X V m 1 I A ^ Dlgitized by the Internet Archive in 2013 http://archive.org/details/voyagesduprofess01pall D U PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIPvE DE RUSSIE E T DANS L'ASIE SKP TENTRïON ALE ; Traduits de l'allemand par le C. Gauthier, de da Peyronie. NOUVELLE ÉDITION, Revue et enrichie de Notes par les CC. LA M AR CK, Profes- seur de Zoologie au Muséum national d'Histoire naturelle j LANGLÈS , Sous - Garde des Manuscrits de la Biblio- thèque nationale, pour les Langues Arabe, Persane , Tatare- Mantchou , Sec. TOME PREMIER. A PARIS, Chez Ma rad an, Libraire, rue du Cimetière André -des -Arcs , n°. 9. «————»— ■■— — — » n— a—— L'AN II DE LA RÉPUBLIQUE- OK r •*> TP il CA„^-^y 1>öL\ S TON- PIJBÜC fJBR' AVIS DU LIBRAIRE SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION. JLja première Edition des Voyages du Professeur Pallas, attendue avec tant d'im^ patience du Public, n'a pas rempli les vues de toutes les classes de lecteurs. La plus laborieuse a paru en souhaiter une qui fût moins chère et plus portative. Le désir de contribuer à la propagation des connois- sances utiles, nous a déterminés à l'entre- prendre. Des Savans distingués y ont donné tous leurs soins. Le Citoyen Lamarck s'est chargé de la partie d'Histoire Naturelle, dont il a revu la nomenclature et la synonymie , et à la- quelle il a ajouté des développemens et des observations qui forment dans l'Appendix une augmentation considérable. Il en rend compte dans la préface du huitième volume. Les Citoyens Langlès et Billecocq ont Y viij Avis dû Lïbrairs. soigné la partie Philologique. Ils y ont joint "plusieurs notes sur l'industrie , le commerce y et les mœurs des différentes hordes Tatares , et sur leurs rapports avec les sauvages de l'Amérique Septentrionale. D'habiles Artistes ont revu les planches 5 celles qui étoient trop fatiguées ont été re- faites , et les autres retouchées. Le Public jugera de notre empressement à rendre cet important Ouvrage de plus en plus digne de lui être offert. Préface Bel SU su 9ï< 3J SI 5 même un homme d'état **i^- En 1768, l'académie d© Pétersbourg adjoi- gnit aux astronomes chargés d'observer le pas- Tome I, b IV, 7 & Préfaça sage de Venus , des savans capables de recher* cher, de découvrir et de décrire les richesses naturelles de la Russie. Pallas, Lépéchin , Guldenstaedt , Rytschkof fils , Géorgi , Falk, Souïefy Sokolof, Gmélin neveu , &c. , justifièrent , par l'heureux résultat de leurs tra- vaux , la confiance qu'on leur avoit accordée. Voici le précis des instructions qui leur furent données. Ils dévoient faire des recherches exactes sur la nature du sol , sur celle des eaux , sur les moyens de défricher les déserts , sur l'état actuel de l'agriculture , sur les maladies les plus communes parmi les hommes et les ani- maux , sur les moyens de les guérir et de les prévenir , sur la manière d'élever les abeilles , les vers à soie, et le bétail, particulièrement les moutons , sur les minéraux et les eaux mi- nérales , sur les arts, métiers , et autres objets d'industrie dans chaque province , sur les plantes j, les animaux , l'intérieur , et la forme des montagnes , enfin , sur toutes les parties de l'histoire naturelle. Les voyageurs dévoient s'oc- cuper aussi d'observations géographiques et météorologiques , déterminer la position des bu Traducteur. œî j principaux lieux par des observations astrono- miques j et recueillir tout ce qui concerne les mœurs , les usages , les religions , les cultes y les langues, les traditions, les monumens ,, et les antiquités. Les savans , chargés de ces recherches , ont bien rempli les vues de l'académie 5 il y a peu d'exemples que l'histoire naturelle et la bota- nique aient obtenu , en si peu de teins , un pareil accroissement de richesses. Leurs jour- naux fournissent une quantité immense de ma- tériaux entièrement neufs pour l'histoire des trois règnes de la nature , pour la théorie de la terre , pour tous les objets relatifs aux arts et aux seien ees. Quelques - uns de ces voyageurs ont publié leurs relations particulières ; mais tous , ayant communiqué leurs manuscrits au professeur T allas , chargé de diriger leur marche , l'ou- vrage de ce dernier doit être regardé comme les Mémoires de cette société ambulante de savans. Ainsi , quoiqu'ils n'aient pas toujours tenu la même route , il suffira de tracer ici une esquisse de celle de notre auteur. Il part de Pétersbourg le 21 juin 1768 , passe b a cci] Préface par Moskou , Volodimer , Rassimof > Mourom^* Arsamäs , Kasan , parcourt cette dernière pro- vince , et hiverne^ à Simbirsk. Il se remet en marche au mois de mars 1769, prend sa route par Samara , Orembourg , arrive à Gourief , visite les bords de la mer Caspienne, revient dans la province d'Orembourg , et arrive à Ouf'a, où il passe l'hiver. Après avoir examiné les contrées voisines., il part le 16 mai 1770 , traverse les monts Oural sks jusqu'à Ekaterin- bourg, visite les mines de ce district, passe à Tschéliabinsk 9 et arrive à Tobolsk au mois de* décembre. En 1771 , il traverse les monts Al- taïsk 3 .-"suit le cours de l'Ir tisch jusqu'à Omsk et Kolivan , se rend à Tomsk , et arrive enfin à Krasnoïarsk , ville située sur l'Enisséï , au 66e degré de latitude , où il éprouve un froid si violent , qu'il voit geler le mercure. Il part de cette ville le 7 mars 1772 , prend la route d'Ir- kouzk, traverse le lac Eaïkal pour se rendre à Oudinsk, Sélenguinsk, etKiakhta. Il côtoie les rivières d'in goda et d'Argoun, arrive aux bords de l'Amour, retourne ensuite à Sélinguinsk , et passe un second hiver à Krasnoïarsk. Il em- ploie Tété de 1.770 à visiter les contrées méri- D U T R A D U C T E U R. Xllf dionales , passe à Tara , laïtskoï - Gorodok , Astrakhan, et Zarizin. Il fait de nouveaux voyages au printems suivant , et arrive à Péters- bourg le 3o juillet 1774 , après une absence de six années et un mois. Les relations qu'il donne sur les différent peuples dispersés dans ces vastes contrées ? sur les colonies établies en Russie et en Sibérie , sont également curieuses et intéressantes. On ne lira point avec moins de plaisir les articles concernant le commerce de l'Asie à Orembourg, à Troïtskoï , à Semi - Palatnaia , et celui des Chinois à Kiakhta et à Zouroukaïtou $ en un mot , ces voyages offrent une multitude d'ob- servations savantes dans tous les genres , et donnent des connoissances utiles et précieuses pour l'histoire. Il a ajouté à son ouvrage trois suppîémens en latin , qui contiennent la description de quatre cent vingt - trois quadrupèdes > oiseaux 9 amphibies , poissons , insectes , vers , plan- tes qu'il a observés avec soin , et dont plu- sieurs étoient mal décrits , et d'autres in- connus. Il a eu soin de joindre à leur descrip- tion les noms Russes, Tatars, Kalmouks^ &c» b 3 xiv P R â T A C B La partie des insectes et celle des plantes sont très-riches. Ses descriptions sont exactes , et il s'est fait une loi de ne parler que de ce qu'il a vu , afin de n'avancer rien dont il ne fût certain. Ses observations générales et particulières sur les montagnes , intéresseront tous les phy- siciens 5 il a visité , avec sa pénétration et sa patience ordinaires , les deux fameuses chaînes des monts Ouralsket Aitaïskj il en a comparé entr'elles les différentes branches , et tiré de ses découvertes des conséquences si favorables à l'opinion de Saussure , qu'elles en sont une confirmation , et répandent le plus grand jour sur la théorie des montagnes. Ce rapport frap- pant d'observations , faites à de si grandes dis- tances , sur des chaînes de montagnes de même nature-., entre deux savans qui n'avoient aucune relation entr'eux , semble déposer en faveur de cette nouvelle théorie. Tel est , en général , le précieux ouvrage de Pallas. Le traducteur n'a épargné ni travaux ni soins pour enrichir ces voyages*. Il a rendu en François , autant qu'il lui a été possible , les noms des plantes , en renvoyant 3ö u Traducteur. œv en note les noms latins. Le savant voyageur dit , dans une de ses préfaces , qu'il a conservé , autant qu'il l'a pu , en Allemand , la pronon- ciation des mots et noms Russes , en ajoutant les diphthongues et consonnes nécessaires. Mais comme le François n'a pu conserver la plupart de ces noms , on les a rétablis •, et on les a donnés tels qu'ils se trouvent dans les auteurs et dans les cartes Russes. Il a joint aux snp- plémens Latins les notes intéressantes que le citoyen de la Cépède , le continuateur du Pline François , a bien voulu lui donner , ainsi que celles qui lui ont été communiquées par le ci- toyen Thouin. Ce premier volume (1) renferme une annota- tion intéressante placée en tête des observa- tions sur les Kalmouks. Le traducteur l'a tirée du premier volume des Recherches historiques sur les peuples de race Mongole , par le pro-* fesseur Pallas (2) , qui feront suite aux Voya- (1) Le Citoyen la Peyronnie parle ici du premier volume de Tsdit. in-40. Cette note se trouve dans le tome second , page 145 de notre édition. (Note du rédacteur.) (2) Samlungen historischer naehrichten Mongolischen Völkerschaften i.theiLS, Pétersbourg, 1776, in-40. de 232, p. b 4 scvj Preface du Traducteur! ges.. Il a jugé à propos de réunir les trois pré- faces de son auteur en une seule. Comme la troisième renferme plusieurs observations im- portantes faites depuis l'impression de l'ouvrage, il les a insérées dans le texte , et les a fait rentrer à leur place. avec 7 planches. Je ne connoîs encore que le premier volume de ce savant et curieux ouvrage: il contient une histoire po- îitique , physique et morale des nations Mongoles, des re- cherches sur la généalogie des Kalmouks, enfin une notice sur les mœurs, usages , tempérament et maladies des Kalmouks et des nations Mongoles. Le second volume doit renfermer une histoire complette des peuples soumis au Lama , de leur religion, de l'hiérarchie du Thibet, de la théologie, et des pratiques religieuses des Kalmouks et des Mongols, de leur langue sacrée et vulgaire , de leur écriture , et enfin des restes du schamanisme. Cet intéressant volume n'a point encore paru , au moins il n'est point parvenu à ma connoissance. (Note du rédacteur.) — — ÉMBBBB— I p DU PPvOFESSEVR PALLAS. L'Europe a eu connaissance des ordres donnés par Catherine lî à l'académie Impériale des sciences de Pétershourç ; ils étoient rela-/ tifs au bien de l'humanité et au progrès des sciences : j'eus l'avantage d'être admis au nom- bre de ceux qu'on employa à l'exécution de ces vastes et utiles projets. Le premier plan qu'on avoit d'abord adopté n'aurolt pas satisfait les désirs du public ? puis- qu'il fat statué que les voyageurs ne donne- roient leurs observations qu'après leur retour. Mais le comte Volodiiriïr Orlof, directeur de l'académie , nous exhorta à publier , le plutôt possible, les journaux de nos voyages , afin de répondre à l'empressement de l'empire et des savans de l'Europe. Je me garderai bien de suivre l'exemple de quelques historiens voyageurs , en exaltant mes travaux par une préface longue et ennuyeuse. Je me bornerai à donner les rensei Gœtt'mgen, ï7> t , 1752 , in-8. 4 volft avec nV. Le savant Kéralio a donné un extrait de cet ou- o vrage sous le titre de Voyage en Sibérie , &c. Paris , 1767 , in-12, 2 vol. Il ne faut pas confondre ce voyageur avec son neveu Samuel Gottlieb Gmélin , compagnon du pro- fesseur Pallas, qui a publié son voyage sous le titre de Reisen durch Russland ^u untersuchund der drey natur- reiche. St. Pétersbourg, 1770, 1774, in-4» 3 vol. flg. ( Note du rédacteur. ) œx Préface péjdtion. Mon plan diffère entièrement du sien > sur-tout pour ce qui est relatif à l'histoire na- turelle. Il a entièrement négligé cette partie , puisqu'il ne s'est occupé que de la botanique \ il nous a donné de grands détails sur les plantes de la Sibérie ; il les a ensuite employés à la confection de sa Flora Sihirica. Mais je puis me flatter d'être pins exact que ce voyageur , et je m'étends aussi sur beaucoup d'objets qui lui ont échappé. Les routes que j'ai sui- vies diffèrent également des siennes \ d'ail- leurs les limites de la Russie ont été fort re- culées depuis l'époque de ses voyages ; la di- vision politique de l'empire est entièrement changée ; un grand nombre de lieux ont été peuplés, et on a établi une multitude de forges importantes. J'ai écrit en observateur zélé , et j'ai rendu les choses telles que je les ai vues. On ne doit attendre d'un naturaliste que de l'exactitude dans ses recherches. Il est même des décou- vertes qui promettent d'abord peu d'avantages , et qui deviennent ensuite de la plus grande importance. Aucune science ne prouve mieux cette assertion que l'histoire naturelle. En lai- dû Professeur Pallas. xxj sant abstraction des découvertes que renfer- ment les voyages d'un observateur instruit, le lecteur jouit toujours de la description des pays parcourus ; et il n'est aucun homme d'état qui ne puisse en tirer des avantages réels. Les suf- frages que beaucoup de savans étrangers ont bien voulu accorder aux premiers volumes de cet- ouvrage,, m'ont infiniment flatté ; je puis affirmer que je ne les cannois que par leurs travaux et leur réputation. Je regarde ce suf- frage comme la plus flatteuse récompense des peines et des fatigues que j'ai éprouvées s et qui ont bien altéré ma santé. Il ne m'a pas été possible de donner toutes les cartes sur la même échelle 5 parce que plusieurs de ces contrées étoient beaucoup plus étendues les unes que les autres , ou renferm oient pins d'objets intéressans. Celle du cours du Volga et de l'Iaïk appartient au premier volume. Elle est aussi essentielle pour le cinquième , par rapport aux nouvelles colonies Allemandes éta- blies près du Volga , dont je donne la descrip- tion. Le peu d'étendue de cette carte ne m'a pas permis de les désigner : aussi n'y ai - je fait mention que d'une partie de cette contrée; xxij Préface j'ai jugé à propos de les détailler sur une carte particulière. Toutes les autres ., principalement la carte minéralogique des monts Ouralsks , et celle de la chaîne Altaïske , sont de la plus grande exactitude ; j'ai eu l'attention de les faire rapporter avec le texte de mon ouvrage. Dans la première, j'ai désigné, par des chii- fres et des signes adoptés (i), les différentes espèces de roches , et la nature des mines ri- ches que renferme cette partie intéressante des monts Ouralsks. Elle diffère beaucoup de la carte minéralogique publiée par l'abbé Chappe d ' Auteroche. Cet astronome voyageur faisoit toutes ses observations en poste , et à la lé- gère 5 il ne quittoit jamais la grande route , et il convient lui-même qu'il a puisé la plus grande partie des observations qu'il donne , sur les rapports qu'on lui a faits (2). Les signes mi- (1) On a eu soin de donner l'explication de ces signes à chaque carte. (1) On peut voir l'erreur qu'il a commise sur la hauteur du niveau du Volga et de la mer Caspienne , dans le deu- xième volume de son ouvrage , page 47^ Il est prouvé que le niveau de la mer Caspienne est plus bas que celui de l'Océan. Les observations météorologiques de M. Leere 3 à" bu Professeur Pallas. xxiij néralogiques , tracés sur sa cane, ont été pla- cés arbitrairement. Je n'ai posé les miens qu'a- près mes propres vérifications et l'examen le plus scrupuleux. Je me suis bien gardé de désigner par-tout la nature de la roche , quoi- que j'aie pu la deviner avec assez de certitude, d'après la continuité de ces montagnes , qui offrent peu de dégradations et de variétés dans leur composition. La chaîne des monts Ouralsks est de même nature que celle des montagnes de Suède et des autres contrées de l'Europe , dont nous avons d'excellentes descriptions fondées sur des observations exactes. La base de la chaîne , ou , pour mieux dire , sa ,masse miaéraiogi- que , est composée de granit et d'autres ma- tières vitrifiées ; elles ne percent cependant pas dans les places où la chaîne est très-ré trécie ^ Astrakhan , et celles faites avec le même instrument, par l'abbé Chappe , près du Vol^a , dévoient fixer ce voyageur sur cet objet, et lui prouver la dirféïence de ce niveau. Une chose surprenante , c'est qu'en voulant rectifier son erreur , page 4pi, il craint de donner une solution exacte 5 et il finit par avancer que le niveau de la mer Caspienne est le même que celui de l'Océan. œxiv Préface tel que dans l'Oural des Basclikirs \ on rencon- tre ici des montagnes qui sont entièrement de quartz. On observe, de chaque côté de cette vieille roche , des chaînes de montagnes de schiste par couches renversées. On voit, à l'est, un schiste corné, et des roches micacées, suivi de jaspe. A l'ouest , on trouve , le plus sou- vent, une pierre sablonneuse .micacée , quel- quefois très compacte , qui forme alternative- ment de hautes montagnes 5 elle est accom- pagnée d'alun et d'un schiste argileux. Vien- nent ensuite des montagnes de roche calcaire et compacte, qui s'étendent par couches unies. On y remarque à peine des traces de corps ma- rins pétrifiés. Laroche de ces montagnes, du. côté de la Sibérie, est de la nature du marbre en beaucoup d'endroits. Elles forment le pied de la chaîne , et s'étendent jusque dans le plat pays. Les montagnes minéralogiqucs , qu'elles ont au nord , sont peu considérables. A l'ouest , dans la Baschkirie , et près de Verkoutorié s'élèvent en hautes montagnes, des rocs qui ont l'air d'être une montagne primitive. On y dé- couvre du granit et du schiste , qui forment des pics d'une hauteur prodigieuse. Les couches de bü Professeur Pallas, xxv de cette montagne primitive s'étendent de plus en plus ß ejfc^se terminent par des couches cal- caires horizontales , qui continuent sous la Taste plaine de la Russie, C'est sur cette mon- tagne primitive qu'est assise cette chaîne de schiste sablonneux, si riche en mines de cui- vre. Elle s'étend depuis Solikamskaia, et même de plus haut , à travers la Permie et le gou- vernement d'Orembourg jusques dans les landes des Kirguis. Cette chaîne est par-tout séparée de la principale par quelques vallons 5 et dans toute la contrée baignée par l'Onfa , par une large plaine boisée \ un|^ii«'^fie|palcaire suc- cède ici subitemenr au terreau. C'est sans doute la raison qui a engagé l'abbé C happe à avancer que les monts Ouralsks se partageoient en deux chaînes principales au sud de la Permie. C'est une erreur , puisque ces montagnes minéralo- giques se rejoignent à la chaîne principale en- tre la Biélaia et l'Iaïk ; elles forment ensuite , par leur réunion , la fameuse chaîne connue sous le nom d'OuSTSCHÉi - Sirt; celle-ci se perd entre l'Iaïk et la Samara. (Les monts Ou- ralsks forment plusieurs autres chaînes , qui bordent les fleuves, dont le cours esta l'ouest $ Tome I. c xxvj Préface elles se terminent , par pentes , en montagnes calcaires. ) Elle est encore assez considérable dans les landes des Kalmouks , à cause de la pente escarpée du sol coupé à pic vers la plaine saline , qui étoit baignée par la mer dans les derniers siècles. On ne doit cependant pas re- garder l'Obstschéi-Sirt comme la chaîne prin- cipale des monts Ouralsks, ainsi que l'a dit M. Rytschkofàà.ns sa Topographie d? Oremboïtrg 9 d'après le rapport des paysans qui habitent la plaine située entre Orembourg et Kasan. Ou rencontre très - rarement des corps ma- rins dans ces nbouches de pierre sablonneuse» On n'y a trouvé, jusqu'à »présent, d'autres pé- trifications que des plantes indigènes , des mor- ceaux de bois , et des os d'animaux ; c'est une preuve que ces pétrifications y ont été chariées par un déluge récent , qui a inondé ce vaste district $ elles ne l'ont sûrement pas été par la nier Pacifique } quia déposé, dans des couches calcaires horizontales , les coquilles de inouïes , et les pyrites dont elles sont si richement par- semées. Cette chaîne de schiste sablonneux n'existe point dans la partie orientale des monts Ouralsks , du moins dans tout le district que j'ai pv Professeur Paillas. xxvij parcouru. Cette partie n'offre pas autant d'in- dices de minerai de cuivre par couches hori- zontales, tandis que la partie occidentale abonde en mines , et sur-tout près des forges. Je n'ai désigné sur ma carte que les plus remarqua- Lies , et celles qui sont en exploitation réglée. La partie orientale de ces montagnes offre , en 'revanche, des minerais de cuivre beaucoup plus riches, dont quelques-uns même contien- nent de l'argent. On les rencontre, en partie , par gangues, suivant les coiiches de schiste, et en partie par nids. On trouve le plus com- munément ces derniers , ainsi que les riches gangues des districts éloignés de la Sibérie , dans les séparations des couches de schiste et de chaux. Cette observation est un des meil- leurs indices pour la recherche des mines en Sibérie , et sur - tout pour celles des métaux fins. C'est principalement dans les couches cal- caires qu'il faut chercher les riches mmes de fer; on les y trouve par étages et par monta- gnes entières , soit par couches mêlées , soit par gangues. Je suis entré dans ces détails pour répandre plus de clarté sur ma carte des monts Ouralsks , c % SJCXvii) P R É F À C B et sur les observations dont je parle dans la relation de mes voyages. Cette carte doit en- gager les officiers préposés à l'exploitatioif des mines de ce dîstriet , à en publier une plus détaillée de ces montagnes minéralogiques. Il résulterait les plus grands avantages de ce tra- vail, négligé jusqu'ici. Quant à ma carte des monts Altaïsks , elle n'exige aucune observa- tion; les détails où je suis entré à ce sujet sont très-bien rendus : les notes que j'y ai ajoutées complètent parfaitement cette partie de mon ouvrage. J'ai terminé cliaque volume par un Appen- dix (1) , qui renferme les descriptions des ani- maux et plantes nouvellement connus, J'ai mieux aimé les séparer que de les insérer dans le texte , pour la commodité des lecteurs. Je n'ai parlé que des plus remarquables ; j'ai donné peu de dessins d'animaux et d'oiseaux, parce que je réserve tous ces détails pour un grand ouvrage que je me propose de publier dans la (i) Nous avons reporté cet Appendix dans le dernier vo hime de cette cditioa. ( Le Rédacteur* ) Bu* Professeur Pallas. ocxioû suite sur la Zoologie des animaux de la Russie €t de l'Asie septentrionale. Si qua meis fuerlnt , ut erunt , vitiosa , lihellis 9 Excusata suo tempore , lector , habe, Ovid. Trist, üb. IV. eîeg. L £. Pétersbourg > ce 10 février 1776 (vieux style). 9Û € 3 A V I V TRADUCTEU tant été forcé de laisser subsister plu- sieurs dénominations Russes , ainsi que les termes des poids et mesures , le traducteur a jugé à propos de mettre en tête du premier vorurne ce petit dictionnaire Russe et Fran- çois ^ nécessaire pour l'intelligence de cet ou- vrage. Arschïinë , une aime. Atlas , un atlas. Bekeg et Breg , l^s côtes àc la mer, ou le rivage d'ua fleuve. ÉiélU-j laîa , toiÉ, blanc. Eoloto , un marais. Bor , forêt de pins , mélangée de bouleaux. L/auteur s'en sert aussi pour désigner une montagne garnie de bois. Brod, un gué. Bouguérak , un vallon. Bougor , une colline. Bïstrîi , traia , troié, rapide. tDÉRÉviAwisiïi-GoROD , ville avec des fortiücations de boisl. Dérevnïa , un village. DoLGUir , c-aia, goé , long. Dolgota , longitude. jDorcGa , un chemin. Gavai; , un port , un havre. Gloubina , la profondeur. Cloueokii, kaia , koé , profond* Gui LU, jiaia, loé, pourri. Avis du Traducteur. ccxxj Groa , une montagne j Gori, au pluriel. Gorod et Gorodck, une ville. Goroditsché , lieu oi\ étoit anciennement une ville,, Gradous , un degré de l'équateur. Granïtza , ïa frontière. Gouba , une baie, un golfe , et quelquefois un district. Gouberkiia , un gouvernement. ïam , relais de poste. Iamskaia , résidence d'un grand nombre de voituriei's. ' fc> Iar , un bord, un rivage escarpé. Iassak, tribut qwe les Sibériens et différentes hordes Tatares payent à la Russie. C'est aussi le nom sous lequel est en- core connu , dans le nord de l'Asie , le Code de Djerïguy'ç» Khan (i). Iasatnisché-Sïmovié , lieu ou les peupîes'de Sibérie payent la taille. Ïoug , le sud , le midi. Iourta , tente des peuples de l'Asie septentrionale, Voyez la note sur ce mot, tom. VI, p. zoo. Izbouschka , une cabane. Kamen , rocher. Kamennïi-Gorod-, ville entourée de murailles de pierres. Kanal , un canal; quelquefois un détroit . et l'embouchure d'une rivière. Karaoul, une sentinelle. Karaoulnia, un corps-de-garde,. Khirota , la latitude. Klioutsch, une source. Krébet , une chaîne de montagnes. Kriépost j une forteresse. fi) J'ai recueilli les fragmens de ce code célèbre dispersés dans «fifferen« auteurs Arabes, Persans, et je les ai pjac.es à îa suite de ma traduction des Instituts politiques et militaires de Tymour ( Tamerlan ). Paris, 1787, j voi. in-2. avec £g. ( hôte du Rédac- teur, ) c 4 œxxij Avis du Traducteur« Lxeä, une forêt. Liévaia-Storona , le côté gauche d'une rivière. Liman , lac marécageux, duquel sort, ou dans lequel entre un fleuve* Linïeia , une ligne , un retranchement. Lqngovaia-Stcrona ,1a plaine qui est du coté d'un£euve, si l'autre côté est élevé. Maiak , un fanal , un phare. Mala ou Maloï , petit. Matéraia-Zemlia , la terre ferme. Melnïka, un moulin. Miel , un banc de sable. Minûuta , une minute, ou la soixantième partie d'un degré. Mis , un cap. Mokas tir , un couvent. More , la mer. Most, un pont. Nagornaia-Storona , élévation d'une rive d'un fleuve, sî l'autre est basse. Nishniî , waia, uoé , bas , inférieur. Nos , un cap , un promontoire. Okéan , l'Océan. Osélok, lieu où étoit anciennement situé un bourg ou un village, dont le propriétaire a transpoité aillems les habi- tans. Cet endroit , quoique désert , conserve toujours son nom. Osero , un lac. * Ce mot est Russe j en Tatar , noor ; en Kalmouk , koulb , koll , qui se prononce aussi golL ©strof , une île. Ostrog . lieu entouré de palissades. On en trouve beaucoup en Sibérie. Au lieu de murs , on enfonce de grands pieux perpendiculairement dans la terre, ou l'on fait des para- pets de bois et des remparts avec des poutres posées en travers Tune sur l'autre. Ces lieux sont moins considérables que les bourgs, et Us ne renferment qu'un petit nombre de maisons« Ans dtt Traducteur.! xxxiij Oured , cercle ou district. Il est moindre qu'une province et plus considérable qu'un stan , volost et pogost. Ousadba , colonie, peuplade. Oustié, embouchure d'un fleuve. On ajoute communément ie mot iïoust , au nom du lieu situé près d'une pareille embouchure. Péréprava, passage sur une rivière. Pérévoloka, endroit où il faut aller par terre pour passer d'un fleuve ou d'une mer à l'autre. Perspectiva, chemin tiré au cordeau. Piatina, un cinquième. C'étoit l'ancienne manière de diviser les districts à Novo^orod. Pliosa , grand banc de sable qui s'étend fort avant dans la mer depuis le rivage. Pogost ; ce mot désigne quelquefois une église isolée avec les bâtimens dépendans , où logent ceux qui la desservent. En général , on entend par cette dénomination , une paroisse avec son territoire. Polé , un champ. Polovina, la moitié. Poloudennii, naia , ncé , méridional. Porogi , cataraci.es. Port , un port. PosÉLÉîsiiÉ , colonie. Pravaia-Stgrgna , le côté droit d'un fleuve en le descen^, dan t. Priamii, maia, moé, droit. Prigorodck ou Prigoroditsché , ville située près d'une autre. Quelques-unes ont leur propre territoire. Celles qui sont sur le territoire et sous la Jurisdiction d'une autre ville n'en ont pas. Ce mot signifie littéralement une pe- tite ville. Prikaz, chancellerie. Pripisnoi Gorod, ville sous-provinciale ou annexée à cer- taine province. Il y en a de deux sortes j l'une a un ter- ritoire ou diftiitt, l'autre »'en a point. acxxiv Avis bu Ïraducteub; PriséloîC, vilïe avec une église, qui est sous la jurisdictios d'an maire ou d'un bourg. PrîStan , lieu où Ton a établi des entrepôts de marchandises* Prot OK , ruisseau. Provincîa , province. Provinciaï.noi-Gorod, ville provinciale, ou réside le gou* veraeur, le soüs-gouverneftr , ou un voiévode , et qui a d'autres villes dans sa Jurisdiction, appelées Pripiswa- GORODÏ. Poustiî, taïa, toté, désert*. Poustoz [voyc\ Osélok). Poitstînïa : désert , hermitap-e. Rasonnoié-Miesto , lieu désolé , ruiné, Réïda, rade. Riéka , fleuve , grande rivière« Rîetsckka , ruisseau. Rontschéi , petit ruisseau. Saien , toise , brasse. Sastava, place de péage. Sélo , bourg. On appelle ainsi un endroit où il y a une église avec les bâtimens dépendans. Quelques-uns appar- tiennent à des particuliers ou à des couvens. On donne in- différemment ce nom à tout village à clocher. Selko, bourgade, où le propriétaire fait sa demeure, mais où il n'y a pas d'église. Aussi-tôt qu'on y en a bâti une ? l'endroit prend alors le nom de Sélo. Sélénié , colonie. Sîever , nord. Sievernu, naia, woÊ , septentrional. Simovié , habitations d'hiver. Sloeod ; il y en a de différentes espèces: Sloeodï-Outpd^ta, faubourgs de cercle. Ils sont situés dans les cercles', plus grands et mieux bâtis que beaucoup de pct: [es'} mais ils ne sont pas fortifies. Ils sont habi es par >; - rhands» qui ont leurs magistrats et leurs bureaux de • ïaivs- kïé-Sloeodi, sont les lieux habités par les volt riefst Les IS BIT 1 RADÏÏCTIUR. XXXV SlobodÏ de Sibérie sont occupés par des paysans, et on peut les regarder comme une partie d'un cercle, puisqu'on y rencontre beaucoup de paroisses et d'autres villages, et même des Ostrogs dans quelques-uns. :Jans la province de Tobolsk, Sloboda signifie un bourg entouré d'un mur de bois. Slouschivié, infanterie irrégulière. Sol , sel. Stan , partie d'un cercle qui renferme un grand nombre' d'églises» Stanitz , lieu habité par des Kosaques. Staroi, raia , roié, vieux. Step , désert , contrée unie et aride ; le traducteur s'est servi presque par «tout du mot de lande au lieu de Step, SviATOI, TAIA, TOÉ , Saint. ;, Taou, une grande chaîne de montagnes. Vélikii, kaia, koé, grand. Verneï, naia, noé , dessus, supérieur. Versta, vcrste, mesure itinéraire de Russie. Verschok , seizième partie d'une arschine. Volok ( voye\ Pérévolcka ). Volost , domaine. On appelle ainsi toutes les terres qui appartiennent. à la couronne. Elle y entretient des maires pour rendre la justice aux paysans. Il y a des VoloSt qui sont aussi considérables qu'un Stan. On en compte quel- quefois plusieurs pour un Stan. Vostoschnii, naia , noé , oriental. Vcstck , l'orient. Zaliv, golfe, baie'./ Zapad, l'ouest* Zapadnii, mata, noé, occidental* Zavodi, forges, fonderîes. Zemlta, terré, pays. < t i TABLEAU COMPARATIF DES POIDS ET MESURES DE RUSSIE; Dressé par h Rédacteur de cette nouvelle édition (i). P o i d s. JLjE Berkovetz ou Perkcvez , selon l'orthographe è? Hühner y contient 10 pouds , ou 400 livres Russes, oa 33$ livres de Hambourg, ou 3 go livres de Paris. Le Tschetvert ou Tschetverlt , mesure employée pour les grains , pèse 9 pouds \ , ou 3 1 3 livres 8 onces de Paris» On le divise en 8 tschetveriks. Le Tschetverik pèse donc 39 livres 3- onces de Paris, et se partage en 4 vocemiks , ou en 8 garnet^. Le Vocemik, conséquemment en 2 garnet\. Le Garketz pèse 4 livres 14 onces 3 gros de Paris. Le Poud ,. poids dont on se sert pour les marchandises lourdes et grossières, telles que le chanvre, le lin, le cuir , (1) J'ai indiqué dans l'Avertissement les motifs qui m'ont déterminé à refaire entièrement cette partie du travail du citoyen la Peyrpnnie» Il me suffira donc de citer les ouvrages employés à la rédaction de ce Tableau. — STRAHLENBERGS nord und östliche theil von Europa und Asia , XIII Kapit, Ce chapitre, extrêmement intéressant pour ïe commerce , les productions et les antiquités de la Russie, n'a pas été traduit dans l'abrégé de l'ouvrage de Strahlenbcrg , publié en françois sous le titre de Description historique de l'Empiv* Russian , Paris, 17Î7, in- 12, 2 vol. — KiiBNERS curiœsen und realen natur-kunst-und handlungs-lexïcon > pag. 1216. — HaNSWAy's historical account of the british trade over the Caspian sea , JVitha journal of travels from London through Russia into Persia, &c. tom. II, pag. J27, 128 et 129. — Traité sur le commerce de la mer Noire, par PeyssoNEL , tom. I, pag. 264 et 26 s • ( Lanf>lltJ~ Poids et mesures de Russie, xxxvij etc. équivaut à 40 livres de Russie , ou 3 3 livres \ de Ham- bourg , ou 33 livres de Paris. La livre de Russie équivaut à \6 onces de Paris ( à îj seulement, selon Peyssonel ) ; elle contient 31 lotts. Le Lott est une demi-once et se divise en 3 solotnlksî Le Solotnik en 3 grains : Le grain en 10 scrupules : Nota. On se sert aussi en Russie , pour peser Tor et l'argent, de deniers, de karats , et de grains. Il résulte donc que 10 scrupules font 1 grain. 3 grains ..... ï solotnik, 3 solotniks . . . . 1 lott. 31 lotts ...... 1 livre Russe. 40 livres Russes . . 1 poud. 9 pouds 4 1 tschetverfc. Mesures des Solides. Le Versta ou * erste équivaut à un quart de nos lieues Françoises de z5 au degré ; il contient 500 saschens. Le Sasçhen ou sa\chen , que nous prononçons sajêne 7 est proprement la toise Russe , et équivaut à 7 pieds d'An- gleterre , ou à 6 pieds 9 lignes ?QVA de ligne de Paris, le pied Anglois ne portant que 1 ï pouces 3 lignes t^zoi ^ ligne , mesure de Paris. Le sas c hin se divise en 3 ars- chines. L'arschïne est Faune Russe ; 167 arschlnes ou 164 seu- lement , selon Peyssonel , font 100 aunes de Paris, h'ars- ihine se divise en 1 6 parties , qu'on nomme verschok , 611 bien en 3 sacs. Le verschok est la seizième partie d'une arschlne ; zooo verschoks font 1755 pouces anglois. Le sac est une mesure uniquement consacrée pour las pelleteries > et fait juste le tiers d'une arschine. xxxvii) Poids et mesures de Russie. Ainsi \ sacs on \ font jarschine. 6 verscnoks) 3 arschines .......... i saschen. 500 saschens . . . . . . .. . . . .1 vers te* et enfin 104 vers tes , 131 saschens, 1 IES DE RUSSIE, En Or. L'Impériale ..... La demi-Impériale . , Le Diîcat Le Rouble d'or . . . Le demi-Rouble d'or En Argent. VALEUR. Le Rouble (i) . Le demi -rouble, ou Poltina . Le quart de Rouble ...... Les pièces de i ? Les pièces de 10 , appelées) Grlvne ( 2- ) • ........ » roubles, kopehs. IO » 5 » z » 1 » » 50 Evaluation en argent de France. ILv. sous, den. 50 » » ÏO i> z ÏO » 100 5 » » » 50 z ÏO » *> -5 1 5 » » 15 » 1? » 10 » (1) Voici l'origine du nom de cette moïmoie^ selon Strahlenberg» Les Russes autrefois , dît-il , n'avoient que des dengäs , et se ser- voient de tailles pour compter. Quand il y a/oit cent marques 3 ils faisoient une entaille avec un couteau , et cette entaille se nom-. moit rouble. Ayant frappé dans la suite une pièce de cent kopeks , ils la désignèrent toujours sous le nom de rouble, Strahlenbergs nord und ostl, Europa und Asia , Kap. XIII, seit. 407, Quoique l'on porte communément le rouble à cinq livres tournois , Peys- sonel ne l'evaluoit que 4 livres ou 4 livres 2 sous au mois de dé- cembre 17^4. Voyez, son Truite sur le commerce de la mer Noire 9 tom. ï, pag. x66. (Kote du Rédacteur.) (2) Ou grima. Ce mot signifie proprement bijoux , ornement de col , parce que les Russes poitoient autrefois au col dQ$ médailles et des portraits qu'ils appeloient grivna. Ibid. ac suprà , p. 359, ( Note du Rédacteur. ) xl Monnoies de Russie. "En Cuivre* VALEUR. La Grlvne , ou pièce de 10 kop. La pièce de 5 La pièce de 3 , appelée Al- tina ( 1 ) » . » La pièce de 1 » Le Kopek {1) Le Denischka (3) Le Polouschka rcubles. kopeks. » IO Evaluation en argent Je France, iiv. SO US t den. » ÎO *> » S » » 3 » y> i » » i » » » 6 » » (1) Ou altyn. Ce mot est Tatar et signifie six , parce que six dengas font un altyn. (z) Ou kopeyka. Ce nom vient de Ao^o? ou pique. En effet le cavalier dont cette pièce porte l'empreinte , a une pique à la main ; c'est pour cela aussi qu'on a substitué dans la suite la pique au sabre dans les armes de Moskovie. Les premiers kopeks furent frappés dans le quinzième siècle. En 1724 le czar Pierre 1er défendit la fabrication des kopeks d'argent, parce que chaque année le nombre des faux kopeks surpassoit celui des bons j ce qui causoit une grande perte pour l'état, ibid. ac supra. ( Note du Rédacteur, ) (3) Ou denga. On battoit autrefois des dengas d'argent à Droskow , et l'usage de cette monnoie est très -ancien en Russie. Les Tatars de la grande Boukharie et du Kharasme ont encore une monnoie d'argent qu'ils nomment Tanga. Tamgha , en Persan , ou altemgha , signifie, selon Meninsky , un poinçon dont on marque les vases et les monnoies d'or et d'argent , et en langue Turkomane, insignia ■principes. Voyez Strahlenbergs , Asia und Europa, &c. p. 349« Histoire généalogique des Tatars , par Ab ni ga\ y-B ay adur-Kkan , p. 542, et Meninsky Lcxicon Arabico - Fersico Turcicum , t. II, p. 207 , seconde édit. ( ■Noie du Rédacteur. ) ». , .. — — ■— —M— ■— VOYAGES Y r D Ü PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE. tSs ■„ ;■ — -,. , ' , — gase : " ■ àasctf "i— ., v; : , '". r::...;;..,.,::.. ,,.,> . s CSfe S. L D'Ishora à Vyöropousk. Du 21 juin au Ier juillet. Ishora , 35 verstes. — Tosninskoï-Iam , 2.3 v» — Louban. 16 v. — * Tschoudovo , 32 v. • — « Spaskaia-J? \plist , a5 v. — Vodbéresié y 2.3 v. — Novogorod - Veliki, 22 v. — Bronizkoï- ïam, 35 v.-*-Broniza-Gora. — \SVzKs0POj3o v. « — Kî'estezkoi-Iam, 3i v. — lashelbitza , 39 V, • — V aidai, 21 v. — Sagoskoï- lam , 2 v. — « lédrovo , 22 v. — Vischnéï-V olotschok , 36 v. - — Couvent deNikolskoï. — Vjydropou.sk, 33 v. J_j es préparatifs d'un long voyage,, et d'autres circonstances, retardèrent, jusqu'à la fin de Tome I. A $ I768. D5 I S H O Ä A juin, le départ des savans nommés par l'aca*- demie des sciences de Pétersbourg , ponr faire des découvertes dans les provinces limitrophes du midi de l'empire de Russie. Je partis le 2.1 avec les personnes destinées à m'accompagner. WlM.Lep échin et Gilldenstedt étoient partis peu de jours avant. Ils a voient ordre de passer par Môskou pour se rendre dans la petite Russie dans le gouvernement d'Astrakhan, & d'obser- Ter avec soin les contrées qu'ils trouveroient sur leurs routes. Je me rendis à Moskou par le chemin le plus court , afin d'arriver pendant la belle sai- son dans les contrées que je devois parcourir. Cette saison approchoit • nous avions avec nous beaucoup d'équipages, que nous ne pouvions laisser en arrière, et nous ne trouvions à re- layer que de cinquante en cinquante verstes (1). La grande route de Moskou traverse une par- tie de FIngrie , qui n'offre rien d'intéressant. Ce ne sont , presque par-tout , que des bas-fonds 9 où il ne croît que les plantes communes aux prairies ., aux marais du nord de l'Europe , et les mousses que l'on trouve dans toutes les tourbiè- res. La cal le des marais (2) et la linaigrette (3) y croissent et s'y multiplient abondamment : on pourroit, dans les années de disette , se servir (1) De dix en dix lieues, (1) Calla, (3) Eriophorum* A VîBROPduSK.' 3 Utilement cle la racine du pied-de-veäu pour faire du pain , à l'exemple des Suédois. Après avoir passé Tosna , on arrive à une foret située dans un terrain très-marécageux 5 elle est composée de sapins et de bouleaux ; et Ton y trouve peu d'arbres de haute -futaie. On y a fait un grand nombre de coupes , sur- tout auprès des villages, Les lieux dégarnis fourmillent de taons. Les plus communs sont le tahanus bovinus , tropicus et cœcutiens ; nous y vîmes aussi le tahanus tarandlnus et pluvialis. Nous arrivâmes le 22 à Tschoudovo , village considérable, avec un couvent, situé sur une hauteur dont le pied est baigné par le petit lac Irez. Cette élévation est bordée d'une cou- che calcaire., mêlée de pétrifications : elle forme une partie du rivage et du lit de ce réservoir. Il est vraisemblable que cette couche calcaire est une continuation de celles qui composent la plus grande partie du rivage du lac Ihnen. Cette foret se termine près du village de Pod- héresié. Ici le terrain est noir , entremêlé de sable y à l'exception de quelques bas-fonds qui forment de belles prairies. Il est le même jus- qu'à Novogorod , et il produit les plus beaux grains possibles , quoiqu'on n'y fume les terres que bien rarement. Les villages sont aussi plus nombreux dans cette contrée que dans les autres. La charrue appelée soka , avec laquelle on laboure les terres ? et qui est en usage dans A a 4 Î768. D ' I S H O R A » presque toute la Russie 9 est d'une grande sim- plicité 7 & très-légère \ elle ne sert , pour ainsi dire , qu'à égratigner la terre à la profondeur d'un pouce et demi. La herse finoise ^ dont on fait aussi usage , n'est qu'un assemblage , grossièrement lié 9 de troncs de jeunes sapins fendus en deux , et dont on a coupé les bran- dies à la longueur de sept à huit pouces. Pour rendre ces herses plus pesantes , le la- boureur les fait tremper dans Veau pendant le tems des semailles. Il n'y a point d'instrument moins dispendieux que ceux dont on se sert en Kussie. Avec de pareils moyens ^ l'agriculteur ne fait qu'écorcher la superficie des champs > et couvre même à peine la semence. C'est aussi ce qui occasionne les mauvaises récoltes dans les années de sécheresse. Les mars , que l'on est forcé d'ensemencer ici très-tard , ne réussis- sent pas autant qu'ils le fer oient dans un aussi bon terrain , si les semailles prenoient de plus profondes racines ./ et ombrageoient à temps la terre (1). J'arrivai le 2.3 au soir à Novogorod. J'en partis le lendemain à midi , après m'être pourvu de plusieurs choses dont j'avois besoin. Je n'entre- (1 ) Il faut avouer , d'un autre côté , que dans bien des en- droits un labour plus profond feroit perdre la fertilité des terres , en mêlant à la couche plus ou moins profonde de bonnes terres , des sables ,. des craies ou des glaises qui se trouvent à peu de profondeur sous le terreau, A V Y B H O ï> O TT S tî 5 !raï dans aucun détail sur cette ville antique , puisque je n'ai fait qu'y passer , et qu'elle est connue suffisamment par les descriptions qu'en ont données plusieurs voyageurs. Elle est située sur les rives du Volkof près de la sortie du lac Ilmen (1) 5 & c'est par cette rivière que ce lac communique avec le Ladoga. Je vis fourmiller près du rivage, qui est fort bas , une espèce particulière de punaises d'eau , très-petite (2). Ces insectes y attirent des troupes d' aie vains qui en font leur pâture. On ne trouve ici que les plantes communes aux prairies du Nord. On voit cependant , dans les fossés de la ville , de la grande ciguë (3), & de l'oreille- de -sou- ris (4) 3 cette dernière est très- commune au- delà de Moskou. Nous arrivâmes de bonne heure ie %5 à Bro- nizkoï-Iam. On passe ici la Msta à la barque. Elle abonde en poisson } on y prend une espèce de saumonneau délicieux (5) qui vient du lac (1) On trouve une vue de cette vilîe dans l'atlas de Y His- toire physique , morale , civile et politique de la Russie an- cienne et moderne ,par Le Clerc , père et fils. Le gouvernement de Novogorod est composé des cercles suivans : Novogorod , Kreszi , Stara-Roussa , Valdaï , Borovitschi , Oustiouina , Tschérépo.vez , Kirilof, Ladoga , Tikvîn. (z) Notonecta atomaria. Voyez le Nü. 199 de Y Appendix*. (3) Conium maculosum. (4) Myosotis lappula, (s) Salmo eriox* A 3 6 Î708. B ■ I S H O S. A Ilmen. Je m'y arrêtai quelques heures pour ob* server un objet intéressant. C'est une colline ronde , assez considérable , et très - escarpée , qui porte le nom du village , au sud - ouest duquel elle se trouve (1). On découvre de son sommet le lac Ilmen qui en est voisin , et une belle et vaste contrée, On y trouve deux sour- ces peu abondantes 3 mais remarquables par leur position, L'une -d'elles , qui est sur la pente sud , a au plus six pieds de profon- deur -, elle est ceinte d'un mur. Les gens du pays lui attribuent des vertus qu'elle n'a pas. On a laissé entièrement tomber en ruines la maison destinée aux personnes qui venoient y prendre les eaux. On a construit une cha- pelle près de l'autre source, qui est sur la cîme de la colline. Celle-ci est simplement un trou^ entouré et couvert de callitric printannier (2) et de la fétuque flottante (3). La belle situa- tion de cette montagne y attire la jeunesse des environs les jours de fête. Elle est boisée d'or- mes 5 ce qui form oit , avec les différentes nuances des plantes qui étoient en fleurs , le coup-d'oeii le plus riant. On commence à voir (1) Il existe une gravure de cette colline isolée, parmi les vues des villes de Russie et de Sibcrie , qui se vendent à la librairie de l'Académie des Sciences de Pcicrsbourg , en trente-deux feuilles. (z) Callitriche verna^ (|) Fei tue a fluiuvu* A V Y D R O V Ô V S k: y ici beaucoup d'œil-de-hœuf (i) et de scabieuse succise (2). Je trouvai, sur la partie méridionale de la colline., la gnavelie annuelle (3) et la flouve odorante (4) en fleurs. Le sol de cette colline et celui de tous les environs est argileux. On trouve, près de la base de cette monticule , des roches d'une grosseur prodigieuse ; elles sont composées d'un quartz rougeâtre , mêlé d'une blende noire qui y est disséminée comme dans le granit. Ces pierres sont très-propres aux bâtimens ; aussi en a-t-on transporté beau- coup à Pétersbourg. On en trouve qui ont jusqu'à une toise de diamètre. La "plus grosse de ces roches étoit au pied de la colline , et avoit plus de trois toises. Sont-ce les eaux qui ont pu faire rouler si loin ces masses de ro- chers , comme on l'affirme en général de toutes ces pierres détachées ? Nous ne croyons pas qu'il soit possible à l'eau de charrier des masses aussi prodigieuses. Nous pensons qu'il yauroit un autre système à former sur l'origine de toutes ces roches granitiques , qui sont ordi- nairement les plus grosses de toutes celles qu'on trouve isolées. Les environs de Bronizkoï - lam sont en- core remarquables par quelques tombes éle- (1) Chrysanthemum leucanthemum. (z) Scabiosa succlsa. ($) Scleranthus annuus. (4) Amhoxantum odoracum* A 4 4$ 1768. D ' I S H O R A vées , peu éloignées de la chaussée. Gommé elles peuvent avoir quelque rapport avec l'his- toire du pays , il seroit à souhaiter que l'on s'occupât de faire des recherches à ce sujet. Après avoir passé un village voisin , nommé Iesiana , on traverse un large fond rempli d'eau ; on entre ensuite dans une forêt composée d'a- bord de sapins et de bouleaux 5 on n'y trouve en- suite que des pins. On a fait des coupes des deux côtés de la chaussée , et défriché une partie de ce terrain que l'on a converti en champ $ l'autre partie est encore couverte d'herbes de marais et de bruyères. Ce bois est rempli de fougères de diverses espèces , de bruyères , d'andromède (1) et d'airelle (2). Le polytric commun (3) y a souvent onze pouces de hauteur. Le lycopode à massue (4) , y est aussi abondant que les plantes désignées ci- dessus. On voit des places entières couvertes de fetuque flottante (5) 5 on pourroit en ré- colter la graine , qui fourniroit un gruau très- agréable. J'arrivai à Saïzovo pendant la nuit. Le ter- rain de ce district est rouge et marneux ; il y croît cependant de très-beaux grains. On tra- (1) Andromeda. Lin. flor. Lap. tome L (t) Vaccinïum Myrtillus. (5) Polytrlchum commune» (4) Lycopodium clavatum» (5) Festucaflu'uans* Lin« A V Y D R O P O IJ S K.' £ verse ensuite le ruisseau de lemlia , où l'on trouve des moules avec des perles. Les envi* rons de Krestezkoï sont parsemés de collines. Les unes sont boisées de sapins et de bou- leaux 5 les autres sont en terres labourées. Près de Krestezkoï est la petite rivière de Cholova, dont le lit est dans un fond argileux. Elle est bordée de belles prairies de trèfles , qui étoient alors nuancées par le bleu des fleurs de la eampanulle (1) et par le jaune des fleurs de l'épervière en cime (2). Il croît du fluteau na- geant (3) dans les bourbiers de ces prairies, où je trouvai aussi beaucoup de polypes-à- bras (4). Des environs de Krestezkoï à Saïzovo > le pays est rempli de cailloux semblables à ceux que j'ai trouvés pi~ès de la montagne de Sroniza 5 ils sont de différentes grosseurs. Si l'on vouloit ramasser ceux qui sont dans les champs et les prairies , il y en auroit assez pour cliarger la chaussée que l'on est obligé de pontonneravec des arbres dans plusieurs endroits. On com- mence à trouver dans les bois de cette contrée la valériane grecque (5) , l'aconit tue -loup (6) ,.-»,M^r T-n„*HL -*•*• (1) Campanula. (z) Hieracium cîmosum, (3) Si lis ma natans. (4) Hydra pedunçulata. (•)') Pofomonium cœruleum. (6) /iconiuim Lycoctonunt,* ÏO lj6S. B ' I S H O B A et Tépilobe à feuilles étroites (1). Ces bois sont remplis de genévriers , de viornes et de bétoines. J'y reconnus aussi beaucoup de papillons de l'alisier (2). Passé Krestezkoï , les montagnes de Valdaï s'élèvent de plus en plus. Il y a sur plusieurs de ces collines de beaux étangs , qui se communi- quent par des ruisseaux. L'eau de ces étangs est très-claire. Ici on commence à voir la linaigrette à gaine (3). Nous arrivâmes le 2,7 , à la pointe du jour,4 au village de lashelbiza , situé près de la petite rivière de Poloma, Un paysan me montra des morceaux de mauvaise houille qu'il avoit déter- rés près d'un ruisseau qui se jette, à ce que l'on dit, dans la Msta. A trois verstes de ce village on passe le ruisseau de Grémaetscha , qui est très- rapide et rempli de pierres. Je crois qu'un ob- servateur , maître de son teins , pourrait y faire plusieurs découvertes minéralogiques. Son ri- vage droit, au-dessus de la chaussée, est un ter- rain noir , mêlé de veines d'ocre et d'argile. Il est rempli de pyrites arsenicales , dont les unes sont marquées de rayons qui prennent facile- ment effervescence. On trouve aussi dans ce ruisseau quelques pierres à fusil , des longues et (?) Epilobium augustifollum. \z) Papilla craiœgl. (3) Erïophorum vaginatum^ A VyDROPOUS K. ïl des madrépores. La chaleur fut si excessive ce jour-là , que le thermomètre de de l'Jsle , placé *t~ l'ombre , monta plus haut que le cent cinquiè- me degré. Nous arrivâmes le 28 au soir à Valdaî. Ce lieu a été peuplé sous le règne d'Alexis Mikailovitz par des prisonniers Polonois que ce prince y établit 5 aussi ses habitans, qui sont fort gais, ont-ils conservé jusqu'à ce jour quelque chose de leur origine , sur-tout dans leur manière de s'exprimer., et dans la prononciation. Près de là est un lac de ce nom, qui a quinze verstes de Ion"; ; il se dé^org-e dans un lac voisin par le ruisseau de Vaklaïka. Les eaux de ce dernier se jettent dans la Msta. Le Valdaî renferme plu- sieurs îles qui le rendent agréable 5 celle du mi-* lieu est célèbre par le monastère d'Iverskoï, fondé en i65/± par l'historien et patriarche Ni- kon, et où l'on remarque de très-beaux édifices en pierres. Il y fit transporter du mont Athos une image de la Vierge , fort vénérée , ce qui a fait donner au lac le nom de Saint. Les bois , dont deux îles et une presqu'île sont couvertes , procurent à ce couvent une vue très-agréable. La plus grande de ces îles , appelée Kiaebin- kovoï , a plusieurs petites collines chargées de bouleaux , de pins et de sapins. On trouve sur son rivage, couvert de broussailles , tous les ar [justes du Nord. Le sol , qui est une terre de tourbe , produit le bouleau nain , le 32, 1768. d'Ishôr A lède ( 1 ) , l'airelle canneberge ( 2 ) , l'andro- mède à feuilles repliées (3) , la scheuczère (4) * le rossolis à longues feuilles (5), l'ophris (6), et les deux espèces de linaigrette. Il croît aux pieds des monticules différentes espèces de myrtilles de marais , trois espèces de lyco- pode (7) et de pyrole (8). La plupart de ces plantes se trouvent communément réunies dans le même lieu. Le Valclaï produit la con- ferve sphérique (9); cette plante, si rare par- tout ailleurs , y croît dans une telle abondance , que les eaux en déposent continuellement sur le rivage. Il ne renferme rien d'extraordinaire en poissons. La murène (10), en Russe K.JE- pousciiKA , y est d'une grosseur prodigieuse ; on en pêche qui ont plus de vingt-deux pouces de long. Je n'ai vu nulle part le dragoneau aquatique (11) aussi commun que dans ce lac. Les pêcheurs Russes l'appellent Voljlos^tik. (I) Ledum palustre, (z) Vaccinium oxycoccus. (3) Andromeda poUfolla, (4) Scheuc\eria, Lin. (5) Drosera longïfolia. (6) Ophris monorchis. (7) Lycopodia. (S) Pyrolœ. (9) Conferva œgagropila. (10) Salmo albula. (II) Gordius aquaticits* 'A V Y B R O V O U' S xï î3 Ön n'a pas pu me citer que ce ver se soit ja- mais trouvé sons la peau d'un homme clans cette contrée. On m'a raconté , près de l'em- bouchure du Volga , qu'on en avoit vu dans des ulcères. Les dracuncules sont d'ailleurs une maladie assez commune dans les pays chauds de l'Asie ? sur-tout en Boukharie. D'ail- leurs ce ver- cheveux tue beaucoup de pois- sons. C'est communément aux ouïes qu'il s'a- charne (i). Nous essuyâmes le 29 juin un très- grand ora^e , et nous vîmes sur le soir un double arc-en-ciel. Les monts Valdaï paraissent tou- jours s'élever jusqu'à lédrovo. Ils s'abaissent en- suite peu à peu. La partie qui est en-delà du pays reste plus élevée que la partie qui est en - deçà. Les champs que l'on trouve près du village de Koushenkina sont couverts de cail- loux. Nous trouvâmes les gens de la campagne occupés à cueillir des fraises qui abondent dans cette contrée. J'arrivai le 3o juin avant la pointe du jour à ■ ' ■ - ...m (ï) Voytez sur le volosse^ ou matadie des cheveux , les Voyag.es de Samuel-Georges Gmilin\ le tome ï de Y His- toire physique , morale , civile et politique de la Russie h lerne , par Le Clerc r>f>ages 3V5; > 378 , et l'intéressant voyage en Guinée par Iserts , pag. z 1 8 , 3 3 ? de la traduction fV.viçoisc , publiée en 17.93, 1 vol. in-3°. Cest l'ouvrage d 'un excellent observateur, aussi savant que philosophe. ïl a sur-tout discuté la traite des Nègres , avec autant de bagaciic que de philantropie«, ï4 IfêÛ. D* ï S H O R A Visclméi-Volotschok. Ce gros village ressemble à une petite ville. Il doit son accroissement ail caiiai qui réunit la Tverza à la Msta. Cette com- munication du Volea au lac Lae;oda est cause que presque tous les laboureurs de ce pays se sont adonnés au commerce 5 de sorte que l'agri^ culture y est comme abandonnée (1). En sortant de ce village , on trouve d'abord xm pays plat et ouvert , mais ensuite une bruyère aride / qui ne produit qUe quelques pins , & qui est entièrement couverte de silex , sur-tout en-decà du couvent de Nikoîskoï , où l'on passe la Tverza pour la première fois. Ces pierres à fusil diffèrent eïi couleur ; les Unes sont jaunes , d'autres grises ou blanchâ- tres 5 quelques -unes ont des flammes rouges. Elles sont généralement toutes fendues eri forme de dez. On en trouve beaucoup dans les cavités desquelles il s'est formé ou attaché des crystaux de quartz blanc ou rougeâtre, qui tiennent comme des glandes. La plus grande partie renferme des fongites rondes , à sur- face striée (2). On voit aussi de ces fongites dispersées cà et là. Elles sont très-abondantes, et l'on en trouve qui sont plus grosses que la: tête ; plusieurs paroissent avoir été pétries de coquilles d'escargots brisées. Les unes sont (1) Vischnéi - Volotschok est aujourd'hui le chef-lieu du cercle de son nom , gouvernement de Tver : c'est une ville. (2) Fungites subglobosus siriatus* A Vybröi'öusk.' î5 pleines d'entroques ( i ) j on remarque dans d'autres des empreintes d'astérie (2) 5 je trou- vai inême de yraies pierres vissées dans plu- sieurs brisures. J'y observai aussi beaucoup de traces de chamites , pétonculites , térébratules et méandrites. Une chose digne de remarque, c'est que ces pétrifications sont aussi rares au nord des monts Valdaï, qu'elles sont abondan- tes au midi de ces mêmes montagnes , et dans toutes les contrées situées le Ions; de l'Oka et du Volga. C'est le contraire pour les cailloux graniteux qu'on trouve en si grand nombre dans la partie septentrionale , & qui disparoissent presque entièrement dans la partie méridionale. Je commençai à trouver dans cette lande de pins, la verge dorée (3) et la jacobée (4) , qui croissent dans toutes les forêts jusques sur les bords du Volga. Le satyrion ou orcliide à deux feuilles (5) réussit ici aussi-bien que dans les terrains marécageux de la Russie. Il pourroit remplacer les racines de salep dans les pharma- cies. Le raisin d'ours (6) y croît avec abondance. On s'en sert avec succès dans beaucoup d'en- droits pour la préparation des maroquins et au- (1) Entrochi, (a) Asteriœ. (3) Solidago virga aurea. (4) Senecio jacobea. {<;) Orchis bifolia. (6) sli but us uva uni. l6 1768. DE ÏORSCHOK très fines peaux, sur-tout dans le gouvernement de Kasan, où Ton a remarqué que cette méthode étoit plus prompte que les autres, et valoit mieux. On l'appelle en langue du pays Tolokniänik. Les environs de Vydropousk , situés le long de la Tverza , sont garnis de collines , et remplis de pierres et d'un grand nombre de fongites. Les rivages élevés de ce fleuve sont des couches de sables et de pierres sans liaison entre elles , ce qui est sans doute occasionné par le déborde^ ment des eaux. Il se forme , en plusieurs en- droits de ce rivage sablonneux, une espèce d'os- téocolle (1) qui est très- tendre et qui tombe fa- cilement en poussière. Cette ostéocolle remplit tous les trous où il y avoit eu anciennement des racines. §. I I. De Torschok a Moskou. Du ier au 4 juillet. Tor schok , 3 6 vers tes . — Mednoïè ', 33 v . — Tver , 28 v. — Goroduia , 3i v. — Savidovo 9 27 v. — KUn , 27 v. — Peschki , 3o v. — T s cher* ndia > 24 V. — Moskou , 28 v. J'arrivai le premier juillet à la pointe du jour à Torschok. Le rivage droit de la Tverza est élevé $ celui de la gauche , sur lequel la ville (1) Osteocolla, est a M o s k o ir. 17 est bâtie, est bas. Il continue de même jusqu'à la jonction de cette rivière avec le Volga. Le sol des environs deTorschok est mauvais et sa- blonneux. On n'y trou e que des pâturages maigres , des bruyères incultes où il croît à peine quelques buissons de pins éparpillés. On pourroit cependant tirer un meilleur parti de cette contrée , en la défrichant et en y plantant de ces arbres. La communication des rivières rend cette situation très-avantageuse ( 1 ). Le sol devient meilleur à mesure qu'on ap- proche du village de Mednoïé , où l'on trouve des terres labourées. Il prend son nom des pi- nacles de cuivre de son église , construite en pierres. Les herses finoises disparoissent ici avec les forets de sapins. On emploie celles qui sont en usage en Russie. Elles sont faites de lattes liées deux à deux et en sautoir 5 les dents ou chevilles se placent entre chaque paire de lattes , que l'on couvre d'une autre latte pour les mieux assujettir. Il tombe un ruisseau dans la Tverza , à la proximité de ce village. Il a son cours dans un fond bas , rempli d'herbes et un peu maréca- geux. Je trouvai, le long de ce ruisseau, les paysans occupés à couper de la glace qu'ils ti- roient de dessous la superficie de ce marécage. (1) Torschok est le chef-lieu du cercle de son nom , gou- vernement de Tver. Tome I, B , î8 I768. DE TORSCHOK Je fus très-surpris de voir cette glace clans un endroit où le soleil donne à plomb. Les habi- tais de ce village ne sont sans doute parvenus à connoître la nature de ce lieu que par hasard. Ce gazon est soulevé en automne par les eaux qui se congèlent en dessous. Cette glace formée dans la terre , est très-pure , très-claire , et se conserve pendant la plus grande partie de Tété. Les glaçons, dispersés dans ce fond bourbeux, ont jusqu'à une archine d'épaisseur. Ils ne sont souvent qu'à trois quarts d'arciiiiie sous le ga- zon. La terre qui est au-dessus et au-dessous n'est point gelée: Le thermomètre, placé dans cette terre, descendit au cent- trente-cinquième degré , qui est le point où la glace se conserve communément dans les puits profonds et dans les glacières. J'arrivai le 2, à la pointe du jour, à Tver. Je ne m'attendois pas à voir une ville florissante et "bien bâtie sur les décombres de mauvaises ca- banes de bols. La vue du Volga et de son rivage me ravit au premier moment (1). C'est (1) On trouve une vue de cette ville dans l'atlas de l'His- toire de Russie, de Le Clerc. Elle est la capitale du gou- vernement de son nom, qui est composé des cercles sui- vans : Tver , Torsckok , Qstaschkof, Vischnéi-Voloîschok , Béietsk , Vessiégousk , Krasnoï-Kolm , Kachiri , Koiiazin , KortsçWf , Zoubtzof, Rjef-Volodimerof , S.arizai. Tver est augmenté considérablement en maisons et en population, depuis l'année J776, qu'elle est devenue capitale du gou- aMoskott. Îq ici que Catherine II , fondatrice de cette ville naissante, s'embarqua dans un bateau construit exprès pour le trajet qu'elle fit sur ce fleuve. Ses bords sont garnis de hannetons , dans les- quelles on transporte le poisson vivant par l'Oka à Moskou et à Pétersbourg. Nous côtoyâmes quelque tems le Volga ,' qui est assez considérable au-dessous de Tver. Il coule sur un lit profond et argileux. Le pays, quoique sablonneux., est assez bien cul- tivé jusqu'à Sorodnia. La seule plante remar- quable est l'euphorbe des vignes (1) que nous vîmes dans sa floraison. De Sorodnia à Saïdovo , on ne trouve que des landes sablonneuses et quelques buissons de pins; mais de Saïdovo à la petite ville de Klin , nous traversâmes , le 3 , de belles forêts mêlées de pins et de bou- leaux. Nous y vîmes quantité d'insectes , sur- tout le papillon du peuplier (2) , la ligée (3) , la mégère (4), l'hypéranthe (5) , la phalène à peau noire (6) , le sphynx de l'herbe nommée vcrnemcnt. Son commerce a pris, en même tems, beaucoup d'extension. (1) Euphorbia peplus. (2) Papilla populi, (3) Ligea* (4) Me géra. (5) Hyperanthus. (6) Phalena sanlo 3 russula et attrata, B % HO Î768. DE MoSKOtT filipendule, ou reine des prés (1), et la bu- preste rustique (2). Depuis Klin , le sol est pierreux , parsemé de collines , garni de belles forêts de bouleaux , et rempli d'oiseaux bons à manger, La terre étoit couverte de plantes en fleurs. Des chaleurs continuelles et une grande poussière rendirent notre voyage très- pénible : nous arrivâmes 3 le 4 > à Moskou , en traversant un pays charmant. §. I I I. De Moskou a Fédotief. Du 4 au 28 juillet. JSÎoskou , 2,8 verstes. — Koupavna , 3i v. — 1 Bounkovaia , 21 v. — Vokrof, 3o verst. — Oundolo , 38 v. — - Kniaeshévo > i5 verst. — Rivière de Kolokscha. — Volodimer, 17 V. —Lapiiefj, 29 v. — Kovrovo, 8 v. — Fédo- tief, 10 verstes. Je désirois avec impatience arriver dans des contrées plus éloignées, afin d'y admirer ce que la nature me promettait d'intéressant. Mais , malgré mon empressement , je fus forcé de séjourner à Moskou jusqu'au 14. J'y fis réparer (1) Sphinx filipendulœ, (a) Bupresùs rüstica. A F É 13 O T 1 E F. 2i nos voitures, que les chaleurs et les chemins , en partie pontonnés d'arbres , avoient abîmées. Je m'occupai de recherches et d'observations utiles ß et je mis en ordre tout ce qui m'étoit nécessaire pour la continuation de ma route. Je fis plusieurs petits voyages aux environs de Moskou , et je remarquai que le sol ressem- ble beaucoup à celui des contrées arrosées par la Kliazma et l'Oka. Les rivages de la Moskoua sont agréables et riches en plantes , qui ne croissent point dans les contrées septentrionales de la Russie. Une chose remarquable , c'est la quantité de corps marins pétrifiés qu'on trouve près de cette capitale , dans des couches d' ar- gile grise. On pourroit en faire de grandes col- lections près de Brozovo. Ce village , qui est à peu de distance àvt ruisseau de Sgonda , ap- partient à MM. Narichkin. Le plus grand nom- bre se trouve sur le rivage de la Moskoua y près de Koroskova, village appartenant à la Couronne , et où l'on entretient un superbe haras. Les environs de ce village abondent en pétrifications de toutes espèces, et le lieu où il est situé en est rempli. La partie haute du rivage de la Moskoua est composée d'une terre noire, molle , un peu argileuse , très-pyriteuse et mêlée de corps marins , qui tombent en poussière aussi-tôt qu'ils sont exposés à l'air. La partie basse et le lit de la rivière consistent au contraire en une terre à potier , de cou- B 3 522 iy68, de Moskott Jeur grise 9 aussi dure que la pierre clans plu- sieurs endroits. On y trouve des masses de pierre» graveleuses et sablonneuses , également rem- plies de corps marins. Ce terrain est de même nature qu'un fond de mer. Nous trouvâmes ici beaucoup de bélemnites , de cornes d'ammon, et de tubercules dorées : plusieurs espèces de chamites , des tellinites , des térébratules , et des petites tubulites ? qui ont encore une partie de leurs coquilles naturelles , quoique celles-ci soient très-minces et très -fragile s. Les bélem- nites y ont leur substance et leur dureté natu- relles , de même qu'elles se conservent par- tout où l'on trouve les autres coquillages rongés et à peine reconnoissables par leurs empreintes. Elles sont en partie jaunes et transparentes , et en partie grises ou noires \ ainsi que les ammonites , elles sont plus communes que les autres. Plusieurs de ces masses de pierres pa~ roissent être entièrement composées de petites térébratules en forme de crête de coq et de tubulites. On voit dans les autres une espèce particulière de mytule , qui ressemble beaucoup à la térébratule. On trouve très -rarement des pattes d'écrevisses pétrifiées dans les morceaux brisés de ces masses de pierres qui proviennent d'une terre à potier. On rencontre aussi dans ces couches de gros morceaux de bois pétrifiés, quelquefois pénétrés de pyrites. Ils ressemblent au charbon , et ils en ont la texture. Ces mor- A F E D O T X B T. %& ceaux sont si parfaitement pétrifiés , qu'ils don- nent des étincelles lorsqu'on les frappe avec l'acier., quoique l'on y rencontre des traces distinctes de Vermoulure. On trouve encore > sur le rivage de la Moskoua , des pyrites sul- fureuses. Ayant vu des pauvres en ramasser , je leur en demandai l'usage, et ils me répon- dirent qu'on en tiroit du soufre à Klin. La Moskoua produit dans ces contrées beau- coup d'épongés fluviatiles (i),de l'espèce com- mune , appelée en langue du pays Badiaga. Les femmes Russes les font sécher , et s'en frottent les joues au lieu de fard. Ces éponges croissent ici de la même manière que dans toutes les eaux dont le cours est lent ; c'est - à - dire , que les branches , qui sont assez grosses , poussent perpendiculairement, tandis qu'elles viennent horizontalement dans les eaux dont le cours est rapide : elles ne sont alors que de foibles tiges , qui ressemblent à des filets. Je n'ai jamais apperçu ici ni ailleurs la moindre sensibilité , ni le moindre mouvement dans cette production de la nature , qui pût faire soupçonner quelque principe de vie. Lors- qu'on la brûle , elle exhale une odeur qui sem- ble indiquer qu'elle tient au règne animal; elle mériterait d'être examinée avec attention par un chimiste , puisqu'on n'a pas encore essayé de la décomposer. (i) Spongia fiuviaiills-, b 4 24 i£68. de MosKOtr Le ver cle la mouche éphémère (1) est très- commun clans la Moskoua. Il perce l'argile dans beaucoup d'endroits , ainsi crue le terrain qui a déjà acquis la consistance et la dureté de la pierre. Il est difficile de trouver dans ces con- trées des silex qui ne soient pas troués et ver- moulus comme cette argile. Il paroît donc in- contestable nue les pierres à fusil tirent leur X JL origine de l'argile durcie , qui a été trouée par les vers , qui y faisoient leur demeure. Cette preuve est la plus forte que l'on puisse don- ner en faveur de la sagacité et des lumières de Buffoii , qui a dit , avec raison , dans sa Théorie de la Terre, que tous les silex ti- roient leur origine d'une argile durcie et écail- }ée. J'ai vérifié ce fait par un grand nombre d'observations , et je puis affirmer la justesse de ce principe. L'analogie que les silex ont avec le méandrite, a engagé beaucoup de natu- ralistes à les ranger dans cette classe.. Je regarde comme une chose de la plus grand© importance les essais faits dans le jardin bo- tanique de Moskou _, sur la culture de la vraie rhubarbe (2) , et j'ai vu avec plaisir la réussite de cette racine, à qui ce climat paroît favo- (ï) Ephcmera horaria. (z) Rheum. paltnatuM. Voyez le tome III de ces Voya- ges j Y Histoire des découvertes des Russes, de William Coxe , Jn-40. pages 303, 312,; et le tome I de l'Histoire de la Russie moderne , par Le Clerc, pages 33z, 334. A F É B O T I E ! F/ 25 ïahle. On en a planté un champ assez vaste , et on favorise son accroissement en la trans- plantant souvent. Il est certain qu'en la lais- sant vieillir , et la faisant sécher avec précau- tion , elle acquerra la force et les qualités de la rhubarbe de la Chine ? puisque les essais qu'on en a faits en Ecosse ont parfaitement réussi (ï). (j) Ces essais ont été abandonnés après la mort de M. le Docteur Rinder. En Ecosse Ton y a mis au contraire une activité étonnante. Plusieurs propriétaires de terres , princi- palement le Duc d'Âthol , ont formé avec succès des vastes plantations de rhubarbe à feuilles palmées ( rhetim palma- tum). En Daourie, près des fonderies d'argent de Nertscfûosk, on a aussi commencé à cultiver de la bonne rhubarbe à feuilles arrondies , ou rhapontic de Sibérie ( rhcum comp actum j. L'on a choisi, à cet effet , un sol incliné , qui n'a qu'un pied ou deux de terreau graveleux , sur un fond de roche. Un pareil sol est sans contredit le plus favorable pour la conser- vation des. grosses racines principales. Cependant l'on trouve presque toujours dans la rhubarbe cultivée , la racine princi- pale creuse et pourrie ou vermoulue, j'ai proposé dans un mémoire imprimé en langue Russe, une opération qui méri- teroit d'être constatée par des expériences. Je pense que la floraison épuise la racine principale et la rend creuse et cariée. Peut-être que la raison pourquoi il vient de si belles racines au Thybet , est que quelqu'animal ou quelqu'accident détruit les gros bourgeons de fleurs, dès qu'ils paraissent au1 prinlems. De sorte que si Ton empêchoit , par quelque opé- ration , la floraison àc^ plantes cultivées , on renforceroit et conservèrent par là les racines principales. Avec ce moyen on parv'iendroit à avoir de la bonne rhubarbe avec le rha- pontic de Sibérie, aussi bien qu'avec la rhubarbe palmée. Car 2l6 ij68. de Moskoît " Je partis cle Moskou le i^jtiillet-, pour me rendre à Volodimer (i). J'arrivai clans la nuit à Koupavna , village remarquable par ses ma- nufactures. Il est situé près d'un ruisseau du même nom, qui fait aller des moulins au moyen d'une digue. Je vis sur des troncs d'arbres qui Sont dans l'eau beaucoup de polypes, à pana- ches (2) de l'espèce commune ; mais je nen vis pas de ceux que js trouvai en descendant le Kliazma. On voit ici des limaçons fluviatiles d'une grosseur extraordinaire . et sur- tout l'hé- lice en oreille (3). De toutes les .plantes qui sont si communes dans les petites rivières -et clans les ruisseaux qui se jettent dans le Volga , il ne croît dans celui de Koupavna que le flu- teau étoile (4), l'ulve globuleuse (5}> et la il est certain qu'au Thybet on recueille la bonne rhubarbe , indifféremment de deux ou trois espèces de rheittn qui- y viennent spontanément. j'observe encore que le rliaponîîc rie Sibérie, lorsqu^on en sècîie les racines levées en entier, à une chaleur modérée , donne par ses racines une rhubarbe très compacte , et plus efficace même que la rhubarbe* ordi- naire des boutiques. La' Peyronnie, (î) Le gouvernement de Moskou a été considérablement diminué. II est composé aujourd'hui des districts suivans : Moskou, Voskrésensk, Dmîtrof, Klin , Volok , Lamskoï, Rouza, Zvéni-Gorod , Mojaïsk , Veréia, Fbaolsk, Serpou- kof, Kolomnä, Eronnitsi , Nikitsk, Bogorod. (i) Tubularia rcptans. (3) Hélix aurhularis. (4) Alisma damasomam. ( 5 ) Ulva p ru n i/o rm is* A F É H O T I E F. 27 conferve réticulée (i). On y trouve beaucoup de sources d'eau vive , dont la fraîcheur est admirable. Ces son r ces , peu profondes , four- nissent beaucoup d'eau au village. On voit , dans le terrain de ce district , une couche in- férieure d'argile , qui est remplie de veines d'eau. L'herniaire glabre ( 2 ) abonde dans une campagne aride près de Koupavna. La centaurée et la scabiense étoient entourées de sphinx du statice (3) , et de la fiiipendule (4) > ainsi que des papillons de la vergé dorée (5). Derrière Koupavna , et un peu, sur le coté , il y a plusieurs moulins à poudre., qui appar- tiennent à diffèrens particuliers. La bruyère , 011 est situé le second de ces moulins , est se- mée de silex jaunâtres , dans lesquels on trouve des marques de pétrification. Plusieurs de ces pierres sont criblées de trons. Les bruyères qui avoisinent les bords de la Kliazma , sont cou- vertes de mousses, et garnies de pins, où se tiennent beaucoup de ramiers (6). On passe la Kliazma à la barque près de Boimkovaia, village du domaine de la Cou- ronne. Ayant d'y arriver, on trouve de petits (1) Conftrva ret/julata. (z) Herniaria glabra. (3) Sphinx statices. (4) Sphinx filipendulce, ($) Papilio virgaureœ, (6) Columba palumbus. 