.** PHH Digitized by the Internet Archive in 2013 - http://archive.org/details/voyagesduprofess06pall VOYAGES D U PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE E T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE. -A«. TOME SIXIEME, V O Y A G D U Professeur pallas, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE E T DANS L'ASIE SEPTENTRIONALE; Traduits de l'allemand par le C. Gauthier de la Peyronie.. NOUVELLE ÉDITION, Revue et enrichie de Notes par les CC. LAM AR CK, Profes- seur de Zoologie au Muséum national d'Histoire naturelle ; LANGLÈS , Sous - Garde des Manuscrits de la Biblio- thèque nationale , pour les Langues Arabe , Persane , Tatare- Mantchou , &c. ; et B I L L E C O C Q , Homme de Lettres« TOME SIXIÈME. A PARIS, Chez Ma rad an, Libraire, rue du Cimetière André- des- Arcs , n°. o. Z-'ah U de i.A. RÉPUBLIQUE, PUBLIC LIBRARY VOYAG ES DU PROFESSEUR PALLAS, DANS PLUSIEURS PROVINCES DE L'EMPIRE DE RUSSIE- s. Ier. D'Adon-Scholo a Birkoe-Gdeékhon» Du 2 an 4 §*ra* Tschindantourou kouefskdi - Karaoul. — Obser- vations sur Y Argali , mouton sauvage. — ■ Lac salin àeBorsinskoï. — Kouiioun-B oulak^ îo verst. — Dshiran - Tschoungourouk. — Vodiania-Tourga > 35 v. — Biélokopitova y 35 vers tes. — Mine &Aguin$kzé9 35 verst. — Birkoé-Gorékhon ? 10 verst. — Observation« sur les Toungouses de la Daourie. J e me serois amusé à séjourner encore sur cette montagne le lendemain 2 juin , si la troupe de chasseurs ne m'avoit fait dire qu'elle a voit tué un mouton sauvage. Je partis sur le champ pour retourner à Tschindantouroukouefskoï, où on Tavoit transporté. Les mêmes chasseurs A3 V 6 1772' b'Adon-Scholo rent encore un agneau sauvage $ ces deux ani- maux sufïisoient à ma curiosité. Observations sur l'Aroali^ mouton sauvage. Le mouton sauvage , appelé Argali par les Mongols , est plus fort que le daim , et pèse environ vingt pouds , six cent soixante livres. Le bélier pèse davantage , parce que ses cornes , lorsqu'elles sont formées, vont quelquefois à plus d'un pond. Il est plus élevé sur ses jambes que le mouton privé , mais aussi lourd , et on remarque peu de différence dans la conforma- tion de la tête. L-argali a les oreilles petites et dressées. Les cornes de la brebis sont de moyenne taille > et forment le croissant. Elles sont assez plates , avec deux angles émoussés sur le dos ; mais le bas du bord forme un tran- chant assez fort. Les cornes du mâle devien- nent énormes, et elles forment la spirale des deux côt'és de la tête , comme celles du bélier d'Europe. Cet animal a la queue très £. courte ; son sabot ressemble à celui de notre mou- ton. En hiver, il a le poil long et frisé, et mêlé de beaucoup de laine ; son poil est au contraire court etlisseen été. Les vieux avoient déjà quitté les poils d'hiver, et ii leur en res- toit très-peu. Leur couleur est d'un gris cen- dré. Cet animal se tient dans les montagnes désertes , arides , et dépourvues de bois , et sur les rochers ,où il trouve beaucoup de plantes amères et acres. Les brebis mettent bas avant que les neiges soient entièrement fondues. Ces agneaux ressemblent beaucoup aux jeunes che- vreuils ; ils naissent avec la pousse plate de leurs cornes, et un poil laineux, doux, et frisé - d'un gris foncé. Il n'y a pas de cerf aussi sau- vage que l'argali , dont il est presque impos- sible d'approcher. Lorsqu'on les chasse , ils se sauvent, en faisant quantité de détours adroite et à gauche. Il leur arrive souvent, quand ils trouvent des éminences ou des rochers pour se cacher,, de retourner sur leurs pas, et de pas- ser devant le nez de celui qui les poursuit. Ils sont d'une légèreté et d'une vitesse étonnantes à la course , et ils la soutiennent long - tems. Lorsqu'ils courent dans la plaine , ils ne font ni bonds ni sauts 5 mais ils grimpent les rochers et les franchissent avec une agilité étonnante. Quelque sauvage que soit ce mouton dans son enfance , on apprivoise aisément les agneaux , et on les habitue à boire du lait et à brouter du fourrage. Les soldats, employés à la dé- fense des limites , s'en sont convaincus par di- vers essais. Je me rendis , le 3 juin , au lac salin qui est dans le voisinage. Les Toungouses l'appel- lent simplement Da^assounéi-Noor (1). Il est » ■- — .... 1 ■ 1 11 11 1 mmfmmm4t (1) Lac salin, A 4 8 1772» ï>'âdon-Sc H010 situé au sud-ouest du Borsa, et à dix verstes de Tscliindantourouk en droite ligne , et à sept verstes au sud de la sinuosité la plus voisine du Borsa, où résident ceux qui sont chargés de la garde du sel. Le bassin de ce lac a en- viron six verstes et demi de circonférence , et deux verstes et demi de diamètre* Il s'élargit ^u sud-ouest , et forme deux anses. La plus grande partie de son bassin est unie et à sec. La vase noire qui le couvre est par - tout im- prégnée d'un sel de glauber, qui prend la qua- lité de natrurn à l'air. Le fond du lac est re- vêtu , en tout teins , d'une croûte de sel de glauber très - pur , qui a un pouce et demi à deux pouces d'épaisseur. Quoiqu'un peu mêlé de parties terreuses et de sel marin , il forme en le purifiant , de gros et superbes cristaux. Cette croûte se fond dans les années humides et dans les grandes pluies ; mais elle se forme de nouveau, à chaque printems, de l'épaisseur d'un à trois verchoks. Il existe une source vers la rive septentrionale de ce lac, vers un fond couvert et imprégné d'une pareille croûte très- épaisse (Tschérep). Dans certaines années , cette source baigne , dès le printems , une par- tie plus ou moins considérable de ce lac, et la couvre d'une excellente inuire de sel amer. Lorsque le teins est sec en été, on voit alors le sel de glauber , qui abonde dans cette inuire , l'attachée à l'ancienne croûte du lac , et le sel A Birkoé-GorÏkhott, 9 maria qu'elle renferme se cristalliser sur sa sur- face , et y former cle jolies pyramides et des cubes. La croûte a alors beaucouo de solidité, et on la ramasse facilement avec une pelle. Si le fond vaseux du lac n'est point baigné au printems, il n'y a aucun espoir de récolte de sel. Il a produit vingt mille pouds en 1768 $ mais on n'y a point vu de inuire depuis cette époque. La source avoit arrosé, cette année , une partie assez considérable du lac , et lui ckmnoit encore des eaux : aussi espéroit - on une excellente récolte , à moins que de fortes pluies ne vinssent détruire ces espérances. J'ai su depuis que la récolte a été très-bonne; le sel marin avoit un verchok d'épaisseur sur la croûte de sel amer. La chancellerie du Voïévode de Nertschinsk envoie tous les ans un piquet de cinquante hommes près du Borsa , pour garder ce lac salin. Ce piquet y reste depuis le mois de mai jusqu'à celui de septembre. L'entretien de ces cinquante hommes augmente beaucoup le prix de ce sel ^ et devient onéreux à la couronné dans les mauvaises années. Lorsque le sel s'est formé en cristaux, on prend , outre ce piquet , des Toungouses et des Russes pour faire la récoite du sel. Sept cents ouvriers quelquefois y travaillent à la journée. On a construit en charpente des ma- gasins près du lac , pour y déposer le sel. Il îo %77^' d'Adon-Schoio est ensaché à mesure qu'on le ramasse , et des chevaux le traînent ainsi jusqu'aux bords du îac ; les ouvriers y prêtent la main , au be- soin . Le transport de ce sel à Nertschinsk se paye nn kopek par poud. On en charie aussi beau- coup aux mines d'argent et aux postes qui dé- fendent les limites. Deux petits marais salins avoisinent ce 1,1c ; mais ils ne produisent point de sel marin. A l'ouest du Borsinskoï se trouve une montagne unie , derrière laquelle est le Taréi-Noor. A quinze verstes , une borne de limites , placée sur rOuenkoé, forme un promontoire. Je trou- vai, dans les landes qui avoisinent le lac beau- coup desophora lupinoïde ( i ) , et de stellere jasminoïde (2) , en fleurs. J'y remarquai des fleurs isolées de l'iris blanc de lait (3) , dont j'ai fait mention. Bien persuadé que j'avois rassemblé tout ce que la Daonrie pouvoit offrir d'intéressant en his- toire naturelle , soit pour le règne animal , soit pour le végétal, je songeai à mon retour, afin d'arriver à teins pour trouver encore dans leur beauté les plantes intéressantes des environs de Sélenguinsk , qui font partie de la Daonrie, (x) So if hör a lupinoldes. (x) SiélUra Chamœiasme. (j) Iris Lictea. Appendix, n*. 6] a Birkoé-Gouékhon* il Je laissai M. Sokolof en arrière , pour obser- ver et récolter les plantes que cette province produit dans l'arrière - saison. Les différentes preuves qu'il m'a voit données de s du intelli- gence et de son exactitude m'inspiroient la plus grande confiance en lui. Je pressai mon départ, parce que les fatigues avoient altéré ma santé. J'étois si f bible , qu'il me fut im- possible d'aller visiter les mines , dont la con- uoissance m'étoit nécessaire pour donner la description des forges d'argent de Nertschinsk. J'avois en outre un engourdissement périodi- que dans le bras droit , qui étoit une suite de mon accident de l'armée dernière. Je laissai le soin de visiter ces mines à M. Gèorgui 3 apothicaire de Saint- Pétersbourg, qui devoifc me rejoindre. Ce savant, l'un des voyageurs nommés par l'académie de Pétersbourg., s'étoit offert pour cette expédition aussi-tôt après son. retour du lac Baïkal. Je formai un plan de voyage $ je me disposai à me reudre d'a- bord près du Sélenga , pour recueillir les superbes plantes de cette contrée , et à me transporter ensuite vers i'imisséï supérieur y aiin d'examiner tout ce que ce canton offre de remarquable et d'intéressant. J'étois d'autant plus pressé d'exécuter ce projet , que mon. voyage en Daourie avoit non seulement altéré ma santé , mais aussi épuisé et rendu malades toutes les personnes qui ni'aceompagnoient. ,12 *7?a- »'AßON-ScflöLO L'espérance d'un prompt retour leur donnoxt encore assez de force pour s'occuper des pré- paratifs de notre nouveau voyage. L'air vif, qui règne an printems dans cette contrée , hé* rissée de hautes montagnes , étant suivi , en été , d'un air étouffant , avoit fait une trés- forte sensation sur nos corps an passage de ces deux saisons. Il paroît que l'air agit même sur les habitans de la Daourie , et les rend mous et paresseux , quoiqu'ils soient d'un naturel aussi vif et aussi gai que ceux des pays chauds. Le 5 juin , je partis de Tschindantonrouk pour retourner vers l'Onon. Je traversai de nouveau le Eorsa pour revenir au poste chargé de l'inspection du sel. Je suivis ensuite la route de Nertschinsk jusqu'à l'Onon. Ce chemin passe par le village de Biélokopouitova , ap- pelé aussi Scharanaï. En quittant le Borsa , il traverse la montagne d'Adon - Scholo , qui reste sur la gauche, le Koukouldéi, et d'au- très montagnes qui longent la droite de cette rivière. On passe un vallon sec s où l'on ren- contre beaucoup de fonds salins , sur - tout dans les environs du petit lac Khara. Au bout de dix verstes, on trouve dans ce vallon une superbe source froide, dont les eaux se per- dent à peu de distance. Les Kosaques Russes, qui gardent les limites , ont commencé à y faire un établissement, et à y construire des mai- sons. J'atteignis, plus loin, le bas -fond appelé A BlRKOÉ-GORéKHON. l3 Dshiran - Tschoungourouk. Comme il est rempli de petits lacs , on lui a donné le nom de Tschastié - Ozéra (1). Je m'y arrêtai. Je vis , le long de cette vallée , beaucoup de ti- thymale à grosses racines, dont j'ai t'ait men- tion , et d'anémone des landes à fleurs blan- ches (2) , qui étoient en fleurs. La rhubarbe à feuilles velues et ondées , avec des pétioles égaux ( 3 ) y commençoit à pousser ses tiges à fleurs. Cette rhubarbe, qui abonde dans les montagnes ouvertes de la Daourie , se plaît autant dans le voisinage des ruisseaux oue sur les collines pierreuses et couvertes de gravier , qui ne sont pas trop arides= Il est probable que ces collines ont des sources cachées. Les Bouriats mangent crues les tiges acides de cette plante pour étancher leur soif \ ils ne le font que dans le plus grand besoin , parce qu'elles sont si astringentes , qu'elles resserrent le gosier , et elles amortissent tellement la langue et le pa- lais, qu'on reste au moins un jour entier privé du goût. J'ai été forcé malheureusement d'en faire l'expérience moi - même , et rien ne me paroissoit plus désagréable que de prendre du thé avant que la plante eût terminé son effet. Je présume que cette rhubarbe croît dans di* (1) Les soixante lacs, (x) anémone sylvestris. (5} Rheum un du h tum* %4 1772. d'Adon-SchoiO verses contrées de la Sibérie,, et sur -tout près des limites d'Abakanskoï et d'Oudinskoï , et dans les montagnes de Tounkinskoï. On en a récolté, depuis peu , près du Dshicla et de l'Onon, que Ton a donnée pour la vraie rhu- barbe. Cette fraude a souvent lieu lorsque la racine de cette variété devient très-srosse , et se conserve bien , elle ressemble alors beau- coup à la rhubarbe étrangère. J'ai dit., plus haut, que si on cultivoit cette rhubarbe de manière à préserver de pourriture la racine principale , et si on lui laissoit acquérir assez de force, on se procureront une rhubarbe qui ne le céderoit guère à la rhubarbe étrangère. J'arrivai sur le soir, après avoir traversé une montagne unie , à la petite rivière de Tourga , dont le cours se dirige vers l'Onon. Elle est formée par la réunion de plusieurs petits ruis- seaux entre ce fleuve et une montagne située près de l'embouchure du Borsa. J'y passai la nuit, quoique le lieu fût très-désagréable , à cause des cousins dont l'air est rempli. Nos Toungouses tuèrent des demoiselles de Nurni* die. Cette jolie espèce de grues est assez abon- dante dans cette contrée. Le 6 , après avoir passé la Tourga , je tra- versai des montagnes assez élevées. La pre- mière, qui est à gauche, s'étend jusqu'à l'O- non '7 on l'appelle Schar an aï. Je trouvai en- suite xiik fond arrosé par trois petits lacs , nom- A BlRKOé -GORÉKHON. l5 mes Gourban. Je passai , à quinze y erstes plus loin , le ruisseau de Birkoé. J'atteignis enfin le village de Biélokopitova , qui avoisine l'Onon. Ce lieu est à quatre - vingts verstes de Tschindantour ouk . Des Kosaques de Nertschinsk occupent le petit nombre de maisons qui le« com- posent. Le petit village de Scharanaï est à plusieurs verstes de-là, mais du même côté» Ses habi- tans dépendent tous de la Jurisdiction des mi- nes d'argent. On ne rencontre plus aucune habitation Pousse en remontant l'Onon jusqu'à la forteresse d' Akschinskaia , dans une distance de plus de deux cent cinquante verstes. On voit au contraire , sur ses rives , en le descen- dant, un nombre considérable de petits vil- lages, et sur - tout depuis l'embouchure du Dshita dans l'Onon, à environ soixante verstes cje Biélokopitova. Ces villages peuplent une contrée trop étendue pour les Toungouses, dont l'aisance est diminuée de beaucoup. Le Dshita est encore plus habité. On peut assu- rer que c'est la rivière deDaourie , dont les rives sont le plus peuplées, parce qu'on y a établi de nombreuses colonies. Les montagnes qui bordent l'Onon sont com- posées de rochers , et couvertes de sable. Elles étoient émaillées de fleurs. La plante la plus commune est le pavot sauvage des Alpes. Il y en a de toutes les nuances depuis le blanc i6 1772. d'Àdon-SchoLo et le couleur de paille léger , jusqu'au jaune d'orange. J'y vis un iris (1), qui abonde sur toutes les montagnes de l'Onon ; on ne le trouve qu'en Daourie. Ses feuilles commençoient à sortir de terre. Les Mongols le nomment Khaïts« cm (2). Ils font usagedesa racine pour les maux de dents. Une centaurée ( 3 ) , particulière et remarquable , montroit ses premières fleurs j elle est propre à la Sibérie orientale. La lich- nide des Alpes (4) couvroit toutes les prairies basses. Les poiriers sauvages (5), qui garnis- sent les îles et les rives du fleuve, étoient cou- verts de grandes fleurs blanches. L'aubépine étoit déjà défleurie. J'augmentai ici ma collec- tion de plusieurs espèces d'oiseaux. J'apperçus sur tous les buissons de saules une espèce de bruant (6). On rencontre plusieurs lacs sta- snans dans l'enfoncement de l'Onon. Les moules 29 que l'on y pêche sont remarquables par leur grosseur extraordinaire. J'en ai parlé à l'article d'AKSCHlNSKAIA. (1) Iris dichotoma, Appendix , n°. 2,71. (z) Ciseaux. (3) On pourroit lui donner le nom de centautea grandi* flora , par rapport à la grosseur de ses fleurs. Gmélin l'ap- pelle çentaurea calyçibus membranaceis , foliis pinnaiifi- dis dentatis. Flor. Sibir. II, p. 86, n* 67 ■> tab. 38, ma/a, (4) Lychnis alpin a. (5) Pyru* baccata. (6) Emhri\ lorsqu'on n'en gardoit pas encore les limites. Les Mongols 9 beaucoup moins aguerris que les Toungouses , étoient plus nombreux. Les der- niers reçurent bientôt de violens échecs, qui furent suivis de pertes et de maladies épidé- miques. Ils sont aujourd'hui si ruinés , que (i) Chasseur guerrier. (i) Kamnega signifie à peu près un étranger , ou un nou- veau venu qui parle une langue étrangère. Il est le synonyme du barharus des Grecs et des Romains. B 3 2& tjyi. D'ÂDOïf-ScIoto beaucoup d'entr'eux n'ont pas un cheval , et ne possèdent qu'un peu de bétail 5 plusieurs même nen ont pas. La chasse, qui fait encore leur principale occupation , étoit autrefois leur richesse; mais elle a considérablement diminué depuis l'immense augmentation de population entre l'Argoun et l'Amour. L'établissement des forges y a également contribué. Les Toun- gouses cherchent à se procurer, par la chasse , les moyens de payer leur capitation. lis se transportent à cet effet dans la Daourie Chi- noise , qui abonde encore en animaux , dont les fourrures sont estimées. Ils traversent fur- tivement l'Argoun et l'Amour , et' franchissent les limites. Ges chasses leur deviennent quel- quefois plus désavantageuses que profitables, Ils sont surveillés de près par des troupes de chasseurs Mongols', et par les détachemens chargés de la garde des frontières , qui les font prisonniers. Ces Mongols les dépouillent de tout ce qu'ils ont , et leur enlèvent leurs che- vaux', armes , bagages, et gibier, et les mè- nent ensuite sur les terres Russes. Pour les pu- nir davantage , au lieu de les transporter tout de suite sur les limites de l' Argoun , ils les conduisent au contraire vers l'Ourga, et de -là à Sélenguinsk. Cette conduite se fait avec des formalités qui deviennent une surcharge de plus pour les prisonniers, qui sont souvent détenus pendant six mois. Le tems des chasses se passe : ft. BiR&ol-GoiilKHoir.1 s3 ces misérables Totingouses sont alors hors d'état de payer leur tribut , et de nourrir leurs fem- mes et leurs enfans , qui périssent souvent de misère. On voit aujourd'hui beaucoup de ces Toungouses ruinés , établis près des villages Kusses et des forces de Nertschinsk ; ils tra- vaillent à la journée à la culture des terres ou aux forges. Ils s'estiment heureux , pourvu que ceux qui les emploient payent leur tribut, les nourrissent ^ et leur procurent quelques vête- mens. Ils travaillent de bon cœur. Il y en a plusieurs de baptisés ; la misère et l'intérêt sont les seuls motifs qui puissent les y engager. On a vu des chefs Russes prendre à leur service des femmes Toungouses dans l'absence de leurs maris , et les faire baptiser^ Les maris viennent les réclamer , en offrant de se faire chrétiens y mais on leur refuse souvent le sacrement , afin de les débouter de leur juste demande. Les Toungouses sont, de tous les peuples qui habitent les vastes landes de l'empire de Russie., ceux qui manient le mieux un cheval , les plus habiles tireurs d'arc , et les plus cou- rageux guerriers : ce qui les rend redoutables aux Mongols. Ce peuple, par sa fidélité, est très-propre pour faire le service de Kosaques sur les limites de la Chine. Ils sont au nombre de quatre mille huit cent soixante - huit hom- mes. On ne pourroit opposer de meilleures troupes légères aux Mongols^ en cas de guerre B 4 pour la contestation des limites. Un corps de ces Kosaques Toungouses ëtoit assemble pen- dant mon séjour à Akschinsk $ j'ai assisté à leur exercice, et j'ai admiré leur adresse à tirer de Tare. Ils plantent une flèche en terre pour ser- vir de but. Ils partent ensuite à bride abattue , et tirent leurs flèches en allant au grand galop. Pendant la course, le cavalier est obligé de faire avancer son cheval à coups de fouet, de prendre la flèche , d'en armer son arc , et de tirer sans avoir la bride en main. Il ne peut par conséquent conduire son cheval que par le mouvement du corps et des cuisses. En les voyant, on ne croiroit jamais qu'ils puissent se tenir en selle. Ils parviennent à faire sauter la flèche qui sert de but. Ils se portent avec une agilité étonnante tantôt sur l'étrier droit , tantôt sur le eauche, et se remettent en selle d'un saut pour tirer par-derrière sans arrêter le cheval dans sa course. Enfin , ils exécutent à cheval toutes les manœuvres imaginables. Les chefs des tribus Toungouses s'appellent Toïon. Ils sont chargés de tenir un état exact de leur population , et de porter leur tribut à la chancellerie de Nertschinsk. Ce toïon fait ordinairement l'avance de cet impôt en argent; lorsque les chasses sont finies , il a sain de se faire payer de ses avances en zibelines, lou- tres, gloutons, et écureuils noirs, et il n'y perd jamais. Les Toungouses de Daourie ont, A B ï R té O Û - G O B É K M O K. 2& mitre ces chefs particuliers , un chef principal, on KniAzetz , appelé Santimourof, qui com- mande aussi les Kosaques Tonngouses. Son père , qui s'étoit sauvé de la Mongolie , avoit obtenu , en récompense de ses services , la commission de Dvorian'm de Nertschinsk. La petite vérole a exercé de grands ravages parmi les Tonngouses depuis la conquête de ce pays. C'est en 1767 , dernière époque où elle a régné en Daourie , qu'elle a fait le plus de mal. Elle n'avoit pas paru depuis dix ans dans la contrée 5 et cette épidémie ne se fait sentir communément que tous les dix ans. Il en est de même dans plusieurs contrées éloi- gnées de la Sibérie , qui sont fort peu peu- plées. Les Tonngouses et les Bouriats craignent autant cette maladie que nous redoutons la peste. Ils n'ont pas tort, puisqu'elle leur fait presqu'autant de mal que ce dernier fléau. Dès qu'un Toungouse en est attaqué, ils l'abandon- nent à lui-même,, en lui laissant les vivres les plus nécessaires à sa subsistance. Lorsque la maladie devient épidémique^ ils placent du thé et des viandes devant leurs iourtens 5 ils prient avec beaucoup de ferveur , en faisant des 5o verst. — « Oulsoutouéva , 35 yerst. — - Kroutschinskoï 9 33 verst. i5q toises. — Fort de Tschltinsk , 3i verst. i5o toises. -— Pritoupova ? 3o verst. «— Schakscha^Khazatzkoï-Staniz 9 35 verst. -— Ourdou - Konda 9 2,5 verst. — Khouh- doutzkoï-Staniz y 53 verst. Le 8 juin, je continuai ma route en cô- toyant l'Aga. Cette petite rivière coule entre des montâmes' dont les d en tes sont assez douces. On trouve ? dans son enfoncement , des places marécageuses, j'y vis en fleurs l'anémone à ti^e fourchue (1), la pédicuiaire verticillée ( 2 ) , et un petit sisymbre tubéreux (3) 3 ces plantes y abondent. On trouve , en remontant cette rivière , beaucoup de tombes anciennes cou- * s. vertes de dalles. On rencontre ces monumens dans les contrées qui fournissent les plus beaux (î) Anemone dichotoma. (1) Pedlcularis verticillata, (.3) Sisymbrlum tuberosum. s8 1772. de BirkoS-GorS kHoîT pâturages-; les bords de l'Agâ. en ont d'excel- lens. Les terres à labour y sont de la meilleure qualité. On auroit établi des villages sur ses rives, si on n'a voit craint d'exciter la jalousie des Bou- riats de Khorintzi. L'Oussoutou - Khila , ruisseau marécageux , qui se réunit à i'Aga, sur la droite , m'obligea de traverser cette rivière. Après avoir côtoyé «a rive gauche pendant plusieurs verstes , je passai les ruisseaux de Saritéi et de Mogoïtou. Je repris ensuite la rive droite , qui est bornée , par places, par des montagnes boisées de pins. Je traversai, le même jour, les ruisseaux de Khoréi-Khila , Narin-Gorékhon , et Kilganda, et plus loin le Kouitoun - Boulak , et Y Amet- schaatscbé. On trouve , sur la gauche., la route de Nertschinsk à Akschinskaia. Je traversai de nouveau l' Aga , après l'avoir côtoyé le même jour , pendant quarante verstes. Je passai une longue vallée , appelée Zagha n-Scho- xotéi, et une montagne située près du ruisseau d'Oubour - Argaléi , où nous nous ar- rotâmes , après avoir fait au moins soixante verstes. Nous fûmes reçus très - honnêtement par des Bouriats de Khorintzi, qui campent sous les iourtens près des bords de l'Aga. Ils firent avancer leurs nombreux troupeaux de chevaux vers la route, pour nous fournir de chevaux de relais, parce que les nôtres étoient rendus de fatigue. Ils nous apportèrent en pré- 3£ Khow bdoutzkoï- Statîiz. 29 sent des moutons, du lait , et du koumiss. Ce bon accueil m'étonna 5 mais je sus que c'étoit par reconnaissance du traitement honnête que j'avois fait aux chasseurs rassemblés près du Borsa. Ces Bouriats étoient l'élite de leurs jeunes gens. Peu après avoir quitté l'Argaléi, on atteint une montagne assez humide, dont la cime la plus élevée et la partie septentrionale sont agréa- blement boisées de bouleaux. Quoique cette montagne ne soit pas très-haute, je vis cepen- dant^ dans ses fonds humides et ombragés, les plus belles plantes des Alpes , en pleine floraison. J'admirai sur-tout la beauté de la rhodiole ( 1 ) , qui croît dans tous les marais $ elle avoit près d'une aune de hauteur. Cette plante étoit accompagnée de l'androsace à fleurs couleur de lait ( 2 ) 9 de la cortuse de Gmélïn (3) , plante très-rare , et de la mitelle nue (4) ; je n'ai vu ces deux plantes en fleurs qu'ici. J'observai , dans les terrains secs et noirs , parmi les broussailles , le sabot bul- beux (5) _, le pigamon des Alpes (6) , le trolle d'Asie (7) , et plusieurs autres plantes des bois. (1) Khodlola rosca. (z) Androsace lactea. (3) Conusa Gmelini. (4) Mitella nuda. (5) Cypripedium bulbosum, (6) Thallctrum alpinum, (7) Tr&lliuj asiatijvs. 3o 1772. DE BlBKOÉ-GoKÉKHOK Ces broussailles, formées par la spirée à feuilles cle germandree (1) , étoient tellement couvertes de fleurs , qu'on auroit pu croire qu'il étoit tombé cle la neige. Ces fleurs et celles de L'é- glantier fbrmoient l'émail le plus agréable. Au- delà de la montagne , les ruisseaux s'écoulent dans la Toura \ cette rivière tombe dans i'In- goda , qu'elle sépare de l'Onon. Cette monta- gne est variée par des vallées ouvertes^ et des élévations, en plus grande partie , sablonneuses, garnies de forêts de pins. Je traversai ies ruis- seaux de Dshibkoessen , Noéliékok , Tiiloé , et de Taaléi. Ce sont les noms que leur don- nent les Bouriats. Je côtoyai l'Aingalik , ruis- seau, considérable. J'arrivai à l'Arou-Àr^aléi^ et j'atteignis, peu après , la Toura, sur le soir. Je fus obligé de m'arrêter ici pour laisser reposer nos chevaux , ne pouvant me procurer un relais , parce que les Bouriats n'occupent point cette contrée en été. J'avois encore trente- cinq verstes à faire pour arriver à Kliaraman- gout. Jusques-là régnent de belles émincnces, couvertes de verdure. Je vis , le long de la route , beaucoup d'astragaloïde de Sibérie (2) en fleurs. Je traversai le ruisseau de Kibirli , qui a sa source dans un marais, et ceux de 0-— — -■■■,,.,■■,.■■■-—■■-—» w^mmm ■■— —-■ " wmm-mmmm — ■» > » ■ ■■ ■»- .■- — «■ ■■ ■ ■ « ■ ■ ■* i — (ï) Spina chamdsdrifoîia. (1) Phaca Sibirica , an muricata. Appendix, n°. 385. %. Khoitbdoutz-koT-StAnïz. 3i Tscliigaldshour et d'Anadshikan , en avançant vers l'Ingoda. Cette rivière étoit si basse, qu'on pouyöit la traverser à cheval dans plusieurs places. Je pris enfin la grande route de Tschi- tinsk. Je fis traverser la rivière à mes voitures, et continuai ma route , en la remontant. Je trouvai sur ses rives l'astragaioïde des Alpes (1) , et la rhubarbe à feuilles ondées (2) j elles étoient en fleurs et en abondance. J'apperçus sur leurs fleurs beaucoup d'insectes rares , dont je ne connoissois pas le plus grand nombre. Plu- sieurs collines étoient garnies de phlox de Sibé- rie (3). Je couchai au Staniz de Kroutschinskoï. Je traversai, pour y arriver , les ruisseaux de Boudoungou , d'Oulbour , de Kamtschat, d?Ou- Icina , et de Bolétoui. Je trouvai encore beau- coup de glaces sur les rives du Kamtschat, quoiqu'elles soient exposées au soleil. On m'a assuré qu'on en voyoit jusqu'en automne dans le vallon étroit où il prend sa source. Le ha- meau de Makavééva , situé sur ses bords, est composé de deux maisons. Je quittai, ce jour- là, la Daourie. Mes chasseurs tuèrent une fau- vette (4) d'une espèce qui m'étoit inconnue 5 je ne l'ai rencontrée qu'en Daourie. (1) Phaca alpina. (z) Rheum undulatum, (3) Phlox Sibirica. (4) Motcmilla meianope* Appendix, h°. 76 3Z I772. DE BIRKOI-GORÉKHON Le lendemain, je côtoyai presque continuel- lement llngoda , qui coule au pied d'une chaîne de montagnes constituées de rochers et de sa- ble. Elles sont très - boisées. Ses rochers sail- lans avancent tellement vers le fleuve, dans certaines places, que la route devient très- étroite et fort incommode ; elle l'est déjà beau- coup par la quantité de ruisseaux et de val- lons escarpés qui la traversent. En quittant Kroutschinskoï ., on est obligé de faire deux fois un assez long trajet entre le rivage et les rochers. Une voiture peut à peine y passer ; cette route est interceptée , au prîntems , par le débordement du fleuve. On ne peut voyager alors qu'avec beaucoup de danger, et par un sentier qui traverse les montagnes. Des éléva- tions sablonneuses rendent , en tout tems , le chemin très-pénible. On trouve un grand nom- bre de coquilles de moules sur des gradins de la montagne , qui sont à plusieurs toises au- dessus du niveau de l'eau. Elles y ont été pro- bablement chariées par une crue extraordi- naire. Je passai plusieurs sources, qui n'ont pas de noms 5 je traversai la petite rivière de Kroutschina , les ruisseaux de Glouboka , et d'Ielnischna , la petite rivière de Nikisehischa , et le ruisseau de Pestschanka , qui est peu éloi- gné de Tschitinsk. La forêt , qui borde l'Ingoda, étoit émaillée de fleurs. Je vis eu floraison les plantes sui- vantes : A KO UBDOUTZKO'f- St àniz. 3$ vantes , qui étaient les plus communes ; la quintefeuille frutiqueuse ( 1 ) , le cornouiller blanc (2) y le trolle d'Asie ( 3 ) , deux espèces de cypripede (4)> appelé vulgairement Sabot de Notre-Dame , la julienne de Sibérie , et la julienne commune ( 5 ) , la stellere jasmi- noïde ( 6 ) , la valériane Grecque (7) , le géra- nium de Sibérie , et le géranium pied-de-pi- geon (8). J'apperçus un bel iris jaune (9) dans les fonds herbeux. En sortant de Tschitinsk , je me portai vers un petit village situé près du ruisseau de Do- gno , où je passai la nuit. Ce village est au pied de la montagne d'Iablonoï. Cette monta- gne est moins élevée de ce côté que vers la Sibé- rie , parce que la Daourie , et tout le pays situé à Test de Flablonoï , sont beaucoup plus élevés au-dessus du niveau de la mer que les contrées baignées par l'Ouda et le Sélenga. Je traversai cette montagne le 12; elle étoit assez sèche. Je n'employai pas autant de tems (1) Potentilla fruticosa. (z) Cornus alba, (3) Trollius asiaticus. (4) Cypripedium calceolus et guttatum» (5) Hesperis Sibirïca et matronalis. (ß) Scellera chamœiasme. (7) Polemonium. (8) Géranium Siribicum et columbinum» (9) iris flavissima, Appendix } n°. 176. Tome VL 34 *77*- DE KOUBDOUTZKOI à ce passage qu'à l'époque de mon voyage en Daourie. Les seules plantes en fleurs étoient les soucis, la spirée , plusieurs renoncules, Forobe tubéreux (1) , et la ronce arctique (2). La forêt étoit encore sauvage , et la montagne triste. Le Schakscha - Noor , près duquel je changeai de chevaux, étoit couvert, dans de certaines places , par des feuilles d'une sagit- taire (3) , qui n'appartient qu'à la partie orien- tale de la Sibérie. Elle croît souvent dans des places ou l'eau est assez profonde ; elle se plaît dans les lacs des montagnes froides. On ne la voit point dans ceux qui sont situés près du Sélenga et de l'Onon , qui sont dans une exposi- tion chaude. Je fus coucher à Ourdou-Konda , en passant à travers beaucoup de places marécageuses. La croûte qui les couvroit formoit des espèces de flots, après avoir été brisée parles pieds des chevaux. Le i3 , j'atteignis le ruisseau de Dogno , qui coule vers l'Iérawia. Le rhododendron de Daou- jrie fleurissoit encore dans la montagne maré- cageuse qui avoisine la source de l'Ouda. J'y vis aussi l'aune des Alpes à feuilles pointues , beaucoup de petits saules des Alpes , le ciste des (1) Orobus tuberosus. (z) Kubus arcticus. \$) Sagutaria natans. Appendix, n°. 404. I a Khar&antou. 35 marais , plusieurs espèces d'airelle , l'atragène des Alpes (1) , le chèvrefeuille à fruits bleus (2) j et autres plantes de même nature. S. î I I. D* KOUBDOUTZKOÏ- StaNIZ A KHARGAWTOtf. Du 14 au 16 juin. Boutoungoutzkoï-Staniz y 64 v. — Source mi- nérale près du ruisseau de Pogromnaia, — Boutoung-oulzkoï-Staïiiz* — Ruisseau de Po- péreschnaia, —Vallon de Khargantou , 4° V" J'allai , le 1 4 y jusqu'au ruisseau de Pope- resohnaia. Plus je m'éloignois des monta- gnes des limites , plus les campagnes se cou- vroient de fleurs. Certaines plantes devien- nent plus rares lorsqu'on approche de la partie occidentale des montagnes , et on en perd de vue d'autres aussi - tôt qu'on est sorti de la Daourie. Je traversai plusieurs éminences couvertes de phlox de Sibérie ( 3 ) , alors en fleurs. On voyoit , sur le même terrain , deux variétés de cette plante absolument distinctes par leurs fleurs, et séparées par le chemin (1) A tr agent alpina. (%) Lonicera cœruUa* (j) Phl, , | , m . ,., » » Il I. Il ■! I ■ (i) Potauilla fnuk'oja* $KhàrGàwtou, Sy étoient élevées en haut par les eaux du ruis- seau : ce qui prouve que les eaux de la source submergée renferment des parties ^piritueuses. Les Bouriats ont formé , à dix toises de-là., un petit bassin , pour y recevoir les eaux d'une source plus petite y elles jaillissent par plu- sieurs veines/ qui se font jour dans le bas du rivage du Po^romnaia. Plusieurs Bouriats v prenoient les eaux. Celles-ci sont les meilleures et les plus spiri tueuses de celles qui existent actuellement j et elles ont une parfaite affinité avec les eaux acides et spiritueuses de Sel- ters (3)5 les Bouriats préféroient celles de la source qui a disparu. On en trouve, en re- montant le ruisseau , une troisième plus pe- tite 5 mais ses eaux sont très - inférieures en qualité. Une veine ruisseloit sur le rivage près de cette source \ les eaux de cette veine sont assez agréables à boire, quoiqu'elles aient une saveur martiale. Les Bouriùvts n'en font point usage. On pourroit , à peu de frais , donner un autre cours au ruisseau , et se procurer , (1) La fontaine de zzs eaux minérales est près du village de Selters \ et lieu est situé sur la Lahn , dans le bailliage de If^eilbourg , principauté de Nassau- Weiibourg ,- cercle du Haut-Rhin. Il ne faut pas les confondre avec celles ac- pelées communément eaux de Seltz ; ces dernières proviennent d'une fontaine qui avoisine Niedtr-S elters , village situé sue TErasbacK , dépendant du bailliage de Limbouro- , dans le cercle du Bàs-Rhin. Note du Traducteur. c s 38 ijjz.tm, Kotnsöou tzkloI par ce moyen , une excellente source d'eau mï- ïiérale , qu'on conoentreroit dans un beau bas- sin., en rehaussant les bords du terrain , pour la mettre à Pabri des inondations et des eaux de neiges. Je ne parlerai pas de mes essais sur ces eaux minérales. Elles n'étoient pas encore dans leur force , parce que le terrain avoit été baigne par la fonte des neiges* M. Géorgui a fait un voyage en automne dans cette contrée. Je lui avois recommandé d'analyser ces sources avec soin. Voici le résultat de ces observations. «c Les eaux jaillissent en automne de ces trois s>. sources différentes ( i ) , situées du» nord au *i sud sur la même ligne, et à dix ou douze a> toises Tune de l'autre. 33 Après avoir analysé les eaux de ces trois s> sources en même tems , je n'ai remarqué 3> aucune différence dans leur goût, mais bien a» dans leur force et leur qualité. Les eaux de » la source inférieure., la plus méridionale, 3> sont celles qui ont le plus de force. J'ai » découvert dans son fond plusieurs petits jets (l) M. Georgia auroit pu faire en même tems des expé- riences sur la source du milieu , parce que le ruisseau qui la baigne en hiver s'étoit retiré. Il ne jugea pas à propos de les faire , parce que son bassin n'étoit pas encore dans son état naturel ; d'ailleurs il y cxistoit encore un mélange d'eaux étrangères. aKhaägaktoxt. 39 » qui clîfféroient entièrement des autres , quoi- p qu'à leur proximité. » Cette source m'a paru avoir le même goût y> que les eaux de Seltz , qui sont très-agréables. » Après avoir avalé de cette eau, on sent un 35 arrière -goût de pourri, qui n'est pas rebutant. y> J'en ai rempli une bouteille , et l'ai bien a> bouchée. Au bout de quinze jours l'eau avoit » conservé toute sa force $ elle auroit pu y » rester long-tems, si la bouteille ne s'étoit pas » brisée 3 j'ai attribué cet accident à l'air qui » étoit concentré dans l'eau. 33 L'eau fraîchement puisée et agitée dans y> une bouteille y formoit beaucoup de petites :» bulles. Quand je levai le doigt. Fairen sortit » avec un peu de bruit. :» Le suc d'ancholie, le bleu de tournesol» :» l'esprit de sel ammoniac préparé avec de l'eau »et les acides, ne produïsoient aucun chan» 3> gement dans cette eau minérale. » Une mixtion de sel de tartre broyé , ou une jp solution d'argent, fit détacher plusieurs pe- i» tites particules grisâtres , mais sans y former 3> de nuages. >s La dissolution du sucre de sa turne rendit y> l'eau entièrement laiteuse , et lui fit déposer » un limon blanchâtre. y> L'eau devint également laiteuse avec 1# 3> dissolution du vif argent , mais le dépôt étoi* ;» d'un jaune pâle» C 4 4° VfjZ. DE Ko ÜB» OU TZKOÏ *> Une mixtion de noix de galles et de thé » lui donna les qualités de Peau de source na- » turelle. Cette eau , mêlée avec le thé , pre- » noit une couleur beaucoup plus foncée après » deux heures d'infusion , que l'eau de neige 33 dans laquelle on avoit mis de ce même » thé. 55 Les neiges qui tomboient étant accompa- 33 gnées d'un ouragan , empêchoient l'évapo- 3> ration de l'eau près des sources. Je fus obligé 33 de remplir un vase de cette eau minérale o5 (qui tenoitun Eimer de Russie), et de l'em- 33 porter dans les Iourtens Bratskirs établis pour ^ la poste. Je me suis assuré par l'hydromètre ^ qu'elle avoit la même pesanteur que l'eau de 3? l'Ouda. 33 Manquant des appareils nécessaires, je fus 33 obligé de faire l'évaporation dans un chau- 3> droïi de cuivre étamé ; quand elle fut réduite 3> à la contenance d'une tasse à < café, je l'ex- 33 posai au bain de sable. :» Aussi - tôt que cette eau minérale faj ^ un peu échauffée, il en sortit une telle m quantité d'air,, qu'elle ressembloit à du lait; 33 le grand nombre de petites vessies qui pétil- J3 loient sur la surface, ressembloit à de l'é- » cuine. L'eau s'est troublée très-sensiblement. » J'ai remarqué les mêmes effets jusqu'à ce 33 qu'elle fût à demi évaporée. Lorsqu'elle a y> commencé à bouillir , elle est montée en àKhargantov. 41 » écume , et elle étoit prête à se répandre comme x> le lait. J'ai observé la même chose au mo- 3> ment de sa parfaite évaporation. Elle s'étoit 33 éclaircie à sa demi-évaporation j j'y apperçus 33 alors beaucoup de partieules jaunâtres, qui, 33 après s'être agitées long-tems dans une es^ » pèce de fluctuation , se déposèrent enfin dans » le fond du chaudron. 33 Le résidu étoit d'un gris de cendre foncé , 33 léger, et formoit une poussière un peu rude » au toucher. Il pesoit une drachme et demie $ 33 et on pou voit évaluer à une demi-drachme » ce qui restoit attaché au fond des vases. Je :» l'emportai pour l'examiner avec beaucoup 33 d'attention. Il s'est conservé entièrement sec 33 dans le papier où je l'avois renfermé, et est 3> resté en poussière. 3> Ce résidu mis dans le creuset ne se gonfle 33 ni ne se durcit 5 iLne fait pas de bruit. Après 33 être devenu rouge, il se liquéfie et prend une 33 couleur plus foncée. *> Une drachme de ce résidu mise dans de ô3 l'eau de neige qu'on a fait bouillir , s'y dis- 33 sont jusqu'à la quantité de dix-neuf grains. 33 La terre qui reste est de la même couleur; 33 elle se réduit plus en poussière , et devient » plus rude au toucher. Mise au creuset , elle 33 prend d'abord une couleur brune foncée, et 33 demeure un peu plus brune après avoir 33 rougi. Elle fume dès qu'elle commence 4* 177a. DI KOÜBBOÜTZKOI » à frémir au feu ; cette fumée a une trè&- 33 petite action sur le soufre qui est cependant y> sensible. Mêlée avec les acides, elle a une >> forte effervescence. 33 Cette matière, lessivée avec de l'eau de neiger » donne une liqueur brune qui filtre difficile- » ment à travers le papier gris. Cette liqueur a un 33 goût de lessive , et fait effervescence avec le* 33 acides. Mêlée avec une solution d'argent, elle 33 dépose une poussière brune. Elle se précipite 33 avec force en écumant , avec la solution de vif- 33 argent ; elle prend alors une couleur jaune f » et elle devient presque mucilagineuse. Mise 33 avec une lessive de sang , on apperçoit à peine 33 un changement à cause de la couleur de la 33 liqueur. Elle noircit peu après y avoir mis 33 de la noix de galle en poudre , et elle prit 33 un noir assez vif au bout de vingt - quatre 3> heures. 33 Malgré mes soins pour faire évaporer la 33 lessive s je ne pus en obtenir de cristaux. Le 33 résidu devint sec, acquit la nature de la 33 craie, et fit effervescence avec les acides. Mise 33 au creuset, elle n'exhala aucune odeur de 33 soufre 33. » Le résultat de ces expériences prouve que les eaux minérales de Pôgromnaia renferment beaucoup d'éther , et un alkalî minéral très- sensible et très-reconiaoissable ; qu'elles con- tiennent plusieurs particules de mars , et un peu aKhakôântou. 4$ de terre calcaire , ainsi que toutes les eaux pures. L'odeur de soufre qu'exhale le résidu, lorsqu'on le met sur la braise , est une preuve qu'elles renferment un peu de sélénite. Les effets que produit l'usage de ces eaux démontrent l'exis- tence des trois premières substances , et c'est «ans doute par rapport à la quantité d'éther qu'elles contiennent , que ceux qui en boivent avec excès , ressentent une chaleur dans la tête, et un étourdissement. C'est la raison qui a fait appeler cette fontaine Yop A -Pi an ai a (i). Les Russes de cette contrée en font un grand usage à l'imitation des Bouriats ; ils en boivent même pour se désaltérer lorsqu'ils passent près de ces sources. Nous nous apperçûmes très-peu de cet effet après en avoir bu beaucoup $ nous ne res- sentîmes qu'un petit picotement dans le nez , semblable à celui que produisent le vin et la bierre qui renferment beaucoup d'air con- centré. Les Bouriats ont recours à ces eaux dans toutes les maladies. Ils consultent à cet effet leurs Lamas , ou prêtres. Plusieurs de ces prêtres se rendent chaque année à cette fontaine pour îa bénir, eu récitant diverses formules de prières. Les Bouriats les prennent communément pen- dant huit jours , ils en boivent trois ou quatre 4 (i) Eau enivrante. 44 1-772' »E KO ÜBT» 0U T2K0Ï fois dans la journée une tasse qui tient à peu près un tiers de pinte. L'usage de cette eau les affoiblit , et leur occasionne de petits accès de fièvre. La plupart des Bouriats se guérissent ainsi de toutes leurs maladies et de leurs diverses infirmités. Ils ne se sont jamais plaints à moi de l'effet pernicieux de ces eaux, et ne m'ont pas même dit que personne en fut mort. Les Russes assurent à tort qu'ils ont vu plusieurs malades périr pour avoir pris de ces eaux 3 il est à présumer que cet accident n'a pu être pro- duit que par un usage immodéré à la suite de quelque maladie grave. On a planté des branches d'arbres tout au- tour des deux anciennes sources , et pendu après ces branches toutes sortes de chiffons, de lam- beaux d'étoffes , et des omoplates de mouton ou de bœuf, sur lesquels sont gravées des Inscriptions Mongoles. Ces inscriptions dési- gnent les noms de ceux qui sont venus prendre les eaux, leurs maladies, et la date da jour où ils ont été guéris. J'ai vu près d'une de ces sources une longue perche garnie de deux tra- verses en croix. De petites planches fixées au bout de l'une de ces traverses, ressenibloient aux moulins à vent qui servent de joujoux aux enfans , et pouvoient tourner au gré du vent. On avoit écrit sur ces planches des prières Tan soutes. 'l'K H Ä R ff 1 » TOV. 4^ Il croît beaucoup de sisymbre à feuilles rudes (1) près du Popéreschnaia et de l'Ouda ; il étoit en fleurs. Cete plante abonde aussi près du Sélenga et du Baikal. Je vis sur les monta- gnes Taster des Alpes ( 2 ), et beaucoup de centaurée uniflore ( 3 ) qui étoit dans sa flo- raison. Je quittai ici la route de poste pour prendre celle que prenoient autrefois les karavanes de Pé-King, pour se rendre de Sélenguinsk à Kzouroukaïtou. Cette route, traverse en plus grande partie des contrées désertes qui longent le Koudoun et le Toungnoui. Je descendis le ruisseau de Popéreschnaia, et traversai l'Ouda un peu au-dessus de son embouchure. Je voya- geai par une forêt qui borde le gros ruisseau d'Ouldourgou , et pris des relais chez des Bratskirs qui campoient dans le voisinage. La route passe sur une montagne située entre l'Ouda et le Khoréi; on Pappelle la Sèche. On a donné le même nom à un petit ruisseau qui «e dirige vers POuda. Je trouvai sur les élévations sablonneuses et arides qui bordent la forêt., un (i) Syjimhiium asperum* Appendix, n°. 350. {%) /ister alplnus. (3) Cejuaurea unlßora, an centaurea squamis lanceola* tïs 9 folils variis , caulinis plerumque expinnatodtntatis ( radlcallbus scepe iniegris ovatis ) , caulc simpliclssimo ( unifloro), Flor, Sibir. il , p. 88 , n, 6$ } lab. jp, jig, 1. 4$ 177a* D E Ko'tTBUOUTZKOÏ astragaloïde à folioles très-petites ( 1 ) , l'astra- gale glaux (p.) , l'orobe en forme de gesse (3) , et l'androsace à fleurs blanc de lait ( 4 ). Les places ombragées étoient émaillées de fleurs des trois variétés du sabot notre dame (5) , du lys de pompone et lys bulbifère (6) et de l'héméro- calle jaune (7). De vastes places étoient tapis- sées en bleu par la valériane grecque ( 8 ) , et d'autres en jaune orange par le trolle commun (9). Ce trolle avoit la couleur et l'odeur de celle d'Asie, mais ses nectaires n'étoient pas plus longs que ceux du souci ordinaire. Je l'ai vu au contraire sur les montagnes de neige avec de très-longs nectaires , quoique très-petit dans toutes ses parties , et même dans sa fleur. Je suis porté à croire que le trolle d'Asie est une Variété du trolle ordinaire , qui doit sa naissance au climat de la Sibérie , et à l'air bien vif des montagnes. La dégénération du souci com- mun, qui prend une couleur jaune foncée dans les montagnes de l'Oural où il abonde, est (1) Phaça nùcrophylla. Appendix , n°. 381. (2) Astragalus glaux. (3) Or obus lathyroides. (4) Androsace lactea* (5) Cypripedium calceolus. (6) Lilium pomponium et bulblfctum. (7) Hemerocallis flava. (8) Polemonium cœruteum. (9) Trollius çuropams* a Kharcantou. 47 tme preuve de mon assertion. Cette variété du souci de Sibérie se reproduit peut-être pendant quelque tems^ par sa graine dans les jardins, et se rapproche au bout de plusieurs années du souci d'Europe. En quittant cette montagne , on entre dans le Khargantou , vallon ouvert où je passai la nuit sous des Iourtens établis près de la petite source de Soudshé. On a fait des fouilles , et commencé l'exploi- tation des montagnes arides qui bordent les deux côtés de ce vallon. Ces travaux abandonnés sont peu considérables \ les minerais qui y ont donné lieu, m'ont semblé très-peu intéressans. Je vis au pied de Tune de ces montagnes la stellere jasminoïde (1) , elle y étoit en si grande abondance , qu'elle paroissoit y avoir été semée. S. I V. Da Khargamtou a Sélenguinsk, Du 16 au 2.0 juin. Koudounskaia , 5 verst. — Source de natrum près du Zïzaan. — Ruisseau du Soulnaras- sou, 14 verst. — Ruisseau à? Araukidscha , 43 v. — • Ruisseau de Baléga. — Nikolskoé^ Sélo , 48 verst. — Khorpkholoï ', 7 vers tes. --* it) Stiller a çham&iasmt. 48 1772" T>3S Karo A ic toit Khara-Schîbirskaia , 12 verst. — Moukor- Schibirskaia , 8 verst. — Saharandaï ' , 12 v. — Parkina , 4° verst. — Kharitonova, îov. — Sélenguinsk , 3o verst. En quittant les Xourtcns , j e traversai le ruisseau d'Oulan-Bourgassen du buisson rouge (1) , et j'atteignis à cinq verstes un hameau russe com- posé de cinq maisons , qui est situé sur le Koudoun. Deux de ces maisons sont sur la rive droite ^ et les autres sur la rive gauche. Le ruisseau de Zizaan coule à plusieurs verstes au-dessus du hameau de Koudouriskaia , et tombe à droite dans le Koudoun qui prend sa source dans les montagnes situées vers l'Ouda. On voit dans le vallon arrosé par ce ruisseau une source dont le bassin peut avoir quinze toises de circonférence. Elle esta quinze verstes de son embouchure et à un verste et demi de ses rives. Cette source est dans un bas fond ; son lit est chargé d'une vase noire \ il s'y forme des cristaux de sel de glauber de diverses gros- seurs. Ces cristaux ne sont pas très-purs. Ce sont des prismes courts, à six angles, présen- tant deux facettes assez grandes et quatre au- tres plus petites et inégales > dont les extrémités ont une coupe oblique. Ils se dissolvent en une (l) Les Bouriats donnent ce nom au cornouiller sauvage blanc, cornus alba* espèce A S Ê L E N G V 1 N S K. 49 espèce de farine , lorsqu'on les expose à l'air. Une chose remarquable , c'est que la muire brune et fétide de ce lac renferme beaucoup de sel de glauber 5 elle contient tant de na- trum, qu'elle a un goût de lessive. Elle fait effervescence quand on la mêle avec des acides $ et étant évaporée , elle forme des cristaux de natrtim. Les rives du lac, et un grand nombre de places voisines sont abondamment chargées de sels terrestres et de natrum. Il existe deux autres lacs de sel amer près de l'Ingoda; je ne les visitai pas parce qu'ils étoient éloignés de la route. Le plus remar- quable de ces lacs est le petit Zagan - Noor, appelé aussi Biéloé-Ozéro (1). Le sel de glauber s'y forme en gros cristaux. J'en ai examiné plusieurs avec attention. Ce lac est situé dans une plaine humide à environ douze verstes au nord-est de celui de Doroninskoé , entre le petit ruisseau d'Orta et l'Ahlatakan ; ce dernier tombe un peu plus haut dans l'Ingoda. Les environs du Baikal , et les pays situés au-delà sont montagneux ; cependant ils abon- dent autant en sel de glauber et en natrum, que les déserts de Tlsetsk^ d'Ischimi et de Ba- rabinskoï. Ils les surpassent même en richesses de ce genre. On a découvert , il y a plusieurs années , de gros amas de sel de glauber dans (ï) Lac blanc. Tome FI. D So 1772. »e Khargantov les lacs qui avoisinent la forg-e de Lanina au z^ord du Baikal , où les pharmacies Russes se fournissent en partie. On exploite le sel amer des couches souterraines des lacs desséchés d'Ourounskoï , près de Bargousin. Il existe de nombreux fonds de sel amer, près du Sélenga, du Khilok, du Tschikoï , de l'Onon et de l'Ar- goun? dans toute la Mongolie, et sur-tout dans les hautes landes de Gobée , qui sont remplies de lacs de cette nature. La richesse de la Si- bérie en sels , paroît toujours surprenante. Près du village de Koudounskaia, je traversai avec mes voitures le Koucloun , qui est large et profond. Mes équipages furent mouillés , parce que les chevaux avoient de l'eau jusqu'à la selle. On s'éloigne de cette rivière, et 011 longe le Kitschanga par une contrée ouverte; les cimes arides des petites élévations qui la coupent , sont boisées de pins. Je trouvai sur ces éminences la cymbaire de la Daourie ( 1 ) , et le liseron de Biscaye (2), qui sont deux plantes rares de cette contrée. C'étoit pour la première fois que je voyois ces deux plantes; elles y abondoient et étoient en pleine floraison. Je m'arrêtai à environ qu in zeverstes du Koudoun près du ruisseau de Soulnarassou. Je couchai (i) Cymlniria daurica. Voyez dans mes Illustrations des genres , pi. 530, la nouvelle figure que je donne de cette plante , avec des détails sur sa fleur. Lam* (i) Convolvulus cantabrica. a Sélbnguins*^ Si dans des Iourtenfc Bratskirs , où j'arrivai dans la nuit. Je continuai ma route le lendemain 17, en remontant le Kitéchanga« Oji traverse des mon- tagnes boisées pour se rendre à l'Ilka qui tombe dans la Brian , et celui-ci dans l'Ouda. On voit sur cette route une variété assez commune de la pédiculaire chevelue (î) , qui y abonde. Sa îleur est d'un jaune pâle. Je remontai l'Ilka en suivant un vallon étroit ,, rempli de rochers ; on passe entre de hautes montagnes qui deviennent toujours plus boisées. lia route est pénible et désagréable. Je passai les ruisseaux qui tombent dans l'Ilka. Ces ruis- seaux sont ceux de Khatsouour, Koull, et Tar- bagantéi. Les Bratskirs nous fournirent des chevaux de relais près du dernier. Je traversai ensuite ceux de Khandagaïtou (2) , de Bagà-Tar- bagantéi et de Taschälann. La nuit nous força de nous arrêter vis-à-vis l'embouchure du ruis- seau d'Arou-Kidscha. J'apperçus sur toutes les montagnes que je passai ce jour-là, le phlox de Sibérie (3) dont les fleurs étoient divisées en quatre. Le 18, je passai l'Ilka,, pour me rendre sur la rive droite. Je le traversai un peu plus bas - — . 1 . - ■ 1 1 ■ ■ m 1— (1) Pedlcularis comosa, (i) Ruisseau des élans. (3) Phlox Sibirica* ß% 1772. de Khargantoit que l'embouchure du Kidschft,.. Je remontai ce dernier à travers une vallée garnie de; bois. Les plantes les plus ordinaires de cette forêt, sont : le lys bulbifère (1) , et le dracocéphale penché (2). Je vis dans les fonds humides qu1 bordent le ruisseau , le groseiller rampant à fruits jaunes, appelés en Daourie , Mokho- yau-Smorodina, qui est rare en Sibérie. Il n'étoit pas encore en fleurs 5 peut-être même ne porte-t-il pas de fruits dans ce pays. Ses feuilles ressemblent à celles du cassis (3) j mais ses tiges rampent dans la mousse , et les fruits sont bien différens ( 4 )♦ On traverse les trois petits ruisseaux d'Okoudillouguia , d'Okoudil- toui et de Dam aï , qui se jettent adroite dans le Kidscha. Le nom du premier signifie un lieu habité par le diable, et le dernier, un lieu oh le diable 11 existe pas. Je n'ai pu savoir l'origine de ces deux* noms bizarres. On trouve près du Damai , un schiste noir brillant. On traverse la montagne la plus élevée d© cette chaîne, qui sépare les ruisseaux del'Ouda de ceux du Khilok. Elle est étroite et boisée (1) hilium bulbïferunu (i) *Dracocephalum nutans. . (3) Ribes nigra. (4) Ribes polycarpos grossulariœ. fructu. Gmélln , apud Amman, ruth. n. 175. Flor, Sibir* III, p. 173, n 8. Cette espèce difteie dû ribes Alpina, de mélèses en partie. On atteint aussi - tôt le ruisseau d'Oubour-Kidscha 5 il faut le côtoyer pour arriver à celui de Mikirtéi que l'on passe. Ces deux ruisseaux se réunissent pour tomber dans le Baléga, qui se jette dans le Kliilok. Je trouva: des chevaux de relais près du Baléga. Entre ce ruisseau et le Mikirtéi, la route tra- verse une montagne étroite , escarpée et garnis de rochers ; elle forme un promontoire y et elle est saillante de l'ouest à l'est. Les Bouriats la nomment Douttoulour. On trouve dans son voisinage une source appelée Bouriat-BoulAK. Les prêtres Mongols ont érigé sur son sommet , un O b o ou bûcher sacré > en l'honneur du dieu tutélaire de la terre et des montagnes. On voit deux poteaux devant la partie méri- dionale du bûcher; ils y ont tendu une corde pour y pendre trente-trois omoplates chargés d'ins- criptions Tangoutes. Les vallons sont plus ouverts à mesure qu'on approche du Baléga, mais les montagnes sont toujours couvertes de forêts. On s'éloigne de ce ruisseau pour remonter celui de Khadsourtéi. Après avoir traversé ce dernier , on passe des hauteurs très-escarpées , d'où Fon découvre à l'ouest le Zagan , lac d'eau douce. On atteint les petits ruisseaux d'Oulouschibirquise jettent dans ce lac. Je lis venir des chevaux de relais pour me rendre le même jour à Nikolskoé, Tillage à clocher situé sur le Toungnoui, où D 3 54 1772' •DE K.HAR&ANTÖÜ j'arrivai à l'entrée de la nuit. La route ne tra- verse que des plaines unies , où il ne se ren- contre qu'un seul enfoncement , appelé Dig- doug , qui est très-profond. Ce village est ha- bité en partie par des coloris Polonois j on vient d'y construire une église. Le chemin étant bon , la nuit très- belle , et ayant mes chevaux de relais tout prêts , je ne m'y arrêtai pas. Je poursuivis ma route en longeant le Toungnoni jusqu'au village de Bourdioukofskaia , appelé aujourd'hui Khonkholoï, du nom d'une source voisine. Ce viilasre s'est considérablement accru. Il renferme actuellement trente-deux familles , tandis qu'on n'en comp toit autrefois que quatre , qui portent encore le nom de Bourdioukofskoï. Ces dernières y sont établies depuis fort long- tems. Les nou-veiles sont composées en partie de familles Polonoises 9 qui ont abandonné leur pa- trie pour se transplanter dans cette contrée charmante où l'on jouit d'une jDempérature agréable. Ce sont pour la plupart des cultivateurs instruits et laborieux. Presque tous les colons qui se sont établis sur les bords du Toungnoui, jouissent des mêmes avantages que ceux-ci. Le pays qui est beau par - tout , ne le cède point en fertilité aux contrées baignées par le Khilok inférieur , le Tschikoï et le Dshida. Je quittai Khonkholoï le 19 juin à midi. Je traversai le ruisseau de ce nom , qui se jettQ dans le Toungnoui. Son lit est à sec pendant une assez longue distance , parce que ses eaux prennent un cours caché sous un amas de cail- loux. On entre ensuite dans une forêt monta- gneuse , qui s'étend dans une vallée bordée de montagnes. Le Khara-Schibir arrose ce vallon. Le coté septentrional des montagnes qui bor- dent ce ruisseau est boisé, tandis que le côté du sud est tout à découvert et garni de rochers. Leur sol convient beaucoup à la cymbaire (i) et à riiarmal de Daourie(2), qui étoient en fleurs, et aune renouée (3) qui garnit le pied de ces montagnes. Les vallons situés près du Toungnoui et du Khilok inférieur, ont presque tous la même constitution que celui-ci; ils se dirigent de l'est à l'ouest ainsi que leurs ruis- seaux. Le village de Khara - Schibirskaia porte le nom du ruisseau sur lequel il est situé. Ses habitans y sont domiciliés depuis fort long- tems. Près de cinquante colons s'y sont établis depuis peu; plusieurs d'entre eux n'ont pas encore de maisons. En quittant ce lieu , je m^éloignai du Khara - Schibir, pour monter (i) Cymbaria daurica, (z) Peganum dauricum. Cette plante est plutôt une rue qu'une harmale ; elle se rapproche beaucoup du ruta linlfolia par ses rapports. Lam. (l) Polygonum ocreatum. D À 56 lyyz. de KhArôantôï une côte qui étoit tapissée du lis couleur de cinabre. On traverse le ruisseau de Moukor- Schibir pour arriver au bourg du même nom» Cet endroit est composé de vingt - cinq mai- sons, Dix de ces maisons sont occupées par les anciens domiciliés, et les autres par des co- lons Russes : trois hommes logent dans chaque- maison. On y a construit , depuis peu , une église et la Semskaia-Tzba (i) , d'où dépendent tous les villages établis près du Khilok et du Toungnoui, passé Khilotskaia. Après avoir changé de chevaux , je traversai le Moukor - Schibir , et ensuite le grand et le petit Zaghan. Ces trois ruisseaux se jettent dans le Zougoura,, appelé Soukhara par les Russes | ce dernier tombe dans le Toungnoui. Je laissai Zougoura sur la droite , et m'arrêtai au village de Scharandaï pour changer de che- vaux. Le ruisseau sur lequel il est situé a son embouchure dans le Khilok. Scharandaï ren- ferme vingt -une maisons 5 sept appartiennent aux anciens domicilies \ douze autres sont occu- pées par des colons Po.onois, qui ont abandonné leurs pays. Les prêtres Mongols ont fait construire deux petits temples en bois, entre le grand et le petit Zaghan, à deux verstes de distance l'un de l'autre. Le premier a été bâti il y a dix- (1) La maison du bailliage. A S É L E H Ö TT I N 8 K.' 5y huit ans , et le second il y a trois ans. Un Lama Mongol habite une maison près du der- nier. En sortant de Scharandaï , je tirai "vers le Souschara pour le descendre. Le terrain ou- vert et sablonneux, qui le borde 3 produit beau- coup de rhubarbe à feuilles ondées ( 1 ) : ses racines deviennent très-grosses. Je traversai^ vers la brune , le ruisseau de Popereschna ou Iascha , et , dans la nuit , le Soukhara et le Toungnoui, pour arriver au village de Par- kinaï, situé près du Khilok. Avant de l'attein- dre, il faut passer des landes coupées par des fonds escarpés. Les voituriers s'étant égarés» je n'y- arrivai que sur le matin . Ce hameau n'est habité que par deux paysans. Les rives du Khi- lok sont composées de rochers d'alun brun. Un alun de plume perce à travers les fentes de ces rochers. J'ai déjà indiqué que cet alun de plume s'appelle Kaménoïmaslo (2). Je me proposois de traverser ici le Khilok ; mais les endroits communément guéables étant encore trop profonds , et ne trouvant ni bacs ni bateaux, je fus obligé de retourner à Kha- ritonova, appelé aussi Oust-Khilotskaia-Dé- B-EVjsta , lieu où je Pavois passé au printems. Je récoltai de superbes plantes , dont je n'ai — ■ : (1) Rheum undulautm. (i) Beurre de pierre. 58 1772- B! Khâr&antôtt point encore parlé jusqu'ici. Elles poussoîent autour des rochers qui bordent les rives an Khilok. Les plus remarquables sont un ar- buste (i), qui a de l'affinité avec le nerprun îycioïde ( 2) ; son bois est ronge et très - dur. Les Mongols, qui l'appellent Iaschihl , s'en servent pour construire les niches de leurs di- vinités. La garance à feuilles en cœur (3) , et le inénisperme de Canada (4). Le plant femelle de cette dernière rampe , comme le liseron , dans les broussailles qui sont au pied des ro- chers, tandis que le plant mâle pousse des jets érigés et assez droits. Je vis , sur les rives sa- blonneuses, beaucoup de spirée à feuilles de saule (5) , et de lin vivace (6) , qui étoient en fleurs. J'y remarquai aussi un grand nombre de beaux insectes. Je trouvai sur les éminences de sable, en approchant de Kharitonova , le (t) Rhamnus erithroxyltim. Appeaux, nQ. Z9<$. (z) Rhamnus lycioldes. (3) Rubia cordifolia. Le professeur Gartner nous % «îonné une excellente- description cle cette plante <4ans les Nov. comm. Peirop. tom. XIV ^ p. 54 1. Amman en parle aussi sous le nom de Cruclata daurica scandens , smiLias folio flore luteolo , fractu majore rubro et nigro, Ales se nehm, p. iz , n. 15», zo. Comme il n'en existoit pas de dessin , je le donne pi. LXXXIL (4) Menlspcrmum canadense* (5) Spire a salicifolia. (6) Linum pe renne» A Sélenguinsk. 5y beau sainfoin à tige d'arbrisseau (1) , qui abonde pareillement sur les montagnes sablonneuses de Sélenguinsk. Il étoit accompagné de Fliy- pécoon à siliques droites (2) , dont les graines,* portées par le vent , se sèment d'elles - mêmes jusqu'auprès des maisons. J'arrivai, le 20 au soir, à Sélenguinsk; la campagne voisine étoit fort riche en plantes. s. v. De Sélenguinsk a PétropavlofskaiA. Du 20 au 24 juin. Sélenguinsk est située sur la rive droite du Sélenea. Cette ville est entourée de montagnes de sable , qui longent la rivière pendant plu- sieurs verstes. En s'en éloignant , elles présentent des cimes élevées , dont les unes sont arides et garnies de rochers 5 les autres sont au contraire couvertes de forêts de pins du Liban, Elles sont coupées par des vallées rapides,, où règne un air tempéré. La rive opposée du Sélenga est bordée de rochers escarpés , coupés par des val- lons unis , exposés à l'ardeur du soleil. Le soi de ces vallons est noir. Ces rochers iilent en remontant vers une montagne à pente douce p (ï) He dys arum fritticosum, Appendix, n°. $68. (a) Hyp£coum trectum. Éb 177%' DE SÉIENG tTIÎf SÄ dont ils paroissent être les promontoires. La contrée abonde en plantes de toutes espèces , parce qu'elles trouvent dans ce petit espace les différens sois et toutes les températures de la Daourie. Le sophora lupinoïde (i) , la ballote- laineuse (2) , le corisperme à feuilles d'hys- sope (3) , et l'olfa en forme de fume terre (4) , y croissent comme le chiendent , et on les trouve même dans la ville. On voit sur les montagnes et dans les vallons l'hypécoon à siliques droi- tes (5) , la garance à feuilles en cœur (6) , la buglosse des rochers (7) , le liseron des ro- chers ( 8 ) , l'apocin pourpre ( 9 ) , le statice rose (10) ,1e lin vivace (11) , la soucie piquante (I) Sophora lupinoides. {%) B alla te lanata. (3) Corispermum hyssoplfolium. (4) Isopyrum fumario'uhs . (5;) Hypecoum erectum. (6) Rubia cordifolia. (7) Anchusa saxatilis. Appendix , n°. iS6. (5) Conyolvidus rupestris. Appendix, n°. zc?t. (9) AscUpias purpurea, an aschpias foliis ex linear ï- îanceolatis , floribus umbellaùs , umbellis alternis ereeth r caule erecto. Flor. Sibir. vol. I(^yp. 78, n. rz , tab. 41. (10) Statice rosea , nommé improprement per Linnée Sta- tice flexuosa. Il est dépeint avec des feuilles bien différente? «îe celles qu'il porte, dans la Flor. Sibir. Il , tab. 89 ,fiff. I. Le calice de cette charmante fleur est parfaite ment rond ; $2 couleur est d'un rose pale. (II) Linutn perenne. A PÉTROPA.V10FSKAIÀ. 6l et la soucie couchée (1) , l'ail menu (2) , le lis pompone (3) , l'atraphace épineux (4) , le co- tylédon épineux et le malacophylle (5) , i'orpin aizoon (6), l'iiarmal de Daourie (7), la po- tentille soyeuse (8 ), le pavot à tige nue ( 9 ) , l'anémone à fleurs de narcisse (10), le draco- céphale étranger , et le dracocéphale de INlol- davie (11), la pédiculaire incarnate (12) , la cymbaire de Daourie (i3) , la scrophuiaire sco- rodone (14) , un sisymbrie à feuilles entières (i5), l'alisse le plus petit (16), la julienne des ro- chers (17), la polygale de Sibérie (18) , le sain- » ' » .11 ■ 11 1 ■ — ■— (i) Salsola kall et prostrata. (z) AUium tenuissimum. (3) Lilium pomponium. (4) Atraphaxis spinosa. (5) Cotylédon spinosum et malacophyllum. Appendix y (6) Se dum al\oon, (7) Peganum dauricum. (8) Potentilla sericea. (9) Papaver nudicaule. (10) Anemone narcissiflora. (11) Dracocephahim peregrir.um et moldavicum. (îa) Pedicularis incarnate, (15) Cymbaria dauTÏca. (14) Scrophularia sèorùdohîa. (15) Sysimbrlum integrïfolïum. (ï6) Alyssum minimum. (17) Hesperis mues tris , anhespèris càuh ramos/ssima , foliis Unearïbiisy pedunculis glabris. Flor. Sibir. III , ps 161 , ?i°. il. (18) Pofygala Sibiricj, Äa 177a. de Selen gui NSK foin à tige d'arbrisseau (1) ,. plusieurs astraga- loïde (2) et astragales (3) , la tanaise de Sibé- rie (4) , et la violette uniflore (5). Les exposi- tions froides des vallons étoient garnies de la saxifrage bronchiale ( 6 ) ^ du pygarnon de Si- bérie (7) , et du lycopode sanguinolent (8). Je n'ai trouvé nulle part autant de buissons de poirier sauvage (9) , de groseiller diacanthe (10), et d'orme nain (11). Les montagnes sont cou- vertes de caragan pygmée (12.) , qui se nomme ici Zolotarnik, à cause de ses baguettes , qui sont d'un jaune doré. Je vis, un peu plus loin, près du Sélenga , vers le Temnik et sur les lives duTschikoï, le petit amandier sauvage (1 3) 5 (I) Hedysarum fruticosum. Appendix, n°. 368. (z) Phaca prostrata , lanata, phy sodés , oxyphilla » arenaria , myriophylla et sylvaüca, Appendix, noS. 380 , ,383,384, $8 37?. (4) Tanacetum sibiricum, (5) Viola uniflora, (S) Saxifraga bronchialls, (7) Thalictrum sibiricum. (8) Lycopodium sanguinolentum* (9) Pyrus baccaia» (10) Ribes diacantha. (II) Ulm ws pumila. (iz) Robinia pygmea. (13) Amygdalus nana. Gmélin rapporte que ctt arbuste croît aussi dans la Mongolie. Flor, Sibir, vol, III t p. 17a, 72. J. A PÉTROPAVLOISKAIAV 65 il diffère très -peu de celui qui croît sur les rives du Volga. Les plantes dont je viens de donner l'énu- mération , se trouvent dans presque toute la Daourie, près des montagnes qui ont une bonne exposition ; mais elles ne sont nulle part aussi abondantes que près du Sélenga. Pendant mon séjour du printems à Sélen- guinsk , j'avois observé presque tout ce que cette contrée offre d'intéressant en oiseaux et en quadrupèdes, à l'exception cependant d# merle de roche (1) et de la fauvette calliope (2) , qui faisoit retentir les airs de ses chants mélo- dieux. La saison actuelle étoit favorable pour prendre des corbeaux bleus (3) , parce qu'ils se tenoient dans les haies avec leurs petits > qui n'avoient pas encore de plumes. Cette contrée, et sur - tout les îles du Sélenga , abondent en ogotona ? ou petits lièvres blancs. Je n'ai vu nulle part autant de lièvres sauteurs que dans les environs de cette rivière et du Tscliikoï. Ils se nourrissent avec Toi^ncn du lis de pompone , fort commun dans ces cantons. Les Mongols , qui les désignent sous le nom d'A- iakdaga (4) , leur font la chasse , et les mangent (1) Turdus saxatllis. (i) Motaciila calliope, Appendix, n°. 77, (3) Corvus cyanus. (4) Foulaîn pommelé, VJJ%. DE SÉLENftUINSK rôtis. Cet animal se mêle pendant la nuit parmi les troupeaux de moutons qu'il épouvante par ses sauts. Les Mongols et les Bouriats l'accu- sent de tetter alors les brebis. Les Anglois pré- tendent que le hérisson en fait autant aux va- ches y les Russes attribuent le même instinct aux crapauds domestiques , qu'ils appellent Ko- rovnitza. Dans d'autres pays, l'hirondelle de nuit suce, dit-on , le pis des chèvres. Cette contrée n'est pas riche en minéralogie. Ce qu'elle offre de plus intéressant en ce genre sont de beaux cailloux, qui tiennent de la cal- cédoine , nommés Nashdak, découverts sur la gauche de la rivière , dans une montagne située entre le village de Souiefka et le Staniz d'Ar- sentiefsjcoï. On s'en procureroit de pareils en fouillant plusieurs montagnes de ce pays , qui renferment même des pierres de prix. La montagne , qui borde la rive droite du Sé- lenga, est constituée d'une roche granitelle mar- brée fort sèche et friable ; les couleurs en sont si belles et si vives , qu'on la pr endroit , dans cer- taines places , pour de l'améthyste , et du rubis mêlé de gris. Cette roche est en général peu «solide , et tout ce qui approche de la superficie du sol est prêt à tomber en efflorescence. On s'apperçoit, en traversant les montagnes de cette contrée, que le sable du Selen ga, et peut- être -celui de toute la Daourie , proviennent d'une roche granitelle , qui se broie et se dis- sout a Petropaviofskâîa! 