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Full text of "Polybiblion; revue bibliographique universelle"

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POLYBIBLION 


REVUE 

BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


PARTIE  LITTÉRAIRE 


DEUXIÈME  SÉRIE.  —  TOME  VINGT-HUITIÈME.  — LIII«  DE  LA  COLLECTION 


PREMIERE  LIVRAISON  —   JUILUBT 


PARIS 


AUX      BUREAUX      r>U       POLYBIBLION 

2  et  5,  RUK  SAINT-SIMON,  2  et  5 
(Boulevard  Saint-Germain) 


LONDRES 

BuRNS  et  Dates,  28,  Orchard  Street. 

FRIBOUBG  EN   BADE 

B.  Herdee. 

VIENNE 
Gkrold  et  C'e,  Stefansplatz. 

BRUXELLES 

Guillaume   Larose,  8,  rue  des  Paroissiens. 


ROME 

Le  Chevalier  Melandri,  Dii-ecteur- Administra- 
teur de  la  LiBRAiRiB  dk  la  Propagande. 

BARâiLONE 

Palau  et  Cie,  14,  calle  de  les  Angeles. 

MADRID 

La  Verdadera  Ciencia  EspaSola,  15,  calle 
del  Arenal. 


LISBONNE 

Manoel-Jose  Ferreira,  132,  rua  Aurea,  134 
MONTREAL 

C.\DiEUX  et  Derome,  rue  Notre-Dame. 

BUCHAREST,   BUDAPEST,     COPENHAGUE,    CHRISTIANIA,   STOCKHOLM 
SAINT-PÉTERSBOURG,    VARSOVIE   : 

BUREAUX    DE   POSTE. 


1888 


SOMMAIRE  DE  LUIVBMJE  JUILLET  1888 

I.  —  ROMANS,    CONTES   ET   NOUVELLES,  par  M.  Firmin  Boissin. 
n.  —  ART   ET  HISTOIRE    MILITAIRES,  par  M.  Arthur  de  Ganniers. 

III.  ~  COMPTES  RENDUS. 

Xhéologlc.  —  R.  P.  Lacordaire.  —  Sermons,  instructions  et  allocutions  (p.  88). 

Scleucee  et  JKrts.  —  M^e  Jules  Favre  :  La  Morale  de  Socrate  (p.  39).  —  P.  de 
CouBERTiN  :  L'Éducation  en  Angleterre.  Collèges  et  Universités  (p.  40).  —  M.  du 
Camp  :  Paris  bienfaisant  (p.  42).  —  L.  Thuasne  :  Gentile  Bellini  et  Sultan  Moham- 
med II  (p.  44). 

nelIes-Lettres.  —  D.  J.  RuBio  Y  Ors  :  Luther  (p.  44).  —  D.  J.  Rubio  y  Ors  : 
Gutenberg  (p.  45).  —  M.  Lentz  :  Fleurs  d'automne.  Chansonnettes  et  Poésies  (p.  45). 
—  Mgr  Ricard  :  Le  Grand  Siècle.  Bossuet  (p.  47).  —  Cucuel  et  Allègre  :  Mélanges 
grecs  (p.  48).  —  G.  Pailhês  :  Madame  de  Chateaubriand.  Lettres  inédites  à  Clausel 
de  Coussergues  (p.  49).  —  R.  Chantelauze  :  Les  Grands  Ecrivains  de  la  France. 
Œuvres  du  cardinal  de  Retz  (p.  50).  —  C.  Henry  :  Œuvres  et  Correspondance  iné- 
dites de  d'Alembert  (p.  50).  —  C.  Henry  :  Correspondance  inédite  de  d'Alembert 
(p.  51). 

Histoire.  —  J.  Van  den  Gheyn  :  Les  Populations  danubiennes  (p.  52).  —  L.  de 
Saint-Poncy  :  Histoire  de  Marguerite  de  Valois,  reine  de  France  et  de  Navarre 
(p.  54).  —  F.  Décrue  de  Stoutz  :  La  Cour  de  France  et  la  Société  au  xvi*  siècle 
(p.  55).  —  E.  Guillon  :  La  France  et  l'Irlande  pendant  la  Révolution.  Hoche  et 
Humbert  (p.  56).  —  J.  Feuvrier  :  Le  Collège  de  l'Arc,  à  Dole  (p.  58).  —  A.  Palomès.  : 
La  Storia  di  li  Nurmani  in  Sicilia  cuntada  di  la  grida  (p.  59).  —  E.  Simon  :  L'Em- 
pereur Frédéric  III  (p.  60).  —  Grandin  :  Frédéric  III ,  roi  de  Prusse  et  empereur 
d'Allemagne  (p.  61).  — N.  Scotidis  :  L'Egypte  contemporaine  et  Arabi-Pacha  (p.  61). 

Bélisaire  Ledain   :  De  l'Origine  et  de  la  Destination  des  camps  romains ,  dits 

Chatelliers,  en  Gaule  (p.  62).  —  Bubot  de  Kersers  :  Essai  de  classification  des 
enceintes  fortifiées  en  terre  (p.  63).  —  G.  Fleury  :  Recherches  sur  les  fortifications 
de  l'arrondissement  de  Mamers ,  du  x^  au  xvie  siècle  (p.  64).  —  T.  Carlyle  :  Les 
Héros,  le  Culte  des  héros  et  l'Héroïque  dans  l'histoire  (p.  64).  —  G.  Bertin  :  Madame 
de  Lamballe. d'après  des  documents  inédits  (p.  66).  —  U.  Chevalier  :  Répertoire 
des  sources  historiques  du  moyen  âge  (p.  68). 

JY    BULLETIN.  —  S.  Rafpalovich  :  Bentham,  Principes  de  législation  et  d'économie 

politique  (p.  70).  —  P.  Fesch  :  De  l'Ouvrier  et  du  Respect  (p.  71).  —  L.  Marseille  : 
Annuaire  de  l'infanterie  pour  1888  (p.  71).  —  Ernouf  :  Les  Compositeurs  célèbres 
fp  71).  —  Mon  cher  petit  Cahier  (p.  72).  —  E.-J.  Castaigne  :  Petites  Études  litté- 
raires (p.  72),  —  C.  BuET  :  Paul  Féval  (p.  73).  —  A.  de  Pontmartin  :  Souvenirs 
d'un  vieux  critique  (p.  73).  —  A.  Barine  :  Essais  et  Fantaisies  (p.  74).  —  M'^e  de 
Blocqueville  :  Chrysanthèmes  (p.  74).  —  A.  Jumetel  :  Pékin  (p.  74).  —  G.  Mail- 
HARD  de  la  Couture  :  Charlemagne  dans  l'histoh-e  et  dans  la  légende  (p.  75).  — 
G.  Mailhard  de  la  Couture  :  Godefroy  do  Bouillon  et  la  Première  croisade  (p.  75). 

V.  Canet  :  Clovis  ou  les  Origines  de  la  France  chrétienne  (p.  75).   —  P.  de  Jo- 

rlaud  :  Richard  Cœur-de-Lion,  le  Roi  paladin  (p.  75).— Kervyn  de  "Volkaersbeke  : 
Sobieski  et  la  Mission  de  la  Pologne  (p.  75).  —  Kervyn  de  Volkaersbeke  :  Le 
Maréchal  de  Turenne,  d'après  les  écrivains  de  son  temps  (p*  75).  —  E.  de  Barthé- 
lémy :  Histoire  des  relations  de  la  France  et  du  Danemark  sous  le  ministère  du 
comte  de  Bernstorff,  1751-1770  (p.  76).  —  P.  Robiquet  :  Histoire  municipale  de 
Paris  (p.  76).  —  Serre  :  Études  sur  l'histoire  militaire  et  maritime  dos  Grecs  et  des 
Romains  (p.  77).  —  Barado  :  La  Vie  militaire  en  Espagne  (p.  77).  —  A.  de  Ségur  : 
Simples  histoires  (p.  78).  —  G.  S.  A.  C.  :  Cenni  su  Fra  Dolcino  (p.  78). 

Y    CHRONIQUE.  —  Nécrologie  :   MM.   Chassang,   Bertrandy-Lacabane,   Baudon   de 

Mony,  Malebrauche,  Gardereau,  etc.  —  Lectures  faites  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres.  —  Lectures  faites  à  l' Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 

—  Concours  et  Prix.  —  Un  procès  criminel  sous  Charles  VI.  —  Contes  populaires  de 

Lorraine.  Un  singulier  homonyme  de  Montaigne.  —  Archives  historiques  de  la 

Gascogne.  —  Tableau  de  Valenciennes  au  xviii«  siècle.  —  L'Ancienne  Littérature 
polonaise  et  rulhène.  —  Nouvelles  :  Paris.  —  France.  —  Allemagne.  —  Autriche. 

—  Espagne.  —  Italie.  —  Monaco.  —  Pologne.  —  Russie.  —  Suisse.  —  Publications 
nouvelles. 

Yi.  —  QUESTIONS  ET  RÉPONSES. 


POLYBIBLIOIsr 

REVUE 

BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


Juillet  1888.  T.  LUI.  i. 


RENNES,   IMPRIMERIE  POLYGLOTTE  ALPH.    LE   ROY 
Imprimeur  breveté. 


/3 


POLYBIBLION 


REVUE 


BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


PARTIE    LITTÉRAIRE 


DEUXI&.^IE     SÉRIE.    —    TOME     VIIVGT.HL'ITIÈME 

(cinquante-troisième  de  la  collection) 


PARIS 

AUX    BUREAUX    DU    POLYBIBLION 

2    ET    5,    RUE    SAINT-SIMON,    2   ET   3 

1888 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


ROMANS,  CONTES  ET  NOUVELLES 

1.  Aittoio-  d'automne,  par  A.ndré  Theuriet.  17«  éd.  Paris,  Lemerre  1888,  ia-18  de 
326  p.,  3  fr.  50.  —  2.  Premières  amours,  par  Emile  Pierret.  Paris,  Lemerre,  1888, 
in-18  de  244  p.,  3  fr.  50.  —  3.  La  Course  à  l'amour,  par  J.  Ricard.  Paris,  Calmann- 
Lévy,  1888,  in-18  de  382  p.,  3  fr.  50.  —  4.  Pas  d'amour,  par  Charles  de  Coy.nart 
iÎR.ixioc).  Paris,  Piaget,  1888,  iQ-18  de  316  p.,  3  fr.  50.  -  5.  Fin  d'amour,  par 
François  Yilars.  Paris,  Pion  et  Nourrit,  1888,  in-18  de  277  p.,  3  fr.  —  6.  L'Ami,  par 
EdwCrd  Sosot.  Paris,  Léon  Vanier,  1888,  io-12  de  228  p.,  3  fr.  —  7.  Retour  fatal, 
par  Paul  Ma.nz.  Paris,  Ghio,  1888,  in-18  de  296  p.,  3  fr.  —  8.  Monsieur  le  Rédacteur! 
par  BovER  d'Agev.  Paris,  V.  Havard,  1888,  in-18  de  354  p.,  3  fr.  50.  -  9.  Le  Roman 
de  Paris,  par  Ecgè.ne  Morand.  Paris,  OllendoriT,  iQ-18  de  358  p.,  illustrations  de 
H.  Pille,  3  fr.  50.  —  10.  Marc  Fane,  par  J.-H.  Ros.ny.  Paris,  Quantin,  1888,  in-18 
de  364  p.,  3  fr.  50.  —  11.  ie  Gros  Péché  de  l'abbé  Millet,  par  J.  Le.maire.  Paris, 
Ghio,  1888,  in-lS  de  326  p.,  3  fr.  50.  —  12.  Drichette,  par  Je.^.nxe  Leroy.  Paris,  Mar- 
pon  et  Flammarion,  1888,  in-18  de  357  p.,  3  fr.  50.  —  13.  La  Vie  d'une  femme  du 
monde,  par  .M°»e  Jl'les  Samsox.  Paris,   Hennuyer,  1888,  in-8  de  326  p.,  3  fr.  oO.  — 

14.  Cyniques,  par  Georgi-s  Beaume.   Paris,    Piaget,   in-18   de   294  p.,   3  fr.  50.  — 

15.  Mon  ami  Hilarius.  par  Paul  Lin'dac.  Avec  une  préface  d"EmiIe  Augier,  de  1  Aca- 
démie française.  Paris,  Quantin,   1888,  in-18  de  312  p.,  3   fr.  50.  -  16.  Filkdu 
Diable,  par  Guida.   Paris,  Pion  et  Nourrit,  1888,  2  vol.  in-18  de  a38  et  322  p.,^  t  fr. 
—  17.  La  Comtesse  Vassali.  par  le  même  auteur.  Paris,  Perrin,  1888,  in-12  de  346  p., 
3  fr   50   —  18.  Le  Chalet  des  Pervenches,  par  Fortuné  du  Boisgobey.  Pans,  Pion  et 
Nourrit,"  1888,  in-18  de  300  p.,  3  fr.  50.  -  19.  Le  Château  de  la  reine  Blanche,  par 
L.  Uestre.m.^  de   Salnt-Christol.    Paris,   Fischbacher,  18S8,  in-8  de  406  p.,  o  fr.  — 
20    Une  Princesse  indienne  avant  la  conquête,  par  Désiré  Char.vay.  Paris,  Hachette, 
1888    in-18  de  312  p.,  3  fr.  50.  —  21.  Les  Fils  de  Sa77ïson  ;  histoire  juive,  d  après 
G.  KoHN,    par  Isaac  Bloch,  grand-rabbin  d'Alger.   Paris,   Durlacher,   1888,  in-8  de 
200  p     2  f r  50   —22.  Glenaveril,   par  lord  Lvtto.\;   trad.   de  l'anglais  par   Louise 
d'Alq.' Paris,  Hachette,  1888,  in-18  de  324  p.,  1  fr.  25.  -   23.  Je  dis  :  Non,  par 
WiLKiE  CoLLLNs;  trad.  de  l'anglais  par  Ca.mille  Valdy.  Pans,  Hachette,  1888,  i  vol. 
in-18  de  272  et  296  p.,  2  fr.  50.  —  24.  Vivant  ou  Mort,  par  Hugues  Co.nnway;  trad. 
de  l'anglais  par  Héphell.  Paris,  Hachette,  1888,  in-18  de  260  p.,  1  fr.  25.  -  20  Sabina 
Zembra,  par  William  Black  ;  trad.  de  l'anglais  par  B.-H.  G.ussero.v.  Pans,  Quantin- 
1888   2  vol.  in-12  de  346  et  204  p.,  illustré,  4  fr.  -  26.  Les  Frères  Karamazov,  par 
Dostoïevsky;  trad.  du  russe  et  adapté  par  Halpéri.ne-Kamixsky  et   Charles  Morice. 
Paris,  Pion  et  Nourrit,  1888,  2  vol.  in-18  de  296  et  a32  p.,  avec  un  portrait  de  Dos- 
toievskv   7  fr.  —  27.  Les  Pauvres  Gens,  par  le  même  auteur  ;  trad.  du  russe  par 
Victor  Derély.  Paris,  Pion  et  Nourrit,   1888,  in-16  de  276  p.,  3  fr.  50.   —28.  Au 
Caucase,  par  Léon  Tolstoï  ;  trad.  du   russe  par  Halpérine-K.^mi.nsky.    Pans,  Perrin, 
1888   in-12  de  212  p.,   3  fr.  —  29.  Le  Joueur,  par  le  même  auteur  ;  trad.  du  russe 
par  Henri  Olivier.    Paris,   Dupret,  1888,  in-16  de  64  p.,  1  fr.  -  30.  Contes  popu- 
laires de  différenti  pays,  par  Xavier  M.^rmier,  de  l'Académie  française.  Deuxième 
série.  Paris,  Hachette,   1888,  in.l8  de  392  p.,  3   fr.  50.  -  31.  Marthe   par  G.  Le 
Faure.  Dessins  de  L.  Vallet.  Paris,  C.  Dalou,  1888,  in-12  de  240  p.,  3  fr.  oO.  - 
32.  Les  Nouveaux  Contes  du  bivouac,    par  Charles  Raboubdin.    Pans,  Delagrave, 
1888,  in-12   de  200  p.,    2  fr.  50.   -   33,   34  et  35.   Petite  Bibliothèque  française  : 
Josette,   par  André  Theuriet.  Dans   l'Argonne,  par  Jules  de  Glouvet.^ Ine  dot,  par 
Ernest  Legouvé,  de  l'Académie  française.  Paris,  Jouaust  et  Sigaus,  188b,  d  plaquettes 
petit  ia-8   de  32,  34  et  36  p.,  chacune  0  fr.  50.  -  36.  Les  Gaietés  bourgeoises,  par 
Jules  Molnacx.    Paris,   Marpon  et   Flammarion,   1888,  in-18  de  320  p.,  dessins  de 
Steinlein,  3  fr.  50. 


—  6  — 

1.  —  Aimez-vous  la  muscade?  On  en  amis  partout.  Amour  d'au- 
tomne, Premières  amours,  Course  à  l'amour,  Pas  d'amour,  Fin  d'amour  : 
que  de  litres  dont  la  découverte  n'a  pas  demandé  aux  auteurs  grand 
effort  d'imagination  I  Je  ne  veux  certes  pas  médire  d'un  sujet  aussi 
vieux  que  le  monde  et  qui,  depuis  si  longtemps,  sert  aux  jeunes  poètes 
à  jeter  leur  gourme.  Mais  du  moins  faudrait-il  que  les  romanciers  le 
traitassent  (ce  que  tous  ne  font  pas)  d'une  façon  plus  originale  et 
moins  vulgaire.  Non  nova,  sed  novè.  M.  André  Theuriet,  dans  Amour 
d'automne,  a  bien  essayé  de  déchirer  le  voile  de  vulgarité  qui  s'at- 
tache aux  idylles  amoureuses  de  notre  société  bourgeoise.  Il  a  encadré 
ses  personnages  dans  les  admirables  et  pittoresques  paysages  de  la 
Haute-Savoie.  Il  a  donné  même  à  son  récit  toute  la  délicatesse  dont 
sa  plume  (qui  pourtant,  sous  ce  rapport,  a  fourché  quelquefois)  peut 
être  susceptible.  A-t-il  évité  l'écueil  que  je  signale?  A  mon  avis,  non. 
Son  Amour  d'automne,  avec  les  qualités  qui  le  distinguent,  finit  par 
être  monotone.  Il  s'agit  du  cas  fort  banal  et  peu  moral  d'un  avocat  de 
Paris,  célibataire  et  quinquagénaire,  Philippe  Desgranges,  lequel  est 
lié  (je  devrais  me  servir  d'un  autre  mot)  avec  une  femme  mariée,  im- 
périeuse et  fantasque.  Le  joug  lui  pèse,  mais  il  le  subit  tout  de  même. 
Philippe  a  un  ami,  un  vieux  camarade  de  collège,  le  docteur  Diosaz, 
qui  exerce  la  médecine  à  Annecy.  Dangereusement  malade,  le  docteur 
Diosaz  appelle  en  toute  hâte  Philippe  auprès  de  lui,  afin  de  lui  confier 
sa  fille  Mariannette,  que  sa  mort  prochaine  va  laisser  sans  appui.  Phi- 
lippe, sans  rien  dire  à  Camille  Archambault,  la  Gircé  qui  le  domine, 
accourt  en  Savoie  :  il  arrive  trop  tard  et  ne  trouve  plus  que  l'orpheline 
dont  l'âme  d'élite  et  les  grâces  charmantes  l'ont  bientôt  captivé.  Mal- 
gré la  différence  des  âges  (elle  n'a  que  vingt-deux  ans),  Mariannette 
ne  tarde  pas  non  plus  à  aimer  cet  homme  qui  est  si  dévoué  à  ses  inté- 
rêts et  lui  témoigne  tant  d'affection.  Seulement,  pour  la  chaste  jeune 
fille  l'amour  ne  va  pas  sans  le  mariage.  Philippe,  qui  a  totalement  ou- 
blié Paris,  ses  «  pompes  »  et  ses  «  œuvres,  »  consent  à  prendre  Ma- 
riannette pour  femme,  et  leur  union  est  décidée.  Entre  temps,  l'Ariane 
délaissée  a  fini  par  découvrir  la  retraite  de  Philippe,  et  elle  vient,  irri- 
tée, furieuse,  le  relancer  à  Annecy.  Une  scène  violente  a  lieu  entre 
Philippe  Desgranges  et  Camille  Archambault.  Mariannette  a  tout  en- 
tendu. Vous  devinez  le  dénouement.  Froissée  de  ce  que  Philippe  n'a 
pas  eu  confiance  en  elle,  la  fille  du  docteur  Diosaz  refuse  désormais 
d'épouser  son  bienfaiteur.  Peut-être  l'aime-t-elle  encore.  Du  moins 
n'en  laisse-t-elle  plus  rien  paraître,  et  Philippe  s'éloigne  en  adressant 
à  Mariannette  une  lettre  d'adieu,  pleine  de  r."!mords  du  passé,  de  re- 
pentir. Trop  tard!...  Philippe  a  beau  lui  dire  qu'il  a  définitivement 
brisé  ave.c  sa  passion  adultère  :  '\FT»'ir>nnolle  reste  inflexible.  Ce  dé- 
nouement n'est  i)as  pour  nous  déplaire.  Il  y  a  aussi  dans  Amour  (Pau- 


lomne  quelques  pages  bien  déduites,  où  M.  Tlieuriet  se  montre  habile 
psj'Chologue  et  analj^se  parfaitement  le  travail  intérieur  qui  transforme 
en  amoureux  sincère  un  mondain  blasé.  Mais  l'œuvre  n'est  pas  suffi- 
samment creusée.  Toutes  ces  passions  sont  à  fleur  de  peau.  Et  puis, 
sauf  le  dénouement  du  roman  russe  qui  finit  par  un  mariage,  cela 
ressemble  par  trop  à  la  Katia  de  Léon  Tolstoï. 

2.  —  Jane  de  Barsac,  l'héroïne  de  Premières  amours,  de  M.  Emile 
Pierret,  est  encore  plus  fière  que  Mariannette  Diosaz.  Un  jeune  homme, 
Gaston  Laparade,  lui  fait  la  cour.  Elle  ne  manque  pas  de  coquetterie  et 
accueille  les  avances  de  l'amoureux.  Dans  la  fièvre  de  sa  passion,  ce- 
lui-ci perd  un  peu  la  tête,  et,  là-bas,  à  Cannes,  dans  une  promenade 
crépusculaire,  il  s'oublie  jusqu'à  effleurer  d'un  baiser  les  cheveux  de 
Jane.  Le  respect  lui  revient  aussitôt  avec  la  raison.  Mais  la  jeune  fille, 
dès  ce  moment,  se  considère  comme  outragée.  Elle  signifie  à  Gaston 
de  cesser  auprès  d'elle  ses  assiduités.  Gaston  obéit,  tout  en  restant 
fidèle  à  son  culte  ;  il  s'obstine  dans  son  amour-  Cinq  ou  six  ans  s'é- 
coulent. Des  changements  importants  s'opèrent  dans  la  vie  de  Jane  de 
Barsac.  De  riche  elle  devient  pauvre.  Gaston  se  rapproche  d'elle  et  se 
prend  à  espérer.  La  disproportion  de  fortune  ne  serait  plus,  comme 
naguère,  un  obstacle  à  leur  union.  Jane,  à  l'instar  de  Mariannette, 
reste  inflexible.  Elle  entre  dans  un  couvent  —  non  sans  avoir  lancé  à 
Gaston  cette  flèche  de  Parthe  féminine,  qui,  si  elle  n'a  pas  pour  excuse 
une  passion  vraie  contrariée,  dénote  une  absence  totale  de  sens  moral  : 
«  Pourquoi  ne  m'avoir  pas  manqué  de  respect  tout  à  fait?  Je  vous  ai- 
«  mais  alors,  j'étais  à  vous,  et  après  il  eût  été  trop  tard  pour  me  re- 
«  prendre  !  »  C'est  sur  celte  donnée  passablement  risquée  que  M.  Pierret 
a  brodé  ses  Premières  amours.  La  matière  comportait  une  cinquan- 
taine de  pages.  L'auteur  l'a  délaj^ée  en  un  volume.  Il  s'est  dit  :  «  Je 
veux  mon  in-12.  »  El  pour  le  remplir  il  a  abusé  des  réflexions,  des 
interrogations,  des  amplifications,  des  prosopopées.  Et  c'est  grand 
dommage  !  car,  dans  les  parties  serrées,  il  y  a  du  style,  de  l'observa- 
tion, un  fin  talent  d'analyse.  Mais,  je  le  répète,  trop  de  lyrisme  à  la 
clef. 

3.  —  La  Course  à  l'amour,  de  M.  J.  Ricard,  s'inspire  de  ce  sophisme, 
renouvelé  de  Gémisthe  Pléthon,  que  le  christianisme  a  été  fatal  au 
Beau  et  à  l'Art.  La  thèse  a  été  reprise,  de  nos  jours,  par  M.  Louis  Mé- 
nard,M"i^  Edmond  Adam  et  la  romancière  anglo-française  (nous  en  par- 
lons plus  loin)  qui  signe  ses  romans  du  pseudonyme  de  Guida.  Ces 
néo-païens  accusent  le  christianisme  d'avoir  «  jeté  la  suprême  pelle- 
tée de  terre  sur  l'idéal  antique,  »  d'avoir  «  brisé  dans  les  âmes  celte 
sérénité  qui  est  le  tuf  même  du  génie,  «  d'avoir  enfin  considéré  l'a- 
mour comme  «  une  impureté.  )>  Il  n'y  a  pas  à  discuter  avec  des  gens 
qui  méditent  un  si  long  recul  en  arrière,  et  qui,  ne  tenant  compte 


-  8  — 

d'aucune  des  œuvres  admirables  et  superbes  que,  depuis  dix-huil 
cents  ans,  le  souffle  vivificateur  de  Testhétisme  chrétien  a  fait  éclore, 
voudraient  probablement  nous  ramener  aux  mystères  de  la  bonne 
déesse,  au  culte  si  «  pur  »  d'Adonis  et  de  Vénus  Astarté.  Je  me  con- 
tente d'indiquer  en  deux  mots  le  canevas  du  roman  de  M.  Ricard,  le- 
quel, il  faut  le  dire,  à  sa  décharge,  a  mis  en  présence  deux  païens  mo- 
dernes, sans  prétendre  afficher  une  hostilité  quelconque  envers  le 
christianisme.  Son  païen  mâle  s'appelle  Jean  Dartet  ;  son  païen  femelle 
a  nom  Mary-Ann  Dialli.  Ils  se  rencontrent  tous  deux  au  Louvre,  ad- 
mirant un  Achille  de  marbre.  Jean  est  fils  de  médecin,  et  il  a  été  élevé 
par  un  vieil  helléniste  qui  ne  jurait  que  par  Homère,  Eschyle,  So- 
phocle et  Platon.  Écrivain,  journaliste,  critique  d'art,  Jean  méprise 
le  monde  contemporain,  sali  et  attristé.  Il  en  veut  aux  politiciens 
qui  ont  «  tout  démocratisé,  jusqu'aux  sensations.  »  Les  amours  vul- 
gaires lui  répugnent.  Il  rêve  de  beautés  plastiques  impeccables. 
Mary-Ann  est  fille  d'une  bohémienne  et  d'un  esthète  anglais.  Elle  a  les 
m-^mes  goûts  que  Jean,  avec  un  grain  de  superstition  qu'elle  tient 
de  sa  race.  Ainsi  elle  croit  que  les  amantes  mortes  et  oubliées  vont 
pleurer  la  nuit  devant  la  porte  de  l'infidèle  et  que  leurs  larmes  gelées 
deviennent  des  gemmes  aux  vertus  magiques  et  mystérieuses.  Jean  et 
Mary-Ann  s'aiment.  C'est  d'abord  un  amour  platonique,  entrelardé  de 
discours  et  de  théories  sur  la  beauté  primitive,  sur  la  laideur  mo- 
derne, sur  les  discussions  du  Portique,  sur  les  dieux  de  Phidias,  sur 
l'esprit  d'Aspasie,  sur  la  Vénus  de  Milo.  Pascal  l'a  dit  avec  juste  rai- 
son :  «  Qui  veut  trop  faire  l'ange  fait  la  bète.  »  Inutile  d'insister.  Le 
charme  est  rompu.  Jean  et  Mary-Ann  se  séparent  à  jamais.  L'amour 
vrai  reste  le  privilège  des  cœurs  purs  et  des  simples.  Les  esprits  com- 
pliqués le  tuent  en  eux  —  et  ce  qu'ils  prennent  pour  de  l'amour  n'est 
qu'une  sorte  de  libertinage  cérébral.  Le  roman  de  M.  Ricard  a  de  la 
saveur.  Il  est  bien  écrit.  Il  n'est  pas  banal  ;  mais  c'est  un  livre  sensuel 
et  troublant. 

4.  —  Je  rentre  dans  la  banalité  avec  Pas  d'amour!  de  M.  Charles  de  Coy- 
nart.  En  rev'anche,  et  la  compensation  a  bien  son  mérite,  l'œuvre  est 
saine,  et  la  façon  aisée,  sans  prétentions,  avec  laquelle  elle  est  écrite 
fait  qu'on  la  lit  avec  beaucoup  de  plaisir.  Après  quoi ,  la  donnée  n'a 
rien  de  bien  neuf,  et  sous  certains  égards,  c'est  un  peu  celle  du  Maître 
de  fovQcs.  Vous  vous  appelez  Agnès  de  Carméjean;  votre  mère  est  née 
de  Saint-Mégrin ;  votre  noblesse  remonte  aux  Croisades;  sans  avoir  la 
beauté  royale  de  votre  homonyme  Agnès  Sorel,  vous  êtes  loin  d'être 
une  laideron.  Mais  le  malheur  veut  que  vous  soyez  pauvre.  Hélas! 
dans  notre  siècle  positif  et  prosaïque,  utilitaire  et  sans  entrailles,  c'est 
le  crime  irrémissible.  Les  prétendants  sérieux  s'écartent  de  vous,  et 
les  godelureaux  vous  méprisent.  Encore  un  an  ou  deux  d'attente,  vous 


-  9  — 

rentrerez  dans  l'âge  ingrat  et  vous  êtes  fatalement  destinée  à  grossir 
les  rangs  de  la  congrégation  de  Sainte-Catherine.  Pauvre  enfant!  Voici 
que,  discrètement,  un  brave  jeune  homme  ose  en  secret  vous  aimer.  Il 
se  tait,  il  souffre,  et  puis  finalement  il  se  déclare.  Horreur!  c'est  le  fils 
d'un  ancien  épicier.  Oui,  mais  le  fils  de  cet  ancien  épicier  est  million- 
naire; il  n'a  jamais  pesé  du  poivre  ni  mesuré  du  sel  dans  la  boutique 
paternelle;  il  a  reçu  une  excellente  éducation;  il  est  instruit;  il  a  des 
qualités  de  cœur  vraiment  exquises.  Tout  cela  n'empêche  pas  qu'il  ne 
soit  le  fils  du  père  Gourdin,  et  vous  êtes  Agnès  de  Carméjean.  Si  vous 
épousez,  c'est  une  mésalliance;  si  vous  n'épousez  pas,  c'est  pour  votre 
mère  et  vous,  deux  solitaires  que  le  monde  ne  connaît  plus,  Fabandon 
suprême,  les  privations,  la  misère.  Alors  vous  prenez  une  résolution 
ferme  en  dépit  du  qu'en  dira-t-on.  Vous  épousez.  Vous  n'aimez  pas, 
mais  vous  épousez  ;  vous  avez  trop  de  noblesse  d'âme  pour  manquer  à 
vos  devoirs  d'épouse.  Il  suffit.  Vous  contemplez  de  haut  votre  pis-aller 
de  mari  qui,  devant  vous,  devant  votre  grandesse,  s'annihile,  se  rape- 
tisse, et  vous  adore.  Ugène  (comme  la  mère  Gourdin  appelle  son  fils,  à 
la  risée  générale)  n'est  pourtant  pas  un  imbécile.  Il  se  porte  candidat 
au  Conseil  général,  et  le  hasard  veut  que  vous  l'entendiez,  un  soir, 
dans  une  réunion  conservatrice,  soulever,  de  sa  parole  enflammée,  un 
auditoire  de  deux  mille  personnes.  Il  y  a  dans  le  petit  Gourdin  l'étoffe 
d'un  Berryer.  Aussitôt  vos  yeux  se  dessillent,  votre  cœur  bat,  l'amour 
vient.  Ce  jour-là,  vous  êtes  vraiment  la  femme,  l'épouse,  et  Dieu  vous 
bénit,  car  vous  serez  bientôt  mère.  Telle  est  l'histoire  d'Agnès  de  Car- 
méjean, fille  unique  de  haut  et  puissant  seigneur  feu  le  comte  de 
Carméjean.  N'est-elle  pas  charmante  dans  sa  vulgarité?  On  pouvait 
redouter  de  ridicules  déclamations  contre  les  «  préjugés  »  de  la  no- 
blesse, r  «  orgueil  »  de  l'aristocratie,  I'  «  entêtement  »  des  vieilles 
races  et  autres  lieux  communs.  M.  de  Coynart  a  su  s'en  garer.  Nous 
l'en  félicitons. 

5  et  6.  —  Il  y  a  dans  les  amies  de  pension  de  braves  petits  cœurs. 
Mais  il  y  a  aussi  de  véritables  vipères.  Alice  Marais,  au  sortir  du  cou- 
vent, se  marie  avec  M.  de  Roquevaire,  et  les  nouveaux  époux  quittent 
Paris  pour  aller  habiter  un  beau  château  qu'ils  possèdent  en  Touraine. 
Alice  invite  son  amie,  son  inséparable  d'avant  le  mariage,  Léonie  Der- 
lange,  à  venir  passer  quelques  mois  avec  elle.  Léonie  est  pauvre;  elle 
a  pour  père  un  viveur,  qui  spécule  sur  la  beauté  de  sa  fille,  et  sous 
des  dehors  convenables,  celle-ci  cache  une  âme  bien  vilaine.  En  arri- 
vant au  château,  son  premier  soin  est  d'attirer  l'attention  de  M.  de 
Roquevaire  qui  n'a  pas  encore  dépouillé  du  tout  le  «  vieil  homme.  » 
La  manœuvre  infâme  réussit.  Roquevaire  quitte  sa  femme  et  enlève 
Léonie  Derlange.  Ils  vont  vivre  je  ne  sais  où.  Mais,  quelle  vie!...  Un 
enfer!  Emportements,  caprices,  scènes  de  jalousie,  rien  ne  manque  à 


—  10  - 

ce  concert  d'amertumes,  pas  même  le  coup  de  revolver,  qui  faillit  tuer 
Roquevaire.  C'en  est  trop.  Il  revient  au  bercail  et,  soigné  par  Alice,  qui 
lui  pardonne,  il  se  reprend  encore  à  la  vie,  au  bonheur,  à  l'espoir.  Une 
certaine  analogie  existe  entre  cette  Fin  d'amour,  de  M.  François  Vilars, 
et  l'Ami,  de  M.  Edwart  Sansot.  La  différence  réside  surtout  dans  le 
sexe  des  suborneurs  et  des  voleurs  du  bien  d'autrui.  En  deux  mots, 
voici  le  sujet  de  l'Ami  :  André  Marger,  fils  d'un  médecin  du  Gers, 
après  de  brillantes  études  de  droit,  sert  de  secrétaire  à  un  avocat 
célèbre  de  Paris,  M"  Fermât.  Celui-ci  a  une  fille,  Lucy,  fort  intelli- 
gente, mais  fort  mal  élevée.  Entendons-nous  :  je  veux  dire  qu'elle  a 
reçu  une  éducation  détestable,  à  la  nouvelle  mode.  Lucy  s'éprend 
d'André  Marger,  et  l'épouse.  Il  est  impossible  de  voir  un  mariage  plus 
mal  assorti.  Marger  a  des  principes  religieux  ;  sa  femme  n'en  a  pas. 
Marger  aime  l'étude  et  la  vie  de  famille  ;  sa  femme  n'aime  que  le 
monde  et  le  plaisir.  Marger  est  de  tempérament  calme;  sa  femme  est 
de  feu.  Dans  ces  conditions,  quand  r«  ami  »  paraît,  il  ne  tarde  guère  à 
devenir  1'  «  amant.  »  Cet  ami,  Jean  Vautel,  est  un  ancien  condisciple 
d'André  :  libertin,  vaniteux  et  ricbe.  André  l'accueille  chez  lui  en 
toute  confiance.  Aveuglé  sur  les  prétendues  qualités  de  sa  femme, 
croyant  à  sa  vertu,  il  ne  craint  pas  de  laisser  les  deux  complices  en- 
semble des  journées  entières.  Aussi  l'adullère  s'étale-t-il  impunément  à 
son  foyer.  Atteint  d'une  fluxion  de  poitrine  et  sur  le  point  de  mourir, 
André  supplie  Jean  Vautel  (c'est  complet!]  d'épouser  sa  veuve,  dès 
qu'il  ne  sera  plus.  Les  coupables  s'épousent,  en  effet  ;  mais,  punition 
terrible!  de  ce  jour  l'amour  est  mort  en  eux;  et,  quoique  mariés,  ils 
vivent  dorénavant  comme  deux  étrangers.  Pourquoi  faut-il  que  M.  Ed- 
wart  Sansot  ait  cru  devoir,  de  gaieté  de  cœur  et  très  inutilement,  sa- 
crifier aux  dieux  libertins  et  naturalistes  du  jour?  Il  se  rencontre  dans 
rAmi  une  dizaine  de  pages  que  nous  ne  saurions  trop  réprouver  d'au- 
tant qu'elles  font  absolument  tort  à  beaucoup  d'autres  qui  sont  pleines 
de  charme,  de  grâce  et  d'une  réelle  fraîcheur  de  style  et  d'idées. 
Vraiment,  on  dirait  qu'il  n'existe  en  France  qu'un  public  pourri, 
pervers  et  obscène,  pour  lequel  la  jeune  littérature  de  cette  fin  de  siècle 
peine  et  geint.  Quand  donc  viendra  le  romancier  puissant,  qui  saura 
faire  vrai  sans  faire  immonde,  et  dont  l'œuvre,  pleine  de  suc,  à  la  fois 
ardente  et  salubre  comme  un  vin  généreux,  s'adressera  aux  cervelles 
viriles,  aux  intelligences  avides  du  beau? 

7.  —  Retour  fatal,  de  M.  ou  M'"<'  Paul  Manz  (car,  à  certains  traits,  on 
reconnaît  une  plume  féminine),  pourrait  s'intituler  aussi  :  De  la  blonde 
à  la  brune,  de  la  brune  à  la  blonde.  Le  bonheur  est  du  côté  blond,  mais 
la  passion  est  du  côté  brun,  et  entre  les  deux  le  cœur  du  malheu- 
reux Armand  Rivière  balance.  Ou  plutôt  non  :  il  finit  par  se  fixer,  et 
c'est  la  brune  qui  l'emporte.  Armand  dédaigne  Marguerite  pour  Laui'e. 


—  il  - 

Méprise  fatale,  s'il  en  fat  !  M.  ou  M"»"  Paul  Manz  en  décrit  toutes  les 
péripéties,  jusqu'au  suicide  final.  J'aurais  voulu  la  suivre  avec  atten- 
tion dans  le  récit  de  ce  drame  de  famille.  Son  style  m'en  a  détourné. 
On  trouve  dans  Retour  fatal  des  phrases  de  ce  genre,  qu'on  croirait 
empruntées  à  M™®  Cottin  ou  au  vicomte  d'Arlincourt  :  «  De  bonne 
heure  veuve  (il  s'agit  d'une  créole],  au  moment  critique  où  sa  beauté 
jadis  remarquable  commençait  à  souffrir  du  déclin  prématuré  des 
femmes  de  sou  pays,  elle  avait  rallumé  les  flambeaux  de  l'hyménée  avec 
un  jeune  méridional.  »  0  Malek-Adel  !  ô  Ipsiboé  !...  Et  celle-ci  :  «  L'en- 
fant de  ses  premières  noces,  élevée  jusqu'alors  au  milieu  des  gâteries 
passionnées  d'une  mère  qui  s'admirait  en  les  naissants  attraits  de  sa 
fille,  devenait  de  ce  jour  un  témoin  doublement  importun  à  ses  conju- 
gales amours,  en  lui  comptant,  avec  l'irrécusable  éclat  d'une  hâtive  et 
superbe  croissance,  les  années  superflues  qu'elle  eût  souhaité  pouvoir 
faire  oublier  autant  qu'oublier  elle-même.  »  Quelle  phrase,  juste  ciel  ! 
Je  me  permets  de  la  signaler  aux  décadents  :  ils  en  seront  certaine- 
ment jaloux.  Encore  une  autre  perle,  pour  finir  :  «  Chaque  année,  elle 
ne  manquait  jamais  de  lui  donner  (à  son  mari)  un  de  ces  gages  vivants 
qui  sont  la  joie  et  l'union  des  époux.  »  Tout  cela  pour  dire  que  la  fé- 
conde créole  accouchait  annuellement  d'un  enfant.  Voilà  bien  des  ma- 
nières, Madame  !  Et  si  vous  eussiez  vécu  au  xvii«  siècle,  Molière  vous 
eût  certainement  épinglée  dans  la  collection  de  ses  Précieuses  ridicules. 
Soyons  juste  pourtant.  Retour  fatal  ne  laisse  pas  que  d'avoir  quelques 
pages  de  meilleure  allure.  Je  citerai  notamment  deux  paysages  :  une 
esquisse  de  l'Océan,  vu  du  rivage,  et  un  coucher  de  soleil,  qui  en  don- 
nent la  parfaite  et  profonde  sensation. 

8.  —  «  Oh;  ce  Paris,  ce  qu'on  lui  envoie  et  ce  qu'il  nous  renvoie  !  » 
Ainsi  s'exprime  dans  Sapho,  la  bonne  tante  Divonne,  à  propos  de 
Jean  Gaussin  d'Armandy.  La  mère  de  Jean  du  Bédat  n'a  pas  de  Paris 
une  aussi  mauvaise  opinion.  Elle  espère  bien  que  Paris  ne  fera  pas  de 
son  fils  un  aussi  triste  sire  que  le  neveu  de  la  tante  Divonne.  Elle 
craint  seulement  que  la  grande  dévoratrice  d'hommes  ne  le  lui  rende 
plus  et  la  pauvre  femme  n'a  pas  torl.  Épris  de  littérature  et  d'art, 
Jean  du  Bédat  a  quitté  le  pays  natal  pour  venir  s'essaj-er  dans  le  jour- 
nalisme parisien.  Il  a  du  talent,  et  deux  articles  de  lui  :  l'un  sur  Gam- 
betta,  l'autre  sur  Napoléon,  sont  des  morceaux  de  maître.  Mais  son 
nom  ne  fait  pas  prime  sur  le  turf  de  la  presse  boulevardière.  Il  faut 
attendre,  il  faut  souffrir,  il  faut  lutter.  M.  Boyer  d'Agen,  en  un  style 
ému,  éloquent,  vivant  et  sincère,  nous  dit  toutes  ces  souffrances,  toutes 
ces  attentes,  toutes  ces  luttes,  toutes  ces  déceptions.  Évidemment, 
Monsieur  le  rédacteur  !  est  un  peu  son  histoire.  Cela  se  sent  :  sienne  ou 
non,  l'histoire  est  poignante.  Enfin,  après  cinq  ans  d'efforts,  de  sacri- 
fices et  même  d'humiliations,  Jean  du  Bédat  parvient  à  se  faire  une 


—  12  — 

place  dans  ce  journalisme,  dans  celte  mêlée  lilléraire  où,  comme  l'a 
prouvé  M.  Frédéric  Loliée,  dans  Nos  Gens  de  lettres,  percent  et  brillent 
seuls  les  patients  et  les  forts.  Donc,  Jean  du  Bédat  a  réussi.  Et  la  vieille 
mère?  Hélas!  à  bout  de  résignation  et  décourage,  la  vieille  mère 
meurt  là-bas,  sans  avoir  pu  embrasser  son  enfant.  Forçat  de  la  vie  pa- 
risienne, son  enfant  n'a  même  pas  répondu  à  ses  lettres  désespérées. 
Et  il  ne  quitte  Paris  que  le  jour  où  une  dépêche  lui  apprend  que  sa 
mère  n'est  plus.  Encore  n'arrive-t-il  pas  à  temps  pour  lui  rendre  les 
derniers  devoirs  et  présider  à  ses  obsèques.  Triste!  triste!....  Oui,  la 
vieille  mère  avait  raison  d'apostropher  ainsi  la  grande  ville  :  «  Oh  !  ce 
Paris,  ce  Paris  qui  vous  dévore  vos  enfants  jusqu'à  la  foi  de  l'àme, 
jusqu'à  l'amour  du  cœur  !  Ce  Paris  à  qui  vous  redemandez  vos  petits 
et  qui  ne  vous  rend  même  pas  les  cadavres.  »  Monsieur  le  rédacteur  !  est 
un  livre  plein  de  larmes  :  il  est  plein  aussi  de  révélations.  D'un  trait, 
et  en  déguisant  leurs  noms  à  peine,  M.  Boyer  d'Agen  peint  tous  les 
journalistes  contemporains  un  peu  en  vue  :  Henry  de  Panne  (de  Pêne, 
aujourd'hui  mort),  correct  comme  un  seigneur  du  xix«  siècle  dans  sa 
redingote  boutonnée  et  son  monocle  vissé  sur  l'œil  ;  Marc-Aurèle 
Scolia  (Aurélien  Scholl),  à  qui  la  renommée  fait  avaler  un  turc  et  un 
sabre  par  jour  ;  Henri  Fouquet  (Fouquier),  un  Gromwel  blond,  dont 
l'âme  serait  tendre  ;  Auguste  Vital  (Vitu),  fin  comme  une  demoiselle 
qui  vieillit,  érudit  comme  un  vieux  moine  qui  devient  jeune.  La  ga- 
lerie est  fort  intéressante,  et  tous  défilent,  depuis  Sarcelle  (Sarcej')  For- 
teroche  (Rocheforl),  Mangin  (Magnard),  jusqu'à  Éverine  (Séverine,  du 
Cri  du  peuple]^  les  habitués  du  Chat-Noir  et  les  écrivains  puffîsles,  dont 
le  type  s'incarne  dans  un  certain  Laroquetle  (G.  Roques),  qui  a  trouvé 
le  moyen  de  gagner  cent  mille  francs  par  an,  en  mélangeant  habile- 
ment la  littérature  aux  pastilles  Géraudel.  En  retour,  il  est  au  nom 
même  de  la  dignité  des  lettres,  vigoureusement  excommunié  par  le 
seigneur  de  Ghatville  (Rodolphe  Salis),  Rolline  (RoUinat),  Bouche  d'or 
(Maurice  Boucher).  Ce  n'est  pas  celte  partie  du  roman  de  M.  Boj-er 
d'Agen  qui  me  plaît  le  plus.  Je  lui  préfère  les  émotions  du  début,  les 
luttes  de  Jean  du  Bédat,  ses  imprécations  contre  le  sort,  la  mort  de 
sa  vieille  mère  et  le  récit  de  son  voyage  en  chemin  de  fer,  un  jour  de 
canicule.  H  y  a  là  une  page  splendide  inspirée  d'une  des  meilleures 
poésies  de  Leconte  de  l'Isle  : 

Midi,  roi  des  étés,  épandu  sur  la  plaine. 

Monsieur  le  Rédacteur!  n'est  pas  écrit  pour  les  jeunes  filles.  Mais  que 
nous  sommes  loin  de  la  Couine,  du  môme  auteur,  et  même  de  sa  J^cnus 
de  Paris,  deux  œuvres  bestiales  cl  brulales,  qu'il  est  impossible  d'ana- 
lyser! C'est  une  voie  nouvelle  [Le  Pays  natal  Tindiquail  déjà)  que 
paraît  vouloir  suivre  M.  Boyer  d'Agen.  H  fera  bien  d'y  persévérer. 


—  13  - 

9.  —  M.  Eugène  Morand  suppose  que  saint  Antoine,  ressuscité,  mis 
au  défi  par  le  démon,  quitte  un  beau  matin  sa  Thébaïde,  et,  avec  son 
légendaire  compagnon,  vient  visiter  Paris,  ce  Paris  de  Jean  du  Bédat, 
«  dans  lequel  se  résument  toutes  les  tentations.  wLes  aventures  du  saint 
anachorète  sont  des  plus  désopilantes,  et,  pour  un  ancien  buveur 
d'eau,  pour  un  contemplateur  austère,  quelquefois  passablement 
folichonnes.  Curieux  et  friand  de  tous  les  spectacles  de  la  vie  contem- 
poraine, il  va  au  théâtre,  au  concert,  au  Salon  de  peinture,  au  bois  de 
Boulogne,  à  l'Académie  française,  aux  courses,  au  conseil  municipal. 
Un  ivrogne  l'entraîne  dans  un  meeting  anarchiste  :  on  le  force  à  poser 
sa  candidature.  Une  conférencière  inexorable  veut,  à  toute  force,  faire 
de  lui  son  quatrième  mari,  et  il  a  toutes  les  peines  du  monde  à  se 
débarrasser  de  cette  Putiphar  rouge.  On  l'invite  aux  ventes  de  charité  ; 
on  l'accapare,  on  se  le  dispute  :  il  ne  sait  à  qui  entendre,  et  il  finirait 
par  mal  tourner,  si  son  fidèle  compagnon  ne  l'hypnotisait  et  ne  le 
reconduisait  ainsi,  par  petites  étapes,  dans  son  tranquille  désert.  Assu- 
rément, l'auteur  du  Roman  de  Paris  aurait  pu  choisir  un  autre  héros. 
Il  fait  assister  saint  Antoine  à  des  choses  si  étranges  que  cela  devient 
plus  qu'irrévérencieux.  Mais  il  y  a  quelques  circonstances  atténuantes. 
D'abord,  M.  Morand  n"a  mis  dans  son  choix  aucune  méchanceté.  Il  a 
pris  saint  Antoine  et  son  compagnon,  comme  Lesage,  dans  son  Diable 
boiteux,  prit  le  démon  Asmodée  et  l'étudiant  Cléophas.  En  outre,  depuis 
Gallot  jusqu'à  Gustave  Flaubert,  les  écrivains  et  les  artistes  ont  accom- 
modé le  bon  saint  et  son  humble  ami  à  tant  de  fantaisies  qu'une  de 
plus  ne  peut  rien  enlever  à  leur  excellente  réputation.  Ce  livre  est 
d'ailleurs  moins  un  roman  qu'une  revue  de  tous  les  mondes  parisiens, 
une  satire  des  vices  et  des  travers  de  cette  fin  de  siècle,  une  comédie 
ironique,  pleine  d'humour  et  de  verve,  parfois  d'indignation,  une 
pièce  à  tiroirs  enfin,  avec  des  scènes  détachées,  quelque  chose  comme 
la  Foire  de  Saint-Germain  de  Regnard.  La  Fontaine  a  bien  eu  raison 
de  dire  que  l'on  avait  souvent  «  besoin  de  plus  petit  que  soi.  »  Le 
saint  Antoine  de  M.  Morand  en  est  la  preuve.  Sans  son  compagnon,  il 
lui  arriverait  toutes  sortes  de  désagréments.  Le  bon  sens  et  le  juge- 
ment .sont  dans  le  cochon.  Son  maître  n'est  qu'un  gobe-mouche,  un 
don  Quichotte.  Lui  fait  l'office  de  Sancho.  Même  esprit  d'équilibre 
d'ailleurs,  même  philosophie  populaire,  mais  avec  plus  de  gravité  et 
de  retenue.  Il  remet  à  leur  place  les  fainéants ,  les  «  sublimes  »  les 
ouvriers  de  la  pensée,  les  démagogues,  les  politiciens,  les  charlatans 
du  journalisme  et  les  exploiteurs  du  peuple.  Il  dénonce  les  intrigues 
et  les  lâchetés  du  jour.  Il  tonne  contre  les  paulbertistes  qui  veulent  le 
vivisecter.  Bref,  .,  épargne  à  ce  pauvre  saint  Antoine  une  foule  de 
sottises.  C'est  le  moraliste  du  roman.  Corrigera-t-il  quelqu'un?  — 
Nous  en  doutons. 


