus larges 25! HN. LACAZE-DUTHIERS. placées sur les côtés de la masse linguale, peut être considérée comme une commissure c'est celle que l’on trouve partout et toujours dans les Mollusques, seulement tantôt longue, tantôt tellement courte, que les deux ganglions semblent confondus sur la ligne médiane ; il faut peut-être attacher moins d'importance ? ce rapprochement ou à cet écartement que ne l'ont fait quelques auteurs. lci ce qui semble être caractéristique du groupe, e’est la ten- dance à l’aplatissement de toutes les parties du système nerveux central. La commissure dorsale présente à un haut degré cette forme. Si l’on donne le nom de commissure à toute union transversale des centres symétriques, on en trouve une autre ici, une infé- rieure placée sous la masse linguale (1). Cependant on verra, en étudiant les nerfs fournis par le centre céphalique, que c’est plutôt comme anastomose qu'il faut considérer l'union des deux troncs des nerfs proboscidiens inférieurs que comme une com- inissure. Ce n'est pas le moment d'étudier en détail les connectifs, car ils sont assez difficiles à bien caractériser ; en effet, pour déterminer nettement les cordons qui unissent deux centres, 1l convient d'abord et de toute nécessité de bien fixer la position et la nature de ces centres eux-mêmes, et l’on va voir qu'il y a une assez crande difficulté à retrouver quelques-uns d’entre eux. Quoi qu'il en soit, on voit partir de la partie postérieure des épaississements latéraux (2) deux cordons d’un volume à peu près égal, qui se placent lune à côté de l’autre, bien qu'à leur origine, comme à leur point d'arrivée, ils soient tous les deux dans un rapport In- lime à la fois constant et forcé, rapport qui fait que Fun doit être inférieur et l’autre supérieur. il est bien difficile de faire l’anatomie du système nerveux cen- tral, sans que le reste des dispositions organiques ne soit connu. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 10, fig. 1 (y) (2) Voy. ibid. pl, 9, fig: 4 (b,c), pl. 10, fig. 1 et 3(b, c). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 299 est, en effet, impossible d’assigner des rapports, sans que les organes qui les déterminent ne soient exactement définis ; il sera donc nécessaire de parler en plus d’une occasion de quelques par- lieularités anatomiques indépendantes du système nerveux. Les deux paires de connectifs marchent assez régulièrement d'avant en arrière, en se rapprochant de plus en plus du plancher de la cavité viscérale, et en tendant à se rapprocher aussi l’une de l’autre , elles arrivent dans un point où elles semblent se con- fondre; ce point est placé dans une dépression de la cavité viscé- rale, sur la face dorsale du pied, dans l'endroit mème où lon rencontre l'origine des vaisseaux pédieux (4). Le nowbre des cordons est bien de deux pour chaque coté, et il importe beaucoup de létablir, car la détermination des centres primitifs est tout entière basée sur leur présence. Cuvier a donné des figures qui représentent, sans aucun doute, ces deux conneelifs (2), et il les a décrits. On peut attacher, à bon droit, de l'importance à ce travail de notre grand zoologiste, d’au- tant plus que ses dessins précisent le sens des mots, et souvent montrent sinon mieux, du moins plus exactement, la nature. J'aurai plus loin occasion d’insister sur l’une des figures de son mémoire. Des nerfs fournis par ces connectifs méritent aussi une alten- lion toute spéciale, mais on ne peut évidemment pas les déerire avec fruit en ce moment, leur histoire viendra lorsque leurs analogues seront étudiés. Ilexiste encore d’autres connectifs, ce sont ceux qui mettent en rapport le centre nerveux céphalique avee le système végélatif proprement dit ou stomato-gastrique (3). Mieux est de ne s’en occuper que lorsque l'étude de celui-ci sera faite. C. Des nerfs. — Ils sont nombreux, et leur étude, au point de vue morphologique, offre aussi beaucoup d'intérêt. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIT, p. 9, fig. 4. (2) Voy. loc. cil., pl. 1, fig. 40 ; Memoire sur l'Haliotide. (3) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, t. XU, pl. 11, les différentes figures. 256 H. LACAZE-DUTHIERS, Cuvier dit : «Ce cordon transverse donne quatre filets nerveux » (86, fig. 14) aux parties antérieures de la tête, et surtout de la » trompe » (1). Celle expression est en partie vraie; elle n’est peut-être pas assez exclusive. Les rameaux qui se dirigent en avant sont tous exclusivement destinés à la trompe, et par trompe il faut entendre celte partie antérieure, qui se voit en avant des cornes et du repii transversal cutané sus-céphalique qui relie celles-ci entre elles (2). Dans l’Haliotide comme dans les autres Mollusques gastéro- podes, le centre nerveux céphalique fournit des nerfs de trois ordres bien distincts : a. Aux organes des sens, à l'œil et au tentacule ; b. Aux téguments céphaliques ; c. Aux lèvres et à la trompe. Caractériser par un numéro d'ordre les différentes paires de nerfs que nous venons d'indiquer , n’est ni possible ni exact, ainsi que cela à été observé dans l'étude du Pleurobranche (3), et cela parce que d’abord les formes des centres varient beaucoup avee les espèces, et qu'en second lieu les nerfs peuvent souvent se pré- senter à la même distance relativement au plan médian, et être antérieurs el postérieurs ou supérieurs et inférieurs. Il n’est alors gucre possible de leur assigner un numéro d'ordre en partant du centre, ce qui ne veut cependant pas dire que l’on ne puisse dési- gner dans les exemples que l’on a sous les veux les rapports des différents nerfs par des numéros. a. Nerfs des sens. Les sens des Mollusques sont, sans aucun doute, plus délicats qu'on n’est porté généralement à le croire. Deux paires de tenta- cules paraissent en avant et sur les côtés de la tête : les uns aigus et (4) Voy. loc. cit., (2) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4#° série, t. XI, pl. 40, fig. 2, et les figures diverses, partie marquée A. (3) Voy. Ann. des se, nat., Zool , 4° série, t, XI, p. 279. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 257 pointus comme de véritables antennes ; les autres globuleux, ter- minés par un point noir (1). Aux premiers on semble devoir rapporter le sens de l'olfaction, d'après les travaux de MM. Han- cock, Moquin-Tandon, Lepez; et quant aux seconds, sans aucun doute ils portent l'œil et servent à la vision, Les nerfs tentaculaires on olfachfs naissent symétriquement de chaque côté sur le bord antérieur de la bandelette transversale sus-buccale, vers le commencement de ces élargissements latéraux, que l’on peut considérer comme les analogues des ganglions cé- rébraux. Si l'on compte sur quelques individus les nerfs qui nais- sent de la courbure antérieure de la bandelette transversale, on trouve de dedans en dehors quatre paires précédant la paire ten- laculaire, qui est par conséquent la cinquième, On à vu que l’im- portance attachée aux numéros d'ordre ne doit pas être absolue ; cependant dans l'exemple on trouve un moyen de fixer Jusqu'à un certain point la position de l'origine (2). Ces nerfs sont assez gros, cylindriques, et se portent directe ment à la base de la corne, dans laquelle ils pénètrent en se diri- geant vers le sommet. Sur leur trajet, on trouve, dans bien des eas, des renflements ganglionnaires, comme cela existe dans le Pleurobranche par exemple (3), et beaucoup d’autres espèces : les Doris, les Aply- sies, etc. Cependant généraliser, et dire qu'il y a toujours un gan- glion, que l’on n’a pas manqué d'appeler ganglion olfactif, c'est peut-être exagérer , car ici le nerf a paru ordinairement simple. Quant à dire queles fonctions sont en rapport avee Ia perception des odeurs, c’est chose difficile à affirmer; les expériences sont nulles, et ce n’est que par une certaine analogie dans les disposi- tons anatomiques qu'il est permis d'arriver à présumer leurs rôles. (1) Voy."Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl, 40, fig. 3, parties marquées Q. U, (2) Jbid., fig. 4, nerfs prosboscidiens (x), nerf tentaculaire (Q). (8) Voyez le travail sur le Pleurobranche (loc. cit.) et l'ouvrage si remar- quable de MM. Alder et Hancock sur les Mollusques nus d'Angleterre (Ray Society). 4° série. Zooc. T. XIT. (Cahier n° 5.)1 17 258 M. LACAZE-DUTHIERS. Je n'ai pu reconnaitre ici dans le tégument du tentacule cette disposition spéciale que M. Moquin-Tandon (1) à trouvée, et qui l’a conduit à décrire une membrane pituitaire. H paraît bien diffi- cile d'établir entre les animaux inférieurs et les Vertébrés une analogie assez grande, pour emprunter à l’anatomie des uns des termes qui puissent représenter des choses semblables dans Por- ganisation des autres. Le nerf optique (2) nait tout près du nerf tentaculaire ou olfac- üf en dehors de lui, en sorte qu’en allant de dedans en dehors, 1l est le sixième, quand au moins il y a quatre trones de nerfs pro- boscidiens, ce qui arrive le plus souvent ; dans ce cas, les nerfs optiques, dans lexemple du moins, forment la sixième paire. Reculé par son origine, plus en arrière et en dehors, il se rap- proche des élargissements ganglionnaires, et souvent, le plus souvent même, il parait naître sur leur côté (3). Le nerf optique est plus grêle que le précédent, très rappro- ché de lui; il marche à ses côtés jusqu'à la base du tubereule oculaire, qui est tout voisin en dehors et en haut du tentacule olfactif ; il pénètre la base du tubercule, et se distribue dans son intérieur d’une manière fort eurieuse (4). Le tronc principal, en décrivant quelques flexuosités, se porte au pôle interne du globe oculaire, e’est-à-dire à l'opposé du point où l’on voit la pupille, si l’on peut désigner par ce nom l'apparence d’un orifice qui s’observe à l'extrémité libre. Dans l’étendue de son parcours, il fournit deux ordres de rameaux : les uns que l’on pourrait nommer {égumentaires, et les autres oculaires propre- ment dits. Les premiers se distribuent aux téguments et aux tissus con tractiles de nature musculaire qui forment les parois du tuber- (4) Voy. Moquin-Tandon, Histoire des Mollusques fluviatiles et terrestres de France. (2) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIL, pl. 40, fig. 4, U. (3) Ibid. (4) Ibid., fig. 2, tubercule fendu du haut en bas, montrant le globe ocu- laire et le nerf optique avec les divisions. 12 (de) SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 29 eule ; évidemment ils apportent et la sensibihté et la motilité à ce support de l'organe de la vision. C’est une particularité digne de remarque, que du frone même d'un nerf de sensibilité spéciale, se détachent des nerfs soit mo- teurs, soit de la sensibilité générale ; cela ne se rencontre pas dans les animaux supérieurs, où la division du travail est poussée plus loin. Les nerfs qui président à la locomotion et à la sensibilité gé- nérale, destinés à favoriser l’accomplissement de la vision, ou bien à la protection des organes, naissent isolément, et se rendent séparément aux parties motrices où protectrices. Let il semble que la séparation des nerfs n’est pas poussée aussi loin. Cependant il faut remarquer que les fibres motrices et sensitives peuvent être distinctes à l’origine et accolées dans leur trajet ; mais là sépara- ton en est bien difficile, si même possible. Dans le voisinage du globe oculaire, les rameaux qui se déta- chent du nerf optique sont nombreux ; 1ls s'anastomosent entre eux de manière à former un plexus, d’où parlent encore des nerfs du tégument; on voit aussi de très nombreux filaments fort grèles qui se portent sur la surface du globe oculure et l'entourent d’un réseau à mailles irrégulières, dont les angles, formés par la réunion des filets, semblent s’épaissir en pelits ganglions (4). Cette disposition s'est très manifestement montrée en ouvrant le tubercule oculaire et respectant le globe de l'œil. La choroïde, d'un noir foncé, forme un fond sur lequel se détache nettement par sa blancheur le réseau. L'œil semble enfermé dans une poche bien distincte, et faire saillie en dehors de l’extrémité du tubercule ouvert pour per- mettre à la lumière de pénétrer. L'ouverture, ressemblant à une pupille extérieure, s'aperçoit en avant du globe, qu'entoure du reste de toutes parts une couche de pigment très noir. Il ren- ferme un cristallin fort transparent et presque sphérique; quant à la terminaison du nerf optique ou la rétine, elle n’a pas été étudiée, (1) Voy. Ann. des sc, nat. 4° série, t. XII, pl. 10, fig. 2. 260 NH. LACAZE-DUTHIERS, b. Nerfs cervicaux ou céphaliques tégumentaires. C’est peut-être s’exagérer l’importance de certaines observa- tions; mais, au point de vue de la morphologie, les nerfs qui sont désignés ici par ce nom méritent à tous égards la plus grande attention. On doit entendre par cette désignation les nerfs qui, nés des sanglons sus-æsophagiens, se rendent et se distribuent aux téguments postérieurs de la tête, et à la partie que l’on peut appeler le cou (4). Ici ils sont peu volumineux, peu étendus, et aussi peu nombreux ; c’est que les parties auxquelles ils se distribuent sont elles-mêmes peu développées. Quand il s'agira de déterminer exactement ce qui est le manteau, nous aurons à revenir sur la distribution et l’origine des nerfs palléaux propre- ment dits ; on verra quel parti il est possible de tirer de ces faits en les interprétant d’une certaine manière. A part quelques filaments fort ténus, et qu'on peut négliger dans la description, on trouve de chaque côté un nerf qui nait en arrière des nerfs optiques et olfactifs, à peu près à égale distance de l’un et de l’autre, sur le dos du commencement des épaississements ganglionnaires latéraux, et qui, se portant en haut et en arrière, va se distribuer aux téguments en se ramifiant dans leur intérieur, Ils se dirigent principalement en arrière, et s'épuisent, du moins d'après les dissections qui en ont été faites, dans les parois du corps, jusque vers la hauteur de la masse des ganglions pédieux. c. Nerfs proboscidiens ou labiaux (2). Pris dans leur ensemble, ceux-ci ont encore une grande im portance. On a pu voir dans le Pleurobranche (3), par exemple, que de leur étude dépendaient la connaissance exacte et la détermination (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 9 et 10, fig. 4 (a, a). (2) Jbid., pl. 10 et 114, fig. 4 et 3 (s). (3) bid., t. XI, du système nerveux, Histoire du Pleurobranche. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 261 positive de la trompe, bien que cette partie fût rétractile et non saillante à l'extérieur dans les circonstances ordinaires. Dans les Haliotides, la trompe est toujours sallante ; elle forme comme un tube ou mufle charnu épais, véritable mamelon re- courbé en dessous, un peu aplati transversalement, épanoui en un bord festonné peu saillant, discoïde, au centre duquel on trouve la bouche longitudinalement dirigée d'avant en arrière. Ce bord festonné, toujours placé en dessous, et à peu près sur un même plan que le pied (1) , est caché et comme recouvert par les replis sus- céphaliques qui se rapprochent entre les tentacules et les yeux (2). Sa flexion ou sa courbure en bas est forte, et cela donne quelque peine dans la dissection. Ses parois sont épaisses et charnues, fortement contractiles et confractées ; mais les distinctions ce- pendant sont nettes et précises, quand on dissèque les animaux ’onvenablement morts. Les nerfs de la trompe naissent tous de la partie centrale cépha- lique. Pas un filet ne vient des ganglions qui fournissent à la masse buccale où linguale. Cette distinction iei parait toute natu- relle et toute simple; mais lorsque la trompe est rétractile, comme dans les Pleurobranches, les Doris, etc., ete., son importance devient très grande. Le nombre des filets est assez considérable ; on peut les divi- ser en deux groupes, suivant qu'ils sont nés en dedans et au-des- sus, en dehors et au-dessous des nerfs optiques et olfactifs (à). Nerfs proboscidiens supérieurs.— Dans presque tous les exem- ples, les nerfs supérieurs sont au nombre de huit, c’est-à-dire de quatre paires, toutes grosses, volumineuses, dirigées en avant, peu ramifiées, et ne commençant à se partager en rameaux secon- daires qu'assez près de la bordure labiale de la trompe. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIT, pl. 9 et 10, dans les planches la partie marquée 4. (2) Ibid., pl. 9, fig. 2. L'animal est vu tel qu'il est lorsqu'on l'a débarrassé de la coquille. On n’aperçoit que peu ou point la trompe. (3) Ibid. , pl. 10, fig. 4, figure un peu théorique pour bien établir les rapports : tête et cou ouverts, vus de face par le dos. La bouche est représentée par un oval. — PI. 41, fig. 3, les mêmes, vus de profil. 262 W, LACAZE-DUTHIERS. Le nombre de ees nerfs labiaux ou proboscidiens est évidem-- ment différent chez les divers Mollusques, et il paraît difficile de l’assigner sanstomber dans quelques erreurs. IT est évidemment préférable de les grouper d’après leur position en supérieurs et inférieurs. Cuvier en à indiqué un certain nombre dans la figure 14 de sa planche sur le Sigaret et l'Haliotide. Ils n’offrent, du reste, rien de particulier, et les dernières ra- mifications de leurs branches principales viennent se perdre dans les plis du bord de la bouche, qui, d'après cela, doit être évi- demment, éminemment sensible. Les flexuosités qu'ils présentent dans l'étendue de leur marche ne sont pas très marquées, et cela devait être, puisque l’extensibi- lité de la trompe semble être ici très limitée. Nerfs proboscidiens inférieurs. — Ces nerfs naissent par un tronc commun, qui ressemble, dès son origine même, à un déve- loppement ganglionnaire (4) ; on croirait à un prolongement du ganglion en dessous et en dehors des deux connectifs qui relient aux autres centres les ganglions céphaliques. Un filament assez développé continue la direction de chacun de ces renflements, et les unit par anastomose transversale; il semble donc que la bouche (2) soit enfermée dans un cercle nerveux. C’est évidemment là une simple anastomose, et rien de plus. Dans l’Aplysie, on trouve des anses anastomotiques semblables, qui n’ont pas plus de valeur et d'importance qu'ici. Les nerfs qui se délachent de ce renflement ou tronc prineipal se dirigent tous en avant, et vont se distribuer au bord inféro- postérieur de la trompe, absolument comme les nerfs supérieurs. n’y a done de particulier que le mode d’origine et l’anastomose transversale. Mais une chose importante à signaler à plusieurs égards, c’est (4) Voy. Ann, des se. nat., Zool., 4° série, &. XL, pl. 10, fig. 4, y; pl. 14, fig. 3, y. (2) Ibid, pl. 40, fig. 1. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 263 la connexion du nerf proboscidien inférieur el du nerf stomato- gastrique (4). De chaque côté un filet se détache du premier pour se porter en arrière en décrivant de nombreuses flexuosités : c’est l’origine de grand sympathique. Les deux nerfs proboseidiens inférieurs nais- sent done par un tronc commun avec le stomato-gastrique. N°y a-{-il pas là une relation facile à saisir entre les nerfs de Ia bouche et ceux du reste du tube digestif d’une part, et les nerfs labiaux où de l’orifice buccal proprement dit de l’autre ? Dans le Pleurobranche (2), une connexion toute semblable s'est montrée tout aussi caractérisée, mais avec quelques légères différences. Dans la Paludine vivipare, dans le Cyclostome élé- gant, dans les Vermets, etc., etc., la connexion existe de telle sorte, que l’origine du grand sympathique sur des parties centrales du système nerveux doit se chercher, soit sur les nerfs probosci- diens, soit dans leur voisinage. Telles sont les parties centrales et périphériques appartenant au groupe des ganglions céphaliques ou sus-æsophagiens. L'ana- logie avec ce qui s’observe dans les autres Gastéropodes ne saurait faire de doute. En rapprochant les faits et les résumant, ces res- semblances seront encore peut-être mieux senties, ou tout au moins plus faciles à mettre en lumière. 2° Centres pédieux. Les centres qui fournissent les nerfs aux muscles du pied sont non pas difficiles à distinguer, car on les trouve tout de suite, mais assez confondus avec d’autres ganglions, pour qu’il soit né- cessaire d'apporter beaucoup de soin dans leur délimitation exacte. Leur position est facile à fixer ; quand on ouvre la paroi de la cavité viscérale en arrière de la tête, et qu'on enlève avec soin le tube digestif, tout en respectant autant que possible les connectifs (1) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 4 (y, x), pl 1196673914, (2) Voy. les planches relatives au Pleurobranche, loc, cit 26/ M. LACAZE-DUTHIERS. paris du ganglions sus-æsophagien, on voit que le plancher de cette cavité, formé par le musele du pied, est comme creusé un peu en goutliére ; que cette goultière, dirigée d'avant en arrière, suivant l'axe du corps (4), se trouve rejetée à gauche par le gros muscle qui s'attache à la coquille ; celui qui, dans le mémoire de Cuvier, se trouve souvent désigné par ces mots, «le musele A », Vers l'extrémité antérieure du musele, loù la cavité viscérale passe à gauche, est une dépression, dans le fond de laquelle on trouve l’orifice des vaisseaux pédieux , ainsi que la masse gan- glionnaire qui est un peu enfoncée dans la face antérieure du muscle principal ; il serait cependant plus exact de dire que la dépression où vient se loger le ganglion est sur la face supérieure ou dorsale du muscle pédieux, tout contre la face ou bord anté- rieur du muscle de la coquille. Les quatre connectifs se rapprochent et se confondent dans ce point, sans trop laisser de distinction entre eux. La masse qui résulte de cet accolement est à peu près quadrila - tère, et ne laisse point voir les renflements ganglionnaires habi- tuels; il y a peut-être encore moins ici que pour les masses cépha- liques de séparation entre les cordons nerveux et les centres, circonstance qui augmente la difficulté; aussi n'est-il possible d'arriver à la solution que d’une manière détournée. Les ganglions, qu'ils soient céphaliques ou autres quand ils se rapprochent beaucoup de leurs homologues, finissent par former des masses paraissant indivises, mais primitivement sans auçun doute formées de parties distinctes, et par conséquent unies à l’aide de commissures. Si la commissure est pour le cas qui nous occupe bien évidente entre les centres céphaliques , elle est au contraire tellement courte entre les ganglions pédieux, que son existence, en apparence du moins, peut paraitre douteuse. Quant aux connectifs, ils sont de deux ordres, suivant qu’ils unissent les ganglions pédieux aux centres céphaliques, où qu'ils les font entrer en communication avec le troisième groupe de (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XUT, pl. 9, fig. 4. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 265 ganglions. Ieitout cela est difficile à bien séparer ; aussi n'est-il pas possible d'apporter l’ordre habituel dans la description. Prenons done une voie détournée. D'abord on voit arriver à cette masse gangliforme, placée dans la dépression indiquée, deux paires de connectfs (4) qui l’unissent doublement aux ganglions sus-œæsophagiens. Or, en général, une seule paire de ganglions n’est pas unie à une autre paire par deux connectifs, eela ne se voit pas. La première idée qui se présente donc est celle-ei : dans ce centre nerveux, que l’on pourrait au premier abord regarder comme simple, il peut, il doit y avoir plus que les ganglions pédieux ; c’est là une première supposition à la- quelle conduit nécessairement la présence des doubles connectifs cérébro-pédieux. De cette masse quadrilatère partent en dessus, et se dirigeant, comme il sera dit plus loin, à droite et à gauche, deux cordons plats et larges; si on les suit, on est conduit dans le manteau (2). Ne voit-on pas là une nouvelle raison qui, s’ajoutant à la précé- dente, conduit à la même opinion ? Continuons. De cette masse partent en arrière des cordons ner- veux (3) fort gros, parfaitement symétriques, et qui se distribuent aux parties du corps avec la plus grande régularité. Voici ee qu'en dit Cuvier : « De ce ganglion naissent en avant les nerfs &e qui vont » aux viscères et aux parties latérales de l'enveloppe, et en arrière » quatre cordons, deux de chaque côté, $5, qui traversent le » muscle A, et règnent jusque vers l’extrémité postérieure du » pied, en donnant des filets de chaque côté » (4). Cuvier a dessiné les choses qui se rapportent à sa description, et sa description, comme ses dessins, à la plus grande importance pour ce qu'il s'agit de démontrer ici. Il cherchait, en effet, les principales dispositions ; il constatait l'existence des principaux groupes de ganglions ou centres, mais il n’en faisait point une comparaison (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 10, fig. 2; pl. 9, fig. 4 (b, c). (2) Ibid., pl. 40, fig. 3 et 6; pl, 9, fig. 4, 2 (u, v). (3) Ibid,, pl. 10, fig. 3, les parties marquées T et Gp. (4) \ 4) Loc. cit. 266 H. LACAZE-DUTHIERS, détaillée, I n'avait point en vue le but, le fait qui nous occupe ici; on ne peut done trouver dans sa deaeribiioh ou son dessin une idée quelconque aidant à conduire au résultat désiré. Voilà en quoi est précieuse la partie de son mémoire qu’on vient de lire. On ne voit jamais le centre pédieux donner aux viscères, et quant aux quatre cordons qui régnent symétriquement en arrière jusqu'au bout du pied, leur existence constatée par Cuvier est d’au- tant plus importante, que leur distinction est assez difficile, et que les filets qu'ils donnent n’ont pas été suivis dans leur distribution. Les rameaux qui se détachent de ces grands cordons vont les uns aux pieds, les autres à la collerette, si élégamment découpée, du pourtour du pied (4). Ainsi, on le voit, il est difficile de trouver, en raison même de la variété qui existe dans la distribution des flets nerve, un centre unique dans cette partie qui nous occupe, il faut y voir confondus : L°les ganglions pédieux, 2° les ganglions nommés par M. Huxley pariéto-splanchniques, par M. Blanchard cervicauæ, par beaucoup d'autres respiratoires, ceux que peut-être on pourrait appeler moyens où asymétriques, en raison de leur position et de leur ten- dance à se porter à droite, où mieux sur lun des côtés du corps. Linné s’est élevé avec raison contre les noms trop longs, et il a imposé comme règle, pour opposer sans doute une digue à cette tendance que lon a de faire des noms plus ou moins étendus destinés à rendre la pensée, de n'’introduire dans le nom fait que deux mots. Si la loi n’était à, on pourrait bien désigner ces gan- glions par trois mots, et peut-être quatre : palléo-, génito-respi- ralteurs, el même le cœur, où la cireulation se trouverait laissée de coté. En apparence il y a une disposition symétrique bien marquée, si l’on ne considère que la portion supérieure de la masse gan- glionnaire. Cependant, quand on y regarde de près dans lous les (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 3. Les con- tours de l'animal sont seuls indiqués , le centre céphalique V est dans la por- tion relative habituelle, Lé pied est vu à gauche et le repli festonné à droite; une ligne indique où serait le reste du manteau. À droite on voit les deux cordons nerveux T'et Gp; à gauche, le nerf 7 du pied seul a été conservé, SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 267 Gastéropodes, les ganglions et nerfs destinés à la respiration, à la circulation, à la reproduction et au manteau, sont plus ou moins asymétriques dans leur ensemble. Is doivent être consi- dérés comme un tout où un groupe de parties dont les plus voi- sines des centres céphaliques et pédieux peuvent être à peu près symétriques, mais dont le reste se déjette sur un côté, d'où ré- sulte un caractère d’asymétrie bien évident, J'espère démontrer ces vues touchant l'asymétrie dans les mémoires qui suivront celui-ci, et l’on verra une grande utilité dans l'introduction de cet élément en malacologie, beaucoup trop négligé jusqu'ici. La disposition latérale et asymétrique des viscères, recevant de ce centre leurs rameaux nerveux, suffisait d’ailleurs pour déter- miner cette particularité. Il faut, dans la distinction qu'il s’agit d'établir, tenir grand compte du rapport spécial avec le tube digestif, il en sera ulté- rieurement question, Ne voit-on pas déjà, d'après les considérations précédentes, qu'il est possible de distinguer dans les Mollusques gastéropodes trois groupes de ganglions où de centres nerveux, que l'on pour- rait appeler : 4° centres symétriques , l'un supérieur, l'autre infé- rieur; 2% centre asymétrique. Relativement au rapport qu'ils affectent avee le tube digestif, les deux premiers sont évidemment supérieurs et inférieurs; le troisième mérite le nom de moyen : car si le centre symétrique inférieur ou pédieux est, relativement au tube digestif, toujours par sa commissure inférieur, tonjours aussi le groupe moyen ou asymétrique est également inférieur aux organes de la digestion, mais cependant supérieur au centre pé- dieux. Ces considérations générales, qu'il n’est pas utile d'étendre et de développer davantage, en raison du but tout spécial de ce mé- moire, nous mettent cependant à l'aise pour les distinctions qu'il est ici nécessaire de faire. On voit donc : 4° que les deux connectifs supérieurs qui partent du centre céphalique et arrivent à la partie dorsale de la masse 268 IH. LACAZE-DUTHIERS. ganglionnaire pédieuse (1), 2° que la partie supérieure de cette masse (2), et3° que les deux cordons croisés qui vont aux branchies et au manteau (3) avec les deux cordons supérieurs (4) (de ces quatre cordons indiqués par Cuvier allant jusqu'au bout du pied), peuvent être séparés de toute la partie inférieure, qui, doublant en dessous ce qui vient d’être énuméré, doit seule être considérée comme le centre ou le groupe pédieux. Ainsi maintenant, isolant et distinguant par la pensée ces nerfs et leurs centres, il est possible de les décrire plus simplement, ainsi que tout. ce qui se rapporte d’une manière directe aux or- ganes du mouvement. Les connectifs pédieux (5) proprement dits naissent un peu en dehors et en dessous des renflements ganglionnaires latéraux du centre céphalique; ils sont habituellement en dehors des cor- dons qui unissent le même centre aux ganglions asymétriques ou moyens, et souvent, vers le milieu de leur étendue, ils sont tout aussi élevés, sinon plus, que ceux-ci; vers la masse centrale, ils redeviennent tout à fait inférieurs, et sont à la même hauteur que les cordons postérieurs (6) qui vont dans le pied. Les nerfs fournis par ces centres sont très faciles à suivre et à étudier ; toutefois on a à lutter dans les dissections contre les fibres musculaires très résistantes du pied, habituellement fort contraclées et très roides. Leur apparence générale est constante. En avant de la masse ganglionnaire on voit un tronc qui existe toujours de chaque côté, et que l'on peut appeler le nerf pédieux antérieur ; il va se divisant de plus en plus, à mesure qu’il approche davantage du bord du disque locomoteur (7) ; il anime évidem- Ibid. SYSTÈME NERVEUX DE L’HALIOTIDE. 269 nent à peu près toute la portion du pied qui est antérieure au centre ganglionnaire. 1 fournit des branches divergentes sur son coté externe. En arrière du ganglion, on voit un gros cordon, logé évidem- ment dans un sinus sanguin, et qui, par cela même, est facile à suivre : séparé par les fibres charnues du pied de celui qui lui est parallèle et symétrique , il est placé déjà assez profondément dans les tissus sous les premières couches qui forment le plancher de la cavité viscérale. A droite, il affecte un rapport important; 1l passe évidemment entre les paquets musculaires qui forment le grand muscle de la coquille, et que Cuvier désignait par la lettre A. Il me semble que, dans quelques exemples, le muscle vertical, ou de la co- quille, s’étendait assez à gauche pour être aussi divisé par le cor- don de gauche. Les deux grands nerfs pédieux postérieurs (1) vont très directe- ment vers l'extrémité postérieure du pied, et cela sans décrire dé courbures ; ils sont l’un à l’autre parallèles, en même temps qu'ils suivent aussi la direction de la ligne médiane ou de l’axe antéro- postérieur du corps. Ils ont l’un avec l’autre des connexions nombreuses, qui sont établies par des filets transversaux jouant le rôle de véritables commissures. Il est facile de suivre ces filets lorsqu'ils sont dans des canaux sanguins eux-mêmes transverses qui établissent des anastomoses entre les deux vaisseaux longitudinaux. Sur les animaux conservés dans des liquides salins, les contrac- tions des tissus agrandissent relativement les diamètres de ces conduits, et, comme les nerfs sont condensés par les sels, il est très facile de les distinguer. Ces anastomoses ne paraissent exister qu'entre les grands nerfs pédieux postérieurs. Sur le côté externe de ces cordons gros, plats et droits, se dé- tachent des branches collatérales semblables à droite et à gauche, (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, t. XIE, pl. 40, fig. 3, T’, 270 HW, LACAZE-DUTHIERS, et peu divisées en ramuseules secondaires; elles sont grosses, relativement du moins, et se portent toutes en dehors vers le bord du pied, en fournissant, chemin faisant, quelques pe- lits ramuscules aux paquets de fibres musculaires qu'elles tra- versent (1). I faut remarquer que les ramuseules terminaux s’anastomosent avec ceux des branches voisines, d’où il résulte un système de mailles formant un réseau, dont les angles n’ont pas paru renflés en petits ganglions, comme on le verra ailleurs. La terminaison des nerfs dans les organes du mouvement est à peu près semblable à celle que l’on va voir dans le manteau, avec toutefois cette diffé- rence tenant à l'absence de ce petit épanouissement ganglion- naire. Otolithes. — On sait que, dans Île plus grand nombre des Gasté- ropodes et dans les Acéphales, les ganglions pédieux offrent un rapport curieux; plus particulièrement destinés aux organes du mouvement, ils n’en présentent pas moins une liaison intime avec ce qu'on est convenu de désigner par le nom d’otolithes, ou bien d'organes rudimentaires de l'audition. lei ce rapport ne fait point défaut : on trouve dans l'angle de réunion de la paire de connectifs venant du centre céphalique, en avant par conséquent de la masse centrale pédieuse, deux petits corps ovoïdes, un peu en forme de poire, effilés en avant, et offrant dans ce point un petit nerf ramifié dans les tissus. À Ja loupe , on reconnait très bien dans ces deux corps symétriques et blancs les otolithes ordinaires (2). L'examen microscopique confirme ce que l'examen superficiel fait reconnaître quand on a l’habitude de ces recherches : une poche ronde, à parois épaisses, de leinte un peu jaunâtre, large- ment unie par son côté postérieur au ganglion pédieux, forme l'enveloppe probablement sensible de la capsule. Cette capsule (4) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig: 4, ot. (2) Jvid. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 271 se prolonge en avant en un nerf court, mais ramifié, dont les fonctions sont difficiles à bien préciser (4). Au centre s’agitent de ee mouvement de trépidation bien connu des globules fort nombreux, sphériques, de nature calcaire, faisant effervescence dans les acides, et réfractant vivement la lumière. ne wa pas été possible de voir, ce qui, dans d’autres exem- ples, se présente si nettement à l'observation, si les mouvements sont dus à des cils vibratiles tapissant la face interne de la capsule et lui formant un épithéliura. Les globules otolithes sont sphériques; leur grandeur varie beaucoup ; jamais elle n’est, relativement du moins, considé- rable (2). Ainsi done les ganglions pédieux présentent, comme dans les autres Mollusques, les principaux rapports, et l’on trouve, quant à leur nerf et leur position, des faits en tout semblables à ceux que l’on rencontre ailleurs. 3° Centres moyens, On a vu dans le paragraphe précédent quelle était la distinction à établir; il est par conséquent inutile d’y revenir. Les détails qui vont suivre serviront de démonstration aux idées générales pré- cédentes. Nerfs palléaux inférieurs. — On peut donner ce nom aux nerfs qui se rendent à cette riche collerette si découpée qui entoure l'animal, et paraît entre la coquille et le pied. Le nom seul montre que la partie dont il s’agit doit être consi- dérée comme une dépendance du manteau. C’est à ce qu'il faut démontrer, et la conclusion à une grande importance; car on trouvera là évidemment la preuve de Vutilité des études minu- tieuses et détaillées pour arriver à la connaissance des faits plus généraux, et pour remonter à ces distinctions des parties qui constituent réellement la morphologie des êtres. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., à* série, t, XIE, pi. 40, fig. 4. (2) Ibid., fig. 5. 272 H. LACAZE-DUTHIERS. On a vuque Cuvier (1) adécrit et représenté quatre gros troncs partant des ganglions pédieux, et se rendant à l'extrémité du pied. Ces quatre grands nerfs sont-ils aussi distinets dans la nature que dans les dessins? IT S'en faut de beaucoup. Lorsqu'on ouvre les canaux sanguins où 1ls sont logés, on remarque que, de chaque côté, le cordon nerveux est aplati et large comme un ruban, dont les bords seraient inférieurs et supérieurs, et les surfaces latérales. En renversant sur le côté (2) le cordon, on reconnait que, sur le milieu de la surface, il existe d’un bout à l’autre une trace transparente, qui semble être l'indice d’une séparation mé- diane. Les deux nerfs d’un même côté sont l’un au-dessus de l’autre, et semblent enfermés dans le même névrilème; l’inférieur est le nerf pédieux , le supérieur est le nerf palléal qui nous occupe. Cuvier a dessiné très séparés les deux nerfs ; mais dans la na- ture les rapports sont tellement mtimes, que j'avouerai être revenu à leur dissection à plusieurs reprises pour rester bien convaincu de leur distinchon. Ce sont surtout leurs ramifications, non décrites par le célèbre zoologiste, qui méritent une étude spéciale : elles conduisent nettement à la distinction. Mais à côté de cette distinc . lion, qui permet de séparer les nerfs pédieux des nerfs palléaux, il était utile de montrer comment Cuvier, qui n’a point soupçonné celte diversité d’origine et de distribution, n’en a pas moins indi- qué la séparation des nerfs, séparation qui, il faut le dire, ne s’expliquerait pas, s'il ne s'agissait exclusivement que du pied. C'est la partie inférieure de ce double cordon (3) qui a été décrite un peu plus haut comme nerf pédieux postérieur ; e’est la partie supérieure qui est le nerf palléal inférieur. On verra plus loin pourquoi ce qualificatif inférieur. Le premier se reconnait d'abord à la position, ensuite aux anastomoses transverses qui l’unissent à son homologue, enfin à la distribution exclusive de ses ramifications au pied. Le second (4) Voy. loc. cit. (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIT, pl. 40, fig. 3 (Gp). (3) Zbid., T. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 273 est caractérisé par des dispositions tout opposées : les filets de ses ramifications vont au manteau ; il n’est pas uni à son homologue ; enfin il est supérieur. Mais la différence qui distingue surtout ces deux nerfs, c’est leur relation avec les connectifs. Si lon suit avec soin les deux connectifs partant de chaque côté du centre céphalique, on voit que le plus inférieur, qui va au ganglion, et que nous avons con- sidéré comme pédieux, ne donne aucun rameau; que celui, au contraire, qui va à la partie dorsale de la masse ganglionnaire, fournit un nerf vers le tiers antérieur, souvent vers la moitié de sa longueur : or, en suivant ce nerf (1), on est conduit dans la partie antérieure de la collerette festonnée qui dépasse en avant la trompe, remonte au-dessus d'elle pour arriver à la base du tuber- cule oculaire. Le rapport de ce connectif avec la bandelette ner- veuse, que nous appelons nerf palléal inférieur, n’est donc pas douteux, et la distribution des branches secondaires que l’un et l’autre fournissent dans des parties analogues confirme ce rapport, et le rend encore plus évident. On verra plus loin de nouvelles preuves, quand les autres parties du groupe ganglionnaire moyen ou asymétrique seront décrites. La distribution des nerfs palléaux inférieurs offre une grande analogie dans toute son étendue. En arrière de la masse ganglion- naire, On trouve jusque vers l'extrémité neuf, dix, ou un peu plus, un peu moins de branches, suivant la taille de l'individu (2). Toutes ces branches se détachent à angle droit du tronc principal, abso- lument comme les nerfs pédieux, et se rendent au travers des fibres musculaires jusqu’à la base d'insertion de la collerette fes- tonnée ; là elles se bifurquent, et envoient en avant et en arrière des rameaux qui se subdivisent deux ou trois fois avant d'arriver au bord libre. Les subdivisions des deux branches voisines se courbent les unes vers les autres et s’anastomosent; de là résulte un réseau à mailles nombreuses, irrégulières, dont les angles semblent pour la plupart renflées en un petit développement ganglionnaire. (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XIE, pl. 40, fig. 3 (np'’). (2) Voy. ibid. (np). £° série. Zooz. T. XII. (Cahier n° 5.) ? 18 97h H. LACAZE-DUTHIERS. De l'extrémité postérieure du bord festonné qui va en se termi- nant en pointe, et en se confondant avee le disque du pied jus- qu'au tentacule oculaire, là distribution est la même ; le réseau est continu et partout semblable (4). Le bord festonné ne présente pas toutes ses découpures dans un même plan ; il a une certaine épaisseur, et, comme le réseau fournit des filets à chacun de ses éléments, il en résulte que le réseau lui-même n’est pas dans un même plan, et que les mailles, sur- tout les secondaires les plus voisines du bord sont au-dessus les unes des autres (ce qui est difficile à rendre dans un dessin). Les festons se composent de deux ordres d'éléments : les uns arrondis, à bords découpés de petites sinuosités ; les autres iliformes rappelant complétement les tentacules céphaliques. Fréquemment on rencontre ces festons par groupe de trois, dont un moyen plus grand, séparés par les éléments filiformes. Les nerfs qui se dé- tachent en dernier lieu du bord du réseau se distribuent à la base des festons, et toujours on en voit un pénétrer dans chaque élément filiforme. Il n’en faut pas douter, on trouve là une disposition qui, bien certainement, indique un organe éminemment sensible. Il y a un véritable luxe de parties tactiles. De la masse ganglionnaire partent deux nerfs tout à fait sem- blables et analogues aux ramifications secondaires des deux bran- ches postérieures (2). Ils se bifurquent, et s’anastomosent entre eux et avec leurs voisins, de telle sorte que le réseau est non in- terrompu d’un bout à l’autre du disque festonné. L'anastomose entre le nerf palléal antérieur né du connectif, et le premier nerf palléal né du ganglion, est très manifeste ; elle s'établit comme entre les autres nerfs. Les parties qui viennent d’être indiquées comme appartenant au troisième groupe ganglionnaire sont encore régulières et symé- triques, par opposition à celles qui restent à décrire. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 40, fig. 3, portion droite. (2) Voy. ibid. (np'). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 3 — 15 Celles-ci les plus étendues forment un anneau complet, fermé, t latéral, déjeté d'abord à droite, puis à gauche par une sorte de Lorsion, d'où naissent des nerfs respiraleurs, des nerfs càrdiaques, des nerfs génitaux, et eulin des nerfs palléaux supérieurs. On voit qu'ilest fort difficile de donner un nom unique et géné- ral, par cette raison que les petits centres, où ganglions secon- daires, fournissent à des parties très diverses. Parhe centrale. — Si l'on dissèque avec grand soin la masse centrale, d'où l’on a vu partir les nerfs grands pédieux et grands palléanx inférieurs, on voit sur la face supérieure naître plusieurs trones nerveux, dont deux très volumineux, plats et rubanés, qui se portent en haut, mais dans une direction opposée, ce qui fait qu'ils se croisent comme les branches d’une X (4). L'un, né à gauche, se porte à droite, en passant en dessous de l'intestin ; l’autre, né à droite, se porte à gauche, en passant au- dessus du tube digestif et croisant en sautoir la première portion à peu près de læsophage, vers la réunion de la bouche et des aba- joues buceales , on le voit se dégager des eireonvolutions intesti- nales qu'il laisse à droite (2). Le cordon gauche, après être sorti de la cavité viscérale, re- monte un peu vers l'extrémité antérieure du gros musele de la co- quille, et parait par transparence quand on tire en dehors le repli du manteau, el qu'on rejette en dedans la branchie. Dans ce point, en effet (3), il se renfle en un ganglion parfaitement distinct, vé- ritable petit centre secondaire, que l'on peut appeler ganglion branchio-palléal droit, bien qu'on doive le rapporter cependant au côté gauche du centre nerveux qui nous occupe. Le cordon de droite qui se porte, comme il à été dit, à gauche arrive un peu plus en arrière que le précédent à la base du repli falsiforme qui attache la branchie gauche au corps et au manteau ; (1) Voy. Ann. des sc, nut., Zool, 4°série, t. XIE, pl.9, fig. 4 (u et v), pl. 10, fig. 1 (w eto), pl. 44, fig. # (u et »). (2) Voy.ibid., pl, 14, fig. 4, Figure schématique représentant l'ensemble du système nerveux. (3) Voy. ibid., pl. 9, fig, 4 Z?, [e) 276 M. LACAZE-DUTHIERS. là, comme de l’autre côté, il se gonfle en un ganglion (4), qu’on peut appeler ganglion branchio-palléal gauche. De ces deux centres ou du moins des cordons croisés tout près des _ganglions qu'ils forment, partent deux autres longs cordons (2) qui se dirigent en arrière en longeant les parois de la cavité viscérale, dépassent les veines branchiales transverses, et se réunissent au- dessous du rectum, des veines et artères branchiales, du corps de Bojanus, et des orifices ou conduits de la reproduction ; de cette union résulte un cordon continu qui, parti de la masse centrale sus-pédieuse d’un côté, y revient de l’autre, tout en laissant en dehors de lui le tube digestif. Au-dessous du rectum, vers lesorifices des organes génitaux et du corps de Bojanus, ce cordon se renfle, s’épaissit, devient véritable- ment ganglionnaire (3), et fournit de nombreux filaments nerveux. On remarquera, sans aucun doute, que cet ensemble de cor- dons nerveux présente une parlicularité fort intéressante : d’abord tout l’ensemble est porté à droite, puis renversé à gauche, d’où résulte un entrecroisement en forme de 8 de chiffre. Les parties semblent avoir éprouvé une torsion qui les rejette à gauche. Dans quelques animaux, nous verrons qu’il n’en est pas ainsi, et que ce transport latéral à droite de l’ensemble des cor- dons et ganglions secondaires du troisième groupe, n'existe pas; aussi l’asymétrie à droite, qui semble étre le caractère du Gastéro- pode, peut non pas disparaitre, mais se compliquer, et être masquée par une distorsion latérale, inverse, c’est-à-dire gauche, après avoir été droite, C’est le cas ici. On doit voir que, si l’on prend les rapports du tube digestif et du système nerveux, du moins pour la partie qui nous occupe, l'on trouve des caractères précieux ; le premier est toujours à gauche du second, et toujours en dehors du cercle que forment les ganglions secondaires. Qu'on imagine le ganglion (k) branchio-palléal de gauche de- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XII, pl. 40. fig. 4, Z/!. 2) Voy. ibid. (i et p), pl. 40, fig. 6 (i-p); pl. 11, fig. 4 {i-p). 3) Voy. ibid., pl. 9, 10 et 11, le point marqué 77”. &) Voy. ibid., la partie marquée dans les planches 77. ( ( SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 277 laché avec la branchie, ainsi que les cordons qui lunissent au resie du système nerveux, et rejetés à droite, le tube digestif passera par le collier ordinaire, et des ganglions moyens partiront les nerfs indiqués, qui se trouveront tous en dehors et à droite du tube digestif pris dans son ensemble. Des circonvolutions mtesti- nales pourront bien, à la vérité, par l'extrémité d’une anse, remon- ter entre les deux cordons croisés en X ; mais si l’on déploie tout le tube, en laissant les deux extrémité fixes, on verra bien nettement que le cireuit indiqué n’affecte aueun rapport immédiat avec l’in- testin. Ceci conduit à cette conséquence , dont il sera tiré parti plus tard dans un travail général; que si, dans beaucoup de Pectinibranches de Cuvier, la branchie est à gauche, 1l faut cepen- dant normalement la considérer comme étant toujours droite ; elle s’est déplacée par déformation du corps, et le système ner- veux peut servir à la remettre en position ; done ici la branchie, que l’on appelle naturellement gauche, est, si l’on remet les par- ües dans leur place en prenant le système nerveux pour guide, la branchie droite ; et les noms qui ont été imposés aux ganglions doivent indiquer simplement la position apparente (1). Ganghons branchio-palléaux nés sur les cordons croisés. — Ces ganglions, bien nettement sphériques, très distincts sur tous les individus, se trouvent, avec la plus grande facilité, quand on ouvre les téguments à la base des replis falsiformes qui unissent les branchies au corps; rien de particulier de leur description (2). Nerfs palléaux supérieurs. — L'embarras qui vient d’être si- onalé relativement à la dénomination droite ou gauche se retrouve ici ; l’entrecroisement à renversé, en fin de compte, la position pri- mitive ; aussi, dans la description qui suit, est-il nécessaire d’avoir sous les veux les deux figures qui représentent les choses (3). (4) La position telle que la présente la nature sans interprétation. (2) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t, XII, pl. 9, et autres parties marquées 7, Z". (3) Voy. ibid., pl. 9 et 40. 278 MH. LACAZE-DUTHIERS. On voiten effet queles nerfs dont il s’agit sont nés sur la partie centrale gauche, et qu'ils viennent se distribuer cependant à la lèvre de la fente dorsale que présente le manteau en face de la série des trous de la coquille (4). On remarque aussi en avant, en dehors du musele de li coquille, des nerfs venant d’une autre origine. Mais ceci conduit forcément à dire un mot du manteau de l’Haliotide. Du manteau. Dans le résuiné général, on trouvera réunies les preuves et les raisons qui ont conduit à considérer chaque partie de telle ou telle manière ; il ne s’agit en ce moment que de la disposition générale. On a vu déjà une collerette festonnée qui entoure le corps entre la base du pied et la coquille (2). I y a encore autre chose : si, prenant le pied solide, contracté, résistant et très dur, on cher- che, sur un animal mort et débarrassé de sa coquille, à trouver la base d'union de ces parties avec le reste du corps, on trouve une seconde lamelle qui borde la coquille, et qui hinite tout le tour la masse viscérale (3). En avant, cette lame mince, fort simple, ondulée, et qui rappelle bien ce que lon nomme en général le manteau, s'arrête carrément en arrière de la tête ; mais suivant l'axe du corps, elle est divisé par une fente correspondant au milieu de la cavité où sont logées les branchies. Si on la soulève, on voit qu'en avant elle est unie de chaque côté au cou par un repli, qui s'arrête à peu près à la hauteur du muscle de la coquille, mais qu’en arrière de celui-et, elle se pro- longe en dessous du corps ou de la masse viscérale, si bien que le muscle de la coquille semble être entouré par une sorte d’enton- noir, dans l'intérieur duquel il plonge de bas en haut; ainsi en tenant une Haliotide par le corps proprement dit, et, tirant sur le pied, on est tout étonné de voir le long pédoncule que forme le (a) Voy. Ann. des sc. nat., 4° sér., Zool., t. XIT, pl. 9, fig. 2. (2) Voy. ibid., fig. 1, Haliotide débarrassée de sa coquille. (3) Voy. ibid , dans les diverses figures, les parties indiquées (Ms). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 249 muscle, dont on ne voit que lextrémilé supérieure quand on regarde l'animal par le dos. En agissant de la sorte, l’on voit que la collerette festonnée dont il a été déjà question est ou du moins semble être compléte- ment indépendante de la lamelle plus simple qui entoure et recouvre le corps , et qui pourtant est le véritable manteau. Les tours (4) de spire de la coquille de l’Haliotide sont réduits à leur plus simple expression; aussi la masse viscérale est-elle à peine enfermée dans le teste; elle est plutôt recouverte par lui. Cette lamelle, dont nous cherchons à donner une idée, passe en dessous de la masse viscérale (foie, organe de la reproduc- tion, ete.) que l’on voit en enlevant la coquille. Si donc on considérait d’une manière très générale le corps de l’Haliotide, relativement aux autres Gastéropodes, on trouverait le pied et la tête entourés, comme à l'ordinaire, à leur base par le manteau, qui présente en avant la fente longitudinale indiquée, et qui, en arrière, par suite de l’aplatissement de l'animal, est sous les viscères, au lieu d’être en avant. Revenons aux nerfs palléaux en particulier. On peut mieux voir maintenant quels sont les nerfs désignés par ces mots nerfs pal- léaux supérieurs ; ce sont ceux qui viennent se distribuer à cette lame doublant la coquille, unie à la masse viscérale et à la paroi du corps, véritable manteau, analogue à celui des autres Gastéro- podes pectinibranches. Ils sont au nombre de quatre, bien distinets : deux internes (2), deux externes (3). Les deux premiers se distribuent au bord de la fente médiane, et aussi un peu à la moitié environ de la partie correspondante de l'extrémité sus-céphalique. Leur origine est parfaitement distincte; ils naissent des gan- (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII. La figure 2, planche 9, montre un animal dans son état naturel; on voit que la portion du corps qui représente les viscères est à peine contournée. (2) Voy. ibid., pl. 9, fig. 2 (d.q). (3) Voy. ibid. (g.r). 