6'5 sout peu-à-peu. On découvre dans le sable , près de Séienguinsk , les grains rouges couleur d'améthyste et bleus , qui forment les nuances de. la roche. Les cimes des montagnes, deve- nues arides et amollies par les eaux de neiges et de pluies, se décomposent. Elles se brisent d'abord en gros cailloux , qui se changent en gravier , et ensuite en un sable mouvant , que les vents et les eaux précipitent dans les val- lons , et répandent dans les campagnes. Le 24 juin, *je me mis en route pour faire un second voyage à Kiakta. Je désirois m'ins- truire à fond de tout ce qui regarde la Chine 9 parcourir, dans une saison favorable, les con- trées méridionales du Sélenga et du Tschikoï, et récolter , dans leur beauté, les plantes de ces cantons. S. V I. De PÉTB.0PAVLOFSÏCAIA A MoROTSCniNSKO^ Du 24 au 29 juin. Forteresse de Tétropavlofskaia , 9 vers tes« — ** Simovié de Klioutschcfskoï , i3 verstes. — » Plaine de sable de Dsohkoui. *— Kalinisch- noï- StaniZy 33 verst. — Lipqfskoï - Staniz * 17 verst. — Ruisseau à? Arou -Kiakta. — » Troïtzkaia-Kriépost ,18 verst. a5o tois. -% Kiakta y % verstes. %So toises. — Kiranskoï- Karaoul, 16 verst. — Lac salin de Kiran^ Tome VI. E 66 177*« BE P^TRÛ PÀTLOFSK AI JB koï , 3 verst. — Taïlanskoé-Slmovié , 4 versüß «■— Morotscliinskoé-Simovié , 1 6 vers t. Je pris d'abord la route ordinaire de Sélen- guinsk à Pétropavlofskaia- Kriépost ou Strie Lha , où l'on a établi la douane générale , appelée PogrAnikhnaia - Tamoshna , pour percevoir les droits de toutes les marchandises exportées des limites à Kiakta \ on y visite aussi , et l'on y timbre toutes les marchandises et les ballots , qui passent sur le territoire Russe. Il est ex- pressément défendu à tous les marchands de prendre une autre route que celle du fort Strielka , et l'angle formé par le Tschikoï et du Sélenga est intercepté par des palissades et des barrières. Pour arriver à cette forteresse, il faut traverser le Tschikoï, qui se jette un peu plus loin dans le Sélenga. C'est ici l'occa- sion de remarquer que Strielka signifie langue de terre formée par la réunion de deux rivières, et qu'autrefois Pétropavlofskaia étoit précisément dans l'angle de réunion des deux rivières ; cette place conserve encore aujour- d'hui le nom de SparaiA -Strielka, quoique là forteresse ait été placée plus haut près du Tschikoï. Le nouveau Pétropavlofskaia ren- ferme les bâtimens de la douane , ceux du gouvernement, une église, et près de vingt maisons habitées par des Kosaques et les com- mis de b douane* Les -marchandises : ■ m ■mi«»,ii i» ■ » i wmtim wwiwea^fc (i) Blatta asiatk&x 68 îf7*L de PetropaviofsXaîâ grandes et. vastes places émaillées en jaune des fleurs de l'hémérocalle (1). Povorotnoï est le premier relais de poste que Ton rencontre sur la route de Kiakta . à vin^t verstes de Sélenjzuinsk. Je le laissai sur la eau- che, et pris à droite vers le Sélcnga , pour visiter un oratoire Mongol que les trois tribus de Taboungput ont fait construire en bois , à frais communs. A plusieurs verstes du Simovié de Kliouts- chefskoï, je pris à gauclie par un vallon étroit et sablonneux, appelé Bouitoümoür. On longe, à droite , le Sélenga , qui baigne des mon- tagnes arides. Ce vallon , formé par des hau- teurs boisées de pins, a sa direction de Test au nord-est. Il étoit arrosé autrefois par une petite source , qui portoit le même nom , dont le canal est à sec : une petite mare montre le lieu de son bassin. Je remarquai , près d'un rocher voisin de cette mare , une forbicine (2), qui se promenoit sur le lycopode sanguino- lent (3). Elle pourroit devenir , avec le tems , un insecte domestique , comme la forbicine ar- gentée, qui attaque le sucre. On voit, en face de ce rocher , le petit temple des Taboungouts , (1) Hemerocallis flava, (t) Lepisma. (}) Lycopodium sanguinçlentunu A MOROTSCHIMSKoi 69 agréablement situé dans une vaste place unie du vallon , couverte de verdure. Quoique fini depuis douze ans , il y reste cependant plusieurs petits objets à achever. Les Mongols, me vantèrent beaucoup une plaine sablonneuse, appelée Dsohkoui, située près du Sélenga , un peu au-dessus de l'em- bouchure de ce vallon. Ils m'assurèrent qu'elle produisoit de superbes pâturages , et beaucoup de plantes odoriférantes. Je retournai sur mes pas j et traversai tout le vallon pour m'y ren- dre , étant résolu de coucher dans les iourtens qu'on y a établis. Cette plaine sablonneuse , et entourée de montagnes > forme un fond qui ressemble à un chaudron y elle a près de deux vers tes de. largeur sur trois à quatre de Ion- gueur. Dans son centre,, deux collines isolées s'élèvent en cane. Les Mongols les appellent Boldok , et les Russes Kavri&ui (i). J'employai le matin à parcourir cette con- trée , pour y chercher des plantes. Son sol paroît en fournir de très - intéressantes ; mais il tlqtx testait plus. La campagne , cou- verte de sable mouvant , est garnie de petits buissons du caragan à petites feuilles r que l'on nomme AltAg-ana. Ses troncs sont enterrés dans le sable , et on apperçoit seulement les jets qu'il a poussés dans l'année. Ils percent le WM9MMHM (i) Paia E 3 ?o ljjl. Dl Petêôpatiofska'iI sable mouvant, et servent de nourriture aux moutons, qui en sont très - friands. Ces ani- maux avoient broute toutes les plantes. Ils n'a- voient épargné que la ballotte laineuse , la mol- davique ( 1 ) , et l'apocin de Sibérie ( 2 ). Les rives du Sélenga , qui sont composées de sable et de gravier , offroient le beau tamarisc d'Al- lemagne (3), qui forme buisson. Ses fleurs étoient déjà passées. Les Bouriats l'appellent Balzoü. Sa feuille est très -astringente. Dans le besoin , ils l'emploient en guise de thé , mais avec la précaution de jeter la première eau après l'avoir fait bouillir. Il croît de la hau- teur et de la grosseur du tamarin ordinaire. Cet arbuste vient aussi sur les rives du Temnik et du Dsliida , en Daour ie , près du Balira et des autres ruisseaux qui tombent dans l'Onon , au- delà d'Akschinsk. En quittant le temple des Taboungouts , j'at- teignis , près de Kalinischnoï , la route de Kiak- ta, et traversai le vallon que j'avois suivi la •veille. Kalinischnoï est à trente-trois verstes de Porovotnoï. Les pâturages humides et sablon- neux de cette contrée étoient émaillés par les fleurs delà renoncule salsugineuse (4). (i) Ballote lanata , dracocephalum moldavica* (2) Ascleplas sibirica. (3) Tamarix germanica. Appendix, n°. 312,. (4) Ranujiculus salsuginosus* A MOROTSCfilNSKOi 71 La route traverse ensuite de hantes monta- gnes arides , composées de rochers , et entiè- rement dépourvues de bois. J'y remarquai beau- coup de sauterelles , et particulièrement deux espèces (1), qui nous annoncèrent de la pluie pour ce jour-là, et même pour quelque tems. C'est un présage immanquable, lorsqu'on voit ces insectes voltiger dans les airs , et le der- nier fait autant de bruit avec ses ailes que les petites castagnettes dont s'amusent les enfans. Le chemin est ,bordé d'une armoise (2) , dont l'odeur est fort agréable , et qui pousse des tiges très-droites. Je ne l'ai jamais vue que dans ce lieu. Elle n'étoit pas encore en fleurs 5 mais je l'ai examinée dans sa floraison en automne. Après dix-sept verstes de chemin, on arrive au dernier relais situé au-delà du ruisseau de Soubouktou. On l'appelle indifféremment Li- poFSKoï - Staniz ou Tschernoïiévo - Simovié. On atteint le Soudshé , petit ruisseau qui dis- paroît sous terre à peu de distance. On entre ensuite dans une forêt de pins montagneuse , à travers de laquelle on côtoie le ruisseau d' A- rou-Kiakta., qui coule vers le Sélenga, Ce ruis- seau forme une mare assez vaste, où je vis la pédiculaire à panicule (3) , la cotonnière pied- (1) Gryllus ohscurus et meteoricus. (2) Arumisia pectinata. Appendix , nc. 400. ($■) Pedicularis paniculata> anpcdicularls caule ramoso^ £4 177^* Se FhtropaviofskâîA de-lion (i) , l'oplirise des marais (2) , et l'or- cîiide à capuchon ( 3 ) , qui étoient en fleurs. La forêt étoit remplie de pavots sauvages ( 4 ) à grandes fleurs blanches avec une étoile jaune. Après avoir franchi une côte qui longe l'Ou- bour - Kiakta ^ ruisseau qui dirige son cours vers la Boura , on arrive à la petite forteresse de Troïtzkaia , située sur ce ruisseau , et Ton at- teint peu après Kiakta. Troïtzkaia est encore dans le même état que Ta dépeint Gmélin dans ses Voyages en Sibé- rie» On l'appelle aussi VerKH^ aia-Pxotunta (5) , parce qu'on a mis ici la première digue au ruis- seau de Kiakta. On y paye les premiers droits des marchandises , pour n'en pas donner une connoissance entière aux Chinois. On y entre- tient à cet effet un capitaine , qui commande la garnison, un lieutenant , un douanier, et les commis nécessaires, qui dépendent de la direc- tion de Pétropaviofskaia. Tous les chemins de traverse sont barrés par une palissade construite de chaque côté de la route ; cette palissade con- tinue jusqu'à Kiakta. calycibus ablongis , quinquefidis crenatis , floribus laxe spicatis. Flor. Slbir. III , p. 2,03 , tab. 43. Ses Heurs sont routes , ou d'un jaune foncé , ou d'un jaune clair. (1) Filago leontopodium. (z) Ophris paludosa, (3) Orchis cucullata, (4) Papaver nudicaide* (5) Digue supérieure. A M O R O T S C H I N S K O Ê. 7 3 Les bords du ruisseau 3 et les environs de Kiakta , sont sablonneux. Les places unies sont garnies de caragan commun (i) \ le sable mouvant couvre cette plante à mesure qu'elle pousse. J'y vis sur les buissons un gros grillon •sans ailes ( 2 ) , qui s'ëlance comme la saute- relle , et court connue l'araig-nee. Les Monp-ols appellent cet insecte Sojloeh $ ils en mangent sans répugnance , dans un moment de disette , quoiqu'il soit fort dégouttant. On prétend mêine que c'est un régal pour les Chinois ; mais ils ne conviennent pas de ce ralTinement, Les environs de Kiakta sont aussi intéres- sans pour le règne végétal que la contrée de Sélenguinsk. On y voit la plupart des mêmes plantes, et d'autres qui leur sont indigènes* Elles croissent aussi dans la Daourie méridio- nale y quoiqu'elles soient rares près du Se- lenga. On distingue particulièrement , le long des ravins qui se précipitent de la montagne de Bourgoutéi, l'astragale en forme de méii- lot (3) , le beau trèfle cy tlsoïde (4) , et un petit chanvre sauvage étranger (5). Plus avant , dans (1) Robinia caragana. (z) Gryllus Onos. Appendix, n°. 196. (3) Astragalus m.elilotoides. Appendix, n°. 373, (4) Trifolium cytisoides. Appendix , n°. 38^. (5) Cannabis erratica , montana , procera , dâurlca , folié minore , semine lupulino simili , parvuïo , gutcato. Mes- serschmit^ ap, Amman, ruth, p. 174, n, z , tab. 3 ; on voit quelquefois de la valériane qui est six fois aussi forte que celle qu'il représente. Amman a distingué notre Valeriana rupestris par la dénomination que lui a donnée Messerschmidt: Valeriana procera , folio varie secto , semine galericulato ( /. c. n. z6). Ses marques distinctives, qui ne varient jamais , sont i°. une plus grande croissance , et une tige rougeâtre moins épaisse , garnie de beaucoup de feuilles jumelles. 20. Ses feuilles sovit toutes très-minces, d'un vert foncé , peu épaisses et juteuses comme celles de la valériane de Sibérie j elles conservent leur ver- dure en séchant, et ne jaunissent pas comme les autres. 3°. Ses fleurs sont plus nombreuses , plus petites et d'un jaune plus vif; elles ont souvent autant d'étamines que de pétales , et par conséquent cinq , quoique celles-ci ne soient souvent qu'au nombre jàe quatre. 40. Elle fleurit tard, vers le com- mencement du mois de juillet ; elle se plaît sur les monta- gnes de rocs peu élevées de la Daourie , du Sélenga et de TEnisséï , qui sont en bonne .exposition. La valériane de A MOÏLOTSCHINSKOE. j5 bulleux (i) , du cotylédon malacophyle (s)* et du lycopode sanguinolent (3). La plupart des plantes des environs de Sélenguinsk croissent dans cette contrée. On trouve , dans les fonds qui avoisinent le ruisseau de Kiakta , plusieurs plantes salines, et sur-tout beaucoup de passe- rages des décombres (4) ? et de grande passe- rage (o) , parce que le sol est salin. Je séjournai à Kiakta jusqu'au 28 , pour bo- taniser et faire plusieurs observations sur les Chinois. En quittant ce lieu, je dirigeai ma route par le Monastirs&ia - Pad (6), dont j'ai déjà parié. Cette vallée sépare la montagne de Bourgoutéi. Je me portai vers le Kiran. On arrive au premier poste situé à l'est de Kiakta , derrière une éminence couverte de pins. Il est composé de plusieurs maisons , et revêtu de che- vaux de frise. A environ trois verstes de Kiran, je trouvai ? à l'est , un lac salin entre àeux routes qui con- duisent au Tscliikoï. Ses eaux sont basses, avec Sibérie fleurit dès le commencement du printems , et croît sur les montagnes les plus froides. Leur odeur et leur graine sont les mêmes. (i) Astrcigalus bullanus, (z) Cotylédon malacophyllum. (3) Lycopodlum sanguinohntum». (4) Lepiâium rudemle. (5) Lepidium latif oliam* (6) Valloa du monastère. 7^ 1JJZ. BK PÉTROPAVLOPSKAIA un fond vaseux. Il étoit alors à moitié sec. Il forme un orale , du sud au nord , de près de cent toises de longueur. Je vis sur ses rives des croûtes de sel marin , mêlé et imprégné de sel amer. Elles étoient déposées sur des morceaux dé bois. J'apperçus dans la vase d'assez gros cristaux de sel de glauber (Lediaenka), dont la muire étoit très - imprégnée. On m'a dit qu'elle déposoit beaucoup de ce sel dans les teins secs et froids de l'automne et du prln- tems. Il se dissout entièrement dans les pluies continues. On a cherché la source de ce lac à travers la vase _, sur sa rive occidentale , où le sel marin se dépose le plus. La maçonnerie , qui entouroit le puits creusé pour cette recher- che , subsiste encore. Je pris y au sud , le chemin qui mène au Simovié de Taiianskoé. Plusieurs hahitans de Seien guinsk se sont établis ici , parce que la contrée est favorable à l'agriculture et à l'édu- cation des bestiaux. Ne trouvant ni bac ni ba- teau pour passer le Tsehikoï , je côtoyai cette rivière jusqu'au Simovié de Morotschinskoé ; j'y traversai le fleuve dans la nuit , parce qu'il me fallut attendre le retour du bac , qui étoit sur la rive opposée , où est situé le Simovié. Il est aussi habité par des personnes du Séien- guinsk, qui s'y sont établies pour se livrer à la vie rurale. 4L Morotschiwskoä; 75} * S. Y II. De Morotschinskoé a Toi on. Du 29 juin au 4 juillet. Rivière cle Tschikoï. — Sèlenguinsk. En remontant ici le Tschikoï,, on passe sur ie territoire de deux slobodes assez considéra- bles , qui dépendent de Sélenguinsk : l'un est celui d'Ourlouki , et l'autre celui de Baïseharski. Leurs villages sont dispersés dans les campa- gués. Le premier slobode contenoit deux cent quarante -quatre habitans , anciens domiciliés de très - petits "villages ; ils sont aujourd'hui quatre cent quatre-vingt-treize colons. Le se- cond n'ayoit que deux cent vingt - six habi- tans , auxquels se sont réunis cent vingt - trois colons. Ourloutzkaia-Sloboda , nouvellement établie près des ruisseaux de Soun-Gorékhon et d'Our- louk, est entièrement peuplée de colons. Son district renferme les villages de Pianofka , près du Tschikoïj Verkhnaia, et Nishnaiaj Top- kinskaia , près de ceux de ces noms 5 Palka- nofskaia , et Batschidaefskaia , situés près des sources ; Oungourkouiskaia , et Kiretskaia , près de i'Oungourkoui 5 Bourlakofskaia , près du Sasag ; Tamirskaia , près du Tamira , Doun- gouiskaia, situés sur la Koudara, près do $$ 1J71. DE MûSOTSCHlNSKOS l'embouchure du Doungnouï ; ceux de Soud^ shirtouiskaia et; de Koudarinskaia , situés sur la Koudara 5 celui de Dshindinskaià , situé sur les limites près de l'embouchure du Dsliinda, dans le Tscliikpï. Les habitans de ces villages sont tous d'anciens domiciliés. Les autres sont Khilkotoefskaia , Dotoschinskaia , Grékhaf skaia , Goutaïskaia , Verkhnaia ., et Nishnaia-Karim- skaia : trois de ces villages sont formés depuis peu. La population des autres a été augmen- tée par un grand nombre de colons. Tous ces paysans sont agriculteurs , parce que le sol de cette contrée leur fournit les plus superbes récoltes. Le sloboda de Baïkharskaia , situé près de l'embouchure du Baïkhara , dans la contrée supérieure du Tschikoï, renferme douze vil- lages dans son territoire ; celui dTtitéiskaia , situé près du ruisseau du même nom 5 celui de Griamiatscha , près de l'embouchure du ruis- seau de ce nom , dans le Tschikoï ; ceux de Loskoutinkova , Krasnoïarskaia , Korotkofskaia , Onouphriéva , Kourbatofskaia, Sakliarofskaia , et Ossinskaia. Tous ceux - ci occupent la rive septentrionale du Tschikoï. Au-delà de co fleuve sont les villages de Maïguirtoui et Séio- Arkhanguelskoï , habités par des colons , et celui de Koutounskaia , qui est peu considé- rable. J'ai vu , dans le territoire d'Ourlouki , plu* « a T o i o kv 79 sieurs fossiles assez remarquables , quoique peu intéressans. Ce sont d'abord des couches irré- gulières de plusieurs sortes de terres de dif- férentes couleurs ; on les rencontre à quinze Terstes au-dessous d'Ous-Ourloutzkoï-Karaoul , dans une riye escarpée du Tschikoï, au-des- sous des rochers qui forment la montagne de Gorodovoï. 20. Un beau jais assez dur et assez compacte , qui se présente par morceaux assez considérables hors des rives brisées du ruis- seau de Boron-Zoun-Gorékhon, à deux verstes d'Ourloutzkaia-Sloboda. 3°. Une gangue quart- zeuse imprégnée et mélangée de plombagine , que l'on a prise pour un rainerai ferrugineux à fépoque de sa découverte. On trouve cette gangue vers l'embouchure du ruisseau dans le Tschikoï, et près du village de Goutaï , situé à trente verstes de l'Ourlouk. J'ai vu aussi un crâne de rhinocéros aux trois quarts pourri ) on l'avoit ramassé dans les contrées inférieures du Tschikoï. En sortant de Morotschi , je descendis le Tschikoï 'y je fis environ vingt verstes dans des fonds desséchés et salins , et dans des bruyères sablonneuses , pour arriver dans la plaine de Khilgoutoui , où sont situés les temples Mon- gols, dont j'ai parlé. J'assistai à un de leurs offices , que le Khamho-Lama fit célébrer peur moi. Il avoit rassemblé exprès un grand nom- fer© de prêtres 5 il officia , et donna la bénis So 1772. BE MOHOT SCHI NS K0i diction. J'ai eu une conversation avec plu- sieurs cle ces prêtres après la cérémonie (1 ). Je repris la route que j'avois suivie au prin- tems , et j'arrivai, clans la matinée du 3o , à Séien guinst. Dans plusieurs fonds salins, qui bordent le Tschikoï ., je vis la superbe statice dorée ( 2 ) , qui commençoit à fleurir. Je n'ai vu cette petite plante qu'ici , et près du Taréi- Noor 1 mais nulle part ailleurs dans toute la Si- bérie. Le îyséron des baies (3) étoit aussi dans sa floraison, ïl est aussi commun dans cette contrée que près de i'Enisséï et de l'Irtiscli. Je m'occupai, à Sélenguinsk, à récolter toutv ce que cette contrée offre en histoire naturelle ., et à rédiger mes observations. On faisoit , pendant ce tems , les préparatifs nécessaires (1) On regrette que le professeur Pallas ne donne pas un précis de cette conversation ; eue fait sans doute partie de? matériaux de son ouvrage sur les nations Mongoles , dont il n'a encore publié que ie premier volume in-quarto , qui concerne particulièrement les Kalmouks. Ce savant se pro- pose d'insérer dans cet intéressant ouvrage , un traité du hamisme, religion presque inconnue en Europe , quoiqu'elle ait servi d'origine et de base aux principaux cultes de l'an- cien continent. Note du 'Rédacteur» (a) Satice aurea. (3) Convolvulus sepium ,an convolvulus folils s agit tat» acumlnatis , postlce auriculaiis , floribus ex foliorum ails solitarïis. Flor. Slblr. IV , p. $6, n. 54, tab. 48. Les tiges de cette plante rampent sur terre, et ne poussent pas comme celles d^s autres liserons, pçur a T o i o w. 8i pour retourner à Krasnoïarsk. Je partis le 3 , et xae dirigeai vers le Baïkal. Je laissai en arrière l'étudiant Bikof > comme j'avois déjà fait à Séien guinsk , le printem« dernier , pour y récolter des plantes et tout ce qui concerne l'histoire naturelle. Je le char- geai de remonter le Dshida , en longeant les postes des limites , et de pénétrer , s'il étoit pos- sible, jusques dans les montagnes du Toun- kinski , et d'observer tout ce que les trois rè- gnes lui offriroient de remarquable. Je le priai de retourner ensuite à Sélenguinsk , et d'y attendre le retour de M. Sokolof y qui étoit resté en Daourie , et de venir me rejoindre , aveclui , à Krasnoïarsk, vers la fin de l'automne. Je cherchois , par ce moyen } à me procurer toutes les plantes des contrées situées an delà du Baïkal , qui ne fleurissent que dans l'arrière- saison. Voici quelques détails sur la nature de ce pays. J'ai trouvé beaucoup plus d'objets intéres- sans en animaux et en plantes , dans les con- trées qui confinent à la Mongolie , et à la partie septentrionale du Baïkal , que dans le long trajet que j'avois fait depuis les monts Ouralsks. Ces montagnes doivent être regar- dées comme les limites qui séparent l'Europe de l'Asie. Les contrées supérieures et méridio- nales de FEnisséï ? qui tiennent beaucoup de Tome VL F 8a 177a.* I>E MOROTSCHIySKOÏ ïa nature de la Daourie, offrent , à la vérité, beaucoup d'objets intéressans qu'on ne trouve point dans la Sibérie occidentale , ou qu'on rencontre seulement dans la partie la pins éle- vée des monts Ouralsks 5 mais ces productions ne sont, nulle part, aussi abondantes ni aussi parfaites qu'en Daourie, et dans les monta- gnes situées au-delà du Baïkal. Elles paroissent même être indigènes à ces contrées. Je me sers ici de la dénomination de montagnes , parce que toute la contrée est montagneuse. Les plai- nes mêmes ne peuvent être regardées que comme de vastes vallons, ou des portions depays^lat entassées sur des montagnes moins hautes ; elles sont toutes situées fort avant dans la Sibérie oc- cidentale. Sans recourir au témoignage du ba- romètre , les plantes des montagnes , et celles des campagnes et des fonds les plus bas , dé- posent en laveur de mon assertion. Les hautes montagnes , couvertes de forêts , entre le Baïkal et l'embouchure du Seien ga (où elles ont leur plus grande élévation et lar- geur), forment , avec les montagnes de Saïani , situées près de l'Enisséï , une vaste chaîne qui s'étend de plus en plus vers l'est. Elle conliiie, d'une part , à l'extrémité occidentale du Baï- kal ; sa branche principale se porte vers la Mongolie .en longeant les sources de l'Enisséï , du Sélen^a , et du Tola. Elle se divise ensuit© en rameaux , qui séparent , d'un côté, les mis* a T o i o n. 83 seaux de l'Amour, des rivières de la Sibérie ; de l'autre , le Naoun du Schar amourin (1) , et enfin l'Amour du Khoango. A 1* exception de cette chaîne de montagnes , et de quelques énormes masses ( Goltzi ) toujours couverte^ de neiges et de frimats , qui y sont contigues,, il faut se représenter presque tout le pays situé entre le Baïkal et les limites , comme rempli de montagnes arides, ouvertes , escarpées, hérissées de rochers , et entrecoupées par des plaines et des vallons pour la plupart sablon- neux. Ce sable doit son origine aux petites par- ticules de la roche , qui constitue ces monta- gnes , et qui tombe en efflorescence. Ces par- ticules sont chariées et dispersées par les vents > les pluies , les eaux de neiges , et les égouts des ravins. Il faut observer que la majeure par- tie des montagnes de ces contrées ne sont com- posées que de roches caillouteuses, qui tom- bent en efflorescence , et d'autres roches très- anciennes. On y distingue fort peu de longues masses , à moins qu'on ne veuille regarder comme telles les entassemens formés au pied des montagnes , par les débris des terres et des pierres que les eaux ont rassemblés et chariés. On voit, au nord et dans les contrées supérieures de la Lena , les couches horizontales de toute cette chaîne de montagnes. (i) Ces montagnes ont leur plus forte élévation etleur plus grande langem dajas cette étendue, F a 84 1772. DB MOROTSCHÎKSKOi Les montagnes de Sélenguinsk , étant héris- sées de rochers, présentent, de loin , toutes sortes de tableaux. II en est de même de celles du territoire de Nertschinsk , ou , pour mieux dire , de la Daourie. C'est la diversité des ex- positions qui donne naissance au grand nom- bre d'arbustes , et plantes rares et particulières à différens sols , qui couvrent ces montagnes et les vallons qui les séparent. Ces vallons sont tantôt étroits, ombragés , et froids , tantôt ou- verts, sablonneux, et chauds \ d'autres enfin, sont remplis de fonds salins , ou d'enfoncé mens arrosés par les rivières. Telle est la cause de la différence des températures dans des contrées fort voisines, et sous le même degré de lati- tude. On trouve à Sélenguinsk et à Kiakta toutes sortes de légumes. Les arbouses ou me- lons d'eau y réussissent, même en pleine terre. Un grand nombre de plantes , rares et exoti- ques , qui croissent le long des rochers bien exposés , y viennent à merveille. Le blé ne mû- rit pas près del'Ouda , et dans les cantons situés plus au nord. Les rives même du Baikal, dans les endroits où les hautes montagnes , si- tuées au sud, ombragent la campagne, et y occasionnent des frimats ., produisent les plantes indigènes aux montagnes les plus froides. I es arbres même y sont plus tardifs. Ceci n'est pas étonnant, parce que les neiges y tombent beau- coup plutôt 5 l'hiver y est bien plus long que a T o i o nv 85 dans les contrées situées à "cent verstes de-là f près du Sélenga. L'élévation du sol , qui est exposé aux frimats , influe sur le climat du pays , ainsi que dans toutes les contrées mon- tagneuses. C'est aussi la cause principale de la froide température de la partie orientale de la Sibérie, et sur -tout dé la partie sud du Bai- kal ; ces contrées sont beaucoup plus froides que celles, situées à l'ouest , quoique sous le même parallèle. L'air de, la Daourie est le même que celui des Alpes*. Ce pays a la tem- pérature de ceux qui se trouvent au nord d'une haute chaîne de montagnes*?, où l'influence des vents chauds du sud est interceptée , ainsi que cela arrive dans toute la Sibérie. La Daourie est encore exposée aux vents du nord, qu£ viennent de la mer Glaciale^ ils sont très-froids j> même au milieu de l'été : ce sont les vents domi- nans de la Sibérie. On ne voit, pour ainsi dire, que des forêts de pins en Daourie, et près du Sélenga , parce que le terrain est par-tout sablonneux. Ces fo- rêts ne couvrent communément que les bosses les plus élevées et les cimes des montagnes, et Contribuent à embellir les paysages. Celles qui garnissent le centre de cette chaîne de mon- tagnes, sont, pour îa plupart, composées de mélèzes , de pins à pignons , de pins de bois , de sapins blancs et rouges, de bouleaux , et de peupliers ,. et il y fait bien plus froid que F 3 W Î77Ô. Î>B Mo ft Ôt« C» INSKOi dans les environs. Les petits taillis de ces fo* rets sont formes 'd'aunes , de bouleaux ar- bustes , d$ rosige de Daomie (1) , et de diffé- rentes espèces de saules. Plusieurs des bosses les plus élevées* sont couvertes de neiges pen- dant toute l'année. Lés unes n'ont sur leurs cimes que des forêts d'arbres tres-cliétifs ; les autres seulement Quelques buissons rampans > et composés de pins à pignons , ou piris du mont Liban r, de mélèzes , de bouleaux nains , de plu- sieurs espèces d'e genévriers et de sabines (2) , et d'espèces particulières' de saules. Ces détails prouvent que les environs de ï . ' ; L J ! ■'- : ' (t) Rhododendron dauricum.y appelé BagoulnÏk dans le pays. " . (s) On' me rapporta de ces montagnes du genévrier com- mun, qui- varie tellement en Daourie, qu'on peut le prendre pour un autre arbuste, et en même tems de la sabine ordi—' nahe ( sabuui ) ,.du genévrier à feuilles de cyprès {Juniper us lycui ) , et uae troisième espèce cfui ressemble beaucoup au. oxmcvneu- de Bermude , Juniperus Bermudiana. Les Mon- gols l'appellent Îaman-Arza ( genévrier des chèvres ), pour fe distinguer de l'a vraie sabine, qu'ils nomment Khonin- hîi7.\ ( fencvrie'r des brebis). Voici la description que je jpim en donner.: Junipeins solia in raniulis ubi que bina , conjugato de~ currentia , infini a , mucronata supsriora inteniodiis dupla tongïbra. , triquetro-subulata , paunùa. Bacc^e dispermœ , jerninibius m.yusculis ovdtotriqiutris. Ses baies ressemble ut i «elles du geùevriei ordinaire, par la couleur , la grosseu* «t ie go lit. a T o i o w. 87 Séîenguinsk et de la Daourie ne seront jamais aussi riches ni aussi fertiles en grains que la partie de la Sibérie située plus au nord. Outre les montagnes escarpées qui couvrent cette con- trée, une grande partie des vallons et du pays plat est composée de rochers , de pierre ou de sable ; et par conséquent il ne peut y avoir d'autres habitans que des Nomades , tels que les Mongols et les Bouriats , qui ne s'occupent et ne vivent que de leurs troupeaux. Les peu- ples de cette contrée, mettant à profit les cam- pagnes fertiles et les bords des rivières et des ruisseaux , se trouveront bientôt à l'étroit et fort gênés , à mesure que la population aug- mentera. Je crois que lorsque l'agriculture sera ici à sa perfection , on fera bien d*assigner à une partie de ces peuples d'autres contrées propres à la culture. Je proposerois, par exem- ple , les déserts salins et sablonneux qui bor- dent l'Irtisch , vulgairement appelés lus Laides de Bar ab a. On les a abandonnés mal-à-propos auxKirguis , sur la fidélité desquels il ne faut pas compter , et qui ne deviendront jamais agri- culteurs, Je vais donner quelques détails sur Séîen- guinsk (1) et sur son territoire avant acquitter Cette ville. Elle est située , en grande partie, sur «—»—»-«l» II»" I .. » Il — H II ■■■■»I.. . Il .. ■ L» (1) Les Chinois appellent Séîenguinsk Tschousoü» P AÏS CHI K. F 4 88 1772- BS MOROTSCHITCSÜCO^ im bras du Selen ga , rempli de sable , et presque sec lorsque les eaux sont basses ; car on le tra- verse par-tout au guet. Les éboulemens suc- cessifs des hautes montagnes , situées derrière la ville , commencent à en couvrir toutes les rues. Les plates - formes et les cimes de ces montagnes sont boisées de pins : ce qui procure aux habitans le bois de chauffage et de char- pente nécessaires. Cette forêt aboutit au fleuve au-dessous de Sélenguinsk. Cette ville se pré- sente très- bien, du coté du fleuve, avec ses. trois églises et le Posôlskoï-Dvor (1), nouvellement bâti , mais qui n'étoit point alors habité. Cette maison et la citadelle spnt à l'extrémité infé- rieure de la ville 5 la première , sur le bord du fleuve , et la citadelle sur une éminence. Elle est construite en bois, et flanquée de tours dans ces ançles. La chancellerie du Voïévode est dans son inférieur. On voit hors de son en- ceinte le corps-de-garde delà place, et la chan- cellerie des i unîtes, où réside le chef de cette chancellerie. Ces deux bâtirnens sont construits sur une place qui forme un carré. La ville est revêtue de Naldobi, ou murailles de char- pente. Les jardins sont à l'extrémité supérieure, ainsi qu'un moulin à grain., conduit par un che val Quoique Sélenguinsk soit dans une situation (1) Maison des députés. A T O I O N. 89 aTantageuse pour commercer avec la Chine, 11 n'y *a que fort peu de marchands riches ; les autres habitans n'ont qu'une fortune médiocre : ce que j'attribue à leur nonchalance et à leur rvie débauchée. Un grand nombre de ces habi- tans se sont transportés dans les campagnes 9 où ils ont établi des métairies et même de pe- tits villages ; ils préfèrent l'agriculture et l'en- tretien des bestiaux aux embarras et aux af- faires de la ville. Plusieurs de ces villages sont situés en face de Sélenguinsk , près de la rive gauche du Sélenga. De superbes vallons leur fournissent d'exceliens champs pour la culture des grains , et de bons pâturages pour leurs troupeaux. 11 est aisé de reconnoître ici parmi les habitans , ainsi qu'en Daourie 9 un fort mé- lange de sang Mongol ; ce qui doit paroître d'autant moins étonnant, que les Paisses qui se sont établis dans la ville ou dans son territoire , épousent de préférence des filles Bouriates ou Mongoles. Ils les croyent plus propres à ayoir des enfans , parce qu'elles ont beaucoup de tempérament. C'est pourquoi chaque jour des Bouriats et des Mongols font baptiser leurs filles, pour les marier avec avantage. Des Eou- riats riches demandent ce sacrement pour eux- mêmes , afin d'épouser des filles Russes. Ces mariages mixtes produisent des mulâtres , ap- pelés Karimki 5 ils ressemblent aux Mongols par la figure et les traits , qui »ont commune- 9Ô IJJI. i)S MoROfSCfllKSKO'f ment assez réguliers et agréables. Ils ont la chevelure noire ou d'un brun très-foncé. Les mœurs du bas-peuple de ces contrées tiennent beaucoup de celles des Bouriats : ce qui est dû au mélange dont nous venons de parler. Les habitans se" servent par préférence de la langue Mongole. .La chancellerie de Séîengïdnsk renferme le$ slobödes de Baïkhara, d'Ourlak , de Moukhor- schibir., et de Tarbagantaï , dont j'ai déjà parlé» rOstrog d'Itanzinskaï, avec vingt petits villages bâtis , la plupart près de la petite rivière dT- tanza , et habités par trois cent soixante - onze paysans. De cette Jurisdiction dépendent aussi la si ob ode cVArkhanpueîskàia * avec six vil- lages , l'Ostrog d'Ilinskoï et la slobode dé Po- kroi'skaia, situés tous dans le voisinage du Se- ïenga. On y compte cent quarante -un paysans établis sur les bords des petits ruisseaux , qui tombent dans ce fleuve. La slobode de Kouda- rinskaia est située près du Seharaous , qui est fan bras du Sélenga. Sept villages, situés dans les déserts de Koudarinskoé , dépendent de ce lieu. On compte deux cent quatre-vingt-treize paysans dans ces villages. L'Os trog de Kaban- $koï et ses huit villages sont habités par deux cent quatre-vingt-seize paysans 5 le district de Dshidinskoï renferme la slobode de BaïnkhousL Soun, située près de la rivière de Dshida. Voici les villages qui dépendent de cette slobode : a T 6 i ô n.' <)i TschémourtaY, situé près du ruisseau de ce nom ; Klialsanova , Iéioutoui , K'nguirkoni , Oukirts- cliolon , et Gorkhon , près dii Dshkla , ou près des ruisseaux qui s'y jettent: celui de Nomokho- nofka , pris du Seien sa , et le village à clocher de Pogrof skoï , près de Tira ; l'un des ruisseaux duTemnik. On compte dans ce dernier quatre- vingt-quinze colons , et dans le district de Dshi- dinskoï deux cent soixante-dix-neuf paysans. On compte dans ces huit slobodes et leur territoire deux mille cinq cent vingt anciens domiciliés , et quinze cent trente - quatre co- lons , cent soixante-deux paysans, qui dépen- dent du* monastère de Troïtzkoï , cent trente- huit de celui de Posolskoï , près de mille Ka- snotschinzi ou bourgeois. Ces cinq mille qua- tre-vingt- ouatre personnes composent, avec neuf mille Bouriats et Mongols , toute la po- pulation du territoire de Sélenguinsk. Ce ter- ritoire est enclavé entre leBaïkol, les frontières de la Chine, et la grande chaîne des monta- gnes délimites. Il renferme encore l'Os trog dé Bargousinskoï , dont les vastes déserts servent d'asile à plus de mille six cents Toungouses 9 tributaires. On compte dans le territoire de Nertschink , qui est encore plus étendu , ou, pour mieux dire, dans la Daourie Russe, près île seize mille Bouriats et Toungouses , et onze mille huit cents Russes mâles , dont plus dé dix mille dépendent du directoire des mines 9^ ÏJJI. DE MoROTSCHîNêKoI d' Argon h skoï, et .environ trois mille colons^ établis depuis près de quinze ans. Ainsi , la population du pays, situé au-delà du Baikal y qui comprend sept cents verstes de longueur sur deux à sepNt cents verstes de largeur > monte à-peu -près à quarante - trois mille hom- mes effectifs. La contrée de Sélsnguinsk , et toutes celles qui avoisinent le BaïkaL, sont exposées à de petits tremblernens' de terre. On en a ressenti deux à Sélenguinsk et à Irkouzk en 1768 : Tua le 1 8 mars , à quatre heures du matin , et l'au- tre le 5 août , à deux heures après - midi. Le 1 3 octobre 1769, il y eut, vers huit heures ou matin , deux secousses > dont la seconde fut assez forte ; et le 28 jullkt 1771 , à Irkouzk , à neuf heures et demie du matin , un trem- blement de terre considérable , qui se lit sentir à plusieurs autres endroits. On ressentit dans cette ville- deux secousses : la première assez foible, etla seconde très-violente , tandis qu'elle fut à peine sensible dans plusieurs endroits. La secousse eut lieu au village de Verkhanaarskoï » à neuf verstes d'Irkouzk , prescrit' en memo tems qu'à la ville. On ne l'a ressentie que vers midi dans les villages situés au haut cie l'Ir- kouzlc, et dans l'Ostrog de Balaganskoï, éloi- gné de cent quatre-vingt-quatre \erstes; Elle fut aussi forte dans les villages , que foible à Balaganskoï. On n'éprouva d'abord à Seien- A T O I O K, ç3 guinsk , vers neuf heures et demie , qu'un f bi- ble mouvement , qui fut suivi d'une forte se- cousse. À Kiakta , situé à quatre-vingt-onze verstes sud de Séieno-uinsk , le mouvement fut si foible , que beaucoup de personnes ne s'en. apperçurent pas. On ressentit trois fortes se- cousses , yers les dix heures du matin , sur le paquebot de la couronne , qui se trouvoit alors dans le voisinage du monastère de Posolskoï. ( On entretient toujours un -paquebot sur le BaïkaL ) L'air étoit très-calme, le vent à l'ouest, et iî y resta jusqu'au 3o. On observa, pendant ce tremblement , et celui de 176p, dans plu- sieurs endroits de la contrée inférieure de Se- len guinsk, que le mouvement se faisoit du sud vers la mer. Une chose surprenante , c'est qu'en 1771, TOstrog de Tounkiuskoï n'a essuyé une forte secousse que le 7 août, quoique ce lieu soit le plus voisin des rives occidentales du Bai- kal , et situé dans l'intérieur des montagnes. La secousse fut si forte , qu'elle renversa plu- sieurs cheminées. Il paroit que c'étoit une suite de celle qu'on avoit ressentie quelques jours auparavant dans plusieurs endroits. Les trem- blemens de terre de ces contrées ne s'étendent pas loin , puisqu'on ne s'en apperçoit pas en Daourie , ni dans les contrées situées au nord , qui sont arrosées par la Lena. Il est probable que leur cause réside dans les montagnes voi- sines du Baïkal. Les sources ciuuides qu elles ^4 tjyi. b » T o i o n* renferment, les pyrites qu'on apperçoit de part et d'autre., et sur-tout près de Bargousin et de Vitim , et le bitume que le lac jette abondam- ment sur ses rives , prouvent que le sol ren- ferme assez de matières pour entretenir des Joyers souterrains, et occasionner ces mouve- mens convulsifs de la terre. C'est une preuve que les tremblemens de terre qu'on éprouve dans les monts Aitaïsks ont leur foyer dans le sein des montagnes qui entourent le Zaïssan- Koor (l). $. VIII. De Toion a Ilii nskoÏ - Oströ-g. Du 4 au 7 juillet* Vallée de Toion* — - Lac G ousinoï , 3o verst. — Lac salé de Sélcmguinsko'i ', 5 verstes. — Ouboukounskoi-Sîajiiz , 19 verst. — P^erkh* naia-Ouboiikoiniskaia , 5 verst. — Orongois~ koï-Staniz, 23 verst. — Petite rivière &Oron- goï. — - Ivolguinskoï - Staniz , 4° verst- ~ Polovinnaia-Sastava , 27 verst. — Iliinskoï- Ostrog , 22 verst. Je fis traverser le Sélenga à mes voitures , le 4, vers midi. Après avoir passé le fleuve, au (1) Je n'ai pu me procurer aucun renseignement sur les tremblemens de terre antérieurs à ceux-ci. J'ai vu , dans le journal 4es voyages 4e Mcssersçhmidt ,,que ce savant a essuyé AÏLIINSKOÏ. Cj5 lieu de prendre la route de poste ordinaire , je ' suivis le chemin qui est entre cette route et le Temnik. Je me dirigeai en droite ligne à l'ouest vers le lacGousiNOÏ (1), Je fus obligé, pour y arriver, de traverser la profonde et sablonneuse vallée de Toïon. Elle commence aux premières montagnes situées près du Sélenga. J'atteignis le lac à l'entrée de la nuit , et au milieu d'un orage furieux, accompagné de pluie et de ton- nerre ; c'étoit le premier de l'année. Je côtoyai ensuite les rives sablonneuses du lac. Arrivé à son extrémité septentrionale , l'obscurité m'em- pêcha de pousser plus loin, et mje força d'y coucher. Le jour naissant me montra une contrée riche en plantes. Le sol sablonneux étoit garni de dracocéphale de Moldavie (2) , de garance à feuilles en cœur (3) , d'atraphace (4) , de rue sauvage d'Assyrie (5) , de ballotte laineuse (6) , un énorme tremblement de terre à Tscliitinsk , le 2 1 janvier 1725. La secousse eut lieu à sept heures du soir par un tems calme. Il se Ht des crevasses dans la terre et sur la glace. Tout ce qui était suspendu dans les maisons fut aQüssoun , qui se jettoit dans le lac 5 d'ici partoient de profonds vallons qui se di- rigeoient au sud à une assez grande distance, vers le Temnik, qui tombe dans ie Seien ga« Le Teinnik, clans une crue subite au mois de mai, il y, a environ quinze ans, rompit ses disues, abandonna son ancien lit, et se forma un nouveau canal vers ce fond, à tr a vers un vallon; par cet épancliement , il métamorphosa en lac toute la vallée où sont ; situés ce fond etle Kouloun. Les eaux s'étantbeaucoup grossies , se firent jour dans la partie sud du lac y cliej prirent leur écoulement le long de la moimagne àù. Khadschir , et se déchargèrent dans le Sé- lenga par le canal qu'elles se. creusèrent : ce canal est encore aujourd'hui celui du Temnik, Les eaux du lac sont un peu baissées, mais tout ce qui étoit enfoncement est demeuré lac, et reste continu à l'ancien lit, sur - tout près • tS} ■*- de l'ancienne source de Khara - Oussoun. Les Mongols ayant perdu s par cette inondation» A ï Z ï X K S & O ï. 95 îé superbe pâturage qu'ils avoient dans ce fond , ont donné par vénération, au nouveau canal du Temnik, le nom de Zagan - Temnik (ï). II existe encore de si excellens pâturages près de ce lac, que deux principaux prêtres Mongols se sont emparés de ,ce terrain. Ils s'y sont établis et y ont construit deux jolis temples , l'un à l'extrémité méridionale , l'autre à l'ex- trémité sententrionale , parce qu'on a été obligé de l'y transporter après l'inondation. Ce dernier est dans un fond charmant, près de la petite source de KIiongor-Bouliken, au pied de la mon- tagne de Khon^or-Oulé. Je donnerai dans un autre ouvrage la description de ces temples , et je publierai les détails de la cérémonie où j'assis- tai le 4 juillet y à l'occasion d'un Obo , monument sacré qu'on érigeoit près de la montagne-. Je dirigeai ma route à travers un vallon pierreux et très-mouiilé , pour me rendre à un- lac salin situé à cinq verstes du Gousinoï. On y a établi les salines qui fournissent le sel né- cessaire au territoire de Sélenguinsk. Le ca- ragan épineux croît tout le long de cette yallée^ dont il est l'arbuste le plus commun. Je trouvai dans les places marécageuses^ l'ail à têtes spli ét- riqués (2) et l'orchide avortée (3) en fleurs» (î) Le Temnik blanc ou sacré. (z) Allium spkœrccephalQTi* (3) Orchis abortïva, Q % les &17%\ b s T o ï o »r Celles de cette dernière plante sont blancheî Comme la neiare , et elles ont une odeur fort agréable. Ce vallon est si uni, qu'avant que le *Temnik se fût tracé un nouveau lit pour se rendre dans le Sélenga , on craignoit à chaque instant qu'il ne vînt inonder le lac salin. Le sol est entièrement blanc à une assez grande distance du lac, à cause du sel amer dont il est chargé. J'y remarquai la nitraire (i)~ et la sarrette salée (2) dans leur pleine flo- * raison. Le lac de Seien g-uinskoï où l'on fabriqué le sel,- est éloigne de deux verstes au plus de celui de Gonsinoï, en prenant directement au nerd- ouest, à travers les montagnes. Il est dans un vaste fond, entouré de montagnes assez con- sidérables, et sur-tout à l'ouest et au sud,, et forme un ovale d'environ un verste. Son plus grand diamètre s'étend de l'est à l'ouest. Il re- çoit au nord , beaucoup de sources d'eau douce qui diminuent son rapport et qui empêchent de faire iisaee de sa muire en été. Les veines du sel existent dans le lac même. On remarque en automne, lorsque le lac gèle, plusieurs places qui ne se chargent 'pas de glaces 5 la mu ire y devient alors plus forte. On essaya en 1762, de mettre à une de ces places, un tuyau de (î) Nuraria. (z) Sc trat nia tais a* 31 I 1 ï ï K S K O î. 101 pompe sur la source salée ; on observa que ce n'étoit que de la vase à plus de sept archines de profondeur. On sentit ensuite quelque chose qui résistoit fortement ; on y enfonça un® tarrière., et il en sortit un glaçon très-pur. Mais comme cette ouverture donnoit bientôt jour à des sources d'eau douce , on cessa le travail- On a essayé en vain, par diverses opérations, de découvrir sur les rives la véritable veine du sel,, mais ces tentatives n'ont procuré que des sources^cl'eau douce. Il y a un puits assez pro- fond, dont l'eau est très -potable, quoique un peu saumâtre. Le fond du lac est composé d'une vase bleue.' Des qu'il commence à geler , il s'y dépose une croate de sel de glanber très-pur ^ qui a souvent plusieurs pour.es d'épaisseur. Ce sel sèche à l'air , et se change en une farine blanche. Dans les tems secs continus, et pendant les chaleurs de l'été , il se sépare de la muire , et nage sur la surface du lac en croûtes minces et déliées , qui paroissent entièrement rouges de loin, quand elles sont frappées par les rayons du soleil. La muire du lac est claire et ne prend point cette apparence rouge. Elle n'a pas d'o- deur , excepté pendant l'été où elle sent le ma- récage. Elle n'acquiert la force requise pour la fa* brication du sel qu'en automne , époque où il se forme à leur face une croûte de glace suffisante. Ou la fait bouillir vers le mois de novembre | G S ÎÔA Ï7 72. DÉ T ô f O ÎT les travaux se continuent jusqu'à ia mi-mars , tems où les eaux de neige qui viennent des montagnes diminuent beaucoup de sa saturation. On fabrique pendant ce tems jusqu'à vingt mille ponds de sel. Cet établissement consiste* aujourd'hui en •deux sauneries et deux chaudières. On" travaille à remplacement d'une troisième, et on a jeté les fondemens d'un magasin \ mais les travaux de construction ont été suspendus à cause d'un procès. Il faut vingt-quatre heures pour la cuis- son d'une chaudière contenant six cents seaux de muire, qui rendent près de cent pouds de sel. Ces six cents seaux valent près de douze Cents des nôtres. On puise cette muire dans deux places du lac par le moyen de tuyaux de bois qui la conduisent dans les sauneries , où. elle tombe dans des réservoirs de charpente. Lorsque les gelées surviennent, iî s'y forme de fortes croûtes de sel de ^lauber aussi clair qv+q le cristal , qu'on a soin d'enlever souvent. Le sel que l'on retire de la cuisson est en petits grains , blanc et assez pur , mais il ne sale pas autant que celui des salines de l'Angara. Le gratin même qui se forme dans les chaudières , est un sel pur, et j'ignore la raison qui empêche de le mêler avec l'autre. L'administration paye le sel sur place , à raison de dix kopeks le pond , en faisant une retenue de onze pour cent pour droit de péage. Elle le fait ensuite transporte* A iLÏIUtfSKOÏ. ïo3 dans les magasins des lieux où il se consomme. On prend les bois nécessaires dans ime immense forêt de pins , à quatre à six vers tes du lac , et à environ vingt - trois du Sélença. On ne manquera pas de bois de sitôt ; à la vérité il coûte un peu cher, puisque l'on paye quinze kopeks par corde pour la coupe, et vingt pour le charroi. Le 1er employé pour les chaudières revient à soixante-dix kopeks le pond j il faut les réparer presque tous les hivers. Un for- geron de Kouitounskoï est chargé de cette li- vraison. Il existoit déjà ici une saline en 172.8 $ elle îie contenait qu'une chaudière. Le gouverne- ment l'y avoit établie à ses frais 5 mais il la céda peu de tems après à un particulier. Celui - ci la vendit à la famille du propriétaire actuel , Mikdu Paschôlkof. Ce dernier a fait construire deux jolies maisons près des salines. Les bâti- mens consistent dans un ancien magasin où je trouvai quinze mille poLids de sel, et en plu- sieurs maisons pour les. ouvriers. Je continuai ma route après avoir examiné tous ces obi'ets. Le vallon salin , dont j'ai parlé, continue jusqu'aux collines., où j'atteignis la route de poste. Le ruisseau d'Ouboukoun coule au-delà de ces éminences. Ou a établi à sa proximité , un relais qui se trouve à quarante verstes de Sélenguinsk, et à dix verstes environ du lac. Je résolus, de ne pas m'y arrêter , pour G 4 «©4 Ï772. © B T O I o # arriver à un village situé près cle i'OuboukouHt que je côtoyai pendant cinq verstes. Ce villag® renferme six maisons.' Avant de l'atteindre je traversai une petite montagne qui borde la ruisseau. J'y vis une fouille faite par un lapi- daire^ parce qu'il avoit découvert v.n spath demi- transparent y vert , flammé , et couleur d'amé- thyste., qui se présentent à la superficie du soî. Ce spath contient des rognons d'agathe jaune et grise. Je crois que l'on feroit bien de con- tinuer cette exploitation dans toute la mon- tagne- La même route , en descendant vers l'Oubou- îtoun^, conduit au lac cl' Al tan (1). Après l'avoir passé, on atteint un petit village du même nom, situé au pied d'une montagne qui s'étend au loin. Cette montagne doit son nom à la roche mi- ca.cée dont elle est composée , ou aux riches tombeaux qu'elle renferme , et peut-être à ces deux causes. La nature de la roche y a fait entreprendre des fouilles 5 les travaux n'ont pas été poussés fort avant. On a ouvert plu- sieurs tombes; mais j'ignore s'il s'y est trouvé quelque chose. Arrivé à l'Orongoï, on atteint un hameau de quatre maisons. On côtoie en- suite cette rivière à travers un pays ouvert et sablonneux , pour arriver aux relais d'Oron- goiskoï. On passe cette rivière sur un pont (1) Lac doré. A î I, I T 3S" S K O î. loS' Volant. Ses eaux étoient tellement gonflées depuis peu , qu'elles avoient produit une inondation assez considérable $ niais la rivière étoit alors rentrée dans son lit. On voit dans toutes les eaux stagnantes de cette contrée jusqu'auprès du Baïka-1 , un populage (1) à feuilles flottantes , dont les petites fleurs sont communément d'un jaune pâle. Elle croît aussi près de l'Angara inférieure. La contrée varie très-peu au nord vers l'O- rongoï, et c'est toujours le même terrain sa- blonneux , mais qui ne produit plus de caragan épineux. J'y remarquai en revanche le pied d'alouette à grandes fleurs (2) et la berce pa- nais (3) qui étoit'en fleurs. Les montagnes com- mencent à être mieux boisées de forêts de pins. Nous fîmes rafraîchir nos chevaux près d'une source où est un Simovié abandonné. Ces ani- maux en avoient le plus grand besoin, puisqu'ils dévoient nous conduire jusqu'à Oudinsk. Nous arrivâmes sur le soir au Staniz-d'Ivolguinskoï , et passâmes le ruisseau d'Ivolga qui est consi- dérable. Nous étions encore à dix verstes d'Ou- (1) Caltha natans. Flor. Sibir. IV^pag. 191, n* 16 9 tab. 8a. C'est une espèce particulière ? et absolument dis- tincte du populage ordinaire. (2) Delphiniufy. grandiflorum* (3) Herackum pana ces. dinsk. Nous atteignîmes vers la nuit, un petit Tillage situé vis-à-vis de la -ville f après avoir traversé de yastes fonds. Nous y logeâmes. On me remit ici beaucoup de lettres qui m 'avouait % été adressées près de -FOncn , Mais qui n'y ar- rivèrent qu'après mon départ. Je renvoyai mes interprètes Mongols le lendemain matin , parce qu'ils m'étoient inutiles. Au-dessous d'Oudinsk les bords du Seien £â -sont garnis de plusieurs petits villages situés -à peu de distance Fun de l'antre 5 ceux de Sot- nikova^ de Poselskaia et de T aïschischina. On rencontre entre les deux premiers les ruisseaux de Griamiatscha et d'Iéiovaia , qui ont leur cours vers Seien ga. Ces deux ruisseaux prennent leur source entre deux hautes montagnes de roche qui aboutissent près du fleuve. Ces mon- 'tagnes rendent le chemin très-pénible au-dessous • de Taïschischina , à cause des rochers qui bor- dent les rives du Sélenga. Je le conimreà celui nue i'avois trouvé près de Pltfëëâà au-dessous de Tschitinsk. Je vis ici beaucoup de valériane •des rochers ( 1 ) qui étoit en pleine floraison. L'orme nain qui croît dans cette contrée de- vient toujours- plus fort à mesure qu'on descend le Séien pa. On en trouve dont les troncs ont trois empans de diamètre. Le mauvais chemin cesse près de Polovianaia - Sastava. Les mon - (1) Valeriana rupistris. A 1 S, ï I N 8 K O 1. ÏOJ tapnes s'abaissent beaucoup à Iliinskoï, en s'é- ïoignaiît du Sélenga; et en avançant dans le pays, on ne rencontre que des plaines et de superbes prairies , et on n'apperçoit plus que quelques éminences et des rochers saillans. La lande qui borde la partie inférieure du Së- lenga est très-fertile et peuplée de petits vil- lages. Elle est entourée de hautes montagnes de l'autre côté. Elle s'étend au-delà du fleuve jusqu'au ruisseau de Koudara ; et vers l'em- bouchure du Sélenga , elle s'étend jusqu'au mo- nastère de Posolskoï. Cette contrée est la plus peuplée de celles situées au midi du Baikal. On y compte huit à neuf cents familles et deux couvents. S. I X. D' I L I ï N S K OÏ A pESTSCHANAIAn Du 7 au 14 juillet. Tafakanofskaia , 2,3 verstes. — Kahanskoz- Qsfrogy 22 verst. — Monastère de Posolsko'î- JPréohraschenskoï _, 2.0 verst. — Poissons du Baïkal. — Lac Baïkal. — Pestschanaia- Goubâ. ~ BaJclanié - Kamen. -«-» Cap Kho- rnoutovoï 9 i5 verst. Je couchai à Tarakanofskaia , village corn- posé de dix maisons. Il est situé près d'un, marais , dont le fond n'est qu'une eau stagnante. 4o8 1JJ2. »TliïnskoÏ Avant d'y, arriver , il faut traverser les ruis- seaux de Piana et de Talofska qui se jettent dans le Sélenga. Je passai devant le couvent de Troitzkoï > appelé Phrolopskci par les paysans. On laisse sur le côté la slobode d'Ar- khanguelskaia nommée aussi Treskova, et plusieurs villages. On passe le ruisseau de Vi- îouika, sur lequel est un moulin. Je vis dans les Bas-fonds, dont le sol et très -gras, deux jolies plantes, la véronique de Sibérie (i)etla pivoine à fleurs blanc de lait (2). En quittant Kabanskoï , j'entrai dans des landes élevées et arides , en m'approchant peu-à- peu du Baïkal , et côtoyai ensuite ses rives unies , couvertes de graviers et de cailloux pour arriver au monastère de Posolskoï. La plaine qui borde ce lac est constituée d'une couche inférieure de cailloux , qui prouve qup le Baïkal étoit au- trefois beaucoup plus élevé ; il baugnoit peut- être alors toute la plaine qui environne l'em- bouchure du Sélenga. , plaine qui est aujour- d'hui habitée. Je trouvai sur la côte sablonneuse du Baï- kal , et dans les forêts voisines , plusieurs (ï) Ver unie a Slblrlca, (1) Poccnia làctiflora , an Pcconia lacteo flore 3 follis uirlnque vlrldantïbus et spUndinùbus (Iû/hs latis). GmcL apud Amman. Ruth. n°. 103. Sqs fleurs et ses feuilles la distinguent ne la pivoine ordinaire, A 1? E S T S C H A N A I A? Ï0$ plantes particulières , qui ne croissent ordinai- rement que sur les montagnes froides ; telles que le cembre (1) , lacamarine à fruits noirs (2)., la campanule à feuilles rondes et à grande^ fleurs (3), la fumeterre balsamine (4), la re- nouée étalée ou divergente (5), et la renouée on. pol/ygoiiu?7i sericeum ( 6 ) , la scrophulaire (\) Pinus cembra. (2) Empetrum nigrum. {3) Campanula rotundifolla et grandi flora , ß;z Capipa- nul a foliis strictis , piabris , integer rimis , raiïcalibus lanceolato ovalïbus ; 6', tab. 32. (4) Fumaria impatiens .an Fumaria tenuifolia floribus luteis. Amm. Ruth. n. 173 , fû£. 20. Fumaria sciliculis evatis compris sis } £#«/ l'andromède à feuilles de po- lium (10) , diverses airelles ( 11), plusieurs pyroles (12) , parmi lesquelles j'apperçus la pyrole uniflore (13). Les Sibériens l'appel- lent Killéréka 5 ils emploient son infusion dans différentes maladies ., et la prennent en guise de thé , et au lieu du Véritable anis «étoile , la Polygonum follis ovatis hirsutls , floribus pedunculatis in spicis Iaxis. Flor. Sibir. L c. p. 58 , n. 44 , tab. 9 , f. z. (I) Scrophularia scorodonia. (z) Dracocephalum mit ans. (3) Lycopsis ve sic a ri a. (4) Triticum littorale , an Triticum radie e perenni , s pi" mdis hinis lanuginosis. Flor. Sibir. I, p. np, tab.' Z5. II croît sur le rivage , et quelquefois aussi abondamment que si on l'y avoit semé. 11 ressemble tellement au seigle de la grosse espèce , que les paysans l'appellent Dikaia KC£ii ( seigle sauvage ). (5) Lonieera cœrulea et pyrenaica. (6) Linnea. (7) Rubus articus. (8) Pedicularis paniculata. (9) Ledum palustre. (10) Andromeda polifolia. (II) V accinia. (iz) Pyrolœ. (13) Fyrola unißora. §L Pestsch.atïaijc. I î % pyrole à feuilles rondes ( 1 ) . ïl seroit beaucoup plus sûr de préférer pour cet usage la pyroiè à une fleur ; cet amer aromatique est très-sa- lutaire à l'estomac. Ce sont d'ailleurs des plantes de montagnes. Elles croissent sur les rives basses de cette contrée, et près du Baïkal, à cause de l'air froid et nébuleux qui règne en été sur ce lac , et de la proximité des hautes montagnes qui avoisinent principalement la partie niérw dionale de cette contrée , et enfin de l'influença des cimes garnies de neiges qui bordent le Koultoul , ou la partie occidentale du Baï^ kal. En arrivant au monastère de Posolskdi , je trouvai le Baïkal couvert d'un brouillard épais et froid y ce brouillard ressembloit à ceux des hautes montagnes autour desquelles les nuages se rassemblent , ou à ceux qui. régnent en aix#- tourne et en hiver dans les contrées maritimes. J'attribuai ce brouillard à des nuages qui s etoienl ^enfermés dans l'intérieur des montagnes. Ils flok toiene t serepoussoientvers la côte du sud, ou vers la côte septentrionale. Ce brouillard règnoit depuis huit jours , etil continua, jusqu'au 20 ; la tems varia cependant, l'air étant très- tranquille 9 ou bien agité par des vents d'ouest. On m'assura qu'on en voyoit assez fréquemment de sem- (1) Pyrola rotundifolicu blables. ïl tomba à la même époque , paa? toutes les hautes montagnes de la Daourie , au nord du Baïkal , et près de l'Enisséï , une pluie de si longue durée , qu'on ne se ressouvenoit pas d'en avoir tu une pareille. Elle continua fort avant dans l'automne. Plusieurs cantons furent dévastés , on n'y récolta ni grains , ni fourrages. Le printems et une grande partie de l'été aToient été très-secs dans toutes ces contrées. Les vents de l'ouest étant communément de très-longue durée sur le Baïkal, me firent craindre de ne pouvoir le passer de sitôt pour me rendre à l'embouchure de l'Angara , quoique la galiote qui devoit nous y transporter fût arrivée à Posolskoï en même tems que nous. Cette galiote , qui appartient au gouverne- ment, se nomme,BoRis et G leb. Elle tient lieu de paquebot. Elle est sous la direction d'un pilote en second du détachement d'Qkotzk. C'est aujourd'hui le seul bâtiment qui navigue ßurle Baïkal , parce que les marchands se servent toujours de leurs Dostschéniki , mauvais canots très -dangereux, ils les conduisent à la rame, et ne se servent de voiles que lorsqu'ils ont le vent contraire. La seconde galiote fit nau- frage sur la côte en 1770, et on en a retiré les débris. Ces batimens sont peu propres à la navigation dans des parages aussi étroits. Des barques Ä.' Pestschanaia. Îl3 barques à raines, ou demi-galères vaudroient beaucoup mieux. Je m'amusai, en attendant notre traversée ^ h récolter les plantes de cette contrée , et à observer les poissons du Baikal. La pêche y est affermée, et les pêcheurs doivent en outre une rétribution d'un certain nombre de tonnes de poissons au monastère de Posolskoï. On y pêche pendant tout l'été avec des nasses qui s'étendent à deux cents toises, parce que les eaux sont très-basses le long de cette côte. On attache à ces nasses une forte corde de trois cents brasses de longueur , qu'on laisse filer dans l'eau par le moyen d'un canot. On retire la nasse avec le vire veau auquel est attachée la corde. Dès que les glaces sont brisées au printems , on commence la pêche des Sigui- Morskié, ou Oxyrinques (i), et des Lenki, qui abondent sur les côtes basses et sablonneuses , où ils viennent déposer leur frai. Ces poissons cherchent au contraire eu été les endroits très-profonds 5 on ne les pêche alors que sur les côtes septentrionales, qui sont escarpées et couvertes de rochers. On ne prit presque que des Omouls à la pêche où j'as- sistai. Ce poisson abonde alors sur les côtes méridionales , tandis qu'en automne il cherche l'embouchure des rivières. Les omouls que l'on (î) Salmo oxyr inchus. Tome FL H 1ï4 1772. d'Ilîinsko pêche près de l'embouchure du Sélenga n'ont pas plus de deux empans de longueur, tandis que ceux que l'on prend près de la baye de Tschivirkoui sont énormes. On n'en trouve pas d'aussi gros sur toutes les autres côtes du Baikal. C'est une preuve que les poissons imitent les oiseaux de passage , qui se rendent exacte- ment tous les ans dans les contrées où ils ont été habitués comme Alévains ; ils déposent très- rarement leur frai dans une autre rivière que celle où ils sont nés. Les contrées situées au-delà du Baïkal sont très-riches en omouls. C'est un grand bonheur pour les habitans qui seroient fort embarrassés les jours maigres, parce que les rivières pier- reuses de ce pays ne sont pas très - poisson-^ neuses. Ces poissons remontent communément vers l'ascension , dans l'embouchure du Sélenga ; mais comme ils marchent très-doucement, ils n'arrivent guères que vers la fin de septembre près d'Oudinskoï. Ils ne remontent point dans l'Ouda ni dans le Khilok, quoiqu'on en pèche beaucoup près de l'embouchure de ces fleuves. lis passent par troupes dans leDshida, et dans le Tschikoï jusqu'au-delà d'Ourlouk , et dans le Sélenga' jusqu'à ]'Orkhon. Ils remontent dans le Baïkal vers l'énorme du chariaçe des glaces. lis sont alors sans vigueur et pres- cju'épuisés 5 aussi en périt-il beaucoup en che- A P E S T S C H A N A I A. Îl5 •mm. Plus Kau tourne est doux, et plus ils éu> rivent tard dans les rivières. Si les glaces charrient de bonne heure , ils s'en retournent plutôt , et ne remontent pas jusques dans la contrée supérieure du fleuve. Us ne remontent jamais dans l'Angara, ni dans les ruisseaux qui se jettent dans le Baikal. Ceci provient peut- être de ce que les omouls qui venoient d'abord par l'Enisséï et l'Angara dans le Baïkal, se sont portés en droite ligne dans les rivières et les ruisseaux des côtes méridionales et orien- tales , où ils ont déposé leur frai ; ils ont en quelque sorte, communiqué à leur génération l'instinct de revenir d'habitude dans ces mêmes rivières. L'omoul vient originairement de la mer Glaciale. Il naît aussi dans rEnisséï \. enfin , il passe de l'Océan oriental dans les fleuves du Kamtschatka. De l'Enisséï il s'est rendu dans le Baïkal par la Touneouska et l'Angara \ il s'est porté ensuite dans la Touba et le grand lac Madshar près des monts. Saïan. Ce poisson ayant trouvé à son retour une étendue et une profondeur d'eau plus considérables dans ces lacs , n'a plus songé à retourner dans l'Océan. Il a d'autant plus multiplié dans ces contrées qu'il n'y est pas exposé à la voracité des poissons de la mer. On pèche aussi du chien de mer dans le Baïkal., ce qui est fort étonnant ^ parce que ce poisson ne s'éloigne communément pas beau- Pi % %i6 177^» ü'IliinsXoI coup de P Océan dans les fleuves; on ne se souvient pas d'en avoir jamais vudansPEnisséï ni l'Angara inférieure. Il est probable qu'ils ont passé dans ce lac par une variation considérable dans le niveau de notre globe , ou par quelqu'autre événement extraordinaire. Le Baïkal fournit encore une espèce de poisson qui lui est entièrement propre. Les Russes qui habitent sur les bords de ce lac l'appellent Solomiiakka (i). On le pêche depuis peu d'années. 11 étoit probablement connu avant Cette époque, et la négligence seule a pu priver ces peuples des avantages que l'on a retirés de sa découverte. Ce poisson ressemble parfaitement à un peloton de graisse. Lorsqu'on le met sur le gril , la graisse huileuse dont il est rempli se fond de manière qu'il ne reste plus que les arêtes. On ne les prend jamais dans les filets, et jamais on ne les a vus vivans. On présume, avec assez de vraisemblance , que ce poisson ne se tient que dans les gouffres du Baïkal. Ce» gouffres existent dans le centre du lac , et dans plusieurs places de ces rives escarpées situées au nord, où l'on a sondé en vain à trois et quatre cents brasses, sans trouver de fond. Il seroit difficile de définir les causes qui jettent ces poissons à la surface des eaux. C'est ordinal-' renient en été pendant les gros vents qui viennent mm$mi ,.m, m. i .. ii . i ■ i — ' ■ ' . ii ■ ,. ,. ., ■ ■ , -» (i Callyonym'us Baïkalensls. Appendix , ia°. «79, A PE5TSCHAXAIA. \\J des montagnes , ou dans les ouragans qui par- tent du nord; ces poissons sont alors poussés sur le rivage, et particulièrement sur les côtes de Posoîskoï, ou vers l'embouchure du Posolskdi. Lorsque le lac a été agité par des tempêtes., on les voit surnager sur l'eau en telle quantité, qu'ils forment, ende certaines années, un pa- rapet sur la cote. C'est une excellente récolte pour les habitans. Ils en tirent une huile qu'ils vendent aux Chinois. Ces poissons n'ont paru Cette année qu'au mois de juin , immédiatement après un ouragan. La récolte n'en a pas été con- sidérable. On m'en a envoyé deux fois à Po- solsk. Les uns étoient desséchés, et les autres conservés dans l'esprit-de-vin. Ils parurent pour la seconde fois le 2.4 juin. Lorsque ce poisson est jeté sur la côte , on 11e voit point les mouettes ni les corneilles s'y acharner. Cette répugnance est due probablement au dégoût de ces animaux pour la graisse huileuse. Ces poissons sont restés à peine deux heures sur les bords de l'eau , qu'ils fondent en huile pour peu qu'on les presse dans les mains. Le 10 juillet , le pilote de la galiote fit avertir les voyageurs de venir à bord; on y embarqua mes équipages, et je m'y rendis sur le soir. Le vent fut si violent pendant toute la nuit, qu'il nous empêcha de mettre à la voile. Les navi- gateurs du Baikal ont une boussole particulière où l'on ne distingue que trois vents. Tous les H 3 Îl8 IJJI. »'ÎLIINSKOI vents qui sont entre le nord et le sud, s'ap- pellent Bargousin , parce qu'ils viennent de cette partie; tant qu'ils régnent, on navigua lestement de l'embouchure du Sélenga à larive Opposée du lac. Les vents entre le nord-ouest et le sud-ouest se nomment Koultouk : ils viennent de la grande baie du Baïkal : ceux qui partent directement du nord ou de la côte septentrionale qui est montagneuse , s'appellent Gorkaia Pogoda (1). Assez ordinairement ces vents soufflent tout-à-coup, et occasionnent de furieux ouragans , de peu de durée > mais très- dangereux ; et si par malheur les bâti mens se trouvent à une hauteur où le lac n'est pas fort large, ils sont jettes, sans pouvoir l'éviter, sur les côl:es méridionales où ils échouent , parce que les eaux y sont basses ; si l'on ne ployé pas les voiles assez promptement, le bâtiment risque de chavirer ou de perdre au moins son mât. On ne court pas autant de danger , parce que le Baïkal n'a ni bancs ni écueils, entre les em- bouchures du Sélenga et de l'Angara. Plusieurs barques marchandes prétendent en avoir ob- servé quelques-uns dans des places très - pro- fondes. Le Baïkal a une si grande profondeur dans le milieu et sur les côtes septentrionales , qu'on a déroulé un peloton déficelle pesant plus d'une once, pour sonder, sans trouver de fond. (i) Vents de montagnes. a Pestschanâià? îïç On peut regarder le bassin de ce lac comm® un gouffre énorme , ouvert par le déchirement de la montagne dans lequel s'embouchent les fleuves voisins. Les rives montagneuses pré- sentent par-tout des traces d'une terrible mé- tamorphose , mais elles prouvent en même- tems l'ancienneté de cette révolution. On leva enfin l'ancre le 11 au soir, par un bon vent de sud, avec lequel nous eussions fait la traversée en bien peu de tems sans une né- gligence impardonnable du pilote. Nous tra- versâmes le lac dans la nuit ; mais au lieu d'a- border à l'embouchure de l'Angara , nous en étions pins éloignés qu'à notre départ de Po- solskoï. Cet imprudent pilote, pour rester au lit, a voit confié le gouvernail à un matelot peu expérimenté ) il fut fort surpris, lorsque 1© jour parut, de se voir dans la Pestschan aia- Gouba (1) située à cent verstes au-dessus du Simovié de Listvenischnoé. On compte de co lieu à l'endroit de notre départ , quatre -vingj;- quatorze verstes et demi en allant sur la glace . Le vent , qui continuoit toujours , nous retint sur la côte. Notre pilote prit le parti de jetter l'ancre pour attendre un Yent d'est. Je supportai avec patience ce retard à causé des plantes que je trouvai sur la côte ; elles etoient en pleine floraison, et j'en remarquai (i) Baye de sable» H *2o ijj%. d'Iiiikskoï plusieurs qui sont rares. Je m'amusai aussi à voir pêcher sur les petits bancs de sable : on y prit beaucoup de murènes de mer. Je vis , près du rivage , un grand nombre de dépouilles d'une cloporte aquatique (i) qui nageoîent sur l'eau. Ces insectes se tiennent entre les plantes Qt les mousses qui sont dans l'eau ; ils servent de pâture aux poissons , et particulièrement au L É n o K et au S 1 g. Une grande quantité de conferve nucifère ( 2, ) flottoit sur l'eau ; elle se change en une gelée visqueuse lorsqu'on la met dans de l'eau ou de l'esprit-de-vin pour la conserver 3 les rochers et les places pierreuses du fond du lac en sont couverts , ce qui les fait paroi tre à la vue comme tapissés d'un drap vert. Les plantes les plus remarquables des ro- chers sont : les campanules dont j'ai parlé, le chrysanthème arctique . ( 3 ) , la valériane de Sibérie et celle des rochers ( 4 )• ^es deux espèces croissent quelquefois ensemble sur le même rocher : celle de Sibérie étoit déjà en (?) Oniicus trachuras* Appendix, n°. 