—  14  — 

10.  —  M.  Rosuy  cultive  le  roman  scienlitique  et  le  roinau  social.  Et 
il  y  réussit.  Son  Bilatéral  était  une  œuvre  bien  touffue,  bien  exubé- 
rante, mais  aussi  fort  originale  et,  sur  beaucoup  de  points,  bien  terri- 
blement vraie.  Marc  Fane  possède  les  mêmes  qualités,  avec  les  mêmes 
défauts.  Le  socialisme  de  Marc  et  celui  de  son  oncle  Honoré  sont  d'une 
nature  toute  particulière.  Tous  les  deux  se  réclament  d'une  méthode 
identique  d'observation  :  ils  ont  des  instincts  communs  de  mansué- 
tude, une  tendance  analogue  à  s'occuper  quand  même  du  bonheur 
de  l'humanité.  Seulement,  Honoré  est  un  rêveur,  et  Marc  un  homme 
d'action.  Avec  cela,  pratique  et  possibiliste,  voulant  ramener  l'âge 
d'or  sur  la  terre  par  des  réformes  utiles  et  progressives,  «  niant  le 
saut  »  pour  une  masse  d'hommes,  ainsi  que  pour  la  nature,  exécrant 
les  moj^ens  révolutionnaires,  plein  d'horreur  enfin  pour  les  holo- 
caustes de  la  guerre  civile.  Hélas!  le  pauvre  garçon  ne  tarde  pas  k 
s'apercevoir  que  la  plupart  des  meneurs  du  socialisme  contemporain 
ne  sont  que  des  farceurs.  Très  convaincu,  il  prend  la  parole  dans  les 
réunions  publiques  pour  le  triomphe  de  ses  idées,  et  comme  ces  idées 
ne  flattent  ni  l'orgueil  d'un  Garoulle,  ni  l'absolutisme  d'un  Digues,  ni 
les  bas  instincts  de  la  foule,  il  se  voit  injurié,  diffamé  et  ouvertement 
traité  de  mouchard.  Alors,  le  mépris  et  l'écœurement  le  prennent,  et  il 
retourne  à  la  vie  de  famille,  au  travail,  avec  toujours  la  «  volonté  du 
Beau,  du  Sacrifice  »  et  de  ce  qu'il  croit  être  le  Vrai.  Finalement,  il 
comprend  que  ses  généreuses  utopies  ne  sont  pas  près  de  se  réaliser. 
A  l'optimiste  détei'miné  qui  était  en  lui,  succède  un  sceptique  intelli- 
gent, sinon  un  pessimiste.  Marc  Fane  est  émaillé  de  doctrines  plus  ou 
moins  acceptables.  Certaines  même  sont  d'une  hétérodoxie  radicale. 
Aucune  cependant  ne  procède  d'un  sentiment  vil.  On  ne  peut  que  les 
réprouver  mais  sans  répugnance  ni  dégoût.  Quant  à  la  théorie  de  l'au- 
teur sur  les  songes,  elle  est  fort  ingénieuse,  et  nous  avons  lu  jadis 
quelque  chose  d'approchant  dans  un  livre  anonyme  et  bizarre,  paru  en 
1867,  sous  ce  titre  :  Des  rêves  et  des  moyens  de  les  diriger.  A  noter  aussi, 
à  propos  des  pressentiments,  cette  échappée  fugitive  sur  le  monde 
invisible ,  auquel  M.  Rosny  paraît  ne  pas  croire  :  «  L'âme  vient  chu- 
choter l'adieu  aux  êtres  chers,  avant  son  assomption  vers  les  gouffres 
de  l'éternité.  » 

H.  —  Si  jamais  il  y  eut  un  saint  prêtre  en  ce  monde,  ce  fut  certai- 
nement l'abbé  Millet,  curé  d'une  humble  paroisse  de  Picardie.  Bon, 
scrviable,  sans  fierté  aucune,  le  premier  partout  où  un  malheur  écla- 
tait (incendies,  épidémies,  inondations),  l'abbé  était  le  dévouement  et 
la  charité  en  pci'sonne.  Il  ne  se  laissait  rien,  et  quand  sa  vieille  ser- 
vante Manette  lui  disait  qu'il  finirait  ses  jours  sur  la  paille,  le  brave 
curé  se  contentait  de  répondre  :  «  Sur  la  paille,  Manette,  mon  divin 
maître  y  est  né  ;  je  puis  bien  y  mourir,  n'est-ce  pas  ?  »  Ses  paroissiens 


—  lu  — 

l'adoraient.  Et  poui-laut,  entre  eux,  ils  ne  se  privaient  pas  de  certaines 
allusions  à  ce  qu'ils  appelaient  «  son  gros  péché.  »  Deux  ou  trois 
bigotes  même  n'en  parlaient  qu'en  se  signant,  et  avec  des  réticences 
mystérieuses  qui  en  faisaient  supposer  long.  Les  bonnes  âmes  chari- 
tables !...  Avant  de  propager  leurs  jugements  téméraires  et  venimeux, 
elles  auraient  bien  dû  s'enquérir  des  faits  et  ne  pas  se  prononcer  ainsi 
sur  de  simples  apparences.  Quel  était  le  «  gros  péché  »  de  l'abbé 
Millet?  Rassurez-vous,  lecteurs.  Il  n'y  a  ici  rien  de  honteux  ni  de 
scandaleux.  L'abbé  Millet  paie  la  pension  et  reçoit,  en  vacances,  une 
tlllette  dont  il  se  dit  le  parrain.  La  tendresse  qu'il  lui  témoigne ,  sa 
sollicitude  pour  cette  orpheline  ont  éveillé  les  soupçons  des  méchants 
et  des  libres-penseurs.  On  lui  attribue  avec  cette  jeune  personne  un  lien 
plus  étroit  que  le  parrainage.  Le  plus  ardent  à  l'accuser  est  un 
certain  docteur  Rousselle,  pétri  d'orgueil,  bourré  de  sophismes,  plein 
d'intolérance,  et  à  qui  l'abbé  Millet  a  déplu,  parce  qu'il  n'a  pas  voulu 
se  prêter  à  satisfaire  les  ambitieux  caprices  de  ce  tj^ranneau  de  village. 
Le  docteur  Rousselle  est  maire  de  la  commune  dont  l'abbé  Millet  est  le 
desservant.  Autoritaire  et  irascible,  M.  le  maire  a  juré  la  ruine  et  la 
disgrâce  du  vénérable  ecclésiastique.  Il  profite  d'une  tournée  pastorale 
de  l'évêque  pour  inviter  celui-ci  à  un  repas  somptueux.  En  même 
temps,  il  invite  le  curé,  qui  accepte,  n'y  entendant  pas  malice.  Au 
milieu  du  dîner,  devant  l'évêque  et  les  autres  convives,  le  docteur 
interpelle  brutalement  le  pauvre  abbé  Millet  et  lui  demande  l'histoire 
de  son  «  gros  péché.  »  Pas  moyen  de  reculer  :  le  silence  équivaudrait 
à  l'aveu  d'une  faute  inavouable.  L'abbé  Millet  s'exécute.  Il  y  a  de  cela 
dix-huit  ans,  dans  une  localité  où  il  exerçait  les  fonctions  de  vicaire, 
une  jeune  fille  vint  frapper  à  la  porte  du  presbytère.  Mourante  de  faim 
et  de  froid,  cette  jeune  fille,  chassée  par  un  père  sans  entrailles,  était 
enceinte.  Un  jeune  homme  l'aimait  et  voulait  l'épouser.  Elle  céda. 
Mais  le  père  resta  sans  pitié.  L'abbé  Millet,  après  avoir  confessé  l'in- 
connue, la  fit  transporter  chez  le  bedeau,  où  elle  mourut  en  accouchant 
d'une  enfant  du  sexe  féminin  à  qui  elle  désira  que  l'abbé  Millet 
donnât  le  nom  d'Armande.  Mais  la  mort  ne  lui  laissa  pas  le  temps  de 
déclarer  qui  était  le  père  de  cette  enfant.  Ne  consultant  que  son  bon 
cœur,  l'abbé  Millet  adopta  l'orpheline  et  la  fit  élever.  Vous  ,'oyez  bien 
qu'il  n'y  a  nullement  à  rougir  du  ^v  gros  péché  «  de  l'abbé  Millet.  Il 
me  reste  à  dire  que  l'homme  dénaturé  qui  se  montra  ainsi  impitoyable 
pour  sa  fille  n'était  autre  que  le  docteur  Rousselle.  Heureusement  qu'il 
ne  tarda  pas  à  disparaître  de  ce  monde.  Au  dénouement,  Armande,  la 
pupille  de  l'abbé  lillet,  retrouve  son  père,  et  elle  épouse  un  brave 
garçon,  tout  à  fait  digne  d'elle.  N'était  le  titre  dont  se  formaliseront 
maints  esprits  étroits  qui  se  scandalisent  de  tout,  le  Gros  Péché  de 
l'abbé  Millet  est  un  roman  fort  honnête,  très  moral  :  et.  comme  ce  titr* 


—  16  — 

pourrait  donner  à  supposer  le  contraire,  j'ajoute  qu'il  n'est  pas  du  tout 
anticlérical. 

12  et  13.  —  Il  est  bien  dommage  que  Drichetle,de  M™"  Jeanne  Leroy, 
soit  aussi  neutre  qu'un  manuel  civique.  L'œuvre  est  honnête  égale- 
ment ;  elle  renferme  des  péripéties  touchantes  ;  elle  met  en  scène  de 
bien  braves  gens  :  Andrée,  sa  mère,  les  Valienne  père  et  fils,  même  la 
tante  Norine  qui  fait  plus  de  bruit  que  de  mal.  Mais  je  défie  le  lecteur 
de  deviner  à  quelle  religion  appartiennent  ces  méritantes  personnes. 
Rien  ne  l'indique  :  ni  un  mot,  ni  une  allusion,  ni  même  une  excla- 
mation. Une  note  chrétienne,  jetée  çà  et  là,  sans  insistance,  eût  rendu 
cette  Drichelte  parfaite.  La  note  manque,  et  il  s'en  dégage  je  ne  sais 
quoi  d'incomplet  et  de  froid.  U^^  Samson,  dans  la  Vie  d\me  fenwie  du 
monde,  a  bien  eu  soin  d'éviter  ce  parti-pris  de  laïcisme,  et  son  roman 
y  gagne  sous  tous  les  rapports.  Déjà  l'Académie  française  avait  cou- 
ronné d'elle  un  roman  intitulé  :  L'Education  dans  la  famille.  Récom- 
pense méritée.  La  Vie  d'une  femme  du  monde  est  le  complément  de  ce 
premier  ouvrage,  et  nous  y  voyons  réapparaître  le  principal  person- 
nage :  Mathilde  Le  Perrier,  qui  est  aujourd'hui  M"»®  Raymond  Gham- 
blay.  Mère  accomplie,  épouse  irréprochable,  elle  sait  conserver  parfaite 
l'union  dans  son  ménage.  A  côté  d'elle  et  comme  repoussoir  une  cer- 
taine W^  de  Moëssart,  uniquement  occupée  de  sa  parure,  de  ses  plai- 
sirs, et  pour  qui,  conséquence  toute  naturelle,  le  mariage  est  un  en- 
fer. Sans  homélie  ni  sermon,  rien  que  par  les  faits,  M"""  Samson  dé- 
montre la  nécessité  d'une  éducation  religieuse  pour  la  femme.  On  trou- 
vera aussi  dans  son  livre  des  détails  utiles  et  très  pratiques  sur  la 
vraie  manière  de  bien  tenir  une  maison,  de  recevoir,  d'organiser  une 
soirée,  de  présider  un  dîner...  Que  sais-je  encore?  Il  y  a  même,  ce 
me  semble,  des  recettes  de  cuisine.  Ne  nous  en  offusquons  pas  :  le 
roman  se  prête  à  tout,  comme  la  comédie,  et  ne  trouve-t-on  pas  la 
formule,  maintenant  très  à  la  mode,  d'une  salade  japonaise  dans  la 
Francillon,  de  M.  Alexandre  Dumas. 

14. —  Si  M.  Emile  Zola  n'avait  pas  publié  la  Terre,  M.  Georges 
Beaume  aurait-il  écrit  ses  Cyniquesl  Le  doute  est  permis  tellement  ce 
roman-ci  s'inspire  de  l'autre.  Il  s'inspire  aussi  des  paysanneries  de 
M.  Léon  Gladel,  et  pourtant  l'auteur  est  bien  lui;  il  est  lui  sur- 
tout par  le  style  :  un  style  vigoureux,  coloré,  sonore,  suggestif, 
toujours  soutenu,  presque  impeccable.  Tel  de  ses  paysages  du 
Quercy  est  parlant.  La  description  de  la  vendange  en  automne  et 
d'une  pluie  en  décembre  sur  les  bords  de  l'Espignc  sont  des  tableaux 
à  la  Millet.  Mais,  grands  dieux  !  quelle  triste  idée  M.  Beaume  nous 
donne  des  paysans  quercynois  !  Cupides,  sournois,  bjpocriles, 
n'ayant  qu'une  passion  :  augmenter  leurs  lopins  de  terre  par  n'im- 
porte quel  moyen.  Ils  donneraient   leur    dme  au   diable,  prostitue- 


—  17  - 

raient  leurs  femmes  au  premier  venu  et  vendraient  leurs  filles  pour 
satisfaire  celte  soif  de  la  terre  qui  les  dévore.  J'ai  dit  qu'ils  vendraient 
leurs  filles.  C'est  précisément  ce  que  font  le  père  et  la  mère  Maurac  : 
les  deux  principaux  Cyniques  de  M.  Georges  Beaume.  Ils  vendent  bel 
et  bien  leur  fille,  Fine,  au  jeune  châtelain  de  l'endroit,  Maurice  de 
Valdeize.  Celui-ci  a  été  frappé  de  la  beauté  de  la  gardeuse  d'oies  :  il  la 
recherche  en  libertin  qu'il  est.  Or,  son  caprice  passé ,  voilà  qu'il  en 
devient  sérieusement  amoureux,  et  qu'il  l'épouse.  A  côté  des  Maurac, 
évoluent  d'autres  brutes,  non  moins  débraillées,  non  moins  obscènes, 
n'ayant  d'autre  guide  que  leur  instinct,  quand  ce  n'est  pas  le  plus 
pervers  des  calculs.  Sans  aller  aussi  loin  que  M.  Zola  dans  les  tableaux 
crûs,  M.  Beaume  ne  s'en  prive  cependant  pas,  à  l'occasion.  Braves  pay- 
sans de  la  vieille  terre  quercynoise,  race  croyante  et  forte,  êtes-vous 
réellement,  aussi  lamentablement  repoussants  que  cela?  M.  Emile 
Pouvilion,  qui  vous  connaît  bien,  vous  a  vus  tout  autrement.  Il  est 
vrai  qu'il  y  a  des  verrues  partout.  Les  Cyniques  de  M.  Beaume  sont 
peut-être  les  verrues  du  Quercy. 

lo,  16  et  17.  —  Il  est  peu  d'auteurs  étrangers  qui  sachent  bien  ma- 
nier notre  langue.  Yoici  pourtant  deux  romanciers  qui  font  exception  : 
l'Allemand  Paul  Lindau,  et  l'Anglaise  Ouida  (M"^  Louise  de  la  Ramée). 
Leurs  œuvres  écrites  en  français  ne  donnent  prise  à  aucune  critique. 
M.  Paul  Lindau  est  d'ailleurs  plus  qu'un  romancier  :  il  est  aussi  critique 
et  dramaturge.  Le  roman  n'est  pour  lui  qu'une  distraction.  Mon  ami 
Hilarius,  qui  nous  est  présenté,  dans  une  élégante  préface,  par  M.  Emile 
Augier,  tient  à  la  fois  de  Sterne  et  d'Hoffmann.  C'est  une  de  ces  études 
mi-philosophiques,  mi-scientifiques,  comme  les  affectionnent  les 
Allemands,  et  sous  le  couvert  desquelles  s'abritent  ironiquement,  soit 
une  thèse  singulière,  soit  un  paradoxe  inoffensif.  Cette  fois,  le  para- 
doxe s'incarne  dans  un  brave  Bavarois,  que  l'on  enferme  comme  fou, 
qui  ne  l'est  pas,  qui  le  devient,  et  qui  s'en  trouve  à  merveille.  Avant 
sa  folie,  il  était  tourmenté,  inquiet,  chagrin.  Depuis  qu'il  est  fou,  il  vit 
heureux  comme  un  poisson  dans  l'eau.  La  conclusion  serait  donc  que 
le  bonheur  parfait  réside  dans  la  perte  de  la  raison.  Mais  il  ne  faut  pas 
prendre  à  la  lettre  la  fantaisie  de  M.  Paul  Lindau.  Il  a  soin,  d'ailleurs, 
de  bien  montrer  quelle  est  son  opinion  en  cette  matière  ;  car  VAmi 
Hilarius  contient  un  réquisitoire  foudroyant  contre  certains  médecins 
aliénistes,  qui  voient  de  la  folie  partout,  et  qui,  si  on  les  laissait  faire, 
enfermeraient  l'humanité  entière  à  Charenton. 

Les  thèses  de  M.  Paul  Lindau  sont  discutables.  Celles  de  M"«  de  la 
Ramée  le  sont  bien  davantage.  J'ajoute  qu'elles  sont,  en  plus,  souve- 
rainement détestables.  Ce  bas-bleu  d'outre-Manche,  que  l'on  disait  na- 
guère vouloir  se  convertir  au  catholicisme,  s'acharne,  au  contraire, 
depuis  quelque  temps,  à  dénaturer  notre  histoii'e  religieuse  et  notre 
Juillet  1888.  T.  LUI.  2. 


—  18  - 

toi  avec  une  rage  diabolique.  Ainsi,  dans  Fille  du  Diable,  en  deux 
longs  volumes,  elle  s'escrime  à  vouloir  démontrer  que  le  catholicisme 
a  non  seulement  crétinisé  les  paysans  bretons,  mais  encore  les  a 
rendus  fanatiques,  féroces,  inhumains,  sans  entrailles  et  sans  cœur. 
Sa  prétendue  «  fille  du  diable,  »  à  qui  on  a  donné  le  sobriquet  de  Folle- 
Farine,  a  pour  père  un  Bohémien  et  pour  mère  une  jeune  paysanne, 
Rose  Flammat.  La  mère  morte,  on  apporte  une  nuit  l'enfant  au  grand- 
père,  meunier  brutal,  qui  la  roue  de  coups,  l'exténue  de  travail  et  la 
laisse  presque  sans  nourriture.  Or,  ce  meunier  est  un  des  hommes  les 
plus  religieux  de  l'endroit.  Les  voisins  et  les  voisines  approuvent  la 
conduite  de  Claude  Flammat.  Ils  renchérissent  même  sur  ses  cruautés. 
Pas  de  pitié  pour  l'enfant  de  Satan  !  «  La  beauté  exotique  qu'elle  tient 
du  sang  tzigane  fait  d'elle  un  objet  de  crainte  et  d'effroi  dans  tout  le 
pays  :  la  superstition  aveugle,  implacable,  transforme  en  crimes  ses 
actions  les  plus  innocentes,  les  plus  généreuses.  »  Il  en  résulte  des 
scènes  d'un  cannibalisme  ignoble.  Acteurs  :  des  gens  pieux,  de  fervents 
catholiques.  Dans  l'esprit  d'Ouida,  ces  monstres  seraient  des  êtres  ac- 
complis, doux,  débonnaires,  pleins  d'humanité,  s'ils  n'adoraient  pas  le 
«  Dieu  du  calvaire,  »  s'ils  n'avaient  d'autre  culte  que  celui  de  Folle- 
Avoine,  la  Nature,  où  s'ils  se  réfugiaient  dans  le  «  radieux  paganisme,  » 
comme  le  fait  le  Norwégien  Arslan,  un  peintre  pour  lequel  la  Fille  du 
Diable  jette  son  bonnet  par-dessus  le  moulin  de  son  grand-père. 

Certes,  les  blasphèmes,  les  incohérences,  les  divagations,  les  décla- 
mations, abondent  dans  Fille  du  Diable.  Eh  bien  !  malgré  tout ,  ce  ro- 
man vaut  encore  mieux  que  la  Comtesse  Vassali,  du  même  auteur.  De 
la  fange  blasphématoire  surgissent  çà  et  là  des  parcelles  d'or  ;  l'hosti- 
lité contre  le  catholicisme  n'y  efface  point  partout  l'empreinte  sincère 
d'un  sentiment  chrétien  qui  s'ignore.  Du  milieu  des  invraisemblances 
et  des  incohérences  surgissent  parfois  des  pages  lumineuses,  des 
scènes  grandioses.  Dans  la  Comtesse  Vassali,  rien  de  pareil,  le  livre 
est  creux,  ampoulé,  sans  art,  sans  talent,  sauf  le  chapitre  du  début. 
Il  sue  la  haine  :  une  haine  froide  contre  le  clergé  de  Rome.  Tous  les 
prêtres  italiens  sont  des  scélérats,  tous  les  rois  catholiques  sont  des 
monstres,  Garibaldi,  qui  coopère  au  dénouement,  est  un  dieu.  Dans  le 
milieu  de  l'ouvrage,  un  certain  prélat,  monsignor  Giulio  de  Villatlor, 
joue  un  rôle  tellement  odieux  qu'on  me  permettra  de  ne  pas  même  l'in- 
diquer. Il  n'y  a  de  beau,  de  grand,  de  pur,  que  le  gentilhomme  écos- 
sais lord  Erceldoune  et  que  la  comtesse  Idalia  Vassali,  protectrice  des 
peuples  esclaves,  martyre  de  l'indépendance  italienne  ,  muse  héroïque 
de  la  liberté.  Je  crois  superflu  d'eu  dire  davantage. 

18.  —  Il  est  écrit  que  M.  du  Boisgobey  ne  sortira  plus  du  monde  des 
escrocs,  des  joueurs,  des  rastaquouères  et  des  drôlesses.  Où  est  le 
temps  où  il  écrivait  les  Collets  noirs,  beau  roman  historique  sur  l'é- 


-  19  - 

poque  du  Directoire  ?  Le  Chalet  des  Pervenches  roule  sur  les  points  sui- 
vants, que  Fauteur  embrouille  de  son  mieux  pour  avoir  le  plaisir  (?) 
de  les  débrouiller  ensuite  :  assassinat  mystérieux,  à  Arcachon,  d'un 
Bordelais  nommé  Gémozac  ;  amour  de  Biscarros,  autre  Bordelais,  pour 
l'angélique  et  charmante  Nicole  de  Briouze  ;  intervention  de  la  com- 
tesse Dolorès,  une  créole  profondément  corrompue,  qui  veut  faire  épou- 
ser Nicole  à  son  complice  le  sieur  Fernand  de  Saint-Osvin,  et  qui  ac- 
cuse Biscarros  d'avoir  assassiné  Gémozac  ;  empoisonnement  de  Nicole 
par  Dolorès,  arrêtée  au  moment  psychologique  par  la  cadichonne  Ber- 
nadette. Quoi  encore?  Ma  foi,  je  ne  my  retrouve  plus.  Le  Chalet  des 
Pervenches  n'en  est  pas  moins  «  une  des  œuvres  les  plus  émouvantes 
qui  aient  paru  depuis  longtemps.  »  Ainsi  l'a  jugée  l'éditeur. 

19,  20  et  21.  —  Le  roman  historique  est  de  plus  en  plus  délaissé. 
Voici  pourtant  tro's  romanciers  qui  s'y  sont  essayés  encore  :  M.  Des- 
tremx  de  Saint-Ghristol,  dans  le  Château  de  la  reine  Blanche;  M.  Dé- 
siré Charnay,  dans  Une  princesse  indienne  avant  la  conquête;  M.  Isaac 
Bloch,  dans  les  Fils  de  Sarnsori. 

Le  Château  de  la  reine  Blanche  est  une  évocation  du  moyen  âge  che- 
valeresque, poétique  et  féodal.  Trois  des  chapitres  les  plus  intéressants 
sont  :  le  tableau  d'une  cour  d'amour  à  Anduze,  dans  les  Cévennes  ; 
une  chasse  au  faucon  dans  les  Ardennes  ;  l'arrivée  de  la  mère  de  saint 
Louis  au  château  de  Bermond  de  Sauve.  Le  dernier  rejeton  de  cette 
antique  lignée,  Pierre,  prétend  avoir,  par  sa  mère,  des  droits  sur  la 
maison  de  Toulouse.  Blanche  de  Castille  qui  a  commencé  la  croisade 
contre  Raymond  YII,  encourage  ses  prétentions,  et  plus  tard,  elle  pro- 
jette de  donner  la  fille  du  comte  de  Toulouse  pour  femme  à  son  féal 
chevalier.  Mais  il  était  écrit  que  ce  mariage  n'aurait  pas  lieu.  Pierre 
s'amourache  de  Josserande  de  Poitiers,  sœur  de  cette  Isabelle  de  la 
Marche  qui  fut  l'ennemie  acharnée  de  la  reine  de  France.  De  serviteur 
dévoué  de  la  reine,  Pierre  de  Bermond  devient  rebelle,  si  bien  que  le 
roi  saint  Louis  en  personne  lui  déclare  la  guerre.  Pierre  est  vaincu, 
son  château  est  démantelé,  ses  biens  sont  confisqués.  Et  ainsi  finit  la 
puissante  maison  des  Bermond  de  Sauve  et  d'Anduze.  Ce  roman  est 
précédé  d'une  lettre-préface  de  M.  Henri  de  Bornier,  qui  est  originaire 
des  régions  dont  M.  Destremx  de  Saint-Christol  connaît  à  fond  les  lé- 
gendes et  les  traditions.  Il  y  a  quelques  réserves  à  faire  sur  certaines 
de  ses  appréciations  historiques.  Le  protestantisme,  dont  il  est  un  des 
fidèles,  lui  fait  voir  certains  événements  sous  un  jour  qui,  à  notre  avis, 
n'est  pas  le  vrai.  Ajoutons  cependant  que  le  récit  du  chroniqueur  n'en 
souffre  pas  et  que  l'action  n'en  est  pas  ralentie. 

M.  Désiré  Charnay  est  un  explorateur  intrépide.  Il  a  parcouru  plu- 
sieurs fois  le  Mexique  et  l'Amérique  méridionale,  et,  dans  ses  voyages, 
il  a  recueilli  des  renseignements  précieux  sur  les  civilisations  an- 


—  20  - 

ciennes,  anlérieures  à  la  conquête  des  Espagnols.  On  croit  générale- 
ment que  les  peuples  conquis  par  eux  étaient  des  sauvages.  C'est  une 
erreur.  Le  Mexique  et  le  Pérou  jouissaient  avant  la  conquête  espagnole 
d'une  civilisation  brillante,  curieux  mélange  de  barbarie,  de  douceurs, 
de  luxe,  de  rudesse  et  de  férocité.  Les  Olmèques,  les  Toltèques,  les 
Aztèques  vivaient  dans  de  vastes  villes  bâties  avec  goût,  et  culti- 
vaient les  arts.  La  peinture,  la  sculpture,  la  mosaïque,  la  ciselure  de 
l'argent  et  de  l'or  avaient,  parmi  ces  peuples,  atteint  la  perfection. 
Leur  architecture  était  vraiment  merveilleuse.  Dans  Une  princesse  in- 
dienne, M.  Désiré  Cbarnay  ressuscite  cette  civilisation  disparue.  L'ac- 
tion de  son  roman,  qui  n'est  du  reste  un  roman  qu'à  demi,  se  passe 
au  xv^  siècle  dans  la  puissante  ville  d'Ouxmal  où  règne  le  roi  Ounkay. 
Un  des  premiers  aventuriers  espagnols  qui  aient,  après  la  découverte 
de  Colomb,  foulé  le  sol  du  nouveau  monde,  Gonzalo  Guerrero,  séparé 
de  ses  compagnons,  tombe  aux  mains  des  Indiens.  Il  va  être  sacrifié. 
Mais  sa  belle  mine  et  sa  fière  contenance  devant  la  mort  attirent  l'at- 
tention de  la  princesse  Couzam,  fille  d'Ounkay,  et  il  est  sauvé  par  elle 
malgré  l'acharnement  des  prêtres  du  dieu  Chac.  Couzam  aime  Guer- 
rero qui,  à  la  longue,  s'acclimate  dans  sa  nouvelle  patrie  et  devient  à 
son  tour  un  des  chefs  d'Ouxmal.  Dans  ce  cadre,  M.  Désiré  Cbarnay  a 
fait  revivre  tout  un  peuple,  toute  une  époque  :  rues  animées  et  turbu- 
lentes de  la  capitale  du  roi  Ounkay  ;  temples  formidables,  construits 
sur  des  esplanades  successives  qui  ajoutent  à  leur  grandeur  ;  fêtes 
prodigieuses  et  sanglantes  en  l'honneur  du  Soleil  ;  initiations  compli- 
quées de  la  chevalerie  indienne  ;  jeux  tragiques,  danses  nationales, 
mariages,  funérailles,  batailles  et  combats,  forment  dans  l'œuvre  de 
M.  Désiré  Cbarnay  une  série  de  tableaux  étranges  et  fabuleux.  Tel 
Gustave  Flaubert  nous  a  ressuscité  l'ancienne  civilisation  carthaginoise. 
Il  va  néanmoins  sans  dire  que  M.  Désiré  Charnay  ne  possède  pas  le 
style  magique  et  prestigieux  de  l'auteur  de  Salammbô.  Ce  qui  n'em- 
pêche pas,  malgré  des  gaucheries  de  forme  et  des  digressions  inu- 
tiles, sa  Princesse  indienne  d'ofïrir  un  palpitant  intérêt.  Je  le  recomman- 
derais sans  réserve  si  l'auteur  ne  s'était  pas  permis  certaines  réflexions 
risquées  (bien  inutiles  d'ailleurs)  sur  la  liturgie  et  le  culte  catholiques, 
sur  la  vertu  chrétienne,  sur  le  rôle  de  l'Église  dans  le  Nouveau 
Monde  et  sur  le  fanatisuie  du  clergé  espagnol,  représenté  par  l'ecclé- 
siastique Aguilar. 

Comment  se  recrutaient  certains  régiments  prussiens  au  xviii«  siècle  ? 
M.  le  grand-rabbin  Isaac  Bloch  nous  l'apprend  dans  les  Fils  de  Salo- 
mon.  Le  duc  Léopold  d'Anahlt-Dessau,  généralissime  des  armées  du 
roi  Frédéric  et  feld-maréchal  de  l'Empire,  se  déguisait  en  sergent  et 
allait  lui-même  dans  les  villages  de  son  duclié  raccoler,  de  gré  ou  de 
force,  les  gaillards  qui  lui  paraissaient  les  plus  solides  et  les  plus 


-  21  - 

beaux.  Ainsi  par  une  ruse  indigne,  il  enrôle  un  jeune  colporteur  juif 
taillé  en  hercule.  Ce  colporteur  était  de  Prague:  il  s'appelait  Lazare 
Tausig,  et  sa  famille,  au  dire  des  anciens  d'Israël,  descendait  de  Sam- 
son,  la  terreur  des  Philistins.  Lazare  ne  voulait  pas  s'enrôler.  —  S'em- 
parant  de  l'épée  du  raccoleur,  il  la  coupe  en  deux  d'un  tour  de  main. 
C'était  un  terrible  homme  que  le  duc  d'Anahlt,  et  rien  ne  pouvait 
dompter  ses  colères.  Furieux,  il  arrête  Lazare,  l'emprisonne  et  attend 
son  heure  pour  le  faire  fusiller.  Lazare  a  un  frère,  Ruben,  encore  plus 
fort  que  lui.  Celui-ci  entre  chez  le  duc  en  enfonçant  la  porte  d'un  coup 
d'épaule,  et  lui  demande  la  grâce  de  Lazare,  sans  quoi,  il  faudra  en 
découdre.  Vous  devinez  la  scène,  entre  ce  lion  et  cet  ours!  L'ours  ne 
cède  pas,  et  il  n'eût  jamais  cédé,  eùt-il  dû  être  coupé  en  deux  comme 
son  épée.  Mais  le  deus  ex  machina  surgit  au  moment  psychologique. 
C'est  la  fille  du  duc  d'Anahlt.  Ruben  lui  a  sauvé  la  vie  en  arrêtant  son 
cheval  au  bord  d'un  précipice.  Elle  demande  à  son  père  la  grâce  des 
fils  de  Samson  :  un  prêté  pour  un  rendu.  En  définitive,  elle  l'obtient. 
Récit  court,  mais  bien  mené. 

22,  23,  24  et  2o.  —  Glenaveril,  de  lord  Lytton,  ambassadeur  d'An- 
gleterre en  France,  ouvre,  ce  trimestre,  la  série  traduite  des  romans 
anglais.  Bon  chien,  dit-on,  chasse  de  race  et  le  proverbe  est  vrai 
pour  les  Lytton.  Littérairement,  lord  Lytton  se  présente  comme  le 
digne  héritier  de  son  père,  sir  Lytton  Bulwer,  l'auteur  des  Derniers 
Jours  de  Pornpéï.  Qu'est-ce  que  Glenaveril'^  Un  roman-poème  qui  a 
pour  base  les  lois  physiologiques  de  l'ata-vdsme.  Deux  enfants,  Em- 
manuel et  Yvor,  sont  confondus  au  berceau,  et  en  grandissant,  chacun 
d'eux  montre  des  goûts  opposés  à  la  situation  que  la  société  lui  a 
faite.  Les  deux  jeunes  gens,  qui  sont  liés  d'amitié,  imaginent  plus 
tard  d'échanger  en  voyage  leurs  positions  respectives.  Toutes  choses 
ainsi  se  trouvent  à  leur  place.  La  fatalité  arrête  cette  plaisanterie , 
et  alors  un  drame  commence,  drame  saisissant,  compliqué  d'une  in- 
trigue bien  conduite,  atténuée  par  une  chaste  idylle  (les  amours  d' Yvor 
et  de  Cordelia),  parsemé  de  réflexions  d'une  haute  portée  philosophique, 
et  qui  jusqu'au  dénouement  tient  l'esprit  en  haleine.  A  coup  sûr,  cette 
œuvre,  que  tout  le  monde  peut  lire  d'ailleurs,  n'est  pas  pour  plaire  à 
la  clientèle  ordinaire  de  MM.  Richebourg,  Arthur  Arnould  et  Xaxier 
de  Montépin;  mais  les  lettrés  prendront  certainement  plaisir  à  ces 
pages  dont  la  plupart  sont  d'mi  poète,  d'un  artiste  et  d'un  penseur. 

Lady  Estmer  est-elle,  oui  ou  non,  coupable,  et  son  mari,  sir  Lau- 
rence, qui  a  disparu  depuis  plus  de  vingt  ans,  existe-t-il  encore?  Tel 
est  le  double  problème  que  Philippe  Norris,  le  héros  de  Vivant  ou  Mort, 
cherche  à  résoudre.  Et  il  le  résout  en  découvrant  que  lui-même  n'est 
pas  Norris,  et  que  les  êtres  les  plus  chers  de  son  entourage  ne  sont 
pas  ceux  qu'il  croit.  Un  vieux  château  clos  et  oublié,  une  autre  de- 


—  22  — 

meure  solitaire  et  muette,  au  bord  de  la  mer,  représentent  les  deux 
décors  typiques  de  ce  drame  à  énigmes,  qui  pourrait  être  également 
intitulé  :  Les  Frères  sans  le  savoir. 

C'est  une  énigme  aussi  que  nous  offre  Wilkie  Collins,  dans  :  Je  dis  : 
Non.  Le  père  d'Emily  Brown  a-t-il  péri  assassiné,  comme  l'a  conclu 
l'enquête  judiciaire,  et  en  ce  cas,  quel  est  l'assassin?  La  jeune  fille  a 
juré  de  le  savoir,  malgré  les  obstacles  qu'on  lui  suscite.  Une  seule  per- 
sonne, miss  Jetbro,  a  la  clef  du  mystère.  Elle  refuse  obstinément  de 
parler,  et  dans  ce  rôle  équivoque  réside  le  fond  principal  de  l'intrigue. 
Sera-ce  donc  sur  le  révérend  Mirabel ,  passionnément  épris  d'Emily, 
et  qui  aide  ou  feint  d'aider  celle-ci  dans  son  enqu'^le  vengeresse  que 
doit  peser  la  responsabilité  du  meurtre  impuni?  Demandez  à  miss 
Jetbro  et  aux  aubergistes  du  Glinck.  Œuvre  touffue  et  qui  eût  gagné 
à  être  raccourcie  d'un  volume. 

Même  reproche  ferai-je  à  Sabina  Zembra.  Un  volume  suffisait  pour 
décrire  les  phases  si  diverses  et  si  souvent  cruelles  de  la  destinée  de 
Sabina,  fille  dédaignée  de  sir  Anthony,  membre  du  Parlement,  épouse 
délaissée  du  sporlmann  Fred  Forster.  Quels  égoïstes  personnages  que 
ce  Forster  et  cet  Anthony  !  L'un  ne  vit  que  pour  le  turf,  les  paris  et 
les  courses  de  chevaux.  La  femme  ne  compte  pas  pour  les  palefreniers. 
L'autre  est  un  vaniteux,  une  outre  gonflée  de  vent.  Toutes  ses  pensées 
convergent  à  rendre  son  nom  populaire,  et  il  n'est  pas  d'artifices  qu'il 
n'emploie  pour  faire  parler  de  lui.  Gomme  contraste,  nous  avons 
Walter  Lindsay,  peintre  de  grand  talent,  homme  de  grand  cœur,  qui 
se  laisse  aller  à  aimer  Sabina,  sans  toutefois  l'induire  à  manquer  à  ses 
devoirs.  Le  réalisme  de  Sabina  Zembra  n'a  rien  de  commun  avec  le 
naturalisme  ordurier.  Le  tourbillon  de  la  vie  de  Londres ,  les  salons, 
les  cénacles  artistiques,  les  bains  de  mer,  y  sont  peints  avec  relief  et 
couleur.  Ce  que  je  n'aime  pas,  ce  sont  les  illustrations.  Beaucoup  ce- 
pendant les  trouvent  fort  bien,  et  soutiennent  que  c'est  ainsi  qu'il 
faut  dessiner  aujourd'hui.  Je  n'y  contredis  pas.  Mais  chacun  son 
opinion. 

26,  27,  28  et  29.  —  Ne  pensez-vous  pas  qu'on  commence  à  nous  sa- 
turer de  littérature  slave  ?  Toutes  les  raclures  de  tiroirs  de  Tolstoï,  de 
Dosloïevsky  de  Pissemsky,  de  Gonlcharoff,  de  Tourgueneff,  nous  sont 
maintenant  servies  et  on  nous  traite  d'arriérés  si,  chaque  fois,  nous 
ne  crions  pas  au  chef-d'œuvre. 

Nul  plus  que  moi  —  et  j'en  ai  ici  maintes  fois  donné  des  preuves  — 
n'admire  des  œuvres  comme  la  Guerre  et  la  Paix,  Crime  et  Châtiment, 
la  Maison  des  lyiorls,  Mémoires  d'un  chasseur.  Nul  ne  goûte  mieux  la 
saveur  de  ces  récHs,  d'une  conception  souvent  si  puissante,  toujours 
originale,  mêlant  à  la  vérité  des  détails  le  charme  de  radieuses  échap- 
pées vers  l'idéal.  Mais  si  Victor  Hugo  disait  de  Shakespeare  qu'il  ad- 


-  23  - 

mirait  tout  <  comme  une  brute,  »  j'avoue  n'en  être  pas  encore  là  pour 

Tolstoï  et  Dostoïevesky.  Dans  la  pensée  russe,  il  y  a  beaucoup  à  criti- 
quer :  rincohérence,  l'extravagance  et  le  nuageux  y  tiennent  trop  de 
place.  Dans  l'art  russe,  il  y  a  beaucoup  à  discerner  :  s'il  a  des  beautés 
incomparables,  il  en  a  aussi  de  ténébreuses,  d'ennuyeuses  el  de  mo- 
notones. 

La  dernière  œuvre  de  Dostoïevsky,  les  Frères  Karamazov,  que  l'on 
vient  de  traduire,  me  semble  résumer  toutes  ces  qualités  et  tous  ces 
défauts  dans  leur  plus  intense  expression.  Quel  livre  indéfinissable  !... 
Ici  atroce,  là  splendide;  ici  fou,  là  génial.  L'auteur  s'y  montre  psycholo- 
gue incomparable  et  fantaisiste  échevelé.  Il  s'y  montre  aussi  caricatu- 
riste et  dramaturge,  en  d'innombrables  scènes  d'effroi  et  de  pitié. 
Effroi  et  pitié,  telles  sont,  en  effet,  les  deux  dominantes  de  cette  con- 
ception compliquée  et  Icuffiie.  On  dirait  la  Tentation  de  saint  Antoine, 
gravée  par  Gallot.  Le  lecteur  y  est  assailli  par  une  foule  d'ombres  chi- 
noises qui  tourbillonnent  à  travers  le  récit.  Amours  occultes,  crimes 
mystérieux,  âmes  inquiètes  ou  noires,  rêveries  fiévreuses,  dialogues 
qui  rappellent  Hamlet,  hallucinations  :  voilà  le  dédale  déroutant  et 
troublant  où  nous  entraîne  l'auteur.  Est-il  vrai,  comme  l'affirme 
M.  E.-M.  de  Vogiié,  que,  dans  les  Frères  Karamazov,  Dostoïevsky  ait  voulu 
peindre  surtout  la  Russie  intellectuelle  et  philosophique?  En  ce  cas, 
on  s'explique  le  nihilisme,  et  l'on  comprend  cfu'en  se  voyant  si  affreux 
et  si  noirs  les  types  qui  ont  posé  devant  le  peintre  soient  tous  atteints 
de  r  a  inexorable  ennui  »  et  du  tœdiurn  vitœ.  Ces  types  livrent  leur 
âme  jusqu'au  fond,  au  milieu  des  tortures  d'inquisiteur  que  leur  fait 
subir  l'écrivain.  C'est  Smerdiakov,  le  bâtard,  rêveur,  songeur,  hallu- 
ciné, sournois,  capable  aujourd'hui  de  mettre  le  feu  à  tout  un  village, 
et  d'aller  demain  pieds  nus  faire  pénitence  à  Jérusalem.  C'est  Dmitri 
Karamazov,  l'aîné,  incarnant  en  lui  toutes  les  violences  et  toutes  les 
passions.  Officier,  il  a  dû  donner  sa  démission  à  la  suite  de  duels 
mortels  et  d'effroyables  scènes  de  débauche.  C'est  Ivan,  son  frère 
cadet,  être  énigmatiqne,  écrivain  paradoxal,  publiant  —  et  il  ne  croit 
pas  en  Dieu  —  des  ouvrages  orthodoxes  pour  la  défense  de  l'Église 
schismatique.  C'est  Aliocha,  le  plus  jeune  des  trois,  et  qui  offre  avec 
ses  deux  frères  un  contraste  si  frappant.  Doux  garçon,  mystique  et 
tendre,  qui,  ne  pouvant  supporter  les  excès  de  son  père  et  de  ses  frères, 
se  réfugie  dans  un  couvent.  Et  il  y  a  de  quoi,  lorsqu'on  songe  que 
Karamazov  père  et  son  fils  Dmitri  sont  continuellement  à  se  menacer 
du  couteau,  pour  une  aventurière  qui  les  subjugue  tous  les  deux. 
L'assassinat  de  Karamazov  père,  attribué  à  Dmitri,  alors  que  le  vrai 
coupable  est  le  bâtard  Smerdiakov,  vient  ajouter  encore  aux  douleurs 
du  pauvre  Aliocha,  et  il  se  fait  la  victime  expiatoire  des  crimes  de 
sa  famille,  aussi  tragique  que  celle  des  Atrides.  La  figure  d'Aliocha 


-  ri  - 

est,  du  reste,  la  seule  qui  rappelle  un  peu  le  ciel  dans  cet  enfer.  Il  s'y 
trouve  aussi  —  mais  sur  ce  dernier  on  ne  sait  trop  à  quoi  s'en  tenir  — 
une  sorte  de  thaumaturge,  un  moine  dont  la  vie  est  un  mystère  et 
dont  la  parole  est  d'un  saint.  Il  dit  à  Aliocha  :  «  Cherche- ton  bonheur 
dans  les  larmes.  Il  faut  la  souffrance  pour  que  s'accomplissent,  selon 
Dieu,  les  destinées  de  l'homme.  Tout  est  sans  péché,  sauf  lui.  » 
Parmi  les  épisodes  extraordinaires  des  frères  Karamazov,  il  en  est  un 
qui  défie  toute  imagination.  C'est  le  Grand  Inquisiteur,  sorte  de  poème 
sarcastique  composé  par  Ivan  et  qu'il  raconte  à  Aliocha  terrifié.  Le 
poète  suppose  ceci  :  Le  Christ  est  redescendu  sur  la  terre.  Il  parcourt 
les  rues  de  Séville.  Acclamé  par  la  foule  qui  le  reconnaît,  il  est  arrêté 
et  jeté  dans  les  prisons  de  l'Inquisilion.  Pendant  la  nuit,  le  Grand  In- 
quisiteur va  le  visiter  et  lui  dit  :  «  Tu  as  donné  au  peuple  la  liberté 
moi^ale  ;  tu  as  eu  tort.  Le  peuple  n'a  que  faire  de  cette  liberté-là.  Ce 
qu'il  lui  faut,  c'est  du  pain  et  des  spectacles  et  c'est  ce  que  nous  lui 
donnons.  Nous  avons  corrigé  ton  œuvre.  Tu  nous  déranges,  et 
demain  je  te  ferai  briller.  »  N'est-ce  pas  diabolique?  Combien,  du 
même  Dostoïevsky,  sont  préférables,  les  Pauvres  Gens,  un  roman  qui 
date  de  1846,  et  où  s'affirme  déjà,  mais  sans  rien  qui  détone,  la  sym- 
pathie chrétienne  de  l'écrivain  pour  les  humbles,  les  petits,  les  obscurs 
vaincus  de  la  vie,  ceux  qu'il  a  lui-même  appelés  plus  tard  les  «  Humi- 
liés »  et  les  «  Offensés  !  » 

De  même,  dans  Au  Caucase  et  le  Joueur,  œuvres  de  jeunesse  du 
comte  Léon  Tolstoï  que  l'on  nous  sert  toutes  chaudes  comme  des 
nouveautés,  on  ne  devinerait  jamais  le  futur  fondateur  de  je  ne  sais 
quelle  religion  socialiste,  humanitaire  et  sentimentale.  Il  décrit  sans 
façon,  sur  un  ton  gai,  quoique  parfois  vulgaire,  la  vie  instinctive,  végé- 
tative, crapuleuse  et  tranquille  des  soldats  russes  casernes  dans  les 
forteresses  du  Caucase.  Tel  graisse  ses  pieds  rouges  ;  tel  autre  a  la  dy- 
senterie ;  celui-ci  lit  son  psautier  ;  celui-là  raccommode  ses  guêtres. 
Puis  viennent  des  scènes  de  bivouac,  de  marche  et  de  combat.  Elles 
ont  d'autant  plus  d'attrait  qu'elles  se  dénouent  souvent  au  milieu  du 
plus  grandiose  paysage.  C'est  l'œuvre  d'un  naturiste  qui  ne  voit  que 
l'ossature  extérieure  des  hommes  et  des  choses.  L'àme  lui  échappe ,  ou 
plutôt  ne  le  préoccupe  pas.  Il  y  a  plus  de  psychologie  dans  le  Joueur, 
simple  histoire  d'un  jeune  gentilhomme,  riche,  beau,  intelligent,  et 
dont  le  démon  du  jeu  finit  par  glacer  le  cœur,  gâcher  la  vie  et  salir 
toutes  les  nobles  aspirations.  Cependant  le  Joueur  et  Au  Caucase  sont 
des  œuvres,  à  mon  sens,  trop  vantées,  qui  n'ajoutent  rien  à  la  légitime 
gloire  littéraire  de  l'auteur  de  la  Guerre  et  la  Paix. 

30.  —  M.  Xavier  Marmier,  de  l'Académie  française,  continue  à 
écrémer  le  dessus  du  panier  des  Contes  populaires  des  différents  pays. 
Nous  sommes  à  la  deuxième  série.  Elle  offre  le  même  attrait  que  la 


—  2o  — 

première.  Contes  irlandais,  anglais,  italiens,  espagnols,  serbes, 
bohèmes,  caucasiens,  danois,  russes,  finlandais,  mongols,  musulmans, 
tous  se  pressent  pour  former  la  gerbe,  et  elle  contient  des  épis  bien 
séduisants,  depuis  le  récit  féerique  à  la  Perrault  jusqu'à  l'apologue 
chrétien.  M.  Marmier  a  peut-être  tort  de  ne  pas  indiquer  les  sources 
où  il  puise.  Mais,  comme  il  fait  œuvre  dc^  vulgarisateur  plutôt  que 
d'érudit,  ce  défaut  n'en  est  pas  uu.  L'ouvrage  se  termine  par  des 
Légendes  hébraïques.  C'est  une  véritable  révélation  pour  les  lecteurs  qui 
ne  connaissent  que  les  récits  inspirés  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament. Les  Contes  populaires  de  M.  Marmier  peuvent  être  lus  indis- 
tinctement par  les  petits  et  les  «  grands  »  enfants.  Tous  y  prendront 
«  un  plaisir  extrême.  » 

31  et  32.  —  Je  recommande  aussi,  les  yeux  fermés  et  en  toute  sûreté 
de  conscience,  les  Nouveaux  Contes  du  bivouac,  de  M.  Charles  Rabour- 
din.  Il  m'est  impossible  de  donner  le  même  certificat  à  Marthe  et  aux 
autres  Nouvelles  militaires,  de  M.  G.  Le  Faure.  Il  en  est  deux  ou  trois 
aussi  décolletées  que  les  petites  gravures,  très  finement  dessinées 
d'ailleurs,  qui  les  illustrent.  Le  reste  est  charmant,  et  le  reste  s'appelle  : 
Flageot,  César,  le  Glas  des  morts,  Maman  Sarrigue,  la  Mouche  à  Cocotte 
(un  petit  chef-d'œuvre  d'humour  et  d'esprit).  Quant  à  Marthe,  le  récit 
qui  donne  son  nom  au  recueil,  c'est  l'histoire  d'une  pauvre  fille  qui, 
pour  soulager  la  misère  de  ses  vieux  parents,  est  forcée  d'épouser  un 
certain  Mauser,  homme  très  riche,  mais  dont  elle  ignore  la  véritable 
origine.  Ce  Mauser  est  un  Prussien,  et,  qui  pis  est,  un  espion.  Pendant 
la  guerre  de  1870,  Marthe  fait  le  coup  de  feu  contre  son  mari  et  le  tue. 
Elle  meurt  aussi,  tuée  par  un  officier  allemand.  Le  patriotisme  vibre 
dans  ces  pages  attristées.  Le  patriotisme  est  pareillement  l'inspirateur 
de  tous  les  Contes  du  bivouac,  de  M.  Charles  Piabourdin.  Quelques-uns 
de  ces  contes  sont  de  pures  fantaisies,  comme  :  Un  Concert  dans  le 
Sahara,  la  Légende  du  pantalon  rouge,  la  Femme  de  VAuvergnat,  le 
Vieux  Chanteur,  le  Petit  Péché  du  commandant.  Les  autres  sont  des 
traits  de  dévouement,  d'héroïsme,  d'abnégation,  de  bravoure,  et  d'es- 
prit chevaleresque,  empruntés  à  nos  annales  :  Les  Français  àBazeilles, 
la  Reine  Blanche  au  siège  de  Bélesme,  l'Empereur  Alexandre  et  la  Reine 
Hortense,  la  Bataille  d'isly,  le  Maréchal  Davoust  à  Berlin,  la  Smala 
d'Abdel-Kader  et  le  duc  d'Aumale,  le  Général  Custine  devant  le  tribunal 
révolutionnaire,  les  Zouaves  de  Charette,  Beaumanoir,  bois  ton  sang!  Je 
voudrais  voir  les  Contes  du  bivouac,  de  M.  Rabourdin ,  pénétrer  libre- 
ment dans  toutes  nos  casernes.  Ceux  de  nos  soldats  qui  les  liraient  en 
tireraient  plaisir  et  profit. 

33,  34,  3b.  —  La  Petite  bibliothèque  française,  fondée  par  M.  Jouaust 
et  inaugurée  dernièrement  par  le  Paysan,  de  M.  Jean  Sigaux,  et  Made- 
moiselle Abeille,  de  Ferdinand  Fabre,  s'est  enrichie,  ce  trimestre,  de 


-  26  - 

trois  nouvelles  plaquettes  :  Dans  VArgonne,  par  M.  Jules  de  Glouvet  ; 
Josette,  par  M.  André  Theuriet;  Une  dot,  par  M.  Ernest  Legouvé.  Dans 
l'Argonne  est  un  épisode  des  guerres  de  la  Révolution.  Un  émigré  et 
sa  fille  concourent  à  la  défense  de  ces  Thermopyles  françaises.  L'émigré 
meurt  ;  sa  fille  Marie  est  sauvée  do  la  fureur  révolutionnaire  par  un 
jeune  sergent  des  armées  de  la  République.  Elle  épouse  son  protecteur 
qui  devient  ensuite  un  des  plus  illustres  généraux  de  Napoléon  1°'".  Il 
y  a  un  mariage  aussi  dans  Josette,  et  dans  Une  dot.  Le  poète  Marius 
Pignerol  a  le  spleen.  Il  va  se  promener  en  Savoie.  La  pastoure  Josette 
Bastian  lui  plaît.  Il  en  fait  sa  femme  et  le  voilà  guéri.  L'historiette 
de  M.  Legouvé  est  moins  simple.  Cela  tient  plutôt  de  la  comédie  bour- 
geoise :  acteurs,  M.  Desgranges,  M™^  Desgranges,  leur  fille  et  leur 
gendre.  Papa  Desgranges  ne  veut  pas  donner  à  sa  fillette  toute  la  dot 
qui  lui  revient  ;  la  mère  Desgranges  le  veut  ;  la  fillette  ne  dil  rien  ;  le 
futur  est  si  épris  qu'il  épouserait  sans  un  maravédis.  De  là,  des  scènes 
domestiques  de  la  plus  franche  gaîlé.  Morale  :  il  faut  toujours  qu'un 
père  reste  plus  riche  que  ses  enfants,  ne  fût-ce  que  pour  leur  venir 
en  aide  dans  un  moment  de  crise  et  les  sauver  d'une  catastrophe. 
M.  Legouvé  est  ici  d'accord  avec  Frédéric  Leplay.  Sa  bluelle  ne  tient 
que  sur  une  pointe  d'aiguille,  mais  il  s'en  dégage  des  étincelles  d'es- 
prit. Moralité  irréprochable. 

36.  —  Je  n'en  dirai  pas  autant  des  Gaîtés  bourgeoises ,  de  M.  Jules 
Moinaux.  Rien  de  pornographique  :  oh  !  non.  Ce  n'est  que  léger  et 
court  vêtu.  Il  ne  faut  point  s'en  étonner  :  la  plupart  de  ces  «  gaietés  » 
ont  paru  dans  le  Charivari  et  le  Journal  amusant.  Parmi  celles  qui  font 
rire  tout  simplement,  je  citerai  :  le  Mouchard,  la  Course  de  taureaux  en 
chambre  et  le  Député  de  Bombignac.  En  creusant  un  peu,  il  ne  serait 
pas  difficile  de  découvrir  dans  les  recoins  de  celle-ci  une  très  fine 
satire.  Il  s'agit  de  Garengeot,  député  en  tournée  électorale,  cheminant 
dans  une  patache  préhistorique  avec  un  individu,  très  réjoui,  qu'il 
prend  pour  un  voyageur  de  commerce.  Se  rappelant  que  feu  Gambelta 
flattait  tout  spécialement  les  émules  de  l'illustre  Gaudissart,  notre 
candidat  se  met  à  parler  :  commerce,  industrie,  libre-échange  (des 
idées  et  des  produits)  à  son  compagnon  de  voyage,  qui  lui  répond  : 
boniment,  foules  à  amorcer,  difficultés  avec  les  maires  quinteux. 
Ahuri,  Garangeot  lui  dit  :  —  «  Vous  n'êtes  donc  pas  commis-voj'-a- 
geur?  »  A  quoi  son  interlocuteur  réplique  :  —  «  Moi?  non;  je  suis 
saltimbanque.  »  Tableau  !  Il  est  vrai  que  Garengeot  aurait  pu  ajouter  : 
fl  Moi  aussi!  »  Mais,  en  politique,  ces  choses-là  ne  s'avouent  pas. 