280 HW. LACAZE-DUTRIERS. olions qui sont développés sur les cordons croisés à la base d'insertion des branchies. Quand on suit, aussi loin que possible, les dernières ramifica- tions, on trouve que la distribution terminale ressemble beaucoup à ce que l’on a vu dans le repli charnu festonné inférieur. Les branches secondaires s’anastomosent, et forment un réseau à mailles fort petites, dont les angles sont toujours tantôt plus, tantôt moins renflés en ganglions, et dont les derniers filets, fort petits, vont jusqu'au bord du repli palléal (2). Le nerf palléal supérieur du bord droit de la fente se divise brusquement en deux troncs principaux (2), dont la direction est tout à fait opposée, car l’un va en avant, l’autre va en arrière. Les ramuseules qui se détachent du tronc principal se portent tous ou presque tous vers le bord libre de la fente, et s’y ter- minent comme il vient d’être dit. Il faut remarquer que le bord de cette fente du manteau porte trois petits tentacules. Cuvier dans son travail en à indiqué un plus grand nombre : «Trois où quatre filaments qui garnissent les > bords de cette fente passent par ces trous (de la coquille) (3). » Qu'on le remarque, Cuvier peut avoir indiqué le nombre quatre en ayant observé d’autres espèces; je dois dire que, sur celles de Ja Manche et de la Méditerranée, le nombre trois s’est toujours pré- senté; de plus, il a, dans la figure qui a pour but de montrer l'animal tel qu'il est vivant (4), représenté un filament dans chacun des trous. Cette dernière disposition ne parait pas exacte, si du moins on la rapproche des faits observés sur les animaux sujets du présent travail. L'un des trois filaments est constamment à l’angle, ou sommet postérieur de la fente; les deux autres sont l’un à droite, l’autre à gauche, le premier est plus en avant que le second, qui se trouve tout près du muscle de la coquille. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 3, dernières ramifications amplifiées au moins cinq ou six fois. (2) Voy. ibid. (q). (3) Voy. loc. cil., p. 8. (4) Voy. ibid., pl. 4, fig. 9. ‘ SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 281 Les rameaux de chaque côté de la fente fournissent bien dis- linctement un filet grêle aux filaments tentaculaires. C’est toujours sans peine que l’on peut voir le filament de l'angle postérieur de la fente recevoir son nerf de la branche née du gan- glion voisin du muscle (4). Le nerf palléal supérieur interne du côté gauche de la fente nait aussi du ganglion palléo-branchial du même côté; 1l se porte en dehors de la branchie, ou mieux du repli qui sert à l’attache de cet organe, pour se dégager du côté externe de la poche palléale, en dehors du bord externe et de l'extrémité antérieure de l'organe de la mucosité (2); on le voit alors changer de direction, revenir en dedans pour gagner le bord de la fente, et s’y distribuer : ses filets vont en avant et en arrière. Enfin les deux nerfs palleaux internes supérieurs s’anastomosent entre eux sur le coté gauche de la fente. Nerfs palléaux supérieurs externes (3). — L'étude de ces nerfs sera mieux placé à côté de celle des nerfs fournis par les gan- olions que l’on a vus confondus avec les ganglions pédieux , car ils ne naissent pas sur les ganglions des nerfs entrecroisés, mais bien sur ceux que nous avons cherché à distinguer, malgré leur rapprochement des ganglions pédieux. Leur origine sera indiquée exactement un peu plus loin. Nés l’un à droite, l’autre à gauche, et restant bien l’un pour la droite, l’autre pour la gauche, sans se croiser, ils gagnent le bord externe du manteau. Celui de droite (4) s'engage sous les fibres musculaires du pre- mier plan de la cavité abdominale, puis se porte entre les fibres les plus antérieures du muscle de la coquille, et se dégage de ce dernier tout près de son extrémité antérieure. Des ramuseules secondaires nombreux se distribuent à tout le bord du manteau ; (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 2. (2) Voy. ibid. 3) Voy. ibid. (r.g). ) ( (4) Voy. ibid., pl. 9, fig. 2 (r), pl.-40, fig. 6 (r). 282 H. LACAZE-DUTHIERS, les uns, plus nombreux, vont en avant, et S’anastomosent avec les dernières branches du palléal supérieur interne. Les autres, moins nombreux, deviennent de plus en plus grêles, à mesure qu'on recule davantage vers la partie postérieure, et sont aussi plus difficiles à suivre. Celui de gauche se dégage un peu en dessus du palléal interne, et se divise aussi en deux rameaux qui se portent à l'opposé lun de l’autre, e’est-à-dire en avant et en arrière (4). Probablement il y a une anastomose entre les deux nerfs pal- léaux supérieurs externes en arrière, mais la ténuité des dernières ramifications n'a pas permis de la constater. De cette distribution, il semble résulter que la partie antérieure du manteau est évidemment plus sensible que la postérieure ; chose qui, du reste, était facile à prévoir. Nerfs branchiaux ou respirateurs proprement dits (2).— Ces nerfs naissent à droite et à gauche des ganglions développés sur les cordons croisés en X; ils sont logés comme le ganglion, dont ils émanent dans les replis falsiformes qui supportent et unissent les branchies au manteau. De chaque côté, on en trouve deux, Pun, plus interne (3) quand la branchie est rejetée un peu en dedans, se dirige directement vers la base des feuillets, c’est-à-dire vers le vaisseau efférent ; l’autre, plus externe, suit la base d'insertion du repli. Les deux inarchent à la rencontre l’un de l'autre en se dirigeant vers la pointe libre de la branchie. Pour préparer les ramuseules secondaires, on doit, sur des In- dividus morts, et dont la putréfaction commence un peu, arracher les branchies, en prenant entre les pinces le vaisseau supérieur celui qui apporte le sang veineux, si on enlève tous les feuillets, le canal qui rapporte le sang au cœur se trouve ouvert. Si l’on saisit alors les parois de ce vaisseau, et si l’on tire à (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIT, pl. 9, fig. 2 (g). (2) Voy. ibid. (st), (3) Voy. ibid., fig. 4 (t).et fig. 4 (1). SYSTÈME NERVEUX DB L'HALIOTIDE. 288 droite et à gauche, on en déchire le fond parallèlement à ses bords suivant sa longueur, et l’on voit paraitre les filets secondaires qui viennent à la branchie. Ces filets très grêles et déliés se détachent du nerf interne el sont très longs : les uns vont en arrière et arrivent jusqu'à l’ex- lémité postérieure de la branchie, les autres se dirigent en avant et se distribuent dans toute la partie antérieure (1. Ces petits filets branchiaux, nombreux et parallèles, paraissent quelquefois s’anastomoser ; mais il est très difficile de les dissé- quer et de bien les suivre en raison de leur ténuité. Ils se rendent probablement aux lamelles branchiales, mais pour les suivre jusque dans ces éléments, e’est extrêmement difficile. Le nerf. le plus externe, et qui mérite aussi bien le nom de nerf respirateur, suit le bord libre du repli (2) falsiforme, se dirige du ganglion directement vers la base du pli, se redresse avec lui, quand il se détache du corps pour devenir libre. IL est certain que, arrivé au sommet de la pointe de la branchie, il rencontre le nerf interne et s'anastomose, se confond, avec lui ; on peut, du reste, suivre ces deux nerfs jusque vers le point indi- qué, cela est facile. On doit évidemment appeler ces deux nerfs les nerfs branchaux ou respirateurs antérieurs, La description convient également à l’un et à l’autre côté, il n° a pas de différence. Cordons unissant les deux ganglions palléo-respirateurs (3). — La désignation de ce cordon est assez difficile à trouver exacte- ment. Le nom de commissure devant être réservé aux unions transversales des parties homologues semblerait devoir lui être . donné ; telles sont, par exemple, les bandelettes unissant les sanglions pédieux ou les ganglions sus-œæsophagiens. L'asymétrie qui à été indiquée précédemment, pourrait peut- (1) Voir surtout la fig. 4, pl. 9, & XIE, #° série, Ann. des se. nut., Zool., qui est la représentation dela déchirure indiquée de la branchie. (2) Voy. ibid., le filet désigné par la lettre (s). (3) Voy. ibid., les différentes planches et figures (p.i). 28! H, LACAZE-DUTHIERS. être s'opposer à l'emploi du mot commissure, on trouve d’ailleurs un développement ganglionnaire en arrière de l'anus. Mieux semble done ne pas désigner ici ce cordon par un nom spécial et caracté- ristique ayant un sens propre. Ce n’est que dans un travail général que le nom pourra être indiqué et discuté. Portion de droite (1) née du cordon croisé gauche. — 1 faut décrire séparément la portion droite et la gauche en raison des rameaux bien distincts qu'elles donnent. La première naît du cordon croisé en X tout près du ganglion respirateur, et se place entre le musele du pied et la cavité viscérale pour se diriger vers la partie postérieure du corps. Elle se prolonge jusqu’à peu près au niveau du fond du cul-de-sac de la voûte pal- léale. Là, elle se porte à gauche ou en dedans, passe sous les vais- seaux branchiaux afférents, se courbe en arc et se continue avec le développement ganglionnaire, que l’on voit très bien au travers des téguments, quand on renverse en dehors le manteau et que par des tiraillements on fait paraître les orifices des organes génitaux et du corps de Bojanus (2). Ce cordon fournit dans son étendue quelques petits filets grêles de peu d'importance qui vont aux parties tégumentaires voisines et s’anastomosent même avec des ramuseules fort ténus venant d’autre part. Mais un nerf presque aussi gros que lui prend naissance à une hauteur souvent variable, le plus habituellement cependant, vers l'union du tiers postérieur et des deux tiers antérieurs du musele de la coquille. Déjà dans ce point d'origine, le cordon a com- mencé à s'éloigner un peu de la masse du muscle et à se porter en dedans, pour rejoindre le ganglion génito-cardiaque ou postérieur. (4) Je ne saurais trop rappeler que la désignation de droite et de gauche, n’est que relative, qu'il est bon de revoir les figures, afin de comprendre com- ment le cordon de droite est uni au cordon croisé gauche, il est désigné dans les figures par la lettre (p). (2) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XII, pl, 9 et 40, Z°”, déve- loppement ganglionnaire ; O, orifice génital; J, orifice du corps de Bajanus. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 285 Ce nerf doit se nommer nerf génital. Il se dirige (1) à droite, et rencontre bientôt le musele auquel il paraît fournir quelques ramuscules ; mais il se divise habituelle- ment en branches peu nombreuses, grosses, qui se font remar- quer très nettement à la surface de la masse ganglionnaire ova- rienne ou testiculaire, logée surtout dans la partie spirale du COrps. Quelques rameaux passent en arrière de la spire, d’autres au- dessus, d'autres enfin remontent vers cette sorte de queue fournie par la portion des glandes qui ne peut se loger sous la coquille et qui s’abrite sous un repli latéral, en forme de cul-de-sal, apparte- nant au manteau. On voit très fréquemment les premières divisions assez volumi- neuses s’anastomoser obliquement entre elles. Portion gauche (2) née du cordon croisé droit. — Le grand nerf aplati, qui part à droite de la masse ganglionnaire et se porte, à la base de la branchie à gauche, en croisant en sautoir le tube digestif, est plus long et volumineux que eelui du côté opposé. Dans son trajet 1l donne quelques ramuseules qui vont aux parties voisines; c’est ainsi que l'intestin, surtout les poches ou abajoues, semblent recevoir quelques-uns de ces ramuscules très petits et fort déliés. Avant d’arriver à la base de la branchie et par conséquent au renflement ganglionnaire, il donne le cordon qui nous occupe et qui semble cependant, par sa direction, venir plutôt du ganglion branchial que de la partie centrale; ce cordon (3) suit le bord gauche de la cavité viscérale sous la voûte du manteau et vient se joindre à celui du côté opposé en s’unissant au ganglion génito- cardiaque ou postérieur dans le point déjà indiqué. On a vu se détacher du cordon de gauche en dehors de lui un (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIL, pl. 9 et 40, nerf marqué(o). (2) Voy. ibid. Ces petits filets ont été dessinés dans la figure un peu schema- tique de la planche 9. Comme le tube digestif y manque, ils semblent ne se rapporter à rien. (3) Voy. id. 11 est désigné par la lettre (i) dans les différentes figures. 286 HW. LACAZE-DUTMIERS. gros nerf (nerf génital); ici de même on trouve un rameau qui se sépare en dehors el qui descend au-dessous de Ta branchie, à peu près dans l’attache du manteau au corps (4); en cheminant ainsi en arrière, il rencontre bientôt la partie inférieure du péri- carde et lui fournit des rameaux. Cependant ee sac n’est pas le seul à recevoir les divisions de ee nerf, qui le plus habituellement se bifurque et donne une branche dorsale, véritablement péricardique, que l'on voit très facilement dans l'épaisseur de la paroï, et une branche inférieure difficile à suivre, qui se perd sur la face inférieure de lenvoloppe tégumentaire des viseères, mais qu'on aperçoit encore assez loin à côté du vaisseau qu'on trouve, en dessus au bord postérieur de la masse viscérale (2), Il y à aussi un nerf péricardique droit qui se détache du cor- don droit, un peu plus loin que le nerf génital, plus près par conséquent du renflement ganglionnaire, Cet autre nerf péricar- dique proprement dit se divise en deux branches également déliées, l’une péricardique et l’autre viscérale (3). On voit les ra- meaux de ces deux nerfs péricardiques, empiéter réciproquement sur l’espace qu'ils sembleraient devoir recouvrir de leurs divi- sions, sans s’anastomoser (du moins, e’est ce qui a paru, mais il pourrait fort bien en être autrement). Enfin, il y a aussi un nerf péricardique moyen, qui nait à gauche du ganglion médian (4) et qui se porte, en laissant le reelum à droite, vers le péricarde en passantau-dessus du corps de Bojanus, auquel il doit sans doute donner quelques filets. L'un de ses ra- meaux va à la partie moyenne du péricarde, l’autre s'anastomose avec le grand nerf péricardique gauche ; il y a même un balan- cement entre le développement des deux. Plus le nerf moyen est volumineux, plus l’autre est grêle et réciproquement ; sur quel- (4) Voy. Ann, des so. nal., Zool., 4° série, &. XIE, pl. 9, fig. 4 (j). (2) Voyez surtout pour ce filet, la fig. 6, pl. 40, qui est un peu théorique et qui montre l'haliotide vue en dessous. (3) Voy. ibid.; ce nerf est désigné par la lettre (n). (4) Voy ibid., surtout la fig. 6, pl. 40. II est désigné par la lettre #. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 287 ques Imdividus ce nerf moyen n'était pas appréciable, le nerf gauche était fort développé. Le nom imposé à ces trois nerfs semble indiquer un mode de distribution tout à fait spécial, c’est parce que l'on voit sur- tout ces nerfs sur la poche qui renferme le cœur, qu'il leur a été donné ; mais {ous semblent dépasser le péricarde et aller à la paroi du corps et probablement aux viscères postérieurs au cœur. Fournissent-ils des rameaux au cœur? Cela est probable, car à droite comme à gauche, 1ls passent sur le péricarde, vers le point d'attache des oreillettes. Cependant il faut reconnaître une telle difficulté à la préparation, que la prudence impose de Ia réserve. Quand on dissèque ces nerfs en pénétrant par la face inférieure dans le corps (4), on voit de petits filets qui partent surtout du péricardique gauche, et qui, s’anastomosant entre eux, forment comme un pelit réseau d’où émanent des filets fort déliés allant aux viseères voisins. Mais dans toutes ces dispositions , il ne parait y avoir rien de régulier et de constant. Ganglion postérieur (2). Par ce nom qui n'indique rien relativement aux fonctions, on doit entendre cet épaississement qui se trouve à peu près dans la courbe qui unit les deux cordons postérieurs partant des ganglions respiratoires ; on le voit un peu en arrière des orifices de la reproduction el du sac rénal au-dessous du rectum et des vaisseaux branchiaux. Quelques nerfs importants se détachent soit de lui, soit de son voisinage. Si l’on suppose le corps de l'animal renversé, vidé et vu par des- sous, on trouve la courbe des nerfset le ganglion sur un plan anté- rieur au manteau et aux autres parties sous lesquélles if est placé. Si l'on enlève la paroi dorsale de la cavité générale du corps © (1) Voy. Ann, des sc. nal., Zool., 4° série, &. XII, pl. 40, fig. 6 et autres. (2) Il est désigné par la lettre Z7/”. 288 H, LACAZE-DUTHIERS. on voit alors plus en dessous encore la cavité palléale , les deux branchies et entre elles la fente longitudinale du manteau, vers l’angle de laquelle s'ouvre lanus (4). Dans cette position paraît sur un plan antérieur et supérieur, ce qui, en réalité, est sur l'animal dans la position véritable sur un plan inférieur ; on trouve d’abord le vaisseau prineipal qui apporte le sang aux branchies; il est accolé au rectum qui parait en dessous, couvert en partie par l'organe de la mucosité, dont les lames tapissent la voûte de la cavité palléale. De chaque côté de ce vaisseau et par conséquent du rectum, on voit une fente en boutonnière courbe, très près et en arrière des deux divisions du vaisseau principal qui apportent le sang à lune et à l’autre des branchies ; en arrière de tout cela paraît la cavité du péricarde, dans laquelle pénètre le rectum pour traverser le ventricule (2). Ces détails descriptifs facilitent évidemment beaucoup pour l'indication des filets nerveux secondaires. Sur le côté droit de la courbe (3), un peu avant le gonflement ganglionnaire, on trouve un ou deux très petits filets, relativement assez longs, qui se distribuent à la partie dorsale de l’enveloppe du corps, et qui s’anastomosent entre eux en se dirigeant en arrière : ils fournissent sans doute des filets aux viscères voisins. Mais la difficulté qu’on éprouve à les suivre au milieu des débris des tissus enlevés doit imposer beaucoup de réserve dans la description; d’ailleurs il est très probable qu'ils n’ont qu'une im— portance secondaire. Du ganglion lui-même nait un nerf volumineux qui se porte de bas en haut, et remonte sur la face inférieure du vaisseau sanguin principal afférent à la branchie. Ce nerf, qu’on pourrait appeler, en raison de sa distribution principale, soit rectal, ou bien palléal (4) Cette disposition a été reproduite dans la fig. 6, pl. 10,t. XIT, Ann. des sc. nat., Zool., 4° série. (2) Voy. ibid. Du reste, il sera bien d’opposer la fig. 1, pl. 9, à celle de la pl. 10, fig. 6, pour voir la différence que la position (les deux orifices servant de point de repaire, sont indiqués par les lettres O et J) apporte dans les rapports des parties. (3) Voy. ibid. SYSTÈME NERVEUX DE L’HALIOTIDE. 289 supérieur moyen, dépasse le vaisseau branchial, et se ramifie sur les tissus voisins de l'anus en remontaut très haut, assez près de cet orifice ; les principales ramifications sont très évidentes, mais leurs terminaisons se perdent au milieu des plis des glandes mu- cipares, et sont dès lors fort difficiles à suivre (1). A gauche, avant d'arriver à la bifurcation du vaisseau branchial, deux ou trois ramuseules à peu près constants se détachent et se dirigent en arrière de l’orifice du sac de Bojanus, vers le péri- carde et la paroi inférieure du sac rénal. Du même côlé, on voit un filet qui suit le tronc gauche du vaisseau branchial, et qui arrive assez près de la branchie ; mais sa fénuité le fait bientôt échapper à l'observation. Un seul ramuseule parait le plus souvent se détacher à droite ; il se bifurque avant d'arriver à l’orifice génital, qui se trouve ainsi compris dans la fourche de cette division, dont les extrémités arrivent jusqu’à la branchie. Nerfs palléaux supérieurs externes. Revenons maintenant aux nerfs qui naissent de la partie centrale du troisième groupe, c'est-à-dire de la masse gan- glionnaire pédieuse, que l’on sait devoir être dédoublée comme il a été dit. A gauche, l’on voit naïtre tout près de l’arrivée du connectif céphalique quatre cordons. L'un antérieur est assez volumineux (2), et va se distribuer à la partie de la collerette festonnée, qui est à peu près en face de la portion postérieure de la tête. On a vu déjà un nerf aller à l'extrémité antérieure de cette collerette , il était né sur le con- nectif, Des trois autres, deux plus grèles naissent en avant de l’ori- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 9, 10 et 44, le nerf est désigné dans les figures par la lettre L. (2) Voy. ibid., pl. 40, fig. 4 (np'). £° série. Zooz, T. XII. (Cahier n° 5), 5 19 290 M. LACAZE-DUTHIERS. gine du cordon croisé gauche (1) et un peu plus gros se détache en arrière (2). Tous les trois se dirigent en dehors en s’accolant à la face interne de la cavité viscérale (3). Le plus grêle est le plus antérieur, il S’épuise bientôt en don- nant de petits rameaux dans les paroïs du corps, et une branche anastomotique qui, se dirigeant en arrière, s’unit au voisin ou nerf palléal supérieur externe gauche(h). Cette branche anastomo- tique donne, vers le milieu de sa longueur (5), des filets destinés à l’estomae, et 1 très probablement s'anastomosent avec le grand sympathique ou stomato-gastrique. Une semblable anastomose à paru constante dans les Bullées et autres Gastéropodes ; dans ces animaux, elle est très déve- loppée, et plus facile à constater. Ces quatre branches nées du même côté, tout près du gros cordon qui se croisera avec celui du côté opposé, forment comme un plexus, dont la branche la plus volumineuse (6) est le nerf palléal supérieur externe gauche. Elle se porte au manteau et s’y distribue. Sa description a déjà été faite quand il s’est agi des nerfs du manteau, indépendamment de leur origine. A droite, on trouve moins de rameaux; on n'en voit qu'un d'important ; il prend son origine un peu en avant du cordon droit qui doit s'entrecroiser et se porter vers le ganglion respirateur gauche (7) : c’est le nerf palléal supérieur externe droit. Il s’accole, comme à gauche, à la face interne de la cavité viseé- rale au-dessous de tous les organes, et s'échappe en pénétrant entre les paquets fibreux du musele de la coquille sur le côté droit du manteau (8), où l’on sait déjà comment il se distribue, Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 40 (e.f.g). Voy. ibid. (h). Voy. ibid. fig. 4 (e.f.h\. Voy. ibid. (g). Voy. ibid. (f), ici l'estomac n'est pas dessiné, Voy. ibid. (g). Voy. ibid. ( Voy. ibid. (r). RCE ES SN © PR PT ne TS D CO SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 291 Tel est ce troisième groupe ganglionnaire; on voit que les par- les auxquelles il fournit des nerfs sont fort nombreuses, et que sa description ne manque pas d'être assez compliquée. Peut-être semblera-t-1l qu'on eût pu le diviser en centres secon- daires ; ce serait iet évidemment, au lieu de shaplifier les choses, les compliquer encore davantage ; mieux vaut évidemment ne voir là qu'un ensemble de parties secondaires qui se multiplient, suivant que les organes auxquels elles doivent fournir des nerfs prennent plus d'importance, bien cependant qu’elles se rappor- tent toujours à un même groupe, lequel serait, dans le cas d’avortement de ces parties, le dernier à disparaitre. Ainsi dans le Pleurobranche, pour ne citer qu'un exemple et ne faire qu'un rapprochement, des parties très développées dans lPHaliotides n'existent pour ainsi dire pas ; aussi le ganglion est-il rudimentaire, et les parties secondaires st développées ici ne se présentent pas. V Du système nerveux grand sympathique ou stomato-gastrique. L'on donne habituellement dans les Mollusques le premier de ces noms à la partie du système nerveux, qui semble seule desti- née à fournir l’activité vitale au tube digestif, sans v comprendre toutefois l’orifice buccal et les lèvres. Mais la cavité de la bouche, appareil complexe qui la com- pose et le tube digestif, tirent seuls tous leurs nerfs d’un centre particulier ; aussi le nom de grand sympathique donné par ana- logie est trop étendu, il peut faire croire que les choses sont comme dans les animaux supérieurs, et il y a réellement de l’in- convénient à le conserver ; le second emprunté à l'anatomie des Articulés est done préférable. Centres, Les centres ganglionnaires du stomato-gastrique sont situés dans l'Haliotide fout à fait comme dans les autres Gastéropodes, sous la première partie du tube digestif qui fait suite à la masse, au bulbe où à l'appareil lingual. 292 H. LACAZE-DUTHIERS. Le tube digestif est dorsal, relativement au reste de l'appareil ; il laisse entre lui et le bulbe lingual un espace, où les ganglions stomato-gastriques viennent se loger; en un mot, c’est entre l'appareil lingual et lœsophage, dans l'angle qu'ils forment, qu'on les rencontre (1). Du reste, cette position est constante, el c’est toujours dans ce point qu'il faut chercher ces ganglions. La forme de ces centres estla même que celle des autres parties du système nerveux. L'aplatissement, l'allongement earactéris- tique des ganglions, se retrouve aussi sur eux, .et l’analogie avec les centres sus-céphaliques frappe tout de suite (2). Ils sont parfaitement symétriques, et couchés sur la base de la langue. Une commissure transversale les unit en passant en sautoir sur l'appareil Hingual. Assez éloignés l’un de l’aitre, ils descendent un peu sur les côtés, et se laissent facilement remarquer quand on écarte les deux grandes pocheslæsophagiennes. Connectifs (3). Les connectifs qui unissent le centre stomato-gastrique au centre céphalique sont fort gros et faciles à trouver, bien que ce- pendant il soit nécessaire pour les mettre à découvert de faire quelques préparations délicates et un peu longues. IIS naissent sur ce tronc, assez volumineux, interne et infe- rieur, d'où l'on a vu partir les nerfs labiauæ où proboscidiens infé- rieurs; c’est un rapport qui me parait plus général qu'on ne le suppose. Ils remontent sur les côtés de la masse linguale en dé- erivant quelques flexuosités, et passant sous les muscles latéraux, qu'il faut enlever par conséquent pour arriver à les voir. Cette préparation, sans être difficile, mérite cependant une assez c (1) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. XIE, pl. 41, fig. 2 et.8 (Y). (2) Voy. ibid. (3) Voy. ibid, fie, 9 (x). D SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 293 erande atlention : car des connectifs que l’on cherche à voir partent de nombreux filets (4), qu’il est important de conserver et de déterminer. On comprend du reste la disposition flexueuse ; il fallait, en raï- son des mouvements très variés et très nombreux qu’accomplit l'appareil lingual, que les connectifs fussent très longs, afin de suivre les organes dans leurs mouvements sans être tiraillés. Description générale des premières parties du tube digestif. Il est nécessaire, pour bien entendre la distribution des filets nerveux, d'établir en quelques mots la disposition topographique des premières parties de l'organe de la digestion (2). Le tube digestif proprement dit commence à l’orifice de la trompe ; aussi, dans le prolongement antérieur de la tête, on trouve deux tubes enfermés l’un dans Pautre : en dehors, les parois ex- ternes de la trompe ; en dedans, le commencement du tube digestif. Si l’on suit en partant de l’orifice buceal les différentes in- flexions, courbures et renflements, on trouve bientôt, à la hauteur des tentacules céphaliques, un étranglement, sur les côtés duquel on voit l'insertion des glandes salivaires. En arrière de cet étranglement on observe : en dessus les bour- souflements de la paroi assez peu épaisse du tube et sur le côté inférieur la masse musculaire bilobée, où puissance qui fait agir la langue. Celle-ci, enfermée dans son fourreau, se dégage en arrière et au milieu, pour aller se loger dans un vaisseau san- euin, et s’avancer assez en arrrière. Après ces parties, on observe un second étranglement ; celui-ci les sépare des deux grandes poches latérales, entre lesquelles on remarque en dessus un canal médian, qui est bien à proprement parler le tube digestif ; deux larges fentes le font à droite et à gau- che communiquer avec ces grandes poches, que l’on peut consi- dérer comme des abajoues. ) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XIT, pl. 41. (1 (2) Voy. ibid., les différentes figures. 294 H, LACAZE-DUTUHIERS. Ces poches, en remontant en dessus et en descendant en dessous, entourent le tube digestif de leurs parois qui sont fort minces, et qui par cela sont très difficiles à disséquer ; on les déchire bien souvent, et quand leur cavité est ouverte, on est un- peu embarrassé pour se reconnaître. Il faut done beaucoup d’at- tention pour ne point s'égarer dans les recherches. Puis viennent lœsophage et les dilatations stomacales. On voit en fin de compte que, entre la partie proboscidienne, celle tout à fait antérieure et les deux poches, il y a une portion moyenne ; que c’est à la face inférieure de la cavité de celle-ci que se trouve épanouie, étalée la plus grande largeur de la langue ou pièce cornée qui en forme le plancher, et correspond aux masses charnues, motrices inférieures. Entre la partie moyenne et le tube correspondant à l’œsophage, on trouve encore deux replis, l’un supérieur, l’autre inférieur, en forme de valvule triangulaire dont le sommet libre et flottant est dirigé en arrière, et dont la base est confondue avec le pourtour de l’étranglement. Leur but est, sans contredit, de s'opposer au retour dans la bouche des matières entrées dans les grandes eavi- tés, lorsque pour les en faire sorür, l'animal se contracte. Ces détails suffiront maintenant pour fixer les idées et per- mettre de faire comprendre la distribution des nerfs. Nerfs fournis par les connectifs. De nombreuses branches se délachent de ces cordons mêmes dès leur origine. } Habituellement les connectifs se portent des ganglions cépha- liques aux ganglions stomalo-gastriques sans fournir de nerfs; iei il n’en est pas de même, et les nerfs qui sembleraient devoir ürer leur origine des ganglions prennent naissance sur les con- nectifs. En partant des nerfs proboscidiens ou Jabiaux inférieurs, les connectifs se rendent obliquement, en se dirigeant en arrière, vers l’étranglement qui sépare la partie moyenne et la partie anté- rieure; arrivés à la hanteur de la ligne de démarcation que pré- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 295 sente la partie moyenne entre la portion dorsale ou membraneuse et la partie inférieure où musculaire, ils se portent directement en arrière en suivant cette ligne et arrivent sous l’œsophage entre celui-ci et la langue. Ce changement de direction fait que le connectif semble coudé presque à angle droit vers le milieu de sa longueur (1),les branches qu'il fournit sont nombreuses et importantes : 1° Les unes, voisines de son origine, se dirigent en arrière (branches musculaires linguales). On en trouve habituellement une de chaque côté ; grosse, lortueuse, qui gagne la partie inférieure de la masse charnue de la langue et qui anime évidemment la partie active ou le bulle linguale (2). 2 Les autres antérieures naissent sur toute la partie du connec- tif comprise entre l’origine de la branche musculaire linguale prin- cipale et l'angle de flexion. Variables en nombre (3, 4,5), petites, grèles , elles vont se distribuer aux parties latérales et inférieures de la portion proboscidienne, ou antérieure du tube digestif. Les parois de cette portion du tube sont charnues, musculaires et contractiles. 3° Enfin les supérieures prennent leur origine à l’angle même de flexion du conneclif (3). On trouve qu'après s'être infléchi pour se porter en arrière, le conneclif devient beaucoup plus volumineux ; si bien qu’en pré- sence de ce caractère constant dans l'Haliotide, applatissement et allongement des ganglions, on se demande si 16 ganglion stomato- gastrique ne commence pas déjà à cet angle. Quoi qu'il en soit, on voit naître de cette inflexion un très gros tronc qui semble continuer la direction du ganglion sous-æsopha- gien, et qui bientôt se divise en deux branches distinctes (4) : La branche antéro-supérieure se ramifie sur la face dorsale de la portion proboscidienne du tube digestif, et fournit un ramus- | eule qui, remontant presque dans le sillon de séparation de la 1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1, XIT, pl. 11, fig. 2 (b). 2) Voy.ibid. (a). 3) Voy. ibid. (c). 4) Voy. ibid. (ce. e }. ( ( ( 296 H, LACAZE-DUTHIERS. partie moyenne, arrive à la base de la glande salivaire et lui donne un nerf fort grèle (1). Une autre (2) donne la plus grande partie de ses subdivisions à la boursouflure dorsale moyenne, et se continue en un cordon très délié, qui gagne (3) les côtés de l’œsophage proprement dit, s’accole à lui en laissant en dehors les poches latérales, et fournit de chaque côté des ramuscules aux parties voisines, ou en par- ticulier à la valvule œsophagienne supérieure (4), puis continue son trajet et va, ainsi qu'il sera dit, se distribuer au reste du tube digestif. On doit la nommer branche œsophagienne ou stomacale Le reste du connectif ne fournit point de rameaux. Nerfs fournis par les ganglions stomato-gastriques. Les nerfs nés de ces centres sont moins importants que les précédents, probablement par cette raison que la portion voisine du coude du connectif a fourni les branches principales. Pour bien voir ces petites branches, il faut fendre le vaisseau sanguin, dans lequel s’est logé l’étui de la langue , et renverser celle-ci en avant et en haut. On doit remarquer que c’est surtout en reuversant l’animal sur le dos que l’on peut faire cette prépa- ration ; il est bon aussi de laisser adhérer encore le vaisseau san- guin aux poches æsophagiennes ; alors on peut, avec beaucoup de précaution et de soin, arriver à préparer les filets qui vont être successivement indiqués. Dans une préparation ainsi disposée, on a sous les yeux, en avant la bouche (5), l'extrémité de la trompe, puis la masse musculaire (6), sur le milieu de laquelle paraît la partie allongée correspondant à la pièce cornée et à la cavité buccale, au milieu (4) Voy. Ann. des sc, nat, Zool., XII, t. pl. 14 (d). (2) Voy. ibid. (F). (3) Voy. ibid. (g). (4) Voy. ibid. (1). (5) Voy. ibid. A. (6) Voy. ibid. (B). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 297 l'œsophage (4) et de chaque côté les poches œsophagiennes (2). Les ganglions et leurs commissures paraissent sur l’œæsophage entre lui et la langue. De chacun des ganglions, en arrière, naît un nerf principal flexueux (3) qui se porte sur les côtés de la première portion élar- gie de l’œsophage entre lui et les poches, et qui fournit en dehors et en dedans de petits ramuseules variables. Ces petits ramuscules vont à la valvule œsophagienne post-linguale inférieure, qui cor respond à cette partie élargie de l’œsophage, placée exactement en arrière de la base de la langue. Ces deux cordons nerveux, qui peuvent être nommés avec juste raison æsophagiens inférieurs, se bifurquent bientôt. Leurs bran- ches internes se glissent entre les poches latérales et la paroi mfé- rieure de l’œsophage, en se dirigeant en arrière ; elles fournissent chemin faisant des ramuscules transverses qui les anastomosent entre elles, et aussi avec les autres nerfs (4). Le filet œsophagien inférieur droit parait donner assez constamment un ranieau très délicat à la paroi du vaisseau sanguin qui renferme la langue (5). Les rameaux internes de ce nerf(6) s’'anastomosent directe- ment en formant comme une arcade en arrière de la base de la valvule œsophagienne inférieure, d’où partent deux filets fort grêles, dont un (7) semble s’épuiser bien vite, tandis que l’autre descend sur la ligne médiane, s’anastomose avec les pré- cédents rameaux, et devient aussi gros qu'eux ; en sorte que sur la face inférieure de l’œsophage, entre les deux poches, on trouve déjà un réseau à mailles très larges et peu serrées (8) : c’est le commencement de ce qui va se faire si nettement remarquer dans le reste du tube digestif. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 44 (v). (2) Voy. bid. (t). (3) Voy. ibid. (q). (4) Voy. ibid. (r). (5) Voy. ibid, fig. 2 et 3 (i.i.). (6) Voy. ibid. fr). (7) Voy. ibid. (s). (8) Voy. ibid. (v). 295 H. LACAZE-DUTHIERS. C’est avec la plus serupuleuse attention que j'ai cherché les filets des ganglions que M. Blanchard a appelés angéiens, et qu'il a dé- erits comme centres antérieurs, particuliers et distincts de la cir- culation, On voit bien ici un filet nerveux allant au vaisseau , mais il ne m'a pas été possible de le suivre plus loin, et de trouver en ce point un centre nerveux particulier. Ce centre m'a-t1l échappé ? C’est possible. Les parties sont cependant grosses et bien déve- loppées, et les recherches ont été faites sur des individus où les moindres petits détails paraissaient avec la dernière évidence. Filets nés sur les commissures entre les deux ganglions. Six ramuscules habituellement constants ont leur origine près des ganglions ; ils sont fournis à peu près tous et toujours par la commissure. Deux sont postérieurs et plus rapprochés des ganglions ; courts et peu volumineux, ils se rendent (4) à la partie moyenne de la première portion de l'œsophage, et par conséquent à la base de la valvule œsophagienne inférieure à laquelle ils fournissent des ra- Meaux, Quatre sont antérieurs, et forment deux paires distinctes. La paire médiane (2) est composée de filets très grêles, qui, marchant parallèlement assez rapprochés, vont à la gaine de la langue, sur la face supérieure de laquelle on les voit (ne pas ou- blier qu'ici la langue, renversée en avant, montre sa face dorsale). A une certaine distance de leur origine, ces filets donnent une petite branche à an tout petit muscle de son fourreau (8). La paire latérale est plus grosse et plus rameuse ; elle se porte en dehors, et donne des filets à la partie large, étalée, dela base de la langue (4). Les extrémités de quelques rameaux paraissent arriver jus- qu'aux parties musculaires que l'on aperçoit sur les côtés, et qui appartiennent à l'appareil moteur. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XI, pl. 11 (p). (2) Voy. ibid. (k). (3) Voy. ibid. (n). (4) Voy. ibid. (0). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 299 Nerfs stomacaux. On sait qu'il n’est pas très facile, toujours du moins, de bien établir dans les Mollusques les limites de l'estomac proprement dit. Le nom qui sert à désigner iei ces nerfs pourrait donc prêter à la eritique , mais qu'on le remarque, il sert surtout à désigner les nerfs des parties du tube digestif autres que ceux de la langue. En arrière des poches œsophagiennes , on observe comme un étranglement {&), qui parait un peu plus musculaire que le reste du tube, et qu'on pourrait considérer comme un cardia. Après lui vient une dilatation pyramidale qui va en s’élargissant de plus en plus, à mesure que l’on se dirige davantage en arrière, qui se termine en un cul-de-sac placé à gauche, et présente à droite la naissance de l'intestin. Nous appellerons cette grande poche l’esto- mac, par opposition au reste du tube qui est plus étroit et que chacun nomme l'intestin. Les deux nerfs œsophagiens supérieurs nés, comme on l’a vu, da connectif (2), se glissent entre les abajoues et la paroi supé- rieure de lœsophage, en laissant au-dessous d’eux les orifices latéraux qui conduisent dans les poches; ils marchent en ligne à peu près droite, sans trop fournir (3) de rameaux, et arrivent à l’étranglement musculaire cardiaque en restant parallèles (4). Au delà de cet étranglement, ils reçoivent les anastomoses laté- rales des divisions des nerfs œsophagiens inférieurs, puis ils se divisent en rameaux qui restent aussi volumineux qu'eux, et s’anastomosent un graud nombre de fois ef très irrégulièrement. I en résulte un véritable réseau couvrant toute la surface de l'estomac, et rappellant ce que l'on trouve à peu près dans tous les Mollasques, dans l'Aplysie, ete., ete. Sur les premières portions fort développées des canaux biliaires (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 14. fig. 1 (v). (2) Voy. ibid, pl. 41, fig. 4, l’une des poches a été ouverte, la gauche. (3) Voy. ibid. (g). ; (4) Voy. ibid, (v). r Ï 9 300 il. LACAZE-DUTHIERS. et de l'intestin, on aperçoit bien quelques branches, mais il est fort difficile de les suivre. Je n'ai point observé le développement ganglionnaire , qu'on remarque souvent aux angles des mailles du réseau ; peut-être cela tient-il ici à cette disposition caractéristique de tous les gan- glions , à cet allongement qui, portant sur des choses fort pelites, empêche que le renflement ne puisse se faire remarquer. On croirait voir (4), surtout à la partie postérieure, que le com- mencement des anastomoses et de l’accroissement des filets n'a lieu qu'après le rétrécissement cardiaque. Il serait peut-être im- prudent de vouloir tirer de là quelques inductions, et de vouloir, sans faire de comparaison, déterminer la nature des parties. Cette réflexion, quoique difficile à comprendre maintenant, paraitr: moins obscure et très utile quand les faits seront généralisés. Telle est la disposition du système nerveux stomato-gastrique dans l'Haliotide. On doit remarquer qu'une partie est fort régulière, et rappelle tout à fait, par la distribution de ses rameaux, les nerfs de la vie animale ; c’est celle qui fournit à la langue , que Pautre, au contraire, présente plus d’irrégularité, et que les réseaux n'offrent en apparence rien de spécial et de constant. C’est une chose importante, et ce rapprochement ne saurait mieux trouver sa place qu'ici. Le stomato-gastrique est à coup sûr dans une de ses parties un nerf de la vie végétative ; et dans sa distribution, il offre une cer- taine irrégularité, que l’on peut traduire par ces mots : nombreuses anastomoses et production d'un réseau général. Mais dans le système nerveux de la vie animale, on trouve que ceux de ses rameaux, qui vont se distribuer au cœur et à la branchie, affectent aussi la forme irrégulière en réseau, par suite des nombreuses anastomoses établies entre les différentes branches. Les nerfs respirateurs de l’Aplysie, du Pleurobranche, en fournissent des exemples très remarquables. Il semble done que, lorsque la partie du corps de l'animal est consacrée exclusivement à la vie végétative, la disposition géné- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 201 rale du système nerveux prend un caractère tout particulier. D'un autre côté, une partie du stomato-gastrique se distribue à la masse linguale, c’est-à-dire en un organe volontaire ; or, dans ce point, les filets nerveux reprennent la forme, la disposition ha- bituelle, que l’on trouve dans les nerfs consacrés à la vie animale. Nous reviendrons plus tard en les développant sur ces idées trop générales pour un travail tout particulier. VI RÉSUMÉ GÉNÉRAL. La description minutieuse qui précède doit être suivie d’un ré- sumé où il puisse être permis de comprendre l’ensemble des faits, eu les reliant, et en les rapportant à un petit nombre d’idées prin- cipales (4). Les ganglions de l'Haliotide, quels qu'ils soient, sont plus allongés et aplatis que dans la plupart des espèces ; c’est une particularité commune avec les Patelles et les Oscabrions, ete. Les cordons nerveux servant à l’union des parties centrales sont en général très développés, et participent à ce caractère. Le centre cérébral ou sus-æsophagien occupe la position habi- tuelle en dessus de la bouche ; il fournit des nerfs à Ia trompe, aux deux organes des sens de la tête, et aux téguments de ce qu'on pourrait appeler le cou. Deux connectifs unissent de chaque côté ee premier groupe gan- olionnaire à une masse placée sous l'œsophage, qu'une analyse attentive permet de dédoubler en deux centres confondus ou plutôt tellement rapprochés, qu'ils paraissent confondus. Cette distinction de deux centres est basée sur les connexions des nerfs et des organes. Deux gros nerfs partant en arrière de ces centres envoient des rameaux au pied, d’où l'on peut conclure d’abord que la partie inférieure est l’analogue des ganglions pédieux ; d’ailleurs il y a (4) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIT, pl. 11, fig. 4. C’est une figure tout à fait théorique montrant bien les groupes ganglionnaires et leurs rapports comme l’asymétrie du centre moyen, 902 MH. LACAZE-DUTHIERS. deux ordres de connectif, si le ganglion pédieux se trouvait seul dans cette masse, il n'y aurait qu'un seul connectif le mettant en communication avec le centre sus-æsophagien ; de plus, en avant se trouvent les otolithes, qui ordinairemient sont en rapport avec lui. Mais de ce centre partent aussi : 1° deux antres gros cordons parallèles aux grands nerfs pédieux el très voisins, presque unis avec eux, dont les ramifications se rendent à cette partie st riche en découpure qui entoure les bords de là coquille ; et 2° deux gros nerfs qui, s'entrecroisant en X, donnent naissance à une anse complétement fermée, et fournissent les nerfs péricardiques, génitaux, les ganglions respirateurs, enfin les nerfs palléaux destinés à ce que chacun est habitué à appeler le manteau. De cette masse centrale partent encore à droite et à gauche d’autres nerfs palléaux qui vont directement à cette partie, qui pour tous est aussi le manteau. Il suffit d’opposer cette distribution des filets nerveux à celle qui vient d’être indiquée relativement au pied, pour ne pouvoir mettre en doute la vérité de l’assertion précédente. Jamais les ganglions pédieux ne fournissent de nerfs au manteau et aux branchies ; jamais, réciproquement, les ganglions qui vien- nent d’être indiqués ne fournissent au pied. Confondus en apparence par le rapprochement, ces ganglions ne sauraient donc en réalité être considérés comme formant une seule et même masse. Les noms de quelques-uns de ces centres sont assez difficiles à choisir. Deux des centres pédieux et céphaliques ont des noms exacts, on peut aussi les appeler supérieurs et inférieurs, ou encore symétriques. Le troisième groupe qui vient se placer au-dessus des ganglions pédieux et au-dessous des ganglions céphaliques, est relativement moyen. Ce nom pourrait donc lui être appliqué. D'nn autre côté, comme habituellement, les ganglions secondaires qui se développent aprèslui, oului-même dans quelques cas se portent sur le côté droit, on pourrait le désigner encore par les noms de groupe ganglion naire asymétrique, mais celui de moyen semblerait préférable. IL serait fort important de s'entendre sur cette dénomination SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 305 qui varie avec chaque auteur et surtout avec l'idée générale que chaeun se fait de l’ensemble du système nerveux. Il parait certain que les ganglions et les nerfs secondaires respiraleurs, cardiaques ou génitaux, appartenant au centre moyen, forment un groupe qui peut se réduire ou se développer sui- vant les espèces; de là les noms différents qu'on lui applique, d'après les développements particuliers que l’on observe. C'est ainsi que dans les Pleurobranches le ganglion est si petit et si ré- duit, si rejeté à droite, que le nom de ganglion latéral droit semble trouver une juste application. On comprendra, du reste, que ce ne peut ètre qu'après des études détaillées et maltipliées d’un bon nombre de types, qu'il sera possible de généraliser et d'établir une nomenclature natu- relle permettant de coordonner les faits épars qui aujourd'hui semblent purement des détails. Quant au quatrième centre nerveux, celui qui mérite le nom de stomato-gastrique, il n'offre rien de particulier, les nerfs qu'il donne se subdivisent en deux séries principales, suivant qu'ils se distribuent à l'appareil lingual et au tabe digestif proprementdit, c'est-à-dire à des parties agissant évidemment sous l'influence de la volonté, ou à des organes indépendants de cette faculté. On remarque aussi dans les connexions que tous les ganglions setr ouvent unis aux centres céphaliques, et que toujours tous ceux, autres que celui-ci, sont au-dessous du tube digestif. De l’ensemble de ces faits, il résulte que l’on peut considérer le manteau de l'Haliotide comme dédoublé en deux parties: l’une supérieure, en rapport avec la coquille et occupant la position habituelle, formant la voûte où viennent s'ouvrir les orifices géni- taux rénaux et digestifs postérieurs où se trouvent aussi les organes de la respiration; l’autre inférieure, qui s'applique sur le disque musculaire pédienx et qui forme en l’entourant cette riche colle- rette qui à fait dire à Cuvier, avec raison, que ces Mollusques étaient les plus ornés, et les plus richement partagés au point de vue de l'élégance de leur livrée, Lo] 2 Ok H, LACAZE-DUTHIERS. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres indiquant dans les trois planches des choses semblables. A. Trompe. — B. Appareil lingual. — C. Estomac. — Æ. Glandes salivaires. e = — Gp. Grand nerf palléal inférieur. — 1. Branchie. — J. Corps de Bojanus. — 0. Ovaire. — Ms. Manteau supérieur. -— Mi. Manteau inférieur. — Q. Tentacule oifactif. — T. Pied. — T’. Grand nerf pédieux postérieur. — U. Tubercule oculaire, — V. Ganglions céphaliques. — X. Ganglions pédieux. — YŸ. Ganglions stomato-gastriques. —- Z. Ganglions moyens. — Z'. Ganglionbranchial, paraissant a droite. — Z"', Ganglion branchial, parais- sant à gauche. — Z/!". Ganglion sous-anal ou génito-cardiaque. . Nerf cervical du cou.—b. Connectif céphalo-moyen. — c. Connectif céphalo- pédieux. -— d. Nerf palléal supérieur, gauche interne. — e, f, g. Trois nerfs naissant du ganglion Z, formant un plexus et fournissant plusieurs nerfs, entr'autres le palléal supérieur gauche externe. —h. L'un des nerfs nés du plexus précédent allant aux parois ‘gauches du corps. — i. Cordon d'union entre le gros nerf (v) et le ganglion 7!”. — j. Nerf péricardique gauche. — k. Deuxième nerf péricardiquegauche ou moyen.—l. Nerf péricardique moyen. — n. Nerf péricardique droit. — p. Cordon unissant le gros nerf (u) au gan- glion Z/f. — q. Nerf palléal interne supérieur droit. — r. Nerf palléal ex- terne, supérieur droit. — s. Nerf respirateur interne. — t. Nerf respirateur externe. — u. Cordon qui du ganglion Z se rend au ganglion Z’,—v. Cor- don qui du ganglion Z se rend au ganglion Z”. — y. Nerfs prosbosci- diens inférieurs. — z. Nerfs proboscidiens supérieurs. . Nerf lingual inférieur. — b. Coude du connectif, d'union des ganglions V et Y. — c. Nerf buccal supérieur et antérieur. — e. Tronc commun à plusieurs nerfs. — d. Nerf salivaire. —f. Nerf buccal supérieur et moyen. — g. Nerf stomacal supérieur. — h. Nerf stomacal inférieur. — i. Nerf du vaisseau sanguin. — j. Vaisseau sanguin.— k. Nerf lingual. — 1. Valvule supérieure œsophagienne. — m. Valvule inférieure. — n. Nerf d’un petit muscle de la langue. — 0. Nerf lingual médian supérieur et antérieur. — p. Nerf lingual médian supérieur postérieur. — q. Nerfs œsophagiens inférieurs. — r. Anas- tomoses de ces derniers. — s. Nerf médian œsophagien inférieur, résultant de cette anastomose. — t. Poches latérales de l'œsophage. — u. Orifices de ces poches dans l’œsophage. — v. OEsophage. -— x. Origine du connectif stomato-gastrique, — y. Langue. SYSTÈME NERVEUX DE L HALIOTIDE. 209 PLANCHE 9. Fig. 1. Haliotide ouverte, de grandeur naturelle, pour donner l'idée de l'en- semble du système nerveux. Fig. 2. Animal de grandeur naturelle, en position pour montrer les nerfs extérieurs, en supposant qu'aucune préparation n'ait été faite. Fig. 3. Portion grossie du bord du manteau supérieur en avant : ramifications d’un tronc formant un réseau. Fig. 4. Nerfs branchiaux, s'unissant à angle aigu vers le sommet de la bran- chie en (+) et fournissant des filets grêles qui descendent et se distribuent à l'organe. { PLANCHE A0. Fig. 4. La tête grossie pour indiquer les origines des nerfs. Fig. 2. Tentacule oculaire ouvert ; réseau remarquable à la surface de la sclérotique. Fig. 3. Grands nerfs pédieux 7” et palléaux inférieurs Gp}; np, ramuscules du grand nerf pédieux ; np', nerf pédieux inférieur né du ganglion Z//; np!', nerf pédieux inférieur né du connectif. Fig. 4. Otolithe. Fig 5. Globules de l'otolithe. Fig. 6. Figure un peu théorique. L'animal est placé sur le dos, les organes enlevés pour montrer surtout les nerfs qui partent du cordon unissant en courbe les ganglions Z' 77. ; ‘ PLANCHE 41. Distribution du nerf stomato-gastrique. Fig. 1. La tête, la langue, l'œsophage et l'estomac, vus par le dos, grossis. Fig. 2. La tête, la langue, l’œsophage et l'estomac, vus en dessous, afin de mettre en évidence les plexus œsophagiens inférieurs, la langue a été rele- vée à gauche. Fig. 3. Profil un peu théorique des parties vues dans les précédentes figures. Fig. 4. Disposition générale schématique du système nerveux, la figure est tout à fait idéale, les ganglions Z et X ont été séparés. 