T9Çf*i Digitized by the Internet Archive in 2013 http://archive.org/details/voyagesduprofess02pall VOYAGES x>u PROFESSEUR PALLAS, DANS P1TJSIEÜRS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE fi T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE. TOME DEUXIÈME. .iiii.ii ,. m <~+MmMmj*>mtm l \ »mm mm I • \ ï .« T D Ü PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE E T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE- Traduits de l'allemand par le C. Gauthier de ia Peyronie. NOUVELLE ÉDITION, Reyue et enrichie de Notes par les CC. LA M AR CK, Profes- seur de Zoologie au Muséum national d'Histoire naturelle ; Et L ANGLES, Sous -Garde des Manuscrits de la Biblio- thèque nationale , pour les Langues Arabe , Persane , Tatare- Mantchou , &c. TOME DEUXIÈME. A PARIS, Chez Ma rad an, Libraire, rue du Cimetière André - des - Arcs , n°. o. t'.A M II DE LA RÉPUBLIQUE, mi Uo BOSTON PUBLIC LIBRARY t3 O Y A G E S DU PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE. *— M - i ., ...-, . ,. | „M .., , m, - —-k .1 ■ m,-, ■.![-■ ■ - gg flr i i i ilm ii i i -i uiiiîiinj 1.1 ■■!■>■■)■ hl il 1,1 in in ii _ -_ .jJLiij- ' i ii u - -- I* I j ' ; ï H S. Ier. Da Tougous a I l e z k a i a, 3 juillet. Ruisseau de Tougous. — Ruisseau à'iel- schanka , 22 vers tes. — Salines cl' ' Ilezkaia > 18 verstes. Je me transportai, le 3 juillet, aux salines cTIlezki avec M. de Reinsdo?*/, général-major , et gouverneur cle la ville d'Orembourg , accom- pagné d'une forte escorte. On passe par le pont de bateau, qui fait la communication de la ville à la halle aux échanges : ce bâtiment es^ très-vaste , et fort bien construit. Arrivé aux limites qui séparent son enceinte de la lande , on prend au sud * est un chemin , qui conduit fome II,% A 2 1769- DB ToiJGötrs d'abord à travers une steppe assez élevée , pleine de terriers de marmottes. Les limites sont pur- dées par un détachement de Kosaques. A vingt- quatre verstes de la ville est le Tongous , ruis- seau marécageux, qui coule lentement entre deux hautes rives. Il est assez abondant en eau , ainsi que tous les ruisseaux des landes. Il forme , en plusieurs endroits, des flaques et mares bourbeuses , en partie très - profondes ; il est si bas dans d'autres lieux , qu'on peut presque le traverser à pied sec pendant l'été. Le nom de ce ruisseau prouve que ses rives , garnies de roseaux , et ses gorges , pnt servi de retraite aux sangliers. On en trouve encore beaucoup, et d'une grosseur extraordinaire , un peu plus avant dans la lande près de l'Ilelc. Nous trou- vâmes , à l'avant-poste qui est ici , des chevaux de relais qui nous attendoient» Il est gardé par de l'infanterie. Des collines de roc garnissent , près de ce ruisseau, la lande située sur la gauche du che- min. Elles paroissént être une continuation de laciMne de montagnes minéralogiques qui bor- dent l'Iaïk. Le docteur Pxlnder & encore trouvé ici en abondance la plante qui porte son nom : j'en ai déjà fait mention. La lande, qui s'étend depuis Orenihotirg jusqu'à la forteresse dMlezki , étoit non seulement toute desséchée , mais les Kirgùis ravoient incendiée : de sorte que je îie pus découvrir aucune racine de cette plante A I L e S K A. i À* ä Si célèbre. Les bords de la montagne sont par- semés de sel } la lande même offre > de distance en distance , des places salines 5 mais au-delà des ruisseaux , elle devient pierreuse ß et se couvre de cailloux. A deux ou trois cents pas de l'avant-poste , construit en pierre ? sa sur- face., couverte de mousse , prouve pour son antiquité. On compte plus de vingt - deux verstes du Tongous au ruisseau d'Ielschailka ? qui se jette dans la rivière d'Ilek. Un autre avant - poste $ jgardé par de l'infanterie , est situé ici j nous y trouvâmes un second relah Je ne visv de plantes remarquables , près de ce ruisseau , que F arrête-bœuf , ou la bugrane sans épines ( 1 ) , quiy étoit en abondance. On découvre , à l'ouest^ Une cbaîne de collines , qui s'élèvent peu-à- peu. Elles entourent , avec les éminences voi- sines ., la contrée des salines d'Ilezki. Les bords du ruisseau sont élevés , sur-tout du côté des montagnes; ils sont composés d'un schiste sa- blonneux , très-tendre , mélangé , et d'un brun rougeâtre^ qui forme un coup - d'œil agréable dans les endroits lavés par l'eau. La saline d'Ilezkaia est à dix - liuit verstes de l'avant-poste ; la forteresse a été construite pour la défense de la saline. Nous y arrivâmes d'assez bonne heure , et nous visitâmes , le même ■ — — — — 1 1 1 ■ ■ 11 ■ «I (ï) Ononls mitiSé A % DE TOUGO US jour, cette saline et ses environs. J'y employai encore une partie du lendemain , et retournai ensuite à Orembourg avec M. le général. La forteresse a la forme d'un carré Ions. Une muraille de poutres forme son plus grand dia- mètre , qui a plus de cent trente toises de longueur. Ses angles sont garnis de batte- ries. Elle est en outre revêtue d'une charpente, appelée ici Kogatki. Il est fort étonnant que les fortifications n'aient pas été construites en terre , et les maisons en pierres , attendu la grande disette de bois qui règne dans cette contrée. Cette place d'ailleurs mérite d'être un établissement stable, puisque la nature y a ré- pandu tant de richesses. On vient de bâtir une petite église en pierres : l'ancienne est en bois. La forteresse renferme un très - petit nombre de maisons. Il y a environ cent cinquante ca- banes 5 elles sont , en plus grande partie , situées entre le fort et un lac de cent cinquante toises de long. Son eau verdâtre n'est pas fort saline; mais elle est très-sale , et elle exhale une odeur désagréable. Un détachement d'infanterie et de Kosaques compose la garnison. Il y demeure cent trente malheureux exilés , nommés ici pRissiLisriÉ. On les emploie à fouiller le sel gemme , pour le compte de la Couronne. Un capitaine est chargé du commandement j et un autre de l'inspection des travaux. A près de quarante toises de la- forteresse A I ï. E Z K A I A. S Relève une montagne de gypse > absolument nue et toute blanche , qui a la forme d'un pain de sucre, La pierre dont elle est com- posée est remplie de cavités ; elle tient un peu de l'albâtre : mais la plus grande partie est en druse j elle est très-légère et sélénitique , de couleur rougeâtre en plusieurs endroits. On y trouve un spath feuilleté. Comme on tient un piquet sur cette montagne escarpée , qui offre à l'œil une vaste étendue de pays , on l'appelle Karaoulnaïa-Gob.a (montagne de sarde). On voit , à son sommet , une fissure qui formoit autrefois une très-grande caverne 5 niais on l'a comblée. Les Kirguis ont le plus grand respect pour cette montagne, qu'ils regardent comme sacrée. Ils jetoient autrefois dans la caverne toutes sortes de fourrures et autres bagatelles en forme d'offrandes. Ils viennent encore au- jourd'hui faire une procession solemnelle au- tour delà montagne, et y réciter leurs prières à genoux y après s'être plongés et lavés dans les flaques d'eau voisines. On rapporte qu'a- vant que la caverne ffit comblée , un homme y est descendu avec des cordes, guidé par l'ap- pât (hi gain ou par la curiosité^, et qu'il y a éprouvé un froid insoutenable. Au pied de cette montagne de gypse, est un puits taillé dans le roc , qui fournit une eau douce et très- bonne à boire ^ il n'étoit diminué que de deux pieds , malgré la grande sécheresse. A l'est , A 3 6 17^9- D E TotfGOtrs cette colline a une brandie en dos -d'âne , peu élevée , qui se termine par un rocher de gypse saillant , qui est beaucoup plus petit que ceux delà montagne. Ce rocher é toit abondamment garni d'une mousse ou lichen terrestre (1) ; 011 la trouve presque toute détachée dans plusieurs endroits de la partie méridionale de la lande. Les Russes l'emploient à la guérison des plaies récentes , en l'appliquant pulvérisée, et mâchée en partie : aussi P appellent-ils Poresna. Toutes ces montagnes de gypse produisent les plantes suivantes : la gypsophiie à hautes tiges (a)> dont j'ai déjà parlé , le cératocarpe (3) , l'ar- gentine bifide (4) , la scabieuse jaunâtre (5) , une espèce de millefeuille ( 6 ) , une petite ab- sinthe ou armoise blanche (7), cotonneuse et très-éparpillée ; la dragoncelle (8) , la centaurée à feuilles de guède (9) , la passe- rage à larges (i) Dilleniïts donne, dans son Hist. musc. pag. 154, tab. 20, n°, 49 , une description complète de cette mousse % sous ie nom de Lichenoides ceratophyllum ob tus lus , et minus ramosum. C'est vraisemblablement le lichen physod.es de X^înné , quoique ce lichen soit plus commun sur les troncs? d'arbres que sur la terre. (i) Gypsophila altissima. (3) Axyris ceratoides. ■(4) Poientilla bifida. (5) Scabiosa ochroleuca, (6) Achillea tomentosa. (7) Anemisia alba. Voyez Y Appendix , n°. 3.98« (8) Pyperitis, (9) Çeataurea glastifolia, A I L E Z K A I kl 7 feuilles (1) , et l'arroche découpée (s) , sont les plantes ]es plus communes au bas cle ces collines : le terrain y est plus humide et plus salin. Elles sont remplies de couleuvres (3) et de vipères (4) communes. Le grillon en chausse- trappe (5) y abonde également. Entre la montagne de garde et la forteresse est un ravin sablonneux, formé par un ruis- seau desséché, qui donne encore de l'eau, à six y erstes au-dessus d'Ilezkaia y il se perd ensuite dans le sable : de sorte que le reste du ravin est parsemé de quelques places hu- mides , et de trous remplis d'une eau saline. Les habitans nomment ce ruisseau tari Solienka- ÎIietsciika. Il fait beaucoup de détours depuis la forteresse et vers la rivière d'Ilek , au midi ; il traverse la contrée basse , entourée d'éléva- tions., où se trouve la mine d'Ilezki, qui pro- duit le sel gemme. Cette contrée partage le ruis- seau en deux parties inégales : la plus considé- rable est au couchant. On s'est assuré de la richesse du terrain qui renferme le sel gemme , par les fouilles qu'on a faites jusqu'aujourd'hui. IL commence près (i) Lepldlum laùfolium« (i) A triplex laciniaia. (3) Coluber natrix, (4) Coluber berus, (5) Gryllus mu ri car us* a 4 8 17%. de Tougous du rociier de gypse , et du lac attenant à la forteresse. Son diamètre , qui s'étend jusqu'à la rivière cl'iiek , a environ six cents- brasses sur près de cinq cent cinquante de largeur. L'Iiék , qui est au midi, en est à quatre verstes et à trois cent quatre-vingts toises de la place. On m'a rapporté qu'il existe , près de cette ri- vière , plusieurs districts salins , où l'on pré- tend qu'il y a de ce sel gemme. On trouve^ dans toute la contrée que je viens de désigner, un terrain sablonneux , souvent élevé et sec , ou bas , mais qui est par-tout couvert de plantes salines. La grande inégalité de ce terrain a obligé de creuser en plusieurs endroits jusqu'à quatre arcbines pour arriver à la superficie du sel. Ce terrain est en général plus élevé sur la rive droite du Solianka que sur la gauche , et il s'élève par-tout de ce ruisseau à l'enceinte p et toujours de plus en plus jusqu'aux collines qu'on découvre dans le lointain. Dans le ravin du ruisseau , le sel gemme n'est jamais à plus d'un arcliine et demi sous le sable , et pas même à un arcliine en plusieurs endroits 3 de sorte qu'il est très-facile d'atteindre le sel avec la lame d'une épée , ou avec la baguette d'un fusil (1). Dans presque tous les endroits de ce (1) On peut faire la même chose dans les salines de Bokh- nia et de Wiéiiczka en Gaiitzie et Lodomérie ; dans celles de Torda , Déès et Para en Transylvanie , ainsi que dans celles de Hallsiatt et Ischel en haute Autriche. Tous les A I "L S Z K À I À* 9 district , où l'on a creusé , et particulièrement dans l'enceinte de la mine de sel , on a ren- contré l'eau à des profondeurs inégales depuis deux archines et demi jusqu'à quatorze $ on a trouvé quelquefois de très-fortes sources d'eau salée, mais plus communément d'eau douce. Il paroît qu'elles se rassemblent des éminences. voisines sur le massif de sel qui est dans les fonds , comme sur un lit d'argile , et elles ont empêché, dans un grand nombre de fosses , de parvenir jusqu'au sel, ou de continuer les tra- vaux. Je ne puis donner des détails plus cir- constanciés de cette mine de sel d'Ilezki qu'en en donnant le plan levé en 1762. On y a mar- qué toutes les minières , tant anciennes que nouvelles , ainsi que tous les déblaiemens faits dans les fouilles entreprises par ordre du gou- vernement. J'ai eu soin de marquer par-tout , par le moyen des sondes , qui sont des archines , la profondeur de l'eau douce et de l'eau salée , ainsi que celle du sel. [Voyez plan che III.] On distingue très-bien la qualité du sel et celle du terrain qui est au - dessus , dans la grande minière où l'on tire aujourd'hui le sel diiïérens massifs de sel qu'on y exploite n'ont qu'un petit nombre de pieds de toit ; en Galitzie , ce toit est de glaise et d'argile ; et en haute Autriche , d'argile et de terre vé- gétale. Voyez le Nouveau magasin de Hambourg , tom. II, pag. 137; et les M'! moires d'une société privée de Bohême t publies par M. de Born , tome 1, page 337. so 17&9. jde Tougotts depuis nombre d'années. Elle est située prés de la rive droite du Soliartka , à près de trois cents toises de la montagne , sur laquelle est une on se mettoit dans le cas d'avoir , non seule- ment à combattre de plus en plus les eaux de source , mais de vider encore chaque fois la muire avant de se mettre au travail , sur-tout au printems , où elles abondent par rapport à la fonte des neiges. Elles s'écouloîent alors dans la minière par la grande ouverture qu'on agrandiss'oit de jour en jour. Ce général vient d'ordonner également de creuser une fosse à l'extrémité de la minière, pour servir de bassin: à la muire 3 il va y faire construire une pompe pour la transporter hors de la mine : ce qui sera fort avantageux, tant pour la facilité du travail , que pour l'exploitation de cette mine de sel , qui est un objet si important. Voici la manière de procéder aujourd'hui à l'exploitation de cette mine. On taille ^ dans le A I L T Z & A I A.' îf ïnassif, avec des pioches et des coins de fer, des rainures étroites, mais assez enfoncées pour pouvoir détacher de la masse un bloc de sel de pins d'un archine d'épaisseur sur une brasse et demie à deux brasses de long 5 on le retire de la muire avec des poutres et des cordes , ou avec des madriers 5 on le brise ensuite , pour le transporter plus commodément dans les han- gars et magasins construits à la proximité. On ne voit , dans toute cette vaste minière , au-dessus du sel gemme, qui forme une masse solide , sans aucun mélange , qu'un sable inGu- vant jaune, disposé en monticules, et sur-tout près du bord de la minière,, à l'ouest 5 il s'élève de deux à trois brasses au - dessus du massif. Le sable , qui touche la superficie de la couche de sel , est imbibé de muire : ce qui contribue à le pétrifier en séchant. On distingue assez sensiblement , au diamètre de la minière , que la masse de sel n'est ni entièrement unie , ni horizontale à sa superficie , mais qu'elle est au contraire un peu voûtée. Il paroît lorsqu'on est au milieu de la minière , qu'elle décline peu- à-peu , en pente douce , vers son extrémité septentrionale , et qu'elle s'incline encore da- vantage vers le Solianka, au sud-est, puisqu'a l'ouest , sur le bord de la minière , le sel est à trois brasses plus haut que la muire horizon- tale , et du côté de l'est , à près de neuf brasses de distance ; le sel n'est qu'à une brasse et la 1769. SE TOUGOITS demie an -dessus de la muire. Cette iiiéValité peut avoir été occasionnée par les eaux qui s'é- couloient autrefois dans le Soîianka. On n'a pu encore déterminer avec certitude^ la profondeur de la masse de sel gemme, puis- qu'on n'a encore travaillé qu'à la superficie de îa mine. Il n'a pas été possible de percer plus avant , avec une tarière de mineurs , qu'un demi-archii.e par jour, attendu la solidité in- croyable de la masse de sel , et l'instrument s'est même cassé à plusieurs reprises. En automne ß on est parvenu , avec beaucoup de peine , à percer à plus de vingt arcliines dans la masse de sel pure , avec une tarière que j'y laissai pour sonder la profondeur. Ö11 atteignit ensuite une terre noire si dure , que la tarière ne put mordre davantage, et l'on fut obligé d'aban- donner ce travail (1). Ce qu'il y a de remar- (1) La mine de Wïéliczka en Galitzie , a été exploitée, en plusieurs endroits , jusqu'à la profondeur de soixante-cinq à soixante- dix brasses , et ne s'enfonce vraisemblablement pas davantage. Magasin de Hambourg , tome VI T pag. 138. La profondeur de la masse des salines de Transylvanie , n'a point été exactement déterminée , parce que la manière dont ces mines sont exploitées ne permet pas d'en pousser l'exploitation jusqu'au lit d'argile qui se trouve au-dessous du se!.- La plus grande profondeur de la mine de sel de Torda, est de cinquante^ six bras;es. Celle qu'on exploite à Vîzakna , de soixante- six brasses ; à Kolos, de quarante- six ; à Szek , de quarante- sept) à Céès, dans une vieille mine laissée ouverte, le' soixante-douze brasses. Lorsqu'on a sondé 1* épaisseur du massif aIlezkaia. i3 quable , c'est qu'on m'a assuré avoir trouvé 9 à trois brasses de profondeur , en faisant une excavation à deux cent soixante -dix brasses de la grande minière de sel y à l'ouest , une pierre noirâtre si solide , que la pèle ne pouvoit y mordre (i). Ce sel gemme est généralement blanc , très- pur et très-compact. Lorsqu'on le détache de sa masse , il présente des configurations cubi- ques 3 ainsi que ses brisures. ïl se dissout plus lentement dans l'eau que le sel marin $ on pré- tend avoir éprouvé qu'il ne sale pas autant que le sel d'Inderskoé , et autre sel marin. On y rencontre , sur - tout vers la superficie , des masses de sel cubiques ,, qui pèsent générale- ment plus d'un poud. Ces masses , appelées Sserzé , ou cœur de sel, sont souvent aussi trans- parentes et aussi pures que le cristal ; on en? fait des salières et autres bagatelles (2,). Le bas de sel de la mine d'Ischler dans la haute Autriche, avec la tarière des mineurs, on a encore trouvé du sel à soixante- quatre stadels (deux cents cinquante-six pieds) au-dessous du puits 3e plus bas. Lettres de M. de Born, sur plusieurs objets de minera lo (fie , p. 341. (1) L'argile est un compagnon inséparable du fossile. Elle lui sert presque par- tout de base, ou se trouve mêlée avec lui. Dans les salines de la haute Autriche, le massif de sel se trouve entouré d'une argile grasse de couleur grise , qui empêche les eaux pluviales d'y pénétrer. De Boni, page 342,. (a) M. de Haller observe, dans ses Opuscules , tom. III ? i4 Ï769* ï> £ Toüöoü§ peuple l'emploie dans les maladies des yetr£ $ au lieu du sucre dont les Puisses se servent | ce remède domestique est universellement connu cîiez eux. On a trouvé , dans cette nouvelle ex- ploitation , aux esdroits où il y avoit eu d'an- ciennes fosses , des coins , des leviers , et au- tres pièces de bois, ainsi que des charbons con- centrés dans la masse de sei. Ces corps étran- gers y ont été sûrement renfermés par les sels nouveaux formés par la muire qui s'y rassem- ble (1). £aö' 3?» ^ue k se* gemme n'est jamais cubique, mais bien telui qui est produit par i'évaporation d'une eau saline. (1) «Le sel d'Ilezki , dit Müller, est de la plus grande netteté j et il est si bien cristallisé , qu'on le prend pour du sucre à la vue. Celui du centre est le plus cristallisé. Il y en a des morceaux de trois poudsj mais il est le moins bon. Il y a des lacs d3eau salée, dans le voisinage , qui sont très- profonds. Les Kirguîs vont s'y baigner* Plus on descend dans l'eau, plus il fait chaud* Le sommet est si froid, qu'on ne peut point en endurer la fraîcheur, Les Kosaques ont entre- pris d'en préparer cinquante mille pouds chaque année , et de le transporter dans les magasins d'Orembourg». Diction-* naire géographique Russe, par Polounln et Millier. a Dans le gouvernement d'Oremboürg , dit M. Sch'téun i on remarque principalement la fameuse mine de sel de ro- che, à quelques verstes delà rivière d'Ilek, dont on tire une si grande quantité , sans beaucoup de peine, d'excellent sel , nommé Ilek. Ce mur souterrain , composé de Sel , situé a quatre verstes et demi de la rivière d'Ilek , a plus de six cents brasses de long , sur trois cent quatre-vingt de large. On a enlevé , jusqu'à présent , près de soixante brasses en Ion- aÏlezkaï^. iS Il y a un grand nombre d'anciennes minières au nord et à l'est de la nouvelle mine exploitée gueur , sur neuf à dix de largeur et trois de profondeur. On a déterminé la profondeur, autant qu'on a pu la dé- couvrir, à sept brasses. Dans les trois dernières années , on a transporté dans l'Empire plus d'un million de ponds de sel, sur le Vol^a et les rivières Biéla et Kama Les ouvriers île cette mine reçoivent , pour chaque poud de sel , un demi- kopek; et pour le transport d'un poud, jusqu'à la petite nvière Aschkader, où il est embarqué, cinq à six kopeks. Il se vend , dans le pays , de vingt-cinq à trente kopeks. Ou a calculé que cette saline peut encore fournir du sel'pendant plus de cent cinquante ans. On trouve dans ses environs ua grand nombre de fossés remplis de- bonnes matières , et qui ont déjà beaucoup de sels dans leurs fonds. M. Schtélin, Précis historique sur les mines de Russie, en 17745 ma~* nuscrit donné par l'auteur à Le Clerc père. Nous croyons devoir terminer cette note par la description cies salines de Bokhnia et de Wiéliczka , situées dans le royaume de Galitzie et de Lodomérie. La maison d'Autriche possède, sous ce nom, depuis 1772,, une parlie considérable de la petite Pologne. Bokhnia, ville connue par ses salines, donne aujourd'hui son nom à un cercle; elle n'étoit qu'un village, à l'époque* de la découverte de la mine', en 1251. La petite rivière de Raab , qui se jette dans la Vistule , y passe à quelque dis- tance. La ville est entourée de montagnes et de collines; elle a un gymnase. La mine consiste en un long boyau sou* terrain, qui a sept cent cinquante pieds de largeur, du nord au sud , et dont la longueur , de Test a l'ouest , est de dix mille pieds ; la plus grande profondeur est de mille à douze cents pieds. La mine commence d'abord par les cris- taux, et le sel s'y trouve tout par liions; il est un peu plus En que celui de Wiéliczka , sur- tout quand on creuse eu î6 Î769. DE TOUGOUS aujourd'hui ; elles s'étendent des deux côtés du Solianka, mais cependant un peu plus sur profondeur, On le taille en petits morceaux pour être mis dans les tonneaux. On y trouve souvent des morceaux de bois brisés et noircis. Sur toute l'étendue du roc , il y a si peu d'humidité , que Ton n'y trouve que de la poussière. Il y a de l'albâtre dans cette mine. Géographie de Busching> tom. Iî, deuxième partie de la nouvelle édition française. Wiéiiczka, ville située dans un vallon, à un mille de Cracovie , a une saline très - renommée. La ville est non seulement toute minée , mais les mines s'étendent encore de chaque côté, à une distance égale à sa grandeur; savoir, de Test à l'ouest , de six mille pieds ; du sud au nord , de deux mille ; et dans le plus creux du vallon , de huit cents. Ce- pendant le sel n'est pas encore épuisé , et l'on continue de creuser en longueur au sud et au nord , de même qu'en pro- fondeur, quoique l'on en ait trouvé les. bornes aux deux côtés de la largeur. Il s'y trouve actuellement dix puits , et dans toute l'étendue de la mine on n'a pas trouvé une seule source d'eau. Les allées souterraines sont très-larges , et dans plu- sieurs on trouve des chapelles et des autels taillés dans le roc , c'est-à-dire, dans le sel, et ornés d'un crucifix ou de quel- que image de saint, devant lequel brûle continuellement une lampe. Il y a des chambres aussi vastes qu'une grande église; quelques-unes servent de magasins pour les tonneaux pleins de sel , d'autres pour le fourrage des chevaux , et d'autres d'étables pour ces animaux , qui y sont au nombre de' vingt à trente , selon la quantité des transports à faire. Dans plu- sieurs chambres où il y a eu de l'eau, le pavé et les parois sont couverts de cristaux de sel entassés l'un sur l'autre par milliers , dont plusieurs pèsent demi-livre et plus , ce qui forme le coup-d'œil le plus brillant et le plus ravissant, quand on en approche plusieurs flambeaux. On a laissé , ça et là , plusieurs piliers de sel très-gros pour empêcher les écroule- la - Jâ. I L B 2T K. A I A; 1^ la droite. Les Kosaques et les Basclikirs en ti- raient autrefois tout le sel qu'ils vouloient : ce mens. Dans le haut , le sel se trouve par grosses masses in- formes, où. l'on pourroit tailler des cubés dé trois, quatre et cinq cents pieds ; mais dans le bas , c'est , pour ainsi dire , de la mosaïque. Le sel de moindre qualité est celui appelé ■^ïélona ou sel verd , sans doute parce qu'il est mêlé d'une es- pèce de terre grise , qui l'aura fait parôjttre à quelqu'un comme verdàtre. Le bas est tout composé de cristaux de différentes grosseurs. Celui qu'on appelle s\ibïkova , est plus pur et plus cher$ et la troisième sorte, qui est le sel gemme, se trouve en petits morceaux mêlés avec la terre dont il faut le séparer- cette opération donne des cubes ou des prismes rec- tangulaires. On n'en tire point ordinairement de cette espèce pour le commerce!. La pierre de sel y est d'un gris obscur mêlé de jaune. Jusqu'en 1714, on a été dans l'usage de tirer du sel de l'eau qui se ramasse dans les endroits creux de la mine j mais on a supprimé ces chaudières pour épargner le bois. On trouve dans le terrain de la montagne, et même dans le corps du sel , des morceaux de bois noir , qui res-» semblent souvent à de fortes branches d'arbre , et que le peu- ple donne au bétail» La découverte de cette mine date , dit- on, de 1151. Le feu prit dans les souterrains par négîip-ence, en 1644 et 1696 , et dura long-temps. Il y a un srymnase à Wiéliczka. Busching> loco ciiato , pages 338 et 33 ... « On descend dans ces mines par un escalier en spirale, fort étroit et composé de huit cents marches , ou bien par un puits.... , le puits a une ouverture dé dix à douze pieds de diamètre, et cent brasses de profondeur. On y descend assis sur des sangles attachées à un gros cable. ... ; arrivé au pre* mier étage, on voit une église taillée dans le sel, ornée de pilastres . entre lesquels on a pratiqué des niches où sont dos statues d'un sel blanc et transparent , semblable en tout a du cristai. Il y a sur le marche-pied de l'autel, deux statues de Tome IL B 3 8 27%' D E Tl O XJ G O V s qui letir a été interdit depuis que le gouverne- ment s'est approprié ces mines, et qu'il les fait exploiter pour son compte. Il croît sur les petites éminences de sablé moines à genoux, qui sont de la plus grande beauté La chaire , et l'escalier pour y monter y sont également remar- quables par leurs omemens- de sculpture ; tous ces difrérens. ouvrages sont taillés dan& le sel , et il n'y a aucune pièce rapportée.... On ne travaille plus à ce premier étaçe , qui est eoupé par une infinité de rues d'une longueur prodigieuse, d'où on a extrait du sel. » On descend au second' étzge , par un escalier dnnt les marches sont si douces, que les chevaux n'ont pas d'autre route pour charier le sel. On trouve là une seconde ville T percée de belles rites à droite et à gauche. » On va au troisième étage par le moyen de •plusieurs échelles. Cette manière de descendre est la plus incommode • on seroit perdu si on manquolt un échelon; on est obuo-é de tenir les yeux fermés pour les préserver de la poussière de sel qu'on élève en marchant, et qui est très-pernicieuse pour la vue Nous vîmes une quantité de gens nus comme" la main , qui détachoient le sel de la mine à la lueur des torches. » On taille le sel en blocs -r on leur donne une forme Sphérique r dont lé petit diamètre peut avoir dix-huit pouces de long, et le grand trente pouces- On enferme dans des caisses «"té même forme et de même grandeur, les petits morceaux , et les grains, de sel. o » Tout est merveilleux dans ce souterrain. i°. La quantité* de sel qu'on y trouve ; ?°. l'aspect du lieu à la lueur des. flambeaux qui , réfléchis dans des murailles de sel , se répè- tent mille fois , et forment le coup-d'œil le plus agréable et le plus surprenant ; j°. une foataine d'èau douce » qui v va- A I i. M Z K A I ; A:* i£ amoncelées autour de ces mines , rélime des sables , plante voisine du froment^ par ses rap- ports ( i ). Ces minières ? dont quelques - unes ont plus de dix brasses de diamètre sur trois à quatre arcliines de profondeur ß sont généra- lement remplies d'une muire très-saturée $ elle est formée , en partie , par les eaux de pluie et de neige , et en partie par les vapeurs hu- mides qui y dégouttent , et fondent le sel , qui est à découvert dans le fond. Au moment où je fis mes observations7, cette muire étoit telle- ment concentrée par la sécheresse de Tannée 9 qu'un hydromètre s'y soutint au-delà du degré ordinaire de saturation : ce qu'il faut attribuer au mélange de quelque sel amer. Le fond de ces marais salés se couvre d'une forte croûte frant de bien loin à travers des rochers de sel, n'en contracté ni le gottî ni la propriété , au point qu'on n'en boit pas «d'aussi bonne dans toute la Pologne ; 40. le lit de la Vistule étant fort supérieur aux salines , les eaux de ce fleuve n'y ont jamais pénétré, quoique l'éloignement ne soit pas assez considérable pour que la iîltration ne se soit pas établie depuis plus de cinq cents ans que l'on a commencé d'exploiter ces' mines. Elles furent découvertes sous Boleslas , dit le Chaste, en ïz^z. Dans les endroits de la voûte où l'on a trop excavé la mine , on a contenu la terre en y appliquant des branche de sapin soutenues par des chevrons de même bois , qui se con- servent merveilleusement , quoiqu'employées depuis plusieurs siècles ». Voyages en Allemagne et en Pologne , en 1776 > par M. de L. S. M. A, S. D. P. (i) Elimus arenaria j. J3 a 2ù 1769. i)E Touffus de sel en forme cle glace. Ces muirës ont tin a consistance très - épaisse , et sont de couleur brunâtre. Les Kirguis^ qui regardent celte eau comme très-salutaire clans plusieurs maladies , vont s'y baigner (1). On voit aussi , de côté et d'autre , autour de ce marais , des pieux Ou des branchages fichés eu terre , après lesquels ce,8 peuples superstitieux ont noué des crins de (1) Ön trouve aussi , pies de Thorda en Transylvanie , clés fosses semblables , remplies d3eau saturée de sei , dans les- quelles les Valaques se baignent également. On a assuré X IVÎ. de Born, qu'il étoit impossible d'aller à fond dans cette èaa salée. De Bprn, Iôco citato , pag. 343-. Thorda , Tarenbourg , sur la rivière d'Aranyoche* y est ma bourg d'une grande étendue , bien peuplé et situé dans une vallée. On fait remonter sa fondation à Tan 14$? : en 1 J3 1 , il fut consumé par un incendie. Ce chef-lieu du comté de Thorda passe pour un des endroits où la langue hongroise se parle le plus correctement. Ses mines de sel , et les restes des tra- vaux des Romains qui y ont exploité des mines , rendent ce ïieu remarquable. La mine de sel est à la distance d'environ cne demi-lieue de la ville, dans une colline d'ardoise argi- leuse, environnée d'autres petites collines de pierre calcaire ; il s'en trouve de pareilles par-tout , depuis Enghed jusqu'à .Thorda , et depuis Thorda à Clausenbourg , ainsi que' beau- coup de corps pétrifiés : c'est Une preuve que la mer a au- trefois couvert cette contrée. On trouve dans ces mines des morceaux de sel transparent , où l'on voit une bplle d'eau renfermée, ou bien un peu de mousse. ïl y a aussi dans ce canton des carrières de plâtre et d'albâtre. Busching , t. IIÏ, ire. partie, pag. tf,* On tire dû sel fossile des montagnes qui avoisinent le bourg de Sabola. Idem, pag* $41. A I L E a K A I A* 2.1 cheval, ou quelques guenilles. On en trouve de pareils auprès de quelques sépultures , re- gardées comme sacrées par les Kirguis , qui y font des pèlerinages par dévotion. L'eau salée , ou la muirede ces marais , est si épaisse , qu'elle peut soutenir un homme qui s'y enfonceroit jusqu'à la poitrine \ il pourroit même s'y cou- cher sur le dos sans craindre d'enfoncer. On m'a assuré que , dans certains teins , et souvent même en automne , cette eau salée , quoique froide à sa superficie ^ devient si chaude dans le fond de la fosse t qu'il est impossible d'y laisser îa main. J'ai fait différens essais par un tems frais et couvert , et je n'y ai cependant pas éprouvé de différence bien sensible , puis- que le thermomètre n'étoità-peu-près qu'à cinq degrés au-dessous de la température de l'air extérieur. S'il est vrai que cette muire a , dans certain tems % la chaleur qu'on lui attribue, il est à présumer que les croûtes de sel ,, dont le fond de ces minières est couvert , recueillent ? comme un miroir ardent , les rayons du soleil f qui suffisent pour échauffer l'eau dans la proxi- mité du foyer où ils. se réunissent. Suivant cette hypothèse, j'ai dû trouver par - tout le même degré de température à cette eau, attendu que le soleil n'avoit point paru depuis quelques jours. Si le fait est tel qu'on le dit , il est im- possible de lui donner une définition plus vrai- semblable. B 3: J 32 1769- » E ToUGOtTS Le canal desséché de la Solianka a plusieurs places humides et aqueuses ; il est générale- ment très-salin > ainsi que plusieurs petits bas- fonds situés à sa gauche : les plantes salines y abondent. La plus commune est la salicorne herbacée (1) , que les Anglois servent sur leurs tables en guise de salade , après l'avoir confite dans du vinaigre aromatique. Toutes les plantes salines que j'ai trouvées près de la Samara crois- sent ici -j le plantain feuille y abonde principa- lement. Lorsqu'elles croissent dans un terrain très-salin , elles deviennent d'un rouge- très- 7 p foncé , et contiennent beaucoup de parties sa- lines. On trouve , dans la Solianka , et à sa proximité, sur-tout à l'endroit où il s'éloigne, du sel gemme , un dépôt de sel blanc et fari- neux, qui a une odeur de violette très - sen- sible. ' Une chose remarquable encore , c'est qu'il y a , à près de deux cents brasses de la mon- tagne de gypse que je viens de décrire, plu- ci 1 ■ 1 ' 1 1 ■- ' ' ' 1 . 1 ... 1 , » (1) Salicomia herb ace a. On s'imagine qu'on peut tirer la soucie de ce végétal , ainsi que de la plupart des plantes salines ; mais les essais faits à Orembourg , ont prouvé que Cette, plante contient trop de sel commun. Soixante-seize livres de cette plante sèche , ont rendu vingt livres de cendres! salines. Nous verrons plus bas que sans adapter cette plante à cet usage, on pourroit faire beaucoup de sel alkali , qui se vendroit à l'étranger, et scroit d'an rapport çon,sidéraJ>Iç pour le pays« AÎLEZKAIA. 2,1 sieurs petits lacs, qui s'étendent depuis une autre colline jusqu'au Solianka; je les ai regardés comme les restes d'un ruisseau. Le rivage mé- ridional de ces étangs est plein de roseaux et de beccabun on entre dans une lande élevée et assez unie, qui s'abaisse vers la re- doute de Nieschinskoï. îl y avait autrefois dans ce désert un petit bourg habité par des sujets libres de la petite Russie. On y voit encore les ruines des caves et des fours à sécher les grains. La bardane et l'absinthe croissent abondamment dans le lieu où étoit le boum. La redoute est construite en bois , près de l'Iaïk. Il y a une tour d'observation, bâtie en bois,, munie d'un canon , pour observer ce qui se passe dans la lande, ASB01NOÏI 03 lande. Oïi l'appelle Vyschka. Quelques cabanes servent de logement au petit détachement de dragons et de Kosaques , qui composent la garnison. Je pris le plus court chemin , en tra- versant une contrée basse , entrecoupée de ra- vins profonds et de défilés. On passe plusieurs fois près de Tlaïk. On trouve un phare ( 1 ) à moitié chemin de ce fleuve. Les bas - fonds de cette contrée sont très-fertiles en plantes. La matricaire (2), la camomille (3) , la guimauve (4)* la lavatere de Thuringe ( 5 ) , le grand pied d'alouette (6) , la sauge des bois (7) , le mufle- de-veau à feuilles de genêt (8) , une espèce de panis (9)^ y croissent avec d'autres belles plantes. On voit plusieurs petits étangs dans le fond.. Le terrain devient beaucoup plus mon* (1) On a construit des phares sur des pyramides, élevées près des forteresses et redoutes de la ligne de Tlaïk , ainsi qu'à toutes les demi-distances où Ton tient un piquet. Lors- que les Kirguis veulent entrer dans le pays pour commettre leurs brigandages, on allume des torches de goudron ou autres matières combustibles, pour donner le signal aux postes et détachemens voisins. (i) Matricariä. (3) Chamo milla. (4) Althœa officlharum, (5) Lavathera Thuringïaca, (6) Delphlnium elattim» (7) Salvia nemorosa* (8) Aniirrhinum genis tifoliiiitii (9) Panicum erusgalli. Tome II* C 34 176*9. d'Orimboüäö tagneux près de la redoute de Visesofskoï , oit nous arrivâmes dans la nuit. Ces montagnes 9 situées entre l'Iaïk et la Sakmara, sont une branche de la chaîne minéralogique de l'Ou- r-alsk , qui s'étend le long du Salmysch et du ruisseau voisin , jusqu'au-delà de l'Iaïk ; elle ne forme qu'une seule chaîne avec les hautes montagnes de Gouherlinski , qui se réunissent à celle-ci près de 3a Sakmara. On a découvert: ici beaucoup d'indications de minéraux , et on a commencé l'exploitation de quelques riches imines, dont plusieurs sont voisines de là re- doute* J'en donnerai la description dans le joux- tai de mon retour. La redoute de Viœsofskcï est située sur une jéîéVatkm baignée par le ruisseau de Viœsof ka f aune assez grande distance de l'Iaïk 5 elle est construite en bois , et elle est presque entière- ment ruinée. Une partie de la pente , sud c cette colline, est un 'terrain salin , on je trouvai en fleurs la statice de Tatarie (1) , la centaurée à feuilles de guède (2) , et beaucoup de soude à feuilles d'orpin ( 3 ) , qui jetoit quantité de tiges. Le chemin, assez uni, passe entre les montagnes et le fleuve. On voit, près de la for- teresse de Krasnogorsk , plusieurs places sa- (ï) Statice Tatarica» fi) Centaurea glastifolia* U) Saljçla sedoLh's* A R O S B O ï N O î. 35 Unes , où la soude à feuilles d'orpin et la soude couchée (1) viennent abondamment. Nous ren- contrâmes ici une karavane, qui venoit de là Chine. Elle étoit composée de trente chameaux , qui ne pouvoient presque pas se soutenir , par foi blesse \ ils a voient éprouvé la plus grande disette dans les déserts qu'ils avoieiit traversés , où tout avoit été brûlé par la sécheresse de Farinée. Presque toutes les karavanes Asiati- ques de ce pays ne se servent , en plus grande partie 9 que de chameaux à deux bosses , ou de dromadaires , et elles ont rarement des cha- meaux à une bosse. On leur passe une corde dans le cartilage du nez ,, et lorsqu'on est eii marche , on les lie , avec cette corde , Tun à la suite de l'autre. Ils ont un bât pour porter les marchandises \ on suspend des deux côté§ deux gros ballots enveloppés de grosses toiles de coton, et lacés de cordes de même matière. On met pardessus une couverture de feutre liée avec des cordes de crin , pour les préserver de la pluie. Des ânes , pareils à ceux d'Europe , servent ordinairement de monture , et portent les vivres. ; La forteresse de Krasnogorsk est située sur une hauteur coupée par un défilé, près de FLiïk. Elle est précisément au même lieu où la ville d'Orembourg fut transférée en 1741 , m • ...... . 1 . ■ > ■ .1 ■ ■ m - , (1) Salsola sQdoïd:s et projirauu c % '66 . ij6<). d'Örembourc avant d'être bâtie dans la situation avantageuse où elle est aujourd'hui. Cette place est encore assez considérable. On y compte près de trois: cents maisons , et une église \ elles sont toutes construites en bois , et renfermées dans l'en- ceinte de la fortification , qui est composée d'une charpente de poutres. C'est ici que réside l'état - major du détachement oui earde cette J>lace , ainsi que la partie de la ligne qui s'étend jusqu'à Ilinsk. Il est composé de deux compa- gnies de dragons , d'un corps de Kosaques % et des Kalmouks et Basch-kirs ,, qui gardent les avant-postes. Ces derniers sont obligés de four- nir les chevaux de poste le long de la ligne. On jette , de tems à autre , près de cette forteresse , tin pont sur l'Iaïk, pour transporter les mi- nerais aux fonderies établies de l'autre côté du- fleuve. A côté de la forteresse est la montagne d@ Krasnaïa , qui lui a donné son nom ; elle borde. l'Iaïk. On tire, au pied de cette montagne, du côté du fort , une très -bonne terre à brique : la- terre , dont cette colline est couverte , est un mélange de sable et de terre elaise rou^éatrev La partie qui borde le fleuve est dégradée. Sa partie occidentale ne présente , depuis la cime jusqu'à sa base, que des couches de pierres da grès rougeàtres et fort compactes. Ce grès est rempli de petits cailloux et de grains de quartz qui y sont par couches horizontales ; on y trouve A H A S B O 1 N O ï. 3/ même , en plusieurs endroits , de beaux cris- taux , mais de médiocre grosseur. Ces pierres sont excellentes pour la bâtisse, en outre de formes assez égaies. Il s'est formé , de place en place , des grottes entre les couches de rochers de sables minés , où Ton trouve quelquefois de petits cristaux clairs , qui sont attachés sur la pierre. Il croît , entre les fentes des rochers, de la rue de montagne (1), et dans les brous- sailles qui sont au pied de la montagne , beau- coup de méiique (2) de la plus grande espèce. Le rivage de l'Iaik est couvert de réglisse à gousses velues. On découvre , sur le sommet de la montagne , près du rivage miné , une mine de cuivre aban- donnée , ainsi que plusieurs fosses. Elle ne ren- ferme ni puits ni conduits. On ne faisoit que creuser un trou , nommé ici Rosval. Cette mé- thode d'exploitation est également suivie dans, les mines d'Orem bourg, parce que les miné- raux se trouvent à la superficie , et qu'ils s'é- tendent rarement en profondeur. Un observa- (t) Rusa sylvestris. (z) Melica altissima. C'est sans doute (lu melica décrit et fto-uué dans le Flora Siblrica de Gmelin (vol. 1 , p. ,98 „ t. zo. ) dont parle ici M. Pallas ; car le gramen avena- ceiun^ etc. de Morisson ( liist. 3 , p. zi6, sec. 8 ,. t. 7> f* 51), que Linné rapporte aussi à son melica altissima , est une espèce Uès-dirTcrcnte , que j'ai nommée melica pyrami- dalis, Lam. c 3, SB 1769. b'Oäs^so tue leur a beaucoup d'avantages dans ces m inc$ puisqu'il peut examiner une partie de la mon- tagne dans son diamètre. La pierre de cette mine est un schiste sablonneux, d'un jaune rou- geâtre. Les couches de cette pierre forment une petite inclinaison de l'est à l'ouest. On tiroit de ces couches un métal sablonneux , qui pa- roît vouloir se former par-tout. On a trouvé , en plusieurs endroits, dans la pierre qui ne contient point de métal, des morceaux de bois pétrifiés remplis de trous , et couverts de cris- taux de quartz. J'ai vu de ces cristaux dans la pierre de cette mine , mais ils y étoient placés sans ordre. En sortant de Krasno qui étoient occupés à fouiller de mauvais métaux sablonneux, entourés de beaucoup de magnésie. On rencontre, en des- cendant , un solontschak considérable , où crois- sent les plantes ordinaires à ces lieux. On découvre , à une assez grande distance du chemin, plusieurs montagnes situées der- rière celle de Guirirel : leur pente décline en talus vers la pp^rtie méridionale de la plaine. Les pierres de ces montagnes sont très - gyp- seuses ; on les nomme Slioudénue , parce qu'on en tire une sélénite lamellée , ou une espèce de talc gypseux , appelé ici Sliouda. y les habitans de la forteresse s'en servent au lieu de vitres. Ces montagnes ont quatre élévations en dos-d'âne , très-considérables , et assez pa- rallèles Tune à l'autre : la dernière , qui est à i'est, est la plus élevée et la plus grande. Orï en tire du talc en plusieurs endroits , ainsi que. du gypse , qui sert à blanchir les poêles > et à plusieurs autres usages semblables. Plusieurs de ces carrières , et sur tout celles de la mon- tagne de l'est , paroissent avoir été ouvertes par des éboulemens. Les Kalmouks , qui tra- vaillent , pendant l'été , chez les habitans de la ligne , font provision de cette sélénite. Ils pH~ A R A S B O ï N" O ï, 4^ tendent que , réduite en poudre et tamisée , elle blanchit beaucoup mieux les peaux que la craie. On trouve rarement du gypse dur et semblable à l'albâtre 5 il est presque par - tout globuleux et si friable , qu'on le broie facile^ ment entre les doigts. On tire de plusieurs en- droits beaucoup de morceaux de gypse en pla- ques ou feuillets , très - distincts y et unis en- semble comme s'ils étoient mastiqués. Les car- rières de la partie occidentale de la plus liante des montagnes fournissent le meilleur talc pour les fenêtres. On le lève par tablettes, qui n'ont jamais plus d'un empan en carré. Ce lieu n'est pas fort remarquable , parce que cette sélénite n'est pas un véritable taie , mais \in spath gyp- seux , qui lie se fend pas en tablettes droites et unies , et qui n'a aucune des qualités de l'autre. D'après l'avis d'un Mestschéraïk , nommé JMrat-Sditof y on a envoyé d'Orem bourg , en ijSj 9 un arpenteur pour mesurer la hauteur de cette montagne _, et sa distance des diffé- rentes forteresses voisines. Elle est à vingt verstes de Krasnogorsk , à dix verstes d'Osernaia , et à environ sept verstes de la redoute de Sclicl- toi , située près de la Sakmara. J'arrivai, sur le soir , à Osernaia. Cette for- teresse doit son nom à plusieurs étangs voi- sins. On le lui a donné pour la distinguer de celle, de Verkhnaia,, ou Naia supérieure., qui 2 1769. d'Oremboorg est située près de l'Iaïk , au-dessous d'Orcra* bourg. Osernaia est entourée de hautes mon- tagnes, remarquables par leur figure. Elles ne sont pas contiguës l'une à l'autre. Une d'entre elles ressemble à un dos de chameau : une seconde a à - peu - près la même forme ; une troisième est remplie de ravins , qui s'éten- dent, comme des sillons , depuis sa cime jus- qu'à sa base. Deux autres sont séparées par une petite colline détachée , qui a la forme d'un cône, et qui ressemble à l'amoncellement qui est sur une tombe. La plus grande partie des montagnes de ces environs est composée d'une pierre à rémouleur , grise et grossière , mé- langée de pierre calcaire. On a commencé à revêtir une partie des fortifications d'un pa- rapet construit avec ces pierres. On auroit dû reconstruire entièrement en pierres cette forte- resse , après l'incendie qui la réduisit en cen- dres. Cela auroit été plus sage , puisque la pierre y abonde , et que les bois de construc- tion y sont rares. Des Kosaques composent une partie de la garnison ; et comme ils sont sta- tionnantes , ils s'adonnent un peu à l'agricul- ture. La nature du sol exige qu'on donne de l'engrais aux terres ; elles n'ont pas produit un seul épi cette année , à cause de la grande sécheresse. La route qui conduit à Nikolskoï passe entre ces montagnes ; la dernière , qui est la plus A R A S 3 O ï M O ï. 4^ haute, s'appelle Vehelgushaia-Gora. ( mont du chameau ). On trouve ensuite , dans une plaine élevée qui borde l'Iaïk , un chemin assez uni ? qui conduit jusqu'à, la redoute. A trois verstes.de distance , on découvre , sur la gauche de la chaussée , qui s'éloigne assez du fleuve , une place élevée , remarquable par les ruines d'un ancien édifice de pierre : les murs sont composés de ces pierres à rémouleurs , qui abondent ici par - tout ; elles sont tellement placées les unes sur les autres, qu'elles se joi- gnent parfaitement sans chaux ni mortier. Ces murs n'ont guère plus aujourd'hui qu'un ar- chine de hauteur, quoiqu'on assure que ce bâtiment a été beaucoup plus élevé, sur en- viron un archine et demi d'épaisseur , et for- ment un carré d'une toise et demie. Il paroît que l'entrée étoit au midi. Je n'ai point décou- vert de tombes dans les environs 5 ce bâtiment pourroit bien être un mausolée : peut-être existe- il aussi , dans les environs , d'anciennes tombes , qui n'ont point été élevées au-dessus du terrain. Je passai la nuit à la redoute. Je partis de Nikolskor le 11 juillet de grand matin. La contrée devient de plus en plus montagneuse, et les collines, situées au-delà de l'Iaïk, qui sont fort basses jusqu'ici, s'élè- vent considérablement. On découvre , sur les hauteurs arides où passe la route , des couches de rochers nus 3 ils forment une file de murs %4 Î769. d'Or-em'bouro qui séparent la montagne en deux. Ils s'éten- dent du midi au nord , et s'enfon cen t vers l'ouest * en formant un angle de quarante-cinq degrés. Ils sont composés d'une pierre à rémouleur à gros grain , qui se partage en grandes pla- ques ou tables. Quelques ruisseaux , et des bas - fonds desséchés séparent ces hauteurs. Avant d'arriver au phare et au piquet , placés ' à la moitié du chemin des deux forteresses , on trouve plusieurs tombes de pierres , dont X une, est assez considérable, dans une petite plaine élevée et voisine d'un bras de l'Iaïk , qui n'a point de cours. Elle a environ cinq brasses de diamètre , et un archine et demi de hauteur 5 elle forme une couronne, et elle ne consiste qu'en un tas de pierres amoncelées ko unes sur les autres. La forteresse d'Ilimskaia , construite en bois 9 est assez vaste; sa situation est agréable et riante : mais elle n'est ni forte ni peuplée. La route qui conduit à la redoute de Podgornoï passe sur des montagnes arides et escarpées , où Ton ne trouve que de la pierre à rémou- leurs , dont les couches s'étendent également vers le midi , et s'affaissent de l'est à l'ouest. Nous rencontrâmes, sur cette montagne, une karavane composée de quatre-vingts chameaux. A peine les a-t-011 traversées , qu'on apperçoit la redoute de Podgornoï^ également construite en boisj* et située près du fleuve r On trouve déjà à R À s b ö ï n o ï; ' 45 Sur son rivage , ainsi que dans tons les lieux Inondés par les eaux du printems , dans ce dis- trict, beaucoup de cailloux de jaspe, qui vien- nent des monts Orkisch. Le grillon azuré (1) y est très-commun. Les montagnes s'élèvent encore davantage après qu'on a passé la redoute. Une des pins considérables se présente la première , avec des murs de rochers , et à moitié couverte de mousses ; elle est composée de schiste de corne de couleur brune , et d'un grain grossier ; ses couches épaisses s'étendent de la même manière , et sont presque aussi basses que celles de la dernière montagne dont j'ai donné la descrip- tion. Le ruisseau de Konoplenka passe près de ce rocher escarpé ; il doit son nom au chanvre sauvage qui croît sur ses bords. Il grossit tel- lement par la fonte des neiges , au printems , ainsi que tous les ruisseaux et rivières qui sor- tent de ces montagnes , qu'il charie de gros arbres déracinés. Le grand mélique (2) , et le brome pirmé (3) sont si abondans dans les bas- fonds du rivage , qu'ils paroissent y avoir été semés. J'ai trouvé , dans les roches arides de cette montagne , ainsi que dans celles de Gou- berliuski , beaucoup de joubarbe globulifère (4) (1) Gry lias cœridans. (1) MeLica altissima* {\) Brom us pinnatus. (4) Sempzrvivum globiferum* 4<> î7-9- »'Okembourg et de nombril de Vénus à feuilles épineuses (if Après avoir passé le ruisseau , on laisse sur la droite une autre montagne composée d'un gros schiste sablonneux , où Ton trouve quel- ques fleurs de cuivre. Les couches ont constam- ment la même direction que celles des monta- gnes dont je viens de parler. On arrive ensuite aux monts Gouberlinski , qui sont couverts de rochers arides et escarpés. La pierre qui les compose est généralement un schiste ou roc corné, grossier, brun, noir, et vert,, qui est plus on moins argileux et talqueux , ou cal- caire. Oh y trouve > en plusieurs endroits , du talc vert et de la serpentine ^ ainsi que des pierres dont la superficie est couverte de filameus sem- blables à de l'amiante. Ces montagnes ressem- Ment à celles qui bordent la partie supérieure de la Saknïara ) elles j>aroissent très-riches en métaux , quoiqu'on ne trouve à leur superficie que de foihles traces de mines de cuivre. Je suis persuadé qtt'ön y rencontreroit des gan- gues très-profondes et très-riches , si des mi- neurs habiles prenoient la peine de faire ,des fouilles, puisqu'on a déjà trouvé plusieurs veines très-abondantes , qui fournissent encore beau- coup dans les rfiôntàgnes de nature talqueuse , baignées par la Sakmara ,( ainsi que dans les landes des Kir guis. Un grand nombre d'aigles a i i i . . m ■ ■■ • . m» «II—. m . ■ (i) Cotylédon splnosa. A B A. S B O 1 N O ï." 4? tïorés , nommés ici Berkout , font leurs nids sur les montagnes qui bordent l'Iaïk des deux côtés, quoiqu'il y ait fort peu de bois. On voit assez fréquemment , dans ce canton , le hibou blanc ( i ) P et en hiver , la gelinotte ou l'ar- denne (2) , que l'on apperçoit rarement vers la partie septentrionale des monts Ouralsks. Le chemin qui traverse ces montagnes est très- pénible , et sur-tout de nuit 5 il est même pé- rilleux en plusieurs endroits. A moitié chemin, sur la droite , et près du fleuve , est une élé- vation aride , sur laquelle on a placé un phare. Elle paroît Terte de loin , quoiqu'elle soit com- posée d'une pierre qui ressemble beaucoup à la serpentine , dont les couches tombent , sans ordre, les unes sur les autres. On trouve, près de la cime de cette monticule , une très - belle pierre savonneuse , verdâtre et jaspée de gris 9 toujours en brisure et pêle-mêle, mais jamais par gros morceaux. J'y remarquai la statice de Tatarie (3) , qui y vient d'une très-belle hau- teur , avec des fleurs blanches. On remarqué ici très -distinctement que les couches de ces montagnes, quoique de même nature que les autres , prennent un alignement différent ; elles s'étendent aussi de l'est à l'ouest : vers le fond , (t) Strlx nie te a. (1) Lagopus avis. Tetrao Lagopus, (j) Stut'we Tatvrica* eß 57^9- »'OREMBOüfeG elles sont , comme les autres , en ligne presque perpendiculaire , sans cependant s'étendre au- tant dans la ligne méridionale. Avant d'arriver à la forteresse de Gouber- linskaia , on traverse un ruisseau qui se jette dans l'Iaïk, avec la petite rivière de Gouberla; elle a donné son nom aux montagnes et à la forteresse. Gouberlinskaia est située à quelque distance du fleuve , entre des montagnes de iocs , et à Fentrée d'une plaine , qui , suivant ce qu'on m'a rapporté , s'étend y vers l'ouest , jusqu'à la Sakmara, et , à l'est , jusqu'à la for- teresse de Kisilsk. Elle est fort petite, et ne renferme qu'une trentaine de maisons et une église. Les fortifications sont en bois. La gar- nison est composée d'un détachement de dra- gons, commandé par un capitaine , et de quel- ques troupes légères. Le ruisseau de Tschébakla vient se joindre à la Gouberla , près de la for- teresse. A environ vingt verstes au -dessus de1 Gouberlinskaia , près de ce ruisseau , et dans la plaine, on trouve une argile très- fine et blanche comme la neige , ainsi qu'une terre argileuse rougeâtre. Cette argile n'est pas proj pre à faire de la porcelaine , parce qu'elle ren- ferme trop de craie. Les habitans l'emploient à blanchir les fourneaux et les murailles : à peine a-t elle assez de parties liantes pour cet usage. Une montagne, fort élevée, est entre la forte- resse et l'Iaïk 5 elle est composée de rochers communs, 0 A R A S B O ï N O l. 49 communs. On trouve , sur le rivage du fleuve , beaucoup de cailloux de jaspe , de grosses pièces de feld-spath (i) sillonnées, de schor-1 noir en. grain 5 elles paroissent avoir été chariées de très- loin par l'eau. On traverse la rivière de Gouberla au - delà de la forteresse , et on passe une montagne ; le chemin qui suit le bord de la rivière est très-pénible , et même dangereux iy on voit des monticules d'où Ton tire une pierre verte, sem- blable à la serpentine /remplie de taches noires ; elle est de la nature du marbre ., et très -propre à faire de la chaux. Ces montagnes s'élèvent toujours de plus en plus. On passe au bord d'une eau courante, et entre deux montagnes ; on y découvre , en plu- sieurs endroits , un schiste corné , calcaire., et poli à la superficie extérieure du terrain. Ou trouve aussi beaucoup de morceaux de ce schiste rempli de filamens comme l'asbesse 5 il se sé- pare difficilement en lamelles , qui sont très- fragiles. On en rencontre beaucoup 5 elle pa- roît avoir été transmuée en une espèce de chaux , par le tems et l'action du soleil ; elle est de- venue toute blanche et friable à sa superficie j elle se sépare plus facilement en lamelles : ce-. pendant eue résiste au feu et aux acides. On n'apperçoit cette transmutation , formée par lo ■ ■ ■■■■.■ mm , ■ , , , , . ,. 1, 1. 11 11 na (1) Spat um lysimachunu Tome IL D 5o 1769. D5 Or e m b o u it g teins , ou cette maturation imparfaite., qu'aux morceaux qui sont à découvert, et chargés de mousse, et on l'y voit dans tous les cliitércns. degrés. La route va toujours en montant sur des col- lines de rocs arides , jusqu'à quelques verstes de la redoute de Rasboïnoï. Je trouvai , sur ces élévations , un grand nombre de sauterelles de Ia,grdsse espèce ( 1 ) à ailes rouges , qui font beaucoup de bruit en volant. Les pierres tal- queuses continuent dans cette contrée $ 011 y découvre assez fréquemment des traces de mines de cuivre. On voit aussi, en plusieurs endroits, un roc parsemé de quartz blanc. Plu- sieurs montagnes a voisin eut la redoute ; elles sont composées d'argile rouge, couverte d'une terre glaise de même couleur. Un petit ruis- seau coule au pied de ces montagnes 5 j'y trou- vai beaucoup de séneçon sarrasin (2), et de véronique beccabungue (3) en fleurs. Je vis, près des montagnes, , une centaurée à pani- cule (4) ? qL1i portait plus de vingt calices à fleurs , il croissoit , au lieu de petites fleurs (5), autant de tiges meine \ elles partoient de cha- que calice à différentes hauteurs ; chacune de 3 (1) Gryllus obscurus. ., {%) Senecio saracenlcus. (3) Veronlca beccabunga, (4) Cemaurea panlcu/ata. (<)) FlosciUL 0 A R A S B O ï jNT o ï. Si ces tiges avoitun autre calice bien formé , mais plus petit, et sans fleurs. La redoute de Rasbomoï,, située à une assez grande distance de l'îaïk, est construite commç. toutes les autres. Elle renferme quelques mau- Taises liabitations , qui servent à loger le petit détachement qui y est en garnison. On. a fait !. .' Ci •plusieurs fouilles derrière la redoute. \ on est parvenu à la superficie d'un vert-de-gris natif, qui ne promet pas beaucoup. On commence à descendre ici ces mbnfâfenes arides : le sol est toujours le même , et elles ont la même apparence. J'y trouvai Fépervière puante (1) , qui étoit en fleurs ; dans beaucoup d'endroits la terre est couverte du lichen des landes ? dont j'ai déjà fait mention. L'alsine, de la grande- espèce (1) y est très - corn niune sur toutes les montagnes que nous venons de parcourir. On rencontre , en approchant d'Orskaia , des collines unies, qui s' ai'f aissent. On apperçoit déjà qu'elles sont composées d'un jaspe flammé , d'un vert pâle et ronge. On trouve cette pierre dans tous les environs d'Orskaia , et sur les hauteurs de la partie septentrionale de l'Iaïk. On. en trouve même des débris dans les ravins et bas-fonds , où coulent des eaux. Le terrain bas , qui avoisine le fleuve , est fort humide (t'i Hleracii/.m vlro um, Appendix, n°. 3^5. (z) Gypsophila alùssima, D a 5z 1769. d'Orskaia et couvert de broussailles. On est oÜige d4 faire un assez grand détour, à cause de son étendue, sans perdre de vue Orskaia. Le chè- vrefeuille de Tatarie ( 1 ) y est l'arbrisseau le plus commun 3 on y trouve aussi , au printems , beaucoup de mouches cantharides. On traverse le fleuve au - dessous d'une île sablonneuse , près d'Orskaia. Il n'a que vingt brasses de lar- geur ici , et il est fort bas. s. v.. D'Orskaia a Ielschanka,1 Du i3 juillet. Forteresse d'Orskaia , 2.5 verst. — Montagnes! de Jaspe , 8 v» — Ruisseau à' IelscJuznka. La forteresse d'Orskaia est située sur une colline baignée par l'Iaïk, et dans la lande des Kirguis , à environ deux verstes de l'embou- chure de l'Or. On a bâti , au milieu de cette colline , une très-belle église en pierres > qu'on découvre de très-loin (2). Près de cette église lest un observatoire , où M. le lieutenant Euler a fait ses observations sur le passage de Vénus. — . ■%> (1) Lonicera Tatar 'rca, -(?,) Orskaia a une église remarquable, puisqu'elle est bâtie en jaspe rouge j on Tappercoit de très - loin. Polounin et Müller.* A I E I 8 C S A S t à! 53 Il serolt difficile cle le mieux placer. Les mai- sons entourent la colline \ celle du commandant est la seule qui soit un peu passable. Les for- tifications consistent dans une redoute de terre couverte de gazon. Près du fleuve est une autre redoute plus étendue , qui défend ce côté. Elle doit son origine à la yille d'Oremhourg, qui fut bâtie d'abord à cette place. Des maisons et des cabanes de terre , appelées Zemlianki , sont éparpillées dans l'enceinte et au dehors de l'ancienne redoute jusqu'au fleuve; les cabanes remplissent la plus grande' partie de ce terrain. La redoute tombe en ruines. La garnison ac- tuelle est composée de troupes légères , et d'une compagnie de dragons , sous les ordres d'un lieutenant - colonel , qui est le comman- dant de tout ce district de la ligne. Le district d'Orskaia s'étend , en remontant .Plaïk , jus- qu'à Magnitnaia. Les karavanes Asiatiques , qui vont à Orembourg , passent ordinairement le fleuve, près d'Orskaia, ou un peu au-dessous des frontières de la Russie. On plombe ici leurs marchandises : à peine leur permet -on d'en vendre assez pour payer les voitures nécessaires à la décharge de leurs chameaux , qui sont épui- sés de fatigues. La colline sur laquelle la forteresse d^Orskaia est située, est toute de jaspe. On voit, sur toute sa cime, des rochers de jaspe tout à dé- couvert. Elle se nomme , ainsi que l'église , D 3 $4 if 6g. d' O r s k a i A Préobrasciienskaia. On a commencé à en tire? des morceaux dans plusieurs endroits. Ce jaspe est disposé en couches , qài se fendent aisé- ment y elles s'inclinent de Tonest à l'esr , en formant un angle aigu. La superficie ne fournit qu'un jaspe grossier, qui tient beaucoup du roc commun $ mais plus on pénètre, plus il est fin et, beau en couleur. îl est communément d'un vert pâle assez agréable , ou d'un ronge- brun foncé. Le plus commun est un iasoe oncle, ou moucheté: de rouçe . de blanc, de «ris , de jaune j de vert pale, et même de noir. Les lapidaires de la manufacture d'Ekaterinbourg viennent en chercher souvent. On en trouve- ront probablement de très-belles plaques et des blocs -superbes , si on exploitait une carrière dans les règles , et à une plus grande rjrofon- deur. On doit se nromettre de trouver un iasne beaucoup plus beau dans la chaîne de monta- gnes situées dans la lande , le long de la rivière d'Or , au snd-est de la forteresse (i). J'allai visiter ces montagnes le i3 juillet. Il faut traverser sept à huit vers tes dans la lande le long d'un en fonce ment rempli de broussailles, où coule la rivière d'Or, dont l'eau est très- paisible et pleine de roseaux. A la droite de (i) Un oftîci:.:ir, qui a été en garnison à Orskai.a pendant plusieurs années , m'a assuré qu'il avoit fait sa demeure dans deux chambres taillées dans le jaspe. Schieiin, précis histo- rique sur les mines de Russie» A I B L S C H A K K A.3 55 la rivière est une colline de rocs, où Ton dé- couvre du jaspe 9 mais d'une qualité très - mé- diocre. On y a placé un phare et un piquet. Dès qu'on est arrivé au-delà de la rivière , on trouve des montagnes médiocrement élevées > qui fournissent les plus beaux jaspes. Ces mon- tagnes sont revêtues de collines basses : elles paroissent s'étendre assez loin au sud 5 elles forment un rivage escarpé de schiste et de CD J. roc à une assez grande distance de l'enfonce- ment de l'Or, La plupart de ces montagnes s'inclinent de l'ouest à l'est ? comme celles d'Or- skaia et de l'Iaïk. Ce jaspe offre une plus grande variété de couleurs que celui des autres mon- tagnes (1). J'ai découvert le plus beau dans une (ï) « Le jaspe, dit Bujfon, étant un quartz pénétré d'une teinture métallique assez forte pour lui avoir ôté toute trans- parence , n'a pu produire que des stalactites opaques j aussi tous les jaspes, soit de première, soit de seconde formation, de quelque couleur qu'ils soient, n'ont aucune transparence s'ils sont purs , et ce n'est que quand les autres substances vitreuses s'y trouvent interposées , qu'ils laissent passer de la lumière j ceux qu'on appelle jaspes agates, ne sont, comme les agates jaspées , que des agrégations de petites parties d'a- gate et de jaspe, dont les premières sont à demi-transparen- tes , et les dernières sont opaques. » Les jaspes primitifs n'ont ordinairement qu'une seule cou- leur verte ou rougeâtre , et l'on peut regarder tous ceux qu1 sont décolorés, ou teints de couleurs diverses ou variées, comme des stalactites des premiers; et quoique ces jaspes de seconde formation soient en très-grand nombre, et qu'ils pa- d 4 56 îy6y. d'Orskaiâ forte fracture ; il étoit rayé alternativement par bandes brunes et blanches, qui tirent sur roissent fort diitérens les uns des autres , tous ont à peu près la même densité , et tous sont entièrement opaques. 58 1769. d' O r s k a ï a vient sans doute.de ce qu'elles ont une autre alignement que le reste du roc ? et de ce qu'elles qui cependant n'est jamais aussi vif que celui des agates , cornalines , sardoines , et autres pierres quarizeuses transpa- rentes ou demi-transparentes^ lesquelles sont aussi plus dures que les jaspes. » Les jaspes d'une seule couleur sont les plus purs et les plus fins- ceux qui sont tachés, nues, ondes ou veinés, peu- vent être regardés comme des jaspes impurs, et sont auel- quetois mêlés de substances différentes -y si ces taches ou veines Sont 'transparentes , elles présentent le quartz dans son état de nature , ou dans son état d'agate j et s'il arrive que le feld- spath ou le scho-ii aient part à la composition de ces jaspes mixtes , ils deviennent fusibles , comme toutes Izs matières vitreuses qui sont mélangées de ces deux verres primitifs. » Le plus beau de tous les jaspes est le sanguin , qui , sur un verd plus ou moins bleuâtre , présente des points ou quelques petites taches d'un rouge vif de sang , et qui re- çoit, dans toutes ses dimensions, un poli luisant et plus sec que celui dss autres jaspes. Quelques-uns de nos nomencla- teurs , qui cependant ne craignent pas de multiplier les es- pèces et les sortes, n'en ont fait qu'une du jaspe sanguin et du jaspe héliotrope , quoique Boëce de Boot les eut avertis- d'avance , que le jaspe sanguin ne prend le nom d'héliotrope que quand il est à demi-transparent , ce qui suppose un jaspe mixte , dans lequel le suc cristallin du feld-spath est entré ? et produit des reflets chatoyans ; au lieu que le jaspe sanguin n'ofrre ni transparence ni chatoiement dans aucune de ses parties. )5 Les jaspes , et sur-tout ceux de seconde formation , ressemblent aux cailloux par leur opacité et par leur poli, mais ils en diffèrent par la forme , qui est rarement glo- buleuse comme celle des cailloux, et on les distinguera tou- jours en examinant leur cassure j la fracture des jaspes pa- '% I E -L S C H A N K ' A .' 5$ Forment des masses inégales d'une pierre plus grossière ? d'un brun plus foncé. Plusieurs moiv voit être terreuse, et semblable à celle d'une argile desséchée* tandis que la fracture des cailloux est luisante comme celle du verre ». Histoire naturelle des minéraux , par Bujfon* iom. I, èap;. 44; tome IV, paçes 1-6 de l'édition in-40. a Si le jaspe ne dirrercit du pétrosilex que par son opa- cité , comme queloues îiiliolofùstes le disent , cette différence ne sufliroit pas pour en faire un genre séparé; d'autant que l'on trouve des silex et des pétrosilex presqu'entièrement opa- ques. r> Mais le jaspe a une différence effentielie , et qui tient à la nature même de ses élémeris ; c'est qu'il paroît que sa base est une terre argileuse f If^allerius , pag, 305 ) , liée par un suc de la nature du silex , et souvent mélansrée de fer. C'est à cause de cette base terreuse , que les jaspes présentent or- dinairement dans leur cassure un grain terreux , et non pas des surfaces lisses et presque polies , comme les silex. On rapporte, à la vérité , au genre des jaspes, quelques espèces dont la cassure ressemble à celle du silex: mais peut-être le fait-on plutôt pour se conformer à l'usage, que paria con- sidération de leurs propriétés. Il faut cependant avouer que le suc siliceux qui lie les élémens terreux du jaspe, peut être assez abondant pour donner à la pierre un œil de silex. » En général, les différentes proportions des Ingrediens d&s mixtes, établissent tant de nuances entre les genres voisins que souvent une espèce intermédiaire a des droits égaux sur chacun de-.ces genres: et c'est 1.1 une des sources des difficultés o J de la minéral erg le; o » Les jaspes bien caractérisés présentent des indices très- frappâns de leur origine argileuse : souvent o\\ y reconnoît le grain de l'argile , ses veines ondées; on voit, dans quel- ques espèces, les vestiges de la retraite qu'avtaient prise ces argiles, avant d'être pénétrées par le suc qui leur a donné la. €o Î769. T>* O R S K A T A ceaux présentent des dendrites , ou figures cFar- brisseaux agréablement dessinées. Le plus com- dureté du caillou». Voyages dans les Alpes , par Saussure , tome I, pag. 49 et 50 de l'édition in-ùP . I^allerius distingue le jaspe en quatre espèces : le jaspe; d'une seule couleur, le jaspe verd, le jaspe fleuri, le jaspe onyx. Elles ont chacune plusieurs variétés. Le jaspe d'une seule couleur se divise en jaspe blanc , en jaspe gris , en jaspe gris-de-fcr, en jaspe rouge y en jaspe jaune , en jaspe d'un brun foncé , en jaspe bleuâtre, et en jaspe noir. Le jaspe verd se subdivise en jaspe entièrement verd, en jaspe veiné. Le jaspe fleuri est divisé en jaspe fleuri blanc , en jaspe fleuri gris, en jaspe fleuri rouge, en jaspe fleuri jaune, en jaspe fleuri brun , en jaspe fleuri verd ou jaspe sanguin , en jaspe fleuri verdâtre ou bleuâtre, héliotrope , en jaspe fleuri rouo;e. Le jaspe onyx se subdivise en jaspe onyx trouble , en jaspe onyx moucheté, et en jaspe calcédoine. « Comme on ne trouve ni dans les pierres de roche , ni dans les jaspes , aucun vestige de pétrification ni de mélange d'aucunes matières étrangères , on a raison de présumer que ce genre tout entier doit être mis au rang des pierres pri- mitives et de toute antiquité- Il paroît aussi qu'on seroit très- bien fondé à croire qu'une partie des jaspes est composée d'un sable fin, très-dur, et lié très-étroitement. La carrière de porphyre , qui se trouve dans la Dalécariie orientale ,, semble confirmer ce sentiment. Voyez Tilas , Hist. des pierres , pa Bagllvl , dans son traité De Lapidum vegetatione , pag. 502, §. 1 1 , est du même sentiment; en effet, il dit avoir observé que les jaspes entremêlés de taches ou de points luisans , ne sont qu'un assemblage de petites. pierres , comme collées ou cimentées les unes aux autres 3, A I E L 3 C H A N K A» 6|j mnn est un jaspe bran mêlé de quartz blanc , ou veiné de blanc ? ou tacheté de noir et d'une cependant on ne prétend point nier qu'une partie des pierres de roche et des jaspes n'ait été formée , dès les commence- niens , par la coagulation d'une matière fluide, comme nous l'avons déjà fait obser/er». Voyez la Minéralogie de IP^al- lerlus , tome I, pag. 175-193. « Le jaspe est , ou un caillou de roche simple , ou une espèce de petrosilex dur et indestructible, de dimérentes cou- leurs , peu ou point transparent , à cause de la grossièreté de ses parties colorantes , faisant feu avec l'acier , susceptible d'être travaillé et poli : on en dislingue plusieurs sortes j savoir : » Le jaspe d'une seule couleur : il y en a peu de blanc , mais beaucoup de jaune, de rouo-e, de verd , de bleu et de noir : celui qui est verd , acquiert au feu la propriété de re- luire dans l'obscurité : on croit , mais à tort , que le lapis la\uli , autrement dit , pierre d'azur, est un jaspe bleu. » Le jaspe fleuri ou floride , est composé de plusieurs, couleurs, qui, quelquefois, sont mêlées ensemble, ce qui fait chatoyer la pierre : quand elles sont distinctes et sépa- rées , cela fait paroître la pierre panachée et mouchetée de différentes couleurs, il y a du jaspe fleuri de toutes les cou- leurs , c'est-à-dire 011 l'on remarque une couleur dominante , ce qui fait dire, jaspe fleuri rouge ou jaune , etc. Celui qui est fleuri ;de blanc et verd, a taches noires, s'appelle jaspe. Serpentin, » ho. jaspe sanguin, si vanté des auteurs, e.st un jaspe, dont le fond opaque et verd est rempli de taches rouges : s'il est moucheté en jaune , on l'appelle jaspe /panthère. Le jaspe térébenthine est le jaspe jaune de Rochlitz, » Le jaspe héliotrope, aussi vanté que le précédent, est ycrdaUe et bleuâtre , parsemé de points rouges : quelques 6i i j6y. d'Orskaia couleur verdätre. Le jaspe 3 d'un ronge clair, est plus rare. personnes trop faciles a persuader , portent ces jaspes en amulettes, pour brisée la pierre cm rein, et <;e préserver fl épiiepties , d'hémom^ics , etc. Ces veri,us sont , dit-on , occultes , magnétiques et astrales. • » Le jaspe agate semble être un silex plus épuré, moitié opaque et moitié demi transparent : selon la pureté et l'ar- rangement des veines de ce nspe ; on le nomme, jaspe chal~-- l'édoine , ou jaspe onyx , ou asiate jaspée , ou jaspe camée» Le jaspe universel est composé d'une grande variété de cou- leurs. » Les jaspes ont un Doli pins ou moins éclatant , selon la finesse ou l'homogénéité du grain qui les compose. Le caillou d'Egypte, dont' la pâte est ton jouis nue, n'est qu'un jaspe à (ascies d'une couleur brune et fort' opaque. On trouve - rarement le jaspe par couches ou lits • plus communément il forme des veines dans les écartemens des rochers ; on en trouve aussi en morceaux' de différentes grosseurs, arrondis, et qui ont été roulés dans les torrens. C'est dans les indes qu'on rencontre les plus beaux jaspes ; ils sont plus durs , plus purs } ils prennent mieux le |^>li , les couleurs en sont plus vives..«. Plus nous examinons le jaspe , et plus nous le regardons comme un pétrosilex endurci. Il v en a qui ressemble à au. bois veiné de jaune et de verd-brun : on l'appelle jaspe bois veiné ; il est commun dans le duclié de Deux Ponts -et dans la Palestine». Diaionnaire d'Hist. naturelle, par ^almoni ■ de Bomare. ■ Le jaspe, selon D'entés te. n'est qu'une sorte de quarts: •» Les jaspes, dit-il, sont des masses quartzeuses , op:iqnes , très-dures, et qui varient beaucoup par les couleurs \ ils se rencontrent par filons, et forment même quelquefois des ro- chers fort considérables : le jaspe a presque toujours un œil a Ielschanka. 