28 I768. DE MOSKOIT bosquets garnis d'arbres de tonte espèce., et de broussailles. On y voit des chênes , des bou- leaux, des peupliers, des trembles, des pins , des sapins j des pommiers sauvages , des noi- setiers , des genévriers , des groselliers noirs , et des sorbiers $ on croiroit , à les voir., qu'ils ont été plantés avec soin et à dessein. On y trouve déjà le chèvrefeuille de Tatarie ( 1 ) , et le chèvrefeuille des buissons (2). Outre les ormes connus , la Russie en possède deux au- tres espèces particulières , qui diffèrent essen- tiellement l'une de l'autre (3). On les distingue par les noms de Vï'jEs et d'IriM. Les premiers ont une écorce jaunâtre , que les paysans trou- vent plus souples et plus propres à faire des liens, que celles de l'autre. Ils ont aussi les feuilles ydus petites , et d'un vert tirant sur le jaune. Ces feuilles ont les dentelures plus lon- gues, les filamens plus déliés , la superficie inégale, et cependant plus douce que celle de l'autre. Les ormes de la seconde espèce ont (1) Lon itéra Tatarie a. (z) Lonicera ccilost'eum, (^ Il croît en Russie un orme dont Linnce ne fait pas mention, que peut-cire M. Pallas n'a pas observé , et qui me semble être une espèce distincte, ^armi les caractères qui le distinguent , on remarque sur-tout les longs pédicules de ses fleurs qui forment des ombelles lâches, et ses fruits velus ou pubese.ens. J'en traiterai dans mon Dictionnaire de Botanique sous le nom tfàrme pubescent, Lam. <% aFédotief. 29 les feuilles plus longues , plus grandes et plus rudes : les filamens sont plus forts , les dente- lures plus courtes , et le vert est le plus foncé. L'écorce de I'Ilim est grise , et beaucoup moins souple que celle du Yijes. On ne se trompe point en affirmant qu'ils sont d'espèce entiè- rement différente , quoiqu'ils croissent ensem- ble , et qu'ils Tiennent par conséquent dans le même terrain (i). Le district sablonneux , qui s'étend à gauche. le long de la Rliazma , est rempli de forets humides et de tourbières pleines de broussail- les. Il paroît que le sol est composé d'argile. Les myrtilles bleues (2) et les airelles rouges (3) y abondent. Ces forêts étoient remplies de pa- pillons, parmi lesquels nous vîmes le papillon iaodice (4) ? C{U1 est une espèce rare , et la pha- lène noire (5). (1) Outre ces deux variétés d'orme , qui viennent aussi en Allemagne Ton trouve encore dans la partie méiidio- nale de la Russie l'orme nain ( ulmus pumlla ) , que les Russes appellent Berest ou Kara-Ghatch. Ce dernier est un mot Tatar adopté , qui signifie arbre noir. Tous ces ormes ont dans les provinces méridionales de Russie, des feuilles très-gluantes. Lorsqu'on en trempe une certaine quan- tité dans de l'eau , la gomme des feuilles s'y dissout et lui communique une qualité laxative. La P. (2,) Vacchiium myrtillus. (3) Vaccinium vitis ideà* (4) Paplllo Iaodice. Voyez le n°. 104 de Y Appendix, (5) Phalœna melanaria. 30 lj68. DE MOSKOTT Nos-chevaux étoient si mauvais , que nous eûmes de la peine à arriver, le i6, à Pokrof , ■village de la Couronne. Quoique le chemin ne soit pas long , on traverse beaucoup d'autres villages pour y arriver. Le pays , de nature sablonneuse , est cependant bien cultivé. On y récolte principalement de l'avoine , du sar- rasin , et du lin : ces trois espèces réussissent à merveille dans ce terrain naturellement mai- gre , et auquel on ne donne que fort peu d'en- grais.On passe deux ruisseaux, appelés Doubna , avant d'arriver à Pokrof. Le plus considérable coule dans un fond large et marécageux. Je trouvai , sur les bords et dans son voisinage , Pargoussier (1) , arbrisseau , que je ne m'at- tendois pas à voir dans cette contrée. Quelques - unes des pierres à fusil qu'on trouve ici , ont des empreintes de madrépores, de coquilles fossiles , et même de frapmiens de fongites rayées. On voit déjà , dans les bruyères de ces contrées ^ le grillon hanneton (2) , qui est très-commun sur les bords de l'Oka et de la Soura. Le Volia coule près de Pokrof. Il forme un coude à la proximité de ce village, où l'on trouve une île qui renferme un henni tage ; sa position est des plus agréables. Le ruisseau (1) Hippophae. • (aj Grillus striâulus* aFédotief. 3l de Scliilka traverse Pokrof, se jette dans le Volia , que l'on passe à un verste d'ici. Le trèfle blanc (1) devient déjà très-commun dans ces contrées ; il croît dans les champs et le long des chemins : on le trouve jusqu'à l'autre rive d'Oka , tandis qu'il est très-rare de Péters- bourg ici. Nous traversâmes ensuite un grand nombre de villages , dont plusieurs sont arrosés, par des ruisseaux qu'il nous fallut passer. J'arrivai , le 18 au matin, à Oundolo , situé près d'un ruisseau du même nom , et rempli de cette conferve réticulée (2) dont j'ai déjà parlé ; elle croît en forme de tuyaux , ainsi que les ul~ yes (3). Près du village de Kniœshévo on passe le Kolokscha à la barque. C'est une rivière con~ sidérable , dont le rivage est composé de cou- ches argileuses qui s'élèvent presque à deux toises du niveau de l'eau. Ces couches, très- communes dans les environs, sont pétries de corps marins. On y trouve »encore une terre à potier glutineuse , d'un gris foncé, remplie de béiemuites , d'ammonites à coquilles lui- santes > de toutes les espèces de conclûtes et de petites dentales. Elles sont très -tendres et ()) Trifolium arvense. (z) Conf'erva reiiadaia» (3) Ulvx. 02 I768. DE MOSKOTI très -fragiles , à l'exception des bêlera nites, qui ont conservé leur dureté ordinaire. Cette terre à potier est couverte , à la hauteur de huit à dix pieds , d'un gros sable jaune et rougeâ- tre , qui, en se séchant, se sépare en cou- ches horizontales. Ce sable contient quelques mottes ferrugineuses avec des traces de corps pétrifiés : ce qui prouve que c'est un sable de mer. Il croît beaucoup de petits glouterons (1) sur les bords du Kolokscha. De Kniaesliévo à Volodimer la 'distance n'est que de vingt-sept verstes. Cette ville est située sur plusieurs collines (2). Quoiqu'elle ne soit ni fort peuplée ni bien bâtie , ses vingt -quatre églises y dont plusieurs de pierres , sa situa- tion pittoresque, les jardins qui l'entourent, sur-tout au nord et au midi, offrent une des plus belles vues du monde. On y voit les ruines de l'ancienne ville de ce nom , qui, à ce qu'on rapporte , s'étencloit jusqu'au mo- nastère de Bohoiioubof , à plus de dix verstes de distance. Les habitans tirent la plus grande partie de leur subsistance du produit des ce- (1) Xantklum sirumarium. (2) Volodimer, ou Vladimir, étoit ville provinciale du gouvernement de Moskou; mais elle est devenue la capitale du o-ouverncment de son nom. îl renferme les cercles suivars: J Volodimer, Souzdal , Ionrief-Polskoï , Péreslavle-Zaleskoï , Alexandrof, Kiriatsch , Pokrof, Soudogda , Mélenki , Mou- rom, Kovrof, Gorokovez, Viasniki, Cliouia. risiers x A F É B O T I E F. 33 risiers qui entourent la ville. Nous y arrivâmes dans le temps de la maturité de ce fruit : aussi 3es messiers, qui garcknent les vergers,, nous incommodèrent-ils beaucoup. Ils construisent, au milieu de chacun de ces yergers, un écha- faudage fort élevé , d'où partent de grosses ficelles qui l'entourent : à l'extrémité de cha- cune de ces ficelles est une planche garnie d'un grand nombre de hattans de bois , qui font un bruit horrible aussi- tôt qu'on les tire. Ces messiers montent la garde jour et nuit , pen- dant la durée des fruits. Ils découvrent entiè- rement le verger de dessus leur échafaud ; leur fonction est de surveiller les marodeurs , et de chasser les oiseaux. Mais la culture des cerises est encore ici dans l'enfance ; on n'y en voit que de deux espèces,, pas plus grosses que nos merises. L'évêque est le seul qui ait dans son jardin quelques arbres greffés , d'es- pèces étrangères, qui ont fort bien réussi. On exporte à Moskou une grande quantité de ces fruits , ainsi que des légumes , et beaucoup de cornichons. L'Irpéim a son embouchure dans la Kliazma, près de Volodimer. On trouve dans ce ruisseau des pyrites sulfureuses , des bélemnites , et plusieurs autres pétrifications. A six verstes plus loin , et du même côté , est le ruisseau de Sounghir, qui se jette dans la Kliazma. Il coule entre deux collines de sable et d'argile > Tome /. , C 34 ij68. de Moskou çliarie beaucoup de cailloux et cle pierres, quel- ques fausses topazes , et des boules d'un beau jaspe agatisé. La plupart des pierres à fusil sont rondes , et de couleur noire. Une chose remarquable , c'est qu'on peut suivre leur par- faite gradation. Ce sont dans le principe des boules d'une argile noire et très- visqueuse que l'eau arrondit , et que l'air durcit peu-à-peu $ elles prennent ensuite la consistance et la du- reté des pierres argileuses. En les cassant, on y distingue la propriété des silex,, puisque quel- ques-unes donnent du feu. On trouve dans ce ruisseau des boules d'une terre à brique jaune et visqueuse , couvertes de petits graviers , qui deviennent des pierres. De ce même côté , entre Volodimer et deux villages , sont plusieurs monticules où il croît de très-beaux grains. Leurs pentes sont cou- Vertes de riches prairies et de plantes usuelles dans la Pharmacie. L'ail d'ours (1) et le ble- de-vache (2) sont très-communs dans cette con- trée : mais on les perd de vue aussi-tôt qu'on en est sorti. La Kiiazma forme un arc autour de la ville. Elle abonde en poissons, sur-tout en sandat, en Russe Soudaki (3) , et une autre espèce de II) Alllum ursinum. (i) Melampirum. (3) Fcrca luciopcrca. Lin, À F E B O f X B #/ 35 perche (1) , en brochets , en plusieurs sortes de carpes (2). On y pêche aussi de la che- vane (3), du jésel (4)* c^es orfies (5) , des bordelières (6) , du rouget (7), du gardon, et d'autres poissons de cette nature. Le sterlet ou esturgeon de Russie (8) s'y trouve rarement. Les truites y sont encore plus rares, et Ton n'en pêche que dans le ruisseau de Nérech , qui s'embouche dans la Kliazma. Au - dessus de Volodimer , on distingue un ancien bras de cette rivière. L'endroit où ce bras est bouché, est si fangeux , qu'il ne correspond à la Kliazma que dans les grandes eaux. On l'appelle sta- riza. Les Russes donnent généralement ce nom à tous les anciens lits des fleuves ou des ri- vières. Je parle de cette eau croupissante , par la raison que c'est ici que je vis pour la pre- mière fois beaucoup de polypes à bras d'une grande espèce , qui ressemblent à des excrois- sances spongieuses (9). J'y trouvai de même (1) Perça cernua. (i) CyprinL (3) Cyprinus naso , en Russe podousti. (4) Cyprinus jeses , en Russe chéréchu (5) Cyprinus orfies , en Russe solovli, (6) Cyprinus b aller us, (7) Cyprinus rutilus* (8) Acipenser ruthenus, (?) Tubularia fungosa. On en trouve la description et la figure dans les dissertations de l'Académie impériale de Pétsrsbourg, douzième partie. C* DO I768. DE M O S K O IT beaucoup d'épongés fluviatiles. Ce bras est garni d'herbages. La macre flottante ( 1 ) et la girandole d'eau (2) y abondent. Son rivage est couvert de limoselle (3), et autres plantes de même nature. A l'ouest de la ville , et de ce même côté , anrès avoir passé la Kliazma 9 s'élèvent > dans le lointain , des collines de sable , où crois- sent des saules , dés genévriers , et d'autres arbustes. Parmi ces derniers , 011 distingue le citise velu (4) , appelé Raketkik dans plu- sieurs contrées de la Russie* Cette plante pousse de très-profondes racines, et fournit un excel- lent fourrage pour les moutons , pourvu que ces racines trouvent de l'humidité à un certain degré d'enfoncement, Sa graine est rongée par de petits hannetons noirs , et par des vers rouges , qui occasionnent des verrues à plu- sieurs plantes , comme ils en forment ici au raifort (5). Lorsqu'ils se jettent sur la graine du citise, ils n'eu laissent que les cosses. Ces vers se changent en petites mouches noires , que nous nommâmes tipules ( 6 ). , sans avoir (ï) Trapa natans. (x) Char a vulgaris. (3) Limo s eil a, (4) Cytisus hlrsutus, (5) Sysimbrium amphibium. (6) Tipula vel bibio. A F B D O T I E V. DJ ^gard à celui de pucerons (1), qui leur a été donné mal-à-propos par quelques naturalistes , d'après des observations qu'ils assurent ayoir faites. Les racines de millepertuis (2) , plante très-commune , sur-tout dans ces collines arides , étoient couvertes d'une espèce de cocîienilles (3) naturelles à ce pays , qui ne le cède en rien , pour la couleur , à la cochenille de Pologne , ou kermès du Nord. Cette contrée offre encore le cucuhale de Tatarie (4) 3 qui croîtdans toutes les forêts près de POka. ' Je parcourus , le 22 et le 28 , les montagnes calcaires , situées près de la Kliazma , sur la rive droite de Volodimer. La campagne qu'on traverse pour y arriver est presque entièrement en terre labourable : et ce district est rempli de villages seigneuriaux. On passe le Nern à douze verstes de Volodimer : cette petite rivière se jette dans la Kliazma , vers la gauche. On suit la chaussée de Nischnéï-Novogorod jusqu'au: village de Laptief, qui est àyingt-neif versteh d'ici. On se rapproche alors de la Kliazma^ que l'on traverse près an village de Koyrovo , à trente- sept verstes de Volodimer. Le rivage de ce fleuve est couvert de toutes sortes d'ar- bustes à baies , et sur - tout de chèvrefeuille (1) Physapus. (i) Hypericum perforawm* (3) Coccus Hyperici. (4; Que ubalus Tataricus* 38 1768. DE MoSKOtf de Tatarie (1), et de houblon sauvage. On y prend beaucoup de sterlets , et quelques truites. Depuis Kovrovo jusqu'à la Kliazrna, le sol est rempli de couches de chaux. Je me rendis, en droite ligne , aux carrières à chaux , situées près de Fédotief ? village du domaine de la couronne. Cette contrée est presque entière- ment composée de landes arides et sablon- neuses. On trouve plusieurs petits bois de bou- leaux et de cucubale de Tatarie , et quelques collines de terres calcaires. Les grosses pierres , tirées de ces carrières , servent à la bâtisse ^ et les petites à faire de la chaux. On les trans- porte toutes à Moskou et à Tver. Pour brûler cette chaux , on entasse les pierres en forme de fourneau rond 3 on y laisse un soupirail , et on remplit ce four de couches de pierres et de bois. Les paysans sont persuadés que la plus forte pluie ne peut faire de tort à leurs charrettes chargées de chaux ? pour peu qu'elles soient couvertes de feuilles ou de branchages de frênes. L'ardoise calcaire est d'un gris ti- rant plus ou moins sur le blanc. Elle est très- dure au-dessus de la carrière ; mais plus on s'enfonce , plus elle est molle et marneuse : en quelques endroits elle est presque dissoute par l'humidité. Elle est remplie de madrépores > qui ne se détachent qu'en les tirant avec les (î) Loa'wcra. Txiearica, A V E D O T I tf F. ' 3'9 pierres. On voit des empreintes de moules à deux coquilles dans d'autres couches plus minces. D'autres paroissent entièrement com- posées de petits corps rayés semblables à un grain de froment. En les cassant , on y recon- noît la texture d'une madrépore. On y trouve, dans plusieurs endroits , des cavités remplies d'un sable de Tripoli ? rougeâtre , qui res- semble à de la brique pulvérisée : ce sable est accompagné d'un silex en rognon ou en boule qui tient du jaspe couleur de chair, d'un rouge clair, très-agréable à l'œil lorsqu'il est poli. s. I "V. De Voiodimer a Boülgakofka» Du 28 juillet au ier août. Voiodimer. - — Kostschéva , 27 verst. — M'oie- guina , 12 v. — - Pokrovo ? 12 v. — Vasköu- tino , 4 T- — Vaskoutino-Vioschki ; 8 v. ~~» Konstantin 'ovo , 17 v. — Votsinki , 10 v.— Ikschova ? i5 v. — Tsersova , 4 v. — Tasis- c h i/o vä , G v. — Dolhhia , 4 "V- — Novaza- TJerevnia , 2 v. — Lavsinka ? 11 v. — Tschau- ra , 7 v. — Alise Aina , 10 v. — Bozilgakofka ? 7 versces. De retour à Volodiiiicr , je m'occupa! des préparatifs nécessaires à la continuation de mon voyage. J'en partis le 28 pour Kasîmoi', C 4 ' 4° Ijfà. DE VOIODIMES,' Je choisis cette route , afin d'examiner le pay et le scarabée à bandes (6). Le houblon sau- vage est très-rare dans ces forets : aussi voit- on quelques petites houbîonnicres auprès de plusieurs villages. Les deux verreries établies près de Vioschki ne manqueront sûrement pas de bois. En deçà de ce village est une campagne aride , remplie de silex d'un blanc gris? et parsemé de trous. On en trouve jusqu'à Kons tan tinovo. Elles con- tiennent des fràffûiens d'hélicites , de conclûtes anomales (7), et de madrépores eu toupie (8). Les bruyères étoient remplies de grillons pé- destres (9). Nous en vîmes dans presque toutes les cavités des pierres qui étoient ex- posées au couchant. Ils étoient dans leur (1) Splrœa Ulmarla. (1) Bùprestis rustica. (3) BUuia germanica, (4) Papilla prorsa et papllio rhamiii, («j) Lepturœ. (6) Scarabœas fascuitus. (7) Conck'ucs anomalœ. Lin. (8) Madrspor.a trachifornii, (7nitrof> i5 vers tes. Kassimof (i) : sa chancellerie , présidée par un voïévode , et son district , dépendent du gouvernement de Voronèsh. Cette jjville , mal bâtie, est située sur l'Oka. Son rivage élevé présente un rocher de pierre calcaire très- dure, divisé par lits de plus de deux verstes de long. Il fournit d'excellentes pierres , dont on ne l'ait aucun usage : la ville même est bâtie en bois à la manière Russe. Une chose plus étrange encore , c'est que les rues ont des ma- driers et des planches pour pavés , quoique le pays abonde en pierres. On a employé à la (i) Kassimof, anciennement Gorodc^et^, a deux cent trente verstes de Moskou , étoit autrefois l'apanage d'un prince Russe. Le nom qu'elle porte vient de Kassin , prince Ta- tar, qui se soumit à la Russie et qui eut cette ville en apa- nage. On y compte trois mille soixante-six marchands. Elle étoit comprise dans la province de Chatzkoï ? gouvernement de Voronèsh; elle est aujourd'hui la ville principale du cer- cle de son nom , gouvernement de Riazan , qui est composé des cercles saivans : Riazan , Zaraïsk , Mikaïlof, Prousk , Skopin , Bonkof, Raninbomg , Riaisk , Sapoïok, Spask, Kasimof, Egorbefsk. 48 I768. DE K A S I M O F construction des églises et autres édifices pu- blics , bâtis depuis peu , de mauvaises briques pétries avec la première terre glaise qui s'est présentée. Il existe encore à Kassimof , et dans quel- ques villages voisins , des descendons des an- ciens princes Tatars , qui liabitoient ce pays. Ils sont tous riches , et commercent en pelle- terie. Les princes Tatars y ont fait bâtir de très-beaux édifices , dont il existe des restes dignes d'être conservés. Dans le quartier de la Slobode , la partie la plus élevée de la ville , on voit une liante tour ronde, nommée Mis- cuir, faisant partie d'une mosquée détruite , et que Ton rebâti actuellement , avec la per- mission de la cour. Elle étoit construite en briques de plus de treize pouces de champ : la tour est de grosses pierres très-bien taillées. Il paroît qu'elles ont été tirées d'une carrière es ni est en-deià de F Oka , près du village de Maléva, à onze verstes de distance. Les ruines des autres bâtimens Tatars sont dans une cour et un jardin. Elles sont bâties des mêmes pierres calcaires. I! paroît que cette place est celle où étoit le palais des kans. Ou y voyoit en- core dernièrement un grand arc de triomphe, chargé d'ornemens dtua goût gothique et d'ins- criptions Arabes : une maison > dont le pian présentoit un carré long avec un tombeau de rnerne forme 9 près du lieu destiné à la sépul- ture A D m i t r o ï\ jj.& iure publique. Tous ces édifices étoïent en pierres. Le propriétaire actuel de ce terrain a fait détruire , depuis peu , cet arc de triom- phe, pour faire de la chaux avec les pierres : de sorte que je n'ai plus trouvé que de foibles» débris de ce monument , et quelques créneaux et chapiteaux. On a démoli de même la mai« -son , dont on n'a laissé que les fondemens à cinq pieds hors de terre , pour y construire une maison de bois. L'ancien bâtiment avoit, du midi au nord , plus de trente-deux archines de long sur huit et demie de large. Il y avoit à chaque extrémité une aile de quinze pieds de long , mais beaucoup plus étroite. Après avoir traversé l'aile qui est au nord , on des- cend plusieurs marches , et l'on entre dans une cave bien voûtée , et de la longueur du bâtiment. L'eau qui filtre à travers cette voûte forme des stalactites à pointes nitreuses (1). Le bâtiment destiné à la sépulture des khans est assez bien conservé (2). Il est situé au midi., dans le jardin du propriétaire dont je viens de parler. On n'y remarque rien de gothique $ il a la forme d'un carré long. C'est un massif de mur très-épais , qui n'a pour ornemens que quelques sculptures assez bien faites , et une (1) Stalactites apice natroso. (1) Voyei la planche, n°. 13 , cuti représente ce tombeau VU élu coté du midi, Tome I. P Bö I768. DE KiSIM'Oï oorniclie. A Pextrémité de l'ouest est une pe- tite cellule qui paroît avoir servi d'oratoire. Son pavé est de mauvaises pierres brutes : la porte est à l'ouest , avec une petite fenêtre au nord. Il y 'a à l'autre bout deux souterrains où sont les tombes. L'espace situé au-dessus de ces souterrains est entouré de murs , et rempli de terre , où des sureaux croissent ac- tuellement. Ce monument a , de l'est à l'ouest , plus de vingt arcîiines de long sur onze à douze de large , et environ sept de haut. Le petit souterrain n'a intérieurement guère plus de quatre archines et demie de long , de l'est à l'ouest. L'entrée du grand souterrain est CJ au midi 9 presque dans le milieu du bâtiment , et près du mur qui sépare les deux souter- rains ., elle forme une espèce d'arc , où l'on n'apperçoit aucun vestige de gonds : elle a extérieurement nre archine et demie de large, et plus de deux archines intérieurement. On voit au-dessus une table de pierre placée dans le mur , garnie d'un rebord qui est brisé , et sur laquelle ou lit une inscription Arabe, dont voici la traduction , telle qu'elle m'a été don- née : Au Grand-Dieu unique ! Le Souverain de ce lieu Schagali-Khan , fils du Sultan Se H El KH- Au LÉ AR , le ix du mois de Ramadan 9 de Van 962. a Dm ITROP.' Si Ce nombre désigne l'an de l'hégire ^ qui, se- lon notre manière de compter , si je ne me trompe, est l'année 1020 (1). Le grand souterrain a environ neuf archines et demie de longueur , de l'est à l'ouest , sur un peu plus de quatre un quart de largeur. Le centre de la voûte en a plus de cinq de hauteur» Il y a deux croisées au nord , et une au midi y elles sont plus étroites en dehors qu'en dedans. Elles étoient revêtîtes de bar- reaux, de fer que l'on a ôtés. On voit, dans la longueur de ce souterrain , huit tombes , dont cinq sont, les unes à côté des autres, contre îe mur du midi 5 la sixième est près de l'en- trée ; la septième , qui est dans le milieu , a sept pieds de long et près d'une archine de hauteur : dès marches de pierre sont à côté de celle-ci ; la huitième , qui suit , a les mê- mes dimensions : elle est de forme carrée , et revêtue d'un mur. Elle paroit avoir été faite pour deux corps : les neuf crânes qu'on trouve dans ce caveau le prouvent. Elles sont com- posées d'une terre glaise brûlée et battue. Il y avoit à la tête de chaque tombe une pierre plate , haute de six pieds , taillée en pointe obtuse , et posée sur un piédestal. Deux de (t) M. Pallas a raison ae clouter, car le 21 de Rama- dan ou Ramadhân 062 ? répond au 18 juillet 1555 de l'hé- gire. ( Note du Réd.) D 1 52, iy68. de K a s i m o *• ces pierres sont encore à leurs places , les au- tres sont renversées et en pièces. Le revers de ces pierres 9 qui regarde le couchant , est orné .d'un bas-relief représentant un grillage étoile. On voit sur l'autre côté une inscription Arabe , divisée par tablettes , qui est très-bien gravée. Au-dessous de ce dernier souterrain est un autre caveau moins large , mais de la même longueur. On y entre par une ouverture fort étroite , que je trouvai bouchée de terre et de pierre , et dont la gorge est bordée de car- reaux de pierres. Les squelettes y étoient éten- dus sur des échafaudages de bois : mais la curiosité de notre siècle , qu'on ne peut louer à cet égard , a troublé leur repos. On trouve aujourd'hui tous ces ossemens épars ; ici est une tête ; plus loin , un bras , des cheveux $ ailleurs des morceaux de taffetas clair , jaune, vert ou orange , qui ont conservé la plus grande partie de leur force et de leur couleur. La pierre calcaire , dont les deux rives d# l'Okka sont composées, est grossièrement divi- sée par couches , et renferme beaucoup de pé- trifications : quelques-uns même de ces lits paroissent être uniquement formés d'écaillés de moules brisées. On voit , dans les parties composées d'un gros grain ? des empreintes d'hélicites , dont quelques - unes sont assez grandes. Les anomies et les madrépores qui y sont aidés , se reconnaissent facilement. Les A D M ITROP.' 53 petits grains du corail , dont j'ai déjà parlé , y abondent. On y trouve des cavités remplies d'un sable rouge et jaunâtre , de la nature dit tripoli , ainsi que des veines et dés niasses d'une pierre à fusil rouge , espèce de jaspe. On dé- couvre çà et là un mélange de' terres à tuiles, différentes espèces d'argile de couleur jaune , grise ou noire , dans les canaux de deux ruis- seaux qui entrecoupent ce rocher , dont l'un coule dans la ville ,, et l'autre dehors. Ce mé- lange est parsemé de pyrites sulfureuses , blan- châtres , que le peuple ramasse , porte aux verreries voisines , où il les vend un demi- rouble le tschetvert. On y trouve de même beau- coup de pierres d'aigles (i) , formées par la réunion de plusieurs petites pyrites qu'une terre glaise , durcie avec elles T a conglutinées , en laissant dans l'intérieur du groupe un espace où il se trouvoit du sable et quelques petites pierres mobiles. Au-dessus de la -ville, près de FOkka, est une forêt de bouleaux ,. dont le sol est tiès- sec. J'ai vu, sur les rives de ce fleuve, beau- coup de plantes que je n'avois pas encore ap- perçues dans ma route , et qui sont très-com- munes dans cette contrée. Les principales sont l'auronne (i) , la mauve de Thuringe (3) , la (i) JEtit&> (z) Artemisia abfotanum* (3) Layatera Tfiurïngiaca. 54 ly6S. de K a s i m o i queue .de pourceau (1) le gaillet boréal (s),' le panicaut des Alpes (3), et l'aristoloche .(4). Ces plantes abondent jusqu'au-delà du Volga, et sur -tout l'aristoloche, très - renommée en Russie" parmi les liabitans de la campagne , cjui la connoissênt sous lenom ele Pchinovnik : ils l'emploient intérieurement et extérieure- ment. Ils regardent son fruit ( qui ressemble à la figue) mangé cruel , comme un remède infaillible, élans les fièvres intermittentes : et la-, décoction de cette plante , appliquée en cataplasmes sur les parties affectées , comme très-salutaire élans les douleurs ele membres, ïl est étonnant qu'ils ne fassent point usage de sa racine , epii est échauffante et conforta .tive. On ramasse aussi avec grand soin , sur les bords ele l'Okka, les racines élu maillet boréal, ainsi -que celles du gaillet blanc (5) , dont les femmes Russes se servent , au lieu ele garance 9 pour teindre la laine. Nous passons aux poissons ele l'Okka. Le ster- let est très-commun près ele Kasimof. La imi-> rêne , en revanche , qui est, en quelque sorte , un poisson du Volga et des rivières ele la Si- (1) Peucedanum. (i) Gallium boréale. (3) Eryngium Alpinum. (4.) Aristolochia clématites, (î) Gallium mollugo. A D M I T R G FV B!> bérie , ne remonte que rarement jusqu'ici ; elle est un peu plus commune près de Mouronu §• t I. De D m i t r o f a M o tr r © ml Du 3 au 17 août. JDmitrof, i5 yerstes. — Svistschova , 2 T. — Ardabiévo , 2 y. • — Âkschovo , 8 v. — Moura- tovct , 2 v. — Z antschour y /Lj. — Voioutuw , 6 v. — Le khi , 5 v. — Voussokova x 3 v. — - Grigorovo , 7 v. — Mouro m ,..20 y. ■ — Pamji* lova y 8 M -r-Przstari ou entrepôt de marchaii- , dises y 16 v. — Motmos y 6 v. — Ruisseau de Veshonka , 3 Av. — Viksenskoï-Savod y 5 v. — Pckrqfy, 9 y. — - lépanova y 11 y. — Mona-?. ko va y 5 y. — Tertova 3 6 v. — ISlonrom. Je continuai ma route , le 3 août , en sui- vant le cours de l'Okka. La gauche de ce fleuve est un peu montueuse. Les bas - fonds y sont, en grande partie, garnis de broussailles, etles bois y manquent. La partie droite a des colli- nes couvertes de bois y qui augmentent lors- qu'on approche d'Ielatma. Les bas -fonds , qui Bordent l'Okka , forment de super! jes prairies. Le sol des 'champs est , eu général, argileux, et rempli de sable ; on trouve cependant de la terre noire en plusieurs endroits. Les bords des D 4 ij68. de Dmithoî* chemina et les terres incultes offrent la chico- rée sauvoge., fnifraise odontalgique (1), l'imile dyssentériqne (2) , et 1111e plante qui approche du panais sauvage (3). Les femmes Russes de cette contrée ont une coiffure assez singulière , qu'on ne voit point ailleurs. Leurs bonnets sont plats, tres-roides, et garnis d'une bordure ronde qui saillit sur le devant , et forme deux angles é mousses» Elles passent sur ce bonnet un mouchoir blanc , roulé, qui va se nouer sous le chignon. Ce mouchoir est commun à toutes les paysannes des autres cantons. A huit verstes de Kasimof est le ruisseau cL'Ismaïlofka, qui se jette dans l'Okka. Je cou- chai , le 4 août, à Svistschova , village situé près de la petite rivière de Ksogscha. La par- tie supérieure du rivage abonde en corps ma- rins pétrifiés. Sous le gazon règne une cou- che de quatre pieds , d'une argile tessulaire grise : sous celle - ci une forte couche de pierres calcaires , et au-dessous une vase grasse ou- terre adamique , mêlée de coquilles d'es- cargots et de graviers calcaires noirs , dont OD , les grains ressemblent à des crapaudines de diverses grosseurs. Elle passe au travers de la (i) Euvhrasia odontites. (z) înula dys enteric a» \ (3) Hertwleum- ausmhcum. A - M O U ït O M.' rivière \> et contient de belles pétrifications , parmi lesquelles on remarque de grandes gry- phites , des ostracites plates et lissées, beau- coup de bélemnites , dont plusieurs très-gràn- des , des anomies , des chamites , &c. : toutes ont conservé leurs coquilles naturelles , qui se sont même extrêmement durcies. Les plus communes sont des nautiles de plusieurs es- pèces , remarquables par leur grosseur , et des amonites rongées et couvertes de spath. Là pierre calcaire contient presqu'autant de pé- trifications que la terre adamique ; elle est pétrie en outre de petits corps sphériques creux , qu'on doit regarder comme les œufs d'un ani- mal marin. On n'apperçoit aucune pétrifica- tion dans l'argile qui >fornie la couche supé- rieure du rivage i, mais on trouve beaucoup de pyrites dans les environs. Nous essuyâmes une pluie presque conti- nuelle , du ier au 4 août, et le -terris devint froid à la suite d'un orage. J'appris ensuite que, sur les bords de la Soura et du Volga , cette pluie avoit été suivie de plusieurs geléeë blanches y qui firent disparaître les hirondelles et perdirent tous les grains d'une nature déli- cate. On traverse l'Ounsha près de Svistscbova. A cinq verstes de l'Okka, cette rivière fait un détour considérable pour se jeter dans la Ksog- $cha. On passe dans les environs du village da , 58 iy68. de Dm itrôp Voïoutino , près du lac Arschévo. Il existe plu-r sieurs antres lacs le long de POkka, qui doi- vent leur origine aux variations que ce fleuve a anciennement éprouvées dans son cours. Celui qui est au-dessous d'Oustacli est long de deux à trois verstes. Le village d'Ourvanovo > qui est situe sur sa rive, renferme une manu- facture de soie, dont le bâtiment est construit en pierre. Nous passâmes , le 4 et Ie 5 , par lin grand nombre de villages seigneuriaux, et nous traversâmes plusieurs ruisseaux. Plus on approche de Mourom , et plus le pays est peu- plé : la route est bordée , de droite et de gau- che , d'un grand nombre de vidages. Près de la ville est une chapelle, dédiée à Saint Eue : et, on montre près de celle-ci, dans'- un petit oratoire, appelé Tschassovnia , un puits creu- sé, dit-on , par ce bienheureux. Son eau est regardée comme très - salutaire par le peu- ple , principalement pour les maux de. tête et d'yeux. Mourom (i), de même que Kasimof, est située sur la rive gauche de l'Okka , qui est élevée et entrecoupée de quelques ravins assezï profonds. On y trouve, dans quelques endroits, .- , , , — (i) On a vu, plas haut, que cette ville est la capitale du cercle de son nom, fouverneinent de Volodimer. Elle faisoit auparavant partie de la province de Volodimer, gou- vernement de Moskou. a M o u r o Mb^ 5g de très - belles pyrites en globules ohlongs et glandulés ., ainsi que des globules de marne. L'Okka forme un coude assez considérable ayant d'arriver à Mourom ; et comme il grossit beau- coup au prin teins , chaque année iî enlève des parties de la montagne sur laquelle elle est bâtie , dont il dépose une partie sur un banc de sable voisin , et l'autre , sur le rivage op- posé , bas et inondé à chaque prin teins. Tous les vieillards se rappellent d'avoir vu la ville s'étendre jusqu'au milieu du lit actuel de la rivière , où était placée une église. Au jour- d'hui l'eau a tellement miné sous plusieurs maisons situées près du rivage , qu'elles sont au moment d'écrouler. J'avoue qu'il faut avoir bien du courage pour les habiter. Plusieurs édifices pu blies, deux églises , et un couvent sont de môme au moment de leur ruine. On a cherché à les conserver : et , pour les soute- nir , on a amoncelé des pierres sur le rivage. ' S- »J On réussiroit beaucoup mieux en plantant des saules le Ipns de la rive. Voici l' origine de ces ravages qui s'augmentent de plus en plus. Les couches inférieures et naturelles du. rivage sont formées, en partie, d'un sable très-lin,, et en partie d'une terre glaise mollasse quo les eaux entraînent facile nient 5 de manière que les lits de tourbe , qui exhaussent le sol de \x ville, vers le rivage, étant minés en-dessous par les eaux , cèdent et s'écroulent. , 6o 176*3. DE D M I T R o r Le rivage , sur lequel Mourom est situé , -3L gagné trois ou quatre toises d'élévation , par le moyen de ces amas de tourbes composées d'un mélange de copeaux de bois , de branches d'arbres, de fumiers, de pailles , et de plantes pourries. Ils ont jusqu'à deux aunes et demie de France d'épaisseur. On rencontre aussi , dans cette couche , un grand nombre de pou- tres et de bois de charpente à moitié pourris , beaucoup d'os d'animaux, et quelquefois des cercueils et des ossemens , que ces oboulemens- ont sans doute déterrés. Au-dessus de cette tourbe est une couche de limon de deux gu trois pieds d'épaisseur^ Quoiqu'il n'ait pas la consistance de l'argile , il forme , comme elle , des cubes irréguliers. On remarque , dans toutes les cavités de ce limon , et sur-tout vers le milieu de son épais- seur , une terre ferrugineuse , légère , réduite en poussière , d'un bleu clair, qui ressemble au bleu de Prusse , de mauvaise qualité. Cette terre est d'un bien plus foncé dans les cavités- intérieures que dans celles qui sont accessibles à l'air. Elle ne s'est formée que dans les en- droits on l'on trouve des tas , plus ou moins considérables , d'une terre sèche d'un gris blanc, qui tombe également en poussière. Les char- bons et les poutres > à demi - brûlés, couchés çà et là dans la tourbe , ne permettent pas de douter que ces tas ne soient formés d'ancien- a M o u r o m.' fit nés cendres que l'eau a dépouillées de leurs sels lixiviels. Il est probable que la terre bleue est un produit de ces sels , combinés avec les particules ferrugineuses de la tourbe et du limon : et il est à présumer que ce limon est le terrain sur lequel la ville étoit bâtie dans son origine 5 que des incendies ont produit ces tas de cendres , qui _, accumulés avec les dé- combres et les copeaux de bois^ ont rehaussé le terrain, et produit enfin ces lits de tourbes. La superficie de cette coucîie liinomieuse , et du sable qui lui sert de base , est couverte d'une croûte de fleurs de vitriol de mars , d'une ligne d'épaisseur : on la rencontre principale- ment dans les places où le limon est le plus visqueux et le plus noir. Il s'en exhale une forte odeur de soufre. On découvre encore , dans ces couches extraordinaires , plusieurs autres mélanges, qui fourniroient peut-être de nou- velles lumières sur l'origine et la formation de plusieurs espèces de terre. Il croît beaucoup d'helvelle sessile ( 1 ) sur les poutres pourries du rivage. Les habitans de cette contrée m'ont assuré qu'ils employoient avec succès son suc laiteux , pour résoudre les engorgemens scro- phuleux et les enflures des jambes , qui se ma- nifestent chez les vieillards. Les habitans de Mourorn s'occupent pins es- (1) Ehcla acaulis. 6% I768. DE DmîTROF séntiellement du jardinage que ceux des autres petites villes de la Russie 5 ils cultivent beau- coup de melons et de fruits. Ils ont de très- beaux vergers remplis de pommiers. Plus oit avance dans le pays , plus le règne végétal fournit de plantes entièrement inconnues dans les contrées septentrionales de la Russie. On trouve dans les environs de Mourom de belles prairies ombragées de bosquets., et des bas- fonds charmans couverts de prés , où crois- sent, non seulement toutes les plantes que j'ai vues près de Kasimof et de l'Okka,, mais encore beaucoup d'autres , tels que l'iris de Sibérie (1) , la gentiane pneumonique (2), l'épervière à ombelle (3) , la salicaire effilée (4) , la cibou- lette (5), osmonde boréale (6), la pimpre- nelle (7), et l'euphorbe de marais (8). Le peu- ple se purge avec le suc laiteux de cet euphor- be, lorsqu'il est encore frais , à la dose de cinq zolotniks , ou à la même dose , de sa racine desséchée et infusée dans de l'eau chaude. Quoique ce purgatif , très - violent , soittrès- (1) Iris Sibirien, En Russe Boubentschik.' (t) Gentiana pneumonanthe, (3) Hieracium umbeilatum» (4} Lythrum virgaïitn\i (ç) AHium schœnoprasum. (6) Osmunda striuhioptcris* (7) Sanpuisorba. (8) Euphorbia palustris» a M o u r o m. 63 actif, il ne cause jamais de tranchées , mais il procure un léger vomissement. Les habitans, de cette contrée louent beaucoup les elfets sa- lutaires de ce remède dans les fièvres inter- mittentes opiniâtres , dans les cas d'obstructions et dans les maladies chroniques. Quoique je ne croie-pas beaucoup aux vertus de ce pur- gatif, elles me paroissent cependant plus vrai- semblables que celles attribuées à la gentiane pneumonique. On m'a assuré que les fleurs de cette plante , infusées dans du lait , guéris- sent les, convulsions des enfans, et même celles dont les chiens sont souvent attaqués. Il y croît beaucoup de tussilage blanc (i), d'inuLe dyssenterique (a)# de corisperme à feuilles d 'hyssope ( 3 ) , de panic sanguinale (4) , et d'anserine tardive (5). Ces îles abondent en gibier aquatique ; on y voit même quelquefois la palette ou l'oisean bec-à-cuiller (6) , qui re- monte l'Okka. Je fus très-surpris de voir ce fleuve charrier des métaux fins , puisqu'il ne paroît couler qu'entre des rives d'argile,, de pierre à chaux, et de sable. Les habitans de Mourom s'occu- (i) Tussilago alba. (i) Inula dysenterica. {3) Corïspermum liyssoplfollum. (4) Panuum sanguinale. (5) Chenopodium stroùnum. (6) Platelea. #4 1768. DE D M ï T & O F pent , en été , à laver le sable qu'ils tirent de quelques endroits profonds de l'Okka , près de la ville. Ils en retirent assez souvent des paillettes d'or et d'argent , des grains de cui- vre , et de petites pierres fines. Ils ne font pas autre chose pendant une partie de la belle saison. Ils ont un chalumeau de plume nendu au cou , et fermé par un petit bouton , pour y serrer les particules métalliques. On y trouve quelquefois de petites topazes , des cornalines, et des grains d'agate arrondis par le frottement. Je présume que ces pierres , ainsi que ces pail- lettes d'or , d'argent , et de cuivre , ne vien- nent que de quelques tombeaux , et qu'elles y ont été amenées par l'eau ou par d'autres causes. Je me rendis , le 12, à une forge apparte- nante à un marchand de Toula , nommé Ba- tas chef ; elle est située un peu plus haut que Mourom, et au-delà de FQkka. Je pris le che- min le plus court , quoique le plus pénible. Après avoir passé le fleuve , je traversai les villages de Pamfilova , Onokhina , Iélina , et Asofka , pour arriver àun pristan ou entrepôt de marchandises, qui appartient à cette forge, et qui est situé à vingt-quatre verstes de Mou- rom. A deux verstes de Pamlilova , est une autre forge abandonnée , qui appartient au comte S.chérémétef» Elle est située sur le ruis- seau de Kobrinka, et à un, verste de l'Okka. Son X Moüäoü' 6S Sön haut fourneau est passablement grand. Le rivage de ce ruisseau présente. un schiste cal- caire tendre , jaunâtre ? composé de coquil- lages de mer brisés : on y distingue beaucoup de musculites , de strombites , et d.e morceaux de rétépores (i). Cette couche calcaire est cou- yerte d'une mauvaise mine de fer , qui se trouve dans un terrain mélansé d'une argile visqueuse , ferrugineuse , et coioreCi C'est la mauvaise qualité de cette mine qui a occa- sionné l'abandon de cette forge , attendu que les frais surpassoient le produit : et , malheu- reusement , cette minière abonde dans tout le voisinage. On traverse un peu plus loin le ruisseau d'Ilimna , et on côtoie ensuite le lac d'Our- vanovo , qui a un petit écoulement dans ce ruisseau. Il y a sur son rivage plusieurs sour- ces ferrugineuses , qui déposent beaucoup d'ocre. On entre ensuite dans une foret où le cucubale de Tatarie et l'osmonde (2,) croissent abondamment. On trouve, vers l'Okka., le mé- lilot(o), la passerage (4)^ le genêt (5), l'ar- (i) Retepora. (t) Cucubalus tdtarlcus , et struthiopteris. (3) Melilotus. (4) Lepidlum, (5) F los tincwrius. Tome X* E « 66 lj68. DE D M I T Ä O F moïse maritime (i) ^ et l'armoise-estragon (2) 9 qui n'a presque aucune odeur. L'Okka est très-large près de ce pristan (3) , et il a jusqu'à trois toises de profondeur. C'est près de cet entrepôt que l'on embarque la mine de fer déjà grillée dans un fourneau voisin , pour être fondue à la forge située sur la rivière de Gouss. Les lieux où l'on fouille actuelle- ment cette mine sont éloignés de huit verstes , et à treize de la forge. On traverse , pour y arriver, une forêt déjeunes pins, de sapins , et de bouleaux , qui conduit au village de Motmos , où l'on passe un ruisseau du même nom, à six verstes de l'Okka. C'est le seul en- droit où j'aie vu des goitres depuis mon départ de Pétersbourg $ quoique le village soit petit , il y en a beaucoup. Les enfans et les adoles- cens sont très - affligés de cette infirmité. Ces goitres sont , à ce qu'on m'a assuré ? assez communs dans les villages voisins. Il seroit peut - être possible d'approfondir la cause de cette maladie , qui est encore inconnue , en observant si les eaux , dont on fait usage dané les cantons si féconds en goitres , sont de la même qualité que celles des ruisseaux de cette contrée 5 elles sont un peu ferrugineuses , et (ï) Artemisia maritima. (z) Artemisia dracunculus. . {%) P'rJstan , ou entrepôt de marchandise?». x M ô tr r o M* 6j chargées de molécules marneuses. Ce sont gé- néralement les seules eaux dont les habitans de ce village se serrent. La contrée où Ton fouille la mine de fer | près du ruisseau de Veshonka , présente une colline située au milieu d'une forêt , dévastée par la quantité de bois qu'on y consume. L'ins- pecteur et les ouvriers qui travaillent aux mines occupent plusieurs maisons. Surpris par; la nuit , nous y restâmes jusqu'au lendemain au matin. La colline est plate ; le terrain qui forme sa cime est composé de sable et de glaise. L'exploitation de ces mines de fer se fait d'une manière très-irréffulière. Les mineurs creusent CD de tous côtés > et au hasard , une grande quan- tité de fosses , sans se donner la peine d'étan- çonner , ni de garnir de charpente les puits d'où ils tirent le minerai : aussi ces ouvriers sont- ils très-souvent blessés et même écrasés par les éboulemens qtii s'y font. Le terrain inté- rieur de- cette mine est argileux, coloré en gris , en blanc , en jaune , et en couleur d'ocre, La mine de fer y est presque généralement feuilletée ou écailleuse 5 elle forme des masses ou mamelons de différentes grosseurs, qui sont réunis par une ocre solide , et qui rentrent les unes dans les autres en forme de stalac- tites. Ces masses ont extérieurement une feuille bleue , mince , mais ferme , au lieu que , dans leur intérieur , elles renferment un mulme E % 6o I768. DE D M I T.,Ä O T$ ferrugineux d'un jaune blanchâtre, et très- pesant, qui contribue beaucoup à la richesse de cette mine : cent livres de mine donnent 9 sans être fondue , trente livres de fer cru. Plu- sieurs de ces masses ne pèsent qu'une demi- once ; mais on en trouve , en revanche ß qui ont jusqu'à trente-cinq livres de poids : elles sont d'ailleurs rarement chargées de sanguine , ou d'une ocre rouée . mollasse et légère. On trouve aussi dans ces mines une ocre jaune très-fine , que les mineurs de ce pays nomment Pékla : et une autre matière qui tient beau- coup de la nature de l'ocre, à laquelle ils don- nent le nom de Shagra. Ils font rôtir cette mine de fer dans de grands feux de bois de pins , de forme carrée $ ils prennent , pour former ces feux , des troncs d'arbres entiers , qu'ils rangent les uns sur les autres : et,, par ce moyen, ils ne ména- gent guère le bois. On transporte une partie de cette mine grillée dans une forge voisine , et l'autre partie dans d'autres forges peu éloi- gnées. Toute cette contrée paroît être très- riche en fer. Avant l'exploitation de cette mine , qui est d'un très-bon produit , on tirok le fer d'une autre mine située à vingt- quatre yerstes de l'Okka 5 mais cette dernière étoit d'une qualité bien inférieure. A quatre ou cinq verstes de cette mine est une forge établie près du ruisseau de Viksa» X M Ö V R O M.' 69 Ö11 étoit occupé à réparer le dommage que le tonnerre y avoit fait l'année précédente. Le haut fourneau est double. On y construisoit , en pierres, la fonderie et un bâtiment pour les commis. Il y a en outre deux autres four- neaux de forge. On y travailloit aussi à ren- forcer la digue du ruisseau de Viksa , qui fait aller les soufflets et les marteaux. Les terres consistent en une marne de pierre jaune , en- tre-mêlée de couches brisée de pierres de corne, très-minces, et toutes horizontales. L'eau qui lave la iname delà digue est remplie de mâche- fer ; elle a toutes les propriétés, d'une eau mar- tiale : elle dépose , dans les conduits où elle coule , un sédiment d'ocre visqueuse» La dévastation de cette forêt fait peine à voir. Les places , dégarnies d'arbres , sont cou- vertes de renouée des champs (1). Cette plante , qui abonde également dans les environs de la Piana , et dans plusieurs autres contrées de la Russie, mériteroit bien d'être cultivée. Elle croit aussi bien dans un mauvais terrain que le sarrasin ordinaire 5 elle donne plus de grains, et résiste aisément au plus grand froid. Elle a ,., sur le sarrasin ordinaire , l'avantage de iirucir presque tout à la fois , et par conséquent elle est plus aisée à récolter. Je n'ai point trouvé , sous les feuilles de cette espèce de sar- (ïj Polygonum convolvulus* 7<3 I768. DE DmITROF rasin a tiges volubiles , la glanckile creuse j que l'on a donnée comme la marque d*une au- tre espèce de sarrasin d'Amérique (1). Je pris le même chemin pour m'en retourner.' Nous avions eu , pendant long - tems , un air très-frôld et très-humide. Je trouvai aussi un grand nombre de champignons dans la lande dé pins. Je distinguai parmi ces champignons beaucoup de pezize en écusson et à chapeau concave (2). On trouve dans les autres forêts de cette contrée , le long de l'Okka , un serpent noir (3) , qui a le cou et la queue marqués de taches jaunes. Il est très-venimeux. L'insecte le plus commun de cette lande est le papillon antiope (4). Je parcourus, le 14, quelques montagnes d'albâtre, situées sur le^rivage droit de l'Okka 9 et qui s'étendent , dit-on , parallèlement à cette rivière jusqu'à sa jonction avec le Volga. On suit la grande route de Nishnéï-Novogorod jusqu'au village de Monakova , ou est le premier relai de poste. A six verstes de Mourom, on passe près du grand ruisseau de Véletma : ce ruis- seau est bordé d'une digue sur laquelle on a construit une forge. Il y a trois vers tes d'ici (1) Le polygonum scandens. (z) Pe^a scutellata et cochleata, (3) Coluber près ter, (4) Papilio antiova. -**, A M O U ït O M. f% à la petite rivière de Tioscha , dont le cours est très- rapide : elle a son embouchure dans rOkka. Le pays que je viens de traverser est couvert de belles prairies ; mais , plus loin , le sol élevé ne présente qu'une lande de sable aride et garnie de pins. Les plantes qui y crois- sent sont la jasione (i)j l'armoise des champs(2.) , le chardon cyanoïde (3), la cotonnière com- mune (4) , et l'orpin à courtes tiges (5) ; il a des fleurs blanches , et deux ou trois feuilles rondes qui ne sont pas dentelées. Le papillon palène (6) y abonde > et le hyalé (7) y est très- rare. Après avoir passé Monakova , on quitte la grande route pour entrer , sur la gauche , dans une forêt très - épaisse. Au bout de quelques verstes , on arrive près du ruisseau de Kou- tra, qui se jette ^ en serpentant, dans l'Okka. L'obscurité nous obligea de passer la nuit à Pertova. Ce village est situé sur une hauteur le long du ruisseau , vers l'Okka $ elle forme une rive élevée , très - escarpée. Cette colline est composée d'une marne rouge très-solide j, qui (1) Jcisione. (z) Arlemisia campcstris. ( 3 ) Ca rdu us cyan oides. (4) Filago germanica. (5) Scdum telephium* (6; Papilio palczna* (jj F, H y ait* E 4 * *7*Z I768. V E D M 1 T B. 0 I» ressemble à de la brique brûlée , et qui est entre-mêlée de couches fort minces. On dé- couvre , vers l'orient , à cent cinquante brasses environ du village , un rocher de gypse , qui est au bord de cette rive escarpée : il paroît que les inondations du printems ont miné et dégarni ce rocher peu à peu. Il est composé d'une pierre de gypse peu compacte , sembla- ble à la glace broyée : ce qui lui a fait donner , par les habitans , le nom de Lednik ou ro- cher de glace : la pierre est si tendre , qu'elle se broie dans les doigts. Ce rocher présente de grosses masses entassées les unes sur les autres , entre et sous lesquelles se trouvent des ca.vités ou grottes , dont deux sent remar- quables par leur grandeur : l'une , qui a son entrée au midi , en forme de voûte , a sept brasses de longueur 5 l'autre , dont l'ouver- ture , plus étroite , est au nord-ouest , a une large Yçpte et neuf brasses de longueur. On voit, sur les côtés de cette dernière , des trous profonds remplis d'eau. Quoique ces grottes ne soient pas fort vastes, et que leurs ouver- tures soient très - larges , l'air y est beaucoup plus vif qu'au- dehors. La partie du rocher qui forme leurs entrées est couverte de mousse. On voit, dans la voûte de la dernière grotte, des trous qui ont deux pouces de large et deux à trois pieds de pro- fondeur : on diroit qu'ils ont été percés avec 'A M O V R O M.' ^3 Une tarière ; il en dégoutte de l'eau. Le haut et le bas du rocher sont garnis de broussailles. Il y croît beaucoup d'os monde boréale (1) • on y yoit les serpens noirs venimeux , dont j'ai déjà parlé. Les paysans de ces enviions m'ont assuré avoir vu beaucoup d'exemples du dan- ger de leur morsure. Les trous de ce rocher sont habités par une espèce de petites chauve- souris (2). Les habitans, fort superstitieux, croient qu'en portant sur eux une de ces chauve- souris séchée , cette amulette doit leur porter bonheur , et les faire prospérer. Ils préten- dent aussi que l'eau bouillante , dans laquelle on a fait tremper cet animal , donnée en bois- son aux malades , est un remède efficace pour les fièvres intermittentes et le rachitis des en- fans. Les paysans de ces environs ne tirent aucun avantage de ce rocher , parce qu'ils ne le ju- gent pas propre à faire du plâtre. Ceux de plusieurs autres villages s'occupent , pendant l'hiver , à tirer de quelques montagnes de marne , situées le long de FOkka , une pierre de gypse très-compacte , de la nature de l'al- bâtre, lis en transportent une partie à Mos- cou ,, et vendent le reste, à très- bas prix, (1) Osmunda strathlopterls. (z) La Pipistrelle, Buâbn, Histoire naturelle, édk. tn~B°.9 voL 10 ytab, i et de la morille (10). L'agaric du peuplier de bois est le plus remarquable ; il est très-boR à manger , et il ressemble beaucoup à l'agaric yisqueux : mais il est plus charnu , plus sec , (1) Agarlcus campestris. En Russe, Grib. (1) Agarlcus integer et georgll. En Russe, Volc-lt; Grouzd. (3) Agarlcus dellclosus. En Russe, Ryschik. (4) Agarlcus clnnamomeus. En Russe, Volshat^ \. (5) Agarlcus extinctorlus. En Russe, Skrypizà« (6) Agarlcus fragllls. En Russe , Opic^ka, (7) Boletus vlscldus. En Russe , Ma*slénik. (8) Boletus luieus. En Russe, Bérfsovik. (9) Boletus bovlnus. En Russe, Borovik et Koroyïx, (10) Phallus esculentus. En Russe , Ssîortschok* plus relevé. Aussi- tot qu'il est cueilli et exposé à l'air , ou qu'il commence à être en pleine maturité, le dessous de son écusson devient d'un bleu sale. Si on le rompt, sa chair de- vient d'abord toute blanche : elle prend , en peu de temps , une teinte bleue , qui acquiert par degrés la couleur de Foutre - mer. Toutes les fractures fraîchement faites offrent le môme phénomène. Si l'on en exprime le suc aqueux qu'il contient , ce suc prend à„ l'instant une teinte bleuâtre, et acquiert aussi très - vite , lorsqu'il est mis dans des vases découverts, cette même couleur bleue qui teint la toile. Malheureusement , elle n'est pas plutôt par- venue à sa dernière perfection , qu'elle perd son éclat. Les linges qui en sont teints , et le suc lui-même , se changent peu- à ? peu, et , par gradation , en un vert de Saxe, et au bout cle vingt-quatre heures., en un vert bleuâtre , mais désagréable , qui dégénère encore davan- tage par la suite , sans que ce beau bleu puisse être fixé ni ravivé par aucun des procédés connus. Si l'on fait tremper dans l'eau la toile ainsi teinte , la couleur ne s'en ternit que plus vite à mesure que la toile sèche , et au point même de disparoître presqu'entièrement. Cette couleur ne ressemble point à celle qui f>e fait avec le suc du buccin teinturier (i) , ni à celle (j) Buccinum laplllus. 8o Î768. DE TsCHERfOIilÉ que i'orseille (1) Communique à l'esprit-de-viii, qui se ternit insensiblement lorsqu'il est ren- fermé et scellé clans les thermomètres , mais qui reprend toute sa vivacité lorsque l'air y pénètre. Ce champignon nous présente un phé- nomène tout opposé , d'une espèce nouvelle et particulière. Outre ceux que je viens' de îiommer , j'en trouvai encore un grand nom- bre d'autres dans la. forêt de Mourom. Parmi ces derniers y les plus remarquables sont , la clavaire corail oïde (2) , l'agaric coriace (3) * l'a- garic de nuit (4), et la tremelledu genévrier (5). Nous eûmes , le lendemain , beaucoup de pluie, On traverse , à huit vers tes de Lomova ,' le ruisseau de Likhaia, et on arrive ensuite à la Tioscha. On trouve , dans cette contrée , le grillon- hanneton (6), le grillon obscur, et ita- lique (7). Il croît, dans plusieurs endroits de cette forêt , beaucoup de cytise velu ( 8 ) -, couvert de nodosités en forme de houblon $ (1) L'orseille d'herbe est le lichen grœcus polypoïdes ihtc- torlus saxatilis , cor. 40 , ou le fucus, verrucosus tinctorius^ J. Bauk. et Just» rei herb. Enfin c'est le lichen rcccclla de inné; (x) Clav aria coralloïâes. (3) Boletus perennis. (4) Agaricus nyethernerus. Voyez le suppl. n°. 41$, (5) Tremella juniperina. (6) Gryllus stridulus. (7) Grillus ohscurus et italiens, (8) Cytisus hirsutus. r-ilc3 "A fi R M KfyJÈ TSCHÔVO,' 8l elles Sont causées par les vers-inouclies rondes 9 dont j'ai déjà parlé. Les places marécageuses sont garnies de cinéraire de marais ( 1 ). Les paysans de ce district la nomment Vypadasgh^ naia-Trava, parce qu'ils en forment une pom- made avec de l'huile , après l'avoir pilée lors-* qu'elle est encore verte. Ils prétendent que cette pommade est merveilleuse pour guérir les panaris et tous les ulcères invétérés. A huit verstes de Tiopiova , nous travers sâmes le Méiava , ruisseau considérable. On entre ensuite dans une grande plaine , et on ne voit plus de forêts en-^deçà de la Tioscha. Grœmxtschovo est le premier village que l'on trouve dans cette plaine. Il est situé sur une des élévations baignées par la 1 ioscha. L'une) d'elles est composée de pierre calcaire très- dure, remplie de trous. Elle a à sa base plu* sieurs sources abondantes i dontles eaux réunies ibnt aller un moulin. Nou3 traversâmes , ce jour-là et le lende- main y un grand nombre de villages ? dont plusieurs sont entourés d'arbres ) ce qui n'est pas ordinaire en Russie. Presque tous sont arrosés par des ruisseaux qui se jettent dans la Tioscha. Lorsqu'on approche d'Arsamas , on trouve un pays couvert de collines en plate- forme , qui présentent des terres à labour ; (ï) C hier aria -palustris* Tom£ I. F, 82 ij6S. d'Arsamas on n'y voit de mauvaise herbe que l'absinthe (i) et la camomille puante (2). Cette dernière de- vient encore plus abondante , quand on avance dans le pays* S. V I I I. D'A RSA M AS A LA R I V I È R E DE FlANA, Du 19 au 2.4 août. lArsamas , ^5 vers tes. — Kirilqfka , 5 verst. — » Kholostlna- Maidan , i5 v. — Lopalind, 12. v. — Rivière de Plana. J'arrivai à Arsamas le 19 août, n'ayant plus rien trouvé de remarquable. Avant çl'y entrer, on traverse le village de Vyesdna , qui peut être regardé comme un des faubourgs de la ville , puisqu'il n'en est séparé que par la Tioscha. Les habitans de ce village s'occupent plus du commerce et des métiers que de l'agriculture. Ils cultivent cependant beaucoup d'oignons y qu'ils exportent dans les contrées orientales de la Russie. Quelque sale et mal bâti que soit Arsa- mas (3) , il faut convenir que c'est une des (1) Absynthium. (2) Anthémis couda. (3) A-samas est la capitale clu cercle de son nom, gou- vernement de Nisclméï-Novogorod. Ce gouvernement l'en- 1 LA RîVÏBR^ DE Pi ANA.4 83 VillöS les plus remarquables de la Russie , par sa population , sa richesse r ses moyens de subsistance . -Elle doit cet état de prospérité à l'industrie de ses habitans , et fait -voir, eii petit les avantages que les fabriques en grand et les manufactures peuvent procurer à un état. Presque toute la -ville , à l'exception de quelques -marchands et des officiers de la chan- cellerie , n'est habitée que par des fabricans de savon , des teinturiers en bleu , des Umeurs et des cordonniers. Ces derniers emploient la plus grande partie de toutes les espèces de cuirs qui se préparent ici , et débitent leurs ou- vrages au loin à très-bon marché. On ne fabrique eut Àrsamas que des cuirs communs ; on y trouve cependant plusieurs tanneries de cuir de Roussi, d'une qualité mé- diocre. On le prépare communément avec l'é- corce âi^ saule anbei (i) 5 on se sert , poux* radoucir, d'une huile de bouleau très - claire et très-pure, qui vient de la Kam-a. Ce cuir reçoit son odeur forte de Fécorce de bouleau, et non du lècle (2). On broie ce tan dans des troncs d'arbres évasés., avec des fouloirs ou pilons , dont le bouton est garni d'un tran- ferme les cercles suiyans : Nischaéi-Noyo^orod . Gorbatof, Arsamas, Ardafcof, Potcliinski , Loukoianof, Sergatch, Pér iévoz, Kniaguinhi , Vasil, Makarïef, ScWnof, Balakna» (1) Salix arenaria, (a) Ledum. F a 84 $j$&- B ? A R S A M A S chant en forme d'étoile. Cet ouvrage se fait ä la main, parce qu'on n'a pas encore établi de moulins à tan. On teint le cuir de Roussi en rouge avec le santal ; on se sert de ce même bois avec du mélange de vitriol pour le noir. On ne fait ici que du savon blanc ordinaire. On en prépare la lessive avec de la cendre pure. On en a toujours de grandes provisions dans des caisses de bois placées dans les cours: des maisons. Les paysans continuent d'appor- ter , en contrebande aux fabricans , de la po- tasse d'une qualité supérieure , mais faite se- lon l'ancienne manière , qui est si destructive pour les forêts , puisqu'elle exige l'arrosement des feux avec de la lessive. Ils connoissent cependant les défenses. Les chaudières où ils font cuire le savon sont de fer battu , et en- clavées dans la terre : leurs chapiteaux sont Construits de madriers et de planches épaisses. Elles sont si grandes , qu'elles contiennent à chaque cuisson de soixante-dix à quatre-vingt- huit quintaux de sui£ On le tire presqu'entiè- rement du Volga. On le fait fondre d'abord dans l'eau 5 on y fait dissoudre ensuite dix pouds de sel ïur cent pouds de suif, à moins qu'il n'ait été déjà salé en partie , comme ce- Jui du Yolga. On laisse bouillir ce suif pen- dant dix à douze jours sur la lessive , qu'on a soin de renouveler souvent. On reconnoît y par des marques certaines qui paroissent à la A XA RlYlÈRE Bï Piana! 85 ttiperßcie de cette graisse bouillante , quand le savon est achevé. On laisse refroidir la chau- dière pendant dix à douze jours avant de cou- per le savon. Cette opération se fait avec un fer tranchant, qui a la forme d'une pelle. On obtient ordinairement les quatre cinquièmes du poids du suif en bon savon : et le savon d'écume qu'on ajoute à la cuisson suivante , rend encore 5 de sorte que l'on ob tient à la fin poids pour poids du suif, sur-tout lorsqu'il est de bonne qualité. Les teinturiers en bleu , ou de petit teint , sont presqu* uniquement- occupés à teindre la toile bleue , qui est de toutes les étoffes celle dont les femmes du peuple , en Russie , font le plus d'usage dans leur habillement. On nomme cette toile Kraschénina. On y teint aussi , mais en moindre quantité , une toile de coton étroite, appelée Kitaïka. On vient d'en établir quelques manufactures. L'habileté des teinturiers se borne à préparer une chaudière de teinture bleue ; à calendrer ces toiles avec de gros lissoirs, de bois. , où à les moirer , en battant sur un bloc la toile ployée en rouleau , et encore mouillée. Ils ne proportionnent pas exactement , dans leur teinture , le mélange de l'indigo , ou de la voucde avec Falun-catin ou saligode. Ils battent aussi ces toiles avant de les teindre , et ils prétendent qu'elles pren- nent alors moins de teinture. Les femmes seules F 3 86 ij6%. T>' A R S A M A s teignent ayec la garance sauvage' , qui croît abondamment dans les campagnes de" cette contrée. Elles reteisnent aussi les étoffes bleues en vert y dans une décoction de branches de bouleaux , où elles font dissoudre une certaine quantité d'alun. Tous ces travaux , mal - propres , se font dans la ville 3 ce qui infecte l'air , et rend les incendies très - fréquens. Les rues sont fort étroites et très-sales. Les tanneurs et les fabri- cans de savon jettent toutes leurs immondices dans la Tioscha \ qui baigne la ville ? ainsi que le ruisseau de Tschamka., qui là traversse ,: quoique la plus grande partie des citoyens boive de ces eaux. On établit actuellement des fabriques de po- tasse à Arsamas : les officiers qui ont l'ins- pection de toutes les savodes appartenantes ex- cluslvemeîit à la Couronne , y ont iixé leur résidence. La colline 7 sur lacfuelle la ville est située | est composée d'une pierre calcaire très-dure ? grise ou jaune , qui se ■ détache en a ssez grosses pièces 9 et qui est très - propre à faire de la chaux. Cette oierre calcaire est couverte d'une argile rouge , qui pénètre môme ses couches supérieures. On n'y voit aucunes traces de pétrifications : les autres collines , situées à j'orient de la ville , ainsi que la campagne entre la Piana et la Tioscha , en sont entière- a la Rivière deTia^a' Ö7 ment remplies , quoique leur sol soit composé de la même argile rouge.