FiRMIN   BOISSIN. 


-  27  - 


ART  ET  HISTOIRE  MILITAIRES 

1.  Les  Transformations  de  l'armée  française.  Essais  d'histoire  et  de  critique  sur  l'état 
militaire  de  la  France,  par  le  général  Thoujias.  Paris,  Berger-Levrauit,  1887,  2  vol. 
gr.  in-8  de  578  et  678  p.,  18  fr.  —  2.  Les  Bureaux  de  la  guerre  sous  la  Terreur, 
par  Maurice  La  Ches.vais,  ancien  chef  de  bureau  au  ministère  de  la  guerre.  Paris, 
Baudoin,  1887,  ia-8  de  20  p.,  1  fr.  —  3.  La  Légion  étrangère,  de  1831  à.  1887, 
par  le  général  Grisot,  ancien  colonel  de  la  légion  étrangère  et  du  ler  étranger,  et  le 
lieuteriant  Coulombo-n-,  du  2'=  étranger.  Paris,  Berger-Levrauit,  1887,  in-8  de  590  p. 
avec  un  plan,  10  fr.  —  4.  Le  1^^  Régiment  de  chasseurs  d'Afrique,  par  Fer.vakd 
Hue,  avec  50  illustrations  de  Gil  Baer.  Paris,  Lecène  et  Oudin,  1887,  in-12  de  288  p., 

2  fr.  —  5.  Les  Grandes  Batailles  de  Metz,  19  Juillet-l8  août,  avec  cinq  cartes  des 
opérations  militaires,  par  Alfred  Duqcet.  Paris,  G.  Charpentier,  1888,  in-16  de  342  p. 

3  fr.  50.  —  6.  Les  Derniers  Jours  de  l'armée  du  Rhin,  19  août-29  octobre,  avec  deux 
cartes  des  opérations  militaires,  par  Alfred  Dcquet.  Paris,  G.  Charpentier,  1888,  in-16 
de  358  p.,  3  fr.  50.  —  7.  Le  Maréchal  de  Moltke,  par  ***.  Paris,  Quantin,  1888,  gr. 
in-18  de  268  p.,  3  fr.  50.  —  8.  Les  Héros  de  la  défaite  [Livre  d'or  des  vaincus).  Ré- 
cits de  la  guerre  de  1870-1871,  par  Joseph  Tcrqua.\.  Paris  et  Nancy,  Berger-Levrauit, 
1888,  in-12  de  394  p.,  3  fr.  50.  — 9.  Récits  de  la  dernière  guerre  franco- allemande 
(du  17  Juillet  1870  au  10  février  1871),  par  C.  Sarr.ui.v,  médecin  principal.  3eédit. 
Paris,  Berger-Levrauit,  1888,  in-12  de  .327  p.,  3  fr.  50.  —  10.  Essais  sur  l'Allema- 
gne impériale,  par  Er.nest  Lavisse.  Paris,  Hachette,  1888,  in-16  de  345  p.,  3  fr.  50. 

—  11.  L'Escrime  dans  l'armée,  par  le  commandant  Dérué.  Paris,  Quantin,  1888, 
in-18  de  180  p.,  5  fr.  —  12.  Dressage  du  cheval  de  guerre  et  du  cheval  de  chasse, 
suivant  la  méthode  de  feu  M.  le  commandant  Duthil,  écuyer  en  chef  de  l'École  de 
cavalerie,  par  un  de  ses  élèves.  2"=  édit.  Paris,  Berger-Levrauit,  1888,  in-8  de  208  p., 
3  fr.  50.  —  13.  Manuel  d'équitation  de  la  cavalerie  allemande,  trad.  de  l'allemand 
par  le  commandant  Chabert,  du  i"  chasseurs,  l^e  partie  avec  8  pi.  Paris  et  Nancy, 
Berger-Levrauit,  1888,  in-12  de  178  p.,  3  fr.  50.  —  14.  Service  en  campagne  dans  V ar- 
mée allemande,  trad.  de  l'allemand  par  le  commandant  Peloux,  chef  d'état-major  de 
la  26e  division  d'infanterie.  Paris,  Berger-Levrauit,  1888,  in-12  de  252  p.,  2  fr.  50.  — 
15.  La  Colonie  et  l'Emigration  alleynande,  par  Jules  Stoeckllv,  ancien  élève  de 
rÉcole  polytechnique  de  Zurich,  avec  une  préface  de  Raoul  Postel.  Paris  ,  L.  We.st- 
hausser,  1888,  in-18  de  274  p.,  3  fr.  50.  —  16.  La  Puissance  maritime  de  l'Angle- 
terre, par  P.  C,  officier  de  l'armée  française.  Paris,  Berger-Le\Tault,  1888,  gr.  in-8 
de  160  p.  avec  18  cartes,  4  fr.  —  17.  Xos  Marins,  par  Étie.n.ne  Tréfeu,  avec  une  pré- 
face de  M.  F.  de  Lesseps  ;  illustrations  par  Er.vest  I^a.vglois  et  Guvos.  Paris,  Berger- 
Levrauit,  1888,  in-8  de  758  p.,  10  fr.  —  18.  Fortification  et  Défense  de  la  frontière 
franco-italienne ,  par  Un  officier  français.  Paris,  L.  Westhausser,  1888,  in-8  de  40  p., 

I  fr.  —  19.  Journal-Agenda  de  l'officier.  Paris,  Baudoin,  1888,  in-18  de  200  p.,  2  fr. 

—  20.  Las  Tropas  de  ingenieros  en  el  ejército  de  combate.  Madrid,  imp.  de  For- 
tanet,  1888,  in-8  de  98  p. 

II  est  incontestable  que  la  littérature  militaire  traverse,  à  l'heure  qu'il 
est,  une  de  ses  plus  fécondes  périodes.  Il  faudrait  remonter  à  la  Res- 
tauration ou  aux  premières  années  du  règne  de  Louis  XV,  pour 
trouver  une  époque  qui  puisse  être  comparée  à  la  nôtre  au  point  de 
vue  surtout  du  nombre  des  ouvrages  publiés.  Il  est  bon,  d'ailleurs,  de 
remarquer  que  la  fécondité  que  nous  signalons  se  reproduit  à  époques 
presque  fixes.  Elle  apparaît  toujours  après  une  période  militaire  de 
quelque  importance,  et,  sans  remonter  au-delà  du  xvii^  siècle,  nous 
pouvons  signaler,  en  deux  cents  ans,  celle  qu'on  vit  se  produire  après 
les  guerres  de  Louis  XIV,  avec  des  écrivains  tels  que  Feuquières,  Puy- 
ségur,  Folard;  celle  qui  succéda  aux  campagnes  de  Frédéric  et  qui 


—  28  — 

produisit  des  auteurs  tels  que  Guibert,  Mesnil-Durand,  Lloyd,  Jomini; 
enfin  la  période  de  la  Restauration  qui  enfanta  les  écrivains  militaires 
du  premier  Empire:  les  Morand,  les Chambra.y,  les Gouvion-Saint-Cyr, 
les  Mathieu-Dumas,  etc. 

Les  changements  introduits  dans  l'organisation  des  armées,  dans 
leur  armement,  dans  la  tactique  par  les  événements  militaires  allant 
de  la  guerre  du  Danemark  (1862)  à  la  campagne  russo-turque  de  1877, 
événements  distincts  à  la  vérité,  mais  qui,  au  point  de  vue  des  ensei- 
gnements et  de  l'histoire  militaire,  forment  un  tout,  une  même  période, 
tous  ces  bouleversements  administratifs  ou  tactiques  ne  pouvaient 
manquer  de  produire  de  profondes  impressions  sur  l'esprit  des  hommes 
spéciaux  qui  y  avaient  pris  une  part  plus  ou  moins  active.  C'est  ainsi 
qu'à  la  suite  de  1866  et  après  Sadowa,  nous  vîmes  les  hommes  d'épée 
revenir  naturellement  à  la  plume,  et  présenter  à  leurs  contemporains 
les  réflexions  que  leur  inspiraient  les  faits  récemment  accomplis.  Le 
mouvement  a  continué  à  se  développer  après  1870  et  a  augmenté  encore 
d'intensité  à  la  suite  des  événements  de  1877-78  dans  les  provinces 
balkaniques;  il  continue  actuellement  son  évolution,  faisant  éclore 
chaque  jour  un  nouveau  livre,  un  nouveau  traité,  tantôt  bon,  tantôt 
médiocre,  plus  souvent  médiocre  que  remarquable. 

Dans  cette  moisson  abondante  offerte  à  tous  les  gens  qu'intéresse 
l'étude  des  questions  militaires,  le  nombre  des  travaux  ayant  un 
mérite  sinon  transcendant,  du  moins  très  appréciable,  est  encore  con- 
sidérable, et  parmi  les  meilleurs,  nous  pouvons  inscrire  le  livre  que 
M.  le  général  Thoumas  a  consacré  aux  Transformations  de  l'armée 
française. 

1.  —  C'est  une  tendance  assez  générale  parmi  les  hommes  de  nos 
jours,  de  faire  fi  volontiers  de  tout  ce  qui  a  existé  avant  eux,  de  croire 
que  la  France  n'existait  guère  avant  leur  naissance,  d'admettre  tout  au 
plus  qu'elle  a  commencé  en  1789,  ou,  si  l'on  veut,  avec  Voltaire  et 
Rousseau.  Dans  l'armée,  où  forcément  le  culte  des  traditions  est  plus 
religieusement  observé,  où  la  chaîne  des  souvenirs  est  plus  solide, 
celte  façon  de  penser  est  moins  commune.  Cependant  il  n'est  pas  rare 
de  la  rencontrer.  Inutile  de  dire  que  l'ignorance  la  plu^  noire  est 
l'unique  base  sur  laquelle  se  fonde  ce  dédain.  N'ayant  jamais  étudié 
ce  qui  se  passait  avant  eux,  les  hommes  nouveaux  sont  tout  naturel- 
lement portés  à  s'imaginer  que  ce  passé  est  un  néant.  Or,  il  advient 
en  particulier  pour  tout  ce  qui  touche  aux  questions  militaires,  que 
nous  tournons,  depuis  Xénophon,  dans  un  cercle  qui  ne  varie  guère, 
et  que  nous  trouvons  dans  la  Retraite  des  Dix  mille,  par  exemple,  une 
formation  en  ligne  de  colonnes  de  compagnies,  exactement  copiée,  à 
son  insu,  sans  doute,  par  le  rédacteur  du  Règlement  sur  les  Manœuvres, 
du  12  juin  187b. 


-  29  - 

M.  le  général  Thoumas  ne  remonte  pas  à  Cyrus  :  son  livre  ne  nous 
parle  guère  des  campagnes  antérieures  au  commencement  de  notre 
siècle;  mais  de  l'étude  attentive  des  campagnes  napoléoniennes,  il 
ressort  nettement  que,  depuis  cette  époque,  nous  nous  sommes  appli- 
qués avec  un  soin  jaloux  à  nous  défaire  peu  à  peu  des  qualités  mili- 
taires qui  firent,  à  cette  date,  de  notre  armée  la  première  armée  du 
monde.  L'éminent  écrivain  passe  en  revue  dans  les  deux  gros  volumes 
qui  composent  son  œuvre,  tous  les  services,  toutes  les  armes,  tous  les 
rouages,  les  pièces  multiples  de  cet  agencement  complexe  qui  cons- 
titue une  armée.  L'histoire  de  l'infanterie,  de  la  cavalerie,  de  l'artille- 
rie, du  génie,  du  train  des  équipages,  des  états-majors,  réserve  et 
troupes  territoriales  ou  auxiliaires,  forment  un  premier  groupe,  qui 
remplit  presque  en  entier  le  premier  volume.  Puis  viennent  les  ques- 
tions d'organisation,  telles  que  le  recrutement,  la  création  des  cadres, 
l'avancement,  l'organisation  générale,  la  mobilisation  et  la  concentra- 
tion. Trois  longs  chapitres  sont  consacrés  aux  services  administratifs, 
à  l'armement,  l'habillement,  l'équipement,  à  l'histoire  du  matériel,  des 
transports  et  des  ravitaillements  ;  enfin,  nous  entrons  dans  la  tactique 
proprement  dite  avec  les  pages  consacrées  aux  camps,  aux  cantonne- 
ments, aux  bivouacs,  aux  marches,  aux  batailles  et  aux  combats. 
L'ouvrage  se  termine  par  des  considérations  élevées  sur  le  comman- 
dement, la  discipline  et  l'esprit  militaire.  Les  Transformations  de  l'armée 
française  dénotent  chez  l'auteur  beaucoup  de  lecture,  une  mémoire 
prodigieuse,  une  vaste  érudition,  un  grand  bon  sens,  et  l'Académie 
n'a  agi  que  justement  en  attribuant  l'un  de  ses  prix  à  ce  travail  véri- 
tablement remarquable.  Toutes  les  matières  dont  nous  venons  de 
donner  une  aride  nomenclature  sont  étudiées  avec  une  ampleur,  une 
méthode,  un  luxe  de  détails  historiques,  qui  font  de  l'œuvre  du  général 
Thoumas  une  véritable  encyclopédie  militaire.  Mais  ici,  les  sujets, 
présentés  non  plus  dans  l'ordre  alphabétique,  mais  enchaînés  suivant 
un  groupement  judicieux  et  rationnel  des  idées,  sont  traités  avec  des 
vues  d'ensemble  qui  permettent  de  les  étudier  sous  des  faces  plus 
multiples  et  en  corrélation  les  uns  avec  les  autres. 

Cette  histoire  de  Tarmée  française  se  lit,  d'un  bout  à  l'autre,  avec  un 
intérêt  croissant  et,  tout  technique  qu'elle  soit,  elle  s'adresse  aussi 
bien  aux  lecteurs  militaires  qu'à  ceux  qui  ne  le  sont  point.  Grâce  à 
cette  érudition  variée  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure,  l'éminent 
écrivain  a  jeté  à  profusion,  dans  ces  douze  cents  pages,  les  anecdotes 
les  plus  curieuses,  parfois  les  plus  piquantes,  bien  des  mots  oubliés  ou 
ignorés,  enfin,  une  foule  de  détails  historiques  du  plus  vif  intérêt  et 
souvent  d'une  portée  considérable.  On  peut  regretter  que  ce  livre  ne 
soit  pas  médité  davantage  par  des  hommes  politiques,  auxquels  sa 
lecture  serait  du  plus  grand  profit.  Au  moment  où  les  Chambres  fran- 


-  30  — 

çaises  s'occupeut  de  voter  une  loi  militaire  dont  l'adoption  doit  avoir 
pour  notre  armée  des  résultats  si  redoutables,  il  serait  à  souhaiter  que 
nos  sénateurs  et  nos  députés  étudiassent  avec  soin  les  Transformations 
de  l'armée  française.  Les  leçons  du  passé  nous  épargneraient  bien  des 
fautes  pour  l'avenir.  —  Si  nous  en  exceptons  la  façon  dont  ont  été 
groupées  les  matières ,  et  que  nous  aurions  voulu  un  peu  différente, 
il  n'y  a  véritablement  que  des  éloges  à  donner  à  la  publication  du  gé- 
néral Thoumas.  A  notre  avis,  rien  n'a  été  imprimé,  depuis  V Armée 
selon  la  Charte,  du  général  Morand,  qui  vaille  ces  deux  volumes.  Nous 
disons  rien,  et  nous  n'exceptons  pas  de  cet  ostracisme  l'Armée  fran- 
çaise en  4867,  si  remarquable  que  soit  le  livre  du  général  Trochu. 

En  résumé,  les  deux  volumes  que  vient  de  couronner  l'Académie 
constituent  un  de  ces  ouvrages  qui  font  époque  dans  la  littérature 
militaire  :  ils  survivront  certainement  aux  innombrables  productions 
que  nous  voj^ons  éclore  chaque  jour,  et  dont  la  plupart  traitent  des 
questions  d'actualité,  laissant  de  côté  les  principes,  les  bases  im- 
muables des  organisations  d'armée.  La  plupart  des  maximes  du  général 
Thoumas  seront  vraies  de  tous  les  temps  et  sous  tous  les  régimes  :  c'est 
ce  qui  les  mettra  à  l'abri  des  fluctuations  de  l'opinion,  des  répulsions 
ou  des  engouements  journaliers. 

2.  — M.  Maurice  Georget  La  Ghesnais,  l'érudit  qu'ont  fait  connaître 
divers  travaux  estimés,  nous  donne  aujourd'hui  un  curieux  document 
sur  la  constitution  des  Bureaux  de  la  guerre  sous  la  Terreur.  Nul 
n'était  mieux  en  situation  de  publier  une  pièce  de  ce  genre,  M,  La  Ghes- 
nais ayant  passé  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  au  ministère  de  la 
guerre,  où  il  occupait  récemment  la  place  de  chef  du  bureau  du  per- 
sonnel de  l'administration  centrale.  Ge  document,  trouvé,  il  y  a 
quelques  années,  par  M.  Sœhnée,  alors  chef  de  bureau  de  recrutement, 
dans  une  armoire  poudreuse,  n'est  autre  qu'un  volumineux  cahier  de 
format  écu,  imprimé  sur  ce  grossier  papier  gris-vert,  commun  à  tous 
les  dossiers  de  la  période  révolutionnaire,  et  dans  lequel  se  trouvait 
la  liste  de  quatre  cent  cinquante-quatre  employés  de  la  guerre,  sous 
les  ministères  de  Pache  et  de  Bouchotte,  c'est-à-dire  sous  la  Terreur. 
D'après  les  trop  brefs  extraits  cités  par  M.  La  Ghesnais,  nous  voyons  que, 
dans  le  document  en  question,  chaque  nom  est  suivi  d'une  notice  plus 
ou  moins  explicite;  mais,  à  part  quelques  personnages  tristement 
célèbres,  comme  Vincent  et  Ronsin,  nous  ne  voj'ons  là  aucune  noto- 
riété bien  établie.  Gomme  le  dit  l'éditeur,  plus  que  le  nom  des  répon- 
dants, ce  sont  les  références  de  chacun  qui  présentent  la  partie  la  plus 
curieuse  du  document.  En  premier  lieu  vient  Danton  comme  le  patron 
à  la  clientèle  la  plus  nombreuse  :  puis,  en  seconde  ligne,  les  adjoints 
du  ministre  de  la  guerre  :  Santerre,  Couthon,  Carnot,  Dubois-Crancé , 
Monge.  —  0  Ni  Robespierre  ni  Marat,  ceux-là  sont  des  solitaires  qui  ne 


-  31  - 

protègenl  personne,  et  se  défient  de  tous.  »  En  terminant  son  livre, 
M.  La  Cliesnais  estime  que  les  documents  comme  celui  qu'il  a  publié 
sont  aujourd'hui  trop  rares  pour  que  l'on  puisse  essayer  de  reconsti- 
tuer l'histoire  du  ministère  de  la  guerre.  Malgré  cette  affirmation,  nous 
nous  obstinons  à  penser  qu'un  travail  de  ce  genre  ne  serait  point  au- 
dessus  des  forces  du  judicieux  écrivain  Sur  un  pareil  sujet  personne 
n'a  sa  compétence:  ses  souvenirs  personnels  l'aideront  encore  dans  une 
œuvre  véritablement  digne  de  ses  soins.  Dans  le  livre  dont  nous  parlons, 
M.  LaChesnais  déplore,  à  propos  de  la  période  révolutionnaire,  au  minis- 
lère  de  la  guerre,  que  personne  n'ait  alors  songé  à  écrire  les  scènes 
intimes  dont  il  avait  été  le  témoin.  Il  est  certain  que  nous  eussions 
assisté  à  d'étranges  spectacles,  s'il  faut  s'en  rapporter  à  ce  qu'en  écrit 
Dumouriez  :  «  L'hôtel  de  la  guerre  est  devenu  une  caverne  indécente, 
ou  quatre  cents  commis,  parmi  lesquels  plusieurs  femmes,  affectant  la 
toilette  la  plus  sale  et  le  cj^nisme  le  plus  indécent,  n'expédient  rien  et 
volent  sur  toute  la  ligne.  »  Personne,  ajoute  M.  La  Chesnais,  ne  songe 
à  recueillir  des  détails  qui  paraissent  banals  parce  qu'ils  sont  contem- 
porains, nul  ne  pense  à  les  enregistrer,  et  c'est  ainsi  que  s'efface  peu 
à  peu  la  physionomie  exacte  du  passé. 

3  et  4.  —  C'est  précisément  pour  garder  le  souvenir  d'événements 
dignes  d'être  recueillis  et  conservés ,  qu'ont  été  ouverts  les  historiques 
de  régiments  du  genre  de  ceux  que  nous  examinons  ici  :  l'histoire  de 
la  Légion  étrangère  de  /53/  à  1887  et  celle  du  Z'^''  Régiment  de  chasseurs 
d'Afrique.  Autrefois,  en  France,  c'était  une  coutume  suivie  de  tenir  dans 
chaque  famille  un  «  livre  de  vie  »  où  les  divers  événements  de  l'exis- 
tence commune  étaient  enregistrés  avec  soin  :  il  nous  est  parvenu  de  nom- 
breux documents  de  ce  genre,  et  de  tels  cahiers  ont  été  d'inestimables 
auxiliaires  pour  les  écrivains  qui  ont  essayé  de  reproduire  la  physio- 
nomie de  la  société  française  dans  les  siècles  qui  nous  ont  précédés.  — 
Le  régiment,  qui  est  une  grande  famille,  ne  pouvait  manquer  d'avoir 
lui  aussi  son  «  livre  de  vie,  »  et  la  coutume  d'écrire  au  jour  le  jour  les 
faits  intéressants  des  différenls  corps  de  notre  armée  est  bien  antérieure 
à  la  Révolution.  Le  livre  du  général  Grisot  et  du  lieutenant  Coulombon 
n'a  pas  la  sécheresse  qui  dépare  souvent  des  ouvrages  du  même  genre  : 
çà  et  là  des  récits  pleins  de  couleur,  —  celui  du  combat  de  Gamarones, 
au  Mexique,  par  exemple,  —  viennent  lui  donner  une  vie  et  une 
chaleur  qui  en  rendent  la  lecture  attachante. 

Plus  vivant  encore  est  le  volume  consacré  aul^""  Ghasseurs  d'Afrique 
par  M.  Fernand  Hue,  un  ancien  brigadier  du  régiment.  Que  de  noms 
connus  dans  ces  300  pages,  depuis  celui  du  brave  Yusuf  jusqu'à  celui 
du  grand  Margueritte,  vaillamment  tombé  sur  le  champ  de  bataille  de 
Sedan.  Comme  dans  le  précédent  ouvrage,  la  note  héroïque  disparaît  par- 
fois pour  faire  place  à  de  gais  chapitres,  comme  le  dixième  par  exemple, 


-  32  - 

destinés  à  nous  montrer  le  régiment  «  en  garnison  et  en  détachement.  » 
Nous  faisons  là  connaissance  avec  l'ordinaire ,  le  cuisinier,  la  vie  au 
bivouac  et  même  avec  «  la  blanchisseuse.  »  En  somme ,  volume  sans 
prétention  mais  non  sans  intérêt. 

5  et  6.  —  M.  Alfred  Duquet,  qui  s'est  déjà  fait  un  nom  dans  la  litté- 
rature militaire  par  des  publications  justement  remarquées,  vient  de 
consacrer  deux  volumes  au  drame  qui  se  déroula  autour  de  Metz  du 
14  août  1870,  jour  de  la  bataille  de  Borny,  au  29  octobre,  date  de  la 
capitulation  de  l'armée  du  Rhin.  M.  Duquet  n'a  jamais  servi  qu'au  litre 
auxiliaire,  croyons-nous;  mais  il  est  certain  qu'il  a,  pour  raconter  les 
événements  militaires,  un  talent  que  plus  d'un  écrivain  du  métier  lui 
enviera.  Son  livre,  qui  est  bon,  eût  pu  être  excellent  si  l'auteur  s'était 
borné  à  enregistrer  les  faits,  à  les  étudier  au  point  de  vue  militaire, 
s'il  ne  s'était  tant  attaché  aux  personnalités,  si  enfin  il  ne  s'était  insti- 
tué accusateur  et  juge  dans  une  cause  où  la  situation  de  «  rapporteur  » 
était  déjà  ardue  à  bien  remplir.  Le  grand  défaut  du  livre  de  M.  Duquet, 
il  l'a  inscrit  lui-même  dans  sa  préface  :  a  La  difficulté,  dit-il,  quand  on 
écrit  l'histoire  contemporaine,  ne  consiste  pas  tant  à  découvrir  la  vérité 
qu'à  oser  la  dire.  Il  faut  froisser  impitoyablement  des  intérêts,  des  pas- 
sions, des  susceptibilités  souvent  respectables...  Mais  alors  quel  déchaî- 
nement dans  tout  ce  monde  de  généraux  et  de  fonctionnaires...  Il  est 
si  dur  de  reconnaître  qu'on  a  prodigué  son  admiration  à  des  célébrités 
militaires  tout  au  plus  dignes  d'être  tambours...  Cependant,  j'irai  tou- 
jours droit  devant  moi  en  dépit  de  la  colère  des  uns,  des  mauvais  pro- 
cédés des  autres.  Rien  ne  saura  arrêter  la  liberté  de  mes  critiques, 
l'inexorable  sévérité  de  mes  jugements.  Je  continuerai  l'œuvre  entre- 
prise, sans  hésitation,  sans  crainte,  sans  trêve  ni  repos.  » 

Un  historien  qui  débute  avec  ce  parti  pris  «  de  saper  des  réputations 
usurpées  »  finit  rapidement  par  voir  des  usurpations  partout.  L'impar- 
tialité parle  avec  plus  de  calme,  la  sagesse  ne  connaît  pas  ces  emballe- 
ments. Ces  critiques  faites,  nous  nous  hâtons  de  reconnaître  que  les 
deux  volumes  de  M.  Duquet  attestent  un  travail  considérable.  L'émi- 
nent  écrivain  a  lu  sur  la  matière  tout  ce  qui  a  été  écrit  de  sérieux  et 
d'important,  il  connaît  bien  la  plupart  des  événements,  il  les  présente 
avec  clarté,  dans  leur  enchaînement  normal,  rationnel.  Pourquoi 
faut-il  que  les  meilleures  pages  soient  gâtées  par  des  personnalités, 
des  réfiexions  qui  n'ont  rien  à  faire  au  récit,  qui  rencombrent  à  tous 
les  points  de  vue  ? 

«  Qu'on  jette  les  yeux  sur  la  carte  dressée  par  le  grand  état-major 
prussien  pour  la  soirée  du  15  août,  nous  dit  quelque  part  M.  Duquel, 
on  reste  confondu  d'abord,  frémissant  d'indignation  ensuite  à  la  cons- 
tatation de  l'ineptie  de  nos  généraux  de  cavalerie.  «  Quel  est  le  Français 
qui  n'éprouvera  pas  un  sentiment  pénible  ou  lisant  ces  lignes,  quand 


—  33  — 

il  songera  surtout  que  parmi  ces  hommes  si  durement  traités,  tous 
avaient  un  passé  militaire  brillant  et  que  deux  d'entre  eux,  Legrand 
et  Margueritte,  allaient  bientôt  tomber  sur  le  champ  de  bataille,  don- 
nant leur  vie  pour  la  patrie,  arrachant  à  nos  ennemis  eux-mêmes  un 
cri  d'admiration.  —  «  Le  cœur  se  serre,  ajoute  M.  Duquet,  à  la  pensée 
que  l'avenir  de  notre  malheureuse  patrie  a  été  à  la  merci  de  semblables 
nullités,  dans  la  main  de  si  piètres  personnages.  Oui,  certes,  les  géné- 
raux impériaux  de  1870  ont  manqué  toutes  les  occasions,  perdu  les 
plus  belles  parties  ;  ils  nous  ont  livrés,  pieds  et  poings  liés,  à  l'Alle- 
magne ;  nous  n'oublierons  jamais  leurs  noms  !  » 

Préoccupé  surtout  de  ne  point  laisser,  sans  la  souligner,  la  moindre 
faute  échappée  à  nos  généraux,  M.  Duquet  n'aperçoit  pas  les  bévues 
énormes  commises  par  l'état-major  allemand.  Le  succès  pour  cet  his- 
torien semble  pallier  toutes  les  erreurs  :  sous  ce  rapport  nulle  critique 
dans  son  œuvre.  Cependant,  aujourd'hui  que  nous  sommes  à  près  de 
vingt  ans  des  événements,  aujourd'hui  que  la  lumière  s'est  à  peu  près 
faite  sur  la  plupart  des  points  controversés,  aujourd'hui  enfin  que  les 
faits  peuvent  être  considérés  comme  acquis  définitivement,  une  his- 
toire de  la  guene  de  1870  doit  être  autre  chose  qu'une  simple  nomen- 
clature de  batailles.  Pour  que  l'étude  en  soit  profitable  à  la  fois  et  inté- 
ressante, il  faut  quelle  soit  didactique,  c'est-à-dire  que,  sans  tenir 
compte  des  personnalités,  elle  analyse  surtout  les  événements,  qu'elle 
en  compare  les  procédés  tactiques  et  stratégiques ,  qu'elle  en  arrive  à 
une  conclusion  pratique.  Rien  de  tout  cela  dans  le  travail  de  M.  Du- 
quet. A  vrai  dire,  et  nous  l'avons  remarqué  déjà,  son  livre  représente 
une  somme  énorme  de  travail  :  on  peut  le  considérer  comme  un  résumé 
encyclopédique  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  de  plus  sérieux  sur  la  ma- 
tière, et  au  point  de  vue  documentaire  ce  travail  restera.  Il  ne  vivra 
pas  comme  histoire  proprement  dite.  Ce  résultat  est  regrettable,  car  il 
y  avait  là  tous  les  éléments  d'un  succès  sérieux  et  durable  ;  pourquoi 
la  politique  et  la  question  de  personne  sont-elles  venues  s'immiscer 
là  où  elles  n'avaient  que  faire  ? 

7.  —  De  même  que  M.  Duquet,  l'auteur  du  Maréchal  de  Moltke  est 
un  admirateur  passionné  du  chef  d'élat-major  de  l'armée  allemande. 
Mais  là  nous  rencontrons  un  excès  dans  l'enthousiasme,  alors  que  plus 
haut  nous  l'avons  dénoncé  dans  la  critique.  L'autem-  anonyme  de  la 
brochure  que  nous  analysons,  ne  pouvant  soutenir  que  les  campagnes 
de  1866  et  1870  n'aient  été  au  point  de  vue  stratégique  d'une  faiblesse 
notoire,  en  arrive  à  poser  des  principes  militaires  tellement  audacieux 
qu'ils  nous  déroutent.  «  La  supériorité  dans  le  combat  est  tout  aujour- 
d'hui. »  —  «  Quand  on  est  sur  de  l'avoir,  on  peut  tout  oser;  »  —  «  Avec 
elle  qu'importe  d'avoir  sa  ligne  de  retraite  sur  le  flanc,  une  fron- 
tière ou  une  rivière  sur  ses  derrières,  de  se  battre  avec  un  front 
Juillet  1888.  T.  LUI.  3. 


—  34  - 

supposé?  »  Ceci  est  fort  contestable  ;  mais,  en  admettant  que  ces  déduc- 
tions fussent  exactes,  comment  M.  de  Moltke  pouvait-il  compter  en  1870 
avoir  la  supériorité  dans  le  combat,  alors  qu'il  savait  notre  armement 
très  supérieur  à  celui  de  l'armée  prussienne  et  que  nos  formations  n'é- 
taient point  inférieures  aux  formations  allemandes.  A  quoi  a-t-il  tenu 
que  Rezonville  se  changeât  en  une  débâcle  ?  Est-ce  bien  la  supériorité 
dans  le  combat  qui  a  donné  au  maréchal  de  Moltke  ses  succès?  N'est-ce 
pas  plutôt  le  manque  de  combinaisons  logistiques  chez  ses  adversaires 
tant  en  1870  qu'en  1866?  Simples  questions  que  nous  posons  aux  admi- 
rateurs des  slratégistes  allemands. 

8  et  9.  —  La  guerre  de  1870,  si  malheureuse  qu'elle  ait  été  pour 
nous,  ne  renferme  pas  moins  plus  d'une  page  glorieuse  pour  nos 
armes,  et  ce  sont  ces  souvenirs  honorables  —  quelques-uns  au  moins 
—  que  M.  Turquan  s'est  proposé  de  faire  revivre  dans  son  livre  les 
Héros  de  la  défaite.  L'idée  était  bonne,  l'exécution  demeure  médiocre. 
Nous  regrettons  en  particulier  que  cet  écrivain  n'ait  pas  cru  devoir 
citer  les  auteurs  auxquels  il  a  emprunté  ses  récits,  en  les  défigurant 
plus  ou  moins.  Tout  autre  et  d'une  tout  autre  valeur  est  l'ouvrage  du 
docteur  Sarrazin,  médecin  principal  en  retraite,  qui,  dans  ses  Récils  de 
la  dernière  guerre,  nous  livre  les  notes  prises  par  lui  au  jour  le  jour, 
tantôt  dans  les  ambulances,  tantôt  sur  le  champ  de  bataille,  avec  une 
sûreté  de  critique,  d'analyse  et  d'examen,  qui  font  de  son  travail  un 
document  précieux.  Le  docteur  Sarrazin  a  assisté  aux  journées  de  Wis- 
sembourg,  de  Frœschwiller,  de  Sedan,  puis  au  siège  de  Paris,  et  son 
récit  pour  toutes  ces  parties  de  la  guerre  est  bien  celui  d'un  témoin 
oculaire.  On  y  voit  parfois  la  colère,  toujours  l'impartialité,  mais  par- 
tout et  surtout  le  patriotisme.  Excellente  publication  d'un  intérêt  réel 
que  nos  bibliothèques  populaires  feront  bien  de  propager. 

10.  —  Et  comment  les  choses  qui  nous  parlent,  soit  de  la  guerre  de 
1870,  soit  de  l'Allemagne,  ne  nous  intéresseraient-elles  pas,  quand  cha- 
cun sent  que  le  compte  ouvert  il  y  a  dix-huit  ans  n'est  pas  liquidé 
encore,  quand  chacun  comprend  que  l'Europe  vit  actuellement  on  état 
de  trêve  armée,  qui  peut  être  rompue  demain?  Cette  situation  poli- 
tique donne  une  actualité  particulièrement  attachante  au  livre  que 
vient  de  publier  M.  Eugène  Lavissc  sur  l'Allemagne  impériale,  réu- 
nissant en  un  volume  diverses  études  que  nous  avions  déjà  lues  à 
des  époques  diflérenles  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes.  Certains 
chapitres  ont  vieilli  (le  premier  et  le  troisième  entre  autres  :  l'In- 
vasion dans  le  déparlement  de  l'Aisne  et  les  Partis  socialistes  en  Alle- 
magne) ;  mais  les  autres  sont  bien  actuels  et  l'on  ne  perdra  point  son 
temps  en  les  lisant.  Citons  en  particulier,  les  Élections  au  parlement 
d'Allemagne,  le  chapitre  sur  la  Crise  économique,  et  enfin  la  conclusion, 
État  politique  de  l'Allemagne.  Cependant  au  point  de  vue  do  la  netteté 


-So- 
dés appréciations  et  aussi  de  l'élévation  des  idées,  rien  ne  vaut  dans  le 
récent  volume  de  M.  Eugène  Lavisse  les  vingt-huit  pages  de  l'Avant-pro- 
pos.  Il  y  a  là,  en  quelques  lignes,  une  étude  approfondie,  nette,  très 
claire,  de  la  situation  politique  de  l'Europe,  un  résumé  des  dangers  que 
court  la  paix  générale ,  une  série  de  pronostics  que  l'on  sent  vrais ,  fa- 
talement appelés  à  se  réaliser  dans  un  bref  délai.  —  «  La  guerre  est 
certaine,  nous  dit  M.  Lavisse,  car  l'Allemagne  impériale  vient  de  la 
guerre  et  elle  retourne  à  la  guerre.  A  bello  ad  bellum,  voilà  son  épi- 
graphe. Elle  vient  de  la  guerre  parce  que  la  Prusse  qui  l'a  faite  est  un 
produit  de  la  guerre. . .  Terrible  cercle  vicieux  que  celui-ci  :  les  États 
ont  des  armées  pour  se  défendre  contre  la  guerre  ;  ils  ont  la  guerre 
parce  qu'ils  ont  des  armées.  L'Europe  aura  donc  la  guerre  parce  qu'elle 
se  prépare  à  la  guerre,  les  prétextes  ne  manqueront  pas  ni  les  raisons 
graves. . .  »  En  somme,  livre  très  intéressant,  d'une  haute  portée,  plein 
d'aperçus  élevés  et  de  considérations  justes. 

11.  —  Nous  ne  ferons  pas  un  éloge  aussi  complet  du  livre  que  M.  le 
commandant  Dérué  vient  de  consacrer  à  l'Escrime  dans  l'armée.  Il  y  a 
certainement  dans  cet  ouvrage  de  bonnes  pages,  mais  on  y  rencontre 
aussi  des  appréciations  erronées  :  en  tout  cas,  le  sujet  est  incomplè- 
tement traité  et  devra  être  remanié  pour  une  seconde  édition.  Le 
grand  mérite  de  ce  petit  livre  est  d'attirer  l'attention  des  militaires  et 
du  public  sur  une  sorte  de  gymnastique  indispensable  dans  une  armée 
rationnellement  entraînée,  d'eu  proclamer  Tulilité,  la  valeur,  tant  au 
point  de  vue  pratique  que  moral.  Le  dressage  physique  du  soldat,  ca- 
valier ou  fantassin,  est  intimement  lié  à  son  éducation  intellectuelle  : 
nos  règlements  ont  eu  parfois  le  tort  de  l'oublier. 

12  et  13.  —  A  propos  de  dressage,  nous  sommes  amené  à  parler  ici 
du  livre  dans  lequel  un  élève  de  feu  le  commandant  Duthil,  l'ancien 
écuyer  en  chef  de  l'École  de  cavalerie,  a  résumé  les  principes  et  les 
méthodes  de  son  ancien  maître  de  manège.  On  sait  qu'en  France, 
comme  dans  tous  les  pays  d'ailleurs,  l'équitaiion  militaire  se  distingue 
de  l'équitaiion  civile,  par  suite  de  ce  fait  qu3  si  toutes  deux  prétendent 
donner  des  principes  pour  apprendre  à  se  tenir  à  cheval,  à  manier 
et  à  conduire  une  monture,  la  seconde  diffère  cependant  de  la  pre- 
mière, parce  qu'elle  sacrifie  à  certaines  conditions  d'élégance  et  de  sou- 
plesse, la  vigueur  et  la  solidité.  M.  le  commandant  Duthil  a  eu  le  mé- 
rite de  simplifier  les  procédés  du  comte  d'Aure  en  leur  donnant  pour 
base  une  étude  plus  approfondie  et  plus  anatomique  du  cheval.  Ces 
principes,  qui  font  aujourd'hui  école  en  France,  brillent  par  une  sim- 
plicité pleine  de  bon  .sens,  par  une  rationalité  judicieuse  qui  leur 
donne  une  valeur  généralement  admise  aujourd'hui  par  tous  les  cava- 
liers. Nous  devons  être  reconnaissants  au  traducteur  de  nous  avoir  fait 
connaître  les  procédés  suivis  pour  l'éducation  du  cavalier  militaire  de 


—  36  — 

l'autre  côté  da  Rhin  el  nous  voudrions  voir  ces  deux  volumes  enlrc 
les  mains  de  tous  nos  officiers  de  cavalerie ,  car  il  s'y  trouve  nombre 
de  judicieux  conseils  ;  mais  encore  que  la  cavalerie  allemande  soit 
excellente,  nous  continuons  à  penser,  surtout  après  la  lecture  de  ce 
Manuel,  que  noti-e  dressage  français  est  supérieur  aux  méthodes  ger- 
maines. Si  nous  n'obtenons  point  de  résultats  avec  nos  procédés,  c'est 
que  nous  appliquons  mal  de  bons  principes  :  c'est  la  façon  de  faire  de 
nos  instructeurs  qu'il  faut  réformer.  Gardons  nos  usages  et  nos  mé- 
thodes. 

14.  —  D'ailleurs,  c'est  une  vérité  généralement  méconnue,  mais  qui 
n'en  est  pas  moins  réelle  et  qui  saute  aux  yeux  dès  qu'on  veut  bien  la 
rechercher,  qu'au  point  de  vue  militaire,  les  Allemands  n'ont  de  bon, 
la  plupart  du  temps,  que  ce  qu'ils  nous  ont  emprunté.  Gomment 
n'être  pas  convaincu  de  ce  fait  en  lisant  ce  nouveau  Règlement  sur  le 
service  en  campagne  qui,  par  sa  netteté,  sa  simplicité,  semble  un  docu- 
ment enlevé  aux  archives  militaires  du  premier  Empire,  une  page 
qu'aurait  signée  Morand  ou  Davout?  Mais  ce  n'est  pas  seulement  dans 
la  forme  que  ce  document  est  français  :  les  principes  de  l'avant- 
propos  se  trouvent  presque  mot  à  mot  dans  la  correspondance  de 
Napoléon;  quant  aux  divers  services:  avant-posles,  reconnaissances, 
marches,  camps  et  cantonnements,  on  n'aurait  point  de  peine  à  trouver 
dans  nos  écrivains  didactiques  militaires  les  pages  auxquelles  le  ré- 
dacteur allemand  a  fait  des  emprunts.  Nous  renvoyons  spécialement 
aux  traités  des  généraux  de  Préval  et  Lewal.  Signalons  en  passant 
certaines  expressions  que  nos  voisins,  il  faut  nous  y  attendre,  vont  un 
de  ces  jours  nous  reprocher  de  leur  avoir  empruntées,  par  exemple  les 
verbes:  «  patrouilliren,  »  aller  en  patrouille;  «  rangiren,  »  mettre 
dans  les  rangs;  «  baïonnettiren,  »  frapper  d'un  coup  de  baïonnette.  Il 
y  en  a  deux  mille  comme  cela  dans  l'idiome  de  Goethe  et  de  M.  de  Bis- 
marck. 

lo.  —  Si  les  Allemands  ne  faisaient  que  nous  emprunter  nos  mots,  nous 
pourrions  être  bons  princes  el  leur  pardonner  de  tels  larcins  ;  mal- 
heureusement leur  appétit  insatiable  demande  une  nourriture  plus 
substantielle.  En  paix  forcée  depuis  1871,  ils  ont  senti  le  besoin  d'uti- 
liser quelque  part  leur  activité  sociale,  et  c'est  dans  des  contrées  loin- 
taines que  cette  vitalité  s'est  fait  sentir  depuis  dix-huit  ans,  plus  peut- 
être  encore  que  sur  le  continent.  On  verra  en  lisant  le  livre  de 
M.  Jules  Stoecklin,  de  Zurich,  l'incroyable  développement  qu'a  pris 
rAllcmagne  sous  des  latitudes  où  son  existence  politi(iue  était  incon- 
nue et  ignorée  il  y  a  cinquante  ans.  D'ailleurs  ce  n'est  point  seulement 
l'émigration  lointaine  de  la  race  allemande  que  nous  présente 
M.  Stoecklin.  Dans  la  deuxième  i)artie  de  son  œuvre,  nous  faisons  con- 
naissance avec  «  l'Allemand  en  Kussie,  »  «  l'Allemand  en  Pologne,  » 


—  37  — 

«  rAllemand  en  Hongrie,  en  Roumanie,  en  Galicie,  en  Bukovine,  etc., 
etc.  »  C'est  un  chancre  impitoyable  qui  ronge  lentement  l'ancien 
comme  le  nouveau  monde,  un  chancre  qui  sera  bientôt  mortel  pour  la 
civilisation,  si  l'on  n'y  porto  le  fer  rouge.  Certains  chiffres  sont  pour 
nous  particulièrement  inléressants,  par  exemple  ceux  qui  nous  mon- 
trent l'Allemagne  commençant  de  prendre  un  pied  à  Madagascar, 
sinon  politiquement,  au  moins  commercialement  :  décidément  la  pira- 
tei'ie  n'est  pas  aussi  anéantie  que  nous  avons,  en  France,  la  simplicité 
de  le  croire. 

16.  —  Cette  expansion  coloniale  de  l'Allemagne  a  suivi  de  près  l'aug- 
mentation et  le  développement  de  sa  marine,  marine  naissante,  marine 
au  berceau  et  déjà  forte,  déjà  appréciable  tout  au  moins,  si  elle  n'est 
pas  redoutable  encore.  Dans  le  livre  de  M.  Stoecklin,  nous  assistons  à 
cette  éclosion  d'une  nouvelle  puissance  maritime  et  dans  celui  de  M.  P. 
C,  un  officier  de  l'armée  française,  la  Puissance  maritime  de  l'Angle- 
terre, nous  voyons  plutôt  un  empire  qui  s'affaisse  et  croule.  Dans 
sa  très  intéressante  brochure,  M.  P.  C,  après  des  considérations  géné- 
rales sur  la  défense  des  colonies  anglaises,  nous  promène  dans  les  cinq 
parties  du  monde,  et  nous  donne  une  nomenclature  détaillée  des  diver- 
ses possessions  britanniques.  Un  nombre  suffisant  de  croquis  éclaire 
le  récit.  Le  livre  se  termine  par  un  tableau  comparatif  des  flottes  des 
grandes  puissances  européennes. 

17.  — Puisque  nous  sommes  dans  la  marine,  parlons  ici  du  livre  que 
M.  Etienne  Tréfeu  vient  de  consacrer  à  Nos  Marins.  Au  point  de  vue 
littéraire,  ce  volume  contient  une  curiosité.  Nous  voulons  parler  de  la 
préface  due  à  la  plume  de  M.  de  Lesseps.  On  sait  que  les  productions 
du  récent  académicien  sont  assez  rares  pour  qu'on  les  signale  soigneu- 
sement à  l'attention  publique.  Quant  au  travail  m"me  de  M.  Tréfeu, 
malgré  de  très  sérieuses  qualités  et  un  certain  intérêt,  il  ne  nous 
parait  pas  entièrement  digue  de  son  beau  titre.  Par  une  coïncidence 
singulière,  ce  livre,  ne  parlant  que  des  marins  «  vivants,  »  ne  fait  pas 
mention  de  l'amiral  Courbet.  En  revanche,  nous  y  pouvons  lire  l'inté- 
ressante biographie  de  commissaires  de  la  marine,  de  médecins,  d'ad- 
ministrateurs, etc.,  marins  dont  certains  n'ont  probablement  jamais 
navigué...  que  sur  les  bateaux-mouches.  Par  exemple,  ce  que  nous 
avons  à  louer  sans  réserve,  ce  sont  les  illustrations  et  l'exécution 
typographique  :  les  deux  font  honneur  aux  presses  de  la  maison 
Berger-Levrault . 

18.  —  Avec  Fortification  et  Défense  de  la  frontière  franco-italienne, 
nous  revenons  sur  le  continent  européen.  Cette  brochure,  due  à  un 
«  officier  français,  »  est  une  étude  des  routes  qui  traversent  les  Alpes 
franco-italiennes,  avec  certaines  considérations  sur  la  façon  dont  la 
défense  ou  l'attaque  de  ces  passages  pourraient  être  entendues.  L'au- 


—  38  — 

teur  étudie  ensuite  les  divers  systèmes  d'invasion  qui  se  présenteraient 
à  l'idée  d'un  général  français  entrant  en  Italie.  Tout  cela  nous  paraît 
très  fantaisiste  et  ne  semble  avoir  aucune  importance  au  point  de  vue 
militaire. 

19.  —  Signalons  ici,  en  passant,  le  Carnet-Agenda  que  vient  de  pu- 
blier la  librairie  Baudoin  à  l'usage  des  officiers  d'infanterie.  C'est  un 
petit  livre  qui  rendra  des  services  tant  aux  manœuvres  qu'en  campa- 
gne, et  nous  le  recommandons  à  nos  camarades. 

20.  —  Nous  terminerons  par  une  brochure  que  nous  avons  reçue  de 
Madrid  et  qui  porte  comme  titre  :  Les  Troupes  du  génie  dans  l'armée  com- 
battante. Nous  devons  tout  d'abord  rappeler  que  ce  n'est  point  seulement 
en  France  que  des  minisires  de  la  guerre  jaloux  de  popularité,  présen- 
tent aux  Chambres  des  lois  appelées  à  faire  plus  de  bruit  que  de  bien. 
L'Espagne  sous  ce  rapport,  semble  ne  rien  vouloir  envier  à  notre  pays, 
et  récemment  encore,  M.  le  général  Cassola,  ministre  de  la  guerre, 
déposait  sur  le  bureau  des  Certes  un  projet  qui  n'aurait  tendu  à  rien 
moins  qu'à  bouleverser  la  constitution  militaire  de  nos  voisins  d'outre- 
Pyrénées.  Il  y  avait  certainement  de  bonnes  choses  dans  le  plan  du  mi- 
nistre espagnol  :  mais  il  y  en  avait  de  mauvaises,  notamment  tout  ce  qui 
concernait  l'organisation  des  troupes  spéciales,  et  la  brochure  que 
nous  avons  sous  les  yeux  ne  laisse  aucun  doute  sur  le  danger  qu'eût 
créé  pour  l'armée  espagnole  l'organisation  «  cassolienne  »  de  l'arme  du 
génie.  Ce  petit  livre,  plein  de  bonnes  choses,  est  dû,  croyons-nous,  à 
l'éminent  colonel  Don  Joaquin  de  la  Llave  ;  il  a  fait  grand  bruit  en 
Espagne  et  n'a  pas  été  sans  influence  sur  rajournement  prononcé  du 
projet  Cassola.  Arthur  de  Ganniers. 

THÉOLOGIE 

Sermons,  instriic(ioii(i«  et  allocutions  du    R.    P.  Lagordaire. 
Tomu  III.  Paris,  Poussielgue,  18s8,  in-s  de  vin-393  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Le  regretté  P.  Bayonne  avait  donné  déjà  deux  volumes  d'allocutions 
duR.P.  Lacordaire,  recueillies  çà  et  là,  intégralement  ou  par  fragments 
et  analyses.  Il  est  mort  avant  d'avoir  publié  le  troisième  dont  il  ras- 
semblait les  matériaux.  Le  P.  .Tuvenelon  a  achevé  cette  œuvre  de  piété 
filiale.  Ces  pages  n'ajouteront  rien  à  la  renonimée  oratoire  du  P.  La- 
cordaire, mais  elles  le  feront  connaître  sous  de  nouveaux  aspects.  Des 
notices  très  bien  faites,  mises  en  tète  de  chaque  discours,  précisent  les 
circonstances  où  il  fut  prononcé  :  citons  entre  autres  le  Mémoire  sur 
l'état  religieux  et  nmral  des  collèges  royaux  de  Paris,  rédigé  en  1830; 
les  plaidoyers  dans  la  poursuite  en  calomnie  intentée  parles  aumôniers 
contre  le  journal  te  Lycée,  dans  les  procès  du  journal  l'Avenir,  de 
l'École  libre,   etc.;  les  allocutions  sur  la  dignité  du  soldat,   sur  l'in- 


—  39  — 

tluence  de  la  parole  pour  le  bien  et  pour  le  mal,  sur  les  avantages,  les 
consolations  et  obligations  de  la  vie  religieuse;  sur  Fétat  des  esprits 
en  France  en  18'i9  et  les  moyens  de  régénérer  la  société;  sur  la  puis- 
sance de  la  prière,  la  nécessité  des  lectures  sérieuses.  Il  y  a  plusieurs 
exhortations  du  P.  Lacordaire  à  ses  religieux,  sur  l'humilité  et  l'es- 
sence de  la  vie  religieuse  ;  mais  comment  n'y  en  a-t-il  pas  davantage? 
Il  semble  que  là  il  eût  dû.  mettre  toute  son  âme  ;  plusieurs  discours 
adressés  à  des  membres  de  la  Société  de  Saint- Vincent  de  Paul,  à  des 
jeunes  gens,  deux  conférences  inédites  de  Notre-Dame  et  ses  articles 
sur  M™*^  Swetchine  et  le  P.  de  Ravignan  complètent  un  volume  où  ceux 
qui  ont  connu  le  P.  Lacordaire  et  goûté  ses  œuvres  trouveront  encore 
plus  d'une  jouissance.  H.  de  L'É. 

SCIENCES  ET  ARTS 

liA  Horale  de  Socrate,  par  M™*  Jules  Favre  (née  Veltex).  Paris, 
Alcan,  1888,  in-18  de  ni-328  p.  —  Prix  :  3  fr.  bO. 

Jusque  chez  les  plus  grands  hommes  de  l'antiquité,  on  peut  décou- 
vrir bien  des  taches;  il  eu  est,  du  moins  parmi  ses  philosophes,  dont 
l'enseignement  s'est  élevé  à  une  hauteur  vraiment  surprenante.  Et  sur 
bien  des  points,  ceux  qu'on  a  appelés  «  les  païens  modernes  »  auraient 
tout  à  gagner  à  se  mettre  docilement  et  sans  arrière-pensée  à  l'école 
de  ces  sages  antiques,  chrétiens  à  l'avance  par  les  plus  nobles  de  leurs 
aspirations. 

Dans  une  brochure  qui  eut  en  1881  un  certain  retentissement,  So- 
crale  et  notre  temps,  M.  Gustave  d'Eichlhal  écrivait  :  «  Chez  Socrate, 
l'élément  primordial,  ce  n'est  pas  le  génie  dialecticien ,  si  puissant 
qu'il  soit,  c'est  l'esprit  religieux,  c'est  cette  lumineuse  et  virile  piété 
qui  lui  fait  associer  en  un  merveilleux  concert  la  Divinité  et  le  monde, 
la  Providence  divine  et  la  spontanéité  humaine,  la  foi  religieuse  et  la 
raison  savante.  »  L'éloge,  peut-être  empreint  de  quelque  exagération, 
n'est  certes  pas  absolument  immérité,  et  c'est  une  pensée  semblable 
qui  a  dicté  à  M"»^  J.  Favre,  directrice  de  l'École  normale  supérieure  des 
jeunes  filles  à  Sèvres,  le  petit  volume  dont  nous  avons  à  rendre 
compte. 