63 Ces deux espèces de jaspe perdent beaucoup de leur beauté lorsqu'on les taille $ ils ressèm- eras et luisant à sa surface». Lettres à M. le docteur Ber- nard, tome I, pag. 450. C'est la fusibilité de certains jaspes, qui a fait croire, mal- à -propos, à quelques minéralogistes, que les jaspes étoient en général fusibles et mêlés de chaux. « Le jaspe , dit Monnet . est une pierre d'un fond gris blanchâtre ou ver- dâtre , mêlée de différentes teintes de rouge et de blanc, dont toute la substance est quartzeuse , et tient le milieu entre ce caractère et Façraie j elle est dure et solide , fait fortement feu contre le briquet, et a pour caractère di'stinctif, d'entrer en vitrification d'elle-même , à cause de la grande quart" tué de chaux quelle contient ». Nouveau système de Mi- néralogie. Bouillon, 1779, pag. 2ï6. Les jaspes de Finde et de la Tlirace ont la couleur de Fe- rn er aude ; ceux de Chypre sont durs et d'un verd grossier 5 ceux de Perse et des environs de la mer Caspienne , sont d'une couleur semblable à celle du ciel , dans les matinées d'au- tomne, et c'est par cette raison que les anciens lui ont donné le nom à'aérisu^a. Les jaspes des environs du fleuve Ther- modon sont bleus • ceux de Phrygie, de couleur pourprée 5 ceux de la Cappadoce, d'un pourpre tirant sur le bleu; ceux de la Chalcide', ont une couleur trouble et obscure. Les jaspes de couleur pourprée, sont les plus recherchés, ensuite ceux de couleur de rose et d'un verd d'émeraude. Les Grecs ont donné à ces diirérens jaspes des dénominations analogues à leurs cou» leurs. Pline, livre XXX VU, char). VIIÎ et ÏX. On trouve des jaspes en Phrygie , dans la Thrace , FAssy- ric , la Perse \ la Gappadôcé , l'Inde et l'île de Chypre , l'Amérique , et en plusieurs endroits de l'Allemagne. M. Çrant\ a vu, dans les montagnes du Groenland, du jaspe, soit jaune , soit rou^e , avec des veirres d'une blancheur «54 1769* d'Orskata bleut alors aune agate couleur de corne .»rayée de lignes grises, ou avec d'autres veines. On transparente. Histoire générale des Voyages , tom. 19 , page zp. Le jaspe est fort recherché à la Chine, ... on en fait des vases. ... et diverses sortes de bijoux. ... Ce jaspe se nomme Thuse , dans le pays. On en distingue de deux espèces , dont Tune , qui est précieuse , est une sorte de gtos cailloux qui se pêche dans la rivière de Kotau , près de la ville royale de Kashgar. ... l'autre sorte se tire des carrières, pour être sciée en pièces d'environ deux pouces de large. Histoire générale des Voyages , tom. VII, pag. 4T5. — Les mon" tagnes de Tsengar , situées à l'une des extrémités septentrio- nales du Japon , fournissent des cornalines et du jaspe. Ibid, tome X , page 6$ 6. Entre les minéraux de la nouvelle Espagne , ont vante une espèce de jaspe que les Mexiquains nomment Eztetl , de couleur d'herbe , avec quelques petites taches de sang 11 s'en trouve une autre qu'ils appellent Iztlia, yotli quatzalitztli , moucheté de blanc. . . . une troisième, nom- mée Tlîayctïc , de couleur plus obscure et sans taches , mais plus pesante , qui , appliquée sur le nombril , guérit \es plus douloureuses coliques. ( Ceci est vraisemblablement le jade, qu'on a nommé pierre néphrétique.) .... Les mon- tagnes de Contacornapa et de Gualtepèque , à peu de dis- tance de Chiantla au Mexique , fournissent un beau jaspe verd,'qui approche du porphyre. Hist. génér. des Voyages, tome XIÏ, page 6% 6... Le gouvernement de Sainte-Marthe a des carrières de jaspe et de porphyre , qui se trouvent dans la province de Tairona. Ibid. tome XIV, pag. 40^. On admire , dans une salle du trésor royal de Dresde , dit JV1. Key s 1er , un dessus de table d'un jaspe traversé de belles veines 4e cristal et d'améthis.tej ce jaspe so tj&ftve a quatre trouve À i/ I E L S C H A N K A." 65 trouve aussi des morceaux de jaspe entière- ment parsemés de petites marcassites cubiques» - ■ ... ■■.-.,-. . . ~é milles de Dresde , dans le territoire de Freyberg : il n'y a que peu d'années qu'on le reconnut pour ce qu'il est.... Journal étranger, octobre 1755, pag. 16 6. En Europe , l'Allemagne est le pays où les jaspes se trou« vent en plus grande quantité, a La Bohême, dit Bo'éce de Boot , produit de très-beaux jaspes rouges, sanguins, pour- prés , blancs et mélangés de toutes sortes de couleurs. Cette; pierre se trouve en masses assez considérables pour faire des statues». Bo'éce de Boot , livre II, pag. 2$ 1. ce Quelques voyageurs , dit Buffon , m'ont assuré qu'il y a des montagnes entières de jaspes , dans la haute Egypte y à quelques lieues de distance de la rivière orientale du Nil ». On trouve des jaspes en Pologne j aux environs de Varso- vie et de Grodno , ainsi qu'en Suède et en Bohême. On voit , dit Ferber , dans les églises , dans les palais et les cabinets d'antiquités de Rome , et d'autres villes d'Italie s i°. Le Dias pro sangiüno ou heliotropio , qui est oriental j, il est verd , avec de petites taches couleur de sang. z°. Dlaspro rosso ,* on tire là majeure partie de ce jaspe de la Sicile, et de Barga en Toscane 5 il y en a très -peu •qui soit antique. 3°. Dlaspro glallo ; il est brun-jaunâtre } avec de petites veines ondulées vertes et blanches. 4°. Dlaspro fiorho reticellato*; il est très-beau, le fond est blanc , transparent , agatisé , avec des taches brunes fon- cées , plus ou moins grandes et irréguiières , et des raies ou rubans de la même couleur : les taches sont entourées d'une ligne blanche opaque, couleur de lait , et quelquefois jaune. On voit, dans la belle maison de campap-ne de Mondragone 7 et autfe part, de très-belles tables composées de plusieurs petits morceaux réunis de cette espèce de pierre 5 elle est an- Tome II. Ji 17^9- fi' O r s le a r a Je puis affirmer , d'après les recherches et les observations que j'ai faites sur ces rochers tique et très*rârè : on a aussi du diaspro fiorito de Sicile , d'Espagne et de Constantïnople , qui ressemble au diaspro fiorito reticellato.. .. Lettres sur la minéralogie, par Ferber, pd.~es 335 et 336. Le père J^igo , dominicain, à" Morano P$ès de Venise , me fit voir, outre les coquilles pétrifiées dan* du jaspe rouge, mêlé de quartz des environ^ de Brescia. ... «les pétrifications et impressions de cornes d'ammon , dans «ne pierre de corne, eu pierre à fusil grise de Cérigo, dans' 1 Archipel, qui appartient aux Vénitiens. Idem f page 33. Le jaspe primitif, dit Buffbn, a été produit par le feu, ' Orskata «. peine couverts de terre, ainsi que tontes les sommités des montagnes. Il y a , sur toutes ces ■ fonds ou vallées , plusieurs excavations qui fournissoient de la mine de fer. C'est d'ailleurs une observation commune , que sur la pente des montagnes argileuses , dans la montagne qui vient se perdre vers le vallon, ou vers la plaine, on trouve, le plus souvent, une terre ferrugineuse, ou de ^a mine de fer en nids. Lettres sur plusieurs objets de miné- ralogie , par M. de Born, pag. 333. Je ne parlerai point ici de la fameuse montagne de jaspe verd , située sur un faux bras de l'Argoun en Sibérie , parce que le lecteur en verra la description dans la suite de ces voyages. Le sinople ou zinopel est un© sorte de jaspe rouge , d'un grain moins fin , non susceptible de poli , et beaucoup plus chargé de fer; ce métal y est à l'état d'ocre et en assex grande quantité. Lettres du docteur Deme s le, tom. I , p. 401 - Je crois devoir terminer cette note par la table que Bris s on a donnée, de la pesanteur spécifique de différens jaspes. Pesanteur spécifique. Du jaspe verd -foncé . * 1615" S Jaspe verd- brun. . . • ♦ . . . .26814 Jaspe rouge. • . 2661 2 Jaspe rouge de sanguine. ,......♦.. 261 8£ Jaspe brun • «...,...2 65» n Jaspe violet • 17111 Jaspe jaune. ....... ,27101 Jaspe gris-blanc. .............. 27640 • Jaspe noirâtre •• 167 ï? Jaspe nué . . . • -73 ?4 Jaspe sanguin .......26277 Jaspe héliotrope. ...«,,....... -6330 il l' Ielschanka Jl sommités, des tombes Kirguises, qui mérite- roient de porter le nom de tombes royales , puisqu'elles sont entièrement construites du plus beau jaspe ; il a fallu beaucoup de peines et de travaux pour ramasser ces gros et petits morceaux de rochers , et les arranger en forme de couronne. Plusieurs de ces tombes ne sont pas fort anciennes ; on prétend même que les Kirguis , qui habitent cette contrée , en cons- truisent encore aujourd'hui dans presque toutes les saisons de Tannée. On ne trouve point ail- leurs de plus beaux morceaux de jaspe que sur ces tombes ; il semble que l'action du soleil donne encore plus de beauté et d'éclat aux cou- leurs extérieures du jaspe. Le sol des vallées, formées par ces monta- gnes de jaspe , est salé ; on peut aisément soupçonner que les sels , provenant des bruyères incendiées , et de l'urine des troupeaux , lavés et rassemblés dans ces fonds par les eaux , ont dû contribuer^ en partie, à former cette quan- **: i ■ ■■ - — i i i ■ « m rr~ ^ Jaspe veiné. •••••26,95? Jaspe fleuri rouge et blanc. •• •26118 Jaspe fleuri rouge et jaune. ••• «27500» Jaspe fleuri verd et jaune .«• 26835? Jaspe fleuri rouge, verd et gris. ..••..,17313. Jaspe fleuri rouge , verd et jaune. ...... 27492* Jaspe universel, •„.*..• 2563a Jaspe agate ••••••• 26608 Jaspe grossier ou skopie.. ••••••... 26^15 E 4 7^ 1769* b'Orskaia tité de places salées qu'on rencontre dans cette partie méridionale des landes. Mais il faut ce- pendant convenir que la pins grande partie de ces flaques salines , et sur- tout celles qui sont le plus imprégnées de sel , proviennent de sources salées qu'on ne voit point , ou d'amas de sel commun souterrains , qui se trouvent dans les contrées voisines. Il n'y a pas de pays dans l'univers plus riche en sel que la partie méridionale de la Russie , de la Sibérie , et de la grande Tatarie, On ne voyoit plus d'autres plantes que le lichen des landes 5 j'apperçus seulement, dans les fentes des rochers voisins de l'Or , une es- pèce de cucubale ( 1 ) , et la renouée frutes- cente (2), changée en l'espèce d'atraphaxis épineuse (3). Je ne trouvai en insectes que le grillon de grosse espèce et à chausse-trape (4) y et la phalène paranymphe (5). Il y a une montagne vers la partie méi~i- dionale de la lande, à environ quinze verstes cl'Orskaia. On croit , en la voyant , qu'elle a été séparée à dessein des montagnes situées au- .delà du fleuve. On a commencé à y fouiller une mine de cuivre , qui donne un riche verdet; (1) Cucubalus otites. (x) Polygonum frutescens. Il) Atraphaxls spinosa. , . , (4) Gçyllus obscurus et , muricaTus* . ; (?) Pfiaiana parßnympha» A l' I E k S C *R A N K A. 7 S clans une pierre de la. nature du talc, et sa- vonneuse au toucher. Tous les minéraux des montagnes voisines sont de la même espèce. On m'a assuré que cette colline étoit remplie de places salines. s. v. De l'Iïlschakka au ViésofskoÏ. Du \\ au 22 juillet» Ruisseau à\Ielscha?ika. — Orsfcaia. — Redoute de Nikolskoï. — Mine de Viésofslcoï. Le 14 juillet , je fus visiter une contrée très- riche en mines de fer \ elle est située de l'autre côté de l'Iaïk , et près du ruisseau d'Ielschaiika Je traversai le fleuve près de la forteresse , et pris , au nord , le chemin qui conduit à Ou- ralskoï - Gorodok ; il passe par un pays rempli de collines , inhabité et entièrement désert. A la gauche du chemin sont des collines de jaspe qui s'élèvent de plus en plus. Les bas-fonds également de jaspe, sont inondés par des eaux de neige. Le jaspe le plus commun est un jaspe vert de mer, qui est saupoudré d'une pous- sière de marcassite presque imperceptible. On en trouve de beaucoup d'autres couleurs. On en tire de très -gros blocs. Les vallées de ces collines sont remplies de places salines. On commence à trouver les premières traces. y4 1769* Dï l'Ielschanka de mine de fer sur une colline unie, traversée par le chemin , à environ quinze verstes de la forteresse. Cette colline , qui est une continua- tion des montagnes de jaspe , décline vers la partie orientale du ruisseau d'Ielscbanka. Le sol consiste en une argile mélangée de jaune et de rouçe. On trouve, dans cette argile , des liids de mine de fer , brune et pauvre , qui se brise par écailles , et une pierre composée de petites et grosses masses cubiques. L'extérieur de cette pierre est une écaille lamellée , d'un brun rougeâtre , qui a la consistance de la pierre $ l'intérieur est un mulm ferrugineux mollasse > d'un rouge foncé , qui donne une très-bonne couleur pour peindre les murailles. Plusieurs blocs de cette pierre ne sont com- posés , jusque dans l'intérieur , que d'écaillés dures et compactes ; il y en a d'autres dont l'intérieur est un ferret d'Espagne , ou pierre îiématique , qui a plus de consistance que ce mulm. Il est concentré dans la pierre, et n'est revêtu d'aucune écaille. Ces écailles contien- nent rarement de l'ocre jaune au lieu de ce mulm rouge. Cette montagne est coupée , vers le ruisseau , par plusieurs ravins formés par les neiges. On rencontre, dans ces ravin s > des morceaux d'un acier minéral très- dur et très- lourd , parmi lesquels j'en trouvai de magné- tiques. On ne voit point le lit ou la couche de ce minéral \ mais il seroit aisé de le découvrir % AU VlÉSOFSKOI. j5 en faisant des fouilles. On découvre aussi , dans ces ravins , de légères couches d'argile blanche comme la neige. Les gorges de ces élévations argileuses sont en général très - salines. Il y croît plusieurs plantes salines rares. Les plus connues sont la soude sedoïde (1), la statice sousligneuse (2) de petite forme , et la statice de Tatarie ( 3 ). J'y trouvai une plante rampante; elle avoitdes tiges courtes et épaisses , avec beaucoup de feuilles pointues, qui form oient des bouquets. Elle y vient en abondance 5 je présume que c'est la camphrée à feuilles pointues (4) > elle n'étoit point en fleurs. Il y croît une arroche glauque (5) , et la renouée frutescente ( 6 ) y abonde également. Je trouvai souvent à ses tiges des fleurs dont les calices avoient quatre à cinq feuilles : ce qui est propre à l'atra- phaxis (7). Elle a voit aussi de&semences de deux formes différentes. Les collines , situées au - delà du ruisseau d'Ielschanka , sont de même nature que celles- (i) Salsola sedoïde s. (1) Statice suffruticosa* Elle ressemble entièrement â celle dépeinte dans la Flora Sibir. vol. II, tab. $3 , lig. 3. (3) Statice Tatarica. (4) Camphorosma acuta, l'y) A triplex glauca. Voyez Y Appendix , n°. 408. (6) Polygonum frittes cens \ {7) 4traphaxU, *j6 I769. DE l'ÏELSCHANKA ci , et leur intérieur est probablement le même* Je fus visiter , à dix verstes plus loin , au nord- est , une mine de fer rouge , qui ne contient point de métal; mais on s'en sert pour peindre les murailles. La contrée est toujours la même jusques-là 5 la plus grande partie du sol est une argile rouge âtre : le reste est composé d'une argile jaunâtre très - belle et très - fine , et pro- pre à teindre les peaux. Les ravins , formés par les torrens de pluie ou de neige y sont par- tout imprégnés de sels, et remplis de mor- ceaux de jaspe , qui viennent des montagnes plus élevées , situées à l'ouest. Les marmottes abondent par-tout. On a commencé à fouiller la mine qui est située dans un fond boisé , près de l'Ielschanka. La pierre est d'un beau rouge ^ et très-compacte ; elle se trouve d'abord sous l'argile en masse continue , et elle ressemble- roit parfaitement à une hématite , si on y dé- cou vroit la texture rayonnée. Elle paroît être très-riche en fer,, qui cependant ne me paroît pas propre à la fonte. Je pensai qu'il étoit inutile de me trans- porter dans une contrée montagneuse, au sud- ouest d'Orskaia , pour y voir une meîschet (1) > ou chapelle Tatare , puisque MM. Euler et Kraft l'avoient déjà visitée 5 j'employai plus (1) Corruption du mot Arabe Meçdjed. (Temple , mos- quée. ) Ces Tatars sont Musulmans. ( Note du Re'dacu) Aü V I E S O F S K Ö Y. 7f utilement mon tems à observer la partie infé- rieure de riaïk". Je quittai Orskaia l'après-midi du i5 juillet , et retournai sur mes pas. Je fus coucher à Gouberlinsk. Nous vîmes , sur les collines unies situées en-deçà de l'Iaïk , beau- coup de gazelles , ou saïgaks , et un oiseau de passage (i), qui abonde dans cette contrée, et y vole par troupes. J'ai aussi apperçu cet oi- seau près du Volga ; on l'y nomme Dikaia- PikAliza , ou bien Pischik (vaneau sauvage). Je fus obligé de coucher à la redoute de '"Nikolskoï , le 16, parce qu'une forte pluie ren- dit les chemins des montagnes très - mauvais. Je passai la nuit du 17 a celle de Viésofskoï | Je visitai , le lendemain , les mines du voisinage , et j'arrivai cependant d'assez bonne heure à Orembourg. En quittant la redoute , je pris le chemin des montagnes, à cause des mines. Après avoir traversé le ruisseau de Viésofskoï, et plusieurs bas-fonds desséchés, on arrive à une hauteur unie couverte d'une terre glaise rougeâtre. On a fouillé par- tout le pied de la montagne, pour y chercher la mine. On y voit d'anciennes traces et les amas de pierres des fouilles. On a com- mencé à échafauder la mine dans un seul en- droit ; on y trouve un mauvais métal pvriteux , tandis que les autres ne sont composés que d'un -schiste verdâtre. (1) Charadrius gregarïus* Voyez Y Appendix , n°. 48.' 78 x7^9* DE i.' Ieläckanka On exploite deux mines sur le sommet de la colline : l'une dépend de la forge de Kana- Nikolskoï , qui appartient au négociant Mas- salof; l'autre est aux assesseurs Tv er dischef et Mesnikof. Il y a fort long- tems qu'elles sont en exploitation , et on y entretient toujours un grand nombre d'ouvriers , à cause de leurs ri- chesses. La principale galerie de la première est élayée par une charpente , et percée d'un grand nombre de canaux : elle est située sur la monticule méridionale voisine de l'Iaï'k. On voit , près de cette galerie , les ruines de huit petits canaux anciens : celui qui se trouve dans la partie la plus profonde du conduit, a vingt toises ou environ cent quarante pieds de profondeur 5 il a un peu plus d'un archine de largeur , et il ressemble à un puits ordinaire. Les anciens canaux sont également creusés en rond 1 ils sont si bas , qu'on est obligé de s'y tenir à genoux , et d'y marcher courbé sur les pieds et sur les mains. Il est impossible de s'imaginer qu'on ait pu faire ces fouilles dans une posture aussi gênante. Les eaux nuisant aux travaux du nouveau conduit , on a creusé un puits de plus de cent quarante pieds, et on le vide par le moyen d'un vireveau. On en a creusé également un second pour faciliter l'ex- ploitation du métal. La colline est composée intérieurement d'un gros schiste sablonneux jaune , dont les lit* AU.VijsSOïSKOï.4 7^ Renfoncent à l'ouest , en formant un angle de quarante - cinq degrés 5 ils sont aussi un peu inclinés vers le fleuve. Le métal s'y trouve par tas et par nids , et quelquefois à la hauteur d'un archine 5 ils n'ont ordinairement qu'un empan de haut et de large. On trouve des particules de plantes et une pyrite accom- pagnée d'une matière semblable à la suie 9 dans un très - beau schiste glaiseux tacheté , entreveiné de galène et de mine de cuivre azu- rée (1) , ou dans un métal sablonneux. Cette mine produit généralement cinq pour cent, La mine , appartenante aux assesseurs Tver- dischef 'et Mesnikqf \ est située sur une autre colline plus au nord. On n'y a pas creusé aussi profondément : et comme on n'a point été gêné par les eaux , on n'y a fait qu'une seule bure , qui sert à tirer les métaux. La plus grande partie du métal est sablonneuse , et remplie de ïiids de pyrites. On trouve des morceaux d'é- corces d'arbres et de bois pétrifiés près de ce métal. On voit., dans ce schiste sablonneux, et à très-peu de profondeur , des couches plates d'un roc gris et rongea tra à l'extérieur ; il est rempli de trous , et couvert de quartz. {5) Cuprum a\ureum. 8o 1769. b'OreMäoüro- S. V I. D Oremboiîrg a GurLOFSKOiV Du 22 au 2.5 juillet. Orembourg , 268 v. — Forteresse de Tscïier- noretsckenskaia^ 18 verst. - — Forteresse de Tatistschefskaia ,35 v. — E-uisseau de Sou- botschitska , 5 v. — Forteresse de Tsches- nokofka , 12 v. — Forteresse de Nishnaia- Osernaia , 18 v. — Forteresse de liossip- naia , 17 v. — Ilezkoï-Gorodok y 25 verstes. — - Avant-poste de Soschlmnoï , 7 verstes. ~ Avant-poste de Kindalinskoï > i5 verstes. — Avant-poste à! Irtezkoï 9 z5 v. - — Verkhnoï- Kirsanof- lar , 17 V. — Avant-poste u. 1er- vansofskoï , 18 v. —*- Avant-poste de Hou- beschnoï y 2.5 verst. — Avant-poste de Gui- lofskoï 9 22 verstes. Je partis d'Orembburg le 21 juillet au soir, pour me rendre vers la partie Inférieure de ria'ik. Je continuai la route de Tschernoret- sclienskaia , par Tatistsciiéva , le lendemain de très-grand matin. Je trouvai , dans ce district , la passerage , toutes~ies espèces d'absinthes , la sariette (1), et la chrysocome hiflore (2) , (1) Sature ja, (z) ChrysQçoma biflora, qui •a. G tr i i o F s £ o ï, 8i qui étoient en fleurs. Il faisoit une chaleur presque insupportable clans la lande , où l'on ne trouve aucun abri. A Tatistschefskaia , un thermomètre, placé à l'ombre, à midi, étoit au-dessus du 91e degré 5 il est à présumer que la réfraction des montagnes arides de la lande avoit augmenté un peu la chaleur. Depuis Tatistschefskaia , le chemin qui passe par les montagnes est très - pénible , à cause des profonds déniés arrosés par un grand nom- bre de ruisseaux, qui se jettent dans ITaïk; on y trouve quelques petits forts mal entre- tenus. On traverse le ruisseau de Ramysch- Samara, près de la forteresse. A quelques verstes plus loin , on passe celui de Soubotschistka , qui est profond et très-bourbeux ; son nom est assez plaisant : il signifie poudre pour les dents. On découvre , dans les rives élevées de ces deux ruisseaux , une pierre argileuse rouge , mélangée de couches grises et verdâfcres , qui paroît tenir davantage à la nature du schiste et de la glaise. J'ai commencé à voir la stipe chevelue ( 1 ) près de ce ruisseau ; cette plante d'automne est très - commune dans toute la partie méri- dionale de la lande. On n'y trouve plus , eu revanche , de salvia nemorosa , qui étoit si abondante jusqu'ici. La grande soude y est » 1 ' * — ^— 11, 1 i (1) Stlpa cap Mata* Tome /. F 8s 17%' d'Orembou r g l'herbe la plus commune , ainsi que sur les bords des chemins. Il est certain que si on s'occu- poit à cueillir cette soude , ainsi que les autres plantes salines qui croissent avec tant d'abon- dance sur toutes les montagnes et dans la lande , on tireroit beaucoup de sel alkali , matière si nécessaire à beaucoup d'arts et métiers. Les contrées inférieures du Volga en fourniroient également beaucoup, si on employoit les moyens nécessaires. On trouve , sur une colline voisine an ruis- seau de Soubotschistka , plusieurs petites tombes élevées , très - anciennes. Quelques -unes sont formées par des terres amoncelées ; d'autres sont composées de cubes de pierres. On passe plusieurs fonds secs , et on traverse ensuite un troisième ruisseau , nommé Tschesnakofka , près duquel sont plusieurs métairies , tenues par des Kosaques. On voit, au fond du rivage élevé et méridional de ce ruisseau , une craie tendre de bonne qualité ; il en sort une source dont l'eau est excellente et très - fraîche. On trouve, plus avant , celui d'Ielschanka, et 011 arrive enfin près de celui d'Osernaia, qui sort d'un lac situé sur la hauteur : il se jette dans l'Iaïk. Avant d'arriver à la forteresse de Niish- naia-Osernaia , on traverse , pendant quelques verstes , deux défilés fort larges , très-profonds , et garnis de petits bois , où l'on trouve plu- sieurs bourbiers considérables. Comme il exis- a Guilofsko ï. 83 tôït autrefois un pont sur chacun de ces dé^ filés, le premier est nommé VissoXoï .*- Most f et le second Maloï-Most. En descendant la montagne > qui est composée d'un schiste rouge fort tendre , on voit , dans ce second défié ; des traces d'une argile de cuivre et de métal sablonneux^ en petites couches brisées. On trouve , sur le haut de la montagne , des ruines d'anciennes fouilles. On apperçoit> dans l'éboulement du rivage f parmi l'argile cui- vreuse , de petites scories de cuivre , et des morceaux de cuivre natif éparpillés. La forteresse de Niishnaia-Üsernaia est très - avantageusement située sur un angle fort es- carpé de la montagne, du côté du fleuve. On Voit une marne crayeuse dans la monticule sur laquelle elle est bâtie. Elle renferme un assez grand nombre de maisons. Ses fortifica- tions consistent en poutres. La garnison est composée de dragons ^ ainsi que celles de toutes les forteresses de ces lignes. Les avant - postes sont défendus par des troupes légères. Un grand nombre de Kosaques demeurent dans la forte- resse 5 ils descendent de ceux d'Oreinbourg. On m'a rapporté qu'il existe , dans les environs de l'autre côté de l'Iaïk , les ruines de deux metschets ,v bâtis en pierres. Les Kosaques en ont enlevé presque toutes les briques et les tuiles pour leurs maisons. Après avoir passé la forteresse de Rassip- 1769* s'ORÊMBOtlfte naia,la Contrée est toujours garnie de collines \ et le sol est une argile rougeâtre , pleine de gravier. On rencontre quelques bois dans les fonds : la gorge , qui borde le fleuve , est garnie de forêts , qui s'étendent au loin , sur - tout du côté du pays des Kirguis. La forteresse doit donc avoir du bois en abondance. On traverse le ruisseau de Tamakof ka : et , près de la for- teresse , on a encore quatre mauvais défilés à passer. Le premier est appelé Meclveshié-Ros- sos-ch } les trois autres n'ont point de nom. Plusieurs petits ruisseaux coulent dans le pre- mier et le troisième défilés ; on prétend qu'ils ne se sont formés que depuis peu d'années. Le fond du second est seulement humide. Il croît, dans ces trois défilés , une espèce de lycope d'Europe (1) , qui a jusqu'à quatre pieds de hauteur 3 il se distingue du véritable lycope d'Europe , par ses feuilles qui sont très-pinna- tificles (2). Rassipnaia est très-agréablement située sur la pente de la montagne ; sa vue domine sur une plaine très-étendue : elle ne renferme que fort peu de maisons. Au lieu de suivre en'droi- ture la route qui conduit à l'avant - poste de Saschimnoï , je pris celle d'Ilezkoï-Gorodok , et passai dans la plaine par un chemin rabo~ (1) Ly • copies Europœus. (z) Folia pinnatinda. a GüiLorsKoT. 85 îeux , presqu'impraticable , et point frayé. La réglisse à gousses velues croît ici dans la pins grande abondance , ainsi que dans les lieux bas situés près de l'Iaïk. On y voit aussi beau- coup de statice de Tatarie (1) > de soude cou- chée (2) , et d'armoise -estragon (3) ; c'est une preuve que le sol est salin. On passe ici l'Iaïk sur un pont fort étroit , qui a été construit pour aller à Ilezkoï - Go- rodok, ville située dans le voisinage du pays des Kirguis. Mais avant de traverser le fleuve , on passe sur un autre pont , son ancien lit , appelé Staroï-Iaïk, ( vieil Iaïk ). Il renferme une île qu'on traverse également ) elle est cou- verte de peupliers, de trembles, et de saules. Le rivage gauche est assez haut. La ville d'Iiéki est située de ce côté ; elle doit son noiu à la rivière d'Ilek , qui s'embouche dans le fleuve, à un verste de là. Ses fortifications consistent en un parallélogramme régulier, dont les murs et les batteries sont construits en poutres. Cette petite ville , habitée par des Kosaques , ren- ferme plus de trois cents maisons , et une église construite en bois , dans son centre. On y compte près de cinq cents Kosaques en état de porter les armes. On les regarde comme faisant (1) Statice Tatarie a. {%) Salsola prostrata. (3) Ancmisia dracu.ncu.luu F 3 », 86 1769. d'Orembourô partie de ceux de l'Iaïk, quoiqu'ils n'aient au- cune part à leur droit de pêche 3 ils s'adon- nent , en revanche , à l'agriculture , à l'entre- tien, et au commerce des bestiaux. Ils ont pour chef un A t a m a n , dépendant de la chan- cellerie de l'Iaïk j qui le choisit et le met en place. Il a sous lui deux Iessaouls , ou adju- dans, quelques Sotniks , et un Pissar, ou secrétaire. Les deux premiers avant- postes de Soschiinnoï et deKindalinskdï, situés près d'ici, sur la rive opposée du fleuve, sont gardés par les Kosanues d'Ilezkoï. Je retournai sur mes pas, et repassai l'Iaïk, pour aller à Soschimnoï. Le chemin conduit à la gorge dont j'ai parlé ci-dessus, et on y traverse , près de cet avant-poste , le ruisseau rempli débroussailles et de plantes. Il est situé sur une éminence : ses fortifications de bois ressemblent à celles d'une redoute, etil est muni d'une pièce de canon. On en retire le détache- ment pendant l'hiver : aussi les Kosaques , qui y font le service , n'habitent que des cabanes de branches d'arbres entrelacées. Ce détache- ment est composé de vingt hommes ; presque tous ceux qui gardent les avant-postes , situés près de l'Iaïk , ne sont que de vingt à vingt- cinq hommes. Dans les endroits dépourvus de bois , ils sont construits de branches d'arbres entrelacées en forme de claies , et remplies de terre 5 pour les mieux défendre % on les garnit A GtTILOFSKoT. 87 d'anales. La contrée étant fort unie , on a dressé y près de toutes ces petites forteresses , des écha- faudages élevés , ou échauguettes j on y place une sentinelle , pour veiller à tous les niouve- mens des Kirguis. On a construit des phares , ou pyramides à feu, à tous les postes fortifiés, ainsi qu'à leur demi - distance , pour donner le signal., en cas de révolte de la part des Kir- guis. Ces mesures s oui: plus v que suffisantes contre des ennemis aussi peu redoutables , qui ne font point leurs excursions en gros partis , mais seulement par petites bandes j ils ne sont pas d'ailleurs fort courageux. On arrive ensuite à l'avant- poste de Kinda- lynskoï 5 il est situé à quelque distance de l'Iaïk , et sur une éminence rapide, près du rivage occidental du ruisseau de Kindaîy ; ses fortifi- cations ressemblent à celles de Sas chimnoî. Quelques maisons , situées au pied de cette monticule, servent de logement aux Kosaques, qui y sont en garnison pendant l'hiver et l'été y on a construit un mauvais pont sur le ruisseau de Kîndaly.. C'est ici que finissent les terres cul- tivées des bords du fleuve j il n'y étoit pas venu un seid épi, à cause de l'a grande séche- resse de l'année. X^e sol est d'ailleurs assez bon. Comme la lande est étendue , et que chacun peut labourer où il lui plaît , on ne donne ja- mais d'engrais aux terres , qui en auroient F 4 88 Î7&9- d'Orembourc grand besoin , si on les ensemençoit chaqu© année. L'Iaïk a , dans le voisinage de ce fortin , un autre canal détaché, nommé Kosch-Iaïk. J'aurai occasion de dire , dans la suite , que l'ancien lit de ce fleuve a été souvent fermé par xtn amas de bourbe ; qu'il a fini par l'aban- donner, et s'en former un nouveau. Les eaux occasionnent ces chan^emens , et sur-tout dans les inondations du printems ; ceux qui habi- tent'aujourd'hui ces contrées en ont été té- moins oculaires. On m'a assuré qu'on voit en- core, à l'embouchure du ruisseau de Kindaly , de grandes ruines d'une fortification considé- rable , composée d'un rempart avec son fossé 5 je n'ai pu vérifier ce fait par moi-même , parce que j'étois déjà éloigné de cette contrée lors- qu'on m'en a donné connoissance. Je suis ce- pendant fondé à croire qu'on ne m'en a point imposé. Les Kosaques de l'Iàïk affirment una- nimement que ce lieu étoit la résidence des Ta- tars Nogaïs 5 il est très-possible que ce soit les ruines de la ville de Schakaschik ( 1 ) , qui est désignée sur la carte de Jenkïnson. Les chaleurs continuelles étoient insuppor- (1) Voyez les Sammlung Russischer geschickte , ou Recueils historiques sur la Russie, par Millier, tom. VU, part. 3 et 4 j §. 432» A GtriLOFSKOl. tables \ aussi j'employai la nu.it à voyager, parce cjtie j'étois assuré de ne rien trouver de -remar- quable-dans la lande. On passe un défilé très- profond et fort étendu, à près de dix verstes de distance : on l'appelle Vorofskoï-Eof ( ou fossé de brigands). Nous entendîmes beaucoup les cris du lièvre nain ( i ). La lande , qui est assez unie jusqu'à ce défilé, commence de nou- veau à se garnir de collines assez élevées , qui portent le nom de B a r k h a n i 5 elles sont sa- blonneuses , en pins grande partie. Tons les bas-fonds sont remplis de cytise velu (-2) 5 il y vient souvent de la hauteur d'un homme. Les Kosaques l'appellent V^tlovnik , et la con- fondent avec l'axyris ceratoïde ( 3 ) , qui lui ressemble assez. Ils donnent à la chrysocome velue (4)? qui abonde dans ces landes , le nom de Stepnaia-Polyw (absinthe des déserts). Ils l'emploient pour différons maux , en la faisant cuire avec du millepertuis. Nous arrivâmes, pendant la nuit, à l'avant- poste d'Irtezkoï, et nous y changeâmes de che- vaux. Il est situé sur une éminence , près de l'embouchure de l'Irtek, dans l'Iaïk. Ce fortin renferme de bonnes maisons , parce que les (1) Lepus minutus, (i) Oytisus hlrsutus. (3) Aocyrls ceratoïdes. (4) Chrysocoma villosa*

et qui traverse toute la ville jusqu'au Tschagan- est fi. cJ ' assez large, quoique tortueuse et irxégulière : les meilleures maisons l'embellirent. Dans le 96 iy6g. Iaïzkoï - Kasatschéi marché qni l'avoisine est une très-belle église, bâtie en pierres. On voit -, pins loin , une très- belle cathédrale en pierres. Elle est entourée d'un grand nombre de boutiques au rez-de- chaussée des maisons $ les marchands étrangers y vendent beaucoup de belles marchandises. Le quartier, eu Slobode des Tatars, termine la grande rue $ il est habité par les Kosaques de cette nation ; on y voit un Mesciied ( 1 ) , ou maison de prières construite en bois et en plâtre. Une troisième église, bâtie en bois, orne encore la belle rue. La ville renferme , en outre , deux chapelles de bois , appelées Tschassovny : mais elles sont peu fréquentées des Kosaques , qui^ en qualité de Starovierzi , ou anciens croyans, font, le plus souvent, leur dévotion chez eux 5 les jours de grande fête, ils sont ordinairement assis ou à genoux autour des églises pendant la liturgie ou le service , et ils n'entrent point dans l'intérieur. C'est sû- rement pour cette raison que, depuis plus de vingt ans , on n'achève pas de rebâtir une grande église qui fut incendiée. La ville est très -peuplée 5 elle renferme un grand nombre de marchands étrangers , qui (t) Mf.çdjsd (mosquée), temple des musulmans. Il est inutile de prévenir le lecteur que ces hordes professent la re- ligion de Molihammed qu'ils entremêlent de beaucoup de su» persistions étrange ic2.'( Nom du Rédact.) l'habitent G £> R O X> O K, 97 i* habitent en tout teins T et un nombre encore plus grand d'ouvriers et de journaliers > qui y vivent très-bien. On y compte environ quinze mille Kosaques, dont quatre mille deux cents portent les armes , ou sont enrôlés pour le ser-^ vice , y compris ceux destinés pour l'armée et pour la garde de la ligne. On compte dans ce nombre beaucoup de Tatars mahométans , de Kalmouks païens, et de Kisilbasches, peuple d'origine Troukmène ( 1 ) et Persanne. Ceux- ci s'adonnent particulièrement à la culture des melons , qu'ils entendent très-bien. Ceux qui sont convertis s'appellent Baldyri. Les Kal- mouks chrétiens sont en assez grand nombre j on ne les oblige point à rentrer dans la horde dont ils se sont séparés. S. V I I I. Observations sur les Kosaques de Vlaïk, Comme les Kosaques de l'Iaïk o^upent une contrée entièrement déserte , il est difficile de désigner avec précision les limites de leur gou- vernement. Sur la gauche , qui est la partie (t) Lisez Tour ko manne. Cette nation nomade est répandue clans le Dyârbeqr et sur les confins de la Père. Voye-^ suc le nom de Kisilbasch , la note de la page 208 , du tome Ier, qui se trouve conforme au texte du professeur Pallas, ( Note du rédact* ) Tome IL G 98 17^9- Ïaïzkuï - Kasatschéî Habitée par les Kirguis , ils n'osent s'appro- prier qu'un vallon qui produit de bons pâtu- rages. A l'ouest , ils possèdent la lande qui s'étend depuis Iaïzkoï-Gorodok jusqu'à la mer Caspienne. Les Kalmouks d'Ordinzi, qui les avoisinent de ce côté , ne leur disputeront sû- rement jamais cette possession. Ce dont les Kosaques font le plus de cas , et ce qui les in- téresse le plus -vivement, c'est la possesion du fleuve et de la pêche, dont ils sont seuls les maîtres. Le chef des Kosaques de l'Iaïk , qui réside à Iaïzkoï-Gorodok , est appelé VoÏskovoï- A t a m anj il dépend du collège de la guerre % qui le nomme. Il est donc entièrement sous la juridiction de ce collège , et il n'a aucun rang déterminé. Il a pour adjoints vingt Starschi- n as , ou anciens , dont les principaux siègent continuellement à la chancellerie de la ville j ceux-ci sont appelés Voïskovié - Starschini. ïl n'y a aujourd'hui que dix places de star- çhina qui soient occupées. Les autres membres de la chancellerie sont ]e VoïsKOvoï-DixiK ., on syndic ; le VoÏskovoÏ - Pissar , ou secrétaire 5 l'interprète , plusieurs écrivains , et bedeaux. L'ataman a deux VoÏskovié-Iessaouli, ou ad-' judans , et plusieurs officiers subalternes > ap- pelés Sot ni Ki et DéssjEtniki, grades par lesquels il faut absolument passer pour par- venir au rang de starsçhina , et il faut mémo G o ä o t» o'K. 99 ©.voir Servi dans la ville 5 car ceux qui sont revêtus des mêmes gracies dans les forteresses de la HsTLe , ont un rang bien inférieur à ceux- ci. Tous ceux qui sont attachés à la chancelle- rie ou à la régence , sont pensionnés de la cou- ronne , et jouissent de plusieurs avantages. Les Kosaques non convertis ne peuvent occuper les grades supérieurs ; ils parviennent même très- difficilement à celui de sotnik. L'autorité de cette régence démocratique , ainsi que celle des Kosaques du Don, est très- bornée. Toutes les affaires publiques se déci- dent dans l'assemblée générale du peuple., ap- pelée Kroüg (cercle ). Lorsqu'on veut avoir sa décision , on lui communique les ordres de la cour -y on convoque l'assemblée au son des cloches de la cathédrale : elle se tient commu- nément entre dix ou onze heures du matin , quoiqu'il n'y ait aucune heure ni aucun tems fixé pour les cas imprévus. Les Kosaques en- rôlés se rendent alors à la chancellerie, cons- truite en pierres , près de l'église cathédrale. Devant ce bâtiment , est une place entourée d'une balustrade , autour de laquelle le peuple se range indifféremment. Dès que l'assemblée est assez nombreuse , les iessaouls vont avertir llitaman : il s'y rend de la chancellerie avec les starschinas , tenant à la main une canne à pomme de vermeil , signe de sa dignité. Il G a ïoo î7^9- IaïzKoÏ-Kasatschéi siège , ainsi que les starscliinas , sur un gradin couvert. Les deux iessaouls entrent dans l'en- ceinte, ôtent leurs bonnets , qu'ils posent à terre , ainsi que la canne qu'ils portent dans leurs fonctions $ après avoir fait la prière d'u- sage , ils s'inclinent devant l'ataman et les star- scliinas , et ensuite vers le peuple , qui leur rend le salut. Ils reprennent alors leurs bonnets et leurs cannes , s'approchent de l'ataman , posent leurs bonnets à ses pieds , et gardent la canne à la main. Après avoir pris ses ordres^ ils retournent vers le peuple } le plus ancien impose silence , en disant : Pomoltschité Ata- MANI MOLODZï , VSÉ VELIKOÉ VOISKO IaÏzKOÉj ( Taisez - vous , Ataman , et toute la grande armée de V laïk ). Ils répètent ensuite le mot Pomoltschité y et exposent , à haute voix , le sujet de la délibération. Ils recueillent ensuite les voix j et font rapport à l'ataman , qui les charge de faire part de ses objections ou de la délibération à l'assemblée. Lorsque le peu- ple est content de l'exposé , et qu'il donne una- nimement sa voix , il crie : Soglasnyvasché vissokorodié ( Mojiseigneur , nous sommes satisfaits}. Quand il est d'un avis différent, il crie : Né soglasny , en murmurant beau- coup , et faisant des observations relative- ment aux privilèges de leurs ancêtres. C'est le jpissar qui fait la lecture, des ordonnances du^ G O R O B O t.! 10Î collège de la guerre ; il se place alors entre les deux iessaouls , qui ordonnent au peuple d'ôter le bonnet. On trouve, dansla Topographie d? Qremhourg, une relation exacte et si circonstanciée de l'ar- rivée des Kosaques dans cette contrée , et de leurs premiers évènemens , que jene dirai rien à ce sujet. Le même esprit de liberté , qui fait la base de leur constitution , règne dans leurs mœurs. La jeunesse ne pense qu'aux plaisirs, et les hommes se livrent à la débauche et à l'oisiveté. Les femmes sont aussi adonnées à la parure qu'à l'amour et aux plaisirs. Leur habillement ne diffère de celui des femmes Russes que par les broderies de toutes cou- leurs , dont les chemises sont ornées f et par la forme de leurs bonnets cylindriques , fort élevés , applatis par le haut, et brodés en or ou en argent. Les hommes portent l'habillement des Kosaques ou des Polonois, Ces Kosaques sont aujourd'hui plus instruits et plus civilisés qu'ils ne l'étoient ancienne- ment 'j le commerce leur a procuré la connois- sance des usages étrangers , et une aisance qui a rendu leurs mœurs plus douces ; elles étoient sauvages , ainsi que leurs lois et leurs cou- tumes, qui ressembloient à celles des Zaporo- viens ; nous allons donner un exemple. Tout créancier pouvoit se saisir de son débiteur , en. lui attachant une corde au bras gauche , G 3 102 1769. Iaïzkoï-Kasatschst le traîner ensuite chez lui dans cet etat,, et Vf maltraiter, jusqu'à ce que les aumônes, ou l'assistance de ses amis , l'eussent mis en état de s'acquitter. Mais si , par hasard , le créan- cier avoit lié le bras droit de son débiteur , il étoit puni, et perdcit sa dette, parce que le prisonnier ne pouvoit plus faire le signe de 3a croix. Ils vcndoient souvent leurs femmes à vil prix dans les assemblées publiques , lors- qu'ils en étoient las. Ils ayoient beaucoup d'au- tres usages semblables. Il est d'usage que le peuple s'assemble dans la place publique , après le service divin , les jours de fêfces religieuses et politiques : on l'y légale d'eau-de-vie , de pain et de poisson , qu'on présente sur des morceaux d'écorces d'arbres. On reçoit dans la chancellerie les droits ré- galiens; les tables y sont garnies de toutes sortes de liqueurs fortes , de poisson sec , de caviar , et de pain. L'atarnan et les starschinas y por- tent , au bruit du canon , les santés «du souve- rain et de la cour , et boivent ensuite à la pros- périté du peuple Kosaque. Les fiançailles et les noces fournissent. beau- coup de parties de plaisir à la jeunesse. Les différentes particularités qui les accompagnent méritent qu'on les rapporte. Il est d'usage qu'a- vant la noce , les amis de la fiancée se rassem- blent chez elle tous les soirs avec les jeunes garçons , et s'amusent de chants et de danses. . G- O R O D O K. . ïo3 Les fiançailles se font avec pompe , et sont ac- compagnées de beaucoup de cérémonies ridi-? cules. L'intervalle entre les fiançailles et la noce est souvent de quatre mois \ pendant ce tems , les futurs époux peuvent , sans consé- quence, jouir des libertés qui ne sont permises ailleurs qu'après la célébration du mariage $ mais il faut cependant que ce soit en secret. Avant le jour du mariage , l'époux est obligé de donner à sa fiancée un habillement com- plet 5 celle-ci lui fait présent d'un bonnet , d'une paire de bottes , d'une chemise , et d'une culotte. Après la bénédiction nuptiale , la ma- riée est ramenée chez elle dans une voiture découverte , appelée Téléga, ayant derrière elle sa mère et l'entremetteuse, nommée Svakhaj celle-ci est obligée d'avoir tous les doigts garnis de bagues. Elles étendent de chaoue côté un Ci JL mouchoir, pour cacher aux spectateurs le vi- sage de la mariée. I/époux précède la voiture à pied , accompagné de son père et de ses pa- rens. Plusieurs personnes , à cheval , suivent derrière la voiture 5 l'un d'eux porte , en guise d'étendard , une Plakhta , ou pièce d-'étoffe. Cette pièce ß dont les TscherLassiennes ( Cir- cassiennes ) se servent au lieu de juppes de dessous, est rayée de diverses couleurs; elle est attacbée au bout d'une grande perche : cet usage est d'autant plus singulier , que les fem- mes Kosaques ne portent jamais de plaklit^j G 4 io4 ï7^9- IaÏzkoÏ - Kasatsctï^ï Tous les amis prennent part à la fête; on boit J On chante , et on danse en pleine rue. Les danses Tatares sont les plus usitées; les jeunes gens s'y font admirer par un grand nombre de va- riations , de gestes , et de tours de bras., qu'ils font avec une agilité et une force étonnantes J tous ces mouvemens paroissent leur être na- turels , parce que , dès la plus tendre enfance , ils s'adonnent à tous les exercices de force et d'adresse , et sur -tout à tirer de l'arc ; ils ex- cellent dans cet exercice , ainsi que dans le ma- niement des armes à feu et de la lance. J'ai déjà rapporté que les forteresses , for- tins , et postes avancés de Fiait sont gardés par ces Kosaques. Outre les cent Kosaques qui com- posent la garnison de Gourief , on choisit cha- que année mille volontaires pour relever la gar- nison vers la fête des Rois. Plusieurs de ces Kosaques ont fixé leur domicile dans ces petites forteresses , et près des postes avancés. Ils y ont des métairies , où ils élèvent des bestiaux ; ils sont toujours attachés au service , parce qu'ils préfèrent la solde de leurs camarades qu'ils remplacent aux avantages incertains de la'pêche dont ils sont exclus ; ils jouissent en outre de la paie de guerre et d'étape que le gouverneur fait à chaque Kosaque de l'Iaïk. Le reste des garnisons est composé de Kosaques , qui ser- vent pour gagner un grade , ou de gens qui se mettent à la solde pour une ou plusieurs G O R O D O K.' îo5 années , parce qu'ils ont été malheureux à lä pêche. Les enrôlemens se font dans les assem- blées publiques , et l'on marchande avec eux : la solde est plus ou moins forte , selon leur état. Les autres Kosaques sont obligés de con- tribuer à l'entretien de ces troupes. Ces enrô- JL lemens ont également lieu lorsqu'on envoie des corps à l'armée. On donne le commandement à des chefs que l'on choisit 5 ils consistent en un ataman ,. résidant à Koulaguina , un colo- nel , qui est sous ses ordres 5 plusieurs iessaouls et sotniks , qui commandent les autres postes : ceux-ci sont préposés sur les -Khorounschi et les DÉSSiETNlKI. Les Kosaques exercent les métiers les plus nécessaires, tels que ceux de cordonnier, ser- rurier , charpentier , &c. , et ils ne souffrent pas que des étrangers s'établissent parmi eux pour exercer ces* professions. Le grand com- merce de poisson leur procure abondamment les étoffes et les denrées qui leur manquent. Quelques-unes de leurs femmes , et sur - tout celles des Kosaques Tatars , font des camelots de poils de chèvre , sans teinte , de différentes qualités. Les communs sont à très - bas prix , et de bon usage ; elles en fabriquent qui va- lent , en beauté et en finesse , ceux de Bruxelles j ils les surpasseraient même , s'ils n'avoient pas le défaut , commun à toutes les toiles de Rus- sie , d'être par petites pièces fort étroites. Cm îo6 *7^9' iAÏzKoï-KASATSCHir manufactures mériteraient d'être encouragées J et on devrait exhorter ces peuples à faire leurs camelots plus larges , puisque le poil de chèvre y est à très - bas prix, et d'une qualité supé- rieure (1). On en trouverait facilement un grand débit. On pourrait aussi élever beaucoup de chameaux sur les bords de l'Iaïk , si la consom- mation du poil de chèvre devenoit plus forte. Ce commerce serait fort avantageux aux Kosa- ques de cette contrée , qui en élèvent fort peu jusqu'à présent ; ils les vendent aux karavanes Asiatiques , mais cet article n'est pas considé- rable. Il est impossible de trouver un sol plus convenable aux chameaux, à cause du grand nombre de plantes salines qui couvrent les landes ; c'est la pâture la plus agréable à ces animaux. Une des grandes occupations des Kosaques , estl'éducation des bestiaux 5 les Kosaques Russes préfèrent les chevaux et les bêtes à cornes ; ils y prospèrent , et y acquièrent une riche taille y parce que les chaleurs de cette contrée leur conviennent. Leurs chevaux sont plus robustes , plus vigoureux , et plus beaux que ceux des Kusses , par la raison qu'ils passent l'été et l'hiver dans les pâturages ; on ne leur donne du fora ^n-j.. , ■■ ■ — —■— 1 ■■ .... . ..,.. . . , . ,, — , .....■■■ 1 .. —...,.-■ , 1 ■ 1 . ■ —■ -— - -, ■ — ■ — ém (t) Le poud de poil de chèvre , de la plus médiocre qua- lité, se vend soixante kopeks ; elle meilleur deux roubles, et quelquefois un peu plus. G OR O D OK. ÏOf ^m autres fourrages que lorsqu'on les emploie aux travaux pénibles de la pêche. On ne les ferre pas, parce que le sol sec leur procure un sabot très-beau et très-dur. Beaucoup de Kosa- ques ont des Khoutéri , ou vacheries , dans les cantons éloignés de la lande où sont les meil- leurs pâturages. Les Kosaques Tatars., qui élè- vent aussi beaucoup de bestiaux , campent suc- cessivement par-tout sous des tentes de feutre ; les Kosaques Russes , au contraire , construi- sent des cabanes d'osier dans les lieux où leurs troupeaux passent la nuit , et ils les revêtis- sent , en dehors , de terre glaise ou de boue 5 on les appelle Baski. On exporte beaucoup dô bétail vers le Volga , et même beaucoup plus loin ; on transporte beaucoup de peaux dans les villes où sont les tanneries , et le suif aux fabriques de savon de Kasan , Iaroslav, Arsamas , et autres lieux. Les Kosaques chassent beaucoup aux renards, aux loups , aux castors ^ et aux sangliers ; ils emploient le premier mois de l'hiver à cette occupation , parce qu'ils suivent facilement ces animaux à la piste sur la neige , et parce que ce teins n'est pas propre à la pêche. lOu ^7^9* IaÏzKoÏ-RASATSCHÉïV S. I X. 1 Pèche des Kosaques de riaïfa. Mais comme la pêche fournit principalement â leur subsistance et à leur entretien , elle forme aussi leur plus grande occupation. Il n'est point de contrée en Russie où elle soit si bien ré- glée : des lois , règlemens , et coutumes y main- tiennent l'ordre. On fait quatre pêclies par an sur l'Iaïk, dont trois sont considérables. La première et la plus importante est celle qui se fait en janvier ; ils la nomment Bag renie, parce qu'ils la font avec des crochets, appelés Bagri. La seconde est celle des sévriougas , qui se fait au mois de mai 5 elle est appelée "VeschnjEia-Peavnije. La troisième grande pê- che , et la moins importante , se fait au mois d'octobre , avec des filets nommés Ossennjeia- PrAVNiiE. La quatrième commence au mois de décembre $ on la fait avec des filets sous la glace , mais seulement dans les rivières qui ont leurs embouchures dans le fleuve et dans les lacs poissonneux des landes , et jamais dans le fleuve. Ils n'y prennent que des poissons com- muns , qui servent à leur propre consomma- tion. Depuis la révocation de l'éditd'OusTSCHiouG 9 qui a voit é 'ce affiché à Gourief, et la concession entière des pêcheries de l'Iaïk , faite aux Ko- G O R O D Ô K.' Ï09 Vaques parla couronne, moyennant une légère rétribution , ils ont entièrement détruit les di- gues qui bârroient le passage des poissons. Ils en ont construit d'autres , qui barrent tout le fleuye au-dessus d'Iaïzkoï-Gorodok 5 de sorte que tout le poisson peut entrer librement de la mer Caspienne dans l'Iaïk : mais il ne peut jamais remonter au-dessus de cette ville. Les poissons les plus communs de l'Iaïk sont l'esturgeon ordinaire (1), en Russe Osetr , le bié- longa ou l'ichtliyocolle , et plusieurs espèces va- criées, principalement celle nommée Schihp (2) 5 on reconnoît ce dernier par son poli et sa tête pointue ; le sévriouga ^ le sterlet (3) , le silure f les carpes, qu'ils appellent Ssasajnt > le saumon? blanc, et beaucoup d'autres poissons plus pe- tits et plus communs , tels que le brochet , la perche de sable ou le sandat (4) nommé Sou- daki, la perche., appelée Beeschjki, qui est la Zingelbarsche des Allemands 5 les brèmes, le poisson appelé (5) SoL.ovf 1 par les Kosa- ques, etURFEN par les Allemands 5 le Tsché- Khon , ou brème à ventre tranchant , et un grand nombre de carpes de petite espèce , qui abondent aussi dans le Volga. Mais on ne voit «■■■■' ■ y » • • ' ■ ' t (1) Acipenser sturio. {%) Acipenser schypa. (3) Ac'penser rutlienus. (î) Perça lue 0 -perça. (f) Ce que îjous ^omn^us qrfîe. Spams orp/ius. ïio 1769. IaïzkoÏ-Kasatschêî point ici la petite espèce d'esturgeon , nommée par les Kusses Roster (1 ) , ni le poisson d'or (2) _, appelé Schélesniza. , qui est abondant dans le Volga. On ne trouve presque jamais de saumon rouge dans riaïk$ on le nomme ici Krasnaia-Ryba ( poisson rouge ) ; on comprend sous ce nom , près du Volga et de la Kama , toutes les grosses espèces d'esturgeons qui y sont très-chers , et on y appelle au contraire tous les poissons , blancs et petits, Biélaia-Ryba > ou poissons blancs. Le saumon blanc est le premier de tous les poissons qui remontent l'Iaïk ; on en prend déjà en février , sous la glace, avec des crochets à hameçons : cette pêche est très-considérable. On en prend aussi , au printems et en automne , dans les filets , mais beaucoup plus rarement. Les esturgeons de toutes espèces remontent plus abondamment en mars , avril , et mai : ce sont d'abord les biélougas , les esturgeons , et les sterlets viennent ensuite , et vers la fin d'avril les sévriougas , qui sont les plus communs : les biélougas sont les plus rares. Tous ces poissons remontent le fleuve par troupes , et sur- tout les derniers ; ils sont si abondans près de Gourief , qu'on les voit fourmilier clans (1) Acipenser stellatus. ß. (i) Clupea alosa* . G o r o d o k. ni l'eau. LesKosaques m'ont assuré unanimement que leur affiuence étoit si forte > qu'ils ont en- dommagé plusieurs fois la digue qui barre le fleuve au - dessus de l'Iaïzkoï - Gorodok ; ils m'ont même ajouté qu'ils avoient été obligés de tirer le canon pour les disperser. On rap- porte un fait qui me paroît très-vraisemblable | c'est que tous ces esturgeons remontent le fleuve pour y déposer leur frai dans le mois d'avril P à l'époque où les saules commencent à bour- geonner, et qu'ils se frottent contre les fonds pierreux pour s'en défaire 3 les sévriougas ne déposent le leur que les quinze derniers jours de mai. On ne voit cependant , et on ne prend jamais d'alevins de cette grosse espèce d'estur- geons, quoiqu'on prenne un grand nombre de petits sterlets., lorsqu'on pêche avec des filets étroits. Ils m'ont encore affirmé généralement que l'esturgeon et l'ichtliyocolle restent dans le fleuve jusqu'à l'hiver , et qu'ils y passent même cette saison , tandis que le séyriouga s'en retour- noit à la mer pendant l'été. Lorsqu'ils pèchent , au mois de mai , les sévriougas, ils sont obligés, par une loi, de rejeter dans l'eau tous les biélongas et estur- geons qui tombent dans leurs filets ^ parce que ces poissons se vendent beaucoup plus cher en hiver , lorsqu'on peut les transporter gelés : le bénéfice est donc beaucoup plus considérable pour la nation en général. Ils observent rigide- Ï12 î7^9' IAÏZKOÏ-KASATSCHÉr ment cette loi; celui qui seroit trouvé en con- travention auroit son poisson confisqué, et se- roit en outre condamné à recevoir la bastonade : le texte de la loi est formel ; Bit-i-grabit (le bâton et la mort). On ne prend donc généralement, au mois de janvier , avec les crochets , que des esturgeons et des biélougas. On prétend qu'en automne Ces poissons se placent , par rang , dans les en- droits les plus profonds du fleuve, et qu'ils y passent l'hiver dans une espèce d'engourdisse- ment, sans perdre le sentiment, ni sans re- muer. Comme le lit de l'Iaïk est un terrain mouvant , ces enfoncemens varient chaque an- née dans les inondations du printems , qui entraîne les sables et la vase : de sorte qu'on ne peut jamais connoître les retraites de ces poissons. Ceux qui veulent le savoir ont grand soin d'observer, pendant l'automne , au mo- ment où la glace commence à se fixer , les mou- Vemens de ces poissons ; ils prétendent qu'ils jouent et sautent à la superficie des places où ils veulent se fixer. D'autres se couchent sur la glace dans les endroits où il n'y a point de neige , se couvrent la tête d'un drap , et ils prétendent voir, par ce moyen, les poissons au fond de l'eau. Ils s'assurent de ces endroits pour en tirer parti lorsque la pêche commence. On assure que lorsque les eaux sont hautes , en automne , le poisson se place dans les en- droit» G O R O T> O K. Îl3 droits unis et peu profonds ; que lorsqu'elles sont basses, il cherche au contraire les plus pro- fonds. C'est toujours dans ces derniers que le poisson aboi? de le plus. Dès que le tems de la pêche aux crochets est arrivé , ce qui est ordinairement le 3 ou le 4 janvier , on assemble le peuple avec les céré- monies d'usage ; on s'informe si les Kosaques, qui ont voyagé pour leurs affaires , sont de re- tour ^ et quels sont les lieux où l'on a remar- qué le plus de poisson; on fixe ensuite le jour de l'ouverture de la pêche. Pour maintenir le bon ordre dans cette pêche , ainsi que dans toutes les autres , on choisit un ataman parmi les starschinas , et on lui donne pour adjoints plusieurs anciens et un iessaoul. Les Kosaques se mettent par bandes de cinq à six personnes , et quelquefois davantage 5 on les appelle Artéli. Chacun a soin de préparer, en son particulier, tous les objets nécessaires à la pêche. Les prin- cipaux sont de bons crochets et des perches de différentes grandeurs , au bout desquelles on attache ces crochets , appelés Bagor, qui n'ont d'ailleurs rien de remarquable 5 ils sont faits avec de bon acier , et très - bien aiguisés. Ils forment un demi - cercle 5 de sorte que la pointe est presque parallèle à la partie large , qui l'affermit à la perche par le moyen d'un morceau de cuir et d'une bonne ficelle. Ceux qui sont plus courts que Ie§ autres portent le Tome II, H n4 17^9* Iaïzkoï-Kasatschéi nom de Soromnoï-Bagor (i). Ces instrumens n'ont que trois à quatre brasses de longueur. Ils consistent dans le crochet que nous venons de décrire , qui est affermi à une perche de grosseur médiocre , nommée Nayius, à la- quelle est jointe une autre grande perche, ap- pelée Bagrovistsché. Ils en ont d'autres qui ont jusqu'à dix brasses de longueur 5 ils les nomment Iaroyi , parce qu'ils s'en servent pour pêcher dans les lieux où le rivage n'a point de pente , ce qu'ils appellent Iar, et la profondeur est alors plus grande. On ajoute à ceux-ci une troisième perche, nommée Séré- dysch ou PoDTSCHALOK , que l'on attache entre' les deux autres 3 et en voici la raison. Ils pré- tendent qu'il ser oit difficile d'avoir des perches assez longues, et qu'avec ces perches rapport tées , on sent plus aisément le poisson lorsqu'il est au crochet. Les lieux les plus profonds né- cessitent une perche de douze à quinze brasses; ils mettent ordinairement à la perche de mé- diocre longueur une des longues perches , ap- pelées Bagrovistsché; ils attachent à la perche Navires , à laquelle tient le crochet , un mor- ceau de fer de cinq à six livres : cela la rend beaucoup plus lourde , et l'empêche d'être em- (ï) Les Kosaques nomment Sarma , un fond uni du fleuve;- c'est ce qui a fait donner aux crochets courts le nom de Sorqmnié, parce qu ils s'en servent pour pêcher dans les- endroits peu proronds. G O R Ö D O K. Il5 portée par le courant de l'eau. Toutes ces per- ches , bien polies , sont faites avec de beaux jets de sapin très - droits et bien secs ; on les tire des contrées septentrionales. Les bouts sont coupés en biais, afin de se mieux rejoindre ; ils les lient, ainsi que les crochets , avec une forte ficelle , et versent ensuite de l'eau dessus , ils la laissent geler , afin de rendre l'instrument plus solide. On a grand soin d'observer que les extrémités des perches soient toutes dans le même sens., et le crochet aligné avec sa pointe; il seroit impossible de réussir sans ces pré- cautions. Chaque Kosaque a en outre une perl- ene à crochet d'une brasse et demie de Ion«; , mais forte ; on la nomme Podpacrennik. Il s'en sert pour tirer le poisson snr la glace lors- qu'il est pris. Il doit aussi avoir un instrument à rompre la glace , nommé PesChkii, et une pèle pour ôter la glace à mesure qu'il la rompt. Avant l'ouverture de la pêche , on distribue, pendant une après-dînée , des billets , munis du sceau de la chancellerie, à tous les Kosa- ques enrôlés, mais qui ne jouissent pas de la solde de garde de îa ligne. Un Kosaque ré- formé , ou celui qui n'est pas encore au ser- vice , peut acheter le droit de pêche annuel d'un autre, qui ne veut ou ne peut pêcher par lui-même 5 il se fait alors donner un billet pa- reil , en se faisant inscrire. Chaque individu Il6 3769. ÏAÏZKOÏ-KASÀTSCHÉr ne reçoit qu'un billet ; les membres de la chan- cellerie sont les seuls avantagés. Le voïskovoï- ataman reçoit quatre billets , les starscliinas trois , les autres membres , ainsi que le voïsko- voï-clia, deux. On en donne un à la femme de chaque starschina > ainsi qu'aux principaux employés de la chancellerie, à deux écrivains , ainsi qu'à chaque ecclésiastique. Ces personnes vendent leurs billets ; de sorte que les Kosa- ques , qui ne sont plus au service , ou ceux qui n'ont pas atteint l'âge de majorité , et qui n'ont pas le droit de pêche , peuvent les acheter, et en jouir pendant l'année. Le jour de l'ouverture de la pêche , tous les Kosaques , qui ont un billet , se rassemblent , en traîneau , avec tous leurs ustensiles , avant le lever du soleil , dans un lieu désigné de la ville, et ils se rangent en ligne, à mesure qu'ils arrivent. L'ataman, élu pour présider à cette pêche , les passe en revue , et examine , avec soin , s'ils sont pourvus de leurs armes , afin d'être en état de défense , en cas d'attaque de la part des Kir guis. Les deux voïskovoï - ies- saouli recommandent ensuite le bon ordre ; dès que le jour paroît , on donne le signal du dé- part par la décharge de deux canons , placés hors de la ville. Aussi - tôt la décharge faite , chacun s'empresse d'arriver , au grand galop , Vers la contrée destinée à la pêche , afin de se rendre maître du lieu le plus avantageux. Ce- G 0 R O D O X> ïl^ pendant personne n'ose commencer avant qne la glace ne soit rompue , tout le monde arrivé à sa place , et que l'ataman n'ait donné le signal par une décharge de mousqueterie. Le fleuve est partagé en deux parties 5 l'une est destinée aux pêches du printems et de l'au- tomne , et l'autre à celle des crochets. La pre- mière commence d'abord au-dessous de la ville, et s'étend jusqu'à l'avant - poste d' Antonofs- koï 5 l'autre partie du fleuve ß qui y depuis ce lieu , s'étend jusqu'à la mer , est destinée à la pêche aux filets. On compte deux cent dix- huit verstes d'Iaïzkoï-Gorodok à Antonofskoï , en suivant la grande route $ mais il y en a en- viron quatre cents, en côtoyant Vlaïk, qui fait beaucoup de détours. Cette distance est divi- sée en un grand nombre de parties. On pêche d'abord pendant un jour seulement , ahn de donner le tems aux Kosaques pauvres d'acheter le fourrage et toutes les choses dont ils ont besoin , avec le produit de cette première pê- che. Comme le fleuve n'est pas assez profond près de la ville, on ne la commence qu'à neuf verstes plus bas, dans un lieu nommé Péré- vosnoé ou Ourotschitsché, et qui a donné son nom à cette pêche. On commence la grande pêche cinq ou six jours après 5 elle dure com- munément neuf jours, et on l'appelle Ko lo- ve r t n o É. Elle commence à cinquante - cinq verstes de la ville , près d'Oreschnoé ; on fixe H 3 Ïl8 17^9' IaÏzKOÏ- KASÀTSCHÉt chaque jour la distance jusqu'où la pêche doit s'étendre, et on les appelle Roubeshi. Celle du premier jour comprend une distance de trente verstes depuis Oreschnoé jusqu'à Ma- iaia - Issrolof - Malabo - Kolovertnago. Le second roubeshi est à environ cinquante verstes de celui-ci, près de l'avant - poste Kaschakha- rof. Le troisième est auprès «Lu rivage élevé de Medveshéi - Krasnoï-Iar , à vingt verstes du second. Le quatrième est près du ruisseau de Solésiaia , qui se jette dans l'Iaïk , du côté de la lande des Kirguis \ il n'est aussi qu'à vingt verstes du précédent. Le cinquième est à trente verstes de l'avant-poste Merguenef . Le sixième est au-dessous de l'embouchure du Koschiaïk, à cinquante verstes de Merguenef. Le septième est communément à quarante verstes plus loin , près de la petite forteresse Sakharnaia. Le hui- tième est à trente verstes au - dessous , proche l'avant - poste Kalénoï. Le neuvième est près de celui d'Antonof, à cinquante verstes du pré- cédent 5 il côtoie , ainsi que les autres distances r toutes les sinuosités de l'Iaïk. On fait ensuite une troisième pêche, qui est principalement destinée à la provision du ménage. Elle ne dure ordinairement qu'un jour 5 on la proroge plus long -teins, si le poisson abonde. Elle se fait près de Bogdanovo - Ourotschistsché ; on l'ap- pelle Plavnoé. C'est ainsi que se termine la pêche d'hiver. Il faut que tous les Kosaques G o r o b ö k:.' 11^ Se rassemblent avant la pointe clu jour à cha- cune de ces distances , et qu'ils attendent le signal de Tataman avant de commencer ; ils tâchent ensuite de se devancer les uns les au- tres, comme le premier jour. Chaque Kosaque fait, dans l'endroit où il s'est proposé de pêcher , une médiocre ouver- ture ronde dans la glace. Il est permis à cha- que individu de se placer aussi près de son. voisin qu'il le désire 5 mais personne n'ose s'ap- proprier deux ouvertures à la fois. Si un Ko- que abandonne son trou , un autre peut le prendre , en quittant le sien. Le Kosaque se sert de son crochet , court dans les lieux où l'eau est basse ; il en tient communément un à chaque main , et de façon que la pointe du crochet soit toujours dirigée contre le courant de l'eau , parce que le poisson , se voyant tour- menté , cherche communément des places plus profondes. Ils descendent ces crochets jusqu'au fond de l'eau , et ne les relèvent que de l'épais- seur de la main. Aussi-tôt que les gros pois- sons tombent dans ces crochets , ils les font baisser ; le Kosaque , qui le sent , relève promp- tement son crochet, accroche son poisson avec son Podbagrennik, pour le tirer sur la glace, lis se servent de leurs grands crochets dans les endroits les plus profonds , et ils nen peu- vent tirer qu'un , à cause de leur pesanteur. On fait ici l'ouverture de la glace en long, afin h 4 Ï20 1769. IaÏZKOÏ - KASATSCHÉr de pouvoir faire agir le crochet du haut en-^ bas , et le faire remonter vers le haut de l'ou- verture , parce que les poissons se tiennent tranquilles dans ces places ; la pointe du cro- chet doit être dirigée le long du courant. Comme on manœuvre des deux côtés pour chercher le poisson 9 il arrive souvent que deux Rosaques prennent le même poisson, ils le partagent en- tr'eux , suivant l'usage qui le prescrit invaria- blement. Lorsqu'un Kosaque , qui veut retirer Un gros poisson , appelle son voisin à son se- cours , il est obligé de lui en donner la moitié. Cette manière de pêcher est assez singulière , cependant les Kosaques prennent souvent dix gros poissons par jour , et même quelquefois davantage 5 d'autres., au contraire., sont assez malheureux pour ne rien prendre pendant un ou plusieurs jours, et ne gagnent pas même, pendant le mois , de quoi payer les frais de leurs préparatifs , qu'ils font souvent à crédit. Chaque Kosaque fait vœu , avant le départ ^ de donner son premier poisson à l'Eglise , et même plusieurs , si la pêche est heureuse. Ils ont un singulier préjugé 5 ils sont persuadés que si une grenouille vient à tomber dans leurs cro- chets , il faut renoncer à la pêche , attendu qne quand même ils changeroient de crochet et de place, ils ne prendroient pas le plus petit pois- son. Les grenouilles c|e ce fleuve sont mons- trueuses. Il est étonnant que des gens aussi G O R O D O K.4 Ï2Î exercés clans cet art ne sentent pas , au poids , si c'est une grenouille ou un petit poisson \ ils se trompent même quelquefois , au point de les tirer, croyant avoir un gros poisson. La seconde pêche importante est celle des Sévriougas, qui se fait au printems. Les Kosa- ques, qui composent la garnison de Gourief, sont obligés d'observer le moment où ces pois- sons remontent l'embouchure de l'laïk, et on fait les préparatifs de la pêche aussi -tôt qu'on en a reçu la nouvelle. On y observe la même police et les mêmes usages que dans la pêche d'hiver $ chaque Kosaque pêcheur est obligé d'obéir à un nouvel ataman. On commence cette pêche près de l'avant - poste d'Antonof, et on la continue jusqu'à Gourief. Cette étendue est également partagée en neuf Roubeshi ou distances. L'ataman fait attacher une corde en travers du fleuve à chacun de ces roubeshi, afin que personne ne passe les bornes. On pê- che, pendant huit jours entiers, dans chacune des premières divisions ; mais on ne pêche or- dinairement que trois jours dans les dernières, et sur - tout près de Gourief, parce que les sévriougas retournent déjà à la mer. Le der- nier roubeshi est communément près de Sa- ratschik , et il s'étend jusqu'à la pleine mer 5 la pêche se termine ici en un jour. La nuit , on donne le tems aux poissons de remonter dans la partie du fleuve déjà pêchée; les Kosaques Î22, 17^9* IaÏZKOÏ - KASATSCHÉf sont tous , au lever du soleil , près de la dis* tance supérieure , et ils attendent le signal de l'ataman pour pêcher en remontant le fleuve. Le signal donné , chaque Kosaque rame le mieux possible pour devancer les autres , afin d'arriver avant que les filets soient jetés. Cha- que pêcheur est seul dans un petit canot , ap- pelé Boudari y il le gouverne lui-même à la rame ., et dirige ses filets. Ces canots sont faits de troncs de pempliers blancs ou noirs , qui bordent le fleuve. On ne trouve point d'autres arbres assez gros pour cet usage dans toute cette contrée. Ils goudronnent leurs canots avec un. asphalte très-pur ,, qu'on trouve près du rivage élevé de l'Inser : cette petite rivière , de la pro- vince d'Oufa,, se jette, avec le Sim, dans la Biélaia. Ils préfèrent cet asphalte à toute autre matière. Les filets dont ils se servent ont de vingt à trente toises de longueur ; ils ont deux parois : l'un aies mailles beaucoup plus étroites, et près d'une aune de France de longueur de plus ; de manière qu'il forme un dos voûté dans l'eau , tandis que l'autre , appelé Rescha, flotte devant lui tout tendu. Le rescha est fait de cordes minces , et il a des mailles d'environ un empan et demi de grandeur. Le pêcheur soutient dans l'eau ce double filet par un bout, au moyen de deux cordes qui régnent sur la superficie de ses parois 5 l'autre bout est sou- tenu par une pièce de bois flottante. On atta- G O R O B O K. Ï23 clie clés pierres à la partie qui est an fond de l'eau, afin qu'elle ne soit point entraînée par le courant. Lorsque le Kosaque a jeté son filet en travers du fleuve , il laisse aller son canot au courant de l'eau , sans ramer , de manière que son filet aille toujours en travers devant lui. Les sévriougas , qui remontent le fleuve , ne trouvent point de résistance dans la partie du filet., qui est à mailles larges ; mais lorsqu'ils rencontrent l'autre paroi , qu'ils veulent ré- trograder , ils s'embarrassent et restent accro- chés., avec leurs nageoires, dans le premier pa- roi. LeKosaque sent , par les cordes qu'il tient, qu'il y a plusieurs poissons dans son filet : il le retire alors pour les prendre, et le rejette , aussi promptement qu'il est possible , pour en avoir d'autres. L'eau est tellement troublée par le grand nombre de filets et de canots qui se suc- cèdent les uns aux autres , que le poisson , qui remonte toujours contre le courant ., ne voit plus les filets, et s'y jette de plus en plus. Les cris du Kosaque , et le bruit qu'ils font en pé- chant , épouvantent les poissons , qui restent en si grande quantité dans la partie inférieure, que si les pécheurs passent un peu la limite, et jettent leurs filets , ils peuvent à peine les tirer de l'eau , tant ils sont pleins. Cette pèche finie , les Kosaques ont d'autres occupations. Ils voyagent vers le Volga et la Samara, relativement à leur commerce, ou î^4 176g. IaYzkoï - Kasatschéi pour acheter des grains. Ils emploient le com- mencement de l'automne à faucher et rentrer les foins. La troisième pêche commence à la fin, de septembre, ou au premier octobre. Elle se fait également, dans la partie inférieure de l'Iaïk^ avec de grands filets à grosses mailles , appelés Iérigui. Il est alors permis aux Kosaques de prendre toutes les espèces d'esturgeons , et au- tres poissons communs. Les plus remarquables de cette pêche, qui n'est pas fort considéra- ble , sont le barbeau , le glanis , et autres pe- tits poissons. La police et les lois sont toujours les mêmes. Les Kosaques pêcheurs se rassem- blent tous les matins pour attendre le signal , et ils tâchent ensuite de se procurer la place la plus avantageuse. La pêche finit tous les soirs au lieu fixé. Après quelques semaines de repos , on commence la quatrième 9 qui se fait,, ainsi que je l'ai déjà dit , dans les rivières du voisi- nage; mais elle n'a rien de remarquable. Oit n'y prend que des poissons communs : le tché- chon est le plus abondant. J'ai oublié de rap- porter qu'un grand nombre de Kosaques , en revenant de la pêche d'automne , s'arrêtent or- dinairement pour pêcher dans les lacs de la Steppe, et dans les rivières voisines. Je n'ai plus à décrire que l'usage et la pré- paration des poissons , la manière de saler leurs œufs , &c. Les marchands les plus éloi- gnés de la R.ussie se rassemblent sur l'Iaïk , e£ G o a o r> o k. ii5 principalement aux pêches du crochet et des sévriongas. Ils achètent , à la vue , les estur- geons et les biélougas , que les Kosaques pren- nent en hiver. Ils les préparent , ainsi que leurs œufs, les embalent et, les transportent gelés. Le prix varie chaque année ; on les vendoit autrefois beaucoup moins. Dix gros esturgeons se vendent communément de trente à quarante- cinq roubles ; les plus grands , quand même ils n'ont point d'œufs , coûtent quelquefois six à sept roubles la pièce. La chair des biélougas est, relativement au poids, de moitié meilleur marché $ mais son énorme grosseur fait que souvent ce poisson revient encore plus cher 9 quand on l'achète par pièce. Les plus gros bié- lougas de l'Iaïk pèsent jusqu'à vingt- cinq pouds, huit cents vingt - cinq livres ^ mais rarement au-delà. Ils donnent environ cinq pouds d'œufs ou de caviar \ il se vend à-peu-près un rouble et demi le poucl , le caviar étant le moins estimé , à cause des glaires épaisses dont ce poisson abonde. Quelques esturgeons ont près d'une brasse de longueur , dont les plus gros , qui sont ordinairement laites , pèsent jusqu'à cinq pouds. Les esturgeons œuvés , qui sont pres- que toujours les plus gros, donnent souvent plus d'un poud de caviar : comme il est réputé de la meilleure qualité , il se vend , de la pre- mière main, deux roubles le poud. On voit, dans l'Iaïk, depuis huit ans, des esturgeons et Ii6 1769. Iaïzkoï- Kasatschéi des sévriougas , qui ne diffèrent des autres m par la taille ni par la forme , dont le caviar est tout blanc, et en moindre quantité ; il est beaucoup plus délicat que l'autre : aussi le ré- serve-t-on pour la cour. Une chose fort éton- nante , c'est qu'on a trouvé , il y a quelques années, beaucoup d'œufs pétriiiés dans un vieux biélouga. Si le rapport est fidèle , ce fait est d'autant plus remarquable , que l'on trouve très-rarement dans les poissons de cette espèce , qui se pèchent dans ce fleuve ., ce qu'on appelle la pierre de biélouga. On nettoie ces œufs quand ils sont encore frais ^ en les remuant avec la main pour les faire passer par un filet tendu à travers un tamis ; ensuite on les sale un peu : ils ne se conser- veroient pas sans cette précaution , attendu que le tems se met souvent au dégel ? dans ce climat méridional , au commencement de l'an- née. En hiver , on ne met qu'une livre de sel Sur un poud d'œufs; mais environ une livre et demie à la pèche d'automne. On a observé que plus on approche de la nier, plus les œufs du poisson sont visqueux et de moindre qualité, tandis qu'ils sont meilleurs lorsqu'ils remontent le plus dans le fleuve. Comme la pêche des sévriougns se fait pen- dant l'été , on fend ces poissons en deux ; on en détache la grosse arête $ on fait des ouver- tures dans la chair qu'on sale bien., et on en G O R O D O t. 1^7 fait sécher une partie à l'air , pour la trans- porter. L'autre partie est portée jusqu'au Volga, sans être ni séchée ni einbalée j on l'y charge sur des bateaux. C'est ainsi qu'on transporte les szazans et autres poissons communs. C'est dommage de ne pas saler ces poissons par ton- nes, ou de n'en pas faire mariner, puisqu'on en tireroit un très-grand avantage, et qu'il s^en ^âte beaucoup ; ils deviennent alors un mets très - mal - sain , et si puant, que la nécessité seule peut forcer à en manger. Les œufs des sévriougas sont presque aussi bons que ceux des esturgeons : aussi en fait- on un mélange près du Volga , où les habitans conservent ces poissons en vie jusqu'à l'hiver. Le seul moyen de conservation.,. usité près de l'Iaïk , est de les saler ; mais ils sont si abon- dans , qu'ils se vendent à très-bas prix. On fait ici le caviar de trois manières : le plus médiocre est celui qui se fait à la presse 5 les Kosaques l'appellent Paiousnaia -Ikra. Ils ne font que nettoyer les œufs des plus gros nerfs ; ils mettent environ deux livres de sel sur un poud d'œnis , et ils les étendent au soleil sur des paillassons pour les faire sécher 5 ils les foulent ensuite dans des tonnes. Ce caviar commun se vend ordinai- rement quatre-vingts kopeks le poud. La seconde espèce de caviar est le grené ; les Kosaques le nomment Sernistaia - Ikra $ il çst meilleur que le premier : nrais comme il Î28 1769* Iaïzkoï - Kasatschéi est fort sale , il ne plaît pas à tout le monde.