148. L'autre es- pèce de cloporte aquatique , oniscus miirU'atus , dont j'ai donné la description, 'ÂppenHlx\ n*> 147 > a beaucoup d'af- finité avec celle-ci , mais elle est particulière à l'Angara. (1) Confcrva nuclfera. Appendix , n°. 414. (3) Chrysanthemum arc tic um. (4) Valeriana Sibirien et nipestris. aPeSTSCHAWAiA.4 121 graines. Elles conservent les marques distinc- tives de leur espèce. [ Voyez la description que j'en ai donnée dans une note. ] J'y remar- quai encore l'astragale bleu (1) , le sisym- brie blanc ( 2. ) , le polypode odorant et le fragile (3)_, la fougère dryoptère (4)> l'aî crostiche à feuille de celérasch (5) , la saxi- frage à feuilles ponctuées et épaisses (6). J© rencontrai dans les vallons étroits le mélanthion de- Sibérie (7) et la swerte coriiiculéeï(8). Je vis sur les rochers les plus arides, l'ail des monts Altaïsks (9) dont j'ai parlé dans le troi- sième volume, il y abonde 5 nos mariniers l'ap- peloient Kambkwoï - Louk : ils le mangèrent avec plaisir, ainsi que l'ail à têtes sphériques (10) qui croît sur ces rivages. Le polypode odorant est la plante la plus (1) Astragalus cœruleus , an Astragalus scapls radica- u s folio aliqitanto longioribus , folioiis oblongis glabsrri mis , floribus imbricatis , leguminibus vesicariis glabris. Flor. Sibir, IF", p. 55, n. 71, tab. 26 , fig. 2 , et peut- être tab. 23 , /?. (t) Sysimbrium album. Appendix, n°. 34p. (3) P oly podium flagrar.s et fragile. (4) Dryopttris. (■)) Acrostichum marantœ. (6) Saxif'raga punctata et crassifolia* (7) Melanthium Sibincum. (8) Swertia corniculata. (p) Allium altaicum et saxatile. (10) Allium sphœroçephaloîi. loi lyyz. de PestschAwaia remarquable : cette superbe plante est rare et d'une odeur agréable 5 les Bouriats la nomment Serlik : ils vont la cueillir dans les fentes des rochers les plus élevés , où elle croît. Ils la prennent en infusion dans les maladies arthri- tiques et scorbutiques. Ce thé est si agréable , qu'on pourroit en faire usage par goût. Une feuille ou deux de cette herbe infusée avec du thé vert le rend si agréable, qu'on le prend pour du thé de la première qualité 5 son odeur est si forte , que si on en renferme un sachet dans un ballot, dans des herbages, ou dans uns caisse de papier, elle la leur communique de manière à la conserver long-tems. Les montagnes , qui a voisinent la baie de Pestschanaia, sont composées de granit , quief- fleurit ; îa côte sablonneuse s'est formée peu- à- pen par ce moyen. Le 12, il se leva un petit vent d'est 5 mais il tomba entièrement aussi- tôt que nous eûmes levé l'ancre et tendu les voiles. jNous fûmes for- cés de mouiller à une autre place à l'extrémité intérieure de la baie. Le i3 , notre pilote se décida à faire tirer ia galiotte par les matelots. Il anroit pris plutôt ce parti extrême, s'il n'avoit pas craint de les trop fatiguer. Nous parvînmes , de cette ma- nière , à la pointe de la baie ; vous passâmes devant les Baklanié-Kamen ( 1 ), et jeltames •- ■ — " ' ' * ■ (1) Les rochers des corbeaux de mer. aOubxnsK. 12S l'ancre an cap Khomouti , situé à quinze verstes de la baie. Nous nous amusâmes beaucoup , en passant devant ces rochers , à voir les cor- beaux de mer qui s'y rassembloient pour faire leur ponte, et en si grand nombre, que les rochers sont couverts de leurs fientes , et parais- sent tout blancs. Plusieurs de nos compagnons de voyage s'étant mis dans un canot pour se rendre à ces rochers , nous vîmes aussi-tôt les vieux corbeaux voltiger au-dessus du canot, et les jeunes , qui n'avoient pas encore toutes leurs plumes , se précipiter du haut du rocher dans le lac : ce qui nous divertit beaucoup. S- X. De Pestschanaia. a Oudïnsk. Du 14 au 27 juillet. Simovié de Goulousnoé , 12 verst. — Arternieß- S'unovié y 2 verst. — Oushkanié-Pad y 6 verst. — Simovié de Kadilnoï , 6 v. — Cap Sobolqf, — - Sennaia-Pad , x verst. 4°° tois. — Schi~ rokaïa-Pad , 3 verst. — Qriasnouscha , 2 V. 4oo tois. — Simovié de Pdbatschia y 3 verst. — Baie de Kroutaia , 3 verst. — Cap List- vénlschnoï , 1 verst. — Bestmiannoï - Päd , 1 verst. 4°° tois. — Ruisseau de Tschérem- se ha , 1 verst. — Ruisseau de Kreftofka , loo tois. — - Simovié de Listvénischnoié , 3oo 1*4 ^71^' BE Festschan ai A tois. — Nikolskaia-Sastava , 4 verst. 4°° toisv — Irkouzk , 56 verst. i5o tois. — Kétoïskoï s 46 verstes. — Taïtourskaia , 36 verstes. — Tschéremkova , 3y verst. — KoutOTilïzkoï- Staniz , 29 verst. — Salarinskoï ', 3o verst. — Siminskaia , 46 v. — Kameltouiskoï ', iS v. — Sakarefskoi ou Kountouiskoï , 44 verst. — Scharagoulskoï , 41 verst. — Touloun- skaiay 26 verst. — Schabartoulskoi ', 46 verst. — Kouiigouiskoï y 35 v. — Oudinsky %5 v. Nous arrivâmes, le 14, au Simovié de Go- loustnoé, à l'aide d'un petit vent qui se leva vers midi. Près de l'embouchure du ruisseau de Goloustna , la montagne est composée de schiste $ elle s'éloigne du rivage , et laisse en- tr'elle et le lac une plaine de deux à trois verstes de largeur. Cette plaine forme des prairies hu- mides., quoique sa couche inférieure soit cail- louteuse. Nous y trouvâmes des Bouriats qm* campoient sous leurs iourtens. Nous y primes des chevaux pour traîner notre galiote le len- demain. Notre voyage fut un peu plus prompt, parce que les chevaux peuvent passer entre le lac et les rochers , dans beaucoup de places , jusqu'au cap Kadilnoï. Des rochers escarpés s'étendent ici jusques dans le lac. Nous pas- sâmes ces rochers par un petit vent , et par- vînmes jusqu'au Simovié d'Antipin ou Ka- dilnoï. Les matelots nous remorquèrent ici de a O ü d i n s K. îa5 nouveau. Il s'éleva , peu après , une petite tempête du coté de la montagne , et le terns se chargea de nuages noirs. Craignant de nous exposer plus avant , nous tirâmes la galiote près de la côte , et on l'y amarra à une ancre. Près de Golousnoï , on a fait des fouilles dans plusieurs places au pied des montagnes ; on en a tiré des minerais d'ocre , qui renferment un peu de plomb et d'argent. Ces mines ap- partiennent au négociant Savinîn. La nature de la montagïre ne promet pas de grandes ri- chesses. Les bords du lac ne m'offrant plus d'objets intéressans , je m'ennuyai beaucoup de ce long trajet. Je me serois rendu par terre à Irkouzk, si j'avois pu me frayer un chemin à travers la chaîne de montagnes , ou, pour mieux dire , des rochers qui forment les rives du laç. Je sommai le pilote de me donner sa barque plate ; j'y fis placer en travers une petite berline de poste, de manière que les roues touchoient presque à Tea.u. J'équipai la barque de plu- sieurs de mes gens , et de quelques hommes qui voyageoient avec nous. La récompense que je leur promis , et l'espérance d'être bientôt à terre., les animèrent. Je laissai mes gros équipa- ges sur la gaiiote. Nous nous mîmes à ramer, en longeant les cotes pour atteindre l'embou- chure de l'Angara. Cet essai pensa nous coûter la vie. Le vent ctoit de l'ouest 5 il souffloit Iz6 1772" DE Pestschanaia avec impétuosité; les vagues é toi en t très-for te$ depuis la »tempête de la veille. Le matelot, que j'avois placé à la barre , avoit réussi à traverser la baie rapide ( Kroltaïa - Gouba) , qui sépare Kadilnoï de la pointe de terre So- bolef-Otsto'i, Pour soulager les rameurs , il en- treprit de traverser la grande baie (Bolschaia- Gocba ) , qui a plus de dix verstes de largeur. Comme nous quittions cette pointe de terre , le vent devint si impétueux ^ que la barque é toit à chaque instant en danger de chavirer, à cause du poids de la berline. INI oiisiùznes jetés si loin de la cote , que nous eûmes beaucoup de peine à atteindre la pointe de terre la plus voisine. Ce fut un grand bon- heur pour nous d'y aborder; car nous aurions été probablement engloutis. Je lis tirer la bar- que le long de la côte, pour n'être plus ex- posé à un pareil danger. Nous étions forcés de ramer continuellement, à cause des énormes rochers qui avancent dans le lac, et sur-tout près des pointes saillantes de Kalinoiskoï et de Listvénischnoï , au milieu desquels se trouve une baie nommée encore K no ut aï a. Les hautes montagnes , qui forment les rives de cette baie et de celle de Eolskhaia , sont entiè- rement composées de rochers cimentés les uns avec les autres. Ces rochers sont remplis de gros et petits cailloux, qui tiennent ensemble par un ciment ou matière pierreuse composée AÖUDINSK. 127 çle sable et d'argile. Cette roche prouve qu'il y a eu un terrible bouleversement dans les monts Baïkals \ car elle ne peut provenir que d'un assemblage de cailloux cliariés sous les eaux. Elle a ensuite été amoncelée par d'é- normes excavations de terre. Ces montagnes ont plus de cent toises de hauteur. Quatre pe- tits ruisseaux se déchargent dans la baie deBol- skhaia. Après avoir passé le cap Listvénischoï (1) , nous nous trouvâmes dans une espèce de port, où les eaux étoient paisibles. Nous continuâ- mes ensuite notre route dans la baie qui s'é- tend vers l'embouchure de l'Angara, et attei- gnîmes le Simovié de Listvénischnoié d'assez .bonne heure. L'éponge de mer du Baïkal (2) , dont j'ai déjà parlé , se trouve en abondance dans la baie de Bolskhaia , et près du Simovié de Listvénisch- noié. Elle vient sur les pierres qui sont dans l'eau à trois ou quatre brasses de profondeur. Les eaux jettent ces éponges sur le rivage près de Goloustna. Ayant appris que notre marinier étoit un excellent plongeur, je le priai , aussi- tôt après notre arrivée , de me procurer quel- ques morceaux d'épongé fraîche. Elle est d'un vert d'herbe 'agréable , quoique peu foncé, et (1) Le cap clés méièses. (1) Spongia Buïkalsnsis, Appendis, n°, 2jf. î^8 1772. de Pbstschânaia a la même odeur que l'éponge fluviatile. Ses troua, qui ont la forme d'une étoile, sont très- ouverts lorsqu'elle est dans l'eau ; mais on n'y apperçoit aucun mouvement animal. Le tissu entier de l'éponge est plein d'une moelle verte, qui remplit la superficie des rameaux 5 ceux- ci paroissent revêtus d'une peau lisse et com- pacte. Dès que l'éponge est détachée de la placé où elle a été formée , elle se décharge d'un limon verdâtre 5 portée sur ses rives , elle est bientôt blanchie , soit par l'effet de l'eau , de la pluie, Ou de l'air. Je pris la route d'Irkouzk sur le soir. Je vis , dans la forêt sombre , entourée de monta- gnes , qui avoisine l'embouchure de l'Angara, et les petits ruisseaux de Sennaia et de Bannaia , une autre espèce de renouée ( 1 ) , l'ail victo- rial (2) , la swerte cornicuiée (3) , l'œillet su- perbe (4)> et la pédiculaire à hautes ti- ges (5). Ces plantes étoient en fleurs. Le gou- vernement actuel a fait construire une route sur le bord de l'Angara ; elle a occasionné beau- fi) Polygonum saglttatum. (z) AUïum vlctoriale. (3) Swert'ta corniculata* (4) Dlanthus super bus» (5) Pedicularis altlssirna^ an Pedlcularis caille simpll- çl, f utils phwmifidis , pinmdis arctls , s via a ßorum Ion- gissima. Flor. Sibir* III, p. ioç > iu to, tab. 45. coup A O U D I 3T S K. lit} coup de travaux , parce qu'il a fallu couper les montagnes de rocs. On étoit obligé aupara- vant de côtoyer l'Angara , et la communica- tion étoit interrompue aussi - tôt que les eaux grossissoient. Ce nouveau chemin n'est pas fort large. On le quitte pour prendre une route qui coupe une contrée plus ouverte. Après avoir passé le ruisseau d'Okaraiik , près de Nikol- skaia-Sastava , le chemin traverse presque tou- jours des bois de pins ou de bouleaux, en cô- toyant l'Angara à plus ou moins de distance. Il pieu voit ici depuis quatre jours i ce qui avoit accru les ruisseaux et la Bolskhaia. L'eau en- troit presque dans ma voiture en traversant cette rivière près du Simovié de Lepeschikhina. Un ruisseau assez considérable se jette dans l'Angara , près de Paschkova - Staniz. Les Si- moviés et villages établis sur cette route depuis Nikolskaia-Sastava jusqu'à Irkouzk, sont Gni- lokourofskoé- Simovié, à six verstes cent cin- quante toises de Nikolskoé 5 Lépeschikna - Si- movié , à un verste quatre cents toises 5 Stsché- glovo-Simovié , à deux verstes quatre-cents toi- ses ; Khomoutova-Simovié., à quatre cents vers- tes 1 Molodova-Simovié^ à sept verstes deux cent cinquante toises 5 Pasehkova-Simovié , à quatre verstes trois cent cinquante toises \ Dolganova - Simovié, à six verstes deux cent cinquante toises \ Soukina- Simovié , à quatre verstes quatre cent cinquante toises ; Stschoukina, à trois vertes cent Tome FI I x3o 1772. de Pest scha^ai a toises ; Kreshénofskaia , à trois verstes trois cents toises ; Bolskhaia - Rosvodnaia , à deux verstes. Ce dernier village est à neuf verstes d'Irkouzk. Je voyageai toute la nuit , et j'arrivai le 17 au matin. Je ne séjournai à Irkouzk que le teins né-' cessaire à mes préparatifs. Je partis le 22 pour Krasnoïarsk. Je vais donner des détails plus circonstanciés , parce que les observations faites dans mon voyage d'hiver ne sont pas assez éten- dues. Les chevaux ne furent prêts qu'à deux heures après-midi. Je passai l'Angara un peu au-des- sous de l'embouchure de FIrkouzk. Les fortes pluies continues , qui étoient tombées depuis le commencement de juillet dans presque toute la partie orientale de la Sibérie , avoient oc- casionné un débordemen t considérable du fleuve. Je côtoyai toute la nuit la rive gauche de l'An- gara. Je traversai d'abord une plaine basse très-boueuse et assez peuplée. Je passai devant le couvent de Vosnésenski , et me dirigeai vers Je Kitoï à travers des forets humides. Je tra- versai^ vers la pointe du jour, les ruisseaux de BiliktOüi et de Kartagom On a établi un Sîmovié et un moulin près du premier. L'or- chide à capuchon (1) , qui abonde dans la forêt, étoit en fleurs. Cette orchide et la swerte cor« (1) Orchls cuaullata* a O u d i s 8 x; i3i ïilculée (i) , que j'ai trouvée jusqu'à la rivière de Kan , sont les plantes les plus remarquables de cette contrée. J'arrivai au Kitoï le 2.3 à cinq heures du matin. On le traverse dans un bac, et on atteint , sur sa rive opposée , un village habité par cent cinquante paysans. Ce village est le premier relais de poste. Le Kitoï est passablement large et assez pro- fond ^ il a sa source dans les montagnes de Tousinskoï, et tombe dans l'Angara à environ quinze verstes de Kistoiskoï. On rencontre sur ses rives sablonneuses des débris ©pars de ce schiste, dont j'avois trouvé de fortes couches sur les bords de l'Angara au-dessous d'IrkouzkL C'est une preuve que ces mêmes couches s'éten- dent de l'Angara , et de l'Irkouzk au Kitoï. Je ne m'arrêtai à Kitoiskoï que pour chan- ger de chevaux. Je n'avois rien d'intéressant à examiner , parce que la campagne , baignée par l'Angara inférieure > n'est garnie que des plantes communes à la Sibérie. Le pays est plat, et n'offre rien de curieux. D'ailleurs je iiâtois mon voyage , afin d'arriver dans une saison favorable aux montagnes situées yers la partie supérieure de l'Enisséï. On atteint la Béiaia près du village de Mal- tinskaia à trente-une verstes du Kitoï. La route traverse plusieurs érninences où l'on remarque (i) Sivcrtla cornicuîaia, lot IJJ2. DE PjSSTSCHA W AIA des couches calcaires. Je vis l'ail anguleux (1) dans les prairies ouvertes. Les paysannes en font d'immenses récoltes pour l'hiver ; elles sa- lent les bouquets de fleurs de cette plante, qu'el- les appellent Misckéi-Tscheskok (2). En côtoyant la Bélaia, on passe Je petit ruis- seau de Taïtourka ; et à cinq verstes de Mal» tinskaia , on traverse la Bélaia au-dessous au bourg de Taïtourskaia. Cette rivière est plus considérable que le Kitoï. Il a sa source , ainsi que l'Irkout , dans les montagnes les plus éle- vées qui paroissent être une brandie de la chaîne de montagnes de Saïan. Elles ont une ■grande largeur vers la Mongolie. L'Oka et le Sélenga prennent leur source dans ces monta- gnes 5 celle du Sélenga est au midi. Le bourg de Taïtourskaia est à environ vingt Verstes de l'embouchure de la Bélaia , clans l'Angara. 11 est la résidence d'un oupravitel ou inspecteur des relais établis sur la route. Cette contrée est couverte de places salines, et sur- tout à t'est de la Bélaia. C'est une preuve qu'elle renferme des sources salines cachées, sembla- bles à celles qui sont près de l'Angara. Ces der- nières fournissent de la muire aux salines qu'on y a établies. Au-delà de la Bélaia , je traversai de vastes (1) Allïum anguLare* (r) AU des souris. A O V » I N S K. 3 53 plaines herbeuses et émaillées de fleurs jusqu'à Tschéremkhova, où j'arrivai à minuit. Après avoir passé le ruisseau de Nooti , qui se jette dans l'Angara , on entre dans de superbes steppes , bordés de forêts de bouleaux. On traverse le ruisseau de Koutoulik , qui tombe aussi dans l'Angara. Le Koutoulik a sur ses bords un gros village à clocher f et un relais de poste. La forêt est beaucoup plus considé- rable près du village à clocher et du ruisseau de Salari y et , plus loin , le pays est presque entièrement couvert de bois. Ce ruisseau tombe dans l'Ounga , et celui-ci dans l'Angara. Avant d'atteindre 'l'Ounga , à peu de distance de son embouchure/ on traverse une forêt monta- gneuse , où l'anémone à fleurs de narcisse (1) croît tout aussi abondamment que dans les forêts sèches ? qui sont plus proches de i'Enis- séi. On trouve un Simovié abandonné au-delà de la forêt \ il est situé près d'une flaque d'eau stagnante, dans laquelle je vis beaucoup de soucis floUans (2): Je m'y arrêtai pour faire reposer les chevaux : ce qui nous fit arriver tard près de l'Oka. Nous eûmes beau crier pour ■nous faire entendre des paysans du village de Siminskaia , situé sur la rive opposée * ils ne nous entendirent pas, ou plutôt ne voulurent (1) Anemone narclsslflora* (z) Cahha natans* l S pas nous entendre , afin de ne pas traverser la rivière pendant la nuit. Nous la passâmes le len- demain au matin. Le village de Siminskaia est situé sur la rive gaucîie de l'Oka. Il doit son nom à la rivière de Sirna , qui se jette par deux embouchures dans l'Oka au-dessus du village. Ces deux ri- vières sortent des montagnes de Saïan. L'Oka a la sienne près des limites de la Mongolie , et fait un très-grand circuit pour arriver à l'An- gara. La source de la Sirna est à cent verstes d'ici dans le voisinage de Plia. Le dernier poste des limites d'Oudinsk est situé près de l'Oka au pied des plus hautes montagnes. Depuis un an, il dépend du gou- vernement d'Irkouzk. On prétend que le fort d'Okinskoï est à cent soixante -un verstes du dernier poste de la ligne de Kiakta , et à cent trente-sept de la borne la plus voisine , située sur la montagne de Gourban; il est à cent trente-neuf verstes de la borne qui est sur la montagne de Khoïn-Taban. On estime à cent cinquante »quatre verstes la. distance du poste de la ligne d'Oudinsk, située le plus à l'ouest. Ce fort est situé près du ruisseau de Karabou- rem , vis - à - vis le petit ruisseau de Kadrout- schou. Il est à cent quatre-vingt-douze verstes d'Oudinsk, en remontant l'Ouda , et à qua- rante - deux verstes et demi d'une borne de démarcation > située sur la montagne d'Irguen- aOudïnsk. i35 Targak. Cette montagne en a une autre très- élevée dans son voisinage . On l'appelle Mou- stig-Tag (i) .Ce dernier poste se nomme Oudin- skoï-Taïiosnoï-Karaoul (2) , parce qu'elle n'est pas occupée, comme les autres, par des Kosa- qnes, mais par des montagnards Tatares ( Taïio- sxié - Tatari) , des tribus de Karakas et de Kangat. Ces Tatars mènent une vie errante, et se transportent d'un lieu à un autre avec leurs chameaux. Le ruisseau d'Ouschtoui coule entre Simin- skoï et le village qui suit. On voit un moulin abandonné sur ce ruisseau. Arrivé à celui de Kaineltoui ou Kameltou , on rentre dans des forêts qu'on avoit quittées près de l'Oka. La contrée est un peu montagneuse près de Sakha- rofskoï , qui est situé près du petit ruisseau deKoutoui. Plus avant , la forêt n'est plus com- posée que de bouleaux y et le chemin est boueux et très - mauvais. J'atteignis -, à vingt - quatre vers tes , le ruisseau d'Ili , qui tombe dans (1) Tag, dans les difrerens idiomes Tatars, désigne uner montagne-^ les Turks et les Persans prononcent aussi Dagh. ( Langlès ) . (z) KapvAoul indique une av tint- gar de , un poste-avance"; ce mot se trouve fréquemment dans les Instituts politiques* et militaires de Tamerlan , proprement appelé Timour. Voyez pige z$9 de la traduction françoise de cet ouvrage^, cme j'ai publiée en 1787, 1 voL in-8. (Langlis ).. 1 4 a3ö 1772t DE Pe STSCH AN Al À POka. On trouve un Sinioyié abandonné prés de ce ruisseau. J'arrivai très-tard , dans la nuit, à Scharagoulskoï , îieureusement pour nos che- vaux qui étoient rendus. Le ruisseau , qui a donné son nom au vil- lage , tombe dans celui d'Oséi , et celui-ci dans la rivière d'Iia , qui se réunit à l'OIca. Je partis de Scharagoulskoï avant la pointe du jour. La campagne est presque entièrement couverte de bouleaux. On passe l'Obéi avant d'arriver à Tlia; il étoit encore si profond , que l'eau entra dans ma voiture. Cette rivière étoit tellement débordée le 20 juin , fête de Saint- Elle , selon le calendrier Russe ( vieux style ) , que les habitans ne se ressouvenoient pas d'avoir vu une inondation pareille. De fortes pluies l'avoient probablement occasionné. Les eaux, quoique beaucoup diminuées., n'é- ioient pas encore rentrées dans leur lit. Le dé- bordement étoit encore si considérable , qu'il nous fallut beaucoup de tems pour traverser Tua, parce que la rapidité du courant avoit jeté le bac fort loin. Toulounskaia est situé sur la rive occiden- tale de l'iia. Ce village , où est un relais de poste, est le dernier lieu du gouvernement d'Irkouzk. On ne doit donc pas regarder. Plia comme une ligne des limites 5 et l'on, voit qu'il n'existe pas encore de démarcation naturelle aOudinsk. 187 entre ce gouvernement et celui de Tobolsk. L'Enisséï pourroit en servir , mais au désavan- tage de celui de Tobolsk (1). Depuis Irkouzk jusqu'ici, j'ai vu dans presque tous les villages des enf ans nouvellement inocu- lés par un chirurgien de cette capitale. Le gou- verneur d'Irkouzk , homme vertueux et excel- lent patriote, a introduit l'inoculation j tisques dans la Sibérie orientale. On a inoculé avec le plus grand succès un grand nombre de per- sonnes à Irkouzk. L'inoculation a même réussi sur les Bouriats de cette capitale, quoiqu'ils mènent une vie bien contraire à la santé. Cette opération est d'autant plus nécessaire dans ces contrées, que les petites véroles sont très -ma- lignes ettrès-dangereuses parmi les peuples ido- lâtres delà Sibérie, et qu'elles font périr quan- tité de monde. Il se passe souvent plusieurs années sans qu'elles se fassent sentir. Il me semble que Ton pourroit pratiquer l'inoculation à des époques fixes, et Ton parviendroit peut- être , par ce moyen , à préserver ces peuple» de la petite vérole naturelle pour toujours ; mais il faudrait pour cela établir des hôpitaux , et ne pas permettre l'inoculation dans les Ou- (1) Les limites ont été poussées depuis beaucoup plus loin j elles s'étendent à l'ouest jusqu'à la rivière de Kan , et elles ©nt été portées très-loin au nord. i38 1-771* »s Pestschanaiä louss (î). Il faudroit aussi user de précaution à Teritrée et à la sortie des malades des hôpi-. taux , pour que la propagation de cette maladie avec la petite vérole naturelle ne fît pas plus de ravage que l'inoculation ne produiroit de bien. Aussi-tôt qu'on a quitté Plia et les limites du gouvernement d'Irkouzk , on voit dispa- roître les charmantes campagnes, qui coupent, de place en place, la foret de bouleaux. On entre dans une forêt de pins très-sauvage , et presque par-tout marécageuse. Elle s'étend enlj longueur depuis Plia jusqu'à la rivière de Kan ; sa largeur commence aux montagnes limitro- phes , et finit au-delà de la Toungouska. Elle abonde en gibier de toute espèce. A -l'entrée de la forêt , on passe le Kourgan , petit ruis- seau marécageux \ on traverse , à vingt-quatre vers tes du Touloun , le gros ruisseau de Kour- sann , qui est très-rapide. Un Simovié est situé au milieu de la forêt , et près de ce ruisseau. On le regarde comme le premier lieu du gou- vernement de Tobolsk: Je laissai un peu repo- ser mes chevaux , parce que j'avois encore vingt-deux verstes à faire pour atteindre le re- lais établi près du SchâbartA (2). Ce relais a d'abord été nommé, par corruption de la lan- gue Bratskire, Schabartoulskoï , et ensuite Bartoulskoï. (ï) Tribus. (a) Ruisseau boueux. A O U D ï 3T S K. I09 Le ruisseau de Schabarta tombe clans l'Ouda près de Schabartoulskoï. Ce Staniz , et tous ceux que l'on trouve jusqu'à Krasnoïarsk, ont été peuplés d'abord par un petit nombre de paysans de la province d'Enisséïsk 5 on a aug- menté depuis quelques années , leur popula- tion , de quelques exilés , et de colons de différentes provinces de la Russie. Ces nou- veaux habitans n'ont pas encore pu être tous pourvus de femmes. Ils ne promettent pas de devenir bons agriculteurs ; leurs descendans défricheront probablement les terres de ces con- trées. La plupart de ces colonies sont exemptées de la fourniture des chevaux de poste pendant un certain nombre d'années. Je partis sur le soir , et voyageai toute la nuit, parce que la forêt, qui est par-tout uni- forme, ne in'offroit rien d'intéressant. Cette route me conduisit à Khoungouiskoù La forêt devient montagneuse , sablonneuse , et pier- reuse. J'y remarquai le rhododendron de Daou- rie (1), que je n'avois pas rencontré depuis le Kitoï. Il y abondoit. Je le vis jusqu'à l'Ouda , où il disparut. Il paroît qu'il croît aussi dans le voisinage des montagnes de Saïan , puisque je l'ai rencontré vers la partie occidentale de l'Enisséï , où commencent les hautes monta- gnes. Le pays montagneux rend la route très- (î) Rhododendrum dauricum» l£o 1772. ö'O Ü. 1> ï N S K penible jusqu'à Oudinsk. On passe le ruisseau de Kiguirtéi avant d'y arriver. Plusieurs per- sonnes comptent trois cents verstes de Schâ- barta à Klioungouiskoï , et autant de cette der- nière à Oudinsk. D'OuDîJîSK A KR ASN OIARSK. Du 27 juillet au icr août. Tatars montagnards du territoire à' Oudinsk.--* Ruisseau de Kamenka. — Staniz ■ Samsor- sxoï 9 36 verst. — Staniz - Bdlaronofskoï , 44 verst. — Bourg de Birio ussinskaia , 21 v. —-Staniz - Tihnskoï , 27 verst. — Staniz- Fo'am, 19 verst. — Kanskoï - Ostrog , 27 V. -— Ourinskoï - Staniz , 2.5 verst. — Kliout- sckinskoï - Staniz , 28 verst. — Biôensko'/'- Sélo y 2.5 verst. — Forges de fer de Ribenskoï. ' — Forges de fer à\Enisséïsk. — Staniz- Ouiar y %5 verst. — Balaï, 2 verst. — Staniz- Kous- koiiJi y 82 v. — Boto'; 9 2,4. v. — - Krasnoiarsk , •2,5 verst. *— Variations dans les plantes du nord de l'Asie. Je traversai l'Onda aussi-tôt 5 mais je lus oblige d'attendre long - tems après les relais dans un petit faubourg bâti vis-à- vis le fort sur l'autre rive. On l'a peuplé de nouveaux A K R £ S N O ï A R S K. Î41 domicilies. Quoique peu considérable , un offi- cier de l'état-major y remplit le poste de com- mandant, dont l'inspection s'étend sur un pe- tit nombre de Kosaques , et deux postes des limites. Cet officier dépend du commandant de Tomsk. Les paysans du territoire d'Otidinsk sont sous la Jurisdiction d'un, officier qui relève de Kanskoï, et tous deux de la chancellerie des Voïévodes de Krasnoïarsk. On compte dans la Jurisdiction d'Oudinsk seize petites tribus de peuples idolâtres , qui ne forment entr'elles qu'une population de cent hommes. Elles ren- ferment des Tatars ; mais la plupart sont des Bouriats. Ces derniers ont un kniazetz , qui est le chef de tous les Tatars de ce canton. Les Tatars , répandus et dispersés dans les montagnes de cette contrée , descendent pro- bablement du petit nombre de ceux que la guerre a expatriés ; forcés de chercher un asile sûr, ils nen ont pas trouvé de meilleur que les forêts sombres et montagneuses habitées en- core aujourd'hui par leurs descendans. Plusieurs paroissent être d'un sang mêlé 5 leur langage tient du Tatar et du Mongol. La tribu des Karakasses est la plus remarquable , quoiqu'elle ne consiste qu'en vingt-deux hommes propres à marier. Ils ont conservé la langue Samoïède , comme les Koïbais et les Motors de l'Enisséï 9 et la parlent même plus purement. Plusieurs petites tribus de ces montagnes parlent un lan- i4a 1772. d'Où d ï KfiJ gage particulier > dont je n'ai pu me procurer des renseignernens certains. Les Karakasses ne vivent que de la chasse,, ainsi que tous les au- tres Tatars des montagnes. Ils n'ont d'autres animaux domestiques que quelques rennes , qui servent à transporter leurs meubles d'un endroit à un autre. Ils paroissent avoir été bap- tisés , quoiqu'ils aient conservé leur idolâtrie ; mais il n'existe pas de culte plus simple que le leur. Ils n'ont ni magiciens ni dieux parti- culiers ; mais ils adorent le ciel et le soleil. Lorsqu'ils ont tué un ours ou une antre bête fauve , la tête et le cœur leur servent d'holo- causte. Ils les posent sur un morceau d'écorce d'arbre , et les élèvent vers le ciel , en le con- jurant de leur être propice, et de favoriser leur chasse. Ils partagent la vénération de quel- ques autres peuples de la Sibérie pour des fleuves et des montagnes. En passant sur les bords de ces fleuves, ils y déposent des viandes, et lais- sent sur le sommet des montagnes , ou à une certaine hauteur, soit une pierre ou une pe- tite branche d'arbre qu'ils ont eu soin d'ap- porter avec eux, soit un peu de tabac (1). Ils mettent communément leurs morts sur un écha- faudage fait avec des pieux et des branchages , (1) On reconnoit encore ici des traces du Lamisme que ces espèces de sauvages- ont plus ou moins défiguré. ( langlês. ) A K R A S N O ï A R S K.1 1^3 ou sur des arbres , la tête tournée vers Test > et les couvrent de feuillages. Ils brûlent les corps de ceux qu'Us vénèrent. Leurs chétives tentes sont couvertes de peaux d'animaux, qui servent aussi à faire leurs vêtemens. Ils restent rarement. plus de deux ou trois jours à la même place. Ils occupent, en été , les bords des ruis- seaux de laSarana. Leur principale nourriture , dans cette saison , est l'oignon du lis., qu'ils appellent aussi Sa •_ , Selon leur estimation , deux sacs de ce*s oignons sécliés, ou deux sacs de bonne noix de cèdre , valent un renne. Le rôle de leur tribut étoit autrefois dressé d'après cette base. Il se montoit à trente rennes pour toute la horde. Ils fournissent aujourd'hui A conjointement avec la tribu Tatare , nommée Kakh., les hommes nécessaires à la garde des limites d'Oudinsk, et payent un impôt de près de deux roubles par homme. Leurs femmes portent, en été, de grands chapeaux de joncs sans bonnets , comme les Korers. Au lieu de bas, elles s'enveloppent les jambes de l'écorce extérieure du chèvrefeuille des Pyrénées ( 1 ). Je parlerai dans la suite de leur langage,, en rendant compte de plusieurs dialectes qui ont de l'affinité avec la langue Samoïède. En s'éloignant de l'Ouda, on entre dans une forêt de bouleaux , sèche et montagneuse j la ■- — — — - i i (i) Lonicera pyrenaïca. 1 44 Ï7/2. d'O ü D 1 ^ S ït couche inférieure du sol étant sablonneuse , la contrée est plus agréable. On descend ces mon- ticules à douze verstes d'Oudinsk* à travers un Vallon étroit , garni de broussailles , où nue voiture ne passe qu'avec peine. On arrive au ruisseau de Kamenka ; sa rive , belle et très- élevée , est composée d'une roche si tendre , qu'on la broie entre les doigts. Je vis, dans le vallon, la circéeàtiges droites^ qui produisent plusieurs épis de fleurs (î). Un peu plus loin, on passe un large marais, et ensuite le ruisseau de Mara , qui se déchar- gent tous deux dans l'Ouda. On atteint ensuite l'Ouk , sur lequel est situé un petit village, où l'on change de chevaux. L'Ouk est le premier ruisseau qui tombe dans le Birioussa. Mes voitures , mal attelées , faute du nom- bre de chevaux nécessaires, marchèrent fort doucement pendant toute la nuit. Nous attei- gnîmes, le 28 au matin, le village et le poste de Samsorskoï, situés sur le ruisseau du même nom. Pour y arriver, il fallut traverser les deux ruisseaux de Bérésofka et de Kamisch- lofka. Les contrées ouvertes , qui régnoient de- puis l'Ouda , commençoient à disparoître. La forêt où nous nous trouvions étoit aussi sau- vage et marécageuse que celle que nous ve- (1) Circœa liaetiana. nions A K&ASNOÏAB.S&. l45 liions de traverser. Je vis, jusqu'à Alsami , quantité de chardons héiénoïdes ( 1 ) dans les places marécageuses, où il n'y avoitpas de plante plus intéressante. Au-delà d'Altamaï, la forêt est presque en- tièrement couverte de mousses et de plantes de marais, telles que de mirtiles et de plusieurs es- pèces d'andromèdes , et sur - tout l'andromède bleue (2) , et l'orchis rembrunie (3) , qui étoit encore en fleurs. Je n'ai jamais rencontré d'aussi mauvais chemin que celui-ci. On voyage dans une forêt coupée par des vallons marécageux, et des digues ruinées , qui rendent le chemin encore plus désagréable. Nous fûmes en mar- che depuis midi jusqu'à une heure après mi- nuit pour arriver au Simovié de Baiaronofs- îioï, composé de trois maisons. Les paysans d'un village voisin s'y rendent tour-à-tour pour four- nir les chevaux de poste . Je traversai les ruisseaux de Mokovaia et de Nikolskaia , qui sont très- marecageux. En quittant ce Simovié , on descend une mon- tagne rapide , dont la pente se dirige vers le ruisseau d'Okloutschet. L'obscurité de la nuit n'étant pas encore entièrement dissipée , une de mes voitures versa : heureusement personne — " 1 m mmmmmm — » —te—— — — — — —————— (1) Carduus helenioides» {%) Andromeda cœrulea, (3) Orchis fuscata. Tome VL K %46 lyjiï d'Oudissk ne fut blessé. Je passai ensuite le marais et le ruisseau de Tescher. J'atteignis enfin le bourg de Birioussinskaia , après avoir traversé la Bi- rioussa sur des canots. Ce bourg est situé sur la rive gauche de cette rivière. Sa population, est assez considérable. Il sert de résidence à un inspecteur, dont la Jurisdiction s'étend sur les paysans qui l'habitent , et sur les colonies voi- sines. J'attendis ici mes voitures de suite , cjui etoient restées en arrière. Les environs de ce bourg présentent une contrée assez ouverte. A quatre verstes de dis* tance , on trouve le Simovié et le ruisseau de Kantara; à onze verstes plus loin, le ruisseau d'Iélofka , qui se réunit au premier ; et à vingt- cinq verstes de-là, le Simovié de Klioutschi, où je ne trouvai que trois chevaux. En remontant quinze verstes le long du petit ruisseau qui baigne le Simovié de Klioutschi , on découvre,, sur une montagne couverte de bois , une marne rouge et blanche , qui pourroit tenir lieu de tripoli. On vient en chercher d'Ir- kouzk. Je donnai du pain aux chevaux , qui ne pu- rent être relayés , et continuai ma route. On atteint , à peu de distance , le ruisseau de Ketschet , qui arrose un vaste marais pontoimé, et se jette dans le Poïam , aprèsavoir reçu le petit ruisseau de Klioutschi. On passe la rivière de Tilm, dont le cours est très-rapide, et sur A Kraswoiarsk. i4f laquelle 01 a établi, depuis peu, un village peuplé par une trentaine de colons. Ils sont exempts de la fourniture des chevaux; les leurs étant employés à rentrer les foins, je fus oblige d'aller , avec mon ancien relais , jusqu'à Poïam, à. dix-huit verstes plus loin. Ja traversai , dans ]a nuit , le ruisseau de Pogorelka. Celui de Poïam tombe dans la rivière de Birioussa. Au- delà du Tihn , la contrée devient plus ouverte , et la route meilleure. Les six familles , qui tiennent le relais de Poïam, y sont venues de l'Ostrog de Tasséefskoï, situé sur la Toun- gouska. Cet établissement vient d'être augmenté de dix maisons , habitées par des colons. J'atteignis , vers le matin , le relais situé près du ruisseau d'ilaan , qui se jette dans la rivière de Kan. Je continuai ma route vers l'Ostros; de Kanskoï. I a forêt est aussi riche en plantes que celles qui avoisinent Krasnoïarsk, et ce sont les mêmes espèces. Kanskoï est plus peuplé et mieux bâti qu'Ou- dinsk. A l'époque de mon passage , une nom- breuse colonie s'établissoit dans un faubourg $ c'est la résidence de V Qupravitel ou inspec- teur des districts de Kanskoï , d'Oudinskoï, et de toutes les tribus Tatares et Bouriates qui en dépendent. Ce lieu est le magasin des pel- leteries que fournissent les montagnes situées entre l'Okfaa et l'Enisséï. Les peaux de zibe- lines y sont beaucoup plus belles que celles ï4& 177?" d'Oudïnsk qui viennent de la partie occidentale de l'Enis- séï ^ on peut les regarder comme de la pre- mière qualité, ainsi que celles de la Daourie. La Jurisdiction de Kanskoï contient vingt tribus de peuples idolâtres , qui forment ensemble deux cent quarante-sept têtes sujettes aux im- pôts. J'arrivai d'assez bonne heure au relais de poste d'Ouri. Depuis la rivière de Kan > les campagnes ouvertes étoient émailiées des plantes communes à tous les steppes de la Sibérie. On ne les voit pas jusqu'à la petite rivière de Ribna. Je traversai , dans la nuit , le Staniz de Klioutschi, et j'atteignis , vers le matin , le village à clocher de Ribenskoï. Je séjournai dans ce village pour observer de nouveau la manière dont on fond le fer en Sibérie dans des fourneaux à bras. Un forge- ron d'Enisséïsk étoit à la tête de ces usines. Le minerai qu'il employoit m'a paru un des plus remarquables de l'empire de Russie. On l'a découvert , il y a sept ans , par le moyen d'un renard qu'un paysan s'étoit opiniâtre à tirer de son terrier. Ce minerai , divisé en gros et petits morceaux , n'est autre chose que du bois pétrifié , et métamorphosé en une mine de fer brune , compacte et d'un bon produit ; on y distingue encore les cercles concentriques et Técorce de l'arbre. L'exploitation se faisoit à deux différentes places : la première , k huit À K R A' S K Ö ï Ä R 8 k! l49 verstes de Ribenskoï , et la^. seconde un peu au-dessus du ruisseau de Ribna. On le tiroit, à la première place , de la bosse d'une monta- gne assez unie et boisée de bouleaux , près d'un vallon dont le fond marécageux présente beau- coup d'ocre ferrugineuse. Ce minerai est dans une masse argileuse et sablonneuse , avec des troncs d'arbres entiers , étendus du sud au nord. Cette masse est fortement mélangée d'ocre de fer ; la seconde place a été découverte > de- puis peu , à un verste de Ribenskoï, et ren- ferme une mine à-peu-près de la même nature que l'autre. Les troncs d'arbres , changés en mi- nerais , ont presque la même apparence 5 mais ils ne rendent point de fer à la fonte 5 on en retire seulement une matte crue, qui n'est propre à aucun usage, et qui paroît cuivreuse <. J'ai remarqué peu de différence dans la cons- truction des petits fourneaux , et dans la ma- nière de fondre usitée ici , et dans celle usitée à Kouitoun , dont j'ai fait mention. De trois ou quatre pouds de mine de fer , bien grillée et bocardée , portée à sept reprises , avec au- tant de paniers de charbon., dans le fourneau de fonte , on retire une gueuse de fer d'un poud et plus , entourée d'une matte crue granulée» L'intérieur de cette gueuse est un bon fer, qui souffre peu de déchet, si, lors de la fonte , on a soin de porter en dernier la moitié de la mesure ordinaire de minerai sur un panier de ißo 1772. ç' OtJBTKSK charbon , et de lui donner nu feu plus vif , la e la masse devient alors aussi aur^que l'acier, et par conséquent propre à la fabrication des grosses lames , des haches , et antres objets semblables;. Cette portion , qui acquiert la dureté de l'acier , se sépare facile- ment de l'autre fer; elle augmente et s'épaissit a mesure qu'on augmente l'action du feu , et ou la distingue aisément de l'autre fer parson grain qui est plus lin. Je crois devoir publier à cette occasion quel- ques détails sur les forges de Fer d'Emsséïsk. Les forgerons de cette ville s'occupent telle- ment de cette branche de commerce , qu'ils four- nissent dn fer à toutes les contrées voisines. Comme ils nuisent beaucoup aux usines de Rrasnoiarsk ,, on a mis un impôt annuel de dix roubles sur chaque fourneau à bras des forges d'Enisséïsk. Cette imposition est versée dans la caisse de ^administration des mines; les forge- rons y par ce moyen , fondent autant de 1er qu'ils peuvent en débiter. Ils tirent leur minerai des bords d'une large embouchure de source dans le ruisseau de Si- rianka à vinpt verstes de la ville. Lorsque les forcerons vont chercher ce minerai, ils remon- tent PEnisséï jusqu'à l'embouchure de ce ruis- seau ; arrivés aux villages de Potapova et Sa- lé déïév a , situés à vingt verstes d'Enisséïsk, ils n'ont plus , en côtoyant les ruisseaux, que jl KräsnoiArsk. i5i onze verstes à faire pour arriver à la place où se trouve ce minerai. Les paysans de ces villages et ceux de Stschouîdnéva vont quel- quefois chercher ce minerai, et le leur apportent à un certain prix. La veine d'où ils le tirent, se présente dans les élévations qui entourent le petit vallon de la source. Ces érninences sont boisées , dans l'étendue de quelques vers- tes, de mélèses , de sapins, de pins et d'autres arbres. Les mineurs rencontrent communé- ment , depuis la surface du sol jusqu'à une aune de profondeur , une terre argileuse mêlée de jaune et de rouge ; paroîfc ensuite une argile grise mêlée de sable , qui renferme des nids d'ocre ; on arrive enfin à une forte couche d'argile ferrugineuse, blanche, mêlée de sa- ble , et traversée par une couche étroite de mine noire, molle, en suie, de la nature du charbon. C'est dans la masse d'argile blanche que se trouve la mine de fer la plus riche , dont une partie ressemble au tripoli , et dont l'autre est très - compacte ; elle est d'un blanc de lait à l'extérieur et n'a cependant rien de calcaire, elle est simplement argileuse, et on, la trouve par nids ou par couches horizon- tales. On rencontre dans les couches supé- rieures, une mine de fer mulmeuse, ou grise et ocreuse , nullement propre à la fonte. Les fondeurs en prennent de la grise , pour la mêler, lors de la fonte, avec le bon minerai ? K-4 î5z ^77^- ** Oudinsk et servir de menstrue. On ne creuse que de petits puits de quatre à cinq toises de pro- fondeur pour exploiter la mine blanche ; on fait ensuite des poussées appelées Petschkami, pour arriver au bon minerai et en suivre le filon. Cette exploitation se paye aux paysans depuis un kopek et demi, jusqu'à trois kopeks le poud. Les forges d'Enisséïsk sont plus perfectionnées que celles de Ribenskoï : les fourneaux sont mieux construits y il y en a communément deux dans le même corps de maçonnerie ; le foyer est fermé par une petite porte de fer au-dessus de la terre et des pierres qui forment le bas. Les fourneaux sont de la grandeur dont je les ai. décrits. Ils mettent à chaque fonte quatre pouds de minéiai, qu'ils divisent en sept parties ou Verschom : ils retirent de quatre pouds de mine grillée,, une gueuse d'un poud à un poud et demi : mais il faut pour cela que ce soit du meilleur minerai blanc, et que la fonte réussisse. Une fonte ne produit cependant ja- mais au-dessous de trente livres de fer pur. Pour obtenir de bon fer, il faut avoir soin, sur- tout., au moment de la fonte, de modérer l'action des soufflets; s'ils ont trop d'activité y les fondeurs n'pbt:ennent qu'un fer crud; et s'ils en ont trop peu, le fer est doux, ou bien il a la dureté de l'acier ; ils l'appellent Oir- A K R A S K O ï A R S K. l53 Il faut une grande pratique pour connoître ces différens degrés , et cependant ils ne peuvent savoir d'avance l'espèce ou la qualité du fer qu'ils obtiendront ; en commençant la démolition d'un foyer , ils essaient aussi-tôt avec une verge de fer , le fer qu'il renferme ; si ce fer s'attache à la verge, c'est signe qu'il est en gueuse 5 si la verge rend un son quand on la pose sur la gueuse qui est t©ute rouge , ils prétendent ob- tenir un fer doux et fait 5 si elle produit des étincelles , leur fer aura la dureté de l'acier. Ils se trompent rarement dans leurs conjec- tures. Je continuai ma route pour Krasnoïarsk, le premier août 5 je passai Ouïar , le village et le ruisseau de ce Balaï qui tombe dans le Bibna 5 ensuite le Kinguina et le Tscher- tesch , ruisseau marécageux , dont les bords abondent en alpiste érucoïde (1). J'arrivai au relais de Kouskouna sur le ruisseau d'Iessaou- lofka, qui tombe dans PEnisséï. Après avoir passé le village de Botoï , situé près d'un ruis- seau du même nom, qui se jette dans l'Ies- saoufoulof ka , j'atteignis, sur le soir, la ville de Krasnoïarsk. Je fis ce jour-là , pour y ar- river , cent trente verstes en moins de dix heures, par de beaux chemins. Entre Kouskina et Botoï, on traverse une vaste foret montagneuse 5 cette ——————— ' ' ' ■ — ——————m» — — — — —— — MÜ^ (1) Phalarls erucœformis. l54 1772. d'Ottotnsï?: forêt longe au nord la chaîne de mOHtagnes qui borde le fleuve Mana. En face de Kras- noïarsk on découvre, sur] la haute rive sa- blonneuse de l'Enisséï , des amoncellemens assez considéra blés d'ossemens ; le dépérissement de leur partie calcaire a donné naissance à tine ostéocolle très-fine , qui se forme dans le sable parmi cette espèce de chaux , aux places où les racines de l'herbe tombent en pour- riture. Je trouvai, à mon arrivée à Krasnoïarsk* les belles plantes de cette contrée, presqu'à la fin de leur floraison, et la plupart étoient déjà en graine. M, Kaschkaref, l'un de mes élèves, s'étoit heureusement procuré une collection assez complette des plantes dont le printems et Tété ornent les montagnes qui bordent l'Enisséï. Il avoît entrepris à ce sujet plusieurs courses dans les environs de Krasnoïarsk. La plupart de ces plantes sont rares et propres à la Si- bérie. Ceci prouveroit , à certains égards, la jus- tesse de l'assertion avancée par Gniélui dans îa préface de la première partie de la Flora Sibirien ; il dit que la nature paroi t avoir changé de face tout-à-coup dans la partie orientale de l'Enisséï , et créé des plantes particulières à l'Asie. J'ai été bien trompé dans l'idée que je m'é- tois faite des contrées situées au-delà de l'Enisséï, d'après le système de cet auteur. A la vérité , la A Krasnoïarsk, i53 contrée de Krasnoïarsk , qui est ouverte , sèche et montagneuse,, offre, malgré ce site, beaucoup de plantes rares des montagnes. La chaîne de mon- tagnes située plus au sud entre l'Iïous et l'E- nisséï, en présente encore davantage, ainsi que le pays qui s'étend à l'ouest depuis l'Iïous jusques dans les montagnes de Téletzk1" - et confine à la chaîne des monts Altaïsks $ mais la plupart de ces plan res croissent sur les monts Altaïsks 9 depuis FIrtisch ; on en voit aussi quelques-unes sur les séparations les plus élevées de l'Oural ; il n'en existe de particulières que sur les mon- tagnes sèches 9 couvertes et remplies de ro- chers, situées auprès de l'Enisséï , et dans leur contrée , qui est dégarnie de bois, et dont le site est des plus avantageux. Au-delà de. l'E- nisséï, et lorsqu'on s'en éloigne, tout le pays situé entre la Toungouska et la chaîne de montagnes qui forme les limites , est couvert de forets et de prairies } les plantes y diffèrent de celles qui croissent près de l'Obi. On ap- perçoit cependant plus de variation dans les plantes de l'Obi, de l'Irtisch , de la chaîne des monts Ouralsks qui ont beaucoup plus de res- semblance avec les montagnes d'Europe pour ce qui concerne le règne végétal ., qu'avec les contrées situées plus à l'ouest , tandis que l'on remarque plus d'affinité à l'est de l'Enisséï jus- qu'au Baïkal. Pour prouver mon assertion et di- minuer la prépondérance du système de Gmélin, l56 1771. d'Otjdiw s k adopté par plusieurs botanistes modernes, fé vais présenter plusieurs tableaux contenant les variations que j'ai observées dans les plantes des différentes contrées que j'ai parcourues jusques dans la partie orientale de la Sibérie. i°. On verra qu'à l'est des monts Ouralsks , idans la partie occidentale , et sur-tout dans les contrées méridionales , la végétation est presque semblable à celle de la Pannonie. On y voit peu de plantes particulières ou propres à la Sibérie. 20. Cette variation devient beaucoup plus forte en remontant l'Irtiscli , vers le pied des monts Altaïsks $ les plantes de ces montngnes commencent à avoir beaucoup d'affinité avec celles de l'Enisséï. 3°. Plusieurs plantes qu'on n'apperçoit pas à l'ouest , et qui croissent seulement près des monts Altaïsks, abondent dan s les plaines élevées et sur les côtes situées au-delà de l'Obi. 4°. On trouve beaucoup de belles plantes de montagnes en remontant l'Enisséï, en partie indigènes 5 elles ne deviennent en partie géné- rales et communes, que dans la contrée située au sud du Baïkal , leur vraie patrie. . 5°. Ces mêmes plantes disparoissent dès que l'on entre dans les contrées basses et boisées qui s'étendent entre l'Enisséï et le Baïkal , où l'on ne voit que les plantes ordinaires des forêts et des prairies d'un climat assez ri- goureux. A KrasnoiArsïé. i5j 6°. La contrée montagneuse et remplie de rochers qui avoisine le Baïkal , jouit par la même raison des plantes rares et particulières , propres aux montagnes et aux rochers ouverts f secs et chauds, aux montagnes de neige les plus élevées, et aux vallons froids. On ren- contre la plupart des plantes clés Alpes , les plus élevées , dans la partie orientale de la Sibérie qui est beaucoup plus froide, ainsi que sur les montagnes basses et dans les plaines dû Kamschatka. On en a même trouvé quelques- unes sur les rivages bas, et dans les marais de la partie septentrionale de la Sibérie qui borde la mer Glaciale* Je n'ai indiqué que les plantes les plus in- téressantes , et celles qui forment variation dans chaque contrée. Je ne prétends pas donner des catalogues complets de tontes les plantes qui croissent dans ces pays. Celui des plantes qui viennent entre l'Enisséï et le Baïkal est le plus exact 5 je l'ai rendu aussi complet qu'il m'a été possible de le faire, en parcourant cette contrée dans une seule saison. On verra d'abord les plantes indigènes à la Sibérie 3 la plupart sont déjà assez connues y quelques-unes plus rares dans la partie occi- dentale des monts Ouralsks. J'ai désigné ces dernières par une astérique. Salicornia folîata. Veronîca inçana. Conspermum hyssopirollium. Veronîca paniculata. î58 1772. ©'O Iris Sibirica. ïris puipila. Pluiaris erucaeformis. IVIeiica altissima. Scabiosa isetensis. ]Liuurn perenne. Salsola prostrata. Salsoîa hyssopifolia. Messerscinnidia. Pharnaceum cerviana. Androsacc maxima. Androsace septentrionalis. Statice feruiacea. Statice Tatarjca. * Statice speciosa. Statice suffruticosa. Bupleurum lon?ifolium. Cairpanula Sibirica. * Campanula liiifolia. Onosma sirnplex. Onosma echioides. Gypsophila paniculata. Gypsophiia altissima. Lonicera Tatarica. Ulmus pumila. • Polygonum frutescens. Cucubalus Sibiricus. Lythrum virgatum. Nitraria schoben. Euphorbia segeUÜs. Euphorbia pilosa. Spirea crenata. Mespilus cotoneaster. Amygdalus nana, PotentiHa bifurca. V D I TT $ K Adonis apennina. Anemone patens. Deiphinium. elatuin. Chciranthus montanus. * Hespcris Tatarica. * Hesperis Sibirica. AlyssLim montanum. * Pedicuiaris ïncarnata. Teucrium Sibiricum. Phiomis tuberosa. Anlirrhinum genistifoiium. * DracocèpHalum nu tans. Dracocephalum thimiflorum. Dracocephalum ruyschiana. * Polygala Sibirica, Astragaius physodes. Astragaius alopecurioides. Astragaius uraiensis. Robinia frutescens. Hedysarum grandiflorum. Hedysarum obscurum. Orobus angustifolius. Lavatera thuringica. Hieracium sabaudum. * Cacalia hastata. Serratula salicifolia. Serratula salina. Carduus cyanoides. Carduus serratuloides» Centaurea Sibirica. Chrysocome biflora. * Crespis Sibirica. Artemisia dracunculus. Centaurea centaurium. Ephedra aïonostachya. a KrasnoÏa R S K. Ceratocarpus arenadus. Atriplex talarica. Spinacia fera. Atriplex laciniata. Axyris ceratoides. ï59 A ces plantes succèdent celles qui disparois- sent aussi-tôt que l'on est sorti des monts Ou- ralsks, sur-tout dans la partie orientale; elles ne passent guères les montagnes intermédiaires de cette chaîne , à l'exception de quelques- unes qui sont aussi désignées par une asté- rique. Corispermtim squarrosurn, GaÜum boréale. Galium rubioides. Laserpitium trilobum. * Seseli pumilum. * Sium falcaria. Verbascum phsnkeum. Verbascum blattaria. Asclepias nigra. Asclepias vincetoxicum. Campanule varias. * Ulmus vulgaris. Tulipa Gesneri, Convallaria maialis. Evonymus Europasus. Dianthus prolifer. Pyrus malus. Pyrus communis. * Trollius Europasus. Rannnculus Ficaria. Crataegus torminalis, Phiomis Herba venti. Salvia pratensis. * Digitalis lutea. Salvia nutans. * Cytisus pilosus. * Chrysoconie villosa, Chrysanthemum coryrnbife- rum. Centaurea glastifolia. Aristolochia clematitis. * Stratiotes aquatica. Quercus robur. Corylus vulgaris. Acer Tataricum. .Viscum album. * Adianthum Ruta muraria. Les plantes suivantes sont celles que Ton ap- perçoit d'abord dans les monts Ouralsks,, et i&> 177*- d'OudinsK sur-tout dans la partie orientale où elles sont très-communes. J'ai désigné en caractères ita- liques celles qui ne sont indigènes que sur les montagnes les plus élevées, ou dans la partie septentrionale des monts Ouralsks (1). Valeriana Sibirica. * Elymus Sibiricus. Pritnula cortutoides. Bupleurum ranunculoides. Campanula lilifolia. Gentiana cruciata. Swertia perennis. Ribes rubra. * Allium nutans. Allium tetiuissimum. Allium lineare. Polygonum acidum. Cotylédon spinosum. Sedum hybridum. Se dum quadrifidum, Saxifraga bronchialis, Sophora lupinoides. Spirea chamaîdrifolia. Potentilla siipulaiis. JDryas oetopetala, Aconitum anthora. •j* Hellsborus irifolius. Anemone narcissiflora. Papaver nudicaule. Pœonia quinque capsularis. Atragene alpina. Scutellaria Jupulina. Pedicularis tuberosa. Pedicularis resupinata. Pedicularis paniculata* Hesperis Sibirica. Cardamine trifolia. Cardamine chelidonia. Cardamine nudic.au lis, Cardamine beiidifolia. Alyssum montanum. Alyssum halimifoliuiru Trifolium lupinaster. Orobus luteus. Hedysarum aipinuiru Phaca alpina. Aster alp'mus. Crépis Sibirica. Cacalia liastata. Sonchus Sibiricus. Carduus heterophyllus. (1) Je me suis servi des noms triviaux de Linne'e; pour les plantes dont ce botaniste n'a pas parlé , j'ai adopté les noms que je leur ai donnés dans le journal de mes voyages* Cineraria A K * A S 3T O ï A R S K> i6* Clttertrîa Sibir".. Cvpripedium guttata* jgnl ,.;. Orchis fuscata. . . innaiMm. Pinus lafyx» * Serratula araara. Pin»5 ceiv.bra. :uh alpin?.. #« «û- * Cnicus spinosissimuSi * Artemisia tanacetitolia. Cnicus oleraceus« * Artemisia glauca. Près de Plrtisch et des montagnes primitives des monts Altajteks , croissent aussi , mais en petite quantité , les plantes^suivantes , qui sont propres aux contrées occidentales , et on ne les voit plus, passé ces montagnes* El v mus arenaria s. Campliorosma monspel: :. C .. - Tamaris gallica, Anabasîs aphvlla. Anabasis crçtaeea« Anabasis foliosa. Lonicera Tatarica. Érynghun planifoliuni. Rindera tetraspis. Ferula nodi£ora. Talipa sylvestris. Frankçnia piiosa. Gypsopkila paniculata. Adonis verna. Clematls inteçrrifolia. Hvssodus officinalis. Salvia nemorosa. Dodartia orîehtaïis. Astragaius contortuplicatuç«. Sophora alopecuroides. Lavatera tburinçrica. o Aïcea ficifolia. Achillea tomentosa. Centaurea centauriura loa 1772. d'OudinsK que Ton voit parmi elles. Celles désignées par une croix sont communes à rAméricjue septen- trionale. Veronica pinnata. * Asciepias Sibirica. * Convolvulus frutescens. * Convolvulus rosetis. Sibbaldia erecta, Gentiana punctata. Cornus alba. Ribes uva crispa, Pulmonarla Sibirica. Allium altaïcum. Erythronium deiis canis. Hemerocaliis flava. * ^oly^onum ocreatum. Rheum unculatum. jCucubaius fruticulosus. Saxifraga crassifolia. Saxifraga punctata. Spirea opuiifblia. Spirea integrifolia. Dryas pentapetala. Potentilla fruticosa. Rosa pimpincllifolia. •J* Chenopodium aristatum. * Raphanus Sibiricus. Acpilegia alpina. * Anemone dichoioma* Cimifuga fcetida. Nepeta multifida. Ametliystea caerulea. Dracocephalum peregrinum« Dracocephalum grandi flo-* rum. Pedicuîarîs aîtîssima. Robinia Caragana. Robinia Halodendron* Robinia pygmea. Trigonelia platycarpos. Astraealus melilotoides, Orobus lathyroides. Achillea impatiens. Achillea alpina. Serratula multifionu Cnicus cernuus. Artemisia annua. Artemisia integrifolia» Veratrum nigrum. Populus baisamifera,' Juniperus lycia. Urtica cannabina. * Aryris prosirata. Près de rEriisséï la. nature enrichit la végé- tation des plantes suivantes, que l'on doit re- garder comme des plantes de montagnes de la Sibérie. Celles désignées par une astérique son i A • K R A S N O ï A K S JC. ï63 rares et ne se trouvent aisément que dans le pays situé au-delà du Baïkal. Iris an spuria. Valeriana rupestris» * Phlox Sibirica. Myosotis rupestris* Swerîia rotata. * Swertia dichotoma. •j" Swertïa corniculata. Allium angulatum. * Melanthium Sibiricum. Liliiiai pomponium, * Rhododendron dauricura. Rhododendron chrvsanihum-. Sedum Aïzo'on. Sedum populifolium. Androsace viiiosa. Primula farinosa. * Primula rotundifolia, Gentiana ciliata. PoLentilla sericea, Spirça salicifoiia. Delphinium grandilicnim. * îsopirum fumarioides, Ranunculus salsus. Thalictrum petaloideum* Ballote lanata. * Cymbaria daurica. Arabis pendula. Géranium Sibiricum« Rohinia pygmea. Phaca mUricata. * Phaca prtysirata. Astragali varii. Chrysanthemum articurri* Filago leontopodium. Viola unifiera. Viola odorata. Erigeron grairiineurru Axyris amarantoïdes. •j* Menispermuin Canadense. * Polypodium flagrans. •j* Lycopodium sanguinolen« tum . Je passe aux plantes des contrées basses et boisées ., qui s'étendent entre l'Enisséï et le Baïkal. On en rencontre un grand nombre en Russie ; il y en a même beaucoup qui sont les plantes ordinaires des bois et des prairies du nord de l'Europe. Les espèces les plus rares ne se trouvent cependant que dans les contrées les plus occidentales de la Sibérie. L % ï'64 1772. r>'0 .Veronica spicata. iVeronica spuria. Valeriana major. Sanguisorba offîdnalis". Asperula cynanchica. j" Swertîa corniculata. Campanula glomerata. Campanula lilifolia. Ugusticum peloponesiacum. Heracleum Sibirieum. Eupleurum longifolium. Bupleurum .ranunculoides. Pclemonium cœmleum. Parnassia vulgaris. Allium sphazrocephalum. Allium victorialis. Convallaria bifolia. Tricntalis Europasa. Polygonum bîstorta. Polygonum viviparum. Vaccinium uli«înosum. Vaccinium Myrtillus. .Vaccinium vitis idea. Pyrola rotundifolia. Pyrola secunda. Epilobium angustifolinm. Dianthus deltoïdes. Dianthus superbus. Sedum Telephium. Cucubalus Sibiricus. Agrimonia eupatoria. Lythrum virgatum. Spirea ulmaria. Spirea chamccdrifolia. Rubus arcticus. XJ D t N S K Rubus chamaemorus» Fragaria vesca. Rosas varias. Potentilla fruticosa. Potentilla rupesîris. Comarum palustre. Geum urbanum. Caltha vulgaris. Caltha natans. Trollius Asiaticus. Delphinium elatum. Actea spicata. Cimicifuga foetida. Aconitum Napeilus. Aconitum Cammarum. Aconitum Anth'ora. Anemone narcissiSora. Anemone dichotoma. Tlialictrum Sibirieum. Thalictrum flavum. Antirrhinum genistifolium« Rhinanthus crista g;alli. Pedicularis resupinata. Pedicularis incarnata. Pedicularis altissima. Phiomis tuberosâ. Linnea borealis. Nepeta multiiida. Origanum vulgare. Orobus lathyroides. Orobus luteus. Lathyrus pisiformis. Trifolium lupinaster. Trifolium pratense. Cineraria Sibirica» Ä. K R A S Tanacetum vulgare, Serrattila alpina. Serrat ula multiflora» Achillea millefoiium. Achillea impatiens. Chrysanthemum Leucanthe- mum. Hieracium umbellatum. Sonchus Sibiriens. Cnicus cernuus. Carduus helenioides. Arternisia tanacetirolia. Artemisia annua. Arternisia inte aliseque. * Ceniiana nivalis.» h «5 . ä66 Vjj%l t>'C Hubia cordifolia, •J" Swertia dichotoma, Cortusa Gmelini. * Mi ce IIa nuda, Ribes diacantha. * Claytonia Sibirica. Convolyulus cantabrica» Statice daurica. * Statice a urea, Allinm senescens, Milium bulbiferum. \ Polygonum sagittatum.. Polygonum sericeum. Polygonum angustifbUum. Rhododendron dauricum. * Rhododendrum fiavu.ni* Stellera cham aziasine. Tamarix germanica. Cotylédon mal'acöphylliim. Stellaria radians. ' * Saxifraga polydactyla. PotentiÜa mukiiida. * Prunus Sibirica. Pyrus baccatâ. Spirea sorbifolia. * Spirea thalictroicks* • * Spirea palmata. Pœonia lactea. IIB ÏN SK Papaver nudicaule. •}• Àquilegia canadensls* Pedicularis striata» * Pedicularis sulohurea» Jl Lecnurus Sibiriens. Dracocephalum pinnaturru Dracocephalum moidavica.. Scrophularia seorodonia» Phaca pliysodes. Piiaca daurica. Phaca Sibirica. Phaca lanata. Trifolium dauricum. liedysarurn frutescens. Robini a feröx. Centaurea srandiflora,. Centaurea uniRora. Artemisia palustris. Artemisia pectinata. * Senecio palmatus. -j- Serratida noveboracensis« Sao-ittaria natans. o Betula dioiea. * Salix berberifolia* * Junlp. Bermudianœ affinis* f Poly podium flagrans. -\ Pteris pedata. f Lycopodium rupestre. Jusqu'au 10 août, favois été occupé à ré- diger mes observations sur les contrées inté- ressantes que je venois de parcourir. Des pluies continuelles me retinrent chez moi sans pouvoir presque sortir, pour voir les plantes de la saison;- Ä KliS. SOÏAKS t l6j la plupart de ces plantes étoient déneuries, et on n'en trouvoit qu'un très - petit nombre en graines. Je résolus , en conséquence , de re- tarder jusqu'au quinze du même mois, le voyage que je projettois dans les contrées supérieures de l'Enisséï. Quoique j'eusse fixé le jour de mon départ de Krasnoïarsk, je fus obligé d'y séjourner jusqu'au i 9, à cause de l'arrivée de M. Souiefi ■ »■»ÉMUHU IM!" Ce jeune observateur , en quittant Manga- zéia, n'avoit pas voyagé sur l'Enisséï jusqu'à la mer Glaciale. Arrivé au-Simovia de Sélakino, à six cents verstes au-dessous de Mangazéia , et à environ trois cent vingt - deux verstes de la pleine mer, il songea à son retour. Son journal ne renfermant rien de remarquable, excepté une description aride de ces parages, je me borne à un simple extrait pour ne pas ennuyer mes lecteurs. On voit dans les environs de Mangazéïa quel- ques Iakouts domiliés. Le nombre des hommes ne monte qu'à cent vingt-sept dont la plupart ont été achetés comme esclaves. Les Toun- gouses forment près de l'Enisséï une nation de deux mille âmes ; douze cent quatre-vingt- deux dépendent du district de, Mangazéia , et les autres de celui d'Enisseisk. On coinote dans le territoire de Mangazéia si& cent quarante Samoïèdes louraki et autres, et. trois cent ein« a 63 îyji. d'Oudiusk: quante - tin Ostiaks individus connus sons ce nom ß qui dépendent immédiate ment du Voie- vode de la ville ; quatre cents soixante-dix-neuf dépendent immédiatement de la Jurisdiction d'Enisséïsk. L'Eiiissei est d'une largeur très-considérable au-dessous de Mangazéia, et sur-tout vers Sé- lakino, où il commence à former un golfe. Il a dans plusieurs endroits plus de dix verstes de large pendant les inondations du printems; à peine découvre-t-on alors le bord opposé. La rive droite de ce fleuve est généralement hé- rissée de montagnes peu élevées ; elles forment simplement des collines. La rive gauche., INa- voloKHnAia-Stobon a, n'a point de montagnes, elle est cependant assez élevée et fort boisée, ainsi que la droite, appelée Nap,goistoï-Béreg. Les forêts disparoissent vers Sélakino \ elles ne «ont composées , à leur extrémité , que de pe- tits arbres bas et rabougris; on apperçoit les derniers melèses à dix verstes de ce Sirnovié. Les neiges et les glaces de ces rives ne fondent qu'à la fin de juin \ elles sont perpétuelles dans les vallées étroites qui ont été creusées par les eaux de neiges. La terre ne décèle sur les élé- vations découvertes , qu'à une petite profon- deur 5 en fouillant sous la mousse et les racines des petites herbes qui croissent avec elle , on rencontre souvent la sdace , ou une terre celée. Les ormes , les mélèses , les saules , et les bou- A K R A S 1\T O 3 A R S #. 169 leaux ne commencent à montrer leurs feuilles que clans les derniers jours de juin. La flo- raison clés plantes est au contraire plus pré- coce ; celles qui fleurissent les premières sont : la fumeterre bulbeuse (1) <> la violette uniflore (2), la violette biflore (3) , la vergerole des Alpes (4) ; paroissent ensuite Partdrosace velue (5) , la cor- tuse de Matliiole (6) , la racine à odeur de rose (7) , l'argentine stipulaire (8) , la dryade à huit pétales (9), l'adoxe musquée (10) , et le lin vivace (11), dont les fleurs sont d'une gran- deur extraordinaire clans ces contrées froides. On apperçoit aussi, presque jusqu'au soixante- sixième degré de latitude , la rhubarbe à feuilles velues et ondées (12). Wï. Soiâ'efiiQ. trouvé dans ce voyage que les plantes qu'il a voit observées près de l'Obi. On voit au-dessous du Simovié de Plakhina (1) Fumaria bulbosa. (1) Viola unifiera.. ($) Viola biflora. (4) F.rigeron* alpinum. (5) Androsace villas a. (6) Cortusa Matthioli. (7) Rhodiola rose a. (8) Potentilla stîpularis, ( Du 19 au 28 août. Salédèïéva , 24 v. — léîefska , 5 v. — Ruisseau de Maloïkemschouk, 3o v.. — |E.uisseam de Bikofka 9 3o verst. — Ruisseau de Bolkhoï- Kemtchouk. ~ Amola , 25 y. — Sos/zovoï- Sélo , 7 verst. — Ruisseau à'isouk. — Mont Outschioum. — Kopievo - Soïmka , 2.5 verst. i— Oulouss de Kokovo , 3o verst. — Monta- gne à'J/iôo. — ToL'stoukouLS v. — Cabanes d e Targu ici s h ïo u L A T O U S T O U S O Ü t, ï7« Je partis de Krasnoïarsk le 19 août après- midi^ et dirigeant ma marche vers les monta- gnes de Saïani , je suivis jusqu'au village de Salédéiéva la nouvelle route de poste de To- bolsk , qui traverse de superbes landes , entre la petite rivière de Katsciia et les montagnes ouvertes situées à gauche vers l'Enisséï. On tra- verse en chemin le ruisseau d'Ougatsch , près duquel M. Pélimskoï, Voie v ode de Krasnoïarsk^ a une maison de campagne et un moulin. Je passai le Karagous., petit ruisseau marécageux qui tombe dans i'Ougatsch, et ensuite l'Iélofka. Le village de Salédéiéva est situé sur la Katscha 5 il renferme près de trente maisons habitées par des paysans qui y sont établis depuis long- tems. Je devois prendre ici le chemin qui servoit autrefois de route de poste y mais étant aban- donné depuis près de vingt ans , il est devenu impraticable. Ce chemin traversoit une mon- tagne boisée p. 104, n. 71 ^ tab. -<,z. (ï) Gentiana pneumonanthe. (i) Senecio erucœfolius. (3) Orobiis luteus. (4) Orobus lathyroides. (f) Laihyrus pisiformis. (ö) Delphinium consolida* (7) Aconitum Napellus. (8) Aconitum lycoctonum. (p) Phlox. Sibirien. (10) Chrysanthemum àrtieutiU "' ' étoient & T G V S T O tf K O Vf %l I77 «koïent encore bien fleuris. J'y remarquai aussi le sainfoin obscur (1), l'aster de Sibérie (2), bi vesce bisannuelle (3), le lin. vivace (4) , l'an- drosace velue (o) , l'axyris bâtard (6), la vé- ronique blanche (7), la cliataire multifide (8), et les autres plantes qui accompagnent celles-ci communém ent. • Un Tatar de Tomsk me serait d'interprète jusqu'à Naoudsliïour. On m'en donna ici un au- tre. Je partis dans l'après-midi pour me rendre à la montagne d'Outschïonm. Je me proposois d'y récolter les plantes rares qui y croissent j elles étoient clans leur plus grande perfection et en abondance. Cette montagne possède , outre les plantes rares dont j'ai parlé dans la troisième partie de mes voyages , les espèces que l'en trouve dans les montagnes nues des bords de î'Enisséï. Je vis le freux (9) que je rencon- trai ensuite tous Jes jours. Quoique ces oiseaux (1) Hzdysarum ohscurum , an He dys arum folds pin» ridtls , ieguminibus articulatis , lanatis , caide diffîuso» Flor. Sib, IV, p. 29, m 37, tab. 12. (?„) Aster Sibiriens.. (3) Vicia bien ni s* (4) Linum perenne* (5) Androsace villosa. (6) Axyris amarantoides^ (7) Veronica incana. (8) Nepeta muhifidi. (9) Corvus graculus, Tome VI, M $j]& VJ~*. DE KRÂSNOÏARSt soient nombreux, il est très-difficile d'en ap- procher, parce qu'ils volent très- haut \ ils se tiennent toujours sur les cimes des rochers les plus élevés. Les Tatars appellent ces corneilles de montagnes SciiaïtAn, et les Sagaïk, Sou- e.LOuK. Quoique la saison fût avancée, je trouvai beaucoup de julienne de Tatarie (i) au pied de rOutsclïioum , dont le sol est argileux. Ceci 7 CD nie parut d'autant plus extraordinaire, que je n'avois encore vu cette plante nulle part , ni près des montagnes de Saïan., ni en Sibérie, Des rochers étoient entièrement tapissés en rouge par les graines écarlates de Téphèdre (2)» Ces graines sont regardées comme pernicieuses en Daourië, et près duSélenga où l'on est per- suadé qu'elles occasionnent une espèce de rage à ceux qui en mangent. Le petit lac situé au pied de la montagne ressemble de loin à un marais. J'y remarquai plusieurs places entiè- rement émaillées en bleu par la syerte en roue (3) . Les tiges de l'astragale marécageux (4) , du cni- caut très- épineux (5) , et de la primevère fa- rineuse (6) se distinguoient encore très-aisément. (1) Hesperls Tatarica. {%) Ephedra. (3) Svertia rotata. (4) Astragalus uliglnosus* {5) Cnlcus splnosissimus» {6) Primula J\irinosa% A TOWSTOUKOUL? I79 On voit rarement la sverte avec des fleurs â quatre étamines , ou à sis étamines , et encore plus rarement avec des fleurs à sept étamines. Les Tatars appliquent cette plante sur les plaies, après l'avoir mâchée , comme un excellent vul- néraire. Les Russes la prennent intérieurement comme un amer. Ils lui donnent le môme nom qu'à la rhuyschiane et à l'hyssope, Sikoï-Své- roboï, et ils appellent Svéroboï-Biéloï, la sverte cornicuiée (1). Cette dernière croît en automne près de tous les lacs salins qui avoi- sinent lTious , près du Biloékoui , et dans les eaux et bas fonds qui les environnent. Le sommet de l'Outscliïoum est composé d'un schiste sablonneux. Les sources réunies au pied de cette montagne forment un petit ruis- seau qui tombe dans le lac. Elles ont contribué peu-à-peu à la nature saline de ses eaux. Des nuages se rassemblent fréquemment au-dessus de ce lac, situé entre les montagnes* Dès que le ciel se couvre, il pleut, ou l'air se charge de brouillards épais , tandis qu'il fait un tems sec sur les montaçnes et dans les vallons du voisinage. Je séjournai à Kopie vo-Saïmka jusqu'au 27 août , pour y recueillir des plantes , et envoyai M. Kascharof à Kouznetz. Je le chargeai de me rapporter les graines des plantes reinarqua- (1) Svettïa cornitulaia* l8o ij72l DE K.Pu A SN OÏ H S S! foies de ces contrées 5 c'étoitla le principal motif clu voyage que je lui faisois entreprendre. Je lui enjoignis de prendre par les montagnes , et dé se porter vers l'Irtisch* On trouve, près des montagnes voisines de Kopiévo , le drias à cinq pétales (1) , la poten- tille soyeuse , et la potentille blanche ( 2. ) , le tussilage de Sibérie ( 3 ) , le petit groseiiler à maquereaux , et plusieurs plantes rares des ro- chers. Je traversai l'Iïous le 16 , et .continuai ma route en remontant cette rivière jusqu'à TOu- louss de Kokovo , situé sur lTïous blanc , 011 je passai la nuit. Au-delà des iourtens , on voit la réunion du Sarasson à l'Iïous. Il s'étend à plusieurs verstes, en formant zin lac alon^é. Les rosiers sauvages abondent sur les monta- gnes ; ils étoient chargés de fruits ; je n'en ai vu nulle part d'aussi gros ni d'aussi charnus« Cette journée fut très-belle , ainsi que celles qui la suivirent. On découvre de l'Ouiouss de Kokovo , à l'ouest de l'Iïous , une montagne d'une forme singulière, appelée Anlo par les Tatars. Elle est à douze ou quinze verstes de Kokovo , à environ cinq verstes de la rive gauche de l'Iïous, (1) Dry as pentapetala. (1) Potentilla sericea et alba, (3) Tussilago amndria* A K o u s t o ü K o u i.1 i8i et à trente - six y ers tes de la mine de Karikh- koï. Au milieu des landes qui forment la con- trée opposée au fleuve 9 se trouve le lac de Firkalovo. LTïous reçoit de ce côté les eaux du ruisseau de Karakol. L'Anlo présente., d'un côté , une pente douce jusques vers sa cime ; m cals il se change ici tout-à-cour> en un mur de rochers taillés presqu'à pic. Ce mur renferme dans le haut un large trou formé Dar un rocher beaucoup plus élevé , qui repose librement au- dessus de la partie la plus rapide de la mon- tagne. Ce rocher est brisé , d.