Il  se  divise  en  deux  parties  intitulées:  Dieu  et  VAme,  comprenant 
chacune  une  série  de  chapitres,  découpés  eux-mêmes  en  paragraphes 
d'une  façon  assez  arbitraire.  Ce  n'est  pas  le  seul  défaut  du  plan.  Chaque 
subdivision  s'ouvre  par  une  sorte  de  résumé  ou  de  commentaire,  suivi 
immédiatement  des  textes  eux-mêmes  comme  d'autant  de  pièces  jus- 
tificatives :  procédé  qui  entraîne  des  répétitions  désagréables  de  pen- 
sées et  même  d'expressions. 

Ce  livre,  comme  d'autres  analogues,  est-il  destiné  à  préparer  et  à. 


—  40  - 

légitimer  la  substitution  de  la  morale  philosophique  à  la  morale  reli- 
gieuse dans  certains  établissements  universitaires?  Nous  n'oserions 
rien  affirmer  :  ici  nous  n'avons  qu'à  l'examiner  en  lui-même,  et  l'im- 
partialité nous  fait  un  devoir  de  déclarer  d'abord  que  la  note  chrétienne 
n'en  est  pas  aussi  absente  qu'on  pourrait  le  redouter,  et  ensuite  que 
sur  Dieu,  sur  ses  attributs,  sur  la  part  qu'il  s'est  réservée  dans  les 
affaires  de  ce  monde,  Socrate  et  Platon,  son  disciple  en  même  temps 
que  son  interprète,  ont  des  réflexions  d'une  profondeur  remarquable. 
Bien  plus,  ils  croient,  l'un  et  l'autre,  «  à  une  déchéance  morale  de 
l'humanité,  et  par  conséquent  à  la  nécessité  d'un  relèvement,  d'une 
victoire  de  la  nature  supérieure  de  l'âme  sur  sa  nature  inférieure,  vic- 
toire qui  doit  couronner  une  lutte  plus  ou  moins  longue  et  pénible,  et 
nous  renouveler  sur  le  modèle  de  la  divinité.  » 

De  là  aux  yeux  de  ces  deux  sages,  l'importance  capitale  reconnue  à 
l'éducation.  «  De  toutes  les  choses  sur  lesquelles  l'homme  peut  de- 
mander conseil,  il  n'y  en  a  point  de  plus  divine  que  ce  qui  regarde 
l'éducation  de  soi-même  et  d'autrui.  d  Malheureusement,  comme  on  le 
sait,  en  cette  matière  tout  n'est  pas  à  louer  dans  les  prescriptions  pla- 
toniciennes. Ainsi  pendant  que  Xénophon,  dans  son  Economique,  nous 
trace  un  tableau  charmant  du  rôle  de  la  femme  au  foyer  domestique , 
l'auteur  de  la  République  et  des  Lois  insiste  sur  «  la  nécessité  de  donner 
autant  qu'il  se  pourra  et  en  tout  la  même  éducation  aux  femmes  qu'aux 
hommes;  >  et  les  termes  qu'il  emploie  ne  choquent  pas  moins  le  lec- 
teur moderne  que  les  mesures  dont  il  propose  l'adoption.  En  ce  qui 
touche  ce  que  M"*°  Favre  appelle  «  les  affections  électives,  »  il  se  dégage 
même  des  plus  beaux  développements  du  Phèdre  et  du  Banquet  je  ne 
sais  quelle  émanation|délétère  de  certaine  corruption  hellénique.  Enfin 
sur  le  fondement  même  de  la  morale,  Socrate  et  Platon,  en  exaltant 
l'intelligence  au  détriment  du  libre  arbitre,  en  confondant  la  vertu 
et  la  science,  ont  cédé  à  la  même  illusion  qui  fait  croire  aujourd'hui  à 
certains  hommes  d'État  qu'instruction  et  moralité  sont  toujours  et 
partout  synonymes.  Dans  un  livre  sur  la  morale  de  Socrate, ces  réserves 
devraient,  ce  nous  semble,  être  plus  nettement  indiquées. 

G.  Huit. 


li'Kducation    en    Angleterre.    Collèges    et    Université«,, 

par  Pierre  de  Coubbrtin.  Paris,  Hachette,  1888,  in-12  do  326  p.  —  Prix  : 
3  fr.  Î3U. 

Sous  la  forme  de  notes,  de  tableaux  de  voyage,  et  avec  une  abon- 
dance de  souvenirs  personnels  pleins  de  charme,  M.  de  Coubortin  n'a 
retracé  rien  moins  que  l'esprit  de  l'éducation  anglaise.  Il  nous  fait  par- 
courir successivement  les  grandes  écoles  secondaires,  les  Public Schools, 
Eton,  Ilarrow,  Rugby,  Winchester,  et  les  autres,  les  grandes  écoles 


-  /j1  - 

catholiques  des  Oratoriens  et  des  Jésuites,  puis  il  nous  conduit  à  Ox- 
ford et  à  Cambridge,  ces  grands  foyers  de  la  haute  culture  sociale.  Il 
termine  par  une  station  à  Toynbee  Hall,  cette  magnifique  œuvre  d'é- 
ducation populaire  formée  dans  le  plus  triste  quartier  de  Londres  par 
des  gradués  des  universités  admirablement  dévoués.  Le  cadre  est  com- 
plètement rempli,  car  il  n'oublie  même  pas  une  course  aux  deux  uni- 
versités de  Dublin  qui  font  un  contraste  saisissant  avec  la  vie  brillante 
des  universités  anglaises. 

M.  de  Coubertin  a  concentré  ses  observations  sur  l'éducation  donnée 
à  la  haute  classe.  On  ne  trouve  dans  son  livre  que  quelques  indica- 
tions sommaires  mais  judicieuses  sur  l'éducation  de  la  classe  moyenne; 
ce  sont  les  hautes  classes  qui  par  leur  formation  morale  inûuent  sur 
les  autres.  Il  s'inspire  à  la  fois  de  Le  Play  et  de  Taine,  mais  il  les  «  met 
au  point,  »  car  la  société  anglaise  marche  et  se  modifie  sans  cesse.  Il 
a  vu  fonctionner  les  écoles,  il  a  interrogé  les  maîtres,  surtout  il  a  vécu 
au  milieu  des  étudiants,  et  il  est  encore  assez  près  de  ses  années  de 
collège  pour  pouvoir  faire  des  comparaisons  avec  les  mœurs  et  les  pra- 
tiques des  collèges  français.  C'est  là  qu'est  le  grand  intérêt  de  cet  ou- 
vrage et  sa  haute  portée.  Le  piquant  des  observations  y  est  joint  à 
une  sûre  doctrine  sociale. 

Notre  système  d'éducation  surmène  les  enfants  par  l'exagération  des 
études  ;  surtout  il  les  anémie  et  les  énerve  par  l'absence  de  liberté 
honnête,  par  la  privation  des  exercices  phj^siques,  par  une  surveillance 
étroite  qui  développe  à  la  fois  la  haine  de  la  discipline  et,  ce  qui  est 
plus  triste,  l'habitude  du  mensonge  chez  le  collégien  français.  Le  résul- 
tat en  est  la  multiplication,  à  la  fois,  des  «  déclassés  »  et  des  «  petits 
crevés.  »  A  ce  mal  si  complexe ,  les  remèdes  doivent  être  multiples. 
M.  de  Coubertin  insiste  surtout  sur  la  nécessité  de  faire  une  beaucoup 
plus  large  place  dans  la  vie  scolaire  aux  exercices  physiques,  surtout 
aux  exercices  spontanés  qui  développeraient  chez  nos  jeunes  collé- 
giens l'habitude  de  l'endurance,  l'esprit  d'initiative  et  le  goût  de  l'as- 
sociation. Mais  ce  serait  méconnaître  la  portée  de  son  livre  que  d'y 
voir  seulement  cette  conclusion.  Il  indique  parfaitement  aussi  la  né- 
cessité de  l'abstention  de  l'État  en  matière  d'enseignement  et  d'éduca- 
tion. L'éducation  anglaise,  à  plusieurs  époques,  a  laissé  gravement  k 
désirer.  Elle  s'est  toujours  réformée  sous  l'impulsion  de  quelques  édu- 
cateurs dévoués  par  le  cœur  et  éminents  par  l'intelligence.  L'opinion  a 
pris  parti  pour  eux,  et  la  réforme  s'est  opérée  parce  que  l'Angleterre 
ne  connaît  pas  le  fléau  de  la  bureaucratie  universitaire. 

Nous  voudrions  voir  cet  excellent  livre  aux  mains  de  tous  les  pères 
de  famille,  pourquoi  pas  aussi  dans  celles  des  mères?  Si  les  directeurs 
des  écoles  libres  s'en  inspiraient  et  réalisaient  au  moins  la  partie  des 
réformes  que  leur  position  subordonnée  vis-à-vis  de  l'enseignement 


-  42  - 

officiel  rend  possible,  ils  auraient  avancé  notablement  la  cause  de 
l'enseignement  chrétien.  G.  J, 

Paris  bieiifaifsant,  par  Maxime  du  Camp.  Paris,  Hachette,  1888,  in-8 
de  o'i6  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

M.  Maxime  du  Camp  poursuit  son  enquête  sur  la  charité  française. 
Dans  ses  précédents  volumes,  il  s'était  attaché  à  l'examen  des  œuvres 
catholiques;  mais,  dans  ce  Paris  déconcertant,  aucune  religion  n'a 
accaparé  le  monopole  de  la  pitié,  de  la  sympathie  rayonnante;  il 
y  a  des  indifférents  qui  combattent  (avec  moins  d'efficacité  peut-être  et 
de  ténacité)  le  même  bon  combat  que  les  sociétés  de  Saint-Vincent  de 
Paul  et  les  Sœurs  de  Charité  ;  il  y  a  des  protestants  qui,  après  avoir 
secouru  les  misérables  de  leur  confession,  n'oublient  pas  les  autres  et 
ouvrent  largement  leurs  bourses,  leurs  asiles,  leurs  maisons  de  refuge 
aux  souff'rants,  aux  dégradés  de  toutes  les  provenances  ;  il  y  a  même 
des  millionnaires  juifs  (un  ou  deux)  qui  ne  pourvoient  pas  seulement 
aux  maux  de  leurs  frères  en  Israël,  qui  donnent  par  élan  d'humanité 
aussi  bien  que  par  raison  de  solidarité  sociale...  Sans  doute,  il  serait 
excessif  de  définir  la  vie  parisienne  une  poussée  de  charité,  mais  les 
faits  colligés  par  M.  du  Camp  prouvent  qu'elle  n'est  pas  toujours  et 
uniquement  une  poussée  au  plaisir.  Quelques  esprits  chagrins  pour- 
ront insister  :  cette  charité  n'est-elle  pas  d'ordinaire  un  amusement, 
une  vraie  partie  de  plaisir?  —  Quelquefois,  en  effet;  mais  ces  censeurs 
oublient  d'ajouter  que  ce  plaisir  est  le  plus  noble  de  tous.  Bienheu- 
reuse la  cité  qui  n'en  connaîtrait  aucun  autre  !  Et  heureuse  encore  la 
cité  qui  le  connaît  !  Heureux  Paris  !  Cela  compense  et  rachète  bien  des 
turpitudes! 

11  ne  serait  pas  trop  malaisé  de  dégager  du  livre  de  M.  du  Camp  un 
système  coordonné  qu'on  pourrait  appeler  la  conduite  ou  la  pratique 
de  la  charité.  Cela  servirait  de  philosophie  ou,  comme  on  disait  autre- 
fois, de  morale  à  PmHs  bienfaisant. 

La  bienfaisance  a  pour  objet  de  fortifier  les  faibles  et  de  refaire  les 
débilités.  Les  faibles  —  c'est-à-dire  les  enfants  —  sont  secourus  par 
toutes  les  œuvres  d'éducation  ou  d'instruction  populaire  ;  les  diaco- 
nesses de  la  rue  de  Reuilly  reçoivent  dans  leur  école  maternelle  tous 
les  marmots  du  quartier,  les  surveillent,  les  débarbouillent,  les  caté- 
chisent pour  un  grand  merci  que  les  parents  oublient  maintes  fois  de 
donner  ;  les  petits  chiffonniers  de  la  Cite  du  Soleil  sont,  de  la  part  d'un 
comité  de  dames  protestantes,  l'objet  des  plus  vives  sollicitudes;  on 
les  initie  aux  arcanes  de  l'alphabet,  on  les  exporte  à  la  campagne  pen- 
dant les  vacances...  —  Les  œuvres  de  ce  genre  peuvent  toujours  con- 
server l'espoir  de  bons  résultats  ;  car  les  premiers  souvenirs  sont  les 
plus  lents  à  disparaître  :  un  peu  de  morale  inculquée  aux  environs 
de  sept  ans  a  mille  chances  d'infiuer  sur  la  conduite  future. 


—  43  - 

Pour  les  débilités,  il  faut  distinguer.  On  comprend  que  je  désigne 
par  ce  nom  tous  les  adultes  qui  sont  en  proie  à  quelque  maladie  phy- 
sique ou  morale.  Il  va  sans  dire  que  les  maladies  du  corps,  —  quelle 
que  soit  leur  origine  ou  leur  gravité,  et  il  faut  même  dire  :  en  propor- 
tion de  leur  gravité  —  ont  toutes  droit  à  nos  soins.  Mourir  est  à  la  ma- 
jorité des  hommes  une  trop  rude  passe  pour  qu'il  n'y  ait  pas  un  devoir 
absolu  de  l'adoucir  dans  la  mesure  du  possible,  ce  dont  Paris  ne  se 
fait  pas  faute,  bien  que  ses  bons  vouloirs  soient  à  présent  contrecarrés 
par  les  gens  qui  détiennent  l'Hôtel  de  ville.  Les  hospices  Israélites,  par- 
ticulièrement décrits  dans  le  livre  dont  nous  parlons,  excitent  presque 
la  jalousie  du  pauvre  chrétien,  tant  ils  sont  spacieux,  confortables  et 
parfois  luxueux  1  ilais  en  pareille  matière,  on  ne  saurait  reprocher  à  per- 
sonne d'avoir  lâché  la  bride  à  ses  bons  sentiments  et  dénoué  les  cor- 
dons de  sa  bourse.  —  Il  n'en  est  pas  de  même  à  l'égard  de  certaines 
maladies  morales,  de  celles  qui  revêtent  un  caractère  d'incurabilité. 
Là,  le  patient  est  perdu.  Il  y  a  des  voleurs  dont  la  conscience  est 
morte;  il  y  a  des  femmes  de  qui  les  sentiments  de  pudeur  se  sont 
irrévocablement  retirés.  Courir  de  ce  côté  serait  de  la  peine  et  de  l'ar- 
gent perdus.  Paris  y  a  songé  autrefois.  Mais  il  devient  positif  et  les 
plus  ou  moins  belles  chimères  de  1848  ne  le  hantent  plus.  Le  temps 
qu'il  gaspillerait  à  évangéliser  des  déchéances  sans  recours ,  il  l'em- 
ploie à  améliorer  des  situations  plus  dignes  d'intérêt  et  plus  suscep- 
tibles de  relèvement.  Ainsi,  VŒuvre  des  libérées  de  Sainl-Lazare,  lais- 
sant de  côté  les  fatales  victimes  de  la  prostitution,  s'efforce  d'arrêter 
une  foule  de  pauvres  femmes  sur  ce  penchant  ;  elle  les  empêche  parfois 
de  tomber  dans  cette  geôle  de  Saint-Lazare,  qui  est  un  égoùt  ;  si  la 
complicité  des  circonstances  ou  leur  faiblesse  intime  les  y  a  plongées, 
elle  les  accueille  au  sortir  de  prison,  les  habille,  leur  procure  du  tra- 
vail honnête,  se  tient  toujours  prête  à  les  secourir.  Un  tiers  de  ces 
libérées  est  ainsi  sauvé.  —  Parallèlement  à  cette  œuvre,  s'en  déve- 
loppe une  autre,  qui  est  analogue,  mais  poursuit  un  objet  moins  spé- 
cial. Tous  les  libérés,  hommes  et  femmes,  ressortent  de  l'œuvre  fondée 
par  M.  de  Lamarque,  dont  les  asiles  sont  ouverts  rue  Lourmel  et  rue 
de  la  Cavalerie.  Peut-être,  si  elle  eût  existé,  que  Jean  Valjean  aurait 
vécu  les  quarante  années  de  bonheur  qui  lui  étaient  dues,  et  que  Fan- 
tine  n'eût  jamais  connu  l'attente  nocturne  au  bord  du  trottoir.  —  Les 
protestants  ont  aussi  leurs  œuvres  de  patronage,  entre  autres  celles  des 
enfants  insoumis,  qui  est  des  plus  utiles,  puisque,  dans  ce  cas,  la  fai- 
blesse de  l'âge  s'allie  à  la  débilité  vicieuse;  il  y  a  encore,  rue  de 
Reuilly,  un  refuge  ouvert  aux  hlles  pauvres  qui  ont  fauté,  etc.,  etc. 

Des  hôpitaux  et  des  dispensaires  pour  les  misères  du  corps,  des  mai- 
sons d'éducation  et  des  sociétés  de  patronage  pour  les  misères  morales, 
voilà  en  définitive  les  quatre  espèces  d'organes  par  lesquels  s'est  mani- 


—  44  - 

festée  la  charité  parisienne,  telle  que  M.  Maxime  du  Camp  nous  l'a  dé- 
crite. Il  ne  me  reste  plus  qu'à  l'en  remercier  :  ce  que  je  fais  de  très 
bon  cœur.  Ch.  M. 

Cientîle  Bellinî  et  Sultan  ITIoliatnmed  II.  Notes  sur  le  séjour  du 
peintre  vénitien  à  Conslanlinople,  par  L.  Thuasne.  Paris,  Ernest  Leroux, 
1888,  ia-4  de  viii-71  p.  —  Prix  :  12  fr. 

Voici  un  travail  de  M.  Thuasne  qui  se  recommande  par  Férudition  et 
la  beauté  de  l'ilhistration.  «  Ce  sont,  dit  trop  modestement  M.  Thuasne, 
des  notes  pour  chercher  à  fixer  le  caractère  des  rapports  qui  existè- 
rent pendant  près  de  quinze  mois  entre  le  sultan  Mohammed  II  et  le 
peintre  Gentile  Bellini.  »  Après  la  paix  de  1479,  le  sultan  ayant  de- 
mandé à  la  seigneurie  de  Venise  de  lui  procurer  un  peintre  habile  dans 
Fart  de  faire  les  portraits,  Gentile  Bellini  fut  désigné  pour  se  rendre 
à  Constantinople  où  il  répondit  pleinement  aux  désirs  du  sultan.  Un 
témoignage  inédit,  fourni  par  un  Vénitien,  Angiolollo,  qui  vivait  à  la 
cour  de  Mohammed,  précise  pour  la  première  fois  la  nature  des  rela- 
tions établies  entre  le  peintre  et  son  protecteur.  M.  Thuasne,  dont  l'é- 
rudition est  abondante,  fait  ressortir  la  valeur  historique  des  écrits 
d'Angiolello,  présente  de  très  justes  considérations  sur  les  lettres  de 
Pie  II  et  de  Mohammed,  critique  avec  sagacité  les  différents  portraits 
qu'on  a  de  Mohammed  et  décrit  celui  qu'on  doit  à  Bellini,  actuellement 
dans  la  collection  du  célèbre  voyageur  sir  Henry  Layard.  Ce  portrait 
est  reproduit  ici  en  phototypie  ;  sept  autres  planches  hors  texte  vien- 
nent comme  pièces  à  l'appui  du  récit  ;  la  reproduction  de  l'envers  delà 
médaille  de  Costanzio,  où  Mohammed  est  représenté,  et  celle  de  l'envers 
et  du  revers  de  la  médaille  de  Gentile  Bellini  seront  aussi  remar- 
quées. H.  DE  l'É. 

BELLES-LETTRES 

liUtliei*.  Quadrô^historich-dramatich  en  prosa  y  vers,  par  Don  JOAQUIN 
HuBio  Y  Ors,  mestre  en  Gay  saber.  Barcelone,  Jepus,  1888,  in-12  de  172  p. 

GutciiibeB*«|.  Quadro  dramatich.  Seconde  édition,  par  le  même.  Bai'ce- 
lone,  estami)a  de  la  casa  provincial  de  Garitat,  188S,  in-12  de  52  p. 

Ce  n'est  pas  seulement  par  des  œuvres  historiques  et  philosopliiques 
que  M.  Rubio  y  Ors  a  donné  la  notoriété  à  un  nom  déjà  plus  d'une  fois 
inscrit  dans  cette  revue  ;  M.  Rubio  y  Ors  est  aussi  l'un  des  meilleurs 
poètes  catalans  contemporains  et  s'est  révélé  comme  tel  dès  18'i2,  par  son 
Gailer  del  Lobregal.  C'est  ù.  la  poésie  qu'il  est  revenu  dans  deux  œuvres 
récentes,  mais  à  la  poésie  appuyée  sur  l'histoire,  pour  l'une  d'elles 
surtout.  Il  s'est  comme  effrayé  de  ^idéali^ation  doal,  de  nos  jours,  Lu- 
ther a  été  l'objel,  de  cette  sorte  de  i>réénuiu'nce  qu'on  accorde  au  pro- 
testantisme et  tiont  on  admet  trop  fariloinent  l'idée  m'orne  dans  des 


—  45  - 

contrées  qui  ont  échappé  à  la  réforme  ,  sans  vouloir  considérer  que  si 
elles  semblent  dans  un  état  d'infériorité,  c'est  non  point  parce  qu'elles 
sont  catholiques,  mais  parce  qu'elles  ne  le  sont  plus  assez.  M.  Rubio  y 
Ors  a  voulu,  dans  une  œuvre  de  foi-me  dramatique,  peindre  Luther  tel 
qu'il  fut,  égaré  par  l'orgueil  et  les  passions  charnelles,  il  le  met  en 
scène  depuis  le  couvent  de  Wittenberg,  depuis  l'année  1518,  jusqu'à  sa 
mort  à  Esleben  en  1546.  Il  y  a  beaucoup  de  mouvement  dans  cette  sé- 
rie do  tableaux  que  l'auteur  n"a  entrepris  qu'après  une  longue  étude 
des  temps  où  il  se  transportail.  Les  bons  et  beaux  vers  ne  manquent 
pas  dans  cette  production  vigoureuse;  mais  on  se  demande  pourquoi, 
maniant  aussi  bien  la  langue  poétique,  l'auteur  ne  l'a  point  parlée 
d'une  manière  constante  ;  pourquoi  il  a  voulu  écrire  en  prose  certaines 
parties  de  son  œuvre.  L'exemple  d'un  mélange  de  ce  genre  a  été  donné, 
je  le  sais,  par  Shakespeare,  mais  il  a  quelque  chose  qui  étonne. 

L'histoire  de  Gutenberg,  dont  quelques  parties  sont  restées  obscures, 
a  fourni  à  M.  Ed.  Fournier  un  drame  en  cinq  actes  et  en  vers  joué  à 
l'Odéon  en  1868;  à  M'"^  L.  Figuier  une  pièce  en  prose,  non  représen- 
tée, en  cinq  actes  aussi.  M.  Rubio  y  Ors  n'a  demandé  à  la  vie  de  Gu- 
tenberg qu'un  seul  tableau  dont  la  rupture  du  grand  inventeur  et  de 
ses  associés  a  fourni  le  sujet.  Ceux-ci,  Jean  Fust  et  SchaefFer,  font 
saisir  les  caractères,  les  machines  créées  par  Gutenberg.  M.  Rubio  y 
Ors  a,  dans  de  très  beaux  vers,  peint  l'enthousiasme  de  Gutenberg  pour 
ses  admirables  créations,  il  a  montré  l'illustre  imprimeur  résistant 
avec  énergie  à  la  saisie  de  sa  presse,  son  œuvre,  sa  fille.  Beau  est  aussi 
le  passage  où  Gutenberg  parle  de  la  puissance  civilisatrice  de  sa  dé- 
couverte et  s'effraie  ensuite  à  la  pensée  qu'elle  pourrait  devenir  un 
instrimient  de  destruction...  La  générosité  d'Adolphe  de  Nassau,  qui 
accorde  une  pension  à  Gutenberg  et  le  met  à  l'abri  des  poursuites  de 
ses  créanciers,  termine  cette  pièce  à  laquelle  M.  Rubio  y  Ors,  montrant 
ainsi  ses  talents  de  poète  dans  deux  langues,  a  joint  une  traduction  en 
vers  castillans.  Th.  P. 

Vleurs  d'automne.  Chansonnettes  et  Poésies  {Hiérschiblu- 
men  :  Liddercher  a  Gedichten),  par  MICHEL  Lentz.  Luxembourg,  J.  Heintze, 
1887,  in-18  de  381  p. 

Il  nous  vient  d'un  pays  ami  un  charmant  petit  volume  dont  le  faux 
titre  s'étale  sur  un  bouquet  ;  dont  le  titre  est  entouré  de  fleurons  et  les 
pages  d'un  fin  liseré  ;  dont  les  pièces  commencent  par  des  initiales 
gracieusement  décorées,  et  sont  séparées  par  une  tète  d'ange,  un  oi- 
seau, une  fleur,  un  serpent  ou  un  cul-de-lampe.  Cette  profusion  d'or- 
nements, d'ailleurs  du  meilleur  goût,  ne  ferait  que  nous  indisposer  si 
le  contenu  n'était  pas  digne  de  son  enveloppe  ;  mais  c'est  le  recueil 
des  dernières  productions  d'un  poète  qui  est  devenu  classique  de  son 


-  46  — 

vivanl,  el  dont  la  Locomotive  (Feierwon)  est  le  chant  national  des 
Luxembourgeois.  Un  vrai  souffle  de  patriotisme  anime  en  effet  les 
œuvres  de  l'aimable  auteur,  et  il  n'avait  pas  besoin  d'autorisation 
pour  dédier  à  sa  patrie  le  présent  volume,  comme  il  prend  la  liberté 
de  le  faire  dans  sa  première  pièce  ;  et  dans  la  dernière  il  est  bien  en 
droit  de  demander  que  l'on  écrive  sur  sa  tombe  :  «  Ici  repose  un  en- 
fant du  Luxembourg  à  qui  rien  ne  fut  plus  cher  que  son  pays.  »  — 
«  Ce  que  j'aime  le  mieux  à  chanter,  écrit-il  ailleurs,  c'est  ma  chère 
patrie  »  (p.  48.)  Il  ne  sort  guère  des  limites  du  grand-duché,  mais 
que  de  belles  et  agréables  choses  n'y  a-t-il  pas  dans  le  cercle  étroit  de 
son  horizon  visuel  !  Il  voit  et  chante  tout  ce  que  l'on  peut  voir  dans  le 
Luxembourg,  sans  en  excepter  le  soleil  et  les  étoiles  ;  aucun  sujet,  au- 
cune créature,  si  humble  soit-elle,  ne  lui  paraît  indigne  de  son  atten- 
tion ;  mais  s'il  n'est  rien  de  si  haut  que  son  Pégase  ne  puisse  atteindre, 
il  ne  s'égare  pas  non  plus  dans  l'empyrée.  La  philosophie  du  bon  sens 
lui  suffit,  et  c'est  surtout  les  choses,  les  phénomènes,  les  hommes  de 
la  nature,  en  un  mot,  la  réalité  qu'il  excelle  à  peindre  sans  tomber 
dans  le  réalisme.  Tout  lui  sert  de  thème  ;  le  prisonnier,  le  bohémien, 
rémouleur,  le  tisserand,  le  perruquier,  la  forge,  figurent  dans  plus  de 
deux  cents  pièces  de  vers  en  dialecte  luxembourgeois,  tout  aussi  bien 
que  le  ruisseau,  la  montagne,  les  bois,  les  fleurs,  l'insecte,  l'oiseau,  les 
kermesses  et  les  fêles  de  corporation  ;  il  ne  s'est  servi  du  haut  alle- 
mand que  dans  dix  pièces,  la  plupart  relatives  à  la  famille  royale 
grand-ducale  et  au  premier  évèque  de  Luxembourg.  Les  chiffres,  qui 
sont  le  fait  d'un  conseiller  à  la  Chambre  des  comptes,  n'ont  ni  tari  sa 
verve,  ni  desséché  son  imagination,  ni  altéré  la  fraîcheur  de  sa  pensée. 
Il  affirme  avec  beaucoup  de  vérité  que  sa  plume  n'est  pas  trempée 
dans  le  fiel;  il  ne  satirise  presque  jamais,  à  peine  décoche-t-il  quelque 
innocente  épigramme  ;  les  cordes  idyllique  et  élégiaque  sont  celles 
qu'il  fait  le  plus  souvent  résonner  ;  il  a  une  tendresse  infinie  pour 
l'enfant,  el  les  joies  de  la  famille  tiennent  autant  de  place  dans  ce  vo- 
lume que  les  expansions  du  patriotisme.  Si  sensible  que  soit  sa  muse 
pour  tout  ce  qu'il  y  a  de  beau,  elle  reste  toujours  chaste  et  naïve  ;  sa 
poésie  est  saine  comme  la  population  à  laquelle  elle  s'adresse.  Quoique 
simple  et  naturelle,  elle  ne  manque  pas  de  virtuosité.  On  pourrait  citer 
telle  chanson  dont  la  facture  est  des  plus  brillantes.  Il  sait  donner  un 
grand  relief  à  sa  pensée  par  l'emploi  d'antithèses,  de  parallèles  ou  de 
redondances  vraiment  populaires.  Une  bonne  i)arliede  ses  pièces  peu- 
vent être  chantées,  et  il  a  souvent  indiqué  les  airs  connus  sur  lesquels 
il  les  a  composées,  ce  qui  les  rend  plus  accessibles  aux  hommes  du 
peuple.  Elles  ont  donc  une  portée  d'autant  plus  grande  qu'en  cha- 
touillant la  fibre  nationale  elles  cntreliennrnt  l'amour  de  la  patrie  dans 
le  cœur  des  Luxembourgeois,  et  peuvent  ainsi  contribuer  au  main- 


—  47  — 

tien  de  leur  indépendance  et  de  leur  neutralité,  si  favorables  pour  la 
paix  de  l'Europe.  E.  Beauvois. 

lie  Grand  Siècle.  Bossiiet,  par  Mgr  Ricard,  prélat  de  la  maison  de 
Sa  Sainteté,  professeur  honoraire  di  s  f'acultés  d'Aix  et  de  MarseQle. 
Lyon,  Vitte  et  Perrussel,  1888,  in-12  de  vi-387  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Voici  les  dernières  lignes  du  nouveau  volume  de  Mgr  Ricard  :  «  Dieu 
venait  de  retirer  à  l'Église  et  au  monde  la  plus  grande  des  lumières  et 
le  plus  beau  des  génies  du  grand  siècle.  »  Cette  appréciation  heureu- 
sement formulée  ne  saurait  être  taxée  d'exagération.  J'irais  même  plus 
loin  que  le  dernier  historien  de  Bossuet  et  je  dirais  que,  dans  le 
domaine  des  lettres,  l'évêque  de  Meaux  est  le  plus  admirable  et  le  plus 
complet  génie  dont  puisse  se  glorifier  la  France.  Théologien,  philo- 
sophe, historien,  controversiste ,  orateur,  il  est  toujours  et  partout  le 
premier  et  sa  gloire  est  de  celles  qui  s'imposent  à  la  postérité  la  plus 
reculée.  Après  deux  siècles,  ses  œuvres  sont  aussi  actuelles,  aussi 
neuves,  aussi  vivantes  qu'au  premier  jour.  C'est  pour  cela  qu'on  ne  se 
lasse  pas  d'entendre  parler  de  lui,  et  qu'après  tant  de  travaux  consacrés 
à  cette  grande  mémoire,  le  livre  de  Mgr  Ricard  sera  bien  venu  auprès 
de  tous  les  esprits  éclairés  qui  ont  le  culte  des  bonnes  lettres. 

Évidemment  le  dernier  historien  de  Bossuet  n'a  pas  prétendu  tout 
nous  dire  sur  cette  admirable  vie  ;  pour  y  réussir,  il  faudrait  de  gros 
volumes ,  et  Mgr  Ricard  nous  en  donne  un  seul  et  encore  n'est-il  pas 
très  compact.  Il  est  en  revanche  imprimé  avec  un  luxe  de  fort  bon 
goût.  Après  avoir  consciencieusement  étudié  et  les  œuvres  de  Bossuet 
et  les  travaux  estimables  de  ses  devanciers,  Mgr  Ricard  s'est  appliqué 
à  mettre  à  la  portée  du  commun  des  lecteurs  ce  qu'il  est  essentiel  de 
savoir  sur  la  vie  de  son  héros.  Il  y  a  réussi  par  son  procédé  ordinaire 
qui  consiste,  on  le  sait,  à  présenter  au  lecteur  une  série  de  tableaux 
agréablement  écrits,  où  les  principaux  événements  sont  retracés  avec 
une  mise  en  scène  parfois  un  peu  pompeuse,  mais  faite  pour  attirer  et 
retenir  l'attention.  Les  personnes  habituées  aux  études  d'érudition  ne 
trouveront  donc  ici  rien  de  bien  nouveau,  mais  les  autres,  qui  sont  le 
grand  nombre,  liront  avec  un  véritable  intérêt  ces  pages  attrayantes. 
Mgr  Ricard  est  évidemment  très  sjTiipathique  à  Bossuet  et  il  convient 
de  l'en  féliciter  absolument.  Il  faut  reconnaître  aussi  que,  tout  en  glis- 
sant assez  légèrement  sur  quelques  événements  où  l'attitude  de  l'il- 
lustre évêque  ne  fut  peut-être  pas  absolument  exempte  de  tout 
reproche,  le  biographe  s'est  fait  iin  devoir  de  les  indiquer  d'une 
manière  suffisante.  Bossuet  est  assez  grand  pour  qu'on  ne  dissimule 
aucun  de  ses  actes.  Il  s'est  trompé  quelquefois,  mais  il  a  toujours  été 
conduit  par  l'amour  de  l'Église  et  le  zèle  de  la  vérité.  Mgr  Ricard  s'est 
appliqué,  avec  raison,  à  mettre  en  relief  la  vraie  et  tendre  piété  de 


—  48  - 

révêque  de  Meaux,  à  dévoiler  les  trésors  de  charité  dont  son  âme  fut 
remplie.  On  ne  sait  pas  assez  qu'en  Bossuet  les  qualités  du  cœur  ne  le 
cédèrent  pas  aux  dons  de  l'esprit  :  Tévèque,  chez  lui,  mérite  la  même 
admiration  que  l'orateur  et  l'écrivain.  On  doit  savoir  gré  à  son  dernier 
historien  de  l'avoir  dit  et  de  l'avoir  démontré,  E.  A. 


Mélanges^  grecs,  par  Cucuel  et  Allègre,  maîtres  de  conférences 
de  philo  o^Aa  et  de  littérature  grecques  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon 
(Tome  V  de  la  Bibliothèque  de  la  Faculté).  Paris,  Leroux,  1888,  in-8  de  vii- 
103  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Quand  les  sites  les  plus  célèhres  d'une  contrée  ont  été  suffisamment 
explorés,  la  curiosité  du  touriste  se  rejette  sur  des  régions  demeurées 
jusque-là  à  peu  près  ignorées.  Il  n'en  va  pas  autrement  en  littérature. 
Les  traducteurs  modernes,  chose  naturelle,  se  sont  attachés  d'abord 
aux  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité,  et  maintenant,  cette  liste  de  choix 
épuisée,  nous  les  voyons  consacrer  leurs  efforts  aux  auteurs  de  se- 
cond et  même  de  troisième  ordre.  C'est  ainsi  que  dans  ce  volume  de 
Mélanges,  M.  Cucuel  nous  donne  la  première  traduction  complète  en 
français  des  œuvres  attribuées  à  l'orateur  grec  Antiphon,  assez  sou- 
vent confondu  avec  un  sophiste  contemporain  du  même  nom. 

Né  dans  une  partie  montagneuse  et  déserte  de  l'Attique,  Antiphon, 
venu  plus  tard  à  Athènes,  n'y  acquit  jamais  cette  élégance  qui  sédui- 
sait la  foule  dans  la  personne  de  Critias  et  d'Aleibiade.  Son  talent  un 
peu  rude  garda  toujours  l'empreinte  du  milieu  où  il  avait  grandi.  On 
raconte  que  le  dégoût  de  la  politique  le  détermina  à  se  faire,  durant  quel- 
ques années,  professeur  d'éloquence  à  Corinthe  :  d'après  Quintilien,  il 
eut  l'honneur  de  créer  en  Grèce  la  phrase  oratoire. 

Parmi  les  quinze  discours  édités  d'ordinaire  sous  son  nom,  trois  pa- 
raissent se  rapporter  à  des  causes  réelles  ;  le  plus  intéressant,  à  cause 
des  curieux  détails  de  mœurs  qu'il  renferme,  le  plaidoyer  en  faveur 
d'un  Mitylénien  poursuivi  à  la  suite  du  meurtre  d'un  certain  Hérode, 
ne  fait  guère  songer  à  un  grand  orateur. 

(juaut  aux  quatre  Télralogics  qui  suivent,  les  avis  des  critiques  sont 
très  partages.  Tandis  qu'à  l'étranger  l'opinion  générale  les  considère 
comme  apocryphes,  en  France  elle  penche  pour  leur  authenticité.  L'au- 
teur y  plaide  le  pour  et  le  contre  sur  des  sujets  abstraits  et  généraux, 
dégagés  de  toute  complication  inutile  :  au  jugement  de  M.  A.  Groiset, 
ce  sont  des  modèles  pratiques  fort  remarquables  de  la  souplesse  d'es- 
prit que  réclamaient  alors  les  besoins  de  l'art  récent  du  logographe. 

Tels  sont  les  discours  que  M.  Cucuel  vient  de  traduire,  en  cherchant 
moins,  ainsi  qu'il  en  prévient  ses  lecteurs,  à  être  élégant  qu'à  conser- 
ver fidèlement  l'aspect  un  peu  sévère  et  souvent  un  peu  embarrassé 
du  texte  grec.  Ce  premier  essai  est  d'un  très  bon  augure,  car  M.  Cucuel 


-  49  - 

nous  promet  une  version  semblable  de  tous  les  orateurs  grecs  non 
encore  traduits. 

La  dernière  feuille  de  ce  petit  volume  est  occupée  par  une 
dissertation  assez  ingénieuse  de  M.  Allègre,  relative  à  une  scène  des 
plus  comiques  des  Grenouilles  d'Aristophane.  L'explication  nouvelle 
qu'il  donne  d'un  passage  controversé  choque  quelque  peu  notre  goût 
et  nos  mœurs  modernes;  mais  elle  est  tout  à  fait  dans  le  genre  et  les 
habitudes  du  Rabelais  athénien.  C.  Huit, 


madame  de  Cliateaubriand.  liettres  inédites  à  Ciausel 
de  Coussergues,  par  le  chanoine  G.  Pailhès.  Bordeaux,  Feret,  1888, 
in-8  de  114  p.,  avec  o  eaux-fortes.  —  Prix  :  10  fr.  (Tire  à  100  exem- 
plaires.) 

Le  Polyhiblion  a  parlé  (t.  XLIX,  p.  69-70)  des  Mémoires  de  M"'*'  de 
Chateaubriand,  publiés  par  M.  le  chanoine  Pailhès,  avec  un  apparatus 
historique  et  critique  très  intéressant  et  très  complet.  Une  nouvelle 
bonne  fortune  est  échue  à  cet  écrivain  délicat.  La  famille  ce  Ciausel  de 
Coussergues  lui  a  confié  un  très  curieux  dossier  renfermant  la  corres- 
pondance de  M"e  de  Chateaubriand  avec  celui  qu'elle  appelait  «  notre 
meilleur  ami  »  et  dont  elle  avait  fait  «  son  ministre  »  au  département 
des  bonnes  œuvres. 

M.  le  chanoine  Pailhès  ne  s'est  pas  contenté  d'aligner  tels  quels  les 
documents  ou  bien  encore  de  les  encadrer  dans  une  sèche  annotation, 
il  les  a  mis  véritablement  en  œuvre.  Il  nous  fait  pénétrer  plus  profon- 
dément encore  dans  l'intimité  de  M^^^  de  Chateaubriand  où  son  précé- 
dent volume  nous  avait  introduits  ;  il  nous  met  directement  en  rap- 
ports avec  Ciausel  de  Coussergues,  qui  méritait  infiniment  mieux  que 
les  courtes  notices  des  dictionnaires  et  les  lignes  quelque  peu  dédai- 
gneuses de  Sainte-Beuve.  Les  lettres  viennent  ensuite,  mais  faisant 
corps  avec  le  récit  qu'elles  expliquent,  expliquées  elles-mêmes  et  dis- 
cutées dans  leurs  détails  et  leurs  allusions.  Cette  nouvelle  contribution 
à  l'histoire  du  groupe  de  M^"^  de  Chateaubriand  est  des  plus  impor- 
tantes. M.  Pailhès  s'y  montre  très  compétent  en  tout  ce  qui  regarde 
l'époque  et  le  milieu,  très  famillier  aussi  avec  les  critiques  et  les  his- 
toriens qui  l'ont  devancé  dans  la  carrière  où  il  s'est  engagé  si  brillam- 
ment lui-même.  Il  discute  et  rectifie  leurs  erreurs  avec  beaucoup  de 
courtoisie  et  de  bon  goût. 

Ce  court  et  curieux  volume  a  été  tiré  à  cent  exemplaires  seulement, 
sur  papier  de  Hollande.  Un  excellent  artiste  bordelais,  M.  Léo  Drouyn, 
a  gravé  à  l'eau-forte,  pour  l'illustrer  dignement,  cinq  jolies  vues  de 
l'infirmerie  de  Marie-Thérèse.  E.  A. 


Juillet  1888.  T.  LIU.  4, 


-  m  - 

Ites  Grandis  Écrivains  de  la  France.  OSuvres  du  cardinal 
de  Retz.  Tomes  VI,  VIII  et  IX,  par  R.  Ghantelauze.  Paris,  Flachelte, 
1887,  3  vol.  in-8  de  lxxvii-666,  lxxiii-650  et  XLiu-h6ô  p.  —  Prix  de  chaque 
vol.  :  7  fr.  50. 

Le  tome  VII  de  l'édition  des  Œuvres  du  cardinal  de  Retz,  donnée 
dans  la  collection  des  Grands  Écrivains  de  la  France  par  M.  Alphonse 
Feillet,  M.  J.  Gourdault  et,  depuis  le  tome  V,  par  M.  R.  Ghantelauze, 
avait  été  publié  en  1882,  avant  le  tome  VI.  Il  renfermait  la  correspon- 
dance diplomatique  de  Retz,  pendant  les  missions  secrètes  que  lui 
confia  Louis  XIV  à  Rome.  Le  tome  VI  a  enfin  vu  le  jour  et  bientôt 
après  les  tomes  VIII  et  IX,  qui  achèvent  l'édition,  du  moins  en  ce  qui 
concerne  le  texte  des  œuvres,  car  nous  ne  possédons  encore  ni  le  lexi- 
que qui  doit  terminer  la  publication,  ni  la  biographie  de  Retz,  qui  doit 
lui  servir  d'introduction  générale.  Il  est  à  craindre,  pour  cette  biogra- 
phie, que  la  mort  récente  de  M.  Ghantelauze,  qui  a  justement  affligé 
les  amis  des  lettres,  ne  soit  une  cause  de  long  retard. 

Le  tome  VI  comprend  les  lettres  épiscopales,  mandements  et  autres 
actes  et  opuscules  du  cardinal  de  Retz  depuis  son  arrestation,  en  date  du 
19  décembre  1652,  jusqu'à  sa  rentrée  en  France,  le  14  février  1662.  Tous 
ces  écrits,  ainsi  que  les  documents  publiés  dans  l'Appendice,  se  réfèrent 
à  la  lutte  engagée  au  sujet  de  l'archevêché  de  Paris  entre  Mazarin,  qui 
mit  tout  en  œuvre  pour  en  déposséder  le  turbulent  titulaire,  et  Retz, 
qui  refusa  avec  une  invincible  opiniâtreté  de  se  démettre  de  son  siège. 
—  Le  tome  VIII  contient  des  lettres  de  Retz  à  l'abbé  Gharrier,  son 
envoyé  à  Rome,  chargé  d'y  solliciter  sa  promotion  au  cardinalat  ;  ses 
lettres  à  l'abbé  Paris,  à  son  intendant  M.  de  la  Fons,  et  sa  correspon- 
dance diverse.  Un  supplément  à  ce  tome,  distribué  avec  le  tome  IX, 
renferme  une  série  de  lettres  inédites  de  Retz  au  grand  Gondé,  tirée 
des  archives  de  Ghantilly.  —  Le  tome  IX  et  dernier  contient  quelques 
écrits  et  discours  de  la  jeunesse  de  Retz,  et  en  particulier  ses  sermons 
inédits  ;  les  dissertations  qu'il  écrivit,  pendant  ses  dernières  années, 
sur  le  cartésianisme,  et  un  assez  grand  nombre  d'actes  et  documents 
divers  publiés  en  appendice.  —  Ghacun  de  ces  trois  volumes  est  pré- 
cédé d'une  introduction  historique  et  littéraire,  due  à  la  plume  de 
M.  Ghantelauze.  Les  annotations  philologiques  sont  l'œuvre  de 
M.  Marty-Laveaux.  M.  S. 

fEuvres    et    Correspondance    inédites    de    d'Aleiubert , 

par  Charles    Henry.  Paris,  Periin,  18S7,  in-8  de  352  p.  —  Prix  :  G  Ir. 
Corre.<<i|iondance  inédite  de  d'Aleinbert,  par  Charles  Henry. 
Paris,  Gaulhier-Villars,  1887.  ln-'<  lie  112  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

M.  Charles  Henry  est  un  infatigable  chercheur.  Depuis  dix  ans,  il 
ne  cesse  de  mettre  au  jour  di's  documents  nouveaux,  particulièrement 
sur  les  savants  et  les  mathématiciens  des  deux  derniers  siècles.  C'est 


-  31  - 

lui  qui  nous  a  fait  connaître  l'introduction  à  l'étude  de  la  chimie, 
écrite  par  Diderot  pour  le  cours  de  chimie  de  Rouelle,  très  beau  travail 
publié  pour  la  première  fois,  en  juillet  1884,  dans  la  Revue  scientifique. 
Aujourd'hui,  il  nous  présente  les  œuvres  et  la  correspondance  inédites 
de  d'Alembert.  Cette  publication  comprend  deux  parties  :  l'une,  im- 
primée à  Paris,  contient  les  œuvres  et  les  correspondances  diverses 
du  célèbre  géomètre  ;  l'autre,  donnée  d'abord  à  une  Revue  italienne 
et  imprimée  à  Rome,  contient  spécialement  la  correspondance  scien- 
tifique. 

On  sait  le  rare  génie  de  d'Alembert  pour  les  mathématiques.  Ses 
travaux  en  astronomie  et  en  mécanique  sont  de  première  importance. 
On  lui  doit  entre  autres  le  fameux  théorème  qui  ramène  toute  question 
de  mouvement  à  une  question  d'équilibre.  Sa  valeur  comme  écrivain 
est  plus  contestable.  N'était  la  part  prise  par  lui  au  mouvement  anti- 
religieux, il  n'eût  pas  obtenu  un  si  haut  rang  parmi  les  hommes  de 
lettres  du  xviu°  siècle.  Les  documents  publiés  par  M.  Henrj^  ne  pa- 
raissent pas  devoir  modifier  l'opinion  qu'on  se  faisait  déjà  de  d'Alem- 
bert comme  littérateur  et  comme  philosophe.  Les  œuvres  nouvelle- 
ment publiées  sont  de  peu  de  valeur.  îsous  excepterions  peut-être  les 
réflexions  sur  la  musique,  qui  montrent  en  d'Alembert  un  précurseur 
d'Helmholtz,  dans  la  science  de  décomposer  les  sons  en  leurs  harmo- 
niques. La  correspondance  est  plus  intéressante,  bien  que  M.  Henry  y 
ait  admis  un  certain  nombre  de  pièces  qui  n'ont  de  valeur  qu'à  titre 
d'autographes.  Le  volume  publié  à  Rome  contient  plusieurs  lettres 
curieuses  au  point  de  vue  de  l'histoire  des  sciences  au  xviii®  siècle, 
telles  la  correspondance  avec  Lesage,  avec  Gastillon,  avec  Garac- 
cioli,  etc.,  et  la  lettre  écrite  à  un  inconnu  en  1777,  sur  la  rivalité  enlre 
les  géomètres  français  et  anglais. 

Nous  avons  remarqué  une  lettre  à  Gondorcet,  qui  constate  la  fin 
chrétienne  de  M^^^  Geoffrin.  D'Alembert  se  plaint  amèrement  de  la  fille 
de  celte  célèbre  femme  philosophe,  qui  Ta  tenu  écarté  du  lit  de  mort 
du  jour  où  sa  mère  eut  reçu  les  derniers  sacrements.  Gette  mesure 
était  sans  doute  rigoureuse,  mais  à  parler  franchement,  toute  la  cor- 
respondance inédite  publiée  par  M.  Henry  montre,  si  besoin  était, 
qu'elle  fut  justifiée  et  que  M™°  de  la  Ferté-Imbault  avait  vu  clair  à 
travers  le  respect  officiel  de  d'Alembert  pour  le  culte  établi. 

Nous  citerons  encore  la  curieuse  correspondance  de  d'Alembert  avec 
Catherine  II,  qui  avait  eu  la  singulière  idée  de  le  donner  pour  pré- 
cepteur à  son  fils.  D'Alembert  eut  la  sagesse  de  refuser.  L'impératrice 
ne  tomba  pas  beaucoup  mieux  ;  au  lieu  de  d'Alembert,  elle  eut  La 
Harpe,  un  maître  alors  en  incrédulité.  Catherine  II  flattait  les  philo- 
sophes, comme  un  moyen  d'accroître  son  prestige  en  Europe,  mais 
elle  n'entendait  nullement  leur  sacrifier  ses  intérêts  politiques.  D'A- 


-  o2  - 

lembert  s'en  aperçut  bien,  quand  il  voulut  intervenir  pour  quelques 
malheureux  Français,  coupables  d'avoir  pris  part  au  mouvement  polo- 
nais de  1772. 

Signalerons-nous  en  terminant  quelques  lettres  de  d'Alembert  à 
M"^  de  Lespinasse  ?  Mon  Dieu  !  oui  ;  il  est  utile  que  l'on  sache  combien 
la  fibre  patriotique  vibrait  faiblement  chez  ces  grands  précurseurs  de 
notre  Révolution.  Nous  voyons  d'Alembert,  aussitôt  conclue  la  paix 
désastreuse  de  1763,  se  précipiter  à  la  cour  du  roi  de  Prusse  et  se  ren- 
gorger sous  ses  cajoleries.  Certes,  les  chefs  de  Tincrédulité  contempo- 
raine haïssent  l'Église  autant  que  d'Alembert,  mais  nous  n'en  avons 
vu  aucun  courir  à  Berlin  après  la  paix  de  Francfort.  D.  V. 


HISTOIRE 


liCB  Populations  danubiennes.   Éludes    d'ethnographie    comparée, 
par  J.  Van  den   Gheyn,   S.  J.   Gand,  Engelcke,  1886,  in-8  de  290  p. 

Si  l'on  envisage  les  populations  danubiennes  dans  leur  état  actuel, 
il  n'y  a  pas  de  contrée  en  Europe  où  il  soit  plus  facile  de  distinguer  et 
de  spécifier  les  races.  Ces  races  sont  au  nombre  de  quatre  :  la  race 
grecque,  la  race  albanaise,  la  race  roumaine,  la  race  slave,  cette  der- 
nière subdivisée  en  Bulgares  slavisés  et  en  Serbes.  Les  caractères  dif- 
férentiels sont  tellement  tranchés,  que  l'œil  le  moins  exercé  ne  con- 
fondra jamais  un  homme  d'une  race  avec  l'homme  d'une  autre.  Il  y  a 
bien  des  enchevêtrements  de  groupes  ou  de  sujets  isolés,  mais  sans 
aucune  altération  des  signes  spécifiques.  Nulle  part  il  ne  se  forme,  au 
point  de  rencontre,  un  métissage  persistant  :  l'une  des  populations 
repousse  l'autre.  Ainsi,  le  Roumain  gagne  du  terrain  sur  le  Serbe,  le 
Bulgare  sur  le  Grec.  Les  uns  ou  les  autres  adoptent  bien  quelques 
expressions  ambiantes,  mais  c'est  là  un  phénomène  auquel  les  obser- 
vateurs superficiels  attachent  trop  d'importance.  En  réalité,  il  n'est 
apparu  nulle  part,  dans  ces  contrées,  une  langue  mixte.  Autrement 
dit,  ces  races  n'ont  l'une  à  l'égard  de  l'autre,  non  seulement  rien  de  ce 
qu'on  appelle  en  chimie  ralTmilé,  mais  aucune  tendance  au  simple 
mélange. 

Lorsque  la  science  aborde  la  discussion  des  origines,  elle  ne  ren- 
contre, au  contraire,  que  chaos  et  obscurité.  On  remplirait  plusieurs 
pages  rien  qu'à  mentionner  ce  qui  a  été  affirmé  de  conclusions  contra- 
dictoires et  toujours  tranchantes  sur  les  Scythes,  les  Thraces,  les 
Gêtes,  les  Daces,  les  lilyres,  sur  leur  caractère  propre,  leur  habitat  ou 
leur  histoire,  sur  l'identité  de  telles  ou  telles  appellations,  et  plus  en- 
core sur  la  part  qui  revient  aux  uns  ou  aux  autres  dans  la  formation 
des  (jualre  groupes  dont  nous  faisions  ressortir  en  commençant  la  lu- 
mineuse et  persistante  diversité.  La  question  s'est  encore  compliquée 


-  53  - 

de  deux  faits  externes  :  la  colonisation  romaine  et  les  invasions  ger- 
maniques. Il  existe  des  documents  relativement  modernes,  dans  les- 
quels S.  Méthode,  un  Slave  de  Salonique,  est  imperturbablement  traité 
de  Goth  et  considéré,  en  conséquence,  comme  infecté  de  l'hérésie  d'A- 
rius.  (Consulter  Saint  Cyrille  et  Saint  Méthode,  Leroux,  1883.) 