* Sa préparation consiste à bien nettoyer les œufs dans de longues auges ; on met huit à dix livres de sel sur un poud d'oeufs ; après T avoir bien remué avec une pèle , on l'étend sur des tamis ou des filets tendus , dont les mailles sont fort étroites , afin que l'eau s'écoule et qu'il s'épais- sisse 5 on le presse ensuite dans des tonneaux. Il se vend environ un rouble le poud. Le peu- ple en fait une très-grande consommation les jours maigres, et pendant le carême. La troisième espèce est la meilleure. On pré- pare ce caviar plus proprement ; les Kosaques l'appellent Mescheschnaia-Ikra : ce nom est dû à sa préparation. Les œufs ne sont point écrasés comme dans les deux autres espèces : il se conserve aussi beaucoup mieux , et prend rarement un goût de pourriture. On fait d'abord une forte saumure ; on prend ensuite des sacs étroits , faits d'une forte toile , qu'on remplit à moitié d'œufs fraîchement tirés des poissons , et on verse dessus autant de saumure qu'ils peuvent en contenir ; on suspend ces sacs sur des perches , et aussitôt que la saumure est écoulée \ on les presse fortement avec les mains. Après que les œufs ont séché dans les sacs pendant douze heures , on les foule dans des tonneaux. Ce caviar est plus cher que les autres j il se vend au moins un rouble trente-trois ko- peks le poud. Les G O B. O D O K.*- ■' I29 Les nerfs du dos du sévriouga forment tin mets particulier \ ils se nomment Vésiga. On les arrache aussi-tôt qu'ils sont péchés^ et on les fait sécher à l'air pour les conserver. Lors- qu'ils sont secs, on les lie par paquets Ae vingt- cinq pièces y et on les vend de trois à quatre roubles le millier. On mange jusqu'à l'estomac des esturgeons , qui se nomment ici Tamak , nom Tatar. La vessie de toutes les espèces d'esturgeon, est encore un objet très - utile et très-lucratif. Les marchands qui achètent les poissons en entier, les revendent ordinairement aux Kosa- ques j> qui en préparent la colle de poisson. On ne la fait que d'une seule manière. On prend la vessie toute fraîche 5 on la lave , on la re- tourne , de manière que la peau intérieure \ qui est glutineuse et d'un, blanc argenté , soit en dehors , et on la pend à l'air pour la faire sécher. Cette peau interne ainsi séchée se laisse détacher aisément de la peau externe : après cela , on la prend pour la mettre dans un lieu humide. On roule ensuite ces peaux les unes après les autres , et on les modèle en forme de serpent ou de cœur par le moyen de trois chevilles de bois fichées dans une planche. Lors- qu'elles sont un peu sèches , on les pend à l'ombre pour leur faire perdre toute leur hu- midité. Cette icthyocole n'a point de prix fixé j celle des sévriougas , qui passe pour la ineil- Tome II. I ï3q 1769- Iaïzkoï - Kasatschéî leure, se paye rarement quatre roubles le pond' La colle des biélougas , qui est la plus grossière et la moins bonne , coûte de quinze à dix-huit roubles ; les Allemands l'appellent H au se n- blase. On fait aussi de la colle avec la vessie du glanis (1) ; mais comme sa qualité est très- médiocre y on ne la vend guère plus que cinq roubles le poud. Le sel est un objet si important pour les pê- cheries de riaïk , que je me crois obligé d'en faire mention. Les Kosaques jouissent du puis précieus: avantage , en se fournissant de sel eux - mêmes. Outre la consommation du mé- nage, ils en emploient annuellement des milliers de pouds pour les salaisons du poisson et du caviar exportés en Russie. Ce présent de la na- ture est si abondant dans les landes voisines du fleuve , que les habitans de ces contrée« n'en , manqueront jamais. Ils vont le chercher dans quatre lacs où ils le trouvent tout formé. Les deux plus considérables sont ceux deGriœ- znoié et Inderskoié. Ils sont situés près du pays habité par les Kirguis : les deux autres sont dans les landes des Kalmouks , au - delà du fleuve Ousen : ce qui leur a fait donner le nom d'Ou- senskie-Soli. Je donnerai la description de ces deux lacs, ainsi que de celui d'Inderskoié. Je commencerai par celle du lac de Griœznoié, #■— — < _______ ..,,.■■ ■ 1 1 . 1. m ■■..... -»1 1 ■ (1) Silurus glanis. G O R O B O Kï l3l 3*après des relations dignes de foi : la crainte d'être attaqué par les Kirgnis , et d'autres rai* sons , m'ont empêché de m'y transporter. D'ail- leurs , cet objet n'est pas des plus intéressons. Le Griœznoié-Oséro, ou lac de boue , est situé dans la lande des Kirguis , à environ deux cent cinquante verstes d'Iaïzkoï-Gorodok 9 au sud - est et à l'est de l'iaïk ; sa distance de ce fleuve est de plus de cent verstes en ligne directe. C'étoit anciennement l'endroit le plus voisin d'où l'on pût tirer du sel : on alloit y chercher aussi celui dont on avoit be- soin pour l'usage journalier. On ne s'y trans- portait qu'en été , par troupes de deux ou trois cents hommes bien armés. Une s'y formoit pas de croûtes de sel chaque année , ni dans toutes Je s saisons , mais seulement dans les étés secs et très-chauds. On dit que le sel y est devenu beaucoup plus rare depuis quelques années : de sorte que les Kosaques n'y vont plus 5 l'in- certitude d'en trouver, jointe au travail que l'extraction exige, les y ont fait renoncer. Ils prennent aujourd'hui la plus grande partie de leur sel dans le lac d'Inderskoié ; ils vont le chercher avant la pêche du printems. On en trouve toujours des provisions près de tous les avant - postes de la contrée inférieure de l'Iaïk 5 elles sont entreposées dans des fossés , ou dans des tonneaux couverts de paillassons et de terre glaise. la a3^ iyS(). Iaïzkoï - Kasàtschéï Les Kosaques évaluent la circonférence dit lac Grseiznoié environ vingt verstes. Il est situé dans une lande unie et découverte de tous les côtés 5 son sol , ainsi que celui de tout ce pays , est composé d'un sable jaune , mêlé de terre glaise. Aucune source ou ruisseau ne se jette dans ce lac., dont les eaux n'ont aucun écou- lement. Il paroît avoir peu de profondeur par- tout. Son fond est une bourbe liquide et bleuâ- tre y qui se mêle aisément avec l'eau aussi - tôt qu'elle est agitée par le vent. Les plus fortes croûtes de sel avoient environ un doigt d'épais- seur en juillet et août. Les Kosaques entroient à pied dans ce lac , et y ramassoient ces croûtes avec les mains ; c'étoit un travail fort pénible. Ils avoient devant eux des au^es flottantes sur l'eau , ou de petits canots dans lesquels ils mettoient ces croûtes. Lorsqu'ils étoient rem- plis , ils les faisoient tirer sur le rivage par leurs chevaux ? au moyen d'une longue corde ; ils ne les laissoient pas approcher trop près , à cause de la profondeur de la bourbe. Ce sel formoit autrefois une des branches du commerce des Kosaques. Ils en charioient à travers la lande jusqu'à Samara 5 ils l'y vendoient dix ko- peks le poud aux magasins à sel de la couronner Ce commerce leur a été interdit. Il existe un autre lac au nord de celui - ci ) mais son eau est très - peu salée. Les Kosaques l'appellent Morzo, nom très -commun , qui & o r o i> o tc:.: i3S Signifie petit lac. Il est à environ quatre-vingts verstes à l'est de l'avant - poste de Tschagans- koï , età-peu-près sur la même hauteur. liest plus petit que celui de Grseiznoié, et ne pro- duira jamais beaucoup de sel. s. x. . , Suite des observations sur les Ko saques de riàïk. On ne rencontre aucune trace d'agriculture o parmi les Kosaques de l'Iaik. La pêche ne leur en laisse pas le tems ; ils allèguent encore, pour excuse , la nature salée et stérile de leur sol , et ils ont, en grande partie, raison. Cepen- dant on pourroit trouver assez de terrains vers la partie inférieure de l'Iaïk , propres à la cul- ture du maïs (1) et du millet de Boukharie (2) ; les antres grains n'y réussiroient certainement pas, à cause des chaleurs et des grandes séche- resses qu'on essuie dans ces contrées. Le riz réussiroit peut - être très - bien dans plusieurs lieux bas situés au - delà de Kouiajniina. Le millet de Boukharie y viendroit à merveille , puisqu'il croît si bien en Asie , où. le terrain et le climat sont semblables à ceux-ci. Il est (1) Frumentum Judaicum, vel tritïcum turci&wm. Ze<£ mays. Linn. .1 . (z) Holcus saccharatus* 1 3 to4 *7^9' Iaïzkoï - KASATsenéf vrai que les Boukhars y donnent d'autant plus de soin , qu'ils n'ont pas d'autres blés pour faire du pain 5 ils l'appellent Dshougari. Ses tiges , élevées et épaisses , leur servent à faire du fen , parce qu'ils habitent un pays dé- pourvu de bois ; les Boukhars célèbrent aussi le tems des semailles par une fête générale , pour marque de leur reconnoissance. Cette plante réussit fort bien à Astrakhan 5 j'en ai vu aussi de fort beau dans un jardin de Samara , et il n'existe aucune production qui convienne mieux aux contrées voisines de l'Iaïk. J'ai déjà dit qu'on pourroit cultiver avantageusement plu- sieurs plantes propres à la teinture , ainsi que du tabac , sur les bords de ce fleuve 5 la cul- ture de ce dernier éprouveroit peut-être ici de grands inconvéniens , parce que ces Kosaques ont cette plante en horreur , par préjugé de religion. On ne cultive à laïzkoï-Gorodok que les lé- gumes les plus nécessaires, et beaucoup d'ar- bouses et de melons. La plus grande partie de cette culture se fait par les Kisilbasches. Il y a , dans les environs , plus de cinquante jardins d'arbouses , nommés Bakhtschi : de sorte que ces fruits sont à fort bon marché. Ils réussis- sent très-bien, et sont d'un très-bon goût 5 les melons ont beaucoup de parfums 5 mais les arbouses n'y viennent pas aussi grosses qu'à Astrakhan. Ces jardins sont seulement enclos G O B. Ö D Ö K. ï35 d'une petite liaie , pour empêcher les bestiaux d'y entrer. Ils sont distribués par longues cou- ches , entre lesquelles sont clés conduits d'ar- gile un peu élevés , pour arroser les plantes , à la manière orientale. Aussi ces jardins sont-ils toujours situés près d'un ruisseau ou d'une citerne , dans laquelle on construit une machine à puiser l'eau, appelée parles Kosaques Tschi- guir. Cette machine est composée d'une roue qu'on fait tourner par un cheval aveugle ; elle entre dans une autre roue dentelée à cylindre , à laquelle la roue d'eau est adaptée : celle-ci est garnie de seaux ( i ). Les melons sont sur des couches à part , parce qu'ils mûrissent plutôt que les arbouses. On garde continuellement ces jardins , dès que les fruits commencent à mûrir, afin de chasser les corneilles et les pies > qui ne sont nulle part aussi voraces et aussi effrontées que dans les landes de Flaïk. ïi y a aussi un grand nombre de mulots d'une espèce particulière (2) , qui vont attaquer , pendant la nuit, les fruits les meilleurs et les plus mûrs. Iaïzkoï-Gorodok est élevé, fort aéré , et par conséquent fort sain. On n'y connoît de mala- dies que celles occasionnées par la manière de (1) Cette machine ressemble beaucoup au nahhou des Egyptiens modernes, décrit par le docteur Shaw sous le nom de puits à la persane, et qui aie même usage. Voyage ât Shaw , tome il , pag. 15;. {Note du Rédact. ) (i) Mus jacidus. 1 4 i36 176*9. ïxizKoi - Kasai'schéï vivre des habitans , et les maladies vénériennes qui y sont très - communes. Le peuple paroît fort et robuste , et l'on y voit même peu de femmes de taiîle médiocre. Une espèce de lèpre s'y manifeste depuis peu. -Cette maladie peut avoir les suites les plus dangereuses , si on n'y remédie proniptement ; c'est précisément celle qui est connue à Astrakhan sous le nom de Krimskaia - Boleska ( maladie de Krimée ) , parce qu'on prétend qu'elle a été apportée de ce pays par les troupes qui y ont fait la guerre. Les Kosaques de l'Iaïk disent l'avoir héritée d'un détachement d'Astrakhan ? qui a servi dans îa guerre contre les Persans. Ils la nomment Ts CHEPiNAi a-N bmotsc h (épidémie noire ) , parce qu'un de ses premiers symptômes est d'avoir le visage violet. J'ai vu plusieurs per- sonnes qui en étoient fortement attaquées. Cette maladie n'acquiert toute sa force qu'au bout de quatre ou cinq ans 5 on prétend qu'elle ne devient mortelle qu'à la septième année révo- lue. Un grand nombre de Kosaques commer- cent avec des gens attaqués de cette maladie sans la gagner y ou du moins elle ne se .com- munique pas dans les premières années. J'ai cependant vu, à Iaïzkoï- G orodok , une famille où le frère aîné commença par en être atta- qué ; trois ans après 9 le cadet en fut atteint , et leur mère la sasna l'année suivante , tandis que les femmes de ces deux frères , qui vivoient G o r o d o k. i$f en communauté avec ces malades , en ëtoiént encore exemptes. Cette maladie attaque ordi- nairement les oens robustes ? et ceux qui sont à la fleur de l'âge. Les malades ne ressentent aucune infirmité ni douleur sensible pendant les premières années. Ils ont le visage violet. 11 se forme , à la partie extérieure de la join- ture du poignet, plusieurs grosses dartres d'un rouge violet , qui. ne sont point douloureuses , ou des bubons piats , ainsi que sur les côtés , au menton , ou dans les autres parties du vi- sage. Ces dartres ou bubons dégénèrent ensuite en une espèce de gale ( impétigo ). Quelques- uns sont exempts de ces maux au visage nen- dant les premières années 5 les dartres n'atta- quent d'abord que les jointures : elles s'y mul- tiplient et grossissent très - lentement. On a quelquefois un peu de fièvre au commence- ment de la maladie. Tous ceux qui en sont attaqués ressentent communément des douleurs dans les membres et dans les jointures au bout de deux ans. Le malade perd alors l'appétit* les forces , l'embonpoint , et ressent une fai- blesse interne. La lèpre sort plus abondani- rnent , les éruptions se font plus vîtfe ; elles s'étendent sur tout le corps , sur les membres et sur le visage morne , non pas en simples dartres épaisses et d'un rouge fonça , mais en bubons plats et écailleux , qui forment peuvàt- peu des ulcères et des croûtes difformes d'une 3.33 1769- Iaïzkoi - Kasatschéî très-longue durée. Lorsque ces croûtes se des- sèchent , le malade ressent des démangeaisons : ce qui est une preuve que la peau est assez bien guérie d'elle - même ; mais s'il arrache Une de ces croûtes, il se forme des ulcères malins , qui rongent souvent jusqu'aux os ; si le mal s'étend sur les doigts , ils pourrissent et tombent par morceaux. Ce sont d'abord les jambes qui sont les plus attaquées de ces érup- tions lépreuses ; mais peu- à-peu le corps s'en trouve couvert , excepté la paume des mains , l'intérieur des doigts , les jointures- du bras , les aisselles, les fesses , et le jarret. Ces parties conservent leur peau naturelle et propre dans le plus fort de la maladie même. La partie de la tête j qui est couverte de cheveux , est assez exempte de ces éruptions. Lorsque le mal est dans la cinquième et sixième année , les ma- lades ont des ulcères jusques dans les narines f clans la bouche , le «osier, et la trachée-artère. C'est alors que la maladie devient sans doute mortelle , puisque ces ulcères s'étendent de plus en plus vers les parties internes et nobles. Cependant cette horrible maladie n'attaque pas autant le corps qu'on se l'imagine , à l'excep- tion des derniers teins : les douleurs sont sup- portables y et les fonctions naturelles se font assez bien pendant tout le cours du mal. On n'a pas remarqué que les malades aient beau- coup de penchant à la volupté ; ce qui arrive G o r o » o k, i3e) dans les autres maladies exanthématêuses > ils perdent au contraire peu- à- peu tous les dé- sirs. On ne s'est pas non plus apperçu que les cheveux ou les poils tombassent , excepté les sourcils , où l'on ressent une démangeaison continuelle , comme aux parties ulcérées ; on dit qu'on guérit cette maladie ß en Krimée., avec la décoction d'une anabasis(i), qui croît dans ce pays , ainsi que sur les bords de Tlaïk , où l'on a tenté de l'employer de même , mais sans aucun succès 5 je doute même que le mercure puisse agir sur cette maladie. A Orembourg, on a excité la salivation chez un Kosaque qui éioit à mi- terme de la maladie : ce qui lui a fait rendre beaucoup de sang , et le mal pa- roissoit diminuer ; mais livré à lui-même , au lieu d'observer un régime , il reprit sa vie or- dinaire , et la lèpre revint avec une double violence. Il seroit peut-être plus à propos de donner extérieurement des frictions mercu- rielles , et de faire prendre intérieurement de l'antimoine ; mais il faudroit que ces remèdes fussent administrés par des médecins qui de- meureroient plusieurs années de suite, oucon- tm Bellement , dans les lieuse où cette maladie existe, afin de s'assurer de l'efficacité de ces remèdes. Avant de terminer entièrement la descrip- <■ '■ ' ■ 1 jH ■ . .... 1 ». ■ ■ ■ 1 mi« (1) Anabasis aphylla. 3 4° 17^9m IaïzkoÏ-Kasatsciiei tioii de l'Iaïzkoï-Gorodok j, je crois devoir par- ler des animaux et insectes qui habitent cette contrée : ce sont les teignes ou tarakanes , les grillons de maison , et les surmulots ( 1 ). Je n'ai vu nulle part une aussi grande abondance de grillons : ce qu'il faut attribuer , en partie , à la grande chaleur et à la sécheresse du sol , et en partie à la coutume qu'ont les habitans de remplir , au défaut de mousse , les joints de leur charpente avec du foin bien fin, dont cet insecte aime beaucoup le séjour. Quant aux surmulots , tous les Kosaques conviennent généralement que cet animal 9 qui est très- commun dans toutes les contrées de la Russie et de la Sibérie , n'étoit pas encore connu près de l'Iaïk , il y a trois ans. Pendant l'été de 1766, qui lut très - sec ? ces animaux arrivè- rent un soir , par troupes , des landes de la Samara ; les habitans rapportent, qu'ils entrè- rent en partie dans la ville , en grimpant par- dessus les remparts , et que les autres passè- rent par la porte des serruriers. Depuis cette époque , ces animaux sont devenus , pour la ville , un véritable fléau , tant en été qu'en hiver ? ne trouvant pas de quoi se nourrir dans, les landes. Une chose fort remarquable , c'est que ces animaux destructeurs ne se tiennent (t) Voyez Y Histoire naturelle, de Buffon , tome XVII , planche 2.7. Mus decumanus, Lina. G O R O D o k. ï4t que dans la partie orientale de la grande rue qui traverse la ville dans toute sa longueur. S- XL Route de Samara à laïzkoï '- Kasatschéi- Gorodok , par la lande. J'ai déjà dit qu'en partant de Samara, j'a- vois envoyé en avant à Iaïzkoï-Gorodok , par la lande , plusieurs personnes de rna suite. Je donne ici la relation de ce qu'elles ont trouvé de plus remarquable , parce que Ton peut tirer un grand parti de ce beau district, en le peuplant et le cultivant j d'ailleurs les karavanes des marchands qui vont à Iaïzkoï-Gorodok, pren- nent cette route. On traverse la Samara près de la ville de ce nom 'y on passe ensuite un petit bras d'eau , nommé Sotnoï-Ierik (1)^ qui se jette dans la rivière. On voit dans ce ruisseau beaucoup d'é- ponges de rivière, d'espèce commune $ on en trouve également dans un grand nombre d'en- droits de la Samara et du Volga. Ses bords , ainsi que les gorges de la Samara., sont couverts de saules et de peupliers. Plus on avance, plus la lande s'élève ; elle est garnie d'amandiers sauva- (1) On donne, près tic Fïaïk, le nom cTiérïk à un ruis- seau ou bras de rivière qui n'a point de courant, mais qui communique à la mer ou à un fleuve. $42 17^9' Iaïzkoï-Kasatschei ges d'une aune de hauteur. On arrive plus loin dans une contrée garnie de coliines , où des broussailles sont éparpillées \ on y voit plu- sieurs petits lacs. Il y en a un, situé près du chemin, dont l'eau est excellente \ cet endroit seroit admirable pour y établir une maison de halte. Le premier Oumet ( maison de péage ) , qu'on rencontre , est appelé Doubovoï. On lui a donné ce nom , parce qu'il y a des arbres éparpillés dans la lande \ cette maison est à trente verstes de Samara. Le sol de cette con- trée est une terre glaise , couverte de terre noire d'un archine d'épaisseur. On ne trouve point d'eau près de cette maison ; quatre puits , situés dans le fond où elle est bâtie , en four- nissent de très-mauvaise. Elle est habitée par Un seul" homme \ il est chargé d'empêcher la contrebande de sel et d'eau -de- "vie , qu'on pourroit faire passer de Iaïzkoï-Gorodok , où ces denrées sont à très-bas prix. On compte vingt- cinq verstes de ce lieu au second oumet 5 il est situé près de la rivière de Motscha , qui se jette dans le Volga. On l'appelle Podiemnoï. Le pays qui les sépare est ' une lande , dont une partie est fort unie , et l'autre remplie de collines; le sol y est très fertile en plantes ., et il est presque par-tout couvert d'une couche de terre noire , de plus d'un archine. Les plantes sont les mêmes que celles des environs de Samara. Il faut faire trente- G O R G D O K. l4S tûnq verstes pour arriver au troisième oumet * nommé Srediséi-Primotsché ; la route suit le cours de la Motscha , dans une contrée cou- verte de collines. On arrive au quatrième ou- JL met, à vingt verstes plus loin 5 on le nomme Pérélas ou Verkhnei. Le sol devient alors un peu sablonneux. Le dernier oumet est situé dans une plaine près de la rivière , d'où l'on, apperçoit , à quelques yerstes nord-ouest , une grande colline, appelée Kourgan , couverte. à ce qu'on dit, de tombes des Tatars Nogaïs. Les paysans qui habitent cet oumet y ont trouvé plusieurs bagatelles en or et en argent. On traverse ici la Motscha , et on arrive en- suite à des collines arides qui commencent la chaîne des montagnes de la lande; on y trouve beaucoup de marmottes. On voit un oumet au milieu de ces collines, appelé Karalyzkoïj il est situé près de la petite rivière de Karalyk , qui se jette dans l'Irguis. A vingt-cinq verstes plus loin , on arrive au sixième oumet , qui porte le nom d'Ixguis , près duquel il est bâti. Plusieurs endroits du rivage de cette ri- vière , sont chargés de sel commun , dans son voisinage. Le sol est également composé d'une terre noire à environ trois ar chines de prôfbïH deur., et la contrée est entièrement dépourvue de bois. On vient ensuite à la partie la plus élevée des montagnes ; la montée en est assez unie. On y trouve une contrée dont les fonds 144 I769. IaÏzKOÏ- KASATSCuéï sont très-fertiles en pâtura ges 5 elle est appelée Irguiskyé-Rossischy. On voit dans son voisina- ge,, l'oumet de Soliœnoï , situé à vingt verstes de l'Irguis , près du ruisseau de Soiieenaia ou So- liamka , dont l'eau est douce 5 il tombe dans le Tschas;an, au-delà de ces montagnes, du côté du midi. On laisse ce ruisseau sur la gauche 9 et l'on passe celui de Gricosznouka , qui se jette dans la même rivière. On arrive à un nouvel oumet, appelé Tci-iag a nskoïj les Kosaques de l'Iaïk ont établi plusieurs métairies près du fleuve de ce nom. On retrouve ici cette terre noire et fertile, d'un archine de profondeur. Elle diminue en avançant sur les montagnes , et on n'en voit aucune trace sur leurs sommets. On rencontre r à environ trente verstes d'ici , un solontscliak ou lieu salé 5 et à vingt verstes on arrivé près du dernier oumet, nommé Kras- koï; il est situé près du Tscliagan. Sa distance de riaïzlcoï-Gorodok, es'c de cinquante verstes. Le sol est composé d'une terre noire jusqu'au- près de la ville ; on pourroit le convertir en d'exçellens champs ß si les habitans en avoient le tems , ou plutôt l'en vie. Pendant mon séjour à laïzkoï-Gorodok , je me suis souvent amusé à visiter les Kalmouks qui habitent les landes voisines ; ils n'y ont point établi de demeure fixe, quoiqu'une par- tie d'entre eux aient été admis parmi les Kosa- ques de llaïk. Ils n'ont pu me donner aucune instruction G O R O B O K.' î45 instruction sur ce qui les concerne , parce que la grande liorde de l'Iaïk avoit traversé le Vol^a, pour aller à la guerre du Kouban. Je vais rapporter ici leur manière de vivre , leurs nsages et leur religion. [Nota. M. Pal/as convient, dans ses Recueils historiques sur les peuplades Mongoles , que les détails qu'il a donnés sur ces peuples, clans la relation de ses voyages, sont très -imparfaits. J'ai jupré à propos de puiser dans ce dernier ouvrage 5 et les articles que j'en ai tirés, sont rapportés entre deux crochets. ] .. - ,i S- XII. Observations sur les Kalmouks. [ La plupart des historiens qui n'ont pas corn* pris tous les Nomades asiatiques sous la déno- mination générale de Tatars, classent avec rai- son, parmi les peuples de race mongole, les Kalmouks et les Bouriates , qui ont une grande affinité avec ces mêmes Mongols , par leur lan- gue , leurs mœurs et leur figure. Quoique cette race asiatique soit très - ancienne , qu'elle ait été dès le commencement du treizième siècle , une des plus puissantes monarchies qui aient jamais existé, qu'elle ait étendu ses conquêtes de l'extrémité des déserts de l'Asie, jusques dans l'Europe et l'Afrique $ qu'elle ait donné des souverains à presque tous les peuples Ta«? Tome II. K 1 46 J7^9' .IaÏ2koï - Kasatschéï tars , ainsi qu'à la Perse et à la Chine ; qu'elle ait soumis/;à son obéissance une partie de l'Eu- rope, elle n'a cependant rien de commun avec les Tatars, que sa vie pastorale et un peu de ressemblance dans le langage. Les Mongols cJ CD O difièrent autant des Tatars et de tous les peu- ples occidentaux, que les Nègres des Maures, tant par, le ur s coutumes, leur constitution po- litique ,* que par les traits du visage. Les Mon- gols et les Kalmouks*, malgré leurs guerres et leurs migrations , ont conservé des traits si ca- ractéristiques , qu'ils en ont communiqué l'em- preinte à beaucoup d*autres peuples qu'ils ont asservis, et sur - toirt aux Kir guis Icasaks , aux Solones orientaux, aux Toun^ouses qui liabi- tent laDaourie,.et aux Chinois septentrionaux. Il n'existe d'ailleurs parmi eux aucune tradition de leur identité avec "les Tatars; le nom de Tatar est même une injure parmi eux : ils le font dériver du verbe Tatajvoï , attirer à soi , £ attrouper \ il équivaut donc à celui de brigand.] [Les raisons les plus plausibles prouvent que, les contrées qui environnent les monts Altaï, et sur-tout celles qui occupent le midi de* cette grande chaîne , ont été , depuis un tems immé- morial, le, domaine et le berceau des peuples Mongols (1). Les lacs , les :fleuves et les mon- <*■ — ■■■ ■' ■ — ...... . h i .. (t) Aboulga-^y-Bayâdûur-Khan rapporte dans son His^ taire généalogique des Tatars , au Alans a- Khan eut deux G o ïi o D o k. î^7 ta "lies conservent encore aujourd'hui les noms que ces peuples leur ont donnés anciennement. Cette contrée n'offre d'ailleurs, aucune trace remarquable de population en corps de cité,, tandis que les plus anciennes preuves existan- tes de leur domicile i désignent presque toutes ces mêmes contrées. Il paroît que cette na- tion , dès son origine , s'est partagée en deux branches principales ; que les intérêts de leurs princes, joints à la haine nationale, produite par de fréquentes querelles , les entretinrent toujours dans une division perpétuelle. Le grand, le célèbre Tscki/igiiyz-K/ian les réunit toutes deux 5 cette réunion fnt la base de la puissance à laquelle les Mongols parvinrent depuis. Le siècle qui suivit ses conquêtes vit dissoudre l'empire qu'il avoit fondé ; leurs an- ciennes divisions se réveillèrent , et produisi- rent une nouvelle scission ; les guerres conti- nues ne se terminèrent que par leur ruine mu- fils jumeaux, Tatar et Moung'l ou Mogoul; que chacun d'eux a donné son nom à une grande tribu; que la nation des Tatars a pris son nom de Tatar-Khan ; et celle des Mongols , de Mogoul ; que Moung'l signifie un homme triste, et que l'humeur sombre du second fils & Alans a-Khan lui fit donner ce surnom. Alans a-Khan étoit fils de Kaiouk-Khan ; le père de celui-ci étoit Dibbakoui-Kkan , fils &Iels a-Khan ; Ielsa- Khan y fils de Taounak ,' Taounah , fils de Tourk , sur- nommé laphisoglani (fils de Japhet); Tourk étoit le fils aîné de Japhis (Japhec). *48 1769, IaïzkoÏ-Kasatschéi tuelle. Les Mongols , proprement dits, furent obligés de se soumettre les premiers à ces mê- mes Chinois , qu'ils av oient assujettis à Tsclrin- guyz. Ils composent la première branche de ces peuples , et les L>oerboen-Oïroet , l'autre. ] [ Le nom de Doerboen-OÏroet , ou Oéroet^ signifie les quatre alliés ; plusieurs savans l'ont regardé , à tort , comme la dénomination pro- pre aux Kalmouks; ces peuples entendent, par le nom de Doerboen-Oïroet , autant de sou- ches principales de nations ou tribus qu'ils distinguent par les noms cI'Oelvet, Koït, Touemmoet ou Toummouts , et Barga - Bou- riat. Les Oelvet sont ceux connus sous le ïiom de Kalmouks , dans l'Europe et l'Asie occidentale. Suivant leurs plus anciennes tradi- tions, la plus grande partie des Oelvet a fait, à une époque bien antérieure à celle de Tschïn- guyz-Khan > une expédition vers l'ouest , et s'est perdue dans les environs du Caucase. Ceux qui restèrent dans leur patrie, furent appelés Kaiimaks , par les Tatars leurs voi- sins \ Kalimaks signifie désuni, ou gens restés en arrière. Ils ne rejettent point ce noiri , et ils s'appellent assez volontiers Kalmik, quoi- que Oelvet soit toujours leur dénomination propre , et celle sous laquelle ils se sont rendus redoutables aux Chinois et aux Mongols. Les Koïtes ont été presqu'entièrement détruits par les guerres et les expéditions éloignées ; il en G O R O D Ö K. ï49 subsiste encore quelques restes confondus avec les Kalmouks soongars , ou dispersés dans la Mongolie, le Tibet, et dans les villes Boukha- res. Quant à la tribu des Touemmoets ou Toummouts, les Kalmouks ignorent son exis- tence actuelle ; niais des relations très-fidèles nous ont appris qu'il existe une nombreuse tribu Mongole, appelée To um moût, dans le vaste district situé entre le fleuve Naoun et la grande muraille de la Chine. Plusieurs historiens et cartes chinoises en font men- tion (1). Les Barga-Bouriats , appelés Bïaatski par les Russes , cherchèrent un asile dans les montagnes voisines du lac Baikal , sous le règne de Tschinguyz-KhaTL ; ils n'ont jamais aban- donné leurs retraites , et sont passés sous la domination Russe , depuis la conquête de la Sibérie , et les traités de délimitation conclus avec les Chinois. ] [Les Mongols, proprement dits (2), sont, en plus grande partie , soumis à ces mêmes Chinois , ou plutôt aux princes Manjours ou 1 (1) Voy. I5 Histoire générale des Htms , par de Guignes, tome III, pag. 13? , 139 ; et V Histoire générale des Voya- ges par mer et par terre , en Allemand , tome VII , pages (z) On comprend , sous le nom de Mongols proprement dits, tout ce qui est resté de la puissance mongole, après la révolution qui lui fit perdre l'empire de la Chine , en 1368. K 3 l5o ïy6g. IaÏzkoï - Kasatschéi JSÏandjours (i) , qui gouvernent actuellement cet empire. Depuis la destruction de la puis- sance Soongarienne, et le rétablissement de la paix dans la Mongolie , ces Mongols se sont étendus des frontières de la Daourie Chinoise et des fleuves Naomi et Scharamourin jusque» vers les déserts de Soon.^ar et Tan août ; de sorte qu'il est aujourd'hui très-difficile d'établir une différence marquée entre les Mongols jau- nes, Scharra-Mongol \ qui vivent, depuis très- long -tems , sous la dépendance Chinoise , ?t les Mongols-K alkas , soumis, à la même épo- que ? à des khans indépendans, issus de la fa- mille des Tschinguyz. Suivant le dernier traité de délimitation conclu entre les Russes et les Chinois , une partie de ces Mongols a passé y avec les Bouriates septentrionaux, sous la do- mination de la Russie , ils sont venus habiter la partie orientale de la Sibérie et du gou- vernement d'Irkoutsk , le sud du district de Sélinguinsk , les environs du Sélinga, le sud du Schilok , et les bords des rivières Temnik , Dhida , et Tschikoï. ] [ Les Oeevet ou Kalmouks prétendent avoir (i) M. Pallas commet ici ia même erreur que presque tous ses compatriotes qui écrivent Mandjour , au lieu de Mantehoa. On les appeloit aussi autrefois Kiji ou Nleutché Mongols , c'est-à-dire , Mongols orientaux , pour les distin- guer des Eleuth Mongols , ou Mongols occidentaux. Voyez V Alphabet Tartarc Mantchou, p. xiv. ( Note du Réltacù ) G Ö R OB Ö K. \ * i5i occupé autrefois le pays situé entre le Koko- Noor^ ou lac bleu -, et le Tibet ; ils sont di- visés, clu moins depuis la dissolution de la monarchie Mongole > en quatre brandies prin- cipales , qui forment un peuple nombreux $ ces tribus sont les Koschots, les Derb et s , les Sooxg ars ou Soehgars , et les Torgots. Cha- cune d'elles a toujours été soumise à un prince particulier depuis leur séparation d'avec les Mongols. [ La plus grande partie des Kalmouks Ko- schots se sont maintenus dans le Tibet et les provinces voisines., ainsi que sur les bords du Koko-Noor, et sont restés réunis sous la pro- tection. Chinoise. Leurs chefs prétendent être les descendant de Tschinguyz, et la dynastie de ces princes porte le surnom de Kalgas. Ce sont vraisemblablement là les Mongols que les Chinois désignent sous le nom de Calkas. Deux corps Koschots se sont transportés ancien- nement vers les bords de ITrtisch , sous leurs princes Zézen et Abeaï ; mais Zézen ayant été battu par Bouschtou , khan des Soongars , et le second corps ayant été vaincu dans une guerre contre les Torgots du Volua , ils furent con- fondus dans la horde Soongare. Ils prirent part aux guerres des Kalmouks contre les Chinois, et ils furent, dans la suite, dispersés avec les Soongars. La horde Koschote , qui relève en- core aujourd'hui de la Chine , se monte à ein- M i5z 17^9' Iaïzkdï - Kasatschéi quante mille têtes. Comme leur dynastie ré- gnante descend en ligne droite du frère de Tschinguyz, elle prend le pas sur toutes les autres hordes Kalmoukes. ] [ Les Soongars ( et non Dsoun gares , Dson- gares, ou Sjoungores ( i )_, comme plusieurs historiens les ont appelés mal -à «propos ) , ne formoient qu'une seule branche ayec les Der- bets à l'époque du démembrement de la puis- sance Mongole \ mais elle se divisa sous deux frères désunis par la haine. On appela Soon- gars ceux qui habitaient à la gauche on. à l'ouest du Tibet, vers les monts Altaï et l'Irtisch. Sook signifie gauche \ ce mot exprime aussi le nord ; Gar veut dire la main. Les Derbets restèrent , au commencement de leur séparation , dans la contrée située au-delà du Koko-Noor. Les princes de ces mêmes Soongars se sont soumis dans le siècle dernier , et au commencement de ce- lui-ci les autres tribus Kalmoukes , et sur-tout les Koschots, les Derbets, et les Koïts. Ils ont soutenu des guerres sanglantes contre les Mon- gols et l'empire de la Chine : mais elles ont fini par leur asservissement total et leur en-, tière dispersion. Avant cette malheureuse épo- que , on pou voit évaluer leur nombre à cin- quante raille combattans , en y comprenant les Derbets. Ils passaient pour la horde la plus (i) Prononcez Djo?igar. (Note du Rédact.) G O R O T> O K. -, l53 belliqueuse, la plus puissante , et la plus riche en bétail. Leurs principales habitations , au commencement de leur prospérité , occupoient les bords du Balkaok-Noor , qui les séparoit des Kirguis, le voisinage des rivières de Tschni, Ili , et En il , qui s'y jettent en partie, l'angle formé par les monts AUaki et Altaï, la source de PIrtisch , et les bords des rivières et ruis- seaux qui s'y jettent au midi. A l'époque de l'apogée de leur puissance , toutes les villes Boukhares, jusqu'à Coschghar, une partie des Kara-Kalpaks , qui habitent les bords de la ri- vière de Talks et les sources de la Sirdaia , les Kirguis, qui sont au midi des monts Altaï , un peuple Tatar qui occupoit la même contrée vers le Lok-Noor^ relevoient de leurs chefs > ou Kon-Taïdschi , et leur payoient tributs. Les' Soongars appeloient les Kirguis Bourouts. Leurs remparts contre les Mongols étoient les hautes montagne de Bogdo-Oala , qui joignent la chaîne Altaïke à l'Alakite. Les Kon - taïd- schi avoient leur résidence sur les beaux pla- teaux des collines qui environnent la partie su- périeure de ITli. C'est pour cette raison que les Chinois , en parlant des Soongars , les ap- pellent encore aujourd'hui Iris. Deux mo- nastères considérables étoient situés sur Pili; ils étoient occupés par des prêtres de la relia ion du Lama , et ils ressembloient à des villes im- portantes. Dans le tems de la dispersion des l54 I769. IaÏzKûÏ - KASATSCHÉr Soongars , une grande partie de ce peuple se répandit, à ce qu'on prétend, dans l' intérieur de l'Asie , et j risques dans les villes des Ou- sbeks j plusieurs milliers d'entre eux se réfu- gièrent dans la Sibérie , et furent incorporés parmi les Kalmouks du Volga 5 le plus grand nombre se mit sous la protection de la Chine. Tous les prêtres Soongars estiment la population de leur tribu vingt mille familles au plus , en y comprenant les Derbets. , [ Les Derbets , qui occupoient d'abord les contrées arrosées par le Koko - Noor , se reti- rèrent sur les rivages de l'Irtlsch lors des trou- blés excités par les Mongols. Ils se séparèrent en deux corps s'ous les fils deDALAÏ-TAÏDScni ; celui qui se réunit aux Soongars rat enveloppé dans leur ruine. L'autre s'avança toujours plus à l'ouest, s'approcha de l'Iaïk et du Volga, et s'étendit enfin jusqu'aux bords du Don ; ces niâmes Derbets y existoient encore en 1776, au nombre de plus de cinq mille familles , sous le gouvernement de leurs princes héréditaires. ] [ Il paroît que les Torgots se sont séparés plus tard que les Soongars et les Derbets , pour former une tribu particulière. Plusieurs Kal- mouks dérivent leur dénomination de Tourouk ou Tourougout ( géans ou gens de haute sta- ture ) 5 ils assurent qu'un des corps qui com- posoient la garde de Tschinguyz - Khan por- toit ce nom ; les nobles Torgots se prétendent G o r o d o k. i55 issus de ce corps. Ils se sont séparés de bonne heure des Soongars , ont été gouvernés par leurs propres princes, ont gagné vers l'occident , et sont parvenus aux déserts du Volga ; ils y ont vécu dans l'abondance pendant près d'un siècle , sans avoir de guerres sanglantes à sou- tenir. Leur population s'est portée à soixante mille hommes 5 mais il n'en reste plus aujour- d'hui que six à sept mille près de ce fleuve. On rapporte que les autres ont péri, en plus grande partie , par famine ou par violence , en traversant les déserts des Kirguls. ] [ Les Barga - Bouriats cherchèrent un asile dans les pays montueux situés au nord du lac Baikal , sous le règne de Tschinguyz-Kha/z : le plus grand nombre d'entre eux les habitent encore aujourd'hui , et leur tribu est toujours assez puissante. S'ils n'ont pu se soustraire aux armes victorieuses de ce conquérant, il paroît du moins qu'ils se mirent en liberté au mo- ment où la monarchie Mongole s'établit à la Chine , époque à laquelle les tribus , qui par- couroient les contrées éloignées , se séparèrent. Ils sont tous actuellement sous la domination de la Russie , conformément au traité conclu avec les Chinois ; ils composent la plus nom- breuse des nations païennes du gouvernement cl'Irkoutsk ; ils se sont subdivisés en un grand nombre de petites tribus. On assure que leur nombre se monte à trente-deux mille hommes, l56 Î769. IaÏzkoï-Kasatsché:! qui payent capitation , indépendamment d& plusieurs petites tribus établies aux environs du bourg d'Oudinskoi , cercle de Krasnoiarsk , gouvernement de Tobolsk. ] [ On distingue très-facileinent , par les traits du visage., les principales nations Asiatiques, qui se mêlent rarement parles mariages \ mais parmi ces peuples ? il n'en est aucun où cette distinction soit aussi caractérisée que chez les Mongols. Si l'on fait abstraction de la couleur , 1111 Mongol ressemble moins aux autres peuples, qu'un nègre à un européen. Cette conforma- tion particulière se distingue sur-tout dans le contour du crâne des Kalmouks 5 mais les Mon- gols et les Bouriats ont une si grande confor- mité avec ceux-ci, tant pour le physique que pour les mœurs et l'économie rustique 7 que tout ce qu'on peut rapporter sur une de ces nations , peut s'appliquer aux autres. ] Les Kalmouks sont généralement d'une taille médiocre (1)5 on en trouve plus de petits que (1) En nommant ce peuple Kalmouk , je me sers%dn dia- lecte Russe , puisque leur nom originaire est Kalmak ou Kalimak. Les Tatars leur donnent aussi ce nom j mais Ka- tiMAK veut dire, en Tatar , renégat. Plusieurs Kalmouks lui donnent une autre étymologie ; ils prétendent qu'il est com- posé du mot Gal , qui , en langue kalmouke et mongale , signifie feu; et d'AÏMAK , qni est une division des Oulouss ou tribus. Ils ajoutent que ce nom est le môme que celui âc leurs frères les Mongales , qui l'ont tiré du mot Mi- G o r o d g -k. i5y de grands. Ils sont tons bien faits : et je ne nie ressouviens pas d'en avoir jamais vu un seul contrefait. Ils abandonnent entièrement leurs enfans à la nature 5 de sorte qu'ils sont tout sains , et ont le corps bien proportionné. Ils ont généralement la taille et les membres minces et déliés. Je n'ai pas vu un seul homme chez eux, et principalement parmi les hom- mes du peuple , qui eût beaucoup d'embon- point , tandis que les Kirguis et les Baschkirs , qui mènent le même genre de vie , sont si gros , qu'ils peuvent à peine se remuer. Les Kalmouks ont la peau assez blanche , et sur- tout les enfans 5 mais la coutume reçue chez le peuple de laisser courir, les enfans absolu- ment nus à l'ardeur du soleil , jointe à la fu- mée dont leurs cabanes de feutre sont toujours remplies , et à l'habitude* qu'ils ont eux-mêmes de coucher nus pendant l'été , à l'exception nougal. Les différentes branches des Kalmouks se donnent généralement, entre elles , les noms d'ELiouD et d'ALEOUTS. ( Note de M. Pallas. ) On trouve les mots Aymak et Oulouss , etc. , dans les Instituts politiques et militaires de Tamerlan , l'acception dans laquelle cet auteur conquérant les emploie, est par- faitement conforme à celle que leur donne ici le profes- seur Pallas. Voyez les Instituts politiques et militaires de Tamerlan, proprement appelé Timour , écrits par lui- même en langue mongole , et traduits d'après la version persane d'Abou- Thaleb , etc. p-assim, sur-tout à la table Aqs matières. ( Note du Rédaet. ) i58 17^9- Iaïzkoï - Kasatschéi d'une culotte qu'ils gardent , leur rend la peau d'un jaune bleuâtre : les femmes sont beau- coup moins basanées. On voit, parmi les Kal- moukes de bonne extraction, des visages très- blancs -7 cette blancheur est encore relevée par leurs cheveux noirs : elles ressemblent beau- coup , en cela , ainsi que par leurs traits , aux femmes Chinoises. Je pense qu'il est inutile de donner le détail de la physionomie des Kalmouks, puisqu'elle est assez généralement connue 5 mais je ne puis m'empêcher d'observer que , d'après le rapport de plusieurs voyageurs ^ on seroit tenté de croire que tous les Kalmouks ont une figure laide et hideuse. On voit au contraire , tant parmi les hommes que chez les femmes , beaucoup de visages ronds et fort jolis ; on voit même des femmes qui ont les traits si beaux et si régu- liers , qu'elles trouveroient un grand nombre d'adorateurs dans toutes les villes de l'Europe. [ Les traits caractéristiques de tous les visages Kalmouks sont des yeux, dont le grand angle, placé obliquement en descendant vers le nez, est peu ouvert et charnu \ des sourcils noirs > peu garnis , et formant un arc rabaissé ; une conformation particulière du nez , qui est or- dinairement camus,, et écrasé vers le front 5 les os de la. joue saillaris, la tête et le visage fort ronds. Ils ont aussi la prunelle fort brune, les lèvres grosses et charnues , le menton court ^ G O K O D 0 K. ï5o les dents très-blanches 5 ils les conservent belles et saines jus.ques clans la yieillesse. Ils ont tous les oreilles d'une grosseur énorme , et déta- chées de la tête. Tous ces caractères sont plus ou moins sensibles chez tous les individus , et sont souvent rassemblés dans un seul. Une chose fort remarquable , c'est que le mélange du sans; Russe et Tatar avec le sang; Kalmouk o TD ex Mongol, produit les plus beaux enfans ; tandis que ceux d'origine Kalmouke et Mongole ont des figures très-difformes jusqu'à l'âge de dix ans \ ils sont même fort boursoufflés et cacochymes : ce n'est qu'en grandissant que leurs traits prennent une forme plus régulière. Il ne faut point au surplus caractériser la beauté de ces peuples d'après les idées reçues en Europe, puisque les Kalmouks accordent le prix de la beauté aux physionomies qui possèdent le plus les traits caractéristiques affectés à leur nation , et que nous sommes disposés à regarder comme une difformité. ] 11 m'a paru que les Soongars sont généralement plus grands et de figure plus agréable que les Tôrgots : ce qui est dû à leur alliance avec le sang Tatar; ils ont enlevé des Ci r, femmes de ce pays. Tous les Kalmouks naissent avec les cheveux noirs, et je n'ai jamais vu une seule exception parmi eux 5 je n'en ai pas trouvé un seul avec des cheveux châtain clair. Ils ont naturelle- ment la barbe très - forte $ ils ne portent cru© x6o . Ï769. ÏaÏzkoï - Kasatschéi deux petites moustaches , et un petit houquet sous la lèvre inférieure. Les vieillards et les prêtres sont les seuls qui portent la barbe avec les moustaches. Ils arrachent le reste 5 ils ont grand soin,, ainsi que les Tatars , de s'épiler tout le corps. [Les Kalmouks ont l'odorat très- subtil , l'ouie très -fine, et la vue très - per- çante. Cette subtilité de l'odorat leur est fort utile dans leurs expéditions militaires , pour sentir de loin la fumée du feu ou l'odeur d'un camp , et se procurer du butin ou quelque bon quartier. Un grand nombre d'entre eux disent, en mettant le nez à l'ouverture d'un terrier de renard ou autre bête , si l'animal s'y trouve, ou non. L'ouie les avertit , aune distance bien plus considérable encore , du bruit des che- vaux qui marchent , des lieux où l'ennemi se trouve , de ceux où ils pourront rencontrer un troupeau , ou quelque pièce de bétail éga- rée 5 il leur suffit , pour cela , de se coucher ventre à terre , et de mettre une oreille contre le gazon. Ce qu'il y a de plus étonnant encore, c'est la perspicacité de la vue du plus grand nombre des Kalmouks , etl'éloignement extraor- dinaire d'où ils apperçoivent souvent de forts petits objets , et cela d'une place fort peu éle- vée , dans des déserts immenses , absolument plats, et malgré les ondulations de leur sur- face., et les \apeurs que les grandes chaleurs attirent. Les Kalmouks , les Kirguis , et même les G O R O D O K. l6l les Russes des déserts de l'empire , sont égale- ment exercés à suivre et à juger une piste à la simple vue. ] Je passe au caractère des Kalmouks : il m'a paru in Uniment meilleur que ne l'ont dépeint plusieurs de nos historiens voyageurs. Il est infiniment préférable à celui des autres peuples Nomades. Les Kalmouks sont affables., hospi- taliers , et francs 5 ils aiment à rendre service ; ils sont toujours gais et enjoués : ce qui les distingue des Kirguis > qui sont beaucoup plus flegmatiques. Telles sont leurs bonnes qualités; voici les mauvaises. Ils sont sales, paresseux, et fort. rusés 5 ils abusent très - souvent de ce dernier défaut. Il est assez naturel que tous les peuples Nomades , libres et sans ambition , aiment beaucoup l'oisiveté $ cependant l'hu- meur enjouée des Kalmouks les empêche de l'aimer autant que beaucoup d'autres nations. La mal - propreté est leur plus grand défaut , et je pense même que c'est plutôt par un vice d'éducation et par légèreté ? que par paresse ; les femmes sont très - laborieuses pour tout ce qui concerne leur ménage : aussi sont - elles fort recherchées des Kirguis. Les connoissances des femmes Kalmoukes sont très -bornées j elles ont cependant du bon sens et un esprit enjoué, qu'il seroit facile de cultiver et civiliser , si leur manière de vivre et leur vivacité n'y met- taient un peu obstacle. [ Les Kalmouks , qui Tome jII. L 162 . 1769- IaYzkgï-Kàsatschêi exercent une profession , ou que leur pauvreté réduit à se louer aux Russes , pour le travail ou la pêche , sont très - laborieux et infatiga- bles. Ils dorment peu, se couchent tard, et se lèvent avec le soleil* Dormir pendant le jour, à moins qu'on ne soit ivre , est une chose àés~ honorante. ] Quoique les Kalrnouks soient généralement un peu colériques , ils vivent en meilleure in- telligence qu'on ne peut se l'imaginer , d'après une vie si indépendante. Ils sont sociables , et ils aiment à se régaler ; ils détestent de manger seuls : leur plus grand plaisir est de partager ce qu'ils possèdent avec leurs amis. S'il n'y a qu'une seule pipe à fumer dans la société , on se la passe de l'un à l'autre. Leur fait- on pré- sent de tabac ou de quelques fruits , ils le par- tagent aussi - tôt avec leurs amis ou leur so- ciété ; si une famille fait provision de lait pour fabriquer de Feau-de-vie , les voisins sont in- vités , sur le champ , à en venir prendre leur part. Cette générosité n'a cependant lieu que pour les provisions de bouche , et ils ne par* tagent jamais leurs biens. Les historiens ont tort de rapporter qu'ils sont fort adonnés au vol ; ce cas est cependant très-rare , à moins qu'il n'existe quelque inimitié entre eux , ou entre les Ou lotis s ou tribus. Les meurtres , dont on les a accusés,, sont le plus souvent occasionnés par inimitié ou vengeance j ils n% G o h ö v o k; 163 commettent pas volontiers ces actes de violence- à force ouverte , mais par ruse et trahison. On m'a rapporté que les Oulouss , qui avaient autrefois pour chef Nasarmamout , ont été g[ de tout tems , renommés par leur amour pour le pillage % ils obéissent aujourd'hui à un de ses descendant ., nommé Bambar , qui est fort connu par ses qualités guerrières 3 mais on est fort en sûreté parmi les autres Oulouss , pour peu que l'on soigne ce qu'on a. Je passe à l'habillement des Kalniouks. Comme ils ne fabriquent point dè-draps ni d'étoffes, ils sont obligés de les acheter. Ilss ne préparent que des peaux de moutons et d'autres animaux > les feutres dont ils font leurs manteaux r<ßti plusieurs autres choses qui composent l'habil- lement commun, et sur-tout celui d'hiver. L'ha- bit des hommes ressemble beaucoup à celui des Polonois !> à l'exception des manches, qui sont fort étroites , et fermées ati poignet. Ils ont sous cet habit une veste entièrement bou- tonnée , appelée Beschmet j ils la serrent avec une échârpe ou ceinture. Les Kalmouks riches ont , sous -cette veste , une chemise courte > Ouverte pardevant, et de larges culottes dç da toile appelée Kitaïka. Ces culottes vont jus- qu'aux bottines. Les pauvres n'ont point, de chemise ; ils s'enveloppent* -dans un: habit ou une pelisse étroite, qu'ils serrent avec q une L % l64 1769. Iaïzkoï - Kasatsöhei ceinture , et ils sont aussi contens que les au- tres. L'habillement des femmes diffère peu de ee- lui des hommes,, de l'habit jusqu'aux bottines ; il est composé d'une étoffe plus légère et meil- leure; il est bien fait, et les manches joignent beaucoup mieux. Les femmes riches ont par- dessus cet habit , ou Beschmet , une longue teste ,. sans manches , faite d'une belle étoffe , et elles portent leur habit comme un manteau sur une épaule 9 ou sur les deux. Celui de dessous est boutonné 5 la chemise est ouverte pardevant : déporté qu'elles peuvent se décou- vrir la gorge jusqu'à la ceinture. En été , les jeunes filles ont la gorge découverte. Sans la coiffure, on distingueroit à peine lés femmes des hommes 5 on reconnoît aussi les femmes des filles. Les hommes ont la tête rasée \ ils ont seulement une petite touffe de cheveux sur le sommet, dont ils forment de petites nattes.- Les pauvres n'en ont qu'une ^ les riches deux ou trois. Presque tous les Tor- göts portent, été et hiver, de petits bonnets ronds fourrés ; mais les Soongars ont , en été , des chapeaux couverts de feutre, semblables à ceux des Chinois; ils sont moins grands, et ils ont un bord plat : ils sont ornés d'une* houppe. Les Kalmouks , ainsi que presque tous les peuples Tatars, ont les oreilles fort éloi- G O R O I> O K. l65 gnées de la tête : ce qui provient de leurs bon- nets , qu'ils enfoncent jusqu'à la racine deä oreilles. On s'en apperçoit davantage dans les Kalmouk'Sy parce qu'ils ont les oreilles fort grandes. Ils rasent la tête à leurs enfans mâles, dès la plus tendre enfance. Les femmes , au con- traire, sont fort jalouses de leurs cheveux. Les jeunes filles courent avec les cheveux épars jusqu'à l'âge de dix ou douze ans , époque de leur nubilité. On leur fait^alors des tresses qui entourent leur tête. Les femmes portent deux tresses qu'elles laissent pendre sur leurs épaules» Celles du peuple les mettent dans un étui de toile pendant leur travail. Les bonnets des filles ressemblent beaucoup à ceux des femmes. Les pauvres ne les mettent que dans leur parure , ou lorsqu'elles sortent. Ces bonnets sont ronds ; garnis d'une large bordure de poil : le fond est d'étoffe \ ils sont si petits , qu'ils ne cou- vrent que le sommet de la tête. Les bonnets des femmes riches sont d'une superbe étoffe ou de soie, ornés d'une large bordure retroussée, fendue pardevant et parderrière , et doublée de velours noir. Le dessus du bonnet est orné d'une grosse houppe , communément rouge. Les bonnets des femmes riches sont appelés Khalban, et ceux des pauvres , Maïhalhou. Les femmes Kalmoukes portent ordinairement dea boucles d'oreilles. L S t'6S Î769. -Iaïzkoï- Kàsatschêi Les habitations des Kalmouks sont des tentes de feutre , ainsi que celles de tous les peuples Nomades de l'Asie 5 les Russes les appellent Kibitk. Leur construction est ingénieuse 5 c'est aussi ce qui m'engage à en donner une des- cription détaillée. Les deux figures de la plan- che XXXI , serviront d'éclaircissement. L'une représente l'intérieur ,_ et l'autre l'extérieur d'une cabane. La charpente de ces cabanes consiste dans une claie d'osier haute de sept pieds ou davan- tage. Chaque pièce tient à l'autre par des per- ches de saule de trente pouces d'épaisseur , et se lève comme un filet ; de sorte qu'en les ou- vrant , elles forment, un grillage d'une brasse de long sur cinq pieds de large 5 en les pliant , chaque perche aboutit directement sur l'autre. On pose cette claie autour de la circonférence plus du moins grande que l'on veut donner à la cabane. On réunit les pièces avec des cordes de crins ou des liasses ; on laisse à l'entrée une ouverture pour y placer une porte à un au deux battans. Une longue corde de crins entoure toute. la tente, afin de la mieux affermir , et de lui donner une forme bien ronde. Le toit est formé par une espèce de couronne de bois., composée de deux anneaux ou cercles 5 ils sont soutenus , à quelques distances l'un de l'autre , sur trois longues perches de saule. Il part de la claie d'osier beaucoup de longues perches, G o ïi o » o k. i^7 dont les bouts supérieurs entrent clans ces cer- cles \ elles y sont affermies par des cordes. Telle est la charpente de ces cabanes \ on la peint ordinairement en rouge. On couvre ce toit avec une grande pièce de feutre , et on F y attache par des cordes entrelacées. On laisse les côtés ouverts pendant l'été; on les ferme avec du feutre ou des paillassons de roseaux, lorsqu'il luit froid , et quelquefois avec l'un et l'autre ^ qu'on affermit également avec des cordes. On pend devant la porte un rideau de feutre. Le Sommet de la couronne est communément ou« vert pour servir de passage à la fumée ; on a soin d'y mettre , pour se préserver du vent ou de la pluie , deux bâtons d'osier en croix , pour placer un morceau de feutre du côté du vent > ou pour boucher l'ouverture , lorsqu'il n'y a plus de feu dans la cabane ^ afin d'y entretenir la chaleur. Ils ont au milieu de leurs tentes un grand trépied de fer, sous lequel il y a toujours du feu ou de la braise. Ils font leur cuisine sur ce trépied , dans de grandes vaisselles- de fer plates. On fabrique beaucoup de ces vaisselles dans les forges de la Russie, pour les vendre à tous les peuples qui habitent les déserts. Toute leur batterie de cuisine , et autres ustensiles , con- sistent dans plusieurs de ces vaisselles de dif- férentes grandeurs , dans quelques écuelles et gobelets de bois , des outres et autres vaisseaux L 4 ï68 1769. IaTzkoï-Kasatsckei de cuir , et en une théière qui tient quatre pots* Les pauvres ont une théière de cuir ; celles des riches sont de bois , proprement travail- lées^ et garnies de petites plaques et cercles de cuivre ou d'argent. Leur lit est à l'extré- mité de la tente, en face de la porte. Ils ont de petits bois de lit , mais leurs oreillers et coussins sont de feutre. L'intérieur du ménage resarde les femmes» Les hommes n'ont d'autres occupations que de construire les tentes, et d'y faire les répara- tions nécessaires; le reste du teins, ils le pas- sent à la chasse , aux soins de leurs troupeaux , ou à ne rien faire , ou bien à se divertir. Les femmes, au contraire , sont toujours occupées à traire les bestiaux, à préparer les peaux , à coudre , ou à d'autres ouvrages domestiques. Elles défont les tentes , lorsqu'on change de séjour , les chargent et les remontent à leur arrivée. Une chose plus singulière, c'est que la femme selle le cheval, et le conduit devant la porte , lorsque son mari va en campagne. Elles ont tant d'occupations , qu'on les voit ra- rement oisives : la parure et la propreté ne les occupent jamais. Les nombreux troupeaux que les Kalmouks possèdent leur fournissent beaucoup de lait pen- dant l'été ; c'est aussi la base de leur nourri- ture. Ils ont plus de chevaux que de bêtes à cornes 5 ils préfèrent le lait de jument à celui G Ö R O D O K. 169 de vache , ou à tout autre , parce que pour peu qu'il s'aigrisse, il -devient spiriteux^ et que deux ou trois grandes écuelles suffisent pour se gri- ser. Leurs vaches et leurs jumens ne donnent" du lait que lorsqu'elles ont avec elles leurs veaux et poulains. C'est la raison pour laquelle ils les tiennent toute la journée attachés à une longue corde tendue près des tentes ; ils ne leur permettent de te ter que pendant la nuit. Les mères pâturent près des tentes pendant le jour , et ne s'écartent guère de leurs petits. Les femmes traient les jumens toutes les heures , et tirent chaque fois une chopine et demie de lait ; mais on ne trait les vaches que deux fois ^par jour. Lorsqu'on veut les traire, on C3n- duit la mère près du veau ou du poulain 5 et dès que celui - ci a commencé à teter, on le retire , et on trait la jument ou la vache. On est obligé de prendre quelques précautions pour que les vaches, et sur-tout les jumens , ne s'irritent pas lorsqu'on les soustrait de leurs petits , et pour qu'elles ne retiennent pas leur lait. Les vaches exigent moins de précaution que les jumens ; il suffit de leur faire voir les veaux ; lorsqu'un veau meurt en naissant , ou quelque tems après, on l'empaille le mieux possible ? et on l'attache près des autres veaux , pour le montrer à la vache chaque ibis qu'on veut la traire. Le lait de jument frais est beaucoup plut tjÖ I769. ÏAÏZKoï-KASATSCHif fluide que celui de vache 5 mais il a un petit goût de lessive qui le rend désagréable. Lors- qu'on le fait aigrir dans des vases propres , il prend un acide vineux très-agréable : à peine donne-t-il quelques gouttes de crème. Les au- teurs , qui ont avancé qu'on en pouvoit faire du beurre, se sont trompés. Il fermente et grise , en revanche, beaucoup plus que celui de va- che. On ne l'emploie , en été , que pour la bois- son ordinaire , et à faire de l'eau - de - vie. Comme peu de jumens donnent du lait pendant l'hiver , les Kalmouks sont obligés de se con- tenter de celui de vache. Ils disent unanime- ment qu'il est beaucoup moins spiritueiix que celui de jument, et qu'il acquiert un mauvais goût par la fermentation. Pour faire aigrir le lait, ils le versent dans de grands vases de cuir ou autres , en le trayant ; ils les placent auprès de leurs foyers pendant l'hiver. La mal - propreté de ces vases suffit souvent pour faire aigrir le lait 5 ils se servent aussi pour cela d'un levain fait avec de grosse farine ß et très-salé. Les Kalmouks des hordes y ajoutent un peu de la distillation précédente , ou bien ils mettent un peu de lait caillé qu'ils trouvent dans l'estomac des agneaux égorgés. Ils n'écrément point le lait destiné à faire de l'eau-de-vie ; ils remuent, au contraire, de tems en tems , le tout ensemble , au moyen d'un pilon ou battoir : ce qui ne se pratique qu'en GO R O B O K. Xjt ■hiver, parce qu'ils mettent , en été, le lait dans des outres : ils secouent alors deux ou trois fois par jour ces outres , pour lier la crème avec le lait. Le lait de jument aigri s'appelle , en langue Kalmouke , Tsghioàn, et le lait de vache aigri Ari^n. Ils n'en font usage que pour leur boisson et la distillation de l'eau- de-vie, Koumiss est le nom Tatar du lait de jument. Les Kalmouks nomment le lait doux de jument SiouounxN-OusiouK(i) , et le lait de vache doux OuKIREW-tOuSIOUN, Lorsqu'ils ont une provision suffisante de lait aigri pour se régaler , ils le distillent de la manière suivante. Quand ils ont la quantité de lait nécessaire, ils le laissent un jour entier en été , et deux jours pendant l'hiver , pour qu'il s'aigrisse davantage ; ensuite les femmes se met^ tent à l'opération. Elles prennent la plus grande chaudière : après l'avoir un peu lavée avec de l'eau ou de la neige , elles la posent sur leur trépied , et mettent un peu de feu dessous (2). Elles la remplissent avec le lait jusqu'à deux doigts du bord , après l'avoir bien remué. Ces chaudières tiennent environ trois eimers de Russie , et même plus. Elles mettent sur la chaudière un couvercle de bois un peu con- (j) Prononcez Djououhn-Oudjoun. (Note du Rédact.) (z) Voyez les préparatifs de celte opération phmch, XXXIa fifr. fa 1JZ 176*9. lAÏzKoï-KASATSCHEr cave , composé d'une ou deux pièces , suivant la grandeur de la chaudière ; elles le lutent avec de Targue , de la terre glaise , ou de la bouse de vache fraîche. Les Kalmouks de Sta- vropol se servent , en hiver , d'une pâte épaisse de grosse farine, au lieu d'argile. Elles pla- cent , à peu de distance du trépied , une autre chaudière plus petite avec son couvercle , an- quel est une grande ouverture pour le passage du tuyau , et un petit trou pour donner de l'air. Cette chaudière est posée dans une auge remplie de neige ou d'eau • le couvercle est Lien luté 5 le tuyau de bois courbe est composé de deux pièces bien adaptées Tune à l'autre r et garnies d'un conduit. Ce tuyau est couvert de cuir et de boyau ; un des bouts entre dans l'ouverture du couvercle de la petite chaudière y et l'autre dans celle du couvercle de la grande % il est bien luté aux deux bouts. Elles font un petit couvercle concave et pyramidal avec de l'argile ou de la pâte $ elles le placent près de l'ouverture du couvercle de la erande chau- dière , et augmentent ensuite le feu. Cette se- conde ouverture sert à observer le moment ou- ïe lait commence à bouillir , et celui où s'élève une vapeur qui a l'odeur très-forte ; celle qui s'exhale du lait de jument s'enflamme faci- lement, et donne une flamme bleue. On bou- che alors cette ouverture avec le petit couver- cle d'argile ou de pâte , et on diminue le feu G o r ô b o k'.' ïy3- Le trou de la petite chaudière reste ouvert, quoiqu'il sorte par -là beaucoup de vapeurs. Les Kalmouks prétendent que l'opération manque- roi t , si l'on bouchoit ce trou. Ces vapeurs diminuent en moins d'une heure et demie ; la distillation est alors finie. On retire un quart au plus de mauvaise eau - de - vie , si c'est du lait de vache , et un tiers , si c'est de celui de jument. Ils nomment cette eau-de-vie Araka 5 , elle a si peu d'esprit , qu'elle s'enflamme très- rarement; mais jamais, si elle est faite avec du lait de vache , à moins qu'on ne la distille une seconde fois. Dès que l'eau-de-vie est entièrement passée , on ôte le tuyau et les couvercles 3 on la verse d'une seule fois dans -une écuelle de bois j on la met ensuite dans des outres : on invite alors tous' ses voisins. L'assemblée formée 9 le pro- priétaire de la tente verse un peu d'eau-de-vie dans une écuelle ; il en jette une partie sur le feu, et l'autre vers l'ouverture où passe la fu- mée. Il rompt après la pointe du couvercle d'argile de la grande chaudière , et verse dessus, quelques gouttes de la liqueur. Il remplit en- suite de cette boisson chaude des coupes qui tiennent environ une pinte \ il les présente à la compagnie , en commençant par le plus âgé , et ainsi de suite , sans avoir égard au sexe. Le» Kalmouks prétendent que cette eau-de-vie ne grise pas aussi aisément que celle de Puissie , ty-4 1709. ÏaïzKoÏ-Kasatschéi et qu'il en faut beaucoup plus. Celui qui s'eni- vre de cette boisson est presque fou pendant deux jours, et il lui en faut plusieurs pour se remettre. Les Kalmouks appellent Bor sa h le résidu du lait qui est extrêmement acide. Ils l'emploient à différens usages. Ils le mangent au sortir de la. chaudière b mêlé arec du lait frais \ ils s'en servent aussi pour la préparation des peaux de moutons et d'agneaux. Lorsque l'eau - de - vie est faite avec du lait de vache , ils font cuire ce résidu jusqu'à ce qu'il s'épaississe \ ils mettent ensuite ce fromage clans des sacs , après l'avoir bien exprimé et pressé; ils le coupent par pe- tits morceaux, où bien en forme de gâteaux ronds , et les font sécher an soleil. Les premiers s'appellent Schou-ourmi-k , et les seconds Tsp- rossoun. Ils font aussi de petits fromages avec "le lait de brebis : ils le nomment EsgujE. Ils conservent ces fromages pour l'hiver, et ils les mangent avec du beurre. Le lait de brebis ne vaut rien pour faire de l'eau-de-vie. Ils font aussi du beurre avec du lait de vache ; et voici la manière de le battre. Ils font cuire , pen- dant long-tems , une certaine quantité de lait frais de brebis ou de vache dans une chaudière 5 ils y ajoutent un peu de crème du lait aigri f qu'ils appellent ArijEnj ce qui fait aigrir toute cette quantité dans un jour. Ils battent alors ce lait avec uu pillon de bois ou battoir, et le* G o & ô i> o £. 17S ■versent dans une auge ou grande écuelle. Ils ôtent le beurre qui surnage 5 ils le salent et le mettent dans des vases de cuir , pour le con- server. Si le lait n'a pas encore perdu toute sa graisse > ils le font bouillir une seconde fois , et suivent la même opération. Ils appellent ce beurre Toasouhn. Les Kalmouks ne manquent jamais de viande «n été ; la chasse et leurs bestiaux leur en four- nissent toujours en abondance. Ils tuent rare- ment leurs bestiaux, et jamais sans nécessité > à Fexception des riches , lorsqu'ils donnent de grands festins. Ils mangent tous les animaux et oiseaux quelconques, pourvu qu'ils soient gras. Ils aiment sur*- tout le blaireau, la mar- motte , et la musaraigne , qu'ils nomment Sotf- slikx. Ils font aussi grand cas du castor $ ils le regardent comme une viande très -^ saine , à moins qu'il ne soit trop gras. Ils mangent beau- coup de chevaux , de chèvres sauvages , de sangliers , et même les oiseaux de proie les plus " gros. Ils ont la plus grande aversion pour la chair du loup • ils disent qu'elle est amère. Ils mangent avec répugnance du renard et autre» petits animaux carnassiers. Lorsqu'ils ont trop de "viande en été , ils la coupent par bandes» ou languettes minces , qu'ils font sécher au so- leil , ou qu'ils pendent à la fumée de leurs cabanes , s'il pleut. Ils conservent cette viande «èche pour l'hiver , ou leur voyage. Ils achè* ïj6 17&9' IaïzkoÏ-KasatschÊî tent le pain et le gruau des Russes , parce qu'ils ne cultivent point de grain : mais cette con- sommation n'est pas fort considérable. On m'a dit que quelques Kalmouks d'Ordinzi ont été s'établir près de la mer Caspienne , et qu'ils s'adonnent à la pêche et à la culture du tabac , dont ils font grand cas. Ils font aussi usage de plusieurs racines sauvages pour leur nourri- ture , telles que les nœuds de la plilomide tu- béreuse (1) , qu'ils appellent Bodmon-Soc. Ils les font sécher , les réduisent en poudre , et les font cuire en bouillie avec du lait. Ils man- gent aussi une gesse (2) , qu'ils font cuire avec de \a viande ; ils la nomment SoKhnok. Ils man- gent aussi la racine d'une ombelliiere (3) ; mais il ne m'a pas été possible de la voir. Les Kal- mouks pauvres prennent, au lieu de thé qu'ils préparent à la Mongole avec du lait et du beurre, les feuilles d'une petite réglisse (4) > qui jette des gousses noueuses et lisses 5 elle croît dans les lieux les plus arides des landes. J'ai fait beaucoup d'informations sur la ina- (1) Phlomis tuberös a. (2.) Lathyrus tuberosus. (3) Umbellata. Ne seroit-ce pas plutôt la racine d'une crucifère , comme celle du Crambe Tatarica de Jacqidn [Miscell. 2, p. 274. ], dont les Tatars et même les Hon- grois font usage parmi leurs alimens ? Cette même racine fut prise aussi par Clusius , pour celle d'une ombellifère. Lam, (4) Glycirrhy^a nspera, Appendix, n°. 365. nière G o r o d o k. 177 Siière dont les femmes Kalmoukes préparent et tannent les différentes espèces de peaux et de cuirs. Elles suivent généralement la même méthode , sur-tout lorsqu'elles veulent bien ap- prêter les peaux de moutons fines ( 1 ) ) elles les lavent dans l'eau , et les étendent à l'air , pour les faire un peu sécher $ elles les écharnent ensuite du côté de la chair, avec des lames de couteaux émoussées , tant pour ôter la chair et les pellicules qui y restent, que pour ouvrir les pores , afin que le lait puisse mieux s'y imbiber ; elles les étendent ensuite à l'air , sur des couvertures de feutre , et les enduisent trois fois par jour avec le résidu de l'eau-de- vie, qu'elles salent un peu. Trois jours après, elles les font entièrement sécher , les foulent avec les mains ; elles les roulent ensuite en tout sens sur les genoux, pour les rendre douces et moelleuses. Ces opérations unies, elles fument ces peaux pour que l'humidité ne les gâte point , et pour leur donner plus de résistance à la pluie. Elles allument pour cela un petit feu dans une fosse , où elles mettent du bois pourri bien sec , du fumier séché, et d'autres matières propres à donner beaucoup de fumée. Elles regardent le fumier de brebis comme le meilleur pour cet ■■ ' *•"•++ ■- — — ■■ - ■ -^ ■..— ■i.. ■ ..i.... — — m ■■-■ l — ■.-■--■ - ii. ' 1 —y (t) Les Kalmouks appellent Khourousha les peaux d'agneaux fi les, Niéka celles des gros agneaux, et SkakSsak Celles des moutons. Tome H. M ifô 1769. IaïzkoÏ-KasatschÈî usage. Elles plantent des piquets en forme de pyramide autour de la fosse; elles les couvrent entièrement de peaux pour concentrer la fumée. Elles changent de tems en teins ces peaux, en mettant celles qui sont dessus par-dessous, pour qu'elles soient également fumées. Une heure suffit à cette opération. Comme la fumée les durcit un peu, on est obligé de les fouler de nouveau pour les adoucir et les remettre dans l'état 011 elles étoient. Elles les frottent avec de la craie réduite en poudre ; elles les grattent , les polissent avec des couteaux bien affilés , et les blanchissent de nouveau avec de la craie* Elles finissent par battre les peaux avec une lioussine pour en faire sortir toute la poussière. Lorsque les femmes Kalmoukes ne veulent pas se donner tant de peine > ou qu'elles veulent apprêter des peaux grossières , elles les frottent et imbibent seulement d'une bouillie faite avec des cendres et de l'eau salée , plus ou moins forte > suivant la qualité de la peau. Le lendemain elles les nettoient et les écharnent. Elles les imbibent deux fois avec du lait aigri qu'elles lais- sent sécher dessus; elles les foulent ensuite avec les mains, et les blanchissent avec de la craie. Quelques-unes lavent ces peaux après les avoir retirées de la fumée ; elles les frottent après cela deux fois avec une bouillie de foie de mouton et de bœuf à moitié cuit; elles mettent cette viande dans du lait, pour l'y faire pourrir pen- G O R Ö D O Ko I79 *?ant plusieurs jours; elles raclent la peau de nouveau. Cela rend les peaux beaucoup plus douces et plus moelleuses , et leur donne en même teins une odeur insupportable. Elles cou- sent toutes les fourrures qu'elles destinent à leur usage , avec des nerfs de chevaux, de bœufs ou d'élans. Elles les coupent pour les faire sécher, et les frappent à coups de maillet pour les effiler. Ces nerfs surpassent , pour la force et la durée , tous les fils quelconques. Les Kalmouks font leurs vases de cuir avec des peaux de chevaux et de bœufs ; les meilleurs sont ceux de peaux de bœufs. Voici leur ma- nière de les apprêter. Les uns les échaudent avec de l'eau bouillante , jusqu'à ce que le poil soit entièrement tombé ; d'autres les mettent dans de la cendre , pour le détacher. Ils les échar- nent des deux côtés , et les polissent autant qu'il est possible , puis ils les lavent dans une eau courante. Quelques Kalmouks leur donnent un second apprêt , en les faisant tremper huit ou quinze jours dans du lait aigri ^ ai: quel ils ajoutent un peu de sel ; c'est la manière d'ap- prêter les peaux les plus minces , destinées à faire des bottes et des courroies. Pour faire d'excellens vases , et leur donner la dureté de la corne , on étend ces peaux au soleil au sortir de l'eau \ les femmes alors, qui entendent mieux cette opération que les hommes., les coupent par morceaux , suivant la forme, qu'elles veu- M s ï8o 1769. ÏaïzRoï-KasatschÉi lent donner à leurs vases j elles les cousent aussi- tôt avec des nerfs effilés , les font bien sécher à la fumée d'un petit feu. Elles font de cette manière y tons les vases possibles , et même des flacons et des bouteilles à cou étroit $ elles leur donnent la forme convenable avec les mains pendant qu'ils sèchent en partie à l'air , et en partie au-dessus du feu 5 elles soufflent dedans pour les rendre concaves , et les remplissent à cet effet de salue ou de cendre. Elles forment en dehors des figures ou toutes sortes de lignes. Elles font, très-artistement, de grandes théiè- res à longs becs étroits. On pourroit se servir tout de suite de ces vases. Mais il vamt cependant mieux les laisser encore long- teins à la fumée, pour que le cuir s'amollisse sans le secours ■d'aucun liquide, et pour l'empêcher de com- muniquer de mauvais goût. Les racines pour- ries et la bouse de vache séchée., sont l'unique chauffage que la lande fournisse aux Kalmouks. La peine qu'ils ont en les ramassant , rend leur chauffape encore plus rare. C'est la raison pour laquelle ils conservent ces vases de cuir lorsqu'ils 1 i. sont finis, jusqu'à ce qu'il y en ait un assez grand nom !