- On voit , le long de ia Tioscha et au village d'Ivanovo , à quel- ques verstes d'Arsamas , des couch.es calcaires très-minces , composées d^un sable de coquil- lages. On ne reconnoît , dans ce mélange de coquilles et de coraux brisés , que les débris •innombrables de rétépores ( 1 ) , et de quel- ques autres coquillages de la Méditerranée , particulièrement des miliepores (2). Il est même très-étonnant d'en trouver une si grande quantité dans les montagnes calcaires , baignées par la Piana. La mandragore (3) est la plus remarquable des plantes des forêts montagneuses qui avoi- sinent Arsamas. Je vis de sa racine chez un charlatan du pays , qui l'appeloit Adamova- Solova, tête - d'Adam. ïl s'en sert en Méde- cine ; il lui attribue les plus grandes vertus f ainsi qu*à celle de l'ellébore blanc ( 4 ) , et à celle de l'aconit tue - loup (5) , qu'il nomma Zar-Trava. Il les donne comme spécifiques infaillibles dans les maladies chroniques et de langueur. On commence à voir , dans cette contrée, l'ellébore blanc, qui croît dans tous f * " ' '" ■ ■ *■.!' » minr ■■ il, 1— «y» (i) Ketepora, (z.) Milhpora. (3) Atropa mandragore (4) Veratitm album. (5) Aconitum iy.coctonutn. F 4 S8 1768. d'Àrsamàs • les terrains humides , jusqu'au-delà du Volga- EnRussie, les qualités nuisibles de cette plante sont généralement connues de tous les gens de la campagne ; ils la nomment Tschémêriza , et ils ont grand soin de la séparer lorsqu'ils font les foins, et de la jeter de côté. Mais comme c'est malheureusement le tems où sa graine est en maturité , ils ne font qu'aug- menter le mal , puisqu'ils laissent ces plantes à terre ? au lieu de les brûler. L'expérience a convaincu les cultivateurs de cette contrée que cette herbe \ broutée au printems par les agneaux, dont l'instinct n'est pas encore dé- veloppé , les fait périr. Des chevaux affamés en mangent aussi quelquefois avec le foin : ce qui leur occasionne de violentes tranchées , et leur fait jeter beaucoup d'écume. Si, en transportant le foin , il tombe quelques - unes de ces plantes dans la basse-cour , sa graine tue la volaille qui en mange. Les paysans font sécher la racine de cet ellébore , la mettent en pondre , et Fappiiqtient sur les furoncles ou tumeurs que les vers de l'oestre Ouc-m (1) font naître, en été , sur la peau des bêtes à cornes. Plusieurs personnes se servent de sa racine fraîche, à la dose d'un deml-kolonik , mêlée avec du miel , pour détruire lesstrongles (2) (1) O est rus. (2) On appelle strongies , les vers des enfans et les ascari- des , ou petits vers ronds , courts et menus. A iA Rivière B£ Piàn.4. et le ver solitaire. Il croît aussi clans cette contrée beaucoup de cabaret (i) , d'actée à épi (2.) ^ de renouée bistorte (3) , et de gen- tiane des champs (4)- Les paysans font un grand usage de la bistorte dans les diarrhées 5 ils m'ont vanté beaucoup la gentiane comme un excellent remède pour la morsure des chiens enragés. D'autres , au contraire', se ser- vent de la cuscute (5) ou de l'aconit : j'attri- bue plus de vertu à ces deux dernières plantes. J'appris qu'il y avoit, le long de la Piana, plusieurs objets dignes d'être observés. Je par- tis le 2.3 août d'Arsamas , et je dirigeai ma route de ce côté. J'arrivai, sur le soir, au village dé Lopatiiia , lieu le plus proche de cette rivière. On traverse plusieurs petites collines couvertes en partie d'excellens herbages pour la pâture des moutons. Leur talus commence près de Kiri- lof ka , village situé sur la hauteur où le ruis- seau de Schamka prend sa source '; il se jette dans la Tioscha. Toutes les eaux vont ensuite tomber dans laPiana. On trouve , depuis cette dernière jusqu'à la Soura, beaucoup de camo- mille jaune (6); elle abonde tellement dans les (î) Asarusn. (z) Acten s pic ata, (3) Polygonum bis tort a. (4) Gcntiana campcstrii {j) Cuscuta. <{6) Anihemis ilnctoria. çs Î768. d'A&samas campagnes qui sont semées d'avoine et de sarrasin , qu'on pourvoit amasser de ces fleurs par charretées. Elles donnent une très - belle couleur jaune , très -propre à la peinture en détrempe , et à la teinture des laines et des soieries. Les Tatars de Kasan en emploient les fleurs pour donner la couleur à leurs maroquins jaunes. Le cours de la Pian a est si paisible , qu'on y a construit des digues à moulins. Le silure et la murène remontent rarement dans ce fleuve y les perches y abondent : elles sont délicieuses y et d'une grosseur extraordinaire. Le ruisseau de Vodok se jette dans la Piana , à un demi- •verste environ de Lopatina. L'eau de ce ruis- seau est beaucoup plus noire que celle de la rivière : il en est de même des poissons qu'on y prend. On voit presqu' annuellement sur le chèvre- feuille de Tatarie (1) , qui est assez commun près de la Piana, les mouches cantharides (2) , fîui sont en. usage en Médecine. On commence- avoir ici le rat-perlé (3) y il se tient dans les. éteules des landes qui sont exposées à l'est et au sud. Vis-à-vis de Lopatina est une élévation sur (1) Lowe er a Ta tarie a. (x) Msloe vesleatorius. ($) Mus eitillus. En Russe, Souslïx, le ziael. Bujffa A uKlVlhEvD E P I A K A.' Cl laquelle on découvre les mines d'un ancien retranchement , construit , peut-être, dans le tems des 4 v° — * Itschaly , 4 verst. — • Bolschaïa-Iahschen , 5 v. £,'■ — Kniaez-Paoulova , 2, v. — Barnou- kova y 10 verstes. Obligé de côtoyer la Piana , je poursuivis ma route, et j'arrivai à Pilokschovo , gros vil- lage seigneurial , habité par des Russes et des Morel ouans. Ces derniers vivent séparément dans des cabanes dispersées sur la rive droite de la rivière : à peine ont - ils conservé quel- que chose de leurs anciennes coutumes. Cette nation a été presqu' entièrement convertie au christianisme. Ils ne diffèrent des Russes que par la langue et l'habillement de leurs femmes. Les Morclouanes mariées portent un grand bonnet élevé , brodé en fil ou laine de plu- sieurs couleurs > sur le derrière duquel pend une petite bande garnie de petites chaînes , de plaquettes et de grelots. Leur habillement consiste en une tunique et des jupes de toile > a Barnoükova; tjrodées 9 avec beaucoup de goût , en laine rouge et bleue } elles mettent par-dessus une Ceinture qui soutient un tablier de peau par- tagé en deux > et qui pend sur le derrière. Ce tablier est brodé en laine de couleur , et orné de franges > de coraux,, de verres, de plaquettes et de grelots. Lorsqu'elles sont en habit de fête , elles attachent à cette ceinture toutes sortes de morceaux d'étoffes brodés en couleur , et garni de franges. Elles mettent alors des tuniques plus chargées de broderies et d'un travail plus recherché. Pour rendre la parure complète , elles ont,, par-dessus le tout,, une espèce de robe de toile fort ample à manches courtes 9 qui ont un quart d'aune de France de largeur. Ces robes sont faites communément de toile jaune. Leur tunique se ferme sur le de- vant du cou avec une petite agraffe., et avec une grande sur la poitrine : il pend à cette dernière un tissu de crains de corail chargé de boutons > de petites chaînes > de jetons de cuivre > de petites clochettes^ &c. : de vsorte que l'ajustement d'une Mordouane est au moins aussi lourd que les harnois d'un cheval. Les boucles d'oreilles entrent dans leur parure journalière. Dans leur habillement de cérémo- nie, elles ajoutent un bracelet ou gros an- neau autour du poignet , et deux ou trois au cou, qui ressemblent à ceux des femmes In* diennes. [Voyez p la nche III ,Jïg- \ et z* ] 94 176e. DE V O R E Z K O ï L'habillement des filles est le même que cè^ lui des femmes \ niais moins chargé d'orne-* mens ^ et elles ne portent point de bonnet. Le plus grand nombre ont leurs cheveux tressés > comme les filles Russes ; elles y attachent et laissent pendre des rubans et des houppes. Anciennement ., elles partageoient les cheveux de leur chignon en huit ou neuf n eûtes tresses, dont elles faisoient passer les deux plus grosses derrière chaque oreille 5 elles étoient soutenues par une boucle à crochet , chargée de jetons et autres ornemeus. Des cordonnets de laine , attachés à l'extrémité de ces tresses > passoient dans la ceinture. Les femmes et filles Mor- douanes des rives du Volga se coiffent ainsi : elles nattent leurs cheveux avec de la laine noire , dans un large ruban de feutre , qui leur pend jusqu'au jarret. [ Y oyez pla?ic7i. III y fis- % & Les lvïordouans ^ et sur- tout ceux de la tribu Ersariiemie dont je viens de décrire l'habille- ment., sont la peuplade la plus sale de rcni- pire Russe : il faut cependant leur rendre jus- tice, avouer qu'ils sont très-bons cultivateurs y et qu'ils sont même plus laborieux que les paysans Russes. Ils s'occupent beaucoup de l'éducation des abeilles. Ceux qui habitent les contrées forestières emploient l'hiver à chas- ser. Ils saisissent , en générai, toutes les occa- sions qui se présentent pour améliorer leur A B À & N O Ü . K : O t A. 9^ Sort. Je m'étendrai davantage , dans la suite., Sur les différentes tribus des Mordouans. Cette partie de la rive droite de ia Piana est remplie de pierres calcaires de différentes es* pèces : et le terrain^ depuis le rivage^ ne pres- sente que de hautes collines. Ces pierres cal- caires sont y en partie , composées d'un schiste de coquillages , qui se change facilement en marne ? très - commun dans cette contrée : et en partie ^vouq autre espèce de pierre qui se polit comme le marbre , dont il a presque la dureté. On voit entre ces pierres une terre ada- inique pleine de pyrites de différentes gros- seurs , et entremêlée de coquillages. En sortant de Pilokschovo,, on entre dans une forêt de tilleuls et autres arbres de hautes tiges. Elle occupe la rive gauche de la Piana 5 on voit beaucoup de noisettiers parmi le peu d'arbre à basses tiges qui s'y trouvent. Il croît quantité d'aster amelle (1) sur les hauteurs $ il étoit dans sa floraison. Un grand nombre d'espèces de brunelles (2) abonde dans ces fo- rêts. La chaussée , qui conduit de Pilokschovo à Sitschalky ou Itschaly., est entrecoupée de profondes ravines formées par les eaux de pluie qui tombent des collines. Cette contrée devient ensuite si montagneuse , que l'on est (1) Aster amellus. (z) Brune lia. 9^ ïf68. de Vörezküi obligé de repasser sur la rive gauche de la Piana. Les montagnes , qui jusqu'ici n'étoient composées que d'une pierre à chaux coquil- îière , présentent ? près du village d'Itschafy , une marne pierreuse rouge. On trouve , dans une ravine > une couche épaisse d'argile vis- queuse d'un rouge foncé. On yoit cette même argile sur la rive gauche du fleuve ; plus loin , on trouve de cette marne sur plusieurs col- lines baignées par le ruisseau marécageux d'Iak- schonka. Il se jette dans la Piana. Ses eaux , très - sulfureuses , déposent un sédiment de soufre blanc ou rougeâtre. Il y croît beaucoup de charagne fétide (1). Nous arrivâmes à Knicez- Paoulova , à travers ces collines , en partie cou- Vertes de forêts. La nuit coirunencoit , et il plut à verse aussi-tot après notre arrivée. Les paysans tirent des montagnes voisines une pierre calcaire grise , assez dure , dont ils se servent pour la construction des fours où ils font sécher leurs grains , avant de les battre à la grange : cette pratique est en usage parmi les Russes. Ces fours, nommés Oviki, sont construits en terre glaise dans les autres con- trées. On s'occupe , en hiver , à tirer cette pierre des carrières,, ainsi que celle de Barnou- kova, et on les transporte à Moskou sur des traîneaux. (i) Char a fat Ida* Dans À B A îl K O U K. O V A. 97 Dans une forêt , située prés de la Plana $ est un rocher de gypse marbré ., très - tendre , entremêlé de couches d'argile blanche et rou- geâtre 9 avec des veines de gypse de plume* Ce rocher est entouré d'un schiste calcaire mêlé de pyrites , couleur de chair , dont les unes sont plates, et les autres rondes. Ce village est encore remarquable par une manufacture de draps , et par la grande quan- tité de toiles qu'on y fabrique. Nous en par- tîmes le 16 août. Nous trouvâmes dans la fo- rêt beaucoup de champignons de plusieurs espèces : les plus communs étoient le champi- gnon de mouche et l'agaric laiteux (1)^ qui est un petit champignon blanc visqueux (2). On entre ensuite dans une plaine qui s'étend jusqu'à Barnoulvova. Cette contrée est rem- plie de villages seigneuriaux : le sol cultivé est composé d'une terre noire. Barnoukova est situé sur la Plana ß à vin^t verstes de la source de cette rivière. Le ruis- seau de Vilisa s'y jette y à la gauche de ce village. La pluie , tombée la veille , en avoit tellement grossi les eaux , qu'elles couvroient la digue du moulin : ce qui arrive quelque- fois ; aussi est - elle souvent endommagée et (1) Agarlcus muscarius et agariçus lacuus% (i) Voyez M Appendix , n°. 416. Tome i". G 98 I768. DE VOREZKOÏ même rompue. Nous fûmes obligés de passer dans Peau > en allant observer une vaste grotte qui est dans une montagne voisine de laPiana. Cette colline , garnie de bosquets , est com- posée d'une marne rouge ., entremêlée de cou- ches de pierre à chaux très-minces. La partie ia plus élevée a été tellement lavée et ruinée par le cours et les inondations de la Piana , et par les sources qui sortent de l' intérieur de cette montagne., que toute îa partie qui tou- che à la rivière est coupée à pic. On voit en outre une excavation où l'on trouve des blocs de rochers., détachés par les eaux qui l'inon- dent à chaque prin teins. Plusieurs de ces mor- ceaux sont composés d'une pierrs calcaire grise , remplie de pétrifications. Le plus grand nonin hre est d'un gypse tendre , ou l'on ne trouve , ainsi que dans les rochers de cette nature ., aucune trace de corps marins pétrifiés. L'in- térieur de cette montagne est de pierre gyp- seuse ; elle présente une façade unie et per- pendiculaire de quarante archines de haut ; au-dessus de laquelle est une couche d'argile marneuse rouge ß qui a au moins quatorze ou. quinze archines d'épaisseur. La partie supé- rieure de ce rocher de gypse est tendre et friable., de couleur jaune et rougeâtre 5 mais plus bas, il est dur., de couleur blanche et sélénitique , et comme parsemé de boules scié- A B A K $ O XI K O Y A.' 99 Miteuses striées. Plusieurs cavités de ce rocher sont remplies de gypse strié ordinaire , ou sem- blable à Tal un de plume. C'est cl ms ce rocher de gypse qu'existe la grotte tjue j'ai annoncée , qui ^ probablement > a été formée par la chute des grosses pièces de rocher que l'eau des sources intérieures de la montagne a sous-miné. L'entrée de la grotte est au bas du mur que forme ce rocher , et elle a plus de deux toises de large \ une grande crevasse s'étend , en montant,, depuis cette en- trée jusques dans le cœur de la montagne. La galerie qui conduit à la grotte s'élargit depuis l'entrée $ on y trouve plusieurs grosses pierres qui se sont détachées du rocher 5 elle s'élargit ß principalement à droite ,, par une vaste voûte peu élevée. Cette galerie se rétrécit dans le fond , et présente plusieurs rameaux qni pé- nètrent à plusieurs toises dans l'intérieur ) ils sont si étroits, qu'on n'y peut entrer qu'en rampant. Sous les fragmens de rocher , qui couvrent le terrain sur lequel on marche ., on entend le murmure d'une eau courante, qui tombe dans un étang situé entre la montagne et la Piana. La galerie principale a plus de trente-cinq archines de longueur ; elle forme , dès l'entrée, un chemin taillé en voûte, large d'une toise , qui conduit à la vaste grotte de l'intérieur de la montagne. Il faut descendre près de trois archines pour y entrer. Elle est G % fOO î'768. DE VÖREZKOI très - obscure , et s'ëtend en travers sons mie forme oblong'ne , mais un peu plus sur la droite que sur la gauche. Le côte droit est aussi plus saillant dans la montagne que l'autre. Elle a au plus quarante archinesde largeur surplus de cent de longueur , et sept à huit de hau- teur. Les parois de cette grotte présentent un superbe rocher de gypse blanc de nature sé- îénitiqxie : de sorte qu'elle paroît parsemée d'étoiles., lorsqu'elle est éclairée par un flam- beau. Il n'y a qu'un seul lit d'une espèce dif- férente. Il est composé de la pierre de corne grise , qui règne dans le pourtour de la grotte , et y forme des ondes. Il peut avoir environ un empan d'épaisseur. Cette grotte est remplie de grosses pièces de rocher,, entre lesquelles sont des cavités assez profondes pleines d'eau : on ne les trouve cependant que dans la partie inférieure. Les plus grosses sont dans la partie supérieure de la grotte >, dont le terre - plain est à-peu-près de niveau avec la voûte de la partie inférieure. Le terrain de cette voûte , à l'exception de la partie la plus élevée , est couvert d'une bourbe que les inondations du printems y déposent. Le froid que l'on éprouve dans cette grotte n'est pas supportable ; on le sent déjà en des- cendant la rampe escarpée qui conduit à son entrée, entourée de rochers^ et couverte de broussailles. Le thermomètre, placé £1 l'ombre A'Barnoük o y a, loi Sur la montagne , et oit, le 27 août, au 11 4e degré 5 au bas de la rampe , au ra3e 5 à l'en- trée de la grotte, au 127e ~; dans la galerie , à environ quatre toises de l'entrée, au i33e , et dans la grotte , il étolt descendu jusqu 'au 140e , et môme au 141e dans les- endroits- les plus enfoncés. Il remonta au iâ6e , lorsque je le plaçai dans Feau , dont les cavités de la grotte sont remplies. Ce phénomène s'est tou- jxnirs répété constamment dans les épreuves réitérées que j'ai faites avec differeiis tliermo-: mètres- apportés à sec dans cette grotte. Ce fait prouve donc évidemment que le froid qu'on ressent dans les grottes d'albâtre est produit par les vapeurs acides qu'on remarque géné- ralement dans toutes les grottes de cette es- pèce. L'eau suinte de tons les côtés de la voûte et des parois de cette grotte, et produit , en tombant goutte à goutte, un bruit sonore, qui est différent lorsque ces gouttes tombent dans l'eau. Le 26 août, elleiiltroit très-iiiodér ément $ mais , le 27 au matin , elle tomboit en abon- dance : ce qui prou voit que la pluie du iS linissoit de pénétrer à travers les fissures de la montagne. Parmi les mousses qui croissent û l'entrée de cette grotte, je ne vis de remar- quai >le qu'un bissns à filaniens ,. qui forme un tapis vert sur ce terrain bourbeux. Il vient, liors des crevasses de celle bourbe, une moussa G 3 IÔ-2 Ij6S. PS V Y ? E L « O V A.' particulière fort longue : et l'on trouve , sur les rameaux que l'eau a chariés dans Tinté- rieur de lagrotte,, une espèce de moisissure (1) très -longue (2/). Les parois de la grotte sont couverts d'un byssus (3) , qui ressemble à la toile d'araignée 5 il se réduit en eau lorsqu'on le prend dans les doigts. Cette grotts , malgré le grand froid qui y règne , est remplie de chauve - souris ; elles voient même pendant lé jour dans ce vaste souterrain, et n'en sortent que la nuit (4). s- x. De Vypelsova a Embert^ Du 28 août au ier septembre. Vypelsova, 5 verstes. — Scharapoul, 10 v.- Aratky 2 v. — ■ So v ras so va j i5 v. — Tc/iir- kousch y 3 v. — Tolskoï-Maïdan , 8 v. — - Vassilof- Alaïdan , o. v. — Pozcsa^ 11 v. — • JPotschinki , 8 v. — Khovanskovo , 10 v. — Andrekha y 11 v. — Bogorodizka > 10 v. — JSfovaia-Derevna , i5 v. — Emhery , 6 v. Je quittai la Piana le 28 août , parce que ^1) Mucor decumanus. (>,) Voye\ r 'Appendix , nQ. 415. (}) Byssus evanida , floccosci , nlvea. Dillen. Hist. Musc1» pag. 5 > sp. offre assez de landes désertes faciles à défri- cher , et à convertir en excellens champs de terre noire. Si l'on fumoit des terres aussi grasses, la semence y poussant avec trop de vigueur,, les blés seroient sujets à verser, et périroientc avant de venir en maturité. N'est- il pas déplorable qu'avec tous ces avantages \ les habitans de ces contrées ne cultivent que la quantité de chanvre , de lin, et de froment nécessaire à leur propre consommation^ et ra- Buffon y que j'ai déjà remarcjuce plut haut. Vesper tillo pi* pis trellus. G 4 ï©4 lj68. DE VîPUSOYA rement un peu plus , qu'ils vont vendre au marché le plus voisin ? Une autre coutume aussi blâmable , c'est la manie qu'ont tous les liahltans de former, avec le fumier que fournit leur nombreux bétail , des espèces de rempart autour de leurs maisons , ou des digues le long des ruisseaux qui les a voisinent. Cet usage pro- duitune si grande quantité de mouches, qu'on est .forcé , dès la fin du printeuis, de fuir les cham- bres à poêle, pour s'en garantir. On voit aussi, près des villages de ces cantons , de petits mou7 lins à vent , dont on ne fait aucun usage dans les autres contrées de la Russie-. Nous traversâmes , près du village de Scha- rapoiil , la route d'Arsamas à Alatyr. Les cam- pagnes, ainsi que les champs en jachères, sont couverts de camomille fétide (1). Cette plante croît dans toutes les contrées situées au sud de TOkka. Arath , est un gros bourg , habité par un grand nombre de potiers, qui, après avoir fait cuire leur vaisselle dans de grands pots percés et placés en terre (2), la trempent* toute rouge dans une eau de farine bouillante, qu'ils tiennent dans un autre grand pot près du feu. Ils prétendent que cette opération rend la poterie plus durable. (ï) Anthémis couda . ■ (a) Méthode usitée dans toute la Russie, ou Ton n'a point d'autres fourneaux» A E M B E R Y. 105 Ces environs n'ont rien de remarquable ; et, jusqu'à Tolskoï - Maïdan ^ les champs et les prairies sont situés dans des bas -fonds. On traverse beaucoup de ruisseaux, qui se jettent dans la Plana, et on passe par un grand no m-^ bre de village,, dont plusieurs sont habités par des Mordouans. En approchant de Tolskoï^ on entre dans une foret d'arbres à hautes tiges , qui borde ce village à l'est et au sud. Dans cette forêt , et à quelques verstes de distance , est une chapelle de bols , dédiée à la Vierge , près de laquelle se trouve une belle fontaine entourée d'un mur. On a découvert une mine dans cette contrée $ mais l'échantillon qu'on me fit voir n'étoit qu'une pyrite sulfureuse , qui doit être très-commune dans ce pays argi- leux. Il y a à Tolskoï une de ces fabriques' de po- tasse nouvellement établies dans ces contrées > et qui appartiennent à la Couronne. Ces éta- blisseinens , et la manière dont on procède dans la fabrication , sont par-tout les mêmes , et sont très-bien réglés. On lessive les cendres dans de grandes cuves, où l'on parvient par des conduits de bois. Ces cendres sont lessi- vées trois fois : on fait cependant passer la plus foible de ces lessives sur de nouvelles cendres. Lorsque la lessive est suffisamment saturée > on la laisse cuire jusqu'à dessication , et l'on fait ensuite calciner la potasse à blanc dan« 1öS 1768. DE VlPELSOTA un fourneau à réverbère , qui a la forme d'un carré long. On la met en tonneau aussi - tôt qu'elle est refroidie. Cette fabrique est munie de trente-deux cuves à passer les cendres , de quatre chaudières , et d'un fourneau de càlci- nation : au moyen de cet appareil , elle est en état ^ en travaillant sans interruption , de fournir ., année commune > trois xents tonneaux d$ potasse à vin^t pouds,, ou six cent soixante livres de France par tonneau ; il faut , pour cela ? plus de six mille tohetverts de cendres. Les meilleures ne rendent qu'un poud , ou trente-trois livres de sel iixiviei par tchetverU Le noise itier est l'arbre le plus commun dans la forêt touffue qui borde le village. La Bota-, nique n'offroit plus rien d'intéressant, excepté le îaiteron des marais (i)? et la sarrette sauvage (2), qui est l'herbe la plus commune des champs de cette contrée. Je trouvai encore dans cette? foret humide l'asperule odorante (3) , et Tac- tée commune (4)- Les buissons sont remplis de champignons assez remarquables, tels que la clavaire tronquée (5) , une helvelle (6) \ deux excressences y dont une est décrite au - (î) Sonchits palustris. L?i (%) S.?rr.itu!a arvensis. En Russe, Ossot. (3) Aspaula odorat ci. (4) yJctrra. (?) Clavaria fastigiata. (6) Elu la silpïtata* A E' M B E R Y. ÏOf £x°. 4^3 àeV Appendice (i) 3 une espèce de vesse- lonp (2) ; une espèce de pezize (3) , et l'agaric bulbeux (4). Je pris , le 3o août, la route de Maïdan- Vassilof. Le chemin qui conduit à ce village est rempli de collines , couvertes de bois pour, la plupart. Les ruisseaux qui en sortent diri- gent leur cours vers l' Alatyr. On ne voit 3 dans ces environs , que des terres pesantes et ar- gileuses. Plusieurs villages avoient beaucoup souffert de i'épizootie , ainsi que tout le dis- trict arrosé par la Soura. Cette maladie est très-commune dans ces cantons ; peu de vil- lages en sont exempts plusieurs années de suite. Ce mal est occasionné par les pâturages hu- mides y et la mal -propreté dans laquelle 011 laisse les bestiaux , qui ne sont jamais à sec*: Cette épizootie ne s'est pas encore fait sentir dans les autres contrées plus élevées , moins habitées , et où l'on a plus de soin du bétail. Un fait singulier , et qui m'a été assuré , c'est que les habitans des lieux où ce mal fait le plus de ravages, n'emploient jamais aucun remède pour en arrêter les progrès. Vassilof - Maïdan n'est abreuvé que par le (1) Mucor decumanus et mucor'' cri status. Appendix, ii°. 423. (2) Lycoperdon hypoxylon. Appendix, n°. 422. (3) Pe\i\a pedunculata. Appendix, n°. 410. (4) Agaricus bulbosus. App. n°. 417. îo8 1768. ee Vypelsota petit ruisseau bourbeux cle Rêvez \ on a en soin d'entourer d'un mur une source qui est sur une élévation située au nord , dont l'eau arrive dans le village par des canaux. On trouve çà et là, dans les couches de terre ar- gileuse de cette contrée , des ammonites, des béiemnites , et autres coquilles semblables. Je trouvai dans l'argile visqueuse un grand nom- bre de grosses masses d'argile pétrifiée , de nature calcaire. Cette dernière est mêlée de petites couches d'un spath jaunâtre et rayonné, qui fait effervescence avec les acides (1). On ne peut, pour ainsi dire , distinguer ce spath d'avec la substance intérieure d'une bélemnite brisée , à cause de sa ressemblance. On trouve presque par - tout beaucoup de pyrites , que les paysans ont grand soin de cacher aux cu- rieux 5 dans la persuasion que ces pyrites sont un métal quelconque. La route jusqu'à Pensa n'offre presque que des forêts de chêne remplies de broussailles et d'arbres de basses tiges. Ici, 011 traverse la rivière d'Alatyr. On y voit quantité de grillots- hannetons (2). Les prairies qui environnent Potsclibiki sont excellentes , et contribuent beaucoup ail succès des haras établis dans ce i. canton. Le bâtiment est construit en bois. Il (ï) Ludus hclmontlu (1) Gry Uns stridulus , le criquet ensanglante» " ' A E M B E R Y. ÏC$ est situe vis-à-vis la slobode , et sur la rivière de Roudnia que l'on traverse : elle a son em- bouchure dans l'Alatyr. On entretient dans ce haras trente étalons , presque tous Danois f ann d'avoir des chevaux de taille pour les re- montes des garde s cheval de l'impératrice 9 auxquels ce haras appartient en propre. Le nombre des jumens et des jeunes chevaux qui pâturent ici pendant tout Tété, est d'environ sept cent cinquante. Potschinki est un bourg considérable 5 il renferme trois églises , et mille deux à trois maisons. . Il y a ici un détachement en garnison. On nous y interrogea, sur les motifs de notre voyage 5 ce qui nous occasionna am petit retard asses désagréable. A l'époque du mois d'août , et aussi-tôt que la moisson est finie , on ne trouve plus de plantes remarquables. Nous conti- nuâmes notre route pendant la nuit. La con- trée , jusqu'à Saransk , est un pays de grains , varié par d'agréables coteaux, de belles forets , et un grand nombre de villages, habités, en partie , par des Tatars. On moissonnoit par- tout. %10 I768. DE SA RA KSK S- X I. De Saransk a Insara» Du ier au 6 septembre. / Saransk , 10 verstes. — - Sikova , 12 v. — Ar- khanguelskoï , 3 v. — Issa, 22 v. — Oukran- zova, 5 v. — Kamménoî-Brod y 2 v. — Mas- chikova, 11 v. — Paßtina y 4 v* — In s ara > 10 v. J'arrivai à Saransk le 1er septembre pendant la nuit. Cet endroit est peu considérable : ses .habitan s sont tous laboureurs 5 on y trouve quelques artisans , et de pauvres marchands. La chancellerie , ainsi que le district , res- sortissen.t de la Province de Pensa , et dé- pendent du gouvernement de Kasan (1). On y voit ? ainsi que dans toutes les petites villes de l'empire , beaucoup de femmes qui teignent des étoffes de laine avec des plantes indigènes; elles excellent ordinairement dans cet art. Le principal ingrédient qu'elles emploient clans presque toutes leurs teintures , est une espèce de mousse , appelée lycopode applati (2) , qui abonde dans toutes les bruyères marécageuses ; (1) Saransk est aujourd'hui le chef- lieu de la province de son nom , gouvernement de Pensa. (z) Lycopodium complanatum. En Russe, Seleniza, aInsarâ, lîi de scandix, ou peigne -de -Vénus (1). Les paysans en ramassent une grande quantité , qu'ils vendent dans les marchés à très - bas prix. On réduit cette mousse en poudre ; on la mêle avec une lotion bien acide., composée de farine , à la manière usitée. Cette lotion sert d'alunage pour presque toutes les cou- leurs. On y laisse , pendant une nuit, ou un peu plus long-tems , les laines que l'on veut teindre : on les éguée , et on, les feit sécher ensuite.. Ce procédé leur donne une couleur jaunâtre , sur laquelle les autres couleurs mor- dent beaucoup mieux , et sont bien plus du- râbles. Comme ils ne savent pas se servir de l'alun , ils emploient cette méthode dans pres- que toutes leurs couleurs. Les Mordouaiis , les Tschouvasches , et les Tatars se servent, au lieu de cette mousse , de la feuille de l'ado- nide printanière (2), ou de l'absinthe cpm^- mune , en y ajoutant un peu de- genêt d.es teinturiers (3) 5 ils emploient, le plus souvent , les feuilles de chardon hétérophyle (4) y qui fournit un jaune plus agréable et plus vif. Les Mordouans Ersaniens nomment ce charJoil Pishélaoma - Tiksched \ les Mokschaniens (t) Scandix semlne rostraio vulgaris. (z) Adonis verna. (3) Genista tinctorîa. En Russe, Diicx. (4) Carduus heurophyllus. 112 I768. DE S A R A N g K l'appellent Sei\guerepltom-Tisché : ces deux dénominations signifient herbe verte ; ce qui semble prouver qu'ils l'emploient pour teindre en vert les laines déjà teintes en bleu , avec l'indigo ou la vouède 5 ils les font simplement bouillir avec cette plante. Lorsque les Russes Se servent de la poudre de mousse pour leurs teintures , ils mettent un peu de genêt clans la lotion. Voici le résultat des recherches et observa- tions que j'ai faites sur la teinture. Les plantes les plus usitées sont la camomille jaune ( 1 ) , le genêt , etla sarrète (2) , lorsqu'on veut avoir un jaune pâle. Ces plantes croissent dans toutes les campagnes de la Russie. Pour teindre en aurore > les Russes emploient le bident des marais ( 3 ) • pour le ronge foncé , la fausse garance , qui est ordinairement la racine du caille-lait blanc (4), ou de l'asperule rubéole (5) 5 pour le rouge cramoisi clair , c'est l'origan vul- gaire (6) 5 pour le vert , ils commencent commu- nément par teindre les laines en bleu : ils se ser- (1) Anthémis tinctoria. On la nomme, dans quelques cantons, Poupafka. (2) Serratula. En Russe , .Serpoukha. (3) Bidens trlpanica. En Russe, Tscherjoda. (4) Gallium mollugo. (5) Asperula wictorla. En Russe , Mariona. (6) Orlganum vulgär* spontuneum* En Russe , Dou- $CHIKA. vent À I N S A R A*J Ïl3 Tent ensuite des feuilles de ce bouleau , ou des plantes qu'ils emploient à la teinture jaune. Le plus grand -nombre obtient, avec une décoction d'alun et de la fleur des sommités du roseau (i) , un vert foncé \ et un vert jaunâtre avec les baies de la bourdaine (2). Les paysannes con- nussent les époques où il faut cueillir toutes ces plantes. Dans la. teinture bleue, on ne se sert point des plantes indigènes , excepté dans la petite Russie , où l'on emploie le pastel $ qui croît naturellement dans toutes les forêts. Par-tout ailleurs , les paysans achètent l'indigo et le bois d'inde , qu'ils emploient selon la mé- thode ordinaire. La teinture jaune avec le genêt se fait de la manière suivante. On le réduit en poudre $ on en met une assez grande quantité dans la lotion , pour former un brouet. On fait trem- per auparavant les laines pendant huit jours dans un bouillon de mousse 5 on les y laisse encore pendant quelques jours, après y avoir jeté le genêt. Pour rendre la teinture plus belle i on passe les laines dans une eau de lessive | après les avoir rincées et séchées à plusieurs reprises. Le chardon du teinturier se met en décoction ; on y ajoute quelquefois un peu d'alun : on plonge ensuite les laines dans cette (1) Arundo calav.iagrosiis. En Russe, Mietlika. (2) Frangula. En Russe, Krouschima. Tome I. H Il4 I768. DE SàRANSK teinture bouillante , après les avoir mises axt bouillon dans le mélange ci - dessus. On teint aussi les soies et les laines avec les fleurs de ia camomille jaune et de l'œillet d'Inde ( 1 ) , qu'on cultive dans les jardins. Pour teindre? avec l'oeillet d'Inde , il faut savoir proportionner i'alun qu'on y ajouté. Le bident des marais , cueilli dans sa fraîcheur , fournit , en le fai- sant bouillir dans l'eau avec un peu d'alun y im beau jaune très- vif : on le rend encore plus« beau , en y ajoutant nn peu de garance sau- vage. Plus on passe les laines et les soies dans cette teinture , plus elles acquièrent de viva- eitei On pile de cette garance sauvage dans des; mortiers de bois , ou on la réduit en poudre dans des moulins à bras, ainsi que les autres plantes. On en fait un brouet épais avec de l'eau qu'on laisse dans un four chaud pendant une nuit. Le lendemain , on y ajoute de l'eau y pour rendre ce brouet liquide , et 011 le fait bouillir à gros bouillons. Quelques personnes font d'abord bouillir dans cette eau un peu d'écorce de chêne ou de jeune bouleau, po«j£ donner plus d'éclat à la couleur : les Tschon- vasches y ajoutent un peu de cendres. Lorsque la teinture a la nuance de rouge désirée , ilsé y mettent leurs laines à deux ou trois reprises y (1) Tagetes* À I K S A à a.1 îl5 et même davantage. Le premier teint se donne tiède , et le dernier bouillant. Ils font sécher les laines après chaque teint \ lorsqu'elles sont teintes , ils vont les laver à la rivière , et les font sécher pour la dernière fois. La couleur est plus claire et plus agréable lorsqu'on y ajoute de la bardane aquatique , de la sarrette , du ge- nêt , ou du chardon hétérophyle. Lorsqu'on pile la racine avec modération , il s'en détache Une première poudre d'un röüge noirâtre , qui provient de son écorce colorante $ elle fournit la pins belle couleur. La teinture avec l'origan exige encore plus de manipulation. Voici ce qu'on m-a rapporté à ce sujet. On citeilîe la plante , avec ses som- mités , dans le tems de la floraison $ on la fait sécher au four, afin de pouvoir la réduire en poudre. On se procure , au printems , des feuilles de la première pousse des pommiers sauvages ou greffes , que l'on pulvérise aussi. On prend égales portions de cliacune 5 quel- ques personnes cependant ne prennent qu'une partie de feuilles de pommiers sur deux parties d'origan (1 ). On y ajoute un quart de malt ou orge germé (2,) déjà bouilli, et l'on môle bien le tout avec de l'eau $ on y met ensuite (i) Oiiganum. En langue du pays , Douschiza. (i) Les Russes appellent le malt , Goustscha ; ce mot aîgniiîc aussi une sauce épaisse. IL 2 Il6 Î768. DE S A R A N S K de la levure de bière, pour hâter la fermer** tation. Dès que cette matière est aigrie , on en fait égoutter l'eau , en pressurant 5 on retend dans un four chaud P où on la laisse sécher pendant une nuit , et on a soin de la remuer souvent. Lorsque cette matière est bien sèche , on Ja fait bouillir dans de l'eau pure : et alors la teinture est propre à recevoir la laine en £1. D'autres personnes font moins de façon 5 elles prennent seulement portions égales d'ori- gan et de feuilles de pommiers , qu'elles fout bouillir ensemble , en y ajoutant un peu d'a- lun ; mais le rouge 1 n'est pas aussi beau. La couleur tir,ée de l'origan est la plus belle de toutes celles que les paysans savent préparer. ~Les couleurs obtenues par les procédés ci- dessus , sont, la plupart , très-belles, et plu- sieurs ne perdent rien de leur teint lorsqu'on les lave/ Nous partîmes de Saransk le 4 septembre ? et fîmes un petit détour , ahn de voir une forge à Insara. A peu de distance de Saransk est le ruisseau d'Insarka , qui se jette dans l'Alatyr. Le ruisseau de Saranka , qui arrose la ville, tombe dans l'Insarka. On traverse, un peu plus loin, deux autres ruisseaux _, le Tschernéika et le Téléléika , et celui de Lem- scha , près d'un village qu'on laisse de côté. On passe l'Insarka auprès de celui de Sikova , au- dessus duquel ce ruisseau reçoit les eaux d'une A I N S A R A.' ÎI7 source située près d' Arkhanguelskoï 5 sur la rive de cette source , qui forme un creux très-pro- fond , est un ancien amas de fumier, qui res- semble à de la tourbe. Il répand , en le brû- lant , une forte odeur ammoniacale. On tire- roit certainement du sel ammoniac des amas de fumiers des villages de cette contrée , en les faisant consumer dans desv fourneaux à loues tuyaux, propres à faire circuler la fumée. Les paysans donnent un nom bien impropre aux morceaux de cette tourbe , qui flottent sur Peau au printems : ils la nomment pain - de ~ terre , Zemlianoï -Kleb. Depuis Saransk jus- qu'aux montagnes d'Ourali , en delà du Volga, les champs sont remplis de mélilot. En sortant d' Arkhanguelskoï , on traverse un pays plus élevé , quoique ce soit une plaine. On traverse ensuite de petits bois éparpillés , pour arriver dans une contrée garnie de quel- ques collines. On passe , à dix-huit verstes d' Ar- khanguelskoï , les ruisseaux de Schéklakofka et de Siinanka , qui se joignent à l'Issa, ainsi que plusieurs autres. Cette rivière se jette dans la Motscha. Nous arrivâmes , dans la nuit , à ÏSsa, village appartenant au comte de F~oro7i- zof. Ce lieu est renommé à cause de sa manu- facture de haute-lisse , et d'un haras si consi- dérable., qu'on ne cultive presque que de l'a- voine dans ses environs. Il y a une antre ma- nufacture dans un village seigneurial voisin. H 3 ♦ 2i8 1768. de Saraksk Les tapisseries qu'on y l'ait sont au-dessus du commun : elles méritent que j'en fasse men- tion. Presque toutes les matières premières qu'on y emploie sont indigènes 5 la laine pro- vient des m ou Loi] s du pays , auxquels on a mêle une race. Circassienne : le travail s'y fait par des enfans et de jeunes filles, inspectés par une paysane très-instruite. Cette dernière s'occupe à teindre la plus grande partie des laines avec les plantes du pays. Les seules cou- leurs exotiques qu'elle emploie sont , pour l'écarlate , le bois de- Brésil, qui, traité avec une lessive , donne un rouge de carmin 5 elle se sert d'indigo pour le bleu, et de bois d'Inde pour le violet. Il est fâcheux que la plupart des couleurs employées ici ne durent point. J'ai été surpris qu'on ne se ser\e point des plantes indigènes dont j'ai fait mention, telles eue la garance sauvage , le chardon hétéro- phyle , de l'origan , dont les couleurs résis- tent plus que celles du bois de Brésil , ainsi que de la camomille jaune, qui donne un si beau teint. Cette contrée est d'ailleurs très- propre à la culture du pastel ( 1 ) ; et je suis persuadé que la vraie garance (2) réussir oit à merveille dans beaucoup d'endroits. On traverse ici l'Issa, qui alonge beaucoup le chemin, à cause de ses nombreux détours* „ 1 , ; -. — — ~ (i) Glas tum seu isatis sativay vel latifolia» (z) Kubia tinctoriém sauva* 'A I N 'S A R A? ïî£ Oïi trouve , à six verstes plus loin, le ruis- seau de Tscherkaïs fi et on passe ensuite entre deux villages Tatars, dont les cimetières sont entoures de pieux , et remplis de pierres fu- néraires. On découvre ici , dans le terrain ar- gileux , des traces de mines de fer. On tra- verse , à peu de distance , le ruisseau de Sehe - hof ka ; il croît sur la rive du gaillet boréal, et du gaillet jaune (1) , dont les ra- cines sont aussi fortes que celles de la vraie garance. Je vis encore beaucoup de trientale (2) sur quelques petites îles. Après avoir passé le village de Mascîiikova , situé près du ruis- seau de Lopatin , sont des bas - fonds où on trouve l'ellébore et l'année. Ils sont arrosés par les petits ruisseaux de Patra , Séïofka, Séléïofka , et Zarefrak , qui se jettent dans Tissa. Patina est situé entre le Séïofka et le Séléïofka ; on trouve , près de ce village ,, la chaussée qui conduit d'Iusara à Pensa. On découvre , dans le lointain , une chaîne de collines couverte de bois , qui s'étend le long de l'Issa jusqu'à la Mokscha. On traverse, près d'Insara , le Viaïséra , ruisseau assez considé- rable. On trouve , à environ un verste de cette ville , l'ancienne ligne tirée entre la Mokscha et la Soura \ mais elle n'est presque plus re- (1) Galium boréale et verum, (z) Trknc.alis,^ H 4 Ï2.0 lj6S. DE S A R A N S K. connoissable : elle se termine auprès de Pensai On en trouve une autre un peu plus bas , qui s'étend depuis la Soura jusqu'au Volga, près de Simbirsk. J'en parlerai ailleurs. Insara est une misérable place , bâtie par des Strelzi , sous le rèeiie de Pierre Ier. Ses habitans sont paresseux , et ennemis de toute industrie. Cette ville est située sur la rive gau- che du ruisseau d'Insara , et près de son em- bouchure dans Pissa. La plus grande partie de cette rive est composée d'une terre argi- îeuse , contenant , en plusieurs endroits , de la mine de fer d'une très-mauvaise qualité. Le Sa- vodschik ( propriétaire delà fonderie du lieu ), nommé Nikonof ', a établi , à l'extrémité de la ville ., une fonderie, à côté de laquelle il a bâti une maison commode , et une église en pierres , qui sont les seuls bons édifices. L'autre église, située dans la ville , ainsi que la cathédrale et la chancellerie , qui se trouvent dans le fort , sont en bois. Elles sont dans le plus mauvais état. La fonderie n'a qu'un seul fourneau, qui sert à fondre du fer , pour fabriquer des pots , des chaudières , et ces larges chaudrons , prin- cipal ustensile des Kalmouks et des Tatars (i). li s'en fait un débit très - considérable. On y fond annuellement trente mille pouds de ce (t) Les Russes nomment ces chaudrons, Kalmyzkijê JgCHASCHKI, aInsara.4 Î2Î genre de vaisselle, qui se transporte sur les bords da Volga , et aux marchés de la petite Russie. L'Insara fait jouer les soufflets de cette fon- derie : on a construit une digue à cet effet. Elle s'est déjà rompue en plusieurs endroits , à cause du peu de fermeté du terrain. Ses rup- tures ont occasionné des creux très - profonds dans le rivage 5 ils sont remplis d'une argile qui se gonfle dans l'eau (1). C'est une mine de fer brune . très - souvent limonneuse et écaiileuse , qui a un grain ocrenx communément gris/ltre , et quelquefois jaune ou rou^e. Elle rend environ Vins t- trois livres de fonte par quintal. Ce fer, en gueuse, est si souverain, qu'on ne peut l'employer qu'à de pareilles vaisselles de fonte , que la qualité du 1er permet de rendre très-minces. On tire ce minerai d'une couche qui a plus de quinze archines de large ; elle s'étend dans toute la partie septentrionale de la montagne baignée; par l'Insara , et le long de FIssa. Cette couche a d'une archine à une arcliine et demie d'é- paisseur , et peut se fouiller souvent dans la largeur d'un verste et demi. On trouve , au haut et au bas de cette couche , de la pierre blan- che des rémouleurs,, mêlée de petites particules déplantes. On tire, en plusieurs endroits de ces mêmes montagnes , une pierre calcaire fort com- (1) Argilla ferment an s. 122 lj6$. T> E PATINA pacte, qu'on emploie pour castine. Le sable à mouler se trouve près de la fonderie ; mais on est oblige de faire venir de Moskou la pierre nécessaire au doublage du fourneau. On a cons- truit , près de cette fonderie , une forge de fer en barres , à deux marteaux , qui est de peu d'usage. La plus grande partie du travail de cette fonderie se fait par des ouvriers que l'on prend à la journée 5 il s'y consume annuel- lement dix mille cordes de bois, que l'on achète dans les forêts de la Couronne. On a établi , sur la droite de l'Insara , au- dessus de la fonderie , une nouvelle fabrique de potasse , à l'instar de celles de Mourom , d' Arsamas , de Tolskoï-Maïdan , d' Alatyr , et de Sviircsk. S. X I I. De PiETINA A BeSSONOPKA. Du 6 au 9 septembre. Paeûna , 10 verstes. — P aetïna-Boiarskaia * 8 v. — Khytrovo , 2 v. — Schadin , 5 v. — Relation sur les JSÎokschanieîis. — Lcpéika > 6 verst. — Kouraklno , 3 v. — Perschova ? 16 verst. — Vicie sera , 27 v. — Bessojiofka , 11 v. Je partis d'Insara le 6 septembre, pour aller à Pensa. Je fus coucher à Schadin , village situé A BeSSONOFKA: Ï23 près du Scheschofka. Ce lieu est habité par des Mordouans. On traverse de nouveau la plupart des ruisseaux dont j'ai parlé. Les Mordouans de Schadin , plusieurs de ceux qui habitent les villages voisins de la Mok- scha et les contrées supérieures delà Soura, ainsi que tous ceux qui sont dans les villages situés près de cette rivière , bordée de bois., sont d'une autre tribu que ceux qui demeurent près de la Piana, et dans le gouvernement deT^islié- Gorod. Ils se distinguent eux-mêmes des au- tres , et se donnent le nom de Mokscha, au pluriel, Mokschad , qui désigne, dans leur langue, toute la race Mordouane en général. ü ■■■■■■* O Ils nomment les autres Er s ad ou Erdsad : et ceux - ci ne font aucune difficulté de prendre ce nom. On ne trouve que très -peu de villages Ersaniens dans les contrées habitées par les Mokschaniens : mais on trouve les deux tribus mêlées, et souvent dans un même village } et sur les bords du Volga , de la Soka, du Tsché- remschan, et dans les districts voisins des sou- vernemens de Kasan, d'Orembourg , où ils ont été distribués par colonies avec d'autres pay- sans. Ils ont cependant conservé des caractères distinctifs qui les font reconnoître. Les Mok- schaniens prétendent, suivant leur tradition-,* avoir habité anciennement \GS environs de la Mokscha et des ruisseaux qui s'y jettent; que leurs habitations s'étcndoient jusqu'à l'Okka ; ïa4 îyfiS, b i Patina qu'ils ëtoient gouvernés par des petits princes ou anciens de leur nation, avant d'avoir été dispersés dans ces lieux nouvellement peuplés. Il paraît qu'ils ont donné leur nom à la Mok- sclia. Ce sont ces mêmes Mokschaniens que Strahlenberg prétend être un peuple particu- lier. Ils ont à-peu-près les mêmes mœurs que les Ersaniens , et parlent la même langue , et' diffèrent seulement par la prononciation de la plus grande partie des mots , par plusieurs usages qui leur sont propres , et par l'habille- ment de leurs fein nies. On recoiiiioitra cette différence dans l'ha- hilleineiit ,, en comparant le costume des fem- mes Ersanieimes , dont j'ai déjà donné la des- cription , av.ec celui des Mokschaniennes lorsqu'elles sont en habit de cérémonie. [Voyez planche XIF ". ] Le bonnet des Mokschaniennes mariées , appelé Panga , n'est pas si haut, ni chargé de tant de colifichets ; il n'a d'autre ornement qu'une légère broderie , et on le serre sur la nuque avec la bande qui y est attachée. Quelques - unes portent autour de la tête un simple mouchoir de toile rayée ; elles le nouent de manière que les deux bouts , qui sont bro- dés , pendent plus ou moins sur les épaules. Cette mode est particulièrement en usage au- près du Volga. [Voyez planche XIII , fïg. 3.] Les Mokschaniennes se distinguent encore par deux courroies , Pilks., qui tombent sur ht A B E S S O N O F El A* 12,5 poitrine. Ces courroies sont garnies d'anciens kopeks d'argent ? et terminées par des chaî- nettes et autres ornemens. L'agraffe , Schour- Kas , qu'elles portent sur la poitrine ß est ornée d'un écusson, Si^:, qui est bien plus chargé de coraux et de verroterie que celle des Ersa- niennes. Plusieurs d'entre elles portent autour du cou un large collier en réseau y Ziifk, composé de petits grains de verre de différentes couleurs, Elles ont pardevant un large tablier , Siorné-Sarxé , qui leur pend à la ceinture 5 il est brodé et séparé en quatre bandes , qui tiennent l'une à l'autre par de petites agraffes : le bas de ce tablier est orné de longues houp- pes,, de grains de verre, et des coquilles nom- mées monnoies de guinée (1). Par derrière , au lieu de tablier , ce sont beaucoup de houp- pes de laine noire , qui pendent de leur cein- ture à des cordons de diverses longueurs. Elles ont communément sur la poitrine et la nu- que plusieurs autres petites boucles , qui servent de crochets à leur chemise ; elles sont chargées de grelots et de jetons , qui ser- vent à augmenter le cliquetis de leurs orne- mens. Ce qu'il y a de plus singulier dans leur parure, ce sont les grosses houppes de che- (i) Cyprsa nodosa. Espèce d'escargot } coquillage qui vient en plus grande partie des Indes. C'est sans doute du Cyprœa moheta. Lin. , que M. Pal/as veut parle* ici. ïaè 1^68. DE P iE T I N  veux flottans,, terminées par une petite queue cle bois, qui sert à les fixer clans les cheveux; elles sont tressées avec plusieurs petits forcions. Ces houppes ne sont plus en usage que chez les vieilles femmes : elles les nomment Siouka. Elles n'aiment pas à les faire voir , et ce n'est qu'à'force de prières que j'ai pu les examiner« f Voyez /ïgurez. ] Lorsque ces femmes sont en habit de cérémonie , elles ont les pieds entou- rés de courroies de cuir : usage singulier , attendu qu'elles pourroient se servir de bandes de toile. Les Mokschaniens sont aujourd'hui tous convertis ; ils ont presque entièrement oublié leurs anciens usages et opinions. On prétend qu'ils différoient très - peu, à cet égard , des Ersaniens. Ils m'ont tous assuré unanimement qu'ils n'avoient jamais eu d'idoles , ni de di- vinités subalternes > mais qu'ils sacriiioient uni-* quement à un Etre suprême et invisible ; ils ne Pappeloient pas comme les Ersaniens , Faass, mais Schkaï , nom qu'ils donnent au ciel. Lors- qu'ils faisoient leurs prières , ils regardoient à l'orient , ainsi que tous les peuples d'origine Tschoude. Les lieux destinés aux sacrifices étoient enfoncés dans les forêts. Ils y immoloient des chevaux, des bœufs, et du menu bétail; Dans les funérailles , les parens du mort of- froient des sacrifices sur sa tombe , et les fem- mes pleuroient leurs mânes. Ils faisoient con- A B É S S O fr O F K Â. tUf tracter des promesses de mariage aux en fans dans l'âge le pins tendre : ils le font faire en- core aujourd'hui aux personnes des deux sexes qui n'ont pas atteint l'âge de majorité : et cela , disent - ils , pour avoir plus d'ouvriers. Le Kalün, ou présent que la fiancé fait à son beau-père , étoit d'usage parmi eux , ainsi que chez tous les peuples orientaux. Au moment de la consommation du mariage , on mettoit la fiancée sur une natte au milieu de la fa- mille assemblée ; on la portoit ensuite dans la chambre de l'époux , auquel on la remettoit P en lui disant : Vot tet., vergass outscha t, Tiens y loup , voilà la brebis. La mariée de- Voittalors se tenir sur la réserve , et se mon- trer aussi revèche qu'il lui étoit possible. II faut encore aujourd'hui que la mariée, en re- venant de réélise Russe , où se donne la bé- ïiédiction, ne fasse que se plaindre et se la- menter : quelques - unes prennent si sérieuse- ment la 'chose , qu'elles s'égratignent entière- ment le visage , couvert d'une espèce de voile ou toile brodée. Ils conservent encore l'usage suivant. Le lendemain du mariage , le plus âgé de la famille va porter en présent , avec cérémo- nie , un pain fait exprès , sur lequel on est obligé d'incruster une petite pièce de monnoie, et une des apraffes que les femmes portent sur la poitrine. Le parent pose trois fois ce^paia ls8 1768. B E PATINA sur la tête de la jeune femme , en prononçant ces trois mots ? qu'il arrange à volonté : Tre- tet , Méséi , Pavéi. Il faut que le dernier des trois qu'il prononce soit le surnom ordinaire de la jeune femme. On donnoit aux en fans un nom que le hasard fournissoit , et c'étoit ordi- nairement une épitliète. Voilà tout ce que j'ai pu arracher de ces gens stupides. Les Mokschaniens sont au surplus des cul- tivateurs très-laborieux. Ils entretiennent beau- coup de ruches d'abeilles dans les bois ; phi- sieurs en ont en propriété jusqu'à deux cents. Ils sont moins sales que les Ersaniens. La cou- leur blonde et même rousse des cheveux est moins commune chez eux que parmi les. au^ très : la plupart les ont bruns ou châtains. Leurs femmes sont, ainsi que les Ersaiiiennes >$ rarement belles 5 mais , en revanche , très-labo- rieuses. • Ils connoissent bien les plan tes propres à la teinture, et utiles à la Médecine. On trouve , dans tous les vestibules des maisons , plusieurs de ces plantes pendues au plafond , avec des feuilles de choux sèches , dont tous les Mor- douans se servent , en général , pour appliquer sous les miches de pain , en les mettant au four. Ils en font sécher une grande quanti lé pour l'hiver ; ils les humectent un 'peu lorsqu'ils veu- lent s'en servir. Les plantes médicinales cpie& j'ai  BeSSONOFka. Î2Q, ^ai trouvées en usage chez ces peuples sont, le millepertuis vulgaire (i), dont ils font des fomentations dans les douleurs arthritiques ; l'origan ( 2. ) , réduit en poudre , leur sert à saupoudrer les blessures , et les excoriations auxquelles les enfans sont sujets j la verge dorée (3) , réduite en cendres pour en couvrir les tumeurs érésipellateuses ; le ménianthe (4) et l'aconit (5), dont ils font des cataplasmes dans les inflammations externes , et qu'ils dou- aient en décoctions dans les hydrppisies : ils emploient aussi la feuille de ronces (3)^, le trèfle houblonné (7 ), et le thym ordinaire (8 ) , en infusion dans de l'eau pure , ou dans du quas ( boisson de farine aigrie) , contre les inflamma- tions des yeux, auxquelles ils sont fort sujets > k cause de la fumée dont leurs cabanes sont toujours remplies. Ils emploient la vapeur de la quintefeuille des marais (9) dans les accouche- (1) Hypericum perforatum. En langue du pays Schoulk- TAMA-TïSCHÉ. (2,) Orlganum. En Mokschanien, Kärntische. ^3) Virga aurea. En Mokschanien, Kouklanka-Tischè. (4) Menyanthes. ) Ils nomment ces deux plantes , Tar- (5) Aconitum. ( gues-Tisché. (6) Kubus saxatilis. En Mokschanien , Eidalopart. (7) Trifolium spadiceum. (8) Thymus vulgaris. (2) Comarum palustre» En Mokschanien ? Varma-Kran«* pAS. Tome I* J l3o 1768. DE P^TIKA mens laborieux ; ils mettent de la bétoine ( 1 ) dans les bains qu'ils font prendre aux enfans de foible complexion. Ils font usage de la cen- taurée jacée ( a ) dans les bains qu'ils ordon- nent aux enfans noués ou racîiitiques. Ils font prendre à ceux qui ont des diarrhées une dé- coction de stellaire fourchue (3) et de panicaud Eleu (4) j l'adonis du printems (5), pour les affections histériques. Ils se servent encore de beaucoup d'autres plantes. Les Mordouans ne font point le beurre dans des fours , à la manière des Russes 5 mais ils le battent comme les Finois et les Tatars. Ils font leurs fromages doux dans des pots de terre , suivant la méthode usitée en Russie , et fondent du beurre frais pardessus , pour les empêcher de couler. Ils construisent aujour- d'hui leurs maisons , les uns dans le goût Russe, les autres à la mode Tatare , avec de larges bancs , qui leur servent de lits y selon qu'ils sont plus proches voisins des uns ou des au- tres. Les anciennes habitations Mordouanes ont toutes , comme l'a fort bien observé Strahlen- berg y la porte tournée à l'est, et le poêle placé (1) Betonica. En Mokschanien , Mouschkar~Tisché. (z) Centaurta jacea. En Mokschanien , Eisirman-Tis* CHÉ. (3) Siellaria dlckotoma. En Mokschanien , Souti-Aat. (4) Erynglum flore cœruleo, (5) ddonis venia, En Mokschanien , Quroumbovlovt. a Bessonofka; i3i dans Taïigle sud-ouest ; elles sont , en général , fort petites , incommodes, et presque toutes sans cheminées. De Schadin à Kourakino , on voit un pays de collines , cultivé presque par-tout. Ce bourg est très-beau. Nous voyageâmes ensuite toute la nuit dans les landes ; nous y vîmes la chry- socome ponctuée (1), la chrysocome velue (2), et la sauge des prés (3) , encore en fleurs ; nous y apperçûmes beaucoup de rnéiilots à fleurs blanches et jaunes (4). On trouve déjà ici toutes les plantes propres aux contrées mitoyennes du Volga. On passe le ruisseau de Schouska, près de Perschova > et l'on se trouve près de / la Soura au moment où l'on atteint Viœsera , village considérable^ qui renferme trois églises, dont une que l'on construit en pierres actuel- lement. Vissera est arrosé par les ruisseaux Patscholka et lelischanka , qui s'écoulent dans la Soura. On ne voit au-delà de cette rivière que d'épaisses forêts , où le jour pénètre à peine. Il y a probablement des mines de fer dans ces environs , puisqu'on a trouvé , en creusant , des sources d'eau ferrugineuse. Je remarquai avec plaisir une petite jument blanche parmi (1) Chrysocoma biflora. Chrysocoma dracuncuïoides. Lam. Dict. vol. 2, p. iplj n°. 6 v. — Mour- schinka , 14 y. — JDouBrofka , 27 v. — Kor~ schiman , 3 Y. — — Pensa , 60 v. — Séliksa , 20 v. — - Trasimofka, 8 v. — - Stépanofka 9 2 verst. - — ■ Mikhaïlofka , \S verst, ■ — louloh- Gorodïstsché y 10 yerstes. Quelque mal bâtie que soit la ville de Pensa y sa situation , sur une hauteur baignée par la Soura , et le grand nombre de ses églises , lui donnent une très-belle apparence. Ses habitans ont un goût décidé pour le commerce, qu'ils préfèrent à tout autre genre d'occupation. Je puis assurer que j'y ai trouvé des boutiques aussi bien fournies que celles de Moskou : ce qu'on ne voit point ailleurs. Il est à présumer que les colonies établies sur les bords du Volga r et le débit que procurent les différens passages , ont beaucoup contribué à rendre cet endroit aussi commerçant. Le petit ruisseau de Pen- zanka > qui fournit de l'eau à une partie de la ville , se jette dans îa Soura. Le poisson y abonde , ainsi que dans les lacs voisins. On y prend toutes les petites espèces du Volga , parmi lesquelles se trouve quelquefois la brème à yen- I à î34 1768. de Pensa tre tranchant (1) , mais rarement d'une belle grandeur. Les silures (2-) et les sterlets ( petite espèce d'esturgeon ) ne se prennent qu'au prin- tems , lorsque les eaux sont les plus liantes. On y pêche aussi des jesses (3)^, plus gros que ceux du Volga , de Table (4) , des hordeliè- res (5),' des farènes (6) , et des vimbes (7) dans les ruisseaux qui baignent les montagnes voi- sines de la Soura. On ne voit jamais de murènes ni de grandes espèces d'esturgeons. Il y a dans la province de Pensa beaucoup de fabriques à eau-de vie , qui appartiennent aux seigneurs : ce qui prouve une grande abondance de blé. Ils y entretiennent aussi des haras considérables. On commence à tirer parti des pyrites $ très - communes en plusieurs en- droits de ce pays , et sur-tout dans les envi- rons du Volga. On a établi deux fabriques de •vitriol dans le village de Rourboulak, et dans celui de Saviœlschki ? dépendant de la pro- vince de Simbirsk 5 mais je n'ai pu savoir si elles réussissoient. Il est étonnant que la Cou- (1) Cyprin us cultratus. En Russe, Tchékhon. (i) En Russe, Somi. (3) Cyprinus jeses. En Russe, Bélest et Schpior, (4) Cyprinus alburnus. En Russe, Kaltnka. (5) Cyprinus ballerus. En Russe, Ss apa. (6) Cyprinus farenus. En Russe , Sintépa» (7) Cyprinus vimba. En Russe , Tarant. A lôULOK-GORODI STSCHÉ. i35 ronne n'établisse point, pour son compte., des fabriques ge soufre et de vitriol , qui lui rap- porteroient de très ~ grands profits , dans une contrée si abondante en pyrites. Je n'ai pas en- tendu parler de mines dans la province de Pensa ; on en a seulement découvert quelques morceaux près du village de Lapoukhof ka* On trouve , dans plusieurs endroits , de bonnes pierres à rémouleur , sur-tout à Perméïévo # à Sabakovo , villages situés en-delà de la Soura , et près de Riiniscliker, situé sur l'Ousa , et habité par des Morclouans. Ce qu'il y a de plus remarquable dans le district de Pensa , est la culture de la guède ? introduite aux environs des villages de Kor- schiman et Staroï-Matschim , parle négociant Tavléief. Il a ensuite établi des fabriques pour la préparation de cette couleur que nous nom- mous pas ter. On m'a affirmé unanimement que la guède , préparée ici, ne vaut rien pour la teinture , et qu'elle perd toute sa vivacité en moins d'un an. Je fus curieux de voir l'éta- blissement de ces fabriques : l'une est dans le village de Korschiman , situé sur la Soura , à soixante verstes au-dessus de Pensa ; l'autre est à vingt-cinq verstes plus loin. Nous avions' eu , depuis le i5 août , une assez belle saison j mais le grand orage du 9 septembre y mit fin , et nous occasionna un tems pluvieux três- désagréable. Je partis cependant, le 12, pour 1 4 î36 ïy68. de P î n s A me rendre à Korschiman , ne m'imagïnant pas que l'hiver commenceroit le lendemain. La route borde la Soura -, elle est très-montueuse , à mesure qu'on avance : et on trouve plusieurs places entièrement coupées de ravines. On tra- verse le Pensa en sortant de la ville, Près du village d'Âiféréva , on passe sur un bas-fond argileux^ dont la rive élevée est presqu'en tiè- dement composée de graviers et de cailloux de grosseur médiocre , sous une couche argi- leuse : mais plus on fouille , plus on les trouve mêlés avec l'argile. Les contrées supérieures de la Soura présentent généralement de pa- reilles couches mêlées et entrecoupées de sable et d'argile : ce qui provient sans doute des inondations auxquelles le pays est exposé. Après avoir passé Alféréva, on ne voit que des forêts dont le terrain est bas et humide. On y trouve beaucoup d'année, de glouteron, d'ellébore, de panais sauvage, et d'angélique. On voyage dans les bols jusqu'à Mourschinka , village habité par des Mokschaniens , et situé prés du ruisseau de Tschertanka. Ce chemin est la route de Saratof, qui est à l'est; on le quitte près de Mourschinka , et on en prend un au- tre qui côtoie la petite rivière d'Ousa. On entre ensuite dans- une contrée garnie de collines et de bois de chêne éparpillés , et ar- rosés de plusieurs ruisseaux , qui se jettent dans un bâtiment destiné pour cela; on la met sur des toiles tendues et attachées à des lattes : au-dessous sont de grandes cuves pour rece- voir l'eau. On étend ensuite cette pâte sur de grandes tables placées dans les greniers du bâtiment y on l'y coupe par morceaux , qu'on laisse entièrement sécher. Cette couleur est assez belle en sortant de cette manipulation* On a construit an autre bâtiment qu'on peut chauffer, et dans lequel on a tenté de travailler cette couleur de nouveau pendant l'hiver, pour la rendre meilleure. Malgré tous les essais faits à cet égard , le pastel qu'on y a fait jusqu'à présent s'est trouvé si mauvais , qu'on n'a pu le débiter. Il est fa- cile de voir qu'on s'y est mal pris , et que les - ouvriers qu'on y a employés étoient des igno- rans. Il seroit fort à désirer que la culture de la guède , et la préparation de cette couleur , fussent encouragées en Russie , puisque les liabitans des villes et de la campagne consom- ment beaucoup de pastel et d'indigo , que l'ou- A lOÜ LOK-GôROD ISTSCHÉ.' î3c|f est fprcé de tirer de l'étranger. îl s'en fait aussi un débit considérable dans le commerce de l'Asie. D'ailleurs , ce n'est point à la guède cultivée dans ce pays qu'on doit attribuer la mauvaise qualité de la teinture qu'on a em- ployée jusqu'à présent , puisque cette plante vient très - bien dans cette contrée , et croît d'elle-même dans plusieurs lieux de la petite Russie , d'où l'on a tiré la semence de celle qu'on cultive ici. J'ai trouvé aussi de la guède sauvage dans la foret située près d'Insara , et , en dernier lieu , sur la route de Pensa à Sim- birsk. Plusieurs paysans de cette contrée ont cultivé jusqu'à présent , par ordre de la cour , plus de cinq cents désetlhies (arpens) des meilleurs champs en guède : on leur paye d'a- bord une somme par désettines , et ensuite le charriage et la coupe qui se font au printems. Le travail delà fabrique ayant été suspendu pen - dant l'année , on avoit laissé monter toute cette guède en graine , pour en recueillir une forte provision ; c'est une preuve que le propriétaire n'avoit point envie délaisser tomber cet établis- sement, mais qu'il travailloit à le mettre sur un meilleur pied. Nous eûmes de la pluie pour retourner à Pensa , et beaucoup de neige sur le soir ; il en tomba près d'un pied de haut , et le jeune bois , qui n'avoit pas encore perdu ses feuilles , se courboit sous le faix. Il est rare que ces %4o 1768. de Pensa ctrbres se redressent : aussi ces neiges préma- turées causent-elles les plus grands dommages aux forêts. Les chemins étoient si mauvais , que nous arrivâmes très - tard dans la nuit à Pensa. Le thermomètre étoit descendu cette même nuit de i5o à i55 degrés : le froid di- minua de quelques degrés le lendemain 14 ; mais il gela de nouveau pendant la nuit : le froid prit tellement le dessus , que , dans celle du i5, le mercure descendit au 162e degré -y à peine diminua - t - il jusqu'à nion arrivée à Simbirsk : et, pendant tout cet hiver, le froid ne fut un peu supportable que pendant quel- ques jours. La saison , qui avançoit , nous força de dili- genter la continuation de notre voyage. Je par- tis de Pensa le i5, aussi-tôt que les chevaux nécessaires furent rassemblés. Dès que l'on a passé la Soura , on entre dans la vaste forêt de ce nom. Il croît du choux sauvage (1 ) sur la rive sablonneuse de ce fleuve. On traverse x à six verstes de la Soura , le Sourka 5 et à onze verstes plus loin , le ruisseau d'Inara. La nuit nous surprit près de Séliksa, village ha- bité par des Mokschaniens. Les Mordouans de cette contrée , remplie de forêts , entretien- (î) Brassica oleracea. Seroit-ce là (ou au moins dans cette contrée ) le véritable lieu natal de cette plante potagère si utile et cultivée depuis si long-tems ? A IOULOK-G'ORODISTSCHÉ. t/>l lient une grande quantité de ruches d'abeilles 5 ils les laissent dans- les bois pendant l'hiver , sans autre précaution que celle de les couvrir un peu. Ils élèvent aussi beaucoup de bes- tiaux : leurs moutons sont d'une si mauvaise race , que la plus grande partie de leur laine paroît mêlée de poil de chèvre. Je vis , parmi leurs troupeaux , des mulets provenans de boucs et de brebis. Un grand nombre de pay- sans s'occupent à faire du goudron ? parce que ces contrées abondent en arbres résineux. La gelée fut si forte la nuit du i5 au 16 , que les ruisseaux furent couverts de glace. En quittant Sélîksa , nous entrâmes dans un bas-fond humide , où nous traversâmes le ruis- seau d'Otvel , et plus loin la Trasimofka. On passe rischim près de Mikhaïlofka : tous ces ruisseaux tombent dans la Soura. Ces environs sont moins remplis de bois , mais ils sont plus garnis de collines. On trouve une route qui conduit à Simbirsk , mais en partie par des landes 5 elle détourne beaucoup vers l'est : ce qui m'engagea à prendre un chemin beaucoup plus court , mais bien plus mauvais. Nous entrâmes dans une foret marécageuse et très- moi) tueuse, en -deçà du ruisseau de Toma- léika , qui se jette dans l'Ischim. Nous eûmes beaucoup de peine à arriver avant la nuit à nn gros village situé près du ruisseau d'Iou- lok, Les collines dç cette contrée sont coin- *»> î/f2 Î768. DE LA SOURA posées d'une pierre argileuse grise, qui éclate en morceaux lorscju'011 la met au feu 5 elle se divise d'ailleurs en cubes et en parallélogram- mes. Le -village d'Ioulok , auquel on a donné le nom de Goe.oï>istsché, à cause d'une forte- resse Tatare , qui est dans le voisinage , est situé entre le ruisseau et un bas - fond maré- cageux garni de vieux troncs d'arbres. Près de ce bas-fond est une élévation escarpée, dont le sommet forme une plaine , sur laquelle on a construit un retranchement en demi - cercle irrégulier , garni d'angles , d'un fossé revêtu , et fermé , à Test , par un talus très-rapide , ou , pour mieux dire , escarpé. Ce retranche- ment a environ trois cent cinquante toises de circonférence. ïl y a plusieurs portes du côté de la campagne y mais on ne voit dans son enceinte aucune trace de bâtimens : on apper- çoit dans le milieu du fort un creux rond en forme de chaudron , qui paroît avoir servi d'a- breuvoir aux bestiaux. $: x 1 y. Dî LA SOUB-A A SÉDELKINA. Du 22. septembre au icr octobre. Contrées situées entre la Soura et le Volga.— Montagnes à! Inéïéika , i5 verstes. — Verkh- naia-Katiiiss , i5 v. — Karatschqf ha , 12. v. Sadofka, 4 Verst. — TscJwukïna^ 5 v. — * A S É D £ L K I N A.' . 