Il  y  a  trente  ans,  Bergmann,  un  professeur  de  l'Université  de  Stras- 
bourg, publiait  deux  ouvrages  intitulés  :  l'un  les  Scythes,  et  l'autre  les 
Gèles,  qui  sont  remplis  d'érudition,  mais  qui  n'apportent  au  problème 
aucune  solution  décisive.  Dans  le  travail  que  nous  annonçons,  le 
R.  P.  Van  den  Ghej'n  résume  avec  clarté  et  discute  avec  une  sagacité 
remarquable  les  œuvres  de  ses  devanciers.  Il  apporte  même  quelques 
nouveaux  éléments  à  la  discussion;  mais  je  n'en  demeure  pas  moins 
amené  à  reproduire  ici  une  citalion  que  notre  auteur  emprunte  lui- 
même  à  G.  Lejean.  •(  L'ethnographie  ancienne  des  contrées  qui  for- 
ment aujourd'hui  la  Turquie  d'Europe  ne  peut  guère  être  qu'une  série 
d'hj'pothèses,  dont  la  probabilité  relative  doit,  faute  de  mieux,  nous 
tenir  lieu  de  la  certitude  absente.  » 

Dans  l'Europe  orientale,  les  problèmes  d'érudition  sont  des  questions 
politiques.  Chaque  population,  depuis  les  cinquante  dernières  années, 
demande  à  l'histoire  et  à  l'ethnologie  ses  titres  à  l'existence,  souvent 
même  à  l'expansion.  L'ouvrage  du  savant  jésuite  de  Gand  mérite,  sous 
ce  rapport,  une  attention  spéciale.  Il  s'agit  de  l'origine  des  Roumains. 
En  1781,  l'Allemand  Sulzer  prétendit  que  les  Moldaves  et  les  Valaques 
de  la  rive  gauche  du  Danube  ne  descendent  pas  des  colons  de  Trajan. 
Le  Hongrois  Engel  se  rangea  naturellement  du  même  avis,  qui  fut  aussi 
soutenu  par  les  savants  slaves  les  plus  célèbres.  Vers  1860,  un  profes- 
seur de  Gratz,  Robert  Roesler,  releva  avec  un  certain  éclat  la  thèse  sou- 
levée par  Sulzer  et,  tandis  qu'il  était  vivement  combattu  en  Roumanie, 
en  Allemagne  même,  il  rencontrait  en  France  le  concours  décidé  de 
M.  Gaston  Paris.  Le  R.  P.  Van  den  Gheyn  cite  les  travaux  qui  ont  été 
publiés  dans  un  sens  comme  dans  l'autre.  Il  se  prononce  en  faveur  de 
la  romanité  des  Roumains,  ce  qui  était  l'opinion  générale  depuis  le 
chroniqueur  IS'estor  jusqu'à  Sulzer. 

Une  courte  dissertation  sur  l'origine  des  Bulgares  et  sur  leur  condi- 
tion actuelle  vient,  sans  toutefois  apporter  rien  de  bien  nouveau, 
compléter  l'étude  ethnographique  du  R.  P.  Van  den  Gheyn.  Pour  faire 
une  part  à  la  critique,  nous  l'engagerions  à  ne  pas  affirmer  comme  un 
fait  incontesté,  que  le  slavon  d'Église  est  l'ancienne  langue  bulgare. — 
D'autres  inclinent  à  penser  que  les  apôtres  du  ix^  siècle  ont  fait  des 
emprunts  à  plusieurs  idiomes  slaves,  et  notamment  à  celui  qui  était 
parlé  dans  la  grande  Moravie ,  où  fut  le  siège  épiscopal  de  saint  Mé- 
thode. A.  d'Avril. 


-  o4  - 

Histoire  de  Klargiierite  de  Valois,  reine  de  France  et 
de  IVavarre,  par  le  comte  Léo  de  Saint-Pongy.  Paris,  Gaume,  1887, 
2  vol.  m-12  de  542  et  590  p.  —  Prix  :  6  fr. 

L'histoire  de  Marguerite  de  Valois  comporte  une  étude  approfondie 
en  plusieurs  volumes,  ou  un  portrait  en  quelques  pages.  M.  de  la  Per- 
rière, qui  connaît  si  bien  les  hommes  et  les  femmes  du  xvi"  siècle,  a 
récemment  résumé  en  un  demi-volume,  dans  Trois  amoureuses  au 
xvi^  siècle,  toute  la  vie  de  la  sœur  des  derniers  Valois  ;  autre  a  été  le 
plan  de  M.  de  Saint-Poney.  Autour  de  Marguerite  il  a  groupé  tous  les 
événements  si  multiples  des  guerres  religieuses  et  des  intrigues  poli- 
tiques en  France,  depuis  Charles  IX  jusqu'aux  premières  années  de 
Louis  Xin.  Il  en  est  résulté  un  travail  très  considérable,  un  tableau 
un  peu  confus,  dont  aucun  point  ne  se  détache  avec  une  netteté  com- 
plète. Ce  n'est  pas  que  l'auteur  ne  soit  très  au  courant  de  toutes  les 
recherches  nouvelles,  qu'il  n'ait  parcouru,  au  besoin,  les  grands  re- 
cueils imprimés  ou  les  collections  manuscrites  ;  mais  son  livre  est 
écrit  selon  la  vieille  méthode  analytique  :  les  vues  d'ensemble  y  man- 
quent de  relief  et  les  détails  n'attirent  pas  assez  la  curiosité.  Il  n'est 
point  jusqu'aux  indications  des  sources  consultées  qui  ne  se  détachent 
pas  assez  du  texte,  négligeant  trop  de  faire  au  récit  ce  cortège  d'appa- 
rat qu'on  exige  volontiers  aujourd'hui. 

L'œuvre  pourtant  est  consciencieuse  et  composée  tout  entière  avec 
un  esprit  très  large  et  très  impartial.  M.  de  Saint-Poney  ne  juge  pas 
cette  époque,  à  la  fois  barbare  et  raffinée,  avec  la  sévérité  qu'on  appli- 
querait à  notre  temps.  Il  a  même  le  courage,  peut-être  excessif,  de  dé- 
fendre souvent  la  vertu  de  Marguerite  de  Valois,  en  accusant  la  légè- 
reté de  son  esprit  de  certains  écarts  trop  fréquents  qu'on  pourrait  im- 
puter à  l'irrégularité  de  ses  mœurs.  Mais  il  a  raison  de  faire  observer 
que  sa  situation  à  la  cour,  commejeune  fille  et  comme  femme  légitime 
ou  divorcée,  fut  constamment  entourée  d'écueils,  et  que  des  apologistes 
comme  Brantôme  ou  Tallemant  des  Réaux  ont  fait  autant  de  tort  à  sa 
mémoire  que  des  pamphlétaires  comme  l'auteur  du  Divorce  satyrique 
ou  le  dictionnaire  de  Bayle.  Dans  la  lutte  étrange  d'Henri  III  contre  sa 
sœur,  qu'il  semblait  prendre  à  tâche  de  déshonorer,  l'auteur  relève 
avec  raison  l'odieux  caractère  d'un  prince  vicieux  et  immodéré  en  tout; 
il  raconte  en  quelques  pages  saisissantes  l'émouvant  épisode  du  duel 
des  Mignons  et  de  l'assassinat  de  Saint-Mesgrin,  et  montre  que  les 
Guises,  en  défendant  contre  le  roi  la  cause  de  Marguerite,  étaient  en- 
core, après  tout,  du  côté  de  l'honneur. 

Quelques  fautes  de  typographie  et  quelques  erreurs  de  faits  et  de 
dates  seraient  à  relever,  mais  elles  ne  sauraient  déparer  un  ouvrage 
qui  traite  tant  de  sujets  divers  et  qui  est  au  fond  plein  de  renseigne- 
ments intéressants,  présentés  d'ordinaire  sous  une  forme  claire,  élé- 
gante et  facile.  G.  B.  de  P. 


lia   Cour   de   France    et   la  Société   au  S.TI*   siècle,    par 

Francis  Décrue  de  Stoutz,  docteur  es  lettres.  Paris,  Firmin-Didot,  1888, 
in- 12  de  2i2  p.  —  Prix  :  3  fr.  bO. 

Reconstituer,  dans  une  vaste  synthèse,  la  physionomie  vivante  de 
toute  une  époque  est  une  œuvre  autrement  délicate  que  de  faire  la 
monographie  d'un  grand  personnage  d'autrefois.  Pour  écrire  la  vie 
d'un  homme  obscur  ou  célèbre ,  le  travail  et  l'érudition  suffisent  ;  la 
mémoire  est  plus  nécessaire  que  l'imagination  ;  on  est  mené  à  chaque 
pas  par  son  sujet.  Diverse  est  la  tâche  de  celui  qui  veut  reconstituer, 
à  l'aide  de  témoignages  contemporains,  un  temps  dont  tout  nous 
éloigne,  habitudes,  mœurs,  idées,  langage  même.  L'entreprise  est  inté- 
ressante et  elle  peut  piquer  la  curiosité,  sans  qu'il  soit  besoin  d'aboutir 
à  un  chef-d'œuvre.  On  comprend  qu'elle  ait  tenté  un  jeune  professeur 
de  l'Université,  qui,  pour  la  préparation  de  ses  thèses  de  doctorat, 
prétend  avoir,  à  la  Bibliothèque  nationale ,  aux  Archives  des  affaires 
étrangères,  à  Bruxelles,  à  Turin  et  à  Milan,  «  transcrit,  analysé,  lu  ou 
parcouru  plus  de  30,000  lettres  des  personnages  du  xvi^  siècle,  et 
nombre  de  pièces  officielles,  s  On  connaît  la  consciencieuse  étude  que 
M.  Francis  Décrue  a  publiée,  il  y  a  deux  ans,  sur  le  connétable  de 
Montmorency,  et  dont  la  seconde  partie  va  bientôt  paraître.  Le  petit 
volume  qu'il  nous  donne  aujourd'hui  embrasse  la  période  entière  du 
xvi^  siècle,  de  François  P""  à  Henri  IV.  Que  de  changements  en  peu 
d'années!  C'est  une  vraie  «  renaissance.  »  Ce  qu'on  appelle  la  «  société 
française  »  commence  à  se  former,  au  sein  d'une  aristocratie  plus 
ouverte  qu'on  ne  pense,  et  qui  se  recrute  sans  cesse  parmi  cette  intel- 
ligente portion  de  la  nation  d'où  sortent  presque  tous  les  magistrats, 
les  hommes  de  gouvernement,  les  gens  de  finance.  La  carrière  des 
armes  reste  bien  le  privilège  de  la  noblesse  ;  mais  la  «  Cour,  »  sous 
François  P^  et  sous  les  derniers  Valois,  exige  des  mœurs  raffinées  et 
une  délicatesse  de  manières  qui  doit  recouvrir  entièrement  le  vieux 
fonds  de  férocité  et  de  barbarie,  si  bien  alimenté  par  les  guerres  civiles. 
Dans  d'amusants  chapitres,  l'auteur  passe  en  revue  l'organisation  du 
pouvoir,  les  diverses  classes  du  pays,  la  France  militaire ,  a  les  passe- 
temps  de  la  société.  »  Quelques-unes  de  ses  citations,  plusieurs  anec- 
dotes sont  un  peu  banales,  comme  le  «  Souvent  femme  varie,  »  ou  le 
«  Je  suis  le  sire  de  Coucy.  »  Mais  d'autres  points  sont  plus  nouvelle- 
ment traités  :  il  explique  à  merveille  comment  à  chaque  règne  s'opé- 
rait la  transmission  du  pouvoir,  les  serviteurs  du  roi  défunt  ayant 
pendant  quarante  jours  la  garde  de  son  cadavre,  tandis  que  les  favoris 
du  successeur  prennent  possession  du  gouvernement,  si  bien  qu'on 
«  laissait  le  corps  du  mort  à  ceux  qui  avaient  possédé  l'esprit.  »  L'éty- 
mologie  du  mot  de  «  palais  de  justice  »  est  également  fort  bien  indi- 
quée d'après  ses  vraies  origines  historiques.  C'était  là  primitivement 


-  56  - 

l'unique  siège  de  l'autorité  royale.  On  y  faisait  encore  au  xvi«  siècle 
les  banquets  solennels  qui  suivaient  les  «  entrées  »  des  princes.  Les 
tables  étaient  organisées  hiérarchiquement  :  on  en  excluait  les  femmes. 
C'est  autrement,  comme  l'indique  M.  Fr.  Décrue  de  Stoutz,  dans  une 
étude  spéciale,  qu'elles  commencèrent  à  se  faire  à  la  cour  une  place 
particulière  et  une  influence  que  la  domination  de  quelques  favorites, 
sous  François  P'',  Henri  II  et  Henri  IV,  que  le  long  règne  de  Catherine 
de  Médicis,  sous  trois  de  ses  fils,  contribuèrent  puissamment  à  rendre 
définitive. 

On  voit  que  le  livre  est  de  ceux  qui  abordent  bien  des  sujets  en  peu 
de  pages.  Son  auteur  n'a  pas  la  prétention  d'avoir  tout  dit  ;  il  a 
adressé  son  travail  «  non  pas  tant  aux  spécialistes  qu'au  grand  public  ;  » 
il  a  voulu  lui  donner  une  forme  «  sinon  mondaine,  du  moins  popu- 
laire. »  Le  but  semble  atteint,  et  les  lecteurs  seront  faciles  à  conquérir. 

G.  Baguenault  de  Puchesse. 


Ija  France  et  l'Irlande  pendant  la  Révolution.  Hoche 
et  Hltnibert,  d'aprèi  les  documents  inédits  des  archives  de  France  et 
d'Irlande,  par  E.  Guillon,  docteur  es  lettres,  agrégé  de  TUaiversité,  avec 
une  préface  d'Hippolyle  Carnot.  Paris,  Armand  Colin,  1888,  in-18  de  486  p. 
—  Prix  :  3  fr.  50. 

Hier,  thèse  pour  le  doctorat  es  lettres,  cet  ouvrage  est  un  livre  au- 
jourd'hui. La  soutenance  de  la  thèse  a  eu  lieu  le  11  mai  1888.  A  ce 
propos,  l'auteur  nous  permettra-t-il  de  lui  demander  comment  la  lettre 
de  quarante  lignes  (qu'il  appelle  une  préface)  signée  Carnot  (et  c'est 
d'Hippolyte  Carnot  qu'il  s'agit,  c'est-à-dire  du  père  du  Président 
actuel  de  la  République),  lettre  non  datée  du  reste,  peut  faire  allusion 
à  cette  thèse  comme  si  elle  était  déjà  passée  et  en  parler  comme  déjà 
livrée  au  public,  alors  que  le  signataire  de  la  lettre  était  mort  plu- 
sieurs mois  avant  la  soutenance  de  la  thèse  et  la  publication  du  livre? 

C'est  également  un  litre  un  peu  ambitieux  que  celui  qu'a  adopté 
l'auteur.  Ni  son  plan  ni  surtout  son  livre  ne  fournissent  un  tableau  de 
la  France  et  de  l'Irlande  pendant  la  Révolution,  ou  une  appréciation 
raisonnée  sur  Hoche  et  Humbert.  Il  a  fait  le  récit  des  expéditions  que 
le  Directoire  tenta  en  Irlande  en  1796,  1797  et  1798  :  voilà  son  sujet. 
Quant  à  Hoche  et  à  Humbert,  il  semble  que  M.  Guillon  eût  pu  donner 
sur  ces  deux  personnages  un  jugement  moins  banal,  et  surtout  moins 
louangeur.  Comment,  à  l'occasion  de  ces  entreprises  si  misérablement 
avortées,  a-t-il  l'imprudence  de  faire  allusion  à  Bonaparte  et  à  l'expé- 
dition d'Egypte?  Ce  livre  pourrait  donc  être  réduit  avec  avantage, 
et  allégé  de  bien  des  pièces  dont  la  place  était  à  la  fin  du  volume;  il 
marcherait  d'une  allure  plus  rapide,  et  l'autour  y  eût  sans  doute  ex- 
primé son  opinion  avec  plus  de  netteté. 


—  57  - 

Les  préparatifs  de  l'expédition  se  firent  à  Brest  en  1796.  La  marine 
n'a  plus  d'hommes;  ses  chefs  sont  pour  la  plupart  sans  expérience; 
ceux  qui  en  ont  se  défient  de  leurs  subordonnés:  l'argent  manque.  De 
là,  mauvaise  volonté ,  lenteur  dans  les  préparatifs.  Villaret-Joyeuse 
est  remplacé  par  Morard  de  Galles.  On  part  enfin.  Dès  le  premier  jour, 
la  flotte  se  trouve  divisée  en  deux  sections  qui  ne  vont  plus  se  retrou- 
ver: le  chef  de  l'expédition,  Hoche,  reste  en  arrière,  ne  peut  pas  rallier, 
et  doit  rentrer  sinon  à  Brest  d'où  l'éloigné  la  croisière  anglaise,  du 
moins  à  la  Rochelle;  Grouchy  gagne  la  côte  d'Irlande,  veut  débarquer 
à  Bantry  avec  6,000  hommes;  mais  une  tempête  s'élève,  et  sous  sa 
propre  responsabilité,  Bouvet  fait  lever  l'ancre  et  ramène  à  Brest  la 
flotte  et  les  troupes.  M.  Guillon  condamne  Bouvet  un  peu  sommaire- 
ment. On  peut  se  demander  si,  dans  l'intérêt  de  la  flotte  comme  dans 
celui  de  l'armée,  il  était  permis  de  sacrifier  6,000  hommes  à  une  perte 
certaine.  —  Quelques  jours  après  (février  1797),  le  Directoire  jetait 
1,S00  galériens  sur  le  sol  anglais,  àFishguard  :  ils  capitulaient  presque 
sans  combat.  Dans  celte  première  expédition,  on  ne  voit  guère  en 
vérité  sur  qui  placer  son  admiration. 

Hoche  meurt  (19  septembre  1797),  dégoûté  du  Directoire  et  du  «  rôle 
de  don  Quichotte  »  qu'on  lui  avait  fait  jouer  soit  dans  l'expédition  d'Ir- 
lande, soit  dans  les  intrigues  qui  précédèrent  le  18  fructidor.  Bona- 
parte est  un  moment  tenté  d'opérer  une  descente  en  Angleterre  ;  mais 
voyant  la  détresse  et  de  la  marine  et  des  finances,  il  se  ravise  vite, 
abandonne  tous  ces  rêves  et  propose  l'expédition  d'Egypte,  à  laquelle 
il  convertit  le  Directoire.  Le  général  Humbert ,  qui  avait  moins  de  ré- 
putation à  perdre,  se  chargea  d'une  nouvelle  expédition  d'Irlande.  Il 
appareille  de  l'île  d'Aix  le  6  août  1798,  débarque  dans  la  baie  de  Killala 
avec  1,000  hommes  au  plus,  livre  bataille  à  Castlebar,  triomphe  avec 
une  rapidité  surprenante.  Mais  que  pouvait  une  si  petite  troupe  qui 
n'était  soutenue  ni  par  une  insurrection  irlandaise ,  ni  par  les  régi- 
ments de  renfort  qu'on  attendit  en  vain?  Humbert  avait  débarqué  le 
22  août;  il  capitula  avec  844  hommes  le  8  septembre.  Quelques  jours 
après  ,  une  nouvelle  escadre  partait  de  Brest  avec  près  de  3,000  hommes; 
mais  une  croisière  anglaise  en  eut  raison  dans  la  baie  de  Donegal  :  là 
fut  fait  prisonnier  l'Irlandais  Wolf  Tone  ;  c'est  lui  qui  avait  poussé  le 
Directoire  à  ces  expéditions  ;  reconnu  par  les  Anglais ,  il  fut  condamné 
à  mort.  Le  12  octobre,  une  dernière  expédition  appareilla  avec 
2,000  hommes,  avec  mission  de  s'assurer  du  sort  de  Humbert  ;  mais  les 
côtes  étaient  surveillées,  et  après  s'être  informé  de  ce  qu'il  était  ad- 
venu d'Humbert,  Savary,  qui  conduisait  cette  expédition,  se  hâta  de 
regagner  la  France. 

M.  Guillon  a  certainement  fourni  maint  document  précieux,  em- 
prunté soit  aux  archives  de  France,  soit  à  celles  d'Irlande  ;  car  celles 


-  58  - 

d'Angleterre  paraissent  lui  avoir  été  fermées.  Il  nous  semble  que, 
agrégé  des  lettres,  docteur  es  lettres,  il  aurait  dû  essayer  d'user  de 
ces  documents  avec  une  liberté  vraiment  littéraire,  sans  s'y  asservir 
comme  il  Ta  fait.  Son  récit  s'embarrasse  dans  des  pièces  qui  le  ré- 
pètent plusieurs  fois;  ses  jugements  sont  timides  et  à  peine  indiqués. 
Sous  ces  réserves,  c'est  une  beureuse  idée  d'avoir  mis  en  relief  ces 
expéditions  si  mal  préparées  et  si  téméraires,  et  l'on  ne  peut  nier 
qu'avec  le  réveil  de  l'agitation  irlandaise,  il  n'y  ait  intérêt  à  relire  cette 
vieille  bistoire,  éclairée  par  des  documents  contemporains  qu'on  ne 
connaissait  pas  encore.  Victor  Pierre. 

lie  Collège  de  l'Arc,  à  Dole.  Monographie  accompagnée  de  dessins 
et  de  plans,  par  Julien  Feuvrier,  professeur  au  collège  de  l'Arc,  avec 
une  préface  de  Hem'i  Bouchot,  ancien  élève  de  rÉcole  des  chartes,  attaché 
au  département  des  Estampes,  à  la  Bibliothèque  nationale.  Dole,  P.  Gha- 
ligne,  1887,  in-12  de  vii-253  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Ce  joli  petit  volume  passe  la  revue  rapide  de  l'enseignement  secon- 
daire à  Dole  jusqu'à  nos  jours;  il  insiste  particulièrement  sur  l'époque 
où  les  jésuites  ont  dirigé  le  collège  de  l'Arc  (1582-1765).  Avec  quelques 
détails  de  plus  sur  le  collège  Saint-Jérôme,  sur  l'école  latine  des  Gorde- 
liers,  sur  le  séminaire,  M.  Feuvrier  aurait  pu  donner  un  historique  com- 
plet des  écoles  secondaires  dans  la  vieille  ville  universitaire  de  la 
Comté.  Il  aurait  fallu  aussi,  même  en  ce  qui  touche  le  collège  de  l'Arc, 
étudier  plus  à  fond  plusieurs  points  importants.  Ainsi,  par  exemple, 
les  questions  pédagogiques  ne  sont  indiquées  que  par  des  listes  de 
livres  de  classes;  quant  au  rôle  très  honorable  que  le  Parlement  de 
Franche-Comté  joua,  de  1762  à  1765,  dans  l'affaire  des  jésuites,  on 
dirait  que  M.  Feuvrier  ne  le  soupçonne  même  pas.  Ce  rôle  fut  cepen- 
dant assez  exceptionnel  pour  mériter  une  sérieuse  attention  ;  nous  en 
dirons  autant  de  l'expulsion  des  jésuites  sous  la  Restauration.  Il 
aurait  été  fort  intéressant  d'avoir  sur  Dole  les  renseignements  détaillés 
que  M.  Abeau  a  donnés  sur  l'expulsion  des  jésuites  à  Aix,  en  1828. 

Où  ce  travail  est  complet,  c'est  pour  tout  ce  qui  concerne  la  description 
historique  des  lieux  et  des  bâtiments  occupés  par  le  collège.  On  conçoit 
le  satisfecit  que  donne  M.  H.  Bouchot,  l'auteur  d'un  bon  travail  sur  le 
P.  Martellange,  le  principal  architecte,  en  France,  de  la  Compagnie  de 
Jésus.  Nous  signalerons  aussi  quelques  utiles  documents  annexes,  entre 
autres  le  contrat  de  1590,  entre  la  ville  et  les  jésuites,  qui  prouve  jus- 
qu'à l'évidence  cette  proposition  que  j'ai  soutenue  et  qui  a  parfois 
étonné,  que  les  jésuites  professaient  une  grande  répugnance  pour 
l'internat;  une  bibliographie  du  sujet  sera  lue  aussi  avec  plaisir.  Rele- 
vons enfin  deux  erreurs,  l'une  de  fait,  l'autre  d'appréciation.  M.  Feu- 
vrier dit,  en  parlant  du  P.  Girard  (p.  66).  «  avant  sa  condamnation  par 
le  Parlement  d'Aix  (10  octobre  1733),  il  quitta  secrètement  Toulon...  » 


—  S9  - 

Tout  le  récit  est  présenté  dans  le  sens  de  la  culpabilité  reconnue  du 
P.  Girard.  Or,  il  est  facile  de  se  convaincre  que  le  P.  Girard  n'a  jamais 
été  condamné,  ni  par  le  Parlement  qui  renvoya  à  l'autorité  ecclésias- 
tique, ni  par  cette  dernière  autorité.  Une  erreur,  à  mon  sens,  beaucoup 
plus  grave,  est  celle  qui  amène  Fauteur  à  voir  dans  l'Édit  de  février  1763 
«  un  remarquable  exemple  de  décentralisation  administrative.  »  L'Édit 
de  février  fit  précisément  tout  le  contraire.  C'est  la  plus  violente  ten- 
tative de  centralisation  qu'eut  jusque-là  subie  l'enseignement.  Ces 
erreurs  et  quelques  autres  seront  aisément  réparées  dans  une  seconde 
édition  qui  ne  tardera  pas  sans  doute  à  paraître  et  que  justifierait  le 
soin  apporté  par  l'auteur  à  donner  un  travail  d'agréable  lecture  et  à 
ne  présenter  que  des  récits  impartiaux.  A.  Silvy. 


lia  Storia  di  li  ^Turmani  in  Sicilia  cuntada  di  la  grida, 

par  A.  Palomès.  IV.  Palerme,  1887,  in-12  de  370  p. 

Si  un  écrivain  français  envoyait  à  une  revue  italienne,  la  Nuova  An- 
tologia  ou  toute  autre,  un  ouvrage  volumineux,  traitant  d'une  province 
et  n'ayant  par  conséquent  qu'un  intér-H  local  ;  si  de  plus,  cet  ouvrage 
était  écrit  non  dans  une  langue  connue,  mais  dans  un  dialecte,  en 
bas-breton,  en  provençal,  en  wallon,  il  est  très  probable  que  cette 
revue  ne  s'en  occuperait  pas  ou  ferait  du  moins  attendre  fort  longtemps 
un  compte  rendu.  Je  voudrais  que  cette  observation  nous  servît  d'excuse 
près  de  M.  Palomès,  car  son  livre  se  trouve,  pour  nous,  justement  dans 
les  conditions  où  serait  le  livre  français  duquel  nous  parlions,  et  c'est 
ce  dont  nous  avons  lieu  de  penser  que  l'auteur  ne  se  rend  pas  compte. 
Le  Polybiblion,  du  reste,  a  jadis  annoncé  les  premiers  volumes  de  l'bis- 
toire  des  Normands  en  Sicile.  Cet  ouvrage  est  terminé  par  le  règne 
de  Guillaume  IL  M.  Palomès,  on  l'a  dit  dans  le  temps,  a  voulu  sur- 
tout s'adresser  au  peuple  et  a  pensé  s'en  faire  mieux  écouter  en  don- 
nant à  son  livre  une  forme  singulière  :  c'est  un  grillon,  interrompu 
par  les  réflexions  d'autres  animaux  auxquels  il  s'adresse,  qui  raconte 
une  partie  de  l'histoire  de  la  Sicile.  Cette  conception,  originale  plus 
que  sérieuse,  a  été  l'objet  de  quelques  critiques,  mais  il  ne  faudrait 
pas  croire  qu'elle  dissimule  l'absence  d'évudition.  M.  Palomès,  au  con- 
traire, semble  fort  bien  instruit  du  passé  de  sa  province.  Pour  ache- 
ver de  plaire  au  public  qu'il  avait  en  vue,  M.  Palomès  a  parlé  sa 
langue,  qu'au  dire  de  critiques  plus  compétents  que  nous,  il  manie 
avec  une  grâce  charmante  ;  mais  cette  langue,  selon  un  de  ces  critiques 
mêmes,  n'est  guère  connue  en  dehors  de  l'Italie,  et  ne  rend  pas  la  lec- 
ture de  son  livre  facile.  Néanmoins  YHistoire  des  Normands  en  Sicile  a 
eu  un  succès  que  M.  Palomès  s'est  donné  le  plaisir  fort  légitime  de 
constater  en  reproduisant  les  nombreux  articles  faits  à  son  éloge. 


-  60  - 

M.  Palomès  a  l'esprit  piquant  et  ne  recule  pas  devant  les  nombreuses 
allusions  que  le  passé  lui  offre  avec  le  présent  ;  les  traits  satiriques  ne 
lui  manquent  pas  et  il  faut  convenir  que  la  forme  dialoguée  qu'il  a 
donnée  à  son  œuvre  est  propre  à  mettre  en  relief  ses  qualités  d'écri- 
vain. C'est  avec  beaucoup  de  verve  que,  fervent  catholique,  il  combat 
les  assertions  du  professeur  Hartwig,  et  il  ne  se  gène  pas  pour  dire 
leur  fait  à  nombre  de  ses  compatriotes  en  renforçant  les  épigrammes 
du  grillon  de  notes  fournies  par  l'histoire  contemporaine.  En  résumé, 
le  livre  de  M.  Palomès  peut  être  étrange,  mais  n'est  pas  une  œuvre 
ordinaire.  Th.  P. 

li'Emperetar  Frédéric  III,  par  Edouard  Simon.  3»  éd.  Paris,  Hin- 
richsen,  1888,  ia-12  de  303  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Frédéric  III,  roi  de  Prusse  et  empereur  cf Allemagne,  par  le  comman- 
dant Grandin.  Paris,  Direction  du  Spectateur  militaire,  1888,  in-8  de  68  p. 
—  Prix  :  2  fr. 

Le  nouvel  ouvrage  de  M.  E.  Simon  ne  pouvait  pas  présenter  au  même 
degré  l'intérêt  historique  que  nous  faisions  ressortir  en  analysant  ici 
son  Histoire  du  prince  de  Bismarck  (t.  LU,  p.  254).  On  trouvera,  cepen- 
dant, à  la  fin  du  volume,  toutes  les  pièces  officielles  qui  se  réfèrent  à 
l'avènement  de  Frédéric  III  et  qui  méritent  d'être  recueillies.  Au  milieu 
de  détails  un  peu  minutieux,  nous  devons  encore  signaler,  comme 
particulièrement  instructives,  les  pages  8o  à  104,  relatives  à  l'influence 
du  prince-consort  Albert,  influence  qui  fut,  à  l'extérieur,  beaucoup 
plus  grande  qu'on  ne  le  croit  généralement.  Il  ne  faut  pas,  en  effet, 
perdre  de  vue  qu'entre  la  Prusse  et  l'Angleterre  il  existe  un  lien  puis- 
sant, le  protestantisme,  et  que  le  père  de  celle  qui  allait  devenir  l'im- 
pératrice Victoria  a  plus  que  personne  contribué  à  cimenter  l'alliance 
tacite,  mais  profondément  enracinée  des  deux  pays.  La  France  l'a 
éprouvé  en  1870,  et  sa  diplomatie  doit  toujours  s'en  préoccuper  :  «  La 
haute  politique  n'était  pas  oubliée  dans  la  correspondance  du  père 
avec  la  fille,  et  bien  des  avis  à  l'adresse  du  prince-régent  passaient  par 
l'intermédiaire  de  la  princesse  Victoria.  »  (p.  96.)  Le  passage  suivant 
spécifiera  le  caractère  de  cette  correspondance  :  «  Je  suis  pour  l'hégé- 
monie de  la  Prusse,  écrit  le  prince  Albert  de  Saxe-Cobourg,  au  13  sep- 
tembre 1859  ;  mais  l'Allemagne  vient  pour  moi  en  première  ligne.  La 
Prusse,  comme  telle,  ne  vient  qu'après.  La  Prusse  passera  pour  moi  en 
première  ligne  lorsqu'elle  se  placera  à  la  tète  de  l'Allemagne.  »  Dans 
une  autre  lettre  (p.  95),  le  prince-consort  témoigne  un  tendre  intérêt  à. 
la  franc-maçonnerie,  ce  qui  s'accorde,  du  reste,  parfaitement  avec  l'ul- 
tra-germanismc  et  l'ultra-protestantisme  de  S.  A.  R.  «  Tu  me  de- 
mandes, écrivait-il  encore  à  sa  fille,  s'il  est  bon  et  utile  pour  un  État 
de  conclure  des  concordats  avec  le  pape.  J'y  réponds  par  un  Jion  des 
plus  énergiques.  » 


-  61  - 

Le  directeur  du  Mémoi-ial  diplomatique  a  été  bien  inspiré  ea  laisanL 
ressortir  la  personnalité  sympathique  de  la  princesse  anglaise,  qui  a 
défendu  son  époux  avec  un  grand  courage  contre  un  mal  implacable. 
Au  milieu  de  telles  angoisses,  la  nouvelle  reine  de  Prusse  montra  une 
résolution  énergique  et  opportune  en  persistant,  malgré  des  résis- 
tances venues  de  bien  haut,  à  recevoir  l'hommage  des  dames  polo- 
naises de  Posen,  et  à  communiquer  avec  leur  députation  en  langue  fran- 
çaise. M.  E.  Simon  termine  son  livre  en  citant  les  paroles  par  lesquelles 
Bossuet  définit  la  vraie  fin  de  la  politique  :  «  Rendre  la  vie  commode 
et  les  peuples  heureux.  »  Le  règne  qui  vient  de  commencer  et  de  finir 
paraît  avoir  inspiré  confiance  aux  Allemands  ;  mais  a-t-il  été  permis 
d'espérer  que  ce  règne  eût  apporté  «  la  vie  commode  et  le  bonheur  » 
aux  populations  qui,  par  la  fortune  des  armes  et  contre  leur  gré,  al- 
laient vivre  sous  le  sceptre  de  Frédéric  III,  au  détriment  du  Dane- 
mark, de  la  Pologne  et  de  la  France  ? 

—  M.  le  commandant  Grandin  s'applique  particulièrement  à  raconter 
les  diverses  expéditions  militaires  auxquelles  le  fils  de  Guillaume  P""  a 
pris  part,  depuis  la  guerre  de  Danemark  jusques  et  y  compris  la  cam- 
pagne de  1870-1871.  Le  récit  en  est  clair,  animé,  instructif  et  d'une 
lecture  facile.  M.  Grandin  y  a  introduit  une  foule  d'anecdotes  peu  ou 
point  connues.  Le  caractère  de  Frédéric  III  en  ressort  sous  un  jour  favo- 
rable, qui  paraît  être  le  vrai. 

Au  point  de  vue  historique,  nous  ferons  remarquer  que  Gharlemagne 
n'a  pas  fondé  un  empire  germanique  (p.  68),  mais  le  «  Saint  Empire 
romain.  «  L"œuvre  de  1871  est,  au  contraire,  essentiellement  et  inten- 
tionnellement germanique.  Guillaume  P^  Frédéric  III  ont  été  et  Guil- 
laume II  est  l'empereur  —  non  pas  d'Allemagne  —  mais  allemand  : 
der  deusiche  Kaiser. A.  d'Avril. 

li'Égypte  contemporaine  et  Arabî-Paclia,  par  N.  Sgotidis, 
docteur  ea  droit,  juge  consulaire  à  la  chancellerie  de  la  Légation  hellé- 
nique, à  Constantinople.  Paris,  Marponet  Flammarion,  1888,  in-12  de 340p. 

—  Prix  :  3  fr.  30. 

Les  tragiques  événements  dont  TÉgypte  a  été  le  théâtre  depuis  la 
révolte  d'Arabi  jusqu'à  l'entrée  triomphale  de  l'armée  anglaise  au 
Caire  n'avaient  pas  encore  été  l'objet  d'une  étude  méthodique  d'après 
les  documents  diplomatiques  et  officiels.  Cette  étude,  M.  Scotidis  a  pu 
la  faire  avec  compétence,  avec  l'aide  de  ses  souvenirs  personnels,  car 
il  était  alors  en  Egypte  comme  vice-consul,  secrétaire  de  l'Agence  di- 
plomatique de  Grèce.  Dès  1883,  il  la  publia  en  grec,  et  fut,  dès  lors, 
sollicité  d'en  donner  une  édition  française,  qui  vient  de  paraître  avec 
les  remaniements  qu'a  exigés  la  situation  actuelle  de  l'Egypte.  Il  est 
inutile  d'insister  sur  l'intérêt  que  présente  cet  exposé  d'événements 
récents,  qui  ont  eu  pour  conséquence  la  substitution  de  la  domination 


-  62  - 

anglaise  à  l'influence  française  sur  les  rives  du  Nil,  et,  ce  qui  est  le 
plus  grave,  sur  les  bords  du  canal  de  Suez.  Nous  voudrions  pouvoir 
dire  que  M.  Scotidis  s'est  montré  impartial  dans  ses  appréciations, 
mais  force  nous  est  de  constater  qu'il  est  d'une  indulgence  ex- 
cessive pour  la  politique  astucieuse  et  profondément  égoïste  de  l'An- 
gleterre; il  va  jusqu'à  excuser  l'odieux  et  inutile  bombardement  d'A- 
lexandrie, qui  n'a  pas  été  moins  préjudiciable  aux  Européens  qu'aux 
indigènes;  non  seulement  il  l'approuve,  mais  encore  il  l'admire  comme 
un  des  plus  beaux  faits  d'armes  de  l'bistoire  contemporaine.  Cette  pros- 
ternation de  l'auteur  devant  la  brutalité  triomphante  fait  éprouver  au 
lecteur  français  un  véritable  malaise;  mais  son  impression  est  plus 
pénible  encore  de  voirie  triste  effacement  de  la  France  dans  ces  graves 
circonstances.  Alors  que  les  Américains  et  les  Grecs  débarquaient  des 
hommes  dans  Alexandrie  en  flammes  pour  garantir  leurs  nationaux  et 
leurs  propriétés,  l'escadre  française  était  systématiquement  absente  et 
se  désintéressait  de  tout.  Il  serait  curieux,  mais  assez  difficile,  à  la 
vérité,  de  déterminer  la  part  de  responsabilité  de  nos  ministres  et  des 
chefs  de  notre  marine  dans  ce  coupable  effacement.  Seuls  nos  religieux 
ont  représenté  dignement  la  France,  en  portant  courageusement  des 
secours  aux  victimes  à  travers  les  ruines  fumantes  d'Alexandrie  ;  mais 
M.  Scotidis  ne  souffle  mot  de  l'admirable  dévouement  des  prêtres  ca- 
tholiques. L'auteur  cite  volontiers  les  dépêches  diplomatiques  échan- 
gées entre  les  divers  gouvernements  ;  elles  font  clairement  ressortir 
l'habileté  et  la  résolution  du  cabinet  anglais,  l'impéritie  des  conseillers 
du  Sultan,  l'inertie  des  diverses  nations  européennes,  la  fourberie 
d'Arabi,  et  l'impuissance  du.  malheureux  Khédive  Tewfick-Pacha.  La 
conclusion  qui  s'impose,  c'est  que  la  politique  pusillanime  de  nos 
gpuvernants  a  gravement  compromis  les  intérêts  français  en  Egypte, 
et  qu'il  est  douteux  que  la  France  reprenne  jamais  dans  ce  riche  pays 
la  situation  prépondérante  qu'elle  y  a  perdue.  Le  livre  de  M.  Scotidis 
ne  fait,  sur  ce  point,  que  confirmer  ce  que  nous  savions  déjà;  mais  il 
fait  connaître  bien  des  détails  de  cette  triste  histoire  qui  avaient  passé 
inaperçus  ;  le  style  en  est  très  incorrect,  l'auteur  ayant  peu  l'habitude 
de  la  langue  française.  Comte  de  Bizemont. 

De  rOrigine  «pt  de  la  Destination  des  eaïups  romains, 
dits  Cliatelliers,  en  Chaule,  principalement  dans  l'Ouest,  par  BÉLI- 
SAiRE  Ledain.  Poitiers,  188a,  in-8  de  120  p.  (Extr.  des  Mémoires  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  VOuesl,  t.  VII.) 

Essai  de  classification  des  enceintes  iortiliées  en  terre, 

par  BUHOT  DE  Kerseus.  Caen,  1887,  in-S  de  28  p.  (Extr.  du  Bulletin  rnonu- 
mental,  1880.) 
Reclierclies  sur  les   fortifications   de   l'arrondissement 
de  ITlamers,  du  X^  au  XVI^  siècle,  par  Gabriel  Fleurv.  Ma- 
rnors,  G.  Flcury,  1887,  in-'i  de  82  p. 

La  Commission  de  la  topographie  des  Gaules,  alors  qu'elle  servait 


-  63  - 

d'intermédiaire  entre  les  savants  de  province  et  les  travailleurs  pari- 
siens, avait  commencé  des  études  sérieuses  sur  les  anciennes  enceintes 
fortifiées  qui  existent  en  France;  elle  avait  confié  la  direction  de  ce 
travail  à  l'un  de  ses  membres,  M.  le  lieutenant-colonel  G.  de  la  Noô, 
aujourd'hui  membre  du  Comité  des  travaux  historiques.  M.  de  la  Noë 
continue  avec  persévérance  les  recherches  dans  les  textes  et  sur  le 
terrain;  dans  quelque  temps,  il  publiera  un  véritable  traité  sur  l'his- 
toire des  fortifications  en  France,  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
jusques  et  y  compris  le  moyen  âge.  Cependant  l'initiative  de  la  Com- 
mission des  Gaules  avait  attiré  l'attention  des  archéologues  de  pro- 
vince, auxquels  des  renseignements  avaient  été  demandés;  aussi,  au 
Congrès  des  Sociétés  savantes  de  la  Sorbonne,  en  1882,  on  entendit  les 
communications  de  MM.  B.  Ledain  et  Buhot  de  Kersers,  et  au  Congrès 
de  1886,  celles  de  M.  G.  Fleury. 

M.  Ledain  propose.de  voir  dans  toutes  les  ruines  de  lieux  fortifiés,  dé- 
signés par  le  nom  de  «  chateliers,  chatelets,  chatelards,  châtres,  castera, 
etc.,  »  des  camps  romains,  créés  principalement  par  Constance  Chlore 
et  par  Constantin,  pour  résister  aux  pirates,  sur  le  littoral,  et  aux  Ba- 
gaudes,  à  l'intérieur;  en  présence  de  ce  fait  que,  pour  défendre  ces 
centaines  de  camps,  il  n'y  avait  en  Gaule  que  très  peu  de  soldats  régu- 
liers, il  pense  que  leurs  garnisons  étaient  fournies  par  des  colons  mi- 
litaires et  surtout  par  des  lètes  barbares,  qui  y  résidèrent,  même 
après  la  chute  de  l'empire.  —  M.  Ledain  soutient  sa  thèse  avec  autant 
de  bonne  foi  que  d'habileté  ;  seulement  il  donne  une  grande  place  à 
des  conjectures  et  ne  paraît  pas  avoir  fait  une  étude  assez  détaillée  des 
textes  classiques  et  principalement  des  principes  posés  par  Végèce.  Il 
ne  songe  pas  que  la  dénomination  de  «  camp  de  César  »  donnée  à  une 
foule  d'enceintes  est  le  plus  souvent  très  moderne;  que  des  textes  très 
clairs  établirent  que  certains  «  chatelets  »  ou  «  chateliers  »  ne  datent  que 
du  moyen  âge;  qu'avant  de  déterminer  l'origine  d'une  enceinte  fortifiée, 
il  y  a  lieu,  par  des  fouilles  faites  avec  soin,  de  chercher,  soit  dans  la 
coupe  des  retranchements,  soit  dans  les  objets  recueillis,  la  date  de  sa 
construction.  L'auteur  a  donné  une  longue  énumération  des  lieux  for- 
tifiés, qui  forme  une  série  d'indications  bonne  à  consulter;  seulement, 
préoccupé  par  une  idée,  il  a  peut-être  cherché  avec  plus  d'insistance 
que  de  critique  à  plier  les  faits  à  son  système. 

M.  Buhot  de  Kersers,  d'après  les  enceintes  fortifiées  étudiées  par  lui 
en  Berry,  a  cherché  un  système  de  classement  méthodique;  il  attribue  à 
l'époque  gauloise  les  enceintes  d'une  grande  étendue  dont  la  forme 
varie  suivant  la  disposition  du  terrain;  à  l'époque  romaine  les  ouvrages 
dans  lesquels  on  constate  des  formes  géométriques  et  rectilignes  ;  au 
moyen  âge,  les  vieux  châteaux  de  dimensions  restreintes  et  de  formes 
variables  ;  dans  cette  série  sont  également  compris  les  mottes  et  tertres 


-  64  - 

avec  fossés  à  leurs  pieds,  les  enceintes  ou  cours  qui  entouraient  ces 
tertres  ou  donjons.  M.  Buhot  de  Kersers  semble  être  plus  près  de  la 
vérité  ;  il  est  seulement  à  regretter  que  son  Mémoire  soit  aussi  court, 
et  que,  pour  le  moyen  âge,  il  n'ait  pas  recueilli  de  textes  relatifs  aux 
lieux  fortifiés  dont  il  donne  des  plans  ;  je  crois  qu'en  ce  qui  concerne 
les  mottes  ou  tertres  il  voit,  avec  raison,  l'emplacement  d'anciens  don- 
jons ;  son  opinion  est  certainement  plus  admissible  que  celle  de  M.  Le- 
dain  qui  en  fait  des  tours  à  signaux  des  iii°  et  iv°  siècles  ;  si  parfois  on 
y  a  trouvé  des  tuiles  à  rebords  attribuées  aux  Romains,  il  ne  faut  pas 
oublier  que  ces  matériaux  paraissent  avoir  été  fabriqués  durant  une 
longue  période,  postérieure  à  l'occupation  romaine. 

Les  recherches  de  M.  G.  Fleury  forment  un  excellent  chapitre  de 
l'histoire  de  la  fortification  du  moyen  âge  dans  l'ancien  Sonnois  qui  fait 
aujourd'hui  partie  de  l'arrondissement  de  Mamers;  il  démolit  irrévoca- 
blement les  «  camps  de  César  »  de  cette  région  pour,  à  l'aide  de  textes 
formels  et  d'études  sur  le  terrain,  attribuer  leur  véritable  date  à  ces 
lieux  fortifiés  par  la  maison  de  Bellème  et  particulièrement  par  Ro- 
bert II.  Notons  qu'il  signale  deux  «  châteliers  »  qui  ont  échappé  à  M.  Le- 
dain,  l'un  dans  la  forêt  de  Persanne,  l'autre  dans  la  forêt  de  Bellème  ; 
le  premier  n'a  pas  été  exploré,  le  second  n'a  été  qualifié  de  camp  ro- 
main que  parce  qu'on  y  a  trouvé  des  tuiles  à  rebords,  ce  qui  n'est  pas 
une  preuve  suffisante  pour  nous  ;  tous  deux  sont  quadrangulaires. 

Nous  avons  tenu  à  signaler  ces  Mémoires  aux  lecteurs  du  Polybi- 
blion,  d'abord  pour  les  prémunir  contre  cette  idée  trop  répandue  qui 
fait  voir  un  peu  partout  des  «  camps  romains  »  alors  qu'il  n'en  existe 
que  très  exceptionnellement  en  Gaule  ;  ensuite  parce  qu'il  est  vraiment 
utile  d'attirer  l'attention  des  archéologues  sur  ce  sujet  intéressant,  en 
leur  recommandant  de  recueillir  le  plus  de  textes  possibles,  de  faire 
des  fouilles  scrupuleusement  dirigées  pour  établir  la  coupe  des  fossés 
de  retranchements  et  recueillir  les  objets  perdus  dans  la  terre,  et  en- 
fin, de  se  méfier  de  la  tradition  locale  qui,  souvent,  ne  sert  qu'à  égarer. 

A.  DE  Barthélémy. 

liea  Héros,  le  Culte  des  liéros  et  l'Héroïque  dans 
l'itistoire,  par  Thomas  Carlyle.  Traduction  et  introduclion  par 
J.-B.-J.  IzouLBT-LouBATiÉRES ,  profcsscur  de  philosophie  au  lycée  Con- 
dorcet,  agrégé  de  l'Université.  Paris,  A.  Colin,  1888,  in-12  de  XLi-383  p.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

Si  a  héros  signifie  homme  sincère  »  (p.  202),  je  n'hésiterai  pas  à 
déclarer  que  Carlyle  est  un  héros,  sans  m'attacher  à  débrouiller  pour 
la  lui  appliquer  cette  autre  définition  :  «  Une  débordante  fontaine  de 
lumière,  comme  je  dis,  d'intuition  native  et  originale,  de  virilité  et  de 
noblesse  héroïques  »  (p.  4).  Il  a  l'enthousiasme  du  voj'ant,  la  formule 
convenue  lui  fait  horreur,  et  le  fragment  de  vérité  originale  qu'il  a 


-  65  - 

perçu,  il  le  prêche  avec  une  intolérance  de  néophyte.  Même  quand  il 
ne  convainc  pas,  il  impose  la  réflexion  par  son  insistance,  par  le  fracas 
qu'il  mène  autour  de  son  idée.  Mais  qu'il  est  donc  pénible  à  lire,  sur- 
tout dans  une  traduction  française  !  Il  me  semble  voir  un  vieux  guer- 
rier norse  frappant  à  l'aveuglée  dans  la  jnèlée  farouche  et  mâchonnant 
des  imprécations  entre  ses  dents  serrées.  Les  mots  se  heurtent, 
s'étranglent,  se  disloquent,  s'enchevêtrent;  ils  tombent  et  se  redressent 
avec  furie,  s'emportent,  tourbillonnent  et  retombent  meurtris,  défi- 
gurés. Sont-ce  les  révélations  du  génie  sous  forme  d'oracle  sybillin, 
ou  simplement  les  incohérences  de  la  folie?  En  anglais,  les  mots  n'ap- 
partenant strictement  en  propre  à  aucune  catégorie  grammaticale, 
se  prêtent  à  d'étranges  combinaisons,  insupportables  en  français,  et  le 
traducteur  eût  dû  tenir  compte  de  la  différence  de  génie  des  deux 
langues  pour  adoucir  l'effet  de  ces  bizarreries  et  de  ces  brutalités. 

Mais  la  forme  n'est  pas  seule  étonnante  :  le  choix  même  des  héros 
offerts  à  notre  sympathique  admiration  semble  une  gageure.  Que 
savons-nous  d'Odin,  le  héros  comme  divinité,  qui  nous  permette  de  le 
discuter?  Mahomet,  le  héros  comme  prophète,  qui  a  fondé  une  religion 
«  bâtarde  espèce  de  christianisme,  mais  vivante  espèce;  avec  une 
vie  du  cœur  en  elle  ;  non  morte,  hachant  menu  de  la  stérile  logique 
purement  »  (p.  100) ,  Mahomet  peut-il  être  complètement  disculpé  du 
reproche  d'  «  insincérité?  »  Au  fond,  que  sont  pour  nous  Odin  et 
Mahomet?  Et  l'apostat  Luther  et  le  traître  Cromwell  sont-ils  davantage 
incontestablement  sincères?  Est-ce  là  l'essence  de  leur  nature,  le  trait 
saillant  de  leur  caractère?  Peut-on  présenter  le  premier  comme  le 
modèle  du  prêtre,  et  le  second,  comme  un  modèle  des  rois?  Aussi, 
même  en  leur  attribuant  toutes  les  vertus  qu'on  leur  reproche  généra- 
lement de  n'avoir  pas  eues,  Carlyle  est-il  obligé  d'admettre  qu'un  peu 
de  charlatanisme  accidentel,  que  nous  dirons  inconscient,  s'allie  par- 
fois à  la  sincérité  des  héros.  Partout  ailleurs  qu'en  Ecosse,  Knox  ne 
sera  jamais  qu'un  héros  de  fanatique  férocité.  Mais  Burns,  le  chanson- 
nier, Johnson,  le  compilateur  du  dictionnaire,  qui  «  passe  pour  une 
créature  basse,  enflée  »  (p.  288),  notre  Rousseau,  cœur  de  laquais  pétri 
d'envie  et  d'égoïsme,  —  «  il  n'est  pas,  avoue  Garlyle,  ce  que  j'appelle 
un  homme  fort  »  (p.  289),  ne  sont  des  héros  pour  personne,  même 
comme  «  gens  de  lettres.  »  Cette  collection  hétéroclite  ne  saurait  être 
sauvée  par  l'adjonction  de  Dante,  de  Shakespeare  et  de  l'inévitable 
Napoléon.  Les  héros,  dans  le  sens  spécial  que  Carlyle  donne  à  ce  mot, 
ne  manquent  pourtant  pas  dans  l'histoire  de  l'humanité  ;  mais  c'était 
une  mauvaise  condition  pour  les  reconnaître  que  d'être  à  la  fois 
Anglais  et  protestant  libre-penseur.  Il  lui  était  interdit  de  parler  d'un 
Charlemagne,  d'un  Pierre  l'Ermite,  d'une  Jeanne  d'Arc,  d'un  Chris- 
tophe Colomb,  d'un  Vincent  de  Paul,  ni  de  tant  d'autres  dont  la  sincé- 
JuiLLET  1888.  T.  LUI.  5. 


—  66  — 

rite  ne  saurait  être  mise  en  suspicion,  et  qai  ont  joué  un  certain  rôle 
dans  le  monde  civilisé. 