>re de faits dans le voisinage 5 ils se cotisent alors ensemble pour le feu nécessaire à les fumer 5 ce qui se fait de la manière rap- portée ci -dessus. Ils les laissent à la famée .pendant deux, trois, et même quatre jours. Ils deviennent alors tr&tisparçns comme la cor- G O R O D O K. ïul ne , et d'un excellent usage. J'en ai vu qui te- il oient cinq ou six seaux. Les hommes mènent une vie bien douce et Cort oisive f en comparaison des femmes. On ne. peut cependant pas leur reprocher leur oisiveté , puisque l'on doit regarder généralement les Kalmouks comme des militaires qui défendent leurs Liens et leurs familles. ils ont g outre l'oc- cupation des armes y le soin de leurs troupeaux, l'entretien des tentes ou cabanes 5 ils sont aussi obligés (ïen construire de neuves pour marier leurs filles. . . La fabrication du feutre est rorivrage do toute la famille, père, mère,, et enfans des deux sexes. Ils en font de très -grandes pièces qui servent à couvrir les cabanes : ils leur donnent le nom de Touourga, et celui d'IscHïGUvE aux petites pièces. On emploie ces dernières à faire des tapis et des coussins. Ce feutre se fabrique delà manière suivante. Ils tondent au printeins ou en été leurs moutons avec des couteaux bien aiguisés f mais ils ne leur ôtent que la quantité de laine dont ils veulent.se servir. Ils l'étendent ensuite sur des paillassons ou sur de grandes couvertes de feutre ; ils se mettent dix à douze personnes autour > et la battent bien pour en faire sortir la poussière. Ils l'é- taient ensuite sur une pièce de feutre des mêmes dimensions que celles qu'ils veulent faire ; les ornemens ou dessins s^ font avec des laines de M 3 3.8s 1769. Iaïzkoï-ÎCasatschéî couleurs. '* Lorsque la laine est bien arrangée, ils versent de l'eau bouillante dessus , la roulent ■avec la pièce de feutre , <5c lient ce rouleau avec des cordes de crin. Ils s'accroupissent tous , et se jettent mutuellement ce rouleau de terre sur les genoux , et des genoux à terre, avec toute la force possible 3 pendant une couple d'heures. Ils défont ensuite le rouleau., et foulent avec les mains cette nouvelle pièce de feutre, pour réparer les défauts qui peuvent s'y trouver. Une lance , un arc et des flèches sont les armes dont les Kalmouks se servent. Leurs arcs sont faits de différents bois , mais principalement d'érable et même de corne \ ceux de corne sont les meilleurs , mais aussi les plus chers. Ils ont. plusieurs sortes de flèches ; les unes sont toutes de bois fort courtes 5 la pointe est en forme de crosse ou de massue ; ils se servent de celle-ci, pour tirer les petits animaux et les oiseaux. Ils en ont d'autres fort légères , garnies d'un fer étroit j d'autres avec un fer léger# qui a la forme d'un ciseau; et enfin, d'autres grandes flèches pour la guerre , armées d'un gros fer pointu. Toutes leurs flèches ont trois ou quatre rangs de plume d'aigle; ils ne prennent que les plumes de la queue , parce que celles des ailes donneroient une fausse direction. Chaque espèce a son compartiment à part dans leurs carquois, qui pend à droite à la selle du cheval; leur arc est à la gauche. Les Kalmouks G O R O B Q K. l83 riches préfèrent les armes à l'en. Chaque Kal- mouk bien armé a sa cuirasse ; elle est corn- posée de petits anneaux de fer et 'd'acier en forme de filet, suivant la manière des Orientaux. Ils se procurent ces cuirasses ou cottes de mailles , par leur commerce d'échange avec les Troukmènes (1). J'enai vu quiavoient été faites en Perse; elles étoientd'acierîpoli. On' les es tim oit cinquante chevaux, et même plus» Les plus communes s'échangent contre sept à huit che- vaux. L'armement complet d'un Kalmouk con- siste dans un casque rond , garni d'un filet d'anneaux de fer; ce filet tombe par -devant j usqu'aux sourcils , mais il couvre par derrière tout le cou et les épaules. Ils ont sur le corps une jaque de maille dont les manches sont de même nature; elles vont jusqu'aux poignets, et sont terminées par une pointe qui couvre toute la main , et qui est agraffée entre les doigts. Le dessous du bras est garni d'une plaque d'acier qui commence au coude , et va jusqu'au poi- gnet, où elle est bouclée. Elle leur sert à parer les coups de sabre lorsqu'ils sont dans la mêlée. Les Kalmouks forgent ou fabriquent eux-mêmes les petits morceaux de fer de leurs armes, et tous les petits ustensiles de fer dont ils ont besoin. Ils ont parmi eux des orfèvres qui font, en argent, »l il il ii i i - ... i m (i) Llse\ Tourkomanncs , et voyez ci-dessus la note de la page $ 7. ( Note du Redetet. ) M 4 384 ïjôg. IaYzkoï - Kasatschéï tous les orneiiiens qui servent à la parure der femmes. Ce sont eux qui garnissent les théières de bois, d'anneaux, de cercles d'argent ; et ils les ornent de figures d'animaux de même métal; ils damasquinent aussi le fer à la manière des Bratsîds. Leurs outils de forges sont très-simples. Le soufflet est wn sac de cuir , avec un tuyau et une ouverture enchâssée entre deux petits morceaux de bois unis , qu'ils tiennent dans la main \ ils les ouvrent en même teins qu'ils élèvent le sac , et les ferment tout de suite en affaissant le sac. Les Kalmouks ont plusieurs manières de chas- ser. Personne n'entend mieux qu'eux à dresser toutes sortes de filets et de pièges pour prendre les bêtes sauvages. Ils sont aussi habiles tireurs aux armes à feu qu'avec leurs arcs. Les Kalmouks riches, s'amusent beaucoup de la chasse du faucon. Ils préfèrent, pour cette chasse, le lanier (1) , qu'ils appellent Balaban^ ils le dressent , et ils en font beaucoup de cas , quoi- qu'il soit très- commun dans cette contrée. Ils ont aussi des chiens de chasse $ ils sont de la même race que les chiens de garde ordinaires. Ils diffèrent un peu des nôtres; ils ont le poil ras, et le corps fort effilé. Les oreilles , les cuisses et la queue sont un peu garnies. Ils sont très- propres à la chasse. (1) Falco laniarius» Goeodok. i85 Les Kalmouks vivent de leurs troupeaux , qui font toute leur richesse. Leur principal bétail consiste en chevaux et en moutons i ils ont fort peu de bêtes à cornes et de chameaux. Leurs chevaux sont un peu plus petits que ceux des Kirguis, assez hauts 3 avec des jambes déliées 5 ils ne sont ni beaux ni laids. Ils ne valent rien pour le trait , parce qu'ils sont trop fougueux et trop foibles pour y être employés 5 mais , en revanche , aucune espèce de cheval ne peut leur être comparée pour la course,, non plus qu'aux chevaux des Kirguis. Ils ne connois- sent pas d'autre fourrage que celui qu'ils trou- vent en pâturant toute l'année dans les landes \ on peut les conduire où l'on veut , sans aucune inquiétude pour leur nourriture : les chevaux des Kirguis et des Baschkirs sont de même. Il seroit très-difficile de les habituer au fourrage que l'on donne à nos chevaux \ on augmente- roit alors leur fougue , en voulant leur donner plus de force. Quelques Kalmouks possèdent jusqu'à deux mille chevaux , et des bestiaux en proportion. Ils coupent la plus grande partie de leurs jeunes chevaux, et ils font cette opé- ration de la manière suivante. Ils coupent l'ex- trémité du scrotum ou de la bourse 5 s'assu- rant du ligament des vaisseaux spermatiques , ils tordent avec les ongles les testicules , qui se trouvent découvertes , afin de les détacher. Ils brûlent ensuite avec un fer pouge le hou| ï36 . Î769. IaiZKOI-KaSATSCHEI au ligament déchiré. Ils emploient la mêmA, méthode pour la castration des veaux et des agneaux. Ils laissent toujours les étalons avec les jumens , afin d'en avoir qui nourrissent en tout tems : et , par ce moyen , ils ne manquent jamais de lait. ILes moutons des Kalmouks sont de la même espèce que ceux des Kirguis> et ils ont , comme £ux, de grosses queues grasses > semblables à des pelottes , appelées également Kourdiouk. Ils sont beaucoup plus petits y et ils tiennent le milieu entre lès moutons de Puissie et ceux des Kir guis. Ils n'ont pas la tête si grosse ni aussi ramassée 5 ils ont les oreilles plus courtes , quoique pendantes 5 leur laine est meilleure : on trouve moins de moutons à cornes dans la race Kalmoukie > que dans celle des Kirguis. Cetée race se conserve même jusques chez les Kalmouks de Stavropöl 5 dans tous les lieux où on ne donne aux troupeaux que des béliers Kalmouks j on les laisse paître librement l'hiver comme l'été , sans les abreuver , pour les forcer à manger de la neige. Les Kalmouks ont quel- ques chèvres dans leurs troupeaux ; elles ont aussi les oreilles pendantes ) elles sont ordinai- rement tachetées de plusieurs couleurs -y elles ont de longs poils aux cuisses, et on en voit beaucoup sans cornes. Les Kalmouks élèvent fort peu de chameaux ^ parce qu'il faut trop de tems à ces animaux G O R ö D O K. 18/ pour se multiplier. Ils en ont cependant de deux espèces,, des dromadaires , qui n'ont qu'une bosse , et des chameaux, qui en ont deux. Quoi- que ces animaux ne soient pas fort communs , les Kalmouks en possèdent assez pour leur usage 5 ils en vendent même à Orembourg , et en échangent avec les Boukhars. Les chameaux réussissent très-bien dans les landes que les Kal- mouks habitent aujourd'hui, à cause de la grande quantité de plantes salines qu'ils aiment beau- coup. Les Kalmouks sont cependant obligés de les soigner pendant l'hiver, et de les garantir du froid , en les couvrant de paillassons de ro- seaux , ou avec de vieux morceaux de feutre. Les Kalmouks habitent pendant l'hiver , avec leurs troupeaux , les contrées méridionales des landes du Volga, et celles baignées par la mer Caspienne. Ils restent toujours à une certaine distance de l'Iaïk , dont le voisinage est alors habité par les Kirguis , leurs ennemis mortels. Le voisinage de la mer leur fournit beaucoup de roseaux pour le chauffage $ il y tombe si peu de neige, que leurs troupeaux trouvent toujours assez de pâture et de fourrage pour les soutenir jusqu'à la belle saison. Aussi - tôt que le printems commence , ils se transportent dans les contrées septentrionales ; ils occupent la partie montueuse des landes situées entre le nord et le midi , qui sont remplies de sources , jusqu'à ce que le Volga soit rentré dans 6on l88 1769. ÏaïzKgÏ-Kàsatschéi Ht ; ils trouvent alors d'excellens pâturages dans les bas -fonds situés sur le bord de ce fleuve. Outre ces montagnes, dont j'ai souvent parlé , il y a une .chaîne de collines de sables , con- nues sous le nom de Rinpeski. [Voyez la carte du cours du Volga et de l'Iaïk, n°. 5.] J'en, ferai mention dans îa suite , ainsi que de la Contrée nommée'par les Kalmouks Son-Khou-, poK (cent puits ) * à cause de la grande quan- tité de sources qu'on y trouve. Les Kalmouks choisissent ordinairement , pour camper , les lieux abondans en sources y ils les reconnois- sent quand ils voient des roseaux, et sur-tout de petits joncs. On trouve toujours de l'eau dans ces places, pour peu que l'on creuse à quelques pieds de profondeur. Dans les collines, de Rinpeski, l'eau monte près qu'au niveau des puits ou fossés, appelés Kopani par les Kal- mouks. On ne trouve cependant , dans quel- ques-unes, qu'une eau saumâtre. On rencontre ^ dans d'autres contrées , d'anciennes fosses ; les Kalmouks les trouvent facilement. Ils ne font que les nettoyer, et ils leur donnent un peu plus de profondeur pour avoir de l'eau. 'Dans plusieurs endroits de la lande, ils sont obligés de conduire leurs troupeaux à plus de vingt ou trente verstes avant de trouver une seule goutte d'eau. Les chameaux sont fort utiles aux Kalmouks 7 lorsqu'ils passent d'une contrée à l'autre avec G 0 R Ö D 0 K. 189 leurs troupeaux , pour se procurer de nouveaux pâturages. Ces animaux portent , non seule- ment leurs tentes , niais encore tous leurs us- tensiles de ménage , les coffres et les sacs , ainsi que tout ce qu'ils possèdent. Ils n'osent employer leurs dromadaires , et sur - tout les blancs , qu'ils appellent chameaux de Boukha- rie 3 ils leur font porter seulement les livres saints 3 les idoles ou Bourkhaks^ et toutes les choses sacrées. On emballe tous ces objets sur de petits charriots^ et on y attelé ces droma- daires blancs. Ils mettent des grelots et de pe- tites clochettes à leurs chameaux de charge. Je puis assurer qu'il n'y arien d'aussi amusant que la rencontre de ces familles Kalmoukes dans leurs voyages. Les femmes et les enfans chan- tent toutes sortes de chansons en conduisant les troupeaux. Les hommes chantent aussi, en voltigeant de droite à gauche , et en chassant. Ce peuple passe la plus grande partie de sa vie dans les plaisirs , et il se croit fort heureux , quelque misérable qu'il nous paroisse. Nous regardons leur nourriture et leurs habitations comme très -mal- saines ; il y en a cependant beaucoup qui parviennent à un âge fort avancé , et ils jouissent., jusqu'à la mort , de la meilleure santé y et d'une grande gaîté. Je ne puis donner de grands détails sur les- maladies des Kaim.ouks. Il est certain que la 190 1766. Ïaïzkoï - Kasatschéi vie simple et frugale qu'ils mènent les prive d'un grand nombre de maladies qui affligent les nations policées. Ils sont cependant atta* qués de maladies inflammatoires et putrides j elles sont produites par leur nourriture , qui consiste , en plus grande partie , en viande à moitié corrompue. Ils sont sujets à une maladie îiorrible et très - dangereuse 5 c'est une fièvre chaude et épidémique , qui tue le malade dans liuit jours : ils la nomment Khatotjn- Abetschin- Lorsqu'elle règne dans un de leur canton , ou Aïmak ( compagnie du voisinage ) , et dans une famille , elle emporte au moins une per- sonne de chaque tente. Dès que cette maladie paroît y on se sépare bien vite , et on s'éloigne ê.e ceux qui en sont attaqués. La gale est très - commune parmi les Kal- mouks pauvres ; leur nourriture et leur vie .oisive, pendant l'hiver, en sont la cause. Les maladies vénériennes y sont aujourd'hui fort répandues. Ils sont rarement attaqués de la pe- tite vérole ; mais lorsque cette maladie se dé- clare , elle fait d'horribles ravages , et même chez les Kalmouks de Stavropol , qui y sont plus sujets que les autres, Leur nourriture est la principale cause de la malignité de cette maladie. La fumée de leurs cabanes , et la cha- leur insupportable du soleil , qui darde sur les lancjes jaunâtres, leur causent beaucoup d'in- G o r o a o k.' a 191 flammations aux yeux. Quelques Kalmouks se précautionnent contre ce mal, en portant un. bandeau de gaze. Je me suis peut-être trop étendu sur la race des Kalmouks , et l'intérieur de leur mé- nage. Je passe à la constitution politique de ce peuple. Les tribus Kalmoukes ont été , de tout tems y soumises à des chefs héréditaires. Toute la nation est à présent divisée sous le commandement de plusieurs petits princes, qui se font donner le titre de Noïon; ils n'obéis- sent guère à leur Khan. La horde , commandée par un Noïon ^ est appelée Oulouss ; celle - ci est divisée par petites troupes, ou Aïmaks, qui campent près l'une de l'autre ; chaque aï- niak est aux ordres d'un noble, nommé Sais- sang . Ces aïmaks se subdivisent en plusieurs compagnies , à cause des pâturages 5 elles sont composées de dix à douze tentes : on les ap- pelle Khatoun ( chaudron ) 5 ce mot désigne que la compagnie devroit manger à la même marmite ( 1 ) . Chaque khatoun a son chef ou; préposé, qui dépend du premier saïssan de sou aïinak , et celui-ci du noïon. Ce dernier per- çoit annuellement la dixme sur tous les bes- (1) Cest ainsi que le corps des Jannissaires se divise en- core aujourd'hui en Odjak ou cheminées ; tout le système de leur régime militaire et intérieur est fondé sur la cuisine. {Npte du Rédact.) ï|fs 17&9' Iaïzkoï- Kasatschéi tiaux de ses sujets. Il a le droit de leur infliger les peines corporelles qu'il juge à propos , cle leur faire couper le nez , les oreilles ou le poi- gnet, lorsqu'ils commettent quelques fautes; mais il n'ose faire mourir personne publique- ment. Les noïons s'approprient quelquefois se- crètement ce pouvoir , quand ils veulent se débarrasser d'un sujet qui leur est contraire. Les oulouss se partagent ordinairement entre eux les enfans du noïon , à moins que le père lie prenne d'autres arrangemens, et que quel- ques-uns de ses fils ne soient prêtres : ce par- tage est toujours très-disproportionné. Lorsqu'un Kalmouk paroît devant son noïon , il doit le saluer, en mettant la main droite fer- mée sur le front, et en touchant ensuite le côté du noïon avec la même main ; celui - ci lui met une des siennes sur l'épaule, s'il daigne répondre à son salut. Les pauvres se saluent entr'eux , en disant : Mendou , je te salue. Il y a encore beaucoup d'autres charges et dignités chez les Kalmouks ; elles ne sont pas toutes connues. Le Khan , comme souverain de l'oulouss , et le noïon , les distribuent h qui bon leur semble. Chaque oulouss a au moins un premier saïssang , auquel on donne ]e nom de Tarkh an. Tous les gens de distinction^ qui com- posent la cour du Khan, ou des premiers princes., ont le nom de Taïscha. Ils appellent le com- mandant d'un aïmak Daïtschin \ son aide-de- camp , G O ït ö D O K. Ia3 camp , Abgatschi, et son secrétaire ? Naï-. retschi (1). Ils donnent le nom de Dakaga ou Darga (.2) au député qu'ils envoient d'un oulouss à un autre, ou au gouverneur d'une place E. usse, J'ai admiré les lois des Kalmouks ? qui ont été faites anciennement par leurs princes. Elles feroient honneur aux nations les plus policées de l'Europe ? qui affectent de donner le nom de barbares aux peuples libres de l'Asie. Leur recueil de lois est écrit en caractères Mon- gols (3). Il a été approuvent confirmé , il y a environ cent cinquante ans,. sous le Khan. &àlk clan } par quarante -quatre princes Mongols et (1) Je dois faire remarquer au lecteur que. la terminaison TS CHI est commune aux Turks , qui Font adoucie en Djï t et qu'ils l'adaptent à une foule de substantifs .abstraits, pour en faire des noms d'avens. ( Note du Rédact« ) (t) Les Persans ont conservé ce mot et écrivent Dérou* 'ghah. C'est le titre du lieutenant' dé police des villes* de la Perse. Ce mot vient de l'ancien Persan ou Pehlvyv qui, comme je l'ai déjà indiqué et comme .«j'espère le .■ prouver plus amplement , n'est qu'un dialecte^ Tatar. Cr- peut en dire autant àjX^Z^nd. du Faxend , du Thibeiùn , et même du Sanskrit 3 la langue sacrée des Brahmanes. (.Note dit JRed.'tt.) (jj Les TCaîmouks se servent de l'écriture mongole pour tontes le-, adirés privées et publiques; leur langue- est en plus grande partie celle des Mongols. Ce recueil de lois est signé de Fannéc du serpent , les cinq premiers bons jours de la mi-septembre. Tome IL N ' i()4 1769. IaïzkoÏ-Kasatschjbî Oïroets, en présence de trois KöuTOUKTOtr Ott grands-prêtres. Ces lois ne se jouent point de la vie des hommes ; on n'y trouve aucun ar-< ticle sur la question ordinaire et extraordinaire , pour faire avouera des iiinocens des crimes aux- quels ils n'ont jamais "songé. Elles renferment cependant des peines et des punitions pour tous les crimes quelconques , réputés pour tels , d'après la manière de vivre des Kàlmouks. Ces punitions consistent dans des amendes , des, confiscations de biens 5 les plus graves sont des peines corporelles : mais elles ne prononcent la peine de mort dans aucun cas. Les princes sont soumis aux lois et aux ordonnances comme le peuple. Plusieurs articles de ces lois son 6 remarquables , et méritent qu'on en fasse men- te. Le premier article concerne les trahisons et les hostilités que les princes et oulouss peu- vent commettre les uns contre les autres. Là loi condamne les transgresseurs à perdre toutes leurs, possessions , ou au moins à de grosses amendes proportionnées à la richesse des prin- ces. Cet article concerne aussi ceux qui ne se fendent pas à l'armée , lorsqu'il s'agit d'une guerre publique et nationale. Un autre article condamne tout chef ou simple soldat convaincu de poltronnerie , ou de s'être mal conduit dans une affaire , à une forte amende proportionnée au bien du coupable 5 on lui ôte en outre ses armes , on l'habille en femme , et on le pro- G o i ö d o t ïyS mène ensuite dans le camp. Les peines contre l'homicide sont fortes 5 elles ne consistent ce- pendant ni en punitions corporelles , ni en peines de mort , même pour un parricide. Tous les spectateurs oisifs d'une dispute particulière sont condamnés à l'amende d'an cheval, si l'un des deux combattans est resté sur la place. Si un Kaimouk en tue un autre dans une querelle de jeu , ou qu'il soit agresseur , la loi le con- damne à prendre chez lui la femme et les en- fans du mort , et à les entretenir. Si un Kal- mouk frappe quelqu'un ou le blesse, il est puni selon la qualité de la personne , et le plus ou moins de violence. Ce qu'il y a de plus surpre- nant, c'est que la loi fixe l'amende que l'on doit payer pour une dent , une oreille , cha- que doigt 'âè- la main blessé ou coupé. Un beau- père , nne belle-mère , et même les parens qui battent les enfans sans sujet, sont punis. Les amendes sont également fixées pour les insultes ; les plus grandes sont de tirer un homme par la queue , ou la barbe , d'arracher la houppe de son bonnet , de lui cracher au visage , de lui jeter du sable ou autre chose à la ligure ; celles commises envers une femme sont de lui tirer les tresses de ses cheveux 5 de lui mettre la main sur la gorge , ou autre partie du corps. L amende n'est point limitée ; elle est plus ou moins forte, selon l'âge de la personne offen- sée. On punit l'adultère , le concubinage avec N a 1^6 . ijff), luzTLoi - Kasàtschéi • les Filles esclaves , et la pédérastie.' On n'y a seule m eut attaché que des peines légères. De petites punitions sont fixées pour ceux qui trou- blent la chasse ? éteignent le feu du camp , emportent chez eux une charogne , ou un ani- mal égaré ou perdu , sans le dénoncer , ainsi- que pour un grand nombre de petites fautes , dont rémunération seroit trop longue. Le vol est le crime le plus rigoureusement puni 5 il emporte des peines corporelles, ou de grosses amendes , et même la confiscation totale des biens. La loi condamne ? non seulement le Voleur à restituer le vol , et à donner un cer- tain nombre de bestiaux, mais encore à avoir un doigt de la main coupé , quand même il n'auroit pris qu'une bagatelle en meubles on vê terriens 5 le coupable est le maître de se ra- cheter de cette dernière peine , en donnant cinq pièces de gros bétail. Il y a même une amende fixée pour celui qui yole une aiguille ou du fil. Galdan-Khaii a ajouté un article particulier à ce recueil de lois ; il porte que celui qui a l'inspection d'une centaine de tentes ou annales, doit répondre des vols commis par ceux qui sont sons ses ordres ; que si les chefs du hha- toun ne dénoncent pas un coupable , en sui- vant tontes les formes , ils seront condamnés à avoir le poing, coupé ; que si un simple Kal- mouk ne dénonce pas un vol coin mis , lors- G O R 0 D G K. 197 qu'il en est instruit., il sera mis aux fers. Qui- conque est convaincu de vol pour la troisième fois, est condamné à perdre tous ses biens. On a vu que la plupart des châtimeiis consistent en une amende de gros ou petit bétail , fixée suivant le bien du coupable > et la gravité de "' la faute. Ces amendes sont partagées entre le noïon, leurs prêtres , et le dénonciateur. Si le coupable est d'unraîig distingué J,_ son amende consiste, en cuirasses, casques , et autres ar- mures. La plus grande peine pour un prince qui commet des Hostilités contre un autre, est une amende de cent cuirasses , cent chameaux , et mille chevaux. Tous les autres princes sont obligés de fournir chacun un homme pour agir contre lui ; s'il a ruiné , par ses hostilités., des oulouss entiers, ou de grands aïmaks, on lui ôte toutes ses possessions : la moitié se par- tage entre les antres princes , et l'autre ap- partient à la partie offensée. Dans certain cas f on punit le criminel ? en lui étant un ou plu- sieurs de ses enfans. La peine la plus légère est une amende d'une chèvre avec son cabris , ou d'un petit nombre de flèches. Une autre loi porte qu'une fille ne peut se marier avant l'âge de quatorze ans 5 elle n'ose plus se marier après l'âge de vingt ans. Si elle est promise, et qu'à l'âge de vingt ans son, fiancé ne veuille plus l'épouser ? il lui est. per- N 3 it/S 1769. Iaïzkoï-Kasatschéi mis cle se marier à un autre , en avertissant le noïon. Celui qui l'épouse est obligé de donner un certain nombre de bestiaux au père > en échange de sa fille 5 mais il en reçoit aussi une dot. La loi ne fixe point ces deux articles , parce que le don et la dot dépendent de la ri- chesse des parties ? et de leur rang. Une autre loi ordonne que 9 dans le nombre de quarante kihitks ou cabanes ? il faut an moins que quatre hommes se marient chaque année , et que les fonds publics bonifient à chacun d'eux dix pièces de bétail pour l'achat de sa fille 5 ils reçoivent pour dot quelques liabillemeiis de peu de valeur. Voici la manière dont les Kalmouks prêtent serment en justice. Leur serment ordinaire est d'appuyer le bout du canon de leur fusil contre leur bouche , et de le baiser 5 s'ils n'ont pas de fusils , ils prennent une flèche : après l'avoir touchée avec la langue ? ils en appliquent la pointe sur le devant de là tête. L'épreuve du feu est usitée dans les cas importans. Ils font rougir une hache , ou un morceau de bois ; le coupable est obligé de le porter sur la pointe des doigts à quelques toises de distance , ' pour être déclaré innocent. On m'a assuré que plu- sieurs Kalmouks savent faire passer si adroi- tement ce fer roup-e à'nn doist à l'autre , qu'ils ne se brûlent point : cela est regardé comme la plus grande preuve de leur innocence. G O R O D O K. I99 Je passe à îa religion de ce peuple , et à plu- sieurs usages civils et ecclésiastiques , qui ont des rapports avec elle. J'ai dit , dans une note, que les Kalmouks ont la même écriture ^ pres- que la même langue et les mêmes usages que leurs frères les Mongols ', ils ont aussi la même religion, qui est le lamisme. On trouve, dans cette religion, ainsi que dans celle des Brames, un système entier de cosmogonie de l'univers , ses révolutions passées et futures 3 c'est un tissu de fables. On y voit l'ancienne doctrine de la transmigration des âmes. Ils prétendent que les hommes , dont ils ont fait anciennement leurs divinités , ont passé par les corps de toutes sortes d'animaux avant leur apothéose 5 c'est du moins l'idée qu'ils se sont formée de plu- sieurs de leurs dieux ou Bourkhans. Une chose remarquable , c'est que le lamisme a tant de res, semblance , quant aux cérémonies , au système des mutations de l'univers , et à beaucoup d'au- tres articles avec plusieurs sectes chrétiennes , qu'on pourroit presque prouver que la reli- gion des Brames et celle du Lama ont une grande affinité avec le nestorianisme ( 1 ). Je (ï) Cette observation vient complettement à l'appui de l'assertion contenue dans les notes d'un de mes ouvrages pré- cédens , ou j'ai avancé que Brahma n'étoit qu'un Sabéert hérétique , conséquemment bien postérieur à Bouddh ou jßedda, fondateur du Sabéisme ou Chamanisme , et dont les N 4 2öo ._ 1769. Iaïzkoï-Kasatscheï donnerai la description de plusieurs cérémonies religieuses usitées cliez les Kalmouks^ qui jus- tifieront l'opinion que j'avance peut-être trop librement. Je Tais rendre compte auparavant de ce que j'ai appris sur la doctrine des prê- tres lamas ] elle est renfermée et dispersée dans un grand nombre d'ouvrages. J'ai tiré ma rela- tion de plusieurs traductions de petits ouvrages sur la religion des Mongols. Ils m'ont été corn- jnuniqués par André Tschoubofskoï , proto- pope ( curé ) des Kalmouks chrétiens de Sta- vropol -, ce savant possède parfaitement la lan- gue Mongole. J'y ajouterai tout ce que j'ai pu découvrir sur ce système fabuleux , qui est fort étendu. J'augmenterai nos connoissances 5 je prouverai aussi par - la îe grand rapport qui impostures doivent être regardées comme les plus anciennes de celles qui exercent aujourd'hui la crédulité des hommes» Ce personnage s'est multiplié sous dilrerens noms dans tout notre, continent , c'est le Lama, des Thibétains , le Chac<& des Japonois et du royaume de Lao , le Fô des Chinois , le Sommona-'Codom des Siamois , le B^rro. des anciens Hin- doux ou Gymnosophistes,, selon St. Clément d'Alexandrie, le B 10 uïh des Chingulais , le Thlc-Ca des Tunquinois , le Thoth des Egyptiens , le. Boa des Tunguses , le Taras des Lapons, ÏOudin ou le JV^odtn des nations Gothiques, etc. Voyez les Détails littéraires , etc> , sur l'édition du Die- lionn, et dss Grammaires Tatares Mantchouoc , placés à la lête du troisième volume 4u Dictionnaire, { Nota du Rédact. ) G O R O D O K. SOI existe entre la religion des Brames et le la- misme. On voit,, à Astrakhan, beaucoup d'In- diens qui ont avec eux leurs prêtres ou-bracîi- inanes. Ils m'ont assuré qu'ils regardent les Kalmouks comme leurs frères, et qu'ils adorent plusieurs cle leurs Bourklians^ savoir, Aiou- sehe et Dschakdschimmouni. On prétend auss* que l'écriture des Indiens a beaucoup de rapport avec celle des Taiig-outs. Si ces faits sont vrais » c'est une preuve certaine que le lamisme des Kalmouks Mongols est originaire des Indes. Je commence par la cosmogonie des lamas - système fort étendu. Ils disent que , clans le principe , il exlstoit un abîme énorme* nommé Khoijbi-Saiagar. Ils déterminent sa longueur et sa profondeur à six millions cent seize mille Bébés (lieues) (1)5 mais ils ne parlent pas de l'époque de son existence. Des nuages dorés s'élevèrent de cet abîme ; ils se rassemblèrent et se fondirent en une {'orte pluie , qui donna naissance à une mer immense. Il s'est formé , peu-à-peu , sur cette mer , une écume sembla- ble à celle du lait. Leurs livres parlent de la grande quantité de cette écume , qui donna naissance à toutes les créatures vivantes , ainsi qu'à la race humaine : les Bour khans ou dieux descendent de celle-ci. Des orages s'élevèrent , (1) Un béïé fait environ huit verstes de Russie , et par conséquent près de vin riiOïLiickle et l'injustice, qui s'emparèrent du Cfêiir des liommes. Ils labourèrent la terre, et choisirent le plus sage d'entr'eux pour leur chef. Sa fonction étoit de partager les terres et autres possessions. Il fut enfin élu Khan. Telle est la condition actuelle des ho in mes, Dans les siècles écoulés depuis l'âp-e d'or , plu- skors Bourlvhans ont reparu sur la terre pour €orri^er les hommes et les rendre meilleurs. LeBourkhan Ebdekschi (le perturbateur) pa- rut à l'époque où la vie des hommes n'étoit piiis que de quarante mille ans. Il prêcha d'a- bord la foi dans le royaume d'ÉNETNu'ÏK (peut- être la Mongolie. ) Altan - Dschidakti , qui eslïe Eourkhan d'or incorruptible , le suivit ß cfîins le teins ou les hommes ne vivoient plus €pie trente mille ans. Le Eourkhan Guérel- Sakïktschï (le gardien du monde) (1), parut sm fflornent où la vie de l'homme étoit réduite à vingt mille ans. Le quatrième , nommé Maf- souschiri parut après lui. La vie de l'homme (ï) On pourroit croire que le Bourkhan de ce nom, ou le énécéètni , est une tradition obscure et défigurée du sauveur. Les Kalmouks ont un Bourkhan qui est représenté avec des incisions aux mains et à' la plante des pieds. Voyez sur la planche JCXIIJ , la fig, 5 ^ qui peut très-bien représenter une de ces deux divinités. ( Note du profess. Pallas. ) G o r o d o le; &af fut enfin fixée à cent ans. Le grand Bourkhan * Sakshimmouni , fondateur de la secte actuelle des lamas , descendit sur la terre pour prêcher la foi à trente-une nations. Malheureusement' chaque nation Ta écouté et interprété diffé- remment: c'est aussi la raison pour laquelle chaque peuple a une religion et une langue différentes. Je passe à l'état futur du lamisme. La vie et la taille des hommes, ainsi que celle de tous les animaux ? diminueront peu à peu; à une époque , un cheval ne sera pas plus grand qu'un lièvre , les hommes n'auront qu'une aune de hauteur , leur vie ne durera que dix ans , et ils se marieront à l'âge de cinq mois. Une maladie mortelle fera périr ensuite la plus grande partie de toutes les créatures. Mais avant la destruction totale du monde , la voix des esprits aériens se fera entendre ; elle sera suivie d'une pluie de toutes sortes d'armes meurtrières. Quelques - uns de ces nains , remplis de crainte et de terreur , feront une provision de vivres pour sept jours \ ils iront aussi chercher un asile dans des cavernes obscures. La terre sera couverte de cadavres, baignée de sang. Une pluie horrilue viendra en- suite ; elle entraînera ces corps et toutes les im- mondices de la terre dans le vaste Océan. A celle- ci, succédera une autre pluie odoriférante qui vivifiera la terre. Toutes sortes d'hahilleinens, ào8 Ï769. lAÏzKOÏ-K.lSATâCHÉt des alimens , et d'autres choses tomberont du ciel. Les hommes recommenceront à vivre. lis Seront vertueux , et leur vie sera de quatre- vingt mille ans pendant un tems infini, Cette époque remplie , la vie de l'homme diminuera de nouveau. Un Bourkhan revivifié viendra en- suite sur la terre \ il se nomme Maïoaksh. [Voyez planche XXII ^ ß g. 1.] Ce saint sera couvert de gloire 5 il sera d'une taille prodi- gieuse et d'une beauté divine. Les hommes , remplis d'admiration et d'étonnenient , le ques- tionneront beaucoup sur sa taille et sa beauté. Il leur répondra qu'il est parvenu à cette per- fection en pratiquant les vertus 7 en domptant tontes les passions , et en ne commettant au- cun homicide , de quelque nature que ce soit. Les hommes se convertiront alors entièrement, et ils parviendront à ce degré de perfection par la pratique des. vertus. On voit la manière dont les Kalmouks ont coloré leur système sur le* lamisme., ou la reviviiication de toutes cho- ses. Leur doctrine ? sur la plupart des époques futures de l'univers , est si étendue et si em- brouillée, que je suis forcé d'avouer qu'il m'a été impossible de m'éclairer assez parfaitement par les ouvrages qui m'ont été communiqués. Toutes ces époques sont plus ou moins longues. Ils leur donnent généralement le nom de Ga- iahp ; ce mot dérive de Gal (feu). Ils les ap- pellent ainsi , parce qu'elles seront presque toutes G O Ä..O D O K. Ho 9 toutes terminées par le feu. Quarante— neuf époques finiront ainsi. Chaque huitième épo- que se terminera par un déluge > jusqu'à la révolution totale. La dernière finira par un ouragan. Ils divisent toutes ces époques en quatre périodes principales;, qu'ils appellent 'Akhou-Gaxahp , Ebdérékou-Galahp , Khoa- sim-Galahp et Toktqkhou-Gàlaiu». La pre- mière division renferme l'espace de temps où la vie de l'homme sera dé quatre »vingt/ mille ans, et finira ensuite par n'être que deldix. Pendant la seconde division., les hommes pé% riront.; c'est pourquoi on l'a appelée Ebdérékou* Galahp (période perturbatrice). Pendant, la troisième , la terre sera déserte $ c'est pourquoi, ils l'appellent Khoasim-Galahp , (époque de-, serte). Dans la dernière , il viendra un Rim'An- dral , (ouragan) , qui transportera les âmes de. l'enfer sur la terre. Ils ne déterminent poiilÇ précisément l'époque ni le lieu où ces chan- gemens arriveront. ,,, . . J'ai déjà parlé du tems où les Bourkhans Ont quitté la terre, pour monter au ciel. Il faudroit plusieurs yolumes in -folio pour décrire leur nombre et leurs actions. D'ailleurs, leur his- toire est si embrouillée , et le clergé si igno- rant , qu'il est impossible de lier ces faits -, sans la traduction de leurs^ ouvrages religieux, en- core faudr oit-il les confronter. Ces Bourkhans son\ de saints hommes, ou plutôt des foui be& Tome IL 0 mo ij6g> iAÏzKoï-KASATSCHÉr qui ont persuadé aux peuples qu'ils a voient passé par tous les degrés de la révivification , et qu'ils ont fini par vivre de nouveau. Les autres sont des personnages fabuleux, ou des idoles monstrueuses et ridicules , qu'ils ont adoptés d'autres religions plus anciennes que la leur. Je n'ai pu découvrir si les Kalmouks ad- mettent, parmi leurs divinités, un être su- prême et éternel, ou s'ils suivent le système ô!Épicure > sur le principe des choses , ce qui paroît assez vraisemblable, d'après ce que je viens de rapporter. Ils pensent que tout ce qui arrive dans ce monde , bien ou mal , est dirigé par les Bourkhans , ou par les bons ou mauvais esprits qui habitent dans les airs. Ils donnent à leurs Bourkhans plusieurs rangs 5 du moins ils diffèrent entre eux , quant au pouvoir et à leur emploi. Il m'a paru qu'ils donnent lä première place à Abida [ voy.p/. XXII ', ftg. 2,] , quoique DscHAjLDSHiMMOUNi, fondateur delà secte des lamas , soit la divinité la plus connue > et celle à qui ils rendent le plus grand culte. Son idole est la plus répandue parmi les Kalmouks. [ Voyea la même planche , ßg. 3.] Une chose très-remarquable, c'est que pres- que toutes les idoles sont représentées par des figures de femmes, cjui ont les lobes des oreilles très-longs et troués , à l'exception de celles du Dalaï-xama [voyez planche XXIII ,ßg. 4], et de plusieurs autres prêtres j et leurs orne- 1 G O XL O D O K. 211 mens ressemblent beaucoup à ceux des Indiens. Ces dieux ont presque tous les jambes croi- sées. JFai vu cependant plusieurs de leurs idoles représentées debout ; telles sont celles qui ont; un grand nombre de têtes et de bras [voyez planche XXII, fig. 4], et Erlik-Khan, (dieu de Fenfer. ) [ Même planche , Jig< $, ] Je n'ai jamais pu découvrir le nom de la première (1). Les Kalmouks donnent à la plupart de leurs idoles les Orkinshi ou echarp.es , qui sont les marques d'honneur des prêtres , et à quelques- unes la clochette et le sceptre qu'ils tiennent % ou qui sont devant eux lorsqu'ils officient. Ils ont deux sortes de divinités , les bienfaisantes et les méchantes. On les distingue aisément par la figure. Les premières ont un air et un mainr tien doux; les autres sont horribles. Les plus terribles sont celles représentées figure 6 de la XXIIe planche, et figure 1 de la XXIII«. Quoique le plus grand nombre de leurs idoles ait les mêmes postures", j'en ai vu plusieurs qui avoient des attitudes différentes. J'ai été assez heureux pour trouver à Iaïzkoï-Goro- dok une nombreuse collection de ces idoles. Elles sont toutes moulées en cuivre, creuses.,, (1) Il seroit trop long d'indiquer les rapports de toutes ces fables avec celles des Thibetains et des Indiens sur-tout , et des autres peuples indiqués dans la note ci-dessus. Ces rap- prochemens méritent de former un ouvrage particulier dont j« m'occupe depuis long-temps. (Note du Rédact.) O a 213 . Ij6g- iAlZltbï - Kasaï schéi très-bien dorées au feu, et d'un assez beau travail. Elles sont telles qu'on les voit repré- sentées. La figure 1 de la XXIIIe. planche est une des plus remarquables ; elle est dans sa grandeur naturelle. Elle est composée d'argent, en partie, et fort habilement travaillée. Les pieds de ces idoles sont creux, et fermés or- dinairement par une plaque de cuivre. On voit dans chaque pied un petit cylindre composé de cendre , enveloppe d'une petite bande de pa- pier, ou d'un morceau d'écorce de bouleau , avec une inscription Tangoute. On ne les trouve pas dans plusieurs, mais elles ont toujours le morceau de papier et l'inscription. Ces cylin- dres sont probablement les reliques des corps saints de leurs Bourkhans. On verra plus bas que les Kalmouks envoient au dalaï-lama les cen- dres des personnes qu'ils sanctifient, et que ces cendres deviennent ensuite des reliques pour eux. Lès Kirguis se Sont' emparés d'un grand nombre de ces idoles, à F époque de la décadence des Soonçars. Ils les échangent avec les Rus- ses, contre des marchandises. Les Kalmouks les rachètent des Russes à très -haut prix,' lors- qui habite dans les eaux pendant l'hiver. Au printems , ce monstre s'élève dans les airs pour servir de monture à un de ces députés de l'enfer. Ils prétendent , lors- qu'il fait des éclairs , que le dragon vomit des flammes de feu 5 quand il tonne , c 'est que le (1) Je parle ici du bas clergé et du peuple en général. On trouve, parmi les Kalmouks, des esprits forts qui n'ajoutent aucune foi à toutes ces fables. G O -R O D O X. âl£ génie qui le monte , lui fait sentir si bien le fouet, que la douleur le fait mugir. Ils rap- portent que les trois Bourkhans , Ma fsouschiri , Dschakdshimmouni et M Aid ar in, étant un jour assis ensemble , firent leurs prières clans la plus grande ferveur , ayant les yeux fermés , ainsi que cela se pratique chez les Kalmouks *y le génie infernal s'approcha d'eux, et fit ses ordures dans la coupe sacrée que les prêtres ont devant eux, lorsqu'ils font la prière. Dès que les dieux s'en apperçurent, ils tinrent conseil. Ils con- clurent que s'ils répandoient cette matière ve- nimeuse dans les airs , ils feroient périr tous les habitans de cet élément; et que s'ils la jetoient sur la terre, ils feroient mourir tous les êtres vivans qui l'occupent. Ils résolurent donc , pour le bien de l'humanité, de l'avaler. Dschakdshimmouni eut pour sa part, le fond de la coupe ; le levain étoit si fort, que son visage devint tout bleu. C'est la raison pour laquelle on lui peint la ligure en bleu dans les images $ ses idoles ont seulement le bonnet vernissé en bleu. Je passe aux esprits aériens dont j'ai souvent parlé. Ils jouent un très-grand rôle dans la reli- gion du lamisme, et les Kalmouks leur donnerrt le' nom de Te^gri (i). Les uns sont des génies bien- faisans , les autres de mauvais $ ils les regardent (i) Les Turks emploient ce mot pour désigner fê»e - sit- ppêmç. (Note du Rédact.) 04 2i6 1769. Iaïzkoï- Kasatscheï comme immortels 5 ils ne les vénèrent pas autant que leurs Bourkhans; et ils ne leur accordent pas autant de pouvoir, Ils les partagent en plusieurs classes, et je n'ai pu me procurer des renseigne- mens sur toutes. Ils leur donnent plusieurs rési- dences, soit dans les mondes, soit dans les airs. Ils prétendent connoître la grandeur de ces esprits , et la durée de la vie de chacun d'eus. Quatre de ces esprits habitent près de notre monde , et ils n'en sont éloignés que de cent vingt-cincj toises. Ils s'appellent Makharasa. Les trente- trois esprits célestes dont j'ai fait mention, ha- bitent au-dessus d'eux. Leur taille est de cent- cinquante brasses ; un d'eux , nommé Téious- Biiakhoulantou , est encore plus grand. Ceux de la troisième classe s'appellent Khoubil- gaksani-Edlekschi. Ils demeurent à la hau- teur de quatre verstes de notre globe; leur vie est de deux millions deux cent six mille ans. J'omets., comme superflus, les noms bar- bares qu'on leur donne. Un jour est pour ces esprits ., ce que cinquante ans sont pour la vie de l'homme. La durée de leur vie est de cinq cents ans composés de pareils jours. La repro- duction de ces esprits est aussi singulière que les qualités qu'on leur accorde. Les uns se re- produisent en s'embrassant, d'autres en souriant, quelques-uns en se regardant gracieusement les uns les autres. J'ai cru appercevoir ., par les discours des prêtres Kalmouks, qu'ils sont per- G o k o do K. 217 Suadés que toutes les intempéries de Fair, les événemen-s malherireux ^ les mauvaises époques de l'univers,, sont occasionnés par les esprits malfaisans. Ils prétendent empêcher leur pouvoir de nuire, parle moyen desexorcismes, et de plu- sieurs prières Tangoutes , auxquelles ces génies ■sont forcés de céder. Les esprits bienfaisans sont aussi blancs que la neige; ils ont la figure resplen- dissante. Ils sont, ainsi que les Bourkhans, les anges tutélaires des hommes et du monde. Je viens à l'article le plus important du lamis?ne, qui influe beaucoup sur le moral ; c'est l'exis? tence de Lame après la mort, la relation de l'enfer et des récompenses futures. L'enfer est situé au milieu de l'espace qui est entre le ciel et la terre. E riik-Khan, [voyez planche XXII, hg. 5] , est le despote souverain des enfers, et le juge des âmes tré- passées. Son palais est situé dans une grande ville qui est entourée de murs blancs 5 on y faitcontinuellement résonner de grosses timbales. En deçà de cette ville est une vas Le mer d'urine et d'excrémens, qui est le séjour des damnés. Le sentier de fer dont j'ai parié est le pont sur lequel on traverse cette mer. Les coupables ne peuvent le passer. Lorsque les âmes dé- pravées , qui ont méprisé les trois principaux points de la religion > le Sûurban Lvrbéni (1) , «■'■"' — — — ■ 1 ■ ■ ■ ■ - (1) Les livres du lamisme font souvent mention de ces 2i8 1769. Iaïzko'ï-Kasatschei et méprisé le clergé , passent par ce sentier ; il devient si mince sous leurs pas , qu'il finit par être de l'épaisseur d'un cheveu; il se brise ensuite , et les coupables sont aussi -tôt précipités dans les enfers, sans aucune forme de sentence. On trouve plus avant y une mer de sang, sur laquelle Botte un grand nombre de têtes humaines. C'est le séjour de ceux qui ont suscité des querelles et des meurtres entre des païens et des amis. Plus loin est un lieu composé d'une terre ferme et blanche; une foule de damnés y étendent e t font agir inutilement leurs main s ^ p our prendre de la nourriture et étancher leur soif. Ils ne trouvent ni alimens , ni eau. A force de fouiller et de creuser dans la terre , leurs mains et leurs bras se sont décharnés jusqu'aux épaules. Ils finissent par tomber , mais ils croissent de nou- veau pour recommencer leurs tourmens. C'est l'habitation de ceux qui n'ont pas pourvu à la nourriture , à la boisson et auxhabiilemens des prêtres. Tous les autres séjours de l'enfer en- vironnent le palais & Erlik-Khan ; ils sont au nombre de dix-huit. Les damnés y souffrent des peines proportionnées à leurs péchés. Chaque séjour a ses Esed , ou gardes particuliers, efc deux mots , So#rban erbéni ; ils signifient la sainte Trinité. Mais ils en donnent une autre explication, et ils prétendent qu'ils renferment les trois principaux points de leur religion j savoir ,'lcs lamas , les Bourkhans , et la vraie croyance. Pallas. G O R O D o t si 9 des diables ; leur fonction est de tourmenter ceux qui l'habitent. Les Kalmouks représentent les diables souS toutes sortes de formes et de figures hideuses. Ils sont noirs, avec des têtes de chèvres, de lions , de licornes, &c. Un de ces lieux est habité par une' multitude de damnés qui rampent à terre sans jambes. Ce sont les âmes de ceux qui ont méprisé le clergé. Les riches qui n'ont pas fait d'aumônes aux pauvres , habitent un autre sé- jour; ils sont métamorphosés en monstres ; ils ont la tête et le corps aussi gros que des mon- tagnes; leur cou est aussi mince qu'un cheveu. Les parricides, les homicides, et même ceux qui ont ôté la vie à un animal quelconque^ sont tourmentés dans le plus cruel lieu de l'enfer ; on y entend des gémissemens continuels. Un des points de stricte observance du lamisme, estladé- fence de tuer à dessein un insecte , et même ceux qui tourmentent le plus les hommes. Ils pensent que les âmes des animaux tués se vengent tou- jours , aussi-tôt qu'ils sont dans d'autres corps. Les impies occupent un autre lieu. Ils sont tour- mentés par de petits diables qui leur remplissent continuellement les oreilles de suie bouillante ,f afin qu'ils ne puissent s'entendre malgré leur désir de converser. Ceux qui ont pillé les tentes des Bourkhans , brûlé les livres saints, ou vécu avec orgueil , sont dans un emplacement par- ticulier j ils sont jetés dans des chaudières bouil- 22o 1709. Iaïzkoï - Kasatschéi lautes , remplies deserpens. Dans d'antres lieux,' les diables font rôtir continuellement les damnés sur le gril ou à la broche. Un de ces séjours est couvert d'une nuée d'ordures et de vuidanges. Cette nuée est garnie de cent-huit crochets où l'on pend les damnés. Lorsque le vent les jette à bas , ils tombent , de cascade en cascade , sur des pointes de fer , jusqu'à ce qu'ils soient inis en pièces .5 une voix qui leur rend la vie, se fait entendre alors. Leurs peines durent deux cent millions d'années , pendant lesquelles on, les coupe en pièces , on leur roue les mem- bres , et on les broie dans des mortiers. Il y à encore d'autres prison s infernales, très-obscures^ quoique de fer , elles sont très-ardentes. Il existe un enfer si froid, que les damnés y gèlent avant 3e lever du soleil. Les diables s'emparent alors d'eux, et les traînent jusqu'à ce qu'ils reviennent en vie pour souffrir de nouveau. On y trouve aussi un lieu destiné à ceux qui ont vécu dans la mollesse , et qui ont mis du luxe dans leurs ha- bits. Une foule de petits diables y font rougir des barres de 1er dans une fournaise , pour frotter le dos des coupables. Les damnés sont roués et broyés entre des plaques de fer et des meules , dans un lieu particulier ; on leur rend la vie pour les f lire souffrir encore. Les animaux qui ont commis des fautes , sont punis dans une contrée particulière. Leur peine est de toujours boire et manger sans pouvoir se rassasier. Il ne G O R O D O K. 221 SéttS pas être éfonné que le lamisme donne aux animaux une place dans les enfers, puisqu'il leur accorde l'avantagé d'entrer dans le paradis des Bourkhans et des esprits aériens. La luxure est le seul péché auquel on n'ait pas destiné un lieu dans cet enfer si bien policé. Ceci ne s'ac- corde pas avec l'esprit de continence du clergé. Je passe au destin des âmes trépassées. Lés grands et saints lamas qui ont rempli dignement leur état , et su vaincre toutes les passions , vont directement au ciel habiter le séjour des bour- khans, par l'efficacité de leurs prières ; la princi- pale est celle qu'ils appellent les six paroles , les voici, om ma wié päd, me khoum. Ils y jouissent d'une tranquillité parfaite avec les autres âmes des justes ^ et ils s'occupent à ser- vir Dieu jusqu'à l'époque de leur nouvelle vie. Le député du diable dont j'ai parlé , conduit les âmes devant Erlik-Khan , pour qu'elles se justifient par leurs bonnes œuvres. Lorsqu'elles sont reconnues pour être justes et pures, Erlik- Khan, les fait placer Sur un trône d'or , et trans- porter ainsi sur une nuée , dans le lieu habité par les Bourkhans. S'il s'en trouve qui aient fait beaucoup de bonnes œuvres ,' et commis beau- coup de péchés , le premier Bourkhan qui se trouve au moment où l'ame paroîi devant le tribunal, lui sert d'avocat. Erlik-Khan. , pour juger la cause , se fait donner le grand livre nommé Béaltan-toali, Toutes les actions des £2â lj6g. Iaïzkoï - Kasatschéi hommes , bonnes ou mauvaises , y sont inscri- tes. Si la cause est douteuse , Erlik-Khari prend sa balance et pèse les bonnes œuvres de l'ame , les péchés servent de poids 5 il pro- nonce ensuite le jugement. La sentence ren- due , il envoie l'ame auprès des Bourkhans ou des esprits bienfaisans y ou il la livre au gardien, des enfers pour lui faire souffrir les peines mé- ritées par ses crimes. Il donne à plusieurs un passe - port pour retourner dans le monde j Erük-Khan a le pouvoir de faire revivre les corps morts , en y mettant l'ame qui en a été séparée. Il fait usage de sa puissance en faveur des pécheurs morts doués de quelques bonnes qualités , pour qu'ils servent à l'instruction des hommes qui habitent sur la terre. Les Kal- mouks tiennent de ces ressuscites les connois- sances qu'ils ont de l'enfer et de la vie future. Suivant les lamas , les peines de l'enfer ne sont pas éternelles 5 elles n'existent que pour im tems fixe , mais cette durée vaut presque une éternité. Il arrive souvent que le Bourkhan KhoivISChiw-Bodi-Sada , qui sait tout, a com- passion de plusieurs damnés. D'après les ima^ ges et les idoles des Kalmouks , il ressemble beaucoup à Dschakdshimmouni. Un saint lama trépassé s'égare quelquefois dans les enfers 5 il délivre, parle moyen de plusieurs pierres Tan- goutes , une partie des ameSj, et les fait passer dans le séjour des bienheureux. Il n'y a que G O R Ö D O K.. 2.o3 ceux qui n'ont jamais péché contre le clergé ou les Bourkhans , qui puissent participer à cette indulgence. Plusieurs livres merveilleux procurent , par leur vertu , la délivrance des peines de l'en- fer , quoiqu'on ait vécu criminellement. II ne faut pour cela que lire souvent ces livres pendant sa vie , ou les copier , ou bien les porter sur soi. Parmi ces livres , il en est un très - inintelligible , appelé Dordshé-Dshod- BO , le Mystère de Dshodbo $ il ne ren-, ferme que des prédictions. J'en ignore le con-* tenu. Tout ce que j'ai pu apprendre des mer- veilles de ce livre , c'est que par son moyen on guérit des maladies , on prolonge les années , ©u chasse les esprits mal-faisans, et on se délivre des peines de l'enfer les plus graves. Les extraits que je viens de donner sont les principaux points de la mythologie du lamisme, qui est très-étendue. Ils suffisent pour prouver qu'elle a été inventée par les lamas , ainsi que beaucoup d'autres préjugés , pour soumettre le peuple à leurs loix. Ils ont fort bien réussi, puis-* qu'ils tirent un tribut du peuple., et qu'ils sont même parvenus à se soumettre tous les grands et les princes. On peut s'assurer que les avan- tages et le droit de primatie dont ils jouis*- sent , en ont augmenté beaucoup le nombre dans toutes les sectes du lamisme. J£houbr_4,k est le titre de dignité de ce clergé. 224 ijSy. IâÏzkoï-Kasatschéi Le Dal aï- Lama en est le chef suprême.' Leg Kalmouks le regardent comme un Bourkhan qui habite sur la terre , et l'adorent. Ils assurent que son ame passe toujours d'un corps humain dans un autre. Le plus grand nombre nomme le lieu de sa résidence Baraöun-Tala ; d'autres l'appellent Pöktal, ou Batalaï-Lassaou. Les hordes envoient de teins en teins des députés à la cour de ce chef, pour traiter des affaires qui regardent le clergé. Plusieurs dé ces députés, et des pèlerins quiyétoiënt allés par dévotion, m'ont dit que le monastère du dalaï4ama est situé sur une montagne , et que les femmes n'osent poitft y entrer. On compte sept cents pagodes ou cha- pelles d'idoles. La description de l'habillement de ce pontife seroit trop longue \ le dessin re- présenté figure 4 9 planche XXXIII , en donnera Une idée plus distincte. Il ä été fait d'après une idole de fonte. Son bonnet pointu ressemble au capuchon d'un moine ; il tient à l'habit , de sorte trayon peut le mettre sur la tête , ou le laisser pendre 5 l'habit est jaune. Le jaune et le rouge sont les couleurs affectées aux personnes sain- tes. Les Torgrmts ont un lama ou vicaire du dalaï- lama. Cette place est toujours remplie par une personne du fyaut clergé. Les oulouss soongars àvoient aussi un lama à leur arrivée 5 mais je ne puis assurer si , depuis leur soumission à la Russie, les Kalmouks ont conservé un ou deux de G O B. 0 D O K. IlS de ces patriarches. L'habillement de ces lamas est le même que celui du dalaï'-laina , excepté que la robe a des manches ; ils y passent leurs bras lorsqu'il fait froid. Le peuple les regarde comme des Bourkhans ; et tous les Kalmouks , grands et petits, les révèrent comme tels en ouvrant les bras, et les étendant vers eux. La bénédiction d'un lama consiste dans la sim- ple imposition des mains. J'ai vu des figures qui représentent le dalaï-lama dans la même attitude que celle des Zordshi ou évêques , lorsqu'ils donnent leur bénédiction. Le lama a son oulouss en propre 5 il est composé de mille tentes 3 des ecclésiastiques le forment presque entièrement • le bas clergé lui doit annuellement un tribut en chevaux et en chameaux. Après le lama., les Zordshi tiennent le pre- mier rang. J'ai traduit ce titre par le mot d'é- vêques, ne pouvant lui donner une dénomina- tion plus propre. Leur habit est jaune ou rouge, mais ils n'ont roint de manches à leur veste. Ils portent , ainsi que les lamas ? une écharpe rouge qu'ils ne quittent jamais : ils les appel- lent QtaKiMDSa'ï*. Les zordshis et les lamas ne portent point de culottes , afin de ne pas souil- ler leurs mains par l'attouchement du corps , en allant à la garde-robe. La dernière classe est celle des prêtres appelés Gcjej.loung, qui vivent dispersés dans les hordes 5 ce sont eux qui composent réellement le clergé. Tome IL P 22$ %j6<). ÏAÏZKOÏ - Kasatschéi On en compte un sur cent cinquante à deux cents tentes. II officie près de son aïmak. Un guelloung n'a point de propriété ; son revenu consiste dans les présens que le peuple lui fait , et sur-tout les jours de fêtes et de prières. lis sont aussi exempts de toutes charges publiques. Ils ne font d'autres saints à leurs princes que de retrousser leurs moustaches , compliment fort singulier. Chaque guelloung tient une école qui est sou- vent assez nombreuse. Les écoliers s'appellent Mandshi. Il leur enseigne la langue Tanpoute , et leur religion. Le devoir de ces écoliers est de chanter pendant l'office , et d'y jouer des ins- trumens. Chaque guelloung auiiDiATScnoKou diacre, aide , appelé GüjEdsull. Il peut faire des guasdsull de ses écoliers ; mais pour la prê- trise , ils sont obligés d'aller prendre les ordres à la cour du lama , ce qui se pratique avec beaucoup de cérémonies. Il existe encore une autre petite charge d'é- glise. Je ne puis mieux la comparer qu'à celle de nos marguilliers ou sacristains. Ils portent le nom de Ghf.pku. On ne les trouve que près du haut clergé. Leur emploi est d'avoir soin du Bourkhan-Oltergoé j c'est une tente de feutre superbement ornée , et séparée des autres ; elle est dressée pour servir de salle d'assemblée aux Bourkhans. Le bas clergé , jusqu'au guelloung , porte l'habit du peuple. La seule chose qui les G O B. O D O %. 2'2J distingue , c'est d'avoir la tête entièrement ra- sée , et de ne pas porter de houppe à leur bon- net. Lorsqu'un écolier est reçu , on lui coupe sa touffe de cheveux en cérémonie 5 il fait ensuite le vœu de chasteté , ainsi que les marguilliers , les prêtres et le haut clergé. Un mandshi peut cependant abandonner l'état ecclésiastique y et se marier , avec la permission de son prêtre. Le culte des Kalmouks se fait en langue Tan- goûte ( 1 ) , que le peuple ne comprend pas ; mais il faut que les prêtres sachent au moins la lire ; ils sont obligés d'avoir pour l'office toutes les prières et cantiques nécessaires pour chaque jour et chaque heure. On trouve généralement chez tous les membres du clergé , beaucoup de livres en langue Mongole ; ils traitent des céré- monies de leur culte , du rit , des maladies, en- terremens , etc. Ils ont des exorcismes en langue Tongouse, pour guérir les maladies. Ils les nom- ment Tarni , et ils n'emploient presque point d'autres remèdes que ces formules, des prières (î) Le Tangout est la même langue que le Tliibetain. Cette identité a donné lieu à une fausse inculpation , faite par l'Abbé de Saint- Leger à Fourmont , qui a osé dire que les fragmens trouvés en Sibérie et envoyés par le Czaf à Bignon, étoient en Thibétaiu , tandis que Müller les a désignés dans une dissertation sous le nom de Litterœ Tangucunœ. Mais notre critique, ignoroit le sens synonyme des deux mots Thibet et Tangout. Le premier désigne <_j r 0 plus particulièrement la partie méridionale de ce royaume j l'autre, la partie septentrionale. (Redact.) P ^ 22.8 1769* IaïzkoÏ- Kasatschéi et figures qu'ils pendent, comme une amulette, au cou du malade. D'ailleurs, chaque Kalmouk porte une amulette roulée et attachée à un cordon sur la poitrine. Ce sont les prêtres qui les leur donnent. J'ai vu de grands morceaux de toile de coton , sur lesquels on avoit imprimé et peint en couleur toutes sortes de figures ; elles ne signifient rien ordinairement. Ces images s'appellent Bou. On joint à chacune un Tarni , ou formule en langue Tangoute , avec son usage et ses vertus. Ce sont aussi les prêtres qui font ces images, et impriment ces figures sur des planches en formes de bois. Les Kalm ouïes en font grands cas , et ils ne doutent nullement de leur efficacité. - Les prêtres sont également obligés d'avoir les livres astrologiques du lamisme , afin de dé- cider le jour et l'heure favorables à chaque opération , entreprise ou circonstance , attendu qu'un Kalmouk bon croyant n'entreprend rien sans consulter auparavant son prêtre. On dit qu'ils ont un livre qui , joint au vol des oi- seaux, sert à faire les prédictions. La chouette blanche (1) est un grand présage de bonheur et de malheur pour eux, si elle prend son vol à droite ou à gauche. Si elle se dirige à gauche, qui est le côté sinistre , ils font leur possible pour la rechasser sur la droite j s'ils réussis- (i) Strlx nictœa. G o r o b o K. 229 sent à ïa faire retourner > ils croient avoir mis un empêchement au malheur qui leur étoit annonce. Les Tatars appellent cet oiseau Tou- can a , et les Kalmouks, Zakhan-Schoubho. Tuer cet animal seroit un crime. Les prêtres Kalmouks ont un livre intitulé Bobimer ; il' traite à fond l'histoire de leurs dieux. C'est le plus important de tous , et en même-tems le plus volumineux. On m'a aussi vanté beaucoup un extrait succinct de toute la mythologie du lamisme ; il porte le nom d'ERTIOUNZ-IoUN-ToALl. Les prêtres du bas clergé ont ordinairement leurs idoles avec eux ; ils logent dans des ten- tes de feutre blanc , parce que les Eourkhans ne doivent point en habiter d'autres. Au lieu du lit qui est placé vis- à- vis la porte , on trouve à cette place, dans les tentes des prêtres, plu- sieurs petites caisses qui renferment les idoles et les livres. Les Bourkhans du premier ordre sont serrés quelquefois dans des étuis particu- liers qui sont posés sur ces caisses. En avant, est une petite table ou autel qui reste toujours dans la même place. Il est garni d'une lampe et de huit petites coupes de cuivre ou d'argent appelées Takilin-Zogazé. Ils ont encore une autre petite coupe attachée à un long manche de fer , fiché en terre à la place du foyer. Le guelloung jette dans ce vase , comme offrandes , toutes les boissons qu'il prend 5 et il ne boit P $ s3o Ï769. ÎaÏzKoî - Kasatschét jamais, sur-tout si sa boisson a été mise clans des vases étrangers , sans avoir proféré ces pa- roles , Om a khouMj qui signifient, selon eux, que tout soit purifié , que Dieu nous comble de ses bienfaits en abondance , que cette boisson nie soit salutaire. Ils ont un cran cl nombre de prières aussi laconiques que celle-ci. Le guel- loimg couche dans cette même tente , avec son guœclsuli , ou plusieurs cle ses écoliers. Ils n'ont d'autres lits que quelques morceaux de feutre étendus sur la terre. Le cuellonns: se réserve la droite de la tente. Les Kalmouks ont trois jours de fêtes clans le mois. Ils règlent le teins d'après la lune 5 ils commencent toujours les mois avec la nouvelle lune , de sorte que le premier jour de prières , nommé Taka , tombe le huitième jour après la nouvelle lune. Le second appelé Lou , arrive le quinze ; et le Khoïm , c[ui est le troisième , le trente. Tout Kalmouk un peu dévot ne vit ce jour-là que de laitage. Ils passent la plus grande partie cle la journée près cle la tente de leur prêtre ; ils s'y rassemblent au bruit des timbales et au son des trompes,, nommées BurjEj elles sont de bois ou cle cuivre, et elles ressemblent aux instrumens des bergers de la Suisse.' Les principaux Kalmouks et ceux qui possèdent les écritures sont les seuls qui osent entrer dans la tente. Les personnes clés deux sexes sont assises autour de la cabane sacerdotale , tenant un G O R O B O K.' S3i chapelet à la main, appelé ArKIn* Ils pronon- cent à voix basse , en tenant chaque grain, les six paroles rapportées ci-dessus; ils ont les yeux baissés pendant cette prière. Ils en ont mie an- tre qu'ils ont apprise par cœur sans en savoir le sens. Les prêtres font beaucoup de bruit pen- dant l'office. Ils attachent à de longues per- ches , placées devant la tente , de grandes ban- des de toile en forme de banderoles , sur les- quelles sont écrites plusieurs prières en langue Tangoute. Ils prétendent que ces prières ont autant de vertu que si on les récitoit , lorsque l'air les agite. Une chandelle brûle devant les Bourkhans. Les huit petites coupes sont rem- plies d'eau y de viande séchée , de fromage et autres comestibles. On voit à terre, devant la table du Bourkhan , de grands bassins remplis de viandes , du fromage , du lait , du gruau , etc. que le peuple y apporte. C'est commettre un grand crime que de passer pardessus ces bassins. Je l'ai commis plusieurs fois par igno- rance 'y et j'ai remarqué , par leurs regards , que les Kalmouks étoient fort indisposés contre moi. Les prêtres riches font brûler sur la table,, de- vant leurs Bourkhans , de petites pastilles d'en- cens qu'ils appellent Kukschi, Les pauvres jettent au commencement de l'office, qui dure toute la journée , un peu d'encens sur la bouse de vache allumée et portée par un petit trépied de fer. Ils exposent ce jour-là. leurs Bourkhans ï>4 'ASS 17^9. ÏaÏZXOI- KASAT5CKEt dans toute leur parure y ils les mettent an* dessus de l'autel surHes petites caisses. Ils leur pendent sur les épaules en forme de manteau 9 de petits chiffons d'étoffe de soie verte , rou^e ou jaune, qui servent également à les envelop- per dans leur étui. Ils garnissent l' intérieur de la tente avec les images des saints. Ces prêtres ont outre cela toutes sortes d'images peintes dans leurs tentes. Le prêtre qui officie est assis à sa place ordi^ naire ; il a la te Ce et la poitrine découvertes , son écharpe ronge sur l'épaule , et un chapelet pendu à son cou. Les Kalmouks en portent tons pendant la prière. Ils sont semblables à ceux des catholiques romains, à l'exception qu'ils n'ont pas de croix. Les prêtres ont 1111 petit banc devant eux ; une tasse remplie d'eau , IcKhotsKho ou petite cloche de métal joliment travaillé et garni d'un manche , I'Otschir oit petit sceptre avec lequel ils représentent les Bourkhans , et plusieurs petites assiettes de métal nommées Dekgdsché, sont placés sur ce banc. Le guœdsull et les écoliers qui composent le chœur sont assis à coté du prêtre ; ils ont tous la tête découverte et une bande rouge sur l'épaule. Les uns chantent les continues qui sont devant eux; les autres jouent des instrumens, qui augmentent le bruit que les chantres font en criant à pleine gorge. Ces instrumens sont de grosses timbales suspendues ou posées sur -des G o r o d o k. s33 tréteaux; on les appelle Kenguergué. Ils se servent de baguettes de bois courbes. Les bou- tons des baguettes sont couverts de peaux et rembourrés. Ils ont aussi des cymbales nommées Zoeng. C'est le prêtre qui en touche lorsqu'il manque d'aide. L'orchestre est complété par des chalumeaux appelés Bischicour. On les fait avec l'os hstulaire de la jambe d'un homme , un porte-vent et un bocal de cuivre. Le son de cet instrument est fort aigu et très-agréable. On peut se faire une idée de F effroyable musique que cela doit produire , sur-tout lorsque ces instrumens sont aussi nombreux qu'à la cour du lama. Un grand nombre de prêtres l'entou- rent, tenant de la main gauche leur clochette,, et de la droite le sceptre sacerdotal ; ils chan- tent à pleine voix. J'ai vu aussi une autre espèce de petite cloche de métal , dont ils se servent dans ces cérémonies. Le battant de cette cloche est un sac de peau rempli de sable , qui pro- duit un son fort aigu. On m'a dit que le lama restoit immobile pendant tout le teins de l'of- fice; les évêques sont assis autour de lui. Ils donnent la bénédiction de la main droite, en fusant le même geste que l'idole représentée iignre 3, planche XXIII. Ces hymnes sont interrompues de teins en tems,, par des prières que les prêtres font à voix basse , ayant les bras ouverts et étendus vers le lama , et les yeux fermés ; ils s'incli- %%4 Ï769. Ia'iZKôÏ- KASÂTSCHét nent Souvent. Ils ont un grand nombre d'atf-2 très cérémonies prescrites par leur culte, qui ont toutes leur objet. Il fauclroit employer ^plusieurs années et savoir les langues Tangoute et Mongole , pour s'instruire à fond de tous les détails de cette religion. A mon avis P le sujet n'en mérite ni la peine , ni le tems (1). ' Outre ces jours de prières où j'ai assisté , les Kalmouks célèbrent trois grandes fêtes dans les divertissemens et dans les plaisirs. La première et îa principale ressemble à notre nouvel an 9 puisqu'ils commencent l'année ce jour-là. Ils la nomment Zakhan-Sara _, (le jour blanc) | ou Khaburun - Tourn - Sara (le premier jour : (1) Je ne peux appuyer l'opinion du Professeur Pallas', le Tangout sur-tout mérite une attention toute particulière y. car c'est dans cette langue que doivent se trouver les plus anciens monumens littéraires qui existent maintenant. Je prie le lecteur de consulter à ce sujet le savant et diffus ouvrage et les empêcher d'ap- procher. Outre les sages - femmes , des accou- cheurs assistent aux enfantemens 3 ils tirent Fenfant et le lavent. On voit souvent les femmes Kalmoukes monter à cheval , et faire tous les ouvrages deux jours après leurs couches. Elles n'osent d'abord paraître -que la tête voilée 5 et il ne leur est permis d'assister au service divin qu'au bout de quarante jours. Les Kalmouks donnent pour nom au nouveau né , la première parole remarquable qu'ils enten- dent, ou le nom de la première personne ou de l'a- nimal qu'ils rencontrent. Parmi les Kalmouks distingués^c'est le prêtre qui choisit un nom pour Fenfant, et il le change s'il ne convient pas au père. Ils ont aussi une cérémonie qui tient de notre confirmation : elle se fait lorsque les en fan s sont à l'âge de quatre ans. On les mène chez le guellcungqui, après avoir lu quelques prières sur eux , leur coupe quelques cheveux que la mère a grand soin de conserver 5 elle les en- veloppe avec sou amulette , et les porte sur sa poitrine. j& ô r ô r> o k. â$% ^poitrine. Je n'ai pu m 'instruire sur la signifi- cation de cette cérémonie. Je ne puis donner de grands détails sur les mariages des Kalmouks, parce que je n'ai pas eu occasion d'assister à ces cérémonies. Je rap- porte ici ce que j'ai entendu dire. Plusieurs Kal- mouks promettent leurs enfans , dès la plus tendre enfance , et même quelquefois avant leur naissance, c'est-à-dire , au cas que l'enfant d'une des parties soit un garçon , et celui de l'autre une fille. Ils regardent ces promesses comme sacrées. Ils ne se marient cependant qu'à quatorze ans, et même plus tard. Il est défendu au jeune homme , de prendre aucune liberté avec sa future 5 si elle devient grosse avant ce tems 9 c'est à lui de s'arranger avec les parens de la fille , et à les appaiser par des présens. Quoique les promesses ou fiançailles soient faites dès la plus tendre enfance, il faut cependant que les parens du jeune homme terminent avant le ma- riage , avec ceux de la fiancée , relativement au nombre de chevaux et au bétail qui doivent com- poser le Kaloun (la çlot). Les parens de la mariée fournissent ses habits, les meubles, les coussins de feutre couverts. et ornés d'étoffes de soie, les couvertures de lit , et une tente de feutre neuve, et communément blanche. On demande ensuite au guelloung un jour heureux pour le mariage. Le jour fixé, la fille, accompagnée de tous ses parens , va trouver le jeune homme, Tome IL Q 242 17^9* Iaizkoi-Kasatschei On tend la tente neuve ; toute la compagnie s'y rassemble avec le guelloung y celui-ci lit plusieurs prières Tangoutes sur les deux époux. Il fait délier les cheveux de la mariée, qui ne foraient qu'une seule tresse., et lui en fait faire deux, ainsi que les portent les femmes, il demande les bonnets des deux époux , les prend , et s'en va dans le désert , à quelque distance de la tente , accompagné du guasdsull. Là , il parfume ces bonnets avec de l'encens-en récitant quelques prières. Il revient ensuite avec le guœdsull, et il donne les bonnets à l'en tre metteuse , ou à celle qui est chargée de tous les préparatifs de la noce. Celle-ci les reçoit , et les met sur la tête des époux» Un repas, ou toute la parente assiste, suit la cérémonie. C'est ordinairement pendant le repas , que le père de l'époux livre la quantité de chevaux et de bestiaux désignée. Le dîné fini, la compagnie se retire, et la mariée reste seule dans la tente. avec son mari. Elle ne doit sortir qu'après un certain tems ; et.ejle ne peut recevoir d'autres visites que celles de sa mère et de ses parentes. Lorsqu'un prince se marie, la noce est suivie, de fêtes et de diver- tissemens. On donne un repas splendide aussi- tôt après la ^cérémonie du mariage. On sert les mets dans de grands plats de bois. Les portcarrs sont conduits par un héraut d'armes ou écuyer, aichernent vêtu. Il a« sur l'épaule, une longue écliarpe de toile blanche , et à son bonnet, une peau de renard noir cm de loutre. Le repas Est G. o a. ob o k* p$$ suivi départies de luttes , de courses de chevaux, de jeux d'arcs, et de" toutes sortes de spec- tacles. Les prêtres des difïërens oulouss font, ce jour-là, des prières. Le lamisnie défend la polygamie. On ne suit pas fort exactement cette loi, puisque plusieurs princes Kalmouks ont deux femmes, et même trois. Cela est cependant assez rare. Le divorcé n'est point permis, quoique les Kalmouks ré- pudient assez souvent leurs femmes ,. et sur-tout les grands. Si un Kalmouk est mécontent, de sa femme, ou si elle veut se séparer, il peut lui ôter tout ce qu'elle a, et la chasser à coup de fouet. Lorsqu'il veut la quitter d'une manière honnête > il invite les parons de sa femme à dîner. Après le repas, il lui donne, en leur présence , un cliè val tout sellé , avec une certaine quantité de bétail , et. il la renvoie ainsi sans éclat. Lorsqu'un malade est à l'article de la mort, on est obligé d'avertir le guelloung. Celui-ci calculé l'heure du jour ou de la nuit dans laquelle le malade doit expirer. C'est d'après le moment du décès qu'il. détermmer les cérémonies de la sépulture , et le côté du camp où on enterrera le mort. Les Kalmouks ont six manières d'enterrer leurs morts. La plus simple et la plus usitée, «st de transporter le cadavre au milieu du désert, et de l'enterrer sans habit, la tête tournée vers l'ouest, et appuyée sur un bras, comme s'il reposoit. Ils plantent, aux quatre coins de la Oi{4 * 7^9- IàïakoÏ - K ÀSA'TSCHÉI tombe , Un pieu , à l'extrémité desquels ils ai* tachent des morceaux de toiles bleues en forme de banderoles; plusieurs prières Tangoutes sont peintes dessus , en caractères noirs. La seconde manière est de les porter dans un bois ou bos- quet voisin. La troisième est de les jetter dans l'eau. La quatrième, de les enterrer tout uniment dans un lien quelconque. La cinquième est de les couvrir d'un tas de pierres) et la sixième est de les brûler. Les cinq premières manières sont destinées au peuple et au bas clergé. On place lés banderoles le (pïus près possible du mort , de quelque manière que soit la sépulture , ex-^ fcepté dans Pustiou. Outre ces prières écrites > les parens font lire par leurs prêtres, un office des morts, conforme à l'heure -du jour ou lie malade est mort. Le\s prières des trépasses durent ordinairement quarante-neuf joursj les parens reçoivent ensuite de leurs prêtres y -trois ban- deroles semblables aux autres y et ils vont les placer auprès de la. tombe. Voilà les. derniers devoirs rendus aux morts. Les parens sont les maîtres de faire continuer les offices après les quarante-neuf jours. Les Kalmouks jugent si l'homme a bien ou mal vécu d'après l'heure de sa mort : ils prétendent que la vie a été fort mau- vaise , lorsque les bêtes sauvages dévorent un ca- davre jeté dans quelque place sans être enseveli. Les Kalmouks ne brûlent que les corps des personnes du haut clergé , des lamas ß de ceux GO R O Ü Ö K, h.45 qui ont vécu saintement; mais ces derniers sont en petit nombre. Ils brûlent aussi ceux des noïons et des princes , parce -qu'ils croient aussi à leur revivifîcation. Après l'ustion , ils ramassent soi- gneusement les cendres de ces corps , les mêlent avec de l'encens , et ils les envoient au Dalaï- Lama qui habite le Tibet. Avant de finir l'article des Kalmouks , je vais rapporter une particu- larité sur la sépulture d'une dame Kalmouke. Un. prince , nommé Oudon^, qui vit encore , avoit pour femme , une Trouîiménienne ( 1 ) j celle-ci demanda en raonramt, la même sépul- ture que ses pères, qui cousis toit à être enterrée. Le mari, pour exécuter ses dernières volontés , et observer en même tems , Pusage établi parmi les Kalmouks , fît enterrer sa femme jusqu'aux épaules , ettendre une tente de feutre au-dessus de sa tête. On m'a rapporté ce fait près de Flaïk ; et plusieurs Kalmouks de cette contrée, qui ont été témoins oculaires , me l'ont affirmé. S, XIII. Du 12 au 16 août. laïzkoï-Kasatschéi-Gorodok. — Mont f^lélo- vié.