étaché de tous côtés» et presque carré, ün autre rocher % plus petit , s'élève au-dessus de ce trou. C'est proprement ce rocher que les Tatars appellent Anlo, Ils ont pour lui une espèce de vénération. Ce rocher a suggéré à un habi- tant de. Tomsk ? nommé JDmïtréi - Nassilief, l'idée d'ouvrir une fouille e3i règle dans une montagne unie qui avoisine l'Anio à l'ouest ; on ne sait si c'est par fantaisie , ou pour faire des dupes. Il fit publier que le Mongol Altin- Khan y nvoit anciennement enfoui des trésors« Pour donner pins d'authenticité à ce conte * il ajoata qu'un Tatar de Katschintzi , nommé Samer-Arscliaîiof^ ayant été chargé de porter des déoêches au-delà dea limites , les Mongols lui avoient assuré qu'ils savoient , par tradi- tion , que cet Al tin-Khan avoit régné dans les contrées, baignées par LTïous ± qu'obligé de s'en- 1 82 177s.' Ti £ K B. A S Ä ÔÏ A R s K fuir , il avoit enfoui ses trésors aux environs du rocher cP Anlo , clans clés cavernes inconnues qu'il fit bouclier et combler avec soin. Vassi- liefàit encore que différentes crevasses , d'où il sortoit du vent, Pavoient engagé à faire fouiller clans cette montagne 5 que de vieilles demoiselles , d'origine Mongole , qui demeu- rent près du Ttschoulim , possèdent un ma- nuscrit Mongol , dans lequel il est parlé des avenues qui conduisent à la caverne qui recèle ces trésors. On conçoit aisément que cet homme , banni de la Russie dans sa jeunesse , et envoyé en exil aux forges de Barnaoul, n'est qu'un im- posteur , qui a cherché à faire des dupes. Ses enf ans , qui sont riches , lui ont avancé de l'argent nécessaire pour la réussite de son pro- jet. En effet , il est parvenu 9 par ce moyen , à se procurer une existence plus aisée. Il a fait travailler à deux places* pendant huit hivers, dans les crevasses des montagnes , où l'on a creusé des puits de plusieurs toises de profon- deur , avec des conduits. Ces travaux se con- tinuent tous les hivers ; il emploie pour cela quelques hommes à la journée. Quoique la montagne soit crevassée , ces travaux sont de nature à être minés. Vassilief ne les poursuit que lorsqu'il a de l'argent. Il fait percer par- tout où il trouve quelque crevasse , en disant que ce sont des excavations faites à dessein , a T o u s t o u K o v %1 i83 et des chemins qui conduisent à l'endroit où. sont enfouis les trésors. Lorsqu'il rencontre des crevasses que la nature a bouchées avec des matières calcaires , il dit que ces places ont été murées avec du ciment. Les masses, de rochers trop durs qu'il a été obligé de laisser de côté, sont^ suivant lui, des colonnes destinées à sou- tenir les conduits souterrains. Ayant rencontré dans une crevasse une figure formée par la nature , son imagination la métamorphosa aussi* tôt en la représentation d'un homme qui avoit une couronne. Il ajoute #. avec emphase a qu'il ne l'a découverte que parce qu'un Tatar la lui a fait appercevoir. C'est quelqu'un sans- doute qui a voulu se moquer de lui. Il prétend qu'uxi gros vautour^ à tête blanche , est venu quel- quefois se poser sur la montagne x et planer autour de sa cime T en fixant long-tems sa vue an même côté. Il regarde cet oiseau comme un messager heureux, qui doit lui indiquer le lieu où sont les trésors. On a trouvé , dans des trous creusés à divers endroits , des morceaux d'ossemens , des dents d'animaux >. et d'autres débris qui paroissent venir de serpens tombés, en pourriture. Il est probable qu'ils y ont été portés par des animaux carnassiers. Cet homme prétend que ce sont des restes de victimes im- molées lorsqu'on a enfoui les trésors , pour exorciser les mauvais esprits. Il assure même que ceux-ci lui jouent toutes sortes de tours • M, 4, ï 84 ÏJJZ. DB KRÏ?»OÏAaSK tantôt ils lui jettent des pierres , tantôt ils mouillent ou éteignent les mèches des pétards à miner , ou bien ils l'appellent par son nom , ainsi que ses ouvriers 5 enfin il conte une foule d'autres fadaises de cette espèce. J'en ai rap- porté quelques - unes pour faire connoître ce vieux fourbe, qui. abuse de la bonne foi des paysans. Il tient un journal de ses opérations, dont la lecture fait bâiller. Il m'a gratifié de plusieurs cahiers de son journal, et m'en a en- voyé d'autres après mon départ. Ne jugeant pas à propos d'aller visiter moi- même les travaux de ce fou, j'y envoyai M. Souiefy qui s'y rendit, à cheval > le 2,7. J'em- ployai le tems de son absence à botaniser dans le voisinage des lacs amers situés à cinq verstes de riïous et du lac salin de Toustoukoui. Au- delà de plusieurs hauteurs sablonneuses , à trois verstes au plus de l'ïïous , est situé le premier lac amer bourbeux , appelé Kitschikoiil. Je trouvai 9 dans ses bas-fonds , les plantes qui croissent sur les bords du lac Oustschoun. Le sel qu'il dépose sur ses rives et ses eaux tien- nent un peu du natron. Un peu plus loin , et derrière une colline, est un petit lac sauma- tre , qui n'a point de nom. il faut traverser une côte assez considérable , remplie de ro- chers, pour arriver au Toustoukoui. Ce lac, fort long et formant une ellipse , est dans tili talion uni et sec, entouré de montagnes de Ä T O U S T O U K O U !.' l85 pierres et de sable. Quoiqu'il soit très-salin , on ne remarque sur ses rives aucune trace cle source de muire. Deux sources jaillissent à son extrémité septentrion?de y dans la sinuosité for- mée par le rivage , mais on s'apperçoit à peine de la nature saline de lenrs eaux ; elles sont plus imprégnées de natron ? mais sans cesser d'être potables. Les Kosaques, chargés de garder le sel de ce lac> ne boivent que de l'eau de ces sources , parce qu'il n'y en a point dans le voisinage, La source d'eau douce la plus pro- che est à quatre verstes. J?ai trouvé très-peu de ressemblance entre ces deux sources et les eaux minérales de Selter , quoi qu'en dise Gmélin , dans ses Voyages en Sihérie. On a déblayé et nettoyé , depuis peu > une des sources , qui ne paroît pas avoir été^, jusqu'à présent, de grande conséquence 5 comme elle se trouve , ainsi que l'autre , dans un sol salin , ses eaux sont un peu saumâtres , quoique fraîches et sans odeur désa- gréable . On se contentoit autrefois de ramasser le sel par tas. Il res toit ainsi jusqu'au moment du transport , et ne tardoit pas à être couvert de sable par les ouragans , qui sont très fréquens dans les montagnes ouvertes de cette contrée. On en perdoit beaucoup, parce qu'il devenoit si sale , qu'il n'y avoit plus moyen de l'em- ployer. Pour obvier à cet inconvénient , on s'occupe de la construction d'un magasin en pierres, ï86 1772,. E£ TOUSTOUÏOUL Je vis sur le lac beaucoup de vanneaux plu- viers du nord (1) • le rivage était couvert d'in- fectes morts y parmi lesquels je n'en trouvai au- cun de remarquable. Je découvris , sur les élévations sablonneuses de cette contrée,, le bel astragaloïde hérissé. (2) ; je ne Tai jamais vu que sur les montagnes ou- vertes situées entre î'iïous et l'Enisséï. Il est étonnant que les moutons et le bétail ne mangent pas les superbes feuilles de cette plante ,. qui forment touffes. L'astragaloïde penchée (3) , et la précédente croissent ensemble sur le même terrain. Je rencontrai , sur les montagnes plus élevées > quelques pieds isolés de la pédicuiaire myrio- pliylle (4) , qui pousse aussi près du Karikh. Je trouvai sur ces montagnes plusieurs autres plantes rares, qui étoient déjà montées en graine. En quittant le Toustoukoul , je traversai une haute montagne située à l'est. M'étant ainusé à recoller les- graines des plantes rares , je ne rejoignis que pendant la nuit les personnes de ma suite 5 elles avoient pris la route qui mène directement aux cabanes situées près du Tar- (1) Trynga hyperborea. (z) Phaca muricata... Appendix, n°. 38^. (3) Phaca prostraia. Appendix, nG. 383. (4) Pedicularis myrlopkylla. Appendix , n°. 341. A tr K -i n i x h. i guklshïoul. Mon retard 'causoit beaucoup d'in- quiétudes, parce qu'on ne savoit ce que j'étois devenu avec nies voitures Tatar es. Le Tar- guidshïoul (i) tombe dans le Biloékoul ( 2 ) , que je laissai sur la gauche , aune assez grande distance. Je laissai aussi , sur la droite , mais à une plus grande distance encore , le lac de Fircalovo, situé à trois verstes de Fixons. ILes Tatars, qui lui ont donné ce nom t pos- sèdent d'excellens pâturages près des ruisseaux de Tourim et de Komdoudshïoul , qui tom- bent dans ce fleuve. Je passai la nuit près du Targuidshïoul,, où j'avois rejoint ma suite. S. X ï I I, De Toustou&oujl au KariKHï Du 28 août au ier septembre. Mine de Karikhkoï , /{5 verst. — Autre mine près du Karikh. — Fosse minéralogique près du Karikh. — Autres mines et fosses. Je traversai , le 28 août , le ruisseau de Touïouin , qui tombe aussi dans le Biloékoul. Je passai entre les petits lacs d'Oulankoul et d'Itkoui. Je traversai après le Karikh , qui se (1) Pvuisseau d'oiseaux aquatiques, (z) Lac de piètres à aiguiser. ïB8 1772t DE TOUSTÖÜKOÜL jette dans le grand Itkoul , et un. autre petit ruisseau qui s'embouche dans ce lac. J'attei- gnis enfin la mine de Karikhkoï, située à deux verstes au plus de ITtkoul , qui forme presque lui cercle ; il est vaste et poissonneux. Le grand Itkoul a un écoulement à travers POurîankouI , dans le ruisseau de Touïoum , et conséquem- menfc dans le Biloékoul, par le moyen d'un pe- tit canal 3 appelé Bêrésovoï, à cause de la forêt de bouleaux qui l'environne. Le petit Itkoul a tout au plus un vers te d'étendue ; il a , ainsi que le Scliarakoul , lac voisin, une communi- cation avec le Touïoum. Le Kashikoul se dé- charge au contraire dans le Karikli . Ils forment tous ensemble un amas de lacs, qui n'ont au- cune communication avec l' lions , quoique si- tués à sa proximité. Le Biloékoul est le réser- voir commun. Ce dernier est entouré de monta- gnes ouvertes. on ne trouve nulle part le raifort de Sibé- rie (1) en aussi grande abondance , et d'une aussi belle végétation, qu'ici , et près de Rras- noïarsk. La plaine saline , qui avoisine le "Touïoum, paraît être sa vraie patrie. Il ileurit depuis les premiers jours du printems jusqu'à la fin de l'automne : ses tiges ,- chargées de gousses , rampent alors sur la terre. Les montagnes«, qui àvoisinent l'Ilkoul et la M Riij'/uinus Sibiriens. A 1/ K A R ï K H« i mine de Karikhkoï, produisent une quantité de belles plantes. J'y remarquai entr'au; res la valériane des rochers ( i ) , le pavot à tige nue (2) , la potentilie soyeuse ( 3 ) , l'astragale à feuilles huilées ( 4 ) > V& av01t encore des fleurs tardives isolées « le sainfoin à grandes fleurs (5), le caragaii pygmée (6) , ie tussilage de Sibérie (7), et la chrysanthème arctique (8). On donne ici par mépris le nom de Shidovnick (9) au petit robinia , parce qu'il croît abondamment près des fosses et puits de mines , et parce quo les mineurs se déchirent souvent les mains à ses épines. Je restai ici quelques jours pour récolter les graines des superbes plantes de cette contrée , et pour examiner les travaux des mines du voi- sinage. Celle où. l'on a établi une auberge est ap- pelée Mine de KarikhKoï ou cVItkoülskoc' ; elle doit ces noms au ruisseau de Karikh, qui coule à trois verstes de-là, et au lac d'Itkotil , (1) Valeriana rupestris. (2,) Papaver nudicaule. (3} Potentilla sericea. (4) Astragalus bullarlus. (5) Hedysarum grandi forum. (6) Robinia pygmea. (7) Tussilago anandria. (8) Chrysanthemum arcticum» {$) Arbuste «les Juifs, K)Ö 177s. 35 E Tot'STOÜ'KOüI qui est plus voisin. C'est lapins riche de toutes les mines de cette contrée , tant par la beauté que par le rapport de ses minerais. D'anciennes fouilles _, très - communes dans les montagnes de Krasnoïarsk , l'ont fait découvrir $ il y reste aussi beaucoup d'anciens tas de scories. Vlas~ siefslcoï , négociant de Verkotourié , l'a mise en exploitation. Il a commencé par faire dé- blayer tout le minerai qui étoit à la surface àa sol , et qui contenoit beaucoup de miïîérai très- martial 5 mais on n'a pas su le fondre. On a trouvé dans ce minerai des nids de pyrites très- riches, îl ne profita point des meilleurs miné- rais tirés de ces travaux , parce que les bateaux qui dévoient les transporter aux forges de l'E- iiisséï furent chargés outre mesure , et coulè- rent bas. Le conseiller Kléopîn vint de cette contrée en 17^9 , et fit travailler à la mine de Karikhkoï pendant un été. Cette mine étant d'un très- riche rapport, au moyen de ses pyrites d'azur, passa au gouvernement ,, avec beaucoup d'au- tres fouilles. On l'abandonna en 1764. Un maî- tre mineur de Brunswick , nommé Mettisch , arriva alors. Il y travailla pendant près d'un an, et, quoique foiblement secondé par un petit nombre de mineurs peu instruits, son exploitation fut très - lucrative. La fosse a été creusée à -peu -près dans le centre , et au nord-ouest d'une montagne assez A tt K A R I ÏC ÎT. 191, élevée et rapide , garnie de mélèzes épars. Cette montagne est composée , en grande partie-, ainsi que toutes celles de cette contrée, situées plus sud - ouest , d'un granit rongeâtre ou de roclie caillouteuse. Cette chaîne de hautes mon- tagnes granitelles tient , au nord , à une mon- tagne blanche , qui la borde par - tout , près de l'Itkoul et du Biîoékoul, et le long de la route , vers les ruisseaux de Tess et d'Icmrba. Cette montagne blanche , qui fait toutes sortes de détours et de sinuosités, constitue le lit des minerais de cette fosse. On a remarqué cette même organisation dans les différentes fouilles qu'on y a faites. Elle donne un minerai très- riche , disposé par nids , et meilleur à la su- perficie du sol que dans les profondeurs 3 il con- siste particulièrement en une belle pyrite vio- lette, ou azurée , ou pâle , verdâtre et jaune , entremêlée quelquefois de gros et riches ro- gnons veinés de vert de montagnes. Ce miné- rai existe dans une roche sauvage ferrugineuse, et s'écaille grossièrement comme des scories. La roche ferrugineuse est si abondante à huit ou neuf toises ^ qu'on fut obligé d'abandonner les travaux. On les avoit poussés à dix toises, et on avoit cherché aies rendre plus utiles par un puits de communication percé dans la mon-, tagne. L'exploitation de cette mine cessa donc la même année. Quand les ouvriers arrivèrent à ce conduit de communication, le minerai TX)'2 I772. DE ToUSTOUKOUt et Ja montagne Hanche disparurent. On a tiré cl® cette fosse plusieurs milliers de pou ds de miné- rai; une grande partie consistoit , comme nous l'avons vu, en riches pyrites. Ces pyrites ren- cloient , à l'essai , tantôt vingt - deux pouds et demi de cuivre, et trois livres soixante - deux zolotniks d'argent par cent pouds de minerai ; et tantôt , sur un poud de minerai , trente li- vres de matte crue , dont on tiroit quinze li- vres de cuivre en rosette > neuf zolotniks d'ar- gent , et des traces assez sensibles de parti- cules orifères, qui se sont sans doute minéra- lisées dans ces pyrites. Le plus pauvre minerai ferrugineux, exploité dans les profondeurs, a donné, à l'essai, quinze pouds de matte crue , vingt pouds de cuivre, et vingt-cinq zolotniks d'argent sur cent pouds de minerai. Un autre minerai gris , légèrement imprégné de pyrites , tiré de cette exploitation , contenoit douze 11-' vres et demie de cuivre , et cinquante zolotniks d'argent. Il se forme sur les riches pyrites , qui sont a la superficie du sol , une forte efflorescence noire comme le charbon. Cette efflorescence , composée d'aiguilles très-fines et très-deliées tombe facilement en poussière. Elle est d'ailleurs très - pesante , et renferme probablement des particules d'argent. On trouve , à environ quatre verstes , en ligne droite de la cantine établie près de cetic mine , A tr K A R I K H. ï naine, et vers la source du Karikh 9 un puits de mine assez profond., nommé j,a Fosse du Maître Mineur. On a discontinué les tra- vaux sans' y avoir entrepris aucune poussée- Cette fosse et lamine de Nagornoï sont situées sur une côte élevée et rapide,, qui présente un angle de rochers nus. Du côté du nord, un profond vallon sépare cette côte des autres montagnes qui la suivent ; L'autre côté domine sur un vaste fond., qui renferme deux petits lacs et un ruisseau très -étroit^ dont les eaux eoiit abritées par des rives qui s'élèvent beau- coup au -dessus de leur niveau j et c'est ce qui les empêche de geler en hiver. Ce ruisseau traverse les deux lacs , et se jette dans le Ka- rikh. La montagne est entièrement composée de granit. La gangue, sur laquelle on a poussé les travaux , s'étend perpendiculairement en- tre l'est et le sud. Le maître mineur de ce canton l'a découverte en 1759 sous Kléopin» par le moyen de deux fouilles. On a creusé, en 1769,- eritre ces deux fouilles , des profondeurs sur la gangue pendant trois ou quatre mois. On a fait aussi des fouilles au pied de la mon- tagne , dans le vallon situé au nord, ainsi que: de l'autre côté vers les petits lacs dont j'ai, parlé. On s'est assuré par-là que cette gangue, qvii a à-peu-près une toise d'épaisseur , tra- verse la côte, et file à plus de trois versteh • Tome VI. N iç4 *77%» ©b KouSTOuiovt Les minerais qu'on a tires ont peu produit , et ne compensent pas les travaux d'exploita- tion , qui se font, en grande partie, au pé- tard. Ces minerais consistent princiDalement en une pyrite blanche , distribuée en général par cubes dans du quartz. On a trouvé aussi , au moyen de cette pyrite , un minerai d'ocre brun et en druses , et une roche en grain d'un brun tirant sur le noir. Elle y abonde , et n'est au- tre chose qu'une mine de fer en grenats, de la nature de la sélénite. Elle a d'ailleurs la fausse apparence d'une mine d'étain. On m'a assuré que de ces minerais , la pyrite seule ren- doit environ huit pour cent en cuivre; et dans les essais , elle a donné un quart de zolotnik d'argent par poud. Dans le cas où l'on décou- vriroit des minerais secs dans cette contrée, et Ou l'on y établirait des forges pour les fondre , cette pyrite pourroit servir d'alliage. Le mi- nerai d'ocre n'est que ferrugineux. On n'a pas remarqué qu'il contînt des métaux fins. La ma- tière , qui ressemble à des grains d'étain, n'a rendu, dans les meilleurs essais^ qu'une simple grenaille de fer. La mine de Nagornoï est à cent quarante toises de la mine du maître mineur, mais plus à l'ouest , sur la pointe la plus élevée et la plus avancée de cette montagne, et à l'endroit où elle s'incline avec rapidité vers les vallons. On y a travaillé pendant l'été de iy5^t sous AU KariKH. tçS. la direction du conseiller Klëopin ; mais Vla?- siefskoï , négociant, y avoit déjà fait une fouille. M. Kléupin creusa à trois toises de pro- fondeur sur le filon de la gangue. Les tra- vaux ont été abandonnées depuis ce teins- là t et Ton a commencé, cette année, à faire des poussées dans la profondeur. J'y ai trouva plusieurs ouvriers. On découvre à la superficie du sol une gangue de quartz de plus d'une toise de largeur , qui file à Tonest. Ce quartz contient un minerai d/ocre brun , et un inulm jaune, avec du vert de montagne, par drnses, ou concentrés dans les crevasses. Ces minerais ont rendu , dans les essais , deux à trois zoîoN niks d'argent par cent pouds. En lavant ce mi- nerai pour le trier , on voit un schliscfi subtil , blaue et savonneux 7 qui tient sans doute de la mine de plomb blanche. Il s'en détache fa- cilement, et devient plomb, pour peu qu'on le grille. On n'y a découvert aucunes particules ori£èxes 5 et il ne faut pas même fonder de grandes espérances sur ce minerai , parce que les simples nids d'ocre, dispersés dans les montagnes de la Sibérie, n'ont point de conti- nuité dans les profondeurs , et leurs métaux n'y deviennent pas meilleurs qu'à ia superficie du sol. > Au sud - est , et à deux verstes environ de cette fosse, est située la mine de Sastoupofs- koï, sur les montagnes parallèles» Les anciennes 1()6 lyj7.. Dû KoTJSTOüKOÜt fouilles 5 qui ont donné lieu à son exploita- tion , furent d'abord découvertes par M. Vlas- siefskoï. Ce négociant eu a tiré beaucoup de ininérai , et quinze mille pouds de pyrites d'a- zur , qui étoieîit à la superficie du sol. On rencontre la pyrite , sur la gauche , près d'une gangue' de fer \ épaisse de plus d'une ar- chine , et bordée , à droite , par une pierre .sèche et marneuse. Cette marne renferme des rognons noirs , composés de blende et de fer en grenats. Le meilleur minerai de cette mine , mêlé de vert de montagne, d'azur et de py- rites violettes, a rendu/ à l'essai, cinquante livres de cuivre , etvingr-cinqzolotniks d'argent sûr cent pouds. Cette mine ne sera pas épuisée de si-tôt: On voit trois autres fouilles plus au 'nord, à environ deux verstes de la dernière mine, et par conséquent plus près du lac d'Itkoul et de la mine de Karikhkoï , au-delà d'un petit ruisseau qui prend sa source dans un marais', et se perd dans la terré à l'extrémité orientale de ritkbul. Ces trois fouilles , marquées nes î , 3i , et 3a, sont voisines. On y a trouvé une belle pyrite d'azur dans une roche grise et gra- veleuse à la superficie du sol. Quoique la fouille , n°. 3s , qui est la plus méridionale , ait été poussée à trois toises de profondeur , on n'a rien rencontré dans le fond. La mine d'Iourbinskoï est le seul de tons A il K A R I K H. Î97 les Nouveaux travaux entrepris dans ces mon- tagnes qui mérite d'être cité. Elle est située à dix - huit verstes du Kariîdi, dans la monta- gne granitelle qui borde la partie supérieure du ruisseau d'Iourba* On y pousse encore les travaux sur une gangue de quartz , mêlé de vert de montagne , d'une toise d'épaisseur 5 elle est bordée d'un mulm brun un peuorifère, dont le filon a de trois à huit verschoîcs d'é- paisseur. Des mineurs en ont commencé l'ex- ploitation , il y a fort long » tems. Cent pouds de ce mulm rendent de deux et demi à trois zolotniks de schlisch d?or ; le minerai de quartz fournit vingt- trois livres de cuivre > et six zo- lotniks d'argent par cent pouds. On y trouve aussi une ocre jaune, mélangée de vert , qui produit vingt - cinq zolotniks d'argent, et une ocre ferrugineuse qui en donne deux. On voit , entre lTious et l'Iourba, plusieurs autres fouilles entreprises sur d'anciens indices- de travaux minéralogiques f mais sans y trou- ver de vraie gangue, ni pouvoir espérer une exploitation qui compensât les travaux. Je suis convaincu que si Ton entreprenoit des fouilles bien ordonnées, avec de bons mineurs et les ouvriers nécessaires , il y auroit d'excellentes découvertes minéralogiques à faire dans cette contrée. La plupart des fouilles faites jusqu'à présent ne consistent que dans des nids à la superficie du sol t ou dans de petites gangues N 3 de pyrites, de quartz;, et 8 verstes. — Ruisseau de TW.S. — Ruisseau de Kooca , 35 verst. — Ruisseau de Bidsha^ i5 verst. — Ruisseau de Karassouk > 1.0 verst. — Rivière & Ouibat , i5 verstes. Un interprète Tatar , que pavois demandé à la chancellerie d'Abakansk, arriva le ier sep- tembre au matin , et je partis aussi-tôt. Je suivis jusqu'au ruisseau de Ssoon la même route que j'avois tenue au printems. On passe près d'un petit lac rond , situé derrière la mon- tagne , qui renferme la mine de Karikhkoï | les Tatars l'appellent Batéérékoul. Celui de Schirakoul , qui est un peu saumâtre , reçoit le Ssoon. Je vis , sur les bords de ce ruisseau 9 le peuplier baumier , et plusieurs jolis saules de montagnes qu'on rencontre près des rivières de la Daourie. En quittant le Ssoon , je dirigeai ma route au sud vers l'Iôurba. Je voyageai d'abord entr® des montagnes nues, où je vis l'orcanette sim- ple (1) , qui croit avec autant d'abondance sur (1) O nos ma simplex, N 4 / 'âôo îyjz. n tf Kl r ï>.k H les montagnes du Basi et vers l'Abakan , où elle vient d'une hauteur extraordinaire. On ne îa voit .plus dès que l'on s'avance vers l'est au- delà de l'Enisséï. L'espèce à racine rouge (i), que nos botanistes appellent Orcakette vipé- rine^ disparoît aussi entièrement. Elles crois- sent cependant toutes deux dans les contrées de la Daourie , dont le sol est semblable à ce- lui-ci. Vers le ruisseau d'Iourba , la montagne s'élève et se couvre de forêts de mélèzes. J'at- teignis ce ruisseau près d'une place habitée communément par de pauvres Tatars de Kaï- din , qui y établissent leurs iourtens (2). Cette petite tribu dépend aussi du Baschlik ou chef des tribus cV ' Arintzi , et de Tin ski , qui ont toutes trois embrassé le christianisme. Une par- tie de ces" tribus.,, réunies sous le nom généri- que d'ïsâRiNTZi , s'est transplantée , depuis plu- sieurs années ,, près des ruisseaux de Tess et (î) Onosrna echioïdes. (2) lourt , lourd, Orta, Ortou ; ce mot se retrouve dans tons-'les idiomes Tatars ; en «Titrk , en Persan, et désigne une chambre, une tente, &, par extension, une peuplade ? • une horde- \ car il est- aisé de; -voir que ce mot L;mçois est dérivé du Tatar, li y a quelques, nuances entre les mots lourt , aï male .et Oulouss , quoiauils désignent toujours une peu- pîade Tafare plus ou moins considérable, j'ai donné des dé- tails sur ces mots1 dans les no tes3 de nia iraUifc!tion excepté quelques concrétions stalactiques en grappes , et toutes sortes de gros ossemens d'a- nimaux. Nos conducteurs prétendirent qu'ils provenoient de victimes immolées dans cette place par des peuples idolâtres. Les plantes in- téressantes du voisinage de cette montagne sont la primeverre cortusoïde (1), lemyosote des ro- chers (2), le dryas à cinq pétales ( 3 ) , l'astra- gale à vessie (4) , et l'axyris hybride (5) 5 ce der- nier me parut être une variété dégénérée de l'axyris bâtard (6). (1) Prlmula cortusoides. (2,) Myosotis rupesrrls. Appendix, n°. 2.8 a. (3) Dryas pentapetala. Appendix , n°. 33?. Dryas anemonoides. (4) Astragalus veslcarius. Appendix, n°, 37p. (5) Axyrls hy brida. (6) Axyrls amarancoldes» *o4 1772. B tr K A R I K H J'atteignis , vers midi , le premier des trois pe-r tits ruisseaux , nommés Kossoki (1) , qui forme le Koxa. Il coule, à l'est, vers l'Enisséï , et s'y jette presque en face d'Abankansk. Un Tatar de Katscliintzi , appelé Schelguzn , a construit une maison et établi une tannerie près de ce ruisseau. Je trouvai, près du second et du troisième, Kossoxha , des lourtens deTatars de Katscliintzi ; mais ils ne purent nous fournir les relais nécessaires. Il existe deux cavernes dans la montagne calcaire près du premier ruisseau. L'une s'é- tend à quatre-vingts toises dans la montagne avec trois gradins \ mais elle n'offre qu'une belle s-talacdte de cristaux calcaires jaunes en forme de rayons , qni se réunissent au centre. On m'a apporté d'une caverne , située à envi- ron quatre verstes de la maison de Sclielguiii , et près du ruisseau de Koxa,, une jolie moro- cliite (2) à facettes ondées et en feuilles. Elle est un peu flexible, ressemble parfaitement à du cuir fossile ? et repose dans le bas de la ca- verne sur une argile marneuse. Arrivés au bras intermédiaire du Koxa , nous ne vîmes presque plus de bois 5 nous atteignî- mes le troisième Kossokha , après avoir traversé jme montagne fort unie. La pente des éléya- (1) Ruisseaux de première source. (2,) Morochius, tions , situées près de ce troisième ruisseau , offre les restes cle l'ancienne mine de Koksins- koï. On a creuse un canal profond , et un puits" sur une gangue , qui file , à l'est , dans une roche de schiste, entassée par débris. Les miné» rais ne contenoient que du cuivre. Ces travaux ont été abandonnés en même tems que ceux de la forge de Loukasi. En quittant ie bras du Ivoxa , qui coule au sud-, je traversai, sur la brune • , le petit ruis- seau de Sibberdshoul , et passai des steppes arides, élevés et remnii-s de collines. J'arrivai au ruisseau de Bidsha, qui serpente vers TE- nisséï. J'atteignis, à environ dix v erstes du Bidsha , le Karassouk , qui coule dans un large fond très-sauiii&tr.e , et se jette dans un lac sa- lin. La contrée varie ici très-sensiblement ; elle devient presqu' aussi aride et saline que le dé- sert occidental de la Tatarie, situé entre ie Volga et Plaïk. Ayant appris qu'il existoit' plu- sieurs lacs salins au-delà du Karassouk , je fis halte dans la nuit. J'attendis le jour près d'un feu fait avec de petits branchages de saules. Du Karassouk à i'Ouibat, jene trouvai plus que des déserts argileux , couverts d'herbages arides , d'absinthe saline , et de plusieurs plantes chétives , parmi lesquelles je distinguai le li- seron cantabrique (i). il existe , près du Ka- (ï) Çonvolvulas cantabrisa* 2o6 ijji. du Karikk rassouk , deux lacs très-salins , séparés par une élévation. L'Guetschkoul , situé sur la droite , est assez considérable ; le Kisitkoul, qui coule sur la gauche , est beaucoup plus petit : ses eaux paroissent rougeâtres. Le bassin du pre- mier est entouré de rochers, dont les couches sont presque perpendiculaires $ la nitraire (1) y et l'épinard sauvage (2) croissent dans les in- tervalles des couches. On voit beaucoup de tom- bes anciennes sur la hauteur qui l'environne 5 elles sont garnies de gros morceaux de rocs. J'atteignis i'Ouibat vers les dix heures. Les rives du lac , voisin de cette rivière > sont blan- chies parles particules salines qui les couvrent 5 c'est la raison pour laquelle les Tatars l'appel- lent Akkoul (3). Je m'arrêtai, pour relayer, aux lourtens que des Tatars de Katschintzi ont éta- blis près de ce lac ; car j'avois encore les che- vaux qui m'avoient été fournis près de l'Iourba. L'on découvre ici la montugne d'Isik , au pied de laquelle I'Ouibat se décharge dans l'A- bakan. Cette petite rivière sert à-peu -près de limites entre la contrée que se sont appropriée les tribus de Katschaitzi^ sous la dépendance de Krasno'îarsk et le territoire des Tatars Sa- gaïks , qui payent leur tribut à Kousnezk. Le (1) Nltraria. (i) Spinacia fera. (3) Eau blanche. % L ' O U I E A T. Ä07 Steppe , qui borde l'Ouibat à droite et à gau- che , est très-chaud, même en hiver, à cause des montagnes qui l'abritent, et il y séjourne peu de neige. Cette température agréable en- gage les plus riches de ces Tatars à s'y trans- porter sur l' arrière-saison avec leurs tronpeaux, parce que cette contrée leur offre d'excellens pâturages d'hiver. Les Sagaïks occupent la rive droite des ruisseaux qui viennent du sud pour se décharger dans l'Ouibat. Les Tatars.de Kat- schintzi prennent au contraire toute la rive gauche. Ces steppes sont remplis d'anciennes tombes dans plusieurs endroits : ce qui prouve que les peuples, qui habitoient jadis ces con- trées , tiroient également parti du site avanta- geux de ces landes pour leurs troupeaux. Dès qu'on eut rassemblé les chevaux néces- saires , je continuai ma route en traversant l'Ouibat , et tirant par les landes de Sagaï vers le petit Sir. Je trouvai , dans la campagne éle- vée , quantité de stellaire - dicliotome ( 1 ) à feuilles et à tiges glutineuses. Cet:e plante , qui croit aussi en Daourie , formoit des bou- quets en boule ; mais les plants étoient pres- que desséchés, et le vent les portoit au loin dans la lande , comme toutes les autres plantes des steppes dont j'ai fait mention dans mon précédent voyage. Cette stellaire se sème, par. (j) Stellaria dichotoma» 5o8 f/JI. DE l'OüIBAT ce moyen, d'autant plus sûrement, que les calices desséchés tiennent les grosses graines si concentrées , que Ton a de la peine à les en tirer. La nature a outre cela formé ces pédon- Cules de manière à se courber si fortement après la floraison , qu'ils figurent le coude. Il paroît qu'elle a cherché , par ce moyen , à em- pêcher que les pédoncules ne tinssent à se bri- ser trop aisément, tandis que la plante seroit' entraînée par le vent , et rouleroit sur h. terre. Les bas-fonds de ces contrées sont su- perbes 3 et produisent une multitude de fleurs >: mil ; dans la saison j offrent le coup - d'oeil le plus agréable, ils etoient couverts d'ail obli- que (1). La sarrette centauroïde (2) y croît aussi abondamment. Cette superbe lande , où je traversai d'ahord le Bei, qui coule vers 'le Néna , et qui se dé- charge un peu plus loin dans l'Ouibat , se ré- trécit peu-à-peu entre deux montagnes , et ne forme insensiblement quïuii très - petit vallon.' J'atteignis, vers la nuit , dans ce même vallon ,- à environ vin st-huit v erstes de l'Ouibat. le mis- seau de Kamyschti, où nous fûmes obligés de chercher un passage, à cause de ses rives ma- récageuses. Nous passâmes ensuite une mon- tagne nue , et parvînmes assez tard au Kyts- (1) Allium obliquant* (i) Serracula ceiuaurûidcs* CHYK- jl tr Te k<; äo g. sur - Sir ( i ) , où je passai la nuit dans les iourtens que les Tatars Sagaïks venaient d'é- tablir. S. X Y. D JE i'O UIBÂT AU Tq M. Du 3 au 5 septembre, "Ruisseau de Kitschi- Sir , 35 verst. — Mines de Syr'mskyé. — Ruisseau d' ' Oulou-Sir. — » Basifiskié-GorL — - Iourtens de Tatars Sa- gaïks > près du ruisseau de BasL — Oust- jlskischkac-Sél o , i5 v. — * Tatars Sagaïks* •— - Oustaskischkoï- Sélo. * — Route le long du Tom. ■- Nous avions laissé sur notre droite le ruis- ëéau de Nérja ou Nina. A peu de distance de son embouchure , et à trente-cinq verstes en- viron du Syr , est un village Russe > appelé SinayîxA; habité par quelques paysans de Kouznezk. On trouve y à douze verstes de ce village , une montagne que les Tatars nom- ment Témir (2). Elle est pleine de nids d'ocre renfermés dans une roche blanche. Les anciens »■■» I - ■ u. -. .1 ■ 1, ■ 1 ■■ ■ ( 1 ) Kytschy ou Kytschyk , en Tatar signifie grand ; oulou , qui s'écrit aussi oulough , grand , vieux ; oulougli- àeyg , le grand prince : c'est le nom d'un petit— fils de Timour [Tamerlan], célèbre par son amour pour les sciences, et jnême par ses conncîssances en astronomie. ( Langlés. ) (i) Fer. &m ri. o Tatars y exploitaient volontiers, parce que les ocres , à la superficie du sol , étoient sans doute un peu orifères. Le Kouïourn > antre monta- gne située à trois verstes du Ternir , vers le ruisseau de Dsliakdour, est de môme nature. On a entrepris récemment de nouvelles fouilles dans ces montagnes , qui sont toutes deux rem- plies de minerais; néanmoins les ocres qui res- tent n'y sont, pour la plupart, que ferrugi- neuses^ et les cuivreuses, qui renferment un peu d'argent , ont été trouvées d'un foible rap- port. Dans les travaux qu'on y a entrepris, l'on a rencontré des poussées de mines et de con- duits , qui étoient si étroits , qu'à peine un. en- fant pou voit s'y glisser le ventre contre terre. Peut-être ces conduits se sont- ils rétrécis par l'affaissement du terrain : ce qu'on doit même présumer par le nombre d'années qui se sont écoulées depuis les anciennes exploitations. En- tre le Nina et le Syr, nous rencontrâmes , sur motre droite, un lac remarquable, que les Ta- tars nomment le Boula m y - Koul. Ils racon- tent qu'on y entend des espèces de hurlemens, en hiver , avant qu'il se gèle. Dans les envi- rons de ce lac, est une montagne ,'ou ces Ta- tars déposent, en passant ^quelques petits bran- chages d'arbres , ou autres bagatelles en forme xl'offrande ; cet usage est assez général parmi les peuples idolâtres de la Sibérie(i). (ï) On a déjà pu observer que cet usage étoit général iL u T o m! an Le loftg du petit ruisseau de Syr , tout près et au nord des iourtcns , où je passai la nuit , se trouve une montagne primitive en forme.de promontoire , étroite et rapide. Elle est com- posée d'une roche rouge , tachetée de blanc , à travers laquelle on découvre, à la superficie du sol , quantité de gangues de cuivre étroites % qui filent toutes au couchant , et qui ont dans leur chevet une lisière de quartz. L'on tiroit tout simplement le minerai de la superficie du sol, et on le faisoit rouler au bas de la mon- tagne. Je vis sur cette côte de rochers quantité de ballotte laineuse (i) ; le caragan pygmée (2) venoit entre les rochers même avec des jets de la grosseur du bras , et à plus de cinq pieds de" hauteur. J'en ai rencontré de pareils dans les montagnes qui bordent l'Oulou , Syr et l'Aba- kan , principalement sur les rochers escarpés , où ils ne risquent point d'être endommagés par, le feu qu'on met aux steppes. Cet arbuste ne pousse communément que des jets fort minces de la hauteur d'une aune. J'apperçus encore ici une variété de la chataire (3) à feuilles dé- ■ ■ 1 . " '■ "'■'■ ■ * ■'■ ■ ■ ' i 1 - ■■ parmi les sectateurs du iamisme. On trouve, chez les peuples idolâtres de la ^ibérie, plusieurs idées et cérémonies de cette religion , à la vérité très-altérées , mais non dénaturées au point d'être méconnoissables. ( Langlès. ) (1) Ballote lanata, (z) Robinia pygmea. (3) Nepeta multifida* o i &12 IJJ%. DE t- Ö C î B à. Y Coupées en ailes , qui ressembloient à celles dé la. véronique d'Autriche (1), et de la ver- veine (2). Il y a entre le petit et le grand Syr , qui ae déchargent dans l'Abakan , une montagne roupe cle nature de roche sablonneuse , et pleine de gangues de cuivre. On y voit quantité de fouil- les j, et entr'autres cinq puits , quifournissoient autrefois lés minerais qu'on mettoit en fente dans les forges de Lonkasi. Du petit ruisseau de Syr, je passai au grand, en traversant un vallon qui coupe la chaîne de montagnes. Les couches de rochers, à gauche ? sont disposées par tas, et s'inclinent avec rapidité au nord- ouest à droite» Parvenus à-peu-près vers le mi- lieu du vallon , nous rencontrâmes Une fosse où l'on a poussé les travaux sur une masse de îiiinérai de cuivre vert; elle a plus de cinq brasses métalliques d'épaisseur. En général ces minerais ne contiennent pas la moindre parti- cule d'argent. On a abandonné ces mines, ainsi que celles dont j'ai parlé plus haut. Il y avoit prés du grand Syr beaucoup d'iour- tens de Tatars Sagaïks. J'appris qu'ils a voient parmi eux un Kahm, ou magicien très-re- nommé , qui s'appeloit Outschilaï. Quoiqu'il eûtune jambe de bois , il n'y avoit pas de cabris qui fît de plus jolis sauts , lorsqu'il étoit animé .in«! miw >»■— i<«wi«i çBmqgm—m (1) Veron'ica austriaca, (r) ? erbena* a. tr T • o m# ■ üti.3 tkins ses fonctions négromanes. On ne le trouva pas chez lui , du moins on vint me dire qu'il n'y étoit point. Peut-être n'avoit-il pas envie d'exer- cer son art devant moi. Je me fis néanmoins apporter son tambour magique , qui passoit pour un instrument superbe. Il avoitau moins une aune de diamètre 5 il étoit peint en vert et en rouge. Quant à sa forme et autres acces- soires , on peut consulter la planche XXI , où il est fidèlement représenté. La pièce princi- pale du costume de ce magicien ne consistait que dans un bonnet r dont on verra la forme sur la même planche. Ce bonnet étoit de drap rouge , garni de peau de renard ? orné , dans le haut , de têtes de serpens et de plumes de chouettes, et bordé de bandelettes d'étoffes , d'hermines , et antres chos.es semblables. Ces magiciens conservent d'ailleurs le costume or- dinaire lorsqu'ils sont en fonctions. Néanmoins pour bien connoître la différence de leur ac- coutrement d'avec celui de leurs autres con- frères , j'ai donné f sur la même planche , le dessin d'un magicien des Tatars de Kamas- chinzi. Il a une robe garnie de petites plaques de fer > et une casaque avec des cornes. [Voyez ■figure BC. ] Je puis répondre de la fidélité de ce costume , comme ayant eu occasion d'en ti- rer un dessin exact sur un habit complet que je vis. à Krasnoïarsk. On m'apporta avec lé tambour et le bonnet de âT4 \JJ1. f> S X* O Ü I B A T ce magicien Sagaïk, une espèce de fagot composé de seize petits bâtons d'une espèce de jonc, tous de la longueur d'environ quatre pouces, et égale- ment brûlés aux deux extrémités. C'est un de leurs instrurnens; ils le nomment Su g gé. Assis de- vant le feu , lorsau'ils vous disent la bonne aven- ture, ils prennent ce fagot de la main gaucho, marmotent quelques paroles , et tiennent ensuite les extrémités du fagot dans le feu, en faisant à haute voix quelques imprécations dans l'air. Ils le divisent ensuite en trois parties qu'ils pla- cent entre les doigts de la main , en défalquent un certain nombre , quatre par quatre., et com- binent d'après celui qui leur reste , des prédic- tions heureuses ou malheureuses. Je remontai le grand Syr à quelque distance ; et après avoir passé un bras de ce ruisseau^ j'escaladai la montagne de Basi, qui est aussi raoide qu'élevée : elle sert de limite entre les ruisseaux de Syr et de Basi ; il paroît qu'elle étoit autrefois d'un bien plus grand rapport en cuivre que celle deSyrshé. Il y avoit trois fosses majeures dont l'une produisoit un minerai py- riteux renfermé dans du quartz , et les autres en fournissoient de verts de qualité ordi- naire. La route qui traverse cette montagne est très- pénible. Je vis dans la partie dont le fond est composé de gravier, fastragaloïcle hérissée (i) , > ' ■ • ,r' • • — ** ' ' " " ' ' * ' (i) Phaca murlcatcu a tr Tom. 2i5 qui ne croît cependant que par places, beau- coup de sarette saule (1) , l'orcanette simple (2) , le sainfoin, à grandes fleurs (3) , et plusieurs as- tragales (4). La bosse la plus baute de cette montagne est garnie de bois de mélèses et de bouleaux, où l'astragaloïde des Alpes (5) est très-commune. Au milieu de cette forêt s'élèvent de liantes pointes de rochers couverts , dans plusieurs places , de dryas à cinq pétales (6). Il y croît en niême- tems d'autres belles plantes de montagnes. On passe de cette élévation vers le ruisseau de Basi, à travers un vallon étroit^ ou, pour mieux dire , un ravin , où nos voitures nous donnèrent beau- coup de peine parce qu'il n'y a pas de route frayée. Nous trouvâmes aussi sur ces rochers, la grande espèce d'ail de montagne , à feuilles de narcisse (7) , et un rosier sauvage à fruits rouges et épineux, qui paroissent êtse dans. leur vraie patrie. Entre ce ravin et un autre à l'endroit où le vallon s'élargit vers le Basi, une montagne ra- (1) S er ravala sali ci ni a. (i) Onosma simplex. (3) Hedysarum grandiflorum. Appendix , n0.. 367, (4) Astragal'u (5) Phaca alpina. (6) Dryas pentapetala, (7) Allium senescens* O A %\6 1772. DE L ? 0 TT ï B À T picle se présente en forme de promontoire étroit., îl y a dans cette montagne une forte gangue de cuivre riche dans sa superficie , qui file de l'ouest à l'est, et s'élargit des deux côtés. Elle ne perce cependant pas tout-à-fait jusquesdans le fond des valions. On y a poussé les travaux a fond. Nous avons vu de pareilles situations de gangues de minerai qui traversent des an- gles étroits de montagnes, dans les mines de Syrinski, et près de la fosse appelée celle du maître mineur. Cette mine, dont je viens de parler , présente les travaux les plus consido- râbles qu'on ait entrepris dans les montagnes de Basinski. Les minerais de enivre vert qu'on rencontroit dans cet angle, étoient dans une roche grise, quoique les montagnes des alen- tours soient constituées d'une roche sableuse rouge, dont les couGÎies tombent, autant qu'on peut le voir dans les profondeurs à l'est. Le cabaret qui servoit aux mineurs jadis employés à cette exploitation ^ est situé dans le large vallon qui est en face. On y employoit , dans de cer- tains tems , jusqu'à deux cents ouvriers : les che- vaux-de-frise établis pour leur sûreté subsistent encore. En sortant de ce vallon , nous côtoyâmes le ruisseau de Basi, à quelques verstes en des- cendant jusqu'aux iourtens établies dans cette * contrée. Elles y sont nombreuses, mais isolées une à une. J'y fis rassembler le nombre de chevaux qu'il nous fallait pour relayer. A H T O *ï. 217 Le ruisseau de Basi descend entre deux mon- tagnes qui se perdent en côtes douces vers l'Ars- kysch , où le Basi se décharge. Il croît le long du Basi et des ruisseaux de l'Abakan , de la chataire violette (1) qui est très- abondante dans tous les endroits bas. On y voit aussi la lavande de la plus grande espèce. Pendant qu'on attelait nos chevaux, je m'a- musai à voir les tours d'un autre magicien Sa- gaïk qui se nommoit Stepan (nom Russe). Il auroit encore refusé de nous montrer ses talens , si mes gens n'eussent découvert par hasard, son tambour magique qu'il avoit caché dans une autre iourten. C'étoit un jeune homme plein de vivacité : il se mit d'abord à jouer de son. tambour, tantôt assis, tantôt à genoux devant le feu , en proférant ses imprécations d'une voix assez forte. A mesure qu'il alloit , ses sons de voix devenoient plus effrayans et ses contorsions plus agitées : il se renversa ensuite en arrière avec convulsion , en formant l'arc , le der- rière de la tête et les talons posés contre terre, sans que le corps y touchât, il se tortilla à plu- sieurs reprises , le corps toujours dans cette po- sition , de manière que son tambour , dont il ne discontinuoit pas de jouer, se trouva sous l'arc formé par son corps qu'il tournoit à vo- lonté, tenant l'équilibre, tantôt sur la pointe (1) Nepeta violacé a* 21 8 Î77-* »•'* L ? O U I B À T des pieds, tantôt sur le talon et tantôt sur la tête. Cet exercice, aussi remarquable que péni- ble , fut répété à plusieurs reprises, et c'est ce que je vis de mieux dans ses tours. Je continuai ma route ce jour-là en descendant le Basi et l'Arkysch , jusqu'à une église qu'on a bâtie, il y a un an, dans cette charmante cpntrée 5 elle sert de paroisse aux Tatars Sa- gaïks qui sont convertis au Christianisme. On a construit près de cette église des maisons pour loger les prêtres et le Baschlyk ou chef des Faquirs (1), qui se nomme Auron, et s'est fait baptiser il y a nombre d'années. Le prêtre <*[ui dessert cette église dépend d'Âbakamsk , quoique la tribu de Sagaï soit de la Jurisdiction de Kousnezk. Les Sagaïks baptisés sont assez nombreux; ils n'ont cependant contribué qu'en partie à la construction de l'église et à l'en- tretien du prêtre desservant^ parce que ceux qui sont encore idolâtres et attachés à leurs ma- giciens, y ont aussi apporté du leur. Plusieurs ont commencé à s'adonnera l'agriculture ; néan- (i) J'ignore pourquoi notre voyageur emploie ici ce mot arabe, qui signifie proprement, indigent* , pauvre •', et qui désigne aussi anè espèce de moines mendians de la religion musulmane. îl n'est cependant question ici que du christia- nisme, et d'une idolâtrie qui conserve encore quelques traces du lamisme; je doute k tome que les Tatars Sagaïks aient quelque idée de la religion de Mohhammed. {Langlès. ) AU T O MES 239 moins il n'y a pas lieu d'espérer qu'ils se dé- terminent à mener une "vie tranquille, et qu'ils s'habituent à un domicile permanent. Etant assez riches en bétail , ils se transportent en été , avec leurs troupeaux, dans les montagnes fraîches qui bordent Y Arkysch , le Basi , le Syr , le Nina et l'Ouïbat, et reviennent en hiver dans les superbes steppes qui avoisinent Abakan, où. l'on ne voit presque point de 'neige. Ce peuple ne consiste que dans cent cinquante hommes qui payent I'Iassac , ou tribut , qui monte à trois roubles par flèche, c'est-à-dire, par homme armé. Les Sagaïks diffèrent beaucoup des Tatars de Katschintzi , en ce qui concerne les traits de la figure et leur constitution physique \ iis res- semblent , au contraire , beaucoup en cela aux Beltires et aux autres Tatars qui habitent les montagnes de Kousnezk , c'est-à-dire qu'on ren- contre rarement parmi eux, des visages où il y ait des traits de Kalmouks 5 les leurs sont, au contraire , Tatars bien caractérisés sans qu'on y apperçoive aucun mélange : ils ont la barbe très-forte , et sont très-velus sur le corps , plus grands et plus nerveux que les Tatars de Kats- chintzi. On pourroit même croire que ces peu- plades habitant des contrées sauvages et mon- tagneuses ont su se préserver du mclan.ee du sang Mongol qui existe généralement , à ne pou- voir s'y tromper, dans les tribus des Tatars , de Katschintzi. â#?> ïyji. C E l' O U I B A T Les Sagaïks les plus riches possèdent de quatre* ■vingt à cent chevaux , autant de vaches et quelques centaines de moutons. Les pauvres ont tout au plus dix à vingt pièces de gros bétail ce qui suffit à peine à l'entretien d'une famille médiocre m eut- nombreuse parmi ces hahitans des landes» Leurs moutons n'ont, comme ceux des Tatars de l'Ienisseï r que des queues peu chargées de graisse 3 il y en a même qui dif- fèrent peu des moutons de Russie, et ne sont pas beaucoup plus forts qu'eux. Il est étonnant que dans toute la partie de l'Asie située au nord- est, on ne rencontre nulle part la race des moutons Tscherkasses à longue queue, ce sont presque par-tout des moutons à queue en pe- lotie de graisse. Les Tatars-Sagaïks ne cultivent que les grains dont ils ont besoin pour leur consommation. Ils se nourrissent en outre de toutes sortes de racines et de plantes, et ils ont, comme les Toungousses , l'adresse de les tirer des trous des rats des champs qu'ils appellent K o u- x o u M. Pour ne laisser rien à désirer à la curiosité des naturalistes , je vais indiquer et décrire les racines sauvages et autres objets du règne vé- nérai oui servent à la nourriture des Tatars des environs de i'Enisséï et autres tribus assez pau- vres , dispersées dans les montagnes de Kous- nezk. Ils vivent aussi de leurs chasses $ mais AU T O M. 221 leur nourriture la plus ordinaire consiste dans les objets dont je vais parler, et dont ils font selon leurs facultés et leurs goûts , des pro- visions pour l'hiver. Ces plantes sont la vioulte dent de cliien (i); elle croît près d'Abakan, mais en petite quantité , et n'y devient pas très- forte -y Bess est le nom qu'on lui donne le plus souvent. Les Tatars de Tonisk , et ceux qui ha- bitent les montagnes de Kousnezk l'appellent Kandyk. Les Tatars qui demeurent près du Mraza et du Kondoma^ en recueillent beau- coup ; ils choisissent les racines les plus fortes et les plus celles , qu'ils viennent vendre jus- ques près de l'Abakan. Ce sont les femmes qui s'occupent principalement de cette besogne ; elles déterrent ces racines dans le mois de mai , ce qui fait que les Bel tires et les Tatars Sagaïks donnent à cet Erythronium le nom de Bess- ai. Ces racines se trouvent communément à la profondeur d'un empan sous des gazons difficiles à lever , on emploie une bêche ou hou- lette particulière , étroite , et à peu-près de la: forme du soc d'une charrue Russe. Cette hou- lette a un manche courbe,, an bas duquel est un bâton de traverse, ou bien , on y fait un« entaille afin de pouvoir enfoncer avec le pied.r l'instrument dans le gazofi. Après avoir coupé et levé la motte qui renferme la racine, on. —y i 1—» — —m. i i î>» i ■ m ■»■ "M !■' ' « i. i . i i .11 (i) Erythrgnium dens canif* 3£2 Î772. DE I_ ' O U ï B A T secoue facilement la terre avec le bout du man- che. J'ai donné le dessin de cet instrument ( Flanche XCI1I ,ßg. 1 ). Nos botanistes n'en pourr oient pas choisir de plus commode pour déterrer les racines qu'ils récoltent; il n'a crue quatre à cinq empans de longueur, afin que les femmes puissent s'en servir plus commo- dément. On lave ensuite ces racines de Kaîidyk : et après les avoir laissées un peu dans l'eau ., on le s enfile dans un petit cerceau d'écorce d'arbre , et on les met sécher. Lorsque les Tatars veu- lent les manger , ils en font cuire à petits bouillons dans l'eau, jusqu'à ce qu'elles soient molles; ils les assaisonnent ensuite avec du lait ou de la crème. Ces racines ont à peu -près le goût d'une pâte crue, composée de farine de fro- ment , délayée avec des œufs dans de l'eau. C'est, d'ailleurs, un mets assez difficile à digérer. Ils font aussi, usage , comme les Tatars de Katschintzi , des racines de pivoine de Sibérie ; les Tatars l'appellent Eschegnia : ils la récol- tent et la font sécher pour l'hiver. Lorsqu'ils veulent la manger , ils la broyent , et en font une soupe avec de la viande et du gruau : ils nomment ce mets Ou ré. Ils récoltent encore beaucoup de lys marta- gon (1) et pompone (2). Le premier croît dans _______ , " *, ■ Hill. ■■-■ Ml— I (1) Lilium marthgon. (x) Lilium pomponium. . au T o mi ct.i% les bols, l'autre clans toutes les montagnes qui ayoisïnent l'Enisséï. Ces deux espèces de lys y sont très-abondantes. Les Tatars nomment les* oignons du marta.^on Sary-Schep ( 1 ) , et les autres Akyschep (2). Les Beltires appellent le mois de juin Akschep-ai? parce que c'est dans ce mois qu'on récolte le plus de lys blancs : ils en mangent de cruds , et ce qu'ils ont de trop , ils le conservent et le mangent rôti dans les cendres comme des marons, ou bien, ils le font cuire dans de l'eau ? et l'assaisonnent avec du lait et du beurre Les Sag;aïks tirent beaucoup de ces oignons de lys ronges des trous où les souris grises des landes (3) font leurs magasins t, ou bien , ils en récoltent eux- mêmes en se servant de leur Oussouk, instrument dont j'ai parlé plus haut. Les Tatars de ces contrées mangent encore quantité d'autres racines ; savoir : celles desan- guesorbe (Tscheina en Tatar, et Khliebenxa. en Russe) , celles de la fumeterre bulbeuse (Be- xenguir) , celles de la campanule liliflore (4), (Sokdi^iass en Tatar), celles du chardon serratuloïde (5) (Epschoek), celles delà re~ (1) Lys jaunes. (z) Lys blancs. (3) Mus soclalïs. (4) Campanula liliflora. (5) Carduus serratuloides* a&4'! I772.. DE î/ O tf I B A T nouée vivipare (t) (Mouk^sen). Ils mangent même les racines du nénuphar (Sos a kh), dont les sangliers ne sont pas très-friands. On m'a nommé une autre racine (Ouskoun), mais je ne puis en rien dire , n'ayant pu la voir , non plus que de la plante dont elle fait partie. Oh m'a aussi assuré que les pauvres Tatars qui habitent les montagnes ont recours , dans des tems de disette, àl'écorcedu sapin blanc qu'ils appellent Karenschou. Les Tatars préparent aussi , en hiver ,, des merises, Tschoumourt, séchées , ce qui est pour eux un mets délicieux : ils les pilent avec le noyau , et mettent la poudre grossière qui en provient dans du lait. Cette bouillie leui* sert d'entremets. En été , ils mangent toutes sortes de baies fraîchement cueillies et crues. Je ne ferai mention que des principales; telles sont les gratte - culs (Itpiou n) qui viennent sur les rosiers sauvages : ils prennent aussi les jeunes jets et les racines de cet arbuste, et après les avoir coupés en petits morceaux, ils en font une décoction ou infusion qu'ils boivent en guise de thé. Ils font pareillement usage des groseilles rouges , du cassis (Kara et Ki- sil-Gat) , de l'aube-épine (To), du coignassier nain (2) (Oh) et d'une viorne (3) (Scanguesch). (î) Polygonum viviparum. (2) Cotoneasrer, (3) Viburnum o nul us* Ils au Tom/ 22.5' Ils ne font cependant pas grand cas de baies de coignassier nain , parce qu'elles n'ont pas un goût fort agréable. - • Les Beitires et Koibales récoltent dans leurs contrées, et sur-tout près de la rive droite de l'Enisseï , le sarrasin de Sibérie qui croît spon- tanément dans les champs. Ils le nomment KyrlyK. Les Tatars de Kaschinski sèment même ce sarrasin dans les champs Russes qui sont en liaison avec eus , et en récoltent au- tant qu'il- leur en faut pour leur consomma?- tion. Voici la manière dont ils préparent ce gruau qui a un très - bon goût. Faute de four et de moulin, ils mettent ce Kyrlyk crud avec de F eau dans un vase de bois qui a la forme d'un pot étroit et élevé 5 ils le remuent ensuite , afin que les mauvais 'grains surnagent et qu@ l'eau les entraîne. Ils mettent,' après cela, :ce sarrasin nettoyé dans un :säö ëS ä y 'laissent dix: à douze .heures , pour rentier) puis ils le font torréfier sur: le feu dans dès espèces d'écuelles de fer, en le retournant sans discontinuer /jus* qu'à ce que le grain commence à être un peu ferme sous la dent f mais il ne faut pas qu'il soit tout-à- fait sec, parce qu'il deviendront plutôt farine que. gruau quand ils' le pilent dans un mortier fait avec un morceau- de-tronc d'arbre évasé. L'enveloppe se détache si bien par la torré- faction , que le pilon la sépare aisément du grain ; et comme ces enveloppes se rassemblent tome VI. > " %%6 J77Ä' B fi i. ' O TJ I B A T toutes à la superficie , on les enlève en grande partie avec la main, le van achève de purger ce gruau qui acquiert , par cette opération > ;tme couleur jaune un peu transparente, et qui devient beaiicoup plus agréable au goût. Ces Tatars en font ensuite , avec du lait , un mets qu'ils nomment Botschou. Les Sagaïks se servent aussi dans leurs mé- nages , et en médecine, de la lychnide de Cal- cédoine (i) y qui croît ça et là dans les vallons. J?ai déjà jre m arqué que. les bouquets de fleurs de cette plante leur tenoient lieu de savon , ce qui fait que les Eusses, donnent à ces fleurs le nom de Tataeskoï-Mouxlo (z)..' C'est peut-être par cette même raison qu'on les appelle aussi Boiabskaia-Spes (3). Les filles Tatares de cette contrée: se fardent l avec la racine de rorcanette ^vipérine (4) cj^i croît dans les landes , et sur- tout aux environs de l'Abakan et de TEnisseL Elles lui donnent le nom d'iRcursKA:. Les Ta«- tars de l'Enissei et-les Russes font aussi usa^e en médecine , de la sabine, qu'ils appellent Arza ou Ar t s chi N' et du rosage à fleurs blanches (5). Je reviendrai bientôt sur cette • (ï) hyehnis : calcedohic'a. Lés Tatars de Krasnoïarsk ap- pellent cette plante Ot-Säbyn. . ' ". (a) Savon des Tatars. {3) Ornemens des femmes. (4)' Dnosma echioiâes . (i) Rhododendron chrysantfamum. Appendix, n°. 3^3, au Tom. 227 plante. Les Tatars usent intérieurement de la rhubarbe rhapontique (1) que les Beltires nom- ment SsoenÉ , et les Koi baies, Sarapsan. Ils prennent, en guise de thé, la saxifrage à feuilles grasses (2). Les Tatars qui habitent les montagnes se servent avec succès de la décoc- tion astringente de cette plante contre les dé- voiemens et les fièvres. i On. pourroit encore joindre aux plantes dont ces Tatars idolâtres tirent quelqu'avantage , le lin sauvage,, le chanvre - ortie et le robinia, avec les plus simples pédoncules et quatre feuilles sessiles ( 1). Les deux premières leur servent com- me de gros fil dont ils font en grande partie les détentes d'armes qu'ils braquent en automne pour tuer les animaux. Ils préfèrent ce lil aux nerfs des bêtes qu'ils savent , par expérience , être plus susceptibles de se relâcher à l'humi- dité. Le robinia que les Tatars Sagaïks nom- ment Teguenek, leur sert à faire des liens. Ils employent aussi les feuilles d'automne de l'hémerocalle (4) : elles leur servent à se faire des nattes et coussins de selle. On peut même dire qu'ils excellent à les tresser. Ces observations ne concernent que les peu- (1) Rheum rhaponticum, , (z) Saxifraga crassifolia* (3) Robinia pygmœa, (4) Herne roc allis, P a 228 177%' DE l' Olf I BÂT plades Tatares qui demeurent près de FEnisseï; encore faut-il remarquer qu'elles ne font pas toutes usage des plantes dont j'ai parlé. Cela dépend de la nature de la contrée que chacune de ces tribus occupe ., et selon que l'une ou l'autre de ces plantes y est plus ou moins abondante. L'Arskisch est un des plus considérables ruis- seaux qui tombent dans FOust-Abakan : il a sa source en commun avec le Néna , dans la montagne de Kharlegan , dont les cimes éle- vées sont presque toujours couvertes de neiges. Le Kharlegan est continu à une autre mon- tagnequeles Tatars nomment Tom-Basché (i) , parce que le Tom v prend sa première source (2.). Les autres ruisseaux qui se réunissent à PArs- kiscii sont le Basi, le Koï et le Sibra, qui ont pris leurs noms de l'embouchure supérieure à gauche de son cours. Vient ensuite le Baidé qui est à droite, puis FU ou l'Iou, leNandschik et le Silatt, tous trois surla droite. Après cela, on arrive au petit Arskisch , qui est sur la gauche. (1) Source du Tom. (x) Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que le mot Bafck , que nous de/ons écrire Bach , est commun aux prin- cipaux idiomes Tatars dans lefquels il conserve la même signification, et désigne la tête , le chef ',1e principe , la source , &c. ( Langlès* ) AU T O M, 22$ "En remontant le grand Arskisch jusqu'au petit , et en côtoyant celui-ci jusqu'à la montagne d'Outenni-Sin qui est très- élevée , et sur la- quelle les Tatars ß déposent, en passant, par dévotion, de petits branchages d'arbres, on trouve une route qui conduit à Tom. Ce chemin passe aux environs du ruisseau de Boliksa. Les Kusses qui viennent de l'Enisséï avec des bes- tiaux qu'ils conduisent à Kouznezk et vers les mines ou forges des monts Altaïsks, construisent sur ce ruisseau des radeaux pour descendre le Tom. M. Kaschkaref, jeune homme de ma suite, prit cette même route lorsque je l'envoyai vers l'Irtisch. Il calcula qu'il y avoit huit verstes d'Oustaskisch au ruisseau de Syrse,, et sept à celui d'Iou. Il quitta ensuite le grand Ars- kisch, près la source de Karassouk qui y prend sa décharge , et atteignit , après avoir passé et repassé à plusieurs reprises le petit Arskysch, la montagne garnie de forêts dont j'ai parle plus haut , et qui est à soixante verstes d'Qus- takysch. C'est dans cette même montagne que le Tousaksou , qui est un ruisseau du Tom , prend sa source. De cette montagne, notre jeune voyageur entra dans un sentier très- mauvais et même très-périlleux ; il traversa le ruisseau de Schon boulikarassou et quelques sources qui se déchargent dans le Tschorssoru Le lendemain, il passa près de l'embouchur® P 3 a3o 177'2' de l' O tj i b a t du Baliksa clans le Tom , où il fît construire un radeau sur lequel il s'embarqua. Il mit trois journées pour arriver à Kouznezk, parce que les eanx étoient alors très-basses. D'ailleurs, ce fleuve est parsemé , en beaucoup d'endroits , de rochers qui en rendent la navigation très- dangereuse 5 ces rocs et la rapidité de son cours exigent les plus grandes précautions. Outre les ruisseaux de Tousaksou , Tschorssou et Ssor- souk qui se déchargent à droite dans le Tom, au-dessus du Baliksa , on en rencontre plu- sieurs autres, après avoir passé ce dernier qui perce la rive gauche du fleuve ; ce sont le Te- rensouk à "droite , le Sas à gauche , le Kon Sas à droite, le N a-Sas sur la gauche., le Kadnak sur la droite, le Taltas à gauche, et enfin sur la droite, le Kasir-Tiiven ( i ) : il prend sa source dans la montagne de Karlegan , et a qnatre embouchures dans le Tom. Viennent ensuite l'Am - Sas sur la droite , le Belson du même côté , le Tibik à gauche. L'on atteint enfin la rivière de Mraza qui se réùrirt sur la gauche à l'ouest , avec le Tom : elle est bordée, jusqu'à ce fleuve, d'une montagne mi- néralogique à pente douce. Il y a , près de son embouchure, un village Tatar appelé Posciira- Khosva. On arrive au ruisseau de Badabaska où l'on trouve le premier village Russe. L'on (i) Ruisseau rapide, â v T o s*. s3i compte onze vers tes de ce village à Karpova- Derevna , en passant devant le rocher de 1er** saulof , renommé par ses foyers souterrains qui sont encore en feu. II y a aussi onze vers tes de Karpova-Derevna à Atamanova, et de-là douze verstes à Kouznezk. En-delà d'Outs-Arskisch^ on côtoyé TAbakan qui a d'abord sur &a gauche une vaste plaine } on ne rencontre ensuite que des montagnes nues qui le bordent des deux côtés. On n'y voit d'autres forêts que celles qui remplissent les bas-fonds de l'Abakan. II arrive rarement, dit-on, que la neige se conserve sur terre , en hiver , dans toute la contrée qui avoisine ce fleuve depuis son embouchure dans l'Enisséï., à la chaîne des hautes montagnes où le Taschtip se décharge. Les bestiaux et le bétail y trouvent , par ce moyen , en toutes saison sv/îd'excelîens pâturages. Les Sa- gaïks et les Beltires que cultivent des grains , ont soin de choisir de préférence la rive méri- dionale du fleuve, pour y établir leurs champs, quoique ce soit là que commence , à propre- ment dire, le territoire des Koibals qui sont sous la Jurisdiction de Krasnoïarsk» P 4 »3^ ijj2. d v. Tom S, XV I. Du Tom a l ' A b a K a x. Du 5 au 6 septembre. Iourtens des Beltires, près de Y Abakan y 8 v- Détails sur ce peuple. — Anciennes tombes près de Y Ahakan. Je continuai ma route le S septembre vers midi , en remontant FAbakan. Je pris en con- séquence, plus au sud que je n'avois fait jusqu'à présent. Je me portai vers les dernières habi - tations Russes de cette contrée limitrophe , établies sur le Taschtip. Dès qu'on a traversé ce ruisseau dont les eaux sont assez hautes, on entre dans le territoire des Beltires , ou Tatars-Beltires , qui s'approprient les pâturages qui bordent FAbakan, et toute la rive droite de ce fleuve. Le Baschlik , à qui les Beltires et les Biriousses sont subordonnés^ ne demeure en hiver qu'à huit verstes d'Oustaskisch. Le nom de ce chef est Ep tisch. Le nombre des Beltires monte à présent à cent cinquante tributaires , qui payent entr'eux trois cents roubles à la Russie. Ils sont comme les Sagaïks sous la Jurisdiction de Kouznezk. Ils ont beau- coup de ressemblance avec eux dans les traits? dans leur constitution physique et dans la langue qui est un Tatar corrompu. Il y en a qui A L 9 A B A K A H." 2^3 possèdent de nombreux troupeaux en petit et en gros bétail. La plupart ont des champs qu'ils cultivent pour se procurer la farine et le gruau nécessaires. Ils font leurs récoltes en septembre , qu'ils nomment Orgokai (i) , à l'instar des Allemands qui donnent à ce mois un nom de même signification (2). Ils battent le grain sur place 9 et brûlent la paille, d'où ils donnent au mois d'octobre le nom d'OuRTiou^- Ai. Ils ne sèment en plus grande partie que du bled d'été, Arisch, et de l'orge, Asch, dont ils font leur gruau. Il y en a plusieurs qui se servent, à l'exemple des Kobinziqui ne savent pas conduire la charrue , ou qui n'en ont pas, d'un très ancien instrument semblable à une large pioche de jardinier. Ils nomment cet instrument Abu.. Il y a cependant des culti- (i) Mois de moisson. (a) Herbsmonat ( mois de récolte , de moisson). C'est ainsi que la plupart des peuples les plus près de la nature , y ont puisé les différentes dénominations des divisions du tems , et les auteurs Arabes avoient suivi le même système pour la dénomination des mois qui n'étoient pas confacrés à quelque pratique religieuse. Il me seroit aisé d'accumuler ici les exemples, mais je me contenterai de renvoyer le lecteur au Menalogium dy Albert Fabricius . Ce savant fournit d'excel- lentes autorités en faveur de notre nouvel almanach lépubli- cain , tant pour la division de Tannée que pour leur déno- mination. ( Langlès.) 