Si  nous  recherchons  maintenant  quelle  est  la  doctrine  exacte  et 
quelles  sont  les  conclusions  de  Garlyle,  nous  tomberons  dans  de  nou- 
veaux étonnements.  Il  n'est  pas  très  clair,  il  devient  même  souvent  tout 
à  fait  obscur  ;  mais  la  synthèse  de  ses  digressions  amphigouriques 
nous  est  donnée  par  son  traducteur.  Après  une  dédicace  à  M.  Renan, 
M.  Izoulet  nous  offre  dans  son  introduction,  qu'il  intitule  le  Crépuscule 
des  dieux,  un  résumé  du  livre,  fort  bien  fait,  plus  logique  et  plus  com- 
préhensible que  le  livre  lui-même.  L'évolution  de  l'humanité  compte- 
rait trois  périodes  :  l'antiquité  et  le  paganisme,  le  moyen  âge  et  le 
catholicisme,  les  temps  modernes  et  une  religion  encore  inconnue, 
mais  en  préparation,  qui  sera  aussi  supérieure  au  catholicisme  que 
celui-ci  l'était  au  paganisme.  Les  héros  sont  les  promoteurs  de  ce 
progrès  constant  :  notre  devoir  est  de  les  rechercher,  de  les  mettre  en 
avant  et  de  nous  laisser  guider  par  eux.  On  ne  voit  pas  bien  ce  que 
viennent  faire  dans  la  démonstration  de  cette  théorie  la  plupart  des 
héros  donnés  en  exemple.  Mais  Garlyle  n'en  est  pas  à  une  inconsé- 
quence près.  Ici  il  recommande  la  théocratie  (p.  238),  là  le  despotisme 
(p.  310),  ailleurs  la  «  pédantocratie  »  à  l'instar  des  Chinois  (p.  263).  Il 
est  aussi  très  inégal  :  ses  études  sur  Dante  et  sur  Shakespeare  con- 
tiennent des  pages  lumineuses,  marquées  au  coin  d'un  grand  esprit, 
du  génie  peut-être.  Je  citerai  aussi,  vers  le  début,  une  sorte  d'apologie 
du  paganisme  des  barbares,  très  large,  très  juste,  d'un  beau  mouve- 
ment oratoire.  Je  comprends  alors  que  Garlyle  ait  inspiré  des  admira- 
tions passionnées.  En  revanche,  il  reste  bien  au-dessous  de  sa  tâche 
lorsqu'il  entreprend  de  parler  de  Napoléon.  Et  quand,  après  les  clartés 
éblouissantes,  arrivent  les  éclipses,  les  ténèbres  ne  sont  pas  moins  pro- 
fondes que  la  lumière  n'était  radieuse  :  l'originalité  n'est  plus  que 
manie  radoteuse  s'épanchant  fastidieusement  en  un  style  à  surprises, 
détonnant,  rocailleux,  étourdissant,  fait  de  contorsions  et  de  jongleries. 
Enfin  je  ne  saurais  adopter  les  conclusions  de  l'auteur  et  du  traduc- 
teur :  ce  serait  à  désespérer  de  l'avenir  de  l'humanité,  si  les  dieux,  les 
prophètes,  les  poètes  même  ne  pouvant  triompher  de  notre  scepti- 
cisme, les  conquérants  ne  pouvant  fonder  rien  de  durable,  la  croj'ance 
future  des  sociétés  civilisées  devait  être  formulée  par  des  héi'os  gens 
de  lettres  de  la  valeur  morale  de  Johnson,  Burns  et  Jean-Jacques 
Rousseau.  Emm.  de  Saint-Albin. 


madame  de  liamballe  d'aprè»  deit  docunieiitM  inédits  tirés 
des  Archives  nationales,  de  l'Inventaire  de  sa  succession,  de  la  bil)liolhè(jue  de 
la  ville  de Saint-Germain-en-Laye,  des  archives  du  département  d'IUe-el-Vilamc, 
du  greffe  de  Saint-Malo,  de  pièces  nationales ,  de  diverses  collections  particu- 


-  67  - 

Hères,  etc.,etc.,p3.r  GEORGES  Bertin,  directeur  de  la  «  Revue  rétrospective.  » 
Ouvrage  orné  d'un  magnifique  portrait  de  M™«  de  Lamballe,  gravé  par 
Dujardin.  Paris,  bureaux  de  la  «  Revue  rétrospective,  »  1888,  in-8  de  432  p. 
—  Prix  :  10  fr. 

M'^o  de  Lamballe  est  une  des  figures  qui  ont  le  plus  tenté  les  histo- 
riens. Depuis  les  prétendus  Mémoires  de  la  princesse,  publiés  sous  la 
Restauration ,  jusqu'à  M.  de  Lescure ,  l'un  des  hommes  qui  connaissent 
le  mieux  le  xviii*'  siècle  et  la  Révolution  française,  bien  des  auteurs 
ont  traité  cet  émouvant  sujet.  M.  Georges  Bertin,  directeur  de  la  Revue 
rétrospective,  l'a  abordé  à  son  tour;  il  l'a  abordé  sans  parti-pris  et  avec 
un  scrupuleux  souci  de  la  vérité.  «  Il  a  prétendu,  dit-il  lui-même,  faire 
œuvre  d'érudition  et  non  de  rhétorique,  »  et  c'est  pourquoi  son  oeuvre 
présente,  autant  que  possible  «  les  caractères  d'un  véritable  journal.  » 
Il  raconte  les  événements,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  développement, 
année  par  année,  jour  par  jour,  pour  ainsi  dire,  en  empruntant  son 
récit  aux  sources  les  plus  autorisées,  documents  des  archives,  pièces 
nationales,  correspondances,  comme  celle  de  Mercy;  souvenirs  parti- 
culiers, comme  ceux  si  précieux  de  la  marquise  de  Lage  de  Volude , 
l'une  des  dames  de  la  princesse.  Il  cite  souvent  aussi  les  nouvelles 
de  Bachaumont,  mais  il  a  soin  de  contrôler  les  dires  du  fécond  et  pas 
toujours  véridique  gazetier.  C'est  ainsi  que  nous  pouvons  suivre  l'in- 
fortunée M^i^  de  Lamballe  depuis  son  arrivée  en  France  et  son  mariage 
avec  le  triste  fils  du  vertueux  duc  de  Penthièvre,  à  travers  les  amertumes 
de  cette  courte  mais  malheureuse  union,  parmi  les  vicissitudes  de  son 
amitié  avec  la  reine,  amitié  d'abord  si  chaude,  puis  ensuite  refroidie 
par  les  inégalités  d'un  caractère  nerveux,  par  des  exigences  d'étiquette, 
par  la  naissance  d'une  amitié  nouvelle,  bientôt  exclusive  et  absor- 
bante ,  celle  de  M™®  de  Polignac  ;  ranimée  enfin  par  les  épreuves  et 
cimentée  par  le  martyre  jusqu'à  cette  mort  affreuse  et  ces  outrages 
sans  nom.  Pour  cette  mort  même,  M.  Bertin  est  sobre  de  détails;  il 
tient  à  ne  rien  avancer  que  de  certain,  et  l'imagination  populaire 
comme  le  zèle  de  maladroits  apologistes  s'est  plu  à  ajouter  encore  à 
l'horreur  d'un  assassinat  qui  semble  cependant,  dans  sa  réalité  bru- 
tale, avoir  épuisé  toutes  les  horreurs. 

Tel  est,  rapidement  résumé  dans  ses  traits  principaux,  ce  livre  dont 
nous  louerons  avant  tout  l'exactitude  et  qui  attirera  certainement 
beaucoup  de  lecteurs.  Ils  trouveront  un  charme  de  plus  dans  l'excel- 
lente exécution  typographique,  dans  le  beau  portrait  de  la  princesse 
placé  en  tète  du  volume  et  dans  les  pièces  justificatives  qui  le  ter- 
minent. Ce  mot  seul  :  «  succession  Lamballe  »  donne  le  frisson. 

Max.  de  la  Rocheterte. 


-  68  — 

Béi»ei*toîi*e  des  sources  Iiistorioiiaes  «lu  moyen  âge,  par 

Ulysse  Chevalier.  Bio-Bibliographie.  Paris,  librairie  de  la  Société  biblio- 
graphique, 1877-1838,  gr.  in-8  de  xx  p.  et  28i6  col.  —  Prix  :  40  fr.  avec  le 
Supplément.  Pour  les  membres  de  la  Société  bibliographique  :  31  fr.  50. 

Avec  le  Supplément  (col.  2373-2846) ,  dont  nous  avons  récemment 
signalé  l'appariLion,  se  termine  le  premier  volume  [Bio-bibliographie] 
du  Répertoire  dont  M.  l'abbé  Ulysse  Chevalier,  correspondant  de 
l'Institut,  a  entrepris  la  publication.  Lorsqu'on  1877  parut  le  premier 
fascicule  de  cette  œuvre  immense,  la  presse  et  les  critiques  prodi- 
guèrent à  l'auteur  des  encouragements  et  des  éloges  mérités.  Depuis 
longtemps  eu  effet  les  éruditset  les  travailleurs  regrettaient  l'absence 
d'un  Manuel  de  ce  genre  mis  au  courant  de  la  science  bibliogra- 
phique moderne-,  et  se  voyaient  réduits  .'i  consulter  soit  des  travaux 
généraux  trop  anciens,  soit  des  bibliographies  locales  ou  spéciales, 
qu'il  n'est  pas  toujours  aisé  de  découvrir  et  de  se  procurer. 

On  connaît  le  plan,  très  logique,  adopté  d'un  commun  accord  par 
l'auteur  et  par  le  Conseil  de  la  Société  bibliographique,  qui  avait 
accepté  la  publication  de  ce  Répertoire.  Il  doit  se  composer  de  trois 
ouvrages  parfaitement  distincts,  dont  le  premier,  actuellement  imprimé, 
renferme  l'indication  des  sources  à  consulter  sur  tel  personnage  histo- 
rique; le  second,  en  préparation,  donnera  des  renseignements  ana- 
logues sur  les  lieux  et  les  événements  ;  le  troisième  fournira  la  biblio- 
graphie (manuscrits,  éditions  et  traductions)  des  œuvres  historiques. 
M.  l'abbé  U.  Chevalier  s'est  donc  proposé  de  dresser  un  inventaire 
complet  des  travaux  historiques  relatifs  au  moyen  âge.  Nous  n'avons 
pas  à  examiner  si  une  vie  d'homme  peut  suffire  à  réaliser  une  pareille 
entreprise,  qui  rappelle  les  œuvres  des  Lelong,  des  Sainte-Marthe, 
des  dom  Bouquet,  des  dom  Clément,  des  dom  Rivet,  ou,  pour  mieux 
dire,  de  cette  légion  d'érudits  et  de  Bénédictins  dont  les  immenses 
travaux  étonnent  l'esprit  humain.  M.  l'abbé  U.  Chevalier  nous  répon- 
drait en  nous  présentant  sa  Bio-bibliographie  :  les  bases  sont  jetées, 
l'édifice  est  haut  déjà;  l'ouvrier  ne  saurait  abandonner  sa  tâche,  et 
nous  espérons  qu'il  voudra  la  mener  à  bonne  fin  :  il  est  engagé  vis-à- 
vis  du  monde  savant. 

Aprè.T  avoir  constaté  l'utilité  de  cette  nouvelle  encyclopédie  biblio- 
graphique divisée  en  trois  parties,  nous  ne  voudrons  pas  faire  à 
M.  l'abbé  U.  Chevalier  l'injure  d'établir  un  parallèle  entre  sa  Bio-biblio- 
graphie et  la  Bibliographie  biographique  universelle  d'Œttinger,  si 
inexacte  et  si  incomplète.  Pour  la  biographie  et  l'histoire  de  France, 
on  trouve  de  précieuses  indications  d'imprimés  et  de  manuscrits  dans 
la  Bibliothèque  historique  de  la  France,  du  P.  Lelong  ;  mais  l'excellente 
édition  (ju'en  a  donnée  Févrct  de  Fontcttc  (1768-1778,  5  vol.  in-fol.), 
remonte  à  plus  de  cent  années  et  par  suite  les  publications  de  tout  un 


-  69  - 

siècle  échappent  à  son  cadre.  Le  Répertoire  des  sources  historiques  du 
moyen  âge  est  donc  appelé  à  combler  cette  immense  lacune. 

M.  l'abbé  U.  Chevalier  a  compris  dans  sa  Bio-bibliographie  «  tous  les 
personnages  ayant  obtenu  une  notoriété  quelconque  pendant  le  moyen 
âge  chrétien,  »  c'est-à-dire  depuis  le  commencement  de  l'ère  chrétienne 
jusqu'à  l'an  loOO.  Remarquons  que  la  Bihliolhecahistorica  medii  œvide 
Potthast  n'embrasse  pas  les  trois  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne.  La 
partie  biographique  des  notices  de  M.  l'abbé  U.  Chevalier  donne  l'in- 
dication des  dates  de  naissance,  de  fonctions  et  de  mort  ;  dans  la  partie 
bibliographique,  les  ouvrages  indiqués  sont  classés  par  ordre  alphabé- 
tique des  noms  d'auteurs,  les  caractères  typographiques  gras  distin- 
guant ceux  qui  font  eux-mêmes  l'objet  d'un  article  dans  le  Répertoire. 
Un  système  ingénieux  d'abréviations  a  permis  de  condenser  de  nom- 
breux renseignements  en  quelques  lignes. 

L'auteur  nous  permettra-t-il  de   lui  présenter  quelques  légères  ob- 
servations ;  sans  amoindrir  son  œuvre,  elles  lui  prouveront  peut-être 
que  nous  avons  plus  d'une  fois  manié  son  volume  et  que  noire  appré- 
ciation n'est  pas  un  simple  écho  des  éloges  qui  lui  ont  été  si  légitime- 
ment prodigués.  Les  personnages  sont  rangés  alphabétiquement  ou 
«  d'après  leur  nom,  ou,  quand  il  existe  et  quil  est  plus  connu,  d'après 
leur  surnom,  sauf  exception  pour  les  saints  et  les  bienheureux,  qu'on 
trouvera  invariablement  sous  leur  nom.  »  M.  l'abbé  Chevalier  a  dû  être 
quelquefois  embarrassé  pour  distinguer  le  nom  du  prénom  et  du  sur- 
nom. Pourquoi  classer  le  chroniqueur  Perceval  de  Cagny  sous  ce  der- 
nier nom,  alors  que  l'on  trouve  Perceval  de  Dreux,  placé,  fort  correc- 
tement d'ailleurs,  sous  le  mot  Perceval?  Il  nous  semble  bien   que 
Arthur  III  de  Bretagne  est  beaucoup  plus  connu  sous  le  nom  de  Riche- 
mont  que  sous  tout  autre,  et  c'est  au  mot  Richemont  que  nous  eussions 
placé  la  notice  bio-bibliographique,  en  mettant  un  simple  renvoi  sous 
l'indication  du  prénom.  Disons  que  la  notice  consacrée  à  ce  person- 
nage dans  le  Supplément,  complète  fort  heureusement  celle,  beaucoup 
trop  pauvre,  qui  avait  été  précédemment  donnée.  Pourquoi  adopter 
la  forme  Matthieu,  réservée  ordinairement  pour  désigner  Tévangéliste 
de  ce  nom,  et  non  la  forme  Mathieu,  plus  communément  employée? 
Nous  remarquons  que  «  Gérard  de  Grande-Sauve,  »  cité  à  la  colonne 
14,  dans  l'article  «  Adalard,  «  devient  dans  sa  notice  spéciale  «  Gérard 
de  Sauve-Majeure  »  (col.  800),  ce  qui  modifie  le  classement.  Pourquoi 
préférer  d'une  manière  exclusive  la  forme  «  Rodolphe  j  à  «  Raoul,  » 
celte  dernière  étant  aussi  répandue  que  l'autre,  au  moins  en  France? 
Nous  ne  voyons  pas  dans  quel  but  Ton  a  cité  quelques  noms  de  per- 
sonnages sans  indiquer  à  la  suite  une  seule  source  bibliographique, 
pas  même  celle  d'où  est  tirée  la  mention  en  question.  Il  ne  nous  ap- 
partient peut-être  pas  de  regretter  que  l'auteur,  au  lieu  de  donner  ,1e 
titre  d'un  ouvrage,  renvoie,  très  rarement  du  reste,  au  numéro  de  la 


—  70  - 

Partie  technique  du  Polyhiblion  où  il  est  signalé  ;  toutefois  il  est  bien 
certain  que  beaucoup  de  lecteurs  trouveront  peu  commode  d'être 
obligés  de  recourir  aux  tomes  XLII  et  XLV  du  Polyhiblion  pour  savoir 
ce  qui  concerne  le  héraut  d'armes  Gelre.  Mais,  en  vérité  ce  sont  là 
des  vétilles  sur  lesquelles  nous  ne  voulons  pas  insister  plus  long- 
temps. Nous  aimons  mieux  signaler  d'une  manière  spéciale  à  l'at- 
tention de  nos  lecteurs  quelques  articles,  qui  sont  bien  de  véritables 
bibliographies  spéciales  encadrées  dans  ce  grand  ouvrage  ;  la  notice 
consacrée  à  Jeanne  d'Arc  ne  comprend  pas  moins  de  11  colonnes,  y 
compris  celles  du  Supplément  ;  l'article  Jésus-Christ  en  compte  33  ; 
saint  Thomas  d'Aquin,  11  ;  saint  Louis,  5  ;  Charlemagne,  7,  etc.  Ajou- 
tons enfin  que  ces  notices  bibliographiques  comprennent  non  seule- 
ment l'indication  des  ouvrages  spéciaux,  mais  aussi  la  mention  des 
articles  de  revues  et  de  comptes  rendus  critiques. 

M.  l'abbé  U.  Chevalier  a  élevé  à  la  science  historique  un  monument 
qui  restera  debout  à  jamais,  tout  en  subissant,  comme  tant  d'autres, 
Faction  du  temps  ;  le  monument  n'est  pas  encore  complètement  ter- 
miné et  il  a  le  devoir  d'en  poursuivre  l'achèvement.  Quel  autre  pour- 
rait apporter  à  l'accomplissement  de  cette  grande  œuvre  la  même  éru- 
dition, la  même  énergie,  la  même  patience?  Qu'il  chasse  ce  «  senti- 
ment de  détresse  »  dont  nous  avons  trouvé  l'expression  émue  à  la  fin 
de  son  Introduction,  et  qu'il  recommence  avec  l'ardeur  d'antan  cette 
course  à  la  plume  de  dix  kilomètres,  si  rapidement  et  si  brillamment 
accomplie  une  première  fois.  Tous  les  travailleurs  l'accompagneront 
de  leurs  vœux. 

P.-S.  —  Nous  sommes  heureux  de  constater  que  l'Académie  des 
Inscriptions  et  Belles-Lettres  vient  de  décerner  le  prix  Brunet  à  notre 
savant  collaborateur  pour  son  Répertoire.  A.  Levâvasseur. 


BULLETIN 

Bcntliam,  Principes  de  législation  et  d'Économie  politique,  pu- 
blié par  S.  Raffalovich.  Paris,  Guillaumin,  1888,  in-12  de  lxxi-160  p.  — 
Prix  :  1  fr.  50.  (Petite  bibliothèque  économique  française  et  étrangère.) 
La  maison  Guillaumin  a  eu  la  bonne  pensée  de  publier,  sous  la  direction 
de  M.  Chailey,  une  série  de  volumes  consacrés  chacun  à  un  économiste,  ces 
volumes  comprenant  les  principales  œuvres  de  cet  économiste  ou  des  ex- 
traits qui  indiquent  la  trace  laissée  par  lui  dans  la  science.  Une  notice  litté- 
raire et  biographique  complète  ces  volumes  qui,  sous  un  petit  format,  ren- 
ferment la  matière  d'un  in-8  de  500  pages.  M.  Georges  Michel  a  publié  pour 
inaugurer  cette  collection  la  Dixme  royale,  de  Vauban.  Mais  c'est  surtout  à 
propos  de  Bentham  que  l'on  apprécie  ce  mode  de  publication.  Qui  irait 
aujourd'hui  lire  les  onze  volumes  des  œuvres  de  Bentham  ?  Et  cependant  il 
est  nécessaire  de  connaître  les  écrits  d'un  homme  qui  a  exerce  une  si  grande 
influence  sur  le  mouvement  législatif  contemporain.  M"»  Sophie  Raffalovich 
nous  en  donne  une  idée  très  complète  dans  la  notice  placée  en  tète  du  vo- 
lume. C'est  une  œuvre  impartiale  et  fort  bien  écrite.  Puis  suivent  les  Prin- 


—  71  — 

cipes  de  législation  où  se  trouve  exposée  sa  fameuse  théorie  sur  l'utilité,  le 
Traité  de  l'influence  des  temps  et  des  lieux  en  matière  de  législation  et  le  Manuel 
d'économie  politique.  Une  bibliographie  très  complète  des  écrits  de  Tauteur 
termine  cette  publication.  Avec  elle  on  sait  sur  Bentham  tout  ce  qu'il  faut 
savoir.  X.  X. 

oe  l'Ouvi'icf  et  du  Respect,  par  l'abbé  P.  Fesch.  Paris,  Welter,  1888, 
in-12  de  174  p.  —  Prix  :  1  fr.  oO. 

Ce  vénérable  prêtre,  curé  dans  le  diocèse  de  Beauvais,  a  été,  à  l'occasion  d'un 
sermon,  fort  sottement  critiqué  parle  marquis  de  Licques,  directeur  du  jour- 
nal le  Nouvel  Éclaireur  de  l'Oise.  On  l'accusait  d'avoir  excité  les  ouvriers  à 
«  manquer  de  respect  à  leurs  supérieurs.  »  M.  l'abbé  Fesch  réfute  avec  beau- 
coup de  vivacité  une  attaque  aussi  injuste  qu'inconvenante,  et  il  montre  que 
l'ouvrier  a  réellement  droit  à  du  respect,  que  le  lui  donner  est,  en  même 
temps  que  l'accomplissement  d'un  devoir  essentiel  du  christianisme,  le  meil- 
leur moj^en  de  s'assurer  à  soi-même  le  respect  auquel  on  a  droit.  Il  part  en- 
suite de  là  pour  montrer  que  du  manque  de  respect  découlent  les  révolutions 
sociales,  les  révolutions  dans  la  famille  et  l'altération  des  rapports  entre  les 
maîtres  et  les  domestiques.  La  doctrine  de  ce  petit  vnlume  est  excellente  et 
les  observations  qu'il  contient  sur  les  mœurs  contemporaines  ont  beaucoup 
de  piquant.  Nous  conseillerons  seulement  à  l'auteur,  quand  il  fera  une  nou- 
velle édition,  de  laisser  de  côté  toute  sa  polémique  avec  la  feuille  locale  dont 
nous  venons  de  parler.  Cela  n'en  vaut  pas  la  peine  et  pourrait  occasionner 
des  méprises  sur  la  valeur  réeUe  de  son  livre.  X.  X. 


Annuaire  de  l'infanterie  poai*  18SS,  par  le  commandant  LÉON  MAR- 
SEILLE. 9»  année.  Paris  et  Nancy,  Berger-Levrault,  1888,  in-8  de  650  p.  — 
Prix  :  6  fr. 

Nous  n'avons  pas  à  faire  l'éloge  d'une  publication  comme  celle-ci ,  spéciale  à 
vrai  dire  aux  militaire?,  mais  d'une  utilité  générale  pour  tous  et,  pour  les 
premiers,  d'un  intérêt  précieux.  M.  le  commandant  Marseille,  qui  se  préoc- 
cupe constamment  d'amender  l'œuvre  à  laquelle  il  a  attaché  son  nom,  a 
introduit  encore  dans  rédition  nouvelle  des  améliorations  appréciables. 
Dans  l'Annuaire  de  1888,  la  composition  des  corps  de  troupe  est  mise  à  jour 
au  30  novembre.  Les  listes  d'ancienneté  sont  arrêtées  pour  les  promotions 
et  radiations,  au  1"  octobre,  pour  les  mutations  au  20  novembre.  Enfin  les 
promotions  et  radiations  effectuées  depuis  le  1"  octobre  1887  forment  l'objet 
de  tableaux  spéciaux  mis  à  jour  au  31  décembre  1887.  Inutile  de  recomman- 
der ce  nouveau  livre  dont  le  succès  s'affirme  tous  les  jours. 

Arthur  de  Gaxniers. 

Les  Compositeurs  célèbres  :  Beethoven,  Rossini,  Meyerbeer,  Mendelssohn, 
Schumann,  par  le  baron  Ernouf.  Paris,  Perrin,  1888,  in-12  de  331  p.,  orné 
de  5  portraits.  —  Prix  :  4  fr. 

L'auteur  fait  marcher  simultanément  la  biographie  des  cinq  grands  maîtres 
de  ce  siècle  :  Beethoven,  Rossini,  Meyerbeer,  Mendelssohn,  Schumann,  la 
nomenclature  complète  et  chronologique  de  leurs  œuvres,  et  l'analyse,  sou- 
vent détaillée,  des  principales  d'entre  elles.  Ce  livre  offre  donc  un  double  in- 
térêt :  il  nous  apprend  à  connaître  l'homme,  et  nous  permet  de  suivre  le  dé- 
veloppement de  son  génie  depuis  le  jour  où  lui-même  en  a  conscience, 
jusqu'à  celui  qui  marque  le  triomphe  suprême.  La  conception  et  la  compo- 


-  "''^  — 

sition  des  chefs-d'œuvre  que  nous  admirons,  et  qui,  dans  des  genres  bien 
différents,  peuvent  être  considérés  comme  les  «  étapes  »  de  l'art  musical,  sont 
intimement  liées  aux  événements  heureux  ou  malheureux,  de  famille  ou 
de  société,  qui  se  déroulent  sous  nos  yeux.  La  remarquable  et  autorisée 
critique  du  baron  Ernouf  ajoute  enfin  Fintérêt  scientifique  à  celui  du  roman 
vécu,  et  fait  de  ce  livre  un  ouvrage  substantiel  et  profond. 

André  de  B. 

Mon  cher  petit  Cahîei*,  journal  d'une  jeune  ouvrière.  7»  édition.  Lj'On, 
secrétariat  de  l'Œuvre  des  jeunes  ouvrières,  1888,  in-12  de  xvi-326  p.  — 
Prix  :  2  fr.  (Bibliothèque  des  Enfants  de  Marie). 

Ce  livre  n'est  pas  nouveau  :  six  éditions  en  ont  consacré  le  succès.  Une 
jeune  ouvrière  de  la  congrégation  de  Notre-Dame  de  Fourvière,  morte  à  vingt- 
deux  ans  après  une  vie  toute  de  piété  et  de  travail,  avait  laissé  un  petit  cahier 
sur  lequel  elle  avait  consigné  ses  impressions  jour  par  jour,  pendant  plu- 
sieurs années.  Ce  petit  cahier,  où  s'épanchait  le  trop  plein  de  sou  cœur,  est 
devenu  un  livre  édifiant  et  pieux,  tout  à  fait  propre  à  consoler,  à  soutenir, 
à  réconforter  les  âmes  chrétiennes.  C'est  doux,  gracieux,  naïf,  charmant,  et 
par-dessus  tout  plein  de  foi,  plein  de  charité,  plein  d'espérance.  Toute  âme 
sincère  admirera  à  quelle  hauteur  la  religion  sait  élever  les  cœurs  humbles 
qui  se  confient  à  elle.  L'ouvrage  est  spécialement  destiné  aux  réunions  de 
jeunes  filles  chrétiennes  :  c'est  à  elles  surtout  qu'il  fera  du  bien.  Les  autres 
ne  le  comprendraient  peut-être  pas  :  il  ne  faut  pas  jeter  les  perles  à...  tout 
le  monde.  Munda  mundis.  P.  Talon. 

i»etîtes  Études  lîttcraîres,  par  E.-J.  Gastaigne,  avec  deux  lettres  de 
M.  V.  Sardou.  Paris,  Picard,  1888,  in-12  de  vi-129  p.  —  Prix  :  1  fr.  50. 

M.  Castaigne,  dans  ses  Petites  Études  littéraires  fait  preuve  d'un  goût  très  vif 
des  lettres,  d'un  esprit  fin  et  délicat,  d'un  très  joli  talent  d'amateur.  Les  études 
du  Sentiment  de  la  nature  dans  La  Fontaine  et  de  la  Versification  de  La  Fontaine 
n'ont  sans  doute  rien  de  bien  original  au  fond,  et  on  regrettera  qu'elles  ne 
soient  pas  plus  étendues  et  plus  fouillées;  mnis  telles  quelles,  avec  des  cita- 
tions bien  choisies  et  souvent  neuves,  ce  qui  atteste  un  travail  personnel, 
avec  des  remarques  de  détail  ingénieuses,  et  d'heureux  souvenirs  de  nos 
poètes  contemporains,  elles  forment  deux  intéressants  chapitres  de  littéra- 
ture à  l'usage  dos  gens  du  monde.  —  Les  pages  intitulées  Sur  un  poète  ama- 
teur et  consacrées  aux  Poésies  de  M.  Depiot  ont  sans  doute  été,  sous  leur 
forme  première,  une  conférence  faite  devant  un  auditoire  mondain  :  c'est 
en  effet  une  véritable  causerie,  semée  de  digressions  charmantes,  égayée 
de  traits  d'esprit  et  légèrement  teintée  d'idées  spiritualistes.  —  Le  chapitre 
sur  Alfred  de  Vigny  est  peut-être  celui  que  je  préfère  :  médaillon  plutôt  que 
portrait,  mais  très  finement  ciselé  et  rendant  très  bien  la  flère  et  mélanco- 
lique figure  du  gentilhomme-poète.  Il  y  a  môme  des  détails  nouveaux  et 
assez  piquants  :  Vigny  Charentais  et  venant  une  fois  en  voiture  de  Paris 
au  Maine-Giraud  par  peur  des  accidents  de  chemin  de  fer  ;  Vigny  candidat 
aux  élections  de  ^tS  dans  la  Charente  ;  Vigny  client  assidu  de  la  bibliothèque 
d'Angoulême,  ce  qui  nous  vaut  quelques  lettres  inédites  au  bibliothécaire, 
qui  nous  font  connaître  ses  lectures  ;  —  tout  cela  intéresse  un  peu  tout  le 
monde  et  davantage  les  Angoumoisins.  C'est  pour  ses  compatriotes,  en  effet, 
qu'a  travaillé  M.  Caslaigne,  qui  est  d'Angoulême.  On  pouvait  s'en  douter 
dés  l'élude  sur  La  l'oulaine  en  le  voyant  se  complaire  h  citer  «  l'Ermite  de  la 
Charente  »  Balzac.  Quand  il  étudie,  à  propos  (l'im  livre  récent  /-^  Prre  de 


-  73  - 

Madame  de  Rambouillet,  c'est  encore  un  sujet  charentais  par  certains  côtés, 
puisque  Jean  de  Vivonae  se  maria  dans  une  famille  de  Saintonge,  et  que 
son  distingué  biographe,  M.  Guy  de  Brémond  d'Ars,  porte  aussi  un  nom 
charentais.  Eufln  il  fallait  être  petit-fils  du  bibliothécaire  d'Angoulêrae  pour 
dénicher  une  Théodora  absolument  inconnue,  publiée  en  1662  à  Angoulème, 
écrite  par  un  échevin  d'Angoulême,  Antoine  Racault.  M.  Castaigne  nous 
résume  rapidement  l'œuvre  médiocre  du  «  prédécesseur  inattendu  de 
M.  Sardou  »  et  nous  fait  part  des  deux  lettres  de  M.  Sardou  que  lui  a 
values  cette  piquante  trouvaille. 

En  somme  livre  charmant,  que  je  recommande  comme  une  lecture  très 
attrayante,  que  je  signale  comme  une  promesse  d'oeuvres  de  valeur  pour 
l'avenir.  Gabriel  Audiat. 

Paul  Féval.  Souvenirs  d'un  ami,  par  CHARLES  BUET.  Paris,   Letouzey  et 

Ané,  s.  d.,  in-12  de  384  p.  —  Prix  :  3  fr.  oO. 

Ce  livre  est  à  proprement  parler  un  recueil  de  documents  et  d'articles, 
doQt  la  plupart  sont  fort  intéressants  à  lire.  M.  Buet,  qui  connaissait  intime- 
ment Féval,  a  reçu  de  lui  un  grand  nombre  de  lettres,  dont  beaucoup  sont 
spirituelles,  et  il  les  publie  :  des  amis  de  Tillustre  romancier,  MM.  Bloy, 
Barbey  d'Aurevilly,  de  Poli,  Clarelie,  Daudet,  Villemessant,  Palmé,  lui  ont 
ouvert  leurs  portefeuilles  et  il  y  a  puisé  largement.  Tout  cela  nous  vaut  beau- 
coup de  pages  délicieuses,  à  côté  de  quelques-unes  où  le  souci  de  la  réclame 
et  les  questions  de  boutique  tiennent  vraiment  une  trop  grande  place.  Évi- 
demment ces  choses  ne  sont  guère  absentes  de  la  vie  d'un  écrivain ,  voué 
par  les  nécessités  de  sa  situation  à  faire ,  le  plus  honnêtement  du  monde 
d'ailleurs,  marchandise  de  ses  œuvres;  encore  vaut-il  mieux  ne  pas  les  faire 
voir  au  public.  A  cela  ne  se  borne  pas  l'œuvre  de  M.  Buet  :  à  côté  des  lettres, 
des  articles  et  des  poésies  de  Paul  Féval ,  qu'il  a  bien  fait  de  nous  conser- 
ver, il  y  a  sa  part  personnelle,  je  veux  dire  ces  portraits  d'écrivains,  ces 
études  littéraires  qui  sont  absolument  son  œuvre  et  qui  lui  font  grand  hon- 
neur. Tels  les  portraits  de  Barbyy  d'Aurevilly,  d'Hello,  de  Bloy,  auxquels  je 
ne  reprocherai  qu'une  trop  grande  bienveillance  :  car  si  ces  hommes  de 
grand  et  même  de  très  grand  talent  n'ont  pas  obtenu  dans  le  monde  catho- 
lique la  place  qu'ils  ont  ambitionnée,  n'est-ce  pas  un  peu  leur  faute?  Us  ont 
trouvé  en  M.  Buet  un  éloquent  avocat.  Quant  à  Paul  Féval,  M.  Buet  a  voué  à 
sa  mémoire  un  culte  fidèle  qui  fait  honneur  à  tous  les  deux  et  dont  ce  livre 
est  un  vivant  et  touchant  témoignage.  P.  Talon. 


Souvenirs  d'un  vieux,  critique,  par  ARMA^'D  DE  PONTMARTIN.  9'  série, 

Paris,  Calmann  Lévy,  1888,  in-18  de  370  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Tout  a  été  dit  sur  l'attrait,  le  mérite  littéraire,  l'esprit  et  le  judicieux  dis- 
cernement des  Souvenirs  d'mi  vieux  critique.  La  neuvième  série,  qui  vient  de 
paraître,  possède  les  mêmes  qualités  que  ses  aînées ,  et  elle  a  un  défaut  de 
moins.  M.  de  Pontmartin  n'y  abuse  plus  du  calembour.  Cette  série  comprend 
une  vingtaine  d'études  dont  les  plus  importantes  sont  :  Les  Commencements 
d'une  conquête  (à  propos  de  l'Algérie,  de  M.  Camille  Rousset);  Honnêtes  Gens 
et  Livres  deshonnêtes  (vaillant  réquisitoire,  publié  dans  le  Correspondant  contre 
la  littérature  matérialiste  et  contre  ceux  qui  la  favorisent);  Le  Prince  de  Bis- 
marck (une  simple  esquisse ,  mais  crayonnée  de  main  de  maître)  ;  Histoire 
d'une  grande  dame  au  xviip  siècle  (la  princesse  de  Ligne);  Napoléon  et  ses  dé- 
tracteurs (réponse  topique  aux  idolâtries  césariennes  du  prince  Napoléon).  Le 


—  74  - 

volume  se  termine  par  la  critique  de  divers  ouvrages  nouvellement  parus 
de  M.  E.-M.  de  Vogué,  Ernest  Legouvé,  Camille  Doucet,  Jules  Simon  et  Dé- 
siré Nisard.  Signalons  aussi  un  superbe  article  sur  la  Correspondance  de 
Louis  Veuillot.  Jamais  le  célèbre  écrivain  n'avait  été  jugé  par  un  de  ses  pairs 
avec  plus  de  justice,  de  sympathie  et  de  vérité.  Le  «  vieux  critique  »  est 
comme  les  vins  d'excellent  crû  :  plus  il  vieillit,  plus  il  devient  meilleur. 

F.  B. 

Eeeais  et  Fantaisies,  par  Arvède  Barine.  Paris,  Hacliette,  1888,  in-18  de 

350  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Ces  Essais,  qui  sont  loin  de  manquer  d'agrément,  débutent  par  une  disserta- 
tion sur  la  danse;  ils  continuent  par  des  réflexions  sur  les  contes  de  fées;  ils 
terminent  par  une  fantaisie  à  propos  des  Idées  de  Napoléon  sur  le  mariage,  et 
par  une  thèse  scientifique  sur  les  fourmis.  Dans  l'intervalle,  Arvède  Barine 
nous  raconte  Phistoire  d'un  don  Juan  japonais  et  nous  parle  abondamment 
des  condottières  de  la  mer,  du  cérémonial  de  la  cour  eu  Chine,  de  la  tou- 
chante et  paternelle  affection  de  Philippe  II  pour  ses  filles.  L'auteur  des  Es- 
sais, qui  est  russe,  fait  de  ce  terrible  roi  d'Espagne  un  portrait  trop  poussé 
au  noir.  11  trouve  pourtant  «  des  coins  de  soleil  dans  cette  vilaine  âme,  » 
et  il  cite  de  lui  des  traits  charmants.  Ces  traits,  dénotant  qu'il  y  avait  deux 
hommes  en  Philippe  II  :  le  politique  et  l'homme  privé,  ne  sont  pas  nou- 
veaux. Ils  ont  été  révélés  par  M.  Gachard  et  par  le  regretté  Hippolyte  For- 
neron.  F.  B. 

chrysautbèmes,  par  M'"'=  la  marquise  de  Blocqueville.  Paris,  libr.  des 
bibliophiles,  1888,  in-32  de  102  p.  —  Prix  :  2  fr. 

M^e  la  marquise  de  Blocqueville  aime  les  fleurs  avec  passion,  et  dans 
maints  chapitres  des  Soirées  de  la  villa  des  Jasmins ,  elle  en  a  déchiffré  avec 
une  poétique  pénétration  le  charmant  et  profond  symbolisme.  Pourquoi 
a-t-elle  donné  le  titre  de  Chrysanthèmes  au  nouveau  recueil  qu'elle  vient  de 
publier?  Parce  que,  pour  elle,  le  chrysanthème  est  l'image  de  l'intelligence 
humaine.  Il  emprunte  à  la  culture  toutes  ses  formes,  tous  ses  gracieux  as- 
pects, toutes  ses  beautés.  Les  Chrysanthèmes  de  M"«  de  Blocqueville  méritent 
de  prendre  place  dans  la  bibliothèque  des  délicats,  à  côté  des  Roses  de  Noël, 
du  même  auteur.  Les  «  pensées  »  contenues  dans  le  recueil  s'inspirent  de 
l'idée  du  Vrai,  du  Beau  et  du  Bien.  La  plupart  sont  exprimées  eu  une  forme 
exquise,  et  toutes  sont  pour  l'âme  une  excellente  nourriture.        F.  B. 


Péliiii.  Souvenirs  de  l'empire  du  Milieu,  par  MAURICE  JUMETEL,  chargé  du 
cours  de  langue  chinoise  à  l'École  des  langues  orientales.  Paris,  E.  Pion  et 
Nourrit,  1887,  in-12  de  305  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

M.  Jumetel  a  publié  en  1886  un  ouvrage  intitulé  :  La  Chine  inconnue.  (Pa- 
ris, Rouam).  Son  nouveau  volume,  où  l'auteur  n'a  pas  voulu  faire  étalage 
d'érudition  proprement  dite,  est  d'ime  lecture  facile  et  agréable;  il  a  le  mé- 
rite de  pouvoir  être  laissé  entre  les  mains  delà  jeunesse.  Ce  simple  récit  de 
voyage  ne  pouvait  nous  a])porter  rien  de  tout  à  fait  neuf  sur  les  moeurs  et 
la  civilisation  de  la  Chine,  qui,  à  vrai  dire,  ne  peut  plus  passer  pour  terra 
incofjnita  ;  mais  lus  personnes  disposées  à  se  l'aire  des  illusions  liront  avec 
fruit  un  travail  qui,  malgré  l'indulgence  de  l'auteur,  démontre  sunisamment 
les  défaillances  de  la  culture  chinoise  en  ce  qui  concerne  les  aspirations 
idéales.  Si  nos  pays  d'Europe  peuvent  prendre  modèle  sur  la  Chine  pour  le 


—  75  - 

maintien  de  la  propriété  rurale  dans  les  familles,  on  ne  saurait,  d'une  ma- 
nière générale,  applaudir  sans  réserve  à  une  stabilité  qui  ressemble  à  de 
la  stagnation,  ni  attribuer  cette  stabilité  à  la  conformation  du  territoire  et 
à  Talimentation  végétale  (p.  15).  Ne  serait-ce  pas  verser  dans  l'erreur  trop 
commune  qui  consiste  à  tout  attribuer  aux  influences  externes  sans  tenir 
compte  des  différences  ethniques  et  de  l'action  interne?  M.  Jumetel  est, 
ce  semble,  indifférent  aux  questions  religieuses,  ce  qui  ajoute  du  prix  aux 
éloges  qu'il  décerne  aux  Pères  de  la  Compagnie  de  Jésus  de  Shang-Haï,  à 
leur  merveilleux  observatoire  de  Si-ka-wé,  à  leur  science,  à  leur  esprit 
élevé,  à  leurs  vertus  et  aux  services  de  tout  genre  qu'ils  rendent  au  pays. 
M.  Jumetel  —  c'est  une  remarque  intéressante,  —  signale  (p.  193)  la  ten- 
dance commune  aux  Européens  et  aux  Chinois  à  faire  venir  la  civilisation 
et  la  lumière  d'un  même  point,  occidental  pour  les  premiers,  oriental  pour 
les  seconds  ;  c'est  à  dire  du  plateau  central  de  la  haute  Asie,  ce  qui  con- 
firme les  traditions  primordiales  sur  le  rôle  civilisateur  de  la  race  blanche, 
et,  en  particulier,  du  rameau  arian  dont  ces  contrées  furent  le  berceau. 

A.  d'Avril. 

Cliarlemagne  dans    l'histoîi-e    et  dans  la  légende,  par  G.  MAILHARD 

DE  LA  Couture.  Lille,  Société  de  Saint-Augustin,  Desclée,  de  Brouwer 
et  Ci',  1887,  in-8  de  190  p. 
Godefroy  de  Bouillon  et  la  I»remlèi'e  Croisade,  par  le  même. /6ic^em, 
in-8  de  iv-208  p. 

Clovis,  ou  les  Origines  de  la  France  cbrétienne,  par  ^'^ICTOR  CaNET, 

Ibidem,  in-8  de  216  p. 
Ricbard  Coeur-de-Lion,  le  Roi  paladin,  par  PAUL  DE  JORIAUD.  Ibidem, 

in-8  de  206  p. 

Sobieski  et  la  Mission  de  la  I»olognc ,   par  le   baron  KERVYN  DE  VOL- 

KAERSBEKE.  Ibidem,  in-8  de  218  p. 
Le  Maréchal    de  Xurenne,    d'après    les   écrivains    de    son  temps. 

Ibidem,  in-8  de  218  p.  —  Prix  de  chaque  volume  :  2  fr. 

Les  biographies  dont  nous  venons  de  donner  les  titres  se  recommandent 
toutes  par  les  mêmes  qualités  :  esprit  excellent,  souci  de  la  vérité  histo- 
rique, récit  intéressant  et  sufQsamment  complet  pour  le  public  auquel  il 
s'adresse,  illustrations  bien  choisies,  enfin  aspect  élégant  et  soigné.  Ce  sont 
de  bons  ouvrages  de  vulgarisation  dont  les  auteurs  ont  eu ,  en  général,  le 
soin  de  se  mettre  au  courant  des  résultats  acquis  par  les  récents  travaux 
des  érudits;  c'est  surtout  aux  deux  volumes  sur  Clovis  et  Charlemagne  que 
cet  éloge  s'adresse.  —  L'histoire  de  Clovis,  de  M.  Victor  Canet,  est  certaine- 
ment le  meilleur  des  six  volumes  énumérés  plus  haut;  les  faits  du  règne, 
le  caractère  de  Clovis,  les  accusations  de  cruauté  et  de  duplicité  portées 
contre  lui,  sont  examinés  avec  beaucoup  de  soin  et  d'impartialité.  —  Les 
auteurs  des  biographies  de  Godefroy  de  Bouillon  et  de  Richard  Coeur-de- 
Lion  ont  apprécié  à  sa  juste  valeur  le  caractère  de  ces  deux  héros  du  moyen 
âge,  dont  le  premier  a  pris  place  parmi  les  neuf  preux  et  dont  le  second  eût 
mérité  d'en  être.  —  L'histoire  de  Sobieski,  de  M.  Kervyn  de  Volkaersbeke, 
présente  également  beaucoup  d'intérêt;  l'auteur  nous  semble  avoir  exagéré 
le  talent  militaire  du  plus  grand  roi  de  la  Pologne  en  le  mettant  sur  la 
même  ligne  que  Napoléon;  Sobieski  fut  sans  doute  un  grand  capitaine; 
mais  il  n'eut  pas  le  génie  merveilleux  et  le  coup  d'oeil  d'aigle  de  Bonaparte. 
—  L'auteur  anonyme  de  la  biographie  de  Turenne  a  fait  de  larges  emprunts 
aux  Mémoires  si  nombreux  du  XVII»  siècle,  ce  qui  donne  à  son  livre  plus 
de  piquant  et  de  relief.  —  Disons  quelques  mots  de  l'illustration.  Pour 


-  76  - 

chaque  volume  elle  est  bien  appropriée  au  sujet  et  prise  parmi  les  monu- 
ments contemporains  :  ainsi  les  ouvrages  sur  Glovis  et  Gharlemagne  con- 
tiennent des  reproductions  d'armes,  d'objet  et  de  monuments  des  époques 
franque  et  carolingienne;  les  vies  de  Godefroy  de  Bouillon  et  de  Richard 
Coeur-de-Lion  sont  ornées  de  vues  de  la  Terre  sainte  et  de  miniatures  de 
manuscrits;  celles  de  Sobieski  et  de  Turenne  de  reproductions  d'anciennes 
gravures  du  XYII"  siècle  :  portraits,  représentations  de  faits  historiques, 
comme  la  levée  du  siège  de  Vienne,  etc.  L.  L. 


Blistoîfc    des    i*eîatîoas    de    la   Fi*anee   et,  du    lîanenîapk    sou»   le 
ministère  du  comte  de  Bernstorft,   l 'î'Sîl-l 'T  TO,  parle  Comte  Ed. 

DE  Barthélémy.  Copenhague,  1887,  in-18  de  342  p. 

M.  de  Barthélémy  a  recueilli  dans  les  trente-cinq  volumes  de  dépêches 
échangées  entre  Versailles  et  Copenhague ,  au  milieu  du  siècle  dernier,  les 
éléments  d'une  étude  très  intéressante  sur  le  ministère  de  M.  de  BernstorfT 
qui,  en  Danemark,  épuisa  ses  efforts  à  maintenir  des  relations  entre  son 
pays  et  la  France.  Il  est  curieux  de  constater  qu'à  cette  époque  les  grandes 
puissances  jouaient  chacune  un  rôle  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  ce  que 
nous  voyons  aujourd'hui.  Seulement  à  celte  époque  la  France  tenait,  en 
Europe,  un  rang  considérable  et  elle  pouvait  même  subventionner  certains 
États.  En  résumé,  M.  de  Barthélémy  établit  que  l'alliance  des  monarchies  du 
Nord  avec  la  France  aurait  assuré  la  paix  dans  cette  région  en  protégeant 
celle-ci  contre  la  domination  et  la  puissance  nouvelle  qui  se  développait  d'une 
manière  inquiétante;  de  plus  que,  dans  celte  circonstance,  M.  de  Choiseul. 
dominé  par  la  Suède,  manqua  de  prévoyance  diplomatique.  J.  de  M. 


Histoil-e  municipale  de  I»ai'îs,  Scènes  et  Récits  historiques,  par  PAUL  RO- 

BiQUET,  avocat  au  Conseil  d'État  et  à  la  Cour  de  cassation.  Paris,  Hachette, 
1887,  in-12  de  190  p.  —  Prix  :  1  fr.  50. 

Cet  ouvrage  est  tout  simplement  un  choix  de  récits  isolés  se  rattachant  à 
l'histoire  de  la  capitale.  En  voici  les  titres  :  Origines  de  la  muuicipalilé  pa- 
risienne, Etienne  Marcel,  les  Maillolins,  les  Cabochiens,  les  Anglais  à  Paris, 
la  Saint-Barthélémy,  les  Barricades,  Paris  sous  la  Fronde,  la  prise  de  la  Bas- 
tille, les  Trois  Glorieuses.  Celte  énumération  fait  connaître  sans  hésitation 
possible  le  caractère  et  le  but  de  l'ouvrage;  on  remarquera  eu  etTet  que 
M.  Robiquet  a  choisi  dans  l'histoire  de  Paris  tous  les  épisodes  ayant  un  ca- 
ractère d'opposition  ou  de  révolte  contre  le  pouvoir  légitime.  M.  Robiquet 
reconnaît  bien  qu'Etienne  Marcel  «  a  commis  des  fautes  et  a  pris  rinitiative 
des  mesures  violentes,  »  mais  il  proclame  «  la  grandeur  de  son  œuvre  »  (?); 
bien  entendu  l'auteur  ne  connaît  pas  les  travaux  de  M.  Noël  Valois,  qui  a 
démontré  si  péremptoirement  que  Marcel  n'a  point  eu  du  tout,  à  propos  de 
ce  qu'on  appelle  le  gouvernement  constitutionnel,  la  hauteur  de  vues  qu'on 
lui  prête.  Les  autres  notices  sont  dans  le  même  genre.  A  propos  de  la  prise 
de  la  Bastille,  M.  Robiquet  émet  l'opinion  que  le  prévôt  des  marchands  a 
été  assassiné  par  un  émissaire  de  la  Cour  pour  supprimer  un  complice  com- 
promettant. Voilà  une  accusation  qu'il  serait  bon  de  prouver.  Charger  la 
Cour  des  crimes  imaginaires,  c'est  déjà  fort;  mais  lui  faire  endosser  des  as- 
sassinats commis  par  les  révolutionnaires,  cela  passe  les  bornes  du  bon  sens. 
Dans  le  récit  des  «  Trois  Glorieuses,  »  nous  relevons  encore  ce  passage  :  on 
jeta  dans  la  Seine  le  «  mobilier  de  M.  Quélen,  »  phrase  digne  de  celle  qui 
se  trouve  dans  les  premières  pages  du  volume  :  «  Pierre  Marcel  avait  été  le 
bourgeois  le  plus  imposé  de  la  paroisse  Barthélémy  dans  la  Cité.  »     L.  L. 


Études  Aur-  I''tiIstoirc  militaire  et  mai-îtimc  des  Gi*ecB  et  des  Ro- 
mains, par  le  contre-amiral  Serre.  Paris,  Baudoin,  1S88,  in-12  de  270  p. 
—  Prix  :  3  fr. 

Le  contre-amiral  Serre  poursuit  ses  savantes  études  commencées  dans  un 
volume  intitulé  :  tes  Marines  de  guerre  de  l'antiquité  et  du  moijen  âge.  Cette 
fois,  avec  la  même  érudition  et  une  égale  compétence,  il  prend  à  partie  l'histo- 
rien grec  Polybe  et  s:;  propose  de  démontrer  que  s'il  nous  a  laissé  la  des- 
cription la  plus  complète  des  batailles  navales  au  temps  des  guerres  puni- 
ques et  de  Forganisalion  militaire  des  Grecs  et  des  Romains,  cependant  ses 
renseignements  ne  peuvent  être  acceptés  sans  contrôle  et  sans  discussion; 
l'ignorance  technique  de  l'auteur  l'entraîne  en  efTet  à  de  graves  erreurs.  Le 
savant  commentateur  prend  les  textes  de  Polybe  corps  à  corps  et  examine 
successivement  ses  récits  de  la  bataille  d'Ecnome  et  du  siège  de  Syracuse, 
puis  les  détails  comparatifs  qu'il  donne  sur  la  phalange  grecque  et  la  légion 
romaine  pour  expliquer  le  triomphe  définitif  de  cette  dernière.  L'amiral 
Serre  estime  avec  raison  que  l'étude  approfondie  et  raisonnée  de  l'organisa- 
tion militaire  chez  les  peuples  anciens  est  nécessaire  à  une  époque  où  les 
flottilles  renaissent,  et  où  les  peuples  néo-latins  cherchent  la  meilleure  or- 
ganisation des  armées  nationales.  Mais  son  livre ,  très  curieux  à  ce  point 
de  vue  et  d'une  exposition  très  nette  et  très  claire,  ne  peut  intéresser  qu'un 
nombre  assez  restreint  de  lecteurs,  d'autant  plus  que  le  savant  auteur  mul- 
tiplie les  citations  grecques  et  latines  et  dédaigne  absolument  d'en  donner 
la  traduction.  Comte  de  Bizemont. 


La  vie  nitiîtaii-e  en  Espagne,  tableaux  et  dessins  de  M.  Gusachs,  chef 
d'escadron  d'artillerie  en  retraite,  texte  du  capitaine  Barado.  Barcelone, 
typo-hthographie  des  successeurs  de  N.  Ramirez,  1887,  in-4  de  8  p. 