~— Viésovoï-Itossysck. — Avant-Poste de Tschaga?iskoï y 33 v erstes. — Avant-Poste de Koschiaïzkoi ', 22 verstes. — Avant-Poste (î) Lkcz Tour ko manne* O £ 246 *7^9* b'Ia'izKoï-Gorodok de Boudarin , 11 v/ — Kolovertezko'-îar* ~ Avant-Poste de Koshakharofy 22 verst. — Avant-Poste de Souiidaef, 24 v. — Avant- Poste de Mergiié/zef, 2,3 v. — Avant-Poste de Karschofskoï y 18 verst. — Forteresse de Sakharriaza , 16 v. — -Avant-Poste de Kaïen- noï , i3 v. * — Avant-Poste & Antonofskoï , 24 v. — Avant-Poste de Kotelnoï , 24 v. — - Forteresse de Kaïmykova , 17 v. Je restai à Iaïzkoï- Gorodok , jusqu'au 13 août; j'employai ce teins à faire un grand nombre de recherches, et à rédiger les observations que j'avois faites jusqu'à cette époque. J'y laissai mes. plus gros équipages , et partis pour Gourîef ; cette ville est située dans une contrée méri- dionale cle l'empire de Russie , et elle est une des plus riches en histoire naturelle. On.r traverse la rivière de Tschagan y qui est très-considérable , aussi-tôt qu'on est sorti de la ville. On lapasse sur un pont volant, construit de gros arbres creusés ; on paye un petit droit à des fermiers qui sont obligés de l'entretenir. La route borde lîàik; le sol est composé de terre glaise. Les plantes les plus communes sont ïarguse ( 1 ) , la cardère laciniée (2) , l'arroche de Tatarie et étalée (3). (1) Messerschmidia. (i) Dipsacus îacinlatus. (3) A triplex Tatarie a et patulœ» a Kalmyic-ov a; %47 Une chose digne de remarque , c'est que la nature du sol et les plantes varient beaucoup dans toute la partie méridionale des montagnes de cette contrée , depuis le Tschagan. Cette campagne inculte estentièrementdécouverte, et elle devient toujours plus unie à mesure qu'on avance. On ne trouve plus cette couche supérieure de terre noire que dans les bas -fonds situés sur les bords de riaïk ; ils sont couverts de plantes ou garnis de broussailles. Tout le sol de cette contrée est composé d'une terre glaise aride , mêlée de sable jaune. On n'y trouve pas un caillou, ni même une seule petite pierre. Le sol est le même dans toutes les plaines situées en deçà et au delà du fleuve , et peut-être dans la plus grande partie de la grande Tatarie. Une change même point à plusieurs brasses de profondeur. Les plantes qui croissent ça et là , produisent un peu de terreau, mais en très-petite quantité; il est bientôt couvert par la poussière sablon- neuse que les vents d'été y portent. On trouve en plusieurs endroits*, ainsi que dans les é bou- le mens- des bords du fleuve , des couches fort minces , à une brasse de profondeur. Cette cam- pagne aride est élevée de près de quatre brasses dû niveau du fleuve. Elle est presque par-tout de nature saline plus ou moins forte 5 on peut s'en convaincre aisément par le genre des plantes qu'elle produit. Cette constitution du sol, jointe à sa couleur qui augmente beaucoup l'ardeur Q4 f V S4^ Ï769» P^AÏzKOÏ-GoRODOk du soleil, doivent nécessairement faire varier la végétation . Je trouvai dans les montagnes de cette campagne inculte les plantes qui croissent sur les bords de la Samara 5 je vis ici beaucoup d'autres plantes qui aiment une terre saline, et plusieurs autres qui appartiennent exclusi- vement à cette contrée. J'apperçus dans les prai- ries qui garnissent les bas-fonds, plusieurs es- pèces de plantes qui ne croissent que dans les pays les plus chauds de l'Europe et de l'Asie. Ce spectacle de la nature me rappela l'opinion de Strahlenberg ; ce savant regardoit la chaîne des montagnes élevées qui s'étend de la mer Gla- ciale aux extrémités de l'Oural comme la ligne de démarcation entre l'Europe et l'Asie. Les montagnes de ce désert sont une prolon- gation de l'Oural ; elles s'abaissent et se divi- sent entre l'Iaïk et la Samara , en s'étendant vers la partie méridionale du Volga ; elles sé- parent les steppes de l'Asie des contrées sep- tentrionales de la Russie , garnies de collines , dont le sol fertile produit des plantes euro- péennes. On trouve une élévation à trois verstes /Tlàïa- koï-Gorodok, près d'une eau croupissante, où Ton a établi une métairie ; c'est la dernière qui soit remarquable. Elle est composée % en partie, de marne crétacée , et en partie de marne calcaire , ou de craie molle et très-douce. On trouve dans cette craie des nodosités qui *■ » A K A L M Y K O V "A.* 2%$ paroissent ferrugineuses. Leur intérieur con- siste presque entièrement dans une pyrite mar- cassite, et il est,, en partie, martial et rayonné. On ne voit ici aucune pétrification. Je trou- -rai y pour la première fois , dan s ces environs , la réglisse épineuse (1), Il en croît aussi danä les contrées inférieures près de l'Iaïk ; mais elle y est beaucoup plus rare que la réglisse or- dinaire à gousses velues (2.). La gypsopliile à hautes tiges (3) y croît également; mais elle offre beaucoup de particularités , et elle vient à peine à la hauteur d'un empan. On traverse un grand district entrecoupé de bas - fonds , avant d'arriver à la plaine unie située près du petit Tschagan. Il croît beau- coup d'aurone dans les lieux bas ; on la nomme ici Stepnaia-Tschiliga. A près de sept verstes d'Iaïzkoï - Gorodok , on passe à l'ex- trémité d'un bas-fond très-étendu et garni de broussailles ; il est appelé Viésovoi-Kossysch (4). Les arbustes les plus communs sont les rosiers sauvages , le petit caraga , et la viorne ; eette dernière pousse des tiges de cinq à six pieds. (1) Glicyrrhi-^a eckinata. Appendix, n°. 361. Jacq. kort« vind. 1 , t. 91. (1) Gllcyrrhl^ci hirsuta. Appendix, n°. 363. ( 3 )" Gypsophila altissïma* (4) On nomme Kossysch, près de l'Iaïk, tous les bas- ^onds et défilés qui sont garnis d'un beau gazon verd, et inon- dés au printems. %5ö Î769. BJÎAÏZKOÏ-G0R0D0K On en fait des houssines ; elles sont très - pra^ près à cet usage , par leur souplesse et leur flexibilité. Je n'y trouva.! aucune plante remar- quable. J'y vis en abondance un insecte très- curieux (1). ïl y croît une sorte de mousse ter- restre y appelée lichen (2) , qui couvre 7 en plu- sieurs endroits, la superficie argileuse de cette contrée , et elle la garnit d'une croûte d'un blanc gris, Cette superficie argileuse est rem- plie de crevasses dans les tems de sécheresse* Les Kosaques appellent cette mousse Zemlije- sroï-K 11 leb (nain de terre). Ils prétendent que des personnes, qui se sont égarées dans ces dé- serts , ont vécu avec ce lichen. On m'a rapporté qu'on Femployoit comme remède , près de riaïk ; on ignore ici qu'il est propre à la teinture. On trouve , dans les places où croît ce pain de terre , un nos-toc ou une algue gé- latineuse (3) ; il se gonfle et se multiplie dans les tems de pluie. Ils croissent gmr-ttot dans les contrées les plus arides , et peu garnies de collines. On les voit aussi sur toutes les monta- gnes méridionales de ce désert. : (1) Tenebrio variabilis. (?.) Cette mousse ressemble entièrement au ticken tarta- reum , tincioriam , candldum , luberculis atris. Dillc-n* Mis t. musc. pag. 118, tab. t8, f. 8. Lichen calcarius. {3) Tremella. Il paroît oue cette mousse est la tremella lierres tris , sinuosa , j?inguis ec fugax, Dillen. L c. p. 51 s- tab. 10 3 f. 14. A K A £ M Y K O V A.' z5i J'arrivai, vers la brune , an premier avant- poste , qui a la forme d'un carré. Ses fortifi- cations consistenten un rempart de fascines et des chevaux de frise. Il est situé près du petit Tschagan, dont il porte le nom. Cette rivière se jette dans Plaïk. Je trouvai, dans les bas- fonds voisins , le séneçon des marais ( i ) , qui commençoit à fleurir. Je poursuivis ma route, après avoir changé de chevaux., parce que cette contrée n'offre rien de remarquable. La campagne aride forme une plaine assez unie ; on y voit une espèce de crapaud tigre (2). Cet animal se cache, nen- dant le jour , dans des trous ; il aime à s'in- troduire dans les maisons, et on en voit assez fréquemment dans celles d'Iaïzkoï - Gorodok. J'entendis les cris du lièvre nain , qu'on ne ren- contre plus , parce que cet animal n'aime pas les landes arides. J'arrivai au second avant - poste appelé Ko- schiaïzkoï. Il est situé sur un bras de l'Iaïk , appelé Koschiaïk (3). Ce fleuve forme, à douze verstes pins haut , un coude à l'ouest , et il est divisé par une île. On trouve plusieurs collines assez remarquables dans le terrain bas qui se- (1) Seneclo paludosus. (1) Rana sitïbunda. Appendix, n°. ■ $c. (3) Koschiaïzkoï est nommé Kosch- Oiualskoï clans la dernière carte générale de 1786. 0£ lf$()l e'Iaïzkoï-Gorodok: pare ce bras de l'Iaïk. Elles sont au nombre de six, qui ont jusqu'à un demi-verste de long: leurs cimes forment une plaine 5 il est à pré- sumer qu'elles ont été formées par l'eau. Les Kosaques les appellent Gorobitsché. Cette dé- nomination a peur-être donné lien au conte suivant. On rapporte que les Kosaques de l'Iaïk ä voient formé autrefois une habitation dans cet endroit , et que l'on voit encore aujourd'hui les ruines des fortifications (1). J'ai fait un grand nombre de recherches à ce sujet, et je n'ai rien pu découvrir 5 je suis assuré que > dans le lieu nommé parles Kosaques Kolovsrtnoï, situé à quatre verstes d'ici ^ en descendant le fleuve, on voitencore aujourd'hui les remparts et les fossés d'une petite ville de l'Iaïk» Cette place est très-connue dans le pays. Je voyageai toute la nuit pour arriver à Bou- darin. Il tire son nom d'un défilé voisin , ap- pelé Bouda rin-Avrag. Les Kosaques rappor- tent qu'on a caché dans cet endroit un petit bateau rempli d'argent monnoyé} que FAvrag , le bras de rivière , appelé Boudarin - Iérik, et Tavant-poste , doivent leur nom à cet évé- nement. Nousapperçûmes/ à la pointe du jour, beaucoup de gibiers à plumes près de cette ri- vière 'y le guêpier (2) est très- abondant dans (1) Topographie iVQrembourg , deuxième partie,. §. 71 79* (i) Merops , vel apiaster« a Kalmykov-a. 2.53 cette contrée. On trouve , dans cet lérik, des. tortues aquatiques d'une grosseur prodigieuse. J'en vis une qui avoit près d'un demi-arcliine de diamètre, et l'on m'a assuré qu'il n'étoit pas rare d'en trouver de cette taille. Le peuple croit que la morsure de cet animal est veni- meuse , et qu'il en veut sur - tout aux parties naturelles des personnes qui se baignent. On en prend souvent de vivantes dans des nasses et filets tendus pour les poissons. Je trouvai aussi , dans cette eau ., les moules ordinaires de rivière et d'étangs ainsi qu'une espèce, de petites moules ( 1 ) particulière au Volga , à , ria'iic , et à la mer Caspienne. On voit sur le rivage des coquilles de pectinites ; on les rencontre dispersées dans 'fe.- campagne jus- qu'à laizkoï-Gorodok, et on en trouve égale- ment en fouillant dans la terre. Je n'ai pu découvrir, dans la rivière, ce coquillage vi- vant. Ces coquilles sont, en plus grande par- tie , fort usées , mais nullement calcinées ; elles sont d'un blanc jaunâtre. On les trouve dans la mer Caspienne , toujours mêlées avec le fond (1) MytïluÈ polymorph^* Appendix , • n°. 153, Les coquilles auxquelles M. Pallas donne ici le nom de moule v ^mytilus) ne sont véritablement pas de ce genre. Ce sont des myes et des anadontites. Elles diffèrent essentiellement des moules marines, en ce qu'elles sont toutes plus larges que longues , tandis que les vraies moules sont toutes plus loogues que larges. Lam, ^54 1769. D'Ia.ÏzK0Ï - GORODOK de la mer y ainsi que plusieurs autres coquilles. Il croît clans cette rivière de Boudarin une plante particulière à la mer Caspienne ; c'est la naïade maritime (1). Il croît aussi sur son rivage escarpé toutes les plantes qui viennent sur les rivages des ruisseaux et rivières qui se jettent dans l'Iaïk inférieur. Les principales sont la blette effilée (2) ß l'astragale replié ( 3 ) , dont les tiges sont rampantes ou droites , une espèce d'arroche à feuilles étroites ( 4 ) > l'anserine rouge (S) 9 l'anserine botride (6) , le seigle ram- pant (7) j que j'ai trouvé près du Volga , l'ama- rante rampante , le panis cuisse-de-coq (8) , et autres. Le petit glouteron est l'herbe la plus commune. Eoudarin est éloigné d'environ deux journées de chemin de la source de trois ruisseaux , ap- pelés Tschashi , qui se joignent à celui d'Al- tatai. On passe dans la lande qui est à l'ouest. On m'a dit qu'il existe une tombe entre les sources de ces ruisseaux _, dans laquelle on a trouvé des choses précieuses ^ et qu'il y a au- ■!«■ ..... .■<■ ■ '. . - ■ .. — - ... m — ... — — —,..■■..-—■ — —_.._»... ■■ » .«a ' (r)" Naias maritima. (i) B,litum virgatum. a (3) j^stragalus contonuplicatus. . (4) A triplex salicina* Appendix , h°. 410, (5) Cheno podium rub/um. (6) Botrys. (7} Sccale reptans. Trie tien m prastràtum\ 1. f. (8) Panicum crusgalli. A K A L. M Y" K g V A. 2-55. dessus une statue de cinq à six pieds de hau- teur. Cette route est la plus courte pour aller aux étangs salés du désert des Kirguis. Il y a un autre étang, nomine Morzo par les Kosa-. ques \ il est situé à quatre-vingts verstes de l'a- vant-poste de Koschiaïk. En quittant Boudarin, on rencontre une con- trée un peu plus basse et des bas-fonds entiè- rement inondés au printems. Cette inondation s'étend jusqu'au lac Kamyscli-Samara , dont je parlerai dans la suite § elle est marquée par une ligne de marais, et de trous bourbeux , et elle s'étend au loin dans la camiyàpne. Les Ko- saques prennent quelquefois ce chemin pour aller à cet étang, parce qu'Us trouvent de l'eau, pendant toute la route. Passé Boudarin, le sol de cette contrée est salin ; la soude couchée (i) et la statice de Tatarie (a) y croissent :par-tout en abondance., On trouve aussi des endroits qui sont entièrement coiiverts de réglisse à gousses velues. J'ai vu sut cette route , et sur- tout près de Kolovertezkoï - ïar , la réglisse à gousses lisses ( 3 ) ; sa racine est meilleure et beaucoup plus douce. La réglisse à fruits épineux croît dans un fond couvert de brous- sailles avec les deux autres espèces. Ses tîgg$ (i) Salsola prùs\Yàta. fi) S tat icc Tatarie a. (j) Cllcyrrhï\a lœvls, Appendix, n°. zçÀy 2.56 17^9i ^'IaïzkoÏ - Gorodok. sotit de la hauteur d'un homme , et ses racines grosses comme le bras. Ce fond produit beau- coup d'herbes communes aux contrées infé- rieures de riaïk. Elles y viennent en abondance. Les plus remarquables sont la gesse tubé- reuse (i) , la luzerne (2) , qui croît avec la p]us grande abondance dans les contrées inférieures de riaïk , la vesce sauvage (3) , le lotier corni- culé (4) , dont les fleurs et les feuilles sont d'une grandeur extraordinaire dans ce pays , une es- pèce de renouée (5) très- commune dans toutes les prairies humides de cette contrée \ ses fleurs et sa semence son't blanches : on pourroit faire un très- bon gruau avec cette dernière. L'inule britannique (G), et la sarrète des champs (7) sont les plantes les plus communes des pâtu- rages. Ces fonds , ainsi que le rivage élevé de l'Iaïk , Varient jusqu'à Koshakharof. Cet avant-poste est un peu éloigné du fleuve 5 ses fortifications de poutres ont la forme d'une redoute assez vaste , ainsi que celles de presque tous les avant-postes. (î) Lathyrus arvensis repens tuberosus* (2,) Medicago sauva , appelée par les Kosaques Vie- SAL. (3) Vicia sylvatica,^ (4) Lotus comiculata. (5) Polygojium. (6) Inula Britannica, (7; Serratula arvensis. En a Kalmykova. z5j. En sortant de ce lieu , on trouve un sol blanc jaunâtre , sec et élevé. Il produit quelques plantes dispersées. L'anabasis sans feuilles (i) commence à devenir très-abondant \ c'est l'herbe la plus commune de cette lande aride. Il étoit en fleurs 5 on. peut le prendre , de loin , pour des bouquets de tamarisc \ il pousse de fortes racines ligneuses et touffues. Les bestiaux le Ci mangent avec plaisir , au printems , lorsqu'il est tendre , à cause de son goût salin. Cette plante les engraisse beaucoup. Les chameaux s'en nourrissent volontiers en tout teins. Quel- ques personnes prétendent que la décoction de cette plante est très-bonne dans l'éruption lé- preuse dont j'ai fait mention. Les Tatars l'ap- pellent Karagasin y il m'est impossible de don» ner l'étymologie de ce nom. L'avant-poste de Soundaef tire son nom du lac près duquel il est construit. Ce lac est entouré d'une forêt située dans un enfon- cement ; elle est composée de saules , de peupliers blancs et noirs , de trembles , et d'autres arbres de même sorte. Cette forêt s'étend jusqu'à l?3Mfc ^ et borde ce fleuve jus- qu'au-delà de Merguénef. Cette contrée est la vraie patrie du reines , que l'on trouve aussi près de l'Iaïk et du Volga. Ce reines est un oiseau de très-petite espèce ( 2 ) ; son nid est .(1) Afiabasls aphylla. (î) Parus pendulinus. On l'appelle aussi rcml\. Cet Tome II. Il $ A 2*58 1769. d'IaïzkoÏ-GorodoK: très-curieux ; on en trouve ici une grande quan- tité. Les Kosaques se rendent aux étangs salés situés au-delà des rivières Soundavié et Ou- sénié , par la route qui conduit du phare Soun- davié à ceux d'Qusénié. Cette route est la plus commode ., parce qu'ils trouvent de l'eau par- tout. Ils ne feroient que deux fortes journées de cheval , s'ils passoient par la forteresse de Sarkhanaia. Les voitures mettent huit jours pour aller et revenir de Soundava à ces étants ; ils forment deux trous bourbeux de médiocre grandeur. Le fond de l'un est sablonneux, et il n'a qu'une légère croûte de sel. On peut y faire entrer les voitures , et en tirer le sel avec des pelles. L'autre est plus riche , mais beau- oisea.u est très- renommé en Russie, en Sibérie, et sur- tout en Lithuanie , à cause de son nid de forme singulière 3 on rem- ploie quelquefois en médecine dans le nord. Cet oiseau est très- rare ; il ressemble au roitelet , et a le chant de la mésange } le mâle a la tête blanche , la femelle Ta grise , avec un ban- deau noir qui passe sur les yeux ; le dos brun , le bas du corps blanchâtre et tacheté , la queue longue et brune , les ailes brunes, les pieds gris de plomb, les œufs blancs. Le nid est fait d'aigrettes de saule , fortifié de chanvre ou d'or- tie, suspendu dans l'enfourchure d'une branche, il a la forme d'une cornemuse. M. William Coxe en a donné le dessin dans le premier volume de ses Voyages au Nord. Quelques naturalistes prétendent que cet oiseau est le même que le pendulino. C'est la mésange de Pologne de Bujfon. Hisi, nat. des Ois. vol. 5, p. 42.3 , pi. enl. n°. 60S , f. 3, % à Kalmykova. %5y coup plus bourbeux : aussi l'extraction clu sel donne - t - elle beaucoup plus de peine. Les Kosaques de l'Iaïk n'ont pas le droit d'y aller prendre du sel , parce qu'ils appartiennent au gouvernement d'Astrakhan. Ils sont obligés de s'en tenir aux salines de la couronne ? situées près du Volga, Passé Sooundaef 9 on ne voit presque plus d'autres plantes que l'anabasis et la réglisse commune à gousses velues , dont la semence sert de nourriture aux mulots. On trouve après , plusieurs bas-fonds humides , garnis de car- dère déchiqueté (i) , et des plantes dont j'ai parlé ci-dessus. On arrive ensuite à un district qui s'étend jusqu'à Merguénef $ il n'y croît , pour ainsi dire , que de l'absinthe, et on n'y trouve aucune plante saline. Je passai la nuit à Merguénef. Cet avant- poste a la même construction que les autres. Il est situé sur le rivage élevé de l'Iaïk , ap- pelé par les Kosaques Merguénef - Iar j ils dérivent ce nom d'un Kalmouk ? nommé Mer- guen , qui établissoit ordinairement son camp ici. Les maisons de la campagne étoient entou- rées d'inuie fétide (2) , et de toutes les plantes d'Europe qu'on trouve communément sur les décombres. Derrière Merguénef est un fond (1) Dlpsacus laciniatus* (%) Inula foatida, K 2 2.6o I769. b'IaÏzKoÏ - GORODOK garni de buissons , et arrosé par de petits ruis- seaux bourbeux 5 il produit différentes plantes propres à ce lieu. J'y trouvai beaucoup de ta- marisc(i). Cet arbuste est remarquable par ses souches, qui sont souvent de la grosseur du bras , et de deux à trois toises de hauteur. On le trouve sur les bords de i'îaïk jusqu'à la nier. Les Kosaques le nomment Grében- schik. Ils font avec ses fleurs et ses racines une décoction qu'ils font prendre intérieure- ment pour les blessures et contusions ; ils font en même tems usage , à l'extérieur , d'un on- guent composé de ses feuilles et de ses brandies vertes, avec de l'axone (graisse) de bléreau , ou avec du beurre. Je vis, sur les rivages , la cynanque à feuilles pointues (2) , le séneçon à feuilles de lin (3) , et le tribule terrestre (4). Le sable du bas du fleuve est garni de la belle riccie cristalline (S) ; celui qui est à sec est garni d'une espèce de soude particulière (6); lesKosaqu.es l'appellent Vekblioushié-Trava (herbe aux chameaux), parce que ces animaux la mangent avec plaisir, (ï) Tamarix G allie a. (z) Cynanchum acutum, (3) Seneclo linifolius* (4) Tribulus terrestris, (5) Riccia crystallina, (6) Salsola kali auctorum* Voyez Appendix, n°. 300 ß» Varie tas. A K A L M Y K O T A? 2.6l ainsi que tontes les plantes salines et à chardons. J'ai apperçu ici deux plantes qu'on ne ren- contre plus en descendant le fleuve , le loranthe d'Europe ( i ) , qui croît dans quelques pâtu- rages , et la clématite orientale (2) ; cette der- nière rampe , en partie , sur la terre, et couvre, en partie , avec ses touffes de graines , des ar- bres entiers. Les bords sont garnis de réglisse à fruits épineux \ elle est beaucoup plus abon- dante ici. Un fait extraordinaire , c'est que ses tiges sont entièrement couchées sur la terre. J'ai observé, dans ces pays chauds, que les plantes qui croissent, m ente dans les lieux hu- mides , sont toutes couchées par terre dans les lieux exposés au plein soleil : leurs feuilles at- tirent par-là toute la fraîcheur et l'humidité du sol. Au-delà de Merguénef , et près du fleuve , est un. bas - fond très - étendu ; il se termine , vers la lande., par quelques creux. On y ren^ contre , à quelques vers tes de la forteresse , le lac Merguenskoï-Ilmeii (3). J'ai vu ici, pour la première fois, dans les contrées de l'Iaïk, le pélican , appelé aussi l'onocrotale ou grand. (r) Lo.ranthus Europœus. (2) Clematis orlentalis. (3) On appelle- ici Iérik , un bras de rivîcie ou de fleuves c[ui n'a point de courant, et Ilmény > tous les lacs qui n'ont point d'écoulement. R 3 l6lL I769. d'IaÏZKOI - GOROBOK gosier (1) ; 011 l'y nomme Baba ( vieille femme}," Ils sont par troupes de vingt , et s'occupent à prendre du poisson. Quoique cet animal soit suffisamment connu , ainsi que son instinct , jene puis m'empêcher d'en rapporter quelques particularités. ïl est d aine grosseur prodigieuse ; il se rassemble par troupes dans les étangs , les rivières, et les baies. Les onocrotales se rangent en ligne, et battent tous ensemble des ailes pour assembler les poissons qu'ils saisis- sent alors avec leur bec. Ils cherchent princi- palement leur nourriture avant le lever de i'au- fore, et vers le midi. Ils ravagent entièrement les étants où ils tombent. Lorsqu'ils ne trou- vent ni étangs ni lacs , qu'ils préfèrent , ils se rendent sur l'Iaïk \ mais ils ne s'y avancent pas loin , tandis 'qu'ils remontent fort souvent le Volga jusqu'à Kasan. Ceux de cette contrée pèsent de dix-huit à vingt-cinq livres. Ils ont cinq pieds de long depuis le bec à l'extrémité de la queue, et près de huit pieds et demi d'en- vergure. L'avant-poste de Karschofskoï est situé sur un terrain élevé près du Karschofskoï - Iérik , qui est un bras de l'Iaïk. Il renferme plusieurs bâtimens assez bons. Kausche signifie -, en lan- gue du pays , un tronc d'arbre déraciné , qui est dans l'eau : ce bras du fleuve doit son nom (ï) Pelecanus onocrotalas» A K A L M Y K O V A>! 263 à un tronc d'arbre pareil , qui n'existe plus. On trouve , à quelques verstes plus haut , un autre bras aussi considérable que celui - ci ; mais il a beaucoup moins d'eau , et il s'étend fort loin. Il se nomme Verkhnoï-Sakharnoi- Iérik. Nous vîmes, près de Karsckofskoï , une espèce de sauterelle rouge ailée (1) ; elle étoit très-abondante. Nous n'avions presque point apperçu d'insectes ^ depuis Orembourg , dans tous les déserts arides que nous avions tra- versés. J'ai pris par -tout des informations suf les sauterelles de passage ,, dont les déserts de l'Asie paroissent être la vraie patrie ; on m'a dit qu'elles ne venoient point régulièrement dans ces contrées : leur passage n'a pas tou- jours la môme direction. Elles viennent tantôt du pays des Kirguîs , ou des contrées habitées par lesKalmouks, tantôt de l'ouest ; elles arri- vent souvent à l'époque de la fenaison , et elles ravagent quelquefois des prairies entières. Elles n'ont paru nulle part cette année. J'en ai trouvé quelques-unes qui s'étoient noyées dans le lac salé d' Inder. Je n'ai vu aucune plante remarquable jusqu'à Sakharnaia. La lande est toujours élevée jus- qu'à l'avant-poste de Kotelnoï. Plusieurs places sont si sèches et si arides , qu'elles ne pro- duisent que l'anabasis (2). La forteresse de Sakharnaia est un carré dont les angles sont (1) Grillus miniatus. Appendix, o°. 190. (1) Anabasïs aphylla. R 4 264 17&9- *>'Iaîzkoï - Gorodok garnis de batteries. Elle est construite en pou- tres. Soixante Kosaques , commandes par un iessaoul, unsotnik, etdeuxkhorounschis, com- posent sa garnison. Elle est située sur le rivage élevé de l'ancien laïk, appelé Sakharkaia- Stariza. Ce fleuve ja changé de lit depuis en- viron sept ans : il a aujourd'hui son cours du côté du pays des Kirguis. Ce changement est occasionné par le terrain argileux, qui com- pose, en partie,, ce pays. Ce canal est très • profond , et il forme un arc assez considéra- ble. Il n'v a point d'église dans cette forteresse , qui doit son nom au Nishiioi-Sakharnoï-Iérik , au-dessous duquel elle est située. Il communi- que à riaïk. L'avant - poste de Kalennoï est le premier après Sakliariiaia (1)5 il est situé près d'un bras de Tlaïk Ce fleuve forme ici une île ap- pelée Kalo nn" 01 ou Kalonkoï - Iérik. Je trou- vai , dans cette eau dormante , l'espèce de moule dont j'ai fait mention (2) ; elle y abon- doit. Je ne vis de plantes que la cornifle ( 3 ) et la naïade maritime (4). J'apperçus, sur le ri- vage ,1'inule fétide (5) , et plusieurs belles espèces cl'ar roche. (î) Kalennoï est nommé Pokoîtnoï, dans la carte géné- rale de Russie, 17S7. (z) Mytllus polymorphus. (3) Ceratophyllum. (4) Najas maritima, (5) înula fœtida. a Kalmykova. z65 Je traversai . Antonofskoï pendant la nuit. Cet avant-poste doit son nom au rivage élevé de riaïk, près duquel il est situé : ou l'appelle Antonof-Iar. Celui-ci tire le sien d'un atainau de pêcheurs. Ce fort est voisin d'un bras de ri* vière très - profond , qui n'a eu , jusqu'à pré- sent,, aucune dénomination. La nuit étoit très- chaude : ce qui pro ver? oit probablement d'un incendie considérable dans la lande des Kir- guis , qui duroit depuis huit jours : et, malgré l'éloignement, je ne puis attribuer cette cha- leur à d'autres causes. Nous apperçumes , avant le lever de la lune, une réverbération ; elle s'étoit fait voir, pendant le jour, par une co- lonne de fumée. Le 1 5 août , j'arrivai , vers le matin , à l'avant- poste de Kotelnoï. Je trouvai ici sur le rivage plusieurs tamarisc , qui fleurissoient pour la se- conde fois. Je crus d'abord que ce fortin tiroifc son nom d'une baie semblable a. une chaudière formée par l'Jaïk ; mais on le lui à donné à cause d'un chaudron trouvé dans le fleuve. La steppe salée de ce pays , et sur-tout dans les lieux où croît la réglisse , produit en abon- dance une plante utile; c'estlasarrèteamère(i) f qu'on appelle ici Gorkaia-Trava ( herbe amè- re ). Ce nom lui convient, puisqu'elle a une amertume si forte , mais en même tenis si (i) Serratula amara. Appendix, n°. 396. s(S6 1769, b'ÎaïzkoY-Gorodok agréable,, qu'on pourroit l'employer en méde- cine au lieu de la centaurée 5 peut-être mêmer la surpasseroit-elle en vertu. Les Kosaques* m'ont assuré qu'ils guérissoient les fièvres al- gides ou intermittentes , avec la décoction de cette plante; ils m'ont ajouté que son effet étoit prompt et sûr> On l'applique aussi en poudre sur les plaies des animaux mordus par les bléreaux , les loups , les chiens enragés- Cette plante, auprès de l'ïaïk, n'a guère plu* d'un empan de hauteur. Ses feuilles ne sont point séparées : elles sont grises , petites et fort maigres (1). On croiroit aisément qu'elle diffère de celle qui croît en Sibérie. On trouve plusieurs près fertiles après avoir passé Kotelnoï 5 ils produisent les plantes dont j'ai parlé plus haut. J'y trouvai une plante .entièrement étrangère 3 c'est une espèce de sida (2) ; elle y croit en abondance. Les Kosa- ques l'appellent Stepnoï-Podsolneschnik (le tournesol des steppes) , ou bien Groudnika. Ce dernier nom est celui que les Russes don- nent généralement aux plantes pectoles. Le sol s'élève davantage à dix verstes de Kotelnoï 3 j'y (1) Buxhaum. Cent. î, tab. 15", f. z. Il paroît que cet auteur a donné la description de cette plante dans l'état dont je la désigne ici. Il la nomme jacea erecta , minor , Litia- rlbus foliis. {%) Sida abutilon* A K A L M y K O V A. 2.6j trouvai beaucoup de cette espèce de sainfoin (i)' appelée par Tournefort alhagi. Les chevaux craignent beaucoup cette plante épineuse , qui forme presque un arbrisseau 5 ils la commissent si bien , qu'ils l'évitent même pendant la nuit , pour ne pas se piquer les jambes. C'est une des plantes que les chameaux aiment le mieux ; il faut convenir qu'elle est très- agréable au goût. Les Kalmouks l'appellent Tschaguérak, et les Kosaques Kolka.ia-Trava (herbe à épines). Elle étoit défleurie , et ses baies en maturité. Je vis aussi beaucoup d'atraphaxis à épines (si) , et sur-tout dans les places les plus arides. La route passe à un verste et demi de Kal- mykova, entre deux fonds d'eau dormante en- tourés de bosquets. Celui de la gauche est un petit étang qui communique avec l'Iaïk p|ans le tems des inondations. Les Kosaques qui habitent les rives de ce fleuve ^ et ceux qui ont le droit de pèche , se hâtent de boucher cette communi- cation pour retenir le poisson qui est entré dans l'étang. Ces mêmes Kosaques font le service de la ligne. Cette pêche abonde en différées pois- sons , tels que le sasan , le sandafe , le berschild f espèce de perche appelée zingelharsche^r les Allemands : elle est d'une très-belle grosseur. Cet étang est rempli de trous bourbeux , où (1) Hedysarum alhagi. Lin. (2,) Atraphaxis splnosa* q6$ I769. dIaTzkoï - Goro^ök: les tanches et les corassins sont si abondans, qu'un Kosaque en prit avec les mains plus de soixante en moins d'une demi-heure , en ma présence. Le fond qui est à la droite du chemin est le reste d'une ancienne sinuosité de l'Iaïk. Il n'y a que peu d'années qu'il a changé son cours , qui est aujourd'hui en ligne droite. On trouve fort peu de poissons dans cet ancien bras , parce que le terrain qui forme sa rive est pres- que généralement salin 5, l'eau même est uit peu saumâtre. On y voit en revanche beaucoup de moules qui y attirent les hérons à nageoires, appelés spatules par nos ornithologistes (1) ,. ils y viennent par troupes ; on nomme ici cet oiseau Kolpiza. Lorsqu'on les chasse, ils s'élè- vent d'abord à une hauteur prodigieuse , volent en lignes flottantes ; on. a beau faire des déchar- ges sur eux , ils conservent le même ordre. Leur blancheur éblouit lorsqu'on les fixe pendant leur vol. Leur chair est excellente , quoiqu'ils se nourrissent de poissons. On voit toujours dans cet étang des grands-gosiers ? et une quan- tité étonnante de petit gibier aquatique, sur- tout le tantale noir (2) 5 il est très-rare par- tout ailleurs ; mais plus on approche de la mer , (i) Plat aie a leucorodia. (i) Tantalus nlger. Ibis noir. Buffern^ Hist. nat. des Oiy. 8 , p. 17. a Kalmykova. 2.6$ plus il est abondant. On l'appelle Karavaïkï sur les bords de l'Iaïk. Cette contrée , si fer- tile en gibier , est un lieu de délices pour les oiseaux de proie qui y abondent , et principa- lement les aigles \ ils font leurs nids sur pres- que tous les arbres. J'en ai tu trois différentes espèces 5 savoir , l'orfraie ou aigle pêcheur or- dinaire , appelé ici Skopa \ le grand aigle noir (1) , et une espèce de petit aigle à tête mouchetée de blanc (2) ; il n'existe encore au- cune description de cette dernière espèce. Les plantes qui sont ordinairement sur leurs tiges, rampbient sur la terre de ce fond hu- mide et salé. Elles conslstoient dans la réglisse commune , un élyme (3) , le plantain h larges feuilles (4), la sarrète des champs (5), plu* sieurs espèces d'arroche , la picride épervière , d'une très-petite espèce (6) , la renouée éta- lée (7), la soude joubarbe (8) et la soude à feuilles d'hyssope (9). Je trouvai même la sa- licorne herbacée (10) commune , éparpillée à (1) A qu'il a osslfraga. (2.) A qu'il a leucorypha- Appendix, n°. iî. (5) ElymuSo (4) Plant ago latifolla. (5) Strratula arvcnsis. (6) Picris hlcraçloule.s. (7) Polygonun dïvaricaium. •(8) Salsola sedoules, (9) Salsola fiyssoplfolla. (10) Salicornia htrbacza, Appendix i n°. 2^7. /3, 270 17%. d'Iaïzkoï - Goe-Odok terre avec la plus grande partie de ses ra- meaux, quoiqu'elle pousse ordinairement des tiges droites 5 sa forme étoit extraordinaire. L'arguse (1) est la plante la plus commune ; elle étoit remplie de graines mi-doubles. La dodartia orientale (2.) est la seule plante à tiges droites que j'aie vue ici ; cela provient sûre- ment de ce qu'elle n'a pas de feuilles. J'arrivai à Kalmykova vers midi. J'y restai quelques jours afin de voir la lande voisine, et pour observer une contrée si fertile en plan- tes. Kalmykova est une petite forteresse cons- truite en poutres , et revêtue de bastions de bois. L'église est située à l'est. Les habitations sont de chétives cabanes dont les murs et les toits sont de terre glaise. Cette construction suffit dans cette contrée méridionale , où il ne pleut presque jamais; le peu d'humidité qu'elle occasionne pendant l'été , y sèche très-promp- tcrnent$ d'ailleurs, on ne bâtit pas autrement dans tous les postes du bas Jaïk. La manière de vivre des habitans ressemble en tout à celle des peuples asiatiques. La garnison est composée d'un iessaoul , d'un sotnik, d'un khorounsclii , d'un canonnier, d'un désscetnik, d'un pissar , et de quatre-vingts Kosaques* Ils sont sous les or- dres de l'ataman oui réside à Koulaguina. Il (1) Messerschmidia. {*) Dodartia orUntalls. a Kalmykova,4 zjt commande toute la partie supérieure de la ligne. Kalmykova est située très-avantageusement sur un angle de la lande 5 le fleuve y form oit. anciennement un arc. Le fond baigné dont j'ai parlé, est au nord, et le rivage escarpé de Tlaïk à l'est ; on l'appelle Krasnoï-Iar. Au midi est un bas - fond garni de broussailles 7 et à l'ouest une lande unie. Le fleuve est très -profond. Il dépose la terre qu'il enlève successivement d'un de ses rivages fort élevé, sur la rive opposée qui est très-basse. Il est à présumer que les os d'éléplians et de buffles qu'on y pêche de tems en tems , ont été cha- riés avec les terres du rivage. J'aurai occa- sion dans la suite de parler des anciennes mi- grations de la terre habitée. J'ai vu à Kalmy- kova un morceau d'une grosse dent d'éléphant calcinée, et un coxis énorme d'un de ces ani- maux. Cet os pèse soixante livres ; il a un ar- chine dix verschoks de long. Je trouvai aussi ia partie supérieure d'un crâne de buffle garni de ses deux cornes. On conserve d'autres morceaux de crâne , mais beaucoup plus pe- tits. Celni-ci a neuf verschoks de long du soc d'une corne à l'autre , sur le devant du front , ce qui fait xin pied trois pouces de Fran- ce; derrière la tête il n'a que six verschoks et demi , ce qui lait à peu près dix pouces cinq lignes. La circonférence du bas de la corne est d'environ huit yersçhoks et demi. La qualité de iji ij6(). b'Iaïzkoï - Gorodok l'os prouve que c'est le crâne d'un vieil animal. I^e bas-fond situé au-dessous de Kalmykova ^est rempli de saules et de tamariscs 3 et l'on voit , sur le rivage escarpé de la lande qui l'a- voisine^ plusieurs plantes rares, telles que la mille-feuille odorante (1), le gaillet saxatile (2), l'atraphaxis (3), et autres de même genre. Le bas de ce rivage est sablonneux en plusieurs endroits , et ces places sont couvertes de coris- perme à feuilles d'hyssope (4). J'y trouvai beau- coup de fosses de fourmilion (5). La rive basse est remplie de coquilles , dont deux espèces de bivalves (6). J'y vis une espèce de couleu- vres (7) , dont la morsure est très-dangereuse ; elles étoient couchées au soleil. La lande saline qui entoure Kalmykova,, pro- duit les plantes suivantes : l'épinard sauvage (8), la soude couchée (9) , la soude à hautes ti- ges (10), la soude à feuilles d'hyssope (11) , et *b (i) Achïllea odorat a» (1) Gallium saxatile. (3) Atraphaxis. (4) Corispermum hyssopifolium, (5) Formicaho. (6) Cardium trigonoides. My tilus polymorphus. Append. uos. 2^2 et 253. (7) Coluber scutatus. Appendix, n°. 511. (8) Spinacia fera. Appendix, n°. 407» (9) Salsola prostrata. (10) Salsola salsa, (11) Salsola hyssopifolla. le A K À L M Y t. 0 V A. a7'3 le Lali ou soude épineuse de très-petite espèce, l'anabasis (i), la cainplirée de Montpellier (2), qui n'a aucune odeur , plusieurs espèces d'ab- sinthes , et sur-tout l'absinthe blanche (3) ) on la trouve dans tous les déserts de l'Asie. Cette plante et la camphrée couvrent des places en- tières avec leurs racines rampantes et leurs re- jetons , ce qui fait une espèce de gazon ou de pe* tite mousse blanchâtre. Elles forment en hiver la principale nourriture des nombreux troupeaux des Kalmouks et Kirguis , parce qu'elles conser- vent leur état naturel sous la neige qui n'abonde pas dans cette contrée 5 le peu qu'il en tombe fond presque aussi-tôt. Les troupeaux n'ont donc pas de peine à trouver ces plantes. Ils les re- cherchent peu en été , attendu qu'ils en voient un grand nombre d'autres $ les Kirguis appel- lent ces deux plantes Iouschanu. Ils ont grand soin d'établir leurs habitations d'hiver dans les lieux où elles croissent (4). Il se forme de grands dépôts de sel dans plusieurs endroits (1) Anabasis apkylla. (z) Camphorosma monspellaca* (3) AneniLsïa alba. Appendix, n°. 558* (4) La peûte espèce cTdb.sini.he dont j'ai parlé, est re- marquable par sa fleur , qui ressemble , par son odeur , son goiît et sa figure , à la semence aux vers; si la semence aux vers n'étoit pas méiée de petites tiges , on la prendroit pour cette plante. L'efpèce dont M. Pallas fait ici mention, me paroît avoir des rapports avec Vartemlsla filpistris de L'innée. Lam. Tome II. S 2?4 1769« d'ïaÏzkoï-Gorddok voisins de Kalniykova. J'y trouvai l'anabasls feuille (1), je le regarde comme une vraie sou- de (2) par rapport à sa figure, et aux parties cjui composent son fruit. Les places un peu humides produisent le sainfoin d'Espagne (3) , l'agul (4) et l'euphorbe des champs (5), appelée ici Koura,, parce que les poules qui en man- gent tombent malades et perdent la vue. Il y croît aussi beaucoup de réglisses , de l'herbe amère dont j'ai fait mention, et d.e statice de Tatarie. j'avois appris que le rapontic (6) étoit très- commun dans ces contrées 5 mais je ne l'aurois peut-être pas apperçu , si les Kosaques ne me l'eussent fait remarquer. Cette superbe plante n'est verte qu'au printems , même dans les années les plus favorables. Les grandes chaleurs la dessèchent^ et les vents lui enlèvent ses feuilles. La grande sécheresse de cette année avoit des- séché cette plante , et peut-être beaucoup d'autres .5 nous ne trouvâmes que quelques feuilles du cœur de la tise qui étoient toutes noires; les vents avoient déjà dépouillé lapins grande partie de ses tiges. Le meilleur moyen (1) Anabasis folios a. (z) S a Isola. (3) Hedysarum coronarhîtn, (4) Hedysarum alhagi. (5) F.uphorbia segetalis. (6) Rheum rhapcmicum« a K a l m y k o v a; sy5 de trouver ses racines , est de remarquer les places rondes dont la lande est couverte 5 elles ont au plus, plusieurs empans de diamètre , et il n'y croît aucune herbe , parce que la plante couvre de ses feuilles toute la superficie de ces places. On les distingue facilement, quoique ia lande soit très-aride et peu garnie d'herbages. On trouve , en creusant, le tronc de la racine avec ses branchages 5 ils sont de la grosseur d'un, pouce, et ils s'étendent très-loin dans la terre. Les branchages et les rameaux doivent être préférés au tronc , pour l'usage de la médecine. Ces indices m'ont fait découvrir le rapontic dans presque toutes les landes arides et élevées , à mon retour de Gourief à laïzkoï - Gorodok. II 31 e croît point au-delà de cette ville ; mais il est remplacé par l'oseille des Alpes (1) , appelée* sur les bords de l'Iaïk, Révenn , rapontic. Ce nom n'est cependant pas propre à ces deux racines. Il paroît que le rapontic est indigène dans toutes les landes habitées par les Kirguis et les Kalmouks , puisque j'ai vu les places qui l'hi- diquoient sur les monts Inderski , et sur les limites du pays des Kirguis. Des personnes dignes de foi m'ont assuré qu'il croît aussi dans les contrées méridionales , jusqu'au Volga, ainsi que sur les bords de l'Ilovla et du Don. Les Kosaques de l'Iàïk attribuent beaucoup »■i ■ - 11,1, 1 »mrw il» ■ u . il |l II lll.H (1) Rumex Alpinus* , S a r2j6 lj6g. de Barkiianî de vertus à la racine du rapontic. Ils la font infuser dans de l'eau-de-vie ; elle lui commu- nique-une couleur jaune foncée. Ils regardent cette infusion comme un spécifique pour dif- fërens maux. On fait un très-^rand usage de cette plante à Gourief, pour guérir le scorbut, et sur-tout au printems , époque à laquelle cette maladie est très-commune. On prend alors les feuilles encore tendres -y on en fait des bouillons d'herbes , ou on les accommode comme les épinards. On fait aussi une décoction avec la racine \ elle est réputée pour un bon purgatif. Elle ne croît point près de Gourief, uarce que le sol est humide et marécageux. Les soldats de la garnison vont la chercher dans les landes voisines \ et ceux qui y vont chercher du sel., en rapportent aussi leur provision. Les Kirguis se servent des racines du rapontic pour teindre les cuirs en jaune 5 j'en rendrai compte ailleurs. On pourroit substituer cette racine , dans les pharmacies , à celle de la terre mérite. S. X I Y. - Du 16 au 17 août. < Monts Barkhani , 10 vers tes. — Rivière de Bo- ■ guyrdaï. — Lac Kaniysch - Samara. « — For- teresse de Kalmykova } 2.0 vers tes. Je partis le 16 août , après-midi ; je fis route à l'ouest , pour me rendre aux collines de sable noiijm^es Barkhani. Cette contrée commence i A K. A_ L M Y ig O T A.. ^JJ a environ vingt verstes de Kalmykova. Nous ne vîmes ? à quelque distance de cette for-, leresse , que des landes arides et desséchées y couvertes d'herbes brûlées par l'ardeur du soleil, et de quelques tiges d'absinthe. Elles sont gar- nies d'une mousse grise des déserts, qui croît à une très - grande hauteur , et d'un lichen qui ressemble à celui dont j'ai donné la descrip- tion \ il n'est cependant qu'une mousse crusta- cée a un jaune verdâtre (i) ; on l'appelle ici Zemlîànoï-Kleb (pain de terre). »On traverse dans ce district , plus d'une trentaine de routes parallèles les unes aux autres. On doit leur établissement au grand nombre de chariots quj -passent dans cette steppe pour se rendre à la pêche du printems. Elles vont toutes en lignes directes d'un Roubesch ( station ) à l'autre. A plus de dix verstes de la forteresse , on entre dans des bas-fonds boisés ; on arrive ensuite au canal de Boguyrdàï , qui est garni de roseaux- Il est aussi considérable qu'une grande rivière au printems. Il se sépare de l'Iaïk , près d'An- notovo 5 plusieurs bas-fonds divisent le rivage de ce fleuve en cet endroit. Plusieurs petits ruisseaux , entièrement desséchés pendant l'été, se jettent dans ce canal au même lieu ; il se (1) Je crois que cette mousse est le lichenoides lepro* sum , crus ta eine reo vires cente , tuber cutis nigerrimis, Dil- len, Bist, musc, p. il6 , tab. 18 , fig. 3. / Î278 1769. DE Barkhakt réunit au fleuve an -dessous do l'avant-poste 5^ Gréi enschikof. Ce canal produit tontes sortes de plantes t, j'y trouvai beaucoup d'armoise es- tragon (i), dont l'odeur ëtoit très -agréable. Sou rivage est garni de roseaux , et il n'y cro\t aucune plante rare. Ces roseaux étoient remplis de vipères communes. Si on présente une lame à cet animal , et qu'il la morde , il y laisse de grosses gouttes de son venin 5 il est jaune et un peu huileux. Ou trouve ici , dans les lieux bas garnis de ro- seaux, qu'on rencontre plus loin sur les collines de sable, l'araignée scorpion (2) ; c'est une es- pèce de phalange dont la piquure est très-dan- gereuse. Les Kaimouks la nomment Bykhoekho ou M a k DSCH 1 -B y khos kho . Ils redoutent beau- coup cet animal , et c'est avec raison, puisque sa piquure occasionne une douleur terrible oit une enflure considérable 5 elles agissent d'abord len- tement^ et finissent ensuite par la mort. Cet in- secte se tient ordinairement dans la terre ; il sort de son trou pour se promener dans les roseaux* Les personnes qui ont l'imprudence de s'endor- mir dans ces lieux, en sont piquées 3 cette blessure les réveille aussi-tôt. Les Kaimouks , ainsi que toutes les personnes qui ont vu cette araignée , assurent unanimement qu'elle court avec une vîtesse extraordinaire , et qu'il ne lui faut qu'un (1 ) Ârtemisia dracunculus. (%) Phalangium araneoides. Appendix, n°. 2,40. a K a l m v k o v â; zyg ^moment pour grimper au-dessus d'un bâton ou d'une canne , et piquer celui qui la tient ou la lui présente. Je suis persuadé que la crainte seule de cet animal a donné occasion à ce bruit 5 il faut cependant convenir que son venin est ter- rible. J'en ai vu une sur les bords de la mer d'Asof, qu'on avoit apportée de Taganrok. Elle ressemblent parfaitement à celle que j'ai vue près du lac Inderskoï 5 elle piqua'ïnalheureuse- ment un. soldat , qui souffrit cruellement , et fut dans le plus grand danger. On m'a assuré qu'elles étoient fort communes daAs les lieux de ce district garnis de roseaux. On transporte souvent ces insectes dans les fagots faits avec ces roseaux. On guérit leur piquure avec l'huile douce ; ce contre - poison est généralement connu. Les Kalmouks emploient plusieurs re- mèdes qui rentrent dans celui-ci. Ils prétendent qu'il faut laver la plaie avec le lait d'une jeune femme qui est à sa première couche , si elle a vécu chastement avantson mariage. Lorsqu'on ne peut se procurer ce spécifique , on a recours à un animal noir , soit chien ou brebis , etc. *7 ç>n. l'éventre vivant, pour lui ôter le cœur et les poumons , et les appliquer tout chauds sur le mal. J'ai vu un Kalmouk , déjà &gé, qui avoit deux cicatrices sur la poitrine ; elles a voient été occasionnées par les deux serres d'une arai- gnée scorpion 5 il m'assura que la piquure de cet animal l'avoit tiré du plus profond sommeil» S 4 ä8o Î769. DE BARKHANÏ Les Kalmouks ont une si grande horreur pour cet animal, que dès qu'ils en ont yu un dans une contrée , ils l'abandonnent aussi - tôt , et s'établissent ailleurs. J'ai fait venir autrefois plu- sieurs de ces insectes du cap de Bonne-Espérance, mais je ne savois pas alors que leurs piquures étoient aussi dangereuses. Les Kalmouks m'ont assuré qu'il existoit tin antre insecte semblable à celui-ci , mais entièrement noir $ il se .tient dans la terre , et y file une toile comme l'arai- gnée. Je n'ai pu avoir d'autres éclaircissement sur cet obfet.. Les rivages du Boffuyrdaï sont entièrement percés de trous de souris d'une espèce parti- culière 5 il ne m'a pas été possible d'en attrapper une. ïl paroît que leur principale nourriture est l'oignon de la tulipe sauvage ^ qui abonde dans cette contrée. Les Tatars de ce district les appellent Koüian-Tablak. On voit de tous côtes, les petits trous d'où les souris ont tiré ces oignons, ainsi que leurs pellicules. Ces tu- lipes servent aussi de pâture aux corneilles lors- qu'elles sont affamées. La contrée devient mon tueuse , près du Bo- guyrdaï; elle s'élève de plus 'en pins jusqu'aux collines de sable de Barkhani. La plante la plus commune est la camphrée de Montpellier (1) : j'y trouvai aussi la nitraire (2) : elle avoit de (ï) Camphorosma Mons-peliaca. (a) Nitraria* Flora» Ross ica } vol. i, t. 50. Je connois A K A ï, M Y K O V A." sSî longues ti^es étendues sur la terre. Le sol est cependant fort "peu salin ; son fruit est noir et doux. Les Kosaques appellent cette plante Sa- ma^ikHa., (F attiYiy ante). ~he nom de nitraire lui conviendrait mieux , puisque le fruit et la plante sont un peu salins. Je vis un grillon sans aîles (i); il étoit rare dans cette saison; mais on m'a assuré qu'on en trouve beaucoup dans les tems des fenaisons. Ces collines sont coupées par de petits vallons qui produisent des roseaux, ce qui prouve qu'il y a des sources cachées. La 'sécheresse étoit si prande , qu'on auroit perdu son tems à les cher- cher. La crainte de manquer d'eau , m'empêcha de visiter les étangs salés d'Ousénié et le lac de Ramysch-Samara. Il est situé fort loin dans la lande , à la hauteur de Kalmykova , et il est rempli de roseaux. Ce lac ne se trouve point sur les cartes géographiques qui ou i paru jusqu'à présent ; c'est aussi ce qui m'oblige à en donner quelques détails , d'après 4e récit des personnes qui l'ont visité ( 2, ). Le Kamysch - Samara est un grand lac qui trois fiiträiresj savoir, celle de Russie, découverte oir, M. Pallas , et deux autres indigènes de l'Afrique , a ni , à la vérité , ont de très-grands rapports entre elles. Voyez mes Illustr. des genres, tab. 403 , où j'en ai représenté deux: I.am . (1) Gryllus pedo. Appeadix , n°. ipt. (a) Ce lac se trouve sur toutes les cartes modernes de l'empire de Russie. 2,$2i Î769. * D E B A R K II A IT t forme beaucoup de marais et de baies. Il est a deux fortes journées de l'Iaïk. Il reçoit au nord deux petites rivières, dont les rives sont boisées $ on leur a donné le nom de grand et petit Ousen j au midi, le ruisseau de Toukoul, éloigné d'une journée de la forteresse d'Inderskaia. Les bords de ce lac sont couverts de roseaux ; ils sont remplis de sangliers qui se nourrissent avec les racines de ces joncs. On prétend qu'il y a sur ce îac , huit à dix îles flottantes , for- mées par des racines de roseaux et des bran- ches de saules , et qu'elles sont remplies de sangliers , de cygnes , et de gibier aquatique defctoute espèce. La chaîne de collines, appelée Rinpeski, est située à l'ouest, à près d'une demi- journée du lac , des contrées salines , des ruis- seaux salés, et de petits lacs occupent les derrières de cette chaîne; il s'étend jusqu'au grand lac rd'Elton, près du Volga. Toute la partie de l'est du Kamysch-Sainara,£St entourée de collines sa- blonneuses de Barkliani. J'ai trouvé peu de diffé- rence entre ces collines et celles de Rinpeski. Je revins dans la nuit à Kalmykova, Je lis le lendemain , une petite excursion pour vi- siter la partie orientale de l'Iaïk; les Kirguis y ont formé un camp. Il é'coit près d'une heure après-midi, lorsque nous eûmes traversé le fleuve, qui est très-large en cet endroit ; nos chevaux le passèrent en partie à la nage. Le rivage orien- tal est bas et uni j il est couvert de kali, de A K A L M Y K G V A,' 2t)3 deux esnèces de corlspermes (1 ) , d'astragale tortille (2), d'une armoise (3), de luzerne et autres espèces de trèfles, Ces plantes prospèrent beaucoup dans ce terrain entièrement sablon- neux. Les bas-ion ds de cette contrée fournissent les plus beaux pâturages , pourvu qu'ils ne man- quent pas d'eau. On y trouve un mélange fort agréable de tamariscs et de saules ; mais on tra- verse ensuite des landes élevées et arides , qui ne produisent que l'arroehe épineuse et l'àr- roche-jonc. Ces deux plantes., et sur - tout la dernière, étoîent pleines de salles ; les unes ressembloient à la grappe du houblon ; celles qui a voient la forme ordinaire , conten oient de petits vers rouges. D'autres sont comme des nodosités ligneuses , qui renferment de plus gros vers. Les inondations du printems a voient couvert la lande de terre noire ? en plusieurs endroits ; mais la chaleur y avoit fait beaucoup de crevasses : cela n'arrive point dans la lande argiileuse , qui paroît disposée., parla nature, à un climat chaud, et sec." Nous vîmes le rat sauteur (4) , vers le coucher du soleil ; il vola (1) Corispermum hyssopifotlum , corispermum squar.ro* sam. Appendix, nQS. z6i , 26^. (%) A stragalus contortupticatus. (3) Artemlsla santonica. (4) Mus ja.cu.lus. C'est le j acutus orientâtes , d'Exterfr,, p. 404. Le dipus /acutus de Schreb. Saeiunh. IV, t. zz8. La gerboise de Buffbn, Hîst. mt. 13 , p. 141, et figurée iéceramcnt dans le voyage de Bruce, vol. j, t. 2,7. Lam. ■z>oA 1769. Steppes des Kir guis.' plutôt qu'il ne saute. Les Kosaques ne pou- voient l'atteindre à la course, mal pré Fagïlité de leurs chevaux. Ils font un saut de pins d'une brasse et demie ; ils ont à peine touché la terre > qu'on les revoit en Pair , et ils continuent jus- qu'à ce qu'ils aient atteint leur terrier, S". X V. 1 7 août. Observations sur les Kirtiuis. Nous arrivâmes , sur la fin du jour, à fa contrée habitée par les Kirguis. Ils campoient dans un bas-fond fort agréable , sous de grandes tentes de feutre. Les peuples, qui habitent les landes, choisissent le lieu de leur campement avec beaucoup de goût, et ils jouissent, par ce moyen , des avantages que peut leur procurer leur vie nomade. Les Kirguis parurent avoir peur de nous. On ne voyoit autour de leurs tentes que quelques vieilles femmes et des enfans nus ; les jeunes filles s'étoient cachées , et les hom- mes étoient occupés à rassembler leurs trou- peaux dispersés. Ils s'attroupèrent autour de nous , maîtres et esclaves , lorsqu'ils eurent fini. Comme nous étions fort pacifiques , nous Vîmes la î oie et la satisfaction renaître sur leurs visages, fis nous régalèrent de K ou miss (1), (1) Cette boisson n'est point désagréable, sur-tout lors- ly^o- Stoppes bes Kirguis.- s85 boisson faite avec du lait de jument aî&rï. Ce- lui qui en boiroit une pinte s'enivreroit 5 c'est ce qui arriva à plusieurs de ceux qui form oient mon escorte. Malgré leur honnêteté , il n'au- roit pas été prudent de passer la nuit avec eux. Nous prîmes congé des Kir guis , à la brune y pour retourner à Kalmykova , après avoir bien examiné leurs ménages. Je vis , à mon retour , pour la première fois de cette année , la co- mète ; elle parut au moment qu'on s'y atten- doit le moins. Les Kosaques , qui ont des yeux de lynx , l'avoient apperçue trois jours aupara- vant, c'est-à-dire, le i5 août, un peu au-des* sous des îiyades. Je rapporte ici*les observations que j'ai pu nie procurer sur les Kirguis. Ce peuple se donne qu'eue est préparée clans des vases propres , ce qui arrive chez les Kirguis riches. Elle a Fadeur acide du petit-lait , fait avec la crème de tartre. Le koumiss fait avec cfu lait de vache , a le goût plus désagréable que celui de lait de jument j cela est d'autant plus singulier, que celui-ci a naturellement un p-oût de lessive , ou celui du lait d'une vache qui a man^é de l'oignon ou de l'ail. Pallas. Rubruquis qui visita les Tatars dans le milieu du 13e siècle, par ordre de Louis ÎX , parle de cette boisson sous le nom de cosmos y ou lait de jument durci; il indique même la manière dont ils le préparent. îi y a , selon lui , une vspccz de cosmos, plus délicate, nommée cara cosmos (cosmos noir ) et destinée pour la table des grands. Le même vova- geur en donne également la préparation. ïl assure que c'est une liqueur fort agréable et qui a de grandes vertus. Vojyags de Rubruquis en Tartarie , chap. VI. {Note du Rédact. ) 2t)6 176*9. Steppes des Kieguïs. le nom de Kerguis-Khasak 5 il. est aussi connu sons ce nom des Russes et des Kosatrues. Voici ce qu'ils m'ont rapporté sur l'origine de ce nom. Ils vivoient anciennement avec les Turks (i)> et leurs habitations s'étendoient jusqu'à l'Eu- plirate. Ils étaient soumis à des souverains par- ticuliers. Le dernier fut Yazid; voulant usur- per le trône de Turquie, il ota secrètement la Vie à deux petits - fils de Ma h o m e t , nés de Fatma , fille du prophète j et nommée Khasan et Rhoussain (2). Son attentat ayant été découvert, (ï) La suite du texte prouve que par les Turks , notre auteur désigne les Mahométans , et peut-être bien aussi les habitans du Turkeçtân au-delà du lac ^\raî , et non pas ceux de l'Anatolie , qui descendent aussi des premiers et qui en ont. même conservé le nom parmi nous seulement j car ce nom est pour eux une injure , ils s'appellent Osçmâny , c'est-à-dire, habitans de l'empire Gthoman, ou plutôt d'Osç- rnân leur' fondateur. [Note du Rédact.) (z) Je connois fort peu l'histoire de la Turquie; quand je serois plus instruit , je rapporterais toujours ce fait tel que je le sais. Qu'il soit faux ou vrai , je le donne comme un fait historique tiré des annales ktrguisiennes. M. Pallas» L'histoire des Arabes ne parie d'aucune émigration a l'épo- que indiquée ici par les Kirguiïs , nous nous contenterons donc de rétablir les faits qu'ils ont altérés, et de communi- quer au lecteur la conjecture que nous en tirons. Cet Yézyd dont parlent les Kkgiiis , écoit le sixième Khalyfe de la dynastie des Ommyades , qui enlevèrent le sceptre et l'encensoir à Hhaçan et à Hhoccïn , fils d'My et de Fâtliimali, fille de Mohhammed. Kliaçan obtint le kivalyfat, mais il s'en démit au bout de cinq mois en faveur de Mo'avyah, lj6(). Steppes des Kirguis. 287 les Turks prirent les armes, et le chassèrent^ ainsi que les Kirguis , de toutes leurs habita- tions. Ils s'établirent clans le voisinage des Ta- tars Nogaïs ; ceux-ci leur déclarèrent la guerre ^ et les forcèrent de se retirer dans la lande qu'ils habitent aujourd'hui. Leur horde se mit en- suite sous la protection de Kep.guis - Khan, dont les sujets étoient voisins des Soongarsetdes' l'an de l'hégire 40 de J. C. 66 t. Hhocéïn, plus ambitieux e.t soutenu par les erForts des habitans de Mcdyne et les pro- messes de ceux de Koufah, osa disputer l'empire a Yézyd , fils et successeur de Mo'avyah 3 celui-ci se contenta de lui opposer un corps de cavalerie, commandé par un simple offi- cier. Hhocéïn étant sorti de Médyne pour se rendre à Koufah, avec sa famille et sa petite armée, fut harcelé sur la route par les cavaliers du khalyfe ; ils l'empêchèrent d'approcher de l'Euphrate. La chaleur et la fatigue , jointes au manque d'eau , firent des ravages effroyables dans l'armée de Hhocéïn qui , en moins de trois jours , ne vit plus autour de lui que soixante-douze combattans ; il fut bientôt enveloppé et périt dans le combat, ainsi que tous ses compagnons; ses remmes seules furent épargnées. Cet événement qui entraîna la perte des Alydes, arriva dans la plaine de Kerbelâ près Baghdad , au mois de mohharrem , Tan de l'hégire ot 5~de J. C. 6S0. Yézyd , loin de prendre la fuite, resta paisible possesseur du Khalyfat et le transmit à ses enfans. En ajoutant quelque foi aux traditions altérées des Kir- guis , on ne peut attribuer leur origine qu'aux débris du parti de Hhocéïn, qui se seront retirés d'abord avec les Turkomaris dans le Diârbeqyr, ou chez les habitans du Turkeçtân, et de là chez les Tatars Nogaïs. La religion Musulmane qu'ils professent encore , déposeroit assez en faveur de l'origine qu'U$ ee donnent. ( Notç du Rùlact* ) 288 . 1769. Steppes des Kiröüis. Chinois. Ils veulent probablement parler des Mongols. Ce Khan ne les employa que clans ses armées ; ils se révoltèrent contre lui , et se re- tirèrent de nouveau clans les déserts qu'ils ha- bitent. Ils ont conservé le nom cle Kerguiss Khasak , qui signifie soldats du Khan Ker- guiss. Ils prétendent que les Kosaques ont adopté leur nom et leur tactique. Les Kirguis , ainsi qne tous les Nomades Asia- tiques , logent sous des tentes de feutre , sem- blables à celles clés Kalmouks : elles sont plus grandes , mieux distribuées , et plus propres. Une cle ces tentes est quelquefois occupée par plus de vingt personnes , qui y sont même très- commodément (j). Les Kirguis sont beaucoup plus propres que les Kalmouks ; ils vivent même fort bien , puisqu'ils possèdent beaucoup de bétail, et qu'ils sont fort bien vêtus. Les Russes et les karavanes Asiatiques leur fournissent les étoffes et toutes les choses nécessaires à leur habillement , ou bien ils se les procurent par leurs brigandages 5 ils y renoncent cependant cle plus en plus, et ils préfèrent aujourd'hui le commerce d'échange. Ils ne fabriquent chez eux que des fourrures , des cuirs , nu camelot , appelé Armak , des couvertures de feutre , faites (1) Lorsqu'il fait chaud, les Kirguis et les Kalmouks ôtent les couvertures de feutre qui entourent leurs tentes , qui forment alors des espèces de berceaux. de Ijôy. Steppes des . Kibguis. 289 de laine de moutons , qu'ils ornent avec des laines de couleur % des vases de cuir , et plu- sieurs petits objets ordinaires et grossiers. Ils préparent les peaux avec du lait aigri , à la manière des Kalmouks. Ces peaux servent à l 'habillement des hommes : ils font pour l'été trois différentes espèces d'habits courts. L'habit d'été des pauvres Kirguis et des esclaves est de peau de gazelies j ils portent le poil de ces four- rures en dehors : cet habit se nomme Iiugak. Les Kirguis d'une classe supérieure portent des habits de peaux de poulains de différentes cou- leurs. Elies sont cousues et apprêtées de ma- nière que les crinières se trouvent dans les cou- turés du dos et des épaules, et forment un ornement. Cet habit s'appelle Daka. "Voyez. la planche XKÎ, n°. A.] Plusieurs Kirguis por- tent des habits d'été de peaux de chèvres ap- prêtées et sans poils $ on le nomme Kasha n. Les Kosaques de l'Iaïk en portent beaucoup , parce qu'ils sont très-doux et presque impéné- trables à la pluie. Les Kirguis coupent les poils dös peaux de chèvres ; ils les mouillent -y les roulent, et les exposent dans un endroit chaud jusqu'à ce qu'elles prennent une odeur de pu- tréfaction , et que la racine des polis se déta- che. Ils les ratissent ensuite avec des lames de couteaux émoussées 5' après les avoir fait un peu sécher , ils les mettent tremper dans du lait frais. Si les peaux sont, grosses , ils les laissent trem- Tome 21. T r>_90 1769* Steppes des Kir guis." per pendant quatre jours clans du lait aigri, On les retire tous les jours de ce lait, et on les ratisse, afin de mieux ouvrir les pores, pour que le lait y pénètre davantage. On fait sécher ensuite ces peaux à l'ombre , et on les foule avec les mains et les pieds , pour les adoucir. Cette préparation faite ^ on les pend à la fumée ; on les foule ensuite de nouveau , et on finit par les teindre en jaune - brun. Cette couleur se fait avec l'infusion des racines de rapontic > ou de la statice de Tatarie , clans une eau alu- née. Cette plante croît par-tout clans ces déserts salins. Les Kirguis et les Kalmouks l'appellent Tquschutt, et les Russes Sheltoï-Koren (ra- cine jaune) : cette préparation ressemble à une bouillie,, lorsqu'elle est froide. Ils en frottent les peaux deux 'öu trois fois , tant à l'envers qu'à l'endroit , et ils les font sécher à chaque fois.' Ils les foulent une troisième fois après la teinture , et tout est fini. Ces peaux peuvent être lavées souvent, sans craindre de perdre l'éclat de leur belle couleur jaune foncé brun ; ils teignent également les laines avec ces ra- çines. Dans la teinture en rouge, ils emploient. la vraie garance , qu'ils nomment Kisil-Botjiaf; elle croît dans les bas-fonds de l'Iaïk et dans la lande. Les Kirguis ont quelques serruriers parmi eux 'y mais ils font grossièrement un très -petit nombre de choses. Ils m'ont assuré avoir des 1769* Steppes des Kirguis. 291 orfèvres 5 mais je présume qu'ils sont aussi ha- biles que leurs serruriers. Ils ne peuvent se faire une idée de la perfection des Européens dans les arts. Ils achètent les dés à coudre , les ai- guilles , et beaucoup de marchandises et de colifichets à Orembourg , ou dans les villes frontières ; mais comme ils n'ont point d'argent monnoyé, ils payent tout ce qu'ils achètent en chevaux et moutons : leur petite monnoie con- siste en korsaks , en loups , et en peaux d'a- gneaux. Les Kirguis portent des culottes de toile de coton, et des chemises de toile bleue , appelée Kitaïka. Elles sont ouvertes pardevant comme les robes - de - chambre, et plissées de même $ ils les lient autour du corps. Ils portent par- dessus l'habit une ceinture de cuir : une poire à poudre et un sac à balles de plomb y pendent communément. La plupart des Kir- guis , un peu riches, ont des fusils ( 1 ). Leurs bonnets d'été sont faits de feutre en partie , quelquefois couverts d'étoffes, brodés en cou- leur, et doublés de velours.; ils sont taillés (1) Quelques Kirguis font de la poudre à canon. Ils vont chercher ou nitre sur d'anciennes tombes situées dans les dé- serts. Ce salpêtre est d'une très-bonne qualité . puisqu'il n'a pas besoin d'être raffiné ; on ie mêle tout de suite avec le charbon et le soufre. Ils achètent le soufre , et la plus grande partie de la poudre qu'ils consomment , des karavanes asia- tiques. T % 2x)l 1769. Steppes des Kircuis. en cône, et ont deux ailes, dont Tune ê&f communément abattue. [ Voyez la planche Xyi*] Leurs bonne tar d'hiver sont doublés de fourrures, et garnis de quatfe ailes, deux rondes sur le devant et le derrière , et deux en pointes qui pendent sur les côtés. Ainsi que* les Tatars, les Kirguis portent sur leurs têtes , qui est rasée , une calotte noire, ornée de bro- deries de couleurs. Les riches ont des bottes que les Boukars leur vendent fort cher. Elles sont faites de cuir d'âne graine \ elles sont mal façonnées , et d'un modèle très7singulier : les talons sont hauts et étroits , les semelles gar- nies de clous , ou entourées de plaques de fer. Elles sont si gênantes et si mal faites, qu'un Européen ne pour roi t faire un pas sans chan- celer avec de pareilles bottes. Les Kirguis mar- chent peu \ ils sont continuellement a cheval \ de sorte qu'il est très-rare de trouver un bon piéton parmi eux 5 ils ont presque tous les jam- bes cagneuses. Ils sont d'une taille médiocre 7 et la plupart des jeunes gens sont assez- bien, de figure : ce qui provient peut- être de leur alliance avec des femmes Kalmoukes ou, d'au- tres nations , qu'ils enlèvent dans leurs brigan- dages. Les hommes âgés sont laids et hideux ; ils ont la figure des juifs : leur vie oisive leur donne trop d'embonpoint , et ils sont fort mai bâtis. Les jeunes gens. -ne portent que la mous- tache '7 les vieillards laissent croître la barbe 5 lj6i). Steppes des Kirguis. 293 us se rasent la partie inférieure des lèvres jusqu'à la pointe du menton. L'habillement des femmes consiste dans une chemise de toile bleue, fermée pardevant j elles ne portent que cette chemise dans la mai- son. Elles ont de longues culottes , s'entortil- lent les jambes avec des bandes , et mettent des chaussons à leurs pieds 5 elles se coiffent av.ee des mouchoirs de coton blanc ou de cou- leur. Cette coiffure s'appelle Dshaoïïlok. Ce mouchoir a une aune et demie de France de Ion a; elles le forment avec une iimrre triait- ^uiaire ; un des angles pend derrière la tête , et couvre toute la nuque du cou 5 elles passent les deux autres bouts sons le menton , et les font remonter pardessus la tète en croisant. Leur chevelure forme deux tresses , dont elles s'entourent Ja tête. Elles portent un bandeau plissé, de toile de coton , d'environ deux aunes et demie de France de longueur , et large de deux mains dans le milieu ; elles le passent autour de la tête , de manière qu'il formfe un turban presque cylindrique.- Dan s. leur grande parure , la coiffure est d'une toile plus une et rayée. Elles mettent alors pardessus leur che- mise une autre chemise de soie ou ('étoffes riches qui se fabriquent en Boukltarie ; elle* la garnissent de fleurs artificielles. Elles por- tent une ceinture autour du corps, faite delà même toile que la coiffure , et pardessus cett,e T 3 ^94 1769- Steppes des Kirguis. chemise une longue robe Boukhare , appelée Khalat (O > qi^i ressemble à une robe-de- chambrej elles mettent sous la chemise un mou- choir de couleur brodé 5 qui leur couvre la poi- trine et les épaules. [ Voy. la pi. XVII. n°. B. ] Elles ajoutent à leur parure une queue pos- tiche qu'elles attachent sous leur coiffure 5 on l'appelle Dschadshbaou. Cette queue est com- posée d'une bande d'étoffe , brodée en couleur , de plus d'une aune et demie de France de long , qui se termine en pointe. Elles les achètent desBoukhars ? qui les leur apportent. Elles font passer ces bandes sous la ceinture , et mettent pardessus une double queue couverte de ve- lours , de la grosseur de deux pouces, et garnie au bout de grosses houppes de soie noire. Cette seconde queue leur pend jusqu'au jarret. Les femmes la portent séparée en deux , et tom- bante sur le devant pardessus les épaules 5 les filles l'ont au contraire pendante sur le dos. Il pend autour de la queue un cordon garni de houppes de toutes' couleurs ., de coraux , de dés à coudre , et autres colifichets. Elles met- tent un bonnet pardessus leur coiffure : la par- (1) Ce mot est une corruption cîe FArabe K.hlla\u qui désigne également une longue robe ou pelisse fourrée , et plus particulièrement encore ces vestes d'honneur que les despostes asiatiques envoient à leurs agens , quand ils veulent les récompenser ou leur faire couper la tête, (N#t€ du Red..) ijSy. Stepfes des Kirguis/ 295 lie qui entoure le visage est garnie de petites plaques d'argent et de monnaies d'argent. Les Kirguis professent la religion mahonié- tane ; ils prétendent avoir conservé leur culte depuis leur sortie de la Turquie. Comme la polygamie est permise dans cette religion , ils ont autant de femmes qu'ils en peuvent acheter ou enlever. La dot que la femme doit apporter en mariage est très-forte. On voit difficilement leurs femmes, narce qu'ils sont sectateurs de Mahomet. Les Kirguis ricli es donnent commu- nément une tente particulière à chacune d'elles , et en ont une pour eux. Ils sont assez zélés dans leur croyance ; mais ils sont fort igno- rans , parce qu'ils n'ont que très-peu de prê- tres mahométans. Ils ont aujourd'hui un grand- prêtre dans leur horde , il est appelé Akhouk" (1) ; il réside toujours près du Khan. Ils observent strictement %\ loi de Mahomet pour tout ce qui regarde la vie privée. Ils ne mangent au- cun animal impur , mort, contrefait: et parmi les animaux sauvages , ils ne se nourrissent que d'antilopes, de chevaux de la lande , et de toutes les espèces de cerfs. Leur princi- pale nourriture consiste dans ces viandes. Ils s'accoutument à manger des mets faits avec de la farine et des gruaux qu'ils achètent des Russes. Leur boisson ordinaire est du lait ai- (t) Mot Arabe qui signifie frère, {Noie du Redetet,) T 4 2()6 1769. Steptes bes KrnctriS. gri, qu'ils appellent Aï a en, ou du îcotg- ihiss, Les Kirauls ont un grand nombre de mas tambours de basque. Ils l'appellent Kobjz. J (* devin joue de cet instrument , en faisant d^s sauts et des contorsions pendant près d'nn© demi-heure. Il fait ensuite avancer ranimai , l'égorgé , reçoit le sang dans un vase fabriqué pour cet usage ; il prend la peau pour lui, et la chair se distribue aux spectateurs , qui la mangent. Il prend ensuite les os, les teint en rouge et en bleu, et les jette à l'ouest. Il verse le sang du même coté > il recommence ses Ü9& 1769* Steppes bes Kirguis.' exorcismes , et répond , quelque temps Âpres f à là demande qui lui a été faite. La quatrième classe des- devins est appelée Kamtscha. Ils tirent leurs augures de la couleur de là flamme qui s'élève du beurre ou^ de la graisse qu'ils jettent dans le feu. Ils ont soin d'écorner en même teins un animal. On fait peu de ca%de cette dernière classe. Ils ont aussi parmi eux des sorciers et des sorcières : ces- dernières , nommées Dshaadougar , sont en plus grand nombre. Ils ensorcèlent4es esclaves f îls sont persuadés que si l'un d'eux désertoit alors , il s'égareroit dans sa fuite , et retombe- roit dans les mains de sou maître 5 et si, par hasard, il s'échappoit , ce ne seroit que pour rentrer dans:' l'esclavage du même peuple. Cet ensorcellement se fait de la manière suivante» Ils demandent à l'esclave son nom , lui cou- rent quelques cheveux , et le placent au mi- lieu de là tente à la place où est le foyer. La ^sorcière mêle du sel avec les cendres , les épar- pille , et commence ses sortilèges ; elle fait faire trois pas en arrière à l'esclave 5 elle crache sur les places où ses pieds ont posé, et fait 'à cha- que fois un saut hors de la tente ; elle prend ensuite un peu des cendres sur lesquelles l'es- clave a marché , et lui en met sur la langue. Les Kosaques de l'Iaïk. croient fermement que ce sortilège réussit lorsque l'homme donne son vrai nom. 17%. Steppes des Kirguis. 