2*34 T-77^' Ä u Tosf Tateurs Beltires qui employent de préférence la charme. Comme ils ont en automne du lait en abondance, c'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui en distille des eaux-de-vie , et ils s'en ré- gulent ainsi chacun à leur tour. On ne les voit alors que le matin , où ils ne sont pas ivres. Les Beltires riches ont communément deux femmes, ou même davantage , ce qu'on ne voit guère chez les autres Tatars qui demeurent près de PEnisséï. Ils vivent dans l'aisance , ce qui f it qu'on n'a pas pu jusqu'à présent en convertir un seul. Ils sont tous adonnés à leurs magiciens, ou Kamen (i) , et vivent dans l'ido- lâtrie la plus superstitieuse et la plus stupide. Les Beltires , les Teleutes de Kouznezk , et quelques Tatars des montagnes, sont les seuls peuples de Sibérie qui n'enterrent pas leurs morts. Ils les exposent dans des bières sur les arbres des forêts , et choisissent des endroits isolés. Cette coutume n'est pas aussi générale chez les Sagaïks qui vivent encore dans l'ido- lâtrie. Les Beltires mêmes n'avouent pas faci- lement qu'ils la pratiquent. Peut - être n'en aurois-je rien su, si je n'eusse trouvé par ha- sard, en herborisant dans le bois, près de Taschtip , le convoi d'une jeune femme Beltire (i) C'est le pluriel de Kahm, auquel notre voyageur ajoute la terminaison du pluriel Allemand. {Langlès.) a l'Abakan. a35 et de sa mère. Les bières étoient composées de planches non - façonnées , et liées ensemble avec des cordes. On avoit ajouté un morceau •d'écorce de bouleau sur celle qui devoit servir de couvercle. Ces deux bières furent déposées à environ cinquante brasses l'une de l'autre sur deux vienx mélèses. On choisit pour cela deux premières branches du bas de l'arbre, peu sépa- rées l'une de l'autre. On avoit, auparavant, élagué l'arbre. On fixa les deux bières avec des cordes. L'une fut posée si bas , qu'un Kosaque que j'a- vois avec moi y monta facilement pour voir le cadavre. Il étoit tout habillé. Ön avoit placé à côté de sa tête différentes nippes de femme. Il y avoit à son côté un sac avec du gruau, un vase plein de graisse, quel- ques morceaux de poisson séché , un Ottsouk , ou houlette , telle que je l'ai décrite plus haut , avec laquelle ils déterrent leurs racines, un couteau courbe et dentelé à dessin, avec sa gaine, une hache telle que ces Tatars s'en servent, c'est-à-dire, en forme d'un gros ci- seau qui n'est pas emmanché comme les ri'ôtres , mais comme nos ciseaux de menuiserie , et un fouet de cheval. La selle étoit placée entrées jambes du cadavre. On avoit exposé ces morts, l'un avec la tête au couchant, et l'autre au levant. Il paroît qu'ils n'ont point de règle fixe pour cela. On avoit étalé à l'arbre le plus voisin des bières la peau d'un cheval immolé le jour des funé- ä36 177%' ïr.Tt T o st railles. On y laisse la queue et les sabots. Elle reste pendue à une branche saillante dont on élague auparavant les petits branchages. On expose la tête de l'an huai sur une branche par- ticulière , avec la bride en bouche. Dans la bière des hommes, on met ce qu'ils ont de meilleur en habits 5 on y a oute un carquois, un arc et des flèches brisées , &c. 5 et si le défunt étoit amateur de musique, on y joint un luth à trois cordes, Kons, ou un tympanon , Ijestagan, qu'on renferme dans la bière. On sacrifie à ses mânes le plus beau et le meilleur de ses che- vaux. Il est d'usage . chez les riches , d'immoler sept jours après les funérailles , un second cheval et une jument à l'endroit où est déposé le mort , et les parens renouvellent deux ou trois fois les cérémonies de l'anniversaire 5 ce qui n'arrive qu'unie fois chez les pauvres. Le jour de la cérémonie de l'anniversaire, on pend près de la bière du défunt , une outre d'eau- de-vie fabriquée avec du lait de jument, et l'on a soin de brûler chaque fois les os de l'a- nimal qu'on a immolé. On m'assura qu'il y avoit cependant des circonstances où les Beltires met- teiSrleurs morts en terre, en couvrant la tombe de pierres amoncelées. Les Beltires exposent aussi , à l'exemple des Tatars de Kaschinki , des peaux de petits ani- maux , et des lambeaux d'étoffe à des perches A i/ A B A K A St. 2.3? près des iourtens. J'ai vu aussi , chez des Bel- tires^ de cesONGOKS, ou 'doles habillées en povpées que 'on rencontre chez les Bouriats. Les jours de sacrifice , les magiciens prennent ces poupées , et font semblant de les bénir. C'est dans cette contrée , au-dessus de l'Ar- skiscH , que commence la lande remarquable , qui s'étend entre la chaîne des montagnes et le bas-fond qui borde l'Abakan, et qui va jus- qu'au-delà du ruisseau d'Issé , et plus loin , jusqu'au Tio. Il n'y a pas de contrées , près de rEnisséï , où l'on voie autant de tombes an- ciennes , et de monumens d'une grandeur si extraordinaire. Ces tombes sont entourées gé- néralement de gros cailloux, ou de dalles de pierres , et forment un carré. Les unes s'élè- vent de terre en collines 5 les autres sont à ras du sol? et communément pavées dans leur pourtour avec de petites dalles. îl y en a dans lesquelles on voit une pierre sépulcrale } sur laquelle est une figure humaine , grossière- ment travaillée. Telles sont celles qui méritent quelqu'attention. On dit que ces pierres sépul-r craies , et celles qu'on rencontre encore dans les landes près de l'Enisséï , que les Tatars nomment Ilguexsoek ? existoient bien avant que les Kir guis eussent occupé ces contrées. * A deux verstes au - dessus de l'habitation d'hiver du chef des Beltires, il y avoit deux pierres de tombe dressées $ elles sont étroites , a38 lyyz. b v T o m de trois aunes à-peu -près de hauteur, appla- ties des deux cô^és , moins larges du haut que du bas , et arrondies du haut. Elles existent encore ; mais on les a renversées sur terre. On y voit les traits d'une figure humaine taillésr sans relief. Une de ces pierres sépulcrales a une demi-aune de plus que l'autre en hauteur. Les Tatars l'appellent Kûss - Tasch (i). Sur le rebord droit de celle-ci, sont gravées des figures de dromadaires grossièrement travail- lées, îl y en a depuis une extrémité à l'autre. Sur le rebord opposé , est une figure d'enfant mal tournée. Les Bel tires nomment l'autre pierre sépulcrale Kusi - Tasch ('2). On voit sur son rebord droit un homme à cheval , tenant une lance en avant , au bout de laquelle flotte une banderole , et un peu plus bas est un arc tendu avec sa flèche. Ces figures sont assez grandes , et distinctement travaillées. Celles qu'on remarque à l'autre bord ont beaucoup perdu ; on a de la peine à les reconnoître. En haut, il y aune lance avec une banderole à trois languettes, qui ressemble beaucoup au paneton d'une clef. Plus bas , en dessous de quelques lignes tracées, est la forme d'une botte renversée , où on distingue la tête d'un enfant. (1) La fille. {%) La pierre d'homme. A I ' A B A K A N. 23j A quelques cents toises de cette pierre, on voit un caillou ou roc cle la hauteur d'ua> homme. Il est à l'ouest d'une grande tombe, entourée de dalles , et environnée d'autres tom- bes moins considérables. Une de ses faces est arrondie en bosse ; le bas forme un manche , et le haut se termine en pointe. Ce caillou est fiché en terre sur son manche, de manière que la pointe du haut et le côté arrondi font face â l'est, et s'inclinent un peu vers la tombe. On voit , vers la pointe de ce caillou , un très- grand visage de femme, ayant plus de relief que les figures dont j'ai parlé plus haut. Cette figure a la bouche ouverte. Quoiqu'elle ait beaucoup perdu par l'injure du tems , on la prendroit pour une de ces figures en bosses qu'on voit dans les atteliers des sculp- teurs. Sur la façade de cette pierre qui fait bosse , on distingue des lignes gravées et ac- compagnées de traits courbes assez bien or- donnés, mais sans signification. Les Tatars idolâtres , qui habitent cette contrée , appel- lent ce caillou Kourté-Iak.pascii (i) , ou bien. GüloüKoltrteiak (2). Lorsqu'ils vont chasser la zibeline , sur-tout en automne , ils ne man- quent pas de passer devant ce caillou, au- quel ils adressent leur prière pour être heu- (i) Pierre de remrn?... (i) La grande femme. %4° 1772.. bu Tom reux clans leurs chasses. Ils y. font offrande d'un peu de graisse ou de beurre , dont ils barbouil- lent la bouche de la ligure. Le monument» le plus remarquable et le plus digne d'être cité parmi les antiquités de la Si- bérie, est à une couple de verstes plus haut , en remontant PAbakan. Il est situé à une place où la lande forme une élévation vers le ruis- seau d'Issé. L'on voit sur la cime de cette émi- nence une grande tombe élevée en colline à plus de quatre toises au-dessus du terrain. On l'a entourée de dalles énormes. Cette tombe a plus de cent cinquante pas de circonférence. On la découvre déjà de TArskisch. On voit, dans ce même emplacement , quatre autres tombes moins considérables. Elles sont au nord- ouest et au sud-ouest de la première, et forment avec elle un triangle. Il y a directement à l'ouest de la plus grande tombe , et à deux cents pas d'elle , dans l'ouverture du triangle , trois tombes pareilles placées sur une élévation. On y voit des pierres de sable dressées. Ces pierres sépulcrales ont quatre aunes d'élévation au- dessus de terre , trois ou quatre empans de largeur, et un empan d'épaisseur. Elles for- ment un carré long, mais se rétrécissent un peu dans la partie supérieure. Leurs côtés plats font face au nord et au sud. Elles sont à une demi-toise l'une de l'autre. On voit , sur un des bords de celle qui est le plus au nord , c'est-à-dire , A 1/ A B A K A N. 24l c'est-à-dire, sur celui qui fait face à Fest, un visage énorme alongé, mais très-distinct, qui prend presque la moitié de la longueur de la pierre. La ligure se trouve renversée , c'est-à- dire, que le front du masque est dans la partie placée contre terre ; ce qui porteroit à croire qu'on s'est trompé en posant cette pierre. Les Tatars la nomment Kitschi-Kourteiak ( 1 )• Les deux autres pièces n'ont de remarquable que leur bord , à l'est , qui est taillé en forme d'écaillés. On remarque encore , sur le côté plat de la pierre où est la figure ci - dessus , quelques traits gravés que j'ai ajoutés sur le dessin que je donne {planche XXX] , quoi- que je n'aie pas pu les reconnoître. Il existe encore une autre pierre sépulcrale très-grande à l'ouest de la plus considérable de ces tombes. Elle a trois aunes d'élévation au - dessus du sol, et une aune et demie de largeur sur terre. On voit , sur le plan qui fait face au midi , quantité de figures pareilles à celles dont j'ai parlé. Je les ai tracées le plus exactement qu'il m'a été possible sur la planche indiquée à la lettre B. Sur le revers de cette pierre , qui fait face au nord ., on distingue encore , quoiqu'elle soit très - détériorée par les injures du tems, les traits que j'ai tracés sur la planche ci-des- sus à la lettre C. On remarque aussi sur un, •Wmom^jm (1) La petite femme. gome FI. 242 1772. bu Tom morceau de rocher étroit posé près d'une des petites tombes, les figures que j'ai données à la lettre D. Les autres , qui se trouvent figu- rées sur cette planche, ont été tracées sur des pierres sépulcrales de tombes communes. On doit sans doute les regarder comme les signes représentatifs des signatures de ceux qui ont été enterrés à ces places. Il est encore d'usage parmi les nations idolâtres delà Sibérie, ainsi qu'en Russie , que ceux qui ne savent point écrire ont une certaine marque qui leur tient lieu de signature. Ils la griffonnent aussi bien qu'il leur est possible au bas des notes qu'ils ont à signer. Cette espèce de signature a force et va- leur en justice. La figure séparée, que j'ai désignée par la lettre E , représente sans doute le tambour magique et la marque de la signature de l'un de leurs magiciens enterré à la place où elle a été trouvée. De toutes les anciennes tombes qui existent dans les beaux pâturages d'hiver, baignés par l'Abakan, il y en a peu qui n'aient été fouil- lées. J'en rencontrai néanmoins quelques-unes qui me parurent intactes : ce qui m'excita à voir comment étoit forme leur intérieur. Je fis dresser une tente près du Courtoniak - Tasch pour y passer la nuit ,, et entreprendre , le len- demain , l'ouverture de quelques-unes de ces tombes. Celles que l'on voit ici , pies de l'A.- bakan, sont toutes si uniformes dans leur ex- A ï, '  B  K A K. àfâ teneur, que je crois pouvoir en conclure qu'elles viennent d'un même peuple. La seule distinc- tion que j'y aye reconnue, est que les unes sont basses au ras du sol , et que les autres sont rehaussées par un petit amoncellement de terre. Ce n'est qu'aux angles qui font face au nord-est et sud-est, ou à ceux du nord-est et sud-ouest , que se trouvent dressées une ou deux pierres sépulcrales dans leur longueur. Celles qui ont les plus grosses pierres n'en sont pas toujours pour cela les plus vastes. Il y en a qui ont à un de leurs angles une longue pierre plantée comme une colonne. Celle - ci s'incline cependant un peu vers la tombe. Ou n'appereoit presque plus les pierres sépulcrales des tombes qui avoisinent les montagnes , parce qu'elles ont été couvertes successivement par les terres que les pluies et les eaux de neige détachent et entraînent dans la plaine. 11 y a de ces tombes où l'espace , renfermé dans les dalles qui les entourent , est coupé de l'est à l'ouest par des rangées de dalles, qui la séparent en deux ou trois compartimens , dont l'un est Communément beaucoup plus grand que les deux autres. Il paroît que les tombes, divisées de cette manière , ont servi à la sépulture de plusieurs personnes d'une même famille ; la différence la plus grande qu'on y reconnoisse , est que les unes sont revêtues de dalles en dessus, et que les autres n'ont qu'un simple Q a M4 *77*- »tr Tom revêtissement de terre. Je fis ouvrir une des premières , qui me parut n'avoir pas été fouil- lée. Je n'y trouvai que quelques restes d'osse- mens tombés en pourriture. Ils appartenoient à différens cadavres , qui avoient été enfouis à deux aunes de profondeur. Quoique ces osse- mens me parussent bouleversés, on pouvoit encore s'assurer que les cadavres n'avoient pas été placés dans une même position, c'est-à- dire , les pieds opposés les uns aux autres. J'y vis des débris de poterie. Ces morceaux étoient assez gros , et j'en distinguai même qui me parurent provenir de vases neufs , et qui n'avoient point été passés au feu , tandis que d'autres me parurent três-brûlés. J'y vis aussi un grain de corail , composé d'une matière blan- che tirant sur le vert , semblable à de l'émail. J'observai encore parmi les ossemens une mâ- choire de moyenne longueur, mais si bien conservée , que les dents tenoient encore toutes dans leurs alvéoles. C'est le seul ossement de tête que je vis \ les petits os étoient réduits en poussière. Je fis creuser sur une autre tombe, qui n'a- Toit d'autre revêtissement que la terre au ni- veau du sol. Parvenu à deux aunes de pro- fondeur , on découvrit deux grosses dalles cou- chées à plat. Quoique le dessous fût entière- ment rempli de terre , on reinarquoit distinc- tement un espace qui s'étendoit de l'est à l'ouest. A L ' A B A K  Mi TL^S L'intérieur étoit revêtu de pierres taillées en dalles. Il y avoit , dans cette espèce de caveau, les os majeurs d'un squelette. L'ordre dans lequel ils se trouvoient prouve que le cadavre avoit été placé la tête à Test. L'on n'y voyoit aucune trace du crâne ni des dents , et les au- tres ossemens étoient tombés en grande dété- rioration. Je trouvai „ à la proximité de la tête., quelques os de cheval et de boeuf, et à la droite un pot écrasé par une pierre qui me parut lavoir été posée dessus. On remarquoit dans ce pot des décombres y ou , pour mieux dire , un terreau brunâtre. A gauche , nous vîmes des débris d'un morceau de bois courbe qu'on avoit de la peine à reconnoître. Dans le milieu , vers le sommet de la tête , je trouvai une plaque d'or de l'épaisseur d'un demi-rouble (1 ), Elle étoit collée sur un bouton de cuivre un peu bombé , tout rongé de vert-de-gris. Ce bouton me parut avoir servi à un bonnet de femme , en place de houppe. La grande détérioration de ces ossemens , dans un terrain sec et pierreux , prouve eiï faveur de l'antiquité de ces tombes. Quoiqu'on n'y découvrît rien de remarquable , j'aurois désiré en faire ouvrir encore d'autres , si j'eusse eu avec moi, ou pu trouver dans les environs ' * 1 ^— =—**-**— — —■ ■ ■■ , - — ■ - - , a (i) Les Russes , qui font métier de fouiller les tombes y appellent celles-ci Slanzi et Mqguilniki. q. 3 %^6 I77S. DÉ t'Afi A.K A f des gens routines à ces sortes de fouilles. N'en ayant point \ je me décidai à ne pas perdre mon rems en recherches inutiles. D'ailleurs , on ne rencontre , dans les tombes ordinaires de ce canton, que quelques lamines d'or, de pe- tits vases d'argent, et autres choses sembla- bles. On n'y trouve jamais de ces instrumens et autres objets curieux , qui existent dans les KourganI', ou tombes élevées en collines de terre. J'eusse préféré d'en rencontrer de pa- reilles , qu'on peut regarder en général comme dès antiquités , puisqu'elles viennent d'une toute autre nation > et sans doute de ce peuple qui s'occupoit de l'exploitation des mines. Il fallut me contenter de ce que j'avois vu 9 et je me mis en route le 6 septembre après-dîner vers Tas- chtip. S. X V I L De l'Abakan a Taschtypskaia. ïourfens de Tatars de Kobin'Zt -, près du mis*- seau de Tioé , 10 verst. — Montagne de KokoYa. — Village de Taschtîpskaia. Je n'eus pas fait sis verstes, que j'atteignis et traversai le ruisseau d'Lssé. On arrive en- suite à celui de Tioé, qui coule à quelques verstes du premier. Nous changeâmes de che- vaux chez les Tatars de Robinzi. Je trouvai là les Knaissi, ou anciens de trois tribus ou> hordes Tatares , appelées Kobin, Kargüin , et Ka in. Elles dépendent de Kouznezk. Ils me reçurent avec la même affabilité que les Bel- tires. La tribu de Kobin est composée de cin- quante-trois arcs, ou hommes armés. Celle de Karguinski rien a que quarante. Ces deux tribus, réunies avec les Tatars de Kinski et de Schorski , qui habitent les montagnes , por- tent en commun le nom de Birioussi. Les Tatars Kobin zi et Karguinski liabitOient antre- te fois les montagnes , et vivoient de leur chasse , mais depuis qu'ils se sont répandus dans le territoire des Beltires , près du Tioé et de Y A- bakan , ils mènent une vie plus agréable., ayant réuni à leur chasse une augmentation sensible dans leurs troupeaux : ce qui leur procure une meilleure nourriture. La langue, les traits 9 leur manière de vivre , et leurs mœurs , tout les rapproche des Beltires. Ils habitent des iourtens semblables à ceux des hordes vaga- bondes de l'Enissei. Ces iourtens ne sont com- posés , en été , que de morceaux d'écorce de bouleaux cousus ensemble. En hi -er., ils les cou- vrent de feutres fabriqués avec la laine de leurs moutons. On arrive , près du ruisseau de Tioé^ à une côte étroite , composée de rochers. Elle fait suite de la montagne que les Tatars nomment Kokoia. Je fis «ne halte de deux heures pour me procurer ce que cette contrée offre de eu- Q4 ijfö; SS l'A B A' & "K # rieux en plantes , et récolter les graines , qnï étoient en maturité. L'on y trouve entr'autres l'axyris hi bride (1)., qui paroît n'être qu'une vaL riété de l'axyris amarante (2). Il prend naissance sur les terrains de rochers. J'y distinguai encore la ballotte laineuse (3) , une varfété épineuse de la renouee frutescente (4), qui ressemble, en tout point, à l'atraphace (5), le kali ordi- naire (6) , la soude penchée (7) , la zlziphore acinoïde (8), le cucubale ligneux (9). Le lin sauvage croît si abondamment dans les landes baignées par l'Abakan , qu'on en faisöit de fortes récoltes pour les usages domestiques. On rencontre dans les fonds l'astragale à queue de renard (10), et l'astragale en forme de ga- lège (1 1) ; mais ils croissent séparément. (I) Axyris hibrida. (i) Axyris amarantoides. (3) Ballot e lanata. (4) Polygonum frutescent, (5) Atraphaxis. (6) Salsola kali. (7) Salsola prostrata» (8) Zi\iphora acinoidcs. (51) Cucubalus f mucosus* (îo) Astragalus alopecuroides. (II) Astragalus galeglformis. C'est le nom que lui donne Amman , et qui a été adopté par L'innée. On trouve le des- sin de cet astragale dans la Flora Sibirica I y} p. 40 3 lab. 17 et 18. a TaschtépsKaia. a^9 . La partie méridionale de ces montagnes , qui est bien plus ouverte , abonde en perdrix. Elles y trouvent , même en hiver , de quoi se nour- rir j et d'excellens abris au sud, où la tempe-, rature de l'air ne laisse pas la neige séjourner sur terre. On les voit par compagnies 5 elles ne sont pas trop sauvages. Elles ne passent point f en été , dans les pays qui sont pins au nord de Krasnoïarsk , où l'on en voit très - peu en tout tems. Je rencontrai aussi, dans les steppes qui bordent l'Abakan , de petits oiseaux de pas^ sage (1) , qui venoient des contrées septentrion nales. Dès qu'on a traversé le Tioé , on s'éloigne peu-à-peu de l'Abakan , et l'on entre dans une contrée montagneuse ; c'est là qu'on commence à découvrir distinctement les hautes montagnes qui sont au-delà du Taschtip. La route qui longe cette rivière traverse des côtes et des bas-fonds, qui se font face parallèlement. Ceci rend le chemin si pénible , que je ne pus arriver que très- tard dans la soirée à Taschtipkaia-Dé- revna. C'est le dernier endroit des possessions Rus- ses confinant à la Mongolie. Il n'y a , dans cette partie déserte , qui s'étend depuis l'Obi jus- qu'à PEnisséï, ni forteresses ni troupes. Le vil- lage de Taschtipkaia-Dérevna est situé au pied (1) Çharadrlus morindlus , que nous appelons Guïgnard» ä5o fyffc -J> * t!£ b A & a ;■■■.* d'une chaîne de montagnes, où l'on commencé à voir des forêts qui couvrent le terrain vers" celles qui sont plus élevées. On découvre , sur la gauche du Taschtip,, cinq maisons habitées par des Kosaques de Krasnoïarsk. Ils s'y sont établis deptii scinq ans. Afin d'exempter leurs en fans de la milice , ils se sont offerts d'eux- mêmes pour le service de la garde des limites qu'on a établies près du Taschtip, qui aupa- ravant se faisoit par les Tatars. Ces Kosaques occupent une contrée délicieuse et excellente pour la nourriture des bestiaux, pour l'agri- culture et pour la chasse. Les grains souffrent quelquefois des gelées blanches, qui se font Sentir de bonne heure, ou bien ils sont atta- qués , étant encore en herbe , par des essaims de sauterelles (Kobilka), qui infectent, à bien dire , toute la Sibérie ; elles sont engen- drées par le grillon mélanoptère ( 1 ). Ce can- ton, comme je l'ai dit, n'est pas le seul qui souffre de cet insecte. Malgré cela , les récolte» sont généralement abondantes ; et quelque mau- vaise que soit l'année , elle suffit a-mpleâfbtiV à leurs besoins. Ils ont pour leur bétail plu- sieurs prairies excellentes. Elles leur sont in- dispensables , eu ce qu'ils ne peuvent exposer, pendant l'hiver, leurs bestiaux dans leurs pâ- turages, à cause des neiges qui tombent plus (1) Grillas melanopierus. a Taschtyps&aîaï %St.. ■ abondamment dans les montagnes qui avoisî« nent le Tioé que dans les environs de l'Aba- kan , et aussi à cause des ours et des loups qui infestent les vallons et les plaines. Ils chassent tontes sortes d'animaux ordinaires,, et sur- tout des bêtes fauves , et se procurent autant de gibier qu'ils en peuvent consommer. Il n'y a que les zibelines qui soient actuellement rares dans les montagnes situées en-deçà de l'EnisséY , parce qu'on est parvenu à consommer la des- truction presque totale de ces animaux. Les habitans de ces contrées n'ont pas besoin de s'occuper eux - mêmes de la chasse , à moins que ce ne soit pour leur amusement. Les Ta- tars, leurs voisins, n'ayant pas beaucoup d'ai- sance , ne cultivant point de terres , et possé- dant très-peu de bétail , leur apportent , en gibier et en fourrures , tout ce qu'ils peuvent désirer. Ils les échangent pour le pain et le gruau qu'ils ont de superflu. En général le pays baigné par le Taschtip mériteroit d'être mieux peuplé en agriculteurs. On trouveroit même , plus avant, du côté de Kouznezk, assez de champs fertiles pour y étal^ir des villages. Si l'on vouloit ensuite les peupler de Kosaques, qui mènent une vie stable , on couvriroit , par ce moyen, les frontières qui s'étendent entre l'Obi et l'Enisséï , au lieu qu'elles ont été jus-- qu'à présent ouvertes et abandonnées. Le Taschtip est un ruisseau considérable j s»5a 1775. üt i'Ab a«aä il gro ssit tellement au printeins , et dans le« tems de plui£, et devient si rapide, qu'on ne peut alors le traverser à cheval dans les places communément guéables. Il coule ici entre de îiautes montagnes calcaires, qui s'étendent le long de l'Abakan , tant en remontant qu'en descendant. Elles commencent à être couvertes de forêts de mélèzes et de pins. Elles sont ce- pendant entrecoupées agréablement de beaux Vallons à découvert. L'on compte environ trente verstes du village à l'embouchure du Ta- gchtip dans l'Abakan. Les ruisseaux qui se joi- gnent à lui depuis l'Abakan , sont le Boutrakti à droite , le Minik sur la gauche , et ensuite le Kisilsou et le Schama à droitei Ce dernier coule immédiatement au-dessus du village de Tas- chtipskaia. Vient ensuite le Karlougaâch , qui est sur la gauche. Celui - ci prend son cours au-dessus de la montagne de Tarboun , située près du village où les Kosaques ont établi un moulin. L'on atteint le ruisseau de Bik sur la gauche , le grand et le petit Sei , qui se dé- chargent par une même embouchure précisé- ment vers Taschtipskoï - Karaoul. On arrive ensuite au Sir, ruisseau considérable , qui y tombe sur la gauche ; et, du même côté, sui- vent le grand et le petit Bor , l'Angdioul; et en face de celui ci , c'est-à-dire , sur la droite, vient le ruisseau de Toi-Sou , et de - là celui deMangasx, derrière leqiH se tsxmvent àea A T AS CHT I PSKA iA, ü53 montagnes inconnues. J'ai cru devoir entrer dans ces détails , n'ayant encore trouvé le Ta- schtip sur aucune carte géographique. On découvre , au sud - ouest de Taschtip-* kaia-Dérevna , la chaîne de hautes montagnes de Kanssin , qui en est à quarante verstes. C'est entre cette chaîne et la forte côte de Kirssae > située plus au sud , que l'Abakan prend son cours, venant du sud de la plus haute des montagnes de neige qui composent cette chaîne. Les deux Seïs ont leur source près de la pre- mière de ces montagnes. On a vu, plus haut ^ que ces ruisseaux se déchargent dans le Tas- chtip. Cette montagne se trouve par conséquent entre ce dernier fleuve et l'Abakan. La chaîne de montagne et la côte de Kirssos étoient cou- vertes de "neige depuis quelques semaines ; il en étoit tombé sur les plus élevées 9 dès le mi- lieu d'août , tems auquel on sentit aussi quel- ques gelées blanches dans les vallons. Tasch- tipskoï-Karaoul , qui est , à proprement dire , la place de la garde des limites , occupée par les Kosaques qui se sont établis ici, est situé à trois verstes plus haut que le village , sur le même côté du Taschtip. Cette place consiste en un corps-de- garde entouré d'une muraille de planches, et défendu par des chevaux de frise 5 ces Kosaques y montent la garde tour-> à- tour. L'on ne peut y aller qu'à cheval, et le «entier qui y conduit est périlleux, parce qu'il 1772- DE l'A B A K A *r est borde de précipices formés par le talus es- carpé de la montagne. De ce poste à la ligne de Kouznezki , l'on n'a fait encore aucune dé?2 marcation dans toute cette étendue de monta- gnes sauvages , et il n'y existe aucun poste de garde. Ce district est tout ouvert , et n'est défendu que par les montagnes , qui , à la vérité, y forment une fortification naturelle. Il y a , à trente verstes de Taschtiskoï , à l'est , une secoude garde de limites sur l'Aba- kan. Elle forme, avec FOstrog de Saianskoï et les autres gardes situées en delà de FEnisséï, le long des montagnes, une espèce de ligne qui défend les habitations établies le long de ce fleuve. Pour satisfaire la juste curiosité du lecteur, je reviendrai sur cet objet;, et je don- nerai des détails plus étendus. Il part tour-à-tour d'Abakanskoï et de Ta- schtipskoï - Karaoul des Kosaques pour aller visiter une espèce d'obélisque , qui sert comme de démarcation , et qui est placé sur le Sabin-Ta- ban , chaîne de limites montagnes de neige, si- * DO' tuéeà l'est d'Abakan. Le chemin qui y conduit passe y à droite , le long de FAbakan jusqu'au Shébasch , qui y fait sa décharge. On côtoie ensuite ce ruisseau , et de-là celui de Zaghan- Makhan (1) , qui tombe dans le premier , en — — ■ ii ■ » i ■ » I i ' ■ ■ ■ ' » i H . i ■ i- m - i ... m (l) Chair blanche. A Taschtypskaia. h5S se précipitant des hautes montagnes. Ce che- min est très-pénible et désagréable , par rap- port aux rochers , et même d'autant plus rude et fatiguant, qu'il faut trois jours de route pour arriver à l'obélisque , qui n'en est éloigné que de quatre-vingt-dix verstes , d'après l'éva- luation qu'on en a faite cet été. Ii est si pier- reux , que les chevaux reviennent communé- ment estropiés. C'est en-delà du Sabin-Tahan , qui est tou- jours couvert de neige , que commence la Mon- golie Chinoise. Il n'y a cependant plus de Mon- gols dans les montagnes , qui sont à sa proxi- mité , si ce n'est dans les postes ou gardes de limites. Il y demeure un peuple qui vit de la chasse. Ces montagnards se nomment Soïots. Ils entretiennent des rennes ; et il paroît , par leur langue etleurs traits caractéristiques ^ qu'ils ont de l'affinité avec les M o tores , qui demeu- rent sur les rives droites de l'Oï et du Touba, conséquemment aussi avec les Koïbals et les Sa- moïèdes. Ce même peuple parcourt , dans ses courses vagabondes , les montagnes de la par- tie orientale de l'Enisséï jusqu'au-delà del'Ous, Jadis, avant que les Chinois eussent mis des gardes sur leurs limites , et lorsque les Sibé- riens et les Mongols avoient encore quelque communication entr'eux, on pouvoit prendre du Zaghan Makhan une autre route, en lais- sant la montagne de Sabin à droite. On tra* zl56 1772. DE L'A B A K A N Versoit alors le ruisseau de Kan tigre , et Ton passoit une chaîne de montagnes de limites qui bordent le Kemtschouk. Cette contrée , qui perce au sud, est plus ouverte. Il existe un second obélisque à l'est du pre- mier } il est sur le bord de l'Enisséï , près de l'embouchure du Kemtschouk, qui se réunit à ce fleuve dans les montagnes. Les déserts , qui traversent le chemin , le rendent si mau- vais , qu'on ne peut y aller que vers la fin de l'hiver sur les glaces de l'Enisséï $ c'est ce qui fait qu'on, y passe très-rarement. Lorsque le commissaire , chargé d'inspecter les postes et les bornes de démarcation , s'y transporte , comme il est obligé de le faire tous les ans , il s'y rend de Narissagoiskoï-Karaoul. On compte cent soixante- trois verstes de la garde des li- mites d'Abakansk, et il met huit jours pour y arriver. Deux sentiers conduisent de la contrée de Taschtip à Kouznezk. Ils passent tous deux par les montagnes , et ne sont praticables qu'à che- val. L'un remonte le petit Séï au-delà du ruis- seau de Maïdar , et traverse ensuite une chaîne de montagnes vers l'Ousaas , qui se décharge dans le Mrasa. L'on peut descendre ce fleuve sur des radeaux , ou dans de petites barques , pour se rendre à Kouznezk. En prenant ce che- min l'on n'a que deux journées de route du Taschtip au Mrasa. L'autre sentier passe en- delà & T A S C *ï T ï P S K A I A J(te s5^ delà du ruisseau de Magasœ au Naa-Dshioul, qui se jette dans leMrasa. La route que l'on, prend de préférence, est celle dont j'ai parlé plus haut 5 c'est- à - dire , que du ruisseau de Tioé ou de l'Arskisch , on passe dans la contrée supérieure qui est en -delà du Tom. L'on compte quatre journées de route de l'Ars- kisch à Kouznezk, lorsqu'on n'éprouve aucun retard : et l'on fait ce voyage partie à cheval > partie sur des radeaux. Les rives du Taschtip sont peuplées de Ta- tars des tribus de Kaïnzi et de Kobinzi. On ne compte, dans la première de ces tribus ou hor- des , que vingt-cinq têtes sujettes à la capita- tion, au lieu qu'on en compte cinquante dans celle de Schorski , qui occupe une partie du pays baigné par le Mrasa. Comme ils ne peu- vent point s'occuper de l'agriculture, et qu'ils sont très - pauvres en bestiaux , ils vivent de racines sauvages et de leur chasse dans des dé- serts inabordables. Ils sont aussi tout - à - fait idolâtres. A l'approche de l'hiver , ils se trans- portent, avec leurs petits troupeaux , vers la partie inférieure du Taschtip , où il tombe moins de neige. La chasse de la zibeline étant peu, avantageuse dans la contrée qu'ils habitent ils vont dans les déserts au-delà de l'Enisséï 9 sur le territoire de Krasnoïarsk , afin d'en pren- dre assez pour payer leur tribut. Les Koïbales cependant , qui s'approprient un certain droit; Tome FI. Jl ^58 1^2.. DE i/'A b a k a s sur cette contrée , s'opposent à ce qu'ils y chas* sent aux filets ; et lorsqu'ils les prennent en fla- grant délit , ils saisissent leurs instrumens de chasse , et les renvoient chez eux. Je restai à Taschtipskaia jusqu'au 7 septem- bre. J'employai ce jour à parcourir les mon- tagnes situées en remontant le ruisseau. Je m'y occupai à botaniser. Parvenu, au haut d'un ro- cher escarpé , je vis sortir du bas un jeune ours épouvanté par les pierres qui débouloient de la montagne. Lorsqu'il nous apperçut, sa frayeur augmenta à tel point , qu'il se mit à fuir à toutes jambes. Il traversa le Taschtip à la nage , pour aller se cacher dans un petit bois , qui se trou voit tout près de ce fleuve. Nous avions laissé nos chevaux de l'autre côté de la montagne. Je dis à un Tatar que j'avois avec moi , d'en prendre bien vite un , et d'aller avertir les iourtens les plus voisins. Vingt- cinq à trente minutes après , nous vîmes ar- river de toutes parts des Tatars armés et à cheval. Ils chassèrent l'ours hors du bois , et après l'avoir poussé dans la campagne , ils le tuèrent. Nous vîmes cette chasse du haut de la montagne où nous étions. J'admirai la vi- gueur et le courage d'un cheval Tatar , qui atteignit le premier l'ours. Arrivé près de lui , il l'abattit , avant qu'il fût tué , à plusieurs re- prises , en sautant et le terrassant chaque foi« des pieds de devant, ä TascHtïpsKiia? ^5^ La contrée qui avoisine le Taschtip n'offre pas autant d'objets intéressans pour la Bota- nique qu'on auroit lieu de l'espérer dans le voisinage d'une chaîne de hautes montagnes. Les vallons sont , à la vérité , très-herbeux et pleins déplantes. Les montagnes en abondent; mais on y voit , en plus grande partie , toutes celles que l'on trouve près de ITious et sur les monts Altaïsks. J'y remarquai cependant plu- sieurs astragales , qui sont indigènes dans la Daourie, et dans les autres contrées monta- gneuses de la Sibérie. Le fond qui borde le Taschtip est couvert de broussailles , compo- sées principalemen&d'aubépine (i), de viorne (2), de cornouiller blanc (3), de cerisier odorant (4) , de caragan commun (5) , et du néflier coton- neux (6) , qui devient très-haut , du groseiller rouge, et du cassis. Des arbustes croissent pres- que près de tous les ruisseaux qui découlent des montagnes vers la partie supérieure de l'E- nisséï. Nous trouvâmes , sur les rives sablon- neuses du Taschtip , beaucoup de molène (7) , (1) Oxiacdîitha. (2) Opulus. (3) Cornus alba. (4) Padus. (5) Robinia caragana* (6) Mespilus cotoneaster* (7) Vsrbascam thapsus. R 3, '%6o -1772. dm l'AbAkâk qui pousse à une hauteur prodigieuse. Il y û des places où le fond est couvert de chanvre sauvage , qui y vient communément à une toise et demie de haut. Je trouvai aussi çà et là , près des montagnes calcaires garnies de rochers, la sabine (1) , et le sainfoin obscur, avec des tiges parfaitement ligneuses (2). J'y "vis encore plusieurs autres plantes de rochers, dont j'ai parlé plus haut, et entr'autres l'é- phédra ou uvette en arbrisseau (3). L'on porte beaucoup de cette sabine , de ces rochers , et de l' Abakan à Krasnoïarsk et à Tomsk. On l'em- ploie à divers usages domestiques. Il paroît que c'est par les Tatars qu'on a connu les pro- priétés de cet arbuste ; etc'estdelà sans doute que les Russes lui donnent le même nom qu'eux. Ils l'appellent Artschin , nom qu'ils donnent aussi à une espèce de lavande , qui forme pres- que arbuste , et qui croît en abondance près des rochers. Les Tatars et les Russes parfu- ment , par préjugé , leurs appartemens avec le bois de ce genévrier , pour en chasser les mau- vais esprits. Ils disent aussi que les fumiga- tions qu'on en fait sont excellentes pour les enfans malades, et pour guérir les maux de tête des adultes. Lorsque leur effet ne répond (1) Juniyerus sabina. (1) Hedysarum obscurunu (3) Ephedra* X T ASCÊTI P SKAÏ Aï 2.6l pagjà l'attente ^ on en fait prendre une infu- sion an malade; et ce remède, suivant eus, est infaillible pour tous les dérangemens de bas- ventre. Ils font cependant beaucoup plus de cas du rosage à fleurs blanches (1) , pour guérir toutes sortes de maladies chroniques. Cette belle es- pèce de rosage croît en petits buissons bas sur toutes les hautes Alpes de cette contrée et de la Daourie. Il donne des bouquets de fleurs couleur de soufre , et d'une très-belle porté©. Ses feuilles sont dures et épaisses à-peu-près comme celles du laurier cerise (a). Cet arbuste rare se plaît dans les places garnies de rochers et de mousse 3 et où il n'y a point de bois , sur les parties saillantes ou promontoires des Al- pes de cette région. On ne le voit nulle part ailleurs. En Daourie , le peuple lui donne le même nom que les Russes , et l'appellent, comme eux, Tscheb nogripf et Kejlab.sk. C'est-là que M. Soko/qfVa. rencontré , principalement sur les cimes nues de la chaîne des montagnes qui forme les limites , et qui est située entre les sources du Kirkoun et du Tschikoï. On en est pourvu ici par les Kosaques qui gardent 1 ' .il... 1 h ... . .1 ,j« (1) Rhododendron chrysanthum, pL XXX, fig, 1. Voyez dans la Flora Siblr. v, lV\pag% izi, tab. 543 et PaîL Flora rossi t. 30. (y) Laurocerasus. R 3 Î772' ÖE l'ABÄt A ^ les limites. Ils en apportent à leur retour Mes hautes montagnes de Sabin-Taban , à l'ouest, et de Khoin - Taban , à l'est de PEnisséï, où il croît abondamment le long des chemins qui conduisent aux obélisques ou bornes de démar- cation , dont j'ai parlé plus haut. En arrivant, ils en distribuent > par forme de présent , à leurs amis , regardant ce rosage comme un ex- cellent spécifique dans plusieurs maladies. Ils le nomment Kaschkara , dénomination qui vient des Koïbales. Ils l'appellent encore Sa- binA-Trawa. Les Tatars donnent au contraire à cet arbuste le simple nom de ScHex , parce qu'ils se servent de sa feuille en guise de thé de santé. Son action et sa vertu ne se manifes- tent cependant pas dans cette infusion ou dé- coction 5 et lorsqu'on lui donne trop de force , il occasionne de légers étourdissemens. Si l'on prend au contraire du bois de ce rhododendron avec la feuille , et qu'on les fasse un peu ris- soler au four dans un pot bien couvert ou lu té , on en retire alors une potion très-forte, amère et brune , qui donne au malade une ardeur de fièvre et une espèce d'ivresse propres à lui faire perdre Pusage de ses sens. Pendant que ces symptômes durent, il ressent dans ses mem- bres ou dans les parties internes affectées do douleurs ou de maladie , un picotement ou un spasme continuel. Cette ivresse se dissipe ce- pendant plus vite que celle occasionnée par a Tasghtoskaii! 2.65 clés boissons fortes, et ne laisse , à son déclin, ni maux de tête , ni la moindre incommodité. Après deux doses de ce remède , et quelque- fois même après la première, le malade se sent parfaitement rétabli ., et la partie affectée se trouve dans le meilleur état. Pendant l'accès de la chaleur , occasionné par ce remède , le malade ressent une forte soif. S'il boit de l'eau froide, il s'ensuit un vomissement violent, mais en même teins salutaire, lorsque le mal siège dans le bas -ventre. Les Kosaques font d'ail- leurs usage de ce remède dans les rhumatismes de tout genre , et dans les douleurs de mem- bres chroniques. Ils assurent que la guérison est infaillible , lorsqu'on ressent un picotement continu pendant que le remède fait son action. C'est peut-être ce qui a engagé quelques-uns de ces bonnes gens , très-stupides de leur na- turel , à en faire aussi usage dans les douleurs occasionnées par un virus syphilli tique. Je croi- rois volontiers que ce remède peut , en beau- coup de cas , adoucir les douleurs , mais je ne pense pas qu'il guérisse le mal. J'en ai été té- moin en Daourie. «Te ne doute cependant pas qu'administré avec prudence par un homme de l'art , il ne pût devenir un excellent spéci- fique contre les douleurs goutteuses et arthri- tiques , et contre les obstructions chroniques des intestins. Ce n'est néanmoins que par des expériences graduées que l'on en pourroit cons- R 4 '9.6 4 i jj2. de TaschtipsïÊâïJ tater l'efficacité. Car ce que je viens d'avancer sur ce remède, je ne l'ai fait que sur le dire unanime de* quantité de personnes du peuple , qui s'en sont en effet bien trouvées , et sur l'usage qu'en a fait personnellement M. Soko- lof y très- incommodé , lors de son retour , d'une obstruction opiniâtre , à la suite d'une diar- rhée supprimée. J'observerai aussi que les Ta- tars ne récoltent communément cet arbuste qu'en automne , lorsqu'il est en graine , et que sa feuille commence à jaunir , quoiqu'il ne les perde pas toutes sous la neige. Je pense qu'il auroit bien plus de vertu, si on le récol- toit dans sa floraison, ou avant. 11 commence à fleurir dans les premiers jours de juillet ; mais son éclat passe bien vite, comme celui de toutes les fleurs des montagnes. L'on a re- marqué que le cerf et l'animal au musc de Si- bérie^ broutent volontiers les feuilles de cet arbuste sans en ressentir les effets narcotiques. J'ai trouvé des traces de ces feuilles dans l'es- tomac d'un animal au musc qu'on avoit tué. Je crois donc qu'il en est de cet arbuste comme du kalmia ( î ) de l'Amérique septentrionale , dont les cerfs de cette contrée mangent sans en ressentir de mauvais effets , tandis qu'il est pernicieux à plusieurs animaux domesti- ques. (i) Kalmia» a O u i s k o % 265 Je quittai le Taschtip le 8 septembre. Je me serois volontiers enfoncé dans l'intérieur de ces hautes montagnes, si la saison n'eût pas été trop avancée, et si elles n'eussent été cou- vertes de neige. Je vis , avec regret , l'impos- sibilité d'effectuer ce voyage $ ce qui pouvoit m'en consoler , c'est le peu de fruit que j'en aurois tiré alors , le tems et les circonstances n'étant pas du tout favorables pour mes re- cherches. s. XVIII. De Taschtipskaia a Ouiskoï. Du 8 au 11 septembre. Village de Boïkalova , %5 verstes. — Iourtens Koïbales, près du Kali, 70 verst. — Mines de Mains koï\ —Mines à' Ouiskoï. Je pris à l'est , pour me rendre à Abakans- koï-Karaoul , le chemin qui est en-deià du Ta- schtip. Il passe au pied de hautes montagnes garnies de bois. La vraie route est à gauche jusqu'au ruisseau de Minik. C'est la même qui vient d'Arskisch. Lorsqu'on a passé le Minik , on traverse le Taschtip , et l'on suit le pre- mier chemin, dont j'ai parlé, en côtoyant de près les montagnes jusqu'à l'Abakan. Arrivés- là? nous fîmes quelques verstes à travers le Taste enfoncement de cette rivière. Il est agréa- 2,66 1772, DE Taschtipskaia blement bordé de bouleaux et de taillis. Nous atteignîmes Abakanskoï-Karaoul. On y trouve un bac pour passer au village de Boikalova, qui est en face sur la rive opposée. J'avois en- voyé des Beltires en avant pour que ce bac fût prêt pour notre passage* Nous vîmes , près des montagnes ouvertes, vers FAbakan, le petit groseilîer vert de mon- tagnes. Nous y trouvâmes aussi, de nouveau , le caragan frutescent ( 1 ). Nous ne l'avions point vu, en Sibérie, depuis que nous avions quitté les monts Altaïsks , et il disparoît à l'est de FEnisséï. Il croît ici entre les rochers , et a quelque chose d'étranger. Les rochers es- carpés, qui bordent FAbakan., sont garnis de mélèzes. Ces arbres sont tortus ; le bois est très- fragile > mais il a tout autant d'odeur que le genévrier à feuilles ovales , émoussées , toutes imbriquées , et croissant par trois ( 2 ) , qui vient près de FAltéi. Cette odeur a beaucoup d'affinité avec celle du cèdre. Le fleuve Abakan a , vers cet endroit , au- delà de quatre-vingts brasses de largeur ; il est assez profond : mais il a tant de rapidité , que la traversée en est souvent dangereuse , principalement lorsque les eaux sont hautes. Il est bordé des deux côtés par des montagnes qui , (1) Rob'uiia frutescdns. Pall. Flora ross. f. 43, (2) Juniperus lycia. X O u i s k o ï. 267 à mesure qu'on le remonte , augmentent en » hauteur, et se joignent de plus en plus près cle ses rives. M'étant amusé , jusques vers la brune , a botaniser dans des montagnes qui a voisinent l'Abakan , je passai la nuit à Boikalova. Ce n'est , à proprement dire , qu'un très - petit hameau , où il n'y a encore que trois maisons. Il est sur la rive droite de l'Abakan , où il a été établi en même tems que celui de Taschti- powa par des Kosaques , espèce de volontaires qu'on y a fait passer pour garder les limitées qui avoi skient cette rivière. Ces Kosaques ne sont pas encore au nombre où l'on désire les porter. C'est de l'un d'eux que le village a pris son nom. Le lieu où l'on a mis le poste pour la garde de ces limites , est à quinze verstes plus haut, du même côté du village. On ne peut y aller qu'à cheval , à cause des monta- gnes. Tout près de ce poste , on voit le ruisseau de Karadshoui , qui se jette dans l'Abakan. En- tre ce village et ce poste, les deux ruisseaux Arbaat viennent é?2;alement se réunir à ce fleuve par une embouchure commune; Au-dessus du Karadshoui , l'Abakan reçoit aussi le gros ruis- seau de Schebasch. Il ne m'a pas été possible de connoître tous les autres ruisseaux qui se jettent plus haut dans ce fleuve. Personne no 2.68 ï JJ1. DE T A S C H T I ï> S K Ä I A. fut dans le cas de m'en instruire , et nos Ta- tars actuels ne connoissent pas même les con- tres supérieures de l' Abakan , qm sort de hautes montagnes sauvages , entre lesquelles il a son cours. On n'ignore cependant pas qu'elle est la source de ce fleuve. Elle avoisine à celle du Mrasa. Je continuai ma route le 9 , et me portai de Boikalova vers l'Ostrog de Salanskaïa, d'où l'on compte quatre-vingts verstes, d'après la démarcation qu'on en a faite cette année. Pour y arriver , l'on traverse un pays assez uni, mais élevé, qui s'étend entre l'Abakan et l'E- nisséï. On conserve sur la droite , la chaîne de montagnes qui s'élèvent au sud. On n'ap- perçoit dans leurs angles saillans, que des cou- ches d'un granit grossier qui filent à l'est , et s'inclinent rapidement au sud. Je traversai plu- sieurs ruisseaux qui , partant de ces montagnes, traversent la plaine , et vont se décharger dans l'Abakan. Ces ruisseaux sont le Ssoos , le Kinderlih, et le Dabant. Ce dernier est con- sidérable , et accompagné d'une petite côte. Nous passâmes ensuite l'Outh et les trois Bei , qu'on nomme aussi T e 1 -Schapkan- Bei(i). Les Tatars ignorent d'où leur vient cette dénomination. Nous traversâmes (ï) Où le cheval rua« A OlTISKOl. 2.6$ Diargui-Bei (i)^ et le Kistschi- Bei (2). Celui -ci reçoit les autres, et se dé- charge avec eux clans l'Abakan. Je relayai près clu Diargui-Bei où des Koïbales ont établi des iourtens. Ces bordes occupent la contrée située entre l'Abakan et l'Enisséï, J'atteignis vers le soir, le dernier de trois petits ruisseaux qui se nomment Ka.lï; et qui prennent leur cours vers FEnissei , sans y arriver , puisqiie leurs eaux se perdent en terre. Je passai la nuit dans des iourtens Koïbales , à environ, six yerstes de l'Enisséï , et à dix à peu-près de l'Osfcrog de Séianskoï, situé un peu plus bas. Les Koïbales , que j'ai eu occabion de con- noître dans ces voyages , forment une nation entièrement distinguée des Tatars idolâtres dont j'ai parié jusqu'à présent. Ce n'est pas à la vé- rité dans le costume et dans la manière de vivre , à présent les mêmes chez eux que chez les autres , qu'ils en diffèrent, mais parleurs traits, leur langue , et conséquemment par leur ori- gine. Ils ressemblent beaucoup aux Toungouses^ ils ont le visage rond , plat et assez garni de *barbe. Leur langue a beaucoup d'affinité avec la Samoïède, quoiqu'elle soit très-corrompu© par le Tatar. Ce qui en a été conservé par les différentes hordes, prouve que ces tribus dis- ' ' iii ■ hi'hiijiii ii g» i il n >i i »H ■» imii,' ■ m im .,» , , », (i) L'intermédiaire, (i) Le petit. zjo *772, 3)E Taschtipskaia persées sont des restes des Samoïèdes chassés de leurs habitations et relégués dans les pays septentrionaux. Ces hordes sont les Karagasses , dont j'ai parlé,, les Kaimaches (1) , les Motores qui occupent la partie orientale de l'Enisséï, et les Soiotes qui habitent les montagnes de Saiani au-delà des confins de la Russie. Le vo- cabulaire qui suit achèvera de montrer la res- semblance qu'il y a entre les langues de ces nations. On verra que celles des Motores a le plus d'affinité avec la langue des. Soiotes. J'a- voue que je n'ai pu puiser par moi-même des connoissances bien étendues dans cette langue y mais les Motores et les Koï baies qui , en chas- sant sur les limites , ont de fréquentes liaisons avec les Soiotes , l'assurent unanimement. (i) Je prie mes lecteurs de comparer les mots que je donne ici avec ceux du vocabulaire. Un , op. Deux , dshidas. Trois, nagour. Quatre, thœtt. Cinq, soumboulan. Six, mouktou. Sept , selgbi. Huit , schlnditœ. Neuf , togous. Dix , bud. Onze, budob. Douze ,budc se hida. Dieu, noum. Scleil, kaïa. Lune , klsthtin. Tête , alba. Terre , dscha* Feu , thoui. Eau, bou. Homme , khata. Femme, nah. Les Tatars de Kischtimi ont une langue particulière a un petit nombre de familles ; en voici la preuve. Pour exprimer un , ils. disent khouodsha. Deux , ina. Trois , tongga. Quatre , schaguœ. Cinq, hhaguœ. Six, khelousa. Sept, kkelina. Huit, khel- longa. Neuf , khelschaga. Dix , haga. Vingt , intougou» Trente , tangiougou. Quarante , kaitougou. Dieu , esch. Ciel , ourasch. Soleil, ega. Lune, tchoui. Etoile, alagan. Eau, oulh. Feu , oth. Terre ^pang. Vent , ïapei. Les Ostiaks de l'Enisséï ont le même langage , mais avec quelques variations* A O U I S K O ï. 27I VOCABULAIRE. François. Samoïlde. Koïbale, Mo tore. Karagasse. Vn. Ob. Ohp. Uilek. liœk. Deux. Sid. Thchidaï, Kidda?. Guidé. Trois. Ncer. Nagor. Nagour. Nagour. Quatre. Tedt. Tastdé. Téitdé. Déïté. Cinq. Sambylœng. Soumouia. Scbumbulae« Schoubouîy. Six. Mot. Moiîktout. Mouktout. Moukieut. Sept. Ssiïou. Sseishé. Keipbé. Guygby. Huit. Sseidet. Syndsdé. Kiddingtéitdé (2). Guydindutté« Neuf. Khasovoïou. Togus. Obdenakhta. Gbtouï?.rù, Dix. Iou. Bi. Dshïouen. Tïout. Otiie. Obïœnga. Bilo. Dshïounob. Schoudob, Douce. Sidïœnga. Bisda;. Dshïounkidda;. Dschoudkidé, Treize. Nœrïoenga. Binagor. Dshïounnagor. Dschouciiagor» Vingt. Sidéïou. Schidvit. Kiddidshoud. Gudetoiic. Trente. Nœrïou« Nagorbit. Nagot'dshou. Nabourtout. Quarante. Tétïou. Téïtdedshou. Déittetout. Cinquante . Sambylenguiou. ...... . Surnbulsdshou. Schumbcuiatout. Soixante. Mottiïou. Mouktouast. Mouktoundshou. Monktoutout. Soixante-dix. Siouïou. Seigbit. Keipbedshou. Gudbu. Quatre-vingt. Seidetïou. Sindœdebit» Kiddindeitdedshou. Guddindïittétout. Quatre-vingt- dix. Khasovoïour. Obdenaschdadshou. Obtouïasttout« Cent. Lcuziïour. Dshundshus. Dshout. Dieu. Khai. Khoudaï (1). Bourkhan. Teré. Diable. Sïoudibé. Haala. Sedkyr, Ciel. No um. Noum. Orgokhairakhan. Teré. Nuage. Tir. Kinsigas. Ti. Di. Neige. Syra. Sirrae. Sirra;. Sir a. Grêle. Sirobta. Touskounak. Tasiounak, Sourit, • Pluie. Sarïou. Sourouno. Sirrou. Siourou. Vent. Mirtsché. Verssé. Mirga?. Mergué. Feu. Tou. Sy. Toui. Doui. Fan. Ouit. Bu. Bou. Bou. Terre. la. Dshou. Dsha, Dsha. Montagne. Tanaba. Mouiïa. Bis. Biœ. Pierre. Pai. Pi. Hilx. Tangait. Arbre. Pœ. Pa. Ha;h. Khy. Fovét. Podera. RNenetsch. Tunda?. 1 Khyttydiha, Homme. < 1 Khasova. Né. Kudsa?. ' Kasa. Femme. \ Nœusa. Misida. (1) Khoudd en Persan. ( Langlès. ) (1) Cest-à-dire deux fois quatre. 2.J2 I772. BE T AS CHTÏPSK AIÄ François. Tête . Cheveux. Yeux. Dent. Oreille. Joue. Col. Ventre. JSiei. Devant de jambe. Fourrure. Cabane. boisson. Samoïede. la Aiba. Iypty. Saivy. Tion. Kha. Padou. Ouik. Moun. Pyje. |Pouly. jPany. Mœt. iKhalé. etc. Koïbale. Oulou (1). Abda% Sima. Tema, Kou. Poutmo. Baiggué. Nana. Pis. Pusut. Pyrga. Mat. Kholla. Motor e. Nhamba, Ssims. Koukda. Bouikoe. Aehndé« Hix. Hooi. ICaragasse* • • e • • • Mœt. Ghalis, Aïdada. Obtida. Sïimidx. Dimida. Koukta. KholodoÉ Buikidi. Herguedé. Hildae. Ousïoundy. Kharga. Ottok. Kalo. Les tribus Koïbales qui occupent le pays entre l'Abakan et TEnisséï , sont de la horde de Krasnoïarsk. Ces tribus sont celle de Ta- ragak, composée de trente -deux têtes , celle de Bolschoi-Baigatol de trente-six têtes , celle de Karnat de trente-deux , celle d'Urguen, qui ne monte pas tont à fait à trente têtes , quoiqu'elle soit réunie à l'Aimak de Bougoudshé. La horde Koïbale qui habite la partie orientale de l'E- nisseî est formée par les tribus d'Arschoupova , (t) Voyez ci-dessus ma note sur le même mot , pag. zo9* L/examen de ces vocabulaires exigeroit une discussion très- longue et peu intéressante pour la plupart des lecteurs. Ceux qui se livrent à l'étude des langues , n'ont pas besoin que je leur indique des rapprochemens qu'ils saisiront mieux que moi. Ils reconnoîtront , par exemple , la conformité d'un grand nombre de mots Koïbales, Persans, et Tatars- Mant- choux, etc. ( Langlès. ) composée A O U I S K O ï. 273 composée de vingt - trois têtes, cle Siskova, quinze têtes, d'Askasova huit , de Koskoï seize, d'Angarova trente-un <, des Toubinzi, parmi lesquels sont compris les Motores qui comptent vingt-neuf têtes , de celle d'Abougatscheva seize têtes, d'Artschinskoï vingt-cinq têtes ^ de Maioï- Baigatol quarante - deux , et enfin de celle de Bolschoi - Baigatol soixante - cinq têtes ; toutes payent tribut. Les Koï baies sont presque tous chrétiens , et ont par conséquent abandonné les usages du pa- ganisme , du moins en apparence. Ils montroient plus d'affinité dans leur culte idolâtre et dans Je costume de leurs magiciens avec les Kai- maches, qu'avec les Tatars leurs voisins. Ils enterroient leurs morts dans des fosses, à l'ex- ception des enfans qu'ils exposoient sur des arbres, comme font les Beltires , usage qui * existe aussi chez les Tatars de Tschoulim. Ils ne sont pas très-riches en bestiaux. Cependant quelques - uns d'eux possèdent jusqu'à cent chevaux. Ils vivent d'ailleurs très - bien , s'a- donnent beaucoup à l'agriculture, et la chasse leur procure de très- grands avantages. Ils la» bourent leurs champs avec la charrue Russe qu'ils appellent Sabaîn. Ils cultivent plus de giain qu'il ne leur en faut pour leur consom- mation , et vendent le superflu à d'autres Ta- tars. Ceci joint à leur manière d'être, prouve Tome VI. S *$4 *17Z' ** TaschtipsKaii qu'ils ont un caractère doux , pliant , et ex» trêmement oppose à celui des Tatars. Ils ré- coltent beaucoup de lin sauvage , et des orties dont ils fabriquent des cordages. Il y en a qui se construisent des maisons en charpente pour l'hiver. Ils entretiennent tous des poules > quoi- qu'en petite quantité. En automne > pour chasser la bête fauve et la zibeline , ils vont par troupes dans les déserts situés en deçà de l'Enisséï près des sources de l'Oï et du Touba , ou bien ils parcourent les rives gauches de l'Enisséï le long des ruis- seaux qui sortent des montagnes les plus sau- vages. Ils vont , par exemple , le long du ruisseau de Dshoi, en remontant vers les mon- tagnes de neige de Taskil (en langue Motore , B e i g g a). On rencontre encore beaucoup de castors et de loutres près^ des petits ruisseaux environnés de bois. Cette chasse, et celle de la zibeline occupent principalement les Koïba- îes. Ils chassent la bête fauve vers la fin d'août. En décembre et janvier commence la chasse de la zibeline , du castor , de la loutre , du loup-cervier , et d'autres animaux de prix dans le commerce de la pelleterie. En mars, lorsque la neige peut porter , ils font la chasse aux élans , et autres cerfs , aux bêtes fkuves , en se servant de raquettes. Ce sont les marchands de Kouznezkqui viennent acheter en plus grande partie leurs pelleteries. Ils payent leur tribut 'à O U I S K O X. 2^5 avec les peaux d'élans et de cerfs, et remplissent en argent ce qui manque au total de leur con- tribution. Les Koïbales ont une singulière manière de tendre des pièges au goulu. D'autres peuples chasseurs la pratiquent aussi. On dit que cet animal suit le renard à la piste pour partager avec lui la proie qu'il rencontre. Ils tendent donc des pièges et des assommoirs sur ces pistes , où les goulus sont communément les premiers pris. Lorsque les Koïbales se trouvent à la chasse pendant l'automne dans les déserts montagneux, iet que les fortes neiges couvrent les pâturages de manière que leurs chevaux ne trouvent pas de quoi se nourrir , ils vont à la recherche des magasins de foin que le petit lièvre des Alpes (1), qu'ils nomment Kii.be, se fait sous les ro- ches, ou autour des arbres pour ses provisions d'hiver. Ce foin est rassemblé des plantes les plus succulentes , parmi lesquelles il y a beau- coup de staphysaigre , qu'ils appellent I'Ioutik ; mais cette plante ne nuit aucunement aux chevaux. Ils disent qu'on remarque dans les environs de ces magasins de profondes trouées dans le gazon , ou , pour mieux dire , de petits .sentiers battus par les allées et venues de cet animal industrieux. (1) Lepus alpinus. Appendix , n°. 6. S 2, 2,SXAlX entre ces rochers. J'y vis avec plaisir , parmi les restes de plusieurs plantes rares , ceux d'une espèce nouvelle et intéressante. C'est l'orpin à feuilles de peuplier (1). Il avoit encore tout son suc , et formoit un tapis charmant autour des rochers couverts de mousse. Ses longues racines rampent à découvert sur les rochers et dans la mousse qui leur sert comme d© couverture 9 de manière qu'en l'enlevant on peut emporter toute la plante. Il a, de loin, avec sa tige, l'apparence de jeunes peupliers qui prennent naissance. On traverse le Ion g de ces rochers le Kitschi et Î'Oulov-Karakoulak {%. 3). Le ruisseau infé- rieur se décharge dans i'Enisséï, à dix verstes auTdessus de Saiansk } l'autre y tombe à deux verstes à peu près de cette place. L'on y compte de ce dernier ruisseau environ quatre verstes à la montagne au haut de laquelle estiamine de Main- koï. On la découvre de loin par rapporta l'argile ■ (ï) Sedum populifolium. Appendix, n°. 315. (1) La grande et la petite source d'oreiile noire. (3) Littéralement, la petite et la grande noire oreille* Tous ces mots son^ purement Tatars. Peut - être ces deux: ruisseaux doivent-ils leur nom à une espèce de chat, nommé en TurkKarä- Koulak , et en Persan Sjrah-Guioch (oreille noire ). Le docteur Hyde a donné la description et la figure de cet animal curieux dans ses notes sur les TabUs des étoiles fixes d'TJlughbegh. Hyde syntegmata dissertationum tom. 1 , pag. 36. ExedicSharpe Oxonii , 1767. (Langlès, ) A O U I S K Q ï. 2.^t rouge qui couvroit le minerai qu'on en a tire. On avoit poussé les travaux d'exploitation à vingt toises de profondeur mais tout y est actuellement dans un tel désordre , soit par le planchéïage qu'on a brûlé, soit par les éboulemens , qu'il n'y a plus moyen d'entrer dans le puits. On l'avoit creusé sur une gangue perpendiculaire qui étoit pleine de pyrites cuivreuses , de mine de cuivre vitreuse noire, et d'une pareille sim- plement vitreuse. On avoit observé que ces matières continuoient de donner dans les profon- deurs des travaux ; mais on chercha à cacher les richesses cle cette mine , et les préposés à cet établissement détruisirent à dessein les travaux du fond pour faire tomber les forges de Loukasi , afin de sortir de ces contrées dé-, sertes et éloignées. Ils y parvinrent par ce moyen , puisque la mine de Mainskoï étoit la principale et la plus riche de ce canton. Ils ont été dupes de leur supercherie ; car, an lieu de retourner à Eka- terinbourg; , comme ils le desiroient , ils reçu« rent ordre de se transporter à Nertschinsk. Je tiens ce fait de plusieurs personnes. La mine de Mainskoï étoit la plus riche et la plus con- sidérable , comme je l'ai déjà dit, de toutes celles qui avoisinent i'Enisséï. C'est d'elles que les forges de Loukasi tiroient le meilleur minerai. On les fondoit alors tous pêle-mêle , et on ne cherchent à en tirer que du cuivre , sans s'em^ aßft Î772: b'O tr Tsf oï barrasser des métaux lins 5 mais dans la suite 9 on tira plus d'éclaircissement sur la nature de cette mine. M. Lodiguin inspecteur â ayant été envoyé pour visiter celles de l'Enisséï , trouva dans le cuivre noir qu'il fit rassembler des mon- ceaux formés près des fosses , une assez grande quantité d'argent qui provenoit uniquement des minerais de la mine de Mainskoï , qui sont argentins. Avant cela on ignoroit le rapport qu'il y avoit à tirer de cette exploitation. Si on lareprenoit jamais , on parviendront facilement aux minerais par un simple conduit percé à volonté dans cette montagne. On remarque encore au pied , dans une place garnie de rochers , et voisine du fleuve , les traces des maisons qu'occupoient les pré- posés à l'exploitation de cette mine. A quatre verstes plus loin , on atteint l'embouchure du gros ruisseau d'Oui. L'on y avoit entrepris dans des tems ultérieurs quelques travaux. C'est sur la gauche du ruisseau , et à un demi-verste au plus de l'embouchure, qu'on voit les fouilles les plus importantes (1). Elles «ont au bas de la pente douce d'une montagne (1) C'est feien à tort qu'on a donné à la mine de Mains- koï le nom d'ÖRM aï-Tour a , d'après une chaîne de mon- tagnes qui est en face , au-delà de TEnisséï , au lieu qu'on auroitdû lui donner le nom de la montagne même où elle est •huée. à 0 u s t o ï s k a: 2t83 élevée qui tient à celle de Mainskoï. Elles ont en commun le nom de Poss-Tag. On a creusé dans Tune à cinq ou six brasses métalliques. Ces travaux ont été entrepris à raison du mi- nerai ocreux en druses , dont le meilleur étoit mêlé de galène. Il rend à l'essai une livre de plomb par poud, et un demi - zolotnik d'ar- gent. Ces minerais ne présentoient pas une grande continuité, et n'étoient en plus grande partie qu'une ocre novice renfermant très-peil de plomb. C'est sans doute la raison pour laquelle on a sitôt abandonné les travaux qu'où avoit commencés en 1763. A notre retour de la mine d'Ouiskoï, une pluie considérable, et la nuit qui approchoit,' nous empêchèrent de continuer notre route» Nous passâmes la nuit chez les Koïbales. 5. XIX. D' O U I S K O ï A O U S T o 1 s K a/ Village de Kaptérova. — Anciennes tombes près de Y Enissëi. — Sckounerakaia-Dérevna, 14 verst. — Saïanskoï-Ostrog , 5 verst. — Ruisseau de Ssisoé y 5 vers te s. — Loguina- Osada , 3 verst. et demi. — Village de Kap- terova, 00 verst. — Village de Schouskaia , \o verst. — Oustoïskaia-Dérevna , i5 verst. — Détails sur le bouc-étain de la Sibérie. — « Village d' Ousteïska. sS4 1772. a'O rr 1 s K o ï Nous descendîmes le lendemain l'Enisséï eît nous portant vers le village de Kapterova , situé au-dessous de Saianskoï. J'avois envoyé quelqu'un en avant, afin qu'à notre arrivée tout fût prêt pour la traversée du fleuve. On ne peut pas le passer à Saiansk , parce qu'il n'y a ni bac ni bateau. Je ne trouvai à mon arrivée que deux médians canots. Nous nous en servîmes en faisant passer les roues à droite des voitures dans un, et celles de gauche dans l'autre. C'est ainsi qu'elles traversèrent succes- sivement le fleuve. Nous nous exposions beau- coup à cause de sa rapidité. Notre traversée fut néanmoins très-heureuse , et s'exécuta en très-peu de teins. J'avoue au surplus que l'E- rdsséï n'a guère plus de deux cents brasses de largeur dans cet endroit. J'envoyai M. Souïef en avant , et lui fis prendre la gauche du fleuve. Je lui avois re- commandé de se transporter en ligne directe, en traversant l'Abakan, vers la mine de Ka- rischkoï , de visiter sur sa route , deux petits lacs salins situés entre l'Abakan et l'Enisséï, presqu'en face de la Saivode de Lougaskoï ; de roir en même te m s le charbon de pierre qui existe dans la montagne d'ïsik près de l'Aba- kan, et de me rapporter le détail de ses ob- servations. De mon côté j'avois formé le projet de parcourir le pays qui est à l'est de l'Enisséï, et s'étend jusqu'aux forges de Lougasi; je nie A O U S T O ï S K A. 285 proposons d'aller delà à Karisch. Je passai la nuit à Kapterova. Ce village est situé sur un bras de l'Enisseï qui n'a cours que lorsque les eaux sont hautes. On n'y compte que seize maisons , habitées par des laboureurs. Cinq Kosaques y font le service pour la garde des limites. Tous les villages en e;énéral situés au-dessus de l'Abakan jouissent de très-grands avantages tant pour la pêche que pour la chasse. Ils tirent en même tems un grand secours des Koïbales que la nécessité contraint à venir leur offrir leurs services. Malgré cela , ils ne leur permettent pas de dresser des pièges et des lacets au che- vreuil , au porte-musc , à l'hermine, à l'écureuil, et à d'autres petits animaux 5 et lorsqu'ils en tendent au castor , à la loutre , au lynx et à la zibeline , il faut qu'ils se cachent s'ils ne veulent s'exposer à des démêlés. Les champs de cette contrée sont très-ferti- les, mais exposés à des gelées précoces dès les premiers jours d'août. Ceux situés dans des bas-fonds près du fleuve ou des ruisseaux en. souffrent le plus. Le Kirlik^ ou sarrasin sauvage qui se mêle parmi les grains , est un autre fléau pour les récoltes. Les laboureurs de ce canton ont grand soin de le trier, ils ne s'en serviroient pas même dans leur gruau. On n'a pas plutôt labouré un champ , qu'on le voit couvert de ce sairazin. Comme il mûrit ä86 1772. d'O u i s k o Ï de bonne heure , et que la graine se répand bien avant qu'on puisse songer à la moisson des grains, il se multiplie tellement au bout de quelques années, et prend si bien dans les places où le grain et le chanvre sont clair- semés, qu'il y étouffe les semaiHes. Ces paysans en sont désolés , parce qu'ils ne font aucun cas de ce Sarrazin, et qu'ils ne s'en servent jamais. Je ne puis dire si c'est par caprice ou par superflu. Le foible avantage qu'ils en retirent est d'en vendre aux Tatars de Katschinzi qui l'achètent pour leur consommation. Ce Sarrazin, quoique moins délicat que le lin sauvage , n'est pas moins exposé à l'âpre té des gelées précoces, etil en périt beaucoup dans les champs bas. C'est ce qui arriva cette année , car plus des deux tiers des épis étoient creux. Le seul moyen de le détruire , c'est de laisser un champ en friche pendant une année \ car dans un champ où l'on en sèmeroit une année à dessein, et où il se ressemeroit ensuite de lui - même , il prendroit à peine germe si l'on ne labouroit pas la terre au printems , afin que les graines semées en automne ne soient pas couvertes pendant l'hiver. Ce sarrasin fournit , d'ailleurs , un mets très -agréable : mais il faut observer de préparer cette bouillie à l'eau bouillante , sinon elle devient d'un jaune verdâtre , et en perdant sa chaleur , elle acquiert une viscosité désagréable 5 il se met, d'ailleurs, facilement ▲ OUSTOÏSKA. 28/ en cmau . Si on a soin de le sécher au four dans sa fraîcheur, il perd de lui-même une partie de sa cosse , et le reste se détache facilement dans un petit moulin à bras. J'ai vu, à Kapterova, un vieux paysan qui a voit été employé dans toutes les fouilles des mines; cet homme avoit quelques connoissances de son état, et c'est à lui qu'on doit la découverte de la mine de plomb près de l'Ouï. Il passoit aussi pour très-expert dans la découverte des trésors cachés , et ne faisoit point un secret de cette occupation. Je lui ai, ainsi qu'à quelques-uns de ses compagnons , de grandes obligations; car ce sont eux qui m'ont fourni certains détails intéressans sur la nature des anciennes tombes qu'on voit près de l'Emsséï, et qui ne sont pas toutes de même espèce. Je crois pouvoir certifier à mes lecteurs l'authenticité de tous les nouveaux détails que j'en vais donner, parce que je m'en suis assuré en en faisant ouvrir quelques-uu es. On peut diviser ces tombes en deux classes principales , l'une comprend les mouumens sépulcraux en pierre (Maiaki et Slakzi) et l'autre les tombes en colline de terre , revêtues ou non d'une pierre sépulcrale (KOURGANI). Dans les tombes en pierre, on trouve les cadavres placés comme je l'ai dit plus haut, communément avec la tête au levant, dans une fosse revêtue de dalles. Les ossemeus de 2.88 1772. d'Où i s K oï ces cadavres , et sur- tout ceux de la tête > sont pourris en partie. On voit dans toutes ces tombes., à droite de la tête, un grand pot de terre presque tout brûlé par l'usage qu'on en a fait, et des débris d'ustensiles en bois. Elles diffèrent très-peu les unes des autres dans leur extérieur , si ce n'est par la grosseur des roches dont elles sont construites. On rencontre dans les principales tombes de cette espèce , toutes sortes de vases joliment travaillés en lamines d'argent et d'or , des boutons et autres ornemens , des étriers et autres pièces d'harnois de cheval , travaillées en fer , et incrustées on garnies en argent et en or. On y trouve aussi par fois des ustensiles de cuivre, mais moins fréquemment. On voit encore dans certaines les cendres des corps qui ont été brûlés. Elles sont renfermées dans un petit compartiment construit en pierres. Les grandes tombes qui ne sont qu'en terre ont quelque chose de plus intéressant. Elles prou- vent, par les cérémonies observées lors de la sépulture des cadavres qui y sont renfermés., qu'elles viennent d'une toute autre nation. On les rencontre communément dans des contrées séparées de celles où sont les tombes en pierres. D'ailleurs elles sont placées comme les autres sur de belles élévations, et sur des plateaux choisis. Elles sont réunies comme en cimetière. On voit dans toutes ces tombes une espèce de chambrette x ö ü s t o ï s k a: 289 fchambrette en charpente , encore très -facile à xecomioître et assez bien conservée. Elle est en bois de mélèzes. On juge par' son assemblage qu'il y avbit clans le fond un compartiment composé de grosses poutres' posées les unes sur les autres , qui servoit "a 'renfermer le ca- davre qu'on couyröit ensuite de terre. On trouve ordinairement au - dessus de la fermeture de ces caveaux, qui" étoit composée de grosses poutres , des morceaux cl'écorce de bouleau qui résistent long-tems à fa pourriture ?ou bien des dalles de pierre qui se sont affaissées à mesure que ces poutres pourrissoient. Le fond de ces caveaux est planche ï'é.. On. voit assez or- dinairement clans un même' caveau , les osse- m'ens de deux' cadavres , 'quoiqu'il y en ait qui n'en renferment qu'un seul ; mais' en revanche > ' uiie tombe servoit à plusieurs corps , et avoft plusieurs compartimens séparés par des cloi- sons, ou simplement par de la terre. Aux pied» du cadavre sont toutes les bagatelles qu'on a enterrées avec le mort, clés pots de terre, "des chaudrons de cuivre , tels qu'on les voit re- présentés dans la planche XCIIÎ, figure 4. On y trouve aussi des débrisr de cuillers à puiser^ et des vases de bois. Vers la ceintureront des garnitures en lamines , figurant des cerfs ou autres choses, des poignards 'et des. couteaux avec les traces de leurs' gaines. On les trouVe représentés clans la même planche, fig. 5. Oa J'orne FL T y voit aussi toutes sortes de petits outils {idemi Près de la tête sont des. boutons couverts d'une feuille d'or , des boucles et des restes de l'habillement qu'on y avoit déposé. L'on trouve encore dans les tombes qui se sont conservées, des morceaux d'étoffes de soie et d'or , et des poils de zibeline , ou autres fourrures. Il y en a où nous avons reconnu des pieds d'animaux de toutes grandeurs. On les avoit troués et placés en ligne l'un près de l'autre. Il y en a d'autres où nous avons remarqué de petites py- ramides de métal angulaires et de diverses formes {figure *)?A. I). ). Elles servaient peut-être à jouer aux dames ou à quelque usage semblable. 