143 Oserki , 6 v. — Goudœkina ,jy.~— Topoua, 5 y. — loulofka , 10 v. — Sisgan lasasch- noï , 8 v. — Alinkina , y Y. — Maloïa- Kho- monter ', y Y. — Sinovïefka , 8 v.— Nishnaia- Touvarma s 8 v. — Soplofka, 10 v. — Tschou~ farovo , 8 v. — Anninkovo , 7 verst. — Ahra- mofka, 20 v. — Kadlkofka , 1 v. — Kolos- nikofka , i5v. —Simbirsk, 2,6 y. — Tscher- dakli, 3o v. — Matouschkina / 15 v. — Bren- tdino , i5 v. — Mélékess-Mordofskoï^ 12 v. — Mélek-Tschouvaschkoï , 10 y. — Vinnoï- Savod* — îakouschkina > 10 v. — JMal et plus ou moins entrecoupées de veines fer- rugineuses , comme si les particules pyriti- ques qui se détachent de ces masses étoient en état de former une mine de fer d'une pierre argileuse. Les contrées , situées entre la Sviiaga et le "V olga , sont remplies de ces sortes de pétrifi- cations et de pyrites. Ces dernières y abondent tellement, que l'on pourroit établir, au-des- sous de Kasan , près du Volga , quelques fon- deries de soufre , de vitriol ou d'alun , sans K 4 j5ä Î76S. DE ï, A SotJRA craindre de manquer jamais de matières pre- mières , quelque considérable que pût être le débit de ces marchandises , dont la fabrication ne sauroit être trop multipliée en Russie. Le tems fut très - beau pendant quelques jours : ce qui me fit espérer un automne fa- vorable, pour aller observer les bords de la Soka et les environs de Samara. Nous ne pûmes cependant partir de Simbirsk que le 29 sep- tembre , parce qu'un tems très-orageux avoit rendu impraticable , pendant deux jours , la traversée du Volga. Nous prîmes notre route vers la partie supérieure de la Soka. La rive basse et argileuse , qui est de l'autre côté du Volga , est garnie de petits bois de chêne. On voit sur ce rivage , en face de Sim- birsk, un petit bourg abandonné ; je dirigeai ma route vers la Tschéremschan , et traversai des landes unies garnies d'amandiers nains et de cerisiers. Cette rivière passe derrière le vil- lage de Mélékess. Le ruisseau de Mélékess a son cours à travers un terrain bien boisé. Il a donné son nom à deux villages : l'un est habité par des Mordouans , et l'autre par des Tschouvasches. On a établi le long de ce ruis- seau de grandes fabriques d'eau -de -vie , et l'on travailloit à en construire une nouvelle. On y suit la méthode Russe , et l'on y tombe dans les mêmes fautes. Les alambics , enclavés par rangs dans un massif de maçonnerie , sont A S É D E L K I S A.' l53 munis par en haut de larges tuyaux qui pas- sent à travers une gouttière , dans laquelle on entretient un courant d'eau froide , pour servir de réfrigérant. Ils perdent donc beaucoup de parties spiritueuses , par le trop peu de lon- gueur, et le trop grand diamètre des tuyaux. Les chapiteaux de leurs alambics sont de bois,, et de pièces rapportées ; celle qui est le plus près du tuyau est creusée en forme d'auge. Ils en luttent les joints avec de l'argile : et ils sont persuadés que cette précaution empêche l'évaporation. Il ne m'a pas été possible de persuader aux propriétaires des plus grandes savodes qu'ils n'entendoient rien à leur opéra- tion. Ils croyoient me prouver le contraire , en me montrant leurs vieux chapiteaux , où l'on ne voyoit aucunes traces de la pénétration des particules spiritueuses. Je ne parierai point des fautes qu'ils font quant aux proportions et à la méthode adoptée pour la fermentation des crains. Lorscrue i'ai voulu donner des conseils aux gens même qui avoient le plus de bon sens, ils me répondoient que tel étoit i'usaee. On voit combien il est difficile de l'ex- tirpcr , quelque mauvais qu'il soit. On a sou- vent bien de la peine à y réussir par les or- donnances les plus coactives et les plus sé- vères. Nous traversâmes la Tschéremschan sur un pont de radeaux ; ils sont assez communs dans l54 I768. DE LA SOU RA les différentes contrées de la Russie , et d'un très-grand avantage sur les rivières sujettes à grossir. Le lit de la Tscliéremsclian coule ici , ainsi que dans toutes les contrées inférieures , entre des rives couvertes de bosquets, ou en- tre des bas-fonds garnis de bois. Avant d'y arriver, on passe un profond canal desséché, qui forme un arc assez considérable. Il est , à ce qu'on prétend , l'ancien lit de la rivière. Après avoir passé la Tschéreinschan , on ren- tre dans les landes ; on trouve , à quelque dis- tance , le village d'Iakousclikina , habité par des Tscliouvasclies , et près duquel on traverse le petit ruisseau d'Evraly , qui est rempli de plantes aquatiques. Le ruisseau de Biliar coule auprès des villages qui suivent , et près des- quels est un lac du même nom. Il paroît que le nom de Biliar leur a été donné en l'honneur de l'ancienne nation Bolgare. Nous avions à notre gauche la Tschéremschan , et quelques petits bois. Les landes commencent à devenir un peu montueuses , et l'on découvre une pe- tite chaîne de montagnes , qui s'élèvent de plus en plus vers l'est. "■ III I WiWWi""" A T S CHE RE M SC H AN.' l55 s. x y. De Tschéremschan a Bouhoulminskaia.4 Du ier au 5 octobre. Rivière de T schér e?nsclicni. — Relation sur les Tschouvasches. — Téiéhon > iS -v. — Afoîi^ kina y 16 v. — Beikoulova y 20 y. — Kour- miischli , i5 v. — Khschouiskoï , i5 v. — ■ Fonderie de Bohosîofkoï. — Scharepkiria , 12 V. — Biguéschova , 8 v. — Almétiéva , 3 v. — Karabasch , 20 v. — Bouhoulminskaïa , 21 verstes, On trouve, dans toutes les contrées arrosées par la Tschéremschan , des champs très-féconds, et le bois de bouleaux nécessaire pour le chauf- fage : le sol est une terre noire. Ce pays est, en général , très-peuplé et très - bien cultivé. Il est peuplé , en plus grande partie , de Tschouvasches , de Mordouans , et de Tatars : aussi sont-ils beaucoup plus nombreux ici que sur la rive droite du Volga 5 ils sont presque tous chrétiens. On en trouve cependant sur les bords de la Soka et le long du Volga, qui ont conservé leur religion et leurs anciens usa- gcs. Je vais rapporter ce que j'ai appris à ce sujet, et je commencerai par l 'habillement des femmes. L'habillement des femmes Tschouvasches est , %56 I768. DE TSCHÉREMSCHAÎT en grande partie , celui des femmes TataresJ Leurs vêtemens , ainsi que ceux des Mor- / douanes , sont composés de grosse toile bro- dée en laine de différentes couleurs , sur-tout en bleu, en rouge, et en noir, dans un goût un peu différent. Elles portent, ainsi que ces dernières , des agraffes et des plaques sur la poitrine, et laissent pendre de même, sur les côtés , des bandes ou pièces d'étoffes brodées, garnies de franges, et fixées à la ceinture par le haut; elles leur donnent le nom de Sarr. Mais le bonnet des Tschouvasches , nommé Khoilschtou, sans lequel elles ne parois- sent jamais , même au logis , est, comme celui des femmes Tatares , tout couvert d'anciens kopelcs d'argent , de petites plaques rondes d'étain , et de quelques rangs de grains de co- raux. Ce bonnet s'attache sous le menton avec une large courroie 5 il est garni par derrière d'une longue queue de la largeur de la main, appelée Am a , et garni de petites pièces de monnoie ou de plaques : son extrémité est bor- dée de soie de différentes couleurs, et terminée par une longue frange de cordonnets , qui descend jusqu'aux jarrets. A droite et à gauche de cette courroie , elles en laissent pendre sur les cotés deux autres moins larges , qui descen- dent jusqu'aux reins \ elles sont jointes ensem- ble par quelques rangs de grains enlilés , et terminés par une houppe. Ce bonnet n'est pas a Boit h o u l minsk ai a; i5j echancré au-dessus du front , comme celui des Tatares , ni fermé sur le sommet de la tête j il est au contraire fort ouvert : de sorte que les deux bouts réunis du voile , appelé Sour- ban ( i ) , forment une espèce de touffe dans cette ouverture ; elles le passent par - dessous le menton, comme les femmes Tatares, et lui font faire le tour de la tête , en remontant» Quelques - unes portent des bonnets fermés. Dans leur parure , ce voile est d'une toile fort claire , orné de broderies et bordé de grains de verre colorés. Il pend à la pointe de ce voile plusieurs rangs de grains de corail qu'elles nomment Soureansiêni. | Voyez planche XV 9 figure 1 et 2. L'habillement des filles est moins chargé d'ornemens. [ Voyez fi g. 3. ] Elles ne portent point ce voile. Leurs bonnets sont sans queue t et communément faits d'un tissu de grains de verre de différentes couleurs : ainsi que les femmes , elles cachent dans leur tunique leurs cheveux nattés en double tresse. Les filles et les femmes portent, en hiver, par-dessous leurs vetemens , de vieux habits d'hommes ou des pelisse, avec des bonnets fourrés. L'habillement des hommes , et ce- lui de tous ces peuples , diffère très-peu de l'habillement des paysans de l'intérieur du pays , (1) Les Tatars nomment ce voile Tastar j il a la forme qui habitent le district d'Ala- tyr, construisent une petite maison de bois au milieu de leur Kérémet , avec une porte tour- née vers l'orient : ils y mangent debout,, les offrandes placées sur de longues tables cou- vertes de nappes. On plante au milieu de cette cabane une longue perche qui traverse le toit,» et au haut de laquelle est fixé un anneau de fer plat., dont le bord est affilé. On ne rend aucun hommage à ce signe , qu'on ne trouve même pas dans les autres Kérémets publics. Vers le mois de septembre , appelé Tschou- gouikhs , époque à laquelle la récolte est finie > et où l'on commence les semailles , les Tschou- vasches font en commun leurs grands sacrifices d'actions de grâces. On immole alors , dans le grand Kérémet, un cheval, un bœuf et un mouton. J'ai souvent désiré assister à ce sacri- fice , mais je n'en ai jamais trouvé l'occasion. On m'a raconté qu'on faisoit entrer les victi- mes par la porte qui est à Test $ qu'on les atta- choit à trois pieux ( près du lieu où l'on, fait cuire la chair des animaux ) , jusqu'à ce que la prière commune fût achevée. Les Tschouvasches se tournent vers l'orient pen- Tome L L î63 3,768. DE TSCHÉREMSCHAÎT dant l'oraison qu'ils accompagnent d'un grand nombre d'inclinations. Voici la formule la pins ordinaire : Tor sirlaga, Tor biter, jboïantschin BOüL , 6 Dieu , ayez pitié de nous ! o Dieu , accordez-nous nos besoins , exaucez- nous ! lis invoquent plusieurs divi- nités subalternes , par des prières particulières. Je n'ai pu avoir de ce peuple idiot aucun ren- seignement de sa mythologie. Kérémet est la première de leurs divinités subalternes , après Tor , ou l'Etre suprême. Les autres SOnt, Asi-IR, KsNIR^ PULK'IîS , StlRODON, SlR , Siül - Suren - Irséné, Khtrlsir , Késé ; on prétend qu'ils en ont encore beaucoup d'au- tres , dont les recherches offriroient peut- être quelque chose d'intéressant. Ils dou- aient à plusieurs de leurs divinités une femme & un fils, qu'ils invoquent aussi à trois différentes reprises , tels que Tor, ou Kéremet-Asch,, (Kérémet le père 5 ) à Kéré- met-Amshé , (Kérémet la mère ; ) et à Kérémet - Ouévei , (Kérémet le fils. ) Je tiens ceci de Tschouvasches ignorans, qui n'étoient point en état de me donner des renseignemens plus étendus. Les prières récitées , on égorge les victimes. Cette cérémonie se fait par un des anciens que la communauté éiit unanimement pour exer- cer cette fonction, il fait aussi la prière que les assi§tans répètent après lui. On recueille .'A B-OUHOULMINSK Aî A.' ï63 Soigneusement le sang des animaux immolés ; le reste du sacrifice s'exécute de la manière décrite dans les Recueils historiques sur la Russie , de Müller. On suspend les peaux des deux plus grands animaux , à deux lon- gues perches placées a l'angle nord-ouest du Kérémet 5 celle du mouton s'étend sur deux bâtons fichés en terre , et un troisième mis en travers pardessus. Les Tschouvasches actuels ne laissent ces peaux ainsi suspendues qu'une couple de jours ; ils les enlèvent et les vendent entr'eux. L'argent qui en provient , est des- tiné à l'entretien des ustensiles nécessaires aux sacrifices, à l'achat de la farine, du miel, et des objets employés dans les fêtes. Cette? administration et l'entretien du Kérémet sont confiés à un homme élu par la commune. Cet emploi , regardé comme très-honorable , fait respecter celui qui en est revêtu \ il est appelé Kérémet -Pkhagann. On fait aussi ces sacri- fices solemnels lorsque les blés sont hors de terre , et que l'on craint une mauvaise récolte. Les sacrifices de familles se font dans plu- sieurs circonstances : lorsque quelqu'un est dangereusement malade, ou <"[u'il éprouve quel- que malheur domestique 5 à la naissance d'un enfant , en l'honneur des morts , et autres cas semblables. Le père , ou le plus âgé de la fa- mille , récite les prières , et égorge les victi- mes, qui se prennent alors dans le petit bétail 5 L 2 ï64 I768. DE TSCHÉRÊMSCHAN on choisit principalement un mouton. Dans tons les sacrifices , ayant d'immoler la victi- me , on lui verse sur le corps un vase plein d'eau froide. Si l'animal se secoue, on l'égorgé immédiatement \ sinon , il est arrosé une se- conde fois et même une troisième. Si l'animal persiste à ne pas se secouer , la cérémonie est renvoyée à un autre temps. Les assistans , après avoir mangé les offrandes, ont grand soin de brûler les os , et d'enterrer les restes , afin d'empêcher les animaux de profaner ce qui a été sacrifié. Les Tschouyasch.es mettent leurs morts, bien: habillés , dans de mauvais cercueils , et leur tournent la tête vers l'ouest. On prétend qu'ils sont encore dans l'usage , lorsque c'est un homme , de lui mettre dans sa bière différens outils , tels qu'une forme , sur laquelle on tresse les souliers d'écorce d'arbres ( 1 ) , une alêne qui sert au même usage , un couteau, un peu d'écorce et un briquet. Le lieu destiné à la sépulture commune ; s'appelle Mas au ; ils ont grand soin de choisir un endroit égalé- es o ment écarté du village , du Kérémet et de tout grand chemin. Toute la parenté va visiter trois fois la sépulture d'un membre de la fa- inille. Ils choisissent aujourd'hui le mercredi de la semaine sainte , le jeudi avant la penle- (1) Ils donnent X ces souliers le nom de Lafti» a Bouhou'lmsnsk ai à.j i65 côte , appelé Semik ( jour où les Russes font une cérémonie semblable) , et le 8 novem- bre, nommé Ioubouikh. C'est dans ce dernier jour , qu'ils font un sacrifice auprès de la sé- pulture , et placent une colonne de bois du côté de la tête du mort. On fait un trou en. terre , et avant de l'y placer , chacun des as- sistans y jette un peu de viande , et de la boisson préparée pour le repas. On mange ensuite, on boit, et on se livre à toutes sortes de divertissemens. On trouve dans les Recueils historiques sur la Russie, ouvrage déjà cité , plusieurs rela- tions très-circonstanciées sur les mariages des TscIiouvasch.es. Le Kalün , ou dot de l'a mariée , monte de cinquante à quatre-vingts ou cent roubles. On ne lui permet pas d'aller à pied le jour de ses noces 5 on la mène en voiture, ou on la porte sur des nattes. Dans le cas de sépa- ration , le mari qui répudie sa femme , coupe son Souk bais: en deux 5 il en garde la moitié, et laisse l'autre à sa femme. Les Tscîiouvasclies élèvent beaucoup d'a- beilles , aussi boivent - ils dans leurs fêtes autant d'hydromel que de Eraga ou bière. Ils ne prennent jamais de lait aigre , boisson fa- vorite des Tatars. Leurs danses, ainsi que celles des Mordouans , ressemblent aussi beaucoup à celles des Tatars; elles consistent en différent mouvenicns des bras et du corps, accompagnés L 3 l66 Ïj6$. DE TsCHÉREMSCHAïf de pas fort courts ; ils tiennent les pieds très- près l'un de l'autre , et décrivent en cadence" un fort petit cercle. Leurs instrumens sont, la cornemuse ordinaire , un petit violon à trois cordes, appelé Koeess , et une harpe couchée % appelée Gousli , garnie de seize à dix-huit cordes 5 elle a la forme d'un demi-cercle. La manière dont les Tschouvasches prêtent serment , mérite d'être rapportée. Celui qui doit le prêter , est conduit au Kér émet ; là , on lui fait manger un plat de houlettes de farine cuites dans l'eau avec du beurre ; ce mets , ap- pelé S alma , est le ragoût favori des Mor- douans et des Tatars. Pendant qu'il mange, les assistans font un grand nombre d'impréca- tions. Pour savoir si une accusation est vraie ou fausse , on fait avaler à l'accusé une certaine quantité d'eau salée ; s'il tousse en buvant , il est déclaré coupable. Les Tschouvasches qui habitent les landes de la rive gauche du Volga , se donnent le nom de Khirdiial ; ils appellent ceux des villages situés du coté des montagnes , Véréiae (1). (1) On trouve des détails fort intéressans sur les Tschou- vasches , dans les Voyages de M. Lêpéchïn , ainsi que dans 3a Description de toutes les nations de L'Empire Russe , par M. Géorgi; Fétérsbourg , 1776. Le lecteur apprendra peut-être avec plaisir que nous venons de mettre sous presse la traduction du dernier ouvrage qui est, à proprement par- ier 3 un voyage philosophique chez les nations dépendantes de A BoUHÖUL MINSK AI A.J l6j Depuis Sédelkina , la contrée devient de pins en plus montagneuse \ la partie la plus élevée est près du village de Betkoulova, habité par des Tatars , et situé sur la Scheschma. Le rocher qui compose ces montagnes , est presque par-tout un schiste sablonneux, tantôt gris,, tantôt blanc. Dans les contrées supérieures , situées le long de la Scheschma , du Saï , et des autres ruisseaux qui s'y jettent, on trouve dans ce schiste , en beau- coup d'endroits, une mine de cuivre d'un très- foible produit , partie sablonneuse , partie glai- seuse. Ces montagnes , ainsi que toutes les collines qui régnent le long de la Soka , du Tok , du Kinel & de la Samara , forment une seule branche. Elles sont composées d'un schiste sablonneux très-riche en mines 3 elles s'éten- dent depuis l'Oural vers le sud - ouest , et s'élèvent le plus entre les rivières ci-dessus , laDioma, et les ruisseaux qui se jettent dans la Sakmara. Nous les descendîmes près du. village de Kourmüsclili , habité par des Tatars. Nous traversâmes ensuite une foret humide et sau- vage , où il n'y a point de route frayée ; la Pviissîe. M. Géorgi s'est particulièrement attaché à peindre leur physionomie physique et morale , avec une fidélité dont les observateurs lui sauront beaucoup de gré. A ce "précieux fragment de l'histoire de Tespece humaine, nous avons ajouté des notes et des édaircissemens tirés de dîffércns Voyapxiu.'; Russes 1 Allemands et Anglois, qui n'ont pas encore été tra- duits. (Noie du Red. ) h 4 1 68 î j68. DE TSCHEREMSCHAW nous arrivâmes le 3 octobre au fortin de Kit- scliouiskoï , situé près du ruisseau de Barisch 7 à peu de distance de son embouchure dans le Kitscîioui. Ce fortin est un de ceux dont on avoit flanqué les lignes de Sokam , qui s'éten- dent jusqu'auprès de Plk. Kitschouiskoï est aujourd'hui une place ouverte , ainsi que tous les autres forts de ces lignes , que l'on n'entre- tient plus. On a établi dans son voisinage un poste j pour la route qui conduit d'Orembourg à Kasan. Un négociant de Simbirsk a établi une fon- derie de mine de cuivre , à un verste de Kit- schouiskoï ? en remontant la petite rivière de Kitschoui. Il y a quatre fourneaux courbes , qui ne sont pas toujours en activité , faute d'ouvriers pour y conduire , sans interruption, la quantité nécessaire de charbon et de minerai. La mine se tire des montagnes voisines , et d'autres plus éloignées. Elle rend deux pouds de cuivre en rosette , sur cent pouds de miné- rai. La meilleure que j'aie vue ici, est un mi- nerai sablonneux verdatre , mêlé de débris qui ressemblent à du charbon de bois. On le tire d'un nouveau conduit qui est au nord , à envi- ron deux verstes de la fonderie. Le roc de cette mine est gris et rempli de petits trous argil- leux. Je trouvai dans cette fonderie , un schiste argilleux gris , plein de fleurs bleues de cui- vre 5 une pierre composée de graviers et de A BOUHOULMÏNSKAIA. î petits cailloux , et entre - veinée de verd-de- gris, qu'on avoit tirée de la mine de Serpolens- koï, située à vingt verstes de Bohoslofkoï. Tels sont les minerais ordinaires de cette contrée. Ce que je vis de plus remarquable dans cette fonderie , est un schiste calcaire gris , garni de gouttes et de taches bleues , et plein de pétri- fications 5 on le tire d'un lieu éloigné de plus de deux cents verstes , situé près de la petite rivière d'Aschkadar , qui se jette dans le Biélaia. On trouve dans ce schiste beaucoup de petites térébratules , de millépores , et des morceaux de rétépores $ c'est tout ce qu'on peut y reconnoître. On tire de Solikamsk , les pierres nécessaires au doublage des fourneaux., A notre départ de Bohoslofkoï , il plut pres- que toute la journée ; il fit ensuite un grand vent, et il tomba beaucoup de neige. La nuit devint si obscure, que nous eûmes de la peine à arriver à Scharepkina , village Tatar, il fit une forte gelée dans la nuit , ce qui nous fit aller beaucoup plus vite le lendemain. Nous arrivâmes le même soir au fauxbourg de Bou- lioulminskaia, situé sur la rivière de Bouhoul- ma. Cet endroit est assez bien bâti 5 deux égli- ses , la chancellerie et la maison du voïévode sont d'une construction assez élégante., quoi- qu'en bois. Ce n'est point une chancellerie, mais seulement un bailliage qui ressortit à 570 1768. de Malaia-Bouhöulma Oreinbourg. Cette espèce de justice s'appelle en Paisse , Semskaia-Kontora. S. X V L De Max ai a-Bou houlm a a Saporovi.' Du 5 au 14 octobre. JSïalaia- Bouhoulma. — Village de Spaskoïé \ i5 verstes. — Dimskaia 3 8 v. — - Sabarova , î5 v. — Mertova ,7 V.—- Slousova , 7 y. — Sokkarmalay i3 v. — Bakaïka , 8 v. — Ous- rnanova , 6 v. — Verkhnaïa-lennakova , 2 v. fc-H — Baïtouganbasch , l%v. — Semenovo, 4 Y' ~~ Nefténoi- Klioutsch , 3 verst. — Source d'asphalte, — KamyschU, i5 v. — Nishnéi- Fcrmak, 10 y.— Vetschkan^ i5 verst.-— Saporova y 5 y. En continuant la même route , nous traver- sâmes le village de Malaia-Bouhoulma , situé près d'un ruisseau du même nom , et nous arri- vâmes le 5 octobre à Spaskoïé, qui appartient à M. Ritschkqf (1) 9 conseiller d'Etat , homme aussi recornmandable par son mérite person- nel , que célèbre par ses ouvrages. Il y fait sa résidence ordinaire. Nous y restâmes jusqu'au 11; j'en partis pénétré de l'accueil gracieux qu'il m'avoitfait, et enchanté de sa conversa- tion, aussi agréable qu'instructive. (1) Ce savant est connu par deux excellens ouvrages j sa Topographie KÖrcmbourg , et ses Voyages, A S A P O R O V A. î^l La situation de Spaskoïe est très-agréable. Ce "village est clans un fond , presqu'entouré de collines en partie couvertes de bois. Dans le centre du village, est une forte source qui coule sur un lit de marne blanche , dont l'eau est très-limpide 5 les bestiaux la boivent avec avidité , quoiqu'elle ne paroisse contenir aucun degré de salure. On a trouvé des traces de mine de cuivre sur plusieurs de ces collines. On y exploite une mine de fer de foible rap- port. Les ruisseaux qui passent entre ces col- lines, ainsi que le Dim dans lequel ils se jet« lent, fournissent dés truites ordinaires, de,S truites saumonées (1) ; elles sont délicieuses et assez communes dans les ruisseaux de l'Oural. Les eaux qui descendent de ces montagnes, gèlent difficilement à cause de la rapidité de leur cours; aussi les merles d'eau (2) , si com- muns en Russie et en Sibérie , mais assez rares ailleurs, s'arrêtent- ils en grand nombre sur les bords de ces ruisseaux. On peut affirmer avec certitude que cet oiseau se plonge, sans se mouiller , dans des ruisseaux profonds , pour y prendre des chenilles aquatiques , et d'autres vers qui rampent dans le fond des eaux. Lors- qu'on les tire sur les bords «clés des ruis- (1) Satmo lacustrls. En langue cîu pays, Kouté'ma. (2) Sturnus clncius. Les Russes rappellent Vcd^enoÏ- Vorobéi , ( moineau de -rivière. ) îj% lj6$. de Malaia-Bouhoult.ia seaux , et qu'ils ne sont pas tués du coup y ils se plongent aussi-tôt clans l'eau , et ne repa- roissent à sa surface qu'après leur mort. On ne doit cependant pas en conclure que cet oiseau nage , puisqu'il manque même des moyens nécessaires ; mais il vole pour ainsi dire dans J'eau 5 il a vraisemblablement la faculté de pouvoir se tenir ferme, et de se cramponner dans le fond pour y chercher sa proie. Les paysans sont persuadés que la graisse de cet . oiseau préserve pour toujours des engelures les- membres qui en ont été frottés une seule fois. Il est très-difficile d'en recueillir seulement quelques drachmes. D'autres attribuent cette vertu à son sang. On trouve dans les ruisseaux de cette contrée garnie de bois , une petite espèce de loutre (1) , connue en Russie , mais qui l'est peu dans le commerce des peLleteries» Les grenouilles et les écrevisses sont la nour- riture favorite de cet animal : son existence d'ailleurs ressemble assez à celle de la grosse loutre. Ces ruisseaux ne gèlent jamais en hi- ver. Nous partîmes le 11 de Spaskoïé , par une belle gelée qui duroit depuis le 4. Nous tra- versâmes le Dim , ruisseau considérable qui se jette clans l'Ik, près d'un village Tatar , qui porte le nom de ce ruisseau. Ici nous quittâ- (1) Mustda lutreola. Les Russes l'appellent Norka.. a Saporota! 17? mes la route de poste pour côtoyer le Dim , et nous arrivâmes dans la nuit au yillage de Sokkarmala^ habité par des Mordouans., des Tschouvasches et des Tatars. La Soka? qui prend ici sa source , n'est séparée du Dim et des au- tres ruisseaux qui s'écoulent dans l'Ik , que par une chaîne de montagnes nues qui bor- dent la Soka jusqu'au Volga , sans aucune in- terruption. C'est une branche avancée des hautes montagnes Ouralsks 5 elles s'étendent en déclinant vers le Kinel. Les marmottes (1) sont très- communes dans ces montagnes , et dans toute la partie méri- dionale de l'Oural , qui est entièrement dénuée de bois. Ces animaux font souvent découvrir aux Tatars et aux chercheurs de mines les endroits où se trouve le minerai , par les araon- cellemens de terres qu'ils forment en creusant leurs terriers. On ne trouve , dans tout le dis- trict supérieur de la Soka , qu'un schiste de cuivre sablonneux, calcaire et glaiseux., d'un très-foible rapport , mêlé de beaucoup de par- ties sulfureuses , ce qui le rend très-difficile à la fonte. Voulant gagner la rive droite de la Soka , nous la traversâmes près de Bakaïka, village Tatar. Cette rivière n'est ici qu'un médiocre ruisseau 3 elle serpente dans un vallon formé par (1) Arctomis bobac. Le bobak. Euffon, Hist, nat. vol. %6 y tab. 18. Les Russes l'appellent Sourki. 174 1?68. DE MalAIA-BouHOULM des collines couvertes , en plusieurs endroits i de bois de bouleaux très -agréables. On trouve plus loin des collines garnies de ces mêmes arbres, mais avec moins d'abondance , et par bouquets. Le pays , baigné par la Soka , le Kinel et la Samara, présente des contrées agréables , très-fertiles en plantes. Cette par- tie occidentale de la Russie fournit des che- vreuils, que les Tscliouvasclies et les Tatars , grands chasseurs, prennent à la fin de l'hiver dans des lacets , avec des pièges , ou à la course 9 au moyen de leurs souliers en ra- quette. Ils les atteignent avec facilité, attendu que cet animal , enfonçant la légère croûte formée sur la superficie de la neige , il lui est impossible de courir avec agilité. Ces che- Treuils sont d'une espèce particulière, et dif- fèrent de tontes les variétés connues en Europe. Ils ont la couleur et les cornes du chevreuil or- dinaire $ ces derniers ont de plus quelques petites excroissances et verrues. Ils sont de la taille du daim ß et même un peu plus grands. Ce qu'ils offrent de plus remarquable, est la petite excroissance qui leur sert de queue. Leur croupe , jusqu'au dos , est couverte d'une grande tache blanche ; ce qui fait présumer que cet animal est le pjgctrgus des anciens. Les Russes de cette contrée l'appellent Dikaia- Kosa , chèvre sauvage ; les Tatars le nomment S Vi g A [f^ovez sa description, Appendix p A S A P o r o y a; jjS n° . 2.1 (1) ]• Ces contrées, presque incultes, abondent en élans et en renards 5 on en trouve quelauef'ois dont la peau tire sur le noir. Ce pays , ainsi que les landes montagneuses, baignées par la Soka et le Kinel , mérite d'être choisi de préférence pour y établir des berge- ries. Les moutons de ce district sont plus gros que les moutons ordinaires de la Russie 5 la laine en est plus belle 5 il seroit nécessaire, pour améliorer cette race , de croiser les brebis du pays avec des béliers étrangers. On trouve quelques traces de mines après avoir passé le petit ruisseau de Kybit ou Akana ; on arrive ensuite àla Soka , près du village Tatar d'Ousrnanova, appelé aussi Nadyrova, ou Na- dyr-Aoul 5 ce nom lui a été donné par Duras- meteß Star china , ou le plus ancien des Nadyrs du pays, mort depuis peu. Ce Starcliina avoit entrepris de faire de l'huile de pétrole (2.) avec l'asphalte de cette contrée 5 il en avoit obtenu la permission du tribunal des mines d*Oufa , en 1756. Il fit d'abord construire un bâtiment près de la source du ruisseau de Kamiischli 5 il devoit en faire bâtir un second auprès du Sourgout. Mais cette entreprise a été abandon- née depuis la mort de ce Tatar (3). ■ ■ (1) Ccrvus pygargus. (z) Les Russes appellent Neft , cette huile de pétrole. (3) La carte, n°. z, éclaircira la description des contrées arrosées pai; la Soka; elle a été levée à la vue. Ij6 Ï768. de Malaia-Bouhoûlma Le village qui suit , est lermak-Aoul , habite par des Tatars $ le ruisseau de Baïtougan , qui se jette dans la Soka, lui a fait donner le nom de Baïtouganova. On trouve des traces démines le long des ruisseaux qui coulent entre les montagnes qui bordent cette rivière des deux côtes 'y mais on n'en apperçoit plus après avoir passé Ïermak-Aoul. La première des sources d'asphalte, située près de la Soka, est digne d'attention ; elle est au nord du Baïtougan. Notre route fut très- pénible jusques-là 5 il nous fallut traverser , en remontant ce ruisseau , une chaîne de collines couvertes de bouleaux : nous arrivâmes, vers la brune, au petit village de Baîtouganbasch , nouvellement établi près de Tune des sources du ruisseau. Il est habité par des Tschouvasches. La source d'asphalte , qui est auprès de la montagne située entre les sources du ruisseau,, n'est qu'à deux verstes de Baîtouganbasch 5 nous traversâmes cette montagne, la plus haute de la contrée , pour nous rendre àSéménovo , autre village Tschou- vasche , où l'on trouve une route plus com- mode , pour se rendre à la source d'asphalte ; je fus obligé de remettre mes observations au lendemain. Avant d'arriver ici, il faut traverser presque toute la largeur de la chaîne de mon- tagnes qui bordent la Soka. Le pays devient ensuite plus uni , vers la partie septentrionale de Tschéremschan. La A S A PO r e H A? Ï77 La source d'asphalte est vers l'est, et à quelques verstes de Séménovo$ c'est ici que commence ta pente rapide cle la montagne dont je viens de parler \ elle est dans un fond garni de bou- leaux $ la superficie est composée d'une terre noire très - grasse , ainsi que celle de tous les environs. La plus grande des sources du Baïtougan arrose ce fond. On a donne du jour à cette source d'asphalte , et l'on a creusé dans la pente de la montagne une fosse en forme de chaudière , qui a environ trois pieds de dia- mètre ? et autant de profondeur. L'eau se ras- semble dans cette fosse , sans mouvement ap- parent, et s'écoule insensiblement dans le petit ruisseau qui passe à sa proximité. Quoique cette eau ne bouillonne point en sortant de terre, elle ne gèle jamais, même dans les hi- vers les plus rigoureux ; lorsqu'elle est entiè- rement couverte déneige, on prête ïid que les vapeurs bitumineuses (rue cette eau exhale, et qui frappent l'odorat d'assez loin , se forment en très-peu de temps une ouverture au milieu de cette neiee. L'eau de cette source n'a ce- pendant point un degré de chaleur extraordi- naire , puisque dans la matinée du i3 , jour très-froid, le thermomètre étoit à 160 degrés; plongé dans l'eau, il ne remonta qu'au i38e. Le dessus du petit bassin de cette source , se couvre d'un asphalte noir et très-visqueux , qui a la couleur et la consistance d'un goudron Tome L M ifê Ï768. BE MÎALÂlA-BotTHÔTÎ.tMA! épais 5 il se forme de nouveau, et en peu dö jours, chaque fois qu'on l'enlève. Il n'y avoit que quinze jours qu'on avoit emporté tout l'asphalte du bassin ; il s'en étoit formé dé nouveau , et en si grande abondance , malgré la gelée, que j'en fis tirer six livres , sans compter tout ce quij vu sa ténacité, s'étoit attaché à différens corps étrangers. Il y en avoit plus d'un doigt d'épaisseur sur l'eau au pied de la montagne 5 mais cette épaisseur al~ loit toujours en diminuant vers l'écoulement du bassin ; ce qui prouve que l'eau , en s'é- coulant , en entraîne toujours une partie. Toute la cavité de la source est tapissée de cet as- phalte \ le lit de terre dans lequel e\\e se trouve y et qui s'étend vraisemblablement très - avant dans la montagne , en est entièrement pénétré. Lorsqu'on a fait enlever l'asphalte ,, on voit encore surnager au-dessus de F eau une huile de pétrole très-fine , très-forte et très-péné- trante , mais en petite quantité. Les expérien- ces que je fis , me prouvrent que l'eau même est imprégnée de quelques particules inflam- mables \ elle donne à la solution du tournesol une teinte rouge ,. et elle conserve le goût et l'odeur de l'asphalte au plus haut degré. Les Tschouvasches et les Tatars se gargarisent la bouche avec cette eau, et en boivent lorsqu'ils ont des aphtes , et autres ulcères dans la gorge $ ils font aussi provision d'asphalte liquide , et & S 1 v o r ö y. â: 179 l'emploient souvent comme un remède domes- tique. Ils en appliquent principalement sur les blessures fraîches > qui sont aussi-tôt guéries. Ils en composent un onguent avec du beurre * qui , à ce qu'ils prétendent , est merveilleux pour tous les ulcères. Ils le prennent aussi in- térieurement 3 ils en font bouillir une cuille- rée dans du lait , qui acquiert par ce moyen la consistance d'Une crème épaisse ; on prend ce remède tout chaud, dans les coliques opiniâ- tres et autres douleurs de bas -ventre , ou lors^ que l'on s'est dérangé quelque chose en fai- sant un violent effort , ainsi que dans les ma- ladies vénériennes. Le malade , après l'avoir pris ? tombe daiis une espèce d'étoiirdissement, et éprouve , comme on peut se l'imaginer ^ une violente chaleur 5 son urine en contracte Une odeur très-forte 5 il s'opère par-là une forte évacuation. On prétend que les paysans em- ploient cet asphalte au lieu de -vieux oing 9 pour graisser les roues des voitures : il est possible que cela soit lorsqu'ils en ont de trop; mais je suis persuadé qu'ils sont rarement dans; ce cas. Ils m'ont d'ailleurs assuré qu'ils ne l'em- ployoient qu'en médecine , que même ils ne le conservoient que pour cet usage , et pour en cé- der à leurs voisins. J'ai vu lesTschouvasch.es de ces contrées , graisser les roues des voitures avec du beurre, ou de la bouse de vache fraîche. Cet asphalte est si pénétrant^ malgré sa te- Ma ï8o lj6$. DE MALÂÏA-BoTIHOtTLMA ïiacité, que celui que je conservois dans uit lieu froid , après l'avoir mis dans des boîtes très-fortes , ayoit pénétré au travers de ces boîtes, et des planches d'un pouce d'épaisseur. On poiirroît peut-être en composer un enduit fort utile pour empêcher le bois de se pourrir , et pour préserver les planches des vaisseaux, d'être rongées par les vers de mer, qui sont si danger eux. En partant de Séménova ? nous fîmes quinze verstes au sud-ouest à travers de hautes col- lines garnies de bois de bouleaux , pour arriver à la Soka. Nous passâmes par le village Tatar de Kamysclîli, où nos voitures nous avoienf devancés en partant de Baïtou^an , qui n'en est éloigné que de sept à huit verstes. Ce vil- lage est situé près d'un ruisseau du même nom. Les montagnes qui bordent ici la Soka sont , en partie y composées de pierres gypseuses et de pierres calcaires très-blanches et très-dures. Elles forment çà et là, en face de la rivière, de beaux murs de rochers remplis de brisures 9 où croissent de petitß arbres aux pois (i). Au- (t) Robiîita frutescens. Lin. Les arbrisseaux et arbustes de Sibérie que Linné et ensuite M. P allas , ont rapportés au o-enre Roeînia , ne sont nullement congénères des vrais Robinia d'Amérique : ils en durèrent par leurs fleurs, pac leurs fruits non comprimés, et même par leurs feuilles ailées sans impaire. C'est ce qui m'a engagé à en former Un genre particulier ,. sous le nom de Caragana } dans. A S À T O R O V A/ iSi Sessous d'une de ces murailles de roc, à trente Ipises de la rivière ^ et à deux vers te s du vil- lage , il filtre une source limpide , qui coule entre des pierres sur le bord du chemin : son eau , un peu sulfureuse , et chargée de ma- tières calcaires , exhale une odeur de soufre assez forte, et dépose un léger sédiment blanc sur les plantes qui se trouvent dans le fond de son canal jusqu'à la Soka. On voit aussi y €n plusieurs endroits , sur les feuilles qui tom- bent dans cette eau , des fleurs de soufre très- délicates en forme de pinceaux : j'en parlerai ailleurs. Les Tatars nomment cette source Kii- Kert ( soufre ). Je repassai sur la rive gauche de la Sota ^ près de Kamyschli ; je trouvai un pays coupé de profondes vallées , et arrosé par des ruis- seaux. Nous vîmes , à peu de distance de là , près d'Iermak , village Tatar , situé sur la Soka , plusieurs petites flaques d'eau sulfu- reuse , qui né sont d'aucune importance. Je poursuivis ma route , et traversai, pendant la nuit, Alexiéicf ou Vetschkan , village Mok- schanien. J'arrivai à la pointe du jour à Saper- kinaou Saporova , village Tschouva^che., situé près du rocher de Kaménoï-Klioutsch. A près mon Dictionnaire de Botanique, vol. 2, , p. 615. M. Pallas a. figuré plusieurs de ces arbustes , soit dans cet ouvrage ( voye\ V Appendix n°. 3Ö0 et 361 ), soit dans sa Floua Rossica, t. 4z, 43, 44 et 45. Lain, M 3 i8ä 1768. de Mikouschkinâ' de deux verstes d'ici., est une source sulfureuse f personne ne voulut nous enseigner le cheniiil qui y conduit. f ' 1 ■ ' §. X V ï I. .DE Ml.KOUSCHKl N A A TsCHOUBÎBOuTJ Du 14 au i5 octobre. JSÏikousclikina y 12 verstes. — Malaia-MikouÀ schkina , 2 v. ~. — MoloscJiiiaia-R.etschka* — Ischtoulkina > 12. v. — Sernoié-Oséro , ou lac sulfureux y5 v. —Moloschnaia-Retschka? on ruisseau de lait. — Sources sulfureuses près du Sourgout. -—Ischtoulkina. — - Sources sulfureuses près du Tschoumbout. — lakou- schkina. 2 v. -—Mont S argue a t , 5 v. — * 'Sources d'asphalte près du Tschoumbout. Nous entraînes dans la partie la plus remar-r quable du pays arrosé par la Soka , celle où les sources sont en plus grand nombre , et les plus riches en soufre. Cette contrée n'est ha- bitée que par des Tschouvasches , dont quel- ques-uns sont encore païens. Le pays situé au sud de Saporova , qui s'étend jusqu'à la source de la rivière de Sourgout , appelée Koukert par les Tatars , est aussi fort montagneux. On découvre , à moitié chemin du village de Mi- kouschkina > une montagne qui s'élève en pointe &u - dessus de toutes les autres. Ce village jl T s c h o tr m s .o f %} i83. est situé sur une hauteur près du ruisseau cle> Tschoumboulat, qui coule le long des mon- tagnes dont nous venons de parler, et au mi- lieu desquelles le Sourgout prend sa source»! On a construit un autre village plus petit à environ deux verstes et demi de l'autre , et à l'embouchure du Tschoumboulat , dans le Sour- sont* Dans un terrain humide , situé entre ces liens villages et la rive droite de ce ruisseau > sont deux flaques d'eau sulfureuse, séparées par une petite élévation \ elles s'écoulent dans le Tschoumboulat. La flaque supérieure a près de trois toises de Ions sur deux et demie de large , et elle dépose une matière blanche lé- gère.. Sa source est imperceptible ; son eau sèle en hiver . mais plus tard cjue les autres, La seconde est éloignée de trois cents toises de Malaia-Mikouschki aa ; elle forme un petit lac de vingt à vingt - cinq, toises de long sur huit de large, et environ une archine de pro- fondeur. L'eau en est très sulfureuse ; elle dé- pose sur le limon beaucoup de matière sulfu- reuse et calcaire , qui répand une odeur très- forte j elle sort en bouillonnant , et entraîne avec elle une matière g -ris.e semblable à de la cendre. Les Tschouvasches et autres habitans de cette contrée guérissent radicalement leurs gales et autres éruptions cutanées , en prenant 4es bains d'eaux sulfureuses dans des étuv.es. Après avoir traversé .le Mikausciikma , oïl M 4 184 £768. DE MïKOUSCHîClNÀ arrive à une monticule couverte d'un bois claiï* semé, où je trouvai le petit arbre à pois. On passe ensuite , à sîï verstes de cette foret , la Molosclinaia-Retcîika , petite rivière de lait. Les BascliMrs ? qui liabitoient autrefois ce pays^, et les Tätars qui y demeiirent aujourd'hui, lui ont donné le nom dÄÜi (lait aigre); les Tschöuvasclies le nomment Ouiran-Li ( eau de lait càilié ), Je rapporterai dans la suite les motifs qui ont donné lieu à ces dénominations. Ce ruisseau est bordé de jeunes bois : sa source est entre les montagnes du nord- est , à cinq verstes de l'endroit où nous l'avons traversé; Son eau est très-claire et très-bonne. La lande 9 située au-delà de ce ruisseau ^ est remplie de collines. On a donné aux plus hautes,; d'après les figures qu'elles représentent , les noms Russes cVOrel ( aigle ) ^ Kaban (san- glier ) , S h x r Sf 1 ( tcliarni ) ? Go u s l i ( gui- tare ) ? Sic, Après avoir passé la dernière de ces collines , on en trouve d'autres moins con- sidérables , qui sont remplies de taupinières. On découvre la petite montagne de Schakhma- mai, qui forme un dos -d'an e , et qui est cou- verte de bois. On von loi t y établir un second magasin d'asphalte. Nous arrivâmes au village d'Ischtoulkina , situé entre le bois et le ruis- seau de Schoumbout , qui est très - considéra- ble. Je remis au lendemain la visite des sources sulfureuses voisines , parce que la nuit appro- À T'S- C H 6 U M BO TT T.* ï85 choit. Ischtoulkina est sur le bord du Bascli- îdrka , ruisseau qui., venant du mont Schakh- mainaï, se jette dans le Sourgout. L'eau de ce ruisseau est très-claire et très-pure. Je me rendis^ le i5 y au lac sulfureux, qui est au sud-est, à plus de cinq yerstes d'Isch^ toulki na. Cette source est la plus considérable •de '■toutes celles de ce pays : aussi son étendue lui a- t-il- mérité le nom de lac. Pour y arriver, on passe entre la montagne de Gousli et celle xle Schaklimam-àï, qui est un peu plus loin sur -la droite : cette dernière est couverte de bois. Au bas de cette montagne est un lac d'eau douce y qui a la forme d'une chaudière très- profonde. On arrive ensuite près d'une autre montagne très - considérable et assez rapide. Elle est composée d'une pierre calcaire grise, très-dure,' remplie de grains ronds et luisans qu'on découvre dans les brisures. Il y a à peine un verste d'ici au Sourgout. Le lac sulfureux test entre la partie orientale de cette montagne ■et d'autres collines , dans un vallon assez con- sidérable , entouré de bouleaux, et qui a éga- lement la forme d'une chaudière : iL peut avoir soixante toises de long sur quarante-cinq de large. L'aspect en est effrayant : l'odeur fétide qui s'en exhale ressemble à celle d'oeufs pourris, ou de foie d'antimoine ; pour peu que le vent s'élève , elle se répand à trois ou quatre verstes : oe qui rend les environs très-dcsagréables. Ce %B6 ïy6S. »e MikoüSvChäinX lac n'a aucun mouvement sensible dans s£ fluctuation,, et il ne gèle jamais. Je trouvai que la chaleur de ses eaux surpassoit de trente degrés celle de l' atmosphère : aussi , dans le temps de gelée, il s'élève de dessus ce lac une vapeur très- visible. Ses eaux sont si limpides , qu'on pourroit aisément junger de leur prof ois- eleur , si le fond ri'étoit entièrement couvert d'une matière noirâtre fort dégoûtante. Il pa- roi t que ce lac n'a, dans toute son étendue , qu'un peu plus de deux archines de profond deur d'eau; La baie qu'il forme près de la .^montagne calcaire dont je fais mention semble être beaucoup plus profonde 5 c'est le lieu tle la grande source qui fournit les eaux : il présente à -la vue un abîme effroyable. Lorsque \es fonderies de soufre existoient , on avoit creusé au pied de la montagne trois fosses très-profondes , pour chercher la mère du soufre .ou le canal qui fournit si abondamment à cette source \ mais ce travail fut inutile, et on en ignore la raison. Est-ce parce qu'on n'avoit pas creusé au véritable endroit ? ou bien la ma-» tîère sulfureuse s'est - elle imperceptiblement répandue dans l'intérieur de la montagne ? Le fond du lac est couvert d'une espèce de peau , dont la consistance peut être comparée à des peaux d'animaux pourries. Elle couvre, de l'épaisseur d'une ligne , le limon noir , ainsi que tout ce qui tombe dans le lac 3 et A T S C H O U M B O U ' T* lZf peut s'enlever par lambeaux. Sa . couleur est très-désagréable } elle est, en partie , olivâtre, ou d'un noir verdâtre , et , en quelques en- droits , d'un jaune brun. On y apperçoit une certaine organisation , ou des filamens extrême* ment fins, qui se dirigent presque tous paral- lèlement ? ils paroissent reluire a travers la su- perficie , et n'empêchent pas qu'elle ne soit fort lisse. Je crois même pouvoir attribuer à cette matière une faculté végétative. Ce ne peut pas être un simple dépôt formé par les eaux sulfureuses : un pareil dépôt n'auroit ni autant de consistance , ni autant de ténacité , ni une épaisseur aussi, uniforme et aussi mince. Dans les endroits où cette peau recouvre des frag- mens de végétaux en pourriture , on trouve entre deux une matière très -sulfureuse d'un rouge pale, qui. ressemble à de la bouillie, et qui se forme. assez communément autour des plantes dans les autres eaux sulfureuses. , Sur la partie orientale de ce lac,, etvis-à-* vis la montagne calcaire , est une élévation oit monticule qui s'étend en dos - d'âne jusqu'au •Sourgout , et qui est également composée d'uii schiste calcaire. Il en sort une petite source de soufre , qui coule dans un conduit de bois. Elle fournit au ruisseau de lait les premières parties sulfureuses qu'elle dépose abondam- ment , et qui ont la consistance d'une bouillie blanche et épaisse. Ce ruisseau , après bien des i88 1768. de MikouschKinA détours, se jette ici dans le lac de soufre. ÏÏ traverse une extrémité latérale du lac , qu'il laisse sur le côté, comme une grande baie : de sorte qu'il n'est pas possible de distinguer son cours . Ce ruisseau a tiré les différens noms rap- portés plus haut du canal de décharge qu'il reçoit 5 ce canal a une profondeur assez con- sidérable : elle est de plus de six pieds à son entrée dans le lac sur deux à quatre toises de largeur, C'est dans ce canal que les eaux du lac commencent à déposer les parties calcaires et sulfureuses dont elles sont chargées ; elles prennent _, en se précipitant , la consistance d'une bouillie ou gelée d'un blanc de lait , et quelquefois jaunâtre. On voit les fines couches de cette matière formées successivement sur Ta superficie da dit de ce canal , sur- tout au- dessus des morceaux de bois qui sont allés au fond ; elles ont, en quelques endroits , l'épais- seur d'un pouce : les eaux du canal conservent, malgré cela , toute leur limpidité ; ce n'est qu'à soixante ou soixante-dix toises de son embou- chure qu'elles devienneot peu - à - peu blan- châtres : elles ressemblent alors à du petit lait clarifié. Le ruisseau conserve cette couleur dans l'étendue d'un verste , et la communique au Sourgout, dans lequel il se jette. Dans les en- droits où ce ruisseau , devenant plus profond , ralentit son cours ,, on voit flotter sur la su- A T S C H O TT M B Ô Ü T. î8^ perEcie de l'eau une légère pellicule blanche semblable à celle qui se forme ordinairement sur l'eau de chaux. On trouve de la glace sur les bords de ce ruisseau vers la partie la plus éloignée du lac 5 mais elle n'a jamais de con- sistance ; elle est feuilletée et composée d'in- nombrables petites lamelles j qui reposent ver- ticalement sur l'eau, de la meine manière que la slace se forme sur le lait frais. La superficie du sédiment , qui est au fond du canal , prend souvent une couleur verdâ- tre : ce qui est sans doute occasionné par les parties hétérogènes de l'eau. On y découvre distinctement , lorsqu'on l'observe , de légères lignes verdâtres , qui divisent ces couches minces formées l'une sur l'autre. On apperçoit aussi une couleur rouge pâle dans les endroits où cette matière est déposée sur des morceaux de bois. Ce sédiment prend , en se formant, une surface très -lisse , sur - tout dans les en- droits où le courant est le plus rapide 5 il est parsemé de la même végétation sulfureuse dont j'ai parlé plus haut. Ce qui présente un phé- nomène des plus intéressans , ce sont de pe- tites houppes en forme de pinceau,, composées de filamens simples presque imperceptibles, d'un blanc de lait 5 on n'y observe, même avec le mi- croscope , aucune organisation sensible : elles n'ont jamais plus de trois lignes de longueur. Ces houppes ondoient dans l'eau comme les igo ij6B. de MikouschkînA mousses d'eau (1) les plus délicates , avec les- quelles elles ont beaucoup de ressemblance ; Cependant elles sont infailliblement formées de la matière sulfureuse dont l'eau est chargée î puisque , sans cela , elles en seroient , en peu de tems , entièrement couvertes et défigurées , de même que tous les autres corps étrangers qui se trouvent au fond de ce ruisseau^ Toutes les matières que ces eaux déposent îie sont que du soufre combiné avec des parti- cules calcaires que l'eau a cliariées ? après avoir attaqué le soufre par l'effet des parties alka- îines delacfiaux; elles paraissent avoir pro- duit une espèce de foie d'antimoine imparfait , dont la nature et l'odeur se décèlent dans l'eau même d'une manière assez sensible (2). Lors- - (î) Confervœ. (z) J'ai fait , autant que les circonstances ont pu me le per- mettre, des recherches sur l'eau de ce lac, et celles de toutes les sources sulfureuses que l'on trouve vers la partie supé- rieure du Sourgout. L'eau du lac est celle, qui abonde le plus en parties sulfureuses; de sorte que le sédiment qu'elle déposé contient un peu plus d'un tiers de soufre pur. Voici les mu- tations de cette eau mêlée avec les réalp-ars ordinaires : elle devint laiteuse , et déposa beaucoup de sédiment aussi-tôt que j'y eus ajouté une solution de sels alkalis fixes. La solution; d'étain la chargea à l'instant d'un nuage de flocons bruns tirant sur le rouge ; et elle reçut un pareil nukçe d'un brun fïairlJ tre , dès que je l'eus mêlée avec une solution de sucre de Sa- turne. Les deux premières mixtions ne tardèrent pas à asseoie un dépôt j mais celle que je lis avec le sucre de Saturue y Si T s c h o tr m s o tr t. îcjï Épie les fonderies de soufre existaient près de la Soka, le canal étoit entièrement revêtu de planches ; on raniassoit ainsi plus commodé- ment , et dans toute sa pureté , le sédiment , d'où, l'on séparoit le soufre. A peine apperçoit- on aujourd'hui quelques traces de ce revête« ment ; on a transporté les fonderies sur les bords du Volga : et personne ne pense plus à ce soufre aquatique. Le sédiment n'est plus aussi abondant qu'autrefois, parce que le ca- 3ial est lavé chaque printems par l'impétuosité du ruisseau _, au moment de la crue des eaux. Je traversai le ruisseau , et pris la route qui £st entre le Soursout et les rochers calcaires Conserva un nuage laiteux, L'eau devint très-peu laiteuse avec une dissolution de sublimé. La solution bleue du vitriol prit avec cette eau une couleur verd d'herbe ; et plus j'y ajoutai de cette eau, plus la couleur devint jaunâtre. Après avoir laissé reposer un moment ce mélange , cette couleur devint olive , et celte mixtion se chargea de beaucoup de Bocons bruns tirant sur le rouge , qui n'allèrent pas à fond. Les esprits acides ne produisirent aucun changement sensible sur cette eau, et tout aussi peu que la solution du vif- argent dans l'eau forte. Le sirop de violette \ mêlé avec cette eau , ne varia aucunement, et je' ne saurois dUt si j'y ai apperçu des traces de sei fixe , que 8çhph&rt prétend avoir découvert dans l'eau de la source qui est près de Sergütefk« (Voyez Collection de V Histoire de la Russie ; var Scho- bert, pari. IV ^ sect. IV ', paÀ 544- j Si on laisse évàpo- rer cette eau dans une cuiller d'argent, il s'y forme une rorte tache d'un brun noir. %<)% ï?68. DE MlKOUSCïïtf ÎN dont j'ai parlé, qui s'approchent de plus en plus de cette rivière. On pêche encore du pois-4 son dans ie Sourgont | mais on n'en trouve plus depuis l'embouchure du ruisseau de lait ; on prétend même qu'il a déjà un très-mau> vais goût. La loutre se plaît dans cette rivière. Nous trouvâmes dans la neige , près du lac sulfureux, des traces de cet animal, quolqîi'il n'existe aucun être vivant dans cette eau. Il y avoit autrefois deux sources sulfureuses , à cinq verstes du ruisseau de lait , près du vil- lage d'Ischoutkina , situé sur la rive gauchç du Sourgout* L'une étoit très - considérable j on y avoit placé des canaux de bols pour y ramasser commodément le ßoufre. Cette source a été entièrement engloutie par un grand étailg, sur lequel on a établi des moulins , en diguant le Sourgout. On ne voit plus aucune trace de cette source 7 à l'exception d'un seul endroit , où l'eau est blanchâtre , et ne gèle jamais. L'autre source sulfureuse formoit un petit ma- rais sur la rive gauche de la rivière \ mais cette rive est si basse , que les eaux qui s'écoulent du moulin ont tellement inondé ce marais , qu'on n'y apperçoit plus qu'une exhalaison de soufre de quelques parties sulfureuses rejetées par les eaux sur la rive : on y voit de grands trous , occasionnés par les différentes ruptures de la digue , d'où il Sort une très-forte odeur de soufre. On trouve dans ces trous , ainsi que dans A T S C H O U M B O U T. 3ans plusieurs autres peu éloignés, sous un lit épais de terre noire fort chargée de salpêtre , une poussière semblable à de la cendre y elle contient des pierres calcaires poreuses , qui pa- roissent avoir été calcinées. Je laisserai à d'au- tres naturalistes le soin de décider si l'on peut conclure de la nature de ce terrain, et de la forme particulière des collines de ce canton , que les choses qu'on y remarque ont été pro- duites par quelque feu souterrain. C'est peut- être une couche de terre bitumineuse et sulfu- reuse , qui s'étendoit au travers de cette con- trée , consumée autrefois par le feu : alors les parties sulfureuses de cette couche se seront , en quelque manière , sublimées dans les ca- vités des montagnes calcaires sous lesquelles -elle se trouvoit : aujourd'hui les sources qui coulent au travers de ces cavités entraînent peu- à-peu ce soufre. Ce que j'avance ici n'est fondé que sur de simples conjectures. Il n'existe plus actuellement qu'une seule petite source sulfureuse dans son état naturel : située dans un bas - fond marécageux, sur la rive droite de la rivière ; elle forme un étang de moyenne grandeur, qui ne gèle jamais, et qui n'a point d'écoulement sensible : les eaux se perdent vraisemblablement dans le marais voisin. Plusieurs circonstances rendent cette source remarquable. On voit sortir soji eau bouillante en deux ou trois endroits : le fond rfome L N Îp4 I768. DE MlKOUSCHKl N A est compose d'une terre qui ressemble à de là cendre. Elle contient beaucoup plus de parties calcaires que l'eau du grand lac : ce qui ne l'empêche pas d'exhaler une forte odeur de soufre. Elle dépose sur les tiges de roseaux beaucoup de matière blanche , semblable à une crème épaisse et fort chargée de soufre. La mousse , dont les bords de l'étang sont garnis , est revêtue, et comme incrustée d'un tuf bru- nâtre , qui fait un effet charmant. Ce qu'il y a de plus singulier , c'est qu'il se forme une ma- tière particulière autour des branches d'arbres qui tombent dans cette eau ; elle consiste en une gelée assez compacte , qui a plus d'un doigt d'épaisseur, d'un brun éclatant, et fran- gée à l'extérieur : aussi ressemble-t-eile à une éponge de mer , qui a encore sa bave natu- relle. Il n'y a que la superficie de cette gelée qui soit enduite d'une couche très-légère de ce sédiment blanc sulfureux. Ilparoîtque cette ma- tière singulière appartient au genre des épon- ges (1). Il ne m'a pas été possible d'en faire une bonne analyse , parce que celle que je vis étoit déjà en. détérioration. Je n'en ai jamais vu de pareille. Cette matière se retire consi- dérablement en séchant ; elle semble être une substance animale lorsqu'on la brûle. tes pierres calcaires des collines baignées (1) Spongia» A TSCHOUMBOTT t. 195 par le Sourgcrat , sont presqu'eiitierernent com- posées de petits grains creux'., un peu plus gros que la graine de pavot. Je les examinai avec attention, et je trouvai crue c'était de petits escargots de mêmes forme et grandeur , mastiqués l'un contre l'autre. Les petites cavités de ces pierres sont souvent revêtues de cristaux de spath. Je me hâtai de retourner à Ischtoulkina , et j'envoyai mes Toitures en avant à Serguiefsk- Prifforod. éloigné de vinsM; vers tes. Je ils un détour pour avoir occasion de visiter encore plusieurs sources sulfureuses , près du ruisseau, de Tschoumbout , qui se jette dans le Sour- gout, auprès de Serguiefsk. Je tirai au nord , et j'arrivai au Tschoumbout, à l'endroit où l'on a construit deux moulins. Je traversai la diçue supérieure $ je descendis ensuite une éléva- tion calcaire , qui borde le ruisseau à plus d'un vers'te , en forme de rempart élevé > qui s'étend de-là vers le nord-ouest. Au pied de cette élévation., est une forte source suhureuse, formant un marais qui s'unit à l'étang du se- cond moulin. Je trouvai deux autres sources également fortes , au lieu où le ruisseau com- mence à s'éloigner de cette élévation $ elles sont situées dans un bas -fond , à peu de dis- tance l'une de l'autre. Je les visitai sans con- ducteur , en suivant les petits sentiers que l'on distinguoifc à travers la neige $ l'odeur seule 4 N a ï 96 i 768. DE MlKOÏÏSCHKlNA qui se répand an loin, anroit suffi pour 'm'y conduire. Ces sentiers sont battus et formés par les bestiaux qui recherchent avec avidité ces eaux sulfureuses ^ et qui se portent très- bien après en avoir bu. Ces deux sources sont assez profondes 5 elles se jettent dans le Tschoum- bout, par des ruisseaux assez considérables qui coulent très-lentement. Elles déposent , ainsi que les ruisseaux d'écoulement , beaucoup de cette matière blanche sulfureuse en formé de gelées 'y sur le fond et les petits branchages qui y tombent. Je vis sur la superficie de l'eau de ces sources , une pellicule calcaire ; j'y trouvai aussi la glace en lamelles, que j'avois remarquée sur le ruisseau de lait. Ces sources sont éloignées de près de deux verstes d'Iakouschkina, village situé sur la rive «■anche du Tschoumbout , et habité par des Tschouvasches presque tous idolâtres. Le Tschoumbout , qui est assez considérable , n'é- toit pas encore gelé. Son eau devient si sul- fureuse , par l'écoulement des trois sources , que les poissons ne peuvent y vivre 5 son fond vaseux est rempli de particules d'un soufre blanc. Il ne me restoit à visiter que les sources dont Scliobert nous a donné la description. Au nord-ouest d'Iakouschkina , en descendant le Tschoumbout , on arrive , après cinq verstes de chemin, à une haute colline de grande, A T S C H O V M B O U T.J 1QJ 'étendue,, appelée Sargueat par les Tschouva^ sches. On trouve, dans la partie sud-ouest de cette colline , une fosse profonde y qui paroi t être une fouille de mine de soufre. La couche supérieure de la montagne présente une marne jaunâtre^ à laquelle succède un schiste calcaire très-fin : ensuite une terre séléniteuse et gyp~ seuse très- mollasse , poreuse, et radiée, en grande partie , en rayons très-fins. Les paysans la calcinent pour blanchir leurs poêles. A près d'un quart de verste de cette fosse , on trouve , au sud-ouest , un prétendu petit lac d'asphalte (i) , situé dans un bas-fond plat et humide. Cette flaque d'eau est entretenue par une source d'environ trois pieds de pro- fondeur sur trois à quatre de largeur. La dé- charge de ce petit lac produit un petit ruisseau. On dit qu'il se forme sur la surface de cette source un asphalte visqueux, au printems et en été. Elle étoit gelée, ainsi que la flaque d'eau, à l'époque où je m'y rendis. Je fis rom- pre les glaces , et je ne trouvai aucune trace d'asphalte au-dessous. Elle a beaucoup moins d'odeur que celle située près de Séménova $ cependant la terre de l'intérieur et le contour de la source sont imprégnés d'un asphalte vis- queux. On peut même assurer que tout ce ter- rain est bitumineux. Ou voit encore , à la dé- fi) NeftjenoÏé-Oséuo. N 3- charge cïa l'étang , les restes d'un tuyau de bois, qui servait à faire écouler les eaux , pour ramasser l'asphalte. A quelques toises de cette source bitumineuse est une source sulfureuse , abondante et profonde , qui dépose beaucoup moins de sédiment nue celle ci-dessus. L'étant que cette source forme étoit presque tout cou- vert de glace : on décoirvroit une forte pelli- cule de chaos (i) dans les endroits ou il n'étoit pas gelé. Le ruisseau , qui sert de décharge à cette petite source , ne l'étoit pas encore : il se joint au petit ruisseau bitumineux, et s'é- coule ensuite dans le Tschoumbout , qui en est voisin. La fange de ce ruisseau et celle de l'étang sont très-bitumineuses. §. X V I I I. De Sernoï-Gorodok a Krasnoiarsk. Du 16 au 20 octobre. 'Semoï-Gorodoky 10 vers tes. — Serguiefsk ? 10 y. — lelsanka , 2,5 v. — Stam'jjqfka 9 7 v. • — Rabqfka , 10 v. — V erkhnéi-Bouiaji f 22, v. Nischnéi-Bouian , 12 v. — léfemkinà 9 10 v. — Ousioukova y 12 v. — Stavropol y 29 v. — Santschalévoï y 10 v. — Pœsanovo 3 30 v. - — Nîkolskoé , 14 verst. — KamaïoÈr* Tatarskala , 2.0 v. — Krasnoiarsk , 3o v. On compte dix vers tes de ce lieu à la so.urce (1) Cranor, A K R A S N O I A R S K. ÎQQ Sulfureuse dont Schobert a donné une descrip- tion très - circonstanciée , à cause des détours que les montagnes obligent de faire. Il exis- toit encore une fabrique de soufre auprès de cette source , au commencement de ce siècle. Les Basclikirs et les Kirguis., commettant con- tinuelîement des hostilités , forcèrent les Russes à y établir un fort dont on voit encore les ruines ß auxquelles on a conservé le nom de Sernoï-Gorodok ( ville de soufre) quoique ce nom ait été donné à une fabrique située sur la rive droite du Volga. La colline ? sur laquelle on voit ces ruines , est élevée et étendue 5 elle est bien boisée de bouleaux , ainsi que la contrée. On trouve au bas de cette colline , entre des rochers calcaires de couleur blanche , plusieurs sources de soufre assez abondantes ; elles for- ment un petit lac sulfureux et un ruisseau con- sidérable , au fond desquels la matière de soufre calcaire se précipite avec une abondance sin- gulière. Le ruisseau se jette dans le Sourgout f qui devient, à peu de distance d'ici , une ri- vière assez considérable , par sa jonction avec le Tschournbout (1). (t) « Ce lieu , dit M. Lépéchln ,. est beaucoup plus riche en soufre que la contrée du ruisseau de lait ; son soufre n'exhale point une aussi forte odeur de foie de soufre ; lors- qu'on y creuse quelqu'ouverturc avec des petites bêches , on on voit aussi-tôt couler de l'eau, et l'on apperçoit de« N 4 ISÖÖ Î768. DE SEkrcOl-GORÖÜOK Le beau terns changea tout-à-coup 5 il tomba une forte pluie mêlée de neige : ce qui m'em- couches de soufre très-minces et très-friables , placées entre des pierres calcaires. » Nous croyons devoir ajouter ici la description du docteur Schobert. « La Soka reçoit le ruisseau de Sourpout en face de la ville de Serguiefsk«. La source sulfureuse se trouve sur les bords de ce ruisseau. Ses eaux ont l'odeur et le goût du sou- fre y elles en déposent une si grande quantité dans les ruisseaux où elles coulent, qu'on tireroit aisément de quarante à soixante- dix pouds de soufre par an * il y a une très-jolie petite ville à environ trois verstes de cette source. Elle est située sur une montap-ne près de la Soka, à soixante-quinze verstes de Sa-, mara. La contrée est charmante, garnie de prairies et de bois; on y trouve des cerfs , des chevreuils , des élans et des castors dans les ruisseaux qui l'arrosent. » Cette source sort du pied d'une montap-ne, en quatre endroits dîfrérens et par quatre jets, qui forment, en se réu- nissant, un ruisseau assez considérable ; il est retenu en forme de canal par des planches • il s'y dépose beaucoup de soufre, et l'eau s'écouîe dans le Soilrgout, à un quart de verste plus loin. Elle sort claire et limpide de sa source , quoiqu'en bouillonnant:, elle a une odeur sulfureuse, le goût de soufre et un peu d'amertume. A peu de distance de celle - ci , est une autre source pareille qui n'est pas aussi abondante , ni son soufre d'une aussi bonne qualité. Il découle aussi du pé- trole d'un rocher du voisinage , auquel personne ne fait atten- tion, et dont on ne tire aucun avantage. Le soufre de cette source contient beaucoup d'esprit de soufre , qui lui donne le goût qu'elle a , et l'odeur qu'elle exhale • effets que le soufre purement naturel ne sauroit produire , ni sur notre goût, ni sur nptre odorat. C'est ce même esprit de soufre qui a Kb.aSjstoiar.sk. 2.01 pêclia de continuer mes observations pendant la nuit, et me força d'attendre le jour , ex- exhale de l'eau , exposée à l'action du feu , soit dans son premier degré de chaleur, ou dans Fébuililion. îl ne faut pas s'imaginer eue ce soit le même esprit de soufre que nous trouvons dans nos pharmacies. Je n'entends , par celui dont je fais mention, que les particules les plus subtiles du soufre, qui s'évaporent si facilement comme esprit, et qui agissent si subtilement par les pores de la peau, que cet esprit doit produire nécessairement un bon effet pour la santé. Cette eau minérale contient donc, i°. un esprit de soufre très -pur; 2°. un sel solide , tel qu'on le trouve dans les bonnes eaux minérales et thermales; 30. un soufre natif et essentiel. » Les habitans du pays font usa^e de l'eau de cette source pour la pale et les maladies de la peau. Ils commencent par en boire le plus qu'ils peuvent, et se baignent ensuite de- dans pendant deux ou trois heures. On m'a assuré qu'un homme couvert de gaie et de pustules depuis long» teins , fut radica- lement pméii après avoir resté vîrigt-qiiâtïë heures dans cett eau , et qu'il en étoit sorti avec la peau la plus pure et plus propre. J'y ajoutai foi volontiers , parce qu'on n'ignor point les effets du soufre et de ses rieurs dans les maladies de la peau. D'ailleurs le soufre doit avoir des effets bien plus prompts et plus efficaces, étant mêlé avec un sei solide, et sur-tout avec l'esprit de soufre dont j'ai fait mention. Si le malade fait intérieurement usage de i'eau , en même 'tenis qu'il la fait agir extérieurement par les bains, il est cer- tain que la guérison doit être d'autant pins sure et plus prompte , et qu'on ne coun aucun risque de répercuter le mal. » Je crois qu'il y auroit encore plus de sareté si on faisoit chauffer l'eau pour les bains, parce qu'il n'y auroil point à risquer que les pores se trouvant rétrécis, ou même bouchés 303 i768. de Sernoï-Gorodok posé aux injures du tems. Je me décidai donc aisément à poursuivre ma route , puisqu'il existoit déjà une description de cette source , située à cinq verstes de Serguiefsk ; nous fûmes obligés de Faire plus de dix verstes à travers des montagnes , parce que le Sourgout n'étoit pas encore couvert de glaces. Nous arrivâmes , à deux heures du matin, à Serguiefsk. A vin^t- trois verstes de cette ville , en remontant la Soka , il y a un petit lac d'asphalte qui se jette clans cette rivière 7 ainsi que les ruisseaux de Soursch et d'Ousakke, entre lesquels il est par sa fraîcheur, l'humeur ne poisse se faire jour et ne soit .répercutée dans le sang;. Les bains chauds ouvriroient au con- traire les pores ; le soufre alors pénétreroit avec plus de faci- lité, et s'allieroit avec le sang, ce qui en augmenteroit la circulation, fortiHeroit les solides, résoudroit les obstructions, détruiroit les sels acres et lourds, sur-tout si on faisoit chauf- fer l'eau destinée à l'usage intérieur. L'essai que j'ai fait sur moi-même , me permet d'assurer ce que j'avance avec la plus forte certitude. On peut faire usagé de ces eaux avec le plus p-rand succès 3 non seulement dans les maladies de la peau, mais aussi dans celles du sang, comme le scorbut et les accidens qui en dépendent ; elles ne seroient pas moins efficaces dans les tumeurs œdémateuses des glandes , des angelures , etc. , ainsi que dans les foiblesses des nerfs dans la paralysie et pa- raplégie des membres; enfin, dans toutes les maladies où Ton a recours aux eaux thermales. » Sernoï-Gorodok faisoit partie de la province de Stavropol, 4 Î768. DE Se RNOÏ-Go JlODOÎv que la couche supérieure du terrain soit ung terre noire. On ne y oit , jusqu'à Stavropol , ou j'arrivai le 17 octobre, Que des bois épar- pillés de pins et de bouleaux. Il avoit toujours neigé depuis mon départ de Serguiefsk 5 je trouvai beaucoup de nei^e à mon arrivée : aussi les Kalmouks chrétiens , qui habitent la plus grande partie de la province de Stavro- pol , arrivoient-ils de toutes parts avec leurs troupeaux , pour se rendre dans les stations d'hiver, qui leur ont été assignées. Ils ont soin de laisser dans ces villages , pendant l'été , quelques-uns d'entre eux , pour récolter par eux-mêmes _, ou par des journaliers, les foins nécessaires pendant la mauvaise saison j car, à l'exception de l'hiver , ils continuent toujours à mener leur ancienne vie nomade , et d'habiter sous des tentes de feutre. Quelques - uns des Kalmouks qui occupent les environs du Kondourtscha , ont commencé à s'adonner à l'agriculture ; mais ils emploient des journaliers pour travailler leurs champs , et ne font cultiver que ce qui leur est néces- saire. On ne peut se flatter qu'une nation , accoutumée aune vie aussi libre, aussi oisive , et, à bien des égards, aussi agréable que la vie pastorale , puisse jamais se résoudre à l'échanger contre un. état aussi pénible que celui de laboureur. Il ne demeure à Stavropol que leurs Starschinas,, ou chefs qui compo- A KrASTCOIARSK.' 