2.99 Les Kirguis forment une nation nombreuse . beaucoup plus indépendante que celle des Kal- mouks , qui ont beaucoup de _ petits despotes parmi eux. Les Kirguis vivent- comme des sei- gneurs \ et c'est probablement fe cause pour laquelle ils ne sont pas aussi redoutables que les autres peuples dans leurs hostilités. Cha- que branche, ou Aïmak , a son chef 5 toute sa famille lui obéit volontairement. Ceux qui ont Un gros parti prennent le titre de Khan ou de Sultan. Ils ont plusieurs rangs \ ils nommenè Bu les nobles ; les personnes d'ancienne ex- traction s'appellent Khodsa. LcsMoursen ( ï) sont une autre classe distinguée du bas peu- ple. Le Khan , qui commande 'à la petite horde des Kirguis , est nommé par la Russie „, et il en reçoit des appointemens. Il a fort f:eri de pouvoir sur cette nation libre ; il n'acquiert des partisans et des hommages que par ses ri- chesses et ses présens. Il ne juge point les dis- (1) Ce mot est le pluriel de Mourse , et me parait une corruption de Myr^â, composé Arabico-Persan, qui* signifie fils de prince, (e'myr, prince, et Zadèh, fils naturel, par abréviation myj%é ) , il désigne en général les nobles , quand ü est placé avant le nom propre- on donne aussi ce titre en Perse et dans l'Inde aux gens de lettres, mais alors on ne le place Qu'immédiatement après le nom même. Tous les fils de T'y mou r se qualifioient de Myr^d. Kodsa est le même mot que Kkodjch , qui , en Turk et en Persan , signifie maître* (Noie du lUdacu ) 3oo 17(39. Steppes dps Kir guis* putes ; elles sont portées aux trois assemblées qui se tiennent annuellement : elles sont com- posées cle vieillards cle la nation, et; des chefs de chaque branche. Lorsqu'ils veulent faire leurs excursions, ou se défendre contre leurs enne- mis , ils tiennent une assemblée générale , et forment un conseil démocratique , et ils choi- sissent pour général un membre de ce conseiL Ceci n'a pas lieu dans leurs petites excursions. Ils ont grand soin de ne commettre aucun bri- gandage sur les frontières de la Russie , lors- qu'ils font paître leurs troupeaux dans le voi- sinage , attendu que les iimocens seroient punis pour les coupables. Ils seroient poursuivis aussi- tôt, et ils n'auroient pas le tems de faire re- tirer leurs, troupeaux. Ils ne commettent ja- mais aucune hostilité qu'après le départ d& leurs troupeaux , et au moment où ils aban- donnent la contrée. Ils savent si bien choisir leur tems, qu'ils ne sont jamais pris sur le fait. Ils sont très - dangereux dans les landes unies limitrophes de l'empire , parce qu'ils se ca- drent dans les montagnes voisines , pour atten- dre le moment favorable. Les karavanes Asia- tiques , qui passent par leurs déserts pour se 3~endre en Russie , ont grand soin de s'assurer l'amitié des chefs des hordes Kirguisiennes qu'ils appellent Karavan - Baschi. Ils leur donnent une certaine quantité de marchandises ; et ceux- ci les escortent à la tête de leur parti. Les Bon- 1769« Steppes des Kirgitis«' 3oi; khars m'ont dit que les tara vanes pay oient cette escorte à raison de dix à douze roubles par cha- meau. Les Kirguis ne sont ni méchans ni sangui- naires -y ils aiment mieux faire un esclave d'un prisonnier , que de le faire mourir , pendant tout le tems qu'il leur témoigne de la fidélité P et ils ne sont ni cruels ni durs envers lui. Ils sont civils envers les étrangers 5 mais rusés et intéressés en même tems. Ils poussent l'intérêt ^i loin , que lorsqu'ils vont dans les villes Rus- ses , ils font présent de plusieurs bagatelles aux personnes qui les logent , afin d'être en, droit de leur demander un cadeau beaucoup plus considérable. Ils saluent à la manière Ta- tar e , qui consiste à prendre la main de celui à qui l'on fait l'honnêteté , et à la mettre entre les siennes. Lorsqu'ils sont anciens amis d'une personne , ils la serrent dans leurs bras , et l'embrassent. Leur langue diffère peu du Ta- tar (1) ; la prononciation est plus forte, et le langage plus allégorique. Leurs richesses consistent darfs le bétail , et «ur-tout en chevaux et en moutons. Ils ont peu de chameaux , et encore moins de bêtes à cornes , parce que ces animaux ne trouveroient point de nourriture dans leurs landes en hiver. (t) J'observerai seulement qu'ils ont pris de l'Arabe et dé- figure plusieurs mots relatifs aux arts. {Note du Rédiut,) GC2 1769- Steppes des Kirguis. Ils emploient les bêtes à cornes , ainsi que les chameaux , aux transports de leurs équipages , lorsqu'ils passent d'une contrée à l'autre. Je n'ai point vu de dromadaires parmi eux. Ils font accoupler ces chameaux en hive^r , sur- tout au mois de février , époque de la force de leur rut. La femelle s'accroupit sur les jambes de devant lorsqu'on lui dit , Tschouk. On. amène alors le mâle auprès d'elle ; il la saillit en s'accroupissant sur les jambes de derrière y et se reposant sur celles de devant. Cet arrimai est si mal-adroit et si indolent , qu'on est obligé de l'aider de la main , et il lui faut plus d'une demi-heure pour faire le saut. Quelques vieux chameaux renversent la femelle à terre > et n'ont pas besoin d'-aide. Lorsque la femelle a pris , elle ne souffre plus le mâle 5 et dès qu'il veut la monter , elle pousse des mugissemens affreux. Elles portent pendant douze mois, et nouris- serit pendant deux ans leurs petits , qui devien- nent féconds à l'âge de trois. Les Kirguis ri- ches font traire les femelles. Leur lait est d'un blanc bleuâtre, épais, et a un goût agréa- Lie. Les Kirguis prétendent qu'il est sain ; et lorsqu'il est aigri, il est plus acide que le lait de jument. L'eau-de-vie qu'on en distille est meilleure et plus spiritueuse 5 mais ce lait ne produit point de creme. Les chameaux exigent beaucoup plus de soins «n hiver que les autres 17^9- Steppes des Kirg-ttis* oaS' bestiaux. On est oblige de les couvrir avec des couvertures de feutre ou des paillassons de joncs 5 lorsque le froid est très-rigoureux -_, on les abrite , en tendant dans les tentes , en forme de. paravent, de grandes couvertures de feutre, ou des paillassons. Les clie vaux des Kir guis ressemblent beau- coup à ceux des Kalmouks , quoiqu'un peu plus liants sur jambes. Ils sont aussi vifs et aussi fougueux. Ils vont de même chercher leurs pâ- turages sous la neige qu'ils éparpillent avec leurs pieds. Les bestiaux qui paissent avec eux n'ont pas beaucoup de peine à trouver leur nourriture. Les Kir guis ont soin d'enlever la neige avec des pèles lorsqu'elle est trop haute , afin que le petit bétail pâture plus facilement.1 Ils divisent leurs chevaux par haras : ils nom- ment cette division Taboun. Ils ne laissent qu'un étalon dans chaque haras , et ils font couper tous les autres poulains mâles. Cet éta- lon sert de gardien aux jumens qu'on lui donne , et il a grand soin de les tenir toujours rassem- blées. Si l'une d'elles s'écarte et souffre le saut d'un autre étalon, il n'en veut plus dans son trou- peau. L'accouplement se fait toujours de ma- nière que les poulains naissent tous depuis le mois de février jusqu'à la mi-mai. On ne trouve nulle part des moutons aussi gros ni aussi difformes que ceux des Kirguis ; ils sont plus hauts qu'un veau naissant , et * 3o4 17^9- Steppes des Kirguis. »•fort pesans : un mouton fait pèse communé- ment de cent trente-deux à cent soixante-cinq livres. Ils ressemblent un peu , par les pro- portions , aux moutons des Indes ; ils ont la tête très - bosselée , de grandes oreilles pen- dantes } la lèvre inférieure devance beaucoup îa supérieure : la plupart ont une ou deux lon- gues verrues couvertes de poils qui leur pen- dent au cou. Au lieu de queue , ils ont rfn gros peloton de graisse rond , presque sans laine dessous. Les Kirguis appellent ces queues Kour- xïiouki \ celles des gros moutons pèsent trente à quarante livres , et donnent vinat à trente livres de suif 5 c'est ce qui les distingue le plus des moutons des Indes. Leur laine est très - mauvaise , et entremêlée de poils très- longs y sur- tout aux parties de derrière ; plu- sieurs de ces moutons sont blancs : mais le plus grand nombre est brun , ou tigré en blanc et en brun. Les béliers ont, en général, des cornes , ainsi que la plupart des moutons châ- trés ] plusieurs même en ont de quatre à six , comme les moutons d'Islande. On laisse les bé- liers dans le troupeau pendant l'été 5 mais on Jeur entoure le corps d'une large bande de feu- tre depuis le mois d'avril jusqu'en octobre, afin qu'ils ne puisseut pas s'accoupler. On leur rend la liberté en octobre : et , par ce moyen , les agneaux naissent tous au printems. On fait de même avec les taureaux. Ces moutons se nour- rissent lyfiy. Steppes des Kiïiguis. 3o5 lissent, pendant tout l'hiver, avec le pâturage qu'ils cherchent sous la neige \ ils mangent aussi de la neige , qui sert à les abreuver. Ce qu'il y a de singulier , c'est qu'ils maigrissent très- peu , et qu'ils reprennent tout de suite leur embonpoint. L'hiver est d'ailleurs très - court dans ce climat ; la neige n'y séjourne pas long-tems , à cause de la nature saline de ces déserts. Ces mêmes particules salines contrir- buent beaucoup à engraisser ces animaux : ceci est prouvé par les moulons de race orientale, qui sont amenés dans les déserts des Kalmouks et des Kirguis \ ils varient d'abord peu-à-peu : mais ils deviennent si gras , que leurs queues ressemblent à celles des moutons originaires de ces contrées. Une chose fort étonnante , c'est que cette espèce de moutons ne dégénère point , lorsqu'on transporte ailleurs des béliers et des moutons de cette race , et qu'on ne les mêle pas avec d'autres. Les brebis Kirguisiennes ne portent ordinairement que deux agneaux* Ces troupeaux n'éprouvent aucunes maladies épidçmiques , parce que ces animaux sont en- tièrement abandonnés à la nature : aussi les Kirguis ont - ils de nombreux troupeaux. Ces moutons sont sujets à une maladie qui n'est jamais mortelle. Il s'engendre dans le dernier ventricule des pelotons, qui sont composés des parties Ligneuses des plantes qu'ils mangent , 'ou des laines et poils qu'ils avalent en pais- Tome IL V. 3o6 1769. Steppes des Kirguis. sant. Ces pelotons se couvrent d'une croûte qui ressemble à un vernis noir ; elle devient même pierreuse. Les Kirguis sont dans l'habi- tude de tuer leurs bestiaux, dès qu'ils s'apper- çoivent qu'ils sont malades. Ces peuples Nomades ont très peu de chè- vres parmi leurs troupeaux y ils ne les élèvent que pour le lait et la peau. Elles sont d'une espèce aussi extraordinaire que leurs moutons. Le plus grand nombre n'a point dé cornes j elles sont tigrées , elles ont de longues oreilles pendantes , et les jambes garnies de longs poils. Les Kirguis mènent une vie pastorale et très- frugale. La' chasse , qui fait leur principale oc- cupation , leur est très - avantageuse ; ils pré- servent, par ce moyen , leurs troupeaux des- loups et des renards, qui feroiont de terribles ravages , s'ils n'y faisoient pas attention. J'ai rapporté , à l'article du commerce d'Orem- bourg, qu'ils employoient les aigles à la chasse ,de ces animaux ; ils les poursuivent également à cheval : il est impossible de voir une chasse forcée plus amusante. Ils m'ont fait part de la manière de prendre les antilopes ou gazelles , qu'ils nomment Akik. Ces animaux se tien- nent communément , en Jiiver , dans les con- trées garnies de joncs $ comme ils se blessent facilement , les Kirp-iiis ont grand soin d'éteter ces joncs }: les antilopes étant. poursuivies^ elles se piquent et se déchirent le ventre contre ces*- I Steppes des Kirguîs. 3o|7 pointes éiïioussées en se sauvant ; ils les chas- sent ensuite clans des lieux où elles ne trouvent aucun asile , et ils les prennent avec beaucoup de facilité. Les Kirguîs deviennent très - vieux , et ils conservent leurs forces- et leur vigueur dans l'âge le plus avancé. Leurs maladies ordinaires sont les fièvres intermittentes , les rhumes , l'asthme , et les palpitations du cœur. Les ma- ladies vénériennes sont fort répandues parmi eux ; ils les appellent Koüroüsaslan.' Je n'ai pu savoir s'ils sont sujets aux fièvres malip-nes et inflammatoires , oui sont très - dangereuses ' ■ X C) chez les Kaimouks. La petite vérole fait quel- quefois de grands ravages $ ils gagnent cette contagion par leur commerce avec les Euro- péens. Ils ont une telle horreur pour cette ma- ladie , que lorsqu'ils s'apperçoivent que quel- qu'un d'entre eux en est attaqué , ils l'aban- donnent, et lui portent de loin la nourriture et la boisson qui lui est nécessaire. Si un de ces malades ose approcher de leurs tentes,, ils tirent aussi- tot sur lui à couds de flèches. Ils L nomment cette maladie Tschitschak. Les Kirguis enterrent leurs morts dans des fosses peu profondes ; ils les mettent , tout ha- billés , dans une petite chambre construite avec quatre poteaux , et des houssines entrelacées. Ils couvrent les cadavres de branchages et de terre. On place à la tête de. la tombe , qui est V 2 3o8 I769. DE K A L M Y KO V A toujours à l'ouest., un pieu dont le bout entre dans le trou de la sépulture 5 on l'y laisse jus- qu'à ce que la tombe soit remplie de terre , et il y reste un petit trou lorsqu'on l'ôte. Quand les Kirguis habitent des contrées montagneuses • ils couvrent leurs tombes d'un amas de pierres. Instruit de cela, je ne fus plus surpris de trouver dans ces landes un grand nombre de tombes , qui doivent augmenter tous les jours de plus en plus. Ils enterrent leurs morts de préférence dans le voisinage des anciens Metsched , ou près des sépultures des personnes qu'ils vénè- rent comme des saints , et dans les places où il y a beaucoup d'anciennes tombes. S. XVI. De Kalmykova a Inderskaia. Du .19 au 20 août. Forteresse de Kalmykova, — Avant-poste de Krasnoiarskoï , i5 verst. —Avant-poste de Kharkina , \\. v. — - Forteresse à' Inderskaia 9 14 v. — - Monts Inderski. — Lac Inders koï\ Diverses occupations me retinrent à Kalmv- kova jusqu'au 19 août, vers midi. Le chemin qui conduit à l'avant - poste de Krasnoiarskoï est entremêlé de bas - fonds et de monticules arides : il est situé sur le rivage élevé du fleuve , qui lui a donné son nom. On a pêche , il y a a Inderskai" a. 3o^ quelques aimées , le crâne d'un buffle d'une grandeur extraordinaire ; il n'étoit point en- dommagé. Le derrière de ce crâne a sept ver- schocks de long , et il a la même largeur d'un* corne à l'autre. Il diffère donc beaucoup par les proportions de celui dont j'ai parlé ci-des- sus. Il paroît, malgré sa grandeur et la lon- gueur des cornes , qui ont prés d'un archine , que c'est le crâne d'un jeune animal , parce que toutes les satures sont très- larges. Krasnoiarskoï est éloigné de sept verstes du phare , la route borde l'Iaïk ; on ne voit que des landes élevées et sablonneuses. Nous ap- perçûmes ici un axyris (1) 9 que nous n'avions pas rencontré depuis la chaîne des montagnes de la Jan de , et plusieurs plantes nouvelles £ elles y croissent en abondance , et nous ne les trouvâmes plus jusqu'au-delà de Kouîa^uina. Nous y distinguâmes une espèce de camphrée (2), de réglisse ( 3 ) , et la soude à feuille d'hys- sope (4) y nous n'avions vu jusqu'ici cette der- nière que rarement, et en très-petite quantité.. Les autres plantes étoient Tanabasïs ( 5 ) , la vraie camphrée (^6), la soude couchée r et la (1) Axyrls ceratoides. Linh. (x) Polycnemum monandrum. Appendix, n°. 26^. * (3) Gllcyrrhl^a asperruncu Appendix, n°. 36?. {4) Salsolœ hyssoplfolia* (f) Anabasis aphylïa. (6) Camphorosma Monspeliensis. V3\ soude à liantes tiges (r) \ le hau ,*2) , Yarroche de Tatarie (3) ) 9 et l'épinard sauvage (4) : on donne ici à ce dernier le nom de Pokatipole rfh de Katoun, lorsqu'il est sec, et que le vent l'éparpillé ; c'est ailleurs celui d'une gypsoohile paniculée (5), et de la grande soude. Cette contrée abonde en tarentules. Les Eosaques m'ont assuré unanimement que leur pîqûure est très - dan 5^ereuse. La terre est c'en, verte de morilles noires à deux couleurs (6). On trouve plusieurs places salines dans le bas - fond de l'Iaïk; nous y vîmes la salicorne herbacée (7), dont j'ai parié : nous ne l'apperçumes point ailleurs. La contrée est plus fertile en plantes depuis le phare et le piquet jusqu'à Kharkina» Nous fîmes ici une petite kalte , tant pour me re- mettre d'une chute assez dangereuse , que pour faire raccommoder ma voiture , ayant été ver- sée par des chevaux fougueux et sauvages qu'on y avoit attelés. Nous partîmes à la brune, après avoir pris d'autres chevaux ; nous traversâmes (1) Salsola prostrata et àhlssima, (z) Salwla kali. (.jü A triplex Tatarie a. pf; Spinae ia fera. (5) Gvpsophila paniculata. {6) Mailla maura bïcolor, Appendix , n*. 418. Bolets, sbeties V (7) Sallcornia herbacea. A I N » Ë R' S K A î Ä# 3li une lande couverte de plantes , et coupée de plusieurs bas-fonds où l'on trouve quelques ar- bres. Nous arrivâmes à la forteresse dyInder- skaia. Cet^e lande est parsemée de plusieurs collines assez basses , dont le sol est composé d'une terre rougeâtre , ainsi que les monts In- derski , situés de l'autre côté du fleuve. On les ap perçoit d'ici. Je restai jusqu'au lendemain à luderskaia , pour observer un lac voisin, qui est très- curieux. Cette forteresse se noiiimöit autrefois Moschiaxzkaia-Indebp,kikh-Gor $ on l'appelle aujourd'hui Krépost-Inderskikk-Gor ( forte- resse de la montagne d'Inderski ). Elle est située fort agréablement sur une élévation, et revêtue d'un rempart,' ou plutôt d'une vaste enceinte de poutres. Elle est beaucoup mieux bâtie que Kalmvkova ; mais elle n'a point d'éjjlise. Sa gar- îiison est composée d'un iessaoul , d'un kho- rounsclia , et de soixante Kosaques , parmi les- quels il y a voit plus d'un tiers de Tatars ou de Kalmouks. Ils campoient dans un fond situé au bas de la forteresse. Ce fond, qui est fort étendu , est couvert de tamarisc. L'Iaïk se se- ' pare en deux au ~ dessous de la forteresse $ il forme une baie avec un bras considérable autour d'une île élevée , garnie de bosquets. Ce bras s'appelle Kosciiiaïk. Le 90 août , au matin , on lit passer le fleuve à la nage aux chevaux qu'on destin oit à nos V 4 Siâ ijrgp. de Kalhykôva voitures et à notre escorte. Nous fîmes pïîf- sieurs verstes dans de belles prairies situées dans tin bas -fond; elles sont garnies de plu- sieurs petits étangs d'eau douce. Noms passâmes ensuite sur le rivage élevé de l'Iaïk. Nous vîmes les antilopes brouter sur les collines avant d'arriver aux élévations qui s'étendent des monts Inderski au fleuve ; elles restèrent à leur place, parce que nous allions contre le vent. Cet animal n'a pas la vue bonne ., parce que leurs pupilles ou prunelles sont obscurcies par quatre excroissances spongieuses , qui se for- ment sur la cornée de l'œil. La nature a peut- être voulu lui ménager sa vue : sans cela , elle seroit éblouie par le sol de ces landes 9 qur sont la patrie de ces animaux. L'organe de l'o- dorat remplace celui de la vue , puisqu'ils sen- tent l'homme et les animaux féroces à plusieurs- verstes ^ lorsqu'ils sont sous le vent. Une chose digne de remarque , c'est qtte cet animal est mis tout de suite hors d'haleine par une toux sèche , qui le prend/ quoiqu'il soit naturelle- ment formé pour la course , et qu'il ait une agilité et une vîtesso inexprimables. Il a une grande trachée - artère de près de deux pouces de largeur , de gros poumons , et de larges narines membraneuses. J'ai eu souvent occasion de m'assurer de la vérité de mon asser- tion avec des antilopes privées , qui se trou- voient tout de suite hors d'haleine , pour peu A ï K D E IL S K A I ▲.' 3l3 qti*on les effarouchât et qu'on les poursuivît. Les monts Inderski sont toujours couverts de ces animaux , parce qu'il y croît beaucoup de petite absinthe blanche , leur nourriture favo-« rite. Ils abandonnent ces montagnes aussi - tot que les Kirgnis y paraissent. Ils étoient si ;; bon- dans au moment de mon passage , que mon es- corte en tua plus d'une douzaine. Quoique les monts Inderski paroissent être Composes entièrement de plusieurs espèces de gypse , de marne , et d'argile , on découvre un grès gris et jaunâtre dans la partie qui borde riaïk. Je rapporte ici une description détaillée de ces montagnes , qui sont fort intéressantes, quoique peu étendues. J'y joins toutes les ob- servations que j'ai faites dans ce "voyage, et à mon retour de Gourief. Ces montagnes présentent une petite chaîne de rochers assez hauts et un peu escarpés vers le fleuve ; ils déclinent ensuite en une pente assez douce. La partie qui fait face à l'Iaïk n'a que trente à quarante verstes ; je crois que celle de l'est s'étend assez loin dans les landes des Kirguis. On pourrait présumer qu'elle s'étend - presque aussi loin à l'ouest 5 les collines, situées au-delà du fleuve , forment une même chaîne avec celles de Ilinpeski , qui se trouvent dans les landes habitées par les Kaluiouis (1). Le (1) j'observe ici que la nature parojt avoir formé des mort- 3i 4 1 769 . öt Kaimykova soi des monts Inderski est composé d'une argile jaunâtre , et en partie rougeâtre ß mêlée de sable. On trouve des pierres et des morceaux de sélénite éparpillés ; on voit des places en- tièrement sablonneuses sus les collines les plus élevées. Les cimes de ces montagnes , sur - tout au nord, sont couvertes d'une marne blanche, et tagr.es ae gypse dans toutes ces contrées , quoique le pays abonde généralement en salines souterraines. On doit se rap- peler que j'en ai trouvé de pareilles près des salines d'Ilezki. Le lac Indcrskoï, dont je vais donner la description, est en- touré de montagnes de gypse , qui ruissellent de tous côtés beaucoup de muires ; aussi est-il très-abondant en sel. On verra, dans la suite, qu'il existe, près de Gourief, une colline de sélénite ; elle est située au milieu d'un étang Ii- monneux, très-salé. La contrée située sur la hauteur de Tscher- fcoï-ïar , à environ cent cinquante veistes du Volga, est très- riche en sel : on dit, qu'outre le lac salé de Baskounischaz- kisché, on trouve aussi un sel gemme. On voit dans cette même contrée deux rochers de gypse au milieu de la lande ; celui appelé Bogdagora (la montagne de Bogdo) , est très*- escarpé; l'autre, nommé Malaïa-Bqgda (la petite supé- rieure), est moins considérable; il est à cinquante verstes Est du premier. Les Kaimouk sont pour ces rochers I3. même vénération que les Kirguis pour ceux d'Ilezki. lis y portent en. oiiratides des cuirasses, des armes,, et beaucoup d'autres choses. Us rapportent que le dalaï-iama a passé une nuit sur le B o sd agora . et qu'il a dîne une fois sur l'autre. On pré- tend qu'il y a de l'eâu dans l'antre du premier ; les Kalmouks ajoutent qu'un de leurs compatriotes y est tombé , et qu'il 3 été trouvé sain et sauf dans le Volga. a Indèrskaîa. 3i5 d'une autre marne entièrement rouge. Ces cimes sont presqu'à moitié formées de ces marnes ; on apperçoit cependant plusieurs rochers de gypse nus , et semblables à tous ceux qui sont dans l'étendue de cette chaîne. On trouve des routes .frayées sur ces rochers , composés d'une espèce d'albâtre ou de séiénite. On voit , dans les fonds , un grand nombre de trous et de cavernes , cjui ont été formés par les éboulemens 5 ils sont remplis de neiges fondues, ou d'eaux de pluie , qui s'y rassemblent comme dans un en- tonnoir. On appereoit a peine le fond de plu- sieurs» D'autres ont des ouvertures sur les cô- tés, qui servent d'entrée à de Tastes antres, ou le froid est insupportable. Onéprouve même un froid, assez violent à l'entrée de ces cavernes : il n'y a rien là d'étonnant , puisque cela arrive dans toutes celles des rochers de gypse. Le manque de tems et de lumière ne nous permit pas de nous y introduire fort avant ; le bruit fjue l'on entend lorsqu'une voiture ou cheval • passe sur la montagne, prouve qu'elles s'éten- dent très -loin. Dans les places où les ébou- lemens ont découvert l'intérieur de ces mon- tagnes , on voit de nouveaux méîanp-es et d'au- très espèces de gypse. On trouve, dans plu- sieurs cavités, des pierres semblables à l'albâ- tre , blanches ou mises , dont le grain est pins ou moins fin. On y rencontre aussi un gypse brillant et mou , rougeatre , jaune ou blanc, 3i6 1769. de Kalmykova par couchés oncloyées. J'y ai vu une masse sphéroïde de plus de deux brasses de diamètre. Elle étoit dans un rocher composé de pareilles couches concentriques. On y trouve assez com- munément un gypse lamelle , gris et sablon- neux, qui paroît, à la vue, être entièrement Composé de stable. Ses lames ne sont pas plus épaisses qu'un tuyau de paille , et se séparent facilement. Plusieurs de ces couches sont assez épaisses , mais toutes mêlées les unes dans les autres : il y en a d'horizontales , de diagonales , et de perpendiculaires. Ce gypse est presque toujours accompagné de sélenite ; c'est la pierre la plus commune de cette contrée : mais on ne peut pas la tirer par carreaux, parce qu'elle est toujours mêlée de marne , remplie de glan- duies écaiileuses , et tombant- par pièces. Je trouvai , à la superficie de la montagne , une roche brune écaiileuse , semblable à la pierre calaniinaire. Elle me parut jaunir un peu le cuivre, dans les petits essais que je fis ; mais des expériences réitérées , et plus étendues , me prouvèrent que sa seule qualité étoit d'être un peu ferrugineuse. Les autres parties des, mon- tagnes d'Inderski, que je n'ai pas vues, four- nissent peut - être plusieurs autres espèces de pierres. On m'a dit qu'on y trouvoit de la mine de cuivre 5 il paroît cependant que les argiles , les gypses , et les marnes sont les parties mi- néralogiques qui y dominent le plus. Les talus A I N D E R S K A I A.' 3l/ et les fonds de presque toutes les cavités dont j'ai parlé , sont couverts de broussailles , com- posées du petit caragan, de roses sauvages odo- riférantes, d'acacia., appelé Tern par les Ko- saques , et de ronces , autour desquelles 011 voit ramper la douce-amère (1) : les Kosaques de l'Iaïk la regardent comme un excellent an- tivénérien. Il croît au bord de ces creux, un axyris (2) , un raisin de mer (3) , avec des cha- tons frisés et entrelacés , la giroflée deë mon- tagnes (4) y elle est odoriférante, et garnie de tiges rampantes sur terre ; une grande espèce de belle-de-nuit , et la julienne de Tatarie (5). On ne voit presque pas d'autres plantes que la petite absinthe, la camphrée, la soude cou- chée (6), un anabasis (7), et une ésule (8). imm * "■" ■ ■'■' '■-- 1— ■■-.. .^—.^. ■ —.,■—..■- *■■■ m» 1 n mm mwmmm — i^— m*m » mm i h>h«im (1) Solanum Dulcamara. (2) Axyris ceratoïdcs, (3) Ephedra monostachla. (4) Chelranthus montanusu J'ai décrit cette plante sous le nom de Chelranthus cornîttus , à cause du long style per- sistant dont ses Cliques courtes et quadrangulaires sont mu- nies. La forme singulière de ses fruits la rend véritable- ment remarquable. On la cultive à Paris depuis plusieurs années. Voye\ giroflée cornue. Diction. encycL vol, 1 , p. 717 , n°. 8. Lam, . (?) Hes péris Tatarica, Appendix, n°. 355. (6) Salsola prostrata. (7) Anabasis aphylla. (8) Cette ésuie paroît être une variété de l'euphorbe ti* tymale j euphorbia cyparisslas ,• elle ressemble au dessin 3i8 1769. de Kalmykota On trouve , en plusieurs endroits , clés traces de rapontic , et beaucoup de mousse grise des bruyères parmi l'herbe desséchée. Nous vîmes un grand nombre de beaux lézards de trois es- pèces particulières (1). Ces animaux se plai- soient beaucoup au soleil. Nous apperçumes plusieurs ténébrions d'espèces rares ( 2 ) ; ils étoient presque immobiles sur la terre. Les mon- tagnes sont remplies de terriers de lièvres sau- teurs, de marmottes 9 et de sousliks. On ne rencontre aucune source d'eau dans ces montagnes , mais quelques flaques qui ser- vent d'abreuvoirs aux Kirguis; c'est une preuve que l'on y trouveroit des eaux stagnantes ? si* l'on creusoit dans des tems humides. Les Ko- saques , qui viennent chercher du sel dans ces contrées auprintems , apportent avec eux l'eau dont ils ont besoin. Une chose remarquable , c'est qu'on n'ap perçoit aucune place fort sa- lines sur la superficie de ces montagnes, quoi- que toutes les plantes qui y croissent prouvent que le sol est un peu salin. On découvre le lac Inderskoï du sommet de inséré dans la Flora Sibirien , tom. II , planche 57; nriÎ9 ses feuilles , ses fleurs et ses autres qualités sont semblables à celle du titymale, cyparissias. Nous vîmes beaucoup de chenilles de Tésule , communes sur cette plante. (t) Lacena helioscopa , vdox , crusnta. App. n0ï. 8î> $3> 84- (2) Tenebriones. "A I X D È R S K A I A. 3l<) ces montagnes ; il se présente comme une grande plaine couverte de neige : cet effet est dû à son éclat. Ce lac est entouré de collines ; il faut descendre un verste au plus de plusieurs de ces monticules pour arriver à son rivage. On y apperçoit aisément que ce lac est beau- coup plus élevé que Flaïk. On doit le regar- der comme une merveille de la nature \ je puis certifier qu'il mérite beaucoup mieux ce titre que le petit lac d'Iamysch , situé près de Tîr^ tisch, aue l'auteur des Voyages de Sibérie re- garde comme telle. La grandeur du premier, sa situation , et les contrées qui l'avoisinent , le rendent célèbre. Le lac salé d'Inderskoï n'est qu'à neuf à dix verstes de l'Iaïk , en ligne droite ; mais il faufc en faire au moins quinze, parce qu'il faut tra- verser la montagne. Il est éloigné de plus de trois cents verstes de l'Iaïzkoï - Gorodok , par la route directe au midi. Il est difficile de déter- miner la grandeur de ce lac, qui n'a jamais été mesuré ; les Kosaques prétendent qu'il a en- viron quatre-vingts verstes de circonférence : en effets je cuis persuadé qu'il a au moins quinze verstes de diamètre , à vue d'œil 5 il est presque rond , et il forme beaucoup de pe- tites sinuosités. Il paroi t être peu profond dans toute son étendue ; lorsqu'on y entre achevai , l'eau n'atteint pas la selle. Le bas du rivage est uni -P et composé d'une bourbe argileuse 3^0 17^9- D E Kàlmyko'va et sablonneuse. Ce lac est presque entièrement inondé de muire , ou à sec dans l'étendue de plus de vingt yerstes : ce changement est dû à la variété des tems. On ne trouve ce fond bour- beux qu'au midi ; ses rives , à l'est , au nord , et à l'ouest., sont des escarpemens de deux à trois toises de hauteur ^ ils sont formés par les monts Inderski. Le rivage devient un peu plus bas au midi , et les landes commencent à for- mer une plaine. Il sort de ces montagnes des sources de muire pure , très-chargée et saturée de sel. Elles se jettent toutes dans le lac. Les unes conservent leurs cours , et les autres ta- rissent dans les étés aussi secs que celui-ci. Le rivage est rempli de ravins formés par ces sour- ces $ la plupart coulent sur un terrain com- posé d'une argile de différentes couleurs. Ces ravins sont peu profonds. La muire ., ou eau mère de ce lac , est si saturée , qu'il se forme des cristaux de sel cubiques sur la partie basse du rivage , lorsque l'air est sec $ quand le vent fait remonter l'eau vers le milieu du lac , le rivage est garni de ces cristaux. Le fond est couvert d'une croûte de sel qui*a près de six pouces huit lignes de France d'épaisseur. Ceci n'offre rien d'étonnant , vu l'abondance conti- nuelle de cette muire , et la grande évapora- tion qui doit s'en faire. On croiroit, en voyant cette croûte^ que le lac est couvert d'un gla- çon 5 elle est dure comine la pierre , blanche, et A InDERSKAÏA,' 321 et d'une grande netteté. On voit, dans ses frac- tures , une cristallisation , et on découvre sur sa superficie beaucoup de cristaux ; elle est composée de grains de plusieurs formes irré- gulières. On trouve sous cette croûte un sel en poudre, grumelé , gris, forrxié', en partie, de grains irréguliers. Elle a si peu de solidité, qu'on y enfonce aisément une pique de Kosa- que à plus d'une brasse et demie de profon- deur. Il n'est pas possible de déterminer son épaisseur , parce qu'elle est sans doute suivie d'un fond lirnoiiueux , qui n'a pas plus de soli- dité -y le sel s'éboule dans les trous formés par les fouilles , et on le tire avec des pelles. Les Kosaques préfèrent ce sel à celui que fournit la croûte, parce qu'on le ramasse plus faci- lement , qu'il est en poudre , et prêt à être employé. Pour le charger plus commodément , ils font entrer dans le lac leurs petits chariots , appelés Télégui ; pour nettoyer le sel du li- mon , qui se mêle avec lui , ils l'arrosent avec la inuire , nommée Touslouk , jusqu'à ce qu'il ait perdu une grande p artië de sa couleur grise. Je ne donnerai pas mou opinion sur la forma- tion de ce sel 5 j 'a vouerai au contraire mon ignorance sur l'origine du sel blanc de ce lac ; les Kosaques lui donnen; le nom de Samosaz- kaia. Les grains de sel cristallisés^ qui cou- vrent le terrain limonneux an rivage & ressem- 'Lient à de la- grêle. Ils sont ronds , irréguliers , Tome II. X 3^2 i7%- I>E Kalmykova et raboteux; ils rte touchent jamais la terrg que d'un angle. Plusieurs de ces cristaux tien- nent ensemble par deux et trois , et même davantage. Les plus considérables sont comme une noix. Ils sont., en plus grande partie,, de la grosseur d'un pois,, et les plus petits de celle d\in grain de plomb à gibier. Ils sont géné- ralement d'une blancheur éblouissante , et si durs , qu'on a de la peine à les écraser avec les doigts. On découvre , avec le microscope > de petites configurations cristallines dans leur centre ; ils tiennent de la nature de l'albâtre , dont les parties sont presqu'imperceptibles. Ce sel se conserve fort bien dans sa siccité ; et, malgré sa consistance légère , il se dissout beau- coup plus difficilement dans l'eau que le sel gemme. La innire devient très - laiteuse lors- qu'on la mêle avec un sel lixiviel ou alkali. Si on la laisse évaporer sans aucun mélange , elle forme des cristaux de sel marin 5 mais elle Lait une .croûte autour des vases liante de plu- sieurs pouces. On ne trouve du sel que dans les teins secs, et pendant des vents continuels. Je vis beaucoup de sel à l'époque de ma visite $ mais à mon retour , au mois de septembre , les pluies d'orages l'avoient entièrement dissous. J^es chaleurs qui succédèrent à ces pluies n'a- Voient pas suffi pour en reproduire d'autre. Je trouvai , en revanche , sur le limon beaucoup de petits cristaux de sel cubiques que je n'ayois A ï N i> E R S K À ï A. 3^3 jpas apperçus la première fois $ j'avois vu alors, en plusieurs endroits , une croûte de sel sem- blable à une couche de glace sur la superficie des petits fonds aqueux , qui se trouvent sur les bords du lac. On peut conjecturer, d'après Cela, que les cristaux de sel, dont j'ai parlé, sont formés de petites particules de sel amassées par le vent et par un air rempli de vapeurs sa- lines et purifiées par une espèce d'attraction* Les brouillards , chargés de parties salines , dont je ferai mention dans la suite , prouveront clai- rement nue les vapeurs , qui s'élèvent de la terre , attirent avec elles beaucoup de parti- cules de ce sel. Je rne suis assez étendu sur ce que ce lac renferme d'intéressant; je vais parler de soii rivage élevé, qui présente autant de phé- nomènes curieux. Le peu de tems que j'avois à moi ne me permit pas d'observer attentivement, qu'à environ deux verstes de la partie méridionale du rivage , on, ne découvre les rochers de gypse que dans 1* in- térieur des trous formés par les eaux. Le rivage est entièrement composé de marnes , d'argiles et d'autres terres de différentes couleurs , mêlées et accumulées les unes sur les autres , sans ordre, et d'une manière incompréhensible. Les terres en poussière arides (1) et les terres mar-s neuseS , ne sont qUe dans les parties supérieures $, (i) Tcrrœ macros* 324 1769* DE KâLMYKOVA elles se trouvent quelquefois immédiatement sous la terre argileuse , qui forme la superficie du terrain. Le fond et l'intérieur du rivage sont formes de terres argileuses, fort tenaces, qui paraissent avoir beaucoup de profondeur. Les plus belles argiles sont d'un rouge foncé., ou d'un verd clair. Elles s'étendent assez loin sur les bords du rivage , et ont toutes deux, beaucoup de ténacité 5 elles sont entre - mêlées ensemble, de manière que l'une ou l'autre domine toujours; elles forment des couches marbrées dans plu- sieurs places (1). On trouve aussi parmi elles , de loin en loin, des argiles grises , jaunes et noires, mêlées de gravier fin. "L'argile verte est d'un beau verd céladon 5 mais elle perdpresqu'en- tièrement sa couleur, lorsqu'on la lave et qu'on la fait sécher , par la raison qu'on lui été le sel dont les argiles sont généralement impré- gnées. Il en est de même des argiles rouges et de toutes celles qui sont colorées. On ne trouve dans plusieurs places qu'une argile bleuâtre ou noire, si tenace , qu'on en sépare difficilement quelques petits morceaux. On découvre dans un endroit un gypse sablonneux gris, dont les couches tombent presqu'à plomb. Il suit une »m 1 ■ ■ ■ > ■ 1 11,, .~ (1) Au moment où j'examinois le mélange et les couleurs <|e cette argile , je pensai aux montagnes de jaspe d'Qrskaia , parce qu'en délayant l'argile verte du rivage du lac Inders- koïj on y trouve de petits cubes de marcassite. A ÏNBER&KAÏ A. 02.5 étendue de rivage au midi., entièrement com- posée d'une terre alunaire , sècue ou très-mar- neuse, entre-mêlée de gris, de blanc et de jaune clair. On en retire, en la lessivant simplement, des cristaux d'alun très-purs, d'un quart du poids de la terre lessivée. On y trouve même des cristaux d'alun et sulfureux tout formés (i), sans avoir recours à la lessive. On découvre , parmi les pierres du bas rivage , une source dont Feau est très-salée ; elle a une forte odeur de foie de soufre. Cette source coule ayec im- pétuosité* elle est située au-dessous de la partie du rivage remplie d'alun et de soufre. Son eau dépose , sur les pierres où elle coule 7 beaucoup cle limon d'un rouge clair , et un limon noir sur les bords de son lit, qui est couvert d'un dépôt blanc comme du lait. Cette source est la plus considérable de ce canton ; son eau , ainsi que celle des autres , est si salée » qu'elle va presque jusqu'à la saturation. (i) Cette terre est en même tems très -sulfureuse \ elle est d'un jaune clair mêlé de gris ; elle perd cette couleur agréa- ble lorsqu'on la fait rougir au feu, et elle devient d'un brun café , si on y ajoute un alkali j et si on la lessive , elle de- vient d'un brun de suie; elle est alors plus viiriolique. Il s'élève , pendant qu'on la fait rougir, une vapeur sulfureuse très-subtile , qui lui fait perdre plus de ~ de son poids, Lorsqu'on met cette terre non calcinée dans une dissolution alkaline , elle dépose une matière qui a la forme de petites pointes presqu'imperceptibles ( spicula. ) ; elle a le goût de l'alun , et elle paroît être un véritable alun de plume. "V" *A 326 \ Ï769. CE Kalmykoya. J'ai trouvé dans une cavité du rivage , un 3 argile grise , remplie de morceaux de grosses écailles d'huîtres et debélemnites. LesKosaques purgent les enfans avec ces écailles, ce remède dissipe les aigreurs. Ils versent de l'eau dans l'écaillé ; ils en raclent un peu avec un couteau, et le font avaler à l'enfant malade, Ils les ap- pellent Gromovaia RaKovina (la coquille du tonnerre), parce qu'ils prétendent qu'elles sont formées par la foudre , lorque le tonnerre tombe dans la terre : ils croient qu'il faut que la foudre reste trois ans dans la terre, pour que la formation de ces coquilles soit complète. On trouve au-dessus de cette argile grise , et dans plusieurs places au-dessus de l'argile rouge, une terre dure , très-sèche , noire comme du charbon, et bonne à brûler. On rencontre cette terre par nids ., ainsi que par couches interrompues ou détachées. Elle se sépare faci- lement par cube , quoiqu'elle n'ait rien d'aï*-* gileux, et qu'elle se réduise en pondre en la broyant avec les doigts, La meilleure suie n'est; pas plus noire que cette terre; elle s'enflamme aisément sur de la braise ou à la lumière 5 elle répand, en brûlant, une odeur de charbon de pierre , et elle ne s'éteint pas facilement. Sa consistance n'est pas assez solide 3 et ses cou- ches n'ont pas de continuité. On voit aussi par nids , dans cette argile grise , et même dans le terrain glaiseux Ä une terre en poussière de coxxleurde café brûlé, mais un peu A I N D £■ R. S K A ï A. OIJ plus grossière que Targue noire. On y trouve aussi une terre pareille de couleur gris -de -fer; plusieurs grandes places sont entièrement com-: posées d'un sable en poussière , très- fin , d*un verd pâle. On y rencontre également une terre marneuse rous;eâlre. Ces différentes terres sont placées sans ordre ; on croiroit , à les voir , qu'elles y ont été transportées par monceaux. Je- trouvai dans une autre cavité, une couche assez considérable de terre marneuse , couleur d'orpin , presqu* aussi belle que la terre d'An- gleterre. Cette terre marneuse m'a paru aussi propre à teindre les peaux, que la terre d'An- gleterre qu'on achète très - cher de l'étranger. On voit quelquefois de petites globules de cette argile jaune , dans l'argile grise. On trouve le plus communément dans les parties supérieures du rivage, une marne en poussière très-fine, très-sèche , et d'un rouge très-foncé. Les Kal- mouks et les Kirguis en consomment beaucoup pour peindre les bois de leurs tentes de feutre. On m'a dit que les Kirguis s'en servent aussi pour teindre, ou pour parler plus justement, pour barbouiller les laines dont ils fabriquent leurs feutres. Plusieurs collines de ces montagnes sont entièrement composées de cette marne. J'ennuierois mes lecteurs , si je leur rendois compte de tous les petits mélanges de terre que j'ai vus dans cette contrée. Mes recherches et observations minéral ogiqu.es x 4 32.8 176*9« B s Kaimykova finies, j'employai le peu de tems qui me restoi£ à faire une collection des animaux et plantes remarquables. Il croît, dans les cavités et sur le haut du rivage , beaucoup de plantes salines. La plupart sont rares ou inconnues. La plus commune de toutes , est une arroclie glauque , à tiges nombreuses ( i )•, J'y trouvai la belle salicorne d'Arabie ( 2 ) , avec une variété de cette plante (3) , dont aucun botaniste n'a donné. la description. L'arroclie et la salicorne croissent sur la partie élevée du rivage , et la va- riété dans son fond humide, avec une jolie soude, ligneuse et à épines (4) , et une statice (5). II ne vient , près des sources, que la salicorne her- bacée ordinaire (6). Le rivage plat étoit rempli d'insectes , que les vents avoient jetés dans ce vaste lac , et qui avoient été rejetés sur le rivage. La muire les avoit conservés dans leur fraîcheur. Je re- marquai parmi ces insectes, beaucoup d'espèces rares , propres aux contrées chaudes de l'Asie. Je donne la description de plusieurs dans l'ap- pendice (7). J'y vis beaucoup de sauterelles (î) A triplex glailca. Appendix, n°. 408. (2) Salle o mi a Arabica. Appendix , n°. 260. (3) Salicornia strobilacea. Appendix, n°. 255». (4) Salsola arbuscula. Appendix , n°. 197. (5) Statice suffruticosa. (6) Salicornia herbacea. (7) Appendix , nos. 116 à iai-j 130 à 133; 135, T44, 170 et 171 , 174 et 175 ; 218 et 115» 'y 2,24 et 140 ; ain$ a Ind'ERSKaia. 329 de passage , de la grosse espèce , et une autre espèce plus petite (1). Le plus remarquable de ces insectes , est l'araignée scor pion ( 2 ) , insecte venimeux dont j'ai déjà parlé. J'en vi$ plusieurs quiétoient mortes. S. X V I L D'Ikdkbskaia.a G o u r i e.f. Du 21 au 24 août. Forteresse d 'Inderskala. — Avant - Poste de Grèbenschikof 9 17 v. — Ville et Forteresse de KoulaguinUy 16 verst. — Avant-Poste de Sélénaio-Kolka , s5 v. — Avant - 'Poste de Topolévo'i y i5 v. — B aies aï , 17 V. — laman- Kliala y 12 v. — Saralschikqfkoï y 23 v. — Ruines de Saratschlk. — Saratschlkofka. — Nouvelle redoute de Gouriefy 22 v. — For- teresse de Gouriefy 40 v. Je partis le 21 août, de la forteresse de Kosch- Iaïzkoï. Les landes élevées et arides continuent toujours jusqu'au premier avant -poste. Elles ne produisent presque pas d'autres plantes que la camphrée (3) , plusieurs soudes (4) et le thé « qu'un grand nombre d'autres dont je parlerai dans la suite., (1) Grlllus Italicus. (r) Phalangium arajieoides* Appendix , n°. 140. (3) Camphorosma* (4) Salsolce. 33o 176g. d'Ixderskaia des Kalmouks,, qui est une espèce particulière de réglisse (1). Je vis en plusieurs endroits la julienne de Tatarie (2), que j'avois trouvée sur les monts Inderski. On traverse à moitié chemin un bas-fond très-vaste , où le Boguyrdaï se réunit à l'Iaïk. On rencontre ici plusieurs petits bou- quets de tamarisc dispersés 5 on n'en voit plus près de V avant-poste de Grébenschikof , qui doit cependant son nom à cet arbuste. Les landes que Ton traverse pour se rendre à la ville de Koulaguina , produisent les mêmes plantes que les précédentes. On côtoie, pour y aller , un bras de l'Iaïk , nommé Kotschérof- ïérik. La, petite forteresse de ce nom est un peu plus grande que Kalmykova; mais elle €>st aussi mal bâtie , et n'a point d'église. Ses fortifications consistent en un rempart de fascines , revêtu de chevaux de frise , ainsi que la plupart des avant-postes suivans. Cette ville est située sur une monticule , à quelque distance de l'Iaïk. Le plus grand nombre des Kosaques de la gar- nison , sont Tatars ou Kalmouks. Ils sont aux ordres de l'ataman qui commande toute la ligne; celui-ci dépend du commandant de Gourief. Les Kosaques tatars cultivent beaucoup d'ar- bouses qui y réussissent très-bien 5 ils en vendent à tous les autres avant-postes de \a. ligne. Les Kal- (1) Glycirrhi^à aspera. Appendix*, ne. 36?. (%) Hesperis Tatarie a, A G O U R I E F. 33t tnouks de Koulaguina ont un prêtre Soongar ou Guelloung ] il y avoit clix écoliers ou Mandski, Leurs Bourkhans ou clieux sont A.ioüscii^e , Dshakdshimmouki, et une autre figure sembla- ble à la dernière que j'ai décrite dans mes obser- vations sur ce peuple (1) ; c'est-à-dire , à celle qui a les bras croisés , et qui tient de la main droite le sceptre sacerdotal , et une clochette de la gauche. Ils nomment ce Bourkhan Odschird^r. Ces figures sont de cuivre, jetées, en moules, bien travaillées et supérieurement dorées. Je vais rapporter ici , plusieurs autres préjugés de ce peuple. J'ai déjà dit qu'ils regardent la chouette blanche comme un être sacré et un. animai prophétique. Ils pensent le contraire du béchara ou flammant , appelé par les Russes Krasna G o u s s ( oie rouge ). Ils vénèrent la chouette blanche presqu'autant qu'un Bour- khan y ils prétendent qu'un esprit malin réside dans le béchara. Ils détournent les yeux aussi- tôt qu'ils apperçoivent cet oiseau sinistre , et pro- noncent mille exécrations contre lui. Ils ajoutent que l'oie rouge , qu'ils vénèrent aussi beaucoup, est le prêtre des oiseaux. La grue est l'oiseau le plus pur $ aussi n'en tuent-ils jamais. Je ne iinrirois pas , si je m'étendois sur les qualités qu'ils attribuent à tous les autres oiseaux. Il y a, près de Koulaguina, une antiquité (?) P/icçnicopierus mber* ZöT, 1769* B?InBEB.SKAIA remarquable qui fait époque clans l'histoire cîe Russie. C'est im retranchement assez considé- rable ,' que les Kosaques cle l'Iaïk appellent Ma- binkin-Gqrodok. Ils disent que Marinka étoit une femme qui commettoit des brigandages , à l'abri de ce poste qu'elle habitoit. Ils ne peuvent donner d'autres détails à ce sujet. Je présume que cette place doit sa fortification et Son nom à Marina de Sendomir , épouse d'un des faux Dimitri ( 1 ) . Marinkin est situé au nord-est, à un verste et demi de Koulaguina^ sur une hauteur près d'un bas-fond ,. où l'Iaïk avoit autrefois son cours , à ce qu'on prétend. Ce fleuve passe à près d'un verste d'ici. Cette forteresse forme un angle droit à lignes cour- bes j elle joint le bas - fond du côté de l'est. Elle a trois portes , la plus considérable est à l'ouest , vers la lande des Kalmouks 5 les deux autres sont plus petites et percées sur les flancs r l'une au sud-ouest, et l'autre au nord-est. On voit dans l'intérieur de la forteresse des amen- ée Uemens de terre et des places inégales , qui proviennent ^ suivant le rapport des Kosaques, d'anciennes habitations souterraines. J'ai vu à Koulaguina , un jeune homme de vingt-un ans , attaqué de la lèpre, appelée ici 1 — (1) Je rapporte ce fait d'après YHistoire des Kosaques de l'Iaïk, insérée dans lès Recueils historiques sur la Russie > par Müller, 'A G o v a ï e *? 333. Tschernaia Nemotsch (la maladie noïre). On m'a dit qu'il ayoit toujours été d'un tempé- rament très- délicat , sans ayoir eu cependant aucune maladie jusqu'à l'âge de quinze ans £ deux taches rouges, larges de deux ponces , parurent alors sur ses joues , et elles disparurent clans la même année. L'année suivante, son corps se couvrit de taches rouges et violettes 5 sa peau s'épaissit 5 cela a toujours continué jusqu'à ce moment. Il ressent une foiblesse et des douleurs vagues dans tous les membres > et sur-tout dans les jointures, depuis que cette lèpre s'est fixée. Les douleurs des jointures l'af- faiblissent quelquefois si fort, qu'il ne peut remuer ni bras ni jambes ; on n'y apperçoit cependant aucun gonflement. On l'a saigné une fois : son sang étoit fort épais et très-foncé en couleur. Les douleurs ne sont pas toujours aussi \iolentes ; il est quelquefois plusieurs jours sans en ressentir. Ses parens le frottent régulièrement avec de l'huile de térébenthine , ce qui lui procure quelque soulagement. La bouche et le gosier se sont remplis d'aphtes dans la troisième année de la maladie, aussi sa voix est -elle rauque et désagréable. Il tousse continuellement et il éprouve une forte sécheresse dans la bouche. Le malade a eu la gale avant la lèpre , et cette éruption se trouve encore jointe aujourd'hui à cette dernière maladie ; il a beaucoup d'appétit, et il est fort altéré 5 il travaille lorsque les clou- S34 *7^9* D'ïNI)EasKA!i leurs de ses jointures lui laissent quelque reposV Son urine est rougeâtre et assez naturelle. Il n'a encore ressenti aucun penchant pour le sexe. La paume des mains et la plante des pieds ne sont point attaquées de la lèpre , mais on y ap- perçoit une dureté dans la peau qui se gerse f on la lui adoucit avec un onguent de graisse de poisson. On ignore la cause de sa maladie : on m'a dit que plusieurs de ses parens maternels en sont attaqués ; mais ni son père ni sa mère n'en ont pas la moindre marque , quoiqu'ils demeurent avec lui, et qu'ils se tiennent dans la même étuve 5 ils ont soin seulement de ne point manger ni boire après le malade , et de ne point se servir des mêmes vases. A quelques verstes de Koulaguinaj, on passe près d'un ancien lit de l'Lük, qui est presqu'à sec; il est appelé Krasnai a Stariza. On traverse à huit verstes d'ici unr uisseau nommé Koulaguin- Iérik. Il doit son nom à un Kosaque qui y fit anciennement une pêche considérable , et on l'a transmis à la forteresse voisine. liest garni de saules et presqu'entièrement desséché. Plus on approche de Pavant-poste de Sélénaio-Kolka , plus la lande devient basse 5 elle est coupée de bas-fonds qui donnent.d'assez bons pâturages; ils sont arrosés par plusieurs petits ruisseaux. On appelle ces bas-fonds SélénoïrKolok; ils ont donné leur nom au fortin. Il y croit de l'abutilon (i)> (1) Sida ahulloiu a G o tj e i M! 33-5- %me cynanqixe (i)7 "une gypsophile (2) ß et là passerage à larges feuilles (3). Nous y vîmes elfes bécasses de toutes les espèces^ et beaucoup de becs tranchans. L'avant -poste de Sélénaio-Kolka est situé sur le bord d'un coude que l'Iaïk forme à l'ouest 5 il est construit de poutres. Nous voyageâmes toute la nuit pour aller à Topolévoï, appelé Topoli par les Kosaques. Il est près du fleuve > dans un fond un peu élevé qui forme une presqu'île entourée d'une mare d'eau. La for- tification consiste dans un rempart de fascines. Ce lieu doit son nom de Topoli à un peuplier blanc d'une grandeur extraordinaire qui étoit à. cette place. La lande qui conduit à ce fortin est un terrain salin , élevé et coupé par des bas -fonds couverts de tamarisc. Après l'avoir passé , nous vîmes d'autres fonds çliarmans ? garnis de verdure et de fleurs, jusqu'à Baksaï où nous arrivâmes vers la pointe du jour. Ce poste est situé entre l'Iaïk et un canal desséché , à qui on a donné le nom de SoukhoÏ Baksaï (Baksaï le sec) ; il se remplit d'eau au printems. Ce canal se sépare du fleuve au-dessus de ce for- tin , et s'y réunit à Luit verstes d'ici. Les bas- fonds humides voisins sont garnis de tamariscs et (i) Cynanchum acutum. (%) Gypsophilci paniculata. (;) Lefidium laiifollum. 336 17^9- D> Inderskaia de saules; il y croît beaucoup de nitraire (i). On arrive ensuite à un autre avant-poste, ap- pelé par les Kirguis, à l'époque de sa construc- tion, Iaman Khala ; cela signifie en langue tatare, un lieu mal fortifié. Ce nom lui convient beaucoup , et pourroit être également donné à plusieurs autres postes. Je vis ici une mâchoire d'éléphant, de grandeur médiocre ; on la con- fier voit y quoiqu'elle fût très-rongée. Il y a fort long-tems qu'elle fut trouvée dans l'Iaïk. Passé laman-Khala, on entre dans une contrée basse et humide -, assez bien garnie de verdure , quoique le sol soit salin. On trouve ici presque toutes les plantes salines dont j'ai parlé, à l'ex- ception de celle connue sous le nom d' Anabasis aphylla; 011 ne la voit plus lorsqu'on a quitté la lande de Topolévoï. Je trouvai ici beaucoup de fabago (2,) qui étoit couvert dé graines mûres $ on les fait confire comme les câpres dans les environs d'Astrakhan. Cette plante est la plus commune de ce sol salin, jusqu'à Gourief. Sa fleur étoit passée 5 c'est ce qui m'empêcha de déterminer son genre : elle appartient d'ailleurs à la famille des plantes à fleurs composées (3). (î) Nhraria. (1) Zygophyllum fabago. (3) Compositi florœ. N. B. M. Adanson met le fabago dans la famille des jujubiers. Les vrais rapports des fabagelles {\yg'ophylia) avec les autres plantes connues cmi s'en rapprochent, ont été d'abord Se* A G O U R ï E vl 33/ Ses feuilles 9 de grandeur médiocre , ressemblent beaucoup à celles du pourpier. Cette plante jette des tiges droites rameuses d'une demi-aune de hauteur. Ses calices sont semblables à ceux de l'iierbe à épervier (1) , et ses graines sont à aigrettes (2.). Nous trouvâmes ici parmi les ré- glisses une espèce de grosses sauterelles (3) très- remarquable ) elle tient beaucoup de celles des pays orientaux. A six verstes d'Iamaii-Kliala , on traverse un autre canal qui étoit entièrement à sec dans ce moment. On le nomme Mokroï - Baksaï (le canal mouillé ) . Il a son cours en ligne directe jusqu'àlamer Caspienne. 11 est garni de buissons, et il sert d'écoulement aux grandes eaux du fleuve au printems. Il se remplit quelquefois très-bien indiqués par Linnee, qui place ce genre dans son quatorzième ordre naturel (intitulé gminales) , auprès du tribu'us , du fagonla , et même du genre guajacum. On retrouve l'indication de ces mêmes rapports dans le gênera ■plantanim du C. Jussieu (ordre des rutacées, pag. l$6)'y mais il n'a pas cru devoir rapprocher les genres que je viens cle citer de l'ordre ou de la famille des nerpruns (p. 376), oui comprend le jujubier. Lam. (t) Hiïraclum. (i) Pappus pilosus sessilis. Il y a sûrement ici quel- Giferreur dans la citation ; carie \ygophyllum fabago n'est point une plante de la famille des composées ( composai- Jïorœ ) , ses aiiices ne sont nullement semblables à ceux de Yhieracium , et ses graines (Voyez Gœrtner, vol. z, p. 144, t. m, f. 8. ) n'ont point d'aigrette. Lam. (3) Gryllus oxycephalus. Appendix, n°. 15*5. Tome II. Y 338 Î7&9' b'Iwderskaia dans les autres saisons, lorsque les vents de sud-ouest régnent quelque tems. On trouve au- delà de ce canal , un terrain argileux un peu élevé *y il est trop imprégné de parties salines pour pouvoir produire autre chose que du ta- marisc, de la nitraire, et plusieurs autres plantes salines. Cette lande s'étend jusqu'à Saratschi- kofkoï 5 on y traverse un bas-fond assez étendu,, rempli d'eau au prinfcems ) il étoit alors presqu'à, sec , et il fonnoit un petit lac entouré d'arbres; on l'appelle le lac Baklanik. Ce bas-fond étoit couvert de fleurs. Les principales plantes qui y croissent, sont l'inule britannique (1), la ca- momille (2.) , une poten tille (3) , Fharmale (4) et l'herbe au lait (5). La potentille de ce canton a de neuf à onze folioles à chaque feuille, tandis qu'elle n'en a communément que cinq lorsqu'elle croît dans des terrains secs. Elle couvroit des places considérables. Toutes ces plantes réus- sissent beaucoup dans ce sol argileux qui est rempli de nitre et de sel. L'avan-tposte de Saratschikof koï ou Saratschik est situé à quelque distance de l'Iaïk , à l'est des ruines du fossé de l'ancienne ville de Sa- ratschik qui étoit très-peuplée. Elle étoit habité© (t) hiula Britannica, (%) Anthémis cotula. (3) Potentilla fragarioïdês, (4) Peganum harmala. (5) Glaux maritima. A G O U R I à F» 339 par des Tatars. Ce fossé est la seule chose entière qui existe de cette ville. Je ne parlerai pas de sa destruction , ni de la transplantation de ses habitans à Khiva; je ne m'étendrai même que très-peu sur les ruines qu'on apperçoit encore. On distingue très- bien le rempart de cette ville , qui a quatre ou cinq vers tes de circonvallation. Il commence à un angle formé par l'Iaïk et un ruisseau, à un verste et demi de l' avant- poste. Ce rempart borde le ruisseau appelé aussi Saratschik. Il s'étend jusqu'à ce fortin et au fleuve, en formant plusieurs détours. Le ruisseau est assez considérable, mais son cours est peu rapide. Cette circonvallation est coupée par un canal qui est à sec ; il paroît avoir servi autrefois à l'écoulement des eat^x. On trouve dans l'en- ceinte des remparts des ruines de maisons et de voûtes construites en pierres . C'est un e preuve que cette ville renfermoit de très -beaux bâ- timens. Les tuiles , employées à la construction ^ étoientlonpues et assez« grandes. On trouve aussi plusieurs morceaux d'une pierre de taille brune , remplie d'empreintes de petites moules. Cette pierre fixa d'autant plus mon attention, qu'on n'en voit point de pareilles dans tous les environs. On voit fort peu de débris de vieux vases parmi ces ruines , à l'exception de quelques fragmens de vases de terre, de la nature de la porcelaine. Le vernis en étoit beau etavoit de la consistance; il paroît , par ces morceaux , qu'il y avoit de Y % 34"0 I769. B'Ik %;E.RSK AI A la poterie blanche, de la bleue ou jaune (Tune' très-belle couleur , et une autre peinte de dif- férentes couleurs. Le sol où cette ville étoit située est humide et salin 5 les vieux morceaux de fer sont tellement rongés par la rouille , qu'on a de la peine à reconnoître leur usage. Il en est de même des petites pièces de monnoies dargentet de cuivre, qu'on trouve quelquefois dans l'intérieur du rempart. Celles de cuivre sont rongées de verd-de-gris ; celles d'argent ont conservé un peu de blanc dans l'intérieur ; mais l'éclat en est entièrement enlevé 9 et la madère est devenue très-friable. J'ai trouvé chez les Kosaques de la garnison , des coraux de verre , des cornalines et des topazes très-bien travaillées 9 qu'ils avoient déterrées dans ces ruines. Cette place est remplie de tombes 5 elles sont revêtues de tuiles dans leur intérieur. On y trouve quelquefois des choses de prix. La place où cette ville étoit située, et toute la contrée voisine , sont très - marécageuses ; le terrain est très-salin y ce district devoit être autrefois entièrement exposé aux inondations du printems. On y est cruellement tourmenté par les cousins , sur-tout lorsque le veut vient de la Hier. On peut donc assurer qu'on a voit choisi, à tous égards , le plus mauvais empla- cement possible pour bâtir cette ville, il est à présumer que ce choix n'a été fait qu'après le démembrement de la puissance tatare., et A Cr O n R I B ÏV S^t peut-être par la nécessité d'avoir un lieu sûr, Je trouvai sous les briques éparses de ces ruines deux espèces d'aseiîes (i) ou cloportes aqua- tiques, parmi les cloportes ordinaires , dont les uns étoient pris et les autres rou^eâtres.. La. nitraire (2) abonde tellement sur le rempart et dans le canal de cette ancienne ville r qu'on pourroit regarder cette contrée comme la patrie de cette plante- Elle s'étend en rond -sur là terre y .lorsqu'elle ne trouve point de soutien 5 mais elle a des tiges élevées , dans les places où elle peut les soutenir contre le rempart ou quelque arbrisseau voisin. Le terre-plein et la circonvallation du rempart sont entièrement couverts de fabagoet de beaucoup d'autres plantes salines, parmi lesquelles je trouvai deux espèces de soude (3) qu'on peut rapporter À la famille des anserines (4). J'y vis aussi la soude.à.ieiiilles d'hyssope (5) ,. et une plante (6) presque sembla- ble à la camphrée (7). La dodartia orientale (8) (i) Oniscus ruderalis et crenularus. Appendix, n°. 144 et 145. M. Pallas remarque que Xouiscus ruderalis étoit très-abondant. (z) Nitraria, (3) Salsola alùsslma et sais a. (4) Chenopodia. (5) Salsola hyssopifolia. {©) Polycnemum triandrum, Appendix , n°. 2.66* (7) Polycnemum, (8) Dodartia o-rkntalis*. 34* 17&9- *'Inöbrskaia que j 'a vois Ytie dans les terrains secs , croît aussi dans cette contrée marécageuse et saline, cf'apperçus plusieurs jeunes plants de cette plante qui cömmencoient à fleurir. Je rencontrai un lépreux à Saratschikofka, âgé de prés de quarante ans; il étoit attaqué de Cette maladie depuis six ans. La lèpre s'étoit d'abord déclarée par une tache pourpre sur le front, qui disparut ensuite. Son corps se couvrit, £>eu de tems après , de taches rouges et -violettes \ et il ressentit de si fortes douleurs dans la peau 9 qu'il pou voit à peine supporter l'attouchement le plus léger. Cette seconde éruption disparut encore au bout de six mois ; mais il eut alors des douleurs dans les bras et 'clans les mains , sans aucun gonflement. Ses membres ont tel- lement clépéri, qu'ils sont aujourd'hui presque sans sentiment , et que le malade ne peut enfaire aucun -usage. Il ressentit Tannée suivante, de très-fortes douleurs dans les cuisses et dans les jambes,- qui se sont enflées; la peau s'est en- durcie et est devenue épaisse. Le dépérissement a tellement augmenté , qu'il est aujourd'hui impotent de tous ses membres. Il n'a jamais eu d'aphtes ni dans la bouche ni dans la gorge. Les taches n'ont pas reparu depuis ; et l'on îi'apperçoit aucune éruption sur son corps. Je lui trouvai les mêmes pronostics que j'avois rencontrés dans le lépreux dont j'ai parlé ci- devant. Un de ses parens étoit mort de cette A G O TT R ï E F. 343 maladie. Les Kosaques le fréquentent > et ils le touchent sans aucune répugnance y il n'a encore communiqué son mal à personne. Ils ont seulement l'attention de ne se servir d'aucun: des vases dont il fait usage. Ce lépreux a le visage bouffi et violet depuis le commencement de sa maladie» Les bas-fonds voisins de Saratscliikofka sont assez agréables. En les quittant on entre dans un marais desséché , où Ton ne trouve que des joncs secs. Les seules plantes que j'y vis ß et les seules capables d'animer un peu cette triste contrée, sont une espèce de fran kenne (1) à petites fleurs rouges f et une statice à fleurs blanches ? qui ressemble assez, à la statice à ré- seaux (2). Le sol est le même jusqu'à la redoute de Gourief. Cette redoute est construite depuis peu ;■ elle consiste dans des cabanes de terre et de claies de saules. Ces cabanes sont entourées d'unfossé et de chevaux de frise , près desquels on a élevé une tour d'observation. Elle est située dans un angle marécageux , formé par l'Iaïlc et par un bras nommé Krivoï-Iaïk, qui retombe dans le fleuve. Il forme ici tant de cour- bures et de détours y qu'il seroit difficile d'en (1) Frankenia lœvis. (2) Statice reticulwa. Y 4 344 17^9' fc'IwDERSKAÏA donner le plan avec exactitude dans une cartel En supposant que Ton prît cette peine , on ne jouiroit pas long-tems du fruit de son travail, parce que le cours du fleuve est souvent changé par les inondations du printems. Cette con- trée est très-marécageuse, et son sol très-salin» En été, on y est si cruellement tourmenté par les cousins , qu'on ne pourroit infliger un plus cruel supplice aux criminels , que de les exiler dans ce pays , et les employer à faire des cen- dres avec les plantes salines qu'il produit. Je n'ai pas autant souffert, dans tout mon voyage, que pendant le peu de jours que j'ai passés à cette redoute , pour attendre le bateau qui de- voit me transporter, et retenu ensuite par des vents contraires, Les plantes rares que j'y ai trouvées m'ont un peu dédommagé de l'ennui que j'ai éprouvé dans ce séjour désagréable. Ce district ne fournit presque pas d'autres fourrages que des joncs et des roseaux $ les che- vaux et le bétail y sont aussi en très - mauvais état. Depuis Sélénoï-Kolk , je m'apperçus que les chevaux n'avoient ni la même force ni la même vigueur que ceux des contrées supé- rieures de riaïk , qui produisent d'excellens pâturages. Je remarquai cependant plusieurs herbes qui donnent de bons fourrages; elles paroissent s'être accoutumées à ce sol salin. Les plus remarquables sont la trigonelle de A G O U R I E F. 345 Russie ( 1 ) , et le lotier corniculé ( 2 ) : toutes les parties de cette dernière sont d'une' hauteur si extraordinaire , qu'on la reconnoît à peine. Je trouvai 3 près de l'Iaïk,, beaucoup d'aster maritime (3) en fleurs , et quantité de plantes salines. Les plus connues sont , outre la sta- tice et la fran kenne , la soude à hautes ti- ges (4) , la soude couchée (5) , le kali , ou soude ordinaire (6~) , la soude à feuilles d'hyssope (7) , l'anahasis feuille ( 8 ) , deux espèces d'arro- clie (9) , le fabago (10) , et la cynanque (11). Il y croît aussi beaucoup de réglisse à gousses velues. J'y vis, en plantes nouvelles, une po- lycnème (12) , et la salicorne (i3). J'ai été fort surpris d'y trouver des lièvres nains : ce sont probablement ces plantes qui les y attirent en - si grande quantité. Quant aux insectes , j^y ai. rencontré des tarentules 5 on m'a dit qu'on y (1) Trlgonella Ruthenica. (2) Lotus corniculata. (3) Aster tripolium. (4) Salsola altissima. (5) Salsola prostrata. (6) Salsola kali. (7) Salsola hjyssopifolia. (8) Anabasis foliata. (9) Atriplex Tatarica et lacirùata* (10) Zygophyllum fabago, (11) Cynanchum. (12) Polycnemum oppositifoliurn. Appendix, n°, 267. (13) Salicornia- foliata» Appendix, n°. &'6xi 346 1769. d'Inderskaïa voyoit quelquefois des araignées - scorpion 5 je suis persuadé qu'on la confond avec la courtil- lière (1) > très-commune dans ce pays , à qui elle ressemble beaucoup , et qui est aussi dan- gereuse. Ces courtillières abondent dans les ma- rais salins de ce district , et on en voit près de Gourief $ elles sont très-grosses. J'y remarquai aussi plusieurs autres grillons {2). J'observai jusqu'aux cousins , dont l'air est rempli ; ils m'ont si cruellement tourmenté , que je ne les oublierai jamais. Les deux espèces ( 3 ) qu'on trouve près de la mer Caspienne sont incon- nues en. Europe. L'une est plus petite que l'ati- tre , et en même teins plus abondante et plus insupportable. Je vis, dans cette redoute , plu- sieurs sros morceaux de têtes de buffle ; on les a voit trouvés dans le fleuve. M. Liépècldn arriva de Gourief ici le iZ avec deux îelbots ( bateaux propres h ce pays ). Je ne partis pour cette ville que le 2.4 après midi y les grands vents du sud - ouest régnoient tou- jours 5 ils rendoient la navigation del'Ià-ïk pres- qu'impraticable , à cause des courbures que for- me ce fleuve. On ne peut aller à Gourief par terre lorsque le vent vient de la mer , parce que (1) Gry Ho idlpa* (z) Gryllus oxycephalus , minïatus , cœrulans et cœru~ îescens. (3) Culex Hyrcanus et Casplus. App. noï. 138 et z^s* A G O U B. î E F. l'eau remonte dans ce fleuve , et que Ton ne peut pas traverser à cheval les bras et les marais oui coupent la route , et où Ton ne trouve au- cun pont. On ne peut donc y aller que par eau ; on a en outre l'avantage d'être moins tourmenté par les insectes . Passé la redoute , l'Iaïk forme tant de sinuo- sités , qu'il faut faire plus de huit vers tes pour arriver à un endroit éloigné au plus d'un verstè et demi. On ne compte que vingt verstes de distance de la redoute à Gourief, tandis qu'il en faut faire près de quarante par eau. Un pe- tit bras de l'Iaïk, nommé Tsckernaia , est sur la droite, à deux verstes par terre, et à environ*dix par eau ; il a son embouchure par- ticulière au sud-ouest de Gourief. On voit , sur la gauche , à dix verstes plus haut , y compris toutes les courbures , un autre bras plein de roseaux, appelé Sokolaia-Beka et Sokolok ; Il toinhe, à l'est, dans une baie éloignée. On trouve aussi , sur la gauche , à environ dix verstes de la ville , l'embouchure de la rivière Oulianof- Saton. On arrive ensuite à la Bi- kofka supérieure, qui se jette dans un bras du fleuve appelé Bié loï ; il est près de son em- bouchure. On vient après à la Bikofka infé- rieure : ce n'est qu'un canal particulier, voisin de Gourief. Le rivage du fleuve est couvert de joncs depuis Saratschikof ka 5 plus on appro- che de la mer, plus ces joncs deviennent abon- 3/fS 1766 , be G o ir r ï f f dans et élevés 5 on en trouve de deux brasse* de hauteur sur un pouce d'épaisseur. Les dif- férées bras en sont également remplis. Nous ne découvrîmes Courier qu'à deux heures après minuit. Je trouvai le professeur Loviz à son observatoire. Cette ville étoit devenue le ren- dez-vous des 'membres de l'académie, puisque j'y trouvai MM. Inochodzqf et Euler. Nous aurions pu cependant choisir un lieu plus agréa^ ble. Nous fûmes complètement dédommagé^ des désagrémens de cette ville par la manière gracieuse avec laquelle nous reçut M. de Vér gésak , brigadier des armées , et par le plaisir «rue nous causa notre réunion. % XVIII. De G O ■ U R I E F A K A M E . N N O T. Du 24 au 3i août. Forteresse de Gourief. — Embouchure de VlaïJL- — Mer Caspienne. — ~ Ile de Kamennoû Gourief est une petite place, la plus régu- lière et la mieux construite de toutes celles situées sur l'Iaïk. Ses fortifications sont géné- ralement revêtues d'un gros mur de brique , qui forme un carré 5 les angles sont garnis de bastions ; les courtines , au nord et au sud , sont pourvues de raviiis. Gourief n'a qu'une seule porte , à l'est , qiri fait face au fleuve. On voit de ce côté > les restes des murs de l'ancienne A K A MENNO ï. 34^ ville , à l'extrémité desquels on en a construit un nouveau. Cette fortification a deux toises de hauteur \ elle est construite solidement en briques : et cependant le sol salin l'a tellement minée à sa base , qu'elle menace ruine. La mai- son du commandant est le seul bon bâtiment de la ville. L'église , , les maisons , les casernes sont en très-mauvais état , et tous les autres bâtimens sont construits en bois ; le magasin à poudre est en pierre. Les maisons desKosa- ques , et autres liabitans ? sont en dehors de la forteresse ; elles se montent à peine au nombre décent, y compris celles de îa place. jL a gar- nison est composée d'une compagnie d'infan- terie , et de soixante Kosaques. Elle renferme très-peu d'autres liabitans, plusieurs négocians d'Astrakhan , et autres petits commerçans. Cette ville pourroit devenir assez considérable , si quelques riches ho bitans vouloient faire un com- merce d'échange avec les Kirguis , qui passent Fhiver dans ce voisinage , et si la situation étoit plus saine : ces deux objets essentiels manquent malheureusement. Quelques marchands d'As- trakhan y font , pendant l'hiver , un petit com- merce assez avantageux avec les Kirguis' ; mais on pourroit le rendre beaucoup plus considé- rable. Il est peu d'endroits aussi mal-sains que Gourief depuis le printems jusqu'à l'automne, liest situé au milieu d'un marais salin , inondé, ßur-tout au printems, par les eaux de la mer 35o *7^9* ®E GouRiEf que les vents du sud font refiuer. Quoiqu'on ait élevé un peu le sol de la place , il est salin , argileux, et toujours humide. L'air qu'on y respire , ainsi que celui des environs , est , en tout tems , chargé d'exhalaisons putrides sem- blables à celles des marais maritimes. Les mai- sons sont remplies de cloportes et de tarakanes. Si l'on sort , on est mangé des cousins , sur- tout hors de la ville 5 deux espèces de gros taons ( 1 ) se joignent à eux pendant l'été. Il n'est donc pas étonnant qu'il y ait beaucoup de maladies à Gourief 5 elles n'y sont pas aussi communes et aussi mortelles qu'on pourroit le penser , puisqu'il n'y est mort que très-peu de monde depuis six ans que la garnison l'ha- bite , quoiqu'il n'y ait ni médecin ni chirur- gien. On paie le tribut, en arrivant dans cette ville, par une maladie quelconque. Le scorbut est , au printems , la maladie générale de cette contrée 5 il est toujours compliqué avec plu- sieurs autres maux. Les habitans font alors usage des feuilles de rapontic et des racines de masses d'eau (i); ils les appellent Tschaaken ( nom Tatar ). Les brouillards,, si communs en été dans 3es environs de Gourief,ne peuvent être attribués qu'à la nature des marais., qui sont tous salins. (1) Tabanus bovinus et occîdentalis* (a) Typha. A K A M N E N- N O 1. 