'La /ig. 3 , A. B. représente les restes d'une lance ou bâtond'honneur. On enrencontre beau- coup dans les tombes des hommes. Il y en a qui sont ornés de crosses de métal. La figure en représente une assez artistement travaillée. Il y a de ces bâtons qui sont cordonnés en serpentant d'un filagramme d'or fort étroit. On y rencontre aussi quelquefois de petites pla- tines d'or fin qui servaient sans doute d'orne- ment autour du col ou des, poignets , ou qui entouroient les manches des poignards et 01- noient les ceinturons. Queiquc.s-unes de ces tombes renferment des cadavres entiers, etj.es cendres d'autres qui avoient été brûlés. Ces os- Semens étoient amoncelés en un tas près des k OttstoïsKAÎ 29t Jtmrs de la charpente qui forment le comparti- mentdont j'ai parlé plus haut. C'était sur ces tas de cendres qu'on déposoit ces lamines d'or, et autres bagatelles. D'autres renferment des ustensiles et choses semblables ; mais il est moins facile de distinguer ce que ce pou voit être." Un vieux fouilieur de trésors m'a assuré avoir trouvé dans deux de ces fouilles une figure représentant une tête humaine, en porcelauie très-propre. L'intérieur était concave, Cette tête, de grosseur presque naturelle , étoit couronnée de feuillages peints en vert et en rou~e. Un autre rencontra dans une de ces tombes une petite figure de canard , découpée en écorce de frênes, du moins elle parcissoit venir de cet arbre. Une feuille d'or couvroit cette figure. J'obtins d'un troi- sième une petite figure représentant un mouton sauvage. Elle étoit de cuivre jette en fonte , re- posant sur un médaillon {Voyez fîgzwe 8 de la planche indiquée ci -dessus). J'ai déjà parlé dans le précédent volume des boutons en forme de cloches, ornés de capricornes {Voyez fig* *])* Tous les ustensiles qu'on y voit sont en cuivre jette en fonte. Gn en rencontre rarement en 1er. Il y en a cependant quelques-uns , car on m'a dit y avoir trouvé une hache rouillée , et une pioche parfaitement semblable à celles dont nos mineurs se servent. Ces fouilleurs assurent tous avoir trouvé dans ces tombes les ossemens des cadavres dans l§ T a £9* ijfz? D^O ïï I Sit oî plus grand désordre, et n'y avoir rencontré aucune cliose précieuse : ce qui les por^e à croire qu'elles ont été anciennement fouillées , et refermées ensuite. On trouve clans les grandes tombes des squelettes de chevaux , et des dé- bris de selle et de barnois. Ils reposent au- dessus des caveaux , enfouis simplement dans îa terre. Les squelettes humains prouvent que ces peuples n'étoient que de taille ordinaire. Quelques-uns de ces fouilieurs assurent en avoir îtrouvé d'une taille gigantesque -y mais je n'y pjoute pas foi. Il y a , dans les environs de Schousch , et principalement vers la partie orientale de l'E- ïiisséï, des tombes où l'on n'a rencontré qu'un ïimas d'ossemens jetés sans ordre les uns sur Jes autres , avec des lances ou fers de flèches en cuivre y et d'une forme qui n'est pas commune. 'Ces monumens semblent prouver qu'il s'est li- vré quelques batailles dans ces endroits , ou à leur proximité. Le 12 , je remontai l'Enisséï , pour voir d'an- ciens retranchemens dont on m'avoit parlé ., et botaniser en même teins sur les montagnes de cette contrée. A sept verstes du village , l'on entre dans des forêts de bouleaux , où l'on passe le petit Schou- ner, qui se forme de deux ruisseaux , et se décharge dans l'Enisséï. On voit, clans l'angle où s'effectue la réunion , les traces d'un rem^ A O ■ U S T O ï S K A. 2q3 part et d'un fossé tirés en travers la langue de terre qui les séparoit. On y distingue encore un passage qui se r voit d'entrée. On tiroit autrefois d'une place qu'on décou- vre subitement au-dessous du Schouner , et tout près du village établi sur l'Enisséï , une argile blanche , et à l'épreuve du feu. On la trouve 4ans ^a T1Ye c^u fleuve. On en transpor- toit aux forges d'Irbisch. Le village ci - dessus doit son nom au ruisseau. En remontant le pe- tit Schounerj on avoit autrefois une mine ap- pelée Solofskoï. Elle était à neuf verstes de l'embouchure du ruisseau et du village de Schounerskaia. On en tiroit un minerai ferrugi- neux et aigre. Il rendoit une livre et demie de cuivre par pond. On avoit commencé à en transporter aux for- ges de Lougaskoï; mais la fusion en étoit trop difficile. Le village de Schounerslcaia est com- posé de huit maisons : trois sont habitées par ** trois frères 9 d'origine Mongole. A dix verstes de ce village , il coule entre les montagnes un petit ruisseau qui se décharge dans la Ssisoé. On le nomme simplement Badanka, par rapport à la quantité de saxifrage à feuilles grasses (1) y qui croît sur les rochers de son voi- sinage. 1.1 1 ■ ■■ - - - - — n-~ 1 1 1 1 ■ 1 ir- - m 1 - ■ ■ " (.) Saxifraga crus sif alla. T 3 ^94 ijjz. d'O ü i s k oï Cinq verstes au - dessus du Schouner , est l'Ostrog de Saïanskoï» Ce petit fort forme un Carré de cinquante toises. Il est construit en charpente, et entouré d'un fossé et de chevaux de. frise. Ses angles sont flanqués de tours. Il a deux portes. On y voit cinq casernes , un magasin de vivres , et un autre à poudre. Il est défendu par six canons de fer. Sa garnison consiste en sept Kosaques., commandés par un caporal , encore ne s'y tiennent - ils pas tous. Les environs de Saïansk n'étant que des ro- chers , sont peu propres à l'agriculture. Ces Kosaques demeurent dans les villages les plus voisins , et se relayent deux par deux pour aller garder le magasin à poudre et les canons du fortin. Cet endroit est donc comme aban- donné , quoique les bâtimens y soient en très-bon etat. Le& places unies , qui environnent Saïansk, ôffriroient peut-être un sol délicieux pour la culture de la rhubarbe. On rencontre, à sept verstes de cet Ostrog , la dernière plaine. Elle est au pied de la montagne Omaitaura , où l'on vouloit d'abord construire ce fortin, presqu'en face du Ritschikara-Koulak. C'est pourquoi cette plaine a encore le nom d'OsTNATSCHEN-NOÏ (1). D'ici , la route côtoie le fleuve ; mais elle dé- fi] Terrain dont on a levé le pian. A O U S T O ï S K À. HCjS vient très-pénible , par rapport aux rochers et aux montagnes garnies de forêts dont eile est bordée. On fait cependant encore huit verstes avec des voitures moyennes jusqu'au ruisseau de Ssisoé., auquel les Busses donnent îe nom de Sisaia 5 mais on a bien de la peine à passer un autre ruisseau qu'on rencontre subitement au-dessous de Ssisoé , et dont les rives sont très-rapides. Il prend sa décharge dans l'Enis- séï. Je trouvai sur les rochers les mêmes plantes rares que j'avois vues en -dessous de la mire de Minskoï , entr'autres, l'orpin à feuilles de peuplier (1) , et l'agripaume de Sibérie (2). Je vis, dans les angles bien exposés au soleil , l'a- thamante condensée (3). Je montai à cheval , et laissai ma voiture prés du Ssisoé , quoiqu'elle fût très - légère." Après avoir fait deux verstes et demi le lon le long de cette forêt , quantité de tombes jusqu'au village de Schou- sclxkaia , situé à deux verstes plus loin , sur un bras de l'Enîsséï. Ces tombes ne consistent qu'en des amoncellemens de terre ; elles s'étendent en lîle. Ceux qui s'occupent à les fouiller disent qu'on n'y trouve qu'un amas d'ossemens dans le plus grand désordre , et quelques débris d'armes. On voit, en général, très-peu de tombes riches de ce côté de l'Enis- séï. Cela vient sans doute de ce que , du tems a O r s T o ï s k £, £99 ttes anciens habitans de cette contrée , comme parmi les Tatars aujourd'hui , les personnes riches se retiroient , à cause de leurs trou- peaux , dans les steppes de l'Emsséï et de Y A- bakan , et abandonnaient aux pauvres les con- trëes couvertes de forêts, où ils se nourrissaient de la chasse. Le village de Scliousch est composé de trente- une maisons ; vingt - six sont occupées par des laboureurs aisés , et les autres par des Ko- saques. On voit, à un demi-verste de ce vil- lage , les restes d'un petit fort élevé dans une plaine unie ; il formoit un carré. Quoique la place soit maintenant couverte d'herbes et de broussailles , on distingue encore la ligne de son enceinte , qui étoit à - peu - près de mille pas. L'entrée se trouvoit dans l'angle qui fait face au nord-ouest. Cette enceinte paroît avoir consisté en un double rempart et un fossé. Ce* qu'il y a d'étonnant , c'est qu'on ne voie point d'eau à la proximité du fortin , ni aucune trace qu'il y ait jamais existé de source. Onn'apper- çoit qu'un fond un peu marécageux au-dessus du fortin , le long de la forêt. Le choix de cette place , pour y établir une forteresse , avoit été très-mal combiné. Le grand nombre de tombes qui existent au - delà du Schousch sont peut - être des suites du siège de cet ancien fort in. La route de Schousch à FOï , et à Oustoïs- 3oo 1JJ1. u'Oti I SK oï kaia - Dérevna , traverse une steppe basse et raboteuse. Le cliemin est impraticable , et l'ou- ragan cluroit toujours. Mes voitures couru- rent de grands risques en traversant l'Oï sur des canots. Cette rivière a plus de soixante brasses de largeur lorsque ses eaux sont hautes 9 et il faut remonter trop loin pour joindre le bac placé dans l'endroit où elle a moins de lar- geur. Le village est bâti sur les deux rives du fleuve , près de son embouchure dans l'Enis- séï. Outre les paysans qui y sont domiciliés , il y a des Kosaques, qui font la garde des li- mites. On passe communément d'ici en remon- tant rOï à Oï-Kobaschkoï-Karaoul , qui est le poste de limites intermédiaires, et le plus éloi- gné de ceux qu'on a établis le long de cette chaîne de montagnes. Il est situé tout près du confluent de l'Oï et du Kebesch. D'après la démarcation , faite cette année , l'on compte soixante-dix verstes d'Oustoïskaia à ce poste. Narissagoiskoï - Karaoul est plus à l'ouest , et par conséquent plus près. Il est situé près de l'embouchure du ruisseau de Narissa , à cinquante - deux verstes trois cent cinquante toises d'Oïkebesch , à quatre-vingt-treize verstes d'Abakansk. Il y a encore une autre garde de limites , appelée SckadatsxoÏ. C'est la der- nière de celles qui concernent les limiles de Krasnoïarsk, à {'est. On ne sait pas à quelle distance elle est de la première garde des îi- IX Oustoïsk a: 3oä mîtes d'Oudinski. On n'a pas pu entreprendre de démarcation dans ces parties , par rapport aux montagnes sauvages. Cette garde de Scha- datskoï est à vingt-huit" -vers tes onest de celle d'Oïkebesch. On l'a établie près de l'Amoul , qui vient des montagnes ,' et se réunit au Touba , près du ruisseau de Schadat. Ces trois gardes sont composées chacune de dix hommes» Les bornes de démarcation, '■' où elles sont obligées de faire leurs patrouilles , sont celles d'Oust- narissa, près de l'embouchure du Kemtschouk, dans l'Enisséï , et celle qui est sur la montagne de neige ( K-h-ouïn - TabAn ), située au-delà de l'Ous, à cinquante-sept verstes de Norsogoiski , et à cent huit verstes d'Oikebeschkoï-KaraouK Pour s'y transporter de la garde de Schadats- koï , il faut d'abord ! remonter le Kebesch ; après quoi l'on passe , près d'une haute montagne , le ruisseau de Tarodan. On, longe ensuite la longue côte d'Onssoun ■- Arga jusqu'à TOus, Arrivé à cette rivière , on voit le Khoïn - Ta- gan s'élever du bas de ses rives jusques dans les nuées. En chemin , on découvre de loin Ä à l'est., les cimes brisées d'Irguen - Targak , garnies de rochers. Le Khoïn-Taban est entre l'Ous et l'Outil , qui viennent tous deux de l'est; ïls coulent à quinze lieues Tun dé l'autre , et vont se rendre dans l'Enisséï. De cette mon- tagne , les limites s'étendent au-delà de l'Ous . de manière que les hautes montagnes, qui en- $02 *J72* »'Oüükoi tourent sa source, sont au-delà des frontières» et appartiennent à la Mongolie. Elles filent , an nord-est , le long d'un bras de FEnisséï ou Kists- chi-Kem ; et, plus loin, le Sélenga (1) y prend sa source. Il y a , près de TOust , encore une borne de démarcation à soixante -dix verstes d'Oïke- foesch y où les Kosaques de ce village , et ceux de Schadat , sont obligés de faire des patrouilles. La contrée n'est composée toute entière que de montagnes sauvages , si dangereuse à pas- ser, que, dans la plus belle saison de Tannée, tn '■■.". ' . ■ .i.iii ■ .Lu . ., » 'il (1) Des vieillards , qui avoient été commercer jadis avec! les Soïottes , avant que les frontières fussent strictement gar- dées par les Mongols , qui sont sous la domination de la Chine , disent que , pour se rendre aux sources du Sélenga , il faut passer d'abord près de l'embouchure du bras de l'Oï , qui esta l'ouest , une montagne, derrière laquelle l'Ous prend son cours vers FEnisséï. Après l'avoir traversée , on a à monter le Khoiin-Taban , montagne très - roide , d'où l'on atteint l'Outh. On la côioyoit si près de l'embouchure , qu'on dis- linp-uoit les montagnes qui sont en-delà de l'Enisséï. On longeoit ensuite ce fleuve, qui prend déjà dans cet endroit le nom d'OüLou-KEM. On traversoit ensuite le Toustou- Dsoull , ou ruisseau salin : de-là le Kitschikem , et enfin la rivière- de Kaussara. Entre cette rivière et 1'Öuiou-Kem, oui coule sur la droite , la route passe , à l'est , vers le Tod- shikoul , qui est à une forte journée de l'embouchure du Kaussara. Plus loin, on côtoyoit le Tschl'chkisch jusqu'à son embouchure ; et l'on avoit ensuite , jusqu'au Sélenga , un chemin des plus pénibles à travers des forêts sauvages et mon*- Cagneuses. A O U S T O ï S K AÏ 3oJ on a de la peine à y parvenir à cheval. Il y a fies endroits où le sentier est si étroit et si pé- rilleux , qu'on est obligé d'aller à pied , et de conduire son cheval par la bride , à moins qu'on, ne veuille s'exposer à tomber dans des précipices affreux. C'est dans ces montagnes que F Am oui prend sa source à peu de distance de TOï. Il se joint plus bas à deux rivières, qui sont le Kasir(i) et le.Kisir. Elles viennent des montagnes. L'Uï se décharge avec elles dans le Touba. L'A« moul est la plus considérable de ces rivières, et en même tems la plus remarquable ? parce qu'elle prend sa source dans le lac Maclshour, où il y a quelques îles. Ce lac est entouré de montagnes garnies de forêts } il est très -pois- sonneux. On y pêche des poissons d'une grosT seitr extraordinaire.. On prend, aussi plus de zibelines dans ses îles , sur. ses rives , et dans Tes montagnes gffà ravoisinent , que dans toute autre contrée de l'Enisséï. Les Tatars s'y r en - dent, à cheval , vers la fin de l'automne. Il y en a qui le parcourent sur des radeaux , et qui chassent jusqu'au moment où les glaces les for- cenrde~se "retirera On y pêche beaucoup d'es- turgeons , et en -même tems des Omoui^:^ qu'on voit aussi quelquefois dans le Touba, On m'a assuré qu'il y a, dans les mon ta ânes '(ï) Kasir signifie le rapide. So4 lj a5 verst. A trente verstes environ de Pembouchure do l'Oï, on a fait différentes fouilles sur des rai- nerais; mais ils ne se présentoient que par nids à la superficie du sol, et par petites brisures»- Le meilleur que j'aie vu étoit d'un quartz cui- vreux, gras, plein de trous et de fissures gar- nies d'une mine de cuivre vitreuse^ noirâtre et luisante. Il donnoitpar poud six livres de cuivre, et de foibles indices d'argent. A deux verstes de FOï , l'on atteint, au-delà d'une côte le petit ruisseau de KoïT où l'on trouve un village composé de huit maisons. A une certaine distance , on entre dans la forêt de Loukasi , qui' est en sapins , et où l'on voyage jusqu'aux forges de cuivre de Loukaskoï , qui »ont abandonnées. J'y arrivai vers le soir. Les bâtimens ruinés des forges , celui où se tenoient les bureaux, et vtn nombre de maisons dé? Va 3o& {772. »'OuT0Î8.Ki sertes , offrent un triste coup-d'œil. Il n'y en ä plus que quatre qui soient habitées. Dans l'une demeure un vieux concierge , qui vit d'une petite pension qu'on lui fait $ et les trois autres sont occupées par des paysans exilés. Celles - ci peuvent encore offrir un asile : au moins sont-elles couvertes d'un toit. L'église existe encore ; elle sert de paroisse à tous les Villages qui dépendent d'Abakansk. Tout le reste tombe en ruines ; l'étang est à sec 5 les fourneaux se dégradent, et la charpente de ce bâtiment pourrit sur place ; de manière que , dans peu , elle ne sera pas même propre à faire du charbon. Ces forges ont été construites en 1740. Ou «.voit commencé': à y travailler le ier février 1749 5 et. elles furent abandonnées cinq ou six mois après , sous prétexte qu'elles avoient be- soin de réparation > et que les mines qui les- fburnissoient étoient presque épuisées. Les h'1- timens éîoient presque tous en bois , mais bien construits et tîès^vastes. Les environs sont sa- blonneux. La forêt -de pins -qui les avoisine n'est pas large, niais elle s'étend lejöng du ruisseau de Lougasa jusques dans les montagnes. L'E- nisséï passe à neuf verstes à -peu -près de ces forges. A six ou sept verstes de Lougasa , on trouve un lac appelé Karassievo. Il est garni de joncs , mais si vaseux , qu'il infecte à douze verstes nord-est de ce;lac$ il y en a un. autre a M i k i o v s k A i a; 309 flans la foret , qui se nomme TïsîKou-ï.. Il est plus considérable que lé premier j il a trois Verstes de longueur } il est pareillement garni de joncs , mais en récompense très-poissonneux. Ces deux lacs abondent l'été en gibier aquati- que de toute espèce* ' " •■ • ■* r ' On ne voit que dû sarrasin sauvage dans les champs qni avoisinent Lougasa. Il s'est répandu jusqu'à la Touba , et près d'Abakansk, Je ne m'étendrai pas sur lés ancien s * foyers des forges , et sûr les scories que Ton rencon- tre ici en tas- près de la Touba, et jusqu'à Abakansk dans toutes les forêts j, aiux-xle ne pas répéter ce que "M/- Gmétyn en *a dit dans le Joûrîïaldë ses Voyages* On trouva ^ il n'y a pas long- teins , près de quelques tas ri de sco- ries semblables , à quelque distance de Lougasa, un so& de charrue d'une forme toute particu- lière. Les mines de Mainskoï sont celles qui four«* Xiissoient principalement le minéral aux forges de Lougasi, On en fit la découverte en 1732 9 et Ton en ouvrit l'exploitation, en 1706, à soixante- cinq verstes des usines. Cen'estqu'ea ifSjq-a^on exploita les cinq fosses deSirinskf situées à quatre - vingt - cinq verstes de Lou- gasa. Elles rendirent en trois ans au - delà de cent mille pouds de minerais , et deux autres fosses que l'on a découvertes en même tems dans les moritagnes de Basi , en rendirent dans V 3 ■r 3iö lX?t*. *> ® tr s t Ô. ï s !t S les trois -premières années cinq fois autant. Ott travailloit en.merne tems aux mines de Kliout- schefskoï , d'Akiskoï , jjvoksinskoï , Potapois* koï , Fédérpiskoï ,. et » ÎTaschtipiskoï , situées au-delà dêtîl'Enisséï, entre quatre g vingt - dix et cent soixante-dix verstes;' mais elles n'ont pas touftes donné aèsez-pouaf compenser les tra- vaux ; qu'on %f ■ ä faits .. On comptoit aussi , pour, l'approvisionnement dfe& j forges de Loukasi , quelques» fouilles situées clans le territoire de Tomsk et de Kouanezk j, mais- elles étoieilt d'un foi ble produit« : ' . Jer quittai ces, forges ruinées; le % 4 après-midi. Oit.. traverse ^ à quelque .distance de là ., le pe-r tit ruisseau de Nitschka , qui tombe dans TE-*. nisséï au-dessous de JJougasa. A dix yerstes environ des forges , on passe d'une foret de pins dans une plaine ouverte, bordée vers l'Er. nisséï d'une montagne minéralogique unie. L'on voit, dans-cette plaine,, à quelque distance Je la route , un petit lac de sel amer , situé 'daUSr un vaste enfoncement. Le fond est -composé d'un sable vaseux ; il s'étend en longueur! de l'est à l'ouest. Il a quatre cents brasses à-peu-* près de diamètre ; mais , en ce moment, ses eaux n'atteiga oient point ses rives. La minière de ce lac renferme du sel de glauber trèl-pur 9 et en si grande quantité , qu'il se cristallisoit de lui-même par l'air frais de! 'automne. L'ou- ragan de la yeille avoit jeté quantité de ces â MittiOüßCxzA? 3iï petits cristaux sur les rives du lac. La partio occidentale est entourée de joncs, ou les loups 6e mettent en embuscade pour attendre le gL- hier, qui vient y lécher le sel. Nous en ilmes lever deux. Quantité d'Insectes et de petits ser- pens gris s'étoient noyé» dans ce lac , et les eaux les avoient jetés sur les rive*. Je vis, près du lac, la nitraire (i), et la haute steppe sablonneuse étoit couverte du cotylédon épi- neux (2). Il y a environ vingt - cinq verstes de ce lac au village de Miniouskaia , situé près d'un bras de lTnIsr>éT, appelé Tagcikskaia-Pp.otoka. Ce village prend ce nom du petit ruisseau qoii se jette à sa proximité dans ce fleuve. Les pay- sans qui Phabitoierit ont été transférés , il y a um an , avec tous les ouvriers des forges d'Irbins- koï à Kolivan , parce que l'administration de ces usines les vendit au collège des mines. Ii n'y restoit donc que des émigrés qu'on y avoit placés comme colons. Nous n'y trouvâmes per- sonne, parce que tout le monde étoit occupé à la moisson. Ne pouvant avoir de rekis ^ je me vis forcé d'y rester jusqu'au lendemain. Il tomba de la neige vers le soir; c'était la pre- mière qu'on voyoit de Vannée dans cette con- trée : le vent l'apportoit du nord-ouest. (1) Nîcraria. {t) CçtjUdçn spinosa* V4 r 3i2 J773. Sil MiNïotr'sk'Aîil :ô .-;; :•> §. X X I. : - ■• • ,• r' Ds'MlNIOUSKAlA A SElITRENNAtA» Du i5 au 18 septembre« Village &.QuUaenova. — Oust - Abakan. — « Mont Koujia. — . Ruisseau de Bidshi. — Montagne Ä1 Olaktou. .— Tatars de Kats- chïnzi. — Tessinskaia - Dérevna , 3o verst. — Mine de Karisc.hkoï y 5o verst. — Lac de sel amer près de Y Abakan. — Couche de iiouilie dans la montagne d'l^i£. — 6Wi- tren?iaia-Petscheva, Je me mis en route le i5 au matin , conser- vant la droite de l'Ënisséï. Après avoir des- cendu ce fleuve , à dix verstes > nous attei- gnîmes Oùlicenova, appelé aussi Maidaschi , petit village , ou , pour mieux dire , simple hameau , composé de trois maisons ; habitées par des colons,, qui s'y sont nouvellement éta- blis. Il n'y auroit pas si loin, si l'on pouvoit côtoyer les rives du fleuve 5 mais il faut passer sur les montagnes minéralogiques qui le bor- dent de très-près, et qui sont très-élevées : ce qui oblige à faire un détour considérable. Je repassai ici l'Ënisséï. L'Abakan s'y décharge, presqu'en face du village , par deux embou- chures , parce qu'il est séparé par des îles. Sa décharge a aussi formé plusieurs îles et bancs "Ä S 1 L Î T R E N N A I A? 3l3 de sable dans l'Enisséï : ce qui arrive commune^- ment dans les places où deux fleuves considéra- bles forment leur réunion. A douze verstes à-peu-près de l'embouchure de l'Abakan , et quarante verstes passé Aba- kanskoï- Ostrog , le Touba se décharge de même dans l'Enisséï., à droite, et ces deux rivières augmentent beaucoup le fleuve par leur réu- nion avec lui.^ Le Touba né prend ce nom qu'à quinze verstes arf-dessus du village de Koura- guina, où le Kasir , comme je l'ai dit plus Laut, se réunit a l'Amôul. C'est là que les Ta- tars lui donnent le nom d'Ours a. De Koura- guina à l'embouchure, il y a sept villages éta- blis depuis peu ; ils se nomment Poïlova , Schelobolina , Lissou^kova , Malzova , Ka- rRANOvi , et Toubîkskoï-Gorodok. Les quatre premiers sont sur la rive droit© de la rivière ; les autres sont sur la gauche. Toubinskoï-Go- rodok n'est qu'à dix verstes de l'embouchure du Touba. De toutes les rivières qui tombent dans l'Enisséï au - dessus de l'Abakan , il n'y en a point dont les rivés soient aussi peuplées de Russes que celles-ci. Je traversai leTascheba à peu de distance de l'embouchure de l'Aba- kan , où l'on m'a voit préparé un radeau et des relais, qui venoientdes iourtens de Katschinzi, les plus voisins. Ce ruisseau Se décharge dans i'Enisséï. Je vis , dans les pâturages, des troupe« 3i^ %77*> » e MïkiôuskàtjK de pluviers de Sibérie ( 1 ) , et de phalarôpetf variés (#) , qui vol oient autour des bestiaux. Les rives de l'Enisséï étoient alors garnies de Tatars de Katschinzi, qui s'y rendent en au- tomne pour faire leur provision de foin dan& les îles et dans les enfoncemens > et pour y passer ni ver. . - Mon chemin-me conduisit un peu au-dessus 4e l'embouchure du ruisseau de Bidsclii y à travers le Kouna^ haute montagne constituée de couches horizontales de pierres de sable % l'on descend celle au nord<; '.où. elle est très- rapide. Il y a sur sa cime ? qui ligure une selle , deux tombes entourées de pierres à la. proxi- mité l'une de l'antre. Les Tatars y déposent 'y en passant, des pierres et des rameaux , pour consacrer le. souvenir du voyage qu'ils y ont fait. Ces tombes existent du teins que les Kir- guis habitoientcstte contrée. On. raconte , à ce sujet, une histoire qui a été transmise aux Ta- tars qui y demeurent aujourd'hui--- Un riche Kirçuis avoit pris deux femmes d'une beauté éclatante , , mais si jalouse l'une de l'autre , qu'il fut obligé, de leur donner à chacune une iourte particulière , tandis qne lui - môme demeuroit tantôt d'un côté de lé — (i) Charadrius plnvialh. {%) Trynga varia. Vanneau varié. Bujf. pi. erJu. «\$J'| Encycl, Ois, pi. <>6,f9<, 4. ta. S ï. fc ï ï R e n ar a i ä? 3i* montagne, tantôt de l'antre. Il arriva que ces deux femmes , en changeant de local pour les pâturages , se rencontrèrent et s'entretuèrent. On les enterra ensemble sous ce tas de pierres. Je changeai .de chevaux près du Bidshi (i). Je \D > ■■*■ - passai ensuite une montagne , que les Tatars ap- pellent Q la ktou ou Alaxtou (2). Ils ne connois- sent pas mieux l'étymologie çlu nom de cette montagne que celle du ruisseau. Ces deux noms sont Mongols, et tirent leur origine d^une mur raille de rochers que la montagne forme du côté de TEnisséi. L'on y a sculpté toutes,,. sortes aß figures d'hommes, de chevaux, de chameaux ^' celles d'un éléphant et d'une tour. A cette mon- tagne est adossée une autre , appelée Kitschi- Olàktou;; mais on n'y voit pas de pareils moiiumens. C'est au * dessous de cette dernière que le ruisseau jde Koksa tombe dans l'Enis- „eéï. Jepassai ici la nuit dans des iourtens deTar tâ-rs de Katschiïizi. Je ne dormis guère, parce qu'un Kn2ësee de l' Aïmak de Toubinskoï > qui est de la horde de Katschinzkoï , me vint TOir , et me quitta très-tard. Il étoit accom- pagné d'un vieux Tatar, que j'admirai beau-: coup»-- Cet homme avoit sur la tête plusieurs piaoes qui formoient taches (3) , parce qu'elles ( t ) Ruisseau d'écriture. (z) Rechet marbré. • ( 3 ) Des personnes dignes de foi pi-onÉ. assuré qu'il y 3 Sî6 1772. BE Min ï ôtjskâî a écoient couvertes de cheveux blancs. On me dit que cela venoit d'une espèce de teigne qu'il avoit eue , mais dont ilétoit parfaitement suéri. Ce Tatar jouoit supérieurement du luth , et excelloit à conter des fables. Ce que j'entendis 'ércit beaucoup dans le goût' de l'Arioste. Il débitoit d'abord chaque stance de ses contes en récitatif , en s'accompagnant du luth. Il les répétoit ensuite sans musique, en les décla- mant dVri ton plaisant. Les Tatars de Kats- chinzi ont cela de commun avec les Kaîmouks , qu'ils chaâte'nt en accompagnant du luth ., d'un ton uniforme et de la gorge : ce qui rend à- |>eu-près le son d'une corde à violon que l'on ieroit résonner avec douceur. Cette musique est très - agréable , sur -tout en plein air. Les jeunes gens jouent quelquefois du luth pen- dant des soirées entières. Ils exécutent, non seulement des ariètes complètes , mais aussi 'des syllabes simples ., qui n'ont aucune signi- fication. Ces syllabes se terminent ordinaire- tnent par Omoi'ï, idoé, eidoum dtuoé. Ils les récitent avec beaucoup de goût , d'un ton très- affectueux , et même en modifiant la voix (1). » 1 1 1 ' " toi , mon cher Tschenargousch ». Voyez Gmélin ( Joh. Georg.), Reisen durch Sibirien von dem iahr y 1733 , bis 1743, *'• theil, pag. 55 et l'Extrait de ce même voyage, publié en François par le. savant ii-éralio , ton». II, p. 107 et, syjy. (langlés,) 3iB 1772. de Min i ousKAi A. gols. Cette horde se distingue de toutes les autres des Tatars de la Sibérie. Comme ils sont pres- que tous très-riches en bestiaux , ils ont né- gligé jusqu'ici l'agriculture, et vivent encore dans l'idolâtrie. IL y en a cependant qui cul- tivent du sarrasin de Sibérie, et de l'orge pour £ë procurer du gruau. Ils n'ont qu'une femme , et tiennent peut - être cet usage des Mongols. Ils courtisent quelquefois leurs femmes pen- dant quatre ou cinq ans avant de les épouser : ce qui fait que les parens permettent de bonne heure à leurs garçons d'avoir quelqu'inclina- tion. Quelques-uns de ces Tatars ont aboli le Kaum, ou présent de noces \ et ceux qui l'exigent encore pour les filles qu'ils marient, le reçoivent par termes. On ne souffre point que le prétendu se trouve seul avec sa future avant la célébration du mariage. Ce seroit le plus grand déshonneur pour une fdle, si elle accordoit la moindre faveur à son prétendu avant qu'il fût consommé. Quoique cet usage çoit très - opposé à ceux des Mongols et des Kalmouks , j'y dois ajouter fo*^ d'après tout ce dont j'ai été témoin. Les fiançailles se font chez le père de la future 5 mais le mariage et les noces se célèbrent chez le prétendu , dont le père fait construire une iourte neuve pour le jeune couple. En revanche, c'est le père de la femme qui fournit les meubles, les cou- chers, les malles, et les sacs de cuir de Rua- A S È L I T R B K W A ''I A.' Ziy sie , qui servent à serrer les vetemens , en un' mot, tous les habits dont elle a besoin. Après ies fiançailles , le père du prétendu ne revoit plus' sa bru, et ne met jamais les pieds dans la iourte de son fils. S'il la rencontre, par ha- sard , elle est obligée , par bienséanee , de s'étendre la face contre terre , jusqu'à ce que son beau-père soit passé; ce qu'il exécute le plus prompte ment possible. La belle-mère de la bru, son père, et sa mère peuvent au con- traire la voir aussi fréquemment qu'ils veu- lent. Les jeunes mariés reçoivent souvent de leurs parens de très-riches dots en bestiaux» Si , au bout de quelques années de mariage l'époux, las de sa femme, la veut renvoyer ,' il est obligé de lui donner autant de pièces de bétail qu'elle en a apportées en mariage. C'est la seule restitution à laquelle il soit tenu. L'augmentation faite dans le troupeau , et les enfans venus de leur mariage, lui de- meurent. J'ai entendu condamner cet usage par plusieurs Tatars. Il me paroît , en effet,1' très - blâmable, puisque la plupart d'entr'eux n'épousent des filles aisées que pour s'enriclnr: par la propagation des troupeaux. Dès que leur cupidité est satisfaite , ils répudient leurs femmes après quelques années de mariage. Si* ifrie 'fern me donne sujet de se faire répudier, ou qu'elLe demande elle - même la séparation fm$& d'avoir eu, -un héritier mâle, oa ne lui" 3äO Î772. »Ä MïNIOUSKAlà rend rien cle sa dot , et ses parens ou héritier* sont même dans le cas d'être inquiétés sur la restitution du présent de noces. Dès que le cou- ple est séparé „ chacun , de son côté , peut alors contracter un nouvel engagement. Pour ce qui est des mariages des femmes séparées de leur* maris , ou des veuves , ils se terminent sou- Vent dans les vingt- quatre heures. Cette faci- lité fait qu'elles ne restent pas long-tems sans mari. Les filles héritent , en portions égales , , avec les garçons j et s'il n'y a point d'héritier mâle , le père a droit de tout donner à sa fille de la main à la main. Après les couches, le mari laisse écouler un mois sans voir sa femme , qui n'ose préparer aucun mets pour lui, sur-tout pendant les dix premiers jours. Tous les mois, elles passent trois jours sans oser s'occuper du ménage. Lors de l'enfantement, plusieurs voisines vien- nent faire l'office d'assistantes 5 le mari au con- traire s'absente de l'iourten. Le premier venu , Ou le père , donne le nom à l'enfant : ce qui. fait que plusieurs de ces Tatars , quoiqu' ido- lâtres ^ ont à présent des noms Pousses. La fête la plus solennelle des Tatars de Kat- schinzi , et autres Tatars idolâtres,, est le louis , ou fête du printems, lorsqu'ils commencent à traire leurs jumens. Elle tombe à - peu - près dans le mois de juin, qu'ils nomment, à cause de cela, Ouloü-Sghijlker - Ai. Ils ne la célè- brent Virent pas tons en même tems; mais ils s'ar- rangent de manière qu'aujourd'hui l'on va boire dans un voisinage , et demain s'amuser dans un autre. Ils réservent le lait de trois ou quatre jours en assez forte provision ? pour en faire de l'eau-de-vie. Après les premières fée- ries , plusieurs Oulousses se réunissent pour un sacrifice public ( Khoudai&a-Basheraga) , où ils récitent de ferventes prières , la face tournée à l'est. Ce sacrifice se fait en pleine campagne 5 mais on choisit de préférence un lieu élevé. Ils ont d'ailleurs, d'autres petits sa- crifices particuliers ; par exemple , , lorsqu'il y a quelqu'un de malade dans la famille ,: - ou lorsqu'il arrive quelqu' adversité. Ils immolent alors à leurs Tus , ou idoles pénates., qu'ils appellent aussi A im1^. quelques petits ani- maux , et leur présentent en offrande des peaux des victimes , des. viandes , ou autres objets; dont ils font cas , ou qu'ils désirent obtenir. Ils font assister un de leurs Kam s où magiciens aux sacrifices publics. C'est lui qui fait la bé- nédiction du cheval qui doit servir d'holo- causte. Ils nomment ce cheval Isik. On choisit pour cela un isabelie ou un gris pommelé , un cheval alésan ou un noir ; c'est d'ailleurs le magicien qui choisit dans ces couleurs ; mais on ne peut point prendre un cheval entier. Cette cérémonie n'a lieu que lorsque le Kam l'or- donne , et qu'il la trouve nécessaire pour faire Tome FL X prospérer les troupeaux de celui à qui il la recommande. Dès qu'un cheval est devenu Isik, on renouvelle avec lui tous les printems la même cérémonie lors de la fête du Toun. On le lave avec du lait, ou une décoction d'ab- sinthe (Irven) , et on le parfume avec cette plante. On lui entrelace des bandes d'étoffes rouges et blanches dans la crinière et dans la queue \ après quoi on le laisse en pleine liberté. Son maître n'ose le monter qu'après qu'il a tom- bé de la nei^e ; il est alors obligé de le seller , et de s'en servir. Lorsqu'un Isik devient âgé , on peut le vendre , et en faire bénir un jeune pour le remplacer. Si le maître vient à mou- rir , le cheval reste dans le troupeau , et passe à ses héritiers (1). (1) Les Bratskains , et la plupart des hordes Tatares ido- lâtres , sont dans l'usage de consacrer des chevaux. Au reste , l'ippolâtrie ( tVTroAaTpaa , culte des chevaux ) se trouve chez presque toutes les nations anciennes. Les Juifs avoient con- sacré des chevaux et un char au soleil; Josias chassa les chevaux du temple, et fît briller le char. Les Perses avoient «les chevaux blancs sacrés : car Hérodote nous apprend qu'un de ces chevaux s'étant noyé dans le Ginde , le grand Gy- rus menaça le fleuve de sa colère royale. Selon le même historien , les Scythes, qui avoient aussi leurs chevaux sacrés, en immoloient cinquante , avec autant de cavaliers, autour du tombeau de leur roi. Les Germains et les Rugicns , der- nier reste de cette ancienne nation , nourrissoient des chevaux pour en tirer des présages. — Les bornes que nous nous sommes prescrites ne me permettent pas de m'étendre davan- A S i 1 î T II O R A X AÏ 3^5 L'habillement d'un magicien de Katschinzi en fonction , ressemble assez au costume fran- çais. Ces Tatars de Katschinzi n'en avoient que deux dans ce moment , et étoient obligés , dans leurs jours de fêtes ou de cérémonies , de re- courir à ceux des Tatars de Tomsk , qui ha- bitent la contrée baignée par l'Iious noir. J'ai vu ,, à Karisch , l'habillement d'un de ces ma- giciens Katschinzi. C'étoit un jeune homme qui avoit été fou pendant plusieurs années avant que d'entrer dans le métier , ou qui peut-» être avoit fait semblant de l'être. On m'a as- suré qu'il lui prenoit encore ., de tems à autre, des accès de folie , et qu'alors il passoit des nuits entières à faire ses tours de magie , qn'ii ne cessoit que lorsqu'il étoit épuisé de fatigue et. d'enchantement. Son habillement n'étcit pas fort recherché , puisqu'il ne professoit son art tage sur un .sujet plus digne qu'on ne croit , de fixer l'atten- tion des savans , et même des philosophes. En attendant que je puisse rédiger et publier des matériaux assez considérables, j'indiquerai ici les principales sources où je les ai puisés. Reg. lib. 2, c. XXII y v. z, Herodot, histor, lib, i, % et 9. Xenophontis cyropœdia, lib. 8. Heliodor, lib, io. Phi" los trat, de vitâ Appollon, Thyan, üb, i, cap, 31. Justin, histor. lib, 11, cap. 10. Strabon. lib. 11. Pausanias in Lacon, lib, ;. Q. Curt. de rebus Alex, lib. 3 , cap. 3, Tacit, de morib. Germanor. cap, 10. Scheidius de dus Germanicis. Seldenus de dus Syriis , &c. &c. les rela- tions des derniers voyageurs Russes et Allemands , tels qua Jfitsen 7 Qmélin , Géorgi , Falk } &c. ( Langlès. ) Ss4 I772. öe. MlNIOUSXAl JC * que depuis peu de tems. ïl n'avoit point de bonnet ; ses bas étaient "de peau. Il portait une jaquette étroite et très - sale de kitaika , étoffe de coton imprimée en couleur, à laquelle te- il oit une collerette de drap rouge , qui pendoit sur les épaules. Cette collerette étoit ornée de treize bouts de rubans ( Siri'at) flottans. Il y en avoit en soie ; d'autres étoient de simples bandes d'étoffes de coton de diverses couleurs, les unes vertes,, les autres jaunes > rouges , bleues ou noires , et d^ autres brodées en or faux. Elles étoient placées de manière qu'une couleur coupoit l'autre , qui la touclioit de plus près. Au lieu de tambour magique , il tenoit d'une main un morceau de bois arrondi par le milieu , et formant aux deux extrémités la pelle d'une rame de bateau. A cet instrument tenoit une petite clochette. 11 avoit dans l'autre main une baguette de bois, dont il se servoit avec une agilité étonnante pour battre tantôt sur Tune , et tantôt sur l'autre extrémité plate de l'instrument. Plusieurs magiciens Kisilli se servent du même instrument jusqu'à ce que leurs esprits , disent -ils, leur permettent dç faire usa^e du tambour magique $ mais , pour dire plus vrai, jusqu'à ce qu'ils soient assez riches pour immoler un cheval , et prendre sa peau pour en faire un , parce qu'il ne peut être fabriqué que dans un pareil sacrifice. Il règne depuis quelques années mie maladie 'À S É L I T H E H N A I AÏ 3a5 assez singulière parmi' les jeunes Katscliinzien- nes; elle est devenue très-commune. C'est une espèce de fureur utérine qui les attaque vers le tems de la nubilite, et qui les tourmente sou- vent plusieurs années de suite. Lorsque l'ac- cès leur prend, elles se jettent hors des iour- tens, en jetant des cris, et faisant mille gestes lascifs. Elles s'arrachent les cheveux, et finis- sent par vouloir s'étrangler , ou se donner la mort d'une autre manière. Ces accès ne durent en général que quelques heures -7 mais ils re- viennent tous les mois ,. et quelquefois même tous les huit jours, sans tenir de période fixe. J'ai vu de ces fuies qui, dans l'intervalle des accès, ont tout leur bon sens-, et la tenue la plus modeste. Il n'y a pas long-tems non plus que le virus syphillitique est connu parmi eux. Il se ma- nifeste d'une manière singulière; le malade se trouve affecté de bubons à la tête, au corps, et principalement aux parties cachées. Les Ta- tars nomment cette maladie Kotour. La petite vérole ( Tschetschiak ) ne paroît encore que périodiquement chez ce peuple et les autres Tatars de cette contrée. Il s'écoule souvent plusieurs années sans que personne en soit attaqué. Mais quand elle commence une fois, elle fait beaucoup de ravages, sur- tout parmi les enfans. et les jeunes gens : ce que l'on peut attribuer à plusieurs causes 3 10., à X 3 S&6 ijyzt be MiwiousîCâiA la mal-propreté qui règne parmi eux, 2,0. àleuï* Sang et à leurs humeurs corrompues , et 3°. au peu de soin qu'on a des malades qu'on aban- donne, par la crainte de gagner le mal. Cô pays n'avoit pas été infesté de cette maladie de- puis dix ans. La horde des Tatars de Katschinzi occupe la plus belle portion du territoire de Kras- noïarsk; savoir, toute la contrée qui s'étend entre l'Iious blanc et l'Enisséï jusqu'à l'Ouibat et l'Abakan. Elle est divisée en six volostes ou aïmaks , qui se nomment Schoulosch , Tatar , Kouban, Toubin , Mounnuit, et Iastin - Aï- mak. Chacun a son Kniazetz, ou chef dont l'élection doit être approuvée par la chancel- lerie de Krasnoïarsk. C'est lui qui est chargé de percevoir le tribut $ ce qui se pratique chez tous les Tatars 5 c'est lui aussi qui a la police et qui juge les différens. Le gouvernement ne lui donne pas d'appointemens , et il paye le tribut comme un simple Tatar. Les vrais Ta- tars de Katschinzi comptaient actuellement parmi eux mille cent quatre-vingts têtes sujettes à la capitation. Le ïssak , qu'ils payent à la couronne , monte à deux mille cent quatre- vingt-seize roubles. Il existe dans le même ter- ritoire quatre autres tribus, qui forment en- semble deux cent vingt - deux têtes imposa- bles 5 mais elles ne sont pas de race Katschin- zienne. A SéLITRENSTAlA? 3*7 Ils occupent , en hiver , des tentes de feutre qu'Us établissent le long de l'Enisséï. Cet usage leur est commun avec tous les Tatars aises. Des que le printems est arrivé , ils défont ces tentes , les roulent en ballots , et les déposent dans c!#s cavernes et antres de rochers. Ils pas- sent la belle saison dans des cabanes de bou- leau , qu'ils ne quittent que lorsque les pluies d'automne deviennent considérables. Ils récol- tent à cet effet l'écorce de bouleau en juillet., parce qu'ils ont remarqué qu'à cette époque de l'année, elle a beaucoup de consistance. Ils la font bouillir , pour lui ôter tout ce qu'elle renferme de gomme , et ne lui conserver que le résineux , qui la rend plus ëouple et moins sujette à pourrir. De-là vient que les Tatars ap- pellent le mois de juillet Toos-Ai 7 qui veut dire mois de bouleau. J'ai remarqué , parmi les Katschinziens et les Beltires > que , pour faire leur eau-de-vie , ils observent un procédé différent de celui des Toungouses et des Kalmouks Mongols (1). Il (i) J'ai parle du procédé des Kalmouks Mongols dans la première partie de ces Voyages. Voici ce que dit M. Gmélln de celui des Toungouses , dans ses Voyages en Sibérie , part. 2, pag. 99, Cet ouvrage n'ayant pas paru en François, le traducteur de Pallas a eux devoir en extraire ce passage pour la satisfaction de ses lec- teurs. Le procédé des Toungouses, dans la distillation de leux X4 3s8 Ï7^2, Bï MlNlODSKAIA approche néanmoins plus de celui clés derniers que de celui des Toungouses , et il vaut mieux «p* . ..... .. ■ i , . . i . . — — eau - de - vie , diffère un peu de celui des autres Tatars , qui vivent encore dans l'idolâtrie. Ils mettent le lait aigri dans une chaudière à rebords assez bas sur le feu } ils la couvrent d'un cylindre d'écorce de bouleau, ouvert des deux côtés , ou d'un couvercle fait avec de petites lattes entrelacées. Ce cou- vercle est plus étroit que la chaudière. Ils mettent , à-peu- près dans le milieu du cylindre, une traverse en bois de quatre à cinq doigts de largeur,- ils observent que cette laite soit plus rebondie en - dessous , et qu'elle forme concavité en- dessus. Plusieurs rainures traversent les bords, et viennent aboutir vers le centre de cette traverse, lis font, dans la longueur et dans le milieu de cette pièce, une autre rainure plus évasée , où aboutissent celles qui sont en trivers. Celie qui est en longueur va joindre un conduit d'un pouce et demi de long , un peu courbé en- dessous. Celui-ci répond à un vase qui sert de récipient , puisque c'est là où tombe l'eau- de-vie , à mesure que la distillation se fait. Ils posent au- dessus du cylindre une écuelle de fer , et luttent les joints avec des bandes de feutre. Cette écueîle est pleine d'eau fraî- che, qu'on renouvelle à mesure qu'elle s'échauffe ; elle sert de réfrigérant. Ils n'observent pas d'autre procédé pen- dant la distillation , sinon qu'ils ont soin d'entretenir le feu aussi long-tems qu'il coule des parties spiritueuses , et ils cessent dès que les acides se montrent. Ils versent le résidu dans un sac de feutre , pour en faire écouler l'eau. Ceci forme un fromage qu'ils font sécher pour le conserver. Ils le nomment Arza , et ils en mangent dans leurs repas. Non seulement les Toungouses distillent des eaux-de-vie avec du lait de jument , ils en font aussi avec celui de vache ; ils m'ont assuré que l'une étoit tout aussi spiritueuse que l'autre. J'ai observé en effet que Teau-de-vie distillée en ma présence avec du lait de jument étoit inflammable. A Sjé.litrennaîa; 829 que tous les deux 5 ce qui m'engage à en don- ner les détails. La lettre A de la figure io , jilanche XCIII , représente le chaudron posé sur un trépied, dans lequel ils mettent le lait aigri. La lettre i? représente le couvercle creux formant une demi-boule , dont ils couvrent le chaudron. Ce couvercle est coupé d'un bloc de bois évasé. Il a , dans sa partie supérieure , un petit cylindre C coupé en deux. J'ai désigna cette séparation par la ligne ponctuée Z). On voit, dans cette séparation, une ouverture avec un petit bord. L'on y a adapté des petits tuyaux vers le conduit E (Schorga). C'est par ce conduit que coule l'eau-de-vie. L'on pose sur le bord du cylindre un rond de feutre coupé en couronne , et un chaudron F plein d'eau froide ( Diqulauptsché ). Ce chaudron rabat sur la séparation les vapeurs spiritueuses qui montent à travers le trou qu'elle a dans la con- cavité supérieure du cylindre. Ces vapeurs spi- ritueuses s'amassent à cette séparation vers le conduit de distillation , et tombent goutte à goutte dans un vaisseau placé au-dessous. Lorsqu'ils distillent leur eau-de-vie , ils met- tent dans l'alambic ou chaudron une tête de mouton avec sa peau. Elle y cuit , et ils en font ensuite un mets de délices. Ils apprêtent une espèce de soupe avec le résidu de la dis- tillation, en y ajoutant de la viande découpée très-menue, Ils mangent du meilleur appétit 33o Ï772. DE Ml NIOUSKAI £ , ce potage dégoûtant. Il y a des teins où ils ajoutent du lait à ce résidu, pour en faire un fromage, qu'ils nomment Artscmé ; ils en man- gent dans sa fraîcheur, ou bien ils le font sé- cher , et le conservent pour s'en nourrir lors- qu'ils vont à îa chasse. Dans cet état , ils lui donnent le nom de Bischroé. Je traversai, le 16 septembre , le Koksa , qui est très-marécageux. Je côtoyai ensuite l'Ems- sei , en passant sur des montagnes unies , gar- nies de tous côtés de pierres sépulcrales. Je conservai cette même route jusqu'à l'endroit où l'on passe ordinairement l'Abakansk. J'y tirai le dessin de plusieurs de ces inscriptions gravées sur des rochers, dont j'ai parlé précé- demment dans le Journal de mes Voyages. Je fis choix de celles dont je pus approcher , et qui me parurent les mieux conservées. J'en communiquai trois à M. Vlassoj ', officier de l'état-major des limites de Sélenguinsk, homme d'un rare mérite. Il les donna à l'interprète du lieu 5 mais il ne put les traduire , parce qu'elles n'étoient ni Mongoles ( 1 ) ni Mand- (1) Le Mongol est un idiome Tatar assez ancien, mais qui ne fut poli et n'eut une écriture particulière que sous le règne de Genguy^-Khân ; ce conquérant, avant son avènement au trône, ne savoit pas lire. Un de ses prison- niers , nommé Tatatongko , prince Ouighour , très-instruit, lui apprit, vers 1204, l'usage du sceau royal, et introduisit chez les Mongols les caractères Ouighours , dont Gcnguy\ se servit poir promulguer son coJc célèbre, encore dans ls ▲ SÏLfT&BNN'AlA. 33l shoures , mais écrites en un ancien langage nord de l'Asie sous le nom d'Yssa Djenguy\~ Khâny. Ces caractères Ouîghours ou Mongols , composés seu- lement, selon un auteur Arabe , de quatorze lettres primi- tives , forment cependant un syllabaire de mille à onze cents grouppes , par les différentes combinaisons sous lesquelles on les a disposés par les aspirations et les traits gutturaux qu'on y a ajoutés. Ils s'écrivent, de haut en bas, comme l'ancien Syriaque. JE cœlo ad stomachum religit chaldaa lituras. Ce que les savans nomment xa.wa{\p°p" ; en les examinant même avec attention , il est aisé de les reconnoître pour du Stranghélo ou Nestorien un peu altéré 3 ce qui a fait dire a Bayer : Lltterarum Mongolicarum cum Syriacis conva- nientiatanta quantapotest esse ulla.Frcrtt a judicieusement indiqué la conformité de ces caractères avec ceux des Syro- Chaldéens ( le Stranghélo ) , des anciens Arabes ( le Koufi- que ) et des Guèbres ( le Pehlvique ). Tous cçs différens carac- tères lui paroissent dérivés de l'alphabet des Thibetains , dont récriture courante ou coulée a beaucoup de ressem- blance avec celle des Tatars. Les prêtres Tatars vont encore au Thibet s'instruire de la religion : et cest de ce pays qu'ils ont reçu les sciences et la Théologie. J'embrasse d'autant plus volontiers l'opinion de ce savant , qu'elle s'accorde parfaitement avec toutes les notions nouvel- lement acquises , et que je regarde le Thibet comme le ber- ceau des connoissances humaines , ou au moins comme l'asile des restes de ce peuple savant et ante-Deluvien , dont il existe encore des traces dans les contrées et chez quelques nations Septentrionales de l'Asie. Les caractères Mongols ont été adoptés par les Durben- Euleuth, que nous nommons Kalmouks , et parles Ta- tars Maotchoux, qui ont simplement donné plus ou moins Ä3^ I772. Ï5E MlKIOüSKAIA dont les Chinois ont connoissance , parce qu'il d'élégance aux formes des lettres. Ces différentes nations , ayant ensuite reçu la Typographie des Chinois , ont été obligées de donner à leurs caractères des formes plus pronon- cées pour les graver sur leurs planches de bois : et voilà d'oà provient la différence que l'on remarque entre leurs livres ma- n iiscrits et imprimés. L'idiome Mongol se rapproche beaucoup du Kalmouk , et a peu de conformité avec le Man t chou , les règles grammati- cales sont très-simples; ses verbes n'ont qu'une conjugaison , et quatre teins, le passé et le futur, l'impératif et l'infinitif (comme les verbes Arabes , Hébreux , &c. )', qui se reconnoissenr par des caractéristiques ajoutés a la racine. Ex. Daliha , il a battu, daïc- mou , je battrai , dalt-kou, battre , dalt b , bats. La terminaison du participe présent , ou du nom de l'agent , est ï&ji , comme en Turk, dalt-dji , battant. Les noms passent du singulier au pluriel par l'addition de la lettre t. Exemple , Mourin , le cheval , mourit , les chevaux. Les diminutifs se forment en ajoutant gane au primitif (le Kan des Tatars, des Persans, des Allemands, &c. ) , Mouri-gane , un petit cheval, &c. &c. Voyez déplus amples détails sur cette lan- gue, dans la troisième partie du Recueil des Voyages' cu- rieux , par Melchisedech Thevenot, pag. 27 , Straklem- * her ps , nord und os dicke theïl von Europa und Asia y pa^-. 137, la traduction de cet ouvrage sous le titre de Des- cription de V Empire Kassien , à la fin de laquelle on a inséré le vocabulaire Kalmouk-Mongol , qui se trouve dans l'édition originale. Le savant ouvrage de Witsen , intitulé JSloord en oost Tartarje , &c. , renferme un vocabulaire de la même langue. Consultez aussi différentes dissertations de Th. Sig. Bayer, insérées dans les tom. III, IV, VI,ctX des Commentaria academiœ petropolitanœ , dans les Acta eruditor. anno 1731, pag. 30z; Ejusdem epistoîa adMen- kenîum de litttris Tàïaïïs ; Mémoires de Cacaiénùe des A S 2 1 T T B. E N N Ä I À? 333 a beaucoup d'affinité avec le Mandshour (i); Belles - Lettres , tom. VI, paçr. 616 et 6\j ; Histoire de. Genghis-Kan , traduite et compilée par Petis-de-la. Croise , pag. ni j A'khmêâ ben Arabchah, hlst. Timuri , ex edit. Arabico-Latina , tom. II, p. pi?,&c. (Langlès.) (i) Quoique le Mantchou ne soit pas , à beaucoup près, le plus ancien , il est cependant le plus parfait, et sur-tout le plus savant des idiomes Tatars. Il n'avoit pas d'écriture particulière avant Tay-Tsou-Kao-Hoangty , le cinquième ancêtre de la dynastie régnante à la Chine. Ce prince, qui gouvernoit les Mantclioux vers la fin du siècle dernier , char- gea plusieurs savans de ses sujets de dessiner des lettres d'après celles des Mongols. ( J^qye^ la note précédente* ) Us ne firent que rectifier la forme de ces dernières , et y ajouter cer- tains signes pour exprimer les sons qui leur étoient néces- saires. Son successeur ordonna , en Ï634 , la traduction des5 livres Chinois , et la composition d'un code de lois pour tous les peuples soumis aux Ma nt choux. En 3 641 , un savant, plein de génie, nommé Tahay , retoucha les lettres } et leur donna un degré de perfection dont on ne les auroit jamais cru susceptibles. Chun-Tche , le premier empereur de îa race 'Mantchou ' qui ait résidé à la Chine , fit continuer la traduction des livres Chinois , et compose» des Dictionnaires des deux langues. Kan - Hy , son successeur , établit un tribunal de savans pour poursuivre les mêmes travaux ; ils s'occupèrent aussi d'un Dictionnaire universel , jntitulé Miroir de la Lan- gue Mantchou , pour lequel on n'épargna aucunes dépenses Ce précieux ouvrage, qui est une espèce^ & Encyclopédie par ordre de matières , et non par ordre alphabétique , et qui forme *? vol. in-fol ; il a été envoyé , ainsi que beaucoup d'autres ou- vrages dans la même langue , à la bibliothèque nationale. JÇlen-Long , qui occupe depuis près de soixante ans le 334 ^11^ Ä* MlKlOUSKAlJl Après la traversée de TAbakank, je pris le chemin , à droite , vers Tessinskaia - Dérevna , trône de la Chine , n'a pas mis moins d'activité que ses pré- décesseurs à surveiller les importans travaux du tribunal des traducteurs } de manière que , d après le témoignage du sa- vant Amyot, il ri existe maintenant aucun bon livre Chi* nois qui riait été traduit en Mantchou. Ces nombreuses et fidèles traductions forment une collection d'autant plus pré- cieuse , qu'il est très-difficile aux naturels et presque impos- sible aux étrangers de consulter les textes originaux écrits en Chinois. On sait que la vie d'un homme n'est pas suffisante pour apprendre ce langage hyéroglyphique, tandis que le Mantchou, qui ressemble beaucoup à nos langues d'Europe, a sa méthode et ses règles , et qu'en un mot , on y voit clair. Une personne studieuse peut, en trois ou quatre ans, se mettre en état de lire et entendre les ouvrages écrits ou traduits en Mantchou. L'alphabet et le Dictionnaire que j'ai déjà pu- blient les Grammaires dont l'impression est déjà très-avancée, offrent des secours suffi sans pour s'initier dans cette langue , et en acquérir même une connoissance assez étendue. Le ci-» toyen Firmin Didot , dont le nom seul fait l'éloge, a exé- cuté , sous ma direction, les premiers poinçons Mantchoux que l'on ait encore vus. Sans s'écarter des formes que je lui prescrivois, cet ingénieux artiste a su. leur donner une grâce et un fini dont les graveurs Tatars n'ont jamais approché , de manière que nous pouvons donner des éditions d'ouvrages Mantchoux infiniment plus belles que celles même qui sor- tent des presses du palais impérial de Pékin. Puissent -ils servir un jour à étendre le commerce de la République , à nous procurer quelques connoissances utiles , et à propager , dans ces contrées lointaines , lesawrt*dogi4Hi La montagne d'Ysik , borde de très - près l'Abakan, et lui forme une rive escarpée. Elle est unie , mais assez haute à quatre ou cinq verstes de l'embouchure de FOuibat , et dans l'angle l'angle qu'il forme avec l'Abakan. Dans la rive escarpée que l' Ysik présente à ce fleuve , on dis- tingue des couches de- houille. Ce rivage , et en général toute la montagne, sont constitués d'une pierre sableuse , tendre et d'un gris noirâtre. Ses grosses couches en masse déclinent au nord. Dans cette pierre de sable il y a des nids ou couches brisées de charbon fossile gras j mais friable , qui se trouve dans l'inclinaison des couches. Elles n'ont, à la vérité, ni la même hauteur, ni la même force j ni plus d'une demi - aune d'épaisseur, La rive où l'on apperçoit cette houille a en- viron un demi -vers te de longueur , filant au nord avec le fleuve. Elle est entrecoupée tant dans sa partie supérieure, que dans l'infé- rieure, de masses d'argile molasse, entre veinée de rouge. Avant de quitter Karisch, je crois devoir faire mention d'une caverne de salpêtre, qui est à peu de distance d'ici. Elle est située près de l'Iious blanc , à environ trente verstes de Karisch , dans un mur de rochers calcaires et escarpés , à une élévation assez considérable au-dessus du niveau du fleuve. A son entrée, qui a près de sept aunes de largeur , elle présente un antre vaste ; mais ensuite elle forme, en se ré- trécissant , une galerie qui a d'abord sept aunes de largeur, et qui se réduit à cinq aunes vers eon extrémité. Elle ne s'étend qu'à quarante-trois Tome VI* Y 338 i772, DE Miwiouskaia aunes dans la montagne. Cette grotte, assez considérable dans sa hauteur, se perd dans un trou qui perce au travers de la montagne. Son entrée est à l'ouest , et la galerie file assez di- rectement à Test. Le sol est couvert d'une marne rouge, et la roche qui constitue la montagne est grise ß compacte , et de nature à gangues. L'on découvre dans cette montagne plusieurs autres petites cavernes \ mais les gradins de ro- chers où elles sont assises ne permettent pas d'y parvenir. On m'a assuré que la bête fauve vient se réfugier dans la grande caverne, par des tems orageux , et que le salpêtre qui s'y forme , prend naissance du crottin et de l'urine que ces animaux y déposent. M. Prokophei-Save- lefskoi y habitant de Tqmsk , et qui est venu s'établir à lénisséïk, ayant eu connoissance de la quantité de .{leurs de nitre dont le sol de cette grotte est couvert , fit différens essais avec la terre nitreuse dont il est constitué. Le produit de ces essais l'a engagé à y établir une petite salpêtrière en 1766. Il en a tiré quinze pouds de bon salpêtre ; mais ignorant que le nitre? ne se forme qu'à la superficie, il a fait creuser à de fortes profondeurs, espérant rencontrer des montagnes ou des çaneues nitrelles. Les dé- ci DO penses inutiles qu'il a faites l'ont déterminé à abandonner cette entreprise , en 1768. On ren- contreront assez de terres à salpêtre dans le# iL SJÊLXTRENNAIA. 339 contrées habitées de l'Enisséï, cle riiousetde l'Abakan , si on prenoit la peine de les fouiller , et en construisant des murailles , des fossés et de petites collines propres à la génération de cette matière, on s'en procureroit suffisamment pour fournir une salpêtrière. Les Tatars disent que la contrée voisine du ruisseau d'Oulen qui tombe dans fiions blanc , abonde en nitre , et je ne doute point qu'il n'y en existe beaucoup, et qu'on n'y lit d'excellentes découvertes en terres nitreuses , si l'on se déterminoit un jour à fabriquer du salpêtre , et de la poudre à canon en Sibérie. S. X X I I. De Séii.tkïnnaia a Krasnoïarsk, Du 18 au 3o septembre, Hetour de Krasnoiarsh. — - Ville de Kras*> kot&Pêk.*— 'Màséè de fer natif, -r- Détails siu* cette masse. — Congélation du mercure. — • Voyage le long des limites de la Mongolie, L'automne avançoit et le froid devenoit de plus en plus rigoureux. Je songeai à mon re- tour , ne trouvant plus ni observation , ni collection à faire dans les règnes animal et vér- gétal. On ne rencontroit plus de graines sur les plantes 5 i'avois, d'ailleurs, assez d'occupa-» Y s 3^0 Î77A' DE SELITRE^NAIA' tion pour les mois de l'hiver , que je de vols passer à Krasnoïarsk. J'allai, le 18, à Kopié vo$ la nuit me surprit au bord du fleuve ; le mau- vais tems la rendoit si obscure, que je ne pus le traverser, et fus obligé de prendre gîte sur la rive. Je nie rendis le lendemain au ruisseau de Salgom , et le 20 , jusqu'à Scherescli , village à clocher. Le 21 , nous atteignîmes Nasarova, où nous traversâmes le Tschoulim. Nous passâmes delà dans l'Àrga, foret mon- tagneuse dont j'ai parlé dans mon voyage de l'année précédente* La fonte des neiges y a voit beaucoup accru les ruisseaux , et les ponts ayant été enlevés, notre marche se trouva naturelle- ment retardée. Nous arrivâmes cependant dans la nuit à Atschiiiskoï-Ostrog. La route conduit ensuite dans une contrée garnie de forêts. Nous passâmes le petit et le grand Kemtschouk 5 le chemin fut si mauvais jusqu'à la Katscha, que nous ne l'atteignîmes que le 22 , quoique nous marchions jour et nuit. Nous arrivâmes le 23 au soir à Krasnoïarsk, situé à soixante-quatre •yerstes d'Atschinsk. Pour passer d'ici en Sibérie, il me fallut attendre que les chemins fussent praticables en train eau x , et que M. Géorgui fût arrivé, ainsi que des jeunes gens de ma suite qui étoient restés en Daourie. Je m'occupai, le reste de l'automne , à faire des recherches en histoire naturelle , et principalement dans la partie qui A K R À S N O ï À' R S R". 34i concerne la Zoologie. J'embrassai en même tems dans mes observations tout ce que le voi- sinage de cette ville offre de remarquable et d'intéressant en minéralogie. L'étroite chaîne de montagnes qui s'étend au-dessus deKrasnoïnrsk, jusques par-delà l'E- nisséï., répand ses rameaux au nord-nord-ouest à travers la contrée qui avoisine cette ville. Ces rameaux s'inclinent avec rapidité vers cette même contrée. Presque toutes les éminences et les montagnes qu'on voit au nord de la Katsdia , ont une pente douce de ce côté, et prennent au contraire une chute rapide vers le sud-est. Les montagnes de cette contrée sont constituées la plupart d'argile , et d'un schiste rou- ge a tre. Au-dessous de Krasnoïarsk, les rives de l'E- nisséï sont assez élevées par intervalles. Elles consistent partie en gravier ß partie en terre argileuse rougeâtre qui y forme couche sur couche. A huit ou dix verstes de la ville > 011 remarque dans cette terre argileuse de la rive gauche du fleuve , beaucoup de morceaux de bois pétrifiés, mais pleins de vermoulures. Ils reposent dans des argiles jaunes, entre des couches de gravier et de cailloux de rivière. Ils se transforment , avec le tems , en nne pierre souvent assez tendre, brune, un peu ferrugineuse,, tantôt sableuse, tantôt ocreuse. On distingue facilement dans les morceaux Y 3 %&& 1 f/?2t Ö S Sil L î T R Ê N N A î À Vermoulus , les fibres du bois , et les cercles concentriques. Ce sont en général des morceaux de bois de saule , ou de petits rondins qui pa- roissent avoir été chariés et élimés par les eaux, avant que les couches de terre où ils ont été pétrifiés les ayent enveloppés. Les morceaux qui avoisinent les couches de graviers ou qui s'y trouvent concentrés ont acquis plus de so- lidité. Ils prennent la forme d'une pierre de rémouleur, et l'on ne distingue pas l'endroit où ils se joignent. On ne les reconnoîtque par leur forme extérieure, et par leurs nœuds. Il est assez ordinaire de rencontrer aussi dans l'une et l'autre rive de l'Enisséï, des os épars d'éléphaiit. J'y ai trouvé moi-même, à quelques Verstes de la ville, une dent mâchelière de cet animal, et j'ai vu quelques grosses dents d'i- voire que l'on y avoit déterrées. Je n'ai trouvé d'ailleurs, dans cette contrée, et dans le pays qui la borde au sud jusqu'aux montagnes de Saïani , aucune trace de corps marins pé^ triiiés. A dix ve rates de Krasnoïarsk , en prenant la route de Korldna-Dérevna , l'on passe un vallon étroit qui file du nord au sud, entre des élé-* valions unies dont la hauteur n'est pas très- considérable. Ce vallon se nomme Kroutoi- Log (i). C'est le troisième que l'on rencontre »■' - ■ 31 t ■ * ■ ... • . . i -i (t) Trou rapide. A K B. A S N O ï A R. S K. 343 après être sorti de Krasnoïarsk. Il est baigné par une source qui s'écoule dans l'Enisséï. La partie occidentale de ce vallon, c'est à -dire, celle qui forme sa droite , a un talus assez doux garni de broussailles ; l'autre a , au con- traire,, nne pente rapide pleine de trous que les pluies v ont creusés. On y remarque , à trois places différentes,, éloignées de cent toises l'une de l'autre , des rameaux de la montagne qui s'inclinent du sud au nord. Leur sol tient du charbon de terre ; il n'a pas plus de deux aunes d'épaisseur. Sa surface est composée de terre glaise rougeâtre , et son lit est formé d'une couche qui tient davantage de l'argile. Cette espèce de charbon de terre est d'un beau noir luisant, mais si tendre qu'il se brise dans les doigts, et s'écaille en séchant. La plupart de ses couches présentent de petits charbons très- distincts de branchages et de bois brûlés reposant les uns sur les autres. Cette matière brûle mal , et ne répond point en cela à la beauté de sa couleur. Elle ne donne qu'une foible odeur de poix minérale. Ce qui ne forme pas parfaite- ment charbon , reste renfermé dans des trous ou crevasses de la montagne , où il figure des cubes , et paroît plutôt une terre à tourbe trans- formée en charbon. Plus loin , près cette même rive gauche de TEnisséi , et à deux verstes à peu-près avant que d'arriver au village de Koubekova , et à Fera- y { $44 Îj72i DÏ-SÏIÎTRSNNAI bcruchure du ruisseau de Koubeka , est une rive élevée , dont les eaux ont lavé un ^rand nombre de morceaux de troncs d'arbres de différentes grosseurs, transformés en pierre ferrugineuse. Il y en a qui pèsent deux à trois ponds, et qui sont à peu près de la grosseur du bras. On dit qu'un forgeron de lenisséïsk en a tiré d'excellent fer. A voir cette pierre et son gis~ sement dans les couches ocreuses et d'arcile sablonneuse du rivage , on la prendroit pour le bois pétrifié et ferrugineux, qu'on emploie dans les forges de Ribenskoï. L'on y remarque même plus distinctement la texture du bois et les cercles concentriques. Plus bas, près de l'embouchure du Koube- ka , on voit un fort rameau de montagne constituée d'un charbon schisteux brun , qui paroît être de même couleur que celui d'Angara. On n'avoit pas encore découvert en Sibérie , du cristal d'Islande ou du spath double. Un chasseur m'en indiqua une carrière dans les environs de Krasnoïarsk. Cet homme habite une maison de paysan, à environ trente-cinq verstes de cette ville, sur le chemin qui con- duit à la rivière de Mana. L'on rencontre, à trente verstes de cette maison et à quinze de Bassaikha , une muraille de rocher, composée de couches de schiste calcaire et bleuâtre , qui s'inclinent horizontalement. Ce mur de rochers est à peu de distance du petit ruisseau d'Isen- A K R A S N O ï A F. S K/ 3/f5 Dshonl, qui tombe à seize yerstes delà dans la Mana. Il se trouve dans un désert monta- gneux et garni de forêts. L'on voit dans ce mur un antre, dont l'ouverture est si basse, qu'on a de la peine à y entrer , même à plat ventre. Il présente une grotte qui peut avoir deux aunes d'enfoncement ; elle est pleine de cristal d'Islande, qui y forme toutes sortes défigures en druses. On y en trouve de couleur de lait, et d'autres de couleur d'ambre. Mais plus on avance , et plus il est pur et transparent. Quel- ques-uns de ces morceaux sont plus gros que le poing -, mais comme on ne peut se retourner dans cette grotte , il ne m'a pas été possible d'en détacher. On voit, un peu plus loin , une autre grotte qui perce à vingt aunes dans la montagne. Elle a dix aunes de largeur et quatre à cinq d'élé- vation. L'on y distingue aussi des traces de cristal d'Islande dans des trous et dans des cre- vasses. On doit la découverte de ces grottes à un hermite enthousiaste > nommé Tryphon Wolossatnikof , qui habitoit cette dernière , il y a environ 5o ans. Parmi les cailloux que charie l'Enisséï , on en trouve peu qui tiennent du jaspe ; mais on en tire quelquefois de jolies coralines. Unha- bitan de Krasnoïarsk , qui s'occupe de la re- cherche des pierres , m'en montra un , et en même tems un jaspe onix assez gros. Il étoit 346 ÎJ72' I3E S É LI TB EN NA I A' taché de vert et de blanc de lait. En re- vanche -'ce fleuve charie beaucoup de cristal cle roche , de topases, et du quartz fluviatile assez pur. Ce que j'ai rencontre de plus intéressant en minéralogie dans la contrée de Krasnoïarsk , est une masse énorme de fer natif en druses ; elle pesoit près de quarante pouds ou seize cents livres du pays. Voici quelques détails sur cette masse. C'est en 1750 qu'on en a fait la découverte. M. Kléopiit , conseiller du collège, entreprit de faire exploiter dans les montagnes de l'E- nisséï y un minerai de fer. Cette exploitation fut ensuite continuée par M. Lodiguhi , di- recteur des mines > et par M. Korastelef, ca- pitaine en second. Les mineurs qui travailloient h cette exploitation , découvrirent., par hazard, cette masse de fer natif sur la même bosse de montagne où l'on avoit entrepris les tra- vaux ; mais on en fit alors très -peu de cas. Voici les détails qui m'ont été communiqués sur cet objet par le sieur Mettisch , alors ins- pecteur des mines de Krasnoïarsk. ce En 1749 j un Kosaque réformé, nommé ^ Medvcdcf , qui demeuroit dans le village 9* d'Oubeiskaïa, découvrit sur la cime d'ime » haute montagne, entre l'Oubéi et le Sisim (1), ( î ) Ces deux ruisseaux viennent des montagnes sau/age* A K R A S N O ï A R S K. p4f * a quatre verstes du premier , à six de l'antre *> qui coule vers le nord, et à vingt verstes de y» l'Enisséï , une mine de 1er compacte. Elle y> prenoit gangue vers une petite pente de ro- *> chers qui file au nord. Si tôt qu'on en eut •y» donné avis, je fus envoyé porr l'examiner , 33 parce qu'on assuroit que ce minerai s'étoit 53 montré orifère dans les essais qu'on avoit faits, » Cette gangue paroissoit avoir dix verchoksd'é- •* paissent et se trouvoit dans une roche cornée >3 grise et compacte, qui constitue toute la 33 montagne. J'observai alors , à cent cinquante yy toises de cette mine sud- ouest , vers le ruis- 33 seau d'Oubéi , une masse de fer qui pesoit au* s* delà de trente pouds. Elle est pleine de pe- 33 rites pierres jaunes et rudes, de la grosseur 33 d'une noix de cèdre. Elles y tenoient si so- y> lidement qu'il n'étoit pas possible de les en 33 détacher en entier. Cette masse de fer reposoit >3 sur la bosse de la montagne qui est garnie de 33 sapins rouges et blancs. Ces arbres y sont >3 cependant clair -semés, à cause des incen- t>3 dies qui ont ravagé cette foret. Les petites :» pierres que cette masse de fer renfermoit, 33 le son qu'elle rendoit étoient pour moi un 33 véritable phénomène. Je ne puis assurer si r> elle avoit été formée naturellement à la place situées entre Abakarï et Balskoï ou Karaoulnoï-Ostrog. îls se Rechargent dans l'Enissé'û 348, I772. DE SÉLlTREI^tfA îK *> où je la vis, ou si on l'y avoit apportée, attendu *> qu'e lie e trouvoit à la surface du sol. Après fc plusieurs recherches, je n'observai dans toute » la circonférence de la montagne aucune trace *> d'anciens travaux d'exploitation ou de fon- :» derie. Dans la suite, ce mêmeKosaque Med- >5 vedef, emporta cette masse de fer, et je ne » sais ce qu'elle est devenue *>. J'ai trouvé tous ces détails très - exacts lors de mes recherches et de mes observations sur la nature de cette montagne. Cette mine de fer est un minerai dont la pierre est constituée d'un sable mouvant. Le minerai est compacte , d'un bleu noirâtre , et donne de place en place une efflorescence rouge , quoiqu'il ne soit que très-peu magnétique. Il a rendu dans les essais so;xante-dix pour cent. Le Kosaque qui en fît la découverte , et qui est forgeron de son métier, ne put me désigner la véritable place de cette masse de fer natif ; mais tout ce qu'il me dit à ce sujet se trouvoit parfaitement conforme aux détails que M. JSlet- tisch m'avoit communiqués , c'est-à-dire , que cette masse étoit sur la cime de la montagne, toute à découvert sur la surface du sol, qu'elle ne tenoit à rien, et qu'on ne remarquoit au- tour d'elle ni rocher, ni caillou. Il me dit en meine tems , qu'étant passionné pour la chasse, et habitué à mener une vie en quelque sorte errante, il n'avoit rencontré dans ses courses, a Krasnoiarsk. 