4e série. Zooz, T. XII. {Cahier n° 5.) # 20 OBSERVATIONS SUR LA DÉCOMPOSITION SPONTANÉE DES POLYPES D'EAU DOUCE, PRÉSENTÉES À L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE , LE 6 JANVIER 1860, Par M. G. JAGER, (EXTRAIT) De trois de ces Polypes, placés isolément dans de petits vases remplis d’eau, et fermés, l’un, dépourvu de bouture génitale, vint à périr. Les deux autres, munis de ces boutures, vinrent à se dis- soudre en cellules isolées, qui, depuis un mois, vivent de leur vie propre, se meuvent à la façon des Amibes, se sont subdivisées, et dont quelques-unes semblent s'être passagèrement enfermées dans une capsule analogue à celle des Infusoires. — Ces faits permet- tent de présumer que, à l’état de liberté, les Polypes d’eau douce, après avoir évacué les produits de leur vie sexuelle, se dissolvent régulièrement en automne, et que les cellules, après avoir passé l'hiver isolément, deviennent chacune au printemps un nouvel in- dividu complet. — Ce serait là, si ces faits se confirment, une modification nouvelle et distincte de toutes les autres, de la géné- ration alternante, pour laquelle M. Jüger propose le nom de dia- sporogénèse, et la nature indépendante des Amibes, dans lesquelles plusieurs naturalistes n'ont voulu voir que des embryons d’autres animalcules, en deviendrait plus douteuse encore. Le savant ob- servateur cherche à préciser l’idée attachée au terme de génération alternante, et propose de donner à celle des Méduses la désigna- tion d’anthogénèse, les Méduses étant, par leur développement, leurs fonctions et leur constitution morphologique, de véritables fleurs de Zoophytes. (L'Institut, t. XXVIIT, p. 68.) MÉMOIRE SUR L'ANATOMIE ET L’EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, (VERMETUS TRIQUETER et V. SEMISURRECTUS Phil.) Par H. LACAZE DUTHIERS. PREMIÈRE PARTIE. ANATOMIE. En cherchant aux environs de Bonifacio pendant un été que j'ai en partie passé en Corse, je rencontrais des Vermets sur les roches quelque peu submergées des découpures de la côte des Bouches, depuis le phare de Pertuzato jusqu’au Cap, en face des iles de Lavezzi, devenues si tristement célèbres par le malheureux naufrage de la Sémillante. C'était au mois de mai et au commen- cement de juin. En détachant les individus des rochers où ils s'étaient fixés, souvent leur coquille se brisait et me présentait une série assez régulièrement disposée de petites vésieules remplies d'œufs. J’eus le désir, mais sans pouvoir le satisfaire en Corse, de suivre le développement. Entrainé à faire des excursions au milieu des flottiles des Corailleurs, le temps et les études suivies, continues, nécessaires à l’'embryogénie, me manquèrent. Ce ne fut qu'à Mahon de Minorque, que je pus reprendre ces travaux ; je m'aperçus bientôt, en effet, dans cette localité de la présence d'un nombre immense de Vermets. Dans quelques anfractuosités du beau port de la capitale de Minorque , 1 était fort pénible de se livrer à la recherche des Mollusques nus et des autres animaux dont je poursuivais l'étude 4° série. Zooz. T. XII. (Cahier n° 4.) ? 11 Su 210 H, LACAZE-DUTRIERS. en raison des blessures aux mains, aux pieds, aux jambes, que me faisaient les tubes saillants, tranchants ou aigus des Vermets. L'une des anfractuosités, en particulier la Tauléra, avait ses pierres à peu près couvertes de tubes contournés de trois espèces au moins de Vermets. À l'époque, fin de juin, juillet et août, où j'étais à Mahon, la reproduction s’accomplissait ; je pus done continuer ce que j'avais commencé à étudier à Bomifacio. Les Vermets d’ailleurs excitent avec juste raison la curiosité ; il est intéressant de rapprocher d’une étude anatomique un travail sur le jeune embryon. Ces recherches faites parallèlement ne peuvent que conduire à de bons résultats ; je les entrepris donc, le temps seul en a retardé la publication. Les espèces qui ont servi à ces études sont peu variées. Sur les côtes de Corse, le Vermet géant (V’ermetus gigas Bivona) s'était présenté à mon observation ; à Mahon, je n'ai pu le ren— contrer dans le port; c’est donc à une autre espèce qu'il faut rapporter les descriptions, Le Vermetus triqueter (1) a surtout servi aux dissections et aux observations d'embryogénie. Il était mêlé constamment dans la Taulera, derrière le Môle, avec le Vermetus semisurrectus (2) et le petit Vermet (J’ermetus subcancellatus) (3), dont la coquille noire s’enroule en spirale, se déjette obliquement sur une côte, et s’accole aux pierres, tout en se redressant dans un point où elle reste saillante et libre. Je dois avouer que la petitesse de cette dernière me l’a fait négliger. Pour les travaux que l’on exécute en voyage, il me parait né- cessaire de conserver des échantillons, afin de revoir, au moment de la publication, les choses que l’on a observées , dessinées et décrites. (1) Pour la détermination des espèces, j'ai consulté l'ouvrage de Philippi : Enumeratio Molluscorum Siciliæ, t, 1. Ce Vermet est décrit et figuré pl. IX, fig. 21,p. 470,n°2. (2) Voy. Philippi, p. 474, pl. IX, fig. 49, n° 3, (3) Voy. ibid., p.172, pl, IX, fig. 20, n° 5. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 211 Les animaux que j'avais rapportés ne m'ont pas servi comme Je l’espérais pour résoudre certaines questions, par conséquent il restera quelques doutes. Ils étaient sortis de leur tube et ne pouvaient plus être rapportés sûrement à ceux que les conchy- liologisies ont nommés 77, triqueter et F. semisurrectus. I reste done des desiderata ; 1s seront indiqués plus loin quand il sera question du manteau et de quelques autres organes. Au moment de partir pour un séjour peut-être long sur les bords de la Méditerranée, j'espère pouvoir combler cette lacune qu, dans une note très succinete, se trouvera plus tard dans les Anna les, Quelques points de détails relatifs à l’organisation ont été, à dessein, peu développés. I eût été difficile de pouvoir arriver à des résultats positifs ; le temps, qui nous fait si souvent défaut, ayant manqué, il est préférable d'annoncer les desiderala, ainsi quel’intention comme la nécessité de les combler. Le système nerveux est complétement étudié et décrit ; de même que les organes reproducteurs, peut-être la structure de l'ovaire devrait être un peu étendue, la description de la bouche a été laissée aussi de côté , car M. Troschel s'occupe activement d’une publication importante relative à ce point. I eùt été utile de pousser plus loin la recherche des artérioles. Quant à la circulation veineuse, elle laisse beaucoup à désirer ; cependant on trouvera des faits importants et bien utiles. Dans l’embryogénie, les observations ont été poussées assez loin pour pouvoir reconnaitre dans Île Jeune animal les princi- paux groupes d'organes de l'adulte. On ne trouve pas dans les ouvrages de très nombreux rensei- gnements, Surtout pour l'anatomie. Il y aurait toute une étude à faire sur lextérieur de l’animal comparé à la coquille; la détermination des différentes espèces de HS W. LACAZE-DUTHIERS, Vermels doit comprendre sans aucun doute la description exté- rieure de l’animal. M. Philippi, dans son Enumération des Mollusques de Sicile, a donné quelques détails relatifs à ces animaux. Mais on ne peut véritablement considérer les faits qu'il indique comme formant un travail anatomique ; ils seront, du reste, mentionnés plus loin. Je ne trouve que des choses peu importantes dans le grand ouvrage de Poli. On sait que, lorsqu'il s’agit d'animaux invertébrés, des rensei- gnements fort nombreux se trouvent toujours dans les nombreux mémoires du savant zoologiste napolitain M. Delle Chiaje. I est done à peu près toujours utile de citer ses travaux lorsqu'il s’agit des Invertébrés marins ; mais, en somme, l’anatomie des Vermets ne doit point être considérée comme fort avancée ; elle semble même plutôt négligée. | Quant à l’embryogénie, on trouve quelques pages et une planche dans les Mémoires de l’Académie de Vienne (1) d’un zoologiste éminent, dont j'ai déjà cité les travaux à l'occasion de la Bonellie. M. le docteur Schmarda a placé une description des embryons du Vermet géant (f’ermetus gigas) dans son travail intitulé : Histoire naturelle de F Adriatique. Son travail n’est pas étendu ; nous au- rons, après l'avoir cité, occasion de rapprocher les résultats qu'il renferme de ceux que nous rapporterons. Il est juste d'observer aussi que M. Schmarda à donné une bonne description de l’animal au commencement de son travail, et qu'il cite, ainsi que je l'aurais fait moi-même, les observations de Philippi (2) et de von Siebold (3). (4) Denkschrifien der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Wien, 1852. vierter Band. — Le travail est intitulé : ÆEiniges zur Entwikelungsgeschichte der Vermetus Gigas. Binova. (2) Viegman's Archives für Naturgeschichte, A839, I Bd, s. 128. (3) Vergleichende Anatomie der wirbellosen Thiere. Berlin, 1 848. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 913 IT Un mot d’abord de l'animal, tel qu’on l'obtient, sans le dissé- quer, en le sortant de sa coquille après sa mort, ou bien en l’ob- servant vivant. Le tube du Vermet est long relativement à son diamètre; dès lors et d'avance on peut prévoir que le plan habituel du Gastéro- pode turbiné se trouvera modifié dans la longueur. Il devient facile à priori de prévoir d’après cela sur quelles par- tes du corps portent les modifications. De plus, l'animal est fixé par sa coquille ; l'organe locomoteur est-il très développé ? On peut répondre qu’assurément il ne peut, il ne doit l'être. D'ailleurs l'ouverture circulaire du tube cvylin- drique nous conduit d'avance à voir l'extrémité antérieure du corps représenté par une sorte de piston court et plus où moins cylhndroïde. L'auteur de l’artiele Veruer du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, publié par M. d’Orbigny, s'exprime ainsi : « De l’en- » semble des observations faites par Adanson, MM. Delle Chiaje, » Philippi, Quoy et Gaymard, il résulte que l'animal à beaucoup » d’analogie avec les Mollusques de la famille des Trochoïdes ; » qu'il ressemble en général à celui d'une Dauphinüle où d’un » Turbo qui serait déroulé. Il ne marche point, et n’a pas, par » conséquent, de pied proprement dit ; mais la partie qui constitue » la queue chez les Gastéropodes ordinaires se reploie en dessous, » et se porte jusqu'en avant de la tête, où son extrémité se renfle » en une masse garnie d’un opereule mince... Quand l’animal » se retire, cette masse operculée ferme l’ouverture du tube. La » tête est peu distincte, surmontée de deux tentacules un peu apla- » (is, portant les yeux à leur base externe. La bouche consiste en » un orifice vertical, au-dessous duquel se montre de chaque côté » un filament qui ressemble à un tentacule, mais qui n’est en réalité » qu'un filet appartenant au pied. Les branchies ne forment qu'une » rangée qui longe le côté gauche dela voûte branchiale. L’orifice 21! M. LACAZE-DUTHIERS. » du rectum et celui des organes de la génération se voient au » Côté droit (1). » I y a dans cette description de l'exactitude. Peut-être relative- ment au pied et à cette partie qui forme la queue dans les Gasté- ropodes ordinaires y at-il quelque chose à dire. Cependant, dans toute critique, il faut d’abord être d'accord sur la valeur des expressions, si, par queue, l’auteur a voulu désigner la partie postérieure du pied de l’animal, qu’on voit trainer, par exemple, à l'arrière d’un Limaçon, de quelques espèces de Doris, d’Aply- sies, ete., ete., cela est vrai; ici cette partie se rapporte en avant ; mais l'expression de queue ainsi appliquée doit certainement être critiquée. La tête, y est-il dit, est peu distincte ; cela n’est certes pas exact, elle-est relativement extrêmement développée (2). Si l’on prend un Troque par exemple (Trochus cinereus), où une Toupie (Turbo hilteralis), où bien enfin un Rocher (Mureæ trunculus, M. bran- daris, M. erinaceus, ete., eic.), une Pourpre (Purpura lapillus, P. hœæmastoma), ete., on ne distingue guère la tête qu'à la pré- sence des deux cornes tentaculaires. let, au contraire, la tête est globuleuse, franchement distincte du pied; seulement les ten- tacules et les veux sont peut-être moms longs que dans bien d’autres Gastéropodes turbinés. Quand on regarde un Vermet de profil, soit lorsqu'il sort natu-- réellement do tube, soit lorsqu'on brise sa coquille et qu'il se con- tracte (3), on lui trouve une physionomie toute particulière, qui est justement la conséquence du développement de la tête, opposé aux dimensions du pied; les deux tentacules sont très éloignés, mais le développement de la partie moyenne qui les sépare, et les points noirs oculaires très marqués, quoique peu saillants, se font bien reconnaitre. Quant à la forme du pied, malgré l’autorité de tous les auteurs {1} Voy. Dictionnaire universel d'histoire naturelle, 1. XII, p.187, art Ver- mer, signé : (E. Ba.). (2) Voy. Anu. des sc, nat., Zool,, 4° série, t. XIIL, pl. 5, fig. 4 et 2; pl. 6, fig. 1 (3) Voy. fbid., pl. 5, fig. 4. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 215 qui ont écrit sur ce sujet, il ressemble au plus haut degré à celui d’une Pourpre qui est très contractée ou d’an Troque, etc. On aura très bien l'idée du pied du Vermet en regardant un imdividu des genres Pourpre, Rocher, Troque, ete., contracté par lalcool. Au-dessous de la tête, fort peu distincte de ces animaux, on verra une masse charnue, cylindrique, continuant en dessous le corps, et se terminant en une languette musculaire, libre, qui sert à l’attacher à la coquille ; en avant, cette masse charnue, cylin- drique, s’élargit, et se trouve coupée par un plan à peu près per- pendieulaire à l'axe du corps, plus où moins incliné en arrière, suivant l’état de contraction de l'individu ; aux proportions près, même chose dans lun et l’autre, car un opercule, très variable par sa nature, s'attache sur l'extrémité tronquée. Dans les Gastéropodes libres, cette extrémité tronquée s'étale pendant la vie, se dilate,etrampe en s’attachant aux corps. Lei elle reste sensiblement la même dans l’animal adulte, puisqu'il est fixé par sa coquille et immobile dans la même place. Entre la tête et le pied, en avant comme sur les côtés, il y aun sillon de séparation qui rappelle parfaitement ce que l’on observe dans les autres animaux que nous venons de comparer au Vermet. : L'opercule (4 est petit dansles exemples observés, et placé assez haut sur la face antérieure verticale du pied, non loin du bord de la fente qui le sépare de la tête. Quand le Vermet, bien vivant, sort de sa coquille, on peut l'irriter sans qu'il rentre; il voit même très bien les corps qu'on lui présente, et alors tournant la tête de leur côté, il leur décoche des coups de langue très adroitement et avec beaucoup de rapi- dité. Ces véritables morsures sont plus puissantes qu’on ne le pen- serait au premier abord ; souvent j'ai répélé la même épreuve en présentant à portée l'extrémité de mes pinces fines à dissec- tion et de mes aiguilles; ils entr'ouvraient la bouche, faisaient saillir au dehors, en la renversant, leur langue hérissée de pointes fines, aiguës, brillantes, Saisissaient le corps et le rete- naient avec une certaine force. [m'a paru que, souvent au lieu de (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 5, fig. 1 (0). 216 H. LACAZE-DUTHIERS. se retirer, le Vermet renouvelait la morsure quand le corps restait dans son voisinage. Cette sorte de défense est assez rare chez les Gastéropodes qui habituellement s’enferment ou se roulent, et se contractent quand on vient à les toucher, même légèrement. La bouche est une fente ovale, relativement grande, verticale, placée sur l'extrémité arrondie antérieure de la tête et sur la ligne médiane; elle n’est point une trompe protractile; derrière elle parait immédiatement la pièce cornée linguale. La physionomie particulière que donne cette grosse tête globu- leuse, au-dessus de cette partie cylindroïde coupée nettement par un plan antérieur, est encore rendue plus étrange par l'existence de deux longs filaments tentaculaires mobiles (4) qui sortent de la fente que l'on observe entre le pied et la tête. Nous aurons à discuter la nature de ces filets qui ne sont pas des tentacules cé- phaliques, mais qui appartiennent à un organe tout spécial. Le manteau est tout à fait semblable à celui des autres Gasté- ropodes pectinibranches ; il entoure la base du pied et de la tête. Mais tantôt il est fendu (2), tantôt il ne l’est pas. Le tube qu'il - forme au-dessus du corps en arrière s’allonge dans un peu plus d’un tiers de la longueur totale de l’animal. On ne saurait établir de différence avec les autres Gastéropodes turbinés, quant aux or- ganes qui viennent s'ouvrir ou se trouvent dans son intérieur. Philippi n’a pas plus que Bivona vu, ainsi que le veut Sassi, le manteau profondément émarginé (3). Ceci montre encore une fois combien il faut éviter de trop vite juger d’une espèce par l’autre ; on trouve même sur bien des individus, dont le manteau ne pré- sente pas la fente longitudinale, une toute petite échanerure angu- laire sur le dos, derrière la tête, qui semble indiquer l’état rudi- mentaire de sa division. Du reste, le mélange qui s’est établi entre les animaux sortis de (1) Voy. Ann. des se. nat., 4° sér., Zool., t. XHIT, pl. 4,5 et 6. La partie marquée s’. (2) Voy. ibid., pl. 5, fig. 4. (3) Loc. cit,, « Pallium in adullis secus branchias profunde emargiñatum, ut » vull Sassi, neque ego neque Bivona unquam vidimus...….. » p. 469. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 247 leur coquille m'a empêché de pouvoir résoudre cette question. Est-ce chez le Vermetus triqueter ou le Vermetus semisur- rectus {Philippi) que le manteau est fendu sur la ligne médiane dorsale ? D'une autre part, j'avais cru d’abord trouver une relation entre la présence de la fente et le sexe. Bon nombre d'individus ayant des œufs dans leur coquille, et par conséquent femelle, se trou - vaient avoir le manteau fendu; mais quelques exemples un peu douteux m'ont fait craindre d'affirmer que la relation existt bien réellement; je laisse done ces deux questions sans les décider pour les 1evoir. Si le prochain voyage que je compte entreprendre me le per- met, très probablement je chercherai les rapports qui lient les formes des animaux extérieures aux dispositions des espèces déter- minées par les conchyliologistes. Sous le manteau, à droite, on voit (4) courir le rectum tout à côté de la partie du corps fort allongée faisant suite à la tête, qui va jusqu’au fond du eul-de-sae, et à gauche on trouve la branchie (2). L'anus, comme l'extrémité de l'organe de la respiration, arrive tout près en avant jusqu’à la marge du manteau; quand eelui-ci est fendu, l’organe branchial est séparé par la fente du tube digestif. Le reste de l’organisme se prolonge en un cylindre fort régulier qui s'enroule en spirale en suivant les tours de la coquille et se termine en un cône obtus. M. Schmarda, dans le résumé des dispositions extérieures qu'il a présenté sur le #7. gigas, avant d'étudier l'embryon, donne des détails avec lesquels ce qui précède concorde. La description de M. Philippi présente aussi sur lextérieur de nombreux faits auxquels la description précédente ajoute peu de chose. (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XIII, pl. 5, fig. 2 (c); pl. #, 218 H, LACAZE-DUTHIERS. IV Tissu cellulaire conjonctif du corps. L'expression qui indique un tissu de l'organisme des animaux supérieurs , ne doit cependant pas rappeler ici quelque chose de tout semblable, comme on va le voir. À partir du eul-de-sac palléal, la partie postérieure du corps, celle qui renferme les viscères, m'a paru, sur les F’ermetus tri- queter et semisurrectus, de la Taulera du port de Mahon, habi- tuellement d’un blanc mat; parfois au milieu de ce blanc mat et terreux on distinguait des points jaunâtres et brun-verdâtre. Quand on place les Vermets dans la liqueur conservatrice de Owen, et qu’on les observe plus tard, cette teinte a disparu ; on voit même une effervescence se produire. La glycérine a sufi souvent à elle seule pour faire disparaitre la couleur. Dans l'acide nitrique fort étendu, on observe l’effervescence et la disparition de la teinte bien plus rapidement. Lorsqu'on à débarrassé ainsi chimiquement le corps de cette enveloppe blanche, on voit, sous les: téguments et par transpa- rence, le foie d’une teinte vert-brunètre, etles organes de la géné- ration d’un jaune orangé. Ce sont ces deux glandes qui forment comme des points au milieu de la couche blanche, quand, dans l'animal intact, cette couche se trouve interrompue en quelques endroits. Si l’on fait l'analyse microscopique des tissus interposés entre les lobules du foie et des glandes génitales, on reconnaît et la raison de la couieur blanche, et la cause des phénomènes parti- euliers qui viennent d’être indiqués. On trouve (1) que le tissu unissant les organes, qui est par conséquent conjonctif, est formé de grandes et volumineuses cellules polyédriques et irrégulières , bien plus grandes qu'aucun autre élément du corps. Ces cellules remplissent tous les intervalles des organes, et les unissent soit entre eux, soit avec les téguments du corps. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. #, fig. 2. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMEIS. 219 Leurs parois minces et transparentes ne présentent rien de par- üculier. Leur contenu est granuleux (1), et les granulés qui le com- posent sont de volume très varié. Dans quelques-unes, c’est comme une poussière impalpable qui s'échappe, et qui se meut d’un mouvement brownien très vif. Dans d’autres les granules sont voluümineux et bien développés, régulièrement sphériques ; alors on croirait (avec un fort gros- sissement) avoir sous les yeux des cellules remplies de fécule, ou mieux de petits grains d’amidon. Ces globules paraissent par la lumière transmise d’une teinte un peu noirâtre; l'encre de Chine rend bien leur apparence, quand on s’en sert pour faire les ombres des cellules et des grains empilés les uns sur les autres. Chaque grain est assez transparent, ses bords paraissent noirs, et son centre clair; cela tient à une vive réfraction de la lumière. Quand, sous le microscope, on fait arriver une légère solution d'acide azotique, on voit immédiatement apparaître les bulles du gaz de l’effervescence, et les globules, granules ou grains, dis- paraissent, en laissant après eux à peine ou pas de trace. Évidemment ce sont des dépôts inorganiques qui se sont for- més dans les tissus, et mieux dans la cavité des éléments du tissu cellulaire conjonctif. I y a là très probablement du carbonate cal- caire ; je n’oserais cependant l’affirmer, les expériences décisives n'ayant pas été faites. Ne pourrait-on pas, remontant du particulier au général, voir là un fait qui pourrait venir en aide à l'explication de la formation des perles ? Que l’on suppose, en effet, l’une de ces granulations prenant plus d’accroissement et s’entourant de couches, on arri- vera à trouver quelque chose d’analogue à ces concrétions si nombreuses que l’on rencontre dans l'organe de Bojanus des Jambonneaux et autres Acéphales. Il y a là certainement un rap- prochement évident à faire. Il faut aussi remarquer que tous les individus ne présentent pas (1) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fg. 2. 2920 H, LACAZE-DUTHIERS. au même degré cet empâtement des organes au milieu d’une sub- stance granuleuse calcaire. Cela peut tenir à la localité, et à la plus ou moins grande quantité de matière tenue en dissolution dans l'eau. V Des organes de la digestion. Pour arriver à disséquer facilement, il est nécessaire de distin- ouer d’abord les éléments et les organes qui se présentent à l'ob- servation. Ces organes sont assez simples à étudier, probablement par suite de cel allongement qui a disjoint les parties, et les à rendues par cela même plus distinctes et plus faciles à reconnaitre. La bouche, ou l’orifice extérieur, est linéaire en forme de fente, et placée, comme il à été dit, sur la ligne médiane, sans trompe, sans lèvres saillantes ou voiles particuliers, comme on l’observe dans tant d’autres Mollusques. Les lèvres sont verticales et en- foncées, quand l'animal se contracte, dans une petite dépression médiane. Cette description est du reste conforme à ce qui a été indiqué par MM. Philippi (4) et Sehmarda (2). La cavité buccale est constituée sur le plan bien connu que l'on rencontre dans les Gastéropodes. Je n’en dirai que quelques mots, renvoyant aux belles publications de M. Troschel (3) et à celles que moi-même j'ai eu l’occasion de faire (4). La première partie du tube digestif est dorsale, membraneuse et mince ; elle se trouve placée immédiatement après l’orifice buc- cal, au-dessus d’une masse globuleuse qui est l'appareil lingual. Cette masse, musculaire sur les côtés et en dedans, cartilagr- (1) Voy. loc. cit, p. 169. (2) Voy. loc. cit., p. 435. (3) Voy. Das Gebiss des Schenecken. (4) Voy. Histoire du Pleurobranche et du Dentale. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 291 neuse dans son intérieur, est le support et la partie motrice de la langue proprement dite, de cette pièce cornée rhippidiforme ou en éventail, qui, hérissée de dents cornées, dures et résistantes, peut être rejetée au dehors pour attaquer, diviser, dépecçer la proie qui passe imprudemment à sa portée. La partie motrice de la langue (1) est fort développée, et quand on ouvre la tête de l'animal, on remarque bientôt que c’est à cette masse qu'est dù son volume, car elle occupe tout le renflement compris entre les tentacules et le cou. On ne peut s'étonner que, avec un appareil moteur et des dents linguales aussi forts, les petits corps que l’on présente au Vermet ne soient pincés et retenus avec assez d'énergie. La pièce linguale proprement dite, indépendamment des parties motrices museulaires ou cartilagineuses, qui la supportent ou en aident l’action, se prolonge en arrière sous l’œsophage (2). Dans quelques espèces, ce prolongement de la langue est extrêmement considérable, comme dans les Patelles, ete.; et il à à peine un tiers de la longueur totale du bulbe. L’æsophage (3) parait à la face supérieure de la masse active, et se détache en arrière au-dessus du prolongement lingual. Il est cylindrique, fort allongé, comme le reste du corps, et logé dans cette partie que l’on voit au-dessus du muscle du pied, entre les deux moitiés du manteau et en arrière de la tête. On doit considérer comme æsophage toute cette portion du tube digestif comprise entre le bulbe lingual en avant et l’estomac en arrière. Celle dernière cavité, bien limitée, très distincte, se trouve un peu plus loin que le eul-de-sae terminal postérieur de la voûte du manteau. Les glandes salivaires (h) sont assez bien développées. Elles se (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIIE, pl. 4, fig. 4 B, et dans les autres planches la partie marquée B. (2) Voy. ibid. (b). (3) Voy. ibid. (a). (4) Voy. ibid., E. Ces dessins sont un peu trop théoriques, et les masses, comme les conduits, sont loin d’être aussi distinctes et arrêtées. 222 W. LACAZE-DUTHIERS. présentent comme de petits paquets irrégulièrement introduits entre les nerfs et les parties centrales du système nerveux; on les trouve autour et en arrière du bulbe lingual. Elles sont formées de petits euls-de-sac sécréteurs groupés sur un canal excréteur qui vient se jeter dans la bouche, de chaque côté du point où l’æsophage se détache de la masse linguale. En cela , on reconnaît la disposition habituelle. La structure n’a point été étudiée au microscope ; mais s'il est permis de juger par analogie, elle doit ressembler à celle que tant d’autres Mollusques gastéropodes présentent. Il est tres facile de trouver, car elles sont nettement distinctes, les autres parties du tube digestif; les noms ordinaires leur sont bien mérités. Il suflit, en eflet, d'ouvrir le corps du Vermet pour les voir en arrière du fond du cul-de-sae palléal, c’est-à-dire dans la première partie de la portion viscérale du corps, eelle qui devient eylin- drique; celle que les organes remplissent en se touchant les uns les autres, Dans la partie postérieure du corps, on trouve les organes que nous allons étudier maintenant. L'’estomac (1) est oblong, bien limité et distinct, d’une part de l’œsophage, de l’autre de l'intestin. L'une de ses moitiés, voisine de l'intestin, est antérieure et pyriforme ; l’autre, postérieure, est arrondie. On voit à sa surface des bosselures et des dépressions, qui évidemment correspondent à des plis internes, divisant la cavité non pas en cavités secon- daires, mais en anfractuosités, comme cela s’observe dans tant de Mollusques, dans l’Haliotide par exemple. L'union de l'estomac avec l'intestin, l’æsophage et le foie, se fait de la manière suivante : D'abord l’æsophage (2), accolé à la face inférieure de cette (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIII, pl. 4, fig. 4 C. (2) Voy. ibid. (a). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 223 cavité longitudinale, étendu de la tête au fond du eul-de-sac du manteau, pénètre dans la partie viscérale du corps, en restant tou- Jours accolé à la paroi inférieure du corps. Après avoir dépassé le cul-de-sac palléal, il se porte un peu à droite, ou mieux du côté de la courbure ou concavité du corps. Habituellement l'animal s'enroule à droite ; mais il y a des exceptions nombreuses, et, après s'être enroulé d’un côté, il se porte brusquement de l’autre en sens inverse; mais, toujours for- cément lorsqu'il est courbe, le corps présente une concavité et une convexilé. On trouvera une série de canaux dans la partie concave, qu'elle soit à droite ou à gauche. Si l’on pouvait supposer l’animal déroulé et étendu en ligne droite, le bord concave du corps correspondrait à la face inférieure de l'animal ainsi étendue ; c’est du reste de la sorte que presque toujours seront indiquées les positions dans les descriptions. L’œsophage se porte un peu à droite, et se trouve quand il se termine plutôt en arrière que vers le milieu de la longueur de l'estomac, dans un point où ce viscère semble éprouver un étran- glement qui le partage en deux boursouflures. Du reste, entre l'estomac et l'œsophage, il n’y a point ce passage insensible qui, souvent dans bien d’autres espèces, ne permet point de reconnaitre où finit l’un, où commence l’autre. L’œæso- phage, quoique fort long, est dans toute son étendue du même diamètre. L'intestin commence au sommet de la partie pyramidale anté- rieure de l'estomac ; de telle sorte que celui-ci, ayant sa plus grande dimension antéro-postérieure, a son orifice d'entrée ou cardia en arrière de son orifice de sortie ou pylore (4). Foie.— Le foie est bien développé comme, du reste, cela a lieu dans presque tous les Gastéropodes. Il présente très manifestement deux lobes de proportion tout à fait différente : l’un antérieur (2) (1) Voyez du reste Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, la planche 5, ‘igure 2, où l'estomac est représenté en place avec le petit lobe du foie, (2) Voy. ibid., pl. 4, fig. 4 (j). 224 H. LACAZE-DUTHIERS. est relativement fort petit, l’autre postérieur (4) occupe la plus grande partie de la portion postérieure du corps. Si l’on prenait d’une part l'ouverture du canal sécréteur de chacun de ses lobes, de l’autre le cardia et le pylore, pour l’indi- cation des positions, on trouverait le grand lobe plus antérieur que le petit, et la déformation pourrait être attribuee à la distor- sion générale du corps qui a ramené en arrière le cardia, et porté en avant le pylore. Remarquons que le pelit lobe, qu'on peut appeler lobe pylorique, est toujours sur le côté droit de l'estomac (2), en arrière du paquet intestinal, au-dessus de l’æsophage, et en avant du cardia. Le lobe pylorique se dégage immédiatement en avant de la boursouflure pyriforme, en dessus et tout près de l’origine de l’in- testin. Son canal excréteur est très court (3); cela devait être, Ia longueur est en rapportavec les proportions même du parenchyme. Le lobe cardiaque est, en raison même de son développement, bien plus largement en. communication avec l’estomac ; la bour- souflure, postérieure au cardia, est allongée, elle aussi, en dessus et un peu à droite en un tube très gros. C'est ce tube qui est le canal hépatique principal qui règne tout le long du bord concave du corps, et qui reçoit perpendiculairement à sa direction les ca - naux biliaires, secondaires, arrivant des lobules de la glande. En décrivant les organes de la cireulation et de la reproduction, les autres rapports seront complétés. Nous trouvons donc ici la disposition habituelle aux glandes composées. La teinte du foie est d’un brun verdâtre assez foncé, piqueté de points noirs fort petits, dont on verra l'origine en étudiant la texture intime. L'apparence générale sous la loupe est celle des glandes en (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 4 (k), (k). (2) Voy. ibid. (j). Dans cette figure, le petit lobe a été rejeté à gauche et en dessus, afin de mettre à découvert le paquet intestinal et les conduits pyloriques. (3) Voy. ibid. (i). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 295 orappe, un peu confusément conglomérées. On voit (1) les lobules correspondant vaguement aux canaux qui se jettent dans le con- duit principal, tous bosselés, et comme formés de petits grains que, dans l’ancien langage anatomique, on nommait les acini. Ce nom, qu'on peut conserver quand on ne lui attribue d’autre si- gnification que renflement des culs-de-sac sécréteurs, sera em- ployé ici avec ce sens. Les acini hépatiques chez le Vermet sont gros et volumineux, évidemment distincts dans leur partie renflée, mais réunis et plus ou moins confondus dans leur point de jonction avec les canaux excréteurs. Leur structure intime est facile et simple à observer; elle a la plus grande analogie avec celle que l’on trouve dans plusieurs autres Gastéropodes, et pour que les choses soient comparables, je renverrai surtout à la description donnée dans ce recueil, du foie des Pleurobranches. Soumis à un grossissement assez fort, les acini se décomposent en cellules volumineuses, que lon reconnait très vite par leur contenu, leur forme, leur disposition, ce sont les éléments carac- téristiques de l’organe (2). La teinte brun-verdâtre foncée disparait en partie par la trans- mission de la lumière, et l’on voit, quand la préparation est peu épaisse, une couleur générale d’un jaune légèrement verdâtre, parsemée de taches d’un bleu noirâtre foncé. Les cellules, très distinctes les unes des autres, sont assez lche- ment rapprochées et unies pour n'être pas extrêmement compri- mées, et par cela même fortement polyédriques ; elles constituent la couche parenchymateuse productrice de la bile. Enfermées dans le cul-de-sac sécréteur, elles en tapissent la paroi interne en plusieurs couches. Leur contenu est caractéristique ; 11 se compose de granulations (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 4 {k, k). Les lobules et les canaux excréteurs ont été indiqués un peu vaguement pour ne pas trop s'éloigner de l'apparence naturelle. (2) Voy. ibid, fig. 3. Extrémité d'un cul-de-sac légèrement comprimé. £: série. Zoor. T. XIIL. (Cahier n° 4.) 5 15 296 H. LACAZE-DUTHIERS, sphériques, volumineuses, qui les font, quand tous les éléments sont bien nets et développés, ressembler à des agglomérations de vésicules (4). Leurs parois sont minces el transparentes, et quant au noyau, il a été impossible de le reconnaître au milieu des nom- breuses granulations. Quelques-unes d’entre elles présentent de légères différences ; leur contenu est moins considérable ; les éléments, plus isolés, semblent aussi prendre plus d’accroissement; lon en voit souvent une volumineuse, réguliérement globuleuse, très développée, et qui semble évidemment due à un dépôt de matière solide (2). Les globules, car ce nom est plus juste que celui de granule, contenus dans les cellules sont eux-mêmes tous pointillés, et sem- blent avoir une composition particulière. Is donnent l'idée (3) de petits corps composés de granulations solides, dont la couleur est celle du foie observé dans son ensemble ; il est évident que ces éléments entrent dans la composition du liquide biliare, on les retrouve dans l’intestin. La sécrétion varie quelquefois, et les corpuseules solides, en prenani plus ou moins d’aceroissement, peuvent produire quelque chose d’analogue, à bien des titres, à un petit caleul. On a déjà vu que le tissu du foie paraissait à la loupe comme parsemé d'une multitude de petits points noirâtres, et que, sous le microscope, les acini semblaient, au milieu des cellules, comme semés de corpuscules pyriformes (4), allongés, gros, et d’une teinte bleu-noirâtre. Ne serait-il pas permis de considérer conune des calculs ces pelits corps, et de supposer qu’ils se sont engendrés dans les cel- lules hépatiques dont ils égalent à peu près le volume ? Les pelits corps sphéroïdaux (5) qu’on vient de voir prendre na'ssance dans certaines cellules, ne seraient dès lors que leur commencement ; ils rappellent et par la teinte, et par la forme ou le volume, la dis- ) Voy. Ann. des sc. nat., Zvol., 4° série, t, XILL, pl. 4, fig. 4 (e). ) Voy. ibid. (a). ) Voy. ibid. (b). &) Voy. ibid., Gg. 3 (< ; fig. 4 (d). 5) Voy. ibid. fig. 4 {c), ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 297 position de ceux qui ont été indiqués dans le Pleurobranehe orangé (1). Quand on fait arriver sur le tissu du foie un peu d’eau acidulée avec l'acide azotique, l'on voit disparaitre ces gros corpuscules ovoïdes, bleu-noirâtre, en même temps qu’ils font effervescence, Faut-il les considérer comme calcaires? Le phénomène seul a été observé; les analyses n'ont pas été poussées plus loin. Il existe habituellement dans la cavité des culs-de-sac ou acin, un épithélium vibratil; la difficulté que l’on éprouve quelquefois à le reconnaitre tient le plus ordinairement à la couche épaisse de cellules et à leur contenu opaque, qui empêchent de distinguer par transparence le mouvement de ces éléments délicats. I n’a pas été possible de l’observer ici; mais ce n’est pas s’engager que de dire qu'il doit exister, et l’analogie peut certainement conduire avec certitude à cetle conclusion. On retrouve dans les liquides de l'intestin et de l'estomac les corpuseules des cellules et leurs granulations ; ee sont eux qui les colorent. L’intestin (2)est divisé en deux portions parfaitement distinctes, non pas qu'il y ait dans ses dimensions des différences très grandes, mais la position et la direction sont tout autres dans les deux parties. Après l'estomac, en avant de lui et un peu sur la droite, en dessous et en arrière du sac de Bojanus, à droite du péricarde et du cœur, on trouve assez nettement limitée par une membrane une cavité qui ne doit évidemment renfermer autre chose que du sang ; on n'y trouve point de ces cellules à granulations blan- châtres , que nous avons nommées éléments du tissu conjonctif cellulaire. Dans son intérieur flottent les circonvolutions de l’in- testin ; elle est à proprement parler la cavité péritonéale. L'intestin, parti du sommet de la boursouflure pyramidale de l'estomac, se contourne deux ou trois fois sur lui-même (3), puis se (4) Loc. cit., voir la planche qui le représente, elle a été publiée en couleur, (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 4, fig. 4 (e). (3) Voy. ibid. (d). 298 HW, LACAZE-DUTHIERS. porte à droite, et sort de la cavité en remontant un peu vers le dos. L'œsophage se voit toujours sur un plan inférieur, dans un Vermet placé ainsi qu'il a été dit plus loin. On peut désigner par le nom de paquet intestinal (1) cette partie du tube digestif. Après sa sortie de la cavité péritonéale, l'intestin devient tout à fait droit; il pénètre entre les deux lames qui forment le manteau, et parait par (transparence sur le côté droit de la voute palléale. Cette portion qui se termine par l’anus est bien désignée par le nom de rectum (2). I n'a point paru exister dans le Vermet de glande anale comme dans les Murex et les Purpura ; mais je dois dire que je ne con- naissais pas l’existence de celle-ci, lorsque je faisais l'observation du Vermet à l’état frais, et sur les animaux conservés, il n'était point possible de juger absolument la question. Ainsi, on le voit, les organes de la digestion présentent non- seulement la plus grande analogie, mais encore la plus grande ressemblance avec ceux des autres Gastéropodes à coquilles tur- binées et Pectinibranches. VIE Organes de la respiration. La branchie (3) est simple, allongée, comme tous les autres or- ganes. Placée sur le eôté gauche, accolée à la paroi interne du tube du manteau et parallèle au corps, elle s’avance à peu près autant que l'intestin, auquel elle se trouve aussi parallèle, Droite quand l'animal est bien étendu, elle présente une série (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 4, fig. 1 (d). (2) Voy. ibid., fig. 6 (c). (3) Voy.pl. &, 5, 6, dans différentes figures de l'animal entier et la partie marquée J. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS,. 229 d’ondulations où de courbures dues aux contractions et au rac- coureissement du manteau. Elle n’est point large, et sa base, étalée sur la surface de la voûte palléale, est limitée en dedans et en dehors par des conduits ou vaisseaux, l’un efférent, l’autre afférent, que l'on distingue très bien. Le vaisseau efférent (4), celui qui rapporte le sang au cœur, est surtout parfaitement distinct ; il est aussi le plus apparent et le plus développé ; il est toujours le plus voisin du corps proprement dit. Si l’on ouvre le manteau sur la ligne médiane, et si l’on rejette en dehors le lambeau gauche, on le voit dans cette position sur le bord interne de la branchie. Quant au vaisseau efférent moins limité et distinct, il reçoit le sang veineux &rrivant des parties environnantes du ane ce qui rend la paroi opposée à la branchie à peine distincte. La branchie elle-même est formée non de filaments isolés, comme on pourrait le croire en la regardant de côté, mais de la- melles parfaitement régulières (2). Chacun de ses éléments repré- sente un triangle isocèle, dont l’un des côtés, la base, est fixé au manteau ; les deux angles adjacents à cette base répondent l’un au vaisseau afférent, l’autre au vaisseau efférent ; l’angle du som- met est libre. C’est dans chacune de ces lamelles triangulaires que sont les capillaires où s'effectue l'acte respiratoire , l'échange gazeuse. Le plan de ces petites lamelles est perpendiculaire à l'axe du corps et à la surface du manteau. Chacune d'elles étant à côté et parallèle de la voisine, il en résulte un organe feuilleté lamelleux. Dans quelques Gastéropodes pectinibranches de Cuvier, on trouve sinon une seconde branchie, du moins un organe qui en a l'apparence la plus complète, avec toutefois des différences. Cet organe que l’on trouve très développé dans les Pourpres, les (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XILF, pl. 4, fig. 6 (a). (2) Voy. ibid. Dans le milieu à peu près de la longueur de la branchie, les lamelles ont été représentées séparées. 230 NM. LACAZE-DUTHIERS. Rochers, ete., est placé entre la branchie et le corps ; en dedans de cette dernière, quand on a fendu le manteau et renversé le lambeau gauche en dehors. Dans quelques animaux très voisins, ce corps est réduit à un filet, mais toujours dans la même posi- tion parallèle à la branchie (1): c’est le cas des Toupies, des Paludines, ete., et enfin du Vermet. Qu'est cet organe ? Il n’a pas encore été possible de lui assigner un rôle bien spécial. Des re- cherches comparatives sont nécessaires ; il faut qu’elles soient plus nombreuses. Il en sera néanmoins encore question à propos du système nerveux; pour le moment son existence seule devait être constatée. VII Organes de la circulation. L'étude qui va suivre n’est pas complète. Pour arriver à une connaissance entière de toutes les particularités , 1} faudrait sur des animaux aussi petits mullüiplier beaucoup les recherches, et le temps qui, dans un voyage, est toujours trop Court, n’a pas permis de répéter suffisamment les injections fines. On ne doit donc s'attendre à trouver ici que les faits généraux relatifs à la cireula- tion centrale, et surtout à la portion artérielle. Cœur. — L'organe central d’impulsion est à gauche (2), dans un péricarde que l’on aperçoit par transparence, en arrière du eul-de-sac palléal, entre le corps de Bojanus en haut, l'estomac à droite et la cavité intestinale à droite et en arrière. La partie glandulaire (3) du corps de Bojanus est plus étendue ici que dans bien d’autres Gastéropodes ; elle recouvre par con- séquent un peu la poche péricardique en descendant sur le côté gauche. (1) Voy. Ann. des sc, nat,, Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 4, fig. 6, la partie marquée '. (2) Voy. ibid. (d, e). (3) Voy. ibid., J. ANATOMIE £T EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 23 Dirigé d'avant en arrière et à peu près suivant l'axe du corps, il est cependant un peu oblique de haut en bas; cela tient à la position de la branchie, Cette inclinaison disparait quand on fend le manteau, le rejette en dehors, et va à la recherche du cœur en pénétrant par la cavité viscérale. L'oreillette (A) est en avant et un peu en haut, elle reçoit le sang du vaisseau efférent branchial dont il a été déjà question. Mince, transparente, elle n’offre rien de particulier. Le ventricule (2), toujours plus contracté et plus charnu que l'oreillette, en est séparé par un étranglement très manifeste, pyriforme et à base antérieure; il s’allonge et s’effile en plongeant vers le côté gauche et la face inférieure du corps (en supposant toujours l’animal posé comme il a été dit). Cette description rappelle ce qui s’observe en général dans les Pectinibranches. Artères. — Les artères qui partent du ventricule sont réunies d’abord en un seul tronc fort court, dont la longueur n’égale pas un millimètre. Ce tronc, qu'on pourrait nommer laorte primitive, se bifurque en deux grosses artères, que nous désignerons par les noms (l'aorte antérieure (3) et d’aorte postérieure (h). Au point de vue de la morphologie, la distribution des artères est fort importante ; elle peut guider au même titre que les nerfs, quand il s’agit de remettre les organes dans leur position, en sup- posant qu'une déformation les ait contournés ou déplacés en appa- rence. L’aorte postérieure est volumineuse, et destinée à porter le sang artériel à toute la portion viscérale du corps , aux organes repro- ducteurs et au foie, en un mot à toute cette partie qui est en arrière du tube digestif proprement dit. (1) Voy. Ann. des se, nat., Zool.,!4° série, t. XEIL, pl. 4, fig. 6 (d). (2) Voy. ibid. (e). (3) Voy. ibid. (h). (4) Voy. ibid, (f). 239 W. LACAZE-DUTHIERS. Elle se relève et remonte un peu vers le dos tout en se portant à droite ; elle rencontre bientôt l'estomac et le petit lobule du foie. D'abord elle passe à droite de la première portion de l'intestin, entre les circonvolutions intestinales et l’extrémité pylorique de l'estomac, qui se trouve ainsi à sa gauche ; elle continue sa marche, et se place entre le petit lobe droit du foie et l'estomac proprement dit, de sorte que dans ce point elle disparaît quand on ouvre sim- plement le corps; mais on la voit bien'£t reparaitre en arrière du petit lobe et sur le côté droit de l'es'itxac, qu'elle croise vers le milieu de sa longueur. à peu près à la hazteur du cardia pour gagner le bord concave où inférieur du corps (4). Dans son passage entre le petit lobule pylorique et l'estomac, elle donne deux ou trois rameaux aux organes voisins. Arrivée à la paroi du corps, elle se bifurque brusquement, et ses deux branches se portent dans une direction absolument oppo- sée, de sorte que la direction de la branche antérieure (2) est exactement la continuation de celle de la branche postérieure, mais en sens inverse (3); l’une et l’autre sont dans la courbe du COrps. La branche antérieure va en avant, passe sous l'intestin, et marche parallèlement à l'œsophage sur le eôlé droit. Elle se distribue à la portion du manteau qui porte l’orifice génital et le rectum. Bien que sa distribution n’ait pas été observée bien loin, elle a paru surtout marcher entre les organes génitaux et la dernière portion de l'intestin, en donnant des rameaux secondaires sur les côtés, à droite et à gauche. Il n’a pas été possible de la suivre au delà de l’extrémité antérieure de l’orifice génital. Néanmoins, il semble qu'on peut la nommer artère palléale droite. Quant à la branche postérieure, elle marche à côté du canal bépatique ou biliaire jusqu’à l'extrémité du foie, en se tenant (1) Pour suivre cette description, il est utile d'avoir sous les veux la figure 6, planche %, des Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XHII. (2) Voy. ibid. (m) (3) Voy. ibid. (n). AUr ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 235 non-seulement parallèle, mais encore accolée à lui; elle affecte un autre rapport qui sera plus loin indiqué. Dans toute son étendue, elle fournit des branches à droite et à gauche quise séparent d'elle perpendiculairement à sa direction et à l’axe du corps, et se ramilient sur les glandes génitales et le foie. Les dernières arborescences de ces artères s’anastomosent, et on peut appeler génito-hépatique celte branche postérieure où terminale de l'aorte postérieure. L'aorte antérieure se courbe dès son origine, et vient pénétrer dans la cavité du corps où l’on à vu l’œæsophage, c'est-à-dire dans celle partie placée sous la voûte palléale. On la distingue par transparence au travers des parois, à gauche, à peu près vers la ligne d'union du corps et du manteau. Les branches qu'elle fournit sont peut-être plus nombreuses et plus variées que celles de l'aorte postérieure ; cela se comprend, elle doit apporter le sang à tous les organes antérieurs, c’est-à-dire à une série d'organes très différents et très variés. D'abord tout près de son origine elle fournit trois branches assez grêles destinées à des organes placés en arrière du cœur. L'une (4) est pour l'intestin ; on peut la voir s’accoler à lui, dans le voisinage du pylore, et le suivre assez loin. Les deux autres (2) passent sur le côté gauche de l’estomae, le dépassent, et arrivent jusqu'aux glandes génitales et au foie. Ces trois artérioles sont aussi opposées dans leur marche que les précédentes ; cela tient toujours à l’allongement considérable éprouvé par le corps qui présente des organes placés pour ainsi dire à la file les uns des autres. Le tronc principal de l'aorte antérieure (3) marche à gauche jusqu'à la base de la tête on du renflement céphalique ; là on le voit se courber et se porter à droite, en arrière du bulbe lingual qu'il semble entourer. On retrouve pour les artères ce qui sera marqué bien plus encore (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t, XIE, pl. 4, fig. 6 (k). (2) Voy. ibid. (i,j). (3) Voy. ibid. (h). 231 M. LACAZE-DUTMIERS. pour le système nerveux ; l’asymétrie droite est masquée par une torsion de tout l'animal à gauche, mais cependant les rapports importants qui persistent dans la distribution des principaux ra- meaux la démontrent encore. L'artère antérieure où céphalique se porte dans les Gastéropodes que j'ai eu l’occasion d'observer toujours à droite, et arrive de ce côté jusqu'au collier œsophagien. Si done ici elle a paru d’abord à gauche, on voit que, lorsqu'elle doit arriver au point important où ses divisions vont se séparer d’elle, elle reprend sa posilion; et qu'on le remarque, ce n’est pas indifféremment qu’elle reprend cette position; ce qui prouve bien qu'elle ne l’a perdue qu’en apparence pour aller du côté gauche au côté droit. Puisqu'elle est assez bas, il eût semblé naturel de la voir passer au-dessous du tube digestif; cela n'arrive pas, car si elle eùt passé en dessous plutôtqu’en dessus de cet organe, elle n’eùt pas conservé son rap- port fondamental; elle laurait croisé, elle n'aurait plus été à droite et en dessus ; on voit à certainement une preuve de cette opinion que l’asymétrie gauche n’est qu’apparente. La marche terminale de cette artère est ici tout à fait semblable encore à ce que l’on observe dans d’autres Gastéropodes ; elle passe dans le collier œsophagien (4) entré la commissure pédieuse et l'appareil lingual. Cela est parfaitement évident ; puis elle se relève, et vient à la face inférieure de la masse linguale se rami- fier et se continuer plus loin (2). Malheureusement les parties sont trop fénues pour avoir pu conduire assez loin les recherches, sans avoir multiplié les injections. Quelques petits ramuscules se séparent du tronc terminal, et vont à la glande du pied (3); mais je n’oserais assigner l’origine des vaisseaux palléaux antérieurs et des vaisseaux pédieux, œso- phagiens, etc., etc. On trouvera néanmoins dans cette distribution des faits impor- tants qui permettront encore des comparaisons utiles. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 4, fig. 6 (p). (2) Voy. ibid. (q). (3) Voy. ibid. (o), ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIÉ DES VERMEINS, 235 VIII Circulation du corps de Bojanus. L'arrivée du sang veineux dans la glande, que l’on considère comme un rein, est un fait assez général dans les Mollusques ; mais il y a cependant de nombreuses variétés relativement à la quantité de sang qui passe par cet organe dépurateur avant d’arri- ver aux branchies. Dans les Acéphales, il y a une véritable veine porte rénale entre les organes et la branchie; mais si tantôt plus, Lantôt moins de sang veineux traverse l'organe de Bojantis, habi- tuellement il va néanmoins se jeter dans l'organe respiratoire avant d'arriver au cœur ; cela se voit dans la plupart des Gasté- ropodes. Or ici j'ai multiplié les recherches, et toujours le même résultat s’est présenté; toujours j’ai trouvé un gros vaisseau venant du corps de Bojanus, et s’ouvrant dans la veine branchiale tout près de l'oreillette. En poussant les injections par le cœur ou le vaisseau branchial, toujours des arborisations élégantes se mon- traient à la surface extérieure de l'organe (4). Que conelure de ce fait ? Évidemment il faut admettre que si le sang veineux passe en plus ou moins grande quantité dans le corps rénal pour arriver à la branchie, il peut dans quelques exemples passer aussi directement de celui-ci dans le cœur sans travérser l'organe de la respiration. Les injections ont réusst avec tant de constance, que l’on ne peut mettre ce fait en doute. Cette différence est importante ; elle montre que, dans la géné- ralisation des faits relatifs à la circulation des Mollusques, il faut évidemment apporter des réserves. IX. Organe rénal. Le sac glandulaire (2), auquel on attribue des fonctions de dépu- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig, 6 (b). (2) Voyez dans les planches la partie marquée J. 236 H. LACAZE-DUTHIERS. ration analogues à celles du rein des animaux supérieurs, est chez les Vermets dans la position habituelle qu'on lui connait; on le trouve à gauche de l'intestin rectum près du péricarde, et en avant, au-dessus de l'estomac, de lœsophage, 1l forme, par sa paroi antérieure, le fond du cul-de-sac de la cavité palléale. Adossée d’un côté au péricarde, sa paroi semble se confondre avec la sienne. I n’a pas été possible, en raison de la petitesse des objets et de l’état des animaux, de reconnaître s'il y avait. une communication entre eux, communication importante, et que J'ai trouvée dans quelques autres Gastéropodes, ainsi qu'il sera plus tard indiqué. La paroi postérieure est un peu oblique de haut en bas et unie avec celle de la cavité péritonéale, où l’on a vu le paquet des cir- convolutions intestinales. On peut l'ouvrir sans pénétrer dans celle-ci, mais il est très facile de rompre la paroi des deux, tant sont délicates les membranes qui la forment. ; Son orifice (1) se découvre aisément; il est sur la face infé- rieure, au fond du cul-de-sac palléal. On le trouve toujours avec facilité quand les animaux sont morts ; il a la forme habituelle, c'est-à-dire qu'ilest longitudinalen boutonnière avec des lèvres un peu épaisses. En fendant le manteau sur la ligne médiane et s’appro- chant davantage du côté gauche, il est possible de le faire bâiller en tirant sur les tissus à gauche, et opérant ainsi une traction sur la partie du sac de Bojanus restée adhérente. Sa cavité est vaste, mais ses parois se rapprochent l’une de l’autre par affaissement. D'ailleurs la surface n’en est pas lisse ; elle est chargée de lamelles qui semblent en certains endroits arbores- centesetramifiées ; les ramifications, forment le parenchyme sécré- teur, et semblent dirigées ou disposées d’après la marche des vais- seaux sanguins de l'organe ; c’est là, du reste, ce que l'on observe dans les animaux plus gros et plus faciles à étudier par consé- quent, La teinte de la glande est d'un brun jaunàtre ; parfois elle a (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 6, fig. 4 et 2. L'or- gane de Bojanus J est vu par la face palléale, et montre son orifice en forme de boutonnière. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 234 semblé un peu grisâtre ; cette dernière teinte est constante dans les animaux conservés. La structure intime est fort simple, et l’on retrouve des éléments tout à fait semblables à ceux que présentent les autres animaux. Aussi l’on reconnaitrait presque à la structure seule, à la disposi- tion, à la forme des cellules, le corps rénal. De grandes cellules (1), empilées les unes sur les autrés, se comprimant à peine, et conservant par conséquent leur forme à peu près sphérique, composent le tissu. La couche la plus extérieure, relativement à la cavité, est couverte d’un épithélium vibratil très grand ayant un mouvement puissant. Il suffit d'enlever une par- celle du tissu et de la soumettre à Pexamen microscopique pour voir tout de suite la disposition des choses telle qu’elle vient d’être indiquée. Les cellules sont fort transparentes et ne renferment presque pas de matière granuleuse. On trouve cependant sur l’un de leurs côlés un noyau opaque, quand on les regarde par transparence ; par réflexion, la teinte est un peu jaunâtre, grisàtre où jaune- verdâtre; e’est à ces noyaux qu'il faut attribuer la couleur que présente la glande dans son ensemble. On trouve encore beaucoup de cellules qui, avec une certaine incidence de lumière, offrent dans leur centre comme une seconde sphérule incluse (2), qui paraît alors sous la forme d’un nuage un peu moins transparent, mais dont les bords sont très limités. Est-ce un développement endogène? Dans les différents exem- ples dont j'ai publié la structure du corps de Bojanus, j'ai retrouvé la même particularité. Il y a en dehors des cellules des corpuscules jaunàtres ana- logues aux noyaux, et qui peuvent être sans doute considérés comme les points autour desquels se développent les cellules, si l’on prend du moins, comme dans la théorie cellulaire, le noyau pour point de départ de la formation des cellules. (4) Voy. Ann, des sc. nat., Zool,, 4° série, t. XIII, pl. #4, fig. 5. (2) Voy ibid. La cellule qui est en avant des cils vibratils, 238 H. LAXCAZE-DUTHIERS, X Glande pédieuse. Voici une glande dont le nom est tiré des rapports et de la po- sition. Elle mérite loute l'attention, en raison de la grande impor- tance qu’elle doit avoir. Le nom s’expliquera plus loin quand la description sera complète, Entre le pied et la tête (4), qui sont l’un et l’autre très voisins, on voit sortir, d’une dépression qui les sépare en avant, deux longs tentacules, que l'animal vivant agite, écarte, et relève comme deux organes du tact, La position insolite de ces appendices m'avait vivement iniri- gué; il s'agissait de déterminer à quelle partie de l'organisme ils appartenaient. On verra en ce qui les concerne, à propos du sys- tème nerveux, des considérations importantes. Des dissections minutieuses ont conduit à voir qu'ils correspon- dent évidemment à un organe de nature particulière, dépendant simon du pied absolument parlant, mais ayant des rapports de position constants avee lui, et surtout tirant les filets nerveux qui les animent du centre ganglionnaire inférieur ou pédieuæ. C'est là une des raisons qui ont fait donner le nom particulier à la glande qui Va nous occuper. Les tentacules (2) ne sont que les lèvres prolongées d’une fente transversale, au fond de laquelle on trouve un orifice conduisant dans la cavité de la glande. Ces tentacules fort longs, quand l’animal ne les contracte pas, sont'creusés d'une cannelure qui est la prolongation de la fente, au fond de laquelle se trouve l’orifice ; ils sont, si l’on veut, creusés en une petite gouttière qui regarde en dedans. Leur base est unie par une membrane transversale qui cache (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, fig, 4, s', fig. 7, d; pl. 6, fig. 4 et2 (s’). (2) Voy. ibid., fig. 7. Les tentacules rabattus en arrière montrent le canal ou la gouttière de leur hord antérieur, et la lèvre supérieure (e) a été fendue pour laisser voir celui-ci. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 239 en haut l’orifice, tandis que sur le côté inférieur ou sur la face du pied, elle se continue avec un petitmamelon aplati à peu près rond. Si l’on prend les deux lamelles des tentacules en supposant l’ani- mal couché en long, la lamelle supérieure d’un côté se continue avec celle de l’autre, tandis que les lamelles inférieures se soudent avec la base du tubercule où mamelon placé sur le pied même. Après celte union des bords de la fente et des tentacules, la base se rétréeit en une sorte de pédicule (4), qui se prolonge jusqu’à la glande en glissant sous tous les organes à la face dorsale de la couche musculaire du plancher inférieur de la cavité du corps, et qui esten fin de compte la face supérieure du pied. Ce pédicule tubuleux passe sous les ganglions pédieux qui, quoique assez éloignés comme on le verra, sont réunis par une commissure bien évidente (2). L’organe qui nous occupe est ma- nifestement sous la commissure. A partir du système nerveux, l'organe glandulaire va en s’élar- gissant, puis en se rétrécissant, ce qui lui donne la forme d’un fer de lance, ou d’un rhombe long, obtus ou arrondi sur les côtés. En l’observant attentivement, on trouve que, sur sa face supé- rieure, 1] est parcouru par un sillon médian longitudinal, d'où partent de petits sillons secondaires obliques, dirigés d’arrière en avant et de dedans en dehors. En le fendant sur la ligne inédiane (3) où dans le sillon supé- rieur, on arrive bientôt dans la cavité. L’épaisseur des parois est considérable, tandis que la résistance est des plus faibles ; cela tient à la nature glandulaire. La structure de cette poche est curieuse ; elle doit nous arrêter particulièrement, en raison même de la disposition toute spéciale qu'elle présente, et qui, à bien des égards, mérite l'attention. L'apparence striée qu'on remarque à l'extérieur a sa raison d’être dans les plis très nombreux que l’on trouve dans l’intérieur. Voici quelle est la disposition : sur la ligne médiane et sur la face (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl, 4, fig. 7 (f); voyez aussi la fig. 3, pl. 6. (2) Voy. ibid., pl. 6, fg. 3. (3) Voy. ibid., pl. 4, fig. 7 (g). 240 NH. LACAZE-DUTMIERS. inférieure de la cavité, on voit comme un bourrelet régulier qui arrive à peu près jusque vers le milieu de la longueur (1). De chaque côté de lui, il part des plis (2) dirigés d'avant en arrière et de dedans en dehors. Plus ces plis s'éloignent du bourrelet mé- dian, plus ils deviennent saillants, plus ils sont épais ; de sorte que, arrivés sur le bord de l'organe, ils forment de véritables lamelles saillantes dans la cavité, et toutes ces lames, parallèles les unes aux autres , se réfléchissent sur le bord, se continuent en dessus, et reviennent jusqu’au sillon médian supérieur. Ce sont les bases de ces plis qui, se dessinant en dessus, font paraitre tout l’orgame comme strié. Ces lamelles se détachent les unes des autres avec la plus grande facilité, surtout en dessous ; la membrane externe de l’organe sur lequel elles sont soudées offre très peu de résistance, et se dé- chire très aisément. Dans son ensemble, cet organe présente donc une cavité et des parois feuilletées, lamellaires, d’une nature glandulaire. Malheureusement je ne puis en faire connaitre l’histologie ; mon départ rapide, au moment où je continuais les recherches, n’a fait laisser de côté, avec beaucoup d’autres dispositions, celle-c1. Orifice de la face inférieure. J'apporte une grande réserve relativement au fait suivant. Je dé- clare ne l'avoir constaté que sur des animaux conservés soit dans la glycérine, soit dans l’alcool, soit enfin dans une liqueur saline, et je dirai, en passant, que je n’oserais jamais faire!’étude de la structure ou de la texture microscopique d’un organe sur des ani- maux conservés dans de la glycérine, bien que quelques personnes aient prétendu que tout revenait à l’état primitif quand on plon- geait dans l’eau les animaux ainsi conservés ; c’est là même ce qui m'empêche de dire ce que j'ai pu observer au microscope sur des (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 7 (à). (2) Voy. ibid. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 21 individus qui cependant paraissaient parfaitement frais en appa- rence, et qui semblaient, quand la glycérine qui les imprégnait était dissoute, sortir de la coquille d’un animal frais. Je présente done les faits observés sur des individus dans les conditions indiquées, chacun jugera de leur valeur, et je déclare d’ailleurs vouloir les vérifier encore sur des animaux vivants et faire quelques expériences. La glande pédieuse m'a paru constamment ouverte en dessous. Depuis la terminaison de l'extrémité postérieure du bourrelet mé- dian d'où rayonnent les lamelles, jusqu’au sommet pointu de l'organe, on trouve exactement sur la ligne médiane une fente qui continue la direction du bourrelet médian (4). Voici sur quels faits j'appuie l'existence de cette glande : En ouvrant l'organe par la face supérieure avec la plus grande attention, afin de ne lui faire éprouver en dessous aucun tiraille- ment, etle laissant complétement en place, j'ai toujours vu, en examinant sous de forts grossissements, qu'il n’y avait pas de trace de débris sur les lèvres de la fente ; d’où j'ai été conduit à conclure qu'elle n’était point le résultat d’une déchirure. Ajouter cependant que les lamelles s’isolent très facilement en dessous et surtout sur le milieu de l’organe est nécessaire. Ceux qui interpréleront les faits pourront juger de la valeur des recherches, suivant qu'ils verront ce fait favorable à telle ou telle opinion. Une autre expérience qui n’a jamais manqué de réussir est celle-ci: en poussant des injections dans la cavité générale du corps ou en injectant les vaisseaux, ce qui conduisait alors la matière dans la cavité du corps, toujours j'ai rencontré de l'in- Jection dans l’organe, et l'injection avait toujours évidemment pénétré par la fente longitudinale inférieure. Faut-il encore voir 1e1 le résultat d'une déchirure produite par le liquide ? Enfin peut-on expliquer cet orifice par la contraction des ani- MAUX, qui aurait déterminé des tiraillements propres à séparer les lamelles médianes? (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE. pl. 5, fig. 7 (h). 4° série, Zooc. T. XIII. (Cahier n° 4.) 4 16 2h12 H. LACAZE-DUTBIERS, Voilà les faits et les objections; observer de nouveau sur des animaux vivants, est mon intention, et je serai le premier à faire connaître les résultats différents, s'ils venaient à se présen- ter par l'étude d'individus dans de meilleures condilions. Mais tels qu'ils s'offrent maintenant, ils ont une grande valeur ; en effet, la poche glandulaire pédieuse peut avoir, sans doute, un rôle particulier difficile à définir, mais elle sert d’inter- médiaire entre la cavité générale du corps et l'extérieur; or ne voit-on pas là le moyen pour l'animal de verser au dehors le liquide abdominal, qui n’est autre que le sang, ou bien encore de faire pénétrer dans les cavités splanchniques l’eau apportée par l'orifice externe, et conduite par ces longs tentaeules pédieux creusés en gouitière ? On comprend maintenant toute l'importance qu’il faut attacher à cet organe, puisqu'ici il nous montre la communication avec l'extérieur de l'appareil cireulatoire. Voilà un nouveau fait très curieux qui vient s'ajouter à ceux déjà si probants que j'ai observés sur les Dentales et Pleurobran- ches, et auxquels je vais prochainement en ajouter d’autres par l'observation d'animaux tout aussi différents des premiers que celui-ci. On peut remarquer que si c’est bien réellement ici le lieu de communication entre l'extérieur et l’appareil de la circulation, 1l y à évidemment une grande différence entre les Mollusques, dans la position de cet orifice de communication. Les Vermets ne sont pas les seuls Gastéropodes qui présentent une 2lande pédieuse. Il en est beaucoup d’autres qui offrent des choses semblables au fond, mais différentes dans les détails ; 11 y aura lieu à chercher l’analogie. (1) Voyez, pour ces animaux, les articles intitulés : Orifices extérieurs de la circulation, loc. cit. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 2h 3 XI Organes de la reproduction. Des animaux fixes et ne pouvant changer de place, sont des êtres qui évidemment doivent ou bien se féconder eux-mêmes, ou bien avoir les sexes séparés et se féconder à distance comme les plantes dioïques. Dans le premier comme dans le second cas il n’est pas nécessaire pour les animaux d’avoir des organes copu- lateurs, les rapprochements sexuels ne pouvant pas avoir lieu, les organes qu'ils supposent et impliquent. sont par cela même inutiles. Dans les Mollusques Acéphales dioïques on trouve seu- lement les glandes génitales sans les accessoires. ci, d’après ces considérations, on devait s'attendre à ne point rencontrer d'accouplement et d'organes spéciaux. L'appareil est done réduit aux organes fondamentaux, aux glandes génitales proprement dites. Nous constatons donc d’abord un fait : les sexes sont séparés, il n’y a pas d'hermaphrodisme, les individus sont mâles ou femelles. On peut rapprocher cette opinion de ce que disent dans son travail M. Schmarda (2) et avant lui V. Siebold. Il faut rejeter l'opinion de MM. Quoy et Gaymard, qui décla- rent nettement qu'ils sont hermaphrodites (2). a. De la glande en général. —— La glande génitale, qu’elle soit mâle ou femelle, offre à peu près la même disposition, quelques différences extérieures de coloration, ete., ete., la font cependant distinguer. Elle à une position constante à côté du foie, sinon dans toute la largeur, du moins dans la plus grande partie. Le foie, a-t-ilété dit, occupe tout le corps en arrière de l estomac; c’est sur le côté droit formant une lamelle assez mince que’ se ur la glande génitale(3), (4) Voy. loc. cit., p. 435, Nach den Unlersuchungen Siebold's sind die Ge- schlechter getrennt. Voy. Anatumie comparée de V, Siebold. | (2) Voy. Voyage de l'Astrolabe, morLusques, p. 285. (3) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 5, fig, 2 (c et k), Il DAT IH. LACAZE-DUTHIERS. souvent on trouve quelques-uns de ses cæcums sécréteurs du côté gauche, mais toujours quand ils existent de ce côté ils sont en très petit nombre. Le canal excréteur reçoit les produits de la sécrétion dans toute la longueur de la glande et est placé à côté du tube biliaire principal et du vaisseau sanguin artériel que nous avions considéré comme la terminaison de l'artère aorte postérieure. Dans une coupe du corps ou les glandes et les vaisseaux sont dans leur position respective, les trois canaux se trouvent.en bas, à côté les uns des autres, et les glandes en dessus (1). b. Orifice. — L'ouverture extérieure de la glande génitale se fait, dans un point facile à déterminer, c’est comme dans les autres Gastéropodes, au côté droit qu'on la trouve (2). Elle est très grande relativement, chose qui s'explique pour les femelles et un peu moins pour les mâles. Exactement entre le rectum et le corps, dans la cavité palléale, plutôt en arrière qu'en avant, elle s’avance dans les femelles beaucoup vers la tête. Sa forme est celle d’une longue fente répondant à une bourse en forme de nacelle coupée de compartiments perpendiculaires à sa direction, c’est au fond d’une longue cavité une série de dépres- sions ou de euls-de-sac, qu'on peut considérer comme des cel- lules ouvertes. Le canal excréteur des glandes vient s'ouvrir à l’angle posté- rieur de cette poche, et verse ses produits dans le sillon qu'elle forme ; j'ai presque toujours constaté vers l’orifice du canal pro- prement dit, deux petits points jaunes, dont la nature m'a paru glan- dulaire (3). Ils faisaient (toujours aisément reconnaitre l'ouverture. est important de remarquer qu'une séparation existe dans cette figure entre les deux moitiés du corps. L'animal est supposé entier ; mais, tandis qu'en avant il est représenté femelle jusqu’en (d), à partir de (e), il est mâle. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, fig. 3 : (a), artère abdo- minale postérieure et ses rameaux; (b), glande génitale : (c), foie. Les canaux correspondent au côté inférieur ou concave du corps. (2) Voy. ibid., fig. 2 (0), animal femelle. (3) Voy. ibid. (a). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 245 Dans le mâle (1), la poche qui semble la terminaison du canal excréteur, n'offre pas aussi développées les cellules secondaires; dans les femelles, au contraire, ces dépressions sont extrême- ment prononcées; il est très probable que c’est dans leur inté- rieur que se forment les paquets d'œufs, et les parois doivent certainement sécréter le liquide qui donne naissance à ces em- poules ovoïdes où l’on verra enfermés les jeunes embryons. Je dois mentionner un fait que j'avais cru d’abord concluant, mais que je n'ose maintenant affirmer, car tous les animaux que j'ai étaient sortis des coquilles et mélangés. Je ne pourrais dire exacte- ment s'ils correspondent au Ÿ”. triqueter ou au V. semisurrectus. Il m'avait semblé trouver une certaine relation entre la forme du manteau et le sexe (2); j'avais cru voir que toutes les coquilles portantdes œufs avaient aussi un animal dont le manteau était fendu sur le dos. Cette relation était naturelle, elle concordait avec l’idée que l’on pouvait ou devait se faire de la manière dont étaient dépo- sées les capsules. Mais quelques exemples un peu douteux par l’état de la glande, venant s'ajouter au mélange des individus des deux espèces, ne me permettent de présenter ce fait qu'avec réserve. c. Structure des glandes. —Glande mâle.—Elle se présente sous forme d’ärborisations délicates peu étendues et assez simples ; les culs-de-sac sécréteurs isolés, un peu éloignés les uns des autres et par cela même très distinets, sont rendus plus évidents encore par leur couleur jaunâtre d’un orangé presque vif qui tranche avec le brun-verdätre sombre du foie sur lequel ils reposent (3). Ils ne sont guère superposés, et mème ils ne sont pas assez rapprochés pour donner à l'esprit l’idée d’une couche continue. Soumis à l'examen microscopique, on les voit formés d’une membrane transparente extérieure limitant le parenchyme, dont la disposition et les éléments ressemblent à ceux que l’on voit dans d’autres Mollusques (4). (1) (2) Voy. ibid., pl. 5, fig. 1. (3) Voy. ibid., pl. 5, fig. 2 de(e) en (f). (4) 26 M. LACAZE-DUTHIERS. De toutes pelites cellules transparentes, agglomérées et pressées les unes contre les autres, forment ce parenchyme sécréteur de l'élément mâle, ou du spermatozoïde (1). Parmi elles on voit des points de matière jaune orangé qui donnent l'apparence et la couleur à la glande vue en général. Les spermatozoïdes libres sont longs et actifs. Leur tête (2) est un peu courbée, un peu effilée et pointue à son extrémité; du reste, elle ne présente pas un développement en travers très considérable, et elle ne se distingue de la queue que par un peu plus d'épaisseur, mais voilà tout. Avant d’être libres, les filaments spermatiques sont réunis en paquets par la tête, et, comme dans bien d’autres exemples, on les voit encore unis, vibrer déjà, par leur extrémité caudale (8). On en rencontre, au milieu des éléments caractéristiques du parenchyme , qui sont en partie dégagés de la cellule produe- trice (4). Ce reste de l'élément, aux dépens duquel ils sont déve- loppés, est tantôt à la tête, tantôt au milieu où à l'extrémité de la queue ; il ne faudrait done pas trop affirmer que c’est pas telle ou telle de ses parties qu'il se dégage des corpuseules, qu’on regarde généralement aujourd’hui comme leur point de départ. Glande femelle. -— Ovaire.— I occupe une position toute sem- blable à celle du testicule ; mais son apparence est un peu diffé- rente, plus blanchâtre, ou d’un jaune orangé moins vif; il est habituellement plas distendu par les produits dé sa sécrétion ; aussi tous les culs-de-sac sécréteurs se touchentAls et sont-ils bosselés, boursouflés. A la seule inspectton extérieure, quand du moins on a été guidé par un premier examen microscopique, on arrive à distinguer les sexes à la simple vue (5). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 5, fig. 6. (2) Voy. ibid., fig. 9 (a). (3) _ ibid., fig. 7 et 8. (4) Voy.ibid., fig. 9 (b). (5) Voy. ibid, fig. 2. La moitié antérieure du corps a été de (b) en (d), repré- sentée avec la glande femelle, que l'on supposerait prolongée jusqu'en f, si l'on voulait se faire une idée de l'ensemble, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 247 L'œuf est remarquablement gros (1) et développé dans les Ver- mets ; on peut en juger par la grosseur même des éléments de son vitellus. Cette condition s'oppose à ce que les recherches de struc- ture intime soient aussi faciles que sur bien d’autres espèces ; on a en effet une grande difficulté à débarrasser quelques débris du cul-de-sac sécréteur de la plupart des éléments qui lé composent, et à ne conserver que quelques œufs suspendus à lui. Tout semble devoir faire admettre nn parenchyme cellulaire comme dans d’autres animaux. Les œufs se développent dans des cellules, et deviennent saillants dans la cavité des acini ou culs- de-sae sécréteurs. Le grand développement que prennent l'œuf et surtout ses granulations vitellaires (2), masque la disposition de la texture intime. Mais, du reste, on rencontre au milieu des préparations des œufs à différents états de développement, et l’on peut par cela même juger à la fois de leur composition quand ils sont mürs et de la disposition générale (3). Remarque. — 1 ne paraît pas probable que la séparation des sexes soit seulement une apparence due à la ponte ou au rejet de tous les produits de la glande femelle, qui ne laisserait plus que l'élément mâle. Une semblable interprétation, qui certainement peut être sou- tenue pour quelques Mollusques hermaphrodites paraissant tantôt males, tantôt femelles, ne peut ici être avancée, et voici pourquoi. Dans beaucoup d'exemples examinés, il n’est! pas douteux que la ponte ne s'effectue successivement et non à la même époque ; d’après ce fait seul on aurait dû trouver réunis à la fois et les spermatozoïdes et les œufs. Cela n’est pas arrivé ; de plus, sur quelques individus, les glandes femelles paraissaient comme flé- tries ; elles avaient évidemment versé leurs produits, et cependant on ne rencontrait en elles ni l’aspect, ni les caractères du testicule. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 5, fig. 11. (2) Voy. ibid., fig. 12. (3) Voy. ibid., fig. 11. 218 H. LACAZE-DUTHIERS. XII Organes de la locomotion. Dans la description générale, on a vu que le pied était repré- senté par une sorte de piston cylindrique inférieur à la tête, coupé perpendiculairement à l'axe du corps, et portant un petit opercule central trop petit pour pouvoir fermer complétement l’orifice de la coquille ; du reste, il y a, il doit y avoir des différences spéci- fiques relatives à cette disposition. Charnu et contractile, il se durcit quand on lirrite. il forme par ses fibres longitudinales et postérieures le plan in- férieur du corps, et se continue avec les paquets des fibres allon- gées qui s’enroulent au côté concave de la coquille en s’attachant à elle (4). Le manteau est un tube placé au-dessus et au-dessous du pied et de la tête, qu'il entoure et enferme dans sa cavité. Tantôt fendu, tantôt complétement tubulaire, il est la représentation dela coquille qu'il a sécrétée. XII Organes de l’innervation proprement dite. Le système nerveux, iei comme dans tous les animaux, peut être divisé en deux groupes, suivant que les phénomènes auxquels il préside sont en rapport avec la vie animale ou la vie végétative. Nous suivrons cette division. 1° Système nerveux de la vie animale, Dans des publications qui ont précédé celles-ci, j'ai insisté sur l'insuffisance de cette distinction ; en effet, tantôt l’un des systèmes est plus exclusivement destiné à la vie animale, tout en fournissant (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 5, fig. 4. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 249 aux besoins de la vie végétative ; tantôt, au contraire , l’autre, tout en étant en grande partie destiné à des organes volontaires, fournit à des appareils, que lon peut regarder à bon droit comme indépendants de la volonté, du moins dans les animaux supérieurs. Ceux qui ont, avec tant de joie, attaqué cette belle distinc- tion de Bichat trouveraient bien certainement dans les Mollusques des exemples démonstratifs de leurs opinions opposées à celles du grand physiologiste et fondateur de l'anatomie générale. Cette distinction n'en a pas moins jeté le plus grand jour sur l'anatomie physiologique, et la rejeter, bien qu’elle présente des exceptions sans doute importantes, presque des inconvénients, serait se priver d'un moyen commode dans les descriptions. Le système nerveux des Vermets, malgré leur petite taille, n’est pas à beaucoup d’égards aussi difficile à disséquer que dans bien d’autres animaux. Il sera décrit, tel qu’on peut le voir, en faisant successivement les préparations suivantes : Quand on fend (4) le manteau jusqu’au fond de son cul-de-sac, et qu'on rejette à droite et à gauche les lambeaux avec quelques légères préparations, on arrive à voir de très nombreux rameaux se dégager au-dessous de la tête et aller au manteau. On voit surtout deux cordons parallèles au corps qui descendent jusqu'au niveau du corps de Bojanus, et qui s'unissent l’un à l’autre en for- mant une arcade (2). Pour voir l’origine de ces nombreux filets, il faut fendre les parois de la tête ; on arrive alors à la préparation la plus ordinaire que l’on trouve représentée dans presque toutes les planches (3). Ganglions.— En arrière de la masse linguale, on rencontre les ganglions formant par leur rapprochement un cercle qui entoure l'æsophage, immédiatement après l'appareil lingual (4). ] Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 6, fig. 4. (2) Voy. ibid., (p’, Z'", à). (3) Voy. ibid., fig. 2. (4) 250 W. LACAZE-DUTHIERS. Les ganglions ainsi groupés en cercle sont au nombre de six, et forment trois paires. On voit aussi à côté d'eux quelques développe- ments secondaires dépendant de la racine des principaux nerfs, mais qui ne doivent évidemment être considérés autrement que comme des renflements accessoires secondaires. La teinte jaune-orangé et la forme globuleuse qu'ils présentent tons, sont assez marquées pour qu'ils soient toujours facilement reconnus. Centre supérieur ou ganglions céphaliques sus-œæsophagiens. IL est composé de deux petites masses ovoïdes placées sur les côtés de l’origine de l’œsophage tout près de la masse linguale (1). La commissure qui unit ses deux moitiés est longue, aussi relativement à la taille de l'animal les deux ganglions sont-ils éloi- gnés. Le rapprochement et l'éloignement des masses sont très différents suivant les espèces, et n’ont pas certainement l’impor- tance générale qu’on a voulu lui attribuer. Les nerfs qui en naissent sont tous exclusivement destinés à la têle. Leur nombre est assez variable cependant, mais on peut au milieu de ces variations reconnaître de chaque côté le plus habi- tuellement trois paires importantes (2). Une est interne ou supérieure ; elle envoie des filets à la partie antérieure et supérieure de la tête et des lèvres. Nommons la paire des nerfs labiaux supérieurs. Une autre naît près de celle-ci ; elle va à la partie moyenne de la tête et des lèvres : c’est la paire des nerfs labiaux moyens et des sens. On voit, en effet, se détacher, ou mieux se séparer du tronc (1) Voy. Ann. des sç. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 6. Dans les diverses figures la partie marquée V. (2) Voy. ibid, fig. 3. Les nerfs ont été laissés en place avec la paroi de la tête à droite ; on pourra donc, bien qu'ils ne soient pas isolés, reconnaître leur position ; ils ont été désignés collectivement par la lettre (z). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS 251 commun qu'ils forment avec elle, les nerfs destinés à l'œf et au tentacule. Tantôt cette séparation se fait plus ou moins près du ganglion, ce qui évidemment montre qu'il n’y à qu'un simple accolement. Le tentacule céphalique (1), celui qui mérite bien ce nom, et qui correspond à ces organes souvent si développés, des Doris, des Actéons, des Aplysies, des Tethyes, ete., est court et petit, pointu à son extrémité libre ; il est le plus habituellement courbé en are en dedans ; il ressemble à une petite corne. Ce sont ces tentacules qui sont considérés comme les organes de l’olfaction. L'état des animaux n’a pas permis de voir quelle était la disposition des ramifications nerveuses pénétrant dans leur intérieur déjà petits par eux-mêmes, et très réduits quand il est contracté ; la dissection en devient extrêmement difficiles. On peut remarquer que le développement considérable du bulbe lingual, relativement à celui de la tête proprement dite, a rendu celle-ci presque globuleuse. I faut ajouter que ses parois se mou- lent sur le bulbe lingual ; de là l’écartement considérable des deux tentacules. Les yeuæ (2) sont noirs et petits, supportés aussi par un petit mamelon eharnu placé à la base du tentacule olfactif. Les deux nerfs olfactifs et optiques, après s'être séparés du nerf labial moyen, restent encore assez longtemps unis, et souvent ne se séparent guère qu’à leur entrée dans les organes auxquels ils sont destinés (3). Une troisième paire est celle que l’on peut nommer supérieure ; elle naît toujours sur le côté des précédentes , et se dirige en dessus en contournant la masse linguale pour aller se distribuer surtout aux parois supérieures de la tête. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zoul., 4° série, t. XII, pl. 6, la partie marquée Q. (2) Voy. ibid., fig. 3. (3) Voy.bid., fig. 3 et 4, V. 252 H, LACAZE-DUTHIERS. Toutes ces branches sont longues et volumineuses, flexueuses et plusieurs fois ramifiées ; leurs flexuosités s'expliquent aisément, en raison des mouvements nombreux qui se passent dans la tête que remplit le bulbe lingual, organe éminemment actif. Suivant que leurs ramifications commencent plus ou moins près des ganglions, le nombre des paires semble augmenter ou di- minuer. Il faut encore rapporter au centre sus-æsophagien deux petits nerfs, qui naissent plutôt d’un conneetif que d’un ganglion, et qui vont se distribuer aux téguments postérieurs de la tête (1). On les a vus dans les Haliotides très évidents. Morphologique- ment, ces deux petits rameaux ont de l’importance ; 1ls doivent être signalés. Ce n’est que dans un travail général que leur signi- fication exacte sera établie. Centre inférieur ou ganglions pédieux. La paire de ganglions, formant le centre le plus régulier et tou- jours constant, est certainement celui qui fournit des nerfs au pied ; on la trouve tout à fait au-dessous de l’œsophage et de la langue, entre le tube digestif et l'organe glandulaire pédieux (2). Ces ganglions sont ovoïdes et à peu près de la même taille que les supérieurs ou sus-æsophagiens ; distants l’un de l’autre, une commissure les unit; on les trouve à peu près sous le ganglion supérieur, auquel ils correspondent exactement sur un plan infé- rieur. Ils fournissent deux paires principales et quelques autres ramuseules secondaires. Les nerfs principaux (3) se distribuent au pied ; par conséquent, ils se dirigenten avant. Ils rappellent par leur volume, leurs flexuo- sités, les nerfs céphaliques ou labiaux , et ne se divisent qu'après avoir pénétré dans le pied , et être sortis de la cavité céphalique. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIII, pl. 6, fig. 3 et #4, a. (2) Voy. ibid. fig. 3. (3) Voy. ibid., sa partie marquée X. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 253 La paire externe (2) se distribue à la partie correspondante du pied. Quant à la paire interne (2), elle longe le bord externe de la glande pédieuse, et pénètre même dans la base de ces deux ten- tacules que l’on voit entre la tête etle pied. Arrivée à la base de ceux-ci, elle leur fournit un rameau, tandis qu'elle continue son trajet vers la partie médiane du pied. Voici une démonstration certaine de la nature des seconds tentacules, si déjà les détails anatomiques précédents n'avaient montré qu'ils n’ont rien de commun avec les organes tactiles que porte la tête. On voit comment, en prenant le système nerveux pour guide, on a été conduit à considérer et la glande et les filaments tentacu- laires comme des dépendances du pied. Sur les côtés de la paire interne (3), ce ganglion fournit un petit nerf qui a paru constant, et qui, s’accolant au bord de la glande, se dirige en arrière en passant sur sa face inférieure. Enfin en dehors de ces nerfs principaux on en trouve encore deux ou trois secondaires qui se perdent dans le tissu sous-jacent, et ne vont pas jusqu’au pied lui-même (4). Centre moyen ou ganglions asy métriques. Je ne puis que renvoyer à ce qui a été dit relativement au Pleu- robranche et à l’Haliotide pour la discussion des noms qu'on peut donner aux ganglions cervicaux de M. Blanchard , pallio- splanchnique de M. Huxley, ou bien enfin pallio-gémto-respi- raleurs. lei grande, très grande, est la différence avec ce qui s’observe dans les deux animaux cités précédemment. Les ganglions sont bien en effet sur les côtés, et le nom de cer- vicaux pourrait bien ici leur être appliqué. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 6, figures diverses, s’”. (2) Voy. ibid, s. (3) Voy. ibid. (1). (4) Voy. ibid. (r). 251 H, LACAZE-DUTHIERS. Relativement aux deux groupes supérieurs et inférieurs, ils sont moyens. [Il suffit de les étudier dans une préparation latérale pour s’en convaincre (1 On les voit donc en arrière des ganglions cérébraux, au-dessous d'eux, mais au-dessus des ganglions pédieux. Comme les ganglions supérieurs el inférieurs sont à peu près au-dessus l’un de l’autre, il n’est pas possible de ne pas reconnaitre immédiatement ceux qui vont maintenant nous occuper. Ovoïdes, sans être très allongés, ils ont une extrémité un peu eflilée dirigée en arrière. L'un droit est plus en dessus que le gauche, qui se glisse un peu en bas sous l’œsophage. Ces formes et dispositions sont la conséquence de la direction des nerfs et ec l’asyméte. Voilà bien une paire de ganglions, mais à coup sûr on ne trou- vera pas dans la position, le volume, etc., de chacun de ces gan- glions, une régularité semblable à celle qu'on vient de voir dans les autres ganglions. Déjà il y à an peu d’asymétrie dans cette partie centrale. Avant de décrire les nerfs de ce centre ganglionnaire, 1l faut étudier isolément les connectifs qui unissent toutes ces pelites masses nerveuses. Des connectifs. C’est de leur étude exacte que découlent nos connaissances géné- rales sur l’ensemble du système nerveux ; aussi a-t-on vu dans les études sur l'Haliotide, etc., avec quel soin la description en a été faite. Du côté opposé à la commissure des ganglionssus-æsophagiens, on trouve deux gros troncs nerveux qui se dirigent en bas vers les deux autres masses ganglionnaires (2). L'un antérieur plus long aussi, puisqu'il doit aller plus loin, se porte au ganglion pédieux , et se dirige un peu en avant. Longueur et direction, voilà deux (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 6, fig. 4. Ils sont du reste désignés dans les figures par la lettre Z. (2) Voy. ibid,, fig. 4(b). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 255 choses qui sont la conséquence de la position assignée aux centres supérieurs et inférieurs. L'autre postérieur (4) plus court se dirige un peu en arrière pour atteindre l'extrémité renflée du ganglion moyen; il suffit de bien examiner les ehoses de côté pour reconnaitre la disposition et les caractères qui en sont la conséquence. Mais le ganglion moyen n’est pas isolé du ganglion pédieux ; il Iûi est uni par un connectif qui est très court, et qui se dirige en avant. Ainsi sur les côtés du tube digestif, immédiatement en arrière de la masse linguale, si l'on fait une préparation latérale, on aperçoit un triangle, dont les angles sont occupés par les ganglions (2). Commissures. Si les ganglions différents sont reliés par des connectifs, de même ceux qui sont semblables, c'est-à-dire ceux qui se ré- pètent symétriquement des deux côtés, doivent être unis entre eux près des commissures; nous avons déjà trouvé des cordons transverses entre les ganglions supérieurs et inférieurs; il reste à les trouver entre les ganglions moyens. La recherche de cette bande transversale à un grand intérêt, voici pourquoi : le nom de moyen imposé aux ganglions que nous étudions implique une position relative absolue ; cette relation est la conséquence des rapports de tout le système nerveux avec le tube digestif. Ce sont certainement les commissures qui nous font juger des rapports du tube digesuf et du système nerveux ; cela n’est pas douteux pour les ganglions pédieux et sus-cæsophagiens. Dans quelques Nudibranches, les ganglions pédieux remontent sur les côtés de l’œsophage, de telle sorte que, loin d’être infé- rieurs absolument parlant, ils seraient plutôt supérieurs et latéraux. Mais néanmoins la position reste toujours la même; ils sont inférieurs par rapport à l’œsophage, sous lequel passe leur com- missure. Où done trouver la commissure de la paire asymétrique ? A (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 6, fig. # (ec), (2) Voy. ibid. 256 M. LACAZE-DUTHIERS. droite et à gauche, on voit partir deux ou trois cordons volumi- neux des ganglions moyens, qui se dirigent, les antérieurs, dans le manteau, les postérieurs différemment des deux côtés. A gauche, le cordon se bifurque tout de suite après sa naissance. L'une des branches (4) va s’anastomoser avec celle du manteau de droite ; l’autre (2), la plus grosse et la plus importante, passe sous tous les organes, sous la poche pédieuse même, et gagne le côté droit du corps, dont elle suit le bord de la cavité jusqu’au fond du cul-de-sae palléal, Cela se voit par la plus simple préparation, sur- tout sur les individus conservés dans la glycérine. A droite, le ganglion moyen doune aussi comme à ganche deux nerfs, destinés, comme il a été dit en avant, au manteau, après l'union du nerf venant de gauche. Mais la branche fort importante (3), qui doit surtout fixer l’atten- tion, se courbe au-dessus du tube digestif, et par conséquent se porte à gauche. Si donc on considère la branche gauche placée sous les organes et celle-ci, on verra qu'elles se croisent comme les branches d’un X. C’est donc ici tout à fait la même chose que ce qui s’est présenté si nettement dans PHaliotide. Ce-cordon venu de droite et allant à gauche se renfle dans la paroi même du corps en un petit ganglion (4), d’où part un nerf volumineux qui suit le bord de la cavité de la partie antérieure du corps jusqu'au fond du cul-de-sac palléal ; il est donc parallèle à celui du côté opposé. Les deux nerfs, qui, par un entrecroisement, ont en apparence abandonné leurs côtés respectifs, se rencontrent en arrière vers le fond de la eavité palléale. Là ils forment une arcade qui se renfle en un ou deux petits ganglions (5). L'ensemble de cette longue anse, dont une moitié s’est, par suite d’un déplacement, portée à gauche, unit done évidemment (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 6, fig. 2 et 3; elle s’anastomose avec (u) et (q). (2) Voy. ibid. (p). ) Voy. ibid, v. (4) Voy. ibid., Z'. (5) Voy. ibid, Z'". ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 257 les deux ganglions moyens transversalement. Est-ce une commis- sure ? L’aflirmative me parait bien naturelle; cependant ne pour- rait-on pas dire que la branche interne de gauche, qui s’est anasto- mosée avec le nerf palléal droit, peut être considérée comme l'union transversale ? Cette question, pour être discutée el résolue, demande plus de données : si l'on compare les faits que présentent trois exemples bien différents, le Pleurobranche, l’Haliotide et le Vermet, on entrevoit déjà la solution; mais les exemples inter- médiaires sont encore nécessaires avant de formuler le résultat définitif. Qu'on le remarque, l’anse qui vient d’être décrite est toujours inférieure au tube digestif; au premier abord ceci parait faux ou paradoxal. Mais en y regardant de près, on verra qu'il n’en est rien. Qu'on suppose la partie gauche de l’anse rabattue à droite, et l'æsophage sera au-dessus; seulement dans une partie de sa longueur, l’anse a pu se trouver entraînée à gauche et au-dessus de l’œsophage, et néanmoins conserver son rapport général; l’anse forme un véritable huit de chiffre, dont la boucle postérieure, la plus grande et surtout la plus allongée, est remontée sur l'æsophage. Nerfs du groupe moyen. On voit ici mieux que dans l’Halotide ce qu'il faut entendre par ce nom de groupe moyen ; il désigne non-seulement les gan- glions moyens, mais encore les ganglions secondaires nés sur cette anse si longue, unissant les ganglions supplémentaires, que l’on peut considérer comme formant tout un groupe. Nerfs palléaux. — Dans l'Haliotide, on a vu des nerfs palléaux de deux ordres, les uns destinés au manteau supérieur, les autres au manteau inférieur ou collerette de dédoublement qui borde le pied. lei cette partie manque ; dès lors point de ces gros et grands nerfs qui l'animent. Le reste est semblable, et correspond à ce qui a été appelé dans l'Haliotide les nerfs palléaux supérieurs. À droite comme à gauche, on trouve un gros nerf qui va se distribuer au manteau en avant(1). (1) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t, XIIX, pl. 6, {d) (q). £ &* série. Zooc T. XIIL. {Cahier n° 5 ) ! 47 258 M. LACAZE-DUTHIERS. Les deux se rencontrent et s'anastomosent en dessus du pied. Si, par la pensée, on suppose raccourei le pied de l'Haliotide, le man- teau supérieur paraîtra en dessous du pied et l’entourera, et ce repli, si allongé en arrière, aura ses nerfs qui correspondront à ceux qui ont élé nommés nerfs palléauæ supérieurs eœtérieurs. On a vu dansles deux cas naître ces nerfs directement du ganglion moyen. Cette analogie est importante ; on doit là remarquer, puis - que les ganglions sont ici très séparés, tandis que dans l'Halio- tide ils sont comme confondus non-seulement entre eux, mais encore avec les ganglions pédieux (1). Les nerfs palléaux internes (2) sont, par suite de l'allongement du corps, plutôt postérieurs. À gauche, ils se détachent du ganglion respiratoire, exactement comme dans PHaliotide ; mais à droite, comme il n’y a point de dédoublement de la branchie, et pas de formation d'un ganglion droit, ils se détachent du palléal anté- rieur qui a reçu une anastomose du ganglion gauche, où du côté externe de l’anse, unissant les deux ganglions. On ne doit point oublier les anastomoses à angles aigus des nerfs venant des deux ganglions movens, car elles peuvent jeter un peu d'embarras sur les distinctions ; mais une anastomose ne doit point par sa présence faire perdre de vue le point capital et important de la recherche. On trouve aussi un pelit filet qui, du ganglion moyen gauche, va aux nerfs palléaux nés de l’anse à droite. C'est même un fait intéressant à noter que la multiplicité des anastomoses qui existent entre les nerfs des deux côtés dans le Vermet, Ganglions el nerfs respirateurs.— Le petit ganglion (3), qu'on a dit naître sur le cordon allant à gauche en passant en sautoir sur l'œsophage, représente complétement ce que l’on à vu dans l'Haliotide. I fournit des nerfs au manteau, à Ja branchie, et donne l’une des branches postérieures de la grande anse, (1) Voy. Anatomie du système nerveux de l'Haliotide (Ann, des sc, nat,, Zool,, 4° série, t. XII. (2) Voy. Ann. des sc, nal., Zool., 4° série, t XII, pl. 6, fig. 2 (3) Voy. ibid., figures diverses, 7, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 259 Les nerfs palléaux passent sous la branchie en allant plus loin qu'elle, et se distribuent au repli palléal (D. Mais chose bien importante encore que je ne vois pas indiquée d'une manière spéciale, e’est a présence d’un cordon blanehâtre, parallèle à la branchie, placé sur son côté interne quand le man- leau est rabattu, ou, si lon aime mieux, placé à gauche entre la branchie et le corps. Qu'est ce cordon (2)? Est-ce un ganglion ner- veux, longitudinal? Est-ce une seconde branchie? La seconde question parait inutile, ou même absurde dans le cas. Mais si l'on étudie les Pourpres, par exemple, on trouve de chaque côté de ce cordon des replis faciles à injecter, et lon peut croire dans l'exemple à l'existence d'un second organe de la respiration. Le Vermet ue présente qu'un cordon flexueux et onduleux. La question de savoir ce qu'est ce filet ne peut done être résolue pour les premiers cas. Mais ce qui certainement existe, c’est l'entrée de nombreux filets dans le cordon. En étudiant la Paludine, on verra que la disposition est toute semblable, et que la nalure nerveuse au moins, eu s'en tenant aux simples dissections, semble probable ; mais encore des études comparées mêneront seules à celte con- naissance. Je crois qu'il sera peut-être possible de tirer parti de la disposition, de la forme, etc., au point de vue de la classification. isoler les nerfs branchiaux proprement dits est chose fort diffi- elle ; l’analogie seule a done conduit 1e1 à admettre qu'ils viennent de ces ramifications. Nerfs des parois du corps. —- Is naissent en plus ou moins grand nombre des deux côtés de la grande anse, et s’anasto- mosent même au-dessus du corps (3). Nerfs génitaux et péricardiques nés des ganglions postérieurs ou génito-cardiaques (h).— On retrouve ici encore la mème dis- ) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 6, fig, 1 et 2, 2) Voy. ibid. fig. 4 et 2, l'. ] ) 260 HI. LACAZE-DUTHIERS. position que dans l'Haliotide, aux proportions près ; mais quelques- uns des nerfs, appelés péricardiques dans ce dernier animal, paraissent ici destinés à la partie du corps renfermant les viscères, que cela avait déjà été pressent. Les ganglions sont très variables; tantôt il y en a deux, mais bien souvent on n’en voit qu'un (1). Quand il en existe deux, Île second se développe à gauche du premier, qui persiste, et se trouve comme fixé par l’origine constante du nerf qu'il donne au rein et au cœur. Le nerf génital droit (2) naît toujours un peu à droite du bord des ganglions, se place en dedans du canal excréteur des organes reproducteurs, et peut être suivi jusqu'à l'extrémité du corps, toujours du côté concave de l’enroulement. Quelques ramuseules secondaires s’en séparent , puis S’anasto- mosent de mème avec le cordon principal. Le nerf génital gauche (3) a son origine en dehors et à gauche des ganglions du fond du cul-de-sac palléal, et se tient dans les parois du corps du même côté. Au delà de l'estomac, on voit ses ramifications s’anastomoser avec le précédent. Le nerf de l'organe de Bojanus (h) se détache directement du ganglion le plus constant, et se bifurque en formant par les anastomoses multipliées de ses ramuseules un réseau facile à voir sur la paroi du sac. Le nerf cardiaque (5) qui va jusqu'à l’oreillette nait de la branehe oauche du nerf du sac de Bojanus. On le voit, ce groupe des ganglions moyens est constamment le plus étendu, et il fournit aux organes les plus variés de l'éco- nomie. (4) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl 6, lig. 1 et 2, À (2) Voy. ibid., o. (3) Voy. ibid., o’. {41 Voy. ibid., k. — J, organe de Bojanus. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 261 Grand sympathique ou nerfs stomato-gastriques. Le second des noms qui servent à désigner la partie du système nerveux qui va maintenant nous occuper est préférable au pre- nier : les raisons en ont été données, soit à propos du Vermet lui-même, soit surtout à propos des Pleurobranches, des Haliotides. L'origine du connectif qui met en communication eelte portion du système nerveux avec celle que l’on est habitué à nommer système de la vie animale doit être remarquée. Elle n’est pas di- recte, c’est sur la paire labiale inférieure qu’on la rencontre. Défà l'occasion s’est présentée de faire remarquer le double rapport qui existe, d’une part avec les nerfs labiaux, de l’autre avec le nerf labial inférieur. On trouve, jusqu’à un certain point, une raison dans cette origine commune entre les nerfs des lèvres et ceux qui vont à l'appareil buecal et au reste du tube digestif. Bien souvent j'ai dit combien il importait d’être prudent dans les généralisations : serait-ce manquer à cette recommandation en supposant que l’origine de ce que l’on nomme le grand sympa- thique est, dans les Gasléropodes, ou commune avec celles des nerfs labiaux inférieurs, où à côté du nerf de la lèvre sur les ganglions cérébroïdes. Le connectif est fort long, et présente toujours de nombreuses flexuosités ; ce qui s'explique : le bulbe lingual est très gros, très musculaire, fort actif, les mouvements qui S’'accomplissent, quand la langue est dardée au dehors, sont nombreux et étendus ; le nerf stomato-gastrique eût été tiraillé, si sa longueur n’eùt excédé la distance de son origine à son point d'arrivée. Une autre condition devait encore causer cet allongement : le connectif vient très en avant du bulbe lingual pour pénétrer dans les museles qui le forment, et rétrograder ensuite en arrière pour arriver aux ganglions (4). Si done le connectif n’eût pas été et fort long et très flexueux, il aurait été vigoureusement tiraillé pendant l’action de la langue. (4) Voyez pour cela la figure de profil, pl. 6, fig. # — x, connectlif, 262 in. LACAZE-DUTHEERS. Ganglions stomato-gastriques, Les deux ganglions du système nerveux du tube digestif sont bien limités et arrondis, d’un volume assez considérable, sans égaler cependant celui des ganglions pédieux et céphaliques (#). Leur couleur est habituellement semblable à eelle des autres centres nerveux, c'est-à-dire un peu jaune orangé. Très distincts Fun de Pautre, ils sont unis par une commissure assez courte, mais bien évidente, qui passe en sautoir au-dessus du prolongement Hngual. ilest à peine utile, tant ee rapport est constant, de dire que leur position est celle que l'on observe dans tous les Gastéropodes ; 1ls sont au-dessous de lœsophage, en arrière du bulbe lingual et an- dessus du prolongement dela langue. Cette position existe toujours. Nerfs. Connectifs, commissures et ganglious, tous fournissent des nerfs qui paraissent relativement plus difficiles à disséquer et à trouver que ceux, bien plus petits et plus grêles, du système nerveux de la vie animale, Les nerfs qui naissent du connectif forment trois paires prinei- pales. L'une, antérieure (2), se détache à l'angle de réflexion, quand le connectif se porte en arrière en pénétrant dans les museles ; elle va en dessous dans la base de l'appareil lingual que Pon voit dans la bouche formant comme une sorte de piston ; un peu plus loin, tantôt deux petites où une seule, ou même trois branches très grêèles se détachent du côté supérieur du connectif (3), quand il traverse les muscles pour se rendre aux ganglions. Enfin, tout près du centre lui-même, on en trouve une troisième, plus volumineuse que ces dernières, et qui se porte sur les côtés latéraux de l'appareil lingual. (4) Voy. Ann. des se, nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 6, fig. 4, Y. _(2) Voy. ibid., (c). (3) Voy. ibid, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 263 On trouve ici une grande analogie avee ce que présente F'Halio- ide, où le connectif, fort long, fournit la plupart des nerfs du bulbe lingual (4). Du ganglion même nait une paire considérable et surtout impor- lante; c’est en haut et en dedans, tout près de l’æsophage, qu’on la voit se détacher un peu en arrière du ganglion et du connectif (2); c’est la paire linguale dorsale; elle fournit à toute la partie supérieure du bulbe de nombreux ramuscules , ainsi qu'aux glandes sali- vaires, et elle donne la branche æsophago-stomacale principale. Cette dernière est vraiment une des plus importantes; elle four- nit à tout l'appareil de la digestion, et dans quelques espèces, l'Ha- hotide, lAplysie, la Bullée, on la voit se ramifier et former avec celle du côté opposé un réseau qui couvre tout le tube digestif. Ici je dois avouer qu'il m'a été impossible de pouvoir la suivre bien loin, et que je l'ai perdue bientôt sur l’æsophage ; malgré tous mes efforts, les nerfs sur l'estomac n’ont pu être mis à nu, mais Je dois dire que c’est surtout sur des individus conservés dans la glycérine que les dernières dissections étaient faites. On peut considérer comme naissant, aussi bien de la commnissure que des ganglions, une paire de nerfs qui va à la face inférieure de l'æsophage, et que pour cette raison, mais surtout à cause de sa position, on peut appeler æsophagienne inférieure (3). On a vu quel- que chose d’analogue dans PHaliotide. L'origine réelle est à l'angle d'union de la commissure et du ganglion tout à fait en arrière. Sur le côté antérieur de la commissure, on voit encore naitre deux paires qui sont destinées l'une et l’autre à la partie moyenne et inférieure du bulbe et au fourreau de la langue, et qui dépassent en arrière l'appareil actif (4) : c'estencore la même chose que dans l'exemple cité. Il faut iei faire la mème remarque que pour l’Halioide et d’autres espèces. La partie du système nerveux stomalo-gastrique (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XIT, pl. 41, fig. 3 : H. Lacaze- Duthiers, Mémoire sur le système nerveux de l'Haliotide. (2) Voy. ibid., t. XIII, pl. 6, fig. 7 (8). (3) Voy. ibid., d. (4) Voy. ibid., k, a. 264 HN. LACAZE-DUTHIERS. destinée à la langue ressemble, par la disposition de ses ramifica- tions, complétement aux nerfs de la vie animale, tandis que dans la partie destinée au tube digestif proprement dit, la physionomie sénérale de la distribution (bien que je n’aie pu la suivre très loin), est toute différente, et rappelle même l'irrégularité que l'on trouve dans le système grand sympathique des 1nimaux vertébrés. RÉSUMÉ. Les Vermets, au pointde vue où l’on peut se placer après les dé - tails qui précèdent, sont, par la disposition de leurs organes, des Gastéropodes Turbinés pectinibranches ordinaires: seulement ils se modifient dans certaines parties de leur organisme en raison même des particularités toutes spéciales de leur existence. La séparation des sexes est parfaitement évidente. La féconda- tion à distance est abandonnée au hasard : c’est une conséquence de la fixité de la coquille. L'existence des différentes parties du tube digestif, telles qu'on les rencontre ordinairement, mais simples, n’a pas fait de doute ; il faut reconnaître une disposition complexe et bien déterminée dans l'appareil ingual. Une branchie feuilletée, placée à gauche du tube palléal, accom- pagnée d’un cordon blanchâtre parallèle qui, dans d’autres Gasté- ropodes, prend l'apparence d'une seconde branchie, nous a con- duit à admettre, comme dans d’autres Moilusques, une asymétrie gauche démontrée par la disposition du système nerveux. Le cœur n’a qu'une seule oreillette, il a suivi dans son déplace- ment la branchie, on le trouve à gauche ; ajoutons que dans tous les organes il y a une exagération des déplacements dans le sens de la longueur : les Vermets sont, pour ainsi dire, passés à la filière et fort allongés, leurs organes ont des proportions trans- versales relativement fort restreintes. Le pied, le manteau et la tête n’offrent rien de différent avec les Gastéropodes pectinibranches de Cuvier ; la tête seule est fort orosse : c’est au développement du bulbe lingual qui la remplit qu'il faut rapporter ses grandes proportions. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. * 265 Le système nerveux offre très nettement quatre groupes gan- glionnaires, un supérieur, un inférieur, un moyen et un stomato- gastrique : le premier fournit à la tête, aux lèvres, aux organes des sens, c’est le ganglion cérébral de tous les auteurs ; le second fournit au pied, e’est le centre pédieux. Quant au troisième, 1l est moyen par sa position entre les deux précédents, et forme un groupe considérable, que l’on pourrait désigner par une série de noms, en employant la nomenclature mise en avant par les différents auteurs. Ce groupe, déjeté à droite, passe sous le tube digestif, mais présente une sorte de torsion à gauche ; l'asymétrie à droite, qui est son caractère, se trouve ren- versée et masquée par le déplacement vers la gauche. Cependant les connexions des filets nerveux, leur origine et la position des ganglions, tout permet de rapporter au plan d’asymétrie droite les dispositions organiques du Vermet comme celles de l'Haliotide. C’est de ce groupe ganglionnaire asymétrique ou moyen, et de ses dépendances avec les cordons ou ganglions secondaires, que l'on voit naître : 1° les nerfs du manteau; 2° ceux de la respira- lion, renforcés en un point par un ganglion, et peut-être par un centre linéaire important, non encore parfaitement déterminé à côté de la branchie ; 3° ceux du cœur et de l'organe de Bojanus comme aussi ceux des organes génitaux. Qu'on le remarque, ces derniers nerfs partent du renflement ganglionnaire postérieur, qui se trouve sur le cordon d'union qui joint les deux centres moyens antérieurs. Une particularité bien digne d'intérêt s’est présentée. La glande placée dans la cavité du corps, qui s'ouvre entre le pied et la tête, est très probablement l'intermédiaire entre la cavité générale du corps et l'extérieur. Si donc il n’a pas été possible de découvrir ailleurs l'orifice extérieur de la circulation , on pourrait le consi- dérer comme existant à la face inférieure de la glande. Les tentacules très longs qui partent des bords de l’orifice de la glande sont les prolongements de ses lèvres, et non pas des tentacules à proprement parler, comme ceux de la tête. Leurs nerfs ne viennent pas de la partie encéphalique sus-æsophagienne, ce qui permet de les rapporter au pied, puisqu'ils ont pour ori- 266 M. LACAZE-DUTHIERS. gine le ganglion pédieux. lei done la loi des connexions conduit à déterminer exactement une partie que l'on serait tenté au premier abord de rapporter à tout autre chose. Telle est l’organisation du Vermet de la Méditerranée. Sur le V’. gigas, il eût peut-être été plus facile de pousser les recherches plus loin à certains égards, mais il n'a pas été possible d'en avoir en assez grand nombre. Plus favorisé peut-être une autre lois, pourrai-je combler les desiderata, les lacunes qui ont été signalées. DEUXIÈME PARTIE. EMBRYOGÉNIE. Il Fécondation. — Ponte. On connait déjà la disposition des organes de la reproduction, il ne reste que peu de chose à dire sur la fécondation et la ponte. Le mâle doit, sans aucun doute, lancer sa semence, et les sper- malozoïdes arrivent à la rencontre de l'œuf, au hasard, suivant que le mouvement des eaux leur est plus ou moins favorable. Mais où se fait la fécondation, c’est-à-dire où a lieu la rencontre de l'œuf et du spermatozoïde? D'abord comment se fait la ponte? Les œufs ne sont pas rejetés par la femelle, et abandonnés à eux-mêmes, comme on le voit dans bien des cas : comme les Oscabrions, les Fissurelles, le font, ainsi que tant d’autres. La femelle forme de petites coques, qu'elle remplit de dix jusqu’à trente œufs à peu près, et qu’elle fixe et colle contre la paroi du tube de la coquille. Quand on casse le tube, surtout du côté opposé à la partie soudée à la pierre, on voit, avec la plus grande facilité, la disposition en série de quatre, einq, six et même plus de ces petites coques ovigères. De l'observation de ces coques il résulte un fait positif : le ANATOMIE EX EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 267 moment de la ponte où de la formation de ces petites vessies en ampoules n’est pas le même ; car le volume décroit à mesure que l’on s'avance davantage dans le fond de la coquille vers l’animal, et le volume des petites vésicules est en rapport avec la taille des embryons qu'elles renferment. Dans les premières, les plus voi- sines de l’orifice, on trouve des embryons parfaitement formés ; dans les dernières, souvent les œufs ont à peine commencé à se fractionner : on ne peut done admettre que lous les œufs aient été pondus en même temps, et que la fécondation ait eu lieu au même moment (4). Quant an mode de formation de ces coques, il est peut-être difficile de l'indiquer. C’est done avec réserve que l’on peut avan- cer quelques suppositions. Daps le fond de l'orifice génital, lon- guement fendu en boutonnière, de l’oviducte, on à vu qu'il existait des dépressions celluleuses, et ce sont elles qui peuvent peut-être servir de moule où se déposent les œufs et où est sécrétée la matière destinée à les englober ; on peut donc penser alors que la femelle fait sortir ces capsules ovigères toutes formées pour les coller contre la paroi de son tube, Quoi qu'il en soit et de la formation de ces capsules, et du mo- ment ou du mode de leur formation, toujours est-il qu’il faut très probablement que la fécondation ait lieu en plusieurs fois, et qu’elle s'accomplisse avant la formation des sacs ; par conséquent, ce doit être vers l’orifice de l’oviducte et au moment de la sortie des œufs qu'elle à lieu. I est très probable qu'il doit y avoir autant de pontes successives qu'il y a de petites capsules ovigères, et par conséquent autant de fécondations partielles , car on ne trouve dans les organes génitaux aucune disposition qui puisse, comme dans tant d’autres espèces , faire admettre un dépôt de la liqueur fécondante pour être utilisée quand besoin est. (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XIV, pl. 5, fig. 1, une coquille cassée, pour montrer, et la forme de l'animal, et la disposition des capsuies ovi- gères, dont le volume décroît beaucoup avec la position. 268 H, LACAZE-DUTHIERS. If De l’œuf et du fractionnement. L'œuf du Vermet triquètre est fort volumineux (1), très opaque ; par conséquent il est difficile de pouvoir juger très nettement de ce qui se passe à son intérieur, et des modifications que ses élé- ments peuvent éprouver. Cependant il est facile de voir et de reconnaitre les différentes phases de la division du globe vitellaire en globes secondaires, et finalement de la production d’une masse framboisée. Il est bien difficile, quand on ne voit pas pondre un animal, de diviser les études que l’on peut faire sur son développement en périodes ou stades marqués. J'ai d’ailleurs trouvé tant de diffé- rences dans les espèces que j'ai eu l’occasion d'étudier, que j'attache de moins en moins d'importance à des divisions qui sont faites bien plus pour nos études à nous que pour représenter exactement ce qui se passe dans la nature. Aussi rencontrera-t-on ici les divisions suivantes bien simples : d'abord étude du fractionnement jusqu'au moment où la masse embryonnaire est formée; ensuile apparition des organes loco- moteurs, cils vibratiles, etc.; puis apparition des premiers rudi- ments de la forme du jeune animal; enfin, à partir de ce moment, il est mieux de prendre chaque organe , et d’en suivre le déve- loppement en partant du moment où on l’a vu paraître. Le fractionnement est souvent précédé où accompagné par un phénomène remarquable, que l’on a bien observé dans les Acé- phales, les Annelés et beaucoup de Gastéropodes. Je veux parler de la sortie du globule transparent, dont le rôle, tout indéterminé qu'il est encore, semble pourtant ne pas être sans importance. Ici il a été impossible de voir la sortie de ce globule ; cela se comprend facilement, on ne peut guère espérer de tomber sur des (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 5, fig. 14. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 269 œufs venant de sortir de l’oviducte, et au premier moment de l'activité embryonnaire : or la gouttelette ou globule tombé dans le liquide de la capsule ovigère ne peut être vu facilement, car l’on détruit et rompt toujours quelques œufs en ouvrant une capsule, et les granulalions vitellines remplissent le champ du microscope. La division du globe vitellaure en sphère secondaire marche assez lentement ; elle n’a point cette rapidité de changements de formes que l’on trouve dans le Dentale, les Hermelles, etc., ete., et tant d’autres. Cependant 11 ne faudrait point en conelure que le travail se fait dans un temps fort long; ce n’est done que, rela- ivement aux cas où les choses marchent assez vite, comme, par exemple, le mouvement de la grande aiguille d’une montre, que l’on peut dire qu'ici la marche est lente. Il ne sera question que des états présentés sur des œufs di- vers qui ont pu être dessinés et considérés par analogie comme autant de stades du travail que l’on connait, et que l’on a parfaite- ment étudié sur d’autres animaux ; car il n’a pas été possible de suivre un même œuf pendant sa transformation. Je n'ai point rencontré de division en deux, presque tous les œufs étant partagés en quatre segments (1); mais en cela rien d'étonnant, car dans bien des cas on voit les œufs que l’on peut suivre dès les premiers moments de la ponte, sur les Bullées, par exemple, passer immédiatemeut aux quatre sphères par le fractionnement. Souvent ces quatre sphères sont égales, et une sorte de eroix, résultant de la ligne de démareation, les indique (2); mais bien fréquemment aussi on voit qu'elles sont inégales, et placées dans un même plan; elles semblent unies deux à deux en se croi- sant (3). (1) Voy. Ann. des sc. nat, 4° série, Zool., t. XIIT, pl. 7, fig. 2, 3, 5, 6. (2) Vovy. ibid., fig. 2. (3) Voy. ibid., fig. 3. 970 HW, LACAZE-DUTHIERS. Les sphères dont il s’agit sont bien évidemment le résultat du morcellement du vitellus, car les granulations, la teinte, tout est semblable à l'œuf même (4). Le nombre de ces grandes sphérules ou parties du fractionne- ment est et reste un certain temps sans äugmenter, puis il devient plus grand ; souvent il a paru s'arrêter à six où à une dizaine : si bien que l'on reconnaît encore les grandes sphères résultant de ce fractionnement (2) sous l’enveloppe de l'embryon ayant déjà des organes locomoteurs, des cils vibratiles. Mais il apparait d’autres sphérules d’une nature différente, dont la connaissance est fort importante. Celles-ci sont beaucoup plus petites et d’une teinte plus elaire ; elles renferment des granulations peu nombreuses et d’une dimen- sion telle, que leur transparence n’en est que peu altérée. On a pu voir dans les œufs du Dentale se développer sur un des côtés de grosses masses résullant du premier fractionnement ; vers l’angle d’entrecroisement des lignes qui les séparent, de pe- tites vésicules transparentes produites sur l’un des côtés de l'œuf et donnant naissance à une masse framboisée qui se développe paral- lèlement au morcellement du reste du vitellus. Dans quelques exemples dont je publierai bientôt l’embryogénie, on verra que ces nouvelles cellules ne sont pas le résultat de la multiplication par dédoublement de sphérules existant déjà, mais bien le résultat d’une sorte de croissance se faisant sur un des côtés de l'œuf (3). Ici on voit ces sphérules naîlre non pas directement, cela ne peut guère être observé, en raison du volume et de l’opacité du vitellus, mais la masse framboisée résultant de la multiphica- tion de ces éléments, vue de profil, montre très bien les deux parties : l’une (4) est formée de grosses masses granuleuses jau- (4) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIII, pl. 7, fig. 2, 3, 4. (2) Voy. ibid. fig. 8. (8) Voy. ibid, pl, 7, fig. 5, 6 : (a), la portion dont il est ici question, (b), les grandes sphères résullant du fractionnement du vitellus, (4) Voy. dbid., (b). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. JA nâtres; l'autre (4) ne présente que des éléments transparents, incolores, qui la font ressembler à un amas de cellules très lche- ment unies et rapprochées, exerçant les unes sur les autres peu de compression, et conservant par cela même un état sphé- roidal. L'analogie ne permet pas de méconnaitre dans cette division de la masse framboisée de l'œuf les deux parties désignées par M. Vogt (2) sous les noms de périphérique et centrale; mais il faut le dire, les noms, qui pour d’autres exemples sont heureux, ne semblent pas ici très bien choisis et très applicables, ear la masse jaunâtre , celle qui est dite centrale, parait bien plutôt laté- rale; cependant peu importe, car elle deviendra centrale , elle for- mera le foie et une partie des organes de la digestion. La partie périphérique est celle qui sert de point de départ aux premiers organes de la locomotion, c’est d'elle que naissent les disques moteurs et le pied, c’est au milieu d'elle que se forme la bouche. Cela se passe dans les Vermets comme dans les autres Mol- lusques; seulement ici les cellules, ou mieux les sphères vitellaires résultant du fractionnement du jaune restent latérales, et ne sont englobées et enfermées que plus tard par une production transpa- rente, dépendant probablement de la partie dite périphérique, mais qu'il est difficile de pouvoir reconnaitre comme sa prolongation. Il ne faut pas oublier, encore une fois, que le volume de l’œuf et les nombreuses granulations colorées qu'il renferme ne per- mettent guère de décider ces questions si difficiles et bien délicates, Quoi qu’il en soit, le fractionnement aboutit à partager l'œuf en deux masses, l’une composée d’un petit nombre de sphères, déri- vant évidemment du vitellus simplement fractionné; l’autre, formée d’un grand nombre de petites vésicules empilées, transparentes, qui semblent s'être détachées latéralement de l'œuf en travail, et qui tendent à former de plus en plus une masse cellulaire, (1) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, la partie marquée{a), (2) Voy. C. Vogt, Embryogénie de l'Actéon (Ann, des 80. nat., 3° série, Zool., t. VI, pl, 24 et 22). 972 H. LACAZE-DUTHIERS, C’est à parlir de ce moment que les organes locomoteurs appa- aissent, et que la seconde période, celle qui va nous occuper maintenant, commence. IT Apparition des organes locomoteurs, Les organes de la locomotion, chezles embryons des Mollusques, sont de deux ordres, ou bien des cils vibratiles, ou bien des organes locomoteurs proprement dits, tels que le pied, les disques rotateurs. Les premiers nous occuperont d'abord. Les cils vibratiles sont, quand ils commencent à paraitre, fort difficiles à distinguer, et cela sur tous les embryons, qu'ils soient ou non transparents ou volumineux. Ils forment en effet d’abord comme un léger duvet qui se meut à peine, et comme ils sont très courts, il y a une grande difficulté à les apercevoir ; quand, donc, on les distingue nettement, on peut croire qu'ils existaient déjà depuis quelque temps. Où commence-t-on à les voir ? I] faut se représenter l'œuf arrivé à la période de framboisement comme un ovoide, où d’un côté on trouve les grandes cellules, résultat du fractionnement du vitellus, où de l’autre on reconnait la masse composée de cellules transparentes ; c’est sur les por- tions saillantes de celle-ci que l’on voit d’abord les premiers cils (4). L'œuf arrivé à la période désignée est allongé, et quand on le regarde de face, c'est-à-dire l’une des masses étant au-dessus de l'autre, on voit deux petits bouquets (2) plus près de l’une des extrémités. Ces cils indiquent l’origine des véritables organes primitifs de la locomotion, c’est-à-dire des disques moteurs. Dès qu'ils apparaissent, ils ne cessent de s’accroître en longueur, et par conséquent ils deviennent de plus en plus évidents. Le pied et les disques moteurs se montrent du même côté ; il est même probable que les cils en marquent la limite. (1) Voy. Ann, des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIIT pl. 7, fig. 8. (2) Voy. ibid. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 273 Quand on parvient à observer de profil l'œuf déjà eilié (4), on voit que la portion qui correspondait à la partie périphérique s'allonge et devient proéminente ; mais qu'elle est plus saillante du côté où elle est plus éloignée de l’extrémité de l’ovoïde (2). Que l’on observe un embryon un peu plus développé, et l’on reconnaitra (3), sous une forme à peine appréciable, déjà le lobe médian ou le pied (4), et les lobes latéraux, ceux qui deviendront les disques locomoteurs (5). Ces parties, qu'on le remarque, forment sur le côté de l'œuf ainsi vu de profil trois mamelons, dont un médian impair, plus élroit, dirigé dans le sens de la longueur, les deux autres laté- raux. Dès ce moment, on arrive à une autre période du déve- loppement,. IV Des premières formes de l'embryon. Sans aucun doute, ce n’est pas par des transitions brusques que toutes les transformations apparaissent : nos divisions seules sont tranchées, dans la nature tout marche d'une manière conti- nue et suivie; mais enfin il faut s'entendre, et dès que le pied, les lobes locomoteurs et la coquille sont formés, on peut déjà recon- naitre le jeune animal, on peut le poser. Déjà dans les états précédents, en y revenant, après avoir élu- dié des individus plus avancés, on peut établir : que la masse périphérique ou cellulaire transparente est du côté abdominal de l'embryon (6), tandis que les grandes sphères sont du côté dorsal (7). Quant aux extrémités, celle qui est dirigée en avant est celle ) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. XIII, pl. 7, fig. 8 (c). ) Vovy. ibid., fig. 9. 3) Voy. ibid., fig. 9 (p). } Voy. ibid., fig. 10 (p). )} Voy. ibid., fig. 40 ( } Voy. ibid. fig. 5,6 (14) (a). } Voy. ibid., (b) (b) (b). ® série. Zoo. T. XIE. {Cahier n° 5.) ? 18 L4 un 274 HN. LACAZE-DUTHIERS. qui est la plus voisine des bouquets de eils vibratiles (). Lorsque la coquille sera développée, il sera bien plus facile encore de poser le jeune Vermet, en considérant la coquille comme étant posté. rieure (2). Ainsi quand le jeune animal est suffisamment développé pour que l’on reconnaisse ses parlies, il a déjà quelque chose d'assez irrégulier et de monstrueux. La partie périphérique est fort pe- lite (3), relativement à la partie centrale, qui reste toujours fort volumineuse. Cela est très marqué et très frappant. [l n’est pas possible d'avoir suivi le développement d’un autre Gastéropode quel- conque, sans être frappé par cette disproportion entre les deux agi de l’embryon. Or, qu'on le PE tout le travail à partir de ce moment consiste en ceci : l’une des parties s’accroitra d'une manière constante, tandis que l’autre au contraire diminuera relativement, et peut-être même absolument parlant. Cette remarque, bien certainement, ne pourra manquer de frapper ceux qui chercheront, pour les appliquer à la classification, des distinctions dans les formes embryonnaires. V Développement des différents organes. Dès que l'embryon peut être posé, et que ses formes sont suf- fisanmment reconnaissables pour que les organes soient déterminés, il est sans aucun doute plus simple de prendre chaque organe, et de voir par quelle transformation successive il passe pour arriver à ce qu'il sera dans l'animal complet. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 7, fig. 8. L'œuf, dans cette figure, est vu par le dos, et son extrémité antérieure regarde vers le haut de la planche. (2) Voy. ibid., fig. 44, La coquille et les disques sont distincts; on voit les grandes sphères en dessus et la coquille en arrière, donc l'animal est vu par le dos, et la tête est en avant. (3) Voy. ibid., fig. 10 (d-p). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 270 1° Coquille. — 1 faut rapporter à la grande opaeité des cellules jaunâtres vitellines la difficulté que Pon éprouve à voir les pre- mières traces de la coquille. S'il m'était permis d'en juger par ce que j'ai pu observer sur d'autres exemples, les premiers linéaments du test doivent être extrêmement délicats; à peine sont-ils distinets de Penveloppe ou de la paroi, et si les conditions d'observation ne sont pas favorables, il est extrêmement difficile el même impos- sible de les apercevoir. L'embryon (1) qui présente la coquille la plus petite est déjà bien formé, et lout porte à croire, surtout d'après des observa- tions sur d’autres animaux, qu'elle doit avoir paru plus tôt. Sans doute, c’est sur l'extrémité postérieure qu'elle se forme d’abord comme une pelle nacelle ; puis elle s'accroil progressivement en s’avançant vers l'extrémité antérieure. On trouve bientôt les preuves de cet accroissement progressif dans les lignes qui se montrent parallèlement au bord antérieur de son ouverture (2). Quelle forme issigner à cette enveloppe solide? D'abord c’est une sorte de cul-de-sac, elle est arrondie, fermée en arrière, et taillée en biseau en avant. Quoique fort petite, elle n’est point symé- trique ; elle est déjà penchée ou oblique, à droite et en avant. Plus tard, et à mesure que son allongement augmente, elle se coninue, et devient une coquille régulièrement turbinée. Si l'on regarde par le dos un des embryons les plus avan- cés que l’on trouve dans les sacs ovigères, alors qu'il n’a plus de disques locomoteurs, et si on (3) le place de manière à avoir la marge (le l'ouverture de la coquille en avant, dans cette position le tube se dirige à gauche, et présente en arrière et à droite un eul- de-sac (4) qui semble remonter vers le dos. Que l’on oppose cette forme et cette disposition à celles que l’on remarque en observant un jeune embryon qui commence à avoir seulement ses disques bien évidents (5), et l'on trouvera la plus grande analogie entre (1) Voy. Ann. des sc, nal., Zool., 4° série, t. XUIT, pl, 7, fig. 40 (q). (2) Voy. ibid, pl. 8, Üg. 2. (3) Voy. ibid., pl. 9, fig. 6. (4) Voy. ibid., q. (5) Voy. ibid, pl. 7, fig. 44. 276 HU. LACAZE-DUTHIERS. celte partie latérale et postérieure de la coquille de Pembryon le plus développé et la coquille tout entière du plus jeune Vermet. Que l’on suppose la marge de lorifice du plus jeune embryon se portant à droite, en S’allongeant et se courbant en dessous, que l'inflexion soit assez forte et l'allongement assez considérable, et l’on verra bientôt apparaître la marge et l’orilice à gauche de la première partie dont on est parti. Si l'allongement continue, on arrivera à la forme que présente l'embryon le plus développé (1). Ainsi, on le voit, l’enroulement se fait de gauche à droite en dessus, etde droite à gauche en dessous. Sion voulait le déterminer plus catégoriquement, on pourrait dire: à partir du premier cul-de- sac formé par la coquille, l'allongement se fait en marchantd’arrière en avant et de gauche à droite en dessus, puis de droite à gauche et de haut en bas latéralement, ensuite de gauche à droite et de bas en haut en dessous, et ainsi de suite, mais toujours en avançant. Les signes d’aceroissement paraissent sur les tests les plus dé- veloppés, et ils se traduisent par des lignes parallèles au bord de la marge de l’orifice ; ils indiquent ici, comme ailleurs, des temps d’arrêt ou d'activité de l’aceroissement. Tandis que, dès le commencement, la coquille ne peut recevoir qu'une très petite partie de l'embryon, plus tard elle abrite tout le corps; le jeune Vermet peut alors s’enfermer et se cacher souvent longtemps, ce qui finit par rendre l'observation difficile. 90 Pied. — Le pied se développe en suivant la marche progres- sive des autres organes ; il se complique peu à peu, et commence par être d’abord peu apparent et distinet des parties environnantes. C'est aux dépens de cette masse framboisée, et formée de cellules petites, différentes de la masse vitelline, que l’on à vue naître sur l’un des côtés de l’ovoide fractionné, qu'il se forme. Dans toute son étendue, il n’a pas la même grandeur ; il s’allonge, et de- vient plus saillant en arrière (2) ou, si lon anne mieux, vers (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 9, fig. 6. Dans la figure 5, où l'animal est vu de profil, la première partie q est cachée, puis vient la portion qui va passer en dessous g', et enfin celle qui remonte en dessus q"”. (2) Voy. ibid., pl, 7, fig. 9 (p). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 277 l'extrémité, qui pour cela devient distinete, et que lon pourra désigner bientôt par sa position. Cette saillie de la partie périphérique va en augmentant, et, s'isolant de plus en plus, elle forme comme une languette qui se recourbe un peu en arrière et en bas, à mesure qu'elle s’allonge davantage (1). Plus tard, mais avant cependant que les parties secondaires se produisent sous la face qui est en rapport avec le corps, et qui est supérieure quand le pied rampe et s'appuie, apparait une lame semblable à la coquille : c’est l’opercule (2). Le premier changement qui s'opère sur le pied, que recouvre, comme on le pense bien, un duvet serré de cils vibratiles, est dû à l'apparition d’un tubercule sur la face inférieure, vers la racine, c’est-à-dire vers le point où il est uni au corps (à). Ce tubereule s’avance et s’allonge de plus en plus, et semble se diviser ; alors il présente, quand on le regarde de face, un peu l'apparence d’un cœur de carte à jouer, dont l’échancrure serait tournée en avant (4). Enfin la partie s’allonge si bien que, lorsque l'embryon se pre- sente de profil, le pied peut arriver en avant, presque aussi loin que l'extrémité antérieure des tentacules : l'échancrure se présen- tant ainsi dans certaine position, on croirait le pied comme bi- lobé (5); mais cette première forme s’efface peu à peu, et extrémité antérieure finit par présenter réellement deux lames superpo- sées (6). Est-il permis de supposer que c’est entre ces deux lameïles que viendra s'ouvrir l'organe glandulaire du pied (7), et que l’une des lames, en s’allongeant et se divisant, formera les tentacules qui ont paru être les prolongements des lèvres de lorifice ? (1) Voy. Ann, des se, nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, fig. 40 (p), fig. 42 (p). 2) Voy. ibid. pl. 8, fig. 2, 7 et 8 (o, o, 0). Voy. ibid., fig. 3, p”’. Voye third. pl. 9.fe. 2, p. Voy. ibid., fig. 4, 5, p’. Voy.ibid., fig. 6, p’. Voy.ibid., précédemment la glande décrite sous le nom deglande pédieuse, 218 li. LACAZE-DUFHIERS. Quand Pembryon est bien développé, on trouve, vers Ha fin de la fente qui sépare en deux lames l'extrémité antérieure du pied, une tache, quel jaclois trois, d'un jaune plus clair et transparent. I parait bien naturel de supposer que c’est la trame aux dépens de laquelle se développera la glande pédieuse. Cependant, n'ayant pas suivi assez longtemps les embryons, il reste inpossible d'affirmer d’une manière absolue. De chaque côté et au milieu de la longueur, on trouve aussi deux mamelons (1) assez variables pour leur grandeur; ïls sont constants chez les embryons les plus développés. Sans doute, ils s'effacent avec les progrès du développement, car on n’en trouve plus trace sur Panimal adulte. Quant à l'extrémité postérieure, elle est longue, et disposée en forme de languette. I suffit de comparer l'animal adulte avee Fembrvon le plus dé- veloppé pour être frappé de la différence que présente le pied dans les deux : dans le premier, la surface est plane et très courte, presque cireulaire ; dans le second, elle est allongée, et relative- ment presque aussi étendue en longueur que le corps (2). C’est que, dans un cas, l'animal est fixé, et ue se sert point du pied pour la locomotion ; c'est que, dans l’autre, l'animal rampe abso- lument comme les autres Mollasques du fond de l'eau, sans doute jusqu'au moment où sa coquille s’attachera aux rochers. o° Disques locomoteurs. — L'origine de ces organes est tout à fait analogue à celle du pied; c’est de la même partie de l'œuf fractionné qu'ils paraissent naître. On voit, en effet, la masse cellulaire périphérique produire trois mamelons : lun, postérieur médian impair, forme le pied ; les autres, situés lun à droite et à gauche, un peu en avant du pied, sont continus avec lui. Si l’on regarde de face (ce qui est fort difficile) un embryon très jeune au moment où ses disques et (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XUIT, pl. 9, fig. 2,3, 4, 5 (p”. (2) Voy. ibid., les planches #, 6, 7, où l'animal adulte est représenté avec le pied entier, et la planche 9, fig. 5. ANATOMIE ET EMBRYOGENIE DES VERMETS. 279 son pied se forment, on voit les deux parties unies en un tout qui rappelle un cœur de carte à jouer très fortement échancré en avant (1). Cetle apparence ne dure pas longtemps : entre le tubereule pédieux et les lobes latéraux, il se forme deux dé- pressions, conséquence, d’un côté de l'allongement, et de l'autre de larrêt du développement des tissus entre les parties et les lobes qui, en formant les disques, s’éloignent peu à peu du COrpsS. Séparés d'abord dans le fond de l'échancrure antérieure du cœur de carte à jouer, ils finissent bientôt par se rejoindre, sans que jamais pourtant le sommet de l'échanerure cesse d'exister. Éminemment contractiles, ils sont tantôt plus, tantôt moins étendus dans un sens : c’est ainsi que tantôt ils sont comme échancrés sur leurs bords latéraux (2), tantôt au contraire presque circulaires (3). A mesure que le développement avance, le bord libre de ces voiles circulaires se renfle en un bourrelet qui devient de plus en plus saillant et marqué, tandis que le milieu se déprime ou s’amineit, et devient d’une très grande transparence ; alors on le voit parcouru par des filaments de nature sans doute musculaire. Du reste, la ressemblance entre ces lobes moteurs et ceux de; embryons des autres Gastéropodes est des plus marquées , et la physionomie générale qui en est la conséquence fait aussi ressem- bler beaucoup l'embryon d'un Vermet à celui d’un Gastéropode turbiné pectinibranche ordinaire où même nudibranche. Le bord du bourrelet est couvert d’une double rangée de longs et gros cils vibratiles qui déterminent les mouvements et déplace- ments de lanimal en battant l’eau avec force. i Les disques moteurs disparaissent quand l'embryon, devenu assez grand, présente les veux, les tentacules, les organes cen- traux de l’innervation, et le commencement de l'appareil de Ia res- Voy. Ann. des sc, nat.; Zool,, 4° série, t. XIIT, pl. 8, fig. 1. \ P 5 (2) Voy. ibid., pl. 9, Hg. 2 et 3. (3) Voy. ibid., pl. 8, fig. 6 et 5. ñ 2 280 H, LACAZE-DUTHIERS. piration. Je n'ai point constaté de visu si ces organes disparais- sent en tombant, et se détachent du col de l'animal ; cela peut être. Dans la même poche ovigère, on trouve de jeunes Vermets abso- lument de la même faille, dont les organes semblent également avancés, et cependant les uns ont des disques, les autres n’en ont plus ; la disparition ne doit certainement pas s’accomplir très lentement et progressivement, mais je n'ai point vu la séparation s'effectuer brusquement sous mes yeux. Plus tard, on verra exactement le point d'insertion quand le corps aura été décrit dans son ensemble. Nous reviendrons aussi sur la direction des courants que déter- minent à la surface des disques, comme à celle du pied, les nom- breux cils vibratiles qui les couvrent. h° Des organes de la digestion. -— Avant de décrire d’une ma- nière générale le corps d’un jeune embryon, il faut nécessairement connaitre les organes de la digestion, qui se forment de très bonne heure, à peu près en même temps que ceux dont il vient d’être question. a. La bouche est certainement, dans quelques espèces que j'ai pu étudier, la conséquence de l’englobement de la partie centrale par la partie périphérique; celle-ci, en s'étendant autour des grandes sphérules résultant du fractionnement du vitellus, les enferme, et comme elle part d’un côté du globe vitellaire, elle se trouve, après l’englobement, arriver au côté opposé, et là former comme un orifice d'autant moins grand, que son développement s’avance davantage. Si je comprends bien ce qui se passe dans ce cas, je pourrais en donner une idée en comparant ce qui à lieu ici à ce qui se produit quand le Hérisson s’enferme. Le muscle peaucier dorsal se trouve d'un côté de l’ovoïde, représenté par le corps; lorsque l'animal se reploie en dessous, le peaucier s’avance, et recouvre bientôt tout; ses bords seuls forment comme un orifice, d'autant plus petit que la contraction est plus grande. Si le peaucier représente la partie périphérique , et si le corps de l'animal est considéré comme la partie vitellaire centrale, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 281 on aura l’idée à la fois de l’englobement de lun par l'autre et de la formation d’un orifice. Quand le vitellus ou les grandes cellules fractionnées ont été de la sorte englobées, la partie périphérique, au pourtour de lorifice qu'elle laisse en ne se soudant pas à elle-même, produit trois tubercules qui sont, l’un médian postérieur et inférieur, les deux autres semblables, latéraux et antérieurs; ceux-ci forment les disques moteurs, celui-là le pied. La bouche se trouve done, on le voit, entre le pied et les disques moteurs. Mais il y a évidemment quelque différence suivant les espèces, si tant est que le mode de formation indiqué plus haut soit exact. Voici ce qui se présente chez le Vermet. Sans aucun doute d’abord la bouche est entre le pied et les deux lobes moteurs (1); plus tard ceux-ci se rejoignent en avant, elle est alors tout à fait enfermée entre les trois organes (2): cela ne semble pas être ainsi en commençant. Si done on entend par partie périphérique cette portion de l'embryon qui entoure le vitellus proprement dit fractionné en grandes sphérules, et d’où se développent le pied et les roues motrices, on pourra remarquer qu'ici celte partie est toute latérale, et qu'avant d'avoir englobé le vitellus, elle a donné naissance aux organes qui paraissent les premiers dans son tissu. La bouche n'en reste pas moins formée par l’espace laissé entre ces trois parties, et si les deux disques se rejoignent plus tard par les progrès de leur développement en avant, il n’en est que mieux établi que la bouche parait, dans tous les cas, n’être que le résultat d'un recouvrement incomplet du globe vitellaire, dans un certain point, mais aussi que eet englobement peut varier pour les diffé- rentes espèces dans la manière dont il s'accomplit. Ainsi done, ici la partie périphérique semble d’abord rester latérale et produire les rudiments de trois organes, puis elle s'étend, et certainement alors elle recouvre tout le vitellus. Dans les Bul- lées, Aplysies, Cérithes, Actéons, ete., ete., l’'englobement pré- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIL, pl. 8, fig. 4 (s). (5) Voy. ibid., fig, 4. 282 M. LACAZE-DUTHIERS. cède la formation du pied et des disques. Dans les Vermets, l'englobement est ou consécutif ou simultané à la formation des lobes et du pied. De là la forme singulière des embryons de ces derniers (4) : à une certaine époque, on voiten avant une portion du vitellus dépasser les rudiments des disques qui sont nés du tissu latéral près d’une des extrémités de l'œuf. La bouche parait comme un point noir dans l'endroit qui a été indiqué (2) précédemment, et se déprime de plus en plüs. Bientôt elle est au fond d’un véritable infundibulum, dont les parois sont tapissées d’une ceinture de cils puissants, qui déterminent des courants rapides vers l’orifice (3). b. Cavilé digestive. — La cavité digestive se forme progressi- vement par le ereusement de la substance vitellaire, dont on distingue fort longtemps les grandes cellules même au milieu du foie déjà formé et reconnaissable. En donnant du éarmin aux jeunes embryons qui présentent à peine formés etle pied et les lobes, on voit un courant très vif qui s'établit à la face antérieure du pied, et qui entraine les granules rougeâtres au fond d’une dépression peu profonde, où ils s’accu- mulent. Ce courant démontre bien la position de la bouche telle qu'élle vient d'être indiquée (A). Il est très probable qu'ici comme ailleurs, la cavité stomacale se forme par érosion, et que des éléments vitellaires détachés sont entrainés el rejetés par les courants qui-s’établissent. C'est d’abord un cul-de-sac, ainsi qu’on peut en juger sur un embryon peu développé et dont les sphères vitellines dépassent (4) Voy. Ann. des sc. nul., Zool., 4° série, t. XEIT, pl. 7, fig. 40, 41 et 12; pl' Sig, T (2) Voy. ibid., pl. 8. fig. 1 (s). (3) Voy. ibid., pl. 8, fig. 4; pl. 9, fig. 2 (s,s). (4) Voy. ibid., pl. 7, fig. 42. Le courant déterminé par les cils vibratiles se brise sur Pos du pied et se partage : une partie passe sur la face supérieure, üne autre suit la face inférieure et va à la bouche. De petites flèches indiquent ce fait. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 283 encore beaucoup en avant les disques moteurs. Mais à mesure que le développement éloigne le pied et les disques dela masse cen- trale, l'oritice externe s'éloigne du fond du cul-de-sac, et un tube se forme, pour les joindre : c’est l'œsophage, qui se distinguera avec la plus grande netteté quand les jeunes Vermets serontplus avancés (1). L'estomac devient peu à peu une cavité oblongue assez irrégu- lière, qui se voil au côté gauche (2). Dans les embryons les plus développés, on trouve au milieu de la longueur un étranglement qui le partage en deux euls-de-sac peu distincts, mais qui indiquent bien évidemment le commence- ment de Ja disposition qu’on observe dans l'adulte (5). Quant à lPintestin, 1 devient très évident lorsque l'embryon est avancé, mais pour dire aux dépens de quoi il se forme, c’est plus difficile. L'opacité et le volume énorme de la partie centrale jaune empêchent de pouvoir rien affirmer. L'’anus s'ouvre sur le côté droit de l'animal, dans l’épaisseur du manteau, quand la cavité palléale est formée, et alors on reconnait bien la disposition de l’animal adulte. Le foie se développe aux dépens de la masse centrale à peu près toul entière, moins cependant la partie crensée à son centre qui forme l'estomac ; très tard encore, même quand l'embryon n’a plus de disque moteur, on reconnait les grosses granulations du vitellus, et avant une époque avancée les grandes sphérules résultant du fractionnement paraissent au travers de la coquille et des tégu- ments (4). C’est là un fait important que cette transformation presque com- plète et constante de tout le globe vitellaire en une glande toujours distincte, et ordinairement très développée dans les Mollusques. (1) Voy. Ann. des sc. nut., Zool., 4° série, t. XIIT, pL. 9, fig. 4,2, #, 6 (e). (2) Voy. ibid., fig. 4, 3, 4 (g). Dans toutes ces figures, les embryons sont représentés ayant dans le milieu de l'œsophage, de l'intestin et de l'estomac, du carmin, qui est indiqué par des points noirs. (3) Voy. ibid. fig. 5 (g). (4) Voy. ibid.,les différentes figures de la planche 9, La partie marquée f, en remontant aux embryons: moins âgés, pl. 8, on trouve tous les passages, et planche7, on arrive progressivement au vitellus, fig. 4. 28! H. LACAZE-DUTHIERS. Caractériser l'embryon du Mollusque qui nous oceupe par un mot serait une chose bien heureuse, mais ee ne pourra évidem- ment avoir lieu que lorsque les faits se seront accumulés, alors qu'on pourra aussi le faire pour les autres espèces. Maintenant que la disposition du tube digestif est connue, il est utile d'indiquer la disposition des courants qui apportent la matière alimentaire dans la bouche (4). La totalité du pied est couverte de cils vibratiles fins, irrégu- lièrement semés, qui cependant produisent des courants dont la direction est constante. Sur Ja face inférieure du lobe antérieur du pied, on voit les granules de earmin se placer en file sur les bords, et venir rencontrer deux autres courants partis de la pointe du lobe posté- rieur, pour former un courant nouveau qui se dirige de chaque colé du pied et vient à la bouche. Les longs cils qui garnissent les bords des . appellent aussi les grains de carmin sur leur côté interne, et là on les voit suivre d’arrière en avant, depuis le tentacule jusqu’à la bouche, la base d'insertion des eils. Quelques petites différences se présentent avec les modifications de forme des parties ; mais qu’elles soient plus ou moins grandes, toujours les courants conduisent à la bouche, qui, béante, reçoit tout ce qu'il lui arrive ; aussi voit-on l'estomac se remplir et se colorer peu à peu. L'introduction des matières est incessante, et l'intestin et l'œæsophage sont également colorés par l'entrée et la sortie. 9° Manteau. — Que peut-on et que doit-on appeler manteau dans l'embryon ? Quand la masse vitellaire a été englobée par la partie périphé- rique, la coquille se développe à l’une des extrémités, et les lobes moteurs et le pied à l’autre. Le développement finit par faire allonger la base du pied et des disques, et la coquille, remontant (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, fig. 4. Des Nèches et des granules indiquent la direction des courants. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 285 jusqu'à l'origine de ces derniers, enferme seulement a masse vitellaire (1) ; alors, si l’on considère comme formant la tête toutes les parties extérieures, on voit comme un col au-dessous d’elles, et la coquille entoure ce col. Supposons que les tissus unissant la coquille et ce qui pour le moment vient d'être désigné par le nom de col ne se développent que peu; si le col s’allonge et si la coquille s'étend en avant, comme les tissus accompagnant cette dernière ne peuvent man- quer de la suivre, il se formera une cavité autour du col, et suivant que l'arrêt de développement sera plus marqué, cette dépression se transformera en un eul-de-sac eirculaire. C’est en effet ce qui arrive ; mas 1l faut observer que c’est surtout à droite que l'arrêt de développement est d’abord plus marqué. De là une cavité en cul-de- sac, très profonde, qui est rendue bien apparente par le carmin, car elle esttapissée de cils vibratiles produisant des courants. doit y avoir aussi une tendance au retrait des tissus dansle point indi- qué, car l'arrêt de développement n’expliquerait pas seul, dans le commencement du moins (2), d’une manière suffisante, cet accroissement de la cavité. Plus tard il est évident que la cavité se forme tout le tour du corps, c’est-à-dire tout le tour de ce que nous avons appelé pour les besoins de la description, le col de l'embryon. La partie des tissus qui a suivi le bord de la coquille se renfle peu à peu en un bourrelet que couvrent des cils vibratiles, et qui passe tout le tour de l'animal comme l’orifice de la coquille ; c'est là évidemment le bord du manteau, et Ja partie membraneuse qui lui fait suite et double la coquille est le manteau proprement di. De cet arrêt de développement est résulté comme conséquence un pédoncule isolé qui unit et joint les disques moteurs et le pied au reste du corps; on le distingue très bien au milieu du tube du manteau et de la coquille (à), lorsque le jeune animal s’allonge pour sortir. La cavité du manteau est traversée par un courant dont la (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 8, fig. 3. (2) Voy. ibid., pl. 8, fig. 7. (3) Voy. ibid., pl. 9, fg. 5: pl. 00, fig, 4. 286 H. LACAZE-DUTHIERS. direction est constamment du dos vers la face inférieure ; les gra - nulations que l’on fait flotter dans l’eau entrent surtout en arrière, vers le milieu de la tête, et sortent principalement du côté gauche, quand l'embryon commence à être bien développé (D). On à vu précédemment que, dans les premiers moments de la formation de la cavité du manteau, le courant se dirigeait plutôt du côté droit; plus tard ce changement s'explique naturellement par la position de l'organe respiratoire. 6° Organes des sens et système nerveux. — Les organes des sens se développent de bonne heure chez les embryons des Ver- mets, et cela pour quelques-uns du moins, bien plutôt relative- ment que dans beaucoup d’autres exemples. a. Dans les Gastéropodes, les otolithes apparussent généra- lement de fort bonne heure; on les aperçoit à la base du pied. Pour le Vermet, il n’y a pas d'exception, et la coquille ne peut encore recevoir qu'une moitié de la totalité du corps (2), que déjà l’on voit de chaque côté de la base du pied un globule transparent, sphérique, enfermé dans une capsule. Ave les progrès du déve- loppement, la capsule auditive devient de plus en plus évidente et nettement limitée (3). Un seul globule, sans trépidation, s’est toujours présenté pour chaque capsule chez les embryons les plus développés. b. L'œil, contrairement à ce que lon observe aussi dans la plupart des Gastéropodes, se développe iei de très bonne heure, C’est chose assez rare, car on le voit apparaitre le plus souvent un peu tard. Dans l'embryon qui commence à peine à avoir sur le côté les trois lobes origine des disques et du pied, et alors qu'un peu moins de la moitié du vitellus est enfermé dans la coquille, et que les sphérules dues au fractionnement sont encore bien évidentes (4), (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 8, fig. 4. Les flèches indiquent la direction des courants, (2) Voy. ibid., pl. 7, fig. 12 (ot), (3) Voy. ibid. pl. 8, fig. 4, 3, 7; pl. 9, fig. ? (pt), (4) Voy. ibid., pl. 7, fig. 40 (y). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 297 on voit à la base et en avant des lobes, un point noir qui ne peut être confondu avec lPotolithe par plusieurs raisons. D'abord sa teinte est brune, et son opacité n’est pas le résultat de la réfrac- tion plus où moins forte de la lumière ; dans le globule otolithe, au contraire, la substance transparente réfractant vivement la lumière, le centre est clair, brillant, et le pourtour fort obscur ; d’ailleurs la position est bien différente : lune est très en avant, l’autre est en arrière. L'œil va toujours en se caractérisant de plus en plus; on ne manque jamais de le remarquer avee la plus grande facilité. Sur les embryons les plus avancés, on voit même qu'il est contenu dans un tout petit tubereule (4), comme dans l'animal adulte. Quand on regarde de face un embryon qui a encore ses disques locomoteurs , on trouve très bien les otolithes et les yeux régu- lièrement disposés, occupant les quatre angles d’un trapèze au centre duquel on voit l’orifice buceal (2). ce. Les tentacules se développent aussi assez tardivement dans la plupart des Gastéropodes; mais 1ei c’est encore le contraire qui arrive , on les voit naître de fort bonne heure, mais cependant un peu après les veux. Quand la coquille s’est accrue suffisamment pour enfermer l'embryon tout entier, on voit cette partie périphérique qui a donné naissance aux disques et au pied former un bourrelet ou une proéminence en avant et en dessus, et le point oculiforme (3) se fait reconnaitre au milieu d'elle. C’est en dedans et un peu en avant du point oculaire que l’on voit les tubercules tentaculaires se former; ils prennent vite d'assez grandes proportions, et quand les voiles ou disques locomoteurs sont bien étendus, ils peuvent encore les dépasser en longueur. Ïs paraissent à la position ordinaire qu'ils occupent dans l'adulte après la chute des disques locomoteurs ; il suffit pour (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zoo!.,' 4° série, t, XIII, pl, 9, fig, 2, 3, 4. (2) Voy.ibid., fig. 2: y, yeux ; ot, otolithes; s, bouche, (3) Voy.ibid., pl. 8, fig. 2, t. 288 1. LACAZE-DUTHIERS. cela de regarder, soit de face par-dessous, soit de face par- dessus, soit de profil, les embryons ayant ou n'ayant plus de disques (#4). d. Le système nerveux élant en général difficile à voir naître , il y aurait des critiques à faire de quelques observations un peu trop vite publiées et données comme représentant ce qui se passe dans la nature ; mais c’est plutôt le cas d’un travail général que d'une étude particulière comme celle-er. Sur les embryons les plus développés et vus par la face dor- sale (2), en avant de la tête, entre la base des tentacules et les deux veux, on voit deux grosses taches plus opaques que le reste des tissus et d’une teinte légèrement jaunâtre ; l'œsophage (3) passe en dessous : il ne me paraît guère possible de ne pas reconnaitre dans ces deux taches les représentants des deux ganglions céré- broïdes ou sus-æsophagiens. Déjà, dans quelques individus ayant encore les disques moteurs, on voit, même en les regardant en dessous, les deux taches jau- nâtres correspondant à ces ganglions (4). Quand on observe de profil, on distingue entre l'œil, un peu en arrière de lui, et la racine du pied, deux taches jaunâtres placées l'une à côté de l’autre (5). Ne serait-il pas permis de croire que la tache la plus voisine de l'œil est origine du ganglion céphalique, que l’autre est celle du ganglion pédieux, ou bien, et peut-être avec plus de raison, celle du ganglion moyen ? A la base du pied et dans le pied même, on aperçoit tantôt une tache un peu jaunâtre et plus claire que les tissus environnants : c’est probablement le point d’origine des ganglions pédieux ; mais les observations n’ont pas été poussées assez loin pour pouvoir affirmer. Quant à la tache bien nette placée dans le pied, on pour- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4f série, t. XII, pl, 9, fig. 2, 3, 4, 5, 6 : (t), les tentacules. (2) Voy. ibid. fig. 6 (x). ‘3) Voy. ibid. (e). (4) Voy. ibid. fig, 2 (æ). (5) Voy. ibid., fig. 3 (x). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 289 rait peut-être la considérer comme le point de départ de la glande pédieuse. 7° Organes de la respiration et de la circulation. — Assez généralement, dans les Gastéropodes dont j'ai pu suivre le déve- loppement, le cœur se développe après les organes de la respira- tion. Ici les choses se passent ainsi, tandis qu'il n’a point été pos- sible de reconnaitre de trace du cœur ; au contraire, la branchie, bien simple et bien rudimentaire, semble paraître à cette époque, car on voit sur le côté gauche, dans l'épaisseur de la paroi de la vole du manteau, comme un fer à cheval formé par une sorte de cordon que frangent des eils vibratiles (D) longs et puissants. Quel organe serait-ce dans ce point, si ce n’est la branchie ? La position, la disposition des cils, tout conduit à admettre là le commencement de l'organe de la respiration. Quant au cœur, il se développera sans doute en arrière et non loin de ce premier rudiment de la branchie. On le reconnaitrait sans doute à ses contractions ; mais il faut être très prudent à l’en- droit de ce caractère, car les parois du corps se contraetent dans un point assez restreint, et imitent les pulsations du centre de la circulation. Les organes de la reproduction n'ont point été observés ; cela se comprend et devait être. VI Description générale d'un embryon bien développé. Après avoir passé en revue suecessivement la formation de tous les organes, comparons l’animal adulte à un des embryons les mieux formés (2). La coquille est libre de toute adhérence ; elle est turbinée, et le (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XHIE, pl. 9, fig. 3, 4, 6 (r). 1 (2) Voy. ibid. fig. 6. 4° série. Zooc. T. XIE. (Cahier n° 5.) 