35l Ceci paroîtra extraordinaire à beaucoup de per- sonnes^ quoique je puisse leur fournir des té- moignages authentiques. Il n'est pas étonnant quo la rosée , qui humecte les plantes , soit salée, puisque tous les sucs des herbages de cette contrée sont salins. On distingué assez sen- siblement des particules salines dans les gouttes de rosée , qui s'attachent , en plein air , à quel- ques corps unis , ou dans l'humidité qui im- bibe les habits. On ne doit donc pas être surpris si des chimistes ont trouvé du déchet dans les sels qu'ils ont fait dissoudre et évaporer à plu- sieurs reprises 5 ils ont conclu de-là que les sels se dissolvent et se transmuent en terre et en eau. On apperçoit aussi cette rosée près de l'Iaik. Les brouillards mal-sains , qui tombent dans d'autres contrées chaudes et salines , sont peut-être de la même nature. Je crois qu'on ne doit pas attribuer entière- ment à l'eau de la mer la nature saline des en- virons de Gourief, puisqu'ils sont arrosés, en plus grande partie , par les eaux de l'Iaïk 5 on s'apperçoit à peine que l'eau de ce fleuve soit salée , lorsque les vents même viennent de la mer. On doit en attribuer la cause à des sources salées souterraines. Un petit rocher de gypse , situé au milieu d'une contrée basse et maréca- geuse, à deux verstes à l'ouest de Gourief, prouve , d'après mes observations ci - dessus , qu'il doit y avoir du sel caché -, et la forte rnuire, 35a 1769- be Go ü rief qui se forme sur les eaux stagnantes des fossés y en est une preuve. Le rocher de gypse est * en plus grande partie > un gypse séiénite , ainsi que celui des monts Inderski. Des bas -fonds, appelés Kakouschka, s'étendent du rocher à l'Iaïk ^ et le sol est composé de coquilles de moules. Ce rocher est situé entre la rivière de Tschernaia et un bras du fleuve. Les Kirguis le regardent comme sacré , ainsi que la mon- tagne d'Ilezki. On ne m'a pas dit s'ils s'y ras- semblaient également pour y célébrer une fête. Le motif de leur vénération est dû à la per- suasion où ils sont qu'un saint a été enterré à cette place, qu'ils choisissent de préférence à toute autre , pour donner la sépulture à leurs morts. Les lacs salés , qui se trouvent de l'autre côté de l'Iaïk, dans la lande habitée par les Kirguis , prouvent encore qu'il y a du sel ca- ché dans cette contrée. Ils sont à l'est de Gou- rief. La garnison a le droit d'y aller prendre , gratis , le sel nécessaire à sa consommation. On y envoie à cet effet un détachement au mois de mai , ou pendant l'été ; il côtoie , pour s'y rendre , les bords de. la mer dans des cha- loupes appelées Rastsc-hiven.' Il faut deux jours par un tems calme, et vingt-quatre heures , lorsque le vent est bon , pour arriver près du rocher de gypse , dont je viens de parler. Cet endroit est à environ soixante vertes de l'em- bouchure A -'Kamen no % 353 Doucliurè-.du fleuve. On remonte ie golfe que la mer forme dans la lande \ on y débarque 5 on. va chercher le sel aux lacs , et on le porte sur ses épaules jusqu'aux chaloupes. Ces lacs v forment différentes figures.,, et sont plus ou moins grands. On n'y- trouve point de sel au printenis 5 on n'y voit alors qu'une forte muire~ Il se forme, en été ^ une croûte de sel blanc très-pur de sep.t à huit pouces d'épaisseur suç le limon noir 3 on trouve dessous ß en tout te ms , une couche de sel gemme très - compacte de pareille épaisseur. La muire contient ,] beau- coup de. sel neutre 5 on en transporte à -Gou- rief; on l'emnloie à la 'suérison de la' sale et autres maladies cutanées. Le limon d'un de ces lacs est rouge ; son. sel est de la même cou- leur. > et il a un mauvais t goût : on-. 1* appelle Màlpkovojé.-Oséro ( lac de framboise), Je don- nerai peut-être , dans la suite , une description plus détaillée de cette contrée. On ^trouve , près de Gourief , dans tous les bras du fleuve ei: les golfes formés par la mer y toutes les espèces de poissons communes à l'Iaïk y je puis assurer que l'eau en fourmille.. La garnison n'ose pas pêcher aux filets^ par rap- port au droit de pêche dont les Kosaques de l'Iaïk jouissent 5 ils craignent beaucoup que cette pèche n'effarouche les poissons, et ne les em- pêche de remonter le fleuve. Les soldats savent cependant si bien manier les harpons à un ou Tome II, Z 354 1769* DE Gourief deux crochets ., qu'ils prennent , dans les lïeit£ peu profonds , le poisson qui leur est néces- saire. Ils nomment ces harpons Sandovî. Le barbeau est le poisson qu'ils prennent le plus. Cette pêche leur est permise pour les poissons communs, qu'ils appellent généralement RybA- Biélaia (poisson blanc) 5 mais ils n'osent pas prendre les esturgeons , qu'ils nomment Kra- snaia-Ryea ( poisson rouge ). La couronne affermoit autrefois, à haut prix, une très- grande pêche près de Gourief. On avoit cons- truit à cet effet une écluse qui traversoit le fleuve } on l'ouvroit pendant un certain tems p pour laisser remonter le poisson. Cette écluse a été détruite depuis que les Kosâques de l'Iaïk ont affermé la pêche de Gourief 5 de sorte que les poissons remontent librement. On a remaiv que que la plus grande partie de ceux qui y montent y entrent à présent par lés deux em-* bouchures, appelées PoDSTEPNOÏetBouKHAiiKAj Le plus fort passage des poissons étoit autre- fois par la Bikof-ka et le Biéloï. (Je bras est au- jourd'hui rempli de limon. On n'y voit que le tuyau de plume , espèce dnippocampe (1), qu remonte quelquefois jusqu'à Gourief: ce qu'on regarde " comme le pronostic d'une tempête. L'Iaïk, ainsi que toutes les eaux qui y aboutis- sent , sont remplis de grenouilles y on y en trouva (1) Singnachus pelagicus* i A . K A M Ê N N O ï. 355 tTune très-grosse espèce (i)que l'on rencontre atissi dans le Volga : son croassement ressemble beaucoup au rire de 1 nomme. Cette espèce, la plus remarquable de toutes > est aussi la plus abondante : une cuisse de ces grenouilles est plus grosse que dix cuisses de grenouilles or- dinaires . et la chair est aussi ànuétissante. Il est fâcllerîx qu'on ne puisse pas en trans- porter dans les pays où l'on fait grand cas de ce mets. On y trouve aussi beaucoup d'écre- visses de rivière , et jé'n'en ai jamais vu d*aussî grosses. Elles sont vuides , maigres, et d'un goût fade. -Lorsqu'on fait cuire les écrevisses du Volga , elles deviennent à peine d'un rouge pâle y celles de l'Iaik prennent , par la cuisson , un jaune brun. On voit, dans ce district, beau- coup de serpens d'eau (2) ) on trouve , dans les marais, les couleuvres ordinaires (,3), dont le cou est taclieté de rou^e. Cette contrée abonde en gibier à plumes , sur-tout au printems et en automne ; il est un peu moins abondant dans les deux autres sai- sons. Un grand nombre d'oiseaux font leurs nids dans les joncs. Voici les espèces que l'on trouve près de Pïaïk et sur le rivage de la mer : l'onocrotale , appelé ici Baba ( grand gosier ) $ (1) Rana rldlbunda Voyez Y Appendix , n°. 88. {%) Coluber lydrus et scuiaius: Appendix , nos. 91 et 9: (3) Colubtr natrix. Z 2 356 17^9' ■DE Go u rief plusieurs espèces de corbeaux de mer,, : nom- més Baklani. Tous ces corbeaux sont: très- gros , à l'exception d'une petite espèce qui est un peu plus grosse qu'un pigeon. Le héron à cuiller ,' appelé Kolpiza , le grand héron crête blanc , le petit liéron crête blanc , le corbeau de nuit (i) , nommé K vakvA ( le liéron ordi- , naire ) $ toutes sortes de bécasses , et sur -tout la grande bécasse noire à bec tranchant., ,e.t le. brachvogei des Allemands, ou le pluvier à col- lier ( a-.) ; tous ces oiseaux sont dans la plus grande abondance. Les plus remarquables sont la bécasse à hautes jambes , ou l'échasse (3) , et l'avocette:( 4 )• On voit aussi diverses espèces de mouettes grises et blanches (5 \ , des hiron- délies de mer blanches et des noires (6) 5 il s' en trouve parmi ces dernières d'une -très-grande espèce (7), qui est. "Un oiseau propre à lamer Caspienne 5 il ne passe point vers i'Iaïk, Les oiseaux de; proie de cette contrée -consistent principalement en plusieurs sortes çlefaucons, (8). (ij JNuicorax. ôtnx aluco» (z) Charatfrïus hiàtlcuhi.' - -V '■- -M (5) Ohara dr lu s hïmantopils. ÔftéJ (4) ■lieikin'irostm 'avocetta. , -î (5) Latus cïnerarlus et nœvhts. (6) S te. nia hlrundo , nœvia nigra. ' (y) St er na caspla. L'Académie de Pétersboulgen a donna îa description*- dans ses mémoires (8), Falco laiiarius , pygavgus, aeruçinosus et nisus. Le 2anier3 îa soubuse , le busard et l'épervieri Buffon* A K A M E K N O ï. 35j Les oiseaux de plus petite espèce sont la grive de roseaux (1) , et la mésange charbonnière (2). Une chose très-remarquable , c'est la quantité d'oiseaux de nuit de toutes sortes d'espèces que l'on voit près de Gourief. De grosses chauve- souris (3) se tiennent sous les toits des maisons de la ville 5 elles sont en si grand nombre, qu'on les entend crier pendant le jour. On y trouve îa tête-chèvre (4) , des chouettes de toutes les espèces , et sur - tout une petite chouette à oreilles (5) très-commune. Une grande quan- tité d'insectes nocturnes de toutes espèces, qui sont produits par les marais , est sans doute la cause de cette abondance d'oiseaux de nuit , à qui ils servent de nourriture. Les cygnes et le flamant rouge (6) ne sont , pour ainsi dire , que des oiseaux de passage ; ils traversent cette con- trée au printems. Ils sont trop farouches pour s'arrêter dans les environs de Courier*. On les trouve sur les baies de la mer un peu éloi- gnées , et sur -tout près de l'Iemba. Les Kosa- ques en prennent beaucoup près de ce fleuve , en les terrassant à coups de bâton , dans le tems de la mue 5 ils ne peuvent point' voler (1) Tu.rdus arundinaceus. (z) Parus blarmicus. (3) Vespercillo murinus. (4) Caprimulgus Europœus. (5) Strlx pulchella. Appendix , n°. z6. (6) Phamicopterus. Z 3 358- 17%. de Gourief alors , parce qu'ils ont perdu leurs grandes plumes. Il ne faut que trente -six heures, par un bon vent, pour se rendre de l'embouchure de l'Iaïk à l'Iemba , tandis que l'on met trois jours pour y aller à la rame. Ce dernier fleuve abonde également en poissons. Comme il est marécageux et garni de roseaux , il sert d'asile a toutes sortes de gibier aquatique 5 on y trouve aussi beaucoup de sangliers , ainsi que dans les contrées de l'Iaïk , qui sont remplies de joncs : cet animal est appelé ici KabAni. Les Kosaques les chassent ,, en hiver ^ avec des chiens : mais ce n'est pas sans danger. Ils les tuent à coups de fusil, ou avec des lances. Ces animaux ne se nourrissent que de racines de joncs ; ils deviennent si gros , que plusieurs pèsent plus de six cents livres. Ils sont d'un gris jaune , avec la tête et les pieds gris de fer ou noirâtre. Lorsque les marcassins sont fort jeunes , ils ont le corps gris de 1er , marqué de taches et de bandes d'un blanc jaunâtre ; ils jsont très-difficiles à apprivoiser. Ils ont près de cinq travers de doigts de lard , qui fond près- qu'entièrement en cuisant. La chair de cet ani- mal est très-ferme , et n'a presque pas le goût sauvage. On prend beaucoup de loutres dans cette con- trée , et les chiens de mer remontent quelque- fois dans l'Iaïk pendant l'hiver. On en tue beau- coup , ainsi que sur le rivage et les îles. Ceux A K A M Ê N N O ï. 35g de la mer Caspienne sont de même couleur et grosseur que ceux de la mer Baltique ; mais ils sont beaucoup plus gras en automne 5 je n'en ai jamais vu de pareils ailleurs. On les prendroit plutôt pour une outre remplie d'huile ele poisson, que pour un animal , attendu que la graisse empêche de voir la tête et les pattes de devant. Ceux qui les prennent vendent à un prix très-médiocre les peaux , avec toute leur graisse , à des marchands d'Astrakhan. Cette ville fournit à la Russie beaucoup d'huile tirée de ces animaux | on l'emploie à la préparation du cuir de roussi. Les fabriques de Kasan en consomment également beaucoup. On s'en sert à Astrakhan pour faire le savon gris avec un mélange de potasse ; on prétend qu'il est excellent pour fouler et nettoyer les étoffes de laine. On le vend en petits gâteaux plats et mous. On l'appelle savon d'Astrakhan ou de Tatarie. Je passe au règne végétal des environs de Gourief. Les rivières sont garnies de jonc et de masses (1); on voit la marsile flottante (2) dans plusieurs eaux salines stagnantes ; on trouve dans l'Iaïk beaucoup de pilullaire (3) , de ruppie (4)\> et de naïade (5). Le marais ■ ■ ■ ■■ 11 " ■ . 1 1 1 1 11 il 11« (1) Typha. (z) Marsile a natans» (3) Pilularia. (4) Rupp'uu Lin,, Bukafer, Actansson , Bukkajfë/vtftf, MicheL (5) Najas, Z4 3öO I769. DE G O IT R I £ F salin est rempli de salicorne herbacée ( 1 ) * plante annuelle , qui ne jette jamais de tiges. Elle est presqu'entièrement roupe : ce qui pro- vient du sol salin où elle croit. On trouve , dans la même place , une arroche (2) particu- lière , et une polycnème à feuilles opposées (3) , mais en moindre quantité. On rencontre., dans les lieux un peu élevés , et sur - tout auprès d'une petite chapelle construite dans le voisi- nage deGourief , de petits buissons de tamarisc , qui vient très-bas, la salicorne de la mer Cas- pienne (4) ? qui jette des tiges de la hauteur d'un homme , et une autre salicorne ( 5 ) , la nitraire ( 6 ) , qui fieurissoit pour la seconde fois , et la soude frutescente (7)5 elle for- moit de jolis petits buissons ronds : ses tiges sont si foibles et si fragiles ., qu'on fait sauter aisément la plante la plus touffue d'un coup de pied. Elle est la seule plante saline où les chenilles s'attachent, et j'y vis la phalène oie- racée (8). Je distinguai, parmi un grand nom- bre de plantes salines connues, un petit lai- (1) Sallcornla herhacea. (2.) Atriplex pedunculata. Appendix •, n°. 40p. (3) Polycnenium oppjsitïfoiium. Appendix, n°. z6j< (4) Salicornia caspica. Appendix, n°. 158. (5) Salicornia strobilacea. Appendix, n°. zfp. (6) Nitraria. (7) Salsola frutesceris. Appendix, n°. %9$\ (S) Phalœna okracca. A K A M E N ' N O ï. 36 i teron de mer à feuilles glauques (i) , et l'aster maritime (2-), qui vient très -bas. On croira peut-être difficilement que les légumes puis- sent venir dans un sol pareil. 'Le' commandant a un jardin où croissent des melons , des con- combres , des betteraves, du raifort, des choux, des choux-raves , et du persil. Ces plantes vien- nent fort bien. Le tabac , le céleri , les choux- fleurs , les pommes de terre , et les melons d'eau n'y réussissent pas. On a essayé de plan- ter des graines choisies de cette espèce de me- lon : le fruit devient très-petit , et la qualité ne vaut presque rien $ ceci est d'autant plus étonnant, que la terre est fort humide., et que les autres melons et les calie basses y réussis- sent à merveille. Les habitans appellent cette dernière Garxakki ou Dolgo-Scheïki 5 ils en font des gourdes et des vases à boire. Le 2.6 , nous nous mîmes , M. Euler et moi, dans un grand ielbot pour visiter une île située dans la mer, à six ou huit verstes sud -est de l'embouchure de l'Iaïk. On l'appelle Kamméxoi- Ostrof ( île de pierre ) , parce qu'elle est for- mée de graviers, de petits cailloux, et do co- quilles d'escargots. On trouve, en descendant le fleuve , sur la gauche , et près de Gourief , un passage entre les joncs > nommé Popoutaoï. (i) Sonchus manthnus* (z) Aittr trlpollum, 362 ï7^9t •DE G-ourief Il conduit à la baie Biéloï. A environ deux verstes de la forteresse est le arand canal de Prorva , qui s'étend jusqu'à la baie de Stré- lezkoï 5 il est garni de roseaux : j'aurai occa- sion d'en parler dans la suite. L'Jaïk passoit autrefb s à l'ouest; il a aujourd'hui son cours au sud : il forme un arc remarquable par sa profondeur et l'abondance du poisson : une petite bataille, qui s'est donnée entre les Ko- saques et les Kirguis , l'a fait appeler Rokovaia- Iama ( cayerne de Rokovaia ). Le fleuve tourne à l'ouest , et forme , à plus de quatre verstes de Gourief , un autre canal nommé Podstep- -noL II est sur la droite , et il conduit aussi à la baie de Strélezkoï. On rencontre > à un v erste plus loin , une tour d'observations et un corps- de-garde 5 on lui a donné le nom de Garde- m-feïï. On y entretient , pendant l'hiver , un piquet d'infanterie et de Kosaques , pour ob- server les Kirguis et les Kalmouks , qui cam- pent alors dans le voisinage , et qui commet- tent toujours des hostilités entr'eux. A un verste plus loin , est un second corps- de -garde , et ainsi de suite jusqu'aux deux grandes embou- chures que forme le fleuve en se partageant. Celle qui est à l'est., ou sur la gauche , s'appelle BouKiiARKA. y on donne communément ce nom à toutes les contrées orientales du côté de la Boukharie et de l'Asie. Cette embouchure -est environ à un verste d'un golfe de la pleine mer, A K A M E N N O ï. 363 où les plus gros vaisseaux peuvent naviguer. Le terrain , situé entre ces deux embouchures , est composé de bas-fonds remplis d'eau ; il y croît des roseaux d'une très - grande hauteur. Avant l'embouchure de l'ouest est un autre golfe très - étendu ^ très - bas , et garni de ro- seaux. La pleine mer est à plus de quatre verstes d'ici , et à plus de dix de Gourief. Tous les ri- vages et les îles de ce golfe , depuis la tour de feu dont j'ai parié , sont en général des bancs plats couverts de roseaux , et la plupart sont sous l'eau. Tel est le grand banc qui sépare le dernier golfe de la baie de Strélezkoï , qui est à l'ouest. La carte de l'embouchure de Flaïk, n°. IV , éclaire ira ma description. L'eau de ce golfe est déjà très - salée , et le limon rempli d'une espèce de squille ( 1 ) très - petite , et de la petite aiguille nommée tuyau de plume (2), dont j'ai déjà parlé. On pourroit y prendre du poisson avec des har- pons. L'eau est couverte de naïades (3) et de ruppie ( 4 ) y dont les tiges étoient couvertes d'un polype de mer en bouquets (5) ; leurs herbes étoient chargées de cloportes aquatiques ( 6 ) , (1) Squllla crixapus. Appendix, n°. 245?» (z) Syngnathus pelagicus. (3) Naias. (4) Ruppla vel bukafer, (5) Tubularia caspia. Appendix, n°. iftf. (C) Onïscus pulex. 364 l7&9* :DE G-ourief parmi lesquels se trouvoit une espèce particu- lière (i). L'île de Kamemioï est située à un peu plus de six verstes des dernières embouchures de Tlaïiv. Nous fîmes ce trajet à la voile, et assez Vite, quoique par un petit vent. L'eau de la mer Caspienne est ici d'un gris verd 5 les ma- rins assurent qu'elle est d'un noir verdâtre à un plus, grand éloignement de la terre. On prétend appercevoir une lueur de phosphore dans ses flots pendant l'été. Je ne vis en plantes marines que la naïade , un épideau (2) et une conferve verte. On m'a rapporté qu'on trouve dans cette mer, une espèce de gros cloportes marins qui s'attachent volontiers aux cables des ancres. $ mais je n'en ai point apperçu. La petite île de Kamennoï se termine au nord par deux pointes basses. A l'époque où je la "vis , elle n'avoit guère plus de deux aunes d'é- lévation au-dessus de l'eau. Elle étoit ancien- nement plus grande ; et l'on m'a assuré qu'elle étoit beaucoup plus élevée il y a cinq ou six ans. On a remarqué de fortes variations depuis 1700, non- seulement à Kamennoï et dans plusieurs autres îles , mais aussi sur toute la contrée de Gourief$ elles ont été occasionnées par (l'aug- mentation de la mer. Je vais donner ici le rapport: ■ (1) Onlscus casplus. Appendix, n°. 2,4.5. (1) Potamogeton* A K A M E ]ST N O IV 003 f|iii -m'a été fait par. 1111 vieillard -\ il habitoit Cette ville avant cette époque', et n'en étoit jamais sorti; il ne s'accorde pas avec ce que rapporte M. Ilitschkqf, dans sa Topographre d' Orembourg. La contrée qui avoisine Gd'urief ,, étoit entièrement à sec en 1700 , et la rivé de I.Iaïk s'élevoit à près de deux brasses au-dessus de l'eau , tandis qu' elle est au j ourd'hui presque de niveau. On ne voyoit point les baies qui s'é- tendent à présent jusqu'à cette forteresse. La mer étoit si basse entre l'île de Kaxnénoï et la terre ferme, qu'on la traversoit à gué lorsque les vents du nord faisoient refluer les eaux. Il y avoit trois autres îles peu éloignées c}e i'emboucliure de l'Iaïk ; celle de Kam ennoï étoit alors quatre fois plus grande. L'île appelée Festschakoï (sa- blonneuse), étoit à environ vingt -cinq verstes au-delà de Kamennoï^la seconde, nommée Ka- m.yniri , étoit à l'est à peu de distance de l'em- bouchure j! la troisième appelée Peschnoïy étoit située près deSogols'kaia-Kossa, où l'on prenöit autrefois beaucoup de chiens marins. Ces ilesr ont disparu depuis V augmentation de la m or ar- rivée au printems de 17803 elle fut évaluée à six, brasses. Il tomba aussi dans la même année tant de neige , qu'elle égaloit la hauteur des murs de la forteresse 3 il en tomboit auparavant très-peu ; l'hiver étoit fort doux,, et cluroit à peine deux mois ; la navigation étoit ouverte depuis le mois de mars jusqu'en janvier.. H est beaucoup o66 Î769. B E G O Ü R i E £ plus rude et plus long depuis cette époque • les glaces durent aussi plus long-tems. Le froid est un peu moins violent depuis la diminution de la mer. Cette diminution a dure quelque tems ; mais on s'apperçoit qu'elle monte de nouveau depuis trois ans. On remarque , lorsque les eaux sont basses , qu'elle a près de deux brasses da moins de hauteur que lors de sa première aug- mentation* On ne sauroit cependant fixer au juste le degré d'augmentation et de diminu- tion, parce que la variation des vents fait re- fluer les eaux tantôt sur les côtes septentrio- nales, et tantôt au midi. Ceci arrive sans ré- gularité , et dépend peut-être de la plus oit moins grande abondance des eaux des fleuves, qui augmente ou diminue lorsque les années eont sèches ou pluvieuses, ; L'île de Kamennoï est composée de cailloux, de gravier, dé coquilles et de sable de moules* Les coquilles de moules dont le fond de îa mer Caspienne est constitué dans cette partie et élans plusieurs autres., sont celles d'une cardite assez commune (1) , et d'une autre du même genre qui est triangulaire (a). On. trouve parmi elles un petit mélange de deux autres espèces : la coquille de l'une (3) est blanche et très-mince ; (1) Cardium rusticum et edule. (2) Cardium trigonoides. Appendix, n°„ 252. (3) làya edentula. Appendix., n°. 2.51. A K A M S N N Ô ï|, Z6 celle de l'autre (i) a l'épaisseur ordinaire. Je trouvai le ver ou poisson dans la mya éâen* tula ; les trois autres étoient- vuides. Toutes les pierres qui sont autour de l'île sont gar- nies d'une moule (2) dont j'ai parlé en plu-, sieurs endroits : celles - ci sont pleines , de la. grosseur d'un noyau de datte , et moins an- gulaires que celles de- l'Iaïk. Je trouvai beau-, coup de petites nérites (3). Il croît un peu de joncs dans le milieu de l'île ,, plusieurs arroches et plantes salines , de la maurelle rampante et beaucoup de cuscute (4). Le rivage étoit garni; de mouettes et de corbeaux de mer $ ils déposent au printems leurs œufs dans l'île. Nous vîme& aussi sur les pointes du rivage plusieurs chiens marins, mais ils se cachèrent dès fju'ils nous ap~; perçurent. Nous apperçûrnes en plein jour 9 pendant le peu dç tems que nous restâmes dans! cette île , une chouette d'une espèce parti- culière (5). A notre retour., nous allâmes vers l'anse de Strélezkoïj elle est remplie de- bancs couverts de joncs. Lèvent fut si favorable, que nous arrivâmes à Courier sur la brune. Avant de quitter cette contrée , je dois parler de la pèche qui se fût à Gourief et dans la mer (1) Venus gallina. (?.) Mytllus polymorphus. Appendix , n°. 2^3. (3) Ne ri ta pupa. (4) discuta. (5) Scrix accipurina, Appendix, n°, 14, 368 .1759.- ß g G o tj r 1 ■& f Caspienne \ je m'étendrai davantage sur cet objet dans la suite. Il existe sur la côte, depuis cette Tille jusq.u'àN Astrakhan , des cabanes de pêcheurs appelées Vata-güen dansla langue du pays. Elles sont situées dans les' angles saillans du rivage ou dans les petites îles. La première. est à soi- xante verstes de Gourief , près la baie Bahatoï. Les autres sont plus près Pune de l'autre. Il y en a voit autrefois une pareille près de l'em- bouchure de'PIaïkj ài'est. Les dangers auxquels on étoit exposé , l'ont fait abandonner. Ces ca- banes sont entretenues par des négocians d'As- trakhan. Ouylàit dés pêchesconsidérahles pen- dant Vliiver et Pété y elles s on r interrompu es en àutoiiiné et au printéms , lorsque les glaces se forment ou charient. . : ^ Les pêcheurs rencontrent assez souvent dans lès £ros biélôTigas , la pierre dont j.'ai parlé , €5Ût::est encore Uïi'problême. Ils: M' vendent à un prix assez modique , de deux à trois roubles» Tous les pê-cheurs à qui j'en ai parlé, m'ont assuré qu'on la trouve dans le gros boyau , par lequel le poisson - se vide et j ette ses œufs.- : On rencontre quelquefois' dés pierres dans les. gros esturgeons ordinaires ; elles sont semblables à celles des lûëlougâ's. On en trouve aussi dans lés gros barbeaux, mais elles sont d'une espace différente. Les pierres de biélouga sont ovales, unies, et quelques-unes grumelé s assez gros- sièrement; d'autres sont triangulaires et ton t'es plates. aGöitrief. 3 plates. Cette variété, dans la forme et la place qu'elles occupent , prouve que c'est une vrai© pierre, et non une arête. Elles ont toutes la couleur et la texture de l'arête. Lorsqu'on les îjrise, on trouve dans leur substance des rayons luisans spatliiques qui tendent de la circon- férence au centre 5 outre la texture écailleuse qu'on distingue à la première superficie, il se détache de l'intérieur de quelques-unes de ces pierres un noyau qui a la même substance que la pierre, mais une autre forme ; il ne se trouve pas toujours au centre. J'en ai vu plusieurs qui pesoient jusqu'à trois onces 5 je Les croyois plus pesantes d'après leur grosseur. On peut en râper avec la lame d'un couteau, mais avec peine. J'ai essayé d'en mettre dans des acides, et je n'y ai apperçu aucune marque d'effer- vescence. En Russie, on se sert de cette pierre comme remède domestique , dans les accou- chernens laborieux , pour les maladies de l'urètre et celles des enfans ; il est très en vogue, et l'on a grand tort. On en fait prendre dans de l'eau à très-petite dose. On attribue les mêmes vertus , et nombre d'autres , à la pierre qui se rencontre quelquefois dans la vessie urinaire des sangliers , appelée Kabannoï-Kamen (pierre de sanglier) j elle est beaucoup plus chère que celle du bié- louga. T'orne II 0 A a 3yo 1769« de Gouhief ' 't S- X I x. De G O U E. I E F A I A ï Z K o ï. Du 3i août au 17 septembre. Retour de Gourief. — laïzkoï- Gorodok , 46*9 vers tes cle Gourief. ~ Ruisseau de DerkouL — Simoviê - Sélénoï , 4° v. — Mont lischka, 4o yerstes. — laïzkoï, 80 verstes. Je partis de Gourief le 3i août, au matin, dans les bateaux qui nous y a voient amenés. Je vis avec surprise, la quantité de gibier aqua- tique qui quittait les contrées septentrionales pour chercher un climat plus chaud. J'arrivai sur le soir à la redoute, je m'y arrêtai quelque teins ; il faisoit un violent orage qui venoit du ' 0.1 nord-est 5 nous n'eûmes cependant pas de pluie. Nous poussâmes clans la nuit jusqu'à lainan- Khala 5 les chemins a voient été si gâtés par une forte pluie , que nous eûmes beaucoup de peine à arriver avec l'aurore à F avant-poste deBaksaï. Les voitures et les chevaux s'embourbèrent tellement dans les lieux où le terrain est le plus salé, que nous mîmes plus d'une demi- heure pour les retirer; il falloit beaucoup de soin pour les éviter. Cette pluie s'étoit étendue jusqu'au-delà de La forteresse d'Inderskaïa. J'arrivai à Inderskaïa, le ier septembre sur la brune; j'y restai le lendemain pour observer de nouveau le lac Ind'erskoï, qui est si remarquable. A 1 2 K Ö 1. O^l La pluie avoit fait pousser dans les trous salins du rivage une grosse espèce de vesse-de-lonp (i)| toutes les landes étoient couvertes d'amanite comestible ou champignon commun (2) appelé ici Stepnoï-Grib ( cliampignon des steppes). Je vis un grand nombre de Kirguis sur les monts Inderski. Les uns campoient, les autres étoient en route avec leurs troupeaux. Ils nous abor- dèrent et nous accompagnèrent de la manière ia plus pacifique, quoique nous n'eussions qu'une escorte de cinq Kosaques. Ils a voient chassé de cette contrée toutes les chèvres sauvages ; 012 n'en voyoit plus une seule. On s'apperçoit de l'arrivée de ce peuple, lorsqu'on voit fuir ces animaux par troupes. Je ne fus, le 3 septembre, qu'à Kalinykova, où nous perdîmes entièrement de vue la quan- tité de gibier aquatique que nous avions tou- jours apperçu depuis Gourief. Nous trouvantes dans les bas-fonds situés au-delà de la forteresse j l'aster acre (3) 5 elle étoit couverte de fleurs Manches et bleues-. Le bord des chemins étoit parai d'une santoline ( 4 ) qui étoit en fleurs. Nous en vîmes jusqu'à laïzkoï. L'odeur et le coût en sont si agréables , que cette plante mé- riteroit d'être employée usuellement dans la (7) Lycopcrdon hercuhum* Appendix , n°. 42. I. (z) Avariais campestris. (3) Aster actis, (4) Santolina anthemoides« A a % 37^ 37^9- *> E GOURÎEF pharmacie ; elle pourroit remplacer la santoline que l'on tire de l'étranger. J'arrivai à Antonova, le 4, vers la nuit. Je n'en fus pas plutôt sorti , qu'il s'éleva un ouragan des plus violens ; il dura toute la nuit. On leur donne ici, ainsi qu'en Tatarie, le nom de Bour an. L'air étoit si chaud , qu'on avoit de la peine à respirer. Le thermomètre de Delisle resta toute la nuit au 110e degré. Au lever du soleil,, il étoit au 1 i5e , quoique le vent fût un peu tombé. Ces ouragans de chaleur sont assez communs dans cette contrée. Ils viennent de l'est et du sud-est 2 ils annoncent ordinairement de grands orages. A peine fûmes-nous arrivés à Koscha«? kharof, le 5, que le ciel se couvrit de nuages épais 5 il fit une pluie horrible, accompagnée d'éclairs o;ui form oient des colonnes de feu ; leur durée étoit de plusieurs secondes. Cette tempête nous retarda un peu. Nous trouvâmes pendant la nuit, une espèce particulière d'hé- risson (1) dans les ornières 5 on prétend qu'elle est très-commune dans les contrées méridionales de l'ïaïk. Nous arrivâmes le 6, à la pointe du jour à Boudarin , et l'après-midi à Iaïzkoï- Gorodok, oui esta quatre cents soixante-neuf verstes de Gourief. (1) Erinaceus auritus. On en trouve la description dans les Mémoires de l'Académie de Pétersbourg, (XIV, p. 573 > t. 1 i , f. 4. ) A I a Y z k o Y . 3?3 L'orage mit fin à l'été et à. la chaleur; nous n'eûmes pas un seul beau jour.' Il et oit tems de gagner Otifa pour y passer l'hiver : je voulois cependant, avant de m'y rendre, exa- miner les montagnes de ces landes. Je ne. restai ici que le tems nécessaire à la rédae^ tion de mes observations; je partis le i5 sep- tembre, pour arriver aces montagnes, où le ruisseau de Derlcoul prend sa source. 11 tombe sur la droite dans le Tschagan , à environ vingt verstes de laïzkoï. J'envoyai en même tems les deux élèves que j 'a vois avec moi , vers le ruisseau de Kroutaia , qui se jette également dans le Tschagan , un peu plus haut que le Derkoul. A quelques verstes de la ville, je passai près du lieu où les Kosaques Tatars enterrent leurs morts. Cette place est en pleine campagne. On n'y voit qu'une petite maison de bois qui sert d'o- ratoire, et de petits amoncellemens de terre ; on y a planté un piquet à l'extrémité de la partie méridionale. On trouve plusieurs lieux pareils garnis d'anciens amoncellemens de terre, dans la lande située entre les deux Tschagan et ITaïk. Ces tombes viennent peut-être des No- gaïs, anciens habitans de ces contrées; il est certain qu'elles n'appartiennent pas aux Klrguis. Cette lande est très-aride, et un peu garnie de collines vers le Derkoul, qui est à vingt- cinq verstes de laïzkoï et à la proximité d'une A a 3 3y4 176$. DE GOTTRÏE^ de ces tombes "\ elle étoit très - liante ancien- nement 3 on y a tant eiùeyé de terre, qu'on ne l'apperçoit presque plus aujourd'hui. Des Tatars camp oient ici avec leurs troupeaux. Le rivage élevé et escarpé du Derkoul est garni des mêmes arbustes que ceux de la Samara. Je trouvai ici une plante d'automne ( 1 ) que je n'avois pas encore vue ; elle étoit en pleine floraison. On ne trouve pas d'autre plante saline le Ion.«* du Derkoul, que la soude à tiaes couchées (2), et elle y est même assez rare. Ce ruisseau 5 ainsi que toutes les rivières des landes , est presqu'à sec dans certaines places en été. Il devient plus large et plus profond en formant des flaques d'eau en plusieurs endroits ; on y pêche beaucoup de corassins et de tanches. La nuit nous surprit , et elle étoit si obscure-, que je ne pus aller qu'à Sélénoï qui est un Simovié ou séjour d'hiver. Les Kosaques de l'Ia'ïk avoient construit cette année , beaucoup de cabanes dans la lande , parce que les hordes Kalmoukes n'étoient point venues habiter cette contrée , à cause de la rareté du fourrage. Ils alloient par compagnies, passer l'hiver clans ces cabanes avec leurs troupeaux ; ils y avoient amassé un peu de foin. Nous entendîmes beau- coup de lièvres nains, quoique la nuit fût très- froide et fort humide. (1) Astragalus cormaus. Appendix, n°. 370. {%) Salsolu prostrata. A 1 Z K O 1. 075 Nous continuâmes notre route an lever du jour îe 16 septembre. Le petit roucou abonde de plus en plus, à mesure que îe pays s'élève. Cette plante croît dans les fonds. Nous ne vîmes de plantes en fleurs qu'une cbrysocome (1] et une stipe (2). La lande étoit couverte d'outardes (3), de la grande et petite espèce, qui se préparoient àchercherun climat plus chaud. Les petites sont très-communes pendant l'été 5 on lesnomme près de ITaïk, Stepnoï-Tétéref (le coq de bois des steppes), ou Tressoutschka y et non Strépet (outarde) , comme dans toute la Russie. La con- trée qui avoisine les montagnes srélève de plus en plus , aussi-tôt après avoir passé le défilé que les Kosaques appellent Biêloï-Rossysch , qui conduit au Derkoul. On découvre à plus de qua- rante verstes , la montagne d'Itschka ; elle est la plus haute de cette contrée, et le Derkoul y prend sa source. Elle forme un cône sur une montagne très-vaste. Elle est à environ quatre- vingts verstes d'Iaïzkoï. Au sud et vis - à - visr est une autre montagne plus basse, appelée Der- koulskaia; elle a plusieurs sources à sa base, qui forment le Derkoul. On trouve près de ces sources des argiles de différentes couleurs. La montagne renferme beaucoup de spath et autres (1) Chrysocoma vi Ho s a» (2) Stipa capiilata, (3) Qtis tetrax. A a 4 3?6 I769. DE GOURÏEF pierres quartzeuses. Ces deux collines sont lis plus élevées de la chaîne des montaenes de cette lande. Les ruisseaux et rivières qui sont au-delà, tombent dans l'Irguis. La base de il'tschka est composée d'un terrain argileux et sec , où l'on trouve quelques mousses écailleuses et la mousse crustacée ou espèce de lichen , qui croît ordinairement dans des lieux pareils \ mais on n'y voit aucun arbrisseau. On rencontre au milieu de cette colline vers l'est, plusieurs citernes faites par les Kalmouksj, et un peu plus haut, un trou qui perce la montagne 5 on prétend qu'il est rempli d'eau clans les années humides ; il n'y avoit alors qu'un peu de fange. Il est garni de saules et de plantes aquatiques. La cime d'où l'on découvre toutes les autres montagnes ^ est couverte d'une terre cal- caire légère et marneuse, ou d'une craie mar- neuse très-douce en partie, parmi laquelle on trouve beaucoup de morceaux de spath rayonné Liane, gris , ou rougeâîre. Elle est garnie d'her- bages. Vers le nord, et près de la cime, est un enfoncement où croissent des broussailles, des trembles , et les plantes des prairies humides. Je crois qu'il ne faudroitpas creuser beaucoup pour y trouver de l'eau. LesKaimôuks ont fait plusieurs citernes près de cet endroit 5 c'est une chose très-remarquable à cause de la hau- teur de la cime, qui s'élève beaucoup au-dessus des autres > et qui est entièrement dépourvue . A I A ï Z K O 1. 877 de bois. Elle a cependant cela de commun avec presque toutes les collines de cette chaîne ^ qui sont généralement fort humides et abondantes en sources, quoiqu'il n'y ait point de forêts. C'est une preuve que les sources des montagnes ne sont pas toujours formées par les neiges, la pluie on les vapeurs , et que leur origine peut venir de fort loin et d'autres montagnes élevées , comme la, nature le prouve ici. Je rencontrai dans les endroits arides et pierreux de ces montagnes , la giroflée des montagnes (1) en fleurs j la terre étoit couverte,, dams plusieurs places, de îa mousse crustacée grise et janne dont j'ai parlé. Au nord et au nord-est de la cime la plus élevée, sont plu- sieurs collines composées d'une argile créta- cée , où croît en abondance une plante extraor- dinaire et encore inconnue (2). Les Kosaques la nomment Ioschov]stik , parce qu'elle ressemble à un hérisson qui est en défense. On l'appelle aaissi Kisla i.a-T raya (herbe acide) , à cause de son goût aigrelet et un peu salé. Elle croît abon- damment sur toutes les collines de craie de cette chaîne. [Voyez la planche /i°. 4-6-] Ces collines ont fait donner le nom de Tschagan aux deux ruisseaux, par les Kalmouks. Cette anabasis crétacée commencoit à se faner. Elle contient (t) Chelranthus monta?ius. (t) Anabasis cretacea. Appendix, n°. 307. 3j8 I769. b e S'aschimnoï une terre calcaire , qui , lorsqu'on la tire ses parties séchées , se dissout dans les acides^ il croît avec eile un serpolet ligneux (1)^ une plante pareille à la giroflée sinueuse (2) et du sainfoin cornu (3). Nous vîmes ce jour -là dans réloignement , beaucoup de chèvres sauvages. Il plut vers la nuit., et le tems devint si obscur, que nous fû- mes obligés de la passer en pleine campagne 7 à environ vingt verstes de la montagne et près de Bieloï-Rossyscli. Nous eûmes beaucoup de peine à rassembler quelques branchages et ro- seaux pour faire un peu de feu , afin de nous se- dier. Nous arrivâmes le lendemain 17 , à laïzkoï, et la pluie n'avoit pas discontinué. Nous vîmes dans ce trajet, beaucoup d'alouettes , de pigeons ramiers et autres oiseaux de passage, qui al- loient dans les contrées méridionales ; c'étoi*" une preuve que l'hiver commencerait de boniïk heure. 5. X. A.. De S a s c h i m n o ï a O É f a. Du 17 septembre au 2 octobre. Avant-Poste de Saschimndi , i54 verstes. — Forteresse de llassypnaia , 2.5 v. — Forteresse (1) Serpillum Hgnosum, (x) Chelrantkus sitiuatus, (3) Hc dys arum comutum. A O U F A 3^9 de TschemoretscJiinskaia , 88 v. — Bourg de Kargalinskaia , 3i v. — Sakmarskoï 9 10 v. — lémangoul , 2.4 V. — Tscharlazkoï- Iam 9 2-5 v. — Togo us - Ternir , 18 verst. — - Cabanes des Baschkirs. — Habillement des Baschkirs. -— Ouralinskaia , 28 v. — Bou- goulschanskaia , i3 v. — Fonderie de Voskré* senskdi > 33 v. — Sterlitamak , 63 y. — Qufa* Je partis le 21 septembre pour me rendre à Oufa. La route d'Iaïzkoï à Tschernoretschiiis- kaia ressemble à celle que je viens de décrire. Je pris près de Sascîiimnoïle chemin qui conduit à Kassypnaia par - dessus les collines , entre les- quelles il faut passer le ruisseau de Saschimna 5 il est rempli de joncs de plus de deux toises de hauteur. Nous essuyâmes , le 22 , un violent ouragan qui venoit du sud-est. Il se termina vers la nuit, par un orage considérable et par une si forte pluie , que la campagne fut Couverte de près d'un demi - pied d'eau , en moins de quatre minutes. L'ouragan fut pendant la nuit aussi violent que dans le jour, mais le vent, qui étoit sud-est _, tourna au nord-ouest, et nous eû- mes de la neige au lieu de pluie. Le froid devint si considérable, que les eaux qui couvroient la campagne , furent gelées pendant plusieurs jours. Malgré l'intempérie, l'air étoit rempli de grues et d'outardes , qui descendoient l'Iaïk. Les oiseaux de passage, de petite espèce, les 38o 1769. de Sasciiimnoi plus abondans , étaient un ortolan ( 1 ) et des eus-blancs (a) qui couvroient les chemins : ces oiseaux ne sont point farouches , et ils ont un goût aussi exquis que les meilleurs ortolans. Je fus en ligne droite de Tschernoretschins- kaia à Saïtova ou Kargalinskaia 5 c'est un beau bourg Tatar., situé à dix-huit verstes d'Orem- tourg. On trouve dans cette route, des mon- tagnes d'ardoise sablonneuse rouge. Il paroît que la plupart de celles de ces contrées sont de la même nature. On voit dans cette ardoise, de gros morceaux de bois brun pétrifié ; il donne des étincelles avec le briquet. Le bourg de Kargalinskaia (3) s est très-agréa- blement situé sur le rivage septentrional de la Sakmara, entre le milieu et la partie inférieure du ruisseau de Kargala. Il renferme trois cents maisons très-bien construites. Les fondations sont en pierres , et chaque maison a deux ou trois appartemens bien éclairés. Le metsched ou temple est considérable et bien bâti. Les Ta- tars qui l'habitent, descendent de ceux de Kasan; ils ont les mêmes mœurs et usages. La plupart sont négocian s et riches. Le luxe et la coquet- terie régnent parmi eux. Ils s'épilent comme les Turcs 3 ils se servent pour cela., d'une pâte composée de chaux vive et d'arsenic. Les femmes (1) Emberi\a pas serina. Appendix , n°. 55?. (z) Emfreriyi cinerea, (5) 2,8 septembre. A Ö U F A. 38f se peignent les yeux et les ongles des mains. Elles ont adopté cet usage des peuples qui ha- bitent les contrées méridionales de l'Orient (1). Elles emploient pour cette couleur , la balsa- mine des jardins,, plante originaire des Indes $ elfes l'apellent Kin^: ou KnjE (2). Elles la font sécher , la réduisent en poudre, et y ajoutent de l'alun. Lorsqu'elles veulent s'en servir, elles mêlent de cette poudre avec de la fiente d'oie récente , et forment une pâte. Elles s'en appli- quent sur les ongles, et l'y laissent pendant la nuit 1 cette pâte leur donne une couleur rouge jaune. Je suis persuadé que nos dames Euro- péennes ne seroient point flattées d'avoir un or- nement pareil sur leurs belles mains blanches; mais , suivant le proverbe , il ne faut jamais dis- puter des goûts ni des couleurs. Les espagnoles ont la coutume de s'épiler qui leur est commune avec les femmes Maures et Tatares. Voici le (1) Les Orientaux, particulièrement les Persans, les Ara- bes et même les Egyptiens, sont dans l'usage, sur-tout les femmes , de se peindre les ongles et même le bout des doigts , les cheveux , ainsi que certaines parties du visage , avec les feuilles du henné , arbrisseau connu des Botanistes sous le nom de lausonla spinosa» ( Voye\ henné à fleurs blanches, dans mon Dictionn. vol. 3, pag. 106.) Lam. (i) Corruption de hhinnê , arbuste très-connu en Orient. On le nomme aussi âlhhlnnê , en joignant à son nom l'article Arabe. Son excellente odeur le fait beaucoup rechercher. Ses fleurs sont blanches et musquées; ses feuilles servent à teindre* les cheveux en roux et les ono-ks en roupe, coquetterie coiïi- xnune à toutes les Orientales. {Note du RéiLict*) 382 î.769. B E Saschimnoï secret d'usage que les Tatars m'ont commu- niqué. Ils prennent sur neuf onces de chaux vive i une once d'orpin •> ils en font une poudre très-fine qu'ils passent au tamis , ils en forment ensuite une pâte avec de l'eau tiède ou froide ; ils la mettent pendant quelque teins dans un en- droit chaud, et l'appliquent toute chaude sur les parties qu'ils veulent épiler. Il faut ensuite es- sayer si le poil se détache aisément ; dès que l'on s'en apperçoit , on lave la place avec de l'eau chaude pour enlever toute la pâte ; sans cela , on risqueroit d'enflammer la partie. Cette prépa- ration se nomme Sourakh. Les hommes et les femmes en font également usage. La plupart des hommes s'épiient la barbe qui est entre la lèvre inférieure et le menton. Ceux du peuple qui ne peuvent pas se procurer cette compo- sition, s'arrachent cette partie de la barbe a^ec des petites pinces de fer. On cultive beaucoup de froment dans les en- virons de Kargalinskaia 5 on en fait une farine fine. Le sol n'est cependant pas aussi bon , ni la position aussi avantageuse que dans beaucoup d'autres endroits où le paysan se plaint de ce que le froment ne peut pas y réussir. Il y a très-peu de bois dans ces environs. Le peu que l'on trouve , borde la S&kmara et ne consiste qu'en bouleaux et peupliers blancs. Toute la contrée située entre les ruisseaux de Kargala , est très -riche en minéraux. On ne fait pas un verste sans trouver des poteaux, qui marquent A O U F A. 383 les mines appartenantes aux différentes for- ges d'Orembourg. îi y en a fort peu en ex- ploitation , parce que les minéraux qu'on en tire ne sont pas fort bons. ïls consistent en plus grande partie , en un sable qui se trouve entre une argile sablonneuse. Ils contiennent beaucoup de verd 'de montagne 5 et on voit 9 en plusieurs endroits , des pyrites cuivreuses, Cette étendue de terrain , si riche en mines , doit être regardée comme un rameau des mon- tagnes qui se trouvent au milieu de cette contrée^ et elles forment au sud-ouest, une ramifica- tion du grand Oural qui est considérable. Ces montagnes sont divisées en plusieurs parties ; la plus considérable passe d'un côté entre la Sakmara et l'Iaïk, et sépare de l'autre la source de la Sakmara de celle de Tok. Elles bordent en partie ces rivières , et forment une des chaînes de montagnes de ce désert. Les veines métal- liques de ces montagnes , et leurs pointes ou promontoires, s'étendent en plus grande partie vers le sud-est \ ils bordent la Kargala , la petite rivière d'Ianguis qui se jette dans leSalmyscfi, le Salmysch même, et un grand nombre de petits ruisseaux oui sortent des montagnes et se réunis- sent à ces fleuves et rivières« Cette chaîne a un rameau qui s'étend entre la Sakmara et l'Iaïk ; mais on n'y trouve pas cette ardoise sablon- neuse dont elles sont composées. Les montagnes situées près de la Sakmara supérieure, et vers 384 .1769* b e Saschïmkoï la partie la plus élevée des monts Ouralsk^ pa-> roissent être composées d'une pierre calcaire. •On peut regarder par-tout les rochers sablon- neux comme des promontoires , dont ]es cou- ches s'abaissent et déclinent toujours de plus en plus, comme s'ils avoient été séparés an- ciennement des montagnes "par les torrens. Ce n'est que dans ces montagnes que se trouvent en grande quantité les troncs d'arbres dont j'ai parlé. Les couches peu ordonnées de ces pé- trifications dans les lits de sable, ne laissent presque aucun doute sur la formation de ces montagnes d'ardoise sablonneuse. Réfléchissons sur le teins qu'exigent de pareil- les transmutations de terre , et calculons le tems que la nature a employé pour produire des effets aussi prodigieux. Il peut se faire que de fortes, révolutions arrivées peut-être sur notre globe depuis une époque immémoriale, et de terribles inondations , aient occasionné ces mutations en peu de teins \ elles ne se font aujourd'hui que très- lentement , la snrperficie de la terre étant presque applanie. Nous voyons quel- quefois arriver dans l'espace d'un an , beaucoup de chaneemens dans des montagnes fort élevées : ils sont occasionnés par des inondations et des torrens. Il faut, au contraire, des siècles, pour appercevoir sur un sol uni la moindre varia- tion. Je n'ai pu in'einpêclier de faire de pa- reilles réflexions, chaque fois que je me suis trouvé à Ô tr » à. 385 trouvé près d'une partie de la chaîne de l'Oural, ou près d'une de ses mines. Le mauvais tems , la saison avancée , les neiges qui tomboient déjà en abondance , ne me permirent pas de faire dans ce voyage toutes les observations que je m'étois proposées. De Saïtova , je nie rendis à la ville de Sakmar- skoï le 29 septembre. Je pris ici la route d'O^ rem bourg à Oula ; elle passe par plusieurs vil- lages où hivernent des Baschkirs , et par plu- sieurs Iami ou relais de poste. Les Baschkirs se rassembloient déjà dans leurs habitations avec leurs troupeaux. Le seul point où ils dif- fèrent des autres peuples Nomades , c'est qu'ils habitent , pendant l'hiver , des cabanes de bois , construites à la Russe 5 ils les entourent de piles de foin^ afin de nourrir leurs bestiaux pendant la saison la plus rude. Leurs maisons sont très-petites, et leur poêle, ainsi que ce- lui des Tatars , est entouré de larges bancs , qui leur servent de lit. Ils ont dans cette cham- bre , au lieu de poêle , une cheminée cylin- drique , rétrécie au sommet ; elle est placée à la droite de la porte , et ils l'appellent Tschou- val. La coupe de cette cheminée a cinq pieds et demi de hauteur sur deux de large. Son corps est formé d'un clayonnage composé de lattes , de branchages , et bien revêtu d'à gile- On y brûle de longues bûches posées perpen- diculairement. Ils ont en outre un petit ätrö Tome II. B b 386 î 769, de SasciumnoÏ auprès de cette cheminée , où ils placent ï& marmite , et où ils font leur manger. Cet âtre est ordinairement revêtu d'un tuyau particu- lier pour la fumée. Ces cheminées échauffent très-bien ; mais la flamme fait beaucoup plus de mal à la vue que la fumée : aussi les Ba- schkirs sont-ils fort incommodés des yeux. Le principal meuble des cabanes mal - pro- pres des Baschkirs est une grosse outre , ort grand vase de cuir, qui a la forme d'une bou- teille ; il est placé sur un pied de bois. Ce vase est toujours rempli de lait aigre , qu'ils appel- lent Arian. Ce peuple est content et satisfait tant que ses troupeaux lui fournissent du lait , et qu'il a du miel , attendu qu'il n'a point d'au- tre boisson que du lait aigri , ou de l'hydro- mel. Mais ces boissons sont infectes , parce que les Baschkirs ne lavent jamais leurs vases. Eü hiver , et dans leurs voyages , ils remplacent ces deux boissons par une autre ; ils la com- posent avec de l'eau et de la rapure de petits fromages faits avec du lait fortement ai dans les pharmacies., la gomme arabique. Elle n'est pas assez transparente, et elle a trop de viscosité pour pouvoir remplacer entièrement dans les manufactures la gomme que l'on tire de l'étranger. Ce qui est remarquable , c'est qu'un arbre résineux produise un suc qui est (ï) Juniperus sabina. {%) Agariçus officinarum* A O U F A. SçS ou une résine , on une gomme. J'ai pu vérifier, par ce moyen f l'observation du savant doc- teur Kinder. Il dit nue le mélèse donne , au printems 9 un suc gommeux , qui se change en été j, et devient une résine en automne. Ce na- turaliste m'a assuré que lorsque le mélèse jette des vessies dans le mois d'avril , on peu l en recueillir une résine fluide semblable au baume de la Mekke. On prétend qu'on en retireroit aussi du sapin blanc. Les environs de l'Oural sont remplis d'oi- seaux de proie de la plus grosse et la plus rare espèce. On voit ici quelquefois des vautours , nommés Kretschet. On y trouve deux belles espèces de faucons (i) ? plusieurs sortes d'à! • gles , et une espèce particulière de grosses chouettes (2) , dont aucun auteur n'a parlé. Toute la contrée, qui s'étend de Sterlitamak à Oufa, est assez peuplée ; elle est habitée par des BaschJdrs. J'arrivai à Oufa le 2, octobre. La route d'été passe au travers des villages habités par les Tatars d'Oufa. Je parlerai de ce peuple dans la suite de cet ouvrage , et je rendrai compte des choses remarquables que l'on trouve dans les environs de cette ville, »I ' I ' -■.. w~» .y«« (1) Falco barbarus et arborarius. {%) Strix uraknsîs. Appendix, n°. %$, ANNÉE 1770. 5. JL Jl I. O U F A. Du ier janvier au ier mai. Quartier d'hiver à Oufa. — Oiseaux de passage. J'ai terminé la première partie de mes voyages à mon arrivée à Öufa, en promettant de donner une description détaillée des environs de cette ville. Je ne pouvois choisir un quartier d'hiver plus désagréable; iL me fut impossible de tirer aucun avantage d'un séjour aussi long. J'em- ployai aussi les mois de novembre et décembre 2769 à voyager jusqu'au Volga par Oreinbourg; à mon retour, je passai par Stavropol et les con- trées arrosées par le Kinel , en traversant le Bo- gorosland et le Bouhoulma 5 j'ai rendu compte des observations faites pendant ce voyage. J'em- ployai le reste du tems à mettre en ordre mon journal. L'hiver le plus désagréable ., la triste situation de la ville , l'air mal - sain qui y rè- gne , m'empêchèrent de tirer de cette contrée le parti dont je m'étois flatté, pour ce qui Con- cerne le règne animal. Des inondations me tin- rent comme prisonnier jusqu'au mois de mai : c'est ce qui contribua le plus à rendre mon sé- jour triste et ennuyeux. Oufa est une ville très-mal construite ., et qui 177°' O u F a. 3^5 tombe en ruines. On seroit tenté de croire que Ton a pris le site le plus affreux pour y bâtir , si l'on ignoroit que l'on n'a choisi qu'un lieu de sûreté contre les surprises et les incursions des Baschkirs ( i ). Six à sept cents maisons , placées irrégulièrement , forment plusieurs rues aussi irréguiières 5 elles sont construites dans une gorge qui ressemble à un chauderon , et baignée par laBélala. îl paroît que cette gorge a été formée , d'un côté , par les neiges fon- dues , et par les eaux de pluie qui s'y rassem- blent 9 lorsqu'elles tombent des élévations voi- sines ; l'autre côté l'a été par la courbe que dé- crit la rivière. Ces mêmes eaux et les pluies da printems ont formé, sur la rive escarpée de la rivière, des fonds appelés Avii&gux. Ces cavités augmentent de jour en jour; elles se sont consi- dérablement accrues., il y a quelques années, par un fort éboulement. Ces mêmes cavités , (i) j'observe que la province d' Ou fa a beaucoup changé depuis que nos savans Voyageurs Tont parcourue. Le cercle de Krasuonfînskoï et quelques districts en ont été démem- brés , lors de rétablissement du Gouvernement de Fermiö. En 178z , lorsqu'on effectua la nouvelle forme du Gouver- nement d'Qrembourg , l'ancien Gouvernement étoit divisé en deux provinces ou souverainetés (Oblats)j savoir, la province d'Oufa et celle d'Orembourg. L'on avoit choisi Oufa pour ville de Gouvernement , par rapport à sa posi-* lion. Voyez ce que l'on a dit sur la nouvelle forme du Gou- vernement d'Orembourg, dans la note de la pa?e 411 du premier volume de ces Voyages, &96 $77°' 0 TJ F a.4 et plusieurs défilés assez longs , forment une espèce de ruisseau qui intercepte le passage vers les collines. Ce ruisseau, appelé Soutolok a, se jette dans la ville , construite sur la pente de la Bélaia. Ces eaux, qui se rassemblent au-dessus et au-dessous de la ville , contribuent à sa sû- reté.? quoiqu'elle n'ait plus rien à craindre des Baschkirs : les limites d'ailleurs ont été fort reculées , et l'on a eu soin de les fortifier. Aussi a - t - on laissé ruiner , en grande partie , les fortifications d'Oufa, ainsi que la ligne de pa- lissades qui s'étendoit à plus de six ver s tes ; on en voit encore quelques traces , et les foibles débris d'une tour d'observations construite en bois. Cette fortification formoit des coudes , dont plusieurs étoient à six ou sept verstes de la ville. Elle traversoit la campagne , mettoit à couvert les champs et les pâturages, et en empêchoit la dévastation dans les tems de trouble. Oufa forme un amphithéâtre , par la nature de son site. Ses six églises, situées dans diffé- rens quartiers , sa cathédrale , construite en pierres , dont l'emplacement est au - dessous du Soutoloka, ses édifices publics et ses palis- sades ,, font paroître cette ville beaucoup plus considérable qu'elle ne l'est. Tout étranger , qui s'y arrête , est bientôt désabusé de l'idée favo- rable que la vue lui avoit inspirée au premier abord. Les rues sont presqu'impraticables au printems, et dans les tems de pluie. Les moeurs 177°' O ir- s A'» 097 tles habitans rendent ce séjour encore plus dés- agréable. Les seules personnes civilisées, et à leur aise, sont les principaux membres de la chancellerie et de la direction des mines ; les autres sont pauvres , parce qu'il n'y a ni manufacture ni commerce : à l'exception de quelques tanneurs , on y trouve à peine les métiers et artisans nécessaires aux besoins jour- naliers. Ils fabriquent du cuir de roussi , et ils ont établi plusieurs petits moulins à tan. Le commerce le plus considérable consiste à tirer de Kasan toutes les marchandises communes , pour les vendre à très-haut prix aux Baschkirs , qui viennent les chercher exprès , ou ils s'en approvisionnent ., lorsqu'ils s'y rendent pour plaider leurs droits. Les habitans d'Oufa pour- roient aisément améliorer leur sort , et s'enri- chir par le commerce. Mais ils se laissent en- lever , par les Tatars de Kasan , la branche la plus considérable. Ceux-ci savent profiter du miel et de la cire que les Baschkirs ont en abon- dance , et ils les leur achètent. Ils pourroient tirer un grand parti de la pelleterie , qui forme un article considérable , parce que les martres d'Onfa sont très-recherchées , et à cause des peaux d'ours , attendu que ces animaux abon- dent dans l'Oural 5 ils pourroient également commercer en chevaux et en bestiaux. Cette inaction est d'autant plus préjudiciable à Otifa, que cette ville , à cause de sa situation, pour- Ziß ' ifjo. O u r Â. roll" être l'entrepôt de tontes les production* Ali gouvernement d'Oreinhourg, et prendre même beaucoup d'extension , si ses liabitans étoient plus actifs et plus commerçans. LaBiélaia, par sa réunion au Dioma i près de la ville , devient navigable , et peut porter de très -gros bateaux ; ils pourroient aller jusques dans l'intérieur de l'empire et aux ports de mer par la Kama et le Volga. On a déjà tiré un grand avantage de ces communications formées par la Eélaia et les autres rivières , qui ont leurs sources clans les monts Ouralsks. Il n'y avoit autrefois qu'un seul entrepôt de sel gemme d'Ilezkl , près de" la rivière Asclikadar ; on en charge aujour- d'hui des bateaux près cl'Oufa , ainsi que du fer tiré des forges établies sur la Bélaia , l'Oufa , îe Sym , l'Iouriousen , et l'Aï : ce cjui est très^ important pour l'empire. Dès que îa naviga^ lion est ouverte , on charge un grand nombre de ces bateaux qu'on construit près de ces rivières^ on les fait partir aussi-tôt que les eaux haus- sent. Ils mouillent à Oufa, et ils poursuivent de-là leur route sur la Kama. Les contrées occidentales , méridionales , et septentrionales de cette ville sont habitées, en plus grande partie , par les Tatars d' Oufa 5 ils sont alliés à ceux de Kasan 5 mais ils occupent depuis long - teins ce district. Ils forment un corps assez considérable , sur- tout dans le can- ton situé entre la Bélaia et l'Ik ; cette dernière civière se jette dans la Kama. Ces Tatars sont t de tons les habitans de la province d'Oufa , les cultivateurs les pins laborieux et les plus vi- gilans : la plupart sont très -aisés. Leur travail ^ joint à leur grande économie , doit être ré- compensé ? dans des contrées fertiles , douées des plus beaux pâturages , abondantes en forêts y propres à l'éducation des abeilles, et très-avan- tageuses pour la cirasse et la pêche. Les Tatars d'Oufa choisissent de préférence la proximité des villages pour remplacement de leurs champs* Ils les divisent en trois portions par commu- nauté j chacune reste en jachère à son tour,, et sert à faire parquer les bestiaux. Elles sont entourées d'une haie légèrement palissadée. Par ce moyen , les campagnes de ces contrées con- servent leur fertilité pendant plusieurs années 5 elles sont très-propres à la culture du froment , qu'ils soignent beaucoup. Lorsque ces terres perdent leur fertilité , et que les landes voi- sines ne sont pas susceptibles d'être défrichées et mises en valeur , le village ou la commu- nauté entière démolit ses maisons de bois,, et se transporte dans une autre contrée. C'est à cause de ces émigi^ations qu'ils ne font pas clore les cours de leurs habitations ; en hiver , leurs bestiaux parquent prés des villages dans des lieux fermés , où l'on cultive du chanvre en été. Quoiqu'ils se servent, dans les défriche- mens des landes, de la charrue Tatare , appelée 4©ö i^yo. O U F A. S ab an , ils emploient généralement la charrue des Russes, plus légère , qui coûte beaucoup moins , et qui exige par conséquent moins de chevaux. Ils ne font pas leurs meules de grains comme les Russes 3 ils les mettent sur un écha- faudage de pieux : elles sont donc élevées et à l'abri de la voracité des souris. Lorsqu'ils veu- lent battre les grains., ils ne font pas sécher les serbes dans les fours à la manière des Russes ; sp y mais ils les élèvent contre des perches dressées obliquement en forme de pyramide, et ils les font sécher au moyen d'un feu qu'ils allument au milieu. Ces Tatars sont assez propres dans leur ménage. Les riches ont à côté de leurs maisons un petit bâtiment composé d'une senle pièce, qui leur sert de salon d'été , et pour recevoir leurs convives. Cette pièce correspond à la maison par une galerie que plusieurs font couvrir. On voit , dans cette pièce , une che- minée à la Baschkire , et un banc très-large. Presque tous les villages ont des abisses , ou maîtres d'école, pour l'éducation de là jeu- nesse. La plupart de ces Tatars n'ont qu'une femme \ quelques-uns en ont deux, mais rare- ment davantage. L'habillement des femmes diffère beaucoup de celui des femmes Tatares de Kasan. T 'habit ordinaire est , ainsi que celui des Tschouva- sches et des Baschkires , de grosse toile cousue à points de poignets autour du cou et sur le bord 177°- O ü F a! 4ot lîord des manches. Les femmes et les filles ne se montrent qu'avec leur plus belle parure. Les premières laissent pendre sur le dos les extré- mités brodées d'un voile, appelé Tastar. (i). Leur bonnet paroît collé autour de la figure ; il est échancré sur le front , et attaché sous le menton avec un bouton. Presque tous leurs bonnets sont garnis d'anciens kopeks d'argent, ou de petites plaqiies d'étain taillées en forme de kopeks , de manière qu'ils en sont pres- que tout couverts : mais le devant du bonnet et les bandes qui tombent sur les joues sont ornées d'une broderie de grains de corail rouge de l'épaisseur de deux doigts. Deux autres rayons de grains prennent du sommet de la tête , et bordent les deux bandes mentonnières. Ces bonnets ont parderrière une autre bande large de trois doigts , qui tombe jusques dans la ceinture , où elle est fixée par des lamines et de petites monnoies : le bout est garni de grains de coraux et de franges > et il se ter- mine au-dessous du jarret. Deux autres bandes étroites et ornées de monnoies , pendent éo-a- lement jusqu'à la ceinture , où elles sont fixées par des franges. Elles portent un Sakai ou pièce qui leur couvre tonte la poitrine depuis le menton. Elle tient, par le moyen de deux (i) C'est aussi une partie du vêtement des Persannes, dont le nom vient de la racine Arabe Céter , texit velavit, ( Note du Rédacteur. ) - Tome 11% C c 7p% I77O. O Ù F A." bandes qui sont derrière les oreilles , et est geéf^ nie comme les bandes mêmes. Ces pièces sont plus ou moins longues et larges. Les filles ont des bonnets ronds , et sans échaiicrure. La pièce qui tombe sur la poitrine est petite et étroite 5 elles n'ont que les deux bandes étroites sur le dos, et même toutes ne les portent pas. Ainsi que les femmes , elles ont les cheveux tressés en deux nattes qu'elles laissent pendre , mais en les cachant soigneu- sement dans leur tunique : plusieurs les cou- vrent en outre d'une bande garnie de mon- noies. Leurs principaux bijoux consistent com- munément en grains de corail 5 le mari achète les bijoux qui doivent servir à sa future avec le kàlun , c'est-à-dire, la dot. Les filles ri-< ches ont cependant des bonnets garnis de pe- tites niomioies d'argent. Quelques-unes , pour rehausser leur coiffure , portent en dessous nri morceau de bois découpé. J'ai vu une fille qui n'avoitpour bonnet que deux papillons trian- gulaires, dont les angles étoient arrondis ou obtus , et garnis de niomioies 5 ils tenoient l'un à l'autre au-dessus du front, au chignon, et au-dessous du menton ; ils ne lui couvroient que les deux côtés de la tête, et laissoient à découvert la tresse de cheveux. Excepté cette petite différence dans le costume , on n'en dis- tingue pas d'autres, quant aux mœurs et à la langue , entre les Tatars d'Oufa et ceux de Kasan ; ces derniers sont venus peupler quel- qiies villages de la province d'Oufa , et vivent confondus avec les antres. Les environs d'Oufa forment, comme on l'a vu , des élévations assez considérables, garnies, à une certaine distance de la ville , de forêts, de petits bois qui bordent la rivière d'Oufa. La rive opposée de la Eélaia est garnie de pa- reilles forêts j et si basse , qu'elle est inondée , au printems * à plusieurs verstes de largeur. Plus loin ß ces forêts sont coupées de landes arides et de coteaux , où l'on met le feu dans la même saison , afin que l'iierbe y pousse plus abondamment. Les montagnes qui bordent la Bélaia, et celles qui forment une rive élevée sur la droite de l'Oufa , ne sont composées que d'ardoise calcaire , ou de plusieurs espèces de gypse 5 on v rencontre de mauvais albâtre et du gypse strié, appelé Sihp par les gens du pays. Ils réduisent ce gypse en poudre subtile pour mettre sur les plaies. Une grande partie delà colline est entièrement composée de marne calcaire et d'argile de montagne ; les eaux du printems y creusent de profonds ravins , qui occasionnent des éboulemens fréquens. On ne trouve point de minéraux dans cette contrée } on rencontre cependant ^au-dessous d'Oufa, quel- ques légères couches horizontales calcaires, qui renferment un peu de cuivre ; mais le produit ne compenseroit pas les frais de la fonte / on* C c 2 4°4 lyjo. O u F a; trouve très-peu de pétrifications dans ces con- ciles : j'y ai vu quelques madrépores en remon- tant l'Oufa. On m'a montré , dans la ville, un os d'éléphant très - gros ; il a été trouvé sur un rivage desséché de la Bélaia , au-dessous de la ville 7 avec la tête et plusieurs autres par- ties du squelette de cet animal : le tout est assez bien conservé. On y a rencontré encore d'autres ossemens d'une grosseur énorme , et probablement il y en a d'enfouis dans beaucoup d'endroits. Les collines , qui sont à l'ouest de la ville J offrent des objets aussi remarquables. Ce sont de hautes tombes situées dans les places les plus élevées ; on les a fouillées depuis long- tems , et elles sont, aujourd'hui couvertes d'her- bages. Les habitans prétendent que ce sont les tombeaux de plusieurs princes qui résidoient à l'endroit où la ville d'Oufa est bâtie, et qu'ils régnoient dans ce pays avant la domination des Husses ? à l'époque où les Baschkirs étoient leurs tributaires. Plusieurs monumens , voisins d'Oufa , prouvent que ce pays étoit réellement soumis à un autre peuple que les Baschkirs. Deux metschets ( mosquées ) > ou maisons de prières , construites en briques , existent en- core en-deçà de la Dioma, près des villages Tirmé et Kalmasch, à environ quarante verstes d'Oufa \ on y voit aussi plusieurs pierres sépul- 177°* O u F a. A°S craies remarquables (i) : les unes ont clés ins- criptions Arabes , et d'autres des inscriptions Kufyques; et par conséquent elles ne doivent point leur origine aux Baschkirs. Il en est de même des places fortifiées qui se trouvent sur les rives de la Béiaia, et de celles que l'on voit sur la rive droite et élevée .de cette rivière à quatre verstes de la ville. Les pentes des montagnes qui la côtoient sont coupées par des fonds escarpés , et par de profonds ravins , creusés par les eaux de la neige. Il sort d'un pareil fond, une petite source, qui se jette dans rOufa \ on y remarque une langue de terre assez élevée, et composée de rochers, sur- tout vers la partie méridionale de la rivière. Cette élévation est très - escarpée , et même inaccessible , tant du côté de la cavité que de celui de l'Oufa , ainsi qu'à l'est vers un préci- pice qui forme une forêt. Sa surface est au contraire assez unie. Vers sa partie septen- trionale est un passage entre ces fonds escarpés ; on y voit les débris d'un rempart et d'un fossé avec un chemin de traverse , qui s'étendent à environ vingt brasses. Le long de l'entrée de cette cavité est un parapet de terre qui a près de trente brasses de longueur. La place de voit (i) M. Kraft , associé de l'Académie des Sciences de Pé- tersbourg , a donné des détails très-circonstanciés sur ces an- tiquités. Ce 3 4o6 ^17°' O U F A. être inabordable , au moyen de cette fortifica- tion. Son enceinte a voit, près de deux cents brasses de circuit. Le seul arbre qui y croisse est le pet't arbre aux pois , ou le caragan fru- tescent ( î ). On y trouve plusieurs fossés jus- qu'à l'endroit où le terrain est composé de ro- chers. II paroît que ce sont d'anciennes caves, ou des fouilles faites dans des teins plus mo- dernes par des gens qui cherchoient des tré- sors. On jouit d'une vue charmante au sommet de cette élévation , parce que la contrée est garnie de forêts , entremêlées de quelques vil- lages. Deux autres langues de terre pareilles sont situées plus avant près de l'Oufa ; je ne m'y suis pas transporté ? par la raison qu'elles n'offrent rien d'intéressant. L'hiver ne fut pas fort rude y mais très-dé- sagréable par les vents, les pluies et les tems couverts. II s'étoit déjà fait sentir en septembre , mais il parut en plein eii octobre. On ressentit les plus grands froids pendant les quinze derniers jours de novembre. Il s'éleva des tempêtes terribles depuis le d% de ce mois f elles firent périr plusieurs voyageurs dans les landes d'O- rembourg ? et continuèrent sans interruption pendant tout le mois de décembre. Les froids étoient diminués, et le vent presque fixé au îiord - ouest. Le mois de janvier fut suppor- (i) Robinia frutescent > ÏJJO. O U F A. table, et celui de février assez doux. L'hiver finit au mois " de mars , par un froid violent qui dura jusqu'au quinze ; il fut accompagné de beaucoup de neiges , qui occasionnèrent de fortes inondations , et elles durèrent très-long - tems. Le dégel arriva, et le bean tems commença le 9 avril 5 les glaces de la Bélaia se rompirent , et dès le lendemain elle ne charia presque plus. C'est à cette époque que les eaux sorti- rent de leur lit et inondèrent tout le plat-pays. Les habitans commencèrent alors lâchasse aux lièvres, en se transportant avec des canaux sur les îles. Cet animal abonde dans css contrées, et il quitte son poil d'hiver au mois d'avril. Les oiseaux de passage s'étoient montrés dès le commencement de mars 5 ils se tenoient presque tous vers le midi., et ils ne passèrent au nord , que lorsque les rivières furent ou- vertes. On vit jusqu'au mois de mai, des ber- nacles (1)5 elles se rendoient dans les con- trées plus septentrionales. Les bécasses, et sur-tout l'huitrier ou pic de mer (2.) , restèrent en grand nombre dans ces contrées , et même avant le dégel des rivières. Elles cherchoient leur pâture sur les hauteurs déjà découvertes de neige. J'avois envoyé au mois de février plusieurs (1) Anas erythropus. {%) H&matopus ostralegus, c c 4 I personnes de ma suite àGourief,, pour y passer le printems. Je vais rapporter ici leurs obser- vations sur les oiseaux cle passage clans ces contrées méridionales. Ces détails ne sont point indiffërens pour les naturalistes. Les places de l'Iaïk se brisèrent le 5 mars. On ap perçut à la fin dé février plusieurs espèces de mouettes de mer ; elles se promenoient sur les glaces. Le dernier jour de ce mois on y h arriver des troupes de cygnes ,• d'oies , de canards et d'o- nocrotales ; ils venoient tous du nord - ouest % à l'exception des derniers qui partoient du sud- ouest 5 on remarque la même marche chaque année. Différentes espèces de hérons parurent a la débâcle des glaces des rivières ^ et un à un. Le pélican noirâtre ou le cormoran (1) et le corbeau de mer (2) vinrent plus tard et ne pa- rurent que vers le milieu de mars. Les oiseaux de la campagne, ainsi que les oiseaux de proie, avoient paru aussi à la fin de février ; on perdit dans le même tems , une superbe espèce d'a- louettes noires (3) qui passe entièrement l'hiver dans les contrées septentrionales de la mer Cas- pienne r mais pas au-delà du cinquantième degré. Elles alloient rejoindre leur pays natal qui est la Perse ou l'Inde. Le faucon barbu ou (1) Pelecanus carho. Voyez la planche, n°. XXXVII. (i) Pelecanus pygrnœus. Voyez Y Appendix , n®. 3^. (3) Alauda Tatarica. Voyez Y Appendix, n°. 79» *77°' O TT F A.' 4°$ Yoyageur ( 1 ) passe plus tard que les autres oiseaux de proie, puisqu'on en a tué un près de Gourief, le 4 avril. Cet oiseau ne fait pas sa ponte dans ces contrées unies , mais dans les montagnes de la province d'Oufa , où il passe l'été ; ces montagnes lui doivent leur ré- putation. Une superbe espèce de guêpier de Perse (2) , dont le plumage est tout verd , termina le passage. Celui-ci ne paroît qu'au commencement de mai; il ne s'arrête que sur les bords de la mer Caspienne , et on ne le trouve jamais en remontant Tlaïk. Les hirondelles parurent le i5 mars , par un tems clair et chaud; mais le vent qui étoitau sud-ouest , passa subitement au nord , et amena une gelée; elle dura jusqu'à la nuit du 19; "elles disparurent aussi-tôt avec plusieurs autres espèces de petits oiseaux , et elles ne revinrent que le 20 , par un tems très-doux. Ceci donna lieu à une observation assez remarquable. Un Tatar apporta y le 18 mars, à mon empailleur, que j'avois aussi envoyé à Gourief, une hiron- delle de cheminée ; il l'avoit trouvée étendue par terre dans les champs, et elle paroissoit morte de froid. A peine fut-elle un quart-d'heure dans la chambre , où il falsoit une chaleur tempérée , qu'elle commença à respirer et à m ■min' " (1) Falco barbants. (i) Merops Persica. Voyez Y Appendix > n°. 33. 4î& Ï77O. O u F A. remuer y elle vola peu après, vécut pendant plu- sieurs jours dans cette chambre, et ne mourut que par accident. On ne doit pas douter , d'après ce fait, dont je certifie l'authenticité, qu'on jie puisse rendre la vie aux hirondelles qu'on trouve dans les filets des pêcheurs, dans des trous , et dans les creux d'arbres où elles ont passé l'hiver. On doit croire en même teins que ces oiseaux n'ont été saisis du froid que par accident, qu'il les a surpris trop rapidement en automne , et que c'est la raison pour laquelle ils ont passé l'hiver dans un état si extraor- dinaire et si opposé aux loix de la nature. On trouveroit beaucoup d'hirondelles dans nos pays, en hiver, si elles n'ailoient passer la saison des frimats dans les contrées méridio- nales. Quoique le commencement de la saison ait été très - favorable , les arbres et les plantes furent retardés de plus d'un mois , et de plus de quinze jours, dans les environs d'Orem bourg, que le printems précédent. Il paroît que le dis- trict fertile situé, le long des montagnes, n'est pas propre à la culture des plantes, etc. qui demandent un climat plus chaud , et qu'il ne convient qu'à celle de plusieurs légumes et fruits , et sur- tout aux grains qui y sont d'un très -grand rapport. Le pommier ne commença à boutonner, dans les jardins d'Oufa, qu'au &6 avril, et il ne fleurit qu'au commencement tjjo. Ouf a.. 41* de mai. Le cerisier à grappe , à fruits noirs (1), et le sorbier (2) ne furent guère plus précoces. L'érable, le noisettier, l'obier (3) , le cornouiller roug (4)> l'orme, le tilleul et le chêne se développèrent peu-à-peu, mais beaucoup plus tard. Les forêts voisines d'Oufa sont un mé- lange de ces arbres. Le chêne et le noisettier ne croissent pas sur les monts Ouralsks 5 mais on les trouve à leurs pieds. Les plantes sui- vantes fleurissent à la fin d'avril ; le petit orni- thogale (5) , la drave du printems (6) , l'alys- jSon des montagnes (7) , l'anémone renoncule (8) , la sylvie ou anémone des bois (9) , la fume- terre ordinaire , la pulmonaire , la primevère jsauvage, et le pas-d'ane. Je trouvai parmi ces fleurs printanières la grande androsace ( 10) ; elle étoit sur les rives escarpées du fleuve , qui sont composées de chaux. Je vis, dans les places exposées au soleil , l'orcanette simple (11 ) en (I) Prunus Padus» (z) Sorbus. {3) Viburnum opulus. (4) Cornus sanguinea, (5) Ornitogalum minutum» (6) Drava venia, (7) Alyssum montanum. (8) Anemone ranunculoid.es. (9) Anemone nemorosa. (10) Androsace maxima. (II) Onosma simplesç. On a dépeint cette espèce, au 41® IJJO. D* O U F A fleurs : le laser (1) commençoit à germer, jels perdis de vue, ainsi que le petit amandier sauvage , en avançant vers Test de la montagne. La cacalie des montagnes de Sibérie (2) est par- semée près des ruisseaux : cette contrée n'of- froit plus rien de remarquable en plantes. Les insectes parurent plutôt qu'à l'ordinaire ; ils étoient peu intéressants, à l'exception de deux qui méritent une mention particulière. L'un, est un très-petit meloë (3); il paroît au milieu d'avril, avant le meloë ordinaire. Il rampoit avec celui-ci dans les campagnes et sur les co- teaux ouverts. Je trouvai un très-beau carabe soyeux , ou proscarabé (4) j il est commun sur les rives de la Bélaia. Je fus surpris de voir paroître le hanneton ordinaire ( 5 ) beaucoup plutôt que dans les contrées du Volga, qui sont plus chaudes. Du i5 au 3o avril, l'air en étoit rempli le soir, tant dans la ville que dans les environs , par - tout où les arbres étoient en feuilles. Ils sont beaucoup plus petits que le hanneton ordinaire. lieu de Vonosma echitoides , dans la Flora Sibirica , tab. 40 , pag. 77. (1) Laserpitium trilobum, (i) Cacalia hastata. (3) Meloe uralensis. Voyez V Appendix , n°. 