349 ni dans cette montagne , ni dans celles qni sont en face , aucune trace de fonderies ou de sco- ries. Il m'ajouta que le pliant et la blancheur du fer dans l'intérieur de la masse , et le sonore du minerai, l'avoient porté à croire que ce pouvoit être un métal plus fin $ que les Ta- tars., qui regardoient ce bloc ferrugineux comme sacré , et lancé sans doute des cieux., l'avoient fortifié encore dans son idée. Que voyant qu'on n'entreprenoit pas une seule exploitation en règle, dans la place où étoit cette masse, il avoit pris le parti de l'enlever et de la trans- porter avec beaucoup de peine à trente verstes delà où. étoit son habitation, située dans un quartier du village d'Oubeiskaïa, appelé Ma- laïa-Déreyna (1) ou Medvedeva. J'avois déjà entendu parler de cette masse de fer natif par un soldat Tatar, dont je m'é- tois servi en différentes occasions , même pour l'envoyer en message à Abakansk. Cet homme adonné à la recherche des mines , m'avoit été très-utile dans ma collection d'histoire naturelle. Il me dit qu'étant entré par hasard chez ce Medvedefy il y avoit vu ce bloc ferrugineux dont l'aspect Favoit frappé ; qu'il en avoit dé- taché quelques fragmens au moyen d'un ciseau , sur lesquels on avoit fait des essais 5 que ces ■ "■■■ "■— ■« ■■ 1 ■ ' 11 - .... (1) Petit village. $5o i yj%. de SélitrenkAia essais, quelque mal ordonnés qu'ils fussent, a voient prouvé que cette niasse étoit un fer naturel , très - clous , et formé en clruses sans Je secours de l'art; que d'après cela on l'y avoit envoyé pour transporter cette masse à Krasnoïarsk. Elle pesoit quarante - deux pcuds 5 le transport n'en étoit pas facile à deux cent ■vingt verstes de cette ville , au-dessus du village de Medvedeva. Ce bloc paroissoit avoir eu une croûte rude et ferrugineuse» Elle en a été détachée sur la majeure partie de sa superficie , à coups de maillet, pour en enlever des fragmens. Cette croûte ôtée ? le reste de la masse est un fer doux, blanc dans ses brisures ,, plein de trous comme une éponge grossière. Ces trous sont remplis de larmes de verre ou de prime Hya- cinthe très-pur , et parfaitement transparent , qui a, d'ailleurs, de la fermeté et la couleur jaune de l'ambre. La superficie en est très-lisse 5 l'on y apperçoit cependant quelquefois deux., souvent même trois facettes plates à leur ex- trémité qui se trouve ou émoussée en rondeur ou tenant à d'autres larmes. Cette texture et ces larmes sont de la grosseur d'un grain de che- nevis ou de celle d'un gros pois : il y en a de plus fortes. Il s'en trouve d'un jaune très- pur, d'autres tirant sur le brun, et d'autres qui donnent sur le vert. Elles sont d'ailleurs dans toute la masse de ligure uniforme. On n'yre- A K Ä. A S N O : JL A K S K. 35 1 marque aucune trace de scories , et Ton ne s'apperçoit point qu'un feu artificiel ait agi sur elles. Le fer en est si dur et si compacte, que trois et quatre forgerons ont employé dix et douze hommes pour en détacher, avec des coi- gnées d'aeier et des marteaux de forge , une pièce qui pesoit tout au plus deux livres. On n'est parvenu qu'une seule fois à en couper un morceau qui pesoit environ un poud. On l'en^ vova aussi-tôt à l'Académie impériale de Pé- tersbourg. La pression occasionnée parle maillet lorsqu'on en brise ou qu'on en détache des mor^- ceaux , fait couler la plus grande partie de l'émail en une poussière qui ressemble à du verre pilé ; ou bien elle se trouve couverte de petites brisures en forme de grains, avec les* quels on peut couper le verre. Cela n'arriva cependant pas dans les endroits où la masse est un fer un peu compacte et aigre. Cette poussière , avec les grains d'émail , a donné , dansles essais entrepris à Barnaoul par M. Hahr:% deux livres et demie de fer par poud ; au lieu que les morceaux de mine native que l'on y avoit envoyés ont perdu quatre livres par poud dans la fusion , et le fer est devenu plus aigre ^ ce qui provient apparemment de ce que l'on se servoit de sel pour menstrue fondante. J'ai Fait ramasser de petites paillettes de fer bien purgées de leurs parties hétérogènes. On en a forgé des poinçons, des clous, et de pe- ÏSà 1772* BE SÉlITHENKAîA tites barres de fer à un feu de for^e modéré; au lieu que lorsqu'on s'est servi d'un feu de forge pius vif., et plus encore lorsqu'on a jeté en fusion plusieurs morceaux de cette mine dans un petit fourneau à bras , îe fer qu'on en a tiré s'est trouvé si aisre et si grai- lieux y qu'il n'a pas été possible aux forgerons d'en tirer aucun parti, ni même de mettre ces grains en masse. On peut , sans peine , forger ce fer à froid sous le marteau , et le ployer à volonté. On ployé même avec la main les lamines qui sont minces , comme on feroit d'un fil de fer 5 mais lorsqu'à force de les plier à contre - sens , elles rompent,- la brisure se fait avec une ténacité remarquable. La moindre humidité fait rouiller ce fer dans les places où il a été mis à nud par les coups de marteau et par les brisures j mais dans l'intérieur Je la masse sa texture est couverte d'un vernis brun qu'on mendroit pour du verre , ou bien elle est revêtue d'une ocre minéralogique. De cette manière ^ elle est garantie de la rouille. En nu met , cette masse et les morceaux qu'on en détache prou- vent suffisamment que cet énorme bloc sort « ni se conserver si pliant. On le, verroit au contraire, comme il arrive aux mattes impures que l'on tire des fourneaux de forges, en grains et morceaux coulés les uns dans les autres , et de nature aigre. Ceci est, je crois,, plus que suffisant pour répondre à toutes les ob- jections, et donner toute l'authenticité néces- saire à mes observations. L'hiver se fit sentir de bonne heure; dès le mois de décembre , nous eûmes des froids ex- cessifs. Le 6 et le 7 , il fut si considérable , qu'on ne se ressouvenoit pas d'en avoir eu d'aussi fort en Sibérie. L'air étoit tranquille^ et en même teins comme condensé , de ma- nière que, quoique le ciel fût très -beau, on ne découvroit le soleil que comme à travers un nuage. J'observai , le 6 au matin j à l'ex- cellent thermomètre (1) qui me restoit, que le mercure tomboit dans la boule, et s'y con- densoit; ce que je n'avois jamais remarqué (ï) Ce thermomètre ne marquoit que 135" degrés, et avait rçne très -petite bouie. A K R A 8 m O'ï AR S K* Sur cet instrument dont je nie serval depuis huit ans. Je le transportai de la galerie où il étoit dans une chambre à poêle médiocrement échauffée. Par cette température, ,1a colonne de mercure qui étoit condensée dans le tube tomba, aussi-tôt dans la boule ; mais celui qui étoit dans la boule reprit insensiblement de l'activité au bout d'environ une demi-minute » Je réitérai cette expérience à plusieurs re- prises^ et toujours avec le même succès, de manière qu'il ne restoit chaque fois dans le tube que quelques petites particules de mer- cure x et souvent une seule. Pour suivre les progressions de cette expérience , j'échauffai doucement la boule du thermomètre exposée au froid , en appliquant les doigts dessus ,... et je remarquois l'ascension du mercure,, obser- vant clairement que les colonnes condensées et gelées résistoient beaucoup avant d'être re,- poussées.f ce qui se faisoit avec effort en remon- tant. J'exposai pendant cet intervalle environ un quart délivre de mercure dans une soucoupe à découvert. Ce mercure avoit été bien lavé dans du vinaigre , purifié à la peau , bien séché .et conservé dans uft lien froid. Je plaçai cette soucoupe au nord sur la galerie de la maison que j'habitois. En moins d'une heure , les bords et la superficie du mercure furent gelés , et peu de minutes après, tput. fut condensé par le frpid qu'il faisoit , en une masse molle, jpar- Z 3 358 î 772. © £ S é L I T R E N H A I & faitemént semblable à Tétain. L'intérieur se trouvant néanmoins encore fluide, la super- ficie gelée présentoit différentes rides ramifiées ; la majeure partie de la surface conserva pour- tant assez de lisse. J'observai la même- chose dans une plus grande quantité de mercure que j'exposai également à l'air. Cette masse de mer- cure gelé se piioit avec plus de facilité que du plomb; en la pliant subitement, elle devenoit plus cassante que l'étain, et applatie en lamine , elle se mon tr oit un peu grumeleuse. Je la mis sous le marteau ; mais n'étant pas tout-à-fait gelée, le mercure en tomboit goutte à goutte. La même chose arrivoit en touchant cette masse avec le doigt, dont le bout s'engourdissoit de froid par le seul attouchement. Je la plaçai dans une chambre échauffée avec température par un poêle; cette masse s'y dégela, et devint comme de la cire qu'on mettroit au-dessus du feu. Les gouttes se séparoient de la superficie , et elle ne fondit pas tout à la fois. En la cassant à froid, les morceaux s'attachèrent l'un à l'autre, ainsi qu'après la soucoupe où je les mis. Le froid parut diminuer vers la nuit ; le mercure gelé conserva néanmoins sa condensité , et les antres expériences que je fis avec le thermo- mètre eurent les mêmes résultats et les mêmes succès. Je fis les mêmes observations dans la journée du 7 décembre. Quelques heures après le jcouchér du soleil, le* vent tourna nord- a K ä A : s w 6 i a & s £. 85^ ©uest > et fit monter le thermomètre à deux cent quinze degrés : à ce moment le s masses de mercure commencèrent à se fondre. Peu de jours après, "NI. de Beil; lieutenant- général et gouverneur d'ïrkouzlc, m'écrivit que ie 9 , à quatre heures du matin, l'on avoit re- marqué que le mercur© des excellens baromè- tres que le professeur Laxman a voit fabriqués dans cette ville , pendant son séjour en Sibé- rie , s'étoit trouvé gelé. Il l'étoit de même dans le baromètre , à vingt-huit pouces sept lignes; et à cinq lignes du haut du tube , on le voyoit tout en parcelles» Vers les onze heures du matin, 51 rede via t fluide , et à une heure après-midi, la hauteur du baromètre étoit à vingt -neuf pouces sept lignes, et le soir à neuf heures , à vingt-neuf pouces. Le thermomètre étoit con- densé à deux cent treiàe degrés , et il y avoit un espace vide de neuf degrés sous le deux cent vingt-sixième degré. Vers onze heures du matin, le mercure étoit passé dans la boule £ à une heure après - midi , ayant repris son fluide et son action, le thermomètre se montra! à deux cent cinquante - quatre degrés , et à trois heures sept minutes , il étoit à cent quatre- vingt-quatorze. Ces observations ont été faites avec le thermomètre de Delisle $ le ciel fut toute la journée serein , et l'air très-calme. z 4 V0tA:0ËS:'X E 'ION (î DES ï/ï M IÏE3 'OAT G'OlI E." [j ' • . Avant .de terminer le journal des voyages qu*e j'ai faits dans le cours de cette année, je vais cominunlqiier à nies lecteurs les observa- tions faites.au printen^ le long des limites de la . Mongolie, (.1) ., par M- Soiolof, jeune tliomme de "ma suite que j'avois envoyé vers cette cour tree.. Eilçs serviront ày compléter ce qui, a déjà été, dit de, ces limites • et a, donner une des- cription des montagnes encore in connues, de ce pays. 4e commencerai par Argouriofskoï - Os- trog, qui. est la place de limites la plus éloi- gnée, dç |a, paourie , à l'est, et j'irai jusqu'à Tseliikoî. Je ne parlerai point de cette partie de limites ;,f|ui s'étend- entre Tschiixdan - Tou- rouk et Tokîorskox: liaraoul , puisque j'en ai déjà, donné la description. -, . i \ r-jr ■ « ' < », .. ■ ; ,, ,7: :,:;. i,j; — e$grJi 1 _ ,-■>'- ' Hj — ; " ■ ■' \ — j ■ > (î) La -Mongolie , ou îe Mong^olisîân , répond , selon Strahlemberg , a YlssedoJi-Scytkica des anciens-, et les Mon- gols sont ks Isscdones dent parle .Hérodote , uh. III. Voici Té- tendue et les limites que lui.doune WUseri. ^a Mongolie , dit-il , est située à-péu-près entré- -le 42e et îe 57e degré de latitude -y elle, est bornée du côté du nord , par le pays des NUu.Jié^ le lac Baikal, et une partie du fleuve Amour; du' côté de l'ouest, par le pays des Xallmaks (les Kalmouks ) ; et au sud , par le Twrkestan etile Tangut. Noordeen oost Tartarye , etc. door Nie. IVlisen , p. 84. Strahlenbergs Nord- und östliche Theil von Europa und Asui , p. Jo. (Langlès.) DE LÀ M O N & 0 L I S. 36 1' Ârgoimofskoï-Ostrog est situé dans une con- trée fertile et riche en bois. Le pays au-dessous de l'Argoun est généralement de, même. Cet Ostrog est bâti dans un. vaste et superbe em- placement du" fleuve j à un verste et demi au- dessus de l'embouchure du ruisseau' de Kam ara. -La place et les villages qui en dépendent , sori.t peuplés de gens bannis qui avoienf été con- damnés aux travaux des mines de Nertscliinzki 9 'et auxquels on a rendu successivement la li- berté. Plusieurs de ces villages ont été cons- truits tout récemment. Arrzouiiofskoï et ses àé-r pendances sont sous la Jurisdiction du baillia-g-e supérieur des mines qui y ;place un Oüpra- VITEI. i Sept verstes au - dessous de cet Ostrog., es$ le village de Tarassova , en face duquel , vers la partie de la: Mongolie, les. paysans exploi- toient autrefois des cornalines de grosseur asse^ considérable. Ces pierres étoient trèa-belles .5 ils les livroient aux forges d'argent. Passé T Ostrog , en remontant l'Argoun pour se rendre vers. Zouroukhaitou , on est obligé de traverser le ruisseau de Borskhofka. On ç.qt toye ensuite un fond, et on passe plusieurs élévations pour atteindre celui de Sourova, qui tombe dans l'Argoun, à quatre verstes plu$ haut. Il y a, sur une des rives de ce dernier ruisseau , un petit village qui a pris son nom; de l'autre côté est une petite terre appelée B6z •" lyyi-. Lim t tes D am a sso va-S aïmka. Elle appartient à vtit nommé Damas , ancien directeur des forces. X' Argoun est à trois verstes d'ici i séparé par iin fond marécageux. Cette plaine vaseuse n'est presqu*en aucun endroit susceptible de culture. Elle s'étend entre le fleuve et des montagnes à plus de dix verstes. Elle va jusqu'au ruis- soau d'Ishéga qui sort d'un trou assez étroit , et prend son cours entre des montagnes gar- nies de forets. On trouve sur les bords de ce ruisseau un village assez considérable ; on entre ensuite dans un pays plus élevé , où il y a de superbes champs 3 on arrive enfin au village de Lougofskaïa. Lé pays et le Sol sont de même nature., jusqu'à ce qu'on ait atteint une muraille de rochers qui borde Y Argoun , et qui s'étend à trois verstes. C'est le long de ce mur de rocs que l'on parvient au village de Klioutschefskaia. L'on exploité à peu de dis- tance de ce village une pierre calcaire dans une montagne séparée des autres 5 on côtoyé ensuite une rive du fleuve garnie de rochers. Il y a entre cette rive et l' Argoun un chemin qui con- duit au village d'Olotschi. Un parti de Merguenzi qui vient de la Mon* golie , se rassemble tous les ans près de ce vil- lage auquel on a donné le nom d'un ruisseau qui s'écoule dans l' Argoun, Cette troupe est composée de cent hommes qu'on y envoyé pour •visiter les limites. Ils campent comoiunéraent au dessus de l'embouchure du ruisseau de Ki- lari , sous des tentes , ou pour mieux dire sous des cabanes composées de branchages d'arbres entrelacés. Ils entourent leur camp d'une Jiaie de clayons, et donnent à ce poste le nom de Bailan. Ils y passent ordinairement le mois de juin, et visitent avec exactitude ces limites. Ils vont ensuite rejoindre un détache- ment pareil qui se porte vers l'ancien Zourou- khaitou. Après quoi, ils s'embarquent sur des canots pour descendre l'Argoun et l'Amour, et s'assurer si ces deux fleuves limitrophes sont en bon état. Ils apportaient autrefois des mar- chandises qu'ils échangeoient avec les gens de campagne qui habitent ces contrées. Ces paysans sont sous la Jurisdiction du bailliage de Nerts- chinsk. Ils donnoient ces marchandises pour avoir des chevaux et des bestiaux. Ce n'étoit cependant qu'un commerce interlope qu'ils fai- söient en cachette, et que le gouvernement Russe a très-sévèrement défendu ^ dès qu'il en a eu connoissance. On y envoyé à cet effet un officier tous les ans , vers le tems où ces Mon- gols se rendent aux limites , afin de veiller à ce que les droits de péage soient exactement acquittés. On rencontre dans le même enfoncement, à deux verstes d'Olotschi, le village d'Onokhôï, situé près d'un ruisseau qui, porte le mémo nom. Delà, on parcourt pendant huit verstes S(î4 I772. Limités de chemin, un pays uni et élevé qui s'étend jusqu'au village de Doubliona, par delà lequel le directoire des mines de cette contrée a dé- fendu aux Toungouses de former aucune ha- bitation. Le ruisseau de Serebrsenka tombe dans l'Argoun près de Doubliona. 11 est remarquable par les mines d'argent qu'on a découvertes dans .son voisinage, et la plupart dans la contrée .supérieure où il a son cours. On a établi sur les ruisseaux qui se joignent à lui les forges d'argent de Nertschinsk. D'ici, la route côtoie pendant deux verstes „de chemin , des rochers qui bordent le fleuve« On arrive ensuite près d'un profond ravin forme par les pluies. Il existe sur la droite de ce ravin une haute colline où l'on voit les derniers bou- leaux noirs qui abondent d'ailleurs dans tout le canton depuis Argounsk. Passé cette colline , on ne voit plus que des bouleaux blancs qui .n'existent point dans les autres places où il y .a des forêts entières de bouleaux noirs. Je vis ?une superbe espèce de campanule (1) $ aucun botaniste n'en a donné encore la description. Je n'ai appris à. la connoître qu'au moyen de celles que M. Sokolof me rapporta dans la collection qu'il fit. On arrive , à cinq verstes plus avant , après avoir passé une plaine élevée très-riche en plantes, au ruisseau de Tscholboutschi, g . (1) Campunula verticlllata. App. , n°. %$+ 1 et pL LXXfr. DE LA. M ONG O L I E. „ près duquel il y a une petite terre seigneuriale qui portoit autrefois le nom de Banxerova J au lieu qu'elle s'appelle actuellement Golo- tatscheva - SaimKa. On voit , à un verste plus haut , le village de Gorbounova , et à deux verstes delà est le Tscholboutschinskoï- Karaoul, à quarante-cinq verstes d'Argounskoï- Ostrog-. - Les montagnes garnies de forêts qui bordent jusqu'ici l'Argoun , en remontant , s'étendent en collines unies vers le fleuve , et forment des paysages élevés. Les bas-fonds, le long de l'Argoun , sont plus fertiles ; on n'y manque pas de bois, et cette contrée commence à être' assez peuplée. En avançant, on entre dans un- pays qui se rétrécit de plus en plus à cause des montagnes qui prennent plus d'élévation. Tschol boutschinskoï- KaraouJ est la garde de limites qui défend l'Argoun à Fest ; ce poste n'est qu'à douze verstes de la Savode de Nerts- cliinskoï.- Plus loin , il n'y a plus de postes Russes ni Mongols , si ce n'est une petite place fortifiée, établie tout près de la jonction de l'Argoun avec le Schilka. On trouve tout près de ce poste , une mon-: tagne primitive très - élevée , qui s'étend du: nord - ouest vers l'Argoun. Ce fleuve coule passé cette montagne, entre de hautes rives où l'on ne découvre aucun enfoncement ; il se> trouve comme resserré des deux côtés par le$; 366 ijyz. Limites montagnes qui le bordent. Cette montagne pri- mitive est connue sous le nom de montagne < o cle jaspe (Iaschmovaia-Gora) , parce qu'on en tire un jaspe d'un vert foncé. Il est plein de fente et se brise en morceaux ; mais les pièces , quoique petites , sont très-belles et très-dures. On distingue, dans quelques places où l'on en à exploité , que cette masse de jaspe remplit une cavité dont la direction s'étend horizon- talement de l'est à l'ouest. Cette masse a de- puis une aune jusqu'à une toise d'épaisseur. On remarque d'ailleurs, trois espèces de roches dans cette montagne. La surface renferme une roche grise pleine de trous. Au-dessus du jaspe est une roche de couleur d'ocre , tendre et comme argileuse. On remarque aussi à l'ouest des gradins entiers d'une roche cornée d'an blanc grisâtre. Il y a une montagne pareille à cinq verstes plus haut , à l'endroit où se termine ce mur de rochers près de FArgoun ; elle se nomme BouLDOURNi. Elle est située dans une vaste plaine qui forme prairie , tout près du lac de Kilga. Il existe près de chacune de ces mon- tagnes un village qui dépend du bailliage des forges de Nertschinsk. A quatre verstes du der- nier , est le Karaoul de Bouldouroniskoï, à la distance de dix - sept verstes de Tschoibouts- ehinskoï, qui y envoyé des troupes. La con- trée où est situé ce Karaoul est entièrement de I.A Mongolie. 36? dégarnie de bois, à l'exception de quelques buissons qui bordent la côte qui donne vers la Mongolie. En se transportant d'ici au Karaoul de Bor- sinskoï , qui est à quinze yerstes plus loin , on passe un pays uni ," garni de gravier. Il s'étend à huit verstes en largeur, en déclinant des montagnes vers l'Argoun. La clématite à six; pétales ( î ) y fleurit abondamment depuis la mi -juin, ainsi que dans les landes éle- vées qui s'étendent entre l'Argoun, et l'O- non. On passe ensuite le Borsa inférieur que les Toungouses ou Mongols appellent Tsado ou Dodo - Sakhain - Borsa. Delà on a encore sept verstes à la garde dont j'ai parlé plusv haut ; elle est située près du ruisseau intermé- diaire de ce nom (Doundaki-Borsa), à deux verstes de son embouchure. Il croît près du Borsa intermédiaire, bea-&- coup de saules en buissons ? et une variété par- ticulière de nerprun purgatif (2), qui donna sur toutes les branches des fleurs d'un seul sexe. On ne voit ce nerprun qu'en Daourie , près de l'Argoun. Les Russes le nomment Sandal, par rapport à son bois rougeâtre, qui n'est ce- pendant pas aussi foncé en couleur que celui (1) Cle.matïs hexapetaLi. Appenöix, n°. 337. 4*) BJiamnus dauricus. Appendix, n°. 154, 1772' Lim i t-'-e s du nerprun à feuilles étroites (i) , qu'on nommé ainsi près du Séienga. A quinze verstes du Borsa intermédiaire y on atteint le Karaoulde Bourinskoï,, où le terrain qui borde l'Argoun paroît cesser tout- à -coup d'être fertile. L'on trouve ici des bois de char- pente en abondance , parce que toute la partie de la montagne qui côtoie l'Argoun vers la Mon- golie est garnie d'excellente^ forêts. Aussi on ne Toit guères de poste mieux construit que celui- ci. Son nom lui vient du ruisseau de Boura qui se décharge dans l'Argoun au-delà de la place. On exploite à quinze vers tes d'ici, une pierre de sable que l'on transporte aux forges d'argent pour leur usage. Au-dessus de Bourinskoï -Karaoul, s'avance une montagne de rochers vers l'Argon n. Der- rière cette montagne suit une vaste plaine qui s'étend à vingt v erstes le long du fleuve. Elle se trouve partagée en deux par la montagne de Kharabom qui s'avance également vers l'Ar- goun. Cette montagne forme deux bosses. On Voit dans la plaine qui l'a voisine , un petit lac qui est dans la partie du sud , et à l'est coule le ruisseau de Karabom. Cette montagne est garnie d'abricotiers sauvages de Sibérie. On y rencontre de superbes plantes, et entr'autres, (i) Rhamnus Erytroxyloiu Appendix, nQ. 2,9?. l'airoche (1), B£ la Mongolie. 36g» Parroche (i), le pharnaceum sons- arbrisseau (2), tin chèvrefeuille d'espèce rare (3) , qui n'existe nulle part ailleurs dans la Dacurie , et le me- nisperme du Canada (4). Sosgolskoï-Karaoul est à vingt-quatre verstes du poste précédent. Xe ruisseau de Sorgol charie des cailloux jaunâtres et couleur de petit lait. Ils sont transparens , mais remplis de fentes. Ce ruisseau coule entre deux bosses de mon- tagnes très-hautes qui s'étendent vers la partie supérieure du liant Borsa (Sakhin-Borsa). Delà l'on rentre dans une plaine, et l'on trouve, après cinq verstes de chemin , le Borsa supé- rieur, qui vient de l'ouest se réunir au ruis- seau de Kalga. Ce ruisseau est très-gonflé au printems et en automne , au lieu que ses eaux ont tout au plus une aune de profondeur dans les tems de sécheresse. La contrée inférieure est dépourvue de bois, mais en revanche on trouve de superbes forêts vers la source du Kalga qui prend son cours «H —■-- 1 ■ ■— 1— ■■ 1 . .■—.,,■■ ■■■,■■! 1 mi, .»— ■ .,■ 111 1, 1 ■ ■! — — — ■ m, m mm wpwms (1) Chenopodlum. (z) Pharnaceum suffrutîcosum. Appendix, n°. 313. (3) Loniccra. On en a donné la description dans la Flor» Sibir. III , p. 135 , n. 8 , tabl. z<; , comme un arbuste venu de la Mongolie. Les branches a u'on m5a apportées sont exac- tement semblables à la description qui en a été donnée, à l'exception des grandes feuilles. Voyez Fall. ß. Ross. t. 5 S, (4) Menlspermum canadînse* Tome Fi.t A» 870 lyjz. Limites du nord 5 aussi la direction des forges de Nerts- chinski y a-t-elie établi des villages. La plaine continue encore à douze verstes ; après quoi Ton passe le Kydim , montagne qui file au nord-ouest vers l'Axgoun. La spirée à feuilles de sorbier (1) , et la pivoine de Daou- rie , couleur de chair , croissent en grande quantité sur cette montagne entre les fentes des rochers. On a encore six à sept verstes, de cette montagne au nouveau Zouroukhaitou , à travers des plaines unies ; et l'on compte de Zouroukhaitou au Sorgoi, vingt-six verstes. Le nouveau Zouroukhaitou est situé à en- viron un verste au-dessous de l'embouchure du ruisseau d'Ourouloungoui dans FArgoun , et en face du passage entre deux vastes vallons unis. Un de ces vallons est baigné parle ruisseau dont j'ai parlé ci-dessus , et qui lui donne son nom; l'autre qui file du nord , est à sec, et se nomme Tschonetoui - Kondoui. C'est aussi du premier de ces vallons que cette place prend le nom d'a- vant-poste d'Ourouloungouiskoï. L'on y tient une çarnison et un commandant choisis dans l'état-major ., qui a sous ses ordres toutes les gardes des limites placées le long del'Argoun. Les maisons sont bâties en iile , et forment une. rue. La place est purement défendue par des chevaux de frise. Les habitans sont tous des soldats ou des Kosaques. (1) Spirça sorbifolia. be la Mongolie. 371 L'Ourouloungoui grossit beaucoup au prin- tems ; son cours est alors très - rapide ; en été , au contraire, ii se dessèche entièrement à dif- férentes places. Le sol du vallon qu'il baigne est très-salin. Il y croît du plantain maritime (1) , de la statice de Daourie (2) , et de l'astraga- loïde salinaire (3), plante très-rare. On ren- contre sur les plates - formes plus élevées des alentours , la cymbaire daurique ( 4 ) > le li- seron de Biscaye (5) , l'apocin pourpre (6) , et le sophora à feuilles de lupin (7) , et l'on voit près des rochers qui bordent le vallon , la jus- quiame physaloïde (8). Ces dernières plantes sont communes. Il passe à travers le vallon de Tschonetoui- Kondoui (9) , une route qui va à Nertschinsk; L'on trouve près de ce chemin, à dix -sept verstes du nouveau Zouroukhaitou, nord-ouest, une source vitriolique que les Tcungouses ap- (1) Planta go maritima. (z) Statice daurica. ( Flexuosa L. ) (3) Phaca salsula. App. n°. 387 , pi. LXXXVIIk (4) Cymbaria daurica. (5) Convolvulus cantabrica. (6) Aschpias purpurea. (7) Sophora lupinoides. (8) Hyoscyamus physaloid.es. (9) Il paroît que ce vallon a pris son nom de la jusquiame physaloïde (hyoscyamus phy s aloides) que les Toungouses appellent T*choné. Aa % 372 Ï772, Imites pellent Oulan-Boulak. Les Russes lui donnent le nom de Krasnoi-Kliioustch. Cesnoms signifient dans chacune de ces langues , source rouge, et viennent de la couleur du lit oufond de cette source. Elle perce jusques dans le vaste vallon dont j'ai parlé , et jaillit d'une autre vallée étroite garnie de bois. Celle-ci s'étend du nord entre deux côtes médiocrement hautes , mais garnies de rochers, et va se joindre à un au- tre vallon profond qui vient du nord et qu'ar- rosent de nombreuses flaques d'eau -douce. Ces deux vallons forment au printems , par les eaux de neige qui s'y rassemblent , un ruisseau qui va s'écouler dans l'Ourouloungoui , qui en est assez loin ; mais en été il n'y a pas d'ap- parence de ruisseau. En juin., lorsque mon jeune voyageur fut observer cette source, l'Oulan- ÏSoulàk ne remplissoit qu'un très-petit égoût dont les eaux s'épanchent à l'embouchure du vallon , et se perdent en terre. Le fond ou lit de la source a cinq brasses de largeur près de l'en- droit où elle jaillit, mais , à la source même, eile en a vingt. Son sol est agréablement varié de trois couleurs, c'est-à-dire d'une terre rouge , jaune et noire \ il a si peu de solidité qu'on ne peut y marcher sans enfoncer. La vase ou terre jaune est communément sous la " rouge, et s'étend en profondeur; mais il n'y a pas moyen d'y creuser à plus d'une aune , attendu que les eaux noyepoien t tc;ut-à-coup »B ï,a Mongolie. 3y$ les travaux. Cette surface argileuse est couvert0 et pleine de vitriol de mars , dont les eaux de la source sont imprégnées. On découvre sensi- blement , à la place d'où cette source jaillit , sur les bords du vallon qui sont garnis de brous- sailles de bouleaux , une terre vitriolique noire, humide , fangeuse et baignée d'une eau vitrio- lique. Elle est amoncelée en petites collines, dont la superficie est couverte d'une terre de vitriol qui existe pareillement sur la surface du fond ou lit de la source qui se trouve à sec. Les deux principales veines d'où jaillis- sent les eaux de cette source, se font jour au pied d'une petite montagne amoncelée d'argile desséchée , rouge et ocreuse , entremêlée de brisures de schiste. Cette montagne est située à une langue de terre qui forme l'entrée du vallon vitriolique, entre deux excavations ou enfoncemens qui sont à sec. Les eaux jaillis- sent avec assez de force dans deux trous qui paroissent avoir été formés par des eaux de neige. Après que ces trous sont pleins, les eaux prennent leur cours vers le conduit drt ruisseau dont j'ai parlé plus haut. Le bassin d'une source 9 qui jaillit au nord- ouest de la montagne , est formé d'une argile jaune ; celui de l'autre , qui jaillit au nord , est composé au contraire d'une argile rouge : ce qui fait paroitre les eaux de ces deux sources de couleur différente. Le vitriol se dépose au 3?4 177*. Limites fond et stir les contours cle la fosse , ainsi que dans le conduit d'égout , en petits carreaux et en lamines. On les voit en telle quantité dans les places où l'eau est évaporée, qu'on pour- roi t en amasser par pouds , sans beaucoup de peine , et purifier le vitriol de mars , en enle- vant la terre qui y est mêlée. Les particules métalliques , dont ces eaux de Sources sont très-chargées , leur donnent un goût très-désagréable, et elles occasionnent des , vomisse mens à ceux qui en font usage ; néan- moins les alouettes et autres oiseaux , qui ni- chent dans les environs, en boivent sans res- sentir d'effets pernicieux. Arrivé entre l'ancien et le nouveau Zourou- kliaiton , l'on s'éloigne del'Argoun , qui forme un. arc à l'est ; et ait bout de vinçt-six verstes de chemin , on atteint cette dernière garde de limites. Son nom lui vient d'une hauteur qui l'a voisine , appelée Zouroukhaitou , sur la- quelle on a élevé une borne de démarcation. Il coule au bas de cette élévation trois rivières assez considérables 5 ce sont le Der beul , le Khaoul , et le Shann , qui viennent de la Mon- golie , et se déchargent dans PArgoun. Les deux premières y tombent dans un même con- fluent ; mais le Shann aune embouchure par- ticulière , à environ neuf verstes au - dessous de Zouroukhaitou. L'on a pris quelquefois , en automne , dans J/Argoun, près de cette em- be la Mongolie. Zj5 bouchure , un poisson très-rare, que les Ko- «aques appellent Soubatka , par rapport à ses nombreuses dents. Il a le corps très-large., de manière que sur une aune de long qu'il com- porte, on peut compter qu'il a un empan et demi de largeur $ son dos est très-bosselé wrs la tête ; le ventre est mince , et diminue de sa largeur vers la queue ; la nageoire de la queue est très - large , et bleuâtre comme ses autres nageoires et le dos 5 ses écailles sont petites , ses dents assez fortes : mais les deux de de- vant, tant de la mâchoire inférieure que de la mâchoire supérieure , sont beaucoup plus grandes que les autres , et un peu crochues. Malgré toutes mes recherches et mes démar- ches, il ne m'a pas été possible de me procu- rer ce poisson rare et singulier dans son es- pèce. On le dit plus abondant près de l'embou- chure de l'Ouro , qui se décharge dans TArgoun à cent verstes environ au-dessous d'Argounofs- koï-Ostro^. Une m'a pas non plus été possible d'avoir des notions bien certaines sur un autre poisson que l'on trouve aussi dans l'Argonn. Les Russes lui donnent le nom cleVosTROBRiousoHKÀ (1) , parce qu'il a effectivement le lil du ventre très-aigu, ïl me semble que c'est une espèce de clupea , ou un cyprin (2.) particulier. La description (1) Ventre tranchant. r. {i) Cyprinus clupeoides. Appendix, n°. iif. Aa 4 qu'on m'en a communiquée me porte à croire qu'il a une parfaite affinité avec le clupéo'îde de la mer Caspienne : et je suis d'autant plus fondé à le croire, qu'on l'observe beaucoup dans le vosinase de Dalai-Noor . et cfu'on ne le voit dans l'Argoun qu'en hiver. Maigre le commerce qui se fait au vieux Zou- roukkaitou , sa garnison n'est pas plus consi- dérable que celles des autres gardes des limites» et Ton n'y voit que quatre chétives maisons de Kosaques , entourées de chevaux de frise, il n'y demeure aucun marchand ; ils y viennent de Nertschinsk et d'autres villes de l'intérieur de l'empire , pour y commercer , et s'en re- tournent peu de tems après. C'est en juillet qu'ils y vont, parce qu'il s'y trouve alors un détachement de la ville Chinoise de Naoun , qu'on y envole pour visiter les limites. Ceux qui le composent apportent avec eux des mar- chandises : ce qui leur est permis par le traité de commerce qui existe entre l'empire et la Chine,, où il est dit qu'outre Kiakta , il sera choisi quelques autres places de limites où l'on pourra faire commerce. Ces marchands, armés d'arcs et de carquois , ont l'air très - militaire. Les Russes les appellent Meïcuenzi , nom qu'ils donnent en général à tous les détache - mens qui se rendent à Onokhoï. Ils se don- nent au contraire eux-mêmes lenomd'IIoussAÏ. Leur langage n'est ni le Chinois ni le Mongol $ ©s ï,a Mongolie. 577 c'est sans doute la langue desDangoures qu'ils parlent , et ils en sont peut-être une colonie , qui s'est transportée dans le territoire de Naoun. Ils ont avec eux des interprètes Mongols. Ils res- ter! tun mois en route pour se rendre de Naoun , qui est au sud-est , à l'Argoun. Ils s'arrêtent , comme les Mergnenzi des environs d'Onokhoï , une trentaine de jours près de l'Argoun ; après quoi ils se rassemblent pour s'en retourner. Les uns prennent vers le sud ; les autres des- cendent dans de petits bateaux l'Argoun et l'Amour jusqu'à l'Océan , pour visiter dans quel état sont ces deux fleuves de démarca- tion , et s'assurer si l'on n'a pas empiété sur le territoire Chinois. Le commerce avec ces Houssais a fait éta- blir au vieux Zouroukhaitou un bureau de douane , qui est sous l'inspection du comman- dant du nouveau Zouroukhaitou. Dès que ces- espèces de karavenes sont arrivées , et qu'elles ont pris leur poste habituel , à droite de l'Ar- goun, à quatre verstes à-peu -près au -dessus du poste Russe , c'est-à-dire , près de la borne de démarcation de Zouroukhaitou , le douanier en donne avis à Nertschinsk , où l'on fait aussi- tôt une proclamation pour avertir les com- nierçans qui s'y trouvent , et ceux des slobodes du voisinage. Avant de se rendre à Zourou- khaitou , ils stipulent entr'eux à quel prix ils mettront leurs marchandises , et se règlent 3?% 1JJ1. L I M ï T s & pour cela sur nn tarif émané du gouvernement* C'est vers le 10 qu'on ouvre le marché , qui dure jusqu'au commencement d'août ? et quel- quefois jusqu'au i5. Les marchandises , qui se* passent de part et d'autre en échange , sont à si bas prix , que la douane en retire tout au plus quatre ou cinq cents roubles. L'on n'ap- porte de part et d'autre à ce marché que des marchandises de peu de conséquence , et qui trouvent débit parmi les gens du commun. Ils apportent si peu , que leurs magasins eil thé de briques , tabac, et autres choses sem- blables , ne suffisent pas pour approvisionner pour l'année l'autre partie Russe de la Daourie , et qu'on est obligé d'en tirer de Séienguinsk. Si les droits de douane étoient moins considéra- bles , le commerce ; seroit plus florissant : ce qui le prouve , c'est qu'il l'étoit bien davantage avant 1761 , où l'on ne payoit que dix pour cent sur toute espèce de marchandises. Voici en quoi consistent les marchandises d'importation. Des Daba (1) de différentes couleurs : l'aune à quatre kopeks. (1) Ledaba, le kamhay le kuaïka , sont différentes sortes de rîraps. Gmélin parle encore de ceux que Ton nomme kham , dârei, tschandar ou tschillar. Voyez son Reisen' durch. Sybillen , p. 80 , et l'extrait de ce voyage par Keralio » tom. I , p. 57 et 58. [Lang lés.) ©s ZA Mongolie. 379 Bu coton écru, trente kopeks la livre. Des damas communs et des Kamka, trois rou- bles la pièce. Des Kitaika, sans lustre, à sept roubles le TUNE. De la cassonade , douze à quinze kopeks la livre. Du petit Sa nsa , deux roubles , ou deux rou- bles et demi ia pièce. Des As je mi 9 ou robes-de-chambre de soie, qui ont servi , de cinq jusqu'à sept roubles la pièce. Du mauvais tabac jaune, quatorze à quinze kopeks le Bascktscha. Du thé foulé en petites briques ou tablettes 9 tin kopek la pièce. L'importation en est rare. Du thé vert , du sucre candi , et de la soie torse. De toutes ces marchandises , les plus esti- mées des Russes sont le Daba , qui est meil- leur ici que celui que Ton vend à Kiakta ; le Kitaika non glacé , qui ne cède en rien à celui de Kiakta , et le Kirpitsciinoi-Tschai , ou thé foulé errtahlettes longues d'un empan. Ces mar- chandises se débitent avec succès chez les Bou- riats et les Toungouses. Les marchandises d'exportation sont : Des taureaux, à sept roubles ; des chevaux coupés, à vingt roubles; des moutons. Du petit gris de Daourie , la peau à huit ko- peks et plus. Des zibelines communes , à trois roubles. Des peaux de belettes du Lena , douze kopeks la pièce. Des peaux de moutons et de chèvres 3 elles se Vendent plus cher qu'à Kiakta. Des peaux d'agneaux ; les blanches , à trente kopeks , et les noires à cinquante. Des peaux préparées en maroquin , un rouble et un quart. Du cuir de Russie, â trois roubles ou plus les deux peaux. De petits miroirs encadrés en cuir rouge , deux roubles et demi la douzaine. Du drap de Hollande , quatre roubles et plus Vanne. Du drap commun , deux roubles et plus Faune. Des Iergaki , ou vieilles fourrures de peaux de chevreuil, ou autres, cinquante kopeks la pièce. Ce sont ces fourrures, les peaux de mou- tons , ou vieux vidschouras de peaux de mou- tons , et en général toutes les marchandises de peu de valeur , qui ont le plus de débit chez les Houssais ; et les marchandises qui passent le plus en échange sont le tabac et le thé (1). (1) Le total du commerce de la Chine [ avec la Paissic J , dit Vdllam Cox , dans les nouvelles découvertes des Russes , pag. tp7 de la traduction françoise , est d'environ quatre t> m la Mongolie. 38é Le terrain uni , où est situé le vieux Zou- roukhaitou, est salin. Une espèce d'iris jaune (i) qu'on rencontre près de Soktouï , y croît en abondance. On est obligé de s'en éloigner ß et de prendre la route par des collines unies , parce que TArgoun forme de nouveau une sinuosité. A vingt -cinq verstes de -là, on at- teint Douroïskoï - Karaoul , situé sur un bras de l'Argoun. Le nom de cette place lui vient de deux lacs situés à cinq verstes sur le côte millions de roubles par an [ dix huit à vingt millions de livres tournois ]. Je crois avoir démontré combien ce commerce nous seroit avantageux, et avec quelle facilité nous pourrions ri* valiscr les Russes, et supplanter les Anglois , les Holiandois^ -qui n'ont pas comme nous des compatriotes et des corres- pondances dans la capitale même de la Chine. Le jèle que ces correspondans ont toujours témoigné pour enrichir notre littérature, et étendre nos connoissançes dans les arts , semble nous repondre de celui qui les animera, quand il s'agira de nous rendre des services encore plus importans. Nous en avons la preuve dans une notice précieuse sur les objets à importer en Chine , insérée dans le tome VI il des Mémoires sur les arts et les sciences des Chinois, pag. z67. Il ne s'agiroit que de renouer une correspondance trop négligée depuis quelques années , et de lai donner un caractère qu'elle ne pouvoit avoir sous l'empire des préjugés et du despotisme. Je ne répéterai point ici tous les détails consignés à ce sujet dans mon Adresse à l'Assemblée nationale, si^r l'importance des Lingues orientales , pour V extension du commerce , Us progrès des lettres et des sciences , publiée en 1 7^0. (Langlés.) (1) Voyez le u9, 176 de 1' Appendix, 33s Î772. Limites dans la lande. Ils sont près cle renfoncement de l'Argoun , à un verste et demi l'un de l'autre du sud-ouest. Sur les roseaux qui croissent dans ces lacs , se forme cette même tabulaire fon- geuse (1 ) , que j'observai dans les eaux sta- gnantes qui avoisinent l'Oka et le Volga. Elle abonde aussi dans toutes les eaux bourbeuses et croupies que l'on voit près de l'Argoun. Les montagnes de ces environs sont séparées par un large vallon y qui s'étend vers ces lacs. Son terrain est salineux, et l'on y remarque beau- coup de places chargées de sel amer. C'est-là que l'on commence à appercevoir le beau statice doré (2) ; et plus loin , vers le Taréi-Noor , on le rencontre , au mois de juillet > en fleurs dans plusieurs contrées salines. Dès qu'on est au-delà d'Ouroï , on passe le Sinder, côte très -étendue, peu élevée, mais pleine de rochers , dont les cavités sont peuplées de chauve-souris d'une espèce connue en Eu- rope. Elles y font leurs nids. On compte quarante-deux verstes de Douroï à Khailassoutou. La route traverse tantôt le fond salin, qui borde l'Argoun , et tantôt elle conduit par des éminences et des vallons , qui se perdent de la montagne vers le fleuve. L'on ne voit point de maisons à Douroï ni à Khailas- (1) Tubularia fungosu» (x) Stauet au ma* de la Mongolie. S83 Soutou , faute de bois de construction ; Ton n'y trouve que quelques chétives cabanes construites en terre. • Le pays, situé par-delà l'Argoun , est garni de hautes montagnes, où il n'y a nulle appa- '" rence de forêts. On remarque , sur- tout dans la partie qui appartient à la Russie, le Tschir, qui s'élève par-dessus toutes les autres. A sept verstes de Khailassoutou , elle présente , à Test, son angle le plu« haut, et s'étend jus- qu'au-delà d'Abagaitou , en formant une lon- gue bosse rapide , garnie de rochers à diverses places. Il y croît presque les mêmes plantes que sur la montagne de Kharabom. On y re- marque aussi la spirée t-halictroïde (i) , qui y croît pêle-mêle avec la spirée chamsedrys (2), et celle avec des feuilles à lobes et sciées , dont la tige est terminée en corimbes de Heurs (3), ainsi que l'iris dichotome (4)> c[Txi est très- commune sur tontes les montagnes de l'Ar- goun et de l'Onon. Celle - ci ne fleurit qu'en juillet. Cette montagne présente de vastes pla^ ces couvertes du petit caragan (Alt a g An a ). Passé les premières bosses , qui ont beaucoup de saillant , on ne rencontre par - derrière que > 1 ——*■—■■■■■ ■ ■ ■■■ 1 — ■!■ ■!» — — .^— -1 1 ^^^m^Êm^mp^ 1 mm ■■■■■ , ■■ ^i , m «p^w^b— i ^*J|w i^Êm*f ^mgmam (ï) Spirea aquilegifolia. Appendix, n°. 333, (z) Spirea chajnœdrifplia, {3) Spirea opullfolia. £4) Iris dichotoma. Appendix, n°. 271, 584 Ï772' Limites des montagnes brisées presqu'inaccessibîes , 5 cause de leurs nombreux rochers escarpés. Depuis cette contrée , le pays , situé entre ces montagnes et le fond qui borde l'Argoun , s'étend tantôt à deux, et tantôt à sept verstes de largeur. On y voit un ancien rempart cons- truit en terre , qui file de l'ouest à l'est. Il croise l'Argoun au-dessous de Kîiailassoutou $ on le traverse ensuite au nord - ouest d'Aba- gaïtou. L'on ignore jusqu'à présent où ce rem- part commence à l'ouest , et où il se termine à l'est au-delà de l'Argoun. On remarque encore, dans sa partie sud - est , qui est sans doute la partie intérieure , d'anciens fortins, auxquels lés habitans des rives de l'Argoun donnent le nom Toungouse de Kerem. Un de ces fortins est à l'est, à deux verstes et demi de Kîiailassou- tou , nord - ouest. Il forme un carré long de huit toises sur six. Ce fortin a conservé son rempart , qui avoit une toise et demie de hau- teur ; l'on y remarque les traces du fossé. L'on en voit deux autres vers le poste , ou piquet de Kotschetoui , qui est à dix verstes de Khai- lassoutpu. Ils sont dans l'enceinte du rempart, qui présente ici une lande d'environ deux verstes. Ces deux fortins sont à deux verstes l'un de l'autre dans un alignement qui iile du sud-est au nord-ouest. La construction forme un carré , l'un de trois toises , et l'autre de sept. Leurs remparts ont encore une toise et demie y> e %".& M o jsr g o i r s; 335 demie d'élévation 5 mais les fossés sont entiè- rement comblés. On ne voit aucune trace de b&tirnens dans l'enceinte du plus petit. Les Toungouses disent qu'il existe encore., le long de ce rempart à l'ouest, cinq autres fortins à certaine distance l'un de l'autre , et qu'ils sont tous construits de même. On sait aussi, parles Mongols , que la forteresse qui existe près de l' Argoun , à dix verstes au - delà du Gan , se trouve en continuité de cette même ligne \ et il est probable qu'elle étoit une des princi- pales places. L'on, y voit encore des restes de bâtimens. Gmélhi en donne une description dans ses Voyages (1). La construction de ces" fortins est la même que celle observée encore aetuellement par les Chinois dans leur art de fortifier les places. On rencontre sur la route de Kliailassoutoiï à Abagaïtou , après aVoir fait quatre verstes , une colline de sable ? d'où l'on m'a apporté du sainfoin frutiqueux (2) , qui aboside près du Sé- lenga 5 mais il n'y vient pas très-haut , et le plant en est chétif. Je n'en fais mention que parce que je ne l'ai rencontré nulle part en Daourie. Abagaïtou est à cinquante verstes de la garde des limites dont je viens de parler. Il se trouve (ï) Voyages de Gmeïin en Sibérie, ze. part. pag. 9 et suiv. (i) Hedysarum frutlcosum. Appendix 3 n°. 3 63. Tome VI. Bb 385 1.772. Limites tout près de la place où le Khailar se réunit h un canal de décharge du Dalai-Noor., pour former l'Argoun , qui file ensuite le long des limites de l'empire Russe, s'étendant d'ici, à l'est , jusqu'au fleuve d'Amour. Il baigne , à droite et à gauche y celles de la Daourie Rus-. sienne. Les landes, qui environnent cette con- trée , n'offrent de toutes parts qu'un terrain composé de gravier , de brisures de rochers et de cailloux , parmi lesquels il en existe beau- coup qui tiennent du kascholon et de la cor- naline. Ceux-ci sont à*demi-transparens \ mais on en voit rarement d'une grosseur remarqua- ble , et où il n'y ait pas de défauts. Les mon- tagnes qui bordent l'Argoun à des distances différentes , paroissent se perdre en hauteur 9 et s'éloignent du fleuve pour faire place à un vaste fond , qui s'élargit de plus en plus vers îe lac de Dalaï. Ce fond est très-humide, sa- lin, et stérile ; on n'y voit aucune plante re- marquable. L'Argoun , qui s'éloigne ici de la route et des limites , prend , au moyen de ce fond , iln cours beaucoup moins rapide. II haigne une grande partie de ce même fond très-avant , en juin , parce que les marais, qui sont plus près du Khailar , ne dégèlent que vers l'été : ce qui lui procure alors des eaux. Pendant cette inondation , le Dalaï-Noor , qui est très-poissonneux , peuple l'Argoun. L'on y pêche alors beaucoup de petites carpes fie se la Mongolie. 887 Baourie , de l'Asote (1), du Crasnoperi , et du Sigui (2). La contrée supérieure de l'Argoun n'est pas susceptible d'être habitée , à cause du terrain qui n'est nullement propre au labourage , et parce que le bois y manque. Les Kosaques des avant-postes des limites sont obligés, de se ser- vir de brandies de saules pour se chauffer , et former leurs clos. Le bois de charpente y est transporté de cent verstes des environs du Sok«? touï et du Zagalonoï, où il n'est cependant pas très-abondant. En juin, on voit les mon- tagnes et landes élevées se dessécher , et devenir arides. Elles fourmillent alors de sauterelles (3) * qui marquent le changement de saison, en s'é- levantavec bruit dans Fair. On en rencontre une troisième espèce (4) dans la lande de gravier où est situé Abagaitou. On voit ici de petits lézards, comme dans toute la partie de la Daourie , où il n'y a point de bois. Je m'en suis assuré par moi - même 5 mais dès qu'on est parvenu à Argounofskoï- Ostrog , où la contrée. est garnie de forêts, on rencontre des serpens dont on dit la morsure (i) Silurus asotus. (i) Salmo oxyrhyncus , espèce de murène. (s) Gryllus obscurus et barabensis. (4) Gryllus onos* 383 IJJÏ' Limites. yenimeuse. Il en existe aussi plus haut dans les montagnes ombragées de l'Onon. La route des limites , qui conduit d'Aba- gaiton à i'Onon , passe d'abord à travers le yallon de Daguiki , qui est aqueux ; l'on trouve à l'entrée une source d'eau vive. On traverse , lin peu avant d'arriver à cette source , l'ancien rempart dont j'ai fait mention. Il file égale- ment ici de l'ouest à l'est, et n'a guère plus d'une aune de hauteur. En sortant de ce val- lon , on se trouve à la montagne de Tschin , dont j'ai parlé. On la monte dans sa partie occidentale ; on y trouve , au printems , au pied des gradins de rochers , la jusquiame phy- saloïde (1)5 elle y abonde. Cette montagne a quantité de gradins pareils dans la partie mé- ridionale , qui est très -rapide. On voit , au ïiord de cette montagne, le vaste vallon de ^Oiongor - Adsyrga (2) , dont le terrain est sa- lin : aussi y trouve-t~on toutes sortes de plantes salinaires 9 entr'autres la salicorne feuillée (3). Ce vallon s'étend à l'ouest vers FArëoun , et présente un large terrain où il existe beau- coup de fonds salins, et un petit lac de sel (1) Hyoscyamus physaloides. (z) Khongor-Adsyrga signifie, en Mongol , un collier de carcan. Je n3ai pu apprendre pourquoi on a donné un pareil nom à cette valîée. (3) Salkorma foliata. » E t A M Ö N G Ö i ï #. 38$ amer, qui se nomme Imouléi (i). Il y croît des joncs, mais en petite quantité. L'on passe de ce vallon sur quelques éminences qui bor- dent le Mélassatou , qui a environ deux verstes de long , en s'étendant vers l'est ; il est entouré de joncs. Les eaux sont très - basses dans le milieu de son bassin : ce qui y attire beaucoup de cygnes , d'oies ,, et de canards , qui cher- chent leur pâture dans le fond. Une route con- duit de ce lac à Nertschinsk- A trente verstes de Mélassatou , Ton traverse des côtes unies, qui filent au sud-ouest. On y trouve , de place en place, des cailloux , qui tien* nent de l'agathe. On atteint enfin Soktouïskoï- Karaoul , qui est à quatre-vingts verstes d'Aba- gaïtou. Ce poste a pris son nom de la monta- gne de Sogtoui (2). C'est sur cette montagne que l'on a posé la première borne de démar- cation , à trente verstes d'ici. Il croît dans les vallons de la partie occidentale de cette mon- tagne de la spirée à feuilles de sorbier (3). Entre Soktouï et Zagan-Ohloï , on entre dans le vallon de Deberkoï. L'on passe ensuite dans la vaste vallée d'Ourouloungouï , qui a son em- bouchure prèsdu nouveau Zouroukhaïtou. Cette vallée file ici de l'ouest à l'est en droite ligne ^ (1) Le puant. (z) Livre. (3) *S/w"éa sorblfolia*. Bb 3 89° ijji. Limite* et a une vingtaine de verstes en largeur. Sä partie méridionale est garnie de montagnes unies , qui présentent , de place en place , des couches d'un schiste bleuâtre , et des trous perpendiculaires de quartz , qui filent au nord- est. La route par ou on transporte le sel des lacs de Borsoi , va de ce vallon à Zouroukhaï- tou. L'on rencontre dans cette vallée , à peu de distance de Soktouï., un peu plus à l'est , deux lacs ., nommés Biélyé (i). Ils donnent naissance au ruisseau d'Ourouloungouï. Plus avant , l'on ne trouve plus d'eau dans cette vallée , si ce n'est au printems. En été , l'on voit, dans le pays, la pédiculaire striée (2), plante peu commune. Le vallon de lellontouï s'étend entre des mon- tagnes de rochers vers l'OurouJounsouï. L'on trouve , dans le commencement de ce vallon , 1111e source près de laquelle est situé Zagan- Oloïskoï-Karaoul , à quarante verstes de Sok- touï. Pour y arriver , on remonte ce vallon , qui prend son nom des vautours barbus , ap- pelés Ielloo, dans la langue du pays. Le nom de Zagan-Oloï (3) vient de la cime blanche d'une montagne ,, qui se présente de loin comme un nuage. Les montagnes sont rondes , et le «■'■■■ "• ■ ■ ■ ; 1 (1) Blanc. (z) Pedicularis striata. AppendL n'. 340» (3) Nuée blanche. de là Mongolie. 3yi vallon rapide et entrecoupé de beaucoup de murailles de rockers très -hautes. On voit pour- tant entre ces montagnes d'excellentes terres à labour. On y rencontre des pigeons sauva- ges (i) par troupes; ils se nourrissent^ en été , des grosses graines d'euphorbe ( 2) , qui abon- dent dans cette contrée. Ces plantes y forment des racines d'une grosseur extraordinaire. De Zasan-Oloï à Klioiitscheiskoï - Käraoul , ce qui forme une distance de cinquante yers- tes , le pays n'offre aucune, plante particulière. Les élévations unies soiît constituées d'une ro- che grise, et le terrain est par-tout rougeâtre , plein de graviers et de ca.illoutage ? par con- séquent très - stérile. Douze versteh avant que d'atteindre Klioutschefskoï - KaraOûiy on passe la vallée tortueuse de Kpnda. Elle 'est maréca- geuse , et forme un petit ruisseau, , qui se décharge dans l'Ouroulouneouï , vers lequel elle, iile elle-même du sud-ouest. L'on décou- vre entre cette vallée et Klioutscliêfs^bï- Ka- raoül y une côte garnie de bois , quî .s'ëtëhcl du süd-ouest au nord-est. C'est elle qui sépare - g > _ - x . ri les vallons de l'Ourouloungoui et de i'Onoii- borsa. C'est en suivant la vallée "de Konda que la route par où. l'on transporte les sels , et ' (ij Ilparôît que Cd pigeon saunage 5 dont jmrle-iV!^- £*&£las, est le vinago on columba montana de Friscli, ' (z) Euphorbia." ,\ - Bb £ 39a iy/2. Limites dont j'ai fait mention plus haut, passe dans le vallon d'Ourouloungouï. Klioutschefskoï - Ka- raoul est. situé dans la partie nord-ouest de la côte dont je viens de parler. Ce poste est établi dans une place unie^ gui forme un angle vers Ononborsa. La place est bordée des deux côtés par des montagnes garnies de bouleaux et de peupliers. On ne voit,, .dans le voisinage et dans les vallons , que des plantes de prairies , et principalement beaucoup devaraire noir (1). La partie la plus basse de la plaine , qui s'é- tend au nord à quinze verstes , est de nature saline j et en avançant du pied de la monta- gne , elle devient argileuse , et se garnit de pe- tits pâturages de landes. Elle n'est point tout- à-fait stérile $ mais , plus loin, on ne rencontre que des campagnes de sable et de gravier , qui ne sont susceptibles d'aucune culture. M. So ko/of 'rencontra, encore sur la route de Tschindantourouk à Tokhtorskoï cette belle campanule verticillée (2) , dont j'ai parlé plus haut 5 mais on ne la voit nulle part ailleurs que dans ces deux places. Il laissa l'Iinal- khinskskoï - K ara oui de côté, et se rendit en droiture de Houboukliaïtou vers le ruisseau de Dorolgouï. De Toklitor et de Novo-Mogoïtouefskoï-Ka- (1) Veratrum nigritm. (x; Ciimpanul.1 vcrucillata. Append, n°. api. •de la Mongolie. 3c)3 raouî , il prit la route, en passant devant la forteresse d'Akscbinsk , vers la garde de limites la plus voisine. Pour s'y rendre 9 il eut de hautes bosses de montagnes à passer, entr'au- tres celles de Karétouï et de Nouroukaï , qni s'élèvent par - dessus les autres. Elles sont si- tuées sur une même ligne du nord au sud , et séparent les ruisseaux de Tolditor et d'Guts- cliirkou. La dernière de ces montâmes est la plus considérable; elle s'avance à l'est avec plusieurs promontoires , entre lesquels le To- khtor prend sa source. Elle se présente , à l'ouest, comme un rempart élevé et très -es- carpé , et donne naissance au ruisseau de Saksa- Zog - Mogoï'tou , qui se joint au Scliilbintouï , au-dessous d'Akschinsk, et tombe dansl'Onon. La contrée qu'on trouve au-delà s'étend vers le vallon de l'Oostcliirka , qui est très - maré- cageux, et fourni de bois. Ce ruisseau coule à environ douze verstes du pied de la mon- tagne. Toklitorskoï - Karaoul est situé sur sa rive,, et entouré de bois de pins très-hauts. Cette place a pris son nom du ruisseau de To- klitor ; elle est à vingt-cinq verstes de la pré- cédente. Le ruisseau de Toutoulour s'écoule dans l'Outschirkou , directement en face de Toklitorskoï -KaraouL La source d'Aroïn-Bou- lak vient s'y joindre au - dessous de la place. On a ici la ligne des limites tout à la proxi- mité j elle passe à travers les montagnes vers ^94 %7j%. Limites rOiion , et borde la rive droite en remontant jusqu'à Versch-Oulkhouskoï-Karaoul. La route le long de la rive droite de POutsehirkou , en descendant, est très-pénible, à cause des bois et du terrain, qui est très- humide. Elle tra- verse l'Àroïn-Boulak et le ruisseau de Schivi- tinda , auquel se joint l'Ougomar., tout en face. On rencontre , plus loin P de hautes mu- railles de rochers , auxquelles on a donné le nom de Iejllor , parce que les vautours barbus y viennent faire leurs pontes. Les prairies, qui bordent l'Outschlrka , étoient garnies de san- guesorbe du Canada (i ), qui avoit de longs épis à fleurs blanches. Arrivé plus près de TO- non , on traverse enfin ce ruisseau , qui n'a sa décharge qu'à sept v erstes au-dessus d'Ak- schinsk. Il coule le long; de l'enfoncement de l'Onon, et du chemin qui conduit de cette place aux postes supérieurs des limites. L'on traverse sur cette route , à droite du fleuve , le ruisseau de Boutonï. Elle suit avec l'enfoncement jus- qu'au Sarbaltpuiî , où l'on est obligé de tra- verser l'Onon , à cause des montagnes qui in- terceptent la continuation du chemin. Parvenu sur la rive gauche du fleuve, on traverse d'abord le ruisseau de Karassoun , où l'on entre dans une campagne qui s'étend de- vant les montagnes. C'est dans cette campagne (i) Sanguisorba Canad:nsls* r> £ r A. Mongolie. 3q5 qu'est situé Nishné-Oulskhounskoï - Karaoul., à deux verstes et demi de l'embouchure du ruisseau, à vingt-cinq verstes d'Akschinskaia- Kriépost , et à trente verstes de Tokhtorskoï- Karaoul. Nishné - Oulskhounskoï - Karaoul a pris son nom de l'Oulkhou , colline ronde , qui se trouve un peu plus haut au milieu du plat-pays. - A sept verstes de - là , l'on atteint l'Oulaat- schi , qui se décharge dans l'Onon ; on a ex- ploité, près de ce ruisseau, un minerai 5 mais les fouilles ont été recomblées. Le pays qui suit est plein de gravier , et en- trecoupé par des ruisseaux qui viennent des montagnes. Le premier est le Nislmaia - Kou- roulga ; il tombe dans l'Onon par trois embou- chures. Les autres sont FOulétaï et le \' ersch- naia-Kouroulga. En face de ce dernier , l'Onon reçoit des campagnes de la Mongolie les deux Sarbatouï , et le ruisseau de Mangout. On a établi au-dessus du Kouroulga supérieur un piquet près d'un bras de l'Onon. Ce sont les deux gardes de limites les plus voisines qui fournissent tour- à-tour les hommes nécessaires pour ce poste. Les Mongols nomment ce pi- cjuetKHAiTSi (1). Ces postes sont relevés à longs intervalles , attendu l'éloignement des lieux et la contrée qui est sauvage. (1) C iseaux. °9^ IJJZ. L I M I TES Mangouskoï-Karaoul est situé plus haut près de l'Onon, dans l'angle supérieur d'une plaine qui s'étend entre la montagne et le fleuve. Ce poste est à quarante*cinq verstes de l'autre garde. On voit en face le ruisseau de Bitouï, qui vient de la Mongolie s'écouler dans l'Onon. Sur sa rive droite , et à quinze verstes environ de l'embouchure , on trouve sur le territoire Mon- gol de petits nids de mauvais verre de Mos- covie dans deux hautes murailles de rochers qui font face au midi, et qui sont composées d'une roche caillouteuse. A deux verstes au - dessus de Mangrruskoï- Karaoul , on traverse les deux Tarhaldshéi , dont les embouchures dans l'Onon ne sont qu'à un verste et demi l'un de l'autre. D'ici , l'on ne trouve entre les montagnes et le fleuve qu'une étroite campagne , qui se prolonge en pente. On atteint ensuite Versch - Oulkouns- koï-Karaoul , à quinze verstes de Mangouskoï. Ce poste doit également son nom à une colline isolée, à la proximité de laquelle on l'a établi. C'est sur cette colline que sont plantées les bor- nes de démarcation. Versch-Oulkhdunskoï-Karaoul est le dernier poste sur l'Onon. Ce fleuve s'éloigne ensuite des limites , qui s'étendent à travers les petits torrens de Kira, Agouza , Kirkoun, Baldsa, et plusieurs ruisseaux qui coulent au nord - ouest vers ce fleuve. DE L A M O & G O i I E. 397 Notre voyageur prit sa route, au nord-ouest^ vers les montagnes encore presque nues. Avant d'y arriver, il lui fallut traverser le ruisseau cle Kérin, à dix verstes de FOnon. Il escalada ensuite une bosse de montagne constituée d'une roche bleuâtre , de même nature que les au- très quil'avoisinent., et qui vont jusqu'au Kira. De-là, il passa par un vallon marécageux, à l'entrée duouel est un piquet, oui se nomma Khaitschi. L'on trouve ensuite plusieurs côtes qui s'étendent avec la première parallèle du nord - ouest vers le Kira. L'on voit, dans de larges vallons marécageux^ et couverts de brous- sailles que forment ces côtes, quatre ruisseaux, appelés Ka.xga2.ou", qui vont tomber à gau- che dans le Kira. Notre vovaseur trouva dans ces vallons plusieurs pédiculaires (1) d'espèces rares en fleurs. Après avoir passé le quatrième de ces ruisseaux , on atteint le Kira, qui coule de l'ouest dans une plaine enclavée dans un val- lon. Cette rivière reçoit ici le ruisseau de Bourza. A un verste de - là , l'on arrive à Ki- rinskoï Karaoul , situé sur sa rive. Ce poste est à quarante - deux verstes de Versch-Oulk- houn. Le 2,5 juillet , notre voyageur entreprit d'aller examiner une source d'eau chaude en réputation chez les Toung;ouses de la Daourie. Elle est LJ >mi —C— ~m ■ ■ ■■ ■ n ■ .n 1 1 1 ■ ■■■ , mi » «■ ji ■— ■ 1— ■ m . m mummm^^mmmmm^mmwmi i i i. ■ n ï) Pediculares, .398 ijrjz. Limites- située près du ruisseau Kjïalon - Oussou (i. ), d'où elle a pris son nom. Pour s'y rendre, il traversa les montagnes en côtoyant le Kira et le Balira , qui se joint à lui à trente verstes pins haut. Cette source est située au nord de la carde des limites 5 mais comme les montap-nes empê- chent ^u'onne puisse y arriver autrement qu'en côtoyant le Balira , il faut compter cent cin- quante verstes de chemin, ou deux fortes jour- nées de cheval. On suit la rive gauche du Kira jusqu'à l'embouchure du Balira , qui couie avec rapidité 5 mais on est obligé, dès qu'on a passé ce qu'il y a de rive unie , de faire la route à cheval par des sentiers étroits et périlleux le long des rochers escarpés. L'embouchure du Ealira a dix brasses de longueur sur un fond pierreux. Le tamarisc, avec des fleurs à dix étamines (1), qu'on nomme Balgou dans le pays /croît abondamment dans toutes les places composées de gravier. On y voit aussi beau- coup d'espèces rares de sarrettes (3) , qui sont , pour la plupart indigènes à la partie occiden- tale de la Sibérie. Notre voyageur vit , près, du Balira, diverses espèces de pied-d'alouette (4), (1) Eau chaude. (a) Tamarlx Germanica. Âppend. n°. 31a, pi. 43. (3) Serratulœ. Flor. Sibir. II , pag. 76 , n°. y8 , tab. 31 'y pag. 78 , n°. fi?, tab. 33 , et pag. 80, n°.6i, pag. 35. (4) Delpliinium consolida. L. de la Mongolie. S99 et de la fausse bardane (1) encore en fleurs. Il reconnut encore, dans les places humides, la verge d'or palmée (2) , qui n'étoit connue ci- devant qu'an Kamschatka , et qu'on ne voit , en Daourie , que dans ce canton. L'enfonce- ment qui borde le Balira , forme d'étroites prairies garnies de peupliers blancs. Les mon- tagnes qui côtoient ce ruisseau de droite et de gauche , en lui présentant tour-à-tour des angles escarpés ? sont constituées de rochers caillouteux , entassés les uns sur les autres. Elles sont supérieurement boisées de pins et de mélèzes. Il croît entre les rochers beau- coup de rhubarbe (3) avec de grandes feuilles rondes ) elle y forme des pieds très-forts. Le petit ruisseau de Talatschi tombe dans le Balira à trente-cinq verstes de l'embouchure de ce dernier. On trouve , vers ses bords , de larges enfoncemens qui forment prairies , et qui s'étendent assez loin. On voit , dans ses fonds, quantité de marais salins; elle se ter- mine avec le ruisseau de Koulinda , qui est borné à l'ouest par une haute montagne char- gée d'énormes rochers \ on ne peut y monter (1) Arctlum person?iata, (z) Solidago palmata. Flor. Sibir. Iï , pag. 170 , n°. 140 3 tab. 7f. Cette plante a de fortes marques distiQÇtiye-s. (3) Kheum Rhaponticum, 4°° 177-- Limités que par un. sentier pénible. Passé cette mon- tagne, on voit le ruisseau de Dagapkied , qui vient du nord d'un vallon étroit pour prendre son cours vers le Bal ira. Après qu'on a passé une petite campagne , la rive inférieure de ce ruisseau se termine par des rochers à pic , qui obligent les voyageurs à passer sur la rive gau- che, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'endroit ou la rive droite devient plus unie. L'on ar- rive, peu après, à l'embouchure de Khaion- Oussou, qui a son cours du nord. On côtoie, pendant quarante verstes , la rive gauche de Khalon-Oussou , quoique par un chemin très- pénible. L'épais tissu des forêts, qui chargent les montagnes , les rend si sombres , qu'il n'y a pas moyen de s'y frayer une route , et le vallon où coule le ruisseau est rempli de places où les eaux de source ont formé des marais garnis de broussailles de bouleaux. On rencontre assez fréquemment de ces places que les débris de rochers et les amas de pierres qui se sont dé- tachées des montagnes , ne permettent pas de traverser. On arrive , après cela , pour ainsi dire , à l'embouchure de ce ruisseau , qui com- mence à devenir très-bas ; et la rive gauche ne présente plus qu'une très-haute montagne chargées d'énormes cimes de rochers tout nus. Cette montagne est l'Abdoura. Parmi ses plantes, la plus rare est le polypode , d'une odeur très- douce jde LA Mongolie, 401 douce (1). On y voit aussi le bon - henri (2), On ne s'attendoit pas à rencontrer cette plante dans une contrée pareille. La montagne n'est que granit qvd se présente à nu. On voit., à son pied , les dernières sources qui forment le Klialon - Onssou. Parmi elles , se trouye la source chaude , qui vient de l'ouest , à droite du ruisseau, après s'être unie à une source froide. Elle coule d'un fossé dont le fond est cailloux et gravier , et passe sous une forêt mêlée de cèdres et de mélèzes. La source froide abandonne la direction du lit d'où elle jaillit , et prend son cours vers le ruisseau 5 la source chaude quitte au contraire la direction de la rive droite ou méridionale , d'où elle jaillit à environ douze toises du com- mencement du fossé. Elle coule par deux veines, qui sont à douze pieds l'une de l'autre , et parcourt environ cinq toises de chemin avant de s'unir à la source froide. Le jaillissement supérieur se fait avec assez d'impétuosité entre deux rochers placés en terre. Il prend une demi- aune de largeur à la place même d'où il sort , et l'eau a trois pouces de hauteur. Elle dépose sur le lit pierreux où elle coule un sédiment assez épais , dont la superficie est d'un vert foncé. L'intérieur de cette matière est au con- (1) Polypodlum fragrans. (i) Chenopjdium Bonus Hznricus*. Tome VI. Ce 4°% lyji. Limites traire comme un lait caillé, et répand une odeur désagréable de soufre. La seconde veine donne moins d'eau; mais son jet est plus im- pétueux tout près de la rive du fossé. Elle a un empan de large , et dépose un pareil sédi- ment. L'eau de ces deux sources est très - lim- pide ,. mais un peu bleuâtre. Elle a un goût et une odeur de poudre à canon , ou d'œuf pourri ; elle est si chaude , qu'à peine peut-on y tenir la main. En été., l'on y voit s'élever d'épaisses vapeurs dans les matinées et les soirées fraî- ches. On a établi , près de ces sources , des caisses qui servent de baignoires. L'eau s'y amasse à deux pieds de hauteur , et l'on y a adapté de moyens canaux pour les vider et les remplir à volonté. Les malades , les impoteiis y viennent prendre les bains, et chaque jour beaucoup de personnes se trouvent soulagées , et d'autres guéries radicalement. Les Toun- gouses rendent une espèce de vénération à cette source. Lorsqu'ils boivent de ses eaux, ils font des prières et des cérémonies 5 ils croii oient commettre un crime que de s'y baigner entiè- rement à nu 'y ils gardent , dans ce cas , leur chemise ou leur culotte. Leur superstition va jusqu'à attacher une vertu médicale aux petites pierres qui se trouvent dans son fond ; ils en emportent avec eux. Cette route étant la seule p notre voyageur ne put en prendre d'autre pour s'en retourner. de ZA Mongolie.' 