2o5 sent le Soud , on tribunal militaire , avec nu certain nombre d'officiers qn'ils se sont choisis : ces derniers ont le titre de bas - officiers , de Khorounscha, ou enseignes dans les troupes légères , et cI'Iessaquls ß ou adjudans : ils jouissent tous d'une solde.. Ces peuplades Asiatiques sont sous la direc- tion de plusieurs prêtres , dont le chef est appelé PrOtopop ; il a" sous lui un certain nombre d'ecclésiastiques , qui sont de simples Pops. Il y en a un d'attaché à chaque village, avec un chirurgien. Tous ces chefs occupent des maisons dans la ville ; mais les simples Kaimouks , qui demeurent ici , ou dans la pro- vince , n'ont d'autre habitation que leurs tentes de feutre, quoiqu'ils s'accoutument mieux aux douceurs de la vie civilisée que ceux qui sont encore errans dans les landes désertes du Vol 2a. Le nombre des Kaimouks chrétiens ré- pandus dans le district de Stavropol , est d'en- viron quatorze mille , parmi lesquels 011 compte près de mille familles Soongariennes , qui se sont converties , lorsque les Oulouss Soonpn- rieris sont venus habiter ces contrées. Leurs moutons , qui font leur principale richesse , Sont , en plus grande partie , de l'espèce àlarg© queue (1) ; de sorte qu'on ne peut se flatter (1) Il seroit assez singulier que les moutons des Kaimouks ipient de la même espèce que ceux qu'on voit en Arabie et Ho6 1768. de Sernoï-Gorodqïé d'en obtenir de bonne laine. Les montons de Hussie, qu'ils mêlent avec leurs troupeaux, dégénèrent peu-à-peu , et ont , comme ceux de la race Kalmouke , une laine qui approche du poil de chèvre. Les agneaux, nés de brebis Russes, et de béliers Kalrnouks , ont déjà des queues chargées à demi, ou en totalité , de grosses pelottes de graisse , appelés petits Kour- diouks. Ne pouvant jamais espérer d'astrein- dre à la culture des terres un peuple aussi vif, il me semble que le moyen le plus facile et le plus naturel de rendre ces Kalrnouks convertis utiles à l'empire , seroit de leur faire substituer une bonne race de moutons à la place de la leur, qui est à peine propre à la boucherie y d'encourager en même tems ces Nomades à se procurer de belles tontes ^ puisque les contrées qui leur ont été assignées sont très-favorables à l'entretien des bêtes à laine. Stavropol est très - agréablement située sur la rive orientale ß et élevée d'un bras du Volga , appelé Kounéi-Yolosclîka. Elle est environnée de collines agréables couvertes de bois de pins et de bouleaux. Sur la rive opposée se pré- sentent de hautes montag-nes calcaires . oui accompagnent la rive droite du fleuve,, et qui prennent ici le 310m de monts Shigoulefski , <3ans l'Afrique, espèce que les naturalistes nomment Ovifc 1.ATICAUDA. Lam, a Krasnoiar.sk. 2.07 du village cle Shi^oulikha y situé entre le fleuve et ces montagnes. Le centre de la ville forme une espèce de citadelle , composée d'une en- ceinte de palissades , flanquée de quelques tours , avec une batterie. Cette enceinte renferme une église de bois , et une église pfimatiale en pierres, d'une bonne construction. On y re- marque aussi la maison du commandant et du voïévode. La chancellerie relève d'Orem- bourg. On y voit encore les maisons des chefs des Kalmouks , et de quelques autres personnes en charge 3 des magasins pour le sel et pour les vivres 5 des boutiques 5 et enfin une école publique. On a construit au bas du fort plusieurs rues , qui sont occupées par les sol- dats de la garnison,, et par des Kosaques. Ce quartier renferme aussi une église en bois 5 il y en a une autre dans le faubourg des mar- chands, située au bas du fort. Le nombre des maisons est d'environ quatre cent cinquante. Je partis, le 19, de Stavropol (i)_, afin d'ar- (t) Stavropol a été construite en 1737 , sur la rive occiden- tale du Kounéi-Voloschki , qui a deux verstes de Ion*., cin- quante sagènes de large. On lui a donné le nom de Stavropol, ou ville de la Croix, parce qu'elle a été construite pour être la résidence des Kalmouks chrétiens. Elle étoit le chef-lieu, d'une province du gouvernement d'Orcmbouro- ; elle Test au- jourd'hui du cercle de ce nom , qui dépend du gouvernement de Simbirsk. On n'y trouve aucune manufacture ; son com- merce consiste en poissons, moutons et suifs. Elle a huit cent Öo8 1768. DE SeRNOÏ-GorODOK river à Simbirsk avant la débâcle des glaces dont le Volga nous menaçoit. La route ordinaire côtoie sa rive gauche. Santschalévoï est le pre- mier lieu que Ton rencontre. Il est habité par des peuples appelés Kisilbasches ( i ) , qui se sont soustraits à l'esclavage desKirguis depuis qu'ils ont embrassé le christianisme , et en partie par clés Mokschaniens et des Ersaniens mêlés. Les premiers sont assez nombreux dans le district de Stavropol 5 quant aux autres, il paroît qu'à l'époque de l'établissement des villages Mor- douans dans ce canton, il s'est lait ^ en quel- ques endroits , un mélange des tribus Ersa- niennes et Mokschaniennes : de sorte que leurs langues se sont confondues. En voici une preuve. Les Mordouans du Volga ne nomment point l'Etre-Supreme Paas , comme les Ersaniens , ni Skaï (2), comme les Mokschaniens ; mais soixante-seize sagènes de circonférence, et elle est environnée de collines agréables, couvertes des pins de bouleaux. Les Kosaques de ce canton sont agricoles. (1) Mot Tatar composé , qui signifie tête ronge , c'est le nom sous lequel les Turks désignent les Persans par dérision , parce que ceux-ci portent des bonnets rouges enveloppés d'une étoffe qui forme douze plis en mémoire de leurs douze Imâms méconnus par les Turks. Cette coiffure leur fut donnée en £07 de l'hégire (1610 ce J. C ) , par Jçmâyl Séfy , fonda- teur de la dernière dynastie des Rois de Perse. ( Noce du Réd.) (2) Ce mot es. bien le même que le Sky des Anglois qui $e prononce skaï et signifie le ciel. On pourroit encore trou- ver une certaine ressemblance entre ces deux mots et Xabka ils 'A Krasnoïars ï<* 209 ils joignent ces deux mots., et l'appellent Skipas. Ils ont aussi adopté beaucoup de. choses des Tscliouvasches, et ils sont les plus propres de tous les Mordouans. Ils frottent exactement leurs tables ,, leurs bancs , et les parois de leurs chambres avec des torches de prêle (1) , qu'ils nomment Ili : les Tatars -, qui en font usage , l'appellent Se 11 l a . k. Les femmes n'ont au- tour de la tête qu'une bande de toile , dont les extrémités brodées pendent au bas de la nuque. J'en ai vu quelques - unes qni a voient leurs cheveux liés en queue plate , large de près de deux mains , à laquelle elles avoient joint de la laine noire \ d'autres avoient les cheveux tressés en longues nattes , qui leur pendoient jusqu'au gras de jambe : il paroi t que cette coiffure est l'ancienne mode des Ersanienn.es. Voy. planche XIII, figure 3.] Le plus grand nombre porte, au lieu de tablier ordinaire, beaucoup de cordons noirs , qui pendent le long de la ceinture. Presque tons les villages , situés sur la route de Stavropol à Simbirsk , sont habités par des Kusses. On traverse, dans un bac,, la grande des Tatars Mantchoux qui désigne également le ciel. Je pour- rois indiquer des centaines et môme des milliers de mots qui prouvent la liaison intime que les principales langues septen- trionale sont entre elles. [Noce du Rédact,) (î) Equisetum* T'orne I. Q 2îo î>j6%. bb Sernoï-Gorodok Tscîiéremsclian, près du village de NikolskoéV La ville de Gorodistsché (1) est située près de la partie méridionale de la Tscîiéremsclian ; on y voit encore des restes assez élevés d'une citadelle bien fortifiée , qui , à ce qu'on pré- sume, appartenait aux Tatars. Elle est sur le bord delà rivière, et le village porte son nom. En sortant de Nikolskoé,, on trouve d'anciennes lignes Russes, qui existaient sûrement avant celles de Sakam , puisqu'elles sont dans l'en- ceinte de ces dernières. Ces lignes commencent à Béloï-Iar , près du Volga, et s'étendent jus- qu'à Eriklinsk , à treize verstes de Nikolskoé : ce bourg étoit anciennement fortifié. Elles pas- sent ensuite de- là à Tynsk et à Biliarsk ^ et continuent jusqu'à la rivière d'Ik , où s'éten- dent aussi les ligues de Sakam. Le fossé de ces lignes a encore trois brasses de largeur en plu- sieurs endroits. On y remarque , de distance en distance , sur-tout dans le village de Nikols- koé , de gros entassemens de décombres , qui paroissent avoir été des espèces de redoutes. t/a^mm — mwwi m 111 ■ iWC^mii 1 1 ■ ■— ~m*m — w ■■ ■.■■■■i ■ n . muh ■ '■■■■■ ■ m ^ — ». ■ ■ ■■■■ — l ma (1) G0E.0DISTSCHÉ , signifie en Russe une grande ville. A Sïmbîrsk:. an 3. -A. 1 A» De Simbib.sk a B o x. a a r i.' Novembre et décembre. Simbirsk, 10 yerstes. — Gorodistsché ß 20 v. —Kamenha, 10 v. — Schoumofha > i5 v.— Soplofka , 10 v. —Tarschan, 20 verst.— Kildeschy i5 v. — O uro um , 10 v. — Bol- daschkina, S v. — Tschoudofka ? 5 v. — Bisetka, 5 v. — Tétiouschi , 2 v. — Bolgari , 20 verstes. J'accélérai ma route , autant que les mauvais chemins et les fortes gelées purent me le per* mettre , et j'arrivai , le 20 octobre , au faubourg situé vis-à-vis Simbirsk. Je ne pus cependant traverser le Volga que le lendemain après- midi : un grand vent de nord-ouest , et beau- coup de glaçons qui s'étoient amassés sur la rive, avoient rendu le passage impraticable. Je fus même forcé de traverser le fleuve , partie en nacelle , et partie à pied , en sautant d'un glaçon sur l'autre. La gelée se soutint constam- ment y de manière que le Volga fut entière- ment pris , à Simbirsk, vers la fin de novembre. Ce fleuve a ici plus de deux verstes de largeur. Il n'est pris ordinairement qu'au commence- ment de décembre. Le froid fut continuel et presque sans relâ- che pendant tout l'hiver. Il y avoit très- peu O 2 2.12 Î768. DE SlMBIE.SK de ne?ge : cette forte gelée vint à la suite d'une aurore boréale très - considérable 5 elle fut ob- servée , le 24 novembre , près du Volga et de l'Iaïk. Le thermomètre fut quelquefois , sur-tout à la mi-décembre , au 160e degré. Les vents les plus 'communs et les plus considérables , près du Volga, sont ordinairement les vents du sud-ouost : ce sont aussi ceux qui sont les plus dangereux dans cette contrée, et qui font le plus de tort aux fruits et à la vigne. Il seroit donc nécessaire de choisir ? pour les vignobles > des coteaux et des places à l'abri de ces vents , sion veut en établir la culture avec avantage dans ce climat, qui est d'ailleurs des plus favorables. A peine appercevoit-on la neige au milieu des campagnes à la mi-novembre $ je ne trouvai aucun obstacle à observer les environs de Sim- birsk. Outre les fossiles* dont j'ai déjà parlé, on a trouvé dans un banc de sable au bas de la ville y un schiste brun qui tient beau- coup du charbon. Ces morceaux de schiste me font revenir à la carrière de ce genre , qui est si- tuée près du Volga $ ils paroissent avoir été cha- riés par l'eau > puisque ce fleuve passoit autrefois clans ce fond sablonneux ? qui est encore inondé à chaque printems $ c'est pour cette raison qu'on lui adonné le nom de Staraia Volga , ( vieux Volga. ) Cette espèce de carrière est à quinze verstes environ au-delà de. Simbirsk^, sur la rive droite A B" O £ G A B. I. 2l3 au fleuve , qui est très-haute et formée par une vaste colline qui se joint à d'autres. Les eaux oui grossissent au printems , ont tellement lavé la partie septentrionale de cette colline ^ qu'elles ont formé une langue de terre , dont l'angle est fortifié d'un rempart et d'un fossé qui passent d'une extrémité de sa largeur à l'autre. On prétend que ce retranchement a été élevé autrefois par un corsaire , nomine Jérasim 9 à qui on attribue encore la construction de plu- sieurs petits forts qui existent dans une con- trée bien boisée , près d'Oundory ? village sei- gneurial bâti sur la cime de cette colline., forti- fiée dans le voisinage de Gorodlstsché. La rive formée par cette colline , présente , au bas du village , un escarpement perpendi- culaire., formé par les eaux, qui a plus de vingt brasses d'élévation au-dessus du niveau du fleuve. On découvie, à l'endroit le plus escarpé de la rive , dans un terreau mêlé d'argile , une couche très-épaisse d'un schiste limomieux , d'un brun noirâtre et charbonneux., qui a la même nature dans le fond et à la superficie 9 autant que j'ai pu le voir dans les places où la gelée avoit détaché des terres. Ce charbon schis- teux rend un. feu assez vif pour forger facile- I o ment à sa flamme lorsqu'il est bien allumé $ l'o- deur n'en est pas désagréable , et ressemble beaucoup à celle de la résine animée (i). Ce (i) Minera galeni , aut anime, O 3 Sî 4 I768. B E SlMBIRSK' charbon schisteux donne , en se consumant , une cendre grise ferrugineuse. Les morceaux tirés des couches les plus épaisses , luisent comme de la poix lorsqu'ils sont secs $ ils s'allument faci- lement à la chandelle , et jettent une fiamme grasse. Ceux que l'on tire des couches de moin- dre qualité, s'écaillent trop en séchant. On trouve presque par-tout entre ces feuilles de schiste , de petites coquilles éparpillées et cal- cinées ; elles sont ovales, marquées de petits cercles centriques; elles ressemblent entière- ment aux couvercles ou opercules de plusieurs petits escargots aquatiques (1). Ces coquilles sont en partie de même grandeur,, et en partie de différentes grandeurs ; quelques-unes sont aussi minces que des écailles de poisson. On trouve aussi dans ce schiste, de fines emprein- tes d'ammonites., de tellinites et de pectinites. On découvre plus avant vers le fleuve , une rive élevée argileuse , moitié blanche et moitié grise , remplie de bélemnites et autres coquil- lages 1 on y distingue aussi des couches noires de nature bitumineuse. Quoique cette carrière ne soit probablement pas sans interruption , je suis persuadé que l'on y trouveroit , ainsi que dans les autres mines , de très- bonnes cou- ches de charbon , en creusant à fond , par étages obliques , puisqu'on en voit des marques très- (1) Hélix vivlpara. A B § Z G A R ï. 2,l5 distinctes. Pose même assurer que les frais de cette entreprise seroient richement compen- sés par le profit qui en résulterait. On ne sau- roit trouver une situation plus favorable, at- tendu que cette mine est située sur la rive du Volga ; on transporteront ce charbon dans les contrées éloignées de l'Empire j il s'en ferait encore un débit considérable dans celles qui sont au-dessous de ce fleuve , entièrement dé- nuées de bois, ce qui augmenterait la popu- lation. A environ deux verstes de Gorodistsché , sont des lignes qui passent au pied de cette carrière de schiste. Elles s'étendent en droiture de la rive escarpée du Volga , par un petit bois , et près du village de Vyschka , à six verstes de Go- rodistsché, jusqu'auprès du village de Kastoka , situé sur le bord de laSviiaga^, éloignée de neuf verstes du fleuve. Je ne puis dire si ces lignes ont été bâties par le partisan lérasim* Je ne me serois jamais pardonné de ne pas examiner les ruines fameuses de la ville de Brisekhimof, étant dans son voisinage; cette an- cienne capitale de la Bulgarie est située sur la rive gauche du Volga , à environ quatre-vingts verstes au-dessus de Simbirsk. On la connoît aujourd'hui sous le nom de Bol sari. Mon em- pressement à m'y rendre étoit aiguillonné par le désir de donner une description des anciens monumens et édifices qui existent encore , at- 04 &i6 ijGo. de S i %i b i & s K tendu que personne n'en a parlé. Les voyages de Pierre I et de Catherine II, à Br Igari, en ont augmenté la célébrité. Je m'y rendis le 14 décembre -, mais je ne pus prendre la route qui y conduit en droiture , par la lande de la rive gauche du fleuve 3 à cause de la débâcle des glaces près de Simbirsk y je passai par Tétiou- sclii, et Ils un détour considérable par-dessus les collines. Ce district; est très-montagneux $ la partie droite du Volga est pleine de forêts d'arbres à grand feuillage ? qui abondent en petit gibier. On entre dans ces bois près du village de Tarkhan ; ils s'étendent le long du Volga ? depuis le village d'Oundory , jaisqu'au- delà de Tétiousclii. Tétiousclii (i) est un petit bourg à vingt-sept verstes de Simbirsk ; il est situé près de la rive élevée êra Volga y qui est composée d'une argile légère - remplie de trous. On traversoit ici le ileuve sur la glace \ dans la plupart des endroits* situés plus bas il n'étoit pas encore gelé , mais aussi est-il beaucoup moins large qu'auprès de Simbirsk. Le lieu où on le traverse , près de Tétiousclii, est éloigné de vingt verstes du vil- läge deBolgari, bâti sur les débris de l'ancienne ville de ce nom. La route passe par des bas- (i) Tétiouschi faiscit partie de la province de Kasan 5 il est aujourd'hui le chef-lieu ou cercle de son nom, gouverne- ment de Kasan. A B O L G A H T. M/ Fonds 5 et par des prairies inondées quelquefois par le Volga. On voit de petits étangs qui abon- dent en poissons : et l'on traverse des bois de gros pins entremêlés de quelques bouleaux. Bolgari est situé au nordi- ouest» dans un lieu assez élevé , près d'un terrain marécageux , parsemé de broussailles. Il est étonnant qu'une ville aussi considérable et aussi peuolée que S JL 1 Tétoit l'ancienne Bolgari ? ait été bâtie dans une situation aussi désavantageuse , puisqu'elle manque d'eau , et qu'il est impossible de s'en procurer. Les puits creusés dans ce terrain ma- récageux sont la seule ressource du village. Le Vol.^a en est éloigné de neuf verstes en ligne droite ; quoique le terrain aille en pente , du sud au nord> jusqu'au fleuve 7 il n'est pas vrai- semblable que ce fleuve ait essuyé un change- ment assez considérable dans son lit pour avoir pu passer autrefois près de la ville. Le village actuel contient plus de cent bonnes maisons de laboureurs 5 il a été retiré par la Couronne , ainsi que plusieurs autres biens d'église. Il est à quatre-vingt-dix verstes de Kasan. Au sud de Bolgari , est une plaine assez unie , envi- ronnée de forêts d'arbres résineux ? et parsemée de quelques bouquets de bois de bouleaux. Cette plaine , presque entièrement convertie en champs fertiles , servolt autrefois d'emplace- ment à la ville ; elle est encore enceinte cVwn rempart et d'un fossé qui, quoique dégradé, Sl8 lj6$. DE SlMBIRSK a trois toises de largeur en plusieurs endroits. Ce retranchement forme un demi-ovale irréVu- lier , qui a au moins six verstes de circuit 5 il s'étend jusqu'au bord de l'escarpement du bas- fond , sur lequel on a bâti le village actuel. On voit encore un autre fossé sec, assez profond, qui paroi t avoir été formé par la nature. Il traverse l'ovale du sud-ouest au nord-est, et passe près de l'extrémité orientale du village. La plus grande partie des ruines des anciens édifices* se trouve dans l'enceinte du rempart. Les neiges et le froid excessif ne m'ont pas permis défaire d'autres observations. Ce village renferme , à son extrémité orienta- le , un couvent , quelques bâtirnens en bois , et une belle église en pierres. Le monastère, nommé Ouspenskoï , est entouré d'une haie ; on y voit beaucoup de ruines antiques. La plus considé- rable est une tour ou Misgtjir , qui a plus de douze toises de hauteur ; elle est construite en belles pierres de taille très- bien travaillées. Son architecture et ses proportions sont exac- tement celles représentées dans la planche XV., fig. A. Cette tour est parfaitement bien conser- vée y on y monte par un escalier en escargot , de soixante-douze marches ; elles ont chacune un pied de hauteur , mesure de Paris. On a bien réparé cet escalier et couvert la tour d'un toit de bois 5 on voit, dans l'intérieur, une inscription moderne en 'arabe. Son entrée est a B o "l g a r i. ai Q au midi. Il existe encore des crampons à une porte. Des créneaux, construits des deux côtés, servent à donner du jour à l'escalier. On voit près de cette tour , au milieu d'un carré irrégu- lier, les restes d'un mur fort épais, avec de forts massifs dans les angles. Ce mar paroît avoir fait partie d'une forteresse , on d'une grande mosquée : il est construit de pierres ir- régulières., grossièrement taillées, mais supé- rieurement jointes les imes aux autres \ on y trouve des pierres calcaires , des pierres de Sable , des cailloux , et toutes sortes de pierres de gypse , tirées généralement de la rive mon- tagneuse du Volga (1). La tour est placée à l'anele nord-ouest du carré. A l'est de la tour , est un oratoire Tatar , construit de même de plusieurs espèces de pierres irrégulières ; il est entièrement voûté, et d'une architecture très- Solide. Le bas est un carré de quatre toises, et le haut représente un octogone. Il a été ré- paré et converti en chapelle chrétienne, dédiée (i) J'observe que d'après des recherches ultérieures que j'ai fait faire en 1771, je me suis assuré que les matériaux em- ployés aux éiiiices de l'ancienne ville de ßolgari sont, outre la brique, i°. une pierre calcaire solide, mêlée de pétrifica- tion y 20. un gypse mêlé d'albâtre et de séiérJte : l'on remar- que que certains creux qui s'y sont formés, sont enduits de soufre natif ; un tuf incrusté sur des débris de végétaux. Tous ces matériaux se retrouvent dans les montagnes qui accom- pagnent le Volga depuis Kasan jusqu'à Eolgari. Lapeyron. 220 Ïj68, DE S I Ht B I E. S K à saint Nicolas. La porte est à l'ouest ; les croisées sont à l'est. On voit clans un antre an- gle de la cour clu couvent , les ruines d'un an- cien bâtiment 5 on y construisoit une cave pour la communauté. II existe encore quatre bâtimens en assez bon état y parmi ceux qui se trouvent clans l'en- ceinte du rempart. On y trouve aussi beaucoup cle vieux f on démens , de murs détruits , de traces de maisons. On voit , hors de l'enceinte r du côté de l'ouest , les restes des murs d'un bâtiment assez considérable, appelé, par les paysans du village ( je ne sais pourquoi) , le palais Grec, Gretcheskata-Polata. Le premier des quatre bâtimens qu'on ap- perçoit est une tour placée clans la campagne 9 au sud - ouest , et à plus de cinquante toises clu couvent. Sa construction ressemble à celle cle la tour décrite plus haut , excepté qu'elle est plus grosse, et qu'elle a neuf toises cle hau- teur. On voit , entre cette tour et le couvent , les fondemens de quelques bâtimens considéra- bles , parmi lesquels sont peut - être ceux de l'église à laquelle a appartenu cette tour. . A quatre -7 in gt s toises de-la , et vers le sud- ouest, est un petit bâtiment carré, construit en pierres de taille , d'une architecture solide. [V "oyez planche XV , figure B. ] Une petite partie de sa voûte s'est écroulée. La porte est à l'ouest : au sud , est une petite fenêtre. On voit,, A B O L G A & X. 221 dans le mur qui est à l'ouest , deux nlclies en forme de croisées t, elles sont à égales distances et hauteurs : l'une d'un côté de l'entrée , l'au- tre au côté opposé. Il y en a deux pareilles dans le mur qui est au nord, et deux autres dans celui qui est au midi : mais elles sont plus éloi- gnées l'une de l'autre. Je pense que ce bâtiment étoit une mosquée. On voit, au sud du village, dans le centre de l'ancienne ville, le corps-de-logis d'une maison fort vaste et très-apparente, si l'on en juge pas les fondemens qui l'environnent. Son architec- ture singulière m'a paru mériter que j'en don- nasse le dessin. [Y. pi. XV >fig> C. ] Je n'ai pu deviner l'usa se ni la destination de cet édifice» o Les paysans l'appellent ea Maison nu Tribunal de Justice : et c'est peut-être avec raison. Les apparternens carrés , dont on voit les fonda- tions autour du corps -de-logis principal , pa- raissent n'avoir eu d'entrée que par le dehors / et nulle communication avec celui du milieu. Il paroît aussi que leur hauteur n'atteignoit que le second étage de ce corps-de -logis. On voit trois petits apparternens dans la partie orientale ; deux plus grands au midi , séparé» l'un de l'autre dans le milieu , et un oblong à la partie occidentale. A l'angle de ce der- nier , qui est au nord-ouest , se trouvent les fondemens d'un autre carré long , qui le tou- che par un de ses angles. Le côté du corps- 222 Î768. DE SlMBIRSK cle-logis principal où est rentrée ne présente aucun vestige d'appartement collatéral. A cent toises de ce bâtiment , il s'en trouve un autre également apparent > et assez bien conservé , situé vers le midi. L'architecture en est encore plus remarquable que celle de l'au- tre, et sa distribution intérieure est si singu- lière , qu'on ne sauroit s'en faire une idée sans avoir le plan sous les yeux. [ Voy. pi. XXVI : la lettre D marque le prolil du bâtiment, et la lettre E le plan. ] La partie septentrionale est la plus étroite ,, et représente un vestibule ; elle est construite de larges briques à la Ta- tare , sur des fondemens de carreaux de pierre calcaire. Les créneaux et chapiteaux de ce bâ- timent sont faits de ces mêmes briques : l'en- trée du vestibule est au côté oriental $ les rnurs des côtés sont percés de petites croisées , qui lui donnent du jour 5 il est partagé en deux salles par un mur transversal , dont l'une est carrée ß l'autre oblongue. On passe de cette dernière dans le corps-de-logis , qui n'a point d'autre entrée. Toutes les parties de ce bâti- ment, excepté les créneaux, sont en pierres de taille bien polies , et de près d'une archine de long sur une demie de largeur , et un am- pan d'épaisseur. La plus grande partie de l'es- pace qu'il renferme est partagée par des murs de grands carreaux de pierre , qui s'élèvent jusqu'à, la voûte , en quatre pièces angulaires , A B O L G A R ï. Z2.3 séparées les unes des autres par deux larges corridors j qui se croisent dans le centre ; ils sont éclairés par une grande coupole voûtée, qui reçoit le jour par une ouverture octogone placée dans son centre , et huit petites croisées qui correspondent aux huit côtés de l'octogone. Autour de la grande coupole , il y en a quatre autres plus petites , placées directement au- dessus des quatre pièces angulaires , qui ne reçoivent du jour que de ces coupoles, au moyen d'une ouverture octogone pareille à celle de la grande coupole , et placée immédiatement au-dessus du centre de la chambre. L'intérieur de ces coupoles prend la forme d'un sphéroïde un peu alongé ; et l'on y distingue , ainsi que dans la grande , plusieurs vestiges d'ornemens en stuc. Les quatre pièces angulaires forment quatre carrés réguliers : ce qu'il y a de plus singulier , c'est que les portes de ces pièces ne donnent point sur les corridors 9 mais sont placées dans les quatre angles fixés au point cen- tral du corps-de-logis. A l'extrémité méridio- nale de ce bâtiment sont trois autres pièces : celle qui est à l'est est la plus petite , et n'a pour entrée qu'un trou au sud-est , percé dans la pièce angulaire de la salle du milieu. Pour entrer dans cette dernière , il y a une porte par- ticulière en - dehors , comme à l'oratoire qui se trouve dans le tombeau des Khans à Kas;~ inof. Il règne, sous tout le corps - de - logis , 22,4 Ïj6&. D E Si m b i r s K une cave voûtée ; on y arrivoit par une entrée souterraine , pratiquée sous le mur méridional y ainsi que celle du caveau de Kasimof. Cette cave est tellement ruinée, sur -tout au milieu de la pièce qui est au midi . qu'il me fut im- possible d'y entrer ; mais je conclus , par quel- ques planches pourries que j'y vis dispersées, qui me parurent avoir été employées à des fu- nérailles , que ce lieu doit avoir servi de sépul- ture , et les appartemens supérieurs d'écoles y ainsi que les anciens bâtirnens trouvés dans la ville de Taschkent (i). On a trouvé ^ près de Bolgari ^ un grand nom- bre de pierres sépulcrales , dont la plupart des inscriptions sont en Arabe ., et les autres en Arménien. Ces pierres ont été , en partie, em- ployées aux fondemens de la nouvelle église du monastère d'Ouspensîd. : les autres sont cou- chées par terre dans les environs de cette église \ elles sont de diverses grandeurs , et taillées comme celles de Kasimof. Pierre - le - (i) On trouve a ce sujet plusieurs relations dans la Topo- graphie d'Orembourg , lre partie, pag. 33. On y a rendu le mot Tatar, Médress, par maison d'école. {Note de M. Pallas. ) Nota, Ce Lie traduction est exacte. Mais notre auteur se trompe en donnant medress pour un mot Tatar, il est pure- ment Arabe et dérivé de la racine dires se { enseigner) medress ou medriss désigne le lieu où Ton enseigne (école ou collège.) ( Note du Red a et. ) Grand , Pl B ö 1 G A ft ï? ÎLZS Gralld , qui saisissoii: tontes les occasions fa~ TOrables aux sciences , a fait copier les inscrip- tions qui sont sur ces pierres, et a fait traduire toutes celles qu'on a pu déchiffrera II yen à qua- rante-neuf de traduites , dont vingt-deux sont dé Tannée de l'hégire 620 (ï 226 ) : ce qui sernblëroit prouver qu'il y a eu cette année -là une peste ^ ou quelque maladie épidémique» Les autres inscriptions Arabes datent de différentes an- nées , et principalement de l'année de l'hégire 619 (1222) à Tari 74^ ( *34l ) % cette ère. C'est dans l'intervalle de des cent vingt-trois an- nées que Batou-Khdn (1) doit avoir régné dans cette contrée , avant de faire sa grande invasion en Occident. Les trois inscriptions Arméniennes qui existent encore , présentent un espace dé tems bien plus considérable , puisqu'il y en a une de 55 7 ( 1161 ), deux de 984 ( 1576) et 986 ( 1^79 ) : Ce qui forme un, intervalle de quatre cent vingt - neuf ans. Les inscriptions Arabes ne contiennent, rien qu'une sentence Mahométane, qui ne se trouve point sur les Arméniennes > le nom du mort , sort origine , et sa dignité. Ge sont des Bulgares du des Ta- tars de distinction des deux sexes , tantôt des religieux, tantôt des gens dti peuple , et peut- (t) Petit-fils de Djengùyfc-Khân; il commença de régner dans le nord de l'Asie en 550 de l'hégire ( iM5 de J. C;)| et mourut en 651 (j. C. UJ3.J {Note du Réddx.) Tome I P %i6 1768. î)fi StkÄtasK être des inarcliancls. Il est dit de Quelques-lins qu'ils éfcoient de Schamakhie , ville de Perse ; d'un autre , qu'il étoit du Scliyrvân : ce qui prouve que le commercé prospéroit ^ et que les peuples des contrées les plus éloignées venoient habiter cette ville. L'examen des petites mon- noies d'argent et de cuivre que les enfans ra- massent dans les cliamps,; fourniroient peut- être , sur cet objet , des éclaircissemens plus étendus et très-intéressans. Parmi celles dy ar- gent , on eil trouve quelques - unes dont l'em- preinte des caractères Arabes et Kufyques est très-bien faite : l'argent est d'un titre très-fin % elles ne sont pas plus grandes que l'ongle du pouce. D'autres , très -minces , et fort mal frap- pées , sont d'un argent fort chargé d'alliage $ celles-ci ont, d'un côté, de petites étoiles oit autres ornemens ; le revers représente quelques petits points élevés , avec Un cercle qui ren^ ferme un signe quelconque , qui ressemble à ceux dont se servent encore aujourd'hui les Baschkire et ailtres peuples, pour suppléer à leur signature , lorsqu'ils ne savent pas écrire. J'ai donné deux empreintes de ces monnoies.- [Voyez p L 'XX FI, lettre F.] Les signes sont plus communément sur les monnoies de cuivre 5 ils ont, pour la plupart, une figure triangu- laire tirée d'un seul trait. [ Voyez même plan- che 9 figure G.] (1) (i) M. Lépichhi a donné, dans la première partie de se* À Bö X' G A R li- ^27 On a trouvé quelquefois dans ce terrain , avec les pièces de monnoie , plusieurs petits orne- mens en or et en argent bien travaillés , tels que pendans d'oreilles , et autres choses sem- blables ; mais tout est enlevé. On m'a fait voir toutes sortes de colifichets en laiton et en fer t ainsi que quelques outils en forme de pio- ches , larges et pointus > dont plusieurs parois- sent avoir eu une pointe fichée dans le bout d'un manche de bois. Je n'ai point vu d'ar- mes, et l'on m'a dit n'en avoir que rarement déterré. On trouve , en revanche ,, beaucoup de plaques d'airain d'assez mauvais aloi ; elles sont rondes , et n'ont au plus que quatre pouces de diamètre : d'un côté , elles sont ornées d'un feuillage grossièrement moulé $ de l'autre , elles sont plates et polies : elles ressemblent beaucoup à celles décrites par Strah* lenherg. On ramasse, en fouillani la terre, une très- grande quantité de grains d'argile cuite , qui sont tournés en forme de gros bon Ions percés. Il paroît que ces grains ont servi à des chape- lets Tatars (1) : la plupart sont couleur de bri- Voyages , une notice complète des bâtimens de Bolgari , ainsi que des inscriptions qu'on y trouve. fi) Les dévots musulmans font un grand usage des cha- pelets , et tout atteste qilc ces monumens sont des vestiges de mosquées et d'édifices consacrés a la religion de Mohham- raed. ( Note du Rédact. ) P 2 $2$ lj($. DE S I M B I ft S K que 5 on en trouve de noirâtres et de blanchi- très. Il y en a aussi de plus petits , mais en bien moindre quantité , à'iîn vert coloré , et d'au- tres émaillés en différentes couleurs. On y trouve des fragmens de vases de terre très-bien ver- nissés; Un amateur qui voudroit passer ici une partie de l'été , et faire une collection , pour- voit , en gagnant la confiance des habitans dtt pays , se procurer de jolis morceaux antiques. Cette saison est la seule favorable , attendu qu'il est impossible d'y faire des fouilles en hiver. J'ai fait mon possible pour gagner la con- fiance des gens de îa campagne ; je suis cepen- dant persuadé qu'ils m'ont celé bien des choses , et peut-être ce qull y avoit de mieux. On ne ßauroit évaluer îe nombre des morceaux anti- ques qui ont été dispersés , et qui sont passés en mauvaises mains. Les Tatars de Kasan , qui viennent ici pendant l'hiver , achètent tout , et particulièrement les monnoies. Je m'estime heureux d'en avoir trouvé quelques restes. Les fortes neiges et le froid rigoureux de la saison o in îie m'ont pas permis d*en donner la description , ainsi que le plan exact de toute cotte contrée. Ce lieu mérite , à tous égards , qu'un savant vienne y passer l'été , pour y faire des obser- vations. A 0 V F A." £2$ ANNÉE 1769. S- Ier* De Simbirsk a O v x ±> Simbirsk. Janvier et février. Je séjournai le reste de l'hiver à Simbirsk j j'y fis des observations sur les animaux et sur la pêche (1), Le fourneau à laiton , que l'assesseur Mes* nikqfa établi dans le village de Laïschofka r éloigné de neuf verstes de Simbirsk , ne mérite pas qu'on en fasse mention, Il en est de même d'une forge établie dans ce même district, près du petit ruisseau de Besdna , qui se jette dans la Soura. Ou y fond la mine de 1er des environs , mais sans aucun succès. Parmi les quadrupèdes dignes d'être observés, j'ai remarqué sur-tout une variété du hams- ter (2) , nommé ici Karbouscii , animal très- commun dans toutes les contrées méridionales (t) Simbirsk n'est plus aujourd'hui qri gouvernement de Kasan, Elle est la capitale du gouvernement de son nom , composé des cercles suivans : Simbirsk, Bouinsk , Kourmisch, Alatyr, Ardatatof , , Tagaï , Kar so un , Kotschiakof, Kanadéi , Sizran , Kaschpour , Samara > Stavropol , SinguUoef. On écrit indifféremment Sinbirsk ou Simbirsk, (»J Mus criçetus. Var. B. Gmcl. Syst. nat. vol. 1 , p. 13$. Çrlis crïcaus. Erxleb. p. \6\* r Y à &3ô Î769. BE SîMBïRSK de la Russie. Il abonde beaucoup plus dans les landes voisines de Simbirsk , que l'espèce ordinaire , dont les couleurs sont mélangées. Ces hamsters noirs se mêlent assez fréquem- ment, dans leurs amours, avec les mélangés | il n'est pas rare d'en trouver de tout noirs , et de mélangés dans la même portée. Un peu plus, vers le sud ; aux environs de Samara , on ne voit aucun de ces hamsters noirs, : il n'est pas, aisé d'en déterminer la raison , puisqu'on ne peut l'attribuer au climat dans un aussi petit espace. On voit assez fréquemment , dans les, terrains montagneux qui bordent le Volga , les marmottes de Russie ( appelées ici Sourki ) f qui vivent en famille. Les blaireaux sont aussi très-communs dans, ces. environs. On y prend beaucoup d'hermines d*une assez belle espèce. S?è putois blanchâtre y est plus commun en- core. La belette ordinaire (1) , qui , en Russie -y ainsi qu'en Sibérie , devient toute blanche en (i) Linnée n'a connu la belette ordinaire d'Europe, qu'avec son poil d'hiver. Elle en change dans tous les pays septen- trionaux, ainsi que l'hermine et le lièvre. Ici , elle a, comme l'hermine , une couleur assez désagréable , d'un brun noirâtre j et en été elles ont t©utes deux , dans les pays méridionaux de l'Europe , le poil d'un roux très-beau et très-vif. J'ai vu des hermines des îles Molucques , qui conservent , dans toutes lés saisons , la même couleur, ainsi que les belettes. des pays mç-* ridionanx de l'Europe. Buffon s'est trompé en regardant l'her- mine comme un animal qui n'appartient qu'aux régions du Nord. A O V * A. %Zl M ver , se prend plus rarement dans cette con- trée. Les paysans de ces cantons font la chasse à ces petits animaux. Ils ont des chiens pour les guetter ; ils les prennent ensuite dans des lacets ou dans des pièges dressés dans leurs terriers, ou encore avec de petits morceaux de, viande , entourés de beaucoup de lacets. L'animal le plus commun est l'espèce de muset , nommé par les Russes Souslik ( 1 ). On le trouve dans toutes les contrées déser- tes ; situées entre le Don et le Volga, j ris- ques vers le 53e degré de latitude. Le souslik a une peau tigrée fort jolie : on a tort de n'en pas prendre davantage , puisqu'il est aisé à attraper. Cet animal est plus grand dans la .partie méridionale et orientale , qui s'étend depuis le Volga jusqu'en Sibérie , il a aussi une peau différente , grise et mouchetée : sa queue forme le balais y il a la figure de la mar- motte, ainsi que les allures. Ces contrées abon- dent en différentes espèces de souris, qui dé- vastent les campagnes , sur-tout en deux espèces peu connues (2) , qui se tiennent par troupes dans les meules de blé* Un autre animal aussi remarquable est le rat musqué (3), nommé ici Vouikhoukhol. Il (t) Mus cltlllus. Arctomls cltlllus» Gmcl. (z) Mus agrari us et mus mlnutus. Voyez Y/lppcndix 9 îi°\ 7 et 8. (3) Castor mosçhatus* Sorçx mosc/mius, Frxlcb. p. 117. v k %$% i neuf cent quatre-vingt-dix à quatorze cent quatre-vingts livres, mais rare- . ment au-delà. Les laiteux ou mâles sont plus communs; ils n'ont que sept à huit empans da longueur (1). Les esturgeons ordinaires ( 2 ) qu'on pêche dans le Volga, n'ont que cinq à six empans , * et pèsent de vingt - cinq libres à deux pouds. On distingue , dans les esturgeons , ainsi que dans les ichtyocolles , ceux qui ont le museau plus alongé , plus pointu , et le corps plus gros et plus lisse ; on les désigne sous le nom de Schihp : ils passent pour être plus délicats et plus exquis 3 ce sont les plus rares du Volga. On observe une différence très-sensible , quant à la longueur du museau, dans l'espèce du petit esturgeon ou sterlet (3) , qui est un pois- son de la mer Caspienne. On ne lui donne au- cune dénomination distinctive. Il n'a guère plus d'une archine ou quatre empans de long, et ne pèse qu'environ douze livres. L'espèce qui tient le milieu , tant par la longueur que pour le poids , entre le sterlet et les espèces précé- (1) Les Russes leur donnent le nom de Biélcuga , à cause «le leur couleur blanche. Leur chair n'est pas aussi ferme que celle des autres espèces d'esturgeons , dont elle diffère par le go lit. (zj En Russe, Ossetr. (3) Acçipenser ruihenus. A 0 U F a." s35 dentés, est le Sévrouga (i ) , dont le comte de Marsigli fait mention , en parlant des pois- sons du Danube. On n'en prend pas beaucoup ici , soit qu'on les pêche dans les contrées infé- rieures , ou qu'ils ne remontent pas aussi vo- lontiers dans le Volga que dans l'Iaïk. Une cîiose remarquable , c'est qu'on n'apperçoit aucune différence sensible , quant à la taille , entre les mâles et les femelles : les uns et les autres sont longs de sept à huit empans, et pè-? sent de vingt à trente-cinq livres. Le Volga fournit encore une autre espèce d'esturgeon un peu plus grand que le sterlet. Il ressemble à l'esturgeon ordinaire ; mais il est très-rude au toucher .et a tout le corDS garni d'épines. On le nomme ici, Kostéra, et on ne le pêche que rarement. D'après la compa- raison que j'ai faite de plusieurs de ces pois- sons de différens âges , je crois pouvoir affirmer que ce ne sont que de jeunes esturgeons de la grande espèce , qui deviennent plus lisses et plus gras en vieillissant. On n'en fait aucun cas 9 malgré leur rareté. Le saumon rouge (2), [Krasnaia Ryba^] ou poisson rouge , ne paroît que dans les mois de novembre et de décembre , et même il est assez rare. Le saumon blanc ou Table (S) , (1) Accipenser stellatus,. Voyez V 'Appendix , n°. yS, {i) Salmo ruber, (3) Salmo albula. %%6 lj6gl DE SïMA ï & S g [ BiéxàÏa Ribiza.,] est très-abondant, être* monte le fleuve , depuis le mois de janvier jusques dans le mois de juin. La longueur des uns et des autres est de trois à cinq empans , et les plus gros pèsent au plus trente livres. Les carpes (i) pèsent davantage; on en pê- che quelquefois dont la longueur est de sept empans. Elles sont de différentes grandeurs. Le plus grand nombre est de la petite ou moyenne taille. Le glanis (2) est > après richtyocolle , le plus gros poisson du Volga ; on en a pris qui avoient plus de dix empans , et qui pesoient plusieurs pouds. C'est au printems et en au- tomne qu'on en pêche le plus. On le reconnoît par- tout , à cause de la facilité que lui donne sa marche ondoyante de passer par-dessus les filets , ou de les déchirer 9 en emmenant avec lui d'autres poissons. L'alose (3) est appelée Shéiesniza, ou poisson de fer , à cause de sa couleur ; on lui donne aussi le nom de Beschénaia-Ryba, 011 poisson enragé. Il remonte le fleuve , depuis le commencement de mai jusqu'à la fin de l'été, (1) Cyprini. Les Russes leur donnent le nom de Ssasan ou Gazan. (z) SUurus glanis. En Russe , S,om j en Allemand, W^lss.; et en plusieurs endroits , Scheid. C'est un poisson inconryi en France. ïl fréquente i'Eibe et le Danube , où. il se jendi redoutable aux baigneurs, (3) Çlupea aloSii* f)ar troupes prodigieuses qui remplissent sou- Vent les filets , au grand mécontentement des pêcheurs ; les Russes n'en mangent point | parce qu'ils sont persuadés que l'Usage de ce poisson rend frénétique* Aussi toutes les aloses sont-elles jetées , ou vendues à vil prix aux MordoUans et aux Tschouvasches , qui se féli- citent d'avoir secoué ce préjugé ridicule 5 ils font sécher à l'air celles qu'ils ne peuvent man- ger fraîches. Ce poisson , très-propre à être fumé , seroit d'une très-grande ressource pour le peuple de l'Empire , si on pou voit lui ô ter cette prévention. Les aloses du Volga sont grosses; mais elles ressemblent en tout à Fa- lose commune , à l'exception des taches noires qu'elles n'ont point. Le tchéchon , ou brème à ventre tranchant (1 ),' vient au printems., avec l'alose., se jeter par bandes dans les filets $ il est à peu près de sa taille. La chair en est si sèche, qu'on rien fait aucun cas. Ce n'est que le bas peuple qui les consomme , frais ou salés. On pêche beaucoup d'antres poissons connus dans le Volga et les rivières qui s'y jettent , parmi lesquels on remarcpie le sandart ou per- che de sable (2) , en russe , Soudak , qui est très-commun, et la perche de mer (3) , appelée (ï) Cyprinus cultratus. (1) Lucio perça. (3) Perça, asper* Voyez Y Appendix, a°. ioi> 2.3B ï7^9* Î)E SiMBiR8K. Berchik. Cette dernière paroîjt appartenir à la perche de sable et à celle de rivière, nommée Okoun. On y prend beaucoup d*espèces de car- pes (1)5 les plus remarquables, et celles qu'on mange le plus , sont la brème (2) , le jésen (3) et Torfe [ espèce de dorade ] (4). On fait une grande consommation de la brème que Ton sèche comme les barbues. Le Volga fournit beaucoup de lamproies (5) , niais on en pêcîie peu. Plusieurs ruisseaux qui se jettent dans ce fleuve et la Sviaga fournis- sent des truites (6). Il n'y a que l'anguille (7) qui ne se trouve ni dans ce fleuve , ni dans au- cune des rivières et des ruisseaux qui s'y jet- tent r et pas même dans les lacs du voisinage. Ce poisson manque encore dans toute la Sibérie ; il y est remplacé par lalu^ppe [espèce de lote] (8) qui y abonde. On la pêche principalement en hyver , avec des hameçons placés par fais- ceaux sous lä glace , et garnis de morceaux de poisson pour appât. Le Volga fournit beaucoup d'écrevisses (9) d'une grosseur extraordinaire , (1) Cyprini. (z) Brama. En Russe , Lestch. (3) Cyprinus jeses. En Russe, Rcn et Schéreiw (4) Cyprinus orfus. En Russe Solovl. (5) Lampe tr a. (6) Truta^ (7) Anguîlla, (8) Gobius saxatilis. En Russe, Nalim. (9) Cancer astacus. uiaïs peil agréables au goût : clans toutes les contrées éloignées de la capitale , le peuple a la pins grande aversion pour les écrevisses ; on n'en |>êclie donc que pour les seigneurs et les habi- ians des grandes villes qui ont secoué ce pré- jugé. La manière de les prendre en hiver est fort simple. On se sert d'un petit plateau d'o- sier , rond, au milieu duquel on pose une pierre à laquelle est attaché un morceau de viande $ on fait des trous dans la glace , près du rivage , dans lesquels on fait descendre plusieurs de ces plateaux au fond de l'eau 5 on va les retirer de tems en teins pendant le jour, afin de pren- dre les écrevisses qui se sont rassemblées dessus. Il n'est aucun pays dans l'univers , ou. l'on «mploie autant de procédés ingénieux peur prendre le poisson , ni une aussi grande diver- sité de machines que le long du Volga. Une grande partie de ces procédés et de ces machi- nes sont inconnus ailleurs (1). Indépendam- ment des filets ordinaires , tels que l'éperyier, le traîneau, la seine, la nasse, appelée Van- da, on se sert d'un panier à filets, nommé VijEter et Verscha , ainsi que d'une espèce de bâtardeau qu'on arrange pour la pêche des gros poissons. Ils ne sont en usage qu'auprès (1) M. Gmélin , qui a assiste à une de ces pêches, en 1769 > assure qu'on y prit, en moins de deux heures, plus de cinq cents biélouga. f&4& *7^9* ^ E SrMBiRs^ d'Astrakhan , et on les appelle OuTScmoudui* Plusieurs voyageurs nous en ont donné une des- cription détaillée. On fait aussi usage d'une trape à poissons > nommée Gorodba, qui mé- rite quelques détails. Ori afferme, à cet effets plusieurs endroits du Volga; on choisit, sur- tout , ceux où l'on rencontre un fond uni , qui s'étend depuis le rivage jusqu'au milieu du fleuve. On y enfonce un rang d'arbres ou de gros pieux , qui traver- sent une partie du lit du fleuve , soit eri ligne directe ß ou en angLe obtus , dont l'intérieur fait face à la partie inférieure du courant. Il faut que la tête de ces pieux déborde la surface de l'eau ou de la glace ; on prend ensuite des claies d'osier, d'une hauteur nécessaire pour aller de la superficie de l'eau jusqu'au fond, où on les assujettit avec des pierres , de ma* xiière que le courant les poussant sur les pieux, elles s'y trouvent comme collées , ce qui formé une espèce de digue qui oblige les poissons qui remontent le fleuve, de ce coté, de se couler le long de cette digue, et de chercher un autre passage. On a laissé , dans l'angle de cette di- gue , une ouverture large de deux à trois toi- ses , qui sert d'entrée à une chambre carrée , fermée pareille meut de trois côtés , par des pieux et des claies d'osier , disposés comme ceux de la digue ; c'est dans cette cham- bre que se prennent les poissons. Lorsque la- digue^ JL O V £ A*' S|l algue traverse obliquement une partie du fleuve , sans former d'angle , on établit , vers la moitié de sa longueur , une double chambre construite comme la précédente ; mais elles sont placées l'une et l'autre contre le côté de la digue, qui fait face à la partie inférieure du fleuve , afin que leurs ouvertures soient vis-à- vis du rivage. Dans les deux cas , on a soin d'en- tretenir continuellement la glace ouverte au- dessus de ces chambres , pendant tout l'hiver $ et on construit au-dessus de cette ouverture , une hutte de paille, assez spacieuse pour que les ouvriers puissent marcher librement autour du trou 9 et y entretenir un peu de feu pour se chauffer. On voit que dans l'un et l'autre cas , le pois- son qui suit la digue , cherchant un passage pour remonter le fleuve , est forcé d'entrer dans ces chambres. On va voir la manière dont l'intérieur est disposé , pour que les pêcheurs soient informés à l'instant de l'arrivée du pois- son, et qu'ils puissent s'en rendre maîtres. Le fond de l'eau est couvert d'un cadre composé de fortes perches , et garni d'un filet de petites cordes , ou ? en été , d'une simple claie d'osier. Aux quatre angles de ce châssis , est attachée une forte corde 3 ces cordes sont fixées à deux guindeaux à manivelle , placés au-dessus de l'ouverture pratiquée dans la glace , et au moyen desquels on élève le cadre. On tient au-. Tome L Q ^4^ 17^9* D E S' î -M B î R S & dessus de l'ouverture de la chambre , une grille tombante faite avec des perches et garnie d'une claie , [on ne s'en sert qu'en été ] ou un filet tendu sur deux perches en travers, de manière que le filet ferme l'ouverture lors- qu'on fait descendre la traverse jusqu'au fond, par le moyen de deux autres perches per- pendiculaires. Pour que les pécheurs puissent être avertis au moment où le poisson entre dans la chambre y afin d'en fermer aussi-tôt l'ouver- ture y ils placent au-devant de cette entrée , un grand nombre de ficelles qui tiennent 3 par un bout , à un petit bâton flottant en travers sur l'eau , d'où elles partent comme autant de rayons qui vont aboutir au fond de Feau , con- tre le châssis qui y est posé. Elles sont dispo- sées de manière , qu'aucun gros poisson ne sauroit entrer dans la chambre , sans en tou- cher quelques-unes , et sans donner par consé- quent des secousses sensibles au petit bâton flottait. A l'instant où les pécheurs apperçoï- Vent ces secousses , ils laissent tomber la grille ou le filet ; la chambre fermée, on fait remon- ter le châssis, au moyen des manivelles , et tout ce qui a été renfermé dans la chambre se trouve élevé. On retire le poisson avec des crochets ; on redescend ensuite le châssis ; on rouvre l'en- trée de la chambre pour une nouvelle capture» Trois ouvriers suffisent à ce travail. • Pour que ces ouvrier« ne soient pas obligea 3J A O Ü F A. 243 de veiller tonte la nuit , on a imaginé nn moyen très-simple , par leqnel le poisson se prend de lui-même , comme dans une trappe , et an- nonce en même-tems son infortune. On atta- che , à cet effet , soit à la grille tombante , soit aux perches qui tiennent le filet , quelques pierres > qui vont d'elles-mêmes au fond lors- qu'elles sont abandonnées à leur propre poids ; on adapte ensuite à une poutre placée en tra- vers du trou fait dans la glace, un quatre-en- chiffres ; c'est sur cette poutre que les ouvriers se tiennent lorsqu'ils virent les manivelles qui font remonter les châssis. Une des quatre piè- ces de bois qui composent le quatre-en-chiffres , sert de levier pour soutenir , ou la grille , ou la perche du filet 5 une autre est attachée vers le haut des ficelles tendues devant l'entrée de •la chambre : comme toutes ces pièces de bois tiennent l'une à l'autre par des entailles , et que tout l'appareil est tendu très-subtilement ^ pour peu que les ficelles viennent à être tirail- lées , le trébuche t saute ; la grille ou la perche du filet tombeau fond de l'eau, ferme l'entrée de la chambre , et tire en même-tems une au- tre ficelle qui répond à une clochette qui ré- veille les ouvriers endormis ; ils retirent alors le poisson, et dressent de nouveau le trébuchet. Cette ingénieuse machine est établie , en été , dès que les eaux se sont fixées à leur hauteur ordinaire ; on y prend , jusqu'à l'arrivée des Q 2 £44 17<%' DE SlMBIRSK glaces, de grands esturgeons ichtyocolles, des esturgeons ordinaires , et les autres poissons qui remontent le fieiive. Lorsqu'il commence à char rier des glaces , on enlève le tout 5 et Ton ne rétablit point la -machine, en hiver, avant les premiers jours de janvier, teins où le saumon blanc commence à remonter en grand nombre j c'est presque le seul poisson que l'on prenne jusqu'au printems , époque à laquelle on défait de nouveau toute la machine , à cause de la débâcle des places. Outre ces grands Oittschiougui , ou digues à poissons , on en établit un grand nombre de petites sur la glace , qui ne s'étendent qu'à peu de distance du rivage j on y prend de petits poissons et beaucoup de lamproies, dans des éperviers, nommés Séti , par les Russes 5 mais cette pêche n'est pas importante. Dans le teins des grandes eaux , on prend les différentes espèces d'esturgeons , avec de grands éper- viers , Nbvodi , ou avec un filet renforcé par un réseau fort large , fait avec de petites cor- des; c'est la principale pêche de cette contrée. Les poissons du Volga les plus estimés et qui se vendent le mieux , sont de la famille des esturgeons et des saumons blancs. Les derniers se transportent frais , pendant l'hiver, dans le nord de la Russie ; on ne les porte plus en- suite que salés et fumés , comme l'on fait ail- leurs du saumon rouge -? il est fâcheux que les 1 A O TT- FA." 245 pêcheurs le préparent mal , attendu que ce saumon fourniroit un mets délicieux si on le préparoit bien. Les différentes espaces d'esturgeons que Ton prend en été et en automne , sont transportés dans les lacs qui avoïsinent le Volga, lorsque les eaux se sont retirées. On les traîne , dans le fleuve même , Jusqu'auprès de ces lacs , aveG des cordes , dont un bout entre dans leur bou- che , et ressort par une de leurs ouïes. Ä ren- trée de l'hiver , on va les prendre avec des fi- lets., et on les transporte gelés. De toutes les espèces de la famille de l'esturgeon ., la moins recherchée est l'ichtyocolle 5 on en sale aussi une grande quantité 5 la tête d_e ce poisson s'ap- pelle alors Bascuka , et le morceau du ventre , Téscha. L'esturgeon ordinaire et le sévriouga se vendent mieux que l'ichtyocolle. Les œufs de ces poissons , qui forment le ca- viar, se transportent pendant l'hiver sans être salés. Celui qu'on prépare avec les œufs de l'esturgeon et du sévriouga, est le plus estimé. On sépare ces œufs de leurs ligarnens '9 en les faisant passer doucement au travers d'un ta- mis , ou d'un filet tendu à mailles étroites , appelé Grokhotici. On tire quelquefois du grand esturgeon jusqu'à cinq ponds, ou cent soixante-cinq livres de- caviar (1). L esturgeon •*- (1) Il faut cinq œufs de nchtyoçoile et sept de l'esturgeon q 3 7,^6 1769. B£ SlMBIRSr ordinaire n'en fournit jamais plus de trente- livres , et le sévriouga de dix à douze. On eiü sale ^ine grande quantité pendant l'été ^ et 011 Je transporte dans des barriques. Voici la ma- nière de le préparer : après avoir bien nettoyé- le caviar , et salé à plusieurs reprises , on le, met dans des caisses percées dans le fond comme un crible 5 on l'y charge de poids pour en faire sortir toute l'humidité fo quelquefois aussi on le met dans des sacs de toile, dans lesquels on le tord jusqu'à ce qu'il n'en sorte plus d'eau ; on le presse ensuite dans des bar- riques , et on verse de l'huile de poisson sur sa superiicie, pour le préserver de la corrup- tion. Dans quelques endroits on prépare une espèce de caviar avec les œufs du saumon blanc et du brochet 5 mais avant la salaison, on a soin d'arroser avec de l'eau bouillante les çeufs du dernier , afin d'en ôter les glaires dont ils sont entourés. Les Russes le nomment &RASNAIA Ikra , ( caviar rouge ) . Ils regardent les œufs du barbeau et de la brème comme mal-sains ; ils les jettent et les abandonnent aux oies et à la volaille. On ne jette rien de ce qui appartient à la ordinaire et du sévriouga pour faire le poids d'un grain. On peut jufTer , d'après ce calcul , combien de miliions d'oeufs nn pareil poisson contient. Il est étonnant qu'on ne prenne pas souvent de jeunes esturgeons 3 puisque c'est pour se dé- barrasser de leurs œufs qu'ils remontent le fleuve. jj , • A U ÎT T A.- -\ . ■ Si famille de l'esturgeon 5 les intestins se man- gent frais. Il a le long du dos un gros nerf qu'on a soin d'en séparer ; on le fait sécher • et comme il passe pour un mets délicat , on le vend fort cher aux amateurs. Les Russes le nomment VisiGA. On enlève aussi sur le champ la vessie d'air , dont on prépare cette colle de poisson , connue sous le nom d'IciiTYOCOLLA. La vessie de l'esturgeon ordinaire est la plus estimée; celle du grand esturgeon vient en- suite. La vessie du sévriouga^ -ainsi que ses ceufs pour le caviar, avec celle du -grand es- turgeon. Les vessies des sterlets ont la réputa- tion de fournir la colle la plus forte , à cause de leur viscosité \ elle est aussi . la meilleure pour les ouvrages de marqueterie. On fait tremper dans l'eau ces différentes vessies encore fraîches ; on les fait sécher ensuite 5 on les dé- pouille de leur première pellicule 5 en les frotte jusqu'à ce que l'épiderme s'en détache, et que les vaisseaux sanguins se découvrent et perdent leur humidité. Cela fait , on roule les .peaux blanches et luisantes > qui donnent pro- prement la colle, sous toutes sortes défigures, et on les fait sécher de nouveau. La meilleure .se roule en forme de petites couronnes $ celle de la seconde qualité se plie en forme de li- vre ; et la plus commune se sèche telle qu'elle 65 L. Dans les environs de Sixubirsk et le ..long Q 4 $48 17^9' 3>E SïMBIRSK du Volga , on est dans l'usage de tirer , par \& cuisson de ces vessies encore fraîches , une colle fine que l'on coule dans des moules de différentes formes. Le longdel'Okka, où l'on ne pêche que des sterlets % on prend la vessie de ces poissons 5 on la bat , on la met sécher , et la colle est faite. On prépare aussi pour le même usage les vessies du glanis sur les bords du Volga. Mais lorsqu'on veut s'en servir , il faut avoir soin de la piler avant de la faire cuire | et comme elle ne se fond jamais entièrement , il est nécessaire de la passer par un linge. On prétend que le glanis donne la plus forte colle pour l'usage des ébénistes. En plusieurs en- droits , on commence à faire de la colle avec la vessie du barbeau. De toutes les espèces de grands poissons y c'est du silarus glanis dont on fait le moins de cas. Cependant on a su rendre utile sa peau , qui n'est d'aucun usage dans les autres poissons. Elle est mince et unie comme celle de l'an- guille ; on i'étend pour la faire sécher , et elle devient transparente. On la vend aux gens de la campagne , et sur-tout aux Tatars , qui s'en servent en guise de vitres. Ces derniers em- ploient au même usage l'épiploon de différens animaux , desséché et nettoyé. J'ai observé que la peau du glanis est de beaucoup supérieure aux vessies dont on fait usage pour boucher les A TSCHIRÏKOVO. 2^9 bocaux où Ton renferme des animaux, parce qu'elle s'oppose, plus que toutes les autres Vessies, ài'évaporation de l'esprit-de-vin. S. IL De Tschirikovo a ■ S a m a r a. Mars. Tschirikovo , 3o verstes. — Krasnoï-lar , 10 y. Krestovoié-Goi^odistsché , 5 v. — Kamaîour- Rouskaia , 3o v. — Kamaiour-Tschouvasch- kaia ;5y. — Soukhodol , i5 v. — Nikoïskoé, 10 v. -r- Gorodistsché , 4 v- — * Késanovo , 9 v« — Santschalévo , 3o v. — Stavropol% 22 v. — Monts Schïgoulefshyé 'et Markvasch- fcyé. — JMarkvascli ,14 verst. — ScJdréiévo , 44 verst. — Semoï-Gorodok , 5 v. — Sokoli- Gori. — Podgori ,,5v. — Vypolsova , 2 v* -— J&oshestvino 9 8 y. — Samara , 5 v. On me fit une description si avantageuse des environs de Samara, que je résolus d'y aller attendre le printems, au' lieu de rester à Sim- birsk. J'y envoyai une partie de ma suite , en me proposant d'y arriver aussi pendant la sai- son du traînage. Quoiqu'il ne fut point tombé de neige pendant les mois de janvier et de février > et que , par une continuité de beaux jours , le soleil commençât à se faire sentir , il survint à la fin de février un froid %5o 1769. BE Tschiriîcovo assez rigoureux qui continua pendant quelques' jours , et entretint les chemins de manière à. pouvoir faire usage du traîneau. Avant de quitter cette contrée , je fus à Tschirikovo , village situé sur la Sviiaga , à trente verstes de Simbirsk. Le ruisseau de Biroutsch se jette dans la Sviiaga , après avoir traversé une lande qui forme le côté oc- cidental de cette rivière. Ce ruisseau est re- marquable par ses truites > par les myes ou moules à perles qu'on y pêche ? ainsi que dans plusieurs autres ruisseaux de cette contrée , et par les débris de squelette d'éléphans qu'on a découverts en plusieurs endroits de son rivage. J'ai vu à Tschirikovo plusieurs ouvrages faits avec une défense d'éléphant trouvée il y a vingt ans ; l'ivoire étoit ., à la vérité, un peu jaune. Un prand nombre de ces os , et même un crâne- d'élé'o liant , ont été recueillis des bords de ce ruisseau , devant la maison du seigneur de Na- gadkina, village situé à quinze verstes de Tschi- rikovo ; ce lieu est remarquable par ses beaux haras. J'ai vu aussi à Simbirsk des ouvrages faits avec de l'ivoire trouvé dans cet endroit , qui ne différoit en rien de l'ivoire le plus beau et le mieux conservé. La pointe seule de la défense em- ployée à ces ouvrages , étoit un peu calcinée , et commençoit a. s'exfolier. Il est étonnant que ce morceau ait pu se conserver aussi bien dans un climat chaud , pendant tant de siècles. On A S A M A R A. 2.5± prétend qu'il, existe près de Nagadkina deux anciens retranchemens , autour desquels on trouve beaucoup d'os humains > lorsque Ton y fouille. Si le fait est vrai, il fera triompher les auteurs , qui pensent que tous les ossemens «Telephons , trouvés en creusant dans les dif- férentes contrées du nord , viennent des élé- phans amenés par les- armées qui sont venues faire des expéditions dans ces contrées. On leur opposera, en revanche , une foule de rai- sons bien plus concluantes ; il est plus naturel de faire remonter T origine de ces débris , répandus jusqu'aux bords de la mer Glaciale, à des révolutions beaucoup plus reculées , et d'une plus grande importance, qui ont changé la face de notre çlobe. Je quittai Simbirsk le 10 mars. Un voyage d'hiver n'est guère propre à faire des observa- tions utiles. Les contrées que je traversai pour retourner à Stavropol, sont, en partie , con- nues par les détails que j'ai donnés de mon voyage de Stavropol à Simbirsk. ïl me fallut traverser de nouveau le Volsa , encore p-çlé , pour gagner 9 en ligne directe , le chemin de Krasnoï - lar ; mais comme la rive gauelie de ce fleuve est très - élevée , nous voyageâmes sur la glace jusqu'au village de Krestovoïé- Gorodlstsché , situé à cinq verstes plus loin. Le rivage est beaucoup plus bas en cet endroit. Ce lieu tire son nom d'un ancien retranche- * a5ü 3769. DÉ TSCHIRÏKOVO ment y situé sur une élévation qui s'étend ait loin ie long du fleuve , et qui est très-escarpés au nord et à Test. Ici on traverse un bas-fond, qui est inondé lorsque les eaux sont grandes , et qui n'est pra- ticable qu'en hiver. On côtoie ses bords éle- vés » argileux , et minés d'une manière très^ curieuse par les pluies et les eaux de neige. Le chemin étoit presque impraticable par les neiges que les grands vents du sud - ouest y avoient amoncelées ; les bords méridionaux de ce bas - fond , quoique très - chargés de cail- loux , sont trop peu élevés pour servir d'abri. Après avoir fait cinq à six verstes, nous ar- rivâmes au petit ruisseau de Kamaiourka , qui ne gèle jamais , quelque rudes que soient les hivers. J'y trouvai beaucoup de merles de rivière (1). Cette route est garnie de vil- lages , dont plusieurs portent le nom de ruis- seau. Le premier que nous vîmes , après avoir quitté Krestovoïé-Gorodistsché , est situé dans un bas-fond près du petit lac. Le pays com- mence à devenir beaucoup plus plat et uni. Après avoir passé le village de Nikolskoé ou Dourassovo, nous arrivâmes, le n mars, dans la nuit, près de la Tschéremschar» 5 nous non« embarquâmes pour aller jusqu'à Gorodistsché. Nous traversâmes ensuite une contrée de landes (1) Me rula aquaüea. Gesn. Sturnus cinelus. Lin. a Samara. 2.53 pour arriver à Stavropol. Nous eûmes un très* beau chemin depuis la Tschéremschan jus- qu'ici, attendu que les montagnes élevées, qui bordent la rive droite du Volga , servent d'abri aux vents du sud-ouest ? et empêchent les amon- cellemens de neige. Je restai à Stavropol jusqu'au 16 mars. Dans les tems où Ton ne peut traverser le Volga avec sûreté , on prend un autre chemin qui conduit à la Soka par une contrée garnie pie quelques collines , et de bois de bouleaux en- tremêlés de plusieurs autres espèces d'arbres. On trouve , dans cette route , plusieurs vil- lages Mordouans et Russes , tels qu'Ousiou- kova, Riskala , Bilaratki , Kouroumytch , et Zarevtschina : ce dernier est très-considérable. On passe ici à la rive droite de la rivière , parce que la gauche devient peu praticable , à cause des montagnes et des forets. Je fis cette route au mois de décembre de cette année , dans un petit voyage entrepris pour observer entière- ment cette contrée. Mais dans celui-ci, je tra- versai le Voloschka (1) , sur lequel est situé Stavropol : arrivé sur la rive droite du Vol^a, qui est garnie de rochers , je fus en traîneau jusqu'à Samara. La chaîne de montagnes cal- ci) Tous les petits bras Hu Volga, qui se détache»!: <^e ce fleuve et qui viennent ensuite s'y rejoindre, en fonnant des iîles, portent le aom de Voloschki. 