Tout  le  monde  connaît  en  France  la  belle  publication  de  Détaille  :  l'Ar- 
mée française;  les  plus  difficiles  sont  contraints  d'avouer  que  le  succès  de 
ce  magnifique  album  est  mérité,  et  qu'en  peu  de  pays  on  trouverait  un  ar- 
tiste capable  de  rendre  avec  cette  précision,  celte  vérité,  cet  art,  les  types 
de  notre  armée.  Des  publications  similaires  ont  été  tentées  récemment  en 
Allemagne,  en  Autriche,  en  Italie,  mais  aucune  n'a  atteint  le  niveau  de  per- 
fection auquel  s'est  élevé  le  peintre  du  Rêve.  Seule  l'Espagne  paraît  vouloir 
marcher  de  pair  avec  nous,  dans  le  genre  que  nous  venons  d'indiquer,  et  le 
magnifique  travail  du  commandant  Cusachs,  le  Détaille  espagnol,  nous 
semble  appelé  à  un  grand  succès.  Un  texte  irréprochable  comme  exécution 
typographique,  des  illustrations  d'un  mérite  artistique  très  réel  et  très  frap- 
pant, enfin  une  glose  intéressante  et  exacte,  tels  sont  les  trois  mérites  qui 
recommandent  la  publication  des  successeurs  de  M.  Ramirez  non  seulement 
à  l'attention  des  militaires  de  tous  pays,  mais  à  tous  les  artistes,  aux  biblio- 
philes ,  aux  amateurs  de  belles  estampes  et  d'éditions  de  luxe.  Dans  un 
pays  où  jusqu'ici  les  publications  illustrées,  sauf  un  nombre  très  restreint, 
se  contentaient  de  chchés  étrangers,  français,  anglais  ou  allemands,  la 
tentative  faite  par  la  maison  Ramirez  de  Barcelone  est  tout  à  fait  remar- 
quable. —  Elle  fait  honneur  à  ces  industriels  courageux  qui ,  préoccupés 
surtout  du  développement  de  l'industrie  et  de  la  typographie  nationales, 
s'imposent,  au  nom  du  progrès,  des  frais  et  un  labeur  considérables.  Tous 
nos  souhaits  à  cette  publication  à  laquelle  nous  prédisons  un  grand  succès. 

Arthur  de  Gaxxiers. 


—  78  — 

Simples  histoii-es,  par  le  uiarquis  A.  de  Ségur,  2"  série.  Paris,  Retaus- 
Bray,  1888,  in-18  de  281  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Nous  avons  annoncé  et  recommandé  aux  lecteurs  du  Polybiblion  la  première 
série  des  Simples  histoires  :  celle-ci  vaut  sa  sœur  aînée,  et,  comme  la  précédente, 
ne  comprend  que  des  histoires  vraies,  ce  qui  n'est  pas  pour  en  diminuer  l'in- 
térêt, bien  au  contraire.  Prêtres,  soldats,  moines,  enfants  du  peuple  en  sont 
les  héros  ;  toujours  il  s'en  dégage  une  leçon,  l'auteur  n'étant  pas  de  ceux 
qui  ne  racontent  que  pour  raconter  ;  toujours  aussi  il  écrit  en  quelque  sorte 
sous  la  dictée  de  son  patriotisme  et  de  sa  foi.  Ces  indications  suffisent  pour 
donner  une  haute  idée  de  la  portée  morale  du  livre.  Citons  au  hasard  quel- 
ques pages  qui  sont  non  seulement  des  histoires,  mais  de  l'histoire  :  Un 
miracle  de  Jeanne  d'Arc,  A  Staoueli,  Une  fête  aux  Tuileries,  ce  dernier  récit 
surtout,  fragment  de  journal,  aussi  intéressant  par  les  événements  qu'il 
relate  que  par  les  prévisions  qu'il  énonce  et  les  contrastes  qu'il  évoque. 
Pour  le  style,  on  y  reconnaît  toujours  cette  plume  alerte  et  si  française  que 
les  Ségur  se  passent  d'une  génération  à  l'autre  et  qui  est  aujourd'hui 
encore  en  très  bonnes  mains.  P.  Talon. 


Ceunî  eu  Fra  Dolcino.  Ricordi  e  raconti  storici  c  religiosi  compilati  e  svolti 
cou  note  da  G.  S.  A.  C.  Torino,  tip.  cooperativa,  1887,  in-8  de  vi-40  p.  — 
Prix  :  0  fr.  80. 

L'auteur  ne  prétend  pas  écrire  une  vie  de  fra  Dolcino.  Le  voulùt-il,  les  do- 
cuments feraient  véritablement  défaut.  Son  but  est  de  provoquer  les  recher- 
ches sur  des  points  peu  connus.  Malheureusement  l'auteur,  bien  qu'il  se 
défende  d'écrire  avec  passion  et  esprit  de  parti,  semble  n'avoir  d'autre  pen- 
sée que  d'accuser  les  agissements  des  catholiques.  A  ses  yeux  «  le  Pape  et 
l'évêque  de  Verceil  n'avaient  pas,  d'après  le  droit  canonique  et  civil,  le  droit 
de  dénoncer  Dolcino  au  pouvoir  séculier.  Il  reconnaît  en  Dolcino  de  bonnes 
qualités  mêlées  à  de  graves  défauts  :  il  lui  eût  manqué  beaucoup  pour  être 
un  vrai  réformateur  et  la  raison  de  son  entreprise  n'est  pas  connue.  Les 
dernières  pages  de  cet  opuscule  sont  consacrées  à  réfuter  ce  qu'a  dit  de 
Dolcino  M.  l'abbé  Maglia,  dans  un  récent  travail  sur  le  bourg  de  Gattinara, 
puis  l'auteur  conclut  en  disant  :  «  L'histoire  impartiale  de  Dolcino  n'est  pas 
encore  écrite,  elle  ne  le  sera  que  lorsque  les  nations  seront  délivrées  du  pa- 
pisme, de  l'esprit  de  parti,  des  préjugés,  de  l'incrédulité,  de  l'indifférence 
religieuse  et  du  scepticisme,  lorsque  la  politique  ne  sera  plus  confondue 
avec  la  rehgion.  »  Que  l'auteur  en  soit  bien  convaincu  :  ce  n'est  pas  par 
ces  phrases  passionnées  qu'on  avance  les  questions  historiques,  Timpartia- 
lité  a  besoin  de  la  vérité  et  la  rehgion  catholique  seule  renferme  toute  la 
vérité.  H.  DE  L'É. 


CHRONIQUE 

NÉCROLOGIE.  —  M.  Alexis  Chassang,  inspecteur  général  de  l'enseignement 
secondaire,  né  à  Bourg-la-Reine  (Seine),  le  2  avril  1827,  est  mort  le  8  mars. 
Les  travaux  de  M.  Chassang  sur  la  littérature  et  la  lexicologie  grecque  et  la- 
tine lui  ont  acquis  une  grande  notoriété.  Nous  citerons  d'abord  ses  deux  thèses 
de  doctorat  :  De  corrupta  posl  Ciceronemper  declamalores  eloquenlia  {18u2,  in-8)* 


-  79  - 

—  Des  Essais  dramatiques,  imités  de  l'antiquité  au  xiv»  et  au  xv  siècle  (1852, 
ia-8).  Ses  autres  publications  sont  :  Apollonius  de  Tyane,  sa  vie,  ses  voyages, 
ses  prodiges,  par  Philostrate.  Ouvrage  traduit  du  grec,  avec  introduction, 
notes  et  éclaircissements  (1862,  in-8)  ;  —  Histoire  du  roman  et  de  ses  rapports 
avec  l'histoire,  dans  l'antiquité  grecque  et  latine  (1862,  in-8)  ;  —  Modèles  de  com- 
position française  empruntés  aux  écrivains  classiques  (2»  édition,  1863,  in-12)  ; 

—  Dictionnaire  grec-français,  rédigé  sur  un  plan  nouveau,  contenant  tous  les 
termes  employés  par  les  auteurs  classiques,  présentant  un  aperçu  de  la  dérivation 
des  mots  dans  la  langue  grecque  et  suivi  d'un  lexique  des  noms  propres  (186o, 
in-32);  —  Modèles  de  composition  latine  (2'  édition,  1863,  in-12);  —  Le  Spiritua- 
lisme et  l'Idéal  dans  l'art  et  la  poésie  des  Grecs  (1868,  in-8);  —  Nouveau  Diction- 
naire grec-français  (1871,  in-8);  —  Abrégé  de  la  grammaire  grecque  (1872,  in-8)  ; 

—  Nouvelle  Grammaire  grecque,  d'après  les  principes  de  la  grammaire  comparée 
(1872,  in-8)  ;  —  Exercices  grecs  élémentaires  et  gradués  (1873,  in-18)  ;  —  Narra- 
tions latines  extraites  des  auteurs  classiques  et  publiées  avec  des  notes,  des  argu- 
ments et  des  modèles  d'analyse  littéraire  (1877,  in-12)  ;  —  Nouvelle  Grammaire 
française.  Cours  supérieur  (1878,  in-12)  ;  —  Les  Chefs-d'œuvre  épiques  de  tous  les 
peuples,  notice  et  analyses  (1879,  in-12)  ;  —  Nouvelle  Grammaire  latine  d'après  les 
principes  de  la  méthode  comparative  et  historique.  Cours  supérieur  (1881,  in-12)  ;  — 
Morceaux  c'noisis  des  principaux  auteurs  grecs  classés  dans  l'ordre  chronolo- 
gique et  accompagnés  de  notions  d'histoire  littéraire  et  de  notices  sur  les  princi- 
paux écrivains  (1883,  in-12)  ;  —  Nouvelle  Grammaire  française  pour  l'enseigne- 
ment primaire,  avec  des  notions  de  grammaire  historique  (1884,  in-12). 

—  M.  Martin  Bertrandy-Lacabane,  né  le  27  novembre  1827,  à  Figeac  (Lot), 
archiviste  du  département  de  Seine-et-Oise ,  est  mort  à  Versailles.  On  lui 
doit  plusieurs  importants  ouvrages  :  Recherches  historiques  sur  l'origine, 
l'élection  et  le  couronnement  du  pape  Jean  XXII  (1834 ,  in-8)  ;  —  Cesari  Torneo, 
épisode  de  l'histoire  du  Quercy  au  xiv"  siècle  (1863,  in-12);  —  Un  Évêque  sup- 
plicié, étude  historique  (1863,  in-8);  —  Élude  sur  les  chroniques  de  Froissart. 
Guerre  de  Guienne,  1Si5-t3i6.  Lettres  adressées  à  M.  Léon  Lacabane,  directeur  de 
l'École  impériale  des  chartes  (1870,  in-8)  ;  —  Essais  et  Notices  pour  servir  à  l'his- 
toire du  département  de  Seine-et-Oise  (1880,  2  vol.  in-8). 

—  M.  Adolphe-Charles-Louis  B.\udon  de  Mony,  président  général  de  la 
Société  de  Saint-Vincent  de  Paul,  né  à  Toulouse,  en  1819,  est  mort  le  9  juin 
en  son  château  du  Ris-Chauvron  (Haute-Vienne).  M.  Baudon  de  Mouy  laisse 
plusieurs  ouvrages  qui  révèlent  à  la  fois  le  grand  chrétien  et  l'homme  inva- 
riablement fidèle  à  la  haute  mission  qu'il  eut  à  remplir  pendant  près  de 
cinquante  années  :  De  la  suppression  des  tours  d'enfants  trouvés  et  des  autres 
moyens  à  employer  pour  la  diminution  du  nombre  des  expositions  (1847,  in-8)  ;  — 
Des  devoirs  de  la  grande  'propriété  (1833 ,  in-8)  ;  —  Lettre  aux  membres  des  con- 
férences de  Saint-Vincent  de  Paul;  suivie  d'une  lettre  à  un  membre  d'une  confé- 
rence de  province  (1862,  in-12)  ;  —  Lettres  d'un  camarade  d'enfance  sur  les  petites 
imperfections  che::  les  chrétiens  vivant  dans  le  monde  (1863,  in-12)  ;  —  Lettre  aux 
présidents  des  conseils  et  conférences  de  la  Société  de  Saisit- Vincent  de  Paid  en 
dehors  de  la  France  (1863,  in-8);  —  Lectures  et  Réflexions  pieuses  pour  le  m.ois 
de  Marie  (2'  édition,  1870,  in-32)  ;  —  Méditations  pratiques  pour  le  rnois  de  saint 
Joseph  (3^  édition,  1870,  in-32)  ;  —  Pensées  pieuses  après  la  sainte  communion, 
pour  les  dimanches  et  les  principales  fêtes  de  l'année  (2°  édition,  1870,  in-18). 

—  Est  mort  à  Rouen,  le  16  mai  1888,  M.  Malebraxche,  qui  fut,  pendant 
vingt  ans,  secrétaire  de  l'Académie  des  sciences,  beUes-lettres  et  arts  de 
Rouen  pour  les  sciences,  et  qui  fut,  ses  publications  le  révèlent,  un  savant 
de  l'école  spiritualiste,  persuadé  que  la  religion  doit  être  l'aUiée  de  la 


-  80  — 

science,  et  non  la  science  l'ennemie  de  la  religion.  Dans  les  Précis,  publiés 
par  l'Académie,  on  trouve  de  nombreux  travaux  qu'il  a  signés  ;  nous  citerons  : 
Le  Transformisme,  ses  origines,  ses  principes, ses  impossibilités  (1873)  ;  —  Les  Plantes 
carnivores  (1877)  ;  —  L'Agriculture  chez  les  Romains  (1878)  ;  —  Réflexions  sur  les 
origines  de  la  vie  (1879)  ;  —  La  Littérature  dans  les  spécialités  pharmaceutiques 
(1880);  —  Création  et  Transformisme  (1882);  —  Les  Rouilles  des  céréales  et 
des  arbres  fruitiers  (1883);  —  La  Peste  des  écrevisses  (1883);  —  Les  Microbes 
(1884)  ;  —  Le  Jardin  des  plantes  de  Rouen,  à  propos  d'un  catalogue  de  Pinard 
(1887). 

—  Dom  Victor-Eugène  Gardereau,  né  à  Angers,  le  22  octobre  1807, 
licencié  en  droit,  profès  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  congrégation  de  France, 
chanoine  honoraire  d'Angers,  est  mort  à  Solesmes,  le  16  mai  1888.  Il  s'est 
toute  sa  vie  occupé  d'études  philosophiques  et  théologiques  ;  il  a  collaboré 
à  l'Auxiliaire  catholique  durant  les  années  1845  et  1846,  au  Correspondant  (1846), 
aux  An7iales  de  philosophie  (t.  XXXIV),  et  donné  un  grand  nombre  d'articles 
au  journal  le  Monde  et  à  la  Revue  du  monde  catholique. 

—  On  annonce  encore  la  mort  :  de  M.  André  Barbes,  ancien  rédacleur  de 
plusieurs  journaux  royalistes,  mort  à  Cannes;  —  de  M.  BEArjEAN,  né  à 
Saint-Fargeau  (Yonne),  en  1821,  collaborateur  de  M.  Littré  dans  la  rédaction 
de  son  Dictionnaire  de  la  langue  française,  mort  le  7  juin,  à  l'âge  de  66  ans; 

—  de  M.  BÉHAGHEL,  né,  en  1833,  à  Nancy,  auteur  de  plusieurs  travaux  sur 
l'Algérie,  et  rédacteur  de  journaux  algériens;  —  de  M.  L.  Derôme,  qui  a 
collaboré  au  Moniteur  Universel,  au  Journal  de  Paris,  à  la  Revue  de  France  et 
au  Correspondant,  et  publié  des  articles  remarquables  de  critique  littéraire  ; 
de  M.  Eugène-Louis  Hauvette-Besnault,  né  à  Malesherbes  (Loiret),  en 
1825  ,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Panlchâdhyâyi,  ou  les  Cinq  Chapitres  sur 
les  amours  de  Crichna  avec  les  Gopis  (1865,  in-8),  mais  non  pas  des  Stratèges 
athéniens  que  Lorenz  (t.  IX,  p.  733)  lui  attribue  à  tort,  en  le  confondant 
avec  son  fils,  M.  Amédée  Hauvette-Besnault  ;  —  de  M.  Arnold  Henryot,  ancien 
rédacteur  du  National  et  du  Siècle  ;  —  du  maréchal  Edmond  Le  Bœuf,  né 
à  Paris  le  5  novembre  1809,  qui  laisse  un  manuscrit  de  Mémoires  intitulés  : 
Histoire  de  ma  vie ,  mort  le  7  juin,  au  château  de  Moncel,  à  l'âge  de  80  ans  ; 

—  de  M.  Francis  Lefeuvre  ,  auteur  de  travaux  historiques  et  de  nouvelles 
fort  intéressantes,  collaborateur  de  la  Revue  de  Rretagne  et  de  Vendée,  mort 
le  7  mai  ;  —  de  M.  Marestaing,  qui  a  pendant  de  longues  années  rédigé  la 
partie  fmancière  du  journal  la  Liberté,  sous  le  pseudonyme  de  Monbel,  puis 
dirigé  V Avenir  national  et  le  Télégraphe,  mort  à  l'âge  de  73  ans;  —  de 
M.  Charles-Emile  de  Maupas,  ancien  ministre,  ambassadeur  et  sénateur,  né 
le  8  décembre  1818,  à  Bar-sur- Aube  (Aube),  auquel  on  doit  notamment  : 
Considérations  sur  le  système  des  impôts  (1841),  Mémoires  sur  le  second  Empire 
(1884-1885,  2  vol.  in  8),  mort  à  Paris  le  19  juin,  à  l'âge  de  70  ans;  —  de 
M.  POLMARTiN,  ancien  bibliothécaire  du  Corps  législatif,  mort  à  92  ans  ;  — 
de  M.  Paul-Adolphe  Rajon,  né  à  Dijon,  collaborateur  à  la  Gazelle  des  Beaux- 
Arts,  mort  le  9  juin  dans  sa  propriété  d'Auvers-sur-Oise  ;  —  du  R.  P.  Tissier, 
jésuite,  âgé  de  88  ans,  fondateur  du  célèbre  cercle  religieux  et  littéraire  de 
la  Mission  de  Franco,  à  Marseille,  auteur  de  fort  curieux  Mémoires,  qui 
seront  sans  doute  publiés. 

—  A  l'étranger,  on  signale  la  mort:  de  l'archéologue  Franz-X.  Benes, 
mort  à  Prague,  le 20  mai,  dans  sa  es»"  année;  —  du  D'  Ernsl  Bertheau,  pro- 
fesseur à  la  Faculté  de  philosophie  de  Gœttingue,  mort  dans  cette  ville  le 
17  mai,  dans  sa  75'-'  année;  — de  M.  Gust.  Boddaert,  professeur  de  chirurgie 
à  l'Université  de  Gand,  mort  dans  cette  ville  le  1"  juin,  âgé  do  52  ans;  — 


—  81  — 

du  théologien  JatDes-FreeniannCLARKE,iuort  le  8  juin;— de  M.  Carlos  Coello 
Y  Pacheco,  poète  et  dramaturge  espagnol,  mort  le  27  avril,  à  Madrid;  —  du 
romancier  Karl  von  Gerstenberc,  mort  à  Hambourg  le  !<=■•  mai,  à  42  ans; 

—  de  M.  Edmund  Gukney,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  sur  la  psychologie, 
mort  le  22  juin,  à  Brighlon,  à  lage  de  43  ans;  —  du  D'  Carl-Friedrich-Au- 
gust  Kahnis,  né  à  Greiz  le  22  décembre  181'i,  auteur  de  plusieurs  travaux 
sur  le  protestantisme,  mort  à  Leipzig  le  20  juin;  du  D'  Johann-Karl- Fried- 
rich Keil,  ancien  profess  -ur  de  théologie  à  TUniversité  de  Dorpat,  mort  le 
o  mai  àlloedlich,  près  Lichtenstein,  dans  si  82«  année;  —  de  M.  Molbegh, 
professeur  à  l'Universilé  de  Kiel,  mort  le  20  mai  à  Copenhague,  dans  sa 
6Te  année;  —  du  rev.  John  Pexrose,  auteur  d'une  compilation  intitulée  : 
Easii  Exercises  in  Latin  clfgiac  verse,  publiée  en  1850  et  plusieurs  fois  réim- 
primée, mort  le  23  juin,  à  Norway;  —  de  Mr.  Baker-Peter  Smith,  qui  a 
publié  en  IS'iO  un  volume  intitulé:  A  Trip  to  the  Far  West  of  England,  mort 
le  18  juin,  à  Maidenhead,  âgé  de  87  ans;  —  de  Mr.  John  Snodgrass,  qui  a 
traduit  en  anglais  plusieurs  ouvrages  de  H.  Heine,  mort  à  l'âge  de  38  ans; 

—  du  philosophe  Gustav  Teichmûller,  mort  à  Dorpat  le  24  mai,  dans  sa 
37«  année  ;  —  de  M.  Xavier-Victor  van  Elewyk,  maître  de  chapelle  à  la 
cathédrale  de  Louvain,  et  écrivain  musical  disliugué,  mort  le  28  avril  à 
Louvain,  âgé  de  63  ans;  —  de  M.  l'abbé  Giaeomo  Zanella,  poète  lyrique 
estime  et  professeur  de  langue  et  de  littérature  italiennes  à  l'Université  de 
Padoue,  mort  le  17  mai,  à  Viceace,  âgé  de  68  ans. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  — 
Dans  la  séance  du  8  juin,  M.  Bergaigne  a  lu  une  étude  sur  les  Origines  de  la 
littérature  védique.  —  Le  1.5  juin,  M.  le  marquis  de  Vogiié  a  entretenu  l'Aca- 
démie de  sa  visite  aux.  fouilles  de  Gherchell  ;  M.  d'Arbois  de  JubainviLe  a 
fait  ensuite  une  communication  sur  les  connaissances  géographiques  que 
les  anciens  Grecs  avaient  des  contrées  du  nord  de  l'Europe.  —  Le  22  juin, 
M.  Heuzey  et  M.  Oppert  ont  présenté  des  observations  sur  des  inscriptions 
récemment  découvertes  en  Chaldée  et  en  Assyrie  ;  M.  Philippe  Berger  a  com- 
muniqué à  l'Académie  une  élude  aprofondie  sur  une  inscription  punique 
trouvée  à  Gherchell  et  dans  laquelle  il  est  question  du  tombeau  de  Micipsa. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  — 
Dans  la  séance  du  9  juin,  M.  Levasseur  a  communiqué  un  travail  sur  labo- 
lition  de  l'esclavage  au  Brésil;  M.  Ch.  Lucas  a  entretenu  ensuite  l'Académie 
du  nouveau  code  pénal  italien  qui  abolit  la  peine  de  mort.  —  Le  16  juin, 
M.  Vandal  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  sur  un  projet  d'établi  s  ie- 
ment  français  en  Egypte  formé  par  Louis  XIV  et  Golbert. 

Concours  et  Prix.  —  Les  Jeux  floraux  de  Paris  organisés  par  la  Société 
des  félibres  ont  compris,  cette  année  comme  en  1887,  un  concours  littéraire 
et  un  concours  artistique,  dont  les  résultats  ont  été  proclamés  le  17  juin  der- 
nier, aux  fêtes  de  Sceaux.  Un  prix  était  offert  parle  ministre  de  l'instruction 
publique  à  la  meilleure  étude  en  prose  française  sur  Théodore  Aubanel 
(poésie,  théâtre,  discours):  le  jury,  que  présidait  M.  Maurice  Faure,  député, 
a  donné  sa  préférence  au  travail  de  notre  collaborateur  M.  Chorles  Maurras. 
Le  prix  Florian  (un  dialogue  en  vers  français  entre  Florian  et  Aubanel)  a 
été  enlevé  haut  la  main  par  M.  Xavier  de  Magallon.  Divers  autres  prix 
étaient  attribués  à  des  ouvrages  en  langue  d'oc.  Signalons  parmi  les  lauréats 
M.  Challamel,  pour  son  poème  sur  la  Comtesse  de  Die  ;  M-  Gavaudan  pour  son 
sonnet  rAloli;  M.  J.  ChevaUier  pour  un  autre  sonnet  provençal  la  Mort  de 
Zani  ;  M.  Chastanet  pour  une  5ctne  comique  méridionale  :  M.  Maurice  Bruel 
Juillet  1888.  X.  UII.  fi. 


—  82  - 

pour  sa  traduction  du  Pelil  Poucet  en  provençal.  —  Enfin  les  lauré:\ts  du  con- 
cours artistique  sont  :  MM.  Marsal,  pour  son  dessin  de  tambourinaire  pro- 
vençal, Victor  Peter,  pour  sa  médaille,  et  Dumont,  qui  a  mis  en  musique  la 
chanson  de  Félix  Gras,  Guihein  de  Berguedan.  Tous  ces  sujets  étaient  exac- 
tement définis  dans  le  programme  du  concours.  Les  récompenses  consistent 
en  médailles  de  vermeil  ou  d'argent  et  en  œuvres  d'art  offertes  par  le 
ministère  de  l'instruction  publique  et  le  ministère  des  beaux-arts. 

—  L'Académie  des  Jeux  floraux  de  Toulouse  a  célébré,  le  3  mai,  sa  grande 
fête  traditionnelle,  connue  sous  le  nom  de  «  Fête  des  Fleurs.  »  Pour  le  con- 
cours de  cette  année,  l'Académie  avait  reçu  neuf  cent  dix-sept  ouvrages  en 
vers  ou  en  prose.  Sur  ce  nombre,  sept  seulement  ont  été  couronnés.  La 
Galatée,  ode,  par  M.  Francis  Maratuech,  de  Ferrières  (Lot),  a  obtenu  une 
violette  d'argent;  les  Voix  du  souvenir,  ode,  par  M.  Max-Tiple,  de  Saintes 
(Charente-Inférieure),  ont  obtenu  un  souci;  les  Enfants,  idylle,  par  M'"'' Fondi 
de  Niort  (de  Limoges),  ont  obtenu  un  œillet;  la  Béarnaise,  élégie,  par 
M.  Amaury  de  Cazanove,  de  Salles  (Basses-Pyrénées),  a  obtenu  un  souci, 
prix  du  genre;  le  Duel  du  Cid,  ballade,  par  M.  Élie  Sorin,  bibliothécaire- 
archiviste  à  Angers,  a  obtenu  un  œillet  ;  le  Chêne  à  la  Vierge,  hymne,  par 
M.  F.-E.  Adam,  de  Paris,  a  obtenu  le  lis  d'argent,  prix  du  genre.  Le  jasmin 
d'or,  prix  fondé  par  M""»  la  marquise  de  Blocqueviile,  a  été  décerné  à  M.  Gas- 
ton David,  de  Bordeaux,  pour  son  discours  en  prose,  intitulé  :  la  Philosophie 
chrétienne  et  le  Pessiynisme  contemporain.  En  même  temps  que  le  jasmin  d'or, 
l'Académie,  dans  cette  séance,  a  remis  à  M.  Gaston  David  des  lettres  de 
maître  ès-jeux.  La  même  distinction  a  été  accordée  à  M.  Henri  Villard,  de 
Langres,  qui  a  lu,  à  la  séance  du  3  mai,  l'éloge  de  Clémence  Isaure.  Cette 
séance  était  présidée  par  M.  le  chanoine  Duilhé  de  Saint-Projet,  modérateur 
du  trimestre.  Il  avait  à  ses  côtés  M.  Fernand  de  Rességuier,  secrétaire  per- 
pétuel, et  tous  les  mainleneurs  de  l'Académie,  présents  ce  jour-là  à  Tou- 
louse. M.  Auguste  Marchai,  l'un  des  quarante,  a  lu  le  rapport  sur  le  con- 
cours de  l'année.  Séance  très  brillante  et  auditoire  choisi. 

Un  procès  criminel  sous  Charles  VI.  —  Le  sous-titre  de  la  brochure 
de  M.  Maurice  Chanson  est  celui-ci  :  Aimci-igot  Marche:  au  Châlclel  de  Paris. 
Juillet  ^j9;2  (Clermond-Ferrand,  1888,  gr.  in-8  de  19  p.).  Aimerigot  ou  Merigot, 
décapité  à  Paris,  en  la  place  des  Halles,  le  12  juillet  1392,  était  fils  du  sei- 
gneur de  Chalus  et  de  Marguerite  d'Ussel.  M.  Chanson  a  emprunté  les  prin- 
cipaux éléments  de  sa  notice  à  Froissart,  qui  a  si  bien  décrit  les  pillages  et 
rapines  du  personnage,  «  ses  besongnes  d'Auvergne,  »  comme  il  s'exprime, 
et  aux  Registres  du  Chdtelet  de  Paris,  où  l'on  trouve  tous  les  détails  de  l'in- 
formation contre  le  coupable.  La  notice  e^t  enrichie  de  nombreuses  notes, 
parmi  lesquelles  on  remarquera  surtout  celle  qui  concerne  (p.  s)  la  position 
de  la  localité  que  Froissart  appelle  «  Calusset.  » 

CONTES  POPULAIRES  DE   LORRAINE.   —    Lc  PoUjbibUon  (lomc  XLIX,  p.  /i9)  a 

donné  un  ample  compte  rendu  des  Contes  popidaires  de  Lorraine,  publiés  et 
encadrés  dans  de  si  savants  commentaires  par  M.  Emmanuel  Cosquin.  Bien 
des  éloges  émanés  des  hommes  les  plus  compétents  sont  venus  se  joindre 
à  ceux  qui,  dans  cette  revue,  étaient  adressés  à  l'auteur.  M.  Gaston  Paris, 
dans  le  Journal  officiel;  M.  Gaidoz,  dans  Mélusine;  M.  V.  Fournel,  dans  le 
Moniteur  universel,  ont  rendu  pleine  justice  à  M.  Cosquin,  de  même  que  les 
rédacteurs  de  la  Salurday-Reviciu,  du  Folk-lore  Journal,  de  la  Civiltn  Catlolica 
et  d'autres  nombreux  périodiques  français  et  étrangers.  Les  contes  lorrains 
dont  M.  Cosquin  fait  d'une  manière  si  curieuse  remonter  la  généalogie  jus- 


qu'à  rindc  et  qui  amènent  à  leur  suite  un  nombre  énorme  de  récits  ana- 
logues de  provenances  diverses,  forment  un  des  livres  les  plus  importants 
dont  le  folk-lore  se  soit  enrichi.  Aux  adei>tes  de  la  science  nouvelle, 
M.  Vieweg  rend  un  service  véritable  en  mettant  en  veute  à  un  prix  plus 
accessible  à  toutes  les  bourses  —  12fr.  —  un  nouveau  tirage  des  deux  beaux 
volumes  couronnés  par  l'Académie  française. 

Un  singulier  homonyme  de  Montaigne.  —  Le  Pohjhiblion  avait  fait  part 
aux  lettrés,  dans  sa  chronique  du  mois  de  septembre  1886  (p.  27o),  de  la  mise 
au  jour  d'une  lettre  inconnue  de  Montaigne,  adressée  au  roi  Henri  III,  et 
datée  de  1383.  La  pièce  ni  la  signature  n'étant  autographes,  la  question  d'au- 
thencité  restait  ouverte.  Elle  vient  d'être  résolue  de  la  façon  la  plus  im- 
prévue par  l'auteur  même  de  la  trouvaille,  M.  ;î;mile  Du  Boys,  qui  nous 
donne,  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  de  mars  1888,1e  résultat  de  ses  recher- 
ches. La  lettre  est  écrite  par  un  nain  du  nom  de  Montaigne,  qui  figure,  en 
1360,  sur  un  rôle  des  valets  de  la  reine  d'Espagne,  à  la  cour  de  France,  et  en 
1363  dans  un  document  des  Archives  nationales.  Ce  document  est  indiqué 
par  Jal,  et  ou  y  v^it  que  dans  un  tournoi  donné  par  Charles  IX,  son  nain 
s'y  montra  «  avec  Montaigne,  nain  de  la  reine  d'Espagne.  »  Ainsi  s'explique, 
dans  la  curieuse  lettre  signée  Montaigne,  l'insistance  de  l'écrivain  sur  sa 
toute  petite  taille,  insistance  qui  restait  assez  bizarre  pour  qui  savait  que 
l'auteur  des  Essais  était  seulement,  comme  il  le  dit  lui-même,  «  un  peu  au- 
dessous  de  la  moyenne.  »  Les  pièces  apportées  au  procès  par  M.  Du  Boys  ne 
laissent  aucun  doute  sur  la  question;  il  faut  seulement  admettre  que  le 
nain  Montaigne  vivait  en  1383,  bien  qu'aucun  autre  document  jusqu'ici  n'ait 
attesté  son  existence  à  cette  époque. 

Archives  historiques  de  la  Gascogne.  —  Un  fascicule  supplémentaire 
des  Archives  historiques  de  la  Gascogne  vient  de  paraître  (Paris,  Champion; 
Auch,  Cocharaux,  1887,  gr.  in-8  de  30  p.).  Ce  fascicule  renferme  le  compte 
rendu  de  la  réunion  générale  de  la  Société  (22  octobre  1887).  On  y  remarque 
une  belle  allocution  de  Mgr  l'archevêque  d'Auch  sur  l'importance  des  études 
historiques,  deux  rapports  très  intéressants,  l'un  par  notre  collaborateur 
M.  Léonce  Couture,  président  de  la  Société,  sur  le  personnel  et  les  travaux 
de  la  dite  Société;  l'autre,  par  M.  J.  de  CarsalaJe  du  Pont,  qui  en  est  le 
secrétaire  général,  sur  la  publication  des  archives  historiques.  Signalons 
encore  diverses  communications  de  M.  le  baron  A.  de  Ruble  (sur  le  conclave 
où  le  cardinal  François  de  Tournon ,  archevêque  d'Aufh ,  fut  sur  le  point 
d'être  nommé  pape);  de  M.  Tabbé  Breuils  (sur  des  mosa'iques  et  ruines 
gallo-romaines  dans  les  en\irons  de  Montréal  et  d'Eauze);  de  M.  Adrien 
Lavergne  (sur  le  projet  d'un  musée  archéologique  à  Auch)  ;  de  M.  l'abbé 
Doiiais  (sur  le  projet  d'un  builaire  de  la  Gascogne)  ;  du  même  abbé  Douais 
(sur  I  j  cartulaire  de  Nizors)  ;  de  M.  Baradat  de  Lacaze  (sur  les  coutumes 
de  Mauvezin  et  de  Fezensaguet  conservées  à  la  Bibliothèque  de  l'Institut)  ; 
de  M.  le  docteur  Louge  (sur  le  préhistorique  dans  le  Gers)  ;  de  M.  Dumas 
de  Rauly,  archiviste  du  département  de  Tarn-et-Garonne  (sur  le  siège  de 
Lectoure  et  le  meurtre  de  Jean  Y,  comte  d'Armagnac,  en  1473);  de  M.  le 
docteur  Desponts  (sur  un  Mémoire  de  1637  relatif  à  la  commune  de  Pessan, 
rédigé  par  M.  de  Lacoste,  professeur  à  l'Université  de  Cahors);  de  M.  Phi- 
lippe Lauzun  (sur  la  monographie  projetée  de  l'abbaye  Notre-Dame  de 
Flaran).  Le  recueil  est  couronné  par  un  sonnet  en  langue  gasconne  adresse 
aux  membres  de  la  Société  par  M.  Forestié ,  le  futur  éditeur  dans  les 
Archives  historiques    du  très   curieux    et    très    précieux    Livre    de    comptes 


—  84  — 

des  frères  Bonis  (xiv  siècle).  Puisque  nous  avons  parlé  d'une  des  prochaines 
publications  de  la  S  jciété,  annonçons  encore  deux  autres  publications  con- 
sidérables dont  les  frais  seront  généreusement  supportés  par  les  éditeurs, 
ce  qui  est  d'un  bon  et  bel  exeruple  :  Les  Sceaux  gascons  du  moyen  âge  (gra- 
vures et  notices),  par  M.  le  conseiller  Laplogne-Barris,  et  le  Voyage  à  Cons- 
tanlinople  de  Jean  de  Gontaut-Biron,  baron  de  Salagnac.  ambassadeur  auprès  du 
Grand-Seigneur  (i603),  par  M.  le  comte  Th.  de  Gontaut-Biron,  à  la  famille 
duquel  le  Polybibiion  adresse  le  témoignage  de  sa  plus  vive  sympathie  à 
roccasion  de  riUi^endie  du  magnifique  château  de  Saint-Blancard. 

Tableau  de  Valenciennes  au  xviir  siècle.  —  Le  texte  publié  sous  ce 
titre  lar  M.  Paul  Marmottan  (Valenciennes,  Lemaître,  gr.  in-8  de  xiv-53  p.), 
est  tiré  d'un  manuscrit  inédit  de  dom  Buvry,  dernier  abbé  de  Saint-Sauive, 
près  Valenciennes.  Dom  Buvry  ne  paraît  pas  être  l'auteur  de  ce  Mémoire; 
on  lit  en  effet  sur  l'un  des  folios  de  garde  du  manuscrit  en  question,  qu'il 
a  été  tiré  a'un  original  déposé  à  l'abbaye  de  Saint-Jean  en  Valenciennes. 
Qu'est  devenu  le  manuscrit  original  ?  On  l'ignore,  et  il  semble  perdu  à  tout 
jamais.  Quant  à  la  copie  de  dom  Buvry,  elle  fut  d'abord  conservée  à  l'abbaye 
de  Siiint-Saulve,  d'où  elle  passa  entre  les  mains  de  divtrs  particuliers,  et 
enfin  dans  la  bibliothèque  de  M.  Dancoisne,  qui  fut,  en  1874,  vendue  aux 
enchères.  Le  manuscrit  du  Tableau  de  Valenciennes  devint  alors  la  propriété 
du  père  de  M.  Paul  Marmottan.  Ce  Mémoire  fournit  des  renseignements  ab- 
solument nouveaux  et  très  variés  sur  l'état  de  la  ville,  surtout,  à  la  fin  du 
xviiie  siècle  :  à  côté  d'une  notice  historique  sur  Valenciennes,  son  origine 
et  ses  souverains,  on  trouve  un  état  ecclésiastique,  indiquant  les  paroisses 
et  couvents  d'hommes  et  de  femmes,  une  statistique  des  établissements  de 
charité,  décrits  en  détail.  Le  paragraphe  consacré  à  l'état  civil  et  aux  diffé- 
rentes juridictions  a  une  grande  importance;  c'est  une  véritable  histoire 
administrative  de  Valenciennes,  très  utile  à  consulter  pour  la  composition 
des  principaux  corps  publics,  pour  la  date  de  la  création  et  les  attributions 
des  différentes  charges,  depuis  les  [)révôts,  prévôt  de  la  ville,  et  «  prévôt  le 
comte,  »  commissaire  du  roi,  jusqu'aux  sergents.  Très  intéressant  aussi  l'état 
militaire  de  Valenciennes,  composé  de  cinq  compagnies  bourgeoises  :  les 
canonniers,  les  arbalétriers,  les  archers,  les  arquebusiers  et  les  bons- vou- 
loirs ou  volontaires,  ceux-ci  plus  favorisés  que  ceux  d'aujourd'hui,  car  ils 
pouvaient  quitter  leur  service  quand  ils  voulaient.  Le  manuscrit  de  dom 
Buvry  traite  encore  des  impositions,  du  commerce,  de  la  navigation,  des 
corps  et  communautés  de  marchands  (chapitre  très  curieux),  etc.  L'original 
dont  il  dérive  a  sans  doute  été  écrit  en  1783;  il  ne  mentionne,  en  effet,  au- 
cun événement  postérieur  à  cette  date.  M.  Paul  Marmottan  a  été  bien  ins- 
piré en  faisant  part  au  public  de  ce  texte  si  nourri  de  faits  et  de  renseigne- 
ments précis.  Dans  la  notice  qui  le  précède,  l'éditeur  donne  notamment 
une  bibliographie  des  œuvres  composées,  ou  simplement  transcrites  par  dom 
Buvry. 

"L'Ancienne  I^ittérature  polonaise  et  ruthène.  —  La  Pologne,  après 
avoir  eu  200  œuvres  imprimées  au  xv  siècle,  vit  dans  le  siècle  suivant  le 
nombre  des  volumes  imprimés  s'élever  à  7,250.  L'activité  littéraire  du 
xvii"  siècle  fut  encore  beaucoup  plus  grandi;  et  on  compta  plus  de  21,000 
publications  littéraires.  Le  siècle  dernier  donnant  un  nombre  de  plus  de 
44,000  ouvrages,  la  bibliographie  polonaise  des  (juatre  siècdes  qui  ont  pré- 
cède 1(3  nôtre  comprend  donc  plus  de  73,000  impressions.  Gomme  la  langue 
savante  de  ces  siècles  était   la  lani.nie  latine  et  (lue  de   plus  cette  langue 


—  «o  — 

était  souvent  celles  des  tribunaux  et  des  diètes,  il  n'est  pas  étonnant  que 
les  deux  tiers  de  ces  publications  littéraires  soient  des  écrits  en  langue 
latine  ;  de  plus  il  faut  remarquer  que  700  écrits  environ  ont  paru  en 
langue  ruthène.  On  imprimait  en  i'ologne  des  livres  destinés  à  Tusage  de 
l'Église  grecque-ruthène.  Presque  tous  ces  livres  sont  catholiques  et  il  n'y 
en  a  qu'un  petit  nombre  de  scliismatiques.  Des  Polonais  comme  le  prince 
Ostrogski,  Smolrzycki,  Baranowicz,  Galatowski  et  beaucoup  d'autres  écri- 
vaient en  même  temps  en  polonais  et  en  ruihène  (petit-russieu).  Le  premier 
livre  russien  a  été  imprimé  par  Fiol  en  l-i91.  Les  livres  ont  été  imprimés 
dans  les  localités  suivantes  :  1  à  Bujnicze  (gouv.  Mohilewj;  66  à  Czernichow 
(ancienne  Litliuanie);  2  à  Czetweilnia  (gouv.  de  Wolhyuie);  1  à  Czorneûski 
Monastyr  (gouv.  de  Wolh.)  ;  3  à  Dermanski  Monastyr  (ibidem)  ;  20  à  Jewic 
(gouv.  de  Wilna);  241  à  Kiew  ;  5  à  Cracovie  ;  4  à  Krôleviec;  1  à  Krylos 
(Galicie)  ;  2  à  Krzemieniec  (gouv.  de  Wolh.);  17  à  Kuteinski  Monastyr  (gouv. 
de  Mohilew);  121  à  Lemberg;  13  âLi:ck  (gouv.  de  Wolh.);  23  à  Mohilew  ; 
3  à  Nieswiez  (Lith.)  ;  10  à  Nowogrôd  (gouv.  de  Czernichow)  ;  27  à  Ostrog 
(Wolhyn.);  2  à  Poczajow  (Wolh.);  2  à  Polock  ;  1  à  Prague;  1  à  Rochmanôw 
(Wolh.)  ;  3  à  Stratyn  (Galic.)  ;  6  à  Snprasl  (Lithuan.)  ;  2  à  Uherce  (Galicie)  ; 
26  à  Uniewski  Monastyr  (Galicie);  79  à  YVilna;  2  à  Zabludow  (Lith.).  Nous 
avons  compté  les  impressions  de  Xowogrôd,  Czernichow  et  Kiew  dans  la 
littérature  ruthène.  Sur  ce  point  il  n'y  a  point  de  controverse.  Mais  depuis 
Tannée  1668  ces  locaUtés  appartenaient  à  la  Russie.  D'où  se  pose  la  question 
de  savoir  si  l'on  peut  ajouter  à  la  littérature  polonaise  ces  quelques  dizaines 
de  livres  firoduils  après  ce  temps  aux  lieux  mentionnés.  En  tout  cas  Estrei- 
cher  (que  nous  avons  suivi  pour  ces  nombres)  semble  assurer  à  juste  titre 
que  la  Pologne  a  quelque  droit  de  les  considérer  comme  faisant  partie  de  sa 
littérature,  puisque  les  auteurs  étaient  tous  liés  avec  la  Pologne  et  trai- 
taient en  polonais  des  questions  de  ce  pays. 

Pakis.  —  Depuis  le  30  mai,  les  Matinées  espagnoles,  qui  ont  si  bion  con- 
tinué, sous  l'habile  direction  du  baron  Stock,  ou  plutôt  de  la  haute  person- 
nalité que  cache  ce  pseudonyme,  les  traditions  des  Matinées  italiennes,  se  sont 
transformées  en  grand  organe  international.  Désormais,  on  trouvera  dans 
la  Nouvelle  Revue  internationale,  les  Matinées  espagnoles,  à  côté  de  la  partie 
exclusivement  diplomatique  et  politique,  un  tableau  plus  complet  de  la  vie 
artistique  et  mondaine  à  Madrid,  Paris,  Rome,  Saint-Pétersbourg,  etc., 
dressé  par  des  écrivains  éminents  de  la  France  et  de  l'étranger.  Des  noms 
tels  que  ceux  de  M™»  la  comtesse  de  Rute,  J.  Cornély,  Émilio  Castelar,  Jules 
Simon,  L.  Amici,  etc.,  retiendront  certainement  l'atteution  du  public  lettré. 
(Bureaux  de  la  Revue,  23,  boulevard  Poissonnière  ;  abonnement  annuel  : 
50  fr.). 

—  M.  Joseph  Fabre  continue  la  série  de  scs  publications  sur  Jeanne  d'Arc 
et  donne  de  nouveaux  détails  sur  le  Procès  de  réhabilitation  de  Jeanne  d'Arc, 
d'après  lus  textes  latins  offlciels  (Paris,  Delagrave,  2  vol.  in-18  j.  de  372  et 
399  p.).  Ce  sujet  avait  déjà  f  it,  en  1884,  l'objet  d'une  publication,  beaucoup 
moins  importante,  du  mémo  auteur.  , 

—  Vient  de  paraître  un  important  ouvrage  de  M.  Abel  Lefranc,  archiviste- 
paléographe,  sur  la  Jeunesse  de  Calvin  (Fischbacher,  gr.  in-8  de  xvi-229  p.). 
M.  Lefranc  a  déjà  pubhé  une  Histoire  de  xYoyon,  dont  le  Polybiblion  rendra 
compte  prochainement,  dans  un  article  d'ensemble,  sur  les  récents  travaux 
d'histoire  locale. 

—  La  librairie  de  V.  Palmé  met  en  vente  un  magnifique  volume  in-'i,  inti- 
tulé :  Le  Livre  d'or  du  Pontificat  de  Léon  XIIL 


—  La  mort  du  regretté  M.  Victor  Gay  n'arrêtera  pas  la  publication  de  son 
Glossaire  archéologique.  d')nt  un  seul  volume  sur  deux  a  paru.  Le  savant 
archéologue  a  laissé  les  matériaux  nécessaires  pour  contiimer  son  œuvre, 
que  M.  E.  Molinier  a  bien  voulu  se  charger  de  terminer. 

—  En  vente  chez  Quantiu  le  3»  volume  des  Manuscrits  de  Léonard  de  Vinci, 
inanuscrits  C.  E  et  K  de  la  Bibliothèque  de  l'Institut.  Ce  vol.,  gr.  in-fol.  (prix  : 
loO  fr.),  renferme  47-4  fac-similés  photoLypiqiies,  avec  transcriptions  litté- 
rales, traductions  françaises,  et  tables  méthodiques,  par  M.  Charles  Ravaissou- 
Mollien. 

—  Un  Ti'ait'j  pratique  de  l'enluminure  des  livres  d'heures,  missels.,  canons  d'au- 
tels, images  pieuses  et  gravures,  par  M.  Karl  Robert,  vient  d'être  édité  à  la 
librairie  Laurens  (in-'i). 

—  La  librairie  G.  Reinwald  annonce  la  prochaine  apparition  du  tome  se- 
cond de  l'i.  Vie  et  la  Correspondance  de  Charles  Darwin,  avec  un  chapitre  auto- 
biographique, puhWés  par  son  fils,  M.  Francis  Darwin,  et  traduits  de  l'anglais 
par  M.  Henry-C.  de  Varigny  (in-8). 

Comtat-Venaissin.  —  M.  Roger  VallenLin  a  dernièrement  fait  imprimer' 
chez  Seguin,  d'Avignon,  une  brochure  sur  les  Doubles  Tournois  et  les  Deniers 
tournois  frappés  à  Villeneuve-lez- Avignon  pendaixt  le  règne  de  Louis  XIII  [4610- 
46Â3)  (in-8  de  31  p.). 

DauphinÉ.  —  Le  Premier  Bateau  à  vapeur, ^el  est  le  sujet  traité  par  M.  Al- 
fred Vellot  dans  son  discours  de  réception  à  l'Académie  delphinale  (Gre- 
noble, imprimerie  Allier,  1887,  in-8  de  63  p.).  Le  sous-titre  de  la  plaquette 
nous  apprend  qu'il  s'agit  là  d'une  notice  sur  Dorothée  de  Jouffroy  {ll^i-185^). 
Cette  notice,  très  bien  écrite,  est  fort  intéressante.  M.  Vellot  n'a  rien  négligé 
pour  raconter  de  la  façon  la  plus  exacte  l'histoire  de  la  vie  et  des  décou- 
vertes du  marquis  de  Jouffroy  (né  le  30  septembre  1751  à  Roche-sur-Rognon 
(Haute-Marne).  Il  a  consulté  les  notices  d'Arago,  de  Louis  Figuier,  du  mar- 
quis de  Bausset-Rochefort,  d'Eugène  Muller,  d'Achille  de  Jouffroy,  le  fils  de 
l'inventeur  de  la  navigatioii  par  la  vapeur. 

Franche-Comté.  —  Récemment  a  été  imprimé  à  Lons-le-Saunier,  chez 
Déclume,  le  2°  volume  de  l^ih"  série  des  Mémoires  de  la  Société  d'émulation 
du  .Jura  (1886)  (in-8  de  xxx-339  p.).  Au  point  de  vue  de  l'histoire  de  la  pro- 
vince, nous  remarquons  dans  ce  recueil  :  États  de  Franche-Comté.  Rrcès  de 
46%l,  document  inconnu  à  de  Troyes,  auteur  des  États  de  la  Franche-Comté, 
qui  l'avait  vainement  cherché  et  que  M.  Ed.  Toubin  a  découvert,  manuscrit, 
dans  la  bibliothèque  de  Salins  ;  —  le  Livre  de  raison  de  la  famille  de  Froissard- 
Broissia,  de  i.j.îi  à  1701,  que  les  futurs  historiens  de  la  famille  dans  l'ancienne 
Franche-Comté  consulteront  très  utilement;  —  une  Histoire  anecdotique  de 
l'ancien  théâtre  de  Lons-le- Saunier,  par  M.  F.  Guillermet,  où  le  scepticisme, 
malheureusement,  ne  le  cède  pas  à  la  finesse  d'esprit;  —  Notice  sur  une  stèle 
gallo-romaine  découverte  à  Tavaux  (Jura),  par  M.  l'abbé  P.  Brune  (2  planches)  ; 
—  Rapport  sur  les  nouvelles  fouilles  faites  à  la  C roix-des- Monceaux ,  territoire  de 
Conliège,  par  MM.  Z.  Robert  et  H.  Chevaux  (o  i)lanches). 

—  Maiche  cl  ses  environs  ont  fait  l'objet  d'une  petite  brochure  anonyme 
qui  vient  de  paraître  (Montbéliard,  imp.  Hoffmann,  in-12  carré  de  2'i  p.). 
C'est  un  itiiKJraiie  de  touriste  à  travers  un  coin  des  montagnes  du  Doubs, 
pays  aussi  pittoresque  que  la  Suisse. 

GuYKNNK  KT  GASCOGNE.  —  On  conscrvo  aux  archives  municipales  de 
Monsijgur  (Gironde)  un  précieux  cartulaire  de  83  feuillets,  contenant  37  docu- 
ments (120[;-l'i32).  Ce  sont  les  privilèges  accordés  à  la  ville  par  Éléonore  de 
Guienne  et  les  rois  d'Angleterre,  une  bulle  de  Clément  V,  des  règlements 


—  87  — 

;;iunicipaux,  des  enquêtes,  des  sentences,  etc.  Toutes  ces  pièces  ont  été 
disposées  chronologiquement  et  publiées  par  M.  J.  Delpit  dans  le  tome  V 
des  Archives  hislnriques  de  la  Gironde.  L'excellent  érudit  bordelais  avait 
négligé  de  joindre  à  sa  publication  un  curieux  calendrier  qui  se  trouve  ca 
tête  du  manuscrit  de  Monségur.  M.  l'abbé  Léglise  vient  de  le  publier  dans 
les  Mémoires  de  la  Sociétii  archéologique  de  Bordeaux,  en  l'accompagnant  d'un 
savant  commentaire.  Il  y  compare  ce  calendrier  avec  ceux  du  Livre  Velu  de 
Libourne  et  d'un  bréviaire  imprimé  à  Bazas  au  xvi*  siècle,  et  y  traite  une 
l'ois  encore  des  «jours  égyptiens  »  soigneusement  mentionnés  dans  son  texte, 
où  chaque  mois  est  précédé  d'une  rubrique  en  vers  relative  à.  ces  jours 
néfastes.  M.  le  D'  Berchon  a  joint  au  travail  de  M.  l'abbé  Léglise  une  nou- 
velle et  intéressante  étude  sur  le  manuscrit  de  Monségur  et  les  travaux 
dont  il  a  été  l'objet.  Il  a  dressé  un  tableau  synoptique  des  documents  trans- 
crits dans  le  cartulaire.  Il  s'est  glissé  une  erreur  dans  la  traduction  du 
Dalum  de  la  bulle  de  Clément  V  mentionnée  sous  le  n»  20,  au  lieu  de  : 
Prieuré  de  Granselle,  près  de  Malausaua,  diocèse  de  Bayonue,  il  faut  lire  : 
Prieuré  du  Grauseau,  près  de  Malaucène,  diocèse  de  Vaison.  Cette  distraction 
vénielle  ne  doit  pas  faire  méconnaître  l'intérêt  du  travail  des  deux  érudits 
bordelais  (Le  Calendrier  de  VEsclapot  ou  Cartulaire  de  Monségur,  par  l'abbé 
S.  Léglise,  avec  une  introduction  sur  l'histoire  du  manuscrit  et  des  notes 
bibliographiques,  par  le  D'  Erriest  Berchon  (Bordeaux,  imp.  Cadoret,  in-8 
de  64  p.  avec  fac-similé). 