156. (4) Carabus scriceus , è minoribus ; totus viridl aureus ; elytra striata , rufo pubescentia , margine taterali flaves- ccnte , versus apicem aucto lunula coalita, ($) Melolontha. A BOGOB-ODSKOE- 4X$ S. X X î I. De Bogorodskoé a Koubaouî..1 Du ier au 17 mai. Bogorodskoé, i5 verstes. — Kasimovo , 10 y J — Kirilovo , 5 verst. — Bélékes , 5 verst. — « Koubaoul y 10 verst. Il y eut, le ier mai., un orage ; les eaux commencèrent à diminuer le 3. Le 8 et le 9, il tomba un peu de nei«;e par un vent froid du nord- est 5 elle fut suivie d'un tems orageux. Je vis arriver avec plaisir l'époque de mon départ 5 les déborclemens des rivières n'y met- îoient plus d'obstacle. Je devois me rendre à la province d'Isetsk par les monts Ouralsks. J'envoyai un soldat en avant pour faire répa- rer les chemins et les ponts. Je partis enfin d'Oufa le 16 mai, par un teins fort orageux et un ciel très - couvert $ le vent étoit au nord- ouest. Il grêloit par intervalle ; il tomboit aussi de la neige entremêlée de pluie ; mais le tems devint plus calme et plus doux l'après-midi. Je dirigeai ma route par Bogorodskoé $ ce village , à clocher , est situé dans un fond près d'un petit lac , à peu de distance de l'Ouka , et à quinze verstes de la ville. Je vis d'abord des élévations nues. A quelques verstes , je trouvai , sur ma droite ; un creux formé par 4l4 l^JO. DE BOÖORODSICOE des éboulemens j il ressembloit à un entonnoir assez vaste et très - profond. Les habitans rap- pellent la fosse sans fond, Besdoknaa -Ima, On a transporté dans cette fosse , il y a trois ans j tons les animaux morts pendant l'épi- zootie quia régné dans cette contrée 5 des troupes de chiens enragés s'y étoient rassemblés 9 et rendoient la route très - dangereuse. On fut obligé , pour les détruire , d'y envoyer un dé- tachement armé. A six ou sept verstes de la ville d'Oufa. , on entre dans une forêt qui est de plus en pins fourrée à mesure qu'on avance, La parisette à quatre feuilles (1) , le cabaret (2) et la violette (3) commençoient à fleurir. Les Russes, habitans de Bogorodskoé, pos- sèdent une grande quantité de ruches d'abeilles , à l'exemple des Baschkirs , leurs voisins. Ils me vantèrent beaucoup la récolte du miel de Fan- née précédente 5 mais, en revanche, ils n'es- përoient rien de la prochaine récolte. Le prin- tems étoit très - rude, et ne permett-oït pas de faire sortir les essaims , malgré la saison. On traverse l'Oufa en sortant du village y cette rivière coule ici avec rapidité entre deux rives de sable très-élevées. On passe l'eau sur un prame à rames. La rivière est assez large , (î) Paris quadrifolia. (z) A s arum. (5) Viola mirabilis. A K o tr b A o tr t. '4i& €t> au printèms , on lui trouve , en quelques endroits, cinq brasses de profondeur. Elle étoit déjà diminuée de plus d'une brasse ^ et en été les eaux sont très-basses. L'autre côté du ri- vage est garni de forêts. On n'y rencontre plus le chêne. Elles sont composées d'ormes et de tilleuls | et près du fleuve , de peupliers blancs y de saules fragiles , et de broussailles de bour- daine^ qui étoient en pleine floraison. Après avoir passé la fange sablonneuse du rivage , je trouvai beaucoup de pas-d'âne ordinaire , et deux belles espèces de tussilage (i) ; je les ai vus seuls , ou réunis sur les bords de presque tous les ruisseaux et rivières de la partie sep- tentrionale des monts Ouralsks et de Verko-; îourié. En s'éloignant de l'Oufa , on entre dans une belle forêt de bouleaux plus élevée , dont l'ex- cellent terrain noir , couvert d'herbes dans les places dégarnies , annonce la fertilité. J'y ap- perçus le troll iu s d'Europe (2) , qui ressemble aune renoncule sauvage. On trouve abondam- ment cette plante , presque jusqu'au mois de juin , sur toutes ces montagnes dans les en- droits boisés et ombragés, ainsi que dans toutes (1) L'un est le tussilage* frigida; l'autre le pe tas ires à fleurs couleur d'or. Ce dernier est peint et décrit dans la Flora. Sibirica, part. II, s. 148, planche 6.9. C'est le tussilagQ lutea, de Gmel. Syst. nat. (z) Trollius Europens iflÖ Ijjo: DE BöCrOROüSKOE les places découvertes où la terre est grasse ; elle forme une belle variété avec ses fleurs , qui sont très - grandes , de couleur d'orange , et d'une odeur agréable. Je vis , dans les su- perbes plaines de cette contrée , le cerisier ar- buste en fleurs. La route traverse deux petits villages seigneuriaux, habités par des Russes 5 elle borde , près du premier , le ruisseau de Schakhscha ? dont l'eau a la limpidité du cris- tal , et , près du second , celui de Tahouseh , qui est plus considérable } ils se jettent tous deux dans l'Oufa. J'arrivai , sur le soir , au village Tatar de Bélékes ; il est situé dans une forêt de bouleaux , près d'un ruisseau du même nom, à dix verstes de l'Oufa, où il s'embou- clie. J'y passai la nuit. Il est composé de dix maisons; les habitans sont des Terptiaïréis. Ils ne paient qu'une modique capitation à la cou- ronne , parce qu'ils sont obligés de fournir des voitures pour le transport des sels gemmes d'I- lezki. On compte dans la province d'Oufa plus de trente mille Terptiaïréis , Tatars, Tschou- VascB.es , et Tschérémisses employés à cette conduite. Les Tatars de cette contrée descen- dent de ceux de Kasan ; et l'on remarque des différences entr'eux et les Tatars d'Oufa. J'ai parcouru , dans cette province , plusieurs autres villages habités par ces Tatars. Le costume de leurs femmes diffère beaucoup. Elles portent des chemises de toile teinte ou de coton j elles n'ont A K O U B A O TT L. 4l7 fr'ontsur la tête que le simple Tastar on voile, avec le Baschashbaou , dont les femmes Ta- tares de Kasan font aussi usage ; c'est une bande ou ruban bleu ou vert qui leur entoure le sommet de la tête en forme de couronne. Le Tschashbaou , ou la grande parure , ne sert que dans les grandes fêtes et solemnités. On élève ici beaucoup d'abeilles. Plusieurs de ces paysans possèdent jusqu'à quatre cents ruches éparses dans les bois , et récoltent annuellement plus de seize cents li- vres de miel. Ils les soignent à la manière des Baschkirs. Ils creusent des trous dans des troncs d'arbres de différentes espèces; ils clioi^ sîssent de préférence ceux d'un bois dur , et les plus droits. Ils ne commencent à creuser les ruches qu'à quatre ou cinq brasses d'élé- vation. Les entailles se font avec de petites haches étroites , et on polit l'intérieur avec des outils qui ressemblent à des ciseaux plats et évasés. Ils bouchent l'ouverture de ces ru- ches avec une petite porte , ou , pour mieux dire , avec un couvercle composé de deux ou trois planchettes , où ils ne laissent que de simples trous pour le passage des abeilles. Ils grimpent sur les arbres les plus hauts et les plus unis avec une facilité incroyable , et y dirigent de même leurs travaux. Une hache bien tranchante y et une corde tressée de cour- roies , ou toute autre 9 leur suffisent. lis pas-» Tome IL D d 4l8 1770» DE BOGORODSKOÉ sent cette corde , arrêtée par un nœud , autour de leur corps et du tronc de l'arbre , en laissant assez de jour pour se glisser lorsqu'ils s'élèvent, se baisser à volonté , se cramponner les pieds contre l'arbre , et conserver toujours l'usage des mains. Parvenus à la hauteur du corps , iis font avec la hache une petite entaille dans l'arbre , pour y mettre le bout du pied et leur servir d'échelon ; haussant ensuite la corde , ils se glissent à deux pas plus haut , en se cram- ponnant les pieds contre l'arbre , afin de poser un pied dans l'entaille faite. Arrivés-là , ils en forment une autre le plus haut qu'ils peuvent atteindre ; ils continuent de même jusqu'à la hauteur nécessaire. Les Baschkirs sont d'une adresse et d'une agilité sans égale pour cette opération. Parvenus à la place où doit être la ruche , ils font les trous qui servent d'échelons un peu plus commodes que les autres ; reposés et entièrement abandonnés sur la corde qui les entoure , ils creusent la ruche , et pour cela , ils tirent après eux leurs outils attachés à une corde. Ils ont l'attention de couper toutes les branches et les nœuds qui se trouvent à l'ar- bre, pour empêcher les ours d'y grimper., ou leur en rendre l'approche plus difficile. Ces animaux sont encore assez nombreux dans les forêts de l'Oural , et ils font un dommage éton- nant aux ruches $ on emploie aussi tous les moyens possibles pour les éloigner et les dé- A KoüßAOÜl' 4*9 truire. Le plus usité' est de garnir le tronc de i'arbre vers le haut avec des couteaux courbés ou dès faux, ou avec des pointes de Fer, de Ten entourer,, s'il est droit, et d'en enfoncer dans les branches courbes. L'ours j> en grim- pant sur l'arbre , a soin d'éviter ces pointes et ces lames ; mais en se laissant glisser pour descendre , il ne manque pas de s'y enferrer p et il se blesse si dangereusement, qu*il perd souvent la vie. Quelques vieux ours ont l'at* tention d'abattre ces armes à coups de patte en montant. On se sert d'un second moyen plus sûr. C'est une machine qui ressemble beaucoup aux catapultes des anciens. Elle est construite de manière que l'ours , en commençant à grim- per sur l'arbre , tire une corde qui fait déten- dre un ressort $ celui-ci darde avec véhémence une flèche dans la poitrine de l'animal. D'au- tres Baschkirs en emploient un troisième. Ils suspendent horizontalement une planche par de longues cordes aux branches les plus éloi- gnées , de manière qu'elle puisse être tirée de- vant la ruche , et ils la fixent au tronc de l'ar- bre avec un lien d'écorce. L'ours trouve cette planche fort commode , et s'y assied pour tra- vailler à ouvrir la ruche 5 son premier soin est d'arracher Ie lien y et alors la planche devient une balançoire. Si l'animal ne se précipite pas au premier moment , il n'a d'autre parti à prendre qu'à faire un saut périlleux, ou d'at- Dd a 4%Q 1 JJO. DE BOGORODSKOÉ tendre sur la planche le moment d'être tué h coups de flèche ou de fusil. S'il saute, il tombe /sur les pieux pointus placés au - dessous. On chasse aussi à ces animaux, en se mettant à l'affût an haut des arbres vers la nuit , ou en les guettant auprès des troupeaux qu'ils -viennent inquiéter, ou près de quelque charogne. En hi- ver, on les chasse par compagnie , en les sui- vant à la trace avec des chiens , et on les tue à coups de lance. Le pic noir est un ennemi dangereux pour les ruches. On l'en éloigne , autant qu'il est possible, en les entourant d'épines et de petits branchages. Les Tatars ont le préjugé de croire que quelques personnes nuisent aux ruches par le seul aspect (i). Pour prévenir tout accident de ce genre , ils ont soin de pendre * à la proxi- mité de celles qui entourent leurs habitations, nne tête ou pied de cheval , ou un os quelcon- que , pour que l'on fixe d'abord cet objet , at- tendu que l'influence du sortilège est dissipée après le premier regard. Cette contrée est assez abondante en martres de belle espèce. Les peaux se vendent de soixante (i) Ce préjugé est commun à presque tous les. peuples d'Asie. Les Italiens ont aussi ce ornais appellent cattivo ccc/iio- Voyez de plus grands éclakcissemens sur cet objet dans une note des Instituts politiques de Tamerlan j p. 5 \q* (Noie du Reduct.) 'à.Koubàoui* '421 à soixante-dix kopeks la pièce r selon la qua- lité y la concurrence des acheteurs les fait mon- ter quelquefois à un rouble : ce qui encourage beaucoup les* Baschkirs et les autres habitans du pays à la chasse. Voici la manière de pren- dre ces animaux , et ils n'en ont pas d'autre. On cherche leurs traces dès que la neige est tombée 5 onles poursuit avec des patins à neige 5, on les tue avec un fusil , ou on abat l'arbre- sur lequel ils se sont retirés ,. pour que les- chiens les prennent. On rencontre aussi , près^ des petits ruisseaux ,. qui sont en grand nom- bre dans cette contrée r la belette d'eau (- 1 ) ,» en Russe Norka. Elle est très - commune ; on la prend avec un piège , dans lequel on met un morceau de poisson , ou une écrevisse pour amorce. On y attrape aussi beaucoup d'écu- reuils : les marchands Tatars viennent les ache- ter avec les autres pelleteries. On prend , mai& rarement f dans les forets de l'Oural , des zibe- lines de mauvaise qualité , sur-tout vers la Kania r et dans les contrées supérieures de l'Oufa. On ne rencontre l'élan et le chevreuil que vers le sommet des montagnes. On y voit fort peu de loups et de renards \ ce qui provient sans doute de ce que les forêts sont trop épaisses et touffues. La foret ou l'on entre , près du ruisseau dé- fi) Mustela luireola. P d' $ 4^2 . 1JJÖ. BE BoGÖRODSKOe Bélèkes, s'étend jusqu'au -village de Koubaoul ,4 habité par les Baschkirs. Nous traversâmes plu- sieurs fois le Bélèkes pour nous y rendre. Il est situé près d'un ruisseau qui se jette dans le Labaou. Ces Baschkirs restent été et liiver dans leur village $ ils sont agriculteurs, et ils Vendent leurs grains dans les marchés de la ru ville. Ils entretiennent aussi des abeilles ; mais le grand nombre d'ours les empêche d'élever beaucoup de bétail : leur économie domestique ressemble à celle des Tatars de l'Oufa. En sortant de Koubaoul , on entre dans une forêt sauvage, qui s'étend jusqu'à la rivière de Sym 5 le terrain en est bas et humide 5 elle a peu de places dégarnies. Elle est composée d'ormes y de tilleuls , et de peupliers : on y voit beaucoup de taillis. La plupart des beaux ar- bres sont employés pour àes ruches , qui y sont très-nombreuses. Le tilleul , quelques plantes à fleurs composées (1) , et plusieurs labiées ou personnées ( 2, ) forment , dans cette contrée 9 la plus grande partie de la nourriture des abeilles. L'aconit tue -loup (3), et la crépide de Sibérie (4) sont les plantes les plus communes de ces bois , ainsi que dans toutes les forêts (t) Compositiflorœ. (2,) Ringente s, (3) Aconitum lycoctonum. Les Baschkirs le nomment AïouKouBSCHjE ( herbe à Tours). (4) Crépis Sibirica» a T 1 k 1 & '4^3 humides des monts Ouralsks. Les Bàsclikirs nomment la dernière Khak^e , et ils mangent, au printems , ses tiges laiteuses. Les seules plantes en fleurs étoientl'aspérale odorante (î) , le stachys des bois (2) , l'orobe du printems (3) , l'alliaire (4)> que je ne vis plus ailleurs, la dorine (5) , plusieurs espèces communes de presle , la grande valériane , que les Bàsclikirs appellent Aïlar ou Toutronak , dont ils re- gardent la racine comme un excellent fébri- fuge, et la fumeterre commune, dont ils man- gent les racines pour étancher leur soif. Il faut traverser dans cette forêt le ruisseau de Labaou et plusieurs places marécageuses \ c'est ce qui a engagé les Bàsclikirs à percer de nouvelles rou- tes , qui rendirent notre voyage très - long et très-désagréable , parce que nos voitures étoient fort lourdes, S. X X I I L De Tékéé a Mindesch-Aoul Du 17 au 21 mai. Tékéé y 2.5 verst. — Eiviere de Sym. — Le mes r 10 v. — Première caserne de T ver dischef, ■•— - Seoonde caserne , 26 v. — Ruisseau de (1) Asperula odorata. (2) Stachys sylvatica. (3) Orobus vernus. (4) Alllaria. W ChrysospUniunu Va 4 4H 177°- B E TékéI Tuniiuschak. — Rivière ÜOuk. — Troi- sième caserne de Tverdischef, 22 verst. — Jorge de Symskoï 9 18 v. — Montagne de. Dshigguer. — léral , 17 v. — Mindesch- Aoul y 11 verstes. Nous fîmes vingt-cinq verstes pour arriver au village de Tékéé^ situé dans une petite plaine ~9 le peu de terrain qu'elle renferme empêche les Baschîdrs d'être agriculteurs. Le soin des . abeilles et la chasse les occupent beaucoup. Nous y passâmes la nuit , pour y faire réparer nos voitures ) nous employâmes toute la ma- tinée du 18 à passer le Sym, parce que le misé- rable bac pouvoit à peine porter une de nos Voitures. Cette rivière , appelée Oessum par les BaschkirSj est beaucoup moins considéra- ble que l'Oufa, dont j'ai parlé. Elle n'avoit pas une brasse d'eau de profondeur ; elle devient si basse en été , que les voitures peuvent la traverser en beaucoup d'endroits. Elle est su- jette à de fortes inondations au printems ; son cours est très-rapide , il fait tant de sinuosités étroites , et sur-tout du nord au sud , qu'on n'a pas encore pu y naviguer avec les petits bateaux qui servent au transport des fers de r Oural. Ses rives sablonneuses sont basses. J'y remarquai les mêmes plantes que sur celles de l'Oufa, et elles étoient en fleurs (1). Il y avoit ■» ■ - " ■ ■ * *"■ ""i ■ « ■!« (1) Le Sym ainsi que linder ont leur source dans les monts A MlNDESCH-AotJ'L 4^ eu une petite gelée pendant la nuit , et , mal- gré le givre , les rayons du soleil attirèrent beaucoup d'insectes. Les vipères couvroient le rivage $ les places fangeuses fourmilloient de petits moucherons d'une espèce particulière (1). L'accouplement de cet insecte est très - remar- quable ; chaque femelle étoit entourée de dix à vingt mâles , qui avoient les jambes croisées les unes c'est- à-dire , sur la rive droite de la rivière, la par- tie méridionale du Dsliigëuerï on y découvre des couches de rocs diamétralement opposées à l'autre partie. On croirait, à les voir, qu'on y a construit, de place en place, de gros murs parallèles depuis le bas jusqu'au sommet; elles offrent beaucoup de ruines et de tours , sur- tout dans les endroits où elles sont entre- coupées. A MlKDESCH-AoüI. 433 ■pees, Cette chaîne de montagnes est composée des gangues ou couches les plus dures de ce roc calcaire , beaucoup plus considérables au- jourd'hui que les couches de pierres marneuse* qui ont été lavées et rongées par le teins. Ces couches de roc sont toutes perpendiculaires de Test à l'ouest. La pierre calcaire est jaunâ- tre ou d'un blanc gris, très-dure, et en plus grande partie sans traces de pétrifications. On. voit çà et là au pied de la montagne une nierre peu compacte et grenue , chargée de quelques empreintes de pectinites. Pour arriver à la grotte , nous fûmes obligés de grimper avec les mains l'espace de cent brasses, entre deux murailles de rochers qui sont à l'ouest de la colline de Scliischkaj nous montâmes ainsi plus .des deux tiers de cette élévation escarpée, La belle saxifrage bronchiale (1) couvroit des pla- ces entières du rocher à sa base , et elle com- niencoit à fleurir. Dans la partie supérieure, les rochers garnis de mousse étoient tapissés de la superbe fleur rouge de la prime verre cortusoïde (2) , de l'oxalide (3) en fleurs , de l'atragène des montagnes (4) et de la drave blanche (5). La terre dispersée entre les rochers (î) Saxifraga bronchialis. (x) Ptimula conusoides. (3) Oxalis, (4) Atragene Alpina, (5) Dr ab a Incancu Tome II. E o 434 ^^0* DE TÉKÏE étoit garnie de cinéraire des montagnes (i). J'ai trouvé dans ces mêmes places la centaurée de Sibérie (i) , qui n'étoit pas encore en fleurs , le méum (3) et le pigamon de Sibérie (4)- Je ne vis parmi les capillaires que les espèces communes qui croissent sur les rochers des monts Ouraisks $ savoir , le cétérac (5) , la sauve-vie (6) , le polypode de fontaine (7) , et deux autres espèces du même genre (8) et (9). La grotte se trouve près d'un mur de roc saillant 5 son entrée est à l'ouest. Elle offre d'abord une largeur de plusieurs archines , et elle est assez élevée pour qu'on puisse s'y tenir debout : mais lorsqu'on s'est avancé d'une brasse , il faut se courber entièrement. Cette galerie a cinq brasses et une archine de long $ (1) Cette cinéraire alpine, cineraria alpestris , n'est au- tre chose que le Solidago folus {RADICALIBUS OFATls) C AU Liais ianceolatis sessilibus , integris dentatisque\ floribus UMBELLATIS, involucro setaceo , Flor. Sibir. vol. II, pag. ï$4> tab. 71. Cette plante fleurit dès le ptin- tems , sur toutes les montagnes 4e l'Oural , exposées au midi. (i) Centaurea Sibirica. (3) Athamanta meum. (4) Thalictrum Sibiricum. (5) Asflenium trichomanes. (6) Rutha muraria. (7) Polypodiam fontanutn, (8) Poly podium rkœticum. (9) Poly podium dry opte ris. A ' MiNOËSCË-AoïïL» 435 à son extrémité est une place liante d'une brasse et demie, où trois ou quatre personnes peuvent tenir. Plusieurs canaux } semblables à des tuyaux de cheminée , terminent l'empla- cement. L'intérieur de cette grotte est assez sec ; on y remarque à peine un foible suinte- ment d'eau , qui rend la pierre un peu rabo- teuse et stalactique* Nous y vîmes plusieurs petits os 5 on nous a dit qu'on y a trouvé au- trefois un squelette d'ours. L'autre grotte est au-dessus de l'étang de la forge , sur une élévation de roc très-escarpée qui forme son rivage. Elle est située sur un parapet naturel , qui a une brasse et demie de liauteur. Nous y grimpâmes , au risque d'ê- tre précipités de sept ou huit brasses de haut au premier faux-pas. A quelques brasses de son entrée, elle se termine par un conduit étroit où l'on ne peut pénétrer fort avant ; vers le haut, elle forme dans le roc une petite chambre. Nous y apperçumes des pas d'ours récens 5 ils étoient marqués distinctement sur le terrain noir et humide qui compose le fond de la grotte. Cette découverte nous empêcha d'y rester long -temps $ d'ailleurs, ce que cette grotte offroit , ne compensoit pas les dangers auxquels nous nous étions exposés pour y arri- ver. Il ne croît qu'une seule plante remarqua- ble sur le rivage sud-est , c'est une espèce de E e a 4-où lyyo. b e T é k i ËJ roque (i) qui commencent à fleurir. On. a re- marque que cette plante reste en fleurs jusqu'en août, sur tous les rochers de la partie méri- dionale de cette montagne qui sont exposés au soleil. Je partis le lendemain 2.1 mai, et je dirigeai ma route à l'est vers i'Iouiiousen. A un vers te de la forge , on traverse un bras du Sym ; orï monte ensuite la montagne de Dsliisguer , à travers de superbes forêts de pins et de bou- leaux. Les Baschkirs avoient établi des ruches dans les plus beaux arbres, quoique ces bois appartiennent à la forge de Symskoï. Ils se ré- servent un certain nombre d'arbres à chaque adjudication que l'on fait , lorsqu'on établit des forces, pour y placer leurs ruches j personne n'ose les couper. Ils se prévalent également du droit de chasse, et ils ont aussi grand soin de vendre pour leur compte le houblon sauvage qui croît dans ces forêts. Je n'ai vu nulle part autant de pics noirs qu'ici 5 ils y étoient attirés par les abeilles , et ils faisoient leurs nids. Nous em^apeâmes facilement les Baschkirs qui, nous accofiipagnoient à grimper au sommet des ar- bres par le moyen de leur corde , pour nous chercher des nids de ces oiseaux qui sont dé- posés dans les creux d'arbres. lis y montoient (ï) Scutülaria lupid't'na, A Ml WD ESC H.- A OU L.' 4^7 "même avec plaisir , attendu leur haine impla- cable pour ces oiseaux de proie. Dès que l'on est parvenu au-dessus de la montagne (i), on découvre au midi une partie des irîonts Ou- ralsks, très-élevée j, située d'un côté entre les sdforces du Sym-r du Kataou % de l'Iouriousen ^ et celle dte l'Inser de l'autre. On distinguo! i: sur- tout la haute montagne d' Aguescherda*k ? cou- verte de beaucoup de neige -7 après celle-ci , la plus haute de la contrée , est de Dscliigœîgce ; on y voit de la neige jusqu'en automne. On apperçoit encore la cime d'une troisième qui est fort éloignée 5 les Baschkirs l'appellent Iaäia-w* taoü (mauvaise montagne). Ce sont les seules montagnes de la partie méridionale de l'Oural où tes rennes se tiennent. En quittant la montagne de Dshi^p-uer , on l O Du ' traverse des fonds garnis de forêts de pins, et on arrive dans une belle plaine ornée de plu- sieurs petits bois de bouleaux. Les Russes y ont établi un village considérable il y a huit ans , près du ruisseau d'Iéraly qui se jette dans. le Sym à vingt verstes d'ici. Il dépend des forges de fer de Tverdischef j il est composé d'environ, (1) Je trouvai sur cette montagne plusieurs fleurs qui commencoient à se faner j je remarquai ensuite que c'étoieut celles de Yornithogaliim uniflonuri ( Linn. mant. pag. 6z » lax m. nov. act. petrop. 18, t. 6 , f. 3 J, plante dont la dé- couverte est récente. E e 'â 438 i77o. t> s TékéI cent trente maisons , distribuées en quatre rues étroites et alignées ; on l'a revêtu de fortifi- cations de bois , et on se propose d'y bâtir une église. Les paysans s'occupent aux coupes de bois et à faire du charbon pour les foraes : ils s'adonnent aussi au labour, et sur -tout à*a culture du lin et du chanvre qui viennent d'une hauteur prodigieuse dans ce terrain noir, dont la fertilité est presqu'inépuisable. Tous les grains y réussissent à merveille -, le froment est le seul qui ne mûrit pas toujours, parce que les montagnes voisines occasionnent beau- coup de froid. J'attendois ici des relais de Goulay et Schi- ganéi , deux villages voisins habités par des Baschkirs de la tribu de Schaïtan - Kudéi ( 1 ). Aussi-tôt après leur arrivée, je partis pour la forge de fer de Kataou^, en laissa7it en arrière les voitures les plus lourdes. En été., il faut faire quarante-un verstespour s'y rendre, tandis qu'il n'y en a que trente par la route d'hiver. En quittant la plaine , on rentre dans des forêts de pins mêlés d'autres arbres. J'y trouvai beaucoup de cytise velu (2) et de coquelourde (1) Les Baschkirs rapportent une fable assez plaisante sur Torigine de ce nom. Ils disent que le premier père de ce volost ou tribu , épousa la fille d'un esprit follet $ Schaïtan ( diable ), qu'il avoit rencontrée dans une caverne de la mor>- iagne , et qu'avec elle il forma cette lignée. {2,) Cythus hirsutus. A Ô U 8 M A N - A O Ü t* 4^9 ©u anémone de Sibérie (1), toutes deuxen fleurs» Les touffes de cette dernière qui croissoient en pleine campagne , avoient des fleurs d'un violet pâle , au lieu que celles de la forêt étoient d'un violet foncé, et blanches ou jaunâtres. La route nous conduisoit au sud. Nous arrivâmes- sur la brune au village Basclikir de Mindesch x situé près du ruisseau de Birdesch 5: son fond est pierreux, et il se jette dans l'Iouriousen. Au coucher du soleil , le ciel se chargea de nuages , et nous apperçûmes des éclairs. Après le passage du soleil sous l'horizon , nous vîmes des colonnes d'un pourpre foncé sous une nuée j. ceci n'offroit rien d'étonnant à cause de la chaleur qu'il avoit fait pendant ces deux jours. D'OUSMAN-AOUL PL IOtTRIOUSSNSKOÏ. Du 21 au 23 mai. Ousman-Aoul , \5 verst. —Monts TschapataL — Forge de Kataouskoï \ i5 verst. — Forge d' louriousenskoï , 16 v. Je traversai le village d'Ousman pendant la nuit du 21 au 225 il est habité par des Ba~ schkirs de la tribu de Troukmen - Kudéi (2). (t) Anemone patens. (2) La nation des Baskirs ou Baschkirs s'est divisée élis« Ee 4. 44ô lyjô. d'Ottsma^-Aouï; Le territoire de ce village s'étend jusqu'au, Kataou. Pour y arriver ? nous traversâmes une superbe contrée ß garnie de forêts de pins et de bouleaux -, elles sont entre-cotmées par des places couvertes d'herbes où il ne croît aucun arbre. Les Basclikirs et les paysans d'ïéraly en mettent beaucoup en terres labourables. Les premiers y sèment des grains qu'ils vendent aux forges. Ils ne fabriquent plus leurs toiles avec des .ksirtkan ou orties, parce qu'ils cul- tivent tous du chanvre. Le village cVOusinan est dans un fond boisé , près du ruisseau d'Iirmœsas , qui s'écoule dans l'îouriousen. Ce fond est entouré de montagnes $ la pins con- sidérable est au sud - est , sur la gauche , en même en plusieurs tribus ; elles ont chacune leurs districts déterminés par des montagnes et des ruisseaux. Chaque tribu, a son propre nom ; elle se subdivise , selon les districts ou d'autres circonstances , en communautés , qui conservent le nom de la tribu, en y ajoutant un autre mot, ou prennent une dénomination particulière. Les principales tribus relèvent directement de la Russie, qui, pour leur donner une consti- tution réglée, a mis à la tête de chaque, un chef ou ancien, siarschina; celui-ci a plusieurs sotniks ou adjudans sous ses ordres. Les tribus , que j'ai eu occasion de connoître dans les contrées que jJai parcourues depuis FOufa jusque dans la province d'isetsk , sont celles de Koudei ou Kuséi , 'Allé , K.ouakan , Karatabyn , Barantabyn , et Kataï. Les deux premières sont partagées en plus de douze communautés. Ils désignent le territoire de chacune par le nom de la tribu % et disent, a'îksjlr, kouakandsjlr , etc. A î O TJ R I O V S £ Bf S K 0 ï. 44* Face de la route. Les Baschkirs nous nommèrent toutes ces montagnes 5 savoir : .AEssœl , Oursalla, Tschapatal , Iirmœsœ ; ces deux dernières sont en deçà de l'Iouriousen. Je passai au pied de la montagne de Tschapatal , à moitié chemin de ia forge de Kataotiskoï-; la forêt est ici mêlée de mélèses ; elle borde le fond où se trouve la source du Sym. On a résolu d'y établir un village Russe. Les Baschkirs . ont porté des plaintes à ce sujet , parce que les places ouvertes qui a voisinent la source du Sym , leur servent de pâturages et leur fournissent des foins. Le Touktan, chaîne de montagnes qui se dirige au sud-est, s'élève du pied du Tschapatal. îl étoit encore couvert de beaucoup de neiges ; A. Ci s on apperçoit au-dessus la cime de riégxlgsc ou Dshigselgœ , qui est bien éloigné. A gauche , on voit derrière le Tschapatal, le Kaschmar et le Szilia , situés entre le Kataou et l'Iour- iousen. On distingue au - dessus de ces deux montagnes, la cime de la Schonlga?, située à l'est de l'Iouriousen. La route est percée à tra- vers les forêts, au moyen d'un abatis d'arbres. Le chemin étoit très-mauvais par rapport aux souches qu'on y avoit laissées , et parce que les Baschkirs brûlent les herbes sèches au printems dans les lieux ouverts. Cet usage fait le plus grand tort aux pousses et au jeune bois, et est d'un mauvais augure pour la con- servation des belles forêts de l'Oural. A quelques 44% 177°- d'Ousmân-Aoui« Terstes de la forge , on longe la petite rivière de Kataou ; son rivage est composé de rocs en plusieurs endroits. On traverse le ruisseau de Kouschégœsé qui s'y jette. Nous arrivâmes le inatin , d'assez bonne heure à la forge de Ka- taouskoï ou Kataou-Ivanofskoï. Cette forge est la plus considérable et la plus ancienne de toutes celles que Tverdischef a établies près de l'Oural , et date de ij5j> Elle est située sur une petite élévation près de la rive gauche du Kataou , et entourée en plus grande partie de l'étang qui la fait aller , au- delà duquel la montagne est beaucoup plus éle- vée ; le rivage escarpé du ruisseau se trouve au dessous de l'étang. Du côté qui est ouvert , elle a pour fortifications un oplot ou mur garni de batteries qui se croisent, et de chevaux de frise. Elle renferme quatre cent soixante-dix maisons qui ont été bâties successivement* L'église est construite en bois , ainsi que la belle maison occupée par M. Jacques Tver- dischef y directeur de la forge. Il est également chargé de la direction de toutes celles d'Osern- bourg , qui sont en grand nombre ; elles, ap- partiennent à deux de ses parens. Le bâtiment qui sert de magasin pour le pain , est à moitié bâti en pierres, celui qui renferme la caisse f entièrement de pierres, et couvert de platines de fer. On en a commencé d'autres, et on se propose de les rebiUir tous. Ils sont situés sur A IOURIOUSENSKOÏ. 44^ la rive la plus basse du Kataou. Le haut de la digue a cent trente -cinq brasses d'étendue, et sa base cent vingt ; mais elle n'a que qua- torze archines de hauteur $ son épaisseur est de vingt- trois brasses dans le bas , et de quinze dans le haut. Ses fondemens sont assurés par des troncs d'arbres croisés , et garnis en dales dans le fond. La fonderie est composée d'un four- neau double qui a quatorze archines et demie de hauteur, sans compter sa base. On y avoit commencé un second fourneau de réserve. Il y a quatre forges , composées chacune de quinze marteaux , y compris celle à faire les ancres. Il y a encore une forge commune et deux fourneaux pour donner la chaude au 1er en barre. La fonderie est située au-delà du Ka- taou. L'étang n'est pas considérable , parce que le courant a une forte chute , et cependant les eaux ne manquent jamais. On y fond annuelle- ment deux cents mille pouds (soixante-six mille quintaux) de fer crud ; cette quantité occupe tous les marteaux de cette forge , ainsi que ceux des usines établis près de la montagne d'Oustka et du Syih. Pendant l'hiver, on tire le minéral tout grillé des mines situées dans les mon- tagnes qui bordent Je ruisseau de Boulan , au - delà de l'Iouriousen , à environ quarante verstes. La mine produit de cinquante-cinq à cinquante- six pouds de fer crud sur cent , et quelquefois davantage. On forg® ici jusqu'à '444 *■ 77°' !>' OUSMAN-ÀOITL quatre-vingt mille poucls de fer en barre ( vmgt- six mille quatre cents quintaux) ; on fait passer le surplus aux autres forges. Le transport de la mine de fer du Kataou à la Forge d'Oust- a Kataouskoï, est d'environ vingt verstes \ elle a été établie depuis peu à l'embouchure du Ka- taou dans riouriousen. Elle est composée d'une feuderie de trois marteaux à barres et de cent "vingt maisons. Le transport se fait par le traî- nage en hiver, et au printems par des bateaux. On ne met que six mille pouds ( mille neuf cent quatre- vingts quintaux ) de minerai sur chaque. On tire l'excellente pierre de sable , qui sert à doubler les hauts fourneaux de cette usine , de la montagne de Kasclimar , éloignée de huit verstes ; elle est d'une très-bonne consistance. La chaux se trouve à la forge , parce que la rive du Kataou est composée d'une ardoise cal- caire très-dure, grossière et grise, dont les couches épaisses s'étendent parallèlement au midi, et ne déclinent perpendiculairement que d'environ quinze degrés vers l'ouest. Le Tscha- patal, ainsi que toute la chaîne de montagnes baignée par le Sym et le Kataou, sont com- posées de ce même schiste calcaire , dont les couches ont une direction plus ou moins p er- pendiculaiie. Vers midi, je pris la route de* la digue de l'étang , pour me rendre à la forge d'Iouriou- A ÎOÎTRlbUSENSKO ï. 44$ Senskoï. Après avoir passé le Kataou , on ren- contre clés carrières d'ardoise calcaire qui four- nit d'excellente -chaux. On voyage dans une belle foret d'arbres à résine jusqu'à l'Iour- iousen ; et à trois verstes du Kataou, on tra- verse le petit ruisseau de Koundouroukhta j et un peu plus loin un fond aqueux qui est à sec en été« Près de la forre d'Ioririousenskoï , je fus observer ie- bord de la rivière ; il est com- posé par places, de rochers qui se présentent hors de terre 5 ils font partie de la montagne* calcaire dont je viens de parier. Je trouvai , sur ces rochers garnis de mousse , plusieurs plantes de montagnes dont j'ai déjà fait men- tion 1 elles étoient en fleurs , ainsi que la sa- xifrage à odeur (î) , la stellaire biflore (2) et le cresson triphylie (3). J'y remarquai le trèfle digité ou à cinq feuilles (4 ) > que je n'avois point vu dans les contrées plus occidentales y mais ici, plus on avance , plus il -abonde. A peine étions-nous arrivés à la forge d'ïour-: iousenskoï , qu'il tomba une averse accom- pagnée de tonnerre 3 elle nous força d'y passer une partie de la unit, et nous ne puâmes conti- nuer notre route que vers le matin. Cette usine (ï) Saxifraga geum. (2-) Stellaria bißora. (3) Cardami ne iriphylla. (4; Trifolium lupinast^n \JJÖ. d' OüSMAN-AotJt a été établie en 1758. Elle doit son nom à l'Iour- iousen appelée Dshiriousen par les Bascli- kirs. Cette rivière forme l'étang de la forge,, au moyen des dignes qu'on y a pratiquées. Le site en est agréable, et il ressemble beaucoup à celui de îa forge de Kataou. Les batimens de la forge sont sur la rive gauche de l'étang , qui est basse. Une église en pierres , la maison du bureau , et cent vingt habitations ont été construites sur une élévation en plate -forme 5 elle est entourée d'un côté par l'étang qui n'a pas un vers te de longueur, et de l'autre, par un rnur garni de batteries. Hors de cette enceinte est un moulin à vent. La forge est composée d'une fournaise ou haut fourneau presqu'aussi vaste que celui de l'usine de Kataou (1), mais bien moins actif, car il ne fournit que cent quatre- vingts ponds (cinquante-neuf quintaux et qua- rante livres) de fer crud par jour. Elle contient de plus deux forges qui renferment cinq mar- teaux à barres , et un flattoir ou marteau à platines 5 on l'étame ici , et on l'envoie ensuite à Kataou , pour le convertir en poteries de fer. Les gros marteaux se font à la forge à ancres. On a commencé à y construire un autre four- neau élevé , et l'on projette de rebâtir les forges en briques. Il existe une fenderie à double em- brasure sur la digue , qui a cent vingt brasses (1) Voye\ ci-dessus pag. 4^1. A IOURIOUSEN SKOÏ. 44? de long, sur treize de large , et douze arcîiines d'élévation. Le minerai qu'on y exploite , se tire des mines qui fournissent la l'orge de Ka- taou. Elles ne sont qu'à trente-cinq verstes de distance , mais le chemin est impraticable en été. Le minerai fond facilement ; on ne met que quartorze à quinze pouds de chaux par fusion , sur cent pouds de mine grillée. Les pierres nécessaires à la fournaise , se tirent des carrières de la montagne de Kaschmar, qui est à huit verstes. On construit ici et à Oust-Kataou les kolo- minki , ou bateaux plats , qui servent à trans- porter le fer de l'Oural par l'Iouriousen dans l'Oufa , d'où il passe dans la Bélaia, et de celle- ci dans la Kama et le Volga. A Oust-Kataou , la cargaison n'est que de six mille pouds ( mille neuf cent quatre-vingts quintaux) par bateau y il tire à cette charge environ une archine d'eau. Malgré cette petite charge , les bateaux ne pourroient naviguer qu'au printems , faute d'eau 'y mais on y remédie par l'ouverture des écluses, qui servent à l'écoulement des réser- voirs construits près des forges de Kataou- Ivanofskoï et d'Oust-Kataoufskoï. Lorsque les bateaux sont parvenus au village de Karataoul^ on augmente leur charge de deux mille pouds ; ils prennent alors une archine et demie d'eau , et ils naviguent plus facilement , parce que les eaux sont plus considérables. Les courans d'eau 44$ 1 77°- d'Iouriousênskoï et le grand nombre de rochers en font périr quelques-uns : ce malheur est encore arrivé cette année. Lorsque les eaux ne sont pas très- hautes , on retire ce qui a été submergé. s. x X V.. D'IOURIOUSENSKOÏ A S CHAI TA N- A OU L. Du 23 au 2,5 mai. Forge à? louriousenskdi. ~— Orlofka > 2.5 verst. — Mindesch- Aoul , 8 v. — Rivière de Sym. — Caverne de Y lamasé-Tasch. — Mhidesch- Aoul. — léraly. — Ruisseau de .Koulmaèk et de Bikboulat , 6 verst. — Moulin Baschkir. *rr Schaïtan- Aoul , i verste. Le 2.3 mai , je partis , au point du jour , d'îour- iousenskoï , et retournai par Orlofka. Les hautes montagnes que l'on appercoit auprès "de cette forge sont celles de Raschmar, Silia , Schul sœ, et Sût. Nous dirigeâmes notre route vers la première, et par conséquent au nord. Après avoir traversé des monticules Lumides _, garnies de pins et de'böuleaüx % nous arrivâmes au ruisseau d'Ourœschkenn $ il coule au pied de cette montagne dans un fond de rochers sablonneux jaunes, et il se précipite dans le Kataou. Nous atteignîmes , un peu plus loin , celui de Raschmar^ où l'on voit les ruines d'un. ■village Baschkir.' Toute cette contrée appar- tient A ScHUTAN^ÄOtJL3 tient au district clés forges > et on y a mis beau- coup de terrain eh culture. Nous trouvâmes ensuite le ruisseau de Touiguenda. Le chemin est affreux avant d'arriver au Kataou \ il passe entre une colline de rocs et le ruisseau d'O- mat, que nous côtoyâmes pour trouver un pas- sage miéahle. Plusieurs de ces rochers sont composés d'une ardoise molle , d'un brun vert mêlé de gris ; ses couches forment , avec l'ho- rizon, un angle d'environ cinquante degrés , et elles se dirigent à l'ouest. Les plantes suivantes étoient en fleurs près des rochers : l'aster des montagnes ( 1 ) , la centaurée de Sibérie (2) ^ Forcanette simple (3), et le néflier coton- neux (4) , que j'ai trouvé sur toutes les monta- gnes de rocs plus arides que celle - ci. Nous vîmes encore , près de l'Oinat, cette grossière ardoise calcaire en couches perpendiculaires. Les rochers de ce district abondent en lichen à pustules (5). Nous apperçûmes par -tout les fleurs de la sabliiie saxatile (6) , d'une gypso- (t) Aster Alphius. Yû trouvé cette plante dans toutes les places des aionts Otiralsks exposées au soleil j elle est semblable à celle décrite par M. Gmélln , dans la deuxième partie de sa Flora Sibirica , planche 73» (i) Centaurea Sibirica, (3) O no s ma s im pie x* (4) Mesyïhis cotoneaster. (5) Lichen pustuhvus. (6) arenaria saxatilis. Tome II, F £ 4-00 I77O. D* ÏOU R IÔUSENSïtoï phile de muraille ( 1 ) , de l'androsace septeiï^ trionale ( 2 ) , de la drave blanche ( 3 ) , de la pédiculaire tubéreuse (4,) très- commune , à l'est de cette chaîne , de la gesse pisiforme (5) , et de plusieurs autres plantes des montapnes de ces cantons, dont j'ai déjà parlé. Le village d'Orlofka est composé de près de cent feux ; il est situé sur la rive gauche du Kataou , que l'on traverse sur un pont. Il n'a pas d'autre fortification que celle de la nature : un rempart de rochers escarpés borde le Ka- taou. On occupe les paysans à la coupe des bois , et à brûler le charbon nécessaire aux forges. .On compte dix - sept vers tes d'ici à l'usine de Kataou - Ivanofskoï , et six à celle d'Oust-Kataouskoï. Ces mêmes paysans s'occu- pent au labourage , lorsqu'ils ne sont pas em- ployés aux travaux des forges. Je fus obligé d'attendre, à Orlofka., les chevaux de relais qu'on amenoit d'un village Baschkir , situé au- delà du Kataou. Je n'arrivai que tard , dans l' après-dîner , au village de Mindesch. La con- trée devient un peu plus unie $ elle est variée par des champs et des forêts de bouleaux. Je me proposois d'observer ici un antre célèbre •— ■ — " * W ■ '■ "' — ~ "* (1) Gypsophila muralis. (2) Andtosace septentrionalis, (3) Draba incana. (4) Pedicularis tuberosa, (5) Laihyrus pisiformis. A SchaÏtan-Âoïï t.' 4^i et un égout souterrain formé par le Sym, et je fus obligé de remettre Cette partie au lende- main. Le tems étoit devenu très - froid après l'orage de la veille ) mais à notre arrivée à Min- desch , il tomba une si forte pluie , que je craignis de monter à cheval ; d'ailleurs la brune approchoit, et jen'aurois pas eu le loisir d'exa- miner ces objets intéressans. Je m'y rendis , à cheval , le lendemain au ma- tin 24 mai , malgré la pluie , et nous fûmes dou- blement mouillés en traversant les bois. Près du village , nous passâmes le ruisseau de Bir~ desch , et le Tankullé , à quatre verstes plus loin , vers l'est ; celui - ci se jette dans le Sym. Nous trouvâmes , près de son rivage, la pre- mière habitation d'été des Baschkirs delà tribu AeSass-Koudéi , de laquelle dépend toute cette contrée, ainsi que le village de Mindesch. Nous nous dirigeâmes ensuite vers le midi , en lon- geant l'Imen , montagne plate • nous passâmes Une seconde fois le ruisseau de Tankullé, et prîmes notre route vers une autre montagne assez considérable , le Tlyk, au pied de laquelle le Sym serpente. Nous l'atteignîmes après avoir fait plus de dix verstes dans un v.iHon bordé des deux cotés de hautes murailles de rocs. Ce vallon est formé, d'un côté, par la montagne du Sym , ou Ouessym , et de l'autre par Fia- masé-Tamaggué-Tasch, ou ruisseau d'Iamasé, <[ui se précipite ici dans le Sym« Cette monta- Ff % £fi% I77O. D'' IoiIR ï ÖU5Ej>rS KOÏ gne est plus haute et plus considérable que se-iï côté parallèle , composé de rochers. Elle forme un arc de deux à trois cents brasses. C'est ici que se trouve l'antre spacieux dont je vais donner la description , après avoir parlé du cours souterrain du Sym. La vraie source du Sym est à plus de trente verstes d'ici 5 il est déjà assez considérable , tant en largeur qu'en profondeur , puisque Ton sonde de dix à quinze brasses lorsque les eaux spnt hautes. II. coule directement au sud, entre des montagnes } vers celle d'Ouessym , qui s'étend en dos-d'âne de l'est , et qui est peu garnie de pins et de bouleaux. Le Sym se précipite de cette moi^tagîie avec un murmure étonnant du haut d'une muraille de rocs qui a plus de trente brasses , dans un bassin très- profond creusé' par les eaux. Il a un cours sou- terrain de plus d'un demi - verste , sous une montagne composée de pierre calcaire. Lors- que les eaux sont basses en été , cette rivière n'a d'autre écoulement que celui qu'elle se fait au-dessous de ces rochers 5 mais au moment de ma visite, le superflu des eaux > qui ne pou- voit se perdre dans le gouffre , prenoit son cours , à l'ouest , le long d'un mur de rochers , et s'étoit formé un canal qui avoit deux brasses de' profondeur. Ce courant fait un détour de plus d'un verste , entre la montagne d'Ouessym et un mur de rocs, pour arriver à cette vallée A SCHAÏTAN-AOUI. 45$ courbe dont j'ai parlé, et où est situé l'antre. Au nord de l'Ouessyrn , et en face de l'entrée au moyen d'une entaille et d'un crochet de fer. Cet essieu est fait avec un ar- bre. Le bout externe est la partie de la racine ; elle a la forme d'une massue, et assez de force pour y ficher des ailes évasées , ou , pour mieux dire , les pelles qui font la roue d'eau. Sous cette massue est une fusée de fer , qui donne le mouvement à l'arbre ; celui-ci est posé per- pendiculairement^ et touche le fond du ruis- seau. Un j^etit tuyau de bois conduit l'eau sur la roue , de manière qu'elle tombe dans la partie évasée des pelles ; elle fait tourner la roue , l'arbre de la machine , et la meule supérieure placée dans le moulin. On met une longue per- che à travers les ailes de la roue, lorsque l'on r^Î3 *77°' *E SciiaÏtan - AotfL veut arrêter le inoulin. Quelques Baschkirs con- duisent l'eau par une rigole mobile , et arrê^ tent le moulin en détournant la rigole. On verse le grain dans un entonnoir de bois adapté au moulin , au fond duquel se trouve un petit conduit dirigé horizontalement sur l'ouver- ture centrale de la rneule supérieure. Le réser- voir des grains est fixé à une poutre transver- sale au-dessus de l'entonnoir. Un bâton , mis en mouvement par la meule supérieure, frappe sur le réservoir, et fait tomber le grain. Lors- que le meunier s'absente ou se livre à une au- tre occupation, il ôte le bâton, et alors il ne tombe plus de grain. Je pense qu'il est impos- sible à un machiniste de faire un moulin plus simple. J'ai jugé à propos d'en donner le dessin, pour rendre la description plus intelligible* [Voyez la planche XXXII , fig- 1.] S. X X V I. De Se H A ITA N- A OUI. A NlSSÉBASCH. Du 2.5 au 2.6 mai. Schaïtan- Aoul , 1 verste. — Idress-Aoul, 8 v. Kissaetasch. — Schaïtan - Aoul. — Kara- lavl-Aoul , îo v. — Nissébasch , 8 vers tes. Je suivis le KoulmaJc, et traversai le ruis- seau de Sarakoundous ( castor jaune ) , qui s'y réunit , et à peu de distance le Kouskseadé p A NlSS^BASC«.' i 4^ petite rivière qui se jette dans l'Iourlousen. Arrivé près du \ Iliade de Scliaïtan , situé sur la rive gauche de cette petite rivière , et com- posé de quelques cabanes éparses , je pris des guides , repassai la Kouskœndé , et nie trans- portai à l'est , ne suivant aucune route. Je tra- versai d'abord deux côtes fort élevées de la montagne de Sarakoundous , garnies de forêts de bouleaux peu épaisses. Le village de Sou- léi est situé dans la colline qui sépare ces deux côtes ; il est formé de plusieurs cabanes habi- tées par les principaux Baschkirs de la tribu de Schaïtan-Koudéi. Prés du village , une source forme un petit ruisseau , qui se perd à un verste dans une petite mare , où Ton distingue un cou- rant ; il a probablement un cours souterrain vers l'Iouriousen. Ceci est d'autant plus pro- bable , qu'il ne se dessèche jamais en été. Après avoir traversé la seconde côte, je me trouvai près d'une troisième , entièrement composée de rocs. Elle est baignée par l'Iouriousen, dont le cours se dirige du sud - ouest et de l'ouest vers le nord. Cette montagne est très - garnie de pins , ainsi que toutes celles qui bordent l'autre côté de la rivière. C'est la raison pour laquelle les Baschkirs de Schaïtan l'ont appelée Karagai (i). Le petit village d'Iclress est situé r* - i in - ■ i i !■■ i . „— . - - i i i m (i) Les Baschkirs donnent généralement le nom de Kara- gai, au pin, ainsi qu'aux forêts composées de cet arbre. Les Tatars l'appellent Narjek, 4$4 Î77O. »E ScHAÏTAN- ÂOLrL ici. La caverne, que j" a vois résolu de visiter ,J est dans cette même colline, La montagne présente un mur de rochers près de la rive gauche de l'Iouriousen 7 au- dessous du ruisseau de Koulikli^ qui s'y perd ; ce mur a presque par-tout trente-cinq à qua-* «•ante brasses de hauteur , et il s'étend à 'envi* ron deux cent cinquante brasses. On y décou- vre les couches d'ardoise calcaire dont la mon-» lagne est composée. Elles déclinent dans le fbnd , de l'est à l'ouest / dans une direction si basse , qu'elles forment tout au plus un angle de vingt degrés. Les Baschkirs nomment ce mur; ainsi que la caverne qui y est située ? Kis- siETASCH. Au pied de k montagne, est une terrasse élevée de six à dix toises; elle est for- mée par des morceaux de rocs détachés , et par le terreau éboulé de la digue qui s'y est joint. Cette terrasse ■) garnie de broussailles, forme la rive du fleuve. Plusieurs petits gra- dins sont sur le roc 5 les plantes suivantes y croissent : Fépervier des murs , l'aster des mon- tagnes (1), et un serpolet ligneux (2) et en touffe , qui étoit en fleurs .5 on le rencontré dans toutes les places des montagnes exposées au soleil , et même jusques dans la plaine de la Sibérie. La caverne est sur un gradin pareil, (1) Aster Alpinus* (2) Serpillum* à A N I S S É B Ä S C H.' 4^5 à trente brasses au - dessus dé Feau , et à en-^ viron soixante du KoUtiîdi , près de la partie orientale du golfe formé par le rocher; Son en- trée , située au sud , et le 'mur , sont très-pit- toresques. Elle représente une grande grotte à portail, large de six archines et haute de cinq et demie ; elle se rétrécit dans l'intérieur. Au fond de cette voûte 2 profonde de deux-brasses ^ est l'entrée de la caverne intérieure ^ qui a trois archines de large sur denn, de hauteur. On trouve , sur la droite,, une crevasse qui s'étend à quatre brasses vers l'est.; elle s'ouvre près de la; pente rapide du rocher par une autre en- trée large et haute de quatre archines, qui. s'é- largit , en avançant , jusqu'à quatre archines et demie. Celle-ci a dans son terre-plein , vers le sud , deux ouvertures basses , mais assez vastes ? qui ont' plusieurs archines de hauteur et de largeur j elles ne sont séparées que par un rocher étroit. La caverne s'étend au nord dans la montagne pnr une galerie qui n'a d'abord que deux ar- chines de largeur. Ses parois unies sont égale- ment composées de couches transversales de cette ardoise calcaire qui forme la montagne. Près de l'entrée , elle s'élargit, sur la droite , par une grotte plus spacieuse, et à gauche par une petite. On compte quatorze ^archines -de l'angle -de l'une à celui de l'autre. Dans le fond de la grotte , à droite,- est un trou dans le ro~ lojne IL G g fjjO. »JE ScHAÏTAN - ÂoUt cher, qui perce en dehors. On ne peut se teni? debout dans la galerie que dans la longueur d'une tpise-j les couches du rocher l'abaissent graduellement; de sorte qu'à trois brasses de- là y elle n'a plus qu'une archine de haut, et on est obligé de se coucher à plat- ventre pour per- cer plus avant : elle conserve encore cinq ar- chinesde largeur. Le sommet, rempli de fen- tes ^ est garni de stalactites j qui forment des rebords dentelés. On arrive ensuite à une pente large de quatre archines^ et assez élevée pour s'y tenir debout. Elle est suivie d'une place à gradins , qui s'élargit vers une espèce de cham- bre. Celle - ci , qui s'étend en travers , a , de droite à gauche , quatorze archines de longueur sur quatre de largeur ; elle diminue un peu dans la partie gauche. Cette chambre se ter-* mine, à l'est et à l'ouest, par une grotte an- gulaire , d'où l'on peut percer à quelques brasses à l'ouest , mais on n'y voit point de continuité. Sur la droite , et en face de l'entrée , est une autre galerie de rocs j basse, très-inégale, et large d'une brasse et demie en plusieurs places | on ne peut d'abord y entrer qu'en rampant t, il faut ensuite se tenir courbé pendant l'espace de sept toises et demie. Cette galerie est très- tortueuse \ elle a beaucoup de grottes de cha- que côté f je ne les observai pas toutes. A son extrémité, est une. autre galerie plus étroite j ejie s'étend esr déclinant, transversalement ver^ A N ï S S I B A S C H, &fi et il la sépare de celle de Mœnguilschak* qui est en face. C'est dans ce district , sur trois des plus fortes portions de la pente rapide la montagne au sud, séparée par de profondes gorges y qu'on découvre des places dégarnies de la forêt dont elle est couverte. Ces places sont rouges et en feu. Nous y parvînmes, mais avec péril , par un sentier qui longe la montagne. Tout y étoit en pleine floraison f et beaucoup plus avancé que dans le?> autres contrées , ce qui est dû à la chaleur que le feu de la montagne répand dans l'atmosphère. Des trois parties de cette montagne , qui sont en feu , celle de l'est est la plus élevée. Elle paroît avoir plus de cent brasses de hau- teur perpendiculaire. Son foyer , qui existe depuis trois ans., est beaucoup moins consi- dérable que celui de la colline du milieu , dont le feu a excavé toute la partie méridio- nale. Son foyer souterrain s'entretient depuis douze ans. Les plus anciens Baschkirs de ce district, rapportent que le tonnerre est tombé il y a dix à douze ans > sur un gros pin très- élevé qui se trouvoit au pied de cette colline , et que l'arbre fut consumé jusque dans ses TJfj6 1770. de Kysirbak-Aouî. racines 5 que le feu s'est communiqué à la mon- tagne., qui brûle intérieurement depuis cette époque ; qu'il est déjà éteint au pied de la mon- tagne , mais qu'il n'est pas encore parvenu à son sommet. Le feu a consumé entier ement la partie méridionale de la forêt. îl a mis à nu plus de sept cents brasses de terrain du bas de la montagne au sommet , et plus de cent brasses d'un autre côté. Il a aussi ravagé une grande partie de la colline voisine , située au sud , mais il est éteint. J'y vis un grand nombre de plantes en fleurs, parmi lesquelles je dis- tinguai la belle julienne odoriférante de Si- bérie (1), le trèfle digité (2) et l'astragale (3), dont M. Gmélhi a donné la description dans sa Flora sibirica , tom. IV ' , pag' 4l > ?l°- 55. Le feu s'est communiqué , depuis trois ans , à la portion séparée de la montagne à l'est , par le passage étroit d'une colline couverte de bouleaux, la brûle vivement , et a déjà ravagé presqu'autant d'espace que dans la partie du milieu. Ce passage s'est regarni depuis. La montagne, et sur-tout des portions in- cendiées ß est en partie composée d'un grès rougeâtre que le feu a rendu compacte et so- (1) Hesperls Sibirica. Cette plante diffère peu de la ju- lienne des jardins [hes péris matronulis) , et n'en est qu'une \rariété. Lam. (2) Trifolium lupinastcr. (3) Astragalus, A ï O U S O U P. 4?j Höre , qui a conservé un peu de sa nature cal- caire , et en partie d'une pierre tendre et brûlée qui se sépare par lamelles. Il m'a paru qu'il avoit existé autrefois, entre les couches de cette pierre \ une autre matière étrangère , qui a été réduite en cendre. J'ai fait fouiller dans la partie de la montagne qui est le plus à l'est , autant que l'action du feu a pu le permettre, et j'ai remarqué que cette partie est composée , dans le haut "; d'un grès plus grossier , qui devient plus fin et moins compacte dans sa pro- fondeur. Les couches paroissoient décliner de Test à l'ouest, quoiqu'on ne pût y observer aucun ordre par rapport aux éboulemens qui avoient eu lieu dans les parties consumées. On trouve j dans un grand nombre de places , une mine de fer brûlée, ou ce qu'on appelle mine noire molle en suie. Elle étoit de couleur d'ocre ou de crayon rouge. Au pied de la partie de la montagne qui est plus à l'est, on dé- couvre par-tout entre la pierre , une terre mar- neuse, friable , d'un rouge très-foncé. Les places incendiées sont remplies de crevasses et de trous; il est très-dangereux d'y marcher. On enfonce jusqu'aux genoux dans le terreau con- sumé , et on. ne peut s'en tirer sans sentir l'ar- deur du feu. Une vapeur légère et brûlante, qui se dirige vers le soleil , sort continuellement par les crevasses ; on ne peut y tenir la main. Si on expose de l'écorce de bouleau ou des 4j8 ifjÖ. I)E K Y SIEB ÂK-ÂOUL copeaux secs, ils sont enflammés dans moins d'une miiTiite. Par un tems orageux ou dans une nuit obscure , on voit une flamme légère rouge s'élever à travers ces crevasses ardentes, ou une vapeur enflammée qui est poussée à quelques archines de hauteur. On n'y remarque cependant point d'odeur de soufre ni de houille $ la vapeur n'a pas plus de consistance ni d'o- deur que la vapeur étouffée d'un poêle où le bois est entièrement brûlé. Nous ne sentîmes également aucune odeur dans les différentes fouilles que nous avons faites ; cependant les pierres étoient si ardentes , que nos pelles de bois s'y brûloient et les liqueurs s'évaporoient aussi-tôt en bouillonnant (1). (i) îl existe une autre uiiontaüiic brûlante , qui a quelqu'a- nalopie avec celle-ci. C'est une montagne de charbon, située Sur la rive droite du Tom , vingt verstes au-dessus de Kouz- jiétzk. Eile brille depuis le commencement du siècle. En 177T , l'on appercevoit le feu à la demi-hauteur , a peu près , de l'élévation totale de la montapTie. Il avoit fondu les nei- ges a dix toises à peu près de diamètre. Le feu avoit pris beau- coup au-dessous de la place ou il brûloit alors, et gagnoit peu à peu dans la hauteur de la montagne , qui a vingt-cinq à trente toises d'élévation au-dessus du niveau du Tom. A mesure que les places brûlent, elles se couvrent d'une argile rouge , qui s'endurcit par l'action du feu. La chaleur n'est pas assez considérable , que l'on ne puisse marcher sur ce sol. îl est plein de fentes, d'od il ^ort des vapeurs ardentes, qui répandent une odeur de bitumé, et mettent le feu aux bâtons qu'on y enfonce. Il seroit facile d'y creuser un chau- a I o u s o u f. 479 Oïl trouve par-tout des places , et même au milieu de l'espace où le feu agit 3 qui sont entièrement refroidies^ et où les plantes croissent de nouveau, et sur -tout l'arroche commune £ c'est celle qui craint le moins le feu. Le pied de la montagne du milieu est couvert de guesde ou pastel. Les Baschkirs nous ont assuré qu'on ïi'yen voyoit point avant l'embrasement. Elle est mêlée avec la morelle commune , l'armoise , et plusieurs autres plantes de cette espèce. La montagne fourmille de vipères , elles y ont existé de tout teins. Ils nous ont également af- firmé qu'on n'y voit point de neige en hiver ; que sa circonférence est continuellement en verdure , et qu'on y trouve encore des plantes en fleurs , long-tems après la chute des neiges. Le petit ruisseau de Kourgousak offre de l'autre côté de l'ïouriousen un objet assez re- marquable. Il descend d'une côte située près du fleuve $ il s'y précipite rapidement après un cours d'environ soixante verstes $ et dans ce petit espace, il fournit de l'eau à quatre moulins baschkirs qui appartiennent aux Baschkirs Ian~ dron , si l'on ne craignoit un éboulement , et de tomber dans le gouffre. Il s'élève beaucoup de vapeurs de la partie du Tom qui borde la façade de la montagne ; mais l'on ne peut dire si ces vapeurs viennent de la chaleur du foyer ou d'un fond pierreux où les eaux sont très-basses, et qui demeure souvent et assez long-tems presqu'à sec , par rapport à la Rapidité du cours que cette rivière a dans son centre. La Peyr, 4&ö ijyo. BE Kysîrbak-Aoïïl guildé et Kouskilclé (1). Le lieu de la côte où l'on découvre ce ruisseau n'est pas celui de sa Traie source; elle sort d'une cime plus élevée à quatre brasses de là y elle est dans un creux de rocs formé par des éboulemens , puisque l'on découvre dans un canal souterrain les eaux du ruisseau qui coulent vers le nord. Il se forme des stalactites dans la petite voûte de ce conduit, où l'on a de la peine à atteindre à cause de son étroite ouverture. On assure que le cours de ce ruisseau s'arrête tout-à- coup , et qu'il reprend son flux après un petit Intervalle ; c'est une preuve que son cours est un souterrain. Les Baschkirs rapportent à ce sujet , des fables de revenais , d'esprits et de sorciers ., tant à l'égard des moulins que de la contrée en général. Nous retournâmes par le même chemin. Le 27 au matin ? j'envoyai mes voitures en avant par la route ordinaire , pour se rendre à la forge de Satkinskoï 5 je me portai à gauche et laissai la route à trois verstes, en allant vers le village Tatar de Zigarrzinkoul , afin de visiter une caverne qu'on m'avoit assuré être (t) Je n'ai pu découvrir , malgré toutes mes recherches, si la langue actuelle des Baschkirs a conservé plusieurs traces d'un ancien dialecte qui différoit de celui des Tatars. Beau- coup de noms d'hommes et de lieux n'ont aucun rapport avec la prononciation Tàtarej tels sont ceux à\Ianguildé et de Kouskildé. digne a I o tr s o tr p. 4&I âigne de remarque. Les habitans paient encore è. la couronne l'ancien Iassak ou tribut en peaux de martres , soit en nature ou en ar- ' gent. Ce petit village est situé près du ruisseau de Laeklé-Silga (1)5 c'est le premier qui tombe dans la rivière d'Aï. La fertile plaine où se trouve Salisch-Aoul se termine près de ce même ruisseau. ïl a sa source au pied du Baschtasch , montagne de rocs considérable , située à en- viron dix verstes. La caverne est à près d'un verste du village. Elle est dans la montagne de rocs de Laeklé, qui est légèrement boisée. Cette montagne est partagée en deux par un ruisseau qui la traverse de l'est à l'ouest. Il coule dans une vallée profonde et pierreuse. La plus grande élévation est à droite j elle offre à nu , et sur-tout dans la partie supérieure de sa pente rapide , des rochers calcaires , dont les couches déclinent à l'est par un angle de qua- rante-cinq degrés. L'entrée de la caverne fait face au nord-ouest, et se trouve presque dans le milieu de cette colline élevée de plus de soixante brasses. On ne l'apperçoit qu'au moment où l'on s'en approche , parce qu'elle est dans un fond formé (1) Les Tatars et les Baschkirs donnent généralement le nom de Silga , a tous les défilés et ravins arrosés par une eau courante. Tome IL ' H h 4Bi I770. DE KlSlRBAK^-ÀôUt par des éboulemens* Sa voûte a une brasse et demie de large sur deux ar chines de haut. En* suite., on découvre un ébouleraient qui s'est formé dans la montagne. On voit derrière cet éboulemeritj un grand portail qui est la véri- table entrée de la caverne. À gauche dans l'in- térieur est un espace voûté , peu élevé , dont le sol a une inclinaison rapide. Il ne s'étend pas fort loin. On descend rapidement cinq à six brasses dans une galerie de deux brasse» de largeur sur une et demie de hauteur > dont la pente est assez escarpée $ elle étoit encore couverte de neige* On entre après dans un emplacena^rit plus vaste , d'où la caverne se sépare. Elle continue de-là sur la gauche par un espace uni , dont la voûte très - élevée 9 conduit à de vastes grottes $ et sur la droite , par une galerie qui descend. Cette galerie a cent vingt-six aunes de long. Sa largeur n'est pas égale ; elle est plus grande à son extrémité 5 elle a ici cinq brasses de hauteur , sur quatre à six de largeur. Elle décline si rapidement dans les premières soixante aunes de sa lon- gueur , qu'il y a une différence de dix brasses dans sa hauteur perpendiculaire. Sa direction devient ensuite horizontale , et la galerie plus large. Elle est remplie d'énormes masses de ro- chers, dont une a six brasse« de long. Elles sont séparées par des trous fortdangereux. Lorsqu'on A I Ö V s o u |Ç 483 y jette des pierres , on les entend tomber long- îe^is avant de parvenir au fond. Sur la gauche , et à l'endroit où la galerie devient horizontale , est une autre place semblable à celle ci-dessus , dont la voûte élevée a vingt aunes détendue ; on n'y peut plus percer au-delà de cette dis- tance. Au lieu où la galerie principale se ter- mine, en faisant une courbe sur la droite, on entre à gauche dans une autre galerie à voûte basse , qui s'étend à quinze aunes dans le roc, après avoir passé une pente couverte d'une terre rouge. On apperçoit la lueur du jour dans toute cette partie de la caverne , à cause de la réfraction que les neiges jettent à son entrée* L'air n'y est pas plus froid que dans une cave profonde. On y distingue des suintemens d'eau, qui forment des concrétions pierreuses en glo- bules et des stalactites ; quelques-unes ressem- blent aux glaçons qui pendent aux toits en hiver. Nous vîmes par - tout un grand nombre de chauve- souris mortes, toutes möisies. Il est à présumer qu'il y en avoit encore plus dans les trous de cette caverne* La grande grotte , à gauche , offre quelque chose de plus remarquable. On passe près de la pente située dans l'antre , à environ six brasses de Tentrée, dans une voûte basse, peu large dans son principe , mais qui a bientôt huit brasses. Elle se courbe ensuite vers le nord- H h a 484 IJJO. DE KISIRBAK-ÄOUI est. On descend une pente rapide qui a cin- quante archines d'étendue sur des masses de rochers de toutes grosseurs 5 elle a environ huit toises de hauteur perpendiculaire y la voûte s'é- largit ensuite du haut , ainsi que des côtés , en formant une grotte horizontale très - consi- dérable y son sol y couvert de terre , est très- uni. Sa longueur est d'environ soixante ar- chines , et sa largeur de quarante ; elle a de six à huit brasses de hauteur au centre de sa Toute. On voit, dans cette caverne , à droite, une large ouverture qui perce jusqu'au som- met de la montagne ; elle forme une grotte de rochers suspendus en l'air : ce qui présente un objet effrayant. On De pourroit en appercevoir ie fond , pas même par le plus grand jour. Je suis persuadé que le pin le plus élevé pourroit y tenir debout, A gauche de cette grotte est une galerie où. l'on ne peut parvenir qu'à vingt- sept archines , parce qu'elle est remplie de rochers détachés. Elle n'a de remarquable que plusieurs stalactites. La grotte est au contraire fort ornée. Sa voûte est tapissée d'une pierre de stalactite , et de stalactites en tuyaux. A gauche, cette même matière a formé une cas- cade variée et vraiment pittoresque sur des ro- chers; saillans. disposés en gradins , et qui re- présentent un grand nombre défigures bizarres. Les murailles de rocs, qui font la pente de jl I O Ü S 0 TT Fi /fô£ •cette grotte 9 sont chargées de ces concrétions -globulaires en forme de grappes ( i )■,.. que les •naturalistes nomment loupes pierreuses ^ ou sta- lactites en grappe. De l'autre côté , j'ai -vu beau- coup de rochers faisant un peu la branche j, et -Semblables au corail. Ils ont l'épaisseur d'un gros tuyau de plume , et ils paroissent être une stalactite particulière. Les parois de la voûte , qui penchent vers la partie inférieure ,- sont ornées, dans leur contour, de colonnes de sta- lactites de diverses grosseurs , qui sont, en plus grande partie , perpendiculaires depuis la voûte jusqu'au sol. Elles sont rangées en file comme des tuyaux d'orgue dans -plusieurs places. On voit aussi sur le sol, directement au-dessous (i) Ces druses ou concrétions crlobulaires , sont figurées en ■pointes aiguës à trois faces uniformes , en prisme triangu- laire, et cristallisées d'une couleur jaunâtre. Elles s'accumu- lent autour d'un noyau ou petit point saillant ,. qui forme la partie centrale. Elles s'incrustent ça et la autour des poin- tes des anciens rayons qui le sont déjà r et grossissent par -une nouvelle cristallisation qui s'y attache. C'est pau ce moyen qu'elles forment des druses en grappe , dont quelques-unes ont une aune d'épaisseur. Elles sont garnies à l'extérieur ,. de petites panaches cristallisées , qui jettent un éclat aussi brillant que les étoiles, et couvrent les rochers. 11 est difficile de concevoir comment ces druses se forment sur les murailles perpendiculaires delà grotte , et sur celles qui sont détachées .les unes des autres > elles ne devroient d'ailleurs se couvrir que de simples croûtes de cette stalactite pierre. Existerpit- il peut-être une autre substance particulière dans, lç rocher ? H h 3 486* I77°« »b KisiRBAr-Äotrt des stalactites , qui pendent de la voûte , Till grand nombre de concrétions globuleuses sem*- tlablos à des mamelons et aux morceaux de glaces qui pendent des toits $ elles ont été for- mées par les gouttes d'eau qui sont tombées de celles qui leur sont perpendiculairement oppo- sées. De cette grotte , on passe derrière un tas de décombres , pardessus lequel la voûte se perd en déclinant ß et on arrive à une place qui a vingt pas de longueur de plus , mais très- large et élevée déplus de huit brasses. Adroite, cet espace perce, dans le haut, par un trou perpendiculaire , et plus effrayant que celui dont j'ai parlé ; il s'étend fort avant dans la montagne. Après cette séparation, on passe à une autre grotte qui a environ quarante aunes de longueur , autant de largeur que la pre- mière , et seulement deux brasses d'élévation. Son toit , peu voûté , est garni de stalac- ■ ■ i ■ ■ i ■ i i ii » ou doivent-elles leur formation à un mélange de parties sali- nes? Ces druses se forment-elles dans des places de la caverne? ou bien , pendant l'hiver , le froid pénétrant par des crevasses extérieures , congcle-t-il la matière spathique? ou l*eau est* »île imprégnée de cette stalactite pierre ? cette glace se durci- jroit-elle ensuite par la pierre qui s'y joint? Le capitaine Hitschkof ', Tun de nos observateurs , fit la même année un voyage particulier vers la Kama : il trouva dans une caverne iituée au nord , près du fleuve Kolva , de pareilles concré- tions globulaires 5 beaucoup plus belles que celles-ci , et *lo»t les ciistaa* ctoient plus forts» x I o v s o tr p. 4^7 tîtes de diverses formes., qui représente sur- tout de larges parois semblables à des rideaux à franges. Son sol est couvert de pierres et de morceaux de rocs détachés. On arrive à une troisième et dernière grotte. Elle ne diffère de la seconde que par sa voûte , qui a plus de chuté. Elle a environ trente aunes de long et autant de large \ sa voûte est élevée et abon- damment garnie de stalactites. Elle se termine par une petite rampe ascendante formée par des blocs de rocher* accumulés , qui se perd dans la montagne par des trous. Le sol de la plus grande partie de cette ca- verne , divisée en trois grottes , est presqu' en- tièrement horizontal , et couvert de vase. L'en- ceinte des grottes est irrégulière ; elle s'élargit par des crevasses et des trous en plusieurs en- droits $ mais nous ne pûmes connoître leur étendue. L'air y est par- tout très-tempéré. Sa longueur totale est de cent quatre -vingts ar- chines. Nous trouvâmes dans la voûte , entre les stalactites et dans les fentes de rochers, la chauve -souris, que Bujfon nomme serotine(i). Elle s'attache aux rochers par les crochets qu'elle a aux extrémités des ailes. Malgré nos torches , nos marches et contre-marches , nous ne pûmes mettre ces animaux en mouvement qu'en les prenant dans la main. '' ■ il. Il — — — — M» \})Vtsptnilio scrotinus, Sdireb. 488 iyyö.VE KisïRb ak-AoüC Apres m'être amusé de ces merveilles sou- terraines , je songeai à mon retour. Je tra- versai une plaine située près du Laeklé. Après avoir passé ce ruisseau ^ je me trouvai dans xme forêt de bouleaux , mêlée de peupliers et de saules femelles ; j'y traversai le ruisseau de Krœîdésilga , qui se jette dans l'Aï. J'arrivai par la route ordinaire à Biktougan , village Ba- çchkir. Le Schaschan-Silga , qui coule dans son voisinage , se jette aussi dans l'Aï. Je -montai ensuite une cote couverte de belles forêts de pins et de bouleaux , appelée Siliias-Arkassé parles Baschkirs. Arkassé signifie, dans leur langue , une montagne rapide , alongée et cou- verte de rocs, qui. forme le. dos-d'âne 5 ils se servent du mot Taou pour désigner une liante montagne, ou une chaîne de montagnes sépa- rées; de TouAi, pour marquer une côte étendue, qui décline en pente douce. Tasch et îaar , ou Dshiar , signifient une muraille de rocs à pic, ou,, une rive de rocs élevée. Le grand nombre d'épithètes; dont les Baschkirs se servent pour distinguer les grandes et pe- tites montagnes, les collines, les vallons , les forêts , les ruisseaux , et courans d'eau , etc. y sont une preuve certaine de leur ancienne ha- bitation dans ces contrées. Il faut convenir ce- pendant que leur vie errante et la chasse ont beaucoup contribué aux noms propres des lieux remarquables dans les déserts qu'ils parc.ou- A I O g S Ô V vl 4^9 Tent sans suivre aucune route. Quand même les Basclikirs descendroient des anciens liabi- tans des' monts Ouralsks , alliés des Ougres ^ comme le prétendent nos historiens modernes , il est étonnant que leurs liaisons avec les Ta- tars ne leur aient pas fait entièrement oublier leur langue , et que leur alliance avec eux ne leur ait communiqué aucun trait de ressem- blance , soit dans la figure ou la couleur des cheveux ; ce qui pou voit fort bien arriver sans changer d'habitations ni de manière de vivre. Après avoir traversé leSiliias-Arkassé, nous entrâmes dans des prairies humides , entourées de montagnes ornées de bosquets épars. Ce ter- rain herbeux s'étend jusqu'au pied du Kouk- schae ou Oulou - Koukschce , montagne très- haute et très - considérable Ces prairies sont arrosées par la petite rivière d'Oulouiirou Ou- loudshir , qui tombe dans l'Aï, d'où nous étions éloignés de quinze à vingt verstes au sud. Nous passâmes la nuit dans un gros village Baschkire situé sur les deux rives de cette petite rivière. Il est habité par la principale souche de cette nation, nommée Toubéless , qui fait partie de la tribu d'Ailé. J'appris ici que les Basclikirs , habitans du village de Biktougan , vont cher- cher , près de l'embouchure de L'Ouloulir dans l'Aï, une terre très -riche en nitre, dont ils fabriquent la poudre. Je ne trouvai personne J+ A , 49° i77°* M Kisirbak-Aoül .jt Îousoup.* qui pût me conduire à cette place. Ceux qrrî la travaillent avoient disparu , afin de ne pas être forces de m'y conduire , ni de nie donner de* renseignemens- Fia du Tome deuxième* f V' ^cj# a 1 1