2.54 1769* BE TsCHIRlKOVO caires , qui forme ici sa rive et la partie la plu? élevée de ses bords montagneux, appelés mon- tagnes du Volga , commence vis - à - vis de Stavropol , à l'embouchure de l'Oussa. Elles sont couvertes de bois dans toute leur étendue , et garnies de pins vers leur sommet. Le côté de ces montagnes , qui regarde le fleuve , ne présente qu'un rocher nu , à pic , ou des f 'rag- ïnens de rocs brises entassés les uns sur les autres , dont le tableau varié forme un coup- d'œil assez pittoresque. Une quantité incroya- ble d'oiseaux de proie se tiennent près de ces rochers , et y font leurs nids pendant l'été. Le vautour blanchâtre (1) y est aussi commun en hiver qu'en été ; on le nomme ici Biélokvost (ou queue blanche). Le grand fiucon de pas- sage y vient aussi nicher quelquefois 5 une très- belle espèce de canards roux ( 2 ) ne manque jamais de s'y rendre en été ; on les nomme, près du Volga , Krasnié-Outki et Karagatki. Les bois, fourrés des montagnes, donnent re- traite à des ours noirs, et à d'autres animaux à peau rousse, et quelquefois à des loups cerviers. Les martres y sont rares ; mais on if prend, en revanche, beaucoup d'écureuils de grande taille et d'une très-belle espèce ; ils sont d'un gris blanchâtre : leur fourrure mérite (ï) Vahur alblcilla. (1) Anas rutila* â Samara. $55 d'être placée immédiatement après celle de l'Isa- tis. On prend aussi de ces écureuils dans les bois qui bordent la Samara , et dans toute la contrée supérieure de la Soka. Lorsque l'at- mosphère est chargée d'humidité , ou que le tems veut se mettre à la pluie , ces montagnes calcaires s'enveloppent communément de va- peurs ou brouillards , qui indiquent assez bien le changement de tems aux habitai] s du voisi- nage. J'ai toujours vu , malgré la longue sé- cheresse qui précédoit le printems de cette an- née, circuler autour de ces montagnes un air chargé de vapeurs ; et lorsqu'il s'élevoit des nuages au-dessus de l'horizon , les brouillards empêchoient presque entièrement de distinguer ces montagnes. Quelques-unes ont plus de cent toises de hauteur perpendiculaire. Il sort , de distance en distance , au pied du rivage de ces montagnes, des sources qui empêchent, dans ces endroits , la glace de bien prendre : ce qui rend les courses sur le fleuve très-dangereuses , sur - tout pendant la nuit, dans les tems de brouillard , et lorsqu'il tombe beaucoup de nenge. Le premier endroit que Ton rencontre dans ces hautes montagnes, est le village domanial de Markvasch , situé dans un angle. Les ro- chers brisés de la montagne, qui est au nord de ce village , forment nn fort joli coup-d'œii. On ne trouve aucune habitation , et on ne voit que 2.56 1 /jjfip-« B 3B 'TiCHÎRlKOVÔ des rives escarpées , depuis ce village jusqu'à celui de Schiréïévo , situé près d'un Voloschka ^ formé par une vaste île qui s'étend au-delà de l'embouchure de la Soka. Il se forme des bancs de sable à toutes les embouchures des rivières et ruisseaux qui se jettent dans le Volga ; ils sont occasionnés par les terres chariées par le fleuve, et qui s'accumulent facilement^ à cause du peu de rapidité de son cours. La rive gauche du Volga devient intéressante , lorsqu'on a passé le village de Schiréïévo. Cette rive est également bordée de rochers qui s'élè- vent à hauteur de montagnes j elles sont cepen- dant beaucoup plus basses que celles du rivage opposé. La rive gauche de la Soka est pareil- lement bordée d'une chaîne de montagnes éle- vées et assez escarpées , garnies de petites fo- rêts épaisses : elles suivent cette rivière jusqu'à son embouchure dans le Volga ^ et vont aboutir immédiatement à celles qui se trouvent au- dessous de Schiréïévo , dont elles paroissent avoir été séparées avec violence. Il n'est pas douteux que ce ne soit la continuation de ces montagnes de la Soka qui accompagne , en des- cendant , la rive gauche du Volga 3 elles sent d'abord assez hautes , et presque toutes de roc : elles vont ensuite , en déclinant,, se perdre peu-, à-peu vers Samara , en s'étendant vers la partie orientale de la rivière du même nom. La colline assez élevée qu'on apperçoit sur la A S A M A R A.J 2&7 ïa rive septentrionale de la Soka , près de son embouchure., est un morceau détaché de ces montagnes calcaires. Cette colline, connue sous le nom de Zarev-Kourgan , est située à la jonc- tion du Kouroum avec la Soka. La source de ce ruisseau est à environ neuf verstes d'ici , près du village de Staroï * Bilaratki ; il passe. entre plusieurs élévations ou plates - formes garnies de bois de bouleaux. On y a construit des digues en deux endroits, pour fournir de l'eau à des moulins. La colline est située sur un terre-plein dans l'angle formé par le Volga, la Soka, et le ruisseau de Kourouni. La base ovale peut avoir- un vevste de circonférence sur environ vingt toises de hauteur perpendiculaire* Elle est entourée des deux côtés par la Soka, qui forme un arc 5 à l'ouest et au nord , par le ruisseau de Kouroum et le village de Za- revtschina, situé au pied de cette colüile : ce lieu renferme plus de cent maisons de labou- reurs aisés. La partie occidentale de cette col-' line est» garnie d'arbres depuis sa cime jrtsqu'en- bas : les autres côtés sont nus , à l'exception de leur base. Elle est composée, ainsi que les montagnes qui bordent lé rivage opposé de là Soka / de pierre calcaire grise et grossière , qui renferme peu de pétrifications , à l'excep-5 tion de petites madréporites, qui ont la ligure d'un grain de froment. On voit les couches de cette pierre calcaire traverser horizontalement Tome I* R &58 î 769. DE TsCHlRÎKOYO la colline , quoique le grand nombre des mor^ ceaux qui s'en sont détaches y occasionne uïi désordre apparent. Ceci , joint à la figure co- nique de cette colline > a donné lieu à heau^ coup de fables sur son origine, quoique Fou- voie aisément que c'est Un morceau détaché par la Soka des autres montagnes calcaires $ les fréquentes inondations de cette ri\ière l'ont arrondi peu-à-peu. On rapporte qu'à une épo- que très - reculée , une forte armée passant dans cet endroit , le général , pour laisser un monument de sa puissance, ordonna à chacun de ses soldats de porter à cette place , une fois seulement , plein son bonnet de terre : et que c'est ce qui a formé cette masse énorme qu'on voit encore aujourd'hui. Mais , malheureu- sement pour l'historien 9 cette colline est composée , en plus grande partie , de grands quartiers de rochers , qui , par conséquent f n'ont pu entrer dans un bonnet , ni même être soulevés par aucun de ces guerriers. D'au- tres , renchérissant encore sur le merveilleux de cette histoire, ajoutent que cette armée est revenue le même jour 5 mais qu'elle avoit es- suyé un si terrible échec , que chacun des, soldats échappés au carnage , ayant reçu, ordre de reprendre , en passant ,, sa petite mesure de terre , il en étoit resté assez pour former cette colline. A moitié chemin de Schiréïévo à Podgory , a Samara? a5^ dépendance du comte Orlqf, est un endroit appelé aujourd'hui Sernoï-Gorodok. La fabri- cation du soufre y a été transportée des bords de la Soka , au commencement de ce siècle. On y a construit quarante fourneaux , et les bâtimens nécessaires à la fabrication. Cet éta- blissement se trouve placé sur la rive escarpée du Volga j, au pied de la montagne d'où l'on tire le soufre fossile , qui est si renommé. Je donnerai , dans la suite , une description dé- taillée de cette montagne. Un peu plus sur le côté, et parmi les montagnes de roc? qui bor- dent la rive gauche du Volga , est une autre montagne encore plus remarquable que celle de Sernoï. Je m'y transportai aussi - tôt après mon arrivée à Samara. Située vis-à-vis la pre* mière , elle est connue , de même que toutes celles qui l'avoisinent , sous le nom de Sokoli- Goki ( montagne du faucon ) ; elle est entière- ment composée d'une pierre calcaire blanchâ- tre, et quelquefois jaunâtre,, remplie do petits creux et de trous , comme si elle a voit été exposée sous des gouttières. Dans plusieurs places , ces trous sont remplis d'une marne crétacée (1). Il y a dans cette montagne deux petites cavernes. L'élévation de celle qui est au nord-ouest est de six à sept toises au-dessus - (i; Creta arge maria , vel marna cretacea. R 3 %6à î 769. DE TSCHIRIKOVO du Volga ; elle forme une belle grotte voûtée J large de deux toises sur environ cinq pieds et demi de hauteur. Elle se perd dans la monta- gne par plusieurs petits souterrains si bas y qu'on ne peut y pénétrer qu'en marchant à quatre. L'autre est sur une pente rapide cou- verte'd'argile, à * quinze toises plus au sud, et à une toise de hauteur de plus. Son entrée, qui est plus étroite , est à l'ouest- sud-ouest 5 elle a deux toises de large sur une d'enfonce- ment ^ elle se perd en petits souterrains de dif- férentes hauteurs , qui pénètrent à environ huit toises de la montagne : ils sont aussi bas que ceux dont nous venons de parler. Dans plusieurs places , la pierre calcaire qui com- pose cette montagne , a la blancheur de la ï^eige : son terre - plein est d'une argile limon- neuse, qui remplissoit peut-être autrefois tout« sa cavité. La chaîne de montagnes , qui bordent jus- qu'ici la rive du Volga , s'en éloigne avec les montagnes de soufre , près du village de Pod- gory : une partie s'étend dans les terres ou du côté de l'ouest : de sorte qu'il se forme une plaine entre la courbe que le Volga décrit et le dos de ces montagnes. C'est dans cette plaine que sont situées les terres de Vipolsova, Ro~ shestvino, Novinki, et Tornofoé. Nous côtoyâ- mes celle de Vipolsova : et pour arriver à Sa? A S A M A R A? 5L6f Strara , il faut traverser une île fort basse , située près de l'embouchure de la Samara , dans i# Volga. $.11 I. De Samara a Roshestyino. Samara. — Roshestvino > 5 verstes. Avril. Le tems se remit au dégel le lendemain de notre arrivée • la douce température se main- tint pendant tout le reste du mois de mars : aussi les hauteurs voisines de Samara , expo- sées au midi , furent-elles dégarnies de neige ; il en tomfya encore beaucoup pendant la nuit du3i au icr avril : mais elle dura si peu, que, le 12 , la campagne commençoit à verdir. Les glaces du Volga devenant de plus en plus dan- gereuses , je me hâtai défaire plusieurs petits voyages dans les environs avant la fonte totale des neiges. Le 9 avril , la glace se rompit dans la Samara et à son embouchure. Les eaux commencèrent à monter ; et, le n , le Volffä se dégela telle- ment , que , le même soir , les deux tiers de son lit furent dégagés des glaces. Un. vent du nord , qui s'éleva, le i3 , lui lit encore charier, beaucoup de glaçons jusqu'au i5 , et acheva de balayer la fleuve entièrement. Il est rare Il 3 262 ï7^9* BE Samara que le dégel du Volga , dans ces contrées > arrive plus tard que le i5 avril : la débâcle se fait quelquefois en mars* On a toujours observé qu'il s'élevoit , peu de tems après , un vent du nord,, qui occasionnoit la débâcle des gla- çons. > ; Avec un aussi beau tems , la campagne fut couverte de fleurs à la mi - avril. Les saules marceaux ( 1 ) et les coudriers ( 2 ) commencè- rent à fleurir le 14 ; du x5 au 17, toutes les hauteurs découvertes étoient agréablement par- semées de fleurs du petit ornithogale (3) , de la coquelourde (4) , et de l'adonis printannier (5) ; autour des buissons , la violette de mars (6) f et la coquelourde de Sibérie ( 7 ) , étoient en (1) Salix caprea latifolia. (i) Corylus. (3) Ornithogalum minimum. (4) Anemone pulsatilla. (5) Adonis verna. (6) Viola mania. (7) Anemone patens. Elle est la plus commune Je toutes les fleurs printannières de cette contrée. Elle offre un grand nombre de variétés dans toutes les couleurs. Elle a toutes les nuances de bleu, celles du blanc, mais rarement d'un jaune pâle, On l'appelle, dans le pays, Odnomésetschnik, parce qu'elle ne dure point au-delà du mois d'avril. On en orne les appartemens, en la liant par chapelets sur de petits branchages. On en tire une couleur bleue, en faisant une o * décoction avec un peu de chardon colorant et d'alun ; et un verd superbe pour la peinture à gouache, avec un mélange de chaux vive et d'alun. A RöSHESTVINO 2&3 pleine floraison» Le bouleau et le cormier (i) commençoienU aussi à se mettre en chatons , et , depuis le 2,0 , tous les autres arbrisseaux. L'amandier, le cerisier sauvage , la fritillaire des Pyrénées (2.) , la tulipe sauvage (3) , l'iris naine (4) à. fleurs bleues, pourpres, jaunes, ou toutes pâles $ la valériane bulbeuse ( 5) , la pécliculaire chevelue (6) , deux espèces d'as- tragale (7), et beaucoup d'autres plantes , étoient déjà en fleurs avant le 20 avril, et formoient un tapis agréable sur toutes les monticules. Le pommier sauvage , qui est l'arbuste le plus commun des environs de Samara , commença à fleurir avant la fin du mois , ainsi que le caragan frutescent (8) , et le cytise velu ( 9 ) , qui s'empare communément de toutes les places humides des landes. On le nomme ici Belgek , et on donne au caragan frutescent le nom de o TSCHILIGA , OU de TSCHÉLESNIK. Les oiseaux de passage arriveront beaucoup plutôt. On y apperçut des bandes d'oies et de (1) Sorbus* (z) Fritillarla Pyrenaica* (3) Tulipa sylvestris. (4) Iris pumila, (5) Valeriana bulbosa. (6) Pedicularis comosa. (7) Astragalus uralensis et tragacanthoïde*. (8) Robinia frutescens.* (s>) Cytisus kirsutuk* %64 1769. de Samara cygnes sauvages ? dès le 19 mars. Le iS , on .voyoit quantité cle canards de toute espèce dans les endroits où la rivière étoit débarrassée des glaces. Le vanneau (1) ne parut que le 26; .mais avant la fin de mars , toute la volatile aquatique étoit arrivée. J'ai remarqué qne non seulement dans ces contrées , mais générale- ment dans toute l'Europe > ces oiseaux de pas^ sage se rendaient de l'ouest et du nord-ouest. En revanche ? le pélican (2.)* les cigognes (3) , dont on voit ici une espèce toute blanche , nonimée Sterciïi (les grues ) (4)> ainsi que les oiseaux terrestres ? s'y rendent des pays méridionaux. Les corneilles cendrées ou gra- nivores (5) parurent dès la mi-mars , et furent par conséquent les premiers des oiseaux ter- restres. Le ramier (6), l'étourneau (7), et l'alouette des Alpes (8) ne se montrèrent que vers la fin de ce mois ; ils se rendent ici par bandes , et sont aussi communs que les moi- neaux. On vit enfin venir la huppe (9) , qui y (1) Trlnga vannellus, (a) O locrotalus. (3) Cicojiiœ (4) Ardea grus. (5) Carnix granivora* (6) Palumhus. torquatus* (7) otu/m'-S. (8) Alauda Alpes tris. (?) Vpupa epups* A RoSHESTVXtfO» "0)5 est aussi commune. A la même époque , il parut , dans tous les endroits ou la neige a voit disparu , beaucoup de musaraignes ou sous- liks (i) , qui diffèrent à l'extérieur de celles dont j'ai déjà parle. Ils étoient en chaleur, et s'accouploient. Les insectes ne se montrent qu'avec les fleurs. Les abeilles, domestiques et sauvages , se nourrirent d'abord des fleurs de la coquelourde et du saule. Les autres in- sectes j qui parurent en même tems , sont le papillon du nerprun (2) , du chardon (3) , du sinapis (4) , le papillon daplidice (5) y et deux cicindèles (6), Malgré le teins chaud et le grand nombre d'insectes , on ne vit point d'hiron- delles avant le 16 avril , qu'elles arrivèrent avant le guêpier (7). C'est une preuve que les hirondelles doivent être mises au nombre des oiseaux de passage 3 sinon elles aüroient paru au moins aussi-tôt que les insectes. On necon-i noît point, en Russie, la fable feite sur l'ha- bitude des hirondelles de passer l'hiver au fond de l'eau, quoiqu'il n'y ait pas de pays dans l'univers où il se fasse autant de pêche ^ et oi\ (ï) Mus citillus. (z) Papillo rhamni. (3) Ppgilw cardui. (4) Papillo sinapis. (5) Papilla daplidice. \6) Cicindela hy brida et campe 'Stris-, (7) Mcrops. *z66 iy6g> de Samara Ton tire autant le filet , tant en hiver , sous la . glace , qu'au printems , aussi - tôt après la dé- bâcle des glaces. Les froids , qui surviennent ordinairement en automne , chassent de bonne heure les hirondelles de ces contrées j il peut arriver que , dans les climats plus doux de l'Europe , quelques-uns de ces oiseaux , ayant retardé leur départ, soient tombés dans l'eau ou dans quelque cavité , n'ayant plus la force de se retirer , ni d'entreprendre une longue traversée , après avoir été surpris par les tems humides , si communs en automne. Avant d'aller plus loin , je vais donner la description de Samara. Cette ville est presque entièrement bâtie sur le bord du Volga ; elle occupe l'angle formé par la partie septentrio- nale de l'embouchure de la Samara. Elle étoit anciennement défendue par un fort construit en bois , qui a été incendié en 1708 ; on éleva y en 1704, une fortification régulière en terre sur une hauteur unie , située à l'ouest , entre le fleuve et la rivière : elle existe encore au- jourd'hui , et on ne peut y arriver que par des défilés. Cette ville prospère de jour en jour davantage ; elle doit cet accroissement au bé- tail que ses habitans élèvent , et au grand com- merce qu'ils font en poissons frais et salés, et * en caviar. Ils se rendent , en automne et au printems , en caravanes sur les bords de l'Iaïk y pour y vendre leurs marchandises aux négo- A RöSHESTVtNO 267* cians des contrées septentrionales et occi- dentales. Pour faciliter ce commerce , on jette un pont sur la Samara à chaque printems ; d'où ils se rendent en droiture à laïtskoï-Gorodok par un chemin qui traverse les landes. On a établi sur cette route, de distance en distance, des cabarets , appelés Oumet ou Zimoyié, ainsi que des ponts sur la Motscha , l'Irguis , et les autres gros ruisseaux qui arrosent les landes. Les Kosaques de l'Iaïk prennent aussi cette route lorsqu'ils vont faire leurs emplettes de blés , et qu'ils parcourent les pays fertiles ar- rosés par la Samara , le Kinel , la Soka , la Tschéremschan , et le Vo]ga. Plusieurs habitans de Samara possèdent le droit de pêche sur le Volga, la Motscha , et l'Irguis. Outre les bestiaux qu'ils élèvent , ils font encore un petit commerce de moutons Kalmouks et Kirguis , de peaux, de suifs , &c. Les métiers n'y prospèrent point ; ils ont seu- lement quelques tanneries , dont une de cuir de Ptoussi , et une petite manufacture de savon. Le civil dépend d'un commissaire , qui res- sortit à la chancellerie de Kasan ; mais les Ko- saques dépendent du gouvernement militaire d'Orernbourcr. L'ancien district de la ville a été presque entièrement réuni à ce dernier (1). (1) Ceci est change : Samara , qui faisoit parlic de la &6& ^7^9- » & S À M A R JL En hiver , Samara est le rendez-vous des Ta- tars de Kasimof , qui y apportent les peaux d'agneaux qu'ils reçoivent en troc des Kirguis et des Kalmouksd'laïk ; ils nomment ces peaux Merlouschki. Après les avoir assorties , ils les font apprêter et coudre en pelisses , ou tou- loupes (i), par les Kalmouks chrétiens, habi- tans de cette ville , avant de les porter à Mos~ kou ou ailleurs. La plus grande partie des fines peaux d'agneaux, débitées en Russie , vien- nent de Samara , ainsi que les fourrures faites avec les pattes de ces mêmes agneaux , qui font une partie du paiement des femmes Kal- nioukes , qui cousent les fourrures. Elles les apprêtent et les cousent d'abord par bandes , et en font ensuite des pelisses qu'elles vendent à très -bon compte. Elles se procurent le fil nécessaire à bon marché , en effilant la toile de Russie , qu'elles coupent par morceaux d'une aune ; elles s'en servent pour coudre les peaux communes : celles qu'elles destinent à leur usage le sont avec des nerfs d'animaux effilés : ce qui est bien plus solide. Aussi-tôt que le Volga est débarrassé de ses glaces , on voit passer devant la ville un grand province de Simbirsk , gouvernement de Kasan , est aujour- d'hui le chef-lieu du cercle de son nom , gouvernement de Simbirsk. En 1774 > e^e renferment deux mille maisons sans les bâtimens publics. (x) Espèce de manteaux fourrés«. - A RoSHEStVINO; 2,6$ tîOmbre de bâtimens , qui remontent et descen- dent le fleuve , et quelques - uns y abordent. Ceux qui descendent sont ordinairement char- gés de bois de construction et autres , de vases de bois , de poterie , de fer travaillé , de mar- chandises étrangères , et de toutes sortes de grains , ceux qui remontent ne portent que du sel d'Elton, quelques marchandises d'Astra- khan , des peaux , des suifs , et autres pareilles denrées. Le pays qui entoure Samara est une lande assez unie , qui s'élève peu- à -peu en colline. La partie située sur la rivière du même nom , est entrecoupée de profondes ravines creusées par l'amas des eaux de neige. Le sol ne présente par-tout qu'une argile mêlée de pierres et de Sable ; il devient plus sablonneux à mesure qu'il s'approche du Volga. On trouve , dans ces ravines et sur les rivages , quantité de cailloux, et de pierres à fusil , parmi lesquels on voit des agates d'un jeu très-vif. Il y en a de flam- mées, et d'autres qui représentent des congé- lations, très-finement dessinées. On a ramassé, depuis peu, un grand nombre de ces pierres > pour les faire tailler dans une manufacture établie à Caterinenbourg, près de la Samara : et à quatre ou cinq verstes de la ville, est une monticule dont la couche supérieure est com- posée d'une terre noire ; celle qui suit est d'une marne blanche tirant s/ur le gris 5 elle est , 2.JO lj6(). 3) e Samara., clans l'origine > un peu poudreuse ; mais elle prend , dans la suite , la nature de la craie. Plus bas , on trouve un gypse qui paroît être candi ; il acquiert plus de solidité et même de dureté à mesure qu'on arrive à sa base. Il y à dans ce gypse de gros cailloux d'agates très^ joliment veinés. Cette monticule ou colline est couverte de très-belles plantes, mais remplie d'enfoncement et de trous occasionnés par des éboulemens de terre, qui viennent apparem- ment des ravins souterrains formés par les eaux de neige : ces eaux lavent et entraînent, peu- à-peu , des portions d'une terre légère, qui se trouvent entre la pierre de gypse : le terrain supérieur , ainsi miné , doit nécessairement s'écrouler. Ces places ou enfoncemens sont gar- nis de broussailles de diverses espèces. A quinze ou vingt verstes de Samara , on rencontre par-* tout une lande élevée , composée d'une terre noire ; l'herbe y croît à-peu-près à la hauteur d'un homme , et l'on est obligé d'y mettre le feu au printems. C'est dans des lieux pareils que les Kosaques de Samara tiennent leurs métairies OU Kl! OU TORI. Tous les coteaux qui bordent la Samara for* ment une rive élevée ; ils sont dans une si heu- reuse exposition , et le sol est si fertile, qu'il n'y a point de contrée dans l'empire de Russie plus propre à 1ä culture de la vigne. Je ne doute nullement d'une parfaite réussite , si on aban- A PlOSHESTVÏKO £ft iâonnoit ces soins à clés vignerons expérimentes f qui sussent adapter la qualité des ceps à la nature du sol qui est un peu argileux. Ou pourroit également y cultiver beaucoup d'au- tres productions , qui exigent un climat chaud, et qui réussissent dans là partie méridionale de l'Europe . Mais on ne s'est encore appliqué à aucune culture de ce genre , excepté celle des arbouses ( melons d'eau ) , et du poivre d'Es- pagne , ou plutôt poivre de Guinée. Les hahi- tans de Samara ont un grand nombre de jardins à melons, nommés Bakschi , dans les landes baignées par la rivière. Ils les entourent à peine d'une haie, les labourent, et sèment ensuite les graines. Ils les arrosent dans les tems secs ^ lorsque les melons commencent à mûrir , leurs enfans les gardent. Ils en recueillent une si grande quantité , qu'ils en font confire dans le sel y comme les cornichons et les concombres ; mais je n'ai jamais rien mangé de plus fade. D'autres personnes en font une confiture très- douce, qui ne réussit pas toujours. Le poivre de Guinée ( 1 ) se cultive encore plus abondamment à Astrakhan qu'à Samara ; on le vend sous le nom de Stroutschkovoï- Perez (poivre à gousse); ou sous celui de Krasnaia-Gortciïiza (moutarde rouge). On le sème de la même manière que les choux , »IWI I "" (i) Capùcum annuum. Zj% IJ69. de Samara. en Russie, c'est à-dire, clans des caisses plates posées sur des pieux. Au commencement de juin, 011 transplante les jeunes plants dans les carreaux des jardins ; on les plante par rangs à distance égale ., et on les arrose jusqu'à ce qu'ils aient acquis de la force. Il est très -rare qu'une gelée prématurée les empêche de mû- rir. On fait sécher au four les capsules venues à maturité î on les réduit ensuite en poudre dans des mortiers de bois. Elle se vend deux roubles le poud^ et quelquefois un peu moins : c'est l'épice à Tusage du peuple. Une grande partie de ces plantations de melons d'eau et de poivre ne sont faites qu'à la fin de juin dans les terrains bas , lorsque les eaux se sont retirées. Ils mûrissent presqu'aussi-tôt que ceux qui ont été semés long-teins avant. On com- mence à établir , près de Samara ^ des vergers de pommiers de la même espèce que ceux que l'on cultive avec grand succès aux environs de Simbirsk et de Sysran; mais les chenilles, et plusiem<$ autres insectes , multiplient si pro-. digieusement ici, qu'on ne peut se flatter de réussir. Les fruits qui viennent sans culture sont un grand nombre de pommiers, d'amandiers nains ( 1 ) , et de cerisiers de bois (2). Cet (1) Amyddlus nana. (2) Ce ras us pumUu. arbra A ROSHESTVINO. %fô arbre , assez haut de tige , porte un fruit très- parfumé : son jus se conserve souvent pen- dant deux ans dans une glacière \ il se vend à bas prix , et procure une boisson très-agréa- ble en été. On a essayé d'en transporter à Mos- kou , au moment oii la navigation est ouverte : cet essai a très - bien réussi. Lorsqu'on laisse fermenter ce jus, on en obtient un excellent vinaigre, qui conserve tout le parfum du fruit. On conçoit facilement qu'en le mêlant avec quelque liqueur spiritueuse , ce mélange vau- droit les ratafiats de la meilleure qualité. Ces cerisiers et amandiers nains forment de superbes haies autour des jardins y ils fleurissent de très- bonne heure. Rien n'est aussi agréable que leur floraison : et le pommier sauvage est l'ar- bre le plus propre à la formation des baies vives. Ce pays a encore beaucoup d'autres ar- brisseaux assez remarquables, très-jolis et très- propres à l'embellissement des jardins du Nord , tels que l'érable de Russie (1), appelé ici Né- Klenn , le caragan (2), la spirée crénelée (3), qu'ils nomment Tavolga , le cytise à feuilles de trèfle (4), et le chè^jefeuille de Russie (5). (1) Acer Tataricum. (2) Robinui frittes cens* (3) Spirea crenata. (4) Cytlsus sessilifolius* (£ SâMAB-A Outre les belles plantes printanières citées ci-dessus > il en croît sur les hauteurs voisines de la Samara un grand nombre d'autres très- remarquables et très -curieuses. Les principales sont deux espèces d'orcnnette (1) . l'œillet pro- lifère ( 2 ) , la clématite à tiges droites (3 ) , l'euphorbe, des blés (4) , la sauge des bois et celle à épis penchés (5) ? laphlomide tubéreuse , et la phlomide herbe-au-vent (6) 7 la molda- vique à fleurs de thym , et celle de Sibérie (7) , la chat aire violette ( 8 ) , le sainfoin com- mun (9) ? trois espèces d'astragale (10), la centaurée de Russie (11), le chardon cya~ noïde (12) , l'inule hérissée et odorante ( i3 ). L'orcanette échioïde (14) est la plus commune (1) Onosma echïoides et simplicissima, {?„) Dianthjs pro Ufer, (3) Clematis recta, (4) Euphorbia segetalis. (5) Salvla nemorosa et nutans. (6) Phlomis tuberosa et herba vend. {7) Dracocephalum thy rniflorum et Sibirlcum, (8) Nepeta violacea. (9) H-Jdysctrum onobryckis. {10) Astragalus pihuis , grandißorus , contortupllcatus , (m) Centaurea Ruthenica. Lain. Dict. vol. 1, p. 663, ti°. 3. Centaurea, n°. 71 > Gmelx FI. Sib. 2,, p. 89 , t. 41, Cette belle centaurée est cultivée depuis plusieurs années au jardin national des plantes de Paris. (la) Carduus cyanoides, (»3) Inu a hiria et odorata» (14) Onosma echïoides. A Röshestvinö. iy5 de toutes ces plantes : sa racine , qui est lon- gue^ est comme enduite d'une belle couleur sanguine ; les jeunes filles la recueillent \ la mêlent avec de l'huile , et s'en servent au lieu de fard. Les Russes l'appellent KoumjEniza, et les Tatars Krschah. Il croît aussi, sur la rive basse delà Samara > entre les pierres , une espèce de carence sau- vage (i) : ses racines,, qui sont fort minces > ne paraissent pas propres à la teinture : aussi les gens de la campagne ne se servent ici, pour teindre en rouge , que de la racine de l'aspe- rule rubéole (2,). On trouve , à quelque dis- tance de la ville , dans les places où le bord de la rivière est très-bas , la réglisse à gousses velues (3) \ on l'emploie comme un bon remède domestique. 11 croît ici beaucoup d'asperges sauvages (4) , ainsi que sur les bords du Volga : mais elles sont rarement de la grosseur du pe- tit doigt. Les meilleures sont celles que l'on coupe dans les lieux un peu élevés, après la retraite des eaux. Les ha bi tans de ce pays ne connoissent point encore ce présent de la na- ture , ou du moin^pls n'y font pas attention. Parmi les animaux remarquables , on dis- (1) Rubla pereMrina. (i) Aspenda tinctoria. (3) Glycyrrhï^a hïrsiua, (4) Asparagus* s 2 £j6 1769. de Samara tingue d'abord le loir (1) ■ qu'on engraisse , en Italie , pour la table des grands : il mérite qu'on en fasse mention. J'ai trouvé ce quadrupède dans les cavités des rochers des montagnes de l'ouest : les liabitans le coiinoissent sons le nom de Zemlianaia - Bielka (écureuil de terre). J'ai souvent enfermé , pendant l'été ? cet ani- mal dans une glacière y ainsi que plusieurs de ceux qui dorment pendant l'hiver , tels que le hérisson ordinaire (2) et la musaraigne (3). Cette expérience m'a toujours réussi : au bout de quelques jours , ces animaux n'ont jamais manqué de s'engourdir au point de devenir en- tièrement insensibles. Le plus joli, et en même teras le plus sin- gulier de tous les petits quadrupèdes qui vi- vent dans les landes , est un lièvre nain ( 4 ) de la grosseur d'un rat ? et à-peu- près de la couleur du lièvre. Ses oreilles sont rondes , et plus courtes. Il vit solitairement dans des ter- rains couverts de broussailles, et abondans en (1) Sei unis g fis. Erxleb. p. 4 a p. (t) Echinus terrestris. (3) Musaraneus. (4) Lepus minutus. On trouve une description exacte de cet animal dans les Dissertations de L'Académie impériale des Sciences de Pétersbourg. Je me suis contenté de rap- porter ici quelque chose de sa manière d'exister; c'est le lepus pus illus de Linnéi ( Mant. a , p. 51a ) et à'Erxleben^ Pa2- 338- A RoS-HESTVIlSrOr 1JJ plantes \ il y creuse un terrier assez profond avec une ou plusieurs entrées. Il y reste tout le jour, et n'en sort que sur la brune, pour aller chercher sa pâture. Le soir , et au lever du soleil , il appelle , par un cri retentissant y qui tient beaucoup de l'appel 'de la caille 5 on l'entend à la distance de quelques verstes. J'en ai vu le long des deux rives du Volga ,. vers la partie supérieure de la Samara, auprès du Ki- nelet del'Iaïk , jusqu'à l'entrée des landes sa- lées. Peu de paysans le connaissent ; ils igno- rent l'origine de ce cri qu'on entend si fréquem- ment, à l'entrée de la nuit , dans toute cette contrée. Quelques-uns l'appellent , à cause de ce cri , Tschokouschka , et lesTatars Soulgan.- Vers la fin de mai , sa femelle met bas , de quatre à six petits , qui sont tous nus et aveu- gles pendant les premiers jours. Leur accrois- sement est très - prompt. Pendant l'hiver , ces animaux font, sur le gazon, par - dessous la neige, de petites galeries pour se procurer leur subsistance. Ils préfèrent, en été, les feuilles du cytise velu et des plantes succulentes à toute autre nourriture : ce qui n'empêche pas leurs crottins d'être très-secs, et de ressembler à de la dragée de plomb , ou à des grains de poi- vre. Ce sont les crottins qui font découvrir le terrier de cet animal , parce qu'il est habitué de les déposer en tas à la proximité de sa de- meure* S 3 £j8 1769. de Samara Le rat musqué (1) est aussi très-commun le long' de la Samara,, dans les lacs qu'elle forme dans les bas-fonds 5 plus on remonte cette ri- vière , plus il devient rare : on ne le trouve plus auprès de l'Iaïk, tandis que c'est l'animal le plus commun dans la partie septentrionale du Volga jusqu'à l'Okka. On en prend beaucoup dans les nasses et filets à poissons au printems et en automne. On les y trouve communément étouffés , quoiqu'ils doivent résister très-long- tems dans l'eau , d'après la structure des parties internes de leur corps. Ce rat fait son trou sous l'eau dans les rives élevées des étangs ; il ]e perce obliquement dans la terre , afin de rester à sec. Il ne respire donc, en hiver, que l'air souterrain de sa petite caverne. Aussi-tôt que les glaces sont fondues , on le voit reparoître sur l'eau , et jouer au soleil. On prétend que cet animal meurt aussi-tôt qu'on le tire de son élément. J'en ai cependant gardé en vie , pen- dant plusieurs jours , dans des vases très-étroits. Il se nourrit de vers , et sur-tout de sangsues (1) Sorex moschatus. M. de Llnnée a mis cet animal dans la classe des castors ; d'après tous ces caractères 5 ce n'est qu'un rat (sorex.) M. Pallas. C'est sans doute d'après ]a classification de Llnnée , que M. Le'péchin l'a nommé castor moschatus. Il en a donné la description et la figure dans ses voyages. Voyez aussi ceux de Samuel-George Gmelin. C'est le desman de Buffon , Hist* nat. X, pag. 1 , t. 1. A RöSHESTV. IN Ö;r qu'il tire de la bourbe avec une vitesse éton- nante : cette facilité lui vient de son museau y qui est fort sensible et très - nerveux ; il lui fait faire tous les mouvemens imaginables. C'est son meilleur organe : ses yeux sont beaucoup plus petits que ceux de la taupe 5 ses oreilles sont bouchées par le poil. Il contrefait le cri du canard avec ses lèvres , en rentrant le mu- seau dans sa bouche. Lorsqu'on l'anime, il ne fait entendre qu'un petit cri semblable à celui de la souris. Sa morsure est dangereuse. Ses entrailles ont une forte odeur de soufre lors- qu'elles sont fraîches. L'odeur de musc que répand la matière que l'on trouve dans des pe- tites vessies ou glandes que cet animal a sous la peau écailleuse de sa queue , est plus pene- trante et plus durable que celle du meilleur musc. On s'imagine aisément qu'une contrée aussi chaude et aussi sèche que celle de Samara doit être riche en reptiles. Les lézards ordinaires, verts et gris ( 1 ) , y sont si abondans f qu'ois 11e sauroit toucher un buisson sans faire sortir au moins un de ces petits animaux : on voit de toutes parts leurs trous , qui ont ordinai- rement deux ouvertures. La vipère ordinaire (aj1 et la couleuvre (3) y sont aussi communes. On; (1) Lacertus ttrrestris et viridis, (?.) Coluber berus. (}) Coluber na t rix, s 4 sSo 1709. -de Samara trouve , près des amas cle fumier, une espèce particulière cle serpent noir venimeux (1). Le plus remarquable des insectes que j'aie observés dans cette contrée , est une tarentule (2) monstrueuse , qui se trouve aussi dans la partie méridionale du Volga et de l'Iaïk; mais elle abonde principalement aux environs de Samara. La neige étoit à peine fondue, que nous vîmes déjà leurs trous dans les champs argileux et dans les ravins. Elles sont souvent enfoncées de deux pieds en terre 3 elles creusent ces re- traites , presque perpendiculaires , dans la terre qui n'a pas été remuée par la charrue. Elles sortent la nuit pour chercher leur proie. Je les trouvai entièrement semblables aux fameuses tarentules d'Italie , qu'elles surpassent souvent en grosseur : de manière qu'elles remplissent toute la cavité de l'entrée de leurs trous, quoi- qu'on y puisse facilement introduire le pouce. Malpré sa ressemblance avec l'araignée de Ta- rente j 011 ne connoît point , dans toutes ces contrées méridionales, de dangereux effets de la morsure de cet insecte , quoique les enfans des paysans s'amusent fréquemment à le dé- terrer \ ils se divertissent même à tirer du corps (t) Coluber mêlants. (z) Aranea tareatuhu En Russe , Mïzguir. Voyez-en la description, Appendix , n°. 14 t. On en trouve aussi une fort intéressante dans les Voyages de M. Lépéchliu A R©SHESTVINO.' 28I cle ces araignées les longs fils dont elles sont pourvues : ils en reçoivent souvent aussi des morsures assez douloureuses. J'ai été mordu moi-même par un de ces insectes , ainsi qu'un Kosaque , qui m'attrappoit différens animaux : il le fut jusqu'au sang ; cette morsure lui causa,, pendant quelques jours , une enflure doulou- reuse , mais elle ne fut suivie d'aucun accident dangereux. Parmi les clienilles dévastatrices qui empê- chent la culture des arbres fruitiers, on dis- tingue sur-tout une espèce de chenille d'hiver, qui est la larve ou la chenille du papillon de l'alisier (1) ou autrement dit du papillon gazé, et la chenille de la phalène-zig-zag (2) , incon- nue dans les. provinces de la Russie , qui sont plus au nord. Ces chenilles paroissent être en- racinées dans les environs de Samara. Les der- nières sur-tout dévorent ordinairement tous les ans le feuillage des jeunes chênes , de ma- nière à ne pas y laisser la moindre trace de ver- dure. Les autres ravagent , dès le commence- ment du printems , l'épine blanche, l'amandier sauvage, le sorbier ? le caragan, et la spirée. On trouve, pendant tout le mois de mai, sur le chèvrefeuille de Tatarie (3) y beaucoup — 1 1 1 h n „m ii- (1) Larva pap. cratœgï. (z) Larva phalcnœ dis paris. (3) Lonicera Tatarie a* 282 ij6g. de Samara de mouches cantarides (i), non seulement dans les environs de Samara , mais aussi sur les bords de la rivière de ce nom, sur ceux de Kinel , et sur une partie de ceux de i'Iaïk. Cet insecte , si nécessaire en Médecine , y abonde telle- ment, qu'on pourroit en amasser plus qu'il n'en faudroit pour l'approvisionnement des pharma- cies de l'empire. Ces contrées sont remplies d'insectes de toute espèce,, curieux et rairës. Outre ceux dont je donne la description dans mon Appendix (2) , je vais en nommer plusieurs qui sont connus : tels âne la ciaaie sanguine et cornue (3), le papillon podaiire (4) , la mnémosyne ou mère des muses (5) , la Camille (6) , la galathée (7) , la phalène petite-maîtresse (8), la jolie ( 9 ) * (1) Meloe vesïcatorlus. (%) Scarabaus vertumnus , n°. lia. Ceramhlx canna- nts , nQ. 166. Sphex lacerticlda , n°. zi6. Sphex sam^rlen- sis , n°. Z17. Vespa galbula , n°. 2,2,3. Apis fragrans , n°. zif. Chrysis grandïor , n\ zzz, Papïlio morpheus , n°. 106. Papïlio afgiâdës, n°. 2,08. Fhalœna pyrauna , I)°. 2,1.2* (3) Cïcada sanguine a et c anima, (4) .Papïlio podalïrïus* (5) Mnémosyne. (6) CamïlLu (7) Galathea. (3) Fhalœna dominula. {9) Pulchella. A Pl O S II E S T V I N O. û83 réponse ( 1 )? la paranyniphe (2) , le sphinx, ou la chenille à ligure de bourdon ou de guêpe (3) , la plies.ee (4) ., la négresse (5) , et autres semblables. Je n'ai jamais trouvé autant de tiques de bois et tiques de chiens (6) que dans les broussailles des environs de Samara. On ne sauröit faire quelques pas dans la cam- pagne sans en avoir ses habits couverts. Parmi les choses remarquables que renfer- ment les environs de Samara , on ne doit point oublier les os d'éléphant et de buffles qu'on trouve dans la rivière d'Irmiis* On en voit sou- vent sur ses bords. J'ai vu une corne de buffle qui pesoit, sans base, plus de six livres. Son grand diamètre a voit plus de quatre pouces me- sure de Paris. §. I V. De R o s ii e s t v i n o a Kasciipour, Du 2 au 10 niai. Roshestvino , 5 verstes. — Novlnkl > 4 Y — ' Borkofka, 5 v. — Sch.élek7i7n'et , 3 verst. — (1) Sponsa. (y) Paranympha. (3) Sphinx fucifôf mis y Vèspifofmis. (4) Fhecrea. (5) Maura. (6) A carus nduvius et ricinus. ^84 17^9" DE K-OSHESTVÏKO Askoulo y 20 v. — Sosnofka , 4 v. — - Va- lof ka , 8 v. — Staroï-llesan , 8 v. — J?éré- voloka y 8 v. — Petscherskaia 9 9 verst. — * Kostet seid , 20 ~v. — Sysran , i5 v. — La rivière de Sysra/zka j 5 y. — Ruisseau de Kouhra , 3 v. — - Kaschpour , 7 v. Le mois d'avril, qui fut très-beau., me suffit pour observer tout ce que cette belle contrée a de remarquable. Je résolus de continuer mon voyage. Il y eut plusieurs orages à la fin du mois : ils donnèrent une nouvelle vie à la cam- pagne que la sécheresse avoit rendue aride. Je partis de Samara le 1 mai au soir , et tra- versai la rivière de ce nom dans une barque , pour aller coucher à ïloshestvino. J'en partis le 3 pour me rendre, à Sysran. Roshestvino est dans une plaine entourée, d'un côté, par le Vpiokscha, sur le rivage duquel il est bâti, et des autres côtés par le Volga et la chaîne des montagnes de Schélekhmét, qui sont couvertes forêts. Des éboulemens de terre et le rivage , lavé parles eaux à plusieurs toises d'élévation > permettent de distinguer que le terrain de cette plaine est composé de couches minces de sable et de terre glaise : ce nui prouve qu'il a été formé par les terres des montagnes du voisi- nage , que les eaux ont chariées. Il n'y a qu'un pouce d'épaisseur de terre noire au-dessus de ces couches de sable et de glaise : ce qui nein- < A K A S C H P O U R. a85. pêche, pas cette plaine de rapporter de très- beaux grains , et même dans les années de sécheresse 5 tandis que , dans les années hu- mides , les récoltes sont très - mauvaises près des montagnes qui avoisinent le village de Sehe*- lekhmet , où le terrain est argileux. On traverse un bois près de Borkofka : les guêpiers , qui nichent sur les bords élevés et sablonneux des fleuves , y abondent. J'y vis le petit earagan , qu'on ne trouve plus en remon- tant la partie occidentale du Volga ; tandis qu'à l'orientale on le rencontre jusqu'au-dessus de la Soka , quoique son vrai sol paroisse être en- tre le Kinel, la Samara., et l'Irguis. J'arrivai à Schélekhmet , village habité par des Mokschaniens. J'eus le plaisir d'y voir une noce Mordouane. Je décris ici les cérémonies qui m'ont paru les plus remarquables. La ma- riée étoit dans une voiture couverte d'une toile blanche , et avoit avec elle son entremetteuse. A son retour de la paroisse de Roshestvino , dont Schélekhmet est une annexe , deux amis du marié vinrent donner la main à la mariée pour descendre de la voiture, et la portèrent jusqu'auprès de la porte de la maison. Elle pleuroit , et poussoit des sanglots. Placée entre ces deux écuyers et l'entremetteuse, elle lut saluée par toutes les femmes et les filles du lieu. La mère de l'époux arriva en tenant une poêle remplie de houblon 5 elle y mit le feu avec 2.86 1 7^9* ** E B- o s h e s t v i *r o des copeaux allumés , et plaça la poêle à côte du pied droit de la mariée. Celle-ci, du même pied -, la repoussa loin d'elle avec force. Cette cérémonie lut répétée trois fois , et à chaque fois on ramassa un peu du houblon éparpillé , pour le remettre dans la poêle. On observe avec grand soin la manière dont la poêle tombe ; si le fond se trouve en haut , c'est un présage sinistre pour le jeune couple ; si elle tombe sur son fond, c'est l'augure le plus favorable. C'est ce qui arriva. Aussi les conducteurs , déjà ivres, demandèrent-ils, à grands cris, de la bière : on leur en apporta. Pendant ce tems., la mariée, qui étoit encore devant la porte, tenoit un verre rempli de bière, dans lequel elle jeta plusieurs des jolis anneaux qui lui ôrnoient les doigts. Comme on tardoit à s'ac- quitter des autres cérémonies , je ne jugeai pas à propos de m'arrêter pour les voir. On me dit qu'on alloit faire la distribution publique d'une épaisse bouillie de gruau , à laquelle tout le village assiste ordinairement : chacun en re- çoit une cueiilerée , l'un dans son chapeau , l'autre dans le pan de son habit , ou de telle autre manière au'il veut la recevoir. Passé Schélekhmet , on arrive à des monta- gnes calcaires garnies de bois. Elles ont une pente très -rapide vers la plaine , ou l'on dé- couvre beaucoup de trous et de rochers nus. Les bois sont très- touffus et composés d'ar-t A K A S C H P O U R. 287 fores de diverses espèces 5 nous n'y trouvâmes de plantes en fleurs que l'orobe printanière (1) et l'anémone renoncule (?) : l'anémone des bois , on la sylvie (3; ne croît point dans ce district. Près d'Askoulo, village considérable, 011 trouve des collines découvertes que l'on con- vertit en champs à blé très-gras et très-excel- lens. Les ravins de ces collines sont remplis d'agates de moyenne qualité. En descendant la montagne d'Askoulo , on voit, sur le côté, un. précipice assez profond. On apperçoit du som- met différentes espèces de sols , sous lesquels on trouve des couches d'argile jaune , grise , et blanche. Sous ces couches est un fond de sable quartzeux blanc, très - fin et très - pur, qui paroîtv excellent pour les verreries et les ouvrages de l'art. Les habitans de Samara en vont chercher dans le village seigneurial d'Ier- maktschika , situé près du Volga , à quelques verstes d'Askoulo ; il est semblable à celui-ci-, et même un peu plus fin. Ils s'en servent pour récurer la vaisselle d'etain. La nuit me força de rester à Sosnovoï-Solo- :nez, village à moitié chemin de Petscher- skaia , les ruines d'un ancien retranchement , enclavées dans des défdés. Ce village est fort étendu , et bordé, d'un côté , par un bas-fond très-large. C'est dans son voisinage que les ca- vernes et les grottes des rives du Volga devien- nent très - fréquentes , et dignes d'attention ; c'est aussi ce qui lui a fait donner le nom de Petscherskaia. J'ai eu occasion , à mon second voyage dans cette contrée, au mois de décem- bre de cette année , d'observer la partie qui s'étend de ce village à Kostytschi. Le reste de la contrée est varié : ici le rivage n'est formé que de terre 5 plus loin , c'est une muraille de A Ka-SCÄPOVR." 29* roc. Il paroît que cette inégalité provient des angles saillans de cette montagne calcaire , con- tre lesquels la rivière vient se briser : et par conséquent ils sont plus lavés et dégarnis que les autres endroits* Près de Petscîierskaia ^ ces rochers sont traversés par veines , et même pénétrés d'une matière noire de la nature du jayet (1). La route qui conduit à Kostytschi passe sur des collines arides et incultes , à l'excep- tion de la partie supérieure^ dont les paysans de Petscherskaia ont fait de bons champs. Je trouvai par-tout les gens de la campagne oc- cupés aux semailles. Un étranger voit avec surprise la manière dont ils cultivent les terres. Le cultivateur sème son avoine , son seigle , et son millet dans ses jachères, qui ont la fer- tilité requise , sans avoir reçu d'engrais ; il jette la semence sur son champ , coin me s'il vouloit donner à manger aux oiseaux; il prend ensuite sa charrue , et égratigne la terre j un second cheval, qui le suit en tirant la herse , termine l'ouvrage : c'est de cette manière qu'un seid homme , avec deux chevaux , laboure , sème,, et herse en même tems chaque pièce de champ aussi bien que s'il avoit employé nos (1) J'observe que la pierre qui se trouve la plus pénétrée et mêlée de jayet et d'asphalte , ne fait point effervescence avec les acides , quoiqu'elle ait l'aspect d'une pierre calcaire marneuse. La Peyron. T % ^9'2 I769. DE RoSH'eSTVIKO charrues et nos semoirs. On donne un peu; plus de soin au froment et à l'ép autre , parce que c'est la nourriture des jours de fête, ou plutôt parce que leur culture exige plus d'at- tention. Lorsque les cliamps sont éloignes des villages , le laboureur emporte des provisions avec lui \ il reste dehors jour et nuit jusqu'à ce que tous ses champs soient labourés et se- més , ou que le dimanche le rappelle au logis. A moitié chemin de Kostytsclii , et dans un fond , on trouve une petite chapelle de bois avec une fontaine. Les paysans regardent cette eau comme très-salutaire. On rencontre, sur les hauteurs qui s'étendent vers ce bourg , et qui «'élèvent de plus en plus , beaucoup de terriers à marmottes , et une espèce particulière de rat-taupes (i), qui se creusent des souterrains sous le gazon, pour chercher des racines 5 elles forment , par ce uioyen , de petits amoncelle- mens de terre. Avant de monter la colline , sur laquelle est situé le hourff de Kostytschi , on passe sur un pont , à deux verstes de distance , un précipice très-profond et très-escarpé : cet abîme, situé entre les montagnes, commence très -loin de (1) Mus tdlplnus. Grael. Syst. nat. 1 , p. 13^. On trouve la description de cet animal;, qui a une figure particulière, dans les Dissertations de V Académie impériale des Sciences de Péursbourg. A KaS-C.HPÖUB.» 2 là, et il est arrosé par un ruisseau qui se jette dans le Volga. Il porte le nom de Pous'dliioï- • Avrag , et la petite forêt voisine s'appelle Pousdlnoï-Liess; elle est unique dans cette con- ' a. trée 5 elle ne suffit pas aux habitans , qui se- roient , à cet égard , dans la disette , s'ils n'y suppléoient par les bois et les arbres déracinés que le Volga charie pendant les inondations. Ceux qui demeurent près du rivage observent avec soin le passage de ces arbres \ ils les amar- rent sur le rivage jusqu'à ce qu'ils les transpor- tent chez eux. Depuis Poustilnoï-Bonierak jus- qu'au village 3 le Ions de la rive élevée dïï Volga , et sur le chemin, on voit plusieurs places couvertes d'une terre grise semblable à de la poussière , qui est imprégnée de salpêtre : les bestiaux la mandent avidement. Tout le sol des environs est en général très-nitreux. Ce bourg , qui appartenoit autrefois à un couvent , renferme près de trois cents maisons, qui ne forment qu'une seule rue le long du Volga : remplacement des cours et des granges, nommées ovini , lui donne près de trois verstes de longueur. Deux ravins profonds partagent cet endroit en trois parties inégales. Celui qui est à la partie supérieure pu orientale , se nompie Bannoï-Vsvos -, l'autre, qui le partage à-peu- près dans son centre, s'appelle Monasdrskoï. Près de celui-ci, et vers la.parjtiela plus " véc du rivage, on voit les ruines d'anu-eunes for- T 3 2g4 I769. DE ROSHESTVIWO tificatîons ; elles consistoient en une forte mu- raille , dont les fondemens existent encore. Ce innr formoit un demi - cercle d'environ cinq cents pas, depuis l'angle que forme le ravin avec le Volga , jusqu'à la rive escarpée du fleuve. Plusieurs maisons de paysans , et une église de bois, qui est celle du bourg, sont situées dans cette enceinte. Le S mai , je remontai le Volga dans un petit bateau jusqu'à Poustilnoï - Avrag, afin d'ob- server le bord du fleuve , qui n'est que de roc^ et qui offre beaucoup de choses rem arquai)! es. Cette rive est plus basse vers la partie occi- dentale du village : les couches inférieures de chaux paraissent s'affaisser sous le poids des fortes couches d'argile qu'elles portent. Toute l'étendue du rivage , sur lequel le bourg est situé , est très-escarpée 5 il est composé de ro- chers , qui s'élèvent j en quelques endroits , à huit toises au-dessus du niveau ordinaire du Volga , et du revêtement que forment les terres éboulées sous le mur de roc. ha partie orien- tale a une toise de moins en hauteur. Ce mur de roc , qui a souvent cinq à six verstes de long, est composé d'une pierre calcaire gros- sière, d'un blanc jaunâtre, disposée en couches horizontales très-épaisses 5 elle est pleine de trous rempiis de marne : sa superficie se change en marne , ou se couvre d'une croûte épaisse de salpêtre cristallisé. On trouve très -peu de pé- A K A S C H p O TJ R.: 29,5 trîfioatlons dans cette pierre calcaire : ce sont des empreintes de coquilles de mer et de co- raux brisés \ mais en plusieurs endroits , on. voit saillir, en dehors des couches qui forment ce mur , des tables assez épaisses de pierres de corne grise , d'un grain grossier $ elles n'ont pu être atténuées ni dissoutes par les eaux comme les pierres calcaires. Cette pierre cornée est à une toise et demie de la ligne que les eaux du Volga ont empreinte sur le rocher dans leur plus grande hauteur : l'action continuelle des eaux a formé par - tout quantité de trous , de cavités, et même des espèces de grottes voû- tées , et agréablement variées dans leurs formes ; les unes ont plusieurs toises de profondeur f et des souterrains qui se rétrécissent en décli- nant. On ne peut attribuer l'origine de ces grottes , qui forment un coup-d'œil charmant , qu'à la fluctuation des eaux ; lorsqu'elles sont grandes , elles lavent la marne , et minent même dans la pierre. Plusieurs de ces grottes sont situées sous le bourg : la plupart sont au- dessus du ravin de Bannoï - Vsvos , et , pour ainsi dire , contiguê's l'une à l'autre ; elles sont couvertes de salpêtre. Plus on remonte le fleuve, plus sa rive est belle , et offre à la vue des tableaux frappans de ruines , dignes de fixer la curiosité de tout; naturaliste. On ne voit plus fin t. MJil de grandes grottes, mais beaucoup d'an- tres et de trous , qui servent de retraite aux T i %g6 lj6<). de Roshestyiko ramiers, aux corneilles , et à des oiseanS à& proie de la petite espèce , qui hivernent-;, en partie, clans ce canton. J'ai vu en abondance une jolie espèce de bergeronnette (i) au' on ne trouve que sur les rives du Volga , garnies de rochers, dans les fentes desquelles cet oiseau fait soir nid. Avant d'arriver au Poustilnoï-Bouierak , on voit une très-belle grotte y qui est la plus grande de ce canton. Elle ressemble à un grand portail voûté , qui tombe en ruine > avec deux arcades sur les côtés ) comme lariveçui est au-dessus est éboulée , elle représente exactement les rui- nes d'un ancien édifice. Les paysans et les bate- liers l'appellent Eolschaia-Petschera (grande caverne ). Le Volga est très-profond dans cet endroit ; il étoit très - agité par un vent d'est très- fort. Nous amarrâmes notre bateau dans le grand enfoncement que forme la rive , nommée Pous- tilnoï; il s'étend depuis le fleuve à un verste et demi dans les terres : dans les grandes eaux , il est entièrement inondé. Sa rive gauche ou orientale est élevée , rapide , et entièrement composée d'une marne sablonneuse , friable y d'un blanc jaunâtre, on d'une pierre calcaire (î) Motacilla leucomela. Gmel. Syst. nau i , p. £74- On en trouve la description et la frgure dans les Disserta- lions de l'Académie impériale de Fétersbourg. A K A S' C H P O TT R.J 2gj qui ne bouillonne point lorsqu'on la met dans l'eau-forte. Au - dessus de cette marne et de cette pierre sont des couches de cailloux. Le petit ruisseau , qui coule dans cet enfoncement, tarit pendant l'été : il passe sur un limon argi- leux, gris-blanc, dans lequel on trouve beau- coup de" grypliites et de bélemnites éparpil- lées. Je passe au jayet (1) , dont cette roche cal- caire est abondamment et presque par - tout entre - veinée et pénétrée , du moins à une certaine hauteur. La manière dont ce jayet se trouve mêlé avec la pierre calcaire .et la marne, prouve qu'il y a été apporté dans mi état de subs- tance liquide , et qu'il n'a pu pénétrer ainsi cette roche qu'après de violens ébranlemens. La plus grande partie de la terre calcaire et de la marne est incrustée de larmes plus ou moins crosses, et de petits grains de cette ma- tière. Ailleurs , la pierre plus compacte est divisée en cubes , et couverte dans toutes ses fissures d'un enduit de bitume luisant. J'ai même trouvé dans cette pierre calcaire des madrépores , dont l'intérieur étoit rempli de la madère du jayet. Enfin , à une grande pro- fondeur, on rencontre de grosses masses et des nids de jayet pur du poids de plusieurs livres, et même des blocs de celte matière, .(î) G agates , lapis thraclus , aut succinum nigrum. &9$ 1769. de Roshestviino qui pèsent jusqu'à quarante livres. Ces masses sont enveloppées d'uïie marne qui en est entiè- rement imprégnée. C'est clans le Poustiinoï- Bouierak que j'ai vu les plus gros morceaux; on m'a assuré qu'on en trouvoit de pareils au bas du rivage près de Kostytschi , lorsque les eaux sont basses. On le tire aisément des cavités qu'il occupe avec une pèle et une pio- che 5 quoiqu'il ressemble , par sa surlace lui- sante , son extérieur et ses fractures , à une scorie vitreuse noire , il n'en est pas moins très-léger, sec, et si cassant, qu'on en brise,, sans peine , de gros morceaux avec la main. Ce jayet se fond et coule à la chaleur de la chandelle presque aussi facilement que la cire d'Espagne noire : et son odeur est aussi agréa- ble , mais il s'enflamme plus lentement , et s'éteint plus vite. En y ajoutant une matière qui adoucisse sa rigidité , on en fait une cire à cacheter noire très-belle , et d'un très - bon usage. Oh m'a dit,, à Sysran, qu'un marchand avoit anciennement obtenu de la cour un pri- vilège pour la fabrication de cette cire à ca- cheter. On m'a assuré, à Samara, que., dans la fabrique de Sernoï , on tiroit autrefois de ce jayet , et d'un autre de môme espèce, qui se trouve près de Tétionschi , une huile de pétrole 9 dont on se servoit pour l'artillerie. On ne fait aujourd'hui aucun usage de cette matière : les serruriers sont les seuls qui l'em- a Kaschpour.' 299 ploient; ils s'en servent, au lieu de poix , pour bronzer leurs ouvrages. Je trouvai à Poustilnoï - Avrag , et sur la rive même du Volga , trois plantes remarqua- bles parmi le grand nombre de celles qui y croissent : l'une est un seigle particulier (1), qui ne me par oit pas assez connu. Les deux autres pourroient être, l'une de la famille des labiées ( 2 ) , et l'autre de celle des giro- fliers (3). Je quittai ce canton le 5 mai après midi pour me rendre à Sysran. De Kostytschi , en tirant vers l'ouest, les collines s'élèvent encore davantage ; elles ne commencent à s'abaisser- que près de la ville. On côtoie continuellement le Volga qui forme plusieurs îles considérables. Les hauteurs que l'on traverse son t généralement composées d'argile ^ mêlée de schiste calcaire; mais leur superficie présente un sol sec , sablon- (1) Seeale reptans de Pallas , qui l'appelle , Appendix ; n°. 278, secale prostratum. Cette plante, ajoute-L-il , ap- proche beaucoup du gramen splcatum secalinum , maritl- mum minus de Scheuender , Agrost, 18. Celui décrit pa* BiiQcbaum , Cent. J, page 32, tab. $0 , flg. 2 , peut aussi être dé cette classe , quoique les épis soient représentés beau- coup trop longs. Cette même plante forme un double em- ploi dans le Syst» nat. de Gmelln , où on la trouve sou«: le nom de secale prostratum , n°. f j et ensuite sous celui oie t ri tic um prostraium , n°. 8. (z) Lamium multifidum» (3) Chelrantus chius» Voyez X Appendix » n°. 3^4. 3oO I769. DE ROSHESTYIÏÏO neuxoti argileux. L'anémone sauvage [i)éfcoït la plante la plus remarquable ; elle étoit en fleurs ; elle ne croît point dans les bols, mais on la ■ trouve éparse comme en plates-ban des dans toutes les landes , où elle abonde. Les paysans l'appel- lent Ovr.TSCHiÉ-Kou-tfisciiKO, à cause de la laine ' fine et blanche qu'elle produit 5 elle seroit peut- être très-propre à être travaillée dans les ma- nufactures. Nous vîmes dans la campagne les canards rouges dont j'ai déjà parlé . ils se tenoient toujours séparés par paires. Cette espèce niche clans les cavités des rochers, sur les landes élevées, et dans des terriers de marmottes abandonnés. On assure, qu'à l'imitation des canards de mon- tagne ou tadorne ( 2)^ ils se creusent quelquefois eux-mêmes des trous assez profonds pour y pondre leurs œufs , et qu'ils portent ensuite leurs petits dans leur bec à l'eau la plus voisine , avant de leur apprendre à voler. On recherche ici les nids de ces canards ; on fait couver les œufs par des cannes domestiques , afin d'en avoir pour là curiosité ; ils n'acquièrent jamais la beauté ni la grosseur des sauvages , et ils ne multiplient point. (1) Anemone sylvestris. {%) Tadorna» ^'C3t Par erreur qu'on a âo\mé à cet oiseau, jdans la description qui a parti depuis peu , le nom de Kas- SÀRKA, qui est affecté, en Russie, à la plus petite espèce d'oies sauvao-es. En Sibérie, on appelle le canard ronge, Tourï'AM j mais nulle part KassAî-ka» a Kaschpour.' 3öi; J'arrivai le 6 au soir à Sysran. La position de cette ville, est très-agréable , puisqu'elle est en plus grande partie située sur la hauteur oui remplit l'angle septentrional forme par lax réu- nion mais plus compacte et plus lourd que celui de Kostytschi. Les bords de la Svsranka sont argileux en plusieurs endroits: on y trou e , ainsi que près du Volga , des gryphites et d'autres pétrification© dispersées çà et là , et beaucoup de pyrites blanches chargées d'arsenic. Plusieurs sont en assez grosses masses très-lourdes | d'autres en carreaux, mais en partie radiées., et quelquefois 'creuses et pénétrées de quartz. J'en découvris moi-même ; j'en trouvai aussi chez plusieurs habitans de Sysran qui les p renoient pour du métal, et ils me confièrent leur décou y ei te comme un grand secret. On me fit connoître un charbon de terre schisteux, que l'on trouve près de ICaschpour, qui me parut digne d'observations. Je m'y rendis à cette intention le 8 mai. Four ob- server les plantes de cette contrée, je pris la route des landes au lieu de traverser le Volga , ce qui m'auroit abrégé le chemin de beaucoup, 3o4 I769. DE RoSHEèTVl STQ puisque je n'aurois eu que sept à huit verstes k faire. Après avoir passé la Krymsa, ou entre dans des bas-fonds humides, où la pulmonaire (1) croît abondamment; elle étoit en fleurs. On arrive ensuite à une plaine plus élevée qui conduit jusqu'à la-Sysranka$ elle est couverte de bos- quets de saules, de trembles, de cerisiers, de viornes, de cytise velu, et autres arbrisseaux semblables. Les plantes remarquables sont l'as- pernle des teinturiers (2)^ le séséli nain (3), le „polygale amer (4) , l'euphorbe velue (5) et l'iris de deux saisons (6) , oui étoient toutes en fleurs. Cette espèce d'iris est très - commune dans les bois situés à la partie occidentale du Volga , tandis qu'elle ne croît point à la partie orientale , où l'on ne trouve qu'une iris ou glaïeul -nain qui ne vient pas de l'autre côté. On voit ici beaucoup de courlis (7) qui se nourrissent de lézards, dont cette contrée four- mille. Je remarquai parmi les insectes , deux espèces particulières de papillons , telles que le (1) Pulmonarla ojBcinalis. (a) Aspcrula ùncioria, (3) Seseli pumllum. (4) Polygala a m ara, (5) Euphorbia pilosa. (6) Iris blflora. (7) Scolopax arquata. En langue Russs Koulika stepnoÏ. tarpéien A KàschpotiïO 3ô5 tarpeienet l'orion (1). Je n'ai jamais vu ailleurs la seconde espèce (2). Je traversai la Sysraîika dans ma voiture , à cinq verstes de la ville , dans un endroit où elle est très-rapide et où elle coule sur un fond de cailloux $ on ne peut la passer à gué par-tout ailleurs > à cause de son fond argileux, La lande devient ici plus élevée et plus aride. Je ne trouvai aucune plante en fleurs à cause de la sécheresse, à l'exception de l'anémone sauvage et du stipe empenné (3) , appelé par les Russes B.ouvouil-Trava ; cette dernière est très-com* mune dans les landes arides. Je rencontrai plu- sieurs ravins garnis de cytise et de viorne qui étoient couverts de fleurs. Après avoir fait trois verstes ? nous arrivâmes près du ruisseau de Koubra ; il est très^-profond , et il coule entre deux rives élevées. Il se jette dans le Volga à peu de distance d'ici. Noua eûmes beaucoup de peine à le traverser , parce qu'il n'a point de pont. Sa rive méridionale est composée alternativement de couches de sable .} de gravier et d'argile grise. Les eaux ont détaché de ces couches d'argile beaucoup do, gryphites très - pesantes , et des bélemnites qui ont jusqu'à un pouce et demi (i) Papilio tarpcja. Appendix, n°. 202. (2) Papilio orlon. Appendix, n°. 107. {3) &*f>& pennata. Tome L Y 3o6 Ï769. DE RoSHESTVlKÖ de diamètre. On rencontre un peu plus bas une terre adamique pyriteuse et ferrugineuses et dans le fond, une mine de fer noire , très-lourde qui se fend comme une pierre d'argile. En la frappant un peu , L'aimant prend un grandi nombre de ses parties , sans avoir passé à la forge. Je trouvai sur les rives l'espèce d'orcanette à tige simple (x) qui é toit en fleurs , et en plu- sieurs endroits le statice de Tatarie (2,) (.nj étoit au moment de sa floraison 5 je remarquai que cette plante ne croît que dans les places de nature saline. Cette steppe ou lande s'élève encore plus en- delà du Koubra. Le feu avoit pris à la bruyère , et incendioit la plus grande partie de ce terrain. Nous lûmes obligés de traverser quelques toises au milieu du feu , dont l'ardeur , jointe à la fumée et à la chaleur du soleil > étoit presque insupportable. Après avoir fait cinq à six verstes, on commence à descendre vers le petit ruisseau de Kaschpour- ka, où je trouvai beaucoup cle bélemnites et de grandes ammonites brisées. Les rives de ce ruis- seau sont alternativement composées de couches (î) Onosma sïmplicîs sima» {%) Statice Tatarica. Cette plante a de très- .grands rap- ports avec le statice lïmqnium, et n'en est peut-être pas suffisamment distinguée. En général , ses feuilles sont plus étroites : cependant la figuré qu'en a donnée Gmi'lin dans sa. flore de Sibérie (vol. z, t. 91)$ les représente aussi larges. .,,r < 1 a Kaschpour. 3o7 d'argile blanche et d'argile grise, parmi les- quelles on yoit paroître ça et làde ce charbon, fossile brun, que Ton trouve dans la monticule où est situé Kaschpour, et sur la rive du Volga, à une certaine distance. C'est sur cette éminence i appelée Kout- schougour , qu'est situé le bourg de Kaschpour. Les habitans le nomment indifféremment L Pri- gorod-Kaschpour, et Prigorod-Kascliker. Eileest fort haute , et baignée par un bras du Volga. Le bourg est situé au-dessous de l'embouchure du ruisseau de Kaschponrka. C'est un des plus anciens établissement que les Russes aient formés dans cette contrée. On prétend même qu'il est antérieur à celui de Sysran. On voit sur le sommet de la montagne , et à l'extrémité mé- ridionale du bourg , quatre tours ruinées , qui faisoient partie d'une forteresse de bois ; elle étoit défendue en outre par une clrcoiivallation de pallissades qui s'étendoit jusqu'au ruisseau. Il subsiste encore deux tours d'observation ; l'une près du ruisseau , et l'autre à la partie occidentale de la colline. Ce lieu n'est plus qu'une grosse bourgade ouverte , avec trois églises. Il dépend de la chancellerie de Sysran (1). Au milieu de Kaschpour est une monticule en forme de pain de sucre, qui èèi tonte nue (i) Kaschpour est aujourd'hui la capitale dû cercle cic soi) nom , gouvernement de Simblrsk. V z 3oS 1 769. DE RöSÄESTvifrtf et composée cle marne blanche et de mauvaise craie ; on la découvre cle très - loin lorsqu'orî liavigue sur le Volga. Les bateliers l'appellent Miélovoï - Scholom 5 mais lés liabitans lui ont donné le nom de Khomoutskaia-Prâsna; c'était celui d'un paysan célèbre parmi eux , qui avoit sa maison au bas de cette monticule. On voit jautour d'elle , et à un demi - verste plus loin #ers le midi , de très-anciens amas de fumier ? jconvertis en terre noire fort grasse ; ils sont de* Venus ? par le mélange des particules crayeuses ? d'excellentes terres à salpêtre. Ce terrain étoit ^i rempli de salpêtre cristallisé , qu'il paroissoit couvert de neige , et qu'on auroit pu le ra- masser à poignées. Toute la colline en est si chargée, que les bestiaux mangent la terre presque par-tout. Je n'ai trouvé nulle part uii endroit aussi favorable que celui - ci pour la, formation du salpêtre. On pourroit y faire des récoltes considérables en établissant des ealpêtrières. Afin d'avoir une exacte connoissance du schiste charbonneux que l'on trouve ici, je me inis dans un batelet , et parcourus la rive jus-\ qu'au couvent de Bohoïavlenskoï, situé sur le Voljja , à cinq verstes de Kaschpour. La couche de ce schiste surpassoit le niveau des eaux , qui étoient en plein accroissement. Je le trouvai parfaitement semblable en couleur , en tex- ture , en combustibilité , et même, quant à. 1^ 1À. K A S C H P O TT R* 3o et il ressemble alors beaucoup à l'écorce de pin. On pourroit, en cas de besoin , faire usage de ce schiste dans les forges pour de gros ouvrages : et quoiqu'il se trouve une argile bleue sous cette couche , qui n'a que quelques pieds d'épaisseur , il est à présumer qu'on doit en trouver de meilleure à une plus grande profondeur ; il suffiroit £ pour s'en convaincre , de creuser avec une tar- rière à quelque distance du fleuve. Cette dé- couverte seroit très-avantageuse pour les con- trées inférieures du Volga , ou l'on manque même de bois de chauffage. Le grand nombre de pyrites et les morceaux de schiste que l'on trouve dans les trous profonds, à un v erste du Volga, sont une preuve certaine que ces cou- ches pénètrent dans le pays. Je n'ai pas cherché à découvrir leur étendue au-delà du couvent de Bohoïavlenskoï , parce que je me réservois de parcourir cette contrée dans un autre teins, et que j'étois forcé de prendre une autre route dans ce moment. Au-dessus de ce charbon schisteux , le ter-» rain dont est formée la plus grande- partie de la monticule deK,aschpour et des collines voi- sines , est une argile brune et mélangée, dans laquelle on trouve une prodigieuse quantité 0 Y 3 3lO I769. DE ROSHESTTINO et souvent même des tas entiers de grandes et «Je petites bélemnites j, et d'autres coquilles de mer pétrifiées. Son fond est parsemé de grosses masses et carreaux d'argile, devenue fermai- neuse. Les couches de la monticule de Kasch- pour se sont toutes un peu affaissées de l'orient ß. l'occident \ mais cet affaissement varie dans- la hauteur voisine, qui n'en est séparée que par un vallon. Elles, s'y sont affaissées dans la xnême direction , et elles forment un angle demi-rectangle. Cette argile coloriée, remplie de coquilles de mer , et sur- tout de diverses tellimtes et de bélemnites moitié calcinées, s'é- tend bien plus haut; niais on trouve entr'elle et le charbon schisteux une couche de pierre calcaire grise et compacte , qui a près d'une toise d'épaisseur. . J'observai dans cette pierre trois espèces d'ammonites avec des écailles de, pyrites aurifères , des nautiles unies parti- culières ( 1 ) , et des bélemnites ; elles y sont beaucoup plus éparses que dans l'argile. Il commençoit à faire obscur : c'est ce qui m'empêcha de pousser plus loin mes recher- ches. Je n'avois que le tems nécessaire pour me rendre à Sysran , afin de profiter de la frai-? cheur de la nuit. Nous côtoyâmes le ruisseau (ï) Nautilites complanatus. Appendix , n°. 