—  Beaucoup  de  bien  à  dire  du  volume  que  vient  de  publier  M.  l'abbé 
Ferran,  aumônier  du  couvent  de  Piétat  :  La  Dévote  chapelle  de  Notre-Dame  de 
Piéiat  à  Condom,  diocèse  d'A.uch.  Notice  historique  et  Descriptive  de  ce  sanctuaire 
et  de  la  dévotion  dont  il  est  le  siège  (Condom,  imprimerie  Dupouy,  1887,  in-12 
de  IX.-288  p.).  L'auteur,  aidé  par  un  estimable  érudit,  M.  Joseph  Gardère, 
bibliothécaire  de  la  ville  de  Condom,  a  retrouvé  beaucoup  de  documents 
qui  lui  ont  permis  d'écrire  une  excellente  histoire  d'une  des  plus  célèbres 
chapelles  de  la  Gascogne  (depuis  sa  fondation,  au  xvi°  siècle,  jusqu'à 
nos  jours),  et  doîit  quelques-uns  sont  reproduits  soit  dans  le  texte,  soit 
dans  l'appendice.  Le  petit  livre  de  M.  l'abbé  Ferrand  est  si  sérieusement 
fait  qu'on  peut  le  considérer  comme  non  moins  instructif  qu'édifiant.  C'est, 
en  quelque  sorte,  une  histoire  de  la  ville  même  de  Condom,  et  l'on  y  trouve 
diverses  particularités  sur  la  peste  de  1363,  sur  les  ravages  de  Mongomméry 
(novembre  1369),  sur  l'entrée  du  prince  de  Condé  (22  août  16H),  sur  la  peste 
de  1633,  sur  le  R.  P.  Gilbert,  professeur  à  l'Université  de  Douai,  envoyé  par 
Louis  XIV  en  exil  à  Piétat  comme  janséniste  (1698),  sur  divers  évêques  de 
Condom,  sur  le  terrible  hiver  de  17iJ9,  sur  les  scènes  révolutionnaires  de  1793; 
signalons,  à  ce  sujet,  un  document  relatif  à  la  célébration  de  la  fête  déca- 
daire du  10  frimaire,  an  VI,  laquelle  fête  était  une  apothéose  de  l'infâme 
Marat. 

—  M.  Charles  Marionneau,  correspondant  de  l'Institut,  membre  de  l'Aca- 
démie de  Bordeaux ,  nous  donne  une  très  curieuse  étude  sur  Jean-Etienne 
Lasne,  maître  gravew  en  taille  douce,  illumineur  de  la  ville  de  Bordeaux  au 
xvip  siècle  (Bordeaux,  V»  Moquet,  1887,  gr.  in-8  de  22  p.,  2«  édition  tirée  à 
50  exemplaires).  J.-E.  Lasne,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  célèbre 
Michel  Lasne,  son  parent,  s'établit  à  Bordeaux,  s'y  maria,  en  1620,  avec 
Marie  Compnes,  et  grava  plusieurs  pièces  (vignettes,  fleurons,  frontispices, 
plans,  portr.dts,  etc.).  On  n'avait,  jusqu'à  ce  jour,  mentionné  que  six  de  ces 
pièces.  M.  Marionneau  en  signale  plusieurs  autres,  quelques-unes  fort  im- 
portantes, comme  le  portrait  de  Henri  de  Lorraine,  duc  de  Mayenne  et  d'Ai- 


guillon,  le  frontispice  du  Commenkdre  sur  les  coutumes  de  Bourdeaus,  par  Ber- 
nard Automne,  etc.  La  notice  de  M.  Marionneau  s'appuie  sur  divers  docu- 
ments inédils.  Un  de  ces  documents,  extrait  des  archives  départementales 
de  la  Gironde,  et  daté  du  1"  novembre  1622,  est  reproduit  à  Tappendice  : 
c'est  VInventaire  et  Description  des  meubles  et  ustensiles  trouves  au  dornicile  de 
Jean-Etienne  Lasnc. 

—  Une  édition  des  Œuvres  complètes  du  poète  Arnaud  Daubasse,  maître  pei~ 
gnicr  de  Villeneuve-sur-Lol,  a  été  donnée  par  M.  A.  Claris  (Villcnenve-sur-Lot, 
imprimerie  Ed.  Chabrié,  in-8  de  239  p.).  On  possédait  déjà  deux  éditions  des 
poésies  patoises  et  françaises  de  Daubasse,  la  première  due  à  l'abbé  Tailhé 
(Villeneuve,  1796),  la  seconde  due  à  H.  Escande  {Ibid.,  1839);  mais  elles  lais- 
sent fort  à  désirer  et  elles  sont,  du  reste,  entièrement  épuisées.  La  nouvelle 
édition  est  bien  préférable  soit  pour  l'impression,  soit  pour  la  notice  et  les 
notes,  soit  enfln  pour  le  texte  qui  est  aussi  pur  que  complet.  L'étude  de 
M.  Claris  sur  Arnaud  Daubasse,  sa  vie  et  ses  œuvres,  contient  des  choses  nou- 
velles, notamment  sur  le  mariage  du  «  fezeur  de  peignes  »  avec  une  Villeneu- 
voise,  Jeanne  Laboury  (26  janvier  1681)  et  sur  son  décès  que  le  Dictionnaire 
historique  de  la  France  met  en  1727  et  qui  est  du  6  octobre  1720  (registres  de 
l'état  civil  de  la  paroisse  de  Sainte-Catherine,  à  Villeneuve).  Signalons,  à  la 
suite  de  la  notice,  des  lettres  d'adhésion  de  Frédéric  Mistral,  de  Clovis  Hu- 
gues, d'Elie  Fourès,  de  Jules  Boissière,  secrétaire  de  la  société  des  félibres 
de  Paris  ;  des  stances  à  Daubasse  par  son  éditeur,  lequel  a  traduit  en  vers 
chacune  des  pièces  patoises  (moins  les  cantiques).  Peut-être  M.  Claris  a- 
t-il  quelque  peu  surfait  le  mérite  de  son  poète;  mais  qui  donc  oserait  lui  je- 
ter la  première  pierre  ? 

Ile-de-France.  —  M.  le  comte  Arnold  de  Rouseray,  membre  de  la  Société 
archéologique  de  Rambouillet,  a  publié  une  Notice  sur  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  de  Neauphle-le-Vieux  dépendant  anciennement  du  diocèse  de  Chartres 
(Sainl-Amand,  imp.  de  Destenay,  in-8  de  27  p.  et  2  pi.). 

Limousin.  —  M.  Alfred  Leroux  a  récemment  commencé  une  importante 
publication  de  textes  sous  ce  titre  :  ?,'ouveai(X  Documents  historiques  sur  la 
Marche  et  le  Limousin,  tome  I  (Limoges,  imp.  de  Gely,  in-8  de  iv-372  p.).  Ce 
volume  fait  partie  des  Archives  historiques  de  la  Marche  et  du  Limousin,  pu- 
bliées sous  la  direction  de  MM.  Alfred  Leroux  et  René  Fage. 

—  M.  l'abbé  Camilles  Artiges,  chapelain  de  Saint-Louis  des  Frfinçais  à 
Rome,  publie  actuellement,  dans  le  Limousin  et  Quercy,  une  série  d'Etudes  et 
Portraits  ecclésiastiques.  Cette  galerie,  qui  promet  d'être  intéressante,  s'ouvre 
par  la  grande  ligure  de  César  Baronius,  le  père  de  l'histoire  ecclésiastique. 

Lyonnais.  —  Le  tome  IV  de  la  Bibliothèque  de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon, 
qui  vient  de  paraître  à  la  librairie  Ernest  Leroux,  mérite  spécialement  d'at- 
tirer l'attention.  Il  est  intitulé  :  Le  Nouveau  Testament  traduit  au  XIII'  sièclfi 
en  langue  provençale,  suivi  d'un  rituel  cathare,  reproduction  photoUthographique 
du  manuscrit  de  Lyon  publiée  avec  une  nouvelle  édition  du  rituel  par  L.  Clé- 
dat,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon;  exécutée  par  MM.  Lumière 
frères  d'après  leur  procédé,  tirée  par  M.  Storck.  —  Le  manusciit  ainsi  repro- 
duit est  la  propriété  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Lyon,  et,  comme  les  autres  volumes  appartenant  à  celte  académie,  il  fait 
partie  de  la  bibliothèque  municipale  du  palais  Saint-Pierre,  où  il  est  cata- 
logué sous  le  n"  .36.  Le  texte,  tracé  vers  le  milieu  du  xiii»  siècle  sur  parche- 
min à  deux  colonnes,  et  orné  de  lettres  capitales  colorées  en  rouge  et  bleu, 
offre  les  quatre  Evangiles,  les  Actes  dos  Apôtres,  l'Apocalypse,  les  E  pitres  et,  de 
plus, un  rituel  cathare,  très  important  pour  l'histoire  de  l'hérésie  albigeoise.  La 


-  b'j  - 

langue  présente  en  grand  nombre  les  traits  dialectaux  propres  à  la  région 
qui  comprend  l'Aude  et  le  Tarn,  et,  partiellement,  la  Haute-Garonne  et 
l'Ariège,  qui  est  justement  celle  où  les  Albigeois  étaient  le  plus  répandus. 
Toutefois  certains  érudits  ont  attribué  à  la  traduction  contenue  dans  le  ma- 
nuscrit de  Lyon  une  origine  vaudoise  et  M.  Fœrster,  professeur  à  Bonn,  a 
annoncé  qu'il  allait  reprendre  cette  thèse.  En  tout  cas,  le  rituel  qui  termine 
le  manuscrit  est  tout  à  fait  conforme  à  ce  qu'on  sait  des  cérémonies  ca- 
thares. 

Maine.  —  Le  Cartukdre  de  l'abbaye  de  Saint-Calais,  qui  contient  des  chartes 
si  curieuses  pour  l'étude  de  la  diplomatique  mérovingienne  et  carolingienne, 
a  été  récemment  publié  par  M.  L.  Froger  sous  les  auspices  de  la  Société  his- 
torique et  archéologique  du  Maine  (Le  Mans,  Pellechat,  in-8  de  xxv-98  p.). 

Normandie.  —  M.  Pierre  Carel  poursuit  ses  recherches  sur  l'histoire  de  la 
ville  de  Caen;  il  vient  de  l'aire  paraître  :  Étude  sur  la  commune  de  Caen,  suivie 
de  la  liste  des  Éehevins.  Analyse  du  martrologe  de  la  ville  et  du  registre  du  céré- 
monial {Documents  inédits)  (Caen,  Massif,  1888,  in-8  de  308  p.)  et  aussi  :  Les 
Médecins  et  les  Chirurgiens  de  Caen  avant  la  Révolution  (Caen,  Massif,  in-8  de 
42  p.). 

—  Viennent  de  paraître  également  :  Xotice  archéologique  et  historique  sur 
Vévêché  d'Évreux,  par  M.  G.  Prévost  (Caen,  H.  Delesques,  in-8  de  43  p.);  —  Un 
Procès  séculaire.  La  Seigneurie  et  Vicomte  de  Pont-Audemer,  par  P.  Le  Verdier 
(Rouen,  Cagniard,  in-3  de  61  p.);  —  Restauration  de  la  flèche  de  Caudebec- 
en-Caux,  ISS3-ISS6,  par  M.  l'abbé  Andrieu  (Rouen,  Cagniard,  in-8  de  143  p. 
et  fig.). 

—  M.  Louis  Régnier  a  fait  un  tirage  à  part  du  Rapport  sur  les  publications 
historiques  relatives  au  département  de  l'Eure  parues  en  1881,  qu'il  a  soumis  à 
la  Société  libre  de  l'Eure  (Bernay,  Lefèvre,  1888,  in-8  de  46p.). 

—  La  Société  historique  et  archéologique  de  l'Orne  a  commencé  la  publi- 
cation du  tome  VU  de  ses  Bulletins.  Il  contient  plusieurs  éludes  intéres- 
santes :  Catherine  de  Gonzague-Clèves ,  duchesse  de  Longueville,  par  M.  le  mar- 
quis de  la  Jonquière;  —  Les  Origines  du  Passais,  par  H.  Le  Paverais;  —  La 
Bannière  de  la  Lande-Patry ,  par  M.  l'abbé  Burel;  —  La  Fresque  de  l'église 
Saint-Julien,  à  Domfront,  par  M.  Florentin  Loriot;  —  Souvenirs  littéraires  d'un 
gentilhomme  campagnard,  par  M.  l'abbé  Rombault. 

—  La  Société  de  l'histoire  de  Normandie  a,  de  son  côté,  publié  le  compte 
rendu  de  sa  dernière  assemblée  générale;  il  contient  une  étude  du  prési- 
dent, M.  Ch.  de  Beaurepaire,  sur  le  chanoine  Clérel  qui,  plusieurs  fois,  joua 
un  rôle  considérable  aux  États  de  Normandie,  sous  le  règne  de  Henri  HL 
A  la  suite,  plusieurs  pages  sont  consacrées  par  M.  A.  Bligny  à  la  biblio- 
graphie historique  normande. 

Orléanais.  —  Signalons  une  intéressante  brochure  extraite  des  Mémoires 
de  la  Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléanais  et  publiée  SOUS  ce  titre  : 
Église  de  Notre-Dame  de  Cléry  :  les  Sépultures  de  Marie  d'Harcourt,  femme  du 
bâtard  d'Orléans,  de  Jean,  leur  fils,  et  de  François  II  et  Louis  I",  ducs  de  Lon- 
gueville, leurs  petits-fils;  Testament  inédit  de  Dunois  et  autres  documents,  par 
M.  L.  Jarry  (Orléans,  Herluison,  in-8  de  99  p.> 

—  M.  L.  Radet  a  fait  paraître  un  petit  Mémoire  sur  le  Siège  de  Montargis  en 
U2.1  (Montargis,  Chartier,  in-18  de  24  p.). 

Picardie.  —  A  récemment  paru  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des 
antiquaires  de  Picardie  et  en  tirage  à  part  le  tome  HI  de  VHis'oire  de  l'abbaye 
et  de  la  ville  de  Saint-Riquier,  par  M-  l'abbé  Hénocque  (Amiens,  imp.  de 
Douillet,  in-4  de  vi-o74  p.). 


—  90  - 

Provence.  —  L'intéressante  étude  que  M.  de  Cabrens  a  publiée  succes- 
sivement, dans  la  Revue  de  Marseille,  depuis  une  année  environ,  sur  la  Vie 
de  Mgr  de  Vintimille,  évêque  de  Carcassonne,  d'après  sa  correspondance  inédile, 
vient  de  paraître  en  un  petit  volume  in-8  (Marseille,  Olive). 

—  M.  Victor  Edelga,  ancien  officier,  a  publié,  à  Draguignau  (Olivier,  in-4), 
ses  Souvenirs  de  la  guerre  et  du  siège  de  Paris.  C'est  un  document  à  ajouter 
aux  nombreuses  publications  qu'aura  à  utiliser  le  futur  liistorien  de  nos 
derniers  désastres. 

—  M.  Bizos,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  d'Aix,  va  publier  incessam- 
ment, chez  Lecène  etOudin,  un  volume  sur  Ronsard,  impatiemment  attendu 
de  tous  les  auditeurs  qui  ont  suivi,  cette  année,  à  Aix  et  à  Marseille,  les 
leçons  du  disert  professeur  sur  le  poète  de  la  Pléiade. 

—  Mgr  Ricard  va  publier,  dans  le  courant  du  mois  d'août,  chez  Vitte 
et  Perrussel,  à  Lyon,  le  second  volume  de  ses  Éludes  de  critique  littéraire 
et  biographique  sur  le  Grand  Siècle.  Le  volume  SOUS  presse  est  consacré  à 
Corneille.  Il  sera  suivi,  à  bref  délai,  d'un  troisième  volume  consacré  à 
Boilcau. 

—  Une  mention  particulière  est  due  à  VAlmanach  des  Saints  de  Provence 
pour  Vannée  18SS,  contenant  le  calendrier  romain  et  le  calendrier  provençal  (Mar- 
seille, Imp.  marseillaise,  1887,  in-8  de  36  p.).  A  chaque  jour  du  mois  est 
inscrit  d'abord  le  saint  de  l'année  liturgique,  ou  à  défaut,  un  saint  pris,  à 
ce  même  jour,  dans  le  Martyrologe  romain.  Suivent,  en  caractères  italiques, 
les  saints  qui  appartiennent  à  la  Provence  par  leur  naissance,  leur  séjour 
ou  leur  mort.  Ces  saints  ont  été  tellement  nombreux,  qu'il  n'y  a  presque 
pas  de  jour  auquel  on  ne  puisse  rattacher,  dans  cette  région  entre  toutes 
privilégiée,  le  souvenir  de  la  naissance,  du  séjour  ou  du  décès  de  l'un  d'eux. 
La  glorieuse  liste  est  suivie  de  diverses  notes  sur  l'État  de  la  Provence  avant 
Jésus-Christ,  sur  V Evangélisation  de  la  Provence,  sur  Saint  Lazare,  Sainte  Marthe 
et  Sainte  Magdeleine ,  sur  Sainte  Marcelle  et  Saint  Parmênas,  sur  les  Saintes 
Marie,  enfin  sur  «S'aini  Maximin  et  ses  compagnons.  On  ne  s'étonnera  pas  du 
soin  exquis  avec  lequel  a  été  formé  et  publié  le  pieux  petit  recueil,  quand 
on  saura  que  nous  le  devons  à  un  savant  bibliophile,  M.  G.  de  Rey. 

Allemagne.  —  L'éditeur  du  Centralblatt  filr  Bihliothekswesen  se  décide  à 
publier  en  fascicules  indépendants,  sous  le  litre  de  :  Beihefte  zum  Cen- 
tralblatt filr  Bibliotheksioesen,  les  travaux  d'une  certaine  importance  qui 
exigent  environ  trois  feuilles  d'impression.  Les  divers  fascicules  de  cette 
nouvelle  publication  ont  une  double  pagination;  une  pagination  continue 
qui  permet  de  réunir  une  série  de  fascicules  en  un  volume;  et  une  pagina- 
tion indépendante  pour  chaque  fascicule,  ou  plutôt  pour  chaque  travail 
publié  dans  les  fascicules,  en  sorte  que  chaque  partie  forme  un  tout.  Le 
2«  fascicule  de  cette  publication.  (Leipzig,  narrassowitz,  in-8  de  n-^3,  iv-22  p., 
avec  un  fac-similé)  comprend  deux  études  :  1"  un  important  travail  de 
M.  Brambacli  sur  l'iicole  de  chant  de  Reichenan  au  moyen  âge;  2"  une 
bibliographie,  due  à  M.  Roth,  des  écrits  de  Henri  de  liesse. 

—  En  1887  ont  paru  en  Allemagne  15,972  publications  de  tout  genre,  soit 
281  de  plus  que  pendant  l'aimée  précéilente.  Ce  sont  surtout  dos  livres  clas- 
siques; l,''i!j()  ouvrages  ont  trait  à  la  théologie;  l,'i02  aux  belles-lettres; 
1,369  à  la  jurisprudence;  867  à  la  médecine.  Les  écrits  populaires  et  les  al- 
manachs  ont  atteint  le  nombre  de  729  ;  le  commerce  est  représenté  par  725 
ouvrages;  l'histoire  par  722.  Nous  trouvons  les  langues  modernes  et  l'an- 
cienne littérature  allemande  avec  USlj  écrits,  et  enfin  les  langues  classiques 
avec  bsy,  et  les  livres  pour  la  jeunesse  avec  W». 


—  91  - 

Autriche.  —  Dans  le  cours  de  l'année  1883,  ont  paru,  à  Prague,  692  ou- 
vrages, 333  eu  langue  tchè  lue,  159  en  langue  allemande,  se  réparlissaiil  de 
la  manière  suivante  :  Encyclopédie  et  collection,  62  ;  théologie,  19  ;  pédago- 
gie, oo;  philologie,  13;  philosophie,  5  ;  jurisprudence,  o3  ;  statistique,!. 
L'histoire  atteint  le  chiffre  de  oo  ouvrages  ;  la  géographie  de  33;  les  sciences 
ualurelles  de  12;  la  médecine  de  13;  les  mathématiques  et  l'astronomie  de 
2;  la  technique  de  1  seulement;  la  musique  de  77  ;  L-s  périodiques  sont 
au  nombre  de  137. 

Espagne.  —  Don  Rodoifo  Béer  a  publié  :  Noticias  bibliof^raficas  y  Catalogo 
de  los  codiccs  rclesiasticos  de  la  santa  Iglesia  catedral  de  Léon  (Léon,  Muîion, 
in-8).  La  ville  de  Léon  a  été,  dans  les  siècles  qui  ont  suivi  la  conquête  de 
l'Espagne  par  les  Maures,  comme  la  capitale  du  pays  pour  les  catholiques, 
leur  boulevard,  et  le  centre  où  s'organisait  la  lutte  de  la  croix  contre  le 
croissant.  C'est  ce  qui  donne  un  intérêt  considérable  à  la  publication  sur 
laquelle  nous  appelons  en  ce  moment  l'attention  de  nos  lecteurs.  Signalons 
dans  l'ouvrage  de  don  R.  Béer,  la  notice  consacrée  à  un  Anlifonario,  qui  doit 
appartenir  au  x^  siècle,  s'il  n'est  plus  ancien  :  car  la  notation  musicale  n'offre 
ni  clef  ni  lettre  d'aucun  genre,  et  la  notice  n»  lo  relative  à  un  palimpseste, 
qui  n'est  autre  qu'une  portion  des  livres  saints,  d'après  la  version  dite 
Ancienne  italique. 

—  M.  Gabriel  Jogand,  plus  connu  en  France  sous  le  nom  de  Léo  Taxil, 
continuant  la  série  de  ses  importants  travaux  relatifs  à  la  franc-maçonne- 
rie, a  eu  l'heureuse  idée  de  réunir  en  un  volume,  la  EspaTia  masonica,  tous 
les  renseignements  qu'il  a  pu  recueillir  sur  l'état  particulier  des  loges  d'Es- 
pagne, les  noms  de  leurs  principaux  membres,  le  texte  des  statuts  et  règle- 
ments qui  y  sont  en  vigueur. 

—  Un  éditeur  de  Barcelone,  M.  Bastinos,  vient  de  commencer  une  publi- 
cation qui,  selon  ses  calculs,  atteindra  facilement  le  chiffre  de  70  volumes 
in-12  de  oOU  pages  chacun,  savoir,  la  Coleccion  de  los  poêlas  hispano-america- 
nos.  Il  a  pour  collaborateur,  au  point  de  vue  littéraire,  don  Lazare  Maria  Fe- 
rez. 

—  M.  Fernandez  Guesta  termine  en  ce  moment  un  Diccionario  de  las  tan- 
guas castellana  y  francesa  (Barcelone,  3  vol.  in-4),  qui  a  beaucoup  d'analogie 
avec  le  dictionnaire  de  Littré  si  estimé  en  France,  au  moins  dans  son  en- 
semble. 

—  Une  nouvelle  revue  hebdomadaire  vient  d'être  fondée  à  Valdepenas 
(province  de  la  Mancha),  sous  le  nom  de  el  Legitimista  ;  c'est  assez  dire 
qu'elle  aura  une  couleur  politique  bien  tranchée. 

Italie.  —  Le  tome  II  des  Inscriptiones  christianse  J'rbis  Romas,  de  M.  Rossi, 
va  bientôt  paraître.  Get  important  ouvrage  n'étant  pas,  par  son  format  et 
par  son  prix,  à  la  portée  de  tout  le  monde,  on  a  intérêt  à  en  trouver  la  table 
détaillée  dans  le  3"  fascicule  du  Corso  pratico  di  metodologia  délia  storia,  pu- 
blié par  la  R.  Società  romana  di  storia  patria  (Rome,  Bibliothèque  Valli- 
ceUiane,  in-S  de  36  p.).  Ge  Conspectus  operis  est  précédé  d'un  discours  prononcé, 
le  7  juillet  1887,  par  M.  de  Rossi,  pour  faire  connaître  les  sources,  le  plan 
et  l'intérêt  spécial  de  la  seconde  partie  de  son  travail  ;  c'est  en  même 
temps  un  éloquent  résumé  de  l'histoire  de  l'épigraphie  avant  le  xvi^  siècle. 

—  Deux  nouvelles  brochures  de  M.  Vittorio  Cian  ont  paru  ;  la  première, 
intitulée  Un  episodio  délia  storia  délia  censura  in  Italia  nel  sec.  XVI,  est  rela- 
tive à  l'expurgation  du  Cortegiano  de  B.  Castiglione,  par  un  délégué  de  la 
congrégation  de  l'Index  et  à  la  publication  de  la  singulière  édition  qui  résulta 
de  ce  travail  (Milan,   1887,  in-8,  69  p.   Extrait  de   VArchivio    Lomhardo).   La 


—  92  — 

seconde  est  un  tableau  des  mœurs  des  courtisanes  en  Italie,  d'après  de 
nombreux  documents  d'archives.  Galanterie  italiane  nel  sec.  xvi  (Turin, 
bureaux  de  «  la  Letteratura,  »  in-16  de  64  p.);  ce  sujet  délicat  est  traité  avec 
toute  la  convenance  désirable. 

—  Vient  de  paraître  le  compte  rendu  des  opérations  de  la  banque  coopé- 
rative de  Padoue,  sous  le  titre  de  :  Banca  cooperativa  popofare  di  Padova, 
resoconto  deW  anno  1887  (Padoue,  tip.  Penada,  in-8  de  65  p.). 

—  Dans  sa  plaquette.  D'un  graduale  et  di  alcuni  antifunari  (Florence,  Car- 
nesecchi,  in-t2  de  12  pages),  M.  Castellani,  de  la  Bibliothèque  Saint-Marc 
à  Venise,  donne  la  description  de  cinq  incunables  sortis  des  presses  de 
Giunta  en  l/i99,  1500,  1503,  et  que  l'on  conserve  dans  ladite  bibliothèque. 

Monaco.  —  Le  libraire  Alph.  Picard,  de  Paris,  vient  de  mettre  en  vente 
le  l*"--  volume  d'une  importante  publication  de  M.  G.  Saige,  conservateur  des 
archives  du  palais  de  Monaco,  qui  a  réuni  les  Documents  historiques  relatifs  à 
la  principauté  de  Monaco  depuis  le  XV<^  siècle  (in-4  de  CCLXXlx-716  p.).  Ce 
tome  I"  embrasse  les  années  1/112  à  li9i;  le  tome  second  et  dernier  est  an- 
noncé pour  la  fin  de  l'année. 

Pologne.  —  M.  R.  Widmann  a  publié  la  première  partie  d'un  important 
ouvrage  sur  les  Archives  de  la  ville  de  Lemberg.  Les  documents  les  plus  anciens 
datent  de  l'année  1353. 

—  Le  D'  Abraham,  docent  de  l'Université  de  Gracovie,  vient  de  publier  le 
résultat  de  ses  recherches  sur  l'histoire  polonaise  au  moyen  âge. 

—  A  Varsovie  vient  de  paraître  la  première  livraison  d'une  Encyclopédie 
générale  en  langue  hébraïque,  sous  le  titre  de  Ila-cchekol. 

—  Dans  la  Lithuanie  prussienne  on  a  imprimé,  l'année  dernière,  à  peu 
près  250,000  exemplaires  de  livres  divers.  Les  Nouvelles  de  Vilna  rapportent 
que  dans  la  Lithuanie  russe,  comptant  environ  3,000,000  d'habitants,  150,000 
livres  se  sont  vendus  dans  les  années  1885  à  1887. 

—  En  1510  on  composa  un  catalogue  des  livres  imprimés  et  des  manuscrits 
se  trouvant  en  la  possession  du  prince  de  Lithuanie,  Sigismond,  plus  tard 
roi  de  Pologne.  Ce  registre  a  été  réimprimé  déjà  plusieurs  fois,  mais  tou- 
jours avec  des  erreurs.  Enfin,  le  professeur  Ptas/.ycki  vient  d'en  donner 
une  édition  exacte  avec  l'indication  du  dépôt  où  ces  livres  se  trouvent 
actuellement. 

—  Le  professeur  Zakrzewski  vient  de  communiquer  à  l'Académe  de  Gra- 
covie les  résultats  de  ses  recherches  dans  les  archives  de  Siebenburgen; 
le  professeur  Smolka  a  parlé  dans  une  séance  de  la  même  Académie  des 
Polonica  qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque  du  collège  des  cardinaux,  à 
Rome. 

—  Le  savant  architecte  Wdowiszewski  vient  de  mettre  la  dernière  main 
à  une  bibliographie  des  public  itions  ;:rtistiques  qui  sera  prochainement 
imprimée.  « 

RussiK,—  Le  nombre<les  ouvrages  publiés  en  Russie  en  1887,  sans  compter 
la  Finlande,  a  été  de  7,36P,  iîonto,-'»42  en  langue  russe  cl  en  18,5'jO,39S  exem- 
plaires sur  2'i,'i03,2':2,  chijfre  total.  Quant  à  leur  répartition,  on  premier 
lieu  viennent  les  livres  classiques,  puis  les  romans,  les  belles-lettres,  les 
ouvrages  ascétiques  et  thoologiques,  les  éditions  populaires  illustrées,  his- 
toriques, etc.  La  philosophie  et  les  arts  occupent  le  dernier  rang.  Parmi  les 
auteurs,  Pouchkine,  dont  les  œuvres  ont  cessé  d'être  un  monopole,  a  eu  le 
plus  do  vogue  :  il  en  fut  imprimé  163  au  nombre  de  1,i81,37o  exemplaires. 
Les  œuvres  du  comte  Léon  Tolstoï  ont  atteint  le  chiite  de  677,000  exem- 
plaires, dont    93,000  renferment    son  drame   :    Puissance    des    ténèbres,   et 


-  93  — 

397,000  ses  écrits  populaires.  Après  eux  vienaent,  dans  l'ordre  suivant  : 
Krylof  (oO,000  exein.)I.)  ;  Gogol  (/lO.OOO);  Tonrguenef  (16,000);  Lermontof 
15,000);  Griboédof  et  Grégorovitch  (chacun  10,000). 

—  On  annonce  rappnritiou  procliaiae  de  la  première  revuo  scientifique  en 
langue  russe.  Elle  sera  bimensuelle  et  servira  d'organe  à  la  Société  des  na- 
turalistes, qui  en  a  conçu  le  projet. 

—  L'académicien  Bezobrazof  vient  de  publier  le  premier  volume  de  son 
ouvrage  sur  le  feu  Comte  Fi'-dor  Pctrovitch  Lutke,  fondateur  de  la  Société  géo- 
graphique et  président  de  l'Académie  des  sciences,  mort  en  1882. 

—  Les  hiriliers  du  secrétair;'  d'État  Golovine  ont  offert  sa  bibliothèque, 
composée  de  7,000  volumes,  à  l'Observatoire  méiéorologique  de  Pavlovsk  à  la 
fondation  duquel  le  défunt  avait  beaucoup  contribué. 

Suisse.  —  Un  curieux  opuscule,  tiré  avec  luxe  et  à  petit  nombre,  pour  les 
amis  de  M.  Sieber,  le  savant  bibliothécaire  de  l'Université  de  Bâle,  mérite 
d'être  signalé  à  quiconque  s'occupe  de  l'histoire  des  bibliothèques  :  Infor- 
jnatoi'ium  bibliothecarii  Carthiisiensis  domus  Vallis  Beatas  Margarethae  in  Basilca 
minori,  ex  autographo  fratris  Georgii  Carpentarii  in  bibliolheca  Basiliensi  as- 
servato  nunc  primum  edidit  Ludovicus  Sieber  (Basilese,  ex  typographia 
Schweighauseriana,  mdccclxxxviii  (publié  pour  le  2o^  anniversaire  de  pro- 
fessorat de  M.  André  Heusler)  (petit  in-4  de  24  p.).  Le  moine  qui  a  transcrit 
le  document  vécut  à  la  Chartreuse  de  Bâle  de  l.'i09  à  1329.  Les  prescriptions 
imposées  au  bibliothécaire  du  couvent  sont  rédigées  en  douze  chapitres  ; 
elles  témoignent  de  l'ordre  extrême  qui  régnait  dans  la  collection  et  de 
l'importance  qu'on  attachait  à  l'enrichir.  Les  devoirs  du  bibliothécaire  sont 
minutieusement  prévus;  il  doit  coUationner  tous  les  rayons  (pour  une  partie, 
chaque  année  bissextile,  pour  une  autre  partie  tous  les  deux  ans),  «purger» 
la  bibliothèque  à  certaines  époques  déterminées,  et  aussi  toutes  les  fois 
qu'on  y  aperçoit  des  traces  de  vers  ou  un  excès  de  poussière,  etc.  Les  for- 
malités d'enregistrement  des  livres  nouveaux  et  les  opérations  matérielles 
qui  accompagnent  l'acquisition  sont  décrites  dans  le  plus  grand  détail. 

—  M.  Jules  Vuy,  vice-président  de  i'I.-istitut  nationni  genevois,  publie 
une  intéressante  notice  intitulée  :  Adémar  Fabri,  prince-éucque  de  Genève, 
laquelle  est  extraite  des  Miseellanea  di  Storia  Italiana  (Turin,  1888,  gr.  in-8 
de  33  p.).  L'auteur  étudie  surtout  en  ce  prélat,  dont  le  souvenir  est  resté  si 
populaire  à  Genève,  où  son  nom  a  été  donné  à  une  des  rues  de  cette  ville,  le 
bon  citoyen  qui  eut  «  le  mérite  de  faire  spontanément  réunir  en  une  charte 
unique,  en  un  seul  code,  pour  parler  le  langage  moderne,  les  «  libertés, 
franchises,  immunités,  us  et  coutumes  »  de  la  cité  impériale  et  épiscop-:ile 
de  Genève,  libertés  qui  existaient  de  temps  immémorial  et  dont  l'origine, 
selon  l'expression  de  Rousseau,  se  perdait  dans  la  nuit  des  temps.  »  M.  Vuy, 
après  avoir  insisté  sur  le  mérite  du  prince-évêque  qui  promulgua,  le  23  mai 
1387,  les  «  libertés  et  franchises,  »  résume  très  bien  les  renseig.'jements 
anciens  et  nouveaux  qui  ont  été  donnés  sur  Adémar  Fabri  de  La  Roche 
{de  Bupc\  d"abord  curé  de  Saint-Pierre  de  Rumilly,  puis  dominicain,  prieur 
du  monastère  de  Genève  de  1333  à  1337,  evêque  de  Bethléem  en  1363,  de 
Saint-Paul-Trois-Chàteaux  en  1378,  prince-évêque  de  Genève  (12  juillet 
1383-8  octobre  1388).  Dans  les  dernières  pages  de  son  excellent  travail,  M.  Vuy 
établit  contre  M.  Le  Fort  que  Fabri  est  le  véritable  nom  de  famille  de 
l'évêque  Adémar. 

—  Le  mf^me  auteur  a  consacré  une  intéressante  brochure  {Le  Codicille 
d'Ami  Lévrier;  Genève,  H.  Trembley,  1888,  in-8  de  12  p.)  à  un  personnage 
que  les  historiens  genevois  ont  appelé  le  «  martyr  de  la  liberté.  ^>  Ami  ou 


—  94  — 

Amédée  Lévrier,  fils  du  syndic  Pierre  Lévrier,  lutta  énergiquement,  comme 
son  père,  contre  les  empiétements  de  Charles  III,  duc  de  Savoie,  et 
(13  mars  1324)  paya  de  sa  tête  son  dévouement  à  sa  patrie.  M.  Vuy  a  trouvé 
un  document  (archives  des  Macchabées)  qui  constate  uu  fait  dont  aucun 
historien,  pas  même  Bonivard,  n"a  parlé:  de  ce  document,  il  résulte  que 
Ami  Lévrier,  docteur  en  droit,  quelques  minutes  avant  l'heure  où  il  allait 
marcher  à  Péchafaud,  compléta  son  testament  en  donnant  et  assignant  aux 
Frères  Prêcheurs  cinq  florins  payables  chaque  année,  à  la  charge  par  eux 
de  dire  toutes  les  semaines  une  messe  pour  le  repos  de  son  âme,  la  somme 
étant  garantie  par  une  hypothèque  grevant  une  maison  que  Lévrier  pos- 
sédait à  Genève,  dans  la  paroisse  Saint-Léger,  et  devant  être  payée  par  les 
héritiers  du  décapité,  Jean  Lévrier,  son  frère,  et  noble  Angeline,  veuve  de 
Pierre  Lévrier,  sa  mère.  M.  Vuy  dit  avec  raison  que  le  moindre  détail 
nouveau  concernant  un  nom  célèbre  ne  doit  pas  être  négligé. 

Publications  nouvelles.  —  Liber  Terlii  Ordinis  S.  Frnncigci  Assiensis  cum 
appcndicibiis  de  chordigeris ,  etc.,  etc.,  auctore  A.  R.  P.  Hilario  (gr.  in-8, 
Trembley,  à  Genève  ;  Palmé  à  Paris).  —  Manuel  du  Tiers  Ordre  de  Sainl-Frnn- 
çois,  par  l'abbé  J.  Touzc-ry  (in- 16,  Gaume).  —  Prônes  liturgiques,  par  l'abbé 
Gaussens  (in-12,  Lecofîre).  —  Questions  religieuses  et  Questions  sociales  de  notre 
temps,  par  Mgr  H.  Sauvé  (in-12,  Palmé).  —  Le  Clergé  et  la  Société  actuelle,  par 
l'abbé  Georgei  (in-12,  Palmé).  —  Vierges  et  Repenties,  par  Dubosc  de  Pesqui- 
doux  (in-12.  Palmé).  —  Le  Pouvoir  civil  devant  l'enseignement  catholique ,  par 
Tabbé  P.  Feret  (in-12,  Perrin).  —  Principes  de  droit  international,  par  J.  Lo- 
rimer,  trad.  de  l'imglais,  par  E.  Nys  (in-8,  Muquard,  à  Bruxelles).  —Es- 
quisse d'une  philosophie  de  l'être,  par  J.-E.  Alaux  (in-8,  F.  Alcan).  —  Analyse 
et  synthèse,  par  Barbie  du  Bocage  (2  vol.  in-8,  Masson).  —  La  France  actuelle. 
Quelques  éludes  d'économie  politique  et  de  statistique,  par  R.  Fernandez  (in-8, 
Delagrave).  —  Cours  d'astromie  pratique,  applications  à  la  géographie  et  à  la 
navigation,  1"  partie,  par  E.  Caspari  (in-8,  Gauthier-Villars).  —  Les  Régions 
invisibles  du  globe  et  des  espaces  célestes,  par  A.  Daubrée  (in-S,  F.  Alcan).  —  Les 
Étoiles  filantes  et  les  bolides,  par  F.  Hément  (in-8,  Gauthier-Villars).  —  Les 
Merveilles  du  ciel,  par  G.  Dallet  (in-12,  J.-B.  Baillière).  —  Traité  de  chirurgie 
clinique,  t.  Il,  1"  fasc,  par  P.  Tillaux  (in-8,  Asselin  et  Ilouzeau).  —  Du  Co- 
lonage  partiaire  et  spécialement  du  métayage,  par  L.  Rerolle  (in-S,  Chevalier- 
Marescq).  —  Les  Maisons  rustiques  de  Paris,  par  A.  Copin  (in-16,  Dupret).  — 
Les  Princesses  artistes,  par  A.  Vallabrègue  (in-10,  Dupret).  —  Manuel  d'ancien 
français.  La  Littérature  française  au  moyen  âge  (vF-XIV  sièclt- ),  par  G.  Paris 
(in-12.  Hachette,!.  —  Dante  Alighieri.  L'Enfer,  trad.  en  vers  tercets  conformes 
à  ceux  du  texte,  par  II.  Vinson  (petit  in-8.  Hachette).  —  L'Art  poétique  de 
Doileau,  commenté  par  Boileau  et  ses  contemporains,  par  le  P.  Delaporte  (3  vol. 
in-8,  Desclée,  de  Brouwer,  à  Lille).  —  La  Comédie  en  France  au  XYIW  siècle, 
par  G-  Lenient  [2  vol.  in-12,  Hachette).  —  Le  Mal  du  théâtre,  par  E.  Des- 
chaumes (in-12,  Dentu).  —  Les  Femmes  dans  l'épopée  iranienne,  par  A.  d'Avril 
(in-18,  Leroux).  —  Deux  Comédies  turques,  par  A.  Cilliôre  (in-18,  Leroux).  — 
Beaumarchais  et  ses  œuvres,  par  E.  Lintilhac  (iu-8.  Hachette).  —  Lettres  de 
W.-A.  Mozart,  trad.  avec  une  introd.  et  des  notes  par  H.  de  Curzon  (in-8. 
Hachette).  —  Nadejda  Nikolaevna,  par  V.  Garchine,  trad.  du  russe  par  Ilalpé- 
rine-Kaminsky  (in-12,  Pion  et  Nourrit).  —  Les  Vieux  Aufurs  castillans,  his- 
toire de  l'ancienne  littérature  espagnole,  pur  le  comte  de  Puymaigre  (in-12, 
Savine).  —  Les  Corneilles,  par  J.-II.  Rosny  (in-12,  Quantin).  —  En  Secondes 
Noces,  par  A.  Boutique  (in-18,  Quantin).  — Un  Scandale  d'hier,  mœurs  contem- 
poraines,  par   Mary   Summer  (in-12,  Lib.  illustrée).  —   Teurkia,  mœurs  algé- 


-  9o  — 

rienjies.  par  A.  Caise  (in-18,  Marpon  et  Flammarion^  —  Sélénè  Company  {limi- 
ted).  Le  A'am  dr  Radameh,  par  A.  Laurie  (in-18,  Hetzel).  —  Le  Secret  de  Solange, 
par  M.  Maryan  (iQ-12,  II.  Gautier).  —  Suzanne  de  Pierrepont,  par  E.  Faligan 
(in-12,  H.  Gautier).  —  La  Fille  du  mineur,  par  0.  Jauffret  de  Rambert  (in-12, 
Delhomme  et  Briguet).  —  Jean  Moineau,  par  Henriette   Large   (in-12,  Del- 
homme  et  Briguet).  —  La  Pelilc-Nièce  d'O'Connell,  par  G.  d'Anjou  (in-12,  Le- 
COtTre).  —  La  Seconde  Expédition  suédoise  au  Grônland,  par  A.-E.  Nordenskiold 
(gr.  in-8,  Hachette).  —  L'Islande  et  l'Archipel  des  Fxrœer,  par  H.  Labonne  (in- 
12,  liacliette).  —  L'Océan  Pacifique,   par  C   de   Varigny  (iu-l2.  Hachette).  — 
Paul  Soleillet  en  Afrique,  par  J.  Gros  (in-S,  Picard  et  Kaau).  —  A'os  Explorateurs 
en  Afrique,  par  J.  Gros  (in-8.  Picard  et  Kaan).  —  Saint   Vincent  de  Paul,  d'a- 
près Louis  Abelly,  évoque  de  Rodez  (in-8,  Desclée,  de  Brouwer,  à  Lille).  — 
Histoire  de  l'Église  depuis  Notre-Seigneur  jusqu'au  pontificat  de  Léon  XIII,  par 
Mgr  V.  Postel  (gr.  in-4.  Desclée,  de  Brouwer).  —  Saint  Pierre  Claver,  apôtre 
des  nègres,  par  le  P.  B.-G.  Fleuriau  (in-8,  Desclée,  de  Brouwer,  à  Lille).  — 
Vies  des  saints  et  des  bienheureux  de  l'ordre  de  Saint-François,  par  le  P.   Léon 
(in-18,  Bloud  et  Barrai}.  —  Vie  de  dom  Bosco,  fondateur  de  la  Société  salésienne, 
par   J.-M.   Villefranche  (in-8,  Bloud   et  Barrai).  —  Antonin  le  Pieux  et  son 
temps,    par    G.   Lacour-Gayet    (in-8,   Thorin).    —   Histoire  anecdotique  de    la 
France.  Les  Origines  du  peuple  français.  Le  Moyen  âge,  par  Ch.    d'Héricault 
(2  vol.  in-8,  Bloud  et  Barrai).  —  Jeanne  d'Arc,  son  procès,  ses  vertus,  par  V. 
Canet  (in-8,  Desclée,  de   Brouwer,   à  Lille).  —  Mémoires  de  l'abbé  de  Choisy 
pour  servir  à  l'histoire  de  Louis  XIV,  publiés  par  de  Lescure  (2  vol.  in-16,  Lib. 
des  bibliophiles).  —  Amour  mondain,  amour  mystique,  par  H.  de  La  Perrière 
(in-12,  Calmann-Lévy).  —  La  France   et  Paris  sous  le  Directoire,   lettres  d'une 
voyageuse  anglaise,  trad.  de  A.  Babeau  (in-12,   Firmin-Didot).  —  Mémoires   et 
souvenirs  du  baron  Ilyde  de  Neuville.  La  Révolution,  le  Consulat,  l'Empire  (gr.  in-8, 
Pion  et    Nourrit).  —  Histoire  de   l'Empire  {l80-i-ISI4),  par  E.  Haïuel  (2  vol. 
in-8    Jouvet).  —  Mémoires  et  Correspondance  du  comte  de   Villèle.  t.  II  (in-8, 
Perrin).  —  L'Armée  d'Afrique  depuis  la  conquête  d'Alger,  par  le  D'  F.  Quesnoy 
(in-12,  Jouvet).  —  L'Affaire  du  Tonkin,  histoire  diplomatique  de  notre   protecto- 
rat sur  l'Annam  et  de  notre  conflit  avec  la  Chine  {188^-1883),   par  Un  diplomate 
(in-8,  Hetzel).  —  La  Bataille  de  Damvillers,  récit  anticipé  de  la  prochaine  cam- 
pagne, par  Un  cavalier  du  35»  dragons  (in-12,  Delagrave).  —  Histoire  du  peuple 
anglais,  par  J.-R.  Green,  trad.  par  G.  Monod  (2  vol.  iu-8.  Pion  et  Nourrit).  — 
La  Péninsule   des  Balkans,  par  E.   de   Laveleye  (petit  in-S,    C.   Muquard,  à 
Bruxelles).  —  Histoire  populaire   du  Canada,    par   J.  de  Baudoncourt  (in-8, 
Bloud  et  Barrai).   —   Marie-Thérèse,    impératrice   {nu-llie},   par  le   duc   de 
Broglie  (2  vol.  in-S,  Calmann-Lévy).  —  Madame  de  Sévigné,  par  Va!lery-Ra- 
dot  (in-12,  Lecène  et  Oudin).  —  Lavoisier  {1743-1794],  par  E.  Grimaux  (in-8, 
F.  Alcan).  —  L'Amiral  Baudin,  par  le  vice-amiral  Jurien  de  la  Gravière  (in-12, 
Pion  et  Nourrit.  —  Adam  Mickiewicz-,  sa  vie  et  son  œuvre,  par  L.  Mickiewicz 
(in-12,  Savine).  —  Vahbé  Léon  Bellanger,  sa  vie,  ses  poésies  (in-12,  Lelhielleux). 
—  Lady  Georgiana  Fullcrton,  sa  vie,  ses  œuvres,  par  M™»  A.  Craven  (in-8,  Per- 
rin). —  Jour7ial  des  Concourt  {186G-I870),  t.  III  (in-12,  Charpentier).  —  Tu  seras 
soldat,  histoire  d'un  soldat  français,  par  E.  Lavisse  ;in-12,  CoUn). 

ViSENOT. 


-  96 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS 
Académies  «le    I*ado«e    et    de 

Xunîn.  —  OÙ  trouver  des  rensei- 
gnements sur  TAcadémie  des  Rico- 
vrati,  de  Padoue,  et  sur  l'Académie 
établie  à  Turin,  en  1678,  par  la  du- 
chesse régente  de  Savoie  ? 

Ouvi-ages    du    I*.    Pierre    î>a- 

verdy.  —  Connaît-ou  quelque  ou- 
vrage imprimé  ou  manuscrit  du  P. 
Pierre  Davcrdy,  recteur  du  collège 
d'Arles,  en  1687,  mort  à  Lyon  en  1693, 
ea  dehors  de  son  Panegyricus  ViUa- 


rcgio  Gallix  Marescallo  dictus  in  Rhe- 
thorica  Lugduni  an.  ■/6'J7? 

Visions    de    sainte    Françoise 

Romaine.  —  On  lit  daus  les  Petits 
DoUandistes  (9  mars) ,  que  sainte 
Françoise  Romaine  a  laissé  quatre- 
vingt  treize  visions;  l'auteur  ajoute: 
«  Ceux  que  le  sujet  intéresserait  peu- 
vent lire  les  Bollaiidisies.  »  Ou  vou- 
drait savoir  en  quelle  langue  sainte 
Françoise  a  dicté  ces  visions  et  si 
elles  ont  jamais  été  traduites  en  fran- 
çais. Les  trouve-t-on  imprimées  à 
part  et  ailleurs  que  dans  les  DoUan- 
distes ? 

Le  Gérant  :  GHAPUIS. 


Imprimerie  polyglotte  Alph.  Le  Roy,  imprimeur  breveté,  Rennes. 


COMITÉ   DE   RÉDACTION 

Président  :  M.  le  marquis  de  Beaucourt; 

Membi^es  :  MM.  Anatole  de  Barthélémy;  J.-A.  de  Bernon;  comte  09 
PuYM aigre;  Marius  Sepet. 

Administrateur  délégué  :  M.  le  comte  A.  de  Bourmont. 

Secrétaire  de  la  rédaction  ;  M.  E.  LedoS; 

Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  adressées  au 
Secrétaire  de  la  rédaction. 

Les  communications  relatives  à  l'administration  doivent  être  adressées  à 
l'Administrateur  délégué.  

PRIX   D'ABONNEMENT 

Partie  littéraire  :  France,  15  fr.  par  an;  pays  faisant  partie  de  l'Union  des 
postes,  16  fr. 

Partie  technique:  France,  10  fr.;  pays  faisant  partie  de  l'Union  des  postes, 
11  fr. 

Les  Deux  Parties  réunies  :  France,  20  fr.;  pays  faisant  partie  de  l'Union  des 
postes,  22  fr. 

Pour  les  autres  pays  que  ceux  ci-dessus  indiqués,  le  port  en  sus. 

Le  Polybiblion  paraît  tous  les  mois. 

Une  livraison  prise  séparément  :  littéraire,  1  fr.  50;  —  technique,  1  fr.;  — 
les  deux  parties  ensemble,  2  fr.  50. 

Les  abonnements  partent  du  !«■"  janvier,  et  sont  payables  d'avance  en  un 
mandat  sm-  la  poste  à  l'ordre  de  l'Agent  général  de  la  Société  bibliogra- 
phique, M.  A.  ViLLIN. 


COLLECTIONS 

Les  années  1868-87  sont  en  vente,  et  forment  cinquante-un  volumes  gr.  in-S», 
du  prix  de  7  fr.  50  chacun  pour  la  partie  littéraire  et  de  10  fr.  pour  la  partie 
technique. 

Le  Polybiblion,  Revue  bibliographique  universelle,  est  publié  sous  les  auspices 
de  la  Société  bibliographique. 

La  Société  bibliographique  se  compose  de  membres  titulaires  et  d'associés 
correspondants,  dont  le  nombre  est  illimité.  On  fait  partie  de  la  Société  après 
avoir  été  admis  par  le  Conseil,  sur  la  présentation  de  deux  membres  titulaires 
ou  associés. 

Chaque  sociétaire  paye  une  cotisation  annuelle  de  10  francs. 

Tout  sociétaire  peut  se  libérer  de -la  cotisation  annuelle  en  faisant  un  ver- 
sement de  150  francs. 

Le  titre  de  membre  titulaire  est  acquis  à  tout  Sociétaire  qui,  en  outre,  fait  \ 
la  Société  un  apport  de  100  francs  au  moins.  » 

Les  demandes  d'admission  doivent  être  adressées  au  Secrétaire  de  la  Société 
2  et  5,  rue  Saint-Simon  (boulevard  Saint-Germain). 


LiLraine  de  la  Société  bibliographique 

76,   RUE  DES  SA.INTS-PÈRES,  76 


Répertoire  ûes  Sources  Historipes  iln  Mejen  Age 

Par  M.  l'abbé  Ulysse  CHEVALIER 

Correspondant  du  ministère  de  V Instruction  publique. 

COMPLÉMENT-SUPPLÉMENT 

Un   volume   grand    in-8    de    256   pages   à   deux   colonnes. 


Prix  ilii  volume 10  fr. 


Gommoncée  en  juillet  1876,  l'impression  du  premier  volume  de  ce 
Répertoire  n'a  élé  achevée  qu'à  la  un  de  Tannée  1883. 

Le  public  auquel  il  s'adresse  eût  trouvé  plus  d'inconvénients  que 
d'avantages  à  ce  que  l'auteur  immobilisât  ses  recherches  primitives,' 
et  se  refusât  de  faire  profiter  son  recueil  des  découvertes  récentes  et 
des  publications  nouvelles  au  fur  et  à  mesure  de  leur  apparition.  De 
là  une  certaine  disproporlion  entre  la  fin  ei  le  commencement  de  l'ou- 
vrage. D'autre  part,  comme  i\  était  inévitable,  bien  des  ouvrages  avaient 
échappé  à  ses  investigations.  \}n  supplément  devenait  absolument  né- 
cessaire. 

Le  principal  complément  consiste  dans  une  plus  large  pari  faite  aux 
périodiques  anglais,  italiens  et  hollandais.  Les  lenteurs  apportées  à 
l'impression  de  ce  fascicule  ont  permis,  en  outre,  de  pousser  le  dépouil- 
lement des  autres  périodiques  et  la  mention  des  monographies  jusqu'à 
ia  date  du  31  décembre  1886.  La  somme  des  ouvrages  dépouillés  s'est 
accrue  d'un  bon  quart  ;  celle  des  personnages  nouveaux  dans  une  pro- 
portion naturellement  beaucoup  moindre.  Plusieurs  anomalies  ont  été 
rectifiées,  quelques  erreurs  corrigées. 

La  table  qui  suit  —  et  clôt  pour  l'auteur  un  labeur  intermittent  de 
dix  années  —  ne  renlrrme  guère  plus  de  la  moitié  des  ouvrages  cités 
dans  le  premier  volume  ;  il  a  paru  aussi  inutile  que  dispendieux  de 
l'augmenter  de  près  du  double  par  la  mention  de  travaux  particuliers 
qui  n'ont  souvent  donné  lieu  qu'à  une  seule  citation  :  on  en  trouvera 
d'ailleurs  le  titre  complet  dans  le  tome  second  actuellement  en  prépa- 
ration. Dans  cette  table,  les  abréviations  employées  ne  sont  pas  iso- 
lées de  leur  équivalent  ;  elles  sont  imprunées  en  caractères  saillants, 
et  c'est  exclusivement  d'après  la  l'orme  de  ces  abréviations  qu'a  lieu  le 
classement  alphabétique.  Plus  ingénieux,  sans  doute,  que  satisfaisant 
à  l'œil,  ce  système  a  permis  de  condenser  eu  quelques  colonnes  la  bi- 
bliographie des  principaux  monuments  de  la  science  historique. 


IMPRIMEUIE    POLYOLOTTE     ALPH.    LR    ROY,    IMPRIMEUR    BREVKTÊ,    RKNNBS.