3 49 290 H, LACAZE-DUTHIERS. fond de son cul-de-sac renferme le foie, fortement coloré et gra- nuleux. Cet organe, qui dérive sans aueun doute du vitellus pro- prement dit, c’est-à-dire de cette masse jaunâtre offrant long- temps encore, pendant les stades du développement, les traces du fractionnement, finit cependant par s'isoler des tissus et en particulier de la coquille, et par se lober en petites masses, où les granulations semblent devenir plus petites. Sur le côté gauche, on voit la cavité stomacale, puis l'intestin qui va s'ouvrir en avant à droite, en rampant dans l'épaisseur de la paroi du manteau. Quant à Fœsophage, on le distingue au centre du pédicule qui unit le pied et la tête aux parties placées au fond de la coquille ; c’est évidemment l’analogue de cette partie que lon peut appeler le corps, et que l'on trouve quand on fend le manteau d’un Vermet adulte (4). Les parois du corps sontéminemment élastiques et contractiles ; on les voit tout à coup se resserrer, se contracter, puis, par une dilatation brusque qui ressemhle à une détente, s'étendre surtout dans la portion la plus éloignée de la tête, et acquérir un assez grand volume. Ces alternatives de dilatation et de contraction semblent rap- peler les mouvements de diastoie et de systole du cœur; je dois même dire que, pour quelques autres animaux, ces mouvements m'avaient paru appartenir au cœur, ce qui plus tard est devenu évidemment peu juste. Ces mouvements toutefois sont en rapport avec le déplacement des fluides. Que le cœur les chasse ou que les parois du corps se chargent d'accomplir ces changements de position, le même but est atteint. Dans le commencement donc la cireulation est oscilla- toire, et consiste dans an simple balancement des liquides opéré par les contractions des parois du corps. Le tube de la cavité du mantean rappelle tout à fait ce qui existe dans l'adulte ; il suffit de remarquer que le pédicule, ou le corps portant la tête et le pied, est entouré ici, comme dans l'animal par- (4) Voy. Ann, des se. nat. Zool., &e série, t. XI, pl. 9, fig. 6 (n), fig. 5 (n). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 291 fait, par une sorte de collerette qui, en se fermant, peut cacher tout Panipal quand il se retire dans sa coquille (4). On a vu les premiers rudiments de la branchie à gauche comme dans l’adulte. Le pied est évidemment très différent, et eette différence tient à ce que l'adulte est fixé, et que le jeune, libre de ses mouvements, rampe avec son pied, qui doit être d'abord un organe servant à la locomotion. A l'extrémité antérieure du pied, on observe deux lamelles su- perposées ; probablement e’est Porigine de Porifice de la glande pédieuse et des lèvres prolongées en forme de tentacules Quant à la tête, elle ressemble beaucoup à celle de l'adulte ; les tentacules sont fort éloignés, et s’insèrent tout à côté des tuber- eules qui portent les veux ; entre eux on voit les premières traces des ganglions sus-æsophagiens, et æsophage se montre beaucoup plus large en arrière de ceux-ci; sans aucun doute, parce que dans ce peint se développe Pappareil Hiigual. En petit done, on retrouve dans le jeune Vermet des ot tions qui rappellent l'organisation du Gastéropode, et déjà l'asy- métrie signalée dans l'étude de l'animal adulte. VII Remarques générales, Établissons, en terminant, quel à été l'ordre d'apparition des différents organes, et enfin quelles particularités présente le Ver net dans son développement. La coquille se forme de très bonne heure, probablement au moment où l'on voit se dessiner le pied et les lobes locomoteurs ; Poœil parait à peu près en même temps que l'otolithe, et les tentas cules le suivent de près, L'estomac se forme comme une dépression qui reçoit passi- (4) Voy. Ann. des se, nat., Zool., 4° série, t, XIIT, fig. 3 : (m), rebord du manteau entourant le corps, et le pédoncule soutenant la tête et le pied {n). 299 H, LACAZE-DUTHIERS,. vement tout ce que lui apportent les courants, et déjà il est indiqué quand la moitié du corps est à peine recouverte par la coquille. Le foie, étant exactement le résultat de la transformation des sphères vitellaires, apparaît, par cela même, dès le début du développement. La cavité palléale ne se dessine que lorsque les lobes moteurs et le pied sont bien formés, etalors, œil, tentacules, otolithe, bouches, estomac et intestin sont formés. La branchie commence à paraitre plus tard, sous la forme d’un bourrelet en ferà cheval, couvert d'une rangée de cils vibra- iles; elle est à gauche dans la eavité du manteau, elle occupe donc la place qu'elle aura dans l'adulte. Quant au système nerveux, les ganglions sus-æsophagiens paraissent déjà bien nettement avant la disparition des disques locomoteurs. Ceux-ci ne cessent d'exister où de paraître que vers l’apparition de la branchie. Enfin la particularité suivante parait digne de remarque. Les deux parties primitives qui composent l’œuf après le frae- tionnement affectent un rapport un peu différent de celui qu’on leur remarque dans les autres Gastéropodes : l’une, se fraction- nant peu et présentant les granules du vitellus, forme une masse ovoïde, le long des côtés de laquelle on voit apparaître l’autre, plus transparente, qui, dans bien des cas, semble englober la première : ici cette dernière, ou la partie périphérique, paraît rester latérale jusqu’après le développement du disque et du pied ; de là la forme toute spéciale que semble avoir l'embryon quand il apparait après la période du fractionnement. | VIH Fel_est l'ensemble des faits que j'ai pu réunir, À Bonifacio ‘Corse) et à Mahon (Minorquedes îles Baléares), sur l'histoire des Vermels ; quelques-uns paraitront, je l'espère, pleins d'intérêt. La disposition du système nerveux, la présence d’une glande ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 293 pédieuse s’ouvrant à l'extérieur , entre le pied et la tête, et ser- vant probablement d’intermédiaire entre l'extérieur et la cavité générale du corps; enfin, les particularités relatives au déve- loppement, voilà, sans aucun doute, assez de points qui méritaient d’être connus. Je m'estimerai heureux si les résultats de mes observations ont pu paraitre de quelque valeur aux yeux des per- sonnes qui eultivent la science de la malacologie, non plus pour la description de quelques tubercules, de quelques taches placées à l’extérieur des coquilles, mais pour la connaissance des ani- maux qui les habitent. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE À. Organes de la circulation et de la digestion du Vermet. Fig. 1. Tube digestif et ses annexes; animal vu de prolil et du côté gauche. A, bouche; B, bulbe lingual; E, glandes salivaires ; (a), œsophage; (b), sac lingual prolongé en arrière du bulbe ; (c), rectum accolé au manteau ; (d), pa- quet intestinal ; {f), œsophage et cardia ; (e), origine de l'intestin et pylore ; C, estomac; (7), lobe pylorique du foie ; (i), son canal; (k-k\, grand lobe hépatique ; (g-g), canal biliaire cardiaque. Fig. 2. Cellules très grandes qui composent le tissu conjonctif des organes. Elles renferment des granulations nombreuses de nature probablement cal- caire, car elles font effervescence avec l'acide nitrique. Fig. 3. Extrémité d'un cul-de-sac du foie. Les cellules du parenchyme, avec leur contenu, semblent empilées les unes sur les autres sans se comprimer , (b), corpuscules isolés, enfermés dans ces cellules hépatiques ; (d), sorte de corps pyriformes noirâtres, qui font aussi effervescence dans l'acide nitrique. Fig. 4. Les éléments du foie isolés et que l'on voit et reconnaît dans la figure précédente, où ils sont en place. Dans la cellule (a) on voit un gros corpus- cule sphérique. Fig. 5. Texture du corps de Bojanus. Fig. 6. Vermet ouvert, pour montrer les principales dispositions des organes de la circulation : (d), ventricule; (e), oreillette; (f), aorte postérieure; (h), aorte antérieure; (i,j,k), artères nées de l'aorte antérieure et allant en 294 M. LACAZE-DÜTHIERS. arrière à l'intestin et aux autres organes au-dessus de l'estomac ; (m), artère palléale, née de l'aorte postérieure; (n}, artère splanchnique terminant de l'aorte postérieure : (p), origine de l'artère bulbaire linguale (q) ; (o), petite branche allant a la glande pédieuse: (a), vaisseau arrivant de la branchie Z, et allant à l'oreillette (d). Qu'on remarque un vaisseau (b) qui rapporte le sang venant du corps de Bojanus J. Fig. 7. La glande pédieuse avec son orifice et ses tentacules:; (/), col de la glande; (y), bourrelet médian antérieur et inférieur ; (i), plis qui partent de celui-ci; (1), ouverture s’ouvrant sur la face inférieure:; (e), orifice de la glande; T, pied; (a), petit tubercule placé sur la face supérieure du pied et uni aux lèvres inférieures (b) des tentacules ; (c), lèvre inférieure du ten- tacule qui se joint au-dessus de l’orifice (e) à celle du côté opposé. / PLANCHE 5. Organes de la reproduction du Vermet,. Fig. 1. Une coquille cassée, pour montrer l'animal entier avec ses formes, son union avec la coquille et les paquets d'œufs. Fig. 2. Un Vermet ouvert, pour montrer les organes de la reproduction. Jusqu'en (d) l'animal est femelle; de (e) en (/, le corps représente un mâle. On n'aurait qu'à supposer la glande de lun ou l'autre sexe, dans toute l'étendue, pour avoir l'idée de la disposition sur un seul individu. O, orifice génital avec les cellules qui paraissent dans son fond: (a), taches jaunes, peut-être glandulaires, qui marquent le point où s'ouvre le canal excréteur (b). Fig. 3. Coupe du corps d'un Vermet supposé déroulé et étendu, la concavité de sa base étant en bas: (a), vaisseaux sanguins : (b), glande génitale placée à droite en dehors du foie (c). Fig. 4. Une portion du testicule vue à un faible grossissement (5). Fig. 5. Id., mais à un fort grossissement. — 500 diamètres. Fig. 6. Éléments corpusculaires ou cellulaires du même isolés. Fig. 7. Paquet de spermatozoïdes. Fig. 8. Id., plus avancés et près de se séparer. Fig. 9. Spermatozoïdes isolés (a). Ils ne sont pas encore tout à fait isolés du corpuscule qui les a produits, dans la partie de la figure marquée (b). Fig. 10. Cellules couvrant le parenchyme de l'ovaire. Fig. 44. Un œuf : ses granulations vitellines sont énormes, ses proportions sont considérables, Fig. 12. Granulations vitellines vues à un fort grossissement. ANATOMIE EP EMBRYOGÉNIR DES VERMETS, 295 PLANCHE 6. Système nerveux du Vermet. Fig. 4. Vermet dont le manteau seul a été fendu pour montrer les nerfs qui paraissent sans préparation (comparez celte figure à la suivante). Fig. 2. Animal ouvert ; V, ganglions cérébroïdes ; 7, ganglion moyen ; Z”, gan- glion branchial; Z'"', ganglion génito-cardiaque ; (i,p,v), cordon d'union des ganglions moyens avec les ganglions branchiaux et génito-cardiaques ; (k), nerf allant au corps de Bojanus et jusqu'à l'oreillette ; (o,0’), nerfs génitaux; (/'), cordon parallèle à la branchie qui reçoit de nombreux filets des nerfs palléaux gauches supérieurs. Fig. 3. Tête et pieds ouverts; V, ganglions sus-æsophagiens ; X, ganglions pédieux; Z, ganglions moyens où asymétriques ; Z”, ganglion branchial ; (u,u’), nerfs palléaux de droite; v’, nerf palléal gauche; (s,s’,s”), nerfs pédieux, dont un (s'}est destiné au tentacule ; (1), nerf de la glande pédieuse ; (3), nerfs labiaux ; (a), nerfs des téguments de la tête. Fig. 4. Coupe de profil de la tête et du pied, montrant les rapports des gan- glions et des nerfs stomato-gastriques; Y, ganglion stomato-gastrique ; (g), nerf æsophagien allant au tube digestif; (a), nerf lingual inférieur, (k), nerf du fourreau de la langue; (e), nerf lingual supérieur ; (x.x), con- nectif d'union des ganglions stomato-gastriques et cérébroïdes, par l'intermé- diaire de la paire linguale inférieure. Ce rapport est important; de ce connec- tif se détachent des ramuscules secondaires, dont un (c) allant au support de la langue en avant. ” PLANCHE 7. Embryogénie du Vermet. Fig. 1. Œuf. Fig. 2,3, 4, 5, 6, 7. Fractionnement ; transformation de l'œuf en une masse framboisée dans la figure 7 ; deux parties sont formées: (b), vitellus ou partie centrale ; (a), partie périphérique. Fig. 8. Apparition des cils vibratiles (c). Fig. 9. La portion périphérique (a) devient saillante ; (p), pied. Fig. 10. Embryon dont quelques parties sont déjà reconnaissables ; (y), œil ; (d), disques; (p), pied ; (b), partie centrale; (q), coquille. Fig. 11. Id., vu par le dos. Fig. 12. Id., de profil, vu par le côté droit. ci un courant s'établit dans un cul-de-sac qui sera l'estomac. La direction est indiquée par des flèches placées à côté des granulations de carmin : (ot), otolithe. 296 H. LACAZE-DUTHIERS, PLANCHE 8. Embryogénie du Vermet. Les lettres semblables répondent aux mêmes choses. Fig. 1. Embryon vu de face, pour montrer la bouche (s). Fig. 2 et 3. Vue de profil par le côté droit. Fig. 4,5, 6, 7, 8. Embryons de plus en plus développés. Dans la figure 7, les granulations de carmin ont été indiquées pour montrer le courant établi dans la cavité du manteau. / PLANCHE 9. Embryogénie du Vermet, Les figures représentent des jeunes animaux de plus en plus développés. Dans les n°° 4, 5, 6, les disques ont disparu, et l'on reconnaît déjà très bien les formes de l'animal adulte, moins, toutefois, la déformation du pied et de la coquille qui est la conséquence de la soudure du test aux corps sous-marins. Remarque. — Pour toutes les figures d'embryogénie, le grossissement est le même, et par conséquent les choses sont comparables, Observation. — Les mêmes lettres ont été employées dans toutes les figures. a), partie périphérique, formant les organes locomoteurs ; (b), partie centrale, formant le foie, vitellus fractionné ; {c), cils ; (d), disques moteurs ; {e), œso- phage ; (f), foie; (g), estomac ; (i), intestin ; {m), bord du manteau ; (n), corps; (a), opercule de la coquille; (ot}, otolithe; (p), pied; (p’), lobe antérieur du pied ; (p”), lobe latéral du pied ; (g), coquille ou premier du cul-de-sac; (q'}, premier lour inférieur ; (q'’), deuxième tour inférieur; (r), fer à cheval cilié, orifice de la branchie ; (s), bouche ; (1), tentacules; (v), origine des ganglions cérébroïdes ; (y) œil. DES ESPÈCES PERDUES ET DES RACES QUI ONT DISPARU DES LIEUX QU'ELLES HABITAIENT PRIMITIVEMENT, Par M. Marcel de SERRES, Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. Les faits semblent prouver que la venue de homme et le rem- plissage des cavernes sont des événements postérieurs à la rentrée des mers dans leurs bassins respectifs. Is ne peuvent done pas coïncider avec le dépôt des terrains tertiaires qui a eu lieu bien auparavant, c’est-à-dire lors de la séparation des mers intérieures de l'Océan. On ne doit done considérer comme fossiles que les restes des corps organisés qui se trouvent dans les couches ter- restres contemporaines de la période tertiaire, et nécessairement celles qui sont antérieures à cette période. Aussi avons-nous réservé le nom d’humatiles (À) aux débris de la vie que l’on découvre dans les dépôts plus récents que la pé- riode tertiaire, caractérisée par la première apparition des mers méditerranées. Ceite période a été également signalée par plusieurs autres circonstances non moins importantes, telles que les alter- nances souvent répétées des dépôts d’eau douce et marine, enfin la présence, pour la première fois, de nombreux restes de Mam- mifères monodelphes qui n'avaient pas encore paru, du moins en certaine quantité. Du reste, dans la plupart des travaux qui ont été publiés à ce sujet, on a donné beaucoup trop d'importance aux races perdues et tout à fait éteintes, puisque plusieurs de ces races ont vécu pen- dant les temps historiques. C’est maintenant un fait incontestable (1) Le mot humatile dérive de l'expression latine Aumalus, qui signifie corps enseveli; ce qui se rapporte plutôt à un dépôt artificiel que naturel. NN 295 MARCEL DE SERRES. quecertains animaux, etmême plusieurs végétaux, ont cessé d’exis ler, ou se sont grandement éloignés des lieux qu'ils habitaient primitivement, et cela depuis Papparition de l'homme, quoique ces espèces l’eussent très probablement précédé. Si quelques-unes de ces races ont péri si tard, c’est que par suite du développement de la civilisation, l'homme à senti que, S'il devait rapprocher de lui les espèces qui pouvaient lui être uliles, il devait faire tous ses efforts pour anéantir celles qu'il avait à redouter et dont il ne pouvait Urer parti. [est arrivé à ce double résultat, en soumettant à son empire les premières, et en favori- sant leur développement, tandis qu'à laide des armes qu'il s'était créées, it a exterminé, autant que ces armes Jui en donnaient les HOYCUS, les animaux dangereux qui n'étaient pas susceptibles de se plier à ses caprices et de devenir ses auxiliaires. Aussi les premiers peuples se sont adonnés à la chasse avec ardeur, non éomme les nations modernes, par désœuvrement, mais par nécessité, et pour assurer leur existence. En détruisant un certain nombre d'individus des races-qu'il avait à redouter, lhomnie a empêché tout au moins leur développement. Ainsi du moment que, par suite de cette circonstance, la mort a frappé des espèces en plus grande quantité que les naissances destinées à ré- parer les effets de cette destruction, elles ont dû tendre nécessaire- ment à s'éteindre. Tels ont été les effets de notre influence sur les races animales, d'autant plus manifeste que la civilisation à été avancée. Elle a entrainé en quelque sorte avec elle le perfectionnement des arts, et, par suite, les moyens de destruction dont nous faisons usage. Ce que nous venons de dire des animaux peut également s’appli- quer aux végétaux ; car certaines plantes, sans être proprement nuisibles par elles-mêmes, le sont pour nos cultures, et dès lors elles ont été l'objet de l'attention de l'homme. En effet, à toutes les époques, nous avons fait tous nos efforts pour les extirper de nos champs, tandis que nous avons favorisé, autant qu'il était en notre pouvoir, le développement de celles qui peuvent servir à notre alimentation ou nous défendre contre les rigueurs des saisons. Ces causes, toutes simples qu'elles sont, n’en ont pas moins DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 299 exercé une puissante influence sur la perpétuité de certaines espèces comme sur lPextinetion de plusieurs autres. Toutefois elles sont loin d'être les seules qui aient produit de pareils effets; car qui peut douter que l’organisation n'y ait pas eu une grande part. En effet, les animaux perdus depuis des temps peu éloignés de nous se rapportent presque tous à des races qui, par suite de leur or- ganisme, n'ont pas pu échapper aux poursuites ‘dont elles étaient l'objet. Tels sont le Dinornis et l'Epyornis, oiseaux colossaux de la Nouvelle-Zélande et de Madagascar, ainsi que le Dronte (Didua), qui vivait encore à Pile de France en 1626. Il en a été de même du Cerf bois gigantesque, que les Romains ont figuré sur leursmonu- ments, et qu'ils faisaient venir d'Angleterre à cause de la qualité et de la bonté de sa chair. Ce Cerf ne figure cependant plus parmi nos races vivantes. Nous ne connaissons pas davantage le Sanglier d'Érymanthe, figuré sur les anciens temples de la Grèce, et que Geoffroy Saint-Hilaire a considéré comme une espèce perdue. I en est de mème des Crocodilus lacunosus et laciniatus, que ce orand naturaliste à découverts dans les catacombes de l’ancienne Égypte. I est du moins certain qu'aucune de ces races n’a été rencontrée depuis l’époque où les unes ont été gravées sur les anciens monuments et les autres embaumées avec des races dont l'existence s’est prolongée jusqu’à nos jours. Enfin, plusieurs animaux figurés et peints sur les monuments de Palestrine avec des espèces actuelles, ne se retrouvent plus maintenant où ont enlièrement disparu des lieux qu'ils habi- {aient primitivement. fs doivent donc être considérés comme tout à fait éteints. Seulement ces animaux ont dû périr plus tard que les Crocodiles retrouvés par Geoffroy Saint-Hilaire dans les cata- combes de l'ancienne Égypte, qui datent de la construction des grandes pyramides. L'extinetion des espèces que nous venons de signaler ne s’est pas effectuée à une seule et même époque, ainsi qu'on pourrait le supposer ; ais comme la plupart des phénomènes de notre monde, etsurtout de ceux sur lesquels l'homme a exercé quelque influence, leur perle a eu lieu successivement et à des intervalles divers. Ces 900 MARCEL DE SERRES. intervalles, liés à l'existence de l'homme, n’annoncent pas, toute- fois, une bien haute antiquité à notre espèce, évidemment posté- rieure à toutes les autres manifestations de la vie. Le difficile est de circonscrire avec une certaine précision la date de la disparition des espèces éteintes, disparition qui rentre, du reste, dans les phases qu'a subies l’humanité elle-même. Tout ce qu'il est possible de faire dans l’état actuel de nos connais sances à cet égard, où règnent encore tant d’incertitudes, c’est de les rapporter à un certain nombre de périodes déterminées par les produits des arts. D'après les travaux récents des archéologues de la France, de l'Allemagne et de la Scandinavie, auxquels sont venues se joindre les recherches de plusieurs géologues des deux dernières contrées, on peut réduire à trois le nombre des périodes pendant lesquelles des espèces animales et végétales se sont éteintes depuis notre apparition 1c1-bas. Ces périodes sont : 4° l’âge de pierre, 2° l’âge de bronze, 3° l’âge de fer, en les classant par ordre d'ancienneté. Le premier âge, celui de pierre, qui est le plus ancien, se rap- porte au temps où l'homme, encore peu avancé en eivilisation, faisait à peu près uniquement usage d'outils et d'instruments de pierre. Celte période, ou le premier âge de l'humanité, comprend les espèces éteintes qui se trouvent dans les mêmes limons que di- vers objets de l'industrie humaine. Ces instruments, la plupart de pierre de différente nature, sont ordinairement des haches de silex, de trapp, de jade ou autres pierres dures. Les mêmes objets de l'industrie sont parfois accompagnés de fragments de poteries, de fourneaux bâtis de briques grossièrement préparées, et qui le plus souvent ne paraissent pas avoir été cuites au feu, mais seulement | séchées à l'air et au soleil. A cette époque se rapportent les différents outils de silex dé- couverts par M. Boucher de Perthes (d’Abbeville) dans les gra- viers de la Somme , considérés, probablement à tort, comme des graviers diluviens. Il paraît, du moins, que les véritables terrains de transport diluviens, où nommés aussi simplement diluvium, ne contiennent pas le moindre vestige d’ossements ou de produits de l’industrie humaine, pas plus que des ossements de notre espèce. DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 901 On peut considérer comme de la même époque les divers dé- pôts graveleux où sablonneux où abondent en grand nombre les haches de pierres dures, ainsi que d’autres objets de ce genre, ou, en un mot, tous les matériaux de pierre qui ont été façonnés et travaillés par l’homme. La seconde période, celle de bronze, comprend les espèces per- dues que l’on découvre dans les brèches osseuses, ainsi que dif- férents outils fabriqués avee diverses substances métalliques, par- ticulièrement le cuivre ou le bronze, mais presque jamais le fer. Plusieurs des grottes ossifères ont cela de remarquable que, parmi les ossements ou les bois des races éteintes, il s’en trouve un cer- tin nombre travaillés par les mains des hommes. Quelquelois même ces débris osseux ont été raclés pour en détacher les chairs qui les recouvraient. Dans d’autres circonstances, ces débris os- seux ont été calcinés dans des fourneaux que l’on a trouvés à si peu de distance, qu'il a été facile d'en comprendre l'usage. Ces diverses circonstances sont si fréquentes dans la plapart des grottes ossifères, qu'on vient de les voir se répéter dans la caverne de Mentone, située près de Nice, sur le littoral de la Méditerranée. Cette caverne offre de nombreux débris de grands animaux des genres des Chevaux, des Bœufs, des Certs, ainsi que des Rongeurs de petites dimensions du genre des Lièvres. Les dents y sont en grand nombre, ainsi que les os très résistants, tels que les canons, les astragales et les calcanéums. Ces divers débris y sont mélan- gés dans les mêmes limons où sont disséminés des fragments de polerie grossière, ainsi que des outils divers de silex. On peut probablement rapporter à la même époque les silex taillés que M. Gosse (de Genève) a rencontrés dans les environs de Paris, mêlés dans les mêmes limons, avec des ossements de Che- vaux, du Bos primigenius, d'une race analogue à l’Aurochs et de l'Elephas primigenius ; nous avons depuis longtemps indiqué ces espèces comme se trouvant dans les mêmes circonstances et dans des gisements analogues. Ces divers instruments avaient, ainsi que l’a fait observer M. Gosse, la forme de flèches ou de lances, et étaient accompagnés par divers objets de Pindustrie humaine, comine couleaux, haches en fer de lance ou présentant des figures 902 MARCEL DE SERRES. ovalaires ou allongées. Tous ces objets, confusément mélangés dans les mêmes dépôts, ne peuvent qu'être de la même époque, c'est-à-dire de l’époque historique, puisque plusieurs de ces in struments ont été travaillés et façonnés par la main de l’homme. On a cependant fait observer qu'outre les Mammifères éteints, | tels, par exemple, que le Bos primigenius que nous venons de signaler, on trouve réunies, dans les mêmes circonstances, des espèces qui paraissent appartenir à tout autre temps. On a cité à cet égard le Megaceros hibernicus, le Cervus somocensis, le Rhi- noceros tichorhinus, toutes races évidemment éteintes. On peut répondre à cette observation que tout ce que prouvent ces espèces perdues, c’est que leur extinetion doit avoir eu leu plus tard qu’on ne l'avait supposé, ce qu'annonce, du reste, leur mélange avec des races actuellement vivantes et des objets de lin- dustrie humaine. Cette opinion n’a pas cependant été adoptée par l’un de nos plus habiles paléontologistes, M. Eartet, qui a interprété ces faits d’une tout autre manière. Nous sommes heureux, du moins, d'être d'accord avec lui sur ce fait remarquable, qu'il n'existe pas la moindre trace de l'action humaine sur les os des Éléphants des terrains quaternaires ni sur les grands carnassiers de la même époque. Les seuls ossements que M. Lartet et moi avons rencontrés ouvrés et travaillés, se rap- portent à des ruminants des genres Bœuf on Cerf, et à des soli- pèdes du genre des Chevaux. Les races qui portent ces marques du travail de l'homme sont parfois mélangées avec des espèces tout à fait anéanties ; il s'ensuit qu’elles sont loin d’avoir l'importance qu’on leur avait supposée et la valeur qu'on leur avait accordée relativement à la date qu'elles pouvaient nous donner. En effet, si plusieurs espèces ont totalement disparu de la sur- face du globe, et n’y sont plus représentées maintenant, il n’est pas moins certain que quelques-unes d’entre elles en ont totale- ment disparu depuis notre existence. C’est donc une grave erreur de prétendre que la disparition d’une ou de plusieurs races ait la moindre influence sur l'antiquité de l’homme, puisqu'il en DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 303 est tant dont l'anéantissement est évidemment postérieur à notre apparition ici-bas. L'erreur serait plus grande encore si l'on confondait la date du globe, date qui se perd dans la nuit des temps, avec la vie si brève de l'humanité tout entière. Nous ne sommes, en effet, que d'hier sur notre vieille terre, ainsi que le disaient avec toute rai- son à Solon les prêtres de l’ancienne Égvpte. . On peut également rattacher à la période de bronze les restes de l'Ursus spelœæus que lon découvre dans la plupart des cavernes de l'Allemagne, de la France et de l'Angleterre. Quoique cette espèce soit complétement éteinte, on ne la rencontre pas moins avec le Renne et Flan, qui offrent cette particularité remarquable de ne plus vivre maintenant dans les contrées où leurs débris sont disséminés, ayant depuis lors été refoulés plus au nord. Cet Ours parait, dans certaines circonstances, avoir vécu avec le Rhinoceros tichorhinus et l’Élephas primigenius qui, l'un et l’autre, sont dis- séminés dans les mêmes limons- Nous devons à M. le professeur Steenstrupp (de Copenhague) la connaissance de faits non moins curieux que ceux dont nous venons de faire saisir l’importance. Is nous apprennent, en effet, que plusieurs espèces végétales et animales se sont éteintes dans des temps bien postérieurs à l'apparition de l’homme, et que d’au- tres ont disparu depuis lors des lieux qu’elles habitaient primiti- vement, et ont été remplacées par de nouvelles espèces. Ainsi, l£Emys lutaria borealis Nilson, le Castor fiber Lin., le T'etrao urogallus et l’Alea impennis, qui jadis avaient habité le Danemark, ne s’y trouvent plus aujourd'hui (1). On le conçoit (1) Le grand Pingouin (Alea impennis), que l’ontrouvait naguère dans l'une des îles du Danemark située près de l'Islande, nommée en raison de cette circone stance, île du Pingouin ou Geirfügleskjer, ne s'y rencontre plus aujourd'hui. On ne le voit pas davantage ailleurs, quoique nos musées en renferment quel= ques individus empaillés. Les ossements de cet oiseau qui, comme le Dronte, ne volait pas, sont assez nombreux parmi les débris osseux agglomérés à dessein. Ces débris ont été souvent raclés pour en enlever les chairs. (Voyez le mémoire, publié en 1857 à Copenhague, sur l'histoire de cet oiseau, par M. le professeur Steenstrupp. 90! MARCEL DE SERRES. facilement, quant au Coq de bruyère, qui se nourrit principale- ment des Jeunes pousses des Pins, puisque ces Conifères ont com- plétement disparu de cette contrée. Ce qui est non moins remarquable, une foule d'arbres dicotylé- dones, tels que les Hètres, les Bouleaux, les Aunes, les Noisetiers et les Chênes, leur ont maintenant succédé, Un pareil changement dans la végétation à dû nécessairement exercer une grande in- fluence sur les animaux; aussi certains d’entre eux se sont éloi- gnés et ont disparu peut-être pour toujours des lieux qu'ils fré- quentaient auparavant, et dans des temps historiques qui ne paraissent pas remonter bien haut. On peut rapporter l’époque où ces espèces vivaient en Dane- mark à celle où l'homme a réuni de grands amas d’ossements, après s'être nourri des chairs qui les recouvraient.. On découvre dans ces amas le Bos primigenius, dont les dimepsions, et surtout celles de ses cornes, étaient des plus considérables. Ce Bœuf n'élait accompagné d'aucune race domestique, si ce n’est par quelques vestiges du Chien. On n°y aperçoit pas, en effet, le Bœuf ordinaire, le Mouton, la Chèvre, le Cochon et le Cheval. On y rencontre, toutefois, le Sanglier, et ce qui est non moins particu- ler, l'Huitre ordinaire, la Moule et la Bucarde comestible (Myti- lus edulis et Cardium edule); enfin, les quatre espèces de vertébrés que nous venons de signaler. Les amas d’ossements du Danemark sont disséminés dans qua- rante localités différentes, et cela à des intervalles plus ou moins éloignés. Les plus distants de Copenhague en sont à trente où qua- rante lieues, et les plus rapprochés se trouvent à environ cinq ou six lieues. Ces amas forment de si grands tas, que leur hauteur moyenne, d'environ 4 mêtre à 1°,50, arrive parfois à celle de 3 mètres à 3",20. Leur étendue n’est pas moindre, dans certaines localités, de 525 à 350 mètres. Ils présentent partout les mêmes circonstances et les mêmes animaux. On y distingue le Chat sau- vage, le Lynx, généralement d’une grande taille, le Blareau, ainsi que plusieurs espèces du genre Cerf. Ces différentes races ne sont pas représentées cependant en Danemark, ni dans la plus grande partie de l'Allemagne. RECHERCHES SUR LA BONELLIE (BONELLIA VIRIDIS) (À). L'animal que Rolando étudia le premier, et qu'il dédia à son collègue Bonelli, professeur de zoologie à Turin, est certainement l’un des types les plus singuliers de la faune maritime. Quand on l'observe vivant dans la mer, il est impossible de n'être pas vive- mentintrigué par cette longue partie fourehue qui s'échappe d’une lissure où d’un trou de rocher, et qui, allant au loin se reposer sur les objets environnants, se retire et disparait au moindre attou- chement. Presque tous les naturalistes à qui j'ai montré les dessins qui accompagnent ce travail m'ont répété : «C’est un être que nous avions toujours désiré connaitre ; la difficulté que nous avons eue à nous le procurer nous a seule empêchés de satisfure notre curio- sité, et de voir quelle pouvait être la nature d’un animal st bizarre- ment constitué. » J'ai rencontré la Bonellie (Bonellia viridis, Rolando) assez fré- quemment sur les côtes de Corse, dans les golfes d’Ajaceio et de Valinco, à Cmapo Moro, à Sagone, à Carghese ; mais jamais Je n'ai pu en obtenir un seul exemplaire, sa trompe fourchue restait seule entre mes mains. Dans mon séjour à Mahon, j'ai bientôt reconnu par moi-même (1) Voy. tome X, pl. 4 et suivantes. 4° série. Zooz. T. X. (Cahier n° 1.) 4 »0 LACAZE-DUTHIERS. et appris des pêcheurs que la Bonellie était très commune dans celte localité, où elle est désignée par le nom de Bañas ver- das (cornes vertes) ; toute la difficulté consistait à se la procurer. FPétais arrivé cependant à une connaissance assez exacte de ses mœurs etde ses habitudes, ainsi que de la faune et du fond du port de la capitale de Minorque, pour me procurer un assez grand nombre d'individus, Aussi ai-je pu en avoir dans mes aquarinms jusqu'à vingt qui ont vécu pendant fort longtemps. Ces conditions m'ont permis de satisfaire cette curiosité qu’é- veille foujours la forme st bizarre et particulière de la Bonellie. Il Historique. On ne trouve guére dans la scrence que trois personnes qui se soient occupées de la Bonellie : Rolando, M. Milne Edwards el M. Schmarda. Rolando (L) est le premier de tous qui, en faisant connaitre l'animal, a donné un aperçu de son organisation. Son travail, écrit en français et publié en 1821, se trouve dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences de Turin. Si je n'avais à eiter que cet auteur, je ferais l'analyse de son mémoire, afin de montrer en quoi différent les résultats qu'il avait obtenus de ceux que mes recherches m'ont fournis. Mais comme d’autres auteurs ont donné des figures de la Bonellie, où écrit des mémoires sur son orga- nisaltion, je m'abstiendrai de cette analyse, qui serait superflue. M. Schmarda a montré, avec raison, que Rolando avait déerit la trompe comme une queue, pris par cela mème la bouche pour lanus, et celui-ci pour la bouche. Quelle singulière deseription ne serait pas celle de l’homme, si l’on intervertissait ainsi la sigmii- cation des deux orifices de la digestion! Rappeler cette erreur est une raison plus que suffisante pour s'abstenir. Du travail de (4) Rolando, Sur la BoxezciA vinmis, dans Memorie della reale Academia delle sciense di Torino, 182, t. XXVI,p. 539. RECHERCHES SUR LA BONELLIE, o1 Rolando, il ne reste évidemment qu'une chose, la création du venre BONELLIA. Dans l'édition illustrée du Règne animal, M. Mine Edwards à donné des dessins qui sont le résultat d'observations faites sur un jeune animal. Je ne vois point que le savant professeur du Jardin des plantes ait publié ailleurs des détails plus étendus relatifs à son observation ; mais, dans l'explication des planches dont il s'agit, on trouve un redressement de la position de l’animal, et ee redres- sement à précédé évidemment ja publication de M. Sehmarda, Mas, tandis que le savant allemand fait remarquer les erreurs qui se sont glissées dans les appréciations de l’auteur français, 1l n'indique pas que ce dernier avait reconnu ce qui était la bouche et l'anus, et par conséquent remis bien avant fui Panimal dans sa position naturelle. Les figures de M. Milne Edwards datent de la publication du Kègne animal illustré par M. Victor Masson (1); elles sont antérieures au mémoire de M. Sehinarda, qui n'a été imprime dans les Mémoires des savants étrangers de l’Académie des saiences de Vienne qu'en 1852 1851 (2). Je ne veux point analyser ici complétement le travail de Pau- teur allemand ; je crois qu'il est préférable d’opposer les résultats qu'il a fait connaitre à eeux qui se trouvent dans mon mémoire, chaque fois que cela sera nécessaire. Je dirai seulement que le système nerveux ne mé parait pas décrit comme je lai vu; que les quoique présenté par Pauteur en b) organes de la reproduction n'ont pas été reconnus en grande partie, ou bien que les choses vues sont mal interprétées; enlin que l’une des dispositions si remarquables des poches anales à échappé à l’auteur, Cependant eelle-ei présente un fait de Ta plus (4) Voy. le Règne animal [édit. Victor Masson), Zoopavres, Échinodermes sans pieds, pl. 24, fig. 8, 3a; 3b, d'après un très jeune individu observé à Nice par M. Milne Edwards en 1840. (2) Zur Nalurgeschichte der Adria, von prof. Ludwig K, Schmarda, 1, Bo- nellia viridis (taf. IV=VIT), vorgelesen in der Sitzung der Mathematisch-natur- wissenschaftlichen Akademie (Mémoires de l’Académie de Vienne, 1852, LIL, p: 449): 92 LACAZE-DUTHIERS. haute importance au point de vne de l’organisation et de la physio- logie générales. Le mémoire de M. Schmarda est accompagné de planches d’une fort belle exécution, et qui paraissent rendre l'esprit du travail de leur auteur. Cependant elles nous montrent l’animal entier d'une certaine façon qui ne me paraît pas donner un portrait très naturel de l'être vivant; cela m'engage à publier une figure de la Bonelle, telle que je lai examinée si souvent en Corse et à Mahon, dans la mer où dans mes aquariums. Je n'ai point trouvé dans les ouvrages d'histoire naturelle une figure qui donnât une idée exacte de sa lorme et de son port; j'aurais même désiré donuer la figure de mes aquariums remplis de Bonellies. C’est à regret quej’v renonce, car on aurait jugé encore bien mieux de la physionomie si étrange de l'être dont nous allons nous occuper. IT Extérieur de l’animal. I y a peu de chose à dire de l'extérieur du corps. Les auteurs qui ont écrit sur le sujet ont fait connaitre à peu près tout ce qu'il avait de particulier. Ce n’est donc que pour ceux des lecteurs des Annales qui n'auraient point les travaux de mes prédécesseurs, que je dirai quelques mots de la forme et de tout ce qui se rapporte à l'ensemble de l'extérieur. La Bonellle change incessamment de forme, et ce n’est que lorsqu'elle est morte qu’on peut reconnaitre que son corps est ovoide. Pendant ses mouvements, qui ne cessent jamais, ses tégu- ments se contractent comme les intestins des animaux supérieurs, et les changements péristaltiques qui en résultent, se propageant d’une extrémité à l’autre, font à chaque instant varier la position de la partie dilatée la plus volumineuse et de la partie con- tractée la plus petite. Dans la figure de grandeur et de forme naturelles qui accom- pagne ce travail, on voit les contractions péristaltiques arriver en RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 90 arriére de l’ovoide, elles eflilent le corps en une sorte de queue ; mais dans un autre moment, quand elles occupent le milieu de Ja longueur, l'animal se trouve avoir la forme d’un double ovoide. On verra plus loin quel est le but de ces changements perpétuels de forme, ils paraissent être la conséquence de la position nouvelle de la Bonellie. Le corps est d’un vert des plus vifs et du coloris le plus riche ; il est difficile de prendre une Bonellie, sans qu’une liqueur d’une belle teinte verte tache immédiatement les mains. Cette liqueur n’est pas très tenace, et disparait assez bien par les lavages. Je ne puis partager l'opinion de M. Schmarda, qui la considère comme fort adhérente (1). I n'y a, par exemple, aucune analogie avec la ténacité si grande de la couleur de la Pourpre, qui reste inalté- rable et imeffacable indéfiniment. M. Schmarda à fait faire l’analvse de cette enveloppe cutanée, et a cru, d'après les mvestigations de M. Gottlieb, son ami, pou- voir considérer la matière colorante comme une matière analogue à la chlorophylle des végétaux. Il me paraît que ces résultats sont peut-être un peu exagérés, et que les caractères comparatifs ne sont pas suffisamment tranchés et bien connus pour conduire à une semblable conclusion (2). Il n’est pas nécessaire non plus d'admettre un appareil glandu- laire spécial dans la peau pour la production de cette matière verte, qui n’est autre chose qu’un pigment coloré spécial à la Bonellie. La surface de la peau est mamelonnée, et les sortes de tubercules qu'elle porte présentent la matière colorante en couche plus épaisse ; aussi, quand lPanimal se contracte et se dilate successi- vement, la peau de son corps parait-elle parsemée de points d’un vert foncé plus où moins éloignés, et ce sont ces petits amas qui sont considérés par M. Schmarda comme un appareil sécréteur (3). (4) Loc. cit., p. 4121, article Secretions-Organe. (2) Loc. cit., p. 124. (3) Loc. cit., p. 121 : « Andere Secretions-Organe sind die Drüsen welche sich sehr zahlreich in der Haut befinden. » « Les autres organes de la sécrétion sont les glandes qui se trouvent en très grand nombre dans la peau. » 5/ LACAZE-DUFHIERS. L'épaisseur des téguments n'est pas tellement grande et considé- rable, que, lorsqu'on interpose une Bonellie de pelite taille entre son œil et la lumière diffuse du ciel, on ne distingue dans la cavité cénérale les principaux organes, lorsqu'elle est toutelois dilatée. La peau est légèrement striée longitudinalement ; mais les fron- cements qu'elle éprouve par suite des contractions lui donnentune apparence annelée transversalement, c'est-à-dire perpendieulaire- ment au grand axe du corps; alors l'analogie avee la même appa- rence du corps des Annelés et des Siponeles devient très grande et très manifeste. L'exitrémité antérieure est bien facile à distinguer de la posté- rieure, quand on considère que lune porte la trompe, tandis que l’autre présente un pore (lanus) entouré de petits cereles ou annelures dues aux contractions des fibres musculaires. À la base de l’insertion de la trompe se trouve fa bouche; cet orifice est caché dans le fond du cul-de-sae qui termine, à son point d'union avec le corps, la gouttière proboscidienne (4). La trompe, aplatie de haut en bas, un peu convexe en dessous et bom- bée en dessus, à ses bords recroquevillés inférieurement ; c’est de cette disposition que résulte la forme en gouttière. Le reploiement des bords se continue dans les branches, qui présentent aussi une légère gouttière, mais seulement du côté postérieur, Le côté ventral ou inférieur du corps est également facile à distinguer et à déterminer; c’est lui qui a été montrédans la figure de grandeur naturelle (2). On le reconnait toujours sur les grands individus, dans quelque état qu'ils soient, d’abord à la présence de la gouttière proboseidienne, dont la cavité est un peu moins vive- ment colorée que le dos; ensuite à eette particularité que le corps lui-même laisse voir comme une ombre de ligne blanehâtre qui s'étend de la bouche à l'anus; enfin à ce que l'on aperceoit à un ou deux centimètres, suivant la taille ou l’état de contraction des individus, en arrière de Ta bouche et sur les côtés de cette ligne (4) Voy. Ann. des sc. nat,, 4° série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 4, (2) Jbidem, RECHERCHES SUR LA BONELLIE. D9 blanche qu'on peut nommer médiane, un orifice très distinet, habi- tuellement contracté comme Panus, comme la bouche (1), place tantôt à droite, tantôtà gauche de la ligne médiane. Dans la figure à laquelle il vient d’être fait des renvois, ilest à droite ; Fanimal est vu renversé sur le dos, ehose qu'il ne faut pas oublier. En avant et tout près de ee dernier, on remarque deux pointes ou soies qui rappellent des parties analogues dans les Vers, les Échiu- res, ele. Ces espèces d'aiguillons, qui sortent de deux petits fourreaux placés l'un près de l’autre de chaque eûté de la ligne blanche, ne sont pas parallèles à celle -e1; ils convergent un peu lun vers l’autre, et leur pointe est dirigée du côté de la bonche (2. Ainsi toutes ces particularités facilitent la détermination de la position de la Bonellie, que l'on aura toujours à considérer comme étant placée horizontalement, puisque ce doit être la position nor- male; et par conséquent les expressions en avant, en haut, en bas, en arrière, se rapporteront toujours à un animal posé comme il vient d'être dit. Revenons à la trompe, dont l'extrémité est importante à con- naître. Après un parcours simple, dans une longueur tellement variable, en raison de l’état d'extension ou de contraction, qu'il est impossible d'assigner une mesure quelconque ; après un per- cours souvent fort considérable, elle se bifurqne, et ses deux branches se dirigent, perpendicutairement à sa direction prinmiuve, à droite et à gauche. Les mouvements dont jouissent les branches, quoique moins étendus que ceux du reste de la tronipe, sont assez considérables pour qu'elles s'épanouissenten se courbanten arrière, et prennent une disposition arrondie des plus gracieuses, Leur surface est plus grande en largeur que selle du corps de I trompe elle-même. De leurs bords, l’un, antérieur, est ondulé et comme bouillonné, très légérement festonné, et lavé d’une teinte un peu blanche, surtout en dessous ; l’autre, postérieur, fait suite au bord latéral correspondant du corps de la trompe que l’on à vu ètre (4) Voy. Ann. des se. nat., 4° série, Zoo!., 1. X, pl. 4, fig, 1. (2) Vov. Zbid., pl.#, fig. 4. 5 1ù LACAZE-DUTINERS. reeroquevillé en dessous et former la gouttière ; il présente aussi une petite rainure ou gouttière qui est la continuation de l'exea- vation inférieure de la trompe. La gouttière de Ia trompe n’est done, si l’on veut maintenant, en partant de l'avant et allant en arrière, que le résultat de la réunion des deux demi-gouttières des branches de la fourche. Ainsi que l'on prenne la trompe ou le corps, il sera toujours simple et facile de pouvoir mettre en place la Bonellie, et de s'orienter pour rapporter les différents organes, les uns par rapport aux autres, dans leur position respectivement naturelle, IV Mœurs et habitation de la Boneïlie, Dans l'exposition des choses que j'ai à faire connaitre, je suivrai tout simplement la marche que l'observation n'a fait adopter dans mes recherches. Il fallait d’abord apprendre à connaitre les mœurs et les condi- tions d'existence, afin de se procurer des individus en assez grand nombre pour les études; voilà aussi pourquoi cette partie de lPhis- toire se trouve ici en commençant, J'ai pour habitude, dans toutes mes recherches, d'aller moi-même à la chasse ou à la pêche des animaux dont j'ai besoin. Sans doute, c’est en apparence une perte de temps ; mais lorsque l’on a bien travaillé toute une journée, quand l'heure permet de se hasarder, dans les pays chauds, sur les grèves et les falaises, on apprend toujours quelque chose, jamais on ne perd son temps compléte- ment; et dans de pareilles excursions on acquiert des notions toujours beaucoup plus exactes sur les animaux qu'on étudie, que lorsque l'on s’en rapporte exclusivement soit au dire des pêcheurs, soit à l'observation seule des animaux tenus en captivité. D'ailleurs, après un long travail, on à besoin de cet exercice qui repose l'esprit en fatiguant le corps, lorsque le travail de mi- nutieuse dissection à fatigué l’esprit en reposant le corps. 7 O1 RECHERCHES SUR LA RONELLIE,. É Les faits qui vont suivre sont donc le résultat de nombreuses observations répétées dans les conditions les plus naturelles. La Bonellie vit dans les rochers du eôté sud du port de Mahon : c'est là que j'allais la chercher, elle ÿ est assez abondante ; seule- ment il faut s’habituer à y reconnaitre au milieu de la multitude des Oursins qui forment comme un gazon, un tapis noir sur {ous les rochers du fond, Elle ne m'a pas paru habiter à de très grandes profondeurs : bien souvent je l'ai rencontrée à un décimètre sous l'eau ; j'en ai vu encore à plus d’un ou deux mètres, mais il m'a semblé qu'elles devenaient plus rares avec l'accroissement de |a profondeur. Les pêcheurs mahonais, que jintriguais beaucoup par mesrecher- ches, et qui m'interrogeaient sur latilité et le but de mon travail (ce qui me permettait à mon (our de leur demander des renseigne- ments), m'aflirmaient que las Banas verdas étaient extrêmement nombreuses dans lhiver, et qu’à une certaine profondeur on en voyait en grand nombre. Quand je me plaignais quelquefois de n'avoir pas fait bonne pêche, ils ne manquaient jamais de me dire qu'en hiver, alors que l’eau est claire, j'en aurais tant que je vou- drais, et que le seul obstacle à la réussite de mes recherches était l'état trouble de Peau (1). Est-ce la saison, ou bien, comme on me le disait, Pétat de l’eau qui m'empêchait de voir des Bonel- lies plus profondément? Je n’en sais rien. Toujours est-il que, dans les mois de juillet et d’août, la Bonellie m'a paru occuper une zone relativement peu profonde; quelquefois, quand le temps élait beau et les vents favorables, les eaux du port baissaient d’une manière très sensible ; alors c’est à quelques centimètres sous l’eau que j'ai pu recueillir des imdividus même très gros. La Bonellie cherche le plus souvent une habitation sûre pour son corps dans les trous des rochers ; dans ce cas elle est fort difficile à avoir, On ne peut l'obtenir qu’en brisant la pierre où elle s’est (1) Cet état est relatif. L'eau me paraissait parfaitement limpide, et les pé- cheurs me répétaient qu'elle était trouble (bruta) ; que c'était le soleil qui empé- chait de voir ; qu'en hiver, au contraire, on pouvait observer le fond à de très grandes profondeurs. ble) LACAZE-DUTHIERS. logée : quand celle-ci est assez petite pour pouvoir être portée à lerre , on oblient l'animal avec facilité, mais e’est l'exception. Heureusement, elle se place quelquefois entre les petites pierres queles remous de la vague entassent dans des ereux, mais elle ne se loge dans ces points qu'à la condition d’être à l'abri des gros temps et des grandes vagues : j'avais fint par reconnaitre, mais à ne pas m'y tromper, à une certaine distance, les points des berges où je lrouverais presque à coup sûr quelques individus. Quand un ébou- lement avait fait descendre du haut des falaises de gros blocs qui formaient comme des digues à la vague, tout en laissant en arrière d'eux un espace où l’eau elaire et bien renouvelée pouvait arri- ver, j'allais chercher avee confiance en ee point. On comprend en effet qu’en se plaçant entre de petites pierres amoncelées, grosses souvent comme des noix, la Bonellie eût pu ètre blessée par les mouvements de celles-ci, car son corps est assez mollasse, et en fin de compte assez peu résistant. C'était surtout dans ces refuges que j'obtenais avee la moins grande difficulté des mdividus son- vent superbes et de fort belle taille. M. Schmarda a fait des observations analogues dans l'ile de Lissa (Adriatique), en Dalmatie, mais il ajoute que sur les côtes de France on la trouve dans le sable (4). Je n'ai point fait cette dernière observation. La Bonellie ne se rencontre dans le port de Mahon que sur l’une des côtes, surtout sur la rive méridionale, J'aurai l’occasion de faire connaître plus en détail la faune et la constitution géologique de ee port, et l’on verra quels rapports curieux existent entre elles. Je ne puis cependant m'empêcher d'indiquer quelques traits de cette étude de géographie zoologique ; ils se rapportent à l'habitation de l’animal qui nous occupe. L'axe du port est dirigé à peu près de l’est à l’ouest, et un peu du sud au nord; mais, pour plus de simplicité, on peut dire la rive sud et la rive nord. Dans la première, on ne trouve que du eal- eaire très régulièrement stratifié, en couches horizontales et de formation assez récente (pliocène); au contraire, dans la seconde, (4) Loc. cit., p. 124, article Aufenthalt und Verbreitung. RECHERCHES SUR LA BONELLIE, 5 il va une grande irrégularité, et les formations sont anciennes et d'origine plutonique. Ce sont done deux terrains et deux roches complétement différents qui forment l’encaissement de ce port. Au milieu, surtout vers la ville, et à l’ouest par conséquent, se trouvent de petits îlots dont deux nous intéressent particulière ment: ce sont l'ile du Roi et la butte Rata. Le premier est grand, et porte aujourd'hui plus généralement le nom de l'Hôpital. Ce nom vient de ce que notre armée d'Afrique envoyait autrefois ses malades à Mahon pour ÿ passer le temps de leur convalescence. Des raisons politiques ont fait abandonner cette station par la France, et il ne reste plus que le bâtiment restauré et le nom. Rata est un petit mamelon à l’ouest, et très près de l'Hôpital. Ces deux îlots sont calcaires, comme la rive sud. J'ai relativement dragué et pêché beaucoup plus souvent sur le côté nord que sur l’autre, et jamais cependant je n’y ai trouvé une seule Bonellie. Les moyens d'exploration que j’employais étaient fort variés, je suis donc porté à croire que lorsqu'elle se trouve à proximité d’un terrain calcaire, c’est lui qu’elle choisit de préférence ; cependant je dois dire que les côtes de la Corse, dans les points du moins que j'ai explorés, sont granitiques, et que j'y ai vu souvent la Bonellie. Si la nature du terrain n’était pour rien dans le choix de l’ha- bitation, on pourrait peut-être voir dans les particularités que présente le port de Mahon une raison à cette distribution zoolo- gique. Plusieurs espèces de Mollusques acéphales perforants s'v développent en très grande quantité, et erensent leur gîte toujours et seulement dans les pierres calcaires. Les Lithodomes (ou Dat- tiles), les Gastrochènes, ete., perforent toutes les pierres, et la Bonellie trouve là d’mnombrables trous qui lui servent de refuge, lorsque l'animal qui les a faits est mort (1). Quand l'animal veut pénétrer, et cela est très vite fait, tout son (A) Voy. Ann, des sc. nat., 4° série, t. X, pl. 4, fig, 2. L'animal, fort petit de corps, est placé dans une pierre brisée pour faire voir sa position. On doit juger de l'énorme allongement que peut prendre la trompe, si, pour un individu aussi petit, elle peut atteindre de si grandes proportions. 