2,^4. Cette coquille est une espèce du genre caineirine ( camerina ) , établi par le citoyen Brugnières. a K a s c h p ô tr a." Sî| fleKoubra. On ne peut se faire une idée de la quantité de râles de genêt (1), qui se font en- tendre 3 à la nuit tombante , dans ces landes. On appelle ici cet oiseau Dergoun; il n'est connu ailleurs que sous le nom Russe , Korastel. On prend, pendant l'hiver , dans les landes de Sys- ran, qui s'étendent jusqu'auprès de Medvediza, un animal particulier aux steppes de ce pays , et inconnu en Europe 5 on le nomme , dans la. petite Russie et en Pologne , Pérégouzj>:^ et PiaÉviiESKA s il est désigné sons le nom de pÉRÉvi-ŒSKA , dans le commerce de la pelle- terie. Il ressemble, par sa figure et ses allures, à la belette \ mais sa peau , tachetée et forte- ment colorée , lui donne une beauté singulière ; on pourroit l'appeler, avec raison, la belette tigrée. Je n'ai pu voir cet animal en vie. Je nie suis procuré sa peau , pour en faire une description aussi exacte qu'il m'a été possible* Je la donne sous le nom de belette de Sarma- tie (2). [Voyez 1' ' Appendice , n°. 2. ] Je comptois partir de Sysran le même jour 9 mai 5 ne pouvant avoir de chevaux, à cause de la Saint Nicolas, j'y restai jusqu'au lende- main après-dîner. Les chaleurs é ! :oient presque insupportables : le ciel , chargé de nuages , sembloit annoncer la lin de la sécheresse , et (t) Rallus crex. [z) Mus cela Sarmatica, Erxle!* p 4^0. v 4 3iâ 1769. de Kostytschi combler les vœux des paysans, qui faisoïeniK par - tout des processions pour obtenir de la pluie. Le tems fut le même , ainsi que le len- demain ; de sorte que la chaleur fit monter le mercure des thermomètres, placés à l'ombre et dans un lieu aéré , du io5 au 110e degré , et même pendant la plus grande partie du mois 5 verstes. — Masa , i5 v. — Novodévitschié 9 9 v. — Kouskino y lov.-r- Klioutschistschi , j5 verst. — Téidakovka p i5 v. — Oussoliè , 10 verstes. Je partis de Sysranle 10 mai, à cinq heure« a O u s s o i i i.1 3i3 du soir , à cause de la chaleur du jour et de la grande quantité de gros taons (1) , qui tour-«* mentoient horriblement les chevaux. Je m'ar- rêtai auprès de la rive escarpée formée par la plus haute des élévations voisines de la ville : ce qui me fit arriver assez tard à Kostytschi. Le bas de cette colline ^, que je jugeai dl&ne d'attention , est garni de plantes et de bos- quets. La pente rapide de cette rive élevée est composée d'une argile grise remplie de bélem- nites et autres corps marins ; mais sa partie supérieure renferme des couches, Je chaux entre/ cette argile. Il croît dans cette argile une espèce de pastel (2) , qui paroît aussi propre à la tein-* ture que le pastel ordinaire. Il croit dans les bosquets de la pivoine ordinaire (3) , du die- tame de Crète blanc et odoriférant (4) , de la gesse à forme de pois (5) , de cet astragale (6) que je trouvai près de Samara , de l'orobe ai feuilles étroites (7) , delà grande centaurée (8) , et du cardoncelle (9). Toutes ces plantes étoient — ■1.1 1 .■■ .,..!. 1 ■ ■ .. 11 »■ mm 1»» (1) Tabanus bovinus et tropîcus» (1) Isatis lusitanien. (3) Pœonia vulgaris. (4) Dictamnus Cretica. Origanum dictamnus. Lia« (î) Lathyrus pisiformis. (6) Astmgalus. (7) Orobus angiistifolius. (8) Centaurea centauriunu Flor. Sibir. it , p. 89, tab. 4T. (9) Centaurea, cardunculus* Voyez '£ Appendix % n°. 401. 3l4 Î769. DE Kostytschï en fleurs, ainsi que le thésion lynophyie (1)^ et la sauge des prés (2) , que l'on ne trouve plus vers la partie orientale du Volga ß quoi- qu'elle croisse ici très - abondamment avec la sauge âes bois (o). Ces plantes étoient pleines d'insectes, qui se rassemblent, vers le soir , sur les boutons des fleurs de la grande cen- taurée. Les plus remarquables sont la saute- relle nymphe à taches doubles (4) , et le pa- pillon la phrynée (S). Plusieurs grandes places étoient couvertes de queue-de pourceaux , ou peucedans communs (6) , sur lesquels je trouvai un grand nombre de petites chenilles qui pro- duisent le sphinx incube (7). Un ouragan furieux a voit jeté bas les toits de toutes les maisons la veille de mon arrivée à Kostytschï. J'en visitai les environs , et ne partis que le i 1 à midi. Je ne fus coucher qu'à Pérévoloka, à cause d'un, accident qui arriva à mon domesti:;ne Allemand. Un fusil, chargé pour tirer sur dos oies sauvages,, partit tout- à-coup , et lui fracassa toute la hanche. Il étoit de mon devoir de donner tous mes soins à ce (c) Thés lu n llnopkyllum» (zj Sahïa pi au n sis. (3) Salui nenuros i. (4) Atie'd'->us khnaculatus. Appendix ,. n°. 127« (5) Papilla pkrytie. Appendix, n°. 2.03, (6) Feuczd.inum ^ermanlcum% (7) Sphinx ephiahes. a O u s s o i i é; 3i5 pauvre garçon ; je le fis transporter, le 12, à Stâvropol , qui est dans le voisinage : ce trajet est très-commode , au moyen de i'Oussa , qui est à un verste d'ici. Cela me retarda , et je n'arrivai à Oussolié que le 12 au soir. De Pérëvoloka à Oussolié il faut descendre les collines dont j'ai parlé , et traverser i'Oussa , dont les rives sont garnies de jeunes chênes. Nous la passâmes à deux vers tes de Pérévo- loka. Ces bois sont pleins de phalènes (1), qui y abondent comme des mouches. Je vis , près de la rivière , une libellule à pattes amp en- nées , espèce de demoiselle aquatique (2). Cette rivière fait aller trois moulins dans cette con- trée. Nous laissâmes derrière nous le village de Kamarofka, situé dans une plaine sablon- neuse garnie de bosquets , et baignée par I'Oussa,, qui y forme de petits étangs. L'expo- sition de ce village est très-agréable. On arrive ensuite auprès d'une monticule garnie de bois de chêne ; on y trouve presque toutes les plantes, et principalement le dompte -venin ( 3 ) , et l'iris de deux saisons (4). Après avoir traverse les bois ,, on entre dans une lande ouverte > qui s'étend jusqu'à Oussolié. Elle étoit , en par- tie, défrichée, et on y a voit semé des grains . I , ■!■ I | , Il | I I I ■ (1) Phalœna sdct'tcalls. (2) Libella pennîpes. Appendix , n°. 213. (3) Asclepias viticetoxuum, (4) Lis biflora. cette année. Sur le soir , je vis les cerisierl San vages entourés de scarabées printaniers (1) \ ils ne ressemblent point à ceux que j'ai vus près de Samara. Oussolié est un bourg très-considérable, situé sur une élévation baignée par le ruisseau d'Qus- aolka , dont l'eau est un peu salée. Il se jette dans Je Volga, au sud-ouest; ce fleuve reçoit éga- lement celui d'îelschanka > à l'ouest au-dessus, du bourg : les eaux de ce dernier sont douces. On a construit sur TOussoika une digue de fas- cine , au lieu de pont , parce qu'elle reçoit souvent un débordement d'eaux qui inondent \\xl bas-fond assez vaste. Une chaîne de mon- tagnes, élevées et garnies de bois, bördele Volga au-delà du ruisseau ; elle s'étend jusqu'à îiuit verstes d'ici à l'embouchure de l'Oussa. Elle ne présente qu'un roc. Ces montagnes sont très-escarpées , et leurs cimes sont garnies de rochers nus. Cette chaîne est exhaussée , à, l'est , par un entassement de rocs qui dominent toutes les élévations: celles- ci forment la par- tie occidentale de la montagne vers la lande £t l'Oussa., où elle se termine. On lui adonné le nom de Karaoulnoï-Bougor ( montagne de la vedète ) , parce qu'anciennement on y entre- tanoit un corps « de - garde dan* le teins des guerres. La partie orientale est appelée Soko-» (i) Scarabœus vertumnus* Appendix, n?. ni,, A O tf 6 S O t I £ . %if. &oïà - GÖE.A ( montagnes des faucons ) , parc© que ces oiseaux y nichent quelquefois» On trouve , au pied de ces montagnes , la plus considérable des sources salées , qui ont rendu Oussolié célèbre. Le ruisseau a tiré son nom de ces sources. On avoit établi une salina dans cet endroit , et l'église d'Oussolié étoit au pied de la montagne. Ce bourg étoit situa au bord de l'eau entre le Volsa et Une mon- tagne voisine très-élevée ; mais les inondation^ ayant miné le terrain de plus en plus , on fut forcé de transporter le bourg à l'endroit où il est aujourd'îiui. On volt encore les ruines de l'ancienne église. Lés grandes eaux nous forcèrent d'escalader une partie de ce rocher* Avant d'arriver ici , on découvre deux petites, groLtes : l'une est l'ouvrage de l'eau ; l'autre paroit avoir été une carrière. La grande $ourcë se trouvoit inondée par les eaux, qui étoient très-hautes. On voit encore plusieurs poteaux des machinés qui seryoient à puiser lamuire> qui se réndoit , par des conduits, dans la sa- line qui étoit à La proximité. Après avoir laissé tomber ces salines , la chancellerie donna ordre de boucher et de combler la source. Elle s'est cependant fait un passage , et l'on assure qu'elle filtre par petites veines entre les pierres. Elle y dépose un sédiment blanchâtre , qui a l'odeur du soufre. L'eau même de la source paroît contenir du natron j elle a également 3lS I769. DE KOSTYTSCHÏ l'odeur de soufre $ elle contient trois onces de £el par pinte d'eau. La montagne d'où elle sort ne paroît être composée que d'une pierre calcaire très-compacte, d'un jaune grisâtre. Les bois qui la couvrent sont entremêlés de jeu- nes pins. Je montai jusqu'à sa cime ; je n'y trou- vai de plantes fleuries que l'actée à épis (1), l'épervière à grappe (2) , la grande centaurée (3) et la pyrole unilatérale (4). Presque toutes les plantes communes y qui viennent sur les rives basses et dans les îles de l'Okka et du Volga $ croissent sur le rivage pierreux de l'Onssolka. L'Oussolka passe un peu au-dessus d'Ousso- lié , près du Karaoulnoï-Bougor , dans un ma- rais un peu salé : les bestiaux en mangent la terre avec avidité. Il y coule plusieurs petites sources d'eau salée 5 elles sortent de la mon- tagne, et ne méritent aucune attention. Mais on trouve , à deux toises au - dessus de l'em- bouchure de rielsclianka , deux sources salées considérables, qui jaillissent dans le milieu de ce ruisseau marécageux , qui est très - large. La source , qui est au bas du ruisseau , est encore garnie du bordage de bois dont on l'avoit entourée ; on y voit aussi les restes du puisoir. On ne trouve plus rien à l'autre source , qui ■ ' ,...!.. . ■ I, I II 1 II | |,| (1) Actœa spicata. (2) Hlcracium prœmorsum, (3) Centaurea centaurlunu (4) Pirola secundo.* 'À O tr s s O i i I, 3 ig est à quelques toises plus liant. Les eaux ne contiennent pas autant de sel que l'eau de la grande source; mais elles exhalent une pins forte odeur de soufre et d'œufs pourris 5 elles déposent beaucoup de sédiment calcaire , sul- fureux dans le fond , ainsi crue sur les corps où elles passent. La rive de TOussolka et le pied argileux de la montagne deviennent pyriteux -au-dessus de ces deux sources. On y trouve plusieurs pedtes Sources d'eau salée , qui pénètrent à travers du gazon , et qui enduisent le rivage d'une légèrer couche de ciiaux de soufre toute blanche : les paysans la nomment Pjléso ( moisissure ). îl se forme encore des couches de vitriol sur la surface de la terre : aussi plusieurs de ces sources ont-elles un goût de vitriol très-sen- sible, et déposent un peu d'ocre dans le ruis- seau qu'elles forment. On ne trouve aucune de ces sources dans les endroits où le ruisseau ne baigrie pas le pied de la montagne. Ce qu'il y a de singulier, c'est que son eau soit entiè- Tement douce jusqu'à sa source. Toutes les sources qui jaillissent sur la rive opposée ont une eau claire et douce ; il y croit beaucoup d'année : mais il ne vient que des roseaux et des joncs dans le marais salé. On trouve encore «deux autres grandes sources bordées de rêvé- tissemens à l'est et au nord-est des tnonts < )us- $oiié : leur eau douce est excellente. Les eau3 S20 ï^fo}- 3)E KOSTYTSCHI salées doivent donc leur origine aux montagnes calcaires qui sont vis-à-vis . J'employai la journée du 14 à parcourir le pays montagneux , situé entre TOussolka et l'embouchure de l'Oussa. Cette contrée abonde cm plantes. Je me rendis d'abord au village de Bérésofka, situé près de l'Oussa. On traverse des montagnes en partie couvertes de petits taillis y dans lesquels on trouve tous les arbres et arbrisseaux d'espèce commune i sur - tout l'érable de Russie (1) , l'aubépine (2) , le ner- prun (3), et l'amelanchier velu (4)« L'autre partie de ces montagnes est garnie de forêts de chênes assez claires , où je trouvai un grand nombre de plantes de toutes espèces , i'orcanette simple (5) , l'orobe à petites feuilles (6), la scorsormère rouge (7) , la sauge des prés (8) , et l'anémone sauvage en fleurs (9). On voit ^ Vers l'Oussa , des collines dépourvues de bois : leur exposition me parut très-propre à la cul-^ iure de la vigne. Bérésofka est situé entre ces (fj Âcct Tataricum* (i) Oxiacdnthd. (5) Rfràmnits cdih&rthcusi (4) Mespilus cotonaster, (f) Qjiosma simplex* (6) OrobiLS angustifoliuSé (7) Scor^onera purpured» (8) Salvid vtatensîs* (9) Ancmu'ae sylvestris. Collines A OUSSOLÎÉ. 32Î collines et l'embouchure de l'Oussa, clans le Volga. On trouve , au-delà de ce ruisseau ' les deux plus hautes montagnes de Scliigou- lefski; on les appelle Kourgan y et Molodezkoi- Kourgan. En sortant de Bérésof ka 3 on traverse , h, l'ouest , la colline de Ryga , qui est garnie de bois 5 on arrive ensuite à la montagne de Ka- bazkaia, qui avoisine celle des faucons d'Ous- solié , dont j'ai parlé plus haut. Un ancien fort,, situé sur cette montagne , me parut digne d'at- tention. Il croît ici les plus belles plantes ) elles ont quatre à cinq pieds de hauteur , et sont si touffues , qu'on a de la peine à les traverser. Les plus remarquables ? quoique très - com- munes dans cette contrée ? sont le lazer à trois lobes (1), appelé Gladisch par les hahitaiis du pays , la crépide de Sibérie (2) , à qui ils don- nent le nom de Skerda , et le bunias orien- tal (3) , qui pousse de hautes tiges. Ils l'appel- lentDiKAïA-REïKA , à cause de son goût de rai- fort, qu'il perd presque entièrement lorsqu'il croit dans des lieux ouverts. Les paysans man- gent crues les jeunes tiges de ces trois plantes, ainsi que celles de l'an géiique des bois (4). Celles (1) Lascrphium trilobum* (i) C refis Sihirica. (3) Bunias orientalis, (4) Angelica silvesiris. Tome L X. 322, î7&9- DE Köstytschi de la crépide de Sibérie ont un goût très-agréa- ble. On découvre , entre la colline de Ryga et la montagne de Kabazkaia, une profonde vallée , ou plutôt un vaste fond baigné par le Volga. On voit encore , dans cette vallée > les fosses à sécher les grains de l'ancien Oussolié , qui s'étendent jusqu'ici. Un cabaret, appelé Kabak , qui étoit anciennement dans cet endroit , a donné son nom à la vallée Kabazkaia-Avraga , auquel on a ajouté celui d'Arnienskaia : j'en ignore la raison. Cette contrée sauvage est couverte de jeunes taillis } elle est digne d'être habitée par les ours, dont nous trouvâmes des traces toutes fraîches. On voit, ça et là, de très-belles sources enfoncées dans des buissons. Il y croît beaucoup de julienne ( 1 ) , auprès de laquelle je trouvai le papillon mnémosyne (2) aussi abondant que la plante môme. J'y obser- vai un insecte très - remarquable , et qui est très-commun dans ce canton , le papillon sap- pho (3). La montagne d'Arménie est très-haute ; elle s'élève,, à l'ouest, par une pente assez douce; elle forme un cap rapide et inaccessible , à l'est et au nord,, vers le Volga et la vallée. On (1) Viola mirabilis. Hesperis matronalis« (z) Papilio mnémosyne. (j) Papilio sappho. Appendix, n°. 103 bis. A ÖUSSÖLIE. 3ï?3 & ré vêtu d'un rempart et d'un fossé unf petite plaine située à l'angle de ce cap. Cette tortifi- cation, qui a la forme d'un angle obtus,, est en très - mauvais état. Cette montagne, ainsi que celles qui l'avoisinent , sont composées de pierres calcaires. Je trouvai , dans les brous* saules épaisses dont elle est couverte, le cy- pripède ou sabot de Notre - Dame (i), l'ellé- borine (2), etl'aspérule odorante (3). Nous retournâmes à Oussolié par les sentiers des bois. Nous en partîmes F après-dîner , pour nous rendre àNovodévitschié. On traverse d'a- bord une plaine élevée , qui sépare les collines de craie des montagnes calcaires qui commen- cent près d'Oussolié. Elles s'étendent depuis Simbirsk jusqu'ici et le long du Volga» Près du village de Moschkof ka , on traverse le petit ruisseau de Féoklofka : ses rives basses ne sont composées que de sable et de terre glaise , ainsi que plusieurs collines voisines. On s'éloigne peu-à-peu à plus de quatre verstes du Volga. Une chaîne de collines , de craie blanche et marneuse , longe le fleuve. Elles s'élèvent tou- jours cle plus en plus, et s'étendent, sans in- terruption, au-delà de Novodévitschié. Cette chaîne s'élargit en pente douce vers les landes (») Cyprlpedium. (i) Hellehorine. (3) Asptrula odorata. x % 3^4 17%- D ^ KûSTÎTSCHÏ I occidentales. Ce talus est composé de marne blanche, de craie, et d'argile. La nuit nous surprit près de Masa , village seigneurial. La campagne , garnie de bosquets de jeunes chênes , étoit remplie de hannetons, qui Yoltigeoient dans l'obscurité : ils avoient dépouillé une partie des arbres. Le 1 5, je pour- suivis ma route de grand matin. On traverse le ruisseau d'Âkhtouschka. On arrive ensuite à des bois de chêne, où je vis l'abeille enflam- mée (i) , et une très-belle espèce de petit pa- pillon (2) , qui voltigeoient autour des fleurs» On ne rencontre , auprès de Novodévitschié , que des collines arides de craie , où croit Fivette (3) , qui étoit en fleurs. Nous y trou- vâmes le ceratocarpus (4) , qui croît à ras de terre 5 il ne vient que dans de certaines places, où il forme un tapis gris. C'étoit à-peu-près les seules plantes que je vis ici : tout avoit été brûlé par les chaleurs. Les rayons du soleil réfléchis- sent sur ces collines blanches, et deviennent plus pénétrans. Il fait aussi une chaleur hor- rible dans les lieux de cette contrée , entière- ment dégarnis de bois. Je suis persuadé que la vigne réussiroit à merveille au pied d'une par- (1) Apis œstuans. (2) Paplllo palœmoîi. Appendix, n°. 2 0)'. (3) Teucrium chamœpythis. (4) Ceratocarpus. Buxb. act. petrop. 1 , t. p. À 0 Ü § S O L î iL" Ss5 tie de ces coteaux, Avant d'entrer à Novodé- vitschié , on passe auprès d'mn trou de cinq à six toises de profondeur , qui s'étend jusqu'au ruisseau d'Ielschanka. J'ai eu le plaisir d'y voir arriver , peu de teins après moir le pro- fesseur Falk y et son adjoint le docteur Lépé- chin. Je parcourus avec eux une partie de ces contrées. Ce bourg est très-étendu ; il est situé près du Volga ,. entre des collines arides de craie. II sort plusieurs sources d'eau froide d'un ter- rain de craie marneuse ., qui est au pied de la montagne du nord :. les habitans blanchissent leur linge avec l'eau àe ces sources , qui con- tient beaucoup de particules calcaires, Elles se sont creusé de profonds ravins jusqu'au Volffa. Nous firmes , le 16 , àKouskino ou Kousmo- Démianskovo , village situé à l'ouest. On tra- verse , pour y arriver , une lande montueuse r où l'on trouve quelques bosquets et plusieurs plantes forestières , tels que le gaillet ru- bioïde (1) , le laser (2) , le lis rouge (3), et le millepertuis (4)< Ces plantes croissent peut- être ici à cause de la nature argileuse du ter- rain , qui est rempli de sources cachées , ou (t) G al lu m rubljidts. (>.) hascrpulum trilobum. (3) Lilium flore atro-rubente. (4) Hypericum,- x 3 32,6 Î769. I)E KoSTYTSCHf parce qu'il y a eu autrefois beaucoup de fo- rêts dans cette contrée. Plusieurs sources ras- semblées forment un ruisseau assez considé- rable près du village. Elles jaillissent d'un trou dont le sol est une craie argileuse., qui forme une couche sur la pierre d'argile. Cette lande , garnie de bouquets de bois , est toujours de même nature jusqu'au village de Klioutschist- schi. J'y trouvai le troilius d'Europe ( 1 ) en fleurs. Les insectes les plus remarquables sont le papillon tarpéia (2.) , le podalire (3) ,, et la piiaiène de la jacobée ( 4 )• ^n voit d'excel- lentes sources près de ce village : la plus con- sidérable a son cours dans un sol de craie 5 son eau , qui ressemble au cristal ^ est d'une fraî- cheur admirable. Je trouvai, dans les landes qui environnent le village , le bouillon blanc de Phénicie (5) en fleurs. La houque odori- férante (6) y est aussi commune que dans les plaines de Samara. Cette contrée est plus garnie de bois. La chrysocome velue (7) , la grande centaurée (8) , le grémil officinal (9) , et l'éper- (1) Troilius Europœus. (z) Papilla tarpeja* (3) Podalirlus. (4) Phalœna jacobœœ. (5) F'erbascum Phœniceum. (6) Holcus odorat us. {7) Chrysocome vlllosa. (8) Centaurea centaurlum* {p\ Llikospermum officinale. A O T7 S S Ö L ï E. Zlf vlère puante (1) y abondent .; elles n'étoient pas encore en fleurs. Le village qui suit est -habité par des Tschou- vasclies païens. Il est situé près du ruisseau de Téidakofka, dont il porte le nom. Nous famés au kérémet public. Il est dans un endroit char- mant , garni de bouleaux , près du ruisseau et à quelque distance du village. Il est tout ou- vert. On en voit un autre moins grand de l'autre côté du village , qui ressemble en tout au premier. D'ici à Oussolié , nous trouvâmes des col- lines tontes dégarnies : lepeucedan (2) y abonde autant que s'il avoit été semé : ce qui provient sans doute de la nature nitreuse et saline du sol que cette plante aime beaucoup. Nous arri- vâmes , vers midi , à Oussolié. Je n'a vois pas encore visité le Karaoulnoï-Bougor , ou mon- tagne de la vedète , dont J'ai parlé. Nous nous y transportâmes tous. On y remarque , parmi les plantes ? une espèce de chardon ( 3 ) , la centaurée (4) , £t la campanule de Sibérie (5) , une espèce de cucubale ( 6 ) , l'alysse calici- (1) Hierdcium virosum, Appendix , n\ 3^5. (i) Peucedanum, (3J Carduus cyano'uhs. (4) Centaurea, (5) Campanula Sibhica, (6) Cucubalus Otites* x 4 3z8 Î769. DE LvOFTt îial (1) , et l'œil-de-bœuf à feuilles de saule (2) | elles croissent en abondance sur sa cime. On les trouve également sur toutes les collines exposées au soleil, qui avoisinent Samara. Nous trouvâmes trois espèces d'insectes (3) sur les fleurs de toutes les tytimales ? et une quatrième espèce (4) sur celles des autres plantes. s. v I. De Lvopka a S c ô é l e k h m e t, Du 18 au 22 mai. ■JLvofka y 10 vers tes. — Pérévoloka , 10 v. — » Staroï-Résan > 8 v. — Brousiana 9 10 v. • — • Sévrioukova , h v. — Vinofka , 10 verst. —~ Schélekhmet , i5 verstes. Le 18, une légère indisposition que j'avois ressentie depuis plusieurs jours , me força de garder la chambre. Mes compagnons de voyage voulant me tenir compagnie , nous restâmes à Oussolié jusqu'au lendemain à midi. Nous allâmes à Lvofka , situé près de l'Oussa. On traverse un bois 5 nous y vîmes , parmi d'au- (1) Alyssum caliciniim. (2) Buphthalmum salicifolium. (3) Attelabus formte arius. Meloe schœftri. Lampyris sangulnea, (4J Attdahus polymorphus, Appendix, n°. 116. A S C H É L E K H M E T. 829 très plantes , l'iris de Sibérie ( 1 ) , et l'orcliis voilée (2) en fleurs. On commence à voir des bouleaux dans la forêt , près de l'Oussa , où le terrain est sablonneux 5 il y croît beaucoup d'ellébore. On a construit un pont sur la ri- vière , près de Lvof ka. Ses rives de sable sont fort élevées. Au lieu d'aller directement à Pet- sclierkaia , qui est au midi , nous lûmes coucher à Pérévoloka. Je connoissois la route de Pérévoloka à Sta- roï-B.ésan. Nous nous rapprochâmes ensuite du Volga , et cette route nous conduisit au vil- lage de Brousiana. Nous vîmes , en passant dans un bois, l'érable de Russie , et, dans les places humides , la croix de Jérusalem (3) , qui étoient tous deux en fleurs. En approchant du Volga , nous traversâmes des collines élevées , dont les unes sont bien boisées , et les autres arides, et ensuite des défilés pénibles, où nous trouvâmes la rhuyschiane ( 4 ) en fleurs , et. beaucoup de trous de tarentules. Ces collines arides sont remplies de terriers de marmottes ; elles se tenoient à l'entrée de leurs trous , et jetoient des cris perçans. Une partie de ces montagnes est composée de pierres calcaires, (1) Tris Slbirica. (z) Orchls conopsea. (3) Lychnis chalcedonica. (4) Dracocephalum ruyschiana. 33o 1769. DE Lyöfkjl qui paroissent avoir été formées d'oolittres fme£ clans plusieurs endroits, et dans d'autres de grains de spath. Le village de Brousiana est situé près du Volga entre ces montagnes. Nous trouvâmes la cynoglosse narcotique ( ï ) en iîeurs : cette plante étoit couverte d'insectes , qui étoient si bien collés sur ses fleurs , qu'ils pa~ roissoient endormis. Les plus communs étoient une espèce de scarabée (2) , et le charençoit crucifère (3). L'adonis du printems (4) étoit chargé d'un autre insecte (5) aussi remarqua - bîe, quiavoit rongé beaucoup de plantes. Eu sortant de Brousiana , nous passâmes par un ravin formé dans la pierre , qui doit son nom de Brousianskaia-Verschina à une source "voisine, qui se jette dans le Volga. Ce ravin est bordé d'érables de Russie. On trouve , parmi les cailloux qui composent son fond , des pierres k fusil , qui ressemblent beaucoup à l'agate. [Nous arrivâmes, dans la nuit., à Sévrioukovar village habité par des Tschouvasches idolâ- tres. Il doit son nom à son premier fondateur :: usage commun aux Tschouvasches et aux Ta- tars. Les habitans avoient fait de grands pré- ■ 1 M——— a m mnnTTTWirr rru m» hhiiwiiiiw^i hww — — — —— iwi— M— I — — — ' ' l i~r (i) Cy 110 p h s s um narcoticum. Cest sans doute de la cy- nop-lo'j se officinale dont il est ici question. (z) Scarabœus s tic ti tus. (3) Curcullo crucifer. Appendix, n°. 134. (4) Adonis venui. (5) Chrysomda adonidis. Appendix, n°. a£. A S G H é L E K H M. E T. 33l paratifs pour mi sacrifice extraordinaire, qui de voit avoir lieu le lendemain, pour demander de la pluie à leurs divinités. Notre arrivée leur fit remettre la cérémonie à un autre jour. Nous désirions ardemment d'assister à cette fête 5 mais nous ne voulûmes ni les gêner , ni troubler leur culte. Le 21 , nous côtoyâmes pendant quelque tems le Volg;a , en remontant , pour visiter une grande tombe voisine de ce fleuve ; on l'ap- pelle Askolinskoé-Lioubistsché , parce qu'elle dépend du district d'Askolinsk , ainsi que le village d'Iermatschikha. Des gens avides ^ qui ne voyoient que leur intérêt , ont fouillé cette tombe : le trou qu'ils ont fait est couvert de broussailles : ce qui prouve que leur recherche est déjà ancienne. On trouve, près de Sévriou- kova et du fleuve , deux autres monticules voi- sines l'une de l'autre , au pied d'une montagne appelée Souver-Tüve (ou montagne des mar- mottes ) ; elles sont peut-être des monumens ou des tombes. Nous passâmes ensuite près de Karmala , autre village Tschouvasché , et nous longeâmes une forêt qui abonde en érables de Russie. Nous y vîmes beaucoup de rhuyschiane en fleurs. Les montagnes commencent à s'élever près d'Ossinofka ou Nikolskoé , village seigneurial ; elles sont composées d'une marne de pierres calcaires , souvent ooliteuse. On se rapproche 33s I769, B E L V O F K A de la chaîne cle montagnes qui s'étend de Sehe- lekhmet au Volga. Le petit caragan , ou arbre aux pois, abonde sur le sommet de ces monta- gnes 5 on y trouve aussi beaucoup de marmottes.. Nous fûmes coucher à Vinofka, village situé sur le Volga, entre deux montagnes, et près d'un défilé arrosé par les eaux dans les débor- tlemens. Nous trouvâmes, dans le bois qui est à l'ouest sur le côté de la montagne , baigné par le fleuve , le petit arbre aux pois : il avoit plus de cinq pieds de hauteur. Nous y vîmes l'érable de Russie , et l'érable plane ( 1 ) j ils a voient de hautes ti^es assez fortes > ce qui nous surprit beaucoup , attendu que le premier est communément de la grosseur d'un bel ar- brisseau , et que l'autre , dans toutes les forêts de la Russie , est un arbre de petit taillis de médiocre grosseur. Il y croît beaucoup de dompte -venin noir (2), et de laser (3), qui étoieut en fleurs. Les places, dégarnies et hu- mides ? produisent abondamment une herbe odoriférante à grandes feuilles , d'un vert clair , ,qui ont la forme d'une flèche 5 comme elle n'é- toit pas fleurie, je n'ai pu remarquer si c'étoit le plilomîs de Nissole ( 4 ) ? ou toute autre plante. ( i ) A ' cer-plantanoïdes '. (2) Asclepicis nigra. (3) Laserpiiium trilobum. (4) Fhlomis Isis solii. A RoSHESTTINOr 333 Les champs de Vinofka occupent une vallée située entre deux monticules couvertes de bois; on entre ensuite dans une épaisse forêt très- fertile en plantes. J'en avois déjà traversé une partie en allant à Sysran. Elle s'étend jusqu'à Schélekhmet. Le lis martagon (i) et le buplèvre percefeuille (2) y croissent en abondance 5 ce sont les plantes les plus remarquables ; elles n'étoient pas encore en fleurs. Le papillon du peuplier (3) , qui est d'ailleurs très-rare, vol- ti>?eoit par troupes dans les places découvertes. Les papillons blancs de l'alisier (4) abondoient tellement dans les endroits abrités , que l'at- mosphère paroissoit remplie de flocons de neige* S- VIL De Roshestvino a Sa m^a r a.' Du 22 au 3o mai. Roshestvmo y 12 verstes. — Podgory , i5 y. — * Sernoï- Gorodok , 5 verst. — Montagne de soufre. — Samara. Not e réunion de société finit , le 22 mai , à Roshestvino \ nous nous séparâmes le lendè- (1) Lilhcm florlbus refiexis montanum* (î) Beupleuruni. (3) Papilio populï. (4) Pap Mo cratagi. 334 ty6y. i>e Roshestviko main. Je retournai à Samara : le professeur Falk m'y accompagna, pour se rétablir d'une légère indisposition. Il partit pour retourner à. Sysran aussi-tôt après son rétablissement. Je profitai de cette occasion pour visiter avec lui la montagne située près de Sernoï - Gorodok. Nous y fumes > le 29 , par Roshestvino etPod- gory. Nous nous séparâmes le lendemain, après avoir examiné tout ce que cette contrée a de remarquable. Les campagnes , voisines de Roshestvino , étoient dans l'état le plus déplorable , à cause de la sécheresse. Le mélilot et la gypsophile paniculée (1), qui commençoit à fleurir, sont les plantes les plus communes des terres en friche. La dernière est la plante la mieux con- nue des paysans qui habitent les landes méri- dionales de ce pays. Plusieurs l'appellent Scha- terr , lorsqu'elle est fraîche. En automne, dès qu'elle commence à être sèche , elle forme , avec ses tiges éparpillées , une espèce de buisson en forme de boule , que le premier vent déta- che de sa racine, et fait rouler dans la cam- pagne : ce qui épouvante souvent les chevaux des voyageurs 5 aussi les paysans lui ont - ils donné le nom de Périikatipolé , ainsi qu'à plusieurs plantes de la même famille , cjui crois- sent dans les landes. Cette dénomination varie dans plusieurs contrées $ dans les environs de (1) Gypscphila paniculata, A M A R A. OÔ5 Stavropol, on les nomme Katschim ; Poka- tin, près cle la Samara 5 Katipoié , près .du Kinel ; etKATOUN, ou Pokatour , près de l'Iaik, &c. Avant d'arriver à Podgory , nous passâmes dans un fond que j'avois déjà traversé dans mon voyage d'hiver. Il étoit inondé. A un verste de ce village, on arrive près d'un bras de la montagne gypseuse d'où l'on tire le soufre. Il ressemble à un rempart élevé , et il s'étend hors de la montagne vers le sud - ouest ; son extrémité , qui est entièrement aride , est com- posée de marne et de gypse. Il y croît cepen- dant beaucoup de gantelée (1), de poligala de Sibérie (2) , du grémii frutescent (3) , de l'or- canette simple (4), de la sauvevie(5), et deux espèces de caillelait (6). La partie la plus élevée est couverte de bois , et elle produit les mêmes plantes que les autres montagnes : le martagon y abonde particulièrement. A plus d'un verste de Sernoï - Gorodok , on traverse , avant d'y arriver, le ruisseau de Gavrilofskoï, Son eau n'a rien de sulfureux , quoiqu'il ait sa source près de la montagne de gypse. ■- (1) Campanula. (z) Poligala Slbirlca. (3) Lythospermum frutescent. (4) Onosma slmplcx. (j) Asplenium ruta murarla. (6) G a II um glauçum et verum. 336 1769. DE R O S H £ S T V I N o La fabrication du soufre a été transférée ici clés environs de Sereuiefsk , au commencement de ce siècle. Cet établissement consiste en une • maison de bols , où est le comptoir , en deux bâtimens de fabrique, et en une quarantaine de maisons de paysans : ces dernières sont éloi- gnées l'une de l'autre ; elles forment une rue sur la rive élevée du Volga, près de la mon- tagne. Les ouvriers y logeoient $ mais depuis que les travaux ont été interrompus , ils sont presque tous allés chercher fortune ailleurs. Il y a une douzaine de ces cabanes qui sont ha- bitées par les esclaves du propriétaire ; les autres sont tombées en ruine. Cette fabrique a été , jusqu'en 1720 , sous la direction des voïé- vodes de Samara ; le bureau de l'artillerie et des fortifications nomma alors directeur de cette fonderie le major Ivan ( Jean )]J\fo/ostq/\ qui y est resté jusqu'en 1757. Elle fut ensuite donnée , à cette époque , à Ivan Martoï ', négociant de Pétersbourg ; elle a passé à son fils Ajanasei ( Athanase ) , qui a fait discontinuer les tra- vaux depuis cinq ans , et l'a laissé entière- ment dépérir. On employoit autrefois vingt- trois maîtres et cinqt cents soixante-seize ou- vriers , amenés, la plupart, de Serguiefsk. Ils se relevoient tous les mois : de sorte qu'il y avoit continuellement cent trente travailleurs. Par le nouvel arrangement , le travail étoit toujours entretenu par cent vingt ouvriers à gages a Samara.4 337 gages , et quelques esclaves , qui ne se relè- vement plus. Cette fabrique fournissent annuel- lement mille cinq cents pouds cle soufre raffiné , et elle auroit pu aisément en fournir jusqu'à deux mille : ce qui prouve que cette fabrique , bien administrée , étoit supérieure à celles d'Ia- roslaf, de Kadom, et d'Iélatma , où l'on em- ploie des pyrites , qui fournissent à peine cinq cents pouds de soufre raffiné par an. Il ne revenoitici que de cinquante à quatre-vingts kopeks le poud \ le transport fait , eii hiver > avec des chevaux de louage , le renelierissoit d'environ douze kopeks. On ne sauroit assez déplorer la ruine de cette belle fabrique de soufre -\ et il seroit à désirer qu'on la fît passer à un autre proprié- taire , à la charge delà rétablir promptement , puisque c'est le bien du pays , qui d'ailleurs a beaucoup de bois de superflu. Cet établissement ne consiste aujourd'hui que dans un seul bâtiment à fourneaux et une raffinerie. Ce bâtiment er: situe dans la partie méridionale de Sernoi-G'vrodok. Il a environ * * • cinquante brasses de le rigueur ; il contient cm- cjuante-un fourneaux, tous sur la même ligne. Plusieurs menacent ru' ne, Chaque fourneau a son manteau de cheminée, un foyer, et deux gorges sur un coté 5 ils sont contigus l'un à l'au- tre , et rie forment qu'un même foyer avec une réparation formée par des briques, à la distance Tome L Y 338 ^7^9- BE Rossïstvïno de vingt-six pouces. On pose sur ces briquet un rang de creusets, nommés ici Balakri, et faits avec une argile qui se trouve dans les environs. On les remplit de la meilleure mine de soufre; les ouvriers la réduisent en petits morceaux. Ces creusets ont un couvercle que l'on cimente avec de la terre glaise et du sable. On allume ensuite le feu en dessous. lie soufre coule par des tuyaux de terre, dans des ré~ cipiens placés au côté opposé de la bouche des fourneaux $ ils sont posés sur des pieds dans des auges de bois remplies d'eau. La raffinerie est dans un autre petit bâtiment qui renferme trois fourneaux 5 ils ressemblent à des fours à pain. On y fait fondre de nouveau le soufre dans des creusets. On le coule ensuite dans des moules placés dans des auges remplies d'eau. Ces fourneaux sont construits d'une nouvelle manière. Les anciens avoient de mauvaises che- minées qui ne tiroient presque point ; ce qui a fait périr beaucoup d'ouvriers d'étisie , ou de fièvres lentes. Il n'est arrivé aucun malheur depuis la nouvelle construction. La montagne d'où l'on tiroit le soufre, s'élève des bords du Voloschka, presque vis-à-vis l'embouchure de la Soka 5 elle est très-escarpée, et elle par 01 1 avoir environ cent toises de hauteur perpendiculaire. Un vallon , nommé Koptief et Ougolnoï-Bouierak , sépare la mon- tagne de Sernaia , d'une chaîne de montagnes a Samara* 3^9 calcaires plus élevées. Elles quittent ici le Volga et s'étendent vers la partie occidentale de la montagne de soufre. Ce vallon , couvert de bois , renferme plusieurs villages 5 le froid ex- traordinaire qui y règne , même pendant l'été. l'a rendu célèbre dans le pays (1). Les pêcheurs qui montent et descendent le fleuve dans cette saison, s'empressent à venir passer la nuit dans cette vallée , pour se mettre à l'abri des mou- cherons, qui n'osent approcher à cause du froid. La montagne de soufre est entièrement couverte de bois de petit taillis fort touffu , et d'arbres mélangés ; le bas est rempli de ravins. Nous eûmes beaucoup de peine à monter à cause de la chaleur 5 le touffu des arbres et l'escarpement du sentier l'augmentèrent encore; et pour y gravir, il faut se servir autant des mains que des pieds. Il est étonnant que depuis (1) Je ne puis m'empêcher de faire mention ici d'un en-> droit semblable , qui se trouve , à ce qu'on prétead , sur les bords de la mer Caspienne. Il n'en est point parlé dans au- cune des descriptions de ces côtes, publiées jusqu'aujourd'hui; mais les Kosaques de Gourief m'ont assuré que lorsqu'on naviguoit depuis l'embouchure de l'Iaïk , vers Ast rabat , en suivant la côte , on parvenoit entre la pointe de Touk- karagan ou Tioutkaragan , et le havre de Bourkanskoï , au 440 30' de latitude, à une vallée profonde qui s'étend entre les montagnes de la côte. On y avoit envoyé ces mêmes Kosaques pour y faire de l'eau; mais le froid insupportable qui y régnoit , ne leur permit pas de s'y arrêter long-tems: et les força de rejoindre leurs vaisseaux. Y 2, 34o Ï769. DE RoSHESTYINd que l'on travaille sur cette montagne , on n'ait pas rendu le chemin plus praticable ; avec un peu de travail et quelques sinuosités , on auroit pu le rendre assez commode pour employer les chevaux à charier la mine 3 on a toujours préféré au contraire de la faire transporter par des ouvriers mal payés et taxés par poud. Ces pauvres malheureux étoient obligés de la porter sur leurs épaules pendant plus d'un verste , à travers des sentiers frayés dans les rochers , et si mauvais , qu'un homme sans charge risqué de se casser bras et jambes. C'est seulement à la cime de cette montagne , qui est également boisée ^ que l'on a exploité , jusqu'à présent , ces mines de pierres gypseuses, qui contiennent le soufre natif, en creusant des puits de cinq à sept brasses de profondeur. On les appelle ici Rosvalli. On ne sait à qui on doit la découverte de ces mines. Il paroît qu'on n'a point trouvé de soufre dans plusieurs de ces mines , ou peut-être n'en a-t-on eu que la superficie. La plus grande et la plus riche est au .sommet de la montagne. Elle a une galerie de quatre-vingts brasses de long , sur dix de large , ,et qui en a encore six de profondeur, quoique des éboulemens de pierres et de morceaux de rocher l'aient déjà remplie de décombres à quelques brasses de hauteur ; on aura beaucoup de peine à la remettre dans son ancien état. On in'a dit que cette mine avoit été exploitée pendant J? Samara» 34t dix années consécutives; qu'elle avoit prodi- gieusement fourni,, et qu'elle étoit encore très- riche. La montagne est composée d'une pierre calcaire fine, compacte et blanchâtre. Cette pierre s'étend en grandes tables par -dessous une couche d'argile marneuse blanche > et tra- verse, à ce qu'il paroît , toute la montagne. C'est dans ces grandes tables qu'on trouve .ce gypse en gros nids , qui est en partie poreux et très -tendre 3 il y en a quelquefois de plus dur qui tient de l'albâtre ; on en rencontre de seiéniteux en plusieurs endroits. Ce gypse est pénétré d'un soufre gris ou verdâtre , plus ou moins pur, ou cristallisé, ou incrusté de gouttes et de rognons de soufre plus ou moins consi- dérables. On a trouvé, dans le teins que les travaux étoient en vigueur , des masses plus fines de soufre ainsi cristallisé , de couleur citrine , à demi transparentes , qui pesoient plusieurs livres. On tiroit annuellement trois h quatre cents pouds de cet excellent soufre natif, qu'on faisait fondre avec l'autre. On rencontroit aussi , çà et là ., dans cette pierre gypseuse , de grandes tables de talc seiéniteux ; on en trouve encore des vitres dans plusieurs maisons des villages de Sernoï-G orodofc , Eod- gori et Roshestvino. Cette sélénitc feuilletée est même souvent chargée de petites masses de soufre vierge, sur-tout celle qu'on trouva dans les cavités. On voit,, près de la grande y 'à 34^ 5769* *>E ROSHESTTIKÖ mine , plusieurs cabanes ruinées , dont une servoit à fondre le soufre. Une des mines laté- rales est très-profonde et bien ombragée. Elle renferme, dans son fond, un puits dont l'eau froide et limpide est en même tems très-sul- fureuse. La glace et la neige s'y conservent ordinairement pendant tout l'été. Le nerprun cathartique (1), celui des Alpes (2.), et l'érable de Russie, sont les arbrisseaux les plus remarquables de la forêt épaisse qui couvre cette montagne. L'elléborine ( 3 ) , le sabot Notre-Dame (4) ? la grande centaurée (5) , le laser (6) , l'atliamante ou le turbith des mon- tagnes (7), le gesse (8) et la vesce pisiforme étoientenfleurs(9). Le giroflier érysimoïde (10) •y abondoit et commençoit à fleurir. Cette plante et le tournesol étoient entourés de beaux pa- pillons (11) et de sphinx (12). Il couloit des (I) Rhamnus cathanicus, (%) Rhamnus Alpinus, (3) Helleborine. (4) Calceolus. {<)) Centaurea centaurium. (6) Laserpicium trilobum. (7) Athamanta cervaria* (8) Lathyrus. (p) Vicia pisiformis. (10) Cheranthus ery simonies. (II) Papilio megœra, dej attira, camilla, sibilla, pruni, rubi. (ii) Sphinx caffra , phegea, ephialtes , cimex Uneatus , necydalis atra et flavesccns ; et autres semblables. A Shigoulefskié. 343 tiges de l'athamante ou faux turbitli des mon- tagnes (1) , une gomme aromatique fondante dans la bouche , et d'un goût très - agréable , que Ton ne trouve point sur le faux turbith des montagnes qui croît dans les landes plates. S- V I I I. De Samara a Shigoulefskié. Du ier au 16 juin. Samara, — Monts Shigoulefskié . J'arrivai de nouveau à Samara le 3o mai. On voyoit par les traces que les grandes eaux avoient laissées sur les saules des îles basses , que le Volga étoit déjà baissé de plus de deux ar- chines. Les eaux diminuant toujours, la Samara rentra dans son lit le 14 juin. Personne ne se rappeloit d'avoir vu une aussi grande disette d'eau dans la contrée ; c'étoit une suite du peu de neige tombée l'hiver précédent , et de la grande sécheresse du printems. Le Volga ne commence ordinairement à baisser qu'à la fin de juin, etcette année il n'étoit pas même parvenu à sa hauteur ordinaire* Les îles sabloneuses déjà découvertes commen- çoient à se garnir de fleurs. Le plus grand nombre des plantes qui y croissent sont les (1) dry aria alba* Y4 344 1769. de Samara mêmes que celles des bords de l'Okka que j'ai décrites. L'œillet glauque (1) y abonde , il étoit chargé de fleurs. Un grand nombre d'insectes rendoit la Tille et la campagne presque inha- bitables 5 ils abondoient principalement dans les lieux humides et les broussailles. Les plus terribles , qui peuvent être regardés avec raison comme un iléau pour les hommes et les bes- tiaux , sont trois espèces de taon (2) ,. les cousins ordinaires et une espèce de petites mouches brunes (3), dont Pair est presque obscurci, Elles font des blessures dans la peau avec leurs trompes raccourcies , et y laissent un peu. de sang \ elles se reproduisent dans le limon , la vase et les ordures. On les appelle en Russe Moskara. On est obligé, pour se garantir le visage de leurs piqûres , de s'envelopper la tête d'un large filet 5 on a soin de le tremper auparavant dans de l'huile de bouleau, dont l'odeur forte suffit pour éloigner ces mouches et les cousins, quelque nombreux qu'ils soient. Le cuir de Russie est imprégné de cette même huile. Personne ne marche, pendant cette sai- son, sans ce filet, qui est un remède assez dé- sagréable. La morsure de cette mouche n'est (1) Dlanthus glaucus. Dill. hört. Eltham. t. is>3 ,' f. 348'. (2) Tab anus tarandinus , bovïnus , occident alis* (3) Bibio sanguinarius. En Russe , Moskara j voyez 'Appendix, n°. 136. C'est une espèce variée du cidex repians* a Shigoülefskie,1 34S pas douloureuse. Elle se glisse entre le poil des bestiaux et les plumes des oiseaux , et s'y promène comme unpou. On en est incommodé jusqu'à la mi - juin. Elle disparoît alors entiè- rement , mais elle est remplacée , sur - tout vers le soir , par un grand nombre de petits moucherons presque imperceptibles 5 ils ne piquent pas ^ mais ils abondent tellement, qu'on ne peut s'arrêter un instant sans en avoir la bouche , .le nez , et les yeux remplis. On les nomme , en Russe > Kokhra (1) ; on s'en garan- tit avec des filets enduits de saindoux > au lien d'huile de bouleau. . Pendant mon séjour à Sernoï-Gorodok, j'a- vois envoyé plusieurs de mes compagnons de voyage observer les montagnes les plus élevées de ce pays, et chercher des plantes. Ils revin- rent le 3 juin. Voici ce qu'ils virent de remar- quable. Il croît beaucoup de lin campanule (2) et de renouée frutescente (3) sur la moins emi- nente des deux montagnes voisines de l'em- bouchure de l'Oussa. Les habitans de la contrée la nomment K0URGA.N , probablement à cause • — mr-t (1) Tipula sols tïcialis. V oyez Appendix , n°. 13?. (2.) Linum campanulatum. (3) Poligonum fraies cens. — Fnuicull graciliores , fo~ tiïs crebrioribus majoribusqiie* CalycUM foliota aucta tria maxi ma , rosea , ambitu virescenti pallida , dno mir mua reflexa , alba. Flores hexandri et heptandri. Se- mina ovato -lanceolata , acutissima. 34& ij6g. de Samara. de sa forme. Je ne me serois jamais attendu £ trouver ici cette renouée , qui y vient dans son plus grand accroissement. Je prouverai , dans la suite , que l'atraphaxis orientale ( 1 ) n'est qu'une dégénération de cette plante , dont elle ne diffère que par de petites particularités très-simples : peut-être même méritent - elles toutes deux d'être classées dans une autre fa- mille que celle des renouées (2). ' Les montagnes que l'on rencontre d'ici à Markouasch commencent au village de Schi- goulikha , situé près du Volga , ainsi que plu- sieurs habitations , entre le Kourgan, dont j'ai parlé , et une autre montagne de rocs , voisine du fleuve , et bien plus élevée que la première : on l'appelle Molodezkoï-Kourgan. Les liabi- tans de Shigoulefskié , la plupart incendiés , ont été s'établir dans le vallon formé par les deux montagnes, à plus d'un verste du Volga. Ils y ont bâti un village , auquel ils ont donné le (1) Atraphaxis orient ails. Atraphaxls splnosa. Limn Quoique cette plante ait de grands rapports avec le poly~ gonum frutescent , et qu'elle lui ressemble aussi par son aspect, sa fructification néanmoins Ten distingue constam- ment. Lam. [z) Polygona* Les deux plantes dont il vient d'être ques- tion, sont assurément essentiellement de la famille des re* nouées; mais M. Pallas a peut-être voulu dire que le po~ lygonum frutescens devoit être d'un autre genre et non d'une autre famille. Lam, A Shigoulefskié. 347 nom du vallon,, Troubetschina ou Trouba. Ce village manque d'eau ; on est obligé de s'en procurer de quelques fontaines situées dans le vallon , à un assez grand éloignement $ et c'est la seule dont on puisse faire usage. La montagne de Molodezkoï-Kourgan doit son nom, en partie., à la jeunesse du village , qui va s'y réjouir les jours de fête, et à plu- sieurs enterremens de bateliers morts sur le Volga. La montagne , du côté du fleuve , est brisée en pente rapide ; elle ne présente que de hautes murailles de rochers de pierre cal- caire grise. On y voit aussi une élévation ronde, appelée par les paysans Lépeschka (ou le gâteau ). Ce côté est composé entièrement de rocs ; on y trouve des antres et des trous entre les couches de chaux , dont le fond est communément revêtu de cristaux de spath cal- caire en druse ; ils ont la couleur du petit- lait , et ressemblent à du quartz \ ils y sont attachés en forme de pyramides hexagones irré- gulières. Les insectes remarquables de ces deux montagnes sont le grillon obscur ou foncé ( 1 ) , et trois espèces de papillons (2). Une partie de ma suite , et les équipages les plus lourds, se rendirent de Samara à l'Iaïk par les landes desRalmouks. Avant de quitter (1) Gryllus cbscwus. (x) Paplllo Phœdra, Hermione et Galachca* 3^8 1769* D*. S A M A R À cette contrée , j'avois résolu de retourner à l'embouchure du Soka par Krasnoïarsk , et de remonter jusqu'à Serguiefsk, pour observer les plantes* Krasnoïarsk est la première forteresse de la ligne de Sakam. Je partis le 11 juin, après avoir fait sept à huit verstes , traversé des cam- pagnes arides , et plusieurs collines 5 j'entrai dans une très - belle plaine inculte , garnie de plantes et d'herbages très - élevés •> elle est en- trecoupée de bas-fonds garnis de bois , et son terrain n'offre qu'une terre noire grasse de deux pieds de profondeur. La contrée , située entre le Kinel et le Soka , est de même nature ; on y désireroit des cultivateurs laborieux. Ces cam- pagnes superbes sont remplies de plantes utiles et salutaires. Le genêt ( 1 ) y croît en abon- dance presque par-tout. On trouve , dans les fonds humides , l'oseille des Alpes (2) ; ses ra- cines ressemblent beaucoup à celles du rapon- tic. On l'emploie souvent contre les vers des enfans et des bestiaux. La croix de Jérusa- lem (3) abonde également dans les lieux garnis de buissons. On l'appelle Kokouschkino et Dikoé- Mouilo -y le bas peuple de ce pays la connoît sous le nom de Koukous „ qui signifie savon : le Calice des fleurs , ainsi que la plante > (1) Genista. (1) Rumex Alplnus. (3) Lychnis chalcedonica. A SHlGOtJLEFSIli $49 écume si bien dans l'eau, qu'on peut s'en servir pour savonner le linge. Les plantes répandues dans cette contrée , sont trois espèces de vé- ronique ( î ) , Tathamante ou faux turbitli de» montagnes (2) , le peucedan des prés et offi- cinal (3) , leseseli nain (4), le gaillet jaune (5), l'œillet prolifère et glauque (6 ) , la sauge des bois (7) , deux espèces de moldavique (8) , la queue de lion deTatarie (9) , le phlomis bul- beux (10)^ le sainfoin d'Espagne (n)3lascabieuse jaune pâle ( 12 ), la centaurée scabieuse (i3) , le chrysocome biflore (14) , la grande centau- rée (i5) , la chrysanthème à corymbe (16) , l'an- née d'Allemagne (17) , et la chicorée. IMous (î) Veronica paniculata , spuria et chamœdris, (i) Athamanta cervaria. (3) Peucedanum silails et officinale, (4) Seselï pumilum. (5) Gallium verum. (ö) Dianthus prolifer et glaucus. (7) Salvia nemorosa. (8) Dracocephalum nutans et sibiricum, (9) Leonurus Tataricus. (ro) Phlomis tuberosa. (11) Hedysarum onobrychis. (n) Scabiosa ochroleuca. (13) Centaurea scabiosa. (14) Chrysocome biflora. (15) Centaurea centaurium. (16) Chrysanthemum corymbiferum* (17) Inula Germanica* 35o 1769* d'Alexéiefsk entendîmes, sur le soir, dans cette charmante contrée, un grand nombre de lièvres sauteurs. A la distance de vingt verstes , mon voyage fut interrompu ; la voiture des compagnons de voyage que j'avois avec moi versa en des- cendant une montagne : mon chasseur eut la hanche démise , et le cocher la main droite fracassée. Nous retournâmes, dans la nuit, à Samara avec nos deux blessés. Ayant rempli une partie de mes vues, je renonçai à ce voyage. Je partis de Samara le 16, pour me rendre à Orembourg. S- I X. D'Aiixéieisk a Marko f k a. Du 16 au 19 juin. Bourg & Alexéiefsk, 2.4 v. — Contrée entre Alexéiefsk etBorsk. — Contrée baignée par la Samara. — Ruisseau de Bouratschka , 17 V. Bourg de Krivolouzkaia , 8 verst. — Krivo- touka* — Mouisefka , 8 v. — Ruisseau de Sarbaï, 9 verstes. — Markofka. Nous prîmes , jusqu'à Alexéiefsk , la route ordinaire qui côtoie la Samara. Toute la con- trée, qui est entre ces deux lieux, est com- posée de plaines élevées , arides et mélangées de quelques bois et de bas-fonds remplis d'her- bes : les plantes les plus communes sont une A M a n k o F ïc a. 35 1 espèce de cucubale ( 1 ) , et la gypsopliile pa- niculée (2). On voit,, sur une hauteur, à près de dix verstes de la Samara , un étang très- vaste et très - profond , d'un demi - verste de longueur , qui ne renferme point de pois- sons. On y trouve aussi un bas-fond rempli d'une eau croupissante. Alexéiefsk est située sur une éminence assez; considérable, près de l'embouchure du Kinel ^ dans la Samara. La ligne de Sakan commence à la réunion de ces deux rivières $ elle est si couverte d'herbage 9 qu'on ne la distingue pres- que plus (3). Ce bourg est habité par des Ko- fi) Cucubalus otites, (z) Gypsophila paniculata, (3) La ligne de Sakam commence à la Samara, près d' Alexéiefsk , et aboutit à l'ancienne ligne proche de la re- doute deKitschin, province de Kasan. Elle étoit presqu'en- tièrement ruinée à l'époque ou M. Pallas la visita. On la remit en état en 1773 > Pour arrêter les incursions des Basch- kirs et des Kirguis ; mais on a construit depuis de nouvelles lignes dans le gouvernement d'Oufa , et Ton a abandonné celle - ci qui consiste dans les bourgs et forts suivans : Alexéiefsk, bourg; Krasnoï , redoute 5 Krasnoiar, fort; Ser- guiefsk , petite ville ; Khoraskaia, Tschernorietschenskaia , Orléanskoï, Kandourtschinska , Podtarschankaia , forteresses j Tschéremschanskaia, forteresse sur la Tschéremschan ; Sche- schminskaia , forteresse sur le Scheschma , qui se jette dans la Kama ; Kitschouiskaia , fortin , lieu assez misérable , mais remarquable par ses mines de cuivre , situé sur le Baritsch , près de son embouchure dans le Kitschoui. Les bourgs suî- 352 17^9* d'Alexéiefsk saques de Samara , clés invalides , des artisans > et des laboureurs. On tire de la montagne , sur laquelle il est situé , une pierre calcaire blan- che , facile à tailler et à polir , que les habitans emploient àdifférens ouvrages. Lapins grande partie de la colline est cependant posée sur une pierre de gypse , que l'on découvre près de la Samara $ elle se fend par tables horizonta- les : ses couches sont variées de couleur grise" ou blanche , et de couleur d'ocré, et quelque- fois rayonnées et séléniteuses. La pierre de gypse blanche est plus abondante que les au- tres : la grise se fend par tables moins épaisses. On trouve , dans plusieurs cavités , une marne verdâtre. Sur la cime de cette colline , et par conséquent dans le bourg même , on voit un enfoncement assez considérable , qui a la forme d'un chaudron ; il renferme une mare pro- fonde, qui ne tarit point; on l'appelle Ladan- sko-Oseroe ( lac d'encens ) , parce qu'il exhale une forte odeur d'asphalte , que l'on sent dès qu'on approche de sa rive. Son eau trouble et limonneuse a un goût de bourbe. Les bestiaux la boivent cependant avec avidité. Il ne ren- ferme point de poissons ; mais plusieurs étangs , situés dans des bas-fonds voisins , en fournis- sent en abondance , et on y voit beaucoup de vans ont été établis pour les milices du pays : Krivolouskaia, Sarouschkaia, Sarb.Yiskah et Amanskaia.. rate A M A R ÏC Ö F K A. 353 rats musqués , et de tortues. La Samara fournit aussi beaucoup de poissons ; on y pêche uiz grand nombre de sterlets et de barbeaux y la saumon blanc et le glanis y sont assez rares. On y prend encore beaucoup de lamproies et d'anguilles. La bordelière (i)yest d'une assez belle grosseur. On l'appelle Lobatsch. On voit de superbes prairies dans les fonds humides situés au-delà de la Samara $ il y croît beaucoup d'ail poireau (2.) ß de réglisse à gousses velues (3) , et d'asperges qui sont très-grosses. On trouve en abondance , sur les rives pierreuses de la Samara , la potentille couchée (4) : le gril- lon bleuâtre (5) y est assez commun, aixisi que dans les contrées méridionales. On a fait un chemin dans les landes , qui conduit d'Alexéiefsk à Iaïtzskoï- Gorodok. On ne trouve point d'OuMETS ou cabaret sur cette route ; on rencontre seulement quelques ca- banes où l'on peut se procurer du foin et de> l'eau. La route d'été pour aller à Orembourg passe par les landes qui sont à la gauche de la Samara et du Kinel; lorsqu'on les a traver- sés , on y trouve des collines et quelques bas- fonds. A vingt-huit verstes d'Alexéiefsk est le (ï) Cyprinus balUrus. (z) Alllum scorodoprasum. (3) Gliclrrhiyi hirsuta. (4) PotentULa supina, (<;) Grillas cœrulescens* Tome /. Z 354 îj6<). d'âlex^iefsk bourg de Motscluiiskaia , qui est habité par des Tatars de Kasan. On passe le fort de Kras- nosamarsk à dix - sept verstes plus loin ; on rencontre ensuite deux oumets , appelés Ket- schétof et Bohatoï ; on les a établis à cause de la longueur du trajet. On arrive ensuite à la forteresse de Borsk , éloignée de quaiante- neuf verstes de Krasnosamarsk. J'ai pris t cette route dans un voyage que je fis à la lin de l'année. Il est difficile de trouver une contrée plus agréable que celle-ci. On y voit de su- perbes forêts de bouleaux et de trembles mê- lées de pins en plusieurs endroits , et variées par des monticules et des pâturages abondans en herbages et en plantes. Peu de pays méri- tent autant d'être peuplés que le district qui borde la Samara. Les plus belles terres à labour suffiroient à un grand nombre de villages. On trouve , dans les fonds , les plus beaux pâtu- rages. Cette contrée produit beaucoup de ga- zelles (1) et d'élans (2) 5 ils se dispersent, en hiver, dans les bois et les buissons situés sur les bords du fleuve , des rivières , et ruisseaux qui s'y jettent , ainsi qu'auprès des montagnes des landes. Les élans s'y nourrissent , en hiver, avec les jeunes pousses et les écorces du trem- ble et du peuplier qui y abondent. En été , ils (t) Cervus pygargus* (%) Cervus alce vel aie es. a Markofka 355 ne peuvent être mieux abrités et trouver une meilleure nourriture que sur les vastes mon- tagnes de ces landes désertes. Le chevreuil y est également bien: le vent , enlevant la nei^e de dessus les éminences , il se nourrit avec l'herbe qui y est conservée. Les Rosaques tuent chaque année un nombre fixe de ces chevreuils et élans. La chasse se fait ordinairement dans le mois de mars : le soleil , qui a déjà acquis de la force , fond la superficie des neiges, et les gelées de la nuit forment des croûtes assez fortes pour qu'on puisse courir dessus avec des patins de bois , appelés Lyshi par les pay- sans. Ces animaux brisent cette croûte avec la corne de leurs pieds : ce qui les dérange et retarde leur course. On les cherche à la piste , et on les chasse dans les vallées , où le vent a amoncelé quelquefois cinq à six pieds de neige ; lorsqu'on les tient , on les tire : les chiens , qui courent à merveille sur cette neige crus- tacée , les arrêtent assez de teins pour que les chasseurs puissent les tuer à la lance , et les chevreuils sur-tout s'écorchent tellement les pieds en courant , qu'ils sont bientôt hors d'é- tat de se sauver. Les élans se défendent con- tre les chiens , et les tuent à coup d'ongle. Le mâle perd son bois ennovembre , après le rut; il lui en pousse un nouveau au printems. La femelle fait ses petits vers le mois d'avril ; elle en a communément deux. Il en est à-peu- Z 2 355 Î769. d'Aleséiefsk près de même clu chevreuil : son bois , quoi- que mou et cotonneux , est un peu plus formé au printems que celui de l'élan. Leurs peaux se vendent un très - bon prix 5 elles sont assez belles ., très - légères , et elles résistent beau- coup à l'humidité. Quelques personnes en font des vildschoura communs 5 elles seroient bien plus propres à cet usage , si le poil ne tom- boit pas si aisément. Les peaux d'élans se ven- dent un rouble, et souvent un peu plus. La viande se débite au contraire à très-bon mar- ché. On trouve ici , et dans les landes baignées parla Samara et le Kinel, beaucoup de belles hermines , et les bois fournissent des martres zibelines , qui ont la gorge couleur de feu très- vif. Un grand nombre de chasseurs vont passer avec les Kosaques une partie de P arrière-saison dans ces landes , pour chasser aux loutres , aux castors , et aux renards. On trouve encore quelques loutres et castors près des rivières qui traversent ces landes 5 ils sont même aujour- d'hui assez rares. Les renards de* cette contrée sont assez beaux $ mais plus on remonte la Sa- mara, et plus on s'éloigne de cette rivière au midi, plus ils dégénèrent ; ils ressemblent aux renards que les Rirguis prennent dans leurs landes , et qu'ils vendent sous le nom de Ka- hagan (oreille noire ). Ceux qni font ici le com- merce de la pelleterie les appellent Samahki. aMarkofkâ 357 En quittant Aiexéief sk , je ne pris point cette route; je suivis le Kinel, en remontant, dans l'intention de voir une partie de cette rivière. On. traverse des collines qui s'élèvent peu-à- peu , et qui rendent sa rive droite montagneuse, tandis que sa gauche ne présente que des landes basses et unies : et cette rivière a cela de com- mun avec le Volga et la Samara. Les collines que nous traversâmes sont très - arides £ mais nous entrâmes plus loin dans une contrée char- mante , couverte d'herbages , et garnie de bou- quets de bois. Outre les plantes dont j'ai fait mention en parlant des bords de la Samara , j'y trouvai beaucoup de blattaire ou herbe aux mites (1) , et du grand pied d'alouette (2). On voit y près des ruisseaux et dans les fonds hu- mides , le séneçon herbe d'or (3) ; cette plante n'étoit pas encore en fleurs , et elle n'est très- abondante que vers le milieu de l'Iaïk. Je ren- contrai , tout le long des chemins , beaucoup de berle faucillière (4) ; je ne l'ai vue que près du Kinel et de la partie supérieure de la Sa- mara. On trouve souvent, dans les coquelour- des ( 5 ) de cette contrée , une monstruosité (1) Verbascum blattaria. (z) Delphinium elatum. (3) Sejiecio doria, (4) Sium f aie aria. (5) Pulsatïlla folio crassiore et majore flore Z 3 3oS ij6g. d'Âlexéiëfsk très - singulière ; quoique le calice et les eta-~ mines s'y trouvent clans leur naturel , tous les pistils sont formés en petites tiges , et chacune a deux- petites feuilles pointues à son extré- mité. Une de* nos voitures s'endommagea près du ruisseau de Bouratschka ; nous fûmes ohli es d'y passer la nuit pour la raccommoder. Cette nuit fut très-belle , mais les cousins nous tour- mentèrent beaucoup. Il plut un peu vers le matin , il n'étoit pas tombé de pluie ici de- puis le mois d'avril. Le ruisseau de Bourat- schka a son embouchure dans le Kinel ; il coule dans un bas-fond entre des monticules garnies de cerisiers sauvages. La haute montagne de Bourazkaia s'élève en-delà du ruisseau j elle est composée de chaux et de gypse. Nous la cô- toyâmes dans un fond qui borde une eau crou- pissante y nous longeâmes ensuite le Kinel jus- qu'au bour? de Krivolouzkaia. L'érable de Rus- sie croît en abondance sur les rives garnies de buissons \ il y est de la plus grande beauté. L'arbre à pois y forme des haies naturelles. Le peuplier blanc ou aubel , appelé ici Topol, est très -commun sur les bords du Kinel , de l'Iaïk , et vers la partie supérieure de la Samara. Il ne croît point vers le nord, ainsi que plus avant vers le Volga. Les plantes particu- lières aux bords du Kinel, »ont le grand rai- ■ À M'A R K O F K A.' 3 Fort ( i ) ^ et une espèce cle sabline ( i ) très- remarquable ? qui a trois pieds de hauteur ; cette dernière étoit déjà défieurie. Des soldats réformés ont bâti le village de Krivolouka , dans une situation charmante , et sur un coude nommé Kriyaia ? Louka ; il est formé par un détour de plus de sept verstes que fait le Kinel, qui est asse& considérable dans cet endroit. L'eau de cette rivière est verdâtre j elle abonde en poissons d'espèce commune , principalement en une espèce de carpe (3) : que l'on pêche avec des hameçons amorcés d'alevins. On y trouve beaucoup de mouches cantharides (4) , la punaiseà raies (5) 9 et la chrysomèle soufrée (6) est presque sur toutes les fleurs. On voit , près de l'eau , la mouche aquatique à pieds ailés (7). Le chemin de Krivolouka à Borsk va en droi- (1) Cochlearia armoracia* (1) Arenaria. Autant que j'ai pu le voir par la description? ce doit être la môme plante décrite sous le nom Saisine fouis subulatis , inftrioribus longissimis , floribus umbel- latis (ou plutôt corymbosis ) dans la Flora Sibirica, part» IV, §. t 57 , n°. 64. ïl me semble que, par sa figure et ses parties fructifères, elle doit piutôt appartenir a la famille du grand pied-d'alouette (£) , de F ail- poireau et du kipérion. La chrysocome biflore (3) est la plante la plus commune. Nous côtoyâmes ensuite le ruisseau de Zarbaï , qui est consi- dérable 5 il se jette dans le Kinel. Il fait beau- coup de sinuosités près d'une monticule en plate- forme , en serpentant entre deux rives pro- fondes garnies de broussailles. On le traverse sur un pont , et nous fîmes huit verstes pour ar- river au village d'ilmény. Nous trouvâmes, sur le soir , près du ruisseau de Zarbaï , beaucoup de grenouilles tachetées d'une espèce particu- lière (4) , qui sautoient lourdement sur l'herbe. (1) Lavatera Thuiinglaca» (z) Delphinium elatium. (3) Chrysocome biflora. (4) Ranci vespenina. Appendix , n°. 8p. À M A R K O F K A. 36l Elles sont remarquables par leur croassement , qui n'est point désagréable; il ressemble à un ronflement doux et continu. On les entend une partie de la nuit. Avant d'arriver au village d'Ilmény ou Ti. maschéva , nous essuyâmes un grand orage , suivi d'une forte pluie , à l'entrée de la nuit. J'ai remarqué que , dans cette contrée , les orages viennent du sud - ouest. La chaleur fut cependant aussi forte le lendemain que le jour même de l'orage. Nous traversâmes des landes élevées, sèches r et arides $ je n'y trouvai d'autres plantes que le mélilot jaune , et la scabieuse jaune pâle (1) , dont les feuilles , larges et fendues , étoient remarquables. Près de Markof ka , on entre dans des bas - fonds variés et des forêts , qui abon- dent en plantes. J'y trouvai le faux turbith des montagnes ( 2. ) , qui avoit plus de cinq pieds de hauteur 5 il a souvent une double couronne de fleurs. Elles étoient entourées d'insectes : les plus remarquables étoient le papillon Apol- lon (3) y et le sphinx Méduse (4). Deux plantes fixèrent mon attention : l'une est le lin cam- panule ( 5 ) y qui croît abondamment sur les 1 11 m ni. 1 11. ii .1 u 111 .i I (1) Scabiosa ochrolcuca. (t) Athamanta cervaria. (3) Papillo Apollo. (4) Sphinx Medusa. Appendix, n°. 109. (5) L'uium campanulaium. 362. 1 769. n E TsCHERKASKf bords de la forêt 5 l'autre est celle (1) dont le docteur Rinder a fait , depuis peu , la décou- verte , près d'Orembourg , qui a été, jusqu'à présent , inconnue aux botanistes. Elle est très- rare dans ce canton,, et la grande sécheresse fut cause que nous ne lui trouvâmes qu'une petite quantité de graines sauvages. On trouve , clans ce district, beaucoup de sources considé- rables , qui sortent en plus grande partie des monticules ; quelques-unes prennent leur nais- sance près du chemin. Les bas-fonds sont rem- plis de petits bourbiers et de mares d'eau , dont les bords sont couverts de l'échinope azu- rée (2) , et du séneçon herbe d'or (3). s. x. De Tscherkask a Pogrann o ïr Du 19 au 22 juin. Bourg de Tscherkask , 7,5 v. — Koutoulouk , 3o v. — Forteresse de Borsk , i5 v. — For- teresse d' Olschansk , 33 v. — Forteresse de Bousoulouzk , 18 v. —Redoute de Togran- noï , 18 v. Cette contrée , charmante et variée , est la (1) Rlndera tetraspls. Appendix, n°. 287. Cynoglossum Jœvigatum. (2) Echhiops rltro. v (3) Senecio dorla. . ... A F O G R A H N O 1. 