4°3 Or traverse le Kira près de la garde des li- mites , à laquelle il a donné son nom. De ce ruisseau , pour se rendre à Altanskoï-Karaoul , on passe par un large vallon uni , qui file en- tre des montagnes garnies de forêts qui s'éten- dent jusqu'à l'Agouza. L'on rencontre , dans cette route , deux ruisseaux , le Kharaschibir et l'Alkout - Schak : le premier, près du Kira, et l'autre à moitié cliemin de la distance. L'Alkout-Schak est moitié à sec en été , et se décharge dans le Tassourkaï , qui coule par le même vallon dans le Kira. A l'extrémité de cette vallée est situé , à droite , près des mon- tagnes , le Tschindagatai , lac considérable , dont les eaux sont saumâtres. Passé ce lac, on n'a pas beaucoup de chemin à faire pour at- teindre la petite rivière d'Agouza , qui vient du nord-ouest. La earde des limites d' Altans- koï, dont j'ai parlé plus haut , est située sur sa rive, un peu au-dessus de sa jonction avec l'Ago-azakan, qui forme d'abord deux bras 5 mais ceux-ci se réunissent en un même lit, qui se décharge un peu plus haut dans l'A- gouza , sur la droite. Il y a , près de l'embou- chure du bras qui est à droite , une élévation unie 9 qui présente une face saillante vers son Vallon. Elle est à huit verstes d' Altanskoï-Ka- raoul. On y trouve un tripoli blanc en dalles ou en cubes. Quoiqu'il ne soit pas des meilleures qualités, il a néanmoins assez de dureté. Il G g % 4°4 ^ll%t Limites forme entre des cailloux d'une roche granitelle une couche horizontale d'un demi-pied d'épais- seur. L'on rencontre, près de ce même ruis- seau , des cailloux qui tiennent de la calcédoine et de la cornaline. Il existe , dans cette contrée , une des plus hautes et des plus remarquables montagnes de la Daourie. Les Russes l'appellent Tschokond a ; mais c'est proprement Sokhonda , comme di- sent les Toungouses. Cette montagne n'élève ses cames qu'à quarante verstes d'Altanskoï. Notre jeune voyageur s'y étoit transporté par mes ordres ? et y avoit passé depuis le 3i juillet jusqu'au 3 août. Il fut obligé, pour y parve- nir , d'escalader une de ses plus hautes cimes ; et les détails qu'il m'en rapporta me paroissent trop intéressans pour ne pas les communiquer à mes lecteurs. On peut aller à cheval jusqu'à la bosse pres- que toujours couverte de neiges , qui achève l'élévation de cette énorme montagne. Cette bosse est très-escarpée , et entourée de rochers nus ; l'on n'y voit aucun arbre. On remonte , à six verstes , l'Agouza , en côtoyant ses bords ; on le traverse % et l'on passe ensuite la rive gauche de l'Agouzakan, qui jaillit au pied du Tschokonda, qu'on escalade par une montée des plus rapides. Cette montagne est entourée $e toutes parts de bois. Ses avancemens ou promontoires ne présentent qu'une roche gra-j de x a M ô ar g o z t e.s 4°5 Hitelle. A vingt verstes d'Altanskoï-Karaouî , elle commence déjà à devenir très-rapide , rem- plie de débris de rochers , de places maréca- geuses , et garnie d'épaisses forêts de mélèzes et de cèdres. Le petit bois taillis est composé de bouleaux en buissons , et de saules noirâ- tres ( î ). Je trouvai , dans la forêt , les sar- rettes (2) , dont j'ai fait mention plus haut , en parlant du Balira , et la gentiane des Alpes à fleurs blanches ( 3 ) 5 ces deux plantes étoient en pleine floraison . Il y avoit plusieurs marais tapissés en jaune par la fleur de la saxifrage puante (4). A peu de distance de l'embouchure de l'Agouzakan, il s'élève sur sa rive gauche une bosse de montagne isolée et pleine de ro- chers nus, que l'on appelle Ielloo^ Les vau- tours barbus viennent annuellement y faire leur ponte. A la place même où jaillit l'Agou- zakan , on voit comme disparoître les monta- gnes, et Ton se trouve sur une vaste plate- forme unie, où Ton rencontre des collines de pierre. Ce ruisseau est formé, en partie , d'é- coulemens d'eau , qui viennent des places ma- récageuses., et en partie de petits ruisseaux (1) Salix fuse a* (i) Senatulœ. (3) Gentiana alpestris. V. Append. n°. 30g ,pl. XGVllï ± fig- t. (4) Saxifraga kirculus* Ce S %o€ %fj%. Limites qui sortent de dessous les cimes les plus éle- vées-de cette montagne/Cette plate-forme est enceinte d'une épaisse forêt de vieux cèdres très-hauts. On voit , dans cette forêt , un grand nombre de sources d'où se forment plusieurs ruisseaux. Ils augmentent et s'étendent insen- siblement par la fonte des neiges , qui couvrent la cime de la montagne , et qui s'amassent dans les antres des rochers. Pendant les fortes cha- leurs de l'été, cette contrée devient la retraite des bêtes fauves, qui viennent par troupes se réfugier dans les forêts , pour y jouir de la fraîcheur , et à se mettre à l'abri des insec- tes. Lorsqu'on est sur cette plate - forme , la vue plane sur toutes les montagnes qui bor- dent rOnon de Test au sud , quoiqu'elles soient très-hautes : et l'on ne peut, sans effroi, jeter les yeux sur les énormes montagnes de rochers qui s'élèvent perpendiculairement à l'ouest , et qui portent leurs cimes couvertes de neiges jusques dans les nuées. Il se passe ici peu de journées sans pluie 5 l'air y est dans une agi- - talion continuelle, et les environs de ces mon- ; tannes sont exposés à de très - violons oura- gans. Il n'est pas rare de voir, au milieu de l'été , de la neige et du givre , lorsqu'il règne des vents du nord. On voit aussi fréquemment, en août, et même plutôt, au-delà des forêts en pleine verdure, la cime de ces montagnes couverte de neiges, ou de nuées de brouil- bb la Mongolie. 4°7 lard changées en si vre. Au nord de la monta- it O gne , les anciennes masses de neige ne fon- dent jamais sur les cimes , ni dans les vallons , qui ont de la profondeur. Ces montagnes de neige ont une étendue considérable ; elles sont situées entre les sources de l'Agouza , de l'A- gouzakan , du Boukoukoun , et de plusieurs autres ruisseaux qui s'écoulent dans le Kir- koun et l'Ingoda. Ces ruisseaux prennent tous naissance à ce point central , et se dispersent ensiiite dans des contrées opposées. A voir ces montagnes , elles paroissent s'étendre en lon- gueur du sud-ouest au nord - ouest ou nord- est; elles sont partagées en deux portions égales par une vallée des plus profondes , ou l'Agouza prend véritablement sa source. Ces montagnes sont singulièrement consti- tuées ; elles ne consistent que dans des masses énormes de roches granitelles entassées les unes sur les antres jueques dans les nues. Ces rochers tombent en effervescence 5 ce qui fait qu'elles paroissent arrondies comme des cail- loux à paver. Par ce moyen, elles laissent par- tout des intervalles ou des trous , sur-tout au pied et dans les gradins de la montagne. Comme il n'y a point de terre , il est impossible qu'il y vienne un seul arbre. M. Sokolof escalada la bosse qui est au sud-ouest ; il mit une jour- née pour v grimper. Elîeest comme l'autre por- tion du Tschokonda, et s'éiéve , comme elle 9 C e 4 4°8 1772* Li mite s par d'énormes gradins très - escarpés 5 il eit compta sept, qui forment des étages réguliers. A chaque gradin , les rochers figurent une large plate- forme , qui s'étend à deux verstes. Ces plates-formes sont assez horizontales. On y voit par- tout des sources se faire jour , et aller se précipiter avec murmure du haut des rochers. La cime de cette bosse , à laquelle on ne peut s'élever sans courir des dangers, est assez ho- rizontale, unie , et d'une étendue dont la vue ne peut atteindre le terme. On y remarque deux chaudrons ou abîmes effrayans, entou- rés d'une nruraille de rochers escarpés. Il existe , dans chaque fond de ces abîmes ß un petit lac où s'écoulent les eaux de neige lors de leur tenté. Ce sont ces lacs qui procurent des eaux au vallon qui sépare cette montagne en deux bosses ; et c'est, comme j'ai déjà dit, dans ce vallon que l'Agouza prend sa source. Les trois premiers gradins y qui forment la cime , sont chargés de glaces ; on distingue par les couches les années qui ont travaillé à leur formation. L'eau ruisselle sous ces masses de neiges, à mesure que la fonte s'y fait , et y forme des sources , autour desquelles on voit parmi la mousse différentes plantes des mon- tagnes du nord les plus glaciales ., et entr'au- tres la claytone de Sibérie ( 1 ) , la gymnadra (1) Claytonia Sihirica, »S LA MoN&ÔLÏBî 4°9 3u nord (i), et ia primevère des neiges (2). Les trois premiers gradins de la montagne, en prenant du pied., sont tapissés en espaliers par des broussailles rampantes ( 3 ) de cèdres , de deux espèces de sabine, et des petits saules des Alpes , parmi lesquels on distingue le saule à feuille d'épine-vinette (4), qui est le plus rare et le plus beau. L'on yoit^ sur tous les rochers garnis de mousses , les plantes les plus rares des montagnes de la Sibérie j savoir , la cam- panule à grandes fleurs (5) , la saxifrage ponc- tuée (6) , la saxifrage à feuilles épaisses ( 7) , la saxifrage nivale (8) , ledracocéphale à grandes fleurs (9), la pédiculaire triste (10) , la pécli- culaire de Laponie (11) , la pédiculaire verti- (I) Gymnandra borealis* (z) Prlmula nivalis. Append. n°. zSp , pi. XC/^III , figure z . (3)Slan2I, en Russe. (4) Salix berheri folia. Append. n°. 40? , pi. XCVIII* figure 3. An salix pumila foliis dense congés tis , ovalibus cristatis. Flor. Sibir. I , p?.g 161 , n°. 15 , tab. 35 ,fig. III* (5} Campanula grandi fi or a. (6) Saxifraga punctata, Append. n°. 2*4. pi. XCÎlî , ßg- *• (7} Saxifraga crassifolia. (8) Saxifraga nivalis, foliis abovatis , crenatis sub- sessilibus, caule nudo , floribus congés tis. L. sp. plant. 401, (9) Dracocephalum grandi forma. ( ! o) Pedicula ris t ris tis . (I I) ^F eduularis Lapponica. 4*3 Ijji* Limites cillée (î)_, la pédiculaire à épis (2) , le vraidörö- râc (3) , l'épervière des Alpes (4) , et autres sem^ blables. Les Toungouses , peuple rempli de préjugés , regardent cette montagne comme la résidence d'une divinité, qui y élève journellement des brouillards , des nuages , et des tempêtes , dont elle l'entoure, alin que personne n'en appro- che (5) : aussi n'oseroient - ils l'escalader ; ils (1) Pedicularis verticillata. (2.) Pedicularis spicata, Append. n°. 340, pi. XCIV t fig- l- (3) Doronicum pardaiianches. (4) Hieracium /tflpinum. (5} îl est à remarquer que les peuples , chez lesquels la civilisation n'a pas été portée , montrent sans cesse le besoin d'honorer la Divinité. Ici , des Toungouses grossiers reçrar- dent une montagne comme I3 séjour d'un dieu qui y habile au sein des brouillards , des nuages 9 et des tempêtes. Le P. Charlevoix , dans son Histoire dt Ut nouvelle France , parle d'un rocher qu3apperçurent deux missionnaires , eu parcourant tous les pays qui sont au midi de la grande baie, et dont le sommet paroissoit, de loin , une tête d'homme : ce qui faisoit que les sauvages Vavoient pris pour le dieu tuti- laire du pays. J. Long y dont j'ai déjà cité quelques morceaux, s'exprime ainsi au sujet du lac Tracy. « A l'entrée de ce lac est un rocher élevé , à peu-près de fonne humaine, que les Indiens ChippeW'ajys appellent Kttcbfe-ManiToo , ou le Maître de la vie de l'homme. C'est là qu'ils s'airêtent tous pour leurs offrandes qu'ils font en jetant dans l'eau du tabac et d'autres choses ; par là ils ont de la Mongolie.4 411 îa regardent au contraire comme inaccessible ; ils restèrent stupéfaits quand ils virent que M. Sokoïof 's'y rendoit; et leur étonnement fut au comble lorsqu'ils le virent de retour sain et sauf. Plusieurs ne vouloient pas croire qu'il y fût monté. Passé Altanskoï - Karaoul , les sentiers des montagnes sont si sauvages , si garnis de bois , si marécageux , et en même tems si pleins de rochers , qu'on ne peut plus faire usage des voitures le long des limites ; ce qui le força de monter à cheval , et de faire charger ses équipages sur des chevaux de bât. Ces chemins sont si escarpés , qu'il y a des places où l'on court les plus grands dangers. D'ici , la route intention de rendre à ce rocher , qui leur représente l'Etre- Suprême , un hommage de reconnolssance pour tous les biens dont ils jouissent, lui sacrifiant avec joie leurs ornemens et îes choses auxquelles ils attachent le plus de prix. Exemple digne d'imitation , et qui montre dans la créature l'intention: d^honorer le Créateur , et prouve , sans réplique , que l'homme , dans l'état de nature , nJa pas besoin du secours de la civili- sation pour reconnoître sa dépendance d'un pouvoir divin , quelque peu de discernement ou de dignité qu'il apporte bailleurs dans la manifestation de sa croyance. Dieu seul voit les cœurs , et jugera chacun de nous par la connoissance qu'il a des nôtres ». V oyez!' Histoire de la nouvelle France % par le P. Charlevoix , premier volume , "p. 447 , et la Tra~ duetion des Voyages de X Long } page 83 et 84. [Note du C. Billecocq^ rédacteur,) 4l% *772" L I M I T t % des limites prend presque au sud, vers Baît4 schikanskoï - Karaoul ; on passe alors de très- hautes bosses de montagnes boisées de mélèzes, et l'on traverse beaucoup de ruisseaux. Dès qu'on a passé l'Agouza, on suit d'abord, en remontant , le ruisseau d'Alton , qui jaillit d'une forêt marécageuse élevée. On parvient ensuite au ruisseau de Boukoukoun à travers une forte montagne , qui s'étend du nord- ouest. Ce ruis- seau prend sa source près du Sokondoï, et se décharge dans le Kirkoun. Plus loin , on trouve trois bosses de montagnes , garnies de forêts sombres et touffues. C'est entre ces montagnes que les deux ruisseaux de Dshiramatai ont leur cours ; on arrive ensuite au Kirkoun > qui coule de l'ouest dans les vallons étroits. Il re- çoit des montagnes plusieurs petits ruisseaux • et , après s'être réuni au Balsa , il se décharge dans l'Onon. L'on tient, près de Kirkoun^ na Khaitschi , ou piquet qui porte le nom du ruisseau. Les Toungouses y campent sous des tentes de feutre. On voit , en face , de hautes montagnes rapides , entre lesquelles les deux ruisseaux d'Oulouléï ont leur cours ; un peu plus bas, il en sort un troisième, qui est le Lioudan. Le Tscliikta est, sans contredit, la plus haute montagne de cette contrée. Elles sont toutes garnies de forêts. Le Tsciiikta est à environ six verstes au-dessus du piquet, sur la rive gauche du Kirkoun. Il donne naissance :de xa Mongolie. £\Z à deux ruisseaux, dont j'ignore le nom , et au nord à un troisième , qui est l'Oubour-Tschikta. Celui-ci s'écoule en droite ligne dans le Kouï- toun. Au midi, il en sort un quatrième, ap- pelé l'An on - Tschikta 5 ce dernier se joint au Koukouboun , et tombe pareillement dans le Koïtoun. La route pour se rendre à Baltschi- kan passe par cette montagne ; elle est très- pénible, à cause des forêts épaisses, de la quan- tité d'arbres abattu3 par les vents , et sur-tout des rochers dont elle est garnie. On découvre , à l'ouest de la cime de la montagne, un vaste pays montagneux , qui s'étend le iong du Kir- koun. Le fleuve est bordé des deux côtés par d'énormes montagnes et un rocher. En sui- vant l'Aron-Tschikta , l'on atteint le Koukou- boun , qui a dans son voisinage quelques émi- îiences marécageuses et pleines de sources. Ces hauteurs sont boisées de bouleaux. On remonte ensuite le Koukouboun , et l'on traverse deux autres ruisseaux qui s'y déchargent à droite. Ces ruisseaux sont l'Alkouï et l'Akouken, qui viennent de deux vallons étroits de cette chaîne -de montagnes , généralement constituée d'une roche granitelle. Il y a, près de la source du Koukouboun, une forte côte boisée., par la- quelle on arrive à la source du Koudschiltan. On côtoie ce dernier ruisseau jusqu'à son em- bouchure dans le Karoll. On atteint ensuite JBaldshikanskoï-Karaoul ; situé au-dessus delà Q%4 1772. Limites jonction duKarollavec le ruisseau de Koumir^ c'est-à-dire, à quatre-vingts verstes d'Altan. Le Karoll coule du nord- ouest vers le Balsa par un vallon qui sépare des montagnes gar- nies de bois, peu élevées. On rencontre ici dans les places marécageuses deux espèces de svertes (1) , la gentiane ciliée (2) à fleurs blan- ches et bleues , la pédiculaire myriophille (3) et autres, ainsi que beaucoup de saxifrage puante (4) • On s'apperçoit aux plantes et à l'air , que l'on est très - avancé dans la montagne , qui s'élève de plus en plus depuis l'Onon. La température y est très-rude , même en été; il y règne presque toujours des pluies et des vents froids. Notre jeune observateur fit deux voyages de Baltschikanskoï-Karaoul dans la montagne , par deux routes différentes. Dans le premier, il passa par la contrée où se forme le Tschikoï pour se rendre à une source chaude située près de la montagne qui forme limite. Il compte qu'il peut y avoir en ligne directe environ quatre- vingts verstes ; mais comme les Golzy ou mon- tagnes chauves qui se trouvent entre deux , rendent le chemin impraticable , on est obligé (1) Svertia rotara et dickotoma. (z) Gentlana dilata. (3) Pedicularis myrlophylla, Appcnd. n°. 34t. (4) Saxifraga. hlrculus. de la Mongolie. 4i5 *îe côtoyer de nouveau les ruisseaux en faisant beaucoup de détours. On suit d'abord le Ka- roll, après quoi l'on passe une haute mon- tagne boisée qui sépare le Kirkoun et les ruis- seaux de Balsa. Elle fait branche de la chaîne des montagnes chauves de Koumiri. Notre voyageur y remarqua quantité d'astragale des Alpes ( î ) près les sources des ruisseaux qui baignent cette contrée. Passé cette montagne , l'on se rapproche du Kirkoun , auquel le ruis- seau cle Berna vient s'unir sur la droite, tandis que ceux de Noumériqui prennent leurs sources dans les montagnes de Koumiri , s'y déchargent plus haut. Il remonta le Kirkoun , ou il vit la primevère des neiges (2) , même dans les prai- ries. Plus loin , on côtoie pendant quelque tems FOulouli du milieu , qui se décharge à gauche dans le Kirkoun. L'on passe ensuite une côte boisée de bouleaux , après quoi l'on atteint le grand Oulouli , ou FOulouli supérieur, qui prend son cours du nord - ouest à travers un vallon qui sépare des montagnes chauves gra- nitelles. Le bouleau nain (3) vient ici en abon- dance entre les pierres. Il trouva aussi dans le vallon la sverte vivace (4) qui y est très- commune. (î) Astragalus Alpinus. (2; Primula nivalis. (3) Betula nancu (4) Svertia perennis. *4i6 1772. Limites Notre voyageur passa la première nuit dit y au 8 près du grand Oulouli qu'il avoit re- monté à quelque distance. Il tomba dans la nuit beaucoup de neige amenée par un vent du nord. Ce teins dura le lendemain , de manière qu'il y a voit une demi-aune de neige sur terre. Pour arriver à la source chaude qui est encore à quarante verstes , l'on passe du grand Ou- louli par de hautes montagnes marécageuses , garnies d'épaisses forêts, composées de vieux cèdres. On atteint d'abord le Kirkoun, et l'on passe ensuite le Stanovoï ou Iablenoï-Khrebret, vraie montagne limitrophe qui s'étend au sud- est parallèlement aux précédentes , en filant entre le Kirkoun et le Tschikoï. Cette dernière chaîne de montagne n'est pas très-élevée; elle est néanmoins regardée comme ligne de démar- cation entre les fleuves de Daourie et ceux du Baïkal. Elle est divisée en deux parties : l'une va aboutir aux montagnes chauves de Koumiri , l'autre file au sud , tient aux montagnes chauves de Goungourtcï et de Maiishikani , et passe dans la Mongolie. Cette montagne paroît assea basse vers la vallée de Kirkoun ; elle est garnie de bois de mélèzes clair - semés , mais en re- vanche pleine de sources et de marais qui four- nissent des eaux au Tschikoï. On monte du Kirkoun un vallon à pente douce ; et après avoir descendu vers le Tschikoï , à un verste tout au plus ,011 atteint la fontaine d'eau chaude a » b la Mongolie. 4*17 a droite des sources qui se rassemblentdans cette vallée. Cette fontaine jaillit près de la pente de la montagne et au milieu de la forêt. On trouve à cette place un terrain pierreux presque horizon- tal, qui s'étend en longueur du nord au sud, à en- viron vin gt toises sur cinq de largeur. L'enceinte de ce terrain est tout à fait sèche. On voit à son extrémité septentrionale une petite chute d'eau d'une aune et demie d'élévation. Son jet est considérable ; elle prend son cours sur un lit pierreux, et se décharge à environ vingt toises delà dans leruissseau d'eau froide. Cette source est bien plus forte que celle qui coule près du Balira. Elle a, dès son principe, une toise de largeur, et porte près d'un pied d'élévation d'eau dans son cours. Elle exhale la même odeur de soufre que celle du Balira , et dépose pour ainsi dire davantage, mais ses eaux sont inoins chaudes , et seulement un peu plus que tièdes \ elle fournit peu d'eau au ruisseau, p?,rce qu'elle perd une grande partie de la sienne entre les pierres où elle coule, On a construit en charpente , à quelques toises de la source , une espèce de bassin où les Toungousss., at- taqués de quelques infirmités , viennent prendre les bains , dont ils vantent beaucoup les effets. On a construit une voûte en pierre au-dessus dô cette source, qu'ils ont en très- grande véné- ration. Au-dessus de cette voûte ils ont planté des branchages d'arbres où chacun accroche dea Tome VL Dd 4*8 Ijji. Limites lambeaux cle sa chemise ou de ses vêtement avant aue de se retirer. M. Sokolof fit un second voyage de Balts- cliikan aux montagnes chauves (1) de Kourmiri, tant pour récolter ce qu'il pourroit encore se procurer en plantes que pour connoître le site de l'intérieur de ces montagnes et les rivières qui y prennent leur source. Ces montagnes sont à environ cinquante verstes de la garde des limites , en prenant en ligne directe à l'ouest. C'est là qu'on trouve la source du Koumir, ruis- seau considérable qui se décharge à droite dans le Karoll, immédiatement au-dessous de Balts- chikanskoï-Karaoul. On apperçoit de loin deux bosses qui s'élèvent au - dessus de toutes les autres montagnes qui les environnent. Elles portent leurs cimes jusques dans les nues. Le pied de ces deux bosses de montagnes repré- sente, à demi-hauteur, un dos-d'âne, formant une demi -lune, dont une des extrémités fait face au nord , et l'autre à l'est. Ce dos - d'âne tient au nord -ouest à la montagne qui s'unit (i) J'entends par ces montagnes chauves des montagnes pi\ Ton ne voit pas la moindre trace de forêts , et qui sont, en partie , couvertes de neige. On les nomme Golzy dans toute la Sibérie oiientale. Il ne faut point se les représenter comme les montagnes de glace de la Suisse , connues sous le nom de Gletscher , parce qu'il n'en existe pas de semblables en Sibérie» b e la Mongolie. 4*9 à riablenoï-Khrebret, vers le norcl-est à celle qui borde le Kirkoun , vers le sud -est à une traînée de montagnes de rocîiers nui bordent des deux cotes le ruisseau de Koumir, et vers le sud-ouest à la chaîne de montagnes qui cô- toie en descendant le Tsehikoï. Les ruisseaux qui partent de ce point central sent : le K.Q11- ui ir qui prend sa source à l'ouest 5 au nord- est, ceux de Noumeri et de Berssa , qui vont tomber dans le Kirkoun 5 vers le sud-ouest plu- sieurs ruisseaux nui se déchargent dans le Baldsa, et plus loin le Ealdsa même. Ces deux bosses dont j'ai parlé, sont constituées, depuis leur pied, de rochers nus, 011 l'on ne voit aucune trace de forêt. On remarque tout au plus quel- ques petits bosquets de bouleaux nains et des buissons de pins pigniers, avec des saules des Alpes (1) ; ce qui orne le plus cette niontigne, c'est une espèce particulière de rosace (2) qui y croît en grande quantité. Le pied de la mon- tagne qui entoure ces bosses est boisé de hauts pins pigniers , et l'on y voit quantilé de bêtes fauves, comme élans, rennes, cerfs, chevreuils, sangliers j ony rencontre aussi ranimai porte - musc. Le i3 août, M. Sokolof continua sa route (i) Salix lanata , arbuscula, berberifolla, myrtilloïdes &c. (z) Rhododendron Chrysanthemum. Appendix. n°a 3*3» Del a 4&0 ijjz. .Limites de Ealtscliinskoï -Karaoul le long des limites. Les plantes des montagnes n'étoient plus en fleurs. Il ne trouva rien de remarquable dans le reste de cette route qui est très-pénible 5 il ne s'occupa qu'à parcourir et à examiner la con- trée et le cours des ruisseaux le long de cette partie de limites. On ne rencontre , jusqu'au .Tsehikoï, que des montagnes marécageuses et garnies de rochers, et couvertes de bois; elles sont arrosées par une infinité de ruisseaux. On prend de Baldschikan au sud-ouest , et l'on traverse beaucoup de ruisseaux qui coulent du nord - ouest et de l'ouest vers le Balclsa ; le Koumir qui a son cours dans le vallon à droite du Karollj le Baldschikan qui en est séparé par une large côte, qui coule de l'ouest-nord-ouest vers le Karoli, et qui a donné son nom à la garde ci-dessus. On arrive ensuite,, après avoir passé une cute peu considérable , au Korai qui vient de l'ouest , après s'être détaché du Ka- vargoun. Il reste encore après cela un trajet assez considérable à faire jusqu'au Baldsa par un chemin très-montagneux. Le Baldsa vient de l'ouest, à travers un large vallon ouvert 5 ses rives sont garnies de bois $ son lit est très- pierreux dans ce canton ; il n'a que six à sept brasses de largeur, mais son cours est très-ra- pide. Il ramasse dans son chemin beaucoup de ruisseaux tant gros que petits , et va se dé- charger à gauche dans l'Onon., un peu plus à l'ouest d'Altunskoï-Karaoul. x>e lÏL Mongolie. 42* De cette rivière , la route pénètre par une Laute montagne garnie de forêts très-sombres. Cette montagne borde l'Oubour Kaschoulik qui à droite tombe dans le Baldsa. La route côtoie ce ruisseau et la ligne de démarcation., directement à l'ouest , jusqu'à sa source , elle reprend ensuite par une haute montagne qui borde l'Arou-Kas- choulik. Ce dernier coule de l'est à l'ouest pour se porter delà vers le sud, en formant une sinuosité d'où il tombe dans i'Onon. La route et les bornes.de démarcation sont à droite du ruisseau, où les montagnes constituées de roclies granitelles sont peu considérables , et boisées de pins. Dans les endroits où le ruis- seau se dirige vers I'Onon,, la ligne de démar- cation s'en éloigne , parce qu'elle se porte en droiture à l'ouest vers l'Asehinga qui coule du nord- ouest à travers un vaste vallon bien boisé, pour aller joindre l'Onon. L'on a établi un Kha- tschi^ ou piquet, à six verstes environ de son embouchure. Ce sont les Karaouls.de Baldschi- kan et/ de Manscliinskoï qui y fournissent un détachement. Ce ruisseau est bordé , du côté du territoire Russe, par une énorme montagne. On ne peut y pénétrer ni à cheval ni à pied. Aussi a-t-on été obligé de percer la route sur le ter- ritoire Mongol à une assez grande distance ele cette montagne, et le libre passage en a été sti- pulé par le traité des limites. Cette route suit FAscliinga jusqu'à l'Qnon j elle passe ensuite Del 3 4%% , lyji. L X M I T S s le long de la rive gauche on septentrionale de ce fleuve par des montagnes granitelles et plu- sieurs embouchures de ruisseaux <-ui viennent des montagnes chauves de Goungourçéi , pour aller se réunira POnon. Le premier de ces ruis- seaux est le Kouschinga, ou les Mongols ont établi une garde. Ceux qui composent cette garde de limites nommée Tab\goui, campent dans des cabanes qu'ils forment de branchages, et qu'ils revêtissent de terre, ou sous des tentes de feutre. Ils traitent les vovaeeurs avec toute l'humanité possible. Passé le Kouschinga, l'on rencontre quatre autres ruisseaux qui se dé- chargent pareillement dans POnon. Ils portent en commun le nom de GoukgourtÉi. On voit en face , à droite du fleuve, une vaste mon- tagne très-éievée et boisée de cèdres et pins à pignons. Lorsqu'on est arrivé au dernier Goun- gotirtéi, l'on prend adroite, ouest de POnon ; on traverse des côtes bordées de mélèzes et de bardeaux , et l'on atteint le grand Koui qui a d'abord son cours du nord - est dans un lars;e val 'en plein de buissons de bouleaux 5 après quoi il tourné sud-est vers POnon, en passant près de la route, et formant une petite si- nuosité où il reçoit le petit Koui. Le premier, qui est le plus considérable, a sa source dans les montagnes chauves de Goungourtéi, qu'on Voit à d dit« s'élever avec deux énormes bosses, et porter leurs cimes jusques dans les nuées. T) e la Mongolie. 4^3 L'autre prend sa source près de la montagne qui file du nord-ouest au sud-est, et se porte au - delà de la ligne de démarcation. Passé le premier ruisseau, Ton traverse l'autre, et l'on atteint en le côtoyant jusqu'à son embouchure, la chaîne des montagnes limitrophes qui sépa- rent l'Onon et le Mansa. Ces montagnes peu élevées dans cette contrée , sont samies d'é- paisses forêts de pins du Liban. Les Tonngou- ses, pour qui toutes les montagnes des limites placées entre deux fleuves, sont des objets de vénération, ne passent jamais devant celles-ci sans rompre une branche de cèdre, et la jeter sur le tas déjà existant, devenu très - considé- rable par le nombre des allans et Yen an s. Ils observent cet usage, disent -ils, afin que les montagnes limitrophes , qu'ils regardent comme divines , augmentent de hauteur au lieu de di- minuer. On regagne dans ces montagnes les confins de la Russie, et la route qui les côtoie à Test jusqu'au Mansa, passe déjà dans le territoire Russe. On descend de ces montagnes par un talus qui donne au nord- ouest vers la source du Mansikan qui jaillit de quatre veines et coule vers le Mansa. L'on traverse ces quatre veines ou sources, et l'on suit la route à l'ouest jus- qu'à ce fleuve qu'on atteint après avoir esca- ladé une autre bosse de montagne oui s'étend le long du Koumarin inférieur, et que les ro- D cl A chers et les marais rendent très - pénible. Masinskoï-Karaoul , premier poste de la dé- pendance du Kiakta , est situé sur la rive droite du Mansa , entre les embouchures des Kourna- rins inférieur et supérieur qui viennent de l'est se joindre à lui. L'on compte de Baldschikan jusqu'ici, cent soixante verstes. Notre voyageur mit cinq jours à faire ce trajet , parce que la route qui traverse les montagnes est très-mau- vaise. Le Mandsa coule du sud -est au nord- ouest vers le Tschikoïj il est considérable et son cours est très-rapide. Bordé des deux côtés , sur-tout à droite , par un fond très-fertile qui s'étend à plusieurs verstes en largeur , il pré- sente d'excellentes terres à labour , à mesure qu'on approche des montagnes. Les Kosaques Russes qui se sont établis dans cette contrée, commencent à les cultiver avec succès. Les fortes pluies tombées avec continuité avoîent tellement grossi le Mandsa, que notre voyageur eut de la peine à faire passer peu à neu ses équipages au moyen d'un bac qu'il trouva à douze verstes au-dessus de la garde, Oi côtoie aussi là rive gauche en remontant le ileuve jusqu'à l'embouchure de l'Oubour-Ra- danza qui prend son cours du sud -ouest. La route conduit vers ce ruisseau le Ions des murailles de rochers; elle est pénible et même périlleuse, parce que ces rochers forment uns rive très -escarpée. Il arrive souvent, et sur- d s i. a Mongolie. _ft5 ton taux chevaux de bât, qu'au moindre faux pas ils ne peuvent plus se retenir ? et se pré- cipitent sur des pics de rochers où ils se tuent, ou bien ils tombent dans l'eau, d'où il est im- possible de retirer ni eux ni les bagages qu'ils portent. Oubour - Radanza est un petit ruis- seau qui couie dans une vallée profonde et marécageuse où nasse le sentier. Ce vallon est bordé de montagnes boisées de mélèzes. On conserve cette route jusqu'à l'embouchure du ruisseau où l'on atteint une montagne qui file au sud - est , et sépare le Mandsa et l'Arcu- Khadanza. Après qu'on a traversé cette montagne , on trouve un chemin tout aussi pénible , où il faut passer plusieurs ruisseaux des côtes assez fortes 9 boisées de pins du Liban. La quantité d'arbres abattus par les vents, et les marais qu'on ren- contre dans les vallons , rendent cette route près qu'impraticable , et l'on n'y peut arriver que pas à pas. On descend le premier Ouloul jusqu'au second. On les traverse ensuite tous deux et l'on passe une montagne que les Ko- saques appellent Krestovoï-Khrebet (i). C'est-là qu'on atteint l'endroit où le troisième Oulouli prend sa source* On passe de -là une autre montagne , et l'on arrive au quatrième Ou- louli tjui se réunit plus bas avec le précédent et ne forme avec lui qu'un même ruisseau qui i>— "■ ■ -— »—■..■«■-.— —..— ■——..■..»■—— >■■ -— mm ■ ■■ — .. — i ....iw.tji ■ L.i-. ■■■■»— — ■ ■«■ — m .i. ■ 1 ■■ I (1) Montagne de la Croîy. 49^ lyjz. Limites va se décharger dans l'Arou-Khadanza. Apres avoir passé le quatrième Oulouli , l'on atteint le Dolotoui, bosse de montagne considérable et renommée par sa hauteur. Le grand Dolo- toni coule à l'ouest de cette montagne, et ya en serpentant du nord-est au sud-ouest jusqu'à son embouchure dans l'Arou-Khadanza. Après cela l'on traverse le Dolotoui du milieu , qui tombe à droite dans le grand. L'Arou-Khadanza, rivière de même nature que le Mandsa , coule du sud-est à travers des vallons étroits , et a. son embouchure immé- diatement dans le Tscliikoï. L'on ne voit presque point d'enfoncement ou fonds herbageux dans sa partie supérieure , elle est, par conséquent, peu propre à l'agriculture \ ses rives sont au contraire en grande partie escarpées et consti- tuées de masses de pierres et de rochers. En suivant sa rive droite , on traverse le Dolotoui inférieur qui coule du nord dans un vallon étroit et boisé \ et après avoir passé plus loin deux autres ruisseaux, on arrive eniîn aux Tri- Pletscmki (i) qui tombent à la proximité l'un de l'autre dans la Khadanza. On les passe tous trois y et l'on entre dans un vaste fond où l'on trouve un village Russe sitné près de l'embou- chure du ruisseau de Khilkotoï , très - voisin des limites. On côtoyé après cela la rive gauche de la Khadanza jusqu'au Tscliikoï que l'on tra- (i) I 32 verst. 5s tois. — Maloï-Kemschouk , 26 verst. 5o tois. — Bolskhoi-Kemtschouk , 35 verst. 2.00 tois. — Tschernaia-Betschka , 38 verst. 373 tois. — • Atschinskoï '- Os trog > 3s verst. Siotois. — Bogotol , 5j v. 5o tois. — Kitatskoï - Staniz , 34 verst. i5o tois. — Tesehinskoï-Staniz , 3a verst. 3i4 tois. — Kiiskoï-Sélo , 5a verst. — Staniz-Birioukli , 54 verst. jj tois. — Kolzonskoï - Staiûz , 46 verst. 170 tois. — Tourourita-Iéva , 46 verst. 200 tois. — Semilouschnoé , dj verst. 35o tois. — Ville de Tomsk, 2.9 verst. 1S0 toises. — « —-Village de tarions china , /jo" verstes. — Village de Tschernoretschinska. — lers- chovo- Simovié y 34 verst. — Village de Tas- chcra , 46 verst. — Orsko%'-Bor , 32 verst.— Tschenskoï- Ostrog , 1% verst. — Village de Vodvoloschnaia , 20 verstes. — Village de Schelguina ,2.5 v. — Simovié de Saktirtskoï , 43 verst. — T scli ereponovo- Simovié , 2.6 v. — Village de Kargatschkoï , 46 verstes. — Village d' Oubinskaia :, 2,7 v. — Ourékovo- , A T 0 U R O U M O V O. 42$ Sïmovié , 27 verst. — Kolmazkoï- Slmoùé > 3o verstes. — Ossinovy-Kolky , 16 verst. — — Kainskaia-Sloboda , 36 verst. — Avant- poste de Kainskoï. — - Village àeKame/inaia} 29 verst. — Simoviéd\^#£as\?Mi/z£>, 20 verst. — Village à? Itschinskaia , 24 v. — Simovié de Touroumovo , i6verst» Après avoir parcouru moi-même , ou fait par- courir toutes les contrées remarquables de la par* tie méridionale de la Sibérie , je ne songeai plus qu'à mon retour. Il me restoit, à la vérité, à voirie pays baigné par la Lena , et la partie orientale de la Sibérie , bordée par ce fleuve ; mais je savok } par les voyages que MM. Gmélïn et Steiler y avoient faits, que ces contrées ri' offr oient rien d'intéressant pour l'histoire naturelle. Je vou- lais, en outre, profiter de l'hiver, à cause du traînage qui rendait mon voyage plus com- mode et moins dispendieux, et je me proposois de pousser jusqu'à la Kama. J'avois fait partir MM. Sokolqfet Bykqfen avant , dès le mois de décembre, et leur avois enjoint de diriger leur route vers le Volga. Je désirois qu'ils y fussent rendus à l'entrée du printems , pour y récolter ce que cette saison pourroit leur offrir de plus intéressant en botanique. Mon départ de Kras- noïarsk étoit fixé aux premiers jours de janvier : jevouloisme trouver à Tara avec M. Georgui que j'avois laissé en arrière dans le gouverne^ 43o 1 yy3. DE KRASîîOÏARgK ment d'Irkouzk -, mais au moment Je mon dé- part, il m'écrivit qu'il lui restoit quelques ob- servations à faire ; ce qui le retiendroit quelque tems dans la contrée où il étoit alors. Je ré- solus d'abord d'attendre à Krasnoïarsk le résultat de ses recherches ; mais je changeai d'avis, comme on le versa par la suite. Cet observateur n'avoit pu pousser sa navi» gation sur le Baikal que jusqu'à l'embouchure de Sélenguinsk, où il ne parvint qu'en automne. Les vents devenant alors très -dangereux , et son projet étant d'observer les mines de la Daourie dans une saison encore favorable , il quitta le bâtiment qui le portait, et le renvoya vers l'em- bouchure de l'Angara. De retour de son voyage de Daourie , et après qu'il eut mis en ordre ses observations sur les mines et usines de ce pays, il se' vit obligé de séjourner près du Sé- lenga jusqu'au mois de décembre , pour at- tendre que le Baikal fût entièrement pris ; ce qui n'arrive guère avant le nouvel an. Les glaces furent plus précoces cette année , par les grands froids qui se firent sentir à la finde décembre. IVL Geörqüi en profita pour tra- verser ce lac en traîneau. Arrivé à Irkouzk, son iiria gînàt ion se porta de n o ûvéa u sur le BaïkaJ qui lui pfésehtpit tant d'objets intéressai! s. On n'avoit encore aucune description géographique ni physique de l'anse que forme ce lac a l'ouest, et qui s'appelle Koui/rou&. Le gouverneur d'Ir- a T o u ä o r r»i o v o. 4^1 kouzk, encouragé par la nouvelle carte duBaï- kal , levée dans le voyage de M. Georguï , en 1772 , avoit projette de l'aire côtoyer , dès l'entrée du printems , la partie qui forme cette anse, afin de perfectionner cette carte. M. Georgui avoit le même dessein,, et déjà les bateaux , les ins t rumens , et plusieurs autres objets étoient prêts. Il s'en falloit bien que je fusse du même avis. Je prévoyois que cette en- treprise retarcleroit mon voyage de six mois , et que les avantages qu'on s'en promettoit étoient très-incertains. Je n'isnorois pas en outre eue le Koultouk est entouré de hautes montâmes sauvages hérissées de rochers caillouteux, qu'il n'v existe rien d'intéressant en minéralogie , à l'exception d'une carrière de verre de Moscovie dont la couleur donne sur le brun. On ne de- voit pas s'attendre à de plus grandes décou- vertes en botanique que celles qu'on avoit faites clans les autres montagnes de neige de laDaourie* J'ajouterai à cela , que , par la température froide , et la hauteur de ces montagnes, on n'auroit pu commencer à botaniser que très- avant en juin, et pousser ce travail que jus- qu'au mois d'août. Il me paroissoit donc plus convenable de profiter des chemins d'hiver pour- sortir de la Sibérie , et employer l'été à bota- niser en Permie, et dans la Russie méridionale. Tout ceci me portoit à désapprouver l'entreprise de M. Georgui. Je ne voulais cependant . 432 177^>t BE Krasmoiàrsk le contrarier avant de rn'être assuré de ses rai* sons. Je résolus donc d'attendre à Krasroïarik qu'il m'eût écrit , pourvu qu'il ne tardât pas trop long-tems , et me fît, par -là, échapper la saison du traînage. N'ayant pas encore reçu de. ses nouvelles, le 20 janvier, et l'hiver étant devenu très-doux, je lis partir dès ce moment mes équipages et les personnes de ma suite , et différai jusqu'au 2.2 à me mettre en route, ooar aller les joindre à Tara. Au moment où j'allois me mettre en traîneau, je vis arriver M. Georgui, qui, sur mes ob- servations, a voit renoncé à son entreprise, et s'étoit décidé à passer en Permie. Après avoir pris quelques mesures pour nos voyages res- pectifs , je quittai Krasnoïarsk dans la nuit. Je suivis jusqu'à Tomsk la route de poste dont j'ai donné en grande partie la description dans le troisième volume de ces voyages. L'on avance assez lestement, parce qu'on trouve à de moyennes distances des relais au moyen des nouvelles colonies qu'on a établies. En voya- geant de nuit comme de jour, je parvins le 2.3 matin à traverser le grand Kemtschouk , et at- teignis Bogotol le 2^. Le 2.5, à la pointe du jour, j'arrivai près de l'Ildebet. Le lendemain matin, j'atteignis le Semikukhnoé, et à midi, j'entrai dans Tomsk. Je ne trouve que très- peu de chose à ajouter à ce que j'ai dit de cette route. Xa population d'une partie des colonies nou- vellement A TOUROTJMOVO. 433 Tellement établies, a beaucoup augmenté. Celle de Tschernoretschinskaia monte aujourd'hui à deux cent soixante hommes, et semble promettre le plus de tous les non veaux villages établis le long de la grande route. J'ai appris que l'é- glise paroissiale d'Atschinskaia a été achevée depuis que j'ai passé dans cette contrée. A Bo- gotol; on a établi une brandevinerie, elle ap- partient au sieur Pokhodiaeschin , négociant de Verkhotourié. Il a entrepris en même tems une petite forge de cuivre , ne dût-elle servir qu'à fournir les chaudrons et les alambics né- cessaires à sa brandevinerie. Il y employé le mi- nerai dont on a fait la découverte près de l'Arga. La colonie qu'on a établie dans le territoire de Tomsk est la plus chétive de toutes et la plus mal peuplée. J'ignore quelle en peut être la cause. Ces colonies manquent généralement de femmes \ ce qui fait que la plupart des jeunes gens ne peuvent point se marier , et se don- nent au crime. Il faut avouer que le choix des personnes destinées à peupler la Sibérie est très-vicieux. Les gentilshommes des provinces Russes en sont chargés. J'ai vu parmi les mal- heureux paysans sur qui le sort tomboit, des infirmes, des estropiés, des gens mariés depuis nombre d'années, qui n'avoient eu aucun en- fant avec leurs femmes \ enfin des vieillards tout -à -fait impuissans. Ce qu'il y a de plus horrible , c'est qu'il se trouve de ces seigneurs Tome VI. £e 4$4 Vf$}% DE K R A S N Ol' A RS K qui, par un esprit sordide, ont l'inhumanité d'y faire passer des hommes mariés, lorsqu'ils les Yoyent d'un âge à ne leur pouvoir plus être d'une grande ressource. Par ce moyen , ils les séparent de leurs femmes et de leur nombreuse famille , pour les envoyer périr de misère et de chagrin dans ces contrées. Il arrive delà que ces malheureux, pour se donner une com- pagne et un aide dans leur ménage , oublient , avec le tems , qu'ils ont laissé dans leur pays, une femme et des enfans , et finissent par se marier avec la première créature qu'ils trou- vent dans leur nouveau domicile. Plusieurs m'ont raconté, les larmes aux yeux, combien ils étoient désolés d'avoir été contraints d'aban- donner leur famille avec laquelle ils eussent vécu parfaitement heureux, si on leur eût permis de l'emmener avec eux en Sibérie ; et qu'alors , loin de se plaindre , ils béniroient la main qui les a délivrés du joug tyrannique des seigneurs sous lesquels ils vivoient , avant leur déporta- tion. Je m'arrêtai à Tomsk , pour ne point suivre de si près mes équipages que j'avois envoyés en avant, crainte de ne pas trouver des relais suffi sans. Je n'en partis que le 29 au soir, et me portai vers Tara par la route ordinaire. Ensuivant la roule de poste, on remonte d'abord le Tom jusqu'au village de Various- china situé sur la gauche. Arrivé là, on s'é- A Toukoümovo. 435 loigne du fleuve, et on se porte à l'ouest vers l'Obi Près du village de Kandinskaïa, je passai le petit ruisseau de Tseherna, et prèsdeTsche- Xioretschinskaia , le grand Tseherna qui , après s'être réuni au premier , va se décharger avec lui dans le Tom. Ce dernier village est com- posé de dix-huit maisons , dont les habitant sont en partie des bourgeois de Tomsk , et les autres des paysans. C'est ici que Ton entre dans un pays appelé Volok , qui s'étend entre lé Tom et l'Obi. Il est un peu montagneux, mais très-garni de bois. L'on n'y rencontre qu'un seul petit village appelé Kaktschourou 5 il est situé près des sources minérales. LTska est le premier ruisseau que l'on rencontre sur cette route ; il s'écoule dans l'Obi, et donne son nom à un village qu'on a établi sur ses rives. Plus loin je trouvai les villages d'Ielbak, d'Agasch, d'Oumreva , situés sur des ruisseaux dont ils ont pris le nom. Le premier de ces ruisseaux se joint à l'Iskaj les deux autres se portent di- rectement dans l'Obi. J'atteignis enfin Taschera, situé sur un petit ruisseau du même nom. L'on remonte ensuite l'Obi, en conservant la même route; et après avoir passé Doubrovina, l'on atteint le village d'Orskoï-Bor situé dans une isie garnie de bois, qui s'étend à plus de qua- rante verstes. Cette isle est formée par un bras de L'Obi qui s^en détache à gauche $ on lanomme Ooïanskaia-PaOÏOKA, Ee 2 #36 x77^' Dï Krasnoïarsk Le 3i matin, j'atteignis Tscheuskoï-Ostrog J situé sur la rive gauche de l'Obi, qui reçoit ici la petite rivière de Tscheus. La chancel- lerie supérieure des mines de Barnaoui y a placé un officier comme commissaire du dis- trict. Il a la Jurisdiction sur les paysans des contrées voisines inscrits pour les travaux des usines. Cet endroit est composé de plus de quatre cents maisons. On y voit une église , un bailliage et même un fort qui est tombé en ruines. On se détache ici de l'Obi, et l'on prend par la lande de Baraba ( BarabinskoÏ-Step) , qui s'étend entre ce fleuve et l'Irtisch. On re- monte le Tscheus dont les rives sont garnies de villages ; l'on passe ensuite l'Oiosch qui se décharge dans cette petite rivière , et l'on entre après cela dans cette vaste lande de Baraba qui a beaucoup de ressemblance avec le steppe d'Is » chimi dont j'ai donné la description. II forme une plaine fertile et herbageuse ) mais il y a des places qui sont enfoncées , humides et aqueu- ses ^ il y en a d'autres salines. Elles sont en- trecoupées de bois de bouleau. La partie de cette lande située au sud vers les monts Al- taïsks et vers l'Irtisch est plus sèche , mais aussi elle est moins garnie de bois , et moins fertile. Des forêts sombres s'étendent dans la partie du jiord et bordent la rive inférieure,de l'Obi. Le premier relais qu'onrencontre dans cette plaiii^ A T ô v r o tr m ù V 6? fléserte , pour arriver au chemin et aux lacs nouvellement peuplés, est le village de Schel-^ guina. Il renferme quatorze maisons habitées par des Russes qui s'y sont établis depuis peu* Il est situé près de quelques citernes où il n'y avoit jadis qu'un simple Simovié. L'on atteint , à quarante-trois verstes delà* après avoir passé le Simovié d'Ovtschinnikova,1 Saktinskaïa - Dérevna où il n'y a encore que huit maisons. On n'y trouvoit autrefois qu'un simple Simovié. Cet endroit a pris son nom du lac de Sakti qui est dans son voisinage. Après vingt- six verstes de route , l'on arrive au Si- movié de Tscherepanovo , où l'on a établi une colonie près de l'Itkoul. Elle est composée de trente-huit maisons. Le lac de l'Itkoul a > dans le printems , un écoulement vers le Kaïat , qui communique en traversant le ruisseau de Tschou« lim au gros lac de Tschani. L'on traverse ce ruisseau pour prendre le chemin de Kargats- chkoï où est le second relais. Il y avoit jadis en cet endroit un avant-poste. Les habitans de ce village sont sous la Jurisdiction du tribunal des mines et usines de Barnaoul. L'on traverse ici le Kargat qui prend sa décharge dans le Tschani , et passe près d'un lac du même nom. L'on arrive ensuite au troisième relais. Il est situé près du petit lac de Kolmazkoï à peu de distance du lac d'Ouba. Plus avant dans la lande , on trouve deux autres colonies, dont Ee 3 |S8 177%' »? Kn A3NOÏAR sîÇ chacune. n'est composée que de trente hommes; on les a établies près des petits lacs qui n'ont point d'écoulement. J'atteignis, le premier février, à l'entrée de la nuit, la slobode de Kaintkaïa qui étoit au- trefois un avant-poste. Cet endroit, jadis très- peuplé, a été abandonné par une partie de ses habitans, qui se sont établis près des ruisseaux de Bp.11 ri a et de Karassouk qui sont plus près vu les lacs et les étangs nombreux dont elle est garnie. Les Tatars de Barabinsk , qui vivent dispersés sur les frontières de ce canton , ne se nourrissent, pour ainsi dire, que de cette chasse. La plupart de ces Tatars ont abjuré le paganisme , et se sont rendus Ma- honie tans. Ils commercent aussi avec les peaux des ventres des Castagneux et des grèbes ( 1 ) qui sont d'un gris argenté. Ils les vendent à la pièce, de trois jusqu'à cinq kopeks , ou bien ils les cousent ensemble pour en faire des sacs de fourrures. Ce sont les voyageurs qui leur en procurent le débit. Il y a de cesKoïbales qui amassent aussi les cols du lumne (2) , qui sont d'un beau violet tirant sur le noir, et les têtes du canard sauvage (3) , qui sont d'un vert lui- sant. Cousues en sacs , elles forment un très- joli manchon pour femmes. Kainskoï est situé où le ruisseau de Kainska a son embouchure dans le Tom. On voit le long de ce fleuve, depuis ici jusques vers l'E- nisséï, beaucoup de colonies nouvellement éta~ (1) ColymhL C'est proprement la grêbc qui fréquente aussi le lac Léman oit de Genève, et dont la peau du ventre fournit pareillement de magnifiques et précieuses fourrures» ( Lang le s. ) (i) Colymhus articus* (3) Anas Boschas* â T o u r o tr ta o v o. Mg blies et peuplées par des Russes. Ces colonies dépendent de Tara, et deviennent florissantes. Ha contrée de Baraba a , en général , d'excel- lentes terres à labour , et les grains y réussissent très- bien. Le lin de Kainski est très-renommé en Sibérie ; mais à mesure qu'où descend l'Orn^ cette lande devient plus ouverte et plus dénuée de bois ; en revanche, on y rencontre beaucoup de places salines. L'on passe i'Om tout près de Kainskoï; on ne trouve ensuite, jusqu'au ruisseau d'Oussaklan, que des plaines salines , où la neige ne séjourne point 3 nous y vîmes des places entières où elle avoit déjà disparue. Le village de Kassavnaia est situé sur l'Oussaklan; il dépend des forges de Barnaoul. L'on compte delà vingt verstesait Simovié d'Antoschkino, en traversant l'Oussa- klan. A vingt- quatre vers tes plus loin , est le village d'Itschinskaia , situé sur le ruisseau d'Itscha qui tombe dans l'Oin. L'on arrive en- suite au Simovié de Touroumovo qui est à seize verstes. s. XXIV. Ds Touroumovo a Soukhoï. Du 2 février au 8 mars. Simovié de Gouloupoupova , %o verstes. — Simovié de Brisgalovo , 2.1 verst. — Simovié de Khoschlovo > 20 vergîes. — Nasarövo- 44* 177^* DE TOTJROÜHOVÖ Simovié % 3i verstes. — Simovié de Kopléyo^ 44 verst. — Village ÜArtinskaia , 3i verst. *— Slobocle de Tatmyskaia , « verst. — Lq- guinof-Pogost , 36 verst. — Ville de 7W , 4o verst. — Village d'Orlova , 3o verst. — Rivière d'OscA. — Village de Brasnikova , 2.2 verst. — Village de Strakina , 35 verst. — Village de Kalourlinskaia , 35 verst. — Village de B/guirdaskaza^o verst. — Slobode de Tioukalinskaia , 3:> verst. — Viilage de Kroutaia , 5o verst. — Village de Kamys- chenka / 5o verst. — Village de Bokovaia , 3.5 verst, — Phirsovo , village à clocher, i5 "verst. Selo-Borovoï , 24 verse. — Slobode de Korkina, 16 v. — Ouslarriiaskaia--Sloboda , 76 verst. -— Village d' ' Oulibacva , io3 verst. Slobode d' Ingoli?iskaia , 25 verst. — - Isezkoï- Ostrog .,38 verst. — Meschouskaia-Sloboda , 6s verst. — Schadrinskoï-Ostrog 3 58 verst. — Tscheliabinsk , 178 verst. — Kyschtowi- skoï-Savod, 82 verst. — Kysilskaia-Pristan , 3o verst. — Ruisseau de Souraïm , 20 verst, — Sorokïnskaia-Pristan , 5o verst. — Sclio- kour-Aoul > 10 verst. — Schiggcri-Aoul , i5 verst. — Village & Aplianassiéva , 3o verst* — Village de Soukhoï- Manschasch , i5 v. J'atteignis , le 2 février, avec Taube du jour, le Simovié de Goulonpoupova , situé sur le Tarta«. Il est composé de vingt maisons kabi- A S O 17 K H O *î. '44$ frées par des voituriers de Tara; voilà ce qui forme l'avant-poste d'Oust-Tartaskoï qui est à la proximité. L'on a établi une colonie nom- breuse près du Simovié de Brisgaiovo. Elle est située sur l'Om. On lui a donné le nom de Tou- tou p. A, d'après des traces d'une ancienne for- tification en terre qui existoit dans cette con- trée , et qui étoit assez considérable. L'on y a érigé un bailliage et Ton y voit une maison très- bien construite qui sert à loger le commis qui a l'inspection sur les colonies nouvellement établies entre l'Om et i'Irtisch. Le Simovié de Khoscblovo est situé près d'un grand lac qui porte le même nom , et le relais Je plus près est établi près du ruisseau de Tarka. Ses eaux, renfermées sous les glaces , étoient dans ce moment très - fétides. Il en est de même des eaux de la plupart des ruisseaux et des lacs de la lande d'Ischirn , ce qui n'est pas étonnant vu leur fond gras , noir et ocreux , et les sels na- treux dont elles sont imprégnées. On vient d'établir une colonie près de Ko- piévo. Passé ce simovié f la contrée qui con- duit à I'Irtisch recommence à être garnie de forêts. Dès qu'on est en delà du gros village d'Artinskaia ? on se trouve près de I'Irtisch. Il prend son nom du ruisseau d'Artin , près du- quel il est situé. Ce ruisseau se décharge dans I'Irtisch. D'ici l'on côtoie ce fîeuye^ qui a beaucoup 444 î77^- DE Tötruotr Mövo moins de largeur dans cette contrée que près de la forteresse d'Omsk , quoique ses rives soient peu élevées. A neuf vers tes d'Artinsk, Ton at- teint la slobode de Tatmizkaia , qui est bien peuplée. Elle est située sur l'Irtisch. En dessus et en dessous de Tara , les rives de ce fleuve sont garnies de nombreux villages Russes et Tatars. J@ ne relayai qu'à Loguinof, qui est un très-beau village à clocher,, et j'arrivai dans la nuit du 5 à Tara. M. GéoTgui y vint quelques jours après moi. Nous y trouvant très - bien logés, nous nous occupâmes à mettre en ordre les collections qu'il avoit faites en plantes , en minéraux et, autres objets d'histoire naturelle, afin de pro- fiter des chemins d'hiver pour les faire passer à Fétersbourg. Après cela, nous songeâmes aux préparatifs nécessaires pour la continuation de notre route 5 ce qui nous retint ici jusqu'au 2.3 février. La ville de Tara est située sur la rive gauche que forme l'enfoncement de l'Irtisch. Cette rive est un peu élevée 5 elle a pris son nom du ruis- seau de Tara, qui se décharge dans l'Irtisch, à plus de cinquante Vers tes de la ville. Presque la moitié des maisons sont construites dans l'enfoncement sur un terrain humide et argi- leux. Sa partie supérieure est à plusieurs toises plus élevée que l'autre ; le terrain en est assez uni. L'on a commencé à reconstruire cette partie A S O U K H O i\ 44$ en suivant un nouveau plan d'architecture. L'on y compte déjà cent cinquante nouvelles maisons qui sont assez jolies. Le nombre au- gmentant tous les ans , cette ville deviendra charmante. L'enfoncement est baigné d'un petit ruisseau , nommé Arkarka 5 il donne de l'eau à une partie de la ville. L'on voit à quelque peu de distance de Tara, un marais qui a sou écoulement dans l'Irtisch. L'on fait monter le nombre des maisons dont est composé Tara à 669 , et la population en mâles à iyi5 , dont 282 sont d'origine Bou-? karski. Il se trouve parmi ces derniers, un descendant de Kozttschoum, ancien Khan de Sibérie. L'on compte cinq églises dans Tara; savoir : la collégiale qu'on a commencé à re-r construire en pierres , l'ancienne église de Ni- colski qu'on doit aussi rebâtir en pierres , et deux autres en bois , dont l'une est accompa- gnée d'un couvent de religieuses, et l'autre est située dans la ville basse. L'église collégiale , la chancellerie des Voïé- vodes , la garde et quelques magasins de la cou- ronne , où sont le trésor , les fourrures qu'on donne en tribut, et la poudre, sont tous en- clos d'un mur en charpente. La ville n'a d'ail- leurs que cette espèce de petite fortification ; mais on y voit encore les traces d'un petit fossé et d'un rempart qui l'entouroient autrefois $ et 446 ï 77"3. DJ? TotJROUMOVft qui étoient garnis de palissades. Il n'y a paslong- tems qu'on a détruit cette fortification, et l'on ne Ta fait que parce qu'elle avoit besoin de fortes ré- parations , et qu'on a vu que cette contrée étoit dans une parfaite sécurité. Il y a dans Tara une petite garnison et un Commandant, qui dépend de Tobolsk , ainsi que la chancellerie des Voïévodes, qui a sous sa Jurisdiction les Slobodes d'Omskaia , de Tschernolouzkaia , de Tatmizkaia, de Tiou- kalinskaia, de Bergamatskaia , d'Aiefskaia , et d'Oust-Tartaskoï-Pass 5 outre cela, trois gros villages à clochers , qui sont Loguinof, Losh- nikof, et Snamenskof 5 et de plus , l'Ostrog d'Oust - Ischhnskoï, et en général cent trois \illages Paisses,, et cent trente-quatre villages Tatars. Les Tatars de ce territoire , qui payent tribut, se montent, avec quelques Ostiaks qui habitent le même canton , à cinq mille deux cents quarante -huit , dont deux mille trois cents quarante-quatre Tatars de Barabinsk , et cinq cents soixante- quatorze d'origine Boukarski , y compris ceux qui sont à Tara. Les vastes déserts du territoire de Tara , et îes sombres forêts de sa partie occidentale , en font un pays très- giboyeux et très-riche pour le commerce de la pelleterie. Les zibelines n'y valent pas grand chose : à peine peut - on les assimiler à celles de Tomsk. Ce qui y abonde A S 0 U K H O ï. 44/ le plus, ce sont les ours, les loups, les re- nards, les martres, les hermines , et l'écureuil. On y voit aussi beaucoup de castors , de lynxs , de gloutons , et de loutres. En bêtes fauves , les forêts septentrionales fournissent des rennes , et les déserts de Baraba abondent assez en élans > en ehevreuiis, et en sangliers. Les environs de Tara offrent la partie la plu» fertile en grains , et la plus riche en poissons. LTrtîsch fournit de l'esturgeon, du sterlet- du nehna, du taïmen , et du lenki j et les lacs des landes de Baraba -et d'Ischim sont pleins de brochets , de perches , de poissons blancs , ou du moins de corassins. On y pêche pendant tout l'hiver. Quoique la contrée ne présente qu'un pays plat , on y rencontre des terres minérales. L'on tire de la rive droite de Flrtisch, dans une place où cette rivière est très-rapide, une terre vitriolique noirâtre. Cette place est au-dessous de Katskoussova-Dérevna , près de la décharge du ruisseau de Kartasçhefka. M. Médofschikofy négociant de Tara , emploie cette terre vitrioli- que , dont il extrait un vitriol de mars ; mais en petite quantité. L'on trouve , près du ruisseau d'Ouï , une terre ferrugineuse bleue. Elle ne consiste d'a- bord qu'en rognons blancs , qui deviennent bleus dès qu'ils sont à l'air. On tire cette terre d'une rive basse et marécageuse , presqu'au- dessous du niveau des eaux du ruisseau qui se %4$ 177^* »ê Touhoümoto décharge dans l'Irtisch , à peu de distance de Tara (1). Tous mes préparatifs faits , je m'occupai 9 le 23 , à continuer ma route. M. Géorziii se sépara de moi 9 et prit le chemin sur Tobolsk , d'après le plan que nous avions projeté ensem- ble. Arrivé-là , il de voit profiter des chemins d'hiver pour se rendre à Iset , et parcourir^ dès que le printems paroîtroit , toute sa partie montagneuse jusqu'à Ekaterinbourg. Ensuite il de voit s'embarquer pour descendre laTschous- sovaia jusqu'à son embouchure. Nous étions convenus qu'il iroit ensuite aux mines et forges de la Permie , qui sont entre la Silva et la Kama ; qu'il se porteroit de-là vers l'Iaïk , en côtoyant l'Oufa et la Dioma, et qu'il se ren- droit au Volga par une nouvelle route à tra- vers les landes de l'Iaïk. Ma tâche étoit au contraire d'aller vers la Kama , en prenant la route la plus droite à travers les landes d'Is- chim , la province d'Iset, et la partie la plus septentrionale clelaBaskirie. Arrivé à la Kama „ (i) Ce phénomène peut s'éclaircir par un autre du même genre dont parle Beraldingen, qui a trouvé des dents d'à-' liimaux, brunes , dans des fosses à tourbes; ces dents , exposées \ au soleil, devenoient insensiblement bleues. Voyez les Beo- * hachtuangen , \w elfe In und fragen über die minéralogie , \ c'est-à-dire observations , doutes & questions fur la Minéra- logie , pag. 66. (Sanglé?)* A S O V K H O ï. 449 Je vouloîs profiter des premiers jours du prin- tems pour me rendre à l'Iaïk § mon dessein étoit de traverser ensuite la partie méridionale des déserts qui existent entre ce fleuve et le Volga , afin d'y récolter les plantes printa- îiières de cette contrée, auxquelles aucun ob- servateur n'avoit encore songé. Ces recherches faites , il me restoit à me rendre près du Volga ,' pour y passer le reste de l'été , et observer ce que cette contrée pourroit offrir d'intéressant* De Tara , je suivis la route que l'on prend communément pour aller à Korkina. Elle va le long de PIrtisch jusqu'au village d'Orlova >j[ com- posé de trente maisons. L'on atteint l'Osch dans une superbe lande ; cette rivière ? que l'on côtoie ici dans tout son cours , se putréfie tellement sous la glace , malgré sa rapidité t que les poissons ne peuvent y résister , si ce n'est dans le voisinage des sources d'eau vive. Avant l'établissement de la nouvelle ligne d'Is- chimi, l'on avoit placé les postes des limites le long de l'Osch ; ils ont été transformés en de bons villages. On voit , le long de cette rivière , ceux de Braniskova , Strakina , et Katourlinskaia. Le dernier est situé près du ruisseau de Katourli, où il y avoit autrefois un avant-poste. On s'éloigne de l'Osch près du petit village de Saldatskaia , en prenant un peu au sud vers le village de Biguirdak, situé près d'un petit ruisseau du même »qm p à quatre verstes cU Zorn FL î ï 45o X'J'J?). DE TOÜROÜMOVO la rivière. A quelque distance de-Ià, Ton sr* rive près des lacs d'où l'Osch prend sa source. C'est près de ces lacs que j'atteignis , le 2.4 après- midi, la Siobocle de Tioukalinskaia , ou Tik- kouli, où j'avois déjà passé dans le voyage que j'entrepris en 1771 , à travers la lande d'Is- chimi. Je suivis de-là jusqu'au Tobol presque la même route que j'avois prise alors , si ce n'est qu'en tenant le chemin qu'on pratique en hi- ver , on passe du village de Kamischenka de- vant la Slobode d'Abazkoï, et l'on traverse en- suite les villages de Bokovaia et de Phirsovo 7 voyageant presque toujours dans les fonds qui tordent Tlschim. J'atteignis Korkina le 2.5 au soir, et continuai ma route jusqu'au Tobol , presque par le même chemin que j'avois tenu en I771, lors de mon retour delà province d'Iset jusqu'à l'Ischim. Du Tobol je retournai vers la Slobode d'Ingalinskaia , d'où je passai par celle de Krasnoïarskaia , par l'Ostrog d'Iser- koï, Malaga - Dérevna , les Slobodes de Ter- souzkaia , et Mekhonskaia , par le village à clocher de Koudinskoï , par Oultiakova , et Maslenskaia-Dérevna , et par l'Ostrog de Scha- drinskoï. J'arrivai enfin à Tscheliabinsk le der- nier jour de lévrier. J'observe que j'avois tenu cette même route en 1770. On Yoyoit déjà , dans les laudes de Tlsct , le A S O Ü K H O ï. 4^* Verclier des neiges , et l'alouette clés Alpes (1) , qui étaient dans leur passage. Tout annoncoit un printoms précoce. Je prévoyois , malgré cela , qu'il m'étoit possible d'atteindre la Kama par les chemins d'hiver. Je le désirois d'autant plus, que je necroyois guère trouver d'obser- vations intéressantes à faire dans la province d'iset. Je ne m'arrêtai à Tscheliabinsk que le terns nécessaire pour me mettre en règle avec la chancellerie de ce lieu. Je parlas le 4 mars, et pris la route la plus directe vers l'Oural. Nous passâmes, pour arriver à la Savode de Kischtounskoï , les villages de Dolp-aia , les- saoulova , et plusieurs habitations Baschkires ,. telles que Souléïmanova ou Souvaschaoul , €t entre les lacs de Iulbalik , le grand Korgui , le Fatéi-Aoul , près du Tisakul , et quelques au- tres petits villages du Volost de Sartinskoï , situés sur des lacs. Le 5 mars, je pris du Ki- schtim la route qui conduit au chantier de Ki- silsk , dépendant de ces forges. C'est là qu'on atteint l'Oufa , dès qu'on a passé l'Oural , qui est déjà composé de montagues très - étroites , constituées d'une roche cornée , et légèrement boisées de forêts. L'on n'y voyage , en été , qu'à travers des vallons marécageux dont elles sont entrecoupées. Il y avoit sur ce chantier ('i') AUiuda alpestris. Le hausse-col noir T ou l'alouette Jtc Virginie. £)ujJon> KisUnat. oes ois. j,. pag. 5?. 45s 577^« bb Touroümovo dou&e Kolovinki ou prames toutes prêtes pour le transport des fers. Peu avant d'attein- dre rOufa , on suit , à gauche , un chemin qui conduit à Asaesch , où l'on a établi un petit village , et une fenderie où se scient les plan- ches pour la construction des bateaux. L'on prend ensuite un chemin qui passe par les vil- lages Baschkirs de Souléiman , d' Alagous, Sarti , Kisil-Dshar , Berdesch, Bagasi, et par les mon- tagnes Basclikires. Il va aboutir à la contrée in- férieure de FOufa , au - dessous de Krasnou- fimsk , où l'on compte trois cent quarante-huit verstes. Je préférai cette route , parce que dans l'autre , qui est plus courte, on est obligé de feire d'abord soixante - dix verstes , et ensuite cent cinq avec les mêmes relais , et cela à travers des forêts et le long de l'Oufa^, où le chemin est très-pénible. De Kisilsk, je fis encore , dans la même jour- née, vingt verstes le long de l'Oufa , ou Qu- iphoe , nom que lui donnent les Baschkirs , jus- qu'à un Simovié situé près du ruisseau de Son- raïm., qui se décharge dans le fleuve. C'est là que les bateaux qui viennent avide des Pristans supérieurs, prennent une partie de leur car- gaison. Je passai la nuit dans ce Simovié , parce que la route , traversant des bois et des montagnes , commence à devenir très-étroite et très-pénible. Nous renvoyâmes ici les chevaux qui nous x SovK sô ï: |5S avoient conduits de la Savode de Kischtimskoï,' et nous nous servîmes des chevaux Baschkirs que nous avions fait suivre à la bride. Comme ils n'étoient pas suffisans pour nos relais, je fus obligé d'en envoyer prendre aux forges d'Ouraï- miskaï ou Nasiœ-Pétrofskoï , situées à cinq vers- tes de la route , et chez les Baschkirs , qui avoi- sinent ces forges. Le 6 mars, je fis cinquante verstes jusqu'au chantier inférieur des forges de Kischtimi. Il y a là un petit village dépendant de la maison des Dé/nidof. J'y passai la nuit. Ce village , situé au milieu d'une forêt,, sur les bords de l'Oufa, n'est peuplé que de charpentiers. A notre ar- rivée , toute la jeunesse du lieu accourut pour nous examiner , avec autant de curiosité que feroient les habitans d'une île nouvellement découverte à l'abord d'un bâtiment. Je n'en fus pas surpris, parce que cette route n'est presque point fréquentée $ elle est impraticable même en été. Le 7 , nous voyageâmes presque toute la jour- née sur les glaces de l'Oufa jusqu'à Schokottr- Aoul , où nous renvoyâmes nos chevaux Basch- kirs. On rencontre quelques petits villages Ba- schkirs qu'on laisse de côté. Les Baschkirs , habitans de cette contrée , mènent la vie la plus heureuse. Ils ont d'ex- cellentes terres à laLour; ils élèvent des abeil- les \ nourrissent des bestiaux , et tirent une 3p4 ^77^' DE Tocro'ümovo grande abondance de gibier des forêts épaisse* et montagneuses du voisinage. Dans les forêts de sapins qui bordent l'Oufa , et dans toutes celles qui s'étendent jusqu'à IaKama, on ren- contre toutes les espèces de bêtes fauves, même des rennes sauvages, qu'ils appellent IouschjE. On les voit par troupeaux nombreux. Il m'a paru, par les cornes ou bois qu'on m'a procu- rés de ces animaux , qu'elles sont plus petites que celles des contrées septentrionales. L'on y voit très-peu de zibelines ; mais, en revanche , quantité de martres , qui sont les plus belles de toute la Russie. Les Baschkirs , qui demeurent sur les bords de l'Oufa , sont attachés à leurs villages qu'ils habitent été comme hiver , ainsi que des Ta- tars Oufïens et les Metschereks. Il y a cepen- dant des villages dans les contrées inférieures > dont les habitans , par rapport aux landes qui y sont plus abondantes , quittent leurs demeures construites en charpente , pour aller camper sous des iourtens avec leurs nombreux trou- peaux. Ils sont cependant très-adonnés à l'agri- culture , et presqu'aussi propres dans leurs mé- nages que les Tatars. L'on voit déjà dans cette contrée des chênes et du noisetier ; mais ils y sont encore rares , parce que les forêts de sapins occupent tout le terrain , et que l'humidité du sol, occasionnée par les montagnes , est contraire à la venu© de a S o u « h ô i: 455 Ces arbres. Les monts Oural sksétoient de mea.e nature ; c'est pour cette raison , sans doute , que ces arbres n'ont pu être transportés en Si- bérie. A quinze verstes plus loin , je changeai d$ chevaux dans un village Baschkir, situé surle& bords de l'Oufa. Nous eûmes alors un chemin très-pénible à travers des forêts de sapins pleine» de sources, où nous fûmes obligés de frayer une route. Nous atteignîmes , vers la nuit , le village d' Aplianassiéva , habité par des Tsché- rémisses convertis au christianisme. Il est situé sur la rive droite de l'Oufa. Jusques-là nous avions presque toujours tenu la rive gauche de ce fleuve depuis Sorokina. L'on nous fit es- pérer un meilleur chemin , en côtoyant la rive gauche de l'Oufa , à travers une contrée pltis ouverte , légèrement boisée de bosquets de bouleaux ; c'est ce qui nous fit marcher toute la nuit. Nous atteignîmes , au jour, Soukhoï- Manschasch , village Tatar , situé sur les bords du fleuve. Il est un peu au-dessus d'un ruis- seau desséché , qui lui a donné son nom ; ont trouve, dans son voisinage, un lac nommé Iltrak. £iîi du Tome sixième*