60 LACAZE-DUTHIERS . corps exéeute des mouvements péristaltiques fréquents, les li- quides qui le remplissent se déplacent, et l'extrémité de l'ovoide qu'il représente s’effile ct s’atténue en s’allongeant en une véritable queue (1). Alors il pénètre à reculons dans les trous ou entre les petites pierres, puis il gonfle la partie introduite. Le liquide du corps s'écoule, pour ainsi dire, de la partie renflée dans la partie effilée, et tandis que celle-ci devient relativement énorme, l’autre au contraire s'effile, et peut alors S'introduire à son tour dans le trou dont l'orifice estsouvent très petit. J'ai bien des fois, en péchant, observé ce niou- vement, et quand mes recherches avaient lieu dans un point où un creux était rempli de petites pierres, si je tardais à recueillir les ani- maux, ils m'échappaient en s’introduisant ainsi qu'il vient d’être dit, Lorsqu'on trouve les Bonellies entre les petites pierres, Fa pa- lience et la lenteur dans le travail conduisent seules à les avoir. fl faut enlever les pierres avec précaution et les unes apres les autres, en inquiétant le moins possible l'animal : de la sorte on le voit se retirer peu à peu, et on le suit, pour ainsi dire, sans le perdre "jamais de vue. Sil'on vatrop vite, si on le touche, il rentre brusquement ; on perd sa trace, car sa trompe s’est allongée quelquelois d’une manière énorme et a suivi souvent un trajel très irrégulièrement oblique. Alors on cherche au hasard; bien souvent on ne trouve pas, parce que l’on fait un trou en sens inverse du point où est l'animal. Il m'est arrivé de chercher ainsi avec lenteur, etde suivre, en fouillant le sol à plus d’un et de deux pieds, et de me procurer des individus que, sans ces précautions, j'aurais sans aucun doute perdus. Une autre. raison qui doit engager à aller lentement, c’est qu'avec trop de précipitation, on trouble l’eau et l'on ne voit plus rien. Dans le commencement, j'ai perdu ainsi le fruit souvent d’un long travail pour avoir été trop précipitamment vers la fin de la recherche : plus ou arrive profondément et près du but, plus on rencontre du sable et de la vase que l’on agite et qui troublent l'eau ; on doit redoubler d'attention, et attendre même, s’il le faut, que l'eau se soit reposée, car on peut perdre en un instant tout le fruit (1) Voy. Ann. des se, nal., Zool., 4° série, t. X, pl. 1, fig. 1. L'extrémilé postérieure du corps est effilée, par suite des contractions. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 61 de son travail. Ce n’est pas 11 comme dans les mers qui ont des marées, c'est une tout autre façon de chercher qu'il faut employer. La Bonellie se déplace et ne reste pas toujours renfermée dans le même trou; cela ne peut être douteux pour moi, après des obser- vations répétées plusieurs fois à Rata. Dans un tout pelit espace, au sud de cet ilot, entre deux ou trois grosses pierres, éfait un creux où j'ai successivement rencontré, à quelques jours d'intervalle, cinq ou six individus ; le lendemain 1l n'y en avait pas, puis, quelques jours après, j'y en retrouvais. IIS y étaient done venus. Je re- marquai aussi, dans les grosses pierres, que ceux qui avaient été tracassés n’y étaient plus. Dans les aquariums, les Bonellies faisaient incessamment des mouvements comme pour pénétrer les fonds, et elles se passaient les unes sous les autres avec la plus grande facilité. Une seule est parvenue à sortir du vase, mais cela devait être dû à une chute : car si la trompe se portait en rampant dans tous les points, le corps restait constamment au fond, et comme souvent les trompes s’en- sageaient dans le bec par où se déversaient le trop-pleinet le cou- rant d'eau, je suis porté à croire que la sortie a été causée en ce cas par un entrainement en dehors du vase, produit par le poids de la trompe, Le mode ordinaire de locomotion ne peut expliquer le fait autrement. Je n'ai jamais vu ramper l’animal sur les parties laté- rales, et sur le fond il exécutait des mouvements qui n'étaient nullement la conséquence de la fixation d’un point quelconque de son corps, mais du déplacement du liquide intérieur et des mouvements péristaltiques indiqués. Les cornes de la trompe semblent seules se fixer et ramper en adhérant sur tout ce qu’elles touchent, comme si elles faisaient l'office de ventouses. L'animal les porte au loin quand il est en- fermé en sûreté dans un trou, etil s’en sert comme d'un organe de toucher en même temps que, sans aucun doute, il doit s’en servir dans l’acte de la préhension des aliments. Quand la trompe est allongée, sa tige est très grêle; elle l’est d'autant plus que l'allongement est plus grand. Les cornes, au contraire, paraissent s'épanouir en largeur, et relativement être 62 LACAZE-DUTHIERS plus grandes sans prendre un développement proportionnel en longueur. Rien n'est plus singulier (4), sur le fond de la mer, que ces longues bandelettes verdâtres et fourchues qui s'étendent sur les rochers, Ÿ semblent immobiles, et qui, au moindre attouchement, se replient avec la plus grande rapidité dans le trou d’où elles sortent. Les mouvements de la Bonellie n'ont rien d’analogue à ceux de la Sangsue, par exemple, et même de beaucoup d'autres Anné- lides. L'extrémité postérieure du corps ne fait point ventouse, aussi ne peut-elle quitter le fond des vases de verre, et l'on voit que sur ces fonds aucune des parties de la peau n’est adhérente. Je le ré- pète, il n’y a que le bord antérieur des cornes qui se fixe, sans aucune doute : il vient souvent jusqu'à la surface de l'eau après s'être glissé en rampant lentement sur les parois; alors, si la trompe se contracte, on voit le corps attiré vers les cornes, mais néanmoins jamais on ne le voit s'élever beaucoup dans les aqua riums, et il retombe bientôt. Ce doit être à l’aide de cette fixation de l'extrémité du bord an- térieur des cornes que l'animal se déplace ; mais probablement il ne doit atteindre ce but sûrement que sur des fonds peu inclinés ct raboteux ; les lames verticales de verre des aquariums ne lui permettaient pas de rester suspendu. Il ne m'a pas été donné de voir les mouvements de natation de l’animal analogues à ceux qu'exéeutent la Sangsue et beaucoup d’autres Annélides par des flexions répétées et ondulatoires, sui vant la largeur de leur corps ou de leur trompe. M. Schmarda dit « quelquefois la Bonellie nage par de vifs mouvements de la trompe. » Je n'ai point vu cela, et cependant j'ai observé longtemps les mêmes individus vivant dans de bonnes conditions (2). J'ai surtout trouvé la Bonellie sur le coté sud de la petite île Rata, plus rarement sur le inème côté de l'Hôpital; jamais je ne (4) Voy. Ann. des se. nut., 4° série, Zool., L. X, pl. 1, fig. 4 et 2. (2) Loc. cit., p. AD CE. manchmal schiwvimmt jedoch auch die Bonellia unier rascher Rüsselbewegqung. » RÉCHERCHES SUR LA BONELLIE. 65 Paie vue au nord de ces îles. Cependant le côté qui est immédia- lement en face sur la rive sud du port, et où je lai trouvée fré- quemment (les pêcheurs me disaient qu'elle est dans lhiver très abondante dans ee point), est exposé au nord. Cela doit étrenoté, parce que la Bonellie parait avoir des heures fixes dans la journée pour sortir de son trou, et que lexposition aux rayons du soleil semblerait devoir jouer un rôle dans le choix de son habitation : en vain on la chercherait en plein midi, jamais Je ne lai vue avant quatre heures ; e’était surtout à cinq heures, el presque toujours dans les endroits déjà dans l'ombre du soleil couchant, que je la trouvais. Cela conduit à admettre que cet ani- mal éprouve l'impression de la lumière, et qu'il la fuit, ainsi que beaucoup de Mollusques, et surtout d’'Annélides. J'ai fait, à ce sujet, une expérience avec mon pêcheur; elle mon- tre combien 11 faut contrôler les renseignements qu’on obtient des marins. I nrassurait qu'à toutes les heures de la journée on pou- vait la voir. Je lui promis récompense pour le lendemain, s'il me apportait des Bonellies, J'en avais besoin pour la matinée ; il savait les trouver el les recueillir peut-être mieux que moi: il revint les mains vides. Le soir mème, dans les lieux où nous eherehions cvsemble , où nous en trouvions habituellement et où il avait cherehé lui-même en vain dans la matinée, nous fimes une pêche lès heureuse. I eonvint alors que las Banas ne sortaient que dans la soirée. Cetle opinion, mieux démontrée par ce fait même, est, du reste, en rapport avec les observations de M. Sehmarda, qui appelle la Bonellie un animal nocturne (4). Avec les indications qui viennent d’être données, il serait facile à un paturaliste qui explorerait le port de Mahon de mettre la inain tout de suite sur la Bonellie. Jajouterat cependant encore que je Pat trouvée sur les berges est de la cala Figuera, fort riche en d’autres animaux ; mais que, vers l'entrée du port, à San-Felipet, où le calcaire reparait, ainsi que dans la Taulera et à Ta Mola, dans à cala San-Éstevan au (PY Loc” cit, p434. (Or LACAZE-DUTILIERS . sud, je ne l'ai jamais rencontrée; il faut dire que je n'ai pas multi- plié dans ces points mes recherches de quatre heures à cinq heures du soir. Toutefois, en face de Vila-Carlos, ou petite ville militaire, que l’on désigne dans beaucoup de cartes par le nom de Port- Mahon, et dans toutes les berges des points que l’on appelle cala Pedrera, cala F'onts, cala Corps, las Fontanellas, je ne l'ai point vue aux heures propices à sa recherche; c’est donc depuis la parle du rivage sud nommée Figuerota, en parcourant suecessive- ment Poza del Rey, Fonduce, Loza et cala Figuera, que j'ai fait les meilleures pêches. D'après les indications des pêcheurs, elle se trouverait dans toutes les autres parties sud du port; mais comme les berges y sont verticales et que le fond est profond, on v ferait, je crois, mauvaise pêche, par la grande difficulté qu’on au- rait à briser les pierres sous l’eau et à obtenir l’animal. M. Valls, consul français à Mahon, m'avait obligeamment procuré un pêcheur intelligent, celui qu'il employait aux sauve- tages dans les cas de naufrage de quelquesnavires français. Alonzo, c'est son nom, connaissait parfaitement le port : c'était un maris- cador, c’est-à-dire un chercheur de coquillages (mariscos); 1l maniait très bien les différents engins qu'il pouvait être utile d’em- ployer pour les recherches. Je lui at appris à chercher des Doris, et d’autres Mollusques nus; en général, il en connaissait les noms, et certainement il pourrait rendre des services aux naturalistes qui visiteraient Mahon. il Organisation. Ovcupons-nous maintenant de l'intérieur du corps de la Bonellie, et cherchons les particularités de son organisation. Quand on fend la peau sur un individu vivant, on voit des con- tractions violentes s'accomplir autour de la blessure, qui disparait bien vite. L'irrégularité du corps marque cependant toujours la place de l'endroit lésé. Aussi, en ouvrant les animaux de erande taille vivants, on les voit se réduire à des proportions RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 65 si petites, que l'on éprouve beaucoup de difficulté à en faire l’ana- lomie. Bien tuer un animal qu'on veut disséquer, est une chose des plus importantes; cela m'a conduit à bien des essais, et j'ai remar- qué que Ja liqueur saline de R. Owen semble paralyser subite- ment la Bonellie, seulement qu'il ne fallait pas la plonger trop longtemps et l'abandonner dans le liquide; qu'il fallait enfin lui faire subir des immersions successives. Après un certain temps on peut ouvrir le corps plus facilement, et sans qu'il se contracte (rop; mais comme on le place ensuite le plus ordinairement dans de l’eau pour faire la dissection, peu à peu, si lon n’a pas suffisam- ment multiplié ces immersions, la vie semble renaître, etavec elle les contractions. Du reste, les organes internes ne sont nulle- ment allérés par ces immersions successives, quand elles sont du moins assez rapides : cela se comprend ; ils baignent dans une quantité considérable de liquide, celui qui remplit la cavité du corps, et le réactif ne peut les atteindre qu'après un très long temps. L'alcool paraît conserver moins bien les Bonellies que la liqueur saline ; celle-ci m'a permis de rapporter des individus avec toute leur couleur et fort reconnaissables après six mois. J’en ai déposé, dans les collections de M. Valenciennes, au Muséum d'histoire naturelle, qui, à part un peu de contraction, donnent une idée très exacte de la nature. Quand on fend le corps sur le dos et la ligne médiane, depuis l'anus jusqu’à l’origine de la trompe, et qu'on étale à droite et à gauche les lambeaux de la peau, on voit tous les organes flotter, et le liquide intérieur très abondant s'échapper des interstices des différents viscères. L'intestin (4) frappe tout d'abord. Cest un long tube qui parait être enroulé en spirale et retenu de tous côtés aux parois du corps par des brides fibreuses, des filaments résistants, qui, du bord de ses circonvolutions, se portent dans tous les points de l'enveloppe cutanée. (4) Voy. Aun. des sc. nat., 4° série, Zool., L. X, pl. 2, fig. 4 (i). 4e ecrie. Zooz. T. X. (Cahier n° 2.) ! 5 66 LACAZE-DUTEHERS. Au centre des tours de celle spirale se montre un corps long et gros, habituellement un peu jaunâtre. Il semble former Paxe autour duquel s’enroulent les tours de la spirale; c’est la matrice, dont le rôle n'avait pas été connu, comme on le verra plus tard (1). En rejetant de côté ces deux organes , on voit sur la ligne mé- diane , dans loute la longueur du corps et dans la partie corres- pondante à cette ligne blanchâtre, indiquée déjà à propos de lexté- rieur de l'animal, un cordon blanc: c’est le système nerveux cen-- tral (2). Enfin dans les deux tiers postérieurs du cordon nerveux, el comme accolée au-dessus de lui, se trouve une petite traînée glan- duleuse blanc jaunâtre : c’est l'ovaire (3). On remarque enfin, vers le point d'insertion de la matrice aux téguments, comme deux bandelettes un peu mamelonnées, libres et flottantes, qui, de la face ventrale de la peau, viennent à l’intes- lin: ce sont deux gros vaisseaux (h). Voilà la plupart des organes que lon peut facilement voir sans autre préparation que l'ouverture du corps et l'écartement des gros viseères. Prenons-les isolément et étudions-les plus attentive- ment, afin de voir exactement leurs rapports et les fonetions aux- quelles is se rapportent. NI Organes de la digestion. Ces organes sont fort simples, et ilest difficile de faire des erreurs à leur égard. Aussi M. Schmarda a-t-il vu et fait eon- nailre à peu près tous les principaux faits qui se rapportent à cette partie de l’organisme. (13 Voy. Ann. des sc. nal., 4° série, Zool., t, X, pl. 2; fig. 1 (mn) (2) Ibid. pl. 4, fig. 2. (8)PT6id pl) 3/ig 210). l4) Lu 4) Ibid, pl. #, fig. 3 xæ. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 67 La bouche est placée, comme on la vu, sur la face inférieure de la trompe, au fond de la goutlière, tout contre son point d'union avec le corps (D). Elle est parfois saillante, mais cela est dû à un renversement de la première partie de l'æsophage, survenu après Ja mort. Quelques figures représentant ainsi la Bonellie ne doivent pas être considérées comine donnant une idée exacte des formes et de la disposition naturelles de Porilice antérieur des organes de la digestion. I n'y a pas de dents où de pièces cornées quelconques à l’orifice buccal, La peau forme eomme un petit bourrelet ellipsoïde dont le grand axe est dirigé d’arrière en avant, et par conséquent parallèle - ment à l'axe du corps et de la trompe; quelques replis ravonnés l'entourent, mais ce sont à des détails de peu d'importance (2). Le tube digestif lui-même s'étend d’une extréraité à l'autre du corps, en décrivant des eireonvolutions spiraloïdes dont les dessins de M. Schmarda ne donnent aucune idée (3) et que je vais cher- cher à bien caractériser. D'abord il est nécessaire de diviser l'intestin en trois parties distinetes qu'il est toujours facile de reconnaitre à la position et à la couleur. F’appellerai la première buccale, la deuxième anale, la troisième moyenne où hépatique. Les noms des deux premières, tirés de la position, car elles sont voisines de la bouche et de l'anus, paraissent préférables, car il est assez difficile de les comparer à un œsophage où au rec- tum ; il estmieux de n’employer qu'une expression vague qui n’in- dique en rien l’analogie que des noms semblables font toujours naitre dans lesprit. Du reste, ces trois parties sont fort différentes par la forme, la couleur, la position etla manière de s’enrouler. La partie movenne estjauntre, et rappelle complétement la dis- position bouillonnée et boursouflée du côlon de l’homme ou des (4) Voy. Ann. des sc. nat, 4° série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 4. (2) Ibid. pl. &, fig. 1. (3) Comparez les figures du travail de l'auteur allemand, loc. cit., pl. 5, fig. 4, et la planche 2, fig. 1, du volume X des Ann, des sc. nal., 4° série, Zool, 05 LACAZE-DUTHIERS . animaux supérieurs. Elle présente une bandelette droite qui semble la cause des plissements, en déterminant une traction, comme le ferait, par exemple, le cordon passé dans la coulisse d’une étoffe. A ces renflements et gonflements, ainsi qu'à la bandelette, on peut reconnaitre celte partie qui, du reste, décrit des circonvolutions tout à fait différentes et distinctes des autres. C’est elle qui paraît former les tours de spire que l’on aperçoit en ouvrant le corps. Voici quelle est sa marche. On Ja voit en avant commencer tout près du point d'insertion de la poche génitale, se dégager à sa droite (1), descendre dans un court intervalle pour faire un crochet (2), se courber, remon- ter ensuite vers le dos, et former ainsi, en passant à gauche, une première arcade au-dessus de la matrice (3); arriver sur le côté ventral, marcher un peu à gauche, en arrière et parallèlement à l’axe du corps (4), pour faire, comme précédemment, un crochet, remonter vers le dos en se portant à droite, et former une seconde arcade encore au-dessus de la matrice (5). Là, sur le côté droit, même répétition et troisième arcade allant de droite à gauche (6); ensuite plusieurs crconvolutionsetentortillements conduisent assez en arrière celle portion du tube digestif (7), qui, une derniere lois, se dirige à droite, en faisant non plus une arcade perpen- diculaire à l’axe du corps, mais qui, en s’avançant obliquement d'arrière en avant, passe alors en dessous de la matrice (8). A mesure que cette dernière anse marche plus à droite sur le côté ventral, les boursouflements s’atténuent; bien que toutelois la bandelette persiste toujours ; c’est dans ce point que commence la partie anale, sur laquelle nous allons revenir. De l’ensemble de ces courbes, de ces passages de droite à (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 2, fig. 4 (a). (2) Jbid., pl. 2, fig. 4 (b). (3) Zbid., pl. 2, fig. 4 (c). (4) bid:, pl, 2, fig, 1 (d}. (5) Jbid , blé 2e te): (6). Zbid:, pl. 2, fig. 4, (f). (7). Ibid, spl: 2, fig. 1 (g). (8) bide AE ON (h). RECHERCHES SUR LA BONELLIE, 69 gauche el de gauche à droite, résulte l'apparence d'une spirale, que lon eroirait exister réellement, si l’on ne déplissait et dé- brouillait avec grande attention toutes ces circonvolntions, Cette portion du tube digestif présente une couleur d’un beau jaune ; ses parois sont épaisses, et plus charnues que dans le reste de l'étendue. Soumise à l'examen microscopique, on trouve à l’intérieur une substance cellulaire formant une couche épaisse, qui a la plus grande analogiepar sa texture avee la substance hépatique des animaux inférieurs On sait que, dans quelques espèces de Molluscoïdes ou Tuni- ciers, dans la plupart des Ascidies, par exemple, le foie n’est pas isolé ou accumulé dans un seul point, et ne forme pas une glande particulière ; il semble que sa substance soit étalée en couche mince à la surface des premières parties du tube digestif. Eh bien ! de même ici, la surface interne de cette portion de l'intestin est plissée transversalement, c’est-à-dire perpendiculairement à l'axe du tube, et couverte par le parenchyme hépatique. J'ai donné les des- sins des bords de trois de ces plis, et l’on voit qu'ils sont cel- lalaires, et couverts d’un épithélium vibratile très grand (D), dont les mouvements sont très vifs sur les parties nouvelle- ment détachées d’un animal vivant, comme, du reste, cela se voit dans tous les Mollusques et la plupart des animaux infé- rieur. Les cellules isolées (2) paraissent formées d’une membrane mince, transparente et d’un contenu granuleux, qui donne la eou- leur. Dans quelques-unes, les granulations intérieures sont assez volumineuses, et présentent une teinte plus foncée, rappelant un peu ces mêmes granulations que lon voit dans les cellules hépa- tiques des Mollusques supérieurs. Tout porte à croire, surtout si l’on observe qu'il n°y a aucune elande accessoire annexée au tube digestif, et qui verse un liquide 9 (4) Voy. Ann. des se. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 2, fig. 2. \ (2) OA pl gt 70 LACAZE-DUTIIERS. dans sa cavité digestive, que cette partie est chargée de sécréter un produit nécessaire à l’accomplissement de la digestion. L’ana- logie, basée sur les faits qu'on observe dans d’autres animaux et sur la structure, nous parait conduire forcément à cette conclusion. Ces faits el cette opinion sont, du reste, d'accord avec ceux que l’on trouve dans le mémoire de M. Schmarda (4). La première partie ef la dernière du tube digestif sont blanches et lisses ; elles sont d’ailleurs à peu près couchées sur la face abdo- minale du corps, et si elles décrivent des eirconvolutions, c’est dans un même plan ; elles ne participent point à la formation des tours de spire qui viennent d’être décrits. Après la bouche et à l’origine de la trompe, la eavité du corps est en infundibulum ; e’est dans cet enfoncement que le commencement de la première partie se trouve placé, et qu'il est retenu par une multitude de brides fibreuses rayonnantes (2). Immédiatement après la bouche, le tube se renfle un peu, et se porte aussi légèrement à droite, en s’inelinant vers la face imfé- rieure; puis il diminue de volume, et se courbe, en passant à gauche, au-devant de l'insertion de la matrice, pour se diriger ensuite en arrière (3). Après un trajet assez court, il se courbe brusquement, marche directement versie côté droit, change encore subitement de direction, et se porte alors à gauche, parallèlement à lui-même et perpendiculairement à l’axe du corps. Après cela, dans un trajet nouveau, équivalant à peu près au tiers de la longueur totale du corps, ilest parallèle à l'axe du corps. Après s'être dirigé en arrière, il revient directement en avant, en s’accolant à lui- inême jusqu'à l'origine de la matrice , et cela deux fois de suite ; en sorte que dans la partie antérieure, sur la face inférieure, on trouve trois tubes placés à côté lun de l’autre, et parallèles à l'axe du corps (4). La troisième inflexion est plus irrégulière que les (1) Loc. cit., p. 149. L'auteur appelle cette partie de l'intestin. Leberdarme (Pintestin foie). (2) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 2, fig. 4. (3) luid., ple 2, figa dt (4) vid, pl. 2, fig. À (4. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. Ti autres, el le tube digesüf, toujours blanc, mais plus flexueux, se porte à droite, puis revient transversalement à gauche ; se dé- gage alors, ef à droite de la matrice commencent les cireonvo- lutions de la portion moyenne jaune décrites plus loin. Ainsi a portion moyenne se trouve toujours au-dessus dé l'organe de la 2énération, par opposition à la première, qui est au-dessous. Quand nous étudierons les organes de la cireulation, nous lixerons d'une manière très nette le point où ces deux portions du tube digestif s'unissent. Ajoutons cependant que la bandelette longitudinale commence avec le boursouflement, 1à où finit la partie antérieure (4). La portion anale est rectiligne à partir de lanus jusqu’au tiers environ de la longueur du corps, et occupe la ligne médiane. Arrivée au point le plus avancé dé sa course, elle se porté à droite, et, après avoir formé deux ou trois anses (2), elle se con- fond avec la partie jaune moyenne. Telle est la disposition générale du tube digestif ; elle m’a paru constante, quand je l’ai observée sur dés animaux convenablement morts, je veux dire médiocrement contractés et non altérés par décomposition. Cependant il faut le dire, les contractions font beaucoup varier toutes ces courbes et ces anses; mais les trabécules, les brides charnues, les maintiennent dans une position qui au fond reste constante. Il est done mieux de dire que le tube digestif est sus- pendu au milieu du liquide du corps, que de le présenter comme flottant dans cette cavité. Quant aux brides ou trabécules qui le fixent, leur apparence est aussi extrêmement variable avec leur état de contraction ou de relâchement. Dans quelques parties, elles forment comme des zones parallèles aux ares de l'intestin, quand celui-ci est voisin de la ligne médiane, comme pour la partié anale par exemple ; alors (4) Voy. Ann. des se. nat., 4° série, Zool., t. X, pl 3., fig. 4. (2) Ibid., pl. 2, fig. 4 (n). 72 LACAZE-DUTHIERS. ces brides, placées parallèlement les unes aux autres et assez rap- prochées, forment un véritable mésentère qui unit l’intestin à la paroi du corps. Ce mésentère s’insère à côté du système nerveux, et présente l’apparence d’une membrane interrompue de loin en loin (4). De même pour la partie antérieure, les arcades de la portion moyenne semblent libres à leur eôté ventral ou concave, et adhérentes à la peau du dos par leur bord convexe ; en sorte que l’ensemble des brides dorsales de cette partie forme comme des replis mésentériques, à peine membraneux dans quelques points, et perpendiculaires à l’axe du corps. Ces replis semblent continuer la spirale décrite par le tube digestif jusqu’à l'enveloppe générale (2). Le tube digestif m'a paru le plus souvent peu rempli de matière, en sorte que les aliments de la Bonellie doivent être probablement en grande partie de fort petite taille, et peu propres à former, comme on le voit dans les Annélides, les Siponeles, ces bols excrémentiliels énormes. Un Helminthe, que je n’ai pas déterminé, vit en parasite dans le tube digestif de la Bonellie. I occupe surtout la portion la plus voisine de da bouche, et souvent je lai vu entrer, sortir par cet orifice, rester dans les replis de la trompe, mais sans jamais s’éloi- ener de l'animal qui lui donne asile. Presque toutes les Bonellies présentaient ce parasite, et quelques-unes en grand nombre. L'extrémité anale du tube digestif offre sur ses côtés deux or- oanes glandulaires(3), que l’on a décrits soit comme des organes reproducteurs, soit comme des branchies. Nous reviendrons plus loin sur leur histoire, qui offre véritablement Fun des faits les plus intéressants et les plus importants de l’organisation. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. X, pl. 4, fig. 3 (a). (2) Ibid. , pl. 2 , fig. 1. Les filaments ont été représentés en nombre bien moins grand que dans la nature, afin de ne pas rendre la figure confuse ; on v distingue néanmoins la disposition que j'indique. (3) Voy. les planches 2, fig. 1 (3), pl. 3, Mg. 2 (5), pl. 4, fig. 3 (3): En | © RECHERCHES SUR LA BONELLIE, VII Organes de la reproduction. Ce qui frappe le plus aprés l'intestin, quand on ouvre Je corps de la Bonellie, c’est la matrice. Elle ressemble à un long eylindre, lisse et à peine flexueux, naissant dans la partie antérieure, se dirigeant vers l'anus, qu'elle atteint parfois, et oceupant la partie centrale libre de toute trabéeule et de toute bride, que limitent les tours et détours de la portion moyenne du tube digestif. M. Edwards la notait comme étant un cæcum dans le Règne animal; M. Schmarda en à fait l’un des organes fondamentaux de la reproduction : pour lui, c’est l'ovaire (4), qui porte sur son coté un testicule. Tout cela parait devoir être modifié : le nom qui vient d'être donné fait pressentir la fonetion; mais il faut donner une démonstration qui, je espère, ne pourra manquer d'être positive après les détails qui vont suivre, el qui résultent des études faites et répétées sur le vivant. Cette matrice est un long cul-de-sac, à parois assez épaisses, musculaires et fortcontractiles, qui s'ouvre en arrière des stylets abdominaux que l’on voit à la face ventrale, à peu près à un cen- limètre en arrière de la bouche, sur les beaux individus (2). A ce propos, il est difficile de comprendre la figure de M. Schmarda, qui montre en dessous, en arrière de la bouche, deux orifices; il doit y avoir sans doute erreur (3) de gravure. Le plus souvent la poche est gonflée par les œufs qu’elle renferme en grand nombre. Quand ceux-ci sont en moins grande quantité, ou quand ils se sont échappés, par suite d’une blessure ou toute autre cause, on la ( ( fic. L 2 ) Loc. cit. Eicrstock (p. 122). ) Voy. Ann. des sc. nat., ° série, Zuol., t. X, pl. 1, fig. 4, et pl. #4, 1 (3), Lo: tMiplOR fre. 7! LACAZE-DUTHIERS. voit se contracter par places éloignées, el alors elle devient mo- niliforme (4). Elle se rétrécit en arrière vers son extrémité ou sommet, en finissant en eul-de-sac. En avant elle se termine, à son point d'inserlion, et au pourtour de son orifice elle perd un peu de son ampleur, En général, il n°v à qu'une matrice; mais dans un exemple que je conserve, il s’en est trouvé deux qui sont latéra- lement symétriques. Ce cas est exceptionnel et fort rare; aussi on peut considérer cet organe comme étant simple, et le plus souvent attaché à droite du système nerveux, et en arrière du lacis des muscles des stylets abdominaux (2). Vers l'extrémité antérieure, tout près de l’orifice, ordinairement vers la gauche, on voit, à tout au plus un demi-centimètre du point de l'insertion, un petit disque froncé, festonné sur son bord, à rayons concentriques, et ayant le port d’une petite fleur épa- nouie, dont le pédoneule s'implante sur la base de la matrice (3). Qu'est-ce que tout cela? Où est l'ovaire? Où est le testicule ? Voilà les questions que l’on doit se poser, que M. Schmarda à voulu résoudre, mas dont il n’a point trouvé la solution. L'examen microscopique donne seul, dans ces questions sur la reproduction, des réponses exactes et conduisant à la vérité, I semble que M. Schmarda a dû les négliger, car il n'aurait point appelé un ovaire ce qui n’est quele réceptacle des œufs, et ainsi du reste. Pour faire connaitre la structure de l’ovaire, il faut connaître d'abord cette glande, et j'avoue que je portait tout naturellement en premier leu mon attention sur la matrice, afin de voir si elle n'était pas un renflement, une énorme distension d’un oviducte qui aurait effacé la glande. (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. X, pl. 3, fig. 2 (m). Dans toutes les figures, la matrice est facile à reconnaître. (2) lbid., pl. 4, fig. 3:(j) matrice, (p) sacs des stylets et leurs muscles. (3) lbid., pl. 3, fig. 2 (p). Consultez aussi les autres planches où la ma- trice est représentée. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 75 En cherchant ainsi à tourner et à retourner cette poche sur un animal vivant, je la vis se contracter, et lancer par le centre de cette petite fleur pédonculée une série d'œufs. I y avait done là un orifice, et je me demandai si les œufs allaient de Ia poche dans la cavité générale , ou bien si c'était l’inverse. Ne trouvant rien qui püt me faire considérer la poche éomme un organe producteur des germes, je cherchai entre les replis mésentériformes qui fixent Pintestin sur les parois du corps, et bientôt je reconnus sur la ligne médiane, dans les deux tiers pos- térieurs de la longueur du corps, une petite trainée jaunâtre, d’ap- parence glandulaire, que je soumis à l’examen microscopique, et immédiatement je reconnus l'ovaire à ses éléments caractéris- liques (4). Nous verrons plus loin sa structure toute particulière. Pour le moment, établissons un fait physiologique fort curieux dans ces animaux inférieurs, et qui explique celte circonstance que, toutes les fois que l’on ouvre une Bonellie, même avec les plus grands soins, on voit s'échapper des œufs avec le liquide de la cavité générale. D'abord j'avais cru à des blessures et à des rup- tures des organes de la reproduction ; plus tard, la chose devint toute naturelle. Les œufs développés dans un ovaire, sans canal excréteur, tom- bent dans la cavité générale du corps ; ils flottent d’abord dans le liquide de cette cavité, et puis ils sont recueillis par une trompe, dont le pavillon, tout à fait semblable à celui que l’on observe dans les animaux supérieurs, est, comme chez ces derniers, cou- vert de cils vibratiles, et se trouve en communication avec une chambre d'ineubation où matrice. Le fait ne peut être contesté, puisque lovaire est éloigné du sac toujours rempli d'œufs, et que ceux-ci sont rencontrés, d'une part nageant dans le liquide de la cavité générale, de Pautre dans la matrice. Ainsi, de même qu'il y a, dans la plupart des Vertébrés, scission, interruption entre les organes producteurs des germes qui sécrèlent et la portion qui excrète, de même ici l'absence (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. X, pl. 3, fig. 2 (o). 76 LACAZE-DUTHIERS. d'un oviduete ne peut faire de doute. J'étais loin de m'attendre, je l'avoue, à une pareille disposition. Vue au microscope, la surface supérieure du pavillon de la ma- trice parait couverte de plis radiés hérissés de gros et longs cils, qui déterminent des courants vers lorilice central que l'on trouve toujours contracté, mais qui, après la mort, permet l'introduction de la tête d’une épingle fine à insectes. M. Schmarda devait être embarrassé sans doute, puisqu'iln'avait point connaissance de sa disposition, ausst 1} appelle celte partie ce qui doit étre le testicule (1); il la désigne ainsi dans le texte et dans les figures, mais toujours dans ces dernières avec un point d'inter- rogation. Chacun maintenant peut comprendre que cette détermi- nation de la fonction n'était pas conforme à ce qui existe. M. Sehmarda dit bien n'avoir pas pu voir de filaments sperma- tiques; mais il semble en donner la raison dans ce fait, que les œufs trouvés dans l'ovaire (la matrice pour nous) étaient tous fort avancés dans leur développement, et par conséquent que la fécon- dation avait dû avoir lieu précédemment (2). Bien que j'apporte ici une critique sur des travaux antérieurs, je suis loin d’avoir élucidé complétement la question de la repro- duction de la Bonellie ; on le verra par les considérations qui ter- mineront l'étude de cette partie de l’organisation. L'ovaire est fort petit, et doit sécréter les œufs d’une manière continue. Je ne l’ai trouvé jamais plus épais que d’un demi-milli- mètre, peut-être rarement sur les gros individus, d’un millimètre ; quant à sa longueur, elle estdes deux tiers environs de la longueur totale du corps. I est fixé par un petit repli mésentériforme au-dessus de la gaine névrilématique du système nerveux central. M. Schmarda l’a vu sans aucun doute, car il assigne dans cette partie du eorps la teinte et apparence de Povaire à l'enveloppe du cordon gan - (1) Les planche 5, fig. 4 g (Hoden? testicule), planche 7, Gg. 4, 2 d (Hoden? testicule), et 3 (Hoden, testicule grossi, 58) (2) Voy: oc.rcit. p.14 22 RECHERCHES SUR LA BONELLIE. TA glionnaire nerveux. Je ne voudrais pas pousser trop loin la critique de son travail; cependant la figure du ganglion nerveux qu'il donne ressemble singulièrement à une parcelle de l'ovaire vue à un faible grossissement (4). Le méso-ovare se prolonge sur la ligne médiane en arrière, en dessus de la partie tout à fait voisine de l'anus, et semble re- monter un peu vers l'intestin (2), auprès duquel l'ovaire se termine. La surface de cette petite bandelette glanduleuse parait toute mamelonnée; à la loupe on reconnait très bien les saillies des œufs déjà avancés dans leur développement, après avoir toutefois appris à les connaitre par l’examen microscopique. La glande présente une structure qui paraît fort curieuse et probablement rare. L'œuf qui se développe, et qui n’est pas encore tombé dans Ja avité générale, n'offre rien de différent avec ce qu'il présente dans les autres animaux : enveloppe vitelline, vitellus, vésicule germinalive, tache germinative, tout cela se retrouve; aussi de ce côté rien de particulier. Mais la masse elandulaire de l'ovaire parait formée, dans les points où les œufs ne sont pas encore développés, par de toutes petites masses cellulaires qui laissent voir à leur centre un espace obscur analogue à une cavité. Ces petits amas sont bombés du côté du bord libre de l'ovaire, et c’est à la base de chacun d’eux que se développe un œuf; tandis que celui-ci augmente de vo- lume, celle-là reste sinon à peu près stationnaire , du moins ne prend relativement qu'un faible développement : aussi, quand l'œuf est devenu très volumineux, semble-t-il couronné par un mamelon celluleux creusé d’une cavité. On trouvera dans la planche 3 la représentation (3) d’un petit (4) Voy. loc. cit., p. 123. Le cordon nerveux, dit-il, contient dans la moitié postérieure, entre les fibres nerveuses et le névrilème, quelques parties d’un pig- ment jaune brunâtre ; et pl. 6, fig. #, apparence d'un ganglion à 200 diamètres. (2) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. X, pl. 4, fig. 2 (mo), ct pl. 4, g. 3 (mo). (3) Zid. pl 3, Mg. 4. fi 75 LACAZE-DUTHIERS. paquet d'œufs à différents états de développement, et paraissant enfermés dans une poche qui est la continuation du mamelon cel- lulaire leur point d’origine. La membrane vitelline est bien nettement distinete de cette en- veloppe extérieure, qui persiste encore quelque temps sur des œufs tombés dans la cavité générale du corps. Invest arrivé de pren- dre avec une pipette quelques-uns des œufs qui flottaient dans l’eau de mes cuvettes à dissection, et Je trouvais souvent au-dessus d'eux le mamelon cellulaire qui, à l’origine, constituait presque tout le grain glandulaire (4). Dans les préparations, après la déchirure de la glande pour l'examen au microscope, on rencontre souvent des œufs encore peu développés, fort allongés à Pur de leur pôles, et semblables à ces petits ballons oblongs à très long col dont se servent les chimistes (2). Leur partie effilée semble sortir de la dépression de la petite masse glandulaire dont il a été déjà question, et n'être qu'un prolongement d’une membrane tapissant la eavité. La masse cellulaire a l'apparence ordinaire; Fœuf lui-même offre une légère teinte jaune clair; sa vésicule transparente et sa tache germinalive ne peuvent laisser de doute sur sa nature : il semble dépouillé de la capsule qui l'entoure dans l'ovaire et qui descend des bords de la masse cellulaire vers le point d'insertion. Dans la figure qui représente celte disposition, on croirait que l'œuf s’est échappé de la cavité centrale de la petite masse, cependant il ne m'a jamais été possible de le voir naître dans l’intérieur de celle-er. En grossissant, les œufs éloignent du point d'insertion la petite masse cellulaire sous laquelle ils se sont développés, et, en se comprimant latéralement les uns les autres, ils s'effilent un peu, mais en restant toujours, par leur capsule, adhérents au mésentère. Cette disposition a été fidèlement représentée dans l’une des figures calquées à la chambre claire (à) et prises à un assez fort grossissement. (4) Voy. Ann. des se, nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 3, fig. 4. 2) Ibid., fig. 5. (2) (3) lbid., fig. 4. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 79 Quand les œufs sont arrivés à un certain développement dont il n'est pas possible de préciser le degré, la capsule de lovaire se rompt, etils deviennent libres. Tombés dans la cavité générale, ils prennent bientôt la forme complétement sphéroïdale; ils devien- nent tout à fait ronds et offrent des proportions énormes : aussi est- il impossible de les examiner dans leur ensemble à un fort gros- sissement (4). Dans la eavilé de la matrice ils paraissent absolument de la méme taille, et privés du capuchon cellulaire dont il a été question. Le vitellus, quand il est bien développé, est formé de gros globules très transparents, isolés et clair-semés comme des gout- telettes de matière huileuse (2); de plus, lorsqu'on l’examine à un fort grossissement, on n’aperçoit entre les gouttelettes, comme formant un parenchyme à éléments peu distincts, des apparences de cellules ples et peu marquées, empilées les unes sur les autres et légèrement polyédriques (3). Vers le milieu, lantôt plus ou moins de tel ou tel côté, on voit un nuage Jaunâire d'autant plus foncé, que l’on approche davan- tage du centre (4). C’est au milieu de lui que se trouve la vésicule transparente, toujours blanche et claire, qui se fait reconnaitre sans peine quand on comprime légèrement et qu’on aplatit un peu la sphère vitelline. Cette zone jaunâtre est due à des granula- tions colorées (5) interposées entre les légères apparences de cellules dont il a été précédemment question, et qui occupent toute l'étendue du vitellus. Ces granulations vont en diminuant de nom- bre à mesure que l’on s'éloigne de la vésicule transparente et qu'on s'approche davantage de la périphérie. Au contraire, les grosses goultelettes huileuses semblent être plus nombreuses à la périphérie qu’à l'intérieur. Je n’ai pas distingué les nOVAUX où taches germinatives de là vésicule transparente, quand j'ai pris (1) Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 3, fig. 6: œuf vu à un très faible grossissement. (2) Did, fig. 8 (f). 00 LACAZE-DUTHIERS. des œufs bien développés dans la matrice ou dans la cavité gé- nérale. L'évolution embryonnaire de ces germes ne s’est point pré- sentée à mes observations. M. Schmarda a été en cela plus heu- reux, car il a donné des figures qui montrent les jeunes embryons de Bonellies encore enfermés dans l’enveloppe de l'œuf. Si Pon en juge par ses dessins, le développement serait assez simple, et c’est sur des œufs enfermés dans la matrice, qu'il appelle l’ovaire, qu'il a fait ses observations (4). Le nom de matrice est done juste. Et maintenant voici des questions qu'on peut soulever, mais qu'il est difficile de résoudre : Où sont fécondés les germes ? Où est l'organe mâle producteur de fa liqueur spermatique ? En vain j'ai examiné au microscope toutes les parties, nulle part je n'ai rencontré ce spermatozoïde habituellement si caraelé- ristique, qui ne peut laisser de doute dans l'esprit. Dans le pavillon de la trompe, il n’y à pas la moindre appa- rence d'un testicule, d’ailleurs les fonctions sont bien évidentes. Ne seraient-ce pas les parois mêmes de Ta matrice qui seraient chargées de la sécrétion du fluide fécondant? Je les ai examinées au microscope, et j'y ai trouvé des sortes de baguettes assez étran- ges, assez bizarres par leur forme, mais je n’oserais certes point affirmer qu'elles sont l'élément caractéristique de la liqueur mâle fécondante. Aujourd'hui que les faits de la génération alternante, de la par- thénogénèse surtout, se présentent à Pesprit de quiconque cher- che à résoudre les questions relatives à la reproduction, on doit être fort réservé dans l'appréciation d’un fait Gouteux, et être fort circonspeet dans les conclusions que lon donne. Les mâles seraient-ils infiniment moins nombreux? disparai- traient-ils à certaines époques de Pannée? Voilà bien des questiens secondaires qui ne me permetleut pas de me pronencer aflirma- (1) Voy. loc. cit, p.124, et pl. 7, fig. 5, 6,7, 8 et 9. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. S1 tivement. Peut-il y avoir chez les males des organes copulateurs, et cette matrice est-elle à la fois poche copulatrice et chambre d'incubation? J'avoue qu'à cet égard, je ne saurais faire que des hypothèses. Je me contente done de décrire la strueture de la paroi interne de ce réservoir des œufs, d’en indiquer les éléments, tout en m'abstenant de porter un jugement définitif, afin de ne point pré- senter des faits peu certains comme une démonstration rigou- reuse et qui ne représenteraient peut-être pas l’expression de la vérité. C'est en avançant affirmativement des choses douteuses que l’on embrouille la science et que lon maltiplie la bibliographie critique. Ne vaut-il pas cent fois mieux dire : Là s'arrête mon observation, à d’autres de la continuer? Alors les lacunes parais- sent, elles offrent des voies ouvertes aux chercheurs ; tandis que ces aperçus hypothétiques , tout en augmentant les comparaisons et les appréciations des travaux antérieurs, enrayent les progrès de la zoologie, déjà si encombrée, Je dois ajouter que j'ai cherché dans toute l'étenduede la glande femelle si elle ne renfermait en quelque point des lobules testieu- laires ; elle m'a paru être exclusivement femelle, et par conséquent la Bonellie n'est point hermaphrodite par sa glande, à moins toutefois que je ne sois tombé sur des individus dont la partie tesliculaire élait au repos et déjà atrophiée: cela me parait difficile, puisque je rencontras des œufs au premier degré de développement et qui évidemment avaient besoin d’être fé- condés. La face interne de la matrice est lapissée par une couche de cellules assez fchement unies, reprenant une forme assez régu- liérement sphérique (1) quand elles sont placées dans l’eau, offrant chacune un petit noyau distinct et des granulations fines formant vers leur centre un petit nuage. Il se trouve, mélangés à celte couche, des bâtonnets singu- (1) Voy. Ann. des sc. nal., 4° série, Zool., t. X, pl. 3, fig. 9 {[uo). LA s° série, Zooz. T. X. (Cahier n° 2 6 02 LACAZE-DUTHIERS . liers (L), cylindriques, avant des extrémités mousses etune très légère teinte jaunâtre. Sans aucun doute ces éléments ne sont pas d'abord droits ; on les rencontre courbés (2), tantôt vers le milieu de leur largeur, Llantôt tout près de l’une de leurs extrémités ; souvent l’une de celles-ci est renflée en massue, non pas par sa propre substance, mais par celle d’une cellule aux dépens de laquelle elle semble s'être développée (3). Les corpuscules sphériques forment une sorte de parenchyme au milieu duquel s’entrecroisent ces ba- ouettes, tantôt droites, {tantôt courbes, et tantôl enfin engagées par l’un de leurs bouts dans un corpuseule cellulaire granuleux. J'avais cru trouver là une certaine analogie avec le dévelappe- ment des spermatozoïdes, et tout d'abord il m'était venu dans la pensée que la paroi du réceptaele produisait la liqueur fécondante ; mais quand il s’est agi d'affirmer, j'ai cherché et recherché s'il n'existait pas un testicule ailleurs, si ces bâtonnets pouvaient bien ètre considérés comme des spermatozoïdes; et le doute prenant le dessus, je me suis abstenu de toute opinion définitive, lPimmo- bihté absolue de ces baguettes se présentant toujours à l'esprit : car c’est la condition inverse que nous offrent en général, à quel- ques exceplions près, les spermatozoïdes. Voilà ce que j'ai vu ; à d’autres de déterminer exactement l'or- gane male. Ne s'est-il pas présenté à M. de Quatrefages, en étudiant lÉchiure, un fait tout à fait analogue, mais pour l’autre sexe, pour les femelles? En vain ce savant académicien a cherché l'ovaire, il n’a jamais rencontré que l'organe mâle, et prudem- ment il s’abstient de porter un jugement définitif sur la disposition des sexes et sur leur action réciproque. Je ne puis que renvoyer aux observations dont M. de Quatre- fages a fait suivre la description des organes génitaux de l'Échiure; (1) Voy. Ann. des sc, nul., 4° série, Zool., t. X, pl. 3, fig. 9 (dd). (2) Jbid., lg. 9 (b). (3) Ibid., fig. 9 (c). RECHERCHES SUR LA BONELLIE, 09 elles sont en tout applicables à la Bonellie, en n'oubliant pas toute fois que dans un cas c’est du mâle dont il est question, que dans l'autre c’est de la femelle (2). VIII Système nerveux. Lorsque l’on a enlevé le tube digestif et l’appareil reproduc- teur, iln°y a presque plus rien dans la cavité générale du corps, et le système nerveux, resté seul, se fait alors facilement remarquer. La préparation en est peu coûteuse dans la plus grande partie de l'étendue ; aussi son étude est-elle plus simple et à la fois plus facile que pour les autres organes qui nous restent encore à connaitre. Le système nerveux central forme un long cordon abdominal étendu de la bouche à Fanus (2); il occupe exactement la ligne médiane, et correspond à cette trainée blanchâtre qui parait à l'extérieur du corps 3): c’est le cordon lui-même vu par transpa- rence au travers des tissus. Comment se fait-il que M. Schmarda ait décrit le système ner- veux de la Bonellie en le considérant comme formé d’une chaine de ganglions extrêmement distincts (4), dont 1! fixe le nombre, et qu'il représente (on le croirait dans certaines de ses figures) unis entre eux par deux filets longitudmaux. J’avais fait mes dessins à Mahon, sans avoir sous les veux le travail du savant allemand, et, dans la crainte d’une erreur, j'ai de nouveau, sur des échantillons nombreux et bien conservés, constaté l’exactitude de mes pre- mières figures. En disséquant encore des individus entiers, J'ai recherché si je n'avais pas fait erreur ; il m'a été impossible de me ranger à la manière de voir de l’auteur allemand. (1) Voy. Ann. des sc. nat., 3° série, 1847, Zool., t. VII, p. 329 : Voyage en Sicile. — Mémoire sur l'Echiure de Gærtner. (2) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., L. X, pl. 4, fig. 4 (b). (3) Zbid., pl. 4, fig. A. (4) Voÿ. loc. cit,, p. 123, et pl. 5, fig. 4, pl. 6, fig. 3. 8 LACAZE-DUTRIERS. J'ai aussi disséqué des Siponeles, qui offrent la plus grande ana- logie, et chez eux j'ai rencontré une absence complète de ganglions, du moins dans la chaine abdominale centrale : quelques contrac- lions isolées ont peut-être pu donner lieu à des renflements pris pour des ganglions; mais dans les animaux morts et relchés, on ne trouve qu'un long cordon sans ganglions appréciables. On ne peut done s'expliquer la différence des résultats que par des dispositions exceptionnelles qui, je dois le penser, ne se seraient point offertes à mon observation. A droite et à gauche de ce cordon partent de nombreux filets nerveux qui se délachent tous perpendiculairement, et vont se perdre dans lépaisseur de la peau (4). Ces filets sont plus ou moins parallèles entre eux, suivant l’état de contraction des tégu- ments du corps, et s'étendent aussi à des distances plus ou moins orandes. Hs se divisent peu, et, quand cela arrive, leurs branches se séparent à angle très aigu, et semblent rester presque parallèles, car elles ne s’éloignent que peu à peu. On trouve sur le trajet de ce long cordon abdominal quelques filets qui vont à la matrice (2) ; mais je n’ai pu observer le grand filet impair qui se bifurque et se distribue à lintesin (3), d’après M. Schmarda. Cet auteur a cependant bien défini l'espèce de Bo- nellie qu'il a disséquée, la Bonellia viridis; et comme j'ai craint d'avoir fait erreur, après avoir vu ses planches, j'ai cherché de nouveau sur des individus bien conservés, qui présentaient avec la plus grande évidence des filets, même fort grèles, et je n'ai pas été plus heureux que la première fois. En arrière le cordon nerveux va s’atténuant et s’effilant très vite, à mesure qu'il approche de l’anus, et deux filets, variables par leur rapport et leur longueur, entourent la dernière partie de l'in- testin tout près de l'anus (4). Le cordon nerveux central est en rapport immédiat avee Pori- fice de la matrice et les poches des soies ; il passe entre celles-ci } Voy. Ann des sc. nal., 4° série, Zool., €. X, pl. 4, lig. 4. ) Voyloc. cit.,.p. 423 et pl. 6,ig. 3: ) Voy. Ann. des sc. nul., 4° série, Zoo!,, t, X, pl.#, figl4 (0): ) did, pl. 4, fe. Mi (e). RECHERCHES SUR LA BONELLIE, 85 et sous le muscle transverse qui les unit. Habituellement il se trouve à gauche de l’orifice de la matrice; cependant il y à des exceptions, car je lai vu à droite (4). IE fournit un ou deux filets assez gros et bien appréciables aux parois de la poche des œufs ; mais il m'a été impossible de les suivre un peu loin. Dans la partieantérieure du corps, la disposition est fort remar- quable , et encore ici je ne puis me trouver d'accord avec M. Schmarda. Arrivé en arrière de la bouche, tout à fait au-dessous de la pre- mière partie ou origine du tube digestif, le cordon nerveux se bi- furque, et fournit deux branches volumineuses qui restent acco- lées à la face inférieure des téguments, s'engagent au milieu des brides et fibres nombreuses qui rayonnent de la première partie du tube digestif, et gagnent la base de la trompe (2). La différence de direction des brides et des cordons nerveux ne permet pas de faire erreur, et après une dissection minutieuse, difficile il est vrai, il ne peut exister le moindre doute. Les deux branches de bifur- calion, vues et décrites ou dessinées par M. Schmarda, ne se rejoignent point en avant de la bouche, comme le prétend cet auteur, et je n'ai jamais pu les voir dans ce point, non-seulement se réunir, mais encore moins former un ganglion, d’où partirait le filet médian destiné à la trompe (3). Ce filet est décrit et sa position indiquée, soit dans le texte, soit dans l'explication des planches avec beaucoup de soin ; il se place- rait sous l'artère de la trompe qui occupe directement la ligne médiane. Les préparations que j'avais faites sur les lieux, et les nombreux individus entiers que j'ai rapportés, m'ont servi encore à vérifier ma première opinion, et je ne puis la modifier. Les cordons nés de Ja bifurcation du tronc principal (4) se portent à droite et à gauche de la bouche, en donnant en dehors C'est le cas du dessin (Ann. des se. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 2). 1) ) Voy. fig. 4 (f). ) } (2 (3 Loc” cit., p.129" (4) Voy. Ann des sc. nat , 4° série, Zool., t. X, pl #, 6e. 4. 