363 même jusqu'auprès du bourg de Tsclierkask , situé à peu de distance du Kiriel , dans une campagne beaucoup plus ouverte. Il a été bâti en 1744 Par c^es Kosaques de la petite Russie $ ils vivoient auparavant éparpillés dans de pe- tites habitations , surla-lisnede l'Iaïk : les bri-» • gandages des Kirguis les forcèrent à se rassem- bler. Les habitans de cette florissante colonie ont conservé la manière de vivre de leurs an- cêtres. Leurs maisons sont propres ; elles ont des cheminées et de bons poêles. Ils s'adon- nent principalement à la culture du tabac et à l'économie rurale. Ils vivent en liberté et avec le plus grand, contentement 5 ils choisis- sent entre eux un Attaman, qui est approuvé par te chancellerie de Stavropol , et qui a sous lui un aide - de - camp , qu'ils appellent Îe s- saoul. Ils sont- habillés à la Kosaque ou à ïa Polonoise. L'habillement d'été des femmes consiste dans une simple chemise un peu bro<* déé autour du cou ; elles portent ? au lieu de jupon , un morceau de calniande rayée à car- reaux de plusieurs couleurs , qu'elles fabri- quent elles-mêmes , et dont elles s'enveloppent , en l'affermissant par une bande autour de la ceinture. Cet habillement est nommé Plakhta, il ressemble entièrement à celui que portent les Ecossois, et qu'ils nomment Plaid. Les femmes de Tsclierkask portent de petits bonnets d'étoffes de couleur 5 qu'elles entourent d'une 364 *7^9' DE Tscherkasä bande , dont les extrémités brodées pendent derrière le cou. Les filles font deux tresses de leurs cheveux , qu'elles passent autour de la tête; elles mettent pardessus un fronteau de grains de coraux de verre , et autres colifichets de plusieurs couleurs. Leurs cérémonies de mariage tiennent beaucoup de celles des Ta- tars , quant à un point essentiel , qui est à- peu-près le même chez les Frisons et les Hollan- dois. Leurs fiançailles durent deux ans ; il n'est point permis au fiancé de toucher sa future la première année. Le jour du mariage , lorsqu'on reconduit l'épouse chez elle , après la cérémo- nie , on porte derrière elle un drapeau com- posé d'un Plakht.a rouge ou noir , pendu à une perche : la couleur dépend de la déclara- tion que fait le nouvel époux, relativement à la conduite plus ou moins vertueuse de sa femme, vers la fin des fiançailles , époque où le prétendu se permet un peu plus de licence. Leurs métairies sont éparpillées dans les landes. Ils élèvent beaucoup de bêtes à cor- nes , et ils emploient , en grande partie , les bœufs aux travaux de la campagne , quoique le plus grand nombre de ces paysans possèdent de vingt à trente bons chevaux. Ils ont encore de nombreux troupeaux , et la plupart sont possesseurs de quatre cents moutons. Ils m'ont assuré que leurs moutons ont beaucoup dégé- néré , que leur laine devient plus grossière et a PogrannoÏ. 365 plus longue : ce qu'il seroit facile d'éviter, en croisant les races , et se servant de béliers étran- gers. Ils ont d'ailleurs la sage coutume de ne laisser jamais approcher le bélier des brebis qu'après le jour de la Saint-Pierre , c'est-à-dire, à la fin de juin. Ils observent cet usage , afin que les agneaux ne naissent point dans un tems désavantageux. Ils tiennent leur bétail dans la plus grande propreté , et ils ont soin , en hiver, de ne point jeter le foin parmi les moutons ; mais ils le posent à terre avant de les lais- ser approcher, afin de n'en pas remplir leur laine. Ils vendent la plus grande partie de ces laines, près de l'Iaïk , deux à trois roubles le poud : leurs moutons se vendent au même prix que ceux des Kirguis, et ils se débitent, ainsi que le gros bétail , dans les environs du Volga, Une gale opiniâtre, qui attaque leurs mou- tons , est la seule maladie qui ait affligé jus*- qu'ici leurs bestiaux. Ils les guérissent avec une légère décoction de tabac ; ils emploient l'ai- gremoine (1) contre les vers dont les bestiaux sont attaqués : aussi ont-ils appelé cette plante TSCHERVETSCHNIK. Les femmes s'occupent principalement de la culture du tabac. Ils ne plantent que celui à feuilles rondes , parce qu'ils trouvent celui à feuilles longues trop fort. Ils cultivent aussi (i) Agrimonia. 366 1769. DE TSCKERKASK plusieurs plantes potagères, telles que le maïs, des arbouses , et toutes sortes de légumes ; mais la sécheresse avoit fait cette année un tort con- sidérable à leurs potagers , ainsi qu'aux di- verses espèces de grains. Les femmes et les eiifans s'occupent , depuis la mi-juin jusqu'à la mi- juillet, de ramasser la cochenille de Pologne , qu'ils appellent Tscher- Vetz. On trouve cet insecte dans les places sèches et maigres , le plus souvent autour des racines de fraisier (1) , qu'ils nomment Glou- baika, ainsi que sur la quintefeuille (2), qu'ils appellent Mokhna: cette dernière n'abonde pas dans cette contrée. Ils m'ont dit que , dans la petite Russie , on trouvoit cette cochenille' Sur une troisième plante qu'ils nomment Smolka , et qui ne croît point près du Kincl. D'après leur description , je crois que ce doit être le millepertuis commun (3). Ils déracinent ces plantes avec le couteau , et mettent dans un vase les petites vésicules bleues qui pendent à la sommité de la couronne de la racine : c'est l'insecte qu'ils appellent cochenille. On en trouve jusqu'à dix ou douze à chaque plante. Ces vé- sicules mûrissent dans le mois de juin , selon que la saison est plus ou moins douce. L'in- fi) Fragaria. (i) Pote/7 tllla reptans. (?) Hypericum vulgare. Hypericum perforatum* Linn. A P O G B. A N N O 1. secte commence à en sortir en juillet : ce que les femmes Tschericasses savent très-bien. Elles ramassent de préférence l'insecte femelle hors de sa vésicule , parce qu'il donne alors une couleur plus pure , qui est de meilleure qua- lité. Elles m'ont assuré unanimement que toutes les cochenilles , qui existent dans une contrée, se rassemblent en essaim sur un arbrisseau quel- conque un certain jour; elles ont la supersti- tion de croire que , pour trouver ce trésor 9 il faut aller le chercher de très - grand matin à la campagne , le 8 juillet ( nouveau style) , jour de. la fête de Kasan. Elles mettent la coche- nille dans un tamis , pour la séparer de la terre qui y reste attachée ; elles la font sécher en- suite dans un poêle à un feu très-modéré , 011 clans un four ; elles la conservent dans un lieu chaud. Elles la vendent très-cher, à cause de la peine qu'elles ont à la ramasser , et elles en font rarement de plus grandes provisions que leur nécessaire. Elles l'emploient à teindre les ceintures et les fils de laine dont elles brodent et ornent leurs habits. Elles mettent la laine dans du quas ou levure très - aigre, composé de farine et d'eau , en y ajoutant un peu d'ahm. Elles l'y laissent tremper pendant vingt-quatre heures dans un vaisseau qu'elles ont soin de placer dans un four. Elles la tordent , et la font sécher. Elles broient la cochenille , et la l'ont bouillir dans de l'eau : et aussitôt que la couleur 368 17^9- DE Tscherkask est faite , elles y mettent la laine , et font bouillir le tout ensemble. Une poignée de cochenille suffit pour teindre deux ceintures > ou une livre de laine. Cette couleur n'est guère plus belle que celle de l'origan vulgaire , mais elle dure davantage. Je visitai , pendant l'hiver suivant , la con- trée qui est plus élevée vers le Kinel 5 elle s'é- tend jusqu'au bourg de Bogoroslansk. Elle res- semble à celle qui est baignée par le Sok et la Samara. Toute la partie droite de la rivière est montagneuse : la gauche n'est composée que de landes , avec quelques collines en terre-plein. On y trouve de superbes bois de bouleaux y qui prouvent la fertilité de ces belles campa- gnes. Les landes sont, en plus grande partie, remplies d'herbages , qui viennent à une très- belle hauteur ; ils sont mêlés de trèfles et d'au- tres herbes de pâturage excellentes. On con- vertiroit facilement ce terrain en excellens champs. La population de cette contrée, fer- tile et salubre , mériteroit bien d'être au^iuen- ' CT tée de plusieurs milliers de laboureurs ; l'abon- dance des récoltes les récompenseroit riche- ment de leurs travaux. Les paysans que l'on a transplantés ici de diverses contrées de la Rus- sie , se félicitent d'être dans ces nouvelles de- meures. Ils sont, en partie, composés deMor- douans. Un grand nombre de laboureurs, qui sont trop près les uns des autres dans les pro- vinces A P O G R A N N O ï. 36(> Tlnces septentrionales de la Russie , où le sol ingrat pourvoit à peine à leur subsistance, ne seroient-ils pas fort heureux d'habiter ces landes, dont on tire si peu d'avantages ? On a découvert plusieurs petites mines de cuivre dans l@s mon- tagnes qui bordent le Kinel , et plusieurs ruis- seaux qui s'écoulent dans cette rivière. On trouve communément cette mine dans une pierre cal- caire , ou dans une argile. On voit sur ces * Ci montagnes un grand nombre de marmottes , et les souziiks ou rats perlés gris de la grande espèce y sont très- communs. Les Tscherkasses les appellent Avraschka. En sortant de Tscherkask je passai le Kinel, et traversai les vastes landes qui sont entre cette rivière et la Samara ; elles sont , pour la plu- part, désertes et arides. J'arrivai à la forte- resse de Borsk ^ et passai ensuite la Samara. On ne trouve d'autre eau qu'une mare jusqu'au village de Stakova ou Koutoulouk ; il passe devant l'embouchure du Kinel , et porte le nom de ce village , près duquel on a creusé un puits. Il seroit facile d'en creuser dans toutes ces landes , qui pourroient par conséquent être très-habitées. Ce district est un peu monta- gneux , et rempli de marmottes. On trouve beaucoup d'ours dans ces contrées inhabitées , près du Kinel et de la Samara ; ils se tiennent dans les fonds garnis de bosquets. Les grues et les outardes y abondent également ; elles Tome I, A a 3jO Î769. DE TSCHERKASK se prornenoient avec leurs petits. Les plantes étoient en partie desséchées 5 je ne trouvai plus que le plilornis sauvage (1) , le cératocarpe (2) , l'œillet ( 3 ) , la berie (4)> et quelques -autres plantes propres aux landes qui avoient résisté à la sécheresse. Cette steppe n'a d'autre arbuste que le petit caragan ou arhre aux pois ( 5 ) , qui a souvent cinq pieds de hauteur. La partie y située en-delà du Koutouiouk , étoit bien plus brûlée de la sécheresse : car je n'y trouvai de plante verte que le cératocarpe. A dix verstes plus loin , nous entrâmes dans une plaine basse , qui, quoique sablonneuse , renferme beaucoup de sources, et est très-fertile en plantes et en pâturages. J'y trouvai abondamment cette es- pèce de gypsophile paniculée (6), dont j'ai souvent parlé 5 on y voit aussi beaucoup de lièvres de terre et de musaraignes. Après avoir traversé cette plaine , on passe sur des collines sablonneuses , près de Borsk ; elles produisent des plantes très-ordinaires , telles qu'une espèce de chardon (7) , la centaurée de Sibérie (8) , (1) Phlomls herbu venu, (2) Ceratocarpus. (3) Dianthus deltoïdes et prolifer. (4) Sium falcaria. (— — i— n — — ■ — — — — — — — ^ (1) Lac tue a s aligna. (1) Artemisia maritima, (3) Peucedanum. (4) Lepidium ruderale» A POGRANNOÏ. 38l Il y croît aussi une arroche ( i ) à feuilles étroites , une espèce de soude à feuilles étroites et cotonneuses ^ qui pousse une tige droite (2), et la statice de Tatarie (3) : ce sont , à propre- ment parler , des plantes salines. On trouve la statice de Tatarie jusqu'à la redoute de Po* grannoï. Tout le sol de ce district est un peu salin ; il y vient cependant par - tout de très- beaux herbages j et le blé y réussiroit, si. l'on en semoit. Je trouvai dans les broussailles la cardere laciniée , ou petit chardon à foulon (4) , et la belle centaurée à feuilles de guède ( 5 ) ; ces deux plantes aiment le voisinage des terres salines. On ne voit point de grande soude , ni de cératocarpe dans les chemins de cette contrée , et jusqu'au ruisseau de Soroka , mais > en revanche, le plantain (6), l'absinthe et l'es- pèce de passerage dont je viens de parler, abon- dent dans les ornières. On trouve encore les mêmes plantes dans plusieurs places beaucoup plus salines , à seize verstes de la forteresse de Bousoulouk. On (1) Gmel.Fl. SlBlR. tom. III, pag. 55, 7*, tab. 14, fol. z. A triplex valvis seminum imegris , ex sinuato dan-, laits. (z) Salsola se do î des. Voyez Y Appendix } n°. 303. (3) Statice Tatarica. (4) Dipsacus lac lui a tus. (5) Ccntaurea glasti/olia. (£) Polygonutn avicidare, 38a 17^9' ]DE Tscherkask arrive ensuite près de la redoute de Pogran- noï, qui est construite en bois; elle est située sur une éminence baignée par le petit ruisseau de Pogromnaia , qui lui a donné son nom. Nous ne rencontrâmes , jusqu'à douze verstes de dis- tance , qu'une lande brûlée , tant en longueur qu'en largeur. Le feu y avoitpris peu de jours auparavant , et on en ignoroit absolument la cause. La redoute de Pogrannoï auroit été probablement réduite en cendres., si le chemin qui traverse la lande n'avoit heureusement ar- rête l'incendie , qui arrive fréquemment dans les landes : aussi trouve-t-on de vastes terrains , où Ton ne voit que quelques herbes vivaces desséchées , toutes les plantes d'été ayant été consumées par le feu. Ces landes , qui n'ont aucun ombrage, sont si brûlées par le soleil., qu'elles ne peuvent pas môme fournir de pâ- turages aux troupeaux avant la reproduction de l'herbe. La publication des ordonnances , pour empêcher de pareilles dévastations, seroit illusoire dans un pays si peu habité. L'usage d'incendier les landes au printems , pour les nettoyer de toutes les herbes sèches, est très- bien vu, puisque les flammes n'atteignent pas les forêts , et que cela accélère la végétation de l'herbe. O % K A I A." 383 S. XL De Tozkaia a Pérévolozkaia. Du as au 27 juin. Forteresse de Tozkaia , 20 V. — Les Ruisseaux de Soroka, — Forteresse de Sorotschinskaia , 3o verst. — Ruisseau d' Garants chik, 2 v. — Redoute de Krestofshoi , 2,2 v. — Novo-Ser- guiefsk , 24 v. — Redoute de Poltqfskoï 9 3.6 y. — Forteresse de Pérévolozkaia , 20 v. Nous arrivâmes , sur le soir , par une petite pluie à la forteresse de Tozkaia 5 elle doit son nom au petit ruisseau de Tok, qui s'écoule adroite dans la Samara , à plus de trente verste.s de distance. On découvre de nouveau s an- delà de la Samara , les montagnes dont j'ai parlé \ elles sont interrompues à la source de cette rivière , et couvertes de bois. Cette contrée abonde en aigles, et autres ciseaux de proie. Nous y vîmes l'aigle doré ( 1 ) \ il occupe la lande : mais dès qu'on l'approche , il prend convoi vers les forêts situées sur les montagnes. Ils font leurs nids sur de grands arbres 5 on déniche leurs petits pour les élever 5 on les vend ensuite aux Kirguis à un très-haut prix. Tozkaia est une des plus petites forteresses (1) Falco chrysœtos. / 384 1769- DE Tozkàia de la ligne, et la plus mal construite. Elle est située à environ un demi-verste de la Samara , et près d'un bas - fond , sur la rive élevée du ruisseau de Bolschaïa-Soroka , qui se jette dans la rivière. Cette forteresse, ainsi que la plu- part de celles de cette contrée , est construite en bois , et de forme carrée. On voit une tour de bois ruinée près du .pont -qui est sur le So- roka. On a défriché des marais vers la Samara , qui n'est pas plus forte ici que le Bousoulouk $ en. la traverse sur un pont pour gagner le che- min qui conduit aux villages Basclikirs et Tschouvasches , situés sur le Tok. La rive , qui est au-delà de la Samara , est garnie d'agréa- bles buissons d'arbustes propres à cette contrée. La spirée (1) est remplie d'excrescences, qui ont la forme des grappes du houblon : la plus grande partie des calices de ses fleurs s'étoient changés en longues écosses fermées par le haut , creuses dans l'intérieur, et toutes velues. Je n'y trouvai cependant aucune trace d'insecte qui ait pu causer cette difformité. L'absinthe et r oreille-de-souris (2) sont les seules plantes qui croissent près de la forteresse. Je ne trouvai l'argentine bifide (3) que sur les bords du So- (1) Spirœa. Quelle espèce? est-ce une de celles dont on doit la connoissance à M. Pallas et qui enrichissent cet ou vrage , et sur-tout son Flora Rossica ? (2) Myositis lappula. (3) Potent Ma bifida, roka A HaivöLOzKAiA,J 385 *H3ka $ cette plante croît abondamment sur les montagnes arides de l'Iaïk. Les champs de cette contrée sont si mauvais , que les liabitans ont de la peine à trouver leur subsistance. Tout le sol est salin : et un grand nombre de places le sont tellement, que les semences n'y ger- ment point. Il faut nécessairement que les sources salées des montagnes d.e cette lande s'écoulent dans cette contrée , pour que ce ter- rain soit aussi fertile. Le dépôt salé, qui se forme dans ces environs , est composé d'un sel commun , gâté par le trop grand mélange de parties terreuses. Le sol de ces places salées est une terre argileuse d'un jaune rougeâtre., sous laquelle on trouve une argile très-propre à la poterie. En creusant, on voit que la su- perficie de la terre desséchée est remplie de veines de sel ; lorsqu'on fouille plus avant, on trouve de l'eau salée. On voit, dans quelques places , à deux ou trois pieds de profondeur > de l'argile humide et limonneuse. Les parties salines , qui sont généralement répandues dans plusieurs vallons des montagnes de cette contrée, ainsi que les ruisseaux d'eau salée qui sortent de ces mômes montagnes , sont une preuve cer- taine de F abondance des sources d'eau salée , encore inconnues. Deux ruisseaux , qui jaillis- sent de ces montagnes, méritent d'être connus : l'an , nommé Biriouta , dont les eaux sont très- saumâtres ; l'autre est le Tasçhkoumio : on m'a Tome L B b Oü6 1769. DE TozKAîA assure que son eau , qui est une muire , est très-limpide. Ils se jettent dans la source mé^ ridionale de l'Irguis , appelé Talavaia. Après avoir traversé le ruisseau de Soroka f on entre dans Une plaine de six à sept verstes de longueur , remplie de solontschaks. Les plantes de nature saline sont les seules qui y croissent. La superficie de ces places salées est couverte d'une terre noire ^ entretenue dans im état d'humidité et de mollesse par le sel qu'elles contiennent. La soude couchée (1), et une autre plante qui n'étoit pas encore en fleurs , y abondent ; celle-ci a de longues feuilles rem- plies de suc, et des tiges rampantes : je crois que c'est la soude salée (2). Il y croît aussi deux belles espèces d'arroches (3) , et un plan- tain à feuilles d'oignon (4) , que Ton ne trouve que dans les places très-salines. J'y vis aussi la statice de Tatarie (5) , avec une autre plante (fi) qui contient beaucoup de sel et de suc 5 je ne connoissois pas cette dernière , qui n'étoit point encore en fleurs. La centaurée à feuilles de guède (7) vient dans les places les moins salées. (1) SaUola prostrata» (z) Salsola sa/sa. (3) A triplex portulacoïdes et laciniata. (4) Plantago sais a. Voyez Y Appendix , n°. 2.80. (5) Statice Tatar ica, (6) Planta salsa, ambigui generis. Voyez YAppmdlxa '. 134. (7) Ccntauna glast if oI;a. À P É R E Y O L OZ K A I A,* 887 Ces contrées salines se terminent près du se- cond ruisseau de Soroka \ il est moins consi- dérable que le premier, et il a également son embouchure dans la Samara. On monte en- suite une colline înculte et aride ; je n'y trou- vai qu'un peu d'herbe desséchée, de l'orcanette à feuilles velues ( 1 ) , du phlomis herbe au vent (2) , et la gypsophile à panicule (3) , aux- quels il restoit à peine un peu de suc. Cette colline s'étend jusqu'à la forteresse de Sorot- schinskaia; mais elle est coupée par plusieurs bas-fonds,, et par le ruisseau d'Ielschanka , à environ vingt verstes de distance. La soude (4) et le cératocarpe (5) croissent plus abondam- ment sur les bords des chemins , depuis le petit ruisseau de Soroka. Nous vîmes ? ce jour-là,- et sur-tout vers la brune , un grand nombre d'oiseaux d'une espèce particulière ( 6 ) , qui (t) O nos ma echioldes. (i) Phlomis hcrba vsnti. (?) GypsophUa paiiiculata. (4) Salsola kalL (5) Ceratocarpus. (6) Pratlncola CRAM. Je ne sais pourquoi on a mis cH oiseau dans la classe des hirondelles. Il ne peut entrer dans la classe d'aucune espèce connue. Il a le bec du coucou 3 le vol et les plumes des ailes de l'hirondelle de mer , sierna ; et les pieds du plongeon huppé , charadrius. Il me s: nble qu'on pourroit le placer plus convenablement dans la classe <îe ce dernier. Bb 2 388 1769. b e T o z k a ï A est très-rare par-tout ailleurs. Il se tenoit dän& la lande pour y chercher sa pâture > qui con- siste en sauterelles et autres insectes. Cet oi- seau n'est point farouche 5 il s'élève en criant 1 ce qui lui a fait donner le iiem de Tirkou- 8CHK1 par les Kosaques de ce district ; d'autres* l'appellent Borövaia-Lastoscha : la raie noire dont il est marqué ^ depuis l'œil jusqu'autour du cou, lui a fait donner le nom de Tsciier- koerofka. Cet oiseau abonde dans toutes les- landes du Volga, de la Samara, et de l'Iaïk. Après sa ponte , il vole par troupes avec les tourterelles , qui y abondent également \ mais il disparoît à la fin de l'été. Avant d'arriver à Bousoulouk, j'avois déjà Vu plusieurs tombes remarquables par de hauts amoncellemens de terre : et plus on avance y plus on en trouve. Sur la route de Sorotschiu- skaia , on en rencontre trois de suite ; elles sont assez considérables , et elles forment un point de vue assez agréable. On m'a assuré que ces tombes étoient beaucoup plus communes près du Bousoulouk et des rivières et ruis- seaux qui baignent ces landes. On en voit aussi près du ruisseau de Doinaschnaia ,, dont j'ai déjà parlé, et auprès des deux ruisseaux de Sorot a 5 mais elles sont peu élevées. Lorsqu'on ouvre ces tombes , on y trouve une bière faite avec de grands carreaux de terre cuite ; elles, ont plus &\u.\& toise de long. Des Kosaques % A Pk'STOIOZlAïA,: 38() qui s'amusent à les fouiller, m'ont assuré y avoir trouvé des ossemens d'une grandeur ex- traordinaire : le tibia de ces squelettes ^ placé à côté delà jambe d'un homme fait, lui passe le genou. Ces Kalmouks , s'occupant un jour à tirer de Tare , près à\i Domaschnaia , une flèche tomba sur une de ces tombes ; le tireur , allant la chercher, trouva une pierre très-lui- sante bien taillée , d'une belle grosseur , et montée en argent $ elle a été vendue plus de cent roubles , à la troisième main. Les flèches ? les armes , et les autres effets que l'on trouve dans ces monumens , sont en cuivre. On en rencontre quelquefois qui sont en or. On m'a dit que les Kosaqu.es de Tozki ont trouvé , il y a plusieurs années , une chaîne d'or au cou d'un de ces cadavres. La forteresse de Sorotsehinskaia est la plus considérable de celles qui composent la ligne de Samara , etenmeme teins la plus habitable. Elle est située sur la rive élevée de cette ri- vière, qui la défend suffisamment au nord-est ; elle est aussi entourée d'un mur de bois , garni" de tours de ce coté. Vers la plaine , elle est environnée d'un fossé revêtu d'un, épaulement régulier, garni de chevaux de frise : des tours en bois, construites dans les angles saillans dit fort , en défendent les approches; Les maisons , habitées par les Kalmouks, sont bien bâties ; il existe encore deux bons bâtiuiens , dont fit;* B b i 3çjo ij66. de Tozkaia est occupé par le commandant ; l'autre est ce- lui de la chancellerie , parce que F état-major de la ligne demeuroit ici autrefois. Ils sont situés sur îa place , ainsi que l'église,, qui est eu bois : la partie méridionale n'est point bâtie x parce que les yents orageux du midi y trans- portent une si grande quantité de neige ^ en hiver, que les maisons qui y seroient se trou- veroient souvent enterrées. On a construit un très- b "au pont sur la Samara ; il conduit à plusieurs villages Baschkirs , éparpillés dans les moiitiu;nco Ils sont sous la juridiction de la forteresse. La rivière n'est pas considéra- ble , et a fort peu de profondeur. Elle forme un si grand nombre de détours , qu'on ne peut s'imaginer que les bateaux , chargés de muni- tions et de vivres, aient pu remonter jusqu'au fort : le grand nombre d'ancres que l'on y con- serve sont une preuve authentique de ce fait. Dans les teins des grandes eaux , on a même beaucoup de peine à faire passer les bateaux entre les deux rives élevées à travers ces cour- bures qui sont toutes très - courtes. ïl est im- possible de pénétrer au-dessus du fort avec de grosses nacelles. Les montagnes , situées au - delà de la Sa- mara, sont considérables 5 elles sont, en plus grande partie , composées d'une marne pier- reuse , remplie de sources. Trois ruisseaux , qui coulent entre ces montagnes, à peu de dis- A Perévolozkaia. 09Î tance l'un de l'autre , se jettent dans la Samara. Le premier est le Verklmoï-Ouran ; le second , l'Ourantschick; le troisième, le Niskoï-Ouran. Ils abondent en plantes ; ce qui m'engagea à faire quelques observations près de l'Ourant- schick. Il jaillit une forte source du pied de la plus haute de ces montagnes : l'Ourantschick se forme derrière cette montagne , dans un fond marécageux, entouré d'éminences. L'eau de cette source est très - froide , et elle a la lim- pidité du cristal ; elle ruisselle entre une pierre de marne rouge , et «se jette dans le ruisseau. Un vieux militaire y a fait construire un petit oratoire , pour accomplir un vœu. Ce bas-fond abonde en plantes de toutes es- pèces , qui étoient en fleurs 5 elles croissent pèle - mêle. Les plus remarquables étoient le chardon ef fleuri (1) , l'eupatoire (2) , la croix de Jérusalem (3) , la campanule à larges feuil- les (4) , le pigamon de Sibérie (5) , et la cha- taire violette (6). J'appris qu'on pouvoit pren- dre , au lieu de thé , l'œil-de-bœuf à feuilles de saules (7) , qui abonde dans tous les bas- ■■■ 1 11 ■ m (1) Carduus deßorcit.us» (i) Eupatorium. (3) hychnis chalcedonlca, (4) CampanuUi latifolia. (5) Thalictrum Sibiricum, (6) Nepeta violacea. (7) Buphihalmiw salicifolium*. E b 4 O92 1769* ^ E TOZKATA fonds de ce canton , et près de la Samara ; ïï a un peu le goût du thé vert commun. Cette montagne aride est couverte,, en plusieurs en- droits 9 d'une espèce d'armoise ( 1 ) , qui est un peu rameuse. Je trouvai, en plusieurs en- droits , l'achillée tomenteuse ( 2. ) , l'épervière des murs (3) , et le chardon cyanoïde (4) , la germandrée de Sibérie (5), qui est très-odo- riférante , le grémil ligneux (6) , l'argentine à tiges droites (7) , qui rampe cependant à terre , et une espèce de giroflier jaune sauvage (8). Je trouvai , dans les landes , le grillon azuré (9) f et le taon noir (10). Le pays , situé au-delà de Sorotschinskaia 9 est entièrement aride et inculte. A six verstes de distance , on traverse un ruisseau 9 nomme par les Kosaques Pervaia - Kietschka , ou le premier ruisseau. A vingt verstes plus loin , on en passe un autre qu'ils appellent Srednaia , ou celui du milieu. Il est plein de roseaux ^ et il forme beaucoup de mares d'eau presque (1) Anhemisia santonica* (i) Achlllea tomentosa. (3) Hleracium murorum. (4) Carduus cyanoïdes, (5; Teucrium Sibiricum. (6) Lithospermum fruticosum* (7) Potentilla recta. (8) Cheiranthus montanus. Voyez Y Appendix , n°. jfj« (9) Grillus cœruhscens. (10) Asilus cethiops. Appendix , n°. z$p. a Férévoiozkaia. 3p3 croupissantes. On yoit une métairie dans son voisinage. Les marais humides , qui bordent îe ruisseau des deux côtés , sont saumâtres : le Srednaia contient aussi quelques particules salines. Il y croît un peu de ces soudes (1), dont j'ai parlé ci-dessus ; la statice de Tatarie (2) y vient dans la plus grande abondance. Je trou- vai , dans les bas-fonds , beaucoup de passe- rage à larges feuilles (3) en fleurs , de glauce maritime ( 4 ) > d'anserine glauque ( 5 ) , et de plantain (6) dont j'ai déjà donné la descrin- tion. A quelques verstes plus loin , on apperçoifc la redoute de Krestofskoï , qui est entièrement ruinée et abandonnée ; elle doit son nom à une croix de cuivre trouvée autrefois dans la lande. Avant d'y arriver ? on rencontre une colline située dans la plaine à la droite du che- min , sur laquelle on trouve des briques éparses, et les ruines des f on démens d'un petit bâti- ment carré. On m'a assuré qu'il en existe un pareil , mais en meilleur état fjue celui-ci , à environ trente verstes de Sorotschinskaia, près de la source du Bousoulouk : ce ruisseau sort (1) Salsola salsa et prostrata. (z) Statice Tatar ica,. (3) Lepidium latifolium* (4) Glaux maritima* (5) Chenopodium ghiuciun, (6) Plantago salsa. 3g4 iy6i). de TozkaiA des montagnes de craie. On y trouve aussi beaucoup de tombes. On compte environ quatre verstes de cette redoute au ruisseau de Vetlanka, et vingt- quatre jusqu'à la forteresse de Novo-Serguiefsk. En m'y rendant , je passai la nuit en pleine campagne , parce qu'il se fit une fracture à une de mes voitures. Je n'y arrivai donc que lendemain , par une forte pluie. Elle consiste en soixante - sept chétives maisons ruinées , et une église mal construite 5 elle est fortifiée d'une muraille de poutres , et habitée , ainsi que les autres redoutes, par des Kosaques et des soldats réformés. Les gazelles , dont j'ai déjà parlé , avoient parcouru , en grand nombre , les vastes fonds nerbeux qui avoisinent la Sa- mara. Le rat sauteur (1) est très-commun dans cette contrée , et l'on voit beaucoup de petits lièvres de terre (2) dans les bas-fonds. Les tombes commencent à être très-communes près de Novo - Serguiefsk 5 on les rencontre d'abord dispersées par tas , l'une près de l'au- tre 5 mais plus avant ß toute la lande qui avoi- sine Poltafskoï., est remplie d'ainoncellemens de terre plus ou moins considérables ; ils sont formés par ces tombes. La lande forme un angle entre la Samara et les montagnes du désert ß (1) Mus j acutus, (z) Lepus minutas* A Péréyolozkaia. 3^5 qu'on découvre clans le lointain. Il croît , dans le terrain argileux qui environne les tombes , beaucoup d'axiris ceratoïdes ( plante voisine de la blette) : il est d'ailleurs peu couvert d'her- bages. Cette plante pousse plusieurs jets ou tiges droites : sa feuille est si blanche,, que les Kosaques la nomment Biélolosnik ; sa racine a beaucoup de nœuds \ elle commençoit à fleu- rir. Les marmottes et le rat perlé se sont creusé des terriers dans les petites éminences de ces tombes , parce que leur entrée est bien plus à l'abri des pluies et des inondations. J'ai ob- servé que ces tombes sont en plus grand nom- bre dans les lieux élevés , qui sont au-delà de la Samara : les habitans de ces landes choisis- soient sans doute ces collines pour les tom- beaux de leurs ancêtres , afin d'avoir toujours sous les yeux les monumens où reposoient leurs cendres. Ce pays satisfaisoit au mieux leurs désirs , puisqu'il est rempli de collines consi- dérables, appelées Earxhani parles habitans. Elles sont, en partie, composées d'une marne pierreuse rouge , et d'une marne calcaire blan- che ou verdâtre, nommée AroxA. On y a dé- couvert des traces de mines de cuivre. Il exis- t oit autrefois une fonderie près du ruisseau de Kouvaer, qui a son embouchure dans la Samara, auprès de Novo-Serguiefsk 5 elle appartenoit aux assesseurs Tverdischef et Mœsnikof. On m'a dit que les chasseurs Kosaques et Basch- 3i)6 1769. DE Tozkaia kirs /qui battent toujours le pays, avoient dé- couvert anciennement des traces de mines de cuivre dans la chaîne de montagnes qui s'étend vers le sud - ouest , dans la lande située entre la Samara et l'Iaïk. Cette chaîne porte le nom cI'Oestchi-Sirt. Nous eûmes de la pluie de Novo-Serprdefsk à la redoute de Poltafskoï 5 nous y essuyâmes, à notre arrivée, un violent orage, accompa- gné d'horribles coups de tonnerre, Plusieurs familles se sont établies près de ce fort , qui n'est plus qu'une censé entourée du petit rem- part de terre qui formoit la redoute. On m'ap- prit que j'avois passé près d'une tombe ouverte depuis peu , qui renfermoit deux pierres à épi- taphes ; l'une est dressée , et l'autre couchée : on remarque dessus l'empreinte d'une face hu- maine 3 Je fus curieux de la visiter , quoiqu'il fallût retourner sur mes pas , à quatorze vers tes. Je m'y rendis, le 2.6 > par un beau tems; je pris avec moi des ouvriers, avec leurs outils., pour faire des fouilles. Cette tombe est située vis-à-vis la plus haute des montagnes , qui sont au-delà de la Samara , et près de cette rivière ; elle est une des plus considérables de la contrée. On y a fait des fouilles d'une toise et demie de profondeur , qui est le niveau de la lande. On y a probable- an eut trouvé des choses précieuses. Je ramassai un petit morceau de nacre de perle poli et 'A PiRÉYÛLOZKlIi': t&0 uïselé , qui mé parut avoir conservé ttmte sa dureté. J'y vis quelques ossemens de morts, et beaucoup d'os de marmottes. Il existe > dans la fosse, une grande pierre de roche plate , qui couvroit sans doute la bière. On a brisé la pierre qui couvroit le haut de la tombe , où se trouvoit une mauvaise empreinte de figure humaine. Il paroît par les débris , que c'étoit une pierre de sable brune , mélangée et ten- dre, qui est pareille à celle qu'on tire des montagnes voisines. La pierre à épitaphe , dres- sée à la partie orientale de celle qui couvroit le haut de la tombe , est une pierre de roc , brute, pâle, presque triangulaire, qui a en- viron trois empans et demi de longueur. On a taillé, dans son angle supérieur , les traits d'une figure humaine , mais à plat. Ce masque étoit tourné enlace de l'orient. [ Voy. planche XLI^ Jtgure î . ] Il paroît qu'on a toujours choisi des lieux élevés pour les tombes , et qu'en égalisant ces éminences , on a gagné les terres qui ont servi à P amoncellement des 'tombes. La lande, qui borde la Samara, a plus d'un pied de terre noire à sa superficie. Elle manque autour des éminences , où l'on ne trouve qu'une terre glaise , qui a servi à leur construction ; et en fouillant, on voit, dans leur centre, un mé- lange de couches de terre noire. Le peu d'her- bages qui les couvrent prouve qu'elles ne fr 398 1769. r> z Tozkaîa sont pas bien anciennes. En creusant un pied de profondeur sur leur cime , on trouve des charbons , qui sont probablement les restes de quelques sacrifices. On voit, au fond de ces éminences , dans lin espace oblong , des os de morts ; il avoit été entouré de branchages et pieux, que l'on distingue fort bien encore. On ne trouve communément, dans ces tombes , que quelques mauvais ustensiles de fer, tels que la pointe d'une flèche , des tenailles, un bri- quet , Sec. On a vu des têtes de chevaux dans quelques - uns. On m'a assuré qu'il ne lalloit pas fouiller dans les grandes tombes pour trou- ver quelque chose de précieux ; mais dans les petites y qui sont vraisemblablement la sépulture des femmes , à qui on a conservé quelques-uns de leurs bijoux. Les grandes ont plus de cin- quante pas de circuit , et plus d'une toise et demie de hauteur. Les cimes de plusieurs de ces tombes , et sur-tout celles des plus grandes , ne forment pas une pointe : elles ont au con- traire un enfoncement qui a la forme d'un chau- dron. On m'a dit qu'il y en avoit de pareilles dans les montasrnes situées au - delà de la Sa- inara; qu'elles avoient toutes des amoucelle- mens de pierres , et qu'elles étoient revêtues , en plus grande partie , de pierres à épitaphes , avec des empreintes de figure humaine. On les appelle Bolvani. Il paroît que ces tombes ont appartenu aux Tatars - Nogaïs , ou peut - être A f ^RÉVOLOZKAÏÀ.5 $99 aux Kirguis-Kaïsaki , attendu qu'elles ressem- blent beaucoup à celles qu'ils font aujourd'hui. Celles qui sont construites en briques doivent leur origine à une nation plus ancienne ? qui habitoit cette contrée. Un savant, qui auroitle tems pourroit faire des découvertes intéressantes sur l'antiquité , dans le voisinage des monta- gnes de cette lande. Les excellens pâturages qu'elle produit l'auront sans doute fait habiter anciennement par quelque peuple Nomade. J'avois envoyé nies voitures en avant à Péré- Yolozkaia ; je les rejoignis dans l' après - midi. Je vis , dans cette route , beaucoup de gazelles, et de grues par petites troupes ; elles cher- choient leur pâture dans la lande : elles étoient si peu sauvages , qu'on les approchoit de très - près. J'y trouvai beaucoup d'espèces de saute- relles^ qui y abondent , et qu'on ne trouve pas ailleurs $ j'y remarquai sur - tout le grillon d'Italie (1), le grillon obscur (2), et le grillon de Sibérie (3) , ainsi qu'une espèce de mouche- fourmi ( 4 ) . La lande est ici plus garnie de collines, et entrecoupée de bas -fonds. Plus elles s'élèvent , plus les amoncellemens de tom- bes diminuent , ainsi que les montagnes situées (î) Gryllus Itallcus. (2) Gryllus obscurus. (3) Grillus Sibiricus. (4) Ïï/Lyrmdio trigammus* Voyez V Appendix, n\ 2x4. 4ào 17(39. dé TozitAïA au - delà de la Samara. On rencontre encore quelques tombes à environ sept verstes de Pé- révolozkaia 5 elles sont de différentes grandeurs , et fort près les unes des autres. On voit entre ces collines une espèce de fort garni d'un large fossé presqii'entièrement comblé ; il a environ soixante - cinq pas de circonférence. Le centre est revêtu d'un rempart élevé , qui a la forme d'un chaudron dans l'intérieur. On prétend que ce fortin a été construit par un petit parti de Kosaques de l'Iaïk , [qui vouloient se défendre contre les Nogaïs , avec lesquels ils étoient en guerre. Je suis persuadé que c'est une tombe considérable , qui n'a pas été couverte de terre ; c'est là sa véritable origine. La forteresse de Pérévolozkaia forme un carré assez vaste. Elle a une superbe vue sur la rive droite et élevée de la Samara $ elle n'est défendue , de ce côté , que par des chevaux de frise , tandis cnie vers la lande elle est for- tifiée d'une muraille de poutres posées les unes sur les autres ., et de batteries construites en bois. Cette place ne renferme qu'environ qua- rante-cinq maisons , et une église entourée d'ar- bres. Les Kosaques qui l'habitent ont de nom- breux troupeaux de moutons : leur laine me parut de très -bonne qualité. La vraie source de la Samara est encore à plus de trente verstes d'ici, vers le nord-est, dans une contrée fort montagneuse. C'est ici le lieu où elle approche le a Ob$tschéi-Sirt. 40î ïe plus de l'Iaïk 5 elle n'en est séparée que par une chaîne de montagnes de dix - huit yerstes de longueur. La forteresse dpit son nom à la ligne de Samara, qui se joint ici à celle de l'Iaïk ; lorsqu'on a établi ces deux lignes , il a fallu transporter tous les matériaux d'un fleuve à l'autre. On trouve , près de Pérévolozkaia , et plus avant vers la source de la Samara , de petits morceaux de cristal de roche de figure hexagone. Son eau est très - belle , et il a la dureté des topazes : mais malheureusement les morceaux sont fort petits. S. .'XII. D'Obstschéi-Sirt a Tschernorietschenskaia«, Du 27 juin au ier. juillet. Obstschéi-Sirt. — Forteresse de Tatistschéva 9 20 verstes. — Kytsck-Khoutéri , 20 verst. — • Forteresse de T scher norie tsc henskaia ^ i5 y. Je restai à Pérévolozkaia jusqu'au 27 juin après-midi, pour faire le journal de mes dé- couvertes , et retenu , en partie, par un orage. Je quittai enfin la Samara, et pris la route de la forteresse de Tatistschéva, située près de l'Iaïk 5 elle passe à travers les montagnes nom- mées Obstschéi-Sirt. Ces montagnes commen- cent par de petites collines qui s'élèvent peu- à-peu, et deviennent plus considérables \er$ Tome I, Ce %oi î'769. ï)VOBSTSCSÉli-SlRT l'Iaïk. On ne trouve plus de tombes , mais ml grand nombre de petits amoncellemens de terre que les marmottes élèvent dans leurs terriers. La couche supérieure de la colline est com- posée d'une argile rougeâtre , qui , près de l'Iaïk, est d'abord mêlée de graviers , et ensuite de cailloux. L'intérieur de la montagne est com- posé d'une pierre sablonneuse ^ d'un gris et d'un blanc rougeâtre : d'après le sol du pays , il me paroît très - propre à la production des minéraux. Cette montagne est d'ailleurs une ramification des hautes montagnes Ouralsks , qui sont très-riches en mines. Les sources de cette contrée tombent , en partie^ dans les ruis- seaux dont le cours se dirige vers le Volga , quoique la plupart se jettent dans l'Iaïk. Leur direction vers les deux fleuves paroît presque égale. On prétend être à la moitié du chemin près du ruisseau de Gresnoukha , qui coule entre îes montagnes ; il se joint à celui de Kamysch- Samara , qui s'écoule dans l'Iaïk. La pente de ces montagnes , sur - tout au nord , abonde en places salines, couvertes de soude couchée (1) , ainsi que tout le chemin. Elle a ici., ainsi que vers l'Iaïk , une figure et une forme bien dif- férentes.;, j'observai aussi, avec soin, l'erreur pu plusieurs botanistes sont tombés au sujet ! ' • j[i) Salsola prosuattu A TSCHERNORIÊTSCHE-N-SKÀÏA.: ^0% &e cette plante, "Voyez Y Appendix , n°. 3oi.] L'armoise-estargon ( i ) y est très-commune , ainsi que sur les montagnes du fleuve ; mais elle n'a point d'odeur. L'échinope azurée (2) , d'une très-petite stature , croît aussi par-tout. La plante , connue sous le nom àïaxïris cera- toïdes , est au contraire très-forte et très-haute 9 sur - tout vers l'Iaïk. Je trouvai , dans le fond qui avoisine le ruisseau de Gresnoukha , la guimauve ordinaire ( 3 ) 5 on la voit dans tous les bas-fonds voisins du fleuve , qui abondent en plantes. Les insectes les plus remarquables de cette contrée sont une espèce de grillons sans ailes ( 4 ) : ^s y abondent. Ils se tenoient presque immobiles dans l'herbe ; ils avoient généralement dans le corps de gros vers bru- nâtres (5) y qui avoient près de quatre pouces de longueur , et l'épaisseur d'un gros fil. Je vis encore , dans ce canton , une petite espèce de sauterelles (6) , qui fourmilloientde tous côtés. La forteresse de Tatistschéva est située sur une hauteur près du Kamysch-Samara , à en- viron un demi- verste de son embouchure dans Yiiiik , et à peu de distance de l'enfoncement «■■ ■ ■ ■ ■ i, ..— .1- .,— , — . . , ■ ,. —■ m il ■«■ ' - ■— ■■ Il ■»— » — — »■■■^« 1— ■ 1 I .^ — ^ (1) Artemis la dracunculus. (z) Echinops rltro. (3) Ahhœa offîclnaUs, (4) Gryllus laxmannL Voyez Y Appendix > n°. 1513. (5) Gordlus. (6) Gryllus varlab'dls* Voyez l * Appendix , n°. ipi» C c a 4~C>4 Ï769. D*OsSTSCHEl~SïilT qui forme le lit de ce fleuve. Cette place est un carré irrégulier -, elle est fortifiée (Tune muraille de poutres , couchées les unes sur les autres« e t de chevaux de frise. Ses anales sont garnis de batteries construites en bois. Cette forteresse renferme plus de deux cents maisons , outre les casernes des dragons , qui y sont en garnison , deux églises (1) , et quelques mai- sons bâties , occupées par les officiers. Tatist- schéva est une des plus grandes places de la ligne del'Iaik , et des plus peuplées après Orern- bourg. C'est la résidence de l'état -major et du commandant en chef des troupes dispersées dans la partie inférieure de la ligne. Les dra- gons et les Kosaques forment la garnison ordi- naire de cette forteresse : les Baschkirs et les Kalmouks chrétiens de Stavropol gardent les postes avancés situés sur la ligne de l'Iaïk , ainsi que Tinter valle des forteresses , depuis le premier jour du pri ntems jusqu'à la fin de l'automne 5 on ne les relève qu'au bout de ce tems. J'ai vu plusieurs de ces détachemens for- mer des camps séparés sur chaque côté du ruis- seau de Kamysch-Samara. J'employai les jour- nées de 28 et du 29 à aller voir , avec le co- lonel qui commande à Tatistschéva , les exer- (1) La plupart des villes et des villages en Russie, ont communément deux églises ; Tune pour Tété, et l'autre pour l'hiver. La première est grande et vaste , la seconde l'est inoins 3 et on peut la chauffer* À TSCHERNORÏETSCHENSKAIÂ* '4°5 eices et les divertissemens de ces nations. Les Kalmouks nous donnèrent un concert. Une assez belle voix chanta plusieurs chansons ga- lantes en Kalmouk ; elles consistent commu- nément dans des dissonances et dans des tons plaintifs et tramés. Cette voix fut accompagnée par un violon de poche Turc à quatre cordes, et par une flûte très-curieuse r faite avec une tige creuse d'ombellifère (1) , séchée et cou- verte d'un boyau. Ils percent trois trous dans le bout le plus mince de cette tige , qti'ils bou- chent^ ouvrent ^ et rebouchent avec trois doigts d'une main , suivant les sons $ ils les différen- cient aussi en bouchant le fond étroit de la flûte avec l'autre main. Ils appliquent l'ouver- ture du haut , qui est la plus large , contre les dents supérieures , et la pressent entre la lèvre supérieure et la langue , qui doit être Lien exercée pour former les tons : cet instru- ment, entre les mains d'un habile joueur, a le même son qu'une petite flûte traversière. Ils ne se servent point d'embouchure ou chalu- meau. Les Kalmouks appellent cette flûte Zourr, et les Tatars Kourah ; les Kosaques de l'iaïk , qui en font également usage , lui donnent le nom de Tschibuisga,, qui est celui de la plante. Les Kalmouks appellent les violons de poche Biva. Le fond de cet instrument est un cy- (1) Umbellata* Ce J 4o6 Î769* B^ÖBSTSCHEI-StTlT linclre de bois creusé, couvert d'une vessie sè- che, tendue comme la peau d'une caisse 5 on place le chevalet sur cette vessie, et on y monte les cordes de boyaux, qui aboutissent à un- ion g manche. L'archet est un double échevau de crins attaché à un petit bâton par les deux bouts 3 ils donnent de si grands coups sur les cordes , qu'on en entend toujours résonner deux à la fois. Les Kilmouks se servent encore d'une basse à deux cordes > appelée Khoür j d'une harpe couchée , qui ressemble au Gousli des Tatars , appelée ïétég a 5 et de grosses guim- hardes , qui leur tiennent aussi lieu de basses. La sérénade finie , des jeunes gens s'exercè- rent à la lutte. Ils se mettent tout nus, et ils roulent leurs grandes culottes au - dessus des hanches. Ils sont très - adroits à cet exercice. 31s tirèrent ensuite au but et au vol avec des flèches. La fête se termina par des parties d'é- checs. Ce jeu est fort en usage chez les Kal- mouks. Ils observent les mêmes règles que nous, à l'exception qu'ils avancent trois pions à la fois en commençant la partie. Au lieu de dire échec 9 ou Schach, comme les Allemands, ils prononcent Schat, ou simplement S cht. Ils nomment ce jeu SchatérjE, et ils se servent aussi du mot M^t. Les Paschklrs nous donnèrent pour divertis- semcns des danses Tatares , et le jeu de l'arc. La seule chose remarquable fut un vieillard à Jk •TsCHEAK|oïlïETSCIÏE!î.SKA.l"Â'?- 4°7 €pai H ne restoit que deux dents ; il joua de la flûte en maître , et nous fit de charmants ac- cords. Les chansons des Tatars diffèrent autant de celles des Kalrnouks , que la musique Ita- lienne diffère de la Françoise. Les danses Ta- tares consistent dans des positions de. jambes outrées ou contre nature, ainsi que dans dif- férens mouvemens assez lascifs da corps et des -membres. Ils les exécutent avec beaucoup de promptitude et d'agilité, et ils les accompa- gnent de coups de sifflets et de claquemens de main. ; L'enfoncement que fbçme Plaïk , près de Ta- iistscliéva , est rempli d'aurone (i) r entremêlée de fenouil de porc ( 2 )." lia réglisse à -gousses velues, (3) couvroit des, champs entiers. Je vis., sur la rive du fleuve 9 une plante; (4) dont au- cun ÎDOtaniste n'a parlé;; .je ne l'ai 'jamais, vue ailleurs. Il y a , près de l'Iaïk , plusieurs fla- ques d'eau eu il croît beaucoup xle in acre ou tri bule aquatique (5), appelée Tsciiilim dans tous les environs du fleuve. Les jeunes gens la ramassent et la mangent crue. ; _.Je, n'ai jamais y u d'aussi grossières libellules eu xnouclies de marais que dans ce canton £ (1) Abrotanum. (y) Peuccâanum. ** • (3) GlyclrrhiT^a hïrsiita. (4) Prejidnt-hes hïfpïda. ;V "ôjr c& T 'Appendc x , n°. 3^? (?) Traf a natans* c c 4 4oB Ï769. I>*ObST SCHÉî-SlK* elles ont communément six pouces de longueur sur trois pouces et demi de large. La sécheresse n'avoit laissé aucune plante sur les monticules voisines. J'y trouvai, en revanche, un grand nombre de sauterelles de toutes les espèces connues dans les parties méridionales de l'Eu- rope et en Afrique (1); Plusieurs de ces espèces abondoient même sur les éminences les plus exposées au soleil. Les faisans font quelque- fois leurs couvées dans les bas-fonds garnis de broussailles 5 ils sont très - communs dans les landes des Kirguis , qui ornent leurs bonnets avec les plumes de cet oiseau. Les réparations de mes voitures me retin- rent jusqu'au 3o à Tatistschéva. J'envoyai les plus lourdes et les plus mauvaises en avant , et je dirigeai ma route sur Orembourg , afin de visiter les salines d'Ilezki et une partie de la ligne. On ne peut voyager sur les bords de l'Iaïk qu'avec une petite escorte de Kosaques , ou d'autres troupes légères , qui se relève d'un poste avancé à l'autre, sans risquer d'être as- sailli par les Kirguis. Cette précaution étoit très-nécessaire alors , parce: qu'ils étoient cam- pés par troupes le long du fleuve, pour faire (1 Gryllus flaveo/us , italiens , oh s curus , cœrulescens, «t plusieurs autres espèces nouvellement connues ; telles que , Gryllus: murlcatus , Append. , n°. 188 , et gryllus desertus , Appendix, nu. 1^4. A TschernOrietschenskàîa? 4°$ paître leurs troupeaux , qui manquent de pâtu- rage dans leurs landes. Pour se rendre de Tatis'schéva à la première forteresse , on passe continuellement sur les collines de la chaîne de montagnes qui borde cette lande. Elles sont toutes composées d'un grès rougeâtre , ou d'une pierre argileuse. La grande sécheresse avoit brûlé l'herbe et les plantes. On laisse le fleuve sur le côté. Ses rives sont garnies de bosquets : l'arbre le plus commun est le peuplier blanc. On trouve beau- coup de kali sur tous les chemins. On traverse plusieurs ruisseaux ; près du second est une maison de campagne avec quelques censés , et un poste avancé occupé par des Kalmouks et des Baschkirs } j'y changeai de chevaux et d'escorte. On arrive ensuite à plusieurs bas- fonds garnis d'herbes , et à un défilé profond 5 on y apperçoit,, sous la terre glaise , des cou- ches horizontales de pierres plates argileuses, grises et rougeâtres. Deux espèces d'astra- gale ( 1 ) et le lizeron terrestre ( 2 ) y croissent dans ce défilé. La forteresse de Tschernorietschenskaîa est située sur une rive élevée , au bas de laquelle est une eau stagnante , qui communique avec l'Oural, et on l'appelle Toujoupof -Ilrik. Le (t) Astragalus alopecuroides et auuriacus. (%) Convohulus icrresiris. #ïb .Ï769. B'ÖREMBOüiff Tschernaïa-Rietsclika , ou ruisseau Noir , * s£ jette clans cette mare : il est très-marécageux, et il a donné son nom à la forteresse. La place n'est pas fortifiée du côté du rivage , qui est rapide ; l'église est dans cette partie. Une mu^ raille de poutres la défend du côté de la cam- pagne. Elles renferment environ deux cents maisons , mais toutes ruinées 5 les plus grandes sont occupées par les officiers de la garnison. Le fleuve coule ici dans un fond très - large , garni de broussailles , et exposé aux inonda- tions du prin-teins. Le docteur Rinder a décou-r "vert une plante très - rare ( 1 ) , dont j'ai déjà parlée près des monticules voisines du fleuve : à peine avoit-elie alors quelques feuilles vertes.. S- X I I î. D'Orembourg a Toügöits. Premier juillet. Oremhourg , 18 verstes. Je partis le ier juillet,, de très-grand matin" J pour me rendre à Orembourgr. La route me conduisit d'abord dans un bas-fond arrosé par le Tscliernaia ; il a un cours paisible entre l'ïaïk et les collines de pierres calcaires ., qui (1) Rinde ra tctrasphs* Voyez Y Appendix, n°. 187 , et la planche X. A T O ü 6 O ïï S." '4îif suivent les bords de la Samara. Arrive à l'en- droit où elles avoisinent le fleuve , on passe sur sa rive élevée et sur ces mêmes collines , d'où l'on apperçoit Orembourg. La rive élevée de l'Oural forme un cordon varié de fonds et d'élé- vations en dos-d'âne , près de la Sakmara \ ce petit district s'appelle Avrashnoï-Iar. On tra- verse un peu plus loin la Sakmara sur un pont de bateaux ; ou est forcé de faire ensuite un assez grand détour , sur de petites collines i avant d'arriver à la ville. La route d'été est plus longue que celle d'hiver, qui passe par le bas -fond. Je ne m'amuserai point à faire la description d Orembourg. M. Ritschof en a donné une si détaillée , que je ne pourrois que le copier , sans y rien ajouter (i). Cette belle ville est très- (r) M. Pallas , écrivant pour les Russes, a eu raison de ne pas s'étendre sur la description d'Orembourg , mais nous croyons devoir en donner une sommaire , en faveur de nos lecteurs qui n'entendent point les langues allemande et russe» Orembourg est située sur flaïk , au 5 1° 5 1' de latitude , sui- vant Muller., et au ? 1 ° 46' 5" , suivant la Cannois s ance des tems 1788 , notre Carte générale de l'empire de Russie , et la dernière Carte générale, publiée en 1786, par l'Académie de Pétersbourg. Elle est au 71° y! de longitude , suivant Muller y au 7 30 14' 30" , suivant la même Connaissance des tems , et au 71° 50', suivant les deux cartes citées. Elle est à dix-neuf cent qiiatfe-yingt-dix ventes de Pétersbourg, et à douze cent cinuaantc-six.de Moskou. Elle fut d'abord bâtie en 1734, a l'embouchure de l'Or , à la sollicitation à'Aboulkaïr, Khan #12 ly6<).- d'Orbmboürä propre au commerce de l'Asie , qui est dé l£ plus grande importance. Mais pour le faire des Kirguis. En 1739 , elle fut transférée à cent quatre-vingt- deux verstes plus bas, sur le bord deFlaïk, d'après les re- présentations du conseiller Tatischef. Le conseiller Né- plouiqf\ s 'étant transporté sur les lieux, rendit compte à la cour des obstacles qui s'opposoient à la construction de la. nouvelle ville 3 l'Impératrice Elisabeth , ayant égard à ses représentations , ordonna , en 1741 , de transférer encore cette capitale à soixante-dix verstes plus bas , et dans le lieu où elle est aujourd'hui. La première ville prit alors le nom de forteresse de l'Or ; la seconde , celui de Krasnogorskaia ; et la troisième conserva celui d'Orembourg. Orembourg est dans une vaste plaine ; la ville forme un ovale; les fortifications en sont régulières ; elle est revêtue d'un rempart et d'un fossé , et de deux demi-bastions. Elle a quatre portes. La cathédrale est bâtie sur un roc de jaspe rouge, arrondi et assez élevé. On y remarque le gouver- nement , l'hôtel de la police , une chancellerie et un hôpital, La cour du commerce est un bâtiment carré , qui a cent quatre sagènes de longueur , sur quatre-vingt-quatorze de largeur : les boutiques , au nombre de cent cinquante , sont voûtées ; la douane est couverte en tôle vernie avec du gou- dron. La cour des échanges, qui est sur l'Iaïk, renferme deux cent quarante-six boutiques et cent quarante greniers. On comptoit à Orembourg en 1773, deux mille soixante -un marchands , dont dix- neuf cent quatre-vingt-six étoient Ta- tars. Les Kosaques qui commercent dans cette contrée , n'é- toient pas compris dans ce nombre. Il s'y fait un commerce considérable avec les dirîérens peuples de l'Asie. Orembourg , située sur les confins d'un affreux désert , est devenue , par son éioignement et la bonté de ses fortifica- tions , un lieu d'exil pour les citoyens remuans ; on les y occupe à dirîérens travaux. Le plus grand nombre de ces mal- A TOUGOTTS. 4.1$ prospérer davantage , et rendre cette ville plusi florissante , il faudroit commencer par y éta- heureux prisonniers est gardé dans le fort, pendant la nuit y mais pendant le jour on les conduit dans la maison de tra- vail, qui est un vaste édifice placé hors de la ville. On y a établi des ateliers de toute espèce , et Ton y donne de l'ou- vrage à tous les prisonniers. Le gouverneur confie le soin de cet établissement à un directeur, qui est architecte. Outre la paie ordinaire des prisonniers , ceux qui sont en état de travailler à un art , à un métier , reçoivent cinq sous paö jour. C'est par ce moyen que la Couronne construit et en-; iretient tous les bâti mens qui sont à sa charge. Chaque par- ticulier peut aussi faire exécuter des travaux par les mêmes1 ouvriers. Dictionnaire géographique de Folouin et Müller* Voyages de Géorgi , tome II, page 766, Le gouvernement d'Orembourg étoit divisé en quatre pro- vinces 3 savoir, Orembourg , Stavropol, Oufa et Isetsk. Il" n'existe plus aujourd'hui • la plus grande partie a pris le nom du gouvernement d'Oufa. Il renferme les provinces d'Orem- bourg , d'Oufa, cinq distances , le district des mines. La province d'Oufa est composée des cercles suivans : Oufa, Mensélinsk , Birsk, Tschéliabinsk , Troitsk, Bougoulma , Tabinsk , Serguiefsk , Bougourouslansk , Sterlitamatzk : les cercles ci-après forment la province d'Orembourg ; savoir , Orembourg, Bousouloutzk , Samara, Verko-Ouralsk. Les cinq distances sont : la distance de Krasnogor , la distance d'Or , celle du haut et bas Oui ; la distance de Sakmar et celle de Samara. Le district des mines est presqu'entièrement dans la province d'Oufa, puisque la plupart sont situées entre l'Oural et la Biélaia , et sur-tout près tic Tabinsk. Les au- tres parties qui composaient le gouvernement d'Orembourg, appartiennent aujourd'hui à ceux de Tobolsk , Simbirsk , Sa- ratof } et du Caucase, 4i4 1769. d'Oremboorc blir des manufactures pour les objets de com- merce qui manquent aux nations Asiatiques ; il faudroit encore la peupler de marchands ha- biles et assez riches pour établir et diriger ces manufactures. Orembourg seroit alors une des plus importantes villes de l'empire $ tandis que la plus grande partie de son commerce s'y .fait par des marchands qui s'y renderf^d^s villes les plus éloignées de l'empire , et qui s'en re- tournent aussi-tôt qu'ils ont fait leurs échanges, et par conséquent avec le profit ; ou bien ils y vendent leurs marchandises, et en emportent l'argent. Ils viennent par caravanes, à chaque printems > avec des marchandises qu'ils ont tirées de fort loin , et avec celles des manufac- tures étrangères qu'on pourroit fabriquer ici et dans les environs. Les principaux objets d'exportation sont des draps de différentes qualités , et sur-tout ceux qui sont teints en rouge et en écarlate , des velours , des toiles blanches , et des toiles bleues , des cuirs de Russie , des ustensiles de, fer et de cuivre , tirés des forges de la Sibérie les plus éloignées ) des aiguilles , des dés à coudre , de la verroterie , des grains de corail , et d'autres objets frivoles, qui servent à or- ner les habille mens et les équipemens des chevaux , ainsi que tout ce qui est nécessaire aux Kirpaiis. Ce commerce fournit encore tous les ingrédiens propres à la teinture , tels que A T O U G o v s. 4iÊ l'indigo , le pastel , la cochenille , l'alun , et le vitriol. Le sucre , quelques pelleteries , et particulièrement des peaux de castors et de loutres , entrent dans les échanges que font les Russes avec les Boukhars , qui leur fournissent beaucoup d'indiennes communes, et d'autres étoffes et toiles de coton , très-recherchées des Kirguis. Le goût de ceux-ci , pour ces indiennes et ces étoffes , prouve combien de pareilles ma- nufactures seroient avantageuses à la Russie, quand on seroit même obligé d'acheter les ma- tières premières des Boukhars et des Khivinzes^ qui y apportent déjà le coton cru en grande quantité , et préférablement à tout autre arr ticle. Je suis persuadé que le cotonnier réus- siroit, fort bien dans plusieurs contrées méri*» dionales de la Russie -, quoiqu'il ne réussisse pas dans les environs d'Oreinbourg , et près de la Sakmara. On a voit essayé d'en faire cultiver autrefois par les Tatars de Kargalinsk. Ces contrées n'ont point de températures fixes , et sont trop sujettes aux variations subites du chaud au froid , à cause de la proximité des montagnes. D'ailleurs, le terrain est mauvais , argileux , pierreux , et la sécheresse y est trop forte en été : il ne faut donc pas s'étonner de ce que le coton n'a pu venir à maturité dans les plantations faites autrefois entre Samarskoï- Gorodok et la forteresse de Predtschistenskaia, et dans un jardin d'Oreinbourg. On doit s'at-, 4i6 1769. d'Orem bourg- tendre à réussir clans cette culture près de la Samara , du Motscha , de l'Irguis , et peut-être dans les contrées inférieures du Volga. Les principaux articles que les caravanes Asiatiques échangent contre les marchandises dont je viens de faire rémunération , sont de l'or et de l'argent monnoyés , en plus grande partie,, au coin de Perse , et en roupies 5 du sable d'or 5 un peu de lapis-lazuli 5 des rubis- balais ? et autres pierres précieuses 5 une grande quantité de coton cru et filé ; beaucoup d'in- diennes ; de grosses étoffes de coton ; des toiles de coton ; des mousselines ordinaires et des mousselines des Indes 5 des Perses de moyenne qualité ; des étoffes demi - soie ; des robes-de- chambre toutes faites , ou khalates de diffé- rentes qualités ; des peaux d'agneaux de Bou- kharie , très-bien frisées > de couleur noire et grise , qui se vendent très - cher ; deux espèces de peaux de chats - tigres , appelées Makoul etPouLAN; des peaux de tigres , et autres choses semblables. Les Boukhars y apportent aussi quelquefois du salpêtre natif, qui se forme en abondance dans les endroits de leur pays , où il y avoit autrefois des villes et des cime- tières. Jusqu'à présent, l'importation des soies écrues, et des belles marchandises des Indes, a été peu considérable 5 je ne sais si c'est parce qu'ils n'en vendent pas assez aux marchands Russes, ou bien parce que leur profit n'est pas Il a Touaous, 417 jpas aSsez considérable sur cette espèce de mar- chandises , qui courent de grands risques dans le transport , et qui nécessitent deux échanges. J'ajouterai en outre., puisque nous en sommes à cet article , que ce n'est point dans la partie septentrionale de l'Inde que se trouvent les 1 meilleures manufactures 3 que les marchandises V- ' de la première qualité abondent et se fabri- quent dans les contrées méridionales et mari- times. On ne doit donc pas espérer d'avoir de plus belles marchandises , et à meilleur pris: que les nations européennes ^ qui font ce com- 1 J merce par mer , quand même les commission- naires ou facteurs Boukhars feroient tous leurs efforts pour cela. Il ne fan : pas omettre plusieurs petits articles de commerce avec les Boukhars, qui concernent l'histoire naturelle. Ils apportent de leurs pays des fruits secs, tels que des abricots sauvages , des pêches , une espèce de petit raisin d'un» goût admirable, qu'ils appellent Kismisch 5 ils sont, le plus souvent, sans pépins , et ils n'en ont jamais qu'un seul , qui est très-gros $ des noix d'une espèce de hêtre , nommées Tschinar, et de la semence contre les vers, 3 ** appelée D a r m a k a. C'est la même que celle dont nous faisons usage 5 ils la tirent des Indes, et ils s'en servent pour détruire les vers et le$ chenilles des canaux qui arrosent leurs jar- Tome I. D d r4i8 1769. b'Oèîmïoïïa» dins et plantations. Ils vendent aussi quelque* fois des graines d'arbouses et de melons, et du millet de Eoukharie (1), qu'ils appellent Dschougarï. La branche la plus importante du commerce des Russes avec les Boukhars > seroit l'importa- tion des matières écrues qui manquent aux pre- miers \ et , parmi celles-ci, la plus avantageuse, qui est celle des soies , a été la plus négligée jusqu'ici. Les Kalmouks et les Kirguis appor- tent beaucoup de poils de chèvre et de cha- meaux , qui ne coûtent que de quatre-vingts ko- peks à deux roubles et demi le pôiul , selon sa qualité : ce qui est à très - bon marché. On poirrroit donc le travailler dans l'empire , ou îe vendre écru à l'étranger, avec un très-gros bénéfice. Ce commerce multiplieroit considéra- blement le nombre des chameaux qu'on élève flans le pays ; ces animaux ne demandent que des soins légers i et ils réussissent à merveille dans différentes contrées de la Baschkirie , et sur-tout dans la province d'Isetsk : le désert , situé entre le Volga et Tlaïk, fournit d'excellens pâturages pour ces animaux. Outre ces branches de commerce , qui pour- roient devenir plus florissantes , l'échange des bestiaux est un des plus forts articles. Les Kal- (ij Holcus saccharatus. A Toü GOü s» 4*9 mouks et les Kirguis , qui errent dans les step- pes , échangent annuellement de quarante à soixante mille moutons , et près de dix mille chevaux dans la seule ville d'Oremhourg. Les chevaux se transportent en Russie. On con- somme aujourd'hui les moutons à Orembourg^ dans ses environs , et dans les villes situées sur le Volga. Le suif fondu est envoyé dans les ports tle mer de l'empire f où il se Yend très - cher \ on l'exporte de là chez l'étranger , sous le nom de suif de Russie ( 1 \. En été , la viande de mouton est à bas prix à Orembourg , parce que ceux qui font ce commerce gagnent déjà suffi- samment sur les suifs. Une chose remarquable c'est que la queue des moutons Kirguis est si (i) Les boeufs y les cuirs et le suif forment un objet con- sidérable dans le commerce de la Russie. En 1768, on a vendu pour trente-urr mille roubles de boeufs vivansj pour un million cent quinze mille roubles de cuirs de bœufs diverse- ment préparés , et pour sept cent cinquante mille roubles de suif. L'étranger en emploie la moitié à faire des chandelles1, que les Russes pourroient faire ; on en a vendu, à" la même époque, pour soixante- quatre mille roubles.. On en a fait d'une qualité supérieure à la colonie de Sarepta. L'autre moitié du suif exporté est employée à faire du savon; on est encore obligé de le tirer de la Russie. On en a vendu pour quarante-huit mille roubles en 1768. Tous ces objets sont susceptibles d'une grande amélioration. Voyez, 2 ce sujet,, le Discours académique sur Us produits de la Russie, etCÀ par GuldensLcedt , 17760 Dd % %iv 1 769. »'O-rembottaô grasse, quelle pèse souvent plus d'un poiuî J et fournît comniunément plus de trente livres de suif. Ces queues sont appelées Kourdiouk. Les Kirguis échangent encore beaucoup de pelleteries communes , telles que des peaux de loup des landes, dont le poil est mauvais, mais qui sont très - légères 5 des peaux de renards des landes , qu'ils appellent Karagan; ils ont à - peu - près la couleur des loups : on en tire également des landes Kalmoukes 5 de pe- tits renards d'une espèce particulière , qui ha- bitent les landes montagneuses : on les nomme ici Korsak \ des chats sauvages , et beaucoup de peaux d'agneaux. Ces peaux sont souvent plus belles que celles vendues parles Kalmouks; elles forment un article considérable dans le commerce de la pelleterie. LesKirguis vendent ou échangent toutes sortes de tapis et de cou- vertures de feutre , appelés Koschmy 5 ils les fabriquent eux-mêmes avec la laine de leurs moutons. Ils en font de différentes qualités ; on en trouve de plusieurs couleurs , et d'un assez joli dessin. Ce peuple Nomade est très- peu versé dans la pratique du commerce ; il reçoit en échange des marchandises communes, et des bagatelles fabriquées ici ou dans les en- virons : aussi ceux qui commercent avec eux gagnent - ils beaucoup 5 ils deviennent cepen- dant plus instruits et plus rusés de jour en. A T o u ô o tt s.J ^ai- jour, et peut-être par la faute même des mar- chands Russes. Voici une autre branche singulière de com- merce. Les Russes vendent dans la cour des échanges beaucoup d'aigles dorés (1) , appelés Biourkout par les Tatars. Ces oiseaux sont fort recherchés par les Kirguis , qui les dres- sent pour la chasse du loup , du renard , et de la gazelle. D'après certaines marques particu- lières , et certains mouvemens de cet oiseau de proie, les Kirguis jugent de sa bonté et de ses dispositions à être dressé pour la chasse. Ils ne sont pas tous susceptibles d'instruction. Un Kirguis donne quelquefois un très-bon cheval pour un aigle qu'il reconnoitra être de bonne allure , tandis qu'il ne donne pas un mouton , ni même un Korsakenfel (2) , pour un autre, dans lequel il ne trouve pas les qualités requises. On les voit souvent rester assis deux heures en- tières devant un aigle , pour observer ses qualités ou ses défauts. Les Baschîdrs et les Kalmouks élèvent beau- coup de chameaux , qu'ils vendent aux Rou- Idiars , qui commercent à Orembourg, et qui s'en retournent souvent beaucoup plus chargés que lorsqu'ils arrivent. Ils se défont volontiers (ij Falco chrysœtos, (2) Le Korsakenfel est la plus petite monnoie de cui- vre de la Boukharie, Jr t • .-- 52 IjSty. D * O R EM B O U R G de leurs petits ânes , qui leur servent de moii- tnre 5 mais ils ne trouvent pas facilement des acheteurs , les Russes ne se souciant pas encore de cet animal , ainsi que du mulet , qui est si utile en tems de guerre» Fin du 'Tome premier* i lL