86 LACAZE-DUTHIERS. de nombreuses branches aux parties voisines ; à leur angle de se- paration, on voit naitre aussi, tantôt de l’une, tantôt de l’autre, tantôt du cordon médian, un filet grêle qui va au tube digestif (4) Gil est très grêle, et je n'ai pu le suivre bien loin) ; elles gagnent, en croisant les fibres musculaires, les bords de la trompe, et par conséquent, après une course peu étendue, elles deviennent pa- rallèles en se Jogeant sur la face inférieure de l’appendice probos- eidien, à peu de distance du bord libre, et dans le fond de l’origine latérale de la gouttière qui résulte du reploiement de ces bords en dessous (2). Quand on les a disséquées une fois, on les distingue par transparence en regardant la trompe en dessous ; car sur cette face la matière colorante pigmentaire verte est bien moins abon- dante, et le lissu moins épais que du côté du dos. Ces deux bran- ches, en arrivant dans latrompe, ne donnent plus de filets nerveux appréciables à la loupe ordinaire, Je dis appréciable, paree qu'il est bien probable qu'elles fournissent l'élément sensitif à cette partie du corps; elles n'ont paru simples et tout à fait recülignes, coinme les bords de la partie qu’elles traversent. Arrivées à la bifurcation, elles restent parallèles aux bords postérieurs des cornes (3), qui sont eux-mêmes la continuation des bords latéraux du corps de la trompe; elles arrivent à l’extré- mité latérale (4), et passent sur le bord antérieur de celles-ci, qui est, comme il a été dit plus haut, un peu bouillonné et festonné, un peu blanchètre, et non recroquevillé en dessous, ainsi que le bord postérieur (5). Les nerfs suivent ce bord parallèlement à toutes ses inflexions, et par conséquent arrivent à la rencontre l’un de l’autre; ils ne changent pas de volume; alors ils se con- fondent, sans qu'il soit possible de dire dans quel point, puisqu'ils ont partout le même volume (6). Mais, particularité fort importante, tandis que de la base de la ) Voy. Ann. des sc. nat, 4° série, Zool., t, X, pl. 4, fig. 4 (à). ) Ibid. pl. 4, fig. A (b). ) Jbid., pl. 4, fig. 4 (g). } Jbid., pl. 4, fig. À (à). ) Zbid., pl, k, fig. 4. ) Jbid., pl. 4, fig. 4 (j). RECHERCHES SUR LA BONELLIE. S7 trompe près de la bouche jusqu'aux angles des cornes, ils ne donnent point de filets dans tout le eôté extérieur correspondant à ce bord festonné , ils fournissent (1) une immense quantité de petits filets qui atteignant le bord des cornes, se distribuent à cette partie blanchâtre festonnée, laquelle peut être maintenant, à bon droit, considérée comme un organe du toucher. Quand on observe la Bonellie, on la voit, en effet, promenant ses cornes sur les objets, les tâter, les palper à l’aide de ce bord blanchâtre. L'abondanee des filets nerveux est certainement, avec cetie particularité, une démonstration du fait que je signale. Je crois aussi que cette partie da bord antérieur de la fourche pro- boseidienne peut jouer le rôle, sinon de ventouse, du moins d’un organe qui se fixe ; ear on voit, dans les aquariums, les Bonellies resler par leur corps constamment sur le fond, et envoyer au loin leurs cornes qui se fixent sur les parois souvent près de la sur- face de l’eau, tandis que le corps, fort éloigné, semble pendre par un long cordon vert traversant en sautoir et sans soutien la cuve d'eau. Ainsi le collier œ@sophagien est singulièrement long ; il com- mence derrière le tube digestif, et ne se complète que dans les cornes de la trompe. Aussi cette partie antérieure du corps pour- rait être considérée comme un prolongement céphalique extrême- ment allongé. Dans le Siponele, on trouve une très grande analogie de distri- bution par les filets qui naissent de chaque côté, et immédiatement après la bifurcation ; mais ier il y a un ganglion sus-buccal qui ne peut faire aucun doute, M. de Quatrefages a vu aussi une masse nerveuse centrale sus-œsophagienne dans lÉchiure. Cela m'a con- duit à rechercher si les deux cordons latéraux n'étaient pas des branches volumineuses d’un petit centre développées en propor- tion de lorgane qu'elles doivent animer; mais je n'ai pu voir autre chose que ce que je viens de décrire. Je n’aipas étéassez heureux pour trouver quelque chose de plus, (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., 1. X, pl. 4, fig. 4 (k,k). 58 LACAZE-DUTHIERS. et qui peut être considéré comme un système de fa vie organique ou un grand sympathique. Quant aux organes des sens, à part la propriété évidemment tactile des bords antérieurs des cornes, je n’ai rien trouvé. M. Schmarda a fait la même observation. IX Organes de la locomotion. Les organes de la locomotion sont fort simples. On a vu de quelle manière la Bonellie se déplace : c'est surtout en s’insi- nuant à reculons, entre les corps où dans les trous; les parois contractiles de son c6rps sont done, en fin de eomple, ses organes locomoteurs eux-mêmes. Les soies abdominales peuvent sans doute devenir plus saillantes, puisqu'elles sont en grande partie enfermées dans un petit sac qui fait saillie dans la cavité générale, et dont les parois sont attachées à des bandelettes musculaires dirigées en différents sens (1). Mais leur rôle doit être évidemment assez limité; peut-être, lorsque l'animal est enfermé dans sa retraite, et qu'il veut s'y cramponner, fait-il saillir ses stylets ? Peut-être aussi, lorsqu'il recule et cherche à pénétrer, les deux soies qui sont dirigées en avantlui permettent- elles de ne pas perdre le terrain, et de rester au point où le corps est parvenu en agissant comme des grappins. Les soies roides, brillantes et dures, ont en effet une direction qui leur permet d'agir ainsi qu'il vient d’être dit. Elles sont cou- chées directement d’arrière en avant et de dedans en dehors (2): en sorte que, lorsqu'elles sont saillantes, elles doivent nécessaire- ment s'opposer au glissement du corps, du côté de la trompe. (4) Voy. ce que dit des soies de l'Échiure, M. de Quatrefages, Mémoire sur l'Échiure de Gærtner (Ann. des sc. nal., 3° série, 1847, L. VIL, p. 316): cela peut s'appliquer iei. (2) Voy. Ann. des se. nat, 4° série, Zool., 1. X, pl. 4 k, fig. 4 (0). *ECHERCHES SUR LA BONELLIE. 39 Leur couleur irisée et variable tient à la décomposition de la lumière qui les traverse; cela est dû à leur texture imtime qui est fibreuse. Un faible comme un fort grossissement n° font voir rien de plus que des stries longitudinales très fines et très multipliées. Leur nature est cornée; elles résistent très bien à l’action dis- solvante de la liqueur saline alumineuse. M. Schmarda les a bien décrites, et en a donné une figure. I m'est arrivé d'en rencontrer deux dans un même sac; proba- blement, dans ce eas, il y en avait une seconde de remplacement, comme M. de Quatrefages l’a observé pour l'Échiure, H suffira de jeter les yeux sur les planches qui accompagnent le oyage en Sicile de M. de Quatrefages, pour avoir une idée nette et exacte des soies (4) de la Bonellie, car elles ressemblent beaucoup à celles de l'Échiure, Quant aux fibres musculaires, elles s’entrecroisent el se feu- trent dans toute l'épaisseur de la peau, qui est par cela même éminemment contractile. Dans la trompe, on en trouve de deux ordres : les unes longitudinales, les autres transversales. Les brides qui suspendent l'intestin paraissent être également contractiles ; elles sont, dans les individus revenus sur eux-mêmes, extrèmement raccoureies. Elles sont aussi élastiques ; car, lorsque la distension du corps par le liquide diminue, elles reviennent évi- demment sur elles-mêmes. M. Schmarda à déerit et indiqué au long la disposition de ces couches diverses (2). X Organes de la respiration. Nous arrivons maintenant à des organes dont la signification est moins facile à déterminer. La Bonellie étant un animal aquatique, on peut supposer à priori (1) Voy. loc. cit., et aussi les planches du Règne animal illustré, Zoopnytes (Echiure).—Noy. aussi Ann. des se. nat., 4° série, Zool.. t. X, pl. 4, fig. 4 (1). (2) Voy. loc. cit. p.124. 90 LACAZE-DUTHIERS. qu'elle doit avoir des branchies ; par conséquent, c’est une forme plus où moins modifiée de cette espèce d'organe respiratoire que l’on doit s'attendre à trouver. Or, à la surface du corps, rien d’ana- logue à ces pinceaux et panaches souvent si élégants, dont l’image se présente à notre esprit, quand nous nous figurons une branchie. Les cornes elles-mêmes n’ont rien qui, au premier abord, puisse les faire regarder comme jouant le rôle d’organe respiratoire, Dans la cavité générale du corps, on ne trouve qu'un seul or- gane qui puisse faire naître l’idée de la fonction de respiration. Je veux parler des poches placées de chaque côté de la dernière partie de lintestin, près de l'anus (4). Elles sont curieuses à bien des égards ; aussi entrerai-je dans quelques détails circonstanciés, qui montreront un fait aussi curieux qu'important pour expliquer le rôle que l'on peut leur attribuer. Ces poches, que nous appellerons désormais poches anales , sont formées par une membrane mince et transparente, presque incolore, qui est, à peu de chose près, pyriforme (2), dont l'extré- inité effilée se prolonge en arrière en un canal ou tube très grêle, allant s'ouvrir tout près de F’anus, après avoir couru très oblique- ment entre les tuniques de lintestin (3). Elles s'ouvrent obliquement dans une petite dépression, etleur orifice, caché par un pli extrêmement fin de la muqueuse, est dflicile à voir (4). Leur surface extérieure est hérissée d’appendices branchus brunâtres, et d'apparence glandulaire (5). Dans les Holothuries, M. Milne Edwards a décrit (6), à l’extré- (1) Voy. Ann. des sc, nat., 4e série, Zool,, t. X, pl. 2, fig. 4 (5), Mig. 4 (z); pl. 3, fig. 2 (2); pl. 4, fig. 3 (z, 3). (2) Ibid., . 2, fig. 4 (q). (3) Ibid., ON 6 (5) Ibid., (v). (6) Tue édition illustrée du Règne animal de Cuvier, les belles planches re- latives à l'anatomie des Holothuries. — Voy. aussi les remarquables planches de M. Carus, {cones zootomicæ, partie des animaux invertébrés. (Géphyriens). RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 91 mité du corps et de l’intestin, des poches analogues terminées par une multitude de cæeums très ramifiés. I les a considérées comme des organes respiratoires, comme des branchies internes. On sait que, dans quelques larves aquatiques d'insectes, la partie infé- rieure du tube digestif présente une sorte de eloaque où pénètre l'eau, et où des trachées nombreuses, qui se ramifient dans ses parois, puisent l'air nécessaire à la respiration. Il y a dans les Holothuries un eloaque d’où il part, de longs tubes qui vont se ramifier au loin, et qui portent dans l’intérieur du corps Peau chargée de l'élément modificateur du sang. Les poches voisines de l'anus, dans les Bonellies, sont-elles les analogues de celles que tout le monde connaît maintenant, dans les Holothuries ? C’est l'opinion de M. Schmarda. C’est sans doute par erreur typographique que M. Milne Edwards, dans le dessin anatomique de la Bonellie, les note, dans l'explication des plan- ches du Règne animal de Cuvier, comme des ovaires, puisque dans le même atlas il décrit la disposition particulière aux Holo- thuries si curieuse qui vient d’être indiquée. La structure intime de ces appendices arborescents et glanduli- formes montre un fait important que n’ont pas vu les auteurs qui ont étudié la Bonellie. En enlevant un de ces appendices branchus et le portant sous le microscope à un faible grossissement, on a sous les yeux une dis- position des plus élégantes et un tableau des plus animés (4). L'ex- trémité libre de chacun des ramuscules, au lieu de se terminer en eul-de-sac en s’arrondissant simplement, semble prolongée par une sorle de petite urne épanouie (2), dont l’orifice est libre et opposé à la partie glandulaire. Après,la mort, cette partie se distin- eue encore facilement par sa forme en massue et sa teinte blanche opposée à celle du reste de l'organe, quiest d’un brun un peu rou- geatre (3). Cette boule ou petite massue terminale, qui semble évasée (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 2, fig. 5. (2) Jbid., (a) (a) (a). 2 (3) Ibid. fig. 6 (c). 92 LACAZE-DUTRIERS en coupe, ef dont on voit très nettement les parois, est couverte de cils vibratiles, forts, puissants et très actifs, qui déterminent dans le liquide desecourants rapides. Aussi, quand on mêle à l’eau de mer, dans laquelle on place la préparation, un peu de bleu d'azur des blanchisseuses ou de carmin ordinaire, on voit tout de suite la plus grande animation dans le champ du micros- cope. On remarque, quand on étudie avec som celle disposition, que les particules colorantes sont attirées vers le sommet de la massue, et précipitées dans le petit infundibulum qui représente la cavité de la coupe. Naturellement on doit se demander où va ce courant? En se contentant de cette explication qui vient tout d’abord à l'esprit, en admettant que les cils vibratiles déterminent à la surface de ces branchies internes des courants pour les besoins et l’accomplissement de la fonction, on n'aurait point une idée exacte du fait très remarquable suivant. Avec un grossissement considérable, on voit les particules projetées au fond de la coupe (4) y tournoyer pendant quelques instants, puis passer de temps en temps, tout à coup, par un petit canal (2) fort grêle, dans la cavité de la partie glandulare qui communique largement avec la poche anale. Ainsi voilà sans aucun douteunliquide qui peut aller de la cavité générale du corps dans la poche voisine de l'anus ; or celle-ci communique avec l'extérieur par l'intermédiaire de l'intestin. Donc la cavité du corps s'ouvre au dehors médiatement et successive- ment par celte cupule, la partie glandulaire de la poche anale, l'intestin et l'anus. Je ne vois pas que M. Schmarda ait connu cette disposition très remarquable (3); au contraire, il dit que ces poches se terminent (1) Voy. Ann. des sc, nat., 4° série, Zool., t. X, pl. 2, fig. 6 (c). [9 . (2) Ibid., (d). (3) Voy. loc. cit. : « Les terminaisons des branches les plus déliées sont gonflées en forme de massue et aveugles. » « Die Endigungen der feinsten Zweige sind kolbenfürmig angeschwollen und blind, » {P. 121, pl. 5, fig. 1 et 2). Qu'on le remarque : und blind! RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 93 en massues aveugles; il n'a done pas vu la communication qui existe entre la cavité du corps et l'extérieur. Les arborescences sont de nature glandulaire, et offrent une structure cellulaire très caractérisée (D). C’est dans chaque cellule que l’on rencontre la matière colorante sous forme d’une poussière grenue (2). On ne peut s'empêcher de trouver une certaine analogie entre celte partie et Porgane que, dans les Mollusques, on appelle organe de Bojanus. La grandeur des cellules, leur teinte, le mode de distribution de la matière colorante, tout conduit à faire le rap- prochement. La couche cellulaire qui représente la glande est assez épaisse, et fapissée en dedans de cils vibratiles; les particules qui sont enfermées dans la cavité éprouvent à tout instant un mouve- ment giraloire, qui peu à peu les entraine au dehors par ee petit eanal exeréteur dont il a été question plus haut. Ce eanal, difficile à voir, en raison de la transparence de ses parois, est facile cependant à suivre, si l'on se sert, comme matière à injection, de la matière colorante même sécrétée par les arbuseules, et accu- mulée dans la poche, ordinairement en grande quantité. En pres- sant doucement la poche, on voit la substance brune remplir toute l'étendue du conduit jusqu’à orifice dans l'intestin, et sortir sous un petit pli (3). Le petit mamelon cratériforme de lextrémité des branches ne présente la texture cellulaire bien évidente, que lorsqu'il est un peu altéré. Pendant la vie, quand les eils vibratiles sont vifs et animés, on voit moins les différentes cellules qui le composent ; de même que, plus tard, lorsqu'il est un peu altéré, on ne dis- tingue plus la dépression qui lui donne la forme d’une urne. Les poches proprement dites sont suspendues aux parois du corps, et fixées dans le voisinage de Pintestin par de nombreuses (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t, X, pl, 2, fig. 6 (g). (2) Ibid. (f). (3) Lbid., fig. 4 (p,p'). 9! LACAZE-DUTRIERS. fibres de la même nature que celles que nous connaissons déjà, et qui unissent les parties antérieures de l'intestin aux parois de la cavité générale; elles sont contractiles, et par conséquent de nature musculaire. Quelles sont les fonctions de ces sacs ? M. Schmarda les considère comme des organes de la respira- tion, et il leur trouve l’analogie que j'indiquais à propos des Holo- thuries. L'eau pénétrerait par l'anus dans leur cavité, et les vais- seaux qui se ramilient à leur surface se trouveraient dans les conditions ordinaires propres aux organes de la respiration. J'ai peut-être été moins heureux, et surtout moins habile, dans les injections des Bonellies que M. Schmarda, et je n'ai pas vu Îles veines, les artères et les réseaux capillaires des poches anales ; mais cela ne fait rien, je crois, à la question qu'il s’agit de résou- dre maintenant. Il me semble que la partie colorée est une glande, qui probable- ment exerète quelque chose qui est devenu inutile à Panimal, puis- que son produit est rejeté au dehors. Cette portion de l'organe serait done un organe dépurateur. Que le liquide de la cavité générale du corps respire au travers de cette couche glandulaire, cela se peut. On admet bien pour d’autres espèces que l'échange qui constitue le premier acte de la respiration s'effectue au travers même des parois du corps qui sont infiniment moins délicates ; mais il me semble que cet acte, s’il doit être attribué à l’organe qui nous occupe, et localisé en lui, s'effectue plus profondément, el s'opère aux pavillons ou expansion cratériforme des extrémités de chacun des lobules glandulaires. Mais ici une question se présente. Le liquide qui remplit la cavité générale du corps est-il du sang? M. de Quatrefages a publié dans les Annales des sciences natu- relles (A) une note relative au sang des Annélides ; il considère comme étant tout à fait distinct du sang proprement dit qui esten- fermé dans les vaisseaux, le liquide que l’on observe dans la (4) Ann. des sc. nat., 3° série, Zool., t. V, 1846, p. 379. RECHERCHES SUR LA RONELLIE. 95 cavité générale da corps, et qui n’a aucune relation avee le premier. D'après ce savant académicien, 11 y a balancement organique entre les deux liquides. Plas l'appareil dela circulation proprement dit perd de son importance, plus le liquide général qui baigne tous les organes à au contraire un rôle marqué dans lécono- mie. E y aurait done deux sortes de sangs : le sang en circula- hon, le sang en dehors de la circulation. Gelui-c1 se meut cepen- dant, et cela par les contractions des parois, ou bien aussi par une cause difficile à déterminer, et qui lentraine le long des parois, comme cela se voit chez des végétaux inférieurs, chez les Chara, par exemple. Dans la Bonellie, il y a des vaisseaux clos et bien développés dont il va être bientôt question ; mais 11 y à aussi le liquide de la cavité générale, et par conséquent nous devons nous demander s’il n’en est pas d'elle comme des Annélides. Malheureusement deux points sont incomplets dans mes obser- valions, et je le regrette beaucoup. J'ai omis de rechercher si le liquide de la cavité générale renfermait des globules, comme cela a lieu pour les Annélides (4). Je n'ai pas non plus observé si la paroi interne de la cavité du corps était lapissée par un épithélium vibratile ; toujours est-il que ce liquide, qui, en admettant les vues de M. de Quatrefages, est un second sang, doit ici se mouvoir, car il y a à l'extrémité posté- reure du corps ces nombreuses arborisations, dont les petites coupes terminales sont chargées de cils vibratiles puissants. Si l’on admet la manière de voir du savant académicien, on peut expliquer maintenant, d’une façon toute directe, l'acte de la respiration. Les mouvements vibratiles sont chargés de faire comme une élection des parties à rejeter, et, tout en conservant aux poches anales le rôle d’organe glandulaire, on peut assigner exactement à l’une de leurs parties la fonction spéciale qui doit faire l’échange, en réservant au reste de l'étendue eelui d’organe sécréteur, Mais aussi il est plein d'intérêt de remarquer que le second (1) De Quatrefages, loc, cit. 96 LACAZE-DUTHIERS. sang qui n'est pas dans les vaisseaux communique avec lexté- rieur par deux voies : par la matrice en avant, par les poches anales en arrière. Les orifices de ces organes peuvent-ils, en se dilatant, faire comme une aspiration intérieure, comme une inspiration qui per- mette à l’eau de pénétrer, d'être ensuite poussée dans le corps par les contractions musculaires, et enfin de se mêler au liquide intérieur ? C'est possible; je ne pourrais à cet égard faire que des süppositions, sans doute très plausibles, mais qui n’en reste- raient pas moins des suppositions, puisque l'observation directe ne m'aurait point permis de les vérifier. En résumé, voilà, relativement aux organes de la respiration, un fait qui rend les choses toutes différentes de ce que dans son avail M. Schmarda à indiqué. C'est Ià aussi une particularité qui confirme celte disposition extrêmement curieuse et du plus haut intérêt dans lhistoire de la cireulation, à savoir : l'ouverture de l'appareil de cette fonetion à l'extérieur, par conséquent la possibilité pour un être de rejeter directement du sang, et peut-être aussi d'ajouter à ce liquide l’eau dans laquelle 11 vit. Ce fait vient s'ajouter encore à ceux qui ont aussi démontré celle communication chez les Mollusques. Et pour ces animaux la démonstration n’a pas été faite, non plus que pour la Bonellie, avec de ces mols vagues et non compromettants, qui disent out, qui disent non, véritables portes de retraite par où lon peut s'échapper si l’argumentation devient trop pressante, mais bien par l'indication d’un orifice spécial anatomiquement fixé, qui permet de déterminer les rapports exacts de l’intérieur avec l'exté- rieur du corps ; ee sont des faits qui ne permettent pas d’incerti- tude. Pour le Dentale (1), les Pleurobranches (2), la démonstra- tion ne peut laisser de doute, non plus seulement pour la cavité (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., 1. VI, 1856, VIF, 4857, De l'organisation et du développement du Dentule. (2) Voy. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1858. Lettre adressée de Mahon à M. Milne Edwards. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 97 générale du corps, mais pour l'appareil de la circulation propre- ment dit. Ici on trouve une communication non moins positive ; elle est tout autre, il est vrai, et établie entre des parties différentes. Mais il n°y en a pas moins une analogie entre la possibilité où est la Bonellie de rejeter le liquide de Ja cavité générale, et la même possibilité où sont le Dentale et la Pleurobranche de rejeter une partie du hiquide enfermé dans leurs vaisseaux sanguins. XI Organes de la circulation. Voyons maintenant en quoi consiste l'appareil de la circu- lation . M. Schmarda à décrit, en ne présentant qu'une figure schéma tique, une circulation très complète. Il ne m'a pas été donné de pouvoir injecter des réseaux aussi fins que ceux que l'on peut voir dans ses planches (4). Je ne veux pas faire une critique trop sévère des vues qui sont exposées dans son travail ; je préfère admettre de ma part une tmperfeetion dans les recherehes ; cepen- dant j'avoue que la Bonellie est si contractile, où bien qu'elle meurt si difficilement dans de bonnes conditions pour permettre de réussir des injections aussi fines, que je voudrais encore pou- voir étudier sa cireulation avant de me prononcer, et admettre définitivement ces réseaux si riches que nous font connaitre les planches du mémoire allemand. J'ai donné les figures des parties qui m'ont paru constantes et facilement démontrables. Les planches de M. Schmarda ne repré- sentant que théoriquement les choses, j'ai eru utile de les mon- trer telles qu’elles sont. Quand on examine une Bonellie vivante de petite taille dans une euvelle, en plaçant sur sa trompe, afin de laplair un peu, une (1) Voy. Le cit, pl, 5, fig. 41. Cette figure a été reproduite dans un grand ouvrage de M. V. Carus, Zcones zootomicæ, pl. S, fig. 22 (partie des Inver- tébrés). 4° série. Zoo. T. X. (Cahier n° 2.15 7 96 LACAZE-DUTHIERS . plaque de verre, on voit, au milieu et dans l'axe, un tube dans lequel passent, en se dirigeant du corps vers la fourche des cornes, des ondées successives de sang. Ce tube se gonfle, se distend et devient tortueux : on croirait voir une sorte de court serpent cheminant d’arrière en avant. Les ondes (4) se succèdent à inter- valles assez rapprochés, et ne marchent pas tellement vite que, dans la longueur totale de Lx trompe, on n’en puisse voir deux ou trois ; sans doute, il doit exister des différences notables quand la trompe est très allongée ou extrêmement courte, et probable- ment aussi quand elle n’est pas comprimée. C'est par ce canal que j'ai poussé, tantôt en avant, tantôt en arrière, les injections, et voici ce que j'ai reconnu : En avant, le vaisseau va tout droit jusqu’à l’angle médian du bord antérieur des cornes (2); là 1l trouve le cordon nerveux (3), et se bifurque brusquement en deux branches, qui s’accolent im- médiatement au nerf, et le suivent à droite et à gauche, en restant dans un rapport intime (4) jusqu'au corps proprement dit, dans lequel ils pénètrent avee lui. Ainsi le courant, arrivé simple par le milieu, se partage en deux, et revient double par les côtés. M. Schmarda a indiqué les vaisseaux qui correspondent à ces deux courants ; mais ce que je n'ai pu réussir à voir comme lui, c’est le résean capillaire qu'il décrit entre eux, réseau qui établit non-seulement le passage de l’un à l’autre dans les extrémités des cornes, mais qui forme encore latéralement dans toute l'étendue de la trompe un lacis fort riche. M. Schmarda appelle veines les deux vaisseaux latéraux, et artère le vaisseau médian. C’est sous cette artère médiane qu'il place le nerf de la trompe. Je n'ai jamais pu réussir à voir un nerf sur la ligne médiane, Pour l’auteur, l'artère se divise en deux à son extrémité antérieure, et va en diminuant de volume jusqu’à (4) Voy. Ann. des se. nat, ke série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 3 (fff). (2) {bid. (g). AID id) (4) Jbid., fig. ?. Voy. v, vaisseaux a côté du nerf; (#), artère arrivant à l'angle des cornes et se bifarquant. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 99 l'extrémité des cornes, où le passage aux veines se fait par un réseau capillaire intermédiaire ; toutefois M. Schmarda ne semble pas être bien sur de la pts exacte qui se trouve à l’extrémité de ces vaisseaux, ear 1l laisse indécise la question de savoir si c’est par un réseau capillaire où directement que s'établit la communi- cation (1). Ces incertitudes que je ne veux pas exagérer, et qu’on trouve ainsi de loi en loin, peuvent augmenter les doutes relativement à la disposition de ces nombreux capillaires, surtout si on les met en regard des quelques erreurs signalées et des faits que je rap- porte. D'ailleurs M. Schmarda (2) déclare qu'il est des cas où il est impossible de dire si la partie qu’on observe est un vaisseau, ou simplement un de ces filets de tissu cellulaire qui fixentlintestin aux parois du corps. Les deux vaisseaux collatéraux parallèles, et voisins des deux branches nerveuses, suivent celles-ci jusqu’en arrière de la bouche, où elles s’anastomosent (3) ; puis elles ne forment qu'un tronc, qui marche d'avant en arrière dans le voisinage du cordon nerveux central, Ce trone ne reste pas longtemps unique : 11 est à peine long d’un millimètre, quelquelois moins, et se divise en deux branches qui passent sous les muscles, unissant transversalement les deux poches ou saes des stylets (4). Sans injections, on voit très facilement cette disposition, An lieu d'augmenter, le volume sem- ble au contraire avoir diminué par la fusion des deux branches en arrière de la bouche; mais, après la division nouvelle, il croit de plus en plus; les deux branches nouvelles s’écartent un peu, et passent l’une à droite, l’autre à gauche de la base d'insertion de la matrice ; puis, en arrière de celles-c1, se confondent de nou- veau(5), et marchent en décrivant des flexuosités jusqu’au point qui correspond à peu près à l'extrémité antérieure de la bandelette glandulaire de l'ovaire; de sorte que la bouche est enfermée dans (4) Loc. cit., p. 449. (2) Loc sub p. 120. (3) Voy. Ann. des sc. nal., 4° série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 3 (b), (4) te (a). (5) 1bid., (t). 100 LACAZE-DUTHIERS . un anneau fort allongé en avant et fort court en arrière ; que la matrice elle-même est au centre d’un second cercle, dont les élé- ments sont très flexueux, et terminée par un tronc unique. En arrière de la matrice, on trouve deux bandelettes qui, aban- donnant la face ventrale, s'élèvent dans la cavité générale où elles deviennent libres et flottantes (4); elles sont bosselées, irrégu- lières, assez volumineuses, et rappellent par leur apparence, jus- qu'à un certain point, certaines bandelettes glandulaires, les glandes salivaires, par exemple, de quelques Mollusques, de lAplysie entre autres. Pavais d'abord cru à cette nature; l'examen microscopique m'empêcha bientôt de pouvoir leur attribuer de telles fonctions, et les injections n'apprirent ensuite plus positivement que ce n’était autre chose que de gros vaisseaux qui allaient vers les intestins. Le trone unique, né en arrière de la matrice, après avoir marché fexueux sur la face inférieure du corps, jusqu'à l’origine de la glande génitale, se partage en deux branches : l’une semble con- linuer, parallèlement à l'ovaire et au système nerveux (2), la direcion première; l’autre, plus ou moins longue, quelquefois si courte qu'elle ne parait pas exister, s'élève (3) dans la cavité sénérale. Celle-ci, après un trajet variable, donne deux branches nouvelles, qui sont chacune infiniment plus volumineuses que le trone pri- mitif, ce sont les deux bandelettes que je viens de signaler. L’in- jection en est relativement facile, et le doute n’est pas possible sur leur nature. Ces deux gros vaisseaux flottant dans la cavité, n’ont échappé à aucun des auteurs. On les voit dans la figure donnée par M. Milne Edwards; mais ils ont pour ce savant zoologiste une autre signification. Quand on les étudie sans les injecter, ils parais- sent se terminer sur la paroi même de l'intestin, dans un point très net et toujours fixe. Ils ne s’abouchent pas entre eux, et laissent passer dans leur intervalle la bandelette qui suit toute la longueur à) Voy. Ann. des sc, nat., &° série, Zool., t. X, pl. 4, fig. 3 (ææ'). ) ) lb. 14 ) 9 A à ] Iüid., (4 Ê C RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 401 du tube digestif dans la portion jaune moyenne ; cette bandelette dé- passe de À ou 2 centimètres leur union à l'intestin, ai donné un dessin de l'apparence et de la disposition avant l'injection (E). Quand on réussit à injecter par les trones voisins de Ta matrice les deux gros vaisseaux dont il vient d’être question, on voit que la matière passe dans une grande poche qui entoure Fintestin dans le point de jonction de la partie moyenne et de la partie anté- rieure (2). Cette poche devient très volumineuse; quand on linjecte, elle peut prendre des proportions considérables ; alors lextrémité antérieure de la bandelette de l'intestin disparait sous elle. En avant, elle donne naissance à un vaisseau (3)qui reçoit la ma- lière à injections assez facilement, el qui, tortueux et irrégulière- ment volumineux, se porte en avant, en se délachant du tube digestif, passe sur le dos de la première partie de lœæsophage, arrive exactement sur la ligne médiane, et pénètre dans la trompe : c’est lui qui nous à servi de point de départ, et qui nous avait paru apporter les ondes sanguines vers la bifureation des cornes. Voilà ce que j'ai vu à l’aide des injections. J'aurais voulu pou- voir étudier et injecter avec plus de soin d’autres Bonellies, le temps ne me l’a pas permis, et je ne voudrais aussi m'opposer absolument aux résultats présentés par M. Schmarda, et émettre des opinions peut-être hypothétiques. Cependant je suis à me demander si, en arrière, 1 n°y à pas un cercle complet analogue à celui que l’on voit en avant. Sile canal, qui semble se continuer au voisinage de lPovaire, ne serait pas, en arrière, dans la partie du méso-ovaire, en rapport, entre les poches anales, sur la dernière portion de l'intestin, avec l’ort- sine du cordon ou bandelette qu'on à vue sur une si grande étendue de l'intestin, et qui serait peut-être un vaisseau sanguin allant s'ouvrir dans la grande poche sous laquelle nous l'avons vu se (1) Voy. la description produite du tube digestif, et pl. 3, Hg. 4 : «a, intestin; b, bandelettes ; c, partie bouillonnée de l'intestin; dd, les deux vaisseaux en question. (2) Voy. ol. 4, fig. 3 (y). (3) Jbid., (d) 102 LACAZE-DUTHIERS. terminer en avant. Je n'ai pas fait pénétrer Finjection dans son intérieur, et par conséquent je n'ose affirmer cette communication avec la grande poche. m'a paru enfin parür du sac péri-miestinal un pelit vaisseau allant aux parois de lintestin (4); mais je suis aussi un peu dans le doute à cet égard. Sans aucune incertitude, il y a ici un cercle de vaisseaux san- euins, et le sang parcourt ce cercle de la poche médiane péri- intestinale à l'extrémité des deux cornes par le vaisseau médian. Ces poches jouent-elles le rôle de centres pulsatiles ? C’est possible et même probable; mais bien que j'aie ouvert de nombreuses Bonellies vivantes, je n'ai point observé ces mouvements ; cepen- dant je les ai vus très évidemment dans la trompe. Si l'on voulait trouver l’analogue d’un cœur , la grande poche pourrait être considérée comme un ventricule, d'où partirait une aorte proboscidienne médiane, et les deux bandeleltes qui, du voi- sinage du système nerveux, viennent à la rencontre de Pintestin comme deux oreillettes. Maintenant faut-il regarder la trompe comme un organe de la respiration? Rien ne s’y oppose; car, dans les animaux inférieurs, les organes de cette fonction ne sont pas aussi nettement distincts que dans les organismes supérieurs : en ce cas, lecœurserait vei- neux, et les deux vaisseaux latéraux de la trompe seraient chargés d'apporter au corps le sang ayant respiré, Mais on le voit, iei le cercle est simple, et ne peut être comparé au double circuit qui existe dans les animaux supérieurs. En admettant l'existence de deux sangs, et la circulation telle que je viens de Findiquer, nous trouverions deux points distinets pour laecomplissement de la fonction de respiration, et deux points correspondants aux deux parties qui contiennen tles deux liquides. Le sang enfermé dans les vaisseaux circule dans un cercle qui s'approche de l'élément ambiant dans les cornes ; le sang de Ja (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo!., t. X, pl. 4, fig. 3 (1). RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 108 cavité générale baigne un organe (les poches anales) qui, par sa disposition organique, peut lui enlever quelques parties, et le rendre plus propre à l’accomplissement du rôle qu'il doit jouer. Les deux liquides sanguins communiquent-ils entre eux ? Voilà une question qu'il m'est impossible de résoudre. Une fois j'ai trouvé dans la cavité générale de la matière à injections ; mais il y avait eu probablement une rupture. Du reste, il ne peut être douteux qu'il n’y ait échange par endosmose entre le liquide de la cavité générale et le sang enfermé dans les vaisseaux, et cela au lravers des parois si minces de ces derniers ; on ne peut donc guère se refuser à croire que le sang des vaisseaux n’éprouve une sorte de respiration dans les rapports qu'il doit avoir avec celui-ci, au travers des parois qui le contiennent et qui baignent dans la cavité générale. En terminant ce qui à trait à la circulation et à la respira- tion, je ne puis m'empêcher de signaler un passage du travail de M. Schmarda, dans lequel on voit se reproduire une idée déjà émise depuis longtemps pour les Mollusques (1). Après avoir fait l’histoire des organes de la respiration comme il la comprend, il ajoute qu'il faut très vraisemblablement regarder comme un troi- sième organe de la respiration un réseau de vaisseaux aquifères placés sur la couche mitoyenne de la peau, destinés à verser l’eau de la mer dans la cavité générale du corps en s’y ouvrant. A cette description, ne reconnait-on pas un système aquifère ? Toutefois il faut remarquer qu'il ajoute qu'il ne lui a pas été possible de bien déterminer et mettre en place l'ensemble de ces vaisseaux. On comprend que l'embarras devait être grand pour expliquer la présence du liquide de la cavité générale, quand on trouve un appareil circulatoire aussi complet que celui qui a été déerit par l'auteur, et surtout quand la communication des poches rectales était passée inaperçue; mais un embarras n’est pas une raison suffisante pour admettre des vaisseaux spéciaux de la peau. Je ne (4) Voy. loc. cit., p. 121. A0 LACAZE-DUTHIERS. les ai point rencontrés, et la disposition anatomique des poches anales est plus que suffisante pour expliquer à la fois Ia sortie et l'entrée d’un liquide dans cette cavité centrale, XII Rapports zoologiques. Après avoir étudié en détail l’organisation, 1l ne nous reste plus qu’à résoudre ces questions : Qu'est-ce que la Bonellie, zoologiquement parlant? Où doit-elle être placée dans le eadre zoologique ? L'organisation dont on vient d'étudier les détails n’est évidem- ment point celle d’une Holothurie où d’un Synapte; elle a une analogie extrême au contraire avee celle des Siponeles ou des ani- maux qui se rapprochent d'eux. M. Schmarda à présenté, à la fin de son mémoire, une série de considérations résumées, pour prouver que la Bonellie n’était point un Zoophyte. I y présente aussi les traits de ressem- blance avec les Holothuries. Ses conelusions sont exactes. Dès le premier coup de scalpel, on s'aperçoit qu'on à affaire à tout autre chose qu'à un Rayonné. Et, à ce point de vue, M. Schmarda a raison. Peut-être quelques-uns des traits de res- semblance qu'il tire de la disposition des organes génitaux, ete., seraient-ils sujets à discussion, puisque nous avons vu que ces organes avaient été assez peu justement interprétés par lui. Cela importe peu 1c1. Il s’agit d'aller aujourd'hui plus loin, et comme 1! ne reste, je l'espère, dé doute pour personne sur le déplacement zoologique de la Bonellie, comme cela a déjà eu lieu pour les Siponeles, il faut voir la question sous un autre jour, c’est-à-dire étudier les rapports zoologiques dans un même groupe. M. de Quatrefages a, dans son mémoire sur l’Échiure (4), traité des rapports zoologiques du groupe qui lu paraissait former, (1) Voy. loc. cit., p. 340. RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 105 suivant son expression, un trait d'union, un pont entre les Z00- phytes etles Annélides. Pour lui, les Siponeles ne sont pas des An- nélides , ils ne sont pas davantage des Échinodermes ; ils ont des traits de ressemblance avec les uns etles autres, mais aussrils s’éloi- enent à certains égards de chacun d'eux. De là, aux yeux du savant professeur, la nécessité de créer une division spéciale, celle des GéPHYRIENS, nom qui indique que ces animaux forment un véri- table passage entre les divisions précédemment établies. « Peut-être faudra-1l plas tard, dit M. de Quatrefages, ramener » à ce groupe, comme l'avait fait Cuvier, l'animal si singulier de Ÿ la Bonellie. S'avais eru d'abord qu'il pourrait être voisin des Némertiens, mais des détails que m'a donnés récemmentM. Milne » Edwards, m'engagent à revenir sur cette opinion (4). » I n'y a pas de doute maintenant que la Bonellie ne doive passer des Zoophvtes aux Annélies, et en particulier au groupe des Gé- phyriens. Tout la rapproche de cette division du règne animal que lon doit aujourd'hui regarder comme passée dans la science (2). 2 © Seulement si M. de Quatrefages voit dans le groupe deux fa- milles, celle des Ecmuriexs et celle des Sipoxcuuiexs, qui sont deux degrés d’un état plus où moins dégradé se traduisant dans les uns par la présence des crochets caractéristiques, dans les autres par l'absence de ces crochets, nous trouverions 1ei un intermédiaire entre les deux, et il y a certes assez de différences entre un Siponele et un Échiure, d’une part, et la Bonellie, de l’autre, pour que l’on soit autorisé à admettre une troisième famille, celle des Boxezuexs, famille caractérisée par la présence de deux crochets placés symétriquement de chaque côté du corps, tout près de la ligne médiane et sur la face inférieure, entre l'orifice de la reproduction en arrière et celui de la digestion en avant. D'ailleurs tout l’ensemble du port et de l’organisation de lani- mal ne permet point de le placer dans l’une ou l’autre des divi- (1) Loc. cit., de Quatrefages, p. 341. (2) Dans ses Zcones soolomicæ, M. Victor Carus admet la division des Géphy- riens et y place déjà la Bonellie. 106 LACAZE-DUTHIERS. sions précédentes; sa trompe toujours saillante, qui à cependant de l’analogie de forme avee celle de ces gros Siponculiens que l'on trouve sur nos côtes de Bretagne, en est cependant différente : Pune est protractile et s’enferme dans une cavité, tandis que l’autre reste constamment en dehors et ne peut rentrer. Du reste, ce ne serait qu’en prenant les stylets où soies abdomi- nales pour point de départ et terme de comparaison, que lon pour- rail proposer de placer la Bonellie entre F'Échiure et le Siponele, car, au point de vue de son organisation, elle doit être placée avant les Echiures, c’est-à-dire en tête des Gépayriexs qui nous sont aujourd’hui connus. Quoi qu'il en soit, la position ne peut être douteuse, et que le croupe introduit dans la science par M, de Quatrefages soit ou non rejeté par quelques natnralistes, ce qui paraît maintenant dif- licile, incontestablement la Bonellie devra suivre et de très près les Siponcles et les Échiures, qui restent évideniment séparés des Zoophytes pour se rapprocher davantage des Annelés. Caractères résumés du genre Bonellie et de la famille des Bonellines. 1° Extérieur. Corps ovoïde allongé , fortement contractile, terminé par une trompe plus ou moins longue, fourchue et non rentrante. Une seule paire de soies, roides, abdominales. Orifice de la génération abdominal, plus près de la bouche que de l'anus. Bouche percée à l'origine de la irompe. Anus placé au pôle opposé du corps. Pas d'appendices extérieurs. — Bords antérieurs des branches de la trompe plus sensibles que le reste des téguments et pouvant adhérer aux objets. 2 Organisation interne, Tube digestif simple. — Pas de dents, pas de glandes accessoires particu- lières, isolées, Organes reproducteurs probablement portés par des individus distincts (il n'a été observé que des femelles), présentant une matrice séparée de l'ovaire. Celui ci impair, formant une bandelette longitudinale occupant les deux tiers postérieurs de la longueur du corps et accolée à la face ventrale. RECHERCHES SUR LA PBONELLIE. 107 Deux espèces de sangs : le sang'en circulation enfermé dans des vaisseaux ; le sang logé dans la cavité abdominale, Deux glandes anales, communiquant avec l'extérieur par l'anus, avec l'inté- rieur et le second sang par l'extrémité cratériforme de leurs ramifications. Système nerveux non ganglionnaire formant un long cordon abdominal étendu d'une extrémité à l’autre du corps. Collier æsophagien très long se complétant dans la fourche de la trompe. N'est pas rentrante. D Qu'il v a deux soies abdomina- GÉPHYRIENS re les entre la bouche et l'orifice . so S ADEV ps DOUAI PRE te de: MDONEDETENS SRRANRE AIG quectarh cr (BONELLIEA). peuvent trompe « se diviser ainsi. i Qu'il y ades soies. ÉCHIURIENS | (ECHIURE A). Est rentrante. | Qu'iln’y a pas de 1 SUIS mt © SIPONCULIENS (SIPUNCULEA). Tout semble conduire aujourd'hui à cette nouvelle division du groupe des GéPayriens établi primitivement par M. de Quatrefages pour les deux secondes familles seulement. EXPLICATION DES PLANCHES. V PLANCHE A. Fig. 1. La Bonellie verte (Bonellia viridis), dessinée et peinte d'après nature, telle qu'elle se montre hors des trous où elle se retire, et de grandeur naturelle. Elle est vue par la face inférieure, afin de montrer : 1° la gouttière inférieure de la trompe, qui se continue sur les bords postérieurs des branches de la four- che; 2° la traînée blanchätre qui correspond au système nerveux; 3° l'orifice génital; 4° le bord mamelonné ou festonné, un peu lavé de blanc, des branches de la trompe. L'animal est contracté en arrière, et son corps n'est gonflé qu’à la base de la trompe; mais par les contractions, l'inverse pourrait parfaitement exister, et la physionomie générale changerait alors complétement. Fig. 2. L'animal enfermé dans un trou de pierre, dont on a supposé une partie enlevée. — La trompe est rectiligne; c’est une position que l'on observe quand l’animal sort de son trou et que la mer est très tranquille. 108 LACAZE-DUTHIERS, PLANCHE Ÿ. Tube digestif et poches anales. Fig. 1. Bonellie ouverte par le dos. Les organes sont dans leur position natu- relle : (a) commencement de la portion moyeñne de l'intestin se dégageant de dessous la matrice (m); (b) premier changement de direction de cette por- tion du tube digestif, et (c) premier arc; (d) deuxième changement de direction; (e) deuxième arc ; (/) troisième arc; (g) circonvolution au côté gauche ; {s) quatrième arc, oblique; (i) portion anale du tube digestif ; (a) partie qui passe sous la matrice et devient droite en (n\; (j) première partie après la bouche, qui se dilate et est placée dans l’infundibulum du corps à l'origine de la trompe ; (k) parallèle à l'axe du corps ; (1) les autres portions qui se continuent avec la portion moyenne en {a); (q) trabécules qui fixent l'intestin aux parois du corps. Fig. 2. Lambeau de la couche cellulaire et glandulaire de la portion moyenne bouillonnée. Fig. 3. Cellules isolées de la même. Fig. 4. Partie de l'intestin la plus voisine de l'anus, ouverte pour montrer l'ouverture (p} des poches anales dans son intérieur ; (5) la poche anale; (g) la membrane de la poche; {(v) les parties arborescentes glandulaires qui la couvrent ; (p') le canal qui de la poche va à l'orifice dans l'intestin. Fig. 5, Une parcelle d’une des arborescences (v) de la figure 4, pour montrer les calices (a) des urnes; (b) granulations qui floltent dans le liquide, accusant les courants dont les flèches indiquent la direction [à un faible grossissement). Fig. 6. Extrémité d'un des rameaux de la figure 5 à un fort grossissement (400 diamètres environ) ; (b) partie évasée de l’urne, couverte de cils vibra- tiles: (e) canal central ; (d) orifice qui fait commuviquer ce canal avec la cavité (e) de la partie glandulaire (g); son canal (c) est tapissé par des cils vibratiles nombreux et serrés ; (f) cellules qui composent la matière glandulaire ; elles renferment la substance colorante à l'état granulaire dans leur intérieur, mais par la rupture de quelques-unes d’entre elles, le contenu cellulaire est resté accolé à leur paroi. / PLANCHE 9. Organes de reproduction. Fig, 4. Portion de l'intestin intermédiaire à la partie moyenne {c) et à la partie antérieure (a), pour montrer l'origine (b) de la bandelette et ses rapports avec les deux vaisseaux (4). RECHERCHES SUR LA BONELLIE. 109 Fig. 2. Bonellie ouverte par le dos et dont on à enlevé tous les organes, à l'exception des parties génitales : (j) première partie de l'intestin, où buc- cale; (r) dernière, ou anale ; (3) poche anale; (0) ovaire; [mo) méso-ovaire qui unit l'ovaire à l'intestin et plus profondément à la paroi du corps; (m) ma- trice, contractée par places, devenue moniliforme, et remplie d'œufs ; (p) pavil- lon de la trompe; (q) œufs dispersés dans la cavité génèrale. Fig. 3. Portion de l'ovaire peu développée, où l'on voit les masses (b) qui sem- blent creusées d'une cavité (a), et à la base desquelles se développent des œufs (c). Fig. 4. Portion de l'ovaire plus développée que la précédente. On y voit des œufs à plusieurs degrés de formation, et leurs rapports avec les masses cellu- laires y sont distinctement visibles. L Fig. 5. Un œuf resté suspendu à une masse cellulaire de l'ovaire. Il semble sortir de sa cavité. Fig. 6. Un œuf, bien enveloppé, débarrassé de son capuchon cellulaire, et non comprimé. Sa vésicule germinative n’est indiquée que par un nuage cen- tral. Un faible grossissement, 25 diamètres. Fig. 7. Portion voisine de la vésicule germinative (k); le vitellus (i) est jau- nâtre et comme cellulaire. Fig. 8. Portion, sur le même œuf de la figure 7, du vitellus vers la circon- férence; (g) limite extérieure ; (e) apparences de cellules peu distinctes ; ( f) grosses gouttelettes évidemment de nature graisseuse,. Ces deux dernières figures sont à un fort grossissement de 350 à 400 diame- tres. / PLANCHE À. Système nerveux. — Appareil de la circulation. Fig. 4. Animal ouvert par le dos: (b) cordon nerveux médian, d'où partent latéralement, à droite et à gauche, de très nombreux filets pour l'enveloppe du corps; (c) filets déliés qui vont à la matrice; (d) filets de la première partie de l'intestin. Ils sont très grêles et difficiles à observer ; (f) branche de bifurcation du cordon central et qui embrasse la bouche ; (g) (g) cordon nerveux de la trompe parallèle à ses bords ; (vv) vaisseaux placés au dehors des nerfs et dont on n'a représenté qu'une très courte partie, afin d'indiquer le rapport ; (k) portion postérieure du filet des cornes ; (k) portion antérieure du même, qui fournit une énorme quantité de filets aux festons tactiles de ce bord ; (m) vaisseau médian de la trompe, qui se bifurque et dont les bran- ches deviennent parallèles aux cordons nerveux ; une très petite partie des vaisseaux a été dessinée ; (j) le cordon nerveux qui passe de droite à gauche sans changement de volume; (c) filets terminaux qui entourent l'anus ; (m) ma- 110 LACAZE-DUTHIERS. trice ; (g) partie de l'intestin après la bouche; (x) partie de l'intestin près de l'anus. Fig. 2. Origine de la trompe et commencement du corps, grossis pour montrer la bouche {n) et les stylets (1) dirigés en avant, dont la pointe est un peu saillante ; (m) orifice génital. Fig. 3. Circulation : (r) dernière partie de l'intestin ; (zz) poches anales ; (o) ovaire; (a) mésentère dont une petite portion a été dessinée ainsi qu’une partie assez peu étendue de l'intestin qu'il soutient; (h) partie moyenne de l'intestin bouillonnée portant la bandelette ; (c) partie antérieure du même; (i) portion du cordon nerveux en face de l’angle antérieur des cornes ; (f) vaisseau médian de la trompe qui est gonflé de loin en loin par le passage des ondes sanguines ; (g) sa bifurcation à l'angle antérieur des cornes ; (h) sa vontinuation à l'extrémité des cornes avec les vaisseaux latéraux paral- lèles aux bords (e) ; (b) union en arrière de la bouche des deux vaisseaux (e); (a) branches de bifurcation du tronc (b) qui passent sous les poches des soies (p) et qui embrassent la matrice (j); (4) tronc unique né de l'union des bran- ches (a) ; (s) branche du tronc (1) vaguement continue sur l'ovaire ; (u) bran- che plus ou moins courte du tronc (1) et se divisant bientôt en deux autres branches (x x') plus volumineuses qui vont de l'intestin vers le point d'union de la partie moyenne et de la partie antérieure; (y) poche considérable qui en- toure l'intestin et d'où partent les vaisseaux (d), qui se continue avec (f) dans la trompe, et peut-être (£) qui m'a paru moins distinctement sur l'intestin. APE Tome 12. Zoo. 4" Serre. ral An. des Sesenc. RQUUUUUtUUS | Ù PR ND NAN APN Pi ù \ K K Ù }) 4 AUTCAROR CARO TS RES AY TRE 1e (era N Mae DOUTE US CCE NZ D 7 LÉ & UEZ Le ARE EST OIL Ÿ Gr Rae 7 CE 07 ARR a 2 er NAT Er el nee te ve FR LÉO à RTE CU EETE EE LC Ge RSI LEE Annedouche se ad nat. del. PRONIE «de da Jourpre. ” ClCuUt SCCY [#4 Cryanre N fémond. 2772 Te Veulle-Pstrapate, 25, Parts. F Tome. PL. 6. Zool. ° Serre, ral. 4 Jecenc. Ann.des TLD. ad nat. del. da digestion d'u leufobranche > Jantes de 27 N Remond tmp. r. Vieille-Estrapade. 15, Jarés. | | 1 ar il et Û # us : ue 7. / Ze Zool. Tome z. Ann. des Sesene. nat. 4°Serte. fe Annedouche A. LD. ad ral. del. digestion du l'leurobranche.. Urganes e la NW. Aemond 272 r. Mreille-hstrapade, 16. Lares F1 1 Ann.des Sezenc. nat. 4° Serre. Zool. Vornerr. PL NE LD. ad nat. del. : be: Annedouche sc. Cireutalion arterielle du Lleurobranche. MN Hemond impr. Medle-listrapade, 15, Jarts . Ann.des Secenc. nat, 4° Serre Zool. Tome. ?L. g 77: d°2 D #h € + En ap % > à 2 5 LD. ad nat. del. AMnnedouchke se. Curculdalion veineuse du l'leurobranche. N. Aemond mp. Tr l'reille -listrapaie. 15, l'aris Ann.des Setenc. nat. 4° Serte. Zoo. Tome 1. 1. 10. LA. ad nal. del. Organes geritaur. du fleufobranche NV /emond émp.r. Veële-bistrapade, 15, arts. Ann.des Sezenc. nat. Z'Serte. LD. ad nat. del. 7 : Zool. Tome. LL 1. TE — _ (7 DÈ ho JE \ 297 75 Mg) je ; 2 (( & 1 IS ; Annedouche se. Nyse nerveux du l'leurobranche . NW. Remond mp. Tr freille -Listrapade. 16. farts. UNE PEL er! AMnn.des Science. nat. 4° Serce. Zool. Tome u. PL. 72 Nr 2”: <’ [4 Annedouche Fe, LD. ad nat. del. € Vos eme nerveux du L'leurobranche. NW Acmond 7/2 r. Vieille -Listrapade. 15, Zaris, Ann.des Sexenc.nat. 4°JSerte. Zoo. Tome 12. 21. 9 .L.D.ad nat. del. Annedouche sc J'ys terre rerveux de l'f/aliolide. W.Zemond rp. 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T Fr JE Q A L.D. ad nat. del. € 2 à NS Y A S k Annedouche se , L Jysleme nerveux du Vernet. 4 D. Reémond mp. r Preulle-Lstrapace, 19, arts . t Zoo. Tome 13. ZE 7. Ann.des Jezenc.nat. 4° Serie. AE PS Annedouche sc. ALD. ad rat. gel. ente du Vernet. Lmnbryog NW ARémond tmp.r. Vreille-Fstrapade, 15, laris . Ann.des Seience.nat. 4° Serre. Zoo. Lomme 19. PL. 6. (NUL g nt | * LD. ad nat. del. À Annedouche se. Ambryogente du Vermel. W. Rlemond émp.T. Meille-Lstrapade, 15, Jar. Ann. des Seienc. nat. 4°Jerte . Zool. Tome 13. PL. 9. LD. ad nat. del. Annedouche se. Lméryogente du Vermet. WReémond tmp. r. Veille -Estrapade,15,larts bn, ST P ER RER Tr 21 Ponellia DUT UAIS . Zool Tor 10 HA 7} Anrt. des Setenc. nat. 4°Sertre. Zoot. Torne 10 02% EL | è | CA ZL.D, ad nat. del, Perarere es Organes de la dégeskon de la Donellie. F Ab ki È (TER JU Me qe PA. LONErAS Ki CPAS IE eo FR TA x È Ann. des Jetenc. LD. ad nat. del. ral, 4 < Jertce. Zool. RS EE HE: COWD DNS RU? RSA) ja " DL T/ SD ET Organes de la reproduction de La Porellie, FN. Remond imp.r. Werille -Estrapade, 25. Lars. Tome 10. UNS Ann.des Seine. nat. 4° Serre. Zoo. Tome 10. FL. 4. Z.L.D. ad nat. del. Jateme nerveux el cérculahion de la Donellre. NW. Lemond mp. r. Vieille-Pstrapade, 15, larves. 15e 4 OC REC À F:25 & = PS mm £ V EUX : 2] 4 & di}, 22 e =: UMA VV D à re y: Av NV LUN D ÿY: APEVNVE YY JP RACE F.